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Commission permanente de la justice
Projet de loi no 50
Charte des droits et libertés
de la personne
Séance du mercredi 25 juin 1975
(Quinze heures treize minutes)
M. Lafrance (président de la commission permanente de la
justice): A l'ordre, messieurs!
La commission permanente de la justice se réunit pour
étudier le projet de loi no 50. Avant de commencer les travaux, je
voudrais apporter les modifications suivantes: comme membres de la commission,
M. Morin (Sauvé) remplace M. Bé-dard (Chicoutimi); M. Brisson
(Jeanne-Mance) remplace M. Bienvenue (Crémazie); M. Dionne (Compton)
remplace M. Ciaccia (Mont-Royal). Je suggérerais aux membres de la
commission de nommer, comme rapporteur, le député de
Louis-Hébert, Me Gaston Desjardins.
M. Morin: Je voudrais proposer M. Beauregard.
M. Beauregard: M. Sylvain écoute toujours très
attentivement.
Le Président (M. Lafrance): Entendez-vous, messieurs,
comme membres de la commission. Qui nommez-vous comme rapporteur? Comme il n'y
a pas entente, le président a décidé que M. Beauregard
serait le rapporteur.
Le ministre de la Justice.
Remarques préliminaires
M. Choquette: M. le Président, je serai très bref,
connaissant le fait que les députés sont appelés, dans les
prochains jours, à adopter plusieurs projets de loi de grande
importance, mais dans un court espace de temps, puisqu'on semble s'entendre, de
part et d'autre, pour terminer les travaux parlementaires dans les meilleurs
délais. Il n'est donc pas dans mon intention de faire un long
exposé sur les modifications qui ont été apportées
au projet de loi 50, ainsi qu'il avait été rédigé
dans sa version initiale.
Tout ce que je puis dire, c'est que nous avons apporté un certain
nombre d'amendements de grande importance à ce projet de loi, au moins
à la version originale. Je pense que, dans sa rédaction actuelle,
le projet devrait correspondre aux aspirations généralement
exprimées et qu'il devrait être trouvé satisfaisant.
Je n'ai pas l'intention de faire un long exposé sur la nature des
amendements qui ont été apportés par le gouvernement
à la rédaction initiale.
Je me réserverai, cependant, à l'occasion de
l'étude de chaque article, le droit d'indiquer en quoi nous avons
apporté des changements et pour quels motifs ces modifications ont
été apportées.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Sauvé.
M. Morin: M. le Président, comme j'ai déjà
livré mon opinion, au nom de l'Opposition officielle, sur l'ensemble du
projet de loi en deuxième lecture, je n'ai pas l'intention de commencer
la séance de cet après-midi par un long discours, pas plus que le
ministre d'ailleurs. J'aimerais, cependant, faire observer que certaines
modifications apportées au projet de loi depuis les premières
séances de la commission parlementaire sont intéressantes et vont
dans la bonne direction. Je pense, par exemple, à ce début de
satisfaction que le ministre nous donne à l'article 50, lequel, sans
aller jusqu'à établir entièrement la primauté de
l'ensemble du texte de loi et sans accorder aux articles 8 à 37 une
véritable primauté, constitue néanmoins un pas dans la
bonne direction.
D'autres modifications paraissent plus curieuses, comme l'abandon de
l'article 6 du premier projet, selon lequel toute personne avait droit à
la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens; ou encore
l'article 10 du premier projet, selon lequel toutes les personnes
étaient égales devant la loi. J'ai l'intention de demander au
ministre de nous expliquer pourquoi ces deux articles, pourtant tout à
fait fondamentaux, ne figurent pas dans le nouveau projet.
Enfin, en troisième lieu, je me contenterai d'observer que le
ministre n'a pas tenu compte d'un certain nombre de recommandations qui lui ont
été faites par des organismes qui ont comparu devant la
commission, recommandations sur lesquelles j'ai l'intention de revenir au cours
de l'étude du projet article par article cet après-midi et sans
doute aussi ce soir et demain.
M. le Président, je commencerai donc les débats en
demandant au ministre, avant même d'aborder l'article premier, pourquoi
on a laissé tomber, dans la nouvelle version, des articles aussi
fondamentaux que le sixième et le dixième du projet de loi
original.
M. Choquette: M. le Président, je me réjouis de la
satisfaction exprimée par le chef de l'Opposition à
l'égard de la version actuelle du projet de loi 50. Je suis très
heureux de constater que, généralement, le projet de loi trouve
grâce à ses yeux...
M. Morin: Quant à certains aspects.
M. Choquette:... et je félicite le gouvernement de la
façon très objective dont il a abordé, en somme, la
rédaction...
M. Morin: Cela s'appelle se donner des tapes dans le dos.
M. Choquette: Oui... de ce projet de loi. Le gouvernement, je le
pense bien et ceci, je le dis plus sérieusement a
cherché à trouver les solutions qui nous paraissaient compatibles
avec plusieurs impératifs que nous avions à l'esprit, sans
doute, le premier étant le caractère transcendant d'un tel
projet de loi, objectif que je recherchais à atteindre, dans la
rédaction d'un tel projet de loi, mais qui présente je
pense que le chef de l'Opposition en conviendra facilement des
difficultés dans un système parlementaire comme le nôtre,
avec notre type d'adoption des mesures législatives.
Donc, sur ce plan, le projet de loi devrait mériter non seulement
l'approbation du chef de l'Opposition et de ses collègues, mais il
devrait également satisfaire aux aspirations exprimées par de
nombreux groupes qui ont comparu devant nous.
Le chef de l'Opposition m'interroge sur la disparition de deux articles
qu'il dit être fondamentaux, tout d'abord, celui qui traitait du droit de
propriété.
En n'incluant pas un article sur le droit de propriété, ce
n'est pas que le gouvernement veuille écarter toute considération
ou, enfin, veuille ne pas considérer qu'il soit important de respecter
le droit de propriété.
C'est que la législation gouvernementale met très
fréquemment en cause le droit de propriété traditionnel et
que le droit de propriété auquel on reconnaissait un
caractère sacré au 19e siècle, droit de
propriété qui, d'ailleurs, a acquis une très grande
importance au cours de la période où a prévalu le
libéralisme économique, aujourd'hui, est de plus en plus l'objet
de réglementations et de limites imposées par des lois. Je vois
assez fréquemment des lois qui, sans que ceci soit immédiatement
apparent ou saute aux yeux, limitent d'une certaine façon le droit de
propriété, de telle sorte que, si nous devions adopter le
principe de la transcendance de la charte sur des lois à venir, ainsi
que cela est proposé par l'article 50...
M. Morin: Cela ne s'applique pas à chapitre.
M. Choquette: Un instant. ... il aurait fallu envisager, d'une
certaine façon, assez fréquemment, la nécessité de
faire des exceptions en rapport avec le droit de propriété.
Je suis conscient du fait que l'article 50 ne propose la transcendance
de la charte que des articles 8 à 37. Donc, il laisse de
côté les articles 1 à 7. Ceci, nous l'avons fait
délibérément à cause de la difficulté de
traduire, dans toutes nos lois, les articles 1 à 7 d'une façon
intégrale.
Nous l'avons fait parce qu'il est extrêmement difficile, du moins
dans l'état actuel des choses, d'envisager que des articles, ayant une
portée très générale, qui sont
rédigés à un niveau d'abstraction très
élevé, vont avoir un caractère transcen-dantal par rapport
à toute autre loi.
Mais nous n'écartons pas la possibilité de le faire lors
d'amendements à venir à la charte, c'est-à-dire que nous
laissons à la charte la possibilité d'acquérir plus
d'expansion que le cadre ou que la portée que nous lui donnons
actuellement.
Dans quelques années, une fois que l'on aura fait l'apprentissage
de la charte et qu'on l'aura fait fonctionner de par l'existence de la
commission des droits de la personne, on pourra envisager que les articles 1
à 17 acquièrent un caractère transcendant sur les lois
à venir. C'est la raison pour laquelle, devant cette
éventualité qui ne me paraît pas si éloignée
que cela, devant la constatation que beaucoup de lois gouvernementales,
aujourd'hui, ont un caractère social et que le droit de
propriété a cessé d'avoir un caractère
sacré, comme il pouvait en avoir un au 19e siècle devant
ces impératifs, nous nous sommes dits qu'il ne fallait pas inclure dans
la charte le droit de propriété comme un droit fondamental.
Donc, M. le Président, ce sont là les raisons qui ont
joué en faveur de l'exclusion de ce principe. Je ne pense pas qu'au
total la charte y perde gravement, du fait qu'on ait laissé de
côté ce principe qui avait déjà été
énoncé dans la première version. Quant à l'ancien
article 10 de la version originale, qui énonçait
l'égalité de tous devant la loi, ce sont des raisons du
même ordre qui ont joué pour nous autoriser à
écarter l'application de ce principe, d'autant plus qu'il me semble
assez évident qu'une large partie des lois d'un Etat moderne constituent
ou créent, justement, des inégalités de tous devant la
loi. Aujourd'hui, les Etats ne peuvent plus légiférer en fonction
de normes théoriques d'égalité, comme c'était le
cas des lois qui s'inspiraient de l'époque du libéralisme
économique, où on partait du point de vue que, si on donnait
à tous les mêmes droits juridiques, de cet octroi de droits
égaux résulterait une égalité dans les faits.
Or, toute l'expérience moderne est justement au contraire de tout
cela. L'égalité de droits n'apporte pas nécessairement
l'égalité dans les faits. C'est la raison pour laquelle les
gouvernements modernes sont constamment obligés de
légiférer pour favoriser certains groupes qui subissent l'effet
de la libre concurrence ou de la libre action des agents économiques
avec comme résultante une inégalité de fait qu'il s'agit
de rétablir législativement en donnant à ces groupes des
instruments ou des moyens de résister à l'action sans
contrôle du marché économique.
Donc, je crois qu'adopter le principe de l'égalité de tous
devant la loi, c'est adopter un principe qui, au fond, n'est qu'assez rarement
vérifié de nos jours par l'action gouvernementale. Cela ne veut
pas dire que tous ne sont pas égaux devant les tribunaux. Là, il
s'agit d'une autre notion qui est bien différente de celle de
l'égalité devant la loi. Quant à l'égalité
devant les tribunaux, eh bien, on trouvera que cette égalité est
consacrée officiellement par l'article 22 et les articles suivants,
c'est-à-dire les énoncés qui traitent des droits
judiciaires.
M. le Président, pour ces raisons, il nous a paru opportun
d'écarter ces principes qui sont vraiment trop généraux et
tellement contredits de par l'action gouvernementale fréquente que ceci
aurait constitué, à long terme, un empêchement à
faire en sorte que les articles I à 7 acquièrent un
caractère fondamental. Ceci aurait été un obstacle, je
pense, à ce que la charte devienne de plus en plus
prépondérante dans la législation future. Sur le plan
théorique, comme sur le plan pratique,
il n'y avait pas d'intérêt absolu à retenir ces
principes qui, à mon sens, ne consacrent pas, parce qu'ils sont
tellement généraux, des droits très spécifiques et
très particuliers qui font qu'on puisse dire qu'ils doivent être
inclus dans une charte qui, après tout, doit avoir une application
concrète et, surtout, doit autoriser un développement futur.
Le Président (M. Lafrance): L'honorable
député de Sauvé.
M. Morin: M. le Président, les arguments qui ont
été évoqués par le ministre me paraissent, pour le
moins, spécieux, surtout lorsqu'on sait que les deux articles qui ont
été écartés de la nouvelle version du projet de loi
font partie de la législation d'un certain nombre d'Etats modernes, non
pas des Etats rétrogrades, mais des Etats qui ont cru bon de consacrer
les droits de l'homme dans leur législation et quelques fois même
dans leur constitution.
Il est étonnant de constater que ces deux articles, qu'on avait
cru suffisamment importants, après mûre réflexion, pour les
inclure dans le premier projet de loi, ont été
écartés du second.
Ce n'est certainement pas à la suite des représentations
qui ont été faites par les organismes qui ont comparu devant la
commission que le ministre a retiré ces deux articles 6 et 10 en
particulier.
M. le Président, je voudrais attirer l'attention du ministre sur
le fait que cet article 10, selon lequel toute personne a droit à la
jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, ne parle
pas, de façon spécifique, du droit de propriété,
comme il l'a dit. Cet article n'empêche en aucune façon l'Etat
d'exproprier pour des fins d'intérêt public; l'article
n'empêche en aucune façon un Etat qui se veut "moderne"
pour employer le vocabulaire du ministre de prendre, dans
l'intérêt public, à l'encontre de la
propriété privée, les mesures qui s'imposent.
Quand on dit que toute personne doit avoir droit à la jouissance
paisible de ses biens, on veut dire, bien entendu, dans la mesure prévue
par la loi. Pour que ce soit plus clair, est-ce que je peux attirer l'attention
du ministre sur le fait que cet article 6 venait du projet de l'Office de
révision du code civil, préparé par un comité dont
je faisais partie d'ailleurs et qui, dans son article 6, disait justement:
"Toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre
disposition de ses biens, sauf dans les cas expressément prévus
par la loi."
Ce dernier membre de phrase, bien clairement, marquait les limites de
cette libre jouissance des biens, telle que nous avions voulu la garantir dans
la charte des droits de l'homme ou dans ce qui devait être le premier
chapitre du nouveau code civil.
M. le Président, cet article vient de la Déclaration
universelle des droits de l'homme légèrement modifiée. Cet
article a été admis, même par les pays socialistes, puisque
la Déclaration universelle des droits de l'homme a été
adoptée, à l'unani- mité, par les pays membres de l'ONU,
en I948. Je ne m'explique pas, très franchement, le retrait de cette
disposition.
Qu'on vienne nous dire que c'est parce qu'éventuellement cet
article et d'autres pourraient être couverts par la primauté
prévue à l'article 50, cela ne m'impressionne guère, car
j'estime qu'un article rédigé comme celui qui avait
été proposé par l'Office de révision du code civil
pourrait très bien obtenir la primauté sans que, pour cela, le
gouvernement d'un Etat moderne soit le moindrement gêné, par
exemple, dans l'expropriation pour fins publiques.
Les arguments du ministre me paraissent tout à fait
spécieux. Aucun Etat même socialiste, ne peut refuser à ses
citoyens, dans les limites prévues par la loi, la jouissance paisible
des biens qui leur sont laissés en propriété.
Il y a un autre aspect, dans ce que nous a dit le ministre, qui n'est
pas sans intérêt. On aurait laissé tomber, pour des motifs
analogues, l'égalité de tous devant la loi, parce que, nous dit
le ministre, de plus en plus, il y a des lois adoptées par
l'Assemblée nationale qui prévoient des inégalités.
Mais, M. le Président, là encore l'égalité de tous
devant la loi ne signifie pas que l'Assemblée nationale ne peut
établir des distinctions entre diverses catégories de citoyens
pour accorder aux uns des droits et imposer aux autres des obligations.
Par exemple, ce n'est pas nier l'égalité de tous devant la
loi que de dire que les personnes qui ont atteint tel âge auront droit
à tels droits et à tels privilèges, ou a telles
exemptions. Ce n'est pas, non plus, nier l'égalité de tous devant
la loi que de prévoir qu'on doit avoir atteint l'âge de 18 ans,
par exemple, pour devenir électeur. Ce que ce principe signifie, c'est
que bien que le législateur puisse établir des catégories,
celles-ci seront déterminées objectivement, à partir de
faits, et non pour viser telle ou telle personne en particulier, au
détriment des autres.
C'est un principe très fondamental que celui de
l'égalité devant la loi. Je ne m'explique absolument pas que le
ministre ait choisi de le retirer de son projet de loi. Qu'il vienne nous dire
que c'est parce qu'éventuellement on voudra accorder la primauté
non seulement aux articles 8 à 37, mais également aux premiers
articles de la loi, cela ne m'impressionne guère, parce qu'on trouve ce
principe de l'égalité de tous les citoyens devant la loi,
également, dans la Déclaration universelle des droits de l'homme.
On le trouve dans un très grand nombre de constitutions modernes; on le
trouve dans la législation de nombreux Etats. Le Québec ferait
vraiment exception et ce serait pour des motifs qui, d'après ce que le
ministre nous a expliqué, ne sont pas vraiment fondamentaux. Ce ne sont
pas des motifs sérieux.
Je proposerai donc, dans le courant de la discussion, que nous
remettions ces articles dans le projet de loi. Ils me paraissent, en effet,
essentiels, même dans un "Etat moderne", même dans un Etat qui se
veut le plus moderne, qui se veut à l'avant-garde. Il n'y a aucune
raison de ne pas garantir ces deux principes, et cela justement pour
des motifs de l'ordre de ceux qu'a invoqués le ministre. Il nous
a dit, tout à l'heure: C'est parce que, de plus en plus, la loi
prévoit des inégalités entre citoyens. C'est justement
parce que la loi prévoit des inégalités entre citoyens
qu'il faut nous assurer que c'est sur la base de principes que cela se fait,
que c'est sur la base de faits qui peuvent être établis
objectivement et non pas en discriminant à l'encontre de telle ou telle
personne ou de telle ou telle catégorie de personnes pour des motifs qui
ne sont pas objectifs.
M. le Président, j'estime que le ministre ne nous a pas
donné de raison valable pour le retrait de ces deux articles. J'aimerais
vraiment comprendre pourquoi il a procédé de la sorte.
M. Choquette: M. le Président, pour donner des
explications additionnelles au chef de l'Opposition, j'ajouterais qu'il nous a
cité tout à l'heure à l'appui de sa thèse selon
laquelle il fallait réintroduire le principe de la libre jouissance de
ses biens ou de la libre disposition de ses biens dans la nouvelle version de
la charte, un rapport auquel il a collaboré. Je lui dirais que ce
rapport avait été préparé, comme il l'a d'ailleurs
mentionné lui-même tout à l'heure dans son intervention,
pour constituer les premiers articles ou la première partie d'un futur
code civil. Il s'agit là de droit civil et non pas nécessairement
de principes fondamentaux qu'il faille retenir dans la rédaction d'une
charte des droits et libertés de la personne.
M. Morin: Vous avez accepté tous les autres articles.
M. Choquette: Je sais, mais le chef de l'Opposition admettra
quand même que, lorsque l'on parle du droit de disposer de ses biens et
du droit de propriété, on est en plein droit civil et que nous
attendrons les travaux de l'Office de révision du code civil sur cet
aspect comme sur d'autres avant de nous prononcer. Maintenant, il nous dit que
des Etats socialistes se sont empressés de reconnaître ces
principes. Il semble qu'ils se soient empressés de reconnaître ces
principes pour les violer peut-être systématiquement, comme on le
sait. Justement, la charte que nous présentons, n'a pas pour objet
d'être un simple drapeau ou de simples énoncés de principes
qu'on agite, n'est-ce pas, comme les valeurs absolues d'une
société, mais qui n'ont aucune répercussion
immédiate dans la réalité et dans les lois du
Québec.
Je suis sérieux quand je présente une charte des droits et
libertés de la personne. Ce n'est pas simplement un énoncé
de principes plutôt vagues et généraux qu'on se chargera de
violer à chaque occasion. C'est donc un peu dans cet esprit que je fais
preuve d'une certaine réserve dans les énoncés qui sont
contenus au projet qui est soumis aux députés à l'heure
actuelle.
C'est parce que je voudrais que ces principes reçoivent une large
application, qu'ils soient susceptibles de sanctions, que ces principes
signifient quelque chose et que ces principes ne soient pas constamment
violés et ceci, de par la nature du fonctionnement d'un Etat
moderne.
M. Morin: La "jouissance paisible des biens", ce n'est pas
susceptible d'application?
M. Choquette: C'est très susceptible d'application, mais
énoncé d'une façon aussi générale que cela,
c'est plutôt de la nature d'un principe philosophique que de celle d'un
principe de portée juridique. C'est cela qui m'a fait hésiter
à reproduire ce principe dans la version actuelle de la charte.
J'attirerais, finalement, l'attention du chef de l'Opposition, tant en
ce qui concerne le principe du droit de propriété qui a de moins
en moins un caractère absolu dans le droit moderne, comme il le sait
lui-même, que le principe de l'égalité de tous devant la
loi, que ce sont là des principes peut-être honorables sur le plan
politique, peut-être honorables sur le plan philosophique, mais qu'au
point de vue de la portée juridique, leur niveau d'abstraction est tel
que, de par ce fait, ils s'empêchent, d'une certaine façon,
d'avoir une portée aussi immédiate que celle qui est
recherchée par moi-même et par mes collègues du
gouvernement.
Le chef de l'Opposition sait comme moi, puisqu'il est familier avec les
problèmes que pose la question de la rédaction d'une charte des
droits de l'homme, qu'on ne peut pas rechercher, à ce moment-ci, un
appui absolu dans les textes de certains traités multinationaux ou
internationaux, comme la Déclaration universelle des droits de l'homme.
On sait que, lorsque les Etats s'entendent entre eux pour adopter de tels
traités ou de tels énoncés de principes, la rigueur de la
rédaction est beaucoup moins exigeante sur le plan international que sur
le plan législatif. C'est la raison pour laquelle, au plan
international, les Etats peuvent se permettre de souscrire à toutes
sortes de belles déclarations de principes, quitte à ce qu'ils
les appliquent, évidemment, à leur façon, sur le plan
national ou interne. On sait ce que cela donne; le chef de l'Opposition le sait
aussi bien que moi. Je pense que, dans tout l'univers, à l'heure
actuelle, il reste à peu près seize Etats démocratiques,
ce qui en dit assez long sur les régimes qui peuvent prévaloir un
peu partout dans le monde...
M. Morin: Est-ce que vous incluez le Québec?
M. Choquette:... alors qu'on sait que tous les membres des
Nations Unies ont signé la Déclaration universelle des droits de
l'homme.
Ne nous laissons pas trop impressionner par des textes internationaux
qui sont souvent assez ronflants, mais que les Etats n'appliquent pas d'une
façon très sérieuse à leurs propres citoyens.
M. Morin: Ce n'est que l'inspiration profonde de tout ce projet
de loi! Alors, c'est bien négligeable.
M. Choquette: Quoi?
M. Morin: La Déclaration universelle, c'est somme toute,
peu de chose?
M. Choquette: Je ne dis pas que c'est négligeable, mais je
dis que nous sommes sérieux au moment où nous proposons une
charte et, contrairement à ce que...
M. Morin: Vous n'étiez pas sérieux dans la
première version?
M. Choquette: Nous étions très sérieux, mais
je dis qu'à la réflexion nous avons changé d'idée
sur le fait d'incorporer des principes aussi larges dans un texte comme
celui-ci.
M. Morin: M. le Président, je reviendrai sur ces points,
au moment opportun. Nous pourrions peut-être commencer l'étude du
projet, article par article.
Le Président (M. Lafrance): Partie I: Les droits et
libertés de la personne; chapitre I: Dispositions
générales; article I.
Droits et libertés de la personne
Dispositions générales
M. Morin: M. le Président, au moment d'aborder l'article
premier, je voudrais souligner une autre carence, peut-être moins
importante que les deux auxquelles j'ai fait allusion jusqu'ici.
Prenons l'article premier du texte proposé par l'Office de
révision du code civil. Le ministre nous disait tout à l'heure:
Attendons les travaux de l'Office de révision du code civil avant de
nous prononcer. Or, nous l'avons depuis déjà plusieurs
années. Nous avons le rapport de l'Office de révision du code
civil depuis 1968; cela fait donc sept ans que le ministre a eu le loisir de
prendre connaissance de ces textes et de réfléchir sur leur
portée.
On nous dit, au tout premier article, que tout être humain
possède la personnalité juridique. C'est là un principe
fondamental qui est reconnu par la plupart des codes civils et des lois
fondamentales sur les droits de l'homme. Du seul fait de son existence, une
personne est douée de la personnalité juridique et cela
entraîne, évidemment, ipso facto, un certain nombre de droits ou
d'attributs fondamentaux qui sont destinés à assurer la
protection, l'intégrité de l'individualité physique et
morale de la personne.
Je me demande pour quelle raison le ministre a choisi d'omettre de son
projet cet article fondamental, alors qu'il a retenu huit sur dix des textes
qui étaient proposés par l'Office de révision du code
civil.
M. Choquette: Sur la personnalité juridique, j'attirerais
l'attention du chef de l'Opposition sur le fait que nous l'avons
déjà inscrite au code civil lors de certains amendements qui ont
été apportés au code, il y a deux ans environ.
M. Morin: Le ministre n'estime-t-il pas que ce serait important,
étant donné que ce projet de loi sur les droits de la personne
sera plus fondamental un jour, si j'en crois l'article 50 et les projets du
ministre, que le code civil lui-même? N'y aurait-il pas lieu,
étant donné qu'il a déjà inscrit, dans le projet de
loi, par ailleurs, d'autres articles qui se trouvent dans le code civil, de
retenir que tout être humain possède la personnalité
juridique?
Ce que je veux dire au ministre est ceci: Si la seule raison est que
cela est déjà dans le code civil, je lui signale que d'autres
articles du projet apparaissent également dans le code civil.
M. Choquette: Je sais très bien qu'il y a certains
articles, certains principes qui se trouvent ici et qui peuvent se trouver dans
le code civil, et cela n'est pas nécessairement un empêchement
s'ils se trouvent dans la charte.
Si le chef de l'Opposition me le permet, nous avons envoyé
chercher les amendements apportés au code civil, il y a quelques
années, qui portent justement sur ce sujet, de façon à
voir la phraséologie qui s'y trouve. Une fois que je serai en possession
du texte, je verrai s'il y a moyen d'amender l'article 1 tel que proposé
pour incorporer la notion de droit à la personnalité juridique
pour tout être humain.
Si le chef de l'Opposition le permet, nous pouvons laisser ce sujet en
suspens pour le moment.
M. Morin: Très volontiers, M. le Président. Ce
n'est certainement pas pour embêter le ministre que je soulignais cette
lacune. C'est tout simplement pour essayer d'améliorer le projet de
loi.
Le Président (M. Lafrance): Alors, on peut suspendre
l'article 1 pour quelques instants?
M. Morin: C'est-à-dire qu'on peut suspendre la discussion
sur ce qui serait éventuellement un nouvel article premier, mais je n'ai
pas d'objection à ce que nous passions à l'étude et
à l'adoption de l'article premier du projet actuel, à moins que
le ministre ne veuille consulter, tout de suite, le code civil.
M. Choquette: L'article 18 du code civil actuel, amendé en
1971 se lit comme suit: "Tout être humain possède la
personnalité juridique". "Citoyen ou étranger, il a pleine
jouissance des droits civils sous réserve des dispositions expresses de
la loi".
M. Morin: C'était exactement la proposition de l'Office de
révision du code civil, en 1968.
M. Choquette: Pour donner suite au voeu du chef de l'Opposition,
je vais proposer avec lui un amendement qui pourrait se lire tout simplement
comme ceci: Que l'article 1 comporte un second alinéa qui se lirait: "II
possède aussi la personnalité juridique"; ce qui reproduit, en
substance, le premier alinéa de l'article 18.
M. Morin: Oui. "Il possède également"
plutôt
que "aussi". "Il possède également la personnalité
juridique".
M. Choquette: Je pense qu'on n'a pas besoin, à ce
moment-là, de reproduire le deuxième alinéa de l'article
18 parce que c'est une conséquence...
M. Morin: Cela relève davantage du code civil.
M. Choquette:... je pense bien, de l'énoncé de
principe.
M. Morin: Oui. Si le ministre veut en convenir...
M. Choquette: Si le chef de l'Opposition veut faire la
proposition, je suis prêt à l'accepter.
M. Morin: Bien. Je la fais formellement, M. le Président.
Qu'on ajoute à l'article premier, tel qu'il est rédigé, un
second alinéa se lisant comme suit: "II possède également
la personnalité juridique".
Le Président (M. Lafrance): Article 1, adopté?
M. Morin: Adopté.
Le Président (M. Lafrance): Article 2?
M. Morin: L'article 2, M. le Président, reproduit
substantiellement, même presque mot à mot, l'article 3
proposé par l'Office de révision du code civil lequel nous disait
que toute personne en péril a droit au secours. On l'a
légèrement modifié puisqu'on nous dit que "tout être
humain dont la vie est en péril a droit au secours". Cela veut dire
essentiellement la même chose et je n'ai pas d'objection à la
rédaction du premier alinéa.
Le second alinéa, d'ailleurs, reproduit, mais de façon
différente, le second alinéa de l'article 3 de l'Office de
révision du code civil, lequel article, d'ailleurs, est également
au code civil, si je ne m'abuse.
M. Choquette: Pas à l'heure actuelle.
M. Morin: II n'a pas été inscrit au code civil. Ce
second alinéa, dis-je, a été rédigé de la
façon suivante dans le nouveau projet. "Toute personne doit porter
secours à celui dont la vie est en péril, personnellement ou en
provoquant le secours, en lui apportant l'aide physique nécessaire et
immédiate, à moins d'un risque pour elle ou pour les tiers ou
d'un autre motif raisonnable".
J'aurais une ou deux suggestions à faire. Je ne suis pas
sûr que ce soit nécessaire d'en faire des amendements. Je n'aime
guère l'expression "provoquer" le secours. Je pense que ce qu'on veut
dire c'est obtenir du secours. "Provoquer" le secours, c'est bizarre; ce n'est
guère français, en tout cas, à première vue.
Obtenir du secours me paraît être la façon normale de
s'exprimer en français. C'est, évidemment, un point de
détail, mais ce n'est pas une chinoiserie pour autant. De même,
quand on parle de "l'aide physique", je préfère l'expression
utilisée par l'Office de révision du code civil qui nous parle de
"l'assistance". Je pense que c'est ce qu'a voulu dire le ministre. Je n'en fais
pas, à moins que le ministre n'insite, un amendement formel, mais je
dirais, en ce qui me concerne: "Toute personne doit porter secours à
celui dont la vie est en péril, personnellement ou en obtenant du
secours, en lui apportant l'assistance... "Je ne vois pas pourquoi on se
limiterait, en disant: "l'aide physique" ou "l'assistance physique
nécessaire et immédiate".
L'assistance requise peut être d'ordre moral, si la personne est
dans une difficulté d'ordre moral. Cela peut se produire, des
circonstances comme celles-là. Je ne vois pas pourquoi on restreint la
portée du mot assistance, qui se trouvait dans le projet de l'Office de
révision. Je dirais simplement: "... lui apportant l'assistance
nécessaire et immédiate, à moins d'un risque pour elle ou
pour les tiers ou de tout autre motif raisonnable". Plutôt que "ou d'un
autre", je dirais "ou de tout autre motif raisonnable", pour que ce soit un peu
plus français.
M. Choquette: M. le Président, quant au mot "provoquant",
à l'égard duquel le chef de l'Opposition suggère...
M. Morin: Je n'ai pas voulu vous provoquer.
M. Choquette: II n'a pas réussi à me provoquer.
M. Morin: Ce serait le sens exact du mot.
M. Choquette: Vous n'avez pas réussi du tout à me
provoquer et je n'ai pas pris votre intervention comme une provocation. Mais
j'attire l'attention du chef de l'Opposition sur le fait que nous avons
employé la terminologie qui se trouve au code pénal
français, qui parle de provoquer le secours dans ces circonstances.
Maintenant, provoquer le secours et obtenir le secours, ce n'est pas
nécessairement la même chose. Obtenir le secours imposerait une
obligation de résultat, alors que l'intention, dans le cas actuel, n'est
pas d'imposer une obligation de résultat, mais une obligation de moyen.
C'est la raison pour laquelle nous avons utilisé le mot
"provoquant".
Au lieu de "l'aide physique nécessaire," le chef de l'Opposition
suggère, "l'assistance physique."
M. Morin: Non, "l'assistance" tout court.
M. Choquette: L'assistance. Il a fait déborder cette
assistance jusqu'à comprendre l'assistance morale. Je voudrais attirer
l'attention du chef de l'Opposition sur le fait qu'une assistance morale
donnée dans des circonstances comme celles qui sont prévues dans
ce paragraphe 2 ne pourrait pas faire l'objet d'une sanction, ne pourrait pas
être rendue efficace. Qu'est-ce que c'est que l'assistance morale? C'est
une notion assez floue, assez
vague. Nous nous sommes contentés ici de l'aide physique parce
qu'il y a une obligation qui peut être sanctionnée d'où
découleront, d'ailleurs, des obligations...
M. Morin: Et des responsabilités.
M. Choquette: ... des responsabilités de nature civile.
C'est la raison pour laquelle nous ne sommes pas allés au-delà de
l'aide physique, parce que ça nous paraît impossible.
M. Morin: Je vais tenter de m'expliquer auprès du
ministre, M. le Président, pour bien marquer la différence qu'il
peut y avoir entre l'assistance tout court, y compris l'aide morale, et l'aide
physique.
Voici une personne qui a franchi la fenêtre et se trouve sur la
margelle hors de portée physique de qui que ce soit. On voit cela
à l'occasion, une personne qui, pour des motifs d'ordre psychique,
s'apprête à sauter dans le vide. J'estime que l'obligation de se
porter au secours de cette personne est tout aussi contraignante, même si
elle est hors de portée de l'aide physique et que quelqu'un doit se
porter au secours de cette personne, en lui parlant, comme cela se fait
à l'occasion, et en lui apportant l'aide morale et psychique dont elle
peut avoir besoin et qui peut la sauver à un moment aussi décisif
de sa vie.
C'est la raison pour laquelle j'ai pris un exemple concret, mais
j'imagine que je pourrais en trouver d'autres que j'estime que la
terminologie utilisée par l'Office de révision et par le
Comité sur les droits civils de l'Office de révision était
plus humaine, puisque nous parlons des droits de l'homme, et comprenait
davantage ce type d'aide morale qui peut être absolument crucial à
certains moments de la vie d'une personne. Je me souviens que nous avions
réfléchi à cette question lors de la rédaction de
l'article 3 du projet de l'Office de révision. Dans notre esprit, quand
nous disions l'assistance immédiate requise pour lui sauver la vie, cela
comprenait tous les moyens d'ordre moral ou physique. Nous étions d'avis
qu'une personne qui ne donne pas suite à son obligation d'ordre moral
soit sujette à une sanction d'ordre civil. Je veux dire par là
que sa responsabilité civile serait engagée par ce défaut
d'avoir prêté assistance au moment critique.
M. Choquette: Je pense qu'on devra se rendre compte qu'en
proposant l'article 2 dans sa rédaction actuelle, le gouvernement va
très loin.
Je pense que, si on examine les législations
étrangères, on ne trouvera pas beaucoup de cas où on
impose à des tiers, des obligations d'apporter une aide physique.
M. Morin: C'est vrai, j'en conviens.
M. Choquette: C'est la raison pour laquelle je pense qu'ici la
loi ou le principe du Bon Samaritain est poussé très loin dans la
législation québécoise, si l'article 2 est adopté
dans sa rédaction actuelle. Aller plus loin et proposer une aide morale
ouvre la porte à toutes sortes d'interprétations subjectives qui
paraissent très difficiles à sanctionner devant les
tribunaux.
Je vais vous donner un exemple. Vous avez un citoyen qui est près
d'une fenêtre et qui menace de se suicider. En vertu de l'article 2, il
n'y a pas de doute qu'une personne, voyant une telle situation, se verrait dans
l'obligation de téléphoner à la police ou aux pompiers et
de dire: Venez avec un filet pour tenter de sauver cette personne si elle se
jette par la fenêtre.
Si on doit suivre le raisonnement du chef de l'Opposition, cela pourrait
aller plus loin. La personne qui serait devant une telle situation devrait
s'efforcer de trouver les mots pour calmer celui qui menace de se suicider pour
éviter, en somme, cet acte destructeur de sa propre vie.
Je pense que le chef de l'Opposition va pas mal loin et je ne pense pas
que, sur le plan juridique, on puisse exiger, d'une façon efficace, que
cette aide morale puisse se traduire par un recours en dommage des
héritiers de la personne qui se serait suicidée, parce que la
personne, qui aurait rencontré une telle situation, n'aurait pas
trouvé les mots ou n'aurait pas eu la présence d'esprit
d'employer une technique de réconfort moral pour éviter
l'éventualité d'un suicide.
C'est la raison pour laquelle je pense que, compte tenu de ce qui existe
ailleurs et de ce ce qui peut être sanctionné raisonnablement
devant les tribunaux, on doit se contenter de l'aide physique qui me
paraît d'ailleurs un pas en avant très considérable.
M. Morin: Je ne nie pas, M. le Président, que les
dispositions de ce genre ne se retrouvent pas à la pelletée dans
les lois étrangères. C'est un fait qu'à une ou deux
exceptions près le Québec, avec cet article, ira sans doute plus
loin qu'on ne l'a fait ailleurs.
Mais ce qui me chicote, c'est qu'on a souvent vu, aux Etats-Unis, des
foules barbares crier à des personnes qui étaient en
péril, comme celle que nous venons de décrire: "Jump". La foule,
en bas, criait à l'adresse de la personne. Ils voulaient voir le saut;
c'est cela qui les intéressait. Les foules peuvent être facilement
cruelles et barbares.
J'ai l'impression que cette précision non pas dire
"l'assistance physique et morale," mais l'assistance tout court serait
utile, pourvu qu'on se serve de cette charte pour faire l'éducation des
citoyens aussi. C'est un des objectifs qui seront poursuivis
éventuellement par la commission dont nous allons discuter plus loin, la
nouvelle commission des droits de la personne. Celle-ci aura pour objet,
justement, de faire connaître la charte. Comme dans le cas de la
Déclaration universelle, cela va être un moyen de faire progresser
la civilisation chez les Québécois.
J'ai l'impression que ce serait utile de mettre "l'assistance"
plutôt que l'aide physique. Je trouve le texte actuel indûment
restrictif.
Je signale au ministre que l'Office de révision du code civil,
après mûre délibération, avait estimé que
"l'assistance" était conforme au droit civil, à la jurisprudence
et qu'on n'exagérait pas en parlant d'assistance tout court,
c'est-à-dire en in-
cluant l'aide psychique ou morale, en plus de l'aide physique.
Je ne veux pas insister je n'irais même pas jusqu'à
en faire un amendement c ar j'estime qu'il y a d'autres articles qui
méritent davantage notre attention dans la suite de ce projet de loi,
mais il me semble que c'est le bon sens qui devrait nous faire
préférer l'expression "l'assistance" tout court à "l'aide
physique". Je trouve cela restrictif. Je pense que cela va porter les gens
à se poser des questions comme: Pourquoi seulement l'aide physique?
Est-ce qu'on ne doit pas aussi intervenir pour apporter un secours moral
à une personne qui pourrait en avoir besoin?
M. Choquette: II y a un autre argument qui nous a
empêchés d'adopter la position suggérée par le chef
de l'Opposition. C'est que "l'assistance", si on devait se contenter de ce mot,
pourrait comprendre l'assistance financière. Je ne pense pas qu'il
faille aller jusqu'au principe de faire une obligation à chacun de
donner l'assistance financière à des personnes dont la vie est en
péril. On pourrait hypothétiquement imaginer une situation
où une personne serait malade et aurait besoin d'assistance
financière pour pouvoir survivre. Malgré que cela peut être
un devoir sur le plan moral d'apporter une telle assistance financière,
dans ces circonstances, je ne pense pas qu'on puisse en faire une obligation
légale. C'est la raison pour laquelle il a fallu arrêter
l'obligation de chacun à apporter l'aide physique nécessaire pour
éviter le péril que peut courir une personne. C'est un autre
facteur que nous avons dû considérer.
M. Morin: C'est un argument qui a plus de poids que les
précédents. Il est évident que "l'assistance" tout court
pourrait théoriquement couvrir l'assistance financière. D'un
autre côté, comme le ministre n'est pas prêt à
assurer la jouissance paisible des biens, peut-être pourrait-il
prévoir ici l'assistance financière. Je suis prêt à
accepter cet argument, mais je persiste à croire que "provoquer le
secours" est une expression baroque, qu'il y aurait peut-être moyen de
trouver mieux que cela, sans en faire pour autant une obligation de
résultat. Je m'interroge sur le mot qui conviendrait... "En sollicitant
le secours".
M. Choquette: "En demandant le secours".
M. Morin: "En appelant" j'aimais le mot "solliciter"
ou "en sollicitant du secours".
M. Choquette: On me fait remarquer que "solliciter" ou "demander"
le secours, au lieu de le "provoquer", est moins fort, moins contraignant. Ici,
dans la rédaction de l'article, il y a d'abord une première
obligation qui se trouve imposée à la personne de donner
elle-même le secours ou, il y a une obligation subsidiaire qui est de le
provoquer. Si elle ne peut pas donner elle-même le secours, elle a quand
même l'obligation de le provoquer. Je me demande si le chef de
l'Opposition gagnerait à changer le mot "provoquer", par le mot
"solliciter".
M. Morin: Je ne suis pas d'accord avec le ministre, lorsqu'il
nous dit qu'obtenir du secours, c'est une obligation de résultat, alors
que provoquer le secours serait une obligation de comportement ou, comme il l'a
dit, une obligation de moyen. C'est pour cela qu'en fin de compte j'en
reviendrais à ma suggestion de tout à l'heure. Je pense que si on
disait "ou en obtenant du secours"...
Naturellement, s'il ne peut pas l'obtenir parce qu'on le lui refuse,
cela entre dans les motifs raisonnables et aucun juge ne va condamner une
personne qui a tenté d'obtenir du secours sous prétexte qu'elle
n'a pas pu l'obtenir. Je ne vois pas ce qu'il y a de plus contraignant
d'obtenir le secours ou de provoquer le secours. C'est moins baroque comme
expression, mais cela revient exactement au même dans les faits.
M. Choquette: Si le chef de l'Opposition veut suggérer
qu'on remplace le mot "provoquant" par les mots "obtenant le secours", je
serais d'accord sur cet amendement.
M. Morin: Je remercie le ministre. Je pense que cela va
être moins baroque et que cela ne change pas le sens profond. L'article 2
peut être adopté.
Le Président (M. Lafrance): Adopté avec
modification. Article 3?
Religion
M. Morin: A l'article 3, j'aurais un amendement formel à
proposer. On nous dit: "Toute personne est titulaire des libertés
fondamentales, telles la liberté de conscience, la liberté de
religion, la liberté d'opinion, la liberté d'expression."
J'estime que la liberté de religion est peut-être un peu
restrictive. Je pense que ce à quoi on se réfère, ce sont
les croyances et non pas seulement la religion qui est une forme de croyance.
Je me demande s'il n'y aurait pas avantage, comme la Chambre des notaires nous
l'a d'ailleurs suggéré au cours d'une séance de la
commission parlementaire antérieure, à utiliser la liberté
de croyances. Je me ferai donc le porte-parole de la Chambre des notaires
c'est bien la première fois dans ma vie pour proposer
qu'on modifie le mot "religion" par le mot "croyances." Le sens est plus large
et, d'ailleurs, cela se trouve au chapitre du louage du code civil, à
l'article 1664-S.
M. Choquette: Je ne vois pas ce que le chef de l'Opposition
accomplit en suggérant cet amendement à l'effet de remplacer la
liberté de religion par la liberté de croyances, alors que tout
à côté de cette liberté de religion, on trouve la
liberté de conscience, la liberté d'opinion, ce qui, enfin,
à mon sens, couvre l'ensemble des options individuelles que les gens
peuvent avoir au point de vue de la foi ou au point de vue des opinions
politiques ou au point de vue de leurs croyances les plus importantes. Je ne
vois pas ce que le chef de l'Opposition accomplit en supprimant, en somme,
toute référence à la religion. Il me semble que la
religion est une dimension extrêmement importante pour chaque individu
dans le domaine des croyances.
M. Morin: Sûrement.
M. Choquette: A mon sens, je dois dire qu'il me plaît qu'on
se réfère spécifiquement à cette dimension
particulière qu'est la religion.
M. Morin: M. le Président, je ne veux pas nier la
liberté de religion; j'espère que le ministre ne m'a pas
interprété comme cela. Ce que j'ai voulu dire, c'est que ce terme
me paraît un peu restrictif. La liberté de religion suppose des
églises, des regroupements d'hommes en fonction de certains dogmes, mais
il peut exister également des croyances qui ne sont pas d'ordre
religieux, mais qui sont d'ordre philosophique, par exemple. Il me semble qu'on
pourrait élargir la simple liberté de religion pour inclure
toutes ces autres croyances qui sont fort répandues, le ministre le
sait, dans notre société, dans toute société libre.
Si nous adoptions l'expression "la liberté de croyances", cela inclurait
la liberté de religion, puisque les religions sont une forme de
croyance.
Les religions participent de la croyance, par exemple, en un Etre
suprême, ou en un ensemble de dieux dans le polythéisme.
M. Choquette: Mais on a déjà la liberté de
conscience qui nous semblerait couvrir toutes les options philosophiques
possibles. Comme le dit le chef de l'Opposition, la liberté de religion
comprend, en fait, la notion de religion organisée, de
société à caractère religieux, de telle sorte que
je ne pense pas que l'amendement proposé par le chef de l'Opposition
réussise à faire accomplir à cet article un réel
progrès, compte tenu de la diversité des options permises
à l'intérieur de la liberté de conscience, de la
liberté de religion, de la liberté d'opinion.
Peut-être, si on n'avait pas mis la liberté de conscience
et la liberté d'opinion comme des libertés spécifiques, le
chef de l'Opposition pourrait-il dire: Ecoutez! On va trouver un terme encore
plus général que la liberté de religion qui va pouvoir
recouvrir une foule d'options philosophiques ou théologiques
particulières. Peut-être qu'à ce moment on serait mieux
d'employer la liberté de conscience, mais, avec les autres
libertés qui sont inscrites dans l'article 3, je ne pense pas que ceci
améliore la rédaction de l'article.
M. Morin: M. le Président, je ne veux pas insister, mais
j'attirerai l'attention du ministre sur le fait que, si tant est que la
liberté de conscience recouvre la liberté de croyance, elle
recouvre également la liberté de religion. Donc, il y aurait une
sorte de tautologie. On ajouterait à la liberté de conscience
quelque chose qui s'y trouve déjà et qui est la liberté de
religion.
M. Choquette: II n'y a pas deux...
M. Morin: Tant qu'à y être, j'aurais élargi
le concept de religion pour parler de toutes les croyances.
M. Choquette: Oui, mais il n'y a pas de doute que ces notions se
recouvrent jusqu'à un certain point. La liberté de conscience, la
liberté de religion et la liberté d'opinion sont des
libertés qui sont, au moins en partie, coextensives, je dis en
partie.
M. Morin: Elles se recoupent, oui.
M. Choquette: Ce n'est pas une raison, cependant, de les
écarter, car la liberté de conscience peut comprendre la
liberté d'être complètement incroyant aussi; ce qu'on ne
retrouverait pas nécessairement à l'intérieur du terme "la
liberté de religion", parce que la liberté de religion comprend
la croyance à certaines religions organisées et
structurées, au moins, chez la majorité des gens.
M. Morin: Vous êtes en train de plaider pour le changement
que je propose.
M. Choquette: Bien non! Est-ce que vous proposez la suppression
des articles "la liberté de conscience, la liberté de religion et
la liberté d'opinion" en les remplaçant par "la liberté de
croyances"? Est-ce que c'est ce que vous proposez?
M. Morin: Non, j'aurais dit: La liberté de conscience, la
liberté de croyances, la liberté d'opinion. Je n'en ferais pas un
amendement formel. J'espérais simplement qu'on...
M. Choquette: Je pense que la liberté religieuse
mérite d'être mentionnée spécifiquement comme une
liberté qui doit être consacrée par la charte.
M. Morin: Je vais accepter les arguments du ministre, M. le
Président, parce qu'effectivement la liberté de conscience me
paraît inclure la liberté de croyance. Cela aurait
été une amélioration, à mon sens, mais, enfin, je
ne veux pas passer l'après-midi à tenter de vaincre la
résistance du ministre là-dessus.
Je voudrais, cependant, vous faire observer que le sujet des droits de
l'homme n'a pas l'air d'intéresser beaucoup nos collègues
libéraux, puisque nous n'avons plus quorum. Est-ce qu'il serait
possible, quand même, que nous ayons quorum?
Le Président (M. Lafrance): La commission suspend ses
travaux pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 19)
Reprise de la séance à 16 h 29
M. Lafrance (président de la commission permanente de la
justice): A l'ordre, messieurs!
M. Morin: Nous avons les huit membres à la condition que
le député de Taschereau ne s'éloigne pas à
nouveau.
Le Président (M. Lafrance): La commission reprend ses
travaux. Si j'ai bien compris, l'article 3 est adopté.
M. Morin: Nous sommes disposés à l'adopter, de
même que les articles 4 et 5.
Le Président (M. Lafrance): Article 4, adopté.
Article 5, adopté.
Disposition des biens
M. Morin: Mais, après l'article 5, je me permets de
revenir sur l'article 6 du ci-devant projet de loi qui se lisait comme suit:
'Toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre
disposition de ses biens".
J'ai dit au ministre, tout à l'heure, que je trouvais ses
arguments en faveur de la suppression de cet article spécieux. Il ne m'a
pas convaincu. Comme l'Office de révision du code civil avait
estimé que cet article était suffisamment important pour
l'inclure dans ce que nous appelions, modestement, le décalogue
puisqu'il comportait dix articles, je me permets d'insister et d'en faire un
amendement formel. Je propose que l'article 6 de l'ancien projet de loi qui
était suffisamment important pour que le ministre juge opportun de l'y
inclure, soit ajouté dans le nouveau projet après l'article 5. Il
porterait donc le même numéro que dans le projet de loi initial,
soit le numéro 6. Je le propose.
Pour les arguments, je ne vais pas recommencer tout ce que j'ai dit tout
à l'heure. J'estime que même un pays progressiste sur le plan
social, même un pays qui soumet la jouissance des biens privés
à l'intérêt général peut se permettre
d'adopter un tel article qui protège le droit à la jouissance
paisible, à la libre disposition des biens. Si le ministre a quelque
hésitation, il pourrait s'en remettre à la rédaction qui
avait été adoptée par l'Office de révision du code
civil en ajoutant à la fin "sauf dans les cas expressément
prévus par la loi."
Je suis sûr que j'aurai l'appui du député de
Taschereau là-dessus.
M. Bonnier: II semble y avoir beaucoup d'abus.
M. Choquette: M. le Président, comme je l'ai dit plus
tôt, il est certain que personne ne met en cause l'intérêt
philosophique ou même l'intérêt juridique de ce principe au
point de vue du droit civil. D'ailleurs, tout le droit civil est
généralement pertinent à la disposition des biens et
à leur jouissance paisible.
Je pense, M. le Président, qu'il serait prématuré
soit d'adopter le principe d'une façon absolue, soit encore de l'adopter
avec la condition additionnelle que le chef de l'Opposition a
suggérée, c'est-à-dire que ce soit sous réserve des
autres lois. Je pense que, dans l'une ou l'autre possibilité, nous
serions bien avisés d'attendre l'adoption d'un nouveau code civil pour
voir comment ce principe pourrait être incorporé à la
charte. Pour le moment, donc, à moins que le chef de l'Opposition n'ait
d'autres arguments plus percutants, je ne serais pas prêt à
abonder dans son sens.
M. Morin: J'ai déjà étalé un certain
nombre d'arguments. Je ne vais pas les reprendre, M. le Président. Si
ces arguments n'ont pas réussi à persuader le ministre, je ne
vois pas ce que je pourrais ajouter qui pourrait le persuader. Mais je me dis
que, si c'était suffisamment bon et persuasif pour être inclus
dans la première version, cela devrait l'être tout autant,
étant donné l'importance du principe, dans la dernière
version.
M. Choquette: C'est parce qu'il va y avoir des changements assez
importants faits au droit civil, cela est assez prévisible. Par exemple,
le principe actuel de la liberté absolue de tester va probablement
être battue en brèche par le nouveau code civil qui va limiter la
liberté des testateurs, comme cela s'est fait sous la plupart des
régimes de droit civil contemporain. Il va y avoir aussi probablement
des modifications apportées aux régimes matrimoniaux, en plus des
régimes successoraux qui vont limiter la libre disposition des biens
qu'on voudrait faire reconnaître par le principe énoncé par
le chef de l'Opposition. C'est la raison pour laquelle, devant tant d'atteintes
au principe "sacro-saint " de disposer de ses biens, j'ai un peu de
réserves à le reconnaître comme un principe qui a un
caractère le moindrement absolu dans la charte. C'est plutôt un
souci de réalisme qui m'empêche d'abonder dans le sens du chef de
l'Opposition.
Ce n'est pas que je suis contre l'idée que chacun puisse jouir
paisiblement de ses biens, alors qu'il est en possession de ses biens, et qu'il
ne doit pas être dérangé dans cette possession paisible de
sa propriété; c'est plutôt que, sur le plan juridique, je
ne vois pas beaucoup de portée à l'adoption de ce principe dans
la charte. C'est ce qui m'arrête.
M. Morin: M. le Président, je reviens brièvement
sur la portée exacte de jouissance paisible et libre disposition de ses
biens. Cet article ne consacre pas le droit absolu à la
propriété; ce n'est pas ça qu'il fait. Il ne dit pas que
les biens d'un particulier ne pourront jamais être expropriés pour
des fins publiques. Il ne dit pas cela, surtout si on y ajoute la clause
prévue par l'Office de révision du code civil qui disait: "Sauf
dans les cas expressément prévus par la loi."
Il ne dit pas, non plus, que le code civil ne peut pas
éventuellement mettre des limites à la libre disposition des
biens et, par exemple, imposer
des restrictions sérieuses au droit de tester. Ce n'est pas cela
qu'il dit; il dit que, dans les limites prévues par la loi, si un droit
de propriété est reconnu à un individu, il a le droit d'en
avoir la jouissance paisible. On n'a pas le droit d'aller le déranger
dans la jouissance de son bien si la loi lui reconnaît la
propriété de ce bien. Vous voyez, c'est tout à fait
différent du droit de propriété qui comporte, le ministre
le sait, l'usus, l'abusus, l'usus fructus. Là, il s'agit seulement de la
jouissance paisible d'un bien dont la propriété est par ailleurs
reconnue par la loi. Est-ce que je me fais clair?
M. Choquette: Oui, le député se fait clair, mais,
comme je le dis, il ne s'agit pas simplement des cas d'expropriation, parce
qu'il est bien admis c'est inscrit au code civil que personne ne
doit subir d'expropriation, même au nom de l'intérêt public,
sans recevoir une compensation équivalente à la valeur du bien
exproprié. On ne met pas ça en question, mais je prends, par
exemple, la législation actuelle en matière de louage. Le
propriétaire d'une maison d'appartements ou d'une maison de logements
qui sont loués n'a pas, à l'heure actuelle, la libre disposition
des biens. La preuve en est qu'il ne peut pas évincer un locataire
à la fin du bail, si le locataire lui envoie un avis de renouvellement
trois mois avant l'expiration du bail.
Le locataire a le droit d'aller à la Régie des loyers et
de faire arbitrer la hausse de loyer réclamée. Il a le droit de
faire décider la régie sur la décision du
propriétaire de ne pas renouveler le bail. Constamment, où que
nous nous tournions, nous sommes devant des législations qui affectent
ce principe de la libre disposition des biens.
Tout à l'heure, je référais au domaine du testament
qui va certainement subir des modifications importantes. Je pense qu'à
ce moment-là on est encore plus à l'intérieur du principe
de la libre disposition des biens, puisque les testataires, à l'avenir,
ne pourront pas, au moins pour une partie des biens qu'ils vont laisser
à leurs héritiers, tester d'une façon absolument libre,
comme c'est le cas dans le droit actuel.
On sait que la plupart des pays ont évolué vers certaines
dispositions qui empêchent les testataires de léguer leurs biens
à qui ils l'entendent d'une façon absolue et qu'il va falloir
sauvegarder dans la législation à venir la situation des
héritiers légaux ou de l'épouse, suivant le cas, de
façon à limiter, d'une certaine façon, la libre
disposition des biens.
Pour tous ces motifs et aussi pour le motif qu'il s'agit du droit de
propriété qui, après tout, se trouve au code civil
le code civil entoure le droit de propriété d'une foule de
dispositions spécifiques qui en limitent la portée, qui
réglementent la portée du droit de propriété
je me demande si le principe énoncé par le chef de l'Opposition
ne nous apportera pas plus d'inconvénients dans la réforme du
droit civil que d'avantages, au moment où nous serons incessamment
appelés à apporter un nouveau code civil.
Je ne rejette pas, d'une façon irrémédiable, la
proposition du chef de l'Opposition. Il est très possible qu'à la
suite de l'adoption du nouveau code civil, une fois qu'on aura un peu
défini dans quelles conditions s'exerce le droit de
propriété, avec toutes les limites qui doivent lui être
inhérentes dans les conditions modernes, le principe qu'il
préconise mérite d'être inséré à la
charte, avec toutes les limites que va comporter le nouveau code civil du
Québec.
M. Morin: M. le Président, un dernier argument. C'est
précisément parce que l'Etat a de plus en plus d'occasions de
restreindre le libre usage de la propriété, de restreindre le
droit de propriété lui-même, pour des fins sociales, que
j'estime essentiel de rappeler ce principe dans les limites autorisées
par la loi.
Pour que la pensée de l'Opposition soit plus claire et pour
rencontrer un certain nombre d'objections du ministre, je ne ferai pas que
proposer que l'article 6 de l'ancien projet soit rétabli, mais
j'ajouterai l'exception qu'avait prévue l'Office de révision du
code civil, de sorte que je maintiens la proposition que je faisais tout
à l'heure et je la modifie quelque peu.
Je propose que l'article 6 se lise comme ceci: Toute personne a droit
à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens,
sauf dans les cas expressément prévus par la loi.
Je le maintiens parce que j'estime que c'est un principe fondamental, M.
Le Président, et qu'aujourd'hui l'Etat a mille et une occasions de
déranger les gens, de plus en plus, dans la jouissance paisible de leurs
biens. Que l'Etat le fasse pour des motifs d'ordre social, nous n'en
disconviendrons jamais, mais il est bon de rappeler que, si l'Etat n'a pas des
motifs d'ordre social d'intervenir et ces motifs peuvent être
nombreux le principe qui prévaut, c'est que cette personne a
droit à la jouissance paisible de ses biens.
Le Président (M. Lafrance): L'honorable
député de Maisonneuve.
M. Burns: M. le Président, je tiens à appuyer la
motion du chef de l'Opposition d'insérer à nouveau cette ancienne
disposition de l'article 6 du projet de loi original. Je pense que l'amendement
que le chef de l'Opposition vient d'apporter à sa propre suggestion,
c'est-à-dire que toute personne a droit à la jouissance paisible
et à la libre disposition de ses biens, sauf dans les cas
expressément prévus par la loi, vient tout simplement de mettre
de côté tous les arguments que le ministre de la Justice nous a
servis depuis quelques instants, du moins depuis que je suis ici et que j'ai
entendu les arguments à L'encontre de la réinsertion d'une telle
disposition dans un projet de loi qui se veut, à toutes fins pratiques,
une espèce de déclaration des droits fondamentaux et des
libertés civiles au Québec.
Je pense, M. le Président, entre autres, que nous devons rejeter
l'argument à l'effet que la Commission de révision du code civil
nous arri-
vera peut-être avec certaines recommandations qui pourraient nous
forcer à modifier notre attitude à l'endroit de
l'énoncé général que toute personne a droit
à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens,
et nous faire changer d'idée. Déjà, l'amendement qui
exclut les cas expressément prévus nous aide à accepter un
tel amendement. C'est là que je vois surtout la valeur de l'amendement
du chef de l'Opposition. Bien sûr, entre nous, on peut peut-être se
dire: Tout le monde, voyons donc, croit que tous les autres ont droit à
la jouissance paisible et à libre disposition de leurs biens; ce ne
serait même pas nécessaire de le dire. On pourrait peut-être
dire cela.
C'est un rappel constant c'est là que je vois la valeur de
la motion du chef de l'Opposition au législateur de l'existence
d'une telle disposition. Quand le législateur osera empiéter
à nouveau sur une telle mesure, sur une telle disposition, lorsque le
législateur dira que, dans tel cas, l'individu, dans notre
collectivité québécoise, n'aura pas la libre jouissance,
n'aura pas la jouissance paisible de ses biens, ne pourra pas en disposer comme
il veut, il aura au moins l'occasion et le rappel constant sous les yeux, dans
la déclaration fondamentale que se doit d'être la présente
loi. Je pense que c'est là la valeur d'un tel amendement.
En tout cas, si le ministre en question, le ministre actuel ou un
autre... Je ne sais s'il sera affecté par le remaniement ou pas, mais
quel que soit...
M. Choquette: On verra.
M. Burns: On verra, oui. ... le ministre qui sera en poste...
D'ailleurs, quand ce sera notre tour d'être au pouvoir... Notre tour va
venir bien plus vite que vous ne le pensez. Lisez les sondages dans les
journaux.
M. Sylvain: Lisez les journaux.
M. Burns: Quand on sera au pouvoir, cela vaut même pour
notre ministre de la Justice à nous autres.
M. Sylvain: Qui est-ce que cela va être pour vous
autres?
M. Burns: Je ne le sais pas, ce n'est pas moi le chef. Mais je
pense que cela vaut pour qui que ce soit qui détient ce poste. Si cela
ne vaut pas pour le ministre, cela vaudra au moins pour les légistes
qui, chaque fois, rappelleront au ministre de la Justice: Ecoutez, il y a une
brèche importante qui est faite au principe; il y a une déchirure
qui se fait à l'endroit du principe qui est énonbé
à l'article 6 et qui dit que toute personne a droit à la
jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens. A ce moment,
peut-être qu'on y pensera deux fois avant de mettre en application un
certain nombre de dispositions. C'est la grande valeur que je vois à
l'amendement qui est fait par le chef de l'Opposition. On vous permettra,
d'ailleurs, de l'appliquer.
M. Choquette: M. le Président, pendant que nos honorables
interlocuteurs parlaient, j'ai eu l'occasion de réfléchir et je
vais accepter l'amendement, avec la condition qui a été
mentionnée par le chef de l'Opposition: sauf dans la mesure...
Le Président (M. Lafrance): ... "dans les cas
expressément prévus par la loi".
M. Choquette: Non, je pense qu'on devrait dire "sauf dans la
mesure prévue par la loi".
M. Burns: Non, "sauf dans les cas expressément
prévus par la loi". C'est la suggestion qui est faite.
M. Morin: J'avais choisi de m'en tenir à la suggestion de
l'Office de révision du code civil, M. le Président, mais, si le
ministre a une expression plus juste à proposer... Celle-là me
paraît vraiment...
M. Burns: C'est bien plus exact.
M. Morin: ... exacte: "sauf dans les cas expressément
prévus par la loi". Cela répond bien plus aux arguments
avancés par le ministre, tout à l'heure. Est-ce que le ministre
aimerait avoir sous les yeux le rapport du code civil?
M. Choquette: M. le Président, je pense que nous pourrions
peut-être adopter un texte qui serait le suivant: "Toute personne a droit
à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens,
sauf dans la mesure prévue par la loi." Je pense que ceci devrait
satisfaire les deux thèses, parce que cela permet quand même des
exceptions prévues...
M. Morin: Oui.
M. Choquette: ... par d'autres lois. Cet article n'assure pas un
caractère absolu au droit de propriété. Par contre, il
consacre quand même le droit, pour chacun, à la libre jouissance
de ses biens.
M. Morin: Parfait. Nous acceptons la suggestion du ministre.
Le Président (M. Lafrance): Alors, il y a un nouvel
article 6 qui suit l'article 5, c'est-à-dire qu'il faut ajouter,
à la suite de l'article 5, l'article 6 qui se lira comme suit: "Toute
personne a droit à la jouissance paisible et à la libre
disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi." Ce
nouvel article 6 est adopté?
M. Morin: Adopté.
Le Président (M. Lafrance): L'ancien article 6 devient
l'article 7.
M. Morin: Nous penchant maintenant sur cet article 7 qui est
le... Si vous voulez, pour les fins de la discussion, on pourrait continuer
à utiliser
les anciens numéros et on laissera le secrétariat
renuméroter tous les articles.
Le Président (M. Lafrance): On peut faire une motion en
disant que tous les articles seront renumérotés de 1...
M. Morin: C'est cela, mais pour les fins de la discussion, nous
allons continuer à utiliser la numérotation du projet actuel.
Le Président (M. Lafrance): D'accord, ce sera plus
facile.
M. Morin: Ce sera beaucoup plus facile. A cet article, nous
n'avons rien de particulier. Je me demande simplement pourquoi le ministre
n'aurait pas réuni les articles 6 et 7 en un seul article comme dans le
projet de l'Office de révision du code civil, puisque ce sont, en fait,
deux phrases parfaitement complémentaires. Cela aurait l'avantage, si on
les regroupait, de ne pas nous obliger à renuméroter tous les
articles qui suivent. Alors, on dirait: La demeure est inviolable. Et puis: Nul
ne peut pénétrer chez autrui, ni prendre quoi que ce soit sans
son consentement exprès ou tacite. Là, j'aurais peut-être
une suggestion à faire, c'est-à-dire, ajouter les mots: " Ou sans
y être autorisé par la loi" tel que l'avait prévu l'Office
de révision du code civil, parce qu'il se peut que la loi autorise
à pénétrer chez autrui, par exemple, pour des fins de
perquisition, si les tribunaux ont donné l'autorisation requise.
J'insiste moins là-dessus, mais il me paraît que cela irait dans
le sens des préoccupations du ministre si, d'une part, on regroupait les
articles 6 et 7 en un nouvel article 7, et si on ajoutait à la fin: ou
sans y être autorisé par la loi.
M. Choquette: M. le Président, sur la suggestion de
joindre les deux articles, j'attire l'attention du chef de l'Opposition sur le
fait que l'article 6, maintenant devenu l'article 7, vise la demeure ou la
résidence ou le domicile d'une personne, tandis que l'article 7 devenu
l'article 8 vise aussi des places d'affaires.des établissements
commerciaux ou industriels.
M. Morin: Oui.
M. Choquette: C'est la raison pour laquelle il nous a
semblé qu'il fallait diviser, en somme, les deux articles pour donner,
évidemment, une protection très forte à la demeure. On
sait qu'en droit traditionnel la demeure est entourée de plus de
protection que ne l'est la place d'affaires d'un individu.
Je connais des cas où il n'est pas possible de
pénétrer chez quelqu'un ou dans sa demeure sans un mandat de
perquisition ou une autre autorisation juridique, tandis que les mêmes
obstacles qui s'appliquent à la demeure ne sont pas imposés en ce
qui concerne la place d'affaires. C'est pour cette raison, exclusivement
juridique, de statuts légèrement différents entre la
demeure et les places d'affaires, que nous avons cru devoir scinder l'article
original en deux parties.
Je ne pense pas que, par conséquent, en fait, la rédaction
qui était initialement proposée souffre, en somme, de cette
scission en deux parties, qui cherche justement à accomplir cette
distinction.
M. Morin: Si je pouvais m'expliquer davantage, je dirais au
ministre que le fait de regrouper deux paragraphes, deux articles dans la
rédaction actuelle qui, à vrai dire, portent je l'admets
volontiers sur des cas différents, le premier sur la demeure et
uniquement sur la demeure, le second sur la place d'affaires, aussi bien que
sur la demeure, et d'ajouter à la fin "ou sans y être
autorisé par la loi" donne une meilleure mesure du droit tel qu'il
existe.
Je veux dire que, si on laisse "la demeure est inviolable", point, dans
un article distinct, on peut créer l'illusion que la demeure est
effectivement inviolable, à rencontre même d'un droit de
perquisition autorisé par les tribunaux. Je sais que le ministre va me
dire que cette charte n'est pas fondamentale dans ses sept ou huit premiers
articles et que, donc, "la demeure est inviolable" doit être
interprété à la lumière de toute la
législation qui autorise souvent des représentants de la loi
à pénétrer dans une demeure. De même, si je ne
m'abuse, si le feu est pris dans une demeure et qu'un voisin défonce la
porte pour aller l'éteindre, je pense que, dans ces cas, il y a une
exception qui est prévue ailleurs dans la loi, et qui vient nuancer le
principe de l'article 6.
Je trouve que tel quel, "la demeure est inviolable", isolé dans
un article distinct, cela risque de faire illusion. Le citoyen qui va lire cela
va s'illusionner sur la portée réelle de l'article. C'est
pourquoi, en le regroupant avec l'autre et en y ajoutant la nuance "ou sans y
être autorisé par la loi", on donne une mesure beaucoup plus juste
de ce qu'est le droit existant.
M. Choquette: On pourrait, évidemment, appliquer le
même raisonnement à une foule d'autres articles. On aurait pu
prendre l'article 3 et ajouter à cet article 3 que c'était dans
la mesure prévue par la loi. On aurait pu appliquer le même
raisonnement à d'autres articles auxquels on semble donner un
caractère absolu, mais qui n'ont pas ce caractère absolu,
étant donné que les premiers articles de la charte, ou leur
rédaction extrêmement large et un niveau d'abstraction
considérable ou très élevé, ne peuvent et ne sont
pas susceptibles d'avoir une application spécifique, à tel point
que le législateur doive se sentir incité, au moins dans
l'état actuel des choses, à leur donner un effet absolu.
Pour le moment, je dirais au chef de l'Opposition qu'il me semble que
nous avons suivi un certain modèle pour la rédaction des sept
premiers articles de la charte et je ne pense pas qu'il faille défaire,
à ce stade-ci, le modèle qui a été suivi. C'est la
raison pour laquelle je ne pourrais pas me rendre à son raisonnement,
malgré que je conçoive très bien qu'il puisse être
soutenu.
M. Morin: Je n'insisterai pas, parce que c'était beaucoup
plus une modification de forme qu'une modification de fond.
Par contre, je me permets d'insister pour ajouter, à la fin de
l'article 7 du projet l'expression " ou sans y être autorisé par
la loi", de sorte que le texte se lirait de la façon suivante: "Nul ne
peut pénétrer chez autrui, ni y prendre quoique ce soit sans son
consentement exprès ou tacite, ou sans y être autorisé par
la loi."
C'est une façon plus réaliste de présenter ce droit
fondamental, parce que dans la réalité, nous savons bien que cet
article ne prévaudra pas sur toutes les dispositions en sens contraire
qui se trouvent dans la loi.
M. Choquette: Le même raisonnement s'applique en ce qui
concerne cet article et je ne pense pas vraiment qu'on doive introduire, dans
cet article, un tempérament aussi important que celui
suggéré par le chef de l'Opposition.
Je comprends que, de part et d'autre, nous sommes devant des objectifs
légèrement contradictoires, dans ce sens qu'on voudrait donner
une application générale aux énoncés de principe,
mais on se rend compte qu'on ne peut pas, compte tenu des conditions actuelles
du droit, leur donner cette extension aussi considérable qu'on le
voudrait et, donc, de temps à autre, on incline à introduire ce
tempérament de "la mesure prévue par la loi". Je ne pense pas,
à y réfléchir, qu'on accomplisse beaucoup à
introduire de nouveau, dans cet article, ce tempérament de "la mesure
prévue par la loi". Je pense que la règle devrait être,
ici, du caractère protégé de l'introduction chez autrui ou
à sa place d'affaires. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire,
vraiment, d'attirer l'attention sur les limites à l'effraction, par les
autorités publiques ou leurs représentants ou par d'autres
personnes.
M. Morin: Le ministre a-t-il égard, dans ses propos,
à la valeur pédagogique de ces articles?
M. Choquette: Oui.
M. Morin: Justement, je me demande si ce n'est pas faire illusion
que de ne pas spécifier, dans des buts pédagogiques, qu'il se
peut qu'à l'occasion, la loi autorise à pénétrer
chez autrui. Je donnais l'exemple d'un incendie. Je donnais l'exemple de la
perquisition. Il y en a certainement quelques autres qu'on pourrait donner. Il
me semble que l'exception est tellement importante dans le cas de l'article 7,
alors qu'elle peut l'être moins dans d'autres articles, qu'elle
mériterait d'être mentionnée.
M. Bonnier: M. le Président...
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Taschereau.
M. Bonnier: Dans les cas de saisie, comment cela pourrait-il
être interprété? Evidemment, il y a toujours une autre loi
qui l'autorise à ce moment, mais un individu pourrait-il se garantir
à même ce principe et dire: Vous n'avez pas le droit? Il ne
pourrait pas, effectivement.
M. Choquette: Non, parce que si on se reporte à
l'article...
M. Morin: C'est-à-dire que cela ne brime pas les autres
lois.
M. Choquette:... à l'article 50... M. Morin:
J'aimerais qu'on le dise.
M. Choquette: J'attire l'attention du député de
Taschereau sur l'article 50 qui se lit comme suit: "Les articles 8 à 37
prévalent sur toute disposition d'une loi postérieure qui leur
serait contraire, à moins que cette loi n'énonce
expressément s'appliquer malgré la charte."
Donc, d'une part, les lois antérieures demeurent et dans ces lois
, il y a des dispositions qui permettent, dans certaines circonstances, de
s'introduire chez autrui et d'y saisir des biens, que cela soit, par exemple,
des saisies en vertu du code de procédure civile à la suite d'un
jugement, alors l'huissier a le droit d'entrer avec un bref de saisie de bonis
ou bien il y a d'autres lois, comme la Loi des valeurs mobilières qui
permet à la Commission des valeurs mobilières d'envoyer ses
représentants à la place d'affaires d'une société
ou d'une compagnie et d'y saisir les livres, même sans un mandat
émis par la cour.
Par conséquent, il y a des exceptions qui sont prévues
dans les lois antérieures qui permettent, dans certaines circonstances,
de pénétrer chez autrui et de saisir des biens. Mais, la
règle est qu'on ne doit pas le faire et qu'il faut que cela soit
autorisé pour que cela soit permissible.
Il y a donc cette règle et il y a aussi le fait que les sept
premiers articles de la charte ne prévalent pas même à
l'égard de lois antérieures et même à l'égard
de lois postérieures. En effet, pour les lois postérieures, on ne
sera pas obligé de dire: Nonobstant l'article , il sera permis à
un inspecteur de l'agriculture, par exemple, d'aller saisir des viandes
avariées chez un commerçant, pour prendre un exemple assez
contemporain. Il pourrait se faire qu'on autorise par une loi, justement, des
inspecteurs du ministère de l'Agriculture à faire de telles
perquisitions sans mandat. L'article 7 ne serait pas un empêchement
à l'adoption d'un tel principe législatif et il ne serait pas
nécessaire, dans une telle loi, de dire que ceci est permis nonobstant
la charte.
Cependant, pour les articles 8 à 37, si on veut y faire exception
dans des lois postérieures, il faudra dire spécifiquement:
Nonobstant tel article de la charte, le législateur énonce qu'on
y fait exception d'une certaine façon. Je pourrais donner un exemple.
Admettons qu'on dise que, devant tel tribunal, les avocats ne sont pas admis,
comme cela a été le cas pour les petites créances. Si on
avait de nouveau à adopter cette loi, eh bien, il faudrait, compte tenu
du type de rédaction que nous avons dans la charte, faire une exception
spécifique pour
dire que, nonobstant la charte, les avocats ne seront pas admis devant
le tribunal pour représenter leurs clients. En somme, c'est tout ce
principe, c'est autour de cette question que le débat se passe à
l'occasion de cet article. Mais, vu qu'en fait la règle est
plutôt, en général, qu'on n'a pas le droit d'entrer chez
autrui pour s'emparer de ses biens ou saisir des documents ou autrement, Je ne
pense pas qu'il soit techniquement nécessaire d'introduire les mots
mentionnés par le chef de l'Opposition qui sont à l'effet de dire
que c'est limité par "dans la mesure prévue par la loi".
D'autre part, ceci pourra peut-être nécessiter des
amendements ultérieurement si la charte devait, à un moment
donné, être étendue au point de vue de son application. Si
on envisage, par exemple, que, dans quelques années, on doive faire en
sorte que les articles I à 7 acquièrent un caractère
transcendant, le fait d'avoir introduit des réserves à ce
moment-ci pourrait nécessiter des amendements au moment où on
ferait de tels changements législatifs.
Or, je ne crois pas qu'on accomplisse beaucoup en introduisant beaucoup
de réserves à la portée des articles I à 7, parce
que les réserves y sont déjà par l'application de
l'article 50.
M. Morin: M. le Président, est-ce que le ministre,
après mûre délibération, accepte ou n'accepte pas
l'idée d'ajouter à la fin de cet article "ou sans y être
autorisé par la loi".
M. Choquette: Non.
M. Morin: II n'accepte pas. Du moins, aurai-je tenté
d'ajouter à l'article cette nuance qui me paraît non seulement
juridique, mais qui me paraît d'ordre pédagogique.
M. Choquette: Ce qu'on peut gagner sur le côté
pédagogique, on peut le perdre sur le plan juridique. C'est la
difficulté dans la rédaction d'une telle charte. Autant on veut
être pédagogue, autant il faut être légiste.
M. Morin: Mais, tout à l'heure, dans l'article
précédent, dans l'article 6 que nous avons adopté: "Toute
personne a le droit à la jouissance paisible, à la libre
disposition de ses biens", le ministre admettait que c'était utile
d'ajouter "sauf dans les cas expressément prévus par la loi".
C'est en somme la même disposition que je lui suggère d'ajouter
là et elle me paraît plus importante ici que dans l'autre article.
Mais je ne demanderai pas un vote là-dessus.
M. Choquette: Je pense qu'elle était plus importante dans
l'article 6. On aurait pu, d'ailleurs, s'en dispenser dans l'article 6.
M. Bonnier: A cause de l'article 50, encore une fois.
M. Choquette: A cause de l'article 50. on aurait pu
délaisser cette introduction du "sauf dans la mesure prévue par
la loi".
M. Morin: J'étais d'accord. Seulement, c'était pour
rencontrer les arguments du ministre. Il me paraît qu'à plus forte
raison on aurait intérêt à l'ajouter à cet article
7, comme on l'a ajouté à l'article 6.
Mais je ne demande pas le vote sur cet amendement, M. le
Président, de façon que nous puissions expédier le plus
possible les articles.
Le Président (M. Lafrance): Afin d'éviter toute
confusion, nous avions changé l'article 6. Par une nouvelle
numérotation, il devenait l'article 7; alors, cet article est
adopté.
M. Morin: Adopté.
Le Président (M. Lafrance): Comme on avait le consentement
unanime tout à l'heure, nous allons donner la même
numérotation pour les futurs articles. L'article 7 est adopté
sans amendement lui aussi.
Identité
M. Morin: Bien. J'aurais maintenant, avec votre permission...
Le Président (M. Lafrance): A l'article 8?
M. Morin: ... à proposer d'ajouter un nouvel article avant
l'article 8, parce qu'on tombe dans des dispositions qui sont d'un autre
caractère, qui portent sur le secret professionnel et qui ne portent
plus sur ce qu'on pourrait appeler les droits inhérents, fondamentaux de
la personne. Je proposerais qu'on ajoute, selon la proposition qui nous a
été faite par le Réseau d'action et d'information pour les
femmes, le RAIF, un nouvel article 9 qui se lirait comme ceci: 'Toute personne
a droit, sa vie durant, à son identité". M. le Président,
il ne me semble pas qu'il soit nécessaire de faire une bien longue
démonstration pour persuader le ministre de l'importance de
l'identité, particulièrement dans le monde moderne. On pouvait
accepter autrefois qu'une femme perde son identité comme elle perdait
son pays; selon le vieil adage, qui prenait mari prenait pays. Il y avait plus
que cela, qui prenait mari perdait, en quelque sorte, une partie de son
identité. Or, c'est une chose qui tient de très près
à l'essence d'une personne, son nom, son identité.
En ce qui me concerne, je n'ai pas de difficulté à
adhérer aux arguments du réseau d'action lorsqu'il nous dit que,
maintenant que les femmes ont compris l'importance de leur identité et
veulent reprendre leur nom légal quand elles sont mariées,
plusieurs organismes ou institutions leur créent des difficultés
à cause de règlements internes établis au sujet du nom de
la femme mariée. On va même jusqu'à le leur refuser
carrément, à l'occasion.
Pour ces raisons et pour d'autres aussi, je proposerais donc qu'on
ajoute cet article. Dans d'autres pays, ailleurs, la civilisation étant
sans doute plus évoluée que chez nous, on a toujours eu soin de
ne pas priver la femme de son identité,
même lors de son mariage. Je rappelle, par exemple, les traditions
espagnoles où une femme garde son nom. Lorsqu'on se réfère
à elle en tant qu'épouse d'Untel, on dira la senora Isabella
Gonzales de Choquette, par exemple; si elle est épouse du ministre de la
Justice, on dira de Choquette. Je ne sais pas comment on prononcerait Choquette
en espagnol...
Une Voix: De "Coquette".
M. Morin: ... mais ça sonnerait sûrement très
bien. M. le Président, pour ces raisons et à l'aide de cet
exemple percutant, je proposerais que nous ajoutions cet article.
M. Burns: M. le Président, simplement de très
brèves remarques pour appuyer l'amendement du chef de l'Opposition. On a
vu des femmes qui, justement, voulaient garder cette identité qui leur
était propre; si elle s'appelait Pauline Gélinas et qu'elle avait
marié un M. Lemieux, il fallait absolument qu'elle s'appelle Mme
Lemieux. On a vu de ces femmes qui, voulant aller voter et même
s'inscrire auprès du recenseur c'est quand même une chose
qui existe; il va falloir se rendre compte que ça fait au-delà de
30 ans que les femmes ont le droit de vote au Québec se faisaient
refuser le droit d'être recensées sous leur nom personnel, leur
nom de fille, qu'elles voulaient garder. On leur refusait d'aller voter sous
leur nom qui était, à toutes fins pratiques, leur
identité.
C'est peut-être l'exemple le plus flagrant de viol à
l'endroit de l'identité d'une personne. Il me semble qu'on ne peut pas
dire: II faut de plus en plus et faire tous les discours qui
assaisonnent cela que les femmes prennent leur place dans la
société, il faut que les femmes jouent un rôle actif dans
tous les domaines, si, au départ, on ne leur reconnaît pas le
minimum d'identité qui est la leur.
Il me semble que cela va de soi que l'amendement proposé par le
chef de l'Opposition devrait être accepté comme dans les autres
cas, M. le Président.
C'est tout ce que j'avais à dire. Il me semble que cela devrait
convaincre le ministre de la Justice.
M. Choquette: Vous n'êtes pas comme d'habitude.
M. Burns: J'ai donné un exemple concret.
M. Choquette: Vous n'argumentez pas avec conviction.
M. Burns: Au contraire, je suis très convaincu. Ce n'est
pas parce que je ne parle pas pendant une demi-heure que je ne suis pas
convaincu, loin de là.
Je pense que le chef de l'Opposition a dit tout ce qu'il avait à
dire là-dessus.
M. Morin: A part cela, c'est tellement évident que le
ministre de la Justice...
M. Burns: II me semble que c'est tellement évident.
M. Morin:... devrait admettre cela d'emblée.
M. Choquette: Ce n'est pas si évident que cela.
Cela pose des problèmes au point de vue de l'organisation de
l'état civil. Cela a des répercussions au point de vue des
dispositions du code civil, relatives à l'état civil. On sait que
l'office de révision est en train de faire des travaux très
considérables dans ce domaine.
Je pense bien qu'on peut soutenir la thèse qui nous est
présentée par les représentants du Parti
québécois. Maintenant, quelle serait la règle, au point de
vue de l'uniformité, qui s'appliquerait? Est-ce que toute femme
pourrait, à volonté, soit adopter le nom de son mari ou garder
son nom de jeune fille? Quelles sont les répercussions d'une telle
mesure sur l'organisation de l'état civil?
Cela me pose des problèmes qui font qu'à l'heure actuelle,
je ne suis pas enclin à accepter cet amendement sans des études
plus poussées sur la question.
J'attire l'attention du chef de l'Opposition et de ses collègues
sur le fait qu'à l'article 9, l'état civil a été
introduit comme motif de discrimination, alors qu'il ne se trouvait pas dans la
version originaire. Nous l'avons fait expressément pour viser tous les
cas de femmes, même d'hommes à l'occasion, et de femmes en
particulier qui pouvaient être mariés ou avoir été
mariés dans le passé.
Donc, nous avons tenté de réduire la discrimination en
autant qu'elle pouvait toucher des femmes ayant été
mariées ou des femmes ayant divorcé à la suite d'un
mariage.
D'autre part, j'ai accepté l'amendement proposé par le
chef de l'Opposition au point de vue de la personnalité juridique. Il va
de soi que l'adoption de ce principe, qui se trouvait d'ailleurs au code civil,
comme on l'a vu par la discussion qui a précédé, fait que
la femme a toute la plénitude de la personnalité juridique.
Je ne rejette pas, d'une façon irrémédiable,
l'amendement qui est proposé par le chef de l'Opposition, mais il me
semblerait que nous ne pouvons pas apprécier les implications d'un tel
amendement sur les dispositions qui nous seront proposées, par l'Office
de révision du code civil, dans la rédaction d'un nouveau code
civil et qu'il faudra reporter la discussion de cet énoncé ou de
ce principe à ce moment-là.
M. Morin: M. le Président, est-ce que je pourrais demander
au ministre de m'expliquer, sur le plan technique, quelles sont les
difficultés que cette proposition peut entraîner sur le plan de
L'établissement des registres de l'état civil?
Sur le plan technique, parce que, dans l'état civil, tel qu'on le
dressait autrefois, notamment encore au XIXe siècle, on prenait toujours
soin de ne pas faire perdre l'identité à la femme en cas de
mariage, par exemple.
Je ne vois pas ce qui, dans la proposition que nous faisons,
empêche le législateur, dans le code civil ou ailleurs, de dire
que Elisabeth Boischatel garde son nom, tout en devenant l'épouse
Cho-quette ou l'épouse Brisson. Elle devient tout simplement Elizabeth
Boischatel, épouse Brisson.
Les anciens registres de l'Etat civil sont souvent dressés de
cette façon. A ce moment, la femme garde son nom à elle, son nom
propre, mais elle est identifiée comme étant l'épouse de
M. Untel, c'est évident, tout comme l'homme, lui, sur un pied
d'égalité garde son nom, mais il est l'époux d'une telle.
Vous voyez.
M. Choquette: Oui, mais, ordinairement, quand on signe des
contrats, on les signe d'un certain nom. Je n'ai jamais vu d'homme signer le
contrat en disant: Monsieur X, époux de madame Y, excepté
si...
M. Morin: Dans certains cas, oui.
M. Choquette:... ce sont des contrats...
M. Morin: Oui.
M. Choquette: ... qui ont rapport à des biens qui
appartiennent à la communauté ou à des biens...
M. Tetley: Nous insistons.
M. Choquette: ... qui ont rapport avec les époux. Par
contre, on pourrait...
M. Morin: Je vois que le ministre n'est pas notaire...
M. Choquette: Non, mais on voit très
fréquemment...
M. Morin: ... parce que les notaires le précisent
toujours.
M. Choquette: Non, ils ne le précisent jamais dans le cas
des hommes. Par contre, on voit fréquemment, dans les contrats
notariés, des contrats signés par des femmes, où la femme
est désignée par son nom de jeune fille auquel on ajoute,
épouse de Untel, qui est ici pour l'autoriser, ne pas l'autoriser ou,
enfin, suivant les dispositions applicables du code civil.
Il faut ajouter aussi à ces arguments, au point de vue de
l'état civil, celui en fait, de l'ordre dans la société.
Qu'est-ce que va nous proposer l'Office de révision du code civil?
Peut-être l'Office de révision du code civil arrivera-t-il avec
une proposition disant que, dorénavant, les femmes seront
désignées par leur nom de jeune fille, quitte à ce qu'on
ajoute le nom du mari? Peut-être que ce sera une disposition qui se
trouvera dans le code civil et, ceci, de façon à
reconnaître l'identité propre et l'origine propre de la femme
mariée. Mais, pour le moment, je ne peux pas préjuger des
conclusions auxquelles l'office pourrait en arriver. Cela me semblerait, en
fait, assez audacieux que d'adopter ce principe, alors que nous n'en voyons pas
toutes les implications.
J'ajouterais un argument final. C'est que, aujourd'hui, dans de nombreux
registres du gouvernement, qu'il s'agisse d'un registre d'aide sociale, de
registres médicaux, d'émission de cartes d'identité ou
d'autres qui reconnaissent des droits à des femmes ou à des
hommes, suivant le cas, parce que les deux, par exemple, sont couverts par les
numéros d'assistance sociale ou d'aide sociale, il faut quand même
être capable de faire un certain rapprochement entre la femme qui est
mariée et qui habite à telle adresse avec M. Untel, et la femme
qui n'est pas mariée ou qui n'habite pas avec un citoyen en particulier,
parce que les droits qui découlent de cette situation sont variables,
suivant les circonstances.
Pour le moment, je ne peux pas donner suite à cette suggestion
faite par le chef de l'Opposition.
M. Morin: Moi, j'y tiens, M. le Président. Je demande un
vote en bonne et due forme.
Le Président (M. Lafrance): Sur l'amendement
proposé par le député de Sauvé, amendement qui
propose d'ajouter à l'article 9 ce qui devrait se lire comme suit:
"Toute personne a droit, sa vie durant, à son identité." Le vote
est demandé. M. Beauregard (Gouin)?
M. Beauregard: Contre.
Le Président (M. Lafrance): M. Morin (Sauvé)?
M. Morin: En faveur.
Le Président (M. Lafrance): M. Brisson?
M. Brisson: Contre.
Le Président (M. Lafrance): M. Choquette?
M. Choquette: Contre.
Le Président (M. Lafrance): M. Pagé?
M. Pagé: Je ne peux pas voter, M. le Président, je
viens d'arriver. Je n'ai pas participé au débat.
Le Président (M. Lafrance): M. Springate? M. Springate:
Contre. Le Président (M. Lafrance): M. Sylvain? M.
Sylvain: Contre.
Le Président (M. Lafrance): Le vote se lit comme suit:
Pour, 1 ; contre, 5.
M. Morin: Je suis sûr qu'un jour, M. le Président,
dans d'autres circonstances politiques, peut-être, qu'on y viendra tout
de même. On peut passer à l'article suivant.
Le Président (M. Lafrance): L'article 8? Secret
professionnel
M. Morin: L'article 8 actuel dans la numérotation actuelle
a trait au secret professionnel. Je pense qu'on peut constater que, dans ce
cas, il s'agit d'une très nette amélioration je suis
heureux de le reconnaître par rapport à la première
version, puisqu'on inclut les ministres du culte, les prêtres, dans la
catégorie des personnes liées par le secret professionnel
inviolable. Je suis donc prêt à accepter cet article tel quel,
d'autant que le mot "tribunal", qu'on trouve dans le troisième
alinéa, est précisé par l'article 54, paragraphe 1, et
comprend désormais le coroner, le commissaire aux incendies, les
commissions d'enquête et les organismes quasi judiciaires. Nous sommes
donc disposés à adopter l'article 8 qui deviendra l'article 9 tel
quel.
Le Président (M. Lafrance): Article 8, adopté.
Article 9?
Sexe
M. Morin: A l'article 9, nous avons un certain nombre
d'amendements. Je commence par le tout premier. Je l'ai par écrit, mais
il n'est pas bien compliqué. Il s'agit d'ajouter après les mots
"préférence fondée" dans la quatrième ligne le mot
"notamment", de sorte que l'article se lirait comme ceci désormais:
Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice en
pleine égalité des droits et libertés de la personne sans
distinction, exclusion ou préférence fondée notamment sur
la race, la couleur, le sexe, etc. La raison de cet amendement saute aux yeux,
je le pense. Il s'agit de rendre bien clair que la liste qui suit n'est pas
limitative. Par exemple, je ferai observer plus tard que l'âge n'y est
pas mentionné. L'orientation sexuelle, comme on nous l'a fait observer
lorsque nous avons entendu divers groupes en commission, n'est pas non plus
mentionnée, de sorte que j'estime qu'on devrait bien spécifier
que cette liste n'est pas limitative et qu'elle n'est là qu'à
titre d'exemple. C'est pourquoi je propose l'addition de ce mot
"notamment".
M. Choquette: Le mot "notamment" ne peut pas avoir de place, je
pense, dans cet article, parce que la liste des motifs de discrimination qui
sont déclarés illégaux est spécifique et elle est
limitative. On ne peut pas introduire un principe de non-discrimination pour
d'autres motifs que ceux qui se trouvent à l'article et, par
conséquent, dire qu'on ne pourra discriminer pour aucun motif quel qu'il
soit. Je donne un exemple...
M. Morin: Alors, on va pouvoir discriminer pour l'âge?
Age
M. Choquette: Un instant, je donne un exemple au chef de
l'Opposition. Quelqu'un signe un contrat avec un autre en s'assurant de la
solvabilité du contractrant, comme je pense que c'est habituel quand on
passe un contrat qui a des conséquences financières. Si on devait
introduire le mot "notamment", cela introduirait le principe qu'on ne peut pas
discriminer pour le motif que l'autre partie est insolvable. Il est
évident que le législateur ne peut pas aller jusqu'au point de
dire qu'il ne peut y avoir de discrimination dans aucune forme de contrat. Il y
a des discriminations qui sont "permissibles", il y a des discriminations qui
existent, il y a des discriminations qui sont là, mais c'est la raison
pour laquelle je ne pense pas que l'on puisse introduire ce mot qui ouvrirait
la porte à toutes sortes de contestations et de litiges sans limite
quels qu'ils soient.
M. Morin: M. le Président, je prends acte du fait que
cette liste est limitative. Je pense que, dans l'histoire postérieure de
cette loi, cela pourra avoir quelque importance. Si tant est que c'est
limitatif, alors, je me vois obligé de proposer une addition à la
liste qui est donnée dans cet article, parce que l'âge n'y figure
pas.
J'ajouterais après les mots "le sexe", les mots suivants:
"L'âge", de sorte que, désormais, la fin de l'article se lirait
comme ceci: "Fondée sur la race, la couleur, le sexe, l'âge,
l'état civil, la religion, les convictions politiques, la langue ou
l'origine ethnique nationale ou sociale".
En effet, M. le Président, on trouve l'âge dans presque
toutes les législations consacrées à la discrimination,
à la lutte contre la discrimination. On trouve l'âge dans la
Déclaration universelle des droits de l'homme. On la trouve, si je ne
m'abuse mais là, ce serait à vérifier dans
la législation existante du Québec, sauf, évidemment,
lorsqu'il s'agit de l'hôtellerie, et qu'on veut exclure les gens de moins
d'un certain âge de la consommation de boissons.
Je propose, M. le Président, étant donné que, de
toute façon, il y a des limites aux droits que nous reconnaissons dans
cet article 9, qui deviendra l'article 10 dans d'autres lois, je propose qu'on
ajoute ici: "L'âge".
M. Choquette: M. le Président, l'âge introduit tout
le problème de la minorité. On sait que les mineurs n'ont pas les
mêmes droits que les personnes majeures. C'est un obstacle assez
important à l'introduction de ce principe de non-discrimination pour
motifs d'âge.
M. Bonnier: M. le Président...
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Taschereau.
M. Bonnier: ... quant à l'âge aussi, si on se
réfère au niveau de l'embauchage, je crois que cela peut causer
des drôles de problèmes, parce qu'on peut dire qu'il peut y avoir
une certaine discrimination quant à l'âge. Rendu à 50, 55
ans, c'est plus difficile. Elle n'est peut-être pas admissible, cette
discrimination, dans certains cas, mais, si on ne met pas une limite à
l'âge, il peut y avoir, à ce
moment, un certain nombre de discriminations qui sont explicables. Vous
seriez alors obligé de dire: Quant à l'âge, cela
dépendrait peut-être des conventions collectives ou des choses
semblables. Ce n'est pas aussi universel que la race ou le sexe ou de telles
choses, l'âge.
M. Morin: Je suis obligé de dire au député
que, dans toutes les législations que je connais sur les droits de
l'homme, l'âge apparaît dans la nomenclature...
M. Bonnier: D'une façon universelle, sans restriction?
M. Morin: Attention! Dans d'autres lois, il est prévu, par
exemple, que quelqu'un qui n'a pas 18 ans ne peut pas voter, que quelqu'un qui
n'a pas tel âge n'est pas admis au cinéma pour telle
catégorie de films. Tout cela, c'est prévu dans d'autres lois,
et, comme la législation, ici, n'a pas préséance sur ces
autres lois, comme elle coexiste avec les autres lois, qu'elle doit être
interprétée par rapport aux autres lois, de toute façon,
il y a de la discrimination fondée sur l'âge, qui est admissible,
comme il y en a, si la loi le prévoit, de façon égale pour
tous les citoyens. De même, il y a de la législation qui
prévoit qu'on va différencier les sexes, par exemple, lorsqu'on
établit, je ne sais pas, moi, que les hommes doivent aller dans tel type
de toilettes et les femmes dans tel autre. On en fait des discriminations dans
la loi et dans les faits. Mais il y a des types de discrimination qui ne sont
pas admissibles, hors des cas spécifiquement prévus par la loi.
C'est pour cela que je dis que, si on a inclus la race, la couleur, le sexe et
l'état civil, je ne vois pas pourquoi, ici, sous réserve des
autres lois, on n'ajouterait pas l'âge.
J'en fais une proposition formelle, M. le Président.
M. Bonnier: Mais, M. le Président, si vous permettez, dans
la question de l'emploi, comment résolvez-vous ce problème? Parce
qu'une convention collective comme telle, ce n'est pas une loi qui est
adoptée dans un Parlement. C'est un contrat entre deux parties
seulement, très localisées. Comment résoudriez-vous ce
problème, lorsque l'âge... Est-ce que ce sera en conformité
avec les différentes conventions collectives ou avec les fonds de
pension ou avec ceci?
M. BuRNs: Qu'est-ce que l'âge a à faire avec les
conventions collectives?
M. Bonnier: Pardon?
M. Burns: Qu'est-ce que l'âge a à faire avec les
conventions collectives?
M. Bonnier: C'est que, dans certaines conventions, on peut dire,
par exemple: Tel employé, de tel âge, on ne l'emploie plus. On
peut s'entendre, à un moment donné.
M. Burns: Bien oui...
M. Bonnier: S'ils ne s'entendent pas spécifiquement...
M. Burns:... c'est un plan de mise à la retraite.
M. Bonnier: ... les politiques de personnel tiennent compte de
l'âge.
M. Burns: Sur le plan de mise à la retraite, pas sur la
politique d'embauchage. Vous ne trouverez pas cela dans les conventions
collectives.
M. Bonnier: Oui, on le trouve dans les... Non, ordinairement dans
les politiques d'embauchage.
M. Burns: Oui, pas dans les conventions collectives. C'est pour
cela que je vous demandais ce que cela avait à faire...
M. Bonnier: Peut-être pas, en tout cas. Moi, j'ai
déjà vu...
M. Morin: Pour répondre au député de
Taschereau, je pense qu'il a un argument qu'on doit considérer avec
sérieux.
Je pense que c'est le type, par excellence, de problème qui doit
être réglé par une règle législative
d'application générale, surtout s'il y a des abus dans les
conventions collectives, de façon à ce qu'on sache, à ce
qu'un homme sache, que passé tel âge, par exemple, il pourrait y
avoir des discriminations autorisées dans les conventions collectives,
mais...
M. Bonnier: Ou dans les politiques d'embauchage.
M. Morin: ... ou dans les politiques d'embauchage, mais que s'il
n'a pas atteint tel âge, on ne peut pas lui dire: Monsieur, nous
regrettons, vous avez atteint 38 ans. Vous êtes déjà
déphasé. Nous prenons seulement des gens qui n'ont pas atteint 35
ans. Il peut y avoir des cas où cela serait drôlement important de
prévoir que l'âge...
M. Bonnier: Oui. Je suis d'accord, mais où tirer la
ligne?
M. Morin:... ne doit pas faire l'objet de discrimination.
M. Bonnier: C'est là que cela serait...
M. Choquette: II y a une affirmation que le chef de l'Opposition
a faite et que je dois relever parce qu'elle me semble inexacte, c'est que les
lois étrangères interdiraient la discrimination pour le motif de
l'âge. J'ai beau faire une revue de toutes les lois
étrangères en matière de non discrimination, je ne trouve
aucune loi qui interdise la discrimination pour motif d'âge, d'autant
plus que cela pose tout le problème...
M. Morin: Vous pouvez continuer à feuilleter parce
que...
M. Choquette: Non. ... de la minorité. On sait que les
mineurs n'ont pas les mêmes droits que les personnes majeures. On sait
aussi qu'à partir d'un certain âge, il y a des dispositions qui
sont prises, par exemple, en rapport avec la mise à la retraite
obligatoire que le gouvernement du Québec applique d'une façon
intransigeante. On sait, par exemple, qu'une personne qui a atteint l'âge
de 65 ans est obligée de prendre sa retraite de son emploi du
gouvernement. Par conséquent, l'introduction du facteur âge dans
la liste des causes de discrimination bouleverserait tout ce système et,
à mon sens, introduirait beaucoup plus de complications que n'aiderait
à résoudre les problèmes qui peuvent résulter de
certaines circonstances où, effectivement, on fait des distinctions
entre les personnes, compte tenu de leur âge pour l'obtention d'un
emploi, par exemple.
C'est pour ces raisons que je ne peux me rallier à la proposition
du chef de l'Opposition.
M. Morin: Je ne reprendrai pas, à nouveau, toutes les
raisons qui militent en faveur d'inclure l'âge. Cette proposition me
paraît d'autant plus importante que le ministre nous a bien dit que, dans
son esprit, cetteéÉnumération est limitative et exclut
donc l'âge, nommément.
C'est la raison pour laquelle je maintiens ma proposition et je demande
le vote.
M. Choquette: Elle ne l'exclut pas nommément. Elle n'en
parle pas.
M. Morin: Je veux dire qu'elle l'exclut clairement, si tant est
que vous avez raison de dire que cette liste est limitative. Elle ne l'exclut
pas nommément, mais elle l'exclut clairement.
Alors, je demande le vote, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Alors, sur cette motion du
député de Sauvé, demandant d'ajouter, après les
mots "le sexe", "l'âge... Le député de Sauvé a
demandé le vote.
M. Beauregard?
M. Beauregard: Contre.
Le Président (M. Lafrance): M. Morin?
M. Morin: Pour.
Le Président (M. Lafrance): M. Brisson?
M. Brisson: Contre.
Le Président (M. Lafrance): M. Burns?
M. Burns: Pour.
Le Président (M. Lafrance): M. Choquette?
M. Choquette: Contre.
Le Président (M. Lafrance): M. Desjardins?
M. Oesjardins: Contre.
Le Président (M. Lafrance): M. Pagé?
M. Pagé: Contre.
Le Président (M. Lafrance): M. Springate?
M. Springate: Contre.
Le Président (M. Lafrance): M. Sylvain?
M. Sylvain: Contre.
Le Président (M. Lafrance): Le résultat est le
suivant: Pour: 2. Contre: 7. Cet amendement est rejeté.
M. Burns: M. le Président...
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Maisonneuve.
Orientation sexuelle
M. Burns: M. le Président, un peu comme le chef de
l'Opposition, je prends acte de deux déclarations du ministre, l'une
à l'endroit du premier de nos amendements à l'article 9, soit
celui où le chef de l'Opposition voulait ajouter le mot "notamment" et
en réponse à cela, j'ai entendu le ministre de la Justice nous
dire que les droits qui étaient énoncés,
énumérés à l'article 9 étaient
forcément limitatifs. Je prends acte et je pense que c'est très
important, particulièrement, eu égard à la proposition que
je m'apprête à vous faire.
Deuxièmement, quant au deuxième amendement concernant
l'âge, le chef de l'Opposition s'est fait répondre par le ministre
de la Justice que cela compliquerait la situation législative au
Québec. J'ai l'intention de vous proposer un ajouté, un droit qui
n'est pas, à mon avis, protégé par l'article 9 et en vertu
duquel j'aimerais entendre le ministre nous donner les mêmes
arguments.
Je proposerai, M. le Président, d'ajouter, après les mots
"conviction politique", le mot "orientation sexuelle". On se rappellera, M. le
Président, qu'au cours des auditions que nous avons tenues à la
suite du dépôt du projet de loi et de son adoption en
deuxième lecture en tout cas c'est mon opinion nous avons
eu droit à un très bon mémoire proposé par les
associations homophiles qui nous ont fait valoir un certain nombre de
problèmes qui confrontaient actuellement les homosexuels au
Québec. Quand bien même on se cacherait la tête dans le
sable, quand bien même qu'on dirait que n'existe pas
l'homosexualité au Québec, je pense qu'on aurait l'air des gens
qui ne légifèrent pas pour des vraies personnes au Québec,
aujourd'hui. Il y a des homosexuels au Québec et il y a, ce qui est
pire, de la discrimination à leur endroit. Il me semble que le projet de
loi que nous étudions actuellement est l'occasion idéale
d'arrêter cette discrimination.
C'est là que je reprends les deux arguments
du ministre sur l'amendement quant au mot "notamment" et sur
l'amendement quant au mot "âge". Dès qu'on refusera un amendement
qui veut protéger contre toute discrimination les homosexuels au
Québec, on devra tenir pour acquis que le gouvernement du Québec
veut qu'il y ait discrimination à l'endroit des homosexuels. C'est cela
la conséquence et vous devrez l'apprendre, parce que vous n'avez pas le
même argument comme dans le cas de celui qui concernait l'âge. Il
n'y a pas de problème législatif relativement à
l'homosexualité au Québec. Cela ne compliquera pas la vie de
personne que vous disiez qu'on ne doive pas agir de façon
discriminatoire à l'endroit des homosexuels. En tout cas, j'utilise la
formule qui nous a été proposée en commission par les
associations homophiles et qui était, d'ailleurs, non pas dans
l'expression même, mais quant à l'idée, appuyée par
la Ligue des droits de l'homme. Je vous cite, entre autres, à la page
34, le rapport de la Ligue des droits de l'homme qui dit ceci, au paragraphe
e): "En ce qui concerne les demandes pouvant être faites à propos
de la discrimination qui vise l'homosexualité et qui propose d'inscrire
dans les motifs de discrimination le terme "orientation sexuelle", la ligue
demande que la question soit considérée par le législateur
en vue de choisir le terme le plus approprié pour signifier, sans
équivoque possible, dans l'interprétation et dans l'implication
de la charte, que les homosexuels seront protégés par la charte.
Il y a déjà des endroits, M. le Président et le
ministre les connaît entre autres la ville de Toronto, qui a
déjà dans sa charte une disposition semblable qui parle
d'orientation sexuelle. Ce sont les seuls exemples qu'on peut trouver. Il y en
a aux Etats-Unis, également, dans certaines municipalités, je
pense à Seattle et je me demande s'il n'y a pas un Etat ou l'autre qui a
dans sa charte des droits de l'homme une telle protection.
Mais, M. le Président, il y a deux domaines
particulièrement où les homosexuels sont victimes de
discrimination et cela, de façon ouverte, c'est dans le domaine du
travail et dans le domaine de l'accès aux édifices publics. Je
vous cite, là-dessus, à la page B-I85, justement,
l'administrateur en chef ou le directeur général de la Ligue des
droits de l'homme, M. Champagne, qui témoignait le 21 janvier et qui
répondait à une de mes questions là-dessus: "S'il y a des
gens qui sont, dans toutes sortes de circonstances, mais en particulier dans le
monde du travail, dans l'accès des lieux publics, victimes d'une
discrimination tellement grande, ce sont les homosexuels".
C'est d'autant plus important qu'ils soient nettement
protégés par la charte que je pense qu'ils constituent dans le
domaine, je dirais sans utiliser cette situation, une réalité
type pour amener les êtres humains à être justes et à
respecter les droits de l'homme entre eux.
Je pourrais palabrer pendant des heures; j'espère que le ministre
de la Justice ne fera pas la même blague que tout à l'heure, en
disant que je défends mal cet argument, parce que je n'y crois pas. Au
contraire, j'y crois très sincèrement et je n'ai aucune
réticence à l'endroit de mon amendement. On a eu un cas tout
récent, j'ai eu connaissance de ce cas si vous voulez que je vous
nomme la compagnie, je vous la nommerai de quelqu'un qui travaillait
pour une compagnie bien connue à Montréal, depuis vingt ans, qui
semble-t-il n'avait rien à se reprocher aux yeux de cette compagnie et
qui, du jour au lendemain, se fait congédier, vous savez pourquoi? Parce
qu'on a découvert que cette personne était homosexuelle. Je dis,
à ce moment-là, que si cette personne a réussi à
travailler pendant vingt ans chez cette compagnie, après avoir
donné un rendement satisfaisant et, tout d'un coup, parce qu'on
découvre que cette personne est homosexuelle, on la congédie, il
est temps, sérieusement temps, qu'on ait, dans une déclaration
des droits de l'homme, une protection à l'endroit de l'orientation
sexuelle. J'en fais la proposition et j'espère sérieusement que
le Québec, dans ce domaine, comme dans un certain autre groupe de
domaines, en matière de relations de travail particulièrement,
où on est un peu en avance sur les autres, sera aussi un peu en avance
sur les autres là-dessus, qu'on ne se gênera pas pour le dire,
reconnaître une certaine réalité et reconnaître aussi
que c'est un fait, même si on voulait se le cacher, même si on
disait que ça n'existe pas, qu'on dise: Je suis contre ça,
ça va continuer à exister, l'homosexualité, et c'est un
droit des plus stricts, je pense, des gens qui ont décidé
d'être homosexuels. Je pense qu'on n'a pas d'affaire à indiquer
à tous les employeurs au Québec et à tout le monde au
Québec qu'en refusant un amendement comme celui-là maintenant,
c'est clair, le gouvernement du Québec décidera, autorisera la
discrimination à l'endroit des homosexuels. C'est ça que vous
allez faire, si jamais vous refusez la proposition que je vous fais.
M. Choquette: M. le Président, je ne peux pas suivre le
député de Maisonneuve au point de vue de sa logique. Je ne pense
pas que parce que les termes "orientation sexuelle" n'étaient pas
mentionnés dans l'article 9...
M. Burns: Vous avez dit vous-même que c'était
limitatif.
M. Choquette: Je n'ai pas dit que nous étions exhaustifs
dans l'article 9, je n'ai pas dit ça. Ce n'est pas...
M. Morin: Que signifie....
M. Choquette: M. le Président, je n'ai pas interrompu mes
collègues quand ils prenaient la parole, je leur demande la même
politesse. Cela n'est pas parce qu'on ne mentionnerait pas ce motif ou cette
cause de discrimination que ceci serait un feu vert à ce que cette
discrimination s'exerce.
Tout d'abord, je pense que ça n'est pas le cas et qu'il y a
d'autres situations où des gens pourraient prétendre
légitimement être l'objet de discrimination à l'occasion du
travail ou à l'occasion de location d'appartement ou d'accès
à des lieux publics. Les gens pourraient prétendre
légitime-
ment être sujets de discrimination et pourtant n'être pas
couverts par les dispositions de l'article 9.
On pourrait trouver toutes sortes de situation où des gens
pourraient dire: On ne m'a pas traité également avec d'autres
parties du public qui, pourtant, ont des droits semblables.
C'est parce qu'il y a certaines difficultés à
légiférer au point de vue de la discrimination. Dans le cas
actuel, nous avons couvert pas mal d'éléments de discrimination:
la race, la couleur, le sexe, l'état civil, la religion, les convictions
politiques, la langue ou l'origine ethnique, nationale ou sociale.
Je pense que nous avons été très larges dans les
dispositions non discriminatoires ou antidiscriminatoires qui sont inscrites
à l'article 9. Cela ne veut pas dire que c'est exhaustif. Cela ne veut
pas dire que des gens ne pourront pas prétendre que, dans certaines
circonstances, ils sont effectivement l'objet d'un traitement qu'ils
considèrent différent de celui d'autres personnes, qu'ils ne
pourront pas réclamer des amendements au texte de l'article 9 ou, si des
amendements sont impossibles à adopter, qu'ils pourront
prétendre, vis-à-vis du législateur ou à l'endroit
du législateur, à des améliorations de leur statut.
Le Président (M. Lafrance): Je m'excuse, mais c'est un
vote qui est appelé. La commission suspend ses travaux jusqu'à 20
h 15. L'honorable chef de l'Opposition aura la parole de même que le
député de Beauce-Nord.
M. Choquette: Je n'ai pas terminé, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): D'accord. Le ministre de la
Justice aura la parole.
(Suspension de la séance à 17 h 50)
Reprise de la séance à 20 h 28
M. Lafrance (président de la commission permanente de la
justice): A l'ordre, messieurs! Je constate qu'il y a quorum.
M. Choquette: Y a-t-il des remplacements? M. Bonnier...
Le Président (M. Lafrance): Avant de commencer ou de
continuer l'étude du projet de loi no 50, je voudrais mentionner les
remplacements chez les membres de la commission.
M. Burns: Non, M. le Président, vous n'avez pas le droit
de changer cela en pleine séance.
Le Président (M. Lafrance): On a le droit pour chacune des
séances.
M. Burns: Une séance, c'est la journée.
Le Président (M. Lafrance): Je n'ai pas d'objection
à ce qu'on prenne la journée.
M. Burns: Moi, non plus.
Le Président (M. Lafrance): On peut en aucun temps faire
des changements s'il y a consentement unanime. S'il n'y en a pas, on ne les
fait pas.
M. Burns: Non, M. le Président. Je le veux bien, M. le
Président, mais je neveux pas qu'il y ait deux poids, deux mesures.
C'est cela que je ne veux pas, parce qu'on a essayé cela
déjà, imaginez-vous donc! Imaginez-vous donc qu'on a
essayé de changer un député de l'Opposition en plein
milieu d'une séance. Une séance, c'est la journée. Je n'ai
pas d'objection à ce que vous fassiez cela, mais vous allez me dire tout
de suite, en acceptant le changement, qu'il ne s'agit pas d'un cas
d'espèce, c'est-à-dire que c'est une décision de votre
part qu'on peut changer, en plein milieu d'une séance, un
député qui est membre d'une commission.
M. Desjardins: S'il y a consentement.
M. Burns: II n'y a pas de "s'il y a consentement." Je vous dis
que je veux savoir cela, parce que le consentement, le plus souvent, c'est vous
autres qui le retirez, du côté ministériel. Non, on ne fera
pas de farce. Est-ce, M. le Président, ce que je suis en train de
comprendre ou non?
Le Président (M. Lafrance): Que considérez-vous
comme une séance?
M. Burns: Une séance, c'est une journée, M. le
Président. C'est l'économie de notre règlement qui nous
dit cela.
M. Choquette: J'ai toujours compris qu'une séance,
c'était une période où on commençait à
siéger.
M. Burns: Oui.
M. Choquette: Nous avons siégé, cet
après-midi. Nous sommes revenus à la Chambre. La Chambre nous a
donné un nouveau mandat de siéger ce soir.
M. Burns: Avez-vous remarqué, M. le ministre de la
Justice, que, ce soir, on n'a pas ajourné nos travaux, mais qu'on les a
suspendus? Avez-vous remarqué cela?
M. Choquette: Quoi qu'on ait fait, cela n'a pas d'importance.
M. Burns: Ah! cela a de l'importance! M. Choquette: Ah
non!
M. Burns: Vous qui êtes si fort sur l'ordre, le "law and
order"...
M. Choquette: Oui.
M. Burns: ... le "law and order" dit qu'une séance, c'est
une journée.
M. Choquette: Etes-vous l'interprète du "law and
order"?
M. Burns: Non, non, c'est vous. M. Choquette: Alors...
M. Burns: Mais cela me surprend que vous deveniez tout à
fait mous, à un moment donné...
M. Choquette: Non, pas tant que cela.
M. Burns:... gélatineux, guimauves, au pluriel.
M. Choquette: Le député de Maisonneuve serait mieux
de surveiller ses épithètes.
M. Burns: Vous êtres guimauves et gélatineux,
relativement à cela. Je suis obligé de constater cela.
M. Choquette: Je trouve que vous êtes visqueux et
dégueulasse.
M. Burns: Vous avez le droit de penser cela. J'ai le droit de
penser que vous êtes guimauves.
M. Choquette: Je vous dis que vous êtes visqueux et
dégueulasse.
M. Burns: C'est bien plus gentil ce que je vous dis.
M. Choquette: Je ne retire pas ce que je dis de vous.
M. Burns: Moi, non plus. Cela ne me dérange pas. Que vous
pensiez ce que vous voudrez de moi, cela ne me dérange aucunement. Si
j'avais pensé cela, cela fait longtemps que j'aurais quitté la
politique. Je dis tout simplement une chose.
Si vous voulez simplement nous dire qu'à l'avenir, ce sera cela
qui va se passer, qu'on peut, en plein milieu d'une séance, changer un
député dans une commission, je n'ai pas d'objection, sinon, je ne
comprends pas.
M. Desjardins: Pour éviter les discussions, s'il n'y a pas
de consentement, revenons-en au...
M. Choquette: Je trouve qu'il n'y a pas de discussion à y
avoir dans le sens qu'on a le droit de changer les membres au début
d'une séance et que nous commençons une nouvelle séance,
on a le droit de faire des changements.
M. Burns: Ce n'est pas une nouvelle séance, c'est la
différence.
M. Choquette: Sur ce point...
Le Président (M. Lafrance): De toute façon, pour
clore la discussion le plus rapidement possible, on a quorum avec les membres
de la commission qui étaient ici cet après-midi.
M. Burns: Bon.
Le Président (M. Lafrance): Cela vient de régler le
problème. Maintenant, on a un autre problème à
régler, c'est l'article 9 sur lequel nous nous sommes prononcés
cet après-midi, l'article 9 du député de Sauvé. Je
voudrais vous rappeler l'article I45 de notre règlement qui dit: "La
majorité des membres qui composent une commission en forme le quorum, et
ce quorum est présumé exister tant qu'un membre n'a pas
souligné son absence. Cependant, il est nécessaire à la
validité d'un vote." Or, cet après-midi, le vote a
été de un pour et de cinq contre. Il manquait deux votes pour la
validité. Alors, sans discussion nous devons reprendre le vote sur cet
amendement du député de Sauvé cet après-midi.
M. Morin: Ce vote avait donné quel résultat?
Le Président (M. Lafrance): Cinq contre, un pour. C'est
sur un amendement où le député de Sauvé avait
demandé, d'ajouter un nouvel article, l'article 9.
M. Morin: Je suis prêt, en ce qui me concerne, si cela peut
vous simplifier les choses, à ne pas insister pour qu'on reprenne le
vote, parce qu'avec l'ouverture d'esprit qui existe en face, je pense que le
résultat va être encore plus désastreux. Donc, je n'insiste
pas.
Le Président (M. Lafrance): Je pense qu'il ne faudrait pas
encore non plus créer un autre précédent. On va appliquer
un autre article du règlement à l'article I49 qui demande que les
votes en commission aient lieu à main levée. Cela va se faire
assez rapidement. Ceux qui sont pour, levez la main.
M. Morin: Ce n'est pas comme cela. C'est un autre
débat.
M. Burns: Non, c'est un autre débat. Si vous voulez
recommencer ce débat, on va s'amuser.
M. Morin: Non, on est prêt.
M. Burns: Non, M. le Président, si vous voulez reprendre
le vote, reprenez-le, parce qu'on veut savoir qui est là et qui vote. Je
veux savoir si les gens qui votent sont aussi membres de la commission. Je vous
demanderais d'appeler les gens les uns après les autres.
Le Président (M. Lafrance): Sur quel article du
règlement?
Il n'y a pas d'article du règlement.
M. Burns: Je vous demande l'article qui dit qu'un
député membre est le seul habilité à voter. Comment
allez-vous savoir que les gens qui lèvent les mains autour de la table
sont habilités à voter?
Le Président (M. Lafrance): D'accord. Il y a un autre
moyen de le savoir, c'est de demander de faire l'appel des membres de la
commission.
M. Burns: C'est cela.
Le Président (M. Lafrance): Alors, on peut faire l'appel
des membres à la commission pour savoir ceux qui sont
présents.
M. Burns: C'est cela.
Le Président (M. Lafrance): Pour le vote, on peut demander
le vote à main levée.
M. Burns: C'est cela. Si vous voulez compliquer cela, on va le
demander chaque fois. Rappelez tout le monde et je vais les prendre en
note.
Le Président (M. Lafrance): On applique le
règlement.
M. Burns: Oui, appliquez le règlement, vous allez voir
qu'on sait jouer à cela, nous autres aussi. Vous allez me nommer les
gens, par exemple.
Le Président (M. Lafrance): D'accord. M. Beauregard?
M. Burns: M. Beauregard, quel comté, cela? Le
Président (M. Lafrance): Gouin. M. Burns: M. Beauregard
(Gouin). Le Président (M. Lafrance): C'est ça.
M. Lacroix: II est à la commission des affaires
municipales.
M. Burns: II n'est pas ici?
M. Morin: II n'est pas là?
M. Burns: Alors, il n'est pas ici.
M. Lacroix: II est aux Affaires municipales.
Le Président (M. Lafrance): M. Bédard (Chicoutimi),
remplacé par M. Morin cet après-midi.
M. Morin: Présent.
M. Burns: Alors, M. Morin...
Le Président (M. Lafrance): Sauvé.
M. Burns: M. Morin (Sauvé), d'accord!
Le Président (M. Lafrance): M. Bellemare (Johnson).
M. Burns: M. Bellemare (Johnson). M. Morin: II n'est pas
là, semble-t-il.
Le Président (M. Lafrance): M. Brisson (Jeanne-Mance).
M. Burns: M. Brisson (Jeanne-Mance). Il n'est pas là.
Le Président (M. Lafrance): M. Burns (Maisonneuve).
Une Voix: II n'est pas là.
M. Bums: II est là.
M. Lacroix: Même présent, il est absent.
Le Président (M. Lafrance): M. Choquette (Outremont).
M. Choquette: Présent.
Le Président (M. Lafrance): M. Ciaccia (Mont-Royal) est
remplacé par M. Dionne.
M. Burns: Depuis quand?
Le Président (M. Lafrance): Cet après-midi.
M. Burns: Correct.
Le Président (M. Lafrance): Durant la même
séance.
M. Burns: M. Dionne n'est pas là non plus?
M. Morin: On n'aura pas quorum, si cela continue.
M. Burns: On n'a pas quorum.
Le Président (M. Lafrance): M. Ciaccia... Pardon, M.
Desjardins (Louis-Hébert).
M. Burns: M. Desjardins, c'est un membre régulier. C'est
correct.
M. Morin: II ne vient pas toujours, mais là, il est
là.
Le Président (M. Lafrance): M. Pagé (Portneuf).
M. Burns: M. Pagé (Portneuf).
M. Desjardins: Ne m'attaquez pas!
Le Président (M. Lafrance): M. Perreault
(L'Assomption).
M. Burns: M. Perreault (L'Assomption), il n'est pas
là.
Le Président (M. Lafrance): M. Samson (Rouyn-Noranda).
M. Burns: II n'est pas là.
Le Président (M. Lafrance): M. Springate
(Sainte-Anne).
M.Morin: II est là.
Le Président (M. Lafrance): M. Sylvain (Beauce-Nord). M.
Tardif (Anjou).
M. Burns: M. Tardif (Anjou). Bon! Alors, M. Tardif n'est pas
là. M. Springate est là. M. Samson n'est pas là. M.
Perreault n'est pas là. M. Dionne n'est pas là. M. Brisson n'est
pas là.
M. Lacroix: Démagogie.
M. Burns: M. Bellemare n'est pas là. M. Beau-regard n'est
pas là?
M. Morin: II est le rapporteur, pourtant, de la commission, ou il
ne l'est plus?
Le Président (M. Lafrance): Oui, il a été
nommé cet après-midi.
M. Morin: M. Beauregard a été nommé
rapporteur de la commission.
M. Sylvain: Vous avez suggéré M. Beauregard.
M. Morin: C'est moi qui l'avais suggéré. Si j'avais
su qu'il ne serait pas là ce soir...
M. Sylvain: Vous avez fait une erreur, une autre erreur.
M. Morin: II semble bien.
M. Lacroix: Vous vous trompez toujours.
Le Président (M. Lafrance): Vous avez les membres de la
commission, M. le député.
M. Burns: Oui.
Le Président (M. Lafrance): Alors, on peut appeler le vote
à main levée? Ceux qui sont en faveur de l'amendement?
M. Burns: C'est nous autres, ça. Le Président
(M. Lafrance): Un? M. Burns: Non, deux. M. Morin: Deux.
Le Président (M. Lafrance): Je voyais seulement une
main.
M. Lacroix: II a la main courte.
Le Président (M. Lafrance): Ceux qui sont contre?
L'amendement est rejeté.
M. Burns: A combien, M. le Président? M. Morin:
Combien, M. le Président?
Le Président (M. Lafrance): Ce n'est pas
nécessaire...
M. Bums: Bien non, c'est important.
Le Président (M. Lafrance): On va le constater de toute
façon.
M. Burns: Comptez donc!
Le Président (M. Lafrance): Un, deux, trois, quatre, cinq.
Cinq à deux.
M. Burns: D'accord, M. le Président!
M. Morin: C'est le même vote que cet après-midi.
Le Président (M. Lafrance): Pardon, c'était cinq
à un. Cela fait sept, et le président...
M. Morin: Ah! Nous avons gagné du terrain.
Le Président (M. Lafrance): II n'a pas le droit de vote,
à moins d'égalité, mais il fait quand même partie du
quorum.
Cet amendement est rejeté légalement.
M. Sylvain: Y a-t-il autre chose qu'on devrait
légaliser?
M. Burns: Vous avez besoin de rester collés à vos
sièges, par exemple.
Le Président (M. Lafrance): Nous revenons à
l'article 9 et la parole était, à la suspension des travaux, au
ministre de la Justice.
M. Choquette: Je disais donc, au moment où
nous avons suspendu nos travaux cet après-midi, qu'il n'est pas
possible, dans un tel article, qui vise à exclure la discrimination pour
certains motifs ou certaines raisons, de voir dans cet article une exclusion de
tout autre motif de discrimination. Il n'est pas possible de couvrir tous les
facteurs antidiscriminatoires que l'on pourrait avoir à l'esprit.
Donc, quels sont les éléments qui peuvent être
retenus dans une telle charte? Je soumets que ce sont des
éléments qui ont un caractère universel. C'est ainsi que,
nommément, on exclut les distinctions, exclusions ou
préférences fondées sur la race, la couleur, le sexe,
l'état civil, la religion, les convictions politiques, la langue ou
l'origine ethnique, nationale ou sociale, parce que ces éléments
ont une portée universelle et qu'il ne s'agit pas, dans une telle
charte, d'examiner ou de viser la situation particulière de certains
groupes qui ne se situent pas dans un contexte universel qui doit être
celui d'une charte des droits de l'homme.
On pourrait ajouter à cette liste un nombre sans limite de
situations de fait ou de droit qui pourraient, aux yeux de certains groupes
particuliers, justifier la non discrimination à leur égard. Mais
une charte des droits de l'.homme ne peut aller jusqu'à ce point
d'embrasser tous les cas où il peut y avoir des distinctions, des
exclusions ou des préférences. A ce moment, on verserait dans la
négation absolue des choix qui peuvent être faits par des
personnes qui peuvent quand même exercer leur liberté. On
définirait ou on chercherait à définir d'une façon
absolue les libertés des individus en disant: En toute circonstance,
vous devez agir conformément à certaines prohibitions du
législateur à l'égard de la discrimination.
Je mentionnerai d'ailleurs, tout de suite, M. le Président, que
la liste des facteurs antidiscriminatoires qui est mentionnée à
l'article 9 est extrêmement étendue lorsqu'on la compare aux
autres chartes qui existent dans le monde entier. J'ai fait la revue de la
plupart des législations étrangères ainsi que des
déclarations au même effet qui sont contenues dans des
traités internationaux et, à ma connaissance, il n'existe dans
aucun de ces documents une extension aussi considérable des
définitions de facteurs discriminatoires qui sont interdits ou
défendus par le législateur. C'est donc dire que le texte de
l'article 9 a une extension et une portée certainement des plus larges
lorsqu'on le compare à d'autres textes similaires adoptés soit
par des Etats nationaux ou consacrés dans des textes de traités
internationaux. Puisque le député de Maisonneuve a fait un
amendement à l'effet d'inclure dans l'article 9 la mention de
l'orientation sexuelle, je dirai qu'une telle mention ne se retrouve dans
aucune autre loi ou aucun traité international qui porte sur la
question. Etant donné cette caractéristique, je pense que nous
sommes dans un domaine tout à fait nouveau, un domaine tout à
fait particulier qui déborde, d'une certaine façon, les
interdictions qui peuvent normalement être contenues dans une telle
charte qui vise à interdire des facteurs de discrimination qui, comme je
le disais tout à l'heure, ont une portée universelle, comme par
exemple, la race, la couleur, le sexe, l'état civil, la religion,
etc.
Je pense qu'en introduisant le facteur de l'orientation sexuelle, on
tombe dans un cas très particulier et un cas très limité,
de telle sorte que cette mention n'a pas vraiment sa place dans une charte
comme celle-ci qui veut avoir en somme, une portée sociale
générale et non pas interdire tous les motifs de discrimination
qu'on peut rencontrer à l'occasion, dans certaines circonstances.
Il y a aussi le fait qu'en introduisant cette mention dans l'article 9,
on conférerait un statut de légitimité d'une certaine
façon à un comportement qui peut être l'objet de critiques
pour une bonne partie de la population. On introduirait un statut de
légitimité à une forme d'activité qui
déborde le cadre général et universel que l'on doit
rechercher dans une telle charte. Au moment où, pour la première
fois, nous adoptons un tel document avec une extension certaine, comme je l'ai
dit tout à l'heure, au Québec, il ne me semble pas opportun, au
moins à l'heure actuelle, d'introduire des facteurs très
particuliers qui visent des cas spécifiques et ainsi, venir d'une
certaine façon affecter le résultat général de
l'action de la charte sur les comportements sociaux. D'autant plus que le
facteur suggéré par le député de Maisonneuve, soit
l'orientation sexuelle, désigne un comportement qui n'est pas
nécessairement accepté par la majorité de la population.
Ce qui ne veut pas dire que le facteur discriminatoire doive être reconnu
à cette occasion, mais il me semble qu'on risquerait de mettre en
péril le résultat global ou général de la charte.
Dans l'adoption d'un tel texte de loi, il faut incontestablement compter sur
une approbation générale, même si elle s'exprime à
l'occasion par des phénomènes de discrimination qui
méritent d'être corrigés par l'action de la commission il
faut rechercher une approbation qui soit généralement
acceptée et conforme au comportement de la population dans son ensemble,
qui soit acceptable à cette population dans son ensemble. Je crains que
le facteur suggéré par le député de Maisonneuve
trouverait une pierre d'achoppement de ce côté, qui serait
susceptible, d'une certaine façon, d'affecter le résultat
général que recherche l'adoption d'une telle charte.
Si je n'avais pas raison sur tout cela, si, en somme, l'opinion soutenue
par le député de Maisonneuve et l'opinion contraire pouvaient
être soutenues valablement, la réflexion des législateurs,
des parlementaires fera son chemin dans ce domaine, et il n'est pas exclu que,
dans l'avenir, avec une certaine réflexion, une certaine
évolution, l'on puisse se réconcilier avec la thèse que
nous propose l'autre côté.
Ceci ne veut pas dire que je donne une approbation quelconque à
la discrimination pour ces motifs d'orientation sexuelle, ceci ne veut pas dire
qu'il s'agit là d'une position qui exclut et qui veut que la
discrimination s'exerce dans ces conditions. C'est bien plutôt le fait
qu'une charte ne peut pas couvrir tous les facteurs de discrimination qui
peuvent exister dans une société et qu'il faut qu'elle s'attache
primordialement aux fac-
teurs de portée générale et aux facteurs de
portée sociale énumérés et mentionnés dans
le texte de l'article 9 tel qu'il est présenté.
Le Président (M. Lafrance): L'honorable
député de Sauvé.
M. Burns: Vous n'êtes pas très convaincant.
M. Morin: M. le Président, il va falloir revoir certaines
notions fondamentales de droit que nous enseignons dans les facultés,
puisque le ministre nous a appris cet après-midi qu'un article pouvait
être limitatif et, en même temps, n'être point exhaustif.
C'est une nouveauté, je dois dire, et je félicite le
ministre de son esprit d'invention. Avant d'en persuader les étudiants
ou qui que ce soit, je pense que le ministre va devoir faire plus d'une autre
pirouette.
Si son texte est limitatif, comme il l'a lui-même affirmé
catégoriquement cet après-midi, lorsque j'ai proposé
l'amendement selon lequel nous aurions ajouté le mot "notamment"...
lorsqu'il nous a affirmé que c'était limitatif, il est
évident que, du point de vue des tribunaux et du point de vue de la
commission des droits de la personne, toute personne qui se plaindrait d'avoir
été victime de discrimination en fonction de son orientation
sexuelle se verrait nier la protection de la commission des droits de l'homme
et la protection des tribunaux, éventuellement.
Je m'explique. C'est l'article 67 qui nous dit que toute personne qui a
raison de croire qu'elle est ou a été victime d'une atteinte
à un droit reconnu aux articles 9 à 18 ou au premier
alinéa de l'article 46 peut adresser par écrit une demande
d'enquête à la commission.
Or, si une personne se plaint à la Commission des droits de la
personne parce qu'elle prétend, parce qu'elle soutient avoir
été victime d'un cas de discrimination prévu à
l'article 9, le futur article 10, puisque nous les renuméroterons, on
lui répondra, de la part de la commission, que celle-ci n'est pas
compétente. On invoquera l'article 74 qui dit: "La commission doit
refuser de faire ou de poursuivre une enquête lorsqu'elle constate
qu'elle n'a pas compétence en vertu de la présente loi." Elle
invoquera donc l'article 9 et l'article 74 du projet pour dire, dans une lettre
très polie, mais très ferme: Nous regrettons, mais nous ne
pouvons même pas prendre connaissance de votre plainte parce que, le
ministre l'a bien dit, cet article est limitatif.
Deuxièmement, pour le cas où la commission voudrait
s'adresser aux tribunaux, en vertu de l'article 80, deuxième paragraphe,
aux termes duquel la commission peut recommander la cessation de l'acte
reproché, l'accomplissement d'un acte ou le paiement d'une
indemnité dans un délai qu'elle fixe, pour le cas où on
ferait appel à cette disposition ou encore à la suivante,
à l'article 81, qui nous dit que la commission peut, avec le
consentement écrit de la victime, s'adresser au tribunal en vue
d'obtenir une injonction contre la personne en défaut; dans ces deux
cas, la commission ne pourra pas agir et même les tribunaux pourront dire
à la commission: Vous n'aviez pas compétence pour vous
présenter devant nous et demander le recours d'injonction ou demander
l'indemnité prévue au paragraphe second de l'article 81, parce
que l'orientation sexuelle n'est pas prévue à l'article 9. C'est
cela que les plaignants vont se faire répondre, parce que l'article est
limitatif.
Le ministre pourra plaider que ce n'est pas exhaustif, on lui
répondra: C'est limitatif.
M. le Président, ce n'est pas par hasard que l'Opposition a
proposé cet amendement; c'est parce qu'aujourd'hui, dans le dernier
quart du vingtième siècle, cela correspond à une
évolution des moeurs, cela correspond à une plus grande ouverture
d'esprit de la part des gens. Je voudrais signaler les appuis nombreux et
importants qui ont été reçus à l'appui de la
proposition que nous avons faite ce soir. Je me contenterai d'en mentionner
quelques-uns au ministre. Peut-être n'en a-t-il pas pris connaissance? La
Commission de police du Québec voilà un organisme qui, je
pense, est assez bien connu du ministre service d'enquête sur le
crime organisé, a fait parvenir une lettre, le 28 janvier 1975, à
M. Roger Bellemare, du comité des libertés civiles, sous la
signature de M. Réjean Paul, chef du contentieux, commission
d'enquête sur le crime organisé.
Dans cette lettre, on peut lire ceci: "Suite à notre
réunion du 15 janvier 1975, je désire vous informer que notre
comité a entériné votre demande quant à l'inclusion
des termes "orientation sexuelle" dans la charte des droits de l'homme".
Le 19 février dernier, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux
du Québec, sous la signature de M. Michel Sawyer, qui est le
secrétaire général du SFPQ, faisait savoir au
comité des libertés civiles ce qui suit: "II est notamment fait
mention dans notre mémoire qu'il y aura lieu d'ajouter les termes
"orientation sexuelle", au premier paragraphe de l'article 11". Il s'agit donc
de l'article 9, en l'occurrence, et ce, afin d'éliminer toute
discrimination possible.
Je pourrais également porter à votre connaissance la
position qui a été prise par le Conseil du statut de la femme au
sujet du projet de loi des droits de l'homme, sur la charte des droits de
l'homme. On peut lire ceci dans le chapitre consacré aux libertés
et droits fondamentaux. "Quant à ajouter aux motifs de discrimination
déjà énumérés, l'orientation sexuelle, le
Conseil du statut de la femme appuie la recommandation de la Ligue des droits
de l'homme à cet égard."
Je pourrais vous citer également le procès-verbal de la
réunion du conseil général de la Centrale de
l'enseignement du Québec tenue les 30 et 31 janvier 1975. Je vous fais
grâce de tous les considérants et de tous les attendus, mais on y
peut lire le dispositif que voici: "II est proposé que le conseil
général recommande au gouvernement québécois
d'adopter toutes les dispositions civiles nécessaires on veut
sans doute dire législatives nécessaires pour prohiber
toute discrimination basée sur l'orientation sexuelle de la
personne."
Je porte maintenant à votre connaissance la prise de position
d'un organisme qui s'appelle The
Joint Anglican United Church in Society Committee, de Montréal,
sous la signature du révérend Fred Elson, de la Mount Bruno
United Church. On peut lire ce qui suit: "We know that discrimination of
various kinds is practised against groups of people, often clearly infringing
personal freedom. We support you in your fight to have it clearly established
in law, that "personal sexual orientation", be it homosexuality or other, shall
not be in any sense, ground for discrimination in employment, housing or other
aspects of social life." "We gladly offer our support to the committee on civil
liberties of the Montreal Gay Association in efforts to ensure that all
sections of the proposed human rights code include the words "sexual
orientation" among the characteristics listed in relation to people whose
rights are specifically secured by law."
On me fait savoir aussi que l'Office de pastorale sociale de
l'archidiocèse de Québec a pris une position semblable. Je
continue. La résolution suivante a été adoptée par
le Conseil central des syndicats nationaux de Montréal. Elle a
été portée à la connaissance du comité des
libertés civiles le 15 janvier par M. Raymond Gagnon, qui en est le
secrétaire. "Le comité exécutif du Conseil central des
syndicats nationaux de Montréal a adopté unanimement la
résolution suivante: De recommander au gouvernement
québécois d'inclure les termes "orientation sexuelle" à
l'article 11 de la Loi sur les droits et libertés de la personne."
J'en passe, M. le Président, parce qu'il y en a encore, mais,
tout de même, je pense que le ministre a laissé entendre tout
à l'heure que la société québécoise
n'était pas prête pour ce genre de changement dans notre
législation. J'en ai déjà énuméré
quelques-uns, mais je ne suis pas à la moitié. Si le ministre me
dit qu'il en a déjà assez entendu, je n'irai pas plus loin, mais
si je ne l'ai pas encore persuadé, peut-être serait-il heureux
d'entendre l'appui accordé par d'autres organismes.
M. Choquette: Dites ce que vous avez à dire.
M. Morin: Bien, mais je n'aurais pas voulu prendre le temps de la
commission si le ministre avait déjà été
persuadé par les appuis; pas encore, alors, continuons. L'Association
professionnelle des enseignants des Vieilles Forges, en date du 10 janvier
1975, fait savoir au comité des libertés civiles, sous la
signature de Line Paré, conseiller syndical, ce qui suit:
"Considérant que toute personne a droit à la reconnaissance ou
à l'exercice en pleine égalité des droits et
libertés de la personne sans distinction, exclusion ou
préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe,
l'orientation sexuelle, etc., nous recommandons au gouvernement
québécois d'inclure les termes "orientation sexuelle" à
l'article 11 de la Loi sur les droits et libertés de la personne."
Le Syndicat de l'enseignement de la région de la Mitis fait
savoir, sous la signature de M. Ghislain Jean, son président, qu'il a
adopté, le 5 février I975, la résolution suivante, dont je
ne lis qu'un extrait, pour faire plus vite: "Nous recommandons au gouvernement
québécois d'inclure les tenues "orientation sexuelle" à
l'article 11 de la Loi sur les droits et libertés de la personne."
La Montreal Teachers' Association, sous la signature de M. D. R.
Peacock, son président, qui eut l'insigne honneur de comparaître
devant une commission de cette assemblée, lors de la discussion sur le
bill 22, fait savoir ce qui suit: "That the MTA representatives' assembly
recommends to the Quebec government that it adopts all civil measures necessary
in order to prohibit any discrimination based upon race, color, sex, sexual
orientation, religion, language or national or social origin. The motion was
presented as a result of representations made to the MTA by the Montreal
Homophile Association."
Continuons. Sous la signature du révérend Roger A. Balk,
on peut lire ce qui suit dans une lettre adressée au comité des
droits civils, le 1er octobre 1974: "Discrimination against homosexuals
represents an intrusion of private morality into the public sphere. It is
analogous..." Voilà qui va intéresser le ministre, qui, tout
à l'heure, nous faisait de subtiles distinctions entre les
discriminations à propos de choses fondamentales et des choses qui n'en
sont pas. Ecoutez bien ceci, M. le Président. "It is analogous to
discrimination based upon differences in religion, national origin or political
belief. In the absence of any evidence contending that homosexuality results in
material or psychological harm to members of society, it is imperative that
discrimination against homosexuals based upon the private morality of
individuals within that society be prohibited."
La Fédération des professionnels salariés et des
cadres du Québec, affiliée à la CSN, nous dit ce qui suit,
le 4 mars I975, sous la signature de Simon Paré, son secrétaire:
"II est résolu que la Fédération des professionnels
salariés et des cadres du Québec donne son appui à
l'Association des homophiles de Montréal, dans sa lutte pour la justice.
La FPSCQ croit que l'orientation sexuelle d'un individu ne doit pas être
un facteur de discrimination."
Et je vous donne maintenant lecture d'un extrait du procès-verbal
de la réunion du conseil d'administration du Syndicat des travailleurs
de l'enseignement du Nord-Ouest québécois, tenue le 16 janvier
I975, à Rouyn, qui sous le no I358, a adopté la résolution
suivante: "II est proposé de recommander au gouvernement
québécois d'inclure les termes "orientation sexuelle" à
l'article 11 de la Loi sur les droits et libertés de la personne."
Le ministre commence-t-il à être persuadé ou dois-je
continuer?
M. Choquette: Les arguments vont me persuader.
M. Morin: Ce sont d'excellents arguments pour prouver...
M. Choquette: Vous lisez des lettres...
M. Morin: ... que la société
québécoise a beaucoup évolué.
M. Choquette: Bien oui, mais c'est une lecture de lettres.
M. Morin: Ah! C'est fort important pour montrer d'où
viennent les appuis. Ce ne sont pas, que je sache, des organismes
dépourvus de sens commun. Ce sont des gens qui ont
réfléchi avant d'adopter ces résolutions, et c'est pour
cela que je crois que c'est important de les porter à la connaissance du
ministre qui, tout à l'heure, avait l'air de dire que cela ne fait pas
du tout partie des moeurs aujourd'hui...
M. Choquette: Mais le Barreau...
M. Morin: ... d'accepter que la discrimination, dans ces cas, ne
doit pas être tolérée.
M. Choquette: Est-ce que le chef de l'Opposition connaît un
cas de charte des droits de l'homme qui consacre cela?
M. Morin: Mais, est-ce que c'est la question?
M. Choquette: Non, mais est-ce qu'il en connait un?
M. Morin: Non. Je ne pense pas qu'il en existe.
M. Choquette: Ah Don!
M. Morin: Je dis que le Québec a une belle occasion, en
l'occurrence, de défricher le chemin, surtout lorsqu'on voit l'appui
considérable qui est accordé à cette
société, à ce comité des droits civils, je crois
que le Québec a une belle occasion d'ouvrir le chemin et je sais bien,
d'ailleurs, que le ministre de la Justice lui-même, si ce n'était
de son caucus, doit partager cette opinion.
M. Choquette: Laissez faire le caucus.
M. Burns: Non. C'est cela. C'est le caucus qui vous empêche
d'agir. On le sait.
M. Choquette: Faites attention, parce qu'on pourrait vous parler
de vos caucus aussi.
M. Burns: Laissez faire notre caucus. Il ne nous empêche
pas de passer des lois, imaginez-vous donc.
M. Choquette: Nous non plus.
M. Burns: II ne nous empêche pas de faire des lois à
la mesure du Québec.
M. Choquette: Oui, vous en faites des lois, vous!
M. Morin: Je continue l'énumération des appuis qui
ont été apportés au comité des droits civils. Voici
un extrait du procès-verbal du conseil d'administration du Syndicat des
enseignants de Champlain. "Nous recommandons au gouvernement
québécois d'adopter toutes les dispositions nécessaires
pour prohiber toute discrimination fondée sur la race, la couleur, le
sexe, l'orientation sexuelle, la religion, la langue, etc."
L'Institut de pastorale, sous la signature du Père Marc
Rompré, o.p., qui en est le directeur, écrit ceci qui va
peut-être toucher le ministre: "Comme chrétiens et comme citoyens,
nous considérons l'égalité devant la loi comme une valeur
essentielle à promouvoir et à défendre. Puisque les
homosexuels souffrent de discrimination de la part de nombreuses personnes dans
notre société, ils devraient pouvoir compter sur la protection de
la loi contre les injustices dont ils peuvent être l'objet de la part des
individus." Et on propose l'addition du paragraphe suivant à l'article
11: "Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice
en pleine égalité des droits et libertés de la personne,
sans distinction, exclusion, préférence fondée sur la
race, la couleur, le sexe, la religion, les convictions politiques, la langue
ou l'origine ethnique, nationale ou sociale ou l'orientation sexuelle."
Le Syndicat des professeurs de la ville de Laval fait savoir, en date du
8 avril, sous la signature de son premier vice-président, M. Pierre
Bourgeois, que le conseil d'administration appuie la proposition faite par
votre association en rapport avec l'article 11 de la Loi sur les droits et
libertés de la personne, à savoir l'ajout des termes "orientation
sexuelle" au texte dudit article.
L'Association des enseignants de la Tardivel en fait autant. Je vous
dispense de la lecture de la résolution, qui est semblable à
celle qui précède.
Et voici encore un appui significatif. Voici ce que dit le Church In
Society Committee du diocèse de Montréal. Ecoutez bien. Je crois
que cela peut peut-être influencer le ministre. "In view of the impending
provincial legislation on human rights, bill 50, the Church In Society
Committee recommends that a public statement be made by the Diocese of Montreal
and communicated to the Standing Parliamentary Commission. Such a statement
would include the four recommendations above..." dont je vous dispense parce
qu'elles sont fort longues sur la question de l'homosexualité "... and
would request the Provincial Government to include in the final draft of the
legislation a statement affirming the human and civil rights of persons
regardless of their sexual orientation and preference."
Continuons. Le Syndicat des enseignants de l'ouest de Montréal,
fait savoir, sous la signature de M. Gilbert Plante, son directeur
administratif, qu'il recommande au gouvernement québécois
d'adopter toutes les dispositions nécessaires pour prohiber toute
discrimination fondée sur l'orientation sexuelle de la personne.
C'est une résolution adoptée à l'unanimité
de ce syndicat le 27 novembre I974. L'Union des employés de service,
local 298 de la FTQ, fait savoir qu'il est résolu que cette union
accorde son appui à l'Association homophile de Montréal qui vise
à obtenir l'amendement de l'article 11 du projet de la charte des droits
de l'homme en y incluant la
non-discrimination à l'égard de l'orientation sexuelle des
citoyens.
Le Syndicat des travailleurs de l'enseignement de Chauveau-Charlesbourg
en fait autant. Enfin, l'université McGill, par la voie de son service
de santé, et sous la signature de Mlle Irene Simons, qui, je crois, est
médecin, oui, sa signature est suivie des lettres m.d., fait savoir ce
qui suit au Civil Rights Committee: "It is my feeling that we must distinguish
between individual morality reflecting a person's chosen values which the
individual finds helpful in living his or her life and public morality designed
for the mutual protection of citizens. Discrimination against homosexuals
represents an intrusion of private morality into the public sphere. It is
analogous..." Tenez, M. le ministre, encore la même opinion
"to discrimination based upon differences in religion, national origin,
political belief or sex. "In the absence of any evidence contending that
homosexuality results in material or psychological harm to members of society,
it is imperative that discrimination against homosexuals, based upon the
private morality of individuals within that society, be prohibited."
Et ainsi de suite, M. le Président. Je ne sais si j'ai
aligné suffisamment d'appuis pour convaincre le ministre qu'aujourd'hui,
en 1975, il est grand temps que le Québec ajoute aux motifs de
discrimination qui sont déjà mentionnés à l'article
9, l'orientation sexuelle, de sorte que les personnes qui ont l'orientation de
leur choix, quelle qu'elle soit, ne puissent être victimes de
discrimination, en raison de ces choix.
Encore une fois, nous ne demandons pas au ministre de se prononcer sur
la moralité de la chose. Nous ne demandons pas au ministre d'approuver
ou de changer son comportement personnel. Nous lui demandons tout simplement de
légiférer de façon qu'il ne puisse y avoir de
discrimination dans ce domaine. Si, par hasard, le ministre, ou quiconque,
à la suite de je sais trop quel démon de midi, en venait à
changer son comportement, je suis sûr qu'il apprécierait à
ce moment des dispositions qui seraient incluses dans la loi et qui le
protégeraient contre la discrimination.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Beauce-Nord.
M. Sylvain: J'avais fait part de mon intention de parler avant la
suspension des travaux cet après-midi. Je vais le faire. J'ai
été appelé, comme membre permanent de cette commission,
à écouter, en deuxième lecture, ceux qui se sont
présentés à la barre pour témoigner devant la
commission. J'ai aussi été appelé, à titre
personnel et à titre de député, à rencontrer ceux
qui, évidemment, veulent inclure au projet, surtout à l'article
9, les termes d'orientation sexuelle.
Je ne cacherai pas qu'il y a une hésitation profonde à
inclure ou non ces termes. D'une part, j'ai pu constater, à la lecture
du projet de loi 50, que devant la perspective d'ajouter les termes "orien-
tation sexuelle" à ces motifs de discrimination, dans le contexte
où on voulait bien les comprendre et les interpréter, et aussi
dans le contexte où on voudrait s'efforcer de savoir où cela
commençait et quand cela s'arrêtait, l'hésitation devenait
beaucoup plus grande, surtout en constatant la teneur même de l'article
9.
Cet article, à mon sens, dans le contexte même de cette
charte des droits de l'homme, vient amoindrir l'inclusion des termes
"orientation sexuelle", de telle sorte que, si on prend un exemple concret, un
employeur qui serait un bureau de direction d'une colonie de vacances pourrait,
à sa guise, choisir des motifs ou des critères d'engagement de
bonne foi qui pourraient demander, dans les conditions de l'emploi,
l'hétérosexualité nécessaire.
J'ai écouté avec attention le ministre ainsi que les
représentants de l'Opposition. Je me demande aussi jusqu'à quel
point on peut inclure ces termes vis-à-vis de la mentalité
actuelle. Quand je parle de mentalité, ce n'est pas pour situer la
mentalité des milieux semi-urbains ou ruraux dans un contexte
différent, mais c'est pour la situer là où elle est
réellement vis-à-vis de ce problème. Je dis cela sans
offenser ceux qui sont touchés par ce domaine de
l'homosexualité.
En passant, il est un fait que les termes "orientation sexuelle" vont ou
iraient beaucoup mieux que le terme "homosexualité" parce que, dans les
discussions et dans les faits, il est facile de constater que la discrimination
pourrait aussi jouer, dans certains cas particuliers, contre ceux qui sont des
hétérosexuels et venant de la part d'homosexuels qui auraient
certains pouvoirs décisionnels, etc.
J'ai constaté quand même une chose dans ces discussions,
c'est que ceux qui travaillent même à la recherche de la
liberté de ces droits individuels et à cette recherche de faire
inclure dans le projet ce motif de non-discrimination en incluant "orientation
sexuelle" vont peut-être, à un certain moment, dans certaines
circonstances, créer de bonne foi ou de mauvaise foi un certain climat
de discrimination. On peut expliquer d'ailleurs, ces gens le
reconnaîtront que, dans certains organismes, il est à mon
sens difficile, quand les postes clés sont détenus par ceux qui
sont ouverts à l'homosexualité, il est souvent difficile,
même pour des hétérosexuels, de mettre les pieds à
l'intérieur de ces cadres.
Il faut peut-être aller plus loin et se demander comment ces
termes inclus dans l'article 9 sont compris par la population. Peut-être
que s'attacher au fond à regarder le projet vis-à-vis des
considérations ou constatations que certaines personnes font ou nous
feront parvenir ou des commentaires... La population a dans l'idée que
c'est donner libre cours, donner la clé des champs aux homosexuels et
ce, dans n'importe quel domaine. On peut penser homosexuel vis-à-vis des
étudiants, vis-à-vis des enfants des colonies de vacances, on
peut penser à tout, mais il faut dire que, déjà là,
des lois viennent limiter non pas des comportements mais des actes
considérés comme illicites dans des comportements mêmes. On
peut
penser à certaines lois provinciales, on peut penser au code
criminel dans le bill omnibus où certains actes posés par des
personnes majeures envers des personnes mineures sont nettement
condamnés à titre d'actes criminels mêmes et non pas
d'infractions au code criminel; actes criminels si on regarde du
côté des actes de pédérastie.
J'accepte volontiers les arguments que le ministre donne en ce sens
où le texte ou le principe posé par l'article 9 doit se situer
dans un cadre général. Je me demande jusqu'à quel point on
peut, dans le cadre de l'acceptation de cette première charte
québécoise des droits de l'homme, accepter d'emblée, pour
la protection de cette minorité, d'inclure les termes "orientation
sexuelle".
M. le Président, j'ai une certaine difficulté, quoique
j'en aie été conscient dans un cas ou deux, à constater le
nombre de cas de discrimination qui seraient fondés sur l'orientation
sexuelle ou sur une homosexualité ou des homosexuels en tant que
tels.
J'aurais aimé peut-être davantage, à la fois pour
convaincre cette population qu'on représente... J'ai toujours eu
conscience que, dans mon mandat, puisqu'on a été élu par
district électoral, on avait à respecter une mentalité, on
avait à se faire le porte-parole, à l'intérieur de
certaines lois, de la mentalité de notre milieu.
J'aurais aimé, avant qu'on se prononce finalement sur ces termes
"orientation sexuelle" à être inclus dans l'article 9, que cette
commission des droits de la personne puisse, dans certaines enquêtes,
sans pouvoirs coercitifs, nous montrer des résultats, faire le tour de
certains cas de discrimination, avant qu'on ait à se prononcer sur
l'inclusion, dans l'article 9 même, des termes "orientation
sexuelle".
J'aimerais savoir si cela se produit souvent. J'aimerais savoir les
régions où cela se produit davantage. Au fait, on ne sait
pratiquement rien. C'est un excellent tremplin, pour les homosexuels, que la
présentation de cette charte des droits de l'homme pour réveiller
la population.
J'ai trouvé aussi, au fond, qu'à l'intérieur des
discussions, on avait fait très peu, du côté de ceux qui
ont une orientation sexuelle vers le mot de sexualité, pour se faire
comprendre ou rechercher une justice que nous ne trouverons pas à
l'intérieur des textes de loi et une justice par rapport au peuple, ou
une reconnaissance de notre milieu. Je pense que c'est plus facile.
Quant à la motion du député de Maisonneuve qui vise
à faire introduire ces termes "orientation sexuelle", j'aurais
aimé mieux, pour ma part, que la commission nous fasse savoir ou
qu'à l'intérieur des recommandations que cette commission des
droits de la personne sera appelée à faire, à la suite de
l'application de cette charte des droits de l'homme, à la suite de
différentes enquêtes effectuées dans différents cas
de discrimination, on nous fasse savoir positivement et concrètement,
dans un dossier ou dans un rapport, tel qu'il est mentionné dans la
charte, l'amplitude ou l'exactitude du problème.
En ce qui a trait au caucus, le député de Maisonneuve y a
fait allusion plus tôt, il est vrai qu'à l'intérieur d'un
caucus où vous avez 100 députés, la pensée sur les
différents problèmes ne peut pas être la même.
Il est aussi vrai, dans notre parti j'en profite pour le dire
qu'à l'intérieur du caucus, même à 100
députés, tout le monde est d'accord sur l'idée
majoritaire.
En ce sens, je voterai contre la proposition du député de
Maisonneuve, mais en faisant les considérations suivantes: La future
commission des droits de la personne aura en particulier à s'attacher
à ce problème des cas de discrimination qui seraient
fondés sur l'orientation sexuelle; elle aura aussi, sans doute, avec des
personnes compétentes, à faire des recommandations au
gouvernement, à l'intérieur de certains amendements à ce
projet de loi, une fois que les députés pourront parler en toute
connaissance de cause, en se fondant sur des statistiques et sur la
réalité.
J'ai l'impression qu'une chose est reconnue, je pense, quant aux
députés, c'est le fait de ces problèmes causés par
l'orientation sexuelle. Certains appellent cela des déviations
sexuelles, mais le terme valable est "orientation sexuelle". Est-ce que,
à un moment donné, cette minorité devrait être
protégée, au fond, par l'inclusion de ce motif particulier de
l'orientation sexuelle? C'est là une question sur laquelle seules des
enquêtes directes et des statistiques, quant à moi, pourront me
faire prononcer réellement quant à l'éventualité
d'inclure de tels motifs de discrimination dans ce cas particulier.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Taschereau.
M. Bonnier: M. le Président, est-ce que je vais pouvoir
faire une observation? Je ne suis pas membre de la commission.
M. Giasson: Vous êtes tellement brillant!
M. Burns: Avec la permission de la commission, il le
pourrait.
M. Bonnier: Si la commission est d'accord.
Le Président (M. Lafrance): Avec la permission de la
commission, la parole est au député de Taschereau.
M. Morin: Consentement.
M. Bonnier: M. le Président, c'est vrai qu'il y eu
beaucoup de groupements et je pense que le député de
Sauvé en fait état qui ont montré un
intérêt certain pour cette question et non seulement un
intérêt, mais même une sympathie pour la question. Je pense
que c'est normal, d'ailleurs. Je pense que tous ceux qui sont à cette
table montrent de l'intérêt et de la sympathie pour la
question.
Il s'agit d'examiner à l'occasion de l'article 9 si, en fait, il
serait avantageux ou non d'y inclure la suggestion de l'amendement du
député de Maisonneuve. Il m'apparaît que ce projet de loi
est
une charte des droits fondamentaux, tel qu'on l'a dit à plusieurs
reprises. C'est pour cela, je crois, qu'on ne retrouve pas, dans d'autres
chartes, l'amendement suggéré par le député de
Maisonneuve. C'est que nous retrouvons à l'article 9 l'ensemble des
traits fondamentaux ou des caractéristiques qui sont essentielles, qui
doivent être préservées chez les individus d'une
façon essentielle, de façon à édifier une
société. Ce sont ces traits qui sont soulignés dans les
différentes chartes et ce sont ces traits aussi qui ont
été soulignés dans le projet de loi qui nous est
proposé.
Personnellement, je trouve que le projet d'amendement, la suggestion
d'amendement du député de Maisonneuve, vient expliciter un mot
qui s'appelle peut-être "sexe" et auquel sans doute, lorsqu'il sera
question de discrimination, dans d'autres articles, puisqu'il en est question,
on pourrait peut-être se référer. Sans doute, existe-t-il
des cas de discrimination quant à l'orientation sexuelle,
peut-être davantage dans le milieu de l'emploi et certainement dans le
milieu du logement. En tout cas, j'ai eu quelques cas dans le milieu du
logement. Cela ne veut pas dire que ces gens n'ont pas trouvé un
logement ailleurs, mais il s'agit à ce moment non pas d'un trait
fondamental à l'échelle des différents individus
constituant une société, mais d'une caractéristique
particulière. C'est pour cela qu'à mon avis, elle ne se situe pas
certainement dans l'article 9, tel qu'il est conçu ici et tel qu'il est
conçu dans d'autres chartes des droits de l'homme. Merci.
M, Burns: Puis-je poser une question au député?
Est-ce que le député verrait un amendement comme celui-là
ailleurs dans la loi?
M. Bonnier: Peut-être, je ne sais pas s'il y a
possibilité de le mettre ailleurs.
M. Burns: C'est parce que votre dernière phrase dit: Vous
ne voyez pas cette disposition dans l'article 9.
M. Bonnier: Je ne le vois pas dans l'article 9.
M. Burns: Est-ce que vous voyez ce texte ailleurs?
M. Bonnier: Pour vous dire bien franchement, je le comprends
ailleurs. Est-ce que je le verrais textuellement ailleurs? Je le comprends
très bien, quand je parle de discrimination, ce sont les
différentes formes de discrimination. Dans d'autres articles, sans
préciser... Je vais vous donner un exemple, supposons que j'aie un
enfant qui a un trait caractéristique qui l'empêche d'avoir
certains emplois, à cause de ses attitudes nerveuses ou à cause
peut-être de son retardement mental ou quoi que ce soit. Je pense que ce
n'est pas nécessaire dans l'article 9 de souligner tout ce qu'il peut y
avoir de caractéristique qui exclut peut-être de certains emplois
ou qui amène une certaine discrimination, mais, dans les articles
où il est question de discrimination comme telle à la personne,
je pense que la commission et probablement des tribunaux, lorsque ce sera le
cas, pourraient, à mon avis, étant donné l'esprit que nous
avons dans cette loi, interpréter dans les choses cet esprit.
M. Burns: Absolument, mais je demanderais à l'avocat en
chef du Québec de nous dire s'il pense qu'avec le texte actuel, un
homosexuel, qui est victime de discrimination, puisse s'adresser aux tribunaux.
Est-ce que, décemment, vous seriez capable de me dire oui à cette
commission, avec le texte actuel?
M. Morin: Sûrement pas.
M. Burns: Je ne pense pas. Si le ministre me dit non, je ne
protesterai pas.
M. Bonnier: Je veux dire non pas simplement à l'article
9.
M. Choquette: C'est difficile de répondre à une
telle question.
M. Burns: Je pense que non. Remarquez, je vous le dis bien
honnêtement, je pense que non.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Taschereau a terminé?
M. Bonnier: Oui, je pense que je le comprends en substance dans
d'autres articles, en particulier, quand on parle de l'emploi, à
l'article 15.
M. Burns: L'emploi s'adresse à quel article,
pensez-vous?
M. Bonnier: C'est à l'article 15, pour les questions
d'emploi.
M. Burns: Oui, il s'adresse, au point de vue de la
discrimination, à quel article?
M. Bonnier: On n'est pas pour le lire ici, mais...
M. Burns: Non, mais il ne s'adresserait pas par hasard à
l'article 9?
M. Bonnier: Non. M. Burns: Non?
M. Bonnier: II n'y a pas de référence ici à
l'article 9.
M. Burns: Non, mais où sont les cas...
M. Bonnier: L'article 9 est de portée très
générale.
M. Burns: Où sont les cas de discrimination qui sont
prohibés dans la loi?
M. Morin: Lisez le deuxième paragraphe de
l'article 9 et vous allez comprendre le joint entre les articles 9 et
15.
M. Burns: C'est cela.
M. Bonnier: Et à l'article 15.
M. Morin: L'article 15 porte sur une discrimination telle que
définie à l'article 9, paragraphe I, en passant par le paragraphe
2. Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction...
M. Burns: Exclusion ou préférence.
M. Morin: Exclusion ou préférence,
c'est-à-dire prévue dans le paragraphe
précédent.
M. Bonnier: Si vous lisez l'article 15, il n'y a pas de
référence. Il dit: Nul ne peut exercer de discrimination dans
l'embauchage, l'apprentissage, la formation.
M. Morin: Oui.
M. Bonnier: Je comprends que... M. Morin: Mais où est-ce
défini cela? M. Bonnier: Aucune discrimination.
M. Burns: Saviez-vous qu'il y a une loi qui s'appelle la Loi de
la discrimination dans l'emploi? Saviez-vous que cette loi existe et que cette
loi ne parle pas de tous les cas prévus à l'article 9 et qu'entre
autres, le cas de l'homosexualité n'est pas visé dans la Loi de
discrimination dans l'emploi? Savez-vous que, toutes les fois où il y a
eu des causes portées devant les tribunaux il n'y en a pas eu
souvent, mais il y en a eu quelques-unes et surtout sur la question de couleur
le tribunal s'est prononcé de façon très stricte,
appuyant en cela d'ailleurs le ministre de la Justice, affirmant que les cas
qui étaient manifestés et énoncés dans un texte
comme celui-là étaient limitatifs. Les cas qui ont
été portés devant les tribunaux il y a eu de
très rares cas relativement à la condition sociale des
gens ont été carrément rejetés, parce que la
condition sociale n'était pas prévue dans cette loi. C'est aussi
simple que cela. Vous allez avoir les mêmes problèmes relativement
à la loi qu'on a adoptée, je pense, au mois de décembre
dernier, relativement à la Loi concernant les relations entre locataires
et locateurs et qui va également se poser, parce qu'on va tenter d'y
donner une extension. Chaque fois qu'on va tenter d'y donner une extension, on
va se faire dire du côté du tribunal et à raison fort
probablement, avec beaucoup de raison du côté du tribunal:
Ecoutez, on ne peut pas légiférer à la place du
législateur, on est là pour appliquer une loi.
Or, dans la loi, le droit que vous réclamez ou, si vous voulez,
la protection que vous réclamez n'est pas prévue. C'est ce qui va
arriver aux gens qui vont se faire refuser de l'emploi, ou se faire
congédier parce qu'ils sont homosexuels. C'est ce qui va arriver aux
gens qui vont se faire refuser un logement parce qu'ils sont homosexuels. C'est
ce qui va arriver, lorsqu'on va refuser l'accès à des places
publiques à des homosexuels, parce que ce n'est pas prévu dans la
loi, même s'ils ne font strictement rien d'illégal, simplement
parce qu'ils sont homosexuels. C'est cela qui est grave, vous savez.
M. Bonnier: Oui, mais...
M. Burns: C'est là que la gravité commence. Moi,
vous savez, si un homosexuel fait quelque chose d'illégal, je ne suis
pas porté à aller le défendre, pas plus qu'un
hétérosexuel qui fait quelque chose d'illégal. Je ne suis
pas porté à aller le défendre, parce que c'est un
hétérosexuel ou parce que c'est un homosexuel. Cela n'a rien
à faire avec cela. Il pose un geste illégal. Cela, c'est une
autre affaire. Mais qu'on refuse un droit fondamental, une liberté
fondamentale à quelqu'un parce qu'il est hétérosexuel, ou
parce qu'il est homosexuel, ou parce qu'il est blanc, ou parce qu'il est noir,
c'est exactement la même chose. Exactement; c'est pareil, pareil.
Le Président (M. Lafrance): Alors, les membres de la
commission sont prêts à se prononcer sur...
M. Burns: Non, M. le Président. J'attendais que le
député de Taschereau finisse, parce que moi, comme je suis
l'auteur de la motion, j'ai quelques...
Le Président (M. Lafrance): D'accord!
M. Burns:... petites remarques à faire; je vais les faire
le plus brièvement possible.
Ce que je voudrais bien que la commission comprenne, que les membres de
la commission comprennent et, bon Dieu! je voudrais donc que vous
compreniez cela c'est que, au-delà et au-dessus de tous les
sophismes qu'on peut faire autour de ce problème... De la même
façon que le député de Beauce-Sud le dit, je ne dis pas
problème dans le sens...
M. Sylvain: Dites donc Beauce-Nord, s'il vous plaît. Le
député de Beauce-Nord est plus intéressé par
les...
M. Burns: Excusez! Beauce-Nord.
M. Sylvain: ... questions sexuelles que le député
de Beauce-Sud.
M. Burns: Oui, je m'excuse auprès du député
de Beauce-Nord.
M. Sylvain: On ne mêle personne.
M. Burns: Je l'ai appelé le député de
Beauce-Sud. Remarquez qu'il aurait dû en être flatté, mais
cela, c'est une autre affaire.
Mais, de la façon que le député de Beauce-Nord le
disait tout à l'heure, quand je parle de
problème, ce n'est pas un problème comme tel d'être
homosexuel. C'est une chose qui existe. Bon! Cela, il va falloir qu'on le
reconnaisse. Quand je parle du problème, c'est le problème qui
nous confronte actuellement: Est-ce qu'on inclut ou non l'expression
"orientation sexuelle" dans l'article 9?
Ce que je voudrais qu'on comprenne à la commission, parmi tous
les membres, bien calmement, sans vouloir faire de pathos avec cela, c'est que
ce qui est réclamé par mon amendement, ce n'est pas un droit
à l'homosexualité. Ce n'est pas d'avoir droit à
l'homosexualité que réclame mon amendement, c'est tout simplement
le droit d'exercer les libertés fondamentales prévues pour toutes
les personnes concernées dans la société. Ce n'est pas
plus que cela.
On ne vous demande pas, dans le fond, de légaliser
l'homosexualité, M. le ministre, c'est déjà fait.
M. Morin: Ou même d'approuver.
M. Burns: Vous n'avez même pas besoin d'approuver cela.
C'est déjà fait. C'est le code criminel qui a réglé
cette affaire. Ce n'est pas cela qu'on vous demande. S'il y a des pressions, je
vous le demande en grâce, MM. les députés
ministériels, s'il y a des pressions du côté de votre
caucus, c'est une chose qu'il faudrait peut-être lui dire, ce n'est pas
une légalisation de l'homosexualité que demande mon amendement.
Il faut, tout simplement et à tête reposée, relire
l'article 9.
L'article 9, qu'est-ce qu'il dit? Premier paragraphe: "Toute personne"
c'est tout le monde "a droit à la reconnaissance et
à l'exercice, en pleine égalité, des droits et
libertés de la personne." D'accord? C'est cela, l'énoncé
de base de l'article 9, "sans distinction, exclusion ou
préférence fondée sur la race, etc., etc." L'une des
préférences, exclusions ou distinctions qu'on veut
écarter, c'est l'orientation sexuelle.
Replaçons cela dans le contexte et relisons la première
phrase. "Toute personne a droit à la reconnaissance et à
l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de
la personne". C'est seulement cela qu'on demande. Ce n'est pas une
espèce de légalisation cachée de
l'homosexualité.
Ce n'est plus un problème. C'est fait. Ce n'est plus un crime que
d'être homosexuel au Canada. Ce n'est pas nous qui avons
décidé cela. Même le ministre de la Justice, avec toute la
bonne volonté qu'il pourrait avoir, ne peut même pas se vanter de
cela. Ce n'est pas lui qui l'a fait. C'est le gouvernement
fédéral qui l'a fait. C'est réglé.
Ce qu'on demande, c'est de prendre ce concept qui s'appelle la
légalisation de l'homosexualité, évidemment, dans le cadre
établi par la loi, et là, on pourra parler de la
pédérastie, qui énerve bien du monde et tout cela, mais
ça aussi, c'est prévu ailleurs, dans d'autres dispositions
légales. C'est prévu dans la Loi de la protection de la jeunesse.
C'est prévu dans la Loi de l'instruction publique. C'est
également prévu dans le code criminel. Ce n'est pas ce qu'on
demande d'amender. On demande simplement de reconnaître que, lors- qu'on
dit "toute personne", cela veut dire aussi des homosexuels. Cela veut dire
et peut-être que le ministre de la Justice se protégeait
contre le fait qu'éventuellement, il pourrait peut-être être
visé par un tel article qu'il pourrait l'être, le jour
où on vivra dans un monde d'homosexuels. Vous savez que si l'orientation
sexuelle n'est pas protégée, eh bien, vous, vous êtes
hétérosexuel, cela se pourrait que les homosexuels je
raisonne par l'absurde, peut-être, vous allez me dire se mettent
à agir de façon discriminatoire à votre endroit.
Cela va aussi loin que cela. Vous allez peut-être dire: C'est une
possibilité. Vous savez que, dans l'ancienne Rome, les
hétérosexuels n'étaient pas majoritaires. Vous vous
souvenez de cela? Ils n'étaient pas très majoritaires. Il se peut
bien que cela arrive un bon jour. On ne sait pas. Je ne le sais pas et je ne
suis pas prophète, mais je vous dis que l'orientation sexuelle vise
autant les homosexuels que les hétérosexuels.
Je vais vous donner un cas qui pourrait arriver en 1975. Je suis,
disons, hétérosexuel et je me présente dans une
bâtisse où ce ne sont que des homosexuels, sauf que le
propriétaire ne loue son appartement qu'à des homosexuels. Je
pourrais facilement être victime de discrimination si on me refuse de
louer cet appartement parce que, pour ma part, j'aime le site, l'endroit, le
quartier, etc. C'est peut-être bizarre comme image. Je la pousse
peut-être bien loin, mais cela veut dire ça quand même.
Inversez le problème. Non. Je vous demande, une fois que vous avez
constaté la bizarrerie, de l'inverser et de vous placer dans la position
contraire.
M. Giasson: Vous aimez tout, sauf les occupants des lieux?
M. Burns: Les occupants ne sont pas mon problème. Quand
vous vivez dans une grande ville, vous ne connaissez pas votre voisin de gauche
et votre voisin de droite, à moins que le député ne me
conteste cela. Je vis, depuis ma naissance, dans une grande ville. Non. Ne
faites pas de farce avec cela, parce que je ne fais pas de farce. Le
problème vous paraît peut-être bizarre de la façon
que je l'expose.
M. Giasson: Cela ne me paraît pas bizarre.
M. Burns: Je vous demande seulement de l'inverser. Placez-vous
dans la situation inverse. Pensez à être placé dans la
situation inverse. Seulement cela.
M. Giasson: Je suis d'accord avec vous, si c'est entre adultes
consentants, mais s'il fallait que les homosexuels décident que la
formule de l'avenir, savoir ce système...
M. Burns: Ecoutez, mon cher député. Vous ne m'avez
pas écouté.
M. Giasson: ... soit imposée à de tout jeunes
citoyens, je ne suis pas d'accord avec vous.
M. Burns: Dois-je recommencer? Je pense que vous ne
m'écoutiez pas à ce moment. Je pense que vous pensiez à
autre chose quand j'ai dit, au début, que ce n'est pas un droit à
l'homosexualité que nous demandons par notre amendement, que c'est tout
simplement la reconnaissance qu'il y a des gens qui doivent être
protégés, qui sont des homosexuels au Québec au même
titre que les Noirs, au même titre que des gens qui sont
péquistes, parce que les convictions politiques sont
protégées, au même titre...
M. Giasson: Jusque là, d'accord.
M. Burns: Bon, jusque là, d'accord. Qu'est-ce que vous
voulez? C'est cela que dit mon amendement.
M. Giasson: Jusque là, d'accord, mais comment...
M. Burns: Bon.
M. Giasson:... voulez-vous arrêter la situation, si un jour
des homosexuels décidaient que l'avenir, c'est là que ça
doit être?
M. Burns: C'est l'ensemble de la population qui va décider
cela.
M. Morin: C'est cet article qui va protéger les gens qui
veulent demeurer hétérosexuels.
M. Burns: Ce sont les hétérosexuels, à ce
moment, qui vont être protégés...
M. Morin:... qui auront besoin d'être
protégés. M. Burns:... imaginez-vous donc!
M. Morin: Je pense que le député commence à
comprendre.
M. Burns: Vous commencez à comprendre, je pense.
M. Giasson: Je ne sais pas.
M. Brisson: M. le Président, est-ce que, dans la loi
fédérale...
M. Burns: Je m'excuse, M. le Président...
M. Brisson: Vous n'aviez pas fini?
M. Burns:... c'est moi qui terminais le débat.
Le Président (M. Lafrance): La parole est au
député de Maisonneuve et, par la suite...
M. Burns: Je suis bien prêt à entreprendre un
débat avec tout le monde. Cela ne me fait rien. Je veux tout simplement
que vous votiez pour ou que vous votiez contre l'amendement, que vous sachiez
exactement ce pour quoi ou ce contre quoi vous votez. Le député
de Montmagny-L'Islet vient de me prouver qu'il n'était pas sûr,
même s'il n'a pas droit de vote, contre quoi il s'apprêtait
à voter.
M. Giasson: Non. Je ne vote pas. De toute façon...
M. Burns: Je sais que vous ne votez pas. C'est pour cela que je
vous dis que si vous aviez voté...
M. Giasson: Je suis prêt à comprendre l'amendement
que vous proposez.
M. Burns: Seulement par la question que vous m'avez posée,
vous ne saviez pas contre quoi vous vous apprêtiez à voter. Je
répète, nous allons prendre le temps que cela va prendre, s'il le
faut. Je répète... Pardon?
M. Choquette: Oui, professeur.
M. Burns: Ce ne sont pas des blagues. Je considère que
c'est un droit fondamental. C'est dans votre loi et je vais vous le montrer
tout à l'heure dans votre loi. Je vais vous le montrer tout de suite, si
vous voulez. J'ai entendu le ministre de la Justice nous dire que de
reconnaître ce fait, d'accepter mon amendement, serait de mettre
j'ai écrit verbatim les paroles du ministre en péril le
résultat global de la charte. J'ai entendu le ministre de la Justice
nous dire que, si l'amendement du député de Maisonneuve
était adopté, ce serait mettre en péril le résultat
de la charte. Quel est le but de cette charte, M. le ministre? Avez-vous relu
les notes explicatives de votre projet de loi? Cela vaudrait la peine que vous
les relisiez. Entre autres, au deuxième paragraphe, on nous dit qu'au
chapitre I de la partie I, sont énumérés dans des
dispositions générales les libertés et droits fondamentaux
de l'individu. Ce n'est pas pour faire plaisir à mon oncle ou à
ma tante ou à qui que ce soit que nous sommes en train d'établir
une charte. C'est pour rendre efficace la disposition qui apparaît
à l'article 9 qui dit: "Toute personne a droit à la
reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des
droits et libertés de la personne."
Il y a une de ces libertés cela va choquer bien des gens
qui est d'être homosexuel ou hétérosexuel. Cela en
est une. Ce n'est plus criminel que de penser contrairement à ce qu'on
appelle la majorité. Bondance! Qu'on le reconnaisse au niveau civil
comme on l'a reconnu au niveau criminel! C'est ce que nous faisons. Nous sommes
en train d'établir une charte qui se dit pompeusement une charte des
droits et libertés de la personne, qu'on aille au moins jusque
là! Le statut de légitimité que le ministre
allègue, je viens d'en parler, ce n'est pas nous qui le donnons, c'est
déjà fait, dans certaines conditions. Vous vous souvenez de la
fameuse expression qui est passée à l'histoire: Entre adultes
consentants... etc. Le premier ministre du Canada s'est bien fait critiquer
pour avoir fait cela. Je pense, au contraire, qu'il a eu du courage. Il a eu le
courage de le faire et j'aimerais que le ministre de la Justice ait le
même courage, à un autre niveau, de se faire critiquer pendant
quelque
temps, peut-être, par des gens qui ne comprennent pas.
Heureusement qu'aujourd'hui, cela se passe quelque dix ans plus tard, les
oeillères sont un peu moins proches du front et il y a peut-être
des gens qui regardent un peu plus large. Le chef de l'Opposition vous a
cité des opinions. Ce n'était pas inutile qu'il le fasse. Il vous
a cité des opinions et, j'en suis convaincu, personne ne s'imaginait
qu'elles existaient. Imaginez-vous la série d'évê-ques et
d'Eglises...
Oui, sauf que j'ai nettement l'impression que, lorsque le ministre nous
dit qu'on parle de cas spécifiques ou de cas très restreints, il
n'a pas tenu compte de ces opinions, il ne s'est pas rendu compte, entre
autres, et les députés ministériels ne se sont pas rendu
compte qu'actuellement, qu'on le veuille ou non, que cela nous fasse plaisir ou
non, on est obligé de reconnaître que cela existe. C'est seulement
cela que nous demandons, dans le fond.
Venons-en véritablement aux cas spéficiques du ministre.
Vous connaissez le rapport Kinsey. C'est un rapport qui, au début des
années soixante, à la fin des années cinquante,
étudiait les habitudes sexuelles des Américains. Le rapport
Kinsey, aussi critiqué qu'il ait pu l'être, en arrivait à
la conclusion que 10% de la population était homosexuelle. Au
Québec, si vous transposez ce chiffre, vous savez ce que cela donne?
Cela fait 600,000 personnes. Il y a six millions de personnes au Québec,
je pense, transposez ce chiffre, 10% font 600,000 personnes. Ce sont des cas
isolés? Je vais même réduire mon chiffre. Il est possible
que ce soit seulement la population adulte à laquelle s'applique cette
statistique.
Vous en vouliez des statistiques, M. le député de
Beauce-Nord, en voilà. Je réduis mes statistiques, les
statistiques du rapport Kinsey, je dis que c'est seulement la population
adulte, soit trois millions de personnes, à peu près celles qui
ont le droit de vote, 18 ans et plus. Vous savez que ça donne encore
300,000 personnes, ça commence à être du monde. Ce ne sont
pas des cas spécifiques, on ne légifère pas pour des cas
isolés. Même si c'était moins que ça, à
partir du moment où on pense que ça se situe entre 150,000 et
300,000 personnes, vous ne pensez pas que ça vaut la peine de
légiférer pour des gens qui régulièrement,
constamment, sont l'objet de discrimination?
J'aimerais vous citer d'autres statistiques.
M. Giasson: Pas tant que ça, vous dites que 300,000
personnes sont l'objet de discrimination?
M. Burns: Vous ferez vos calculs vous-même, prenez le
chiffre de 150,000 à 300,000 et même à 600,000 si vous
voulez, parce, que, si vous prenez le rapport Kinsey à la lettre, c'est
600,000 homosexuels qu'on a au Québec. D'accord?
M. Giasson: Entendons-nous sur 300,000 personnes. Ils ne sont pas
tous des objets de discrimination.
M. Burns: Voulez-vous que je vous dise ceci, vous n'avez pas
assisté à la commission parlementaire de la justice; il y a eu un
témoignage véritablement sérieux là-dessus, en
fait, deux qui se sont complétés, mais il y a eu un
témoignage particulier, celui de M. Doré, qui représentait
les associations homophiles au Québec. Lisez les Débats à
la page B-453. Moi, je n'ai entendu personne dire à M. Doré et il
n'y a personne qui m'a prouvé que M. Doré avait tort de dire
ça jusqu'à maintenant.
M. Doré dit ceci: "On sait ce que la majorité en a
pensé déjà en parlant des gens qui sont homosexuels
mais toujours est-il que, malgré que cela ne paraisse pas
à l'oeil nu, il y a 68% de l'ensemble des homosexuels qui ont
déjà souffert de discrimination." C'est une enquête qui a
été faite par M. Doré, il nous l'a dit en commission. Je
continue la citation de M. Doré: "68% des homosexuels cela n'a
pas été contesté, personne ne m'a dit que ce
n'était pas vrai, ce que M. Doré nous a dit parmi les
homosexuels visibles, la pointe de l'iceberg, c'est-à-dire ceux qui sont
connus, c'est ce qu'il voulait dire, c'est comme ça que je l'ai compris,
moi, étant en commission, c'est 86%. Résumons ces statistiques,
vous en voulez des statistiques, M. le député de Beauce-Nord?
M. Sylvain: Oui.
M. Burns: Prenez le rapport Kinsey ou ne le prenez pas, je vous
dis que ça se situe entre 150,000 et 300,000 homosexuels au
Québec. Il y a 68% de ces gens qui se considèrent des objets de
discrimination. Vous allez me dire: On va réduire le chiffre. Disons que
vous me dites 600,000, 300,000 ou même 150,000, c'est trop, les
recherches qui ont été faites, c'est qu'il y a 86% des
homosexuels chez qui c'est visible, c'est-à-dire qu'ils se font
reconnaître comme homosexuels. Ce n'est pas assez pour
légiférer à leur sujet? Faites les calculs que vous
voulez, vous arrivez autour de 100,000 tout le temps.
M. le Président, je pense qu'on devrait y penser très
sérieusement avant de mettre de côté une disposition comme
celle que je propose. Je voudrais simplement en terminant, je ne
relèverai même pas je fais une parenthèse
là-dessus le sophisme, parce que ce n'est rien d'autre que
ça, du ministre de la Justice qui nous dit, d'une part, que c'est
limitatif l'article 9, et que, d'autre part, ce n'est pas exhaustif, les
dispositions de l'article 9. Je ne relèverai même pas ça,
il me semble que c'est tellement évident que ça saute aux
yeux.
Il me semble que si on est capable de dire à une motion faite par
le chef de l'Opposition inscrivant le mot "notamment", soit dit en passant, je
me suis aperçu de ça en lisant les notes explicatives, qu'il
était dans les notes explicatives...
M. Choquette: Et alors, ce n'est pas la loi, les notes
explicatives.
M. Burns: Non, je vous dis: Lisons tout sim-
plement encore une fois le même paragraphe que je vous ai lu tout
à l'heure. Au chapitre premier de la partie I, sont
énumérés, dans les dispositions générales,
les libertés et droits fondamentaux de l'individu, notamment le droit
à la vie, à la sûreté, l'intégrité
physique, etc. Je suis bien d'accord.
M. Choquette: Là, l'emploi du mot "notamment" est
très indiqué, parce qu'il indique un ordre d'idées...
M. Burns: D'accord, on admet ça... M. Choquette:...
transposé.
M. Burns: ... mais, dans votre argumentation, vous nous avez dit
que vous ne vouliez pas le mot "notamment".
M. Choquette: Non.
M. Burns: Vous ne le vouliez pas, parce que c'était
limitatif, il fallait nécessairement que ce soit limitatif et nous avons
dit: On prend acte de cette chose. Après ça, vous nous avez dit
que ça n'était quand même pas exhaustif. J'aimerais, M. le
ministre, que vous...
M. Choquette: Non, j'ai dit le contraire. J'ai dit: C'est
exhaustif.
M. Burns: Ah! oui? Ce n'est pas ce que j'ai compris. Est-ce que
le chef de l'Opposition a compris cela comme cela?
M. Morin: Oui. Il a dit: C'est limitatif, mais ce n'est pas
exhaustif.
M. Choquette: Oui, j'ai dit: C'est exhaustif. M. Burns:
Ah! bon.
M. Sylvain: Vous dites tout le temps la même chose. Vous ne
pouvez pas comprendre des choses différentes.
Le Président (M. Lafrance): A l'ordre!
M. Burns: C'est correct. On lira le journal des Débats et
je vous assure que vous avez, à au moins trois reprises, dit: Ce n'est
pas exhaustif. Ce n'est pas exhaustif.
M. Morin: Vous avez même dit: C'est limitatif, mais ce
n'est pas exhaustif.
M. Choquette: Enfin, en admettant que je me serais mal
exprimé, il me semble que c'est évident que c'est exhaustif.
M. Burns: D'accord. Parfait, M. le ministre. Nous sommes sur le
bon terrain. Là, c'est exhaustif et c'est limitatif. Donc, quelque forme
de discrimination que ce soit, qui n'est pas mentionnée à
l'article 9, devient une forme de discrimination qui n'est pas prohibée
par la loi.
M. Choquette: C'est évident. J'ai expliqué aussi
qu'on ne pouvait pas énumérer tous les facteurs de discrimination
qui pouvaient exister.
M. Burns: Donc, le phénomène d'homosexualité
n'est pas protégé par la loi.
M. Choquette: C'est bien ce que j'ai dit.
M. Burns: M. le Président, il me semble qu'à ce
moment-là, il va falloir prendre un autre argument du ministre de la
Justice et celui-là, je ne le traite même pas de
sophistique ou de sophiste mais j'ai l'impression que, maintenant que
les faits sont rétablis, que c'est limitatif et exhaustif, cette
énumération, il faut prendre le deuxxième argument du
ministre, celui qui dit: Avez-vous remarqué qu'on a
légiféré pour des cas généraux? Lisons-les
les cas généraux, fondés sur la race.
Qu'on le veuille ou non, tout le monde n'est pas de la même race
au Québec. Ce ne sont pas des cas généraux. La couleur; ce
n'est pas pour les blancs qu'on légifère, vous savez. Ce ne sont
pas les blancs qui sont l'objet de discrimination au Québec; c'est pour
les noirs. Savez-vous quel est le pourcentage de noirs au Québec? Cela
ne dépasse pas... je me lancerais sur le chiffre de 4%.
M. Morin: Même pas.
M. Burns: C'est moins que cela. Mais pour être sûr de
ne pas charrier dans le mauvais sens, je vous dirais que cela ne dépasse
pas 4%, les noirs.
Vous avez le père Dejean qui a dit que, dans certains quartiers
à Montréal, et les quartiers sont bien identifiés, lorsque
le chiffre de 4% est atteint, c'est là que commence à exister une
forme de discrimination.
Donc, je ne me trompe pas si je dis que ce n'est pas 4% au
Québec, les noirs. C'est quand même pour eux qu'on
légifère présentement. C'est quand même aussi pour
les Asiatiques. C'est quand même aussi pour les Indiens qui, eux, sont en
proportion encore moindre.
M. Choquette: Additionnez.
M. Burns: Non, je n'additionne pas tout ce monde-là. Ce
sont des cas individuels.
M. Choquette: Oui, mais...
M. Burns: Oui. Le sexe, que voulez-vous, tout le monde n'a pas le
même sexe au Québec; heureusement d'ailleurs. L'état civil:
tout le monde n'a pas le même état civil. Vous avez des
célibataires, vous avez des mariés, vous avez des
divorcés, vous avez des séparés...
M. Sylvain: Séparatiste!
M. Burns:... Vous avez des veufs et vous avez des prêtres,
qui ont un état civil particulier.
On légifère pour toutes ces catégories de
gens. La religion: II y a quinze ans, ou même j'irais un peu plus
loin que cela, il y a vingt ans, la religion ici, cela aurait été
les gens qui n'en avaient pas qu'on aurait protégés.
Vous savez que, par votre texte, ce sont les gens qui en ont qu'on
protège actuellement. C'est drôle comme les années changent
et qu'il y a des variantes.
Mais, actuellement, vous ne me vendrez pas l'idée que tout le
monde pratique une religion au Québec. Donc, c'est encore pour une
certaine minorité.
Les convictions politiques: Regardez les chiffres des dernières
élections: l'Union Nationale, 5%; les créditistes, près de
10%; les péquistes, près de 31%; les libéraux, près
de 55%.
C'est tout ce monde-là, fractionné, chacun dans son
groupe, qu'on protège. Ce n'est pas une généralité
de libéraux et une généralité de gens du Parti
québécois qu'on protège, ni encore une
généralité de l'Union Nationale ou de créditistes.
C'est individuellement chacun de ces groupes qu'on protège.
Continuons, M. le Président. La langue, Dieu sait qu'il y a des
gens qui ne parlent pas non seulement la langue de la majorité, mais qui
ne parlent même pas la langue de la minorité. Il y a des gens
à Montréal qui ne parlent que le grec, qui ne parlent que le
portugais. Vous légiférez quand même pour ces gens. Leur
origine ethnique, leur origine nationale et sociale, vous protégez cela,
mais vous ne protégez pas un minimum de 150,000, un maximum de 300,000,
j'irais même plus loin si on prenait les chiffres du rapport Kin-sey,
jusqu'à 600,000, vous ne protégez pas les 600,000 homosexuels du
Québec.
Ils ont le droit, eux, d'être un objet de discrimination. Je vous
demande, M. le Président, très sincèrement, de
reconsidérer votre opinion. Je vous dis, M. le ministre, que vous ne
vous rabaisserez pas, je vous le dis bien honnêtement, vous ne vous
rabaisserez pas en acceptant mon amendement. Au contraire, vous allez vous
grandir en l'acceptant.
Si l'expression ne vous va pas, si le ternie "orientation sexuelle" ne
vous va pas, je vous en suggère un autre. Vous en ferez ce que vous
voudrez. Je pense qu'il serait peut-être plus juste et plus
français de parler d'affinité sexuelle. Si c'est cela qu'on doit
dire, qu'on le dise. Je n'y ai pas d'objection. Je vais retirer ma motion si le
ministre de la Justice est prêt à ajouter les mots
"affinité sexuelle". A mon avis, cela va viser les mêmes buts,
cela va atteindre les mêmes résultats, mais je pense qu'on n'a pas
le droit, quand on parle d'une charte des droits et des libertés de la
personne, d'ignorer cette partie importante de notre population. J'insiste sur
les mots "notre population". Ce ne sont pas des gens qu'on met en marge de la
société, ce sont des gens qui sont avec nous autres dans cette
société actuelle du Québec. Pourquoi ne le
reconnaît-on pas? Pourquoi se gêne-ton de dire que ce sont des gens
de notre société? Ce ne sont pas des gens qu'on doit
déjeter de notre société. Contrairement à ce que
bien des gens pensent, ce ne sont pas des malades et ce ne sont pas des
vicieux. Ce sont des gens qui ont tout simplement une orientation sexuelle
différente de la majorité au Québec. Je pense qu'il faut
le reconnaître dans un projet de loi aussi important que cela.
Le Président (M. Lamontagne): Le député de
Beauce-Nord.
M. Sylvain: Le député de Maisonneuve utilisait un
droit de réplique après son exposé, mais vous me
permettrez une constatation, une considération qui pourrait être
sous la forme interrogative aussi. Vous m'avez donné des chiffres,
évidemment, qui vous avaient été fournis en commission
parlementaire dans le cadre de ce rapport Kinsey.
M. Burns: Cela n'a pas été contesté.
M. Sylvain: II y a quand même quelque chose qui me frappe.
Je vais me faire le Jos. Bleau de la rue. Je vais essayer de me situer comme
les gens du comté de Beauce-Nord. Vous dites que, dans le bill omnibus,
de toute façon, Trudeau a donné une reconnaissance
criminelle...
M. Burns: Non, une reconnaissance que ce n'était plus
criminel...
M. Sylvain: Une reconnaissance... M. Burns:... à
certaines conditions.
M. Morin: Est-ce que Jos. Bleau est hétérosexuel ou
homosexuel?
M. Sylvain: Jos. Bleau est hétérosexuel. Mais,
encore, il comprend l'homosexuel.
M. Burns: II y a 10% des Jos. Bleau qui sont homosexuels,
n'oubliez pas cela.
M. Sylvain: D'accord.
M. Burns: N'oubliez pas cela, même dans le comté de
Beauce-Nord. Cela ne se résume pas à seulement un comté,
l'homosexualité, n'oubliez pas cela. N'oubliez jamais cela.
M. Sylvain: II y a quand même cette reconnaissance de
l'homosexualité, entre adultes consentants, qui a été
donnée... Vous nous dites: On veut que ce soit une reconnaissance
civilece sont vos mots de tantôt par cette charte. D'autre
part, il y aurait lieu peut-être, et c'est peut-être absurde de
poser la question comme cela de savoir, d'un autre côté si
on inclut l'orientation sexuelle, la statistique de ceux qui, tant au niveau de
l'emploi qu'au niveau du logement, ne veulent rien savoir de
l'homosexualité. On a posé cet après-midi le principe
à l'amendement de l'article que...
M. Burns: Je vous arrête tout de suite. Je vous ai
cité les statistiques données par M. Doré à la
commission; il a dit que 66% des homosexuels qui ont été
recensés, quant aux cas de discrimination dont ils étaient
l'objet, ou plutôt que 68% se disaient victimes de discrimination, dans
les cas les plus évidents, soit dans les cas d'emploi et dans les cas de
logement.
M. Sylvain: Je sais, mais en incluant les mots "orientation
sexuelle", de toute façon, nous donnerions effectivement la
possibilité, à même cet article, à l'homosexuel de
trouver un motif de discrimination dans le logement et dans l'emploi.
M. Burns: Pas le motif, il a déjà le motif. M.
Sylvain: Non, un motif inscrit à l'article 9.
M. Burns: Oui, il a déjà des motifs de se plaindre
de cela.
M. Sylvain: II a déjà les motifs, mais ce serait un
motif légal.
M. Burns: Oui, c'est cela.
M. Morin: C'est-à-dire qu'on ferait en sorte qu'on ne
puisse plus...
M. Sylvain: N'essayez pas de m'expliquer quelque chose que je
comprends.
M. Morin: J'espère.
M. Burns: Vous n'en avez pas l'air.
M. Sylvain: Non, c'est vous qui demandez d'inclure le terme
"orientation sexuelle"...
M. Burns: Oui.
M. Sylvain:... parce qu'il n'est pas inclus dans les motifs de
discrimination dont on veut se plaindre. Cela lui donnerait un motif à
l'intérieur du texte de loi. D'un autre côté, je reviens
toujours à mon Jos Bleau, hétérosexuel lui, qui est
propriétaire de logements ou employeur. S'il ne veut rien savoir d'un
homosexuel dans le cadre de son entreprise ou de son logement...
M. Morin: Des noirs ou des francophones?
M. Sylvain: Oui, une minute. Vous venez d'inclure à
l'intérieur...
M. Burns: S'il ne veut rien savoir des gens qui ont quatre
enfants?
M. Sylvain: A mon sens, vous venez de faire plus de
discrimination à l'endroit...
M. Bums: Vous l'avez déjà dans la loi pour les
autres cas. Vous l'avez déjà dans la loi. Vous ne pouvez pas
refuser votre logement à quelqu'un parce que c'est un noir. C'est
déjà dans la loi, cela.
M. Sylvain: Peut-être que c'est...
M. Burns: Vous ne pouvez pas refuser votre logement à
quelqu'un parce qu'il a quatre enfants et que vous ne voulez pas d'enfant.
M. Sylvain: Peut-être qu'un homosexuel, c'est un cas plus
patent encore. Dans la mentalité des gens, peut-être que c'est un
cas plus patent de discrimination, d'un motif de discrimination à son
égard, du moins à ce qu'on peut constater. Si vous incluez
orientation sexuelle à l'intérieur de cet article 9, qui nous dit
que vous ne procurerez pas un motif de discrimination à l'égard
de l'employeur et à l'égard du locateur d'appartement? On vient
d'inscrire à l'article 6 et le chef de l'Opposition cet
après-midi l'a présentée la jouissance paisible et
la libre disposition de ses biens.
M. Burns: Dans la mesure où le permet la loi. M.
Sylvain: C'est cela. M. Bums: C'est cela.
M. Sylvain: On critiquait justement... De ce côté,
il y a des lois antérieures qui, à un moment donné,
viennent contrecarrer le droit de propriété ou le droit d'user de
ses biens comme on en dispose.
M. Burns:... incompatible.
M. Sylvain: Non, ce n'est pas incompatible. Je me demande si on
avait réellement au niveau de révolution des mentalités
sur ce problème en particulier, si à un moment donné...
Inclure le terme "orientation sexuelle", la majorité de ceux qui
seraient discriminés serait où?
M. Burns: Ce que vous n'avez pas l'air de comprendre, c'est que
même si on inscrit cela, et même si on dit la couleur, le sexe,
l'état civil, la religion, etc., cela n'exempte pas toutes ces personnes
de respecter les autres lois. Il faudrait qu'on comprenne cela. Je veux dire
qu'un homosexuel qui entrerait dans un édifice n'a pas le droit de
défoncer les murs, pas plus qu'un noir, pas plus qu'un musulman, et pas
plus qu'un péquiste. Personne n'a le droit de faire cela. Il y a les
autres lois qui continuent à exister. Seulement, ce qu'on ne veut pas,
c'est l'inverse, c'est qu'on dise: Non, je ne te loue pas parce que tu es un
musulman, parce que tu es un noir, parce que tu es un homosexuel. C'est cela,
voyez-vous!
M. Sylvain: Non, mais dans la mentalité des gens...
M. Burns: Faites donc la distinction un peu. Cela dérange
quoi au propriétaire qu'on lui dise: Tu es obligé de louer
à cette personne, parce que tu ne peux pas refuser à cette
personne parce qu'elle est homosexuelle?
M. Sylvain: De toute façon, vis-à-vis de la
mentalité...
M. Burns: Cela dérange quoi, si cette personne remplit
toutes les autres obligations? Cela dérange qui?
M. Sylvain: Je vais vous laisser parler un petit bout.
M. Burns: Bon.
M. Sylvain: C'est parce que vis-à-vis des autres
problèmes qui seront créés par la race, la couleur,
l'état civil, la religion, etc., je veux dire que la mentalité
des gens est pas mal plus ouverte là-dessus. Quand on me dit que
c'était la reconnaissance par le bill omnibus entre deux adultes
consentants, c'étaient deux adultes consentants quant à moi. Dans
la reconnaissance du principe de l'orientation sexuelle à
l'intérieur de l'article 9, vous avez affaire à un adulte qui est
un adulte consentant et l'autre qui est un adulte qui n'est pas un adulte
consentant dans le terme de l'arrangement ou du contrat qui pourrait se
conclure entre les deux. Je vous dis cela à l'intérieur de la
mentalité qui existe au Québec vis-à-vis de
l'homosexualité et qui n'existe pas vis-à-vis d'autres ordres de
problèmes.
M. Burns: L'homosexuel qui s'en va louer chez un locateur, ne lui
demande pas de coucher avec lui, il demande de louer un appartement.
M. Sylvain: C'est juste, mais si le locateur ne veut rien savoir,
dans le cadre d'un contrat de louage ou de location, vous allez restreindre le
locateur. Il va se trouver discriminé.
M. Burns: Oui.
M. Sylvain: II va se trouver discriminé. Est-ce que vous
pensez qu'il y aurait plus de locateurs ou d'employeurs qui seraient
discriminés en incluant cela, qu'il y aurait d'homosexuels? J'ai bien
l'impression que si on faisait une statistique au Québec sur des
pourcentages...
M. Burns: C'est bien dommage, mais si vous avez un homosexuel qui
travaille pour moi et qui fait son travail comme il le faut, ou elle fait son
travail... Parce qu'il y a aussi des femmes, on pense toujours aux hommes, il y
a des femmes aussi qui sont homosexuelles; le mot, au cas où vous ne le
sauriez pas, s'applique aux deux. Qu'une femme ou un homme soit homosexuel et
qu'il travaille pour moi et qu'il fasse son travail, en quoi ai-je le droit de
me plaindre qu'il soit homosexuel?
M. Sylvain: Ah! vous êtes correct...
M. Burns: En quoi ai-je le droit de me plaindre? C'est cela le
problème.
M. Sylvain: II est non seulement probable... M. Burns:
C'est cela, le problème.
M. Sylvain: Je dis la même chose...
M. Burns: C'est cela qu'on vous demande de reconnaître. Ce
n'est pas plus que cela.
M. Sylvain: ... mais je parle du cadre de l'évolution des
mentalités. C'est ce dont je parle au sujet du problème de
l'homosexualité.
M. Morin: On vous demande d'aider l'évolution des
mentalités en adoptant cet amendement. Cela va aider. Cela va servir
à éduquer, aussi, les gens, peu à peu. Je ne crois pas que
cela...
M. Sylvain: Non, c'est une question que je me pose. Quel groupe
ou à quel pourcentage on discrimine d'un côté ou de
l'autre?
M. Burns: S'il y a un cas... Vraiment, je vous demande d'y
penser, le député de Beauce-Nord. S'il y a un cas, où
l'Assemblée nationale peut, de façon très constructive,
faire avancer un certain nombre d'idées au Québec, c'est bien
celui-ci. Je ne vous dis pas qu'il faut dire et que le ministre de la Justice
doit, demain, faire passer des annonces partout vite, il faut que tout le monde
devienne homosexuel. Ce n'est pas cela que je vous demande, et ce n'est pas
cela que les associations homophiles sont venues nous dire, non plus. Elles
veulent tout simplement avoir la paix et agir comme une personne humaine, sans
distinction, eu égard à un certain nombre de choses, et entre
autres, en ce qui les concerne, leurs affinités sexuelles. C'est tout.
C'est cela qu'on demande.
M. Sylvain: C'est parce qu'il faut comprendre que c'est dans le
cadre d'une discussion. Quand le ministre de la Justice disait, tout à
l'heure, qu'il ne voulait pas, à l'intérieur de deux mots,
risquer peut-être la Charte des droits de l'homme, on peut le comprendre
de cette façon. Eu égard à la mentalité existante,
dans des cas particuliers, tels le logement, l'emploi, avec l'inclusion des
termes "orientation sexuelle", en donnant des pouvoirs coercitifs à une
commission qui enquêterait, etc., je me demande, à la fin, dans le
cadre où on se situe, dans les mentalités au Québec,
à l'heure actuelle je ne veux pas me prendre comme exemple
particulier, je vous ai dit que je parlais pour Jos Bleau si ces
dispositions, à l'intérieur de l'article 9, ne viendraient pas
créer, au point de vue des pourcentages et des nombres de personnes, des
cas discriminatoires d'un autre côté, où le gouvernement,
pour une fois, serait encore plus blâmé que de ne pas avoir
légiféré dans le cas de l'homosexualité.
M. Burns: Est-ce que vous avez déjà vu, le
député de Beauce-Nord, une minorité faire de la
discrimination à l'endroit d'une majorité? Avez-vous
déjà vu cela, vous? Parce que dans le fond, c'est la
minorité qu'on essaie de protéger.
M. Sylvain: Je n'ai jamais vu de minorité... mais j'ai vu
des gouvernements faire des lois discriminatoires...
M. Burns: ... une minorité?
M. Sylvain: ... à l'endroit des minorités et,
quelquefois, à l'endroit des majorités. C'est aussi surprenant
que cela.
M. Choquette: M. le Président, puis-je prendre la
parole?
Le Président (M. Lafrance): Oui.
M. Choquette: M. le Président, je souscris à ce que
dit le député de Beauce-Nord. Je pense que l'état de
réceptivité de la population en général est un
facteur très important que le gouvernement doit considérer
à l'occasion de l'étude d'une proposition comme celle qui est
faite par le député de Maisonneuve. Si on est pour créer
plus de résistance à l'adoption de la charte, à son
rôle pédagogique, aux principes qui sont proposés dans la
charte, à ce moment, on risque d'avoir des résultats qui sont
contraires à ceux qu'on espère. Donc, je pense que cela prend une
certaine dose de réalisme, que le député de Beauce-Nord
manifeste.
Maintenant, le député de Maisonneuve a beau tenter de
trouver des sophismes dans mon point de vue. Moi, j'en trouve dans le sien.
Le député de Maisonneuve nous a dit que les amendements
apportés en 1969 au code criminel, qui avaient
"décriminalisé" des activités homosexuelles entre adultes
consentants, ont autorisé ces activités. Je ne pense pas, M. le
Président, qu'on puisse aller jusqu'au point où va le
député de Maisonneuve.
M. Burns: Bien oui, mais...
M. Choquette: Elles ne sont pas interdites par le code criminel,
et je pense qu'elle était très justifiée, cette mesure
mais cela ne veut pas dire qu'à l'occasion d'une loi qui portera le nom
de charte des droits et libertés de la personne, on doive
entériner ou donner un consentement législatif implicite à
ces choses. C'est la raison pour laquelle il faut, quand même, ne pas
exclusivement examiner la charte sous son aspect antidiscriminatoire. Je veux
bien comprendre que la charte a une fonction antidiscriminatoire, une fonction,
d'ailleurs, importante à ce point de vue, mais elle tente
également, d'une certaine façon, de faire un peu la
synthèse de la société actuelle
Je ne pense pas qu'il incombe au législateur, à ce
moment-ci, d'aller implicitement conférer un statut de
légitimité à l'orientation sexuelle comprise dans le sens
de l'homosexualité, etc.
M. Burns: Le ministre me permet-il une question?
M. Choquette: N'oublions pas, M. le Président, que la
charte a un rôle pédagogique. Cet après-midi, à
quelques reprises, le chef de l'Opposition a mentionné cet aspect. Si la
charte doit avoir un rôle pédagogique, je ne crois pas, du moins
dans l'état actuel des choses et pour les dif- férents arguments
que j'ai mentionnés, que nous devions nous sentir l'obligation de
proscrire, d'une façon absolue, la discrimination pour le motif en
question.
Je comprends que la question est assez ténue à
résoudre parce que s'il est vrai qu'on peut ressentir de la sympathie
pour des cas de discrimination particuliers qui peuvent se produire, autant
dans le travail que dans le logement... Je tiens à souligner qu'il ne
s'agit pas pour moi ou pour les membres du gouvernement d'une question
d'animosité et qu'il ne s'agit pas d'un refus de comprendre, mais il
faut quand même prendre en considération les aspects plus
généraux qui débordent le cadre des cas
particuliers...
M. Burns: Puis-je vous poser une question, M. le Ministre?
M. Choquette: ... de discrimination.
M. Burns: Elle est essentielle. Je m'excuse.
M. Choquette: Vous poserez la question après...
M. Burns: Non. Je ne veux pas vous interrompre longtemps, mais
c'est parce que vous avez touché à ce point.
M. Choquette: Vous m'interrompez souvent.
M. Burns: Non. C'est la première fois depuis que vous
parlez...
M. Choquette: Oui.
M. Burns: ... c'est-à-dire aujourd'hui, ce soir.
M. Choquette: D'accord. Très bien.
M. Burns: Peut-on admettre, entre nous, que la loi qui s'intitule
la charte des droits et libertés de la personne n'est pas
nécessairement la charte des droits et libertés de la
majorité, mais que ce sont des personnes qui sont, habituellement, des
minorités qu'on veut protéger par une telle charte?
M. Choquette: Oui, mais il faut... M. Burns: Peut-on
admettre cela?
M. Choquette: On peut très bien admettre cela et
même partir de ce point de vue; mais encore faut-il que la charte soit
acceptable à la majorité, que la charte ne représente pas,
en somme, un changement...
M. Burns: Ce n'est pas grave.
M. Choquette:... trop radical dans les croyances de la
majorité, que la charte puisse s'adapter à la situation qui
prévaut à l'heure actuelle et s'adapter à son rôle
pédagogique que nous avons voulu y inscrire.
M. Burns: Mais le... rôle...
M. Choquette: Je ne ferme pas d'une façon
irrémédiable la porte à une évolution de ce
côté. On ne sait pas ce qui peut se passer au cours des
années qui vont venir. Je pense que, possiblement, la commission, si
elle le juge opportun, pourra faire des recommandations à l'occasion
d'un rapport annuel ou autrement sur le problème en question. Elle
pourra l'analyser, le peser, donner le pour et le contre et prendre en
considération autant les arguments qui ont été mis de
l'avant par le député de Maisonneuve et son collègue du
point de vue des cas particuliers d'individus qui subissent la discrimination
pour ce motif et à ce point de vue, on peut, sur un plan humain, abonder
dans ce sens; je ne le nie pas du tout; mais au moment où on
légifère, on pose un acte à caractère public qui
est de nature à influer sur le progrès de la
société et l'évolution de la société'
Personnellement, je ne crois pas que l'évolution commande de plus en
plus, comme l'a laissé soupçonner ou l'a indiqué le
député de Maisonneuve... que de plus en plus, il se crée
une majorité homosexuelle.
Donc, cette charte sera appelée, principalement, à servir
à l'éducation dans les écoles. Je pense que c'est un des
premiers endroits où la charte devra accomplir sa fonction
pédagogique. Pour le moment, compte tenu de la mentalité qui
prévaut, en général, au Québec, je crois que cela
serait un geste qui serait contraire aux meilleurs intérêts "de la
société et qui serait contraire au résultat
désiré par la charte. Mais je ne m'arroge pas le droit de porter
un jugement définitif et absolu sur une question comme celle-là.
Je suis sensible aux arguments qui ont été soulevés par
nos collègues de l'Opposition ainsi que par les prises de position qui
ont été celles des organismes dont nous a fait
l'énumération le chef de l'Opposition.
C'est la raison pour laquelle, dans l'avenir, on pourra juger si un tel
amendement pourra être compatible avec le reste de la charte. Pour le
moment, je ne peux, pour ma part, voter en faveur de cet amendement.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Maisonneuve.
M. Burns: Merci, M. le Président. N'est-il pas exact, M.
le ministre, que le Conseil consultatif de la justice vous a donné un
avis favorable à un tel amendement?
M. Choquette: Je n'ai pas entendu parler de cet avis. J'ai
été des plus surpris de voir le nom du conseil consultatif
mentionné parmi les organismes qui avaient donné un
acquiescement. Je n'ai jamais entendu dire que le conseil consultatif ait
adopté une résolution formelle appuyant cette proposition. C'est
la raison pour laquelle j'ai quelques doutes, non pas sur
l'honnêteté et l'intégrité de ceux qui ont
présenté ces lettres, mais je me demande si on n'a pas obtenu des
acquiescements d'une façon assez sommaire pour pouvoir affirmer que le
conseil consultatif s'est prononcé favorablement.
M. Burns: Ce que le chef de l'Opposition...
Le Président (M. Lafrance): Je regrette...
M. Choquette: M. Jean Moisan vous aurait donné un
appui?
Une Voix: ...
M. Choquette: Ecoutez, peut-être que M. Moisan a droit
à son avis personnel, s'il vous a exprimé son avis personnel.
Mais, M. Moisan ne lie pas le conseil consultatif et je n'ai jamais entendu
parler d'une résolution qui ait été adoptée par le
conseil pour approuver cette proposition.
M. Burns: Mais les lettres que le chef de l'Opposition vous a
lues, tout à l'heure, sont devant nous. Si vous voulez les
vérifier.
M. Choquette: Les lettres, vous savez, c'est comme les
témoins dans une cause, on peut additionner les témoins, s'ils
ont tous tort, ils ont tous tort. S'il y en a un qui a raison c'est lui qui a
raison contre les autres. C'est la raison pour laquelle, sans mettre en doute
la valeur des organismes en question, pour moi ils ne me...
M. Morin: Ils ont tous tort.
M. Choquette: ... convainquent pas, à l'heure actuelle,
qu'il soit opportun de donner suite à votre proposition.
M. Burns: Vous ne trouvez pas qu'ils représentent une
couche importante de la population?
M. Choquette: Oui.
M. Burns: Justement, ce qui semble vous préoccuper le
plus...
M. Choquette: Ce n'est pas cet...
M. Burns: Dans le fond, ce que vous voudriez, M. le ministre,
c'est un référendum parmi tous les hétérosexuels
où une majorité d'hétérosexuels...
M. Choquette: Non.
M. Burns: ... qui diraient: On est d'accord que vous incluiez
cela.
M. Choquette: Pas nécessairement. Je pense que c'est une
question...
M. Burns: Votre raisonnement, c'est cela.
M. Choquette: Non, ce n'est pas cela. Je pense que le
député de Maisonneuve caricature un peu. Cela n'est pas cela. Il
s'agit de peser le pour et le contre, de prendre, enfin, les arguments qui nous
sont proposés dans toutes leurs dimensions. Cornme je l'ai dit, je ne
dis pas que les arguments mis de l'avant sont sans valeur parce qu'il existe
certainement des circonstances particulières où des homosexuels
sont victimes de faits discriminatoires. Mais l'implication d'adopter le
principe, au niveau de
la charte, emporte une collaboration particulière, une vision
particulière de la société. Pour ma part, je ne suis pas
prêt, du moins dans l'état actuel des choses, à poser le
geste qui nous est demandé.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Jeanne-Mance avait demandé la parole il y a quelque temps.
M. Brisson: J'avais une question à poser au
député de Maisonneuve, et, dans ses répliques, le ministre
y a répondu.
Le Président (M. Lafrance): D'accord. Les membres de la
commission sont prêts à se prononcer sur l'amendement
proposé par le député de Maisonneuve.
M. Burns: C'est cela.
Le Président (M. Lafrance): Que ceux qui sont pour
l'amendement du député de Maisonneuve lèvent la main.
M. Burns: Voulez-vous nommer les députés, s'il vous
plaît, pour être bien sûr qu'ils sont membres?
Le Président (M. Lafrance): Ceux qui sont membres. Vous
voulez dire des deux...
M. Burns: Nommez les députés qui ont la main
levée.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Sauvé et le député de Maisonneuve sont en faveur. Ceux qui
sont contre?
M. Burns: Voulez-vous nommer les députés, M. le
Président, pour être sûr qu'ils sont membres?
Le Président (M. Lafrance): Le ministre de la Justice, M.
Desjardins, M. Sylvain, M. Pagé, M. Springate, M. Brisson. Six contre.
Deux en faveur. La motion est rejetée.
Article 9, adopté.
M. Morin: Sur division, M. le Président. Le
Président (M. Lafrance): Sur division. M. Burns: Vous n'aviez
pas autre chose? Handicapés
M. Morin: Attendez une seconde, on aurait peut-être... Oui,
je m'excuse, j'ai un autre amendement à vous soumettre, M. le
Président. J'en ai même deux. Le premier consiste à ajouter
après les mots "la religion" les mots suivants "les aptitudes
physiques". En effet, M. le Président, dans le mémoire qui nous a
été soumis par les personnes handicapées sur le plan
physique, on a fait état des discriminations dont sont souvent l'objet
ces personnes. On nous a dit que très souvent ils avaient des
difficultés dans le domaine du logement, dans le domaine de
l'emploi.
Bien sûr, dans le domaine de l'emploi, si une personne est
handicapée physiquement au point de ne pouvoir exécuter la
tâche qu'on attend d'elle, ce n'est pas un motif de discrimination et un
employeur n'est pas forcé d'engager une personne qui, physiquement,
n'est pas apte à remplir la tâche qui lui est assignée.
Mais, il arrive qu'un employeur refuse un emploi à une personne qui est
handicapée physiquement, bien que celle-ci soit parfaitement apte
à exécuter le travail.
Mais parce que cette personne est handicapée, peut-être
parce qu'elle se déplace en chaise roulante, on va lui refuser un emploi
ou on va lui refuser un logement à cause de cela.
M. le Président, je me permets de vous citer en particulier un
extrait d'une déclaration M. Ga-dreau devant cette même commission
permanente de la justice, le 23 janvier dernier il parlait au nom de
l'Association de paralysie cérébrale du Québec. "Pour lui
accorder des chances égales, disait-il, il faut qu'on lui accorde les
moyens particuliers dont il a besoin, lui, pour réaliser ses aspirations
d'être humain. Comme tout être humain, il aspire à vivre
dans une société à laquelle il apporte sa contribution en
donnant le meilleur de lui-même. Pour qu'il puisse développer ses
capacités au maximum, la société doit, comme elle le fait
pour tout le monde, lui ouvrir la voie vers le marché du travail en lui
donnant accès, d'abord, à l'éducation, plutôt que de
le confiner à un rôle dégradant de parasite de la
société. Pour qu'il puisse s'instruire, on doit permettre
à l'enfant handicapé d'apprendre selon son rythme et aussi lui
donner les instruments nécessaires à son apprentissage, que ce
soit pour avoir accès à la connaissance, pour ceux qui ont des
difficultés de perception, ou encore pour s'exprimer librement, pour
ceux qui ne peuvent écrire ou qui ont des difficultés
d'élocution, exactement comme on fournit aux enfants qu'on dit
"normaux," des crayons et des livres."
M. le Président, pour ces raisons et pour d'autres que je
pourrais invoquer, mais je ne veux pas, étant donné le nombre
d'articles qu'il nous reste à parcourir, m'éterniser sur ce
débat, je propose que nous ajoutions, après les mots "la
religion", les mots "les aptitudes physiques" dans l'article 9, de sorte que
toute personne aurait droit à la reconnaissance en pleine
égalité de ses droits et libertés de la personne, sans
distinction fondée sur les aptitudes physiques.
Le Président (M. Lafrance): Le ministre de la Justice.
M. Choquette: M. le Président, il va falloir refuser la
proposition du chef de l'Opposition, car les termes "les aptitudes physiques"
sont des termes tellement généraux qu'ils peuvent désigner
l'aptitude à remplir un emploi ou une fonction et il me semble qu'il est
élémentaire que l'employeur ait le droit d'exiger que la personne
qui postule un emploi ait les aptitudes physiques voulues pour le remplir,
à tel point que l'article 19 fait une exception aux dispositions
antidiscriminatoires de la
charte sous le chef et pour la raison que l'aptitude à remplir un
emploi demeure une condition fondamentale...
M. Morin: C'est ce que je viens de dire.
M. Choquette: Oui, mais vous dites... Si on l'inscrit comme un
absolu dans l'article 9, on arrive en contradiction avec l'article 19, ce qui
serait un résultat assez étrange d'avoir deux articles qui
seraient contradictoires.
M. Morin: Ce n'est pas une contradiction, l'un nuance
l'autre.
M. Choquette: D'ailleurs, M. le Président, j'attire
l'attention du chef de l'Opposition sur l'article 46 qui propose certaines
dispositions pour les personnes atteintes d'une infirmité ou souffrant
d'une déficience ou d'une maladie mentale. Cet article a
été introduit justement à la suite des
représentations qui nous ont été faites par les
représentants des handicapés, soit mentaux ou physiques, auxquels
nous avons pensé qu'il fallait donner une protection dans la mesure
où cela était possible sur le plan législatif.
Maintenant, il va de soi que nous n'affirmons pas que l'article 46 donne
une protection absolue aux handicapés physiques ou mentaux. Il faudra
que les travaux se poursuivent dans ce domaine, de façon à donner
des protections plus spécifiques et plus adéquates aux
différents groupes de handicapés.
J'espère, M. le Président, qu'il sera possible au
gouvernement de déposer d'ici la fin des travaux parlementaires une loi
qui, justement, tentera d'éviter la discrimination à
l'égard des aveugles, mais ceci dans une loi spécifique et qui
leur est particulière, en permettant aux aveugles d'avoir accès
aux lieux publics,lorsque accompagnés de chiens guides et, par
conséquent, de ne pas se voir refuser l'entrée dans des endroits
publics, parce que, étant donné leur cécité, ils
sont accompagnés de chiens qui servent à les guider.
Donc, M. le Président, je considère que l'amendement
proposé par le chef de l'Opposition dépasse vraiment le cadre de
la charte et qu'il serait de nature à introduire
énormément d'ambiguïté et de confusion quant aux
qualités qui peuvent être exigées de personnes pour remplir
des emplois, et ceci nonobstant les autres dispositions de la charte visant
à la protection des handicapés ou d'autres lois
particulières à venir qui viseront à leur donner
protection, au moins dans une certaine mesure dans leurs activités.
M. Morin: M. le Président, j'avais prévu
expressément, dans le court exposé que j'ai fait, les arguments
que m'a servis le ministre pour contrer la proposition que j'ai faite.
J'ai pris soin de dire clairement qu'un employeur, pour des motifs
valables, notamment parce que la personne handicapée physiquement ne
peut exécuter convenablement la tâche qu'il attend d'elle, peut
refuser de l'employer. Ce n'est pas de cela qu'il est question.
Ce dont il est question, c'est une situation comme celle-ci. Une
personne apte à faire un travail de bureau se présente et postule
un emploi. Ce travail de bureau, elle a toutes les aptitudes pour le faire,
pour l'exécuter proprement. Beaucoup de handicapés physiques sont
des personnes fort intelligentes.
Elle répond en tous points à la description de tâche
qui est fournie par l'employeur. Mais elle se présente assise dans une
chaise roulante. On lui refuse l'emploi pour cette seule raison, étant
donné que cela peut créer des inconvénients, étant
donné qu'il n'y en a pas dans le bureau, étant donné que
ceci ou cela.
C'est cela que vise l'amendement que j'ai proposé tout à
l'heure, en ajoutant les mots "aptitude physique" dans l'article 9. Si le
ministre veut bien me dire comment on peut éviter des cas de
discrimination comme celui-là, s'il veut bien me dire comment il va
empêcher un employeur d'embaucher une personne qui se présente en
chaise roulante, par exemple, ou encore à une personne de louer un
appartement à une personne handicapée sur le plan physique, parce
qu'elle est handicapée sur le plan physique, s'il veut bien me dire
comment on va prendre la défense de ces personnes et leur assurer des
droits égaux, je retirerai mon amendement.
M. Choquette: C'est parce que les termes "aptitude physique" sont
tenements généraux que cela ouvrirait la porte à une foule
de contestations pour déterminer si, en l'occurrence, dans des cas
particuliers, il y avait ou il n'y avait pas d'aptitude physique pour remplir
l'emploi.
On peut très bien admettre une personne qui est en parfait
état de santé. Mais une certaine fonction requiert plus de force
que cela n'est requis habituellement et l'employeur pourrait dire: A mon sens,
vous n'avez pas l'aptitude physique pour remplir l'emploi.
Cela ouvrirait la porte à toutes sortes de contestations qui
seraient sans limite. C'est la raison pour laquelle je pense que le terme est
tellement vague, tellement général qu'on ne peut pas vraiment le
circonscrire d'une façon suffisamment précise pour en faire un
motif de discrimination qui serait prohibé.
Il faut ajouter à cela qu'il faudra probablement viser à
des lois sectorielles à l'égard des différents types de
handicapés physiques qui intéressent le chef de l'Opposition,
Qu'on prenne des aveugles, qu'on prenne des sourds, qu'on prenne des
gens qui n'ont pas l'usage d'un membre, il faudra, par conséquent, faire
des études sur des lois qui seraient sectorielles et qui permettraient
à ces gens d'accéder, dans la plus large mesure possible,
à l'égalité, malgré que leur handicap physique
puisse comporter l'incapacité de remplir au moins un certain type
d'emploi.
Je pense que, pour le moment, les études n'ont pas
été poursuivies avec suffisamment d'approfondissement pour qu'on
puisse dire, d'une façon catégorique et absolue, que les
aptitudes physiques ne sont pas un motif de discrimination, sur-
tout dans un texte d'une portée aussi générale que
celle de l'article 9. Ceci ne veut pas dire que l'idée qui était
au fond de la proposition du chef de l'Opposition n'est pas
intéressante. Je crois que, justement, le ministère des Affaires
sociales a fait préparer un rapport important sur la question, qui
s'appelle le rapport Girard et qui traite des différentes
catégories de handicapés physiques, avec un certain nombre de
recommandations qui pourraient être adoptées à leur
égard. Mais le mettre au rang d'un principe absolu qu'on ne doive pas
tenir compte des aptitudes physiques, à mon sens, on risque d'embourber
la charte d'une notion qui est vraiment trop générale.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Sauvé.
M. Morin: M. le Président, le ministre nous dit que cette
expression peut donner lieu à de nombreuses contestations, mais s'il
s'en remet à l'expérience de la Commission des droits de l'homme
de l'Ontario, il est certain que toutes les expressions utilisées ici
vont donner lieu à des interprétations difficiles et à des
cas limites. Qu'il s'agisse de la race, de la couleur, du sexe, de
l'état civil, de la religion, il se rendra compte, s'il étudie
les nombreux cas qui ont fait l'objet d'enquêtes par la Commission des
droits de l'homme de l'Ontario, que tous ces mots, toutes ces expressions
donnent lieu à des difficultés d'interprétation et que les
cas limites sont nombreux.
Je ne me rends pas à son argument. Si les aptitudes physiques lui
paraissent une expression qui n'est pas suffisamment précise, parlons
des conditions physiques ou alors, parlons de handicaps physiques c'est
peut-être encore plus précis de façon à
protéger ces personnes, lorsqu'elles postulent un emploi ou lorsqu'elles
veulent obtenir un logement.
A l'heure actuelle, il n'y a aucune protection pour ces personnes. Le
résultat, c'est qu'elles sont littéralement rejetées de la
société, tant dans l'emploi que dans le logement.
M. Choquette: Evidemment, il n'y a pas de doute qu'un certain
nombre de ces termes qui sont mentionnés déjà à
l'article 9, lorsqu'ils seront appliqués à des cas particuliers,
vont ouvrir des portes à des débats d'interprétation. Nous
nous y attendons bien. C'est généralement le sort des textes
juridiques qui ont une portée aussi générale qu'une charte
des droits de l'homme, que d'ouvrir la porte à de nombreuses
contestations sur leur interprétation. C'est la raison pour laquelle il
faut vraiment rechercher comme objectif d'être relativement
spécifique, de s'exprimer avec beaucoup de clarté et de savoir ce
que l'on entend couvrir par les termes que l'on emploie. Ceci, toujours en
admettant, évidemment, qu'il y aura toujours des plaideurs qui vont
arriver et qui vont trouver des cas qui sont à la marge et qui vont
tenter de justifier qu'ils sont couverts par des dispositions
antidiscriminatoires.
J'ai l'impression qu'aller introduire l'idée de handicap ou
l'idée d'aptitude physique comme conférant un droit à
l'égalité absolue, quelles que soient justement ces aptitudes
physiques, cela peut vraiment ouvrir les vannes d'une façon
inconsidérée, avec un nombre formidable de litiges qui
s'ensuivraient, sans qu'on puisse calculer, au moment où on se place,
c'est-à-dire à l'heure actuelle, les conséquences sur
telle et telle classe de handicapés physiques, mentaux ou autrement.
Je pense que, pour le moment, il n'est pas possible d'aller jusqu'au
point où le chef de l'Opposition cherche à nous amener.
Mais cela ne veut pas dire qu'après des études suffisantes
sur le problème, on ne pourra pas proposer des amendements qui,
justement, chercheraient à rétablir, au moins dans la mesure du
possible, compte tenu des inaptitudes physiques ou des problèmes des
handicapés, la possibilité de gagner leur existence d'une
façon normale.
M. Sylvain: C'est trop large.
M. Morin: Le ministre est plein de bonnes intentions pour
l'avenir, mais c'est maintenant qu'il faut procéder à la
protection de ces gens. De toute façon, je me rends compte que je me
heurte à un mur sur ce plan et je ne vais pas reprendre une fois de plus
les arguments. Je veux bien qu'on passe au vote sur la question.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Beauce-Nord.
M. Sylvain: Avant de voter et sans retarder la prise du vote sur
cet amendement, le chef de l'Opposition, par ses dernières paroles, fait
sans doute beaucoup de peine à ceux qui travaillent dans les milieux des
centres d'ateliers indépendants pour handicapés physiques. Je
pense à celui de La Chaudière qui, notamment, passe une centaine
de handicapés physiques par année et réussit à en
placer 60 ou 65, selon les statistiques de 1974. Pour expliquer le vote contre
cette motion d'amendement du député de Beauce-Nord, je veux dire
simplement que, comme le ministre, les termes en sont trop
généralisés. De toute façon, avec des lois
sectorielles et des règlements venant des différents
ministères, nous n'avons qu'à penser en particulier à
toutes les démarches des associations de handicapés physiques du
Québec pour demander au gouvernement l'accès aux services et aux
édifices publics. Le ministère des Affaires sociales, en outre,
est en train de préparer des règlements pour exiger des normes de
construction avec rampes d'accès, etc. C'était là une des
formes de discrimination que, par rapport aux édifices publics, il y
avait...
M. Morin: C'est juste.
M. Sylvain: ... et, semble-t-il, dans ce secteur qui a
été très critiqué par les handicapés
physiques, ce problème serait bientôt résolu. Il est faux
de prétendre que, pour les handicapés physiques, il n'y ait
absolument rien qui les fasse tendre vers une non-discrimination. Au contraire,
je pense que des mesures sont prises par des ateliers indépen-
dants et au niveau du ministère des Affaires sociales, et qui, en
outre, d'autres vont être prises au cours de l'été quant
aux édifices publics. Quant à inclure les aptitudes physiques,
surtout par rapport au secteur de l'emploi, c'est nettement trop large, c'est
un champ si large qu'à un moment donné, cela donne ouverture
à toute espèce d'injonction à mesure qu'on a un cas.
M. Choquette: Dans le domaine de l'accès aux lieux publics
et même aux commerces ou restaurants, par exemple, qui sont ouverts au
public en général, on sait que l'adoption de certaines normes qui
permettraient à des handicapés d'y avoir accès
représente des côuts économiques qu'il va falloir prendre
en considération avant d'adopter ces normes. Je connais des Etats
américains qui se sont lancés dans ce genre de lois. Je pense
qu'il faut les approuver en principe, mais encore faut-il mesurer les
incidences économiques sur les propriétaires actuels de ces
entreprises qui devront réaménager un certain nombre des aspects
physiques des lieux qui sont ouverts au public.
M. Morin: M. le Président, c'est précisément
pour des raisons analogues à celles qui viennent d'être
mentionnées par le député de Beauce-Nord que je faisais
cet amendement. Bien sûr, il s'est déjà fait du
progrès pour mettre fin à la discrimination exercée
à l'endroit des handicapés physiques pour ce qui est de
l'accès aux bâtiments publics, aux lieux publics. Je ne nie pas
qu'il y ait eu du progrès par rapport aux années passées.
Je constate avec lui que c'est une bonne chose. L'objet de mon amendement est
précisément d'aller un peu plus loin et de nous assurer que cet
effort que nous faisons pour les handicapés, nous le faisons
également dans l'emploi et dans le logement. Le député
disait que l'amendement ferait de la peine aux personnes handicapées ou
à ceux qui...
M. Sylvain: Dans vos derniers commentaires, vous avez dit qu'il
n'y avait absolument rien de fait, vous avez fini par cela. Au contraire...
M. Morin: Non, je parle du logement et de l'emploi. Je ne parlais
pas de l'accès aux lieux publics, je parle du logement et de l'emploi.
Si le député a pris connaissance des mémoires qui ont
été soumis par les personnes handicapées, il a pu se
rendre compte qu'elles sont venues ici se plaindre de discrimination
réelle. C'est à ce besoin, c'est à cette angoisse qui
s'est manifestée chez elles que nous tentons de répondre avec
notre amendement.
Le Président (M. Lafrance): Que ceux qui sont pour
l'amendement du député de Sauvé veuillent bien lever la
main.
L'honorable député de Sauvé.
Ceux qui sont contre?
L'honorable ministre de la Justice, M. Desjardins, M. Sylvain, M.
Pagé, M. Tardif et M. Brisson.
Un, deux, trois, quatre, cinq, six... Six contre, un pour. L'amendement
est rejeté.
M. Morin: Bien!
Le Président (M. Lafrance): D'autres amendements?
Condition sociale
M. Morin: Oui, j'en ai un dernier, à l'article 9. Je vais
le présenter très brièvement, M. le Président. Il
s'agirait d'ajouter, à la fin de l'article 9, avant le mot "sociale",
les mots "la condition", de sorte que la fin de l'article 9 se lirait comme
suit: "La langue ou l'origine ethnique ou nationale, ou la condition
sociale".
En effet, M. le Président, nous voulons protéger les
personnes contre la discrimination, dans cet article 9, non pas à cause
de leur origine sociale, mais beaucoup plus à cause de leur condition
sociale. C'est à ça que s'adresse, dans la plupart des cas, sinon
dans tous les cas, la discrimination.
En effet, on a rarement égard à l'origine sociale des
personnes, mais on a souvent égard à leur condition sociale
présente, et c'est en fonction de cette condition sociale qu'on exerce
de la discrimination et qu'on tente d'empêcher ces personnes d'avoir
accès à tel logement ou d'obtenir tel emploi. C'est dans cet
esprit, M. le Président, que je propose au ministre de la Justice,
d'accepter cet amendement, qui me paraît aller dans le sens de ses
préoccupations.
M. Choquette: M. le Président, je suis d'accord pour
accepter l'amendement proposé par le chef de l'Opposition. Alors, "la
langue ou l'origine ethnique ou nationale, ou la condition sociale". Je pense
que...
M. Morin: C'est cela.
M. Choquette:... ce serait la manière de...
M. Morin: C'est cela.
Je remercie le ministre et les collègues qui, sûrement,
seront d'accord, s'ils ont le feu vert.
M. Choquette: J'ai consulté mes collègues.
M. Morin: Très bien!
Le Président (M. Lafrance): L'amendement du
député de Sauvé est accepté.
M. Desjardins: On l'attendait, cet amendement.
M. Morin: Vous l'attendiez.
Le Président (M. Lafrance): L'article 9 est adopté
avec modification.
M. Morin: Bien!
L'article 9 est adopté avec cette modification, mais dans son
ensemble, M. le Président, étant donné qu'on ne s'est pas
rendu à plusieurs de nos
amendements qui étaient peut-être plus importants que celui
que je viens de faire...
Le Président (M. Lafrance): Adopté sur
division.
M. Morin: ... nous préférons qu'il soit
adopté sur division.
Le Président (M. Lafrance): D'accord! Article 10.
M. Morin: L'article 10 ne paraît pas soulever de
difficultés particulières.
M. Choquette: M. le Président, on me signale, si on me
permet de revenir à l'article 9, avant de passer à l'article
10...
Le Président (M. Lafrance): D'accord!
M. Choquette:... que, compte tenu de l'amendement qui a
été apporté, il y a un petit changement, au point de vue
linguistique. Il faudrait lire, je pense, après "les convictions
politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale,...
M. Morin: Ou la condition sociale.
M. Choquette:... ou la condition sociale".
M. Morin: Oui, bien! D'accord!
M. Choquette: II paraît que cela ne prend pas de virgule
après "nationale".
M. Morin: Non, c'est juste.
M. Choquette: C'est un expert qui m'a dit cela. Alors, ce
serait...
M. Morin: "...la langue, l'origine ethnique ou nationale ou la
condition sociale".
M. Choquette: Sociale. M. Morin: Oui, c'est bien! M.
Choquette: C'est ça.
Le Président (M. Lafrance): Alors tout est parfait? On ne
revient plus sur l'article 9?
M. Choquette: Tout est parfait.
M. Morin: Maintenant, il serait peut-être plus
français encore, je ne sais pas, je me permets de le suggérer au
ministre, qu'après "la langue", nous disions: "...la langue, la
condition sociale, l'origine ethniqe ou nationale", de sorte qu'on
éviterait la répétition "ou", "ou", deux fois "ou".
M. Giasson: Dans un bon français, vous avez raison.
M. Morin: Non. Cela ne prendrait pas deux "ou". "... la langue,
la condition sociale..."
M. Giasson: "... l'origine ethnique, nationale ou sociale..."
M. Morin: "... l'origine ethnique ou nationale...". A moins qu'on
ajoute "... ainsi que l'origine ethnique ou nationale..." et le tour est
joué.
M. Choquette: "Ainsi que", ce n'est pas très...
M. Morin: C'est très français.
M. Choquette: C'est français, mais c'est...
M. Morin: Enfin. Laissons-le comme cela si vous voulez, mais pour
éviter la répétition du "ou"...
M. Giasson: On n'aurait pas besoin de répéter "...
sociale. Si on met "... la condition sociale...", on peut éliminer le
dernier... "... l'origine ethnique, nationale ou sociale...". On élimine
le dernier mot "... sociale."
M. Choquette: Je pense qu'on était bien avec la
rédaction sur laquelle on s'était entendu.
M. Morin: Je n'ai pas d'objection.
M. Choquette: Quand on s'entend, restons donc avec cela.
Le Président (M. Lafrance): Adopté. Pour la
dernière fois? Article 10.
Avis écrits
M. Morin: L'article 10 est l'ancien article 12. Il n'y a pas de
changement. La Ligue des droits de l'homme a proposé un
élargissement de cet article qui paraissait souhaitable. La ligue aurait
réécrit l'article de la manière suivante: "Nul ne peut
tenir, publier, diffuser ou exposer en public ou permettre de tenir, publier,
diffuser ou exposer en public un avis, un discours, écrit, symbole ou
tout autre moyen comportant discrimination."
M. Choquette: Nous avons adopté, en partie, les
suggestions qui nous ont été faites en ajoutant "... ni donner
une autorisation à cet effet." Et nous avons également
ajouté le mot "diffuser" en plus de "publier" et "exposer".
M. Morin: Est-ce que "diffuser" a été ajouté
depuis la dernière version?
M. Choquette: Oui.
M. Morin: C'était quel article dans la dernière
version? C'est l'article 12. Le ministre a raison.
M. Choquette: J'ai toujours raison.
M. Morin: Non. Pas toujours puisqu'il accepte certains de nos
amendements.
M. Choquette: Le ministre...
M. Morin: Sur ce point, il a raison et je suis heureux de le
reconnaître. Je n'ai pas d'amendement, d'ailleurs, à
proposer...
Le Président (M. Lafrance): Adopté?
M. Morin: ... à l'article 10. Nous sommes prêts
à l'adopter.
Le Président (M. Lafrance): Article 10. Adopté.
Article II.
M. Morin: C'est l'ancien article 14. On l'a élargi de
façon à englober tous les actes juridiques ayant pour objet des
biens ou des services ordinairement offerts au public. C'est une
amélioration. Nous sommes prêts à adopter cet article.
Le Président (M. Lafrance): Article II. Adopté.
Article 12.
M. Morin: II n'y a pas de changement par rapport à
l'ancienne version. On peut l'adopter.
Le Président (M. Lafrance): Article 12. Adopté.
Article 13.
M. Morin: Voilà un article qui est complètement
nouveau, si je ne m'abuse. Oui, c'est complètement nouveau. Même
si cet article apporte une exception au cas de discrimination non
autorisé, il me paraît acceptable dans la mesure où il
concerne la protection de la vie privée du locateur d'une chambre
lorsque celle-ci fait partie de son domicile personnel.
Evidemment, on ne peut forcer les gens à louer une chambre et une
seule chambre, en particulier, à n'importe qui qui en ferait la demande.
Nous acceptons cette proposition parce qu'elle nous paraît raisonnable.
On présume qu'il s'agit d'une personne qui n'est pas, en somme, dans le
commerce de la location des chambres puisqu'elle n'en loue qu'une...
M. Choquette: Exactement.
M. Morin: ... et c'est pourquoi nous serions prêts à
l'accepter.
Le Président (M. Lafrance): Article 13. Adopté.
Article 14.
M. Morin: De même, adopté.
Le Président (M. Lafrance): Article 14. Adopté.
Article 15.
M. Morin: Si je ne m'abuse, on y reprend la première
partie de l'ancien article 16, mais en ajoutant aux cas de discrimination dans
l'emploi, qui sont interdits, d'autres cas.
M. Choquette: En effet.
M. Morin: La mutation, le déplacement, la suspension,
l'établissement de catégories ou de classification d'emplois.
Puis-je rappeler au ministre que la ligue avait proposé de rajouter
également d'autres articles, comme la durée de la période
de probation, le non-renouvellement de contrat? Le ministre a-t-il pris en
considération ces propositions de la ligue?
M. Choquette: Oui. Il nous a semblé que les suggestions de
la ligue étaient comprises à un titre ou un autre, dans
l'énumération qui était faite des différentes
décisions qui pouvaient être prises par l'employeur et qui
pouvaient donner lieu à de la discrimination. Enfin, cela nous a paru
suffisamment explicite comme c'était, qu'on couvrait toutes les
circonstances où un employeur pourrait user de discrimination à
l'égard d'un employé.
M. Morin: Le ministre pourrait-il m'expliquer dans laquelle des
expressions: l'embauche, l'apprentissage, la formation professionnelle, la
promotion, la mutation, etc., se trouve incluse l'idée du
non-renouvellement de contrat?
M. Choquette: En fait, c'est le renvoi.
M. Morin: Ce n'est pas la même chose un renvoi et un
non-renouvellement de contrat, M. le ministre.
M. Choquette: Si le contrat est renouvelé, on retombe dans
l'embauche.
M. Morin: L'embauche est peut-être plus précis que
le renvoi. C'est votre interprétation de l'article.
M. Choquette: Que cela couvrirait ce cas.
M. Morin: Que l'embauche couvrirait le non-renouvellement de
contrat.
M. Choquette: Oui.
M. Morin: Et la durée de la période de
probation?
M. Choquette: L'apprentissage, la formation professionnelle. Je
pense que la probation...
M. Morin: Je veux laisser raisonner le ministre encore un
instant.
M. Choquette: Vous avez les mots aussi: "ou les conditions de
travail d'une personne". Nul ne peut exercer de discrimination dans les
conditions de travail d'une personne. Ce sont quand même des termes
très généraux.
M. Morin: Oui. Ce n'est pas très convaincant, tout de
même. Les conditions de travail, on sait bien que cela s'applique aux
heures de travail, aux congés et non pas du tout à la
durée de la période de probation. Je pense, probablement, que le
ministre serait plus près de la vérité s'il nous parlait
de l'apprentissage ou de la formation professionnelle, mais même à
cela, la ligue estimait que ce
n'était pas suffisamment clair et qu'il y avait lieu d'ajouter la
durée de la période de probation.
Le ministre a-t-il des objections fondamentales à ajouter la
durée de la période de probation après la formation
professionnelle?
M. Choquette: On peut l'accepter, mais on pourrait la situer
après l'apprentissage.
M. Morin: Oui.
M. Choquette: Avant la formation professionnelle.
M. Morin: Oui, je suis tout à fait d'accord. La
durée de la période de probation. C'est important dans certaines
industries, c'est même crucial.
Le Président (M. Lafrance): L'article 15 est
adopté, avec l'amendement suggéré par le
député de Sauvé. Adopté?
M. Morin: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): L'article 16?
M. Morin: L'article 16 peut être adopté. Il est
même plus clair que l'ancienne seconde partie de l'article 16.
Le Président (M. Lafrance): Article 16, adopté.
M. Morin: De même l'article 17.
Le Président (M. Lafrance): Article 17. Adopté.
M. Morin: Je voudrais laisser à mes collègues
ministériels le loisir de lire ces articles avant que nous les
adoptions.
M. Sylvain: Cela a été fait.
M. Desjardins: N'ayez aucune inquiétude.
M. Morin: Je ne vais pas trop vite pour vous.
M. Desjardins: Au contraire, au contraire, vous pouvez
accélérer.
M. Morin: A l'article 18, M. le Président, on nous dit que
tout employeur doit, sans discrimination, accorder un traitement ou un salaire
égal aux membres de son personnel qui accomplissent un travail
équivalent au même endroit. On ajoute qu'il n'y a pas de
discrimination si une différence de traitement ou de salaire est
fondée sur l'expérience, l'ancienneté, la durée du
service, l'évaluation au mérite, la quantité de production
ou de temps supplémentaire, si ces critères sont communs a tous
les membres du personnel.
Cela reprend essentiellement l'idée de l'ancien article 43, mais
dans une rédaction qui nous paraît peut-être plus
accessible, meilleure.
M. Choquette: Mieux située, je dirais.
M. Morin: Oui, c'est situé dans un chapitre qui est
davantage pertinent. Je noterais que les mots "traitements" ou "salaire"
employés dans cet article vont s'interpréter selon l'article 54,
paragraphe 2), de la réimpression. On nous dit que, dans l'article 18,
les mots "traitement" et "salaire" incluent les compensations ou avantages
à valeur pécuniaire se rapportant à l'emploi. Cela aussi
est nettement une amélioration. C'est la ligue qui a obtenu, je pense,
qu'on parle de travail équivalent plutôt que de travail
égal. C'est bien ça, je pense que c'est à la suite d'une
recommandation de la ligue. Sur ce point, nous sommes d'accord.
Je pense qu'on peut adopter l'article 18, sans plus, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Article 18. Adopté.
Article 19.
M. Morin: A l'article 19, il y avait une proposition de la ligue
qui avait pour but de remplacer "aptitudes" par "exigences professionnelles
réelles" dans cet article. Est-ce que le ministre peut nous expliquer
pourquoi il n'a pas agréé cette proposition de la ligue?
M. Choquette: Au fond, au lieu d'aptitudes ou qualités
réelles, ce qui demeurerait un concept assez difficile à
définir que la réalité des aptitudes ou qualités
exigées ou requises, nous avons préféré parler
d'aptitudes ou qualités exigées de bonne foi pour qu'elles soient
conformes au bon sens et non à des critères qui seraient
inutilement subjectifs. Il nous a semblé que les mots "de bonne foi"
réu-sissaient mieux à accomplir le résultat
recherché que l'emploi du mot "réelles". Je dois dire que le mot
"de bonne foi" est venu du Conseil du statut de la femme et a été
repris par le président de l'Office de révision du code civil, M.
Paul Crépeau.
M. Morin: La bonne foi est un critère utilisé
fréquemment dans le droit civil et...
M. Choquette: Je pense que ce ne serait pas la bonne foi
personnelle à ce moment-là de l'employeur en question; je pense
que ce serait une bonne foi objectivée, en relation avec les exigences
et les aptitudes exigées, il faudrait donc que ce soit réaliste.
Je pense que la bonne foi comprend facilement le facteur de réalisme qui
se trouvait dans la première version.
M. Morin: Est-ce qu'il ne serait pas plus objectif, est-ce qu'on
ne donnerait pas moins prise à des interprétations subjectives ou
à des gestes subjectifs de la part d'un employeur, par exemple, si on
parlait d'exigences professionnelles plutôt que d'aptitudes ou
qualités exigées de bonne foi? Si on disait, par exemple, une
distinction, exclusion ou préférence fondée sur les
exigences professionnelles justifiées pour un emploi, etc.
Est-ce que cela ne serait pas beaucoup plus objectif comme façon
de traiter ce problème? Je pose la question au ministre.
M. Choquette: Je ne pense pas qu'il faille perdre de vue le
facteur que des aptitudes ou des
qualités peuvent être exigées de bonne foi, alors
qu'il peut y avoir des cas où cela n'est pas exigé par la
profession elle-même. Le terme "professionnel" est un terme après
tout assez limité, assez restreint. On connaît les lois sur les
professions, le code sur les professions. On sait que les professions sont
énumérées dans nos lois et sont reconnues par le
législateur.
Je me demande si on ne s'aventurerait pas dans une définition
beaucoup plus limitée que celle qui est recherchée ici.
M. Morin: Je n'en fais pas un amendement. Je demandais simplement
si ce n'était pas là des termes plus objectifs que des aptitudes
ou qualités exigées de bonne foi, ce qui laisse beaucoup de marge
à l'interprétation.
M. Choquette: Supposons qu'une firme aurait un avocat à
engager et qu'il se présenterait cinq postulants, tous munis de leur
diplôme de la faculté de droit de l'Université de
Montréal, tous anciens élèves du député de
Sauvé, tous ayant passé les examens du Barreau; ils seraient tous
professionnellement égaux.
Mais il pourrait se faire que l'employeur choisisse celui qui a obtenu
son diplôme magna cum laude, comme on dit, plutôt que de prendre
celui qui a réussi seulement avec la mention passable.
Donc, je crois qu'à ce moment-là, le terme professionnel
ne permettrait pas de faire cette distinction, tandis que les aptitudes ou
qualités exigées de bonne foi justifieraient certainement le cas
de l'employeur de choisir la personne qui a les plus grandes
qualifications.
M. Morin: On pourrait avoir un débat considérable
pour savoir si la personne qui est la plus apte à remplir un poste comme
celui-là est celle qui a obtenu le diplôme magna cum laude ou la
mention passable. On a des cas où les aptitudes à la pratique ne
sont pas les mêmes que celles qui font faire de bonnes études.
Mais c'est une autre affaire.
M. Choquette: Je suis content de voir que le député
de Sauvé reconnaît cela.
Le Président (M. Lafrance): L'article 19...
M. Morin: J'ai souvent eu l'occasion de le constater.
Le Président (M. Lafrance): Article 19, adopté?
M. Morin: Mais je dois dire par ailleurs qu'autour de lui se
trouvent plusieurs de mes anciens étudiants qui, s'ils n'avaient pas
magna cum laude, ne se trouvaient pas loin de ces qualifications.
Je me demande si, cependant, en appliquant cet article, le ministre
aurait retenu leurs services.
M. Choquette: C'est pour cela que je connais tous les processus
intellectuels du député de
Sauvé et que j'arrive à le persuader si facilement
lorsqu'il présente des arguments. J'ai, pour me conseiller, quelqu'un
qui l'a étudié, alors qu'il avait la...
M. Morin: L'article 19 est adopté.
Le Président (M. Lafrance): L'article 19 est
adopté. Article 20.
Droits politiques
M. Morin: L'article 20 adopté, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Adopté. Article 21. M.
Morin: Un instant, voulez-vous.
Le Président (M. Lafrance): Vous ne l'avez pas lu?
M. Morin: Je veux le relire une dernière fois, pour me
persuader. Je n'ai pas besoin de le modifier.
Il y avait dans l'ancienne version une énumération qui
parlait d'élection provinciale, municipale et scolaire. Cela tendait
à donner au terme "élection" un caractère limitatif qui a
maintenant disparu. Donc, il y a eu amélioration.
M. Choquette: C'est exact.
M. Morin: A notre sens, il a eu amélioration de cet
article et nous sommes prêts à l'adopter.
Le Président (M. Lafrance): Article 21, adopté.
Article 22?
Droits judiciaires
M. Morin: Nous tombons dans les droits judiciaires, M. le
Président. J'aurais un amendement à proposer à cet
article. Je lis d'abord le premier alinéa pour que la portée de
cet amendement soit bien perçue: "Toute personne a droit, en pleine
égalité, à une audition publique et impartiale de sa cause
par un tribunal indépendant, qui ne soit pas préjugé,
qu'il s'agisse de la détermination de ses droits et obligations ou du
bien-fondé de toute accusation portée contre elle."
Deuxième alinéa: "Le tribunal peut toutefois ordonner le huis
clos dans l'intérêt de la morale ou de l'ordre public."
Nous proposons de remplacer les mots "la morale" et "l'ordre public",
par des mots qui nous paraissent plus objectifs et qui d'ailleurs ont fait
l'objet d'interprétation par les tribunaux, à la suite de leur
emploi dans le droit civil. Nous proposons de remplacer "la morale" et "l'ordre
public", par "l'ordre public" et "les bonnes moeurs". Nous pensons que ce sont
des expressions qui ont un sens connu, reconnu, précis en droit civil et
même en droit pénal, et que ce serait plus exact que d'utiliser
l'expression "la morale" et "l'ordre public".
Je ne ferai pas de longue démonstration, M. le Président,
parce que l'utilisation du mot "morale"
ne nous paraît pas exacte. Il revêt une sorte de connotation
de sens religieux qui ne convient pas dans ce type de projet de loi. C'est
pourquoi je proposerais qu'on utilise une expression qui est consacrée
juridiquement et qui, je pense, veut dire exactement la même chose que ce
que le ministre a dans l'esprit. Je signale au ministre que la Chambre de
notaires s'est d'ailleurs prononcée dans le même sens, ce qui est
une référence très exaltée.
M. Choquette: Pardon?
M. Morin: La Chambre des notaires.
Une Voix: Exaltante.
M. Choquette: En effet.
M. Morin: Exaltante, je n'en suis pas sûr, mais
exaltée, sûrement.
Une Voix:... préférence exaltée,
précisez votre pensée. Vous n'osez pas?
M. Morin: ... notariat. M. le ministre...
M. Choquette: M. le Président, je ne pense pas que
l'amendement du chef de l'Opposition soit aussi heureux dans ce cas qu'il l'a
été dans d'autres circonstances. Je crois qu'on a donné
autant l'interprétation jurisprudentielle de l'ordre public et des
bonnes moeurs que de l'ordre public et de la morale. Je pense que l'amendement
du chef de l'Opposition n'ajoute rien, en fait, qui ne soit pas
déjà contenu dans l'article. Je pense qu'on n'a pas ici à
restreindre la discrétion judiciaire des tribunaux d'ordonner le huis
clos lorsque des circonstances objectives du procès le rendent utile ou
nécessaire. C'est la raison pour laquelle je ne peux pas abonder dans
l'idée du chef de l'Opposition.
M. Morin: Mais, est-ce que le ministre soit que les bonnes
moeurs, cela a fait l'objet de plusieurs interprétations de la part des
tribunaux, tandis que la morale, à moins que le député de
Louis-Hébert ne m'éclaire, je ne me souviens pas de l'avoir
trouvée interprétée très souvent dans la
jurisprudence? C'est pourquoi je persiste à croire que les bonnes
moeurs, c'est une expression plus juste et qui a un sens plus précis que
la morale. Les bonnes moeurs sont un concept qui ne charrie pas une idée
religieuse, mais c'est un concept d'application générale, qui
s'applique à l'ensemble de la société, les bonnes moeurs
telles qu'elles sont perçues par l'ensemble de la société,
tandis que, pour la morale, il peut y en avoir sans doute plusieurs.
M. Sylvain: Vous référez-vous à
saint-Thomas? La morale, elle, n'a pas...
M. Morin: Le député de Beauce-Nord veut me citer
saint-Thomas, je n'ai pas d'objection.
M. Choquette: Je vais citer au chef de l'Opposition l'article 13
du code de procédure civile qui se lit comme suit: "Les audiences des
tribunaux sont publiques, où qu'elles soient tenues. Toutefois, le
tribunal peut ordonner le huis clos, s'il l'estime nécessaire, dans
l'intérêt de la morale ou de l'ordre public..."
M. Morin: Cela, c'est le nouvel article.
M. Choquette: "2) dans l'intérêt des enfants au cas
d'actions de séparation de corps, en déclaration ou en
désavoeu de paternité ou en annulation de mariage". Donc, la
terminologie employée...
M. Morin: Elle n'est pas heureuse.
M. Choquette: ... dans le texte du code de
procédure...
M. Desjardins: C'est comme la Loi de la Législature.
M. Choquette: ... c'est identique à la proposition qui se
trouve dans la charte. Je ne pense pas qu'on ait tellement
d'intérêt, pour le moment, à quitter la rédaction du
code de procédure civile qui date de, quand même, dix ans, alors
qu'au fond je pense bien que tous les juristes comprennent ce que l'on veut
dire par les expressions en question qui permettent au tribunal de leur donner
le huis-clos.
M. Morin: Je n'en ferai pas un amendement formel, parce que je ne
pense pas que ce soit un point majeur, mais cela m'aurait paru plus
précis comme vocabulaire. Je ne crois pas que le nouvel article du code
civil soit très heureux de ce point de vue.
M. le Président, comme je sais le sort qui serait
réservé à cet amendement si je le proposais, je serais
d'avis qu'on peut adopter l'article 22.
M. Desjardins: Convainquez-vous.
Le Président (M. Lafrance): Article 22, adopté.
Article 23?
M. Morin: L'article 23, c'est l'ancien article 21. On y a
apporté un changement assez substantiel, puisqu'on a ajouté que
nul ne peut être privé de sa liberté. Non, on a
ajouté plutôt "ou de ses droits" après le mot
"liberté". Cela nous paraît être une amélioration.
Cela va dans le sens des recommandations de la ligue. Pour ces raisons, nous
sommes prêts à l'adopter.
Le Président (M. Lafrance): Article 23, adopté.
Article 24?
M. Morin: Nous sommes prêts à l'adopter, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Adopté. Article 25?
M. Morin: C'est l'ancien article 23, deuxième
alinéa. La nouvelle rédaction a pour effet, si j'ai bien compris,
d'étendre le droit des détenus à un régime
spécial en raison de leur état de santé, à toutes
les personnes détenues avant ou après une condamnation, alors que
la première rédaction ne concernait que les prévenus.
C'est une amélioration sensible. Nous sommes prêts à
adopter l'article 25.
Le Président (M. Lafrance): Article 25, adopté.
Article 26?
M. Morin: Adopté.
Le Président (M. Lafrance): Adopté. Article 27?
M. Morin: Adopté.
Le Président (M. Lafrance): Adopté. Article 28?
M. Morin: Egalement.
Le Président (M. Lafrance): Adopté. Article 29?
M. Morin: A l'article 29, j'aurais seulement une ou deux
questions à poser au ministre avant l'adoption. Je n'ai pas d'amendement
à proposer, mais je me demandais si le ministre pouvait
m'éclairer sur le sens exact du mot "promptement".
M. Choquette: Promptement veut dire avec toute la diligence
raisonnable dans les circonstances, cela veut dire à bref délai.
Cela veut dire...
M. Morin: Oui, je sais. La diligence raisonnable dans les
circonstances, cela se réfère à des notions de droit que
je puis saisir, que je connais et qui sont susceptibles d'une
interprétation suffisamment précise; mais "promptement", dans un
délai très court, c'est quoi? C'est deux heures, douze heures,
vingt-quatre heures?
M. Choquette: On me dit que les ternies "un délai
raisonnable" ont été interprétés de façon
assez élastique dans la jurisprudence. Par conséquent,
promptement serait plus rapidement que le délai raisonnable. Promptement
veut dire aussi vite que faire se peut. Je prends un exemple: Supposons une
personne arrêtée à LG-2, il faut la conduire promptement
devant le juge et on n'a peut-être pas un juge ou une cour à
proximité. Il faudrait la transporter à Rouyn-Noranda ou à
Amos ou à Sept-lles. Cela peut prendre plus de temps.
Si, par contre, une personne est arrêtée dans la ville de
Québec, il va de soi qu'on peut la conduire plus promptement devant le
tribunal, parce qu'elle est à proximité du tribunal au moment de
son arrestation. Malgré que le mot "promptement" ne soit pas un
délai fixe, en termes d'heures ou de jours, je crois que, suivant les
circonstances, il doit s'interpréter comme étant avec
célérité, avec rapidité, sans qu'il y ait perte de
temps dans la traduction de la personne devant le tribunal.
Une Voix:... convaincu.
M. Morin: C'est nouveau dans le vocabulaire. C'est pour
cela...
M. Choquette: Je crois que "promptly" a certainement
été interprété...
M. Morin: Ah! J'espère que cela ne vient pas de
l'anglais.
M. Choquette: Non, mais "promptement" et "promptly",
naturellement font l'objet d'interprétation...
M. Morin: "Aussi rapidement que possible" n'aurait pas
été préférable? "Doit être conduite aussi
rapidement que possible devant le tribunal compétent". Cela ne rendrait
pas de façon plus précise l'idée que le ministre...
M. Desjardins: Est-ce qu'on pourrait l'adopter promptement?
M. Morin: Aussi rapidement que possible.
M. Choquette: Le député de Louis-Hébert a le
sens de l'humour. "Promptement" indique certainement une insistance assez forte
sur la célérité, je pense.
Une Voix: Voilà!
M. Harvey (Charlesbourg): Un nouveau député, M. le
ministre?
M. Morin: C'est bien, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Article 29, adopté.
Article 30.
M. Morin: Je n'ai pas présenté à la
commission l'un de mes adjoints, M. Germain Marier. J'en profite pour le
présenter.
M. Harvey (Charlesbourg): Avec plaisir! Vous avez adopté
l'article assez rapidement aussi.
Le Président (M. Lafrance): Article 30, adopté?
M. Morin: Un instant, M. le Président! Oui, nous sommes
prêts à l'adopter.
Le Président (M. Lafrance): Article 30, adopté.
Article 31.
M. Morin: Oui, qui a été modifié dans le
sens préconisé par la ligue, les mots "arrêtée ou
détenue" ont été remplacés par "privée de sa
liberté". Cela a un sens plus large, et en ce qui nous
concerne, c'est une amélioration sensible. Nous sommes
prêts à adopter cet article.
Le Président (M. Lafrance): Article 31, adopté.
Article 32.
M. Morin: De même.
Le Président (M. Lafrance): Adopté. Article 33.
M. Morin: A l'article 33, c'est l'ancien article 30. On a
cependant étendu le sens du mot "tribunal" à l'article 54,
paragraphe I, si ma mémoire est bonne, de sorte que toute personne a
droit d'être assistée devant tout tribunal, y compris le coroner,
le commissaire-enquêteur sur les incendies, les commissions
d'enquête, etc. Nous y viendrons tout à l'heure, dans un instant,
d'ailleurs, à cet article 54.
Il y a un problème que je voudrais signaler au ministre, ici, en
raison de la Loi des petites créances, qui ne permet pas au citoyen de
se faire représenter. Est-ce que le ministre va tout simplement me
répondre que la Loi sur les petites créances constitue une
exception tout simplement, par rapport à cet article 33, ou est-ce qu'il
n'y aura pas une difficulté de concilier ces deux dispositions
législatives?
M. Choquette: C'est une exception à l'article 33, et c'est
une exception qui garde toute sa force, parce que cela a été
adopté par une loi antérieure. Maintenant, en admettant qu'on
adopterait...
M. Morin: C'est ce que je pensais.
M. Choquette: ... des changements qui hausseraient les
limites...
M. Desjardins: De $300.
M. Choquette: ... des petites créances, est-ce qu'on
serait obligé de dire que l'article qui interdit aux avocats leur
présence devant le tribunal s'appliquerait, nonobstant l'article 33?
C'est une question assez intéressante.
M. Morin: Oui, je pense qu'effectivement, il faudrait que ce soit
dit en toutes lettres, si on s'en remet au type de primautés bien
mitigées que vous avez accordées à cette soi-disant charte
par la suite.
M. Choquette: Oh! Le chef de l'Opposition manie la charte du bout
des doigts. Je pense que le document mérite plus que le sort que lui
réserve le chef de l'Opposition.
M. Morin: C'est une loi ordinaire.
Le Président (M. Lafrance): Article 33.
M. Choquette: ... il ne veut pas se rendre compte.
M. Morin: Ah non!...
Le Président (M. Lafrance): A l'ordre, s'il vous
plaît! Article 33. Adopté?
M. Morin: L'article 33 est adopté.
Le Président (M. Lafrance): Adopté. Article 34.
M. Morin: Egalement.
Le Président (M. Lafrance): Adopté. Article 35.
M. Morin: Je voudrais simplement peut-être poser une
question. En pratique, on donne gratuitement cette assistance à un
accusé. Pourquoi pas... Je vois qu'on a prévu également au
témoin. Est-ce que cette disposition est nouvelle?
M. Choquette: Elle a été reformulée parce
qu'on ne peut pas traiter les témoins et les accusés sur un pied
d'égalité et s'engager à fournir des interprètes
gratuits à tous les témoins qui sont appelés à
témoigner lors de procès, d'autant plus que le droit du
témoin est quand même subordonné au droit pour la cour
d'exclure les témoins de l'audience, auquel cas ils ne pourraient pas
avoir d'interprète pour leur interpréter ce qui s'est dit dans le
cadre du procès.
M. Morin: Pourquoi accordez-vous cette assistance gratuitement
à l'accusé et pas au témoin?
M. Choquette: Parce que le témoin n'a pas un
intérêt aussi immédiat que l'accusé dans la conduite
d'un procès. Généralement, un témoin va
témoigner dans une cause et il rend son témoignage et l'issue du
procès ne le concerne pas directement tandis que pour l'accusé,
l'issue du procès est primordiale et c'est la raison pour laquelle... Et
d'ailleurs, il a le droit d'assister à tout son procès tandis que
le témoin n'a pas, nécessairement, le droit d'assister au
procès dans lequel il va témoigner. Il peut entrer dans la salle
d'audience pour témoigner. Il rend son témoignage et il en
ressort après avoir rendu témoignage ou on lui permet de rester
dans la cour pour qu'il n'aille pas parler aux autres témoins et leur
raconter ce que lui-même a raconté et ce qu'il a entendu dans la
salle d'audience, pour éviter, en somme, qu'on ne fasse des messages qui
ont pour but de détourner le cours de la justice. C'est la raison pour
laquelle on l'a traité sur un pied différent.
M. Morin: Dans le cas de l'accusé, donc, l'assistance est
gratuite, mais dans le cas du témoin, qui paiera la personne?
M. Choquette: Lui-même pourrait se faire assister d'un
témoin quoique...
M. Morin: ... d'un interprète.
M. Choquette: ... d'un interprète... quoique je
pense qu'on va... Je me demande si on ne va pas un peu loin avec le
premier alinéa qui donne un droit absolu à un témoin
d'être assisté d'un interprète, même si c'est
à ses frais.
M. Morin: M. le ministre, être témoin dans une
affaire, surtout dans une affaire pénale, cela peut être
considéré comme un devoir de la personne et, si cette personne
doit se présenter pour témoigner et qu'elle a besoin d'un
interprète, il me semble que la moindre des choses est que la justice
mette à sa disposition un interprète. Autrement, vous faites
porter au témoin un fardeau qui est pour le moins injustifié.
M. Choquette: Oui, mais ici, l'interprète dont il s'agit
dans le premier alinéa n'est pas un interprète pour que la cour
entende son témoignage. C'est plutôt l'interprète qui
traduirait ce que d'autres ont pu raconter à l'audience et c'est ce qui
m'apporte quelques interrogations sur le bien fondé de ce premier
alinéa. S'il faut que les témoins commencent à arriver
avec leurs interprètes à la cour et à se faire traduire
les témoignages des autres, alors qu'on sait très bien que la
cour a un privilège discrétionnaire d'exclure les témoins
de la salle d'audience pendant que les autres témoignent, je me demande
si le premier alinéa n'introduit pas un peu de confusion dans tout cela
et s'il ne faudrait pas réserver l'application de l'article 35 au cas de
l'accusé qui peut avoir droit à l'assistance d'un
interprète pour se faire traduire les témoignages de personnes
dont il ne comprend pas la langue.
M. Morin: M. le ministre, je ne suis pas du tout d'accord sur
cette proposition. Vous restreindriez une disposition qui avait beaucoup de
bon.
M. Choquette: Si quelqu'un arrive et ne parle que le
tchèque il est évident que, pour comprendre son
témoignage, on va avoir mobilisé un interprète pour que le
juge et les avocats comprennent le sens du témoignage. Il ne s'agissait
sûrement pas de cela qu'on avait à l'esprit au moment de la
rédaction du premier alinéa. Il s'agissait plutôt du cas
où le témoin voulait comprendre le témoignage d'un autre
témoin dans la cause. Mais je me demande si on n'est pas allé un
peu loin dans ce genre de droit et si, en fait, on n'a pas outrepassé la
limite de ce qui est raisonnable.
M. Morin: Ce n'est pas mon avis, M. le Président. J'estime
que c'est tout à fait justifié d'accorder à un
témoin un interprète, le droit à l'assistance d'un
interprète. D'ailleurs, dans les faits, un témoin qui va se
présenter et qui ne comprend pas la langue, s'il ne parle pas la langue
employée à l'audience, va absolument avoir besoin qu'on lui
explique ce qui se passe...
M. Choquette: Pas du tout.
M. Morin: ... et qu'on lui traduise même
éventuellement les questions qui lui seront posées par le
juge.
M. Sylvain: Ce n'est pas de cela qu' il parle.
M. Morin: Oui, je sais. Mais j'ai compris qu'il ne s'agit pas du
témoin mis à la disposition du juge par l'administration de la
justice, mais on parle des témoins qui viendront aider soit
l'accusé, soit un témoin qui est convoqué. Même dans
ces cas, je pense que c'est un droit strict que d'être assisté.
Cela devrait être un droit strict que d'être assisté d'un
interprète, si on ne comprend pas ce qui se passe.
M. Choquette: La preuve que ce que dit le chef de l'Opposition
n'est pas tout à fait exacte, c'est que les cours peuvent exclure les
témoins à la demande de l'une ou l'autre partie, avant qu'un
procès ne débute. J'ai plaidé fréquemment des
causes à l'époque, où, au début de la cause on
demandait, ou je demandais à la cour d'exclure les témoins.
M. Morin: Cela m'est aussi arrivé, mais ce n'est pas la
règle générale.
M. Choquette: Oui. C'est la règle.
M. Morin: Non. J'ai vu des procès où on ne
demandait pas automatiquement l'exclusion des témoins.
M. Choquette: Parfois, on le regrette, quand on n'a pas
pensé, au début du procès de demander l'exclusion des
témoins, parce que les témoins restent dans la salle et ils
entendent ce que les autres disent et ils peuvent modeler leur
témoignage suivant les témoignages antérieurs.
M. Sylvain: C'est parce que, justement, ils ne comprenaient pas,
on les gardaient là.
M. Choquette: C'est pour cela que je me demande si on on n'a pas
fait preuve d'un enthousiasme excessif, en conférant un droit au
témoin d'avoir un interprète. Je ne vois rien dans la charte qui
l'interdirait, alors pourquoi le mentionner spécifiquement? Je ne vois
rien dans nos lois qui interdirait à quelqu'un d'aller à la cour
et s'il n'y a pas exclusion des témoins, de se faire traduire par un
interprète ce qui se dit. Je me demande pourquoi l'énoncer comme
un droit absolu, à ce moment-ci, alors que, au fond, c'est
l'accusé qui a un intérêt réel d'entendre et de
comprendre tout ce qui se dit, et s'il ne comprend pas la langue des autres
témoins, d'avoir l'assistance de l'interprète dont il est
question dans le deuxième alinéa.
C'est la raison pour laquelle je me demande si nous ne devrions pas
rédiger cet article différemment, pour éviter de
créer un droit qui me semble, en somme, douteux.
M. Desjardins: II est douteux, parce que, au code de
procédure civile, l'article 294, il est bien mentionné que chaque
partie peut demander que les témoins déposent hors la
présence les uns des autres. Par conséquent, même si vous
avez l'article...
M. Morin: Cela a toujours été comme cela.
M. Desjardins: Oui. C'est ce qu'on disait tout à l'heure.
A ce moment, ce premier alinéa est en trop, à mon avis. Il jette
de la confusion, parce que, s'il s'agit d'un témoin qui témoigne,
les frais de l'interprète ne sont pas à la charge du
témoin, alors qu'il témoigne, en vertu de l'article 305 du code
de procédure civile.
M. Morin: Mais, nous sommes dans le code pénal.
M. Desjardins: Les règles sont les mêmes. M. Morin:
A quelques nuances près.
M. Desjardins: A ce point de vue, concernant les témoins,
les règles sont les mêmes.
M. Choquette: Je crois qu'on devrait lire l'article 35 comme
ceci: "Tout accusé qui ne comprend pas la langue employée
à l'audience a droit à l'assistance d'un interprète. Cette
assistance est gratuite."
Voici la rédaction proposée: "Tout accusé a droit
d'être assisté gratuitement d'un interprète s'il ne
comprend pas la langue employée à l'audience."
M. Morin: Je me rends aux arguments du ministre sur ce point.
Nous acceptons l'article 35 tel que modifié.
Le Président (M. Lafrance): L'article 35, adopté
avec modification. Article 36.
M. Morin: L'article 36 nous dit, c'est la
rétroactivité: Nul accusé ne peut être
condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a
été commise, ne constituait pas une violation de la loi."
Bien sûr, puisque cet article ne modifie pas la législation
antérieure, il pourra se faire que d'autres dispositions
législatives aillent à l'encontre de cet article. Est-ce que le
ministre, pour m'éclairer, me donnerait quelques exemples dans la
législation actuelle de dispositions rétroactives?
M. Choquette: Je n'en connais pas dans les circonstances
contemporaines, mais j'ai entendu parler de la loi Guindon qui avait
été adoptée sous le régime Duplessis et il me
semble que cette loi était rétroactive. Maintenant, ça
s'est passé il y a quand même vingt ans et mon souvenir peut
être faussé.
M. Morin: Elle ne fait plus partie des statuts, cette loi, si ma
mémoire est bonne.
M. Choquette: C'est possible qu'elle ne fasse plus partie des
statuts.
M. Morin: Je ne pense pas. Dans l'état actuel des choses,
le ministre ne connaît pas de dispositions rétroactives qui
iraient à l'encontre de cet article 36.
M. Choquette: Vraiment non.
M. Morin: Est-ce qu'il a fait faire des recherches à cet
effet?
M. Choquette: C'est un principe pour l'avenir d'éviter la
rétroactivité des lois, je pense.
M. Morin: Je comprends, mais ce serait intéressant aussi
de savoir, de s'assurer qu'il n'y a pas dans la législation
antérieure existante, des cas de rétroactivité. C'est pour
ça que je posais la question, à savoir si la recherche avait
été faite.
M. Choquette: A part ça, n'oubliez pas que la commission
aura comme pouvoir et comme responsabilité de procéder à
l'analyse des lois antérieures pour vérifier...
M. Morin: Je n'oublie pas ça.
M. Choquette: Je ne peux pas donner d'exemples précis au
chef de l'Opposition, en fait, d'infraction à ce principe de la
non-rétroactivité des lois.
M. Morin: Nous allons adopter cet article.
Le Président (M. Lafrance): Article 36. Adopté.
Article 37.
M. Morin: L'article 37 est l'ancien article 34 modifié.
L'ancien article disait: "s'il a été rendu sous la protection du
tribunal". La nouvelle rédaction dit: "Aucun témoignage ne peut
servir à incriminer son auteur si le témoin a requis du tribunal
la protection de la loi, sauf le cas de parjure". Cela signifie, si je ne
m'abuse, que chaque fois que cette protection est requise, le témoin est
protégé ipso facto sans que le juge ait à intervenir.
C'est bien ça, le sens?
M. Choquette: Oui.
M. Morin: Si tel est le sens, nous sommes d'accord pour adopter
rapidement cet article avant que le ministre ne change d'idée.
M. Choquette: Promptement.
Le Président (M. Lafrance): Article 37 adopté. La
commission suspend ses travaux pour deux minutes.
La commission reprend ses travaux à l'article...
M. Choquette: Le chef de l'Opposition a fait une proposition.
Enfin, je suis à la disposition des membres de la commission, si
c'était l'opinion majoritaire qu'on ajourne à demain, je n'aurais
pas d'objection.
M. Morin: C'est parce que ce serait un endroit heureux pour
interrompre et reprendre les travaux, puisque nous abordons un nouveau
cha-pitre, qui est celui des droits économiques et sociaux, et je pense
que nous serions dans de meilleures dispositions pour avancer rapidement
demain.
Le Président (M. Lafrance): La commission permanente de la
justice ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 23 h 40)