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Commission permanente de la justice
Etude des projets de loi privés nos 136, 103 et
156
Etude du projet de loi no 36
Loi modifiant la loi des tribunaux
judiciaires
Séance du mardi 30 juillet 1974
(Vingt heures vingt-deux minutes)
M. PICARD (président de la commission permanente de la justice):
A l'ordre, messieurs!
La commission de la justice commencera ce soir l'étude de trois
projets de loi privés: les projets no 103, 136 et 156. Nous allons
commencer par le projet de loi no 136, mais, auparavant, j'aimerais faire part
aux membres de la commission de certains changements pour la séance de
ce soir.
M. Blank (Saint-Louis) remplace M. Boutin (Johnson) et M. Roy
(Beauce-Sud)...
M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement. M.
Blank ne remplace pas M. Boutin, de Johnson.
LE PRESIDENT (M. Picard): II remplace M. Desjardins, de
Louis-Hébert.
M. BURNS: Et voilà! Parce que...
LE PRESIDENT (M. Picard): M. Boutin, cela n'existe plus.
M. BURNS: ... quand même, le député de Saint-Louis a
sa place à lui-même. Je ne vois pas pourquoi il remplacerait
quelqu'un qui est absent totalement.
LE PRESIDENT (M. Picard): Je remercie le député de
Maisonneuve d'avoir attiré mon attention là-dessus.
M. Roy (Beauce-Sud) remplace M. Samson (Rouyn-Noranda).
M. Tardif (Anjou) sera rapporteur de la commission.
Agréé?
Le projet de loi no 136, Loi concernant la succession de Pierre de
Boucherville.
L'honorable ministre.
Projet de loi no 136
M. CHOQUETTE: Oui. Voici, M. le Président. On se rappellera ou,
du moins, les membres de la commission qui étaient présents
à la dernière réunion de la commission de la justice se
rappelleront que nous avions continué ce projet de loi pour discussion
à une réunion ultérieure de la commission. La
réunion de ce soir est. la première occasion que nous avons de
discuter du contenu de ce projet de loi. J'ai, pour ma part, donné
quelque temps de réflexion à ce projet de loi. En somme, les
requérants nous demandaient d'amender le testament du testateur, feu
Pierre de Boucherville, pour que les exécuteurs testamentaires puissent
faire des placements suivant l'actuel article 981o du code civil, alors que,
dans son testament, feu Pierre de Boucherville recommandait
spécifiquement à ses exécuteurs de faire des placements
suivant l'ancienne rédaction de l'article 981o.
Lors de la dernière séance de la commission, l'attention
des membres de la commission a été attirée sur les
dispositions de l'article 981o et en particulier d'un article no 4 du chapitre
81 intitulé Loi concernant le placement des biens d'autrui. C'est en
vertu de cette loi adoptée en 1967 que le législateur a permis
à des exécuteurs testamentaires, fiduciaires ou autres personnes
ayant l'administration des biens d'autrui de faire des placements suivant les
dispositions de la nouvelle rédaction de l'article 981o qui sont plus
larges que les anciennes dispositions du même article, en ce sens que les
nouvelles dispositions de 981o permettent des placements sur actions à
la bourse dans certaines catégories de placements qui n'étaient
pas préalablement autorisés. Mais l'article 4 que je mentionnais
tout à l'heure se lit comme suit et je pense que je dois en donner
lecture: "Un renvoi dans une loi, un testament, un acte de donation ou de
fiducie ou un autre document aux articles du code civil qui sont
remplacés par les articles 2 et 3 est un renvoi aux articles
correspondants édictés par les articles 2 et 3. Cependant, le
grevé de substitution, le fiduciaire, l'exécuteur ou
administrateur testamentaire doit continuer à se conformer à
l'article 981o tel qu'il était avant d'être remplacé par
l'article 2 de la présente loi ici, je mentionne de 1967
lorsqu'il agit en vertu d'un testament, d'un acte de donation ou de fiducie qui
a pris effet avant l'entrée en vigueur de la présente loi et qui
contient une disposition qui, tel un renvoi à l'article 981o, manifeste
clairement l'intention du testateur ou donateur que le placement de ses biens
soit régi par cet article." Or, dans le testament de feu Pierre de
Boucherville, il se réfère explicitement à l'article 981o
suivant son ancienne rédaction. Je conclus donc qu'il nous est difficile
de passer à côté des dispositions du testateur et, en
somme, d'élargir son intention telle qu'exprimée dans son
testament.
J'ajouterais à ceci que cette façon de raisonner qui ne
cherche pas à avoir de sens absolu, à mon sens, trouve une
justification dans les faits actuels, c'est-à-dire que les placements en
bourse à l'heure actuelle sont des placements très
aléatoires comparativement aux placements qui peuvent être faits
sur obligations qui ont un rendement considérable maintenant. De telle
sorte que je n'ai pas été persuadé que, sur le plan
pratique, sur le plan, en somme, de la situation économique actuelle, il
serait justifié, compte tenu des arguments
qui nous ont été présentés, de donner suite
à cette requête qui nous était présentée au
nom des exécuteurs testamentaires.
J'arrive donc à la conclusion que, compte tenu de l'article 4
dont j'ai donné lecture tout à l'heure, compte tenu de la
situation économique, compte tenu de ce que la volonté du
testateur était exprimée spécifiquement quant aux
placements qui pouvaient être faits par les exécuteurs
testamentaires, compte tenu également de l'intérêt des
héritiers ou des bénéficiaires de la succession qui ont
droit à des placements sécuritaires et que des placements
sécuritaires peuvent être obtenus, à l'heure actuelle, en
plaçant sur obligation ou dans l'immeuble ou sur des prêts
hypothécaires tels qu'autorisés l'ancien article 981o, j'en
arrive donc à la conclusion que ce n'est pas un cas où le
législateur devrait prendre sur lui d'intervenir. La preuve n'a pas
été faite à ma satisfaction à savoir, qu'il
était impératif que nous intervenions dans cette situation.
LE PRESIDENT (M. Picard): J'ai ici, comme procureur de la
requérante, Me Jean-Guy Villeneuve. Est-ce que vous êtes Me
Villeneuve?
M. VILLENEUVE: Oui.
LE PRESIDENT (M. Picard): Je pense que les membres de la commission
seront d'accord pour lui céder la parole.
UNE VOIX: Oui, d'accord. M. BURNS: Sûrement.
M. VILLENEUVE: M. le Président, nous avons été
avisés, à midi, de nous présenter à la
séance de ce soir de la commission parlementaire. Un problème
pratique s'est posé. Comme vous vous en souvenez, c'est Me Eugène
Turmel qui avait fait la première présentation du projet de loi.
Etant en vacances, j'ai dû le remplacer à la toute dernière
minute. J'ai pu cependant me familiariser avec le problème juridique
auquel a fait allusion l'honorable ministre et j'aimerais apporter certaines
précisions sur ces propos.
Tout d'abord, nous avons pris connaissance de l'article dont M. le
ministre a fait lecture. Cependant nous aimerions attirer son attention sur
certains projets de loi qui ont été sanctionnés et qui,
nonobstant cet article, ont permis aux fiduciaires de pouvoir jouir des
pouvoirs du nouvel article 981o.
Nous aimerions citer, à ce propos, la Loi concernant la
succession Félix Lavoie, dans les Lois du Québec, 1971, chapitre
133. Dans cette loi, nonobstant l'intention du législateur clairement
exprimée dans une disposition particulière, on a permis, à
la requête des héritiers, de faire exception à cette
disposition pour permettre à la succession et aux fiduciaires de pouvoir
jouir des pouvoirs de placement de l'article 981o, article actuel. Et ce,
nonobstant l'article auquel a fait allusion le ministre.
M. CHOQUETTE: M. Villeneuve, on attire mon attention sur le fait que,
dans le cas de Félix E. Lavoie, chapitre 133 des Lois de 1971, le
testament ne contenait aucune disposition renvoyant à l'article
981o.
M. VILLENEUVE: Sauf qu'à notre point de vue, il existe peu de
distinction entre ce cas et le cas présentement devant la commission.
Nous voyons difficilement la logique qui permettrait de protéger, par
exemple, l'intention du législateur dans un cas précis parce
qu'il a fait allusion, dans son testament, qui a été
rédigé suivant le régime de l'ancien article 981 o par
rapport à un autre testament qui a été
rédigé suivant ce même article, mais qui ne faisait pas
allusion à cet article spécifiquement, qui donnait quand
même des pouvoirs très spécifiques et restreints aux
fiduciaires. Le cas de M. Lavoie, comme un autre cas que nous allons citer,
constitue en soi une exception au principe de la liberté de tester qu'on
a voulu protéger et auquel le ministre fait allusion. En d'autres
termes, nous soumettons que ce n'est pas important de savoir l'ampleur de
l'exception, mais c'est le principe qu'il y a eu une exception.
Egalement, il y a un point particulier qui n'a pas été
soulevé dans les propos de M. le ministre, je voudrais respectueusement
faire un exposé sur ce point. Dans son testament M. le ministre
et ses conseillers ont sans doute remarqué le testateur a une
disposition particulière qui fait également exception à
l'ancien article 981o parce qu'il était plus large quant au pouvoir de
faire des placements sur des biens immobiliers. En d'autres termes, la
disposition particulière que nous demandions d'amender par notre
requête était que les fiduciaires, actuellement, ne peuvent pas
faire de placement immobilier si l'immeuble est hypothéqué
à 25 p.c.
Or, comme on le sait, dans le contexte actuel, c'est absolument
irréaliste et, à toutes fins pratiques, cela rend impossible le
placement immobilier que l'honorable ministre semblait croire possible,
même en refusant notre requête, ce qui n'est pas le cas et ce qui
était d'ailleurs une disposition particulière qui faisait
même exception à l'ancien article 981o. C'est cette disposition
également que nous demandons d'amender puisqu'elle rend absolument
impossible tout placement dans les biens immobiliers.
Nous sommes d'autant plus libres de pouvoir soumettre ces
prétentions que nous les croyons tout à fait justifiées
dans l'intérêt des bénéficiaires de la succession,
parce que, également si on a bien étudié le testament, on
constatera que le partage du capital ne surviendra que dans plusieurs
années, c'est-à-dire seulement après plusieurs
générations, le partage du capital étant
fait dans l'avenir aux arrière-petits-fils du testateur.
En conséquence, ces enfants actuels étant les
bénéficiaires, ils n'ont droit qu'aux revenus et ils ont
absolument le droit de demander d'une façon légitime d'avoir le
maximum des revenus, de pouvoir retirer un rendement maximum de leurs
placements et de pouvoir jouir de cet élargissement que le
législateur a cru bon d'apporter en 1967, par le nouvel article
981o.
M. CHOQUETTE: M. Villeneuve, si vous me permettez une précision.
Si je me rappelle bien le testament de feu Pierre de Boucherville qui nous a
été lu ici à la commission parlementaire, on mentionnait
spécifiquement les placements reconnus en vertu de l'article 981o et
même le testateur allait jusqu'à mentionner des placements dans
des immeubles commerciaux, de telle sorte que rien ne vous empêche, avec
les dispositions du testament, de placer dans de tels immeubles. Et je ne vois
pas pourquoi vous dites que vous avez besoin d'un élargissement des
pouvoirs de placement, alors que le testateur autorise spécifiquement
ses exécuteurs à placer dans des biens-fonds ou des immeubles
commerciaux. D'ailleurs, c'est permis par l'ancien et le nouvel article
981o.
Pour tout cela, je dis que vous ne démontrez pas une
véritable nécessité, compte tenu de l'évolution
économique ou, en fait, du changement dans les placements et de
l'intérêt des héritiers. Je crois que vous ne
démontrez pas une nécessité de procéder à
des amendements.
M. VILLENEUVE: M. le ministre, nous vous soumettons respectueusement
qu'effectivement, le législateur faisait référence
à des placements immobiliers...
M. CHOQUETTE: Le testateur, pas le législateur.
M. VILLENEUVE: Le testateur. Suivant les exigences de l'article 981o du
code civil et, préférablement, dans les immeubles commerciaux
rapportant des revenus.
Or, comme vous le savez, à l'époque, il était
permis de faire des placements dans des immeubles à revenus ou sur des
biens immobiliers, en première hypothèque, jusqu'à
concurrence des trois cinquièmes de la valeur des biens-fonds. Comme on
le sait actuellement, l'ensemble des immeubles sont hypothéqués
jusqu'à concurrence d'au moins 75 p.c. ou, à la rigueur, des deux
tiers.
A toutes fins pratiques, un refus de la part de cette commission rend
aussi totalement impossible une intention du législateur, qui
était clairement exprimée, de permettre à ses
héritiers et à ses bénéficiaires de faire du
placement dans des maisons de rapport à caractère commercial.
M. CHOQUETTE: Oui, mais j'ai l'impression que vous ne nous dites pas
toute l'intention des exécuteurs testamentaires, qui serait de faire du
placement en deuxième hypothèque. Moi, je ne suis pas sûr
que ce soit nécessairement du bon placement.
M. VILLENEUVE: M. le ministre, le testateur a placé sa confiance
qui se rapporte essentiellement à la notion de fiducie, qui est une
notion de confiance dans les fiduciaires. Or, je ne vois pas pourquoi, si le
testateur a placé sa confiance dans des fiduciaires, la présente
commission aurait à questionner cette confiance et le bien-fondé
de cette décision. Il est bien clair qu'ils agissent dans
l'intérêt des bénéficiaires, tel que...
LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: Me Villeneuve peut avoir toutes les bonnes raisons au monde de
venir nous ébranler ou tenter de nous ébranler. Il y a un
principe, je pense, qui a été énoncé l'autre jour.
Je ne vais pas nécessairement en prendre le crédit, mais je
mentionnais, entre autres, qu'il y a une loi générale. Cette loi
a fait une exception. Je ne vois pas comment, par une loi particulière,
on accepterait de changer des testaments, de changer des dispositions
particulières entre individus si le législateur du temps n'a pas
pensé qu'il fallait accepter des dispositions particulières pour
un certain nombre de testateurs décédés avant l'adoption
de cette loi.
Je partage entièrement l'opinion du ministre de la Justice et,
d'autre part, je lui mets un fardeau sur les épaules. Je lui dis tout
simplement que s'il doit y avoir changement, que ce soit un changement d'ordre
général, qu'on amende les dispositions de la loi qui mettaient de
côté un peu les testaments qui avaient été faits
avant le changement de l'article 981o. C'est un peu l'opinion que je tenais
l'autre jour. Je ne vois pas comment on doit changer cette attitude.
Personnellement, en tout cas, je voterai contre le projet de loi.
M. VILLENEUVE: M. le Président, je dois respectueusement
soumettre qu'on est en train de sanctionner certaines discriminations, un
certain illogisme...
M. BURNS: C'est vous qui nous amenez une discrimination, imaginez-vous
donc! C'est vous qui faites cela.
M. VILLENEUVE: Bien, monsieur...
M. BURNS: Vous êtes en train de nous dire que la loi
générale ne s'applique pas à vous. C'est cela que vous
êtes en train de nous dire, Me Villeneuve.
M. VILLENEUVE: Non, nous sommes en train de demander à la
commission de faire
une exception à une loi générale. Nous sommes
d'accord. Nous soumettons respectueusement que d'autres exceptions ont
déjà été apportées par la
Législature. La discrimination à laquelle je fais allusion est
que, dans certains cas, parce que certaines dispositions particulières
et restreintes causent des problèmes aux bénéficiaires, la
Législature a bien voulu élargir les pouvoirs des placements des
fiduciaires. Or, dans d'autres cas, parce que le testateur a fait allusion dans
son testament à l'ancien article 981o, on dit que cela ne marche plus.
C'est en ce sens que nous disons que...
M. BURNS: Me Villeneuve, vous êtes en train de nous dire que le
législateur n'aurait pas dû mettre la disposition qu'il a
insérée dans la loi lorsqu'il a modifié les articles 981o,
981a, 981b, 981c, 9981d jusqu'à 98lo. Vous êtes en train de nous
dire cela. Ce n'est pas notre faute, on n'était pas là.
Même si on était là, même si certains membres
étaient là, ils n'étaient pas là techniquement. Il
y a un législateur qui a décidé cela, et si on doit
modifier cela, on va le faire par une loi générale c'est
mon opinion, en tout cas non par des modifications particulières,
comme vous nous suggérez.
M. VILLENEUVE: Je voudrais simplement lire l'article de la loi de 1971,
que j'ai citée tout à l'heure, qui disait que les
exécuteurs testamentaires, légataires et fiduciaires ont les
pouvoirs de placement prévus à l'article 981o du code civil, sans
être liés, restreints ou limités de quelque façon
par les dispositions du testament de Félix E. Lavoie, fait le 21 avril
1938. Je voudrais citer une autre loi de 1972. La succession Prévost,
loi du Québec 1972, chapitre 95, où on dit... A part cela, cela
faisait deux fois que cette loi était amendée, que cette
succession présentait les amendements, et ils étaient accueillis
favorablement au testament de feu M. Prévost. L'article se lit comme
suit: "Le produit de la vente des immeubles", etc. Quant aux autres biens de ma
succession, ils pourront être placés et le renvoi pourra
être fait conformément aux dispositions des articles 981o et
suivants du code civil de la province de Québec.
M. CHOQUETTE: M. Villeneuve, vous permettrez une interruption, parce que
je ne peux pas laisser passer des affirmations faites sur des lois qui ont
déjà été votées par l'Assemblée
nationale.
Vous vous référez à la succession Hector
Prévost. Dans la succession Prévost, ça n'a pas
été le sens de la modification apportée par le Parlement,
et nous n'avons pas dérogé aux dispositions du testament qui
prescrivait des placements suivant l'article 981o. Il y a eu d'autres
modifications de faites, mais pas sur ce point.
M. VILLENEUVE: M. le ministre, nous sou- mettons respectueusement que
les seuls ajustements qui ont pu être concédés... nous
sommes d'accord que les faits étaient peut-être différents
et que la portée de la demande était peut-être plus
restreinte à des dispositions plus particulières. Mais cela n'est
pas parce qu'un testament qui tombait sous l'ancien régime a
été mieux rédigé qu'un autre qui causait des
problèmes qu'on doit accepter...
M. CHOQUETTE: Oui, mais, monsieur, on n'est pas ici pour refaire les
testaments des testateurs. Si l'Assemblée nationale doit se mettre
à refaire tous les testaments des testateurs pour les rendre plus
utilisables, plus pratiques, plus conformes aux intérêts
présents des héritiers, à ce moment vous nous lancez sur
la voie de modifier constamment des testaments de testateurs, ce qui n'est
sûrement pas la vocation de cette assemblée ou de cette
commission.
Je ne dis pas qu'il n'y a pas des cas où nous devons intervenir.
Par exemple, quand un testateur a mis des dispositions dans son testament qui
sont clairement inapplicables dans les conditions actuelles parce qu'il y a eu
tellement d'évolution et de changement. Mais, à ce moment, nous
nous autorisons d'intervenir, parce que nous présumons que, si le
testateur l'avait su, il n'aurait pas adopté ces dispositions à
l'égard de ses exécuteurs. Mais ici, nous avons un testateur qui
a dit... Je m'en réfère aux placements suivant l'article 981o,
nous avons une ligne de conduite qui nous est, en somme, imposée par
l'article 4 auquel je me suis référé et auquel le
député de Maisonneuve s'est référé. Je crois
que c'est assez difficile dans le cas actuel d'aller faire une exception dans
le cas de vos clients, ce qui ne veut pas dire, et vous pouvez peut-être
partir avec cela, que nous allons donner ample réflexion à ce
problème et voir s'il n'y a pas lieu d'élargir, d'une certaine
façon, les dispositions de la loi, mais en général, non
pas pour un cas particulier.
Je ne vous fais pas de promesse, mais il faut quand même aussi
être un peu prudent. Il faut s'occuper de l'intérêt des
héritiers, et la limite de ce que nous pouvons autoriser comme placement
permis par la loi est quand même... F faut qu'on autorise des placements
sûrs. D'un autre côté il faut aussi qu'on respecte la
volonté du testateur pour autant que le testateur a exprimé sa
volonté.
M. VILLENEUVE: M. le ministre, en terminant, si vous permettez. C'est
sûr que notre demande soulève un problème d'ordre
général. Nous en sommes tout à fait conscients. Cependant,
ce que nous voulons soulever en terminant, c'est que, si le législateur
a cru bon en 1967 d'élargir les pouvoirs des fiduciaires et a
amendé l'article 981o du code civil, tout en maintenant les obligations
des fiduciaires, bien entendu, c'est que je pense qu'à ce moment il
jugeait que ces pouvoirs élargis répondaient mieux à une
réalité socio-économique et à des
normes de placements plus adaptées au contexte actuel. Par
conséquent, il reste que le proviso de cette loi de 1967 soulève
un problème qui demeure entier. On fait une distinction et une certaine
discrimination parce qu'il faut quand même admettre que le nouvel article
981o permet des rendements et des revenus de placements supérieurs, tout
en maintenant des conditions et des réserves sur ces placements qui
assurent une sécurité dans ces placements aux successions qui ont
été ouvertes après 1967.
Nous croyons qu'il y a là une certaine discrimination, sans
vouloir insister, seulement en nous tenant au sens propre du terme, pour les
successions qui sont ouvertes avant et, en d'autres mots, les fiduciaires sont
justifiés de tenter de bénéficier de ces
élargissements que le législateur a cru bon et raisonnable
d'apporter.
M. CHOQUETTE: Je prends bonne note de vos observations, M. Villeneuve,
et vous pouvez être sûr que nous allons y réfléchir
et voir ce qui doit être fait. Vous avez très bien plaidé
votre cause, mais vous savez que les textes sont assez précis et je ne
crois pas que nous puissions déroger dans ce cas-ci et faire une
exception dans cette succession.
M. BURNS: M. le Président, je veux tout simplement dire ceci en
terminant. S'il doit y avoir des modifications, et c'est possible qu'il doive y
avoir des amendements, je n'ai pas d'objection de principe. Mais qu'à
l'occasion d'un problème particulier, on nous demande une modification,
qu'on se rende compte jusqu'à quel point il est grave d'intervenir dans
les décisions soit des testateurs, soit de parties contractantes ou
toute autre relation civile entre parties. A ce moment-là, je dis qu'on
doit agir avec prudence et, si le problème est à un point tel
qu'il doive avoir une consonnance générale, je présume que
le ministre de la Justice, talonné par nous, je m'en fais fort,
s'appliquera...
M. CHOQUETTE: Après-demain.
M. BURNS: Après-demain, oui. Je pense donc que le ministre de la
Justice ou le gouvernement en général devra faire les
modifications nécessaires. Personnellement, je me sentirais bien mal
à l'aise d'accepter un tel amendement qui, à toutes fins
pratiques, est un projet de loi privé, comme je l'ai mentionné la
dernière fois, qui modifie une loi à caractère public.
Dans ce sens, je ne peux pas être d'accord sur cela, de sorte que,
personnellement, M. le Président, je serais d'accord que le projet de
loi soit mis de côté.
M. CHOQUETTE: Nous pourrons peut-être suggérer au parrain
du bill, qui est M. Marchand, de présenter une motion pour que vous
retrouviez une partie du montant que vous avez dû déposer comme
honoraires. Je ne pense pas que quelqu'un ait d'objection à cela.
M. BURNS: Aucune objection. Les honoraires que vous avez
déposés, je pense, cela a été fait de bonne foi. On
n'est pas un tribunal. Je ne vois pas pourquoi on vous imposerait des frais. Je
serais donc d'accord également sur la motion du ministre de la
Justice.
LE PRESIDENT (M. Picard): Est-ce que les membres de la commission sont
prêts à se prononcer sur le projet de loi no 136? Requête
est rejetée.
Nous allons maintenant passer au projet de loi no 103, Loi concernant
une servitude grevant certains lots du cadastre de la paroisse de la
Pointe-Claire.
J'ai ici, comme procureur des requérants, Me Gérald
McCarthy, et conseiller juridique de M. Peter Lust, Me Ross Goodwin.
Est-ce que l'honorable ministre aurait quelque chose à dire?
Projet de loi no 103
M. CHOQUETTE: Je voulais simplement rappeler aux membres de la
commission que nous avions accepté et, d'ailleurs, les parties
présentes ici avaient accepté une intervention ou une
médiation de la part du député de Pointe-Claire.
Je suggère que nous entendions un rapport du député
de Pointe-Claire sur le résultat de ses démarches.
LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Pointe-Claire.
M. SEGUIN: M. le Président, on reconnaf-tra aussi que,
n'étant pas membre de cette commission, je considère comme une
faveur d'avoir l'occasion de m'exprimer avec autant de liberté et de
latitude qu'on me l'a permis dans le passé et même d'y faire des
suggestions.
M. BURNS: Nous pensons que c'est plutôt votre droit.
M. SEGUIN: J'accepte les commentaires du député de
Maisonneuve. Le fait est que, justement, la rencontre en question a eu lieu
à Pointe-Claire le 25 juillet 1974, soit jeudi dernier. Je pense que nos
délibérations ont débuté vers les 20 h 15, soit
huit heures et quart du soir. Présents à cette assemblée
encore que c'est surtout de mémoire que je relate ces faits
il y avait, sur les 17 propriétaires, quinze propriétaires
présents. M. Lust aussi, propriétaire de la section, était
présent et les deux parties étaient représentées
par leur conseiller juridique, leur procureur, M. Longpré pour M. Lust,
M. McCarthy pour les propriétaires de ce qu'on reconnaît
déjà comme
Thompson's Point, ou ce secteur de la ville de Beaconsfield. Dans le cas
de M. Lust, il était le propriétaire, comme on le sait, d'une
subdivision, soit les lots 7, 12, parties 13, 14, 15 et 16, dont il est
question au chapitre 88 des statuts de 1972.
M. John McKay, gérant de la ville de Pointe-Claire, à mon
invitation, était présent comme observateur et surtout comme
représentant de la municipalité, comme conseiller technique de
celui qui essayait, je ne dirai pas négocier, mais de "médier"
entre les deux parties en cause. Après discussion, pendant près
d'une heure, la partie est demeurée nulle. Je dois dire que la
discussion a été, à certains moments, très
réchauffée. On a eu des commentaires de part et d'autre. J'ai
déclaré, à un moment donné, que cette partie du
débat était nulle et nous avons essayé, à partir de
ce moment, d'arriver à quelque chose de plus concret. J'ai fait une
suggestion aux deux parties en cause, de vouloir, d'un commun accord,
rencontrer les autorités de la ville, ou la section d'urbanisme de la
ville, pour discuter d'une possibilité d'entente qui ferait l'affaire et
de M. Lust, propriétaire des lots en question, et des autres
résidants de la pointe. M. Lust, ou du moins son procureur, avait
accédé ou s'était prêté à cette
demande. Le procureur des propriétaires de Thompson's Point, des quinze
présents, n'a pas refusé et n'a pas accepté. J'ai dû
comprendre par là que ce n'était peut-être pas la
proposition la plus populaire qu'on pouvait faire, à ce
moment-là, ou du moins une proposition qui aurait pu résoudre le
problème.
A la suite encore de quelques discussions, nous arrivions à
environ 10 heures du soir, il y a eu, de la part du procureur des
propriétaires, une suggestion que j'ai trouvée tout à fait
acceptable, c'était que, peut-être, parmi toutes ces personnes
présentes, il pourrait y avoir une certaine lumière qui pourrait
éclairer la rencontre et les parties. Nous avons convenu, pour quinze ou
vingt minutes, de suspendre la réunion et d'aller chacun de notre
côté, soit M. Lust, son procureur d'un côté, M.
McCarthy et ses clients de l'autre, pour en discuter davantage à huis
clos. A bout de quinze ou vingt minutes, nous nous sommes réunis et
c'est à ce moment que M. McCarthy a fait, de la part de quatre
propriétaires, une proposition d'achat du terrain en question. Il y a eu
une offre je ne sais si je devrais mentionner le montant, ça ne
change rien, de toute façon, je le dirai pour le bénéfice
du journal des Débats et pour celui des membres de la commission
il y a eu une offre non négociable de $200,000, qui aurait
été faite à M. Lust.
Après discussions ou ententes avec les procureurs des deux
côtés, nous avons convenu que, dès le lendemain, on
pourrait me faire part de ce qui serait arrivé après cette offre.
J'ai rencontré, le lendemain de cette rencontre, M. Ross Goodwin,
procureur de M. Lust, qui lui, n'était pas présent à la
rencontre mais qui représentait quand même son client. Il m'a fait
part, le lendemain, que l'offre, qui avait été faite par les
citoyens par l'entremise de leur procureur, n'était pas acceptable par
M. Lust. J'ai pensé, puisque l'offre de M. McCarthy avait
été faite dans l'esprit de non-négociabilité, que
la chose était close pour autant que j'étais concerné.
C'est de cette façon que je fais rapport.
Je demanderais aux procureurs des deux côtés, ici
présents, de corriger mes commentaires s'il y a lieu ou d'apporter
d'autres précisions sur cette rencontre si j'ai négligé de
le faire. Je voudrais quand même remercier la commission du mandat qu'on
m'a donné. Je ne voudrais pas que nous ayons, de cette façon,
créé un précédent puisque je pense que c'est un
précédent qui a été fait, et je ne voudrais,
d'aucune façon, que nos commissions procèdent par voie de
négociations. C'est un cas d'exception et je voudrais bien
préciser que nous devons toujours éviter ces cas d'exception pour
autant que cela soit possible. C'était dans l'esprit de pouvoir discuter
ou négocier ou permettre une rencontre quasi à l'amiable des deux
parties en cause que j'étais intervenu la semaine dernière pour
essayer de formuler cette demande de rencontre entre les deux parties.
Je voudrais vous en remercier, messieurs de la commission, tout en
remerciant les propriétaires, y compris M. Lust, les procureurs qui se
sont présentés ou qui se sont prêtés à cette
discussion de jeudi dernier. Je voudrais les remercier de leur
coopération et je pense qu'en réalité il y a eu
certainement un bénéfice au moins, de discussion
démocratique sur un projet aussi sérieux que celui-ci.
Je termine en faisant une recommandation à la commission. Je
voudrais qu'elle se considère absolument libre de la prendre ou de la
rejeter. Cette recommandation de ma part, en ce qui me concerne, n'est pas non
plus négociable et la recommandation très simple est la suivante:
Qu'on remette le projet de loi 103 aux assises d'automne et qu'entre-temps, les
deux parties, c'est-à-dire les résidants de Thompson's Point et
M. Lust, avec l'assistance du bureau d'urbanisme de la ville, essaient
d'arriver à une entente pour l'aménagement de ce secteur.
Premièrement, ne pas compromettre les investissements du
propriétaire, soit M. Lust, dans les lots que j'ai mentionnés et,
d'un autre côté, de permettre aux autres propriétaires de
voir leur secteur qu'ils aiment bien, qu'ils apprécient beaucoup et
leurs investissements, par conséquent, considérés dans une
solution qui pourrait être prise à la lumière du service
d'urbanisme de la ville de Beaconsfield. Je fais cette recommandation dans
l'esprit que, même si la loi ne permettait pas dans le cas présent
d'en venir à une décision différente, c'est-à-dire
que les propriétaires contestataires soient privés de toute autre
façon de procéder que de venir ici devant la commission, je
voudrais
ou je pense quand même que le problème relève
réellement du niveau municipal, du gouvernement local. C'est dans cet
esprit des pouvoirs locaux et des responsabilités locales que je fais
cette suggestion.
Comme je le dis, ma suggestion n'est pas négociable. C'est que je
n'ai pas envie et je n'ai aucun intérêt non plus à entrer
dans le pour ou le contre de cette proposition, mais je l'offre plutôt
à la considération de la commission, comme suggestion, lorsque
vous délibérerez sur le projet qui est devant nous, soit le
projet 103. Je vous remercie, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Picard): Je désire remercier le
député de Pointe-Claire du rapport qu'il vient de nous donner. Il
a fait une suggestion. Est-ce que les membres de la commission sont prêts
à se prononcer sur cette suggestion de suspendre l'étude de ce
projet de loi jusqu'à la session d'automne?
M. DESJARDINS: M. le Président, est-ce qu'on peut entendre les
procureurs?
LE PRESIDENT (M. Picard): Si on doit suspendre l'étude?
M. DESJARDINS: Non, avant de la suspendre.
M. BURNS: M. le Président, je suis un de ceux qui, au
départ, seraient portés à vous dire que je suis d'accord
sur la suspension jusqu'à l'automne de ce projet de loi. Il est
évident qu'on est dans un état de conflit d'intérêts
entre parties. Le mot "intérêts" est peut-être bien large
comme expression, mais disons "conflit d'approche", si on ne veut pas lancer de
nouvelles affaires dans le débat. Personnellement, je serais d'accord
à mettre le problème en veilleuse. Le député de
Pointe-Claire ne peut malheureusement pas faire de proposition à cette
commission mais je ferais la proposition en son nom.
M. ROY: Pour les mêmes motifs, M. le Président, je serais
prêt, en ce qui me concerne, à appuyer la proposition du
député de Maisonneuve, parce que cela m'apparaît logique et
raisonnable de suspendre ce projet de loi.
LE PRESIDENT (M. Picard): Est-ce qu'en premier lieu, on doit entendre la
requérante?
M. CHOQUETTE: Je suggère qu'on entende les parties sur cette
question.
LE PRESIDENT (M. Picard): Me Gerald McCarthy, procureur des
requérants.
M. MCCARTHY: M. le Président, messieurs, je n'ai pas de
correction à apporter à ce que le député de
Pointe-Claire nous a dit ce soir, mais je voudrais y apporter quelques
précisions. D'abord, l'offre d'achat qui a été faite aux
réunions de jeudi soir dernier a été faite par quatre des
propriétaires, au nom du groupe. Il ne s'agissait pas de quatre
personnes qui ont offert d'acheter les lots. Ils le faisaient de la part des
autres.
Ensuite, je dois souligner que le prix qui a été offert
était justement le prix que M. Lust a décrit ici devant la
commission, il y a quelques jours, comme acceptable pour employer le mot qu'il
a employé lui-même.
Je dois aussi dire que je répugne à l'expression "non
négociable". Normalement, on n'entre pas dans des négociations en
annonçant au début qu'on fait une offre non négociable,
mais n'oublions pas que, dans notre cas, nous n'étions pas là
pour cela. Nous ne voulons pas acheter les lots. Nous voulons que la situation
reste telle qu'elle était avant le chapitre 88, que la situation reste
telle qu'elle était d'après les servitudes qui ont
été ratifiées.
Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une question du gouvernement local. Je
crois plutôt qu'il s'agit d'une question de principe, un principe
très important, c'est-à-dire est-ce que les conflits d'approche
pour employer l'expression du député de Maisonneuve
doivent se régler devant la commission de la justice ou ne doivent-ils
pas se régler devant les cours?
II y a eu un contrat. Le contrat a été signé de
bonne foi. Le contrat était valide. Le contrat était assez
récent que plusieurs des parties étaient là. Je ne crois
pas que la commission doive être appelée à régler
les questions de contrats pour les rendre encore une fois, pour utiliser
les mots que nous avons entendus ce soir même plus utilisables ou
pour les rendre plus conformes au désir d'une des parties qui les a
signés elle-même.
Naturellement, j'aimerais que la question soit réglée ce
soir si possible. Pour les propriétaires, la situation est assez
importante. Actuellement le chapitre 88 fait la loi. Nous croyons qu'on ne doit
pas permettre à celui qui l'a obtenu de se faire justice par ce moyen.
S'il y a des questions de détails, encore une fois je
répète que, quant à nous, nous ne devons pas entrer dans
les détails. C'est une question de principe. Est-ce que les contrats
doivent être interprétés ou réglés ici ou
est-ce que les conflits d'intérêts doivent être
réglés devant les cours? Mais si la commission croit que quelques
détails manquent ou que quelques précisions manquent, j'ai des
témoins et des documents à vous présenter ce soir, s'il
s'agit d'une question de détails. Pour moi, il s'agit d'une question de
principe.
LE PRESIDENT (M. Picard): M. Goodwin.
M. GOODWIN: M. le Président, je remercie beaucoup, moi aussi, le
député de Pointe-Claire qui a eu l'amabilité de nous
recevoir et de consacrer quelques heures à une rencontre où
il
a tenté de permettre aux parties de se rapprocher.
Malheureusement, j'étais moi-même ici, retenu à
Québec, à cause d'un autre projet de loi et c'est mon
associé, Me Longpré, qui y a assisté. Je n'ai pas de
correction à apporter au rapport du député de
Pointe-Claire, moi non plus, mais comme précision quand même
à ce rapport, il y manque la description de l'atmosphère qui a
été créée par les injures qui ont été
faites à M. Lust à cette occasion lorsque, tout comme devant la
commission ici, il s'est fait traiter de menteur à plusieurs reprises.
Ce n'était certainement pas une atmosphère pour entraîner
une collaboration qui était créée par le calme du
député de Pointe-Claire qui essayait de permettre un débat
ouvert et franc.
Les discussions aussi, d'après ce qu'on me rapporte, ont
porté à la même occasion sur une suggestion qui, je crois,
a été faite par le député de Louis-Hébert,
la dernière fois, touchant des modifications aux servitudes. De la part
de M. Lust, une proposition aussi fut faite à cette commission
suggérant que, possiblement, malgré les injures
prononcées, la crainte portait sur la destruction de certains arbres et
sur certaines autres questions entourant l'atmosphère de Thompson's
Point. La suggestion de M. Lust a été à l'effet de
restreindre la servitude à 35 pieds de Place Beaurepaire, ce qui
permettait à la fois de conserver l'atmosphère et d'ajouter
possiblement quatre maisons luxueuses et unifa-miliales du même genre que
celles qui s'y trouvent déjà, mais des maisons qui ne seraient
vraisemblablement pas, des maisons d'été.
Je ne veux pas reprendre le débat, mais lors de notre
dernière rencontre, mon client est resté visiblement
affecté par les accusations qui ont été portées
contre lui. Je me permets de vous rappeler très simplement qu'on lui a
reproché ou tenté de lui reprocher d'avoir induit la commission
parlementaire de la justice en erreur. Or, une vérification me permet
d'indiquer à cette honorable commission qu'en date du 24 juillet 1974,
je suis informé par le journal Suburban qu'en 1972 la distribution de
cet hebdomadaire était de 106,500 copies par semaine, ce qui faisait du
Suburban et je lis la lettre: "We were by far the largest circulated weekly
newspaper of the English language in both 1972 and 1974 in the greater Montreal
area. We cover though the entire western half of Montreal island, from
Outremont and West-mount to the western end of Montreal island."
Premièrement, cette lettre est signée par un administrateur du
Suburban.
Deuxièmement, à l'époque de la publication des avis
dans les journaux, en 1972, le journal La Gazette était frappé
d'une grève. Donc, on a pris ce journal. Ensuite, un des témoins
a porté la parole, lors de la dernière audition, et il s'est
plaint qu'il n'avait pas vu l'annonce dans les journaux. Le journal dans lequel
l'avis a été publié a été le
Montréal-Matin qui, si mes souvenirs sont exacts, était un des
journaux les plus distribués ou à plus fort tirage à
l'époque.
J'ignore ce qu'il en est aujourd'hui, mais à l'époque,
c'était un des journaux de langue française les plus
distribués, peut-être, à l'exception de la Presse.
Finalement, sur les publications, je me demande si les règlements
de la Chambre, de l'Assemblée nationale et de cette commission, devront
à l'avenir prévoir des publications autres que celles qui sont
exigées. Que faire de la publication dans la Gazette officielle? Est-ce
que ce qui a été souligné, le fait que quelqu'un n'ait pas
vu le texte de l'avis, veut dire que la Gazette officielle du Québec
perd son caractère de journal public, officiel et juridique? Est-ce que
cela veut dire qu'à l'avenir il faudra publier des avis ou radiodiffuser
ou télédiffuser des avis 25 fois ou 30 fois? Est-ce qu'à
l'avenir il y aura des journaux privilégiés? Est-ce qu'à
l'avenir, le rapport du comité légiste qui accepte la
publication, avant de le soumettre à l'Assemblée, devra
être contesté et examiné de tout bord et de tout
côté?
Nous soumettons que la commission parlementaire a été
extrêmement bien informée ou totalement informée en 1972.
Même en l'absence des opposants, les membres de la commission, qui ont
participé à ce débat, ont soulevé exactement les
mêmes points de droit que soulève mon confrère et que cette
situation a fait que toutes les explications ont été
données.
Je pense qu'il est totalement injuste et injustifié d'accuser ou
de tenter d'accuser M. Lust d'avoir tenté ou même osé
penser qu'il a tenté de tromper ou de cacher des faits à cette
honorable commission et à chacun de ses membres et à chacun des
membres de l'Assemblée nationale. De telles accusations ont visiblement
affecté mon client, et sont d'une extrême gravité quand on
se souvient de l'atmosphère qu'il y avait ici à la
dernière assemblée.
L'honorable député de Pointe-Claire a mentionné,
tout à l'heure, que M. MacKay, de la ville de Beaconsfield, était
présent. A la dernière occasion, il nous a mentionné qu'il
avait pris l'initiative de lui-même, en 1972, de communiquer avec les
autorités municipales de la ville de Beaconsfield pour savoir quelles
étaient leurs réactions face à ces démarches qui
étaient faites par M. Lust. J'ignore si les mêmes
vérifications ont été faites ou si les autorités
municipales de Beaconsfield ont pu, par l'entremise de M. MacKay, faire des
commentaires lors de l'assemblée. Encore une fois malheureusement, je
n'ai pu y assister.
Mais je me permets de souligner que le simple dépôt du
projet de loi 103 a entraîné de sérieux dommages pour M.
Lust. En effet, certains projets d'aménagement possible ont
été mis de côté en attendant que ce projet de loi
103 soit étudié. Ces démarches, tel que nous l'avons
mentionné à la dernière reprise, visaient à ajouter
peut-être quatre résidences qui pourraient s'ajouter à
celles qui sont déjà permises. Nous soumettons que M. Lust, au 30
juin 1972, a acquis, dès ce moment, des droits et qu'il s'est
adressé à la plus haute autorité en notre province
pour expliquer son cas qui, rappelons-le, concernait et affectait son lot et
ses lots de façon beaucoup plus considérable que les
règlements municipaux de zonage, qui sont en vigueur dans la ville de
Beaconsfield, et qui eux, représentent quand même
l'intérêt public.
Par contre, à la même occasion, en réponse à
des questions répétées de l'honorable ministre de la
Justice, les propriétaires, qui ont témoigné, ou le
propriétaire, qui a témoigné avec véhémence
et agressivité, n'a pu identifier, d'aucune façon, le
préjudice qu'il subissait. Et dans ce cadre, il faut se rappeler aussi
que certains de ces propriétaires n'habitent là que pendant les
quelques mois d'été. Alors, devant cette situation, qui s'est
présentée devant votre commission, je trouve regrettables les
accusations qui ont été portées contre mon client, alors
que, de bonne foi, il a tenté d'expliquer la situation qui
l'affectait.
LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: Me Goodwin, je m'attache à votre dernière phrase
probablement, celle qui dit qu'un certain nombre de propriétaires
n'habitent là que durant l'été. Est-ce que vous voulez
expliciter là-dessus?
M. GOODWIN: Les renseignements que j'ai, c'est que cinq de... Quatre ou
cinq?
M. LUST: Le premier, Dupré; Hopkins, Cartier, those four. There
may be more. Those four, I know at this moment. Ce sont les quatre que je
connais à ce moment. Peut-être y en a-t-il plus?
M. BURNS: Peut-être que Me McCarthy peut répondre à
cette question aussi?
M. MCCARTHY: Est-ce que vous permettez...
M. BURNS: Bien oui. Je le demande aux deux.
M. MCCARTHY: ... je vais discuter de cela avec mes clients pour un
instant pour savoir quels... J'accepte que la question ait quelque importance
apparemment pour la commission. Est-ce que je peux vérifier cela avec
mes clients pour un instant?
M. BURNS: D'accord! Bien oui, sûrement.
M. MCCARTHY: Pour répondre à la question du
député, les personnes, les propriétaires qui habitent
là actuellement mais qui n'habitent pas là l'hiver, sont les cinq
personnes qui ont été mentionnées. Toutes les autres
habitent là pendant toute l'année. Je crois que vous comprendrez
que je ne vois pas...
LE PRESIDENT (M. Picard): The honourable member from Sainte-Anne.
M. SPRINGATE: M. le Président, c'est simplement pour avoir des
précisions de Me Goodwin concernant le Suburban. Il a dit qu'il y a
106,500 exemplaires qui ont été distribués. Il a
mentionné Westmount, Côte-Saint-Luc, Montréal-Ouest et
ensuite Dorval, Pointe-Claire, Hampstead, Pierrefonds, Dollard-des-Ormeaux,
d'autres parties de Montréal, avant d'arriver à Beaconsfield.
Pouvez-vous me donner le nombre d'exemplaires distribués à
Beaconsfield, s'il vous plaît?
M. GOODWIN: D'après les renseignements que je viens de fournir
à l'honorable député de Maisonneuve, il semble que ce soit
plus utile que cela se distribue à Montréal. Je regrette
infiniment, mais je ne peux pas répondre à la question
précise de l'honorable député.
LE PRESIDENT (M. Picard): L'honorable ministre...
M. SPRINGATE: Pourriez-vous peut-être nous dire le nombre de jours
durant lesquels la Gazette a été en grève à cette
époque?
M. GODDWIN: M. le Président, je l'ai souligné au
début de mon intervention, je n'ai pas à défendre ni
à annoncer un journal plus que l'autre, mais ce que j'ai affirmé
me vient d'une lettre que j'ai devant moi, qui parle de 106,500 exemplaires en
1972 et cela a grimpé à 115,000 en 1974 jusqu'à
maintenant.
J'ignore totalement la durée de la grève en 1972, mais ce
cas a été soumis à l'attention des légistes de
cette commission et de l'Assemblée nationale à l'époque,
ratifié par la commission puis par la suite par l'Assemblée
nationale. La publication a été jugée tout à fait
satisfaisante parce que les règlements prévoient que si la
publication n'est pas complète, n'est pas suffisante, le projet de loi
n'est pas, déféré à la commission avant que cette
situation ne soit corrigée ...
M. SPRINGATE: Je ne discute pas'de cela, mais, Me Goodwin, je vous dis
très carrément que, à mon avis, le Suburban est lu par
peut-être un ou deux citoyens de Beaconsfield. Vous pourriez demander au
député de Pointe-Claire ou peut-être au
député de Mont-Royal, qui demeurent dans ces endroits, et ils
vous diront que le Suburban n'est pas lu à Beaconsfield. C'est le seul
point que je fais valoir et on n'entre pas dans d'autres discussions.
M. GOODWIN: M. le Président, je ne voudrais surtout pas entrer
dans une discussion avec l'honorable député de Sainte-Anne,
connaissant ses prouesses au football. Il aurait sûrement l'occasion de
m'écraser physiquement.
M. SPRINGATE: Vous êtes assez gros et grand vous aussi.
M. CIACCIA: M. le Président, on ne veut écraser personne
ni physiquement, ni mentalement, ni intellectuellement. On voudrait
seulement...
M. SPRINGATE: Protéger les droits de tous.
M. CIACCIA: ... avoir certaines précisions. J'aurais quelque
chose à demander plus tard. Pour préciser la question que le
député de Sainte-Anne a posée, je demeure à
Beaconsfield depuis 1959, on ne m'a jamais livré le Suburban et je ne
l'ai jamais lu à Beaconsfield.
M. BURNS: M. le Président, le parti qui parle actuellement,
est-ce que c'est...
M. SPRINGATE: C'est notre caucus.
M. BURNS: C'est vrai, vous vous êtes entendus. C'est bien.
M. SPRINGATE: C'est un précédent de notre caucus.
M. BURNS: Cela va.
M. ROY: II faut croire que c'est un autre caucus de deux, M. le
Président.
LE PRESIDENT (M. Picard): Me McCarthy, avez-vous quelque chose à
ajouter?
M. MCCARTHY: Messieurs, je me demande ce que vient faire le tirage des
journaux dans les discussions de ce soir. Même s'il s'agissait...
M. BURNS: C'est vous-même qui l'avez sorti. Peut-être pas
vous, mais c'est peut-être un de vos clients qui l'a sorti la semaine
dernière.
M. MCCARTHY: Oui, mais pas...
M. BURNS: La première fois qu'on a entendu parler du fait que le
Suburban n'était peut-être pas distribué, que le
Montréal-Matin n'était pas lu et des histoires comme cela, c'est
il y a quinze jours à peu près.
M. MCCARTHY: Les propriétaires sont tous prêts...
M. BURNS: Le Jour n'existait pas à ce moment-là.
D'ailleurs, le gouvernement n'est pas intéressé à publier
là-dedans.
M. CIACCIA: M. le Président, si vous me permettez, je crois que
le point que M. McCarthy vient de soulever est très à propos. Ce
n'est pas une question de tirage du journal, ce n'est pas une question non plus
purement juridique de dire... Vous avez raison. Du point de vue juridique, un
avis dans la Gazette officielle et un avis dans un journal français et
un journal anglais satisfont aux demandes de la loi. Mais je crois que, quand
on veut discuter ou changer des droits privés, il y a une certaine
discrétion à la commission. Vous avez raison, vous n'êtes
pas obligés d'aviser les propriétaires avoisinants, mais la
commission non plus n'est pas obligée de donner suite à votre
requête. Dans une question de droit privé, comme on se situe
maintenant, c'est une servitude qui affecte les autres lots, ce sont des droits
privés. Je crois que cela aurait été beaucoup plus
raisonnable et beaucoup plus louable aussi, si je peux dire, si tous les
propriétaires avaient été avisés personnellement.
Je crois qu'il n'y en avait pas beaucoup. Ce sont tous des voisins. Alors, en
envoyant une copie de la requête, une copie de l'avis pour que ce point
ne soit pas soulevé maintenant, c'est-à-dire: Est-ce que les
propriétaires le savaient ou s'ils ne le savaient pas? Je crois que
c'est cela le point concernant le tirage des journaux. Est-ce que vous avez
vraiment fait votre possible pour aviser les propriétaires, les voisins
pour que, lorsque vous êtes venu ici à la commission
parlementaire, ils le sachent personnellement? Ils auraient pu faire, eux
aussi, certaines représentations. C'est le seul point concernant les
journaux.
LE PRESIDENT (M. Picard): Le ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais prendre la parole
maintenant. Tout d'abord, cette offre de $200,000 pour le terrain de M. Lust,
je ne vois pas ce que cela vient faire dans les discussions. Vous pouvez faire
toutes les offres que vous voulez, mais c'est le problème entre vous et
M. Lust. Ce n'est pas le problème de l'Assemblée nationale.
M. CIACCIA: M. le Président, est-ce que je pourrais interrompre
pour dire pourquoi ce chiffre de $200,000 et pourquoi cela est venu? Je sais
que cela n'a rien à faire...
M. CHOQUETTE: Le pourquoi ne m'importe pas du tout...
M. CIACCIA: Parce que, dans les réponses...
M. CHOQUETTE: ... je trouve même que c'est complètement
étrange comme suite qui a été donnée aux
discussions devant la commission. Je trouve que c'est une chose absolument
étrange qu'alors qu'on avait demandé au député de
Pointe-Claire d'agir comme médiateur, finalement cela se solde par une
offre, par vos clients, M. McCarthy, ou par certains de vos clients, d'acheter
le terrain de M. Lust pour $200,000. Je trouve que c'est une chose que je ne
peux vraiment d'aucune façon prendre en considération. Je trouve
que c'est vraiment complètement étranger au débat.
Je mentionne ceci parce que j'espérais personnellement
qu'à la suite des discussions que nous avons eues à la commission
la semaine dernière ou il y a une quinzaine de jours, on trouverait,
avec M. Lust, un compromis sur l'extension des servitudes respectives entre les
parties. Parce que ces servitudes sont respectives entre les parties. Elles
défendent de construire à telle distance de la route et à
telle distance du bord de l'eau et je souhaitais, pour ma part, que,
considérant la position de force de M. Lust qui a une loi à
l'heure actuelle à son actif, vos clients diraient: On va chercher un
moyen de préserver l'environnement, de ne pas gâcher la Pointe
Thompson je pense qu'il y a eu des avis exprimés dans ce sens
et on va chercher à faire un compromis honorable avec M. Lust.
Mais cela ne semble pas être l'attitude de vos clients, M. McCarthy. Je
dis cela et je ne le dis pas pour critiquer, mais, analysant la situation, je
prends cela en considération.
D'un autre côté, je dois bien admettre que la commission
parlementaire, dans le temps où elle s'est prononcée sur le
projet de loi présenté par M. Lust n'avait pas tous les faits
devant elle. Je dois admettre ça. Je relis les débats et je note
un peu ce qui a été dit, il nous manquait deux actes au dossier,
de 1953 et de 1957, la servitude qui avait été mentionnée
avait beaucoup d'ancienneté puisqu'elle datait de 1891, nous n'avions
pas d'opposants devant nous, par conséquent... Disons, je ne dis pas que
M. Lust a cherché à tromper la commission, je n'affirme pas
ça du tout parce que je ne trouve rien dans ses propos qui indiquerait,
de sa part, une intention de tromper. Mais je dis quand même que la
commission n'avait peut-être pas tous les faits devant elle. Et moi,
j'espère que les propriétaires de Thompson's Point vont trouver
un moyen de corriger cette situation par une négociation qui aboutisse
à, peut-être, recréer une nouvelle servitude mais plus
conforme aux conditions modernes.
Si on me permet de mentionner un peu ce qui se disait en 1972, ce qui a
guidé en large partie la commission, c'est que nous avons eu
l'impression que la servitude existante, à ce moment-là, ne
correspondait pas du tout aux conditions de développement urbain dans
cette partie de la ville de Beaconsfield. Nous avons dit: Cette servitude ne
correspond pas à la réalité, elle est
dépassée par les faits. Mais aujourd'hui, nous avons des gens qui
viennent soutenir un point de vue différent et qui nous disent: Au
contraire, vous auriez dû la conserver parce qu'elle sauvegarde
l'environnement. Une suggestion a été faite de reporter
l'étude de ce bill à l'automne. Je suis bien prêt à
trancher le débat, ce soir, mais j'aime mieux ne pas vous dire dans quel
sens. Personnellement, je le trancherais, compte tenu de la position de force
de M. Lust et compte tenu, peut-être du fait que vos clients ne semblent
pas avoir compris qu'il s'agirait de modifier la servitude pour qu'elle
convienne plus aux conditions actuelles.
C'est la raison pour laquelle, si les membres de la commission,
majoritairement, abondent dans le sens de reporter l'étude de ce bill
à l'automne et donner le temps aux parties d'essayer de s'entendre sur
une nouvelle définition de la servitude qui corresponde aux besoins
actuels; moi, je suivrai cet avis. Si on a de la résistance de ce
côté, personnellement, je suis prêt à trancher le
débat parce que mon opinion est faite. Il y a aussi un autre aspect que
le député de Louis-Hébert m'a mentionné, c'est la
question du préjudice pour vos clients. Le député de
Louis-Hébert me disait que le préjudice n'a pas été
tellement démontré du côté de vos clients.
M. MCCARTHY: On est tout prêt, M. le ministre, à
démontrer le préjudice ce soir. Mais j'aimerais, si vous me
permettez, faire quelques remarques pour vous expliquer pourquoi nous avons cru
que cette offre avait de l'importance dans l'affaire. Je demande avec respect
qu'on me permette quelques mots là-dessus. Quand M. Lust a
demandé son bill et quand nous nous sommes rencontrés ici il y a
quelques jours, il a souligné le fait que la raison pour laquelle il a
voulu son bill, c'était parce qu'il était grevé de cette
servitude. Il ne pouvait pas vendre, il avait quelque chose qui avait de la
valeur, il ne pouvait pas le vendre parce que personne ne voulait l'acheter.
Nous avons cru que peut-être si nous lui disions : Nous allons acheter,
ça fera son affaire. Parce que la raison qu'il a expliquée
à la commission, c'est qu'il avait quelque chose qui valait $200,000
mais qu'il n'y avait personne pour l'acheter. Nous avons cru que c'était
comme ça qu'on pourrait régler l'affaire. Tous les autres
propriétaires, sauf un, ont voulu garder les restrictions qui, nous
l'admettons, sont plus "stringent", si je peux dire, que les règlements
de la ville. Mais après tout, je crois qu'il est permis, dans notre loi,
à un groupe de propriétaires, de convenir entre eux, d'appliquer
à leur lot, des restrictions qui sont beaucoup plus fortes que les
restrictions qui s'appliquent aux autres propriétés.
C'est pour ça que nous avons cru régler l'affaire en
acceptant d'acheter les lots.
M. CHOQUETTE: Je ne comprends pas qu'on n'ait pas exploré la
possibilité de moderniser en somme la servitude en question de
façon à sauvegarder le caractère de Thompson's Point et
que vos clients mettent un peu d'eau dans leur vin, considérant la
situation de M. Lust et considérant la position de force dans laquelle
il est, ayant une loi de son côté.
M. MCCARTHY: Justement, M. le ministre, cette position de force, il ne
doit pas l'avoir.
M. CHOQUETTE: C'est ce que vous dites, mais...
M. MCCARTHY: Oui, c'est ce que je dis.
M. CHOQUETTE: Oui, mais n'oubliez pas que des avis ont été
publiés, une loi a été passée. La loi est
là.
M. MCCARTHY: Oui, mais est-ce qu'il y a une loi qui dit que, quand il y
a un avis dans un journal, il n'y a pas moyen d'approcher la commission de la
justice pour demander qu'un contrat, qui a été annulé en
partie par cette loi, soit remis en vigueur?
M. CHOQUETTE: Cela prend des arguments très sérieux pour
changer une loi qui existe déjà. Je pense que ce que vous nous
avez expliqué sur la publication dans le Suburban, cela peut
peut-être amener la commission de l'Assemblée nationale à
réviser la liste des journaux dans lesquels des avis juridiques
devraient être publiés. Parce que, sans critiquer The Suburban que
je connais bien, et d'ailleurs que M. Lust connaît très bien, je
pense qu'en principe, des avis qui ont une portée juridique aussi
importante que ceux qui changent des servitudes comme cela, devraient
normalement paraître dans des journaux à grande circulation, non
pas des journaux de quartier, même s'ils ont une circulation assez
considérable.
Mais, je pense que les avis ont quand même paru
régulièrement.
M. MCCARTHY: Oui, mais M. le ministre, nous sommes plusieurs avocats ici
présents ce soir. Moi, j'ai signé passablement de contrats. Je ne
regarde pas les journaux chaque soir, ni même le Star, certainement pas
le Suburban, pour voir si mes contrats ont été annulés par
un bill devant la commission de la justice.
M. BURNS: M. McCarthy, vous mettez en doute toute la façon pure
et simple de rendre publiques un certain nombre de choses. Vous allez
peut-être me dire que vous n'allez pas au bureau d'enregistrement
à tous les jours. Moi non plus. Par contre, si vous achetez un terrain
qui est grevé d'une hypothèque...
M. MCCARTHY: Avant de l'acheter, je vais au bureau d'enregistrement.
M. BURNS: Vous allez peut-être me dire que vous n'avez pas eu le
temps.
M. MCCARTHY: Non, non. J'ai toujours le temps pour cela.
M. BURNS: Mais c'est possible que vous n'ayez pas eu le temps et que
vous achetiez le terrain...
M. MCCARTHY: Ce n'est pas possible.
M. BURNS: Ce n'est pas possible. C'est la même prémisse en
matière... Que voulez-vous? Vous avez l'article 4 des règles de
pratique des projets de loi privés qui dit ceci. Est-ce que je peux vous
le lire, Me McCarthy?
M. MCCARTHY: Certainement, monsieur.
M. BURNS: "L'avis d'un projet de loi privé doit être
publié dans la Gazette officielle du Québec ainsi que dans un
journal quotidien ou hebdomadaire français et dans un journal quotidien
ou hebdomadaire anglais les deux, le verbe qui vient s'applique aux deux
circulant dans le district judiciaire où demeure la personne qui
dépose le projet."
M. Lust demeure dans le district judiciaire de Montréal, je
pense, dans Beaconsfield. Non seulement il publie dans le Montréal-Matin
et je pense qu'on a mentionné les journaux anglais comme le Star
ou la Gazette, en tout cas, peu importe mais il y a le Suburban en plus,
qui, lui, est distribué dans le bout, si vous me permettez
l'expression.
M. MCCARTHY: II y a quinze...
M. BURNS: A moins que vous nous disiez que cela ne veut plus rien dire,
l'article 4.
M. MCCARTHY: Ce n'est pas cela que je veux dire.
M. BURNS: Si cela ne veut plus rien dire, faites-nous signe et on va le
changer.
M. MCCARTHY: II y avait quinze propriétaires qui étaient
les voisins de M. Lust. Le bill ne concernait que seize personnes et j'en
représente quinze ce soir. J'ai ici un document signé par les
quatorze personnes selon lequel M. Lust ne les a pas du tout informées
de son bill...
M. BURNS: Je vous avoue, Me McCarthy, que c'est votre argument le plus
faible, en ce qui me concerne. Si je peux vous donner un conseil, ne parlez
plus de cela. En ce qui me concerne, en tout cas. Je ne sais pas si c'est
l'avis du ministre de la Justice, mais, moi, je pense que c'est votre argument
le plus faible. Si vous me dites que, parce que je n'étais pas chez moi
pour les quatre derniers mois, vous m'avez assigné et vous obtenez un
mode spécial d'assignation. Si je dis au juge: Cela n'a pas de bon sens,
je n'étais pas là...
M. MCCARTHY: II n'y a pas de comparaison entre les deux, pas du tout, M.
le député.
M. BURNS Vous savez, sur le mode de signification, surtout quand vous
avez l'article 4 de nos règles de pratique, vos arguments
là-dessus ne m'impressionnent pas beaucoup.
M. MCCARTHY: Je ne crois pas que les décisions de la commission
doivent être réglées par les règles de pratique.
M. BURNS: II y a une chose qui m'a impressionné, par exemple.
Parlez-moi du fait que M. Lust a pu nous tromper en 1972, et puis je vais vous
écouter là-dessus.
M. MCCARTHY: Oui, je vous en parle, M. le député.
M. BURNS: Parlez-moi également du fait... M. MCCARTHY: Je vous en
parle.
M. BURNS: ... qu'on n'a pas pris tous les éléments, je
vais vous écouter là-dessus. Mais ne me dites pas, par exemple,
que les gens n'ont pas été informés et tout cela.
M. MCCARTHY: J'ai déjà parlé des actes de 1953 et
de 1955. Peut-être que M. Lust les a oubliés, c'est très
possible, mais l'inconvénient ou ce qui est malheureux pour nous autres,
c'est que tous ces oublis sont en sa faveur à lui. Si, au moins, il
avait oublié quelque chose qui était en notre faveur, nous
croirions peut-être que c'était vraiment un oubli, mais, de toute
façon, on a employé le mot "menteur", ce soir, on a dit
qu'à la commission de la semaine passée on a traité M.
Lust de menteur. Ce n'est pas moi qui ai employé le mot si le mot a
été employé, mais j'ai devant moi une liste qui a
été préparée par un de mes clients, qui exprime ou
qui souligne les endroits où M. Lust a dit quelque chose devant la
commission en 1972 et qui donne des faits qui contrastent.
Si vous le permettez, je vais vous lire cette liste. Elle est assez
longue, mais je peux la lire de toute façon. Je vois, par exemple, tout
d'abord, que M. Lust parle de 32 ou 33 propriétaires, il n'y en avait
que 16, la moitié.
M. CHOQUETTE: M. McCarthy... M. MCCARTHY: Oui.
M. CHOQUETTE: ... on a déjà plaidé tous ces aspects
et je pense que...
M. MCCARTHY: C'est le député qui m'avait demandé
d'en parler.
M. CHOQUETTE: Oui, mais on sait...
M. BURNS: On a le document, M. McCarthy.
M. CHOQUETTE: ... que tous les faits n'ont pas été devant
la commission à ce moment. Je pense que tout le monde va admettre cela.
Deuxièmement, cependant, il y a eu une loi adoptée et, pour la
modifier, cela prend des raisons très sérieuses, non pas
seulement des raisons de "convenience". Moi, je vous dis une chose, il y a une
proposition qui a été faite devant la commission de remettre ce
projet de loi à l'automne. Cela va vous donner la chance de
négocier avec M. Lust, d'essayer de vous entendre et d'arriver à
un compromis équitable qui sauvegarde le caractère de Thompson's
Point. Si vous n'arrivez pas à ce compromis, la commission va se
prononcer à l'automne, mais je ne sais pas dans quel sens elle va se
prononcer. Il y en a un de vous deux qui peut perdre complètement,
mettez-vous cela dans la tête, parce qu'il y a de bons arguments de part
et d'autre. Moi, je dis que les deux parties ont intérêt à
s'entendre.
DES VOIX: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Picard): Est-ce que les membres de la commission sont
prêts à se prononcer?
M. MCCARTHY: On ne peut qu'accepter la proposition du ministre de la
Justice.
M. CIACCIA: M. le Président, une question...
LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de... M. BURNS: Je
vous avoue que...
LE PRESIDENT (M. Picard): A l'ordre, s'il vous plaît! Le
député de Mont-Royal.
M. CIACCIA: Quelle garantie y aurait-il pour les résidants de
Thompson's Point? Qui peut dire que, d'ici à l'automne, la
propriété ne sera pas vendue ou ne sera pas aliénée
d'une façon ou d'une autre? Si, pour une raison ou une autre, il n'y
avait pas d'entente, on pourrait revenir ici à l'automne. La
décision peut être valable.
M. CHOQUETTE: Est-ce qu'il y en a un qui ne veut pas
négocier?
M. MCCARTHY: Pardon?
M. CHOQUETTE: Est-ce qu'il y en a un qui ne veut pas
négocier?
M. MCCARTHY: Je ne le crois pas. J'allais justement ajouter la condition
que le député de Montréal a suggérée...
M. BURNS: Maisonneuve.
M. MCCARTHY: ... c'est-à-dire qu'il doit y avoir une assurance
quelconque pour nous autres que les propriétés de M. Lust ne
seront pas vendues et hypothéquées d'ici la décision de
l'automne.
M. BURNS: On ne peut pas demander cela à M. Lust. Il a le droit
de faire cela.
M. CHOQUETTE: Si c'est le cas, il faut le trancher ce soir.
M. BURNS: D'accord, on le tranche ce soir.
M. CHOQUETTE: II faut le trancher ce soir, si c'est le cas.
M. BURNS: M. le Président, en tout cas, je vous dis, si vous
êtes prêt à trancher le problème, je vous le remets
entre les mains, je retire ma proposition, si c'est l'avis de la
commission.
M. CHOQUETTE: Non, mais si on a un engagement ferme de M. Lust et de son
avocat de ne pas vendre la propriété, et si c'est accepté
par les requérants...
M. MCCARTHY: ... Je demande...
M. CHOQUETTE: ... on peut renvoyer l'affaire à l'automne et les
laisser la négocier, parce que je pense qu'une négociation va
rendre bien plus justice aux deux parties qu'une décision imposée
par la commission. C'est la raison pour laquelle je me suis rangé
à cette proposition.
Par contre, si on ne peut pas avoir un tel engagement, la commission va
trancher ce soir.
M. BURNS: M. le ministre, il y a eu une médiation et je profite
de l'occasion pour remercier le député de Pointe-Claire du
travail qu'il a fait. Je pense qu'il a fait son possible et si la
médiation n'a pas amené les résultats qu'on
espérait, je ne pense pas que ce soit de sa faute. Connaissant le
député de Pointe-Claire, il a fait son possible. Enlevons cela du
portrait.
Mais, je veux le dire si, à un moment donné, un
député, qui est le député de Pointe-Claire, qui est
le député de l'endroit concerné, a pris la peine de
rencontrer les parties, a fait son possible, a tenté d'amener les gens
sur un terrain d'entente mutuelle, a même invité la ville de
Beaconsfield, je pense, qui jusqu'à un certain point, a des choses
à dire à cause des règlements de zonage, moi, je me dis
à ce moment que les dispositions dans lesquelles je vois les parties, je
me demande si je rends service aux deux parties, c'est cela qu'on est en train
de faire actuellement.
On siège en appel d'une décision, c'est ce qu'on fait
actuellement. Je me demande si on rend service aux parties, de leur dire... et
c'est ma proposition, je me pose des questions sur ma proposition. Je l'ai
faite à la suggestion du député de Pointe-Claire...
M. CHOQUETTE: Vous êtes libre de la retirer...
M. BURNS: Oui, je vous avoue que je suis... Non, au fur et à
mesure que j'entends les choses, je me demande si je ne devrais pas retirer ma
motion.
M. CHOQUETTE: Si le député de Maisonneuve permet, je pense
qu'on n'a peut-être pas abordé la négociation d'une
façon assez sérieuse la première fois. C'est pour cela que
je suis prêt à donner une autre chance aux parties. Si des
parties, il y en a une qui n'est pas prête à négocier
sérieusement... Je pars du point de vue qu'une négociation, un
accord entre les parties qui viennent à nous nous dire qu'elles en sont
arrivées à un arrangement satisfaisant, c'est certainement la
meilleure solution de ce litige.
M. BURNS: Sûrement.
M. CHOQUETTE: Je pense que tout le monde va être de cet avis.
M. BLANK: Je pense qu'on va attendre ... va régler la discussion
ici.
LE PRESIDENT (M. Picard) : Le député de Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, seulement un mot pour dire ceci.
N'étant pas avocat, je pense que je peux quand même me permettre
un point de vue. Il y a quelqu'un qui dit : Heureusement, M. le
Président...
M. BURNS: Enfin, il y en a un qui comprend quelque chose.
M. ROY: Je dis justement que n'étant pas avocat, il y a toujours
une chose, un vieux slogan qui a toujours fait énormément de
chemin. Je pense que c'est un principe même, c'est plus qu'un slogan.
C'est que la plus petite entente vaut le meilleur des procès. C'est un
peu dans ce sens que j'avais appuyé la proposition du
député de Maisonneuve tout à l'heure. Je me dis que s'il y
a une bonne volonté de part et d'autres, que les gens sont prêts
à négocier et à s'entendre, je pense que je maintiens
je ne dirais pas ma proposition le fait que j'ai appuyé la
proposition du député de Maisonneuve.
LE PRESIDENT (M. Picard): Me Goodwin, est-ce que vous êtes
prêt à vous prononcer sur la demande?
M. GOODWIN: Oui, sur la proposition du député de
Maisonneuve avec les commentaires qu'il a faits, nous sommes prêts
à nous asseoir avec Me McCarthy et tenter de faire une suggestion qui
pourrait peut-être résoudre le problème. Je
considère que ce serait probablement la meilleure façon de
régler cette question en retardant la décision à
l'automne. Au nom de mon client, tout comme la dernière fois, mon client
m'informe qu'il prend l'engagement devant vous de ne pas vendre ses
propriétés. Maintenant Me McCarthy avait ajouté le mot
"hypothèque", je pense qu'on ne peut pas imposer cela en plus. Mon
client m'indique qu'il prend cet engagement de ne pas vendre, comme il l'avait
pris il y a dix jours.
LE PRESIDENT (M. Picard): Est-ce que les membres de la commission sont
prêts à se prononcer sur la motion du député de
Maison-
neuve à l'effet de suspendre l'étude du projet de loi
103?
M. BURNS: Avant l'adoption, je retiens la dernière remarque de Me
Goodwin. Je pense qu'il a bien raison de dire qu'on ne peut pas imposer
à M. Lust de ne pas hypothéquer. La propriété est
encore là quand même, même si elle est
hypothéquée. C'est comme cela que je le comprends. J'accepte,
cependant, et je le prends comme un engagement, en tout cas, de ne pas disposer
de la propriété. Je pense que c'est une sécurité
pour Me McCarthy et ses clients. Quant à l'hypothèque, à
ce moment, j'ai... Vous êtes d'accord, Me McCarthy?
M. MACARTHY: Non, la seule raison pour laquelle j'ai ajouté le
mot "hypothèque", c'est si on hypothèque la
propriété avec les clauses habituelles, il peut très bien
arriver qu'il y ait quelqu'un qui devienne propriétaire, parce qu'il
était créancier hypothécaire. C'est cela que je craignais.
Cela peut arriver, cela arrive.
M. CHOQUETTE: Mais je vais vous dire. Celui à qui cela arrivera,
il pourra peut-être prendre la propriété avec une servitude
subséquente qui sera imposée dessus. A ce moment, M. Lust devra
garantir son acquéreur. Il en subira peut-être les
conséquences, parce que je vous dis franchement que vous faites mieux de
mettre tous les deux de l'eau dans votre vin, parce que je ne sais pas dans
quel sens la balance de la justice va pencher.
LE PRESIDENT (M. Picard): Motion adoptée? Adopté.
L'étude du projet de loi 103 est suspendue.
A l'ordre, s'il vous plaît!
Projet de loi no 156, Loi concernant la Corporation Ivanhoe.
J'ai ici comme procureur de la requérante, Me Jacques Viau.
Me Viau.
Projet de loi no 156
M. VIAU (Jacques): M. le Président, c'est un projet de loi qui
revient devant cette commission pour la troisième fois. Il y a
exactement treize mois et deux jours, nous étions ici pour la
première fois, soit le 28 juin 1973.
Pour résumer les faits, il s'agit... Je vais parler de servitude
pour faire changement. En 1957, Westmount Realties Company avait acheté
d'un M. Provencher une certaine étendue de terrain dans la ville de
Brossard pour le compte de Ivanhoe Corporation. Il s'agissait de trois grandes
terres. Une partie simplement de ces trois terres était vendue. Il
restait une portion de chacune de ces terres non subdivisées, à
l'arrière. Il y a eu une servitude de créée à
travers les lots ainsi vendus à Ivanhoe Corporation, servitude de
passage. On est en 1957. A cette époque, il n'y avait pas un
système routier pour desservir le reste, les résidus des lots 84,
85, 86.
M. BURNS: M. le bâtonnier, je m'excuse. Est-ce que vous avez un
plan?
M. VIAU: Ah oui ! Nous avons des plans. Alors la carte?
M. BURNS: Pas si gros que cela. Si vous aviez un plan qu'on
pourrait...
M. VIAU: Je pense qu'il y en avait dans le dossier du ministre. Je ne
sais pas si M. D'Amours est là. Je sais qu'il avait un plan. Ceci est le
grand plan. Je pense qu'avec cela, cela va être......une belle image de
la situation.
M. BURNS: D'accord. Cela va nous aider à comprendre.
M. VIAU: Je vais vous laisser regarder l'image.
M. BURNS: Je m'excuse, M. Viau. Vous pouvez continuer.
M. VIAU: Voici. Si vous regardez ce plan...
LE PRESIDENT (M. Picard): A l'ordre, s'il vous plaît! Si on doit
faire une discussion à partir de plans, je serai dans l'obligation de
suspendre la séance pour quelques minutes, parce que cela ne tient pas
debout, lorsqu'on lit le texte dans le journal des Débats.
M. VIAU: Très bien.
LE PRESIDENT (M. Picard): Cela n'a aucun sens.
Si vous voulez donner l'explication du plan?
M. CHOQUETTE: Est-ce que vous dites que c'est le seul moment où
les commissions et l'Assemblée nationale n'ont aucun sens, M. le
Président?
LE PRESIDENT (M. Picard): La commission suspend ses travaux pour cinq
minutes. Si vous voulez donner l'explication du plan.
M. BURNS: II y en a eu une commission qui n'avait aucun sens.
LE PRESIDENT (M. Picard): Ah non, non!
M. BURNS: Le bill 22, par exemple. Cela n'avait aucun sens.
LE PRESIDENT (M. Picard): La séance est suspendue pour quelques
minutes, le temps pour Me Viau d'expliquer la situation à partir du plan
que nous avons devant nous.
Séance suspendue.
(Suspension de la séance à 21 h 55)
Reprise de la séance à 22 heures
LE PRESIDENT (M. Picard): Me Viau.
M. VIAU: M. le Président, l'an dernier, je comprends qu'on avait
soulevé une objection selon laquelle on pouvait affecter les droits des
personnes qui, aujourd'hui, possèdent des propriétés.
Depuis ce temps, à la suggestion du ministre de la Justice, nous avons
fait signifier à toutes ces personnes un avis avec le projet de loi.
Nous avons même un rapport de signification de cet avis qui a
été fait pour chacun des propriétaires et l'avis se lisait
comme ceci: "Vous trouverez, sous ce pli, un exemplaire du projet de loi no 156
(privé), intitulé Loi concernant la Corporation Ivanhoe, qui a
pour objet d'annuler une servitude de passage sur les lots nos 84, 85 et 86 de
la paroisse de Laprairie de La Madeleine. Si vous avez des objections à
l'adoption de ce projet de loi, veuillez vous présenter à la
commission parlementaire lors de la prise en considération de ce projet
de loi et faire connaître vos motifs en écrivant, avant le 28
juillet 1974, à Me Pierre D'Amours, assistant-greffier de l'officier en
loi, CP. 17, Cité parlementaire, Québec, P.Q. et le numéro
de téléphone. Nous vous remercions de votre collaboration. Vos
tout dévoués, la Corporation Ivanhoe, par..." Le projet de loi
était annexé et cela a été livré sous cette
forme à chaque propriétaire. Il y en a eu environ 200. Il n'y a
eu apparemment aucune opposition, aucune objection qui a été
faite et reçue par le légiste, Me Pierre D'Amours. Dans les
circonstances, il s'agit, pour Ivanhoe, d'une question économique.
D'ailleurs, on le dit en toutes lettres dans le projet de loi: un centre
commercial dont nous avons le plan, dont déjà une partie de la
construction est commencée...
M. CHOQUETTE: Est-ce mentionné dans l'avis que c'était
pour la construction d'un centre commercial?
UNE VOIX: Dans le bill.
M. CHOQUETTE: Dans le bill.
M. VIAU: Oui, dans le bill.
M. CHOQUETTE: M. Viau, est-ce que vous pensez que le centre commercial
va rendre service à la population de ce secteur?
M. VIAU: Je le crois et à la ville aussi, M. le ministre, parce
que, en fin de compte, nous avons une lettre, un permis de la ville qui appuie
le projet parce que c'est un secteur qui est zoné commercial.
M. CHOQUETTE: A quelle date les avis ont-ils été
signifiés aux différents propriétaires?
M. VIAU: Un instant, j'ai le rapport, ici. Les avis ont
été signifiés "on the 18th day of July".
M. CHOQUETTE: Pardon?
M. VIAU: Le 18 juillet. C'est en anglais, c'est pour cela que je l'ai
dit en anglais.
M. BURNS: Continuez, vous étiez bien parti.
M. VIAU: Cela a été signifié le 18 juillet à
chacun des propriétaires intéressés dans le secteur qui
était alors non subdivisé et qui l'est aujourd'hui. Il y a
environ 200 propriétaires dans ce secteur. C'est donc la situation et je
ne pense pas qu'il y ait des dommages. De toute façon, le projet de loi
prévoit que, s'il y a des dommages, il y a une période de deux
ans pour réclamer les dommages et nous avons l'obligation, suivant
l'article 3 du projet de loi, de publier deux fois, dans un journal, et nous
publierons dans un journal qui circule dans la municipalité. Les avis
ont été publiés, encore une fois, dans tous les journaux.
Nous avons eu quatre publications qui ont paru dans le Devoir et dans la
Gazette.
Dans l'article 1, peut-être, si vous le voulez, je pourrais
suggérer d'ajouter un attendu, un considérant disant qu'une copie
du projet de loi a été signifiée à chacun des
propriétaires des lots subdivisés du résidu des lots
originaires 84, 85 et 86 et aucune opposition n'a été faite
à l'encontre.
LE PRESIDENT (M. Picard): II faudrait que la proposition d'amendement
soit faite par un membre de la commission. Est-ce que vous voulez nommer le
parrain du bill?
M. VIAU: Le parrain est M. le député de Taillon.
M. LEDUC: Je ne suis pas membre de la commission, M. le
Président... Le parrain doit être membre de la commission.
M. BURNS: Voulez-vous répéter, s'il vous plaît?
M. VIAU: Ce serait d'ajouter avant le paragraphe qui commence: "à
ces causes'' "qu'une copie du projet de loi a été
signifiée à chacun des propriétaires des lots
subdivisés du résidu des lots originaires 84, 85 et 86 et
qu'aucune opposition n'a été faite à l'encontre".
LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Mont-Royal.
M. CIACCIA: Cet amendement au bill...
LE PRESIDENT (M. Picard): J'ai l'amendement.
M. VIAU: Je n'aurais qu'un mot à ajouter à l'article 1,
juste pour une précision. Dans la troisième ligne du bas, juste
un mot, M. le Président, c'est: "des résidus en faveur des
résidus non subdivisés, des résidus alors non
subdivisés" et en anglais : "in favour of the then unsubdivided
remainders of original lot''. C'est pour dire "alors", parce qu'à ce
moment-là ils n'étaient pas subdivisés. J'en ai
discuté d'ailleurs avec le légiste. Il semblait d'accord sur
cette précision.
M. CHOQUETTE: Combien y a-t-il de propriétaires?
M. VIAU: Environ 200 ou 225. J'ai la liste complète ici. Nous
avons fait faire un relevé par un notaire qui certifie la liste de tous
les propriétaires et il y en a une copie que j'ai remise à Me
D'Amours. Un de nos coassociés dans ce projet de loi nous avait
demandé, à Simpson's Sears, pour éviter tout doute,
d'ajouter dans le préambule et en annexe la liste de tous les
propriétaires des lots 84, 85, 86. J'ai une liste complète ici,
si la commission est d'accord pour ajouter cette liste.
M. BURNS: M. le Président, je ne vois pas pourquoi ce serait
déposé en annexe de la loi. J'aimerais cependant, Me Viau, si
vous le voulez bien, que vous déposiez auprès de la commission
vos avis de signification.
M. VIAU: Je les ai déjà déposés.
M. BURNS: Vous les avez déposés. Bon.
M. VIAU: J'ai remis cela à Me D'Amours.
M. BURNS: Et Me D'Amours les a vérifiés, je
présume, oui, avec sa...
M, VIAU: Avec sa loupe.
M. BURNS: ... loupe habituelle.
M. CHOQUETTE: Me D'Amours dit qu'il manque trois propriétaires
qui n'ont pas reçu de signification parce que introuvables.
M. VIAU: C'est cela. Il y en a trois à qui on n'a pas pu
signifier l'avis et également la province qui a apparemment certains
droits. Mais je pense bien que la province se trouve à être
informée.
M. CHOQUETTE: Quels sont les droits de la province?
M. VIAU: Sur le boulevard Provencher, le lot 91-1, c'est le
numéro du boulevard Provencher.
M. BURNS: Etes-vous sûr que, dans deux ans, on ne reviendra pas
avec une requête de la part de la province ou des trois
propriétaires à qui on n'a pas signifié d'avis?
M, VIAU: Je ne pense pas, M. le député, qu'en fin de
compte, si on regarde bien la disposition des lieux, avec des boulevards comme
il en a été construits, on puisse en construire à tous les
200 ou 300 pieds. C'est la raison pour laquelle le territoire... C'était
justifié dans le temps d'avoir ce droit de passage pour éviter
que les lots arrières soient enclavés, mais, aujourd'hui, je
pense que la situation est claire et nette.
LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de
Louis-Hébert.
M. DESJARDINS: M. Viau, pour que ce soit enregistré au journal de
cette commission, voulez-vous nous dire si la servitude de passage visée
par le bill sert actuellement?
M. VIAU: Elle ne sert pas et elle ne servira jamais. D'ailleurs, le
stationnement du centre commercial va être là et, dans les faits,
si on veut pousser, il y aura en fait un droit de passage, parce qu'il y aura
sortie sur le boulevard Provencher, sur le boulevard Pelletier et sur le
boulevard Lapinière. Les gens pourront en définitive passer par
le terrain de stationnement et sortir de l'autre côté.
M. CHOQUETTE: Alors, on n'a pas besoin de votre bill. Vous avez si bien
plaidé qu'on n'a pas besoin du projet de loi.
LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Mont-Royal.
M. CIACCIA: I wish to point out, and I think that it should be stated,
that the attorneys for the Ivanhoe and the Ivanhoe Corporation should be
congratulated for the method in which they gave notice to all of the parties
who may have been interested in this particular bill and I think that it shows
extreme good faith on their part in this particular petition.
M. CHOQUETTE: Est-ce qu'aucun des propriétaires n'a
communiqué avec Ivanhoe Corporation? Je voudrais savoir ça, pour
le dossier.
M. VIAU: Le directeur des relations publiques va nous informer.
M. DESSUREAULT: Oui, il y a eu un M. Dutrisac qui a communiqué
avec nous et qui était d'accord sur le projet. Il a même
signifié qu'il aimerait écrire à Québec pour
exprimer son accord sur le projet. Il croyait qu'on voulait instituer un droit
de passage sur sa propriété, alors il voulait être
sûr que ça n'aurait pas lieu, qu'on abolirait le droit de passage.
Il croyait que le droit de passage existait sur sa propriété.
Quand on lui a expliqué que ça ne touchait pas sa
propriété, il a signifié son accord complet, même,
il a révélé son accord avant, et il a même voulu
écrire à Québec, je ne sais pas s'il a écrit. Il
s'agit d'un M. Dutrisac.
M. CHOQUETTE: C'est la seule communication?
M. DUSSUREAULT: C'est la seule communication que nous avons eue.
LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Taillon.
M. LEDUC: M. le Président, dans les attendus, je pense que si
nous devons adopter le projet de loi, il faudrait peut-être faire un
changement que je ne peux pas proposer n'étant pas membre, mais que je
veux signaler à la commission. Lorsqu'on mentionne "environ 160
propriétaires", je crois que Me Viau a mentionné 200 ou
peut-être 225, il faudrait peut-être augmenter le nombre pour
être un peu plus près de la réalité.
M. VIAU: Oui, parce que ce sont des chiffres qui avaient
été donnés en janvier 1973. C'est pour ça
qu'après un relevé complet fait par un notaire, on a conclu qu'il
y en a à peu près 200 ou 225. Environ 200, je pense qu'on serait
sûr.
M. LEDUC: Un autre commentaire.
LE PRESIDENT (M. Picard): A l'article 1, est-ce qu'il y a une autre
proposition d'amendement par le député de Mont-Royal? Il faudrait
ajouter, à la onzième ligne, après les mots "des
résidus", le mot "alors". Cette onzième ligne se lirait donc
comme suit: "des résidus alors non subdivisés des lots origi-" Je
lis seulement la onzième ligne. Cet amendement est-il adopté?
Adopté. Article 1 tel qu'amendé, adopté?
M. BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Picard): Adopté. Article 2.
M. VIAU: C'est un texte qui a été consacré au cours
des années, c'est la formule qui est ordinairement employée pour
informer...
M. CHOQUETTE: Je tiens quand même à attirer l'attention des
membres de la commission sur le fait qu'il n'y a pas de précédent
exactement semblable à ce que le projet de loi nous propose ce soir. Il
y a eu des placements de servitude, il y a eu des dispositions comme l'article
2 pour réserver les droits en dommages de certains propriétaires
qui avaient certains droits sur des servitudes de droit de passage lorsque ces
propriétaires étaient introuvables. Dans le cas particulier,
c'est une question d'opinion, d'appréciation, à savoir s'il y a
lieu de réduire ou, enfin, d'affecter le droit de
propriété. Evidemment, je comprends qu'il y ait des arguments en
votre faveur dans le sens qu'il y a eu des avis régulièrement
signifiés dans les journaux, il y a eu des avis signifiés par
huissiers, dont vous nous avez fait état. Nous n'avons aucune objection
devant nous, mais ici il s'agit d'une législation qui n'a pas de
précédent.
M. VIAU: II y a toujours place pour une première, M. le
ministre.
M. CHOQUETTE: Je n'ai jamais dit le contraire, et ce n'est pas mon
intention en disant cela de le dire; mais je tiens à affirmer, pour que
les membres de la commission le sachent bien clairement, qu'à ma
connaissance, il n'y a pas de précédent, dans les anales
législatives, d'un tel acte.
M. BLANK: On peut, par analogie, faire de telles choses. Car, en effet,
on accorde le droit de passage aux gens des lots d'en arrière afin
qu'ils puissent arriver à la route. Maintenant, depuis ce temps, on a
construit un droit de passage, enfin, on replace ce droit de passage à
la route qui est maintenant construite.
M. CHOQUETTE: Je sais que, sur le plan pratique, on comprend très
bien les arguments qui militent en faveur du projet de loi. Il y a des routes
qui servent à desservir les propriétaires qui
bénéficiaient du droit de passage. Mais, en fait, il reste quand
même la question de base. Il s'agit d'une servitude en faveur d'un
certain nombre de lots qui a été créée, servitude
qui ne sert pas, qui n'a jamais servi, comme vous l'avez souligné,
où les propriétaires ont une sortie aussi adéquate que si
la servitude était utilisée. Mais c'est un
précédent, M. Viau, je vous l'admets et je ne suis pas sans
certaines hésitations.
M. VIAU: Oui, mais, M. le ministre, sur cela, je veux vous dire que,
dans le contrat de vente qui avait été fait en 1957, il avait
été prévu qu'il pouvait y avoir un déplacement,
mais qu'il devait s'exercer avant 1960. Mais malheureusement, comme tout projet
de construction était en veilleuse à ce moment-là,
c'était difficile de déplacer. Je crois que le boulevard
Provencher remplace adéquatement...
M. CHOQUETTE: Vous avez raison de souligner cet argument et c'est la
raison pour laquelle, M. Viau, j'allais vous suggérer que, parmi les
considérants, si les membres de la commission voulaient donner suite
à votre projet, que ce soit mentionné qu'il y avait une
disposition dans le contrat prévoyant la latitude de changer l'assiette
de la servitude. Parce que, vous savez, je suis très hésitant
devant ce projet de loi, sur le plan des principes. Je comprends que tous les
arguments du côté pratique sont en votre faveur; je vous le
concède facilement. Mais vous savez, nous pouvons nous trouver devant
d'autres lois qui nous seront présentées dans le même sens
et j'aimerais qu'on introduise, dans les considérants, cette notion
qu'il était prévu à l'acte que l'assiette de la
servitude
pouvait être déplacée jusqu'à telle date. Et
on prendra cela en considération, si jamais on a des cas semblables.
M. VIAU: Je pourrais vous faire une suggestion. Dans un projet original,
j'avais suggéré ceci. Peut-être qu'on pourrait
compléter le cinquième considérant: Que cette servitude
n'a jamais été utilisée et est, à toutes fins
pratiques, inutile pour les propriétaires des résidus des lots,
depuis l'ouverture et la construction du boulevard Pelletier et du boulevard
Provencher, qui donnent les accès nécessaires aux
propriétaires desdits lots.
M. CHOQUETTE: Oui, on pourrait ajouter cela, mais j'aimerais qu'il y ait
un autre considérant: Qu'il était prévu à l'acte
originaire que l'assiette de la servitude pouvait être
déplacée...
M. VIAU: Dans un délai...
M. CHOQUETTE: ... dans un délai qui avait été
fixé à 1960.
M. VIAU: C'est cela, je n'ai pas objection.
M. CHOQUETTE: Vous savez ce que je veux dire? Dans ce cas-là,
tout ce qu'on fait au fond, c'est un peu allonger votre délai pour le
déplacement de la servitude. Vous le savez?
M. VIAU: Exactement. Comme cela, personne ne pourra vous dire: Vous avez
passé telle loi, M. le ministre, je n'ai aucune objection, parce que,
dans le cas de précédent, vous vous faites toujours
peut-être accuser de...
M. CHOQUETTE: Je prends en considération aussi que c'est dans
l'intérêt des propriétaires qui sont desservis par la
servitude du fait qu'ils vont avoir un centre commercial à
proximité, ce qui ne peut pas être contraire à leurs
intérêts. Je prends en considération l'intérêt
de la ville au point de vue de la fiscalité, d'avoir des investissements
considérables. Je prends en considération aussi qu'il y a de
nombreux propriétaires qui, en somme, ont un droit dans cette servitude
environ 200 et que c'est un cas où il ne s'agit pas
simplement d'une servitude d'un propriétaire à l'égard
d'un autre propriétaire. Vous comprenez ce que je veux dire. C'est qu'on
se trouve devant une masse d'individus et obtenir des renonciations de tous ces
individus me parait une tâche extrêmement difficile.
M. VIAU: Impossible.
M. CHOQUETTE: Et presque impossible. Je prends tous ces facteurs en
considération. Et qu'elle ne sert pas non plus, évidemment, comme
le dit le député.
LE PRESIDENT (M. Picard): Dans les attendus, est-ce qu'on...
M. CHOQUETTE: II y a une correction suggérée par M. Viau,
une addition aux considérants.
LE PRESIDENT (M. Picard): Après le chiffre 86, ajouter: Depuis
l'ouverture et la construction. Voulez-vous continuer?
M. VIAU: Depuis l'ouverture et la construction du boulevard Pelletier et
du boulevard Provencher qui donnent les accès nécessaires aux
propriétaires desdits lots.
LE PRESIDENT (M. Picard): On avait ajouté autre chose.
M. CHOQUETTE: Qu'il était prévu, à l'acte
créant la servitude, que l'assiette de celle-ci pouvait être
déplacée avant le...
M. VIAU: Attendez un peu, je vais vous donner la date exacte.
M. CHOQUETTE: ... 1er septembre 1960.
M. VIAU: On va être précis, on va vous donner la date.
C'est cela, le 1er septembre 1960.
LE PRESIDENT (M. Picard): Le premier décembre 1960?
Septembre.
M. VIAU: Septembre 1960.
LE PRESIDENT (M. Picard): Voulez-vous me suivre? Je vais essayer de vous
en faire la lecture. Il s'agit d'ajouter au cinquième alinéa des
attendus, au cinquième attendu plutôt, après la
quatrième ligne, les chiffres "84, 85 et 86, depuis l'ouverture et la
construction du boulevard Pelletier et du boulevard Provencher qui donnent les
accès nécessaires aux propriétaires desdits lots..."
M. VIAU: ..."desdits lots".
LE PRESIDENT (M. Picard): C'est cela. "... qu'il était
prévu à l'acte prévoyant la servitude que..."
M. CHOQUETTE: ..."à l'acte créant la servitude". Mettez
donc "à l'acte créant la servitude".
LE PRESIDENT (M. Picard): "...à l'acte créant la servitude
que l'assiette...
M. CHOQUETTE: ..."de celle-ci"...
LE PRESIDENT (M. Picard): "... de celle-ci pouvait être..."
M. CHOQUETTE: "... déplacée"...
LE PRESIDENT (M. Picard): "...déplacée..."
M. CHOQUETTE: ..."avant le 1er septembre 1960."
LE PRESIDENT (M. Picard): "...avant le 1er septembre 1960."
M. CHOQUETTE: C'est cela.
LE PRESIDENT (M. Picard): Est-ce que cet amendement est
adopté?
DES VOIX: Adopté.
M. CHOQUETTE: II y a aussi un considérant à ajouter, vous
savez, M. le Président. Je ne sais pas si vous l'avez fait adopter. A la
page 2, avant "A ces causes", il faudrait ajouter "qu'une copie du projet de
loi a été signifiée à la majorité des
propriétaires des lots subdivisés du résidu des lots
originaires 84, 85 et 86 et qu'aucune opposition n'a été faite
à l'encontre mettez donc les seuls n'ayant pas reçu
signification étant trois propriétaires inconnus." Ajoutez cela.
Ou "introuvables" plutôt. On doit dire "introuvables".
LE PRESIDENT (M. Picard): Est-ce que cet attendu est adopté?
DES VOIX: Adopté.
UNE VOIX: Si vous parlez des trois.
M. CHOQUETTE: C'est vrai, si on fait exception pour les trois. M. le
Président, je vais reprendre le texte, si vous permettez: ... "qu'une
copie du projet de loi a été signifiée à chacun des
propriétaires des lots subdivisés du résidu des lots
originaires 84, 85 et 86 et aucune opposition n'a été faite
à l'encontre, sauf pour trois propriétaires qui sont
introuvables."
M. BURNS: Je ne le mettrais pas là, le "sauf".
M. DESJARDINS: Moi non plus, je le mettrais après 86.
M. CHOQUETTE: Très bien. M. BURNS: Sauf trois?
M. VIAU: Dont les adresses n'ont pas pu être trouvées, qui
sont introuvables.
M. CHOQUETTE: Qui sont introuvables.
M. DESJARDINS: Qu'est-ce que vous voulez dire par introuvables? '
M. VIAU: En fin de compte, ce sont des gens qui semblent avoir
déménagé et on n'a pas pu les trouver, on n'a pas pu les
localiser dans la liste d'adresses que nous avions par le notaire qui avait
fait la recherche.
M. BURNS: M. Viau, quels sont les efforts que vous avez
déployés pour les trouver?
M. VIAU: Nous avons donné cela à l'huissier qui, lui, a
fait le tour. Il a fait un rapport selon lequel ces personnes n'étaient
pas disponibles, n'étaient pas trouvables. C'est cela. Je n'ai pas de
détail plus que cela, M. le député, je ne peux pas vous en
donner plus. Ce sont des gens qui sont tout probablement
déménagés.
M. CHOQUETTE: Chacun.
M. BURNS: Est-ce qu'ils sont construits, ces lots?
M. VIAU: Je ne le sais pas.
M. BURNS: Vous ne le savez pas.
M. VIAU: Non.
M. BURNS: Est-ce que vous avez vérifié auprès de la
ville pour savoir si les taxes étaient payées à ce
jour?
M. VIAU: Non.
M. BURNS: C'est parce que, vous savez, M. Viau, moi, je ne veux pas me
retrouver devant un problème comme celui qu'on vient de vivre et dont,
sans doute, vous avez été témoin.
M. VIAU: Oui, M. le Président, je crois que les craintes du
député sont peut-être fondées jusqu'à un
certain point, mais nous avons signifié d'ailleurs, le rapport de
signification est là des avis à environ 200 personnes, je
pense que tous ceux qui auraient été intéressés,
ont été atteints, et surtout dans des développements comme
ceux-là, les gens se connaissent et se parlent. Je pense que s'il y
avait eu des objections le moindrement sérieuses, on en aurait eu des
échos.
M. BURNS: M. Viau, ils sont situés où par rapport au droit
de passage? Les trois.
M. VIAU: On ne le sait pas.
M. BURNS: Est-ce qu'ils sont immédiatement à
proximité?
M. VIAU: Non.
M. BURNS: Ou si ce sont des propriétaires à
l'intérieur de...
M. ORDOWER: Ils sont sur la rue Pelletier, qui a été
bâtie la première dans le quartier. Alors tous ceux-là ont
reçu un avis.
M. BURNS: Mais les trois que vous n'avez pas réussi à
trouver?
M. ORDOWER: Ils ne sont pas à proximité.
Ils sont plus éloignés. Ils doivent être plus
éloignés, parce que ceux qui sont à proximité se
sont bâtis avant, et les adresses étaient connues, sur la rue
Pelletier.
M. BURNS: Pouvez-vous nous situer l'endroit où ils sont
propriétaires, ces gens?
M. ORDOWER: On sait qu'ils...
LE PRESIDENT (M. Picard): La commission suspend ses travaux pour
quelques minutes.
(Suspension de la séance à 22 h 26)
Reprise de la séance à 22 h 28
M. PICARD (président de la commission permanente de la justice):
A l'ordre, messieurs!
Me Viau, voulez-vous nous donner la lecture des...
M. VIAU: John Kanisaruk, Alcide Audy et Jacques Dufresne.
M. BURNS: Ce sont les trois propriétaires que vous n'avez pas
réussi à signifier?
M. VIAU: Cest cela. M. BURNS: C'est cela?
M. VIAU: Les trois propriétaires... Oui. Comme je vous dis...
M. BURNS: Vous ne savez pas où ils sont situés dans le
complexe?
M. CHOQUETTE: Mais est-ce que c'est parce qu'ils ont vendu leur
propriété ou bien est-ce que... Me Viau, est-ce qu'ils sont
encore des résidants de cet endroit?
M. VIAU: Je regarde sur la liste faite par un notaire qui a fait un
inventaire complet avec les bureaux d'enregistrement pour voir si on retrouve
ces gens.
On a un Gauvin ici, qui est propriétaire du... John Kanisaruk,
85, 82. Les deux autres n'apparaissent pas dans la recherche qui a
été faite par un notaire et qui certifie que ce sont tous les
propriétaires qui se trouvent dans le secteur.
M. CHOQUETTE: Me Viau, je ne comprends pas vos explications. Il y a
apparemment trois propriétaires qui n'ont pas été
trouvés. Est-ce que ce sont trois propriétaires actuels?
M. VIAU: II y en a un qui apparaîtrait dans la liste Me
D'Amours en a une copie vous avez ici la liste de tous les
propriétaires: "As requested, we have attended this day at the Registry
Office." Il a fait une recherche au bureau d'enregistrement pour
connaître le nom de tous les propriétaires de ces
différents lots subdivisés sur les résidus des lots 84,
85, 86. Le seul qu'on retrouve parmi ceux-là... Je ne sais pas
comment...
Ecoutez, malheureusement, je n'ai pas pu avoir le temps de
vérifier parce qu'on a reçu un rapport... Comme je vous le dis,
il s'agit de trois sur environ 220. Est-ce que c'est suffisant, M. le
Président? A un moment donné, ces gens ont été
informés publiquement et il y en a eu seulement trois sur 200 ou 225. Je
crois que notre moyenne est déjà excellente.
LE PRESIDENT (M. Picard): Les membres de la commission essaient
d'établir où sont situés ces lots en rapport avec la
servitude?
M. VIAU: La servitude affecte les lots qui apparaissent sur le plan
qu'on vous a remis. Sur ce plan vous voyez toutes les maisons. Ce sont toutes
ces maisons. Qu'elles soient placées à un endroit ou à
l'autre, ce sont des gens qui ont les mêmes intérêts.
M. CHOQUETTE: Est-ce que ce sont tous des propriétaires de lots
ou de maisons résidentielles?
M. VIAU: Je crois qu'ils ont des lots parce qu'on en retrouve qui sont
propriétaires à deux ou trois endroits. Cela veut dire qu'il y en
a qui ont encore des lots...
M. CHOQUETTE: Non construits? M. VIAU: Non construits.
M. CHOQUETTE: Les trois que vous n'avez pas réussi à
trouver, sont-ils des gens qui ne seraient pas des résidants, en fait,
de ce secteur d'habitation?
M. VIAU: M. le ministre, cela est possible. Je ne voudrais pas vous
induire en erreur, je ne le sais pas. Ce serait honnête de vous dire que
je ne le sais pas, malheureusement. Encore, sur ce point, je pense que nous
avons fait un effort extrême. Si vous créez une première,
on a une première aussi en signifiant à tous, sauf quelques-uns.
Je pense qu'on a été extrêmement prudent. M. le
Président, le député de Mont-Royal nous félicitait,
mais je crois que nous devons retourner le compliment à l'honorable
ministre de la Justice, qui lui-même en avait fait la suggestion, que
nous avons suivie d'une façon scrupuleuse. Nous avons été
extrêmement prudents de voir à ce que tous les gens en soient
informés maintenant. Le temps a été court et nous avons
fait notre possible pour avoir une signification globale et totale.
J'espère que le député de Maisonneuve, M. le
Président, ne sera pas trop scrupuleux.
M. BURNS: Scrupuleux, M. Viau, ce n'est pas possible.
M. VIAU: Oui, je sais, ce n'est pas un reproche que je vous fais, M. le
député.
M. BURNS: C'est d'ailleurs en suivant votre exemple que je le suis.
Remarquez que vous êtes mon ancien bâtonnier.
M. VIAU: C'est cela et j'espère que j'ai donné le bon
exemple.
M. BURNS: Oui.
M. CHOQUETTE: Je pense que, dans ces conditions, on pourrait
procéder.
Voici quel serait le dernier considérant que je suggère,
M. le Président. "Qu'une copie du projet de loi a été
signifiée à tous les propriétaires des lots
subdivisés du résidu des lots originaires 84, 85, 86, sauf
à trois d'entre eux... C'est bien cela?
M. VIAU : C'est cela.
M. CHOQUETTE: ...et qu'aucune opposition n'a été faite
à l'encontre."
M. VIAU: C'est cela. L'opposition était qu'on devait envoyer
alors une demande au greffier.
LE PRESIDENT (M. Picard): Adopté? M. CHOQUETTE:
Adopté.
LE PRESIDENT (M. Picard): Article 3, adopté. Article 4?
Adopté.
Le projet de loi no 156, loi concernant la corporation Ivanhoe, est
adopté avec amendements. Merci, Me Viau.
M. VIAU: M. le Président, je remercie...
M. BURNS: Me Viau, est-ce que je peux vous demander quelque chose, en
tant que simple député dans cette Assemblée nationale?
M. VIAU: Oui.
M. BURNS: Ce n'est pas à vous que je m'adresse, parce que votre
projet de loi, je pense, est dans nos dossiers depuis un certain temps.
M. VIAU: Depuis le printemps de 197 3.
M. BURNS: Donc, ce n'est pas à vous directement que j'adresse mon
reproche, mais c'est à vous que je m'adresse comme ayant une influence,
je pense, dans le milieu des avocats qui présentent des projets de loi
privés. Je pense que vous êtes un de ceux qui viennent le plus
souvent devant nous, en tout cas parmi ceux qui viennent très souvent
devant nous.
M. VIAU: Cela me fait toujours plaisir.
M. BURNS: On aime bien cela d'ailleur. vous voir. Est-ce qu'il ne serait
pas possible de passer le mot parmi les procureurs qui viennent défendre
des projets de loi privés, que cela devient absolument intenable pour
les législateurs d'examiner des projets de loi en fin de session? Encore
une fois, je suis content de vous adresser cette remarque à vous parce
que votre projet de loi est là depuis un certain temps. Je fais cette
remarque également au ministre et j'espère que le ministre
de la Justice va accepter cette remarque parce que je trouve que, s'il y a
quelqu'un qui devrait faire des pressions auprès du gouvernement, c'est
bien le ministre de la Justice et les personnes qui sont habituées
à venir devant nous. Cela n'a
aucun sens qu'en fin de session nous nous retrouvions ainsi. Je pense
que c'est un record jusqu'à maintenant, on a quelque chose comme quinze
ou vingt projets de loi privés qui ont été soumis aux
législateurs depuis les deux dernières semaines.
Personnellement, je trouve cela malheureux pour les parties qui ont
peut-être un bon point à faire valoir devant une commission
parlementaire on peut les appeler en général les
pétitionnaires qui ont des choses à nous dire, qu'elles
aient à nous amener leurs propositions en fin de session et à les
faire bousculer à l'intérieur d'autres projets de loi comme le
projet de loi 22 et toute la législation qui se fait en haut
actuellement. C'est une recommandation que je fais d'abord aux procureurs qui
viennent devant nous. J'espère qu'à l'automne nous serons d'une
rigidité absolument inflexible à l'endroit des
pétitionnaires qui voudront nous amener en toute dernière minute
des projets de loi. J'espère que le ministre de la Justice sera de ceux
qui, dans l'intérêt de l'administration de la justice, des
nouvelles lois et de l'amélioration du système judiciaire, parce
que tôt ou tard cela a des rebondissements à cet égard,
appuieront notre demande là-dessus. Je choisis cette occasion parce que,
justement, cela ne vise pas M. Viau. Son projet de loi est là depuis un
an, mais je pense que c'est peut-être l'occasion de faire cette
remarque.
M. BLANK: Je pourrais peut-être suggérer...
M. VIAU: Je pense que je n'ai pas à intervenir dans la
régie interne de l'Assemblée nationale. Je pense que vous
êtes tous des gens d'expérience. Il y a des situations qui se
présentent et qui peuvent être utiles à tout le monde, mais
je pense que ce n'est pas un reproche que je fais à qui que ce soit.
Nous sommes habitués à travailler rapidement. C'est certain que,
comme avocats, c'est préférable, mais nous n'avons pas à
intervenir dans les travaux de l'Assemblée nationale et des commissions.
Je pense que votre voeu s'adresse au ministre de la Justice et je n'ai pas de
recommandation à faire au ministre de la Justice.
M. BURNS: II s'adresse aussi à vous, M. Viau et
c'était pour cela que je vous l'adressais à vous, qui
n'êtes pas directement concerné à cause du projet de loi
actuel comme porte-parole auprès de nos confrères qui ont
à proposer des projets de loi. Je vous dis, en tout cas, à titre
de leader de l'Opposition, que lors de la fin de la prochaine session, je vais
être absolument intraitable et j'avertis tous les avocats qui ont des
projets de loi...
M. CHOQUETTE: Vous parlez comme le ministre de l'Education dans le bill
22.
M. BURNS: Je vais être absolument... Oui, mais pis que lui.
M. SAMSON: Vous ne pouviez pas trouver meilleure
référence.
M. CHOQUETTE: II va être intraitable sur les principes, mais
souple dans les modalités.
M. BURNS: Non. Je vais être intraitable sur le principe et
intraitable dans les modalités, je vous le dis. Je ne veux prendre
personne par surprise.
Je m'adresse à vous un peu comme porte-parole et comme
bâtonnier, pour informer vos confrères qui ont l'occasion de venir
souvent devant nous, je vous dis que la prochaine fois même si on
venait pleurer une chaudière d'eau complète à nos bureaux
je n'accepterai pas qu'on nous amène des projets de loi en fin de
session. C'est aussi simple que ça.
M. VIAU: M. le Président, M. le député, sans
vouloir intervenir, je pense que les avocats présentent des projets de
loi et ce n'est pas à eux de décider du jour. Encore une fois, je
ne veux pas m'immiscer dans les disputes ou dans les différences
d'opinions. Mais, en fin de compte, c'est sûr que nous sommes toujours
désireux de présenter nos projets de loi le plus tôt
possible et, encore une fois, M. le ministre, je laisse ça à
votre entière discrétion et je vous remercie d'avoir
collaboré. Je pense que c'est un problème. Vous dites que c'est
une première qu'on part ce soir, mais ici j'ouvrirai une
parenthèse très courte et je me demande s'il n'y aurait pas lieu
de prévoir, dans le code civil, des dispositions pour des cas
semblables.
Aujourd'hui, vous savez, nous sommes souvent pris avec des dispositions
qui ont été émises dans des contrats à une
époque qui était différente d'aujourd'hui. Aujourd'hui, le
développement se fait de façon différente et c'est
sûr que, si on pouvait avoir un moyen, dans la loi
générale, le code de procédure civiles, pour modifier,
ça éviterait de venir faire un pèlerinage ici. Mais je
crois que, dans le cas actuel, il n'y avait aucun autre moyen que d'avoir une
loi pour rectifier une situation et donner un titre clair aux créanciers
hypothécaires qui vont prêter quelques millions de dollars pour
permettre la construction de ce centre commercial. Je crois que, même si
c'est un précédent, cela en est un excellent et je vous en
remercie.
M. CHOQUETTE: Ecoutez, M. Viau, je prends bonne note de votre
suggestion. Evidemment, on comprend qu'il peut être assez difficile
d'édicter des critères généraux quant à des
interventions de la nature de celles qui nous sont proposées par voie de
projet de loi et que nous adoptons par loi ici, parce que chaque situation
représente ses particularités propres et il serait
peut-être assez difficile de donner aux juges et aux tribunaux le pouvoir
d'intervention comme nous le pratiquons ici. Donc, sans écarter ce que
vous avez dit, tout en m'engageant à y réfléchir de
façon à voir ce qui peut
être fait, je ne suis pas sûr qu'il soit possible d'arriver
à édicter des critères suffisamment précis qui
permettraient aux tribunaux d'intervenir avec autant de latitude que le
législateur ne peut le faire par une loi. De toute façon, vos
observations ne tombent pas dans des oreilles de sourds et nous allons y
réfléchir.
Maintenant, je tiens à mentionner que je ne voudrais pas que ce
projet de loi soit considéré comme un précédent. Je
prends en considération, entre autres, l'insertion du considérant
selon lequel l'assiette de la servitude pouvait être
déplacée avant une date spécifique. Ceci me paraît
un facteur assez important dans le cas qui fait que notre intervention n'est
peut-être pas aussi en dehors de l'ordinaire que celle que nous
pratiquons habituellement parce qu'il est arrivé fréquemment, que
ce soit à l'occasion de successions, de testaments ou de très
anciennes servitudes, que la Législature est intervenue parce que la
servitude ne correspondait plus ou les obligations imposées par l'acte
originaire ne correspondaient plus à la situation qui existait en raison
du développement socio-économique qui avait eu lieu entre le
moment de l'acte et le moment où on demandait à
l'Assemblée nationale d'intervenir. Je ne voudrais donc pas que
l'intervention de ce soir soit considérée comme un
précédent pour les motifs que j'ai mentionnés tout
à l'heure et j'en ai fait une certaine énumération. Mais,
entre autres, ce que je retiens de particulièrement important, c'est que
l'assiette de la servitude pouvait être déplacée avant une
certaine date et, même avant ce moment, des rues avaient
été construites qui constituaient, en fait, un déplacement
de l'assiette de la servitude. Je ne voudrais pas qu'on invoque le
précédent actuel dans toute autre demande qui sera jugée
à son mérite et suivant les circonstances.
M. BURNS: Adopté, M. le Président. Je pense que cela
termine le mandat des trois projets de loi privés. Je propose qu'on
fasse rapport, M. le Président. Je propose qu'on mette fin à
cette séance. Cela veut dire évidemment qu'on reçoit
maintenant le deuxième mandat puisqu'on a eu deux mandats.
M. BLANK: Trois.
M. BURNS: Non, deux. Oui, trois, si vous dites deux autres projets de
loi, oui. Alors, je propose qu'on fasse rapport. Je ne sais pas qui est le
rapporteur.
M. BLANK: Le député d'Anjou.
LE PRESIDENT (M. Picard): Est-ce que cette proposition est
adoptée?
M. BLANK: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Picard) : La commission suspend ses travaux pour deux
minutes.
(Suspension de la séance à 22 h 46)
Reprise de la séance à 23 h 10
M. BRISSON (président de la commission permanente de la justice):
A l'ordre, messieurs!
Les membres de la commission sont M. Houde (Abitibi-Est); M. Malouin
(Drummond); M. Burns (Maisonneuve); M. Choquette (Outremont); M. Ciaccia
(Mont-Royal); M. Desjardins (Louis-Hébert); M. Levesque (Bonaventure);
M. Morin (Sauvé); M. Blank (Saint-Louis); M. Samson (Rouyn-Noranda); M.
Springate (Sainte-Anne); M. Sylvain (Beauce-Nord) et M. Tardif (Anjou).
La commission se réunit pour étudier le projet de loi no
36, Loi modifiant la loi des tribunaux judiciaires et certaines autres
dispositions législatives ayant trait à l'administration de la
justice et aux bureaux d'enregistrement.
Projet de loi no 36
M. CHOQUETTE: M. le Président, si vous permettez, je pense que
nous devrions désigner un rapporteur...
UNE VOIX: Je pense que oui.
LE PRESIDENT (M. Brisson): A l'ordre!
M. CHOQUETTE: Je suggère que le député d'Anjou qui
s'est avéré un rapporteur tellement...
M. BURNS: Un porte-panier.
M. CHOQUETTE: Non, un rapporteur tellement exceptionnel au cours de la
première séance de la commission de la justice, soit nommé
de nouveau; je pense que le député d'Anjou devrait être
nommé de nouveau.
M. BURNS: M. le Président, je ne suis pas sûr que je vais
voter en faveur de la motion, parce que je n'ai pas encore vu le rapport du
député d'Anjou.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Est-ce qu'on appelle les
députés?
M. CHOQUETTE: On me dit qu'il a été lumineux, lorsqu'il
s'est présenté à la Chambre tout à l'heure pour
faire rapport.
M. BURNS: Ah oui!
M. CHOQUETTE: C'est ce qu'on m'a rapporté.
M. SAMSON: Comme cela s'imposait dans les circonstances en haut, on va
l'accepter à nouveau.
M. TARDIF: M. le Président, pour moi... LE PRESIDENT (M.
Brisson): Comme rap-
porteur, on suggère à l'unanimité le
député d'Anjou, M. Tardif.
M. BURNS: Veuillez inscrire ma dissidence, M. le Président.
M. SAMSON: II n'aime pas les unanimités.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Avec dissidence...
M. CHOQUETTE: Avec dissidence du député de
Maisonneuve.
LE PRESIDENT (M. Brisson): ...du député de
Maisonneuve...
M. BURNS: C'est cela. Cela sera noté dans le rapport.
LE PRESIDENT (M. Brisson): ...qui s'appelle M. Burns.
Article 1, adopté?
Cour d'appel
M. BURNS: A moins que le ministre n'ait des choses à nous
dire.
M. CHOQUETTE: Je pense que nous avons quand même passablement
discuté en deuxième lecture.
M. BURNS: Oui.
M. CHQUETTE: Je ne crois pas que j'aie grand-chose à ajouter au
moins sur cette partie du projet.
M. SAMSON: On a passablement discuté, sauf le
député de Rouyn-Noranda qui...
M. CHOQUETTE: En effet, le député de Rouyn...
M. SAMSON: ... n'a pas fait son discours de deuxième lecture mais
qui consent à ne pas le faire, M. le Président, pour la bonne
marche de nos travaux. Nous en discuterons article par article.
M. CHOQUETTE: Très bien.
M. SAMSON: Vous voyez la collaboration que cela donne.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Article 1? M. BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Adopté. Article 2, adopté.
Article 3, adopté?
M. BURNS: Une minute! Adopté. Un instant! Article 3, oui, cela
va, adopté.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Article 4? M. BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Adopté. Article 5?
M. BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Brisson) : Adopté. Article 6?
M. BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Adopté. Article 7?
M. BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Adopté. Article 8?
M. BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Adopté. Article 9?
M. BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Adopté. Article 10?
M. BURNS: Aussi, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Adopté. Article 11?
M. BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Adopté.
M. BURNS: Je tiens à signaler, M. le Président, qu'on a
l'air d'adopter rapidement ces articles. Ce sont des concordances...
M. DESJARDINS: C'est cela.
M. BURNS: ... qui sont dues au fait que nous acceptons de parler
maintenant de la cour d'Appel au lieu de parler de la cour du Banc de la reine
pour enlever cette ambiguité, soit dit en passant. Comme je l'ai
mentionné en deuxième lecture, je suis entièrement
d'accord sur cette élimination de l'ambiguïté.
Jusqu'à maintenant, ce sont des articles qui font la concordance avec la
cour d'Appel par rapport à la cour du Banc de la reine ou la cour
Supérieure.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Article 12, adopté.
M. BURNS: Adopté également, c'est la même chose.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Article 13?
M. BURNS: On arrive ici dans le coeur du sujet, je pense, M le
Président. Vous aviez un amendement, M. le ministre?
M. CHOQUETTE: Je crois. Un instant! M. BURNS: Avant l'article 13? M.
CHOQUETTE: A l'article 13. M. BURNS: On vous écoute.
Juges de la cour Supérieure
M. CHOQUETTE: M. le Président, à l'article 21 a de
l'article 13. L'article 13, voyez-vous, traite du nombre de juges de la cour
Supérieure, il traite des pouvoirs du juge en chef de la cour
Supérieure à l'article 21 a.
Alors l'amendement que j'ai à proposer, en fait, porte sur
l'article 21a. La rédaction proposée à l'article 21a
serait la suivante...
M. BURNS: Avant cela, M. le ministre, est-ce que vous pourriez nous
donner des explications sur l'article 21?
M. CHOQUETTE: Oui.
M. BURNS: J'aimerais bien que vous nous expliquiez le sens de l'article
21, la présence des 97 juges...
M. CHOQUETTE: C'est cela. Alors...
M. BURNS: ... et des 97 juges surnuméraires régis par la
Loi sur les juges également.
M. CHOQUETTE: Actuellement, il y a, en vertu de notre loi, 92 juges de
la cour Supérieure, plus un juge en chef formant un total de 93 juges de
la cour Supérieure. En vertu du projet de loi, le nombre total de juges
de la cour Supérieure sera accru de 5, de telle sorte qu'il y aura 98
postes de juges de la cour Supérieure comprenant un juge en chef, un
juge en chef adjoint qui est le juge en chef de l'ancien district de
Québec, et un juge en chef associé qui est le juge qui collabore
avec le juge en chef Deschênes à Montréal,
c'est-à-dire le juge Hugessen. En fait, la portée de l'article 21
est exclusivement d'accorder l'augmentation de cinq postes de juges nouveaux,
mais vous savez que nous avons créé, avec le concours des
autorités fédérales, les juges surnuméraires. En
vertu d'une technique législative et de problème de
rédaction, quand un juge arrive au moment de sa retraite,
c'est-à-dire à l'âge de 70 ans, entre 70 et 75 ans, il peut
être appelé à être surnuméraire, si le juge en
chef de la cour juge qu'il est opportun de retenir ses services comme juge
surnuméraire.
M. BURNS: Et qu'il est apte.
M. CHOQUETTE: Et qu'il est apte et qu'on en a besoin. De telle sorte
qu'il est faux de dire qu'on pourrait avoir 97 ou 98 juges
surnuméraires, vous comprenez, malgré que l'article semble le
dire. En fait, c'est simplement parce qu'en vertu des lois telles qu'elles
existent, il faut prévoir autant de postes de juges surnuméraires
que de postes de juges tout court. Actuellement, je pense que, parmi les
surnuméraires, il n'y en a pas plus à la cour Supérieure
que quelques-uns seulement. Je connais le cas du juge Batshaw qui est
surnuméraire. Il y en a peut-être quelques autres, Miquelon, mais
le chiffre 97 ou 98 ne représenterait pas du tout, en fait, la
réalité au point de vue du nombre de juges
surnuméraires.
Alors, c'est une question de technique législative et de
concordance avec les lois fédérales qui doivent être
parallèles, c'est-à-dire législations provinciales et
fédérales, qui fait qu'on doit prévoir autant de postes de
juges surnuméraires qu'il y a de juges permanents de la cour
Supérieure. En pratique, on peut dire que l'article 21 n'a pour effet
concret immédiat, du point de vue de la loi que nous proposons ce soir,
que d'augmenter le nombre de juges, en tout, de la cour Supérieure qui
passe des trois juges que j'ai mentionnés tout à l'heure, plus
les 94 juges puïnés de cette cour.
M. BURNS: Maintenant, la question se pose à l'article 21, M. le
Président. C'est une question qui, probablement, a été
discutée à plusieurs reprises, mais est-ce que le ministre de la
Justice peut nous dire quelle est l'importance de sa recommandation quant
à la nomination des juges de la cour Supérieure, étant
donné que ces juges tout le monde le sait sont
nommés par le gouvernement fédéral?
M. CHOQUETTE: Je n'ai jamais cherché à exercer d'influence
systématique sur la nomination des juges de la cour Supérieure,
parce que j'ai considéré que c'était une
prérogative qui appartenait au gouvernement fédéral et que
je n'avais pas à m'introduire dans le processus de nomination des juges.
On sait que le gouvernement fédéral, avant de nommer un juge de
la cour Supérieure, passe par un processus de consultation, avec le
Barreau pour vérifier l'aptitude et l'intégrité des
candidats.
Pour ma part, ne voulant pas que le fédéral vienne se
mêler de mes nominations à titre de juges, je me suis dit qu'un
sain fédéralisme veut que je n'aille pas me mêler de leurs
nominations à titre de juges, ce qui...
M. BURNS: II y a un autre raisonnement aussi qu'on peut tenir.
M. CHOQUETTE: ... ne veut pas dire que si le ministre
fédéral de la Justice me téléphone et me demande
mon avis sur une candidature qu'il a en vue, que je ne lui donnerai pas...
C'est une consultation purement...
M. BURNS: Habituellement vous êtes consulté?
M. CHOQUETTE: Non. Habituellement, je ne le suis pas. Il est
arrivé que j'ai été consulté à quelques
reprises, mais c'étaient des situations isolées.
M. BURNS: M. le Président, je pense et je vous suggère...
J'inverse votre raisonnement qui dit que vous ne voulez pas avoir
d'intervention dans vos nominations. Vos nominations sont, je pense, exclusives
au Québec. A ce moment, je ne vois pas le fédéral
intervenir. D'autre part, il est assez important que le ministre de la Justice,
en tout cas, le gouvernement du Québec sache qui on nomme
à la cour Supérieure, pour une raison bien simple, c'est qu'on se
retrouve dans la situation bizarre d'avoir une loi qui est de juridiction
exclusive du Québec, c'est-à-dire le code civil, par exemple, qui
est interprété et administré par des juges nommés
par le fédéral. Je me demande jusqu'à quel point le
ministre ne devrait pas insister auprès du fédéral pour
avoir au moins une voix consultative, quand je dis au moins, je parle à
un ministre qui est d'accord avec le fédéralisme actuel, mais je
dis au moins dans le cadre actuel.
M. CHOQUETTE: Voici...
M. BURNS: Est-ce que vous ne croyez pas que le fait que le droit civil
soit de juridiction québécoise ou si vous voulez, provinciale,
est-ce que vous ne croyez pas que vous devriez aussi avoir au moins une voix
consultative quant à la nomination des juges de la cour
Supérieure, eux qui ont à examiner cette loi qui est de
juridiction provinciale?
M. CHOQUETTE: Voici. Quand on est dans le domaine de l'administration de
la justice, les pouvoirs du gouvernement fédéral et ceux du
;ouvernement provincial se complètent, à l'occasion, se
superposent et, dans d'autres occasions, se compénètrent. Comme
par exemple, on sait que nous, nous avons l'autorité sur la
propriété des droits civils en vertu de l'article 92, paragraphe
16 de la constitution, ce qui nous donne autorité de passer...
M. BURNS: Le bill 22, par exemple.
M. CHOQUETTE: Pas le bill 22, qui nous donne autorité de passer
le code civil.
M. BURNS: Ah bon!
M. CHOQUETTE: Nous avons également...
M. BURNS: ... à moins...
M. CHOQUETTE: ... autorité sur la constitution des tribunaux et
l'administration de la justice, de telle sorte que c'est au provincial
d'édicter les dispositions qui s'appliquent à la structure
générale de nos tribunaux, et c'est en vertu de ce pouvoir que
nous déterminons quel est le nombre de postes de juges de la cour
Supérieure qui doit exister. Le gouvernement fédéral doit
faire la même chose, parce que lui, en vertu de la constitution, il a
comme responsabilité... Ceci est bien explicite, dans la constitution,
que le pouvoir de nomination des juges des tribunaux supérieurs
appartient à l'autorité fédérale.
Si le ministre fédéral de la Justice veut me demander mon
avis sur les nominations de juges à la cour Supérieure ou
à la cour d'Appel, je suis disposé à lui donner mon
opinion. Mais étant donné que je pense que nous devons respecter
le fédéralisme et que c'est d'ailleurs une exigence que nous
posons en général vis-à-vis des autorités
fédérales, je ne vois pas pourquoi j'irais imposer ou tenter
d'imposer des vues au gouvernement fédéral, d'avoir un mot
à dire dans les nominations de juges à la...
M. BURNS: Dans le fond, c'est une subordination que vous acceptez?
M. CHOQUETTE: Non, ce n'est pas une subordination du tout.
M. BURNS: Non?
M. CHQOUETTE: Je prends la constitution telle quelle et je veux qu'on
s'adapte ou qu'on agisse suivant les termes de la constitution.
M. BURNS: Mais comme dans le cas de la police, vous avez fait un certain
nombre de réclamations, par exemple, le fait que nous entretenions une
police...
M. CHOQUETTE: Oui.
M. BURNS: ... provinciale au coût de, vous dites, $40 millions
environ par année, et que nous ne nous servions pas de la Gendarmerie
royale, du moins à part le cas de l'agent Samson... Je ne dis pas que
vous vous en servez, mais en tout cas... A part ce cas, moi, il me semble qu'il
devrait y avoir un parallèle.
Ne pensez-vous pas que vous devriez, comme ministre de la Justice, comme
chargé de l'administration de la justice au Québec,
récupérer totalement, au nom du gouvernement du Québec, la
pleine juridiction sur l'administration de la justice, surtout dans des lois
qui sont de compétence provinciale?
M. CHOQUETTE: Oui, mais je dirai au député de Maisonneuve
que le parallèle qu'il fait entre la nomination des juges de la cour
Supérieure et la réclamation que j'ai faite au point de
vue de l'argent relativement au maintien des corps de police, je veux dire que
c'est un parallèle qui ne tient pas, parce que, dans le cas des corps de
police, je me base sur la constitution pour formuler une réclamation
à l'égard du gouvernement fédéral. Je dis: Puisque
l'administration de la justice qui, selon moi, comprend le coût de la
police, est une matière qui appartient au gouvernement provincial,
constitutionnellement, mais puisque le fédéral a choisi de
subventionner indirectement les corps de police dans les autres provinces
canadiennes en mettant, à la disposition de huit gouvernements
provinciaux sur dix, les services de la GRC à des conditions
financières très avantageuses pour les provinces, à tel
point que cela représente, en fait, une subvention de, possiblement, 50
p.c. du coût de leur police. Je dis que le gouvernement
fédéral devrait, s'il était respectueux de la
constitution, nous verser l'équivalent en argent. Ne me demandez pas
d'affirmer, vis-à-vis du gouvernement fédéral, des
positions qui dépasseraient les termes de la constitution en ce qui
concerne la nomination des juges de la cour Supérieure.
M. BURNS: Cela n'a jamais été discuté aux
conférences des procureurs généraux?
M. CHOQUETTE: Quoi? La question de la police?
M. BURNS: Non, la question de récupérer une totale
juridiction du Québec sur l'administration de la justice, y compris la
nomination des juges de la cour Supérieure.
M. CHOQUETTE: A la conférence des procureurs
généraux qui a été tenue à Toronto au mois
de mai dernier, il y a des procureurs généraux, certains
procureurs généraux ont avancé l'opinion qu'ils devraient
être consultés par les autorités fédérales
sur la nomination des juges des tribunaux supérieurs,
c'est-à-dire la cour Supérieure, mais cela n'a pas
été l'opinion qui a prévalu finalement parce que les
procureurs généraux se sont plutôt ralliés à
un thème central à l'égard des autorités
fédérales. Ils veulent exiger que le gouvernement
fédéral respecte intégralement la constitution telle
qu'elle est au point de vue de l'administration de la justice. Je dirais que le
gouvernement fédéral a tenté par plusieurs moyens, au
cours des années récentes, de s'introduire dans ce secteur qu'est
l'administration de la justice en dépassant les termes de la
constitution et que les procureurs généraux des provinces sont
bien déterminés à faire obstacle aux politiques
fédérales dans ce domaine.
Il y aura une conférence des procureurs généraux
qui sera tenue de nouveau au mois d'octobre prochain et cette fois-là
à Montréal, car j'ai invité les procureurs
généraux des autres provinces à une réunion,
à Montréal, et nous inviterons le ministre fédéral
de la Justice ainsi que le Solliciteur général du Canada à
venir assister à cette réunion. Car les dix procureurs
généraux veulent faire valoir un point de vue uniforme selon
lequel l'administration de la justice doit demeurer, comme la constitution le
dit, une matière de compétence provinciale et qu'il n'appartient
pas aux autorités fédérales de tenter de s'introduire dans
l'administration de la justice par des moyens qui ne sont pas
constitutionnels.
Je pourrais faire une certaine énumération des cas
d'interventions fédérales indues dans l'administration de la
justice. Je ne le fais pas parce que cela pourrait peut-être allonger
inutilement mes observations, mais actuellement nous pensons que nous aurons
plus de succès avec les autorités fédérales en
insistant sur le respect intégral de la constitution.
D'autant plus que l'administration de la justice est un secteur
extrêmement vaste, très vaste et que nous ne sommes pas sans nous
rendre compte que la constitution, en ayant situé cette partie des
responsabilités gouvernementales au niveau provincial, a donné
aux provinces un pouvoir très considérable.
Nous sommes convaincus qu'il faut faire respecter nos
prérogatives et nos droits en matière constitutionnelle. C'est la
raison pour laquelle, de notre côté, nous n'insistons pas pour
dépasser les bornes de la constitution. Dans le problème de
l'administration de la justice, il y a évidemment le cas de la police
dont nous venons de traiter où, en fait, nous considérons que,
financièrement...
LE PRESIDENT (M. Brisson): La commission suspend ses travaux
jusqu'après le vote.
(Suspension de la séance à 23 h 31)
(Reprise de la séance à 23 h 44)
M..BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Amendement à l'article 21 a).
M. BURNS: Un instant. Non, M. le Président, je pense qu'on avait
une discussion...
LE PRESIDENT (M. Brisson): Sur l'amendement de l'article 21 a).
M. BURNS: A l'article 21, je pense qu'on avait une discussion
très intéressante. Non, il n'y a pas d'amendement.
M. CHOQUETTE: Nous sommes à l'article 21 a).
LE PRESIDENT (M. Brisson): Nous sommes à l'article 21.
M. BURNS: Je demanderais au ministre je n'insisterai pas
davantage, je connais les limites, de son fédéralisme rentable,
peut-être pas le sien mais celui de son gouvernement de
résumer sa position. La mienne est la suivante... n'est-il pas normal
qu'un gouvernement qui a supposément l'administration de la justice
je pense que le gouvernement, dans la compétence actuelle, l'a
voit échapper ou couler entre les mains un certain nombre de
pouvoirs qui, actuellement, sont détenus par le fédéral?
C'est peut-être le bon moment de le poser au niveau de la nomination des
juges, au niveau, par exemple, des lois à caractère matrimonial,
comme le divorce, qui sont de juridiction absolument fédérale.
Est-ce que le ministre actuel qui semble vouloir, je dis qui semble vouloir et
là-dessus, on va l'appuyer, même dans le cadre actuel de la
confédération, récupérer un certain nombre de
pouvoirs, qui semble vouloir affirmer, de plus en plus, la position du
Québec, en matière d'administration de la justice, ce qui est
parfaitement normal, n'a pas l'intention de demander clairement, une fois pour
toutes, que l'administration de la justice soit remise entre les mains du
gouvernement québécois? Cela veut dire et ça implique, je
ne fais pas de cachette, la récupération du pouvoir de
légiférer en matière de divorce. Je sais fort bien
qu'actuellement ça se fait, ça pourrait se faire en
matière de négociations seulement. Cela veut dire aussi au niveau
de la nomination des juges, ça veut dire tous les autres domaines qui
lui sont connexes. C'est la question que je pose au ministre. J'aimerais bien
avoir, une fois pour toutes, de la part du ministre de la Justice, une
réponse globale là-dessus. C'est une question qui se pose
naturellement à l'article 21.
M. CHOQUETTE: Vous pouvez poser la question.
M. BURNS: Soit dit en passant, je n'attends pas de la part du ministre
un grand acte de foi dans le fédéralisme canadien, je connais ses
actes de foi dans le fédéralisme canadien. Ce n'est pas ce
à quoi je m'attends. Je veux tout simplement savoir si le ministre ne
croit pas qu'il est temps de poser les vrais problèmes pour qu'enfin, on
ait une direction unique, de l'administration de la Justice au Québec et
qu'enfin, on ne se trouve pas à se faire dire: Voyez-vous, ce n'est pas
de notre juridiction, cela. Voyez-vous, je ne peux pas régler le
problème parce que mon "monologue" fédéral en a
décidé autrement. Cela commence au niveau de la
récupération de certains fonds pour l'administration des forces
policières au Québec. Cela se poursuit jusqu'au niveau le
ministre ne semblait pas voir le lien entre les deux, mais en tout cas,
j'essaie de le faire actuellement enfin, ça commence dès
l'administration des forces policières où le Québec, selon
la brochure qui nous a été remise récemment, est l'une des
deux provinces qui paient le plus cher pour l'administration de ses policiers
ou des corps policiers, l'une des deux provinces canadiennes qui paient le plus
cher; ça commence là, M. le Président.
Je trouve que le ministre pose un bon geste quand il demande, à
toutes fins pratiques, l'autonomie complète ou la juridiction
complète sur l'administration des corps policiers. J'incite le ministre
à aller un peu plus loin, peut-être à faire tout le bout de
chemin et à dire que l'administration de la justice est une affaire qui
devrait nous revenir de droit à nous, quitte à ce que, pour le
moment, on admette que tout le système pénal est de juridiction
fédérale et qu'à ce moment-là cela comporte des
problèmes qui sont tout autres et qu'on espère régler par
l'entremise d'un vote des Québécois en faveur d'une nation
québécoise qui... Mais cela est un tout autre problème. Je
ne veux pas lancer le ministre là-dedans. Mais, dans le cadre de la
confédération actuelle, est-ce que le ministre ne pense pas, sans
parler de séparatisme et sans parler d'indépendance du
Québec ou de quoi que ce soit, que ce serait plus facilement
administrable, la justice au Québec, s'il avait, lui, comme ministre de
la Justice, ou son successseur lorsque lui sera rendu à un autre
ministère, je ne le sais pas...
M. CHOQUETTE: Ou trop vieux.
M. BURNS: Ou trop vieux, je ne le sais pas. Ne pense-t-il pas que cela
devrait être complètement sous la coupole du Québec, sous
la juridiction du Québec?
M. CHOQUETTE: On peut se poser le problème en termes juridiques
ou en termes politiques. Si on pose la question en termes juridiques, il est
certain qu'il faut vivre avec la constitution telle qu'elle existe.
M. BURNS: Elle n'est pas immuable.
M. CHOQUETTE: Je n'ai pas dit que c'est immuable, mais les cas que m'a
mentionnés le député, soit le mariage et le divorce, ou la
nomination des juges des tribunaux supérieurs, ces secteurs de
compétence sont spécifiquement accordés au gouvernement
fédéral.
Il faut, je crois, tant qu'on a ce cadre, vivre dans ce cadre
constitutionnel. Est-ce que le cadre devrait être modifié? C'est
une question intéressante. On peut se demander...
M. BURNS: J'aimerais avoir une réponse.
M. CHOQUETTE: Non, je ne suis peut-être pas prêt à
donner de réponse. Est-ce que le cadre constitutionnel, au point de vue
de ces secteurs particuliers, devrait subir une modification? On peut le
soutenir, mais je ne voudrais pas, pour le moment, avancer une opinion ou un
point de vue sur cette question.
M. BURNS: Vous ne le mettez pas de côté, de toute
façon?
M. CHOQUETTE: Je ne mets rien de côté, mais je veux dire
qu'en fait je ne voudrais pas, à ce moment-ci, exprimer un avis formel
sur ces deux aspects que le député a soulevés. Est-ce que
le secteur de l'administration de la justice tel qu'il est donné aux
provinces de par l'actuel Acte de l'Amérique du Nord britannique n'est
pas un secteur très vaste qui comporte de très grandes
responsabilités et que les provinces doivent défendre contre des
intrusions du gouvernement fédéral? A cette question, je
répondrais, sans équivoque, oui. Est-ce que le gouvernement dont
je fais partie croit à un système fédéral
très suffisamment décentralisé et qui laisse, au niveau
des autorités provinciales ou régionales de vastes
compétences, entre autres dans le domaine de l'administration? Je
répondrais oui à cette question.
Je crois que le fédéralisme canadien ne peut faire
autrement pour vivre et être acceptable à travers la
diversité des provinces et des régions canadiennes que
d'être un fédéralisme décentralisé. J'ai
toujours été de cet avis et je ne crois pas qu'un
fédéralisme qui serait trop centralisé soit acceptable aux
différentes parties qui composent le Canada. Je réponds donc avec
certaines nuances aux questions du député de Maisonneuve.
M. BURNS: Remarquez que ce n'est pas une question politique que je pose
au ministre, c'est une question à caractère très pratique,
je dirais "pratico-pratique" que je pose au ministre.
M. CHOQUETTE: Moi aussi, je suis assez " pratico-pratique".
M. BURNS: Ma question pourrait enfin se résumer à cette
seule et unique interrogation: Est-ce que le ministre de la Justice ne croit
pas que c'est sous un même chapeau que la juridic- tion de
l'administration de la justice devrait, quant au Québec, se faire, pour
s'exercer?
M. CHOQUETTE: Je dirais que la constitution actuelle, dans le domaine de
l'administration de la justice, comporte une très grande
décentralisation des pouvoirs. Evidemment, il y a certains secteurs qui,
au point de vue législatif, appartiennent au gouvernement
fédéral. On peut parler, par exemple, du code criminel. On peut
parler, par exemple...
M. BURNS: Je l'exclus au départ et je ne visais pas cela.
M. CHOQUETTE: ... du droit en matière de divorce.
M. BURNS: La faillite, par exemple, du droit commercial.
M. CHOQUETTE: Le gouvernement fédéral peut
légiférer, mais, la plupart du temps, l'application de ces lois
se passe au niveau provincial. C'est aux autorités provinciales
qu'incombe la responsabilité de mettre en vigueur des lois
fédérales.
Evidemment, tout fédéralisme sera toujours un compromis
entre un besoin de décentralisation sur une base provinciale ou
régionale et une autorité centrale qui peut assurer une certaine
cohésion de l'ensemble. Les équilibres peuvent être
différents suivant les conceptions qu'on a du fédéralisme,
parce qu'il y a des fédéralismes qui sont passablement
centralisés, il y en eu d'autres qui sont plus
décentralisés. Moi, je crois qu'à cause de la
diversité canadienne, il faut vivre dans un fédéralisme
qui est, dans l'ensemble, assez décentralisé, mais ceci sans
détruire l'autorité efficace d'un gouvernement central, parce que
c'est la seule manière de garder le tout uni dans une relative
unité.
C'est la raison pour laquelle je crois que la théorie politique
du Parti québécois, du Marché Commun ou, en fait, la
théorie qui nous est proposée d'une espèce de
système confédératif où il n'y aurait, à
toutes fins pratiques, pas d'autorité centrale, excepté une
banque centrale, cela n'assure pas une cohésion suffisante de
l'ensemble. A ce moment, cela exposerait le pays à beaucoup
d'instabilité...
M. BURNS: Attention, M. le ministre, vous vous lancez dans quelque chose
où je ne vous ai pas embarqué. J'ai bien pris soin de vous dire:
Mises à part les thèses d'indépendance ou quoi que ce
soit, je considère qu'actuellement et jusqu'à la prochaine
élection au moins, on est encore dans un système
fédéral tel qu'on le connaît. Je vous pose la question. Ne
me lancez pas dans une discussion que je ne veux pas lancer. Je suis bien
d'accord à élargir le débat, mais je ne suis pas sûr
que le président accepterait à ce moment. Je veux tout simplement
vous dire: N'est-il pas normal que, pour
une meilleure administration de la justice, vous obteniez une certaine
unicité, si vous me passez l'expression, de l'administration de la
justice? C'est-à-dire que l'autorité, que la juridiction
véritable de l'administration de la justice, mis à part un
certain nombre de domaines, pour le moment et quand je dis pour le
moment, je dis dans le système actuel comme le droit de faillite,
le code criminel, c'est bien évident que, dans un cadre d'une
confédération canadienne, il faut qu'il y ait, au point de vue du
commerce interprovincial, au point de vue des crimes, dois-je dire
interprovinciaux, il faut qu'il y ait une certaine "pancanadianisation" de la
législation. Est-ce qu'au point de vue de l'administration de la
justice, vu que c'est d'abord et avant tout du ressort du procureur
général de chaque province de voir à l'application de la
loi, si on veut réduire cela à sa plus simple expression,
n'est-ce pas normal de penser en termes d'unicité à
l'intérieur de la juridiction québécoise?
M. CROQUETTE: Je pense que...
M. BURNS: C'est mon point de vue. Mis à part, encore une fois, et
je ne veux pas que le ministre... Pas encore un vote.
M. CHOQUETTE: Je pense que le député est un peu trop
global.
M. BURNS: En terminant, M. le Président, ce n'est pas une blague
que je fais, c'est un des problèmes qui, comme avocat, ayant
pratiqué pendant un certain nombre d'années, il m'est venu tout
à fait à l'esprit et j'ai l'impression que le ministre de
la Justice qui a encore plus d'expérience que moi comme avocat de
pratique cette espèce de sécurité dont on a besoin, soit
comme homme de loi, si on veut dire, ou comme administré par la loi, de
dire: L'autorité est unique en matière d'administration de la
justice.
C'est cela le problème qui se pose. En tout cas, on pourra en
reparler longtemps. Je ne veux pas non plus retarder l'adoption du bill pour
cela, mais je trouvais que l'article 21 était peut-être l'endroit
idéal pour poser le problème. Vous avez cette espèce
d'incohérence pratique qui est bien simple, c'est que vous avez des
juges de la cour Supérieure qui sont appelés à appliquer
des lois qui sont de la juridiction du Québec, par exemple, le code
civil, et qui, d'autre part oui, ils vont nous attendre sont
nommés par une autre autorité.
M. CHOQUETTE: Oui, mais ce n'est pas nécessairement de
l'incohérence, parce que, dans le fédéralisme, il faut
qu'il y ait une large part de collaboration entre des gouvernements autonomes
en fait, et complètement libres d'agir à l'intérieur de
leur compétence. Cela ne veut pas dire que ce soit nécessairement
de l'incohérence et qu'il y ait nécessairement une absence
d'unité.
M. BURNS: On aura sûrement l'occasion, M. le ministre, de
reprendre...
M. CHOQUETTE: En terminant, je voudrais dire ceci: C'est que, dans le
Parti québécois, il paraît qu'il y a deux ailes: il y a les
fanatiques de l'indépendance et il y a ceux qui mettent cela un peu,
disons donc "piano", en veilleuse, comme secondaire à leurs objectifs
sociaux. Moi, je pensais que le député de Maisonneuve appartenait
plutôt à la deuxième école de pensée,
c'est-à-dire qu'il ne voyait pas dans l'indépendance une
panacée pour le règlement des projets sociaux...
M. BURNS: Moi, j'appartiens, M. le ministre...
M. CHOQUETTE: C'est pour cela que... M. BURNS: J'appartiens à
l'école...
M. CHOQUETTE: ...je voyais un certain avenir politique pour le
député de Maisonneuve.
M. BURNS: J'appartiens, M. le ministre, à l'école qui
pense que l'indépendance est un moyen.
LE PRESIDENT (M. Brisson): A l'ordre, messieurs! La commission ajourne
ses travaux à demain, onze heures.
(Fin de la séance à minuit)