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Commission permanente de la justice Etude des
crédits du ministère de la Justice
Séance du mercredi 3 avril 1974
(Dix heures trente-neuf minutes).
M. GRATTON (président de la commission parlementaire de la
justice): A l'ordre, messieurs !
La commission permanente de la justice se réunit ce matin pour
étudier les crédits du ministère de la Justice.
Avant de procéder, je pense qu'il serait de mise de nommer un
rapporteur. Puis-je suggérer que M. Denis Sylvain de Beauce-Nord, agisse
comme rapporteur? Est-ce agréé?
DES VOIX: Agréé.
LE PRESIDENT (M. Gratton): J'aimerais aviser la commission de certains
changements. M. Tremblay (Iberville) remplace M. Bienvenue et M. Pelletier
remplace M. Levesque.
L'honorable ministre de la Justice.
Exposé général du
ministre
M. CHOQUETTE: M. le Président, chers collègues, avant
d'aborder l'étude des crédits du ministère de la Justice
contenus au budget 1974/75, j'aimerais, comme c'est la coutume, faire un
exposé général portant sur le travail, les efforts qui ont
été déployés par le ministère au cours de
l'année dernière et également sur nos objectifs pour
l'année 1974/75.
Je mentionnerai aussi au cours de cet exposé les aspects
financiers, administratifs et de personnel qui sont pertinents à la
gestion générale du ministère de la Justice, ce qui pourra
éviter, dans une certaine mesure, des redites et des discussions sur des
points particuliers lorsque nous étudierons le budget, programme par
programme.
M. le Président, tout d'abord, quant aux efforts et aux
réalisations du ministère au cours de l'année maintenant
terminée, l'année 1973/74, je voudrais signaler que nos efforts
ont principalement porté dans les secteurs suivants: tout d'abord
l'implantation de la Loi de l'aide juridique, qui a commencé à
s'appliquer au début de juin 1973. Nous avions constitué la
commission des services juridiques quelque temps auparavant. Cette commission
avait mis sur pied les corporations régionales ou centres communautaires
régionaux d'aide juridique qui doivent dispenser les services d'aide
juridique dans les diverses régions du Québec.
On me permettra de mentionner qu'au cours de la première
année de fonctionnement de la Loi de l'aide juridique nous avons
reçu et, je pense, donné suite à environ 80,000 demandes
d'aide juridique. Pour donner le service que la loi prévoyait, qui
devait être donné aux justicia- bles, nous avons recruté
plus de 200 avocats à temps plein qui oeuvrent dans nos centres
communautaires juridiques. Ces 200 avocats se sont occupés d'environ 75
p.c. des demandes d'aide juridique tandis que de 20 p.c. à 25 p.c. des
demandes d'aide juridique ont été confiées aux avocats de
la pratique privée, soit en vertu de référés, ce
qui est permis dans certains cas en vertu de la Loi de l'aide juridique, ou
soit en vertu de demandes de la part de justiciables désirant utiliser
des services d'avocats de la pratique privée.
De telle sorte que les prévisions, que nous avions faites au
moment de l'adoption de cette loi, voulant que le volume des affaires d'aide
juridique se répartisse à raison d'environ 75 p.c. pour les
avocats permanents et de 25 p.c. pour ceux de la pratique privée se sont
avérées justes.
A l'heure actuelle, en vertu des règlements, environ deux
millions de Québécois sont couverts et sont éligibles aux
services de l'aide juridique, c'est-à-dire satisfont aux normes pour
bénéficier des services que leur donne la loi.
Dans cette première année de fonctionnement de l'aide
juridique, je crois qu'il faut vraiment conclure que nous avons satisfait un
besoin très pressant et très important des
Québécois. L'expérience de la première année
est heureuse. Je ne dis pas qu'il n'y a pas des changements à apporter
à nos lois, je ne dis pas qu'il n'y a pas des modifications à
apporter aux procédures qui s'appliquent en matière d'aide
juridique, procédures administratives par exemple, mais, dans
l'ensemble, nous avons satisfait un besoin et d'une façon, je pense,
adéquate.
Un autre aspect de l'action du ministère, qui a une portée
importante, c'est l'utilisation que le public a faite de la cour Provinciale et
en particulier de sa division des petites créances en vertu de la Loi
favorisant l'accès à la justice.
Là encore, M. le Président, je pense que nous avons
satisfait un besoin qui existait au niveau du public. Suivant les chiffres
qu'on m'a donnés, on peut dire que sur une période d'un an
cette loi ayant été mise en vigueur en septembre 1972,
c'est-à-dire que maintenant cela fait environ un an et demi que la loi
est en vigueur nous avons eu pour environ $10 millions de
réclamations présentées par des citoyens,
réclamations qui sont, en moyenne, de $119 chacune. Les délais
qui s'appliquent au règlement, au jugement de ces petites
créances sont de 53 jours, ce qui montre que la loi a donné un
service expéditif au public et, d'après tous les rapports qui me
parviennent, a là encore satisfait un besoin très important.
M. BURNS: M. le Président, 53 jours, c'est entre l'ouverture du
dossier et son règlement, j'imagine.
M. CHOQUETTE: Règlement ou jugement. M. BURNS: Ou jugement.
M. CHOQUETTE: Oui. Alors c'est une moyenne qui s'applique à
travers le Québec.
J'ai reçu, pour ma part, fort peu de critiques à
l'égard de cette loi. Certainement, des justiciables ont pu, à
l'occasion, écrire au ministère et signaler des anomalies mais
ceci est véritablement l'exception, le fonctionnement de la cour des
petites créances s'étant avéré un succès,
tant sur le plan de la procédure expéditive qui s'y applique que
sur le plan des résultats des jugements parce que fort peu de
justiciables se sont plaints des résultats obtenus.
Ainsi, on me dit que même des plaideurs qui n'ont pas gain de
cause ne s'en prennent pas à l'administration de la justice ou au juge.
La façon très simple dans laquelle se déroule la
procédure fait qu'ils comprennent qu'ils peuvent n'avoir pas eu raison
devant le tribunal.
Nous avons également, dans un autre ordre d'idées, mis en
vigueur notre programme de formation des policiers, dans les CEGEP.
C'était un programme qui visait à assurer que la formation du
futur policier puisse être dispensée dans les CEGEP.
La Commission de police avait la responsabilité, avec le
ministère de la Justice, de voir à l'implantation de ce
programme. Il faut dire que nous avons répondu à un besoin
là aussi, puisque de nombreux étudiants se sont inscrits à
ces programmes de formation policière.
Pour ceux qui sont déjà dans la police, nous avons
également fait un effort pour leur donner des cours de perfectionnement.
On me disait qu'à l'heure actuelle environ 2,000 policiers au
Québec suivent des cours de perfectionnement, qui ne sont pas
rémunérés par les corps de police, mais que ces policiers
trouvent qu'il était dans leur intérêt d'améliorer
leur formation et s'inscrivent à des cours de perfectionnement.
Là encore, je pense qu'en donnant des moyens à nos futurs
policiers, ainsi qu'à ceux qui le sont déjà d'être
mieux entraînes et d'avoir une meilleure formation cette mesure
contribuera au maintien de la paix et de l'ordre social.
Dans le domaine de la probation et des établissements de
détention, nous avons fait des efforts particuliers au point de vue de
l'expansion de nos services de probation. Ainsi, nos effectifs d'officiers de
probation sont passés d'une trentaine, en 1971, à environ 125 ou
150, à l'heure actuelle.
Nos services de probation sont maintenant installés dans toutes
les régions du Québec. Il nous est ainsi possible de contribuer,
par la probation plutôt que par la détention, à maintenir
la protection du public et, en même temps, à favoriser la
réhabilitation de ceux qui ont été condamnés
à des peines de prison.
Nous avons également, dans cet ordre d'idées,
intensifié la participation communautaire. Nous avons
désigné au ministère de la Justice, au sein de la
Direction générale de la probation et des établissements
de détention, un officier du ministère de la Justice, qui est
assisté d'un personnel, pour assurer la coordination et la liaison avec
tous les organismes sociaux qui prennent intérêt à la
participation communautaire en vue de la réhabilitation des
détenus et anciens détenus.
Je ne voudrais pas citer toutes les expériences qu'il y a en
cours dans le domaine de la participation communautaire, mais il est vraiment
réjouissant de voir que, dans plusieurs milieux au Québec, on est
prêt à apporter une participation volontaire pour
réhabiliter des anciens détenus.
Ceci, M. le Président, aura non seulement des effets au point de
vue des détenus eux-mêmes qui, se voyant entourés d'un
eertain intérêt éviteront de retomber dans la
récidive, mais représente également un
intérêt économique pour le gouvernement et le contribuable,
en ce sens que la probation coûte beaucoup moins cher au gouvernement que
la détention. La détention est un facteur assez coûteux,
comme on le sait; elle coûte environ $10,000 par année par
personne détenue, tandis qu'un moyen qui utilise la participation
communautaire ou la probation, ou d'autres programmes de réinsertion
sociale, est moins coûteux et donne, sur le plan humain, des
résultats plus avantageux.
Dans un autre ordre d'idées également, M. le
Président, nous avons donné suite à un certain nombre de
projets que nous avions en matière de loyer et de louage. Je ne
reviendrai pas trop longuement sur ce sujet qui a fait l'objet des
débats à l'Assemblée nationale au mois de décembre
dernier, alors que nous avons adopté la Loi du louage de choses et la
réforme complète du chapitre du code civil traitant du louage et,
en particulier, du louage des maisons d'habitation. Nous avons
également, à cette occasion, adopté une législation
qui ne couvre que l'année courante en matière de
détermination ou d'arbitrage judiciaire ou quasi judiciaire des
augmentations de loyer.
Je puis dire que les mesures que nous avons prises à ce
moment-là ont été d'excellentes mesures d'après les
informations que je reçois de la Commission des loyers. Ainsi, à
l'heure actuelle, on peut prévoir que sur environ 900,000 logements
locatifs au Québec, seulement 2 p.c. à 2.5 p.c. des logements
ferait l'objet de contestations devant la Commission des loyers, au point de
vue de la détermination d'un loyer ou d'une augmentation de loyer
réclamée par le propriétaire. M. le Président, 2.
p.c. à 2.5 p.c, c'est-à-dire environ 25,000 causes sur 900,000
logements locatifs, c'est assez peu. Mais malgré tout, je pense que
ça signifie que ça répond à un besoin parce que le
nombre de causes a doublé, je pense, cette année, par rapport
à l'année précédente.
D'un autre côté, le nombre de causes n'est pas
énorme, n'est pas absolument considérable.
Je pense que la loi aura eu généralement un effet
anti-inflationniste et aura aidé à modérer les
appétits de certains propriétaires en matière
d'augmentation de loyer, compte tenu du fait que nous vivons
actuellement dans une période inflationniste.
Un groupe de travail est actuellement en voie de formation ayant pour
but et pour objectif de nous donner un point de vue sur l'instauration d'un
tribunal permanent en matière de loyer. Le groupe de travail n'est pas
composé entièrement à l'heure actuelle. Des noms ont
été examinés, et la formation de ce groupe de travail est
une matière sur laquelle se penche actuellement le ministère des
Affaires municipales, qui a incontestablement une grande responsabilité
dans le domaine de l'habitation.
Mais, pour ce qui est de la partie du mandat de ce groupe de travail qui
portera sur l'habitation en général la partie qui traite
de l'instauration d'un tribunal permanent des loyers déjà
des personnes ont été désignées au ministère
de la Justice et à l'extérieur du ministère de la Justice
pour commencer les travaux, afin de nous permettre d'avoir un rapport dans un
avenir qui ne soit pas trop éloigné. Ce sera au moins un rapport
qui ne nous arrivera pas en fin d'année nous obligeant ainsi à
légiférer à la dernière minute, soit en novembre ou
en décembre prochain.
J'espère bien qu'il me sera possible d'avoir du groupe de travail
sur l'habitation un rapport, non pas sur l'ensemble des problèmes de
l'habitation, mais sur l'instauration d'un tribunal des loyers, dans le courant
de l'été qui s'en vient. Nous avons sur le plan administratif
poursuivi des efforts très sérieux au point de vue de la
régionalisation des services du ministère. Je voudrais mentionner
que ces efforts ont principalement porté dans le domaine de la probation
et des établissements de détention, dans le domaine de la police,
c'est-à-dire de la Sûreté du Québec, dans le domaine
de l'aide juridique et dans d'autres secteurs de l'activité du
ministère où nous avons ressenti le besoin de déconcentrer
nos services. S'il y a une chose qui importe dans un ministère qui a une
administration aussi lourde que celle du ministère de la Justice, c'est
bien de déconcentrer le personnel et les décisions sur le
territoire, de façon que le justiciable ou celui qui a affaire aux
services de la justice puisse ne pas souffrir de délais intempestifs et
exagérés parce que toute décision doit être prise
par le ministère, ici à Québec.
Donc, cette politique administrative a été
intensifiée en 1973/74 et elle nous donne déjà des
résultats intéressants.
D'autre part, en 1973, nous avons commencé l'enquête sur le
crime organisé qui se poursuit actuellement et qui continuera à
oeuvrer dans l'exécution du mandat qui lui a été
confié par le lieutenant-gouverneur en conseil d'examiner toutes les
facettes de l'activité du crime organisé.
Je voudrais, avant de passer aux objectifs du ministère pour
l'année 1974/75, faire quelques commentaires sur les dépenses
encourues par les services de la justice au cours de l'année qui
précède, c'est-à-dire comparer les budgets qui nous
avaient été alloués et, d'autre part, les dépenses
que nous avons réellement encourues et qu'il nous est possible de
déterminer en fin d'exercice.
Le budget modifié, pour 1973/74, s'établissait à
$159,907,700, en date du 31 décembre 1973, tel que l'indique le budget
qui fut déposé par le ministre des Finances à
l'Assemblée nationale, le 28 mars dernier. Les dépenses
probables, en brut, seront de l'ordre de $177,406,800, soit un écart de
$16,296,100 comparativement au budget original de $161,110,700 pour 1973/74.
Cet écart résulte principalement des facteurs suivants: 1)
révision des traitements et pour combler des postes vacants en cours
d'exercice. Ceci représente $3,292,000; 2) révision des
traitements tant supplémentaires de la Sûreté et des
officiers et agents de la Sûreté du Québec, ainsi que les
dépenses encourues pour le parc-automobiles de la Sûreté du
Québec, $5,607,000; 3) aide juridique, $3,827,800; c'est la somme qu'il
nous a fallu ajouter à ce qui était prévu à
l'origine pour combler les dépenses en matière d'aide juridique;
4)augmentation des dépenses résultant de l'accroissement des
activités et des prix, c'est-à-dire les effets de l'inflation sur
certains achats, en particulier, les achats nécessaires pour le
fonctionnement des établissements de détention à ce
sujet je peux mentionner en particulier l'alimentation $1,569,300.
D'autre part, il nous a fallu faire face à une réduction
des contributions fédérales en matière d'aide juridique.
Nous avions compté pouvoir bénéficier à plein d'une
somme de $3 millions du gouvernement fédéral pour les fins de
l'aide juridique, mais comme cette contribution ne s'applique qu'aux
matières criminelles, nous n'avons pas pu utiliser au complet les
subsides fédéraux dans cette matière et, par
conséquent, nous n'avons pu bénéficier que jusqu'à
concurrence de $1 million de ces subsides fédéraux, de telle
sorte que ceci nous laisse $2 millions à combler.
Les crédits additionnels requis pour combler ces écarts
nous ont été accordés comme suit: fonds de
suppléance du ministère des Finances, $3,583,100; budget
supplémentaire voté en novembre ou en décembre dernier,
$4,217,000; mandat spécial s'appliquant à la Sûreté
du Québec, en particulier au chapitre de ses traitements, $3,881,000;
fonds consolidé du revenu et ceci pour les fins de l'aide juridique,
$3,827,800; dépenses statutaires, révision du traitement des
juges, $1,300,000 et indemnisation des victimes d'actes criminels, $650,000
formant un total de $17,458,900 qu'il nous a fallu nous procurer pour combler
l'écart entre les dépenses réellement encourues et les
budgets autorisés par l'Assemblée nationale. Cependant, dans
chacun des cas qui ont nécessité un
accroissement de dépenses au cours de l'année, je pense
que l'on peut donner assez facilement des explications qui n'indiquent pas de
l'incompétence de la part de ceux qui avaient dressé le budget
à l'origine. Par exemple, dans le domaine de l'aide juridique,
c'était la première année où nous fonctionnions, et
les dépenses évidemment étaient payées par le fonds
consolidé du revenu, comme c'était le cas dans cette
matière. En second lieu, il pouvait être assez difficile
d'estimer, dès le départ, quelles seraient les dépenses
que nous devions encourir dans la première année
d'expérience. Quant aux questions de traitements, nous sommes un peu
à la merci des négociations et des effets des conventions
collectives ou d'autres demandes qui peuvent être formulées; par
conséquent, il n'y a rien dans ces accroissements qui doivent
étonner.
M. le Président, je voudrais maintenant faire part à cette
commission des principaux objectifs du ministère pour l'année
1974/75. Comme j'ai eu l'occasion dans diverses circonstances de faire part de
nos projets, au moins dans un certain nombre de domaines, je ne
m'étendrai pas plus qu'il ne faut, excepté pour permettre aux
membres de la commission de juger dans quel cadre l'action du ministère
de la Justice entend se situer au cours de la prochaine année.
Dans le domaine législatif, je ferai rénumération
suivante qui pourra donner une idée de notre programme législatif
pour cette année.
La Charte des droits de l'homme qui est actuellement en voie de
réparation, la Loi des huissiers qui a déjà
été déposée au cours d'une session
antérieure et étudiée en commission parlementaire; cette
loi sera reprise à la lumière des exposés qui nous ont
été faits en commission parlementaire et sera
présentée de nouveau. La loi de la protection de la jeunesse, qui
a également fait l'objet de discussions en commission parlementaire
précédemment, sera reprise et déposée dans une
forme modifiée à la lumière des observations et des
représentations qui nous furent faites en commission. Signalons aussi la
Loi du tribunal des loyers, qui pourra résulter des conclusions qui nous
parviendront du groupe de travail constitué sur l'habitation; et
finalement, la Loi des alcools où des besoins se sont fait sentir et qui
nous incitent à apporter des amendements, en particulier pour
accélérer la procédure et éviter une accumulation
de causes.
Dans le domaine de l'administration générale de la
justice, notre projet principal est le livre blanc, qui est en
préparation déjà depuis longtemps et qui portera sur
l'administration de la justice en général. A l'heure actuelle,
l'équipe, qui travaille sur le livre blanc, entend intensifier ses
travaux au cours des prochaines semaines pour que ce livre blanc qui a
tardé à venir, je l'admets puisse voir le jour au cours de
cette année et ainsi annoncer des politiques législatives et
administratives de nature â rehausser l'administration de la justice et
le respect que les citoyens doivent avoir pour cet aspect fondamental de
l'administration publique.
Par conséquent, le livre blanc, qui est en préparation,
devrait se concrétiser au cours de cette année et devrait
être publié de façon à indiquer les politiques
gouvernementales. De ce livre blanc découleront un certain nombre de
lois sur un certain nombre de domaines, par exemple le domaine judiciaire.
Elles pourront contribuer à une meilleure administration de la
justice.
Dans le domaine de la police, le ministère étudie
actuellement, en particulier au niveau de son service d'organisation et
méthode, la constitution d'une direction générale des
affaires de la police. Je dois dire que je n'entrevois pas cette direction
générale des affaires de la police comme un organisme qui devrait
donner au ministère de la Justice le contrôle de tous les corps
policiers du Québec. D ne s'agit pas de cela. Il s'agit beaucoup plus
d'assurer une meilleure coordination dans l'action de la police à
travers le Québec, qu'il s'agisse de la Sûreté du
Québec ou des corps de police municipaux. Il s'agit aussi
d'intégrer au sein de cette direction certains services qui existent
déjà et qui concernent la sécurité ou la protection
publique. Je pourrais donner l'exemple de notre service de
sécurité qui existe et qui a pour fins de s'occuper de la garde
et de la protection d'un certain nombre de personnalités politiques.
Il y a également des services tels que la protection civile qui
existent et qui entrent en action au moment de désastres, de
catastrophes ou de crises quelconques. Ce service devrait être
intégré à cette future direction générale
qui porte provisoirement le nom de Direction générale de la
protection publique.
L'intégration de la police sur l'île de Montréal est
une matière sur laquelle le législateur québécois
s'est penché en adoptant une loi, en fin d'année 1971, qui est
entrée en vigueur le 1er janvier 1972. Comme je l'ai dit à la
Chambre, hier, le plan d'allocation des ressources humaines et physiques est
actuellement prêt. Il a été déposé par le
directeur de la police de Montréal, M. René Daigneault,
auprès du conseil de sécurité et, dans un avenir
rapproché, il sera rendu public. Par la suite, il sera discuté au
niveau de la Commission de police, de façon que l'intégration
réelle des corps de police municipaux, sur l'ile de Montréal, se
fasse suivant un plan ordonné et qui assure l'efficacité de
l'action de la police sur l'ile de Montréal.
Notre programme de formation et de perfectionnement de la police, sous
l'autorité de la Commission de police, sera intensifié. Les
efforts nécessaires y sont mis par les autorités de la Commission
de police.
D'autre part, M. le Président, nous accroissons de 161 postes les
effectifs de la Sûreté du Québec, pour l'année
1974/75. Compte tenu des besoins de la Sûreté, nous avons cru
qu'il nous fallait donner suite à cette demande des autorités de
la Sûreté.
Je voudrais signaler en passant certains rôles additionnels qui
ont été confiés à la Sûreté et qui
nécessitent en partie ces accroissements d'effectifs. Il y a
l'initiative prise de doter les escouades de la moralité d'officiers ou
d'agents spécialisés dans les questions de drogue. Jusqu'à
récemment, la Gendarmerie royale du Canada a été le
principal agent de la lutte au trafic de la drogue mais, sans lui nier une
fonction importante dans ce domaine, nous considérons que la
Sûreté du Québec a également un rôle à
jouer et qu'il nous est nécessaire de doter toutes nos escouades de la
moralité de spécialistes de la drogue.
Je n'ai qu'à mentionner que, dans beaucoup de crimes commis aux
Etats-Unis, on a décelé qu'à l'origine de la commission de
ces crimes il y avait la drogue. Un individu qui a besoin de se procurer de la
drogue, ce qui lui coûte des montants assez élevés, tant
par jour que par semaine, est bien plus porté à commettre des
crimes de violence. C'est la raison pour laquelle on a à déplorer
une si forte augmentation de la criminalité aux Etats-Unis, en
particulier dans les milieux urbains. Quand je parle d'une augmentation de la
criminalité, je veux dire de la criminalité violente qui a lieu
dans les rues, des attaques qui sont perpétrées contre des
personnes et qui font que la vie, en milieu urbain américain, est
devenue sinon intenable partout, du moins beaucoup plus dangereuse que celle de
Montréal ou des villes canadiennes.
Donc, il nous faut prendre des mesures préventives à
l'égard du trafic de la drogue et c'est dans ce sens que nous nous
proposons d'accroître les effectifs de la Sûreté qui
pourront travailler dans ce domaine.
Je mentionnerai, en passant, qu'il existe un comité
interministériel sur la drogue, comité qui comprend le
ministère de l'Education, le ministère des Affaires sociales et
le ministère de la Justice. Ce comité est sous la
présidence du Dr André Boudreau et il examine tous les aspects
qui sont pertinents au trafic de la drogue dans le but d'apporter des
recommandations au gouvernement, de façon à réduire
l'incidence de la consommation de la drogue.
D'autre part, nous entendons intensifier également l'action de la
police dans le domaine de la fraude. L'année dernière, nous
avions formé un service de faillites et fraudes, qui est rattaché
au contentieux criminel du ministère de la Justice. Ce service
déploie déjà une très grande activité dans
la lutte contre la fraude. Je suis heureux de voir jusqu'à quel point
les personnes qui oeuvrent dans ce service et nos procureurs de la couronne,
qui sont des spécialistes du domaine de la fraude et qui collaborent
à ce service, déploient, à l'heure actuelle, devant les
tribunaux une action très énergique contre le crime
économique, sous toutes ses formes.
Mais il nous faut également faire le pendant au niveau de la
Sûreté du Québec, c'est-à-dire former dans les
différentes régions des policiers qui soient entraînes dans
le domaine de la fraude. Il nous faut également avoir des officiers et
des agents qui puissent se saisir des problèmes de fraude ou des
problèmes de crime économique qui peuvent se passer dans leurs
diverses régions. C'est la raison pour laquelle également ceci
entraîne des augmentations d'effectifs au niveau de la
Sûreté, qui s'élèvent à 161 postes pour cette
année.
Dans le domaine de la probation et des établissements de
détention, j'ai déjà fait allusion, tout à l'heure,
à l'action de ce service du ministère au cours des
dernières années, et en particulier l'année
dernière, pour dire que nous avons mis beaucoup plus l'accent sur la
probation que sur la détention.
J'ai déjà eu l'occasion, lors d'une conférence
fédérale-provinciale des solliciteurs généraux du
Canada, d'indiquer que le Québec était à l'heure actuelle
de toutes les provinces canadiennes celle qui incarcère le moins de
personnes, c'est-à-dire que, pour les sentences de moins de deux ans,
nous avons moins de personnes incarcérées au Québec per
capita que toutes les autres provinces du Canada. Et ceci représente un
renversement complet de la situation par rapport à ce qu'elle
était vers les années 1966/67.
M. BURNS: Est-ce qu'il faut conclure que nos juges sont plus
sévères au Québec et que les gens ont toujours plus que
deux ans? Cela peut-être ça aussi.
M. CHOQUETTE: II ne faut pas conclure ça, parce que je pense que
nos juges manifestent, malgré tout, du jugement. Dans le cas
d'infractions ou de crimes mineurs ou de crimes qui ne requièrent pas
une action exemplaire de la part des tribunaux, nos juges savent que la
probation ou des mesures de cette nature sont plus indiquées que la
simple détention. C'est la raison pour laquelle, pour ce qui est des
sentences de moins de deux ans, nous avons à indiquer une baisse dans la
population de nos prisons.
Ceci s'accompagne également d'une baisse de la récidive
parce que, fait intéressant à noter, ceux qui sont détenus
dans les prisons avec des sentences de moins de deux ans sont moins souvent des
récidivistes qu'ils ne l'étaient il y a quelques années.
Alors, ce programme ou cette conception, cette façon de voir les choses
semble avoir donné d'excellents résultats au point de vue de la
population dite récidiviste à l'intérieur de nos
établissements de détention. Sans compter, M. le
Président, qu'elle représente des économies pour le
contribuable, comme j'y ai fait allusion tout à l'heure.
D'autre part, toujours au chapitre de la probation et des
établissements de détention, cette modération des
autorités à tous les niveaux, qu'elle soit judiciaire ou au
niveau des établissements de probation et de détention, elle
n'est pas le fruit d'une mollesse ou, en fait, d'une inaction ou d'un
laisser-faire de la part de
la police ou de nos procureurs devant les tribunaux, car je crois qu'on
reconnaîtra facilement que l'action policière et que notre
contentieux criminel ont connu, dans les dernières années, des
progrès marqués par rapport à la situation qui existait
autrefois.
Au chapitre, par exemple, du recrutement de nos procureurs de la
Couronne, ou substituts du procureur général, ils sont presque
tous, à l'heure actuelle, des permanents du ministère de la
Justice et ceci dans tous les districts judiciaires du Québec. Le
recrutement de ces substituts se fait d'une façon
accélérée; nous avons réussi à obtenir du
gouvernement des échelles de traitement plus intéressantes, ce
qui nous permet d'améliorer la qualité de nos substituts du
procureur général et ceci permet d'avoir une action plus
intensifiée devant les tribunaux.
Pour la police, M. le Président, je pense que
l'amélioration dans la qualité de nos forces policières
et, en particulier, de la Sûreté du Québec, se passe de
tout commentaire si on se rappelle la situation qui prévalait il y a dix
et quinze ans, et qu'on examine en particulier la police ou la
Sûreté du Québec, qui n'est certes pas parfaite, qui commet
des erreurs sans aucun doute, mais qu'il faut tenir compte des
difficultés de l'action policière et, en second lieu, il faut
tenir compte du fait que les policiers sont humains comme tous les autres.
Dans le domaine de la révision du code civil, M. le
Président, les travaux de l'Office de révision ont
été intensifiés. Et sous la direction du professeur
Crépeau, nous pouvons entrevoir un jour, qui n'est pas trop
éloigné, le dépôt d'un projet de révision du
code civil. Je n'ai pas encore déterminé quelle serait la
procédure qui serait adoptée pour l'étude de ce nouveau
code civil, car il s'agira sans aucun doute d'une matière
extrêmement complexe à étudier au niveau de
l'Assemblée nationale, particulièrement au niveau de la
commission parlementaire de la justice. Il faudra envisager une formule qui
permettra d'étudier intelligemment ce projet de loi.
M. BURNS: Sur ce point, si le ministre me permet de l'interrompre,
est-ce qu'il envisage, par exemple, que cette étude pourra se faire
tranche par tranche? Le ministre...
M. CHOQUETTE: Je n'ai pas pris...
M. BURNS: ... le ministre n'a pas décidé encore?
M. CHOQUETTE: ... de décision ou, enfin, je n'ai même pas
de suggestion à faire à ce moment-ci. Lorsque nous aurons un code
civil ou...
M. BURNS: L'Office de révision vous en a fait des
suggestions?
M. CHOQUETTE: J'en ai discuté avec M. Crépeau.
Il me disait qu'en 1866, quand la Législature du temps a
adopté le code civil, on avait procédé par
résolutions c'est-à-dire que le Parlement avait exprimé,
par exemple, des désirs de voir inscrits des principes ou, en fait, des
modifications aux projets qui étaient présentés et les
codificateurs avaient étudié ces propositions émanant de
la Législature de l'époque, de façon à ne pas
modifier la symétrie, ou à ne pas déranger le jeu des
différentes parties déjà prêtes du code civil.
Or c'est peut-être une solution qu'il faudra adopter, mais pour le
moment, je n'ai pas de texte à présenter ou à
déposer. Par conséquent, je ne me suis pas
préoccupé de la procédure qu'il faudra adopter pour
l'étude de ce code civil. Quant à l'administration
générale, M. le Président, voilà un domaine
très important pour le ministère de la Justice
malgré que ce n'est peut-être pas le côté le plus
spectaculaire de notre ministère parce que le ministère de
la Justice comporte des effectifs d'environ 12,000 fonctionnaires, ce qui est
très considérable pour les fonctions que joue le
ministère.
Dans ce domaine de l'administration générale, comme je
l'ai dit précédemment, nous avons abordé en 1973/74, d'une
façon énergique, des programmes de régionalisation des
services et nous continuons ainsi dans tous les ordres d'activité du
ministère au cours de l'année qui vient. Je voudrais souligner
que nous entendons intensifier la formation de notre personnel en particulier
celui des greffes et celui des bureaux d'enregistrement, comme celui des
gardiens de prison.
Cet aspect de la formation du personnel est très important. Je
crois que non seulement cela favorise un meilleur service au public tout en
devenant un facteur de motivation pour nos fonctionnaires, mais en plus cette
formation du personnel accrue et intensifiée permet d'ouvrir à
nos fonctionnaires des perspectives de carrières plus
intéressantes dans l'administration publique. Ils pourraient autrement
avoir l'impression que lorsqu'il ne se passe rien au point de vue de la
formation, ils sont tout simplement des gratte-papier, sans aucun espoir de
voir leurs responsabilités s'élargir.
Donc, M. le Président, nous avons mis sur pied des programmes de
formation de ces trois classes de fonctionnaires et la formation sera
intensifiée.
D'ailleurs, un responsable de la formation des fonctionnaires aux
greffes et aux bureaux d'enregistrement a été
désigné et des programmes de formation sont en marche, pour les
gardiens et les agents de la paix, dans nos établissements de
détention. Toujours dans le domaine administratif, je voudrais
souligner, la mise sur pied d'un système de statistiques, qui permet de
recueillir les statistiques en matière criminelle. Il nous donnera les
statistiques mensuelles au point de vue de la commission des crimes par
catégories suivant les diverses régions du Québec.
Il s'agit là d'un programme qui a été mis sur
pied au niveau de la Commission de police. Actuellement la cueillette
des données se fait suivant certaines normes et procédures qui
ont été édictées par la Commission de police.
Des fonctionnaires de la commission ont été
dépêchés auprès des différents corps de
police pour leur donner les instructions appropriées.
Dans la lutte à la criminalité, il me semble que le fait
d'être éclairé sur l'évolution de cette
criminalité est un facteur primordial. Savoir quels crimes se
commettent, à quel moment, dans quelle région, savoir
prévoir, à partir de ces données statistiques, quels
seront les développements ultérieurs nous permettra d'utiliser
nos ressources policières, nos effectifs policiers d'une façon
beaucoup plus intelligente et avec beaucoup plus d'économie de nos
efforts. Je pense que ceci nous assurera de bien meilleurs résultats
dans l'action contre le crime car nous pourrons coordonner ou organiser notre
action policière en fonction de données précises qui ne
sont pas simplement des déductions faites à peu près
à partir de constatations générales sans qu'il y ait un
système de cueillette des données. Donc, je crois que nous aurons
là un outil très important dans la lutte à la
criminalité.
Si on me permet de parler de lutte à la criminalité,
puisque je suis sur ce sujet à l'occasion de ce système
statistique, je mentionnerai que notre centre de renseignements policiers est
également en voie d'être mis au point de façon à
pouvoir communiquer, par voie électronique, les données
nécessaires aux renseignements requis dans les différentes
régions policières du Québec. Dans un avenir
rapproché, une fois que le système sera parfaitement rodé
et installé, il nous sera possible de procéder à
l'inauguration officielle de ce centre de renseignements policiers du
Québec qui est situé à la Sûreté du
Québec à Montréal.
Dans le domaine de l'informatique et de la mécanisation, non pas
que je veuille ici m'y intéresser au point de vue de l'action
policière mais beaucoup plus au niveau de l'administration
générale du ministère, le ministère de la Justice
s'est doté de services très compétents, à mon sens.
De jeunes fonctionnaires travaillent avec énergie et beaucoup
d'enthousiasme pour doter le ministère de la Justice de programmes
d'informatique et pour assurer la mécanisation de nos greffes dans
toutes les régions du Québec de telle sorte que le
ministère ait lui aussi les instruments modernes nécessaires
à sa gestion.
Dans le domaine de la justice, au niveau des Indiens et des Esquimaux,
et en particulier dans le Nord québécois, un responsable a
été désigné pour la mise en place des politiques
annoncées dans un document intitulé La justice au-delà du
50e parallèle. Ce responsable, M. Jean-Paul Laferrière, a pour
tâche de mettre en place un système judiciaire avec tous ses
services dans le Nord québécois pour que nous puissions donner
une justice qui tienne compte des particularités locales et des
particularismes ethniques de nos ressortissants ou, enfin, de nos concitoyens
esquimaux et indiens.
Dans un autre ordre d'idées, c'est-à-dire dans le domaine
financier, j'ai pris l'initiative, au cours de l'année qui
précède, de faire valoir une réclamation financière
contre le gouvernement fédéral pour le soutien de la police au
Québec. Plus je pense et plus je réfléchis à cette
réclamation, plus je la trouve fondée...
M. BURNS: Je suis d'accord avec vous.
M. CHOQUETTE: ... et plus je trouve que les arguments
fédéraux ne tiennent pas. A tel point que nous n'avons pas eu de
réponse officielle de la part du gouvernement fédéral,
nous n'avons pas eu de fin de non-recevoir absolue à notre
réclamation. Je crois que cela dénote, de la part des
autorités fédérales, un sentiment à l'effet
qu'elles ne peuvent pas justifier un refus définitif à cette
demande du gouvernement du Québec. C'est donc que je compte que la bonne
foi des autorités fédérales les inspirera, dans un avenir
rapproché, et leur permettra d'accéder à notre demande et
de faire justice dans ce domaine. D'ailleurs nous poursuivons nos
démarches dans ce domaine. Nous sommes en communication avec de nombreux
corps publics du Québec, avec de nombreux organismes, groupes de
citoyens, avec des députés et des sénateurs
fédéraux, et je dois dire qu'il semble que le bien-fondé
de la position du Québec soit reconnu, même parmi les cercles les
plus intimes du gouvernement fédéral. Il me semble que tout ce
dont M. Trudeau a besoin, c'est d'un coup de pouce pour lui permettre de donner
suite à cette demande qui nous permettrait sûrement de soutenir
nos actions dans le domaine de la police et de donner au corps policier
l'assistance financière qui peut être nécessaire.
M. BURNS: Si je me réfère à une question
déjà posée au ministre de la Justice, il y a quelque temps
déjà, là-dessus, sauf erreur, cette entente
fédérale-provinciale est renégociable ou renouvelable
l'année prochaine?
M. CHOQUETTE: En 1976.
M. BURNS: En 1976. Est-ce que le ministre s'attend à ce que cela
puisse se régler, en fait, ce problème, avec le petit coup de
pouce à M. Trudeau, avant le renouvellement de l'entente ou bien si on
devra nécessairement attendre ce moment?
M. CHOQUETTE: J'espère que cela va se régler avant. Je le
souhaite ardemment, parce que plus le temps passe, plus l'injustice est
perpétuée. Je veus dire que ce n'est pas une injustice pour 1976
qui est commise à l'heure actuelle, c'est une injustice à
l'égard du Québec, depuis 1966 et même avant. Moi, je crois
que le gouvernement fédéral doit remédier à cette
situation à bref délai. Evidemment, je ne suis pas maître
des décisions prises par le gouvernement fédéral, mais je
peux quand même conti-
nuer à insister, ce que j'entends faire avec l'espoir d'obtenir
un acquiescement finalement à cette réclamation de façon
à compenser pour les services que la Gendarmerie royale ne donne pas au
Québec et qu'elle donne partout ailleurs, excepté en Ontario et
au Québec.
M. BURNS: Est-ce qu'il y a de véritables négociations qui
se tiennent actuellement?
M. CHOQUETTE: II n'y a pas de négociations, à l'heure
actuelle, parce que j'ai établi clairement notre position; au mois de
décembre, j'ai remis un document qui explicite la position du
Québec au Solliciteur général du Canada, M. Allmand.
Celui-ci m'avait dit qu'il me ferait parvenir une réponse au cours du
mois de janvier, réponse que je n'ai jamais reçue, et
réponse négative que j'espère ne jamais recevoir.
M. BURNS: Dans le moment, vous vous fondez sur la thèse: pas de
nouvelle, bonne nouvelle.
M. CHOQUETTE: Je me fonde sur la thèse que l'idée fait son
chemin et que les arguments sont tellement forts que, finalement, je ne vois
pas comment le fédéral pourrait soutenir sans rougir une position
négative et définitive sur ce sujet.
M. BURNS: Je vous souhaite bien bonne chance, remarquez; je suis bien
d'accord avec vous.
M.TREMBLAY: Faites-vous inviter à dfner à 24 Sussex.
M. BURNS: Je ne sais pas si c'est le coup de pouce dont il aurait
besoin!
M. CHOQUETTE: M. le Président, j'ai tenté de faire la
revue de ce que nous entendons faire au cours de l'année qui vient. De
façon à atteindre ces objectifs, il va de soi que nous avons
demandé à l'Assemblée nationale de voter un budget et de
nous allouer des postes pour pouvoir remplir les fonctions qui sont requises au
sein du ministère de la Justice.
Tout d'abord, au point de vue des ressources humaines qui seront
requises, l'accroissement de personnel que nous demandons, au ministère
de la Justice, est assez léger. En effet, nous avions 11,724 postes au
ministère de la Justice en 1973/74 et nous demandons cette année
12,131 postes, ce qui représente un accroissement d'environ 400 postes
additionnels dont 161 pour les fins de la Sûreté du Québec,
comme je l'ai mentionné tout à l'heure.
Au point de vue des ressources financières, le budget que nous
demandons s'élève à $185,437,400. Ce budget
représente un accroissement de 16 p.c. comparativement au budget
modifié de 1973/74, en date du 31 décembre 1973. Ce chiffre de 16
p.c. dans la croissance de notre budget est tout à fait dans la norme de
la croissance du budget général du gouvernement. Il est
principalement représenté par les augmentations de traitements
dues à nos 12,000 fonctionnaires ou agents de police, par
l'accroissement de l'aide juridique, parce qu'au plan de l'aide juridique notre
budget s'accroît d'environ 50 p.c. cette année, passant de $7
millions à $14 millions. Egalement, dans le domaine des loyers, puisque
nous avons pris des initiatives dans ce domaine, il y a un accroissement du
budget par rapport à l'année précédente.
Alors, ce sont là, à mon sens, les principaux facteurs
d'augmentation de ce budget, augmentation qui s'élève à
une quinzaine de millions de dollars et qui se situe à un taux de 16
p.c. par rapport à l'année 1973, non pas en nous fondant sur le
budget originairement voté l'année dernière, mais en
tenant compte des modifications qui y ont été apportées en
cours d'année, c'est-à-dire au cours de 1973/74.
Au point de vue des revenus, ils continuent à croître, en
particulier dans le domaine des droits et permis, plus particulièrement
dans le domaine des permis d'alcool et des droits de 5 p.c. qui sont
prélevés sur les détenteurs de permis pour l'achat de
boissons alcooliques auprès de la Société des alcools, car
on sait que les détenteurs de permis paient des droits additionnels de 5
p.c. dans le cas des boissons alcooliques et de 8 p.c. dans le cas de la
bière.
Pour ce qui est des autres droits, M. le Président, il y a une
croissance normale dans les entrées; par exemple, les permis de
régie, de loterie et des courses, l'enregistrement des actes
judiciaires, les amendes et confiscations, en particulier les amendes
prélevées en vertu du code de la route ou en vertu de
dispositions du code criminel.
En fait, M. le Président, les revenus du ministère de la
Justice s'élèvent à $47,500,000, ce qui représente,
quand même, une part importante du budget total de l'administration de la
justice.
M. le Président, c'étaient là les observations et
remarques préliminaires que je voulais faire au début de
l'étude des crédits du ministère de la Justice.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de
Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président, j'ai écouté avec
beaucoup d'intérêt les remarques préliminaires du
cela fait deux fois que je manque de faire le lapsus "premier ministre"
ministre de la Justice. J'ai été particulièrement heureux
d'entendre le ministre nous parler des résultats concrets de la mise en
application de la Loi de l'aide juridique. J'aurai d'ailleurs,
éventuellement, des questions plus précises, peut-être,
pour le ministre là-dessus et également sur la Loi des petites
créances.
Je me permets, à ce moment-ci, concernant la Loi des petites
créances, de faire une sugges-
tion au ministre, suggestion que nous avions faite, remarquez, au moment
où la loi a été adoptée, c'est-à-dire
d'augmenter à $500 la juridiction des petites créances. Cela va
peut-être faire de la peine à certains de nos collègues du
Barreau, mais je pense, M. le Président, que cette suggestion, que nous
avions faite dans le temps, devient de plus en plus justifiable, maintenant,
avec l'augmentation du coût de la vie, c'est-à-dire que les $300
du moment où nous avons adopté la Loi des petites créances
n'ont sûrement plus la même valeur marchande, si vous voulez,
aujourd'hui, que lorsqu'on a adopté la loi.
Donc, personnellement, je suggérerais au ministre d'envisager la
possibilité d'augmenter cette couverture à $500,
éventuellement.
L'écoute électronique
M. BURNS: J'aurais bien aimé, cependant, M. le Président,
entendre le ministre nous parler de la politique de son ministère
à l'égard de l'écoute électronique. On sait que,
depuis quelque temps, c'est devenu un sujet de discussion assez chaud, quand on
sait que même des avocats ont été l'objet d'écoute
électronique. Je pense, par exemple, à Me Sidney Leithman, de
Montréal, et à Me Maurice Hébert, qui ont découvert
des appareils d'écoute électronique chez eux, c'est-à-dire
dans leur bureau. On se souvient que le ministre de la Justice a admis, en
Chambre, que c'étaient des policiers de la Sûreté du
Québec qui avaient installé ces systèmes d'écoute;
des policiers, en tout cas. Je ne me souviens pas si vous aviez dit de la
Sûreté du Québec ou de la Sûreté
municipale.
A ce moment-là, le ministre nous avait dit qu'une
réglementation ou, si vous voulez, des directives de régie
interne seraient données par son ministère, sans qu'on ait
entendu, depuis, quoi que ce soit à ce sujet. Je me demande si le
ministre en est arrivé à des directives précises
concernant l'écoute électronique. Je me demande si ces directives
ont été données et si elles sont suivies effectivement. Je
pose la question au ministre simplement.
M. CHOQUETTE: Sur cette question, je dois dire que le ministère
de la Justice a pris l'initiative de réunir les principaux corps
policiers qui utilisaient ces techniques d'enquête. Deux types de
décision devaient faire l'objet de ces études et réunions
par le ministère de la Justice, ainsi que les corps de police
intéressés et la Commission de police.
Ces deux types de décision portaient principalement sur ce que
serait la procédure qui s'appliquerait quand le bill C-176 va entrer en
vigueur, parce que ce projet de loi adopté par le Parlement
fédéral doit être proclamé en vigueur le 30 juin
prochain. Et, en vertu du bill C-176, la procédure qui est
indiquée prévoit que, lorsqu'un corps de police ou un agent de la
paix désire utiliser cette technique d'enquête, il doit s'adresser
au ministre de la Justice ou à son représentant et obtenir une
autorisation.
De là, le ministre de la Justice ou son représentant doit
faire une demande à un juge de la cour Supérieure ou d'une autre
cour désignée par le juge en chef de la cour Supérieure,
c'est-à-dire qu'il y a en fait deux étapes de vérification
du bien-fondé de la demande. On sait que la demande doit expliquer que
les autres modes d'enquête sont inefficaces, que l'utilisation de cette
méthode est nécessaire en vue d'élucider la commission
d'un crime. Il y a d'autres dispositions qui décrivent dans quelles
conditions on peut faire appel à cette technique d'enquête.
Donc, nous nous sommes réunis, nous avons fait un travail
très intense quant à déterminer qui représenterait
le ministère de la Justice à l'occasion de l'octroi de ce genre
de permission et quant à la façon de se présenter
auprès des juges qui pourront être désignés par le
juge en chef pour obtenir l'autorisation finale de procéder.
Provisoirement, nous en sommes venus à la conclusion qu'un
certain nombre de cas seront transmis à des représentants, un
pour Montréal et un pour Québec, qui seront
désignés par le ministre de la Justice, mais qu'il y aura un
certain nombre de cas qui devront être réservés à
l'attention personnelle du ministre de la Justice pour qu'il donne son
approbation.
Et je ne veux pas entrer dans plus de détails à ce
moment-ci, parce qu'il y a des cas où, à cause des dangers
implicites à l'utilisation de ces techniques, il me semble qu'il
s'impose que le ministre de la Justice donne son autorisation personnelle.
Après tout, c'est lui qui est responsable à la Chambre et qui est
responsable même en vertu du bill C-176 d'un rapport annuel qu'il doit
faire pour tous les corps de police sous sa juridiction à
l'Assemblée nationale, en vertu du bill C-176.
Donc, nous sommes à peu près fixés, à
l'heure actuelle, sur la procédure interne qui s'appliquera quant
à l'utilisation de ces méthodes. D'autre part, pour ce qui est de
l'utilisation de ces techniques avant que le bill C-176 n'entre en vigueur, je
dois dire, M. le Président, que je suis intervenu personnellement
auprès des principaux directeurs de corps policiers du Québec
pour m'assurer qu'il n'y aurait pas d'abus dans l'utilisation de ces
méthodes. J'en ai parlé, en particulier, avec M. Benoit et avec
M. Daigneault, et de la police de la Communauté urbaine de
Montréal, et je leur ai demandé, à tous les deux, de faire
des vérifications internes pour voir s'il n'y aurait pas d'abus de ce
côté et si on n'avait pas utilisé, autrement que pour des
fins d'enquêtes criminelles, ces méthodes d'enquêtes
policières. Je pense que ces deux chefs de police ont, à la suite
de ma demande, pris des mesures de façon à resserrer les
contrôles à l'intérieur de leurs corps de police
respectifs.
Il faut remarquer que je n'ai pas de pouvoir
légal, à l'heure actuelle, d'intervenir au moins au niveau
de la police de la Communauté urbaine de Montréal, comme des
autres corps de police municipaux. On peut le déplorer; moi-même,
je peux le déplorer, mais je n'ai pas...
M. BURNS: Vous n'avez pas de pouvoir légal, mais vous êtes
une drôle de pression morale auprès des policiers.
M. CHOQUETTE: Oui, je l'admets, je l'admets. C'est en vertu de cela que
j'ai fait ces interventions au niveau de M. Benoit et de M. Daigneault.
Finalement, j'entrevois que, lorsque nous pourrons amender la Loi de
police ou une loi du ministère de la Justice, il nous sera possible de
mettre sur pied un système d'inspection des corps de police, par des
personnes autorisées, pour vérifier les registres d'utilisation
de ces méthodes. Mais ceci va requérir des amendements aux lois
et ce n'était pas une chose que je pouvais faire; évidemment,
l'Assemblée nationale ne siégeait pas depuis plusieurs mois. Mais
c'est mon intention d'avoir un système de vérification ou
d'audition, en somme, des équipements, des registres à
l'intérieur des corps de police pour éviter toute utilisation
intempestive ou même illégale, parce que ce sera illégal de
l'utiliser en dehors des procédures fixées par le bill C-176, une
fois que cette loi sera proclamée en vigueur.
M. BURNS: Maintenant, est-ce que le ministre a donné ou a
l'intention de donner des directives précises dans le cas de certains
professionnels...
M. CHOQUETTE: Oui, je les ai données, M. le Président.
M. BURNS: ... prohibant, effectivement l'écoute
électronique des avocats ou des médecins ou des...?
M. CHOQUETTE: Non, je n'ai pas donné de directives de prohiber,
mais j'ai dit à M. Benoit et à M. Daigneault, comme je l'avais
dit au mois de décembre, je pense, au député de
Maisonneuve, que, lorsqu'il s'agissait d'enquêtes sur des juges, des
avocats ou encore des hauts fonctionnaires du gouvernement ou de
l'administration publique...
M. BURNS: Ou des députés?
M. CHOQUETTE: ... ou des hommes politiques, j'exigeais qu'on demande mon
autorisation personnelle. J'ai donné ces instructions, même en
vertu du pouvoir moral que j'avais, dont le député de Maisonneuve
a parlé tout à l'heure, à M. Daigneault, et en vertu du
pouvoir légal, je pense, que j'ai vis-à-vis de M.
Benoît.
Le rapport que j'ai avec M. Benoît est nettement différent
de celui que j'ai avec M.
Daigneault et, lui, il est soumis au conseil de
sécurité.
M. BURNS: Mais vous n'avez pas donné de directives prohibant tel
genre de procédés.
M. CHOQUETTE: Non, je n'ai pas donné de directives les prohibant,
parce que, à mon sens, il peut se faire que des enquêtes puissent
être nécessaires à un moment donné et il faudrait
examiner la justification de telles enquêtes. Mais à ce
moment-là, j'insiste pour qu'on me demande une autorisation
personnelle.
M. BURNS: Mais est-ce que le ministre ne reconnaît pas que dans le
cas par exemple des avocats, des médecins, surtout, que c'est un viol
direct du secret professionnel que de poser un système d'écoute
électronique?
M. CHOQUETTE: Dans un sens, oui. Mais il ne faut pas, je crois, penser
que le secret professionnel dont bénéficie l'avocat est un
empêchement à toute enquête en rapport avec lui. Vous
comprenez ce que je veux dire?
M. BURNS: Non, si l'avocat lui-même... M. CHOQUETTE: C'est
ça.
M. BURNS: Je comprends ce que le ministre dit.
M. CHOQUETTE: Je veux dire qu'il faut tenir compte du secret
professionnel. Je suis parfaitement d'accord avec vous; mais par contre, ce
n'est pas parce qu'une personne bénéficie du secret
professionnel, que cela empêche toute enquête en rapport avec
elle.
M. BURNS: Non, toute enquête normale auprès d'un tel
professionnel. Je suis entièrement d'accord. Mais ça devient une
enquête parfaitement anormale, à partir du moment où vous
utilisez un système d'écoute électronique pour aller
chercher des renseignements au sujet de tel avocat, au sujet de tel
médecin ou de qui que ce soit. C'est là le point. Dans le fond,
ce qui arrive, c'est qu'à partir du moment où il y a une autre
oreille qui entend ce qui se passe entre le client et l'avocat ou entre le
patient et le médecin, je veux dire que c'est un viol direct du secret
professionnel.
Je ne dis pas qu'il ne faille pas enquêter au sujet des avocats,
au sujet des médecins, ou au sujet d'autres catégories de
professionnels, bien au contraire. Je pense que comme tous, ces professionnels
sont soumis à la loi. S'ils y contreviennent il me semble que le milieu
policier, judiciaire, etc., doit agir à leur égard comme à
l'égard de tout autre citoyen; puis, même peut-être encore
plus durement à leur égard. Ils sont égaux devant la loi,
mais de là à tirer la conclusion qu'on doive se servir
d'écoute électronique pour enquêter auprès de ces
gens-là, je suis entièrement en désaccord avec le
ministre. Je trouve qu'au contraire, le ministre aurait dû donner
des instructions prohibant toute forme d'utilisation d'écoute
électronique auprès des professionnels qui sont eux-mêmes
tenus au secret professionnel. Car, alors, le secret professionnel ne veut plus
rien dire.
Même nos lois, même nos tribunaux reconnaissent le secret
professionnel. Jamais un juge ne va forcer un avocat à venir
témoigner sur des conversations privilégiées qu'il a eues
avec son client. Alors, comment expliquer que la police se situe au-delà
de ça, au-dessus de ça?
M. CHOQUETTE: La police ne se situe pas au-dessus et je voudrais bien
faire comprendre quelque chose au député de Maisonneuve. Prenons
par exemple une enquête du ministère du Revenu, ce n'est pas parce
qu'une personne a des dossiers dans son bureau qui peuvent concerner des
clients, clients qui peuvent avoir un intérêt certain à ce
que le secret professionnel soit préservé, que ceci empêche
une enquête du ministère du Revenu sur des infractions aux lois
fiscales par un avocat.
Alors c'est exactement la même situation. Vous pouvez dire, dans
un certain sens...
M. BURNS: Excusez, je ne comprends pas le ministre, je ne le suis
pas.
M. CHOQUETTE: Mettons, par exemple, qu'il s'agisse pour le
ministère du Revenu de procéder à une enquête sur
les revenus d'un avocat. Il peut très bien se faire qu'au cours de cette
enquête sur les revenus de cet avocat, le ministère du Revenu
aille voir des dossiers, ou des entrées dans les livres de l'avocat au
point de vue des montants reçus ou des revenus de cet avocat-là.
C'est de la même nature.
Le député de Maisonneuve peut très bien dire qu'il
y a, à l'heure actuelle, une prohibition d'enquête sur les avocats
excepté lorsque, pour certaines considérations importantes, je
jugerais nécessaire de donner l'autorisation parce qu'à ce
moment-là il s'agirait d'une enquête sur l'avocat même. Vous
comprenez ce que je veux dire, là?
M. BURNS: Oui.
M. CHOQUETTE: Et pas l'enquête sur ses clients. J'admets qu'il y a
une espèce de chevauchement entre le secret professionnel et, d'un autre
côté, le fait que tout le monde est égal devant la loi. A
un moment donné, il peut être nécessaire de faire des
enquêtes sur tout le monde ou sur des personnes en particulier. C'est
à ce moment-là qu'il va falloir avoir des mécanismes de
contrôle pour éviter que le droit de faire enquête sur des
gens, qu'ils soient avocats, qu'ils soient hommes politiques ou qu'ils aient un
autre titre, ne soit une espèce d'intrusion dans le secret professionnel
ou même dans le secret que tout parti politique ou tout homme politique a
le droit d'avoir quant aux stratégies et aux politiques de son
parti.
Je pense que je suis assez clair avec le député de
Maisonneuve. Il s'agit de concilier deux droits, deux valeurs importantes:
celle du secret professionnel, celle des partis politiques d'oeuvrer, disons,
dans un système démocratique et d'avoir des stratégies et
des politiques qui ne font pas l'objet d'enquêtes pour la police comme
telle. Mais, d'un autre côté, il ne faut pas empêcher que la
justice puisse se déployer et faire enquête, lorsqu'il y a lieu,
sur la commission d'infractions ou de crimes.
M. BURNS: Je comprends très bien le ministre et je suis convaincu
que le ministre me comprends très bien également. Je ne dis pas
que ces gens-là ne doivent pas faire l'objet d'une enquête sauf
que, lorsque le ministre dit cela, il faut automatiquement une équation
entre enquête et écoute électronique. Le ministre sait fort
bien qu'il y a bien d'autres moyens d'enquête, entre autres la filature
et tout ce que vous voulez. Je n'ai pas à donner de leçon au
ministre là-dessus, je pense qu'il les connaît mieux que moi, les
moyens d'enquête. Mais je dis que ce moyen d'enquête ne devrait pas
être utilisé dans le cas de gens qui sont tenus au secret
professionnel parce qu'à ce moment-là, vraiment, il n'y a plus
rien qui tienne.
M. CHOQUETTE: Alors, vous iriez même plus loin que le bill C-176
parce que, si le législateur fédéral avait voulu cela, il
aurait inscrit que c'était un crime que de faire une enquête au
sujet d'un avocat.
M. BURNS: II l'aurait fait, sûrement. M. CHOQUETTE: II ne l'a pas
marqué.
M. BURNS: Je n'ai aucun contrôle de cette loi-là et vous
non plus, M. le ministre.
Il reste quand même qu'on peut faire une chose, ici, à
l'intérieur de notre juridiction, c'est de savoir comment l'utiliser, ce
moyen.
M. CHOQUETTE: Exactement. Et la précaution que j'ai prise c'est
justement de dire que, dans le cas de certaines personnes, dont les avocats, il
fallait une autorisation personnelle de ma part. Il est évident que je
n'utiliserai pas ma discrétion pour faire des enquêtes sur des
avocats dans les rapports qu'ils peuvent avoir avec leurs clients, mais cette
technique ne serait utilisée, si elle devait être utilisée
avec mon consentement, que pour faire des enquêtes sur un avocat à
l'égard duquel il y aurait un crime sur lequel porterait une
enquête.
M. BURNS: En tout cas...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, si vous me permettez, étant
donné qu'on doit libérer cette salle pour midi, je me demande
s'il ne serait pas maintenant temps d'ajourner.
La commission ajourne ses travaux à demain, 10 heures dans cette
même salle.
(Fin de la séance à 11 h 56)