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Commission permanente de la justice
Projet de loi no 78 Loi concernant le louage des
choses
Projet de loi no 79 Loi du tribunal des loyers
Séance du 7 juin 1973
(Neuf heures trente-six minutes)
M. BLANK (président de la commission permanente de la justice): A
l'ordre, messieurs! La parole est à M. Champagne.
Chambre de Commerce de la province de
Québec
M. CHAMPAGNE: Cela nous fait plaisir de revenir, ce matin, devant les
membres de la commission afin d'exposer la fin de notre mémoire que nous
présentons au sujet des bills 78 et 79.
Nous voulions seulement conclure en disant, sur l'aspect des clauses
escalatrices, qu'il serait bien important de penser que les locataires veulent
avoir des baux de plus d'un an pour pouvoir aménager leur logement et
être sûrs qu'ils ne seront pas délogés l'année
suivante à cause d'augmentations des coûts des services et des
autres coûts. C'est pourquoi notre recommandation est à l'effet
que les baux de plus d'un an puissent être pourvus d'une clause
escalatrice permettant justement aux locataires de bénéficier
d'une stabilité pendant un an et d'être augmentés,
majorés seulement pour les deux autres années des coûts
réels des taxes.
C'est dans ce sens-là que la chambre de commerce fait une
représentation sur les clauses escalatrices. Je ne voudrais pas citer
les paroles du ministre, mais on rapporte que le ministre aurait reconnu le
principe d'amendement pour permettre l'inclusion de clauses escalatrices.
M. CHOQUETTE: Me Champagne, le compte rendu du Devoir, sur cette
question-là, est quelque peu tendancieux, parce que ce n'est pas
vraiment ce que j'ai dit hier. J'ai dit que nous introduirions sans doute
certaines dispositions au sujet des clauses escalatrices. Je n'ai pas dit que
j'abondais dans le sens de votre suggestion à l'effet que,
légalement, d'une certaine façon, nous introduisions le principe
de l'augmentation automatique des baux par suite de l'accroissement des taxes
municipales et foncières. Je voudrais être bien clair sur
ça.
Evidemment, j'admets que la phrase qui se trouve dans le Devoir est
assez laconique et qu'on n'en dit pas plus qu'il ne faut sur cette question.
Par contre, j'ai vu d'autres comptes rendus dans les journaux, en particulier
dans le Journal de Québec et le Journal de Montréal, où on
me parait expliquer plus clairement ma pensée sur le sujet.
Je ne dis pas cela parce que je trouve que le journaliste du Devoir a
vraiment mal rapporté ce que j'ai dit. Mais je trouve qu'il n'en a
peut-être pas assez dit pour vraiment expliquer comment je m'étais
exprimé sur cette question. Voici une chose qui m'est venue à
l'esprit en pensant à ces questions de clauses escalatrices. Qu'est-ce
que vous faites des cas de réduction de taxes foncières?
M. CHAMPAGNE: Des réductions de taxes foncières devraient
justement entraîner des réductions du coût du loyer, parce
que nous avons demandé, et nous le répétons aujourd'hui,
que, dans le loyer, on fasse la distinction pour prendre un beau terme,
la dichotomie entre le prix qui est payé au propriétaire
pour ses services, c'est-à-dire l'immeuble et la jouissance des lieux,
et le prix des taxes foncières et municipales. Dans le montant, disons,
de $150, vous auriez, par exemple, identifié $100 pour le loyer, plus
$40 de taxes.
Le propriétaire continuerait à être l'agent
collecteur parce qu'il est un agent collecteur pour la
municipalité et la commission scolaire, du montant supérieur. Je
pense bien que la chambre de commerce est d'accord que, si on reconnaît
le principe de l'augmentation automatique à la fin d'une année
pour les baux, on l'est également pour que, s'il y a une diminution, ce
soit diminué au cours de l'année. On est d'accord sur cela.
M. CHOQUETTE: Oui. Evidemment, ce n'est pas arrivé souvent qu'il
y ait eu des réductions de taxes foncières, parce qu'il peut y
avoir des réductions de taxes scolaires, à un moment
donné, et la taxe foncière municipale augmente, par contre.
M. CHAMPAGNE: L'évaluation, surtout, augmente.
M. CHOQUETTE: II y a l'augmentation du taux d'évaluation.
M. CHAMPAGNE: Je vous soulignerais, M. le ministre, qu'on n'est pas dans
une époque où il y a une tendance à diminuer les taxes. On
a des tendances à les stabiliser.
M. CHOQUETTE: Oui, mais je dois dire que nous essayons de faire tout ce
que nous pouvons pour les empêcher d'augmenter.
M.CHAMPAGNE: M. le Président, dans cette même optique, nous
voulons seulement souligner que l'article 1664 n), qui stipule les
critères qui seront utilisés par le commissaire ou le tribunal
sont peut-être un peu vagues, permettant l'établissement d'une
jurisprudence qui sera peut-être très variable, étant
donné que les critères sont larges.
Nous demandons, à l'article 1664 n), que le critère des
coûts des taxes municipales et scolaires soit inclus et obligatoire par
rapport à la décision du commissaire. On voudrait que le
commissaire, à l'article 1664 n), soit obligé de
tenir compte du montant des taxes et de ne pas discuter ce montant en
disant: On les accorde, on ne les accorde pas.
M. MORIN: M. le Président, cet article demanderait
peut-être une précision additionnelle quant à la
répartition parce qu'en fait, si on demande qu'il n'y ait pas de
question posée sur l'augmentation des taxes, il peut quand même y
en avoir une sur la répartition. Il faudrait prévoir une
répartition, soit par la valeur locative...
M. CHOQUETTE: Dans l'article 1664 n), 6., vous avez vos taxes
municipales et scolaires.
M. MORIN: C'est "tout autre facteur..." M. CHOQUETTE: Objectif. M.
MORIN: "...objectif".
M. CHOQUETTE: ..."susceptible de concourir à la
détermination d'un loyer raisonnable".
M. MORIN: Là-dessus, M. le ministre, il y a une chose assez
importante qu'on aimerait ramener. C'est que le projet de loi, s'il
était adopté tel qu'il est, va quand même faire
jurisprudence. A toutes fins pratiques, il rend caduques la grande
majorité des décisions qui ont pu être rendues
jusqu'à maintenant, dans le cas des loyers, tant à la cour
Provinciale qu'ailleurs.
Il serait bon que le législateur, à la fois pour la
protection du locataire et du locateur, précise dans ce cas-ci ses
intentions le mieux possible, de façon que l'interprétation qui
puisse en être donnée par la cour...
M. CHOQUETTE: Si on se met à faire des
énumérations, qu'est-ce qu'on va mettre? On va mettre le
coût de l'huile à chauffage et des combustibles, le prix de la
main-d'oeuvre pour faire des réparations. On va faire une
énumération de ce genre.
M. MORIN : Ce n'est pas dans ce sens-là qu'on en parle. On parle
non pas tellement de cet article que du projet de loi en général.
Il faudrait, de façon à éviter des jugements trop
disparates, que l'intention du législateur soit bien saisie par la
cour.
M. CHOQUETTE: D'autre part, le ministre responsable des autoroutes, qui
est assis à ma droite, attire mon attention sur le cas de taxes
spéciales. Prenez par exemple des taxes d'amélioration
locale.
M. MORIN: Ce sont des taxes foncières, M. le ministre.
M. CHOQUETTE: Est-ce qu'on va mettre ça sur le dos des
locataires?
M. MORIN: Mais elles le sont.
M. CHAMPAGNE: Elles le sont déjà.
M. MORIN: C'est peut-être justement de ça qu'il faudrait
que le locataire soit conscient, c'est qu'il les paie ces taxes. Actuellement
c'est inclus dans le loyer. Le propriétaire se donne souvent une
excuse;quand il y a une augmentation de taxe de 10 p.c, il augmente les loyers
de 10 p.c. Je suis d'accord avec vous, c'est injuste.
On aimerait justement faire ce partage.
M. CHAMPAGNE: D'ailleurs, M. le ministre, vous demandez : Est-ce que ce
sont les locataires qui devraient payer les taxes spéciales? Je me
permets de vous dire que le propriétaire est seulement un agent
percepteur des taxes et des services que la communauté se donne.
Ou bien on veut dire que le propriétaire prend dans ses profits
les augmentations de taxes spéciales, ou bien on veut dire que le
locataire supporte les taxes que la municipalité veut charger.
M.TREMBLAY (Bourassa): Vous savez comme moi qu'il y a des
municipalités qui chargent aux locataires des taxes sur les loisirs. Il
y a des taxes de locataires qui ne sont pas chargées aux
propriétaires. Il y a des taxes sur les loisirs. Vous savez comme moi
qu'il y a des villes qui vont donner des loisirs supplémentaires; ces
gens, c'est normal qu'ils aient une taxe supplémentaire. Mais c'est
assez difficile dans un texte de loi de préciser. Moi je ne suis pas
avocat, mais je vois ici "évaluation municipale de l'immeuble";
ça joue deux jeux ça. Si l'évaluation est haute, le
montant est plus bas. Ds ne peuvent pas dépasser une certaine borne, il
faut bien s'entendre là-dessus. Cela joue sur un tel montant.
Non, prenez à Laval, quand il y a eu fusion, les taxes ont
été hautes pendant trois ans.
Maintenant, prenez toutes les villes aux alentours; c'est au même
niveau, à peu près, à un dollar près. Je pense
qu'on va être d'accord là-dessus. Je pense qu'il y en a un de vous
deux qui demeure à Laval. Moi, je demeure à Montréal-Nord,
et je paie plus cher que vous de taxes.
M. CHAMPAGNE: Vous avez une plus grosse maison.
M. TREMBLAY (Bourassa): Non, non, je n'ai pas une maison meilleure que
la vôtre. Je veux dire que c'est assez difficile dans un texte de loi,
d'après moi, de dire: On peut arriver juste dans telle ou telle
taxe.
M. CHAMPAGNE: Non, monsieur.
M. TREMBLAY (Bourassa): C'est impossible. Vous avez donné hier
l'exemple de trois
immeubles. Je garantis d'avance que, dans ces trois immeubles, les gars
qui ont investi de l'argent ne l'ont pas investi au plus haut pour être
sûrs d'entrer dans leur argent. Ecoutez, il ne faut pas qu'on se raconte
trop d'histoires. Je veux bien croire que vous défendez votre but, mais
nous aussi avons quelque chose à défendre.
M. CHAMPAGNE: On ne défend pas un but.
M. TREMBLAY (Bourassa): Vous parlez du gars qui a un duplex ou un
triplex. Lui, je trouve qu'il est pas mal plus dans le trouble que vous ou que
le gars qui en a 150, si ses logements se vident.
M. CHAMPAGNE: On est bien conscient de ça, M. le ministre.
M. TREMBLAY (Bourassa): Le gars qui a 150 logements, si c'est
loué à 65 p.c, vous le savez comme moi, est heureux.
M.CHAMPAGNE: II y en a qui ont le bonheur plus haut que ça.
M. TREMBLAY (Bourassa): 80 p.c. UNE VOIX: 90 p.c.
M. TREMBLAY (Bourassa): On peut dire 80 p.c., parce qu'il y en a qui
louent à 80 p.c, à l'heure actuelle, et ils sont heureux.
M.CHAMPAGNE: M. le Président, on ne voudrait pas prolonger la
discussion: on sait que vous avez des experts qui doivent venir après.
Vous avez d'autres groupes à entendre. Ce qu'on demande au ministre,
c'est de considérer l'opportunité d'inclure la clause escalatrice
pour les baux de plus d'un an et de regarder les possibilités de rendre
obligatoire l'augmentation des taxes. C'est ce que nous demandons, M. le
ministre et M. le Président. Je pense bien qu'on peut passer au prochain
article, parce qu'on prendrait plus de temps et on ne veut pas prendre le temps
de la commission qui est si précieux.
A l'article 14, on dit: "La chambre désire, de plus, souligner
son appui à l'article 1650 du projet de loi 78, prévoyant une
fluctuation de loyer pour une période de cinq ans". Vous avez
déjà annoncé, je crois, M. le ministre que la
période de cinq ans pour les immeubles neufs serait maintenue. Est-ce
l'intention du législateur de changer cela? Je vois que le ministre fait
signe que la période de cinq ans va être maintenue. Alors, c'est
cette argumentation que nous voulions faire. Nous en sommes très
heureux.
M. MORIN: Nous avons aussi pensé à quelques dispositions
additionnelles à inclure au projet de loi. "Surtout dans
l'éventualité d'un désaccord entre les parties à un
bail, les dispositions du projet de loi 79 devraient permettre l'arbitrage
global des griefs dans un immeuble ou dans un complexe immobilier,
réduisant ainsi les occasions qu'un locateur ait à
comparaître de nombreuses fois pour faire état d'une situation
semblable de cas en cas". M. le Président, je me souviens qu'hier matin,
justement, M. le ministre faisait allusion au cas de l'île des Soeurs.
Nous aimerions voir ça se fait dans la pratique cela
consigné dans le texte de loi le permettant. Nous sommes conscients que
ça crée ainsi un précédent, que ça ouvre
peut-être tout le dossier des actions collectives, mais nous croyons que
ce serait opportun de le faire.
Deuxièmement, la convocation de tous les locataires habitant un
même immeuble ou complexe immobilier pour l'audition d'une plainte
portée par l'une des parties à un bail lors d'un désaccord
sur la fixation du loyer. Et troisièmement, la décision
arrêtée suite à l'intervention de l'Etat devrait être
en vigueur pour une période d'au moins douze mois après sa
publication.
Finalement et c'est une recommandation que nous avions faite lors
de notre dernière présentation le déplacement du
commissaire ou des membres du Tribunal des loyers vers les justiciables
plutôt que le déplacement des justiciables vers les instances
administratives.
M. PAUL: Voulez-vous préciser davantage ce point-là.
M. MORIN : Justement dans un cas où il y a un complexe
immobilier, comme l'île des Soeurs ou certains autres complexes
immobiliers, qui regroupe un grand nombre de locataires, de parties en cause,
que la cour puisse se déplacer soit en utilisant des locaux tout
près ou même dans l'édifice même, souvent ces
édifices sont munis de salles communautaires, pour y faire l'audition de
la cause plutôt que de déplacer tous les locataires pour
l'audition d'une cause.
Nous aimerions que le projet de loi ou que le bill 79 le permette. Et,
il appartiendrait au lieutenant-gouverneur en conseil d'établir les
frais et dépens payables devant le tribunal. La Chambre souhaite que
soit adoptée à cet égard une échelle de tarifs du
même type que celle en vigueur actuellement pour la cour des petites
créances. Une telle mesure assurerait toute la population d'une
meilleure accessibilité au service de conciliation et d'arbitrage
prévu par le projet de loi.
Encore hier matin, M. le ministre, vous mentionniez... Je ne suis pas
avocat, mais il y a un principe qui veut que des frais soient assignés
à celui qui perd la cause, enfin, mais...
M. CHOQUETTE: Dans une cause de fixation de loyer, il n'y a pas de
frais.
M. MORIN: Dans une cause d'appel?
M.CHOQUETTE: Ni, non plus, une cause en appel.
M.MORIN: Ni l'un ni l'autre?
M. CHOQUETTE: II n'y a aucuns frais devant la Régie des loyers
actuelle.
M. PAUL: Sauf pour celui ou une des parties qui veut amener des
témoins. Cette partie-là paie elle-même ses propres
témoins. Ce n'est pas une taxe.
M. CHOQUETTE: Et son avocat. M. PAUL: C'est ça, et son
avocat.
M.CHAMPAGNE: M. le Président, je veux simplement mentionner
qu'à l'article 31 du bill 79 on dit que le lieutenant-gouverneur en
conseil peut, par règlement, établir des tarifs de frais et
dépense payables dans toute affaire devant le tribunal. Que ces tarifs
soient les plus bas pour permettre l'accessibilité, parce qu'on ne sait
pas exactement le règlement étant donné que les lois sont
faites souvent avec des termes généraux, c'est difficile pour
nous de définir d'avance l'intention du législateur.
C'état dans ce sens...
M. CHOQUETTE: Très bien.
M. MORIN: Et les services techniques. Maintenant, la Chambre provinciale
est heureuse de constater le désir du législateur de créer
un service technique d'appoint au tribunal.
Nous espérons que ce service, dans ses travaux, tiendra compte
des différentes conditions socio-économiques qui prévalent
dans les diverses régions du Québec et ainsi conservera la plus
grande équité possible au bénéfice tant du
locataire que du locateur. Nous aimerions souligner ici un deuxième
point qui, je crois, a été soulevé hier: M. le ministre
aurait laissé entendre que le tribunal des loyers serait une cour
spécialisée de la cour Provinciale.
Nous ne pouvons que nous féliciter d'une telle initiative. Nous
aimerions la voir d'abord naître et surtout peut-être la voir
élargie à d'autres aspects de la cour tant Provinciale que
Supérieure. Il faudrait appliquer ce même concept plutôt que
de laisser proliférer les tribunaux quasi judiciaires ou les tribunaux
administratifs multiples qui existent actuellement au Québec. Sur cela,
je voudrais vous dire que vous avez notre entier appui afin de pouvoir
peut-être même modifier un peu la nature de la cour dans ce
sens-là en y ajoutant aussi, dans certains cas, des services techniques
ou des services d'appoint pour faciliter la compréhension du tribunal et
surtout sa bonne administration.
M.CHAMPAGNE: Dans l'article 1613 du projet de loi 78, on permet la
sous-location au locataire et le propriétaire ne peut refuser sans motif
raisonnable. Nous nous demandons si cette nouvelle disposition permettra une
grande mobilité puisque le locataire deviendra presque un petit
propriétaire étant donné que les motifs valables devront
être très sérieux pour empêcher le locateur de
refuser. On se demande un peu si ce n'est pas trop large comme autorisation
étant donné qu'auparavant il y avait quand même un certain
choix de la part du locateur face à ses locataires. Mais, maintenant le
sous-locateur choisit ses propres locataires et, à moins d'un motif
valable, le locateur ne peut pas refuser.
L'autre point de vue, c'est à l'article 1665. Le locataire qui a
consenti librement une entente avec un locateur et qui dispose de plus d'une
grande latitude quant à la sous-location tel que nous l'avons
mentionné précédemment de son logement et au
recours en cas de lésion, article 1664 a), peut mettre
unilatéralement un terme à son bail sur un avis de trois mois
pour la simple raison qu'il va jouir d'un logement subventionné par le
gouvernement ou ses organismes. Cette mesure nous parait tout simplement
injuste à l'endroit des locateurs. Nous avons
répété, lors de la première session de la
commission, lorsque nous sommes venus, qu'il était injuste de permettre
ce bris de contrat uniquement dans le cas où la personne va habiter un
HLM. Au contraire, on aimerait bien mieux que la sous-location qui est
déjà prévue soit appliquée, qu'il trouve
lui-même son locataire et il entrera dans le HLM quand il aura fini son
terme de bail ou quand il aura trouvé une sous-location. Actuellement,
c'est accorder un privilège spécifique à des gens qui ont
une subvention pour vivre dans un appartement; on n'est pas contre, on est
contre le fait qu'il puisse briser son contrat ou son bail pour s'en aller dans
un logement subventionné. Je ne sais pas quelle est l'attitude du
législateur sur ce point de vue mais on trouve un peu difficile
d'accepter alors qu'on permet une si grande facilité de sous-location
dans les articles précédents.
M. MORIN: M. le Président, est-ce qu'on a bien compris
l'intention du législateur dans le paragraphe 17? Est-ce qu'une fois
qu'une sous-location a été acceptée par le locateur, le
propriétaire, le locataire original est entièrement relevé
de toutes...
M.CHOQUETTE: II demeure responsable jusqu'à la fin du bail.
M. MORIN : II demeure responsable?
M. CHOQUETTE: Alors il y a deux responsables.
M. MORIN : II y a deux responsables. Merci.
M.CHAMPAGNE: M. le Président, on va poursuivre. Etant
donné l'article 1665, nous
espérons que le ministre qui a à voir à
l'application et à l'adoption de cette loi retiendra que la faveur que
la personne a de vivre dans un HLM ne devrait pas être une chose ou une
situation pour pénaliser celui qui loue déjà le
logement.
L'article 1665. En plus de créer des difficultés au
locataire qui devient sous-locateur, ses dispositions voulant que le locateur
ne puisse exiger la remise d'un chèque ou autre effet que pour le
paiement du dernier loyer contrevient à une pratique usuelle qui offre
des avantages certains aux deux parties. D'ailleurs, cette disposition nous
semble superflue surtout du fait qu'il est devenu de pratique assez courante
que, sur simple autorisation du locateur, le locateur puisse maintenant par des
moyens électroniques se faire payer son loyer sans que chèques ou
effets ne changent de main par une autorisation bancaire.
Dans l'article 1639, la chambre provinciale est d'avis que, bien qu'il
soit normal que le locataire puisse entreprendre des réparations
urgentes, il serait imprudent de permettre les réparations
nécessaires. Ce dernier qualificatif offre trop de latitude à
l'interprétation et pourrait donner suite à un trop grand nombre
de litiges inutiles. Nous sommes d'accord sur les réparations dites
urgentes, mais les réparations nécessaires, cela veut dire bien
des choses.
Dans le cas des délais, vous avez déjà
mentionné M. le ministre, que c'était trois mois d'avis. Alors
nous ne reviendrons pas sur cet article.
A l'article suivant, 1664 e), c'est la même chose. Le
législateur, dans les délais, M. le Président,
présentement à l'étude, bénéficierait
beaucoup de certaines modifications dans les délais qui y sont
prévus. La chambre a déjà exprimé le voeu, et le
réitère encore une fois, que le tribunal soit astreint à
des délais fixes pour faire connaître ses décisions
à la suite d'une audition. Une telle mesure apporterait une plus grande
efficacité à ses travaux et serait plus juste à l'endroit
des causes ou des parties en cause. Nous savons que c'est difficile de
déduire un délai d'une semaine ou deux semaines, mais il y aurait
peut-être un moyen de prévoir que le délai soit assez
raisonnable ou bien ce sera la pratique du juge ou du responsable, le
commissaire en chef, qui imposera des délais à ses personnes qui
travaillent pour lui. Comme on sait que ce sera un groupe de gens nouveaux,
plus spécialisés dans le domaine, on s'imagine que ce sera plus
facile d'appliquer ces délais.
L'article 1657 pour sa part prévoit l'obligation pour le locateur
de donner un préavis de 24 heures avant de pénétrer et de
visiter un logement loué. Cette disposition devrait être
modifiée, assouplie, de façon que l'obligation n'existe que si le
locateur et le locataire n'ont pu s'entendre avant. C'est une prévision,
c'est difficile de faire visiter un logement quand les gens viennent la
veille.
Mais peut-être que cela a un certain avantage, celui
d'éviter les visites inutiles chez les locataires, pour rien et sans
avertissement.
Là-dessus, j'aimerais seulement ajouter une chose avant que mon
collègue conclue. C'est qu'il ne faudrait jamais oublier que le
législateur, en adoptant les deux projets de loi, veut, quand
même, favoriser une conciliation entre deux parties: d'une part, le
locateur et, d'autre part, le locataire.
Si le commissaire ou le tribunal émet un jugement
catégorique, comme cela se fait dans les cours judiciaires actuellement,
il y a une différence: dans les cours judiciaires, les parties ne se
revoient pas après, tandis que, dans un loyer, on se revoit le lendemain
matin et on se parle parce qu'on est dans le même édifice. C'est
là que cela devient difficile. C'est là que cela prend une grande
souplesse de la part de ceux qui administrent la loi, pour que ce soit
plutôt une conciliation entre les deux.
Nous disons que si les gens vont devant le commissaire parce qu'ils ont
un problème, le commissaire devrait être un grand conciliateur et
dire: Ecoutez, vous avez cela, vous demandez cela, est-ce que vous ne pouvez
pas vous arranger? Tout en reconnaissant le bien-fondé des taxes
municipales et scolaires ou les augmentations d'assurances, dans les
augmentations de profits, là, le commissaire devrait dire: Vous allez un
peu loin M. le propriétaire et, M. le locataire, vous n'allez pas assez
loin. Essayez de faire un compromis. Je pense qu'actuellement le bill 280
montre que les compromis, c'est cela qu'il est bien important de faire;
autrement, c'est très difficile pour les gens de vivre avec les deux
projets de loi.
Alors, mon collègue va conclure.
M. MORIN: En conclusion, M. le Président, nous aimerions,
à la suite des interventions d'hier, souligner aussi notre appui
à la création, en fait, d'un tribunal spécialisé de
la cour Provinciale pour s'occuper des causes de loyer, ainsi que de la
rédaction, en fait, des dispositions qui seraient publiées sur un
bail type.
Nous aimerions que le projet de loi, s'il doit être
rédigé à nouveau ou s'il doit être amené pour
une prochaine lecture, puisse, effectivement, faire part de beaucoup de
clarté dans son texte, de façon que l'interprétation ne
soit pas cause de litiges et surtout de jugements disparates rendus dans
différentes parties de la province.
La chambre reconnaît et accepte d'emblée la
nécessité d'une loi permanente favorisant de meilleurs rapports
entre les locataires et locateurs. Les projets de loi 78 et 79 lui paraissent,
sur ce plan, à la fois efficaces, réalistes et empreints d'une
recherche d'équité et de justice, ou en maintenant un sain
équilibre entre l'intervention nécessaire de l'Etat et le
contrôle administratif indu. Les recommandations et les observations de
la Chambre tendent vers ce même objectif.
M. CHOQUETTE: Merci beaucoup, messieurs.
M. MORIN: Merci, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Blank): Merci. Maintenant, nous entendrons
l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec, Me
Raynald Savage.
Avant, est-ce qu'on voudrait accepter les changements dans la formation
de la commission? M. Cournoyer est remplacé par M. Ostiguy: M. Hardy est
remplacé par M. Pearson.
M. PAUL: Ne parlez pas trop, M. le Président, vous allez parler
des absents!
Association des constructeurs d'habitations du
Québec
M. SAVAGE: M. le Président, M. le ministre de la Justice,
messieurs les parlementaires, mon nom est Raynald Savage. Je suis conseiller
juridique de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du
Québec. Ce matin, je suis accompagné des messieurs Roussin,
à l'extrême gauche, Plamondon, Asselin, Bédard qui sont
soit constructeurs, soit administrateurs de logements allant de 400 à
1,200 unités. On peut sûrement les considérer comme des
experts en la matière. Si des questions leur sont adressées, ils
seront sûrement aptes à vous répondre.
Concernant notre mémoire, nous n'avons pas élaboré
de commentaires sur la philosophie du projet de loi. Nous nous sommes
plutôt attardés à étudier les questions relatives
à chacun des articles qui nous concernaient. Si vous me permettez, je
vais commencer, à la page 2, par l'étude de l'article 1613, qui
concerne la sous-location.
Cet article est d'une portée assez libérale, en ce qu'il
oblige, finalement, le locateur à ne pas refuser la sous-location ou la
cession de bail sans motif raisonnable. On demanderait que l'article
prévoie quand même que, pour qu'il y ait sous-location ou cession
de bail, il y ait autorisation écrite du locateur.
Evidemment, la question de ne pas refuser sans motif raisonnable,
même si on s'y oppose, je pense bien qu'on serait plutôt
rétrograde de ce côté. Cependant, il faudrait quand
même permettre une situation qui existe actuellement, concernant le
locataire qui veut quitter son logement ou qui veut demander la sous-location
ou la cession de bail. Il y a quand même une disposition, actuellement,
dans le bail, qui prévoit que ledit locataire peut quitter pour autant
qu'il paie trois mois de loyer ou qu'il paie un mois de loyer, si le
propriétaire a déjà trouvé un nouveau
locataire.
Dans le cas de la deuxième solution, c'est-à-dire dans le
cas où le locataire paie un mois de loyer, cela permet, au locateur, si
le nouveau locataire entre, de faire les changements, soit rafraîchir les
murs,. peinturer l'appartement en question ou nettoyer le tapis, etc. Cela
enlève évidemment la charge à l'autre locataire. Dans la
rédaction, ici, vous empêchez, finalement, qu'il y ait des
dispositions contraires à cet article.
Ce qu'on voudrait, nous, ce n'est pas une disposition contraire mais
c'est quand même de permettre d'étendre la pratique courante
actuellement. Prenons, par exemple, le cas du joueur des Nordiques de
Québec, qui est échangé à Houston; il est
appelé à quitter son logement immédiatement. Il y a
peut-être intérêt, pourlui, à payer un mois
de loyer supplémentaire et à quitter. Cela le décharge de
toute obligation.
Si vous laissez le sous-locataire responsable de son loyer, il reste
qu'à Houston vous allez avoir certains problèmes pour aller
percevoir le loyer.
M. CHOQUETTE: II n'y a rien qui empêche les parties, au moment
où la sous-location se pose, de faire un accord à l'effet que le
locataire va donner au sous-locataire une indemnité de tant de mois de
loyer et qu'ils vont dire: Le bail est terminé.
M. SAVAGE: Cela n'empêche pas ça.
M. CHOQUETTE: Pas du tout, d'aucune façon.
M. SAVAGE: D'accord.
M. PAUL: Un nouveau bail peut intervenir.
M. SAVAGE: Parfait. L'article 1629 et l'article 1630 portent sur la
jouissance de la part des colocataires. Je pense bien que c'est un article qui
répond à la tendance jurisprudentielle existant actuellement. On
est d'accord là-dessus, sauf que c'est quand même une disposition
qui est très libérale, en ce sens qu'il y a des locataires qui
sont fûtés et qui peuvent s'arroger cette disposition pour
critiquer ou pour demander des dommages à tout bout de champ et pour
n'importe quelle raison.
Il y aurait peut-être lieu de préciser exactement ce en
quoi consiste le trouble qui est mentionné ici. Notre crainte à
nous, dans ce cas-ci, c'est que le locataire, qui est troublé, tente de
demander des dommages sous n'importe quel prétexte. D'accord, hier, vous
mentionniez le cas où le type joue du piano à trois heures du
matin.
M. CHOQUETTE: Ce serait pire, par exemple, si c'était du trombone
ou de la trompette.
M. SAVAGE: On a eu des cas qui sont peut-être encore plus
intéressants que la trompette ou le trombone, mais ce sont des
cas...
M. CHOQUETTE: Pour définir trouble, il faudrait
énumérer tous les instruments de musique et les classer par
catégorie. Celui qui joue de la flûte, c'est moins pire.
M. SAVAGE: A quoi voulez-vous en venir par le mot trouble? Est-ce que
ça porte strictement sur les questions du bruit?
M. CHOQUETTE: Le bruit est sûrement un facteur important.
M. PAUL: C'est une forme de pollution, d'après le ministre des
Affaires municipales.
M. CHOQUETTE: Je crois qu'il a raison. Aujourd'hui, on le note moins
à Québec et peut-être dans les petites villes, mais,
à Montréal, avec la circulation et tout ce qui se passe, il y a
des endroits qui sont vraiment bruyants.
LE PRESIDENT (M. Blank): Vous ne parlez pas de Louiseville?
M. CHOQUETTE: Je ne parle pas de Louise-ville.
M. SAVAGE: Aujourd'hui, on a tendance à avoir des immeubles, des
conciergeries, comme on les appelle, de plus de 25 ou 30 logements. Il serait
peut-être bon qu'il y ait plus d'une plainte; il faudrait qu'il y ait une
plainte de deux ou trois locataires environnants, au lieu que ce soit toujours
le même qui se plaigne. La dame qui est dans l'appartement 304 se plaint
toujours du gars qui est dans l'appartement 305 parce que ça la
dérange ou parce que sa face ne lui revient pas.
M. CHOQUETTE: Ce n'est pas une affaire qu'on passe au vote, le
trouble.
M. SAVAGE: Je comprends entièrement ce que vous voulez dire.
M. CHOQUETTE: C'est une question de fait. Si vous avez une vieille bonne
femme frustrée et coriace, qui se plaint constamment pour rien, c'est
évident que le trouble dont elle se plaint n'est pas réel, n'est
pas fondé. Il est largement dans son imagination.
M. SAVAGE: II faudrait aussi qu'il y ait plus d'une plainte. D'accord,
ce ne serait pas nécessairement une plainte de plusieurs locataires,
mais plus d'une plainte du même locataire. C'est peut-être une
question à apprécier par le tribunal à ce moment, qui est
peut-être difficile à déterminer dans le texte de loi.
Notre crainte, c'est que ce soit une disposition un peut trop
libérale.
M. CHOQUETTE: II y a certaines coutumes qui se sont instaurées.
Je pense bien que les cours, dans leur appréciation des situations
diverses qui peuvent se présenter devant elles, en tiendraient compte.
Par exemple, je ne sais pas si c'est aussi catégorique que ça
des gens qui sont plus experts que moi pourraient le dire sans doute
on a le droit de faire un "party" le samedi soir et d'aller
jusqu'à telle heure. On ne pourrait pas dire que c'est une cause de
trouble, quelqu'un qui en fait un une fois par mois...
M. SAVAGE: Une tradition.
M. CHOQUETTE: ... jusqu'à une heure du matin. Mais s'il le fait
tous les jours, par exemple, ça commence à être...
M. SAVAGE: II y a une tradition dans le Québec où on dit
qu'on a droit à trois "parties" par année. Je ne sais pas si
c'est exact.
M. PAUL: De plus en plus, il y en a qui ne sont pas en "party" trois
jours par année.
M. SAVAGE: C'est simplement une crainte qu'on a ici à l'effet que
ce soit exceptionnel comme disposition. A tout événement, je
pense bien qu'il reste au tribunal à être conscient des
situations.
Quant à l'article 1638, qui abrogerait l'article 1629 du code
civil quant à la présomption de responsabilité au cas
d'incendie dans les lieux loués, on est entièrement d'accord avec
la formulation que vous avez apportée ici, à l'effet qu'il
appartiendrait au locateur de prouver que l'incendie survenu dans l'immeuble
est la responsabilité du locataire.
Je pense que la situation économique a évolué, les
temps ont changé et je pense bien que l'article 1629, il est bon qu'il
soit abrogé et remplacé par l'article 1638.
C'est ça, c'est simplement le fardeau de la preuve qui
appartiendra dorénavant au propriétaire. On est d'accord
là-dessus.
M. PAUL: Une présomption.
M. SAVAGE: Exact, on est d'accord.
L'article 1639: Disons qu'ici, on est loin d'être d'accord sur la
formulation de l'article sur la question des réparations urgentes et
nécessaires. D'abord, sur la question de tenter d'informer,
"après avoir informé ou tenté d'informer le locateur". Je
pense bien que c'est totalement illogique, la formulation de cette disposition,
parce que la question de tenter d'informer peut porter à plusieurs
causes de litige. Ce qu'on demanderait, c'est qu'il y ait véritablement
information et de donner suite à la suggestion qui vous a
été faite hier à l'intérieur d'un mémoire
je crois que c'est celui du comité des locataires du centre-ville
il y avait une disposition à l'effet qu'on exigerait sur le bail
le nom du propriétaire avec son numéro de téléphone
et son adresse ou le nom et le numéro de téléphone de son
mandataire ou du préposé du bailleur ou du locateur. Je pense
bien que cette disposition est véritablement bonne et qu'elle obligerait
le locataire en question à s'informer et à obtenir l'autorisation
de cette personne en autorité.
Ensuite, sur la question... Est-ce que le
ministre de la Justice est d'accord sur la suggestion qu'on vient de
formuler?
M.CHOQUETTE: En fait, dans le bail, que les deux indiquent leur adresse
pour des communications officielles entre eux.
M. SAVAGE: Oui, mais disons...
M.CHOQUETTE: L'idée me parait bonne, ça évite des
ambiguïtés.
M. SAVAGE: Cette idée est formulée. Disons qu'on est
d'accord avec les locataires justement pour contrer la formulation que vous
avez inscrite dans votre article 1639, "tenter d'informer". On n'est pas
d'accord du tout sur la question de "tenter d'informer". On veut qu'il y ait
réellement une information.
M. CHOQUETTE: Oui, oui.
M. SAVAGE: Les indications du bail permettraient qu'il y ait
information, dans ce cas.
M.CHOQUETTE: Je pense que si nous avions une adresse indiquée au
bail pour les communications officielles entre propriétaire et
locataire, vos critiques à l'égard de l'article 1639 perdraient
pas mal de leur mordant.
M.SAVAGE: Vous voudriez dire que "tenter d'informer" à ce
moment-là...
M. CHOQUETTE: Bien oui, parce qu'il faudrait qu'il tente d'informer les
personnes aux adresses ou à l'endroit qui...
M. SAVAGE: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de l'indiquer ou simplement
d'enlever le "tenter d'informer"?
M. CHOQUETTE: C'est-à-dire qu'on va voir s'il faut faire des
changements à l'article 1639 ou ailleurs dans le projet de loi, de
façon qu'il soit bien clair que les communications s'établissent
à certains endroits spécifiques.
M. SAVAGE: D'accord. Avant de compléter mes critiques à
l'égard de l'article 1639, j'aimerais demander des précisions
quant à l'article 1647, c'est-à-dire quant à savoir ce que
signifie le lieu d'habitation où on dit avec accessoires et
dépendances. Est-ce que vous avez idée de ce que peut inclure
cette notion d'accessoires et dépendances? Est-ce que ça
signifie... On est d'accord pour dire le stationnement. Je pense bien que vous
considérez le stationnement comme un accessoire à ce
moment-ci?
M. CHOQUETTE: Oui.
M. SAVAGE: Est-ce que vous considérez que les lieux
communautaires, les lieux communs peuvent être des accessoires et
dépen- dances, c'est-à-dire la piscine, le bain sauna, le
carré de sable pour les enfants?
M. CHOQUETTE : Je ne dirais pas ça. Je vous donne un avis
personnel...
M. SAVAGE: Mais le stationnement, pour vous, c'est un accessoire et
dépendance?
M.CHOQUETTE: Bien, accessoires et dépendances, ça veut
dire par exemple les remises, disons un carré dans la cave qui est
affecté pour y mettre des effets personnels, le remisage.
C'est-à-dire qu'on transpose dans les circonstances modernes, au fond,
des notions qui étaient assez anciennes et vieillottes, telles que, par
exemple... Si autrefois un cultivateur louait une maison, il y avait des
accessoires et dépendances, c'est-à-dire il pouvait y avoir des
remises, des petits bâtiments attenants, des terrains qui faisaient
partie de l'ensemble de ce qui était loué.
Alors, aujourd'hui, on est rendu à louer peut-être des
locaux dans des grandes maisons d'habitation. Au fond, on transpose ces notions
juridiques aux circonstances modernes.
M. SAVAGE: Est-ce que le privilège du locateur s'étendrait
aussi à l'automobile, parce que l'automobile serait un meuble meublant?
Il y a eu une jurisprudence, je ne la connais pas, je ne m'en souviens
plus.
M. CHOQUETTE: Cela ne peut pas être un meuble meublant parce que
ce n'est pas une chose, comment pourrais-je dire, qui meuble et qui est sur les
lieux d'une façon habituelle. L'automobile, de par sa nature même,
est faite pour se déplacer. Alors, moi, je ne pense pas que...
M. SAVAGE: Oui, mais il reste que si le loyer s'applique au local
d'habitation et que le local d'habitation contient un stationnement...
M.CHOQUETTE: Ce n'est pas destiné à garnir les lieux, ce
qui est le propre des meubles.
M.PAUL: II y a aussi cette situation qui existe: pour que vous ayez un
meuble meublant, il faut que ce soit placé par le propriétaire.
Aujourd'hui, il y a beaucoup de propriétaires apparents de
véhicules automobiles, parce qu'en réalité c'est la
finance qui en est le véritable propriétaire, tant et aussi
longtemps que les paiements de finance n'ont pas été
complétés.
M. CHOQUETTE: On ne peut vraiment pas dire qu'une automobile, c'est un
meuble. Ecoutez ! Pensez-y deux fois.
M.SAVAGE: Non, mais...
M. PAUL: C'est-à-dire que c'est un meuble, mais pas un meuble
meublant. C'est un meuble.
M. CHOQUETTE: C'est ça.oui.
M. SAVAGE: Alors pour revenir à 1639, le problème porte
sur la réparation urgente et nécessaire. Que signifie
"réparation urgente et nécessaire"? Je pense bien qu'il y aurait
lieu ici de limiter cette question-là d'urgence et de
nécessité. Pour telle personne, urgence et
nécessité peuvent signifier que la poignée de la douche
est brisée; pour telle autre, que le carreau est endommagé. Je
pense bien qu'il faudrait s'en tenir à des choses bien précises
comme l'arrêt du système de chauffage ou le...
M. CHOQUETTE: Bien oui, mais je vais revenir à des choses que
j'ai dites fréquemment. Il y a des endroits, il y a des situations,
où on ne peut pas procéder par énumération.
M. SAVAGE: Je ne suis pas d'accord avec vous sur cette question. Je
pense bien qu'il y aurait lieu de préciser et d'énumérer
certaines choses.
M. CHOQUETTE: Mais les notions d'urgence et nécessité ont
été élaborées par la jurisprudence depuis des
siècles.
M. SAVAGE: Cela a varié de quoi à quoi? D'une
extrême à l'autre.
M. CHOQUETTE: C'est toute une question de jugement dans chaque
circonstance particulière. La loi ne peut pas se substituer au jugement
ordinaire des gens. Elle ne doit pas, et si elle essaie de le faire, elle fait
fausse route. Urgence et nécessité : Le système de
chauffage qui arrête de fonctionner en plein hiver, vous ne trouvez pas
que c'est urgent et nécessaire?
M. SAVAGE: Je suis entièrement d'accord.
M. CHOQUETTE: Bien, c'est clair comme de l'eau de roche.
M. SAVAGE : Cela peut être clair pour vous.
M. CHOQUETTE: Durant l'été, ça ne le sera pas. Au
mois de juillet, on ne pourra pas dire que c'est urgent et
nécessaire.
M. SAVAGE: Est-ce qu'une défectuosité de la piscine est
une urgence et une nécessité?
UNE VOIX : Pour quelqu'un qui est obligé de se baigner tous les
jours.
M. PAUL : Cela dépend si la piscine est intérieure ou
extérieure, encore là.
M. SAVAGE: Disons qu'elle est intérieure, le sauna est
intérieur. S'il y a une panne de l'électricité?
M. CHOQUETTE: Oui c'est commun.
M. SAVAGE: C'est commun, on est d'accord. Mais il reste que le type qui
a loué le local dans l'immeuble en question, il l'a loué parce
qu'il y avait un sauna et une piscine.
M. CHOQUETTE: Oui, je comprends, mais ce n'est pas parce qu'on a des
droits qu'on a nécessairement le droit de les exécuter
instan-ter, instantanément. Tout est une question d'appréciation.
Vous me parlez d'une piscine, j'admets qu'il est peut-être convenu dans
le bail que c'est un des services fournis par le propriétaire, mais je
ne pourrais pas dire vraiment que c'est urgent et nécessaire. Par
contre, si l'eau arrête et que le locataire ne peut pas se laver, bien
là ça devient urgent et nécessaire.
M. SAVAGE: Pourquoi ne pas spécifier dans la loi les
problèmes de plomberie, chauffage et électricité?
M. CHOQUETTE: Cela peut être d'autres choses. Je vous donnerai un
exemple: la porte d'entrée. Après tout, la porte est là
pour protéger le locataire contre les intrus. Supposons que les pentures
se brisent et que le locataire soit obligé de sortir pour aller
travailler. Il peut considérer que c'est urgent et nécessaire de
procéder aux réparations. Alors...
LE PRESIDENT (M. Blank): A mon avis, je vous donne une opinion, on
donnait l'exemple du chauffage en hiver ou l'exemple du sauna. Le
problème n'est pas dans les mots urgent et nécessaire, mais si on
n'agit pas "en temps utile". A 1639, le chauffage en hiver "en temps utile",
c'est quelques heures. Le sauna en temps utile, peut-être une semaine,
deux semaines...
M. SAVAGE: C'est ça. On entend sauna, je voudrais savoir si vous
considérez que le sauna est un article du local d'habitation, et si
c'est un article sur lequel le locataire peut réclamer urgence et
nécessité, peut-il effectuer lui-même des
réparations? Là je serais loin d'être d'accord. Sur le
système de chauffage, ça va...
LE PRESIDENT (M. Blank): A mon opinion, il peut, ça devient
urgent et nécessaire si le propriétaire ne le répare pas
en temps utile. C'est "temps utile" qui est la base de l'affaire.
Comme je l'ai dit, le chauffage en temps utile, c'est quelques heures,
mais le sauna en temps utile, ça peut être une semaine ou
deux.
M. SAVAGE: D'accord, une semaine ou deux mais, si le locateur n'effectue
pas la réparation, vous permettriez au locataire, en ce cas-là,
de l'effectuer?
LE PRESIDENT (M. Blank): A mon avis, si le sauna, pour lequel on paie,
n'est pas réparé en deux semaines, je conseillerais à mon
client de le faire.
M.SAVAGE: Je ne suis pas d'accord; il y aurait peut-être lieu de
limiter l'urgence et la nécessité au local d'habitation qu'occupe
le locataire et non pas de permettre au locataire d'effectuer des
réparations urgentes et nécessaires qui, d'après lui,
s'appliquent aux lieux communautaires ou communs.
M. CHOQUETTE: N'oubliez pas que vous avez un deuxième
alinéa: "Néanmoins, le locateur peut, en tout temps, intervenir
pour continuer les travaux."
M. SAVAGE: Dans le cas du local, je serais d'accord mais, dans le cas de
lieux communs, je ne serais pas d'accord. Qu'il y ait urgence et
nécessité de chauffage, d'électricité pour le local
que j'occupe en tant que locataire, ça me va, mais qu'il y ait urgence
et nécessité pour des lieux communs, ça ne va pas.
M. CHOQUETTE: Mettons, par exemple, le système de chauffage dans
un immense building de 150 logements...
LE PRESIDENT (M. Blank): La porte du garage commun.
M. CHOQUETTE: ... ou la porte du garage commun des locataires ou
l'ascenseur dans une conciergerie de 20 ou 25 étages.
M. SAVAGE: C'est un cas bien typique.
M.PLAMONDON: Si la porte du garage intérieur, par exemple, bloque
à sept heures et demie le matin, le type qui doit se rendre à son
ouvrage à huit heures, pour gagner sa vie, doit-il prendre le
téléphone et appeler le premier gars du bord pour faire
réparer la porte?
LE PRESIDENT (M. Blank): Je pense qu'il peut attendre au moins une
journée.
M. PLAMONDON: Ce sont ces choses-là qui font que le
propriétaire se pose des questions à savoir si n'importe quel
locataire va prendre la liberté d'appeler n'importe qui pour faire
n'importe quelle réparation.
LE PRESIDENT (M. Blank): Mais, monsieur, il doit
téléphoner au propriétaire avant. Si le
propriétaire dit : Je n'ai pas affaire à cela, je vais faire cela
demain ou dans deux semaines, lui, il a le droit de le faire
immédiatement. Mais si le propriétaire dit: Oui, je vais m'en
occuper immédiatement, je vais téléphoner à mon
entrepreneur, qui va la réparer, c'est une autre histoire.
M. SAVAGE: II y a nécessité d'information.
LE PRESIDENT (M. Blank): II y a nécessité d'informer le
propriétaire avant d'agir.
M. SAVAGE: Et non pas de tenter d'informer.
M. PLAMONDON: Non pas de tenter d'informer.
M. CHOQUETTE: Mais si le propriétaire n'était pas
là; mettons que le propriétaire est parti en voyage.
M. SAVAGE: Mais il y aura toujours quelqu'un de responsable, on l'a
prévu.
M. BEDARD: Ce qui arrive c'est que les gens vont
téléphoner et, si le téléphone est engagé,
ils vont dire: On a tenté d'informer et le téléphone
était engagé.
M. SAVAGE: A tout événement, on vous souligne nos
problèmes. Encore sur l'article 1639, le dernier alinéa, on
prévoit que dans tous les cas le locateur doit rembourser au locataire
les dépenses raisonnables ainsi encourues. On se demande s'il n'y aurait
pas lieu, au lieu de "dans tous les cas", qu'il y ait une disposition qui
prévoit: Les cas où le tribunal juge que la réparation
urgente et nécessaire incombe ou incombait au locateur. Il y a
peut-être des cas justement, si vous conservez votre "tenter d'informer"
où, pour le type pour lui, il y avait urgence et
nécessité.
M. CHOQUETTE: Cela va de soi, monsieur, il me semble.
M. SAVAGE: Ce n'est pas cela qu'on dit tout à fait dans
l'article. On dit "dans tous les cas"; ce sera dans les cas où le
tribunal détermine que la responsabilité incombait au
locateur.
M. CHOQUETTE: II faut lire l'article dans son ensemble. Le
troisième alinéa est soumis à ce qui
précède.
M. SAVAGE: Ce n'est pas tout à fait la portée qu'on peut
lui donner.
M. CHOQUETTE: Certainement, c'est la portée. Ecoutez, le
troisième alinéa est soumis aux deux alinéas qui
précèdent dans le même article. Il faut que le locataire,
avant de procéder aux réparations, informe ou tente d'informer;
il faut que le propriétaire n'agisse pas en temps utile; il faut que les
réparations soient urgentes et nécessaires pour la conservation
et l'usage. En plus de cela, vous avez une autre réserve, le
propriétaire peut intervenir si, à un moment donné, il
voit que le locataire procède. Finalement, après tout cela, si le
locataire a satisfait à toutes ces conditions, il peut recouvrer le
montant de ce qu'il a dû débourser.
M. PAUL: En dernier ressort, il y a toujours le tribunal.
M. CHOQUETTE: A part cela, au fond, tout cela est soumis à
l'autorité du tribunal.
M. PAUL: C'est cela.
M. SAVAGE: Est-ce que vous voulez dire qu'ici, à cet article, il
faudra automatiquement qu'il y ait une référence ou qu'il y ait
une interprétation de fournie par le tribunal?
M. CHOQUETTE : Automatiquement, non. En effet, si le propriétaire
était en voyage et que son locataire, devant des circonstances où
il n'a pas pu le rejoindre, a dû procéder à des
réparations urgentes et nécessaires, le propriétaire,
quand il revient de voyage, peut très bien dire: Merci, M. le locataire,
d'avoir sauvé ma propriété d'un désastre. Combien
cela vous a-t-il coûté? Je suis content de vous payer. Cela n'a
pas besoin d'aller devant le tribunal.
M. SAVAGE: Mais, si cela va devant le tribunal, il restera au tribunal
à apprécier s'il y avait urgence.
M. CHOQUETTE: C'est évident.
M. SAVAGE: C'est évident? Cela peut l'être pour vous, mais
si on lit l'article, il n'y a peut-être pas évidence aussi
grande.
L'article 1647 ça va; on en a discuté.
L'article 1650. D'après les commentaires que vous avez
formulés lors des autres auditions en commission parlementaire, je pense
bien que la question des 5 ans, c'est admis. D n'y aura pas à revenir
sur cette question. Il y aurait simplement une question d'interprétation
de ce que peut signifier la fin des travaux. Je pense qu'il appartient à
vos légistes de déterminer ce que ça peut être
à ce moment.
L'article 1651 contient des dispositions relatives à la personne
qui va aller louer dans un local financé par la Société
d'habitation du Québec. Je pense que c'est illogique, en fin de compte,
d'admettre ce principe, parce que le texte de loi, de la façon dont il
est rédigé, vise quand même à favoriser les
locataires. Or, vous enlevez le droit aux locataires, qui vont aller habiter
dans les locaux financés par la Société d'habitation, de
bénéficier des dispositions de 1664 a) à 1664 u). Je
prendrai comme exemple le type qui va habiter un local de la
Société d'habitation et qui reçoit un avis à
l'effet que son bail ne sera pas renouvelé au mois de mai. Vous ne lui
offrez même pas la possibilité de s'opposer à ça,
alors qu'aux autres locataires des locaux d'habitation privés, vous
offrez l'opportunité de s'opposer soit à l'augmentation, soit
à un avis de quitter les lieux, etc. Je pense bien qu'il y aurait lieu
d'assujettir tout le monde à toute la loi ou de ne pas en faire une
disposition spécifique pour cet article. On trouve simple- ment que vous
brimez aussi le droit du locataire ici. C'est une interprétation; ce
sera à vous de juger si elle est valable ou non.
Quant à nous, ce sont surtout les articles 1652 et 1653 qui ont
une importance primordiale. Qu'à l'article 1652 les dispositions de la
présente sous-section soient d'ordre public, on est loin d'être
d'accord. On comprend mal que vous assujettissiez les locateurs et les
locataires à toutes les dispositions qui sont ici et qu'elles soient
d'ordre public, c'est-à-dire qu'ils ne puissent en aucune façon
les modifier sans l'accord préalable du tribunal. Il y a vraiment des
dispositions qui peuvent être d'ordre public-, il y en a d'autres qui
n'ont vraiment pas nécessité de l'être. Si on prend la
question des délais, il n'y a vraiment pas nécessité,
à mon point de vue, que ce soit d'ordre public. Je pense bien qu'il y a
lieu de laisser aux locataires et aux locateurs la possibilité de
négocier entre eux.
M. CHOQUETTE : Nous voulons arriver à un bail type.
M. SAVAGE : On comprend cela.
M. CHOQUETTE: On veut clarifier les relations entre propriétaires
et locataires pour qu'elles soient bien précisées. Si on permet
toutes sortes de dérogations aux articles, on ne peut pas avoir de bail
type; c'est aussi simple que ça.
M. SAVAGE: C'est que vous allez, quand même, à l'encontre
des tendances commerciales, des tendances économiques. A force de
vouloir favoriser telles personnes ou tel groupe, les locataires ou les
propriétaires, vous les brimez en fin de compte aussi. Il y a
peut-être des choses que les gens aimeraient faire et que vous ne leur
permettez pas de faire.
M. CHOQUETTE : On ne favorise pas; on protège les locataires et,
en même temps, on ne fait pas de tort indu aux propriétaires.
Deuxièmement, on clarifie leurs relations sur le plan juridique. On
établit avec plus de netteté, plus de clarté quel est le
droit qui s'applique entre eux. On contribue à l'ordre dans la
société. C'est cela qu'on fait. On essaie, évidemment, de
faire un projet de loi qui soit conforme aux usages actuels, aux besoins
actuels, sans aucun doute. C'est vrai qu'on limite la liberté de
contracter, je l'admets parfaitement avec vous, mais cette limitation de la
liberté de contracter est faite au nom d'un impératif social;
établir avec plus de clarté les relations entre les deux.
M. SAVAGE: Il faudrait peut-être penser qu'on est en 1973. Je
pense qu'il faudrait laisser une certaine liberté aux gens de
contracter.
M. CHOQUETTE: On leur laisse la liberté de contracter, mais on
connaît trop le genre de
contrat qui se passe entre propriétaires et locataires.
M. SAVAGE: D'accord.
M. CHOQUETTE: Vous savez comme moi que les formules sont écrites
d'avance avec toutes sortes de clauses faites à l'avantage des
propriétaires. Je ne dis pas qu'ils en abusent toujours, d'ailleurs,
remarquez bien. Les contrats se passent comme ça et le locataire est
plutôt passif dans la négociation de tels contrats.
Alors, ici, le législateur dit: Devant cette situation de
passivité des locataires, on va établir un contrat type. C'est
celui-là qui va prévaloir en toutes circonstances.
M. SAVAGE: Qu'il y ait des dispositions d'ordre public, on est bien
d'accord. Mais que ce soient toutes des dispositions d'ordre public, c'est
là-dessus qu'on en a.
M. CHOQUETTE: Elles ne le sont pas toutes.
M. SAVAGE: Bien, elles ne le sont pas toutes! Il y a toujours lieu de
les modifier avec le consentement du tribunal. Vous vous imaginez que c'est
assez onéreux et assez ardu de commencer à vouloir modifier une
disposition, de commencer à passer à la cour, au commissaire aux
loyers, etc., alors que les parties peuvent très bien s'entendre entre
elles pour les modifier de consentement.
M. CHOQUETTE: Je n'ai rien à ajouter, monsieur.
M. SAVAGE: D'accord. Moi non plus, d'ailleurs. Alors ce qu'on
prévoit, c'est qu'on s'oppose catégoriquement à cette
disposition et on vous demande de prévoir une disposition où il y
aurait des domaines considérés d'ordre public et où il y
aurait d'autres domaines qui ne le seraient pas.
M. CHOQUETTE: C'est ça qu'on a fait.
M. SAVAGE: Bien, c'est ce que vous prétendez. Moi, ce n'est pas
tout à fait ce que je pense.
M. CHOQUETTE: Ah oui!
M. SAVAGE: A l'article 1653, encore là, la question de pouvoir
administrer une preuve testimoniale pour contredire les termes d'un
écrit. Vous allez me dire que cela relève de la prolongation de
la Loi de la protection du consommateur.
M. CHOQUETTE: Oui. M. SAVAGE: Bon.
M. CHOQUETTE: Mais là, je vous dirais, monsieur,... Enfin,
exposez vos arguments, j'admets qu'il y a du pour et du contre sur cet
article.
M. SAVAGE: II reste que c'est beau la Loi de la protection du
consommateur. C'est sûrement une bonne chose. Mais il faudrait
peut-être en venir, à un moment donné, à
considérer le propriétaire autrement qu'un vendeur
itinérant. Il y a quand même des relations
propriétaires-locataires qui sont importantes. Pour la protection que
vous voulez accorder aux locataires, on est d'accord. Il reste qu'administrer
une preuve testimoniale, vous pouvez vous attendre à du charriage de la
part de certains locataires qui sont pas mal futés. Nous autres, nous
craignons terriblement cette question. Il reste que Me Jacoby, lors de
l'audition à la commission parlementaire, le 2 ou le 3 mai, avait
répondu à Me Demers, de la Chambre des notaires, qu'il
considérait plutôt le contrat qui intervient entre locataires et
locateurs, comme un contrat d'adhésion, en ce sens que les gens,
lorsqu'ils contractent, ne portent pas attention aux termes de leurs
contrats.
Je crois bien que c'est quasiment faire injure, en fin de compte,
à la population. Si on a un contrat, il reste que les gens sont tenus...
Moi, quand je signe quelque chose, il me semble que je le lis auparavant. Si je
ne le lis pas, c'est bien malheureux, mais je me suis engagé. Quand vous
achetez une automobile, vous avez lu le contrat avant de l'acheter. Quand vous
achetez des meubles, vous lisez les conditions du contrat. Si vous ne les lisez
pas... On est en 1973, M. le ministre, il y a quand même des limites.
Administrer une preuve testimoniale, vous vous imaginez ce que cela peut
signifier?
M. CHOQUETTE: Monsieur, tous les jours, les gens signent des contrats et
des documents sans lire ce qu'il y a dedans. Cela se fait tous les jours.
Moi-même, vous ne pouvez pas savoir le nombre de documents que je signe
sans les lire.
M. SAVAGE: Ah bon!
M. CHOQUETTE: Si j'étais obligé de lire tout ce qui arrive
sur mon bureau,...
M. SAVAGE: Cela vous amène à répondre à des
questions embêtantes de la part des journalistes, non?
M. CHOQUETTE: Non, non. J'admets qu'il y a des secteurs où je
lis.
M.SAVAGE: Ah bon!
M. CHOQUETTE: Dans le quotidien, je signe tous les jours des piles de
documents sans regarder ce qu'il y a dedans. Je ne suis pas une exception.
M. BEDARD: Vous êtes responsable de votre signature.
M. CHOQUETTE: Pardon?
M. BEDARD: Vous êtes responsable quand même de la
signature.
M. CHOQUETTE: Certainement. C'est parce...
M. BEDARD: Alors...
M. CHOQUETTE: ... que j'ai des fonctionnaires à qui je fais
confiance.
M. BEDARD: Justement, pourquoi le locataire ne le lirait pas? En se
rendant responsable de sa signature...
M. CHOQUETTE: Mais, monsieur, quand vous regardez les baux avec le
"small print", comme on dit, pensez-vous qu'un locataire va s'astreindre
à lire jusqu'à la clause 26, les paragraphes à peu
près épais comme ça? Il n'y en a pas un qui lit
ça.
M. BEDARD: Non, mais vous dites que vous faites un bail type, il s'agit
de l'imprimer en gros caractères.
M. CHOQUETTE: Oui, oui. M. BEDARD: Le locataire là.
M. CHOQUETTE: Oui, monsieur, je tiens à vous dire qu'il y aura un
caractère obligatoire dans le bail type.
M. BEDARD: Bon, d'accord.
M. SAVAGE: Comme dans la Loi de la protection du consommateur. Mais ici,
c'est quand même...
M. CHOQUETTE: Pour la question de contredire les termes d'un
écrit valablement fait, nous y pensons et nous
réfléchissons à sa portée.
M. SAVAGE: II reste qu'ici, vous allez quand même plus loin que
dans la Loi de la protection du consommateur.
M. CHOQUETTE: Oui.
M. SAVAGE: Vous la dépassez parce que la Loi de la protection du
consommateur permettait au consommateur de contredire l'écrit, pour
autant que la Loi de la protection du consommateur n'était pas
respectée, alors qu'ici, vous allez au-delà de ça. Disons
que c'est mon point de vue. Je ne sais pas ce que vous en pensez.
Mais, je pense bien que les termes, ici, dépassent le cadre de la
Loi de la protection du consommateur.
M. CHOQUETTE: Très bien. En délibéré.
M. SAVAGE: A l'article 1654, nous voulions simplement savoir ce que le
terme "constaté" pouvait signifier. C'est tout simplement une question
d'information, à savoir si cela pouvait permettre de compléter
l'écrit par une preuve verbale. Tout simplement, quelqu'un nous avait
souligné que le terme "constaté" n'était peut-être
pas le plus approprié à inclure au niveau de cet article.
M. CHOQUETTE: C'est un langage juridique, vous savez...
M. SAVAGE: Oui, je suis d'accord.
M. CHOQUETTE: ... qui échappe à certains.
M.SAVAGE: Les articles 1660 à 1664 traitent des
réparations et des améliorations à être
apportées au local. Si vous lisez l'article 1660, il est quand
même assez vaste dans sa portée. On dit, par exemple, au
début: "Si le locateur n'effectue pas les réparations et
améliorations auxquelles il est tenu par la convention, la loi ou un
règlement municipal concernant la sécurité ou la
salubrité du local..." Il est tenu par la convention, cela va. Tenu par
la loi, vous signifiez ici qu'il est tenu par la loi 78 et la loi 79 ou par la
loi en général? Ensuite, sur la question des règlements
municipaux, il reste quand même qu'il y a des fonctionnaires
attachés à faire respecter les règlements municipaux. Si
c'est la Loi du ministère du Travail, il y a des fonctionnaires
attitrés pour se charger du dossier des plaintes du locataire.
Tandis qu'ici vous permettez au locataire de s'adresser au tribunal pour
faire effectuer les réparations et améliorations au local, s'il
n'y a pas eu respect, par exemple, d'un règlement de salubrité de
la ville de Longueuil. Je pense bien qu'ici vous dépassez le pouvoir
à accorder au tribunal.
M. CHOQUETTE: Mais non; on ne dépasse rien, monsieur, là.
Si, par exemple, un locataire dans l'immeuble de l'avenue Du Parc, où
huit personnes sont mortes dans un incendie on sait, je pense, que le
système d'alarme ne fonctionnait pas dans cet immeuble avait dit:
En vertu des règles de la sécurité, ce système
d'alarme doit fonctionner. Moi, je prends sur moi d'aller faire réparer
ce système d'alarme, ne pensez-vous pas qu'on aurait peut-être
évité que sept ou huit personnes ne meurent?
M. SAVAGE: Le système d'alarme, c'est peut-être un mauvais
exemple. Autrement dit, vous voudriez que le type essaie le système
d'alarme tous les matins?
M. CHOQUETTE: Ecoutez là!
M. SAVAGE: Non, d'accord. Ce qu'on veut dire, ici, c'est que si la
personne qui est locataire, a une plainte à l'effet qu'il manque des
extincteurs chimiques disons qu'ii n'y a pas d'extincteurs chimiques sur
l'étage en question il y a quand même un règlement
municipal ou un règlement du ministère du Travail qui
oblige...
M. CHOQUETTE: Monsieur, vous oubliez que l'application de l'article 1660
est soumise à l'autorité du tribunal. Le locateur est
obligé de...
M. SAVAGE: Mais ce que je veux dire, moi, c'est qu'il doit porter
plainte à qui de droit.
LE PRESIDENT (M. Blank): Quand vous parlez des extincteurs chimiques, la
cour Municipale de Montréal peut seulement imposer une amende au type.
Elle ne peut pas le forcer à en poser. Elle peut lui imposer une amende
chaque jour, mais cela ne règle pas le problème.
M. CHOQUETTE: C'est cela.
LE PRESIDENT (M. Blank): Ici, on peut régler le
problème.
M. SAVAGE: Si moi, comme locataire, je porte plainte à la ville
de Montréal parce qu'il manque des extincteurs chimiques sur
l'étage, vous voulez dire que le fonctionnaire de la ville de
Montréal ne peut pas forcer le locateur à...
M. CHOQUETTE: Non, il ne peut pas le forcer. En vertu de quoi peut-il le
forcer?
M. SAVAGE: Je pensais en vertu du règlement municipal.
M. CHOQUETTE: Bien non. Le règlement municipal expose seulement
le propriétaire à une amende.
M. SAVAGE: Mais le ministère du Travail?
M. CHOQUETTE: II ne peut pas le forcer, non plus. Il ne peut pas prendre
quelqu'un et lui dire: Je vous prends, manu militari, et je vous oblige
à faire telle chose.
M. SAVAGE: Non, non, ce n'est pas cela que je veux dire.
M. CHOQUETTE: II peut le condamner à tant d'amende.
M.SAVAGE: Vous voulez dire qu'il y a seulement une sanction
pénale; il n'y a pas d'obligation.
M. CHOQUETTE: C'est cela.
M. PAUL: C'est cela.
M. ROUSSIN: Excusez, il peut condamner mon immeuble. Si je ne me
conforme pas aux normes du ministère du Travail, il va condamner les
lieux. Si mes escaliers ne sont pas conformes, l'inspecteur du ministère
du Travail va condamner les lieux. Il n'appartient pas à un locataire de
faire effectuer les réparations. Un instant !
M. CHOQUETTE: C'est vrai. C'est vrai qu'il y a des dispositions qui
peuvent condamner les lieux.
M. ROUSSIN: Le ministère du Travail est là pour quelque
chose.
M. CHOQUETTE: Oui, mais le ministère du Travail n'inspecte pas
les locaux d'habitation.
M. ROUSSIN: Excusez, un instant.
M. CHOQUETTE: Pas sous tous les aspects.
M. ROUSSIN: Oui, oui, oui. Si vous voyiez le paquet de lettres ou de
recommandations qu'on reçoit, messieurs, vous verriez cela d'un autre
oeil. Je considère que ces messieurs sont très utiles dans notre
société et font un travail très valable. Ils sont
nécessaires.
Je ne vois pas qu'un locataire puisse prendre sous son initiative...
M. CHOQUETTE: Je ne dénie pas leur utilité, au contraire
je la reconnais. La discussion n'est pas là. Et même s'il existe
certaines possibilités d'action pour le ministère du Travail ou,
à Montréal, certains services municipaux, malgré tout
ça n'enlève pas l'utilité de l'article 1660, qui est
d'ailleurs soumis au tribunal.
Lisez bien: "Pour contraindre le locateur à y procéder
dans un délai déterminé ou à défaut...".
Donc, tout ça se passe sous l'autorité d'une cour. Ce n'est pas
le locataire qui peut de lui-même prendre l'initiative de faire
ça, il faut qu'il s'adresse à la cour et dise: Voici, au point de
vue santé, sécurité ou salubrité, il y a quelque
chose qui ne va pas. Je vous demande de reconnaître...
M. ROUSSIN: Ce n'est pas complètement de même que ça
se dit à l'intérieur des articles.
M. CHOQUETTE: C'est ça que ça dit. Lisez-le bien avec
attention.
M ROUSSIN: Nous, on n'admet pas qu'un locataire puisse prendre sous son
initiative d'aller chez Pascal acheter un extincteur et l'accrocher dans le
passage de l'appartement.
M. CHOQUETTE: Ce n'est pas ça que ça dit. Il peut
s'adresser au tribunal pour contraindre. C'est seulement la cour qui peut
contraindre le
propriétaire. Et là le fardeau de la preuve appartient au
locataire.
M. PAUL : La seule initiative qui appartient au locataire c'est cette
possibilité pour lui de s'adresser au tribunal et non pas
d'exécuter les travaux, aux lieu et place de...
M. SAVAGE: Parce que, dans ce cas, il n'y a pas urgence et
nécessité. S'il y avait urgence et nécessité, il
pourrait.
M. ROUSSIN: Mais si le locataire juge que c'est une urgence et une
nécessité? Une chère madame, si la piscine un matin ne
fonctionne pas, elle considère que c'est une urgence.
M. PAUL : Je comprends, mais ce n'est pas parce que lui l'aura
jugé nécessaire et urgent que ce sera nécessairement une
urgence. Et il paiera les conséquences de son imprudence ou de son
jugement erroné, s'il y a contestation du locateur.
Le tout est toujours soumis au tribunal s'il n'y a pas entente entre les
parties comme le disait tout à l'heure le ministre.
M. SAVAGE: La disposition de l'article 1664a) de 1660 à
1664, ça va on est irrémédiablement contre cette
disposition où vous permettez à un locataire de pouvoir en fin de
compte demander la révision de son loyer dans les deux mois suivant la
signature qu'il a fournie à son locateur.
Vous permettez au locataire d'abuser d'une situation. Si le type a
signé un bail, je pense bien qu'avant de signer il a quand même
effectué le tour du voisinage, il a été voir d'autres
locaux d'habitation. Et quand il a signé c'est parce qu'il était
d'accord pour payer ce montant. Je ne vois pas de quelle façon on peut
lui fournir l'occasion de demander une révision.
Vous allez me dire que ça existe déjà dans la loi
de conciliation locateur-locataire.
M. CHOQUETTE : Si vous restez ici tout à l'heure, vous allez
entendre des experts sur cette question.
M. SAVAGE: Qui vont dire quoi?
M. CHOQUETTE: On va attendre qu'ils nous le disent.
LE PRESIDENT (M. Blank): On ne sait pas ce que les experts vont
dire.
M. SAVAGE: Vous voulez me dire qu'ils vont me dire quoi au sujet de cet
article?
M. CHOQUETTE: Etiez-vous ici hier?
M. SAVAGE: Oui.
M. CHOQUETTE: J'en ai parlé.
M. PAUL : II a été question hier que jamais il ne pourrait
y avoir rétroactivité dans la baisse du loyer qui existait avant
la nouvelle location.
M. SAVAGE: Cela je me rappelle, ça va, il n'y a pas de
problème avec ça. Sauf que moi, la façon dont je
comprends, c'est le type qui a signé à $170, auparavant
c'était à $160, vous voulez me dire qu'il pourrait demander une
révision et le commissaire aux loyers pourrait accorder $160 au nouveau
locataire s'il y a des raisons.
M. CHOQUETTE: Si l'augmentation était tout à fait
légitime et défendable.
M. SAVAGE: II y a quand même tendance de la part des commissaires
aux loyers de trancher la poire en deux.
M. CHOQUETTE: Je pense que dans un cas où un locataire a
volontairement accepté une augmentation, comme vous le dites, ça
prendrait des circonstances de fait assez exceptionnelles, une preuve assez
forte...
M. SAVAGE: Ici.
M. CHOQUETTE: ... pour que le commissaire aille changer l'engagement du
locataire.
M. SAVAGE: Mais ici ce n'est pas le locataire qui accepte
l'augmentation, c'est un nouveau locataire qui conteste le loyer qu'il a
à payer.
M. CHOQUETTE: Mais oui.
M. SAVAGE: II a accepté. Vous achetez une automobile pour $5,000,
comment pouvez-vous avoir deux mois pour réviser le contrat que vous
avez signé?
Dans le cas du vendeur itinérant, vous accordez cinq jours; ici,
vous accordez deux mois.
M. CHOQUETTE: Dans la Loi de la protection du consommateur, il y a un
délai d'un an qui permet à un majeur de soulever la lésion
à l'égard d'un contrat dans lequel il s'est engagé
volontairement. Ici, c'est seulement deux mois. C'est une mesure qui est
nécessaire pour éviter, comme je l'ai dit hier, qu'un
propriétaire emploie toutes sortes de subterfuges pour évincer un
locataire, le remplacer par un nouveau locataire et lui arracher une
augmentation indue. Cette mesure est directement liée à la clause
d'arbitrage des loyers entre propriétaire et locataire qui sont sur les
lieux. Et tout à l'heure, vous allez avoir des explications sur la
portée de cet article. En fait, sûr et certain, c'est qu'un
locataire qui a accepté une augmentation ou qui a accepté un bail
à certaines conditions plus onéreuses que celles de son
prédécesseur dans les lieux, ce locataire va avoir un fardeau de
la preuve assez lourd pour
convaincre un commissaire des loyers qu'il ramène le loyer
à ses proportions antérieures. Vous comprenez? Ce n'est pas une
clause qui ouvre la porte à autant d'abus que vous pouvez le penser.
M. SAVAGE: Peut-être. En tout cas, c'est justement la question des
abus qu'on veut éviter. Le type qui signe un contrat, qui signe un bail,
il me semble que dans votre tradition juridique, il est lié par ce qu'il
a signé.
M. PLAMONDON: Pour donner une exemple de ce qu'on vient de dire, il
s'agit du cas d'un type qui entre au mois de mai dans un immeuble où il
y a des logements de quatre pièces qui sont loués à $175
et qui n'ont pas été majorés, pour une raison ou pour une
autre, sur le même étage; mais on en a un vacant et on veut le
louer à $180 parce que les augmentations... Le nouveau locataire va
payer $180 et il va s'apercevoir au bout d'un mois que ses voisins, pour des
considérations telles que ce sont de bons locataires, on n'a pas de
ménage à faire dans le logement, ne paient que $175...
M. CHOQUETTE: Cette situation n'ouvre pas nécessairement la porte
au recours de ce locataire.
M. PLAMONDON: Les nouveaux législateurs seront probablement plus
avertis que les anciens parce que, selon la Loi de la régie des loyers,
si vous avez un bail qui est loué à $175 sur un étage,
c'est difficile de faire accepter $180 pour un autre. Pour le même
étage, pour le même genre de logement et la même superficie,
on va vous dire: C'est juste pour tout le monde, c'est le même prix pour
tout le monde. La plupart du temps, quand on n'augmente pas un locataire, c'est
pour des considérations et on va donner une augmentation à un
nouveau locataire. Et s'il revient deux mois après et dit: Mon voisin
paie $175, pourquoi je ne paierais pas $175? C'est le problème concret
qui se pose. Si on s'oppose à ça, c'est principalement pour des
raisons dans ce sens.
M. SAVAGE: On imagine aussi qu'un avis devrait être donné,
conformément à l'article de la Loi 79, l'article 23, tant au
locateur qu'au commissaire aux loyers. Oui.
Sur l'article 1664 e), il a été mentionné que ce
serait changé pour trois mois. C'est quand même une disposition
d'ordre public, c'est une disposition sur laquelle les parties pourront
s'entendre pour la modifier après accord avec le tribunal. N'y aurait-il
pas lieu de prévoir plutôt une disposition qui se lirait comme
suit: Sauf disposition contraire prévue au bail, le délai dans
lequel l'avis prévu par les articles 1664 c) et 1664 d) doit être
donné, est d'au moins trois mois? De façon â permettre
quand même au locateur et au locataire de s'entendre sur une disposition
d'avis entre eux, au lieu de passer par l'intermédiaire du tribunal, de
prévoir l'alternative, c'est-à-dire s'il n'y a pas de disposition
prévue au bail, que ce soit la disposition de trois mois qui s'applique.
S'il y a une disposition contraire au bail, ce serait la disposition du bail
qui s'appliquerait.
M. CHOQUETTE: Je note, monsieur.
M. BEDARD: Maintenant, l'avis de trois mois. Si une personne arrive et
dit: Je veuj briser mon bail, je vous donne trois mois d'avis. Par contre, son
bail se termine au 1er janvier, alors quoi?
M. CHOQUETTE: Mais, monsieur, c'est l'avis si, avant la fin du
bail...
M. BEDARD: Avant la fin du bail?
M. CHOQUETTE: Eh oui, cela ne donne pas l'autorisation de briser le bail
en chemin.
M. BEDARD: D'accord.
M. SAVAGE: A l'article 1664 f): "Le locataire qui veut être
maintenu dans les lieux à l'expiration du bail en cours peut former
opposition à l'avis de non-prolongation", on dit que c'est une
disposition qui n'a pas de sens et qui ne se justifie pas dans le cadre de
cette loi actuelle. Dans le cadre de la Loi pour favoriser la conciliation
entre locataires et propriétaires, ça pouvait sûrement se
justifier. Ici, on voudrait permettre une opposition à l'avis de
non-prolongation, mais seulement dans les cas de discrimination raciale, de
sexe, etc., ou de discrimination quant aux enfants, conformément
à 1665, f) et 1665 g).
M. CHOQUETTE: Vous mêlez des choux et des raves. C'est la
règle générale; ça n'a rien à voir avec la
discrimination.
M. SAVAGE: Ici, vous permettez à tout locataire qui reçoit
un avis de non-prolongation de son bail de s'opposer.
M. CHOQUETTE: C'est ça.
M. SAVAGE: On est d'accord pour maintenir cette
disposition-là.
M. CHOQUETTE: C'est la disposition centrale de toute cette
législation. C'est le pivot de toute cette législation.
M. SAVAGE: Bien, c'est la disposition qui continue la Loi pour favoriser
la conciliation entre locataires et propriétaires.
M. CHOQUETTE: Bien oui, c'est ça.
M. SAVAGE: C'est ça sur quoi on n'est pas d'accord.
- M.CHOQUETTE: Bon, alors, vous n'êtes s d'accord.
M. SAVAGE: C'est ce qu'on vous dit. M. CHOQUETTE: Très bien, je
note.
M. SAVAGE: On vous dit qu'on est d'accord qu'il y ait un avis
d'opposition, mais simplement dans le cas de 1665 f) et 1665 g),
c'est-à-dire que le locateur qui veut louer à quelqu'un d'autre
il est question d'empêchement, un peu plus loin, de reprise de
possession par le locateur puisse reprendre son local loué et que
les articles 1664 q), etc., soient abrogés. Vous permettez que le
locateur reprenne son bail s'il veut transformer les lieux, s'il veut louer
à son parent, etc.
LE PRESIDENT (M. Blank): Si le locataire fait une opposition et si le
propriétaire a une bonne raison pour ne pas prolonger le bail, il va
faire sa preuve devant un tribunal. Le tribunal peut l'accorder ou ne pas
l'accorder. C'est seulement une porte d'entrée pour le tribunal. Cette
loi-ci remplace toutes les autres lois; c'est ça qui arrive.
M. SAVAGE: Oui, d'accord. Ce qu'on veut, nous, c'est qu'il n'y ait pas
de restriction au droit du locateur de louer à qui il veut; qu'il soit
astreint, toutefois, à se conformer aux dispositions sur la
discrimination.
LE PRESIDENT (M. Blank): Les articles de discrimination ne sont pas pour
les locataires qui sont déjà là, c'est pour les noveaux
locataires qui veulent entrer.
M. SAVAGE: Cela peut s'appliquer aussi dans un autre cas. Evidemment, la
discriminaqtion, la première année, il va l'éviter; il va
le louer à une personne, à un noir, mais, la seconde
année, il ne voudra pas lui relouer parce que c'est un noir. Le noir
pourra justement dire: II ne me loue pas parce que je suis noir. Il pourra se
servir de l'article sur la discrimination, à ce moment-là.
Disons que notre argument ici, c'est quand même de permettre au
locateur de louer son bien. C'est quand même lui qui est maître de
son bien. C'est à lui le local; il a quand même droit de louer
à qui il veut.
M.CHOQUETTE: Mais voyez-vous, monsieur, c'est justement ça qui
est l'objet de ce projet de loi là, c'est que nous ne reconnaissons pas
l'extension que vous donnez au droit de propriété dans les
conditions actuelles. Nous avons, dans une certaine mesure, réduit la
portée du droit de propriété, par ce projet de loi,
lorsqu'il s'agit de locaux d'habitation. C'est ça la pensée du
législateur, c'est ça qui va passer.
M. SAVAGE: Vous allez vous en tenir à ça? Vous tenez
mordicus à cela?
M. CHOQUETTE: Mordicus, monsieur.
M. SAVAGE: Sur la question des avis, de la forme d'avis, on
recommanderait que ce soit par courrier recommandé. A l'article 1664 j),
vous avez permis qu'il y ait opposition â l'intérieur de certains
délais. Vous semblez admettre que ces dispositions vont demeurer, mais
la disposition de l'article 1664 j) est fortement onéreuse pour le
locateur en ce cas-ci. Le locataire peut, pour motifs graves on ne sait
pas, d'abord, ce que peuvent être les motifs graves former
opposition après l'expiration du délai imparti, pourvu que le
locateur n'en subisse aucun préjudice. Evidemment, avant que cette
situation soit entendue devant le commissaire aux loyers ou devant le tribunal,
il va sûrement s'écouler un certain délai, un délai
qui peut être fort onéreux pour le propriétaire. Celui-ci
peut avoir avisé le locataire en question.
Le locataire n'ayant pas répondu dans les délais impartis,
on a tenu compte à ce moment-là qu'il avait admis soit
l'augmentation du loyer ou soit que son bail ne serait pas prolongé,
qu'il serait prêt à quitter. Le locateur a donc loué
à quelqu'un d'autre.
M. CHOQUETTE : A ce moment-là...
M. SAVAGE: Je suis d'accord qu'il y a un préjudice. C'est
justement ce que je veux vous faire admettre, qu'il y a un préjudice
là, le cas va être entendu quand, devant le commissaire?
M.CHOQUETTE: Rapidement, monsieur.
M. SAVAGE: Oui, rapidement, mais tout de même!
M.CHOQUETTE: Nous avons eu le même problème cette
année lorsque nous avons adopté la loi pour empêcher les
hausses abusives de loyer. La loi a été adoptée au cours
du mois de février mais il y avait pourtant des propriétaires
qui, en janvier, se prévalant de leur droit de louer à de
nouveaux locataires, avaient exercé ce droit. Nous avons reconnu le
droit des propriétaires de déloger, dans ces cas-là, les
locataires parce qu'ils s'étaient engagés en faveur des nouveaux
locataires.
M. SAVAGE: Mais, dans la loi 280, je pense que vous aviez quand
même fixé un délai dans lequel le locataire pouvait former
opposition, justement, sur cette question-là. Si vous accordez
l'opposition, on n'est pas d'accord sur le principe de l'accorder pour tout.
Cependant, si vous tenez à l'accorder, hors du délai imparti,
cela n'a vraiment pas de sens. Le type va
pouvoir prétendre qu'il n'a pas reçu la lettre à
une semaine de la fin de son bail; c'est peut-être le cas extrême
qu'on prend mais qu'est-ce qui advient, à ce moment-là, du
locateur qui a loué son logement et qui, au lieu du 1er mai, va
être entendu le 15 mai? Vous allez me dire qu'il va avoir gain de cause,
je suis bien d'accord, mais durant les quinze jours, qu'est-ce qui va se passer
avec son nouveau locataire? Il va le laisser au motel? C'est surtout ces
cas-là qu'on veut éviter.
M. CHOQUETTE: Monsieur, nous allons prendre vos observations en
considération.
M. SAVAGE : Quant à la question du motif grave, cela peut
être quoi? Vous n'avez pas idée?
LE PRESIDENT (M. Blank): A mon avis, c'est comme quand on fait une
requête pour une révocation de jugement qui doit être
reçue par la cour. Il faut donner des raisons valables pourquoi vous
n'avez pas fait votre comparution et votre défense.
M. SAVAGE: D'accord.
LE PRESIDENT (M. Blank): C'est la même chose ici. Peut-être
avez-vous raison, peut-être que cette requête, pour faire de
l'opposition, doit-elle être entendue immédiatement par le
tribunal, avant que l'opposition soit faite.
M. CHOQUETTE: Prenons un locataire en voyage ou un locataire
hospitalisé qui a reçu l'avis et qui n'aurait pas répondu
dans les 20 jours. S'il arrive le 21e ou le 22e jour et qu'il lui manque un ou
deux jours de délai, est-ce qu'on va lui faire perdre un droit parce que
lui-même peut donner des raisons importantes de son absence?
M. SAVAGE: Là, vous allez me dire, si le locateur a loué,
qu'il y a eu préjudice.
M. CHOQUETTE: C'est évident, à ce moment-là, c'est
évident.
M. SAVAGE: Mais notre crainte est: La cause va être entendue
quand? La décision va être rendue quand? C'est pour cela qu'il y
aurait lieu que tout cela soit fait avant la fin du bail du locataire en
question. A tout événement, on vous souligne le problème,
je pense que vous en êtes conscients. A l'article...
M. CHOQUETTE : Pouvez-vous accélérer, monsieur?
M. SAVAGE: Oui, oui.
M. CHOQUETTE: Vous savez, on a beaucoup de travail devant nous.
M. SAVAGE: Ah oui, ici, à 1664 a), lorsque le tribunal prolonge
le bail du locataire, pour une question d'augmentation de loyer ou pour une
question de non-prolongation. Disons que le tribunal a consenti à une
prolongation; s'il y a eu augmentation de loyer, par exemple, et que le
locataire s'est opposé, on demanderait que le montant de la
différence entre $160 et $175 soit déposé au greffe de la
cour ou aux offres et consignations. Ainsi, si la cour rend une décision
à l'effet que le locateur a raison pour l'augmentation, il pourra
bénéficier du montant immédiatement.
Disons que la décision est rendue deux mois après le
commencement du bail; il pourra retirer l'augmentation immédiatement au
lieu d'avoir à entreprendre d'autres procédures. Lorsque le
commissaire rend la décision, il dit, par exemple: Le locataire devra
payer l'augmentation dans tel délai. Au lieu d'avoir à attendre
ce délai, qu'il puisse avoir l'argent immédiatement.
M. CHOQUETTE : Monsieur, la décision du commissaire est
rétrocative.
M. SAVAGE: Oui, je suis d'accord, sauf que le locateur doit, à ce
moment-là...
M. CHOQUETTE : Que voulez-vous exactement?
M. SAVAGE: Ce qu'on veut...
M.PAUL: La demande de Me Savage est la suivante: Du moment que le
locateur demande une augmentation, que le locataire qui conteste cette demande
soit obligé de déposer au tribunal la différence entre le
nouveau loyer et celui qu'il payait. C'est bien ça?
M. SAVAGE: C'est ça. Si la différence n'est pas
agréée...
M. CHOQUETTE: Le jugement n'est pas rendu à ce
moment-là.
M. SAVAGE: Non, c'est pourquoi on ne veut pas que le montant soit
versé au locateur, on demande que le montant soit versé à
la cour, au greffe de la cour tout simplement. Si le locateur a raison pour les
$15, les $15 il les aura immédiatement; s'il n'a droit qu'à $5,
il recevra $5 et les $10 seront versés au locataire.
M. BEDARD: En réalité, c'est pour éviter au
locataire de débourser peut-être une somme $100 ou $150 d'un coup
en plus de son loyer. Comprenez-vous? En réalité il prend
$15...
M. PAUL: Un montant de $150. Vous laissez entendre que les
décisions du tribunal ne pourraient être rendues que cinq ou six
mois après? Je pense que l'économie de la loi exigera que les
décisions du tribunal soient rendues très rapidement, pour
pallier toutes ces difficultés que vous nous signalez.
M. SAVAGE : Alors notre objection ne rencontre pas d'opposition.
Si véritablement le tribunal rend sa décision rapidement,
il aurait peut-être un seul versement à faire au greffe.
LE PRESIDENT (M. Blank): Pensez aux abus qu'on peut avoir dans ces
affaires. Prenez un petit travailleur dans mon comté qui ne gagne pas
tellement cher, qui paie un loyer de $75 ou $60 par mois, pour une raison ou
pour une autre, le propriétaire n'aime pas ce type, il veut avoir une
augmentation, il lui demande une augmentation de 100 p.c, il exige $150 par
mois. Forcer ce type à déposer $150 ou $75 chaque mois de
plus...
M. SAVAGE: On n'a rien à répondre, c'est
évident...
LE PRESIDENT (M. Blank): II y a des gens qui n'ont pas $75 par mois
à donner.
M. SAVAGE: Je suis d'accord. Je n'ai rien à répondre
â ça, vous prenez le cas extrême.
LE PRESIDENT (M. Blank): Oui, mais le cas extrême, ce sont
ceux-là qui arrivent dans la loi. C'est le principe de la loi.
M. BEDARD: S'il n'est pas capable de le déposer au début
du bail, comment va-t-il être capable de déposer si la
décision est rendue seulement deux mois après.
LE PRESIDENT (M. Blank): Monsieur, qu'on prenne un bail de $75 par mois,
s'il y a une augmentation assurée de $5 ou de $10, cela veut dire
qu'après trois mois il va débourser $30; mais si le
propriétaire lui demande une augmentation de $75, il dit: Je veux avoir
$150 par mois pour ce logement, le locataire doit déposer chaque mois
$75 de plus jusqu'à la date de la décision.
M. SAVAGE: Si le tribunal dit oui, qu'est-ce qui arrive pour les
montants rétroactifs.
LE PRESIDENT (M. Blank): Pour le rétroactif, le tribunal peut
toujours donner des termes, payer cela tant par mois.
M. SAVAGE: C'est cela qu'on veut éviter.
LE PRESIDENT (M. Blank): Mais le locateur a un droit et le locataire
aussi. Actuellement quand il arrive des cas semblables, si vous voyez des
jugements de la Régie des loyers, elle donne toujours un temps pour ces
pauvres gars de payer tant par mois.
M. BEDARD: En somme, le propriétaire ici se trouve
considéré comme une compagnie de finance. On se trouve à
financer le logement d'un locataire, si la décision retarde de trois
mois. Ensuite de cela, ils nous échelonne le loyer pour le reste.
LE PRESIDENT (M. Blank): La situation du propriétaire est moins
grave que celle du locataire.
M. SAVAGE: On va douturer le débat. Alors l'article 1664 t), sur
cette question de reprise de possession par le locateur, nous nous opposons. Je
crois que le ministre tout à l'heure m'a répondu que, quant
à ces dispositions, il n'était pas question de les modifier. Il
reste qu'on s'oppose vivement à la question d'empêcher le locateur
de reprendre possession de son bien quand il le veut et pour les motifs qu'il
veut. Il n'a pas à justifier les raisons pour lesquelles il veut
reprendre son bien.
M. CHOQUETTE: Vous vous assoyez sur le droit de propriété
le plus absolu, sans reconnais tre aucun droit aux locataires.
M. SAVAGE: On reconnaît des droits aux locataires, mais vous
devrez également reconnaf-tre les droits aux locateurs. Que le locateur
veuille reprendre son bien parce que, durant l'année, c'était le
genre de locataire qui paie toujours le 15 au lieu de payer le 1er du mois,
c'est sûrement un...
M. CHOQUETTE: II y a des dispositions.
M. SAVAGE: Exactement, il y a des dispositions, mais si le commissaire
des loyers dit: Non, conserve-le comme locataire?
M. CHOQUETTE: Vous voulez que tout soit administré par le
propriétaire, qu'il puisse se faire justice complètement, sans
reconnaître le moindre droit aux locataires.
M. SAVAGE: Non, nous avons prévu que les questions de
discrimination justement, il ne pourrait pas reprendre possession de son
local.
M. CHOQUETTE: En tout cas, on comprend ce que vous voulez dire.
Procédez là, parce qu'on en a d'autres à entendre.
M. SAVAGE: Je comprends, M. le ministre, que vous soyez peut-être
tanné de m'entendre, mais on a quand même le droit de parole.
M. CHOQUETTE: Je ne suis pas tanné, mais exposez-nous vos
recommandations.
M. SAVAGE : M. le ministre, c'est la deuxième fois que vous nous
mentionnez ça.
M. CHOQUETTE: Procédez; n'argumentez pas sur des points.
LE PRESIDENT (M. Blank): M. Savage, si vous regardez les
règlements de cette commis-
sion, c'est 20 minutes pour exposer un mémoire. On vous a
donné plus de temps que cela. On ne veut pas vous limiter, mais il y a
une certaine limite.
M.SAVAGE: D'accord. Alors, à l'article 1664 x), il est question
de l'habitation à loyer modique. Encore là, vous permettez au
locataire de résilier son bail en cours pour pouvoir habiter un logement
à loyer modique, financé par la Société
d'habitation. Je pense bien qu'ici il y aurait lieu d'appliquer l'article 1613,
sur la question de sous-location. D'ailleurs, cela a été
mentionné par la chambre de commerce, ce matin. Je pense bien que ce
serait une disposition logique en faveur, au moins, du locateur.
Si vous permettez que le locataire puisse résilier son bail pour
aller habiter un local financé par la Société
d'habitation, vous pouvez sûrement créer un net préjudice
au locateur, puisque vous ne lui offez aucune garantie. C'est quasiment de
l'expropriation à titre gratuit. Finalement, vous pouvez peut-être
vider dix appartements d'un locateur sous prétexte que les gens s'en
vont dans un local financé par la Société
d'habitation.
A l'article 1665, on dit que le locateur ne peut exiger d'avance que le
paiement d'un terme de loyer. Ici, on reprend les dispositions qu'on avait
mentionnées dans notre mémoire, en octobre dernier. On demande
qu'il puisse y avoir, au moins, un chèque versé pour la garantie
des meubles qui sont fournis par le locateur. Je pense que cette suggestion
vous a déjà été formulée, Vous l'avez
rejetée assez allègrement. Alors, nous vous la reformulons.
Ensuite, sur la question des chèques postdatés, on
demanderait qu'il puisse y avoir une possibilité, pour le locataire, de
verser des chèques postdatés, mais négociables à
une date fixe; qu'il soit également impossible au locateur de se servir
de cela pour obtenir des avances ou du financement.
M. CHOQUETTE: On n'exclut pas, vous savez, les chèques
postdatés, dans le sens que, si le locataire, volontairement, veut
donner une série de chèques, il le peut. Mais le
propriétaire ne peut pas le contraindre. C'est ça, le sens de la
loi.
M. SAVAGE: Mais pourquoi, à ce moment-là, ne peut-il pas
le contraindre? Ce qu'on demande, justement, c'est qu'il puisse le faire, qu'il
puisse contraindre le locataire. C'est une question d'administration.
M. CHOQUETTE: Supposons qu'un locataire n'a pas de compte de banque et
supposons qu'il n'aime pas cela avoir des chèques qui arrivent tous les
premiers du mois? S'il veut l'accepter, on est d'accord. Je sais qu'il y a pas
mal de locataires qui acceptent volontairement ça. On n'exclut pas cette
solution.
M. SAVAGE: Admettriez-vous également que le locateur puisse faire
signer un genre de formule, comme les versements faits à une compagnie
d'assurance, disons une formule de préautorisation de payer?
M. PILOTE : Au sujet des chèques postdatés...
M. SAVAGE : Oui.
M. PILOTE: ... il suffit que le locataire écrive sur son
chèques "négociable à telle date"...
M. SAVAGE: Oui, telle date.
M. PILOTE: ... et le tour est joué.
M. SAVAGE: C'est tout ce que l'on demande.
M. BEDARD: Prenons un propriétaire qui a 2,000 logements. Sur les
2,000 logements, il y a seulement 1,000 personnes qui donnent des
chèques postdatés. Vous imaginez-vous le propriétaire qui
doit courir, chaque mois, pour avoir les 1,000 autres chèques. On a de
la misère à les avoir le premier de chaque mois.
M. PAUL : On va causer préjudice au locateur, à ce
moment-là, parce qu'un chèque sur lequel figure
"négociable à telle date" ne pourra être encaissé
que trois jours après la date prévue pour l'encaissement. Pour un
chèque négociable le 1er septembre 1973, il faut attendre
jusqu'au 4 septembre, s'il n'y a pas de fonds, avant son encaissement.
M. PLAMONDON: II y a certainement une formule qui pourrait s'adapter
facilement en ce qui concerne les chèques postdatés. C'est
surtout une question d'administration pour un locateur qui a plusieurs
immeubles ou locataires. Dans un sens, cela contribue à diminuer le
coût du loyer. C'est peut-être minime, mais, si on est
obligé d'avoir une personne que l'on paie $7,000 par année pour
faire strictement la perception de chèques non en main, indirectement,
c'est le locataire qui va payer la personne en question. Alors, c'est une
question d'épargner de l'argent au locataire, tout simplement.
M. SAVAGE: M. le député de Maskinongé,
négociable, c'est immédiatement, je crois. Payable, c'est trois
jours après, trois jours de grâce.
M. PAUL: Je suis assez pauvre que je ne suis pas capable de vous
répondre!
M. SAVAGE: Ah bon! Vous n'avez pas de compte de banque? D'accord.
Sur la question des chèques sans provision, on réclame une
pénalité de $5. On a une explication bien concrète â
vous donner. D'ailleurs, M. Bédard va vous fournir cette
explication.
M. BEDARD: Je m'occupe de 800 logements. En réalité, j'ai
1,200 logements. Sur les 1,200 logements, je reçois $16,000 de
chèques sans provision par mois, $16,000. Est-ce que vous pouvez vous
représenter l'administration que cela peut coûter, pour avertir un
locataire ou qui que ce soit? Ensuite, les frais que la banque exige à
chaque chèque qui revient dans notre compte.
LE PRESIDENT (M. Blank): Ne serait-il pas mieux d'exiger de vos
locataires de payer cela au concierge, à telle et telle adresse, au
comptant, chaque mois? Cela réglerait votre affaire.
M. BEDARD: Justement, mais là, cela va venir payable le 20 de
chaque mois, au lieu du 1er.
LE PRESIDENT (M. Blank): Non, non, pas avec cette loi-ci. Dans cette
loi-ci, c'est le 1er.
M. BEDARD: C'est le 1er de chaque mois, je suis d'accord avec vous, mais
le locataire qui n'est pas capable de me payer par chèque, le 1er de
chaque mois, ne sera pas plus capable si j'envoie mon concierge le chercher. Il
n'a pas d'argent.
LE PRESIDENT (M. Blank): Vous avez d'autres procédures à
prendre.
M. BEDARD: Les $16,000 que je reçois, je les reçois le 10.
Je les ai déposés le 1er, je les reçois le 10 et je ne
suis pas payé avant le 20. Dans certains cas, cela retarde de deux
mois.
LE PRESIDENT (M. Blank): Exigez...
M. BEDARD: Mon concierge que je paie à $8 l'heure, qui va partir
pour aller chercher le chèque...
UNE VOIX: $8 l'heure?
M. BEDARD: Je dis $8 l'heure parce qu'en réalité,
considérez l'ouvrage qu'il ne fait pas, le salaire que je lui paie, le
temps qu'il prend pour aller chercher le chèque. Vous êtes des
hommes d'affaires, vous savez ce que c'est.
M. PAUL: Je trouvais cela un bon salaire, à $8 l'heure.
M. BEDARD: Non, mais considérez tout. $8 de l'heure, ce n'est pas
ce que je lui donne. C'est l'ouvrage que, pendant qu'il va chercher un
chèque sans provision, il n'est pas capable de faire; c'est l'ouvrage de
la dame du bureau de location, qui prend le temps de téléphoner
à toutes les personnes.
M. PAUL: C'est une opération comptable et non un
déboursé.
M. BEDARD: Une opération comptable qui se trouve à
être des frais d'administration pour nous autres.
M. PLAMONDON: N'y aurait-il pas lieu d'avoir un compromis, en ce sens
que le chèque postdaté, non négociable, pourrait
être obligatoire, mais qu'un locataire qui n'aurait pas de compte de
banque, comme vous dites, ou qui aurait une raison grave de ne pas donner une
série de chèques pourrait demander une permission à la
régie pour pouvoir s'exempter de faire une série de
chèques? L'obliger, mais avoir une disposition qui permette de s'en
exempter pour une raison grave. Comme on a des raisons graves un peu partout,
on pourrait en avoir une autre.
LE PRESIDENT (M. Blank): On prendra cela en
délibéré.
M. SAVAGE: C'est simplement pour dire que l'article 741 du code de
procédure, je crois que vous avez l'intention de l'abroger. On demande
qu'il soit maintenu, tel que cela a été demandé,
d'ailleurs, par le Barreau, par l'entremise de Me Filion.
On aurait d'autres suggestions. Sur la clause escalatrice, ce matin,
vous avez eu des représentations par la chambre de commerce. On demande
évidemment qu'il y ait une clause escalatrice de prévue,
peut-être pour les baux à long terme, non pas pour le bail d'une
année, qu'il y ait également une modification à l'article
1664 n), sur la question des taxes scolaires, municipales et peut-être
également, le compte d'électricité. Il y a une
augmentation automatique l'année suivante, évidemment, puisqu'on
ne peut pas modifier le contenu du bail lorsqu'il est fait pour une
année.
Egalement une modification pour empêcher les contestations ou les
oppositions, de la part des locataires, une double suggestion serait la
suivante: La première, c'est qu'il y aurait peut-être une
possibilité d'offrir au locateur qui le désirerait d'obtenir
l'autorisation de la cour ou l'autorisation du commissaire aux loyers pour
fixer l'échelle de loyers, c'est-à-dire que, si vous avez,
aujourd'hui, un complexe qui est financé parla Société
centrale, selon la loi nationale de l'habitation, ce qu'on appelle les
dividendes limités... Sur la question des dividendes limités,
lorsque le locateur veut modifier son échelle de loyers, il doit obtenir
auparavant l'autorisation de la Société centrale.
Ce qu'on voudrait, ici, ce serait peut-être de permettre au
locateur d'obtenir l'autorisation de la cour ou du commissaire aux loyers, et
si la décision est entérinée par cette cour ou ce
commissaire, ce serait automatique. Il n'y aurait pas d'oppositions de la part
des locataires qui seraient admissibles.
Une autre suggestion serait à l'effet que, s'il y a opposition de
la part des locataires d'un immeuble, pour que la demande d'opposition soit
recevable, qu'il y ait un minimum ou un pourcentage de fixé, disons 10
p.c. des locataires de l'immeuble X qui contestent l'augmentation de loyer.
Il y aurait possibilité de l'entendre. Dans un autre cas, hier,
on donnait un exemple de deux logements sur 150; or il n'y aurait pas
possibilité que les locataires puissent s'opposer si tout le monde a
consenti sauf ces deux personnes. Voilà en résumé les
recommandations que nous désirions vous fournir ce matin, M. le
ministre.
Nous espérons que, malgré le temps que nous avons pris,
vous voudrez bien y porter attention et prendre le tout en
considération.
LE PRESIDENT (M. Blank): Merci beaucoup, M. Savage.
M. CHOQUETTE: Merci beaucoup, monsieur.
M. PAUL: Au nom de tous les membres de l'Opposition, je vous
remercie.
M. CHOQUETTE: Messieurs, ainsi que je l'avais annoncé, nous avons
des experts à faire entendre sur cette loi. Je vais vous donner la liste
et l'ordre que je suggère que nous adoptions pour les entendre: M. le
juge Lionel Ross, président de la Régie des loyers; M. Joseph H.
Chung, économiste; M. Claude Chapdelaine, économiste; M. Richard
Thouin, économiste et administrateur; et les représentants de
l'Office de révision du code civil, Me Crépeau et Me Jacoby.
M. Ross, vous pouvez vous asseoir en face de nous.
M. PAUL: Cela va vous rappeler les bonnes années où vous
étiez dans l'Opposition.
M. CHOQUETTE: Seize ans dans l'Opposition.
M.PAUL: Je me sens appuyé un peu plus, M. le
Président.
M. CHOQUETTE: On ne vous assermentera pas, M. le juge, je pense.
Régie des loyers
M. ROSS: Mon serment d'office.
M. le Président, M. le ministre, messieurs, dans ce court
mémoire, je veux attirer votre attention sur trois points: la
législation adoptée au Québec en matière de loyers
depuis 1951; la situation actuelle au point de vue administratif,
c'est-à-dire l'expérience vécue; et enfin la
nécessité d'une réglementation permanente des loyers.
Le contrôle des loyers fut établi au Canada au début
de la seconde guerre mondiale. Le contrôle fédéral sur les
loyers se continua jusqu'au 30 avril 1951.
Le 30 avril 1951 entra en vigueur une loi du Québec qui
s'intitule Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et
propriétaires. Cette loi, qui avait une validité de deux ans, fut
prolongée chaque année depuis lors. Conformé- ment au
projet de loi 83, sanctionné le 21 décembre 1972, elle est
prolongée jusqu'au 30 avril 1974.
La loi du Québec sur le contrôle des loyers fut
bénéfique à plusieurs points de vue. Dans ce domaine,
comme dans tant d'autres, le Québec a donné l'exemple au Canada
depuis 22 ans.
A l'origine, en 1951, la loi s'appliquait à toutes les
cités et villes du Québec, mais le conseil d'une
municipalité pouvait demander d'être soustrait à
l'application de la loi, ce que firent plusieurs conseils municipaux.
Une modification de la loi en 1963 a soustrait au contrôle des
loyers toutes les cités et villes de moins de 10,000 habitants, si bien
qu'en 1963 seulement 69 cités et villes avaient le contrôle des
loyers.
Le 1er décembre 1962, le plafond des loyers, le montant maximum
au-delà duquel les logements n'étaient pas soumis au
contrôle des loyers, fut établi à $125 dans l'île de
Montréal et à $100 dans les autres municipalités.
En 1967, l'année de l'Expo, un contrôle rigoureux a
été institué par l'adoption de trois projets de loi
destinés à éviter des augmentations abusives de loyers. Il
en est résulté de fortes pressions, surtout à
Montréal, en vue de reporter la date limite de la construction des
logements.
A l'époque, seuls les logements construits avant le 30 avril 1951
étaient soumis au contrôle. C'est ainsi que, le 7 mars 1968, a
été adopté un projet de loi pour permettre à toutes
les municipalités du Québec qui en exprimaient le désir au
lieutenant-gouverneur en conseil de demander que la loi s'applique aux
logements construits avant le 30 avril 1968 ou à toute date
antérieure.
De plus, les conseils municipaux devaient déterminer
jusqu'à concurrence de quel loyer les logements étaient couverts.
Pour les municipalités qui se sont prévalues de la loi, les
loyers maxima fixés ont varié de $75 à $500.
A Montréal cependant, le contrôle des loyers est
demeuré limité aux logements construits avant le 30 avril 1951,
le loyer maximum étant de $125 ou moins le 1er décembre 1962.
Dès le début du mois de janvier 1973, les
propriétaires, dans de nombreux cas, ont réclamé des
augmentations inusitées de loyer. Ces augmentations abusives ont
été réclamées non seulement dans la région
de Montréal mais dans la ville de Québec et dans les principaux
centres urbains du Québec dont Sherbrooke, Trois-Rivières,
Chicoutimi, Granby, Valleyfield, Joliette, Saint-Hyacinthe, Sept-Iles, etc.,
dans des endroits moins populeux, et même dans des villages.
Devant cette situation qui s'annonçait désastreuse,
l'honorable ministre de la Justice a, le 31 janvier 1973, déclaré
qu'une législation serait adoptée pour empêcher les hausses
abusives de loyer en 1973.
Le 28 février 1973, a été sanctionné le
projet de loi 280, dont tous les membres de cette commission connaissent bien
les dispositions.
Maintenant, l'expérience vécue. Au cours de l'année
financière 72/73, qui s'est terminée le 1er avril 1973, la
Commission des loyers a appliqué la Loi pour favoriser la conciliation
entre locataires et propriétaires dans 93 municipalités du
Québec pour les logements de diverses catégories. Dans 44
municipalités, la loi s'est appliquée aux logements construits
avant le 30 avril 1951, dont le loyer n'excédait pas la somme de $125
par mois le 1er décembre 1962, dans le territoire de l'île de
Montréal, et $100 par mois, à la même date, dans les autres
municipalités.
Dans 49 municipalités, la loi s'est appliquée à des
logements construits jusqu'à une date déterminée, mais qui
ne devait pas excéder le 30 avril 1968, alors que le loyer payé
ne dépassait pas un montant fixé par la municipalité,
à une date déterminée.
La Commission des loyers a son siège social à
Montréal, au palais de justice. En plus de ses pouvoirs administratifs,
elle a juridiction pour réviser, sur appel d'une partie
intéressée, les décisions des administrateurs des
loyers.
Les administrateurs des loyers, et les assistants-administrateurs qui
leur sont adjoints, ont juridiction en première instance. Au 1er avril
1973, il existait au Québec 25 bureaux dirigés par un
administrateur des loyers et cinq sous-bureaux d'information. Au 1er avril
1973, le personnel de la Commission des loyers se composait de 208 personnes en
fonction, trois postes étaient vacants.
La Loi pour empêcher les hausses abusives de loyer en 1973 a
nécessité l'engagement de 68 employés additionnels,
à compter du 1er avril 1973. Le budget pour l'année
financière 73/74 a été adopté à $1,292,200.
Les employés engagés pour l'application de la Loi pour
empêcher les hausses abusives de loyer en 1973 sont payés à
même le fonds consolidé du revenu.
Du 9 août 1951 c'est la date du premier jugement rendu par
la Commission des loyers au 1er avril 1973, la Commission des loyers,
siégeant en appel, a reçu 31,871 appels, dont 23,787 provenaient
de Montréal et 8,084 des autres municipalités de la province.
Pendant la même période, la commission a rendu 31,765 jugements.
Au 1er avril 1973, il restait 106 causes pendantes. De 1951 au 1er avril 1973,
le bureau de l'administrateur des loyers, à Montréal, a eu
170,000 causes avec audition des parties et jugements rendus après
contestation. Pour l'année financière 72/73, 369,209
problèmes de loyers ont été soumis aux divers bureaux des
administrateurs des loyers dans la province. Il y a eu 6,752 causes avec
audition des parties et jugements rendus après contestation; 57,732
informations ont été données à la suite d'une
entrevue, 301,381 informations données par téléphone et
3,344 par correspondance.
Pour rendre la justice encore plus accessible aux justiciables, la
Commission des loyers, depuis le 2 avril 1973, tient toutes ses séances
qui nécessitent l'audition des parties et de leurs témoins de
quatre heures à six heures de l'après-midi et de six heures
trente à neuf heures du soir. Ces séances ont lieu le lundi, le
mardi et le mercredi de chaque semaine. Des séances ont
été tenues effectivement également le jeudi. La commission
siège alors à deux divisions. La commission continue à
siéger le matin et l'après-midi pour examiner et décider
les appels sur dossier et les très nombreuses questions administratives
qui lui sont soumises.
Au bureau de l'administrateur des loyers à Montréal, des
séances sont tenues le matin, l'après-midi et le soir. Les
séances du soir sont tenues de six heures trente à neuf heures,
dans cinq cours, les lundi, mardi et mercredi. Au bureau de l'administrateur
des loyers à Québec, des séances sont également
tenues le matin, l'après-midi et le soir.
Le besoin de la réglementation. Le Conseil canadien de
développement social a tenu à Toronto, les 25 et 26 septembre
1972, un séminaire sur la politique des loyers. Des autorités en
la matière, de toutes les parties du Canada, y ont été
conviées. Le conseil a fait état des systèmes de
contrôle qui existent au Québec et en Nouvelle-Ecosse, à
New York et à Boston, a traité de la législation
française sur le sujet et du "fair rent concept" d'Angleterre.
Le conseil a fait état également de législations
qui ont été adoptées par le Manitoba et la
Colombie-Britannique sur la question des loyers.
Partout, au Canada, on comprend que la réglementation des prix du
logement, l'une des premières nécessités de la vie, est
une arme puissante dans la lutte contre l'inflation.
Au Québec, les propriétaires qui dans de nombreux cas,
partout dans la province, ont en janvier et en février 1973
réclamé dos hausses abusives de loyer ont fait la
démonstration bien claire qu'une réglementation permanente des
loyers s'impose absolument. Voyons la situation qui prévalait en janvier
1973. Le projet de loi 59, Code des loyers, a été retiré
en décembre 1972. Le ministre de la Justice, pour le remplacer, a
présenté en première lecture à l'Assemblée
nationale, quelques jours avant l'ajournement de Noël, le projet de loi
78, Loi concernant le louage de choses, et le projet de loi no 79, Loi du
tribunal des loyers.
Rien, absolument rien, dans ces deux projets de loi ne pouvait permettre
aux propriétaires de croire qu'il y aurait un gel des loyers. Pas
même un contrôle des loyers. Tout ce qu'on trouve dans les projets
de loi 78 et 79, c'est un ensemble de règles pour empêcher les
hausses abusives de loyer. C'est d'ailleurs la philosophie qui prévaut
dans le projet de loi 280.
Il est vrai qu'en 1973 il y aura un peu partout dans la province,
surtout dans l'île de Montréal, des augmentation de taxes. Mais
des augmentations de taxes pouvant s'élever jusqu'à 25 p.c. ne
peuvent justifier en fait que 5 p.c.
d'augmentation du loyer. Alors pourquoi des augmentations de loyer de 10
p.c, 15 p.c, 20 p.c, 25 p.c. et même 30 p.c? Dans le cas des logements
construits avant 1951, on se rend compte, d'après les demandes qui sont
faites, que, si la loi actuelle n'existait pas, il y aurait des hausses de
loyer de $10, $15 ou $20 par mois.
De plus, le locataire ne serait plus protégé quant au
maintien dans les lieux. Les mieux nantis pourraient se trouver un logement,
mais la grande majorité des locataires ne pourraient pas trouver
à se loger dans un endroit convenable à un prix conforme à
leur budget. On remarque aussi que les logements construits au cours des
dernières années sont trop petits pour une famille ordinaire,
trop chers et générale-,ment situés trop loin des lieux de
travail.
De plus, dans le cas des logements qui avant le projet de loi 280
n'étaient pas soumis à la Loi pour favoriser la conciliation
entre locataires et propriétaires, les locataires payent des loyers
très élevés et sont susceptibles, chaque année, de
subir une augmentation également très élevée.
Pour toutes ces raisons, je crois qu'il faut au Québec une
réglementation permanente des loyers. La permanence dissiperait
l'incertitude qui règne chaque année dans la population quant
à la prolongation de la Loi pour favoriser la conciliation entre
locataires et propriétaires et donnerait plus d'autorité à
l'organisme chargé de l'appliquer.
Elle donnerait aussi aux fonctionnaires de l'organisme la
sécurité et les avantages de la Loi de la fonction publique.
Enfin, la réglementation permanente des loyers sur une base universelle
empêcherait que l'Assemblée nationale ne soit obligée,
chaque année, d'adopter une loi d'urgence comme la Loi pour
empêcher les hausses abusives de loyer en 1973.
Messieurs, le tout vous est respectueusement soumis.
Maintenant, messieurs, si vous me permettez, avant de passer
peut-être à des questions, je voudrais attirer votre attention sur
un mémoire qui nous a été donné par un très
grand économiste d'origine britannique, M. David Donnison. M. Donnison a
une réputation, en Grande-Bretagne, très étendue. C'est un
excellent économiste. Nous l'avons connu, M. Alarie, le sous-ministre
associé de la Justice, et moi, au colloque qui s'est tenu à
Toronto les 25 et 26 septembre, alors que toutes les provinces étaient
représentées, les associations de propriétaires et de
locataires, les associations qui s'occupent d'assistés sociaux et
autres. M. Donnison était l'invité, c'est lui qui a
préparé la plupart des exposés, les "papers" comme ils
disent en anglais, qui ont été présentés.
M. Donnison en plus de ça fait partie du "fair rent concept"
d'Angleterre. Il nous a expliqué que le "fair rent concept" d'Angleterre
est basé sur le fait qu'il y a un secteur contrôlé et un
secteur décontrôlé, et le secteur
décontrôlé sert plutôt de points de comparaison pour
établir les loyers du secteur contrôlé. Son
expérience a été que, durant les trois premières
années, il a fallu accorder des diminutions de loyer et, depuis deux
ans, accorder des augmentations de loyer.
Nous lui avons soumis le bill 59, qui à ce moment-là
était devant l'Assemblée nationale. Par la suite, M. Alarie lui a
fait parvenir les bills 78 et 79, qui sont actuellement à l'étude
devant cette commission. M. Donnison en a fait une étude très
approfondie et, si vous me permettez, je pense qu'on distribue aux membres de
la commission son mémoire. Nous avions l'intention de lui demander de
venir témoigner tellement sa compétence est grande dans la
matière. Nous avions l'impression que les commissions parlementaires
pourraient peut-être avoir lieu en mars. Il ne le pouvait pas à ce
moment-là. C'est pour ça qu'il nous a envoyé, par
l'intermédiaire de M. Pierre D. Brodeur de la délégation
du Québec sur la rue Grosvenor à Londres, son mémoire.
J'attire votre attention sur les passages suivants. Au deuxième
paragraphe, il dit qu'il est vraiment impressionné par les propositions
du bill 79. D'après lui, elles donnent tous les prérequis
nécessaires pour une procédure de réglementation de loyer
effective et durable. Il parle de décisions qui seront rendues à
peu de frais et rapidement, avec des jugements qui comportent
l'objectivité d'esprit juridique.
Il parle également avec beaucoup d'éloges du service
technique qui va être constitué. Il dit qu'ils voudraient bien,
eux, en Angleterre, ceux qui sont responsables du Fair Rent Concept, avoir ce
service technique-là. Il fait des recommandations pour
l'accessibilité des dossiers; cela est tout accordé. A la page 2,
quant aux deux articles clés de la fixation des loyers pour le bill 78,
il dit que cela lui parait excellent. Il nous demande, par exemple, de ne pas
faire de différence entre les occupations avec meubles et les
occupations sans meuble, parce qu'en Angleterre ils ont eu beaucoup de
difficultés avec cette question.
Maintenant, un paragraphe sur lequel je voulais attirer votre attention,
messieurs, c'est le deuxième. Il déclare que les critères
mentionnés à l'article 1664 n) lui semblent extrêmement
raisonnables, mais il ne voudrait pas accorder une attention trop
poussée à la section 5 quand on parle du capital investi. Il
déclare que la valeur d'une maison s'établit
précisément par les loyers qui sont payés. Ce sont les
loyers payés qui déterminent le revenu d'une maison et qui
déterminent sa véritable valeur. Il parle d'un
propriétaire qui aurait à payer une somme trop
élevée pour une maison. Avec son humour britannique, il parle
également d'un propriétaire qui aurait reçu la
propriété de sa grand-mère en cadeau alors qu'il n'y
aurait pas eu de capital investi par lui dans la propriété.
Il attire notre attention sur le fait que les articles 3 et 6
répondent très bien aux critères qui doivent être
établis. Ce qui est intéressant,
comme pour le Fair Rent Concept d'Angleterre, il demande qu'il y ait un
secteur où il n'y a pas de réglementation pour permettre
d'établir des comparaisons. C'est ce que le bill 78 fait, avec le fait
que pour une période de cinq ans, après la construction des
travaux, il n'y aura pas de réglementation qui s'applique.
Messieurs, je suis à votre entière disposition pour
répondre à toutes les questions que les membres de la commission
aimeraient poser.
Messieurs, si vous me permettez, je pense qu'il est de mon devoir,
après avoir travaillé pendant au-delà de deux ans sur la
question, de rendre un hommage particulier à l'Office de révision
du code civil qui a bien voulu, dans le bill 78, incorporer le droit substantif
qui se trouvait dans le bill 59 et leur propre rapport sur la question. J'ai eu
l'occasion avec M. Alarie et M. Cardinal, son conseiller juridique, de
travailler intensément avec l'Office de révision du code civil
pendant au moins une quinzaine de journées à des séances
qui avaient lieu le matin et l'après-midi.
Le travail a été préparé par un grand
juriste, M. Jacoby, assisté de Mme Louise Robert, sous la direction de
M. Crépeau. Il y a eu un travail vraiment efficace et j'ai l'impression
bien nette qu'à ce stade-ci, avec les modifications que la commission
voudra bien apporter, avec, évidemment, la réimpression des bills
et les améliorations, les additions que vous voudrez adopter que
M. le ministre voudra bien vous présenter vous aurez là,
j'en suis sûr, la meilleure législation sur la question non
seulement en Amérique mais probablement, au moment où je vous
parle, dans le monde entier.
Quant au bill 79, quant au tribunal des loyers, il y avait eu une
formule de présentée. Le bill 79 a surtout été
l'oeuvre de M. Alarie et de son conseiller juridique et j'ai contribué
largement à l'élaboration de ce bill; le ministre de la Justice
propose une formule non pas différente mais qui incorpore le tribunal en
appel et en première instance à la cour Provinciale, sous forme
de Chambre des loyers. Les modifications seront également soumises
à M. le ministre qui vous les soumettra et vous aurez, là encore,
je pense, un excellent organisme.
M. CHOQUETTE: M. le juge, je n'ai pas de questions à vous poser;
peut-être que les autres membres de la commission en ont. Je voudrais
simplement signaler que depuis que vous avez laissé l'Assemblée
nationale pour être nommé juge de la cour Provinciale, alors que
vous aviez été député à l'Assemblée
nationale pendant 16 ans, vous n'avez pas perdu votre verve.
LE PRESIDENT (M. Blank): Moi, j'ai une question à poser. J'ai
été président de cette commission depuis le commencement
et il y a quelque chose qui a toujours été la pensée des
gens qui sont venus nous voir. C'est que le Tribunal des loyers était
là pour donner un bénéfice particulièrement au
locataire et non au propriétaire, que les droits des
propriétaires étaient brimés par cette commission ou les
administrateurs. En fait, d'après le pourcentage des jugements, est-ce
que vous avez donné plus souvent raison aux locataires qu'aux
propriétaires?
M. ROSS: Je suis bien content, M. le Président, que vous
souleviez la question. Cela va me permettre évidemment de
rétablir la situation et de donner encore plus d'explications sur les
chiffres que l'honorable ministre a donnés sur la question.
On a présenté des statistiques et voici comme ça
s'est passé. A un moment donné, au bureau de l'administrateur des
loyers de Montréal s'est présentée une jeune fille avec
une lettre à en-tête du ministère des Affaires sociales,
signée par un médecin, qui déclarait qu'elle avait une
bourse pour étudier les statistiques de la Régie des loyers. Je
n'en ai pas eu connaissance du tout à ce moment-là. Pendant trois
mois, on a mis à sa disposition tous les dossiers de la Régie des
loyers pour les années 1962 à 1972. La jeune fille, avec des
assistantes, a procédé à une projection en prenant un
dossier sur dix et en établissant des statistiques, avec
évidemment le résultat qu'on a cité je me souviens
par exemple de M. Rodrigue de la CSN des chiffres fantastiques. Cela a
été cité dans les journaux également.
Je vais rétablir les faits, parce que quand j'ai vu ça,
j'ai demandé à l'administrateur des loyers de Montréal ce
qui était arrivé. Il me l'a dit et je lui ai répondu: Vous
venez me voir dans 90 p.c. des cas pour des choses insignifiantes, vous auriez
pu venir me voir à ce sujet et nous lui aurions donné les
statistiques. Nous allons rétablir la situation et vous allez me faire
les statistiques pour les années 1970, 1971 et 1972, non pas avec une
projection d'un sur dix dossiers, mais en prenant chaque unité avec le
résultat suivant...
M. PAUL: M. le juge, quand vous parlez d'une enquêteuse du
ministère des Affaires sociales...
M. ROSS: Non, c'était une personne qui avait reçu une
bourse du ministère des Affaires sociales précisément pour
étudier les statistiques. On lui a ouvert les 170,000 dossiers pendant
trois mois. Comme elle ne pouvait pas consulter les 170,000 dossiers, elle
prenait un dossier sur dix. Les deuxième, troisième,
quatrième, cinquième, sixième, septième,
huitième et neuvième étaient ignorés. Cela a
été une projection.
Voici le résultat à l'unité. Pour l'année
1970, il y a eu 4,663 demandes et 3,543 décisions de rendues, parce
qu'il y a eu des conciliations et désistements pour 1,061 cas. Le nombre
des décisions favorisant les locataires: 1,069. Cela veut dire,
évidemment, le nombre de décisions favorisant les locataires
à l'effet qu'il n'y a eu
aucune augmentation: 1,069 cas. Nombre de décisions favorisant
les propriétaires, en totalité, pour tout ce qu'ils demandaient:
585. Nombre de décisions favorisant les propriétaires en partie:
1,889. Maintenant, on donne comme pourcentage des décisions favorisant
les propriétaires, 69.8 p.c. et des décisions favorisant les
locataires, 30.2 p.c. Mais je vous fais remarquer immédiatement que si
le propriétaire a demandé $15 et qu'il en a eu $3, c'est
compté comme une décision favorisant le propriétaire. La
grande question importante là-dedans, c'est que le propriétaire
demandait $15 et que s'il a eu $3, on le met dans le pourcentage favorisant les
propriétaires, mais le locataire qui a gagné $12 à mon
sens paraît joliment favorisé.
Ce qui est important, c'est de savoir ce qui était demandé
et ce qui a été accordé. Cela est important. Les
augmentations demandées par mois étaient de $23,620.65 et ce qui
a été accordé, $7,782.25. Pour l'année, les
augmentations demandées étaient de $283,447.80 et les
augmentations accordées, $93,387. Cela est à peu près le
tiers. Pour 1971, on trouve parce que je vous fais grâce de tous
les chiffres que je vous ai cités pour 1970 le nombre de
décisions favorisant les propriétaires en tout ou en partie, 51.2
p.c; les locataires, 48.8 p.c. En 1972, décisions favorisant les
propriétaires en tout ou en partie, 48.9 p.c; décisions
favorisant les locataires, 51.1 p.c, avec le résultat que pour les trois
dernières années, 1970, 1971 et 1972 on n'a pas encore les
chiffres pour 1973 le nombre de décisions favorisant les
propriétaires en tout ou en partie, 58.4.
Nombre de décisions favorisant les locataires,
c'est-à-dire aucune augmentation, 41.6 Mais le point important, c'est de
savoir ce qui a été accordé.
Ce qui a été accordé sur les demandes faites par
les propriétaires pour ces trois années, cela a été
29.1. Maintenant, pour continuer à répondre à votre
question, M. le Président, M. le ministre, avec beaucoup
d'amabilité, faisait allusion, tout à l'heure, au fait qu'avant
d'être président de la Commission des loyers, depuis treize ans,
j'ai été député d'un magnifique comté sur
l'île de Montréal, le comté de Verdun, où il y a des
propriétaires, où il y a des locataires. Je connaissais bien les
problèmes. D'ailleurs, M. Paul le disait cela, c'est une
réminiscence pendant seize ans, j'occupais
précisément ce fauteuil-là, au comité des bills
privés et au comité des bills publics.
M. CHOQUETTE: Vous n'avez jamais eu la chance de venir de ce
côté-ci.
M. ROSS: Jamais. Vous me donnez la chance d'être à
côté de vous.
M. PAUL: Nous autres, nous allons y aller, par exemple.
M. ROSS: Voici, il ne faut pas s'imaginer, par exemple mon
prédécesseur, le juge Rénier, qui a fait un travail
extraordinaire de 1951 à 1960, avait exactement la même
philosophie il n'a jamais été question de penser que cet
organisme, que je préside, la Commission des loyers et les bureaux des
administrateurs, que nous étions là pour favoriser les
locataires. Mais pas du tout. C'est une loi de conciliation, actuellement,
entre propriétaires et locataires. Ds s'entendent. S'ils ne peuvent pas
s'entendre, s'ils ont différentes affaires à arbitrer, ils
viennent devant les administrateurs en première instance et à la
Commission des loyers en appel. Nous faisons d'abord tout ce qui est
humainement possible pour concilier les parties. Quand il n'y a pas
possibilité, il faut trancher. Cela se fait avec un esprit de justice,
conscient, évidemment, que notre organisme est un organisme quasi
judiciaire, où il faut une impartialité totale.
J'ai l'impression bien nette, depuis que je suis président,
depuis treize ans, parce que j'ai surveillé l'affaire de tellement
près, qu'il n'y a pas eu de cas d'injustice volontaire. Si des
décisions ont été rendues par les administrateurs, qui ne
plaisaient pas à une partie ou l'autre, il y avait un délai
considérable, 30 jours, pour venir en appel.
Avec mes commissaires, depuis 1960, nous avons toujours voulu donner la
chance, aux propriétaires et aux locataires, d'expliquer leurs cas et de
trancher, dans un esprit de justice pure et simple. Nous n'avons pas
pensé que la loi actuelle et la loi 280, que nous administrons
actuellement, pas plus d'ailleurs que les bills 78 et 79, sont des mesures pour
protéger le locataire. Mais, comme le ministre le disait dans une
intervention, ce matin, en 1973, il faut bien voir la situation qui
prévaut actuellement. Très souvent, le bail est un contrat
d'adhésion. Très souvent, le propriétaire est dans une
position de force. Alors, je pense que le concept du droit de
propriété sacrée, inaliénable, doit subir certaines
modérations pour répondre aux réalités sociales du
temps.
Alors, j'ai toujours voulu être absolument impartial. Je pense que
mes commissaires et mes administrateurs...
M. CHOQUETTE: M. le juge, j'aurais une question qui intéresserait
peut-être les membres de la commission et elle porte sur l'effet de la
législation temporaire que nous avons adoptée cette année,
la loi pour empêcher les hausses abusives de loyers durant l'année
1973.
Je crois qu'on sait qu'au Québec, il y a environ 800,000
logements locatifs.
M. ROSS: 843,000
M. CHOQUETTE: 843,000. Par ailleurs, la loi de conciliation entre
locataires et propriétaires, la loi de 1951, régit
peut-être 200,000 ou 300,000 de ces logements.
M. ROSS: 250,000.
M. CHOQUETTE: Par conséquent, lorsque nous avons adopté la
législation temporaire pour 1973, nous avons étendu
énormément la portée de la réglementation en
matière de loyers, par rapport à ce qu'elle était en vertu
des lois qui étaient renouvelées annuellement. Lorsque j'ai
présenté la loi, je me demandais moi-même quel serait
l'effet sur le système judiciaire ou l'effet sur la Commission des
loyers, quel serait le nombre de causes qui résulteraient de l'extension
subite de cette mesure pour l'année 1973.
Alors, seriez-vous en mesure de dire aux membres de la commission
combien de causes sont allées à la Commission des loyers ou aux
administrateurs des loyers par suite de l'adoption de cette loi pour
l'année 1973? C'est le nombre d'instances, le nombre de cas où
propriétaires et locataires n'ont pas réussi à s'entendre
dans le cadre de la loi et qui ont dû être amenés devant
votre tribunal ou les administrateurs qui sont sous votre juridiction.
M. ROSS: Pour répondre à l'honorable ministre, je cite
immédiatement les chiffres. Vous me permettrez, peut-être,
d'ajouter quelques brefs commentaires.
Actuellement, la Loi pour empêcher les hausses abusives de loyer,
le bill 280, nous a amené 2,267 causes dans toute la province. Il faut
bien penser que tous les logements locatifs de la province sont affectés
par cette loi 843,000 dans toutes les municipalités de la
province, peu importe l'année de construction de la maison, peu importe
le loyer, évidemment, qui est payé. H y en a 2,267.
Là-dessus, Montréal en a 1,512.
Cela a été une loi qui me paraît excellente.
C'était une situation difficile, n s'agissait d'y faire face et je pense
que l'Assemblée nationale d'ailleurs, la loi a été
adoptée à l'unanimité a adopté une
excellente loi qui a bien répondu aux désirs du
législateur. J'attendais personnellement entre 10,000 et 12,000 causes.
Il y en a eu je vous l'ai cité 2,267. Maintenant, le niveau
des appels, cependant, est beaucoup plus considérable que dans le
domaine des demandes venues en vertu de la Loi pour favoriser la conciliation
entre locataires et propriétaires. C'est assez extraordinaire si on
regarde les statistiques depuis 1951.
Dans les causes en vertu de la Loi pour favoriser la conciliation entre
locataires et propriétaires, c'est constant; 10 p.c. des
décisions rendues par les administrateurs sont portées en appel,
mais, pour la loi 280, l'incidence des appels est beaucoup plus
élevée. Cela varie entre 20 p.c. et 25 p.c. actuellement.
La loi a atteint parfaitement son but. C'est tellement vrai que la loi a
atteint son but qu'on disait que les avis donnés avant le 2
février d'une augmentation de taxes étaient nuls et que de
nouveaux avis devaient être donnés par les propriétaires.
Ces avis étaient dans des proportions beaucoup plus raisonnables, mais
même, dans certains cas, les locataires trouvaient que c'était
trop élevé. Ils faisaient une demande de prolongation de bail et
de fixation de loyer. Il y a eu 200 à 300 désistements à
la suite d'une demande faite par les locataires de prolongation et de fixation
de loyer, parce qu'ils se sont entendus avec leurs propriétaires, ils
ont négocié. Les propriétaires et les locataires ont
été obligés de négocier à cause des
dispositions de la loi.
Maintenant, ce sont surtout des demandes de prolongation de bail et de
fixation de loyer. Nous avons eu des demandes de réduction de loyer pour
un bail consenti antérieurement au 2 février, que le locataire
trouvait abusif. Nous avons eu également, dans une proportion d'à
peu près 150, des demandes de propriétaires désireux de
reprendre leur logement pour les raisons mentionnées dans la loi. Nous
avons eu à peu près 150 demandes de reprise de possession parce
que les locataires étaient indésirables. La loi a bien atteint
son but.
On a mis à ma disposition, à ce moment-là, tout le
personnel nécessaire. La loi prévoit que ces employés sont
payés à même le fonds consolidé. Je peux vous le
dire immédiatement, il y a eu 68 employés d'engagés aux
conditions que nous avons déterminées à ce
moment-là. Ils seront payés à même le fonds
consolidé. Le total des salaires peut représenter $300,000, mais,
comme ils sont payés pour neuf mois parce qu'ils sont en fonction
à compter du début d'avril, cette loi, qui me paraît
excellente, qui a atteint un but très louable, coûtera au fonds
consolidé environ $225,000.
M. CHOQUETTE: Merci, M. le juge.
LE PRESIDENT (M. Blank): Le député de
Maskinongé.
M. PAUL: M. le juge, on a semblé reprocher à la
régie et à la Commission des loyers une certaine lenteur dans les
jugements des causes entendues. Est-ce que vous pourriez nous fournir quelques
statistiques ou nous renseigner sur ce point précis, à la
décharge tant des administrateurs que des membres de la commission?
M. ROSS: Sur une période de treize ans, la situation s'est
toujours améliorée dans la question des délais, toujours
améliorée. Je me dois de dire que j'ai reçu du ministre
actuel de la Justice et de son prédécesseur immédiat, le
député de Maskinongé, une coopération assez
extraordinaire dans ce domaine.
M. CHOQUETTE: Tout le monde est content!
M. ROSS: Nous faisions partie du Secrétariat de la province. Or,
tout le monde sait que le secrétariat n'était pas un
ministère qui s'en venait; c'était un ministère qui s'en
allait. Les crédits n'étaient pas des plus
considérables.
M. PAUL: Oui, mais je suis resté, moi.
M. ROSS: Cela allait bien avec vous. Evidemment, nous avions des
budgets. Cette année, sans parler du fonds consolidé pour payer
les employés engagés en vertu du bill 280, on nous donne un
budget de $1,292,000. J'ai déjà eu des budgets de $615,000, ce
qui nous permettait de fonctionner avec ce que nous avions.
Nécessairement, le nombre des bureaux a été réduit,
à un moment donné, de 43 à 19. Nous avons dû
réduire le personnel. Je dois vous dire que les salaires M.Paul
et M. Choquette le savent qui étaient payés à la
Commission des loyers dans les bureaux des administrateurs n'étaient pas
les salaires payés dans la fonction publique. Alors, on a tellement
voulu améliorer cette année qu'indépendamment des
employés qui sont payés à même le fonds
consolidé on nous a donné $213,000 de plus cette année
pour permettre d'augmenter les salaires. Je viens de faire une série de
recommandations au sous-ministre associé à la Justice, qui les
soumettra à l'honorable ministre.
Nous allons distribuer à peu près $150,000 d'augmentations
de salaire avec effet rétroactif au 1er janvier pour une moyenne
d'à peu près 200 employés. Ce qui veut dire que les
augmentations varient de $500 à $1,000, de telle sorte que nous sommes
maintenant à la hauteur des salaires payés pour des positions
semblables dans la fonction publique.
Inutile de vous dire que quand nous avons le nombre d'employés
requis, quand nous avons la motivation pour nos employés... Parce qu'il
faut penser que ces employés ne sont pas dans la fonction publique, ne
retirent rien de ce qu'on appelle les "fringe benefits", n'ont pas de
sécurité d'emploi, etc., mais je suis très content du
travail qu'ils m'ont donné.
La situation s'est considérablement améliorée, et
elle s'améliore constamment quant aux délais, à tel point
que l'administrateur des loyers de Montréal vient de me dire il y a
quelques jours que pour la Loi favorisant la conciliation entre locataires et
propriétaires, et pour les causes de la loi 280, tout sera
terminé le 11 juin cette année.
Donnons un espace de quinze jours pour les dernières causes qui
entrent. Ce qui veut dire que le rôle à Montréal sera
complètement terminé, certainement, à la fin de juin.
En appel, pour toutes les causes sur le bill 280, j'ai ordonné
une audition dans chacune des causes pour donner une satisfaction totale et
entière aux parties. Nous siégeons à la Commission des
loyers actuellement à cinq divisions, non seulement à
Montréal, nous sommes à Québec à chaque semaine. La
semaine prochaine, lundi j'ai un banc qui siègera à
Québec, à Hauterive mercredi, à Sept-Iles jeudi; nous
sommes allés à Hull, nous sommes venus à Québec
constamment, nous sommes allés à Trois-Rivières, à
Shawinigan. Nous couvrons le territoire de la province.
Il y aura évidemment des décisions qui seront rendues,
l'ultime décision vers la fin de juin. Un délai de 30 jours
d'appel évidemment pour la loi de conciliation, sept jours pour les
causes en vertu de 280. Sept jours, ce n'est pas long, vous savez. Mais comme
il y a 30 jours pour les causes en vertu de la Loi favorisant la conciliation
entre locataires et propriétaires, il y a des locataires qui attendent
la vingt-huitième ou la vingt-neuvième journée pour en
appeler.
Ce qui veut dire que les derniers appels seront entrés à
la commission au début du mois d'août, et je suis absolument
assuré, avec le personnel que j'ai actuellement, avec les rôles
que j'ai faits, siégeant le matin, l'après-midi et le soir que le
tout sera terminé au maximum pour le 1er septembre.
M. PILOTE: Est-ce que ce serait possible, M. le juge, d'avoir votre
tableau comparatif des années 1970, 1971 et 1972 pour les membres de la
commission et également pour les députés. Des questions
nous sont posées là-dessus.
M. ROSS: J'en avais trois copies, j'en ai remis deux au ministre. Il
m'en reste une, je vous la remets. Il faudrait en faire des photocopies. Je la
dépose devant le président.
LE PRESIDENT (M. Blank): On peut en faire des photocopies pour chaque
député.
M. CHOQUETTE: Oui. M. le juge, je ne voudrais pas mettre fin aux
questions qui peuvent vous être posées, mais il y a un autre
témoin, M. Chung, de l'extérieur tandis que vous...
M. ROSS: Je vois.
M. CHOQUETTE: ... vous seriez disponible pour répondre à
des questions lors d'une autre séance que nous tiendrons.
M. ROSS: Certainement.
M. CHOQUETTE: Si vous permettez. Je vous remercie de votre
témoignage. Les députés auront peut-être d'autres
questions à vous poser à une autre occasion. Maintenant, je
suggère que nous interrogions M. Chung qui est un expert de
l'extérieur.
M. Chung, pouvez-vous, pour les membres de la commission et pour
l'inscription aux Débats parlementaires nous dire vos noms et
qualifications ou votre expérience.
M. Joseph-H. Chung
M. CHUNG: Je m'appelle Joseph-H. Chung, professeur en économique
à l'Université du Québec à Montréal. Je suis
très heureux d'être ici parce que le problème du logement
m'a
intéressé depuis très longtemps. J'ai
été consultant pour la Société centrale
d'hypothèques et de logement, pour le Conseil économique du
Canada, et j'ai fait des recherches dans ce domaine depuis quelques
années.
Est-ce que ça suffirait?
M. le Président, M. le ministre, MM. les députés,
mesdames et messieurs, puisque mes collègues qui sont ici vont
développer de façon plus détaillée les aspects
spécifiques de la loi, quant à moi, je tiens à souligner
seulement quelques aspects plus généraux de la loi.
Dans mon esprit, les projets de loi, bills 78 et 79, constituent sans
doute une page très importante dans les annales de la politique
socio-économique au Québec. D'ailleurs je félicite les
auteurs de la loi pour son originalité, son réalisme et l'esprit
de justice qui la sous-tend.
L'objectif de ces bills, semble-t-il, est, d'une part, de minimiser les
abus de la part des propriétaires de logements locatifs et de celle des
locataires et, d'autre part, d'atténuer la hausse de loyer. Ces
objectifs sont très clairs, n'est-ce pas? Mais pourquoi ces bills?
Malgré tout, la hausse de loyer au Québec et à
Montréal a été sensiblement moindre que dans d'autres
villes et- dans d'autres provinces. En effet, d'après les données
statistiques de Statistique Canada, dans la période de dix ans,
c'est-à-dire depuis 1961, le loyer a augmenté d'environ 60 p.c.
plus vite à Toronto qu'à Montréal. La qualité
physique des logements s'est améliorée sensiblement depuis 1961;
en fait, ce ne sont pas des critères exhaustifs. Par exemple, quand on
prend le logement bien équipé d'eau chaude et froide courante,
certainement la proportion s'est accrue; de même la proportion des
logements équipés de toilette avec chasse d'eau s'est accrue
également.
De plus, l'expérience de plusieurs pays industrialisés
démontre que l'intervention de l'Etat en matière de loyer
provoque, pas toujours nécessairement, mais risque de produire des
résultats plutôt nocifs. Alors, pourquoi les bills 78 et 79? Le
but de mon mémoire est, d'une part, d'examiner le bien-fondé et
les limitations de cette loi et, d'autre part, de démontrer qu'elle peut
être partielle, peut-être permanente, mais partielle.
Alors, ici je vais évoquer en fait l'état actuel de la
crise du logement, si on peut la qualifier ainsi. En fait, tout indique que le
stock de logements au Canada a connu depuis la seconde guerre mondiale une
croissance enviable; qu'au niveau national la qualité physique du stock
s'est améliorée, que les conditions des prêts
hypothécaires sont devenues plus libérales grâce à
la Loi nationale sur l'habitation et qu'en moyenne le niveau du bien-être
de l'habitation des Canadiens est un des plus élevés au
monde.
Mais faites attention! Contrairement aux autres biens et services, en ce
qui concerne le logement, les indicateurs nationaux globaux peuvent être
très trompeurs à cause de l'aspect fortement local et à
cause de la grande variété de la qualité, du prix, de
l'apparence et d'autres aspects du logement. Les indicateurs nationaux
n'indiquent pas toujours, donc, la gravité du problème. En ce
moment, effectivement, il y a un problème grave et la gravité de
ce problème pourra s'intensifier à l'avenir.
Alors, donc, quelle est la nature de ce problème? Tout d'abord,
il faut noter que la proportion des locataires ne cesse d'augmenter, surtout au
Québec. Depuis 20 ans, la proportion de locataires au Québec
s'est accrue de 51 p.c. à 53 p.c. A Montréal, comme vous le
savez, la proportion des locataires en ce moment est presque à 70 p.c.
par rapport à 38 p.c, si vous voulez, à Toronto. C'est ainsi que
le Québec est un pays de locataires. Il faut aussi noter que c'est chez
les locataires qu'on voit le plus d'encombrement de logements. En 1968, 24 p.c.
des logements propriétaires étaient encombrés,
c'est-à-dire plus d'une personne dans une chambre, contre 34 p.c. pour
les logements locatifs. De plus, en général, les locataires sont
plus pauvres que les propriétaires. En 1969, le revenu moyen du
locataire était à peu près de $8,000 contre $11,200 pour
le propriétaire, soit les locataires plus pauvres de 40 p.c. par rapport
aux propriétaires.
Signalons aussi que le locataire doit consacrer une plus grande
proportion de son revenu à l'habitation que le propriétaire. En
1969, chez les locataires, le coût du loyer représentait 12 p.c.
à 44 p.c. du revenu selon, bien entendu, le niveau de ce dernier, alors
que, chez les propriétaires, les proportions correspondantes variaient
entre 8 p.c. et 32 p.c. Ces quelques données statistiques indiquent donc
que la crise du logement, s'il y en a une, risque d'affecter plus le locataire
qu'elle n'affecte le propriétaire. Il y a des raisons de croire que ceci
va s'accentuer.
Le premier élément de la crise du logement est la hausse
excessive du coût de l'habitation. Dans la période de 1961
à 1971, le coût du loyer a augmenté de 67 p.c. alors que le
niveau général des prix ne s'est accru que de 40 p.c.
Autrement dit, le coût du loyer a augmenté de 40 p.c. plus
vite que le niveau général des prix.
La hausse rapide du loyer s'explique, évidemment, par le jeu de
l'offre et de la demande. En général, il est évident que,
dans les régions où on connaît une économie
très dynamique, le loyer augmente plus vite, par exemple Toronto. En
fait, en ce moment, à Toronto, le taux des vacances est à peu
près de 3 p.c. contre 7.7 p.c. à Montréal.
Etant donné le jeu de la demande et de l'offre, la hausse du
loyer dépend de celle du coût des éléments
utilisés en construction. C'est ainsi que, dans la même
période de dix ans, depuis 1961, le coût du terrain a
augmenté de 88 p.c. contre une hausse de 110 p.c. pour la main-d'oeuvre
et de 45 p.c. pour les matériaux de construction.
Mais la hausse du prix des terrains est
beaucoup plus considérable que ne l'indiquent les chiffres
officiels. En effet, il y a des raisons de croire que, dans certaines villes,
le coût du terrain augmente de plus de 30 p.c. par an.
Les quelques chiffres examinés ci-haut démontrent que les
ménages canadiens doivent consacrer de plus en plus de leurs ressources
à l'habitation. Comment peut-on tolérer une telle situation? La
situation est trop grave, à mon sens, pour se contenter de dire que la
hausse du loyer reflète la préférence des
consommateurs.
Le deuxième élément de la crise est la tendance du
loyer des logements à coût modéré d'augmenter plus
vite que le loyer des logements plus dispendieux. Autrement dit, ce sont les
pauvres, les gens âgés, les assistés sociaux qui sont plus
frappés par la hausse de loyer. Dans la période de 1951-1961, le
loyer des pauvres a augmenté de 97 p.c., alors que celui des riches n'a
augmenté que de 64 p.c. Autrement dit, le loyer des pauvres a
augmenté d'au moins 50 p.c. plus vite. D'autre part, dans la même
période, le revenu des pauvres s'est accru de 52 p.c. contre une hausse
de 57 p.c. pour le revenu des riches. L'implication est claire: ce sont les
pauvres qui supportent le fardeau de la hausse de loyer. Pour les pauvres, le
loyer a augmenté deux fois plus vite que leurs revenus. D n'y a pas de
doute que cette tendance s'est maintenue dans les années soixante.
La hausse excessive de loyer par rapport au revenu signifie
naturellement que les moins fortunés doivent consacrer une part de plus
en plus importante de leur revenu à l'habitation. D'après une
étude de Statistique-Canada, en 1969, un cinquième des
ménages les plus pauvres consacrait pas moins de 44 p.c. de leurs
revenus au paiement du loyer, alors qu'un cinquième des ménages
les plus riches n'en consacrait que 12 p.c.
En dépit de l'alourdissement du coût du loyer, les pauvres
doivent se contenter d'une qualité inférieure de logements.
Plusieurs études démontrent que la moitié des logements
occupés par ces gens-là sont d'une qualité en-dessous du
minimum acceptable.
L'aspect fondamental de la crise du logement est donc, d'une part, la
hausse excessive du coût des loyers par rapport au coût des autres
biens et services, et, d'autre part, l'alourdissement
accéléré du coût du loyer chez les pauvres. L'ordre
de grandeur de la crise enfin, la crise, c'est une connotation un peu
émotive; disons plutôt que c'est un problème grave
peut se résumer en ces termes. En ce moment, au Québec, il y a
environ 588,000 ménages, soit 27 p.c. du nombre total des ménages
québécois, qui consacrent plus d'un quart de leur revenu à
l'habitation. La majeure partie de ces ménages habite des logements
d'une qualité inacceptable. En 1981, il y aura 675,000 ménages,
soit 31.2 p.c. du nombre total des ménages québécois, qui
auront à consacrer plus d'un quart de leur revenu à l'habitation.
Donc, si la tendance actuelle continue, dans dix ans, il y aura non seulement
un chiffre toujours plus grand de ménages qui ont des
difficultés, mais aussi le chiffre proportionnel augmentera.
Autrement dit, chaque année, les besoins de logements sociaux
augmentent d'à peu près 10,000 unités.
Il y a d'autres dimensions de la crise du logement: la disparition des
logements des pauvres causée par l'urbanisation, la
détérioration de la qualité des logements des pauvres
provoquée par la pollution, la congestion du trafic. Enfin,
là-dessus, je ne veux pas entrer dans les détails, car ici ce qui
nous concerne je crois que ce sont les deux aspects les plus importants,
concernant la hausse de loyer pour décrire le problème
actuel.
Devant cette difficulté, qu'est-ce qu'on a fait au Canada? Jetons
un coup d'oeil rapide sur la politique de la Société centrale
d'hypothèques et de logement. Il faut dire, en toute franchise, que la
société a fait beaucoup; il faut louer les efforts
déployés par la société. La Loi nationale sur
l'habitation a certainement libéralisé les conditions des
prêts et stimulé l'offre des prêts hypothécaires en
diminuant les risques inhérents aux prêts hypothécaires,
etc.
La politique de la Société centrale d'hypothèques
et de logement est singulièrement déficiente en ce qui concerne
les logements à coût modéré. On constate que la
rapidité de la croissance du stock, aussi louable soit-elle, n'assure
pas la solution du problème crucial, à savoir la pénurie
de logements sociaux et l'inflation du loyer. Au contraire, il y a des raisons
de croire que la rapidité de la croissance du stock a causé
l'instabilité de la construction, laquelle, à son tour, aura pu
provoquer justement ou intensifier davantage l'inflation des loyers. La
question n'est pas de savoir si l'économie canadienne peut produire
rapidement le stock requis mais plutôt de savoir à quel coût
on doit assurer la croissance du stock.
Depuis 1946, la société a financé environ 268,000
unités de logements qualifiés de logements à coût
modique, modéré. En réalité, la majeure partie de
ces logements est difficilement accessible aux pauvres. Par conséquent,
une très petite part de ces chiffres représente vraiment des
logements sociaux. Même si l'on supposait que la totalité des
268,000 unités de logements est accessible aux pauvres au Canada, elle
représente à peine 13 p.c. des besoins. Au Québec, il y a
environ 588,000 ménages qui ont besoin de logements sociaux, mais depuis
1946, la société centrale a financé à peu
près 69,000 unités de logements qualifiés "à
coût modéré", c'est-à-dire à peine 12 p.c.
des besoins.
Ici, on arrive à ces chiffres en tenant compte à la foi de
l'évolution de la distribution des prix et de l'évolution de la
distribution du revenu. En tenant compte des capacités maximales qu'on
peut tolérer pour un ménage, on arrive, en fait, au besoin de
logements sociaux.
Heureusement, depuis trois ans, il faut l'admettre, la
Société centrale d'hypothèques et de
logement consacre une part importante de ses ressources aux logements
sociaux, ce qui est fort encourageant. Cependant, c'est un peu trop tard et ce
n'est pas assez. Avant que l'économie puisse consacrer une plus grande
part de ses ressources au problème, il faut que l'on trouve des moyens
de confiner l'inflation dans une limite tolérable. C'est là,
à mon sens, messieurs, la justification de cette loi 78 et de cette loi
79.
Maintenant, disons un mot sur la politique du loyer. Il y a deux
approches qui peuvent être explorées. En premier lieu, il s'agit
du contrôle ou gel classiques des loyers, qui consiste, bien entendu,
pour les autorités publiques, à fixer les loyers au niveau
désiré et à les modifier selon les besoins. Cependant,
l'expérience de plusieurs pays indique que cette approche est
vouée à l'échec. Elle intensifie davantage la
pénurie de logements, elle décourage la mobilité des
ménages, elle fait accélérer la
détérioration de la qualité des logements et, enfin, elle
empêche une meilleure affectation des ressources. Donc, il n'est plus
question de recourir à une telle politique.
La deuxième approche, dont s'inspirent d'ailleurs les bills 78 et
79, consiste non pas à fixer le loyer à un niveau donné,
mais plutôt à tolérer une marge de hausse du loyer tout en
respectant le jeu libre du marché. Par conséquent, dans cette
politique, ce qui est le plus important, naturellement, c'est la notion de
loyer juste et équitable.
Ce qui est juste et équitable se prête à plusieurs
interprétations. Au point de vue du propriétaire, le loyer juste
et équitable est celui qui est suffisant pour lui permettre de continuer
son entreprise. D'autre part, quant au locataire, le loyer juste et
équitable est celui qui correspond à sa capacité
financière. Par exemple, le principe qui veut que le loyer ne doit pas
représenter plus du quart du revenu détermine ce qui est juste et
équitable. Finalement, au point de vue économique, le loyer juste
et équitable est celui qui prévaut lorsque le marché est
en équilibre parfait.
Laquelle de ces trois interprétations peut-on adopter quand on
applique les bills 78 et 79? C'est une question que l'on doit examiner à
fond. Si l'on adoptait la première interprétation, le
propriétaire serait satisfait mais ceci ne réglerait pas le
problème du locataire.
D'autre part, si l'on acceptait la deuxième
interprétation, on risque de compromettre l'offre de logements locatifs.
Quoi faire?
Ici, M. le Président, j'aimerais insister sur l'importance de la
compétence du service technique de la commission, parce qu'avant que la
loi soit mise en vigueur, il me semble qu'il y a pas mal de boulot à
faire. Enfin, pour moi, c'était un élément peut-être
plus important, plus urgent, c'est-à-dire du service technique.
Il me semble que l'on doit... devant ces problèmes, quoi faire?
Il faut tout de même tout d'abord reconnaître que la politique du
loyer n'est qu'une mesure partielle, ayant pour but de résoudre un des
aspects du problème de l'habitation. Il faut également accepter
que toutes tentatives de faire baisser le loyer au-dessous d'un certain niveau
amène soit à la baisse d'offre ou soit à la
détérioration de la qualité des logements. La politique du
loyer, telle que spécifiée dans les bills 78 et 79 ne peut
être qu'une mesure partielle, peut-être permanente et elle doit
être supplémentée d'autres mesures appropriées, si
l'on veut vraiment résoudre le problème du logement. En fait, le
loyer juste et équitable déterminé aux termes des bills 78
et 79 doit être celui qui est suffisamment élevé pour que
l'offre de logement locatif soit soutenue et que la qualité soit
assurée. Ceci veut dire que la politique du loyer doit être
accompagnée d'une politique de subsides aux locataires pour que ces
derniers ne subissent pas de fardeau financier excessif.
Il est clair que les bills ne sont que des éléments d'une
véritable politique de l'habitation et qu'ils ne sont qu'une mesure
partielle. J'insiste souvent là-dessus, parce que cela ne veut pas dire
que la loi ne devra pas être permanente, elle peut être permanente
mais partielle.
Le but de la politique de l'habitation est d'assurer à tous un
logement de qualité acceptable, à un coût raisonnable, et
situé dans un endroit convenable. Par conséquent, une
véritable politique de l'habitation ne peut-être que globale et
elle doit être inspirée de connaissances systématiques sur
tous les aspects de l'habitation
Ici, j'ai évoqué souvent la politique d'habitation par
rapport à la politique du loyer. En quoi consisterait cette politique de
l'habitation?
La gravité de la crise du logement nécessite une nouvelle
définition de la politique de l'habitation. Cependant, l'état des
connaissances actuelles ne suffit pas pour permettre une telle politique. Il
s'avère donc qu'une enquête complète est
nécessaire.
Dans cette enquête, M. le ministre, M. le Président, je
suggère quelques éléments expliqués à la
page 10. Ce sont les éléments minima pour lesquels on doit avoir
des connaissances très exhaustives avant qu'une politique globale
véritable de l'habitation soit mise en vigueur. Par exemple, il faut
savoir les besoins ventilés par le type de ménage, par groupes
d'âge, par localisations, par le niveau de revenus de chef de
ménage, par le niveau de prix des logements. H faut tout de même
prévoir au moins dix ans à l'avance les besoins
détaillés.
Deuxième élément, que peut-on faire pour assurer le
prêt hypothécaire au taux d'intérêt acceptable?
De quelle façon peut-on atténuer la hausse du coût
de l'habitation grâce à l'innovation technologique et la
rationalisation de la production de logements?
De quelle façon peut-on assurer la meilleure productivité
de la main-d'oeuvre grâce aux relations de travail harmonieuses?
Quel est l'impact de l'expansion urbaine sur
la qualité et la localisation des logements? Car le tribunal doit
faire l'arbitrage. Tout de même, il faut qu'on tienne compte du fait
très important qu'est le loyer. Le logement locatif dépend
largement de la valeur du terrain, c'est-à-dire la valeur du site. Par
conséquent, on ne peut pas ignorer l'impact primordial de l'urbanisation
sur la valeur des immeubles.
Par exemple, comment peut-on atténuer la hausse du coût du
terrain? Vous savez très bien que c'est l'une des raisons de l'inflation
des loyers, la hausse du coût des terrains.
Il faut évaluer aussi l'impact régional de la politique
monétaire ainsi que la politique fiscale, etc. En tout cas, ici j'ai
fait quelques suggestions. Si l'on veut vraiment faire une étude
détaillée, il faut tenir compte de ces éléments, il
me semble.
Ce sont donc quelques questions qui doivent être
étudiées avant de concevoir une politique cohérente de
l'habitation qui est susceptible de réussir. Nous avons quelques
éléments de réponses à certaines questions, mais
les connaissances actuelles dans ce domaine sont loin d'être
suffisantes.
Quoi qu'il en soit, on peut se faire une idée sur l'orientation
générale de la politique de l'habitation. Tout d'abord, il faut
absolument atténuer la hausse du coût de l'habitation
encore une fois, je vois ici une grande utilité à la loi en
question, c'est-à-dire les bills 78 et 79 non seulement par la
loi en question mais aussi par une restructuration du marché des
prêts hypothécaires, du marché du terrain urbain, enfin de
l'industrie de la construction et d'autres institutions impliquées. En
deuxième lieu, il faut que la richesse du pays soit répartie de
telle manière que le fardeau du coût de l'habitation soit
équitablement partagé. En troisième lieu, il faut que la
réhabilitation des logements existants soit entreprise sur une grande
échelle. Finalement, la politique de l'habitation doit être
intégrée aux autres politiques socio-économiques.
La politique de l'habitation ne consiste plus à maximiser le taux
de croissance du stock de logements. Il ne s'agit plus de modifier de temps en
temps le cadre juridico-politique du marché du logement afin d'affecter
le comportement des agents impliqués dans une règle de jeu bien
établie. Il s'agit plutôt de considérer l'habitation, au
moins en partie, au même titre que l'éducation, la santé
publique et d'assurer à tous un bien-être convenable, tout en
tenant compte des contraintes sociales et économiques de la nation.
Conclusion. La crise du logement, c'est réel, elle existe. On a
vu quelques éléments. La distribution inégale du stock de
logements en faveur des ménages plus fortunés, la hausse
démesurément rapide du loyer des logements à coût
modique, la mauvaise qualité de ces derniers, la disparition rapide des
logements à la portée des pauvres à cause de l'expansion
urbaine, la spéculation foncière, tous constituent les
éléments de la crise.
S'il y a une crise, ce n'est pas nécessairement attribuable
à un groupe d'individus ou d'institutions particulières. C'est
plutôt le résultat du fonctionnement du système. Je ne dis
pas que ce n'est pas bon mais, à cause d'éléments de
toutes sortes, parfois le fonctionnement n'est pas idéal, enfin de la
manière qu'on dit idéale. Il s'agit tout simplement
d'améliorer le fonctionnement du système.
Les bills 78 et 79, aussi louables soient-ils, ne peuvent être la
solution complète. Ils sont une mesure partielle ayant pour but de
minimiser les abus de part et d'autre et de confiner la hausse du loyer dans
une limite acceptable.
En terminant, M. le ministre, je souhaite que le gouvernement du
Québec envisage une étude très sérieuse de tous les
aspects signalés dans ce mémoire. En outre, je me demande,
étant donné l'importance du secteur de l'habitation, étant
donné la gravité du problème, pourquoi le gouvernement du
Québec ne serait pas doté d'un conseil supérieur de
l'habitation. On a le Conseil supérieur de la presse et d'autres, sur
les problèmes de la nation.
Là-dessus, je vous remercie de votre attention.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: Je vous remercie beaucoup, M. Chung, de votre
exposé du plus haut intérêt. Je voudrais vous poser une
question qui a été soulevée par certains groupes qui ont
comparu devant nous à l'occasion de l'étude du bill 59, qui avait
précédé les bills 78 et 79. Des représentations ou
objections nous ont été faites par certains groupes de
propriétaires fonciers ou de constructeurs à l'effet que les
bills proposés risquaient de réduire le niveau de la
construction, plus particulièrement dans le domaine de l'habitation et,
par conséquent, d'avoir des effets négatifs sur le stock
disponible de logements pour les citoyens du Québec.
Evidemment, lorsque ces représentations nous ont
été faites par ces groupes et qu'on nous a cité, par
analogie, les cas, par exemple, de la ville de New York ou d'autres villes
américaines où il y a un contrôle des loyers, nous leur
avons répondu que les objectifs visés par nos lois
n'étaient pas d'arrêter ou de bloquer toute hausse des loyers et
de neutraliser, par ce fait, la construction.
J'aimerais avoir vos vues sur les effets prévisibles des bills 78
et 79 sur la construction comme industrie et également sur le stock
disponible de logements dans l'avenir.
M. CHUNG: M. le ministre, je pense que l'effet négatif de ces
lois sur l'offre des logements locatifs me parait minime pour deux raisons.
D'abord, ces lois 78 et 79 sont très différentes, quant
à leur nature et à leur portée, de l'expérience du
passé, c'est-à-dire le gel des loyers à New York ou
ailleurs. Ici, on ne
cherche pas à geler les loyers. Au contraire, il s'agit
d'atténuer la hausse à la marge. En fait, l'objectif du tribunal,
qu'est-ce que c'est? C'est de déterminer si la hausse de loyer
demandée est "raisonnable", équitable ou juste.
Par conséquent, déjà, par la nature même de
la loi, je pense que c'est très différent des lois qu'on a
connues dans d'autres pays et dans d'autres régions, comme New York, et
même au Canada durant la guerre. C'est très différent.
C'est la première raison.
La deuxième raison, c'est que la réaction des
constructeurs à la variation des loyers n'est pas très
très sensible. Par exemple, même si le prix a augmenté de
10 p.c, cela ne veut pas dire qu'il y aura 10 p.c. d'accroissement de
l'offre.
Il y en a moins que ça. H y a ces deux raisons. A une condition,
condition qui me paraît très importante, c'est que si vraiment,
grâce aux services techniques du tribunal, on peut avoir une bonne
idée sur la marge de profit ou "cash flow" acceptable dans le sens que
c'est une marge de profit qui n'aura pas d'effet vraiment désastreux ou
négatif sur l'offre de logement. Ce sont des choses qu'on peut
déterminer à la lumière d'analyses et de statistiques.
Prenons donc la ville de Montréal. On peut établir, par
exemple, le profil des loyers dans la région et on peut examiner
l'évolution de ce profil dans le temps. Certainement qu'aussi longtemps
que le constructeur peut faire un profit, disons, de 10 p.c. je n'ose
pas ici citer un chiffre exact plus l'élément de risque,
disons un profit normal acceptable, tant qu'un constructeur peut faire ce
profit normal, pourquoi serait-il en fait affecté par cette loi? Parce
que la loi ne défend pas au constructeur de faire un profit, au
contraire. Je vois que la loi est très soucieuse de ce
côté; elle prévoit même un profit suffisant pour que
le constructeur reste dans le district, pour que l'offre de logements locatifs
soit assurée.
Pour résumer ce que je viens de dire, pour deux raisons et
à une condition, je pense que l'effet ne me parait pas très
nocif, très négatif. Donc, ça dépend justement de
la compétence des services techniques et du tribunal.
LE PRESIDENT (M. Blank): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Le
député de Maskinongé?
M. PAUL: M. le Président, je voudrais poser deux questions
à M. Chung. Pourriez-vous nous dire vers quelle période vous avez
tenu l'enquête qui vous permet de nous fournir toutes les statistiques
qu'on retrouve dans votre mémoire?
M. CHUNG : Les sources des statistiques sont très diverses. Je
n'ai pas spécifié les références pour ces
données, parce que dans un mémoire comme ça je ne veux pas
ennuyer les gens avec des tableaux, graphiques, etc. J'ai été
consultant à maintes reprises pour la Société centrale
d'hypothèques et de logement, mais, en particulier, il y a deux ans
j'étais directeur aux études économiques pour le "task
force", groupe d'étude dirigé par Michael Dennis, le fameux
rapport polémique de Michael Dennis.
A l'intérieur de cette enquête, on a eu le temps d'examiner
pas mal d'aspects, de problèmes de logements, donc les données
citées sont réelles. C'était pour une période de 10
ans de 1961 à 1971. Naturellement j'ai utilisé toutes les
sources, c'est-à-dire recensements, Statistiques-Canada et d'autres
publications, surtout les publications de la Société
centrale.
M. PAUL: Une deuxième question. Si je me réfère
à la page 4 de votre mémoire, vous introduisez deux classes de
notre société, l'une dite classe pauvre et l'autre dite classe
riche.
Quels sont les critères qui vous permettent de faire la
démarcation entre ce que vous considérez comme pauvre et ce que
vous considérez comme gens de la classe riche?
M. CHUNG: Votre question est excellente, j'aurais dû
spécifier davantage. Dans ce quartier pauvre, celui qui fait partie des
premiers 20 p.c. au point de vue revenu, en faisant la distribution des
revenus, j'ai classé la queue de la distribution, les premiers 20 p.c.
les plus pauvres comme étant pauvres. Alors que les 20 p.c. plus riches,
sont riches. Mais je n'ai pas discuté des gens qui se trouvent à
l'intérieur, entre deux limites pour ainsi dire. Pauvres ou riches,
c'est une notion relative; je ne sais pas, comme ministre s'il fait $100,000
par an, par exemple, alors il est plus pauvre que celui qui fait $600,000. Ce
sont les compilations de General Motors. C'est relatif dans ce sens.
M. PAUL: Je vous remercie, M. Chung.
LE PRESIDENT (M. Blank): Merci, M. Chung. Je pense que...
M. CHOQUETTE: Nous allons devoir ajourner. Je tiens à dire aux
membres de la commission que j'avais quatre autres experts à faire
entendre; nous les entendrons à une séance ultérieure de
la commission sur différents aspects du projet de loi.
Quant à la date d'une prochaine séance, je pense qu'avec
les experts que nous aurons à notre disposition, nous n'aurions besoin
que d'une matinée ou d'un après-midi. Alors, je ne sais pas si
les membres aimeraient faire des prévisions pour la semaine prochaine
peut-être, s'il y a une journée...
M. PAUL: Après consultation avec les leaders.
M. BURNS: II est possible que la semaine prochaine, le
sous-comité sur les dépenses électorales siège
enfin, mercredi. Alors, si ça a lieu, j'aimerais autant que possible que
ça ne coïnci-
de pas parce que je suis à ce comité. Et après
avoir entendu M. Chung, je regrette de ne pas être arrivé
avant.
M. CHOQUETTE: Est-ce qu'on pourrait dire en principe jeudi matin? Quitte
à consulter le leader du gouvernement et les représentants des
partis d'Opposition.
LE PRESIDENT (M. Blank): La commission ajourne ses travaux sine
die...
M. CHOQUETTE: Oui mais avec possibilité que nous siégions
jeudi matin à 9 h 30.
M. PAUL: Pro forma.
M. CHOQUETTE: Pro forma, oui, merci.
(Fin de la séance à 12 h 28)