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Version finale

29e législature, 4e session
(15 mars 1973 au 25 septembre 1973)

Le mercredi 6 juin 1973 - Vol. 13 N° 77

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi no 78 — Loi concernant le louage de choses et du projet de loi no 79 - Loi du tribunal des loyers


Journal des débats

 

Commission permanente de la justice

Projet de loi no 78 Loi concernant le louage de choses

Projet de loi no 79 Loi du tribunal des loyers

Séance du mercredi 6 juin 1973

(Neuf heures trente-huit minutes)

M. BLANK (président de la commission permanente de la justice): A l'ordre, messieurs!

M. CARON: M. le Président, pour la séance d'aujourd'hui, M. Assad va remplacer M. Bacon.

LE PRESIDENT (M. Blank): Adopté? M. Assad remplace M. Bacon.

M. CARON: II a promis d'être présent durant toute la séance.

LE PRESIDENT (M. Blank): De nombreux organismes viennent devant nous ce matin et je constate que presque tous les groupes qui sont ici aujourd'hui l'ont déjà été avec le fameux bill 59. J'espère qu'on ne répétera pas tout ce qu'on a dit l'autre fois, mais seulement les changements proposés dans celui-ci.

On commence avec la Ligue des propriétaires de Montréal. Est-ce que Me Maranda est ici?

Ligue des propriétaires de Montréal

M. MARANDA: C'est moi. Espérons que l'audition de la lecture de ce mémoire ne sera pas trop pénible.

M. CHOQUETTE: Me Maranda, est-ce que vous avez l'intention de nous donner lecture intégrale du mémoire?

M. MARANDA: Comme vous voudrez. Si tout le monde l'a lu, ce n'est pas nécessaire. Je peux simplement me contenter de répondre aux questions.

M. CHOQUETTE: C'est parce que, si vous nous donnez la lecture complète de ce mémoire — je vois qu'il a treize pages — normalement, treize pages dactylographiées comme ça, ça prend au moins 15 à 20 minutes. Cela ne sert à rien de nous donner lecture du mémoire, parce que nous sommes capables de le lire.

Moi, je vous suggérerais plutôt de nous donner les idées principales qui se trouvent dans le mémoire, ce sur quoi vous insistez. Cela donnera l'occasion aux membres de la commission de vous poser des questions pour éclaircir certains points qui sont restés obscurs.

M. MARANDA: Si vous le voulez. Nous insistons toujours, pour prendre l'idée générale, sur le fait qu'on donne par la nouvelle loi assez souvent aux locataires des avantages qu'ils n'avaient pas auparavant et qu'on refuse assez souvent de donner le réciproque aux propriétaires. Nous croyons que les propriétaires ont besoin de protection autant que les locataires. Et nous ne voyons pas pourquoi le législateur ne verrait pas à donner une certaine protection supplémentaire aux propriétaires comme il veut bien en donner aux locataires. C'est l'idée principale autour de laquelle nous tournons.

A la page 3 du mémoire, il y a un titre: "Propriétaires en péril." Là, justement, nous parlons de risques partagés. Nous croyons que le contrat de bail, étant un contrat bilatéral, à certains moments, les risques inhérents à tout contrat et à celui-là en particulier doivent être partagés sans exception par les deux contractants.

Ensuite de ça, nous ne voyons pas pourquoi nous écartons la présomption d'incendie qui existait dans le code civil. Nous croyons que la raison donnée que l'incendie, souvent, est causé par des conduits électriques défectueux est un argument un peu fallacieux pour la bonne raison que, la plupart du temps, lorsqu'un incendie arrive à cause des conduits électriques, c'est que le locataire les aura surchargés en ne tenant pas compte des données d'électricité de la maison.

Pour ce qui est des réparations effectuées par le locataire, nous croyons qu'il y a des cas d'urgence où le locataire doit effectuer lui-même certaines réparations; c'est prévu dans la loi lorsque le propriétaire ou ses représentants sont éloignés ou incapables d'agir.

Alors, nous voulons suggérer, pour protéger le locataire, qu'on adjoigne au tribunal un nouveau fonctionnaire; dans les tribunaux administratifs il y a beaucoup de fonctionnaires. Par exemple, dans le tribunal de la Régie des loyers, il y a des fonctionnaires qui voient à évaluer les logements, à leur donner une valeur locative; nous savons que chaque logement qu'on soumet à la Régie des loyers a son dossier, donc il y a des fonctionnaires d'attachés au tribunal. Pour ce qui est de l'article qui permettrait, dans le cas d'incapacité d'agir du propriétaire, que le locataire fasse les réparations, nous croyons qu'il devrait y avoir un expert au tribunal qui pourrait rapidement et sans frais conseiller le locataire, qui est souvent inexpérimenté, pour faire les réparations de telle sorte que les réparations soient faites selon les règles de l'art, pour éviter des dépenses inutiles.

Alors, à la page 5, nous parlons de certains avantages qui ne sont pas réciproques, c'est-à-dire qui sont donnés au locataire et non pas au propriétaire. Le locataire est tenu de faire les réparations d'entretien, c'est-à-dire les menues réparations, alors que le propriétaire est tenu de faire les grosses réparations. Mais on nous dit que le locataire n'est pas obligé de faire les petites réparations au cas de vétusté ou de force

majeure, par exemple, dans le cas de bris de vitre. Il serait assez facile pour un locataire, si je m'en tiens toujours à l'exemple du bris de vitres, de prétendre qu'elles ont été brisées par cas fortuit ou force majeure, par exemple, par la grêle ou encore par des gamins qui peuvent lancer des cailloux dans les fenêtres, des choses du genre. Dans ce cas, on écarte assez systématiquement, avec cette affaire de vétusté, cas fortuit et force majeure, l'obligation qui incombe normalement au locataire au sujet des réparations locatives. Alors que le propriétaire, lui, dans tous les cas, doit faire les réparations que la loi lui suggère, qu'elles proviennent de vétusté, de cas fortuit ou de force majeure. Ensuite...

M. CHOQUETTE: Excusez, M. Maranda. Le Solliciteur général vient d'entrer, et ses collègues l'ont salué.

M. MARANDA: C'est pour ça que je me suis interrompu, ça valait la peine. Alors...

Si je peux continuer, on voit qu'il y a une question de bail transmissible, c'est-à-dire que le bail entre dans la succession.

Nous croyons que le contrat de location pris sous cet angle devient un droit réel dans la chose louée. Cela devient un droit pratiquement comparable au droit de propriété lui-même, si on peut transmettre son droit au bail, n'est-ce-pas?

Il semble, de la façon dont la loi est faite, qu'un locataire mourant peut céder son bail dans sa succession, c'est-à-dire que ses héritiers ou légataires se servent du bail. Si le bail ne prend pas fin il pourra, à l'expiration, puisqu'il existe encore, être prolongé par la régie.

C'est pratiquement céder un droit dans la chose louée. Nous croyons que c'est une tendance un peu poussée vers le socialisme.

M. CHOQUETTE: Est-ce que vous êtes pour une tendance modérée vers le socialisme?

M. MARANDA: En tant que représentant de la Ligue des propriétaires, j'ai sûrement une tendance très modérée.

M. CHOQUETTE: Modérée.

M. MARANDA: Très modérée, tout en comprenant que les locataires ont des avantages et des privilèges qui doivent être défendus.

A la page 6 — vous voyez j'en passe, je vais très rapidement — : Protection du locateur. Lorsqu'il s'agit d'effets mobiliers appartenant à des tiers, nous croyons que l'avis qui est donné devrait ne pas être valable pour l'acquéreur subséquent d'un immeuble. On est dans le cas suivant: II arrive assez souvent qu'un propriétaire a acquis un immeuble sans savoir qu'il y avait eu des avis donnés très souvent par des maisons de finance au sujet de la propriété à cause de vente conditionnelle de meubles qui se trouvent sur les lieux loués.

Le propriétaire fait donc les frais d'une saisie avant jugement ou d'un jugement et se trouve dans l'obligation de donner une mainlevée de saisie parce qu'il n'a jamais été averti que certains effets appartiennent à des tiers. Nous croyons que le propriétaire devrait, seulement dans les cas où il a eu connaissance de cet avis avant l'exercice de son privilège — c'est le seul cas — ne pas pouvoir saisir les biens qui se trouvent dans les lieux loués, même s'ils appartiennent à des tiers.

Maintenant, pour ce qui est des habitations à loyer modique, nous comprenons fort bien que des locataires puissent, à un moment donné, vouloir briser leur bail pour déménager dans une habitation à loyer modique. Toutefois, nous suggérons, pour protéger le propriétaire, d'imposer une condition avant l'annulation du bail, c'est-à-dire que le locataire se trouve un sous-locataire ou un remplaçant acceptable pour le propriétaire avant de pouvoir résilier le bail.

Autrement, c'est trop facile. Le propriétaire, par ses taxes sur un immeuble qu'il a d'ailleurs probablement acquis à titre très onéreux, parce que maintenant les immeubles sont très chers dans une ville comme Montréal, subventionne en même temps en partie les habitations à loyer modique. Si on dépeuple les propriétés de ce propriétaire au profit d'une habitation à loyer modique, il y a une concurrence déloyale, il ne peut plus arriver.

Nous suggérons simplement, pour la protection de tous, que la condition préalable à l'annulation du bail soit que le locataire désirant quitter trouve un sous-locataire acceptable.

Pour ce qui est des chèques postdatés, l'ancienne loi disait qu'on ne pouvait se faire donner aucun chèque ou effet postdaté. La nouvelle loi prévoit qu'on peut se faire donner un chèque postdaté pour le dernier mois du loyer, mais c'est une protection qui n'en est pas une. Avant que le chèque du locataire revienne de la banque du propriétaire, le locataire, qui termine son bail, aura le temps de se sauver sans donner sa nouvelle adresse, évidemment. Nous aimerions enlever le mot "postdaté" après le mot "chèque" pour que le propriétaire puisse exiger non pas un mois de loyer, mais deux mois d'avance, soit le premier et le dernier mois, payables immédiatement et non pas à la fin du bail.

A la page 7, pour ce qui est des enfants, on dit qu'un propriétaire ne peut refuser de louer à cause du nombre d'enfants que pourrait avoir un locataire éventuel. Nous croyons que c'est une mesure acceptable, une mesure qui est bonne, mais nous voulons quand même tempérer cette mesure. Lorsqu'un propriétaire est malade ou âgé ou lorsqu'il abrite chez lui une personne malade ou âgée, nous croyons qu'il devrait avoir le droit de refuser de louer à une famille possédant de nombreux enfants. Cela s'explique assez facilement. Il y a très souvent des gens qui ont économisé toute leur vie pour avoir une petite maison, un petit duplex, par

exemple, où ils seraient, chez eux, mais, à ce moment-là, ils ne peuvent pas se défaire de leurs locataires qui leur font la vie dure parce qu'il y a, par exemple, quatre ou cinq enfants qui leur courent sur la tête.

J'ai souvent vu des cas de personnes âgées de 60, 72, 75 ans qui voyaient leur vieillesse très embêtée parce qu'elles ne pouvaient pas se défaire de la famille du haut qui possédait des enfants bruyants. Remarquez que c'est normal pour un enfant d'être bruyant, mais c'est aussi normal pour un vieillard de vouloir avoir la paix.

M. CHOQUETTE: S'il y a bruit, comme vous le dites, c'est une cause de résiliation par le propriétaire contre le locataire.

M. MARANDA: Oui, s'il peut établir qu'il y a beaucoup d'enfants et son âge ou sa maladie, cela devrait être une cause automatique.

M. CHOQUETTE: Cela l'est, je pense bien.

M. MARANDA: Cela l'est, mais la preuve est tellement difficile à faire.

M. CHOQUETTE: Je comprends que la preuve peut présenter certaines difficultés, dans certains cas, mais il ne faudrait pas ignorer cet aspect-là, par exemple.

M. MARANDA: Oui, mais je crois qu'il faudrait assouplir de beaucoup la preuve à ce moment-là. La preuve que la personne, à cause de son âge ou de sa maladie, ne peut pas endurer des enfants, est trop difficile à faire. Cela devient extrêmement difficile de prouver, au point de vue pratique, que sa santé, par exemple, ne lui permet pas d'endurer des enfants qui lui courent sur la tête à l'étage supérieur.

M. CHOQUETTE: II y a un autre point, aussi, M. Maranda. L'article 1665 m) — il faut bien remarquer la portée de cet article-là — dit simplement que le propriétaire ne peut pas refuser de louer du seul fait qu'il y aura des enfants sur les lieux. Cela n'autorise pas à surhabiter le logement, en somme, à y introduire une famille, par exemple, qui serait trop nombreuse pour la grandeur du local.

Je crois qu'à ce point de vue ou sous cet aspect il y a une protection pour le propriétaire.

M. MARANDA: A mon point de vue, il ne s'agit pas dans ce cas-ci d'un logement surpeuplé. Vous pouvez avoir trois ou quatre jeunes enfants dans un logement sans que celui-ci soit surpeuplé. Nous voulons que le propriétaire âgé ou malade puisse refuser de louer s'il y a un nombre trop grand d'enfants, pour sa quiétude à lui. Après tout, c'est lui qui a travaillé toute sa vie pour avoir son petit duplex, il vit en bas et loue la partie du haut pour l'aider à payer ses taxes. Cela arrive très souvent. A ce moment-là, cet homme devrait avoir le droit de faire une vieillesse tranquille. H a déjà élevé sa famille et il est trop vieux pour voir des gens qui en élèvent une sur sa tête. Qu'il puisse refuser dans ce cas et que la preuve soit facile à faire.

Pour ce qui est de la détermination du loyer, nous croyons que la loi devrait insister sur la valeur locative du logement qui est mis en location. Il y a un tas de facteurs mentionnés dans la loi pour déterminer le montant du loyer, mais la valeur locative n'est qu'un des facteurs mentionnés parmi tant d'autres. Lorsqu'on rend à l'actuelle Régie des loyers, on se rend bien compte, très souvent, qu'il y a une grande disparité entre les logements fixés par la Régie des loyers et les logements régis pas la loi de l'offre et de la demande. Et, même dans un seul immeuble, il y a souvent une disparité dans les prix fixés par la régie elle-même.

Nous aimerions que la régie ou enfin le tribunal des loyers, l'organisme qui administrera cette loi, se base d'abord et avant tout sur la valeur locative, avant de prendre des facteurs qui sont très étrangers à la valeur locative, pour déterminer le montant du loyer. Pour ce qui est de la clause d'augmentation de loyer, on prévoit dans la loi qu'on ne peut introduire dans un bail une clause qui augmenterait le loyer en cours de bail. Nous sommes d'accord que, si on permettait 36 sortes de clauses, la loi n'aurait plus sa raison d'être. Maintenant, il y a une clause d'augmentation de loyer que nous croyons utile de laisser dans les baux, celle de l'augmentation répartie proportionnellement entre tous les locataires lorsqu'il y a augmentation de taxes. Cela empêcherait beaucoup de gens de se rendre inutilement à la Régie des loyers, si la loi le permettait.

M. CHOQUETTE: M. Maranda, je tiens à vous dire que, dans les amendements que nous apporterons, nous autoriserons une clause qu'on appelle escalatrice, pour traduire mal "escalator clause", en anglais, pour autant qu'elle s'appliquera aux taxes foncières et primes d'assurances.

M. MARANDA: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Blank): II n'a pas le droit à une option pour quelques années de loyer élevé?

M. CHOQUETTE : Nous allons la mettre dans...

LE PRESIDENT (M. Blank): Des fois, il y a une option pour quelques années après à un prix différent.

M. PAUL: Au renouvellement du bail.

LE PRESIDENT (M. Blank): C'est dans le bail principal.

M. CHOQUETTE: II n'y a pas d'inconvénient à ça, ce sera un autre bail.

LE PRESIDENT (M. Blank): Cette condition est dans le bail.

M. CHOQUETTE: Mais il n'y a rien, dans les dispositions actuelles, qui empêche, je pense bien, de prévoir une clause précisant que le bail pourra se renouveler suivant certaines conditions à l'option, par exemple, du locataire. Il n'y a rien, je crois bien, dans le projet de loi, tel que rédigé, qui dénie ce droit, pour les parties, d'introduire une clause à cet effet-là.

LE PRESIDENT (M. Blank): Oui, mais à prix augmenté.

M. CHOQUETTE: Au prix augmenté...

LE PRESIDENT (M. Blank): C'est ça. On trouve cela normalement dans tous les baux commerciaux.

M. CHOQUETTE: Oui mais là nous ne sommes pas dans les clauses de baux commerciaux. Nous sommes dans les clauses de baux d'habitation.

LE PRESIDENT (M. Blank): M. Maranda n'a peut-être pas entendu la conversation, je n'ai pas le droit de parler, mais on me donne la permission. Je demande si avec cette clause on a droit à une option de renouvellement à un taux élevé. On trouve cela normalement dans les baux commerciaux et de temps en temps dans les baux d'habitation.

M. MARANDA: Oui mais de la façon dont la loi est rédigée, je ne crois pas qu'on puisse le faire. Il semble que non. Cela semble complètement défendu.

M. CHOQUETTE: Evidemment, s'il y avait une telle clause dans un bail d'habitation, le montant serait quand même sujet à l'action du Tribunal des loyers. Vous comprenez ce que je veux dire. Je veux dire que rien ne l'empêcherait mais, en fait, ce serait sujet, en somme, au pouvoir de surveillance du tribunal.

M. MARANDA: Oui, parce que, encore cette année, on voit des cas où la Régie des loyers refuse une telle clause dans son bail. C'est-à-dire que vous avez loué, l'an dernier, à $140 et cette année à $145. La régie refuse l'augmentation de $5 pour l'autre année. Je l'ai vu assez souvent.

M. PAUL: Même si on fait la preuve d'augmentation de taxes municipales ou scolaires.

M. MARANDA: Je ne dis pas que c'est un refus automatique. J'ai dit qu'assez souvent je l'ai vu refusé, je n'ai pas dit que c'était refusé automatiquement.

M. PILOTE: Est-ce que, d'abord, on ne pourrait pas prévoir une augmentation du coût de la vie, que le taux soit augmenté proportionnellement à l'augmentation du coût de la vie?

M. CHOQUETTE: C'est parce que le coût de la vie, c'est une chose assez difficile à déterminer. C'est habituellement déterminé sur une base statistique qui comprend le logement, l'alimentation, les services, etc. Alors, ce qu'on appelle les statistiques du coût de la vie, qui sont publiées par le gouvernement fédéral, c'est une moyenne pondérée de différentes augmentations d'un certain secteur de besoins et de services procurés aux consommateurs, en général.

Alors, je ne crois pas qu'on devrait dire que les baux seront augmentés en fonction de l'augmentation du coût de la vie, parce que, quand on est dans le domaine immobilier, on est dans un domaine particulier. Maintenant, il n'y a rien qui empêchera propriétaires et locataires de prévoir des clauses d'augmentation, mais basées sur certaines augmentations de coûts, telles que les taxes foncières, les primes d'assurances. Ceci sera autorisé par la loi.

M. MARANDA : Le ministre ayant fait des études poussées en économie, je ne voudrais pas le contrarier. Toutefois, je voudrais simplement remarquer que le propriétaire souffre du coût de la vie, même s'il vient d'un tas de facteurs. Selon les statistiques fédérales, le coût de la vie augmente au moins de 5 p.c. à 6 p.c. par année, à cause de l'inflation. Il y a, assez souvent, de petits propriétaires qui ont six ou dix logements, qui en ont fait leur commerce et qui en vivent et ils ne peuvent pas augmenter leurs loyers selon le coût de la vie. Ils ne peuvent absolument pas. La régie leur permet très rarement d'augmenter selon l'augmentation du coût de la vie. C'est très rare que la régie donne une augmentation de 6 p.c, par exemple.

M. CHOQUETTE : Mais je veux dire que les répercussions de l'augmentation du coût de la vie, tout le monde les subit, qu'on soit locataire ou qu'on soit propriétaire. On ne les subit pas exclusivement au niveau du coût de l'habitation; on les subit dans tous les domaines où on est obligé de faire des achats ou de se procurer des services.

M. MARANDA: C'est cela. C'est exactement là où je veux en venir. C'est que, dans tous les domaines, il y a une augmentation du coût de la vie, mais, dans le loyer, c'est tellement réglementé que l'augmentation des loyers ne suit pas l'augmentation du coût de la vie, ni l'augmentation des salaires. A ce moment-là, tout augmente beaucoup plus que le loyer. Alors le propriétaire, d'une année à l'autre, voit ses revenus diminuer et c'est spécialement dramatique pour le petit propriétaire qui vit de quelques loyers.

M. le député, je crois, tout à l'heure,

semblait proposer que les loyers puissent augmenter selon l'augmentation générale du coût de la vie. Je pense que ce serait souhaitable. A la régie, ils ont des normes assez difficiles à comprendre, qu'ils n'expliquent pas, qu'ils se refusent à expliquer, assez souvent.

M. CHOQUETTE : Dans les articles que nous avons l'intention de proposer comme texte définitif, le Tribunal des loyers devra tenir compte des conditions générales du marché, telles qu'elles prévalent dans un secteur déterminé ou dans un type de logements particulier. Vous l'aurez, par conséquent, votre influence du coût de la vie pour autant qu'il se répercute sur le logement, puisque ce sera un des facteurs que le tribunal devra prendre en considération, en cas de litige, pour arriver à fixer un loyer pour qu'il soit conforme au marché en général. Vous l'aurez, à ce moment-là, par cette voie.

M. MARANDA: Mais est-ce qu'on aura encore des jugements aussi disparates que ceux qu'on a actuellement ou si on aura quelque chose d'assez uniforme? La question est claire.

M. CHOQUETTE: Vous avez plus de chances. Si vous vous plaignez du fait que les jugements qui émanent des administrateurs à la Régie des loyers actuelle offrent un caractère disparate, je pense que vous aurez moins à vous en plaindre avec un tribunal plus structuré que l'actuelle Régie des loyers, avec des administrateurs permanents au lieu d'avoir des administrateurs â temps partiel.

Parce que vous savez comme moi qu'à l'heure actuelle ce sont des administrateurs à temps partiel qui rendent les décisions. Evidemment, il y a un appel à la commission et la commission peut rétablir les normes si celles-ci n'ont pas été observées par des administrateurs en particulier. Mais ce n'est pas tout le monde qui se prévaut de son droit d'appel.

Pour répondre à votre interrogation, Me Maranda, on a beaucoup plus de chances d'avoir une jurisprudence assez uniforme avec un tribunal plus structuré que la Régie des loyers actuelle.

M. MARANDA: Ce que je veux dire, par exemple...

M. CHOQUETTE: Et ceci sans jeter de blâme ou abonder dans vos critiques à l'égard de la compétence de la Régie des loyers.

M. MARANDA: Je vais vous donner un exemple dont j'ai été témoin la semaine dernière. Quelqu'un m'a apporté ce cas au bureau. Il s'agit d'une maison, le même immeuble, le même propriétaire. Il y a des cinq pièces à $140 et des sept pièces à $120. La régie a refusé une augmentation des sept pièces qu'on voulait fixer à $130, alors qu'on a maintenu des cinq pièces à $140. C'est ça que j'appelle des jugements disparates.

M. PAUL: Pourriez-vous nous dire quelles ont été les raisons évoquées par l'administrateur pour refuser une telle hausse?

M. MARANDA: L'administrateur n'a pas l'habitude de motiver son jugement, il le rend par la poste et on le reçoit par lettre recommandée dix jours plus tard.

M. CHOQUETTE: Je vous ferai remarquer, Me Maranda, que nous avons institué dans le projet de loi, un service technique. Nous allons faire en sorte que ce service soit composé de personnes compétentes capables de faire des analyses économiques et de donner des directives générales, ou enfin, d'établir des normes générales qui pourront s'appliquer aux décisions prises par les administrateurs.

Je pense que cette mesure va contribuer à établir une jurisprudence un peu plus uniforme que celle qui a pu exister.

M. DROLET: Ce service technique n'existe pas dans le moment?

M. CHOQUETTE: II n'existe pas à l'heure actuelle. Il est prévu dans la loi.

M. MARANDA: D'accord. A la page 9, je mentionne le cas des articles 1629 et 1630. Je crois, personnellement, que ces articles comportent un certain danger, c'est-à-dire celui d'imposer un certain paternalisme au locateur.

Il s'agit en effet, ni plus ni moins, de placer le locateur dans une position telle qu'il devra arbitrer des conflits entre locataire et locateur.

Je pense qu'en 1973, ce n'est pas selon la tendance sociale de demander au propriétaire d'arbitrer des chicanes de corde à linge. Or, avec les deux articles qui sont là, c'est personnellement ce que je prévois. De plus, on tiendra le propriétaire responsable en cas de dommages et intérêts, évidemment. Or, les dommages sont quand même assez vagues; ça pourrait même devenir des dommages moraux de plaintes ou d'injures qui ont eu lieu entre colocataires. Je serais peut-être d'accord qu'il y ait certains dommages matériels. Par exemple, si un locataire est inondé par le colocataire du haut, le locateur, le propriétaire pourrait être tenu responsable. Mais qu'on limite de beaucoup la responsabilité du propriétaire dans les différends qui peuvent survenir entre colocataires parce que le propriétaire deviendra alors simplement un arbitre de chicanes de corde â linge.

M. CHOQUETTE: On me fait remarquer, Me Maranda, sur votre objection, que les rédacteurs de l'actuel projet de loi n'ont fait que codifier la jurisprudence. C'est-à-dire que nous ne faisons en fait que consacrer législativement ce qui a déjà été décidé par les tribunaux. Il semble par conséquent que vous soyez même opposé à la jurisprudence.

M. MARANDA: Mais pourquoi pas? La

jurisprudence a souvent été renversée en cour d'Appel. Cela peut se faire.

M. CHOQUETTE: Nous ne suivons pas toujours la jurisprudence, remarquez bien, quand nous préparons des projets de loi, mais souvent, quand une certaine jurisprudence est établie d'une façon assez claire — parce que c'est le bon sens qui est là — quand nous légiférons, à moins d'avoir de bonnes raisons, nous adoptons la règle de la jurisprudence qui a fait ses preuves.

M. MARANDA: Oui, elle peut avoir fait ses preuves mais, de la façon dont elle est consacrée dans ces deux articles, je pense qu'on lui donne plus de force qu'elle n'en avait avant. On fait vraiment du propriétaire un arbitre. Une personne va se plaindre au propriétaire et il va, ni plus ni moins, convoquer le colocataire qui serait une source de nuisance; il va peut-être les convoquer tous les deux ensemble pour en arriver à un arbitrage quelconque. Je pense que ce n'est pas le rôle du propriétaire.

M. PAUL: M. le Président... M. CHOQUETTE: Je n'ai pas...

M. PAUL: ... je ferai remarquer au ministre que l'article 1630 est assez dur.

M. CHOQUETTE: Je ne suis pas d'accord sur votre analogie, M. Maranda. Il faudrait quitter le point de vue polémique ou politique quand on critique les articles du projet de loi. Je ne suis pas de votre avis lorsque vous parlez du paternalisme qu'on impose au locateur; c'est beaucoup plus de la nature d'une garantie, ce qui se trouve aux articles 1629 et 1630. En effet, un colocataire qui a à se plaindre de la conduite d'un autre locataire ne peut rien directement contre ce locataire, en fait, à moins d'avoir une action en dommages délictuels ou quasi délictuels. Mais sur une base contractuelle, il n'a pas contracté avec le colocataire; il n'a donc pas de recours contractuel contre ce colocataire. Par contre, le propriétaire, lui, a contracté avec les deux locataires. Que fait-on avec les articles 1629 et 1630? On dit: Si un locataire a à se plaindre de la conduite d'un colocataire, il peut s'adresser au propriétaire, il peut dire au propriétaire: Ecoutez, le colocataire me rend la vie impossible dans l'immeuble; c'est vous qui avez le pouvoir juridique de l'expulser des lieux, faites ce que vous avez à faire.

Là, le propriétaire, ou le locateur, se retournant contre le locataire qui agit, en somme, pour troubler la paix générale dans les lieux, prend les moyens juridiques pour rétablir l'ordre dans l'ensemble de l'immeuble.

Ce n'est pas du tout une question d'arbitrage ou autrement; c'est que le propriétaire a une responsabilité générale vis-à-vis de tous les locataires, s'il y en a un qui ne se conduit pas d'une façon satisfaisante, enfin objectivement. Je ne dis pas simplement que c'est une question subjective, parce qu'on sait qu'il y a beaucoup de ces critiques qui peuvent être très mal fondées. Je ne vois pas pourquoi vous critiquez. A part ça, je tiens à vous réitérer que c'est la jurisprudence des tribunaux actuels.

M. MARANDA : La jurisprudence, ce n'est pas ça qui...

M. CHOQUETTE: Vous, la cour d'Appel, la cour Suprême, ça ne vous impressionne pas.

M. MARANDA : Je sais qu'on change souvent la jurisprudence; c'est en ce sens que je le dis.

M. CHOQUETTE: Ah bon, je comprends.

M. MARANDA: Ce que je veux dire, au point de vue du paternalisme, c'est qu'avant de prendre des procédures qui sont onéreuses et qui sont une perte de temps, le propriétaire va être placé dans une position où il sera obligé d'essayer de régler le différend. Il va être obligé de le faire, parce que, s'il ne le fait pas, il sera dans l'obligation de prendre des procédures plus ou moins onéreuses, de perdre du temps. S'il obtient l'expulsion du locataire qui est la source du trouble, il devra faire des frais pour se trouver un autre locataire en mettant des annonces, et il va probablement perdre du loyer. A ce moment-là, qu'est-ce qu'il va faire? Il va arbitrer le différend.

M. CHOQUETTE: Qui va faire ça si le propriétaire ne le fait pas, M. Maranda? Soyez raisonnable, qui va faire ça?

M. MARANDA: Pourquoi le locataire ne se servirait-il pas de son recours délictuel, comme vous l'avez mentionné, contre le co-locataire, au lieu d'imposer toute cette charge au propriétaire?

M. CHOQUETTE : Bien, il ne peut pas. Il ne peut pas. Un recours délictuel, ça fait toujours naître seulement des dommages; ça ne fait pas naître l'expulsion des lieux. Vous connaissez mieux votre droit que ça.

M. MARANDA: Bien, je suis bien d'accord avec vous, M. Choquette, mais je pense bien que le locataire qui aura payé des dommages une fois, deux fois ou trois fois, va rester tranquille.

M. CHOQUETTE : Pas besoin d'être un génie en droit pour savoir ça, M. Maranda.

M. MARANDA: Vous savez bien, M. Choquette, que, s'il a payé des dommages une fois, il va respecter la paix des colocataires.

M. CHOQUETTE: Mais non. Même le dépu-

té de Portneuf, qui n'est pas avocat, mais qui a beaucoup de sens juridique, comprend ce que je veux dire. C'est qu'il n'y a pas de lien de droit entre deux locataires dans le même immeuble; c'est aussi simple que ça, tandis qu'il y a un lien de droit entre les locataires et le propriétaire. Alors, le propriétaire peut agir contre chacun de ses locataires, s'il y en a qui ne respectent pas les conditions du bail ou, enfin, les conditions qui s'appliquent à la conduite des locataires, tandis qu'un locataire ne peut pas agir contre l'autre, excepté pour lui réclamer des dommages, si par exemple il s'est livré à des voies de fait. Je ne sais pas quel autre dommage il pourrait réclamer. Supposons qu'il faisait des "parties" tous les soirs jusqu'à quatre heures du matin, avec une musique psychédélique et tout ça; bien, là, peut-être qu'il pourrait lui réclamer des espèces de dommages généraux, pour lui rendre la vie impossible.

Peut-être que le tribunal lui en donnerait, des dommages, mais tout ça, c'est délictuel et quasi délictuel.

M. MARANDA: Oui.

Le colocataire ne peut pas obtenir l'expulsion de l'autre locataire par les tribunaux, il ne le peut pas.

M. MARANDA: Nous le savons, M. Cho-quette; simplement nous pensons...

M. CHOQUETTE: Alors, ne venez pas raconter des affaires semblables.

M. MARANDA: ... que le recours délictuel, vous venez de le mentionner, le recours en dommages, est suffisant. Tout ce que nous voulons dire, c'est que nous croyons que le recours délictuel que vous venez de mentionner — vous venez d'en donner des exemples de ces recours en dommages — est suffisant pour ne pas imposer au propriétaire, en plus, le recours contractuel d'expulser un locataire.

M. CHOQUETTE: Bien, oui, mais on ne peut pas faire...

M. MARANDA: C'est tout ce que nous voulons dire. Au point de vue juridique, nous comprenons très bien ce que vous voulez dire, mais nous voulons restreindre le recours, c'est tout.

M. CHOQUETTE: Oui, M. Maranda, mais nous avons beau être législateurs, nous ne pouvons pas faire abstraction du fait qu'il y a un domaine d'ordre délictuel et un domaine d'ordre contractuel, et que les deux coexistent. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? C'est dans la nature des choses. Je ne peux pas faire une loi disant que je vais éliminer les recours contractuels, ils existent, les recours contractuels. Même si on ne mettait pas ces articles 1629 et 1630 dans le projet de loi, probablement que les tribunaux arriveraient à ce résultat par la force des choses, justement à cause de l'existence des rapports contractuels entre les parties.

Il ne faut pas oublier que le locateur, comme on me le dit — c'est là le fond du problème — a l'obligation de fournir à chaque locataire la jouissance utile et paisible des lieux. Vous voulez qu'on enlève cette obligation au locateur? C'est cela que vous voulez, qu'il ne soit plus obligé de faire cela?

M. MARANDA: Non, mais nous ne voulons pas que le locateur soit obligé de payer les dommages et intérêts pour des chicanes de quartier. Nous aurions aimé, autant que possible... Evidemment, ce n'est peut-être pas possible.

M.PAUL: M. Maranda, il restera toujours pour le locateur l'obligation de prouver ses dommages. D aura toujours un appel en garantie possible.

M. MARANDA: D'accord. Maintenant, je ne veux pas passer les quelques minutes que nous avons seulement sur ce paragraphe-ci. Si vous permettez, nous avons encore plusieurs points à développer.

M. CHOQUETTE: Très bien.

M. MARANDA: A la page 10, il y a simplement une petite observation sur le délai de huit jours, le délai de saisie par droit de suite. Nous suggérons de le porter à dix jours plutôt que de le laisser à huit jours.

M. CHOQUETTE: Nous allons le porter à quinze jours.

M. MARANDA: C'est encore mieux. Dans une ville comme Montréal, c'est assez difficile parfois de trouver un...

M. CHOQUETTE: C'est vrai, c'est exact.

M. MARANDA: Au sujet de la preuve testimoniale, nous croyons que le bail devrait quand même, étant donné que c'est un écrit qui devrait ne pas se faire torpiller par une preuve testimoniale, je sais que c'est parfois de la jurisprudence, je le sais, mais c'est quand même assez dangereux à notre point de vue. Le gouvernement, c'est-à-dire le législateur, se propose de créer un bail type. Si, d'une part, on crée un bail type et si, d'autre part — même si c'est un beau bail type — une preuve testimoniale peut le démolir, nous suggérons, à la place, d'imposer peut-être une obligation, celle d'avoir des témoins au bail, présents lorsque la convention est signée et qui signent eux-mêmes comme témoins peut-être pour donner plus de force à l'écrit, mais garder l'écrit comme première valeur de preuve.

M. CHOQUETTE: M. Maranda, premièrement, c'est vrai, nous allons avoir un bail type

qui contiendra, je pense bien, l'essentiel des clauses d'un bail et qui sera une annexe au chapitre du code civil sur le bail.

Deuxièmement, sur le problème de la preuve, nous sommes en train de tout réexaminer ce problème qui surgit de la proposition initiale que nous avions introduite qu'un écrit puisse être contredit ou modifié par la preuve testimoniale. Pour le moment je ne peux pas me prononcer, mais nous sommes en train de penser à cet aspect et nous considérons que les sont sérieux et méritent d'être analysés.

M. MARANDA: D'accord.

L'article 1665 prévoit qu'on ne peut pas louer un logement qui ne serait pas en état d'habitabilité. Je n'essaierai pas de définir ce qui est un logement en état d'habitabilité et ce qui est un logement qui ne l'est pas, mais on défend une convention par laquelle un locataire accepterait un tel logement. Il y a certains cas où propriétaire et locataire trouvent leur avantages à louer un logement qui est un peu abîmé. Il s'agit d'un propriétaire qui n'est pas trop intéressé à faire des réparations d'une part, cela l'embête, et, d'autre part, il arrive assez souvent qu'on voie un locataire assez habile de ses mains, qui est content, moyennant un loyer réduit, d'effectuer lui-même certaines réparations. Tout en constatant qu'il faut protéger le locataire, nous croyons qu'on devrait permettre une telle convention plutôt que de la défendre absolument.

D'accord. La suppression de l'avis de cinq jours, je passe quelques paragraphes, je crois qu'on veut enlever l'article 741 du code de procédure civile, c'est-à-dire l'avis par lequel... Oui, excusez-moi.

M. CHOQUETTE: Continuez.

M. MARANDA: L'avis par lequel le propriétaire disait en substance ceci à son locataire: Si vous quittez dans les cinq jours, remise des arrérages de loyers sera faite. Sinon, je pourrai saisir tout ce que vous possédez chez vous.

M. CHOQUETTE: L'avis de cinq jours est-ce cet avis en vertu duquel le propriétaire, devant un locataire qui est en retard dans le paiement de son loyer, dit: Monsieur, je ne vous réclame pas votre loyer, j'y renonce, si vous voulez partir tout de suite.

M. MARANDA: Oui, c'est ça.

M. CHOQUETTE? C'est ça?

M. MARANDA: S'il part dans les cinq jours.

M. CHOQUETTE: Moi, je sais qu'en pratique cet avis, souvent, représentait une solution pratique à une situation un peu détériorée entre le propriétaire et le locataire. Mais on me dit qu'en vertu des règles d'application de 741 tout devient saisissable, une fois que cet avis a été donné. A ce point de vue, je trouve que la solution législative actuelle est trop draconienne. Si le locataire ne veut pas utiliser l'avantage que lui donne le propriétaire de quitter les lieux contre une renonciation à tout arrérage de loyer, je crois qu'D faudrait revenir aux règles habituelles et normales quant à ce qui est saisissable et quant au fond du droit. Vous comprenez ce que je veux dire là?

M. MARANDA: Je comprends très bien. Là-dessus, j'aimerais faire deux observations.

M. CHOQUETTE: Allez donc.

M. MARANDA: D'abord, j'ai eu très souvent l'occasion de faire signifier des avis de cinq jours et je n'ai jamais été obligé de mettre des meubles sur le carreau, c'est-à-dire d'expulser de force un locataire. Ils se sont tous, soit entendus, soit qu'ils ont quitté dans les cinq jours. Jamais, personnellement, j'ai vu un cas comme celui-là.

Deuxièmement, s'il y a une modification à l'article 741 qui fait que le locataire garde quand même l'exception de saisie, l'exception des $1,000, l'avis de cinq jours n'a pas plus de valeur, parce que le propriétaire a envoyé cet avis inutilement. H peut faire une saisie avant jugement mais, ne pouvant pas tout saisir avant jugement, le locataire reste dans les lieux loués. Alors, le propriétaire a pris un risque inutile. Lui, il n'a plus rien à gagner. Je ne sais pas si vous me suivez.

M. CHOQUETTE: Oui, je vous suis, mais le propriétaire peut quand même y trouver son avantage, parce qu'il se peut très bien que le locataire soit un délinquant chronique, au point de vue du paiement de son loyer et qu'il y ait constamment des retards.

Par conséquent, le propriétaire, à un moment donné, peut devenir excédé de la situation. Or, pour se débarrasser une fois pour toutes de ce locataire quasi insolvable, il peut lui dire: Bien, je vous donne l'avis et si vous partez je renonce à tous les arrérages de loyer que je peux avoir. Ceci peut convenir à la fois au propriétaire et au locataire. A mon sens, c'est une solution pratique qui a sa valeur dans le cours normal des choses. Moi-même, quand j'ai pratiqué le droit, je l'ai utilisée. Souvent, elle avait de bons résultats, autant pour le propriétaire que pour le locataire.

Mais, d'un autre côté, si le locataire dit: "Non, je n'accepte pas le départ", est-ce qu'on ne devrait pas lui laisser prendre cette position parce que c'est littéralement son droit de refuser l'offre que lui fait le propriétaire? Là, on tombe sous les règles ordinaires de ce qui peut être saisissable, des recours qui peuvent exister de part et d'autre. Peut-être que le

locataire peut dire: Je retiens mon loyer parce que vous, propriétaire, vous n'avez pas fait honneur à vos obligations à tel point de vue en vertu du bail. J'ai des motifs légaux à faire valoir devant le tribunal. Le locataire n'acceptera pas nécessairement à tout coup cette offre du propriétaire de renoncer aux arrérages.

Alors, je me dis : Est-ce que la solution n'est pas de laisser l'avis possible de cinq jours, de le reconnaître mais, si les parties n'en profitent pas consensuellement, on revient aux règles légales qui s'appliquent de part et d'autre.

M. MARANDA: Je crois que c'est une solution. Maintenant, l'article 741 perdant de sa sévérité, est-ce que cet avis de cinq jours aura toujours le même résultat qui a été assez efficace, assez bon de toutes parts. Je ne le sais pas, je me pose la question.

M. CHOQUETTE : Nous allons y penser, Me Maranda.

M. MARANDA : Pour terminer rapidement, j'ai pensé à quelques recours utiles, qui ne sont pas dans la loi et qui, peut-être, pourraient y être.

Tout d'abord, je parle de l'injonction. C'est que l'article 1640 oblige le locataire à permettre la visite les lieux et l'affichage dans les deux mois qui précèdent l'expiration du bail. D'ailleurs, le propriétaire a le droit de visiter les lieux loué, de temps à autre, pour en constater l'état, etc. Maintenant, qu'arrive-t-il lorsque le locataire refuse préremptoirement, ce qui se produit assez souvent? Le propriétaire, actuellement, n'a à peu près pas de recours, sauf un devant un tribunal de droit commun, un recours qui est long, des procédures qui sont onéreuses, et, lorsqu'on a le jugement, souvent il est trop tard.

Je propose que le futur tribunal puisse avoir le droit d'émettre une injonction sans formalités, enfin avec le minimum de formalités, très rapidement...

M. CHOQUETTE: Comme en vertu du code du travail, par exemple!

M. MARANDA: Peut-être. Il s'agirait de voir par quel mécanisme, mais enfin quelque chose de très rapide pour forcer le locataire à remplir ses obligations. Par exemple, vous avez des cas — cela arrive, j'en ai à mon bureau chaque année — où le locataire refuse de faire visiter les lieux tout en ayant donné son avis de départ. Qu'est-ce qui arrive à ce moment-là? Le propriétaire n'a pas de recours. Au mois de mai, son ancien locataire déménage, il n'a pas eu l'occasion de faire visiter son logement et il ne l'a pas loué.

Je propose comme recours un genre d'injonction qui pourrait être émise par le Tribunal des loyers.

M. CHOQUETTE : Remarquez que la loi que nous proposons n'empêche pas l'institution ou la demande d'une injonction par un propriétaire contre un locataire dans les circonstances que vous venez de nous décrire. Mais je vous fais remarquer, Me Maranda, que les recours en injonction sont de la compétence de la cour Supérieure et pas de la cour Provinciale.

M. MARANDA: Oui.

M. CHOQUETTE: Par conséquent, un propriétaire qui serait devant la difficulté que vous venez de nous mentionner, en principe, ne pourrait pas s'adresser à la cour Provinciale ou au Tribunal des loyers. Il devrait demander â la cour Supérieure de lui donner une injonction mandataire pour lui permettre de visiter les lieux et de les faire visiter.

M. MARANDA: A ce moment-là,...

M. CHOQUETTE: II me paraissait assez difficile de circonvenir les textes légaux qui établissent que les brefs de prérogative appartiennent à la cour Supérieure, de circonvenir ce principe à la faveur de cette loi en matière de loyer.

M. MARANDA: D'accord. C'est, que actuellement, une injonction devant la cour Supérieure est très onéreuse.

M. CHOQUETTE: Je le sais. C'est vrai.

M. MARANDA : Je cherche un moyen, appelons-le autrement, enlevons le terme injonction,...

M. CHOQUETTE: Une ordonnance.

M. MARANDA: ... appelons cela autrement.

M. CHOQUETTE : Une ordonnance.

M. MARANDA : Une ordonnance, oui.

M. CHOQUETTE: C'est à voir.

M. BURNS: Une injonction comporte une ordonnance.

M. CHOQUETTE: Je sais bien.

M. MARANDA : Dans le même ordre d'idées, dans le cas d'expulsion, il arrive également qu'un locataire donne son avis de départ ou ne donne pas d'avis de départ et, le bail terminé, refuse de partir. A ce moment, le seul recours est une action ordinaire devant les tribunaux avec signification d'action, délai de dix jours pour comparaître, etc.

Cela peut coûter très cher et prendre de deux à trois mois pour avoir un logement vacant, pour reprendre possession des lieux. Je me demande si le futur tribunal ne pourrait pas émettre des brefs d'expulsion. Il y a peut-être

un problème de procédure qui se pose encore, mais n'y aurait-il pas moyen de trouver une solution pour que le propriétaire puisse entrer rapidement dans les lieux loués?

M. CHOQUETTE: Nous notons, M. Maran-da, votre suggestion. Nous allons l'étudier très sérieusement.

M. MARANDA: Je vous remercie. Maintenant, une petite remarque quant à la langue écrite. Le projet de loi prévoit que la rédaction d'un bail puisse se faire en français ou en anglais, selon l'exigence du locataire. Il prévoit également que, lorsqu'il y a une différence entre les deux textes, la version la plus favorable au locataire prévaut.

Trois petites remarques à ce sujet. D'abord, cela semble contraire aux règles de l'interprétation des lois telles que mentionnées à l'article 2615 du code civil. Ensuite, nous ne voyons pas pourquoi on avantagerait le locataire sur le plan de la langue qui se situe, quant à nous, à un autre niveau. Nous ne voyons pas pourquoi le locataire serait avantagé au détriment du propriétaire. Finalement, cette stipulation nous semble contraire à l'esprit du rapport Gendron. Nous aimerions donc que ces articles sur la langue soient retirés du projet de loi.

M. CHOQUETTE: Remarquez que nous suivons, pour ce qui est du bail et quant à ce qui concerne l'aspect linguistique, l'esprit de la Loi de la protection du consommateur. Alors, il ne faut pas chercher, dans ces articles, l'énoncia-tion d'une politique linguistique. Plutôt — comment pourrais-je dire? — nous essayons d'introduire une disposition qui protège suffisamment le consommateur en tant que locataire.

M. MARANDA: A la page 13, vers la fin, au sujet du Tribunal des loyers, actuellement, il semble que ce sera soumis à un tribunal administratif plutôt qu'à un tribunal de droit commun. Nous ne voyons pas la nécessité de créer un tel tribunal. Nous aurions plutôt souhaité un tribunal de droit commun qui siégerait, par exemple, "en matière de loyer" ou quelque chose du genre.

M. CHOQUETTE: Sur ce point, M. Maranda, nous étudions sérieusement la possibilité de faire que ce Tribunal des loyers, tel qu'il est prévu au projet de loi no 79, constitue, plutôt qu'un tribunal administratif, une chambre de la cour Provinciale. Nous nous situons dans le cadre de la réforme judiciaire que nous étudions à l'heure actuelle. Ce serait peut-être la première chambre spécialisée de la cour Provinciale. Evidemment, elle aurait une large autonomie de gestion. Au point de vue des règles de procédure, ce serait simplifié pour permettre un accès facile aux citoyens. Mais ce serait la première chambre de ce type à l'intérieur de la cour Provinciale.

M. MARANDA: Elle pourrait peut-être émettre des brefs de prérogative, comme je le mentionnais un peu plus haut.

Il y a également une deuxième remarque. On dit, dans la loi, que, lorsque la réclamation se définit comme une petite créance au sens de l'article 953 du code de procédure civile, même jointe à une demande de résiliation de bail, le livre huitième du code s'applique. A ce moment-là, on prive, à toutes fins pratiques, le propriétaire des services de son avocat, lorsqu'il y a une réclamation de loyer.

Vous savez que, dans les baux civils, c'est très rare qu'un bail monte à $300 ou plus par mois. Si on s'en tient aux réclamations de $300 et plus par mois, si cela entre dans la Loi des petites créances, le locateur, souvent, devra attendre trois ou quatre mois avant de pouvoir se servir de son avocat pour réclamer le loyer.

M. CHOQUETTE: Oui, mais Me Maranda, donnez-moi le crédit d'avoir exercé votre noble profession à une autre époque. En matière de louage, ce qui détermine la classe d'action, ce n'est pas le montant dû mensuellement par un locataire à l'égard d'un propriétaire; ce sont les droits futurs, dans le bail, qui sont déterminants, quant à la classe d'action.

Alors, même si un loyer est inférieur à $300, en fait vous ne pouvez pas nécessairement dire que cette action va aller devant la division des petites créances. Elle peut aller devant le tribunal ordinaire, en l'occurrence la cour Provinciale, dans l'état actuel des choses.

M. PAUL: S'il y a demande de résiliation de bail.

M. CHOQUETTE: C'est ça. S'il y avait demande de résiliation de bail. Parce que ce qui est déterminant, ce sont les droits futurs, le montant du bail qui détermine la classe de l'action.

M. MARANDA: C'est parce qu'on disait — tant mieux si j'ai fait erreur — dans le projet actuel "même jointe à une résiliation de bail". Cela laissait entendre que les droits futurs des parties pouvaient être impliqués.

M. CHOQUETTE: C'est parce qu'au cas de résiliation d'un bail, on peut avoir une demande de résiliation d'un bail pour un montant inférieur à $300, vous comprenez?

M. MARANDA: Oui.

M. CHOQUETTE: Tout ce que nous avons cherché à dire, c'est que ce seraient les règles propres aux petites créances qui s'appliqueraient. C'était ça l'objet. Cela va peut-être nous donner l'occasion de clarifier, étant donné que vous n'aviez pas perçu ce détail de notre point de vue.

M. MARANDA: Avec les mots "même jointe à une résiliation de bail" j'ai eu l'impression que, peu importe, on tombait sous la Loi des petites créances.

M. CHOQUETTE: Je demande à M. Jacoby, à Me Alarie et à Me Crépeault de bien noter toutes ces questions pour pouvoir faire les améliorations voulues.

M. MARANDA: J'ai fini le principal du mémoire. J'ai passé certains paragraphes à cause du temps qui semblait court, on n'est pas seul ce matin. Mais s'il y a des questions sur les paragraphes que je n'ai pas mentionnés, je serai heureux d'y répondre.

M. PAUL: J'aurais peut-être une question à poser à Me Maranda. Tout d'abord, son mémoire est très bien fait, il nous signale certains amendements possibles à la loi que nous sommes à étudier actuellement. Je voudrais référer à la page 7 du mémoire, alors qu'il traite du problème d'habitations à loyer modique. Le début du paragraphe se lit ainsi: "Un locateur pourra obtenir la résiliation...". Je pense bien que vous avez voulu mentionner un "locataire" plutôt qu'un "locateur".

M. MARANDA: Un locataire, oui, c'est une erreur.

M. PAUL: Et à la toute fin de ce paragraphe: II est prévu que le législateur impose au locataire voulant ainsi résilier son bail l'obligation de trouver, avant son départ, un sous-locataire acceptable. Toujours cependant sujet à l'approbation du locateur."

M. MARANDA: Oui.

M. PAUL: Alors, il peut s'élever quelques difficultés quant au jugement à porter sur la qualité d'un locataire. Le locateur pourra toujours dire: Celui-là n'est pas acceptable.

M. MARANDA: Cela existe ailleurs actuellement. Dans les baux commerciaux, il y a habituellement une clause où on dit qu'il y aura le droit de sous-location à condition que le nouveau locataire ou le sous-locataire soit acceptable, au propriétaire.

M. PAUL: Ce serait la même portée que vous voulez donner à cet article que cette clause que l'on retrouve dans les baux à $0.05 qu'utilisent la majorité des propriétaires et qui fait défense de sous-louer à moins...

M. MARANDA: Oui.

M.PAUL: ... du consentement du locateur ou propriétaire.

M. MARANDA: Si jamais il y avait un litige peut-être que le tribunal des loyers pourrait le trancher.

M.PAUL: Correct.

M. CHOQUETTE: M. Maranda, je n'ai pas de questions à vous poser parce que je vous en ai posé passablement au cours de votre exposé. Je voudrais vous féliciter de votre mémoire et de ce que vous avez dit parce que je crois que les suggestions que vous y formulez, malgré que nous ne pouvons pas les accepter toutes, témoignent d'une connaissance très sérieuse en matière immobilière.

M. MARANDA: Au nom de la Ligue des propriétaires, je remercie la commission parlementaire de nous avoir fait l'honneur de nous écouter. Evidemment, nous ne nous attendons pas à ce que toutes nos suggestions soient entendues, ce serait pratiquement impossible, mais nous vous remercions de votre audience.

Comité des propriétaires

de maisons a logements

de Trois-Rivières

LE PRESIDENT (M. Blank): Me Therrien du Comité des propriétaires de maisons à logements de Trois-Rivières.

Je comprends que vous avez assisté Me Maranda dans la préparation de son mémoire. Pour épargner du temps, est-ce que vous pouvez nous dire ce que vous voulez ajouter à ce que Me Maranda nous a expliqué?

M. THERRIEN: C'est exact. Nous aimerions, au nom des propriétaires de Trois-Rivières faire seulement quelques suggestions qui, à notre avis, pourraient aider votre commission à présenter une loi qui soit dans le meilleur intérêt et des propriétaires et des locataires.

D'abord, nous aimerions que certains termes soient davantage précisés.

Je comprends que la jurisprudence apporte fréquemment des façons de voir certains termes mais j'imagine qu'il y aura peut-être lieu comme, par exemple, pour le mot valeur, qui est un terme extrêmement complexe, de préciser; de même pour urgence. M. Maranda vous a tantôt signalé certains points, motifs graves par exemple; le locataire à un moment donné peut refuser. Les motifs graves, qui va les déterminer? La personne qui prend l'initiative, par exemple, d'entrer dans un logement, c'est elle qui détermine si le motif est grave ou non, et il faudrait que ce soit déterminé.

Dans certains cas également, les délais mentionnés dans le projet sont trop courts et, dans d'autres, nous les trouvons trop longs. J'ai vu en particulier qu'on avait déjà remarqué que c'était trop court puisqu'on l'a allongé, par exemple, dans le cas d'actions; on donnait seulement huit jours et le ministre nous a dit qu'on avait porté le délai à quinze jours alors que M. Maranda ne demandait que dix jours.

M. PAUL: Vous, vous en demandiez 30. M. THERRIEN: Nous en demandions 30.

M. PAUL: Est-ce que vous seriez satisfait de quinze?

M. THERRIEN: Je pense que quinze, oui, on demande toujours un peu plus.

M. DROLET: C'est le juste milieu.

M. THERRIEN: Dans certains cas comme, par exemple, le bail, de donner trois mois au lieu d'un mois et aujourd'hui ce serait deux mois d'avis pour permettre la visite des lieux loués.

M. CHOQUETTE: Voyez-vous, nous recevons vos suggestions avec beaucoup de sympathie lorsqu'elles nous paraissent bien fondées. Nous avons l'intention de faire en sorte que l'avis soit de trois mois et non de deux mois parce que la coutume s'est instaurée au Québec à l'effet qu'on donne un avis de trois mois avant l'expiration, que ce soit pour le propriétaire ou pour le locataire. Nous allons suivre votre suggestion.

M. THERRIEN: Nous croyons que l'article qui a trait aux raisons de refuser un locataire qui ne serait pas acceptable, devrait être tempéré. Le propriétaire, surtout lorsqu'il habite la maison louée, devrait être un peu plus libre que la loi semble le permettre. Tantôt Me Maranda vous a parlé du problème du propriétaire malade, âgé, etc., mais je pense que le propriétaire devrait toujours avoir le droit de refuser un locataire et que la preuve qu'il n'est pas de bonne foi ou qu'il a enfreint la loi devrait incomber au locataire éventuel.

M. CHOQUETTE: Cela le sera nécessairement, dans un certain sens, parce que les articles auxquels vous vous référez, qui sont des articles antidiscriminatoires, recevront une sanction pénale, c'est-à-dire que la façon de faire respecter ces articles ce serait par une action pénale contre le propriétaire ou contre un propriétaire, auquel cas le fardeau de la preuve appartient au poursuivant. Et remarquez que cette poursuite ne peut être instituée qu'avec l'autorisation du procureur général.

Nous introduisons ces dispositions dans le projet de loi parce que nous considérons qu'il est temps au Québec qu'on évite la discrimination dans le logement. Je n'ai pas besoin de vous dire que le problème ne se pose pas dans certains villages du Québec où les choses se font d'une façon assez traditionnelle. Mais, à Montréal, il existe certains quartiers où il y a pas mal de Noirs; ainsi, par exemple, le quartier de la Côte-des-Neiges. Il ne faut pas en arriver à des situations comme celles qui se sont développées aux Etats-Unis où vous avez des véritables ghettos noirs ou portoricains, comme à New

York, et où ceci est un ferment de contestations, de violence sociale et de criminalité. Je trouve qu'il faut tout de suite, comme législateurs, mettre le Québec sur la bonne voie pour dire que tous les citoyens, quelle que soit la couleur de leur peau, sont égaux, ont tous le droit d'avoir un logement et qu'on n'a pas d'affaire à les discriminer à cause de la couleur de leur peau.

Je pense que ceci non seulement donnera justice à ceux qui peuvent être l'objet de discrimination sur le plan individuel, mais contribuera sérieusement â la paix sociale au Québec, pour les années à venir.

M. THERRIEN: Nous sommes entièrement d'accord sur cette loi qui veut faire disparaître les mesures discriminatoires que certains propriétaires pourraient être portés à exercer. Nous croyons que l'article 1664 q) pourrait être étendu de façon à également comprendre les personnes ayant une parenté spirituelle ou sociale avec le locateur. En d'autres termes, c'est qu'en ce moment cette loi est assez rigide et, souvent, une personne est plus près du locateur que souvent son fils, peut-être à cause d'une certaine parenté d'ordre spirituel ou d'ordre social, par exemple un associé. On ne pourrait pas avantager un associé ou un membre d'un même club, par exemple. Je pense que cet article-là pourrait être étendu pour tenir compte de la parenté spirituelle.

M. PAUL: M. Therrien, dans le terme parenté spirituelle, est-ce que vous comprendriez l'affiliation politique?

M. THERRIEN: Je laisse aux législateurs le soin de déterminer ce que pourrait être la parenté spirituelle.

M. PAUL: La spiritualité, vous nous laissez ça à nous.

M. THERRIEN: Oui, oui, tout à fait.

Quant au tribunal des loyers, évidemment, je voudrais dire encore une fois qu'en principe nous sommes opposés à un Tribunal des loyers. Cependant, s'il doit exister — on s'aperçoit que c'est un nombre de cas de moins en moins grand — il faut respecter trois choses, je pense: il faut qu'il soit rapide, que les personnes qui rendent jugement soient compétentes et que ce soit le moins compliqué possible, mais toujours avec la possibilité d'appel à un tribunal qui serait plus régulier, qui ressemblerait, par exemple, à celui que l'on propose.

On devrait aussi, dans certains cas, pouvoir régler des cas pour un même immeuble ensemble. Je pense que ce serait plus facile également pour...

M. CHOQUETTE: Vous avez raison, M. Therrien. Je vous donnerai un exemple; les locataires de l'île des Soeurs, vous savez qu'ils sont un groupe assez imposant et nombreux. Eh

bien, leurs causes ont été entendues collectivement devant la Régie des loyers.

M. THERRIEN: Des cas semblables devraient être prévus par la législation. Maintenant, tantôt, Me Maranda vous a parlé de la possibilité d'indexer le loyer au coût de la vie. Vous avez manifesté une certaine réticence à accepter ce principe-là et, dans une certaine mesure, je vous comprends. Cependant, il faut quand même admettre que le propriétaire subit les contrecoups de l'augmentation des prix, règle générale. Souvent, lorsque les revenus de ses propriétés sont ses seuls revenus, c'est encore plus grave, parce que, lui aussi, il n'a pas de possibilité comme l'employé d'avoir le droit de grève contre son locataire pour avoir une augmentation de salaire ou une augmentation de loyer. C'est impensable.

Puisqu'on parle du droit de grève, tout le monde veut l'avoir. Je ne le demande pas pour le propriétaire, mais je voudrais qu'on trouve une formule qui soit souple pour lui permettre d'avoir une augmentation de ses revenus, de ses loyers. Je comprends qu'il n'est pas nécessairement le sujet de toutes les augmentations que l'on trouve. Même, dans certains cas, il a une augmentation négative, en ce sens que sa maison lui coûte moins cher que s'il la faisait construire aujourd'hui et que, peut-être, les hypothèques sont â un taux moins élevé qu'elles ne le seraient s'il changeait, etc.

Cependant, il faut tenir compte de ce fait et je crois qu'il y aurait lieu d'étudier la possibilité de tenir compte de l'augmentation du coût de la vie, parce que tous les éléments du coût de la vie affectent le propriétaire comme le locataire.

M. CHOQUETTE: Je comprends. Vous nous développez une thèse qui a peut-être sa valeur sur le plan économique, mais je ne vois pas beaucoup ce qu'elle vient faire dans le domaine contractuel. Après tout, la plupart des baux qui interviennent au Québec, entre propriétaire et locataire, sont des baux pour un an. On sait qu'il y a assez rarement des baux de deux ans et de cinq ans dans le domaine des locaux d'habitation. Pour un an, je ne vois pas pourquoi nous prévoirions toute une théorie du développement du coût de la vie alors que le propriétaire et le locataire, au moment où ils signent leur bail, devraient savoir à peu près ce qui s'en vient et s'ajuster en conséquence.

L'année suivante, si les prix ont augmenté, c'est au propriétaire et au locataire de se mettre d'accord. S'ils ne se mettent pas d'accord, le locataire pourra s'en aller s'il ne veut réellement pas discuter avec son propriétaire; s'il veut avoir un recours et dire: On va laisser un tiers nous départager dans nos points de vue, là, il s'adressera au tribunal des loyers. Je ne vois pas beaucoup ce que cela vient faire, ces questions de coût de la vie. A mon sens, il est légitime pour le propriétaire d'en tenir compte dans l'établissement de son prix, je suis parfaitement d'accord, comme il est légitime pour le locataire d'en tenir compte aussi en disant: Moi, je suis prêt à payer tel loyer, compte tenu de ce que les prix ont augmenté et tout cela.

En fait, nous, comme législateurs, je ne vois pas pourquoi on viendrait se préoccuper de tout cela.

M. THERRIEN: A cause de la prolongation automatique, premièrement, et également à cause du fait que...

M. CHOQUETTE: Oui, mais...

M. THERRIEN: ... le tribunal des loyers devrait tenir compte de cela.

M. CHOQUETTE: ... la prolongation automatique des baux, c'est seulement si les deux sont implicitement d'accord pour une prolongation automatique. C'est un mécanisme légal par lequel propriétaire et locataire se déclarent satisfaits, sans se le dire d'une façon formelle, d'un prix de loyer et du terme. Leur silence est interprété d'une façon positive, comme dit le député de Maskinongé. Ils ne sont pas obligés d'accepter cette prolongation automatique, ils peuvent s'opposer, ils peuvent se donner les avis, ils peuvent se donner des avis d'augmentation, d'expulsion, ils peuvent aller au tribunal des loyers s'ils ne sont pas d'accord sur la prolongation automatique.

M. THERRIEN: Alors, je retirerais peut-être, dans ce cas-là, mon intervention en insistant cependant sur la nécessité qu'aura le tribunal des loyers de tenir compte également de ces faits-là.

En conclusion, messieurs les membres de la commission, nous souhaitons que l'on accepte l'idée que les propriétaires et les locataires ne sont pas des ennemis mais qu'ils sont des collaborateurs, étant liés au développement économique du pays; les uns et les autres sont nécessaires. Ensuite, cela ne vient pas directement dans la loi, mais je prends l'occasion de le dire, on devrait faire mieux connaître les dispositions législatives qui existent tant à Ottawa qu'à Québec pour amener les gens à être propriétaires et de leur maison et de leur logement et encourager les gens à être propriétaires sous forme de logements coopératifs.

LE PRESIDENT (M. Blank): Merci, M. Ther-rien.

M. CHOQUETTE: Je veux seulement remercier M. Therrien. Nous avons eu l'occasion d'échanger des idées au fur et à mesure de son intervention. Sur sa conclusion, surtout sur la partie où il parlait de l'encouragement à la propriété, je suis parfaitement de son avis. Je crois qu'au point de vue social il est désirable qu'on ait des propriétaires et qu'on ait des locataires qui deviennent des propriétaires.

Je crois que l'ancien ministre de la Justice avait présenté la Loi de la copropriété, qui a été adoptée. C'est une excellente loi, mais elle est restée lettre morte dans l'application. Les constructeurs n'ont pas recours à la Loi de la copropriété. Je me demande, moi, comment il se fait qu'au Québec on n'ait pas plus recours à cette loi alors qu'on sait qu'en Europe et dans certains Etats américains la copropriété est une chose pratiquée, utilisée très fréquemment. Même si on est dans le domaine des locaux d'habitation, la copropriété serait quand même un élément de solution au problème de la propriété. J'abonde un peu dans le sens de vos observations.

LE PRESIDENT (M. Blank): Merci encore, M. Therrien.

M. THERRIEN: Merci aux membres de la commission de nous avoir entendus.

Ligue des propriétaires de Laval

LE PRESIDENT (M. Blank): La Ligue des propriétaires de Laval, M. Gilbert Duplessis. C'est le fils à Maurice...

M. DUPLESSIS: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Blank): M. Duplessis, votre député, le député de Laval, ne peut pas assister, à la commission; comme vice-président, je suis son substitut.

M. PAUL: Vous n'y gagnez pas, vous savez.

M. DUPLESSIS: MM. les membres de cette commission, la Ligue des propriétaires de Laval vous remercie encore de lui avoir donné l'occasion de présenter de nouveau un mémoire sur les projets de loi 78 et 79. En ce qui concerne la Ligue des propriétaires de Laval, nous avons cru bon de présenter quelques recommandations seulement sur le bill 78. Nous laissons au législateur le soin de définir les pouvoirs du tribunal des loyers en ce qui concerne le bill 79.

Nous vous sommes aussi reconnaissants d'avoir bien voulu prendre en considération plusieurs recommandations faites par notre organisme lors du mémoire qui avait été présenté au mois d'octobre dernier sur le bill 59.

Le présent mémoire a été préparé par M. Jean-Claude Delorme, à ma gauche, ex-vice-président aux affaires locatives, M. Joseph Fortier, un propriétaire-locateur qui n'a pas eu l'occasion de venir, M. Gilles Simard, à ma droite, qui est locataire, mais qui est aussi propriétaire-locateur et votre signataire, qui est vice-président actuel des affaires locatives et propriétaire d'une maison unifamiliale.

Nous espérons fortement que la commission prendra en considération nos recommandations qui se veulent assez constructives. Elles ont pour but de protéger le propriétaire contre un locataire indésirable tout en ne lésant pas le droit de la majorité des locataires. Il faut remarquer que la ville de Laval est composée en partie de petits propriétaires de duplex. Ceci veut dire que le propriétaire de duplex ne peut pas être perçu comme le propriétaire de maison de rapport en ce sens que son loyer doit entrer le 1er du mois afin de payer le créancier hypothécaire, et un retard indu pourrait lui être néfaste.

Si vous voulez, on va commencer par le premier article qui est l'article 1603. Au paragraphe 3, on parle des obligations du locateur. L'une de ces obligations est de "procurer la jouissance paisible de la chose pendant la durée du bail." Nous, nous suggérons de mettre plutôt: "de procurer la jouissance raisonnablement paisible", en supposant que le mot "raisonnablement" les juristes...

M. CHOQUETTE: Vous n'avez pas besoin de mettre ça, Monsieur. Les tribunaux vont toujours interpréter "jouissance paisible" comme voulant dire raisonnablement.

M. DUPLESSIS: C'est parce qu'un locataire peut penser que le propriétaire lui procure la jouissance paisible alors qu'un colocataire peut penser le contraire. Il ne faudrait pas...

M. CHOQUETTE : Ce n'est pas une question de pensée, c'est le tribunal qui va apprécier objectivement si on donne la jouissance raisonnablement paisible. Il est sûr que dans le monde actuel la paix totale est impossible avec le bruit et la pollution. Il ne faut pas se faire d'illusion. D'abord qu'on a une jouissance raisonnablement paisible, on peut se compter satisfait. Vous pouvez être sûr que les tribunaux diraient que la jouissance paisible que le propriétaire est obligé de donner, cela veut dire raisonnablement. On n'a pas besoin de le dire spécifiquement et donner des ordres aux tribunaux. Es comprennent ces choses-là.

M. DUPLESSIS: Je donne un exemple. En supposant que dans une maison de rapport de six logements, on a un type qui joue un instrument de musique qui dérange un seul locataire, il n'y aurait pas de problème.

M. CHOQUETTE: S'il joue le matin quand tout le monde est parti travailler et qu'il n'y a que les femmes qui font le lavage, je dirais qu'il ne dérange pas; il ne rend pas l'immeuble non paisible. Evidemment, s'il commence à jouer à trois heures du matin, je dirais que c'est différent.

M. DUPLESSIS: Vous pensez que le mot "paisible" est un mot raisonnable.

M. CHOQUETTE: Tout à fait adéquat, M. Duplessis.

M. DUPLESSIS: Maintenant, on avait ajouté

"si possible." Naturellement, il ne faudrait quand même pas que ce soit hors de contrôle du locateur. Comme exemple, si le loyer est placé à proximité d'une industrie, il ne faudrait pas que le locataire revienne par la suite et dise au propriétaire:

Vous ne me procurez pas la jouissance, alors qu'il était au courant qu'il y avait une industrie qui était proche. Alors, c'est la raison pour laquelle on avait ajouté les mots "si possible".

M. CHOQUETTE: "A l'impossible, nul n'est tenu". Monsieur, c'est un grand principe de droit et de bon sens. Alors, vous pouvez être sûr qu'il est inscrit dans la loi, sans qu'on le dise.

M. DUPLESSIS: Maintenant, en ce qui a trait à l'article 1609, l'inexécution d'une obligation par le locateur, tout ce qu'on avait demandé, c'est que — encore là, c'est le mot "raisonnable" — ce soit dans un délai raisonnable. Naturellement, il ne faudrait quand même pas qu'un locataire donne 24 heures à un locateur pour des réparations de plomberie ou d'électricité, surtout si le propriétaire est à l'extérieur. C'est la raison pour laquelle on avait ajouté "un délai raisonnable" parce qu'à notre avis il vaut mieux en mettre plus que moins.

M. CHOQUETTE: C'est toujours implicite: le délai est raisonnable. D'ailleurs, il ne faut pas oublier qu'un délai commence à courir, en droit, quand il y a une mise en demeure. Il faut avoir recours aux principes généraux du droit qui sont que, avant que quelqu'un soit obligé d'exécuter une obligation, le cocontractant doit le mettre en demeure, doit lui envoyer un avis à l'effet d'exécuter son obligation. Si elle n'est pas exécutée dans un délai raisonnable, là, il y a un recours devant les tribunaux.

Ce que vous nous dites là, ce sont des principes généraux de droit, qui ne sont peut-être pas dits spécifiquement dans le projet de loi, mais qui doivent être lus comme étant inscrits dans le projet de loi.

M. DUPLESSIS : Ce qui veut dire que le locataire ne pourrait pas demander au locateur de remplir une obligation dans une période déterminée.

M. CHOQUETTE: Pardon, monsieur?

M. DUPLESSIS: Ce qui veut dire que le locataire ne pourrait pas demander au locateur de remplir une obligation dans une période qui est déterminée d'avance?

M. CHOQUETTE: Non. Là, c'est le bon sens, monsieur. Il ne faut pas ignorer le bon sens. Il doit toujours être présent dans l'interprétation d'une loi ou dans la conduite des parties. Disons qu'un locataire a à se plaindre, par exemple, que le réservoir d'eau chaude coule. Il veut le faire réparer. Bien, l'eau chaude, ce n'est pas une affaire que l'on peut réparer en cinq minutes. Par conséquent, il faut quand même admettre un délai de 24 heures ou de 48 heures pour se procurer un nouveau réservoir d'eau chaude, ce qui coûte environ $250 ou $300. Ceux qui ont eu des problèmes de réservoir d'eau chaude connaissent les prix. Alors, c'est pour cela que le locataire va envoyer un avis au propriétaire: J'ai besoin d'un nouveau réservoir d'eau chaude. Il coule à l'heure actuelle, je n'ai pas d'eau chaude et cela cause des dégâts, etc. Alors, je dirais que le propriétaire aurait un délai raisonnable pour s'acquitter de son obligation, selon moi, si, compte tenu d'une situation spécifique du réservoir d'eau chaude, on lui donnait 24 ou 48 heures. Maintenant, s'il ne l'a pas fait au bout de 24 ou 48 heures, selon moi, le locataire peut dire: Je téléphone au plombier. Venez me poser tout de suite un réservoir d'eau chaude. Là, si le propriétaire ne veut pas payer la facture, le locataire pourra, en vertu des dispositions du projet de loi, retenir à même son loyer ce que cela lui a coûté pour faire installer ce réservoir.

M. PAUL: II ne faudrait pas oublier de tenir compte, également, de certains événements en particulier ou de la nature des lieux, par exemple, d'une grève dans la construction.

M. CHOQUETTE: Cela est un facteur qui peut intervenir aussi. Supposons qu'il n'y a pas de réservoir d'eau chaude, à un moment donné, parce qu'il y a eu une grève ou qu'il n'y a pas de plombier, parce que tous les plombiers sont en grève, là, le propriétaire ne peut pas être astreint à donner quelque chose qu'il ne peut pas donner. Alors, tout est une question de jugement et d'équilibre.

M. DUPLESSIS: C'est parce que notre opinion est qu'il vaut mieux en mettre plus que moins. D'ailleurs, seulement une référence: dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, si on avait mis plus de détails, il y aurait peut-être moins de disputes actuellement entre les gouvernements fédéral et provinciaux.

M. CHOQUETTE : Là, vous nous lancez une perche extraordinaire, au député de Maisonneuve et à moi. Mais on ne le ramassera pas ce matin, parce que je pense...

M. PAUL : Je vais agir comme arbitre ! M. DUPLESSIS: Sur l'article 1627...

M. BURNS: II y a bien d'autres choses à ramasser.

M. DUPLESSIS: ... disons que nous sommes d'accord, lorsqu'on mentionne que, pour éviter la résiliation, un locataire peut, avant jugement, soit payer le loyer, les intérêts et les frais. Mais, encore là, nous demandons, pour

que cette chose ne soit pas courante, qu'un locataire ne puisse pas jouir de ce droit-là plus d'une fois sur une période de douze mois, ceci afin d'éviter qu'à tous les trois mois le locataire ne paie son loyer trois semaines en retard. Le propriétaire de la ville de Laval, comme je le disais tantôt, qui a un duplex, doit effectuer le paiement de son loyer dans les trois premiers jours du mois.

Alors je verrais mal, tous les deux ou trois mois...

M. CHOQUETTE: Mais quelqu'un qui serait constamment délinquant dans le paiement de son loyer deviendrait par ailleurs, par d'autres dispositions de la loi, un locataire indésirable, ce qui permettrait son éviction. Comprenez-vous ce que je veux dire?

M. DUPLESSIS: Oui.

M. CHOQUETTE: Je crois que votre idée est comprise dans d'autres articles du projet de loi.

M. DUPLESSIS: Mais, à ma connaissance, dans la question du locataire indésirable, ce n'est quand même pas mentionné.

M. CHOQUETTE: Ce n'est pas mentionné mais, voyez-vous, je crois que c'est la tradition. C'est un trouble de fait. Voyez-vous, ce ne serait pas possible de dire: Pas plus qu'une fois pendant la durée du bail. Vous savez ce que je veux dire.

M. DUPLESSIS: Pour quelle raison?

M. CHOQUETTE: Cela n'a jamais été établi par les tribunaux. Il pourrait tomber malade deux fois, peut-être, dans la même année. Vous savez, c'est le genre de corset législatif qu'on hésite à appliquer au patient. Mais vous avez, pour vous sauver d'une situation où un locataire serait fréquemment en retard, la clause du locataire indésirable.

M. DUPLESSIS: A l'article 1640, le comité recommandait que la période de visite des lieux soit portée de deux à trois mois.

M. CHOQUETTE: Vous avez gagné votre point.

M. DUPLESSIS: Au sujet de cet article, nous avons une question à poser: En supposant qu'un locataire s'oppose à un avis de non-prolongation, peut-il refuser la visite des lieux jusqu'à l'adjudication définitive? Je veux dire jusqu'au moment où la décision sera rendue, peut-il refuser la visite des lieux?

M. CHOQUETTE: C'est un point intéressant, monsieur, Je ne pourrais pas donner de réponse précise à cette question, mais je vous remercie de l'avoir soulevée. Nous allons y penser.

M. DUPLESSIS: La question est de savoir si la décision est rendue une semaine avant l'expiration, le propriétaire aurait-il une semaine pour faire visiter le logement?

M. CHOQUETTE: Bien oui.

M. PAUL: Me Maranda a soulevé, tout à l'heure, le même problème.

M. CHOQUETTE: Oui. Nous allons y penser, monsieur, et tâcher d'apporter une solution équitable.

M. DUPLESSIS: A l'article 1655, c'est exactement la même chose qu'à l'article 1603, c'est-à-dire qu'on avait ajouté les mots "raisonnablement" et "si possible".

Si on passe à l'article 1664 a), un locataire pourrait, dans les deux mois, demander une révision de son loyer. Voilà un des articles avec lequel nous sommes dans le plus parfait désaccord. Lorsqu'un locataire accepte de payer un loyer — d'ailleurs il y a continuellement des milliers de logements — lorsqu'un locataire a accepté un logement à un taux déterminé, je verrais mal pourquoi, un ou deux mois après, il pourrait demander une révision du loyer, qu'il a déjà accepté et qu'il avait la liberté d'accepter.

Cela voudrait dire, par exemple, que si un type paie un loyer de $100, en supposant que le nouveau locataire paie aussi $100, si le nouveau locataire pense que c'est un loyer exorbitant, il pourrait demander une diminution de $10, ce qui veut dire que le propriétaire se retrouverait avec $90, donc $10 de moins qu'au préalable.

M. CHOQUETTE: Oui mais vous savez, monsieur, j'admets que pour vous, c'est un changement un peu radical dans les usages. Dans notre esprit, il ne s'agit pas de permettre que soit remis en question tout bail négocié entre locataire et propriétaire. Je dirais que la plupart des baux négociés entre propriétaire et locataire le sont raisonnablement. Donc, quant à cette procédure de remise en question d'un bail négocié que nous introduisons, il est clair qu'elle n'a pas pour but de permettre que tous les baux fassent l'objet de litige et de contestation et soient tranchés par les tribunaux, mais c'est toujours pour éviter des situations où il y a eu des abus de force par le propriétaire à l'égard d'un locataire qui pourrait avoir été soit insouciant, soit pris de court par les difficultés dans lesquelles il pourrait se trouver et qui, en fait, aurait contracté, de telle sorte que vraiment il y aurait un abus, un excès que le tribunal devrait corriger.

Il ne faut pas s'imaginer que la portée de cet article sera de rouvrir tous les contrats qui peuvent être signés entre les citoyens, ce n'est pas ça du tout. C'est beaucoup plus pour qu'il y ait cette épée de Damoclès qui évite des abus criants de la part de certains propriétaires à l'égard de locataires.

En fait, je crois que ça aura une portée

importante comme effet général, mais les cas particuliers dans lesquels on se sentira capables d'utiliser cette procédure de remise en question d'un contrat seront, somme toute, assez limités. Il faut également comprendre cette disposition en conjonction ou reliée aux dispositions qui permettent au locataire actuel d'un loyer d'obtenir la fixation de son loyer par le tribunal des loyers.

Supposons que le propriétaire utilise toutes sortes de méthodes pour évincer un locataire, pour au fond le tanner. Le locataire s'en va. Le propriétaire se sent la liberté de louer au prix qu'il veut. S'il n'y a pas de recours contre le propriétaire qui a utilisé, en somme, indûment sa capacité ou ce qu'il avait de disponible comme moyens pour évincer le locataire, et que lui peut obtenir un loyer arbitrairement élevé, s'il n'y a pas de recours, vous n'avez pas — comment pourrais-je dire — une règle uniforme applicable à tous.

M.DUPLESSIS: Mais, dans cet article, on parle de nouveau locataire.

M. CHOQUETTE: C'est ça.

M.DUPLESSIS: Dans le cas d'un nouveau locataire qui a déjà accepté de payer un loyer donné, je ne sais pas du tout pourquoi vous avez amené cet article. Vous-même, si vous achetez un article dans un magasin et que vous payez $120, si vous voyez le même article à $100 est-ce que vous pourriez revenir contre le premier et dire qu'il vous a vendu trop cher?

M. CHOQUETTE: Probablement que non, monsieur, dans le cours ordinaire des choses. Malgré qu'il y ait des systèmes ailleurs qu'au Québec où un contrat n'est pas nécessairement l'argument définitif à toute contestation. Il y a des systèmes de droit, où ce n'est pas parce que vous avez signé que vous êtes attaché complètement.

Si une des parties peut prouver qu'en fait on a abusé d'elle, le tribunal peut rouvrir le contrat. Et même ça existe actuellement dans le code civil en matière de prêts. Si vous allez signer par exemple un contrat d'emprunt d'un montant d'argent et que vous allez vous engager pour un montant où les intérêts sont trop élevés, compte tenu des conditions dans lesquelles vous obtenez ce contrat, savez-vous que dans l'état actuel des choses vous pouvez aller au tribunal, à la cour Supérieure ou à la cour Provinciale, faire changer le taux d'intérêt? Donc, ça existe déjà dans notre droit.

Au fond, nous étendons cette notion que les contrats ne sont pas nécessairement définitifs s'il y a des abus. Et nous l'appliquons, cette théorie, au domaine du louage.

M. DUPLESSIS: A ce moment-là...

M. CHOQUETTE: N'oubliez pas que c'est aussi le système qui prévaut dans tous les contrats de consommation à l'heure actuelle en vertu de la Loi de la protection du consommateur.

L'effet de tout ça ce n'est pas nécessairement de mettre à sac ou de rejeter du revers de la main tous les contrats qui sont intervenus entre citoyens, ce n'est pas ça du tout. C'est de faire qu'il n'y ait pas d'abus, pas d'excès qui se commettent. C'est ça le but du législateur, le but recherché par cette clause.

M.DUPLESSIS: Ce qui veut dire que le locataire, lorsqu'il accepte de payer un loyer donné, avant même de signer son bail il peut déjà avoir décidé de demander une révision.

M. CHOQUETTE: C'est assez vrai. Et je vais vous dire que dans la Loi de la Régie des loyers actuelle cette disposition existe; l'article 29 b) permet de remettre en question un bail qui a été négocié. Savez-vous que le président me dit qu'il n'y a pas plus de 300 cas par année à Montréal de ce genre de remise en question? Et ça ne veut pas dire que ça se solde toujours au profit des locataires contre les propriétaires.

Quand il y a une augmentation qui n'est pas abusive, qui est normale, qui est justifiable, la régie dit: C'est un contrat qui a été négocié en bonne et due forme et chaque partie a un avantage équitable de ce contrat. Il n'y a pas d'abus.

Mais si, par exemple, la régie constate un abus, elle va le réprimer.

LE PRESIDENT (M. Blank): Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, je crois bien que le ministre de la Justice a parfaitement raison. D'un autre côté, je partage un peu l'inquiétude des porte-parole de la Ligue des propriétaires de Laval, et j'inviterais M. Jean Alarie, brillant sous-ministre à la Justice, ainsi que tous les membres de son équipe, à considérer l'opportunité d'ajouter le mot "antérieure" à la dernière ligne de l'article 1664 a): "... demander la révision du loyer, si celui-ci est disproportionné par rapport à la valeur locative antérieure du local". Cela est conforme à l'esprit de l'article 29 b) de la loi actuelle.

M. CHOQUETTE: Oui... le locataire aussi.

M. PAUL: C'est ça. Ce n'est peut-être pas le meilleur terme, le mot "antérieure", mais...

M. CHOQUETTE: Oui, ce sont les mêmes critères s'appliquant en fait à la fixation du loyer d'un locataire qui est dans les lieux qui s'appliquent à l'examen d'un contrat négocié... C'est sur l'augmentation et non pas sur la...

Je crois que nous ne pouvons pas échapper à ça.

M. DUPLESSIS: Disons qu'il y a deux locataires dans le même édifice. Supposons que, pour différentes raisons, le loyer d'un locataire est de $110 et que celui de son voisin de gauche est de $125, le voisin de gauche pourrait demander le même loyer que le premier et l'obtenir alors qu'il peut y avoir différentes raisons pour un propriétaire, entre autres des liens de parenté, pour louer un logement $15 de moins.

M. CHOQUETTE: Ce sont des facteurs qui seront appréciés à leur mérite.

M. DUPLESSIS: Maintenant à l'article 1664 e), il s'agit des avis qu'un locateur doit envoyer, des avis de non-prolongation. Dans cet article, on parle de deux mois. Je ne comprends pas la raison pour laquelle on ne mettrait pas un délai "minimum" de deux mois parce que lorsque nous envoyons l'avis de deux mois, le locataire a vingt jours...

M. CHOQUETTE: Ce sera changé pour trois mois. Et "minimum", nous allons le mettre.

M. DUPLESSIS: Le mot "minimum". M. CHOQUETTE: Oui.

M. DUPLESSIS: Ce qui voudrait dire qu'un propriétaire pourrait en janvier ou février, envoyer un avis de non-prolongation pour le mois de mai?

M. CHOQUETTE: C'est ça, c'est exactement ça.

M.DUPLESSIS: Est-ce que le locataire aurait alors 20 jours après la réception de l'avis?

M. CHOQUETTE: C'est ça.

M. DUPLESSIS: 20 jours après la réception de l'avis.

M. CHOQUETTE: C'est ça.

M. DUPLESSIS: D'accord. A l'article 1664 n), lorsqu'on demande une révision de loyer, il n'est pas mentionné que lorsque le tribunal va rendre sa décision, ceci serait rétroactif.

M. CHOQUETTE: C'est évident, il faut que ce soit rétroactif à l'expiration du bail.

M. DUPLESSIS: A l'expiration. Maintenant, est-ce que le locataire est obligé d'accepter la décision?

M. CHOQUETTE: Ah bien oui!

M.DUPLESSIS: Jusqu'à l'expiration du bail?

M. CHOQUETTE: Oui, il a pris sa chance. Il a dit: Je veux rester dans les lieux, je vais m'en rapporter à l'opinion d'un tiers quant au loyer que je devrais payer. C'est évident qu'il est lié par la décision et il ne peut pas dire: Je me désiste du jugement que j'ai obtenu.

M. DUPLESSIS: D'accord. A l'article 1664 p), il s'agit de l'aliénation volontaire d'une maison. On mentionne que le locataire a le droit d'être maintenu dans un local. Disons que, dans le cas d'une maison de rapport, ça peut avoir un certain sens mais dans le cas d'un duplex, comme l'acheteur doit nécessairement occuper le bas, on demandait que le bail ne puisse pas dépasser douze mois à compter de l'aliénation, sans quoi le propriétaire du duplex aura de la difficulté à vendre sa maison s'il a un bail qui se termine dans deux ans pour le local du bas.

M. CHOQUETTE: Nous réexaminerons ce problème, monsieur.

M.DUPLESSIS: A l'article 1664 u), il est mentionné que lorsqu'un locateur aura pris possession du logis pour le louer à un parent, à moins d'une autorisation du tribunal, il ne peut, dans l'année qui suit, l'utiliser à une autre fin. Nous avons mentionné d'ajouter "sauf pour une raison majeure". La raison est simple, c'est qu'advenant que le parent est transféré à l'extérieur ou qu'il est décédé, il faudrait quand même que le propriétaire puisse...

M. CHOQUETTE: Le tribunal va décider.

M.DUPLESSIS: Le Tribunal des loyers. A l'article 1665, on dit que le locateur peut demander deux chèques, dont un postdaté pour la fin de l'année, ce qui n'est aucunement sécuritaire, puisque le locataire peut faire un arrêt de paiement à n'importe quel moment. Alors, nous ne voyons pas la raison pour laquelle le locateur ne pourrait pas demander deux mois de loyer, à la signature du bail.

M. CHOQUETTE: Ecoutez, cette question a déjà été soulevée, vous savez, par d'autres qui ont comparu à la barre ce matin. Alors, nous allons examiner ce problème-là, puis tâcher d'arriver à une solution qui tienne compte des intérêts des deux parties.

M. DUPLESSIS: Disons que c'est tout simplement au cas où un locataire quitterait le logement sans laisser d'adresse.

M. CHOQUETTE: Le président dit que si, par exemple, le locataire mettait un arrêt de paiement sur un chèque postdaté, le propriétaire s'en rendrait compte dès les premiers jours du dernier mois du bail. Il peut prendre une action, exercer un droit de saisie même sur les meubles du locataire pour se faire payer. Vous comprenez ce que je veux dire là?

M. DUPLESSIS: Est-ce qu'à ce moment-là il va passer par la cour des petites créances?

M. CHOQUETTE: II va avoir accès aux procédures ordinaires, petites créances pour des montants de moins de $300 ou procédures pour des montants de plus de $300.

M. DUPLESSIS: Et si le locataire a quitté sans laisser d'adresse?

M. CHOQUETTE: Bien," là, il y a les quinze jours de droit de suite pour saisir les meubles où qu'ils se trouvent. Il a ses autres recours aussi.

M. DUPLESSIS: D'une façon générale, le locataire les emporte, les meubles.

M. CHOQUETTE: Bien oui, il ne faut pas oublier que les recours ordinaires appartiennent au propriétaire, même dans ce cas-là. Si c'est un loyer de $100, il peut prendre un jugement pour $100; il peut saisir le salaire du locataire.

M.DUPLESSIS: Dans le nouveau projet de loi, il faut admettre qu'il y a beaucoup plus de protection pour les locataires. La Ligue des propriétaires est d'accord avec la majorité parce qu'il faut admettre que des locataires ont été lésés dans leurs droits les années passées. Etant donné que, maintenant, ce sera de plus en plus difficile pour un propriétaire d'évincer un locataire indésirable, la question des deux mois, c'était justement au cas où les lieux seraient endommagés d'une façon indue ou que le locataire quitterait. Je pense bien même que la majorité des locataires ne s'opposerait pas à payer un mois supplémentaire.

M. CHOQUETTE: Vous savez, il faut se mettre à la place des locataires aussi, pas juste à la place des propriétaires. Si on demande aux locataires de débourser plusieurs montants d'argent, en plus de payer le premier mois, le dernier mois du bail, plus un montant pour des dommages possibles, je veux dire ce ne sont pas tous les locataires qui sont capables d'arriver, puis de faire des dépôts de montants substantiels comme ça. Il y a le coût des déménagements en plus de ça. Alors, il faudrait quand même y aller modérément dans vos demandes.

M. DUPLESSIS: Disons que le chèque du dernier mois, ce serait justement au cas où les lieux seraient endommagés d'une façon anormale. Il n'est pas question de demander un autre montant que deux mois de loyer.

LE PRESIDENT (M. Blank): Merci beaucoup, M. Duplessis.

La Société canadienne de courtage Inc. M. Raoul Gadbois.

Société canadienne de courtage Inc.

M. GADBOIS: M. le Président, M. le minis- tre, vous avez déjà reçu des suggestions de ma part, le 3 janvier dernier...

M. PAUL: Avez-vous fait un bon voyage? M. GADBOIS: Plusieurs bons voyages.

M.PAUL: Tant mieux! Lors de votre dernière visite, vous projetiez d'aller faire un voyage en Europe.

M. GADBOIS: Vous êtes jaloux. Vous vouliez venir vous, n'est-ce pas? On était assez.

M. PAUL: Vous ne m'avez pas invité; je n'ai pas pu y aller.

M. GADBOIS: Non, on avait peur que vous veniez.

M. PAUL: Vous avez raison.

M. GADBOIS: Alors, je ne répéterai pas les félicitations que j'ai faites sur ma lettre concernant le travail effectif que le gouvernement a accompli par les projets de loi 78 et 79.

Je crois comprendre que la commission parlementaire et les autorités ont compris que le grand problème du Québec aujourd'hui, c'est l'économie et non pas la culture.

Je m'excuse d'être arrivé en retard, des articles ont peut-être été passés au crible avant que j'arrive mais nous allons passer vite. Quant à la loi 79, article 5 — je ne sais pas si cela a été fait avant que j'arrive— j'avais suggéré qu'on change le mot "connaît" pour "entendra".

M. CHOQUETTE: Mais connaître veut dire entendre pour un tribunal, c'est la même chose.

M. GADBOIS: II faudrait penser que le peuple qui lit n'a pas la compétence d'un tribunal. Les lois sont faites pour le peuple. Si cela veut dire la même chose...

M. CHOQUETTE: Non pas le peuple fait pour les lois, c'est cela?

M. GADBOIS: Les lois sont faites pour le peuple.

M. DROLET: C'est ce que j'avais dit au ministre lors de l'étude des crédits.

M. CHOQUETTE: II y a unanimité générale sur cela, vous savez.

M. DROLET: Vous avez bien raison.

M. GADBOIS: La cinquième ligne; enlever la préposition "avant" toute demande. Est-ce que vous l'avez? C'est un détail technique; je pense qu'il ne sert à rien de s'attarder là-dessus. La même chose à l'article 9, remplacer le mot

"connait" par "a juridiction". C'est encore un autre terme qui veut dire la même chose, je suppose, au point de vue légal.

M. CHOQUETTE: C'est la même chose.

M. GADBOIS: Mettez donc le plus facile, si vous voulez. A l'article 29, deuxième ligne, remplacer les mots "de l'affaire" par "du cas en appel".

M. CHOQUETTE: D'après vous, c'est plus simple.

M. GADBOIS: Oui, c'est plus compréhensible. A la quatrième ligne de l'article 29, enlever les mots "de la copie". Vous savez, avant mon voyage, j'avais beaucoup étudié votre loi. Je l'ai oubliée un peu en voyage, mais là, je vais me ressasser un peu.

M. CHOQUETTE: Vous avez eu la semaine du vin aussi.

M. GADBOIS: C'est cela, oui, mais j'espère que je ne suis pas venu en vain aujourd'hui.

Remplacer les mots "avec toute la diligence possible" — c'est vague pour nous — par les mots "dans les sept jours de sa réception". L'article 29, quatrième ligne. Le président de la régie me regarde avec de gros yeux, ça lui cause des ennuis.

M. CHOQUETTE: Vous savez, "avec toute la diligence possible" veut dire dans les meilleurs délais. Fixer un délai obligatoire pour le tribunal d'appel de rendre jugement, cela me parait assez difficile.

M. GADBOIS: Vous connaissez les cours de justice, M. Choquette?

M. CHOQUETTE: Oui.

M. GADBOIS: Un propriétaire va attendre trois, quatre, cinq ou six mois avant d'avoir un jugement.

UNE VOIX: Pas chez nous.

M. CHOQUETTE: La juge Ross proteste contre cette affirmation, il dit que devant leur tribunal c'est beaucoup plus expéditif.

M. GADBOIS: Je réitère mon affirmation. Si le juge Allan Gold était ici, il pourrait m'appuyer. Dans les cours — je ne parle pas de la Régie des loyers — régulières, on attend. Quand le locataire ne paie pas, on prend action et cela prend quatre, cinq ou six mois avant d'avoir le jugement. Il y a des propriétaires derrière moi qui, je pense, vont corroborer mon affirmation à ce sujet.

M. CHOQUETTE: II y a une chose sur laquelle je suis de votre avis, c'est qu'en matière de relations entre locataire et propriétaire, il est particulièrement important que les délais soient rapides et courts. Vous comprenez ce que je veux dire? Dans ce domaine particulier, il ne faut pas avoir de délai judiciaire ou avoir le moins possible de délais judiciaires.

M. GADBOIS: Je suggérerais que le tribunal des loyers prenne le plus possible les causes loc et loc.

M. CHOQUETTE: C'est cela, c'est exactement tout l'objectif de la législation des bills 78 et 79.

M. GADBOIS: Vous voyez, il y a des points sur lesquels nous sommes d'accord.

M. CHOQUETTE: Oui.

M. GADBOIS: Maintenant, passons à la loi 78. La loi 79, je la laisse à votre bonne grâce. Je passe tout de suite à l'article 1604 de la loi 78, réparations locatives. Est-ce qu'il y aurait lieu de les définir?

M. CHOQUETTE: Je crois qu'il est impossible vraiment de définir ce que sont des réparations locatives et ce que sont de grosses réparations. C'est une question d'appréciation dans chaque cas. C'est une question aussi où il faut se fonder sur la jurisprudence.

Ce n'est pas le genre de chose où on pourrait faire une énumération et dire par exemple: les robinets, les vitres, les poignées de portes ce sont des réparations locatives; d'un autre côté, le système de plomberie, l'électricité ce sont des grosses réparations.

UNE VOIX: Si on oublie quelque chose...

M. CHOQUETTE: Oui. Voyez-vous, c'est une question d'appréciation et du jugement dans chaque cas, il est impossible de définir ça.

M. GADBOIS: Après ça, l'article 1627. Après "les frais" pourquoi ne pas ajouter "judiciaires, extrajudiciaires et collection"?

M. CHOQUETTE: Non. Voyez-vous, monsieur, on ne peut pas suivre ça. La partie qui perd un procès ne peut être condamnée qu'aux frais judiciaires, elle ne peut pas être condamnée...

M. GADBOIS: Oui, mais on a des problèmes avec les avocats.

M. CHOQUETTE: Je comprends. C'est pour ça que...

M. GADBOIS: Les avocats chargent 15 p.c. ou 20 p.c. pour une action. Si pour un tiers j'ai un loyer de $100 et s'il m'enlève $15, cela veut

dire qu'à l'année longue je n'aurai que $85 pour ce loyer au lieu de $100.

M. CHOQUETTE: Oui, mais ce sont les risques normaux d'un propriétaire.

M. GADBOIS: S'il y a une récidive. C'est tout le temps. Il y a des locataires entêtés comme il y a des propriétaires entêtés. Il y a autant de méchants d'un bord que de l'autre. Maintenant, si le type prend plaisir à ne pas payer son loyer et attend, par méchanceté, d'être poursuivi, l'avocat va toujours avoir ses 15 p.c. ou 20 p.c. et le propriétaire...

M. BURNS: II faut vraiment être masochiste pour attendre d'être poursuivi, parce que, lui aussi, il en paye des frais quand il se fait poursuivre. Le gars fait exprès pour recevoir des claques sur la gueule.

M. GADBOIS: Vous avez raison, mais il y en a qui aiment ça.

LE PRESIDENT (M. Blank): Cela dépend par qui.

M. PAUL : Cela dépend par qui.

M. GADBOIS: On l'accepte toujours de son père.

Enlevez le mot collection. Est-ce qu'il y aurait lieu de spécifier judiciaires et extrajudiciaires?

M. CHOQUETTE: On ne peut pas, parce que ce serait une entorse trop considérable à un principe général que la partie qui perd un procès n'est tenue qu'aux frais judiciaires. C'est ça la règle de fond pour tous les procès. On ne pourrait pas aller faire d'exception pour votre cas.

M. GADBOIS: Article 1635. Vous spécifiez que le locataire qui s'en va avec ses meubles, l'article donne huit jours.

M. CHOQUETTE: II va vous donner quinze jours.

M. GADBOIS: Je suis plus libéral que ça, il me semble que j'aimerais aller plus loin que ça. La difficulté ce sont les assistés sociaux. Si on avait de l'aide du service de l'aide sociale, pour retracer un locataire qui fuit, "fly by night", cela prend plus que quinze jours pour le retracer. Souvent, dans la plupart des cas, je crois que les propriétaires vont s'en fouter et dire: Que le diable l'emporte, le loyer on va le perdre, ça finit là. Cela va coûter plus cher de temps. Mais, tout de même, quinze jours, je ne trouve pas ça long; c'est déjà presque le double de huit, mais n'y aurait-il pas lieu de mettre un peu plus long? Cela n'enlève rien à personne.

M. CHOQUETTE: Vous savez, c'est parce qu'il ne faut pas juste considérer la situation du locataire qui a quitté les lieux emportant ses meubles, il faut considérer le nouveau propriétaire aussi. Parce que le nouveau propriétaire il a droit, lui, à un privilège sur les mêmes meubles. C'est pour ça qu'on est pris dans une situation où il faut équilibrer les droits de deux propriétaires qui sont en conflit en fait sur les mêmes meubles.

M. GADBOIS: Oui, mais il y a une priorité tout de même. C'est le premier propriétaire qui...

M. CHOQUETTE: Oui, mais elle va durer combien de temps cette priorité?

M. GADBOIS: On lui donne 30 jours.

M. CHOQUETTE: Oui, mais quinze jours...

M. GADBOIS: Quinze jours.

M. CHOQUETTE: Je trouve qu'il faut qu'un propriétaire agisse avec diligence dans ces cas.

M. PAUL: II n'est pas difficile.

M. GADBOIS: Les autres avant moi ont gagné sept jours, ça suffit.

L'article 1657. C'est à bâtons rompus un peu.

Vous voyez, je parle en faveur du locataire à certains endroits.

M. PAUL: Je ne sais pas s'il s'est trompé.

M. GADBOIS: Après le mot "local", à la fin de tout, il faudrait ajouter: "si le locateur ou le locataire éventuel n'ont pas pu visiter le local;" c'est pour définir un peu mieux votre article. S'il a pu le visiter, l'article n'a pas sa raison d'être. Le trouble, c'est que le locataire ne veut pas laisser entrer le nouveau locataire pour visiter ou le propriétaire. "Si le locateur ou le locataire éventuel n'ont pas pu visiter le local" seulement ajouter cela, si c'est possible. Vous n'avez pas ma feuille, M. le ministre.

M. CHOQUETTE: Je l'ai.

M. GADBOIS: Vous l'avez étudiée?

M. CHOQUETTE: Mais là je regarde l'article 1657.

M. GADBOIS: L'article 1664 j). J'ai demandé, dans le temps, de le retrancher complètement parce qu'il est trop difficile d'application.

M. CHOQUETTE: Quel article, M. Gadbois?

M. GADBOIS: 1664 j).

M. CHOQUETTE: Oui. Le rayer?

M. GADBOIS: Oui.

M. CHOQUETTE: D'accord.

M. PAUL: Le "d'accord" du ministre veut-il dire qu'il se rend à la demande ou si c'est pris en considération? C'est en délibéré?

M. CHOQUETTE: Oui, cela veut dire que j'ai compris.

M. GADBOIS: 1664 z). Cela est grave. Remplacer tout le paragraphe par le suivant: "Un locataire ne peut, sans autorisation du tribunal, quitter le local avant l'expiration de son bail" — cela est admis —...

M. CHOQUETTE: Oui.

M. GADBOIS: "... ou enlever ses effets mobiliers dudit local."

M. CHOQUETTE: Oui.

M. GADBOIS: "Le locateur ne peut consentir à un bail à un nouveau locataire..." Vous voyez, je donne trois jours; vous, vous ne donnez pas de délai. Vous dites immédiatement; il n'y a pas de délai.

M. CHOQUETTE: C'est ça.

M. GADBOIS: Moi, je dis: trois jours après.

M. CHOQUETTE: Mais, M. Gadbois, je pense que...

M. GADBOIS: C'est parce que le locataire peut revenir au bercail, à un moment donné.

M. CHOQUETTE: Oui, oui, non mais regardez, je crois que les deux premières phrases que vous nous avez lues n'ajoutent absolument rien aux principes qui sont déjà dans le projet de loi. C'est vrai que le locataire, s'il a contracté, doit rester jusqu'à la fin de son bail. De plus, il faut qu'il maintienne suffisamment de meubles sur les lieux pour garantir le loyer. C'est la garantie du propriétaire.

M. GADBOIS: Accepteriez-vous de faire la phraséologie de cette manière-là?

M. CHOQUETTE: Non.

M. GADBOIS: Si elle est légale d'après vos experts.

M. CHOQUETTE: Je ne peux pas l'accepter, M. Gadbois, même si cela me ferait plaisir réellement d'accéder à votre demande. Je crois que l'article 1664 z), tel qu'il est fait là, donne la chance à un propriétaire, aussitôt que le locataire a quitté subrepticement ou intempestivement pendant la durée de son bail, de louer tout de suite à quelqu'un d'autre, pouvoir qu'il n'avait pas antérieurement.

M. GADBOIS: Dans ma phraséologie, il y a plus de défenses, il y a plus de mises en garde vis-à-vis du locataire. Vous, vous dites: Si le locataire quitte le local avant l'expiration du bail. Moi, je dis: Un locataire ne peut, sans autorisation du tribunal... S'il a une raison, le tribunal va juger.

M. CHOQUETTE: Oui, mais, monsieur, c'est déjà contenu dans d'autres articles du projet de loi. C'est là. Vous n'ajoutez rien, en somme, à ce qui est déjà dans le projet de loi, même si vos articles sont forts et énergiques.

M. GADBOIS: Souvenez-vous-en, rendu à l'article 1665 o); cela va revenir à cela.

M. PAUL: Vous n'êtes pas encore à 1664 z), M. Gadbois?

M. GADBOIS: Oui, oui, à 1664 z).

M.PAUL: Supposons, par exemple, qu'un locataire quitte les lieux et laisse pour moins de $1,000 d'ameublement, qu'est-ce qui se passe?

M. CHOQUETTE: Bien, on ne peut pas dire qu'il a quitté les lieux s'il a laissé de l'ameublement.

M. PAUL : Mais si cela n'a aucune valeur commerciale ou quoi que ce soit. Je comprends que ce sont des cas d'espèce, mais...

M. CHOQUETTE: Cela prendrait une exception. Cela prendrait, comme pourrais-je dire...

M. BURNS: Un esprit retors.

M. CHOQUETTE: ... un esprit véritablement retors qui souffrirait, en somme, une situation juridique compliquée comme celle-là strictement pour le plaisir d'avoir un litige.

LE PRESIDENT (M. Blank): C'est un problème qui arrive souvent en pratique. Cela arrive souvent. J'ai des causes comme celles-là où le gars laisse l'appartement. Le client me téléphone et me dit: Est-ce que j'ai le droit d'annuler le bail? Le gars n'est pas ici, mais il a laissé quelque chose. Qu'est-ce que je vais faire avec ses choses?

M. CHOQUETTE: M. le Président, pour répondre à votre question, lorsqu'un locataire a quitté les lieux et donne toutes les indications objectives d'avoir quitté les lieux —il laisse quelques effets mais on sait qu'il peut laisser, par derrière lui, des vêtements, quelques effets personnels et tout cela— je pense qu'à ce moment-là on est devant un fait. Ces qu'on a réellement un locataire qui a quitté les lieux. Je pense que le propriétaire, à ce moment-là, a le recours de l'article 1664 z). Il peut entreposer les affaires du locataire dans la cave, où il veut.

LE PRESIDENT (M. Blank): Mais que fait-il avec?

M. GADBOIS: Souvent les choses qu'il laisse, de même, en partant, ce sont des choses pour les vidanges.

M. CHOQUETTE: C'est cela.

LE PRESIDENT (M. Blank): Moi, j'ai vu des cas...

M. GADBOIS: Alors, si ma phraséologie veut dire la même chose que l'article qui est présentement...

M. CHOQUETTE: Je suis sûr, M. Gadbois, que cela respecte totalement vos vues.

M. GADBOIS: Très bien. Maintenant, à l'article 1665 1), je ne vois pas pour quelle raison le propriétaire doit attendre 30 jours pour envoyer le bail à son locataire.

M. CHOQUETTE: On va dire 15 jours, monsieur.

M. GADBOIS: Très bien. C'est ce que je voulais demander.

M. CHOQUETTE: Voyez-vous que vous gagnez des points?

M. GADBOIS: Maintenant, l'article 1665 o). C'est celui-là, surtout, que je veux gagner.

M. DROLET: Oh! Oh!

M. GADBOIS: Oh! Oh! Quiconque contrevient aux dispositions des articles 1664 u). Ajouter l'article 1664 z). Parce qu'une loi qui est punitive doit l'être tant pour une partie que pour l'autre partie.

M. CHOQUETTE: Qu'est-ce que vous proposez, M. Gadbois?

M. GADBOIS: Ajouter simplement, à l'article 1665 o), après 1664 u), l'article 1664 z).

M. CHOQUETTE: Cela se lirait comment?

M. GADBOIS: Juste ajouter l'article 1664 z). Je rends la loi punitive encore plus grandement.

M. CHOQUETTE: Voyez-vous, monsieur, vous voulez avoir un recours pénal par le propriétaire lorsqu'il y a une infraction contractuelle par le locataire aux conditions de son bail. Si on revient à l'article 1664 z), cet article, au fond, laisse entendre le principe que le locataire doit demeurer jusqu'à la fin de son bail, comme je vous l'ai dit tout à l'heure. Vous voulez, vous, en plus des recours contractuels qui appartiennent au propriétaire, c'est-à-dire poursuivre pour le reste du bail ou saisir les meubles par droit de suite, avoir une sanction pénale.

Je pense qu'on ne peut pas, voyez-vous, accepter cela parce que la faute du locataire, dans un cas comme cela, c'est une faute contractuelle. Ce n'est pas une faute qui doit être réprimée au bénéfice de la société dans son ensemble. Qu'est-ce qu'on punit par les sanctions pénales? Ce sont les choses qu'on considère dépasser l'intérêt purement privé et intéresser la société dans son ensemble.

Je ne crois pas, M. Gadbois, qu'on puisse venir mettre au secours des propriétaires des sanctions pénales qui ont une portée sociale.

M. GADBOIS: Dans la loi actuelle, vous avez des recours simplement contre les propriétaires. Pourquoi le locataire qui est en défaut, au point de vue juridique, ne serait-il pas puni comme le propriétaire?

M. CHOQUETTE: Je vais vous donner un exemple, monsieur. Prenons le cas d'un propriétaire qui est astreint, d'après la loi, à faire certaines réparations. Vous n'allez trouver, dans ce projet de loi, aucune sanction pénale contre le propriétaire. Vous avez des sanctions contractuelles, par exemple, et vous avez des sanctions civiles. Le locataire peut exercer certains recours devant le tribunal civil mais il ne peut pas aller à la cour criminelle et demander que le propriétaire soit condamné au pénal à une amende de tant, parce que le propriétaire n'a pas fait les réparations auxquelles il était tenu.

Nous ne pouvons sanctionner, au point de vue pénal, que ce qui a des répercussions sociales, de portée générale. Ainsi, le domaine de la discrimination, le domaine, par exemple, des enfants, parce qu'en fait il nous intéresse de protéger la famille.

M. GADBOIS: Le locataire a le même recours devant les tribunaux, dans n'importe quel cas de...

M. CHOQUETTE: Monsieur, vous comparez, vous savez, des pommes et des bananes. Ce n'est pas dans le même ordre de...

M. GADBOIS: Cela fait des fruits, tout de même. Alors pour faire porter fruit à votre affaire, je trouve que le locataire devrait être, lui aussi, passible d'une amende. D'abord, il n'y a pas de minimum. Alors, c'est facile.

C'est pour inciter le locataire à suivre un peu la loi. Parce qu'il sait fort bien que si vous laissez au propriétaire le soin de revenir contre le locataire, le propriétaire ne le fera pas, par dépit, parce qu'il dit que ça ne sert à rien. Pourquoi ne pas inciter le locataire par un article préventif, dire...

M. CHOQUETTE: M. Gadbois, si on devait suivre votre raisonnement, on assortirait toutes

les obligations, et des propriétaires et des locataires, de sanctions pénales. Et dans chaque cas, en plus du dommage ou des recours contractuels qui pourraient exister entre propriétaire et locataire, on ajouterait aussi une amende, une poursuite devant la cour des Sessions de la paix.

M. GADBOIS: II faut, M. le ministre, que vous vous mettiez dans la tête que le propriétaire, lui, la plupart du temps a des biens. Il peut être poursuivi. Il a de la finance pour répondre. Le locataire, la plupart du temps, les pauvres assistés sociaux et même d'autres, ils n'ont presque rien. Comment voulez-vous que le propriétaire puisse revenir contre un locataire qui n'a rien?

M. CHOQUETTE: M. Gadbois, vous retournez un peu à un époque qui est maintenant révolue: la prison pour dettes. Cela existait autrefois.

M. GADBOIS: Cela existe encore en Europe.

M. CHOQUETTE: Je sais. Autrefois, ça a existé. Quand quelqu'un n'était pas capable de payer ses dettes, pour le punir on le mettait en prison. On a tout laissé ça de côté depuis des années. On ne trouve pas que c'est un bon système juridique. On ne peut pas appliquer ces idées.

M. GADBOIS: Dans les autres articles, vous allez mettre le propriétaire en prison.

M. CHOQUETTE: Non. Les articles où il y a une sanction pénale pour le propriétaire c'est lorsqu'il s'agit de discrimination ou encore de politique familiale.

M. GADBOIS: Discrimination, oui.

M. CHOQUETTE: Parce que. là, c'est la société dans son ensemble qui est intéressée; ce n'est pas juste le propriétaire comme tel ou le locataire comme tel.

M. GADBOIS: Le meilleur argument, je crois sur le recours que le propriétaire ne peut pas prendre contre le locataire à cause de la non-solvabilité du locataire, c'est si le locataire dit: Si je pars, moi, sans autorisation du tribunal ou du propriétaire, je suis passible d'une amende de $5, $10, $20 et même jusqu'à $500. Il va y penser deux fois. Vous allez aider le locataire à respecter la loi.

M. CHOQUETTE: On va étudier ça, M. Gadbois, mais je ne suis pas très, très favorablement disposé.

M. PAUL: Cela veut dire: Tenez-vous bien, ça va vous glisser sous les pieds.

LE PRESIDENT (M. Blank): Merci, monsieur.

M. GADBOIS: Au collège on appelait ça envoyer aux calendes grecques.

LE PRESIDENT (M. Blank): ... parle pas de mes électeurs. Merci beaucoup, M. Gadbois. Les représentants de l'Association des locataires du centre-ville sont-ils ici? Ils ne sont pas ici, mais on prendra note de leur unique suggestion.

La Chambre de commerce de la province de Québec. Me Gilles Champagne et M. Pierre Morin.

M. GADBOIS: Pensez-vous que la loi va être adoptée pour le 1er janvier?

M. CHOQUETTE: Oui.

M. GADBOIS: On peut s'attendre à ça. C'est par rapport à l'impression des baux.

M. PAUL: Cela dépend de l'Opposition et de la date des élections.

M. GADBOIS: J'ai parlé du 31 décembre 1973.

M.PAUL: Bien oui!

M. DROLET: II y a de grosses chances qu'au 1er janvier il y ait des changements.

M. GADBOIS: S'il dit toujours oui comme ça, il n'y est pas pour longtemps.

LE PRESIDENT (M. Blank): M. Champagne, s'il vous plait.

Chambre de Commerce de la province de Québec

M.CHAMPAGNE: M. le Président, MM. les membres de la commission, mon collègue, M. Morin, qui m'accompagne, et moi, avons travaillé ensemble à la préparation du mémoire. Ce dernier va en faire la présentation. M. Morin.

M.MORIN: M. le Président, j'aimerais d'abord signaler que la chambre a cru bon de se faire un devoir de venir, encore une fois, faire des représentations devant la commission parlementaire, cette fois-ci pour appuyer les projets de loi 78 et 79, une politique un peu différente de celle qui avait eu cours lors de la présentation du bill 59. La première remarque que nous devons faire est la suivante: Nous reconnaissons qu'au Québec il existe une situation tout à fait particulière où une grande majorité de la population habite des logements en location par opposition à d'autres endroits, d'autres provinces au Canada, où il existe une situation contraire.

Lors de nos représentations sur le projet de loi 59, nous avions recommandé l'adoption d'une nouvelle problématique par le législateur pour guider son intervention dans les rapports existants entre locataire et locateur. Cette nouvelle problématique s'appuyait à ce moment-là sur deux soucis fondamentaux: d'abord, un souci d'équité pour toutes les parties en cause, et ensuite, un souci d'efficacité et de réalisme dans l'application de la loi. Ce souci d'équité nous porte à croire que l'essence même de la loi doit maintenir toute la latitude possible pour que les parties d'un bail en viennent à une entente mutuellement agréable sans l'intervention de l'Etat. L'efficacité et le réalisme devraient se traduire dans cette législation par une intervention de l'Etat seulement en cas de désaccord entre les parties, c'est-à-dire à partir d'une philosophie d'exception.

La Chambre de commerce de la province de Québec retrouve cette problématique dans les principes directeurs des deux projets de loi 78 et 79. Nous appuyons donc le principe des projets de loi concernant le louage des choses et du tribunal des loyers.

Nous sommes des plus heureux de constater la volonté du législateur de procéder par une modification au code civil plutôt que par une loi d'exception. La chambre note aussi les nombreuses interventions du gouvernement du Québec dans le domaine de l'habitation, tant par ce projet de loi que par les activités de la Société d'habitation du Québec, que par les mesures contenues dans l'avant-projet de loi sur l'urbanisme et l'aménagement du territoire, et, que par les travaux de divers ministères sur un code de la construction. La chambre souhaite vivement que soit rendue publique le plus tôt possible une politique cohérente de l'habitation au Québec qui puisse guider aussi bien le citoyen ordinaire que l'investisseur et le promoteur de projets d'habitation.

Nous espérons cependant qu'une telle politique, si nécessaire soit-elle, sera introduite avec prudence pour ne pas recréer la situation d'incertitude que le Québec a connu à la suite du dépôt du projet de loi 59 et au cours des premiers mois de cette année. La panique générale générée par ce projet de loi a trouvé un correctif dans la loi pour empêcher les hausses abusives de loyer en 1973. C'était une situation résultant directement du projet de code des loyers.

Sans modifier d'aucune façon les principes qui sous-tendent la présente législation, il y aurait lieu d'y apporter certaines améliorations. Nous reprenons ici certaines des recommandations soumises précédemment et je cède la parole à Me Gilles Champagne.

M.CHAMPAGNE: M. le Président, nous allons continuer peut-être dans les considérations particulières, tantôt générales, avec des exemples concrets à l'appui. Nous aurons beaucoup de plaisir à vous les exposer dans quelques instants.

Alors, la définition du loyer devrait être incluse dans le code 78; malheureusement, nous ne la retrouvons pas, nous l'avons retrouvée dans 280.

Elle était assez complète, mais on ne l'a pas retrouvée telle quelle ou de façon spéciale dans le projet de loi 78. C'est une des recommandations de la chambre de préciser ça clairement.

Est-ce l'avis du ministre de préciser clairement? J'imagine.

M. CHOQUETTE: Oui, c'est une excellente suggestion.

M. CHAMPAGNE: Cela s'en vient? Alors, très bien. On est content d'apprendre que vous allez l'inclure dans l'autre, puisque c'est la cause, souvent, de conflits entre les parties. Dans notre autre recommandation, nous avons les clauses escalatrices. Nous avions préalablement exposé devant la commission les avantages qu'il y aurait de mentionner dans la loi que toute augmentation de taxes scolaires et municipales soient incluses dans le loyer de façon automatique, pour éviter tout recours inutile devant la juridiction.

Evidemment, le ministre me regarde, en voulant dire: Oui, mais les loyers vont changer. Si les loyers changent, ce n'est pas la faute du propriétaire. A ce que je sache, ce ne sont pas les propriétaires qui font augmenter les taxes volontairement. Ils sont pris comme n'importe qui, à appliquer, comme agents percepteurs de la municipalité ou de la commission scolaire, les augmentations de taxes. Je pense que les augmentations devraient se refléter immédiatement pour sensibiliser les locataires au bien-être de la société et surtout à leurs préoccupations devant l'administration locale, tant municipale que scolaire.

Si, chaque mois, vous avez des augmentations parce qu'il y a des taxes spéciales, des taxes comme ceci, des taxes comme ça, je vous garantis que les gars vont s'occuper de leur administration; ils vont être très sensibles le mois suivant. Quand il y aura des élections, je vous dis qu'ils vont voir ce qui se passe.

Cela, c'est notre recommandation.

M. CHOQUETTE: Je ne pense pas qu'on puisse donner suite à votre suggestion.

M. CHAMPAGNE: Non, évidemment, ce serait difficile pour le gouvernement sur le plan politique. Nous, on ne fait pas de politique, à la Chambre de commerce.

M. CHOQUETTE: Non, ce n'est pas sur le plan politique. Il y a trop d'arguments contre cette solution.

M. PAUL: Me Champagne, qu'est-ce que vous feriez dans les milieux où il y a une taxe locative?

M. CHAMPAGNE: J'en paye une moi-même,

M. Paul, et je regrette beaucoup de la payer une fois par année à Laval, mais je la paye. Evidemment, si elle était incluse dans mon loyer, ça paraîtrait peut-être moins, mais je saurais au moins le montant. On saurait le montant exact qui est payé. Si vous avez un loyer de $150, vous savez que $35 ou $40 vont en taxes scolaires et municipales. Je pense que ça ferait l'objet d'une plus grande préoccupation de la part des gens. Mais c'est sûr que c'est difficile. J'aimerais beaucoup, un jour, entreprendre les arguments de M. Choquette versus cette recommandation de la chambre. On attend l'occasion plus favorable d'en discuter peut-être.

M. MORIN: M. le Président, il faudrait aussi ajouter que les propriétaires se sont souvent inscrits contre une telle clause escalatrice, parce que ça leur donne là une excuse additionnelle souvent pour augmenter le loyer, à un moment où ils n'en auraient peut-être pas besoin. Je crois que ça pourrait clarifier la situation dans le cas du locataire qui saurait exactement la portion du paiement qu'il fait qui va pour payer les taxes.

M.CHAMPAGNE: Alors, comme le disait mon collègue, M. Morin, nous réitérons notre recommandation. Nous voulons que la loi évite les conflits entre les parties et nous pensons que l'un des éléments de conflit, comme il vient de le mentionner c'est souvent l'augmentation de taxes qui, à un moment donné, sert de justification dans certains cas.

Mais, si vous me le permettez, M. le Président de la commission, je vous citerai des cas concrets que nous avons vus dernièrement. Nous avons certains documents en main, concernant l'application des lois antérieures, soit plus particulièrement le bill 280 qui est très jeune, qui a eu une application récente devant le commissaire et devant la cour d'Appel de la Régie des loyers. Si vous me le permettez, je citerai ces quelques cas pour vous illustrer l'application antérieure — nous espérons qu'elle sera postérieurement différente— des lois que l'Assemblée nationale vote.

Prenons, par exemple, le cas d'un propriétaire dont je ne mentionnerai pas le nom évidemment, où les circonstances, parce que ce serait peut-être désagréable pour lui; il serait peut-être mal à l'aise devant la commission la prochaine fois. Si vous me le permettez, je vais vous citer des cas. J'ai deux cas à vous citer. Le premier cas, c'est un immeuble de la Côte Saint-Luc, à Montréal. Je pense que c'est dans la circonscription de M. Blank; je ne le sais pas.

LE PRESIDENT (M. Blank): Non.

M. CHAMPAGNE: C'est dans ce coin-là de la ville de Montréal. C'est un immeuble qui, en 1971, était évalué à un certain montant de $1,543,480; il y avait des taxes scolaires et municipales de $53,567.11. En 1973, le même building paie $114,086.81 de taxes municipales et scolaires. C'est une réalité, c'est clair, le gars le paie et c'est signé par le secrétaire-trésorier de la municipalité. On a le document ici, ce sont les taxes qu'il doit payer. Qu'est-ce qui s'est passé maintenant devant le commissaire des loyers? Voyons l'expérience.

Première expérience, le logement est situé au sixième étage, il est de quatre pièces et demie et dans le bail antérieur le loyer était de $270. Le propriétaire a fait des représentations devant le commissaire, a amené la preuve qu'il y avait eu $38.52 de taxes d'augmentation. On faisait une répartition par surface de plancher payée selon les étages et le prix avec les pondérations. Le commissaire, dans un jugement, a donné $285 alors que cela aurait pris $308 pour couvrir seulement l'augmentation de taxes scolaires et municipales. Je me permets de dire que lHydro-Québec nous a affirmé qu'il y avait des augmentations moyennes dans son building de 18.6 p.c. et du Gaz métropolitain de 11.6 p.c. Cela n'a même pas été considéré par le commissaire. C'est un cas réel.

Cette personne a eu comme jugement final, comme je l'ai mentionné, $285; considérant les pertes, elle doit payer par mois $11.52 des profits qu'elle faisait pour maintenir ce logement-là. Dans le même building, au dixième étage, le même commissaire décide que les loyers en hauteur on les paie moins cher plus on monte. Il décide cela. Il a décidé cela, lui. Il a dit: Si les ascenseurs se brisent, les gens montent à pied; s'il n'y a pas d'électricité, il n'y a pas d'ascenseur. Le gars dit: Ecoute, ce n'est pas ma faute s'il n'y a pas d'électricité. En tout cas, on lui a donné un jugement. C'était $285 tantôt et, lui, il décide que c'est $268 au dixième étage avec la même superficie, la même disposition dans le building. Le gars est révolté, ça ne se peut pas, ce n'est pas possible. On peut admettre certaine compréhension.

M. CHOQUETTE: Est-ce qu'il est allé en appel?

M. CHAMPAGNE: II est allé en appel. Vous le saviez; je l'avais déjà dit à votre sous-ministre, de toute façon. J'imagine qu'il a fait la communication. Il est allé déjà en appel sur ce cas-là et on lui a accordé $290; on a monté. Malgré cela, il avait eu des augmentations, à cause du logement, de $46.53.

A chaque mois maintenant, il doit payer $25 de sa poche comme propriétaire pour maintenir le locataire dans le logement, parce qu'il y a eu des pertes directes de $25 dans ce cas. Ce sont des cas réels, on a les chiffres, on peut vous donner les situations.

M. CHOQUETTE: Je comprends, mais, M. Champagne, vous ne pouvez pas prendre deux logements dans un immeuble de $1,500,000. Dans un immeuble de $1,500,000, il doit y

avoir au moins 150 logements. Vous ne pouvez pas prendre deux cas et me dire: Voici ce qui est arrivé, puis me donner juste des chiffres au point de vue de l'augmentation des taxes.

M. CHAMPAGNE: Je vais prendre un autre immeuble maintenant, on va en prendre un autre, juste pour voir. Parce que j'ai vu une pile épaisse comme ça sur le bureau du gars. J'ai regardé les jugements, je les ai lus et c'était bien ça.

Mais dans un autre cas d'un immeuble qui valait $1,100,000 en 1970, il y avait $30,000 de taxes, $30,169. En 1973, il y en a pour $67,000. Qu'est-ce que vous voulez, ce n'est pas sa faute. Il fait la répartition, il s'en va devant le commissaire encore une fois, il fait une demande, son loyer était de $230 et il fait une demande pour $255 parce que les taxes avaient remonté dans ce logement d'environ $38. Le commissaire décide que c'est $242 et dans ce cas il y a une perte de $14 par mois. C'est dans deux immeubles différents, dans des causes différentes et évidemment devant la régie et devant la cour d'Appel.

Il n'y a pas lieu de considérer comme valable les augmentations de taxes foncières et scolaires. Cela a été l'avis du ministre et on a déposé comme document la conférence que vous aviez déjà faite en disant qu'en aucun cas les taxes scolaires et municipales ne seraient payées par les locataires dans les augmentations. Vous avez toujours dit ça. Et là, il est arrivé dans des cas précis que cela n'a pas été fait: trois cas en particulier et on pourrait vous en citer d'autres. Evidemment, si le ministre, la commission et l'Assemblée nationale décident que les conditions qui permettent les augmentations sont les taxes et d'autres facteurs, nous, on considère qu'on devrait clairement dire dans la loi que la taxe est obligatoire dans l'augmentation et que le commissaire n'a pas à juger du bien-fondé d'augmenter ou de ne pas augmenter lorsque c'est prouvé avec assermentation.

M. CHOQUETTE: Les critères de détermination des prix des loyers se trouvent dans le projet de loi même.

M. CHAMPAGNE: Ils ne sont pas obligatoires. Vous avez certains critères. Nous, on dit: Les taxes, c'est obligatoire. Cela ne devrait même pas être discuté par le commissaire, cela ne devrait même pas l'être.

M. CHOQUETTE: M. Champagne, vous me permettez d'exprimer un peu de réserve là sur le fait que vous arrivez avec des cas particuliers. Deux logements dans un immeuble de 150 logements, un logement dans un immeuble qui a probablement 160 logements.

M. CHAMPAGNE: M. le Président, je sais que vous êtes pressé ce matin, je n'ai pas voulu en apporter 20, j'en ai apporté trois.

M. CHOQUETTE: Je veux dire qu'il faudrait regarder l'ensemble des loyers dans cet immeuble, non seulement un logement particulier.

M. CHAMPAGNE: M. le Président, vous me permettrez de dire au ministre que j'ai vu les lettres. Les trois personnes mentionnées, lorsqu'elles ont reçu le jugement, se sont désistées par une lettre personnelle, parce qu'il n'y avait que trois locataires dans un édifice de 110, je pense, qui avaient fait appel au commissaire. Elles écrivaient dans la lettre — et je l'ai lue — "Nous regrettons d'être allées devant cela", puisqu'elles se sont soumises. Elles n'avaient un prolongement que pour un an, alors que le propriétaire proposait trois ans, avec $10 de différence, ou $15 ou $20 dans certains cas. Alors, les gens ont dit: On n'est pas intéressé au jugement. Ils ont dit au propriétaire: C'est une faveur qu'on vous demande de considérer notre bail tel que vous nous l'aviez demandé. Tout le monde avait payé le même prix. Ce n'était pas différent il y a eu trois cas qui ont voulu aller devant le commissaire et ils y sont allés, dans cet immeuble-là; on parle du premier. Dans le deuxième, il y en a eu d'autres.

Ce que j'ai voulu vous montrer, ce n'est pas tellement un cas particulier. La loi vient d'être adoptée et elle a été appliquée comme cela. Comment est-ce que cela va être après? Cela est notre question. Comment cela va se passer demain, la semaine prochaine, dans six mois, dans un an? Alors, à la Chambre de commerce, on avait déjà dit qu'on était méfiant —je m'excuse auprès du juge Ross — face aux travaux de la Régie des loyers dans sa façon de considérer les propriétaires. Les gens étaient tous de bonne foi et ils ont dit: Cela va bien aller, cela va recommencer. On s'aperçoit que la loi est votée depuis quelques mois et les cas qu'on a, ce sont des cas, à mon avis, malheureux où les taxes n'ont même pas été considérées. Cela est l'argumentation de la chambre.

M. CHOQUETTE: M. Champagne, je ne peux pas prendre votre déclaration "at face value" comme on dit, sans un examen plus approfondi des dossiers. Vous dites qu'il y a eu une augmentation de taxes de $20 et que cela ne s'est pas répercuté dans le loyer comme $20. Moi, je dis que cela reste à voir si une augmentation doit se répercuter de cette façon-là. Je ne dis pas que tous les jugements sont bons. Je ne dis pas que la régie et ses administrateurs rendent toujours de bons jugements. J'imagine qu'ils font leur part d'erreurs aussi. Mais il faudrait examiner le dossier avec beaucoup plus de détails que ceux que vous nous révélez.

M. CHAMPAGNE: M. le ministre, au départ, j'avais l'intention de déposer la brique du dossier. Mais, après consultation avec les propriétaires, on a décidé de ne pas le faire pour éviter, ultérieurement, des situations embarras-

santes de la part de ce propriétaire. Mais ils étaient prêts, au départ, à déposer tous les documents, toutes les pièces. On se serait fait un plaisir de les déposer devant la commission, mais on n'a pas voulu, M. le Président. On pourra peut-être le faire de vive voix.

M. CHOQUETTE: On me signale, justement, qu'il faudrait comparer les taxes entre 1971 et 1972 et 1972 et 1973.

M.CHAMPAGNE: M. le Président, si vous me le permettez, je vais citer l'évaluation et la taxe, parce que, souvent on dit qu'il n'y a pas d'augmentation de taxe et on change l'évaluation. En 1971, pour le premier édifice, l'évaluation, c'était $1,500,000 et, en 1973, c'était $2,130,000. Les taxes, en 1971, étaient de $53,567; en 1972, $77,806; en 1973, $114,806.

On a tous des taxes définies, générales et spéciales, "local improvement", "Montreal Urban Community Taxes", Montreal Urban Surtaxes", School, c'est cela qu'on a.

M. le Président, je ne voudrais pas...

M. CHOQUETTE: M. Champagne, je crois qu'il faudrait nous communiquer ces dossiers privément, pour qu'on les analyse, qu'on voit ce qui est arrivé. Il n'est pas question d'aucune espèce de menace à l'égard du propriétaire en question. Je ne comprends pas pourquoi il pourrait se sentir...

M. CHAMPAGNE: Vous savez...

M. CHOQUETTE: Parce qu'on examinerait objectivement comment il a été statué dans ces causes.

M.CHAMPAGNE: M. le Président, je dois dire que le sous-ministre, M. Alarie, avec qui j'ai eu l'occasion de discuter quelquefois, a toujours été d'une grande collaboration, M. Ross également. Malheureusement, on est arrivé devant un cas comme celui-ci et — je le dis avec beaucoup de sincérité — Me Alarie a accepté de venir voir les dossiers, les étudier avec le juge Ross et moi. Le propriétaire a refusé, devant les avis de son avocat, disant: Ecoutez, après cela, on va être poigné devant la régie ou devant la commission. On n'est pas pour aller se mettre devant eux autres!

Mais moi, je vous apporte des cas. J'ai lu les jugements, je les ai regardés. J'ai pris les documents que je voulais, j'ai les taxes, ici, signées par le trésorier. On pourrait les analyser davantage, M. le ministre. Ce sont des cas, c'en est, là. Posons-nous la question: Si ce sont des cas, qu'est-ce qui va arriver, demain? C'est la question qu'on se pose sur les clauses escalatri-ces et sur les taxes. Je pense que votre affirmation solennelle devrait être incluse dans la loi, en disant que les taxes ne devraient même pas être discutées par le commissaire. C'est une chose, lorsque c'est prouvé, qui est augmentée. C'est notre affirmation sur cet article, M. le Président.

Nous voulons passer, sans vouloir prendre trop de temps de la commission, à d'autres points mais nous affirmons cela. Nous avons les documents en main pour le prouver et nous ne mettons à aucun doute notre affirmation parce que nous avons vérifié avant de venir, soyez-en sûrs.

M. le Président, si vous permettez, mon collègue va continuer. Nous avons, à l'article 14, un point...

M. CHOQUETTE: M. Champagne, voyez-vous normalement, nous ajournons à midi. Des caucus de partis sont fixés d'avance, tous les mercredi. Maintenant, la prochaine séance de la commission aura lieu demain, me dit-on. Cela voudrait dire que vous seriez obligés de rester ici jusqu'à demain.

M. CHAMPAGNE: Vous savez, M. le ministre, lorsqu'on a des choses à dire, on est prêt à prendre du temps.

M. CHOQUETTE: Bon. Très bien.

M. CHAMPAGNE : Pour autant qu'on est écouté, on est prêt à rester.

M. CHOQUETTE: Nous allons vous recevoir demain matin. Il y a également l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec.

LE PRESIDENT (M. Blank): Demain matin...

M.CHAMPAGNE: Dix heures, demain matin. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Blank): Un instant. Ce n'est pas cet après-midi?

M. CHOQUETTE: On me dit que l'on ne peut pas siéger à quatre heures, cet après-midi.

LE PRESIDENT (M. Blank): La commission ajourne ses travaux à demain matin, 9 h 30.

(Fin de la séance à 12 h 4)

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