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Commission permanente de la justice
Etude des crédits du ministère de la
Justice
Séance du mardi 22 mai 1973
(Dix heures dix minutes)
M. HOUDE, Limoilou (président de la commission permanente de la
justice): A l'ordre, messieurs!
Voici quelques changements des membres de la commission: M. Shanks, de
Saint-Henri, remplace M. Cournoyer, de Chambly; M. Guy Leduc, de Taillon,
remplace M. Tremblay, de Bourassa, et M. Garon, de Verdun, remplace M.
Vézina, de Montmorency.
L'honorable ministre de la Justice.
Remarques préliminaires (suite)
M. CHOQUETTE: M. le Président, au moment de l'ajournement de la
séance de la commission de la justice, la semaine dernière, les
honorables députés de Maskinongé, de Portneuf et de
Maisonneuve étaient intervenus et s'étaient interrogés sur
un certain nombre de questions qui concernent l'administration de la justice et
l'administration du ministère de la Justice. Si vous me le permettez,
avant de suggérer à la commission de passer à
l'étude des crédits proprement dits, je vais répondre
à quelques-unes des interrogations, des critiques ou des objections
qu'ils ont formulées.
Tout d'abord, le député de Maskinongé a
soulevé la question de l'application du régime de l'aide
juridique, en vertu du bill 10 qui a été adopté
déjà par l'Assemblée nationale. Je tiens à lui dire
que nous entrevoyons la mise en vigueur du système général
d'aide juridique pour le 4 juin prochain. Par contre, nous avons
réglé avant cette date certains problèmes pratiques de
grande importance, c'est-à-dire la négociation des tarifs avec
les avocats de la pratique privée qui, en vertu de la loi que nous avons
adoptée, ont un rôle à jouer dans l'aide juridique. On se
rappellera qu'il n'y a pas seulement les avocats à salaire qui soient
prévus comme pouvant dispenser les services d'aide juridique à
ceux qui sont admissibles; les avocats de la pratique privée pourront
également, soit être choisis par des clients individuellement soit
se voir référer des causes, lorsque les avocats à salaire
seront surchargés de travail ou qu'il y aura conflit entre deux
personnes qui appartiennent à la catégorie qui est admissible
pour l'aide juridique, ce qui entrafne la nécessité, pour les
centres qui vont dispenser l'aide juridique, de ne pas confier les deux
côtés d'une même cause aux membres d'un même
contentieux d'aide juridique. Dans ces cas, évidemment, il faudra aller
vers un avocat de la pratique extérieure.
Actuellement, nous sommes en voie de négocier ces tarifs. Les
discussions ont commencé avec les organismes que nous avons reconnus
comme représentatifs des avocats, c'est-à-dire le Barreau du
Québec, d'une part, et la Fédération des avocats du
Québec, d'autre part.
Je rappelle au député de Maskinongé que le Barreau
avait organisé un référendum afin de savoir si le Barreau
devait continuer à représenter les intérêts
socio-économiques des avocats. Ce référendum a
donné comme résultat que 1,400 avocats se sont prononcés
favorablement à ce que le Barreau continue à représenter
ses membres, tandis que 900 avocats auraient préféré que
le Barreau se désiste de cette fonction et que ce soit, par voie de
conséquence, la Fédération des avocats du Québec
qui devienne l'organisme représentatif des intérêts
économiques des avocats.
Devant un résultat aussi difficile à interpréter et
compte tenu des positions contradictoires de vastes secteurs de la profession
juridique, j'ai jugé qu'il serait avantageux, du moins au moment de la
première négociation de tarifs, d'entretenir des discussions avec
les deux organismes en question. J'ai fait la proposition aux
représentants du Barreau du Québec, ainsi qu'à la
Fédération des avocats du Québec, d'entreprendre des
négociations avec les deux parties présentes à la table
des négociations.
M. PAUL: Est-ce que les deux parties ont cette même liberté
d'opinion ou si un organisme a préséance sur l'autre?
M. CHOQUETTE: Non. Aucun organisme n'a préséance sur
l'autre. Les deux organismes ont également le droit de soumettre des
projets de tarifs. D'ailleurs, nous avons reçu du Barreau un projet
partiel de tarifs et on me dit que nous avons maintenant reçu un autre
projet de la Fédération des avocats du Québec.
Les deux systèmes qui nous sont proposés seront
analysés à leur mérite. Il faut rappeler que, dans cette
négociation que nous poursuivons avec les avocats, si un accord ne
survient pas entre le ministère de la Justice et les organismes
représentatifs, il appartient au lieutenant-gouverneur en conseil de
déterminer, par arrêté ministériel, quel sera le
tarif, de telle sorte que, même s'il y a négociation, et je veux
que cette négociation se poursuive dans la plus entière bonne foi
et avec toute l'ouverture d'esprit nécessaire, en définitive, si
un accord ne survient pas avec les parties interlocutrices, il appartiendra au
gouvernement de trancher. Evidemment, je souhaiterais, pour ma part, que le
tout se solde par un accord général, ce qui me semblerait plus
satisfaisant.
Maintenant, évidemment, la poursuite des négociations dans
un si court délai, jusqu'à la date de mise en application du plan
d'aide juridique que nous prévoyons être pour le 4 juin, offre des
problèmes très réels et très concrets. Il ne fait
pas de doute que le temps à notre disposition est très
limité. Je n'ai pas
encore décidé quelle mesure nous prendrions le 4 juin pour
permettre l'entrée en vigueur du plan d'aide juridique, nonobstant que
les tarifs n'aient pas encore été négociés à
cette date.
M. PAUL: Qui, au ministère, a charge des négociations avec
le Barreau et la fédération?
M. CHOQUETTE: Nous avons chargé deux négociateurs, MM.
Gilles Corbeil et Bruno Meloche, qui représentent le ministère de
la Justice.
C'est la situation quant aux négociations du tarif d'aide
juridique. Je dois dire que le Barreau et la Fédération des
avocats du Québec ont accepté la formule de négociation
tripartite que j'ai proposée et que, même si la
Fédération des avocats du Québec aurait aimé avoir
l'exclusivité de la négociation et ainsi, évincer le
Barreau, malgré tout, elle s'est ralliée à la suggestion
que j'ai faite et elle participe aux négociations.
Maintenant, au sujet de l'aide juridique, le député de
Maskinongé a également soulevé la question de
l'information relativement à l'aide juridique. Je voulais lui remettre
ce matin le premier numéro d'un fascicule mensuel qui va paraître
et qui est publié par la Commission des services juridiques et qui porte
le titre "Justice, s'il vous plaît". Ce fascicule a pour but de
renseigner le public sur l'évolution de l'aide juridique,
l'accessibilité au service. Il sera à la disposition du public en
général. Je voudrais également dire au
député de Maskinongé que, sur le plan de l'information, le
ministère va également collaborer avec la Commission des services
juridiques avec l'objectif de renseigner le public sur l'étendue et la
portée de la loi, comme nous l'avons fait dans d'autres secteurs.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député de
Taillon.
M. LEDUC: Est-ce que le ministre me permettrait? En plus de cela, le
ministère de la Justice n'a-t-il pas un kiosque qui se promène
dans la province, au sein du groupe d'Informatour du ministère des
Communications? En fait, cela se promène, je pense, dans une quinzaine
ou une vingtaine de municipalités cet été.
L'expérience qui a été vécue, il y a trois semaines
ou un mois, je crois, à Laval et qui se vit actuellement dans mon
comté, s'avère extraordinaire et des plus satisfaisantes.
M. CHOQUETTE: Je sais que le député de Taillon est un
spécialiste de l'information, et je lui sais gré de soulever
cette question d'information du public. Je crois qu'il se réfère
à un programme mis sur pied par le ministère des Communications
et qui a pour but de faire connaître la Loi favorisant l'accès
à la justice, ce qui n'est pas la même chose que l'aide juridique.
La Loi favorisant l'accès à la justice est la loi qui a
créé cette nouvelle procédure des petites créances,
c'est-à-dire applicable aux causes de moins de $300. Il se fait que
cette Loi favorisant l'accès à la justice se prête
particulièrement à la formule que le ministère des
Communications a mise sur pied pour l'expliquer au public. Si le
député de Taillon ou d'autres députés ont vu
l'appareil électronique qui sert à montrer comment fonctionne la
Loi des petites créances ou la Loi favorisant l'accès à la
justice, il y a des questions qui sont posées aux citoyens.
Les citoyens répondent aux différentes questions. Alors,
en faisant cet exercice, les citoyens voient s'ils sont dans la
vérité ou dans l'erreur, en répondant à des
questions relatives à cette Loi des petites créances. A mon sens,
c'est une excellente formule, qui a été conçue par le
ministère des Communications, parce que le citoyen n'est pas purement
passif devant l'information. Il participe d'une certaine façon.
J'ai été vraiment épaté du système
d'information. Le ministère, comme l'a souligné le
député de Taillon, exécute son programme dans
différents centres commerciaux où il y a des foules,
évidemment, qui vont se renseigner.
Dans le même domaine...
M.PAUL: Le ministre conviendra que l'information que donne le
ministère de la Justice est une information objective. Quand il a fait
une référence à la spécialité du
député de Taillon dans l'information, lui, c'est l'information
dirigée. Il y a une grande distinction entre les deux.
M. LEDUC: C'est la meilleure!
M. CHOQUETTE: Evidemment, puisque nous avons abordé la question
de l'information, je voudrais clarifier cette question tout de suite,
même si j'avais prévu en discuter plus tard.
Le ministère, au cours de l'année dernière, mis sur
pied un service d'information qui est dirigé par M. Robert Brisebois. M.
Brisebois est, actuellement, en train de nous préparer un programme
d'information sur diverses lois qui sont d'intérêt public pour la
justice. Il a, entre autres, préparé des dépliants sur la
Loi d'indemnisation des victimes d'actes criminels, sur la Loi favorisant
l'accès à la justice, ainsi que sur d'autres lois qui sont
d'intérêt général. Alors, nous avons l'intention de
poursuivre notre action au point de vue de l'information, qui a
été lancée l'année dernière, d'une
façon satisfaisante, par M. Brisebois.
M. le Président, le député de Maskinongé m'a
également interrogé sur les problèmes de la
procédure à l'enquête du crime organisé, et, en
particulier, la preuve de ouï-dire. Je dois lui dire qu'il y a
certainement des problèmes au point de vue de la nature de la preuve et
de l'admissibilité de la preuve ou de certaines façons de
prouver. Evidemment, la preuve directe est toujours la meilleure preuve. Je
suis d'accord avec lui que le oui-dire représente un
mode de preuve discutable. Je ne dis pas qu'il n'y a pas des secteurs
où la preuve de oui-dire peut être admissible, ou des
circonstances dans lesquelles elle peut être admissible. Mais je pense
que, en règle générale, la commission devrait s'en tenir
à la preuve directe, c'est-à-dire que les témoins ne
pourraient témoigner que sur les faits qui sont venus à leur
connaissance personnelle, sans qu'une autre personne soit interposée
entre eux et le fait qu'ils relatent. Je ne dis pas qu'il n'y a pas
d'exceptions qui peuvent exister. Mais on devrait, je pense, s'en tenir
à la preuve directe.
M.PAUL: Cela ne devrait pas être la règle.
M. CHOQUETTE: Cela ne devrait sûrement pas être la
règle, que celle de la preuve du oui-dire.
M.PAUL: Par conséquent, le ministre n'a pas jugé mes
propos comme farfelus.
M. CHOQUETTE: Pas du tout. Au contraire, je peux dire au
député de Maskinongé que le sujet a été
discuté par les commissaires et les avocats qui représentent le
gouvernement dans cette enquête. Des décisions ont
été prises de façon à resserrer le mode de preuve
et éviter que des accusations gratuites et sans fondement ne soient
faites contre des personnes. Alors, je pense que la commission, dans ses
premiers pas, évidemment, était exposée à toutes
sortes de difficultés sur le plan de la procédure, sur le plan de
la preuve car il s'agissait d'une enquête d'un type tout à fait
nouveau. Mais, je crois qu'à l'heure actuelle l'expérience a
permis de préciser, avec plus de certitude, quels étaient les
meilleurs modes d'enquête et de preuve à adopter.
Egalement sur la question de la partie de l'enquête qui doit se
poursuivre à huis clos et la partie qui doit se poursuivre publiquement,
il s'agit évidemment là d'une décision qui appartient
encore aux commissaires. Je crois que ce n'est pas à moi de m'interposer
et de dicter à la commission ses décisions. Je pense que j'aurais
tout à fait mauvaise grâce de le faire. Je n'ai pas l'intention de
le faire. Mais je crois que la prudence est également une règle
que la commission doit observer et je crois qu'à la suite de ses
premières expériences la commission est maintenant mieux
fixée sur l'emploi qu'elle fera de la preuve à huis clos et, de
l'autre côté, publiquement.
M.PAUL: Sur ce point si le ministre le permet je voudrais
d'abord le féliciter pour l'objectivité avec laquelle il a saisi
toutes les implications du problème que j'avais soulevé et que
beaucoup d'autres avant moi avaient soulevé. Je crois que les
commissaires méritent également des félicitations pour la
prudence avec laquelle ils se proposent de continuer cette enquête
essentielle, et je suis certain que les propos fort sérieux et
très à point, que tient ce matin le ministre de la Justice seront
retenus par MM. les commissaires, et c'est ce que je souhaite au nom de
beaucoup de citoyens du Québec pour le bon renom de la justice et pour
le respect de la loi de la preuve que l'on a toujours connu au
Québec.
M. CHOQUETTE: Evidemment, lorsque l'on parle de certaines parties de
l'enquête qui se poursuivent à huis clos et d'autres publiquement,
on comprendra qu'il y a deux impératifs à ces procédures.
D'une part, il y a sûrement le fait qu'il y a intérêt, en
règle générale, à ce que cette enquête se
poursuive publiquement, parce que c'est une enquête publique.
Mais il y a aussi intérêt à ce que des
réputations ne soient pas entachées ou attaquées
indûment par des déclarations publiques qui n'aient pas de
fondement et qui ne soient pas justifiées par des preuves. Je crois que
là les commissaires ont une fonction difficile à remplir de
partager tout ça.
D'autant plus qu'il arrive souvent qu'un témoin, étant
interrogé, peut, à un moment donné, lancer des
affirmations que personne n'avait prévues et qui reposent sur une preuve
de oui-dire. On ne peut pas tenir la commission ou les commissaires
responsables du fait qu'un élément arrive comme un cheveu sur la
soupe, d'une certaine façon, d'une façon imprévue, et ait
un retentissement très considérable dans la presse et les media
d'information.
Tout ce que l'on peut s'attendre de la part des commissaires, c'est
qu'ils soient prudents et que, tout en respectant l'impératif de
poursuivre l'enquête publiquement, malgré tout ils utilisent la
procédure de huis clos, d'abord pour se renseigner sur le contenu d'une
preuve qui sera éventuellement apportée publiquement, sur son
sérieux, sur sa validité, sur des éléments
corroboratifs de cette preuve, et d'autre part, pour protéger des
personnes qui n'ont rien à se reprocher, qui sont innocentes de quelque
acte répréhensible que ce soit.
Mais je pense qu'à la lumière de l'expérience
déjà vécue depuis trois ou quatre mois, la commission est
maintenant plus en mesure de contrôler d'une façon adéquate
le déroulement de l'enquête.
Le député de Maskinongé m'interrogeait
également sur les projets du ministère en matière de
régionalisation des corps policiers, et je crois qu'il a eu tout
à fait raison de suggérer que le gouvernement n'avait pas
l'intention de poursuivre ce programme d'une façon
accélérée.
Je crois que l'impression qu'il a est tout à fait juste.
D'ailleurs, je l'ai déclaré publiquement en d'autres
circonstances, en particulier au mois de janvier, alors que je m'adressais aux
membres de la Commission de police et aux membres des corps policiers, ici,
à Québec, lors d'un colloque tenu au Château Frontenac.
L'expérience de l'intégration de la police sur l'île de
Montréal nous sera d'une très grande
valeur dans l'élaboration d'un programme futur de
régionalisation des corps policiers.
D'abord, sur le plan purement technique de l'organisation de la police,
il va de soi que les travaux qui se poursuivent à l'heure actuelle au
sein de l'état-major de la police intégrée sur l'île
de Montréal en vue de la préparation du plan d'allocation humaine
et matérielle, seront d'une très grande valeur dans
l'organisation future de corps policiers régionaux
intégrés dans d'autres régions du Québec. En second
lieu, les répercussions financières d'une telle
intégration de la police sont certainement présentées; je
crois que le gouvernement doit en être conscient et qu'il est conscient
que, dans toute intégration régionale future, l'aspect financier
et l'aspect de la taxation foncière, répercussion sur les taxes
foncières, doit être pris en considération. Par
conséquent, l'expérience montréalaise sera d'une valeur
inestimable à ce sujet.
Pour conclure donc sur ce sujet, je dis, M. le Président, que
nous n'avons pas mis de côté notre programme de
régionalisation des forces policières ou d'intégration
régionale des forces policières, mais nous voulons marquer un
temps d'arrêt, nous voulons voir le déroulement de
l'expérience à Montréal avant d'élaborer un
programme général, parce que toute réforme dans ce domaine
comporte des conséquences et doit se fonder sur une expérience
vécue. Nous croyons que, lorsque l'expérience de Montréal
aura été vécue, aura été connue, qu'on aura
vu les faux pas ainsi que les bons côtés de l'expérience,
nous serons alors dans une meilleure position pour apprécier comment et
dans quelles conditions devraient se poursuivre d'autres intégrations
régionales.
Incidemment, le député de Maskinongé a pu voir que
je me suis intéressé à la question d'une
répartition adéquate des ressources fédérales en
vue de la protection publique, car je rappelle que le fédéral
contribue dans une très large part au maintien de la protection publique
dans les provinces autres que le Québec et l'Ontario, puisque, dans les
autres provinces, à l'heure actuelle, le fédéral paie 53
p.c. du coût de la GRC qui assure la police provinciale dans ces
provinces; tandis que l'Ontario et le Québec, qui ont leur propre
sûreté, ne bénéficient d'aucune aide
fédérale. De plus, on me dit que la GRC assure la police dans 148
municipalités dans les provinces autres que le Québec et
l'Ontario, suivant certaines conditions financières, et là
encore, une contribution fédérale importante a lieu au maintien
de la protection publique.
Alors, nous étudions à l'heure actuelle toute cette
question de la contribution financière à la protection publique
dans les provinces autres que le Québec et l'Ontario, de façon
à pouvoir établir avec une très grande précision
quel serait le montant que le gouvernement fédéral devrait payer
au gouvernement du Québec pour rétablir l'égalité
relative dans la protection publique à travers le pays. Pour ma part,
d'après ce que je sais à l'heure actuelle, le gouvernement
fédéral devrait nous donner au moins $50 millions par
année pour assurer l'égalité de traitement des
contribuables dans tout le pays.
Evidemment, si nous avions le bénéfice d'une telle
assistance financière, nous serions alors plus en mesure d'aider
financièrement les régions où nous procéderions aux
intégrations régionales de corps policiers. Parce que même
si les $50 millions allaient comme contribution à la Sûreté
du Québec, évidemment, ce seraient des fonds additionnels pour le
gouvernement, qui pourrait les utiliser pour la protection publique et nous
pourrions, à ce moment-là, mettre sur pied un programme d'aide
financière aux régions en matière de police. Par
exemple...
M. DROLET: Est-ce que le ministre en a discuté avec son
collègue du fédéral lors de la dernière rencontre
qu'il a eue la semaine dernière à Ottawa?
M. CHOQUETTE: J'en ai brièvement discuté avec lui mais il
m'a déclaré qu'il n'était pas compétent pour en
discuter parce qu'il s'agissait d'une matière de police qui ne tombe pas
sous le chef du ministre fédéral de la Justice mais du
Solliciteur général.
M. DROLET: Le Solliciteur général était très
occupé la semaine dernière?
M. CHOQUETTE: II est toujours très très occupé, le
Solliciteur général, comme on le sait.
M. PAUL: Le ministre en a discuté, maison ne l'a pas compris.
M. CHOQUETTE: Non, je n'ai pu que soulever le problème sans
pouvoir aborder le fond de la question car je n'avais pas l'interlocuteur
valable à cette réunion, qui aurait été soit le
Solliciteur général, soit le ministre des Finances. Mais je n'ai
pas renoncé, M. le Président, et nous poursuivons nos
études pour arriver avec une absolue précision au montant de la
réclamation québécoise.
M. DROLET: Est-ce que le ministre a l'intention de rencontrer
bientôt le Solliciteur général...
M. CHOQUETTE: Sans doute.
M. DROLET: ... pour discuter de cette chose?
M. CHOQUETTE: Sans doute. Je lui en ai même fait quelques
allusions, lorsque je l'ai rencontré samedi soir et que j'ai pu lui
tirer la pipe sur les évasions dans ces pénitenciers et d'autres
sujets.
M. SPRINGATE: Quatre autres ce matin!
M. PAUL: M. le Président, sur ce point, je crois que le ministre
a raison d'être confiant parce qu'un communiqué de presse
émanant d'Ottawa, en date du vendredi 11 mai, nous laisse voir que
personne, dans les milieux ministériels fédéraux, n'a
tenté de réfuter le point de vue de M. Choquette. On a
plutôt évité la question jusqu'ici. Il faut croire que les
arguments soulevés par le ministre sont de poids. Alors, nous
l'encourageons à continuer ses revendications auprès des
autorités fédérales.
M. CHOQUETTE: Est-ce que je peux demander au député de
Maskinongé de qui émane ce communiqué?
M. PAUL: Je dis un communiqué de presse, mais ce n'est pas un
communiqué venant du ministre; c'est un rapport de presse par M. Marcel
Desjardins, du bureau d'Ottawa. Ce n'est pas un communiqué du ministre
de la Justice.
M. CHOQUETTE: Est-ce récent?
M PAUL: Oui, en date du vendredi 11 mai 1973. Quand je ne dors pas, au
congrès, je lis les journaux! Mais comme je lis beaucoup, je ne dors pas
souvent! Vous savez, il y a toujours de ces ordures qui fréquentent les
lieux publics, à l'occasion des congrès. Ce n'est pas toujours
gai de les rencontrer!
M. DROLET: On avait cette même ordure, hier, â
Montréal.
M. PAUL: Vous aviez la même ordure à Montréal.
M. DROLET: Oui. On a encore trouvé des
irrégularités hier.
M. PAUL: Le message est passé, M. le Président.
M. CHOQUETTE: Alors je note avec intérêt le compte rendu
auquel le député fait allusion.
M. PAUL: J'en ferai parvenir une photocopie au ministre.
M. CHOQUETTE: Merci. Le député de Maskinongé a
également soulevé des questions en rapport avec l'application de
la Loi favorisant l'accès à la justice. Comme je l'ai dit dans
mon exposé principal, cette loi donne, à l'heure actuelle,
d'heureux résultats mais comme toute oeuvre législative, elle
n'est pas parfaite, elle n'a pas la prétention d'être parfaite. Si
certaines difficultés d'application ont été
éprouvées, par exemple dans l'administration de la
procédure, nous entendons, une fois que nous aurons rodé la loi
suffisamment, apporter des amendements pour qu'elle soit encore plus
avantageuse dans son étendue et son action.
Le député de Maskinongé, plus
particulièrement, soulevait la question de la compétence des
greffiers. A ce sujet, je dois lui dire que des cours ont été
donnés à nos greffiers et que ces cours leur ont permis, je
crois, de servir pleinement dans leurs fonctions actuelles. Mais
évidemment, il y a des faiblesses, comme dans tous les domaines, et nous
avons l'intention de mettre sur pied un programme de recyclage des greffiers,
pour qu'ils soient encore plus au fait de la loi et de ses dispositions.
Le député de Maskinongé a également fait
allusion au fait que ces tribunaux de petites créances refusaient
d'émettre des saisies-gageries dans le cas où il s'agissait de
saisies de la part de propriétaires à l'égard des
locataires qui ne paient pas leur loyer. A ce sujet, je dois lui dire qu'il ne
faut pas tenir grief aux greffiers de cela, mais plutôt de
l'interprétation que les juges ont faite de la loi. S'agit-il là
d'un point qui devrait être remédié dans les amendements
futurs? C'est possible. Nous étudions la situation' et, lorsque nous
serons en mesure d'apporter des amendements suffisamment considérables,
peut-être s'agira-t-il d'un amendement que nous apporterons.
M. PAUL: J'espère que le ministre n'a pas
interprété mes propos comme étant un blâme...
M. CHOQUETTE: Non, non.
M. PAUL: ... ou des critiques acerbes à l'endroit de cette loi
qui donne satisfaction au public. J'ai tout simplement signalé quelques
points défaillants qui devraient militer pour que des amendements soient
apportés à cette loi, comme le ministre vient de le signaler.
M. CHOQUETTE: D'accord.
Au point de vue de la formation policière, le
député de Maskinongé m'a demandé si, lorsque des
étudiants sont admis aux cours de techniques policières dans les
CEGEP, on leur fait subir un examen médical ou si on vérifie avec
eux les critères qui seront éventuellement requis de leur part
pour être admis à servir soit dans la Sûreté du
Québec ou dans un corps de police municipal.
Il avait raison de soulever ce problème, car ma rencontre avec
les représentants des étudiants des différents CEGEP, les
sept CEGEP où nous donnons le cours de techniques policières, m'a
ouvert les yeux sur cette revendication de la part des étudiants qui ne
voudraient pas être amenés à suivre des cours de techniques
policières et, plus tard, se voir refuser l'entrée dans des corps
de police. Alors, nous prenons, à l'heure actuelle, les dispositions
nécessaires pour que ceux qui veulent se destiner à la police et
qui entreprennent des études à cet effet, soient quasi
sûrs, à la fin de leurs études, de pouvoir être
admissibles comme agents ou cadets dans un corps de police.
D'autre part, on a soulevé certaines critiques
à l'égard du comportement des agents de la
Sûreté du Québec, plus particulièrement en rapport
avec la courtoisie et la politesse, je pense bien, à l'égard des
automobilistes. Le député de Maskinongé m'a promis de me
fournir des incidents précis. Je peux lui dire que je vais examiner ces
incidents précis.
D'un autre côté, je dois admettre que,
généralement, les agents de la Sûreté du
Québec ont fait des progrès énormes, depuis les dix
dernières années ou peut-être depuis les quinze
dernières années, quant à leur comportement
vis-à-vis des citoyens, en général. Le
député de Portneuf a souligné comment la police
s'était comportée lors de certaines manifestations dans son
comté, manifestations qui étaient des contestations de questions
de droit de pêche.
M. DROLET: Sous la présidence de Michel Chartrand.
M. CHOQUETTE: Je crois qu'on a pu noter, à cette occasion et
suivant le fait que le député de Portneuf a reconnu, que la
Sûreté du Québec s'était bien comportée et
qu'il y a eu des progrès, non seulement dans le contrôle des
manifestations, mais, je crois, à l'égard du public en
général. Il faut plutôt encourager nos agents de la
Sûreté à se montrer polis et courtois en toutes
circonstances, et ceci en faisant respecter la loi.
Le député de Maskinongé a également
mentionné le rapport publié par le ministère
intitulé "La justice au-delà du cinquantième
parallèle." Il a déploré que ce rapport n'ait pas
reçu une publicité suffisante dans les journaux. Je dois lui dire
que le rapport suscite beaucoup d'intérêt dans les milieux
spécialisés, c'est-à-dire les milieux qui
s'intéressent aux questions nordiques dans les autres provinces et dans
les autres pays. J'ai rencontré des représentants des
autorités provinciales d'autres provinces canadiennes ainsi que ceux
d'autres pays, à qui j'ai remis personnellement, dans certaines
circonstances, des exemplaires du rapport qui les intéresse au plus haut
point, car il s'agit d'une étude qui a une valeur incontestable et qui,
en plus, je crois bien, permet de rehausser le niveau de la justice dans le
Nord québécois, et qui permet aussi de donner une bonne image de
l'intérêt du Québec dans ces minorités ethniques. Ce
qui me parait un avantage certain à ce point de vue-là.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Maskinongé.
M. PAUL: Sur ce point, M. le Président, sans vouloir contredire
le ministre, ni l'ennuyer dans l'exposé de sa réplique, est-ce
que le ministre peut nous dire s'il a l'intention de mettre en application, par
étapes, les recommandations que l'on retrouve aux pages 75 et 77 de ce
rapport de "La justice au-delà du cinquantième parallèle"?
Il y a des recommandations très sérieuses qui devraient ou
pourraient être mises en application dès maintenant. Je comprends
que réaliser tout le programme qui nous est recommandé, ce serait
impossible dans un délai court, relativement court. Mais est-ce que le
ministre peut nous dire s'il a l'intention de commencer à appliquer
certaines recommandations de ce rapport?
M. CHOQUETTE: Nous avons l'intention de commencer à bref
délai la mise en application du rapport en question. Le sous-ministre de
la Justice, M. Robert Normand, a demandé aux auteurs du rapport de nous
indiquer quelles étaient, à leur avis, les recommandations qui
devraient être mises en oeuvre le plus rapidement possible, tandis que
d'autres pourraient, évidemment, attendre ou subir certains
délais. Nous attendons d'ici peu un programme de mise en application.
Nous avons l'intention de désigner, au ministère de la Justice,
un officier du ministère qui sera responsable de ces questions
d'administration de la justice auprès des Esquimaux et des Indiens et de
la mise en application du rapport.
M. PAUL: M. le Président, vous me permettrez d'attirer
l'attention de l'honorable ministre sur la recommandation 14 qui parle de
l'institution d'une cour itinérante, présidée par un juge
de la cour des Sessions de la paix, sur tout ce territoire. Alors, je me
demande si le ministre, lorsque nous étudierons les amendements à
la Loi des tribunaux judiciaires, ne devrait pas prévoir un poste de
juge, pour que l'on commence à mettre en application cette
recommandation qui, je crois, s'impose pour que les gens du milieu puissent
être rejoints facilement, sans qu'on les oblige à
déménager ou à se transporter parfois assez loin, pour
qu'ils fassent face aux conséquences des actes posés pour des
infractions commises surtout au code criminel et également, en certaines
circonstances, au droit pénal.
M. CHOQUETTE: Alors, je note l'incitation et la suggestion du
député de Maskinongé. D'ailleurs, il faut dire qu'un
certain nombre des recommandations qui se trouvent dans ce rapport ont
déjà commencé à être mises en vigueur.
M. PAUL: Oui.
M. CHOQUETTE: Parce qu'il s'était quand même fait du
travail sur le plan pratique dans les dernières années. Alors,
tout ce qu'il y a dans le rapport n'est pas nécessairement neuf.
Certaines mesures sont déjà passées dans la
réalité. D'un autre côté, la question de la
nomination d'un juge particulier, connaissant les problèmes du
Nord-Ouest, est sûrement une absolue nécessité et, je
dirais, peut-être le point central du rapport, car un juge
spécialiste de la mentalité autochtone et de l'application des
lois aux personnes d'origine indienne et esquimaude
est une nécessité fondamentale. C'est d'ailleurs
l'expérience de l'Ontario et cela a donné d'excellents
résultats.
Le député de Portneuf, M. le Président, a
soulevé des questions au sujet de l'enquête sur le crime
organisé. Je crois lui avoir répondu en même temps qu'au
député de Maskinongé tout à l'heure. Il a fait
allusion au problème qui résulte des délais judiciaires et
voilà un sujet de récrimination et de plaintes quasi permanent
à l'égard de toutes les administrations de la justice, et non pas
exclusivement de celles du Québec.
Il a fait allusion, en particulier, aux causes résultant de la
crise d'octobre qui avaient retardé. Je lui dirai, à ce sujet,
qu'il ne reste qu'une seule cause qui résulte des
événements tragiques que nous avons connus à cette
époque et c'est une cause qui concerne Jacques Rose. Maintenant,
à la suite de cette période dramatique de l'histoire du
Québec, évidemment, un grand nombre de causes ont surgi et il a
fallu que les mécanismes des tribunaux les jugent à leur
mérite.
Alors, il y a eu un afflux de causes. Il y a eu beaucoup plus de causes
que d'habitude et nous avons créé des divisions additionnelles
d'assises à Montréal, justement pour juger ces causes. Je
rappelle au député de Portneuf qu'antérieurement à
octobre 1970, il n'y avait que deux divisions d'assises qui siégeaient
à Montréal et nous avons, dans la période qui a suivi,
augmenté le nombre de cours d'assises à six et même
à sept, je pense, à certains moments, de façon à
pouvoir nous occuper du nombre de causes qui résultaient soit de ces
événements ou soit encore d'autres activités
criminelles.
M. PAUL: Est-ce que le ministre ne pourrait pas vérifier cette
déclaration qu'il fait à l'effet qu'il n'y avait que deux cours
d'assises à Montréal? Je crois qu'il y en avait trois à
l'époque.
M. CHOQUETTE: Je ne sais pas. Ecoutez, ça nous ramène
à presque deux ans et demi ou trois ans en arrière. J'ai
affirmé deux. C'est l'information que j'ai reçue. Maintenant, je
vais vérifier s'il n'y en avait pas trois. Mais de toute façon,
nous avons augmenté énormément le nombre de cours, de
juges et de jurys, pour entendre ces causes ainsi que les autres causes, de
telle sorte que, même dans les mois récents, il n'y avait qu'assez
peu de retard devant les cours d'assises, de telle sorte qu'on ne peut pas dire
qu'il y avait une situation de délai excessif qui s'était
créée.
Maintenant, il y a eu de nouveaux délais qui se sont
créés à l'occasion de la contestation de la
procédure pour la sélection des jurés et c'était un
mal qu'il fallait nettoyer, parce qu'il fallait qu'on suive la loi dans la
sélection des jurés.
Même si ceci devait entraîner, pour une courte
période, certains délais, je pense qu'on admettra tous que nous
ne pouvions tolérer une procédure irrégulière dans
la sélection des jurés. Il a fallu faire le point, et aujourd'hui
les cours d'assises vont recommander une procédure de sélection
de jurés qui sera conforme à la Loi des jurés.
D'autre part, je voudrais dire au député de Portneuf
toujours sur la question des délais judiciaires qu'il n'y
a, pour ainsi dire pas de délais judiciaires dans nos cours
Provinciales. Et quand je dis dans nos cours Provinciales, je veux dire nos
cours des Sessions de la paix, cours Provinciales siégeant au criminel
et au civil, et cours du Bien-Etre social.
Il y a certes des délais de quelques mois pour l'audition d'une
cause, mais des délais de quelques mois ne sont pas
généralement considérés comme des délais
excessifs, parce que, souvent un délai de quelques mois permet soit
à l'accusé, soit aux parties de considérer ce qu'ils vont
faire avec la cause, soit plaider culpabilité, s'ils sont
accusés, ou soit régler hors cour.
Par conséquent, un minimum de délai judiciaire,
après qu'une cause est prête à être entendue, ne doit
pas être considéré comme un délai excessif, mais
comme un facteur qui permet souvent aux intéressés de faire face
à la justice en connaissance de cause, après avoir
réfléchi aux options qu'ils adopteraient.
Je dois donc lui dire que, devant nos tribunaux du Québec, les
délais ne sont pas excessifs à l'heure actuelle. Il peut y avoir
évidemment certains districts judiciaires du Québec où des
délais seraient indus. Je ne dis pas qu'il n'y a pas quelques
exceptions. Mais dans l'ensemble, devant les tribunaux provinciaux, nous ne
souffrons pas de délais judiciaires.
Mais là où nous souffrons de délais judiciaires,
vraiment excessifs, c'est devant la cour Supérieure, et en particulier
la cour Supérieure siégeant à Montréal. Ainsi,
à Montréal, à la cour Supérieure, au civil, les
délais sont de 30 mois dans certains cas.
Ceci résulte de l'accroissement du nombre de causes de divorce
ainsi que d'autres types de causes qui ont accru les rôles
énormément. Et malgré que nous ayons collaboré avec
les autorités fédérales en augmentant le nombre de juges
de la cour Supérieure dans les dernières années, ces juges
ne semblent pas arriver à rattraper les délais judiciaires.
Je ferai remarquer au député de Portneuf que le juge
Challies, ancien juge en chef adjoint de la cour Supérieure de
Montréal à qui je veux rendre hommage aujourd'hui, au
moment où je vous parle, pour tous les efforts qu'il a faits pour
l'administration de la justice s'est véritablement rendu malade
à la tâche de tenter de régler le problème des
délais judiciaires et de les réduire.
Voici un homme qui a vraiment laissé sa santé pour
l'administration de la justice. Et même lui, avec tous les efforts qu'il
y a mis, n'est pas arrivé à régler le problème.
Par conséquent, le problème des délais judi-
ciaires à la cour Supérieure résulte non pas
d'une... Je ne crois pas que personne en particulier porte la
responsabilité, mais la responsabilité est peut-être
partagée entre divers classes ou groupes de personnes, entre diverses
façons d'agir et procédures.
Je donnerai l'exemple suivant, que la collaboration des avocats est une
chose absolument nécessaire pour régler les délais
judiciaires, parce qu'il est trop facile pour un avocat de se
décommander à la dernière minute et de demander une remise
à son confrère. Ainsi, le confrère se voit souvent dans la
position, par politesse ou courtoisie, d'être obligé de consentir
à une telle demande.
Et si le juge se montre complaisant ou trop généreux dans
l'octroi des remises, ceci entraîne la remise de causes qui
étaient inscrites sur les rôles et accroît le nombre de
causes en suspens et à juger. C'est la raison pour laquelle la plupart
des juges doivent et pour beaucoup d'entre eux, ils le font
exiger que les causes procèdent, lorsqu'elles sont dûment
inscrites sur le rôle.
Nous avons étudié avec le Barreau diverses méthodes
pour tenter d'obliger les parties et les avocats à procéder dans
les causes qui étaient inscrites. Certaines de ces mesures ont
été mises en application, d'autres attendent de l'être.
D'autre part, il y a l'accroissement dans les affaires et la
complexité en somme de la vie économique et sociale, surtout dans
un grand milieu comme Montréal, où ces facteurs ne facilitent pas
l'audition des causes. Et c'est l'expérience qu'on a vécue dans
la plupart des grandes villes nord-américaines.
On me dit, par exemple, que les délais judiciaires à New
York sont de cinq ans. A Chicago, il me semble que j'ai lu que c'était
cinq et six ans. Alors, voilà des situations qui nous montrent
jusqu'à quel point il n'est pas facile de régler la question des
délais judiciaires.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Maskinongé.
M. PAUL: Est-ce que le ministre me permet une question? Est-ce que le
ministre est en mesure de nous dire s'il a reçu un rapport, depuis que
nous avons apporté des amendements au code de procédure civile
qui obligent le greffier ou le protonotaire d'envoyer un avis aux parties,
à l'effet que leur cause se plaidera tel jour? Est-ce que cela n'a pas
eu pour effet de permettre aux clients des avocats de presser ces derniers pour
que leur cause se fasse entendre? Parce qu'autrefois il arrivait trop souvent
que l'avocat, sous le moindre prétexte, disait à son client: La
cause viendra dans deux ans, deux ans et demi. Les rôles sont
encombrés. Mais là, le client est averti en même temps que
l'avocat et, assez souvent, le client presse l'avocat. Est-ce que le ministre
est en mesure de nous dire si cela a produit les résultats
espérés? Et est-ce que cela n'a pas eu pour effet,
également, de tenir plus à jour les termes, les rôles
généraux de nos cours?
M. CHOQUETTE : C'était certainement le but de cette mesure que
nous avons introduite dans le code de procédure civile, celle à
laquelle fait allusion le député de Maskinongé,
c'est-à-dire que ce n'est pas seulement l'avocat qui est averti de
l'inscription d'une cause au rôle mais ce sont les parties. Alors il va
de soi que la partie demanderesse, dans une cause civile, en
général va insister auprès de son avocat pour
procéder et l'avocat ne pourra pas trouver de prétexte pour ne
pas procéder.
Je ne peux pas répondre au député de
Maskinongé, je ne peux pas lui dire que ceci a réglé le
problème. Je pense que c'est un facteur qui facilite l'audition des
causes et qui encourage à procéder dans les causes.
Maintenant, j'ai proposé, d'une façon qui n'était
pas officielle, au ministre fédéral de la Justice, que pour une
période temporaire, trois ans par exemple, les juges de la cour
Provinciale puissent entendre des causes de la cour Supérieure, allant
jusqu'à $10,000, par exemple; ceci de façon que nos juges de la
cour Provinciale puissent aider les juges de la cour Supérieure à
se sortir du bourbier dans lequel ils sont à l'heure actuelle.
Malheureusement, je n'ai pas reçu de réponse favorable
à cette tentative de ma part. On sait que derrière toute cette
question de juridiction des cours, il y a des aspects constitutionnels, il y a
des aspects, je ne dirais pas de conflit entre le fédéral et le
provincial mais de protocole entre le fédéral et le provincial,
car nous avons institué au Québec une cour Provinciale, cour qui
n'existe pas, dans l'état qu'elle a au Québec, dans les autres
provinces où on a un système de "County Courts", où les
juges sont nommés par les autorités fédérales.
Alors dans le domaine de la justice, on peut dire que celle-ci souffre,
à l'heure actuelle, des débats qui ont lieu sur cette question
des juridictions respectives du fédéral et du provincial, autant
sur la constitution des cours que sur la nomination des juges.
Moi, j'aimerais que dans un avenir rapproché on puisse, une fois
pour toutes, régler, clarifier ces responsabilités respectives,
pour faire en sorte que ce ne soient pas les justiciables qui souffrent de
débats qui sont d'ordre constitutionnel ou qui résultent de
prérogatives que considèrent avoir les deux niveaux de
gouvernement.
Alors le but de notre proposition au ministre fédéral de
la Justice, c'était de lui dire: Mais sur une base temporaire, est-ce
que nos juges ne pourraient pas aider les juges de la cour Supérieure
à se débarrasser des anciennes causes allant jusqu'à
$10,000? Evidemment, on m'a répondu que, dans ce domaine, ce qui
était temporaire devenait souvent permanent et, par conséquent,
que ma proposition était peut-être animée par la bonne foi
mais que, d'un autre
côté, le gouvernement fédéral ne semblait pas
désirer une expansion de la juridiction de notre cour Provinciale.
M. PAUL: M. le Président, je ne voudrais pas enfreindre le
règlement. Je sais qu'il y a un projet de loi qui est pendant à
l'Assemblée nationale. Mais, est-ce que le ministre ne craindrait pas
que, tout en endossant cette suggestion qu'il nous fait, nos juges de la cour
Provinciale n'invoquent comme prétexte cette compétence qu'on
leur donnerait de juger les causes civiles, jusqu'à $10,000, pour
insister davantage sur la parité de salaire?
M. CHOQUETTE: M. le Président, chacun pourra tirer les avantages
qu'il veut des prises de position du ministre de la Justice ou d'autres.
Evidemment, ça ne fait pas des juges de la cour Provinciale des juges de
la cour Supérieure et il y a d'autres aspects de la situation qui
doivent être pris en considération dans une décision
générale relativement au traitement des juges.
Alors, pour le moment, je ne me prononce pas sur un projet de loi qui
est d'ailleurs pendant devant la Chambre, car le député de
Maskinongé est trop expert en procédure pour nous amener à
discuter d'un projet de loi qui doit être discuté à une
autre occasion à la présente session.
M. PAUL: Je ne voulais pas discuter de la loi, mais tout simplement vous
signaler ce point, M. le ministre, soit les salaires.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je quitte donc cette question des
lenteurs de la justice pour dire au député de Maskinongé
que nous ne sommes pas insensibles au problème des délais, mais
au contraire, que nous nous intéressons à ces
questions-là. Je pense peut-être aussi que, dans le livre blanc
sur l'administration de la justice, que nous entendons publier à bref
délai, nous pourrons apporter des solutions au problème des
délais judiciaires de façon que les justiciables n'en souffrent
pas indûment.
La même observation s'applique au mode de nomination des juges sur
lequel le député de Portneuf a attiré mon attention. Le
mode de nomination des juges est sans aucun doute une question très
importante à l'heure actuelle, question qui est beaucoup plus difficile
à résoudre qu'elle ne peut le paraître de prime abord, car
je vois beaucoup de gens faire des suggestions dans ce domaine-là. Il
faut vraiment étudier la question à fond pour en arriver à
apprécier toute la complexité de l'élaboration d'un
nouveau système de nomination des juges. Mais, on peut être
assuré que le ministère va apporter une réponse
précise et claire à cette question très réelle dans
le travail... dans le livre blanc que nous avons en préparation à
l'heure actuelle.
Le député de Portneuf a également soulevé la
question de la complexité des lois et de l'intelligence du public de ces
lois que nous adoptons. Il s'est interrogé à juste titre sur le
fait que nous adoptons des législations de plus en plus complexes et que
le public n'est pas renseigné ou n'a pas les modes d'information
appropriés pour les connaître.
Je crois bien que tout gouvernement moderne est à la merci de
lois de plus en plus complexes, car la vie devient de plus en plus complexe et
la législation n'échappe pas au phénomène
général de la complexité des relations sociales et
économiques. C'est la raison pour laquelle il faut bien l'admettre une
fois pour toutes. Je pense que le Ralliement créditis-te devrait faire
un effort de ce côté-là, car il me semble
légèrement retarder sur l'opinion publique en
général et sur la situation réelle, et comprendre que
gouverner, aujourd'hui, ne peut pas se réaliser avec des formules
faciles et des solutions élémentaires. Si jamais il devait avoir
les responsabilités du gouvernement, le Ralliement créditiste
lui-même se trouverait devant l'obligation d'adopter des lois de plus en
plus complexes et difficiles à saisir.
C'est un phénomène avec lequel il faut vivre. D'un autre
côté, M. le Président, l'information doit alors tenter au
moins de franchir le gouffre ou enfin la séparation qui existe entre le
travail des législateurs et la perception ou les connaissances de
l'opinion publique. C'est ce que nous essayons de faire avec le service
d'information au ministère de la Justice.
Finalement, le député a mentionné la
création d'un institut provincial de réhabilitation. Il a fait
cette suggestion avant les évasions qui se produisaient, ou qui se sont
produites dans certains pénitenciers fédéraux. Je ne sais
pas si aujourd'hui il serait aussi porté vers la réhabilitation
qu'il l'était la semaine dernière.
Mais, nous ne sommes pas du tout indifférents à la
question de la réhabilitation. Le Dr Gauthier, qui dirige le service de
probation et de détention du Québec, applique d'une façon
judicieuse et, je crois, réaliste, les mesures que contiennent nos lois
en matière de réhabilitation et nos règlements, pour faire
en sorte que nous donnions la chance à des prisonniers méritoires
de se réhabiliter, d'une part, mais, d'autre part, que nous ne mettions
pas en péril la sécurité publique en laissant sortir de
nos prisons des individus qui représentent des dangers pour la
société et qui sont aptes à récidiver et à
commettre d'autres crimes d'une gravité incalculable.
C'est l'équilibre qu'il nous faut tenir et je dois dire que,
jusqu'à nouvel ordre, la politique suivie par ce secteur de mon
ministère a été fructueuse, parce que, d'un
côté, nous avons pas mal de cas où nous autorisons
l'absence temporaire, nous autorisons une forme ou une autre de
réhabilitation ou de réinsertion sociale, mais nous n'avons pas
à déplorer d'incident grave provenant d'individus à qui
nous aurions donné, par erreur de jugement ou mauvaise
compréhension de leur cas particulier, l'absence
temporaire, et qui auraient commis des crimes graves ou encore plus
graves que ceux pour lesquels ils avaient déjà été
condamnés.
M. DROLET: Juste une parenthèse, M. le Président. Est-ce
que le ministre, en parlant d'absence temporaire, pourrait nous dire comment il
se fait que les trois chefs syndicaux ne sont pas rentrés à leur
logis d'Orsainville pour la fin de semaine?
M. CHOQUETTE: Je me suis renseigné sur certains articles parus
dans les journaux durant la fin de semaine à ce sujet-là et je
dois dire que M. Laberge a effectivement passé la fin de semaine
à la prison d'Orsainville. Par conséquent, la nouvelle
publiée dans les journaux à l'effet qu'il était absent
était fausse; d'un autre côté, MM. Charbonneau et Pepin ont
demandé la permission de s'absenter durant la fin de semaine parce
qu'ils avaient des activités syndicales, mais leur absence, cette fin de
semaine-ci, doit être remplacée par une présence en prison
au cours de la semaine que nous avons commencée hier matin. Tout s'est
passé suivant la procédure que j'avais indiquée comme
devant s'appliquer à ces trois personnes.
Le député de Portneuf a également fait allusion
à une chose promise depuis longtemps, que je compte pouvoir
réaliser dans un avenir rapproché, l'intégration des
employés de la Protection civile. Le député de Portneuf
peut être assuré qu'au moins au cours de la prochaine session le
geste sera posé et une loi sera déposée pour
intégrer les employés de la Protection civile à la
Fonction publique.
M. DROLET: Si j'ai reposé cette question au ministre, c'est que
cela fait trois ans qu'il me dit la même chose.
M. CHOQUETTE: Ce qui est arrivé, c'est que nous avons eu des
difficultés. Le député de Portneuf sait que le programme
législatif a été extrêmement chargé à
certaines époques.
M. PAUL: II était même centralisé, à
certaines périodes...
M. CHOQUETTE: Centralisé?
M. PAUL: ... ou accaparé, si vous voulez, par un ministre.
M. CHOQUETTE: C'est votre bouc émissaire, n'est-ce pas?
M. PAUL: C'est mon souffre-douleur.
M. CHOQUETTE: C'est votre souffre-douleur. Je tiens à dire au
député de Portneuf que je compte pouvoir le faire au cours de
l'année 1973.
M. DROLET: Avant les prochaines élections?
M. CHOQUETTE: Je pense bien, oui.
M. PAUL: Est-ce que le ministre peut nous dire si le plan de l'OMU est
encore en application?
M. CHOQUETTE? Le plan quoi?
M. PAUL: L'OMU.
M. CHOQUETTE: L'OMU?
M. PAUL: Oui, dans la Protection civile.
M. CHOQUETTE: Non, mais nous avons le plan Phoenix.
M. PAUL: Le ministre n'est pas obligé de me répondre ce
matin. Ah! ça a été remplacé par Phoenix?
M. CHOQUETTE: Par Phoenix, oui.
M. PAUL: Est-ce que c'est parent avec Mlle Conjoncture?
M. CHOQUETTE: Je ne le sais pas. Je termine, M. le Président, sur
le dernier aspect de l'intervention du député de Portneuf, la
question des bureaux d'enregistrement et du manque de personnel. Je pense bien
qu'il faisait allusion au bureau d'enregistrement de son propre comté
où on se plaindrait d'un manque de personnel. Le député
peut être assuré que nous prenons toutes les mesures
nécessaires pour remédier à la situation de l'absence de
personnel. On me dit que les postes, au bureau d'enregistrement de Portneuf,
ont été comblés récemment. Ceci devrait satisfaire
le député.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Autres questions d'ordre
général?
M. DROLET: Oui, M. le Président, j'aurais une question d'ordre
général que j'avais oubliée. Le ministre nous avait dit en
Chambre, à un moment donné, qu'il faisait une étude ou une
enquête concernant le gangstérisme qui existait dans les
syndicats. A certaines questions des membres de la presse, il avait
répondu qu'il répondrait plutôt en Chambre, ou en
commission parlementaire pour dire où en était rendue cette
étude ou cette enquête. Est-ce que le ministre a des
détails concernant cette question qu'il avait soulevée?
M. CHOQUETTE: J'ai des détails, M. le Président, mais
j'attends des détails additionnels. Si le député veut bien
m'attendre jusqu'à cet après-midi, alors que nous poursuivrons
l'étude des crédits, je serai en mesure de lui répondre
avec plus de précision.
M. PAUL: Est-ce que le ministre est en mesure d'affirmer que nous
continuerons l'étude des crédits cet après-midi?
M. CHOQUETTE: M. le Président, ça me semblerait...
M.PAUL: C'est un souhait, c'est un souhait pieux que vous exprimez.
M. CHOQUETTE: J'ai l'impression que ça ne se terminera pas ce
matin.
M. PAUL: Je comprends, mais il semblerait, d'après les
dernières nouvelles, que l'on veuille continuer ou terminer, si
possible, l'étude des crédits de l'Agriculture. Comme la Chambre
siège cet après-midi, il n'y aurait qu'une commission qui
procéderait.
M. CHOQUETTE: Ah bon!
M.PAUL: Du moins c'est l'information la plus récente.
M. CHOQUETTE: Je donnerai les informations au député de
Portneuf à la prochaine occasion.
M. DROLET: L'étude des crédits de l'Agriculture peut se
terminer ce matin s'ils siègent présentement.
UNE VOIX: Ils siègent présentement.
M. DROLET: S'ils ont terminé on peut continuer cet
après-midi.
M. PAUL: II restera à savoir si ce seront les crédits des
Finances qui seront complétés.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Programme 1: Fonctionnement du
système judiciaire, élément no 1.
Fonctionnement du système judiciaire
M.PAUL: M. le Président, j'ai une suggestion à faire, je
ne sais pas si cela répondra aux vues du ministre et des
collègues de la commission. Personnellement, je suggérerais que
l'on étudie globalement tous les éléments d'un programme
pour ensuite les adopter globalement plutôt que catégorie par
catégorie. Je pense que cela faciliterait peut-être la
compréhension ou l'étude d'un programme.
M. CHOQUETTE: Très bien. Je suis d'accord sur la procédure
suggérée par le député de Maskinongé.
M. DROLET: Je suis d'accord également.
M. LEDUC: Quant à moi, M. le Président, au nom des absents
qui ont toujours tort, le Parti québécois, je concède
qu'on procède de cette façon.
M. PAUL: Je retiens avec beaucoup d'intérêt votre
perfidie.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Elément no 1 : Formulation de
jugements.
M.PAUL: M. le Président, je voudrais demander au ministre s'il a
pris connaissance du mémoire du Barreau sur la réorganisation des
tribunaux judiciaires. A-t-il l'intention de suivre les recommandations du
Barreau sur ce point, sur cette réforme des tribunaux judiciaires?
M. CHOQUETTE: Le Barreau a fait des études au sujet de la
réforme des tribunaux judiciaires. J'en ai pris connaissance avec
intérêt. Le groupe qui travaille au livre blanc sur
l'administration de la justice considère les suggestions du Barreau
parmi d'autres suggestions. Ce sera dans la version finale de ce travail qu'on
pourra constater quelles sont les prises de position et les intentions du
ministère de la Justice en matière d'organisation et de
réorganisation des tribunaux.
M. PAUL: Je suppose que le ministre va me donner la même
réponse, si je lui demande quelle est son intention quant à
poursuivre ou pas les études commencées par l'équipe
présidée par M. Dussault sur l'état des tribunaux
administratifs.
M. CHOQUETTE: L'étude préparée par M. Dussault
porte à la fois sur des tribunaux et organismes administratifs ainsi que
sur des organismes et tribunaux judiciaires ou quasi judiciaires. Il n'y
à pas de doute qu'il y a une part des travaux de M. Dussault qui nous
intéresse. Evidemment, lorsqu'il traite du statut, par exemple, de
l'Hydro-Québec et de la Société des alcools pour illustrer
des organismes à caractère purement administratif, qui n'ont pas
de fonctions juridiciaires, cela ne nous intéresse pas. Lorsqu'il
s'intéresse à des tribunaux tels que la Commission de
contrôle des permis d'alcool, la Régie des loteries et courses, la
Régie des services publics ou la Régie de
l'électricité et du gaz, qui ont une fonction à la fois
administrative et judiciaire et qu'on désigne souvent comme des
organismes quasi judiciaires, à ce moment-là, ces tribunaux,
surtout s'ils ont un caractère judiciaire très prononcé,
nous intéressent. Nous pourrons prendre en considération les
suggestions de M. Dussault relativement à ces organismes, les derniers
que j'ai mentionnés.
Une chose est certaine, devant ces tribunaux à caractère
quasi judiciaire, l'uniformisation de la procédure devrait exister de
façon que des règles assez semblables s'appliquent d'un tribunal
à l'autre.
M. PAUL: Le ministre soulève une question dont parle le
Protecteur du citoyen dans son dernier rapport alors qu'il émet la
suggestion qu'il y ait une loi régissant la procédure et dans le
but d'uniformiser la procédure devant les tribunaux quasi judiciaires.
Je suis certain que le ministre conviendra que c'est une excellente
suggestion, et je l'encourage à tenir compte également de
cette recommandation que l'on retrouve dans le rapport Dussault parce que je
crois que ça s'impose.
M. CHOQUETTE: J'ai reçu, à la suite du rapport Dussault,
des représentations de la part des présidents d'organismes quasi
judiciaires qui m'ont fait valoir un point de vue nuancé sur les
suggestions de M. Dussault. Alors, je tiendrai compte également des
suggestions que nous avons reçues de la part de ceux qui dirigent ces
organismes. Il faudra faire la part de tout ça. Et M. André
Dufour, qui dirige notre service de planification, doit se mettre au travail,
dans le domaine des organismes judiciaires et quasi judiciaires, l'automne
prochain. Tout ceci arrive, en somme, après notre examen du
système judiciaire.
M. PAUL: Dans l'allocation des crédits en vertu du programme 1,
est-ce que le ministre peut nous dire si l'on a tenu compte de la mise sur pied
du tribunal des loyers dont il est question dans le projet de loi 79 et que
nous espérons adopter avant l'ajournement d'été?
M. CHOQUETTE: Non, nous n'en avons pas tenu compte car la loi n'est pas
encore votée et, de plus, lorsque la loi sera votée il sera
prévu que les fonds nécessaires pour l'administration du bill 79,
du moins pour la première année, seront assumés par le
fonds consolidé. Alors il n'était pas nécessaire pour nous
de les inscrire aux crédits.
M.PAUL: Tout à l'heure, le ministre, en répondant à
des propos que j'ai tenus la semaine dernière, nous a parlé de
cours de recyclage en faveur des greffiers qui sont attachés aux
tribunaux, aux cours de justice des petites créances, à la cour
Provinciale, section des petites créances. Est-ce que le ministre peut
nous dire si le personnel en place est nettement suffisant pour répondre
aux besoins ou si un recrutement additionnel de personnel s'impose?
M. CHOQUETTE: On me dit, M. le Président, que le personnel en
place est suffisamment nombreux pour faire face aux besoins. D'ailleurs, il
faut noter que devant cette division de la cour Provinciale, celle des petites
créances, les retards ne sont pas indus dans la procédure.
D'autre part, au point de vue de la formation et du recyclage des
fonctionnaires affectés à ce travail, aujourd'hui même, au
moment où je vous parle, il y a un organisme composé de hauts
fonctionnaires du ministère qui est en train de mettre sur pied un
programme approprié.
M.PAUL: Je ne voudrais aucunement embarrasser le ministre, je comprends
qu'il ne peut pas me répondre ce matin d'une façon exacte, mais
peut-être le ministre pourra-t-il nous donner une vue d'ensemble sur le
nombre de causes qui ont pu être entendues depuis le début de
septembre et tout simplement pour confirmer, dans l'opinion que nous avons
déjà, que les justiciables trouvent beaucoup de satisfaction dans
la marche de cette loi, dans l'application de cette loi?
M. CHOQUETTE: On me dit que, dans les premiers six mois, nous avons eu
32,000 causes dont 20,000 ont été soit jugées ou
réglées en moyenne dans un espace d'un mois après
l'institution de l'action.
M. PAUL: Un mois après? M. CHOQUETTE: Oui.
M. PAUL: Ce qui représente à peu près 66 p.c.
M. CHOQUETTE: 66 p.c, oui.
M. PAUL: A peu près, en chiffres ronds.
M. CHOQUETTE: Un peu moins que les deux tiers sont réglés
ou jugés dans un délai très rapide. Il en reste qui vont
au procès et qui prennent un peu plus de temps, mais je ne pense pas que
le délai dépasse trois mois.
M.PAUL: C'est donc dire que c'est une section de la cour Provinciale qui
disposera d'environ 50,000 à 60,000 problèmes judiciaires dans
une année.
M. CHOQUETTE: On peut le dire en se basant sur l'expérience des
six premiers mois...
M. PAUL: Les six premiers mois, oui.
M. CHOQUETTE: ... qui nous ont donné 32,000 causes. Si la moyenne
se maintient pour l'année, nous aurons environ 60,000 causes par
année qui passeront par cette division de la cour Provinciale.
M. PAUL: Sauf que le ministre est sans doute au courant qu'il y a
beaucoup de petits commerçants qui n'osent plus prendre de chance en
faisant crédit à certains de leurs clients. Heureusement que, de
plus en plus, l'expérience vécue par des justiciables contredit
cette prétention ou cette crainte que l'on avait que la Loi des petites
créances soit aussi inefficace que les dispositions de la loi concernant
les dépôts volontaires. Il y a beaucoup de gens qui ont craint, au
début, que cette loi soit assimilable à la Loi des
dépôts volontaires. Heureusement que ceux qui vivent
l'expérience sont d'excellents propagandistes des résultats
espérés et des résultats pratiques que l'on retire de
l'application de cette loi.
M. CHOQUETTE: II faut admettre, M. le
Président, que les fonctionnaires du ministère de la
Justice, qui ont eu la responsabilité de mettre en train le
système des petites créances ou la division de la cour
Provinciale qui juge suivant la Loi favorisant l'accès à la
justice, ont accompli un travail très valable dans la mise en place soit
des centres où se trouve administrée cette loi ou soit des
fonctionnaires qui y sont affectés. Nous avons reçu
également une très grande collaboration de la part des
autorités judiciaires, en particulier de la cour Provinciale. Les juges,
il faut le reconnaître, nous ont vraiment donné une collaboration
sans réserve dans l'application de cette loi, même si certains
d'entre eux avaient quelques appréhensions, comme le sait le
député de Maskinongé, avant que la loi commence à
être mise en application. Par conséquent, si cette loi
s'avère un succès, c'est dû à la collaboration de
tous, soit au niveau du ministère, soit au niveau des autorités
judiciaires.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Programme 1, adopté?
M. PAUL: Adopté, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Adopté. Programme 2:
Enquêtes et expertises scientifiques pour fins judiciaires.
Enquêtes et expertises scientifiques pour fins
judiciaires
M. PAUL: M. le Président, je vais lire la note du début:
"Ce programme vise à renseigner la Justice par des enquêtes qui
ont pour objet de déterminer quels décès ou incendies sont
de nature criminelle et par des expertises scientifiques qui permettent une
connaissance plus approfondie de la perpétration de certains crimes et
méfaits." Est-ce que le ministre de la Justice peut nous expliquer ce
qu'il entend, à toutes fins pratiques, par ce grand énoncé
de principe que l'on retrouve ici en vertu du plan PPBS?
M. CHOQUETTE: Concrètement, ce programme recouvre l'Institut
médico-légal que le député de Maskinongé
connaît. Il s'agit de l'institut qui fait toutes les expertises en
matières scientifique, balistique, d'autopsie, d'incendie, et
également des coroners et des commissaires des incendies. Ce sont les
trois secteurs qui sont couverts par ce programme.
M. PAUL: Est-ce que le ministre peut nous dire combien d'enquêtes
auraient été tenues par le commissariat des incendies? Je
comprends que ça peut être un bon nombre, mais
approximativement?
M. CHOQUETTE: Si le député de Maskinongé veut me
donner un instant pour répondre.
M. PAUL: Ah oui, oui!
M. CHOQUETTE: Nous n'avons pas les chiffres disponibles sur le nombre
d'enquêtes faites par les commissaires des incendies, mais je donnerai
les renseignements au député de Maskinongé à la
prochaine séance.
M. PAUL : Si je pose cette question, M. le Président, c'est qu'il
semblerait j'emploie la prudence que de nombreux incendies dans
les hôtels, au cours de l'hiver 1971-1972, auraient été
causés par une main criminelle. C'est le but de ma question, non pas que
je veuille prétendre que tous les hôtels qui ont été
détruits... S'il y a eu beaucoup d'incendies criminels, il semblerait
que beaucoup de ces incendies aient été provoqués par des
complices ou après qu'on eût pris la précaution d'augmenter
l'assurance, comme ce fut le cas récemment à Montréal
où, dans l'incendie criminel d'un logement, il semblerait qu'on avait
augmenté énormément les assurances avant que l'immeuble
soit frappé d'un sinistre malheureux qui a entraîné la mort
de huit personnes.
M. CHOQUETTE: II n'y a pas de doute, M. le Président, que nous
connaissons depuis un certain temps, au moins depuis quelques mois, une
recrudescence des incendies criminels. C'est l'avis de nos commissaires des
incendies qui ne peuvent pas toujours évidemment mettre le doigt sur le
coupable et nous ne pouvons pas toujours les traduire en justice. Mais quand on
a des incendies qui ont lieu dans des circonstances des plus suspectes,
évidemment, on peut tirer ses propres conclusions, même si on ne
peut pas déterminer qui porte la responsabilité criminelle.
Actuellement, nos commissaires des incendies font un effort très
particulier, à ma demande, pour se montrer très rigoureux dans
les enquêtes sur les incendies criminels, et ceci de façon
à les enrayer. Maintenant, il s'agit d'un domaine de la
criminalité qui offre des difficultés au point de vue des
enquêtes, c'est incontestable.
M. PAUL: Est-ce que ce problème fait l'objet ou fera l'objet
je ne veux pas inviter le ministre à commettre une
indiscrétion d'une enquête particulière de la
Commission sur le crime organisé?
M. CHOQUETTE: Cela est très possible, M. le Président,
dans un certain avenir. Puisque le député de Maskinongé
m'amène au chapitre de la criminalité, enfin en passant par le
biais des enquêtes sur les incendies, il y a par contre d'autres secteurs
où la criminalité a baissé. Par exemple, dans le domaine
des vols à main armée de banques ou d'institutions
financières ou même de commerces, depuis quelques années,
nous avons réussi à réduire le nombre de ce genre de
crimes. On me mettait au fait de certaines statistiques qui s'appliquent autant
à la région montréalaise qu'à la région de
Québec, autant aussi qu'aux villes de province, où on constate
une baisse très sensible dans le nombre
de vols à main armée. Evidemment, nous sommes sujets
à des augmentations dans certains domaines, des réductions dans
d'autres.
M. PAUL: Les banques et les caisses populaires se sont d'ailleurs
appliquées à se donner la protection qui s'imposait dans les
circonstances et qui était peut-être faible par le passé.
Aujourd'hui, dans la construction d'édifices nouveaux, on attache une
importance primordiale à cette protection.
M. CHOQUETTE; En 1971, à la suite de la mort d'un M. Roy, qui
était gardien auprès d'une caisse populaire à
Montréal, j'ai demandé à la Commission de police de mettre
sur pied un comité d'études sur la question des vols à
main armée. Je viens de recevoir le rapport préliminaire de la
Commission de police. La commission a collaboré avec les organismes
bancaires et les organismes qui représentent les caisses populaires
ainsi qu'avec les corps de police; elle a étudié au plan
statistique tous les vols à main armée depuis des années
au Québec; elle a étudié les mesures de
sécurité que les banques devraient adopter. Elle a fait vraiment
le tour de la question, malgré qu'il reste des points à
compléter dans son travail.
Mais cette prise de conscience par la commission de police avec les
intéressés, et en particulier avec les corps de police et les
banques, a permis, dans une large mesure, de réduire le nombre
d'incidents criminels de cette nature.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Programme 2, adopté?
M. PAUL: Un point, encore une question, M. le Président, avec
votre permission. Est-ce que le laboratoire médico-légal a tout
le personnel qu'il lui faut actuellement? Je sais qu'il fut un temps où
la Commission de la fonction publique je ne dis pas le ministère
refusait de reconnaître ou d'accepter les recommandations venant
du ministère de la Justice demandant un personnel accru. Le besoin s'en
faisait sentir et il y avait énormément de difficultés
à résoudre pour que le personnel puisse être adéquat
pour répondre aux demandes et aux recommandations des responsables de ce
service.
M. CHOQUETTE: L'année dernière, nous avons obtenu 27
postes additionnels pour l'Institut médico-légal et nous sommes
à les combler à l'heure actuelle, de telle sorte que la situation
à l'institut revient à la normale et que les autorités
semblent satisfaites.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoulou): Programme 2, adopté. Programme
3: Gestion interne et soutien.
Gestion interne et soutien
M. DROLET: Est-ce que le ministre pourrait nous donner en gros ce qu'est
ce programme?
M. CHOQUETTE: C'est l'administration du ministère. Je crois que
ça comprend le cabinet du ministre et du sous-ministre ainsi que les
services administratifs du ministère, finances, équipement,
personnel. En fait, c'est la direction du ministère.
M. PAUL: Est-ce que le ministre pourrait dire s'il a finalement
été capable de se trouver un expert en droit constitutionnel au
sein de son ministère, un véritable expert en droit
constitutionnel?
M. CHOQUETTE: Nous avons Me Jean Leahy qui nous donne de très
bonnes opinions ou avis juridiques sur les questions de droit constitutionnel.
Lui-même aime particulièrement ce domaine et se montre très
compétent. Le sous-ministre attire mon attention sur le fait que nous
avons également recruté Me Jules Brière, qui était
professeur de droit constitutionnel à l'université Laval, qui est
entré au gouvernement comme conseiller en matière de droit
constitutionnel et qui, par la suite, est devenu sous-ministre adjoint au
ministère des Affaires intergouvernementales. Nous
bénéficiions de sa compétence, malgré qu'il soit
maintenant dans l'administration, et lorsque nous avons des problèmes de
droit constitutionnel, nous le consultons également. Est-ce que le
député de Maskinongé semble médusé par
l'appellation "aff. inter"?
M. PAUL: Non. Le ministre peut-il nous dire si c'est dans son intention
de doter le Québec d'une véritable commission de la
réforme du droit qui dépasserait le mandat, que je trouve
limité, de l'Office de révision du code civil?
M. CHOQUETTE: M. le Président, sur cette question, nous avons
l'Office de révision du code civil qui a une tâche très
lourde, à l'heure actuelle, celle de revoir tout notre droit civil et de
nous amener, dans un délai raisonnable, un nouveau code civil. Il me
semblerait téméraire et audacieux de charger l'Office de
révision du code civil, avec les responsabilités qui lui
incombent à l'heure actuelle, de se faire, en même temps, une
commission de réforme du droit statutaire et aussi, peut-être,
audacieux et téméraire de créer, parallèlement
à l'Office de révision du code civil, une telle commission de
réforme du droit. Notre intention est plutôt de faire en sorte que
l'Office de révision du code civil acquière la permanence et
devienne une commission de réforme du droit, une fois qu'il sera
déchargé de son mandat dans le domaine du code civil. A l'heure
actuelle, lorsque nous avons des réunions, soit avec le gouvernement
fédéral ou avec d'autres provinces, dans le domaine de la
réforme du droit, très souvent c'est l'Office de révision
du code civil qui est l'interlocuteur des commissions du fédéral
ou des autres provinces.
M.PAUL: Le ministre, soit à l'occasion de l'étude de la
loi 65 ou du Tribuanl des loyers,
malheureusement, je ne peux me le rappeler, nous avait parlé du
rapport final de l'Office de révision du code civil. Le ministre, si ma
mémoire est bonne, nous avait signalé la fin de décembre
comme date approximative de la production du rapport final de la
commission?
M. CHOQUETTE: Nous avons toujours l'intention de voir à ce que
l'Office de révision du code civil nous apporte un projet
définitif pour la fin de l'année 1973. Evidemment, c'est une
tâche très étendue et, si on devait souffrir des
délais additionnels, je ne pense pas qu'on pourrait le reprocher
à l'Office de révision du code civil. Je pense bien qu'on peut
dire qu'au plus tard en juillet 1974 nous aurons un projet qui sera disponible
pour étude.
M. PAUL: J'aurais une autre question. Cela ne rentre peut-être pas
directement dans l'un ou l'autre des éléments de ce programme 3.
Je voudrais connaître le résultat de la conférence, tenue
récemment à Ottawa, des ministres de la Justice, des procureurs
généraux. Le ministre pourrait-il nous dire quel a
été le résultat de ses démarches pour une
réforme constitutionnelle, spécialement pour obtenir un
amendemant à la constitution permettant entre autres la création
ou la formation de tribunaux de la famille?
M. CHOQUETTE: Je peux dire au député de
Maskinongé...
M. PAUL: Les rapports des journaux nous semblaient assez sympathiques
à l'endroit du ministre sur ce sujet.
M. CHOQUETTE: Bien, sympathiques à mon endroit, sans doute, mais
sympathiques également à l'endroit des autres ministres qui
étaient présents à la conférence. Il y a eu
unanimité des procureurs généraux et des ministres de la
Justice provinciaux sur la question du rapatriement du droit familial, de tout
le droit qui s'applique à la famille au niveau provincial. Il y a eu
également unanimité entre procureurs généraux et
ministres de la Justice provinciaux sur la création d'un tribunal
spécialisé dans le droit familial.
Le gouvernement fédéral, d'un autre côté,
s'est montré sympathique à la création d'un tribunal
familial. Quant au rapatriement de toute la législation en
matière familiale, c'est une question sur laquelle le ministre de la
Justice fédéral ne s'est pas prononcé.
M. PAUL: Mais avez-vous été capable de déceler
jusqu'où irait la sympathie du ministre de la Justice dans ce
domaine?
M. CHOQUETTE: C'est-à-dire que sa sympathie, elle est...
M. PAUL: Est-ce qu'il a l'intention de l'actualiser?
M. CHOQUETTE: Nous n'avons pas eu d'engagement formel de la part des
autorités fédérales à l'égard d'un
rapatriement de l'ensemble de toutes les questions législatives en
matière de droit familial. Malgré que le ministre de la Justice
fédéral, lui aussi, soit d'avis qu'un tribunal devrait avoir
l'ensemble de la juridiction dans les problèmes qui concernent la
famille.
On sait que diverses commissions de réforme du droit examinent la
question de savoir quel tribunal devrait avoir la compétence en
matière de litiges familiaux. Je sais que certains esprits pensent que
ce devrait être la cour Supérieure, tandis que d'autres pensent
que ce devrait être la cour du Bien-Etre social que nous avons au
Québec, par exemple, qui devrait prendre un rôle plus
évolué, plus étendu. Je crois que c'est sur cette question
que le gouvernement fédéral n'est pas encore fixé. Je
pense que c'est de savoir si on devrait amputer la cour Supérieure de sa
juridiction dans ce domaine, qui est la préoccupation des
autorités fédérales.
Je pense bien que la question du tribunal de la famille est une question
discutée depuis maintenant 20 ou 25 ans, sur laquelle il y a un large
consensus dans tout le Canada. D'ici un an ou deux, une solution
concrète à ce problème devrait résulter des
pourparlers qui ont lieu soit au niveau officiel entre ministres de la Justice
ou soit à d'autres niveaux, c'est-à-dire l'examen de la question
par la Commission de la réforme du droit et, pour notre part, l'Office
de révision du code civil.
A ce sujet, une conférence a eu lieu récemment à
Québec, au cours de laquelle les commissions de réforme du droit
et l'Office de révision du code civil ont examiné le
problème. Et l'Office de révision du code civil a
présenté à ses équivalents fédéraux
et des autres provinces un rapport sur la question qui a été
préparé par un sous-comité de l'Office de révision
du code civil et auquel ont collaboré le juge Gagnon de la cour d'Appel,
le juge Dubé, maintenant de la cour Supérieure et diverses
personnalités, soit du Barreau ou appartenant à l'Office de
révision du code civil. Et je ne sais que le rapport de l'Office de
révision du code civil a été disséqué par
les commissions de réforme du droit et qu'on doit poursuivre cette
discussion qui a eu lieu à Québec par d'autres rencontres et
d'autres réunions de façon que se forme au sein des responsables,
sur le plan juridique, dans les diverses provinces et au niveau
fédéral, une option concrète quant à la
constitution d'un tribunal de la famille et quant au lieu exact où doit
se trouver la compétence dans le domaine du droit familial.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le programme 3...
M.PAUL: Un instant, M. le Président. Je voudrais obtenir
l'information suivante, si possible. Comment justifier cette augmentation
que
l'on voit à l'élément 6 de $164,500, prévue
pour la présente année fiscale en comparaison de l'année
fiscale 72/73 et à l'élément 7 concernant la
sécurité interne, l'augmentation de $126,800? Est-ce que cela
résulte de la convention collective? Est-ce que c'est un personnel accru
qui justifie une telle augmentation?
M. CHOQUETTE: Pour l'Office de révision du code civil, la
révision des traitements des employés en poste représente
$70,000 et l'accélération des travaux de l'office en vue de la
production du rapport final, $94,500, formant un total de $164,500. Ceci
représente l'accroissement des crédits de cette année par
rapport à l'année dernière.
Pour la sécurité interne, il s'agit du service de
sécurité que nous avons institué au ministère de la
Justice et qui s'est chargé de la garde des personnalités
officielles et des membres du conseil exécutif. On sait que cette
tâche incombait précédemment aux officiers de la
Sûreté du Québec, avec les coûts que cela
représentait compte tenu des salaires payés à des agents
de police et avec les problèmes que cela représentait, compte
tenu que les policiers n'ont pas fait carrière dans la police pour
garder des ministres ou des résidences de ministres.
Devant ce problème à la fois financier et humain pour les
policiers, il a été décidé de former un service de
sécurité interne au ministère de la Justice et c'est M.
Roger Jobin, autrefois directeur général adjoint de la
Sûreté du Québec, qui a été chargé de
la formation de ce service.
Il a, actuellement, procédé au recrutement d'un certain
nombre d'agents de sécurité qui ont assumé cette
tâche. Nous prévoyons l'expansion du service parce que certaines
tâches actuellement remplies soit par des agents de la
Sûreté du Québec, soit par des agences de
sécurité privées seront assumées dorénavant,
aussitôt que le recrutement pourra se faire, par des agents du service de
sécurité de M. Jobin.
C'est la raison pour laquelle nous réclamons des crédits
additionnels. C'est en vue de permettre un recrutement de personnel plus
considérable.
M.PAUL: Est-ce que le service de sécurité interne assurera
également la protection du premier ministre, du ministre de la Justice
et du vice-premier ministre ou si ce sera encore la Sûreté du
Québec qui se réservera cette surveillance, cette protection?
M. CHOQUETTE: Là, les rôles seront probablement
partagés, en ce sens que la Sûreté du Québec
continuera d'avoir la direction de la sécurité de ces
personnes-là, mais nous comptons apporter comme appoint à la
sûreté des membres du service de sécurité pour
certaines fonctions de façon à réduire, dans la mesure du
possible, les coûts encourus.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Portneuf.
M.DROLET: Si j'ai bien compris, M. le Président, dans les
$626,800 à la l'élément 7, il s'agit du corps de gardiens
spéciaux qui gardent tous les ministres.
M. CHOQUETTE: Exactement.
M. DROLET: II ne s'agit pas seulement de la sécurité du
ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: Non. Il s'agit de tous les ministres, il s'agit du
lieutenant-gouverneur, il s'agit de la sécurité de personnages
officiels qui peuvent être de passage.
M. DROLET: Combien y a-t-il de policiers spéciaux dans ce corps
policier dont vous parlez?
M. CHOQUETTE: A l'heure actuelle? M. DROLET:Oui.
M. CHOQUETTE: Je pense qu'il y en a 50 à l'heure actuelle, mais
nous prévoyons les augmenter à 75.
M. DROLET: Est-ce que le ministre de la Justice, lui-même, est
encore protégé par l'Agence de sécurité
Canadiana?
M. CHOQUETTE: Je suis protégé... M. DROLET: A part son
38.
M. CHOQUETTE: A la maison oui, ma famille est protégée par
cette agence de sécurité mais il s'agit là justement de
postes qui doivent être occupés aussitôt que le recrutement
pourra se faire, par des membres du service de sécurité.
C'est-à-dire que c'est dans l'intervalle, pendant la période
nécessaire au recrutement, que cette agence de sécurité
s'occupe de la garde de ma famille et de mon domicile. Maintenant, pour ce qui
est de moi-même, j'ai la protection des agents de la Sûreté
du Québec, qui d'ailleurs assurent la surveillance de l'ensemble.
M. PAUL: Est-ce que le ministre de la Justice peut nous dire si l'Agence
de sécurité Canadiana a une longue existence?
M. CHOQUETTE: Une longue existence, M. le Président? Elle a une
existence d'au moins quelques années.
M. PAUL: M. le Président, je ne ferai pas de motion pour
détails.
M. DROLET: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Au-
très questions au programme 3? Alors, programme no 3,
adopté. Programme no 4: Contentieux général du
gouvernement.
Contentieux général du gouvernement
M. DROLET: II y a ici, M. le Président, une forte augmentation.
Est-ce que le ministre pourrait nous dire d'où provient cette
augmentation de quelques $900,000 à l'élément 1?
M. PAUL: De plus en plus, les avocats, cela vaut cher.
M. CHOQUETTE: Tout d'abord, il y a un montant de $897,100 qui se
répartit dans les sous-éléments suivants: Révision
de traitements suite à la signature de nouvelles conventions
collectives, $312,600; engagement des stagiaires en droit, $2,116; les
effectifs de cet élément ont été portés de
186 à 204 en vue de répondre aux travaux additionnels
occasionnés par l'administration de nombreuses lois ainsi que pour le
remplacement de personnes en congé préretraite, $200,000;
avancement d'échelon et de classe prévu pour 73/74, $121,100;
diverses augmentations et diminutions $47,400 formant un total de $897,100.
Maintenant, je dois ajouter également un accroissement de $127,000 qui
se décompose comme suit: une somme de $65,000 a été
prévue pour le projet recouvrement de prêts bourses consentis aux
étudiants; $14,700 pour révision de traitements suite à la
signature de nouvelles conventions collectives; comptes d'expertises pour
accidents d'automobiles et diverses évaluations faites pour le compte
des autres ministères $25,000; hausse de l'effectif due à
l'augmentation du volume de travail, 5 employés, $22,300, pour un total
de $127,000.
Evidemment, ce total de $127,000 est pour le service des
réclamations du ministère. Ces deux éléments
$897,100 et $127,000 forment le total de $1,024,000, soit le montant total de
l'augmentation à cet élément.
M. PAUL: Est-ce que le ministre pourrait dire si le contentieux du
ministère de la Justice a encore juridiction sur tous les conseillers
juridiques des ministères?
M. CHOQUETTE: Oui. Avec l'exception de certains services juridiques
particuliers tels que ceux des commissions, par exemple, la Commission des
valeurs mobilières, je pense. On me dit que, pour ce qui est des
ministères, nous avons évidemment juridiction de droit et pour ce
qui est des organismes administratifs, nous avons juridiction si un
arrêté en conseil nous confère la juridiction.
M. PAUL: Est-ce que du ministère de la Justice émanent
encore toutes les poursuites prises au nom des ministères pour
infractions commises à l'une ou l'autre de nos lois statutaires?
M. CHOQUETTE? Est-ce que le député pourrait
répéter sa question?
M. PAUL: Est-ce que c'est encore à l'initiative du
ministère de la Justice qu'émanent les procédures pour
infractions commises à l'une ou l'autre des lois statutaires?
M. CHOQUETTE: Certainement.
M. PAUL: Est-ce qu'il n'y a pas une exception qui existe pour le
ministère du Revenu?
M. CHOQUETTE: Dans le cas du ministère du Revenu, malgré
que les avocats du ministère du Revenu relèvent de notre
juridiction, l'institution des actions se fait au nom du sous-ministre du
Revenu. Ceci crée une situation légèrement
différente.
M. PAUL: Elle s'impose peut-être à cause de la nature des
plaintes apportées mais est-ce que le ministre peut nous dire si c'est
le seul ministère qui souffre d'une telle exception?
M. CHOQUETTE: Dans toutes les autres poursuites, c'est toujours le
procureur général qui est le demandeur ou le
requérant.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Autres questions? Programme 4,
adopté. Programme 5: Normalisation et surveillance de l'exercice des
fonctions de police.
Normalisation et surveillance de l'exercice des
fonctions de nolice
M. PAUL: Si je comprends bien, c'est à ce poste qu'on peut
discuter de la Commission de police du Québec.
M. CHOQUETTE: Oui.
M. PAUL: En lisant rapidement le rapport préparé par la
Commission de police du Québec, j'y ai retrouvé l'information
à l'effet qu'il y avait toute une série d'études qui
avaient été commencées et continuées par la
Commission de police au cours de l'année 1972; et je voudrais me
référer spécialement aux pages 3 et 4 de ce rapport
où on parle entre autres de l'enquête concernant le
phénomène des manifestations, de la violence, etc. Je n'ai pas
l'intention de réciter tous les sujets d'enquête de la part de la
Commission de police.
Est-ce que le ministre peut nous dire si c'est son intention de rendre
publiques toutes ces enquêtes menées par la commission de police?
Si oui, quand? Si non, pourquoi? Et qui a charge de ces différentes
enquêtes commandées, recommandées ou demandées par
la Commission de police du Québec?
M. CHOQUETTE: M. le Président, je crois qu'il faut faire une
distinction dans le genre d'enquête que poursuit la Commission de police,
car son rôle est très étendu.
M. PAUL: Je ne parle pas des enquêtes sur les corps policiers et
ces choses-là.
M. CHOQUETTE : Non. Pour ce qui est des corps policiers, je signale tout
simplement que le ministre de la Justice peut demander une enquête que la
Commission de police est obligée d'exécuter, à sa demande.
D'autre part, elle peut également faire enquête sur un corps de
police à la requête de toute autre personne, si elle le juge
opportun, après avoir examiné la situation. Il y a des domaines
où nous demandons des enquêtes spécialisées par la
Commission de police, dans certains secteurs de la criminalité. Je donne
un exemple auquel je me suis référé tout à l'heure,
l'enquête en matière de vol à main armée. Cette
enquête a été demandée par moi il y a quelques
années. Comme je l'ai dit tout à l'heure, elle se poursuit. J'ai
reçu un rapport préliminaire et je recevrai un rapport
définitif en temps et lieu. Il me faudra apprécier
l'intérêt qu'il y aura de rendre ce rapport public. Evidemment,
ça pourrait représenter un certain intérêt pour le
public de connaître les résultats ou les fruits des travaux de la
Commission de police dans le domaine des vols à main armée.
Maintenant, il se peut également que certains aspects de cette
enquête ne doivent pas être rendus publics parce qu'ils seraient
plus de nature à rendre service aux criminels que de nous aider à
combattre cette forme de criminalité. Il me faudra apprécier,
avec la Commission de police, comment un tel rapport ou si un tel rapport
devrait être rendu public.
J'avais également demandé à la Commission de police
de faire une enquête dans le domaine du contrôle des
manifestations, de façon à arriver à des solutions
modernes, respectueuses des droits des citoyens de manifester dans la paix et
ne mettant pas en danger la sécurité publique; également
de tenir compte du fait que la police, dans ce genre d'incidents ou
d'événements, ne doit pas se faire l'agent provocateur de
violence, mais doit plutôt se faire l'agent de la pacification des
citoyens, même s'ils désirent revendiquer publiquement.
C'était dans cet esprit que j'ai demandé à la Commission
de police d'étudier la question et de réunir les principaux corps
de police qui ont des problèmes en matière de manifestation, de
façon à étudier les meilleures méthodes de
contrôle des foules. Je jugerai s'il y a lieu ou s'il n'y a pas lieu de
rendre ces rapports publics, parce que ça peut représenter un
intérêt technique pour les corps de police, ça peut
être une forme de directives ou de modus operandi pour les corps de
police, mais ça ne veut pas dire nécessairement qu'il soit
d'intérêt public de divulguer les solutions adoptées.
Je pense que le député de Maskinongé devra faire
confiance au jugement combiné du ministre de la Justice et de la
Commission de police.
M. PAUL: Heureusement que le ministre a ajouté jugement
combiné.
M. CHOQUETTE: Je n'ai pas l'habitude d'imposer des solutions
arbitraires, même à des organismes qui sont sous ma juridiction,
et je vais discuter avec les autorités de la Commission de police pour
voir dans quelle mesure il y a intérêt de divulguer les
résultats de ces travaux.
M. PAUL: M. le Président, toujours en ce qui regarde le rapport
de la Commission de police pour l'année 1972, on y retrouve, aux pages
14 et suivantes, des constatations qui nous surprennent quelque peu. En effet,
on y lit que la commission, par le sondage d'enquêtes qu'elle a faites, a
constaté qu'un certain nombre de municipalités semblent ne pas
tenir compte des dispositions de la loi et des règlements actuels. Dans
l'engagement, spécialement des policiers spéciaux, pour des
périodes plus longues que sept jours, ainsi que des policiers
occasionnels et à temps partiel, surtout le personnel recruté ne
répondrait pas aux critères prévus par la loi et les
règlements. Quand on lit le rapport, on constate que le nombre de
policiers qui ont été engagés suivant des critères
qui ne sont pas ceux recommandés par la Commission de police est de 771
pour l'année 1972.
Le ministre se propose-t-il de remédier à cette
indifférence des municipalités dans l'engagement des constables
spéciaux ou occasionnels et si oui, de quelle manière a-t-il
l'intention de remédier à cette lacune et quand? Est-ce que cela
serait par une loi susceptible de nous être présentée
à cette session ou possiblement à la session de l'an
prochain?
M. CHOQUETTE: L'affirmation du député de
Maskinongé, même s'il s'appuie sur un rapport de la Commission de
police, m'étonne énormément, parce que le recrutement dans
les corps de police est astreint au règlement no 7 qui existe maintenant
depuis deux ans, je pense, et ce règlement no 7 est impératif. Il
oblige les policiers à posséder certaines qualifications. Il
oblige les policiers à subir un entraînement dans une école
de police. Je demande plutôt à vérifier auprès de la
Commission de police quelle est la situation exacte. Est-ce que les anomalies
signalées par le député de Maskinon-gé...
M. PAUL: Aux pages 14 et suivantes du rapport de la Commission de
police...
M. CHOQUETTE: ... ne résulteraient pas de l'engagement de
constables spéciaux ou additionnels?
M. PAUL: Oui. C'est ce que j'ai traité... M. CHOQUETTE: Oui.
M.PAUL: ... l'engagement de constables spéciaux et de constables
occasionnels.
M. CHOQUETTE: A ce moment, il se peut que les municipalités
prennent des libertés
indûment vis-à-vis de la loi et des règlements quant
à l'utilisation de ces constables spéciaux. Mais j'examinerai le
problème. Sans aucun doute, évidemment, ce problème
sera-t-il à long terme réglé par une meilleure
qualité de recrutement, intégration régionale de la
police. Pour le moment, je discuterai de la question avec la Commission de
police pour voir quelles mesures peuvent être adoptées pour
remédier à l'abus de l'engagement de constables spéciaux
aux lieu et place de policiers possédant les qualifications du
règlement no 7.
M. PAUL: Sûrement que le ministre relira avec beaucoup
d'intérêt les pages 14 à 18 du rapport de la Commission de
police sur ce point précis.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Programme 5. Adopté?
M.PAUL: A la page 20 également du rapport de la Commission de
police, il est dit ceci: "Au cours de l'année 1972, la commission a
procédé à une collation des divers règlements de
discipline. Elle a commencé l'analyse pour en dégager une
synthèse qui sera soumise à un comité qui sera
appelé, en partant des travaux déjà effectués,
à soumettre à la commission des propositions en vue
d'uniformiser, dans la mesure du possible, les règles d'éthique
régissant le policier."
Le ministre peut-il me dire s'il a l'intention de rendre publiques les
recommandations qui seront faites à la commission sur ce sujet?
M. CHOQUETTE: Dans ce cas, il me semblerait n'y avoir aucune
espèce d'inconvénient à rendre publiques les
recommandations de la commission quant à l'adoption d'un code de
discipline ou de règles d'éthique s'appliquant aux policiers.
Parce que, évidemment, cela pourrait même contribuer à
l'expression de points de vue sur les suggestions qui émaneront de ce
comité de la Commission de police.
M.PAUL: Vous comprendrez, M. le Président, que j'ai un faible
pour la Commission de police, parce que c'est un organisme nécessaire,
qui a été mis en place par l'illustre prédécesseur
du ministre actuel de la Justice, notre regretté collègue, le
député de Missisquoi. Aux pages 34 et suivantes, on traite du
problème de l'orientation des comités régionaux de
prévention du crime. Quelle orientation le ministre de la Justice
entend-il suivre pour ce qui a trait à ces comités
régionaux de la prévention du crime alors qu'au mois d'août
1970 il nous parlait abondamment de ce problème et de cette
question?
M. CHOQUETTE: Les comités régionaux de prévention
du crime réunissent les corps de police municipaux ainsi que la
Sûreté du Québec dans diverses régions du territoire
québécois.
Ces comités régionaux siègent
régulièrement, à l'instigation de la Commission de police
sur différents problèmes qui concernent la criminalité
dans leur région. C'est d'ailleurs de ces comités ou en
même temps que ces comités qu'est résultée
l'opération 100 qui a donné de si bons résultats pour
prévenir des crimes ou pour attraper des criminels après que les
crimes eurent été commis. Cette opération 100 est une
procédure policière par laquelle tous les corps de police dans
une région sont mis en action instantanée, sont
déclenchés par un signal, soit à la suite d'un vol
à main armée ou d'un autre incident criminel qui requiert une
action immédiate. Alors, le plan comporte des assignations
particulières pour les divers corps de police sur un territoire
donné et l'application de cette méthode a permis d'agir avec
énormément plus de célérité et d'attraper
des gens qui avaient commis des actions illégales et qui, auparavant
pouvaient s'enfuir et ne pas se faire attraper par l'action de la justice.
Alors, M. le Président, je crois que, dans ce domaine, nous avons
vraiment accompli des progrès parce que les méthodes
policières, la concertation policière et la procédure qui
s'applique entre les policiers sur un territoire donné leur permettent
d'agir à un signal convenu d'avance.
M. PAUL: Dans son rapport la Commission de police mentionne à la
page 67 que les travaux des comités de prévention ont permis,
dans une certaine mesure, de faire échec à la criminalité
et de détecter certaines formes de criminalité. Mais la
commission a constaté, après deux ans d'expérience, qu'une
orientation nouvelle s'imposait de façon à pouvoir mettre
l'accent sur des programmes de prévention soit au niveau local,
régional ou provincial. Je soumets que c'est une excellente intention
pieuse; je m'interroge cependant quant aux moyens que pourrait prendre
effectivement le ministre pour accentuer ou accélérer avec
efficacité cette lutte contre le crime organisé ou pour faire
échec à la criminalité dans les différentes
régions du Québec.
M. CHOQUETTE: Là, il s'agit d'une responsabilité, en fait,
qui incombe à la Commission de police et non pas au ministre de la
Justice. Le député a bien le droit de m'interroger sur
l'orientation de ces comités de prévention de la
criminalité ou ces comités régionaux mais il appartient
plus à la Commission de police, avec la collaboration des policiers
locaux, municipaux et de la Sûreté du Québec dans les
différents territoires, de déterminer dans quel sens leur action
va s'organiser pour l'avenir. Je ne peux pas répondre avec
précision au député de Maskinongé: Ils vont prendre
telle orientation à ce stade.
Je sais qu'ils ont fait leurs preuves.
M. PAUL: Le ministre a parfaitement raison mais justement pour rejoindre
les remarques
appropriées qu'il vient de tenir, je lui poserais la question
suivante. A la page 39 du rapport de la Commission de police, on retrouve le
texte suivant par référence au livre blanc du ministre, " La
police et la sécurité des citoyens", où dans les
recommandations je crois que c'est la recommandation 82 on disait
ceci: Que la Loi des agences de sécurité et d'investigation soit
modifiée pour que l'administration de cette loi, et en particulier
l'émission et la révocation des permis d'agences de
sécurité et d'investigation comme des permis d'agents, tombe sous
la responsabilité de la Commission de police; que les critères et
normes applicables à ces activités soient fixés par la
commission...
Est-ce que le ministre a l'intention de faire suite à cette
recommandation?
M. CHOQUETTE: Dans le domaine des agences de sécurité,
nous avons l'intention de faire suite en partie à cette recommandation.
En partie, dans ce sens que les agences de sécurité tomberaient
sous la compétence de la Commission de police et la Loi des agences de
sécurité sera révisée en conséquence.
Quant aux permis d'agents, étant donné le grand nombre de
permis d'agents qui sont émis à la suite de recommandations par
la Sûreté, après approbation des dossiers par le
contentieux civil, nous avons plutôt l'intention de conserver cette
compétence au ministère de la Justice quitte, peut-être,
à consentir un droit d'appel à cet agent de
sécurité ou ces agents de sécurité qui se verraient
refuser l'émission d'un permis de travail.
C'est la formule que nous avons l'intention d'adopter et qui devrait
faire l'objet d'un projet de loi dans un avenir assez rapproché.
M. PAUL: J'aurais une dernière question. Est-ce que le ministre a
l'intention de rendre publique l'étude faite par le service de recherche
sur la protection de la loi de la drogue en milieu scolaire, tel qu'il en est
question à la page 83 du rapport de la Commission de police? Je
comprends que c'est une question assez délicate. Je comprendrai
parfaitement la réserve du ministre de la Justice, s'il a l'intention
d'exercer une réserve dans ses propos.
M. CHOQUETTE: M. le Président, il y a un an environ, j'ai
proposé au conseil des ministres la formation d'un comité
interministériel, composé du ministère de la Justice, du
ministère des Affaires sociales et du ministère de l'Education,
sur les problèmes de la drogue et, en particulier, dans le milieu
scolaire. Ce comité interministériel a siégé sous
la présidence du Dr André Boudreau du ministère des
Affaires sociales. Le Dr André Boudreau, comme on le sait, dirige
l'organisme connu sous le nom d'OPTAT. Le comité a réuni les
représentants des trois ministères en question. Il nous a fait
part de ses conclusions. Il a pris connaissance, évidemment, des travaux
de la commission Le Dain sur toute la question de la drogue. Nous verrons en
temps et lieu, s'il y a lieu, de divulguer les mesures et les conclusions de ce
comité. Je ne suis pas en mesure de répondre
précisément au député de Maskinongé,
à savoir si les travaux de ce comité seront gardés
confidentiels ou seront rendus publics.
M. DROLET: Même si l'étude de ce comité
interministériel demeure confidentielle, est-ce que le ministre de la
Justice ou le ministre de l'Education, son collègue, entend prendre des
mesures? Assurément, dans les écoles, dans les grosses
polyvalentes, il y a énormément de cas de drogues. Est-ce que le
gouvernement entend prendre des mesures pour essayer de corriger cette
situation?
M. CHOQUETTE: II y a des mesures qui sont proposées dans le
rapport. Certaines incombent au ministère de la Justice, d'autres,
à d'autres ministères, celui des Affaires sociales ou de
l'Education. Mais actuellement, le rapport du comité
interministériel n'a pas encore été déposé
auprès du conseil des ministres. Par conséquent, je ne peux pas,
pour ma part, engager la responsabilité de collègues qui ont des
responsabilités particulières dans certains secteurs tels que
celui de l'Education ou des Affaires sociales.
Pour notre part, si nous, de la Justice, avons été
associés à cette initiative, c'est à cause du fait qu'en
partie, l'action gouvernementale à l'égard des drogues incombe
à la Justice. Je ne dis pas que la Justice a le monopole dans ce domaine
et que toute action à l'égard des consommateurs de drogues,
jeunes ou vieux, appartient exclusivement à la Justice et doit recevoir
exclusivement une solution judiciaire ou même policière. C'est
donc qu'il faut examiner le problème de la drogue sous diverses
dimensions. Il y a la dimension judiciaire et policière, il y a la
dimension en milieu scolaire et enfin, il y a le problème des instituts
de réhabilitation ou des établissements où l'on traite
ceux qui sont affectés par cette habitude qui appartient au
ministère des Affaires sociales. Alors, le député peut
être sûr que le gouvernement est conscient du problème, que
le gouvernement s'est penché sur le problème et que chaque
ministre, dans son secteur particulier, va agir et que la formation du
comité interministériel a correspondu à un besoin de
concertation et de reconnaissance des différents aspects du
problème.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Autres questions? Programme no 5,
adopté.
UNE VOIX: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Programme no 6: Protection de la
société, des citoyens et de leurs biens.
L'honorable député de Maskinongé.
Protection de la société des citoyens et
de leurs biens
M. PAUL : Merci, M. le Président. Je n'avais pas l'intention de
poser des questions, mais comme je suis soucieux de l'autorité du
président, je vais me rendre à votre invitation et poser la
question suivante au ministre de la Justice.
Le ministre a-t-il l'intention d'accélérer les
réformes proposées dans le livre blanc de la police et de la
sécurité des citoyens, recommandations que l'on retrouvent aux
pages 130, 131 et 132, et est-ce que le ministre se propose
d'accélérer sa politique de régionalisation des forces
policières?
M. CHOQUETTE: M. le Président, il me semble que j'ai
répondu à cette question, mais cela ne me fait rien d'y
répondre de nouveau.
M. PAUL: J'avais espoir que vous en donniez un peu plus.
M. CHOQUETTE: Non. Je peux en donner un peu plus au député
de Maskinongé. Je veux lui dire que c'est une politique à
laquelle je tiens et dans laquelle le gouvernement est engagé, mais que,
sur le plan pratique, nous jugeons qu'il est préférable de
compléter l'intégration des policiers sur l'île de
Montréal avec tous ses aspects, avant d'apporter une loi-cadre de
l'intégration des corps de police régionaux. C'est donc un temps
d'arrêt que nous nous donnons, un temps de réflexion et d'analyse
des problèmes qui surgissent d'une intégration de corps de police
municipaux sur un territoire donné qui fait que nous jugeons qu'il y a
lieu de ne pas procéder à la hâte dans l'intégration
de corps de police dans des régions déterminées du
Québec. Il n'y a pas de doute que certaines régions se
prêtent plus facilement que d'autres et requièrent de notre part
une intégration plus rapide que dans d'autres régions. Il y a des
secteurs du Québec ou même parler de régionalisation de
corps de police, à l'heure actuelle, serait quasi absurde. Par exemple,
on pourrait citer le cas de la Gaspésie, vous avez là une
population très dispersée où le taux de criminalité
est très bas. Peut-être en est-il également des Cantons de
l'Est, ou de l'Estrie où le taux de la criminalité se maintient
d'une façon assez basse. Par contre, il y a des secteurs où la
population a crû énormément au point de vue densité.
On peut prendre le cas de la rive sud, près de Montréal, ou celui
de la rive nord près de Montréal; il y a d'autres secteurs aussi,
tels que la région de l'Outaouais, la région de Hull, où
la criminalité a toujours eu un niveau très élevé
et où l'intégration de la police pourrait sûrement
être une mesure souhaitable.
Cela étant dit, M. le Président, il ne faut pas diminuer
ou ne pas considérer les implications pécuniaires et fiscales de
telle mesures. Il ne faut pas non plus sous-estimer les problèmes hu-
mains de l'intégration de corps policiers municipaux dans un seul.
Alors, c'est pourquoi l'expérience de l'île de Montréal
pour nous sera déterminante, elle nous permettra de réorienter,
d'une meilleure façon, les intégrations futures, elle nous
permettra de faire une loi-cadre qui sera plus adaptée aux besoins
réels des diverses régions du Québec. Par
conséquent, il n'y a pas de renonciation à notre politique
d'intégration régionale, mais il y a un temps de réflexion
que nous nous accordons avant de procéder.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Portneuf.
M. DROLET: M. le Président, dans les deux premiers
éléments, au programme 6, il y a de fortes augmentations. Est-ce
qu'il s'agit surtout d'augmentations de salaires aux policiers?
M. CHOQUETTE: D'abord, il y a la révision des traitements,
n'est-ce pas? Il y a l'accroissement de la mobilité des effectifs de la
Sûreté, par conséquent l'acquisition de voitures
automobiles, l'augmentation des effectifs et le remplacement d'officiers ou
d'agents de police occupant des postes administratifs par du personnel civil,
ce qui est également un programme de la Sûreté.
Même si le remplacement du personnel policier affecté
à des fonctions administratives représente des économies
dans le budget actuel de la Sûreté, cela représente des
accroissements de coûts, malgré que cela réduit
l'acquisition d'effectifs policiers nouveaux parce que les policiers qui
étaient précédemment affectés à des
tâches administratives sont versés à des fonctions
policières. Ce sont les explications qui justifient l'augmentation ou
l'accroissement total requis de $6,235,200.
M. PAUL: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député de
Maskinongé.
M. CHOQUETTE: II faut dire au député de Portneuf que le
total des salaires payés à ce programme est d'environ $57
millions ou $60 millions, si je me rappelle bien. Il est de $48 millions,
l'ensemble des salaires payés est de $48 millions. Il est évident
que tout changement dans le personnel implique immédiatement un
accroissement assez considérable, tel que $6 millions. Il faut dire
aussi, au point de vue des véhicules automobiles, que, les années
passées, nous avons retardé quelque peu l'achat de nouveaux
véhicules parce que, à cause des contraintes budgétaires,
nous avons fait durer nos automobiles un peu plus longtemps. Mais la vie des
automobiles, surtout celles utilisées par les policiers, n'est pas
indéfinie et c'est la raison pour laquelle nous devons cette
année prévoir un accroissement au point de vue de l'acquisition
d'automobiles.
M. DROLET: J'aurais une dernière question, M. le
Président, ce n'est peut-être pas à ce programme-là
précisément, cela aurait peut-être été une
question à poser à l'ordre général au début,
mais de toute façon le ministre pourra me répondre.
Est-ce que le ministre peut nous dire si la fameuse dette de
l'armée, lors de la crise de 1970, a été
réglée? Je crois que, lors de sa rencontre à Ottawa
dernièrement, il a été question de cette chose dans un
journal; j'en avais pris connaissance; Ottawa refusait, semble-t-il, de payer
la note et le Québec ne l'avait pas payée, semble-t-il
également.
M. CHOQUETTE: Non.
M. DROLET: Où en sont rendues les discussions à ce
sujet?
M. CHOQUETTE: Le fédéral a renoncé à toute
réclamation pour l'assistance de l'armée dans la période
d'octobre, novembre et décembre 1970. Le député de
Portneuf peut donc être assuré qu'il s'agit là d'un
incident qui est clos au point de vue financier et au point de vue de toute
réclamation de la part des autorités fédérales
à l'égard du Québec. Je crois que le député
fait plutôt allusion à mes propres réclamations pour
l'assistance financière du fédéral pour le soutien de la
Sûreté du Québec ou enfin pour une équivalence
financière de la part du fédéral dans le traitement du
Québec et de l'Ontario par rapport aux autres provinces. C'est à
l'occasion de cette discussion que les questions de réclamation et de
contreréclama-tion résultant des événements
d'octobre ou d'autres incidents... Par exemple, on peut donner le cas des
évadés des pénitenciers fédéraux à
l'heure actuelle, où la Sûreté du Québec est
obligée de dépenser des montants assez importants d'argent pour
tâcher de retrouver les évadés. Nous n'avons pas
formulé de réclamations précises sous ce titre encore: je
ne dis pas que cela ne pourrait pas se faire, mais c'est à voir.
J'ai plutôt voulu situer le débat, à l'heure
actuelle, dans le domaine financier de la protection publique, sur la base d'un
traitement équitable pour le Québec par rapport au traitement que
reçoivent d'autres provinces.
Je crois que c'est dans ce domaine que nous pouvons espérer une
solution satisfaisante de la part des autorités
fédérales.
M. DROLET: C'est pour cela qu'il serait assez urgent que le ministre
rencontre au plus tôt le Solliciteur général, non seulement
dans des banquets mais dans une réunion importante.
M. CHOQUETTE: J'ai offert à M. Allmand de régler hors de
cour pour $250 millions, parce qu'il y a le passé aussi où je
pense qu'il devrait reconnaître...
M. PAUL: Vous n'êtes pas revenu avec le chèque?
M. CHOQUETTE: Non.
M. PAUL: Est-ce que le ministre de la Justice peut nous dire s'il a
également réussi à annuler la note présentée
par le gouvernement fédéral, à la suite des
événements d'octobre, mais cette fois, en 1969, lors de la
grève de la police municipale de Montréal?
M. CHOQUETTE: Je ne pense pas que nous ayons jamais eu de
réclamation pour cette...
M. PAUL: II y avait une personne en autorité au gouvernement
fédéral qui nous suggérait de toujours accuser
réception de la note, mais de ne jamais la payer.
M. CHOQUETTE: Je pense qu'on a cessé d'envoyer la note.
M. PAUL: Voici, M. le Président, à l'élément
3: Enquêtes reliées aux lois de la moralité, quant à
moi, je mets un point. Je ne parlerai pas des alcools, de la
moralité.
Est-ce que le ministre pourra finir par s'entendre avec l'organisme
chargé de la surveillance des films au Québec, l'organisme de la
censure? Il arrive que des films sont projetés dans nos cinémas,
des films à portée ou à caractère érotique.
Je constate que je viens d'éveiller l'attention du député
de Terrebonne d'une façon toute particulière. Est-ce que le
ministre peut nous dire si, finalement, il y aura une politique uniforme
concernant ce problème, alors que des films sont acceptés pour
être projetés sur nos écrans de cinéma au
Québec et alors qu'il arrive que la Sûreté du Québec
saisit ces films, alors que certains individus trouvent la voie ouverte pour
porter des plaintes contre la moralité de certains films, comme "I, a
woman"? Tous se rappellent cette déclaration fracassante de l'ancien
député de Richmond, quand on connaît le caractère de
l'ancien député en question, sa moralité. En Chambre, il
nous signalait que c'était scandaleux de voir les queues sur le trottoir
pour pénétrer dans le cinéma où on projetait ce
film. Est-ce que le ministre peut nous dire si, finalement, il va être
capable de s'entendre pour qu'il y ait une politique uniforme au Québec
dans ce domaine du cinéma érotique, pour qu'un film, qui est
accepté pour projection, le soit également par la
Sûreté du Québec ou par d'autres forces policières?
Le ministre conviendra que ce n'est pas nouveau. Ce n'est pas un reproche que
je lui fais. Il y a, à un moment donné, semble-t-il, conflit de
conscience entre, d'une part, ceux qui ont charge de la protection des
citoyens, des personnes et de la moralité et, d'autre part, ceux qui
jugent le film dans l'esthétique même du film.
M. CHOQUETTE: M. le Président, le député
de Maskinongé fait allusion aux problèmes qui
résultent de l'action du Bureau de surveillance du cinéma, d'une
part, et des forces policières, d'autre part, à l'égard
d'un film que l'on considère, suivant le cas, érotique ou
obscène, suivant la définition du code criminel. Alors, une
façon de régler le problème aurait sûrement
été que certaines modifications soient apportées au code
criminel pour qu'une fois qu'un film a été visé par le
Bureau de surveillance du cinéma, il ne puisse pas, ou ne puisse que
dans certaines circonstances faire l'objet d'une poursuite pour
obscénité. Ceci aurait garanti, je pense bien, vis-à-vis
de l'industrie du cinéma, que le Bureau de surveillance du
cinéma, une fois qu'il a octroyé un visa pour montrer un film,
prend une décision qui, à toutes fins pratiques, ne peut pas
être reprise par les tribunaux de juridiction criminelle.
M. PAUL: Ce serait une voie finale d'autorité ou de censure.
M. CHOQUETTE: Quasi, au moins. Il y a une autre solution qui est, je
pense bien, une concertation des corps policiers principaux qui ont la
responsabilité dans ce domaine ou qui se montrent les plus actifs dans
ce domaine. Le député a fait allusion au fait que la
Sûreté du Québec prenait des initiatives dans ce domaine.
Je ne peux pas dire que la Sûreté, suivant mon souvenir, ait
jamais agi...
M. PAUL: Si j'ai parlé de la Sûreté du
Québec, je m'excuse, M. le Président, c'est la
Sûreté municipale de quelques villes. Je m'excuse, si je n'ai pas
apporté cette précision.
M. CHOQUETTE: II y a le fait que tout agent de la paix, qu'il
appartienne à un corps municipal de police ou à la
Sûreté, peut déclencher la saisie d'un film ou des
poursuites judiciaires, s'il considère qu'un film est obscène. Je
crois que la solution la plus pratique au problème sera de former, au
ministère de la Justice comment pourrais-je dire un
conseil interpolicier groupant des représentants des principaux corps de
police et des-officiers du ministère de la Justice qui ont une
connaissance plus spécialisée dans le domaine des publications
obscènes, de l'érotisme, et de faire en sorte qu'avant qu'une
action policière ne soit déclenchée, il y ait eu au moins
une discussion quant au contenu prétendument pornographique ou
obscène d'un film cinématographique. Je crois qu'à ce
moment-là on évitera des faux pas sur les plans policier et
judiciaire parce que, d'après mon expérience et mon souvenir, je
constate que la plupart des actions intentées par les corps de police
municipaux échouent lorsqu'ils reçoivent une solution judiciaire.
On n'a qu'à se rappeler le film "I, a Woman", qui a bien fait parler de
lui et finalement a été déclaré non obscène.
D me semble qu'il y a d'autres films qui ont subi la même
expérience.
M. DROLET: D faudra en parler à Mgr Lavoie.
M. CHOQUETTE: II y a aussi Mgr Lavoie qui avait pris l'initiative
personnelle, si je me rappelle bien...
M. PAUL: "Deux femmes en or"?
M. CHOQUETTE: Pas "Deux femmes en or", non.
DES VOIX: "Après ski"
M. CHOQUETTE: "Après ski" et "Pile ou face". Je ne sais pas si la
question a été réglée pour les film auxquels Mgr
Lavoie s'était attaqué, mais je crois qu'au point de vue pratique
c'est la solution qu'il faut envisager et j'ai l'intention, d'ici quelques
jours, de convoquer les représentants des principaux corps de police
pour que ceux-ci se concertent avec les autorités du contentieux
criminel avant de prendre des actions à l'égard de films.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Sur ce point précis, au cours de la conférence
des ministres de la Justice, il était question de parler de
l'obscénité, au sens criminel du mot. Est-ce que ce
point-là a été touché? Le ministre a
mentionné entre autres des amendements possibles au code criminel?
Est-ce que vous les avez discutés?
M. CHOQUETTE: Oui. J'ai suggéré que des amendements soient
apportés au code criminel pour prévoir que, lorsqu'un film a
reçu un visa d'un bureau de surveillance, il ne puisse pas faire l'objet
d'une action, excepté avec le consentement du procureur
général. Ceci aurait évité le genre d'actions qui
sont prises à droite et à gauche et qui résultent souvent
en des causes perdues, mais cela garderait quand même une certaine
prééminence du judiciaire sur l'administratif, considérant
le Bureau de surveillance du cinéma comme un organisme administratif.
Cela permettrait aussi aux autorités fédérales de faire un
peu la part des choses au point de vue régional, parce que je
considère que, dans le domaine des crimes qui relèvent
plutôt des moeurs, comme le jeu, l'obscénité, il faut que
le gouvernement fédéral accepte une certaine comment
pourrais-je dire décentralisation suivant les moeurs des
différentes régions du pays, qui peuvent être assez
différentes. La mentalité du Québec n'est pas
nécessairement celle de l'Ontario et pas nécessairement celle de
l'Ouest canadien. C'était une solution qui tenait compte de ces
éléments-là.
M. BURNS: Est-ce que vos discussions...
M. CHOQUETTE: Maintenant, ce qui est
arrivé, c'est qu'on m'a dit que, dans certaines provinces, le
bureau de surveillance du cinéma donne des visas à tous les
films. C'est-à-dire qu'il y a des organismes de surveillance dans
certaines provinces qui vont prendre le film qui est le plus pornographique ou
le "blue film", ou ce qu'ils considèrent la production qui est
carrément pornographique, et ils ne refuseront pas de lui donner un
visa.
Ils vont lui donner un visa pour personnes de plus de 18 ans en se
disant qu'il n'appartient pas au bureau de surveillance d'arrêter un film
mais simplement de le classer suivant les catégories d'âge. Alors,
compte tenu de l'existence d'un certain bureau de surveillance du cinéma
conçu de cette façon dans d'autres provinces, il devient
difficile pour le gouvernement fédéral de reporter la
responsabilité sur ces bureaux de surveillance de cinéma
provinciaux.
Pour pallier le problème sur le plan pratique au Québec,
je me dis, et pour assurer la coexistence à la fois du rôle du
bureau de surveillance d'une part, et de l'action policière et
judiciaire d'autre part, que la solution serait probablement une concertation
au niveau du ministère de la Justice lorsqu'il s'agit de prendre des
actions à l'égard de films pornographiques.
M. BURNS: Mais est-ce qu'on vous a posé une fin de non-recevoir
à votre suggestion d'amendement ou si...?
M. CHOQUETTE: Une fin de non-recevoir? C'est-à-dire que, compte
tenu de l'existence de certains bureaux de surveillance du cinéma qui
n'étaient pas conçus comme le nôtre, la solution n'a pas
été reçue unanimement. Le fédéral avait
indiqué qu'il n'avait pas l'intention de s'engager dans une solution de
ce genre, du moins à ce moment-ci. Je ne dis pas que ce ne sera pas une
solution pour l'avenir. Pour le moment, c'est la façon dont j'entrevois
régler le problème.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Programme no 6, adopté.
M. PAUL: Un instant, M. le Président. Une dernière
question au ministre. Dans sa revendication de la somme d'environ $237 millions
de la part des autorités fédérales ou auprès du
fédéral, le ministre peut-il nous dire s'il a l'intention de
prendre certaines mesures énergiques au cas où le gouvernement
fédéral ne recevrait pas sa requête bien fondée?
M. CHOQUETTE: Je n'ai pas entrevu de solution énergique à
ce stade-ci. Je crois qu'il faut arriver avec un dossier bien
étoffé, bien étudié.
M. PAUL: Le ministre prétend que c'est encore par la
négociation qu'il pourra aboutir à un résultat pratique
dans ce domaine.
M. CHOQUETTE: II me semble qu'on est mieux de tenter de s'entendre avant
de commencer à les insulter. Cela a plus de chance d'apporter des
résultats que de commencer à faire des déclarations
fracassantes et des revendications virulentes.
M. PAUL: Si le ministre réussissait à obtenu-un compromis
au sens des articles 1918 et suivants du code civil, est-ce que le ministre
pourrait nous assurer qu'au moins 50 p.c. de ses crédits seraient
affectés à son ministère pour répondre à
tous les besoins auxquels un ministère de la Justice a à faire
face?
M. CHOQUETTE: Je ne peux pas répondre d'avance à une
question qui n'est pas encore transigée ou négociée. De
plus, je dois tenir compte des positions générales du
gouvernement vis-à-vis du gouvernement fédéral parce qu'on
sait que le gouvernement du Québec est engagé dans plusieurs
négociations simultanées. Il y a le domaine des écoles
secondaires, le domaine de la sécurité sociale, d'autres domaines
où nous avons exprimé, par la voix du premier ministre ou par la
voix du ministre des Affaires intergouvemementales ou du ministre des Finances,
des revendications d'ordre pécuniaire.
Par conséquent, celles qui se situent au niveau de la police
doivent quand même être situées dans le cadre
général de nos revendications financières à
l'égard du fédéral.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Autres questions? Programme no 6.
adopté. Est-ce que les gens de la commission veulent procéder au
programme no 7 ou s'ils veulent ajourner?
M. DROLET: On est aussi bien d'ajourner.
M. PAUL: On est mieux de se reposer pour faire encore une autre bonne
course.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): La commission ajourne ses travaux
à demain matin, mercredi, à dix heures.
(Fin de la séance à 12 h 39)