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Version finale

29e législature, 4e session
(15 mars 1973 au 25 septembre 1973)

Le jeudi 3 mai 1973 - Vol. 13 N° 23

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi no 78 — Loi concernant le louage de choses et du projet de loi no 79 - Loi du tribunal des loyers


Journal des débats

 

Commission permanente de la justice

Projet de loi no 78 Loi concernant le louage de choses

Projet de loi no 79 Loi du tribunal des loyers

Séance du jeudi 3 mai 1973

(Dix heures dix-sept minutes)

M. BLANK (président de la commission permanente de la justice): A l'ordre messieurs!

Pour les fins du règlement, avec le consentement unanime de la commission, je vais nommer M. Pilote comme rapporteur.

M. PAUL : Est-ce que c'est une destitution? Est-ce une nomination qui a été faite hier?

LE PRESIDENT (M. Blank): II n'y avait pas de nomination hier; on a oublié.

M. DROLET: Accepté. M. PILOTE: A l'unanimité.

LE PRESIDENT (M. Blank): Alors, on peut commencer avec la Chambre des notaires.

M. PILOTE: Une chance qu'ils ne sont pas arrivés, parce que ce ne serait pas unanime.

LE PRESIDENT (M. Blank): La Chambre des notaires?

M. DROLET: Pas de notaires.

LE PRESIDENT (M. Blank): Pas de notaires. La CSN, est-elle ici?

M. PAUL: Ils étaient ici; j'ai vu Richard Irving il y a quelques minutes.

LE PRESIDENT (M. Blank): La Chambre des notaires, on est prêt à vous entendre.

Pour les fins du journal des Débats, voulez-vous donner les noms des personnes qui sont ici?

Chambre des notaires

M. COSSETTE : M. le Président, je suis heureux de vous présenter le président de notre commission de législation, Me Gilles Demers, qui vous présentera le rapport de la Chambre des notaires. Je m'excuse de ne pas vous avoir présenté auparavant Mlle Louise Thisdale, notaire, de notre service de recherche à la Chambre des notaires, qui a également travaillé sur le rapport que nous vous présentons ce matin. Je vous présente également le secrétaire de la Chambre des notaires du Québec, Me Jean-Bernard Coupai.

Alors, je suis très heureux de vous présenter le rapport de la Chambre des notaires; c'est une collaboration que nous avons tenu à faire dans la préparation de ce nouveau projet de loi, projet de loi auquel nous avons travaillé précédemment d'ailleurs en présentant, à l'Office de révision du code civil, un mémoire et en présentant également à cette commission parlementaire un mémoire, lors de la présentation du code des loyers l'automne dernier. Alors, il s'agit d'une nouvelle collaboration que nous sommes heureux de faire pour le bénéfice des citoyens en général.

LE PRESIDENT (M. Blank): Vous pouvez rester assis, si vous voulez.

M. COSSETTE: Ah bon! D'accord. Je vous présente...

M. PAUL: Vous ou votre organisme êtes aussi grand assis que debout.

M. COSSETTE: Je vous présente immédiatement le président de la commission de législation, Me Gilles Demers.

M. DEMERS (Gilles): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission parlementaire, nous sommes heureux de revenir devant cette commission pour une seconde fois, pour étudier et apporter notre contribution au projet de loi concernant le louage de choses. Nous tenons à dire que nous ne défendons aucunement des intérêts professionnels ou de groupes. Dans cette intervention, nous ne voulons qu'apporter une contribution positive, pour que cette partie du droit, le louage de choses, soit plus facilement comprise par les locataires et également que les droits des locateurs ne soient pas traités comme s'ils étaient tous mal intentionnés. C'est vraiment quelque chose de positif. Nous ne prenons partie ni pour un ni pour l'autre. Notre mémoire le traduit.

Nous vous avons transmis un mémoire qui est tout de même assez substantiel, qui comprend deux parties, environ 25 pages. Nous n'avons pas l'intention de vous le lire ici, parce que ce serait trop demander de la commission. En plus d'être à la disposition de la commission pour toute question que vous voudriez nous poser, nous allons essayer de faire un court résumé, en groupant par chefs d'idées les différents points que nous avons soulevés de notre mémoire.

D'abord, notre mémoire porte surtout sur le projet de loi 78. Le projet de loi 79, qui est d'un caractère procédural beaucoup plus avancé, beaucoup plus poussé, nous touche moins. Evidemment, nous sommes moins compétents pour le discuter et nous avons laissé à d'autres organismes beaucoup plus habiles dans ce genre de travail le soin de l'étudier.

Permettez-nous de vous dire que nous tenons à faire certaines critiques positives sur le projet

de loi 78 par rapport à l'ancien code des loyers. Tout d'abord, nous sommes particulièrement heureux que le nouveau projet de loi intègre dans le code civil les rapports qui avaient été soumis par l'Office de révision du code civil, et que ceci fasse dorénavant partie du code civil. Cela nous plaît grandement.

Nous avions également souhaité des améliorations dans notre premier mémoire. L'on retrouve actuellement, à titre d'exemple, l'introduction du principe de la lésion entre majeurs en matière de locaux d'habitation.

Ce principe est reconnu. Cela nous convient. Nous sommes d'accord sur cela.

L'abandon du critère d'augmentation de 5 p.c. et l'abandon de la date fixe pour la terminaison des baux telle qu'elle apparaît actuellement dans le projet de loi 78, sont également des innovations auxquelles nous souscrivons entièrement.

Et enfin, une grande qualité du nouveau projet de loi est d'uniformiser toutes les lois concernant le louage de choses. Ceci va pour les compliments. Pour les critiques négatives, qui sont peut-être plutôt des critiques constructi-ves, nous nous permettons de soulever les points suivants:

Tout d'abord, l'interventionnisme judiciaire. Nous constatons que le projet de loi 78, tout comme le projet de loi du code des loyers, recourt très facilement à l'interventionnisme judiciaire, c'est-à-dire que les parties devront avoir recours à des procédures souvent longues, habituellement coûteuses, pour résoudre des problèmes qui, souvent, pourraient être réglés, je ne dirais pas d'office, mais une décision pourrait être prise par les parties quitte après cela à la faire reconnaître ou corriger par un tribunal.

Mais, actuellement, les modes d'action sont toujours soumis à une intervention préalable du tribunal et ceci nous semble, surtout pour les locaux d'habitation, inutilement procédural et inutilement coûteux. C'est une remarque assez générale.

Nous vous donnerons des exemples. Il y a, entre autres, le cas des réparations et des améliorations telles que prévues aux articles 1660 et 1664. Nous l'avons souligné à la page 10 de notre mémoire — quand je parle de page 10, ce sont les pages en chiffres arabes et non pas romains.

Un exemple bien typique aussi de l'intervention judiciaire est celui signalé à l'article 1665 i) dans le cas de changement des serrures d'accès par une des parties. Il faut l'autorisation judiciaire pour procéder à ce changement quand on sait que c'est tout de même en soi une chose assez banale et qui ne devrait pas requérir le temps d'un juge et le temps de toute l'administration de la justice.

Il y a également les cas d'urgence. On nous dit que, dans la région de Montréal, il y a certains quartiers qui sont assez infectés de vermine. On nous a signalé cela à titre d'exem- ple. Avant de pouvoir procéder à un nettoyage et à l'extermination de cette chose, il faudrait, d'après le nouveau projet de loi, obtenir l'autorisation judiciaire. Je dis Montréal. Je ne veux pas discréditer la région, ce n'est pas cela; cela s'applique partout, je pense bien, mais on nous a dit que certains quartiers, peut-être près des ports...

M. CHOQUETTE: De quel endroit êtes-vous? Vous parlez de quartiers de Montréal qui sont infestés de vermine...

M. DEMERS (Gilles): Non, moi, je suis de la rive sud mais, remarquez que cela ne se veut qu'à titre de boutade. Ce sont des exemples sur lesquels nous nous permettons d'insister parce que, dans ces cas, c'est évident, il me semble que ce n'est presque pas se faire justice à soi-même, ce n'est que de se reconnaître comme des humains.

La discrétion judiciaire. Il y en a pour l'intervention et il y en a également pour la discrétion judiciaire, cela nous apparaît très large, principalement à l'article 1664 k). Dans notre rapport, nous avons signalé ceci: On remarque une tendance accrue de la part du législateur à accorder au tribunal une discrétion pleine et entière en matière de louage. L'article 1664 k) du projet reflète cette orientation. On permet, entre autres, au tribunal de déterminer un nouveau loyer applicable à un bail prolongé ou de statuer sur la demande de modifications d'une condition de contrat.

Etant donné que le projet de loi 78 stipule à l'article 1652 du projet que les dispositions concernant le bail d'un local d'habitation sont d'ordre public, il nous apparaît que l'article 1664 k) contredit purement et simplement le but de cette loi en accordant au tribunal une trop grande discrétion. Conséquemment, nous recommandons de restreindre les pouvoirs accordés au tribunal par cet article de façon à rester conforme au projet de loi lui-même, à la législation elle-même.

M. CHOQUETTE : Que voulez-vous dire?

M. DEMERS (Gilles): A l'article 1652, il est prévu que les dispositions concernant le bail d'un local d'habitation sont d'ordre public.

M. CHOQUETTE: Oui.

M. DEMERS (Gilles): Par ailleurs, l'article 1664 k) permet au tribunal de déterminer un nouveau loyer applicable à un bail prolongé à la discrétion du tribunal.

Je ne sais pas si nous l'interprétons comme il faut, mais cela nous apparaît comme étant une contradiction.

M. CHOQUETTE: Je comprends que vous pouvez adresser des critiques à la rédaction de 1664 k), mais je ne comprends pas en quoi vous

utilisez comme point de départ de ces critiques l'article 1652, parce qu'au fond 1652 dit simplement que, pour ce qui est des dispositions qui sont déclarées d'ordre public dans les relations propriétaires-locataires ou les dispositions, les baux sur certaines questions, les parties ne peuvent pas y déroger. C'est tout ce que cela dit. L'article 1664 k), c'est plutôt la question de la prolongation du bail à la demande du locataire, si les parties n'ont pas réussi à s'entendre. Là, évidemment, il faut laisser une certaine latitude au commissaire aux loyers pour fixer le renouvellement de ce bail-là. Admettons, par exemple, que les parties, propriétaire et locataire, sont liées contractuelle-ment depuis plusieurs années et que toujours elles ont passé un bail annuel de douze mois. Je crois qu'à ce moment-là, le commissaire aux loyers a toutes les indications voulues, à moins qu'il y ait d'autres circonstances qui soient signalées par les parties, que le commissaire aux loyers devrait probablement renouveler le bail pour une autre période annuelle.

Maintenant, si le propriétaire vient dire: Ecoutez, dans le cas actuel, mon immeuble est menacé d'être tout démoli parce qu'il est très vétuste et je devrai faire des réparations très considérables; j'ai des plans, j'ai engagé des ingénieurs, moi je vous demande de prolonger le bail de seulement six mois parce que ces réparations que j'entends faire, je les ferai dans six mois d'ici. Là, je crois que le commissaire aux loyers aurait un facteur objectif qui viendrait être une indication pour lui de ne renouveler le bail que pour une période de six mois et dire au locataire: Je regrette, votre propriétaire m'a fait la preuve qu'il devra réparer l'immeuble au complet et, par conséquent, je ne peux pas vraiment renouveler le bail pour plus que six mois.

Evidemment, il y a une certaine part de discrétion dans 1664 k), discrétion d'ailleurs qui existe même à l'heure actuelle dans la Loi de la régie des loyers et qui, à l'expérience et dans la pratique n'a pas soulevé de critique. Je pourrais donner de multiples autres exemples de toutes sortes. Même cela peut être le locataire qui dise: Je demande de prolonger le bail. Admettons qu'un locataire arrive et dise au propriétaire: Je demande de prolonger le bail de seulement six mois. Le propriétaire peut dire: Je ne suis pas d'accord, M. le juge, nous avons toujours eu des relations contractuelles qui se terminaient au printemps, à l'époque où les logements se louent le mieux.

Ce locataire veut un prolongement de bail, par exemple, jusqu'au mois de novembre, époque où les logements se louent très mal. A ce moment, le commissaire devrait dire, probablement, au locataire: Votre demande n'est pas équitable vis-à-vis de votre propriétaire parce que vous allez vous assurer de la fin de votre bail à une période de l'année où la location peut être difficile. Le conciliateur ou le commissaire pourrait alors dire au locataire: Je regrette, je ne le renouvellerai pas, votre bail. Je vais déclarer que vous n'avez pas droit de renouvellement parce que vous demandez six mois et qu'habituellement vos contrats ont expiré au printemps. Si je le renouvelais pour six mois seulement, cela entraînerait un préjudice pour le propriétaire. Je pense qu'il est très difficile, au point de vue législatif, de prévoir tous les cas où l'intervention du commissaire doit s'appuyer sur des principes de droit. Je crois qu'il faut laisser ça à sa discrétion, à son bon sens et à son jugement.

M. DEMERS (Gilles): Je comprends.

MLLE THISDALE: Si vous me permettez, M. le ministre, je pense que nous sommes tous du même avis, mais les cas que vous citez en exemple sont prévus spécifiquement à d'autres articles de la loi. Nous, nous nous attachions à l'article 1664 k) parce qu'il nous semblait accorder plus de discrétion, une discrétion absolument illimitée du tribunal, alors qu'on réglait différents cas qui pouvaient arriver, que le commissaire ou le tribunal des loyers pouvait, dans certaines circonstances, compte tenu des circonstances dans tel cas donné, par exemple, les réparations, prolonger un délai, enfin, dans le but d'agrémenter les parties de la meilleure façon possible. C'est que l'article 1664 k), à notre avis, de notre interprétation, semble accorder, outrepasser les pouvoirs permis par la loi. Il nous semblait plus juste de dire que le tribunal, étant donné que les dispositions du projet de loi sont d'ordre public en ce qui concerne le bail d'un local d'habitation, que le tribunal devait décider en conformité avec la loi ou avec le projet de loi, si vous voulez. Non pas exercer une discrétion illimitée. C'est de la façon qu'on l'a interprété, mais nous sommes en fait du même avis.

M. CHOQUETTE: Pour un bail annuel, vous diriez un an, mais qu'est-ce que vous diriez de baux qui ne sont pas annuels? Je veux dire, si vous voulez être plus rigide dans votre rédaction de 1664 k), remarquez que vous allez peut-être causer d'autres injustices d'un autre côté.

MLLE THISDALE: Je ne pense pas qu'il s'agisse d'être plus rigide, mais il s'agit de s'en tenir à la loi, de la façon qu'on a interprété l'article 1664 k), il nous semblait que le tribunal pouvait, comme bon lui semblait, décider ce qu'il voulait en n'importe quelle circonstance.

C'est tout simplement parce que la loi permet, en tenant compte de certaines circonstances, d'agrémenter les parties.

M. CHOQUETTE: Oui.

MLLE THISDALE: C'était là notre intervention.

M. DEMERS (Gilles): Dans le fond, c'était...

M. CHOQUETTE: J'ai dit cela à titre de réflexion beaucoup plus que de suggestion à ce stade. On dit ici: Est la moins incommode pour les parties. On pourrait peut-être dire: Suivant leurs objectifs; enfin, je ne sais pas, c'est à étudier. De toute façon, on note.

MLLE THISDALE: C'est tout simplement un petit problème d'interprétation; il faudrait peut-être changer certains termes.

M. CHOQUETTE: Oui. Remarquez que la question de la période de la prolongation d'un bail, en général, à la Régie des loyers, n'est pas le problème capital. Le problème capital, c'est le montant du loyer ou le problème de l'éviction pure et simple à l'expiration du bail. En général, les parties s'entendent pas mal sur la période de prolongation d'un bail.

Nous avons à peu près quatre ou cinq cas par année de prolongation moindre qu'un an. Nous appelons cela des courtes prolongations. Dans le cas de quelqu'un, par exemple, qui sait qu'au mois de novembre, il sera transféré de ville, son employeur l'en ayant averti. On a eu certains cas aussi dans le cas des HLM où ils voulaient une courte prolongation. Là, il y a eu vive opposition de la part des propriétaires. A ce moment, c'est la balance des inconvénients. Si vous lisez l'article 1664 k), la période la plus commode pour les parties, c'est pour les courtes prolongations. Mais on dit ensuite que cela ne peut pas s'étendre plus que la prolongation de plein droit et on indique dans d'autres articles qu'elle est de douze mois. Ce sont des cas d'exception. On a voulu mettre la période la moins incommode pour les parties pour discuter entre propriétaires et locataires et pouvoir s'entendre. Mais on a des difficultés quatre ou cinq fois par année et là, on prend en considération la balance des inconvénients.

MLLE THISDALE: Le dernier paragraphe de 1664 k) mentionne par exemple que le tribunal peut statuer sur la demande de modification d'une condition du contrat.

M. CHOQUETTE: Oui, ce n'est pas repris, cela.

MLLE THISDALE: II faudrait peut-être spécifier...

M. CHOQUETTE: Voici. C'est pour évidemment clarifier davantage la loi. En réalité, la loi favorisait la conciliation de locataires et propriétaires. La prolongation automatique se fait aux mêmes termes et aux mêmes conditions. On ne peut pas changer les conditions d'un bail; même s'il y a prolongation de la part d'un administrateur ou de la commission, on ne peut pas changer les conditions d'un bail. Mais il peut arriver qu'il y ait d'excellentes raisons pour changer les conditions d'un bail, par exemple les services accrus ou ainsi de suite.

C'est pour donner au projet de loi 78 une latitude à l'administrateur, qu'il n'avait pas auparavant.

MLLE THISDALE: A notre avis, je pense que ce que vous venez de dire devrait être dit expressément dans la loi. Cela réglerait peut-être certains problèmes d'interprétation.

M. CHOQUETTE: J'ai participé avec l'Office de révision à la rédaction, évidemment, du bill 78. Personnellement, je suis très satisfait de ce texte qui me paraît excellent.

MLLE THISDALE: Oui, peut-être.

M. CHOQUETTE: Mais je vous dis que, pour les modifications de conditions, c'est pour faire face à des circonstances qui arrivent quelques-fois par année. Quand on dit la période la moins incommode pour les parties, c'est une courte prolongation en bas d'un an; autrement c'est une prolongation d'un an parce que c'est la prolongation automatique de plein droit prévue par la loi.

MLLE THISDALE: D'accord, je vous remercie beaucoup.

M. DEMERS (Gilles): L'article sur lequel nous avons des remarques à faire, c'est l'article 1632 qui traite de la question de l'inventaire: "Le privilège a pour objet: 1. dans le bail d'un local d'habitation, les effets mobiliers du locataire; 2. dans le bail commercial, industriel ou professionnel, les effets mobiliers et les biens portés à l'inventaire du locataire." Alors, les biens portés à l'inventaire du locataire, cela nous apparaît extrêmement large comme expression surtout dans le cas d'un bail commercial ou industriel.

Alors, nous suggérons une autre rédaction pour cela.

M. CHOQUETTE : Je tiens à dire à mes chers collègues présents ainsi qu'à ceux qui sont à la barre, que depuis que nous avons proposé le texte du bill 78, l'Office de révision du code civil ainsi que les officiers du ministère de la Justice et les autorités de la régie ont continué à travailler au texte et à le raffiner, à le mettre plus au point. Et sur cette suggestion de la Chambre des notaires, voici quel serait le texte qui nous serait proposé au lieu du texte actuel. Le privilège a pour objet les effets mobiliers appartenant au locataire.

M. COSSETTE : Tout simplement !

M. CHOQUETTE: Oui.

M. COSSETTE: Appartenant au locataire.

M. CHOQUETTE: Evidemment, il y a d'autres articles qui suivent, 1633: Le privilège a

aussi pour objet les effets mobiliers du sous-locataire, jusqu'à concurrence de sa dette envers le locataire. L'article 1634 également.

M. DEMERS (Gilles): Je pense, M. le ministre, que j'adresserais les mêmes remarques à l'expression que vous venez de suggérer parce que les effets qui appartiennent au locataire, c'est encore très large. Ce que nous suggérions, nous, c'était "les marchandises qui se trouvaient dans le local loué", que le privilège s'étende sur les marchandises qui sont dans le local loué et non pas tout ce qui lui appartient parce que, s'il a d'autres biens ailleurs, s'il a d'autres... Surtout dans le cas d'un bail commercial ou d'un bail industriel.

M. CHOQUETTE: Mais à l'article 1631, vous avez: "Le locateur a, pour la garantie des obligations du locataire, un privilège sur les effets mobiliers qui se trouvent sur les lieux". Et 1632 vient le compléter. Il faut lire tous les articles ensemble.

M. DEMERS (Gilles): Vous interpréteriez 1632 comme étant subordonné à 1631?

M. CHOQUETTE: Exactement.

M. DEMERS (Gilles): Si c'est ça, on est entièrement d'accord avec vous.

M. CHOQUETTE: Exactement, 1631 nous dit quel est le principe. Ce sont les effets mobiliers qui se trouvent sur les lieux, mais c'est limité par la suite par 1632 aux effets mobiliers appartenant au locataire et après ça, à certains effets mobiliers appartenant au sous-locataire.

M. DEMERS (Gilles): Ah bon! Nous sommes pleinement d'accord. A ce moment-là, nous nous rallions à votre nouvelle rédaction.

M. CHOQUETTE: Le président fait une suggestion intéressante aux rédacteurs du projet de loi. C'est qu'il n'y a sûrement pas intérêt à multiplier les articles autour d'une même question, il y a sûrement intérêt à les mettre dans le même article.

LE PRESIDENT (M. Blank): Dans le même article. Les effets mobiliers appartiennent au locataire.

M. DEMERS (Gilles): Une autre remarque s'appliquerait à l'article 1635. Nous suggérons tout simplement que le délai de huit jours soit porté à quinze jours. Il est question du privilège du locateur qui s'étend aux effets qui ont été enlevés de l'immeuble pourvu que la saisie en soit effectuée dans les huit jours de leur enlèvement. Alors, très souvent, il est difficile de retracer les objets. Alors, huit jours, ça nous apparaissait comme étant un délai un peu court.

Nous suggérerions de porter le délai à quinze jours. C'est une matière d'appréciation, remarquez que ce n'est pas sur le point...

M. CHOQUETTE: Oui, d'accord. La saisie-gagerie par droit de suite qui, traditionnellement, comportait un délai de huit jours. Maintenant, vous proposez que le droit soit changé pour donner quinze jours.

M. DEMERS (Gilles): Quinze jours. Remarquez que c'est une matière tout à fait d'appréciation.

M. PAUL: Dans la pratique, est-ce que ce délai vous a effectivement semblé trop court?

M. DEMERS (Gilles): Oui, surtout dans le cas des locaux d'habitation où les gens partent à un moment donné le soir, puis on ne sait même pas où ils sont et avant qu'on ne les retrace...

M. PAUL: II est vrai que vous évoluez dans un grand centre, vous pratiquez dans un grand centre; dans les milieux ruraux, ce délai a toujours semblé jusqu'ici suffisant.

M. DEMERS (Gilles): Oui, mais il y a beaucoup plus de locataires, par contre, dans les grands centres, je pense, Me Paul.

M. CHOQUETTE: II n'y a pas de doute qu'il y a cent ans, quand on a proposé huit jours et qu'on vivait généralement en milieu villageois ou rural ou enfin dans un milieu qui n'était pas très urbanisé, où tout le monde se connaissait, la saisie-gagerie par droit de suite pouvait s'exercer dans les huit jours parce qu'il était relativement facile de retracer un locataire qui s'était sauvé.

M. PAUL: Les communications étaient plus lentes.

M. CHOQUETTE: D'un autre côté aussi.

MLLE THISDALE: Maintenant il est difficile de retracer les objets enlevés par les locataires qui partent comme ça, sans avertir. C'est pour ça qu'en pratique ce serait peut-être mieux d'allonger le délai à quinze jours. C'est une question d'appréciation, comme le disait le notaire Demers.

M. DEMERS (Gilles): Notre autre remarque — et celle-ci est assez importante — concerne les articles 1636 et 1637, qui ont trait à la tacite reconduction et au bail prolongé.

Ce sont des problèmes où les juristes se sont amusés à qui mieux mieux, et nous désirons, pour autant que la tacite reconduction est concernée, qu'elle puisse être répétée. C'est-à-dire que la tacite reconduction, d'après ce qu'on a pu interpréter de cette rédaction, ne pourrait valoir que pour un an.

Nous voudrions qu'il soit clairement dit qu'elle puisse avoir lieu de façon répétitive. C'est un problème qui intéresse davantage les professeurs de droit, mais, dans la pratique, ça se traduit autrement.

M.PAUL: La deuxième année, c'est le défaut de congé qui entre en ligne de compte et non pas...

M. DEMERS (Gilles): C'est le bail prolongé. Vous avez parfaitement raison. Les conditions ne sont pas les mêmes.

M. PAUL: Le Barreau nous a suggéré un délai de dix jours pour la tacite reconduction et, ce matin, vous nous mentionnez huit jours. Le Barreau nous a suggéré dix jours, parce que, dans le code de procédure, ce délai de dix jours est celui qui est mis en pratique pour l'assignation des avis. Est-ce que vous auriez objection à vous rallier au Barreau, sur ce point toujours, sans compromettre votre indépendance?

M. DEMERS (Gilles): Non, on se fusionne uniquement là-dessus.

MLLE THISDALE: Le principe demeure le même.

M. PAUL : Est-ce que dix jours vous conviendraient également?

M. DEMERS (Gilles): Oui, également. Nous voulons qu'il soit plus long que cinq jours.

M. CHOQUETTE : Sur votre première critique à l'égard de l'article 1636, j'attire votre attention sur le deuxième alinéa de cet article qui se lit comme suit: "Le bail reconduit est un bail à durée fixe et obéit aux mêmes règles que ce dernier". Par conséquent, la tacite reconduction peut s'opérer successivement plusieurs fois, sans limite. Comme on me dit, c'était d'ailleurs l'objet de ce deuxième alinéa.

M. DEMERS (Gilles): Si c'est ce que ça veut dire, nous sommes pleinement d'accord. Nous voulons que ce soit vraiment bien dit, que la reconduction... Je suis bien heureux que vous l'interprétiez comme ça. J'aimerais que les tribunaux l'interprètent comme ça. C'est toujours là qu'est le point. Sur les idées, nous nous entendons assez bien, mais, sur la rédaction, nous avons des remarques parfois.

MLLE THISDALE: La rédaction de l'article 1608 actuel du code civil, en ce qui concerne la tacite reconduction successive, dans le projet de loi, emploie un peu les mêmes termes. C'est là que les tribunaux et la doctrine ne s'entendent plus. L'intention du législateur était de faire de la tacite reconduction une possibilité, et que ça se renouvelle successivement.

M. CHOQUETTE: Oui.

MLLE THISDALE: Donc, la tacite reconduction successive est possible. Elle ne deviendrait pas alors un bail prolongé, parce qu'un bail prolongé n'est pas...

M. CHOQUETTE : Ce n'est pas la même chose.

MLLE THISDALE: Ce n'est pas la même chose.

M. CHOQUETTE: Nous sommes devant un problème de rédaction. Plusieurs articles de l'ancien code civil ont déjà fait l'objet d'interprétations par les tribunaux, dans les causes, etc. Quand une terminologie a été interprétée à plusieurs reprises dans un sens concordant, l'Office de révision du code civil, qui nous avise dans la rédaction de ce projet de loi, n'a pas intérêt à nous suggérer des modifications dans la terminologie, parce qu'il s'agit là de mots, de phrases ou d'alinéas qui ont déjà reçu une interprétation assez claire de la part des tribunaux.

Mais, d'un autre côté, il y a aussi des cas où il y a des interprétations divergentes. Là, il y a lieu de clarifier l'interprétation des tribunaux suivant ce que le législateur considère opportun en 1973. Dans le cas actuel, je demande à M. Jacoby si, dans le deuxième alinéa, c'était la même terminologie que celle qui existait précédemment.

Non, justement, dans le code civil actuel, les tribunaux interprétaient l'article 1608 de trois façons différentes. Le but du deuxième alinéa de l'article 1636 est de régler complètement le conflit qui existe en jurisprudence, parce qu'on dit que le bail reconduit est un bail à durée fixe et obéit aux mêmes règles que ce dernier.

En disant ça, on fait donc du bail reconduit un bail à durée fixe qui est lui-même assujetti à la tacite reconduction en vertu du premier alinéa de l'article 1636.

Nécessairement, la reconduction tacite se répétera parce que c'est toujours un bail à durée fixe et c'est le premier alinéa qui rejoue continuellement.

MLLE THISDALE : Donc, la tacite reconduction successive est possible.

M. CHOQUETTE: Non seulement elle est possible mais elle est prévue.

MLLE THISDALE: Bon. Est-ce que c'est possible de l'indiquer clairement dans le texte de loi?

M. CHOQUETTE: On pourrait...

MLLE THISDALE : Remarquez que pour nous, je pense, nous l'avons interprété comme vous le dites, mais pour éviter tout problème de la part des tribunaux parce qu'à notre avis, ce problème n'a pas été réglé définitivement par les tribunaux.

M. CHOQUETTE: M. Jacoby, dites-nous donc les trois interprétations jurisprudentielles de l'ancien article 1608.

Il y a une tendance qui dit que la reconduction tacite n'a lieu qu'une fois et ensuite, cela devient un bail à durée indéterminée. Et là, il y a des problèmes pour savoir comment se termine ce bail à durée indéterminée. L'autre solution majoritaire est quand la reconduction tacite se renouvelle continuellement, mais là encore, il y a des problèmes pour savoir quand se termine le bail reconduit. Ce sont les deux grosses tendances, et en proposant le deuxième alinéa de l'article 1636, on règle tout. On règle d'une part la question de savoir s'il se renouvelle continuellement ou non et on règle aussi le problème de savoir comment il prend fin, parce qu'en disant que c'est un bail à durée fixe, cela se termine à l'arrivée du terme. Il n'y a pas d'avis à donner. C'est peut-être un peu concis. Il y aura peut-être lieu d'expliquer davantage le sens de l'article.

MLLE THISDALE: Si les rédacteurs du projet de loi l'entendent ainsi en ce qui concerne la tacite reconduction, nous sommes d'accord sur le principe même. C'est ce que nous voulions suggérer.

M. DEMERS (Gilles): Mais pour arriver justement à ce que vous dites et à ce que nous désirons, si le deuxième alinéa était complété en ajoutant tout simplement "obéit aux mêmes règles y compris la tacite reconduction", je pense que cela serait vraiment ce que nous désirons tous.

M. PAUL: Les légistes pourraient peut-être retenir une suggestion de texte pour clarifier les dispositions de l'article 1636 et pour répondre à l'objection ou la crainte des membres de la Chambre des notaires? Il y aurait peut-être possibilité, au paragraphe 2, de reconsidérer ou d'adopter un texte à peu près semblable à celui-ci: "Chaque fois qu'un bail est reconduit, il l'est pour une durée fixe et il obéit aux mêmes règles que ce dernier." Je ne veux pas dire que ce texte est excellent mais il aiderait peut-être à faire face à la successibilité de la tacite reconduction ou la répétition de la tacite reconduction.

M. DEMERS (Gilles): Alors, nous sommes d'accord sur ce point? L'autre point que nous voulons souligner ce sont les cas d'aliénation de l'immeuble traités à l'article 1644.

Il nous semble que le texte proposé ne fait pas la distinction entre les détenteurs d'un immeuble à titre précaire, tels un usufruitier ou un détenteur d'un droit d'habitation ou un grevé de substitution et les propriétaires d'un immeuble sous condition résolutoire, tel que le serait un débiteur hypothécaire ou un acquéreur avec clause résolutoire.

Nous croyons que le texte amènera une série de difficultés pour les locataires dont le contrat leur a été consenti par un propriétaire dont le droit devient ainsi expiré, et ce, que le bail ait été enregistré ou non.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples. Qu'adviendra-t-il, par exemple, des droits des locataires dans le cas d'exercice par un créancier hypothécaire d'une clause de dation en paiement? Je suis propriétaire d'un immeuble. Par contre, j'ai une créance hypothécaire qui affecte mon immeuble. J'ai consenti des baux.

Le créancier hypothécaire reprend mon immeuble parce que je suis en défaut. Cela ne devrait pas affecter, nous croyons, les locataires. Actuellement, d'après la rédaction, cela semble les affecter, que le bail ait été enregistré ou non. Même dans le cas précédent, il semble que le locataire pourra voir son bail se terminer, même si la dette hypothécaire a été constituée subséquemment au bail; ce qui irait plus loin. Ce sont ces genres de problèmes qui pourraient se soulever à ce moment.

M. CHOQUETTE: M. Jacoby pourrait peut-être répondre à ces problèmes.

Le principe de la rétroactivité qui découle de la résolution, à l'heure actuelle avec le projet, on va plus loin; on protège davantage le locataire que ce qui pouvait exister antérieurement parce que, si le bail était enregistré après, vous aviez le phénomène de la rétroactivité qui rayait le bail; mais je veux dire que cela n'affecte pas. De toute façon, avec le texte actuel, le locataire est protégé pour une période déterminée.

M. DEMERS (Gilles): Oui, pour une période déterminée, mais qui ne peut pas excéder douze mois. Je suppose qu'un locataire a signé un bail d'habitation de cinq ans. Cela se voit. Le créancier hypothécaire reprend l'immeuble; il met fin au bail après douze mois. C'est tout à fait en dehors des relations entre le propriétaire et le locataire. C'est tout simplement un acte d'un tiers qui met fin au bail et ceci s'appliquerait même si la dette hypothécaire avait été consentie postérieurement à la signature du bail et que le bail ait été enregistré ou non. Donc, pour une dette d'argent du locateur, le locataire peut être évincé. Cela nous apparaît fort, un peu.

M. CHOQUETTE: C'est-à-dire qu'on a des conflits d'intérêts, des intérêts divergents d'un côté ou de l'autre. On a pensé que c'était une solution de compromis. C'est évident que, si on pousse plus loin la protection du locataire, à ce moment, il faudrait modifier le texte en conséquence. Là, il y a une question d'option à la base.

Quel est le droit actuel sur cette question, Me Jacoby?

A l'heure actuelle, avec l'effet de la condition résolutoire d'une clause de dation en

paiement, normalement cela radie tout ce qui a été fait sur l'immeuble. C'est une question de choix. On peut aller beaucoup plus loin, lorsque le bail est enregistré, et donner une protection complète au locataire mais, c'est une question d'option.

M. PAUL: Cela radie pour autant que le bail a été enregistré.

M. CHOQUETTE: Non: qu'il n'est pas enregistré.

M. DEMERS (Gilles): Qu'il n'est pas enregistré.

M. CHOQUETTE: Un bail enregistré tient beaucoup plus.

LE PRESIDENT (M. Blank): II va protéger...

M. CHOQUETTE: C'est parce qu'on a eu beaucoup de suggestions sur la question et puis on a pensé que c'était une solution de compromis; mais il y aurait peut-être lieu de revoir le texte de façon à repenser la philosophie du projet en accordant plus de protection au locataire, à ce moment-là.

M. DEMERS (Gilles): En somme, le projet considère sous un même pied ou traite de la même façon le cas d'une personne qui est locateur mais dont le titre est précaire. Je suis un usufruitier d'un immeuble et je consens un loyer. Evidemment, je ne peux pas le consentir pour un temps plus long que mon usufruit. C'est évident; la loi le sanctionne. Dans le cas où je suis vraiment propriétaire, tout simplement, c'est que je risque d'être en défaut vis-à-vis de mon créancier hypothécaire. Mais je suis vraiment propriétaire. La solution que nous suggérions était que les clauses résolutoires et les clauses de dation en paiement, qui résultent de contrat de vente ou de contrat hypothécaire, ne devraient pas être visées par l'article 1644.

MLLE THISDALE: De façon à se conformer aux règles habituelles du droit des obligations et du droit de l'enregistrement, afin de ne pas restreindre le marché immobilier ou le marché hypothécaire.

M. DEMERS (Gilles): Cela est peut-être un peu technique cette histoire, mais je pense que l'effet sera certainement celui que nous vous signalons.

M. CHOQUETTE: Très bien.

M. DEMERS (Gilles): Quant aux autres points que nous avons à signaler, ce sera plus rapide.

Il y a l'article 1653 sur la preuve qui dit ceci: Toute partie à un bail peut administrer une preuve testimoniale même pour contredire ou changer les termes de l'écrit. Alors, nous en avons là-dessus, nous autres.

Nous recommandons d'exclure, de l'application de cet article, le bail notarié puisque ce dernier est soumis à un système de preuves qui est déjà prévu par la loi. Alors, nous trouvons que la preuve testimoniale devant un écrit, qui est un écrit authentique, c'est paradoxal.

M. CHOQUETTE: C'est ce que l'Office de révision du code civil m'a soumis récemment depuis le dépôt du projet de loi 78. C'est que dans le cas d'un bail en forme authentique, il ne pourrait pas souffrir d'être contredit par la preuve testimoniale et même à cela, je trouvais moi-même que c'était aller assez loin que de permettre la contradiction d'un écrit par la preuve testimoniale, même quand il s'agissait d'un écrit sous seing privé. J'ai un peu de difficulté à me rallier moi-même à la contradiction des écrits sous seing privé par la preuve testimoniale.

M. PAUL: Résistez; c'est bien.

M. CHOQUETTE: Par contre, on me signale que souvent les baux sous seing privé s'accompagnent d'une foule de promesses au moment de la signature. Le propriétaire dit: Je vais vous faire un ménage; je vais vous réparer telle chose; je vais vous donner tel avantage. Et là le locataire n'exige pas qu'on inscrive cela au bail et finalement c'est le locataire qui subit un préjudice de cette façon de faire. Alors, la théorie ou la prémisse de l'Office de révision du code civil, en me proposant la possibilité de contredire un écrit sous seing privé par la preuve testimoniale, c'est justement à cause de ces nombreux cas pratiques qui se présentent où il y a des promesses de faites et qui même varient certaines clauses de l'écrit qui est intervenu entre les parties.

M. DEMERS (Gilles): Vos hésitations, évidemment, à plus forte raison, valent quand il s'agit d'un acte qui est vraiment authentique.

M. CHOQUETTE: C'est sûr. Parce que là il y a un officier public, quand même, qui est présent au moment de la rédaction du bail et, s'il y a des promesses qui se font de part et d'autre, tout le monde sait que le notaire va considérer que c'est son devoir de les inscrire à l'écrit.

M. DEMERS (Gilles): C'est exactement ce qui se fait en pratique.

M. CHOQUETTE: M. Jacoby voudrait ajouter un mot.

C'est vrai que cela va à l'encontre de l'article du droit de la preuve; mais il faut placer maintenant les règles de la preuve dans un contexte moderne. Le contexte sociologique et juridique a tellement été modifié. En 1866, on

avait un contexte où les parties négociaient librement leur contrat et tout ce à quoi les parties s'engageaient se retrouvait généralement dans l'écrit; mais aujourd'hui, dans certains secteurs du droit, on a le phénomène des contrats d'adhésion, qui fait que vous avez une partie, la plus forte économiquement parlant, qui impose son contrat à l'autre. On sait que les consommateurs, en général, quand ils apposent leur signature à un contrat ne le lisent pas. Ils ne le liront presque jamais. Tout ce qui les intéresse, c'est le prix du loyer, le terme du bail; c'est à peu près tout. Ce qui fait qu'aujourd'hui, dans certains domaines, apposer sa signature à un écrit, cela ne veut plus dire consentir à un contrat. C'est pour cela qu'on voudrait dans certains secteurs — il ne s'agit pas d'une règle qu'on voudrait étendre à tous les contrats — assouplir le jeu des règles de preuve traditionnelles, de façon à permettre la preuve de promesses qui généralement se font — et on en a des preuves continuelles — et qui ne sont pas respectées. De toute façon, dans le fond, est-ce que cela va changer grand-chose? Je ne pense pas parce que l'article 1234 n'empêche pas les parties...

M. PAUL: ... dans un autre domaine.

M. CHOQUETTE: C'est cela. Prouver qu'il y avait des conventions additionnelles. De toute façon, quand il y a des promesses qui sont faites et que le locataire ou le locateur, parce que parfois les promesses viennent du locataire lui-même, a consenti sous l'empire de ces promesses, dans certains cas, cela peut être des représentations frauduleuses, dans le fond. On sait que, pour les représentations frauduleuses, la preuve testimoniale est admise même pour contredire ou changer les termes d'un écrit. Je pense qu'il faut replacer tout cela dans un contexte plus moderne, dans un contexte des contrats d'adhésion qui sont imposés par une des parties à l'autre.

M. PAUL: M. Jacoby, vous allez admettre qu'autrefois on avait beaucoup plus de respect de la parole donnée qu'aujourd'hui. Aujourd'hui, on conteste un écrit valablement fait. Je crains que par cette liberté que l'on donnerait aux gens de contester la valeur d'un écrit valablement fait suivant les dispositions de l'article 1234, il y ait peut-être un danger de prêter ouverture à beaucoup de procès ou de contestation ou de témoignages arrangés. Supposons qu'un propriétaire loue un immeuble à un locataire en présence de son épouse; à un moment donné, une fois le bail signé, on pourrait prétendre à toute autre convention que celles qui ont été arrêtées entre les parties. Et en vertu du texte 1653, si nous le conservions tel quel, honnêtement ou malhonnêtement, la preuve serait faite qu'il y a eu d'autres conventions qui ont également été discutées. A ce moment-là, ça causerait tout un préjudice au locateur de bonne foi et je crois que c'est peut-être un principe dangereux à introduire dans notre droit en regard des règles de la preuve. Il ne faudra pas oublier non plus que cette exception qu'on voudrait faire aux règles générales de la preuve... Il faudra peut-être modifier les articles 1013 et suivants du code qui nous parlent de l'interprétation des contrats. Les conséquences pourront aller peut-être jusqu'à l'obligation de modifier les articles 1013 et suivants, la règle de l'interprétation des contrats.

M. CHOQUETTE: Je ne pense pas qu'on soit obligé de modifier les articles 1013 et suivants, parce que l'interprétation suppose qu'il y a un doute.

M. PAUL: Mais là, il y aurait eu plus qu'un doute. On pourra même changer le texte.

M. CHOQUETTE: On pourra changer le texte dans la mesure où on peut prouver qu'on s'est entendu sur autre chose que, ou sur des conventions qu'on ne retrouve pas dans le texte. Le problème qui se pose aujourd'hui, c'est que les contrats, les baux sont des formules imprimées d'avance.

M. PAUL: ... un bail type.

M. CHOQUETTE: Mais le bail type ne pourra pas prévoir toutes les conventions. Le bail type va reproduire les dispositions d'ordre public, par exemple. Il va dire que le local doit être livré en bon état d'habitabilité, des choses comme ça, les recours en cas de réparation. Mais prenez l'hypothèse d'un locataire qui, pour un loyer peut-être diminué, s'engage à refaire la peinture ou à faire certaines réparations et au moment où le bail est signé, on n'en parle plus. Il y a aussi le cas du locateur qui promet un réfrigérateur ou quelque chose comme ça et au moment de la signature du bail, il est impossible de le faire sanctionner dans un écrit. Je pense que ce qu'il faut retenir, c'est que, de toute façon, celui qui est le souverain juge de tout ça, c'est le tribunal. La question de la crédibilité des témoins, c'est lui qui en juge. La preuve testimoniale...

M. PAUL: Vous obligez les parties à aller nécessairement devant les tribunaux?

M. CHOQUETTE: Oui.

M.PAUL: On doit tâcher de légiférer pour éviter justement les litiges.

M. BURNS: Mais ce sont des cas où on parle de preuve, justement. Si on parle de preuve, ce sont des cas qui sont soumis au tribunal, c'est justement pour ça. Ce sont les cas qu'on prévoit qui vont aller devant le tribunal. A ce moment-là, c'est seulement dans ces cas qu'on parle de preuve.

M. CHOQUETTE: Evidemment, ce facteur introduit un peu plus d'incertitude dans les contrats, c'est un fait. Mais comme dit Me Jacoby, les conditions actuelles de la vie économique et sociale sont peut-être telles qu'il faut introduire ce facteur d'incertitude pour tenir compte des conventions qui ont réellement existé entre les parties au moment de la signature et qui n'ont pas été consignées dans l'écrit.

Cet article ne s'applique qu'aux baux de locaux d'habitation.

M.PAUL: II faut reconnaître cette exception à la loi de la preuve pour un champ d'habitation bien déterminé et limité.

M. CHOQUETTE: Oui et ce n'est pas une nouveauté. Déjà dans la Loi de la protection du consommateur, on avait un domaine où les mêmes problèmes se posaient, les contrats d'adhésion où les conditions du contrat ne sont pas librement négociées. Dans la Loi de la protection du consommateur, on a un article à peu près identique qui permet la preuve testimoniale même pour contredire ou changer les termes d'un écrit.

Il ne s'agirait pas éventuellement d'en faire une règle applicable à tous les actes juridiques dans le code civil, mais dans les secteurs où l'on pense qu'à cause du phénomène du contrat d'adhésion, on a besoin de libéraliser la preuve testimoniale, on le dirait expressément. Mais ce serait toujours exceptionnel.

M. Jacoby. juste une dernière question de ma part. Dans le droit actuel, lorsqu'il s'agit de compléter, par une preuve testimoniale, un écrit sous seing privé, en faisant la preuve qu'il y a eu des conditions ajoutées au contrat écrit, et qui ont été purement verbales, est-ce que c'est permis ou bien si, tout ce qui est exclu, c'est de varier ou d'annuler des conditions écrites?

Non. La jurisprudence admet que l'on puisse établir des conventions additionnelles. Par ailleurs, l'article 1234 n'empêche pas qu'on puisse contredire ou changer les termes d'un écrit, au moyen de présomptions. Et en pratique, les présomptions vont être établies par les témoins qui vont apporter certains faits. Alors, au fond des choses, cela ne change pas...

M. PAUL: A ce moment, c'est l'interprétation des contrats qui va entrer beaucoup plus en ligne de compte.

M. CHOQUETTE: Oui.

M. PAUL: Vous cherchez la véritable intention des parties.

M. CHOQUETTE: Exactement.

M. DEMERS (Gilles): Nous maintenons évidemment notre remarque concernant le bail authentique. Ce que nous ne voulons pas, dans le fond, c'est que ce qui est écrit par acte authentique soit contredit verbalement, parce que, si c'est écrit, c'est censé vraiment faire preuve de son contenu. Je ne dis pas qu'il ne puisse pas être renforcé par une preuve testimoniale, tel que vous venez de le dire, pour des choses qui ne sont pas incluses. Mais qu'il soit contredit, on a vraiment une objection et on la maintient.

Autre remarque concernant l'article 1664 y). A l'Article 1664 y), il est prévu que l'héritier ou légataire du locataire décédé peut obtenir la résiliation du bail en cours, si ces ressources financières ne lui permettent pas d'en assumer les obligations. Nous suggérerions que, pour les cas de locaux d'habitation, avec un avis de trois mois, la succession pourrait mettre fin à un bail, si le locataire est décédé, sans qu'il ait à faire la preuve que ses ressources financières ne sont pas suffisantes. C'est un élargissement du texte que vous avez que l'on suggérerait. Avec un avis de trois mois, le locataire décédé ou, plutôt sa succession, pourrait mettre fin au bail. Ce serait un risque que tout le monde pourrait courir.

MLLE THISDALE: Ceci éviterait d'avoir recours au tribunal, d'entreprendre des procédures longues et coûteuses, alors que la succession du locataire, dans le cas d'un local d'habitation, aurait le choix, soit de continuer le bail si elle le désire, ou de donner un avis de trois mois aux fins de résilier le bail, parce qu'il est évident qu'il y a des héritiers légataires d'un locataire qui ne sont absolument pas intéressés à continuer le bail de l'auteur. Dans le cas particulier d'un bail d'habitation, du local d'habitation, cela aurait pour effet de protéger peut-être davantage le consommateur.

M. DEMERS (Gilles): Cela nous apparaît assez humain dans le fond, cette interprétation.

M. PAUL: Indépendamment de la solvabilité ou non de la succession.

M. DEMERS (Gilles): Indépendamment de cela. J'ai un exemple à l'esprit. Il y avait une dame locataire qui est décédée. C'était une veuve. Elle était seule à vivre dans son logement. Elle avait un bail d'un an qui ne faisait que commencer. Ses enfants étaient tous en dehors. Elle ne laisse rien à toutes fins pratiques. Qu'est-ce que vous voulez? Les enfants sont bien prêts à payer le loyer. Mais ils le paient tout simplement pour sauver le nom de la mère. Cela nous apparaissait comme étant un peu préjudiciable aux enfants qui, dans un cas comme celui que je mentionne, se présentait.

MLLE THISDALE: Toujours dans le cas particulier du local d'habitation qui concerne les particuliers. Il ne s'agit pas d'un bail commercial ici.

M. BURNS: Je trouve la suggestion très

intéressante surtout qu'elle a pour effet d'éviter d'amener des causes devant les tribunaux. Si on est obligé de démontrer suivant le texte actuel qu'on n'a pas de ressources, évidemment, il va falloir en faire la preuve. Là, on se rencontrerait, Me Paul et moi.

MLLE THISDALE: Oui, d'ailleurs c'est une croyance populaire, je pense, qu'un bail se termine à la mort du locataire, alors que le droit des obligations actuelles dit que l'on doit poursuivre les obligations de son auteur. Alors, pour éviter de causer des préjudices... Je pense que le "consensualisme" pourrait avoir droit de parole à ce moment-là au lieu d'avoir recours au tribunal inutilement.

M. DEMERS (Gilles): Un dernier point que nous voulons vous signaler concerne l'article 1664 e) où il est question d'un avis, d'un détail dans le cas du désir d'un locataire de non-prolongation du bail. Il est prévu à l'article 1 : Deux mois avant l'arrivée du terme, dans le cas d'un bail à durée fixe. Actuellement, c'est trois mois.

M. CHOQUETTE: Cela va être changé dans votre sens.

M. DEMERS (Gilles): Nous suggérons trois mois.

M. CHOQUETTE: C'est-à-dire que la coutume s'est instaurée au Québec, les avis se donnent par le propriétaire trois mois avant et je crois que nous allons légiférer pour concrétiser la coutume.

M. DEMERS (Gilles): Bon, c'est ce que nous recommandions.

M. CHOQUETTE : Alors, nous allons abandonner les deux mois pour les remplacer par trois mois.

M. DEMERS (Gilles): M. le Président, M. le ministre, le mémoire contient d'autres points, mais nous avons tout simplement voulu, ce matin, signaler les points importants. Je me permets de revenir sur la question de la tacite reconduction, ce qui nous apparaît un point majeur, et également sur la question d'annulation de baux dans le cas de titres résolutoires.

Ceci nous apparaît les points majeurs sur lesquels portait notre attention.

Nous vous remercions.

LE PRESIDENT (M. Blank): Est-ce qu'il y a d'autres questions par les membres?

Merci beaucoup pour votre présentation.

MLLE THISDALE: Je pense qu'il faudrait aussi souligner ce que le notaire Deniers a dit auparavant, que le projet de loi 78 constitue quand même une nette amélioration sur la législation antérieure et cela, nous l'apprécions.

LE PRESIDENT (M. Blank): Merci.

Maintenant, je comprends que l'arrangement entre les avocats... On entendra maintenant la Confédération des syndicats nationaux.

Confédération des syndicats nationaux

M. RODRIGUE: M. le Président, M. le ministre, les députés, comme...

LE PRESIDENT (M. Blank): Voulez-vous tourner votre micro?

M. RODRIGUE: ...à l'occasion du projet de loi 59, la Confédération des syndicats nationaux avait fait des représentations qui seront reprises dans une certaine mesure aujourd'hui de façon très brève, nous n'avons pas l'intention de nous arrêter...

LE PRESIDENT (M. Blank): Pourriez-vous donner votre nom, s'il vous plaît?

M. RODRIGUE: Norbert Rodrigue de la Confédération des syndicats nationaux.

LE PRESIDENT (M. Blank): Et la demoiselle ou la dame qui est avec vous?

M. RODRIGUE: Monique Simard de la CSN aussi.

Or, comme je le disais, la question du logement pour nous, nous la considérons comme étant un droit et non un bien de consommation. Nous n'avons pas l'intention de discuter ou d'argumenter sur chacun des articles des projets de loi qui sont à l'étude présentement.

La question du logement est un problème d'envergure au Québec qui touche la majorité des Québécois. Toutefois nous sommes en mesure de dire que c'est la classe des travailleurs locataires qui constitue plus de la moitié de la population qui est la plus durement touchée par la situation critique qui prévaut actuellement. Cette situation critique se manifeste surtout par une hausse sans cesse croissante des prix de location, une pénurie de logements destinés aux familles nombreuses et à faible revenu, une qualité de logement qui ne répond pas aux exigences normales requises pour la construction d'habitations solides, modernes, spacieuses et salubres.

Les travailleurs locataires sont exploités dans le secteur de l'habitation comme dans les autres secteurs économiques et nous sommes obligés de reconnaître que l'exploiteur est toujours le même, soit l'entreprise privée. Dans le secteur de l'habitation, on le nomme le capital immobilier, propriétaire, promoteur d'habitations, spéculateur foncier, constructeur, etc. Ce dernier est directement protégé par l'Etat, comme nous pouvons le constater avec la législation qui traite des questions d'habitation. Les expériences que nous avons vécues depuis un an avec les bills 59, 78, 79 et 280 nous le démontrent

clairement. Après avoir entretenu l'espoir de voir la situation se corriger, très partiellement d'ailleurs, avec le bill 59 présenté en juin 1972, lequel contenait de nouveaux éléments par rapport à la désuète Loi de la Régie des loyers, nous assistons à un retrait politique stratégique de la part du gouvernement, le retrait du bill 59.

Il ne faudrait pas croire que tout le monde est aveugle au point de ne pas se rendre compte que la manoeuvre qui a été faite pour en arriver à ce retrait et à la présentation de deux nouveaux projets de loi qui touchent encore aux questions du logement, mais dont le contenu diffère de beaucoup avec celui du bill 59... Pourquoi ce soudain revirement? Les revendications et protestations des groupes financiers impliqués dans le secteur de l'habitation nous l'expliquent. Lors de la séance de la commission parlementaire sur le bill 59, nous avons assisté à une vague de protestations peu commune contre un projet de loi. Le bill 59 se résumait pour ces groupes à une atteinte grave aux droits de la propriété et ils réclamaient de très haut le retour à la non-ingérence de l'Etat dans les relations entre propriétaires et locataires, prétextant que la bonne entente a toujours existé. On se pose des questions de temps en temps sur cette bonne entente qui existe entre ceux-ci.

Toutes les dispositions nouvelles qui signifiaient une certaine amélioration au sort des locataires ont été systématiquement démolies par le capital immobilier. Le bill 59 a été retiré parce qu'il ne permettait plus aux financiers de l'habitation de toucher sans aucune contraite des profits exorbitants. Les bills 78 et 79 qui remplacent en quelque sorte le bill 59 ne sont pour ainsi dire qu'un ramassis des recommandations faites par le capital immobilier en général. Et on n'a qu'à lire les représentations ou à prendre connaissance des représentations qui ont été faites à ce moment-là. Les bills 78 et 79 répondent à la fois à l'absence de contrôle que désire l'entreprise privée et au semblant de contrôle que l'état se doit de faire. De plus, la manoeuvre des bills 59, 78, 79 a provoqué une hausse de loyers dans plusieurs régions du Québec et notamment dans les villes et quartiers où la Loi de la Régie des loyers n'était pas appliquée. Une fois de plus, les travailleurs locataires sont les victimes d'un tel revirement législatif.

Nous voulons dénoncer également la loi 280, loi spéciale pour empêcher les hausses abusives des loyers en 1973. Avec cette loi, le gouvernement se veut le sauveur d'une situation de crise qu'il a lui-même créée, à notre avis, en présentant le bill 59 et en le retirant. Et de toute façon, la loi 280 ne donne qu'un droit de recours au locataire qui jusqu'ici n'avait pas un seul moyen de se défendre contre la pratique et l'exploitation abusives des financiers de l'habitation. Connaissant comme plusieurs les critères de la Régie des loyers en matière d'augmentation et connaissant également le pourcentage de causes gagnées par les propriétaires et par les locataires, une étude statistique sur la Régie des loyers à Montréal révèle qu'en 1969, 82.4 p.c. des causes ont été gagnées par les propriétaires et qu'en 1970, ce pourcentage s'est élevé.

M. CHOQUETTE: Est-ce que vous avez vérifié ça personnellement, M. Rodrigue?

M. RODRIGUE: Oui.

M. CHOQUETTE: Vous personnellement?

M. RODRIGUE: J'ai les documents ici.

M. CHOQUETTE: Oui, je vais vous donner d'autres chiffres.

M. RODRIGUE: En 1972, ça s'est élevé jusqu'à 92 p.c. Nous ne pouvons que constater l'inefficacité d'une telle loi et surtout la répétition de l'exploitation dont sont victimes les locataires, exploitation maintenue officiellement par les décisions rendues par la Régie des loyers.

Pour nous comme pour la FALQ, depuis le bill 59, nous comprenons que les intérêts des exploiteurs sont aussi — au moment où on se parle, les apparences sont là — les intérêts du gouvernement et nous pouvons présumer connaître ses limites en matière de réforme sur le logement et, avec elle, nous entendons toutefois exiger le maximum des institutions gouvernementales. Non pas dans le but de résoudre tous les problèmes de logement, ce serait impossible à l'heure actuelle, mais au moins assurer un minimum de protection aux locataires.

Par conséquent, nous appuyons la FALQ dans ses recommandations qui visent à satisfaire les besoins réels des locataires du Québec: l'application étendue de la loi à tous les logements au Québec; le propriétaire devra lui-même s'adresser au tribunal des loyers pour justifier toute hausse de loyer; le gouvernement devra créer une commission publique consultative pour établir des critères objectifs d'augmentation, permettre un véritable contrôle des loyers et empêcher les hausses de nature proprement spéculative. Un bail type, unique, pour tout le Québec, rédigé par les associations de locataires. Supprimer la reprise de possession d'un logement pour fins de conversion. C'est là l'essentiel des suggestions faites par la FALQ que nous appuyons. La CSN veut particulièrement insister sur la nécessité d'un contrôle vigoureux des prix des loyers.

Il est fondamental que chaque travailleur ait droit à un logement à prix modique et il est grandement temps que l'exploitation cesse. Il est d'ailleurs universellement reconnu que le prix des loyers doit être contrôlé. Il est à noter que le Canada est le pays où il coûte le plus cher, proportionnellement à son revenu, pour se loger. Montréal, par exemple, est une ville où il faut dépenser approximativement de 25 p.c. à 30 p.c. de son revenu pour se mettre un toit sur la tête.

D'une manière générale, la CSN considère que la législation sur le logement n'atteindra son but que si elle situe le logement, non pas comme un bien de consommation, comme je l'ai mentionné au début, mais comme un droit fondamental pour les travailleurs et les autres qui sont aux prises avec ce même problème.

Les travailleurs locataires seront toujours exploités si on maintient le droit immuable à la propriété et si on tolère des profits éhontés qui s'approprient le capital immobilier. Le logement est un droit et les travailleurs exigent que ce droit leur soit rendu.

M. le Président, comme je l'ai mentionné au début, cette intervention de la CSN auprès de la commission n'a pas pour but de discuter les articles sur le plan technique ou juridique, mais bien de faire savoir dans quelle mesure nous voudrions voir corriger la situation qui est, pour nous, un problème global. Et les projets de loi 78 et 79 ne répondent pas aux besoins réels de ceux qui sont aux prises avec ce problème, les locataires.

LE PRESIDENT (M. Blank): Le ministre.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je n'ai jamais prétendu que les bills 78 et 79 étaient une réponse à tous les problèmes dans le domaine du logement. Je n'ai jamais eu cette prétention. Qu'on me fasse au moins ce crédit-là!

M. RODRIGUE: II faudrait au moins que ce soit un minimum de réponse.

M. CHOQUETTE: Non, mais c'est quand même une réponse, dans ce sens que je demanderais à M. Rodrigue, que je connais comme un chef ouvrier intelligent et sincère, excepté ce matin où je pense qu'il dit des choses auxquelles il ne croit pas toujours...

M. RODRIGUE: Merci des compliments. J'espère que vous croyez...

M. CHOQUETTE: Je lui pose une question. Est-ce qu'il connaît une législation dans le monde qui soit aussi avancée que celle que nous proposons dans le bill 78?

M. RODRIGUE: M. le ministre, j'aurais une réponse à vous faire, c'est la suivante. Je suis prêt â reconnaître l'habileté des parrains des différents projets de loi présentés jusqu'ici afin de résoudre la situation. Nous avons la preuve devant nous, avec justement la présentation du bill 59 que nous avions qualifié de réponse, non pas totale aux problèmes, mais de réponse qui nous apparaissait acceptable relativement à cette situation.

Le législateur, les parrains du projet de loi 59 ont trouvé les motifs ou les raisons nécessaires pour satisfaire d'autres intérêts que ceux des locataires. Nous sommes obligés de présumer qu'ils ont la réponse ou, en tout cas, qu'ils sont en mesure de résoudre ce problème qui confronte actuellement les locataires du Québec.

On ne voit pas comment le législateur ou les parrains en question, après avoir présenté un projet qui, comme je l'ai mentionné, était susceptible de corriger davantage et beaucoup mieux la situation que ces derniers projets... La question que vous posez est classique: Connaissez-vous ou avez-vous les moyens de régler la situation de façon plus efficace?

M. CHOQUETTE: Ce n'est pas la question que j'ai posée.

M. RODRIGUE: Connaissez-vous des projets de loi, dites-vous, dans le monde...

M. CHOQUETTE: ... dans l'Amérique du Nord.

M. RODRIGUE: ... qui sont plus progressistes?

M. CHOQUETTE: Vous connaissez les conditions en Amérique du Nord?

M. RODRIGUE: Ce que je connais surtout, ce sont les problèmes qui existent ici au Québec et ce sont les problèmes de nos gens qui sont aux prises avec cette situation.

M. CHOQUETTE: J'ai analysé votre réponse et pour autant que je suis concerné, je crois que vous ne pouvez pas donner d'exemple d'une loi en Amérique du Nord qui se compare avec le bill 78 au point de vue de la protection des locataires. Je prends acte de cela.

Vous avez affirmé tout à l'heure que la Régie des loyers donnait gain de cause aux propriétaires dans la majorité des cas. J'ai ici des statistiques très élaborées et faites par la régie. Les voici: En 1970, au point de vue du pourcentage des décisions: Décisions favorisant les propriétaires: 69.8 p.c; décisions favorisant les locataires: 30.2 p.c. En 1971, décisions favorisant les propriétaires: 51.2 p.c; décisions favorisant les locataires: 48.8 p.c. En 1972, décisions favorisant les propriétaires: 48.9 p.c; décisions favorisant les locataires: 51.1 p.c. Total des décisions favorisant les propriétaires pour les trois années: 58.4 p.c; décisions favorisant les locataires: 41.6 p.c. Il est à remarquer que, dans les décisions favorisant les propriétaires, sont inscrites toutes les décisions qui donnent au moins une certaine augmentation au propriétaire. Le propriétaire peut réclamer une augmentation de $15 ou de $20 et, si l'administrateur des loyers donne la moindre augmentation, que cela soit $1 ou $5 ou $10 par mois, ceci est inscrit dans la colonne des propriétaires. Cette colonne comprend toute augmentation de loyer qui a pu être décrétée par la régie, quel que soit le montant. On ne peut pas procéder en fonction de chiffres

comme ceux que vous nous avez donnés, qui sont inexacts.

M. RODRIGUE: C'est une affirmation de votre part. Nous sommes dans le domaine des statistiques. J'ai ici un document qui n'est pas de moi, qui est d'un centre de recherche sur le logement, un document du Conseil de développement social du Montréal métropolitain. L'on y traite de statistiques sur cette question depuis l'année 1962 jusqu'à 1971 et les chiffres que je vous ai cités sont tirés de là.

M. CHOQUETTE: Je vous dis que...

M. RODRIGUE: On veut nous prêter des intentions, mais quand même...

M. CHOQUETTE: Non, je ne vous prête pas d'intentions.

M. RODRIGUE: ... nous sommes assez conscients de ce que nous faisons pour ne pas venir raconter d'histoires à cette commission.

M. CHOQUETTE: Je ne vous prête pas d'intentions. Je dis que vous vous basez sur des données inexactes et je vous donne la compilation des chiffres qui a été dressée par la régie à l'examen de chacune des décisions rendues pour ces années. Je dis que vous devriez quand même corriger un peu votre tir sur ce point et je pense que vous le ferez de bon gré. C'est tout ce que j'avais à dire.

M. RODRIGUE: Il ne s'agit pas pour moi d'opposer le rapport du Centre de développement social du Montréal métropolitain au rapport de la Régie des loyers. Il s'agit pour moi de citer simplement une recherche qui a été faite par des gens...

M. CHOQUETTE: Malgré tout, je pense bien que...

M. RODRIGUE: ... qui sont responsables, à notre point de vue.

M. CHOQUETTE: Oui, mais vous admettrez quand même que la Régie des loyers a eu une utilité sociale. Je ne dis pas qu'elle a été un organisme parfait. Il faut la perfectionner. C'est d'ailleurs ce que nous visons par cette loi ainsi que par l'autre projet de loi, le bill 79. Malgré tout, je pense bien que tout le monde reconnaîtra le rôle et la fonction sociale de la régie, qu'elle a rendu service, à mon sens, d'une façon très utile et très appréciée par les locataires qui bénéficient de la protection actuelle de loi. Il ne sert à rien de dénigrer le travail de la régie comme vous le faites, je pense.

M. RODRIGUE: Ce que je peux vous dire là-dessus, c'est que nous avons nous aussi des statistiques de personnes qui ne sont pas de chez nous, dont vous pouvez mettre en doute la crédibilité. Cependant, quant à nous, ce sont des chiffres de gens responsables, qui ont fait des recherches, particulièrement à Montréal, où la situation est la plus critique quand même au Québec, en termes de logement.

Il ne s'agit pas pour nous de dire que la Régie des loyers a été tout à fait inutile. Il s'agit pour nous de dire cependant que dans ce type de cause ou le type de problème chez les locataires, la Régie des loyers ou la Loi de la Régie des loyers n'a pas été la réponse aux différents problèmes.

M. CHOQUETTE : Je ne dis pas le contraire, je ne dis pas que la Loi de la Régie des loyers a réglé tous les problèmes; parce que si elle avait réglé tous les problèmes, on n'aurait pas de législation ici et même cette législation...

M. RODRIGUE: Donc, vous admettez qu'il en reste un certain nombre à résoudre.

M. CHOQUETTE: C'est clair, c'est évident, c'est très clair, je n'ai aucune espèce d'hésitation à admettre cela. C'est pour cela que nous légiférons à l'heure actuelle.

M. RODRIGUE: II faudrait que le législateur agisse en conséquence. En tout cas, les représentations qu'on vous fait, c'est que nous trouvons que justement la législation qui est présentée sous forme de projet de loi ne répond pas au problème.

LE PRESIDENT (M. Blank): Le député de Maskinongé.

M. PAUL: Non. Merci, M. le Président. J'ai écouté M. Rodrigue.

LE PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que le député de Maisonneuve a des questions à poser?

M. BURNS: Non.

LE PRESIDENT (M. Blank): Merci, M. Rodrigue. On procède maintenant à la...

Est-ce que les représentants de The Fairview Corporation Ltd sont prêts?

M. DUPERE: M. le Président, M. le ministre, mon nom est Jean Dupéré, je suis avocat et représente M.E.P.C. Canadian Properties. Je suis accompagné de M. René Baby qui est le trésorier de Fairview Corporation dont je suis également le conseiller juridique.

LE PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que vous présentez les mémoires pour les deux ensemble ou...

M. DUPERE: Non, nous avons décidé... En raison des rapports très étroits que nous entre-

tenons entre les deux mémoires, je vais faire quelques suggestions; M. Baby fera des commentaires techniques puisque les articles sont presque les mêmes, sauf que j'aurai des commentaires additionnels sur un article en particulier.

LE PRESIDENT (M. Blank): D'accord. M.E.P.C. Canadian Properties

M. DUPEKE: de tiens, premièrement, à souligner que, contrairement à ce qu'on peut avoir soulevé devant vous, bien que nous représentions des groupements financiers et des administrateurs de propriétés immobilières, les compagnies concernées se déclarent satisfaites et apprécient l'effort du ministère d'avoir créé les projets de loi 78 et 79.

Cependant, l'unique but de notre présentation est de tenter de démontrer aux membres de la commission qu'il devrait y avoir une distinction d'établie entre le domaine résidentiel et le domaine commercial.

Pour autant que le domaine résidentiel est concerné, nous laissons les présentations aux différents membres qui peuvent être concernés. Quant au domaine commercial, nous désirons souligner, en particulier, la distinction qu'il y a dans les impératifs à respecter dans ces lois. Nous reconnaissons que les projets de loi 78 et 79 protègent un impératif social qui est assez aigu; par contre, lorsque nous traitons du domaine commercial, nous parlons d'une autre réalité qui elle aussi devrait être prise en ligne de compte. Il n'y a aucun doute que l'individu qui désire obtenir un logement, disons avec la raison actuelle, peut encourir certaines difficultés de sorte que la loi saurait lui accorder certains avantages.

D'un autre côté, lorsque nous prenons deux hommes d'affaires qui ont examiné les facteurs économiques, négocié entre eux les possibilités de conclure une entente, nous ne voyons pas pourquoi certaines dispositions de la loi devraient s'appliquer à eux. En particulier, je souligne l'article 1613 qui défend de refuser une sous-location, à moins d'avoir un motif raisonnable. Nous concevons que dans les cas de baux résidentiels, cette protection est indispensable pour éviter les abus. Il en est de même pour l'article 1619. Je laisserai, par exemple, le soin à M. Baby, un peu plus tard, de démontrer les conséquences au point de vue économique de ces articles.

Par analogie, nous aimerions soulever l'ancien article 323 du code civil qui traitait de la minorité et qui disait que le commerçant devait être considéré comme majeur. Même s'il n'avait pas 21 ans, il était émancipé. Aussi au chapitre de la lésion, à l'article 1005, on disait que, contrairement aux autres cas de minorité, le mineur banquier ou commerçant n'était pas restituable contre ses transactions. J'ai soulevé ces points pour tenter de démontrer que dans ces cas, l'intention du législateur et la philosophie de la loi étaient d'établir une distinction marquée entre les deux groupes.

Une autre suggestion. J'ai eu l'occasion hier d'assister à la présentation d'autres groupements et j'ai pris acte d'une suggestion qui a été faite par M. Choquette à l'effet que, non seulement la loi devait être rédigée en tenant compte des représentations faites par les différents groupements intéressés, mais aussi en tenant compte de l'avis d'experts dans le domaine économique et social. Pour autant que nous sommes concernés, nous croyons que c'est là une excellente suggestion qui, probablement, résoudra énormément de confusion et d'incertitude dans la loi.

Une des raisons principales de notre présentation est de demander des éclaircissements sur certains articles pour la simple raison que, si l'intention de ces projets de loi est d'enlever les ambiguïtés et la confusion qui menaient souvent à d'inutiles litigations et matières conten-tieuses, il y aurait peut-être de nouvelles suggestions qu'on pourrait faire qui élimineraient encore plus de litigations.

Messieurs, je désire vous souligner que le but de notre représentation n'est pas de toucher au domaine résidentiel, ni de suggérer des amendements qui seraient préjudiciables à l'intention des lois telles que soumises. Cependant, nous estimons que les suggestions produites dans nos mémoires, relativement aux articles 1613 et 1619, sont d'une telle importance économique, pour autant que nous sommes concernés, qu'elles ne sauraient affecter les gens qui doivent réellement demander la protection de la loi. Je pense à l'article 1613 et je donne l'exemple où, dans un centre commercial, on refuse la location présentement, excepté dans des cas bien définis. Mais je pense que les hommes d'affaires sont conscients de l'épanouissement et de la marche des affaires et qu'ils ne sauraient être limités dans leur liberté d'action sur ces points, surtout en raison de l'ampleur aujourd'hui des développements commerciaux. Nous ne demandons pas, par exemple, qu'aucun des articles soit modifié ou enlevé. Tout ce que nous demandons, c'est qu'Us ne soient pas applicables au domaine commercial.

M. CHOQUETTE: Monsieur, si vous me permettez une interruption. Au sujet de l'article 1613 que vous soulevez comme sujet de discussion, il s'agit, n'est-ce pas, de l'article qui vise le droit à la sous-location, droit qui ne s'applique pas seulement au domaine résidentiel mais au domaine commercial. Et si je comprends bien, vous représentez ici, aujourd'hui, les intérêts de propriétaires de centres commerciaux. Pour être plus concret, disons que dans les centres commerciaux, l'organisateur ou le promoteur d'un centre commercial tente d'équilibrer le genre de commerce qui peut se trouver dans ce centre, s'il veut avoir un magasin à rayons, des pharmacies, enfin tous les différents commerces auxquels ont accès les consommateurs. Vous dites, par conséquent, que vous n'aimeriez pas vous trouver dans une espèce de camisole de force qui ferait que, par exemple, un propriétaire de

pharmacie pourrait invoquer son droit à la sous-location pour louer à une pâtisserie, alors qu'il y aurait à côté une pâtisserie qui occuperait déjà un local dans ce centre commercial. C'est à peu près cela?

M. DUPERE: Exactement.

M. CHOQUETTE: J'attire votre attention sur le fait que, dans la rédaction de l'article 1613 — que nous sommes prêts à regarder à la lumière de vos objections — nous disons simplement que le locateur ne peut refuser, sans motif raisonnable. A mon sens, ce serait un motif raisonnable pour le juge de refuser la sous-location dans des circonstances comme celles que j'ai exposées, c'est-à-dire dans le cas du pharmacien qui voudrait abandonner sa profession ou son commerce et qui dirait: Moi, je veux sous-louer à un commerce qui existe de façon identique.

M. BURNS: Dans une optique de libre concurrence, vous pensez que ce serait considéré comme un motif raisonnable? Tout le monde sait que la plupart des entreprises, notamment des commerces de détail, se regroupent par exemple à Montréal pour retrouver dans un même coin tous les vendeurs de fourrures, pour retrouver au coin d'une rue, très souvent, quatre stations d'essence, ou, au coin d'une autre rue, quatre vendeurs de chaussures. J'ai lu le mémoire et je trouve qu'on a raison quand on allègue que le tribunal trouverait probablement dans le contexte actuel que ce ne sont pas des motifs raisonnables, on pourrait dire très facilement: II y a un pâtissier, pourquoi, est-ce qu'il n'y en aurait pas deux dans votre centre commercial? Je ne sais pas, mais les deux points de vue se valent.

M. CHOQUETTE: Je pense que ce que dit le député de Maisonneuve est assez exact. Il y a certains commerces où on dirait qu'il y a une propension de ces commerçants de se situer dans le même quartier. D'ailleurs, traditionnellement, quand on va dans les villes assez anciennes, il y a des rues qui étaient occupées autrefois entièrement par les potiers. Il y avait des rues qui étaient occupées entièrement par d'autres sortes d'artisans, etc. Ils avaient une tendance à se grouper et même parfois à Montréal on voit aujourd'hui une espèce de tendance qui se produit dans certains domaines. Quand on parle de centre commercial, il est évident que le centre commercial est une nouvelle notion économique, une nouvelle organisation, où le promoteur tente d'avoir une dispersion des commerces. Je ne dis pas que ce que le député de Maisonneuve dit ne doit pas être pris en considération ou encore que ce que les représentants du centre commercial disent ne doit pas être pris en considération. Mais le motif raisonnable est quand même un facteur qui vient limiter, dans une certaine mesure, le droit à la sous-location si le propriétaire peut démontrer qu'il s'est engagé d'une certaine façon vis-à-vis des autres commerçants à l'égard desquels il a loué.

M. BURNS: Remarquez que j'ai fait ces remarques sans prendre position pour ou contre la chose. Je dis que...

M. CHOQUETTE: Non, non, non.

M. BURNS: ... probablement ils ont raison quand ils disent que ce ne serait pas jugé un motif raisonnable.

M. CHOQUETTE: Non, mais moi, je serais prêt à admettre le fondement réel des représentations qui nous sont faites sur ce point. Il me semble que celui qui est propriétaire, qui a formé un centre commercial, y a, dans une certaine mesure, un intérêt à voir à ce qu'il n'y ait pas un regroupement de commerces identiques. Je suis prêt à admettre le bien-fondé de cette impression.

M. BURNS: Dans le cas de la vente des pneus, j'imagine que c'est clair.

M. CHOQUETTE: II faudrait le demander à mon collègue.

M. TREMBLAY (Bourassa): La vente des pneus, ça ne dérange pas, on en vend à tous les coins de rue. C'est la qualité qui compte.

M. CHOQUETTE: Posez donc la question, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Blank): Dans vos baux pour les centres commerciaux, est-ce que ce n'est pas vrai qu'il y a une clause qui couvre cette possibilité? On me dit qu'il doit y avoir seulement une pâtisserie ou une pharmacie?

M. DUPERE: C'est exact, M. le Président. Disons qu'il peut y avoir, dans certains cas, des dispositions à cet effet. La position actuelle cependant est que le droit à la sous-location est refusé excepté dans des cas très spécifiques et définis. Sur ce point, je vais laisser M. Baby, après un point que j'aimerais soulever, vous parler de l'aspect technique, parce que c'est lui l'expert au point de vue de plans et distribution. Mais le problème que je soulève est strictement au point de vue légal. Si l'intention est d'enlever du domaine des tribunaux toute litigation qui pourrait s'avérer inutile ou causer une certaine incertitude, je pense qu'il y aurait possibilité d'éliminer toute possibilité d'aller à la cour sur chaque motif raisonnable possible, de risquer d'avoir des décisions contradictoires et d'avoir toujours une certaine incertitude.

De la sorte, les locataires hésiteraient énormément à contracter avec les propriétaires du centre commercial, d'autant plus qu'il pourrait

y avoir des répercussions économiques à savoir que les investisseurs hésiteraient énormément à consentir à financer, par exemple, la construction d'un centre commercial, ne sachant pas ce qui va se passer ni si le centre commercial sera un succès au point de vue commercial.

Le plan de distribution des magasins dans un centre commercial, comme M. Baby va vous l'expliquer, est l'élément primordial; sinon l'essence du centre commercial ne peut pas fonctionner.

LE PRESIDENT (M. Blank): Avant que M. Baby prenne la parole, le député de Maskinongé a une question.

M. PAUL: Je m'excuse, M. Baby, mais j'aurais quelques commentaires à faire et surtout, je voudrais poser une question au ministre de la Justice. Le ministre pourrait-il nous dire s'il y a eu de nombreuses représentations pour qu'aujourd'hui le législateur intervienne dans le bail commercial? Jusqu'ici, le loyer commercial était soustrait à l'application de la Loi de la Régie des loyers ou de la conciliation entre locataires et propriétaires. En vertu de quelles pressions, de quelles justifications, de quels besoins introduisons-nous ce principe?

M. CHOQUETTE: Nous n'assujettissons pas les locaux commerciaux au tribunal des loyers ou à la Régie des loyers. Je tiens à dissiper immédiatement toute ambiguïté sur ce point. Tout ce que nous faisons, à l'occasion de la reprise des articles pertinents du code civil sur le louage de choses, c'est que nous reprenons toutes les dispositions du bail d'habitation mais nous reprenons également celles du bail commercial. C'est un peu par voie de conséquence que nous arrivons à réexaminer le droit au point de vue du bail commercial. Mais nous n'assujettissons pas les baux commerciaux à un système d'arbitrage ou de contrôle ou de réglementation des hausses de loyer, pas du tout. Le marché est complètement libre, laissé à la volonté des locataires et des locateurs.

Maintenant, sur la question de l'état du droit actuel au point de vue de l'application, par les juges, des clauses qui permettent ou dénient le droit à la sous-location, de façon à éclairer les membres de la commission, M. Jacoby pourrait peut-être exposer quelle est la situation de la jurisprudence actuelle dans la matière, pour voir jusqu'à quel point le texte, que nous avons en vue, est différent de certaines décisions actuelles rendues par les tribunaux.

Nous pensons que dans ce domaine, nous ne changeons pas grand-chose au droit actuel parce que les articles actuels du code civil sur la sous-location et la cession de bail n'ont pas empêché les tribunaux d'aller vérifier si les motifs de refus à la sous-location étaient raisonnables ou non. La majorité de la jurisprudence sur la question porte sur des baux résidentiels. Mais bien que le contrat commercial contienne des réserves et des restrictions à la sous-location, en vertu du droit actuel, cela n'empêcherait pas un locataire de s'adresser à un tribunal pour contester les motifs de refus.

C'est une chose et, si on excluait le domaine commercial de cette disposition, on reculerait par rapport au droit actuel. Par ailleurs, il y a deux points qu'il faut peut-être souligner. C'est qu'il est vrai qu'il y a en matière commerciale une grande liberté et une négociation qu'on ne retrouve peut-être pas avec autant de vigueur en matière de bail d'un local d'habitation, mais dans ce domaine aussi, très souvent, c'est l'économiquement fort qui impose ses conditions à l'économiquement faible.

Par ailleurs, je pense que l'article parle bien de motifs raisonnables. Et ce n'est pas possible. Ce serait certainement un mauvais jugement qu'un tribunal applique dans le domaine commercial les mêmes critères qu'en matière de bail résidentiel. Dans le fond, l'article 1613 veut prévenir les abus de droit et, en vertu du droit actuel, cela existe déjà. Alors, dans l'hypothèse des centres commerciaux, quand vous avez des catégories de commerces bien identifiées, c'est un plan d'ensemble, mais il est certain qu'un tribunal ne peut pas raisonnablement appliquer les mêmes critères.

Evidemment, c'est une question d'appréciation.

M. DUPERE: M. Jacoby, si vous me le permettez, je dois vous exprimer une toute petite surprise lorsque vous affirmez que vous ne pensez pas qu'il va y avoir des changements dans le texte présent de la loi. Je pensais que c'était soumis à des considérations et à des études avant d'en arriver à une décision finale et définitive.

M. CHOQUETTE: Non, c'est pas ce que M. Jacoby a dit. M. Jacoby a exposé la jurisprudence actuelle. Il n'a pas dit que le texte de l'article 1613, tel que proposé dans le projet de loi, serait maintenu mordicus. On est ici pour en discuter.

M. PAUL: N'oubliez pas une chose. Il y en a qui sont dans la sphère pour avoir leur mot à dire.

M. DUPERE: C'est ce que je pensais.

Quant à l'état de la jurisprudence, si vous me le permettez. Actuellement, avec l'article 1639, les cours, d'accord, l'ont interprété surtout dans le cas de baux résidentiels. S'il y avait une clause qui disait, par exemple, "le propriétaire aura le droit de refuser son consentement", les décisions jusqu'à maintenant ont interprété ceci comme étant que les propriétaires ont le droit de refuser la sous-location pourvu qu'il y ait motif raisonnable. Cependant, si la clause est rédigée de façon à dire "le propriétaire aura le droit... c'est-à-dire "le locataire n'aura pas le droit de sous-louer, à moins qu'il ait obtenu le

consentement du propriétaire, lequel consentement pourrait être arbitrairement refusé", dans ces cas-là, nonobstant le fait de la raisonnabilité du motif, les cours ont toujours maintenu que le propriétaire était en droit de refuser son droit à la sous-location.

Maintenant, je voulais souligner un autre point, M. Jacoby. Nous ne parlons pas de petites entreprises. Nous parlons d'entreprises de $40 millions et des conséquences qui pourraient s'ensuivre. Nous parlons de centres commerciaux de 100 magasins, de 95 magasins, de la complexité des opérations. Et je ne pense pas que l'on puisse assimiler ou tenter même de rapprocher la situation d'un bail commercial dans une telle entreprise, dans un tel complexe, puisque, de toute façon, c'est une entité moderne. Il n'y a pas de jurisprudence dans le cas des centres commerciaux.

Il y a aussi le fait que vous avez souligné, que l'économiquement fort a le dessus sur celui qui est faible au point de vue financier. Je crois que c'est là le mérite du bill 78, pour autant que le secteur résidentiel est affecté, et c'est pourquoi cela constitue une bonne disposition. Mais quand on parle de commerces, on parle d'individus qui ont pesé tous les facteurs économiques, qui sont souvent très puissants, ce sont des magasins à succursales, par exemple, avec des millions de ressources, qui font affaires à travers tout le Canada.

Alors, vous avez deux personnes très fortes, une en face de l'autre, qui sûrement n'ont pas besoin de se voir imposer des directives par lesquelles il pourrait y avoir des répercussions très néfastes. Je dois vous dire la raison de mon insistance. C'est que pour autant que nous sommes concernés — M. Baby va vous le démontrer — à part le point de vue juridique, les répercussions économiques seraient désastreuses si, disons, nous ne pouvions pas, à notre libre gré, discuter et contracter selon les intentions des parties.

Fairview Corporation

M. BABY: M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de la commission, ayant écouté les propos qui viennent de se tenir, ayant constaté l'étendue des connaissances des membres de la commission en matière de centres commerciaux, je pense que je devrais adopter une attitude très humble. Je suis venu ici pour apprendre et non pas pour enseigner.

J'aimerais tout de même faire certaines remarques assez brèves d'ordre technique. Le choix de l'emplacement d'un futur centre commercial exige un bon nombre d'études spécialisées et approfondies en matière de génie, de topographie, de service d'égouts et d'aqueduc, de circulation routière, de voies d'accès, etc., mais aussi et surtout des études d'implantation portent sur la population avoisinante, son revenu moyen, le taux d'accroissement de cette population et de son revenu disponible et la distribution du pouvoir d'achat de cette population à travers l'éventail des marchandises et produits de consommation,

A partir de ces études, dont les données et conclusions sont réexaminées et révisées très fréquemment, avant et pendant l'implantation, et à la lumière de l'expérience acquise, on parvient à établir un plan de mise en marché du centre commercial. Les objectifs principaux du plan de mise en marché, qui est un plan, somme toute, physique, un plan d'architecte si vous voulez, sont en définitive, après bien des révisions: premièrement, de permettre un choix judicieux des locataires; deuxièmement, de déterminer l'optimum de dimensions des divers locaux affectés à la vente des divers groupes de marchandises; troisièmement, de disposer ces locaux et magasins d'une façon coordonnée et efficace, à l'intérieur du centre commercial.

Ces objectifs sont, à leur tour, subordonnés aux objectifs primordiaux et concordants de l'implantation elle-même qui sont d'assurer la rentabilité du projet et d'offrir le meilleur service possible à la communauté. Plus un centre commercial a d'envergure, plus le problème d'équilibrer le choix des locataires, des dimensions et de la disposition de leurs locaux est délicat; plus ce problèmes est délicat, plus l'interaction de ces locataires entre eux est complexe. Le plan de mise en marché est donc d'une importance capitale autant pour les locataires que pour les propriétaires, à tel point que les locataires exigent souvent que le plan, une fois qu'il est définitif, ne puisse pas être modifié sans leur consentement. Pour ancrer ou implanter solidement un grand centre commercial, il est essentiel d'assurer la présence d'au moins un et souvent de deux, trois ou même quatre grands locataires majeurs qui sont généralement des magasins à rayons. Les baux consentis à de tels locataires sont des documents complexes, rédigés de façon à établir aussi clairement que possible les droits respectifs des parties, à prévoir, autant que faire se peut, toutes les circonstances qui pourraient donner lieu à des ambiguïtés ou à des conflits, et à éviter, autant que possible, la nécessité de recourir aux tribunaux avec les frais, les délais considérables que pareils recours entraînent inévitablement.

Au chapitre de sous-location et de cession de bail, les baux que nous avons consentis à nos locataires majeurs, surtout au cours des huit ou dix dernières années, à la lumière d'une expérience croissante et souvent cuisante, sont orientés de plus en plus en direction d'une formule de base uniforme. Le locataire ne peut sous-louer ou céder son bail sans le consentement du propriétaire qui a pleine et entière discrétion de refuser ce consentement, sauf dans des cas particuliers très préeis qui sont énumérés en détail, à grand renfort —si vous me permettez l'expression — de langage juridique, qui, pour un profane comme moi, est très compliqué, sinon dans ses intentionsfondamentales, du moins dans ses raffinements. Ces

intentions fondamentales sont que le propriétaire ne peut refuser son consentement — autrement dit on procède par exception — dans les cas où le sous-locataire non seulement jouit d'une situation financière égale ou supérieure à celle du locataire, mais encore exerce le même genre de commerce, à l'aide de techniques de mise en marché semblables et aussi efficaces que celles du locataire d'origine. Si on considère les remarques que je viens de faire au sujet de l'équilibre délicat du plan de mise en marché d'un centre commercial, on constate facilement que la formule de base dont nous nous servons est un avantage non seulement pour le propriétaire et le locataire qui sont liés l'un à l'autre en vertu d'un bail particulier, mais aussi pour tous les autres locataires dans le centre commercial. Le même genre de formule se retrouve de plus en plus fréquemment dans les baux des locataires moins importants. Un exemple pourra servir à illustrer les difficultés qui pourraient surgir d'une règle obligatoire de motifs raisonnables. Prenons le cas d'un centre commercial régional où se trouvent, à titre de locataires, quatre magasins de chaussures, disons, et quatre magasins de vêtements pour dames.

L'un des magasins de vêtements pour dames décide, pour une raison ou pour une autre, de fermer ses portes avant la fin de son bail. Un marchand de chaussures de l'extérieur — et j'entends par ceci un marchand de chaussures qui n'a pas déjà un local dans le centre commercial en question — de bonne renommée et jouissant d'une situation financière stable offre de sous-louer le local.

Le propriétaire du centre commercial, agissant de bonne foi, sous l'empire d'une règle obligatoire de motifs raisonnables, refuse son consentement. Il fonde son refus sur les bases suivantes: premièrement, il existe déjà dans le centre commercial quatre magasins de chaussures, nombre suffisant pour bien desservir la population selon les études de marché qui ont été faites et qui se poursuivent même après l'implantation; deuxièmement, si le nombre de magasins de vêtements pour dames est réduit à trois, l'équilibre nécessaire à la rentabilité du centre commercial et au service optimal du consommateur est menacé; troisièmement, son consentement pourrait créer un précédent qui pourrait avoir, pour résultat éventuel, un déséquilibre très important, si, par exemple, le nombre de magasins de chaussures augmentait de quatre à six ou sept, tandis que celui des magasins de vêtements pour dames diminuait de quatre à un ou deux. C'est un déséquilibre dont souffriraient non seulement le propriétaire et le consommateur mais aussi les autres locataires du centre commercial.

Donc, de bonne foi, le propriétaire refuse son consentement. De son côté, le locataire marchand de vêtements pour dames qui veut sous-louer et qui est, lui aussi, de très bonne foi soutient que le propriétaire n'a pas de motif raisonnable, étant donné la bonne renommée et la stabilité financière du marchand de chaussures auquel il veut sous-louer son local. D'où litiges, recours aux tribunaux, délais et frais.

Pour les locataires majeurs, une dimension additionnelle vient se superposer au principe d'équilibre. Il s'agit de l'influence marquée qu'ont les grands magasins sur les autres locataires dans le même centre commercial. Un magasin à rayons dont l'échelle de prix, l'éventail de marchandises et les techniques de mise en marché sont bien adaptés aux besoins de la communauté qu'il dessert est un aimant puissant qui attire la clientèle au centre commercial et les petits locataires ne peuvent qu'en bénéficier.

Il pourrait survenir que ce magasin à rayons veuille sous-louer ses locaux à un autre magasin de détail â succursales de réputation et de ressources financières égales ou supérieures aux siennes mais dont les politiques et techniques de mise en marché seraient mal adaptées aux besoins de la région qu'il dessert. Le résultat serait une diminution de clientèle, du chiffre d'affaires et des profits qui affecterait non seulement le propriétaire mais aussi les autres locataires du centre commercial, surtout les petits locataires.

Je souligne en passant que le succès des petits locataires, qui n'ont pas les ressources financières et publicitaires des grandes succursales, est très intimement lié à la capacité des grands locataires d'attirer et de satisfaire la clientèle. Ces commentaires sur l'article 1613 seraient incomplets si je ne faisais mention de la question financement.

Le coût d'un centre régional typique s'échelonne de nos jours de $15 millions ou $20 millions à $30 millions ou même $40 millions. Inutile d'insister sur la nécessité essentielle de financement à long terme. Dans la presque totalité des cas, le financement à long terme provient de grandes institutions financières qui ont â leur disposition des services de recherche perfectionnés.

Avant de consentir un prêt à long terme de l'ordre de $15 millions à $30 millions, ces prêteurs font, il va de soi, des études détaillées afin d'assurer la rentabilité du projet; ce qui, en définitive, quand il s'agit par exemple d'une compagnie d'assurance ou de fiducie, a pour objet de protéger les intérêts des détenteurs de police et des épargnants.

Là où la qualité des baux offerts en garantie serait diminuée, là où l'équilibre et l'harmonie du plan de mise en marché seraient menacés, il est facile, je pense, de concevoir que l'obtention de financement serait rendue très difficile et, dans des conditions défavorables de marché, peut-être même impossible.

A la lumière de ces commentaires et de ces exemples, nous soumettons respectueusement que toute règle qui pourrait entraver la liberté des parties à un bail autre qu'un bail de local d'habitation, de convenir librement entre elles de sous-location et de cession, selon les circons-

tances, leur expérience et leur jugement, aurait des conséquences extrêmement néfastes.

M. DUPERE: M. le Président, permettez-moi simplement une clarification sur un point soulevé par M. Baby. En plusieurs cas, les agents de location des propriétaires de centres commerciaux, généralement, se font poser cette question: Est-ce que, dans les années futures, vous anticipez des changements chez vos locataires? Or, comme nos baux, généralement, se situent entre 15 et 25 ans, il faut tout de même avoir une certaine certitude pour permettre au locataire de faire un investissement, d'aménager son local et d'y dépenser souvent des sommes considérables et tout de même, lui donner la certitude, par ailleurs, que le centre commercial n'ira pas en faillite ou ne tombera pas en décrépitude.

Ceci m'amène à un autre point et j'aimerais traiter de l'article 1619, qui est aussi d'ordre public et causerait un préjudice considérable. Actuellement, la formule la plus employée non seulement par les compagnies que nous représentons mais par tous les propriétaires de centres commerciaux en Amérique du Nord, est celle dite du bail "net-net". Dans ce bail, afin de réduire le coût du loyer, le locataire, bien souvent — je pense, par exemple, aux grands magasins à rayons, à succursales multiples — entreprendra lui-même d'assumer les obligations d'entretien et autres qui relèvent généralement du locateur, réparations mineures dites locatives ainsi que des réparations majeures. Cette formule est celle qui est employée couramment. Si l'article 1619 ne permet pas de déroger au fait que le locataire doit subir des réparations urgentes et qu'il a droit à une diminution de loyer ou même peut demander la résiliation, on vient de condamner l'existence même de ce bail qui est à la base de tout développement, pour la simple raison qu'un centre commercial, au moment de sa conception, est fondé comme suit: Le propriétaire consultera les différents locataires éventuels, c'est-à-dire les plus gros, fera des lettres d'entente afin de déterminer des baux à long terme. Lorsqu'il y a convention, on va chez le financier qui, lui, considère, fait les études dont M. Baby a fait mention et là, décide d'accorder un financement.

Par la suite, le centre commercial sera construit et fonctionnera normalement. Un des facteurs, dans le financement, est de déterminer les obligations à la charge du propriétaire.

Si on prend, par exemple, une compagnie qui exploite, disons, 1,000 magasins, dans ces dix ou quinze centres commerciaux dans la province de Québec, et qui est susceptible d'assumer des responsabilités très sérieuses au point de vue de l'aménagement, des réparations, etc., il n'y a aucun doute que sa position financière vis-à-vis du financier est gravement atteinte et même menace le financement en tant que tel. Comme je le soulignais auparavant, on ne parle pas de bail d'un an, deux ans à cinq ans, on parle de bail à très long terme où le coût est échelonné et, faisant partie du coût du loyer à payer, le locataire préfère cela puisque, de toute façon, il a ses propres systèmes et équipes d'entretien et de réparation des locaux de son centre commercial. Si on met cet article 1619 comme disposition d'ordre public, on condamne l'essence même du centre commercial, la base principale qui est le bail "net-net" et la formule employée couramment par tous les propriétaires au Canada et aux Etats-Unis. Les conséquences — naturellement je laisse cela à votre appréciation — seraient extrêmement néfastes. C'est la raison, si vous me le permettez, pour laquelle j'avais pris acte, hier, de la suggestion de M. Choquette de faire appel à des experts économiques pour envisager la gravité de dispositions d'ordre public, telles qu'elles sont, dans le moment, dans le projet de loi.

LE PRESIDENT (M. Blank): Le député de Bourassa.

M. TREMBLAY (Bourassa): J'ai pris note de votre mémoire ce matin et je comprends bien les forts investissements; vous dites de $40 millions, etc. Je vous avoue que je n'ai pas de mouchoir sur mon épaule, si vous voulez pleurer. Ce n'est pas la bonne place.

M. DUPERE: Ce n'est pas l'intention que j'avais.

M. TREMBLAY (Bourassa): Parce que vous avez dramatisé un peu, ce matin. J'aime, moi, lorsque l'on parle, que nous ayons un juste milieu. Les propriétaires de centres commerciaux, comme je vous l'ai dit, ce n'est pas le temps de pleurer. Je pense que vous n'avez pas à pleurer. Au départ, vous êtes garantis d'un taux minimum par pied, par année, et en plus de cela, si vous poignez quelqu'un, ce n'est pas par la petite poignée; vous venez de le dire, c'est quinze ans, vingt ans et 25 ans.

M. DUPERE: Ma poignée est...

M. TREMBLAY (Bourassa): Laissez-moi faire; vous parlerez une autre fois. Je vais donner mon opinion, moi aussi. C'est bien beau; je ne suis pas contre l'investissement; je sais que celui qui investit doit avoir une garantie mais, vous savez comme moi que vous êtes garantis et quand je dis $6 le pied, je suis modeste. Je suis très modeste. En plus de vos profits de $6 le pied, vous avez un pourcentage après un tel montant de vente, en général dans les centres commerciaux, vrai ou faux?

M. DUPERE: On a un pourcentage. M. BABY: Quel est-il?

M. TREMBLAY (Bourassa): L'autre monsieur nous a dit: On a les services soit d'égouts,

de rues, de lumières etc. Vous avez les services sur votre propre centre commercial à payer, parce que toutes les villes que je peux connaître dans la province de Québec vous donnent le système de lumières à votre porte ou à l'entrée de votre terrain. Elles vous donnent les rues; elles vous donnent les égouts; elles vous donnent les trottoirs; elles vous donnent tous les services qu'il y a à donner. Encore là, je trouve qu'il y a quelque chose qui fonctionne mal. Je ne voudrais pas charroyer trop sur le même bord. Tout à l'heure, il y a quelqu'un qui a dit: Ce sont des magasins à rayons. Moi, je n'ai pas vu que des magasins à rayons dans les centres commerciaux; c'est drôle. J'ai vu d'autres choses dans les centres commerciaux que des magasins à rayons. J'ai vu des quincailleries; j'ai vu des merceries pour hommes; j'ai vu des Laura Secord, des magasins de chaussures, des casse-croûte, des Kresge, des 5-10-15; j'ai vu toutes sortes de magasins à l'intérieur. C'est assez rare qu'un centre commercial puisse perdre parce qu'il a toujours son prix de base de loyer, en partant, qui est garanti.

Premièrement quand vous louez, si vous louez surtout pour 15 ans, comme vous avez dit il y a quelques minutes, je vous garantis que, le gars, son nom est bon. Oui ou non? Vous ne louez pas à un gars qui peut faire faillite dans trois semaines, dans trois mois ou dans six mois.

M. BABY: ... il y a des faillites et des vacances.

M, TREMBLAY (Bourassa): Vous dites qu'il n'y a aucun... Je trouve qu'il n'y a pas de recours. C'est vrai que je n'aime pas trop cela aller devant quelqu'un pour avoir recours devant un juge. Parfois c'est frustrant; on est assis là et on a l'air un peu impotent, il faut plaider et attendre. Par contre il y a certaines...

M. BURNS: Cela a eu lieu récemment.

M. PAUL : Vous n'aimez pas les contestations.

M. TREMBLAY (Bourassa): Non. Je ne parle pas de cela. J'en discuterai plus tard. Ce n'est pas la question. Si vous voulez en parler, on en parlera mais ce n'est pas le temps. On va attendre une couple de mois.

M. DROLET: Là, ce sont les centres commerciaux.

M. TREMBLAY (Bourassa): Là ce sont les centres commerciaux. Ceci pour dire que vos prêts, les prêts de $40 millions, $60 millions, je suis d'accord avec vous, l'investissement... Vous avez l'air, je ne sais pas, de quelqu'un qui veut pleurer un peu. Je crois que vous n'avez pas à pleurer parce que vous êtes les plus garantis. Celui qui a une maison d'appartements ou qui a des logements est moins garanti que vous autres. En plus d'être garanti du fonds de votre logement de tant par mois, vous avez même un profit sur les ventes qui dépassent un tel montant. Alors, je ne sais pas, mais il ne faudrait pas que vous forciez trop les membres de l'Assemblée nationale. Nous, nous sommes ici pour être justes et comprendre le consommateur aussi. Vous autres, dans votre affaire du consommateur, c'est que vous prenez le gars, vous lui louez pour quinze ans et vous le tenez. Si le gars fait ses réparations en dedans... Vous avez bien dit cela. Il fait ses réparations dans son magasin. On ne parlera pas en termes parce que je ne suis pas avocat, je vais parler en mes termes. Le gars fait ses réparations et tout cela et, de toute façon, s'il ne réussit pas à faire un chiffre d'affaires qui vous rapporte la fameuse commission comme on l'appelle, à ce moment-là vous avez toujours bien la garantie des $6. des $8 ou des $12 le pied. Alors, je ne crois pas que l'investissement soit menacé. C'est dans ce sens-là que je voulais vous passer une petite remarque. Vos investissements ne sont pas menacés, pour autant que je suis concerné.

M. DUPERE: M. Tremblay, si vous me permettez,...

M. TREMBLAY (Bourassa): Ils sont beaucoup plus concernés pour celui qui a un duplex ou un triplex.

M. DUPERE: M. Tremblay, si vous me permettez; le but de ma présentation n'était nullement de tenter de vous faire apitoyer sur mon sort. Je n'ai pas l'impression que je me sens persécuté ou que je suis si à plaindre que cela. Je vous le concède. Je voulais vous poser quelques petites questions.

Vous avez soulevé le fait que des municipalités — et je reprends votre expression qui a fait plaisir à mon oreille — donnent des services à notre porte. J'apprécierais énormément, au nom de mes clients, avoir la liste des municipalités qui vont nous les donner; ceci ne nous coûterait rien, naturellement si elles le donnent.

M. TREMBLAY (Bourassa): Quand vous arrivez, mon cher maître, avec un investissement de $40 millions, vous ne me direz pas qu'une municipalité... Si vous vous en allez en Nouvelle-Ecosse à Pictou où il n'y a pas d'électricité, comme Michelin a fait, je suis bien d'accord avec vous, peut-être que vous n'aurez pas les égouts là. Mais si vous vous en allez dans une ville pas trop loin du centre-ville, je suis convaincu qu'il n'y a pas une ville avec un investissement de $40 millions qui ne vous donnera pas les égouts, les trottoirs et les lumières; voyons!

M. BABY: M. le député, avec mon expérience, quand au début des négociations il est question des services d'infrastructure, de l'aménagement des services d'égoûts, etc., les munici-

palités, invariablement, pèsent et soupèsent très soigneusement le coût de ces investissements qu'elles sont appelées à faire en regard du revenu des taxes, des emplois que le centre commercial créera, taxe foncière, taxe de vente, emplois pendant la période de construction, emplois après la mise en activité du centre commercial. Un grand centre régional emploie typiquement, de nos jours, 2,000 employés permanents ou plus. Toutes ces questions sont très soigneusement, très profondément étudiées par la municipalité avant qu'il y ait des décisions.

M. DUPERE: M. Tremblay, si vous me permettez d'ajouter un mot, si on a donné l'impression qu'un centre commercial n'était constitué que de magasins à rayons, je tiens à clarifier la situation. On a bien mentionné un ou quelquefois deux, trois, quatre, je vous concède qu'il y a une foule d'autres petites entreprises qui prennent place dans les centres commerciaux. Mais comme M. Baby l'a souligné elles bénéficient aussi de la présence des grands magasins à rayons qui attirent une clientèle qui va se propager aux autres locataires du centre commercial. Quant à la question, et je regrette que vous ayez interprété ma présence ici comme un genre de quêtage ou pour vous apitoyer, je vous assure que tout ce que je veux, comme vous le dites, c'est une règle équitable qui pourrait satisfaire toutes les parties concernées. Je vous ai concédé, et je le reconnais, que les dispositions de la loi 78 sont satisfaisantes pour autant que les compagnies sont concernées en tant que loi d'ensemble. Mais, par contre, tout ce que nous avons voulu faire, c'est de soumettre certaines suggestions quant à l'aspect économique qui, nous ne le pensons pas, est d'une gravité telle que celle que représente la situation du loyer dans la province.

M. TREMBLAY (Bourassa): Ecoutez, la seule chose que je vous ai dite, c'est que je croyais que vos investissements n'étaient pas menacés. C'est tout simplement clair et net, je vous ai dit qu'ils ne sont pas menacés. D'après moi, vous êtes ici pour donner votre opinion, si on est ici, on peut donner la nôtre. D'après moi, vos investissements ne sont pas menacés, parce qu'ils sont garantis par la base, par vos grands magasins, justement, vous venez de le dire, les magasins à succursales multiples. Vous louez à d'autres personnes, c'est encore garanti, avec des baux de quinze ans en montant. D'accord. Vous avez les garanties quand même, vos investissements ne sont pas menacés. Je sais que vous venez parler, mais la seule chose que je vous ai répondue, c'est que, vos investissements de $40 millions, $80 millions ou $100 millions ne sont pas menacés. C'est la seule chose que j'ai voulu vous répondre.

M. BABY: M. le député, respectueusement, je veux soumettre que, sous le régime qui a prévalu jusqu'à ce jour, je suis d'accord avec vous. Seulement, si le régime était changé, en particulier, si la règle du motif raisonnable devenait obligatoire, à ce moment-là toute la structure économique d'un centre commercial pourrait changer de façon radicale et nos investissements pourraient être véritablement menacés.

M. TREMBLAY (Bourassa): Mais comme c'est là, ils ne sont pas menacés.

M. BABY: Non, sous le régime qui a prévalu jusqu'à maintenant, pas du tout.

M. TREMBLAY (Bourassa): Ils ne sont pas menacés non plus par la nouvelle loi.

M. BABY: A la condition, à mon sens, dans mon opinion, respectueusement, que l'article 1613 ne soit pas d'ordre public.

M. TREMBLAY (Bourassa): Si cela continue, je vais sortir mon mouchoir.

LE PRESIDENT (M. Blank): Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. CHOQUETTE: Si vous permettez, a s'agit de savoir si la cour jugerait qu'un changement d'affectation d'un local, comme vous nous l'avez exposé, le passage, par exemple, de l'utilisation d'un local pour vendre des vêtements de dames à un magasin de chaussures, si cela était considéré comme un motif raisonnable, à la lumière de la planification générale d'un centre commercial. On me dit que, dans les centres commerciaux, il n'y a pas seulement les grands magasins qui sont l'épine dorsale des centres commerciaux, c'est-à-dire les grands magasins à rayons, d'alimentation, etc. Il y a une foule de petits commerces et de petits commerçants qui louent un local pour un loyer de $150, $175, $200 par mois. On a pensé quand même un peu à leur situation. Vous pouvez avoir, par exemple, une dame qui loue une petite boutique et qui s'engage pour un loyer de $175 par mois et, à un certain moment, elle tombe malade, ne peut pas continuer le commerce et est prise avec un bail de quinze ou 20 ans. Est-ce que le bon sens ne nous inciterait pas à rechercher une solution pour elle dans le sens qu'elle puisse dire: Autrefois, je vendais peut-être des créations de Christian Dior ou des parfums. Il n'y a pas grand inconvénient à ce que, dans ce centre commercial, cela soit transformé en un magasin qui va vendre, par exemple, des sculptures esquimaudes, quelque chose du même genre. On pensait à ces gens-là, en somme.

M. DUPERE: M. Choquette, sur ce point, ce qui se produit, c'est que nous acceptons la situation que vous avez illustrée. Naturellement, vous avez l'intention de protéger une telle

personne. Premièrement, je pense avoir donné une impression incorrecte de l'état des baux. Quand je parlais de quinze à vingt ans, je faisais allusion aux grands propriétaires en général. Lorsque nous prenons le cas de votre dame, elle ne saurait naturellement avoir un bail de plus de cinq ans. Nous sommes conscients des changements, des facteurs économiques qui sauraient créer une situation plus difficile à un moment donné, pour la simple raison — comme M. Tremblay le soulevait — que, si on a un pourcentage du volume des ventes comme loyer additionnel — je prends un exemple...

M. TREMBLAY (Bourassa): Est-ce que c'est: Si vous l'avez ou vous l'avez?

M. DUPERE: Ce n'est pas automatique, M. Tremblay; c'est une question de négociation pour établir le coût.

M. TREMBLAY (Bourassa): En général vous l'avez?

M. DUPERE: Oui, c'est vrai. Je vous le concède. Mais pour continuer, si cette dame souffre, disons, au point de vue économique d'une baisse considérable de ventes, nous sommes affectés et il n'y a aucun doute que nous ne sommes pas intéressés à voir un centre commercial qui fonctionne cahin-caha. Nous allons aussi nous punir si nous faisions une telle chose.

Quant à la deuxième chose, je pense qu'il y a lieu de faire une distinction fondamentale entre le commerçant qui, lui, n'est pas pressé, par la force des choses souvent, de se trouver un local et qui peut discuter avec le propriétaire, et l'individu qui veut aller demeurer dans un endroit, et le 1er mai ses meubles sont sur le trottoir; là, on ne parle plus de la même chose. Si l'individu a huit enfants et veut se trouver un logement, si on ne veut pas lui en louer, c'est une autre paire de manches. Mais quand on parle d'un commerçant, avant de se trouver un local pour exercer son commerce, il y a aucun doute que, naturellement, il faut des études sur sa propre rentabilité, ses chances de succès et aussi ses négociations avec le propriétaire. C'est ce que l'on appelle la libre entreprise et aussi ce que l'on appelle le phénomène du commerce en général. Ce matin, je n'ai pas voulu m'étendre, disons, sur des points d'ordre économique; je les ai soulevés et on s'est attardé mais j'ai voulu montrer la distinction marquée entre ces deux individus. C'est tout ce que nous voulions faire. Autant la protection doit être accordée au secteur résidentiel, autant le commerçant devrait à partir d'une certaine maturité, d'une expérience des affaires et de la négociation, en arriver à une libre entente.

Je ne pense pas que l'on demande des exigences exorbitantes. Nous sommes conscients des situations que vous avez illustrées, mais notre intérêt, dans un cas comme la dame, en souffrirait.

M. TREMBLAY (Bourassa): On a beaucoup de respect pour tous les intérêts.

M. DUPERE: Je n'ai aucun doute que vous écoutez les prétentions de toutes les parties.

De toute façon, probablement que les experts que M. Choquette va peut-être engager sauront souligner plus amplement le problème.

Je vous remercie infiniment.

LE PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que tous les mémoires sont complétés maintenant?

M. DUPERE: C'est cela.

LE PRESIDENT (M. Blank): Merci beaucoup. Avez-vous des questions à poser?

M. BURNS: J'ai une question à poser au ministre.

LE PRESIDENT (M. Blank): Merci beaucoup, M. Baby et Me Dupéré.

M. BURNS: C'est que, hier, M. le Président, je n'ai pas assisté à la séance. J'ai été remplacé par mon collègue, le député de Saguenay, M. Lessard et il y a eu un échange, à un moment donné, dont on m'a informé...

LE PRESIDENT (M. Blank): Est-ce une question de privilège?

M. BURNS: Non, ce n'est pas une question de privilège, M. le Président.

Je sais que je n'ai pas le droit de faire de questions de privilège, je veux seulement poser une question au ministre. Mon collègue, le député de Saguenay dit — je me permets de citer la page R/15 de la transcription d'hier—: "Pour notre part — il parlait au nom du Parti québécois — en ce qui concerne le taux, M. le Président, nous croyons qu'on doit conserver un certain taux. A partir de ce seuil, je crois que le propriétaire devrait lui-même être dans l'obligation de s'adresser à la régie. "M. Choquette: vous êtes en désaccord avec votre collègue, le député de maisonneuve."

Et ça continue, un échange comme ça, M. Lessard prétendant que non, jusqu'à: "M. Choquette: C'est consigné dans les Débats."

J'aimerais bien que le ministre nous dise à quel endroit j'ai dit, dans le journal des Débats, que j'étais contre le fait qu'on impose un seuil d'augmentation au-delà duquel ce soit le propriétaire qui doive s'adresser. Quant à moi, je pense que j'ai été même très clair lors de l'étude du projet de loi no 280 en disant au ministre que ce serait, selon nous, une des priorités que nous voulions maintenir dans cette loi-ci et qui se retrouvait dans le projet de loi no 59. J'ai même très vertement critiqué le ministre pour avoir laissé tomber cette disposition-là. J'avais dit à l'époque...

M. CHOQUETTE : Vous vous êtes repris par la suite.

M. BURNS: Quand est-ce que j'ai dit ça?

M. CHOQUETTE : A l'ouverture de la commission parlementaire sur le bill 59. Maintenant, je vous trouverai votre citation.

M. BURNS : Sur le bill?

M. CHOQUETTE: Le bill 59.

M.BURNS: Le bill 59.

M. CHOQUETTE: Oui, je vous trouverai la citation.

M. BURNS: Bien, j'espère, parce qu'il y a sans doute erreur au journal des Débats, parce que je n'ai aucunement... Auquel cas je pourrai faire corriger ça par voie de motion.

M. CHOQUETTE: Je ne pense pas, c'est un long paragraphe, un long développement...

M. BURNS: Pas du tout, j'étais...

M. CHOQUETTE: Comme vos textes sont toujours très étudiés...

M. BURNS: Non, pas du tout, je réaffirme que je suis toujours en faveur du maintien d'un seuil d'augmentation. Là où le ministre s'est peut-être mépris, c'est que j'ai laissé ouverte la discussion à savoir quel devait être ce seuil-là, c'est-à-dire que j'ai dit: Bien, on peut dire que c'est 5 p.c, 3 p.c, 2 1/2 p.c, 6 p.c., 10 p.c, n'importe. Cela, je l'ai dit, mais quant au principe même du seuil d'augmentation, je n'ai jamais changé d'idée là-dessus. J'aimerais bien que le ministre, s'il veut réaffirmer ces choses-là et mettre mon collègue en contradiction, dise au moins à quelle place j'ai dit ça.

M. CHOQUETTE: Sans doute. M. BURNS: J'attendrai sa réponse. M. CHOQUETTE: Bien oui.

LE PRESIDENT (M. Blank): Merci. La commission ajourne ses travaux...

M. CHOQUETTE: Un instant. Est-ce que nous avons terminé l'étude des mémoires?

LE PRESIDENT (M. Blank): Oui.

M. CHOQUETTE: Au complet. On me dit qu'il reste cinq mémoires, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Blank): Pas pour aujourd'hui.

M. CHOQUETTE: Ah! ils n'avaient pas été prévus pour aujourd'hui? Ah bon!

LE PRESIDENT (M. Blank): On en avait quatre aujourd'hui et on a passé les quatre.

M. CHOQUETTE: M. le Président, avant d'ajourner la séance pour cette semaine, je crois que nous pouvons envisager peut-être deux autres jours de séances, finir les mémoires. Tout de suite après, nous pourrions entendre ceux qui pourraient témoigner comme experts, à qui les députés pourraient vouloir poser des questions.

Voici une liste provisoire d'experts que nous pourrions interroger. Le juge Lionel Ross, président de la Régie des loyers, Me Daniel Jacoby, de l'Office de révision du code civil qui a travaillé au point de vue de la rédaction et au point de vue du fondement du droit, M. Claude Chapdelaine, économiste, M. Richard Thouin, économiste et M. Joseph Chung, économiste. Je ne sais pas si cette liste pourrait convenir. M. Chung est économiste et également professeur, je crois, à l'Université de Sherbrooke. Il est spécialisé dans le domaine de l'habitation.

UNE VOIX: L'Université du Québec à Montréal.

M. CHOQUETTE: L'Université du Québec à Montréal.

M. DROLET: Vous auriez cinq experts.

M. CHOQUETTE: Je les mets à la disposition de la commission.

M. PAUL : Ce n'est pas limitatif.

M. CHOQUETTE: Ce n'est pas limitatif, non.

LE PRESIDENT (M. Blank): Vous êtes d'accord?

M. CHOQUETTE : Je ne voudrais pas imposer cette procédure aux membres de la commission.

M. BURNS: Qu'on commence par entendre ces gens-là. Si, en cours de route, on s'aperçoit qu'on aurait besoin de faire venir d'autres personnes, on fera la suggestion à la commission en temps et lieu. Moi, je n'avais pas pensé à vous faire des suggestions parce que je ne savais pas que le ministre voulait nous faire entendre des experts. Tant mieux.

M. CHOQUETTE: J'ai pensé à ça étant donné la portée de ce projet de loi. Mais, d'un autre côté, je ne veux pas imposer cette procédure aux membres de la commission. Si les membres de la commission se trouvent

suffisamment éclairés, ça ne sert à rien d'allonger indûment les séances de la commission.

M. BURNS : Ce serait sûrement intéressant d'entendre ces témoignages.

M. CHOQUETTE: On pourrait s'arranger pour que les témoignages ne soient pas interminables.

M. BURNS: C'est ça.

LE PRESIDENT (M. Blank): D'accord? La commission a adopté le fait qu'on donne le droit au secrétariat d'inviter ces gens pour témoigner.

M. CHOQUETTE: Pas besoin de leur envoyer de subpoena.

LE PRESIDENT (M. Blank): Non, pas de subpoena. La commission ajourne ses travaux sine die.

M. PAUL : Monsieur le juge Ross connaît très bien le chemin !

(Fin de la séance à 12 h 35)

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