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(Vingt heures dix minutes)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, messieurs,
madame!
La commission élue permanente des institutions financières
et coopératives est réunie pour l'étude des crédits
budgétaires du ministère pour l'année 1982-1983. Les
membres de la commission sont: Mme Bacon (Chomedey), MM. Charron
(Saint-Jacques), de Belleval (Charlesbourg), French (Westmount), Gravel
(Limoilou), Lafrenière (Ungava), Lincoln (Nelligan); Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys) à la place de M. Maciocia (Viger); MM. Parizeau
(L'Assomption), Tremblay (Chambly); Marquis (Matapédia) à la
place de M. Vaugeois (Trois-Rivières).
Les intervenants sont: MM. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue),
Blais (Terrebonne), Bordeleau (Abitibi-Est), Cusano (Viau), Dean
(Prévost), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Leduc (Saint-Laurent), Martel
(Richelieu) et Rocheleau (Hull).
Est-que qu'il y a une proposition pour un rapporteur, s'il vous
plaît? M. le député de Limoilou.
M. Gravel: Je propose le député d'Ungava.
Le Président (M. Desbiens): Vous proposez le
député d'Ungava? Est-ce qu'il y a consentement? Le
député d'Ungava, M. Lafrenière, agira comme rapporteur de
la commission. M. le ministre, est-ce que vous avez des remarques
préliminaires?
Exposés généraux M. Jacques
Parizeau
M. Parizeau: Oui, M. le Président, des remarques assez
rapides mais destinées essentiellement à indiquer ce qui a
été fait depuis quelques mois dans ce ministère et les
perspectives qui s'annoncent pour les mois qui viennent. Je pense qu'il faut
établir ici une distinction entre trois plans qui représentent
certaines activités essentielles du ministère: d'abord, la
législation; ensuite, l'inspection et le contrôle;
troisièmement, le développement coopératif.
En ce qui a trait à la législation, je ne vous surprendrai
pas en vous disant que l'année qui se termine aura été
largement marquée par deux législations essentielles au
redressement du mouvement des caisses d'entraide et à leur
transformation en sociétés d'entraide. Cela a occupé une
partie très importante du temps d'activité du ministère et
dans la mesure où la question semble réglée, je pense que
cette année n'aura pas été inutile, au contraire. Nous
étions en face d'une situation financière extraordinairement
difficile pour ce genre d'institutions et les moyens appropriés ont
été pris, je pense, pour faire en sorte que la situation soit
corrigée. D'autre part, une législation en préparation
depuis déjà un certain temps quant aux coopératives et
coopératives agricoles a été déposée
à l'Assemblée nationale et devrait donner lieu à un examen
par l'Assemblée dans les jours ou les semaines qui viennent.
En troisième lieu, nous avons été amenés
à apporter un certain nombre de modifications à la Régie
de l'assurance-dépôts et, dans ce sens, de la législation a
été adoptée par l'Assemblée nationale.
Quatrièmement, nous sommes à préparer de la
législation sur trois plans, l'un d'entre eux étant plus
avancé que les deux autres. Le premier de ces plans a trait à la
loi sur la commission des valeurs mobilières. Je pense qu'il sera
possible de déposer, avant le 21 juin, cette loi qui est en
préparation depuis longtemps, qui est demandée par les gens du
milieu depuis fort longtemps aussi. On devrait être en mesure de
l'adopter assez rapidement à l'automne.
Les deux autres plans ont trait, d'une part, à une refonte de la
législation à l'égard des coopératives
d'épargne et de crédit qui va demander un certain temps, qui ne
sera pas déposée avant le 21 juin, mais qui sera
déposée cet automne. En troisième lieu, il nous faut
préparer une législation sur les sociétés de
fiducie au Québec, qui, à bien des égards, est très
en retard par rapport à ce qu'on trouve ailleurs au Canada. Quant
à ce dernier plan, je ne mettrais pas de date précise, vous
comprendrez que le menu législatif à la fois passé,
présent, et futur est relativement copieux. (20 h 15)
Pour ce qui a trait à l'inspection et au contrôle des
institutions financières, il me paraît important de
réorganiser ces services de façon, d'une part, à les doter
des ressources nécessaires pour que l'inspection des institutions
financières soit aussi efficace que possible, et, d'autre part, de
donner à ces services d'inspection une place probablement plus
importante que ç'a été le
cas jusqu'à maintenant, étant entendu que ces
règles de prudence élémentaires dans la gestion des
institutions financières, compte tenu des expériences
récentes que nous avons connues, ne peuvent pas être
surestimées. Il y a là des opérations qui ne sont pas
nécessairement spectaculaires, mais qui sont essentielles à la
confiance que le public doit avoir dans les institutions financières du
milieu.
Pour ce qui a trait aux coopératives, il est clair que
l'année écoulée a amené le développement
d'assez nombreuses coopératives dans le domaine de l'habitation, en
particulier, et même dans le développement de certaines
coopératives de production.
La Société de développement coopératif, de
son côté, nous a soumis un programme d'expansion et de
développement de ses activités qui est en train d'être
examiné et qui pourrait entraîner, à la suite de cet
examen, des modifications de caractère juridique dans les mois qui
viennent. Mais je dois dire que l'effort de réflexion, quant au
rôle de la Société de développement
coopératif et ses perspectives d'avenir et d'expansion, se poursuit, se
continue.
M. le Président, voilà à peu près ce que je
voulais dire, encore une fois, quant à ce passé récent et
aux perspectives immédiates. J'en resterai là avec mes
commentaires, en laissant nos amis d'en face toute possibilité, dans les
heures qui viennent, d'explorer avec moi chacun des programmes et des
éléments de programme.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Westmount.
M. Richard French
M. French: Merci, M. le Président. Les dépenses du
ministère des Institutions financières et des
Coopératives, en 1982-1983, devraient s'élever, selon les
projections du gouvernement, à 20 248 600 $. Si on enlève de ce
total les crédits permanents de 1 109 000 $, c'est un montant de 19 139
600 $ qu'on nous demande d'étudier ce soir. Cela représente moins
de 0,1% de l'ensemble des dépenses prévues par le gouvernement.
Quant aux effectifs du ministère, il y aurait 603 postes
autorisés, soit moins de 1% de tous les effectifs des ministères,
en 1982-1983.
Dans ses dépenses de 20 200 000 $, une somme de 2 232 000 $
prendra la forme de transferts aux entreprises coopératives, 6,1% du
total d'ailleurs. On a prévu une somme de 600 000 $ pour des prêts
et avances aux coopératives également. Les dépenses en
capital du ministère seront minimes de sorte que l'essentiel des
crédits sera consacré aux dépenses de fonctionnement du
ministère et aux salaires des 603 employés, 90% du total. Il
s'agit donc d'un petit ministère par rapport au reste de la fonction
publique investi d'une mission de planification, de réglementation et de
surveillance du secteur des institutions financières de juridiction
provinciale. C'est donc un ministère dont le rôle est critique par
rapport à l'économie du Québec.
On pense ici à toutes les institutions qui ont, dans une
économie comme celle du Québec, à jouer un rôle dont
l'intermédiation financière, c'est-à-dire la
transformation de l'épargne en investissement. Si on considère
seulement le secteur des ménages, par exemple, il s'agit de plus de 6
000 000 000 $ annuellement qui transitent ainsi par des institutions qui
tombent en partie du moins sous la surveillance du ministère des
Institutions financières et Coopératives.
L'Opposition officielle se préoccupe beaucoup, compte tenu de
l'importance du dossier, du fait que son titulaire actuel soit un ministre
à temps partiel qui tient de lourdes responsabilités ailleurs. Le
ministre des Finances n'a, finalement, pas suffisamment de temps à sa
disposition pour être en même temps ministre des Institutions
financières et Coopératives. Le dossier des caisses d'entraide
économique est l'exemple parfait de l'inefficacité du ministre
accaparé par d'autres responsabilités.
Le 23 février, pendant le débat d'urgence sur cette
question, le ministre a dévoilé sa politique face à une
quarantaine de caisses d'entraide encore perdues dans les limbes après
le vote de la mi-février. Mais ce n'est que le 30 mars, plus d'un mois
plus tard, que le projet de loi a vu le jour. Le débat sur la question
ayant été à toutes fins utiles suspendu pendant plus d'un
mois, le législateur et les intervenants se trouvaient par la suite
forcés à disposer du projet de loi dans les quelques jours qu'il
leur restait avant le congé pascal. Cette longue attente n'a pas servi
à améliorer le projet de loi qui reste sensiblement pareil
à ce que le ministre a décrit le 23 février. Il n'est pas
possible de tenir un débat ouvert et raisonné dans des
circonstances pareilles. On a vu véritablement un débat et une
étude à la hâte. C'était juste pour les membres des
caisses d'entraide et ultimement, pour tous les Québécois. C'est
pourquoi l'Opposition officielle demande un ministre à temps plein pour
s'occuper du portefeuille des institutions financières et
coopératives. Il va sans dire, M. le Président, que le titulaire
actuel ferait un candidat excellent. Cela réglerait bien de nos
problèmes des deux côtés, d'ailleurs. Si l'activité
présente, dans le domaine des insitutions financières au
Québec, est largement dominée par la question brûlante des
caisses d'entraide économique, c'est, bien sûr, le gouvernement du
Parti québécois qui
en est largement responsable. C'est lui qui, à l'occasion du
débat sur la loi no 40, la première loi sur les caisses
d'entraide économique, déplorait qu'il n'avait pas
bénéficié de sonnettes d'alarmes pour voir venir les
coûts.
On sait maintenant qu'il a négligé, en mars 1978, de
prêter l'oreille au gong retentissant du rapport de la Commission des
valeurs mobilières qui prophétisait pourtant exactement ce qui
s'est produit en juin 1981. Pour ceux qui doutent encore de la
négligence gouvernementale dans ce dossier, nous portons à leur
attention le passage suivant du rapport du Vérificateur
général, à la page 128, sous le titre Régie de
l'assurance-dépôts du Québec, sous-titre, Règles et
normes relatives aux opérations des caisses d'épargne et de
crédit: "La régie ne s'est pas prévalu du pouvoir qui lui
est conféré par le premier alinéa de l'article 44 de la
Loi sur l'assurance-dépôts qui se lit comme suit: "La Régie
peut aussi faire des règlements pour déterminer les règles
et normes relatives à la composition et à la ventilation de
l'actif et du passif des caisses d'épargne et de crédit, à
la liquidité de leur actif, y compris les catégories de
prêts, placements et endettements permis et les normes quantitatives et
qualitatives applicables à chaque catégorie." "De tels
règlements édictant les règles et normes relatives aux
opérations des caisses d'épargne et de crédit pourraient
contribuer à la diminution des risques assurés par la
régie." "Les gestionnaires de la régie, d'accord avec
l'opportunité de pareilles règles et normes, comptent
remédier à cette lacune en recommandant même des
modifications à certaines lois, notamment la Loi sur
l'assurance-dépôts et la Loi sur les caisses d'épargne et
de crédit." Fin de la citation du rapport du Vérificateur
général.
Nous n'acceptons pas le discours du ministre à l'effet qu'il
manquait des outils réglementaires nécessaires dans le dossier
des caisses d'entraide. L'essentiel, c'était le manque de volonté
politique. Nous comptons bien examiner attentivement les mesures
administratives qu'entend prendre le ministre pour surveiller plus efficacement
les caisses d'entraide et pour éviter la répétition des
tristes événements des derniers mois.
Nous demandons également au ministre de nous éclairer sur
le programme législatif que le gouvernement a laissé entrevoir
dans son rapport de 1979 sur l'épargne.
Le ministre a déjà déposé un gros projet de
loi, le projet de loi no 56, sur les coopératives. Celui-ci reste au
feuilleton sans qu'on sache encore quand il sera appelé et si les
intéressés seront invités à témoigner devant
une commission parlementaire.
Un projet de loi couvrant l'ensemble des coopératives
d'épargne et de crédit dont le mouvement Desjardins est
également attendu. Ce dernier semble craindre que ce projet de loi
contienne des dispositions aussi détaillées voire tatillonnes que
la loi 40. Nous comptons poser des questions au ministre à ce sujet.
Le rapport sur l'épargne laissait entrevoir des dispositions
législatives sur les compagnies d'assurances, les compagnies de
fidéicommis, le commerce des valeurs mobilières, etc. Nous
demanderons au ministre de nous éclairer à ce sujet.
Nous voulons également savoir quand le gouvernement
procédera à la troisième étape de la
révision de la Loi des compagnies. Il devient de plus en plus urgent que
le ministre se prononce sur la question de l'hémorragie des institutions
financières et des institutions d'intermédiation en dehors du
Québec.
Récemment le ministre a reçu du Surintendant des
assurances un rapport sur la tarification en assurance automobile au
Québec, rapport qui soulève des questions importantes pour les
automobilistes et les assureurs privés. Nous avons l'intention
d'interroger le ministre sur cela afin de mieux comprendre l'attitude
gouvernementale dans le dossier.
Enfin, nous nous retrouvons aujourd'hui devant une situation
économique périlleuse pour toute institution financière et
coopérative, situation qui exige du gouvernement non pas des
règlements à profusion mais plutôt l'attention politique et
la concertation, non pas de la moralité mais plutôt du
réalisme, non pas des discours mais plutôt de la
disponibilité de la part du ministre à rencontrer les gens du
milieu.
Voilà un défi de taille pour un ministre qui est mesure de
donner toute son énergie à ce domaine critique.
M. Parizeau: Est-ce que le député de Westmount
accepterait que je lui pose une question?
M. French: Absolument, M. le Président.
M. Parizeau: Deux questions.
Considère-t-il le Bureau du Surintendant des assurances à
Ottawa comme étant relativement efficace?
M. French: M. le Président, vu que ma principale source de
renseignements sur ce bureau est le ministre lui-même, je dois lui dire
que j'accepte volontiers son opinion sur cette institution.
M. Parizeau: Je pense que mon prédécesseur comme
ministre des Institutions financières et Coopératives, qui
siège avec nous, serait d'accord que ce n'est pas un bureau
considéré comme inefficace. De qui
relève-t-il à Ottawa, de quel ministre?
M. French: C'est la question qu'on a posée. Il
relève du ministre des Finances du gouvernement du Canada.
M. Parizeau: Fin de mes questions, M. le Président, et de
mon intervention. J'attends maintenant les autres questions de la part de
l'Opposition.
M. French: La deuxième question que je voudrais poser au
ministre, enfin, la première question que je voudrais poser...
Mme Bacon: II veut terminer tôt.
M. French: Oui, je comprends qu'il veuille terminer tôt.
L'ex-ministre des Institutions financières...
M. Parizeau: Comme on dit en Anglais: The defense rests.
M. French: Si le ministre veut faire un échange de style
Perry Mason là-dessus, on veut bien le faire. Je pourrais toujours dire
que c'est "irrelevant and immaterial", etc., mais je ne dirai pas cela parce
que ce n'est pas vrai. Par contre, je ferai remarquer au ministre que, dans une
situation où les finances publiques du Québec sont dans un
état très dangereux, dans une situation où l'on sait que
le ministre est obligé de consacrer la très grande
majorité de son temps au problème des finances publiques, on ne
peut que regretter que les institutions financières et
coopératives passent en deuxième et deviennent, en quelque sorte,
une espèce de "advocation", une espèce de hobby du ministre dans
son temps de loisir, qu'il a de moins en moins, plutôt qu'une occupation
à temps plein. (20 h 30)
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Parizeau: Je ne sais pas exactement si le député
de Westmount parle de moi ou si peut-être, en même temps, il ne
parle pas de mon collègue à Ottawa. Mon collègue à
Ottawa a effectivement à s'occuper d'un déficit qui, à
tous égards et par rapport à n'importe quel critère, est
beaucoup plus élevé que le mien; deux fois, et depuis certaines
choses qui se sont passées récemment à Ottawa,
peut-être trois fois plus élevé que le mien en termes
relatifs. Mon collègue à Ottawa a des problèmes majeurs
avec le taux de change du dollar canadien et j'imagine que cela doit l'occuper
un peu. Parmi ses autres activités parascolaires, il doit aussi
s'occuper de modifications majeures - c'est ce qu'il annonce, en tout cas -
dans les politiques économiques canadiennes. Est-ce que cela rend moins
efficaces la surveillance et le contrôle des institutions
financières à
Ottawa, qui relèvent de lui par le truchement du
surintendant.
M. French: M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Westmount.
M. French: M. le Président, le premier ministre, dans sa
sagesse, a enlevé la responsabilité du Conseil du trésor
au ministre des Finances; ça doit être parce que le fardeau
était trop lourd. Je pense que ce qui s'est passé avec, par
exemple, une loi sur les caisses d'entraide économique démontre
également que les responsabilités conjuguées des
institutions financières et coopératives et celle du
ministère des Finances sont évidemment trop lourdes pour un seul
homme quel qu'il soit.
Je ne voudrais pas mordre à la mouche qui m'a été
offerte par le ministre de discuter les politiques économiques
fédérales, mais souligner tout simplement la frustration de
beaucoup d'intervenants dans le dossier des caisses d'entraide, entre autres de
sa non-disponibilité dans le sens que les choses ont été
réglées tout à fait en dehors de leur propre pouvoir et
leurs propres responsabilités, et que c'est impossible de faire valoir
des optiques qui auraient pu différer la politique du gouvernement dans
ce dossier-là. C'est pour avoir vécu l'expérience de
frustration avec ces gens-là, depuis quelques mois, qui a fait valoir la
critique de l'Opposition envers les institutions financières et
coopératives, et à son caucus de demander qu'un ministre à
temps plein soit nommé pour s'occuper des institutions
financières et coopératives.
Si le ministre veut dire que, sur le plan de la réglementation
des institutions financières, le fédéral a des
problèmes aussi graves, aussi sérieux que les problèmes
des caisses d'entraide économique, on peut peut-être parler d'un
fardeau pareil, mais, le ministre n'arrête pas de me dire comme ça
fonctionne bien au fédéral. Je dois présumer que le
ministre des Finances, au gouvernement fédéral, n'a pas les
mêmes responsabilités et n'a pas les mêmes demandes, en
fait, même s'il a lui-même une responsabilité de jure, de
s'occuper de ce côté du dossier que le ministre
québécois des Finances, Institutions financières et
Coopératives.
M. Jacques Parizeau (réplique)
M. Parizeau: M. le Président, je suis persuadé que
le ministre des Finances à Ottawa a beaucoup de temps d'oisiveté,
mais on reconnaîtra que cela n'a rien à voir. La
responsabilité d'un ministre s'exerce d'autant
plus facilement que le personnel des ministères impliqués
est efficace. Ce que le député de Westmount est en train de dire
ou en train de suggérer, c'est que dans des pays le moindrement
importants, beaucoup plus important que nous, je ne sais pas moi, l'Angleterre
ou les États-Unis, il faudrait 200 ministres. On n'a pas besoin de 200
ministres, dans un gouvernement, mais on a besoin de sous-ministres et de
cadres qui sont efficaces. À cet égard, je ne peux pas me
plaindre, ils le sont. Et dans ce sens, il n'y a aucune espèce de raison
que l'on veuille fractionner comme un melon les responsabilités
ministérielles.
M. French: ...
M. Parizeau: Non, je n'ai pas tout à fait fini,
monsieur.
Prenons la question des caisses d'entraide. Que le député
de Westmount ait éprouvé un certain nombre de frustrations, je le
regrette vivement, mais enfin. La question des caisses d'entraide, du point de
vue de ceux qui sont impliqués, la question est maintenant
réglée. C'était quelque chose de majeur l'affaire des
caisses d'entraide. On peut bien remonter aux responsabilités
jusqu'où on voudra, mais je pense qu'on n'aura jamais vu au
Québec, jamais, un problème financier de cette ampleur, touchant
300 000 personnes, c'est-à-dire pas loin de 8% de tous les adultes au
Québec. C'est rare qu'une situation financière touche autant de
monde. Je n'ai pas besoin de vous dire ce que cela donnerait aux
États-Unis, si on prenait 8% de la population adulte en disant qu'il y a
une crise financière qui les affecte.
Deuxièmement, c'était une crise financière qui
mettait en péril le financement d'un très grand nombre de petites
entreprises en région, dans une situation de récession
économique assez dramatique.
Troisièmement, cela mettait en cause une sorte de concurrence
d'institutions entre des gens qui, à un moment donné, auraient pu
devenir des frères ennemis. Et alors! Cela a maintenant
été approuvé dans des proportions remarquables par les
intéressés. De leur point de vue, leur mouvement est
relancé.
Quatrièmement, est-ce qu'on connaît beaucoup, M. le
Président, d'émissions d'actions ordinaires de 160 000 000 $ dans
notre milieu? À part certaines émissions de sièges
sociaux, enfin, d'entreprises dont le siège social se trouve à
Montréal mais qui ont une envergure pancanadienne, comme Canadian
Pacific Investment, par exemple, est-ce qu'on peut me donner beaucoup
d'exemples d'émissions d'actions de 160 000 000 $? Dans le milieu
canadien-français, je vous le signale, c'est la plus grosse
émission d'actions ordinaires qu'on n'a jamais eue.
Donc, on part d'une crise financière, on aboutit à une
consolidation remarquable du mouvement et à des votes d'appui qui,
à tous égards, sont étonnants. Je rappellerai, par
exemple, qu'à l'occasion du dernier vote 21 caisses ont voté
à plus de 75%. Il y en avait déjà 26 qui avaient
voté à plus de 75%. On viendra dire que le ministre ou le
ministère n'a pas fait son travail, que, au point où nous en
sommes à l'heure actuelle, le résultat ne valait pas
l'énergie qu'on y a mise. On viendra faire état des frustrations
de l'Opposition officielle. Je suis navré des frustrations de
l'Opposition officielle.
M. French: Question de privilège, M. le
Président.
M. Parizeau: Mais, à tous égards...
M. French: Question de privilège, M. le Président.
Vous parlez des frustrations des membres...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Westmount, il n'y a pas de question de privilège... M. le
député de Westmount, s'il vous plaît!
M. French: Oui, c'est vrai, je m'excuse.
Le Président (M. Desbiens): II n'y a pas de question de
privilège en commission...
M. French: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Desbiens): ... cela doit être une
question de règlement.
M. French: Je voulais apporter une correction aux impressions
fausses du ministre. J'ai dit qu'il y avait des frustrations de la part des
épargnants des caisses d'entraide, des frustrations qui restent pour les
raisons que j'invoquerai à la fin de son intervention.
M. Parizeau: Alors, des frustrations de la part des
épargnants. Lors du premier vote, les membres des caisses d'entraide se
sont exprimés à 25%. Au deuxième vote, ce n'était
pas 25%, c'était 36%. Donc, il y a eu davantage de gens. Contrairement
à ce qu'on a dit dans bien des journaux, on sait qu'à l'heure
actuelle la vallée du Saint-Laurent est considérée comme
la vallée des larmes, chérie par l'ancienne liturgie. Ce n'est
pas vrai qu'il y a moins de gens qui ont voté: 36% ont voté au
deuxième vote et 25% au premier.
Deuxièmement, au fur et à mesure qu'on approchait de ce
vote, disons, les trois dernières semaines, a-t-on vu des
réclamations? A-t-on vu beaucoup de déclarations de ces
mouvements qui se disaient frustrés? Cela s'est fait dans un calme
papal. Les dernières semaines ont été magnifiques sur ce
plan, on gazouillait. De quelles frustrations parle-t-on? Où sont, au
cours des semaines qui ont précédé, quand la
deuxième législation a été passée par
l'Assemblée nationale, où sont les protestations? Moi, je ne les
ai pas entendues.
En fait, notre problème, ce soir, est-ce que ce serait, par
hasard, qu'on serait embêté que quelque chose ait
été réglé et bien réglé? Est-ce que
ce serait cela? Je vous pose la question.
Le Président (M. Desbiens): Mme la députée
de Chomedey.
Discussion générale
Mme Bacon: Je veux bien que le ministre s'amuse à nos
dépens, mais je pense qu'on va le ramener dans la réalité.
On n'est pas venu ici pour qu'on se moque royalement de nous. Royalement, vous
aimez bien employer ce mot de l'autre côté de la Chambre.
J'aimerais bien lui rappeler que, quand même, les obligations
à 14%, ce n'est pas à Ottawa, c'est à Québec qu'on
a fait cela. Que, évidemment, le gouvernement fédéral a
sûrement moins emprunté que le gouvernement provincial. Ce n'est
pas au fédéral que Moody's a donné presque des ordres et
non des instructions ou, en tout cas, l'un ou l'autre, d'augmenter les taxes
pour garder sa cote, c'est au gouvernement du Québec qu'il l'a fait.
C'est le ministre du Québec qui a donné des ordres ou des
instructions, je pense que cela ça plaît beaucoup au ministre,
pour augmenter les primes de l'assurance automobile. Je pense qu'il va falloir
prendre un ton un petit peu plus sérieux et qu'on étudie vraiment
les estimations budgétaires du ministère. Sérieusement,
comme l'Opposition et je le pense bien mes collègues et moi avons envie
de le faire. On veut bien que le ministre s'amuse, mais il ne faudrait quand
même pas exagérer.
Si on me permet, M. le Président, à ce moment-ci, de
peut-être nous le ramener à la raison un peu pour qu'on le fasse
d'une façon le plus rationnel possible, et qu'on regarde de très
près ce qui se fait au ministère. Mon collègue de
Westmount a déploré le fait que le ministre est occupé
avec le ministre des Finances et qu'il a plus de difficulté à
s'occuper du ministère des Institutions financières, le ministre
répond en disant qu'il a des fonctionnaires très efficaces. Je ne
doute pas de l'efficacité des fonctionnaires, j'en ai d'ailleurs
profité pendant quelques années, mais cela me surprend de voir
qu'il y a eu autant de changements au niveau des sous-ministres. S'ils
étaient efficaces, je ne comprends pas pourquoi on ne les a pas
gardés.
Est-ce parce que les ministres, évidemment, se sont
succédé, cela je n'en parle pas, mais quand même au niveau
de l'efficacité des sous-ministres, enfin moi je m'interroge
là-dessus et comment se fait-il qu'il y a quand même une
espèce de tripotage dans la Caisse de dépôt? Il faut
regarder ce qui se passe. Il y a de sérieux problèmes,
j'aimerais, ce soir, qu'on en discute sérieusement et qu'on ne s'amuse
pas aux dépends des membres de l'Opposition qui se posent des questions
à propos du ministère. Je pense que c'est le rôle de
l'Opposition et le ministre connaît trop le parlementarisme pour
ridiculiser l'Opposition à ce point-là. Je pense qu'il aura
à répondre aux questions qu'on lui posera et j'aimerais qu'il le
fasse sérieusement, qu'il ne s'amuse pas à nos dépens, ce
soir.
On a des questions à poser, on a quand même fait
l'étude d'une façon sérieuse des estimations
budgétaires du ministère et c'est à des réponses
sérieuses qu'on s'attend de lui ce soir.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que je peux, oui, M. le
ministre.
M. Parizeau: Je suis tout à fait disposé à
examiner toutes ces questions sérieuses, M. le Président. Sauf
que là les obligations à 14%, je ne sais pas, je ne sais pas
à quoi on se réfère. Si on peut m'expliquer davantage, je
saurais de quoi il s'agit. Qu'est-ce que c'est...
Mme Bacon: Je parle en 1981.
M. Parizeau: Pardon?
Mme Bacon: En 1981.
M. Parizeau: C'est quoi cela?
Mme Bacon: N'est-ce pas à ce moment-là, en 1981,
que vous êtes allé chercher un montant de 500 000 000 $ à
14%?
M. Parizeau: M. le Président, nous avons été
obligés. On parle du taux des obligations d'épargne? Le taux des
obligations d'épargne, j'ai été obligé de le
hausser...
Mme Bacon: Vous n'avez pas fait un refinancement à
14%?
M. Parizeau: J'ai été obligé de le remonter
à 19,5% parce que le fédéral payait 19,5%. Ce n'est pas
à 14%, ce n'est pas à 15%, ce n'est pas à 16%, ce n'est
pas à 17%. On dit: On ne veut pas. Ce n'est pas
une question de ridiculiser. Que voulez-vous? Si j'avais pu emprunter
à 14% en 1981, je gazouillerais, je serais en Floride, je n'aurais pas
eu besoin d'augmenter les taxes comme je les ai augmentées en novembre.
C'est 19,5% que j'ai payé parce que le fédéral payait
19,5% sur ses obligations d'épargne. C'est 5,5 points de plus sur un
encours de 1 000 000 000 $. Je ne me moque pas, mais si on veut discuter de ces
choses-là, on va en discuter très précisément. (20
h 45)
Comme je pensais que la question de la dette du gouvernement
fédéral relevait plutôt des Finances que des Institutions
financières, j'ai demandé à un de mes adjoints d'aller
chercher les papiers idoines, mais je peux assurer le député que
sur ce plan, quant à ce qui est inscrit dans nos livres, le fardeau
relatif du service de la dette fédérale est deux fois celui du
Québec. Un instant, M. le Président, on m'a suggéré
de discuter d'obligations à 14%, de la dette fédérale, de
Moody's, des primes d'assurance automobile, des fonctionnaires qui ont
changé et du tripotage dans la Caisse de dépôt. Je vais
passer ces points-là un par un.
J'aurai l'occasion tout à l'heure quand j'aurai les chiffres, de
comparer très précisément les deux dettes - et je prends
un "rain check" là-dessus - le service de la dette du gouvernement
fédéral avec celui du Québec. Vous verrez ce que cela
représente, vous verrez le contraste remarquable entre nous et un
gouvernement fédéral bien plus mal pris que le gouvernement de
Québec, sur le plan de la dette publique. Ce que je citerai à ce
moment, ce ne sont pas des chiffres du gouvernement de Québec, parce que
quand on en présente tout le monde s'imagine que c'est suspect, mais des
chiffres d'un bureau de courtage qui s'appelle Ames-Dominion Securities, dont
les chiffres sont tout à fait remarquables à cet
égard.
Passons à la question des cotes de Moody's.
M. French: C'est le ministre qui a soulevé la question du
gouvernement fédéral.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que vous avez une
question de règlement?
M. French: Oui, j'ai une question de règlement.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Westmount.
M. French: C'est le ministre qui a soulevé la question du
gouvernement fédéral. Je pense qu'il aura tout le loisir
nécessaire pour discuter toutes ces questions en détail lors de
l'étude des crédits du ministère des Finances. Il n'a pas
été invité à discuter ces choses. S'il veut
apporter des soi-disant corrections à ce que la députée de
Chomedey a dit, qu'il le fasse lorsqu'il aura les renseignements
nécessaires. Entre-temps, il a été invité à
discuter de questions concernant le Québec et, surtout, les
crédits de son ministère.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, sur la
question de règlement.
M. Parizeau: On a soulevé la question d'obligations
à 14%, de la dette du gouvernement fédéral par rapport
à la nôtre. Ce n'est pas moi qui ai évoqué cela, les
cotes de Moody's, les primes d'assurance automobile, des fonctionnaires qui ont
changé et du tripotage à la Caisse de dépôt. Oui ou
non?
Mme Bacon: Je vous rappelle à la
réalité.
M. Parizeau: Alors, je parle de cela et si, ensuite, on veut
parler d'autre chose, on parlera d'autre chose.
Mme Bacon: Est-ce que le ministre ne veut pas discuter de ses
crédits ce soir? Il est trop pressé.
M. Parizeau: Je suis tout à fait disposé à
discuter des crédits du ministère tant qu'on voudra. Mais est-ce
qu'on pense un instant qu'on va me lancer une série d'affirmations comme
cela sur la table, en disant: Nous savons que cela n'appartient pas à
vos crédits et, quand vous chercherez à répondre, on vous
arrêtera. Allons doncl
Mme Bacon: II s'amuse, M. le Président.
M. Parizeau: Je ne m'amuse pas. Je les prends dans l'ordre. Il
faut quand même être sérieux. C'est moi qui suis
sérieux là-dessus.
Mme Bacon: Si vous êtes pressé de quitter, il
faudrait peut-être commencer à étudier vos estimations
budgétaires.
M. Parizeau: Oui, mais alors, madame, est-ce que la
députée retire ce qu'elle a dit sur ces choses?
Mme Bacon: Pas du tout. C'est le ministre lui-même qui a
déjà avoué qu'il s'était trompé dans
certains pourcentages, alors je le ramène à l'ordre.
M. Parizeau: Trompé dans certains pourcentages, j'ajoute
cela à la liste.
Mme Bacon: II ne veut pas discuter ses estimations
budgétaires.
M. Parizeau: Ce n'est pas cela. Bien
voyons. Est-ce que la députée de l'Opposition va dire: II
a déjà dit qu'il s'était trompé dans ses
pourcentages et surtout qu'il n'en parle pas? Je n'ai pas d'objections, je vais
tenir la liste. C'est un score pour moi, cela, si on veut me faire sortir, si
on me demande un rapport quelconque sur les crédits des Institutions
financières. Je sais bien que cela n'a aucun rapport avec les
crédits des Institutions financières, mais si on me lance des tas
de choses, vous pensez que je vais prendre cela en disant: Mais certainement,
je n'ai pas de commentaires à faire là-dessus. Comment?
Mme Bacon: On peut parler de la température, si vous
voulez.
M. Parizeau: Mais non. On va parler du troisième point,
c'est-à-dire de Moody's. Sur ce plan, le Québec n'est pas dans
une situation différente de celle de toute une série
d'emprunteurs qui, à l'heure actuelle, voient leur cote
réexaminée par les agences de rating. J'aimerais, puisqu'on
soulève cette question, indiquer que toute une série de
sociétés financières ou de corporations ont
été décotées depuis quelque temps à cause de
la situation économique ambiante. C'est le cas de compagnies aussi peu
connues que Noranda, Cominco, B.C. Forest Product etc. Plusieurs États
américains ont été décotés par les
mêmes agences. Par exemple, l'État de Michigan. Au Québec,
en dépit d'une campagne publicitaire remarquable qui a fait que
l'arrivée des agences de rating était photographiée par
les appareils de télévision - ce que je n'ai jamais vu ailleurs -
la cote a été maintenue. Que veut-on de plus?
Passons maintenant à la question des primes d'assurance
automobile qu'a soulevée le député de Chomedey.
M. French: Je me demande si le ministre serait d'accord qu'on la
laisse dans l'ordre des crédits. Est-ce qu'il serait d'accord sur
cela?
M. Parizeau: Volontiers. M. French: Merci.
M. Parizeau: Passons maintenant au point suivant: Les
fonctionnaires qui ont changé. Je ne sais pas dans quelle mesure les
fonctionnaires ont changé par rapport à l'époque où
la députée de Chomedey était ministre. Tout ce que je peux
dire, c'est que depuis que je suis ministre dans ce ministère, j'ai
hérité de ceux qui y étaient et ils y sont toujours. Dans
ce sens, je ne peux pas me prononcer sur ce qui s'est passé avant moi,
mais simplement noter que ceux que j'ai trouvés quand je suis
arrivé au ministère sont là, et singulièrement
à l'occasion de l'affaire des caisses d'entraide, ils se sont
révélés être d'une remarquable efficacité.
Quant à ce qui s'est passé avant moi, je n'en sais rien.
Tripotage à la caisse de dépôt. Si je comprends
bien, cette accusation revient à l'heure actuelle dans les "bons"
milieux, -bons étant entre guillemets, - depuis déjà
quelque temps. Lorsque la Caisse de dépôt, à la demande de
Domtar, achète 25% des actions pour éviter à Domtar un
sort pire que la mort, c'est-à-dire le contrôle par MacMillan
Bloedel, dans les "bons" milieux, ce n'est pas du tripotage. Lorsque la Caisse
de dépôt et la SGF disent: Mais pour être capable d'orienter
les investissements de Domtar, ce ne serait peut-être pas mauvais qu'on
achète le contrôle de Domtar. Ah! bien là, dans les "bons"
milieux - toujours entre guillemets, - c'est mauvais. Il y a des choses qui
doivent être dites, quant à ce tripotage. Il y a des tripotages
utiles en certains milieux, par exemple empêcher Campeau de prendre le
contrôle de Trustco.
M. French: M. le Président, une question de
règlement.
M. Parizeau: On me parle de tripotage à la Caisse de
dépôt.
M. French: J'ai entendu le discours du ministre au sujet de
Campeau souvent.
M. Parizeau: Oui, oui bien sûr.
M. French: C'est toujours amusant, mais on a tout de même
des crédits à passer ce soir. D'ailleurs je m'engage à le
laisser parler de la Caisse de dépôt plus tard dans la
soirée. Je m'engage à lui donner l'occasion de...
M. Parizeau: Mais c'est une accusation très grave. M. le
Président, on ne se rend pas compte. Je suis le ministre responsable
devant l'Assemblée nationale non pas des opérations de la Caisse
de dépôt, puisqu'elle est parfaitement autonome sur ce plan, mais
c'est moi qui dois répondre à l'Assemblée nationale du
fonctionnement de la caisse. On utilise l'expression "tripotage" de la Caisse
de dépôt. C'est assez sérieux, un tripotage. Je dois
laisser passer cela? Parce que le ministre des Finances, c'est un bon gars, il
se laisse dire n'importe quoi, comme accusation. Tripotage, c'est assez
sérieux comme expression. Oui, oui, c'est le mot qui a été
utilisé.
Mme Bacon: Vous dites: Le ministre des Finances, c'est un bon
gars. Ce n'est pas ce que dit la population, en ce moment.
M. Parizeau: Mais si, mais si. Elle s'attendait à bien
pire, madame. Elle trouve le gars bon parce qu'elle s'attendait à
bien
pire que cela. S'il y a une façon de résumer le budget,
c'est de dire "ouf".
Mme Bacon: C'est parce qu'il avait tout fait avant.
M. Parizeau: Alors là, on m'accuse de tripotage. Je ne
peux pas prendre cela autrement que comme une accusation. Le mot "tripotage" a
un sens bien précis. Tripotage, cela veut dire que le ministre viole la
loi de la caisse qui indique, à l'article 44, qu'à part de donner
des renseignements, il n'a pas le pouvoir de directives à l'égard
de la caisse et il ne doit pas diriger ses activités. On dit: II a
tripoté la caisse et il n'en parle surtout pas. On peut l'accuser de
cela, mais il ne faut pas qu'il réponde. J'emploie le mot "tripotage"
comme assez sérieux. Je n'aime pas cela. Je ne pense pas jamais avoir
accusé quelqu'un de tripoter. Je ne vois pas le diable pourquoi on
m'accuserait de cela.
Ce que je suis en train de dire essentiellement, c'est qu'il y a des
activités de la caisse qui, quand elles sont faites sur le plan de
l'intérêt public du Québec mais sans l'accord des bons
milieux, sont considérées comme du tripotage, mais, lorsque des
activités analogues sont faites par les bons milieux, là, ce
n'est pas du tripotage. Je remercie la députée de Chomedey de me
donner enfin l'occasion de dire cela quand même ce ne serait que pour
l'enregistrement de nos débats. Je n'accepterai jamais qu'une
activité de prise de contrôle par la Caisse de dépôt
avec des intérêts publics comme la SGF ou des
intérêts privés comme Brascan, soit
considérée comme des manoeuvres de tripotage lorsque d'autres
acitvités du même genre faites dans les milieux dits "bons" sont
considérées comme des manoeuvres comment dire - correspondant
éminemment à l'idéal capitaliste. Il faut qu'à un
moment donné on démystifie ces choses.
S'il s'agit, dans cette accusation de tripotage, du fait que le
gouvernement du Québec emprunte à la Caisse de dépôt
aux mêmes conditions que le Heritage Fund de l'Alberta prête au
Québec - je l'ai entendu aussi assez souvent - je dirais vraiment que
dans la mesure où le Heritage Fund de l'Alberta est prêt à
nous prêter des fonds à un certain taux, il serait quand
même un peu ridicule de penser qu'un organisme public du gouvernement du
Québec prête plus cher au gouvernement du Québec ou
à Hydro-Québec. Est-ce qu'on va se tremper dans certains
pourcentages? J'aurais besoin que la députée de Chomedey m'en
dise davantage avant de répondre à cela. Voilà ce que
j'avais à dire quant à l'intervention de la députée
de Chomedey.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que je peux appeler le
programme 1? M. Parizeau: Volontiers.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que vous voulez
discuter de l'ensemble des éléments?
Mme la députée de Chomedey.
Mme Bacon: J'aime tellement entendre parler le ministre que je
vais continuer à lui poser des questions.
M. Parizeau: Je les note, M. le Président.
Mme Bacon:Si vous répondez pendant longtemps, cela va
durer longtemps et vous allez manquer vos rendez-vous.
Concernant les coopératives forestières...
M. French: M. le Président, une question de
procédure. On va discuter des éléments dans l'ordre que
les députés les soulèvent et on va adopter le programme 1
entièrement à la fin.
Mme Bacon: II prend bonne note des questions. Il pourrait
répondre à mesure si...
M. French: C'est-à-dire que si l'on commence à
l'élément 3, on ne s'engage pas à poser des questions, si
elles sont plus pertinentes, à l'élément 1 ou 2, au point
de vue des éléments du programme 1.
Le Président (M. Desbiens): Le programme globalement?
M. Parizeau: On prend le programme globalement et on
l'étudie, ensuite on... D'accord.
Contrôle, surveillance et développement
des entreprises
Mme Bacon: Le ministre est tellement volubile, M. le
Président, qu'il va répondre quand même. On sait qu'il y a
eu le sommet économique sur la coopération. Évidemment, on
y a discuté de différents sujets. A la dernière commission
parlementaire sur les estimations budgétaires, on avait posé
certaines questions concernant ce sommet économique sur les
coopératives. Au niveau des coopératives forestières,
j'aimerais qu'on discute de l'administration des forêts domaniales. On
n'a pas l'impression qu'il y a eu des suites à l'engagement de l'ancien
ministre Joron de discuter avec les autres ministres pour faire valoir le sens
coopératif en ce qui touche ce domaine. Est-ce que le ministre peut me
donner davantage d'informations à ce sujet? Est-ce qu'il y a
des choses qui ont été faites récemment? Est-ce
qu'il a discuté avec d'autres ministres? Est-ce qu'il a pris la
relève de son ancien collègue?
M. Parizeau: M. le Président, mon collègue, M.
Marois, constatant qu'effectivement il fallait essayer de développer
cela davantage dans le sens de ce que dit la députée de Chomedey,
vient de mettre sur pied un comité interministériel pour essayer
de faire avancer les choses. Mais je reconnaîtrais avec la
députée de Chomedey que, jusqu'à maintenant, enfin depuis
le sommet, il n'y a pas eu sur ce plan d'avancement particulièrement
spectaculaire. Là, il est possible que, grâce à ce
comité-là, on puisse avancer davantage. (21 heures)
Mme Bacon: Est-ce qu'il siège présentement ce
comité?
M. Parizeau: Oui.
Mme Bacon: Si on s'en va du côté de l'agriculture,
j'aimerais demander au ministre s'il est d'accord avec le ministre de
l'Agriculture lorsque celui-ci traite les coopératives
fédérées de monopolisateur quand on pense à une
intégration verticale, par exemple, en ce qui touche la mise en
marché du porc.
M. Parizeau: Le problème du ministre de l'Agriculture,
à cet égard, est un arbitrage extrêmement compliqué.
Oui, c'est vrai que la coopérative fédérée,
à certains égards, est un intégrateur et il est vrai que
le ministère de l'Agriculture cherche à mettre en valeur la
production des indépendants. Pour lui, comme pour moi d'ailleurs, je
suis tout à fait... D'une part, je me rends compte de la
difficulté de la manoeuvre qu'il cherche à faire et, d'autre
part, le genre d'arbitrage qu'il fait me paraît être
approprié. Il faut, d'une part, éviter de défaire ce
qu'une très grande coopérative, comme la coopérative
fédérée a fait, puis d'autre part ne pas laisser
l'indépendant aller à vau-l'eau. Cela représente des
arbitrages compliqués, délicats, mais effectivement, moi, je suis
assez d'accord avec l'orientation et l'arbitrage auxquels M. Garon s'est
adonné jusqu'à maintenant à ce sujet.
Mme Bacon: Est-ce qu'au niveau des deux ministères, que ce
soit au niveau des ministres ou au niveau des sous-ministres, à ce
sujet-là, est-ce que ce sont des rencontres qui pourraient amener des
discussions pour trouver certaines solutions ou si, quand on parle d'arbitrage,
je comprends que le ministre peut être d'accord avec son collègue,
est-ce que ça se fait au niveau de la rencontre ou c'est tout simplement
une opinion qu'il émet ici, ce soir?
M. Parizeau: Ah non! il y a eu plusieurs rapports sur le
ministère de l'Agriculture là-dessus qui, d'une part, ont
été discutés entre le ministre de l'Agriculture et moi,
mais, d'autre part, sont allés à plusieurs reprises au Conseil
des ministres; c'est une chose qui s'est discutée à ma
connaissance au moins trois fois au Conseil des ministres.
Mme Bacon: J'aimerais qu'on s'en aille maintenant dans le domaine
de l'alimentation. Est-ce qu'on a l'intention de venir en aide à la
Fédération des magasins Coop qui accuse de grands
déficits. On parle de 6 000 000 $, 7 000 000 $, ce qui amènerait
des faillites de magasins Cooprix? Est-ce que le ministre a été
saisi de ce problème-là?
M. Parizeau: M. le Président, non seulement j'ai
été saisi de cela, mais j'ai eu l'occasion d'en discuter à
plusieurs reprises, d'une part avec, bien sûr, les gens du
ministère, d'autre part avec les banquiers, et j'ai eu l'occasion de
suivre d'assez près ce que fait, à l'heure actuelle, dans ce
domaine, M. Desmeules qui, comme associé senior de Martin Chabot, joue
maintenant, dans le programme de rectifications de la Fédération
des magasins Coop, un rôle important. J'ai personnellement la plus grande
confiance dans les capacités de M. Desmeules. Je l'ai vu à
l'oeuvre lorsqu'il était président de la Société
des alcools lorsque la Société des alcools relevait de moi, et
effectivement je pense que la Fédération des magasins Coop a
besoin d'un redressement n'excluant pas d'ailleurs des opérations de
chirurgie majeures.
Il est clair que beaucoup de gens sont inquiets. Il est clair, d'autre
part, qu'il est embêtant - c'est plus qu'embêtant c'est un
euphémisme que je fais là - de penser que certains magasins qui
sont bien gérés, qui se débrouillent fort bien, qui font
de l'argent, voient leur rentabilité et leur expansion mises en
péril par les acquisitions des expansions récentes qui, elles,
sont beaucoup moins rentables quand elles ne sont pas carrément
déficitaires. Sur ce plan, il y a une opération de remise en
ordre de la Fédération des magasins Coop, non seulement
nécessaire, mais très urgente.
Dans la mesure où M. Desmeules prépare l'opération
de redressement à l'heure actuelle, cela ne sert à rien de
hâter ceux qui, comme lui, travaillent, mais il est évident que,
d'ici à relativement peu de temps - je pense que le temps se mesure en
termes de semaines - il va falloir qu'un projet très précis de
rectification soit non seulement accepté par la Fédération
des magasins
Coop, mais discuté aussi par ceux qui les financent. Je pense en
particulier aux banques.
Quant à savoir jusqu'où le gouvernement s'impliquerait
là-dedans, là, c'est davantage comme ministre des Finances que
comme ministre des Institutions financières que je réagis. Comme
ministre des Finances, je suis toujours appelé, en dernier, en fin de
piste et quand tout va très mal, à voir si je dois intervenir et
je me garde effectivement ce rôle simplement en bout de course. Il faut
d'abord voir ce qui peut être rectifié avec les moyens du bord
avant qu'on voie comment une institution comme celle-là passe à
la caisse.
Mme Bacon: Quelle est l'intervention que le ministre des
Institutions financières peut faire? Surveiller seulement? Il a un
rôle de surveillance?
M. Parizeau: Oui, là-dedans, c'est essentiellement un
rôle de surveillance. Le ministre des Institutions financières
doit, à ce moment-là, si le rôle de surveillance
révèle qu'il faut absolument faire quelque chose, en parler
à son collègue le ministre des Finances, comme dirait le
député de Westmount.
Mme Bacon: Est-ce que cela va aller aussi loin...
M. Parizeau: Le fait que ce soit la même personne qui
occupe les deux postes dans ce cas, cela aide.
Mme Bacon: Le dialogue est plus facile. M. Parizeau: Oui, c'est
plus facile.
Mme Bacon: Est-ce que cela va aller aussi loin...
M. French: Vous ne parlez pas du Conseil du trésor, par
exemple?
Mme Bacon: Ah non! Le ministre parle de chirurgie majeure. Je
pense que ce sont les termes qu'il a employés. Est-ce qu'on va aussi
loin que de laisser aller les magasins Cooprix? Est-ce que c'est là
qu'on fait la chirurgie majeure?
M. Parizeau: Je n'en serais pas surpris, mais cela ne pourrait
n'être qu'une partie de l'opération. Cela m'embête un peu de
commencer à faire état publiquement de certaines idées qui
sont en train d'être explorées, mais qui ne sont pas
testées complètement, mais cela peut aller assez loin.
Mme Bacon: Le ministre a parlé tantôt, M. le
Président, de la Société de développement
coopératif. Je m'inquiète quant à son avenir. On parle de
définition de rôles. J'ai l'impression qu'on fait une remise en
question en ce moment de la Société de développement
coopératif. Cela m'inquiète un peu quant à l'avenir et au
rôle qu'on veut faire jouer à la Société de
développement coopératif.
Le ministre considérerait-il comme acceptable le fameux plan de
refinancement - on a parlé tantôt de plans qui ont
été soumis au ministre - qui lui a été soumis ou
s'il remet cela aussi en question? A-t-il refusé ce plan - je pense que
cela concerne des fonds supplémentaires à la
société - ou l'a-t-il accepté?
M. Parizeau: Non, M. le Président, j'ai remis cela en
cause. Pour poursuivre une idée qui en un certain sens
m'intéresse davantage à cet égard et qui est celle
d'essayer de transformer la Société de développement
coopératif sur le plan de son financement central et sur le plan de la
nature de ses interventions, de la transformer dans le sens de la
Société de développement industriel, de faire en sorte que
la Société de développement coopératif joue
à l'égard des coopératives un peu le rôle de la SDI
à l'égard d'entreprises non coopératives,
c'est-à-dire qu'elle devrait être en mesure d'emprunter ses fonds
prêtables et non pas de s'accrocher au fonds consolidé du revenu
pour la majeure partie de ses besoins, étant entendu cependant qu'elle
devrait être aussi en mesure de concéder, par exemple -tout cela
reste encore probablement un peu hypothétique, mais cela indique le
genre d'intérêt que je peux avoir - de fournir ce genre de rabais
de taux d'intérêt ou d'équité, encore que le mot
"équité", quand on parle de coopératives, a un sens bien
spécial, que la SID est en mesure de fournir, cela aurait, je pense,
l'avantage, d'une part, d'accroître la possibilité d'intervention
de la Société de développement coopératif et,
d'autre part, d'en réduire ses appels au fonds consolidé du
revenu.
Alors, cette idée, j'ai eu l'occasion de l'exprimer à
quelques reprises et j'ai demandé qu'on l'examine davantage non pas
parce que, dans mon esprit, la Société de développement
coopératif doit jouer un rôle moins grand dans l'avenir, au
contraire, cela pourrait l'amener à jouer un rôle plus grand, si
on parle d'interventions financières véritables, mais
peut-être dans un cadre assez différent du rôle qu'elle a
joué jusqu'à maintenant. Alors, j'ai eu l'occasion de discuter de
cette question avec les autorités de la Société de
développement coopératif. Le dossier est loin d'être
fermé. Je ne suis d'aucune façon engagé dans une voie
plutôt qu'une autre, mais celle que je viens d'exprimer m'apparaît
être suffisamment intéressante pour qu'on en poursuive
l'examen
et pour qu'on voie dans quelle mesure on pourrait s'orienter dans cette
voie.
Mme Bacon: La société a quand même soumis des
plans au ministre, je pense, c'est ce qu'il a dit tout à l'heure. Est-ce
que ces plans-là ne lui étaient pas acceptables? Le ministre
veut-il aller plus loin dans la façon de trouver un plan de
refinancement? Est-ce ce qu'il me dit?
M. Parizeau: Ce que je veux dire, M. le Président, c'est
qu'il est tout à fait normal que les sociétés
d'État, ou les sociétés qui sont analogues aux
sociétés d'État, même si elles ont un conseil
d'administration qui, comme la SDC, représente tout le mouvement
coopératif, il est tout à fait normal que pour des besoins
additionnels de fonds ces institutions d'État ou assimilées
s'adressent au fonds consolidé du revenu et disent: Nous avons besoin de
100 000 000 $ pour les trois prochaines années, crachez.
C'est le rôle du ministre des Finances, à cet égard,
qui est actionnaire de la plupart des sociétés d'État et
qui, s'il n'est pas actionnaire, comme dans le cas de la Société
de développement coopératif, y fait des avances, de trouver des
moyens qui permettent d'aller aussi loin ou plus loin et qui, sur le plan du
trésor public, coûtent moins cher.
C'est un autre des avantages, contrairement à ce que disait le
député de Westmount, d'avoir les deux postes dans les mêmes
mains. Cela permet, d'une part, de chercher à réaliser les
objectifs qu'on veut aux institutions financières et, d'autre part, de
faire cela au moindre coût possible pour les contribuables. Ce qui est
l'objectif normal du ministre des Finances.
Mme Bacon: À ce que je vois, le ministre des Institutions
Financières tient le ministre des Finances fort occupé.
M. Parizeau: Et vice versa.
Mme Bacon: M. le Président, j'aimerais que nous
discutions, dans le cadre de la Société de développement
coopératif, de l'habitation. On en a parlé un peu tout à
l'heure, est-ce que le ministre envisage, soit dans l'avenir immédiat ou
à longue échéance, de nouvelles coopératives
d'habitation?
M. Parizeau: Je pense que c'est tout à fait
inévitable qu'il y en ait de plus en plus, dans la mesure où les
gens découvrent un peu d'eux-mêmes, en un certain sens, et
à cause de beaucoup d'efforts d'éducation dans le milieu, non pas
seulement de l'utilité de très grandes coopératives
d'habitation, mais de la coopérative d'habitation pour un petit nombre
de gens qui occupent le même immeuble. Ce qu'on voit apparaître
à l'heure actuelle, ce sont, et de plus en plus, des coopératives
d'habitation avec un tout petit nombre de membres, 6, 8, 10, 12. L'impression
que j'ai, c'est qu'on verra beaucoup plus de cela avant qu'on en voie moins.
C'est manifestement une formule qui se répand dans le public et qui est
très bonne, à maints égards.
Mme Bacon: Vous ne mettrez pas de limite?
M. Parizeau: Ah! bien non, pourquoi?
Mme Bacon: Est-ce qu'on a prévu aussi des
fédérations de coopératives, de nouvelles
fédérations de coopératives?
M. Parizeau: Je ne crois pas. J'essaie de me souvenir, je ne
pense pas qu'il y ait eu de demandes récentes...
Mme Bacon: Au niveau de l'habitation.
M. Parizeau: ... de fédérations. Pas que je sache.
Ah! un instant. Je vais aller vérifier, M. le Président, mais il
ne me semble pas qu'on ait eu des demandes récentes de
fédérations.
Je m'excuse, M. le Président, il me semblait que j'avais de
vagues souvenirs là-dessus, on me dit qu'il y a deux demandes de
fédérations. L'une sur l'île de Montréal, l'autre
sur la rive sud actuellement. (21 h 15)
Mme Bacon: D'accord. On pense à un contrôle
financier de coopératives. Est-ce que le ministre envisage une certaine
aide que son ministère pourrait apporter, disons, à de nouvelles
fédérations ou à de nouvelles coopératives? Est-ce
qu'on s'arrête à cela? Est-ce qu'il y a des préoccupations
majeures ou mineures chez le ministre concernant ces nouvelles
coopératives?
M. Parizeau: II est clair que le service des
coopératives... C'est dans l'habitation à l'heure actuelle, c'est
tellement populaire. Mais cela a été une préoccupation de
ceux qui, au ministère, cherchent à développer des
coopératives de mettre l'accent - et je crois qu'ils ont
fondamentalement raison - non pas seulement sur les ressources
financières de la Société de développement
coopératif, mais sur un certain effort d'éducation du public qui
veut s'engager dans des coopératives et bien sûr,
éventuellement, dans la mise sur pied de fédérations.
Constamment, on me remet sous le nez cette nécessité, à
savoir que ce n'est pas seulement une question d'aide financière, mais
une question de préparation des esprits, d'éducation, d'aide
technique et, à cet égard, je dois dire que le service des
coopératives du ministère a été remarquablement
actif depuis un certain
nombre d'années. Mais je tiens à reconnaître cet
accent que, constamment, ils mettent, à savoir qu'une
coopérative, c'est plus que simplement des gens qui à un moment
donné décident de mettre de l'argent ensemble et qui viennent
chercher possiblement une aide financière à la
Société de développement coopératif. Il y a toute
une question d'éducation; si elle n'est pas faite, la coopérative
risque de tomber au bout d'un certain temps ou de mal s'orienter ou de se
casser la figure.
Mme Bacon: II y a des problèmes au niveau de la
Société canadienne d'hypothèques et de logement. Il y a
des problèmes importants avec les coopératives. Je ne sais pas si
c'est dans les relations entre les deux ou au niveau d'une vision des choses.
Est-ce que le ministre est conscient que ces problèmes existent?
M. Parizeau: Je m'excuse, de quels problèmes parle-t-on
spécifiquement?
Mme Bacon: II y a des problèmes importants avec les
coopératives et la Société canadienne d'hypothèques
et de logement, la SCHL.
M. Parizeau: Ah! la société centrale!
Mme Bacon: Est-ce qu'il y a des problèmes qui ont
été portés à la connaissance du ministre? Est-ce
que le ministre a eu à trancher peut-être dans certaines
décisions entre les coopératives et la Société
canadienne d'hypothèques et de logement?
M. Parizeau: Les problèmes sont de deux ordres, au fond.
Il y a une société centrale qui veut se débarrasser de
logements et cela, c'est un problème pour la Société
d'habitation du Québec ou la Société de
développement coopératif. La société centrale met
en vente, parfois à des prix très avantageux, des logements en
disant: On s'en débarrasse. Ils en vendent dans le privé, bien
sûr. La Société d'habitation du Québec en a
acheté un certain nombre; la Société de
développement coopératif aussi. Il arrive un moment, cependant,
où non pas le ministre des Institutions financières, comme dirait
le député de Westmount, mais le ministre des Finances doit se
poser la question à savoir jusqu'où on sort la
Société canadienne d'hypothèques et de logement des
investissements qu'elle a déjà faits.
Je comprends que certaines ventes sont très avantageuses,
indiscutablement, sur le plan du prix, mais il y a quand même une limite.
C'est beau, c'est grand, c'est généreux, le fonds
consolidé du revenu, mais où va-t-on? C'est le plan
financier.
Il y a, d'autre part, le plan de l'occupation de cela, de l'utilisation
qu'on fait des locaux, des gens qui vont occuper ces locaux, des nouvelles
conditions qui leur sont faites, de la constitution de coopératives
à l'intérieur de ces logements, parce que ce n'est pas tout
d'hériter d'un logement, de l'acheter mais, une fois qu'on l'a
acheté et qu'il y a des gens dedans, cela n'en fait pas des
coopérateurs.
Mme Bacon: Est-ce que vous parlez du droit d'occupation?
M. Parizeau: Non, non. Du processus, comment dit-on?
Mme Bacon: D'accord.
M. Parizeau: II y a un barbarisme sur cela: la
coopératisation. Vous acquérez un immeuble de la
Société centrale d'hypothèques et de logement et
peut-être à des conditions extraordinairement favorables où
ils vont s'occuper du financement, des rénovations, tout ce qu'on
voudra. Il y a des gens dans cet immeuble. Comment fait-on pour faire d'eux des
coopérateurs? Ce n'est pas évident. Il y en a qui acceptent et il
y en a d'autres qui n'acceptent pas. À un moment donné, on se
trouve pris. J'allais dire: On remplace un tôlier par un autre pour
utiliser une expression vulgaire. Ce n'est plus la Société
canadienne d'hypothèques et de logement qui est en charge, c'est nous,
mais on n'a pas plus de coopératives à cause de cela.
Effectivement, cela crée un certain nombre de problèmes pour
lesquels, je dois dire, on n'a pas encore trouvé de solution. C'est
très joli, si vous héritez de 40 personnes dans un logement, vous
pouvez les exciter pour les amener à devenir des coopérateurs,
mais s'ils ne veulent pas ils ne veulent pas. On ne va tout de même pas
les expulser parce qu'ils n'ont pas la fibre coopérative. Je sais bien,
il y a des problèmes sur ce plan.
Mme Bacon: Ma dernière question concerne la Loi sur
l'épargne et le crédit. Je sais qu'on peut en discuter
tantôt, mais cela concerne les coopératives. Je vais l'ajouter
tout de suite.
Le ministre a-t-il l'intention d'amender cette loi pour élargir
le pouvoir de placement des coopératives?
M. Parizeau: Non. Je pense que je peux dire une chose. La phase
de l'élargissement continuel des pouvoirs de placement des
coopératives d'épargne ou de crédit au Québec,
comme si c'était une vertu en soi, je pense qu'elle est
terminée.
Avec les caisses d'entraide, on est arrivé à peu
près au bout de l'élargissement qui faisait que dans les
réserves, le plus légalement du monde, on pouvait mettre les
magasins Paquet ou bien le mont Tremblant. Ce n'est plus du tout comme
cela que ceci doit se situer. Il va falloir... Cela existe déjà
pour les sociétés d'entraide, grâce aux lois un peu
frustrantes que nous avons adoptées, il y a maintenant quelque chose qui
va s'appeler un coefficient de liquidité. Effectivement, il faudra bien
que dans nos institutions financières comme dans toutes celles de pays
qui ne sont pas des républiques de bananes, il y ait une
définition précise de ce qu'est un coefficient de
liquidité.
On pourrait discuter du pourcentage, mais cela n'est pas un
élargissement dont je parle. Il faut bien se comprendre, c'est une
restructuration des actifs. On ne peut pas parler d'élargissement des
pouvoirs de placement quand on dit à une institution financière:
Vous aurez X pour cent de vos dépôts ou de votre passif en
prêts au jour le jour, monnaie dans les tiroirs, compte en banque, bons
du trésor de moins de 180 jours. Cela, ce n'est pas un
élargissement de pouvoir, mais il est temps que cela se fasse.
L'idée d'élargir les pouvoirs de placement dans le sens d'un
laxisme constamment de plus en plus grand, je m'excuse, mais je ne peux plus le
prendre. Cela me paraît, au point où nous en sommes, rendu
contraire à l'intérêt public.
Évidemment, on part de loin. Je reconnais volontiers que dans les
années 1960 quand le Mouvement des caisses populaires Desjardins, par
exemple, n'avait pas du tout le droit d'acheter des actions et a dû
acheter le contrôle de Fiducie du Québec en dépit de cette
interdiction par des moyens que quinze ans plus tard je ne jugerai pas. Il
était normal de penser, à cette époque, qu'on
élargisse les pouvoirs de placement. On reconnaîtra que depuis
quinze ans - on me passera une expression vulgaire - les pouvoirs de placement
on les a élargis sur un joyeux temps. Là, c'est bien plus une
restructuration des postes du bilan qu'un élargissement des pouvoirs de
placement.
Néanmoins, il y a une aide qu'il faut apporter à certains
types de placement par les coopératives d'épargne et de
crédit. Par exemple, dans la mesure où elles s'engagent comme
elles le font depuis quelques années de plus en plus dans le prêt
industriel et commercial il est absurde de ne pas leur donner
l'équivalent de l'article 88 de la Loi sur les banques pour garantir
certains types de prêts à même les inventaires des
entreprises. Il y a un projet de loi qui a été
déposé avant hier, à l'Assemblée nationale, qui va
régler cette question. Je ne prends pas cela comme un
élargissement des pouvoirs de placement des coopératives
d'épargne et de crédit, mais comme des garanties normales qu'on
doit leur octroyer, et que, finalement, on va leur octroyer. Ce n'est pas
là un élargissement de pouvoirs, ils font déjà du
crédit industriel et commercial, sauf qu'ils sont moins garantis que les
banques à charte et cela, il n'y a aucune raison pour que ce soit le
cas. Donc, en résumé, je ne prends plus la question de
l'élargissement systématique comme la vertu et la
maternité. À un moment donné, on peut bien constater qu'il
faut élargir certains pouvoirs, mais ce sera traité ad hoc, un
par un, au mérite. Ce qui s'en vient bien plus que cela, c'est une sorte
de restructuration des actifs où l'on dit: Voici quelles devraient
être les normes qui régissent l'actif et le passif. Dans ce sens,
c'est très différent de l'esprit qu'on a connu depuis 15 ans.
Mme Bacon: Quand le ministre mentionne la restructuration des
actifs, est-ce qu'il a l'intention de demander qu'on ait des montants
supplémentaires au niveau des réserves, par exemple, ou capital
social ou...?
M. Parizeau: Non, je ne voudrais surtout pas...
Mme Bacon: II ne va pas jusque-là.
M. Parizeau: Non, ce que je voudrais surtout, c'est que les mots
aient un sens plus précis. "Réserve" ne veut rien dire si l'on
peut mettre dans les réserves les magasins Paquet. Ce ne sont pas des
réserves, c'est se moquer des gens, d'ailleurs. J'aime mieux avoir, dans
ce sens, des expressions plus précises où l'on parlera
peut-être de coefficient de liquidité et de réserve
secondaire et de choses comme celles-là, mais qui auront, sur le plan
juridique, un sens très précis. Cela est un très gros
travail. Je ne me fais aucune espèce d'illusion. Cela fait
déjà pas mal de temps que le ministère est en train
d'examiner cela. J'aurais voulu, si la question des caisses d'entraide avait pu
avancer plus rapidement, être en mesure, avant le 21 juin, de
déposer un projet de loi et de laisser pendant quelques mois tous les
intéressés en discuter quitte à avoir des commissions
parlementaires. Cela va être reporté de quelques mois, mais cela
va venir à un moment donné, sauf qu'il va falloir prendre tout le
temps nécessaire pour que non seulement les consultations se fassent,
mais que toutes les représentations puissent être entendues. Quand
on prend un virage comme celui-là, l'important c'est de savoir ce qu'on
veut faire mais, d'autre part, d'être quand même en mesure
d'écouter les représentations qui sont faites par tous les
intéressés et d'avoir à trancher à un moment
donné. Je ne suis pas pressé en termes de semaines ou en termes
de trois mois, mais il est important que cela se fasse, je pense, pour la
santé simplement du système financier
québécois.
Mme Bacon: Vous parlez d'un terme de trois mois, est-ce qu'on
peut penser que cela peut être fait à l'automne?
M. Parizeau: Oui.
M. French: II pourrait y avoir une commission parlementaire
à l'automne?
M. Parizeau: Ah oui! bien sûr. Mme Bacon: Tout le
bazar.
M. Parizeau: Non, non, le grand show, ce sera le...
Mme Bacon: Avec le ministre, je ne suis pas inquiète.
M. Parizeau: Je ne suis pas le seul à appartenir au
show-business.
Mme Bacon: Tous les politiciens d'ailleurs.
M. Parizeau: II y a beaucoup de gens qui ne le sont pas.
Mme Bacon: D'accord, cela va.
M. French: M. le Président, pour revenir brièvement
aux coopératives, le ministre a déposé le projet de loi no
56. Pourrait-il parler dans les mêmes termes qu'il a utilisés
quant au projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit, de
ses plans pour le projet de loi no 56? Commission parlementaire,
échéancier, lequel a la priorité entre les deux? La
coopérative, je dois présumer.
M. Parizeau: Non, simplement, parce que le projet de loi sur les
coopératives est prêt et a été déposé
et, maintenant, c'est bien plus une question de chronologie que d'ordre
de...
M. French: Je ne voudrais dire plus que cela, priorité
dans le temps.
M. Parizeau: Non, je voudrais aller un peu plus loin. Dans le cas
de la Loi sur les coopératives et les coopératives agricoles,
cela fait quand même pas mal de temps qu'il est en préparation;
cela a été préparé avant que je devienne ministre
quant à l'essentiel. D'autre part, il y a eu beaucoup de conversations
avec tous les groupes intéressés - je pense ici, en particulier,
à certains pouvoirs des coopératives agricoles. Cela a
donné lieu en collaboration aussi bien avec tous les
intéressés, y compris la coopérative
fédérée et le ministère de l'Agriculture, à
des arbitrages, dans certains cas, un peu délicats, mais qui,
finalement, ont été faits et qui ne créent pas, je pense,
à l'heure actuelle, compte tenu des échos que nous avons eus
depuis que nous avons déposé le projet de loi, parmi les
principaux groupes intéressés, des difficultés
particulières. Sauf erreur, aucun de ces groupes importants n'a
demandé d'être entendu en commission parlementaire. Là
où j'ai demandé au leader du gouvernement d'examiner cela d'un
peu plus près, c'est que nous avons reçu quelques demandes de
groupes, essentiellement je pense, de consommateurs, de petites
coopératives de consommation et de quelques groupes d'habitation qui
aimeraient faire des représentations. Le problème consiste
essentiellement à savoir si on leur ouvre, à ceux qui se sont
manifestés, une demi-journée ou une journée de commission
parlementaire, pour ensuite passer à l'examen du projet de loi. Une
chose est claire, je pense, depuis qu'elle a été
déposée, c'est que les associations coopératives
substantielles sont d'accord avec ce qu'il y a là, elles n'ont pas
demandé de commission parlementaire, les députés voudront
peut-être voter la loi le plus rapidement possible. (21 h 30)
M. French: Alors, possibilité de commission parlementaire
ou de mini-commission parlementaire?
M. Parizeau: Selon les demandes. M. French: Pas de gros
show.
M. Parizeau: Ah non! ce n'est pas nécessaire, c'est
déjà fait.
M. French: Toujours dans le programme 1, la troisième
phase de la Loi sur les compagnies devient une espèce de "perennial" ici
en commission parlementaire, est-ce qu'on en parle toujours?
M. Parizeau: Le travail est en voie de préparation pour
l'automne, mais, mon problème, c'est que le menu dont j'ai parlé
au début de cette séance est lourd; enfin, l'important, ce serait
qu'à l'automne et à l'interne on soit prêt, mais je ne
donnerai aucune espèce d'assurance que ce serait déposé ou
discuté à l'automne; compte tenu de ce que j'ai
déjà dit, on se rendra compte que ça fait
déjà un menu assez substantiel.
M. French: M. le Président, avec le fichier central des
entreprises et l'administration de la création et la modification des
personnes morales, le ministère doit être en mesure
d'évaluer les allées et venues des compagnies de Québec
à l'extérieur et vice versa, dans la mesure où arrivent
les nouveaux investissements. Le ministre a-t-il des chiffres là-dessus
qui nous permettraient d'évaluer la situation? Je s.ais que, dans cette
question-là, il y a toujours la question de la signification d'un
chiffre,
parce que, avec une compagnie comme la Prudentielle ou la Sun Life, et
il y en a des centaines d'autres, ils n'ont aucune espèce de
signification. Mais le ministre est-il en mesure de vérifier ce que
beaucoup de personnes croient être une situation désastreuse face
à l'hémorragie vers l'extérieur du Québec des
institutions financières et des compagnies importantes?
M. Parizeau: Non, M. le Président, à partir du
fichier central, il n'y a aucun moyen de se faire une idée. Je
rappellerai à cet égard - je ne me souviens plus si
c'était à l'occasion de la campagne électorale de 1976 ou
de la campagne référendaire, ça remonte un peu loin -
qu'il y avait eu une déclaration faite par je ne sais plus quel ministre
fédéral annonçant qu'une centaine d'entreprises avaient
quitté le Québec. Un journaliste de je ne sais plus quel
quotidien était parti à la chasse pour vérifier les faits
auprès de ces 100 compagnies et il avait découvert que
peut-être plus de 80 d'entre elles n'avaient même pas un
numéro de téléphone dans l'annuaire que c'étaient
des cases postales qui servaient à les identifiés.
À partir du fichier central des compagnies, il n'y a aucun moyen
de se faire une idée ou bien d'une situation possiblement
désastreuse, comme dit le député de Westmount, ou bien
d'une situation tout à fait inverse. Le fichier central des compagnies
ne nous dit pas si telle compagnie a déplacé 30 personnes en
Ontario, mais il ne dit pas non plus si une compagnie indigène n'a pas
embauché 200 personnes de plus. Alors, non, le fichier central n'est pas
un instrument pour cela.
Le Président (M. Desbiens): Mme la députée
de Chomedey.
Mme Bacon: Dans la même veine, M. le Président,
j'aimerais quand même demander au ministre s'il n'est pas possible pour
lui de connaître davantage certaines intentions des compagnies. On parle
de La Prudentielle en ce moment, est-ce que le ministre n'avait pas eu
certaines indications qui permettaient de soupçonner que La Prudentielle
pouvait quitter ou quittait par morceaux le Québec pour aller
s'installer à Kitchener? Il y a quand même des indices, à
un moment donné, au service de l'assurance, qui doivent avoir un son de
cloche et peuvent donner l'alerte?
M. Parizeau: Non, M. le Président, dans le cas d'une
compagnie comme La Prudentielle, c'est une compagnie à charte
fédérale, inspectée par le gouvernement
fédéral, sur laquelle nous avons, bien sûr, un certain
nombre de renseignements, mais non pas des renseignements de cet ordre. De la
même façon qu'à l'occasion de l'annonce du départ du
siège social de la Sun Life -j'avais lu cela dans les journaux - dans le
cas de La Prudentielle, elle ne se sent pas forcée, chaque fois qu'elle
déplace un département d'informatique à Toronto ou
à Kitchener, de nous le dire.
Remarquez que, en soi, cela ne me choque pas nécessairement. De
la même façon, encore une fois qu'une compagnie indigène
qui décide d'embaucher 200 personnes de plus ne nous le dit pas
nécessairement, on ne peut pas, d'une part, vouloir que le gouvernement
déréglemente le plus possible et, d'autre part, qu'il commence
à suivre ce genre d'opérations une à une.
La Prudentielle fait 2% des affaires d'assurance-vie au Québec,
3,5% des affaires d'assurance générale, 50% de ses affaires
d'assurance générale au Canada sont faites au Québec. Elle
a décidé de se déplacer graduellement. Sur une
période de quatre ans, si je comprends bien - j'essaie de faire
vérifier; on fait des appels téléphoniques pour essayer de
préciser cela - elle aura déplacé quelques dizaines de
personnes. Elle se met dans la situation de se faire, à un moment
donné, découvrir par un journaliste, comme ce fut le cas ce matin
et, là, cela amène un certain nombre de Québécois
à dire: Ils sont fous ces Romains, comme disait Astérix. Si elle
fait 50% de ses affaires au Québec, qu'elle garde son siège
social à Montréal et qu'elle le transforme en coquille vide, et
qu'elle déplace du monde à Toronto, qu'est-ce que cela peut faire
pour elle? Perdre des affaires? Perdre des affaires aux dépens de qui?
D'entreprises indigènes qui disent merci? Dans un domaine comme celui de
l'assurance, s'il y en a qui veulent perdre des affaires, d'autres les
rattrapent. Ce n'est quand même pas un métier à ce point
spécialisé que les entreprises indigènes ne peuvent pas
prendre ce que d'autres abandonnent. Dans ce sens, cela n'a pas vraiment de
conséquence majeure. Je n'ai pas d'objection particulière
à ce qu'un certain nombre d'entreprises, surtout francophones - parce
que c'est de plus en plus le cas - recrutent de nouveaux cadres et qu'une
entreprise anglophone décide de mettre des cadres à Kitchener et
prenne le risque que la clientèle ici dise: Puisqu'elle pose des gestes
comme ceux-là, il n'y a pas de raison que je ne transporte pas mes
affaires d'assurance chez quelqu'un d'autre.
La concurrence a beaucoup de vertus et, sur le plan des affaires, c'est
le service qui est important. Je ne vois pas pourquoi on pleurerait sur le fait
que telle ou telle compagnie, pour des raisons hypothétiques,
décide de se mettre dans une situation vulnérable sur le plan de
la concurrence. Encore une fois, cela ne me dérange pas le moins du
monde. Une usine, cela peut être différent, parce qu'il n'est pas
inscrit dans le firmament qu'une usine doit être quelque
part plutôt qu'ailleurs, mais des entreprises de services comme
l'assurance, vous donnez le service à la clientèle, de toute
façon. Que le Québécois soit fédéraliste,
Américain, Papou ou indépendant, de toute façon il va
assurer sa maison.
Mme Bacon: Dois-je comprendre que le ministre n'est pas d'accord
avec son collègue, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme qui cherche par tous les moyens à convaincre le
président de La Prudentielle, compagnie d'assurances, de ne pas
déménager tout son personnel à Kitchener? Vous dites: Je
m'en fous. Mais le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme n'a pas
l'air de s'en foutre, puisqu'il veut rencontrer le président, s'il ne
l'a pas déjà fait, et qu'il a l'intention de faire des pressions
pour qu'il reste.
M. Parizeau: Mais, c'est en réponse à une question
en Chambre, ce n'est pas du tout comme cela que cela se présente, M. le
Président. C'est en réponse à une question en Chambre:
Allez-vous téléphoner au président? qu'il a
répondu: Oui, je vais téléphoner au président. Ce
n'est pas une question de retenir le personnel coûte que coûte. Si
je comprends bien l'article de ce matin, il est déjà parti. Mes
services aussi ont cherché à rejoindre le président
aujourd'hui au moins pour vérifier les chiffres qu'il y avait dans
l'article. Jusqu'à ce soir, il ne rendait pas les appels. Mais il n'y a
rien là-dedans, il faut bien le comprendre, quand on parle de services,
qui soit particulièrement dramatique. S'il y a des gens qui veulent
prendre un risque avec leur clientèle, qu'est-ce que vous voulez qu'on
fasse? On ne peut pas les empêcher de prendre un risque avec leur
clientèle. Encore une fois, les services dont nous parlons, ce sont des
services d'assurance-vie et des services d'assurances générales
qui sont essentiellement non spécialisés. Si c'était le
siège social d'une entreprise mondiale spécialisée dans
l'assurance nucléaire, ce serait une autre paire de manches. Cela me
dérangerait plus, s'il quittait Montréal, parce que cela ne pleut
pas, les gens spécialisés dans l'assurance sur le risque
nucléaire. Mais, entre nous, l'assurance de "bumper", l'assurance sur la
vie, s'il y en a qui veulent prendre un risque avec l'assurance de "bumper", il
y en a d'autres qui vont le prendre. Je m'excuse, entre nous, il n'y a rien
là.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: M. le ministre, je voudrais vous dire que je trouve
votre attitude très cynique par rapport à toute cette question de
sièges sociaux qui s'en vont comme, qui dirait, si cela n'existait pas.
Vous avez fait une référence à 100 entreprises, vous avez
dit qu'il n'y avait même pas d'adresse, mais, moi, je vais vous envoyer
la liste de 78 entreprises avec leur adresse, le nombre d'employés des
sièges sociaux qui nous ont quittés, le nombre des divisions
d'usines. Cela, c'est encore 28 autres entreprises qu'on a classifiées,
un total de plus de 10 000 employés. La Prudentielle, on peut dire que
cela ne représente rien. On fait le "dot" sur l'assurance automobile, le
"dot" sur une autre sorte d'assurance. Mais, qu'on le veuille ou non, c'est une
des plus grosses compagnies internationales d'assurances du monde. C'est un
siège social qui en fait a ici un chiffre d'affaires en primes qui a
beaucoup de conséquences, cela représente quelque chose comme une
des vingt plus grosses compagnies d'assurances au Canada. En fait, on ne peut
parler de cela purement comme d'une question de services qui font de
l'assurance automobile, de l'assurance-vie, que ce soit 2% ou 3% du coût
des investissements que cette compagnie fait dans cette province, par rapport
à ses obligations, au chiffre de réserve qu'elle a à
investir.
D'accord, vous me direz que c'est une compagnie fédérale
mais, tout de même, toutes les compagnies, ses succursales aux
impressions, tous les services qui sont rattachés à une compagnie
pareille, les employés que l'on va perdre, moi, on me dit que des
employés ont déjà quitté, mais je suis sûr
que tous n'ont pas déjà quitté, il y en a beaucoup qui
vont quitter, parce que le siège social est encore ici aujourd'hui. Le
journal parlait de 500 employés, si c'est vraiment 500 employés,
si c'est vraiment ce nombre que nous avons perdu, en fait. Et puisqu'on parle
des institutions financières et coopératives, si on parle des
banques, par exemple la Banque de Montréal, qui a un siège
social, vous le disiez vous-mêmes, c'est purement une affiche sur un
bâtiment aujourd'hui. On sait très bien qu'on ne maintient pas un
bâtiment de 70 étages à Toronto et 45 étages de plus
à Calgary, tandis qu'ici on a un vieux bâtiment à la Place
d'Armes et que tous les services sont disséminés à travers
le... et tout le "guts" de l'opération, le service d'informatique, le
service des finances internationales. Quant à la Banque Royale, je peux
vous dire, par mes connaissances personnelles, qu'il y a toute une section des
finances internationales qui a déménagé, qui est partie
pour Toronto ou ailleurs.
En fait, c'est un problème qui affecte quelque chose. Moi, j'ai
fait une liste de ces 98 sociétés qui nous ont quittés
depuis cinq ans, y incluant certaines compagnies d'assurances, des compagnies
de finance comme le Royal Trust, des compagnies, des banques, et cela
représente un actif
immense, quand vous pensez aux investissements qui se font, quand vous
pensez à toutes les industries satellites qui se branchent
là-dessus, par exemple, la publicité, les impressions et tout ce
qui s'ensuit. On pourrait en faire une liste interminable, en plus de quoi, si
on ajoute même une affaire de 10 000 employés, on peut encore
ajouter des chiffres, c'est plus de 10 000 employés qui touchent par
exemple en moyenne 20 000 $ par an, si vous voulez. Et c'est là une
moyenne faible, si on y ajoute des cadres qui touchent 70 000 $ ou 80 000 $,
tous les cadres qui font partie de sièges sociaux, c'est un chiffre
phénoménal, comme base des salaires, comme base des taxes que
nous avons perdus ici. Donc, dire que cela ne compte pas et que ce n'est qu'un
service d'assurances qu'on va remplacer, moi, je crois que cela va beaucoup
plus loin que cela et je me demande si, avec ce genre d'attitude où on
dit: Bon, ça part, ça part, peut-être qu'on n'est pas en
train d'espérer qu'ils partent. Il me semblerait que le ministre de
l'Industrie et du Commerce - c'est un secret de polichinelle que cette
compagnie-là a déménagé son service d'informatique
déjà -aurait peut-être pu essayer d'organiser une rencontre
avec la Banque de Montréal et avec le Montreal Trust avant qu'elle ne
s'en aille complètement, ou une autre avec La Prudentielle pour essayer
de garder au moins des employés ici pour qu'on n'ait pas cette perte de
base fiscale qui nous affecte. On est obligé de taxer les gens qui
restent ici. (21 h 45)
M. Parizeau: M. le Président, d'abord commençons
par la question que La Prudentielle et ensuite on prendra cela dans un sens un
peu plus large que le député de Nelligan ne l'abordait.
Pour les chiffres de ce matin de 500 employés, j'ai cru
comprendre que c'est la totalité des employés à
Montréal, mais non pas du siège social. Je serais vraiment
étonné qu'elle ait un siège social de 500 personnes pour
administrer 362 000 000 $ de primes par année; cela me paraît
exorbitant.
M. Lincoln: Je ne dis pas que c'est le siège social qui
part, mais, avec le siège social, ils vont déménager
toutes sortes de services qui seront alors affectés. On donne une liste
de services qui vont partir avec le siège social.
M. Parizeau: Je veux bien. Tout ce que je dis simplement, c'est
que je ne crois pas que ce soient 500 personnes qu'on déplace. Cela va
être probablement comme pour l'histoire de la Sun Life où,
à un moment donné, les journaux annonçaient que 1800
personnes seraient déplacées; finalement, c'était
énormément moins que cela.
Deuxièmement, sur la question des investissements. Vous savez, si
seulement La Prudentielle britannique pouvait investir relativement à ce
qu'elle ramasse ici, quelque chose d'analogue en termes de pourcentage à
ce que La Prudentielle d'Amérique investit, je verserais peut-être
plus de larmes. Je suis en train de faire examiner... Bien sûr, je dis
tout de suite que ce n'est pas fini et que, selon le résultat, je
laisserai filer ou je ne laisserai pas filer l'indice de
réinvestissement au Québec de cette compagnie. La Prudentielle
d'Amérique est une compagnie tout à fait différente qui a
toujours investi énormément au Québec. Je n'ai pas besoin
de vous dire, d'ailleurs, qu'avec La Prudentielle d'Amérique ou avec La
Metropolitan ou avec un certain nombre d'entreprises comme cela, on a des
conversations, évidemment.
Sur les gens comme ceux de La Prudentielle britannique, ce que j'ai
jusqu'à maintenant comme renseignements c'est gentil, c'est coquet. Je
ne suis pas certain que ce ne soit pas déficitaire; on verra d'ici 24
heures. Si, effectivement, ils sont très nettement déficitaires
relativement à d'autres compagnies, ils vont en entendre parler
d'ailleurs. Je me hâterai de signaler cela au public, ce n'est pas
mauvais qu'il le sache. À l'occasion d'un déménagement
comme celui-là, ce n'est pas mauvais. Je l'ai fait dans le cas de la Sun
Life et la part du marché de la Sun Life n'a jamais remonté au
niveau où il était avant. Parce qu'il n'y a pas de raison, dans
des conditions comme celles-là, que le marché ne se
déplace pas, comme je le disais, vers des entreprises autochtones.
Prenons cela maintenant dans un sens un peu plus large. Je dirai au
député de Nelligan que ce phénomène, je le suis non
pas depuis que je suis ministre ou depuis que je suis fonctionnaire, mais je le
suis depuis ce qui a été, à mon sens, le véritable
démarrage de centres sociaux de Montréal vers Toronto,
c'est-à-dire la fermeture du siège social de la Phoenix de
Londres en 1954, à Montréal. Sur le plan des institutions
financières, si on veut partir de là, on peut partir de
là. Sur le plan des institutions manufacturières, c'est le
déplacement dans les années 1950 aussi - je ne me souviens plus
de la date exacte - de la Canadian Coin and Foundry à
Ville-Saint-Pierre, une fermeture d'usine qui a enlevé 3000 emplois
à Montréal. Soit dit en passant, l'usine est encore pour
l'essentiel à peu près vide, à Ville-Saint-Pierre: il n'y
a qu'une usine de sucre qui soit là et, pour le reste, c'est tout vide.
C'est là que cela a commencé, c'est dans les années 1950.
Restons-en pour le moment aux institutions financières. Qu'est-ce qui a
amené les sièges sociaux d'institutions financières
à se déplacer depuis maintenant 27 ans vers Toronto? J'imagine
que la première cause qu'on peut y voir,
c'est le fait que la Bourse de Toronto s'est développée,
à un moment donné, beaucoup plus rapidement que la Bourse de
Montréal, à la fin des années 1940 et au début des
années 1950, et que l'essentiel du développement de l'industrie
pétrolière au Canada a amené toute l'industrie
pétrolière à inscrire ses titres à Toronto. Les
historiens détermineront pourquoi la Bourse de Toronto s'est
développée tellement plus vite.
À partir du moment où la Bourse de Toronto fut tellement
plus grosse, pour les institutions financières, pour les "managers" de
portefeuille s'installer à Toronto devenait la chose évidente
à faire et cela avait un effet de boule de neige. Les premiers qui sont
sortis de Montréal pour se rapprocher de la Bourse de Toronto, ont fait
figure un peu d'aventuriers, mais cela a fait boule de neige et cela se
poursuit. D'ailleurs, c'est arrivé à peu près au bout.
C'est parfaitement normal. Remarquez que le fait que le développement de
la Bourse de Toronto ait amené cela, a produit un
déséquilibre encore plus grand entre la Bourse de Montréal
et la Bourse de Toronto et on voit bien ce que cela donne maintenant.
Pour ceux qui ont suivi cela depuis 25 ans - et là je me
définis, à partir de cela, comme un vieux dans notre
société, sans doute - qu'est-ce qu'il y a eu comme
réactions contre cela? Pas de conversations avec le président de
la Phoenix de Londres: Restez donc à Montréal, ne soyez pas
cochons, restez ici, voyonsl Ce n'est pas comme cela qu'on a réussi quoi
que ce soit. On a réussi à faire en sorte qu'un milieu financier
réapparaisse graduellement au Québec, par le développement
d'un certain nombre de sociétés d'État, comme la Caisse de
dépôt, non tripotée, par le développement des
institutions financières coopératives qui ont pris une ampleur
bien plus grande il n'y a pas de commune mesure entre les caisses pop un peu
folkloriques d'il y a 25 ou 26 ans et ce qu'elles représentent
maintenant sur le plan du développement financier - et, d'autre part,
par le développement d'un certain nombre d'entreprises capitalistes
financières francophones, comme La Laurentienne, par exemple, qui,
là encore sur une période de 25 ans, ont pris une ampleur
considérable, il y a aussi l'Alliance, on peut en donner toute une suite
d'exemples. Il s'est recréé au Québec un milieu financier
qui n'est pas encore complet, qui n'a peut-être pas l'activité
qu'il devrait avoir, qui garde cependant un cadre d'innovation assez
remarquable - je pense, en particulier, à ce que vient de faire la
Bourse de Montréal sur les options sur l'or - différent de ce
qu'il était il y a 25 ans, ayant des possibilités d'avenir
indiscutables et qui est en train de transformer la façon dont le
Québec fonctionne financièrement. Pensez-vous qu'encore une fois,
sur les derniers ajustements, on va commencer à pleurer? Je suis bien
plus intéressé au développement des milieux financiers
autochtones et indigènes au Québec que de pourchasser quelqu'un
qui fait 2% de l'assurance-vie et qui dit: Vous savez, je vais déplacer
30 cadres à Kitchener, parce que j'ai déjà implanté
mon informatique là, il y a quatre ans. S'il veut y aller, qu'il y
aille. Le développement des institutions indigènes au
Québec, depuis 20 ans, est bien plus intéressant que la
consécration du fait que la Bourse de Toronto soit devenue plusieurs
fois plus rose que la Bourse de Montréal, sur une période d'un
quart de siècle. Il y a au Québec dans ce domaine, comme dans
tous les domaines manufacturiers ou commerciaux, un changement de la garde. Il
y a des gens, habituellement sortis du milieu, qui montent très
rapidement et il y a un certain nombre de nostalgiques qui trouvent que le
Québec n'est plus le Québec à papa et qui vont s'installer
en Ontario. Qu'est-ce que vous voulez? Dans n'importe quelle situation, il y a
toujours une garde montante et une garde descendante. Je ne vois pas pourquoi
la garde montante serait moins bonne que la garde descendante.
M. Lincoln: M. le ministre, il est bon de savoir que c'est une
affaire de garde montante et de garde descendante, mais, quand vous regardez le
nombre et le nom des industries, des sociétés, des banques et des
compagnies financières qui ont quitté, eh bien! c'est
peut-être la garde montante et la garde descendante, c'est
peut-être le fait de la baisse de la Bourse de Montréal, mais
peut-être qu'il faut aussi se demander si ce n'est pas le "chicken on the
egg situation", parce qu'il est certain que cela a commencé avec les
compagnies d'assurances, il y a quelque temps - sur cela, nous sommes
entièrement d'accord - mais l'accélération qui s'est faite
depuis cinq ans, représente quelque chose de cataclysmique. Si on
regarde le nombre des sociétés, le prestige de ces
sociétés, surtout les sociétés du monde financier,
on peut dire que c'est la Bourse de Toronto qui a tout remporté. C'est
une théorie peut-être, mais je ne peux pas croire que ce soit la
seule raison pour laquelle toutes ces sociétés ont un mouvement
tellement rapide. Alors, si on dit: La Prudentielle, cela ne fait que 3%, cela
ne fait rien, mais il s'agit de tout le mouvement satellite que toutes ces
corporations représentent. Je ne pense pas que ce soit dire qu'on
regrette la situation de mon père et de mon oncle que de penser à
toutes les industries du Québec, à toutes les PME dont votre
collègue, le ministre de l'Industrie et du Commerce parle tellement
souvent. Je peux vous assurer, en tant que quelqu'un qui a travaillé
assez longtemps et
dans le milieu où j'ai eu affaire avec des gens dans la
publicité, l'imprimerie, avec des comptables, des avocats, que de jour
en jour, il y a beaucoup de ces gens qui souffrent d'une façon, quand
une de ces sociétés-là quitte, parce qu'ils perdent des
contrats.
On parle de la Sun Life qui est partie, peut-être que cela va
être 1800 employés, que cela a été 1200, 500 ou 600,
personne ne le sait.
M. Parizeau: 300.
M. Lincoln: Enfin, peut-être que c'est 300. Combien de
sociétés satellites ont perdu des contrats aux mains de firmes de
Toronto, seulement parce que la Sun Life est partie? C'est cela qu'il faut
essayer de mesurer. Enfin, j'espère, M. le ministre, que vous
épaulerez votre politique, parce que c'est aussi une question
symbolique. Je pense qu'il serait bon de garder certaines de ces compagnies
internationales qui nous donnent un certain prestige, si vous voulez, parce
qu'à un moment donné quand ces compagnies sont parties, c'est
dire qu'on a perdu, peut-être, le centre de l'assurance, qui
l'était peut-être déjà, mais il faut essayer de
garder ce que nous avons et s'appuyer sur les compagnies indigènes. Nous
sommes tout à fait d'accord, mais je pense que cette affaire de dire
compagnie indigène et compagnie étrangère, c'est quand
même placer un problème qui, peut-être, n'est pas là,
parce qu'en Ontario, je pense, toutes les compagnies sont les bienvenues
qu'elles soient indigènes ou pas indigènes, puis qu'elles
contribuent à l'économie générale.
M. Parizeau: M. le Président, il y a une
ambiguïté ici que j'ai de la difficulté à laisser
passer. Je ne vois pas en vertu de quoi les contrats dont parle le
député de Nelligan, soient moins assurés par une
entreprise qui se développe rapidement. DuPont, Groupe Commerce et la
Laurentienne ne donnent pas moins de contrats, sous prétexte qu'elles se
développent très vite et qu'elles ne sont pas très
vieilles relativement à certaines des compagnies dont on parle, que des
compagnies un peu plus mûrissantes et qui donneraient plus de contrats
à des PME.
Encore une fois, le député de Nelligan faisait une
analogie avec la poule et l'oeuf, mais je dois reconnaître avec lui qu'il
y a certaines vieilles poules qui se déplacent, qui s'en vont et qu'il y
a des oeufs qui sont en train d'éclore. Très bien, que les oeufs
éclosent ici et que les vieilles poules... Ce n'est pas le
problème de savoir si de la poule ou de l'oeuf, lequel des deux suit,
c'est simplement de se rendre compte, encore une fois, que le
développement des affaires se fait ici, au Québec, à
partir d'entreprises nouvelles. Au fond, le seul reproche qu'on peut leur
faire, c'est qu'elles soient nouvelles. Ce n'est pas qu'elles soient
nécessairement absentes du marché international. SNC ou Lavallin
sont des entreprises internationales, à l'heure actuelle,
indiscutablement internationales. Qu'est-ce qui leur manque au fond, par
rapport au bon milieu dont je parlais tout à l'heure, d'avoir trois
générations? Ce n'est même pas une question d'être
indigène ou pas indigène. C'est qu'à l'heure actuelle, on
a l'impression dans certains milieux, de vivre une discussion entre vieux
bourgeois et parvenus: les vieux bourgeois disant: non mais, qu'est-ce que
c'est que ces parvenus, et les parvenus disant: si les vieux bourgeois veulent
s'en aller, eh bien, qu'ils s'en aillent. Mais en terme de contrats pour la
PME, un vieux bourgeois ou un parvenu, cela offre le même genre de
contrats, le même genre de contrats et cela achète autant. En
fait, le parvenu, des fois, achète plus et plus vite; des fois, c'est un
tort d'ailleurs. Mais, fondamentalement, c'est une question pour des gens qui
ont vécu longtemps dans le milieu des affaires. On sait très bien
qu'à Montréal, ce qui est en train de se produire, c'est
essentiellement un remplacement. Je vais aller assez loin, M. le
Président, ce qui est en train de se produire à Montréal,
c'est un remplacement de classe, bien plus que de n'importe quoi. On est en
train d'assister à l'apparition comme hommes d'affaires majeurs, dans
l'establishment de Montréal, de francophones qu'il y a quinze ans
auraient été considérés, si vous me passez
l'expression comme des pignoufs et qui maintenant, développent leurs
affaires très rapidement, dans un milieu de nostalgiques qui disent:
Mais qu'est-ce que c'est que ces gens-là? C'est comme cela: la vie
change, la société change et les nostalgiques, qu'est-ce que vous
voulez, on ne peut pas faire autrement que les laisser nostalgiques. (22
heures)
M. Lincoln: M. le ministre, je pense que, si l'on traduit vos
remarques, s'il y a quelqu'un qui est peut-être dans
l'émotivité plus que dans la réalité, c'est
peut-être vous. Lorsque vous parlez de nostalgie, tout ce que l'on dit,
nous, c'est qu'on n'est pas contre l'implantation de nouvelles
sociétés comme La Laurentienne ou le Commerce
général. Je n'ai jamais dit, une seule minute, qu'elles
n'assuraient pas des contrats qui soient aussi bons et aussi parfaits,
peut-être meilleurs, que La Prudentielle. Tout ce que je dis, c'est qu'on
peut les avoir, eux, et en plus avoir La Prudentielle. Rien n'empêche
l'une et l'autre de vivre ensemble, comme elles l'ont fait depuis des
années.
Tout ce que je veux vous dire, c'est que chaque siège social qui
quitte le Québec, pas l'exploitation, pas l'opération
elle-même, mais le siège social représente un actif, une
présence, un certain nombre d'actifs qu'on ne
peut pas mesurer par la dimension et les conséquences qu'elle
apporte au point de vue fiscal, etc., mais tous les gens que cela emploie, tous
les cadres que cela emploie, toutes les taxes que cela apporte au
Québec, toutes les ventes additionnelles, indirectes et directes que
cela apporte au Québec. C'est cela que je veux dire. Je crois que votre
philosophie c'est de dire que c'est un remplacement, mais il aurait
été bon d'avoir, au lieu d'un remplacement, une
complémentarité. C'est cela qu'on demande. Ce qui arrive
là-bas, ce que je voulais vous souligner, ce qu'on entend dans l'Ontario
et les provinces où ces sociétés, les vieilles
sociétés bourgeoises dont vous parlez, quand elles vont
là-bas, cela n'empêche pas les compagnies ontariennes ou
albertaines de s'implanter aussi ou de rester là et de prendre leur
essor. Seulement, elles vont s'ajouter à elles. Vous venez de me dire
que, lorsqu'on perd des actifs de la Banque de Montréal, qu'on perd des
actifs de la Banque Royale, qu'on perd des actifs du Royal Trust, qu'on perd
des actifs du Montreal Trust, qu'on perd les actifs de toutes ces
sociétés qui ont quitté depuis cinq ans: Ah non! cela se
remplace, mais on ne les remplace pas.
Est-ce qu'on remplace Monsanto? Est-ce qu'on remplace CIL? Est-ce qu'on
remplace DuPont of Canada? Est-ce qu'on remplace tous ces sièges sociaux
qui ont quitté? Je ne sais pas qui est dans la réalité ou
qui est dans la nostalgie, mais, en tous les cas, je peux vous dire que,
peut-être, vous auriez pu, à la SNC et à Lavallin, demander
aux cadres ce qu'ils pensent de ces sociétés qui nous quittent et
leur demander s'ils sont contents de voir le remplacement se faire, et qui va
remplacer Monsanto, CIL et toutes ces grosses compagnies et toutes les grosses
banques qui quittent. Je ne pense pas que de dire qu'il est chagrinant de voir
La Prudentielle partir, ce soit admettre qu'on vit dans la nostalgie.
Je crois que La Prudentielle peut exister au Québec aussi bien
que La Laurentienne, La Commerce Générale et toutes les grosses
compagnies nouvelles dont nous sommes aussi fiers que vous, je vous
l'assure.
M. Parizeau: M. le Président, encore une fois, si au nom
de la concurrence, un siège social d'une compagnie qui reste,
s'accroît très rapidement alors qu'un siège social d'une
compagnie s'amenuise, ce que vous avez essentiellement, c'est une sorte de
transfert. On l'a très bien vu à l'occasion de l'affaire de la
Sun Life. On a très bien vu ce qui s'est produit. C'est un certain
nombre d'entreprises québécoises qui ont acquis du personnel,
acquis des cadres, développé leur siège social, parce
qu'il y avait un vide qui s'était créé. Je l'ai dit tout
à l'heure. J'insiste là-dessus, parce que ce n'est pas
nécessairement vrai sur le plan de l'industrie, des usines. Ce qu'il
faut surveiller, et là je suis d'accord avec le député de
Nelligan, c'est l'implantation d'usines, parce que cela n'est écrit
nulle part qu'une usine doive être au Québec; elle peut être
n'importe où.
Le développement des services, le développement
d'expertises professionnelles sur le plan internationnal, cela vient
essentiellement des gens du cru. Ou bien sur le plan bancaire, sur le plan des
opérations financières, sur le plan des opérations de
marketing, sur le plan des opérations d'ingeneering, ou bien on a des
gens qui ont le dynamisme nécessaire pour déborder leur
frontière - il y a un facteur humain qui est inévitable - ou bien
on ne les a pas. Cela se développe vite ou cela ne se développe
pas.
Quand on parle d'usines manufacturières, c'est une autre paire de
manches. C'est là qu'il faut essayer de juger de la performance du
Québec, sur le plan de chercher à attirer des entreprises. Je
suis toujours un peu étonné qu'on ne souligne pas que, sur ce
plan, de nouvelles usines appartenant à des intérêts
étrangers, s'implantent au Québec. Il y en a qui s'implantent
régulièrement. Évidemment, il y en a qui ferme, et cela va
de soi. Cela, c'est important, parce qu'il y aura une partie d'industries
manufacturières qui sera autochtone, mais quand on parle de certaines
implantations très spécialisées ou bien encore
d'implantations qui demandent des capitaux massifs ou qui représentent
des risques particuliers, là c'est important de tenir en un sens, de se
dire: Est-ce qu'on fait les efforts nécessaires, pas seulement pour
favoriser les PME locales, pas seulement pour favoriser les grandes entreprises
locales, mais pour aller chercher des usines appartenant à des
intérêts étrangers? Cela, c'est important.
Il est évident qu'un gouvernement a sur ce plan un rôle
majeur, mais pour les industries de services professionnels,
singulièrement dans une métropole, on ne peut pas
légiférer sur l'intelligence et le dynamisme. On ne peut pas
subventionner l'intelligence ou le dynamisme et dans ce sens, sur ce plan,
Montréal s'est bien développé depuis quelques
années. Dans le domaine des services d'ingénierie, qu'est-ce que
vous voulez, on ne sort pas du fait que des dix plus grandes entreprises
mondiales d'ingénierie-conseil, trois sont à Montréal, et
cela, c'est nouveau. Cela n'existait pas il y a dix ans. Il y a quinze ans,
elles n'étaient pas dans les dix premières. Dans beaucoup de
domaines de services professionnels à Montréal, à l'heure
actuelle, on doit constater qu'il y a un dynamisme assez étonnant. II
n'est pas fait par les mêmes personnes qu'autrefois. J'admets que ceux
qui manifestent ce dynamisme-là, ne sortent pas ni du St.James Club ni
du Mount Stephen ou
alors, s'ils en sont membres, ce n'est que depuis quelques années
seulement. Cela, on le reconnaît et c'est pour cela que c'est bien plus
un remplacement de classe qui est en train de se produire que n'importe quoi
d'autre. Non madame, ce n'est pas de la propagande. J'entends dire par la
députée de Chomedey, que c'est de la propagande et que non, la
plupart de ces gens-là étaient membres... Je m'excuse, mais moi,
je sors de ce milieu-là et cela fait cinquante ans que j'y vis. J'ai vu
évoluer ce milieu-là et je sais bien que les gens dont je parle
étaient au Club Canadien il y a trente ans, et le Club Canadien ce
n'était pas considéré comme très respectable dans
les bons milieux. Ces gens-là, à l'heure actuelle, sont des
millionnaires et ils embauchent des tas de gens. Ils sont dynamiques comme le
diable et, évidemment, ils appartiennent au bon club, depuis qu'ils sont
devenus respectables.
C'est très bien et reconnaissons-le et cessons pour l'amour du
saint ciel de dire: Y a-t-il une des anciennes entreprises qui a
décidé de déménager en Ontario? Je vous dirai
à côté de ce qui se passe à Montréal et du
dynamisme des hommes d'affaires de Montréal depuis quelques
années, que je trouve que c'est relativement peu important.
Je regrette que cela se soit fait comme ça, il y a vingt ans,
parce qu'il y a vingt ans que le virage a été pris. Quand la
Bourse de Toronto s'est développée à ce point-là,
le Québec a manqué un virage. Seulement, ça ne sert
à rien de pleurer sur un chat mort, le virage vers Toronto s'est fait de
façon dramatique il y a au-delà de vingt ans et cela a eu un
certain nombre de conséquences. C'est tout à l'avantage des
Montréalais d'avoir réussi à reprendre cela.
Ce qui a été perdu il y a vingt-cinq ans, cela ne sert
à rien de pleurer sur un chat mort maintenant, c'est fait. Dans ce
sens-là, j'aime mieux fonctionner avec les gens qui se disent: Qu'est-ce
qu'on va faire dans dix ans, qu'avec ceux qui se disent: Ah! si Montréal
pouvait retourner à l'époque où on était il y a
vingt-cinq ans, comme cela serait mieux!
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que le programme 1 est
adopté?
M. French: Non, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Westmount.
M. French: II y a plusieurs façons de s'enrouler dans le
drapeau. C'est le recours inévitable lorsque le gouvernement actuel du
Québec se trouve menacé avec sa pitoyable performance dans le
domaine du développement économique. Je regrette beaucoup
d'entendre le ministre parler de la façon élégante qu'il
le fait ce soir et d'avoir recours à cette tactique politique qui,
enfin, ne lui est pas habituelle, en ce sens qu'il est souvent amené
à parler sérieusement des choses plutôt que de faire des
discours qui ont, finalement, pour effet d'amuser les personnes aux alentours
et de diffuser en quelque sorte une discussion qui se veut sérieuse.
J'ai été dans le milieu dont le ministre parle. Je ne me
qualifierais pas de membre de la garde montante, mais je me qualifierais de
l'ex-associé des gens qui constituent, sans aucun doute, la garde
montante d'après la définition du ministre, parce que je sais
qu'on a parlé à mes associés et il a été en
admiration pour certains d'entre eux, du moins. Je ne pense pas qu'ils se
réjouissent de voir le départ d'une industrie, d'une institution
financière, d'une compagnie d'assurances de Montréal. Je ne pense
pas qu'ils voient cela comme tant de portes ouvertes. Je ne pense pas qu'ils
célèbrent le départ des sièges sociaux qui, enfin,
amènent des postes à Montréal, non seulement pour servir
le marché québécois, mais aussi pour servir un
marché plus grand.
J'aurais voulu voir d'ailleurs ces portes-là rester ouvertes
à Montréal pour la garde montante. Ils auraient pu prendre la
relève de ces institutions déjà existantes, les
améliorer et faire en sorte que Montréal continue à jouer
un rôle national et international.
Je veux bien que les entreprises québécoises
indigènes qui montent actuellement, prennent la relève, mais je
suis obligé de constater quand même, que, pour ce qui est du
marché des compagnies dont les sièges sociaux se sont
déplacés de Montréal vers l'extérieur, ces
marchés à l'extérieur du Québec vont continuer de
se faire servir non pas par Montréal, mais par Kitchener, Toronto,
Calgary. Cela, je le regrette beaucoup, parce qu'il y a beaucoup de postes
impliqués, il y a beaucoup d'occasions perdues pour les
Québécois.
Je voudrais bien que le ministre me dise s'il pense que la
majorité des associés de SNC ou Lavallin sont contents,
lorsqu'ils voient le départ de La Prudentielle. Je les connais, je fais
affaires avec eux et je voudrais bien qu'il me dise honnêtement s'il
croit que la plupart des gens de Lavallin sont bien contents de voir le
départ de La Prudentielle.
Je serai le dernier à dire que le tout est de la
responsabilité du gouvernement actuel. Ce n'est pas cela que je leur
reproche. Je leur reproche énormément de ne rien faire face
à ce phénomène-là. J'aurais pensé qu'un
deuxième mandat vous aurait sécurisé suffisamment pour que
vous alliez les voir, leur parler, leur expliquer votre projet, pour que ce
projet ne soit pas fait sur le dos, non pas de votre clientèle
d'employés publics, mais du Québécois ordinaire qui a
besoin d'un emploi et qui se
fout de la source ultime de son emploi. Ce sont eux que vous faites
payer.
Ce qui me déçoit, c'est quand j'entends le genre de
discours du ministre de l'Industrie et du Commerce, disant qu'on va miser sur
la valeur des Québécois, des Québécoises, etc.,
mais ce n'est pas important, parce que lui, il ne compte pas dans le Conseil
des ministres. Mais ici, c'est le seul gars qui sait compter dans le conseil
des ministres et je me demande où est-ce qu'on en est rendu?
Le ministre a évolué comme il l'a dit dans ce milieu. Il
me fait penser à un cas classique qu'on utilise lorsqu'on enseigne aux
jeunes en sciences administratives, surtout en marketing. C'est un entrepreneur
qui ignore totalement une partie de son marché, parce que, pour des
raisons tout à fait extrinsèques, il n'aime pas ces
gens-là et ne veut pas leur vendre. Je ne dis pas que le ministre n'aime
pas les gens, mais je dis que lorsqu'il célèbre le départ
des sièges sociaux et tous les postes bonis - je dis postes bonis, pour
ce qui est des postes qui ne sont pas basés uniquement sur le
marché québécois, mais basés sur tout le reste du
marché qui est servi par ces sièges sociaux - lorsqu'on le voit
célébrer le départ de ces postes, il me fait penser
à cet entrepreneur qui ignore une partie de son marché.
Je le dis encore une fois, M. le Président, parce que je pense
que c'est important. Si le ministre était capable de nous dire, en
quelque sorte, s'il a un projet à l'esprit qu'il veuille bien expliquer
à ces gens. Ils peuvent bien être bornés, mais ils partent
avec les emplois des Québécois. Ils peuvent bien être
anglophones, ils partent avec les emplois des gars ordinaires, francophones et
anglophones. Il faudrait faire une espèce de prévention
plutôt qu'une espèce de truquage politique, à la suite des
départs.
La nostalgie et les jeux de mots sur les clubs de Montréal
n'apportent pas de beurre sur la table du gars qui a fait fonctionner la Xerox
dans le sous-sol de l'édifice où logeait La Prudentielle. Je sais
que c'est un jeu facile pour le député de Nelligan et
moi-même d'évoquer d'une façon subtile tous les
thèmes que le ministre a évoqués, mais enfin le
député de Nelligan et moi-même croyons sincèrement
que ce n'est pas dans l'intérêt des Québécois, quel
que soit leur statut social, linguistique, etc., de constater le départ
de quelque entreprise que ce soit. (22 h 15)
Dans la mesure où l'on croit que certaines de ces entreprises
seraient, de toute façon, parties quel que soit le gouvernement,
d'accord, on accepte qu'il y a une sorte d'évolution dans ce sens, mais
nous croyons qu'il y a une partie importante des entreprises
québécoises, avec siège social à Montréal,
qui sont parties à cause de l'indifférence du gouvernement
à leur égard. Ce qui est le plus important - parce que le
passé, c'est le passé, et nous ne sommes pas en période
électorale et il n'y a pas un chat ici qui va rapporter mes paroles -
c'est que nous savons, par nos contacts - et le ministre peut avoir les
mêmes contacts -qu'il y a une foule de raisons qui sont éminemment
dans la juridiction dans l'approche du gouvernement, que le gouvernement peut
facilement changer et qui fait en sorte qu'il y a beaucoup d'autres entreprises
qui songent à partir.
Si je n'étais pas en politique, je pourrais continuer à
faire une bonne vie et aller analyser pour le compte des entreprises à
l'extérieur du Québec pour leur expliquer ce qui se passe au
Québec et d'aller évaluer les possibilités et les
scénarios politiques pour l'avenir du Québec, face à son
gouvernement, justement parce que tous les investisseurs potentiels sont
inquiets et beaucoup de gérants actuels, de directeurs actuels songent
à partir. Je ne peux pas croire honnêtement qu'au fond de
lui-même, le ministre ne soit pas profondément inquiet de voir
Montréal devenir un centre régional.
M. Parizeau: M. le Président, je suis désolé
de voir que le député de Westmount ne se rend pas compte que
Montréal n'est plus la métropole du Canada depuis quasiment un
quart de siècle. Il y a une sorte d'inaptitude, et pas seulement chez
lui, chez bien des gens dans la politique, de reconnaître qu'il est
arrivé à Montréal à peu près ce qui est
arrivé à Boston. C'est-à-dire que ce qui était
indiscutablement la métropole d'un assez grand arrière-pays a
cessé de l'être il y a un bon bout de temps. Dans ces conditions,
il faut savoir où on va à partir de là, plutôt que
de chercher à nier la réalité.
Les gens de Boston, à cet égard, se sont très bien
débrouillés d'ailleurs. Je dois dire que leur relèvement
depuis dix ans est tout à fait remarquable. Ils ont accepté une
bonne fois qu'ils avaient perdu la concurrence avec New York. Ils ont pris un
certain nombre de moyens pour se relever et ces moyens n'ont pas
consisté à s'accrocher à des restes du passé.
Le problème ne consiste pas à dire qu'on aime ou qu'on
n'aime pas ces gens. Des contacts avec ceux que le député de
Westmount appelle ces gens-là, j'en ai continuellement. J'en avais avant
d'être ministre et j'en aurai après avoir été
ministre.
Je ne célèbre pas le départ de La Prudentielle.
Pourquoi célébrer le départ? La seule chose, c'est que je
ne vais pas commencer à me battre les flancs s'ils décident de le
faire. Surtout que pendant quatre ans, ils font cela petit à petit en se
disant: Peut-être ne s'en rendront-ils pas
compte? et qu'à un moment donné un journaliste a dit: Mais
dites donc, depuis 1977, ils ont laissé filer leurs services, un
après l'autre. Ce n'est pas une question de célébrer.
C'est une question simplement de se dire que l'avenir de Montréal n'est
pas de chercher à retenir des gens qui, de toute façon, ont
décidé de filer, mais de faire en sorte que ceux qui veulent
développer leurs affaires, puissent les développer le mieux
possible.
Il est clair que sur le plan des opérations de banque, on n'a
évidemment pas réussi à en attraper autant que Toronto -
je parle des banques nouvelles, étrangères -mais on a quand
même réussi à développer à Montréal
les affaires d'un bon nombre de nouvelles banques, qu'elles soient
européennes ou japonaises. Cela s'est fait récemment. Encore une
fois, je dis que cela n'a pas du tout les dimensions que cela a pris à
Toronto, mais ces gens sont entrés. Pourquoi n'en fait-on jamais
état?
Le siège social de la Banque Nationale de Paris, c'est quelque
chose qui est entré à Montréal, mais c'est curieux, on
n'en fait jamais état. On regarde celles qui partent et on se dit:
Comment pourrait-on trouver un élastique pour les retenir? Je suis bien
plus intéressé à cet égard, de faire en sorte que
dans le marché financier international très avancé qui est
en train de prendre place, que Montréal se taille, le plus vite
possible, une place relativement importante; cela me paraît bien plus
important. Certains des projets de la Bourse de Montréal - je pense,
ici, au centre bancaire international - sont bien plus intéressants que
la nostalgie des vieux poulets.
M. French: Est-ce que le ministre pense que le président
de la Bourse de Montréal est content du départ des industries et
des commerces?
M. Parizeau: II ne s'agit pas de savoir si on est content ou pas,
c'est de s'imaginer qu'en se battant les flancs on va empêcher cela. Le
président de la Bourse de Montréal a ceci de
caractéristique depuis que je le vois évoluer et Dieu sait si,
d'origine, lui et moi nous ne sommes pas exactement de la même religion
politique. Je le vois évoluer essentiellement depuis qu'il a ce poste,
dans le sens de: Qu'est-ce qu'on peut faire? Qu'est-ce qu'on peut faire
avancer? Où est-ce qu'on peut aller? Qu'est-ce qu'on peut trouver de
neuf? Dans ce sens, il est épatant, et son projet de centre bancaire
international m'intéresse hautement et, soit dit en passant, on l'a
appuyé dès que ce projet est apparu en lui disant, sur le plan
fiscal, si on peut faire quelque chose avec Ottawa, on va le faire et on va se
débrouiller, les deux gouvernements ensemble, pour faire
apparaître cela à Montréal.
Cette orientation me paraît beaucoup plus importante, encore une
fois, que de chercher à retenir par des élastiques des gens qui
ont décidé de partir. Cela devient une question d'approche
différente. Je suis désolé sur le plan de la liquidation
d'un certain passé, je ne peux pas avoir de nostalgie.
Sur le développement de nouvelles affaires à
Montréal, cela m'intéresse vivement et en gros, ma position c'est
cela, ce n'est rien d'autre. Il n'y a pas de mépris pour l'un ou envers
des gens que je n'aime pas, c'est simplement que, comme beaucoup d'autres, je
suis bien plus tourné sur ce qu'on peut apporter à
Montréal que de pleurer sur un chat mort.
M. French: M. le Président, je suis content que le
ministre ait évoqué Boston parce qu'effectivement c'est un cas
très intéressant. Le ministre sait que Boston a réussi
à se sauver, du moins partiellement, à cause de son virage
technologique qu'il a fait il y a quinze ans et qui a amené la route 128
qui contourne la ville à alimenter toute une série d'industries
technologiques qui connaissent un essor assez important. Je crois, enfin, et je
ne vois rien, par exemple, à part une brique que vient de nous livrer le
ministre qui vise cette direction sans, à mon sens, vraiment venir aux
prises avec.
Je voudrais dire au ministre que New York n'est pas un mauvais
parallèle dans notre situation actuelle non plus. Fiscalité
élevée, départs d'entreprises, etc., et la ville de New
York elle aussi a eu ses batailles contre les courants est-ouest. Elle a assez
bien réussi à garder les entreprises. Ce n'était pas pour
elle l'histoire de regarder les entreprises établies comme une version
de nostalgie économique. Elle est allée voir ces gens et leur a
demandé ce qu'ils cherchaient, ce qu'ils voulaient et elle a
réussi, non seulement, à en garder quelques unes, mais à
attirer certaines entreprises déjà établies qui sont
parties à revenir aux alentours de New York.
Je ne pense pas que ce soit le moment de faire le débat, mais je
dis au ministre très clairement qu'enfin les mesures que le gouvernement
du Québec pourrait prendre en ce sens sont immédiates,
découlent des politiques déjà existantes qui
répondraient à une très grande partie des soucis des gens
qui songent à partir.
Le ministre croit-il vraiment que cette espèce
d'hémorragie est finie, parce qu'il a dit qu'on assistait à la
fin de cette vague? Sinon, à quelles mesures songe-t-il pour essayer de
garder la capacité de réagir à la menace économique
qui nous cerne actuellement?
M. Parizeau: Je ne suis pas particulièrement
intéressé à garder, je suis
plutôt intéresser à développer, et c'est cela
essentiellement qui nous distingue dans notre discussion de ce soir. Par
définition, le milieu des affaires change et il y a des cas où on
doit garder, pour des raisons comment dire, flagrantes, par exemple
peut-être plus de secteurs mous qu'il en faudrait dans un monde où
la technologie change. On n'a pas le choix, cela embauche une telle proportion
des Québécois qu'on est obligé quelquefois de prendre des
positions peut-être plus protectionnistes à l'égard de ces
entreprises qu'on le devrait.
Normalement, on doit accepter des changements très rapides dans
le milieu des affaires, et le député de Westmount a glissé
vite sur l'exemple de Boston. Je n'ai jamais entendu dire que Boston ait
commencé à se battre les flancs comme des fois on se les bat au
Québec en disant que telle entreprise part, etc. Ils ont
complètement changé la nature de leurs activités
économiques du tout au tout, dans le sens de ce qu'ils disaient,
c'est-à-dire d'un virage technologique important. Ce n'est pas par
hasard qu'à l'heure actuelle on se pose la même question au
Québec. Il est évident que sur le plan du développement
d'industries technologiques nouvelles, il est bien plus important de regarder
de ce côté que de chercher simplement à garder ce qu'on
a.
Quand je disais que le glissement des sociétés vers
l'Ontario s'achevait, c'était dans le contexte, je pense l'avoir dit
très explicitement tout à l'heure, je pense que c'est
essentiellement dans le domaine financier. Ailleurs, il n'y a pas vraiment de
glissement, c'est une question de saisir ou de se faire saisir, selon les
négociations que l'on peut mener, selon les régimes de
subventions qu'on peut avoir, selon l'aide que l'on apporte à certaines
entreprises. Il est évident que, là-dessus, on a des
poignées d'importance différente. L'Ontario aurait eu de la
difficulté, par exemple, à signer le contrat qu'on a signé
avec Reynolds, très difficile, compte tenu de ses approvisionnements en
électricité. On a sur ce plan-là une poignée, sur
d'autres, c'est elle qui l'a. C'est une question de se servir des instruments
dont on dispose le mieux possible avec autant d'énergie. Je ne sais pas
et on ne saura jamais et on ne pourra jamais prévoir dans ces luttes
pour l'industrie qui, à un moment donné, va avoir les instruments
les plus puissants et va s'en servir le mieux. Il n'y a pas de glissement
vraiment, dans le sens où il n'y a rien d'inévitable.
Ce que je voulais dire, c'est que, dans le domaine financier,
effectivement, par rapport à tout ce qui s'est déplacé
vers Toronto, cela achève, bien sûr, et c'est remplacé par
une structure financière à Montréal, très
différente, tout à fait différente de celle qu'on
connaissait il y a vingt ou vingt-cinq ans, le remplacement, dans une bonne
mesure, c'est fait à l'heure actuelle et c'est dans ce sens que je
l'indiquais.
Par un certain nombre d'idées claires et par de projets
précis d'aide technique et d'aide financière, ce virage
technique, il faut le faire. Peut-être en un certain sens avons-nous trop
tardé au Québec depuis vingt ans à le faire? On ne pourra
toujours pas reprocher à un gouvernement de chercher à corriger
quelque chose qui ne s'est pas fait et c'est intéressant sur ce plan que
le député de Westmount, pour caractériser la situation de
Boston, utilise exactement les mêmes termes que le titre de ce document
qui vient d'être publié par le ministre d'État au
Développement économique.
Il faut qu'on le prenne, au Québec, ce virage technologique, on
n'a pas le choix. Encore une fois, qu'on dise que c'est trop tard, cela a
peut-être pris bien du temps pour le faire, oui, peut-être cela
a-t-il pris bien du temps, mais, au moins, il se fait, sur le plan, pour le
moment, des idées claires et, pour le moment, de la mise en place d'un
certain nombre d'instruments pour le réaliser et puis là on va
bien voir. Il y a une question de volonté politique et une question
d'approvisionnement en main-d'oeuvre spécialisée et une question
d'entrepreneurship là-dessus. On va bien voir combien cela se combine.
(22 h 30)
Sur le plan industriel, il n'y a jamais de glissement inévitable.
La partie se joue tous les jours, tous les mois, usine par usine, compagnie par
compagnie. J'entends le député de Westmount, M. le
Président, qui dit: On perd. Eh bien, non, on ne perd pas
nécessairement. On ne perd pas nécessairement. Il y a des choses
qu'on perd, évidemment. Je suis désolé que les
retombées de la construction d'un chasseur pour les forces armées
canadiennes se fassent à ce point à l'égard de l'Ontario.
On reconnaîtra que ce n'est pas exactement notre faute. Je suis
désolé que dans le cadre de l'entente canado-américaine
sur l'automobile, une des conditions pour l'implantation de Wolkswagen n'a pas
été une désignation géographique. Enfin, disons
qu'on peut difficilement nous le reprocher.
Les grandes pertes sur ce plan depuis quelques années, on sait
très bien d'où elles viennent. On pourra difficilement reprocher
au gouvernement du Québec de ne pas s'être battu avec
énergie pour faire changer ces décisions, mais ce n'est pas lui
qui pouvait les prendre. Mais est-ce que le contrat de Reynolds dont on
parlait, c'est un échec? Il y a actuellement trois endroits dans le
monde pour ce développement de l'aluminium, qui est probablement un des
développements les plus intéressants qu'on ait devant nous
à l'heure actuelle. Or le gouvernement allemand a décidé
de bloquer
toute expansion de la production de l'aluminium. Le gouvernement
japonais force les compagnies productrices d'aluminium à baisser leur
production. Il n'y a plus d'endroit aux États-Unis où l'on peut
avoir 200 mégawatts garantis pour quarante ans.
Le marché de l'aluminium n'est pas bon actuellement, mais ce ne
sera pas ainsi continuellement. Où ces compagnies peuvent-elles trouver
des endroits pour implanter des usines? Il y en a trois: le Brésil,
l'Australie et le Québec. Nous sommes en contact constamment... On est
parfaitement conscient de la lutte qu'il y a entre ces trois endroits pour
avoir le maximum d'implantation d'aluminium et, dans ce sens-là, il ne
faut pas s'étonner à la fois du contrat de Reynolds, du contrat
qui vient d'être signé avec Pechiney, et des démarches
qu'on fait avec au moins trois autres compagnies. Cela va aboutir, bien
sûr, mais en sachant que la concurrence est prise dans trois endroits du
monde. On est parfaitement conscient de ces choses-là, comme le serait
d'ailleurs, si je peux me permettre, n'importe quel gouvernement au
Québec parce que cela crève les yeux. Ce n'est pas une question
de partisanerie politique. À partir du moment où l'on sait qu'il
y a trois endroits dans le monde où une industrie de cette ampleur peut
se développer, cela crève les yeux qu'il faut embarquer dans la
bataille et prendre les moyens nécessaires pour en avoir au maximum.
Jusqu'à maintenant, on ne s'est pas trop mal débrouillé
par rapport à ces deux endroits-là. C'est bien joli de parler
d'échec, mais on ne peut pas dire qu'on a échoué par
rapport aux deux autres. Au contraire! Je ne sais pas ce qui va aboutir des
trois autres projets, mais on verra bien.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que le programme 1 est
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Le programme 1 est
adopté. Programme 2. On a déjà eu beaucoup de questions
là-dessus. Excusez-moi. Si vous me permettez, on va procéder
élément par élément. Je reviens au programme 1.
Élément 1, adopté?
M. French: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Adopté.
Élément 2.
M. French: Adopté.
Le Président (M. Destiens): Élément 2,
adopté. Élément 3?
M. French: Adopté.
Le Président, (M. Desbiens): Elément 3,
adopté. Élément 4?
M. French: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Élément 4,
adopté. Le programme 1 est adopté. Programme 2. Est-ce qu'il y a
d'autres questions au programme 2? M. le député de Westmount.
Contrôle, surveillance et développement
des institutions financières
M. French: Je ne veux pas décevoir le Président
mais il y a beaucoup de questions. On commencerait avec le député
de Nelligan.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Est-ce que j'aurais pu poser des questions sur le
service des assurances pour en finir avec cette section? J'aurais voulu parler,
par exemple, du prélèvement de taxe sur les assurances. Si mes
chiffres sont exacts - je pense qu'ils le sont - en 1978, les assureurs
incendie-accident ont versé la somme totale d'environ 32 000 000 $ en
taxe. C'était à ce moment-là une taxe de 2%. Ensuite la
taxe a monté à 3% et ce chiffre est monté à environ
46 000 000 $. Le dernier chiffre que nous avons sur le
prélèvement de taxe est d'environ 50 000 000 $.
Les chiffres de 1978 à 1981 augmentent relativement à ce
qu'ils étaient en 1978, sur 2% taxe, de 18 000 000 $ ou d'environ 56%.
Est-ce que vous pourriez nous dire à quoi servent ces montants? À
quel fonds gouvernemental sont-ils versés? Est-ce que cela va au fonds
consolidé de la province? Projetez-vous, par exemple, d'affecter ces
montants à la sécurité routière qui, maintenant,
est une des phases les plus importantes du programme du ministère des
Transports? En fait, c'est l'évolution qui semble se faire ailleurs,
où beaucoup de ces montants, les prélèvements de taxe sur
les primes d'assurance automobile vont au fonds de la sécurité
routière pour toutes sortes de programmes ayant trait à la
sécurité. Ce sont des programmes préventifs pour,
justement, faire croire que les primes d'assurance sont réduites par le
fait même de cet investissement dans la sécurité
routière. Est-ce qu'il y a un tel objectif ou une telle idée en
jeu au ministère ou au Conseil des ministres?
M. Parizeau: Non, M. le Président. À l'heure
actuelle, les montants perçus par le truchement de cette taxe sont
versés directement au fonds consolidé du Revenu. En tout cas, ni
chez moi ni au Conseil des ministres, jusqu'à maintenant on n'a vu
apparaître une idée d'affectation d'une partie de cette
taxe ou toute cette taxe à des fins spécifiques.
Je dois dire d'ailleurs qu'à une exception près - et cela
n'a peut-être pas été la trouvaille du siècle - les
fonds perçus sous forme de taxe et d'impôt ne sont pas
affectés à une fin en particulier. Il n'y a pas dans le budget de
Québec traditionnellement ce qu'on appelle en anglais "the year-mark
tax". La seule exception dont je parlais tout à l'heure, c'est la taxe
sur la publicité électronique dont on avait dit que la majeure
partie irait à la contre-publicité. Je pense qu'on peut remonter
loin en arrière au Québec et on ne trouvera pas de "year-mark
tax", d'impôt ou de taxe spécifiquement affectée à
une fin.
Il est plus courant que l'on se serve de permis à des fins
spécifiques. Cela, c'est plus fréquent, pour des montants
beaucoup moindres, à ce moment. Dans l'ensemble, ce n'est pas quelque
chose d'usuel dans notre façon de procéder. Je ne veux pas dire
par là que cela ne pourrait pas se faire, qu'on ne pourrait pas affecter
certains impôts à certaines fins. Il faut dire que, lorsqu'on
commence à procéder de cette façon, il est clair que cela
enlève beaucoup de flexibilité à l'administration
budgétaire parce que cela consolide certains types de dépenses
puisque l'impôt doit aller à une fin définie. Lorsqu'on
veut, par exemple, passer par les phases de compressions budgétaires
qu'on connaît depuis deux ans, cela devient extrêmement
malaisé, on se trouve très encastré, on manque beaucoup de
flexibilité. C'est pour cette raison qu'au Québec on n'a jamais
pratiqué vraiment ce genre de choses, à quelques exceptions
près, comme la publicité électronique. À part cela,
je ne me souviens pas d'autres cas. J'essaie de remonter en arrière, non
pas tellement depuis que nous sommes au pouvoir, je peux me tromper mais je ne
me souviens pas de d'autres cas dans l'époque récente.
M. Lincoln: Je demande ceci à titre d'information parce
que je ne suis pas sûr du fait, mais n'est-il pas vrai que pour les
primes d'incendie, contrairement aux primes d'automobile, il y a un
prélèvement de taxe quelconque spécifique à la
prime d'incendie qui va au service d'incendie des municipalités ou
est-ce que je suis complètement dans l'erreur?
M. Parizeau: Je suis certain que cela n'y va pas.
M. Lincoln: II n'y a aucune taxe qui s'applique aux primes
d'incendie ou à l'assurance-incendie comme telle?
M. Parizeau: Non.
M. Lincoln: Vous avez toujours le...
M. Parizeau: Je viens de faire une erreur. Il y a une autre
"year-mark tax" dans notre système. C'est la taxe sur le pari mutuel qui
va à l'amélioration de la race chevaline. Là encore, c'est
pour un tout petit montant.
M. Lincoln: Est-ce que vous n'avez pas certaines taxes dans le
département de santé des affaires sociales? Tout cela va au fonds
consolidé, je pense...
M. Parizeau: Par exemple, à la Régie de
l'assurance-maladie, les 3% des contributions d'employeurs au service de
santé ne va pas à un fonds spécifique. Il est versé
au fonds consolidé du revenu. D'autre part, on assure par
crédits, qui apparaissent d'ailleurs dans ce livre de crédits,
les dépenses de la Régie de l'assurance-santé.
M. Lincoln: Vous confirmez qu'il n'y a pas de taxe
spécifique pour ce qui est des primes d'incendie.
M. Parizeau: Non.
M. Lincoln: Est-ce que nous aurions pu, par exemple,
considérer qu'une approximation du total des taxes perçues pour
ce qui est des taxes sur les primes d'assurance automobile puisse avoir une
équivalence quelconque avec le ministère des Transports, pour que
ce fonds aille vers la sécurité routière ou augmente le
fonds de sécurité routière, comme cela semble être
l'évolution ailleurs, pour essayer de faire de la prévention pour
réduire les primes? Je dis cela à titre de suggestion.
Peut-être cela serait-il quelque chose à considérer?
M. Parizeau: Effectivement, M. le Président, je pense que
le député de Nelligan fait allusion à un geste qu'on
pourrait peut-être poser. Mais la décision n'est pas prise -elle
ne porte pas sur les primes d'assurance d'augmenter, par le truchement de
contributions additionnelles, l'argent qui sera mis dans la prévention
de la sécurité routière. Cela n'a rien à voir avec
les primes de compagnies d'assurances. C'est une idée avec laquelle on
jongle à l'heure actuelle de façon à augmenter ce qu'on
mettrait dans la prévention routière, mais ce n'est pas tout
à fait au point et la décision n'est pas prise encore à ce
sujet. Cela n'a rien à voir avec les primes d'assurance.
M. Lincoln: Je ne suggérais pas que vous augmentiez les
taxes sur les primes - je ne veux surtout pas qu'il y ait de malentendu.
M. Parizeau: Je n'y tiens pas, non plus.
M. Lincoln: Dans le rapport du Surintendant des assurances, page
24, on parle des frais d'exploitation des assureurs sur les primes souscrites
au Québec. Auriez-vous les chiffres pour 1981? Est-ce que ces chiffres
sont disponibles maintenant ou non?
M. Parizeau: Les chiffres?
M. Lincoln: Les chiffres des frais d'exploitation des
sociétés d'assurance au Québec. A la page 24, on va
jusqu'en 1980. On montre des frais d'exploitation, en 1980, de 29,3%. Cela
m'intéressait de savoir quels étaient les chiffres pour 1981.
J'aimerais faire la comparaison entre 1980 et 1981.
M. Parizeau: M. le Président, on me dit que ces chiffres
ne seront pas disponibles avant l'automne. C'est normalement l'automne de
l'année suivante qu'on les...
M. Lincoln: Donc, vous n'avez aucune idée sur ce qui se
passe avec les frais d'exploitation de ces compagnies de 1981 par rapport
à 1982. Vous n'avez pas d'approximation? Est-ce que ce chiffre se
maintient? Est-ce que ce chiffre est augmenté?
M. Parizeau: On me dit qu'au début juin on ne peut pas
vraiment avoir d'idée de ces chiffres de 1981. C'est vraiment à
l'automne qu'on aura cela.
M. Lincoln: Si on parle des chiffres de 1979 et 1980 où
l'on voit des frais d'exploitation qui sont montés, en fait, d'à
peu près 1%, soit de 28,4% à 29,3%, on peut dire effectivement,
que l'augmentation des frais d'exploitation est à peu près
1%.
M. Parizeau: Oui, jusqu'à concurrence de probablement
0,7%, M. le Président.
M. Lincoln: 0,7%, c'est cela. Ce qui m'intéressait,
c'était de savoir si les frais d'exploitation - parce que les frais
d'exploitation entre 1978-1979, c'est à peu près statique - en
1979-1980, ce serait resté statique. Bref, s'il n'y avait pas eu
d'augmentation de taxes, ce serait resté statique et je voulais savoir
si, en 1980, ce serait resté statique aussi? (22 h 45)
M. Parizeau: La difficulté, M. le Président, si on
examine ce tableau 3, auquel fait référence le
député de Nelligan, c'est qu'en pourcentage, le poste qui aurait
le plus contribué à cette hausse générale des frais
d'exploitation - non, on ne peut pas dire cela - au moins un facteur
égal, ce sont les commissions.
M. Lincoln: Non, je ne pense pas que ce soit un facteur plus
parce que...
M. Parizeau: Non, c'est du même ordre, c'est 0,7%.
M. Lincoln: 0,7%, je pense que c'est 0,7%.
M. Parizeau: Les taxes et permis, c'est 0,7%, mais là on
voit qu'il y a eu une amélioration relative sur le plan des frais
d'administration qui compense pour une part. Effectivement, il a raison.
L'augmentation de la taxe et des commissions ont été deux
facteurs.
M. Lincoln: En fait, j'avais une question parce que je voyais -
je suis d'accord avec vos chiffres - à la page 25 du rapport du
surintendant, au paragraphe 4, il dit: "L'augmentation est attribuable à
une hausse de commissions et de taxes qui ont plus qu'annulé la baisse
notée à la rubrique des frais d'administration." En fait, les
frais d'administration, c'est un peu plus. Si on compare, par exemple, les
frais d'administration ont décrû par rapport aux commissions. Si
on ne prend pas la taxe dedans, il me semble que s'il fallait que les taxes et
les commissions soient plus que les frais d'administration... Il y a une nette
baisse des frais d'administration, c'est sûr, de 9,4% à 8,9%.
M. Parizeau: C'est une baisse relative. C'est exact que
commissions et taxes font augmenter le pourcentage de 1,4% au total et que les
frais d'administration baissent de 0,5%. Il y a donc une hausse de la
proportion de 0,9% au net pour les frais d'exploitation.
M. Lincoln: Le ministre me dit qu'il n'a aucune intention de
hausser encore une fois le chiffre des taxes qui ont augmenté de 50%,
c'est-à-dire de 2% à 3%. Est-ce qu'on peut penser que 3%, pour
l'avenir, est prévisible? J'espère demander au ministre si c'est
pour le mandat du Parti québécois ou peut-être que c'est
une question un peu osée pour quatre ans, qu'on va rester à 3%.
Est-ce qu'on peut dire que nous sommes arrivés à un plafond au
point de vue des taxes à 3%?
M. Parizeau: M. le Président, on n'annonce jamais les
augmentations de taxes ou les baisses de taxes à l'avance. Cela va
être un peu difficile de répondre à cela, surtout si je
suivais le conseil du député de Westmount et que je distinguais
les deux postes de ministre des Finances et de ministre des Institutions
financières et Coopératives, auquel cas, je serais absolument
incapable de répondre. Il n'en reste pas moins qu'à l'heure
actuelle beaucoup de provinces nous ont imités sur ce plan et que les 3%
semblent être maintenant
une taxe assez répandue au Canada. Est-ce qu'on montera plus haut
que cela? Vous savez, je ne tiens pas nécessairement à augmenter
les taxes quand je peux l'éviter. Cela dépendra de bien des
choses. Cela dépendra des équilibres budgétaires. Je ne
peux pas m'engager à l'avance, pas plus que je pourrais m'engager
à l'égard de n'importe quel impôt. D'un autre
côté, je ne m'engage pas, non plus, à ne pas les baisser.
Ayant dit cela, je suis parfaitement conscient que je n'ai rien dit du
tout.
M. Lincoln: Ce sera la première fois, parce que cela a
sûrement un effet direct sur les primes d'assurance automobile. C'est
sûr que 1% de taxes sur les chiffres de primes, cela doit
représenter quelque chose, surtout si on parle de groupes qui paient des
primes, par exemple, chauffeurs de taxi; vous vous souvenez, cela
représente sûrement un chiffre qui est assez conséquent. Ce
serait une bonne idée de penser à cela. La question des frais
d'administration et des frais d'exploitation... J'aurais voulu qu'on parle de
la comparaison entre... En lisant le rapport du Surintendant des assurances, je
voudrais dire très clairement - je parle de cela tout à fait
objectivement, je n'ai pas envie de me faire le porte-parole d'aucune
société ou d'un groupe par rapport à un autre, mais d'une
façon purement objective - je vois que toute cette question de frais
d'exploitation et de frais d'administration...
J'aurais voulu faire une comparaison, par exemple, entre les compagnies
existantes du secteur privé et le service d'assurance public que nous
avons. La seule chose qu'on puisse comparer, ce sont les frais d'administration
qui sont, dans le secteur privé, si vous avez remarqué, de 8,9%
en 1980. Cela m'intéresserait de savoir quel est le pourcentage de 1981.
Je pense que les derniers chiffres que nous avions pour l'assurance publique
sont environ 6,5% ou 6,9%, quelque chose comme cela, de frais d'administration.
Mais, est-ce qu'on pourrait avoir un relevé de ce que sont au total les
frais d'exploitation de l'assurance automobile du Québec, l'assurance
publique, par rapport aux frais d'exploitation des sociétés
privées, pour pouvoir faire une comparaison?
M. Parizeau: M. le Président, on me dit qu'effectivement
sur une base à peu près comparable, les frais d'exploitation de
la Régie de l'assurance automobile sont de l'ordre de 6%.
M. Lincoln: ... d'exploitation et non d'administration?
M. Parizeau: Cela implique la somme des deux dernières
colonnes, c'est-à-dire administration et règlement des sinistres.
Bien sûr, la régie n'a pas de taxe...
M. Lincoln: Pas de taxe...
M. Parizeau: ... et n'a pas de commission...
M. Lincoln: ... pas de commission.
M. Parizeau: Donc, les 6% se comparent aux deux dernières
colonnes du tableau, règlement des sinistres et administration. C'est de
l'ordre de 6%. On peut le faire calculer d'une façon un petit peu plus
précise et le faire parvenir au député de Nelligan, bien
sûr.
M. Lincoln: Est-ce qu'on aurait pu parler, par exemple, de
comparer les deux, pour savoir vraiment ce que nous coûte exactement le
service public par rapport au service privé? Est-ce que le service
privé coûte trop cher? Est-ce que le service public entre dans les
normes? Par exemple, je sais que le service public n'est pas taxé, mais
est-ce qu'il y a quelque chose qui empêcherait - vous allez me dire que
cela va sortir d'une poche pour aller à l'autre -de traiter le service
public comme une société d'État? Comme vous l'avez fait,
par exemple, avec Hydro-Québec. Dire: On va imposer 3% de taxe. Pourquoi
pas? Si vous dites que c'est valable dans le cas d'Hydro-Québec,
pourquoi est-ce qu'on ne le ferait pas? À ce moment-là, on
pourrait, à la longue dire: On va avoir une compagnie publique, on va
avoir un système privé, on va imposer les taxes aux deux, on va
faire de la compagnie publique un objet de contrôle, exactement comme
sous la Direction générale des assurances, envoyer des
renseignements divers à la direction générale, rendre des
comptes sur les placements, imposer des taxes, exactement comme ce sera le cas
pour Hydro-Québec.
Est-ce que c'est dans les possibilités, est-ce que c'est une
considération que vous seriez prêt à envisager?
M. Parizeau: M. le Président, d'abord je voudrais
indiquer, avant d'aller plus loin, que la Régie de l'assurance
automobile relève de mon collègue des Transports. Ce que je vais
dire, c'est sous toutes réserves. Je n'avais pas d'idée dans ce
sens, mais le député de Nelligan vient de me faire penser
à quelque chose. Effectivement, nous cherchons à l'heure
actuelle, comme j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises,
à faire en sorte que les sociétés d'État soient le
plus possible sur le plan fiscal - ce n'est pas toujours parfait, ce ne peut
pas toujours être absolument le cas - traitées comme des
entreprises privées. Je note avec intérêt - je ne m'engage
à rien - que dans le cas de la RAAQ ce n'est pas tout à fait
exact et que ma politique n'a pas encore rejoint ce secteur. Je ne m'engage
à rien, mais disons
que l'idée exprimée par le député de
Nelligan, pour le moment, m'intrigue et m'intéresse.
M. Tremblay: C'est parce qu'ils veulent faire un autre
filibuster.
M. Lincoln: Je vois que vos collègues sourient beaucoup.
Ils pensent que le député de Nelligan va dire en Chambre que
c'est lui qui a proposé la taxe pour l'assurance automobile publique.
Afin qu'il y ait aucun malentendu et pour les fins du journal des
Débats, c'est tout à fait clair. Ce que je veux qu'on institue,
si possible, c'est un système où on pourrait contrôler
justement le coût des assurances au Québec. Ce qui arrive
maintenant, avec le coût de l'assurance automobile privée, c'est
qu'on n'a pas mal de chiffres qui sont tout à fait
détaillés par le Surintendant des assurances. Je sais que vous
dites que, dans le cas de l'assurance publique, naturellement, il n'y a pas de
commission, il n'y a pas de taxe pour le moment, il y a le règlement des
sinistres et il y a l'administration.
Mais, quand on arrive à comparer les chiffres que les
contribuables paient pour l'assurance en général, donc,
l'assurance-responsabilité personnelle qui est faite par le secteur
public et l'autre qui est faite par le secteur privé, on n'a pas de
barème de comparaison du tout; alors on se base sur quelque chose...
Quant à moi, j'aurais voulu voir quelque chose où l'on n'a pas,
par exemple, des taxes indirectes dans l'assurance automobile publique, comme
c'est le cas aujourd'hui, alors qu'on nous impose des taxes sur les permis de
conduire, qu'on nous impose des taxes indirectes sur l'immatriculation; qu'on
fasse cela par un service d'assurances où l'on a une base comparable.
Alors, que vous mettiez vos 3% sur... C'est cela que je voulais dire. Ce n'est
pas que vous fassiez tout le reste et que vous appliquiez encore 3%.
Vraiment, on va dire que le député de Nelligan a dit que
3%, c'était formidable et, après cela, je vais être le bouc
émissaire dans les journaux; enfin, je l'ai dit avec toute la
clarification possible que j'aurais voulu y voir. Par exemple, qu'une
comparaison tout à fait constructive ou objective se fasse pour qu'on
puisse savoir quels sont vraiment les coûts de ces assurances.
Maintenant, ce qui arrive, c'est que le coût de l'assurance privée
qui est détaillée au possible dans le livre du Surintendant des
assurances n'est pas du tout comparable parce que, dans l'autre, on a une
espèce d'éléphant à 20 têtes, où on a
des petites primes qui sont exigées sous toutes sortes de formes. On ne
le sait pas; alors on dit: Bon, voilà, c'est cela, le coût, mais
on ne sait pas vraiment quel est le coût. C'est cela que je voulais faire
ressortir parce que ce serait bien intéressant de comparer "apples with
apples".
Alors, si vous pouvez suggérer cela à la RAAQ en disant:
Bon, retirez tout ce que vous demandez dans les permis de conduire et dans les
plaques d'immatriculation pour l'assurance; ce serait bien intéressant
de savoir quels sont les vrais coûts et quels sont les barèmes
exacts de leurs primes et tous les relevé de sinistres, etc., que
fournissent les autres compagnies dans le livre du Surintendant des assurances.
C'était cela vraiment l'idée de ma question.
Le Service des assurances a subi, en 1981, des modifications
structurelles; on a changé le nom, on appelle cela la Direction
générale des assurances. Je pense que ma collègue, Mme
Bacon, vous avait questionné à ce sujet en 1980 et l'année
dernière, en 1981. Alors, vous disiez, M. le ministre, à Mme
Bacon, que, dans le cas des assurances, j'imagine que c'est probablement moins
susceptible de donner lieu à des changements majeurs. Les compagnies
d'assurances n'ont pas à être surveillées de semaine en
semaine, de quinze jours en quinze jours, mais imaginons, par exemple, un
mécanisme de surveillance hebdomadaire où, toutes les deux
semaines, des liquidités dans un certain nombre d'institutions
financières...
Je voulais savoir, pour les années 1981- 1982, sur quelle base
les modifications ont été apportées. Est-ce que cela a
été majeur? Est-ce qu'on pourrait avoir un nouvel organigramme
des changements de structures, le nom des principaux cadres, le nombre
d'employés par catégorie d'emplois? Enfin, j'aurais pu vous
donner une liste des choses que j'aurais voulu avoir, peut-être que cela
aurait été intéressant d'avoir les budgets.
M. Parizeau: M. le Président, il s'agit essentiellement
d'une réorganisation administrative à des fins, essentiellement,
d'efficacité interne. Cela semblait plus approprié, mais ce n'est
pas du tout une réorientation fondamentale. Quant aux renseignements
précis, comme ceux qu'on demande, je pense qu'on est en mesure de les
fournir.
M. Lincoln: Est-ce que le nombre de cadres a changé?
Est-ce que, par exemple, du point de vue du nombre d'employés, du nombre
de contractuels, etc., il y a eu des changements significatifs d'une
année à l'autre? (23 heures)
M. Parizeau: J'ai la répartition financière du
coût du Service des assurances, mais, sur le plan des effectifs
répartis par catégories de personnel, si on me donne 30 secondes
on va voir si nous les avons. Alors, en cadres, si le député de
Nelligan veut bien noter, il y a six postes; chez les professionnels, il y en a
32; chez les
techniciens, 5, et chez les employés de bureau, 40.
M. Lincoln: Combien de professionnels, pardon?
M. Parizeau: 32 postes.
M. Lincoln: Et après, pardon?
M. Parizeau: Techniciens, 5; employés de bureau, 40.
Alors, effectif total, 83, dont, au 31 mars 1982, 5 postes vacants. Les
chiffres que je viens de donner c'est au 31 mars 1982.
M. Lincoln: Est-ce que vous pouvez nous donner une idée
des salaires de ces effectifs?
M. Parizeau: Vous voulez dire au total? M. Lincoln: Au
total on les a.
M. Parizeau: Alors, traitements proprement dits: 2 540 000 $. Le
chiffre que je viens de donner de 2 540 000 $ c'est pour les crédits
1982-1983, donc l'année qui est en cours.
M. Lincoln: Les chiffres que nous avions montrent 2 638 000
$...
M. Parizeau: Oui, cela inclut ce qu'on appelle "autres
rémunérations".
M. Lincoln: Pour les contractuels?
M. Parizeau: II y en a pour 98 000 000 $ et alors, au total,
ça fait 2 638 000 $.
M. Lincoln: II y avait combien de contractuels? Est-ce que vous
pouvez me le dire?
M. Parizeau: II y a cinq personnes-année occasionnelles,
contractuelles.
M. Lincoln: Est-ce que vous pouvez nous donner des explications
sur les cotisations en vertu de la Loi sur les assurances pour les frais
engagés, les cotisations de la part des compagnies d'assurances? Les
chiffres que nous avons pour 1977, c'est environ 1 400 000 $; pour 1978, 2 147
000 $ et pour 1979, 2 700 000 $ environ. Il y a une augmentation de 52% en
1978-1978 et ensuite une autre augmentation de 24% en 1978-1979. Entre 1977 et
1979, il y a une augmentation, si on ajoute les deux années d'environ 1
250 000 $. Est-ce que vous avez les chiffres pour 1980-1981?
M. Parizeau: Oui, pour ce qui a trait au revenu perçu par
la Direction générale des assurances à l'égard des
compagnies d'assurances, n'est-ce pas?
M. Lincoln: Oui.
M. Parizeau: En 1981-1982, c'est 4 213 000 $. Cela comprend les
cotisations, les honoraires, les certificats d'agents, en somme l'ensemble de
ce qu'on perçoit dans le secteur des assurances.
M. Lincoln: Est-ce que c'est par des augmentations tout à
fait significatives...
M. Parizeau: Non, cela se présente de la façon
suivante. Ce Service des assurances fonctionne sur la base d'une
répartition des coûts entre les compagnies. On ajuste, on
détermine en un an combien cela a coûté et on
répartit cela au prorata entre les compagnies.
M. Lincoln: Oui, nous sommes d'accord. Mais tout cela
dépend de ce que vous coûtent vos services. Les services de
surveillance...
M. Parizeau: Oui.
M. Lincoln: Oui, d'accord, mais c'est cela que je veux
établir. Est-ce que, en fonction des coûts de surveillance, quand
cela monte, par exemple, si vous voyez l'augmentation, en 1977-1978, il y avait
52% ensuite 24%, là, vous me dites qu'en 1981-1982 c'est monté
à 4 000 000 $ et, en l'espace de quatre ans, que c'est monté de 1
400 000 $ à 4 213 000 $? Alors, est-ce que cela n'indique pas, par
exemple, que vos services de surveillance sont très coûteux
relativement à une base de départ? Est-ce qu'ils ne sont pas
augmentés, est-ce que vous avez plus d'inspecteurs? Tout cela se rajoute
aux chiffres des primes, en fait, qu'on charge aux contribuables.
M. Parizeau: M. le Président, j'ai un petit
problème ici dans le sens que je n'arrive pas à concilier, quand
on remonte dans le passé, mes chiffres et ceux du député
de Nelligan. Il y a des augmentations, effectivement, assez fortes, mais pas de
l'ampleur qu'il indiquerait, enfin, compte tenu des chiffres que j'ai ici.
En 1978-1979, comme revenus de la Direction générale des
assurances, j'ai 2 477 000 $. Est-ce que cela correspond aux chiffres du
député de Nelligan?
M. Lincoln: Oui.
M. Parizeau: C'est cela?
M. Lincoln: Vous avez combien en 1978-1979?
M. Parizeau: En 1978-1979, j'ai 2 477 000 $.
M. Lincoln: Oui, moi, j'avais 2 147 000 $.
M. Parizeau: Là, c'est possible que ce soit la
cotisation...
M. Lincoln: Oui.
M. Parizeau: ... sans tenir compte des honoraires et...
M. Lincoln: Oui, je crois que c'est la cotisation sans les
honoraires.
M. Parizeau: L'année suivante, j'ai 3 149 000 $.
M. Lincoln: Oui, c'est cela, la cotisation, c'était 2 600
000 $. D'accord.
M. Parizeau: Cela représente une augmentation qui est,
évidemment, en pourcentage, assez substantielle. L'année
suivante, on passe à 3 435 000 $, cela ne fait pas tout à fait
10% d'augmentation. Puis, l'année suivante, on passe, comme je disais
tout à l'heure, à 4 213 000 $, cela fait quelque chose d'assez
substantiel, 800 000 000 $ sur une base de 3 400 000 $.
M. Lincoln: Ce sera d'environ 3 300 000 $ à 4 213 000
$?
M. Parizeau: 3 435 000 $, oui, à 4 213 000 $ de 1980-1981
à 1981-1982.
M. Lincoln: C'était cela le point que je voulais
établir, M. le ministre. Je réalise que vous divisez vos
coûts de surveillance entre les compagnies d'assurances, cela, je le
comprends très bien, mais les augmentations sont telles que vos services
de surveillance, les cotisations qui se font, cela à l'air
d'augmentations; par exemple, en 1980-1981 et 1981-1982, si vous parlez de 3
435 000 $, vous parlez de presque un tiers d'augmentation, 30% ou plus. Est-ce
que ce n'est pas...
M. Parizeau: M. le Président, il y a deux raisons qui
expliquent cela, au moins pendant quelques années, ce sont, d'une part,
effectivement, des augmentations de personnel à un certain moment et
puis, en cours de route, pendant les années que nous examinons, la
décision d'imputer les services de soutien généraux du
ministère aux divers services, pas seulement la Direction
générale des assurances mais chacun des autres services ou
chacune des autres directions, le soutien général du
ministère a été imputé entre les diverses
directions.
M. Lincoln: Ah bon!
M. Parizeau: On remarquera que, cette opération
étant faite, cette année, on calcule que les cotisations vont
augmenter seulement de 7%. Au moment où cela a été fait,
évidemment, cela représente une hausse assez importante.
L'idée...
M. Lincoln: Peut-on savoir quand c'est arrivé?
M. Parizeau: Ce doit être en 1981. On me dit que cela s'est
fait dans le courant de l'année 1981 ou à la fin de 1980.
M. Lincoln: Alors, cette année, M. le ministre, cela va
être...
M. Parizeau: Ce qui est imputé est déjà
imputé. Les dépenses...
M. Lincoln: Non, non. Mais ce qui va être imputé,
cela va continuer...
M. Parizeau: De 7%, parce que les dépenses de ce
ministère dans sa totalité augmentent cette année de 7%,
ce qui est très faible.
M. Lincoln: Quelle partie, par exemple, des 4 213 000 $
représentent les services de soutien?
M. Parizeau: De l'imputation? Approximativement, dans les 4 213
000 $ que vous avez, il y a 3 500 000 $ de cotisations. Le reste est pour les
honoraires, permis, etc. Sur ces 3 500 000 $, il y a à peu près
500 000 $ d'imputés à des frais de soutien généraux
du ministère.
L'idée était la suivante et, bien que je n'aie pas
été là quand ça s'est fait, je suis tout à
fait d'accord avec cette façon de procéder. Il me paraît
tout à fait normal qu'autant que possible ce ministère s'approche
d'une forme d'autofinancement. On n'en est pas encore là. Certains
services y sont déjà. Mais cela me paraîtrait tout à
fait normal qu'éventuellement chacune des activités de ce
ministère s'autofinance. C'est une des choses par exemple que nous avons
à examiner dans un domaine où l'autofinancement n'existe pas, par
exemple, à la Commission des valeurs mobilières. C'est une
question qu'on doit valablement se poser parce que la Commission des valeurs
mobilières ne doit pas s'autofinancée. Actuellement, c'est
évident qu'elle coûte plus cher que les 520 000 $ de revenus
qu'elle a reçus. Il s'agit d'une question qu'on se pose. Au contraire,
dans le cas des compagnies de fiducie, des compagnies d'assurances, elles
s'autofinancent et je pense que c'est un principe très simple.
Pour l'année dans laquelle nous sommes,
1982-1983, l'augmentation des dépenses est prévue à
7% pour l'ensemble du ministère. Donc, il va y avoir un ralentissement
de l'augmentation des cotisations par rapport à ce qu'on a connu dans le
passé. Je dois dire qu'il me paraît tout à fait conforme
à la politique de compressions budgétaires du gouvernement qu'on
puisse se limiter à une augmentation aussi faible que
celle-là.
M. Lincoln: M. le ministre, je dois dire que vous dites de si
beaux mots que, parfois, vous vous engouez - je ne sais pas si c'est le bon mot
en français mais enfin - et on vous écoute comme dans un
rêve. Je me dis: Mais il n'y a pas eu d'augmentation; en 1977-1978,
c'était 1 400 000 $, en 1981-1982, c'est 4 213 000 $ et il y a 500 000 $
pour les services de soutien. Vous me dites que c'est une augmentation tout
à fait raisonnable.
En fait, cette augmentation, ça se traduit en primes d'assurance,
en fin de compte. On distribue cela à tant de compagnies. Je pense que
le Service des assurances a parlé de 19, je ne sais si j'ai le
même chiffre, à savoir à combien de compagnies cela serait
distribué. Là aussi, il faudrait voir. Si, par exemple, la
compagnie publique se tenait sur ses deux pieds comme une compagnie
privée, avait à justifier tous ses coûts, avait à
justifier ses primes, avait à justifier toutes ses pertes, ce serait
intéressant de lui passer aussi une partie des 500 000 $, une partie des
frais de surveillance, si elle se surveillait comme les autres. À ce
moment, on verrait si elle fait de l'argent ou si elle en perd; on pourrait la
contrôler du point de vue du public. Je ne sais pas moi, enfin, c'est
quelque chose qui mérite d'être surveillé parce qu'on
arrive encore une fois à un plafond. Si on regarde les augmentations de
1977-1978 jusqu'à maintenant, c'est presque un dédoublement. En
1978, les cotisations que j'ai, moi, c'est 2 147 000 $ et là on arrive,
en 1981-1982, à quelque chose de près de 4 000 000 $ de
cotisations, c'est une augmentation fantastique, c'est presque 100%.
M. Parizeau: Non, je m'excuse. Il faut comparer des choses
égales, M. le Président. En 1978-1979, nous avons 2 477 000 $ de
cotisations, d'honoraires et de licences. Donc, quand on dit...
M. Lincoln: 2 477 000 $, bon, excusez-moi, on devrait comparer 2
477 000 $ à 4 213 000 $.
M. Parizeau: Voilà, c'est cela qu'il faut comparer.
M. Lincoln: Oui, oui.
M. Parizeau: C'est cela qu'il faut comparer. Ce sont des choses
comparables.
M. Lincoln: Mais enfin, oui, d'accord, qu'on compare ces
deux-là. Même 2 477 000 $ à 4 213 000 $, c'est pas de la
petite bière, hein! C'est pratiquement 100% d'augmentation.
M. Parizeau: Encore une fois, j'explique cette augmentation. Elle
est attribuable, d'une part, à l'expansion de personnel et, d'autre
part, au fait qu'on a imputé à cette direction, comme à
d'autres d'ailleurs, une partie des services de soutien du ministère en
disant: C'est un ministère de services, il est normal qu'il puisse en
arriver le plus rapidement possible à son autofinancement. (23 h 15)
D'autre part, cette forme d'imputation étant faite, les effectifs
ayant été augmentés, là, on constate que ce qu'on
envisage pour 1982-1983, ce sont des augmentations des cotisations de l'ordre
de 7%, mais ça me paraît très sain que l'autofinancement
puisse être réalisé. Cela étant dit, je comprends
cependant le point de vue du député de Nelligan. Si je le
comprends bien, il dit que des services d'assurances publiques reçoivent
une imputation de certains frais de soutien. Le problème c'est qu'ils ne
reçoivent pas de services du ministère en question. La RAAQ
relève du ministère des Transports. Il y a une autre forme
d'assurance, qui est la Commission des accidents du travail, ce qu'on appelle
le CSST maintenant. Cela n'a jamais été inspecté et cela
relève du ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu. Le ministère des Institutions
financières et Coopératives ne contrôle et ne surveille
à cet égard que les assurances privées et part du principe
que la surveillance, l'inspection qu'il doit faire doit s'autofinancer et que
les entreprises doivent payer pour ces services d'inspection ou de surveillance
qu'elles reçoivent. Cela me paraît un principe très sain.
There is no such thing as a free lunch.
M. Lincoln: Oui, d'accord. Tout ce que je veux vous dire, M. le
ministre, c'est que de mon point de vue, je trouve qu'il y a autant
d'obligations pour une compagnie publique qui est en fait financée par
les taxes des contribuables de se justifier et de s'autofinancer. Je suis tout
à fait d'accord avec vous. Ici, on n'a aucun barème, aucun
critère pour pouvoir réellement situer le coût de
l'assurance publique. On dit qu'on va surveiller les assurances privées,
on va leur charger les quelque 4 000 000 $ ou 3 000 000 $ de cotisations pour
la surveillance, les honoraires, etc., mais, notre assurance publique, on la
laisse travailler comme cela. Ce serait bon de se servir des mêmes
barèmes.
Je vais passer à autre chose.
Le Président (M. Desbiens): À un autre sujet?
M. Lincoln: Non, pas à un autre sujet. C'est sur la
même chose.
Le Président (M. Desbiens): Bon! d'accord.
M. Lincoln: Je sors du sujet où j'étais.
M. Parizeau: Est-ce que le député me permettrait
seulement, avant de changer de sujet...
M. Lincoln: Oui, oui.
M. Parizeau: C'est juste une précision. Je pense que je
comprends ce qu'il veut dire. Il ne faut pas oublier cependant que les
organismes d'assurances publiques dont on parle sont vérifiés par
le Vérificateur général. Cela ne le satisfait pas, quant
à ce qu'il suggérait, mais il ne faut pas oublier cela.
M. Lincoln: M. le ministre je pense que nous serions d'accord, je
crois que vous n'allez pas me contredire, si nous disions que si, par exemple
la société d'assurances publiques, appelez cela ce que vous
voulez, la RAMQ, la RAAQ ou n'importe quoi, le nom m'importe peu, mais que si
c'était sous le système de vérification que votre
ministère a sur les services d'assurances, cela serait une
vérification beaucoup plus spécialisée et qui entrerait
dans les cadres du même système, qui serait beaucoup plus logique
et où le public pourrait savoir où va son argent et quel serait
le coût réel. C'est cela qu'on veut dire, il y aurait une
distribution beaucoup plus équitable. En fait, c'est peut-être un
autre compliment qu'on va faire à tort.
M. Parizeau: C'est involontaire.
M. Lincoln: Je continue sur les assurances. Je ne change pas de
sujet. C'est une autre page du dossier.
Je vois en page 8, et vous m'excuserez, M. le ministre, si nous avons
ici, de ce côté de la Chambre, une espèce de
préjugé pour le système privé, parce que nous avons
pensé que le système privé, c'est un système
où on peut contrôler un peu les coûts par le truchement de
la concurrence. La question de la concurrence est pour moi primordiale. Je
trouve que, sans la concurrence, tout système économique
dépérit. À la page 8 du rapport du Surintendant des
assurances, par contre, étant donné le faible nombre d'assureurs,
environ 18 qui perçoivent la majeure partie des primes, on peut
être porté à penser qu'il existe un oligopole - il parle de
monopole - qui a permis de conclure qu'il n'existe pas présentement au
Québec tout à fait un monopole, parce que le nombre de compagnies
est tellement restreint qu'il y a un oligopole possible.
En d'autres mots, les gros vendeurs ne se font pas concurrence. Un petit
peu plus loin, au quatrième paragraphe, il conclut: "Le marché
n'est donc pas oligopolistique et les assureurs importants se font
véritablement concurrence". J'ai là une sorte de problème
à le suivre parce qu'au paragraphe d'avant, il dit: "En d'autres mots,
les gros vendeurs ne se font pas concurrence". Après cela, il dit: "Le
marché n'est donc pas oligopolistique et les assureurs importants se
font véritablement concurrence". Là, j'étais un peu perdu
dans son affaire. Quand j'ai continué à lire et que je suis
arrivé à la page, 76 ou 77, je pense, j'ai une petite
référence, il y a un tableau quelque part, où il donne des
chiffres comparatifs. Il fait même une remarque. C'est ainsi que
l'assureur no 19 au tableau 13 exige une prime moyenne, pour une couverture
complète, qui est inférieure de 28% au coût estimé.
Par contre, l'assureur no 31 exige une prime moyenne qui est supérieure
de 19% au coût estimé. Là, il fait des chiffres, des
tableaux qui montrent que tous ces assureurs ont des primes "all over the
place". Il y en a qui demandent 97 $, pendant qu'il y en a qui demandent 147 $,
pendant qu'il y en a qui demandent 106 $, d'autres 115 $, etc. J'aurais voulu
savoir du Surintendant des assurances s'il considère - en parlant au
ministre - qu'il y a vraiment un oligopole, un monopole; est-ce que ces 18
assureurs ne se font pas concurrence? Il semblerait, d'après les
chiffres donnés, qu'il y a une concurrence effective, que même les
marchés importants et les marchés moins importants se font
concurrence. J'ai été un peu embrouillé par les remarques,
surtout aux paragraphes 3 et 4 de la page 8, en comparant surtout avec les
pages 76 et 77, où on dit exactement le contraire.
M. Parizeau: M. le Président, je pense que c'est
peut-être simplement une question d'interprétation. Tel que je lis
la page 8, le troisième paragraphe, je l'interprète de la
façon suivante: Le surintendant se dit: Si un oligopole existe, comment
cela fonctionne-t-il, quelles sont les caractéristiques de cet
oligopole. Il conclut son paragraphe en disant: En d'autres mots, les gros
vendeurs ne se font pas concurrence. C'est la façon de définir un
oligopole. Ensuite, au quatrième paragraphe, il dit: Maintenant, on a
regardé comment cela fonctionnait. On constate que cela n'en est pas un.
Il n'y a pas vraiment de contradiction entre le troisième et le
quatrième paragraphe. Le paragraphe 3 définit une situation et le
paragraphe 4
conclut: Nous avons constaté que cette situation n'existait
pas.
M. Lincoln: C'était purement une hypothèse. Il y a
peut-être un oligopole, mais, après considération, il n'y
en a pas. C'est un traité de philosophie. Nous sommes arrivés
à la page 77 et on dit...
M. Parizeau: M. le Président, quatre lignes de philosophie
dans un document aride, cela repose parfois.
M. Lincoln: Non, on ne discute pas de cela. Nous sommes d'accord.
Ce que je voulais savoir, c'est si vous êtes d'accord avec le
surintendant. C'est ce que je comprends de son rapport. Je voulais être
sûr de ce que j'avais compris, que, vraiment, il y a une concurrence qui
se fait, que les primes sont "all over the place", peut-être même
trop, qu'il y a des barèmes, par exemple, si on parle d'un assureur, qui
passent à 28% au-dessus de la norme et l'autre, 19% au-dessous. Il y a
quelque chose qui ne fonctionne pas quelque part; ou bien il y a une
concurrence intense ou bien -excusez l'expression - c'est un peu le bordel.
C'est ce que j'aurais voulu savoir, comment cela se situe, ce genre de
concurrence. Est-ce une concurrence normale? Est-ce une concurrence qui est un
peu mal fichue par le fait des fluctuations immenses ou quoi?
M. Parizeau: La concurrence, en un certain sens, dans n'importe
quel marché, c'est toujours un peu le bordel. Quelqu'un entre dans un
marché, il voit déjà des gens en place et établis;
qu'est-ce qu'il peut faire pour entrer? Baisser ses primes jusqu'à ce
qu'il y ait suffisamment de clients. Maintenant, s'il les baisse trop, il se
fait attraper dans une situation intenable et, l'année suivante, il est
obligé d'augmenter ses primes pour rattraper ce qu'il a perdu. Cette
industrie a toujours fonctionné comme cela.
M. Lincoln: ... pas du tout augmenter... On est d'accord.
M. Parizeau: Au contraire, si vraiment la liste de la page 76
indiquait 19 assureurs qui ont à peu près le même niveau de
primes à 1 $ près pour le même risque, je dirais: Ah! Ils
se parlent au téléphone. Il n'y a pas de concurrence.
M. Lincoln: Là, tout le monde se comprend. D'accord. Je
vais laisser cela, puisque qu'on se comprend. J'ai compris ce que vous disiez.
Peut-être qu'il peut poser sa question, j'ai besoin ...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: On a reçu à nos bureaux, grâce
à la demande de l'Opposition, une pile de rapports qui sont
publiés par le Surintendant des assurances. Là-dedans, il y en a
deux, un en français, un en anglais; c'est une brique que je n'ai pas eu
le courage de descendre, cela a un pouce et demi ou deux pouces. On dit que
c'est un tirage de 1500 exemplaires, soit 1000 en français et 500 en
anglais, au coût de 60 000 $. C'est celle qui est là, c'est une
belle brique. Est-ce qu'on les vend, ces choses-là?
M. Parizeau: Etant donné qu'il s'agit du rapport du
surintendant sur chacune des compagnies, en vertu de la loi, chaque assureur en
reçoit une copie gratuitement. Les autres sont vendues.
M. Tremblay: Si je comprends bien, les coûts de
l'impression et tout cela rentrent dans les coûts répartis entre
les compagnies. Donc, ce sont les compagnies qui les paient.
M. Parizeau: Bien sûr!
M. Tremblay: Sur les 60 000 $ pour publier ces 1500 copies,
j'imagine que le coût doit être plus élevé pour
imprimer 500 copies que pour en imprimer 1000 copies.
M. Parizeau: Non! À l'unité, oui. Mais la facture
pour 500 sera inférieure à la facture pour 1000. Le coût
à l'unité sera inférieur si on en imprime 1000 copies.
M. Tremblay: D'accord. On ne pourrait pas les faire uniquement en
chinois?
M. Parizeau: Uniquement en chinois, non! Il est évident
que des documents comme ceux-là sont, à certains égards,
la seule source d'information qu'un public spécialisé, bien
sûr, puisse avoir. On ne pense pas seulement aux assureurs. Il serait,
par exemple, impensable de faire travailler des étudiants dans une
faculté d'administration sur des compagnies d'assurances s'il n'y avait
pas des documents comme ceux-là de disponibles. On n'a pas le choix.
Cela paraît extraordinaire d'avoir des documents à ce point
épais, à ce point détaillé et, en un certain sens,
à ce point écrit en chinois. Il faut bien comprendre que, pour un
public spécialisé, c'est sa seule source d'information. On ne
peut pas enlever cela. Maintenant, que les gens ne se battent pas dans les
autobus pour lire ce document, j'en conviens volontiers.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: J'aurais voulu reprendre la question dans le rapport
du surintendant - à
la page 88, s'il vous plaît - qui a trait à la
tarification. Cela est une question clef, naturellement, parce que les primes
que nous allons tous payer dépendent de cela.
D'après ce que je peux lire, le surintendant semble penser qu'il
faudrait une réforme en profondeur de tout le système de
classification des risques. Il semble, indiquer que les assureurs ou le
regroupement des assureurs d'automobiles seraient un peu réfractaires
à toute réforme possible.
Par exemple, il parle de kilométrage et du dossier des
infractions d'un chauffeur ou d'un automobiliste au Code de la
sécurité routière. Est-ce qu'il n'y a pas un
problème d'ordre pratique à cet effet? Les dossiers sur les
infractions au Code de la sécurité routière ne sont pas
disponibles, la Régie de l'assurance automobile et le Bureau des
véhicules automobiles ne rendent pas disponibles ces informations.
Est-ce que c'est réellement une considération d'ordre pratique ou
est-ce que ces dossiers seront accessibles? Pour le moment, ce sont des
dossiers confidentiels.
M. Parizeau: La Régie de l'assurance automobile a le droit
d'ouvrir les dossiers pour des raisons d'intérêt public.
Jusqu'à maintenant, cependant, sa décision a été de
ne pas ouvrir ses livres. Elle en a le droit. Quant à la classification
elle-même, je pense qu'on peut rapporter progrès.
Déjà, le surintendant indique que le groupement des assureurs
d'automobiles a formé un comité, à la fin de 1981,
à cette fin. Cela venait peut-être un peu tard par rapport au
rapport qu'il avait suggéré. (23 h 30)
M. Lincoln: II disait que le comité était un petit
peu négatif. C'est cela que je voulais savoir. Mes renseignements sont
que le comité a un sens de la réforme. Seulement, c'est une
question... Par exemple, je pense qu'il y a eu la réunion des
surintendants américains d'assurance, qui ont décidé de
maintenir ou de revenir - pour certaines compagnies qui avaient
abandonné le système de classification par sexe, occupation,
etc., - à ce système, parce qu'en enlevant, on crée plus
de problèmes qu'on en résout. Je crois que, sur la question des
mémoires qui ont été présentés pour la
Charte québécoise des droits et libertés de la personne,
il y a eu cette constatation. On a été obligé d'arriver
à la conclusion que sur certaines questions, une discrimination,
c'était parfois positif, parce qu'autrement les femmes vont payer 30%
à 35% en plus de ce qu'elles paient actuellement. Les statistiques
démontrent très clairement que le pourcentage d'accidents est
moindre. Ne faudrait-il pas peut-être faire plus de "more haste slowly"
et d'approcher cela avec beaucoup plus de prudence et de laisser ce
comité? Le surintendant sait cela mieux que moi, mais mes renseignements
sont que ce comité est un comité sérieux. Peut-être
faudrait-il se pencher sur cette question avec beaucoup de temps et de prudence
pour ne pas créer plus de problèmes qu'on va en résoudre
en disant: Bon, il n'y a plus de discrimination. Je pense qu'en
Amérique, d'après nos renseignements, on revient au
système antécédent à cause des problèmes qui
ont été créés justement.
M. Parizeau: L'interprétation que nous avons de tout ce
qui s'est passé aux États-Unis, ce serait plutôt que les 50
ont eu beaucoup de difficulté à s'entendre sur quoi que ce soit
et ont fini par abandonner l'exercice parce qu'ils ne s'entendaient pas. Ici,
à l'occasion des discussions que nous avons eues avec les compagnies
d'assurances à l'égard des taxis - on s'en souviendra, il n'y a
pas tellement longtemps, de l'assurance-taxi - j'ai été assez
agréablement surpris de voir qu'à l'occasion d'apartés, si
l'on veut, ou d'incidents dans nos discussions, l'idée d'activer un peu
ce comité avait gagné du terrain. Effectivement, on me confirme
que le comité s'active à l'heure actuelle. On verra le chemin
qu'ils peuvent faire. Il est évident que cela pose un certain nombre
d'interrogations. Enfin, ce n'est pas parce que cela en pose qu'il ne faut pas
chercher à progresser un peu là-dedans.
M. Lincoln: Nous sommes tout à fait d'accord. Ce que je
voulais demander, par exemple, vous parlez de kilométrage comme un
barème. Nous sommes d'accord que dans un monde idéaliste, c'est
formidable, mais même en 1980, le surintendant, dans son rapport, je
pense qu'on avait fait une note, les assurés ne doivent pas avoir la
possibilité de faire aisément de fausses déclarations
entraînant une réduction de primes. Cela a été le
cas pour la question de millage, du travail jusqu'à chez soi, où
les gens disent "10 milles" quand c'est 15 milles. Comment peut-on
contrôler tout cela? Si on avait un système de
sécurité routière d'infraction, il faudrait d'abord avoir
un contact avec le bureau de la Régie de l'assurance automobile pour que
ces dossiers soient disponibles. Et là, cela entraîne toute une
question sur la confidentialité. C'est un problème. Le
kilométrage, c'est un autre problème. Tout ce que je voulais
amener devant le ministre, c'est peut-être qu'on devrait se pencher sur
cette question pas trop hâtivement pour voir un petit peu toutes les
coordonnées et toutes les conséquences que cela peut avoir d'un
côté ou de l'autre, sans dire que cela ne devrait pas changer. Je
suis tout à fait d'accord avec vous.
Une dernière question avant de passer la parole à ma
collègue, qui en a peut-être une à poser, sur les taxis. Je
vois un article de la Presse du 24 février 1982, qui disait -
je ne sais pas si on a cité le surintendant exactement -: "Le
Surintendant des assurances rencontrera les représentants des chauffeurs
d'ici une semaine pour discuter avec eux des conditions de la mise sur pied
d'une compagnie d'assurance pour les taxis, sans doute de type
coopératif." Auriez-vous pu me dire, M. le ministre, où on se
situe par rapport au dossier des taxis? Vous aviez parlé aussi en
Chambre d'une possibilité d'un arrangement avec les chauffeurs de taxi
pour permettre la subrogation, comme un autre choix. Sans doute que le
système des compagnies d'assurance coopérative serait une autre
possibilité. Est-ce que vous pourriez nous donner les derniers
développements dans ce dossier et ce que vous envisagez comme solution
à ce problème?
M. Parizeau: C'est un vaste dossier. Je peux peut-être le
résumer de la façon suivante. On avait prévu, avec les
diverses ligues de taxis, qu'il y aurait une série de rencontres avec le
Surintendant des assurances et avec la direction du ministère, à
deux fins distinctes.
D'abord, indiquer au groupe de chauffeurs de taxi qui semblent
être intéressés par la création d'une
société d'assurance-taxi, mutuelle coopérative, les
conditions nécessaires pour en créer une. Il est évident
qu'on ne peut pas commencer cela sans réserve, sans capital, sans quoi
que ce soit. Il était très important qu'on leur dise: Voici ce
que cela demande, pour lancer une compagnie viable dans ce domaine.
Les rencontres ont eu lieu avec le Service des assurances et le
surintendant qui leur ont simplement expliqué ce que cela impliquait,
sur le plan financier, que de lancer une compagnie comme celle-là. Je
pense qu'après avoir examiné la chose, on a cessé d'en
entendre parler.
Deuxièmement, on a abordé le dossier de la
non-subrogation. Certains chauffeurs de taxi nous disaient que l'augmentation
des primes qui vient d'avoir lieu et qui, dans certains cas, est très
importante, serait causée essentiellement par le fait qu'il n'y a plus
de subrogation dans le fonctionnement des compagnies d'assurances.
On leur a dit: On va examiner cela et on vous montrera l'analyse qu'on a
faite, et on verra bien. Il est apparu clairement, à cette occasion,
qu'il ne leur fallait pas seulement une réponse sur ce plan. Certains
d'entre eux avaient eu des augmentations considérables de primes et ils
voulaient quand même savoir pourquoi. Ce n'est pas tout de leur dire:
Voilà, sur le plan de la subrogation, comment cela se
présente.
Ce qui nous est apparu le plus utile, cela a été de
demander au plus grand nombre de chauffeurs de taxi possible de nous envoyer
l'évolution de leurs primes et de tout changement apporté
à leur police depuis trois ans. Nous avons eu environ 1200 chauffeurs de
taxi qui ont accepté volontairement de remplir un formulaire, qui avait
été d'abord visé par le Surintendant des assurances, qui
nous ont envoyé cela et qu'on a examiné.
D'autre part, les compagnies d'assurances à qui nous avions
demandé un coup de main et de rencontrer d'ailleurs les chauffeurs de
taxi ont examiné cela et les chauffeurs de taxi aussi, bien sûr.
Ce que cela a révélé et qui donc a été
discuté avec les compagnies, avec les chauffeurs,
séparément puis ensemble, c'est que la non-subrogation ne semble
pas être un facteur majeur.
D'autre part, les augmentations de primes ont été
extraordinairement variables d'un chauffeur à l'autre, et surtout d'une
ville à l'autre ou d'une région à l'autre. Il y a vraiment
des variations considérables.
Cela a révélé aussi, sur le plan de la concurrence
entre les compagnies, un certain nombre de carences. C'est évident qu'il
y a, en particulier dans certains coins au Québec, très peu de
compagnies qui, en pratique, font de l'assurance-taxi. Même, pour le
petit nombre qui en font, certaines pratiques paraissaient restreindre encore
le peu de concurrence qu'il y avait.
Les compagnies ont accepté de modifier certaines pratiques et
nous avons demandé aux chauffeurs de taxi de suivre cela, pour nous
indiquer dans quelle mesure, dans la réalité des faits, ces
changements de pratique auraient des résultats. Jusqu'à
maintenant, les échos que nous avons eus, semble-t-il, indiquent en tout
cas que les engagements qu'avaient pris les compagnies d'assurances auraient
été tenus. Si bien que, finalement, je pense qu'à peu
près à la satisfaction de tout le monde, de toutes les parties,
on a eu une bonne explication, on a trouvé un certain nombre de causes,
on a apporté un certain nombre de correctifs.
Il me reste un problème qui n'est pas, je pense, tout à
fait réglé: c'est le fonctionnement de l'assurance-taxi dans la
ville de Québec. Manifestement, il y a là un problème
spécifique et beaucoup plus aigu qu'ailleurs au Québec ou dans
Montréal. Il viendrait des compagnies semble-t-il, et c'est la
dernière chose que nous sommes en train d'examiner avec les chauffeurs
de taxi. Il viendrait, semble-t-il, de ce que, dans la ville de Québec,
la concurrence est vraiment limitée à très peu de choses,
à un point tel que cela devient très difficile pour un chauffeur
de taxi d'avoir quelque choix que ce soit. Certaines compagnies qui en
faisaient dans la ville de Québec n'en font plus, certaines compagnies
qui avaient, pour ramasser les affaires dans la ville de Québec,
baissé considérablement leurs primes, les ont augmentées
ou sont sorties du
marché complètement, si bien que, là, il y a un
problème de concurrence, semble-t-il, spécifique à
Québec et qu'il nous reste à définir un peu mieux.
Je pense que, pour le reste, l'essentiel des études qu'on voulait
faire ensemble ont été faites et, je pense, ont apporté
les réponses que tout le monde cherchait. Je pense que c'est à
peu près là où nous en sommes.
M. Lincoln: Sans prolonger, parce que je sais que je n'ai plus
beaucoup de temps, est-ce que vous voulez me dire que si, par exemple, vous
pouvez régler le problème de Québec par rapport aux
compagnies d'assurances qui ont accepté de coopérer sur
l'extension de la concurrence, la possibilité d'une compagnie
coopérative dont parlait le surintendant tombe à l'eau ou bien si
c'est toujours à l'étude, ou qu'est-ce qui se passe
là?
M. Parizeau: Non, les études de ce point de vue chez nous
sont terminées. Je reviens à la question de la compagnie, d'une
mutuelle. Les chauffeurs de taxi qui étaient intéressés
par cela sont venus me voir, avec la Direction des assurances et le
surintendant leur a dit: Voici ce qu'il faut pour lancer une compagnie comme
celle que vous avez en tête.
Les gens ont regardé cela, sont retournés chez eux, ont
examiné la chose et, depuis ce temps, on n'en a plus entendu parler. Je
tiens pour acquis que probablement ils ont décidé que
c'était trop onéreux pour eux de lancer cela.
Le Président (M. Desbiens): Mme la députée
de Chomedey.
Mme Bacon: Une dernière question au niveau des assurances.
Le groupe des assureurs d'automobile avait lancé en janvier 1981 ce
qu'ils appellent l'opération qualité, qui a permis de
contrôler les coûts des sinistres, par exemple, ou
d'améliorer la qualité des estimations. On sait que le
surintendant suggérait l'an dernier d'augmenter les primes, ce que les
assureurs ont fait, et que, cette année, il leur suggère encore
de les augmenter d'un peu plus de 10%, si mes chiffres sont exacts. Par contre,
dans son rapport, à la page 83, il nous dit que l'avenir n'est pas des
plus reluisants et qu'il faut s'attendre que le niveau des primes continue
à évoluer au même rythme que celui des coûts. Est-ce
que l'on sait que le groupe des assureurs d'automobile ont quand même eu
l'impression, dans le coût ou dans l'opération qualité, de
faire économiser de l'argent à la population, aux assurés.
Eux disent qu'ils leur ont fait épargner 18 000 000 $. C'est à se
demander qui a tort et qui a raison. Je n'oserais pas poser cette question au
ministre, mais c'est cela que j'aurais voulu lui demander. Au cours de cette
année, tout au long de l'année 1981, le ministre ou le
surintendant ont-ils adressé aux assureurs un message à propos de
certaines mesures qu'ils ont mises de l'avant avec les assureurs pour pouvoir
contrôler les coûts? Est-ce qu'il y a eu des choses qui ont
été faites soit par le ministère, des mesures
spéciales, pour contrôler les coûts?
M. Parizeau: Non, le surintendant ou le ministère n'ont
pas suggéré de mesures précises pour contrôler les
coûts. Des observations sont faites dans le rapport du surintendant, mais
il n'y a pas eu, comment dire, d'interventions directes du ministère
auprès des compagnies pour leur dire: Voici comment vous devriez
réduire les coûts.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que
l'élément 1 est adopté?
M. French: Non, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Westmount.
M. French: Dans le peu de temps qu'il nous reste, je voudrais
poser une question au ministre. D'abord, je ne me rappelle pas s'il a
traité de ce projet de loi, je crois que oui, dans ses remarques
préliminaires, mais le projet de loi sur la Commission des valeurs
mobilières, la réglementation des valeurs mobilières,
savez-vous où cela se trouve dans le fil des lois que prépare le
ministre? (23 h 45)
M. Parizeau: J'espère beaucoup, je vais faire tout ce que
je peux pour que ce soit déposé avant que nous terminions nos
travaux, donc avant le 23 juin, parce que je souhaiterais beaucoup que cela
puisse être examiné. Cela l'a été beaucoup par
toutes sortes de participants, mais j'aimerais que ça puisse
décanter dans le courant de l'été et qu'on puisse
l'adopter le plus vite possible à l'automne. Il faut dire que le projet
a été examiné par tellement - pas le projet
lui-même, mais les principes qui le sous-tendent ont été
discutés - de groupes qu'on a l'impression que, vraiment, il y a un
déblayage considérable de fait. Ce ne serait peut-être pas
mauvais que, pendant quelque temps, le projet étant
déposé, chacun puisse le voir dans son texte précis et
qu'à l'automne, le plus vite possible, on puisse l'adopter.
M. French: M. le Président, est-ce que le ministre, dans
ce projet de loi ou en général, songe à suivre la
politique ontarienne quant à l'autofinancement de la Commission des
valeurs mobilières?
M. Parizeau: C'est ce que nous avons
commencé à aborder dans nos discussions. Il me semble
qu'effectivement on devrait s'en approcher. Ce ne sont jamais des choses qu'on
fait d'un seul coup, mais je trouve le principe assez sain en soi. Il s'agit de
savoir comment et, encore une fois, il ne faut pas avoir des augmentations trop
fortes trop vite. Mais comme principe, moi, ça me paraît
très sain qu'un organisme comme celui-là puisse
s'autofinancer.
M. French: Encore une fois, M. le Président, cette
question extrêmement importante se pose, quand même: Comment
contrôler ce genre de "overhead" qui vient s'ajouter, surtout dans le
contexte québécois actuel où le ministre lui-même a
assez clairement exprimé l'importance, la prédominance d'autres
bourses par rapport à la nôtre? Comment éviter la
possibilité que ce fardeau additionnel vienne créer encore une
contre-incitation à toutes ces transactions, pour qu'elles se fassent
à Québec ou à Montréal?
M. Parizeau: Bien, M. le Président, je n'ai jamais
pensé que quelque chose est très actif à cause d'une pluie
de petits avantages et de petites décharges de coûts. Si on veut
aider la bourse, il vaut mieux le faire par des mesures un peu plus
musclées. L'épargne-actions, par exemple, a fait passablement
plus au Québec pour faire en sorte que bien plus de gens achètent
des premières émissions d'actions et, dans la mesure où
ils achètent des premières émissions d'actions, ça
se transige. Des choses comme celles-là activent bien plus une bourse
que de dire: Nous allons demander à l'ensemble de la
société de donner une subvention à l'ensemble des
opérations en valeurs mobilières au Québec d'à peu
près 2 000 000 $ par année pour toutes les valeurs
mobilières, ce qui représente quelque chose d'infime.
Au contraire, sur le plan de l'administration interne d'un gouvernement,
il y a un avantage considérable à faire autofinancer par la
clientèle un certain nombre de choses. Je ne veux pas reprendre ici
cette discussion sur les tickets modérateurs parce que, là, il ne
s'agit pas de tickets modérateurs, il s'agit d'une imputation de
coûts des services. On ne peut pas dire, d'une part: Les dépenses
du gouvernement augmentent trop vite, les impôts sont trop lourds et le
déficit est trop grand et, d'autre part, s'opposer à des mesures
qui consistent à contrôler les dépenses, à les faire
autofinancer chaque fois que c'est possible, donc, à avoir un effet
suffisamment restreignant sur l'ensemble des opérations
gouvernementales. Je ne vois pas, ce sont des montants qui, après tout,
pour l'ensemble d'une industrie comme celle des valeurs mobilières, sont
relativement minimes. Si on veut vraiment aider le commerce des valeurs
mobilières au Québec, il y a des instruments bien plus
musclés qu'on doit utiliser. Les petites pluies de subventions, on
distribue cela mince, mince, mince partout. Je n'ai jamais dit que, comme
instrument de développement économique, c'était
particulièrement utile. Cela finit par coûter très cher
quand on accumule toutes ces choses. Finalement, ça n'a pas
d'impact.
M. French: M. le Président, il faut absolument que je
profite de l'occasion parce que je rencontre le ministre des Institutions
financières et des Coopératives qui est en même temps le
ministre des Finances. Je trouve cela fascinant d'entendre dire par un ministre
des Finances que les petits avantages ici et là ne comptent pas à
la fin pour grand-chose, c'est-à-dire que l'impact psychologique n'est
pas important. Or, le ministre sait fort bien que dans la politique de
taxation, s'il fallait que les avantages fiscaux réels quant aux
opérations réelles d'une compagnie fassent en soi le poids des
échappatoires créées dans un système de taxation,
les trois quarts des échappatoires n'existeraient pas. Justement il y a
une espèce d'incitation essentiellement psychologique qui se fait en ce
qui concerne les petits avantages, dans le contexte de la taxation au moins,
qui fait en sorte qu'on a une espèce de système de taxation comme
un fromage suisse. Encore une fois, ce n'est pas l'importance fiscale de
chacun, c'est l'importance comme incitation psychologique.
Je ne voudrais pas retarder le débat plus longtemps que cela
parce que je pense que le ministre a eu l'occasion de dire ce qu'il avait
à dire là-dessus. Je voudrais lui demander tout simplement,
à la fin, s'il a l'intention de consulter non seulement la bourse et la
commission - celle-ci n'est peut-être pas de sa responsabilité
directe -mais de consulter les membres de la bourse qui auraient à
prendre ultimement ce fardeau, même si le fardeau, d'après le
discours du ministre, est assez minime?
M. Parizeau: Mais bien sûr. Comme on le fait chaque fois
qu'on change, même simplement un peu, certaines orientations. Il faut
avoir ce genre de consultation. On ne peut pas fonctionner sans cela.
M. French: Je signale au ministre que je pose cette question pour
une raison bien simple. C'est qu'il aurait pu mettre cela dans le projet de loi
et il aurait pu dire en même temps que ce projet de loi, on en a
discuté longuement, ce qui est vrai, sauf que cette question
n'était pas là-dedans. C'est seulement dans ce contexte que je
lui pose la question.
M. Parizeau: Bien sûr. D'autant plus qu'il peut y avoir des
choses qu'on ne voit pas, il peut y avoir des choses qui nous paraissent
minimes mais qui, néanmoins, ont un impact.
Je voudrais juste dire deux mots brièvement sur le principe
général que le député de Westmount vient
d'exprimer. C'est vrai que notre système est une sorte de fromage
suisse. Dans ce sens je reste persuadé fondamentalement que dans
l'ensemble Carter avait raison, à savoir qu'il faut avoir des taxes
d'application aussi générales que possible plutôt que toute
une série d'exemptions. Les meilleurs impôts à cet
égard c'est: grandes assiettes, petits taux. Bien plus qu'un fromage de
Gruyère avec des trous partout où on n'arrive plus à
suivre les trous et à savoir qui en profite. Parce que lorsqu'on
multiplie les exemptions fiscales, à un moment donné on se perd.
Le public d'abord n'est pas capable de contrôler cela. Il n'y a aucun
moyen pour lui de savoir qui profite de tel avantage. D'autre part, même
a l'intérieur d'un gouvernement, il ne faut pas se faire d'illusion, le
suivi de ces avantages fiscaux compliqués que l'on donne à toute
une série de petits groupes fait qu'on se trouve une petite
poignée de spécialistes dans un gouvernement qui comprennent
vraiment ce qui se passe.
Dans ce sens il ne faut pas me demander si je simplifierais la Loi sur
les impôts. Si ce n'était pas de mes projets de loi
d'harmonisation chaque annnée, la première chose que je
demanderais c'est qu'on enlève un tiers des lignes agates dans la Loi
sur les impôts, et bêtement comme cela. Enlevez-moi le tiers de la
loi et on va commencer à s'y retrouver un peu plus facilement. Tous les
"loopholes" qu'on met dans les lois, toutes les petites exemptions, toute cette
pluie de choses ont un gros effet financier sur les avocats et les comptables.
Ils deviennent absolument essentiels, même pour une petite entreprise,
parce que personne n'est capable de s'y retrouver. Je ne suis pas certain que
ce soit tellement efficace sur le plan du développement
économique, au contraire. Grandes assiettes, petits taux.
M. French: M. le Président, je savais que je
déclencherais un débat intéressant sur cela. Ce ne sera
pas un débat parce que je suis tout à fait d'accord avec ce que
le ministre vient de dire. Mon point était un peu différent.
C'était que la grandeur des trous dans le fromage suisse, c'était
moins important que leur existence en tant qu'incitation psychologique en ce
qui concerne le comportement des individus qu'on essaie d'influencer.
Est-ce que le ministre pourrait nous parler un peu de ce qu'il pense de
la question dans le cas des "take over"? Songe- t-il à suivre encore une
fois l'exemple ontarien qui semble le tenter pour l'autofinancement quant aux
offres de "follow-up", ou est-ce qu'il pense plutôt à un
régime prorata comme celui des Américains?
M. Parizeau: M. le Président, j'ai demain, à cet
égard, une dernière réunion à ce sujet. Alors, cela
me gêne un peu d'en discuter au point où nous en sommes, parce
que, effectivement, il y a deux orientations possibles et il faut vraiment
qu'on tranche cela; j'ai un dernier point à trancher demain avec les
intéressés. Je m'excuse auprès du député;
dans quelques jours, je pourrais le lui dire, mais je voudrais d'abord entendre
les arguments de part et d'autre avant de trancher cela.
M. French: Avec qui sera tenue la réunion? Est-ce qu'on
peut le savoir?
M. Parizeau: À l'interne, essentiellement, avec le
président de la Commission des valeurs mobilières et le
sous-ministre des Institutions financières.
M. French: M. le Président, j'avais d'autres questions,
mais je vais les garder pour vendredi ou pour l'année prochaine. Je vais
poser une dernière question au sujet de l'assurance-dépôts.
Je voudrais savoir du ministre... J'ai eu les curriculum vitae de tous les
membres de la Commission des valeurs mobilières du Québec; cela a
été très utile. Les mêmes curriculum vitae me
manquent pour le conseil de direction de la Régie de
l'assurance-dépôts. J'ai essayé de regarder cela; la
plupart des gens m'étaient familiers d'une façon ou d'une autre.
Je voudrais demander au ministre quelles sont les qualifications de M.
Léo Filion pour siéger à la Régie de
l'assurance-dépôts.
M. Parizeau: II a été longtemps administrateur des
caisses populaires.
M. French: Quelles caisses populaires?
M. Parizeau: C'est dans la région de Montréal.
Remarquez que la chose la plus simple là-dessus, ce serait de faire
faire les curriculum vitae et de les envoyer au député de
Westmount. Je regrette; d'ailleurs, je dois m'excuser dans le sens qu'il ne les
a pas reçus. J'avais tenu pour acquis qu'il les avait.
M. French: Parfait, M. le Président. Je n'irai pas plus
loin là-dessus, avec l'entente de recevoir les curriculum vitae en
question, si vous voulez.
M. Parizeau: Bien sûr.
M. French: Je ne pense pas ouvrir un
autre sujet. M. le Président, je sais que cela fait longtemps que
vous attendez...
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que
l'élément 1 est adopté?
M. French: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Adopté.
L'élément 2 est-il adopté?
M. French: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Adopté.
L'élément 3 est-il adopté?
M. French: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Adopté.
L'élément 4 est-il adopté?
M. French: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Adopté. Est-ce que
l'élément 5 est adopté?
M. French: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Adopté. Alors, le
programme 2 est-il adopté?
M. French: Adopté.
Gestion interne et soutien
Le Président (M. Desbiens): Adopté. Le programme 3,
gestion interne et soutien, est-il adopté?
M. French: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Adopté.
L'élément 1 est-il adopté?
M. French: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Adopté.
L'élément 2?
M. French: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Adopté.
L'élément 3?
M. French: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Adopté. Le programme 3
est-il adopté?
M. French: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Adopté.
Alors, la commission permanente des institutions financières et
coopératives a adopté les crédits du ministère des
Institutions financières et Coopératives pour l'année
1982-1983 dans son entier. Est-ce que vous avez des remarques?
M. Parizeau: Non, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Je remercie les participants
et participantes et je demanderai au rapporteur de présenter son rapport
à l'Assemblée nationale. J'ajourne les travaux sine die.
(Fin de la séance à 23 h 59)