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Etude des crédits du ministère de
l'Industrie et du Commerce
(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Michaud): Bonjour, messieurs. En tant que
président de la commission de l'industrie et du commerce, du tourisme,
de la chasse et de la pêche, il me fait plaisir de vous souhaiter la
bienvenue pour étudier les crédits du ministère de
l'Industrie et de Commerce.
Les membres de la commission sont: MM. Bi-ron (Lotbinière),
Bordeleau (Abitibi-Est), Boucher (Rivière-du-Loup), Desbiens (Dubuc),
Duhaime (Saint-Maurice), Godin (Mercier), Grenier (Mégantic-Compton),
Mme Leblanc (Iles-de-la-Madeleine, MM. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce),
Mailloux (Charlevoix) remplacé par Ciaccia (Mont-Royal); Marcoux
(Rimouski), Marquis (Matapédia), Michaud (Laprairie), Pagé
(Portneuf) remplacé par Caron (Verdun); Perron (Duplessis), Raynauld
(Outremont) et Tremblay (Gouin).
En tant que président, je recommanderais de nommer un rapporteur
officiel de la commission, est-ce que M. Desbiens accepterait?
M. Desbiens: D'accord.
Le Président (M. Michaud): M. Desbiens est notre
rapporteur officiel. Merci. Je crois que nous allons procéder comme
à la normale. Nous allons faire des commentaires d'ordre
général et, pour ce faire, je cède la parole au ministre.
Ensuite, nous aurons les partis d'opposition. M. le ministre.
M. Caron: M. le Président, avant de commencer, je voudrais
faire remarquer à la commission que si on est plus de membres de
l'Opposition que le parti au pouvoir, ça veut dire...
M. Biron: C'est qu'on représente 60% de la population.
M. Caron: ...qu'on représente 60% de la population, c'est
bon de le mentionner. Ils sont quatre collègues avec le ministre et on
est...
M. Grenier: On va faire une motion pour renverser le gouvernement
ce matin.
M. Caron: On ne le fera pas, on ne veut pas être
désagréable pour le ministre. Parce que, franchement, il est bien
fin, bien "smart", on veut collaborer avec lui. M. le ministre, on va accepter
de marcher pareil.
Le Président (M. Michaud): M. le député de
Verdun...
M. Tremblay: II s'agit d'un geste de collaboration
fraternelle.
Le Président (M. Michaud): ...votre commentaire est fait,
entendu. S'il n'y a pas d'autres questions ou commentaires, je passerais la
parole au ministre.
Exposé préliminaire du ministre M.
Rodrique Tremblay
M. Tremblay: Merci, M. le Président. J'ai fait parvenir,
la semaine dernière, à chaque membre de la commission un document
que j'estime très complet retraçant le détail du budget
1977/78 du ministère de l'Industrie et du Commerce. J'espère que
chacun des membres de la commission l'a effectivement reçu. Je vois que
chacun a une copie. J'espère aussi que vous avez eu le temps de passer
à travers.
C'est avec plaisir que je propose donc à la commission
l'étude des dix programmes qui résument les activités de
mon ministère.
J'ai, avec moi, aujourd'hui, les officiers du ministère de
l'Industrie et du Commerce qui agiront comme personnes-ressources pendant la
tenue des séances de la commission. Je voudrais vous présenter,
à ma droite, M. John Dinsmore, sous-ministre en titre; à ma
gauche, M. Marcel Bergeron, sous-ministre adjoint, responsable de
l'administration, responsable de l'expansion de l'industrie et du bureau de la
statistique du Québec. Nous avons aussi deux autres sous-ministres qui
sont à notre disposition: M. Patrick Hyndman, responsable de la
direction générale de l'industrie et M. Pierre Shooner qui
s'occupe de la direction générale des services aux entreprises.
J'ai aussi avec moi M. Christian Latortue, directeur général
à l'administration, de même que d'autres fonctionnaires qui
pourront se joindre à nous sur d'autres points précis au cours
des séances.
Je voudrais donc, à l'occasion de cette première rencontre
de la commission parlementaire de l'industrie et du commerce sur les
crédits du ministère, souhaiter la bienvenue à tous les
membres de l'assemblée, de même qu'aux journalistes et aux
observateurs.
Par le passé, l'Opposition a toujours maintenu un degré
élevé dans ses interventions et a permis que l'étude des
crédits soit à la fois un exercice de surveillance de
l'administration des fonds publics et l'occasion d'un débat de fond sur
les choix économiques du gouvernement.
Je souhaite que tous les membres de cette commission puissent, cette
année, poursuivre un travail constructif et efficace, comme par le
passé, et je fais appel au sérieux et à la
modération de chacun pour qu'il en soit ainsi.
Depuis le 15 novembre, le Québec a un nouveau gouvernement. Sur
le plan économique, sur le plan de l'industrie, sur le plan du commerce,
des pêches et de leur développement, cela signifie de nouvelles
attitudes et une volonté plus ferme et
plus prononcée de soutenir l'entreprise autochtone et la
promotion des francophones dans les activités économiques.
Les crédits de cette année ne peuvent naturellement
refléter totalement nos engagements puisque ces engagements demandent
des études préliminaires, qui ne sont pas
complétées dans tous les cas, et parce que la préparation
du budget 1977/78 a débuté en juin de l'an dernier, longtemps
avant que je ne prenne moi-même la direction du ministère.
Vous noterez cependant que nous avons déjà posé des
gestes concrets en mettant sur pied, par exemple, une politique d'achat qui
vise à récupérer, pour l'entreprise du Québec, une
part importante du marché interne.
De plus, nous avons déjà mis en place les
éléments du fonds de relance industrielle qui coûtera,
dès cette année, plusieurs millions de dollars au gouvernement.
On établit le coût de ce nouveau programme à un maximum de
$30 millions.
Je souligne que ces sommes n'apparaîtront pas au budget du
ministère de l'Industrie et du Commerce, mais qu'elles le prolongent,
néanmoins, de façon directe, puisque c'est notre ministère
qui est responsable du déroulement du programme. Cela explique
d'ailleurs que le budget du ministère lui-même augmente
très modérément cette année.
En effet, tant les crédits souscrits largement aux
sociétés d'Etat placées sous ma responsabilité que
les fonds nécessaires aux mesures d'allégement fiscal sont
comptabilisés au ministère des Finances, même si toutes ces
sommes sont directement injectées dans les programmes industriels de
stimulation et de développement établis par le ministère
de l'Industrie et du Commerce.
Parmi les mesures adoptées par le gouvernement et qui donneront
lieu à de nouveaux services, je mentionne la création d'une
commission permanente des achats dotée d'un secrétariat permanent
rattaché au ministère de l'Industrie et du Commerce. La
commission interministérielle a déjà tenu deux
réunions et le secrétariat est en pleine période
d'organisation.
En outre, nous comptons mettre en marche, dès le mois prochain,
le programme des Sociétés pour le développement de
l'entreprise québécoise, les SODEQ, dont la mise en place a
demandé passablement de travail et de temps. En fait, une fois la loi
adoptée, il restait à compléter la réglementation,
ce qui s'est révélé plus complexe que prévu sur le
plan de l'évaluation des coûts pour le Trésor.
De plus, nous travaillons activement au MIC à préparer la
substantielle pièce législative qui créera la
société de réorganisation industrielle. Nous tenons
absolument à étudier soigneusement au préalable l'impact
de cette société qui nous semble indispensable comme outil de
promotion des petites et des moyennes entreprises et comme instrument de
restructuration de certains grands secteurs industriels du Québec.
Nous voulons nous assurer que la société sera bien
orientée, qu'elle ne créera aucun dédouble- ment de
services et qu'elle aura à sa disposition tous les instruments
nécessaires à son action. C'est dire que nous serons prêts
à l'automne à formuler des propositions définitives quant
à la structure et à l'orientation de cette
société.
Cette société sera une des pièces maîtresses
de notre action en vue d'ajouter à l'aide offerte aux entreprises
québécoises. Son travail se doublera de nombreuses
activités dont, au printemps de l'an prochain, en 1978, une importante
semaine des petites et moyennes entreprises qui couronnera une série
d'activités de stimulation, de recherche et de travail collectif,
échelonnée sur quatre mois, à compter de l'automne
prochain, partout sur le territoire du Québec.
Le budget du ministère de l'Industrie et du Commerce, pour
1977/78, atteint près de $113 millions, en incluant les fonds
statutaires octroyés au Centre de recherche industrielle du
Québec. Je signale dans ce budget une augmentation de près de $2
millions aux services et aux directions visant à l'expansion des
marchés à l'étranger et à la transformation
industrielle du Québec.
Nous connaissons depuis longtemps les carences de l'industrie
québécoise dans les secteurs des marchés et de
l'exportation de façon générale. Cette année, nous
ajouterons au moins onze professionnels dans le secteur économique, aux
bureaux et délégations du Québec à
l'étranger. De plus, nous accroîtrons substantiellement les
missions, les colloques et les séminaires à l'étranger. Au
Québec même, nous mettons sur pied ou nous avons l'intention de
mettre sur pied, au cours de l'année qui va suivre, un institut de
commerce international qui regroupera sous un même toit un grand nombre
de services d'information sur les marchés, sur les processus de
marketing et sur les activités d'exportation. Nous tenterons ainsi de
stimuler et d'orienter la croissance des exportations québécoises
sur les marchés extérieurs. Sur ce plan, on notera que la
direction de l'expansion industrielle a déjà effectué un
travail de base très important en produisant un répertoire de
cabinets-conseils du Québec et un inventaire des organismes
internationaux actifs dans le secteur économique.
Cette direction a, de plus, réalisé un répertoire
des exportateurs québécois qui nous donne des indications claires
quant aux secteurs à développer et à stimuler. On
comprendra que ces travaux de base sont essentiels, si l'on se rappelle que les
cabinets-conseils qui exportent notre technologie à l'étranger
pourraient exporter aussi très substantiellement nos produits finis
à haute technologie. On notera aussi que les travaux, comme les
missions, les colloques, les foires, etc., ont produit l'an dernier des ventes
potentielles de plus de $47 millions à l'étranger. Il s'agit donc
d'un secteur d'activité qui est très rentable, à mon avis,
pour le Québec.
Au plan national, les services aux entreprises auront à leur
disposition pour aider le développement des petites et des moyennes
entreprises environ $1 million de plus. Cette somme servira à multiplier
les activités de stimulation directe, les
échanges internationaux de dirigeants d'entreprises, les
colloques, les séminaires sur la gestion, le marketing et l'innovation.
Les services aux PME, qu'il s'agisse des services aux entreprises ou des
services régionaux, ont traité en 1976/77 plus de 2000 dossiers,
dont plus de 500 ont donné lieu à des actions ponctuelles de
fonds auprès des petites et des moyennes entreprises.
En 1977/78, le ministère continuera aussi et approfondira son
travail de recherche fondamentale sur l'industrie québécoise.
Pour sa part, la direction générale de la recherche et de la
planification intensifiera encore son travail en complétant notamment
ses études sur les secteurs industriels. Durant l'année qui s'est
écoulée, la direction générale de la recherche et
de la planification a terminé une étude comparative de la
structure manufacturière du Québec, une analyse des perspectives
de croissance des principaux secteurs industriels et sectoriels et des
études sectorielles très importantes comme celle sur l'industrie
québécoise du textile que nous avons rendue publique au
début de l'année. En 1977/78, ces travaux seront
complétés et approfondis.
La direction générale de la recherche et de la
planification a également produit, cette année, les comptes
nationaux du Québec. Nous établirons désormais, chaque
année, sur des bases statistiques rationnelles, la mise à jour
des comptes économiques, qui sont un outil indispensable d'analyse
critique de notre situation économique.
Côté commerce, nous suivrons de très près les
résultats de la commission d'étude sur le fonctionnement et
révolution du commerce au Québec. La direction des services
commerciaux continue cependant d'être la source de regroupements
commerciaux majeurs qui apportent un dynamisme fondamental à notre
marché.
Je laisserai le soin aux responsables du Centre de recherche
industrielle, de la Société de développement industriel et
du Parc industriel de Bécancour de donner plus de précisions sur
leurs organismes et leur fonctionnement au cours des sessions de la commission.
Il en ira de même pour le secteur des pêches maritimes, que nous
souhaitons développer dans les années a venir.
En terminant, quelques observations rapides sur trois autres
activités au ministère de l'Industrie et du Commerce.
Sur le plan de l'infrastructure industrielle, nous poursuivons les
programmes déjà amorcés quant au développement des
parcs industriels et quant à l'aide à la formation de
commissariats industriels. Dans ce secteur, les ententes-cadres
négociées avec le gouvernement fédéral continueront
d'être appliquées. Ces ententes font toutefois l'objet d'une
réévaluation globale sur tous les autres plans
présentement.
Le gouvernement du Québec a, en effet, décidé de ne
retenir ces ententes que dans la mesure où elles impliquent des sommes
importantes et où elles s'inscrivent dans le cadre de programmes
déjà définis par nous.
Il s'agit là d'une mesure importante qui vise à
éviter que le Québec soit amené, dans le cadre de ces
ententes, à partager les frais d'activités qu'il n'a pas
lui-même suscitées ou amorcées.
Enfin, je signale que le statut du Bureau de la statistique du
Québec sera bientôt modifié. Nous proposons à cet
effet un amendement législatif qui accordera au BSQ un statut plus
élevé et une autonomie d'action accrue.
En bref, donc, le ministère de l'Industrie et du Commerce
continue d'être le lieu d'intersection d'un grand nombre
d'activités qui sont essentielles à la prise en main de notre
économie, et son rôle sera encore accru dans les années qui
viennent afin de susciter des changements encore plus nombreux et plus
fondamentaux de l'économie québécoise et surtout de la
place qu'y tiennent les francophones.
Je remercie publiquement aujourd'hui les fonctionnaires professionnels
et les cadres qui travaillent au ministère de l'Industrie et du
Commerce, avec un dévouement constant, et je souhaite qu'ils redoublent
d'ardeur à l'heure où nous voulons élargir le projet
collectif des Québécois par une action économique plus
cohérente et plus ferme.
Merci, M. le Président.
Remarques de l'Opposition M. André
Raynauld
Le Président (M. Michaud): Merci, M. le ministre. Je
cède maintenant la parole au représentant de l'Opposition
officielle, le député d'Outremont, pour des commentaires d'ordre
général.
M. Raynauld: Merci, M. le Président. Ma première
observation sera d'offrir des félicitations au ministre pour le dossier
qu'il nous a préparé pour l'étude des crédits.
J'ai eu l'occasion même s'il est très épais
de le lire et je pense que c'est un document extrêmement
utile.
En deuxième lieu, je voudrais souligner que la situation
économique actuelle est très mauvaise et que si le
ministère de l'Industrie et du Commerce a beaucoup d'activités,
c'est au fond par référence à cette situation
économique qui sera améliorée ou empirée qu'on
devra juger de l'efficacité du ministère de l'Industrie et du
Commerce.
A cet égard, je pense qu'on ne sent pas encore, et pas plus dans
la présentation du ministre ce matin, cette urgence qui existe au
Québec de corriger une situation qui se détériore
considérablement.
Nous avons des informations qui sont publiées à peu
près toutes les semaines sur la situation économique. Je n'ai pas
encore vu de signes encourageants parmi tous les indicateurs qui sont produits
et qui nous permettent d'évaluer cette situation. Que cela soit du
côté des investissements, où le gouvernement insiste sans
cesse pour parler des investissements totaux lorsque nous voulons plutôt
parler des investissements privés, qui sont les seuls à
réfléter le climat économique général et non
pas des investissements publics et on sait
que, de ce côté des investissements privés, les
perspectives pour 1977 sont sombres.
En termes réels, ces investissements vont être
négatifs. On sait que la situation du chômage se maintient au
niveau à peu près le pire, avec de petites variations d'un mois
à un autre, mais ce qui est encore plus important, c'est la situation de
l'emploi et on s'est fait rappeler de nouveau hier, par l'annonce des
dernières statistiques sur l'emploi, que le Québec a perdu 9000
emplois au cours du mois. Cette situation se perpétue de semaine en
semaine.
Maintenant, on s'attend, on annonce, aux Etats-Unis par exemple, un taux
d'inflation qui me surprend, en ce qui me concerne, et qui est très
élevé pour les trois premiers mois de l'année. Cette
inflation américaine pourrait se répercuter sur l'économie
canadienne et québécoise à un moment très
inopportun, avant même que la reprise se soit manifestée au
Québec et au Canada, ce qui promet encore des lendemains difficiles.
Ensuite, le gouvernement fait état d'une paix sociale qui aurait
été retrouvée comme par enchantement après
l'élection du 15 novembre. J'ai vérifié quelques chiffres
à cet égard. Par exemple, le nombre de jours-homme perdus par les
grèves. On sait qu'en 1976, cela a été la pire
année de l'histoire du Québec alors que le Québec a connu
52% des pertes en jours-homme à cause des conflits de travail. Or,
depuis les mois de décembre, janvier et février, les trois
derniers mois, la proportion n'a pas diminué, la proportion a même
augmenté en janvier, elle est rendue à 55%; 55% de tous les
conflits de tous les jours-homme perdus au Canada se sont retrouvés au
Québec. En février, la proportion a baissé à 45%,
je crois. Ce sera à vérifier, 42% ou 45%. Par conséquent,
lorsqu'on a un nombre d'employés égal à peu près
à 23% de celui de l'ensemble du Canada, je ne pense pas qu'on puisse se
réjouir et qu'on puisse faire état d'une grande victoire du
côté de la paix sociale.
Le ministre de l'Industrie et du Commerce a prononcé un discours
très remarqué, en fin de semaine. S'il n'avait pas contenu ces
concepts douteux de dépendance et de relent de colonialisme, j'aurais
peut-être même pu l'écrire moi-même. Il a fait
état d'une situation extrêmement difficile au Québec en ce
qui concerne la productivité, les exportations, un secteur public qui
accapare toutes les ressources.
Je suis d'accord avec ce diagnostic général sur
l'économie du Québec. La question que je me pose
évidemment, c'est que le ministère de l'Industrie et du Commerce
et que le ministre de l'Industrie et du Commerce entendent faire pour corriger
ces défauts ou ces lacunes de structure dans l'économie du
Québec, que le ministre entend faire et qu'il a fait depuis le 15
novembre pour essayer de corriger cette situation économique très
néfaste à l'heure actuelle.
Il ne sera pas surpris, je suppose, quand nous allons essayer au cours
de ces séances de la commission parlementaire d'obtenir des informations
plus particulières sur ce qui s'est produit de- puis le 15 novembre,
quels sont les changements d'orientation de politique qui ont été
effectués, quelles sont les initiatives que le nouveau gouvernement a
prises, quelles sont les initiatives qu'il entend prendre, plutôt que
d'examiner simplement la situation générale de l'année
financière 1976/77. Je sais, parce que j'ai été
très proche du ministre de l'Industrie et du Commerce, à quel
point il a déjà étudié la situation
économique du Québec. Je me serais attendu, compte tenu de ses
longues études, qu'il se présente très rapidement avec des
solutions.
Or, jusqu'à maintenant, on n'a pas vu beaucoup de solutions. On a
cette campagne d'achat chez nous sur laquelle je reviendrai pour essayer de
faire préciser au ministre ce qu'il pense vraiment obtenir d'une
politique d'achat de cette nature.
Je note, et avec beaucoup de plaisir, la création de ce fonds de
relance dans le budget. J'ai déjà eu l'occasion de
féliciter le gouvernement à cet égard. Je pense que c'est
une initiative très heureuse, mais c'est une initiative encore mineure.
Je note également que, dans l'ensemble du budget, on a donné
priorité à une remise en ordre ou à une rigueur
financière qui a été imposée au gouvernement en
grande partie à cause de l'élection du 15 novembre, une rigueur
qui n'était pas appropriée à la situation conjoncturelle
du Québec où il aurait fallu une relance beaucoup plus forte que
cela n'a été le cas.
Je note évidemment aussi le projet de société de
réorganisation industrielle sur laquelle nous savons très peu de
choses à l'heure actuelle et, bien sûr, nous aurons l'occasion
d'en discuter plus tard.
Mais, hors ces propositions, politique d'achat, fonds de relance et
société de réorganisation industrielle, il y a très
peu au menu en ce qui concerne des politiques de ce gouvernement qui viseraient
à rétablir une situation économique très mauvaise
à l'heure actuelle.
Je m'en tiendrai à ces observations très
générales pour l'instant, parce que je ne voudrais pas retarder
indûment l'étude des crédits. Je voudrais assurer le
ministre que nous coopérerons avec lui pour procéder de
façon aussi rapide que possible à l'adoption des crédits
du ministère.
Le Président (M. Michaud): Nous allons passer aux
commentaires généraux du député de
Lotbinière.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: M. le Président, moi aussi, j'ai
apprécié le rapport détaillé du ministère de
l'Industrie et du Commerce. J'ai pu passer à travers au cours des deux
dernières journées. J'ai apprécié ce qui s'y
faisait. Je voudrais quand même qu'on puisse rendre plus pratique tout ce
qui se fait au ministère de l'Industrie et du Commerce.
J'ai constaté, moi qui ai été dans l'entreprise une
vingtaine d'années, que je ne connaissais pas, malheureusement, une
grande partie des aides
possibles du ministère vis-à-vis des entreprises
québécoises. Il semble que les programmes sont peut-être un
peu trop théoriques et pas assez pratiques. On devrait, à
l'intérieur du ministère, faire en sorte de répondre aux
besoins des petites et moyennes entreprises. Il s'agit, pour la plupart, des
gens qui ne sont pas spécialistes dans le domaine des subventions, dans
le domaine de l'aide du ministère et qui pourraient certainement
profiter de ces subventions, de ces aides, si seulement ces gens-là
pouvaient savoir qu'elles existent au ministère.
J'ai suggéré, il y a à peu près un mois et
demi ou deux mois, des centres de services économiques au niveau de
chacun des comtés du Québec. C'est peut-être une formule
qui répondrait davantage aux besoins de nos entreprises, de nos
commerces, chez nous, afin que ces gens-là puissent aller dans un
centre, au niveau de leur comté, sans courir à Québec ou
à Montréal, à travers les divers départements du
ministère, pour se retrouver. Possiblement qu'avec quelques
fonctionnaires au niveau de chacun des comtés du Québec, beaucoup
de ces entreprises viendraient demander l'aide du ministère de
l'Industrie et du Commerce.
J'ai vécu, depuis que je suis député, plusieurs
expériences dans ce sens-là. J'ai connu des gens, un en
particulier, il y a environ deux mois, qui a perdu une subvention du
ministère de l'Expansion économique régionale, à
Ottawa, de $30 000 à $40 000, parce qu'il ne savait pas qu'il pouvait
avoir une subvention. Lorsqu'il est venu me voir, son projet était
complété. Je lui ai dit: Tu as le droit d'avoir une subvention.
Quand commences-tu? Il m'a dit: J'ouvre mes portes demain matin, tout est fait,
c'est terminé. Je lui ai demandé pourquoi il n'était pas
venu me voir avant, et il m'a répondu qu'il ne savait pas qu'il pouvait
avoir de l'aide.
De tels exemples, on en a dans tous les comtés du Québec.
C'est pourquoi il faudrait que le ministère de l'Industrie et du
Commerce réponde, non seulement à quelques professeurs
d'université ou à quelques théoriciens, mais
véritablement qu'il descende dans le bas de l'échelle sociale
pour retrouver les petites et moyennes entreprises afin de répondre, en
pratique, à leurs besoins.
Je comprends qu'on a quand même beaucoup accompli. Je ne veux pas
dire qu'il ne se fait rien. Il se fait énormément de choses, mais
ce n'est pas assez connu, ce n'est pas assez à la portée des gens
de chez nous. Il semble que le ministère aura un défi
considérable à relever au cours des prochaines années,
comme l'a noté le député d'Outremont tout à
l'heure, surtout à cause du taux très élevé de
chômage au Québec. C'est véritablement, aujourd'hui, le
problème numéro un du Québec. Ce n'est pas un
problème de constitution, ce n'est pas un problème de langue.
C'est véritablement un problème économique. C'est un
problème de création d'emplois et le ministère de
l'Industrie et du Commerce, le ministre en particulier, devrait dépenser
toutes ses énergies en fonction de créer de l'emploi, et des
emplois permanents pour nos Québécois. Non pas des emplois
temporaires créés à coups de subventions au
ministère des Transports ou à d'autres ministères du
Québec, mais véritablement créer des emplois permanents
à même des entreprises québécoises.
Voilà pourquoi j'ai déjà affirmer, en dehors de
cette assemblée, et même dans cette assemblée, que le
ministre de l'Industrie et du Commerce devrait se servir des comptes
économiques d'une façon positive et non d'une façon
destructive. Ces comptes devraient servir à orienter les actions du
gouvernement pour créer des emplois au Québec et non pas en faire
une guerre de chiffres au-dessus de la tête des travailleurs qui ne
demandent qu'à gagner $200, $250 ou $300 par semaine, et qui ne
demandent pas une guerre de chiffres à coups de milliards. Il devrait y
avoir une action positive, dans ce domaine en particulier.
Si on veut véritablement faire la promotion des francophones,
comme l'a dit le ministre de l'Industrie et du Commerce, il faut orienter nos
francophones vers le domaine de l'industrie. Encore là, ce n'est pas un
blâme à l'endroit du ministre d'aujourd'hui ou du
ministère, mais historiquement, les francophones se sont dirigés
vers des professions libérales, ils ont fait des médecins, des
avocats, des notaires, des prêtres ou autres, et pendant ce
temps-là, les anglophones se sont dirigés vers l'économie
ou vers l'administration.
Historiquement, lorsqu'on a besoin d'un administrateur, on va voir un
administrateur. On ne va pas voir un avocat ou un médecin. C'est dans ce
sens en particulier qu'aujourd'hui, on retrouve à la tête de nos
plus grandes entreprises du Québec, des anglophones. Il faut que le
ministère de l'Industrie et du Commerce convainque c'est lui qui
est responsable de l'économie le ministre de l'Education de
donner des cours d'économique en plus grand nombre, au niveau de chacune
de nos écoles du Québec. Malheureusement, ces cours
d'économique sont facultatifs à l'heure actuelle et, encore
là, il n'y a pas assez de nos francophones qui suivent de ces cours
d'économique.
Sans aucun doute, à cet égard, le ministère de
l'Industrie et du Commerce devrait se pencher sur ce phénomène au
Québec, et faire en sorte qu'on enseigne ce qu'est l'administration et
qu'on donne le goût de l'entreprise à nos jeunes
Québécois.
Concernant les investissements étrangers au Québec, le
ministre en a dit un mot tout à l'heure. C'est important. Il y en a
aussi un mot dans le rapport. C'est important qu'on vende nos produits à
l'extérieur, mais c'est important aussi qu'on attire de l'investissement
étranger au Québec. Ce n'est pas malsain, de l'investissement
étranger. Il y a non seulement de l'investissement, mais il y a aussi
des connaissances techniques que nous n'avons pas ici au Québec et qu'il
faut importer si on veut véritablement les connaître un jour.
Je pense en particulier aux sidérurgies. Nous, au Québec,
on a une spécialité, c'est de faire des déficits avec nos
sidérurgies alors que l'Ontario fait des profits avec les siennes. Il y
a certainement moyen d'importer des connaissances en plus
d'importer de l'investissement étranger de l'extérieur. Je
vous donne un exemple. On peut avoir d'autres exemples dans le même
domaine. C'est véritablement essentiel, à condition que ces
entreprises respectent les lois du Québec, jouent le jeu que nous
voulons leur faire jouer au Québec, mais on a certainement besoin de
faire un effort additionnel vis-à-vis des investissements
étrangers pour les attirer chez nous.
Je dois aussi féliciter le ministre en passant, pour cette
volonté d'améliorer le commerce à l'extérieur. Je
me souviens que j'ai suggéré, il y a une couple de mois, la
société de mise en marché des produits du Québec
à l'étranger. Je vois la réponse du ministre avec son
institut de commerce international. Cela me fait vraiment plaisir. Je vois
qu'il y a quelque chose à faire. On pourra continuer dans le même
sens, mais, encore là, je regrette que cet institut de commerce
international me semble un peu trop théorique. On devrait, à mon
point de vue, faire appel aux entreprises privées pour collaborer avec
le gouvernement; que le gouvernement soit véritablement minoritaire
là-dedans, mais participant, et que les plus grandes entreprises
privées aident aux petites et moyennes entreprises à vendre leurs
produits à l'extérieur, à faire du commerce avec
l'extérieur du pays.
Ce sont des gens qui, déjà, ont de l'expérience,
qui ont déjà eu un certain succès dans ces grandes
entreprises. Ces grandes entreprises sont certainement prêtes à
participer à l'expansion économique du Québec avec les
petites et moyennes entreprises.
Je suis heureux aussi de voir le fonds de relance industrielle.
Malheureusement, je trouve qu'il ne s'adresse pas assez, quand même, aux
gens qui en ont besoin, aux petites et moyennes entreprises qui ne font pas de
profit, mais on pourra faire en sorte de les aider éventuellement, bien
sûr. Le fonds de relance industrielle, c'est quand même un pas dans
la bonne direction, mais il y aurait urgence, de la part du gouvernement du
Québec, d'augmenter les fonds disponibles pour ce fonds de relance
industrielle et d'y faire participer même les plus grandes entreprises du
Québec, afin de les encourager à investir davantage au
Québec.
Si on ne veut pas faire participer toutes les grandes entreprises du
Québec, on pourra peut-être y aller, en tout cas, avec un secteur
pour commencer, comme le secteur des pâtes et papiers qui me semble un
secteur crucial à l'heure actuelle. On a beaucoup d'entreprises qui
ferment dans les pâtes et papiers. On pourrait certainement les faire
bénéficier de fonds de relance industrielle, même si elles
sont de grandes entreprises, afin de créer de l'emploi au
Québec.
Il s'agit de se demander, à l'heure actuelle, quel est le
problème numéro un au Québec. C'est de créer des
emplois. Qu'on crée ces emplois par les grandes entreprises ou les
petites entreprises, pour le moment, ce n'est pas important, mais c'est
important de créer des emplois. Cela vaudrait la peine, je crois, pour
le ministère de l'Industrie et du Commerce, d'étudier la
possibilité et de de- mander au ministre des Finances d'élargir
et d'augmenter les fonds pour ce fonds de relance industrielle et d'en faire
profiter les grandes entreprises du Québec ou, au moins pour la
première étape, l'industrie des pâtes et papiers à
titre expérimental.
Finalement, je crois qu'il est aussi important de noter que beaucoup de
Québécois, à l'heure actuelle, à cause d'un climat
de tension, d'un climat très émotif, investissent des montants
d'argent à l'extérieur du Québec, soit en Ontario, soit en
Alberta, soit aux Etats-Unis. Le ministère de l'Industrie et du Commerce
devrait peut-être étudier cette situation et faire en sorte de
sécuriser ces gens qui, pour quelque raison que ce soit,
décident, à l'heure actuelle, depuis quelques mois, d'investir
des sommes d'argent considérables à l'extérieur du
Québec. A court terme, on ne s'en ressent peut-être pas, mais,
à long terme, cela va nuire énormément à la
promotion économique du Québec.
Mais, pour cela, il faut d'abord, véritablement, une
collaboration avec le gouvernement fédéral de la part du
gouvernement provincial et non pas une guerre avec le gouvernement
fédéral. C'est important d'avoir sa collaboration à
l'heure actuelle. Le gouvernement fédéral est prêt à
aider toutes les provinces du Canada. Il faut aussi créer un climat
politique sain. Le ministre de l'Industrie et du Commerce devrait être,
à mon point de vue, le plus grand promoteur de ce climat politique sain
au Québec et non pas être celui qui crée un climat
politique malsain.
C'est peut-être important à l'heure actuelle de noter ces
choses. Lorsqu'on rencontre beaucoup d'hommes d'affaires, on est conscient de
ce qui se passe. Même les petits investisseurs craignent, à
l'heure actuelle, d'investir au Québec. Pour cela, il faut créer
un climat politique et un climat économique sains et j'ai l'impression
que ces gens-là vont revenir au Québec.
Lorsqu'on voit l'exode des capitaux, peut-être que les capitaux,
un jour ou l'autre, vont revenir, mais avec de bonnes politiques au
ministère de l'Industrie et du Commerce, on pourra empêcher
l'exode des cerveaux. C'est cela qui est grave. Lorsque des gens s'en vont du
Québec, je crains qu'ils ne puissent revenir. Pour la plupart, ce sont
des gens qu'on a formés chez nous, qui ont réussi à
établir quelque chose et qui, pour une raison ou pour une autre, parce
que l'entreprise déménage ou tout cela, s'en vont à
l'extérieur.
C'est une perte économique, c'est une perte morale extraordinaire
pour le Québec d'aujourd'hui. En terminant, je suis heureux de voir que
le ministre a décidé d'agir vis-à-vis des SODEQ. Je crois
qu'au moins, on aura fait un pas pour aider les petites et les moyennes
entreprises avec les SODEQ. J'ai hâte de voir quand même comment
cela va se comporter, parce que l'expérience n'a pas encore
été faite, mais j'assure le ministre de toute ma collaboration
pour la réussite des SODEQ dans le Québec, et surtout, je
l'assure de toute ma collaboration pour travailler à l'expansion
économique du Québec, et surtout, à la création
d'emplois au Québec.
Le Président (M. Michaud): Le député de
Mont-Royal.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais limiter mes
remarques générales à deux sujets particuliers, je crois,
qui préoccupent les gens de Montréal, les gens de ma
région, et qui devraient aussi préoccuper le ministre, la
question des sièges sociaux et la question de l'industrie et du commerce
à Montréal. J'aimerais, après mes remarques,
connaître les commentaires du ministre sur ces deux sujets, parce que je
crois que la situation s'aggrave beaucoup, à cause de l'incertitude,
à cause de certaines politiques du gouvernement. Je me demande quelle
est la position du ministre, s'il accepte que les emplois diminuent à
Montréal, s'il croit les statistiques, s'il accepte le principe qu'il
faut absolument faire tout ce qui est possible pour retenir les sièges
sociaux à Montréal. Quelle est son attitude, quelle importance il
attache à cela? Est-ce qu'on ne semble pas oublier que Montréal
est non seulement dans la province de Québec, mais que c'est un centre
national et un centre international? On a parfois l'impression que les
politiques du gouvernement ne donnent pas d'importance à cet aspect.
Vous parlez, M. le ministre, d'encourager les francophones dans l'industrie.
Nous partageons tous ce désir. On ne veut pas faire de la politique de
partisanerie avec cela, je vous assure, M. le ministre. Les inquiétudes
des gens à Montréal sont excessives peut-être dans certains
cas, je ne peux pas minimiser les craintes de ceux qui peuvent être trop
craintifs, mais il y a des craintes très réelles. Ils partagent
les buts du gouvernement dans le sens qu'ils réalisent il n'est
pas question de l'unilinguisme anglais qu'il y a une nouvelle
réalité. Je crois que vos politiques et les politiques de vos
collègues devraient refléter cela. Parce que si on veut
encourager les francophones à être plus actifs et à avoir
de meilleurs postes dans l'industrie, il faut principalement que l'industrie
demeure au Québec. Autrement, les diplômés de l'Ecole
polytechnique, de l'Université de Montréal, les professionnels,
où vont-ils aller si toutes ces compagnies disent qu'elles ne pourront
pas faire affaire dans le climat actuel et avec les lois que votre gouvernement
propose?
Je crois que c'est un problème très réel. On ne
devrait pas vraiment faire de la politique avec ce sujet. On devrait l'attaquer
et trouver les solutions. L'autre sujet, c'est l'industrie de la construction.
Il y a beaucoup de chômage à Montréal dans cette industrie
et il n'y a pas de projets. Je demanderais les commentaires au ministre. Est-ce
qu'il a des programmes spécifiques à proposer? Est-ce qu'il va
faire quelque chose? Encore une fois, on essaie de lier la culture,
l'épanouissement de la culture au Québec, mais on oublie l'aspect
économique. Ces gens doivent aller chercher de l'emploi hors du
Québec, parce qu'ils ne peuvent pas trouver de l'emploi dans la
construction. Or, il y a beaucoup d'employés dans la construction, je
crois que c'est une industrie assez importante, qui a des retombées sur
d'autres industries, cela affecte beaucoup d'austres aspects
économiques.
Si ces gens ne peuvent pas trouver d'emploi, ils doivent aller en dehors
de la province. Je crois que ça ne nous aidera pas. Cela n'aidera pas le
but, les objectifs de votre gouvernement, qui sont d'aider à
l'épanouissement de la culture, d'aider à la croissance
économique de tous les Québécois et d'encourager les
francophones à prendre une plus grande place dans l'industrie. Ce sont
des objectifs que nous partageons.
Beaucoup d'autres villes font tout ce qui est en leur pouvoir, que ce
soit au Canada ou aux Etats-Unis, pour attirer les sièges sociaux, parce
qu'elles en savent la valeur, elles savent ce que ça peut apporter
à l'économie. Parfois, nous avons l'impression, à lire les
déclarations de quelques-uns de vos collègues, qu'ils n'y
attachent aucune importance. Ils disent même: Ecoutez! Si vous n'aimez
pas nos politiques, allez-vous-en! C'est quasiment un défi pour eux de
quitter... J'espère que ce n'est pas vraiment leur intention.
J'espère que vous, comme ministre de l'Industrie et du Commerce,
attachez beaucoup plus d'importance à cette situation. Je vous
demanderais vos commentaires. Je vous demanderais exactement si vous avez
l'intention de faire quelque chose pour apaiser la situation. Parce que quand
on reçoit... Ce sont des entreprises qui sont au Québec depuis
1875, 1881. Prenez le Royal Trust. Il s'est toujours considéré
comme un siège social à Montréal, comme une entreprise
québécoise. Le président est forcé, d'une
façon ou d'une autre, à faire certaines déclarations. Je
ne mentionne pas les déclarations du président de la Banque
Royale. Il y a aussi la CIL et la Dupont. Il y a des compagnies comme Via Rail,
qui ont dit: Dans le contexte actuel, on ne pourrait peut-être pas venir
s'établir chez vous.
Le but de ça, M. le ministre, ce n'est pas de dire que nous
devons écouter toutes les déclarations les plus pessimistes. Il
faut prendre en considération peut-être je suis prêt
à l'accepter, M. le ministre qu'il y en a qui peuvent
exagérer un peu, mais c'est un problème actuel.
Même si on prend en considération, qu'on écarte le
cas de ceux qui partent en peur, le fait est qu'il y a des compagnies qui sont
déjà parties, de petites compagnies. Prenez, par exemple,
l'industrie de l'assurance. Quand une compagnie qui a son siège social
ici, à Montréal, décide de déménager
à Toronto, c'est 30 ou 40 employés qui partent. Si vous
multipliez ça, beaucoup de compagnies pensent de même et se
croient obligées de faire ça à cause des politiques et de
l'incertitude actuelles. Je crois que ça devient un problème
assez aigu, et je souhaiterais que, à titre de ministre de l'Industrie
et du Commerce, vous ayez quelques programmes, quelque chose à faire ou
à dire, pour essayer d'empêcher la fuite des emplois et la fuite
des sièges sociaux et aussi pour stimuler l'industrie de la
construction.
Dans le budget, on a enlevé, je crois, un montant de $56 millions
au chapitre des autoroutes.
Apparemment cela aurait gardé beaucoup de gens au travail, cela
aurait créé des emplois, cela aurait eu des effets
économiques aussi sur d'autres industries. Dans le climat actuel, je ne
crois pas que c'était désirable de couper ce budget pour cette
industrie particulière, spécialement à ce temps-ci.
J'aimerais avoir vos commentaires sur ces deux aspects qui touchent
l'économie des gens de Montréal, mais, je crois,
l'économie du Québec également parce que les taxes qui
sont perçues à Montréal font vivre beaucoup de services
gouvernementaux.
Si 30 ou 40 administrateurs, qui gagnaient $40 000 ou $50 000 par
année, quittent, ce sont des taxes que nous ne percevrons plus, non
seulement des impôts que la province ne percevra pas, mais les taxes
foncières, les taxes scolaires, etc. Et, les services sont là.
Les dépenses de la province ne diminueront pas. Elles vont rester les
mêmes; mais si 100, 1000 ou 2000 personnes quittent et que leurs emplois
disparaissent avec elles, je crois qu'il viendra un moment où le reste
de nous aura des difficultés à partager les dépenses
gouvernementales et à trouver des emplois à ceux qui viennent sur
le marché du travail.
Alors, j'aimerais avoir vos commentaires, M. le ministre, sur cet aspect
particulier.
Le Président (M. Michaud): Le ministre de l'Industrie et
du Commerce.
Réplique de M. le ministre
M. Tremblay: Je remercie le député d'Outremont, le
député de Lotbinière et le député de
Mont-Royal pour les observations très positives qu'ils ont faites
à l'endroit de mon ministère et pour la mention des actions que
nous avons prises et celles que nous devrions prendre.
Leurs observations couvrent énormément de terrain. Je
constate qu'il y a des conseils que je devrais transmettre à d'autres
ministères du gouvernement et je vois aussi des conseils qui pourraient
être portés à un autre palier de gouvernement, soit le
palier fédéral.
Je ferai peut-être des commentaires dans le contexte
général, à l'intérieur duquel l'économie du
Québec fonctionne présentement, parce qu'il faut garder une juste
perspective des moyens dont dispose le gouvernement du Québec pour
relancer l'économie.
Tous les observateurs peuvent tracer une relation assez étroite
entre la situation qui existe présentement sur le plan économique
et celle qui existait dans les années soixante et soixante et un, au
Canada.
Nous sommes présentement dans une situation de taux de change
flexible avec des politiques monétaires très restrictives, ce qui
force les gouvernements, devant des taux de chômage très
élevés, à recourir à l'instrument
budgétaire, au déficit budgétaire.
Le député d'Outremont faisait remarquer, tout à
l'heure, que le gouvernement du Québec dans son dernier budget, fait
preuve d'une rigueur fi- nancière qui, compte tenu de la situation
économique, était peut-être trop prononcée.
Il faut bien se rendre compte que la politique monétaire du
gouvernement canadien, de la Banque du Canada, l'an passé, a
été extrêmement restrictive et on peut voir assez
clairement les effets qui se sont répercutés sur
l'économie du Québec.
Pour les indicateurs monétaires le député
d'Outremont en sera conscient la masse monétaire
représentée par les dépôts et la monnaie en
circulation, est passée d'un taux d'accroissement de 14% à 8% en
1976. Donc, 1976 fut une période de restriction monétaire
très forte. Même si on regarde l'évolution du taux
d'accroissement de la masse monétaire définie de façon
plus large en prenant la définition M2, il y a eu une baisse dans le
taux d'accroissement de 19,7% à 15,7% en 1976, donc tendance à
une restriction monétaire assez poussée au niveau
fédéral.
L'an passé, le taux de chômage était très
élevé et croissant, résultant des taux
d'intérêt au Canada qui étaient, pendant certaines
périodes, de trois à quatre points de pourcentage plus
élevés qu'aux Etats-Unis.
De là, les entrées très fortes de capitaux que nous
avons eues l'an passé, avec le résultat que le taux de change du
dollar canadien s'est élevé considérablement et on a vu
les conséquences au niveau des industries québécoises en
concurrence avec les importations.
Le secteur du textile a été fortement touché et
continue de l'être par les importations. Evidemment, il y a un
problème de contingentement qui reste à résoudre, mais ce
problème est relié au très haut niveau du taux de change.
Ce taux de change était élevé en grande partie parce qu'il
y a eu des entrées de capitaux très élevées; au
contraire parce que le niveau d'inflation au Canada était plus
élevé qu'aux Etats-Unis, on aurait dû s'attendre à
une baisse du taux de change.
D'autre part, nos exportations, malgré la reprise aux Etats-Unis,
ont eu tendance à ralentir malgré la reprise économique
aux Etats-Unis parce qu'on peut établir que le taux de change canadien
ne reflète pas les coûts relatifs de production au Canada et aux
Etats-Unis.
Il ne faudrait donc pas uniquement conclure que la politique
financière du gouvernement est insuffisante; il faudrait aussi conclure
que la politique monétaire du gouvernement fédéral a
été extrêmement restrictive et que c'est certainement un
des facteurs principaux qui expliquent pourquoi la reprise économique au
Canada et au Québec est tellement plus lente que celle qui
prévaut aux Etats-Unis.
Je reviendrai tout à l'heure aux questions plus
spécifiques de politique auxquelles les députés faisaient
allusion. En ce qui concerne le climat des affaires au Québec, je pense
que, depuis quelques mois, on a fait énormément de commentaires,
on a mentionné énormément d'indicateurs pour montrer que
le climat n'était peut-être pas aussi favorable qu'il devrait
l'être pour les affaires. Si on constate les indicateurs courants, et
cela en termes relatifs par rapport à ce qui se produit dans
les autres provinces, il faut quand même se rendre compte que le
taux de chômage au mois d'avril au Québec ne s'est pas accru, il
s'est abaissé alors que, dans la plupart des autres provinces, il s'est
accru, même si, en termes désaisonnalisés, il y a eu une
baisse de l'emploi, en termes réels, il y a eu une augmentation de 3000
emplois au mois d'avril et une hausse de la population active, ce qui s'est
traduit pas une diminution de 12 000 chômeurs. On ne peut pas dire que
c'est vraiment une progression fulgurante vers la prospérité
économique, mais tout ce qu'on peut dire, c'est que la situation au
Québec au plan de l'emploi, n'est pas pire que ce qui existe dans les
autres provinces, surtout quand vous considérez qu'une province aussi
prospère d'habitude que la Colombie-Britannique a un taux de
chômage de 9,1%, ce qui n'est pas tellement éloigné du taux
de chômage qu'on a au Québec, qui est de 9,8% pour le mois
d'avril.
En ce qui concerne plus spécifiquement le climat des affaires,
les perspectives d'investissements qui sont recensés auprès des
investisseurs et qui ont été établis au mois de
décembre, au mois de janvier et jusqu'à la mi-février, par
Statistique Canada, sont quand même la source la plus importante
d'évaluation du climat des investissements ou des intentions
d'investissements. Le député d'Outremont dit que ces
augmentations des investissements prévues pour 1977 vont surtout se
concentrer dans le secteur public. Il est vrai que les investissements dans les
services d'utilité publique vont s'accroître de 44,4% cette
année par rapport à ce qui s'est produit l'an passé, mais
si on regarde les investissements dans le secteur de fabrication, un secteur
qui, je le concède facilement, est un secteur faible de
l'économie du Québec présentement, il y a quand même
une augmentation prévue de 28,8% des investissements pour l'année
1977/78. Par conséquent lorsqu'il y a eu une baisse l'an passé de
ces investissements de l'ordre de 19,5%...
M. Raynauld: Mais encore à cause des investissements
publics, même dans le secteur manufacturier.
M. Tremblay: Certains, comme évidemment l'usine de
papeterie de Saint-Félicien, Donohue-Saint-Félicien,
évidemment comportent une participation de l'Etat, et puisque la SGF
possède 51% de Donohue, mais il y a quand même une participation
privée de BC Forest Ltée dans ce projet et c'est un projet de
$325 millions. Le même type de projet dans SIDBEC-NorMines implique US
Steel pour 8% et British Steel pour 42%, de sorte que, même si ce sont
des entreprises d'Etat qui sont les maîtres d'oeuvre de ces
investissements, ils sont fait en collaboration avec le secteur privé de
l'extérieur du Québec. Au niveau des investissements donc, tout
ce que l'on peut dire, c'est que le creux que nous avons connu en 1976 semble
être en voie de se corriger en 1977. Je reviendrai tout à l'heure
sur le besoin de relance de l'industrialisation au Québec. Il est
évident qu'on ne se limitera pas simplement à regarder ces
chiffres. Il va falloir avoir, comme gouvernement, une politique beaucoup plus
dynamique que dans le passé en ce qui concerne les investissements dans
le secteur de la fabrication. Je reviendrai tout à l'heure pour
énoncer mon intention dans ce domaine.
En ce qui concerne le climat général et la façon
dont les gens perçoivent la situation économique au
Québec, je prends simplement à témoin une
évaluation qui a été faite par une enquête
scientifique à la fin du mois d'avril, dans laquelle on posait la
question suivante pour l'ensemble du Canada, auprès de l'ensemble de la
population: "Comment jugez-vous les conditions économiques
prévalant dans votre région? Estimez-vous qu'elles sont
très bonnes, bonnes, pas très bonnes ou mauvaises"?
Or, ceci peut surprendre peut-être des gens qui pensent que la
population est très pessimiste au Québec en égard a
l'évolution de l'économie. Au Québec, 61% des gens
contactés considéraient que les conditions économiques
actuelles étaient bonnes et très bonnes, alors qu'en Ontario,
nous ne retrouvions que 56% des gens qui avaient la même opinion sur
l'évolution de leur économie. On ne peut donc pas dire qu'au
Québec il existe un pessimisme économique; il y a peut-être
des déclarations pessimistes, mais il n'y a pas de climat pessimiste des
affaires. Le gouvernement, je crois, dans ses attitudes, depuis le 15 novembre,
n'a rien fait qui puisse diminuer la confiance dans l'économie. Nous
avons plutôt posé des gestes pour aider les investissements et
aider à la relance des investissements.
Or, si l'on compare l'évaluation que l'on fait en Ontario du
climat des affaires, je pense que le climat des affaires en Ontario est plus
pessimiste qu'au Québec, quoique les mêmes raisons
invoquées pourraient s'appliquer au Québec concernant un certain
pessimisme à l'égard de l'avenir de l'économie
canadienne.
Je fais état ici d'une enquête qui a été
faite par la Chambre de commerce de l'Ontario auprès des hommes
d'affaires concernant l'état des affaires en Ontario, et ceci à
la fin du mois de mars. On relatait que seulement 18,5% des hommes d'affaires
ontariens étaient optimistes quant à la situation des affaires en
Ontario. Je peux peut-être le dire en anglais, étant donné
que c'est une évaluation publiée dans le Globe and Mail. On
disait ceci: "The lack of confidence stems from a variety of sources. The
anti-inflation program has not helped the situation and there is uncertainty
about what will happen when the controls end, particularly the response of
labor..." "Until the uncertainty about what will happen when the controls are
removed, as suggested by the president of the Chamber of Commerce, businessmen
will be very conservative about investment".
M. le Président, le contrôle des prix et des salaires
s'applique non seulement en Ontario, mais au Québec. Il est
évident qu'aussi longtemps que nous allons retarder de semaine en
semaine et de mois en mois la levée de ces contrôles,
plusieurs
industriels vont retarder leurs investissements, ne sachant pas ce que
seront les taux d'inflation et les taux d'augmentation des salaires
après la levée des contrôles.
Donc, on vort qu'au niveau du climat des affaires, ce n'est pas au
Québec où règne le plus d'incertitude; je dirais que
d'autres régions souffrent davantage de l'incertitude qui provient du
gouvernement fédéral que de celle qui pourrait être
sup-posément provoquée par le gouvernement du Québec.
J'en viens aussi, parce que ceci touche au climat des affaires et aux
intentions d'investissements, aux commentaires du député de
Mont-Royal concernant l'industrie de la construction. Je reviendrai tout
à l'heure à la question des sièges sociaux et à la
question portant sur l'industrie et le commerce. En ce qui concerne l'industrie
de la construction, je pense qu'il faut regarder aussi certains indicateurs, et
je pense que si on prend l'opinion des gens qui oeuvrent dans le secteur des
hypothèques domiciliaires au Québec, on doit être
relativement optimiste concernant la reprise de l'industrie de la construction,
même si, dans le secteur de la construction à bureaux,
après le boom des Jeux olympiques et des grands projets, eu égard
au boom très important de l'an passé avec des augmentations qui
dépassaient de 50% les années précédentes, il est
normal qu'il y ait un ralentissement relatif.
Mais, dans le secteur de la construction, surtout domiciliaire,
j'aimerais prendre à témoin le directeur des prêts
hypothécaires de la Banque Royale du Canada, M. Peter Gaskin, qui
déclarait récemment que le mois de mars a été un
record pour les nouveaux contrats hypothécaires au Québec. M.
Gaskin disait que, depuis le mois de novembre, ces hypothèques ont
presque doublé par rapport à la même période de l'an
dernier pour l'ensemble du Canada.
Cependant, pour le Québec, ces contrats avaient plus que
doublé, de sorte qu'en ce qui regarde le secteur de la construction et
les nouvelles...
M. Raynauld: M. le ministre, ce n'est pas la construction. Ce
sont les hypothèques sur les maisons résidentielles autant que
sur les nouvelles.
M. Tremblay: Ou le financement de l'achat de nouvelles maisons,
ce qui diminue le stock des maisons existantes et ce qui encourage...
M. Ciaccia: II y a des gens qui ont pris leur hypothèque
pour aller placer leur argent en dehors du Québec. C'est inclus dans vos
chiffres.
M. Tremblay: L'accroissement des hypothèques signifie
l'accroissement des prêts.
M. Ciaccia: Je peux vous donner des cas spécifiques.
M. Tremblay: C'est donc dire que, s'il y a augmentation des
hypothèques, il y a une augmentation des acheteurs et, dans un
marché...
M. Biron: II y a augmentation des vendeurs aussi.
M. Ciaccia: II n'y a pas augmentation d'acheteurs, il y a
augmentation de ceux qui empruntent de l'argent.
M. Tremblay: II y a des vendeurs, mais il y a une augmentation du
climat...
M. Raynauld: Avez-vous des statistiques sur la construction de
logements?
M. Tremblay: Je n'ai pas de statistiques avec moi. On peut
vérifier.
M. Ciaccia: Prenez les chiffres du chômage dans la
construction. Vous n'avez pas besoin d'aller voir celui qui prête
l'argent. Demandez aux unions, demandez à ceux qui travaillent dans le
domaine de la construction. Ce sont les chiffres dont nous avons besoin, pas
les chiffres de ceux qui prêtent l'argent. Ils peuvent prêter de
l'argent pour diverses raisons.
M. Tremblay: Les prêts hypothécaires sont des
prêts qui sont effectués pour des achats de résidences et
d'installations, de sorte que, s'il y a un doublement de ces
hypothèques, on peut présumer qu'il y a une activité plus
intense dans le secteur des achats de propriétés et, par
conséquent, que le stock des propriétés tend à
baisser, ce qui encourage de nouvelles constructions. Si vous ajoutez à
cela une baisse du taux d'intérêt, je pense que le secteur de la
construction domiciliaire devrait, au cours de l'année, reprendre une
voie ascendante.
J'aimerais faire un commentaire sur les défis économiques
auxquels a fait allusion le député d'Outremont et auxquels
moi-même j'ai fait allusion dans mon discours, le 3 mai dernier, devant
la Chambre de commerce de Montréal.
Il est évident qu'on s'entend sur le fait qu'un taux de
chômage d'environ 10% n'est pas tolérable au Québec. Je
pense que vous serez d'accord pour qu'il y ait une plus grande
intégration des entreprises au fonctionnement de l'économie du
Québec, que l'on ait des retombées économiques accrues au
niveau du Québec. On sait à partir des tableaux interindustriels
des provinces qui montrent que les fuites d'activités économiques
au Québec sont beaucoup plus grandes que dans d'autres provinces. Il
serait souhaitable d'encourager la sous-traitance à l'intérieur
de l'économie du Québec, sans qu'il en résulte une
augmentation des coûts. Il y a une économie d'information qui
mériterait d'être réalisée; je pense que c'est une
de nos responsabilités, comme gouvernement, d'intégrer davantage
toutes les entreprises au fonctionnement de l'économie.
J'ai soulevé la question de la productivité. Il est
évident qu'on ne peut pas avoir, au Québec,
des taux de salaires qui soient systématiquement plus
élevés que dans les économies environnantes, avec une
productivité, au niveau des entreprises, qui soit
systématiquement plus basse.
Les conséquences d'un pareil dilemne sont des entreprises qui
sont moins rentables ou des supports financiers accrus de l'Etat. Si nous
avions, dans des situations semblables, une possibilité de variation du
taux de change, probablement que cela se refléterait par une variation
à la baisse du taux de change. Il y a donc une nécessité
de rehausser la productivité et c'est un des thèmes qui va
être fortement discuté lors du sommet économique des 24, 25
et 26 mai prochain; c'est une question de réalisme économique et
vous pouvez être certain que mon ministère et moi-même en
sommes très conscients.
En ce qui concerne les exportations, c'est un autre point faible de
l'économie du Québec, un point faible très important. Il
faut se rendre compte que cela ne fait que cinq ou six mois que nous sommes au
gouvernement alors qu'il s'est établi depuis le début des
années soixante-dix, une faiblesse grandissante du secteur d'exportation
pour les produits manufacturés.
Le niveau des exportations manufacturières du Québec, en
1976, est à peu près semblable à ce qu'il était en
1971, soit environ $2,5 milliards d'exportation à l'extérieur du
Canada, alors que les exportations vers le reste du Canada se sont accrues de
façon normale, selon le cycle historique. Nous avons donc un effort
très grand à faire pour accroître nos marchés
d'exportation, surtout notre marché traditionnel qui est le
marché américain avec 67% de nos exportations à
l'extérieur du Canada.
Un effort très grand est à faire à ce niveau et
nous pourrons en discuter lorsque nous étudierons le programme de notre
section d'aide à l'expansion des marchés et ce que nous entendons
faire pour relancer les exportations.
Nous souhaitons que les hommes d'affaires soient aussi conscients que le
gouvernement de la nécessité de relancer les exportations.
En ce qui concerne l'autre défi que j'ai mentionné,
à savoir de ne pas augmenter à un rythme trop rapide, les
dépenses publiques, il doit être placé dans un contexte qui
n'est pas uniquement celui du Québec même, mais celui de
l'économie canadienne en général.
J'ai mentionné qu'une des constatations qui rassortaient des
comptes économiques était que la somme des dépenses
publiques fédérales-provinciales-municipales au Québec
représentait 45% du produit intérieur brut, alors qu'en Ontario,
la même somme représentait 35% du produit national brut.
Or, lorsqu'on parle de dédoublement de services, de
dédoublement de coûts, je pense qu'on a peut-être une voie
de solution qui serait d'avoir une plus grande synchronisation entre le
gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec de
manière à éviter ces dédoublements. Lorsque le
député de Lotbinière mentionnait la prolifération
de programmes pour la petite et moyenne entre- prises qui déroutait tous
les hommes d'affaires, il indiquait un bon exemple du dédoublement, de
ce qui se fait au niveau fédéral et de ce qui se fait au niveau
du Québec.
Au niveau fédéral, on a recensé environ 160
programmes pour aider l'entreprise. Nous-mêmes au MIC en avons 90. Lors
de la dernière conférence fédérale-provinciale des
ministres de l'Industrie et du Commerce, j'ai proposé au ministre
fédéral, M. Chrétien, que l'on se serve des quatorze
bureaux qu'opère le ministère québécois de
l'Industrie et du Commerce comme autant de points de contact selon le
modèle auquel vous faisiez allusion tout à l'heure et que l'on
puisse avoir les programmes du MEER fédéral et du MIC, les
programmes du MIC québécois avec les formulaires, dans un seul
endroit, avec notre personnel pour les expliquer dans le détail. Or,
j'attends toujours la réponse du fédéral à cette
suggestion. C'est une proposition concrète que j'ai faite pour
éviter d'avoir une prolifération de bureaux, le MEER ayant ses
bureaux, le MIC fédéral ayant ses bureaux et le MIC provincial
ayant ses bureaux, de manière à éviter que le petit homme
d'affaires, comme vous dites, qui est essentiellement un individualiste, et qui
n'a pas tellement de temps à consacrer à pourchasser les
fonctionnaires, ne soit pas complètement dérouté et perde
l'occasion de recevoir l'aide disponible pour ses projets d'expansion.
Je pense que c'est une des tragédies au Canada d'avoir des
dédoublements de services à plusieurs paliers de gouvernement,
avec le résultat que nous avons des taux d'imposition très
élevés et des taux d'efficacité relativement bas. C'est
une des raisons pour lesquelles il serait bon que l'on s'entende, au plan
constitutionnel, pour concentrer au niveau le plus avantageux vous
connaissez la position de notre gouvernement sur ce point les services
gouvernementaux pour qu'ils soient le plus efficaces, qu'ils coûtent
moins cher à la population et qu'on puisse par conséquent
abaisser les impôts, abaisser le fardeau fiscal des contribuables et des
entreprises.
Nous courons le danger au Canada présentement, si on continue
longtemps dans cette voie, d'entrer dans le cercle vicieux dans lequel se
trouve la Grande-Bretagne, à savoir des impôts de plus en plus
élevés, parce que les dépenses gouvernementales sont de
plus en plus élevées, des déficits gouvernementaux accrus
comme vous le proposez, M. le député d'Outremont, pour relancer
l'économie, mais qui ont finalement tendance à faire
accroître les taux d'intérêt, suivie d'une tendance à
une baisse des investissements, un rétrécissement de l'assiette
fiscale et une hausse du taux de chômage, de sorte que l'on entre dans un
cercle vicieux de pauvreté que nous n'aurions pas intérêt
à imiter.
Je pense qu'il y a deux économies que nous ne devrions pas
prendre comme modèles, c'est l'économie anglaise et
l'économie italienne. Il y a d'autres économies, comme
l'économie allemande et l'économie suédoise qui sont des
modèles beaucoup plus salutaires à imiter.
Tous ces problèmes structurels vont donc exiger que nous mettions
l'accent sur la relance générale de l'industrialisation. C'est
évident qu'il y a un problème de dédoublement des services
gouvernementaux; c'est un problème constitutionnel, je ne veux pas le
minimiser, mais, dans le cas du Québec, il est évident que,
depuis 1960, nous avons eu une révolution tranquille qui a visé
en grande partie à réaliser un rattrapage au niveau des services
publics et parapublics.
Pour l'avenir, nous aurons besoin d'une relance des investissements, une
relance dans le secteur de la fabrication de manière à
créer des emplois nouveaux, du moins une partie importante des emplois
nouveaux qu'exigeront les accroissements de main-d'oeuvre au cours des
prochaines années.
Nous constatons présentement que le secteur de la fabrication est
très faible. Les chiffres pour le chômage du mois d'avril le
démontrent clairement. Il y a eu une baisse de 26 000 travailleurs dans
le secteur de la fabrication.
Il est évident que ce secteur a besoin d'une relance urgente et
importante. Or, mon ministère, depuis les cinq ou six mois depuis que je
n'ai pris la direction, a mis justement l'accent sur cette relance des
investissements. La première mesure est une mesure qui vise à
stimuler l'achalandage des entreprises et à les motiver à
investir dans des secteurs et des produits qui ne sont pas encore
fabriqués au Québec. En effet, la politique d'achat vise
justement à établir ce lien entre les dépenses du
gouvernement et la stimulation industrielle dans des secteurs et des produits
qui ne sont pas fabriqués au Québec présentement. C'est la
raison fondamentale pour laquelle nous avons décidé de confier la
responsabilité de formuler la politique d'achat au ministère de
l'Industrie et du Commerce. Il ne s'agit pas uniquement d'avoir une politique
d'achat, comme on peut en appliquer généralement à partir
de certaines règles, mais il s'agit de lier cette politique d'achat
à la promotion industrielle. C'est pour cela que notre direction de la
politique d'achat travaille très étroitement avec tous les
fonctionnaires impliqués dans la promotion industrielle. Nous
établissons le lien, de sorte que nous allons maximiser, à partir
des fonds disponibles pour les achats, l'impact industriel recherché
auprès des entreprises et l'impact souhaité au niveau des
investissements.
Nous observons déjà des résultats qui apparaissent
très clairement, même si l'action entreprise n'est encore que
préliminaire. Plusieurs entreprises viennent nous rencontrer pour
discuter d'implantation, pour pouvoir fabriquer des produits qui ne
l'étaient pas au Québec. Je pense que cette réaction est
très rapide, car dans ce domaine, il est difficile d'entreprendre des
actions rapides pour relancer l'industrialisation.
Le fonds de relance industrielle, évidemment, ne produira pas un
impact d'ici quelques semaines. C'est un impact qui va plutôt se produire
à moyen terme, mais qui va permettre, encore là, à
l'entreprise d'avoir non seulement les fonds, mais le stimulant pour
élaborer une programmation des investissements. Nous avons voulu, en
rattachant le fonds de relance industrielle à la SDI et au
ministère, faire ce lien entre l'homme d'affaires et le ministère
pour la programmation de ces investissements. Comme le disait le
député de Lotbinière, les hommes d'affaires manquent
souvent l'occasion de profiter de certains programmes. Ce programme, nous
voulons que tous les hommes d'affaires qui peuvent s'en prévaloir, s'en
prévalent. C'est pour cette raison que nous voulons que les hommes
d'affaires soient en contact continuel avec le ministère pour tirer le
meilleur profit du programme. Nous avons évalué, son coût,
pour la première année, à $30 millions. Nous n'avons pas
d'objection à ce que ce programme coûte plus cher, si on s'en
prévaut. Il n'est pas question pour nous de cacher les programmes. Nous
allons les mettre sur la place publique et faire le plus grand nombre
d'interventions, en faisant toute la publicité possible. Je passe
rapidement sur la question des SODEQ. La question des SODEQ implique... Oui, M.
le député?
M. Biron: Pendant que vous passez sur le fonds de relance
industrielle, est-ce que je peux vous demander votre première
réaction face à cette volonté nouvelle d'essayer
d'élargir cela, dans un programme type à l'industrie des
pâtes et papiers?
M. Tremblay: Je crois que votre suggestion est bien
fondée, parce que nous y avons songé, mais présentement,
le programme est conçu pour aider les petites et les moyennes
entreprises qui n'ont pas de programme d'investissement continu et qui
investissent, d'année en année, sans trop savoir comment orienter
leur programme d'expansion. C'est un de ses objectifs majeurs. Par contre, il
existe des secteurs industriels, tels le secteur des pâtes et papiers, le
secteur de l'amiante parce que nous voulons transformer davantage
l'amiante, et le secteur des tentes-roulottes, qui est un secteur en
difficulté et qui ressemble au secteur des motoneiges au début
des années 1970, qui vont avoir besoin d'aide pour la modernisation et
la restructuration. Une des fonctions principales de la société
de réorganisation industrielle consistera justement à s'occuper
de secteurs semblables. C'est pour cela que nous voulons, dès cet
automne, si possible, mettre sur pied la société de
réorganisation industrielle avec un budget qui sera important. J'ai
déjà fait dans le passé des propositions pour faciliter au
financement, sur une haute échelle, de cette société
non pas pour renflouer des entreprises qui ne sont pas rentables, mais
pour aider les entreprises qui pourraient être rentables, mais qui ont
besoin au niveau sectoriel d'être regroupées ou modernisées
et d'être restructurées pour éviter des fermetures comme
celles qu'on déplore dans le secteur des pâtes et papiers.
Par conséquent, je crois que ce serait faire double emploi que
d'orienter un programme de relance industrielle pour la PME et de l'appliquer
à des secteurs qui regroupent surtout les grandes entreprises.
Comme je l'ai dit hier à l'Assemblée nationale, nous
poursuivons des études de modernisation pour les pâtes et papiers
qui vont se terminer dans les semaines à venir. Ces études nous
permettrons d'aborder la question de la restructuration de ce secteur, avec le
résultat, je l'espère, que vous souhaitez.
Le Président (M. Michaud): Avez-vous terminé, M. le
ministre?
M. Tremblay: Je mentionnais évidemment la question des
SODEQ. Les SODEQ relèvent de l'initiative privée. Mais mon
ministère est à la disposition des groupes d'hommes d'affaires et
des caisses d'entraide économique qui sont disposés à
créer des SODEQ. Ces demandes seront traitées en priorité.
Nous voulons en créer une dizaine d'ici deux ans, mais il n'est pas
nécessaire d'attendre deux ans pour les créer. Aussitôt que
les demandes nous sont formulées, nous les étudions de
façon très expéditive.
Je vais donc revenir, au cours des séances subséquentes,
sur d'autres aspects de nos politiques et sur d'autres observations. Je
terminerai ici, M. le Président, mes observations
préliminaires.
Le Président (M. Michaud): D'accord. Avant de donner la
parole au député d'Outremont, j'aimerais aviser cette commission
que M. Mercier (Berthier) remplace M. Bordeleau (Abitibi-Est). De plus,
j'aimerais aviser les membres de la commission et les fonctionnaires ici
présents que cette commission ajournera ses travaux à midi, mais
elle reprendra ses travaux jeudi matin demain matin à 10
heures, et se poursuivra jusqu'à la fin des crédits, soit jeudi,
à 4 heures, jeudi, à 8 heures et, vendredi matin, de 11 heures
à 1 heure.
M. le député d'Outremont.
Discussion générale
M. Raynauld: M. le Président, je voulais simplement
réagir un peu aux propos généraux que le ministre vient de
prononcer.
Je trouve très curieux le diagnostic que le ministre fait sur
l'économie du Québec lorsqu'il se reporte aux politiques
monétaires et au taux de change. Je pense que le ministre ne peut pas
avoir le gâteau et le manger en même temps. Le ministre
était opposé aux contrôles fédéraux. S'il
était opposé aux contrôles fédéraux, il ne
peut quand même pas s'opposer maintenant à ce que la politique
monétaire soit restrictive. C'est l'un ou l'autre. C'est une politique
qui a été introduite par le gouvernement fédéral.
C'est pour ça que je pense bien qu'il ne faudrait pas s'étendre
trop longtemps sur ça, mais, quand même, c'était une
politique fédérale qui visait à essayer de contenir
l'inflation. Il y avait deux façons de le faire. Une façon,
c'étaient les contrôles et, l'autre, c'était d'avoir des
politiques monétaires plus restrictives et qui...
M. Tremblay: On a eu les contrôles...
M. Raynauld: Bien sûr!
M. Tremblay: ... et la politique monétaire
restrictive.
M. Raynauld: Bien sûr! Parce que vous savez très
bien que les contrôles qui ne sont pas appuyés par une politique
monétaire restrictive ne vous donnent pas de résultats. Je pense
qu'il faudrait plutôt se féliciter que le gouvernement
fédéral ou que la Banque centrale ait eu une politique
monétaire restrictive, de façon à contenir cette inflation
qui était une inflation très désordonnée, quand ces
politiques ont été introduites, d'ailleurs avant les
contrôles, au mois de septembre 1975. Ensuite, là aussi, je pense
que, sur la question du taux de change, il est évident que c'est la
conséquence d'une politique monétaire restrictive que le taux de
change augmente. Là, la question est de savoir si vous pensez qu'on
n'avait pas besoin d'une politique comme celle-là pour contrôler
l'inflation qu'on avait en 1975.
En ce qui concerne la hausse des taux de change par suite de
l'entrée des capitaux et des taux d'intérêt plus
élevés au Canada qu'aux Etats-Unis, d'abord, cela aussi est une
conséquence de la même politique et, deuxièmement, vous
savez comme moi que les entrées de capitaux ont été, en
grande partie, dues aux emprunts des provinces et, en grande partie, de la
province de Québec, qui a emprunté sur les marchés
étrangers pour bénéficier des écarts de taux
d'intérêt et, bien sûr, cela a entraîné un taux
de change plus élevé qu'autrement.
Donc, je pense, là-dessus, qu'il ne faudrait pas imputer, si vous
voulez, à des politiques fédérales une situation
économique conjoncturelle qui a été introduite à
cause d'un taux d'inflation très élevé. On ne peut pas
simplement faire fi de tout ce qui se passait et dire: Oui, ils n'auraient pas
dû faire ci, ils n'auraient pas dû faire ça.
L'inflation existait et elle existe d'ailleurs encore aujourd'hui et je
pense qu'on ne peut pas, seulement en termes de politique économique
générale du Canada et du Québec, simplement regarder le
taux de chômage.
Là où on regarde le taux de chômage, c'est en ce qui
concerne la politique budgétaire du Québec. A ce moment, c'est
pertinent.
M. Tremblay: Mais, comme toile de fond, vous admettez quand
même que ces trois politiques fédérales, la politique
monétaire, la politique de contrôle des prix et des salaires, la
politique du taux de change ont été toutes les trois restrictives
et ceci a créé un climat déflationniste.
M. Raynauld: Oui.
M. Tremblay: II est évident que, même si ce sont des
choses qui sont éloignées du Québec, ce sont des choses
très importantes. La politique monétaire est l'outil le plus
important pour stabiliser une économie. Or, c'est dans ce cadre
qu'évolue l'économie du Québec.
Quand nos industries d'importation sont défavorisées par
une hausse du taux de change, comme l'a été l'industrie du
textile, ou lorsque nous avons des hausses des taux d'intérêt
comme on en a eu l'an passé qui découragent la construction, il
est évident que ces forces économiques fédérales ou
provenant des politiques fédérales ont un effet sur
l'économie du Québec et il va de soi qu'un budget comme celui du
gouvernement du Québec ne peut pas, à lui seul, corriger cet
ensemble de forces déflationnistes, même si on a eu l'an
passé le déficit le plus élevé qu'on n'ait jamais
eu... C'était le gouvernement précédent et c'était
un déficit énorme. Finalement, il s'est
révélé que c'était un déficit de $1,5
milliard; pour un budget de $10 milliards, lorsqu'on a 15% de déficit,
c'est un gros effort.
Or, le gouvernement du Québec fait des efforts au niveau
budgétaire pour relancer l'économie, mais, s'il y a des
politiques déflationnistes qui proviennent du gouvernement
fédéral, ces politiques budgétaires ne réussiront
jamais à contrecarrer l'impact négatif qui provient des
politiques fédérales.
Il ne faudrait pas se leurrer et croire, parce qu'on augmenterait de
$200 millions ou de $300 millions le déficit du gouvernement du
Québec, que ceci relancerait de façon déterminante
l'économie du Québec.
M. Raynauld: Mon point était simplement que ces politiques
fédérales, bien sûr, sont en grande partie responsables de
la conjoncture que nous avons, combinée également avec une
conjoncture internationale. Je n'en suis pas là-dessus. J'en suis
simplement sur le fait que ces politiques sont des politiques qui avaient une
justification et, si on commence à attaquer ces politiques en disant:
C'est à cause du gouvernement fédéral qu'on a cette
conjoncture aussi mauvaise au Québec, je pense qu'on déplace le
problème. Ce n'est que là-dessus que j'en suis.
Je pense qu'on ne peut pas non plus dire que ces politiques
étaient injustifiées, que c'étaient des politiques qui
n'avaient pour dessein que de contenir l'expansion du Québec. C'est
simplement sur cela que j'en suis
Evidemment, tout le reste, ce sont des conséquences: les taux de
change, l'importation des capitaux.
M. Tremblay: Seulement un dernier point, M. le
député. C'est quand même un point important. Vous savez
que, dans le passé, les politiques fédérales ont eu
tendance à ralentir la reprise de l'économie du Québec
parce que le cycle de l'économie du Québec est toujours en
retrait avec celui de l'Ontario.
Le danger va encore se produire s'il y a relance de l'économie,
l'Ontario revenant à un niveau relativement rapproché du plein
emploi à 4% de chômage. Il y aura alors un taux de chômage
au Québec de 8% et, on appliquera une politique monétaire
très restrictive pour corriger l'inflation qui apparaîtra en
Ontario.
Une chose dont il faudrait discuter, c'est s'il ne serait pas logique
qu'on commence à penser, sérieusement, au Canada, à
décentraliser la politique monétaire. On a aux Etats-Unis douze
districts monétaires. Pourquoi ne pas avoir un district monétaire
pour chacune des grandes régions économiques du Canada, dont une
pour le Québec, et s'organiser, et peut-être faire un pas plus
loin, pour aider les trésors publics... Parce que vous avez fait
allusion, tout à l'heure qu'il est dangereux pour les trésors
publics provinciaux, en période de taux de change flexible, d'aller
emprunter des sommes trop grandes à l'extérieur parce qu'ils
élèvent le taux de change et détruisent d'une main ce
qu'ils créent de stimulation de l'autre par leurs dépenses. Mais,
s'il y avait un accès élargi des gouvernements provinciaux
auprès de la Banque centrale comme elle le fait avec le gouvernement
central et si on avait une vraie décentralisation de la politique
conjoncturelle au plan budgétaire, peut-être aurions-nous une
politique monétaire davantage adaptée à l'état
conjoncturel réel de chacune des économies.
Je pense qu'au niveau de l'économie du Québec, dans le
passé, et des études l'ont établi, certaines grandes
politiques fédérales comme la politique monétaire ont
été appliquées à contretemps au Québec, eu
égard à l'état conjoncturel de l'économie.
M. Raynauld: Je pense que c'est un des points importants, en
effet. Ces remarques sont des remarques très incomplètes.
D'abord, la décentralisation des politiques monétaires aux
Etats-Unis, c'est une fiction, et vous le savez très bien. Ce n'est pas
parce qu'on aura douze districts qu'on aura dix banques centrales ou dix
banques régionales qu'on va avoir des politiques
décentralisées sur le plan monétaire. Vous savez
très bien qu'aux Etats-Unis il n'y a pas de politique monétaire
décentralisée sur le plan du court terme. Il y a des politiques
monétaires qui sont légèrement différentes d'un
endroit à l'autre. C'est une fiction. Je pense qu'il ne faudrait quand
même pas s'en aller là-dedans. Au Canada, le vrai problème
c'est: Est-ce possible de décentraliser les politiques
monétaires? Personnellement, je pense que c'est très difficile et
c'est pour cela que j'ai toujours proposé une décentralisation
des politiques ou une régionalisation des politiques budgétaires.
Régionaliser une politique monétaire, au Canada en particulier,
je pense que c'est très difficile, même vous, vous avez des doutes
très sérieux sur l'opportunité, par exemple, d'avoir une
monnaie séparée, d'avoir un taux de change qui serait
indépendant.
M. Tremblay: Cela, c'est autre chose.
M. Raynauld: Ce n'est pas une chose parce que cela va ensemble.
Il n'y a pas lieu d'avoir des banques centrales différentes et des
politiques monétaires vraiment séparées, si on a toujours
des taux de change fixes et qu'on a la même monnaie, c'est absolument
inutile de faire cela. Cela aussi est une autre fiction. Une politique
monétaire de-
vient efficace lorsqu'il y a un taux de change flexible. Autrement, il
n'y a pas de politique monétaire. C'est simplement une politique
fiscale. C'est une chose. La deuxième, il est bien sûr que les
politi: ques monétaires fédérales peuvent avoir
un impact plus ou moins favorable pour une région, c'est évident,
de la même façon que la politique monétaire
américaine va avoir un impact sur la conjoncture canadienne. La
question, là encore, ce n'est pas de constater cette chose, c'est de se
demander si on peut faire mieux. C'est cela la vraie question. Ce que je trouve
absolument déplorable, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui se laissent
aller à constater des choses et à dire: Regardez donc. La
politique monétaire est restrictive avant que l'économie du
Québec ne soit reprise. Je suis d'accord sur cette observation, mais la
vraie question, encore une fois de politique et de décision, c'est:
Est-ce qu'on est capable de faire mieux que cela? Or, j'en doute fortement,
sauf en ce qui concerne la politique budgétaire. Vous savez comme
moi...
M. Tremblay: La réponse est: Oui, M. le
député. On pense qu'on peut faire mieux et c'est la raison pour
laquelle nous aurons un référendum. Si nous n'avons pas de
politique monétaire, comme vous dites, qui soit adaptée à
l'état de l'économie du Québec...
M. Raynauld: Je ne parle pas du plan politique. On parle
d'économique.
M. Tremblay: ...il va falloir changer ce genre de politique.
M. Raynauld: On parle d'économique ici.
M. Tremblay: Oui, mais il faut réorganiser le
fonctionnement...
M. Raynauld: Donnez-moi des études qui ont prouvé
qu'on pouvait avoir une politique monétaire régionalisée
au Canada. Donnez-moi des études. Cela fait quinze ans qu'on
étudie cela et tous les auteurs sont d'accord qu'il n'y en a pas.
M. Tremblay: On peut avoir un fonctionnement de la part de la
banque centrale qui est tout à fait différent de celui qui existe
présentement.
M. Raynauld: Ah oui!
M. Tremblay: J'ai été conseiller de sept pays qui
avaient la même banque centrale mais qui avaient accès au
financement de la banque centrale en fonction d'un prorata, en fonction d'une
règle, et je ne vois pas pourquoi nous n'aurions pas de la même
façon...
M. Raynauld: C'est la politique monétaire, vous le savez
très bien. On a travaillé ensemble sur ce sujet. Il ne faudrait
pas charrier. L'Institut des missions de l'Afrique de l'Ouest française
n'avait absolument aucune politique monétaire parce qu'il n'y avait pas
de possibilité d'en avoir. Comme vous dites, c'étaient des
règles automatiques.
M. Tremblay: Chaque trésor pouvait financer jusqu'à
20% de ses dépenses à même la banque centrale. Or, comme
vous l'avez mentionné tout à l'heure, c'est une politique
administrative.
M. Raynauld: Ce n'est pas une politique monétaire, c'est
une politique administrative.
M. Tremblay: Comme vous l'avez mentionné tout à
l'heure, les déficits du gouvernement du Québec sont souvent
financés à l'étranger et produisent un effet
négatif sur le taux de change. C'est évident que si le
gouvernement du Québec avait accès jusqu'à concurrence de
20% à la banque centrale, il en résulterait un impact beaucoup
plus positif pour l'économie du Québec.
M. Raynauld: Si vous me permettez de terminer ma petite
présentation là-dessus, vous êtes probablement au courant
que j'ai été le seul d'ailleurs au Canada en 1970 à avoir
proposé la création d'une caisse régionale de
stabilisation. Je pense que c'est la mesure et le maximum que l'on peut faire
pour régionaliser les politiques monétaires. Ce n'est pas une
véritable régionalisation des politiques monétaires, mais
ça permettrait à des trésors provinciaux d'avoir une
politique conjoncturelle plus libre et plus autonome vis-à-vis du
gouvernement fédéral. J'ai été celui qui a
proposé un mécanisme permettant de faire ça. On n'a pas
besoin de créer de banque centrale, on n'a pas besoin non plus de
changer ou de modifier le comportement d'une banque centrale en ce qui concerne
le court terme, mais il serait possible de créer une caisse
régionale de stabilisation où les provinces en déficit
pourraient emprunter des fonds sur le marché canadien et si on
était un peu optimiste, emprunter des fonds des provinces qui, elles,
devraient être en surplus lorsque la conjoncture est aussi
régionalisée qu'elle l'est, comme c'est le cas au Canada.
J'ai proposé cela en 1970, il n'y a jamais personne qui m'a
démontré que c'était absurde ou que ça n'avait pas
de bon sens, mais il n'y a jamais personne non plus qui a osé le
proposer. Parmi les économistes, la réponse que j'ai eue,
à plusieurs reprises et même à l'intérieur du
conseil économique, puisqu'on vient de produire un rapport sur le
développement régional où la question se serait
posée. Les chercheurs du conseil économique ont tous
été d'accord sur la régionalisation des politiques
fiscales, des politiques de stabilisation, mais en ce qui concerne la caisse,
ils ont dit: On n'en a pas besoin. C'est automatique.
Personnellement, je ne partage pas ce point de vue, je pense qu'il y
aurait intérêt à ce que le gouvernement du Québec
essaye de nouveau de mettre en place un mécanisme de cette nature,
à ce moment-là, ça n'implique pas de taux de change
différent, ça n'implique pas de monnaie indépendante, mais
ça n'implique pas non plus qu'on va résoudre, avec cette caisse
régionale, le
problème des flux de capitaux qui proviennent des marchés
et qui influencent énormément la conjoncture
régionale.
Mais ça permettrait à des gouvernements d'avoir une
politique fiscale, encore une fois, qui serait régionalisée et
c'est pourquoi j'en reviens toujours à cette idée qu'il est
possible de régionaliser des politiques fiscales, mais en ce qui
concerne les politiques monétaires, je suis beaucoup plus
réservé.
Bon ceci...
M. Tremblay: Si vous permettez, M. le député, sur
cela, quand même c'est un point important, je crois que c'est une
proposition que j'ai toujours trouvée très bonne, mais vous
faites vous-même état, après avoir passé six ans
à Ottawa comme président du conseil économique que
là, on juge que ce n'est pas nécessaire, qu'on a...
M. Raynauld: Ce n'est pas à Ottawa qu'on ne juge pas
ça intéressant.
M. Tremblay: Vous avez passé six ans à Ottawa et
vous me dites que ça n'a pas été appliqué.
M. Raynauld: J'ai dit que, d'une part, il n'y avait personne qui
avait voulu prendre l'initiative de pousser cette histoire et, d'autre part,
j'ai fait état d'économistes au conseil économique. Le
gouvernement fédéral, en ce qui me concerne et en ce qui concerne
cette caisse n'a jamais exprimé d'opinion. Il a exprimé des avis
techniques que j'ai reçus mais il ne s'est jamais posé la
question. Alors, vous ne devriez pas émettre l'hypothèse que le
gouvernement fédéral serait opposé à ce que, par
exemple, le gouvernement du Québec si vous pensez que c'est une
bonne idée repropose un mécanisme comme celui-là.
Je pense que vous ne devriez pas supposer que le gouvernement
fédéral dirait non.
M. Tremblay: Vous considérez vous-même que l'opinion
de plusieurs économistes à Ottawa, dans la fonction publique et
du conseil économique reflète une opinion répandue dans la
fonction publique fédérale, encore plus, je pense, au
ministère des Finances à Ottawa.
C'est qu'on considère qu'il existe un marché unique du
travail au Canada, qu'il y a mobilité des facteurs de production et que
le fait qu'au Québec, les travailleurs parlent français, etc., et
qu'ils doivent devenir des immigrants dans leur propre pays, lorsqu'ils
quittent le Québec, ne constitue pas un facteur qui les empêche
d'être mobiles. Il s'agit d'appliquer des freins et des stimulants pour
l'ensemble du Canada et les choses vont s'ajuster d'elles-mêmes. On se
rend compte que cette politique a échoué de façon
lamentable. Lorsque vous avez des gradations de taux de chômage qui vont
jusqu'à 18% à Terre-Neuve et qui tombent à 6% ou 7% en
Ontario, il est évident que ce genre de mobilité des facteurs de
production, dans le cadre d'un même climat économique, n'existe
pas au Canada. On a donc un besoin d'une régionalisation des politiques
économiques.
Le Président (M. Michaud): Messieurs, à l'ordre,
s'il vous plaît! C'est un dialogue extrêmement intéressant,
à un niveau très élevé, mais j'aimerais qu'on
revienne...
M. Raynauld: M. le Président, je n'avais pas
terminé.
Le Président (M. Michaud): C'est à vous la parole,
mais j'aimerais qu'on revienne un petit peu plus près du sujet, s'il
vous plaît.
M. Raynauld: Je n'avais pas terminé mes autres
observations plus générales...
M. Biron: ... Il y a 300 000 ou 400 000 chômeurs au
Québec qui se demandent ce qu'on va faire pour eux autres demain matin.
C'est cela l'important.
Le Président (M. Michaud): M. le député
d'Outremont, s'il vous plaît.
M. Raynauld: M. le député, je serai obligé
de dire que si on était capable de trouver une solution à cela,
on aurait peut-être une solution pour ces 300 000 chômeurs.
Toujours en rapport avec les remarques qui ont été faites
par le ministre de l'Industrie et Commerce, je voulais ajouter deux petites
remarques encore, si vous me le permettez. Sur les programmes d'aide aux
entreprises et le dédoublement qui peut exister, le ministre a
mentionné qu'il y avait 160 programmes fédéraux et 90
programmes d'aide au Québec. Cela en fait beaucoup. Je voudrais
simplement raconter qu'il y a deux ans, à peu près, j'ai
reçu une demande d'un projet de recherche pour mettre sur ordinateur les
programmes d'aide aux entreprises, parce qu'il n'y avait plus personne qui
pouvait en bénéficier, tellement c'était
mêlé, tellement c'était complexe, et qu'on ne savait jamais
en vertu de quelle loi et de quel programme particulier quelqu'un pouvait
demander de l'aide.
Je voudrais simplement exprimer mon appui le plus total à un
effort de rationalisation pour essayer de réduire le nombre de
programmes, pour qu'il n'y ait pas 240 portes auxquelles il faut frapper,
lorsqu'une entreprise particulière désire une aide
gouvernementale qui lui est due, puisque c'est inscrit dans les lois.
En ce qui concerne le secteur public et les références qui
ont été faites, là encore, à des
dédoublements, je voudrais mentionner là-dessus que s'il y a une
différence aussi élevée dans la proportion du produit
national brut et du produit provincial brut au Québec et en Ontario, je
serais surpris que ce soit dû principalement à des
dédoublements. Je serais très surpris, parce que le même
problème se pose en Ontario et au Québec. La province d'Ontario a
aussi ses propres programmes de dépenses et je ne fais pas
seulement allusion aux programmes d'aide aux entreprises, mais à
l'ensemble des programmes et si l'Ontario a 35% et le Québec 45%,
je pense que c'est dû à d'autres facteurs et en particulier
à la faiblesse de l'économie québécoise en
général.
Si on a les mêmes services et qu'on veut toujours donner les
mêmes services qu'ailleurs et qu'on est moins riche, bien sûr, la
proportion de ces services, le coût de ces services dans la richesse
nationale va représenter une proportion beaucoup plus
élevée. Je pense que, là encore, si on veut être
réaliste sur ces points, il va falloir admettre à un moment
donné que si la productivité est inférieure au
Québec et si la capacité de produire est inférieure au
Québec, il va falloir ajuster les dépenses, il va falloir ajuster
les services que l'on offre à la population, parce qu'à l'heure
actuelle, il semble, d'après toutes les indications, qu'on n'a pas les
moyens de maintenir les services que nous avons à l'heure actuelle,
compte tenu de la plus faible productivité de l'économie du
Québec.
M. Tremblay: On n'a pas les moyens d'avoir deux gouvernements qui
font la même chose. Il y a un besoin de concentration des pouvoirs.
M. Raynauld: J'ai commencé à dire justement que ce
ne serait pas à cause des dédoublements principalement qu'on
aurait ce genre de situation. C'est absolument évident. Les
dédoublements, vous ferez une étude là-dessus, et quand
vous en trouverez pour 2% de différence entre l'Ontario et le
Québec, je baisserai mon chapeau. Ce sera 2% au maximum. La raison, ce
n'est pas cela, la raison, ce sont les services sociaux qu'on maintient au
même niveau, c'est la progression absolument extravagante qui a
été faite dans ces services sociaux, depuis 1969, en grande
partie, à cause du gouvernement fédéral, mais aussi avec
l'appui de la province de Québec dans tous les cas et ce secteur public
est devenu un secteur public immense.
En ce qui concerne la province de Québec en tant que telle, je ne
pense pas qu'elle soit au-dessus de tout soupçon, puisque nous avons la
réputation je pense que c'est vrai de vouloir intervenir
constamment dans l'économie. Nous créons de nouvelles
sociétés tous les jours; nous créons de nouveaux
programmes tous les jours, et si on veut réduire l'importance du secteur
public, je pense qu'il va falloir dire la vérité. Cette
vérité, c'est qu'il va falloir que l'Etat cesse de percevoir des
impôts pour aider tout le monde. Je pense que ce ne sera pas
possible.
Ma dernière observation était sur la
référence intéressante qui a été faite
à la Grande-Bretagne et à l'Italie. Là aussi, je pense que
la grande différence qui existe dans les secteurs publics de ces pays
par rapport aux autres est peut-être une bonne indication. Là, il
n'y a pas de dédoublement possible, parce que ce sont des pays bien
indépendants, mais cela reflète exactement la même
situation dans le secteur public qui est gonflé. On me dit qu'en
Grande-Bretagne, la proportion du secteur public est de 60% du produit national
brut. En Italie, je ne sais pas quel est le chiffre, mais il y a une
corrélation à établir, et qui d'ailleurs a
été établie par certains économistes, entre cette
pléthore d'un secteur public et la faiblesse objective de
l'économie si on la mesure par des niveaux de productivité
comparés, par exemple, d'un pays à un autre.
Donc, si on veut s'attaquer à cela, je pense qu'on va aller
je suis d'accord avec vous sur le diagnostic, mais si on veut
aller là, je pense qu'il va falloir confronter les citoyens à
cette réalité de productivité et de capacité de
produire des revenus et des richesses qui vont bien au-delà des
dédoublements mineurs, à mon avis, de programmes entre le
gouvernement fédéral et le gouvernement provincial.
Je ne veux pas engager un débat sur les dédoublements.
Dans la mesure où il y en a et, dans la mesure où vous êtes
capables de les réduire, j'applaudis des deux mains, mais vous n'avez
pas besoin de faire l'indépendance du Québec pour faire cela.
Le Président (M. Michaud): Merci, M. le
député. M. le député de Berthier.
M. Mercier: Je pense que le député d'Outremont
passe sous silence une des données bien caractéristiques de
l'économie de l'Ontario par rapport à celles de l'économie
du Québec.
En Ontario, vous avez un secteur secondaire de pointe, avec la
pétrochimie, avec l'industrie automobile, plus sensible à
l'inflation, alors qu'au Québec, vous avez un secteur secondaire
très faible avec les textiles, avec la chaussure, avec le meuble. Alors,
forcément, la même politique monétaire, la même
politique quant à l'importation et l'exportation ont des effets tout
à fait différents sur l'économie de l'Ontario et sur celle
du Québec. C'est une donnée dont il faut tenir compte. Si vous
augmentez la demande pour les produits d'une autre technologie, vous
créez une surchauffe de l'économie de l'Ontario qui, ayant un
taux de chômage plus bas, forcément, cela augmente le pouvoir de
négociation des travailleurs; d'autre part, augmentant le niveau de
fonctionnement de l'économie de l'Ontario, vous créez de
l'inflation qui, dans un marché libre, est répartie à la
grandeur du Canada. C'est ce qui fait que vous pouvez avoir, à
l'intérieur d'un même pays, en même temps, l'inflation et la
récession, ce qui, en terme d'économie, est une chose
anormale.
Je pense qu'il faudra en arriver à adopter des politiques, une
certaine forme de protectionnisme, des politiques monétaires, puis des
politiques d'importation et d'exportation qui vont tenir compte des
caractéristiques de l'économie québécoise, sans
cela, on n'en sortira jamais. Si vous n'avez pas de politique
anti-inflationniste, étant donné qu'on consomme des biens de
l'Ontario, on augmente la surchauffe, on exporte, par le biais des
intérêts intergouvernementaux, des multinationales qui tournent
à la grandeur du pays, partout l'inflation.
Alors, c'est un peu la situation dans laquelle on est. On a des secteurs
très faibles qui auraient besoin d'un renouvellement de la technologie
et qui ne trouvent pas les capacités d'emprunt suffisantes, parce que le
taux d'intérêt est très élevé, et comme nos
marges de profit sont plus réduites dans ces secteurs d'activité,
on traîne tout un secteur secondaire qui dépérit. Cette
donnée, on ne peut pas la négliger. Je pense que c'est
l'essentiel des...
M. Raynauld: Qui paie pour la protection?
M. Mercier: II faut repenser les données
économiques dans un contexte québécois.
M. Raynauld: Si vous voulez protéger, qui paiera? Ce sont
les Québécois qui paient. Alors, vous n'êtes pas plus
avancé qu'avant.
M. Mercier: Oui, je reprendrai une question, entre autres, quand
vous parlez des services sociaux. Comment ferez-vous dans un marché
libre pour en arriver à avoir des services qui sont un besoin pour
l'ensemble de la population canadienne? Comment pouvez-vous en arriver à
convaincre une population québécoise de demander des taux de
salaire plus bas ou des services sociaux moins considérables, parce que
l'économie québécoise a des taux de rendement moins
élevés, alors que vous n'avez pas les outils pour corriger cela
et vous avez un marché tout à fait libre? Tant qu'on est à
l'intérieur du même pays, il n'y a aucune justification à
des décalages considérables entre les régions du
Canada.
Le Président (M. Michaud): M. le ministre.
M. Tremblay: En termes concrets, ce que soulève le
député de Berthier, c'est vraiment la question de
régionalisation des politiques. Le député d'Outremont,
tout à l'heure, a rappelé la suggestion qu'il a
déjà faite d'établir un fonds de stabilisation
conjoncturel. Je pense que c'est une excellente suggestion, mais cette
suggestion illustre le manque de préoccupation régionale du
gouvernement fédéral. Je n'ai pas besoin de souligner les
résultats des récentes études sur l'impact du
ministère fédéral de l'Expansion économique
régionale qui a été très peu important pour le
Québec et même, depuis 1969, qui peut même être
évalué comme négatif. Mais, lorsque mon ministère,
par exemple, met sur pied une politique d'achat pour favoriser
l'établissement de nouvelles entreprises, de nouvelles industries, ceci,
évidemment, se fait à partir d'un budget qui est le budget
tronqué d'un gouvernement provincial.
Si on avait, au niveau fédéral, la préoccupation
qu'on a eue aux Etats-Unis de développer les régions, je pense
que ces actions conjuguées feraient que les taux de chômage
régionaux au Canada seraient beaucoup plus uniformisés. Aux
Etats-Unis, comme vous dites, on a utilisé une certaine protection, mais
ceci s'est fait par le truchement des contrats de la défense. Le
gouvernement américain, pour relancer l'économie du sud des
Etats-Unis qui était une région qui périclitait sur le
plan économique, a décidé de concentrer les contrats de la
défense dans le sud des Etats-Unis.
Au Canada, on n'a pas de politiques d'achat qui tienne compte des
réalités économiques régionales. La politique des
contrats de défense ne reflète pas non plus cette
réalité. Les comptes économiques du Québec ont
quand même fourni une information que nous ne possédions pas: si
on considère les dépenses en salaires, biens et services et les
investissements du gouvernement fédéral, elles n'ont jamais
dépassé 16% des dépenses totales fédérales
de 1961 à 1975, alors que le Québec représente 27% et plus
de la population canadienne. Par conséquent, même si, au niveau du
Québec, au niveau du MIC, on fait des efforts concernant une politique
d'achat, concernant un fonds de relance industrielle, etc., si le
fédéral, d'autre part, n'a pas la préoccupation de
soutenir l'activité économique sur une base régionale, on
en restera toujours avec des demi-mesures, des demi-interventions. Si par
contre vous replacez cela dans le cadre d'une concentration au Québec
des pouvoirs de taxation et des pouvoirs de dépenses, il
m'apparaît évident que l'impact régional serait plus grand
au Québec qu'il ne l'est présentement.
Le Président (M. Michaud): Messieurs, il est midi. Nous
devons ajourner, à moins que vous ne permettiez au dernier intervenant
de prendre la parole. Etes-vous d'accord?
Le député de Lotbinière. Très rapidement,
s'il vous plaît.
M. Biron: D'accord. J'aurais eu quelques questions à poser
au ministre, spécialement lorsqu'il a parlé de l'exportation de
nos produits. Je suis d'accord avec lui à 100%, mais, pour exporter nos
produits, il faut quand même que le coût de nos produits soit
compétitif n'importe où à travers le monde, même
avec l'Ontario, les Etats-Unis ou ailleurs, et j'aurais voulu savoir, et je lui
poserai la question en revenant à la prochaine séance, ce que le
ministère de l'Industrie et du Commerce s'attend de faire pour aider nos
entreprises beaucoup plus compétitives, avoir une productivité
accrue, baisser leur coût et j'aurais voulu aussi poser quelques
questions sur la conscience sociale de nos travailleurs et surtout sur le
sommet économique.
J'ai aimé son approche en parlant de collaboration avec le
gouvernement fédéral. Je crois principalement que les provinces
doivent définir leurs priorités de développement
économique régional, mais aussi, à cause de l'impact du
gouvernement fédéral dans les décisions provinciales, je
voudrais que le ministre considère sérieusement d'inviter le
gouvernement fédéral ou quelques observateurs du
fédéral au sommet économique, afin qu'ils sachent
véritablement ce qu'on veut au Québec. Il n'est pas question de
les faire participer à temps plein, mais au moins comme observateurs
pour qu'ils sachent les priorités du Québec.
Le Président (M. Michaud): Messieurs, je vous remercie de
votre collaboration. La commission de l'industrie et du commerce, du tourisme,
de la chasse et de la pêche pour l'étude des crédits du
ministère de l'Industrie et du Commerce, ajourne ses travaux sine
die.
(Fin de la séance à 12 h 3)