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(Onze heures vingt-trois minutes)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît;
La commission permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme se
réunit ce matin aux fins d'entendre la Société
générale de financement en regard du projet de loi 10, Loi
modifiant la Loi sur la Société générale de
financement du Québec.
Sont invités, pour la Société
générale de financement du Québec, M. Jean-Claude Lebel,
président et chef de la direction, M. Michel Plessis-Bélair,
vice-président exécutif, M. Jacques-À. Lefebvre,
vice-président principal au développement et à la
planification, M. Louis-Gilles Gagnon, vice-président des affaires
juridiques, et M. Michel Branchaud, directeur du projet de l'aluminerie de
Bécancour.
Les membres de cette commission sont: MM. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue) qui est remplacé par M. Beaumier
(Nicolet), Biron (Lotbinière), Ciaccia (Mont-Royal), Dubois
(Huntingdon), Dussault (Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), MM.
Lavigne (Beauharnois), Lincoln (Nelligan), Maciocia (Viger), qui est
remplacé par M. Fortier (Outremont), Paré (Shefford), et Payne
(Vachon).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Blais (Terrebonne),
Champagne (Mille-Îles), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM.
Grégoire (Frontenac), Mailloux (Charlevoix), Rocheleau (Hull) et
Tremblay (Chambly).
Je demanderais qu'on propose un rapporteur de cette commission?
M. Biron: M. Beaumier.
Le Président (M. Gagnon): M. Beaumier (Nicolet).
M. le ministre, est-ce que vous avez des remarques
préliminaires?
Remarques préliminaires M. Rodrigue
Biron
M. Biron: J'aurais des remarques préliminaires assez
brèves. Je veux simplement remercier d'abord les dirigeants de la
Société générale de financement du Québec
d'être ici pour la présentation de ce projet de loi et le contenu
de leur présentation. On sait que la Société
générale de financement du Québec est une
société d'État qui oeuvre dans le secteur industriel.
C'est une des sociétés les plus importantes au Québec dans
ce domaine. C'est un levier déclencheur de projets importants au
Québec. C'est aussi et surtout, comme l'a voulu M. Lesage, qui
était alors premier ministre du Québec, à l'époque,
lorsque la Société générale de financement du
Québec a été fondée, un moyen d'assurer une
présence québécoise dans le secteur vital des grandes
entreprises et c'est un outil aussi pour réorienter la structure
économique du Québec vers des secteurs solides d'avenir et des
secteurs prometteurs. La Société générale de
financement du Québec oeuvre actuellement dans des secteurs
stratégiques comme les pâtes et papiers avec des papeteries
à Saint-Félicien, Amos, Clermont et ailleurs au Québec
à travers ses intérêts dans la société Domtar
et dans la Donohue. La Société générale de
financement oeuvre aussi dans les secteurs énergétiques avec
Marine Industrie et BG Checo, Cegelec et Volcano. Des consortiums sont en voie
de réalisation avec ces grandes entreprises, oeuvrant dans le secteur de
la construction avec Domtar en plus des pâtes et papiers et, dans
l'industrie lourde, dans la construction navale, de plates-formes de forage, de
wagons de chemins de fer et, au cours de la dernière année, aussi
dans le domaine de la biotechnologie, qui est un secteur d'avenir. On s'est
d'ailleurs déjà rencontré en commission parlementaire pour
étudier l'orientation de la SGF dans la biotechnologie.
Aujourd'hui, nous demandons à la Société
générale de financement d'oeuvrer dans un autre secteur d'avenir,
un autre secteur important pour le Québec, le secteur des alumineries.
Ce projet de loi permettra à la Société
générale de financement de devenir partenaire avec la
Société Pechiney si les ententes peuvent se finaliser pour
investir au Québec, à Bécancour, une somme d'argent qui
serait d'environ 1 500 000 000 $ dans la transformation, la fabrication et la
production de l'aluminium.
C'est un nouveau secteur pour la Société
générale de financement. On a cru qu'il fallait à la fois
un projet de loi pour augmenter le fonds social de la société en
même temps que pour inscrire d'une façon formelle dans la loi, et
non pas par une directive du ministre, le secteur des
alumineries comme devenant un secteur prioritaire pour la
Société générale de financement.
Or, le projet de loi et la présentation de la
Société générale de financement, aujourd'hui, sont
en vue de se préparer, lorsque les contrats seront terminés,
à ne pas perdre de temps et à procéder très
rapidement à cet investissement majeur pour le Québec. Par ce
projet de loi, je ne veux pas annoncer aujourd'hui officiellement que tout est
coulé dans le ciment et que tout se fera à Bécancour. Il
reste encore des choses à négocier, des conditions de financement
et à terminer certaines études de marché là-dessus,
mais il faut absolument que la Société générale de
financement ait la marge de manoeuvre nécessaire pour, dès que
les décisions seront prises, procéder au cours de
l'été à cet investissement d'importance.
Nous avons même décidé avec Pechiney d'aller de
l'avant pour certains travaux de préparation de terrain qui ont
été annoncés il y a une semaine ou deux et qui
étaient essentiels si nous voulions être en mesure de produire en
1986 ou 1987 avec l'aluminerie; sinon, nous perdrions un an. Dans ce sens, un
effort important a été fait jusqu'à maintenant. Il y a
beaucoup de négociations en cours, parce que c'est un projet complexe et
important. Il y a une volonté du gouvernement du Québec, au lieu
d'exporter notre énergie, de transformer l'énergie ici pour en
faire des produits finis; il y a une volonté du gouvernement du
Québec aussi d'avoir une présence québécoise encore
accrue dans le secteur de l'aluminium. Je peux dire que ce secteur sera un
mégaprojet qui se réalisera au Québec d'autant plus qu'on
s'aperçoit, grâce à toutes les statistiques que nous avons,
que le Québec est un leader dans le domaine de l'aluminium à
cause de l'énergie hydroélectrique qu'il produit à
très bas prix. Il faut se servir davantage de cette énergie pour
créer davantage d'emplois au Québec.
C'est dans ce sens, M. le Président, qu'aujourd'hui la
Société générale de financement répondra aux
questions des membres de l'Assemblée nationale et aux membres de cette
commission parlementaire sur le projet précis de l'investissement
possible et futur, à Bécancour, dans l'aluminerie Pechiney.
Deuxièmement, si les membres de la commission parlementaire ont
des questions à poser aux représentants de la
Société générale de financement concernant les
autres sociétés qui relèvent de sa gestion, on permettra
que ces questions puissent être posées. J'avise mes
collègues de cette commission parlementaire que je m'attends, à
la fin de cette année ou au début de l'an prochain, de convoquer
la commission parlementaire, encore une fois, pour étudier à fond
le plan quinquennal de la Société générale de
financement. Aujourd'hui, on n'a pas encore complété ce plan
quinquennal d'investissements et de développement, mais, à la fin
de l'année ou, au plus tard, au début de l'hiver 1984, nous
pourrons nous réunir en commission parlementaire pour étudier le
plan quinquennal de la Société générale de
financement.
Cela étant dit, cela n'empêche quand même pas les
dirigeants de la SGF de répondre à des questions concernant la
gestion actuelle et la performance de la Société
générale de financement pour les années passées ou
même pour cette année.
J'assure tous les membres de cette commission de mon ouverture d'esprit,
voulant faire en sorte que le Québec, la Société
générale de financement et les hommes et les femmes du
Québec, surtout les petites et moyennes entreprises de la grande
région de la Mauricie, profitent au maximum de la présence au
Québec de la Société générale de financement
et qu'ils profitent au maximum de ce futur investissement, qui, nous croyons,
se fera dans la région de Bécancour.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Mont-Royal.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Quelques brèves
remarques préliminaires. Il n'y a aucun doute que le but principal que
nous recherchons aujourd'hui est d'obtenir des renseignements et des
détails des membres de la Société générale
de financement sur tous les aspects de ce projet.
Le ministre nous a invités à poser ou a
suggéré que nous pourrions peut-être aussi poser d'autres
questions sur les activités d'autres sociétés relevant de
la SGF. Mon principal intérêt, aujourd'hui, est d'examiner le
projet de l'aluminerie à Bécancour. Il se peut que,
subsidiairement, on puisse poser quelques autres petites questions sur d'autres
activités de la SGF, mais je pense qu'on pourra y revenir à un
autre moment et faire la lumière là-dessus lors d'une autre
commission parlementaire.
En ce qui concerne le projet de l'aluminerie à Bécancour,
nous sommes entièrement favorables au développement de cette
industrie au Québec et à tout investissement qu'on peut faire au
Québec et qui peut créer des emplois. Vous pouvez être
assuré que nous y serons favorables et que nous n'allons pas y mettre
d'obstacle. Nous allons même faire notre possible pour encourager ce
genre d'investissement. Nous ne voulons pas retarder le projet à
Bécancour. Je sais que le ministre ou d'autres membres du gouvernement
l'avaient déjà annoncé à plusieurs reprises. On
répète les annonces. J'ai remarqué que le ministre avait
souligné que les ententes n'étaient pas
complétées. Cependant, nous voulons examiner
précisément sur quelles bases le projet va se réaliser.
Quelles seront les obligations du Québec? Quel sera le rôle
joué par la SGF ainsi que tous les autres aspects d'un investissement de
cette envergure? Nous allons collaborer et coopérer. Nous voulons
vraiment avoir autant de renseignements que possible. J'espère que le
ministre va mettre à notre disposition et qu'il va aussi demander
à la SGF de mettre à notre disposition toute la documentation et
tous les renseignements nécessaires avant d'étudier ou de prendre
les décisions finales sur ce projet de loi.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez terminé. Merci,
M. le député de Mont-Royal. Toujours aux remarques
préliminaires, M. le député de Nicolet. C'est bien
cela.
M. Yves Beaumier
M. Beaumier: Merci, M. le Président. Vous savez sans
doute, M. le Président, comme président régional, toute
l'attention et tout l'intérêt que je porte à ce projet et
à ce dossier. Ce que je dirai ici, M. le Président, est
certainement sans aucune prétention. C'est ce qu'il y a de plus conforme
à ce que pense et à ce que vit la population de la région,
et plus particulièrement de mon comté et du secteur de
Bécancour. C'est pour cette implication que je remercie notre adjoint
parlementaire, le député de Châteauguay, qui me laisse, au
fond, son droit de parole, étant donné qu'il sait lui aussi
l'importance que j'accorde à ce projet.
Je suis heureux, comme membre de cette commission, de recevoir et
d'entendre les représentants de la Société
générale de financement du Québec. Chacun sait le
rôle grandissant, important et presque essentiel que joue cette
société dans le développement économique du
Québec, particulièrement dans un des volets principaux de ses
missions, ce volet qui a été énoncé dans la loi de
1978 et je lis: "...qui consiste à assumer la gestion d'un groupe
industriel dans le but d'exploiter des entreprises de taille significative, et
ce, dans certains secteurs jugés prioritaires pour le
développement économique du Québec."
À ce moment, les secteurs prioritaires de la SGF étaient
notamment les produits forestiers, les équipements
énergétiques, la pétrochimie, etc. Si ma mémoire
est bonne, le projet de loi que nous avons devant nous consiste, au fond,
à ajouter une cinquième corde à cet arc et de permettre
à la SGF d'oeuvrer dans un nouveau secteur qui est extrêmement
prometteur, un secteur d'avenir, et où les avantages comparatifs du
Québec sont bien connus dans le monde et sont aussi - du moins nous
l'espérons - déterminants.
En effet, ce projet de loi, pour l'essentiel, se réfère
à une modification de la Loi sur la Société
générale de financement du Québec afin d'autoriser cette
dernière à investir dans le secteur de l'aluminium et dans les
champs d'activité commerciale directement reliés à ce
secteur. Cela permettrait d'assurer aussi la participation de cette
société à l'établissement et au financement d'une
aluminerie dans la région de Bécancour.
Ce n'est pas un hasard si nous nous retrouvons avec un projet qui, comme
disait le ministre, s'il n'est pas complété, démontre au
moins que le gouvernement a pris nettement position par rapport à ce
projet. Bien sûr, j'aurais beaucoup de choses à dire sur ces
efforts multiples du gouvernement actuel pour rendre possible et, en un sens,
irrésistible l'implantation au Québec d'entreprises du style de
ce projet d'aluminerie à Bécancour.
Pour fins de mémoire et de rappel, souvenons-nous du Bâtir
le Québec, phase 1, qui a été l'expression de la
volonté gouvernementale en 1979, en ce qui concerne le
développement économique. Il y avait là tout un secteur
concernant l'utilisation de nos ressources hydroélectriques. Dans le
document-synthèse "Orientation et moyens d'action" de Bâtir le
Québec, je me permettrai de lire ce qu'était la position
gouvernementale à ce moment-là. C'est qu'on partait d'un constat:
...à partir de 1981, des quantités substantielles
d'électricité seront disponibles. Il se dégagera donc des
quantités excédentaires importantes à la condition que le
rythme d'expansion et d'implantation industrielle ne soit pas
accéléré...
Il apparaît donc important de mettre en oeuvre une nouvelle
politique permettant à la fois de susciter un développement
accéléré des industries cibles visées, d'optimiser
le rendement économique de notre capital énergétique et,
surtout, d'éviter l'exportation de projets industriels pouvant
être avantageusement réalisés sur notre territoire. Comme
moyens d'action conséquents à cette prise de position, on a
envisagé la mise au point d'une politique d'évaluation des
conditions pour la fourniture d'électricité et pour que,
dorénavant, une attention spéciale soit accordée à
la fourniture d'électricité de grande puissance, pour
accroître les retombées économiques et enrichir au maximum
les projets.
C'est donc depuis au moins 1978-1979 que le gouvernement du
Québec a établi ce premier volet qui s'appelle la politique
d'électricité pour des tarifs réduits ou des tarifs
acceptables pour des industries à grande puissance.
Cela s'est également traduit, le 25 avril 1982, par une entente
dans le secteur de l'aluminerie, par un contrat, plus
précisément, entre Hydro-Québec et Pechiney. Je me
rappelle, M. le Président, que c'était lors de la visite du
premier
ministre de France, M. Mauroy, que cette entente avait été
signée. J'ai un certain chauvinisme à dire que cela
s'était fait dans un restaurant de mon comté, que je ne nommerai
pas, pour ne pas faire de publicité. C'était donc le 25 avril
1982.
Comme on le signalait dans le journal des Débats, à la
suite d'une question que je posais au ministre de l'Énergie et des
Ressources, M. le ministre Duhaime, le 27 avril 1982, en Chambre, il
répondait: "Je suis très heureux de pouvoir confirmer à
l'Assemblée nationale et en particulier devant toute la population de la
Mauricie, du coeur du Québec, qu'il n'y a pas de possibilité
d'implantation d'une aluminerie de cette taille sans que, au préalable,
un contrat d'énergie ne soit signé." Ce contrat est donc
signé et porte essentiellement sur un bloc de 400 mégawatts
devant, dans un premier temps, alimenter deux lignes de production,
c'est-à-dire une capacité annuelle de 200 000 tonnes
métriques et également une option pour l'ajout d'une
troisième ligne pour porter la capacité totale du projet à
330 000 tonnes, c'est-à-dire un contrat d'énergie qui pourrait
aller jusqu'à 600 mégawatts.
Le contrat - sans entrer dans les détails, M. le Président
- porte sur des clauses garantissant également la non-escalade pour une
partie de sa durée et ensuite des clauses passablement techniques et
complexes se rapportant à l'évolution du tarif de l'indice des
prix à la consommation, pour une part, et au prix moyen de l'aluminium,
par ailleurs.
Ce qu'il est essentiel de retenir, c'est que cette politique
énergétique du gouvernement du Québec s'est traduite
concrètement par un contrat entre Pechiney et Hydro-Québec le 25
avril 1982. À ceci s'est ajoutée également une autre
dimension, c'est-à-dire la possibilité, pour les années
1986 à 1990, de demi-tarifs. C'est la même offre qui avait
été faite, d'ailleurs, dans le secteur de Baie-Comeau pour la
Reynolds et qui est, celle-ci, déjà complétée.
Il y a également - toujours dans cette démonstration de la
volonté gouvernementale d'y aller de l'avant - la décision du
Conseil des ministres, le 23 avril 1983, par laquelle la Société
générale de financement se voyait confirmée comme chef de
file de la participation québécoise dans ce projet qu'auront
à nous présenter plus explicitement les responsables de la
Société générale de financement.
Finalement, le dernier budget de M. Parizeau a aussi confirmé et
reconfirmé que, s'il y avait décision presque immédiate,
le plus rapidement possible, de lancer ce projet, le gouvernement reconfirmait
sa volonté de réduire, pour un certain nombre d'années,
à un demi-tarif les coûts de l'électricité. Donc, ce
n'est pas un hasard si ce projet est sur la table et si ce projet a des chances
de se réaliser.
J'aimerais également parler des raisons pour lesquelles ce projet
d'aluminerie à Bécancour a des chances sérieuses de se
réaliser, même si ce n'est pas encore irréversible. Il y a
quand même un certain nombre de facteurs qui sont objectifs et qui
permettent d'espérer la poursuite et la terminaison de ce dossier. (11 h
45)
D'abord, il s'agirait, bien sûr, comme dans toute production, de
s'informer et de s'interroger sur la demande à moyen terme et à
long terme. J'ai un tableau concernant la consommation d'aluminium dans les
pays occidentaux, aux États-Unis également et au Japon. On voit
très bien que, dans les prévisions de 1970 à 1990,
uniquement aux États-Unis, les besoins de consommation en aluminium sont
passés de 3 488 000 tonnes, en 1970, à 5 291 000 tonnes, en 1990.
C'est également le cas pour le Canada où vont également
doubler ce besoin, cette consommation. C'est vrai également pour le
Japon, dont la consommation va passer de 930 000 tonnes à 3 000 000 de
tonnes, c'est plus que trois fois plus. C'est également le cas pour
l'Europe et un peu partout dans le monde, pour ce métal de plus en plus
considéré comme métal d'avenir, à cause de sa
grande légèreté et en raison d'un certain nombre d'autres
caractéristiques. On connaît sa légèreté: il
est trois fois plus léger que l'acier, M. le Président, je ne
sais pas si vous le saviez, mais je l'ai appris. L'aluminium présente
également d'autres caractéristiques dans la mesure où il
est ajouté à de faibles quantités d'autres métaux
à très haute résistance mécanique. Ce métal
ne rouille pas, il résiste à la corrosion et a une
conductibilité électrique meilleure que celle du cuivre à
poids égal. Il a également la capacité de protéger
à la fois contre la chaleur, le froid, et l'humidité. Autrement
dit, c'est un beau métal.
C'est pour cette raison-ci que la demande, comme les prévisions
le démontrent, est forte à moyen terme comme à long terme.
Ce tableau de la progression dans la demande de consommation comporte aussi un
autre élément assez important, car cela pourrait se traduire,
bien sûr, par des exigences de nouvelles industries de production
d'aluminium.
Il y a une autre chose tout aussi importante, c'est que, même s'il
n'y avait pas autant de propention pour la demande ou la consommation, il reste
que nous assistons actuellement, sur le plan mondial, a un redéploiement
de la production de l'aluminium, étant donné que les coûts
énergitiques sont, pour une bonne part, importants dans la production de
ce métal. Ce qui fait que, même si la demande n'était pas
aussi croissante que celle prévue, le
redéploiement de cette production, à lui seul fera qu'il y
aura des déplacements de la production de certains pays qui ne peuvent
se permettre des tarifs d'énergie aussi peu élevés que les
nôtres. Et que devront aller ailleurs pour faire de la production
d'aluminium.
Pour ce faire, on n'aurait qu'à comparer si on regarde, les
coûts d'exploitation d'une aluminerie, on remarque, au niveau de la
répartition des coûts d'exploitation d'une aluminerie qu'on
pourrait appeler une aluminerie type, que l'alumine représente à
peu près de 25% à 30% des coûts d'exploitation et que
l'énergie électrique en représente 19% à 26%. Ce
qui veut dire que, pour l'essentiel, le coût de l'alumine et celui de
l'énergie électrique sont de loin les plus importants en ce qui
concerne leur impact sur les coûts d'exploitation. Je parle d'une
aluminerie type.
Si on appliquait concrètement au Québec cette
répartition des coûts, on pourrait en arriver, compte tenu de nos
avantages en électricité, à un coût de
l'électricité aussi bas que 10%. Cela veut dire qu'on reviendrait
peut-être de 19% à 26%, dans une aluminerie type, à aussi
peu que 10%, rendant le projet davantage concurrentiel par le fait que les prix
de revient deviendront de beaucoup plus compétitifs.
Si on calcule aussi les tarifs d'électricité à
partir du tableau sur la comparaison de la tarification industrielle en
général présenté par la Société
générale de financement, et en prenant comme indice que le tarif
d'électricité d'Hydro-Québec est 100%, on remarque qu'en
Australie c'est autour de 149%, qu'en France, c'est 164%, qu'au Japon, c'est
246%, qu'aux États-Unis, c'est 232%. Cela va même jusqu'à
407%. Ce qui veut dire que les tarifs d'électricité fixés
par Hydro-Québec sont et seront toujours plus bas.
Il y a aussi l'évolution du prix comme tel de l'aluminium; je
pense que c'est aussi un point important. Ce sur quoi les experts s'entendent,
c'est sur une certaine stabilité que nous retrouverons à moyen
terme ou à long terme et qui est évaluée en tenant compte
que la croissance annuelle du prix de l'aluminium ne devrait pas normalement
dépasser de 1% l'inflation. Pour autant que la demande se maintienne et
progresse normalement, ce sera donc un facteur d'équilibre ou de
stabilisation par rapport au prix de l'aluminium. Donc, ce sera toujours un
métal accessible par son coût.
Si on regarde aussi ce que propose -c'est un autre avantage - la
technique Pechiney, il reste que c'est l'un des procédés des plus
efficaces et c'est l'un des procédés aussi qui, par tonne
d'aluminium, exige le moins en termes de kilowattheures. Il y a
également un autre facteur fort déterminant...
M. le Président, vous me demandez de terminer mon intervention.
Vous comprenez que c'est ma passion et mon intérêt qui jouent.
J'aimerais en guise de directive savoir de combien de temps je dispose.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez 20 minutes à
votre disposition et vous achevez.
M. Beaumier: J'achève mes 20 minutes. Alors, je vous
informe tout de suite que je vais terminer par la question de
rentabilité. J'informe tout de suite la présidence que, cet
après-midi, j'aurai bon nombre de questions à poser sur l'impact
et les retombées économiques, tant au niveau de l'emploi qu'en ce
qui concerne l'utilisation des ressources locales au point de vue de la
sous-traitance, etc. Je vous informe déjà que j'aurai beaucoup de
questions à poser. Auparavant, je terminerais, M. le Président,
sur la question de la rentabilité du projet. Il est inutile de mettre
quelque chose sur pied si on n'en a pas étudié la
rentabilité. Or les études, les modèles utilisés et
les hypothèses émises démontrent que, fonction bien
sûr du projet d'entente entre les partenaires, des modalités de
financement, d'échéancier des dépenses, de la structure
des coûts d'exploitation, du prix de l'aluminium - on en a parlé -
la Société générale de financement - on le voyait
d'ailleurs dans le Devoir de ce matin - s'attend à un rendement de 17,4%
dans l'aluminerie de Bécancour, ce qui se traduirait normalement par des
bénéfices nets annuels de 25 000 000 $. Ce qui veut dire, M. le
Président, sans tenir pour acquis ce projet, une chose est certaine,
c'est que cela aurait - et si j'avais le temps, je pourrais l'expliciter
davantage - comme effet d'apporter dans la région 04 et plus
particulièrement dans mon comté et à Bécancour,
tout un renouvellement, un renforcement de la structure économique et je
puis vous assurer que mes concitoyens et mes concitoyennes suivent avec
intérêt et passion - et c'est ce que j'ai essayé de
traduire ici - le développement de ce projet. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Nicolet. Je prends bonne note que vous aurez d'autres
questions à poser. J'espère que vous en poserez au nom du
député de Champlain; il est juste en face de Bécancour et
cela l'intéresse aussi.
M. le député d'Outremont.
M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: M. le Président, je crois que nous avons
devant nous un projet à la fois extrêmement intéressant et
extrêmement complexe. Ce n'est pas tous les jours qu'on a
à discuter du mécanisme qui pourrait nous amener
éventuellement à voir le jour d'un investissement de 1 500 000
000 $, mais, plus la somme est énorme et plus le projet est complexe,
plus les risques sont élevés.
J'aimerais, à ce moment-ci, m'associer aux propos de mon
collègue de Mont-Royal, le porte-parole de notre formation politique
dans le domaine de l'industrie et du commerce, et nous nous réjouissons
du fait que le Québec est une région qui pourrait se voir
favorisée, une région qui serait favorisée si les
négociations sont menées à terme. J'aimerais dire à
mon collègue qui vient de s'exprimer - et depuis que je suis en
politique, M. le Président, vous le savez, j'ai essayé de faire
oublier le fait que je venais du nucléaire, mais, étant
donné la région de Bécancour et compte tenu du fait que
les gens de cette région n'ont pas les préjugés
défavorables au nucléaire que les autres régions du
Québec pourraient avoir - que, dans mes anciennes fonctions, lorsque
j'étais président de Canatom et de Canatom Mow-Max, j'ai eu
à oeuvrer de très près au développement
économique de sa région, que j'ai eu à prendre des
décisions qui ont toujours eu pour but de favoriser au maximum le
développement économique de cette région. Je sais que
notre société, en particulier, a toujours été
très bien vue de tous les citoyens de la région de
Bécancour. Je voudrais donc lui dire que je m'associe au climat de
réjouissance qui peut exister dans cette région. Dans une
certaine mesure, dans le passé, j'y ai été
impliqué, d'une part, dans l'ingénerie et, par la suite, dans la
gestion de Gentilly 1 et de Gentilly 2 ainsi que dans l'usine de La Prade qui,
malheureusement, n'a pu être continuée. C'est donc dire que je me
réjouis du fait qu'une région et que le Québec, en
particulier, pourraient se voir favorisés par le développement
économique.
Cependant, M. le Président, vous comprendrez que nous poserons
des questions, mon collègue de Mont-Royal l'a aussi indiqué. Il y
a dans ce projet plusieurs implications complexes qui vont amener des
engagements pour une longue période. Il ne s'agit pas de décider
si on va investir ou si la SGF va investir 1 000 000 $ dans une usine de
biotechnologie. C'était important sur le plan du développement
technologique. C'était important par les sommes en jeu. Compte tenu de
l'importance du projet et des engagements à long terme qui seront pris
par le gouvernement, dans ce secteur, vous comprendrez que nous ayons plusieurs
questions à poser puisque l'importance du projet dépasse de
beaucoup, je crois, tout projet de la SGF et du gouvernement que nous ayons eu
à discuter, du moins ces dernières années.
On peut prévoir et on pourrait examiner certaines étapes
de ce genre d'investissement. Il aurait pu y avoir ce que j'appellerais un
investissement normal, c'est-à-dire qu'une société
étrangère dise qu'elle veut investir 1 500 000 000 $ au
Québec. À ce moment-là, le gouvernement du Québec
intervient comme il le fait normalement à l'aide de subventions,
à l'aide d'encouragements pour voir à ce que le projet s'implante
ici et qu'il se réalise entièrement. C'est donc dire que, dans
une première étape, cela aurait pu être ce que j'aurais
appelé un investissement normal, c'est-à-dire un investissement
où les deux paliers de gouvernement collaborent pour s'assurer que le
projet se réalise dans les meilleures conditions possible. Cela aurait
été une première étape.
Le gouvernement est allé plus loin que cela. Il a dit: Nous
allons négocier des tarifs d'électricité
préférentiels. Bien sûr, dans un premier ou dans un
deuxième temps, le gouvernement a ajouté que, jusqu'en 1990, il y
aurait des tarifs bien meilleurs et beaucoup plus privilégiés
durant la période où il y aurait des surplus. Je ne sais pas si
on doit exagérer cette contribution puisque le projet est encore
retardé de quelques mois et que, la période durant laquelle il y
aura des surplus d'énergie devrait se terminer en 1990, tout
délai à réaliser le projet fait que ces surplus
d'énergie électrique à rabais ne pourront pas être
utilisés.
En ce qui concerne le tarif d'électricité à long
terme, il s'agit là d'une subvention indirecte extrêmement
importante et, malgré ce qu'en a dit mon collègue,
différente de ce qui avait été écrit dans
Bâtir le Québec, puisque, dans Bâtir le Québec, on ne
parlait surtout pas de tarifs privilégiés. On y disait que,
compte tenu des tarifs qui existaient au Québec et de la quantité
d'énergie qui y existait, on pouvait attirer des usines de
transformation et d'aluminium en particulier. On s'aperçoit que,
là-dessus, le gouvernement a changé son fusil d'épaule.
J'aurai l'occasion d'en parler certainement en deuxième lecture et
j'aurai aussi l'occasion d'en parler lorsque nous discuterons du projet de loi
touchant Hydro-Québec où nous aurons, à ce
sujet-là, une commission parlementaire.
À titre d'information préliminaire, j'aimerais indiquer
ceci. J'ai voulu, sur ce tableau, M. le Président - je m'excuse, si vous
ne le voyez pas, je vais le placer comme ceci - indiquer tout simplement
l'importance du tarif privilégié d'un maximum de 10% par
année qui a été consenti à Pechiney. Si
l'année de base avait été, disons, l'année 1975.
(12 heures)
Le tarif grande puissance a augmenté, depuis 1975 et 1976, comme
vous le voyez ici, c'est-à-dire que, vers 1975 ou 1976, il était
à un niveau de 100 et il se trouve maintenant à un niveau
supérieur à 300. Étant donné la clause qui dit que
le tarif d'électricité ne peut pas augmenter de plus
que 10% par année, j'ai indiqué par une ligne jaune
l'augmentation maximale qui aurait eu lieu si l'année de
référence avait été 1975. Bien sûr, on ne
peut pas prédire l'avenir. Des gens diront: Dans l'avenir, l'inflation
va jouer beaucoup moins; dans l'avenir, HydroQuébec aura moins
d'investissements, mais, lorsqu'on s'engage sur une période de 25
à 30 ans, on ne peut sûrement pas prédire l'avenir. Tout ce
qu'on peut faire, c'est de regarder le passé et de dire qu'il se
pourrait peut-être qu'une situation semblable se répercute. On
s'aperçoit que si l'année de référence avait
été 1975 ou 1976, sept ans plus tard, en 1983, la
différence entre le tarif officiel d'Hydro-Québec et le tarif qui
aurait été consenti à Pechiney aurait été de
30 ou 40 points sur une base de 300. C'est donc dire que c'est une concession
substantielle puisqu'une telle différence sur une période de 25
à 30 ans peut devenir extrêmement importante et qu'il ne faut pas
négliger la subvention indirecte que tous les contribuables et que tous
ceux qui utilisent l'électricité au Québec devront payer
puisque le manque à gagner d'Hydro-Québec se répercutera
soit dans les taxes des contribuables, soit dans le tarif diminué ou
dans le tarif plus élevé qu'Hydro-Québec devra fixer aux
contribuables du Québec.
Bien sûr, je sais qu'il y a une clause de renégociation
après 25 ans, mais, à ce moment, je crois qu'il faut constater
que, même dans les cas où il devait y avoir une
négociation... Un bon exemple, c'est CIL de Bécancour avec un
tarif privilégié de 1975 à 1980 ou 1981 et qui, cette
année, devrait normalement voir son tarif rejoindre le tarif normal
d'Hydro-Québec, ce qui signifierait cette année une augmentation
de 42%. Ces gens ont toutes les raisons du monde pour se retourner vers
Hydro-Québec et vers le gouvernement et dire: Écoutez, nous
voulons un ajustement à ce tarif d'électricité.
C'est donc dire que, avec la différence du tarif consenti
à Pechiney sur une base de 25 ou 30 ans, et alors même que le
contrat dit que, dans 25 ou 30 ans, il y aura un rattrapage, on peut se
demander si ce rattrapage se fera jamais puisque, compte tenu de l'implication
du gouvernement dans ce projet. Je suis certain que, dans 25 ou 30 ans,
plusieurs des parlementaires qui sont ici ne seront plus autour de la table
pour en discuter. Mais on peut certainement comprendre que Pechiney ou qui que
ce soit qui sera dans la même situation se retrouvera dans une situation
tout à fait avantagée pour rediscuter de tarifs
d'électricité avec le gouvernement du Québec.
La concession qui est faite à Pechiney sur le tarif
d'électricité est donc une subvention extrêmement
importante de l'État du Québec et de ses contribuables et il ne
faut pas la négliger. J'ai commencé par dire que cela aurait pu
être un projet normal avec des subventions. Maintenant c'est un projet
normal avec des subventions, et je suis certain que le ministère de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme interviendra d'une façon
normale, comme il le fait toujours, et que, en plus de cela, il y a le tarif
d'électricité.
Dans un quatrième temps, cela aurait pu être une
participation financière de l'État sous forme
d'équité. D'ailleurs, en Australie, mes informations sont que
Pechiney a des usines là-bas et que des compagnies d'assurances
australiennes participent en tant que "silent partners" dans
l'équité de Pechiney-Australie. Vous comprendrez que ce qu'on
nous propose est tout à fait différent et va encore un pas plus
loin.
Je vais continuer la liste des implications financières et des
garanties que nous devons discuter aujourd'hui. Bien sûr, ce qu'on nous
propose, c'est non seulement un projet avec subventions et des tarifs
d'électricité privilégiés, avec une participation
d'équité, mais avec des garanties et, en plus de cela, avec des
engagements pour accepter une partie de la production de cette usine.
Les questions que cela soulève en ce qui concerne la SGF - je
suis certain qu'aujourd'hui, avec M. Lebel, le président de la SGF, nous
aurons l'occasion d'en parler -ce changement en est un très substantiel
dans l'orientation de la SGF proprement dite. On peut se demander si
l'implantation de Pechiney était nécessaire pour demander
à la SGF de s'intéresser au domaine de l'aluminium. Je ne le
crois pas, M. le Président. Il est bien certain que si la SGF avait
voulu participer à l'organisation ou à l'implantation d'usines de
transformation de l'aluminium, elle pourrait le faire sans aucune implantation
de Pechiney puisqu'elle aurait pu acheter l'aluminium de l'Alcan et favoriser
un certain développement économique à partir de
l'aluminium déjà produit ici même au Québec.
J'aimerais que le président de la SGF nous instruise
là-dessus, car je crois que, à l'origine, la mission principale
de la SGF était de modifier la structure industrielle du Québec
et de favoriser une restructuration de l'industrie québécoise
pour qu'on puisse finalement avoir de la grande industrie au Québec dans
des domaines qui nous tiennent à coeur, soit parce que nous avons des
ressources naturelles - parlons des pâtes et papiers - soit parce que
nous avons d'autres ressources comme l'électricité, qui
permettent l'implantation de ce genre d'industrie.
À ma connaissance, M. le Président, le Québec est
déjà très fortement implanté dans le domaine de
l'aluminium, et une des questions que j'aurais à poser au
président de la SGF est de savoir comment il peut
concilier le fait que l'industrie du Québec soit
déjà très fortement implantée dans le domaine de
l'aluminium et expliquer que l'État doive intervenir puisque cette
transformation a déjà été faite dans le
passé et que, de ce point de vue, il n'est peut-être pas
nécessaire pour le gouvernement d'intervenir puisque la structure
industrielle du Québec, en ce qui concerne l'Alcan, existe
déjà, que l'Alcan est déjà très active au
Québec dans le domaine de la production et de la transformation
d'aluminium et que, en ce faisant, les montants d'argent qui seront investis
ici, compte tenu des limites de financement du gouvernement
québécois, sont autant de montants que la SGF n'aura pas pour
d'autres genres d'investissements dans les autres secteurs prioritaires de la
SGF.
Finalement, M. le Président, nous aurons des questions à
poser sur les prévisions. Je voyais mon collègue citer ses
chiffres de rendement comme s'ils étaient la bible. Il faudrait bien se
souvenir que, dans le passé, d'autres gouvernements, y inclus les
gouvernements libéraux, avaient fait des prévisions à
l'aide d'économistes et croyaient que toutes ces prévisions
étaient très solides et que les gens étaient voués
à un avenir prometteur dans le domaine du fer. Aujourd'hui, on va nous
dire exactement la même chose. J'espère, M. le Président,
que les questions que nous poserons à ce sujet ne seront pas mal vues.
Pour toute personne qui a un peu l'expérience des prévisions dans
le domaine de l'économie et surtout dans le domaine du rendement que
peut donner un certain capital investi, ces questions sont tout à fait
pertinentes puisqu'on ne peut jamais être assuré que la
réalisation des prévisions se fera exactement de la façon
prévue.
M. le Président, ces quelques remarques préliminaires
indiquent les implications très nombreuses de l'État
québécois dans ce projet et ajoutent aux implications que
l'État possède déjà puisqu'avec la Caisse de
dépôt, dans le cas de l'Alcan, le gouvernement est
déjà impliqué indirectement dans le domaine de
l'aluminium. Compte tenu de l'importance du sujet, nous aurons des questions,
moi et mes autres collègues, et je suis sûr que nos amis d'en face
poseront aussi plusieurs questions pour nous permettre d'évaluer
l'ensemble du problème dans toute sa plénitude. Je vous
remercie.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député d'Outremont. M. le député de
Châteauguay.
M. Roland Dussault
M. Dussault: Merci, M. le Président. Je serai bref parce
que je voudrais qu'on permette aux représentants de la SGF de se faire
entendre avant le dîner. Je voudrais aussi leur souhaiter la bienvenue
à cette commission, surtout à l'occasion du débat sur le
projet de loi 10 qui contient des perspectives extraordinaires sur le plan de
développement de l'aluminium au Québec. La SGF est un de nos plus
beaux fleurons et je pense que cela rend encore plus agréable le fait de
recevoir aujourd'hui nos invités.
Je voudrais annoncer immédiatement que j'aurai en cours
d'après-midi - j'espère qu'on me laissera au moins dix minutes
pour le faire - à intervenir évidemment sur le cas Pechiney et
plus spécifiquement avec les questions sur le secteur des
équipements énergétiques et sur Pétromont. J'aurais
quelques questions à poser à nos invités qui prendraient
sans doute, en termes de réponse, une allure de rapport d'étape,
si on peut dire, sur certaines de ces questions. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon); Merci. Nous allons maintenant
entendre nos invités. Je demanderais au président, M. Lebel, de
se présenter et de présenter les gens qui l'accompagnent.
Mémoire de la SGF
M. Lebel (Jean-Claude): Merci, M. le Président. Les
représentants de la SGF devant cette commission permanente sont, si je
commence par ma gauche, M. Claude Hélie, vice-président aux
finances, M. Michel Plessis-Bélair, vice-président
exécutif de la SGF. À ma droite immédiate, M.
Jacques-À. Lefebvre, vice-président principal au
développement, et M. Louis-Gilles Gagnon, vice-président aux
affaires juridiques. Je suis également accompagné de M. Michel
Branchaud, directeur du projet de l'aluminerie. M. Branchaud n'est pas
permanent à la SGF, il est chez nous à temps plein depuis que
nous travaillons à ce projet. Ensuite viennent M. Jacques Nepveu,
directeur de la planification, M. Alain Desfossé, secrétaire de
la SGF et adjoint au président. Dans la salle, il y a un conseiller
juridique qui conseille la SGF depuis quelques mois sur le projet de
l'aluminerie de Bécancour, il s'agit de M. Coulombe.
Si vous me le permettez, M. le Président, dans le cadre de mon
exposé, j'aurais besoin de me référer à certains
tableaux. Nous avons préparé certains tableaux 3 sur 4. Cela pose
un petit problème de communication, mais, avec votre permission, je
suggérerais que M. Jacques Nepveu puisse aller en avant pour se servir
du chevalet et, quand j'aurai à me référer à des
tableaux, il pourra indiquer ce à quoi je me réfère.
M. Fortier: Cela serait mieux si...
M. Lebel: Nous avons remis aux membres de la commission deux
documents. L'un s'intitule Le Groupe SGF, plan de développement
1980-1985, phase I, rapport d'étape. C'est un document en date du 15
novembre 1982. L'autre est intitulé Projet d'aluminerie à
Bécancour, Présentation du Groupe SGF à la commission
permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme; ce document est beaucoup
plus récent.
J'aimerais, avez votre permission...
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, je ne veux que
m'assurer si tout le monde les a.
M. Fortier: Oui, oui.
Le Président (M. Gagnon): Bon, cela va.
M. Lebel: J'aimerais, avec votre permission, M. le
Président, dans un premier temps, me référer à ce
rapport d'étape du Groupe SGF. En effet, il est sans doute bon de situer
le contexte général dans lequel la SGF se présente devant
la commission parlementaire. La SGF est venue en commission parlementaire en
1978 et, à ce moment-là, il a été principalement
question de la relance de Marine Industrie. Elle est revenue en 1980 pour
demander une augmentation de son fonds social et elle présentait,
à ce moment-là, un plan de développement dont la phase I
s'est terminée avec l'année 1983. On y est revenu très
rapidement, l'automne dernier, pour parler de notre implication à
l'intérieur d'un nouveau secteur de développement, le secteur de
la biotechnologie.
Il est peut-être bon de garder en tête l'évolution
récente de la SGF afin de situer cette implication dans un nouveau grand
secteur économique au Québec, de la situer par rapport à
ce cadre de référence. Pour ce faire et pour ceux qui ont le
document, j'aimerais d'abord attaquer la partie rapport 1980-1983 de la SGF et
pour ceux qui ont le document, je vais lire tout en faisant quelques
corrections à compter de la page 5.
La conjoncture économique depuis 1980 et plus
particulièrement la forte récession qui sévit depuis
l'automne 1981 n'a pas manqué d'affecter le comportement et la
performance de plusieurs des entreprises du groupe. Une part importante des
projets d'investissement prévus en phase I du plan de
développement 1980-1985 ont été entrepris, voire
réalisés. Toutefois, quelques-uns ont dû être
reportés ou encore étalés sur une période plus
longue. De plus, quelques investissements prévus en phase II, soit
durant la période 1983-1985, devront aussi être
reconsidérés quant à leur ampleur ou à leur
échéancier. (12 h 15)
Au total, en phase I de son plan de développement, la SGF a
participé à des investissements de 456 000 000 $, alors qu'on en
prévoyait 570 000 000 $ en commission parlementaire de 1980. Toutefois,
la participation directe en équité de la SGF a été
à ces projets plus élevée que prévue, atteignant
137 000 000 $ en comparaison des 125 000 000 $ prévus, ce qui a
entraîné des répercussions sur les opérations de
trésorerie et la composition du portefeuille de la SGF.
Par ailleurs, certains événements qui sont survenus durant
ces dernières années ont permis de concrétiser les grands
objectifs de développement du groupe et de réviser l'orientation
stratégique de certains secteurs. Ce sont: . l'acquisition d'une
participation de 22% du capital-actions de Domtar Ltée, une entreprise
diversifiée de grande taille spécialisée, entre autres
dans la production des pâtes et papiers; . la création avec la
Caisse de dépôt et placement du Québec d'une nouvelle
filiale, Dofor Inc., dans laquelle la SGF, qui détient 85% des actions
votantes, a transféré ses placements dans Domtar et dans Donohue;
. la vente d'une participation de 35% du capital-actions de Marine Industrie
Ltée au groupe français Alsthom-Atlantique; . la relance de
Cegelec Industrie Inc., grâce à un support financier de l'ordre de
6 000 000 $ de la part des actionnaires, la SGF et Alsthom-Atlantique; . la
vente des participations dans Sogefor Inc. et dans Tricot LaSalle
Ltée.
La situation actuelle dans chacun des grands secteurs d'activité
du groupe peut se présenter comme suit:
D'abord les produits forestiers. Le Groupe SGF, par le biais de sa
filiale Dofor, détient maintenant deux placements importants dans des
entreprises du secteur des produits forestiers: la SGF détient 55% de
Donohue Inc. et de ses filiales qui fabriquent du papier-journal, de la
pâte kraft et du bois de sciage. De plus, l'investissement
stratégique prévu au plan de développement de 1980 s'est
concrétisé par l'acquisition de 22% du capital-actions de Domtar,
une entreprise diversifiée dont 60% des actifs se situent dans les
domaines des pâtes et papiers et des emballages. Les ventes conjointes de
Donohue et de Domtar en 1980 ont atteint 1 500 000 000 $ dans les secteurs des
pâtes et papiers et des emballages. En 1982, le chiffre des ventes des
deux entreprises dans ces secteurs a effectivement été de 2 000
000 000 $.
Par ailleurs, en janvier 1982, la SGF a vendu le placement qu'elle
détenait dans Sogefor, un fabricant de panneaux de particules. Elle l'a
vendu à son associé d'alors, la compagnie McLaren. La SGF
renonçait alors à sa participation à un projet
d'une nouvelle usine de panneaux-fibres dont le coût était
estimé, au plan de 1980-1985, à 70 000 000 $, et qui était
prévu en phase I de ce plan.
Donohue a enregistré des bénéfices sans
précédent en 1980 et en 1981. En 1982 -vous me permettrez de
corriger les chiffres - les bénéfices de Donohue ont
diminué de 25 000 000 $ qu'ils étaient en 1981 à 16 500
000 $ en 1982. Les ventes de la filiale Donohue sont passées, dans cette
année, grâce à la mise en marche du moulin d'Amos, de 290
000 000 $ à 315 000 000 $.
Des trois projets d'investissement prévus au plan de
développement de 1980, deux ont été réalisés
par Donohue à ce jour: l'usine de papier-journal d'Amos et
l'installation d'une turbine à vapeur à Saint-Félicien. Le
coût global de l'usine d'Amos a été de 210 000 000 $, soit
20 000 000 $ de plus que prévu, alors que la turbine a
coûté 8 000 000 $, soit 1 000 000 $ de moins qu'anticipé.
Donohue Saint-Félicien a en outre fait l'acquisition des actifs et des
droits de coupe de la scierie de Notre-Dame-de-la-Doré au Lac-Saint-Jean
au coût de 8 500 000 $ afin de réduire sa dépendance du
bois d'achat. Quant au projet de modernisation de l'usine de Clermont, dont le
coût de la première phase était estimé dans le temps
à 59 000 000 $, a dû être reporté à la phase
II du plan 1980-1985, mais ce projet est à l'examen au moment où
on se parle à la SGF et à la Donohue, et il y aurait
possibilité de l'entreprendre à la fin de 1983.
L'investissement de la SGF dans Domtar en août 1981 fut de 146 000
000 $, alors que le projet d'expansion majeure prévu au plan de
développement supposait un investissement de 80 000 000 $. En
février 1982, la SGF transférait toutefois son placement dans
Domtar ainsi que celui dans Donohue à sa nouvelle filiale Dofor Inc. En
contrepartie, la SGF détenait 168 000 000 $ en capital-actions
ordinaires de Dofor se composant des 93 000 000 $ équivalant à la
valeur du placement dans Donohue ainsi que d'un investissement additionnel de
75 000 000 $, le tout représentant 85% des actions votantes. Par
ailleurs, la Caisse de dépôt et placement du Québec
investissait, elle aussi, 71 000 000 $ dans Dofor, soit 30 000 000 $
correspondant à 15% des actions votantes et 41 000 000 $ en actions
privilégiées. Enfin, Dofor remboursait la totalité de
l'emprunt initial de 146 000 000 $ contracté par la SGF.
La participation de la SGF dans Domtar, couplée à celle de
la Caisse de dépôt et placement du Québec, fait en sorte
qu'ensemble les deux partenaires détiennent environ 45% des actions
ordinaires de Domtar. Il en a résulté des changements importants
au conseil d'administration de même qu'au comité exécutif
de l'entreprise, permettant une plus grande implication dans les orientations
fondamentales et la gestion de l'entreprise.
En 1981, le chiffre d'affaires de Domtar était de 1 800 000 000
$. Ce chiffre d'affaires, malgré la conjoncture de 1982, s'est maintenu.
Mais les bénéfices qui étaient de 64 000 000 $ en 1981,
sont tombés, à toutes fins utiles, au niveau d'un "break even".
Il faut réaliser à cet égard que Domtar est très
active dans les matériaux de construction entre autres, secteur qui a
été particulièrement touché par la récession
économique que nous venons de vivre; les résultats d'ensemble de
la société devaient s'en ressentir. En outre, il y a eu, dans le
secteur des emballages, qui est un autre secteur important d'activité
pour Domtar, une grève qui a duré six mois.
Le secteur des équipements énergétiques regroupe
les activités de Cegelec Industrie, de BG Checo, de Volcano et des
divisions hydroélectrique et industrielle de Marine Industrie. Les
ventes de ce secteur ont été de 400 000 000 $ en 1982 et le
chiffre des bénéfices pour ces quatre filiales de la SGF a
été de 6 600 000 $ en 1982.
Globalement, le volume d'affaires de ces entreprises a continué
de s'accroître depuis 1980, malgré une baisse de la croissance de
la demande d'énergie, tandis que les bénéfices de ces
entreprises sont demeurés relativement stables.
Nous sommes particulièrement fiers de répéter
à toutes les occasions que nous avons que Marine Industrie, entre
autres, fait des profits à tous les ans depuis trois ans.
Les projets de la nouvelle usine de Volcano et de la restructuration
financière de Cegelec Industrie, tous deux prévus dans le plan de
1980, ont été complétés. Quant aux investissements
des divisions concernées de Marine Industrie, ils ont été
de 12 000 000 $ en comparaison des 25 000 000 $ prévus au plan en raison
surtout de la faible demande pour les équipements qu'elles
fabriquent.
Quoiqu'elles opèrent de façon autonome et isolée,
ces entreprises offrent une gamme de produits et de services
complémentaires qui sont en majorité destinés aux
entreprises d'utilités publiques. Ensemble, elles
représenteraient en importance le troisième manufacturier
canadien du secteur du matériel électrique et industriel. Leur
développement dans ce secteur a toutefois été
orienté presque exclusivement en fonction des besoins
d'Hydro-Québec dont elles sont le plus gros fournisseur et auprès
de laquelle elles réalisent près des deux tiers de leur chiffre
d'affaires total. Dans le domaine des chaudières, vaisseaux sous
pression et autres équipements industriels, le marché est
présentement affecté par la
mauvaise conjoncture, mais la demande de ces équipements est
appelée à croître de nouveau à l'avenir avec la
reprise économique et la relance des grands projets
énergétiques.
Au cours des prochaines années, Hydro-Québec
prévoit cependant un rythme de croissance beaucoup plus faible de la
demande de l'électricité et, par conséquent, une
diminution importante de ses besoins en équipement. C'est donc dire
qu'une part importante du marché traditionnel des entreprises du secteur
des équipements énergétiques est appelée à
chuter sensiblement. Celles-ci devront donc se tourner vers l'extérieur
où leurs efforts accrus des dernières années demeurent
insuffisants, compte tenu de l'ampleur du marché à remplacer.
C'est pourquoi nous avons mis sur pied, en collaboration avec les
filiales concernées, au début de 1983, une société
de commercialisation pour s'occuper de la commercialisation internationale des
produits de Marine Industrie, de Cegelec Industrie et de BG Checo. La
société de commercialisation en question n'a pas encore de nom.
Elle a un nom de code et elle s'appelle SOCOM. Elle est en organisation au
moment où on se parle.
Enfin les dépenses en recherche et développement des
entreprises de ce secteur sont en croissance mais restent relativement faibles
par rapport à la moyenne générale de l'industrie.
La pétrochimie. La SGF est présente dans ce secteur depuis
octobre 1980 grâce au consortium Pétromont auquel elle participe
maintenant à parts égales avec les sociétés Gulf et
Union Carbide.
L'industrie pétrochimique, tout le monde le sait, traverse
présentement une période difficile et ce, à
l'échelle mondiale, alors que la demande d'éthylène et son
prix ont diminué et que de nombreuses usines doivent fermer leurs
portes. Pétromont n'échappe pas à cette situation et doit
en outre faire face à un coût plus élevé des charges
d'alimentation au Canada par suite du programme énergétique
national. Ce dernier fait en sorte que l'industrie pétrochimique est
avantagée dans l'Ouest puisqu'elle s'approvisionne en matières
premières provenant du gaz naturel dont le prix est arbitrairement
fixé à 65% du prix du pétrole brut, tandis qu'elle est
désavantagée, peut-être même en péril dans
l'Est, où elle utilise des dérivés du pétrole.
Il y a des corrections à apporter dans le reste du texte. La SGF
et Pétromont ont été très actives au cours de la
dernière année. À toutes fins utiles, avec ses partenaires
dans Pétromont, Gulf et Union Carbide, la SGF a essayé de sauver
cette entreprise. Vous êtes au courant que ces diverses démarches
ont abouti à une aide gouvernementale qui pourrait se faire sous forme
d'un prêt non remboursable de 50 000 000 $, 25 000 000 $ en 1983 et 25
000 000 $ en 1984, prêt qui pourrait être remboursé dans la
mesure où l'entreprise réaliserait ultérieurement des
profits.
Cette intervention des deux niveaux de gouvernement accorde à
Pétromont, à la SGF et à ses partenaires dans
Pétromont le répit dont ils avaient besoin pour repenser leur
propre situation et le répit nécessaire pour que la politique
nationale de l'énergie soit révisée et pour qu'on puisse
savoir enfin s'il y aura une place aussi avantageuse pour la pétrochimie
dans l'Est du Canada qu'on l'espérait en 1980 au moment où on est
entré dans le consortium Pétromont.
Bien sûr, au moment où nous nous parlons, nous ne pouvons
pas dire si le projet d'expansion pourra se faire ou ne pourra pas se faire.
Pour autant que nous sommes concernés à la SGF, à
Pétromont et grâce à un appui très actif de nos
partenaires, nous essayons de tout faire en sorte pour que Montréal
demeure, malgré les changements dans la conjoncture
énergétique, un centre important de pétrochimie.
Dans le plan de développement de 1980, la SGF s'est fixé
l'objectif d'investir une proportion importante de ses fonds dans le domaine de
l'innovation. Deux types d'investissement étaient alors
idendifiés: d'une part, des prises de participation dans des entreprises
offrant un fort potentiel de croissance dans des industries de pointe, et,
d'autre part, des projets visant le développement de nouveaux produits
ou de nouvelles technologies, que ce soit dans les entreprises existantes du
groupe ou dans le cadre de la création d'un nouveau secteur.
Dans le premier cas, la SGF a pris des participations avec d'autres
partenaires dans deux nouvelles entreprises: Nouveler, qui vise le
développement de produits et procédés pour
l'économie d'énergie de même que la mise en valeur de
nouvelles sources d'énergie, et Novacap, une société de
capital de risque.
Depuis deux ans, ces entreprises ont procédé à un
certain nombre d'investissements: Nouveler a investi dans ses filiales
Econoler, Canair, Les Entreprises PSC, plus récemment dans Convecter et
dans quelques licences pour fabriquer des pompes à chaleur à
haute température et Les Contrôles PSC qui oeuvrent dans le
domaine des économies d'énergie et des nouvelles sources
d'énergie renouvelable, et Biosyn, qui étudie de son
côté un projet expérimental de production d'éthanol.
(12 h 30)
Novacap, après avoir étudié plusieurs projets, a
investi pour le moment dans Les Produits Ficomat, qui fabrique des plaques de
fibre de verre, Les Contrôles PSC, avec Nouveler, et Les Cheminées
Sécurité, un
fabricant de foyers et de cheminées isolés. La SGF a
versé des mises de fonds de 2 750 000 $ à ces deux entreprises,
soit 1 750 000 $ à Nouveler et 1 000 000 $ à Novacap, à la
fin de 1982. Elle s'est aussi engagée à verser 1 000 000 $
additionnels à Novacap.
Dans le second cas, un projet de mise sur pied d'un laboratoire de
recherche hydraulique chez Marine, qui était prévu en phase I du
plan de développement, a dû être reporté. De plus, le
groupe s'était fixé l'objectif de consacrer au moins 1% des
revenus des entreprises à la recherche et au développement. Cet
objectif, trop ambitieux pour certains secteurs, notamment celui des
pâtes et papiers, où il se fait de toute manière par le
biais des entreprises une contribution assez importante à la recherche
et au développement, n'a pas été atteint et ce, d'autant
plus que la conjoncture forçait les entreprises à comprimer leurs
dépenses à court terme. Cet objectif sera maintenu dans le cas du
secteur des équipements énergétiques, mais
révisé à la baisse pour l'ensemble du groupe. Il n'en
reste pas moins qu'un rattrapage important doit être amorcé par
les entreprises du groupe dans le domaine de la recherche et du
développement.
Enfin, la SGF, plus récemment, a mis sur pied la
Société Bio-Méga dans le but d'être présente
dans un nouveau secteur, celui de la biotechnologie. Elle s'est
présentée en commission parlementaire l'automne dernier pour
justifier l'achat de Bio-Endo et elle administre maintenant cette
société qui s'est associée à Biocel en
matière de recherche.
Quant aux autres activités, en plus de ses secteurs prioritaires
et du domaine de l'innovation, la SGF a aussi des activités dans
certains autres secteurs, soit les équipements et mobiliers de bureau
chez Artopex, la construction navale, les wagons de chemin de fer et les
équipements industriels chez Marine, les produits métalliques,
les équipements agricoles et les équipements de foresterie chez
Forano et Industries Tanguay, les équipements de traitement des eaux
chez John Meunier Inc.
Individuellement, ces activités ne sont pas assez importantes
pour constituer un secteur prioritaire mais, ensemble, elles n'en
représentaient pas moins quelque 26% du chiffre d'affaires
consolidé du groupe en 1981. Parmi ces activités, celles du
groupe Forano et de la division navale de Marine Industrie ont fait l'objet
d'une attention particulière de la SGF depuis 1980.
Dans le contexte actuel de récession économique, Forano,
une entreprise peu modernisée, tant au niveau de ses installations et
équipements de production qu'au niveau de ses méthodes et
instruments de gestion, s'est retrouvée dans une situation
précaire. Le chiffre d'affaires consolidé de Forano et de
Tanguay, qui était de 68 000 000 $ en 1980, a été de
quelque 44 000 000 $ en 1982. En termes de bénéfices nets, les
deux entreprises ont perdu ensemble près de 1 000 000 $ en 1980, 4 300
000 $ en 1981 et des pertes de 10 800 000 $ ont été
réalisées pour l'exercice 1982. Depuis 1980, la SGF a dû
investir 10 200 000 $, dont 8 800 000 $ en 1982 pour relancer Forano et
Tanguay.
Quant à la division navale de Marine Industrie, elle maintient un
niveau d'activité en progression depuis deux ans grâce à la
réalisation d'un contrat de cale sèche et elle entreprend
présentement la construction d'un navire séismique pour le compte
de Pétro-Canada. Le navire séismique est plus avancé dans
sa construction que le texte du mois de novembre ne l'indique ici. Elle a donc
démontré sa capacité de demeurer dynamique et
opérationnelle, ce qui a d'ailleurs été confirmé
récemment lorsque le conseil d'administration de l'entreprise l'a
autorisée à se présenter comme chantier de tête
auprès du groupe SCAN Marine pour la réalisation du programme
canadien de frégates et, plus tard, comme second chantier pour le groupe
des Maritimes.
Malgré tout, le niveau d'activité de la division navale a
été insuffisant jusqu'ici pour lui permettre d'atteindre le seuil
de rentabilité. Marine s'est intéressée, au cours de la
dernière année, au marché des plates-formes
semi-submersibles et autres équipements de type "off-shore", ce qui lui
permettrait éventuellement de rentabiliser la division navale. Un projet
d'investissement est considéré, des études de
faisabilité ont été réalisées et Marine
serait prête à s'engager dans cette nouvelle activité.
Toutefois, la conjoncture énergétique a fait en sorte de
reporter, au moins pour quelques années, la mise en marche des grandes
projets d'exploitation "off-shore" au Canada.
M. le Président, cela termine la présentation que je
voulais faire en guise de rapport sur les activités de la SGF de 1980
à 1983. Je passerai maintenant à la présentation du
document sur le projet d'aluminerie.
Pour la présentation de ce document, je veux vous proposer de
vous guider dans une manière de lecture en survol du document. C'est
dans cette optique qu'en ce qui concerne le chapitre le plus long du document,
le chapitre 2, qui traite du secteur de l'aluminium, j'aimerais vous
présenter les principales conclusions qui se dégagent de ce
chapitre. Les principales conclusions qui se dégagent de ce chapitre
sont, premièrement, que le marché de l'aluminium apparaît
d'abord et avant tout comme un marché mondial, c'est-à-dire qu'il
n'y a pas de lien entre la quantité qu'un pays, qu'une province ou
qu'une région
produit en aluminium et la quantité qu'on consomme. Par exemple,
M. Jacques Nepveu vous indiquera au tableau que le Canada produit 10% de la
production mondiale d'aluminium. La part du Québec là-dedans est
des trois quarts. Nous n'en consommons que 3% et, par contre, nous faisons au
Canada 22% des exportations totales d'aluminium dans le monde.
M. Nepveu (Jacques): Ici, on a la consommation mondiale
d'aluminium, qui est d'environ 11 000 000 de tonnes en 1982. On voit ici en
rouge que le Canada représente 3% de la consommation mondiale en 1982
tandis qu'ici, sur ce tableau-ci, on voit qu'il produisait 10% de la production
mondiale d'aluminium. Comme l'expliquait M. Lebel, le Canada, qui consomme
seulement 3%, produit quand même une part importante de ce qui se produit
dans le monde. C'est ce qui se reflète dans ce tableau-ci où on
voit que, quant aux exportations totales d'aluminium dans le monde, le Canada,
faible consommateur, en exporte tout de même 22%.
M. Lebel: II y a aussi les utilisations de l'aluminium qu'il est
peut-être utile de mentionner.
M. Nepveu: À titre indicatif, on a montré les
livraisons d'aluminium de 1982 aux États-Unis, qui se
répartissent de la façon suivante: 19% au secteur de la
construction et du bâtiment; 17% au secteur du transport; 32% pour le
marché de l'emballage et des contenants; 11% pour les industries
d'équipement électrique et 21% dans toutes sortes d'autres
industries.
M. Lebel: La deuxième conclusion qui se dégage du
chapitre 2 de ce document est que l'aluminium se produit soit là
où il y a de la bauxite, soit là où il y a de
l'électricité à bon compte, ou soit là où il
y a les deux en même temps. Nous verrons par certains chiffres que
l'Australie serait probablement l'endroit où les deux facteurs se
retrouvent avec le plus d'importance, suivi probablement par le Brésil.
C'est l'avantage essentiellement en matière d'électricité
qui fait du Québec une terre de prédilection pour produire de
l'aluminium. Cette affirmation a été démontrée
depuis longtemps par l'Alcan qui, elle, a en outre l'avantage de ne pas avoir
à disposer d'un contrat d'approvisionnement en électricité
à long terme pour fabriquer son aluminium mais produit elle-même
l'énergie électrique nécessaire à la fabrication de
son aluminium.
J'attire votre attention au tableau de la page 37 de votre document
où nous présentons une comparaison de la tarification
industrielle entre Hydro-Québec et divers pays pour certains facteurs de
charge, 40% et 80%. Ce que ce tableau indique, c'est qu'en Australie, pour un
facteur de charge de 80%, l'électricité coûte 35% plus cher
qu'au Québec. Elle coûte 81% plus cher qu'au Québec en
France, 121% plus cher qu'au Québec en Grèce; 207% au Japon; 212%
sur la côte du Pacifique aux États-Unis, et 327% pour Con
Edison.
Bien sûr, la différence est importante. On pourrait
s'attendre à une différence supérieure mais il faut
ajouter, pour la compréhension de tout le monde, que ce sont des tarifs
moyens et qu'au Québec, en particulier, comme dans plusieurs pays au
monde, il y a ce qu'on appelle le tarif grande puissance, qui est
négocié dans des contrats industriels avec les entreprises qui se
qualifient pour ce tarif grande puissance. Les taux réels peuvent encore
être plus avantageux au Québec que nous l'avons vu dans ce
tableau. La différence, par exemple, entre le Québec et la France
pourrait facilement être portée de 1% à 2,5% ou de 1%
à 3% comme importance.
Troisième conclusion, que, je pense, ce chapitre permet de tirer,
c'est que l'aluminium est un marché en croissance. De 1970 à
1979, le marché total de l'aluminium a crû, en terme réel,
de 5,2% par année, ce qui correspond, à toutes fins utiles,
à la croissance du PNB réel dans les pays
développés au cours de cette période. On estime que cette
croissance, pour la décennie dans laquelle nous nous situons, de 1980
à 1990, sera de l'ordre de 3,4% par année, ce qui correspond
aussi à peu près aux prévisions de la croissance
économique réelle pour les pays développés.
En somme, les experts, les spécialistes font une relation entre
la croissance du produit national brut en termes réels et la croissance
de la consommation de l'aluminium. C'est donc un excellent marché
puisque c'est un marché sur une longue période, bien sûr,
c'est un marché en croissance.
Quatrième conclusion sur laquelle j'aimerais attirer votre
attention, c'est que les prix de l'aluminium sont bons. Historiquement, les
prix de l'aluminium ont crû. Historiquement, cela veut dire, entre 1970
et 1980, que les prix de l'aluminium ont crû à 3% plus haut que
l'inflation. Nous prévoyons, et tout le monde semble s'accorder sur
cette prévision, que les prix de l'aluminium, au cours de la
décennie de 1980-1990, croîtront d'environ 1% plus haut que
l'inflation. Essentiellement, nous en sommes aux prix, il y a deux types de
prix, le prix de liste et les divers prix du marché. Le prix de liste
reflète l'évolution des prix des consommateurs et les prix du
marché, en pratique, reflètent la demande. Quand la demande est
basse, ces prix du marché ont tendance à baisser, et parfois, de
façon assez draconienne. Quand la demande est
haute, ces prix du marché ont même tendance à
être meilleurs que les prix de liste.
M. Jacques Nepveu peut vous expliquer rapidement ce que
représente le graphique qu'il vous montre présentement.
M. Nepveu: Sur ce graphique, on a l'évolution d'un certain
nombre de prix de l'aluminium, depuis 1970 jusqu'à aujourd'hui, ce qui
reflète un peu ce que M. Lebel a expliqué, à savoir que
les prix de l'aluminium connaissent une croissance qui s'apparente, au moins au
niveau des tendances, à celle de l'inflation en général
dans l'économie. En rouge, on a le prix de liste, qui est le prix du
producteur, qui reflète l'évolution de ses coûts de
production. En bleu et en jaune, on a des prix de marché, de même
d'ailleurs qu'en vert, qui fluctuent autour de ce prix de liste qui
reflète l'évolution des prix, du coût des matières
premières qu'utilisent les producteurs d'aluminium.
Sur ce tableau-ci, on a peut-être une meilleure illustration sur
une période un peu plus courte, de ce qu'expliquait M. Lebel, à
savoir, en rouge, toujours le prix des producteurs, c'est-à-dire le prix
de liste, en bleu et en jaune, des prix de marché. En bleu, le prix de
l'aluminium sur le London Metal Exchange et, en jaune, un prix de marché
sur les marchés américains. (12 h 45)
Lorsque, comme cela a été le cas en 1970 et une partie de
1980, la demande d'aluminium est forte et en croissance, les prix de
marché reflètent ce phénomène et ont tendance
à se situer au-dessus des niveaux de prix de liste.
Par contre, lorsque la demande est plus faible, ce qui s'est
passé durant les années 1981 et 1982, alors que la
récession s'est amorcée, les prix de marché, qui
reflètent l'évolution de la demande, ont tendance à
baisser et à se situer à un degré inférieur au prix
de liste qui reflète toujours les coûts de production des
producteurs.
M. Lebel: Une cinquième conclusion. Vous aurez sans doute
noté que nous sommes à un début de reprise en ce qui
concerne les prix et que c'est un début de reprise non seulement en ce
qui concerne les prix mais en ce qui concerne la capacité. Il y a
effectivement une sorte de surcapacité apparente de production dans le
monde observable principalement depuis 1980, de 1980 à 1982. Ceci
répond essentiellement à deux phénomènes. Le
premier, c'est que la crise économique mondiale a affecté le
secteur de l'aluminium comme elle a affecté la plupart des secteurs de
production liés aux matières premières, aux richesses
naturelles. Le deuxième phénomène très important,
c'est l'addition de capacité plus efficace pour remplacer de la
capacité qui existe et qui a été fermée ou qui sera
éventuellement fermée parce qu'inefficace. La raison pour
laquelle cette capacité installée est inefficace n'est pas
nécessairement parce que ce sont des vieilles usines, mais c'est
essentiellement lié aux coûts, aux prix d'approvisionnement en
électricité. Dans la nouvelle capacité que nous
connaissons plus près de nous, il y a Grande-Baie, qui s'est faite
durant cette période, il y a Reynolds et il y a eu évidemment en
contrepartie des fermetures pour incapacité un peu partout dans le
monde, en particulier au Japon, où la capacité totale
était de 2 000 000 de tonnes et qui a été ramenée
à une capacité de 400 000 tonnes en 1982-1983. Au Canada,
malgré la récession, malgré les transformations
structurelles à l'intérieur du secteur industriel, la
capacité a été très fortement utilisée
même en période de récession et elle continue à
être très fortement utilisée. Le graphique que M. Jacques
Nepveu vous présente illustre cette réalité. La courbe
rouge qui fait un bond vers le bas en 1979 s'explique tout simplement par la
grève à l'Alcan, qui a contribué à réduire
la capacité utilisée au cours de cette période.
Finalement, une dernière conclusion. Le projet sur lequel nous
travaillons présentement et sur lequel nous sommes en
négociation, le projet de Bécancour, est un projet
particulièrement efficace. Les tableaux que M. Jacques Nepveu va vous
présenter, à mon point de vue, parlent très bien en ce
sens.
M. Nepveu: Sur ce tableau-ci, on a le coût direct
d'exploitation à la tonne d'aluminium en dollars constants
américains en 1980 et en 1990. Ce qu'on constate sur le premier tableau
qui représente toute la situation de 1980, c'est qu'on a ici sur la
ligne du bas, la répartition de la capacité de production dans le
monde, les premiers 25%, 50%, 75%, et 100%. D'un coût minimal très
efficace de 850 $ la tonne, on va jusqu'à un maximum pour les
alumineries les moins efficaces de 2190 $ la tonne. On constate que
Bécancour, ici, à 950 $ la tonne, est donc une aluminerie
très efficace, se situant dans les premiers 25% de la capacité
mondiale.
Par ailleurs, la situation dans dix ans, en 1990, toujours en dollars
constants de 1982, donc en termes réels, nous permet de voir qu'à
nouveau, alors que le coût de Bécancour sera de l'ordre de 1050 $
la tonne, se situe toujours dans les premiers 25% de capacité dans le
monde. C'est donc une aluminerie très efficace et concurrentielle.
M. Lebel: Le chapitre 3, à la page 40, décrit
physiquement le projet de Bécancour. Nous avons un tableau que M.
Jacques
Nepveu va mettre sur le chevalet et qui résume les données
essentielles physiques du projet. Nous n'aurions pas à faire la lecture
de ce chapitre. Et, comme je n'ai pas une vision suffisante pour me permettre
de voir le tableau, je suggère que M. Jacques Nepveu fasse la
présentation de la description physique du projet.
M. Nepveu: Alors, voici les caractéristiques fondamentales
du projet. On a une aluminerie qui, dans une première phase, est en
mesure de produire 230 000 tonnes d'aluminium de première fusion par
année. Il y a une expansion possible qui pourrait venir, dans le futur,
à 115 000 tonnes. Le coût total du projet est estimé
à 1 500 000 000 $ en dollars canadiens courants; la participation du
groupe québécois à ce projet serait estimée
possiblement à un tiers, ce qui représenterait 500 000 000 $
canadiens. Le site sur lequel serait située l'aluminerie, le Parc
industriel de Bécancour, jouit d'un certain nombre d'avantages: un port
en eau profonde, un réseau ferroviaire qui permet d'accéder
à des réseaux ferroviaires des États-Unis - donc
possibilité d'accès au marché américain - de
même qu'une main-d'oeuvre qualifiée dans la région.
Au niveau de l'exploitation, on prévoit que la mise en service de
l'aluminerie va se faire en 1987. Au niveau technique, les
caractéristiques sont qu'on utilise le projet Pechiney, qui a l'avantage
d'être très efficace au niveau de la consommation d'énergie
électrique. Or, en moyenne, une aluminerie normale consomme quelque 15
000 kilowattheures à la tonne de production. Le procédé
Pechiney prévoit 13 500 kilowattheures à la tonne de production
d'aluminium. L'usine devrait comprendre, sur le site, 845 emplois directs.
L'aluminium produit à Bécancour va se vendre sur des
marchés mondiaux, un peu partout dans le monde. Au niveau des
retombées économiques, évidemment, à
l'intérieur du projet même on va tenter de favoriser le plus gros
contenu québécois possible. Or, on pense qu'un contenu
québécois probable pourrait être de l'ordre de 85% par
rapport au coût total du projet. La construction va entraîner la
création de 9200 emplois directs et indirects, dont 2000 sur le site
même au chantier pour construire l'usine.
L'exploitation de l'aluminerie devrait entraîner la
création de 2000 emplois directs et indirects dont 845, comme je l'ai
indiqué, à l'aluminerie même.
Évidemment les emplois créés au niveau de la
construction sont les emplois qui seront créés sur la
période de construction, c'est-à-dire à partir de 1984
jusqu'à ce que l'aluminerie fonctionne, en 1987, tandis que les emplois
d'exploitation sont des emplois qui sont créés de façon
permanente.
M. Lebel: Les retombées économiques font l'objet du
chapitre 4 de notre présentation. J'attire votre attention sur les
tableaux que nous retrouvons aux pages 51 et 52. Ces tableaux expriment les
principales retombées économiques du projet. D'abord, durant la
période de construction, les effets totaux seraient la création
de 9180 emplois ou personnes-année. Les salaires seraient de 210 000 000
$, les autres revenus bruts avant impôts seraient de 209 000 000 $ pour
une valeur ajoutée de 419 000 000 $. Les impôts payés au
gouvernement du Québec seraient de 45 000 000 $ et les revenus
d'impôts du gouvernement fédéral seraient de 65 000 000 $
au cours de la période de construction.
Le tableau 15, lui, présente ces effets, cet impact
économique. Au cours de la période d'exploitation, le projet
créerait 2030 emplois au total et il aurait une valeur ajoutée de
247 000 000 $ en dollars de 1982 sur une base annuelle et les revenus
d'impôts du gouvernement du Québec et du gouvernement
fédéral respectivement seraient de 13 000 000 $ et de 9 000 000
$.
On peut peut-être mettre au tableau les principaux intrants.
M. Nepveu: Alors les principaux...
M. Lebel: Non.
M. Nepveu: Pardon?
M. Lebel: C'est bien le tableau des intrants?
M. Nepveu: Oui, oui. À titre indicatif, comment se rend-on
jusqu'à l'aluminium de première fusion? La principale
matière première requise est l'énergie électrique.
Le projet, pour les 230 000 tonnes de capacité d'aluminium, devrait
consommer 3,1 térawattheures d'électricité. On a besoin
ensuite de coke de pétrole, 94 000 tonnes; on a besoin d'alumine, pour
produire 230 000 tonnes il en faut 450 000 tonnes. Il y a donc une relation du
simple au double entre l'alumine et l'aluminium. Il nous faut du brai, 25 000
tonnes; il faut également du fluorure d'aluminium, 4100 tonnes pour 230
000 tonnes; des anodes précuites, 119 000 tonnes; de la cryolithe, 6900
tonnes, ce qui nous amène à la cellule de réduction
d'alumine qui permet de produire 230 000 tonnes d'aluminium de première
fusion. Cet aluminium va être distribué sous forme de lingots
d'aluminium à 99,5 de contenu, donc très pur, sous forme de
billettes, de lingots d'alliage et sous forme de plaques.
M. Lebel: Le chapitre 5 parle de l'intervention de la SGF et de
l'intervention du gouvernement. C'est à la page 53, je vous
suggère de faire la lecture des quatre pages
qui traitent de ce sujet.
En avril 1982, le gouvernement du Québec, par le biais
d'Hydro-Québec, concluait une entente de fourniture
d'électricité avec la société française
Pechiney Ugine Kuhlmann en vue de l'exploitation d'une aluminerie à
Bécancour. Par ce geste, le gouvernement confirmait sa volonté de
collaborer avec Pechiney à la réalisation, au Québec, d'un
projet de développement industriel de taille mondiale, grâce aux
avantages comparatifs de ses ressources hydroélectriques.
Ce projet est estimé à 1 500 000 000 $ canadiens courants
sur la période de 1983 à 1987. Il s'agirait du plus gros
investissement industriel entrepris au Québec. Il apparaît donc
primordial de le réaliser étant donné son impact
économique, énergétique et industriel. Comme on l'a
déjà vu, compte tenu de l'importance des revenus engendrés
et des emplois créés, tant par la construction que par
l'exploitation de l'usine, le projet devrait entraîner des
retombées économiques qui sont loin d'être
négligeables pour la région de Bécancour comme pour le
Québec dans son ensemble.
Au niveau énergétique, la conjoncture des dernières
années a fait en sorte que le Québec pourra disposer, au cours de
la présente décennie, d'importants surplus
d'électricité. En répondant à la demande de
l'aluminerie de Bécancour, Hydro-Québec augmenterait le niveau
d'utilisation de ses équipements et récupérerait ainsi des
revenus qui autrement auraient pu être perdus.
Enfin, l'industrie de l'aluminium est déjà bien
implantée au Québec et son développement a
contribué de façon importante à l'essor économique
de la province. Dans la mesure où le marché mondial reprendra sa
croissance traditionnelle, il est normal que d'autres projets d'aluminerie se
réalisent au Québec, étant donné les avantages dont
le secteur y dispose.
En prenant la décision d'y investir directement en
équité, le gouvernement ferait en sorte que le projet
démarre et qu'il puisse se réaliser à un moment où
le Québec en a le plus grand besoin pour assurer sa reprise
économique. D'ailleurs, le ministre des Finances du Québec a fait
ressortir dans son discours sur le budget du 10 mai dernier l'importance
d'accélérer certains investissements manufacturiers pour stimuler
la croissance de l'économie. Dans le domaine de l'aluminium, cette
politique a déjà contribué à faire démarrer
immédiatement l'agrandissement de l'usine Reynolds à Baie-Comeau
tandis que le projet de Bécancour pourrait être entrepris sous
peu.
Son avantage comparatif en électricité et sa
proximité des grands marchés sont deux facteurs qui devraient
permettre au Québec de devenir un centre mondial de l'aluminium.
L'aluminerie de Bécancour viendrait s'ajouter à la
capacité de production déjà en place et il faut certes
envisager la réalisation d'autres projets de ce genre dans l'avenir.
La SGF, société d'État à part
entière, est devenue un des groupes industriels les plus importants au
Canada avec un chiffre d'affaires consolidé de 830 000 000 $ en 1982 et
un actif total de près de 1 000 000 000 $. Elle gère un
portefeuille d'une quinzaine de filiales et sociétés
affiliées dont certaines constituent des entreprises de grande taille
appelées à jouer un rôle prépondérant dans
leur secteur.
Forte de l'expérience qu'elle a acquise en mettant sur pied, en
finançant et en réalisant des projets d'envergure dans ses
principaux secteurs prioritaires, la SGF possède, croyons-nous, toutes
les caractéristiques pour devenir le véhicule d'intervention de
son actionnaire, le gouvernement du Québec, dans le projet d'aluminerie
de Bécancour. (13 heures)
La SGF s'est donc intéressée à ce projet et,
après en avoir discuté avec des représentants du
gouvernement, elle acceptait, sur approbation de son conseil d'administration,
de devenir le chef de file de la participation québécoise. Le 23
avril 1983, elle se voyait confirmée dans ce rôle par une
décision du Conseil des ministres. Selon sa mission fondamentale, telle
que définie dans sa charte et reprise dans son plan de
développement, la SGF doit gérer un groupe industriel
réunissant des entreprises de taille significative dans des secteurs
jugés prioritaires pour le développement économique du
Québec. L'industrie de l'aluminium constitue, il va sans dire, un
secteur prioritaire et le gouvernement l'identifiait d'ailleurs comme tel dans
son éconcé de politique économique de 1979, Bâtir le
Québec. On y présentait, en effet, l'aluminium comme offrant
probablement les plus grandes perspectives de développement au
Québec.
En participant au projet de l'aluminerie, la SGF ajouterait à son
portefeuille une entreprise de grande taille. De plus, elle prendrait pied dans
un secteur déjà bien implanté au Québec où
elle pourrait être amenée à jouer un rôle actif,
notamment, en ce qui concerne les activités de transformation de
l'aluminium en aval. Par ailleurs, ce projet s'inscrirait également dans
la poursuite des objectifs corporatifs et financiers que s'est fixée la
SGF dans son plan de développement quinquennal, à savoir: de
réaliser un rendement satisfaisant sur son capital afin d'assurer la
stabilité de ses revenus, la rendre moins vulnérable aux
fluctuations conjoncturelles et lui fournir un levier important en vue
d'investissements ultérieurs;
d'ajouter plus de stabilité à la croissance du groupe tant
en termes de chiffres d'affaires que de ressources humaines pour augmenter sa
taille et son influenc; d'être d'abord et avant tout un "holding"
manufacturier ayant 80% de ses activités dans des domaines de
fabrication; de développer une expertise nouvelle au niveau de la
technologie et de la gestion dans de nouveaux secteurs.
Enfin, étant donné l'intérêt du gouvernement
pour le projet et ses particularités au niveau financier et fiscal, la
SGF s'avérerait être un instrument privilégié pour y
assurer la participation et la coordination des intérêts
québécois.
En investissant dans l'aluminerie de Bécancour, la SGF
diversifierait son portefeuille, y ajoutant un cinquième secteur
prioritaire, celui de l'aluminium. Si le projet était
complété et que la SGF y participait pour un tiers, elle pourrait
ajouter quelque 500 000 000 $ à ses actifs totaux consolidés.
L'aluminerie fonctionnant à pleine capacité et produisant 230 000
tonnes d'aluminium par année, la SGF serait en mesure d'augmenter son
chiffre d'affaires consolidé de quelque 220 000 000 $ et ses profits
nets d'environ 25 000 000 $.
Après avoir accepté d'être chef de file, la SGF a
entrepris l'étude du projet en vue d'en établir la structure,
d'en préciser les modalités de financement et de délimiter
les paramètres d'un accord cadre à intervenir avec le groupe
français. Même si le projet n'a pas encore atteint un stade
irréversible, la SGF et Pechiney ont signé un
énoncé d'intentions pour permettre, le cas échéant,
le début des travaux de réalisation en 1984.
Les prochaines étapes cruciales à franchir pour assurer la
concrétisation du projet sont les suivantes: amendements à la loi
la SGF, signature d'un accord avec SGF et Pechiney, signature de l'accord-cadre
à l'automne et, finalement, le financement de la dette.
M. le Président, j'aimerais avoir votre directive. Il me
resterait 15 à 20 minutes de présentation.
Le Président (M. Gagnon): 15 à 20 minutes, la
commission est d'accord. Allez-y, M. Lebel.
M. Lebel: Le chapitre 6 présente la structure juridique et
financière du projet. Je n'ai pas envie de lire ce document, qui est
long. Je veux attirer votre attention sur deux particularités, j'oserais
même dire particulières, de la structure dont nous avons
discuté et entrepris de négocier avec le groupe Pechiney. Cette
particularité vient essentiellement du fait que le projet veut utiliser
l'indivision et une autre caractéristique juridique: la
société en commandite pour regrouper les intérêts
québécois. Évidemment, mis sur un tableau, cela donne le
tableau que vous avez devant les yeux. Je vais essayer de vous expliquer en
quelques mots, les plus simples possible, ce que veut dire l'indivision. Cela
veut dire essentiellement que deux, trois ou quatre partenaires - cela n'a pas
d'importance -décident de bâtir une usine sur laquelle ils auront
chacun une part théorique, et non une part physique, une usine qu'on ne
divisera pas, une usine qu'on ne pourra pas vendre en morceaux ou en
pièces détachées, une usine à l'égard de
laquelle personne ne pourra dire: "Les deux premiers pots m'appartiennent" ou:
À l'égard de laquelle "Le premier étage des bureaux
m'appartient" ou: "L'usine qui prépare les alliages de carbone
m'appartient". L'ensemble est indivisé et indivisible. Ce dont
conviennent les partenaires en indivision, c'est de bâtir le projet et de
le faire servir à une fin explicite. La fin explicite, c'est
évidemment de produire 230 000 tonnes d'aluminium à compter de
1987.
À cette fin, chaque partenaire fournira à cette usine
l'alumine nécessaire à la production de l'aluminium. Au bout de
la chaîne, chaque partenaire reprendra son aluminium et le vendra. Avec
cette réserve, nous nous sommes assurés de pouvoir, par contrat,
vendre notre aluminium à Pechiney contre une rémunération
de vente, bien sûr.
Cela donne comme résultat un certain nombre de structures
compliquées. Je vais vous donner les avantages que semble
représenter l'indivision. Incidemment, nous avons déà
convenu avec Pechiney que nous étions d'accord pour aller de l'avant
avec un projet en indivision. Dans l'indivision, si on la compare à une
compagnie à responsabilité limitée, d'abord, les biens du
projet n'appartiennent pas à une entité juridique. Ils sont la
propriété directe des participants qui sont en arrière,
tandis que, dans la société à responsabilité
limitée, les biens du projet appartiennent à la compagnie qui a
son patrimoine propre.
La deuxième caractéristique est la transparence fiscale.
En indivision, les résultats financiers et fiscaux de l'exploitation
remontent à chacun des participants et ils sont leur résultat
propre. Le participant en est directement comptable pour fins fiscales. On
maintient l'exonération fiscale des participants qui sont non imposables
et les participants imposables ont le bénéfice direct des
avantages fiscaux reliés au projet.
Dans une société ordinaire, les résultats
financiers et fiscaux de l'exploitation sont ceux de la compagnie et elle est
la seule à en être comptable pour fins fiscales. Les actionnaires
non imposables perdent leur exonération fiscale dans la compagnie
dès que les actions de la compagnie sont
possédées par plus d'un actionnaire.
L'indivision permet aussi l'indépendance fiscale. Chaque
participant peut avoir sa propre politique fiscale. Le meilleur exemple est en
matière d'amortissement. Dans le cas d'une compagnie ordinaire, la
compagnie établit sa politique fiscale indépendamment des
intérêts des actionnaires.
Le quatrième avantage de l'indivision est l'indépendance
financière. C'est un très grand avantage. Chaque participant se
finance en effet comme il l'entend. Il décide seul de l'identité
des banquiers, du ratio dette-équité qu'il va adopter, des taux
d'intérêt fixes ou flottants, des échéances, de la
monnaie dans laquelle il va emprunter et la responsabilité
financière de chaque participant est limitée à son propre
financement. Elle ne porte pas sur l'ensemble de la société comme
cela pourrait être le cas autrement.
La société en commandite est la formule à
l'intérieur de laquelle la SGF aurait l'intention de regrouper les
intervenants québécois. La SGF a en effet pour objectif d'attirer
à l'intérieur de sa part québécoise d'autres
intervenants privés et publics, si le cas se présente. Les
avantages de la formule de la société en commandite sont que
c'est d'abord une société à responsabilité
limitée; dans ce sens, c'est la même chose qu'une compagnie
à responsabilité limitée. Chaque associé
commanditaire est responsable des dettes de la société seulement
jusqu'à concurrence de sa contribution au fonds social. Chaque
associé commandité est responsable de toutes les dettes de la
société. Lorsqu'un associé commandité est
lui-même une compagnie à responsabilité limitée, sa
responsabilité est limitée à ses propres actifs, qui
peuvent cependant être maintenus à un niveau très bas.
La deuxième caractéristique est qu'elle permet
également la transparence fiscale. La société comme telle
ne paie pas d'impôt. Les revenus et les pertes sont ceux de la
société, mais pour fins fiscales, elle remonte directement aux
associés ou aux partenaires que la SGF aurait à
l'intérieur de la société en commandite. Les
associés sont donc des entreprises qui sont des entreprises imposables
et qui peuvent bénéficier directement des déductions de
perte, des crédits d'impôt à l'investissement et de
l'épuisement gagné relié au projet. Il y a là
matière à attirer certains partenaires du privé qui
pourraient par exemple profiter de certaines exonérations fiscales et
cela maintient l'exonération fiscale des associés non
imposable.
Ce que cela va donner, si cela se fait de façon finale, c'est une
structure aussi complexe que celle que vous voyez sur le tableau. Je vous
indique par exemple que cela a l'air peut-être plus compliqué que
ce ne l'est en réalité. Il y a là-dedans des
sociétés de papier, il y a des sociétés
opérationnelles. Nous n'avons aucune objection à vous expliquer
tout cela avec plus de détails et à préciser tous les
rôles de chaque intervenant dans cette structure complexe au cours de la
période de questions qui suivra.
Quant au financement, j'aimerais lire le texte qu'on retrouve aux pages
67 et 68. J'aimerais terminer ma présentation de toute manière en
vous lisant le reste du texte. Je suis à la page 65, financement de
l'intervention québécoise.
Selon les hypothèses actuelles, la société en
commandite investirait jusqu'à 150 000 000 $ en fonds propres,
représentant 30% de sa mise de fonds totale dans le projet. Quant au
solde de 350 00 000 $, il proviendrait d'emprunts effectués par
l'intermédiaire d'un syndicat bancaire sur les marchés financiers
canadiens et internationaux.
La stratégie de financement considérée est du type
"financement en recours limité", en vertu duquel les partenaires
investisseurs doivent garantir le financement du projet durant la
période de construction jusqu'à ce que certaines conditions de
parachèvement aient été satisfaites, après quoi le
projet se garantit lui-même, par ses actifs et sa rentabilité.
Dans ce contexte, puisque le gouvernement du Québec propose de
garantir le service de la dette de la compagnie financière durant la
construction, le financement de l'intervention québécoise
pourrait se faire selon un rapport dette/équité de l'ordre de
70/30. Avec l'avancement du projet, le rapport dette/équité
tendrait vers 50/50, ce qui pourrait être atteint d'autant plus
rapidement que des partenaires se joindraient au projet. Lorsque cela serait le
cas et que les travaux seraient parachevés, c'est-à-dire que
l'usine serait complétée et répondrait à certains
tests de parachèvement, la garantie gouvernementale pourrait tomber et
la dette deviendrait garantie par la seule viabilité financière
du projet.
Afin d'assurer la réalisation du projet dans le cadre de la
structure juridique et financière décrite ci-dessus et
d'optimiser l'intervention québécoise, quelques amendements
à la charte de la SGF sont requis.
Il convient tout d'abord de préciser dans la charte de la SGF que
cette dernière peut investir dans le secteur industriel de l'aluminium
et dans les champs d'activité commerciale directement reliés
à ce secteur.
En effet, l'importance de l'investissement de même que la
nécessité de rassurer les partenaires et les bailleurs de fonds
du projet rendent souhaitable que l'intervention de la SGF soit
expressément
autorisée dans le cadre de la loi constitutive.
Quant au fonds social, il convient ensuite d'augmenter le fonds
autorisé de la SGF et d'autoriser le ministre des Finances à
souscrire en actions ordinaires de la société le montant de cette
augmentation.
On notera que les fonds provenant de cette augmentation du fonds social
sont spécifiquement destinés, de par le texte même de la
loi, à un projet d'aluminerie à Bécancour.
La charte de la SGF ne contient pas de dispositions
générales permettant au gouvernement de garantir les engagements
financiers de la SGF.
Il convient donc d'apporter un amendement à la loi de
manière à permettre spécifiquement au gouvernement de
garantir les engagements financiers contractés par la SGF, ou par une
filiale dont elle détient plus de 50% des actions, pour
l'établissement ou le financement de l'aluminerie dans la région
de Bécancour.
Bien que le Code civil contienne une disposition traitant de
l'indivision, il apparaît nécessaire de prévoir avec plus
de clarté et de précision qu'un projet industriel de l'ampleur de
l'aluminerie envisagée pourrait appartenir par indivision à
plusieurs propriétaires.
L'amendement législatif vise particulièrement à
préciser que le fait que les copropriétaires indivis passeraient
entre eux des conventions pour régir leurs droits dans l'indivision
n'aurait pas pour effet de transformer cette indivision en
société.
De plus, on prévoit spécifiquement que les
copropriétaires indivis pourraient reporter pour une période
déterminée n'excédant pas 30 ans, avec renouvellement, le
partage des actifs indivis. Sans cette précision, le financement du
projet serait à toutes fins utiles irréalisable. (13 h 15)
Le dernier chapitre, enfin traite de la rentabilité du projet. Il
met en exergue, d'abord à la page 71, une ventilation des coûts de
construction du projet et c'est la première fois que vous allez voir
apparaître un chiffre plus précis que 1 500 000 000 $. Nous
estimons en effet pouvoir réaliser le projet à 1 410 000 000 $ en
dollars canadiens courants, ce qui représenterait pour le groupe
québécois une part réelle, si elle devait être du
tiers, de 470 000 000 $. La ventilation de ces coûts est, en terrains et
bâtiments de 300 000 000 $; en équipements et technologie, de 730
000 000 $; en démarrage, de 70 000 000 $; en intérêts
durant la période de construction, 150 000 000 $; en fonds de roulement
initial, 160 000 000 $. J'imagine que la discussion de cet après-midi
permettra de préciser les hypothèses sur lesquelles
l'étude de rentabilité qui est présentée à
ce chapitre 7 ont été fondées.
Je me contente, en terminant, d'attirer votre attention sur les deux
conclusions très simples de cette étude de rentabilité.
C'est que le projet aurait un taux de rendement interne de 17,4%, un taux de
rendement sur l'équité de 22,1%. Nous voyons, à compter de
la page 73 ou à la page 74, certaines études de
sensibilité que nous avons fait subir au projet. Dans le tableau de la
page 16, vous retrouverez notre cas de base, qu'on appelle le "gars" de base,
qui donne un taux de rendement interne de 17,4% et un taux de rendement sur
l'équité de 22,1%.
Si nous faisions l'hypothèse... Par exemple, ce qu'on trouve dans
le scénario À, que l'inflation pourrait être... Si la
croissance des prix de l'aluminium, au lieu d'être de 1% au-dessus de
l'inflation, elle était à 2% au-dessus de l'inflation au cours de
cette période, le taux de rendement interne deviendrait de 21% et le
taux de rendement sur l'équité de 28,7%. Mais, par contre, si le
prix de l'aluminium tombait à l'inflation, le taux de rendement interne
tomberait, lui, à 13,2% et le rendement sur l'équité
à 15,2%. Ces études de sensibilité indiquent ceci,
à toutes fins utiles, et c'est le dernier paragraphe du document:
L'analyse de sensibilité fait ressortir que la rentabilité du
projet est particulièrement sensible à l'évolution du prix
de l'aluminium et à l'inflation. Elle l'est moins aux variations du taux
de change, mais, comme il fallait s'y attendre, elle réagit
évidemment très fortement et proportionnellement à
l'augmentation des coûts du projet et à des délais de
construction. Le cas extrême que nous avons étudié, en
effet, est un cas où les coûts de construction seraient de 20%
supérieurs à ce qui est prévu présentement et que
nous devrions ajouter un délai d'un an à la période de
construction, ce qui ferait que nous commencerions la production en 1988, au
lieu de commencer en 1987.
M. le Président, je vous remercie de votre attention et je vous
assure de la disponibilité des représentants de la SGF à
répondre à toutes les questions que la commission voudra lui
poser, dans la mesure, bien sûr, où nous avons les réponses
aux questions qui nous seront posées. Merci.
Le Président (M. Paré): Merci beaucoup, M. Lebel,
pour votre présentation. Je crois que vous allez avoir à
répondre aux questions des membres de la commission à compter de
15 heures. Donc, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15
heures.
(Suspension de la séance à 13 h 19)
(Reprise de la séance à 15 h 13)
Le Président (M. Paré): À l'ordre, mesdames
et messieurs. La commission élue
permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme reprend ses
travaux dans le but d'entendre la Société générale
de financement en regard du projet de loi no 10, Loi modifiant la Loi sur la
Société générale de financement du Québec.
À la suspension de nos travaux ce matin, nous avions entendu M. Lebel
faire son exposé. Nous sommes maintenant prêts pour la
période des questions. La parole est à vous, M. le ministre.
M. Biron: M. le Président, il y aurait seulement un point
particulier sur lequel je voudrais revenir afin d'éclairer cette
commission parlementaire. Ensuite, je permettrai à mon collègue
de Mont-Royal de poser ses questions. Je voudrais que vous nous parliez un peu
plus des capacités de production qui ont fermé au cours des deux
dernières années, c'est-à-dire depuis la crise
économique dans le monde. On avait une capacité de 16 000 000 de
tonnes environ de disponibles, il y a deux ans, peut-être 14 000 000.
Vous avez les chiffres quelque part dans votre mémoire. Il y en a
à la fois au Japon et dans le sud des États-Unis, de ces
alumineries qui ont fermé et qui ne rouvriront pas. En même temps,
cela vous permettrait de nous parler un peu plus de la possibilité du
marché au cours des prochaines années - vous en avez, d'ailleurs,
traité dans votre intervention avant le repas - ainsi que des
capacités de production qui sont occupées au Québec ou au
Canada, mais le Canada c'est surtout le Québec, car c'est 75% de la
production canadienne. Est-ce que vous pourriez nous parler un peu plus de ce
sujet?
Le Président (M. Paré): M. Lebel.
M. Lebel: Oui, M. le Président. Le tableau 4 de la page 22
donne une répartition de la capacité de production d'aluminium
des pays non communistes en pourcentage de la capacité totale. En bas de
ligne, sous le total, nous avons les capacités mondiales pour 1977,
1980, 1982 et 1990: 12 995,000 tonnes en 1977; 13 294 000 tonnes en 1980; 14
059 000 tonnes en 1982; en 1990, la capacité mondiale serait de l'ordre
de 16 143 000 tonnes dans les pays non communistes. Il n'existe pas de
statistiques pour les pays communistes.
On voit dans la répartition en pourcentage sur ce tableau que,
dans une première phase, c'est-à-dire de 1950 à 1977, les
capacités se sont principalement installées dans les pays
industrialisés. On observe depuis ce temps une certaine transformation
structurelle des capacités. Ce qui en ressort, c'est que le Canada
maintiendrait sa position selon les prévisions actuelles; cela
diminuerait légèrement aux États-Unis. Le Japon fait une
chute considérable des capacités n'ayant pas d'alumine et ayant
une énergie électrique à des taux très
élevés. D'ailleurs, le mouvement de fermeture est amorcé
aux États-Unis. En Europe, cela se maintiendrait avec une
légère baisse et il y aurait l'arrivée de nouveaux
producteurs. L'Australie prend de l'importance, passant de 2 000 000 de tonnes
en 1977 à 7 000 000 de tonnes en 1990, certains autres projets, comme
Tomago, pouvant se réaliser dans la période de 1982 à
1990. Il y a un bloc "autres pays", dans lequel on retrouve le Brésil,
l'Indonésie et la Guinée, qui connaîtraient les plus fortes
augmentations jusqu'en 1990.
Ce tableau illustre assez bien la transformation structurelle qui s'est
implantée dans ce secteur d'activité économique mondiale.
Les diminutions de capacité les plus dramatiques qui sont connues au
moment où on se parle sont, évidemment, celles du Japon où
il y a eu la fermeture et la mise en veilleuse de grandes alumineries. Il y en
a eu d'autres un peu partout dans le monde et il y en a sur la côte ouest
des États-Unis.
Le Président (M. Paré): M. le ministre.
M. Biron: Est-ce qu'on sait exactement quelle importance ont eue
les fermetures au Japon et aux États-Unis en milliers de tonnes?
Une voix: Oui.
M. Biron: M. Lefebvre?
M. Lefebvre (Jacques): Au Japon, la capacité était
de 2 000 000 de tonnes et il y a présentement 1 500 000 tonnes
fermées. Sur le marché mondial, la capacité est d'environ
14 000 000 de tonnes et il y avait presque 4 000 000 de tonnes de
capacité de fermées à la fin de 1982, début 1983.
Dans le milieu des alumineries, on croit que plus de 1 000 000 de tonnes seront
définitivement fermées.
M. Biron: Dans les chiffres que vous nous présentez, vous
tenez compte des fermetures et des réouvertures ailleurs.
M. Lefebvre: Oui.
M. Lebel: Le tableau 6 à la page 24, M. le
Président, illustre assez bien ce qui se passe. C'est le tableau des
capacités utilisées de 1977 à 1987. À cause des
facteurs de localisation - c'est uniquement cela, car l'aluminium se vend
à peu près le même prix partout au monde; il se vend en
dollars américains et, lorsque les monnaies baissent, il y a
réajustement; c'est vraiment une commodité internationale - on
voit que la
capacité des installations canadiennes a été
très fortement utilisée malgré la récession
récente: 92% en 1977, 99% en 1978; en 1979, c'est la grève de
l'Alcan qui explique la chute de l'utilisation de capacité; 100% en
1980; 100% en 1981, 88% en 1982, alors que la moyenne mondiale est à 75%
d'utilisation de la capacité. Nous repassons dès 1983 à
90% d'utilisation de la capacité alors que la moyenne mondiale
traîne un peu la patte à 79%. Nous pensons - et nous ne sommes pas
les seuls à penser cela - que, pour la période 1983, 1984, 1985,
nous obtiendrons des utilisations de capacité d'environ 97% ou 98%, ce
qui est une utilisation de la pleine capacité de production.
Ce tableau illustre les difficultés que d'autres producteurs,
à cause des coûts d'énergie, à cause d'une mauvaise
localisation, encourent et fait comprendre le phénomène qui se
passe, soit le phénomène de fermeture de capacité à
certains endroits au profit de l'ouverture de capacité plus efficace
dans des pays plus avantagés, notamment au Québec à cause
de l'avantage de l'électricité.
M. Biron: Vous dites donc que le coût d'exploitation est
responsable des baisses de production ailleurs, du fait que ces gens-là
doivent payer leur électricité plus cher qu'au Québec,
à cause des avantages certains qu'à la fois Reynolds et Alcan ont
présentement et possiblement Pechiney-SGF, si cela se concrétise.
Cela veut dire que l'électricité est un facteur important,
très important dans la capacité de production
employée.
M. Lebel: L'électricité est un facteur très
important dans la capacité de production. On peut le souligner d'une
autre manière aussi, c'est que le prix de l'alumine, un autre intrant
très important dans le coût d'une tonne d'aluminium, peut
représenter entre 25% et 30% du coût total d'une tonne
d'aluminium. Cet intrant-là fluctue en fonction du prix de vente de
l'aluminium. La plupart des contrats d'approvisionnement en alumine sont
basés sur le prix de vente de l'aluminium. C'est plus qu'une tendance;
la réalité est que l'alumine coûte ordinairement entre 13%
et 14% du prix de vente de l'aluminium. Ce prix fluctue aussi rapidement que
fluctue le prix de vente de l'aluminium, de sorte que cela illustre davantage
l'autre facteur important, l'autre facteur clé qui a un poids
considérable sur le résultat final des alumineries. Il est facile
de comprendre qu'il se produit à ce moment-là un
phénomène de fermeture. Nous avons vu ce matin, dans un graphique
que nous avons exposé à l'avant, qu'en comparant les alumineries
dans le monde sur la base des dollars de 1982 à l'année 1980, ils
se situent sur une courbe qui va de 850 $ la tonne, coût de fabrication,
à 2100 $ la tonne. Ce sont les coûts de fabrication, on n'a pas
encore fait d'allocation pour le coût en capital. On n'a pas payé
les frais d'intérêt sur la dette de l'aluminerie.
Évidemment, quand les prix de vente de l'aluminium se situent au
prix de liste ou sur le "spot" à 1500 $ ou 1600 $ la tonne, toutes les
alumineries qui ont des coûts -c'est au moins 25%, cela peut être
30% - de production supérieurs à 1500 $ la tonne perdent de
l'argent chaque fois qu'elles produisent une livre additionnelle d'aluminium.
Il y en a, surtout dans une conjoncture aussi basse que celle qu'on a connue en
1982, qui ne sont absolument pas capables de résister. Il faudrait
pomper de l'argent toutes les fois qu'on produit une livre additionnelle
d'aluminium. Il y en a qui ferment. Comme les perspectives à moyen et
à long terme ne permettent pas de penser que cela va se rétablir
à un point tel que des alumineries pourraient être rentables avec
des coûts de production qui dépassent 1400 $ la tonne, par
exemple, il est tout à fait compréhensible qu'il y ait des
entreprises qui décident de fermer définitivement et de changer
leur stratégie d'approvisionnement en aluminium.
Certains pays peuvent le faire plus facilement parce que les
véritables effets en aval de l'industrie de l'aluminium, on les trouve
dans des industries qui conviennent très bien à de très
grandes économies industrialisées. L'industrie de l'automobile,
l'industrie de l'avionnerie, l'industrie des produits ménagers, etc.,
utilisent beaucoup d'aluminium. Dans la mesure où vous avez affaire
à une économie très fortement industrialisée comme
celle des États-Unis et celle du Japon, vous pouvez peut-être
penser à fermer des capacités d'aluminerie et de fusion, importer
votre aluminium et, tout compte fait, être dans une bonne position au
point de vue du commerce international. Vous achetez des lingots d'aluminium et
vous exportez des automobiles, ou des produits ménagers, ou des avions.
C'est le contexte général dans lequel cette dimension de la
capacité des alumineries se situe. Il indique essentiellement que les
pays profitant d'un avantage énergétique et, donc, de la
possibilité d'offrir des approvisionnements en électricité
à long terme, à des bons coûts, ont une place très
importante et sûre à l'intérieur du secteur de la
transformation ou de la fusion de l'aluminium.
M. Biron: M. le Président, j'aurais d'autres questions,
mais je veux permettre à mon collègue de Mont-Royal de poser ses
questions.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président.
D'abord, je ne blâme pas la Société
générale de financement pour la situation actuelle, mais on nous
demande de tenir cette commission parlementaire pour étudier le
mémoire de la SGF sur un projet de 1 500 000 000 $. Si je comprends
bien, vous appelez la deuxième lecture demain. Je voudrais souligner au
ministre que ce n'est pas une façon responsable de procéder. Il
est 15 h 30 et on ne pourra pas examiner à fond ce mémoire, on
n'en aura pas le temps. Si le gouvernement avait appelé le projet de loi
la semaine prochaine, cela nous aurait donné plus de temps pour
interroger les membres de la SGF et étudier le mémoire qu'il nous
ont présenté ce matin. Mon collègue d'Outremont me
souligne que, demain matin, la commission parlementaire sur Hydro-Québec
siégera. Alors, j'inviterais le ministre à y
réfléchir et à réagir à notre demande.
En premier lieu, je voudrais faire un survol de certaines questions sur
lesquelles je voudrais avoir certaines informations précises parce que,
si on a la deuxième lecture demain, on n'aura pas la possibilité
d'y revenir pour examiner tous les différents aspects du mémoire.
Après, on pourra revenir sur les différentes parties du
mémoire telles qu'elles ont été expliquées par M.
Lebel ce matin.
Premièrement, avez-vous une étude de faisabilité
sur le projet et qui l'a faite? (15 h 30)
M. Lebel: II y a une étude de faisabilité sur le
projet. Elle a été réalisée au cours des deux
dernières années par Pechiney. Cette étude de
faisabilité nous a servi d'étude de base pour la plupart de nos
travaux. Elle est présente, bien sûr, dans les projections que
nous vous présentons. Par exemple, les variables comme les coûts
de production et de construction de l'usine viennent de cette étude de
faisabilité.
M. Ciaccia: Est-ce que c'est possible d'en obtenir une copie? Je
sais qu'on ne peut pas la déposer en commission parlementaire, mais, si
vous en avez une copie, on pourrait en prendre connaissance.
M. Lebel: L'étude à proprement parler, au moment
où on se parle, ne nous appartient pas, mais nous y avons eu
accès. Je n'aurais aucune objection à la mettre à la
disposition des membres de la commission pour qu'elle puisse être
consultée. Il s'agit d'organiser cela. Il n'y a rien à cacher
là-dedans. Il s'agit seulement de l'utilisation d'un document qui ne
nous appartient pas nécessairement. Cela pourrait être
gênant de le déposer comme s'il nous appartenait.
M. Ciaccia: Mais vous avez une copie du document?
M. Lebel: Nous en avons une copie. Je dis, en plus, que cela a
quand même influencé assez considérablement l'étude
que nous vous avons présentée, parce que la partie coûts de
construction, par exemple, vient de cette étude de rentabilité.
Je peux ajouter que nous avons - sans refaire une étude de
faisabilité - ajouté à cette étude de
faisabilité nos propres intrants. Nous avons un spécialiste de
l'aluminium qui travaille pour nous à la SGF depuis que nous sommes
impliqués dans le projet. Il s'agit de M. Bruce Allen, qui est
l'ex-président de la division aluminium de Noranda. C'est la personne
qui a été, à toutes fins utiles, responsable de mettre sur
pied la division de l'aluminium pour Noranda. C'est lui qui est notre
conseiller en matière d'aluminium et c'est lui qui, avec nos services,
est passé à travers l'étude de faisabilité dont
nous avons pu disposer. Ces examens, les nôtres comme ceux de notre
spécialiste, confirment qu'il s'agit d'une étude de
faisabilité réaliste.
M. Ciaccia: M. le Président, je ne sais pas si je devrais
adresser cette question au président de la SGF, M. Lebel, ou bien au
ministre, mais on nous dit qu'il y a une étude de faisabilité, on
nous dit que la SGF en a une copie, mais on nous dit qu'on ne peut pas nous
transmettre une copie parce que ce n'est pas censé être la
propriété de la SGF. Cela soulève toute la question du
rôle des sociétés d'État. Comment voulez-vous qu'on
puisse vraiment examiner ce projet de loi, examiner le mémoire, si on ne
peut étudier le document de base qui est l'étude de
faisabilité? Il me semble que le ministre pourrait nous en obtenir une
copie avant la deuxième lecture demain matin afin qu'on puisse en
prendre connaissance, spécialement si la SGF l'a déjà en
sa possession, et elle l'a.
Le Président (M. Paré): M. le ministre.
M. Biron: M. le Président, on revient un peu à une
discussion que nous avions, le député de Mont-Royal et moi,
à l'occasion de la commission parlementaire sur SIDBEC, alors qu'on
discutait de certains documents qui étaient la propriété
de SIDBEC-Normines, donc, d'autres partenaires du secteur privé. Dans
ces documents, c'est une société d'État qui intervient -
exemple, la SGF dans ce cas particulier - mais en association avec des
entreprises privées qui, en temps normal et selon une bonne conduite des
affaires dans ce domaine, ne publient pas ces documents de travail ou ces
études de faisabilité pour le grand public. C'est un peu dans ce
sens-là, je crois, que le président de la SGF a répondu
à la question du député de Mont-Royal tout à
l'heure en disant: On n'a pas d'objection à ce que les membres de la
commission parlementaire prennent
connaissance de notre étude de faisabilité.
Mais plus que cela, c'est difficile et c'est même impossible dans
certains cas de prendre un document qui appartient à une entreprise
privée et de le rendre public de sorte que des compétiteurs de
cette entreprise privée, finalement, auront en main toutes les
études de faisabilité ou d'autres genres d'études ou de
documents qui sont toujours, habituellement, la propriété
exclusive d'entreprises. Alors, la Société générale
de financement veut se comporter, dans ce cas-là, comme une bonne
entreprise privée qui a des relations avec une autre entreprise
privée. Mais, en même temps, elle doit se présenter devant
la commission parlementaire pour répondre à des
représentants, à des actionnaires qui sont la population du
Québec.
À ce sujet, je voudrais ajouter, avant de terminer sur cette
question, à l'intention du député de Mont-Royal, qu'il y a
plusieurs années, alors que j'étais dans l'Opposition, j'avais
suggéré qu'on forme une commission parlementaire spéciale
qui étudierait des rapports de sociétés d'État,
mais une commission parlementaire qui se déroulerait à huis clos.
Au cours des travaux de cette commission parlementaire, autant les
députés de l'Opposition que ceux du gouvernement pourraient
interroger les gens des sociétés d'État, mais, toujours,
encore une fois, sous le sceau du huis clos afin qu'on puisse protéger
les données qui sont confidentielles dans ce domaine économique,
particulièrement lorsqu'on fait affaires avec de grandes entreprises.
Or, à l'époque, le Parti libéral, je pense, s'était
opposé à ce qu'on puisse procéder à huis clos et,
finalement, cela n'a débouché nulle part. On n'a pas repris la
discussion au cours des dernières années. Je veux faire part de
cela au député de Mont-Royal. Il y aurait peut-être lieu,
un jour, que l'Assemblée nationale ou qu'une commission spéciale
se penche sur ce problème et qu'on puisse déboucher sur des
travaux au cours desquels on pourrait informer tous les députés
de l'Assemblée nationale, donc ceux de l'Opposition, mais en faisant en
sorte aussi de protéger les données confidentielles des
entreprises.
M. Ciaccia: M. le Président, je ne peux pas accepter le
principe qu'une étude qui est faite pour engager des fonds publics de
l'ordre de 5Q0 000 000 $ n'appartienne pas à la Société
générale de financement ou au gouvernement du Québec qui
avancera les 500 000 000 $. On me dit que cela appartient à Pechiney et
que c'est un document privé. Pechiney vient chercher des fonds publics.
On est appelé, nous, à prendre une décision: oui ou non,
est-ce que nous allons approuver une dépense de 500 000 000 $ ou plus et
nous faire dire que les documents sur lesquels on se basera pour prendre cette
décision ne nous appartiennent pas? Je pense que cela faussera le
débat. Je ne pense pas qu'on puisse accepter cela comme principe de
base. Si Pechiney vient chercher des fonds publics, je pense qu'il faut qu'elle
soit assujettie aux règles. Il faut que la documentation soit
regardée et examinée. C'est pour cela que je l'ai dit au
début de mon intervention, dans mes remarques préliminaires: II
faudra que les administrateurs s'assujettissent à un examen de ces
documents par les représentants de la population.
M. Biron: M. le Président, là-dessus, mon attitude
est plus ouverte que celle de tous mes prédécesseurs sans
exception, incluant les ministres libéraux qui sont passés
à la tête du ministère de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme. On dit aux députés de l'Opposition: II y a des
documents que vous pouvez consulter. Autrefois, je le sais, j'ai vécu
dans l'Opposition, on ne pouvait pas consulter ces documents-là.
Maintenant, je dis que ce sont des documents que vous pouvez consulter, mais ce
sont des documents qui appartiennent conjointement à la fois à la
Société générale de financement et à
Pechiney. Si ces documents étaient publiés et tombaient entre les
mains de compétiteurs de Pechiney et de la SGF, cela pourrait nuire au
développement, à la profitabilité et à la
production normale d'une entreprise.
M. Ciaccia: Je m'excuse de vous interrompre. Vous venez de dire
que le document appartient conjointement à la SGF et à Pechiney.
Autrement dit, le document appartient maintenant à la SGF aussi.
M. Biron: C'est-à-dire que ce sont des documents qui, au
départ, ont été faits par Pechiney. C'est sûr que,
lorsqu'on parle d'association entre les deux entreprises, il y a un certain
climat de confiance qui doit exister. Il y a donc certains documents qui ont
été la propriété de Pechiney qui ont
été en quelque sorte mis entre les mains des gens de la
Société générale de financement, mais toujours en
s'assurant que ces documents ne passeraient pas, demain matin, dans les mains
de compétiteurs. À ce point de vue, si on rend les documents
publics -d'ailleurs, cela a été ma position pour d'autres
sociétés d'État; c'est encore la même pour
celle-là - qu'on fasse en sorte d'informer le mieux possible les membres
de la commission parlementaire, donc les membres de l'Opposition autant que les
membres du gouvernement, mais qu'on protège la confidentialité de
données précises qui appartiennent à des entreprises qui
doivent oeuvrer selon les règles normales de la compétition.
M. Ciaccia: M. le Président, je ne veux pas faire un
débat, un "filibuster" là-dessus, mais je veux souligner le point
suivant. C'est trop facile de dire: Écoutez, l'étude de
faisabilité contient des informations que Pechiney ne veut pas
dévoiler à ses compétiteurs, et d'utiliser cela comme
excuse pour qu'on n'examine pas un document de base. Je pense que c'est
élémentaire pour nous de voir ce document. Vous nous dites qu'il
n'est pas disponible pour nous et qu'on ne peut pas le voir avant
l'étude en deuxième lecture du projet de loi. Est-ce exact?
M. Biron: Je vous dis que vous pourriez le consulter dans les
mains des gens de la Société générale de
financement.
M. Ciaccia: Mais, on ne peut pas obtenir une copie du
document.
M. Biron: Non.
M. Ciaccia: On va revenir sur cela, si on en a le temps, avant
que la commission parlementaire termine ses travaux. M. Lebel, quelles ententes
écrites avez-vous avec Pechiney? Quelles ententes écrites
existent avec Pechiney?
M. Lebel: Nous avons échangé avec Pechiney,
à ce jour, un énoncé d'intention. Il s'agit d'une lettre
de M. Besse, le président de Pechiney, à laquelle j'ai
répondu. L'essentiel de ce document, de cette lettre, porte sur les
trois questions suivantes: 1-Nous avons échangé un certain nombre
d'informations et, sur la base des informations échangées, nous
serions disposés à aller de l'avant dans la réalisation
d'un projet d'aluminerie à Bécancour d'une capacité de 230
000 tonnes, etc, etc. 2-Nous reconnaissons dans cet échange de lettres
que le mode de l'indivision serait une formule que nous accepterions pour
réaliser le projet avec Pechiney. 3- Nous convenions, dans le but de
respecter un échéancier serré de réalisations - il
faut bien réaliser ici que, si on commençait le projet une
année plus tard sur l'échéancier, nous perdrions une
année de bénéfice de réduction des tarifs
d'électricité - d'autoriser, chacun pour notre part, une
dépense totale de 5 000 000 $ en travaux préliminaires sur le
site et en travaux d'ingénierie.
M. Ciaccia: Est-ce qu'il serait possible d'avoir une copie de
cette lettre? Est-ce une lettre d'intention?
M. Lebel: C'est une lettre. On l'appelle un énoncé
d'intention. On a ici des copies de cette lettre. Je n'ai pas d'objection.
M. Ciaccia: Est-ce qu'on pourrait en avoir une copie, s'il vous
plaît? M. Lebel: Oui.
M. Ciaccia: Alors, pendant qu'on distribue les copies, je
pourrais procéder à une autre question: le coût de
construction. Qui est arrivé à ce coût de construction? Qui
a fait cette estimation?
M. Lebel: Le coût de construction de l'usine, du projet,
est effectivement une donnée de l'étude de "factibilité",
dans le langage de Pechiney, dont on parlait tout à l'heure. Nous
n'avons pas eu le temps, nous, de procéder à une étude de
"factibilité". Il faut bien réaliser que Pechiney a eu
au-delà d'un an pour mettre au point cette étude de
"factibilité" qui date de 1982. Nous avons procédé
à certaines vérifications que nous pouvions faire de
l'étude de "factibilité" qu'on nous a permis de consulter et dont
nous pouvons nous servir. (15 h 45)
Comme je le disais tout à l'heure, les examens auxquels nous
avons pu procéder jusqu'ici, examens que nous allons poursuivre
parallèlement à la négociation que nous poursuivons avec
Pechiney, nous indiquent que les coûts du projet sont dans l'ordre des
coûts de l'étude de "factibilité".
M. Ciaccia: Naturellement, il n'y a aucune garantie par Pechiney
ou autres que le coût de construction de l'usine ne dépassera pas
1 500 000 000 $.
M. Lebel: On me suggère que je pourrais ajouter que
l'étude a été faite en partie par un ingénieur
canadien, de la firme SNC, qui a de l'expérience dans la construction
des alumineries. Cela donne une garantie additionnelle que l'étude a
été faite sur des bases réalistes.
M. Ciaccia: Mais, pour le moment, c'est strictement une
estimation qui est incluse dans votre étude de faisabilité.
M. Lefebvre: Si vous me le permettez, M. le Président, on
a eu l'occasion de vérifier la ventilation des coûts du projet de
Tomago par rapport aux coûts pour d'autres alumineries qui ont
été construites récemment en Amérique du Nord. De
plus, Pechiney termine une aluminerie semblable, celle de Tomago, qui est
exactement une copie de l'usine qui sera construite à Bécancour.
Donc, nous sommes très confiants que l'estimation est
réaliste.
M. Ciaccia: Est-ce que Pechiney est prête à vous
garantir que le coût n'excédera pas un montant fixe?
M. Lebel: Non.
M. Ciaccia: Où en êtes-vous rendu avec le
financement du projet?
M. Lebel: À l'étape où nous en sommes en ce
qui concerne le financement, nous sommes à préparer un document
qui, dans les semaines à venir, serait soumis à un certain nombre
de banques. C'est sur la base de ce document que nous saurions, vers la fin de
l'été ou au début de l'automne, soit en septembre ou en
octobre, si le projet est finançable ou non aux conditions que nous
mettons de l'avant dans ce document. De plus, nous avons procédé
à certains sondages, comme il se doit, que nous allons poursuivre au
cours de l'été. Ces sondages nous indiquent, au moment où
on se parle, que le projet serait assez facilement finançable. J'entends
la part du groupe québécois, soit les 500 000 000 $ ou les 350
000 000 $ de dette du groupe québécois.
En matière de financement, nous avons procédé
également à certaines démarches préliminaires
auprès d'entreprises ou de groupes qui pourraient être
intéressés comme investisseurs. Ces démarches vont se
poursuivre au cours de l'été et devraient donner des
résultats. Nous devrions savoir, vers le début de l'automne, s'il
y a des chances d'obtenir, en plus d'un financement bancaire, une participation
d'autres investisseurs ou d'autres producteurs.
M. Ciaccia: Alors, si je comprends bien, aujourd'hui, il est trop
tôt pour dire que vous avez un engagement, soit d'une banque ou d'un
groupe de banques, pour financer à X montant d'argent la partie du
gouvernement du Québec.
M. Lebel: II est trop tôt pour le dire, mais votre question
me permet de faire une remarque générale à cet
égard. On ne peut pas considérer que ce projet a atteint un stade
irréversible. Il pourrait arriver, au cours de l'été ou au
cours de l'automne prochain, principalement sur des questions relatives au
contrat, à l'accord-cadre à signer avec Pechiney, que les
conditions soient telles que nous devrions juger qu'il n'est pas opportun
d'aller de l'avant et, donc, le projet pourrait tomber ou pourrait être
remis à plus tard.
Le deuxième facteur qui pourrait compromettre une
réalisation du projet est le financement. Il pourrait s'avérer
que le financement soit plus dur à trouver qu'il n'apparaît au
moment où l'on se parle. Je dis cela pour le groupe que nous
représenterions si jamais nous allions de l'avant, mais les mêmes
difficultés pourraient se poser de la part des partenaires qui nous ont
invités à nous associer avec eux dans la réalisation de ce
projet. Comme c'est une projet en indivision et que chaque partenaire doit
aller chercher son propre financement, quand nous travaillons sur du
financement pour la part québécoise, eh bien, le groupe Pechiney,
lui, travaille sur du financement pour sa part. Il pourrait arriver aussi de ce
côté que le financement - c'est peu probable au moment où
l'on se parle - ne soit pas réalisable et cela pourrait compromettre le
projet. Même chose, Pechiney pourrait trouver que, dans nos exigences
dans l'accord-cadre, il y a des choses qu'ils ne peuvent pas accepter et cela
pourrait compromettre le projet. Alors, je pense que, dans toutes nos
discussions, il faut, même si on ne le fait pas tout le temps, parler au
conditionnel. C'est un projet qui, dans une certaine mesure, dans sa
conception, a un certain degré d'avancement, mais qui pourrait encore ne
pas recevoir le feu vert.
M. Ciaccia: Si je comprends bien, la part de financement du
Québec, de la SGF, vous vous engagez pour 150 000 000 $ sur la partie de
500 000 000 $ qui sera le tiers pour lequel le gouvernement du Québec
sera responsable. Il reste 1 000 000 000 $ pour Pechiney. Est-ce que vous avez
un engagement de Pechiney qu'ils vont investir 300 000 000 $ de leurs fonds et
ne financer que 700 000 000 $ sur leur portion du projet?
M. Lebel: À la signature de l'accord-cadre, ils vont
devoir être capables de répondre à cette question et, s'ils
n'en sont pas capables ou si nous ne sommes pas capables d'y répondre,
il n'y aura pas d'accord-cadre. On se souvient qu'en indivision chaque partie
est responsable de trouver son financement, mais à un moment
donné, pour donner le feu vert au projet et engager des dépenses
beaucoup plus substantielles, il faut être capable de dire: Oui, j'ai le
financement et ce, de part et d'autre.
M. Ciaccia: Oui, mais quand vous dites que dans une partie
indivise chaque partie doit trouver son financement, est-ce que vous voulez
suggérer que ce serait possible que Pechiney finance la totalité
de sa part sans investir des fonds? Si tel est le cas, cela va affecter le
rendement de l'opération parce que le Québec aura investi 150 000
000 $.
M. Lebel: Cela va affecter le rendement de Pechiney si jamais ils
procédaient de cette façon. Souvenons-nous qu'en indivision les
résultats ne sont pas ceux de l'usine qui fabrique l'aluminium, mais
ceux du groupe qui s'est engagé financièrement, qui fournit de
l'alumine et qui, à l'autre bout, prend l'aluminium. Votre
hypothèse affecterait les résultats de Pechiney.
M. Ciaccia: Cela affecterait aussi le risque parce que, si le
gouvernement du Québec est prêt à mettre 150 000 000 $ et
que Pechiney dit: Non, je suis prêt à ne rien mettre, je vais
financer la totalité, le risque est un peu différent. Alors,
est-ce que vous me dites aujourd'hui qu'il n'y a pas d'engagement de la part de
Pechiney d'investir au moins 300 000 000 $ si sa partie du projet coûte 1
000 000 000 $? Est-ce qu'il y a un tel engagement ou non?
M. Lebel: II y a des indications que Pechiney va au moins mettre
les 30% d'équité nécessaires. C'est un minimum
d'équité nécessaire pour réaliser son projet et
pour obtenir le financement. Ce serait surprenant, mais c'est
théoriquement possible, Pechiney étant une grande entreprise
internationale, qu'elle obtienne ce genre de financement. Pour moi, c'est
théorique. Je ne pense pas qu'un consortium bancaire lui
prêterait, même avec la garantie de Pechiney, 70% de sa part
à elle. Elle devra avoir de l'équité. On n'a pas à
prendre un engagement tout de suite de part et d'autre à cet
égard, je le répète. On va le prendre au moment de
compléter les choses dans un accord-cadre. C'est à ce moment
qu'on devra dire si on est capable d'allonger le financement nécessaire
pour réaliser le projet.
M. Ciaccia: Dans cette entente-cadre -vous nous dites qu'elle
n'est pas signée, qu'elle n'est pas complétée, il reste
encore beaucoup de négociations - allez-vous insister, lors de vos
négociations, de la même façon que le Québec
s'engage à mettre 150 000 000 $ pour sa partie de l'investissement, pour
que Pechiney investisse au moins 300 000 000 $ pour sa partie?
M. Lebel: Théoriquement, nous n'aurions pas à le
faire. Ce sont les banquiers qui vont leur dire cela. Ce sont les banquiers
finançant le groupe Pechiney qui jugeront si les conditions de
financement que Pechiney leur propose pour 1 000 000 000 $ sont acceptables ou
non. Je maintiens que, théoriquement, ils pourraient avoir un
financement à 100%, mais cela m'apparaît improbable et
particulièrement impossible.
M. Ciaccia: Je ne le sais pas, je vous pose la question: Est-ce
la SGF qui négociera ou le ministre des Finances ou peut-être le
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme? C'est la SGF. Alors,
allez-vous insister pour que Pechiney investisse au moins 30% de ses
coûts dans le projet?
M. Lebel: Je pense que notre incompréhension vient de
l'incompréhension de la formule dont nous parlons. C'est un projet en
recours limité. Si le groupe
Pechiney veut aller de l'avant dans le projet qu'on pense pouvoir faire
ensemble au moment où on se parle, il n'aura pas le choix - il va le
faire à ses banquiers avant de nous le faire à nous - de garantir
qu'il va mettre l'équité nécessaire à la
réalisation du projet. Il sera pris dans le même processus que
nous. Il va demander 600 000 000 $ ou 700 000 000 $ aux banquiers. Les
banquiers vont lui dire: Oui, vous aurez 700 000 000 $ dans la mesure où
vous mettrez un minimum de 30% d'équité.
M. Ciaccia: II ne s'agit pas d'un contre-interrogatoire auquel je
veux vous soumettre, mais...
Une voix: II faudrait prêter serment.
M. Ciaccia: ...si je demande à un autre investisseur de
s'associer à moi, si je suis prêt à investir 30% et que
cela représente 150 000 000 $ de fonds publics du Québec,
j'exigerais que mon associé - soit par indivision ou autrement, parce
que ce sont eux qui ont exigé l'indivision dans le document - investisse
le même pourcentage. La question que je vous pose - je ne veux pas savoir
ce que les banques veulent faire ou ce que Pechiney a fait ailleurs - c'est
ceci: Vous comme représentant de la SGF, des fonds publics du
Québec, allez-vous insister dans votre document-cadre pour que Pechiney
investisse au moins 30% pour sa partie du projet?
M. Lebel: Est-ce que je peux passer la parole à mon
collègue?
M. Gagnon (Louis-Gilles): M. Ciaccia, nous sommes en
présence, à cause du facteur d'indivision, de ce qu'on pourrait
peut-être appeler deux projets par rapport à la question que vous
posez. M. Lebel a énoncé tout à l'heure, dans sa
présentation préliminaire, que l'un des attributs de l'indivision
est l'indépendance financière. C'est ce qu'on recherche
effectivement. Chaque participant se finance entièrement comme il
l'entend, sans référence à l'autre partenaire ou à
quelqu'un d'autre.
M. Ciaccia: J'ai compris cela. Vous me dites que, si Pechiney
n'investit aucun argent, vous accepterez cela. S'ils n'investissent pas de
fonds, vous accepterez cela. (16 heures)
M. Gagnon (Louis-Gilles): Si nous allons dans la structure de
l'indivision, c'est entendu a priori que nous allons accepter cela.
M. Ciaccia: La partie indivision, c'est un projet. Je comprends
que la SGF sera responsable seulement pour ses 30%, mais,
advenant le cas où quelque chose arriverait au projet, vous ne
pouvez pas diviser vos 30% et vous en aller avec. Les autres 70% vont
être là. Si l'autre côté est financé à
70%, cela va augmenter le risque éventuel pour la SGF si elle est prise
avec le projet. Vous n'auriez pas les fonds de l'investisseur; vous auriez
strictement le financement.
M. Lebel: Cela n'augmente pas le risque de la SGF. L'usine reste
là. et nous devenons à ce moment-là partenaire des
banquiers qui ont prêté jusqu'à 100% d'un projet. Je vous
dis que c'est peu probable que cela se fasse comme cela, mais cela ne compromet
pas le projet...
M. Ciaccia: Mais vous n'insisterez pas.
M. Lebel: ...et cela n'augmente pas les coûts du projet. Si
un des indivisaires décidait qu'il peut tout financer cela en emprunt,
cela n'augmente pas les coûts du projet, nous n'avons pas de
pénalité et j'ajoute que nous sommes en recours limité.
À mon point de vue, avec un recours limité, personne ne pourra
aller chercher un financement sans mettre au minimum, au départ, 30%. Le
projet va s'autosuffire à partir du moment où nous atteindrons,
de part et d'autre, un ratio d'équité qui sera de l'ordre de
50-50. Je le dis bien, par impossible, si on nous arrivait avec une structure
de financement de l'autre côté qui, semble-t-il, permet de faire
à peu près n'importe quoi au point de vue du financement, bien
sûr, nous nous poserions des questions et nous poserions des questions
à notre interlocuteur. Mais je ne crois pas que des banques comme la
Banque de Montréal, ou la Banque de Nouvelle-Écosse ou quelque
grande banque américaine ou quelque grande banque française,
parce que c'est de cela dont on parle, arriveraient avec un "deal" comme
celui-là. C'est elles qui prendraient, pas nous, le risque financier du
milliard de Pechiney.
M. Ciaccia: Seulement, pour être exact, vous n'avez pas
exigé cet investissement de la part de Pechiney comme condition
essentielle à votre entente.
M. Lebel: Si on accepte l'indivision, la réponse à
votre question est non. En acceptant l'indivision, on ne peut pas l'exiger. Le
principe même de l'indivision, c'est que chacun est responsable d'amener
son propre financement, étant entendu que ses difficultés
financières ne compromettent pas le projet.
M. Ciaccia: Si dans l'indivision vous n'exigez pas cela de
Pechiney, pourquoi dans le projet de loi actuel il y a l'obligation du
Québec de mettre de ses propres fonds 150 000 000 $? Pourquoi ne
laisse-t-on pas cela ouvert en disant: On va financer cela de la même
façon si Pechiney peut le faire? Vous voulez laisser la marge de
manoeuvre à Pechiney; pourquoi ne laissez-vous pas la même marge
de manoeuvre à la SGF?
M. Lebel: Ce n'est pas une exigence de Pechiney. Pas plus nous
n'allons exiger de Pechiney une structure de financement, pas plus elle ne peut
exiger de nous une structure de financement. Pourquoi avons-nous
suggéré que notre capital-actions soit augmenté de 150 000
000 $ pour nous permettre de réaliser le projet? C'est que nous pensons
- et nos sondages, d'ailleurs, l'indiquent - devoir mettre un minimum
d'équité pour obtenir le financement des 350 000 000 $ qui
restent.
M. Ciaccia: À la page 8 de votre document où vous
parlez de financement en recours limité, vous dites que la garantie
gouvernementale tomberait et que la dette deviendrait garantie par la seule
viabilité financière du projet. Nous dites-vous que le
gouvernement du Québec ne garantirait pas l'emprunt que la SGF prendrait
à long terme sur le projet?
M. Lebel: Le gouvernement garantirait l'emprunt de 350 000 000 $
nécessaire pour réaliser le projet. La garantie du gouvernement
tomberait, cependant, à partir du moment où, premièrement,
le projet serait parachevé et, deuxièmement - cela fait partie
des conditions, de toute manière, que nous allons proposer aux
financiers - à partir du moment où le ratio
dette-équité à l'intérieur du groupe
québécois aura atteint 50-50. Selon les prévisions que
nous avons à l'heure actuelle, ce moment pourrait se produire quelque
part en 1990, 1991?
Une voix: 1992.
M. Lebel: En 1992. C'est-à-dire qu'en 1992, selon nos
projections actuelles, d'abord, le projet aura été
accepté. Normalement, il devrait l'être dans l'année au
cours de laquelle il aura commencé à produire. Ce sont des tests
plutôt techniques. Il s'agit de savoir si l'usine est capable de produire
- ce pourquoi elle a été construite - 230 000 tonnes d'aluminium
par an. Une fois que ces tests seraient accomplis, au fur et à mesure
que la dette initiale serait remboursée, le rapport
dette-équité monterait et, selon une simulation que nous avons,
en 1992, il serait de 50-50. À ce moment-là, la garantie
gouvernementale sur le projet tomberait. Le projet ne serait plus garanti que
par sa propre capacité. Il volerait de ses propres ailes. Ce moment
pourrait arriver antérieurement dans la mesure, évidemment,
où nous obtenons une réponse plus favorable
de la part de partenaires à l'intérieur du groupe
québécois. Dès que nous aurons atteint 50-50 en
équité et dès que les tests de parachèvement seront
passés, le projet se supporterait lui-même. Autrement dit, la
garantie gouvernementale pourrait tomber en 1989.
M. Ciaccia: Est-ce que vous avez étudié d'autres
structures juridiques que l'indivision qui a été exigée
par Pechiney?
M. Lebel: Nous n'avons pas étudié d'autres
structures juridiques que l'indivision qui était demandée. La
question de l'indivision s'est posée dès notre première
rencontre avec le groupe Pechiney. On nous a fait une présentation de
l'étude de "factibilité". Un des sujets de la présentation
qu'on nous a faite à ce moment-là était le fonctionnement
de l'indivision et pourquoi c'était important.
L'examen auquel nous avons procédé a, d'abord,
été de comprendre de quoi il s'agissait, parce que ce n'est pas
très commun au Canada. C'est plus commun ailleurs dans le monde pour ce
type de projet, mais ce n'est pas commun au Canada. Alors, la question que nous
nous sommes posée était à savoir si c'était une
structure à l'intérieur de laquelle on peut vivre, si c'est une
structure qui offre des avantages à Pechiney qu'elle n'offrirait pas au
groupe québécois et si c'est une structure qui offre des
avantages au groupe québécois.
Notre conclusion de cet examen ou de cette analyse était que
l'indivision n'est pas si bête que cela. Cela permet, justement, de
s'associer dans un genre de "joint venture" pour réaliser un projet de
cette envergure. Cela offre autant d'avantages au groupe
québécois qu'au groupe Pechiney. Je les ai mentionnés ce
matin, les avantages de l'indivision. Ils nous apparaissent aussi avantageux
pour la SGF et ses partenaires éventuels dans le groupe
québécois que pour Pechiney. La conclusion de cela est - c'est
examen qui a duré environ un mois, six semaines - que l'indivision que
nous proposait Pechiney, parce qu'ils y voyaient des avantages dans son
organisation, nous était acceptable et nous était même
favorable.
M. Ciaccia: Avec l'indivision, avec le projet tel que vous le
décrivez dans votre mémoire, qui va être responsable de la
vente du produit de l'usine?
M. Lebel: II y a deux possibilités. La première,
c'est que Pechiney soit responsable de vendre ses deux tiers - si c'est
toujours deux tiers, un tiers - et que nous soyons responsables de vendre notre
tiers. Ce seraient les conséquences naturelles de l'indivision. Et, si,
à la place de la SGF, Pechiney s'était associée avec un
producteur d'aluminium qui est déjà sur le marché mondial,
vendeur ou utilisateur d'aluminium, c'est probablement ce qui se serait
produit. Pechiney aurait vendu ses deux tiers, le groupe X aurait vendu son
tiers et cela n'aurait pas été plus compliqué que cela.
Or, il arrive que nous, nous ne sommes pas des producteurs d'aluminium, que
nous n'avons pas de réseau international de vente d'aluminium. Nous
sommes assez réalistes pour nous dire dès le départ que
probablement cela ne s'acquiert pas du jour au lendemain seulement parce que
nous avons décidé d'entrer dans le jeu.
Il y a donc une deuxième possibilité qui nous est offerte
et qui sera éventuellement prise, c'est que Pechiney s'engage par
contrat à acheter notre production et à l'écouler contre,
évidemment, une rémunération qu'on retrouverait dans le
prix qu'on nous paierait pour notre aluminium. Cette possibilité nous
est offerte, elle n'est pas retirable. Et le jour où elle serait
retirée, avant ou au moment de la signature de l'accord-cadre, cela
pourrait être une raison pour ne pas aller de l'avant dans le projet.
Parallèlement à cela, bien sûr, nous avons fait - et
nous allons continuer, parce qu'il nous reste, quand même, deux ou trois
mois avant de geler cela dans le béton avec nos partenaires - certains
sondages pour savoir si nous pourrions trouver des producteurs d'aluminium qui
seraient intéressés, par exemple, à écouler notre
production. Nous avons besoin de ces démarches, entre autres, pour
savoir si le contrat que nous offre Pechiney est acceptable.
Il pourrait se présenter aussi - et là, je suis dans le
domaine de l'hypothétique - qu'à l'intérieur du groupe
québécois nous réussissions à attirer un
producteur, que ce producteur pourrait être intéressé, lui,
non pas au tiers de la production de Bécancour, mais à une partie
de cette production. Contractuellement, nous pourrions aussi nous engager avec
ce producteur qui serait notre partenaire. Ce sont des possibilités que
nous envisageons, que nous étudions présentement, ayant comme
position de repli et de prudence que, de toute manière, nous pourrions
vendre toute notre production à Pechiney pour un prix conctractuel pour
lequel nous avons déjà une offre déposée et qui est
à l'étude chez nous.
M. Ciaccia: Essentiellement, est-ce que je dois comprendre que la
production de votre tiers de l'usine appartient à la SGF? Vous
êtes les propriétaires...
M. Lebel: Nous sommes les propriétaires. ■
M. Ciaccia: ...et les risques de vendre
cette production appartiennent à la SGF aussi?
M. Lebel: Si nous ne signons pas le contrat dont je vous ai
parlé avec Pechiney, cela pourrait être cela. (16 h 15)
M. Ciaccia: Avant de signer ce contrat, vous êtes les
propriétaires et le risque de vente appartient à la SGF, est-ce
exact?
M. Lebel: Avant de signer ce contrat, nous sommes les
propriétaires et le risque de vente appartient à la SGF.
M. Ciaccia: Est-ce qu'une des conditions du contrat serait que le
risque de perte possible - parce qu'il va y avoir des fluctuations dans le
marché - doit appartenir à Pechiney ou appartenir à la
SGF? Autrement dit, quand vous allez signer le contrat avec Pechiney pour un
tel nombre d'années, est-ce qu'elle va vous garantir que vous allez
toujours avoir au moins le coût de votre production plus un profit?
M. Lebel: Elle va nous garantir qu'elle va écouler toute
notre production...
M. Ciaccia: À quel prix?
M. Lebel: ...contre un prix qui est basé sur l'indice prix
indépendant Pechiney, l'indice PIP, qui est un de ces prix contractuels
qu'on retrouve sur le marché. Les travaux que nous faisons
présentement consistent à vérifier comment ce prix se
situe par rapport aux autres prix que nous connaissons et qui sont
publiés. Ce sont ces prix qui fluctuent moins que le prix "spot", parce
que ce sont des prix contractuels. Mais, en période de basse
conjoncture, ils baissent; en période de haute conjoncture, ils
montent.
M. Ciaccia: Est-ce que cette formule du prix PIP, à
laquelle vous référez, donne une garantie que vous allez toujours
être remboursés pour au moins le coût de votre production
plus un profit?
M. Lebel: II n'y a pas cette garantie. On pourrait y
arriver...
M. Ciaccia: Alors, c'est possible. Je donne l'exemple qu'on a
à SIDBEC-Normines: à un moment donné, il y avait un prix,
il y a le "Lake Erie price" et il y a le prix mondial. SIDBEC doit acheter la
production au prix que cela coûte, mais, si le prix mondial est moins
élevé, elle perd. Alors, si je comprends bien, on est dans la
même situation ici. L'indivision a évité le contrat d'achat
parce que vous êtes propriétaires. Au lieu d'avoir le contrat
d'achat, vous êtes propriétaires de la production. Alors, on
élimine le contrat d'achat comme dans SIDBEC-Normines. Mais, d'autre
part, vous avez le même risque dans la vente du produit. C'est
compréhensible, parce que je ne pense pas que quelqu'un va pouvoir vous
garantir aujourd'hui que vous allez toujours faire un profit sur votre
production. Alors, vous êtes dans la situation où le risque,
essentiellement... C'est cela que je veux savoir: Est-ce que le risque pour la
vente du produit appartient à la SGF?
M. Lebel: On n'a pas le risque d'être obligé de se
stocker. Dans l'hypothèse où on passe un contrat avec Pechiney,
notre production est écoulée. On a le risque du prix qui, lui,
pourrait théoriquement devenir plus bas que nos coûts de
fabrication, comme n'importe quel producteur.
M. Ciaccia: Mais c'est plus que théoriquement, parce que,
si je regarde le tableau que vous nous avez démontré ici, le
graphique 1 - je ne sais pas si vous pouvez le voir...
M. Lebel: Oui, je l'ai ici.
M. Ciaccia: ... - depuis 1980 le coût, le prix LME -
corrigez-moi si j'ai mal compris - le prix US producer - cela, c'est le
coût -est resté à un certain niveau, mais, pour les ventes,
le prix LME a été en bas du coût de production.
M. Lebel: En effet, vous avez raison. Le prix LME a atteint en
1982 un point autour de 900 $ qui serait très près de notre
"break even" si nous étions en production présentement. Une telle
situation se reproduisant dans le futur, la question se poserait à
savoir si on continue à produire ou si on arrête. Une telle
situation créerait la difficulté qu'ont connue les producteurs
d'aluminium en 1982.
M. Ciaccia: Si vous arrêtez de produire, combien allez-vous
perdre par année? Parce que vous avez votre investissement, vous avez
l'usine, vous avez vos coûts de refinancement, il va y avoir certaines
opérations minimales qu'il va falloir continuer. Alors, si vous
arrêtez de produire, combien cela peut-il vous coûter en perte,
tous les ans?
M. Lebel: Comme n'importe quelle entreprise qui est
obligée de fermer ses portes dans un mauvaise conjoncture, nous devrions
assumer les coûts fixes. Les coûts fixes, en 1988, si nous devions
passer l'année 1988 sans produire, seraient de 45 300 000 $ et, en 1989,
si nous devions arrêter de produire toute l'année, cela
coûterait 44 700 000 $.
M. Ciaccia: Si, théoriquement, parce que, parfois, on a
envisagé cette situation pour un autre cas, il y avait une situation
très désastreuse, soit qu'il y ait une surproduction ou qu'on
ouvre d'autres usines au Brésil ou ailleurs dans le monde et si vous
êtes obligés d'interrompre vos activités, ce coût
d'environ 40 000 000 $ par année se répartira sur combien
d'années?
M. Lebel: Ce serait la base, j'imagine, avec une légère
indexation. Non, ce serait la base pour toutes les années au cours
desquelles on ne serait pas en production. Maintenant, votre question se pose
dans le contexte où il y aurait 75% à 80% des usines de
production d'aluminium dans le monde qui seraient dans une position pire que la
nôtre. Il y en aurait un nombre assez considérable qui devraient
interrompre leur production avant nous. Vous vous souvenez du même
graphique où nous nous comparons, comme producteurs, aux autres usines
dans le monde. À ce moment-là, il faut bien réaliser qu'il
y aurait des usines qui produiraient, elles, à 1900 $ ou à 1950 $
la tonne et qui, pour chaque tonne d'aluminium produite, perdraient 1000 $.
Alors, il y a des chances que cette partie de la courbe arrête de
produire avant que l'usine de Bécancour devienne en
difficulté.
M. Ciaccia: Mais ce sont encore des estimations et des
indications basées sur ces estimations, de la même façon
que pour d'autres industries qui ont fait les mêmes prévisions
dans le passé. Cela peut augmenter ou cela peut diminuer. Le seul point
que je voulais établir était que le risque...
M. Lebel: C'est exact.
M. Ciaccia: ...appartient à la SGF, non seulement le
risque de la construction, évidemment, et de son prix, mais aussi le
risque d'écouler la production.
M. Lebel: Si vous le permettez, non pas le risque
d'écouler la production, mais le risque...
M. Ciaccia: De la vendre.
M. Lebel: ...du prix. Ce n'est pas tout à fait la
même chose. On peut arrêter de produire.
M. Ciaccia: Si vous arrêtez de produire, oui,
exactement.
M. Lebel: Par rapport à l'image que vous avez
évoquée, c'est une différence essentielle en ce sens qu'on
n'a pas à donner de garantie que nous allons produire et que nous allons
stocker si les conditions sont telles qu'il n'y a pas avantage à
produire ou à stocker.
M. Ciaccia: Oui, mais que vous perdiez de l'argent en vendant de
l'aluminium en bas du prix du marché ou en bas du prix de production ou
que vous subissiez des pertes parce que vous ne produisez pas, ce sont des
pertes quand même.
M. Lebel: Ce sont des pertes.
M. Ciaccia: Si le coût de construction est plus que 1 500
000 000 $ - parce que c'est une estimation et il y a eu plusieurs usines qui
ont été estimées à 300 000 000 $ ou 400 000 000 $
dont le prix a doublé -qu'arrivera-t-il pour l'excédent? Qui sera
responsable et dans quelle proportion?
M. Lebel: Dans le contrat de financement, il va y avoir une marge
prévue pour dépassement de coût de construction. Nous
avons, par ailleurs, dans notre étude de sensibilité,
étudié une hypothèse dramatique où le coût de
construction dépasserait de 20% et où, en plus de cela, il y
aurait des retards dans la construction et où nous commencerions
à produire une année plus tard. C'est à
l'avant-dernière page, je pense, à la page 74. Cette
hypothèse pessimiste ne compromet pas le projet et nous avons toujours
un rendement interne de 13,9% et un rendement sur l'équité de
16,4%.
Évidemment, cela rend le projet moins attrayant, mais cela ne
crée pas une situation désastreuse pour le projet. La question de
savoir s'il devrait y avoir de l'équité additionnelle dans le
projet advenant une situation comme celle-là - j'imagine que c'est
celle-là que vous avez derrière la tête - elle se pose dans
le contexte suivant. Si nous avons toujours eu le minimum
d'équité, c'est-à-dire les 30% d'équité, il
est possible qu'une situation comme celle-là exige de
l'équité additionnelle. Il est possible aussi -cela dépend
toujours de la possibilité d'attirer des partenaires à
l'intérieur du projet - que notre ratio dette-équité soit
tel qu'on n'ait pas besoin de financement additionnel.
M. Ciaccia: Mais quelles exigences -vous ne le savez pas
aujourd'hui et je pense que personne ne peut dire le coût exact
-allez-vous imposer à Pechiney si le coût dépasse 1 500 000
000 $? Allez-vous exiger que les partenaires fournissent le financement
additionnel par équité ou qu'ils s'obligent à obtenir le
financement additionnel? Quelles seront les conditions de l'entente?
M. Lebel: Est-ce que je peux passer la parole à M.
Louis-Gilles Gagnon qui s'est lié à la négociation de
l'accord-cadre avec
Pechiney? Certaines parties de l'accord-cadre couvriraient une telle
éventualité.
M. Gagnon (Louis-Gilles): II n'y a, évidemment, aucune
négociation finale sur cet aspect, mais nous avons quand même eu
l'occasion d'échanger des idées à cet égard. Il est
bien évident qu'avant de commencer le projet nous aurons un prix plafond
qui sera agréé par les deux parties, qui se rapprochera
probablement des estimations que nous avons actuellement. Au-delà de
cela, il faudra traiter des dépassements de coûts
éventuels. Nous irons, encore une fois, négocier ce qui fera
l'affaire des deux parties, à savoir que, s'il y a des
dépassements qui excèdent de 10%, de 20% -je n'ai aucune
idée du pourcentage - peut-être qu'une partie pourra
décider de se laisser diluer si l'autre partie veut continuer.
Peut-être qu'il y aura un engagement réciproque de rencontrer le
prorata qui existe déjà dans les participations et, par la suite,
excédant ce plafond ultime, effectivement, ce sera à chaque
partie de décider si on continue le projet ou si on l'abandonne. S'il y
en a une qui veut continuer, ce sera la dilution de l'autre partie.
M. Ciaccia: Mais, habituellement, ce qui se produit, c'est que
vous ne savez pas nécessairement d'avance que le prix de construction va
excéder 1 500 000 000 $. En toute bonne foi, vous pouvez commencer un
projet et, au fur et à mesure que vous procédez à la
construction, vous allez vous apercevoir que votre estimation et même que
certains contrats que vous aviez ne reviendront pas à 1 500 000 000 $ et
que cela peut augmenter. Est-ce que vous nous dites aujourd'hui que vous ne
pouvez nous dire quelles conditions vous allez imposer à des
associés, advenant le cas où le coût de construction
excède l'estimation de 1 500 000 000 $?
M. Lebel: Il y a des conditions à poser, mais il y a des
conditions qu'on va devoir se poser mutuellement, c'est-à-dire qu'il y a
des scénarios dramatiques qu'il va falloir envisager et qu'il va falloir
couvrir dans l'entente-cadre. Mais il y a une chose certaine au départ -
le risque que vous soulignez est là et nous n'essayons pas de le cacher
- nous ne pensons pas pouvoir avoir un financement où, par exemple,
advenant des dépassements de coûts faramineux, les banquiers vont
tout simplement pomper l'argent à notre groupe et où nous
n'aurons pas à mettre de l'équité additionnelle. S'il
survenait une situation où ces dépassements de coûts sont
tels que cela exige plus que 150 000 000 $ de la part de la SGF, si nous
voulions continuer nous n'aurions pas d'autre choix que de revenir devant notre
actionnaire et de demander de l'argent pour maintenir le ratio
dette-équité minimal dont nous aurions convenu avec les
banquiers. (16 h 30)
M. Ciaccia: Les banquiers ne prendront pas le risque. Les
banquiers vont vous prêter 350 000 000 $, le Québec mettra 150 000
000 $ et le gouvernement du Québec garantira les 350 000 000 $. Quand
vous arrivez au bout de vos 350 000 000 $, le banquier reste là et il a
la garantie du gouvernement. Si vous avez besoin de X centaines de millions,
qu'arrivera-t-il? Est-ce que vous pouvez exiger aujourd'hui que chaque
partenaire investisse au prorata de ses 30% et obtenir le financement?
Exigerez-vous ce minimum de protection?
M. Lebel: C'est ce qui sera couvert dans l'accord-cadre. Ce qu'on
vous indiquait tout à l'heure, c'est qu'il va y avoir diverses
possibilités selon qu'on dépasse soit de 10%, soit de 15%, soit
de 20% les coûts de construction. Une première possibilité,
c'est que nous nous engagions à mettre notre part jusqu'à un
certain niveau de dépassement; après quoi, nous pourrions avoir
l'option d'être dilués ou de diluer l'autre si l'un ou l'autre
n'est pas en mesure de poursuivre. Il pourrait - et c'est la situation
catastrophique - arriver une situation telle qu'il pourrait s'avérer que
c'est mieux de prendre la perte - le risque du gouvernement, à ce
moment-là, est de 500 000 000 $; vous l'avez souligné et je pense
que c'est normal qu'on le souligne - et d'arrêter tout cela,
d'arrêter les frais.
M. Ciaccia: Un instant, j'essaie de comprendre. On n'a pas
commencé et on prend le risque de prendre une perte de 500 000 000 $.
J'essaie de comprendre votre scénario. Vous avez la construction d'une
usine qui doit coûter 1 500 000 000 $. Tout le monde est de bonne foi, on
a des ententes. Vous allez placer 500 000 000 $ du Québec et 350 000 000
$ de financement. J'ignore à ce moment-ci ce que fera Pechiney.
Peut-être financera-t-elle la totalité de sa partie.
M. Lebel: Vous pouvez considérer qu'elle mettra 300 000
000 $ et qu'elle va emprunter 700 000 000 $.
M. Ciaccia: Vous le considérez mais vous n'êtes pas
prêt à me dire aujourd'hui que vous allez exiger cela de Pechiney.
Vous n'êtes pas prêt. Êtes-vous prêt à exiger
cela de Pechiney? M. Lefebvre me dit non. Alors, vous n'exigez pas cela de
Pechiney. Théoriquement, Pechiney peut trouver le financement. Vers la
fin - et c'est comme cela que ces projets-là se produisent - vous
êtes rendus à 2 000 000 000 $, pas à 1 500 000 000 $;
qu'arrivera-t-il aux
500 000 000 $ additionnels? Quelles conditions additionnelles
poserez-vous dans le contrat à Pechiney pour couvrir cette
éventualité? Vous me dites que vous diluerez. Ce n'est pas une
protection pour le Québec parce que diluer la part de Pechiney, cela
veut dire que le Québec vienne seul avec les 500 000 000 $. Au lieu de
nous dire aujourd'hui que vous avez un investissement de 500 000 000 $, vous
aurez un investissement de 1 000 000 000 $. On veut éviter les
catastrophes du passé et on cherche à avoir des indications.
Quelle protection allez-vous exiger de Pechiney ou de vos associés pour
que ces situations ne se produisent pas? Si les situations, par hasard, par
accident ou autrement se produisaient -il peut y avoir de l'inflation et tous
les autres risques - quelles garanties allez-vous demander à vos
associés pour que votre risque n'augmente pas plus qu'il ne l'est
maintenant?
M. Lebel: Nous allons...
Le Président (M. Champagne): M. le ministre aurait
peut-être une réponse, si vous n'avez pas d'objection.
M. Biron: Quand on parle d'un investissement dans un domaine
comme celui de l'aluminium, bien sûr, il y a certains risques, mais il
n'y a pas de domaine aussi peu risqué pour le Québec que le
domaine de l'aluminium. Une très grande partie du coût, ce sera
l'électricité que le Québec produit et a en
excédent.
M. Ciaccia: Excusez-moi, est-ce que je peux interrompre?
M. Biron: M. le député de Mont-Royal, il y a
toujours certains risques.
M. Ciaccia: Je ne parle pas de l'opération.
M. Biron: Vous ne pouvez pas faire un investissement de 500 000
000 $ en disant: D'autres vont nous garantir qu'il n'y aura aucun risque pour
nous. La Société générale de financement est une
entreprise industrielle qui fait de la transformation de la matière,
comme n'importe quelle entreprise industrielle, comme l'Alcan...
M. Ciaccia: M. le Président, question de règlement.
Est-ce que je pourrais faire une question de règlement?
M. Biron: Non, mais...
M. Ciaccia: Je ne veux pas interrompre le ministre, mais il ne
nous reste pas beaucoup de temps. Je ne parle pas des risques de
l'opération. Je sais qu'il y a des risques. On a passé à
travers cela; je parle du coût de construction. Je demande: Quelle
garantie allons-nous avoir dans le coût de construction? On a une usine
à SIDBEC-Normines qui devait coûté 300 000 000 $, elle a
coûté 650 000 000 $.
M. Biron: Sous les libéraux.
M. Ciaccia: Vous voulez faire de la petite politique,
faites-la.
M. Biron: Non, ce n'est pas cela.
M. Ciaccia: Si c'est le rôle que vous voulez jouer cet
après-midi, allez-y. Quand vous aurez le droit de parole, vous ferez
toute la petite politique que vous voulez. J'essaie d'éviter les erreurs
du passé et je suggère à la SGF des mesures. Je demande:
Quelles mesures vont-ils prendre advenant le cas où il y aurait des
excédents dans le coût de construction? Je ne parle pas du risque
d'exploiter l'aluminerie. Je le sais que c'est un risque, on en a
discuté et on en discutera encore. Je parle pas de la première
étape, du coût de construction. Quelle sera la protection pour la
SGF? Elle ne peut pas avoir de garantie que cela coûtera seulement 1 500
000 000 $, je le sais, on l'a admis, mais advenant le cas où cela
coûterait plus, que va-t-il arriver? C'est la seule question que je
pose.
M. Biron: M. le Président, là-dessus, c'est
sûr que, lorsqu'on décide d'investir 1 500 000 000 $, cela peut
coûter un peu moins comme cela peut coûter un peu plus. C'est
sûr que si on dit: Cela va se faire dans dix ans, les risques sont plus
grands parce que c'est difficile de voir dans une boule de cristal dans dix
ans. Mais on a dit que l'aluminerie serait construite à la fin de 1986.
Donc, cela donne, en fait, la moitié de l'année 1983, les
années 1984, 1985 et 1986. C'est dans un avenir, quand même, assez
rapproché. Avec les méthodes d'aujourd'hui, avec les coûts
de construction d'autres alumineries, en particulier au Québec avec
Reynolds présentement, avec l'usine La Baie par l'Alcan qui s'est faite
en plein dans les budgets prévus même, on peut prévoir
passablement bien un coût de construction tout près des sommes
budgétisées. Bien sûr qu'au lieu de se situer à 1
500 000 000 $ cela peut s'établir 1 400 000 000 $ comme cela peut monter
à 1 600 000 000 $. Là-dessus, on dit qu'on est responsables pour
le tiers de 100 000 000 $ de plus, c'est-à-dire 33 000 000 $. Si on est
responsables pour 200 000 000 $ de plus - c'est à peu près tout
ce que peut être le dépassement - on serait responsable pour 66
000 000 $ d'excédent. Bien sûr qu'il y a un risque à
prendre, mais, si on veut créer des emplois au Québec, il faut
prendre certains risques
avec la Société générale de financement.
M. Ciaccia: M. le Président, le ministre vient de me dire
- je voudrais peut-être que la SGF le confirme - que si cela coûte
plus que 1 500 000 000 $, le Québec sera responsable seulement d'un
tiers de l'excédent. Est-ce que cela sera une des conditions du contrat
avec Pechiney que, si le coût de construction est plus que 1 500 000 000
$, le Québec sera responsable seulement d'un tiers et que, dans ce
tiers, il puisera 30% dans les fonds publics et le reste sera financé?
Allez-vous exiger les mêmes conditions de Pechiney?
M. Lebel: On exigera les mêmes conditions de Pechiney.
C'est un chapitre de l'accord-cadre en négociation et en
préparation. Pechiney exigera la même chose de nous parce qu'eux
aussi courent le même risque. Alors, cette partie concernant la
façon dont nous allons traiter les coûts excédentaires de
construction, s'il y en a, fait partie de l'accord-cadre en négociation
avec Pechiney.
M. Ciaccia: Excusez-moi. Vous dites que cela en fait partie. Je
voudrais avoir des précisions. Je sais que ce n'est pas
négocié et que ce n'est pas complété. La question
que je pose est: Allez-vous exiger comme condition de votre entente-cadre, que
si le coût de construction excède 1 500 000 000 $, Pechiney sera
obligée de payer 70%...
M. Lebel: Les deux tiers.
M. Ciaccia: ...que vous allez payer 30% et que, dans ces 70% et
30%, le Québec investira un autre tiers; autrement dit, le gouvernement
financera deux tiers et investira de ses propres fonds un tiers? Allez-vous
exiger la même condition de Pechiney pour l'excédent?
M. Lebel: Formulée comme vous venez de le faire, la
réponse à la question, c'est oui. Cela fera partie de
l'accord-cadre.
M. Ciaccia: Alors, si vous faites cela pour l'excédent,
pourquoi ne le faites-vous pas pour la partie principale?
M. Lebel: C'est-à-dire faire assumer tout
dépassement du coût de construction...
M. Ciaccia: Non. Vous venez de me dire que, dans
l'excédent, vous allez exiger de Pechiney qu'elle investisse un tiers et
qu'elle finance les deux tiers. Pourquoi n'exigez-vous pas cela pour le
coût de construction de l'usine de 1 500 000 000 $ à Pechiney?
Le Président (M. Champagne): Oui, M. le ministre.
M. Biron: Je pense que M. Lebel et M. Gagnon ont
été très clairs sur la partie qui relève de
Pechiney, tout à l'heure, et sur le 1 000 000 000 $ que Pechiney devra
trouver, en disant: C'est théoriquement possible d'emprunter 1 000 000
000 $ sans mettre un sou d'équité dans l'entreprise. Il n'y a pas
une banque qui voudra faire cela. Finalement, je pense que le
député de Mont-Royal a aussi assez d'expérience pour
savoir que les banques exigeront une mise de fonds quelconque de la part de
Pechiney, de la même façon que les banques exigent une mise de
fonds quelconque de la part de la SGF. Il semble que la mise de fonds qu'elles
exigent de la part de la SGF est de 30%. Bien sûr, ce sera dans les
mêmes conditions s'il y avait un excédent.
Je dis aussi au député de Mont-Royal que, dans le
mémoire qui nous a été présenté ce matin par
la Société générale de financement, les coûts
estimés sont de 1 410 000 000 $. C'est possible qu'il y ait un
dépassement de coût et qu'on se rende à 1 500 000 000 $.
Mais 1 500 000 000 $, ce sont exactement les sommes dont on parle
présentement.
M. Ciaccia: C'est possible que cela coûte 1 410 000 000 $.
J'espère certainement que cela ne dépassera pas cela et
j'espère même que cela coûtera moins. Mais je ne pense pas
que le ministre puisse nous dire aujourd'hui que cela ne dépassera pas
de plus de 100 000 000 $ ou 200 000 000 $. Si, dans le passé, certains
projets ont dépassé de beaucoup, c'est aussi possible pour
celui-ci. La seule chose que je cherche à savoir, c'est ce qui arrivera
si cette situation se produit.
Quant aux mises de fonds, vous dites: Les banques vont nous
protéger. Je préférerais, au lieu de me fier sur une
tierce partie qui imposera peut-être certaines conditions à
Pechiney, puisque c'est la SGF qui signe avec Pechiney, que ce soit la SGF qui
impose les exigences. Je ne demande pas plus d'exigences de Pechiney que la SGF
ne s'en impose à elle-même. La seule chose, c'est que cela semble
assez difficile de trouver les conditions qui sont...
M. Lebel: Pechiney n'a pas d'exigence, non plus, sur notre
financement. La seule exigence que Pechiney aura à l'égard de
notre financement, c'est qu'on l'ait et qu'on puisse lui donner les garanties
qu'on l'a. Si nous avions pensé qu'il fût possible de
réaliser ce projet à 15% d'équité et à 85%
de dette, Pechiney n'aurait rien eu à dire sur notre financement. Il
s'agissait de lui assurer que nous aurions, soit en équité, soit
en dette, les 500 000 000 $ nécessaires pour
assumer notre part du projet.
M. Ciaccia: C'est vrai que ce ne sont pas des exigences.
Excusez-moi, je vais nuancer mes propos. Mais on demande à
l'Assemblée nationale, demain, en deuxième lecture, d'adopter un
projet de loi par lequel le Québec investira 150 000 000 $, soit 30%.
Moi, comme membre de l'Assemblée nationale, je voudrais que les
mêmes conditions qu'on demande à la population du Québec,
au gouvernement, soient imposées à notre associé pour
qu'il n'ait pas des conditions plus avantageuses que les nôtres.
Quand vous parlez de Pechiney, vous le savez, je n'ai pas besoin de vous
le dire, elle a des problèmes financiers. Ella a perdu 500 000 000 $
l'année dernière. Je pense que c'est important pour nous
d'essayer de savoir quelle sorte de garantie vous allez exiger dans
l'entente-cadre, parce que, si elle a perdu 500 000 000 $, il n'y a aucune
garantie qu'elle en perdra moins cette année.
Je ne voudrais pas qu'on se réveille un matin avec des
obligations plus onéreuses que celles de nos associés qui ne sont
pas capables de remplir leurs obligations ou que nos conditions soient beaucoup
plus avantageuses pour eux que pour la SGF. Je pense que, si on est en mesure,
aujourd'hui, de faire le projet, on devrait être en mesure, aujourd'hui,
non pas d'imposer des conditions impossibles, mais au moins d'exiger que nos
associés aient les mêmes obligations que nous avons. C'est la
seule chose que j'essaie de dire. (16 h 45)
J'essaie aussi d'obtenir des informations sur le contenu de
l'entente-cadre, parce qu'on nous demande de donner demain presque un
chèque en blanc au gouvernement, et la seule entente qu'on a, c'est une
lettre de deux pages, une lettre d'intention. Cela nous place, nous, dans une
position assez difficile d'engager des fonds publics sans avoir toutes les
informations. C'est pour cela que je demande des informations
additionnelles.
Le ministre mentionne qu'il y a des risques, mais que tout va bien
aller, que les prévisions - sont telles, etc. Même vous, M. Lebel,
vous prévoyez que les coûts, le prix de vente et la
capacité de production, tout va bien aller dans cette industrie. Je n'ai
pas besoin de vous dire qu'en 1975 on disait la même chose de l'acier.
Les prévisions pour l'acier en 1975 étaient tellement roses que
tous les pays se sont lancés dans des aciéries, incluant le
gouvernement du Québec à cette époque-là.
D'après toutes les études, ils ne pouvaient pas perdre, et, cinq
années plus tard, cela a été un désastre
complet.
Je ne dis pas que cela va être un désastre. J'espère
que non. Cela va se replacer. La seule chose que je pense qu'on doit faire pour
accomplir notre devoir, c'est exiger le minimun de protection dans les contrats
que vous allez négocier. Maintenant, on a cette opportunité parce
qu'ils ne sont pas complétés.. C'est seulement une lettre
d'entente. C'est pour cela qu'on voudrait avoir des engagements précis
sur les conditions que vous allez demander à Pechiney.
Le Président (M. Champagne): M. le ministre.
M. Biron: Je veux seulement soulever un point pour dire que c'est
un peu différent de l'acier. À la fin de 1973, au début de
1974, on a décidé d'aller dans le minerai de fer en sachant
très bien qu'il y avait du minerai de fer meilleur marché et de
meilleure qualité à l'extérieur, en particulier au
Brésil. On avait décidé, quand même, d'investir au
Québec. Je ne critique pas la décision, mais en 1975 on savait
déjà - on aurait pu arrêter la décision en 1975 - au
gouvernement du Québec que les coûts de fonctionnement seraient
beaucoup plus élevés. Et on savait aussi qu'on pouvait se
procurer du minerai meilleur marché ailleurs. Tandis que, dans le
domaine de l'aluminium, on sait que le Québec est vraiment le leader
mondial dans la production d'hydroélectricité. Et c'est cela qui
est important dans le coût de fonctionnement à l'heure actuelle.
On a bien établi qu'avec la technologie et l'électricité,
le coût qu'on paie, Pechiney serait à Bécancour parmi les
25% des meilleures alumineries au point de vue du coût de production
à travers le monde. Alors, ce n'est pas tout à fait pareil.
M. Ciaccia: Oui, je pense que la situation est absolument
analogue parce que, même si c'est vrai que le minerai était moins
cher au Brésil, les usines n'existaient pas au Brésil. On pensait
qu'avec la demande, les prévisions de demandes, même s'il y avait
eu des usines construites au Brésil, la demande était tellement
forte qu'on aurait pu, par nos coûts de construction, satisfaire à
la demande et faire un profit. Si vous vous en souvenez, il y avait deux prix:
le "Lake Erie Price" et le prix mondial. Aujourd'hui, la situation est
absolument identique. Si ce n'est pas le minerai qui est moins cher au
Brésil, vous ne pouvez pas me dire que le coût de
l'électricité est plus cher au Brésil qu'il ne l'est ici.
On fait face à la même situation que le Brésil qui a un
coût de production d'électricité moins cher que n'importe
quel pays au monde. S'il commence à se lancer dans les alumineries,
comme il s'est lancé dans la production de boulettes, on va faire face
au même genre de concurrence. Et si jamais il y avait une baisse de la
demande, comme cela s'est produit dans l'acier, comme cela s'est produit aussi
dans
l'aluminium... On avait 12 000 000 de demande en 1980 et cela a
baissé à 10 000 000. Alors, toutes ces choses se ressemblent.
Vous pouvez changer le nom, mais, pour les conditions essentielles, c'est
exactement la même situation.
Je ne vous dis pas de ne pas inviter Pechiney ici, de ne pas
réaliser ce projet. Ce n'est pas ce que je dis. Mais je dis que vous
avez une occasion en or d'imposer des conditions minimales pour nous
protéger. C'est la seule chose. Je ne veux pas que mes propos soient
interprétés dans le sens qu'on ne veut pas que Pechiney
construise à Bécancour, loin de là. Je pense que mon
collègue d'Outremont va en parler dans les questions qu'il va poser. On
a le contrat avec Hydro-Québec et on peut donner des avantages que
d'autres endroits ne peuvent pas donner, mais ne laissons pas notre chemise
là. Mettons des conditions et mettons-les maintenant, parce
qu'après il va être trop tard. Une fois que l'entente-cadre sera
signée, vous n'allez pas la modifier. Ce sont des conditions, je pense,
assez normales, quant aux coûts de construction, quant aux exigences des
investissements de Pechiney, quant à tous les autres
éléments que nous avons soulevés dans une entente qui
n'existe pas encore.
M. le Président, j'ai pris pas mal de temps pour les questions et
je voudrais donner l'occasion à mes autres collègues d'en poser
parce que je sais qu'on doit terminer nos travaux ce soir. Alors, si on a le
temps, plus tard, j'aimerais revenir.
M. Biron: Juste pour l'ordre des travaux, je croyais qu'on
pourrait peut-être dépasser un peu 18 heures si on en avait
besoin. Mais, apparemment, on nous annonce qu'il y a un caucus ici à 18
heures. Si on n'a pas terminé à 18 heures, il faudra revenir
à 20 heures.
M. Ciaccia: Juste une question. Les obligations de la SGF, au
début, de 350 000 000 $ vont être garanties par le gouvernement du
Québec. Est-ce que vous allez exiger, dans votre entente, que le
gouvernement français garantisse les obligations de Pechiney quant au
financement?
M. Lebel: Nous ne l'exigerons pas. Les banquiers pourraient,
théoriquement, exiger la garantie du gouvernement français ou la
garantie du groupe Pechiney, si elle est suffisante, pour les investissements
du groupe français.
M. Ciaccia: Alors, vous, la SGF, n'allez pas exiger la garantie
du gouvernement français même si vous savez que le gouvernement du
Québec va être obligé de garantir les obligations d'emprunt
de la SGF.
M. Lebel: Une grande partie de cette discussion tourne toujours
autour de la même notion. Nous n'avons pas à l'exiger. Ce que nous
avons à exiger de Pechiney, c'est qu'elle soit capable d'allonger son 1
000 000 000 $. Cela, c'est bien important. Cela entre dans l'appel à la
prudence que vous nous avez fait, qu'elle sera capable, le cas
échéant, d'assumer certains dépassements de coûts.
Ce n'est pas une exigence de Pechiney si nous nous présentons devant la
commission parlementaire et que nous demandons de pouvoir
bénéficier de la garantie gouvernementale. Ce sont des exigences
de nos financiers. Ce n'est pas du tout la même chose. Nous ne croyons
pas être capables de boucler le financement des 500 000 000 $
québécois sans pouvoir bénéficier de cette garantie
gouvernementale au cours de la période de la construction. Pechiney,
cela ne lui fait absolument rien qu'il y ait une garantie gouvernementale ou
non, dans la mesure où nous, nous pourrons respecter, quelque part
à l'automne, notre part de l'engagement, c'est-à-dire assurer
à Pechiney que nous sommes capables de disposer des 500 000 000 $
nécessaires pour payer notre part du projet et que nous sommes capables,
nous aussi, de traiter des excédants de coûts si jamais la
situation devait se produire.
M. Biron: M. le Président, c'est la même chose aussi
de la part de Pechiney. À l'automne, il faudrait qu'elle nous assure
être capable de fournir son 1 000 000 000 $ comme partie à la
construction de l'aluminerie. Alors, une fois qu'on a ces garanties - que les
garanties viennent d'un consortium bancaire, du gouvernement français ou
de Pechiney, pourvu que les garanties soient solides - qu'on a l'argent sur la
table, on va être capables de réaliser l'opération.
M. Ciaccia: Voulez-vous me dire, M. le ministre - on est ici le 9
juin, il n'y a rien de négocié, il n'y a rien de
complété, on discute encore - ce que le premier ministre va aller
faire à la fin du mois? Qu'est-ce qu'il va aller signer avec Pechiney
à la fin du mois? On présente un projet de loi, on nous demande
d'approuver 150 000 000 $. J'avais l'impression qu'on était pour nous
présenter des conditions ou quelque chose sur quoi on pourrait prendre
des décisions. Qu'est-ce que le premier ministre va faire à la
fin de juin, en France?
M. Biron: M. le député de Mont-Royal, le
gouvernement n'a jamais dit que tout était final et que la
décision était prise, quitte à être annoncée
officiellement lors de la visite du premier ministre. On a toujours dit qu'il
restait encore des choses à négocier avec notre partenaire
français.
M. Ciaccia: Des choses?
M. Biron: Alors, ces choses...
M. Ciaccia: II reste tout à négocier, vous n'avez
rien négocié.
M. Biron: ...c'est à travers des volontés
gouvernementales parce que Pechiney est maintenant une société
d'État française comme la SGF est une société
d'État québécoise.
M. Ciaccia: Voyez-vous cela, 1 500 000 000 $ sur deux petits
papiers comme cela! Il n'y a rien de négocié.
M. Biron: M. le député de Mont-Royal...
M. Ciaccia: Vous nous convoquez pour l'étude du projet de
loi que vous voulez adopter demain. Ne trouvez-vous pas que c'est un peu
prématuré, votre projet de loi?
M. Biron: M. le député de Mont-Royal, il ne
faudrait pas faire du charriage, non plus. Vous savez qu'il y a un paquet de
documents qui vous ont été remis qui explicitent le dossier, en
plus de tous les documents que nous avons à la Société
générale de financement sur ce point.
M. Ciaccia: J'aurais seulement une dernière remarque. Le
gouvernement du Québec garantira l'emprunt de 350 000 000 $, mais vous
n'exigez pas de garantie du gouvernement français. Si je comprends bien,
vous allez laisser cela aux banquiers. Pourquoi ne pas imposer cette exigence,
pas nécessairement pour obtenir le financement - si le financement n'est
pas obtenu, naturellement, vous ne procéderez pas - mais parce qu'il
peut y avoir des obligations en cours de route? Si le gouvernement du
Québec s'engage - la SGF est une société d'État
québécoise; Pechiney est une société d'État
française - vous ne trouvez pas que ce serait prudent de demander
l'engagement du gouvernement français?
M. Biron: M. le député de Mont-Royal, ce qu'il nous
faut, dans le fond, ce sont des garanties suffisantes qui vont faire en sorte
que, si les ententes viennent à se terminer, nous puissions être
assurés d'avoir la partie de Pechiney, soit 1 000 000 000 $. Si
Pechiney, théoriquement, pouvait obtenir des garanties du gouvernement
canadien pour sa partie, pourquoi refuserait-on de telles garanties si elles
sont bonnes, que ce soit du gouvernement américain ou de n'importe quel
gouvernement ou de n'importe quelle banque, la Banque Royale, la Banque de
Montréal ou d'autres banques?
Finalement, en fait, ce qui nous intéresse, c'est de savoir si
notre partenaire nous fournira les garanties nécessaires pour
déposer son 1 000 000 000 $ lorsqu'on en aura besoin. Notre partenaire,
Pechiney, veut s'assurer que la Société générale
de-financement, comme maître d'oeuvre des intérêts
québécois, ait les garanties nécessaires pour
déposer ses 500 000 000 $. Une fois qu'on a ces garanties, qu'elles nous
viennent de la Banque Royale, du gouvernement canadien ou du gouvernement
français, si on a les garanties, on a l'argent sur la table, on est
capables de fonctionner et de construire l'usine.
M. Ciaccia: Vous n'avez pas de garantie sur les prix. Il y a une
foule de choses sur lesquelles vous n'avez pas de garantie. En tout cas, on
reviendra sur ces sujets.
Le Président (M. Champagne): La parole, maintenant, est au
député de Nicolet.
M. Beaumier: Merci, M. le Président. Toujours dans
l'hypothèse de l'éventuelle implantation d'une aluminerie
à Bécancour, on voit qu'il y a encore des fils, comme on dit,
qu'il reste à attacher. Je pense que tout le monde s'entend. Il y a des
négociations en cours, bien sûr. Ma préoccupation, c'est de
prévenir plutôt que de guérir. Je voudrais vous demander un
certain nombre de renseignements et, si vous me le permettez, passer un certain
nombre de messages, s'il y a lieu.
Cela concerne deux points principaux: la politique d'achat et
également la politique d'emploi. On voit, à la page 48 de votre
présentation, qu'il est de l'intention et de la volonté de la
Société générale de financement "de maximiser le
contenu local des dépenses effectuées". Dans cette optique, au
tableau 13, on voit bien qu'en ce qui concerne spéciquement ce projet,
en ce qui concerne les biens et services, du moins, 100% du contenu
québécois serait assuré dans le cadre des services de
génie civil et de montage. Également, il y aurait 70% de contenu
québécois en équipements et services Au total, on devrait
normalement s'attendre à un contenu québécois de 85%.
M. le Président, si vous le jugez bon, j'aimerais que vous
explicitiez davantage en quoi consistent les équipements et les
services. (17 heures)
M. Lebel: Mon Dieu! C'est tout l'équipement qui entre dans
une aluminerie, des cuves aux ponts roulants, au matériel de
manutention. C'est tout l'équipement qui entre dans les divers
bâtiments annexes à l'aluminerie. Il y a des cuves, il y a de
l'équipement de traitement des émanations des cuves, il y a tout
ce qui est annexe aux rangées de cuves. Il y a l'usine de
préparation des anodes. Il y a des fournaises
pour cuire des anodes. Il y a - je m'excuse, je suis en train de lire
à partir d'un document en anglais; je fais la traduction au fur et
à mesure et il m'arrive de manquer d'inspiration - toute une
série d'équipements électriques, hydrauliques. Il y en a
des pages et des pages.
Nous avons examiné, dans l'optique de maximiser les
retombées au Québec de cet investissement, la possibilité
de fabrication de ces équipements au Québec. Il y en a, bien
sûr, qui à première vue ne sont pas réalisables au
Québec. C'est ainsi, par exemple, qu'il y a un système de ponts
roulants français qui est utilisé dans toutes les alumineries au
monde, aussi bien à l'Alcan ici que chez Reynolds, chez Alumax aux
États-Unis, à l'Alcoa, n'importe où au monde. Il y a
certains équipements de cette nature qu'on ne peut pas fabriquer. Il y a
d'autres équipements qui peuvent être fabriqués au
Québec sous licence. C'est tout ce domaine que nous regardons
très attentivement avec l'objectif de s'assurer que les retombées
au Québec soient maximisées. Bien sûr, pour bâtir les
usines, bâtir les édifices, c'est relativement simple d'assurer un
contenu québécois. C'est quand nous arrivons aux
équipements plus complexes que le problème se soulève.
Mais je peux vous assurer qu'il se fait un travail intense sur cette question
de la maximisation des retombées au Québec de l'investissement
à Bécancour.
D'ailleurs, en intention, ce ne sont pas seulement les effets de
retombées au Québec que nous voulons maximiser. Vous avez vu, en
parcourant le document de la SGF, que nous allons être attentifs à
favoriser, dans toute la mesure du possible, ce qui peut avoir des effets
locaux. C'est ainsi, par exemple, qu'en ce qui concerne la main-d'oeuvre, en ce
qui concerne certains types de travaux, il y a un contrat préliminaire
qui est en cours et qui a été donné à un
entrepreneur de la région. Toute cette question des retombées et
de leur répartition est l'objet d'un travail constant, fait partie des
contraintes que nous tentons d'imposer à nos partenaires et c'est suivi
avec une très grande attention.
M. Beaumier: Merci. En fait, vous m'avez devancé par votre
information, vous avez même fait le message que je voulais faire,
c'est-à-dire de s'assurer, dans la mesure du possible, que cela ait des
retombées au plan régional comme tel. Je sais qu'il y a
déjà un premier pas qui a été fait dans ce sens.
Dans la même optique, est-ce qu'il y aura une politique d'information
auprès des entreprises de la région qui seraient susceptibles de
se prévaloir de contrats de sous-traitance ou autres, toujours en
respectant les critères de qualité, de coût et les
exigences de l'échéancier? Est-ce qu'il y aura une politique
d'information auprès des entreprises existantes et qui assurerait
davantage ce contenu, j'allais dire, régional des retombées?
M. Lebel: J'aimerais demander à M. Jacques Lefebvre de
répondre à cette question, si vous êtes d'accord.
M. Lefebvre: D'abord, je dois vous dire qu'on est en train de
négocier la politique d'achat avec Pechiney et d'établir les
règles à suivre pour s'assurer, effectivement, qu'on aura un
maximum de retombées économiques au Québec et aussi,
lorsque cela sera possible, dans la région de Trois-Rivières.
Dans le processus qui est assez complexe, tout de même, il y a la
période d'information. Il faut sortir la liste d'équipement,
complète et détaillée. Ensuite, lorsqu'on a cette liste,
il faut identifier les fournisseurs possibles; après, on leur envoie
l'information requise à savoir s'ils peuvent soumissionner. Dans le
processus, on doit aussi qualifier les fournisseurs. Ce n'est pas toujours
évident qu'une pièce d'équipement n'est pas fabricable par
une compagnie quelconque. Il est sûr que l'ingénieur-conseil,
à certains moments, ne voudra pas se diriger vers une industrie
inconnue. Nous, ce qu'on exige, c'est que les ingénieurs aillent visiter
ces usines et, dans la mesure du possible, les qualifient. Il y a aussi
l'aspect des licences, du transfert de technologies. On veut inciter la firme
d'ingénieurs-conseils, ainsi que nos partenaires à aller chercher
la licence de technologie à l'extérieur du pays, lorsqu'on n'a
pas de fabricants locaux. C'est ce qui touche l'ensemble de notre politique
d'achat.
Maintenant, cela ne suffit pas d'avoir une politique d'achat, il faut
aussi avoir des moyens de contrôle. À cet effet, on est en train
de s'assurer que sur le chantier on a la main-d'oeuvre requise, la
main-d'oeuvre québécoise, les représentants de la SGF,
pour s'assurer que les retombées économiques qu'on a
mentionnées soient dans la région de Trois-Rivières ou au
Québec. C'est un processus qui est assez long parce qu'il faut suivre la
valeur ajoutée à tous les différents stades de la
fabrication. C'est un aperçu. Il y aura un sous-comité du
comité de direction qui s'assurera que la politique, qu'on a bien
négociée, soit appliquée.
M. Beaumier: Je parlais des sous-contrats. J'ai cru voir qu'il y
avait une partie dans votre présentation sur une évaluation de la
qualité et de la nature de la main-d'oeuvre en région. Est-ce que
vous êtes en mesure de nous indiquer un ordre de grandeur à savoir
si on pourra trouver ou, du moins, former à temps bon nombre des
travailleurs dont on aura besoin, autant pour ce qui concerne la période
de la construction que la période de fonctionnement?
M. Lefebvre: Je ne suis pas en mesure de vous donner des
pourcentages. Je peux vous dire que la préférence ira
définitivement aux gens qui entourent le projet, qui sont
localisés autour du projet. Par contre, je peux vous dire, quant aux
cadres, qu'un certain nombre d'entre eux doivent nous être fournis par
Pechiney étant donné que c'est leur technologie et qu'on a
avantage à retirer le maximum d'expérience de Pechiney.
Maintenant, à l'intérieur de la structure, il y aura des cadres
qui représenteront la SGF et aussi, si possible, des ingénieurs
de la région de Trois-Rivières-Bécancour.
M. Beaumier: Merci beaucoup.
Le Président (M. Champagne: M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, je remercie la SGF pour
l'information qu'elle nous a donnée. Bien sûr, dans le cahier
qu'elle nous a fourni, il y a beaucoup d'informations générales.
C'est la raison pour laquelle, avec des questions, on cherche à obtenir
des réponses plus spécifiques. J'aimerais revenir sur le
coût du projet. L'an dernier, lorsque Pechiney avait signé
l'entente avec HydroQuébec, on avait parlé d'un coût en
dollars américains. À ce moment-là, je crois que l'usine
avait été chiffrée en dollars américains à 1
200 000 000 $ US, ce qui donne environ 1 400 000 000 $, 1 500 000 000 $.
C'était en dollars de l'an dernier. Cette année, vous nous
arrivez avec des chiffres de 1 400 000 000 $. Je crois que vous nous avez dit
que c'était les chiffres apparaissant dans l'étude de
faisabilité. Vous nous avez également dit qu'un ingénieur
local qu'on connaît bien y avait participé. Pourriez-vous nous
dire quelle était l'étendue du travail qui a été
fait pour cela? Tout le monde sait qu'au niveau d'une étude de
faisabilité l'exactitude d'une estimation est beaucoup moins
précise que lorsque les plans et devis sont commencés et
même très avancés. Est-ce que les ingénieurs qui ont
participé à cette évaluation des coûts ont
indiqué une précision - ce qui est tout à fait normal,
d'ailleurs - sur l'exactitude de l'estimation qui a été faite au
niveau de l'étude de faisabilité?
M. Lebel: Oui. Les ingénieurs, aussi bien ceux de Pechiney
que ceux des firmes canadiennes qui ont été associées
à l'étude de faisabilité, assurent que ces coûts
représentent une certaine exactitude. Il n'y a, d'ailleurs, pas de gros
changements par rapport à l'an dernier. On peut faire circuler toutes
sortes de chiffres; nous avons préféré faire circuler des
chiffres en dollars courants canadiens. Il a donc circulé des chiffres
en dollars américains courants, il a aussi circulé des chiffres
en dollars américains constants. Là, il y a une variation assez
considérable.
Par exemple, si je prends les coûts, que nous estimons en dollars
canadiens constants, pour le terrain, la technologie, les bâtisses, la
machinerie, les équipements et le démarrage, j'arriverais
à un chiffre de 804 800 000 $ en septembre 1981. Je n'aurais pas,
cependant, à ce moment-là, le financement intérimaire et
je n'aurais pas le fonds de roulement à l'intérieur de cela. Mais
les chiffres n'ont pas varié de façon considérable; ils
nous sont garantis par les ingénieurs qui ont participé aux
études comme étant des chiffres assez sûrs. Ils comportent
une certaine marge pour l'imprévu. Il y a 8% de marge d'imprévu
à l'intérieur du chiffre de 1 410 000 000 $ que nous vous avons
donné ce matin.
Par ailleurs, nous avons fait évaluer par nos propres experts, en
particulier M. Allen, cette étude de faisabilité et cela nous
indique que les coûts en question sont sur la cible. Une indication, par
exemple, en est que les dernières alumineries construites au monde se
construisent entre 2500 $ et 3500 $ la tonne, le tout dépendant des
installations qu'on place près de l'aluminerie. Si c'est une aluminerie
complètement neuve, à partir d'un champ nu, le coût sera
plus élevé. Nous sommes autour de 3000 $ la tonne dans les
estimations que nous avons présentement.
Par ailleurs, d'autres personnes, qui ont bâti des alumineries et
qui connaissent le domaine, qui connaissent le marché, qui sont des
ingénieurs, ont procédé à une vérification
et nous disent que ces coûts se tiennent. Le sentiment
général - je ne dis pas cela pour rassurer tout le monde - qui se
dégage de tout cela est que la marge de manoeuvre à
l'intérieur des coûts serait assez prudente.
M. Fortier: Je me demandais quelle était l'indication
parce que, normalement, au niveau d'une étude de faisabilité, un
bureau de génie-conseil va indiquer que l'exactitude est plus ou moins
25%. Lorsque des plans et devis sont rendus à 25% de réalisation,
on peut s'engager sur une précision de plus ou moins 10%, ce qui
m'amène à vous poser une autre question. Est-ce que
l'ingénieur-conseil qui va réaliser les plans et devis
détaillés est choisi présentement?
M. Lebel: Le choix définitif, à ma connaissance,
n'est pas arrêté au moment où on se parle. Il y a,
cependant, une firme qui est au dossier à l'heure actuelle et qui fait
du travail de plans et devis, qui est rendue au niveau du travail des plans et
devis. Cela fait partie de l'engagement conjoint que nous avons pris avec
Pechiney pour certaines dépenses préliminaires dans le but de
respecter l'échéancier, mais le choix final
des experts devrait se faire dans les jours qui viennent. (17 h 15)
M. Fortier: Mais le travail qui est fait présentement par
l'ingénieur se situe au niveau de certaines dépenses que vous
avez indiquées. Ce n'est pas au niveau des plans et devis de l'ensemble
du projet.
M. Lebel: Non.
M. Fortier: Vous n'avez pas indiqué ici un cheminement
critique. Vous n'avez pas indiqué quelles sont les grandes lignes du
cheminement qui assurerait la réalisation dans un temps record ou dans
un temps bien précis. Quelles sont les étapes les plus
importantes? Dans ce projet comme dans d'autres, est-ce que le cheminement le
plus critique passe par la passation de commandes d'équipement de longue
durée? Est-ce que c'est cela réellement, le cheminement
critique?
M. Lebel: La préparation du terrain était
importante, parce que, si la préparation du terrain ne se
réalisait pas cette année, cela aurait eu un effet de
décalage sur l'échéancier. En deuxième lieu, sans
doute, la passation des commandes pour certaines grosses unités
d'équipement.
M. Fortier: Si c'est la passation des commandes de grosses
unités d'équipement de longue livraison alors que
l'ingénieur n'est pas encore choisi, j'ai de la difficulté
à comprendre comment l'aménagement du terrain peut venir sur le
cheminement critique. Indépendamment du fait qu'on ait
aménagé le terrain ou que ce sera l'an prochain, il me semble que
le cheminement critique va toujours être la passation des commandes de
longue livraison.
M. Lebel: Les échéanciers que nous avons pu
consulter nous indiquent que, si nous pouvons nous entendre, quelque temps en
septembre, de façon définitive - mais nous ne pouvons pas nous
engager à l'heure actuelle - nous pouvons entrer en production en 1987.
Cela tient compte de tous les délais, de tous les "bottle-neck"
importants auxquels on peut avoir à faire face dans un
échéancier critique.
M. Fortier: Mais j'imagine que la passation des commandes les
plus importantes, y compris la manufacture d'équipements et le choix de
l'ingénieur-conseil qui assurera l'ensemble de la gestion du projet, ne
se feront qu'une fois qu'il y aura entente sur le fond du problème dont
on vient de discuter, à moins qu'il n'y ait une convention
spéciale afin d'engager des fonds quand même assez
considérables pour permettre à l'ingénieur-conseil de
procéder bien avant que l'entente soit signée d'une façon
définitive, ce qui pourrait être au mois de septembre ou au mois
d'octobre. Est-ce que vous avez une convention spéciale avec Pechiney
qui vous permettrait non seulement de choisir l'ingénieur-conseil, mais
de lui permettre d'engager des fonds considérables?
M. Lebel: II n'y a pas d'autre entente que celle à
laquelle nous avons référé antérieurement, entente
en vertu de laquelle nous acceptons de dépenser jusqu'à 5 000 000
$ en travaux préparatoires et en travaux d'ingénierie. Le contrat
avec les ingénieurs-conseils tiendra compte de la limite de cet
engagement pour le moment. Ce n'est pas, non plus, notre intention - en tout
cas, cela n'a pas été discuté chez nous - de nous engager
davantage financièrement avant d'avoir complété
l'accord-cadre et avant d'avoir une assurance de la part des banquiers que le
projet peut obtenir le financement.
M. Fortier: Les coûts qui apparaissent d'une façon
très sommaire, à la page 71, doivent inclure les frais de
génie et pas seulement l'équipement. Est-ce que vous pourriez me
dire, étant donné qu'il s'agit d'une technologie Pechiney, si
cette dernière va exiger un "know-how" à la réalisation de
cette usine? Est-ce que des droits d'exploitation vont être payés
par le consortium qui va réaliser ce projet à
Bécancour?
M. Lebel: La question du "know-how" et des droits d'exploitation
est en négociation avec Pechiney présentement. Elle se
présente en deux parties. Il y a une demande de la part de Pechiney pour
qu'on achète la technologie de base, c'est-à-dire les plans
généraux de base de l'usine de Pechiney comme cela se fait,
d'ailleurs, dans tous les projets. Il y a une valeur de fixée par
Pechiney à cette fourniture de technologie et nous avons une position,
nous, de négociation sur cette valeur fixée par Pechiney. C'est
donc en négociation au moment où on se parle. Le deuxième
aspect de la technologie, c'est qu'il y a de la part de Pechiney une demande
pour des "royautés", une forme de "royautés" pendant une
période d'exploitation donnée. C'est en négociation aussi;
c'est contesté par nous. Nous espérons arriver à une
formule en vertu de laquelle nous ne paierons pas de "royautés" sur la
production de l'usine de Bécancour. Cela pourra prendre des formes
complexes, mais c'est notre position. À votre question, il y a une
demande de la part de Pechiney.
M. Fortier: On parlait tout à l'heure d'une usine
semblable qui aurait été faite. Pouvez-vous préciser le
pays exactement et la capacité? Est-ce qu'il s'agit d'une
capacité semblable?
M. Lebel: C'est Tomago, en Australie. Jacques Lefebvre peut
répondre.
M. Lefebvre: C'est essentiellement la même usine. C'est 220
000 tonnes. Elle sera terminée en septembre cette année.
M. Fortier: S'il s'agit de la même usine, les plans et
devis vont servir dans une certaine dimension d'adaptation au système
électrique ou aux conditions climatiques canadiennes. Quels seraient les
facteurs qui pourraient modifier l'échéancier ou les coûts?
Est-ce que le fait que certains équipements, à la demande des
Québécois, soient faits ici au Québec pourrait avoir une
influence sur les coûts et sur les échéanciers vu qu'on
permettra, éventuellement, à des firmes québécoises
de soumissionner et qu'on arrangera un transfert de technologies, comme vous
l'avez mentionné? Est-ce qu'il s'agit du facteur le plus
considérable ou s'il s'agit d'un dédoublement à 100%?
M. Lebel: II ne s'agit sûrement pas d'un
dédoublement à 100%, quoiqu'il s'agisse de deux entreprises de
technologie Pechiney. Par ailleurs, pour un autre aspect de votre question, il
n'est pas de notre intention de donner des primes au contenu
québécois. Nous pensons pouvoir réaliser notre objectif de
retombées sans augmenter les coûts du projet.
M. Fortier: En Australie, d'après ce que j'en sais,
Pechiney est installée là d'une façon assez
considérable avec des usines d'alumine, des usines d'aluminium pour
l'électrolyse de l'alumine. Ils sont sur une base assez
intégrée, si on peut l'appeler ainsi. Cela doit, bien sûr,
les amener à pouvoir produire de l'aluminium à des prix
très concurrentiels sur le plan mondial, j'imagine, puisque les prix de
l'électricité australienne, dépendamment de l'État
où on est, peuvent être également très
concurrentiels. Comment cette usine va-t-elle se comparer à celle du
Québec? J'imagine que vous n'avez pas accès aux données
privilégiées de Pechiney. Est-ce que vous avez une idée,
quand même, de la compétitivité des usines Pechiney en
Australie par rapport à l'usine Pechiney qui pourrait être
construite à Bécancour?
M. Lebel: J'aimerais passer cette question à Jacques
Lefebvre qui en sait sans doute plus que moi là-dessus.
M. Lefebvre: Sur Tomago, d'abord ce sont des informations qui ne
nous ont pas été données directement par Pechiney. Ce
qu'on en sait, c'est qu'essentiellement l'usine est construite à
l'intérieur des délais prévus, qu'elle est construite
à l'intérieur des budgets établis aussi. En ce qui
concerne les coûts de production, ce qu'on en sait, c'est que le
Québec est concurrentiel avec l'Australie.
Il y a un point que j'aimerais souligner ici parce qu'il est très
important. Lorsqu'on regarde la question du prix de l'aluminium, il faut
constater qu'à peu près 40% du coût de production de
l'aluminium - cela peut varier - provient du coût de l'alumine. La
façon dont l'alumine se vend sur le marché présentement
nous donne une certaine sécurité. L'alumine, on la vend à
un prix qui est un pourcentage du prix de l'aluminium. Donc, vous avez
l'avantage, si vous avez les bons taux d'électricité au
départ dans une basse conjoncture, d'avoir des prix d'alumine
très bas et, lorsque les prix sont élevés, vos prix
d'alumine augmentent en proportion, mais vos marges augmentent
considérablement. Pour cela, on n'a aucune inquiétude à
s'établir au Québec. De même, Pechiney n'a aucune
inquiétude. Il y a présentement des approvisionnements de bauxite
connus pour 300 ans à venir. Donc, la bauxite et l'alumine ne sont
assurément pas un problème pour nous et on peut être
concurrentiels avec l'Australie.
M. Fortier: Vous venez de dire que l'alumine se vend à un
pourcentage de l'aluminium et on sait, par ailleurs, que Pechiney n'a pas
l'intention de construire d'usine d'alumine ici. Donc, il ne s'agit que de
l'électrolyse de l'aluminium. L'alumine viendra d'autres pays.
Pouvez-vous nous indiquer de quels pays? L'alumine, en particulier,
viendra-t-elle d'Australie ou de France? De quels pays viendra-elle? Si vous
dites que l'alumine est vendue à un prix proportionnel au prix de
l'aluminium, si cela vient de France ou d'autres pays où le prix de
l'électricité est plus élevé, c'est donc dire que
l'alumine, comme intrant dans l'usine de Pechiney, va être à un
prix relativement plus élevé que l'alumine, par exemple, du
Québec.
M. Lefebvre: Non, c'est le marché mondial qu'on regarde
ici. Pour répondre à votre question sur la source de l'alumine,
présentement, on considère qu'il faudrait au moins deux sources
pour avoir une certaine sécurité et on ne peut pas vous dire, au
moment où on se parle, d'où viendra l'alumine et qui nous
fournira l'alumine. Ce n'est pas nécessairement Pechiney qui va fournir
l'alumine. Il est possible que le projet, par une société, aille
conjointement s'approvisionner en alumine, soit en Jamaïque, en
Guinée, en Australie ou en Irlande. D'ailleurs, il y en a un peu
partout.
M. Fortier: Quand vous dites "nous", parlez-vous de la
Société générale de
financement, parce qu'en ce qui concerne... M. Lefebvre: Cela peut
être...
M. Fortier: ...Pechiney elle va s'approvisionner là
où bon lui semblera?
M. Lefebvre: Non, non. On peut s'approvisionner
indépendamment, c'est-à-dire que la SGF pourrait avoir un contrat
avec l'Alcan et l'Alcan pourrait nous fournir de l'alumine à partir
d'une usine...
M. Fortier: Oui.
M. Lefebvre: ...à l'extérieur du Québec ou
les deux parties, soit Pechiney et la SGF pourraient conjointement former une
société d'achat d'alumine. Il n'est pas prévu ou il n'est
pas nécessaire que cette alumine vienne du réseau de Pechiney
comme tel. Il est possible qu'on l'achète en Jamaïque d'un
concurrent.
M. Fortier: Mais je pense que c'est dans votre cahier ici que
j'ai lu qu'étant donné que vous êtes en
propriété - comment appelez-vous cela? -
M. Lefebvre: Indivise.
M. Fortier: ...indivise, chacun est responsable de ses intrants
et chacun est responsable de la production.
M. Lefebvre: Oui.
M. Fortier: Si cela fait l'affaire de Pechiney de
s'approvisionner là où elle le voudra sans vous le dire, elle va
le faire et c'est votre responsabilité de vous approvisionner
également. Ce que vous me dites, dans le fond, c'est que le
problème en amont est le même problème en aval. En aval,
mon collègue de Mont-Royal parlait de la façon de disposer de la
production dont vous serez propriétaire à la sortie de l'usine et
là, vous avez dit: On ne connaît pas le marché
international, mais il y a peut-être moyen de signer une entente avec
Pechiney. Ce que vous nous dites pour l'amont, c'est la même chose. Vous
avez une responsabilité que vous devez assumer légalement, mais
que vous ne pourrez peut-être pas assumer et là, vous allez signer
une autre entente avec Pechiney pour l'aval.
M. Lefebvre: Non.
M. Fortier: À ce moment-là, j'ai de la
difficulté à comprendre l'ensemble du système.
M. Lefebvre: Je peux être plus explicite, peut-être.
Si, hypothétiquement, l'Alcan avait de l'alumine à vendre
à la SGF et non au groupe Pechiney et que l'Alcan nous offrait un
contrat qui est beaucoup plus avantageux que la SGF et Pechiney ensemble comme
projet pourraient avoir avec un autre fournisseur d'alumine, à ce
moment-là, il n'y a rien qui empêche la SGF de signer une entente
avec l'Alcan, mais ce sera à la SGF de décider si elle veut,
conjointement avec Pechiney, aller chercher son alumine ou l'acheter
indépendamment.
M. Fortier: Je crois que vous dites ici que l'Alcan, au
Québec, ne produit pas assez d'alumine pour ses propres
activités. (17 h 30)
M. Lefebvre: Non, mais elle a des usines ailleurs.
M. Fortier: Elle a des usines à l'étranger.
M. Lefebvre: Oui, au Brésil, par exemple.
M. Fortier: C'est une possibilité, comme c'est une
possibilité que vous puissez vous approvisionner n'importe
où.
M. Lefebvre: Effectivement. Le point important à retenir
sur l'alumine, c'est qu'il n'en manque pas, il y en a beaucoup. Il y a des
compagnies qui sont fermées à l'heure actuelle. C'est donc un
marché d'acheteurs qui favorise autant le Québec
présentement qu'il pourrait favoriser l'Australie. Cela nous place dans
une position concurrentielle.
M. Fortier: J'aimerais revenir au transfert technologique.
Quelques-uns ont dit qu'étant donné que Pechiney viendrait ici il
y aurait un transfert technologique vers le Québec. Je dois vous dire
que j'ai de la difficulté à visualiser cela. Je comprends qu'il y
a un procédé Pechiney. Je comprends également que la
recherche et le développement de Pechiney se fait ailleurs qu'au
Québec. Vous n'avez pas dit que Pechiney était pour ouvrir un
bureau de recherche et de développement ici précisément
pour l'usine qui serait construite à Bécancour. Donc, la
technologie existera à Paris, chez Pechiney en France et dans ses
filiales du monde entier.
Ici, au Québec, il y a une usine qui sera construite,
basée sur cette technologie pour la conception de l'usine. Il n'y aura
pas de recherche et de développement qui se feront au Québec
même. Dans le fond, il s'agit d'une usine ou d'une technologie qui sera
tout à fait dépendante de Pechiney. Si c'était une usine
de l'Alcan, elle aurait été dépendante d'une autre
technologie, mais elle sera toujours dépendante de la technologie
Pechiney. Dans un sens - excusez l'expression - c'est un peu comme si Pechiney
avait décidé d'aller au Congo belge. Je ne vois pas
le transfert technologique qu'on aura grâce à cette usine
à Bécancour, mais si vous voulez me l'expliquer, je suis
prêt à écouter.
M. Lebel: On peut faire quelques commentaires sur cette question.
Le premier commentaire, c'est qu'il existe une technologie Pechiney. Certains
éléments de cette technologie concernent, en particulier, la
fabrication des anodes et l'autre partie concerne le fonctionnement des cuves
de fusion. Cette technologie se traduit par une économie de 1500
kilowattheures pour produire une tonne d'aluminium par rapport à une
moyenne mondiale de 15 000 kilowattheures la tonne d'aluminium. Il existe donc
une technologie Pechiney.
Le deuxième commentaire: contrairement à certaines autres
grandes alu-mineries - Pechiney est la 4e au monde -Pechiney a
décidé, dans le passé, d'investir dans le
développement de sa propre technologie. On rencontrait hier un
représentant de l'Alcan qui nous confirmait ce qu'on nous avait dit sur
l'Alcan. L'Alcan n'a pas développé sa propre technologie de
l'aluminium. Quand elle bâtit une usine, elle achète trois, quatre
ou cinq grandes technologies dans le monde. Elle achète de la
technologie Alcoa, de la technologie Pechiney, de la technologie de je ne sais
où. On nous a mentionné hier cinq technologies différentes
à l'usine de Grande-Baie. Quand Alcan achète, elle paie cette
technologie.
Le troisième et dernier commentaire: il ne faudrait pas pousser
non plus et, là-dessus, nous sommes d'accord avec vous. Il faut savoir
ce qu'on achète exactement et il faut savoir ce que cela vaut. J'ai
indiqué dans une remarque antérieure que c'était pour nous
un point de négociation assez serré. Avec Pechiney, nous sommes
prêts à faire, comme partenaire, ce que les autres producteurs
d'aluminium semblent faire dans le monde. Nous avons travaillé sur cette
question, en particulier avec M. Bruce Allen, pour savoir ce qui se fait
ailleurs et ce qu'il est normal de payer pour acquérir une technologie.
Nous avons une position de négociation assez ferme sur cette question.
Mon Dieu! Si nous passons au travers, je ne pense pas que nous puissions nous
comparer au Congo belge.
M. Fortier: Cette technologie que vous allez posséder vous
permettrait quoi? Est-ce qu'elle vous permettrait d'entrer en "partnership"
avec Pechiney pour la construction de l'usine? Est-ce que ça vous
permettrait éventuellement de construire des usines basées sur
cette technologie? Que va vous apporter l'achat de la technologie? Cela va vous
permettre d'être en "partnership" sur ce projet en particulier, point
final.
M. Lebel: C'est ça. Si nous devions bâtir une autre
aluminerie quelque part au Québec, avec Pechiney ou quelqu'un d'autre,
nous aurions le même problème que Reynolds a quand elle
bâtit une aluminerie ou que l'Alcan a quand elle bâtit une
aluminerie. Nous devrions décider quelle technologie nous adoptons et,
à ce moment-là, il y aurait encore des coûts de
technologie. Je peux vous assurer que tous les producteurs d'aluminium au
monde, à l'exclusion de Pechiney et d'Alcoa qui ont
développé leur propre technologie, patent de la technologie au
moment où ils font une expansion ou bâtissent une nouvelle
usine.
M. Fortier: D'ailleurs, je crois que l'usine de l'Alcan à
La Baie était basée sur une technologie de l'Alcoa, justement,
qui avait été achetée.
M. Lebel: En partie de l'Alcoa, en partie de Pechiney et en
partie de quelqu'un d'autre, si je me souviens bien de ma conversation
d'hier.
M. Fortier: Le transfert de technologies, on en parle beaucoup et
Pechiney a développé, j'imagine, plusieurs technologies dont
celle de l'électrolyse de l'aluminium. Elle a peut-être
développé d'autres technologies que je ne connais pas
personnellement. Dans le domaine de l'alumine, dans la transformation de
l'aluminium, dans la façon de faire des profilés, dans tout
ça, ce que vous nous dites, c'est que la seule technologie que vous
allez acheter espérez-vous pour 1 $ et autres considérations,
c'est celle qui va permettre de faire la conception de l'usine et de la faire
fonctionner.
M. Lebel: C'est ça.
M. Fortier: Cela ne vous donne pas accès à la
technologie complète de Pechiney Ugine Kuhlmann.
M. Lebel: Non.
M. Fortier: Bon. Un point où on arrive maintenant - on en
a parlé tout à l'heure et je pense qu'il est extrêmement
important -c'est le contrat d'électricité. Vous y faites allusion
dans votre mémoire à la page 44, en disant: C'est un point
déterminant. D'ailleurs, un peu avant cela, à la page 37, vous
faites des comparaisons. Si je prends le tableau de la page 37 - vous avez
préparé le document - est-ce qu'il s'agit d'une évaluation
que vous avez faite vous-même ou si vous avez mis cette information
générale dans votre mémoire? Est-ce que vous l'avez
évaluée vous-même? Est-ce que c'est juste à titre
d'illustration ou si c'est une étude fouillée de la situation qui
vous a permis de conclure en ce qui concerne l'électricité?
M. Lebel: Le tableau de la page 37? M. Fortier: Oui.
M. Lebel: Ce sont des informations qui viennent
d'Hydro-Québec qui amasse des statistiques pour se comparer aux autres
producteurs d'électricité dans le monde. Ce que nous avons fait
ici, c'est juste un choix que nous considérons comme
représentatif de situations pour les comparer à la situation
québécoise. Il pourrait arriver que certains producteurs
d'électricité, on me dit des producteurs
d'électricité de petite taille, puissent fournir de
l'approvisionnement d'électricité aux États-Unis, par
exemple, à des tarifs qui se situeraient mieux par rapport aux tarifs
d'Hydro-Québec, mais ce n'est sûrement pas la
généralité. Dans plusieurs des cas où on
observerait une tarification inférieure, les producteurs
d'électricité en question ne pourraient pas nécessairement
s'engager dans la fourniture à long terme comme Hydro-Québec peut
le faire à l'égard d'un projet comme celui de Pechiney et comme
celui de Reynolds.
M. Fortier: Je voyais dans votre tableau que vous notez la
côte ouest des États-Unis, mais on n'a pas mis
l'électricité produite dans l'État de Washington, en
particulier, qui est moins chère que celle d'Hydro-Québec, je ne
sais pas pour quelle raison. De toute évidence, lorsqu'on met 100 pour
Hydro-Québec, on parle du tarif normal. Est-ce qu'on parle du tarif
normal ou du tarif privilégié?
M. Lebel: Le tarif grande puissance. M. Fortier: Le tarif
grande puissance.
M. Lebel: Ce qu'on compare ici, ce sont les tarifs qui sont
facturés à quelque 100 entreprises au Québec. Ce qu'on
compare ailleurs, c'est l'équivalent des tarifs grande puissance.
M. Fortier: J'ai retenu certains chiffres d'Hydro-Québec;
j'y ai fait allusion à l'Assemblée nationale à quelques
reprises. Si on se compare avec l'Ontario, on s'aperçoit que la
différence est beaucoup moindre qu'avec les pays auxquels vous faites
allusion ici. En moyenne, en 1983, on est rendu à 12,5%. En tout cas, il
est, quand même, vrai qu'il y a un avantage ici. J'aimerais savoir d'une
façon plus précise, puisque c'est certainement une donnée
extrêmement importante de. la rentabilité du projet, quel est le
sens de l'entente qui existe entre Hydro-Québec et Pechiney et qui
deviendra, à ce moment-là, Pechiney-SGF. Pourriez-vous nous
donner des précisions là-dessus?
À la page 44, on nous parle d'une garantie d'approvisionnement de
400 mégawatts pour une première phase de production et de 600
mégawatts pour une seconde phase. Vous nous parlez de la construction de
deux lignes de transport de 230 kV. Cela veut dire que, normalement, ce serait
l'entreprise qui paierait pour cela. Dans ce cas-ci, c'est Hydro-Québec
qui va payer pour la construction de ces deux lignes de transport. On parle
aussi du renforcement de la ligne de transport de la centrale de Gentilly, au
poste de Nicolet et d'un coût avantageux pour
l'électricité. Ce que nous en savons, c'est qu'il y avait une
base, qui était le tarif de 1981, et qu'elle serait majorée au
maximum de 10% par année. Est-ce que vous pourriez expliquer l'entente
qui existe avec Pechiney, dont vous allez vous-même profiter, du moins
dans les grandes lignes?
M. Lebel: Oui. Avant de répondre à votre question,
on me transmet une petite note dans laquelle on me dit que TVA serait
probablement, dans l'Est des États-Unis, le seul producteur
d'électricité d'une taille suffisante pour fournir des
approvisionnements à la hauteur de la demande exigée et que les
prix de TVA seraient sans doute plus près des prix d'Hydro-Québec
que des prix qu'on observe sur la côte ouest des États-Unis. Il
faut, cependant, se souvenir que TVA connaît de grandes
difficultés. Je ne sais pas si ses tarifs d'électricité
reflètent les difficultés financières dans lesquelles se
trouve TVA. Vous savez que TVA exploite des centrales hydroélectriques
et des centrales nucléaires et qu'elle a dû fermer des centrales
nucléaires. Il y a dix mois ou un an - je ne m'en souviens plus - TVA,
cette grande entreprise d'électricité aux Etats-Unis,
était techniquement en faillite. On parlait d'un déficit
considérable, dans les milliards de dollars. C'est la réponse
à la première question.
Quant à la deuxième, le principe du contrat entre
Hydro-Québec et Pechiney est le suivant. Il s'agit, d'abord, de
s'engager à fournir, sur une longue période, 400 mégawatts
d'électricité qui pourraient être portés à
600 mégawatts si le projet de Bécancour est prolongé. La
base du contrat est le tarif grande puissance d'Hydro-Québec. Le
deuxième élément important du contrat est qu'il comporte,
des maxima relativement, à la croissance de ces tarifs d'ici 1990 et de
1990 à 2006. Le troisième élément du contrat est
qu'il comporte, en fin de contrat - et cela a été
évoqué par M. Ciaccia ce matin - une période de rattrapage
de cinq ans au cours de laquelle tout cela se remettra sur les tarifs normaux
imposés aux entreprises bénéficiant de contrats dits de
grande puissance. (17 h 45)
Pour le reste, il y a sans doute toute une série de
modalités à l'intérieur de ces
contrats. J'en ai personnellement discuté avec des
représentants d'Hydro-Québec. On me dit que les contrats
d'électricité passés avec les firmes qui ont le tarif
grande puissance sont tous des contrats individuels, qu'ils comportent, pour la
plupart, des clauses spécifiques et qu'il serait difficile de comparer
les avantages de l'un à l'égard des avantages de l'autre. Ce qui
est connu, révélé, c'est que le contrat comporte cette
limite à l'accroissement annuel du tarif de
l'électricité.
Évidemment, une quatrième dimension qui a
été apportée ce matin, ce n'est pas le contrat
d'Hydro-Québec, mais il est convenu, en plus, que le projet de
Bécancour pourra bénéficier d'un rabais des coûts
d'électricité au cours de la période des surplus
d'électricité, conformément à la politique
gouvernementale sur les rabais des coûts d'électricité.
M. Fortier: Cela pourra jouer pour combien d'années?
Jusqu'en 1990?
M. Lebel: Cela va jouer jusqu'à la fin de 1990 sur les
deux lignes. Cet avantage conféré à Pechiney, qui est le
même que celui qui a été conféré à
Reynolds, représente, à l'intérieur du projet, en dollars
courants, une économie de coûts de production, au cours de cette
période, de 200 000 000 $. Ce n'est pas négligeable comme
avantage. C'est vu - et je pense qu'il y a une certaine logique à le
voir de cette manière - aussi en contrepartie comme un profit net de 200
000 000 $ pour Hydro au cours de la même période parce qu'il est
assumé que, dans cette période de surplus
d'électricité, ce serait de l'eau qui, autrement, passerait
par-dessus les barrages. C'est, à mon point de vue, le principal et de
loin le plus fort avantage du contrat d'énergie, avantage qui est
disponible aux autres fabricants d'aluminium. Il est disponible à
Reynolds et il pourrait être disponible à d'autres fabricants
d'aluminium qui pourraient venir s'installer au Québec et à
d'autres entreprises qui pourraient démarrer des projets au
Québec dans cette période de surplus
d'électricité.
M. Fortier: Vous avez dit quelque chose qui m'a frappé.
J'aurai l'occasion de vérifier cela avec Hydro-Québec. Vous avez
dit: Les contrats à grande puissance sont tous négociés
individuellement. Ce que vous me dites, c'est qu'il n'existe pas de tarif
grande puissance.
M. Lebel: II existe un tarif de base grande puissance à
partir duquel Hydro-Québec s'assoit avec le client, et c'est faisable,
d'après ce que j'ai compris, parce qu'il s'agit de 125, 130 ou 150
contrats à partir desquels Hydro-Québec s'assoit avec le client
et négocie les autres termes et conditions du contrat, la puissance
fournie, la demande, etc. Mais j'avoue que je ne suis pas un spécialiste
en la matière.
M. Fortier: D'accord. En ce qui concerne les augmentations de
tarifs, la seule clause que vous avez indiquée est celle d'une
augmentation de 10%. Cette clause va valoir indépendamment de ce qui
peut arriver aux augmentations de tarifs d'Hydro-Québec dans son
ensemble. C'est ce que j'ai compris. Autrement dit, c'est une augmentation
maximale. Si, comme cette année, l'augmentation est de 8%, le tarif
applicable augmentera de 8%; si l'augmentation du tarif d'Hydro-Québec
est de 13%, l'augmentation maximale pour cette année sera de 10%,
basé sur 1981. Est-ce que c'est bien le sens de l'entente?
M. Lebel: Je pense que vous avez une bonne interprétation.
Le seul commentaire que j'aimerais ajouter à votre précision est
le suivant: Nous ne croyons pas - il y en a plusieurs qui sont de notre avis
là-dessus -qu'au cours de la période où les 10%
s'appliqueraient les tarifs montent effectivement de 10%. Dans nos
études de rentabilité, nous avons adopté une croissance
des tarifs de l'électricité pour cette période qui ne
rejoint pas ce cap qui s'appliquerait si jamais cela dépassait cela. Et
cela semble être partagé...
M. Fortier: Cette hypothèse est basée sur quoi?
Vous faites l'hypothèse qu'Hydro-Québec n'aura pas de grands
programmes de construction de centrales?
M. Lebel: Sur la baisse des taux d'inflation au cours de cette
période, sur le report de certains grands projets d'équipement,
sur l'existence de surplus d'électricité, sur la
nécessité pour Hydro-Québec d'être de plus en plus
concurrentielle, etc. J'avoue que j'entre dans un domaine dont vous allez
pouvoir parler beaucoup plus à l'aise dans une autre salle.
M. Fortier: Quoi qu'il arrive au tarif grande puissance pour les
autres clients, dans le cas de Pechiney, l'augmentation est de 10% au maximum
par année.
M. Lebel: D'ici 1990.
M. Fortier: D'ici 1990. Non, non, pour 25 ans.
M. Lebel: D'ici 1990.
M. Fortier: Écoutez, on n'a pas encore commencé
à construire l'usine. Disons que vous la commencez à l'automne,
elle sera en exploitation en 1987.
M. Lebel: II y a quatre ans de production qui sont
protégés.
M. Fortier: Oui, alors vous êtes rendus à 1990 avec
le tarif coupé de moitié par le fait qu'il y a de
l'énergie excédentaire. Est-ce que vous me dites qu'après
1990 vous rejoignez le tarif normal, le tarif grande puissance ou si
l'augmentation de 10% par année continue à s'appliquer?
M. Lebel: Ce plafond s'applique jusqu'en 1990 sur la
première ligne - c'est ce que j'avais en tête tout à
l'heure, les 200 premiers mégawatts - et il s'appliquerait jusqu'en 1992
sur la deuxième ligne, la seconde tranche de 200 mégawatts du
début des opérations au 30 juin.
M. Fortier: II y a quelque chose que je ne comprends pas, parce
qu'il y a une contradiction par rapport à l'information que le ministre
nous a donnée dans le passé. J'avais compris dans le passé
que si l'entente est de 25 ans, l'augmentation maximale était de 10% par
année et que, durant les cinq dernières années, il y avait
un rattrapage qui se faisait. C'est la confirmation que je voulais avoir de
vous, parce que je n'ai pas eu l'occasion d'étudier la question. Le
tarif 1981 s'applique et ce tarif-là est augmenté de 10% par
année. Si on oublie les années où il y a un surplus
d'énergie, ce tarif-là augmente de 10% au maximum par
année indépendamment de ce qui peut arriver au-delà de
cela pendant 25 ans et, durant les cinq dernières années, il y a
un rattrapage qui se fait. Est-ce qu'en gros c'est juste?
M. Lebel: II y a un rattrapage qui se fait. Pour être plus
exact - c'est probablement de là que vient le conflit d'information -
dans la période 1991 à 2006 pour la première ligne et la
période 1992 à 2007 pour la deuxième ligne, il y a une
autre notion de plafond qui s'applique.
M. Fortier: Je pense qu'à ce moment-là on faisait
référence à un plafond qui était le prix de
l'aluminium combiné...
M. Lebel: Cela a été mentionné ce matin,
d'ailleurs, à la commission. Les 10% ne s'appliquent que sur la
première ligne jusqu'en 1990 et en 1992 sur la deuxième
ligne.
M. Fortier: Autrement dit, le point capital de l'entente, c'est
qu'il y a un plafond de 10% sur le tarif grande puissance de 1981 et,
après cela, il y a un autre plafond qui se réfère au
coût de l'aluminium proprement dit sur une base nord-américaine.
C'est donc dire qu'en ce qui concerne le coût de
l'électricité Pechiney a obtenu à l'intérieur de
certaines balises des garanties pendant 25 ans.
M. Lebel: Un contrat de 25 ans.
M. Fortier: C'est cela. Et indépendamment de ce qui peut
arriver. Vous m'avez dit: On a fait des hypothèses selon lesquelles le
tarif n'augmenterait pas plus que cela. Le président du conseil
d'Hydro-Québec a indiqué que, si jamais Hydro-Québec
perdait en Cour suprême, Terre-Neuve pourrait nous augmenter de 25%.
Pechiney est donc à l'abri de toutes ces intempéries qui
pourraient survenir dans l'avenir. Je crois que dans votre mémoire vous
indiquez l'importance du tarif de l'électricité, comme on vient
d'en discuter brièvement. Vous en parlez en ce qui concerne le
pourcentage du coût de l'électricité dans les coûts
de production. Pourriez-vous préciser la page où on trouve
cela?
M. Gagnon (Louis-Gilles): Page 30.
M. Fortier: Page 30, merci. Alors, ce tableau-ci n'est pas
l'information spécifique pour Pechiney. J'imagine que vous ne voulez
certainement pas dévoiler une information aussi spécifique. Mais
vous avez indiqué tout à l'heure, je crois, sur un autre
graphique, que l'ensemble des coûts de production privilégierait
l'usine de Bécancour d'une façon telle qu'elle serait dans les
15% ou 20%...
M. Lebel: 20%.
M. Fortier: ...des centrales mondiales.
M. Lebel: Sûrement en bas de 20%.
M. Fortier: Autrement dit, peut-on conclure que cette entente
avec Hydro-Québec est un facteur déterminant dans le choix pour
Pechiney de venir au Québec, pour obtenir un coût
d'électricité intéressant sur une longue période
et, surtout, une source d'énergie stable? Vous avez également
fait référence au fait que la capacité de production
était telle que c'était une garantie d'être
approvisionné par une société qui avait une grande
capacité de production comme Hydro-Québec, laquelle est autour de
15 000 à 20 000 mégawatts. Est-ce que c'était le facteur
ou un facteur très important dans le choix pour Pechiney de venir au
Québec?
M. Lebel: Je pense que le contrat d'électricité a
été l'élément déterminant de la venue de
Pechiney au Québec. Le dossier Pechiney est un vieux dossier au
gouvernement. Il a refait surface à diverses reprises. Il a
été repris en particulier en 1981 au ministère de
l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme et ultérieurement au ministère de
l'Énergie et des Ressources. C'est un peu à cause de la
conjoncture mondiale - et la nôtre - de l'énergie à ce
moment-là que le projet Pechiney a été rendu possible.
Plusieurs se souviennent sans doute de visites antérieures du
groupe Pechiney. Chaque fois qu'il était question pour Pechiney de
bâtir une aluminerie, il était question d'obtenir un contrat
d'approvisionnement à long terme offrant certains avantages. Tant que
cette possibilité n'a pas été ouverte, le projet Pechiney
n'a pas été plus loin que des discussions plus ou moins chaudes,
plus ou moins animées, pendant des périodes de trois semaines, un
mois ou un mois et demi. Il est clair que, sans ce contrat, le groupe Pechiney
ne se serait pas intéressé au Québec.
Je me permets d'ajouter qu'il est aussi clair que, sans la
possibilité du rabais et sans la possibilité de s'associer avec
un groupe québécois, le projet n'aurait pas démarré
dans une période où il serait aussi favorable qu'il
démarre pour profiter au maximum des retombées
économiques. Alors, dans la venue de Pechiney au Québec, il y a
le contrat d'approvisionnement en électricité. Les deux
dimensions: c'est un contrat qui protège et qui assure une fourniture
à long terme - cela, c'est clair, Hydro-Québec peut le donner -
qui assure une croissance des coûts raisonnables, c'est une
première condition; la seconde, c'est qu'on soit capable avec Pechiney
d'investir dans un projet d'aluminerie de la taille de celui qu'on se propose
de réaliser.
M. Fortier: Brièvement, parce que je pense qu'on va
suspendre. Il y a une autre réunion qui commencera à 18 heures.
J'imagine que Pechiney a chiffré ce contrat d'électricité
avec Hydro-Québec. Est-ce que cela peut s'exprimer en millions de
dollars par rapport à d'autres sites que Pechiney a
considérés dans le monde?
M. Lebel: Je n'ai pas de chiffres là-dessus. Nous ne
l'avons pas fait. Si Pechiney l'a fait, nous ne connaissons pas ces chiffres.
J'ai mentionné tout à l'heure, cependant, que le rabais durant la
période de surplus d'électricité représentait pour
l'entreprise 200 000 000 $ et cela m'apparaît important.
Le Président (M. Champagne): Merci. Alors, est-ce qu'on
acceptera de laisser la parole au député de Châteauguay au
retour, à 20 heures?
M. Fortier: On peut bien laisser la parole à M. le
député de Chêteauguay. J'ai d'autres questions et je
reviendrai.
Le Président (M. Champagne): D'accord.
Alors, la commission élue permanente de l'industrie, du commerce
et du tourisme suspend ses travaux jusqu'à ce soir, 20 heures. Merci,
messieurs.
(Suspension de la séance à 18 heures)
(Reprise de la séance à 20 h 27)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre: La
commission élue permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme
reprend ses travaux dont l'objectif est d'entendre la Société
générale de financement en regard du projet de loi 10, Loi
modifiant la Loi sur la Société générale de
financement du Québec. La parole était au député de
Châteauguay.
M. Dussault: Merci, M. le Président. Je vais poser une
courte question au président de la SGF sur le dossier Pechiney et je
passerai ensuite aux deux questions que j'ai annoncées ce matin, en le
faisant le plus brièvement possible.
À la page 63 de votre document, Projet d'aluminerie à
Bécancour, présentation du groupe SGF à la commission
permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme, vous parlez des
avantages de la société en commandite. À la page 64 plus
précisément, vous dites: "Mais elle lui permettrait d'attirer
d'autres commanditaires dans le projet." Pourriez-vous expliciter davantage ce
point-là?
M. Lebel: Elle offre, pensons-nous, un avantage pour attirer des
partenaires, justement, parce qu'à l'intérieur de la
société en commandite ce partenaire peut, avec les
résultats de sa part de l'exploitation de l'aluminerie, appliquer sa
propre politique fiscale. C'est ainsi qu'une entreprise faisant affaires dans
le domaine des richesses naturelles, ayant donc droit à des
déductions importantes aux fins d'impôt, pourrait voir des
avantages à entrer dans ce groupe-là. Elle pourrait prendre, par
exemple, très rapidement, contre ses profits réalisés
ailleurs, la dépréciation à laquelle elle a droit et les
autres avantages fiscaux qui découlent de la construction d'une
entreprise. Cela pourrait constituer une façon d'attirer des
intervenants à l'intérieur du groupe québécois.
Il en va de même pour des particuliers et on n'écarte pas
la possibilité, en 1984 et 1985 par exemple, au moment où les
déductions pour fins fiscales seront les plus importantes, qu'une part
du financement soit offerte à des particuliers à
l'intérieur de la société en commandite, soit des parts de
2000 $ ou de 3000 $ ou de 10 000 $. Au cours de la période de la
construction, les acheteurs de ces parts pourraient
bénéficier,
pour les fins de leurs propres déclarations d'impôt, des
déductions fiscales que comporte la construction d'une entreprise comme
celle-là.
C'est pourquoi nous disons que c'est un avantage, dans le sens que cela
permettrait probablement d'offrir des avantages fiscaux à des groupes ou
à un groupe industriel ou à un groupe financier qui, de toute
manière, fait des profits ou aux individus. Cela permet d'offrir un
avantage que d'autres types de placements n'offrent pas, qu'un placement dans
des actions d'une société ne permet pas, par exemple.
M. Dussault: Est-ce que vous avez établi des contacts
auprès de gens susceptibles d'être intéressés?
Est-ce que vous avez déjà des signes d'intérêt, s'il
y a eu des contacts?
M. Lebel: De façon préliminaire, nous avons fait
des contacts. Nous ne renonçons pas, pour le moment, à attirer un
investisseur privé, une entreprise à l'intérieur du groupe
québécois. Nous ne renonçons pas à attirer un
groupe financier à l'intérieur du groupe québécois.
La possibilité d'émettre non pas des actions, mais des parts de
la société en commandite dans le public semble avoir du sens. Il
est possible que nous recourions à ces moyens.
M. Dussault: Merci, pour ce qui est de cette partie-là. Je
vais aborder maintenant, comme je le disais ce matin, le secteur des
équipements énergétiques. Le secteur des
équipements énergétiques de la SGF, vous l'avez dit
vous-même ce matin, M. le Président, regroupe les activités
de Cegelec Industrie, BG Checo International, Volcano et Marine Industrie. Face
au ralentissement des travaux dans le secteur de la production
électrique, du côté d'Hydro-Québec,
évidemment, ainsi que de la Baie-James, en vue d'améliorer leur
position auprès d'Hydro-Québec, de développer de nouveaux
produits et surtout d'accroître de façon significative leur
présence à l'étranger, ce qui est une façon de
contrer les effets du ralentissement dans la production électrique,
donc, de s'ouvrir sur un marché plus large et intéressant, comme
vous l'avez explicité, ce matin, on a évoqué le projet de
regroupement des filiales que j'ai nommées en une société
d'exportation commune, que vous avez appelée SOCOM. Je m'apprêtais
à vous poser la question à savoir si le projet tient toujours. On
le sait maintenant. Vous nous l'avez dit, ce matin. Est-ce que vous pourriez
expliquer davantage cette question? Je voudrais savoir, dans la mesure
où c'est très avancé, si on peut déjà
évaluer les sommes d'argent qu'on devrait investir pour la
réalisation d'une telle société.
M. Lebel: M. le Président, je vais passer la parole
à M. Michel Plessis-Bélair qui va répondre à cette
question.
M. Plessis-Bélair (Michel): M. le Président, la
raison d'être de cette société, dont vous avez
évoqué la création, vient de la constatation du fait que
Marine Industrie, BG Checo et Cegelec Industrie constituent trois
sociétés du groupe qui, prises globalement, représentent
la troisième plus grosse entreprise de fabrication et de services dans
le domaine des équipements électriques au Canada. C'est un fait
qui est peu connu, mais, lorsqu'on regarde l'activité de ces trois
entreprises à l'échelle canadienne, on se rend compte que c'est
là un groupe très puissant et très fort dans la
fabrication et dans les services dans le domaine des équipements
électriques. C'est la première constatation qui nous a
forcés à réfléchir un peu plus et à regarder
ce qu'on pouvait faire avec cet outil.
La deuxième constatation a été que, historiquement,
au cours des dix dernières années, le marché a
été essentiellement québécois et canadien. Il y
avait des percées à l'exportation, mais c'était de
façon tout à fait ponctuelle et ce n'était pas
systématisé. Alors, avec le ralentissement des dépenses en
immobilisations d'Hydro-Québec et également d'autres entreprises
de services publics au Canada, le besoin s'est fait sentir d'ouvrir nos
horizons pour essayer de percer les marchés internationaux. La
façon qui nous est apparue la plus efficace de le faire, c'est de
créer cette société dont la mission est essentiellement de
faire la promotion et la prospection des marchés internationaux de
façon à regrouper l'expertise qui existe dans chacune des
entreprises et également de mieux coordonner les efforts de chacune de
ces entreprises.
Jusqu'ici, ces efforts se faisaient individuellement et sans vraiment
essayer de voir la synergie qui pouvait exister. Nous essayons de capitaliser
sur la complémentarité des entreprises. Entre autres, Marine
Industrie fabrique ce qu'on pourrait appeler de l'équipement de
production d'électricité, des turbines, des alternateurs. Cegelec
Industrie fabrique de l'équipement de transport et également de
contrôle du transport de l'énergie et BG Checo, finalement, est un
monteur et un entrepreneur dans le domaine de l'installation des
équipements et des lignes de transport. Alors, il y a une
complémentarité qui existe et il fallait trouver un outil pour
faire valoir cette complémentarité sur les marchés
extérieurs.
Après réflexion et après en avoir parlé avec
les trois entreprises, on en est venu à la conclusion que le meilleur
outil était la création de cette société de
commercialisation. Elle a été créée; on
vient tout juste de recruter son président qui prendra ses charges au
tout début d'août, à la première semaine
d'août; il s'agit de M. Patrick Martin, qui est un vice-président
senior chez Lavalin International. C'est un type qui a déjà dix
ans d'expérience dans ce secteur et qui, pensons-nous, va contribuer
beaucoup à la mise sur pied et à l'essor de cette nouvelle
aventure.
Pour ce qui est de la propriété de la
société, comme on ne veut pas que ce soit une organisation qui
soit déconnectée de l'action, c'est plutôt Marine
Industrie, Cegelec Industrie et BG Checo qui vont en avoir la
propriété. Ce sera donc une filiale commune de ces trois
compagnies opérantes, la SGF et le groupe français n'étant
là qu'à titre de contrôle et pour montrer qu'on a vraiment
un intérêt à son développement. Donc, c'est quelque
chose qu'on veut rendre opérationnel dans les plus brefs délais
et c'est pour cela qu'on a choisi cette relation avec les
sociétés opérantes.
Cette société sera financée par les trois
entreprises dont j'ai parlé à même les commissions
retirées des ventes effectuées à l'International. Il est
évident que, dans la première ou peut-être la
première année et demie d'activité, les
sociétés devront supporter les dépenses. On estime le
budget annuel, dans les premières années, à environ 1 000
000 $ par année, ce qui n'est pas une somme extraordinaire, mais il faut
penser que déjà les entreprises ont des services et qu'elles vont
garder ces services pendant une période de temps intérimaire
jusqu'à ce que cette société ait pris son essor
complet.
Je peux vous dire que les trois partenaires dans cette
société contribuent de façon très active à
son lancement. Nous avons déjà un projet, en fait, une
série de projet en Colombie que nous poursuivons, le plus gros
étant une prise en main de la construction d'une centrale en Colombie,
un projet de l'ordre de 200 000 000 $. Nous sommes déjà
associés avec Lavalin et HydroQuébec International dans l'analyse
et l'étude requises pour faire une présentation et une offre de
services au gouvernement colombien. Donc, malgré que c'est une
entité qui ne fait que naître, il y a déjà
énormément de" choses qui peuvent être intéressantes
pour cette entreprise.
Je mentionnerais également que déjà les entreprises
impliquées, Marine Industrie, BG Checo et Cegelec Industrie, de par
leurs propres activités, ont été très actives au
cours des dix, douze derniers mois pour percer sur le marché
international. Cela s'est concrétisé de façon
précise par l'obtention de contrats par Marine Industrie au Mali et en
Inde. Il y a également pour 300 000 000 $ de soumissions qui viennent
d'être déposées au cours des quatre ou cinq derniers mois
dans les pays à l'étranger dont on n'a pas de nouvelle, mais
qu'on poursuit activement. Donc, il y a une effervescence, un
intérêt et un effort considérable de dépensé
pour les marchés internationaux et nous pensons que ces trois
entreprises-là représentent certainement au Québec des
entreprises qui peuvent débloquer sur les marchés internationaux
et se développer dans ces secteurs.
M. Dussault: M. le Président, je m'attendais à un
rapport d'étape, à quelque chose d'embryonnaire, mais je constate
que c'est très avancé et très encourageant. Cela couvre la
première question que je voulais poser. La deuxième dont j'ai
parlé ce matin, c'est Pétromont. Le président, M. Lebel,
en a parlé un peu ce matin. Par Pétromont, la SGF est
présente dans le secteur de la pétrochimie, secteur
identifié comme important dans le développement économique
du Québec. Ce secteur est en crise mondialement; la demande
d'éthylène est en baisse et son prix, forcément, l'est
aussi. Ce problème se double du fait que l'alimentation en
matières premières pose aussi des problèmes de coûts
découlant directement de la politique énergétique du
gouvernement fédéral. Vous l'avez dit ce matin, je pense que
c'est une analyse que vous partagez. La pétrochimie de l'Ouest s'en tire
mieux parce qu'elle s'alimente du gaz naturel dont le prix est fixé
arbitrairement à 65% du prix du pétrole, alors que nous nous
alimentons ici, au Québec, donc Pétromont, de
dérivés du pétrole. En 1982, on s'attendait à des
pertes de 11 000 000 $, mais je pense que vous avez été
très spécifique, vous avez donné le chiffre des pertes ce
matin.
M. Lebel: 12 000 000 $ de pertes en 1982.
M. Dussault: 12 000 000 $ de pertes en 1982. Il fallait donc
compter sur l'aide des gouvernements. Vous avez évoqué qu'il y a
eu une aide du gouvernement du Québec et du gouvernement
fédéral. Ce que vous avez dit m'apparaît nettement
insuffisant de la part du gouvernement fédéral. Si on cherche des
indications de l'ordre de ce que cela aurait pu être, on n'a
peut-être qu'à comparer le déficit du Québec et le
déficit du gouvernement fédéral pour constater que les
disponibilités sont beaucoup plus grandes de ce
côté-là. On aurait donc pu s'attendre à mieux que
cela.
Si Pétromont tombe, ce qui m'apparaît encore un danger, si
j'ai bien compris vos propos ce matin, c'est la pétrochimie qui tombe au
Québec et, avec elle, des milliers d'emplois. Sur cette question, donc,
j'aimerais que M. Lebel fasse le point et qu'il m'indique s'il a quelque chose
à ajouter sur cette question. Je voudrais poser des questions plus
spécifiques. Je voudrais
connaître l'ordre de la participation de SGF dans
Pétromont.
M. Lebel: La SGF est au tiers dans Pétromont depuis
qu'elle a fait sa dernière souscription de 8 000 000 $. Les 34 000 000 $
que la SGF devait investir dans Pétromont pour acquérir son tiers
de participation ont maintenant été investis. Alors, nous sommes
à un tiers, Gulf, un tiers et Union Carbide, un tiers.
M. Dussault: Malgré cette participation, malgré
l'aide du gouvernement fédéral, on pense encore que
Pétromont risque de tomber.
M. Lebel: L'aide fédérale peut sûrement
permettre à Pétromont de survivre au cours de la période
où l'examen de la politique nationale de l'énergie se poursuivra.
L'aide accordée par les deux gouvernements peut sûrement permettre
à Pétromont de survivre pour l'année 1983 et
l'année 1984, deux années pour lesquelles de l'aide a
été consentie. Après cette date, si Pétromont
devait rester sans aide financière ou si la politique nationale de
l'énergie n'était pas modifiée d'une certaine façon
pour faciliter les choses à la pétrochimie dans l'Est,
Pétromont ne serait probablement pas viable. À ce moment, il
faudrait probablement mettre fin au consortium. (20 h 45)
M. Dussault: Donc, c'est dans deux ans que le problème
risque de se poser encore. Vous comptez beaucoup sur des changements dans la
politique énergétique du Canada. Est-ce que vous avez des
indications, jusqu'à maintenant, que des changements se préparent
de ce côté ou si cela a l'air d'être mort et qu'on sera
encore obligé, à la dernière minute, dans deux ans, de se
chercher des cataplasmes?
M. Lebel: Nous n'avons pas d'indication sur les conclusions de
l'examen auquel on va procéder. D'ailleurs, le comité canadien
qui doit examiner cette question vient tout juste d'être formé et
d'être mis en marche. Donc, à cet égard, il est un peu trop
tôt pour voir dans quelle direction les choses s'orienteront.
Ce qu'on l'on sait, cependant, c'est que c'est une question, un
problème qui est pris et considéré de façon
très sérieuse par les autorités fédérales.
Mon Dieul Tant au Québec, à Montréal qu'à Ottawa,
il y a un nombre assez considérable de supporteurs de la
pétrochimie dans l'Est et, en particulier, de la pétrochimie
à Montréal. Cela nous porte à avoir un certain espoir en
l'avenir.
Deuxièmement, la poussière retombera aussi. Il faut bien
dire que nous sortons à peine d'une crise mondiale qui, en
pétrochimie, a eu ses répercussions. Il est difficile de savoir,
pour le moment... Il y a sûrement une part des résultats de
Pétromont qui est liée à la mauvaise conjoncture mondiale.
La poussière va retomber. Les partenaires étudient les diverses
éventualités et nous verrons.
M. Dussault: J'aimerais savoir, si la fermeture devait être
envisagée, quel est le nombre d'emplois qui seraient touchés par
une telle fermeture. Je parle des emplois directs créés dans ce
domaine, à Pétromont comme tel.
M. Lebel: C'est, si cela devait fermer, environ 2000 emplois
directs. Mais les multiplicateurs d'emplois en pétrochimie sont
très forts et cela pourrait potentiellement priver la région de
Montréal, en tout cas, d'environ 15 000 emplois éventuellement,
tout effet direct et indirect étant compté. C'est un
problème considérable.
M. Dussault: II faut y penser sérieusement. Il faut
surtout continuer à faire des pressions sur le fédéral
pour que la politique énergétique soit changée au profit
de ce secteur. Je vous remercie, M. Lebel.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: En parlant de politique énergétique,
j'ai posé la question au ministre des Finances, mais il ne veut pas
intervenir. Il faudrait donc passer le message au ministre des Finances.
M. le Président, la SGF, tout à l'heure, n'a pas
expliqué le tableau qui donne les différentes compagnies et la
façon technique dont le financement se fait. Je ne sais pas si ce serait
possible de sortir le tableau. J'aimerais, pour ma part, comprendre pourquoi
ces différentes sociétés apparaissent sur le tableau.
M. Lebel: C'est tout à fait possible et Louis-Gilles
Gagnon va essayer d'expliquer toutes les cases...
M. Fortier: Le spaghetti.
M. Lebel: ... le spaghetti juridique.
M. Gagnon (Louis-Gilles): Comme nous l'avons déjà
expliqué, la structure répond essentiellement à des
exigences fiscales et financières, effectivement. Tout est basé
là-dessus. Tout d'abord, au niveau des biens qui constitueront l'usine
elle-même, nous aurons ici l'usine qui sera constituée des
terrains, des bâtisses, des équipements, et de tous les biens que
l'on désigne comme biens utiles à son exploitation dans le projet
de loi. Ce sont ces biens-là qui seront possédés en
indivision. Les deux propriétaires, ce sont ceux qu'on a
déjà identifiés. Nous avons
parlé de Pechiney dans une proportion projetée de deux
tiers...
M. Fortier: Quelle Pechiney?
M. Gagnon (Louis-Gilles): Pardon?
M. Fortier: Pechiney US? Pechiney Canada? Pechiney France?
M. Gagnon (Louis-Gilles): Nous parlons de Pechiney Ugine
Kuhlmann.
M. Fortier: De France.
M. Gagnon (Louis-Gilles): De France. Maintenant, quel sera leur
véhicule exactement? Ce n'est pas encore décidé de
façon finale. L'autre propriétaire indivis va être la
société en commandite dont nous avons parlé aussi et qui
devrait, selon les prévisions, détenir le tiers de ces
biens-là de l'usine en question.
Passons maintenant aux différentes composantes de la
société en commandite elle-même. Une société
est nécessairement composée d'associés. Dans une
société en commandite, la particularité, c'est qu'il y a
automatiquement deux types d'associés. Vous avez les associés
commanditaires; ce serait une filiale de la SGF dans ce cas-ci et aussi, comme
on l'a expliqué tout à l'heure, d'autres associés
commanditaires pourraient venir s'y greffer. L'associé commanditaire est
essentiellement un bailleur de fonds. C'est lui qui amène les
investissements nécessaires pour faire fonctionner la
société en commandite. L'autre type d'associé est un
associé commandité. Il peut être unique ou il peut y en
avoir plusieurs. Son rôle essentiel, à l'associé
commandité, c'est de voir à la gestion de la
société en commandite pour le compte des commanditaires et pour
son compte aussi, puisqu'il est un associé au même titre que les
autres.
M. Fortier: Alors, il y a le commanditaire et il y a les autres
commanditaires.
M. Gagnon (Louis-Gilles): Vous avez les commanditaires qui sont
essentiellement des bailleurs de fonds.
M. Fortier: Ce sont des "partners".
M. Gagnon (Louis-Gilles): Ce sont tous des "partners", parce que
ce sont tous des associés, mais avec des rôles différents.
Les associés commanditaires versus les associés
commandités ont cette particularité que leur
responsabilité est limitée à leur contribution dans la
société. Ils ont le même statut à cet égard
qu'un actionnaire dans une compagnie. L'associé commandité, dont
la responsabilité essentielle est de voir à la gestion et aux
activités de la société, est en même temps
responsable de par la loi de toutes les dettes de la société en
commandite. Alors, il a cette responsabilité-là qui n'existe pas
pour les commanditaires.
Par contre, par mesure de précaution, le commandité est
toujours lui-même dans sa structure propre, une compagnie à
responsabilité limitée dont on essaie de limiter les actifs le
plus possible, de façon à limiter aussi sa responsabilité
le plus possible. Une fois qu'on a ces niveaux d'associés, on peut se
demander quelle est l'utilité de la présence des autres
intervenants qu'on voit sur le tableau ici. Alors, la SGF, évidemment,
comme c'est son habitude dans des projets d'une telle envergure - il n'y en a
pas eu plusieurs jusqu'à maintenant - procède toujours par un
autre intermédiaire pour faire ses investissements dans les
sociétés qui font l'exploitation. Ce commanditaire-là sera
aussi une compagnie à responsabilité limitée qui recevra
les fonds que la SGF obtiendra elle-même du gouvernement pour faire
l'investissement. Donc, les actifs ou le patrimoine de cette
société-là seront constitués essentiellement de la
mise de fonds de ce commanditaire-là dans la société
elle-même. Est-ce que cela va?
M. Fortier: Cela va. Il était question des autres
commanditaires.
M. Gagnon (Louis-Gilles): Les autres commanditaires, au moment
où on se parle, ne sont pas identifiés.
M. Scowen: À titre d'exemple? M. Fortier: Noranda. M.
Scowen: Le public?
M. Gagnon (Louis-Gilles): Ce pourrait être des individus,
ce pourrait être des industries. Cela va?
M. Fortier: Cela va.
M. Gagnon (Louis-Gilles): La filiale financière existe
dans le but de contracter les emprunts qui seront nécessaires pour
financer la part de l'investissement de la société en commandite,
soit les 350 000 000 $ dont on a parlé cet après-midi. Sa raison
d'être n'est que fiscale, effectivement. Nous voulons que les
intérêts que cette filiale financière paierait au
prêteur étranger ne soient pas assujettis aux retenues à la
source qui seraient normalement payables si le prêt avait
été contracté directement par la société en
commandite. La loi fédérale des impôts est ainsi faite
qu'on peut avoir la dispense de
faire les retenues à la source sur les paiements
d'intérêts qui sont faits à des prêteurs
étrangers pour autant que ces paiements sont faits par une corporation
et non par une société. C'est par une technicité de la loi
que nous avons déterminé la nécessité de
créer cette filiale qui serait elle-même une corporation
possédée par la SGF à 100%, qui irait contracter des
emprunts sur le marché international.
Une fois cette étape réalisée, cette filiale
reprêterait les mêmes montants à la société en
commandite directement. Il y a une chose qui n'est pas indiquée ici, sur
le tableau, c'est que les biens possédés en indivision par la
société en commandite seraient utilisés comme
sûreté pour remonter vers la filiale financière qui,
elle-même, les utiliserait pour les mêmes raisons de
sûreté vis-à-vis des banques qui seraient les
prêteurs.
M. Scowen: Pourquoi ce n'est pas le cas pour le
commanditaire?
M. Gagnon (Louis-Gilles): Comme je l'ai dit tout à
l'heure, il faut absolument qu'une société en commandite soit
composée d'associés. Nécessairement, dans toute
société, vous retrouvez au moins deux associés. Mais dans
les sociétés en commandite, vous avez deux types
d'associés bien différents: le commandité dont je parlais
et un ou plusieurs commanditaires. L'investissement doit se faire
nécessairement par un associé qui a la qualité
d'associé commanditaire.
M. Scowen: Oui, mais pourquoi pas la SGF?
M. Gagnon (Louis-Gilles): Ce serait possible d'avoir la SGF
directement qui agirait comme associé commanditaire.
M. Scowen: Pour Donohue, ce n'est pas le cas.
M. Fortier: Pétromont.
M. Gagnon (Louis-Gilles): Dans Pétromont, c'est exactement
le cas. Ethylec, dans Pétromont, joue le rôle d'associé
commanditaire. La raison est unique et elle est facile à expliquer. Un
commanditaire n'a pas le droit de s'immiscer dans la gestion ou
l'administration des activités de la société en
commandite. Comme je l'expliquais tout à l'heure, c'est le rôle de
l'associé commandité de voir à cette fonction. Si
l'associé commanditaire s'immisce, il devient responsable des dettes de
la société en commandite au même titre que l'associé
commandité. Nous ne voulons pas que la SGF soit directement
exposée à cette responsabilité hypothétique, mais
qui demeure possible. La protection survient par le fait de cet
intermédiaire qui aura effectivement la responsabilité du
placement de la SGF dans la société en commandite.
M. Fortier: Mais la filiale financière est
contrôlée à 100% par la SGF.
M. Gagnon (Louis-Gilles): C'est contrôlé à
100% par la SGF.
M. Fortier: Et la société commanditée est
également contrôlée par la filiale financière, donc,
par la SGF.
M. Gagnon (Louis-Gilles): II serait possible, si on trouvait des
commanditaires qui auraient des apports suffisamment importants et qui
pourraient être en mesure d'exiger d'avoir une participation dans cette
société, qu'ils puissent participer aussi à la
propriété. Mais, au départ, effectivement, ce sera
à 100% la SGF. (21 heures)
M. Fortier: À la page 3 du mémoire, vous dites:
"Compte tenu de la taille qu'elle a maintenant - vous parlez de la SGF - avec
un chiffre d'affaires consolidé de 830 000 000 $ et un actif total de 1
000 000 000 $; compte tenu également de son expérience à
mettre sur pied, à financer et à réaliser des projets
d'envergure..." Est-ce qu'il y a plusieurs projets où un ensemble de
sociétés a été mis sur pied avec un financement de
cet ordre dont la SGF a eu l'expérience dans le passé? Vous
faites état de votre expérience. Est-ce qu'il y a eu un projet
semblable, de cette dimension?
M. Gagnon (Louis-Gilles): Non, il n'y a pas de projet de cette
dimension qui comporte des investissements aussi importants. Il y a le projet
de Pétromont, dont on vient de parler, qui participe à une
structure au niveau de la société en commandite, mais pas au
niveau de l'indivision, qui se rapproche de celle-ci.
M. Fortier: II s'agit d'un modèle, compte tenu de toute la
question d'indivision.
M. Gagnon (Louis-Gilles): L'indivision, en passant, c'est la
première fois que la SGF l'utilise. Je ne veux pas dire que c'est la
première fois au Québec qu'on utilise ce type de structure, mais
je n'en connais pas d'autres qui l'ont utilisée jusqu'à
maintenant.
M. Fortier: Compte tenu du principe de l'indivision et de la
complexité financière, c'est tout à fait unique dans
l'expérience de la SGF.
M. Gagnon (Louis-Gilles): C'est tout à fait unique dans la
mienne, en tout cas.
M. Fortier: J'aimerais vous remercier car je voulais juste une
précision sur le financement, ce qui nous fait comprendre la
complexité de la chose.
Je vais parler du plan de développement, mais c'est indirect et
vous allez voir pour quelle raison. Je vais être assez bref pour laisser
la parole à mon collègue qui vient d'arriver. Vous avez fait
allusion au fait que - je me souviens fort bien d'en avoir parlé - vous
aviez un plan de développement pour susciter l'innovation. Vous deviez
mettre sur pied une section recherche et développement à Marine
Industrie. Le message que je perçois dans la mise à jour du plan
de développement, c'est que la section recherche et développement
à Marine Industrie est remise à plus tard. À l'origine,
cela me semblait une très bonne idée d'investir dans la recherche
et le développement, puisque la technologie n'était pas
possédée par Marine Industrie. Vous étiez des
licenciés et on se posait même des questions à savoir si
vous pouviez exporter votre "know-how".
Dans le domaine de l'innovation, d'une façon
générale, je dois dire qu'on a baissé les pourcentages. Le
pourcentage va être maintenu dans telle et telle société,
mais, d'une façon générale, il n'est pas maintenu pour le
groupe. Dans quelle mesure ce manque d'investissements va-t-il handicaper le
développement futur des différentes sociétés de la
SGF?
M. Lebel: Ce qui a été reporté à une
date ultérieure à Marine Industrie, c'est le laboratoire
hydraulique. Ce n'est pas la recherche et le développement.
Évidemment, le laboratoire hydraulique était sans doute une
composante de l'effort de recherche et de développement qui aurait pu
être fait à Marine Industrie mais ce n'est pas l'ensemble du
programme.
Deuxième aspect, dans le rapport sur la phase 1 du plan
1980-1985, quand nous parlons de l'effort de recherche et de
développement et de l'objectif que le plan 1980-1985 s'était
fixé, c'est-à-dire de consacrer 1% du chiffre d'affaires du
groupe à la recherche et au développement, nous disons qu'il nous
est apparu trop élevé non pas pour l'ensemble du groupe, mais
pour certaines parties du groupe.
J'ai mentionné ce matin que c'est trop élevé en
particulier pour les entreprises du secteur des pâtes et papiers qui font
déjà, par le biais de leur association des pâtes et
papiers, un effort de recherche et de développement plus
considérable que les autres entreprises du groupe.
Il ne serait peut-être pas réaliste de fixer, pour
l'ensemble des entreprises du groupe, l'effort de recherche et de
développement à 1%. Cependant, nous maintenons cet objectif dans
le cas des autres entreprises du groupe. Je pense que nous mentionnons
spécifiquement, dans le cas de Marine Industrie, Cegelec, BG Checo et
Volcano, que nous maintenons cet objectif. Nous ajoutons, par ailleurs, que,
compte tenu de la conjoncture de la dernière année, c'est
évident que cet effort de recherche et de développement n'a pas
pu être réalisé parce que, comme la plupart des
entreprises, nous avons cherché un peu partout les façons de
réduire nos coûts d'exploitation. C'était une sorte de
problème de survie. Mais, dès que ce sera possible, la SGF va
revenir et de façon plus agressive à cet objectif.
M. Fortier: Ceci m'amène à une question plus large.
Comme vous le savez -d'ailleurs, vous le rappelez dans votre plan de
développement - c'est à l'insistance, je crois, des
parlementaires qu'à un moment donné on a dit: II faut que les
missions de la SGF soient très précises pour éviter de
s'éparpiller à gauche et à droite. Lors du débat
sur la survie de Marine Industrie, qui était en difficulté
financière très aiguë, dès ce moment on avait
précisé, comme vous le rappelez ici, trois champs
d'activité bien précis. Certains efforts ont été
faits pour que SGF s'articule davantage dans ces trois missions. À la
suite de la dernière commission parlementaire, le gouvernement vous a
dit: Allez dans la biotechnologie. Là, le gouvernement dit: On aimerait
bien que vous alliez dans l'aluminium. L'impression qui se dégage,
à tort ou à raison, c'est que chaque fois que le gouvernement a
une bonne idée la SGF plonge et dit: On y va. La réflexion qui
avait été faite, en 1976-1977 est que ce serait beaucoup plus
prudent de ne pas s'éparpiller. Même dans le secteur privé,
il y a de grandes entreprises qui décident d'elles-mêmes de ne pas
s'éparpiller, justement pour s'assurer d'un succès certain dans
des domaines qu'elles connaissent bien, où elles font beaucoup de
recherche et de développement. Elles cherchent donc à être
les meilleures dans des domaines bien précis.
Ceci m'amène à poser la question: Est-ce que la SGF,
indépendamment de Pechiney - c'est complètement
séparé - avait déjà pensé à aller
dans la transformation de l'aluminium? Est-ce que c'est un sujet qui faisait
partie de votre réflexion ou est-ce uniquement à la demande du
gouvernement que là vous plongez dans un projet très important,
grandiose, qui va devenir une quatrième ou une cinquième
priorité à la suite des autres priorités établies
dans le temps?
M. Lebel: Si vous le permettez, j'aimerais permettre à
Michel Plessis-Bélair de faire un certain nombre de commentaires sur la
première partie de votre intervention. Après quoi, je
répondrai à la question précise que vous avez posée
à la fin de votre
intervention.
M. Plessis-Bélair: M. le Président, vous faites
référence à une certaine diversité, pour ne pas
parler d'une impression de dispersion de nos investissements, Je pense qu'il
s'agit vraiment d'une impression parce que, si on regarde les investissements
qu'on a faits depuis les dernières années, on parle, dans notre
mémoire, d'investissements de l'ordre de 455 000 000 $. Si on regarde
dans quels secteurs ces investissements ont été
réalisés, on se rend compte que, sur les 455 000 000 $, il y a
373 000 000 $ qui sont dans le secteur des produits forestiers qui, avant la
dernière commission parlementaire sur le plan, c'est-à-dire en
1980, était déjà identifié comme un secteur
prioritaire. Donc, 373 000 000 % dans le secteur forestier, à savoir 227
000 000 $ chez Donohue pour le projet d'Amos. Donc, une expansion de notre
implication dans ce secteur. Également, 146 000 000 $ pour l'acquisition
de 22% de Domtar.
En plus de cela, dans le secteur des équipements
énergétiques, il y a 24 000 000 $ qui ont été
investis sur ces 455 000 000 $. Finalement, Pétromont, qui avait
été également reconnue comme secteur prioritaire, 34 000
000 $. Tout cela pour un total de 431 000 000 $ sur 455 000 000 $ dans les
secteurs qui avaient été reconnus comme étant
prioritaires. Il reste donc un montant de 24 000 000 $ qui a été
utilisé pour d'autres fins. Sur ces 24 000 000 $, 10 000 000 $ ont
été injectés dans Forano et dans Tanguay, entreprises dans
lesquelles la SGF avait déjà des intérêts.
Finalement, 14 000 000 $ ont été investis dans des
secteurs où les activités n'étaient pas traditionnelles.
Là-dedans, il y a Nouveler, qui est une entreprise qui, quand
même, oeuvre dans le secteur de l'énergie, des énergies
nouvelles, des équipements pour l'énergie nouvelle. Il y a
également Novacap, qui est un investissement, une participation
minoritaire dans une entreprise à capital de risque, ce qui
répondait à notre souci de nous intéresser à
l'innovation. Finalement, il y a Bio-Endo dont la dernière commission
parlementaire concernant la SGF a traité abondamment, dans laquelle on a
investi 2 000 000 $. Donc, je pense que c'est plutôt une impression de
diversité qui se dégage des actions qui ont été
posées par la SGF. Si on regarde les efforts qui ont été
consentis en termes de capitaux et en termes de ressources humaines, je pense
qu'on a tout simplement accentué l'implication qu'on avait dans les
secteurs prioritaires tels qu'ils avaient été définis
antérieurement.
M. Lebel: J'ajouterais à cela, M. le Président,
qu'il est peut-être moins possible pour une société
opérationnelle ou une société de production d'être
dans plusieurs domaines. La SGF se présente davantage comme un "holding"
que comme une société opérationnelle. C'est d'autant plus
vrai, d'ailleurs, qu'elle a maintenant des partenaires dans la plupart des
sociétés dans laquelle elle est engagée. Elle a donc
exercé un contrôle général des activités de
ces entreprises; elle a insisté pour qu'elles aient un bon plan de
développement, mais elle ne gère pas directement leurs
activités. Elle a comme deuxième préoccupation le
développement. Si on se compare à d'autres "holdings", c'est
moins surprenant de voir que la SGF pourrait être effectivement
engagée dans quatre grands secteurs de base. J'écarte
volontairement la biotechnologie comme secteur de base, parce que je l'ai
présentée d'ailleurs, en décembre, comme ayant un
caractère d'investissement en innovation, ressemblant davantage à
l'investissement fait dans Novacap et Nouveler et conforme à cet
objectif particulier de susciter l'innovation. Les grands secteurs seraient,
à ce moment-là, la pétrochimie, l'aluminium, les produits
forestiers et les équipements hydroélectriques.
Une voix: Quatre.
M. Lebel: CP Enterprises, qui n'est pas un si mauvais "holding"
et qui produit d'excellents résultats, a regroupé ses
activités dans huit secteurs. Cela a l'air gros, de loin, CP
Enterprises. C'est un "holding" et le bureau de Calgary est à peu
près de la taille de la SGF. Bien sûr, s'ajoute à cela un
bureau à Toronto qui gère la finance de tout cela, mais avec des
actifs beaucoup plus considérables. Cette entreprise a un personnel
d'à peu près la taille du personnel de la SGF. Elle est
engagée dans huit secteurs d'activités et dans ce cas, en tout
cas, cela semble être efficace. Je ne dis pas qu'on veut imiter demain
matin CP Enterprises, mais je pense que votre observation aurait plus de valeur
si elle s'adressait à une entreprise manufacturière qui
possède tous ses secteurs en division, qui est donc responsable d'un
bout à l'autre des activités de l'entreprise.
En ce qui concerne l'intérêt porté à
l'aluminium, il est assez récent à la SGF et je ne cache pas -
parce que c'est sans doute ce que votre question sous-tend - qu'il y a un
certain opportunisme de la part de la SGF en cette matière. La question
s'est présentée de la manière suivante: d'abord, en termes
de plan de développement, nous en étions à peu près
à ce que nous vous avons indiqué ce matin, ayant
réalisé, malgré la mauvaise conjoncture, à peu
près et assez bien - d'après nous, en tout cas - la
première phase du plan de développement 1980-1985. Un des
éléments importants de la deuxième phase, qui était
mentionné dans les documents d'alors portait, sur la
pétrochimie,
phase II. Cette expansion de la pétrochimie à
Montréal est sûrement reportée pour quelque temps. Il n'est
pas question, au moment où on se parle, de se lancer dans une expansion
de la pétrochimie à Montréal. Nous ne saurions pas
convaincre nos partenaires et, si nous le proposions, nous serions sans doute
irresponsables. (21 h 15)
Le projet d'une aluminerie à Bécancour, dont,
évidemment, nous nous sommes tenus au courant de façon plus ou
moins éloignée depuis un an, est apparu à ce moment comme
quelque chose d'intéressant pour la SGF, c'est-à-dire quelque
chose qui arrive à un moment opportun. Ce projet est souhaitable. Ce
projet peut se réaliser. Il devra y avoir une intervention en
équité de la part d'une entreprise publique. C'est un secteur
clé pour le développement du Québec. Une fois que vous
avez aligné tout cela, vous arrivez facilement à une conclusion
préliminaire: c'est que ce serait peut-être intéressant
pour nous. C'est dans cette optique qu'à compter du mois de
décembre nous avons commencé à examiner plus à fond
la possibilité de nous impliquer là-dedans. Les étapes se
sont succédé. D'abord, un examen préliminaire, un certain
nombre d'échanges avec le gouvernement pour manifester notre
intérêt, une présentation de la question à notre
conseil d'administration, une bonne discussion à notre conseil
d'administration et, finalement, la décision gouvernementale d'accepter
notre proposition, en avril dernier.
M. Fortier: En conclusion, vous dites que la décision du
gouvernement date du 23 avril 1983; il vous demandait de vous intéresser
activement à cette nouvelle orientation. La loi dit que, lorsque le
ministre ou le gouvernement donne une nouvelle orientation, le décret
doit être déposé en quinze jours. Comment se fait-il, M. le
ministre, que le décret, dans ce cas, n'a pas été
déposé à l'Assemblée nationale, comme le veut la
loi?
M. Biron: Ce n'est pas un décret. Cela a été
tout simplement une acceptation par le gouvernement que la SGF s'implique dans
le dossier de l'aluminium, en étant bien conscient que, si la SGF
s'impliquait dans le dossier de l'aluminium avec Pechiney, il fallait
absolument un projet de loi pour permettre à la SGF de le faire. On
aurait pu le faire par le moyen d'une directive du ministre à la SGF,
mais on a préféré agir par un projet de loi, d'abord, pour
inscrire très officiellement le secteur de l'aluminium comme un secteur
prioritaire de développement pour la SGF et, deuxièmement, pour
en profiter en même temps pour changer les montants du capital-actions de
la SGF et lui permettre d'avoir les fonds nécessaires pour oeuvrer dans
ce secteur. C'est parce qu'on prévoyait déposer le projet de loi
et permettre aux membres de la commission parlementaire de questionner les
dirigeants de la SGF sur ce sujet qu'on a préféré attendre
que le projet de loi soit déposé avant d'agir plus avant dans ce
domaine.
M. Fortier: Mais, de toute évidence, lorsque les missions
avaient été définies il y a quatre ou cinq ans et que cet
aspect avait été mis dans la loi, c'était pour permettre
aux parlementaires de ne pas apprendre les nouvelles par les journaux. Or, nous
avons appris par les journaux que la SGF s'en irait dans ce domaine. S'il y
avait eu un décret, la suite des choses aurait été qu'on
aurait eu une commission parlementaire plus tôt. Je dois constater, comme
mon collègue de Mont-Royal, que le fait que la lettre ou l'intention de
la loi n'ait pas été respectée nous amène
maintenant à discuter de cela à la toute dernière minute.
Je crois que l'on doit blâmer le gouvernement pour la situation dans
laquelle nous sommes présentement.
M. Biron: M. le Président, je veux relever ces paroles du
député d'Outremont, qui sont complètement fausses. Il n'y
a pas eu de décret dans ce sens, au contraire, il y a eu une
décision du gouvernement de demander à la SGF de nous
préparer un projet de loi et de préparer les documents
nécessaires pour pouvoir discuter en commission parlementaire. Cela
aurait été complètement irresponsable de la part du
ministre et du gouvernement de convoquer la commission parlementaire avant
même de permettre aux gens de la SGF de fouiller le dossier, de
présenter des dossiers assez étoffés pour que, finalement,
les membres de la commission parlementaire aient toutes les informations dont
ils avaient besoin pour procéder à une bonne discussion sur ce
projet de loi. Si nous avons voulu présenter un projet de loi, c'est
pour permettre aux membres de la commission parlementaire d'en discuter. Cela a
été très loin de l'idée du gouvernement
d'empêcher les membres de la commission d'en discuter ou de cacher quoi
que ce soit.
M. Fortier: II n'en reste pas moins que je lis à la page 4
du mémoire que nous a remis la SGF qu'elle "acceptait de devenir le chef
de file de la participation québécoise, se voyant
confirmée dans ce rôle le 23 avril 1983 par une décision du
Conseil des ministres". C'est très clair que le 23 avril une
décision a été prise à cet effet.
M. Biron: Bien sûr, il a fallu que le Conseil des ministres
prenne une décision pour demander officiellement à la SGF de
préparer un document et de présenter un projet de loi en
conséquence à l'Assemblée nationale. Cela aurait
été difficile de tout tenir secret et de préparer le
projet de loi sans donner aucune information et sans aucune préparation.
Il fallait au moins faire une étude attentive du projet, voir si
c'était intéressant pour la SGF de s'y impliquer et que le
conseil d'administration de la SGF prenne une décision définitive
à la suite de la demande du gouvernement de s'impliquer dans ce
projet.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: M. le Président, j'aurais voulu poser quelques
questions à M. Lebel. Il va de soi que le document clé, ce sera
l'accord-cadre entre Pechiney et les autres participants, la SGF et Alumax, si
tel est le cas. Est-ce que vous pouvez nous dire si, pour l'accord-cadre, comme
dans tous les grands projets de ce genre, il y a des brouillons, des
avant-projets, des pro forma que vous avez pu étudier? Est-ce que, de
son côté, la SGF a pu préparer son brouillon, son pro
forma, un genre d'accord type pour discuter avec Pechiney? Est-ce que nous
avons un document quelconque sur lequel nous pouvons nous baser concernant les
droits et obligations pour l'avenir ou si on attend toujours que Pechiney
présente cela à la dernière minute, en juillet, en
septembre ou un autre mois?
M. Lebel: Non, nous avons pris l'initiative en ce domaine et
c'est déjà en négociation avec les représentants de
Pechiney. Nous connaissons déjà non seulement le format de
l'accord-cadre, mais nous avons une position arrêtée sur la
majeure partie des questions qu'on retrouvera à l'intérieur de
l'accord-cadre. Il y a des échanges, à l'heure actuelle, entre
Pechiney et la SGF dans le but de préciser ce que serait cet
accord-cadre définitif.
M. Lincoln: D'abord, il y a une possibilité d'un
troisième partenaire là-dedans. Il y aura sans doute un
troisième propriétaire d'actions indivises, sans doute. Si Alumax
devient propriétaire à 25%, vous aurez Pechiney, vous aurez la
SGF et vous aurez Alumax. Est-ce que Alumax et Pechiney vont faire bande
ensemble?
M. Lebel: Pour le moment, la discussion se fait entre Pechiney et
la SGF. Si jamais la possibilité que vous évoquez se
matérialise, le troisième partenaire entrera dans les discussions
avec le travail qui aura été fait antérieurement.
M. Lincoln: Puisque c'est une possibilité distincte - en
fait, Pechiney États-Unis a vendu une certaine partie de ses
exploitations à Alumax et il est fortement question qu'Alumax
détienne un certain pourcentage, peut-être 25% des actions -est-ce
qu'Alumax, à ce stade-ci, ne devrait pas faire partie des
négociations sur l'accord-cadre? Qu'arriverait-il si, par exemple, vous
et Pechiney étiez d'accord en principe et qu'Alumax arrivait à la
dernière minute pour présenter des vues tout à fait
différentes sur les garanties? Considérant que ce sont des
Américains et des Japonais, il est très possible qu'ils prennent
une position très ferme sur ces questions, une position
différente.
M. Lebel: Nous verrons dans le temps la nature de leurs
exigences. Si elles nous créent des contraintes ou des conditions que
nous ne pouvons pas respecter, nous aurons un problème. Si elles ne nous
créent pas de contraintes insurmontables, nous réglerons les
problèmes. Tout en étant conscients de cette possibilité,
nous avons convenu de poursuivre pour le moment la négociation à
deux parties et Alumax n'a pas encore demandé à entrer en
discussion avec la SGF sur cette question.
M. Lincoln: Est-ce que vous pouvez nous dire quelles sont vos
positions minimales sur cette question de l'accord-cadre? Quelles sont les
positions sur lesquelles vous allez insister sine qua non dans l'accord-cadre,
les positions "irrétranchables"? Si vous entrez en conflit avec les
Français sur certaines questions, quelles sont vos positions
rigides?
M. Lebel: M. Jacques Lefebvre pourrait peut-être donner
quelques exemples des questions clés qui se discutent à
l'intérieur de cet accord-cadre et sur lesquelles il pourrait y avoir
des blocages. Vous conviendrez, cependant, que, comme ces débats sont
publics et que nous sommes en négociation, nous n'avons pas
nécessairement toujours avantage à révéler
certaines de nos positions. Demain matin, nous rencontrons des gens de Pechiney
et nous poursuivons la négociation. Peut-être qu'ils n'auront pas
encore les débats de la commission, mais, un jour, ils vont les
avoir.
M. Lincoln: Oui, mais, demain matin, nous serons aussi
appelés à voter sur une loi accordant 150 000 000 $ de
crédits provenant du fonds consolidé du Québec sans savoir
ce que l'accord-cadre comporte. Il faudrait, au moins, qu'on soit situé
sur ce qu'on attend pour l'avenir.
M. Lefebvre (Jacques): J'aimerais revenir, pour quelques
instants, sur la question d'un troisième partenaire. Étant
donné la complexité de la structure qu'on met en place, Pechiney
et la SGF se sont entendues d'abord pour signer une entente et
un mémoire d'entente préliminaire. Ensuite, si Alumax se
montrait intéressée, on pourrait ensemble approcher Alumax.
M. Lincoln: Quand vous parlez du mémoire, est-ce que vous
parlez de celui-ci?
M. Lefebvre: Non, non.
M. Lincoln: De l'accord-cadre?
M. Lefebvre: Non, non. Dans l'accord-cadre, il y a environ 20
à 30 points qui sont critiques à négocier. On s'est dit
qu'on doit s'entendre, d'abord, sur ces points principaux qui vont faire partie
de l'accord-cadre dès maintenant avant d'approcher un troisième
partenaire, si un troisième partenaire se montrait
intéressé.
Sur les 30 points que nous sommes en train de regarder
présentement, il y en a peut-être 25 sur lesquels on s'entend et
où il n'y a aucun problème. Il y en a un certain nombre qui nous
créent, à ce moment-ci, je ne dirais pas des difficultés,
mais sur lesquels on doit négocier assez fermement. Je vais vous
énumérer un certain nombre de points, si vous voulez. D'ailleurs,
il faut s'entendre sur le genre d'aluminerie qu'on veut à
Bécancour. Il faut s'entendre sur la technologie. Il faut s'entendre sur
le début des travaux. Il faut s'entendre sur la fin des travaux. Il faut
s'entendre sur le montant qu'on veut investir. Il faut s'entendre sur les
contrats à transférer, enfin, ceux détenus par Pechiney
présentement et qu'elle veut transférer au projet. Il faut
s'entendre sur la structure, sur le pourcentage de la participation, sur la
possibilité pour chaque participant de faire intervenir un
troisième partenaire. Donc, on prévoit cela en négociant
notre protocole d'entente.
D'autres points que l'on négocie présentement sont les
suivants: la possibilité de rajustement de la part des participants. Si,
en cours de route, on veut introduire d'autres partenaires, il faut
prévoir dès maintenant les conditions selon lesquelles on
laissera intervenir ces gens. Il faut s'entendre sur la durée de
l'indivision. Ensuite, il y a toute la question de la société
d'exploitation. Quel sera le rôle joué par la SGF dans cette
société d'exploitation? Quels seront ses droits de veto? J'en
passe. Aussi, il y a la question des approvisionnements et de la
commercialisation. Est-ce que Pechiney est intéressée à
vendre de l'aluminium? Est-ce que, ensemble, on est intéressé
à acheter de l'aluminium?
Si je pense à l'indivision, on a un conseil de direction à
mettre en place. Il faut s'entendre sur le nombre de représentants qu'on
veut avoir à ce conseil. Encore une fois, quelles seront les
décisions sur lesquelles on devra avoir l'unanimité? On a
mentionné, ce matin, la question des licences, celle des plans et devis,
celle de l'assistance technique et, finalement, il y a le financement, le
transfert de participation et le partage des frais. Ce sont des points que nous
sommes à discuter. Est-ce que je dois répéter? (21 h
30)
M. Fortier: Certainement.
M. Lefebvre: ...et les dépenses. C'est un autre point
qu'on est à discuter. De tous ces points - il y en a une trentaine que
je viens de mentionner - on a possiblement un accord sur 25. Il en reste
quelques-uns sur lesquels on est en négociation et on s'attend que, dans
les prochaines semaines, il y aura un accord mais présentement on est en
mauvaise position pour vous décrire le statut des
négociations.
M. Lincoln: Oui, mais cela montre que c'est vraiment un stade
délicat des négociations parce qu'il y a toujours des points que
vous discutez qui sont fondamentaux. Là, peut-être qu'on met un
peu la charrue devant les boeufs. On s'en va avec une loi sans savoir ce qui
arrivera à la fin. Si je lis votre document du 19 mai, dans la lettre
d'entente, on dit: Les droits et les obligations des propriétaires
indivis quant à l'exploitation de l'usine seront définis dans les
accords à intervenir entre la société et Pechiney Ugine
Kuhlmann. C'est-à-dire que tout cela, c'est naturellement un contingent
à l'accord.
Je vous pose une question pour bien comprendre l'indivision.
L'indivision, on l'a expliquée par rapport au financement, par rapport
à la structure fiscale, etc. Cela, je le comprends, mais passons
à l'exploitation, passons au roulement de l'usine, aux profits et
pertes. Vous avez l'usine qui fonctionne. On a instauré un
mécanisme de direction, etc. Là, vous avez des dépenses.
Comment ces dépenses sont-elles divisées par rapport aux
actionnaires indivis? Par exemple, disons qu'on en a deux, peut-être
qu'on en a trois, ou quatre ou cinq mais, pour le moment, on en a deux. Pour
revenir à la question que M. Ciaccia vous posait tout à l'heure
sur les frais d'intérêt, est-ce que ces frais sont divisés?
Est-ce que toutes les dépenses sont divisées au prorata,
d'après le pourcentage des actions?
M. Lebel: En ce qui concerne l'usine, elle est payée par
les mises de fonds des actionnaires et ce sont les participants qui se
chargent, de par leur propre structure, de payer les intérêts.
L'usine reçoit de l'alumine. Elle achète les autres intrants: le
brai, le carbone, etc. Elle administre le contrat d'électricité,
elle engage la main-d'oeuvre et elle fait fonctionner une usine et elle facture
aux participants le coût de
fabrication à la sortie, selon la part de chacun. Si j'ai le
tiers en indivision, j'ai à prendre livraison du tiers de la production
et j'ai à assumer le tiers des coûts de production.
M. Lincoln: Là, je comprends. Ce que vous voulez dire,
pour les fins de la discussion, pour poursuivre ce que mon collègue de
Mont-Royal disait avant, c'est que si Pechiney va sur le marché des
banques, ce sera la même chose, Pechiney devra produire le tiers contre
ses emprunts, etc. Mais on se souvient que les banques françaises ont
été nationalisées; il y a 36 grandes banques
françaises qui ont été complètement
nationalisées. Pechiney appartient à l'État
français. Il est impossible de penser que l'État français,
s'ingérant dans ceci, dise aux banques françaises:
Écoutez, financez Pechiney qui est en difficulté
financière très conséquente à 100% ou à 90%.
Si cela arrivait que Pechiney aille se faire financer par le système
bancaire français à 90% ou à 100%, ce que vous voulez dire
c'est que le repaiement des intérêts, qui sera tout à fait
disproportionné pour Pechiney, ne regarde pas du tout
l'exploitation.
M. Lebel: Absolument.
M. Lincoln: Est-ce qu'on peut passer au contrat de vente qui est
basé sur le prix indépendant Pechiney, PIP? Vous avez un contrat
de vente PIP. Là non plus, on ne sait pas - sans doute que vous avez
négocié pro forma un contrat de vente qui est en
négociation en ce moment, je présume, mais on n'en connaît
pas les détails. Ce que je veux dire, c'est que Pechiney et vous avez
des intérêts tout à fait différents. Vous, la SGF,
regardez l'intérêt québécois, vous êtes une
société d'État québécoise; elle, c'est une
multinationale possédée par l'État français qui a
des usines un peu partout dans le monde. Est-ce que ce serait possible, dans le
contrat de vente de Pechiney, de dire: Nous avons un contrat de vente; nous
sommes les fiduciaires de la vente de toute la société
Pechiney-Québec ou tout autre nom?
Mais demain matin, vu la demande d'aluminium dans le monde, pour ses
besoins Pechiney peut réduire le produit fait au Québec,
l'augmenter en Australie, en France ou ailleurs; ils vendent le produit mais en
fait ils vendent le produit d'après les besoins de Pechiney
International. Est-ce possible d'avoir un contrat de vente? Comment vous
protégez-vous contre cela?
M. Lefebvre: Je dois vous dire que ce qu'on a d'abord
négocié c'est un indice de prix qui est l'indice prix
indépendant Pechiney. On a comparé cet indice au prix des grands
producteurs américains, on l'a comparé au London Metal Exchange,
on l'a comparé à d'autres indices de prix qu'on avait dans le
temps et, à notre meilleure connaissance et avec toute la recherche
qu'on a faite avec l'aide des experts en aluminerie, avec l'aide de
l'ex-président de Noranda Aluminium, on a pu déterminer que
l'indice PIP est une indication fidèle du marché.
Par après, ce que Pechiney offre est un prix de base en 1975.
Donc ce qu'ils ont offert c'est le prix qu'on aurait payé en 1975 si on
avait existé à ce moment. De 1975 jusqu'à maintenant, on
peut appliquer à ce prix de base offert l'indice PIP qui varie à
tous les trimestres et cela nous donne la variation de notre prix dans le temps
à partir de 1975 jusqu'à aujourd'hui. On compare ce prix avec le
marché et le prix des grands producteurs.
Ce que nous avons négocié jusqu'à maintenant c'est
l'indice. Pechiney nous a offert un prix et c'est le prix que nous sommes en
train de regarder et nous devons éventuellement dire à Pechiney:
Oui, on l'accepte ou non, on ne l'accepte pas. Mais l'indice comme tel est un
indice qui nous satisfait, qui reflète le marché et sur lequel
nous sommes prêts à signer une entente.
Comme je vous le dis, il reste à "finaliser" le prix et,
éventuellement, ce prix suivra le marché comme si on vendait
notre propre aluminium.
M. Lincoln: D'accord. Par rapport au prix, j'ai compris cela. Il
y a une chose que j'ai envie de comprendre parce que je ne suis pas trop
sûr. En fait Pechiney est en un certain sens "in the driver seat". Je
lisais une citation de M. Lebel dans la Presse du vendredi 6 mai quand il
parlait à M. Gilles Gauthier, de la Presse. Il disait: "II est
évident que nous n'avons aucun "know-how" dans ce secteur et qu'au
début nous serons plus silencieux que bavards pour nous en tenir avant
tout au rôle de financier. Mais graduellement, par le biais d'une
filiale, la SGF acquerra ce savoir-faire et nous serons alors de moins en moins
silencieux." C'est M. Lebel qui dit cela. En fait, en temps de
négociation, je me suis demandé comment M. Lebel disait cela
parce qu'à ce moment, c'est se mettre un peu dans la gueule du lion mais
le fait est que nous nous en allons... On dit qu'on accepte qu'on n'ait pas
beaucoup d'expertise dans cette matière à la SGF. En fait cela a
été un peu admis ce soir. J'ai pris quelques citations qui
disaient: On va demander à Alcan, on va chercher quelle technologie,
hier on a parlé à Alcan, etc. Eux, ce sont des experts. Alors ce
qu'on fait pour le moment on se fie à eux. Ils sont la majorité.
En fait, on fait un contrat de vente avec eux pour le prix mais ensuite est-ce
qu'on ne dit pas qu'il y a deux façons de procéder? Je veux
être sûr. On est en
propriété indivise, nous avons notre tiers qui est comme
notre société, c'est comme si on avait notre propre aluminerie
pour un tiers et eux ont les deux tiers. On oublie Alumax pour le moment.
Il y a deux façons de procéder. Ou on prend le produit de
l'usine et on va le vendre nous-mêmes ou on dit à Pechiney qu'on
fait un contrat avec eux pour vendre cela pour nous. Est-ce que ce n'est pas ce
que j'ai compris que vous allez faire?
M. Lefebvre: II y a aussi une troisième
possibilité. C'est de vendre une partie de notre production à
Pechiney et une autre partie sur le marché nous-mêmes.
C'est-à-dire qu'il y a trois possibilités que l'on
considère à l'heure actuelle.
M. Lincoln: D'accord, mais ce que je veux vous dire, c'est que
lorsque vous considérez votre négociation avec Pechiney, j'essaie
de comprendre la relation entre le contrat de vente que vous allez faire avec
Pechiney, même que ce soit pour un tiers ou deux tiers de votre
production. Est-ce que Pechiney n'est pas un peu dans le sens d'être dans
le "driver seat" par rapport à la production? Comparé à
ces besoins internationaux...
M. Lefebvre: C'est-à-dire qu'on vend à Pechiney,
mais Pechiney ne vend pas pour nous. Il y a une distinction. Pechiney
s'engagerait à acheter toute notre production selon le barème que
j'ai mentionné tantôt. Le prix PIP est développé de
la façon suivante: Pechiney a un certain nombre de clients
indépendants en France, en Europe, sur le marché d'exportation.
Il est en position de suivre le marché et de déterminer ce que
vaut l'aluminium partout au monde présentement, parce qu'il s'adonne
à avoir un grand nombre de clients qui achètent leur aluminium
pour la transformation. L'indice PIP est basé sur l'historique de ses
prix, mais nous allons leur vendre directement l'aluminium. Ils vont l'acheter
à un prix qui est basé sur l'indice Pechiney.
M. Lincoln: Excusez-moi, M. Lefebvre, je n'ai pas compris. Il y a
une notion qui m'échappe et j'ai envie d'y revenir. Laissons le prix de
côté. Je comprends le prix et l'affaire de PIP. Ce que j'aimerais
savoir, c'est en termes pratiques, peut-être que je ne m'explique pas
bien, mais je vais essayer de m'expliquer parce que c'est quelque chose de
nouveau pour moi et j'essaie de comprendre cela. Pechiney a plusieurs usines
dans le monde. Prenons par exemple l'usine d'Australie. Elle lance l'usine
d'Australie et à un moment donné Pechiney a des besoins
internationaux. Elle connaît le marché. Ce sont ces gens les
savants du marché, vous êtes les novices. Vous avez un contrat
avec cette compagnie. Pechiney décide que demain matin, c'est plus
favorable pour elle. Il y a une baisse de production dans le monde. La
production n'a pas monté. Elle a un contrat avec la Chine. Pour elle,
c'est plus avantageux d'aller vendre le produit australien selon certaines
raisons, que d'aller vendre du produit canadien. À ce moment-là,
est-ce que votre production va être affectée par les politiques de
Pechiney dans votre usine?
M. Lefebvre: Si on décide de vendre notre aluminium
à Pechiney, c'est que Pechiney s'engage contractuellement à
acheter nos 33% de l'usine, toute notre production.
M. Lincoln: D'accord, mais si la capacité de l'usine est
tant de tonnes et qu'il y a une baisse dans le monde, est-ce que Pechiney va
être le gros partenaire? En fait, quand vous allez structurer les cadres,
etc., est-ce qu'à un moment donné ils peuvent réduire ou
augmenter la capacité de production de l'usine parce qu'ils ont un
contrat de vente avec vous?
M. Lefebvre: Non. Nous avons un prix basé sur les ventes
indépendantes internationales de Pechiney. Pechiney est obligée
d'acheter la totalité de notre production. Notre prix est basé
sur un prix international et non sur un prix local.
M. Lincoln: Oui, je comprends.
M. Plessis-Bélair: J'ajouterais que si Pechiney
décidait de réduire unilatéralement sa quote-part de la
production, on prévoit, par entente, que Pechiney devra supporter les
frais additionnels encourus par la société d'exploitation,
à la suite de cette diminution de sa quote-part de la production.
M. Lincoln: C'est ma dernière question, après, je
vais laisser la parole à mon collègue de Mont-Royal. J'aurais
voulu poser des questions par rapport à toute cette affaire de garantie
du gouvernement français. Là, nous nous en allons dans une
participation, que ce soit de la façon indivisible ou, enfin, de la
situation que vous avez acceptée et qui a été
proprosée, en fait, par Pechiney. Peut-être que si Pechiney ne
l'avait pas proposé, ce serait intéressant de vous demander si
vous l'auriez proposé. Mais, enfin, Pechiney a proposé ce
système. Eux, en fait, ils arrivent comme une société, un
coopérant ou un participant tout à fait séparé.
Là, vous entrez comme partenaire pour un tiers. Vous, vous êtes
une société à part, d'après la constitution, si on
peut appeler cela comme cela. (21 h 45)
Vous avez dit vous-même que c'est comme deux
sociétés jumelées. Pechiney, qui est le gros partenaire,
amène 66%. Il va se financer, disons, beaucoup plus par les banques.
Là, on sait que Pechiney est en difficulté financière et
qu'elle a perdu, l'année dernière, un montant, en francs
français, équivalent à 575 000 000 $. En fait, on dit que
si le gouvernement français n'avait pas appuyé Pechiney, elle
serait en grande difficulté; que si Mitterrand n'avait pas pris Pechiney
en main, elle serait techniquement au bord de la faillite.
Qu'est-ce qui arrive si Pechiney entre dans ce projet, que le projet ne
va pas bien pour les premières années et que Pechiney subit des
dégâts ailleurs dans le monde sans une garantie du gouvernement
français? Je pense que c'est la question clef que mon collègue
posait. Si Pechiney faillit, est-ce que, à ce moment-là, la SGF
ne se retrouve pas automatiquement avec le bébé, parce qu'il y a
une grosse usine?
M. Lebel: Je vais essayer d'être clair le plus possible
encore une fois sur cette question. Le financement de la part de Pechiney et le
financement de la part de la SGF n'ont rien à voir l'un à
l'égard de l'autre.
M. Lincoln: Nous sommes d'accord avec cela.
M. Lebel: Si nous proposons le mode de financement que nous
proposons, c'est parce que nous pensons que c'est le mode de financement qui
nous permettra d'obtenir un financement bancaire. Si Pechiney, une fois que
l'usine est construite, que l'usine est en marche, pour quelque raison que ce
soit, fait faillite, devient insolvable, n'est plus capable de faire face
à ses obligations à l'intérieur de l'entreprise, qu'est-ce
qui se passe? Ce sont les gens qui lui ont prêté de l'argent qui
reprennent la propriété de l'affaire.
J'avoue qu'une telle situation pourrait être un peu embarrassante
si elle se produisait dans les premières années de fonctionnement
de l'usine ou dans la période de construction de l'usine, parce que nous
perdrions, à ce moment-là, instantanément, la partie qui
possède le "know-how" de fonctionnement. Nous serions dans la situtation
où un consortium bancaire quelconque viendrait saisir la part de
Pechiney et dirait: Allez-vous-en chez vous. Cela nous appartient maintenant,
vous êtes devenus insolvables. Que se passerait-il dans une telle
situation? Le consortium bancaire nous rencontrerait probablement et nous
dirait: Cette affaire ne peut pas mourir, il faut trouver quelqu'un pour
prendre la relève. Le consortium bancaire entrerait en communication
avec des producteurs d'aluminium. Nous serions avec eux et nous trouverions
probablement un remplaçant à Pechiney. J'admets que cette
situation de désastre, de catastrophe, pourrait, théoriquement,
se produire. Dans ce sens, n'importe quel projet industriel peut être
soumis à un désastre quelconque. Les probabilités qu'un
désastre comme celui-là se produise sont très minces.
Il reste que, à un moment donné, cet été ou
au début de l'automne, Pechiney va devoir être capable de nous
dire qu'elle a 1 000 000 000 $. Qu'ils viennent de n'importe où, qu'ils
aient été garantis par n'importe qui, cela n'a pas d'importance.
Il faudra qu'un document atteste qu'elle a 1 000 000 000 $ à sa
disposition pour réaliser le projet. Deuxièmement, il faudra
qu'elle nous dise qu'elle est capable d'assumer sa part des coûts
additionnels de contruction si jamais il y avait des coûts additionnels.
C'est cela la garantie dont nous avons besoin dans un projet de cette nature.
De la même manière que Pechiney a besoin de savoir de nous,
à un moment donné, si nous sommes effectivement capables
d'allonger 500 000 000 $ pour prendre notre part du projet, financer notre part
du projet; si nous sommes capables de faire face, dans une certaine proportion,
à des coûts excédentaires en matière de
construction. Mais c'est bien plus important de savoir qu'elle a 1 000 000 000
$ et que nous avons 500 000 000 $ que de savoir si le gouvernement du
Québec nous garantit ou de savoir si le gouvernement français les
garantit. Ils vont peut-être avoir besoin de garanties pour ramasser le
milliard nécessaire mais ils vont faire comme nous, ils vont aller
chercher leurs garanties là où ils peuvent les obtenir.
La clef de tout cela c'est qu'à un moment donné on est
capable d'attester, et c'est indubitable, que nous avons 500 000 000 $ et
qu'eux ont 1 000 000 000 $ et que nous pouvons donc commencer à
construire cette usine à Bécancour.
M. Lincoln: M. Lebel, je m'excuse de ne pas être naïf
dans cette affaire et d'être d'accord avec mon collègue, mais
franchement il y a quelque chose qui nous échappe. Je comprends tout
à fait la logique de dire: Pechiney arrive pour ses deux tiers. Elle a
les garanties des banques. Elle produit son milliard. Ce sont toutes des
banques de premier ordre. Il y a un consortium et cela ne nous regarde pas de
quelle façon elle est allée chercher son argent. Cela a l'air
très logique.
C'est surtout notre parti qui avait commencé cela. On a
été brûlé par toute l'affaire SIDBEC. On discute
cela avec le ministre. Les garanties dont vous parlez ce sont vraiment des
prêts de banque à une société.
Ce que nous disons c'est que le gouvernement du Québec s'aventure
pour donner des garanties formelles. Il y aura 150 000 $ d'argent plus 350 000
$ de garanties. Pechiney c'est la clef de tout parce qu'elle a une expertise.
Vous avez fait le scénario. Si quelque chose arrivait à Pechiney
ou pour une raison ou une autre elle se retirait, le consortium bancaire prend
l'affaire. Nous savons tous que cela va être le Capharnaüm, la tour
de Babel. Si cela arrivait on peut dire que ce sera la catastrophe. En fait ces
choses sont arrivées: Rolls Royce a eu des problèmes, Lockhead a
eu des problèmes. C'est arrivé déjà à des
sociétés - Chrysler a eu des problèmes - des
sociétés milliardaires. Pechiney est en difficulté
financière.
Ce que nous demandons, c'est pourquoi... Ce genre de protocole n'est pas
signé entre Pechiney et vous. C'est M. Parizeau du gouvernement du
Québec qui va signer cela avec l'État français, et aussi
M. Lévesque. Pourquoi est-ce qu'on ne demanderait pas à
l'État français la même chose que nous exigeons du
gouvernement québécois. Je trouve cela tout à fait
logique, pourquoi ne pas mettre cela dans l'accord-cadre?
M. Lebel: M. le Président, la SGF ne signera jamais un
contrat avec Pechiney pour s'engager, puis engager son gouvernement, dans une
dépense de 500 000 $ sans avoir, sans savoir de façon absolue que
Pechiney a 1 000 000 000 $ pour assumer sa part.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Biron: Je veux juste dire au député de Nelligan
que, dans ce genre de projet, de la façon que cela est structuré
financièrement, il s'agit pour la SGF de trouver 500 000 000 $: avec des
partenaires, seule, appuyée par le gouvernement avec la garantie du
gouvernement ou pas, il s'agit pour la SGF d'être capable à un
moment donné, au cours de l'année, lorsqu'on va arriver au
"closing", de dire: il y a 500 000 000 $ de garantie plus la possibilité
d'excédent s'il y en avait pour la construction de l'usine. Pechiney a
exactement la même chose à faire.
Comme je l'ai dit cet après-midi à votre collègue
de Mont-Royal, il pourrait arriver que ce soit le gouvernement canadien ou le
gouvernement américain qui endosse Pechiney. Cela n'a pas besoin
d'être nécessairement le gouvernement français. Cela n'est
pas de nos affaires de le savoir. Tant et aussi longtemps que Pechiney peut
arriver avec son certificat de 1 000 000 000 $, que ce soit garanti par la
Banque Royale, la Banque de Montréal, le gouvernement canadien, le
gouvernement américain, le gouvernement français, cela ne nous
fait rien. Tout ce qui nous importe c'est qu'il y ait 1 000 000 000 $ garantis
par quelqu'un ou un organisme ou un gouvernement qui est solvable, plus la
possibilité du dépassement des coûts de 1 500 000 000
$.
Dans ce sens-là, ce sont vraiment deux compagnies
complètement indépendantes qui ont à s'assurer, le
jour où ils échangent leur lettre d'intention et leur signature,
que l'autre partie a les garanties nécessaires pour couvrir sa part -
500 000 000 $ pour la SGF, 1 000 000 000 $ pour Pechiney - sans se
préoccuper qui va donner les garanties.
Comme le gouvernement français n'a pas à dicter, et
Pechiney n'a pas à dicter à la SGF qui va donner les garanties
nécessaires à la SGF, c'est la SGF qui doit trouver ses garanties
nécessaires. C'est dans ce sens-là que c'est le gouvernement du
Québec qui, à cause de la SGF, donne les garanties maintenant.
Cela pourrait être un autre gouvernement aussi dans ce cas-là bien
précis.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je suis...
M. Lebel: M. le Président, est-ce que je peux ajouter
seulement une petite information? Quand même, nous connaissons le
document que Pechiney fait circuler aux banques. La proposition faite par
Pechiney est de mettre 30% en équité et que les 70% de dettes
soient garanties par la maison mère de Pechiney, donc, par les actifs de
Pechiney dans le monde.
Il est fort possible qu'après cette discussion, les banquiers
leur disent que, s'ils n'ont pas d'autres garanties, ce n'est pas 30% qu'ils
devront payer en équité, c'est 40%. Si vous êtes capables
de garantir 40% en équité, nous allons vous prêter 60%. De
notre côté, nous pensons, avec la proposition ou le projet de
financement que nous avons discuté aujourd'hui, pouvoir passer avec
notre 30%-70%, parce que nous avons la garantie gouvernementale sur la dette
durant la période de construction. Si Pechiney est obligée de
mettre 50% d'équité et 50% de dettes pour aller de l'avant, c'est
son problème. Mais à nous, cela prend 1 000 000 000 $ de sa
part.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je suis en désaccord
avec la position du ministre en ce sens que, pourvu que Pechiney trouve 1 000
000 000 $, cela suffit. Je vais essayer de vous démontrer que cela ne
suffit pas. Ce n'est pas seulement le montant de
1 000 000 000 $, ce sont les garanties qui viendront après.
L'usine ne se trouvera pas en France ni en Australie, elle va se trouver au
Québec. Si quelque chose arrive à cette usine, le risque ne sera
pas Pechiney. Le risque politique, le risque des travailleurs, le risque de
garder cette usine ouverte, ce ne sera pas Pechiney et ce ne seront pas les
banquiers. Ce sera le gouvernement du Québec, la même chose que
pour SIDBEC-Normines. Vous ne pourrez pas vous permettre de dire à 800
personnes de l'usine de Bécancour que vous fermez les portes parce que
l'usine est déficitaire. La pression sera celle du gouvernement de
garder l'usine en marche.
Si vous avez 1 000 000 000 $ des banquiers, ils n'ont rien à
perdre de financer cette usine pour 1 000 000 000 $, sachant que le
gouvernement du Québec est impliqué dans l'autre tiers Pechiney
est, d'après la revue L'Expansion du 17 mars 1983, au bord de la
faillite car elle a perdu 500 000 000 $ l'an passé et, d'après
les pronostics, elle va en perdre plus l'an prochain. Les banquiers n'ont rien
à perdre. Ils vont garantir, ils vont prêter le montant de 1 000
000 000 $, sachant que le gouvernement du Québec est impliqué
avec ses garanties. Si les banquiers ont à reprendre l'usine parce que
Pechiney fait défaut, c'est bien facile car la pression ne sera pas sur
les banquiers. Eux, ils vont s'asseoir et ils vont demander au gouvernement du
Québec ce qu'il va faire. Nous, on arrête la production et on
congédie 300, 400, 500 personnes. Sur qui pèsera la pression
politique? Elle pèsera sur le gouvernement du Québec. C'est pour
cette raison qu'il est important, qu'il est essentiel que le gouvernement du
Québec obtienne la garantie du gouvernement français. Le
gouvernement du Québec a besoin de deux garanties, de deux exigences.
Premièrement, que Pechiney investisse au moins 30% de ses fonds dans
l'usine. C'est bien beau de dire dans le prospectus ce que fait Pechiney. Elle
investit 30%, mais ce n'est pas une garantie. Moi aussi, si j'étais
Pechiney, pour démontrer ma bonne foi, je ferais la même chose. Je
démontrerais au Québec que je vais investir 30% et que les 70%
seront financés. Si vous êtes si certains que c'est ce qu'elle va
faire, insistez pour l'inclure dans votre document.
Deuxièmement, si le gouvernement du Québec doit garantir
le prêt de 350 000 000 $, je crois que le gouvernement français
devrait être obligé par la SGF de garantir le bilan. Prenons
l'exemple de SIDBEC-Normines. Le gouvernement de l'Angleterre n'a pas garanti
British Steel. Sur qui est la pression? Elle n'est pas sur British Steel, elle
est sur nous. Pourquoi l'usine reste-t-elle ouverte? Parce qu'on ne veut pas
congédier tout ce monde. On est minoritaire dans SIDBEC-Normines, On
n'est pas majoritaire. C'est la même chose dans la façon que vous
proposez Pechiney, on va être minoritaire, mais minoritaire sur le sol
québécois, avec les pressions politiques au Québec. La
pression sera strictement sur le gouvernement, afin de faire quelque chose.
Pechiney n'aura rien à perdre parce que, si elle trouve 1 000 000 000 $
d'emprunt, la pression sera sur vous de maintenir l'exploitation de Pechiney.
Qu'est-ce qui empêcherait... (22 heures)
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Biron: M. le Président, je voudrais juste reprendre le
député de Mont-Royal sur ce sujet. Lorsqu'il a dit que British
Steel n'était pas garantie par le gouvernement anglais, c'est faux. Il y
a une garantie du gouvernement anglais sur les investissements de British Steel
dans ce sens.
M. Ciaccia: Est-ce que le gouvernement anglais a garanti
l'emprunt de SIDBEC-Normines?
M. Biron: II a garanti sa part d'emprunt de SIDBEC-Normines
comme...
M. Ciaccia: Le gouvernement anglais...
M. Biron: ...a garanti la part de l'emprunt de British Steel
comme...
M. Ciaccia: II n'a pas garanti SIDBEC-Normines.
M. Biron: Comme le gouvernement du Québec a garanti la
part de l'emprunt de SIDBEC dans SIDBEC-Normines.
Deuxièmement, le député de Mont-Royal a dit: SIDBEC
n'est pas majoritaire dans SIDBEC-Normines. SIDBEC est majoritaire à
50,1% dans SIDBEC-Normines.
Troisièmement, SIDBEC-Normines, ce n'est pas la même chose,
M. le député. Dans le fond, SIDBEC-Normines extrait le minerai et
ce qui coûte cher à l'heure actuelle, c'est l'extraction du
minerai. Si on prenait seulement l'usine de boulettage, si on achetait le
minerai à l'extérieur, comme on va acheter l'alumine à
l'extérieur, au prix international, si on faisait juste le boulettage
pour ensuite revendre les boulettes, on pourrait arriver à faire cela
à peu près sans perte. C'est exactement...
M. Ciaccia: ...vous perdrez 20 $ la tonne.
M. Biron: ...ce qu'on veut faire maintenant avec l'usine
d'alumine pour produire de l'aluminium et le coût, en plein milieu, est
divisé selon le nombre de tonnes d'aluminium produit.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je dirais que si
SIDBEC-Normines continue son exploitation... Sous certains aspects, il semble
même y avoir de meilleures protections pour le Québec dans
SIDBEC-Normines que vous n'en avez ici, d'après ce que M. Lebel nous dit
sur l'exploitation de Pechiney. Dans l'exploitation de Pechiney, je veux
demander à M. Lebel qui va déterminer si l'usine doit rester en
exploitation ou si elle doit fermer?
M. Lebel: Dans les discussions qu'on a, dans les projets de
contrat, nous avons un droit de veto sur cela. C'est-à-dire que Pechiney
ne peut pas décider unilatéralement d'arrêter la
production, de la recommencer, nous avons un droit de veto sur cela.
M. Ciaccia: Est-ce que Pechiney va avoir un droit de veto sur le
droit de la SGF de fermer?
M. Lebel: Pardon?
M. Ciaccia: Est-ce que Pechiney va aussi avoir un droit de veto,
si SGF veut 'cesser son exploitation?
M. Lebel: Bien oui, c'est la contrepartie. Nous ne pouvons pas
unilatéralement cesser la production dans l'usine.
M. Ciaccia: Pouvez-vous me dire la différence entre cela
et SIDBEC-Normines? Vous m'excuserez si je fais toujours une
référence à SIDBEC-Normines. Dans SIDBEC-Normines, il y a
une obligation d'acheter le produit. Vous venez de me dire que vous ne pouvez
pas fermer l'exploitation de Pechiney à moins que celle-ci ne soit
d'accord. Alors, si Pechiney n'est pas d'accord, vous devez continuer
l'exploitation et vous êtes responsables du produit. Quelle est la
différence? Où est la garantie pour la SGF?
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre. À
l'ordre, s'il vous plaît. M. le ministre.
M. Biron: Je crois que c'est important que le
député de Mont-Royal démêle un peu tout cela. Il y a
de l'alumine, d'abord, qu'on ramasse quelque part dans le monde à un
prix donné. Le prix de l'alumine est toujours basé sur le prix
vendant de l'aluminium. Lorsque le prix de l'aluminium diminue, le prix de
l'alumine diminue. C'est la matière première qui sert à
peu près à 25%; 25% du coût, c'est l'alumine. Ce prix
fluctue en fonction du prix de vente. On est toujours certain qu'on ne perdra
pas d'argent sur l'alumine. Si on achète notre alumine de Pechiney, tant
mieux; sinon, on peut acheter de l'alumine de n'importe quel producteur au
monde.
M. Ciaccia: Vous ne vendez pas de l'alumine, vous vendez des
produits.
M. Biron: On commence par acheter de l'alumine.
M. Ciaccia: Ce n'est pas cela, le...
M. Biron: Deuxième chose, l'alumine est apportée
à l'usine d'aluminium, l'usine qui va convertir l'alumine en aluminium
et, à travers tout cela, il y a un coût d'exploitation, un
coût d'exploitation qui sera parmi les 25% des meilleurs coûts
d'exploitation au monde à cause de la technologie et à cause des
tarifs d'électricité au Québec. Personne ne peut nous
enlever cela. On sera toujours parmi les 25% des meilleures usines d'aluminium
au monde quant au coût d'exploitation. Une fois qu'on ajoute cela au
coût de l'alumine, cela devient exactement le coût de l'aluminium
à la sortie de l'usine. À la sortie de l'usine, nous avons la
possibilité ou de vendre notre aluminium directement sur le
marché mondial avec un coût d'aluminium, alumine plus
l'électricité plus le coût de transformation, qui est parmi
les 25% des meilleurs coûts au monde - il n'y a donc pas de
possibilité de perdre tellement d'argent - ou il y a encore aussi une
possibilité de signer un contrat garanti par Pechiney, par lequel
Pechiney va acheter notre aluminium au fameux prix PIP, qui est le prix
basé un peu sur le prix international du métal. Et le prix
international du métal n'est pas contrôlé par Pechiney.
M. Ciaccia: M. le Président.
M. Biron: C'est toute la série d'alumineries au monde qui,
finalement, contrôle le prix de l'aluminium au monde. Alors finalement il
n'y a presque pas... Bien sûr qu'il y a des risques vis-à-vis d'un
investissement comme cela mais il y a beaucoup moins de risques que pour les
contrats qui ont été signés pour SIDBEC-Normines où
on n'était pas responsable du coût du minerai de fer qui rentre
à l'usine de bouletage et au sortir de l'usine de bouletage même
si notre usine de bouletage de Port-Cartier est une des plus efficaces au
monde. Mais, le coût du minerai de fer qui rentre dans l'usine c'est
déjà beaucoup trop élevé. Alors dans ce sens il y a
beaucoup moins de risques en transformant de l'aluminium au Québec avec
ce qu'il y a de meilleur marché, avec un achat d'alumine comme
matière première, qui varie sur le prix de vente international du
métal.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais revenir aux
garanties et au prix de vente. Je pense, M. Lefebvre, que vous avez
mentionné que vous pourriez signer une entente avec Pechiney selon
laquelle ils vont acheter le produit de l'usine au prix PIP. Pourriez-vous
m'indiquer sur le graphique 1, où le coût de production est
à un certain niveau, où se situerait le prix PIP? Parce que si je
comprends bien, le coût de production est environ 16,54 $ ou un peu plus
et les différents prix de vente depuis 1980 ont été en bas
du coût de production. Alors où se situerait le prix de
Pechiney?
M. Lefebvre: Comme je vous le disais tantôt le prix est
encore en négociation mais c'est l'indice PIP avec lequel nous sommes
d'accord. Le prix suivrait la courbe du Alcan 10-K, entre autres. En fait,
comme vous le voyez, toutes ces lignes se suivent. Ce sont les prix du
marché.
M. Ciaccia: Sur le graphique que j'ai, j'ai le LME cash, j'ai le
US producer et j'ai le MW US market. Je n'ai pas le prix Alcan sur ce
graphique.
M. Lefebvre: Vous avez le US producer. Excusez-moi, je regardais
le mauvais graphique.
M. Ciaccia: C'est le graphique 1. D'accord.
M. Lefebvre: L'indice PIP nous permettrait de suivre la courbe de
prix du marché.
M. Ciaccia: Alors cela voudrait dire que ce serait moins que le
coût de production.
M. Lefebvre: Non, non. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit
qu'on suivrait la courbe du marché qui est le US producer price ou le
10-K aux États-Unis.
M. Biron: Je pense qu'il y un mélange.
M. Lefebvre: II n'y a pas de coût de production.
M. Ciaccia: Peut-être que...
M. Biron: II y a juste un petit mélange...
M. Lefebvre: II n'y a pas de coût de production ici.
M. Biron: Non. Écoutez, il y a juste un petit
mélange, M. le Président, ici. Le US producer n'est pas un
coût de production, c'est un prix vendant pour le US producer.
M. Lefebvre: C'est un prix de vente affiché.
M. Biron: C'est un prix de vente affiché et non pas un
coût de production.
M. Lefebvre: C'est cela. La...
M. Ciaccia: Sur ce graphique, où serait le coût de
production?
M. Lefebvre: D'accord. Je vais reprendre. Le US producer price
est le prix affiché. D'accord? Le LME ou le MW, Metal Week US Market
sont des prix de marché. Et, si vous regardez le graphique 2, le Alcan
10-K est un prix de marché; le MW US market price est un prix de
marché; le US producer price est le prix affiché et le LME est un
prix de marché. Je vous dis que le prix PIP suit le prix de
marché ou l'indice PIP nous permet de suivre le marché.
M. Biron: M. Lefebvre, dans ce cas bien précis, ce que le
député de Mont-Royal voudrait savoir et ce serait
intéressant, c'est le coût de production selon la formule que vous
nous avez présentée tout à l'heure ou qui est un petit peu
plus... Ici dans la comparaison des coûts directs d'une aluminerie, si on
extrapolait votre coût de production avec la méthode Pechiney, les
tarifs d'électricité comparés aux autres, est-ce que le
coût de production serait en haut ou en bas du prix vendant du
marché?
M. Lefebvre: Si vous allez en 1982, le prix du marché
était de 900 $ environ, notre prix de production serait d'environ 850 $.
On serait encore dans une position "cash flow" positif.
M. Ciaccia: C'est d'après les estimations ou le
coût, mais il n'y a aucune garantie que le prix du marché... Je
pense que je réponds à la question en la posant. Le prix PIP est
le prix du marché et il n'y a aucune garantie que le prix du
marché sera le coût de production.
M. Lefebvre: Vous avez raison.
M. Ciaccia: Si vous signiez une entente avec Pechiney pour qu'ils
achètent toute la production, de quelle durée serait ce
contrat?
M. Lefebvre: On pourrait avoir - et c'est ce qu'on pense qui
serait préférable si on va dans cette direction - un contrat de
cinq ans avec deux options de renouvellement de cinq ans pour une durée
de quinze ans, mais qui nous permettrait de sortir après
cinq ans si on voulait sortir.
M. Ciaccia: Si c'est le prix du marché que vous allez
obtenir, Pechiney voudra aussi avoir certaines protections. Ils ne voudront pas
perdre l'argent. Quel est vraiment l'avantage d'avoir un contrat avec Pechiney
pour l'achat...
M. Lefebvre: II y aurait peut-être une correction à
apporter à mon commentaire précédent, c'est que le LME qui
est le London Market Exchange Price est un prix "spot" et le prix "spot", dans
des mauvaises conjonctures, sera plus bas que les prix d'ententes et, dans une
bonne conjoncture, sera plus haut que les prix d'ententes. Le prix PIP nous
permet de suivre beaucoup plus le prix des "10-K", par exemple, aux
États-Unis, ce qui fait que le prix n'est jamais aussi mauvais que le
prix "spot" dans une mauvaise conjoncture et, par contre, dans une bonne
conjoncture, on obtient un peu moins d'argent.
Maintenant, si vous parlez aux grands producteurs comme l'Alcan ou ALCOA
ou à toutes ces compagnies, leur expérience est qu'elles
n'obtiennent, dans un bon marché, jamais autant d'argent que sur le
London Middle Exchange et, dans une mauvaise conjoncture, elles font toujours
mieux.
M. Ciaccia: Je vais revenir un instant aux garanties. Est-ce que
vous avez des raisons spéciales pour ne pas exiger deux choses:
premièrement, que Pechiney investisse des fonds de Pechiney, autrement
dit qu'ils n'empruntent pas les 100% de leur contribution et,
deuxièmement, que vous obteniez la garantie du gouvernement
français? Est-ce que vous avez des raisons pour ne pas avoir ces deux
exigences?
M. Lebel: En ce qui concerne la première question, la
réponse serait que je pense que, à partir du moment où
nous acceptons le principe de l'indivision, c'est une exigence qui peut
toujours se poser, mais qui serait embarrassante, parce que, par principe, dans
l'indivision, l'une et l'autre parties n'ont même pas à
connaître comment l'autre partie obtient son financement. C'est un
financement indépendant. C'est toujours faisable. Remarquez que les
chances sont -si vous voulez un avis tout à fait personnel -que
Pechiney, de toute manière, devra mettre au minimum 30%
d'équité et peut-être 40% d'équité. Tout
dépendra du jugement des financiers. Dans des discussions tout à
fait informelles que nous avons eues avec eux, ils nous ont indiqué
qu'ils s'attendaient d'avoir comme retour de la part des banquiers une demande
de porter leur équité à 40%. I'hypothèse que cela
pourrait être en bas de 30%, à mon point de vue, n'est pas
possible. Dans les documents que Pechiney fait circuler auprès de
grandes banques internationales... (22 h 15)
II n'y a pas uniquement des banques françaises dans le
financement de Pechiney, incidemment, il y a de grandes banques
américaines. Pour ramasser ce milliard, il va falloir un consortium
bancaire qui ne sera sûrement pas... Il pourrait y avoir deux "lead
banks" dans un consortium comme celui-là, une française et une
américaine. Il pourrait y avoir une couple d'autres banques
françaises, une banque canadienne, etc. Alors, il va y avoir au moins
sept banques dans un consortium comme celui-là. Dans son document,
Pechiney propose comme base de mettre 30%. Lui demander comme exigence de
mettre au minimum 30%, oui, mais je vous avoue que, compte tenu du principe de
l'indivision, ce serait un peu gênant.
Quant à exiger la garantie du gouvernement français, cela
n'apparaît pas nécessaire sur le plan du financement.
M. Ciaccia: Pourriez-vous être mis dans la position
où vous seriez obligé de devenir propriétaire de toute
l'usine, de tout le projet? Vous dites que la décision
opérationnelle appartient à chacun. Avec un droit de veto, si la
production est réduite, est-ce possible que Pechiney vous place dans la
position où la SGF sera obligée de devenir propriétaire de
toute l'usine?
M. Lebel: Le projet de contrat comporte dans une partie un
système d'offre mutuelle. Comme appelle-t-on cela? Le droit de premier
refus, si l'un ou l'autre des partenaires désirait se départir de
sa part indivise de l'aluminerie. Cela va probablement faire partie du contrat.
Alors, cela ouvre une porte théorique à la possibilité
pour la SGF d'acquérir l'ensemble de l'affaire
éventuellement.
M. Ciaccia: Vous ne pouvez pas être obligé? C'est
strictement...
M. Lebel: Non, on ne peut pas être obligé dans ce
cas-là. D'ailleurs, il y a des délais de prévus; il y a un
système de prix qui marche, etc., et on a un délai pour donner
une réponse, mais on ne peut pas être obligé de prendre
l'autre partie.
Votre question soulève la question hypothétique dont on
parlait tout à l'heure. En supposant le pire des désastres
possibles et impossibles, que Pechiney devient totalement insolvable, les
financiers se saisissent de la part de Pechiney et là, on a comme
partenaires des banquiers internationaux. Peut-être que le premier
groupe, si jamais on est tout seul encore là-dedans, vers lequel on va
se tourner, ce sera nous, pour nous dire: Êtes-vous prêts à
prendre, à certaines conditions, la totalité de
l'affaire? Si une situation difficilement imaginable comme
celle-là se produisait, je crois cependant que la solution
résiderait plutôt dans l'intéressement d'un autre
participant. Au prix où les banquiers pourraient vendre la part de
Pechiney, elle serait peut-être intéressante pour la SGF,
remarquez bien. Elle serait sûrement intéressante pour d'autres
producteurs mondiaux comme l'Alcoa. On ne met jamais dans les
considérations que... Alumax pourrait aussi être un partenaire
dès le départ. Ce pourrait être un groupe
intéressé, dans une telle situation, à prendre la
relève.
M. Ciaccia: Serait-ce exact de dire qu'on s'engage aujourd'hui -
quand je dis "on", je parle du gouvernement du Québec et de la SGF -
dans un projet de 500 000 000 $, pour un tiers de l'usine, qui pourrait
résulter dans une situation où la SGF deviendrait, ou pourrait
devenir, avec des fonds additionnels naturellement, propriétaire de la
totalité du projet.
M. Lebel: J'étais porté à faire mes premiers
commentaires sur le fait qu'on s'engage aujourd'hui. On s'engage aujourd'hui,
toujours sous réserve que... Bon, bien sûr, oui, c'est une
possibilité éloignée.
M. Ciaccia: C'est une possibilité.
M. Lebel: Mais, si elle le veut. Si elle est capable de payer,
etc., etc.
M. Ciaccia: Cela, c'est volontaire. Mais, est-ce que, s'il n'y a
pas de garantie adéquate d'un gouvernement, du gouvernement
français... Le ministre parle du gouvernement canadien, si vous pouvez
aller le chercher, "fine"; si vous pouvez aller chercher l'endossement du
gouvernement américain, cela va nous plaire aussi, mais il faut la
garantie d'un gouvernement. Ici, c'est plus réaliste de penser au
propriétaire de Pechiney, le gouvernement français. S'il n'y a
pas cette garantie et si Pechiney est vraiment dans des difficultés
financières, est-ce que vous ne pourriez pas être mis dans la
situation où vous pourriez être obligé, pour sauver
l'entreprise, parce que vous n'avez pas les garanties, de devenir
propriétaire de la totalité du projet?
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Biron: M. le Président...
M. Ciaccia: Je demande au...
M. Biron: ...je pense que là-dessus...
M. Ciaccia: Je demande au...
M. Biron: Non, mais je pense qu'il faudrait être clair
là-dessus et ne pas jouer, non plus, sur les mots. M. Lebel a dit
à plusieurs reprises tout à l'heure que le problème de
Pechiney, c'est de trouver 1 000 000 000 $...
M. Ciaccia: Je comprends. M. Biron: ...garantis ou non.
M. Ciaccia: Oui, oui.
M. Biron: Mais, il n'y a pas de banquier qui va prêter 1
000 000 000 $ sur un coin de table.
M. Ciaccia: Oui, oui.
M. Biron: II va falloir avoir des garanties quelque part de la
part des banquiers. Et on estime, d'après les informations que la
Société générale de financement a obtenues - M.
Lebel l'a dit tout à l'heure à plusieurs reprises aussi - que
c'est fort possible que Pechiney doive mettre 300 000 000 $ comptant
là-dedans. Peu importe ce qui arrivera ou ce qui pourrait arriver
à Pechiney. Peu importe. Il y aura tellement d'argent comptant et
tellement de garanties que la part du 1 000 000 000 $ ne sera jamais 1 000 000
000 $, ce sera toujours moins. Si ce n'est pas la SGF, cela peut être un
autre producteur, Alcan au Québec, ou Reynolds, ou d'autres producteurs
comme Alcoa, ou d'autres à travers le monde, qui seraient
intéressés à acheter la part...
M. Ciaccia: M. le Président.
M. Biron: ...de Pechiney, de 1 000 000 000 $ pour,
peut-être 700 000 000 $, peut-être 500 000 000 $ aussi. Une part
comme cela, ce sera probablement une excellente affaire à faire dans le
temps.
M. Ciaccia: M. le Président, je voulais...
M. Biron: Alors, tout ce que je veux faire comprendre...
M. Ciaccia: M. le Président, question de
règlement.
M. Biron: ...au député de Mont-Royal, c'est qu'il
ne faudrait pas, non plus, passer la soirée à faire des
hypothèses, à penser à des choses qui ne peuvent pas
arriver, lorsqu'on sait d'avance... Je pense que le député de
Mont-Royal a assez négocié dans les affaires pour savoir qu'il
n'y a pas une banque au monde qui va avancer 1 000 000 000 $ sur un coin de
table, sans
garantie. Il y aura des garanties quelque part pour au moins que les
banques puissent se payer une partie. Et, deuxièmement, que les
banquiers se retournent vers des acheteurs possibles, la SGF, à travers
d'autres acheteurs, et vendre cette partie-là meilleur marché. Si
c'est un bon marché à faire...
M. Ciaccia: M. le Président.
M. Biron: La SGF ne dira probablement pas non. Et, il y a
quelqu'un d'autre dans le monde qui sera peut-être
intéressé aussi à le faire ce bon marché-là.
Alors, j'invite le député de Mont-Royal à prendre des
états de faits qui peuvent arriver, mais qu'il cesse d'extrapoler sur
des choses qui ne peuvent pas arriver.
M. Ciaccia: M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je ne voulais pas une réponse politique. Si
j'avais voulu une réponse politique, j'aurais posé ma question au
ministre. C'est malheureux que le ministre, chaque fois que j'arrive à
une question que je trouve assez précise... Je veux l'opinion de M.
Lebei. Écoutez, M. Lebel est le président de la SGF, je veux
savoir ce qu'il pense de la situation dans laquelle il se trouve. C'est lui qui
va devoir répondre, comme président de SGF, pour le
fonctionnement de l'aluminerie, si jamais on signe l'entente avec Pechiney. Si
le ministre veut faire des interventions par la suite pour expliquer,
évidemment, non seulement je ne peux pas l'empêcher mais je
l'invite à le faire. Mais, aux questions que je pose sur ces
situations-là, j'aimerais avoir les réponses du président
de la SGF.
M. Biron: M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, sur la
question du règlement.
M. Biron: Ou le député de Mont-Royal veut faire de
la petite politique...
M. Ciaccia: Non, non.
M. Biron: ...ou le député de Mont-Royal est
complètement incompétent au point de vue économique.
M. Ciaccia: C'est cela.
M. Biron: Mon attitude n'a pas été une attitude
politique, cela a été tout simplement une attitude raisonnable au
point de vue économique, en me disant que ce n'est pas possible que le
député de Mont-Royal se mette dans la tête...
M. Ciaccia: Cela, c'est votre opinion, ce n'est pas mon
opinion.
M. Biron: ...que des banquiers responsables vont avancer 1 000
000 000 $ sur un coin de table. Ce n'est pas vrai. Il va y avoir des garanties
quelque part en dessous de cela. Je veux juste dire au député de
Mont-Royal que s'il dit que des banquiers sur un coin de table vont avancer 1
000 000 000 $ pour faire peur au monde...
M. Ciaccia: Je n'ai pas dit cela, M. le Président. Voyons
donc!
M. Biron: ...le député de Mont-Royal fait de la
petite politique. Si le député de Mont-Royal veut, comme il le
dit lui-même, faire de l'économique, faisons de
l'économique mais au moins faisons de l'économique raisonnable en
disant au moins sur des bases d'affaires ce que des banquiers peuvent faire au
minimum et au maximum. À travers cela, bien sûr, les gens de la
SGF et tout le monde sont bien prêts à répondre à
des questions. Mais j'invite le député de Mont-Royal à ne
pas faire peur au monde et à essayer de faire de la politique avec un
cas bien précis mais tout simplement être raisonnable au point de
vue économique et poser des questions raisonnables
économiquement. Il va avoir toutes les réponses qu'il veut avoir
sur ce sujet.
M. Ciaccia: Si le ministre veut me laisser les poser, je vais le
faire. Je ne fais pas de la petite politique. Je réfère à
un cas très précis. Je n'ai jamais dit et je ne prétends
pas que les banques vont prêter 1 000 000 000 $ sur un coin de table. Ce
n'est pas cela du tout. La seule chose que je cherche, c'est d'avoir des
protections. Je ne veux pas donner plus d'avantages à Pechiney et je ne
veux pas imposer moins d'obligations que le gouvernement du Québec se
propose d'imposer dans le projet de loi 10. Plutôt que de dire que les
banques ne prêteront pas 1 000 000 000 $ sur un coin de table, je demande
pourquoi on ne peut pas exiger que Pechiney investisse, qu'on n'exige pas dans
l'entente-cadre qu'elle investisse 30% et qu'au lieu d'avoir 1 000 000 000 $
d'emprunt, on ait 700 000 000 $? Si une banque peut prêter 700 000 000 $,
elle peut prêter 1 000 000 000 $. Mais la protection, en fin de compte,
les conséquences peuvent être différentes pour la SGF.
C'est pour cela que je voulais poser la question: Est-ce que la SGF pourrait
être placée dans une situation - je ne demande pas cela au
ministre, je demande cela à M. Lebel - que s'il n'y a pas de garanties
adéquates, elle sera mise dans une situation où elle sera presque
obligée de devenir propriétaire du projet entier?
Le Président (M. Desbiens): M. Lebel.
M. Lebel: Elle ne peut pas être obligée de devenir,
elle ne sera pas obligée de devenir propriétaire du projet en
entier dans aucune situation.
M. Ciaccia: Si Pechiney ne peut pas... Oui, je l'ai
entendu...
M. Dussault: ...l'apocalypse...
M. Ciaccia: ...faire honneur à ses obligations et qu'il
n'y a aucune autre garantie, qu'arrivera-t-il à ce moment?
M. Lebel: La part de Pechiney est saisie par ses
créanciers. Ses créanciers sont, en l'occurrence, un consortium
de grandes banques internationales.
M. Ciaccia: Est-ce que les créanciers vont être
obligés d'exploiter l'usine au niveau que la SGF voudrait qu'elle soit
exploitée?
M. Lebel: Les créanciers, s'ils veulent exploiter l'usine,
vont devoir l'exploiter selon les contrats qui vont nous lier à eux
comme nouveaux propriétaires. Il pourrait arriver à ce moment
qu'on continue d'exploiter pour arriver dans des situations très
hypothétiques qu'on doive cesser d'exploiter.
M. Ciaccia: Serait-il possible que si les créanciers
prennent possession de l'usine pour le montant de leurs créances, ils ne
seraient pas obligés d'exploiter l'usine? Par exemple, si c'est une
question d'indivision, un... (22 h 30)
M. Lebel: Ils prennent possession d'une indivision qui leur
confère certaines obligations très précises qu'ils ont
à l'égard de nous et nous avons tous les recours à leur
égard qu'ils auraient à notre égard si nous ne voulions
pas jouer le jeu. Supposez que cela se produise dans cinq, six ou sept ans, je
vous avoue que cela ne m'apparaît pas très fatigant.
L'équipe est en place, l'usine fonctionne, le changement de
propriétaire se fait et cela ne paraît pas tellement. Cela
crée des emmerdements, j'en suis sûr, mais cela ne paraît
pas tellement.
M. Ciaccia: Non, mais parfois...
M. Lebel: II est peu probable que la situation se présente
dans les premières années parce que l'argent pour construire
l'usine va être souscrit à l'origine du projet. Alors, il n'y a
pas de difficulté qui se pose à ce moment.
Hypothétiquement, cela est possible. Ce serait possible
qu'advenant une situation comme celle-là, ce soit une situation
embarrassante et qu'on soit obligé de considérer les avantages.
Est-ce que c'est plus avantageux d'acheter le reste ou pas? Est-ce qu'on est
capable d'acheter le reste ou pas? Est-ce qu'il y a des gens qui peuvent
prendre la relève?.
Évidemment, si on est déjà trois, le
problème n'est plus tout à fait le même, il est moins
compliqué. Il y a des chances que nous soyons trois dès le
départ. Il y a aussi des chances que nous ayons un producteur
d'aluminium dans le groupe québécois; ce n'est pas assuré,
mais ce n'est pas écarté.
Dans une situation hypothétique, le pis qui puisse arriver, c'est
que nous soyons seulement Pechiney et nous. À ce moment-là, nous
nous ramassons avec des partenaires banquiers. Cela suppose qu'on achète
ou qu'on trouve rapidement un remplaçant à Pechiney. À mon
point de vue, il y aurait des candidats. Cela reste une situation embarrassante
pour le moins.
M. Ciaccia: C'est pour cela que je vous suggérais que ce
serait plus prudent d'obtenir des garanties du gouvernement français, de
la même façon que le Québec est prêt dans le projet
de loi, d'après ce que je vois et d'après votre
présentation, à fournir certaines garanties.
Revenons à la question de l'indivision.
M. Lebel: Est-ce que vous me permettez, M. Louis-Gilles Gagnon
est en train de me déranger et il voudrait faire une intervention
là-dessus. Je suis aussi bien de le laisser faire.
M. Ciaccia: Certainement. Écoutez, la seule chose qu'on
veut, c'est d'essayer d'avoir le plus de renseignements possible. Il n'y a pas
d'autre objectif dans les questions que je pose.
M. Gagnon (Louis-Gilles): Comme je le disais, M. Ciaccia, ou la
période de difficulté de Pechiney, pour reprendre votre exemple,
va se produire durant la période de construction, ou elle se produira
après la date de démarrage du projet comme tel. Si cela se
situait après la date de démarrage, nous serions en
présence d'une situation où ici, au Québec, la garantie du
gouvernement, de toute façon, n'existerait plus. Alors, si Pechiney
n'avait pas eu la garantie du gouvernement français, nous serions dans
la même situation.
M. Ciaccia: Pourquoi dites-vous qu'elle n'existerait plus?
M. Gagnon (Louis-Gilles): Pardon?
M. Ciaccia: Pourquoi dites-vous qu'elle n'existerait plus?
M. Gagnon (Louis-Gilles): Parce que c'est dans la constitution
même du projet
que la garantie donnée par le gouvernement tombe, de par les
termes du recours limité, au moment de la date de démarrage.
M. Ciaccia: Non, peut-être que c'est ce que vous dites,
mais ce n'est pas ce que j'ai compris. La garantie va tomber seulement si le
ratio devient 50-50, dette-équité. Est-ce que la garantie va
tomber automatiquement après le démarrage?
M. Gagnon (Louis-Gilles): Ce sont effectivement les deux
conditions.
M. Ciaccia: Ah! oui. Un instant! Si le ratio est de 50-50, je ne
suis pas inquiet non plus des garanties du gouvernement français parce
que, si la dette est de 1 000 000 000 $ et l'équité de Pechiney
de 1 000 000 000 $, pas de problème. C'est advenant le cas où ce
ratio n'existe pas. Si ce ratio existe, il n'y aura pas de défaut et
Pechiney va continuer à fonctionner. Les banquiers ne prendront pas
l'usine si ce ratio d'équité existe. C'est seulement dans le cas
où le ratio dette-équité n'est pas de 50-50. À ce
moment-là, si je comprends bien, c'est possible que vous soyez mis dans
une position de devenir propriétaire de l'ensemble. Ce serait à
ce moment que la garantie d'un gouvernement serait utile sur la dette.
M. Biron: M. le Président, pour être très
clair, il faudrait s'entendre sur ceci: une fois que le montant de 1 000 000
000 $ est sur la table, de même que les 500 000 000 $ de la part des
partenaires québécois, c'est sur la table et cela ne manquera
plus car c'est là.
M. Ciaccia: Oui.
M. Biron: On va jusqu'au bout de la construction de
l'usine...
M. Ciaccia: Oui.
M. Biron: ...peu importe ce qui arrive avec Pechiney. Le seul
point difficile à régler, c'est que notre partenaire qui nous
apporte des connaissances technologiques serait peut-être disparu en
cours de route et on aurait une usine. Cela peut causer de emmerdements, comme
dit M. Lebel, mais il faudrait voir s'il n'y a pas possibilité de passer
à travers d'une autre façon. Mais il y aura quand même 1
000 000 000 $ sur la table avec quelques garanties que les banquiers auront
à quelque part. Si l'usine était en fonctionnement, au bout d'un
an ou deux, les gens ayant appris la technologie il n'y a plus de
problème là-dessus. Il y a encore quand même le 1 000 000
000 $ versé par les banques françaises, américaines et
suisses.
M. Ciaccia: C'est une dette.
M. Biron: C'est une dette que Pechiney doit et non pas que SGF
doit.
M. Ciaccia: Non, c'est l'usine qui la doit.
M. Biron: Non, ce n'est pas l'usine, c'est Pechiney qui doit
cela.
M. Ciaccia: La partie de l'usine de Pechiney...
M. Biron: ...qui est en garantie de la dette.
M. Ciaccia: Oui.
M. Biron: Les banquiers prendront la partie de l'usine de
Pechiney, cela ne cause pas encore de problème au gouvernement du
Québec...
M. Ciaccia: Si elle fonctionne.
M. Biron: ...comme partenaire. Le banquier ne perdra pas ses 500
000 000 $, 600 000 000 $ ou 700 000 000 $ qu'il aura investis là-dedans.
Il faut qu'il fonctionne de quelque façon ou qu'il se cherche un
acheteur possible. Je ne vois aucun problème de ce côté.
Une fois que le 1 000 000 000 $ est sur la table...
M. Ciaccia: Le 1 000 000 000 $, s'il constitue une dette, ce
n'est pas la même que si c'était en équité. La seule
chose que je voulais que SGF exige, c'est qu'une portion de ce 1 000 000 000 $
soit en équité.
M. Biron: II faut bien comprendre que ce n'est pas l'usine qui
doit le 1 000 000 000 $.
M. Ciaccia: La partie...
M. Biron: C'est l'entreprise Pechiney.
M. Ciaccia: Non, c'est la partie de l'usine de...
M. Biron: Non, c'est l'entreprise
Pechiney qui doit le 1 000 000 000 $, garanti par la partie de l'usine.
C'est totalement différent.
M. Ciaccia: Oui, c'est garanti par la partie de l'usine.
M. Biron: C'est cela qui est différent, M. le
député.
M. Ciaccia: Autrement dit, vous ne pourriez pas prendre la partie
de l'usine de
Pechiney sans assumer la dette de 1 000 000 000 $.
M. Biron: Oui, mais ce sont les banquiers qui sont pris avec la
dette, avec d'autres garanties que l'usine.
M. Ciaccia: On se comprend.
Quant à l'indivision, M. Lebel, avez-vous l'expérience
dans d'autres projets sur cette question? Autrement dit, qu'est-ce que
l'indivision peut signifier en termes pratiques? Théoriquement, on peut
donner les avantages et les désavantages, mais ce qui me
préoccupe, ce n'est pas ce que je connais d'un certain projet, d'une
certaine notion ou d'un certain concept, mais ce que je ne connais pas. Est-ce
qu'on a assez d'expérience ou assez de connaissances sur les
problèmes pratiques de l'indivision? Est-ce qu'on pourra se
protéger dans l'entente-cadre sur les différentes
éventualités que ces problèmes pourraient nous
créer?
M. Lebel: Je n'ai jamais eu personnellement l'expérience
de monter un projet en indivision et probablement qu'il n'en existe pas au
Québec. On nous dit qu'on n'est pas sûr de cela, il pourrait en
exister, mais c'est sûrement une denrée rare et je pense que je
dis la vérité. Et pour cause, notre Code civil prévoit
l'indivision, mais dans une tout autre situation qu'une situation industrielle.
Tout le monde sait sans doute qu'au décès du père son
testament peut prévoir que sa terre est donnée en indivision
à ses deux fils mineurs pour une période
déterminée, après quoi, ils pourraient décider de
la diviser. C'est comme cela pour notre culture en indivision. Cela fait partie
des droits de succession. Pour le reste, ce que nous avons d'indivise, c'est
dans le domaine commercial. Vous savez tous qu'on peut avoir des
propriétés communes. La partie la plus proche de l'indivision que
j'ai touchée personnellement - ce n'est pas véritablement de
l'indivision, mais cela s'en rapprochait -c'est le projet Bell-Banque, du temps
que j'étais à la Banque Nationale. C'était un projet en
"joint venture", cela n'a pas été fait sur la base d'un projet
indivis, mais cela s'en rapproche tellement par d'autres mécaniques.
Dans le domaine industriel, il y en a peut-être, mais je n'en connais pas
et la SGF n'en a jamais fait. Ailleurs, cependant, au Canada, on me le
souligne, dans le droit commun, le "joint venture" ressemble
énormément à l'indivision. Cela existe aussi aux
États-Unis et c'est utilisé dans ce type de projet à bien
des endroits dans le monde. Maintenant, tout ce qu'on a vu à venir
jusqu'à maintenant, là-dedans, c'est que cela nous semble
faisable, cela nous semble applicable et cela ne semble pas sous réserve
que cela prenait un amendement au Code civil pour préciser la
disposition sur l'indivision - causer de difficulté
considérable.
M. Ciaccia: Cela ne vous inquiète pas que vos partenaires
vous ont... Est-ce qu'ils ont d'autres projets Pechiney dans l'indivision
à votre connaissance?
M. Lebel: Tomago est en indivision. Ils sont partenaires avec un
groupe financier.
M. Ciaccia: Cela ne vous inquiète pas trop le fait que vos
partenaires vous ont suggéré cela, eux qui ont un peu plus
d'expérience dans le concept d'indivision?
M. Lebel: C'est-à-dire que cela nous a
inquiétés au début. En tout cas, personnellement, cela m'a
inquiété au début. Je me suis demandé quelle sorte
de bête que c'est ça. Peut-être comme vous faites
aujourd'hui, quelle sorte de bête que c'est ça? On a mis du monde
à examiner cela, à voir les implications légales. Ils y
ont passé des heures et des heures. Au fur et à mesure de ces
examens, on a fini par se convaincre que c'était apparemment surprenant
quand on se faisait présenter cette notion pour la première fois,
mais qu'on se familiarisait assez rapidement avec la notion. Il semble qu'on
puisse éviter les pièges juridiques et les pièges
financiers aussi bien là-dedans que dans une société
à capital-actions.
M. Ciaccia: Qui va déterminer le niveau de production de
l'usine?
M. Lebel: C'est la société d'exploitation, c'est le
conseil de direction dans lequel nous allons être
représentés. C'est une des questions sur lesquelles nous avons un
pouvoir décisionnel.
M. Ciaccia: Vous dites que c'est la seule société
d'exploitation qui déterminera le niveau de production.
M. Lefebvre: J'ai une petite correction là-dessus,
excusez-moi. C'est le conseil de direction auquel se rapporte la
société d'exploitation. Au conseil de direction, pour
réduire la production, il faut être unanime.
M. Ciaccia: Pour réduire la production.
M. Lefebvre: Pour réduire la production.
M. Ciaccia: Cela veut dire qu'elle sera établie à
un certain niveau.
M. Lebel: 130 000 tonnes par année.
M. Ciaccia: Après cela, pour la réduire, il faut
être unanime.
M. Lefebvre: II faut être unanime ou si jamais - il y a
deux autres conditions, par exemple, que je dois ajouter immédiatement -
on décidait de réduire unilatéralement la production,
à ce moment, on doit assumer les coûts additionnels. Maintenant,
il y a une autre condition qu'on négocie présentement, c'est la
suivante: Si jamais on était pris dans une position prolongée,
c'est-à-dire une situation où le "cash flow" était
négatif pendant une période prolongée, on aurait le droit
d'arrêter la production et, à ce moment, on assumerait les
coûts fixes seulement, comme si on était dans une usine et on
était propriétaire d'une usine complètement
séparée.
M. Ciaccia: Quand vous dites le "cash flow", vous parlez du "cash
flow" de toute l'usine ou le "cash flow" SGF et le "cash flow" Pechiney.
M. Lefebvre: Le "cash flow" SGF.
M. Ciaccia: Combien de temps faudrait-il qu'il soit
négatif?
M. Lefebvre: Là on est en train de négocier les
conditions présentement.
M. Ciaccia: Je présume qu'il va y avoir un certain
nombre...
M. Lefebvre: ...de mois, de jours, 90 ou 120 jours...
M. Ciaccia: De temps. À ce moment, vous pouvez
arrêter.
M. Lefebvre: On donnera un avis pour peut-être une autre
période de 90 jours...
M. Ciaccia: Vous assumez les coûts fixes, les coûts
de financement.
M. Lefebvre: C'est cela, comme si c'était notre propre
usine.
M. Ciaccia: Je pense que vous m'aviez donné un
chiffre...
M. Lefebvre: 43 700 000 $ en 1989. C'est cela. Il y a des gens
qui m'amènent des précisions tout le temps. On assumerait nos
propres prêts financiers. (22 h 45)
M. Ciaccia: M. le Président, vous dites c'est une
indivision. C'est facile à comprendre, l'indivision, sur une terre ou
sur un édifice; c'est un concept de droit civil, c'est assez commun.
J'essaie de comprendre le concept d'indivision dans une usine qui va produire.
Je présume que la production, cela sort comme un tout. Est-ce que vous
pouvez diviser la production?
M. Lebel: Non, nous ne pouvons pas diviser la production, elle
est indivise.
L'usine reçoit une quantité suffisante d'alumine pour
faire 230 000 tonnes, pour travailler à 230 000 tonnes par année.
Elle reçoit de l'électricité, elle achète les
autres intrants et elle transforme cela à l'intérieur de l'usine
puis nous facture les coûts selon notre part.
M. Ciaccia: D'après ce que je comprends, si vous avez un
"cash flow" négatif pour une certaine période de temps,
allez-vous pouvoir réduire toute la production ou dire: Bien, je ne veux
pas produire, toute la production va appartenir à Pechiney?
M. Lebel: On pourrait dire qu'on ne prend plus notre tiers de
production, qu'on ne fournit plus notre tiers d'alumine. Et comme on
arrête de produire on va supporter nos coûts fixes. Si l'autre
groupe voulait continuer à exploiter l'ensemble de l'usine il devrait
nous rembourser nos coûts fixes à ce moment.
M. Ciaccia: Est-ce qu'il y a un danger - je crois que mon
collègue de Nelligan avait posé cette question - Pechiney ayant
d'autres usines, que ses politiques puissent affecter l'exploitation de ...
M. Lebel: II peut y avoir des stratégies
différentes. Il pourrait arriver, par exemple, que dans une
période de très basse conjoncture, comme nous, nous sommes
producteurs dans une seule usine, nous devions nous contenter de notre
production dans une seule usine. Mais comme l'autre groupe est producteur dans
plusieurs usines il pourrait être intéressé à cesser
la production chez nous pour la faire ailleurs, ou, au contraire, à
continuer à produire chez nous parce que les coûts sont meilleurs
et fermer ailleurs où il produit à 200 $ ou 300 $ la tonne plus
cher. Nous devons être très conscients de cette situation. Les
mécanismes nous permettant de circonscrire ces inconvénients sont
en voie d'être précisés. C'est un danger. Nous sommes
très conscients de ces situations hypothétiques possibles.
M. Ciaccia: Est-ce qu'il y a des garanties, des clauses que vous
pouvez insérer dans le contrat pour vous protéger contre une
telle éventualité?
M. Lebel: Oui.
M. Ciaccia: Pour le financement, est-ce que la Caisse de
dépôt est un des organismes dans ...
M. Lebel: C'est un des organismes qui peuvent possiblement
participer au
financement. La Caisse de dépôt fait partie des groupes que
nous avons déjà contactés. Elle suit le
développement du projet avec un certain intérêt, mais il
n'y a pas d'engagement formel de la part de la Caisse de dépôt
à participer, au moment où on se parle.
M. Ciaccia: Mais il n'y a pas d'engagements d'autres organismes
non plus?
M. Lebel: II n'y a pas d'engagements d'autres organismes non
plus.
M. Ciaccia: C'est une des institutions avec lesquelles...
M. Lebel: C'est une des institutions avec lesquelles on peut
être amené à faire affaires parmi le groupe
québécois.
M. Ciaccia: Est-ce qu'il y a des subventions
fédérales d'impliquées?
M. Lebel: II n'y a pas de subventions fédérales au
projet, à ma connaissance.
M. Ciaccia: À votre connaissance, est-ce qu'il y a eu des
demandes de faites au gouvernement fédéral pour des
subventions?
M. Lebel: Non, pas à ma connaissance. Il n'y a pas eu de
demandes de subventions auprès du gouvernement
fédéral.
M. Ciaccia: Est-ce que vous avez l'intention ou Pechiney a-t-elle
l'intention de faire des demandes pour des subventions au gouvernement
fédéral, à votre connaissance?
M. Lebel: II n'y a pas eu de dossier de présenté au
fédéral pour solliciter des subventions. Il serait surprenant
qu'il en soit présenté, pour la raison très simple que
d'autres alumineries se sont bâties au Québec et ailleurs au
Canada sans subvention.
M. Biron: M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Biron: Je voudrais seulement préciser pour le
député de Mont-Royal qu'il n'y aura pas de subvention avec
d'autres programmes aussi du gouvernement du Québec. Vous avez
mentionné cet après-midi les programmes réguliers comme la
SDI et tout. Il n'est pas question de donner une subventionner à cela.
On croit que les tarifs d'électricité représentent une
forme de subvention importante. Il reste quand même qu'il y a certains
travaux à faire dans le parc industriel de Bécancour, au quai en
particulier, où on a des discussions présentement avec le
ministre fédéral de l'Industrie et du Commerce, pour savoir s'il
n'y aurait pas lieu d'en venir à une entente auxiliaire
Canada-Québec comme pour les autres parcs industriels. Or, il n'y a pas
encore de conclusion à nos discussions qui se poursuivent
présentement pour étudier s'il ne pouvait y avoir une
participation fédérale comme dans n'importe quelle infrastructure
industrielle de ce genre.
M. Ciaccia: Quel sera exactement le rôle de la
société d'exploitation? Pouvez-vous nous donner le pourcentage de
la participation de la SGF dans la société d'exploitation?
M. Lebel: Je vais demander à M. Jacques Lefebvre de
répondre à votre question.
M. Lefebvre: Lors de la phase de construction, la
société d'exploitation va s'occuper de la construction et lors de
l'exploitation d'usine, la société d'exploitation va s'occuper de
faire fonctionner l'usine, c'est-à-dire d'engager les cadres, d'acheter
les intrants c'est-à-dire les fluors d'alumine, le coke de carbone et
tout ce dont on a besoin pour produire de l'aluminium, à l'exclusion de
l'alumine.
De plus, en ce qui concerne la part ou la participation de la SGF dans
la société d'exploitation, c'est en négociation
présentement. Nous avons mis une proposition sur la table qui pourrait
laisser la SGF participer jusqu'à 50%. Ce n'est pas finalisé. Et
si jamais il y avait un autre partenaire, il est évident que ce
partenaire devrait aussi avoir une participation dans la société
d'exploitation. Mais la société d'exploitation va fonctionner
selon les politiques établies par le conseil de direction auquel
siègent les membres de l'indivision.
M. Ciaccia: Au conseil de direction, est-ce que la
représentation sera dans la même proportion que la participation
des différentes sociétés?
M. Lefebvre: Oui. C'est-à-dire le poids de chacun des
participants selon sa participation, sauf que nous voulons nous réserver
le droit d'avoir au moins un tiers des membres en tout temps au conseil de
direction. Excusez-moi, avec certain droit de veto.
M. Ciaccia: Quant aux questions de production...
M. Lefebvre: Non, cela va plus loin que cela. C'est que dans
certains cas nous...
M. Ciaccia: Non? Achat de...
M. Lefebvre: ...disons, par exemple,
qu'au niveau de la politique d'achat, étant donné qu'on
est situé au Québec, on aura un droit de veto sur les achats, sur
la nomination des conseillers et aussi sur la nomination de certains cadres
à l'intérieur de la société d'exploitation.
M. Ciaccia: Quelle est la réception que vous avez eue
à votre proposition que ce soit 50-50 sur la société
d'exploitation?
M. Lefebvre: Pardon?
M. Ciaccia: Vous avez mis une proposition sur la table, à
savoir que la société d'exploitation sera de 50-50 Pechiney et
SGF...
M. Lefebvre: On est en discussion présentement, oui. Cela
ne veut pas dire que Pechiney va nécessairement l'accepter, mais c'est
une position qu'on a prise au départ.
M. Ciaccia: Je vais laisser à mon collègue, le
député de Nelligan l'occasion de parler.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: M. Lebel, pour revenir à l'accord-cadre avec
les Français, Pechiney, on parle de cet investissement de Pechiney
depuis des années. On parle de cela, mais enfin, depuis les
dernières années, cela devient plus fréquent et
l'année dernière on devait signer. L'année
dernière, on annonçait qu'on avait signé et après,
cela a été remis. Bref, il y a eu la lettre d'intention du 9 mai.
Pouvez-vous nous donner une idée du moment où vous pensez que
l'accord-cadre va être négocié entre vous à votre
satisfaction? On parle de temps. Est-ce que ce sera une affaire de semaines, de
mois, de...
M. Lebel: On parle, pour la signature de l'accord-cadre, du mois
d'août ou du mois de septembre.
M. Lincoln: Y a-t-il des négociations quelconques qui vont
se situer durant le passage - on en a parlé - de M, Lévesque
à Paris où il y aurait des ententes signées? Est-ce que ce
seraient des ententes à moyen terme qui vous être signées,
des ententes préliminaires suivant celle-ci ou si ce sont purement des
conjectures de journaux?
M. Lebel: II pourrait y avoir une entente intermédiaire
entre les sociétés qui aurait lieu au cours de cette
période.
M. Lincoln: Vous avez parlé d'un moment donné
où cela devenait presque irréversible. Pensez-vous qu'on est
arrivé à ce point, où le projet va de l'avant de toutes
les façons ou s'il y a encore des points majeurs qu'il reste à
clarifier?
M. Lebel: II reste des points majeurs à clarifier. Nous
n'avons pas encore atteint le stade de l'irréversibilité.
M. Lincoln: De ces points majeurs qu'il reste à clarifier,
il y a la question de la société d'exploitation, les
différentes propositions que vous avez faites, par exemple, la gestion
50-50. Il y a certains points - cinq, je pense - sur les 30 points -comme vous
l'avez dit - sur l'accord-cadre, à peu près. Il y a ensuite la
question du financement de Pechiney qui va avoir à dire: Je produis mes
1 000 000 000 $. Est-ce aussi un des points en suspens?
M. Lebel: Oui.
M. Lincoln: Y a-t-il des accrocs de ce point de vue, du
côté de Pechiney?
M. Lebel: Pardon?
M. Lincoln: Y a-t-il des retards, des accrocs ou des
problèmes de ce point de vue, du côté de Pechiney.
M. Lebel: Pas au moment où on se parle. Cela se
déroule comme cela devait se dérouler. Probablement que nous
allons savoir si Pechiney a son financement avant que le nôtre soit
réalisé, parce qu'elle a commencé avant nous sa
sollicitation auprès des membres. Son document financier est en
circulation depuis un mois, peut-être un peu plus qu'un mois.
Normalement, quelque part au cours de l'été - au mois de juillet
ou quelque chose du genre - Pechiney devrait savoir si elle va obtenir son
financement. Il y a des chances dans ce sens qu'on sache si c'est
réglé d'un point de vue financier du côté de
Pechiney avant que nous ayons obtenu une proposition acceptable de
financement.
M. Lincoln: Y a-t-il des possibilités, avant que l'accord
avec Pechiney soit signé, que la question d'Alumax entre en jeu?
M. Lebel: Oui.
M. Lincoln: La question d'Alumax pourrait-elle retarder la
signature de l'accord, parce que n'est-ce pas un troisième partenaire
avec qui il faudra négocier toute la question d'actions indivises, du
principe même de l'indivision? Les Américains sont-ils prêts
à accepter le principe de l'indivision? Ce n'est pas du tout familier
aux Américains, en fait.
M. Lebel: En principe, oui, puisque, à
notre connaissance, Alumax est assez intéressée à
l'affaire pour avoir - et elle est au courant de la formule - demandé
dans ses récentes négociations avec Pechiney une manière
d'option.
M. Lincoln: Si je comprends bien, si Alumax entre dans l'affaire,
est-ce bien environ 25% qu'Alumax prendrait à ce moment-là? Ce
serait 25% pour Alumax?
M. Lebel: C'est le chiffre envisagé.
M. Lincoln: C'est 25% pour Alumax et 33% pour la SGF ou à
peu près.
M. Lebel: Non. Dans cette hypothèse, cela pourrait
être 25% pour la SGF, 25% pour Alumax et 50% pour Pechiney.
M. Lincoln: Ah bon! Si Alumax entrait dans l'entreprise...
M. Lebel: Cela pourrait changer les proportions des...
M. Lincoln: Cela pourrait changer les proportions?
M. Lebel: Cela pourrait changer les proportions.
M. Lincoln: Parce que c'est une question importante. Si...
M. Lebel: D'ailleurs, je réponds à cela sur le plan
d'Alumax, mais hypothétiquement, c'est possible pour un autre producteur
qu'Alumax et si la situation se produit... (23 heures)
M. Lincoln: ...oui, d'accord.
M. Lebel: En dernière analyse, il apparaît à
la SGF avantageux de favoriser cette solution. Cela fait, d'abord, un
engagement un petit peu moins considérable de notre part, 25% au lieu de
33%. Ce n'est pas négligeable quand nous parlons d'un projet de cette
envergure. Nous pourrions probablement réaliser quand même tous
les objectifs que nous voulons réaliser en nous introduisant dans ce
secteur et notre risque total serait moins considérable.
Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'on voit cela de façon
plutôt positive. Quant à savoir si cela peut être
retardé, cela ne peut pas l'être indéfiniment parce que, si
nous retardons et que ces retards ont des effets sur
l'échéancier, nous perdons des avantages sérieux et nous
perdons une rentabilité au projet. Si cela doit se faire, cela va se
faire dans les quelques mois qui viennent; j'allais dire dans les quelques
semaines, mais cela a l'air trop près. Cela va se faire au mois de
juillet ou vers cette période.
M. Lincoln: Je comprends très bien que vous favorisiez
cette solution parce que, comme vous le dites, cela réduit le capital
que la SGF doit trouver. En admettant l'hypothèse qu'Alumax en prenne
25%, la SGF 25% et Pechiney 50%, vous avez à trouver environ 375 000 000
$, dont 150 000 000 $ sont fournis par le gouvernement du Québec et le
reste en prêt. En admettant cette hypothèse, il faut qu'Alumax
entre, elle aussi, dans le cadre de l'accord principal. Je présume donc
que l'accord-cadre que vous allez signer avec Pechiney, ce sera sur la
même base de négociation qu'avec Alumax parce qu'il faudra que ce
soit le principe même de l'accord-cadre. C'est bien cela, n'est-ce
pas?
M. Lebel: Mutatis mutandis, ce serait la même base.
M. Lincoln: À ce moment-là, est-ce que cela change
aussi toute la question de l'accord de la société d'exploitation
et le contrat de vente? Est-ce que c'est aussi affecté?
M. Lebel: Cela ne change pas le contrat de vente, ce n'est pas
affecté. Si une société comme celle-là entrait dans
le projet, ce serait pour s'occuper elle-même de son aluminium. C'est
parce qu'elle a des manières de le placer soit en le vendant, soit en le
transportant aux États-Unis pour le transformer dans ses usines de
transformation.
Sur la structure, il y a certains ajustements à faire. Il n'y a
pas de boîte additionnelle à créer, mais il y a une place
à faire à un partenaire qui est assez important pour avoir, par
exemple, une voie au sein de la société d'exploitation.
M. Lincoln: Du point de vue du contrat de vente, si Alumax
entrait dans l'affaire, est-ce que vous les considériez aussi en vue de
faire le contrat de vente avec eux plutôt qu'avec Pechiney, parce qu'il y
a des avantages sur le marché américain, etc.? Est-ce que c'est
une possibilité?
M. Lebel: Ce n'est pas exclu.
M. Lincoln: Ce n'est pas exclu. Alors, c'est possible.
M. Lebel: Ce n'est pas exclu au moment où on se parle.
M. Lincoln: C'est possible que si Alumax entre dans le projet, il
y ait aussi cette dimension qu'on puisse considérer le contrat de vente
avec eux plutôt qu'avec Pechiney.
M. Lebel: Ce n'est pas exclu.
M. Lincoln: Pour revenir au gouvernement fédéral,
je voulais le situer. Je lisais dans le Devoir du 13 janvier 1983: D'autre
part, Pechiney a récemment demandé l'aide financière du
gouvernement canadien. Aucun montant précis n'a encore été
avancé, indiquait au Devoir le sous-ministre du ministère de
l'Expansion économique, M. Claude Huot.
En fait, dans un autre article, je lisais qu'il y avait une
possibilité que le fédéral investisse 30 000 000 $ dans
l'affaire ou quelque chose comme cela.
Je demande au ministre... Je lis dans le Devoir du 28 ou 29 avril:
Finalement, le gouvernement fédéral n'a pas encore répondu
à la demande d'aide de Pechiney mais, selon les informations du Devoir,
le gouvernement québécois, dans une lettre datée du 17
avril dernier, a invité le gouvernement fédéral à
ne pas s'occuper de ce dossier.
Est-ce que vous rejetez les 30 000 000 $, les 50 000 000 $ ou les 100
000 000 $?
M. Biron: M. le député de Nelligan, les 30 000 000
$ représentaient le coût des travaux d'infrastructures - de quai
nécessaires qui appartenaient à la Société du parc
industriel du centre du Québec. Aux dernières nouvelles
jusqu'à présent, c'était de 18 000 000 $ à 20 000
000 $ sous la forme d'une entente auxiliaire possible. Cela veut dire que la
participation du fédéral n'est pas de 30 000 000 $;
habituellement, lorsque ce sont des ententes auxiliaires, c'est 64%
fédéral et 40% Québec. Déjà on descendait
à 18 000 000 $. Mais comme les travaux n'atteindront pas 30 000 000 $,
ce sera autour de cela pour le moment.
Les dossiers ne sont pas fermés, la seule chose c'est que c'est
présentement en discussion avec le ministère de l'Industrie et du
Commerce fédéral pour que nous puissions compléter nos
montants et savoir exactement ce dont nous avons besoin quitte, après
cela, à discuter avec eux pour la participation possible du
fédéral. Cela, c'est en ce qui concerne les infrastructures.
Quant à ce qui concerne l'aluminerie elle-même, M. Lebel a
répondu à cette question. Étant donné que le
fédéral n'a subventionné ni l'une ni l'autre aluminerie
où qu'elle soit au Canada, je ne pense pas que, compte tenu surtout des
tarifs d'électricité préférentiels que ces
alumineries peuvent avoir, le gouvernement fédéral
répondrait présent à une telle demande.
M. Lincoln: Je lis cet article. Mis à part les 30 000 000
$, les 18 000 000 $ des installations portuaires, etc., Pechiney a
récemment demandé l'aide financière du gouvernement
canadien. Aucun montant précis n'a encore été
avancé, indiquait le sous-ministre du ministère de l'Expansion
économique régionale, M. Claude Huot.
M. Biron: M. le député, sur cette question
précise, je ne suis pas au courant que Pechiney ait demandé
quelque chose.
M. Lincoln: D'accord, mais je voulais vous poser la question par
rapport au second article du 29 avril qui dit: Finalement, le gouvernement
fédéral n'a pas encore répondu à la demande d'aide
de Pechiney. Selon les informations du Devoir, le gouvernement
québécois, dans une lettre datée du 7 avril dernier,
invitait le gouvernement fédéral à ne pas s'occuper de ce
dossier. C'est une lettre de quel service? Êtes-vous au courant de cette
lettre?
M. Biron: Là-dessus, je dois vous dire que les sommes
d'argent nécessaires pour faire les travaux d'infrastructures ont
changé d'une façon considérable. Au départ, nous
parlions de 30 000 000 $. Après cela, cela a changé d'une
façon considérable. Il faut véritablement reprendre notre
présentation et refaire notre plan complet. Dans ce sens, les 30 000 000
$ du départ étaient sous forme d'entente auxiliaire. Lorsqu'on
parle de 20 000 000 $ au lieu de 30 000 000 $, c'est quand même une
différence importante. On a voulu revoir exactement nos coûts,
notre programme, notre projection avec les gens de Pechiney avant de
compléter les discussions.
Je peux vous dire qu'à l'heure actuelle nous sommes encore, nous,
du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, responsables de
ces ententes auxiliaires et de l'application. Nous sommes en pourparlers avec
le ministère de l'Industrie et du Commerce fédéral.
M. Lincoln: Cette lettre n'avait pas trait à la demande
directe de Pechiney? C'est cela que ça a l'air d'indiquer. J'aurais
voulu vous référer à cela pour essayer de voir ce dont il
s'agissait. Ces articles, je pourrais vous les citer, si j'avais un peu de
temps. Je pourrais les retrouver. Le ministre Chrétien, de
l'Énergie et des Ressources, je pense, a dit que l'aide du
fédéral était une possibilité dans le cas de
Pechiney parce qu'il voulait que cela s'implante. Il voulait voir le projet
s'implanter à Trois-Rivières. Je pourrais vous le citer, si vous
pouvez me donner une minute pour le trouver.
Y a-t-il une possibilité autre que les installations de base, les
installations portuaires de Bécancour? Est-ce qu'il y a une autre
possibilité pour le projet même? Pechiney n'a pas demandé
d'aide pour les installations portuaires, cela ne s'adresse pas à vous.
Mais on dit que Pechiney a récemment demandé...
M. Biron: Je ne suis pas au courant de
la demande de Pechiney, M. le député.
M. Lincoln: C'est cela, M. le ministre. Excusez-moi, mais je n'ai
pas envie d'insister pour rien, l'article est tellement clair: Finalement, le
gouvernement fédéral n'a pas encore répondu à la
demande d'aide de Pechiney. Selon les informations du Devoir, le gouvernement
québécois, dans une lettre datée du 7 avril, a
invité le gouvernement fédéral à ne pas s'occuper
de ce dossier.
M. Biron: Ce sont deux choses vraiment différentes. Le
même article essaie de traiter deux choses en même temps: une
chose, qui est l'aluminerie Pechiney et la deuxième chose, les
infrastructures. Il y a des changements majeurs dans notre présentation
d'infrastructures. On ne pouvait pas laisser la première lettre dans le
dossier alors qu'on apporte des changements aussi importants. Quant à la
première partie, je ne suis pas au courant si Pechiney a fait une
demande ou pas. Je ne crois pas que le gouvernement du Québec ait
écrit au nom de Pechiney. On n'a pas l'habitude d'écrire au nom
des sociétés privées.
M. Lincoln: Si je pouvais trouver la référence
où M. Chrétien fait la déclaration que le
fédéral était intéressé à donner de
l'aide; est-ce qu'on ne pourrait pas explorer cette avenue pour voir,
indépendamment de la question des installations portuaires, si le
fédéral veut s'impliquer dans le projet lui-même? On
pourrait avoir d'abord Alumax, et réduire notre participation à
25%, et voir le fédéral s'implanter là-dedans. C'est
autant d'argent que le gouvernement du Québec n'aurait pas à
investir.
M. Biron: Je n'ai pas l'habitude de refuser de l'argent qui nous
vient du gouvernement fédéral parce qu'il ne nous en revient pas
assez en regard des taxes qu'on paie. M. le député, vous
comprendrez que je ne refuserai rien.
M. Lincoln: M. le ministre, on s'en va encore.
M. Beaumier: 200 000 000 $ pour La Prade.
M. Lincoln: On s'en va encore!
M. Biron: Oui, le député de Nicolet mentionne en
passant qu'il y a 200 000 000 $ qui sont sont encore dus pour La Prade.
M. Lincoln: Oui, je l'ai entendu tellement souvent que... C'est
encore la vieille rengaine.
M. Biron: M. le député de Nelligan, je m'engage
à regarder cela, à étudier cela.
M. Lincoln: Oui, d'accord. Je vais vous faire la citation car je
trouve que ces histoires sont si importantes qu'on ne devrait pas faire des
petites guerres de clocher. Je vais passer cela à mon collègue de
Mont-Royal.
Pardon, M. le député de Nicolet, est-ce que je peux vous
demander quelle est votre objection ou votre remarque, s'il vous
plaît?
M. Beaumier: Je disais qu'il y avait un contentieux de 200 000
000 $ pour La Prade.
M. Lincoln: M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): La parole est au
député de Mont-Royal.
M. Lincoln: ...je comprends qu'on est venu ici pour discuter de
Pechiney.
Le Président (M. Desbiens): La parole est au
député de Mont-Royal.
M. Lincoln: On est venu discuter le cas de Pechiney.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. le député de Mont-Royal.
M. Biron: Cela allait bien jusqu'à maintenant.
M. Lincoln: Oui, on revient avec les vielles rengaines.
M. Ciaccia: Dans l'entente-cadre que vous négociez avec
Pechiney, avez-vous l'intention ou est-ce que cela fait partie de l'entente
d'inclure l'obligation de faire de la seconde transformation au Québec,
c'est-à-dire de lingots à autres produits? Est-ce que cela va
faire partie des négociations de l'entente-cadre?
M. Lebel: Non. M. Ciaccia: C'est clair. Des voix:
Ah! Ah! Ah! M. Ciaccia: D'accord.
M. Lebel: Avez-vous une autre question?
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Ciaccia: Au moins, c'est clair. Je ne dis pas que les autres
réponses ne Tétaient pas, mais c'était non seulement
clair, mais très ferme.
M. Lebel: C'est que la question était plus simple, M. le
député.
M. Ciaccia: Dans le projet de loi, il y a un article à
l'effet que le fonds social autorisé de la société est de
415 000 000 $ divisé en 41 500 000 actions ordinaires d'une valeur
nominale de 10 $ chacune dont 20 566 502 sont émises et payées...
Ici, on dit: insérer la date du dépôt du projet de loi.
M. Lebel: En date du dépôt du projet de loi. C'est
une technicité en vertu de la loi existante. Il reste du capital-actions
de voté à la SGF en vertu de la loi de 1980: 20 000 000 $ pour
l'année courante et 10 000 000 $ pour l'année 1984. En plus, il
reste dans cette loi 39 000 000 $ de capital-actions dit
discrétionnaire, qui ne peut être octroyé qu'à
l'occasion de certains projets particuliers.
La formulation que vous avez devant les yeux ne tient compte que des 20
000 000 $ qui sont versés statutairement à la SGF cette
année, 10 000 000 $ sont déjà versés et il reste 10
000 000 $ que le gouvernement versera à la SGF à la fin de
l'été ou au début de l'automne prochain. Il s'agissait
tout simplement de ne pas perdre les dispositions de l'ancienne loi en
consolidant le capital-actions versé à la SGF.
M. Ciaccia: Ces actions ne font pas partie des 150 000 000 $?
M. Lebel: Non.
M. Ciaccia: Cela n'a rien à voir.
M. Lebel: Cela n'a rien à voir avec les 150 000 000 $,
c'est en vertu de la loi de 1980.
M. Ciaccia: Normalement, on voit "émis et payé" et
on insère la date de l'adoption de la loi. C'est la première fois
que je vois "émis et payé" et "insérer la date du
dépôt du projet de loi". Peut-être que le ministre peut
répondre.
M. Biron: Je peux répondre. C'est une technicité,
dans le fond. Entre l'impression du projet de loi et son dépôt,
s'il y avait eu un paiement de fait sur une partie des actions qu'il reste
à payer au trésor de la société, il aurait fallu
changer les chiffres. C'est tout simplement une technicité...
M. Ciaccia: C'est une technicité, ça n'a rien
à voir avec les 150 000 000 $. (23 h 15)
M. Biron: ...qu'on va corriger en commission parlementaire,
lorsqu'on étudiera la loi article par article.
M. Ciaccia: La valeur nominale est de 10 $ chacune. 20 000 000 $
ça fait 200 000 000 $.
M. Biron: Oui, 205 000 000 $.
M. Ciaccia: Est-ce que les 415 000 000 $ incluent les 150 000 000
$ pour le projet Pechiney?
M. Biron: Oui.
M. Ciaccia: Autrement dit, vous avez déjà les fonds
avant l'adoption du projet de loi. Vous avez émis des actions à
la date du dépôt du projet de loi.
M. Biron: Non, non. C'est la même loi de la
Société générale de financement qui dure depuis
longtemps. Jusqu'à présent, sur les 26 500 000 actions, il y en a
20 566 502 qui ont été émises et payées pour
d'autres investissements de la SGF, soit Donohue, Forano, Volcano, Marine, etc.
En fait, la dernière loi de la Société
générale de financement prévoyait qu'il y aurait 26 500
000 actions d'émises et de payées par le gouvernement du
Québec. Au moment où on se parle, il y en a 20 566 000. 26 500
000 plus 15 000 000 pour le projet Pechiney, cela donne 41 500 000.
M. Ciaccia: Un instant, M. le Président.
M. Biron: Si vous remarquez, l'ancienne loi se lisait: Le fonds
social autorisé de la société est de 265 000 000 $. La
nouvelle loi dit: "Le fonds social autorisé de la société
est de 415 000 000 $." La différence est pour des actions qui sont
émises et non payées encore.
M. Ciaccia: II est dit: "...émises et payées"
à la date du dépôt du projet de loi. Cela veut dire
qu'elles sont émises et payées. Quand le projet de loi a-t-il
été déposé?
M. Biron: C'est cela.
M. Ciaccia: Le projet de loi n'est pas encore adopté et
l'argent est là.
M. Biron: Non, il y a 41 500 000 actions ordinaires, d'une valeur
nominale de 10 $, ce qui est bon pour 415 000 000 $, dont 20 566 502 sont
émises et payées au 18 mai 1983, date du dépôt du
projet de loi. En fait, maintenant qu'on connaît la date du
dépôt, on devrait lire "le 18 mai 1983" au lieu de "insérer
ici la date du dépôt du projet de loi 10." C'est d'ailleurs ce
qu'on va faire en commission parlementaire.
M. Ciaccia: Y a-t-il une raison spécifique pour laquelle
les actions différées
ont été abolies? Vous n'avez plus d'actions
différées.
M. Biron: Oui, je vais vous le dire.
M. Gagnon (Louis-Gilles): M. le Président, je peux
répondre à la question.
Le Président (M. Desbiens): Oui, allez- y.
M. Gagnon (Louis-Gilles): Les actions différées
étaient convertibles et elles ont toutes été
converties.
M. Biron: Elles ont été converties.
M. Ciaccia: M. le Président, je n'ai pas d'autres
questions. Je voudrais remercier les représentants de la SGF pour la
présentation de leur mémoire et pour la patience dont ils ont
fait preuve face aux questions que nous leur avons posées. Je veux vous
assurer que les raisons pour lesquelles nous avons posé ces questions,
c'est que ce n'est pas tous les jours que nous avons un projet de 1 500 000 000
$. Nous cherchons seulement à faire notre devoir et nous essayons
d'avoir le plus de détails possible, de faire le plus de suggestions
possible au gouvernement pour éviter les écueils qui sont
survenus dans d'autres projets. Parfois, il faut protéger les
politiciens contre eux-mêmes. C'est beau d'annoncer des projets qui vont
aider à la création d'emplois, mais il faut aussi être
prudent et s'assurer que les conditions dans lesquelles on va investir les
fonds publics seront idéales afin qu'on soit protégé
adéquatement.
Je veux remercier, encore une fois, les représentants de la SGF.
C'est malheureux qu'on n'ait pas eu la chance d'étudier plus en
détail tous les renseignements que vous nous avez donnés. J'ai
demandé au ministre si la deuxième lecture aura lieu demain. Nous
allons aller dans nos bureaux examiner cela et préparer notre discours
de deuxième lecture pour demain.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, pour
conclure.
M. Biron: M. le Président, je voudrais remercier M. Lebel,
le président de la SGF, et les gens de la SGF pour leur
présentation et tout le travail qu'ils ont accompli jusqu'à
présent dans le dossier Pechiney. C'est vrai que c'est un dossier
important. En fait, ce sera l'investissement privé le plus important de
toute l'histoire du Québec, si on peut compléter les
détails qui restent. C'est sûr que moi aussi, comme le
député de Mont-Royal, je veux être prudent dans les actions
qui seront posées. Il y a un vieux proverbe qui dit que chat
échaudé craint l'eau froide. Le député de
Mont-Royal se souvient certainement de l'aventure de SIDBEC-Normines alors que
son parti était au pouvoir. Il faut essayer de protéger le mieux
possible le gouvernement du Québec. Dans le fond, c'est notre intention
à tous d'être très prudents de ce côté.
Je voudrais rappeler au député de Mont-Royal et au
député de Nelligan ce que j'ai dit au début de cette
commission parlementaire. À la fin de cette année 1983, ou au
début de 1984, nous pourrons revoir les dirigeants de la
Société générale de financement pour étudier
leur plan de développement quinquennal. Le projet sera alors beaucoup
plus avancé et cela pourrait permettre, au début de 1985 ou
à la fin de 1984, alors que les travaux de terrassement seront faits,
mais que la construction de l'édifice ne sera pas encore
commencée, selon les prévisions que nous avons jusqu'à
maintenant, à une époque où les contrats seront conclus et
signés entre les différents partenaires, à la commission
parlementaire de l'industrie, du commerce et du tourisme d'avoir les
dernières informations de la part des dirigeants de la
Société générale de financement et de poser les
questions pertinentes à ce stade.
Je voudrais simplement, encore une fois, remercier les gens de la
Société générale de financement et tous mes
collègues membres de la commission parlementaire pour leur travail
d'aujourd'hui et les questions qu'ils ont posées.
M. Ciaccia: Une dernière question, M. Lebel. Vous nous
avez dit que l'entente-cadre sera négociée et peut-être
complétée en septembre ou en octobre. Pour négocier
l'entente-cadre, pour continuer ces négociations, avez-vous besoin du
projet de loi no 10?
M. Lebel: Nous avons besoin du projet de loi no 10 pour commencer
à prendre des engagements sérieux face à tous nos
partenaires. Justement, c'est toujours difficile, cette question - nous
étions obligés de venir devant le gouvernement et en commission
parlementaire - de savoir quand aller devant la commission parlementaire. Une
chose est certaine, si nous avions attendu à l'automne, nous aurions
manqué un an de construction.
M. Ciaccia: Qu'est-ce qui vous empêcherait de
négocier l'entente-cadre? Il y a eu des négociations
jusqu'à maintenant, il y a eu un petit document, une lettre. Il y a eu
une entente pour les 5 000 000 $, il y a déjà des contrats pour
les infrastructures, pour commencer, et le projet de loi n'a pas encore
été adopté. Y a-t-il quelque chose qui vous
empêcherait de continuer un peu plus loin vos négociations si vous
n'avez pas le projet de loi?
M. Biron: Je voudrais demander au député de
Mont-Royal d'être prudent dans ce genre de question. Lors de la
dernière commission parlementaire qu'on a tenue, le député
de Mont-Royal a contredit complètement son collègue, le
député d'Outremont, et il est maintenant en train de contredire
le député de Nelligan. Tout à l'heure, le
député de Nelligan nous blâmait même d'avoir attendu
un mois ou deux pour présenter le projet de la SGF à cette
commission parlementaire. Il nous a dit: Vous auriez dû le faire à
la fin d'avril. Et voilà que le député de Mont-Royal dit:
Non, on devrait retarder. Vous devriez au moins, du côté de
l'Opposition, vous consulter de temps à autre avant de parler.
M. Lincoln: M. le ministre, hé! hé!
M. Ciaccia: Un instant! Je pense que le ministre n'a vraiment pas
compris le sens de mes propos. Il n'y a aucune contradiction dans ce que j'ai
dit. Il est bien facile pour vous de rire, il est 23 h 25. Il n'y a absolument
aucune contradiction entre ce que j'ai dit et ce qu'a dit le
député de Nelligan.
M. Dussault: C'est parce que nous, on part, des fois,
M. Ciaccia: Oui, vous partez, c'est vrai. J'ai déjà
vu qu'à 2 h 30 du matin vous êtes partis et vous nous avez
laissés seuls ici. Nous n'avons pu continuer les débats.
M. Dussault: À 2 h 30 le matin, oui, c'était
l'heure de dormir.
M. Ciaccia: C'était exactement sur SIDBEC-Normines.
J'espère que vous ne ferez pas la même chose pour Pechiney.
M. Lebel: Je peux ajouter simplement...
M. Ciaccia: Je ne veux pas vous poser une question politique. Les
questions politiques, je peux les poser au ministre. Je vous le demande en
termes de négociations, quand on parle d'aller plus loin.
M. Lebel: Comme nous envisageons rencontrer sérieusement
des partenaires le plus tôt possible, c'est-à-dire la semaine
prochaine, des banquiers, dans les deux semaines qui vont venir, si nous
n'avions pas cette assurance d'avoir notre capital-actions, nous risquerions de
n'être pas pris au sérieux au sujet de ce projet. Le fait que le
projet de loi soit adopté nous donnera d'abord une force de
négociation que nous n'avions pas jusqu'à présent;
deuxièmement, il nous donnera aussi, face à des partenaires
éventuels, à des banquiers, une maudite assurance, une assurance
essentielle à la réalisation du projet. Tout retard - je ne parle
pas de 24 heures et je ne crois pas que ce soit le sens de votre question - par
exemple, si nous devions reporter cela à l'automne, je pense que cela
risquerait de retarder le projet d'un an.
M. Ciaccia: J'apprécie votre loyauté envers votre
ministre et envers votre gouvernement. C'est votre opinion, mais qu'est-ce qui
empêcherait la poursuite des négociations? Là, on n'a
absolument rien. Qu'est-ce qui empêcherait d'aller plus loin dans les
négociations sans ce projet de loi? Si vous n'aviez pas le projet de
loi, est-ce que cela vous empêcherait d'aller plus loin dans les
négociations pour pouvoir revenir avec plus de précisions?
Là, on n'a absolument rien, vraiment rien. On a un document d'une page,
même pas deux pages, qui ne nous donne aucun renseignement. Vous avez
vous-même employé beaucoup de conditionnel: ce n'est pas
irréversible, c'est conditionnel, il se peut que le financement n'aille
pas, il se peut ceci, cela, les conditions...
Qu'est-ce qui vous empêcherait d'aller un peu plus loin? Je ne dis
pas d'attendre que tout soit complété; évidemment, un
projet de loi est nécessaire pour compléter le tout.
M. Biron: Je pense que M. Lebel, le président de la
Société générale de financement, vient de vous dire
que pour être pris au sérieux par des partenaires éventuels
et par les institutions financières, les banquiers, il faut plus qu'une
simple décision du Conseil des ministres qui va dire à la
Société générale de financement: II faudrait vous
préparer pour oeuvrer dans le secteur de l'aluminium. Par l'adoption du
projet de loi, on donne la marge de manoeuvre nécessaire à la
Société générale de financement pour
concrétiser ou compléter ces négociations. Une fois que
les négociations seront terminées, la Société
générale de financement aura le capital-actions nécessaire
pour réaliser le plus rapidement possible ce projet. (23 h 30)
M. Ciaccia: C'est la façon dont vous interprétez
les choses. Je pourrais vous les exposer d'une autre façon. Je pourrais
vous dire que si le projet de loi est adopté la semaine prochaine, les
conditions ne sont pas fixées. Pechiney va vous attendre pour les
négociations. Elle sait que le projet de loi est adopté et je
pense que cela peut plutôt réduire votre marge de manoeuvre dans
les négociations. Politiquement, une fois qu'un projet de loi est
adopté en donnant carte blanche au gouvernement... Il n'y a aucune
indication, aucune condition, on ne peut même pas avoir une copie de
l'étude de faisabilité.
Je vous le dis à vous, mais ce sont les
mêmes avertissements qu'on a déjà donnés au
ministre qui est maintenant au Conseil du trésor dans le cas de la
Société nationale de l'amiante. De la façon dont vous
procédez, cela va vous coûter plus cher. Vous vous placez dans une
situation de négociations très faible. Vous faites la même
chose ici, je vous le dis. Une fois le projet de loi adopté,
politiquement, ce sera très difficile pour vous de reculer. Les
conditions de l'entente-cadre pourront plus facilement être
dictées par Pechiney que par vous.
Si nous n'adoptions pas le projet de loi demain ou cette semaine, vous
avanceriez un peu plus dans les négociations, je pense que vous
amélioreriez votre position. Là, franchement... Vous venez
d'admettre que c'est le plus grand projet, un projet de 1 500 000 000 $, avec
l'entreprise privée. On s'est rencontré à 11 heures et on
ne peut pas, adéquatement, compléter toute l'étude en
commission parlementaire, il ne reste qu'une demi-heure. Il y a douze heures
qu'on est ici. Demain matin, en vitesse, on va aller en deuxième
lecture.
Je ne voudrais pas utiliser de gros mots, mais ce n'est pas faire preuve
d'une gestion responsable. En juin, à part cela. Il y a longtemps qu'on
en parle. Il aurait pu être déposé à
l'Assemblée nationale bien avant le 1er juin, si vous aviez vraiment eu
besoin du projet de loi. Il aurait pu être déposé au mois
d'avril ou au mois de mai. On aurait pu l'étudier adéquatement.
Là, non seulement on n'a pas le temps d'étudier en commission
parlementaire le mémoire de 75 pages, mais la semaine prochaine, il va
falloir l'étudier article par article et, demain, en deuxième
lecture. Ce n'est pas la façon de procéder la plus responsable
pour un projet de 1 500 000 000 $.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Biron: Le député de Mont-Royal dit: Vous auriez
pu le déposer au mois de mai. On a déposé le projet de loi
le 18 mai. C'est la date du dépôt du projet de loi. Je pense que
c'est faire preuve de responsabilité que de donner à la
Société générale de financement les instruments
nécessaires pour mener à bien sa négociation. Autrement,
la Société générale de financement va continuer
à faire ce qu'elle a toujours fait depuis que nous lui avons
demandé de regarder ce dossier, c'est-à-dire négocier avec
des partenaires en disant: Nous attendons d'être autorisés
officiellement pour oeuvrer dans le secteur de l'aluminium et nous attendons
d'être autorisés officiellement aussi avant d'obtenir les sommes
d'argent nécessaires.
Au moins, de la part du Québec, cela ne veut pas encore dire que
tout est lié, que tout est scellé, il reste encore des
négociations à entreprendre. Là-dessus, la
responsabilité est entre les mains des gens de la Société
générale de financement. Avant de poser les derniers gestes, bien
sûr, le gouvernement aura à se prononcer.
M. Ciaccia: Avant que ce soit entre les mains de la
Société générale de financement, c'était le
ministre de l'Énergie et des Ressources qui était en charge du
dossier. Ce n'était même pas la SGF. Il procédait, lui.
C'est lui qui faisait des déclarations.
M. Biron: Je dois dire au député de Mont-Royal que
le dossier a été mené conjointement par le MICT et le MER.
En ce qui concerne les tarifs d'électricité, bien sûr, cela
relève de mon collègue de l'Energie et des Ressources. C'est
d'abord et avant tout à cause des tarifs d'électricité
qu'on a pu intéresser Pechiney à venir s'établir au
Québec, je pense que M. Lebel l'a dit à plusieurs reprises
aujourd'hui. C'est tout à fait normal que le premier négociateur
dans un tel dossier soit celui qui a l'instrument essentiel pour encourager les
gens à prendre des décisions. Une fois les tarifs
d'électricité établis, c'est au ministre responsable de la
Société générale de financement à continuer
le dossier.
M. Ciaccia: De toute façon, ce n'est pas seulement votre
gouvernement qui le fait. Peut-être en abusez-vous un peu plus, mais tous
les gouvernements ont fait la même chose. On arrive toujours avec des
projets de loi en fin de session pour qu'ils puissent être adoptés
sans trop de discussion et sans que le public soit au courant de tous les
détails et des écueils possibles de ce projet de loi. Je pense
que c'est une tactique qui remonte loin, même avant votre gouvernement,
mais vous n'y avez pas changé un iota.
M. Biron: Je crois que le député de Mont-Royal est
excellent dans l'Opposition, il peut rester là très
longtemps.
M. Ciaccia: Comme d'habitude, le ministre fait sa petite
politique.
Le Président (M. Desbiens): Je remercie les gens de la SGF
de leur participation à nos travaux; je remercie aussi les intervenants
à la commission pour leur collaboration.
Je prie le rapporteur désigné de faire rapport à
l'Assemblée nationale dans les plus brefs délais.
M. Ciaccia: Je vais changer de parti pour pouvoir aller...
Le Président (M. Desbiens): La commission élue
permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme ajourne ses travaux sine
die.
(Fin de la séance à 23 h 36)