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Version finale

28e législature, 4e session
(25 février 1969 au 23 décembre 1969)

Le mercredi 12 mars 1969 - Vol. 8

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Bill 89 - Loi des heures d'affaires des établissements commerciaux


Journal des débats

 

Comité des industries et du commerce (3)

Bill 89

Séance du 12 mars 1969

(Neuf heures quarante sept)

M. MURRAY (président du comité): Alors, messieurs, nous vous souhaitons la bienvenue à la troisième séance du comité de l'industrie et du commerce. Peut-être devrions-nous, encore une fois, réitérer les règles qui ont dirigé le comité depuis le commencement. Les mémoires sont soumis à l'avance. Les gens sont convoqués à l'avance. Chacun s'exprime en avant, au micro. Comme nous l'avons dit aux deux premières séances, il n'y a pas de discussion entre les groupes, mais simplement entre ceux qui nous exposent leur mémoire et les membres du comité. Egalement, pour les centrales syndicales, le comité n'a pas pour but de discuter les heures de travail ni les conventions, mais simplement les heures d'ouverture et de fermeture des établissements commerciaux. Alors le premier organisme que nous avions sur la liste était la FTQ. Fédération des travailleurs du Québec. Je pense que M. Laberge de la FTQ, n'est pas ici.

M. PEPIN: M. Laberge était ici tout à l'heure.

M. MURRAY: Alors, nous pourrions aller au numéro 2 et nous reviendrons à la FTQ dès que ses délégués seront ici. Le numéro 2, c'est la Puretest Dairy et la Laiterie Perrette Ltée, Chomedy, ville de Laval. Me Julian C. Chipman et Me Georges Dubé, porte-parole. Est-ce que Me Dubê est ici?

M. CHIPMAN: C'est moi qui suis le porte-parole, M. Chipman.

M. LE PRESIDENT: M. Chipman. Très bien. M. Julian-C. Chipman

M. CHIPMAN: M. le Président, messieurs les ministres, la Laiterie Perrette Limitée possède dans la province de Québec environ 115 magasins, dont la plupart sont situés dans la ville de Montréal ou aux environs, et habituellement connus sous le nom de « magasins de commodités ». Ils sont exploités en concession par ceux que nous appelons un gérant, sa femme et les membres de sa famille. Ce sont de petits magasins qui vendent des denrées essen- tielles telles le lait, le pain, les cigarettes, les journaux et d'autres articles commodes du même genre, de 9 heures du matin jusqu'à Il heures du soir, 7 jours par semaine.

Les magasins de commodités de ce genre sont une institution dans la province de Québec.

Pendant plusieurs années, les législateurs ont fait en sorte que les diverses lois et les divers décrets traitant des heures de fermeture des magasins ne comprennent pas dans leurs dispositions l'exploitation fondamentale de ces magasins.

Par exemple, le règlement no 4 de la Corporation de Montréal métropolitain - qui s'applique à la ville de Montréal et aux nombreuses cités et villes adjacentes sur l'île de Montréal faisant partie de la Corporation de Montréal métropolitain — qui traite des heures de fermeture des magasins, exclut de ce nombre : « Les bâtiments ou parties de bâtiment où l'on ne vend que du tabac ou des objets généralement requis pour l'usage du tabac, tels que pipes, porte-cigares ou autres articles de ce genre: pellicules photographiques, journaux, revues, périodiques; fleurs — et j'arrive à ceci — fruits, légumes, confiseries, lait et sous-produits périssables, eaux gazeuses, pâtisseries ou viandes cuites. » Il y a également d'autres choses énumérées qui ne nous concernent pas.

Un autre exemple. Le décret ayant trait au commerce d'alimentation au détail dans la région montréalaise prévoit de plus que cette disposition ne s'applique pas: « Aux restaurants, pâtisseries et magasins, pour autant que la vente de produits alimentaires qu'ils font se limitent aux produits laitiers, pâtisserie, biscuiterie, charcuterie, bonbons et chocolats. »

De plus, alors que la définition du mot « salarié » que contient la loi sur les décrets relatifs aux conventions collectives comprend un artisan, la politique officieuse du ministère du Travail a été et est à l'heure actuelle que les décrets ne doivent pas comprendre les artisans. Ainsi, c'est en tenant compte de ce facteur que ledit décret ayant trait au commerce d'alimentation au détail dans la région de Montréal sera sous peu amendé afin d'enlever les mots « artisans et membres de leurs familles » de l'application du décret, l'amendement ayant rapport à la définition du mot « gérant » et prévoyant que : « 3. Le paragraphe « u » de l'article l.Ol est remplacé par le suivant: u) Le terme « gérant de magasin » désigne toute personne qui, ayant au moins quatre employés réguliers à sa charge, a la responsabilité d'administrer pour le propriétaire ou sous la direction de ce dernier, un établissement commercial régi par le présent décret,

qui a la charge de surveiller le personnel de l'établissement et la conduite générale des affaires en l'absence du propriétaire, si ce dernier ne se tient pas habituellement dans son établissement. « Toutefois, ce terme n'inclut pas toute personne qui exploite seule ou avec les membres à charge de sa famille, en concession ou autrement, un établissement dont il n'est pas le propriétaire ».

L'esprit de cet amendement est conforme au paragraphe 6 du bill 89 qui stipule que: « La présente loi ne s'applique pas à un établissement commercial dont le fonctionnement est assuré, du début à la fin d'une Journée, par un effectif total de moins de quatre personnes, comprenant entrepreneurs, patrons et employés ou uniquement par le père, la mère et leurs enfants ».

Il est soumis que les dispositions du paragraphe 6 du bill 89 ne devraient pas être amendées comme le suggère l'Association des détaillants en alimentation du Québec dans son mémoire daté du 13 février 1969. Le but du paragraphe 6 est de protéger les artisans et les membres de leur famille et, dans le présent contexte, qu'ils soient ou non propriétaires d'un établissement ou l'exploitent en concession ou qu'un ou plusieurs magasins soient exploités comme une partie d'un commerce exercé par une ou plusieurs personnes ou compagnies est hors de cause.

Toutefois, il est allégué que les denrées principales et les articles commodes qui, selon la coutume et la loi, ont été exemptés des heures de fermeture des magasins devraient continuer de l'être. Les denrées principales que vise le règlement numéro 4 de la Corporation de Montréal métropolitain et le décret ayant trait au commerce de l'alimentation au détail dans la région montréalaise comprennent le lait et tous ses sous-produits et les pâtisseries. Toutefois, il a été d'usage de tolérer la vente du pain comme pâtisserie et, afin d'éviter tout doute, le pain comme tel devrait particulièrement être exempté. Finalement, les autres produits que l'on retrouve dans le décret et le règlement numéro 4 se lisent solidairement et devraient être exemptés, à savoir les fruits, les légumes, les confiseries, les eaux gazeuses, les viandes cuites, les biscuits, les produits de charcuterie, les bonbons et le chocolat. De plus, on ne devrait pas simplement ajouter les eaux gazeuses à la liste, mais aussi toutes sortes de boissons effervescentes et les Jus de fruits, qu'ils soient effervescents ou non, ainsi que le thé, le café, le sucre, la nourriture pour bébés, les oeufs, le bacon, la nourri- ture pour les chats et les chiens, et les autres produits nécessaires et essentiels.

Les magasins de commodités, tels la Laiterie Perrette Limitée, répondent à un besoin public. Ce fait ne pourrait être mieux illustré si l'on considère que les Laiteries Perrette Limitée ont commencé leur exploitation en novembre 1961 avec un seul magasin et que, depuis ce temps, 114 magasins ont été ouverts. Le magasin de commodités n'est pas un phénomène particulier à la province de Québec, mais il est de plus en plus populaire dans toute l'Amérique du Nord. Par exemple, Becker Milk Company Limited, Mac's Milk Company et d'autres compagnies semblables qui exercent un commerce dans l'agglomération torontoise comptent ensemble plus de 400 magasins dans la région de Toronto seulement et plus encore dans d'autres cités et villes de l'Ontario. Aux Etats-Unis, il y a plus de 7,000 magasins de commodités et leur nombre s'accroît constamment.

La raison de la popularité toujours croissante des magasins de commodités est la demande du public. Comme les gens sont allés vers les banlieues et comme de plus en plus d'épouses vont au travail, il devient de plus en plus nécessaire que les heures de fermeture des magasins soient prolongées dans la soirée afin de permettre à la famille de faire ses emplettes. On a souvent besoin de commodités essentielles, particulièrement du lait (la denrée alimentaire la plus importante pour les enfants en croissance). Il doit y avoir un magasin tel un magasin de commodités pour répondre à ce besoin et, si possible, à des prix raisonnables.

Les magasins de commodités ne peuvent être exploités que si le prix que paie le consommateur est modique. Pour ce faire, ils doivent avoir un important volume de vente qui ne peut se réaliser qu'à la condition que les heures d'ouverture des magasins soient longues. Les divers règlements du Bureau des marchés agricoles ont tenu compte de ce facteur, permettant aux magasins de détail, tels la Laiterie Perrette Limitée, de vendre du lait dans de gros contenants à des prix moins élevés que pour la quantité équivalente de lait dans des contenants conventionnels d'une pinte. La Laiterie Perrette Limitée a été un pionnier et un chef de file en prouvant que le lait et les autres denrées principales peuvent être vendus à des prix plus modiques lorsqu'on exploite le commerce en famille pendant des heures plus longues. Cette initiative a fait réaliser de nombreuses économies au public, se chiffrant par millions de dollars.

En dernière analyse, le facteur dont on doit tenir compte pour fixer les heures d'ouverture et de fermeture des magasins doit être l'inté-

rêt du public Au cours de la dernière année, le public consommateur a signé plus de 30,000 requêtes, qui ont été envoyées aux différents députés, demandant des heures d'ouverture plus longues, afin de permettre la vente de denrées essentielles et des commodités, telles qu'énumérées dans le présent mémoire.

La Laiterie Perrette Limitée et les magasins de commodités semblables pourront continuer à servir le public efficacement et à un coût modique, pourvu que l'article 6 du bill 89 reste tel quel et que l'article 7 soit amendé afin d'ajouter les pâtisseries et les confiseries, ainsi que les produits suivants, dont il a déjà été fait mention; le lait et les autres sous-produits laitiers, le pain, les fruits, les légumes, les boissons effervescentes et les eaux gazeuses, les viandes cuites, les biscuits, les charcuteries, les bonbons, le chocolat, le thé, le café, le sucre, la nourriture pour bébés, les oeufs, le bacon, la nourriture pour les chats et les chiens et les autres produits nécessaires et essentiels.

M. LE PRESIDENT: Les membres du comité ont-ils des questions à poser à M. Chipman?

M. SAINT-GERMAIN: En général, vos magasins ont-ils pour concessionnaires le père de famille, la mère et les enfants assez âgés?

M. CHIPMAN: Non, le père de famille, sa femme et les enfants qui sont habituellement des écoliers et qui aident leurs parents lorsqu'ils reviennent de l'école.

M. SAINT-GERMAIN: Vous dites que vos heures habituelles d'ouverture sont de neuf heures de la matinée jusqu'à...

M. CHIPMAN: ... onze heures du soir.

M. SAINT-GERMAIN: Le père ou le concessionnaire est-il là, habituellement, de neuf heures de la matinée jusqu'à onze heures le soir?

M. CHIPMAN: Soit lui ou sa femme.

M. SAINT-GERMAIN: Lorsque vous parlez d'artisan, en principe, la loi n'entend-elle pas par là quelqu'un qui travaille à son compte d'une façon plus ou moins indépendante?

M. CHIPMAN: Oui, mais je pense que ceux qui travaillent pour la compagnie Perrette tombent dans cette définition. Ils ne sont pas à salaire fixe; ils sont à commission et ils sont responsables de l'achat de la marchandise. Ils sont également responsables de la marchandise en cas de disparition et rendent compte à la compagnie Perrette des ventes qu'ils font au nom de la compagnie.

M. SAINT-GERMAIN: Ils sont responsables de leurs achats, mais ces achats doivent nécessairement être faits à un endroit que vous leur indiquez.

M. CHIPMAN: Ce sont des endroits qui sont indiqués par la compagnie Perrette.

M. SAINT-GERMAIN: Par la compagnie Perrette.

M. CHIPMAN: Oui, mais le concessionnaire a la responsabilité d'acheter ce qui est nécessaire pour son établissement. C'est lui qui est le maître, dans ce sens-là.

M. SAINT-GERMAIN: Pour obtenir une concession — vous n'êtes pas obligé de me répondre — le concessionnaire est-il obligé de débourser une certaine somme d'argent?

M. CHIPMAN: Oui, c'est pour garantir que la marchandise ne disparaîtra pas. Le concessionnaire est responsable de sa marchandise et, s'il y a perte de marchandise, nous faisons une déduction sur le dépôt initial.

M. SAINT-GERMAIN: A-t-il le droit de revendre son établissement ou les droits acquis que la compagnie lui a concédés?

M. CHIPMAN: Non, il n'a pas ce droit.

M. SAINT-GERMAIN: Avez-vous des statistiques donnant les heures d'ouvrage de vos concessionnaires ou des membres de leur famille?

M. CHIPMAN: La seule chose que je puis dire, c'est que les magasins sont ouverts de neuf heures de la matinée à onze heures le soir. Les heures de travail dépendent du mari ou de sa femme, dans chaque cas. Ils peuvent diviser les heures de travail d'après leurs besoins et ils peuvent se faire, en moyenne une commission de $16,000 par année en travaillant de cette façon.

M. SAINT-GERMAIN: Ne croyez-vous pas que votre façon de procéder est une manière élégante d'enlever à vos employés toute protection de la loi ou de la coutume que nos lois sur le code du travail peuvent leur donner et que, de ce fait, ils ont, comme heures de travail, des conditions qui existaient dans les en-

treprises libres, si nous pouvons dire, des conditions qui existaient dans les années passées et, depuis longtemps disparues, surtout dans les endroits où les syndicats jouent un certain rôle, et où les employés ont une certaine protection, soit de leur syndicat, soit de nos lois?

M. CHIPMAN: Je peux parler de mes connaissances personnelles. J'ai déjà parlé avec plusieurs gérants lorsque j'en ai eu l'occasion Ils sont heureux de pouvoir gagner l'argent qu'ils peuvent gagner en travaillant seize heures. Ils peuvent diviser le fardeau entre eux-mêmes, leur épouse et leurs enfants au retour de l'école.

M. SAINT-GERMAIN: Mais, en fait, vos employés, vos concessionnaires qui sont légalement des concessionnaires, mais en fait des employés, n'ont aucune protection.

M. CHIPMAN: Nous ne disons pas qu'ils sont des employés. Nous disons qu'ils sont des concessionnaires. Peut-être sont-ils des employés au sens strict du mot, parce que le mot « employé », dans la loi des conventions collectives, signifie des artisans, strictement en droit, c'est un jugement de la cour Suprême, qui a établi cela. Si je comprends bien la politique d'aujourd'hui du ministère, c'est que les artisans n'y sont pas compris.

M. SAINT-GERMAIN: Alors, vos concessionnaires — si vous voulez les appeler de ce nom — n'ont aucune protection, autre que celle que vous voulez bien leur donner.

M. CHIPMAN: Ils sont des artisans. Ils ne veulent pas de protection. Ils veulent bien travailler les heures qu'ils travaillent, avec leur épouse, parce qu'ils savent très bien qu'en travaillant seize heures, ils peuvent gagner une très forte commission et qu'il serait tout à fait impossible de gagner cette somme d'argent en travaillant ailleurs, dans le même métier.

M. SAINT-GERMAIN: Ne croyez-vous pas que ces heures prolongées font qu'enfin, le salaire horaire de qui que ce soit travaillant dans vos magasins, est excessivement bas?

M. CHIPMAN: Je dirais que non, en ce sens qu'ils sont là, mais qu'ils ne travaillent pas continuellement. Ils peuvent demeurer là aussi. Alors, ils sont toujours sur les lieux et ils sont toujours là pour servir le public.

M. PICARD (Olier): Vous avez mentionné tantôt qu'ils pouvaient avoir un revenu annuel d'environ $7,000. Est-ce à peu près la moyenne?

M. CHIPMAN: $16,000.

M. PICARD (Olier): $7,000?

M. CHIPMAN: $16,000.

M. PICARD (Olier): Annuellement?

M. CHIPMAN: Oui.

M. PICARD (Olier): Ils n'ont aucune dépense. Est-ce que ce sont eux qui paient le loyer, ou quelque chose dans le genre?

M. CHIPMAN: Aucune dépense.

M. LEDUC (Laviolette): Il a été établi que ce ne sont pas des propriétaires. Ce sont des concessionnaires.

M. CHIPMAN: Des concessionnaires.

M. LEDUC (Laviolette): Il a également été dit que la majorité de vos cas étaient des pères de famille avec leur femme. Est-ce que vous avez des concessionnaires qui ne sont pas des pères de famille? Ce pourrait être un célibataire, ou quelqu'un qui engage des personnes étrangères.

M. CHIPMAN: Je pense que nous avons seulement des pères de famille.

M. LEDUC (Laviolette): Y a-t-il une grosse rotation parmi vos concessionnaires? Est-ce que le même concessionnaire demeure quatre, cinq, dix ans ou s'il y a une rotation assez fréquente?

M. CHIPMAN: Nous avons des concessionnaires qui sont là depuis quatre ou cinq ans. Il y en a d'autres qui...

M. LEDUC (Laviolette): ... qui abandonnent leur revenu de $16,000.

M. CHIPMAN: Oui, pour une raison ou une autre. Non, je sais que nous avons eu le cas où des effets ont disparu, et ils ont été mis à la porte.

M. LEDUC (Laviolette): Un autre point, monsieur. A la page 7, vous mentionnez — excusez mon ton nasillard, c'est le rhume —

au cours de la première année le public consommateur a signé plus de 30,000 requêtes. Je ne vous demanderais pas de nommer les 30,000, mais celles envoyées aux députés. A ma connaissance, je n'en ai pas reçu 30,000.

M. CHIPMAN: A Montréal.

M. LEDUC (Laviolette): Pour les députés de Montréal, d'accord.

M. PAUL: Monsieur, pourriez-vous me donner quelques précisions, si possible? A la page 1 de votre mémoire, je lis dans la deuxième partie du premier paragraphe: « Ce sont de petits magasins qui vendent les denrées principales telles que le lait, le pain, les cigarettes, les journaux et d'autres articles commodes du même genre ». Pourriez-vous détailler cette expression « d'autres articles commodes du même genre ».

M. CHIPMAN: Bien, cela pourrait être des bouteilles de ginger ale, par exemple.

M. PAUL: Le fromage? M. CHIPMAN: Le fromage. M. PAUL: Du pain? M. CHIPMAN: Du pain. M. PAUL: Des conserves? M. CHIPMAN: Oui.

M. PAUL: Alors, en un mot, c'est un commerce d'épicerie.

M. CHIPMAN: Non, pas tout à fait, parce que...

M. PAUL: Quel est l'éventail des conserves que nous pouvons trouver dans ces établissements-là?

M. CHIPMAN: Nous avons toujours fait — lorsque je dis nous avons toujours fait, je veux dire à Montréal—à Montréal, la distinction entre épiceries, d'une part, et le lait et les produits laitiers comme le fromage, le beurre, la crème glacée et des effets semblables. Nous avons toujours fait cette distinction-là.

M. PAUL: Est-ce que le concessionnaire a le droit, lui, pour accommoder sa clientèle, d'ajouter ceux qu'il désirera à la liste des produits que vous lui imposez?

M. CHIPMAN: Cela, c'est un débat que nous avons actuellement avec le comité paritaire. Il y a une différence d'opinion. De temps à autre, on le fait, et, de temps à autre, on ne le fait pas. Alors, comme question de fait, la réponse est oui et non. Mais l'activité principale de la compagnie, c'est de vendre du lait et les produits laitiers, ainsi que les cigarettes, qui sont d'ailleurs déjà exemptés par le bill.

M. PAUL: Je ne vous ai pas posé la question pour savoir quelle pouvait être l'activité de la compagnie. Je vous ai demandé: Est-ce que le concessionnaire a liberté de vendre les produits les plus souvent demandés autres que ceux que vous lui imposez de vendre ou que vous lui donnez en assignation?

M. CHIPMAN: Non.

M. PAUL: Il n'en a pas la liberté.

M. CHIPMAN: Non, en ce sens que, dans le contrat entre lui et la compagnie, il est censé suivre toutes les lois. Cela veut dire qu'il peut vendre les articles d'épicerie aux heures fixées par le décret et par le règlement numéro quatre de la Commission métropolitaine. Mais, après les heures fixées par ce décret, il doit se limiter aux effets qui sont exempts et qui sont le lait, le beurre et les effets semblables.

M. PAUL: Est-il à votre connaissance personnelle que si je me présentais dans un de ces établissements et que je demandais, par exemple, trois boites de tomates, à neuf heures du soir, dans un magasin, un mardi, on va me répondre: Je n'ai pas le droit de vous en vendre?

M. CHIPMAN: Là, c'est difficile de vous répondre. Des procédures en injonction ont été prises par le comité paritaire. La motion pour injonction a été renvoyée, et la cause est devant la cour d'Appel. Si je la comprends bien, la politique du ministère est maintenant que les artisans ne sont pas couverts par le décret. Si je comprends bien l'Interprétation du ministère, les concessionnaires en famille de Perrette sont des artisans.

Le débat persiste justement sur cette question-là. Je ne peux pas vous répondre d'une façon tout à fait claire.

M. PAUL: S'il y a des débats, c'est parce que certaines activités commerciales sont au moins mixtes.

M. CHIPMAN: Elles sont mixtes...

M. PAUL: ... dans le sens de la loi, suivant le traité de droit commercial de Perreault, par exemple.

M. CHIPMAN: Oui, c'est ça, et il y aurait, apparemment, des tolérances au point de vue de droit strict.

M. PAUL: Alors, est-ce que vous soutenez toujours qu'il y aurait nécessité de soustraire vos établissements — les établissements tenus par vos concessionnaires — à la loi générale que nous nous proposons de présenter à la Législature pour adoption?

M. CHIPMAN: Bien, ce que je demande, c'est que les concessionnaires soient exemptés à l'article six, tel que proposé dans la loi. Cela c'est notre premier point. Nous avons, par exemple, l'Association des détaillants d'alimentation du Québec. Ils ont changé la portée de l'article six. Si ces changements sont acceptés, alors, ça nous attaque. C'est pour ça que je reviens à la question d'exemption des produits. C'est pour cela que je propose que les produits qui ont été exemptés pendant des années et des années par les règlements de la Commission métropolitaine de Montréal, tels que le lait et ses sous-produits, soient exemptés à l'article 8 du bill.

Pour les produits, nous ne trouvons à l'article 8 que des pâtisseries et des confiseries. Nous ne trouvons pas le lait. Je pense que le lait est plus important que les pâtisseries et les confiseries.

M. PAUL: Une dernière question: Pourriez-vous me dire si les relations qui existent entre la compagnie et vos concessionnaires sont semblables à celles qui peuvent exister entre un locataire de station de service et une compagnie pétrolière?

M. CHIPMAN: Je pense que c'est peut-être semblable, mais, franchement, je n'ai jamais examiné en détail le contrat entre les parties. J'ai parlé des contrats entre Perrette et ses concessionnaires, mais je pense que c'est peut-être un peu la même chose. Peut-être que les concessionnaires de Perrette ont plus de responsabilités parce que ce sont eux qui sont responsables pour toutes les marchandises dans les magasins. Ce sont eux qui font les commandes, ce sont eux qui sont responsables, si quelque chose est perdu; ils doivent payer. C'est pour cela qu'ils font un dépôt, ils travaillent à la commission.

M. BEAUDRY: Est-ce que les 115 maga- sins, M. Chipman, sont munis du même permis, soit restaurants ou épiceries? Avez-vous 115 permis de restaurants ou 115 permis d'épiceries?

M. CHIPMAN: Je crois, si vous me permettez... Apparemment le permis couvre les produits de laiterie...

M. DUBE: Produits laitiers, pâtisseries, restaurants et charcuteries. Dans la ville de Montréal, on ne donne qu'un permis. C'est l'article 7 qui comprend restaurants, ventes de produits et de tabac, ces choses-là. Dans chaque municipalité c'est différent.

M. BEAUDRY: A Montréal, vous avez des permis de restaurants, et à l'extérieur, vous avez des permis d'épiceries?

M. DUBE: Tout dépend des lois de chaque municipalité. Nous avons ouvert la semaine dernière à Saint-Janvier. On ne nous a même pas donné de permis; on a dit: Vous pouvez ouvrir, c'est tout et payez la taxe d'affaires. Donc, cela peut varier. Il y a des endroits qu'on prend pour pâtisserie, charcuterie, restaurant et produits laitiers; on demande ces quatre permis et, dans certaines municipalités, un article couvre les quatre permis.

M. BEAUDRY: Mais pour la ville de Montréal?

M. DUBE: Pour la ville de Montréal, c'est l'article 7, qui comprend charcuteries, produits de tabac, restaurants.

M. LEDUC (Laviolette): Est-ce un permis global pour l'ensemble de vos commerces ou si c'est un permis individuel pour chacun?

M. DUBE: Un permis individuel pour chacun.

M. PICARD (Olier): Une même personne peut détenir deux ou trois concessions différentes?

UNE VOIX: Non.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres remarques? Je vous remercie, M. Chipman.

Messieurs de la Fédération des travailleurs du Québec sont-ils ici? Sont-ils prêts?

UNE VOIX: Si vous me le permettez, M. le

président, les représentations que la FTQ peut avoir 3 faire sont sensiblement les mêmes que celles de la CSN. Au moment où vous appellerez la CSN, M. Pépin va faire la représentation et si je juge à propos d'y ajouter quelque chose, je le ferai. D'accord?

M. LE PRESIDENT: Est-ce que cela va au comité? Alors, l'autre organisme que nous avons sur la liste, le numéro 3, M. Jean Therrien, Chambre de commerce de Grand'Mère. Est-ce qu'il y a quelqu'un de la Chambre de commerce de Grand'Mère? Il n'y a personne? Il n'y a pas de mémoire? Nous allons le passer. A l'article 4, l'Association des pharmaciens détaillants de la province de Québec, M. Rigassio, porte-parole, M. Paul-Emile Payette.

On me dit, par télégramme, que les pharmaciens n'ont pas de mémoire à soumettre et qu'ils sont ici à titre d'observateurs. Il n'y a rien à soumettre. Nous arrivons maintenant à à et 6. M. Marcel Bélanger, du conseil central des Syndicats de la Côte Nord, Hauterive, Me Jacques Archambault.

Numéro 6. Je suppose que ces deux derniers sont ensemble. Pour la CSN, M. Marcel Pépin, président. Cela comprend également la FTQ. Les numéros 1, à et 6 se feront donc entendre à ce moment-ci, si le comité n'a pas d'objection.

M. Marcel Pépin

M. PEPIN: M. le Président, MM. les membres du comité, je voudrais d'abord vous signaler qu'il y a une correction à apporter à votre liste. On m'y a présenté comme étant Me Marcel Pépin. Vous comprendrez que le Barreau pourrait me poursuivre si je laissais passer cette erreur.

M. PAUL: Vous le regrettez, n'est-ce pas?

M. PEPIN: Je regrette qu'on ait indiqué ça, M. Paul, parce que ce n'est pas légal. Je pourrais être poursuivi par le Barreau si je laissais passer une telle erreur.

M. LEDUC (Laviolette): Il faudrait définir le mot « maître ».

M. Michaud, on va exiger que ce soit public à part cela.

M. PEPIN: Oui, il est vrai qu'à ce moment-là, ce serait un conseil public auquel j'aurais droit si la loi était adoptée.

MM. les membres du comité, comme mon confrère et camarade de la FTQ vous l'a indi- qué, les représentations que je ferai seront donc pour les deux centrales syndicales, à moins que mon ami trouve qu'il y a des choses qui ne sont pas concordantes avec la politique de la FTQ. Il aura d'ailleurs l'occasion de s'exprimer par la suite.

Nous n'avons pas cru opportun et approprié de présenter à ce stade-ci un mémoire. Nous avons pensé qu'il était préférable que nous venions exposer verbalement notre point de vue. quitte, s'il y a lieu, à engager le débat avec les membres du comité parce qu'il y a, sans doute, dans cette législation des choses qui nous apparaissent assez obscures. Les réponses qui nous seront données peuvent modifier facilement le comportement des centrales syndicales que nous représentons.

Je voudrais au point de départ bien situer le débat — je sais que vous le savez déjà, c'est mentionné dans de très nombreux mémoires — et souligner l'importance de la loi en raison du nombre de salariés, du nombre de personnes que cette loi peut affecter. Le rapport Rameau nous mentionne que c'est environ 300,000 employés qui sont directement affectés par une législation, quelle qu'elle soit. Le nombre de personnes qui sont propriétaires de magasins, petits, moyens ou grands magasins est aussi très considérable.

Cette première réalité — vous en conviendrez avec moi - fait que l'intérêt que les centrales syndicales peuvent avoir dans cette loi est très considérable. Les conséquences d'une législation qui affecterait les conditions et les heures de travail des employés ne peuvent laisser personne indifférent de notre côté.

Je voudrais aussi me permettre, M. le Président et MM. les membres du comité, de vous rappeler qu'il y a depuis quelques années une évolution considérable du côté du statut des employés de magasins. Cette évolution est due principalement au fait qu'il y a eu beaucoup plus de syndicalisation des employés de magasins, du moins dans certaines régions et dans certains secteurs d'activité. Ce qui fait qu'au moment où nous nous parlons, la réalité n'est pas exactement la même que celle qui existait lorsque nous nous sommes présentés devant le comité Rameau pour faire nos représentations. Vous comprendrez et vous conviendrez que ceci peut avoir une certaine influence sur le comportement que nous pouvons avoir et sur le comportement que nous entendons prendre au regard de cette loi puisque la situation des employés est modifiée considérablement dans certains secteurs de l'activité commerciale depuis quelques années.

Vous avez sans doute compris que j'ai refé-

ré particulièrement aux nombreux décrets qui, depuis deux ou trois ans, ont été adoptés par le lieutenant-gouverneur en conseil, régissant des conditions et des heures de travail pour les employés de commerce.

Ce fait est important pour nous parce que nous comprenons aisément que ces employés sont dans des statuts différents suivant les commerces où ils exercent leurs activités. Tout au long des deux séances que vous avez tenues comme comité parlementaire, sans doute, comme moi, avez-vous constaté qu'on ne peut pas prévoir qu'il n'y aura qu'une seule loi régissant tout le monde de la même façon.

Ce que je veux dire par là, c'est que, si vous regardez les mémoires qui vous ont été soumis et les réponses qui ont été fournies aux questions que vous posiez, vous vous rendez aisément compte que, quand on parle du commerce de l'alimentation et quand on parle du commerce de meubles, on parle de deux genres de commerces différents, même si c'est du commerce. Je pense qu'on peut en arriver à avoir une loi cadre, une loi générale. Cependant, il faut savoir, quant à nous — et c'est le point essentiel que j'ai l'intention de soulever devant vous — si cette loi empêche l'application de certaines autres législations qui concernent directement le domaine du travail.

Vous savez, dans le rapport Rameau — cette loi n'est pas calquée sur le rapport Rameau, bien sur, mais on y a puisé des indications — on mettait complètement de côté la question des décrets. La Loi des décrets de convention collective ne s'appliquait plus. Alors, vous comprendrez aisément que, quand je viens m'exprimer ici, c'est pour essayer à tout prix de découvrir quelle est l'intention du législateur. En effet, même si nous avons des avis juridiques qui nous disent: Eh bien, cette loi ne prohibera pas, à l'avenir les décrets, personne n'est intéressé à ce que ce soit une série de procédures civiles qui aillent se promener devant les tribunaux pendant des années et des années, comme cela a été le cas dans l'alimentation au détail à Montréal, avec la cause Steinberg. Je pense que c'est votre intérêt et celui du public que ce point soit clarifié.

La position des centrales.

Nous n'avons pas d'objection au principe de cette loi cadre, à la condition qu'il soit clairement entendu — pour cela, il faut que la loi soit clarifiée — que les décrets puissent exister. C'est toujours le lieutenant-gouverneur en conseil qui décide si c'est dans l'intérêt public ou non qu'un décret soit adopté.

L'article 13 du projet de loi stipule que l'on abroge un paragraphe de l'article 9. On peut déduire, M. le Président et messieurs les membres du comité, à ce moment-là, que les décrets sont encore possibles, puisque les deux autres paragraphes de l'article 9 demeurent.

D'autre part, l'article Il du projet de loi dit: « Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles de toute autre loi générale ou spéciale et sur toute disposition inconciliable d'un règlement municipal, » Est-ce que la portée de cet article peut aller aussi loin que de dire: Les décrets deviennent, à toutes fins pratiques, illusoires, théoriques et seule cette loi cadre a son application, de sorte qu'on ne pourrait plus réglementer au niveau des heures d'ouverture et de fermeture, tel que le prévoit, dans des termes différents, l'article 9 de la Loi des décrets de convention collective?

Si vous laissez, dans la loi, les deux articles tels qu'ils sont rédigés, je crois que vous conviendrez que nous ouvrons la porte à des débats juridiques prolongés, coûteux et qui ne sont pas, à mon avis, d'intérêt public Si le législateur a l'intention, par cette loi, de dire: Eh bien, nous n'en voulons plus de décrets. Tout ce que nous voulons, c'est cette loi cadre, 67 heures... Si c'est l'intention du gouvernement, du législateur et de l'Assemblée nationale, il vaudrait mieux le dire carrément. A ce moment-là, vous comprendrez que notre position sera assez différente de celle que J'exprime présentement. Nous ne serons pas d'accord sur les termes de cette loi cadre, si telle est la décision du législateur.

Si c'est l'hypothèse inverse; si le législateur dit — et modifie son projet loi pour le clarifier — nous fixons un cadre général et,à l'intérieur de ce cadre, le droit de négocier et d'obtenir une extension juridique existe, à ce moment, je vous dis que nous sommes d'accord avec le principe du projet de loi, me réservant le droit un peu plus tard, de faire des remarques sur certains articles particuliers. Mais, au niveau du principe, nous l'accepterions d'emblée.

Il arrive, M. le Président, messieurs les membres du comité, que ce point est, pour tout le monde — tant pour les employeurs que pour les Chambres de Commerce et pour nous — un point important à clarifier.

Je lisais hier matin dans un journal montréalais, un journal anglais, la Gazette, un petit bloc-notes — peut-être que le ministre l'a vu comme moi — Il semble, dans cet article, que le rédacteur ait compris que c'en était fini des comités paritaires pour réglementer les heures d'ouverture et de fermeture. L'interprétation que je donne, et que les conseillers juridiques qui nous sont attachés donnent

au texte actuel, ne veut pas dire que les décrets ne sont plus possibles. Ce que cela veut dire cependant, c'est qu'il y aura des débats juridiques importants, et cela n'est pas dans l'intérêt public.

Voilà donc, M. le Président, messieurs les membres du comité, un premier point que nous soulevons, que nous trouvons très important de clarifier. Je sais que vous ne voulez pas empiéter sur les prérogatives d'un autre ministère, celui du Travail. Je comprends cela aisément. Mais si l'Assemblée nationale est appelée à adopter un projet de loi dans un ministère, votre ministère de l'Industrie et du Commerce, et que, par la suite, cela a une incidence sur d'autres législations, vous comprendrez notre intérêt à soulever le débat à ce moment-ci.

Pourquoi réclamons-nous qu'il y ait la possibilité d'un décret et que la loi soit clarifiée dans ce sens? C'est que nous tenons pour acquis que les conditions ne sont pas semblables d'une région à une autre, et même d'un commerce à l'autre. Nous ne voulons pas en arriver à une anarchie où l'on fait n'importe quoi, n'importe quand, n'importe comment. Mais relisez les mémoires qui ont été présentés ici par les diverses associations patronales ou même par des détaillants privés. Vous allez immédiatement vous rendre compte que, suivant que l'on vit dans un commerce ou dans un autre commerce, on a des problèmes différents. Que l'on fixe des cadres généraux à l'intérieur desquels il est encore permis de négocier et d'avoir une extension juridique, c'est une réalité convenable. Rappelez-vous que si vous vivez dans une région comme le Lac-Saint-Jean, le mode de vie peut être différent de celui d'une région comme Montréal. Il est possible de prévoir que, dans cette région, pour tel commerce, employeurs et employés s'entendent bien pour dire que ce qui ferait mieux l'affaire et rendrait aussi service à la population, serait de fermer le samedi après-midi, par exemple, tel genre de commerce.

S'il n'y a pas de décret, donc de convention extensionnée, exportée aux autres, bien sûr, cela devient illusoire de négocier, parce qu'autrement, l'individualisme, l'égoisme étant toujours là, cela ne donnera pas les effets recherchés. Mais vous admettrez que les conditions, dans un commerce donné, dans une région, peuvent bien être différentes par rapport à d'autres régions.

Voilà donc pourquoi il me semble essentiel que cette loi soit clarifiée sur ce point, et que nous puissions, non pas avoir, comme cela a été réclamé par un certain représentant d'as- sociation patronale, une liberté effrénée dans le commerce: faire n'importe quoi, n'importe quand. J'ai d'ailleurs examiné les documents qui vous ont été remis. Vous pourriez faire des calculs comme moi — sans doute les avez-vous faits —. Dans un cas, on vous a fait une représentation de la très grande liberté: n'importe quand, on devrait avoir le droit d'ouvrir les magasins. On vous a dit qu'il est dangereux que les employés soient mis à pied, que c'est dangereux, parce que cela diminuera le personnel. Si vous regardez les statistiques qu'ils vous ont fournies — ils n'ont pas de raison de vous tromper là-dessus, sûrement pas — il arrive que cela représentait $1.10 l'heure pour les employés, dans un des magasins qui sont venus faire des représentations ici. Il arrive que, pour un groupe de magasins où l'on vous a fait des représentations, le salaire moyen, comprenant, je présume, tous les bénéfices marginaux imaginables, y compris le temps supplémentaire, la moyenne des traitements pour ces employés — je ne parle pas du cas de Perrette Limitée, pour eux, c'est $16,000 par année — le salaire moyen, dis-je, pour cette catégorie d'employés, cela représentait $2,800; même pas $3,000 par année pour le bloc d'employés. Regardez les mémoires et faites les calculs. C'est bien beau.

M. PAUL: Je crois que la salle a réagi à ce moment-là.

M. PEPIN: Oui, c'est un peu cela. Parlez-vous des magasins Lasalle?

Vous comprendrez qu'il faut avoir des réglementations. C'est normal. Mais il ne faut pas avoir une réglementation qui soit telle qu'elle devienne absolument inapplicable.

Je voudrais aussi vous mentionner que personne n'a intérêt à ce que se développent des conflits sociaux. Nous avons intérêt à trouver des mécanismes de solution, pour en arriver à avoir une certaine paix industrielle, une paix sociale et une paix commerciale, si je peux m'exprimer ainsi.

Si la loi n'est pas clarifiée, bien des conflits naîtront par manque de clarification de la loi. D'autre part, si vous clarifiez la loi en disant: Nous abolissons les décrets, moi je pense d'abord, que vous mettez de côté des droits acquis importants pour les employés. Deuxièmement, vous en arrivez à créer, à mon avis, des conflits éventuels, parce que les employés vont chercher à se protéger. Quand ce n'est pas possible d'avoir les 40 ou les 35 heures — si ce sont des heures convenables dans le commerce pour les employés — si les magasins sont ou-

verts de très longues périodes de temps, parce qu'il y a des employés qui vivent dans des établissements moyens ou de petits établissements, vous comprendrez que vous pouvez créer de toutes pièces des conflits importants entre les gens.

Voilà donc pourquoi, M. le Président et MM. les membres du comité, nous insistons grandement pour obtenir cette clarification. Maintenant, je dirai seulement quelques mots de certains articles, parce que je sais que vous aurez à le faire en comité; ce n'est que pour vous donner notre avis là-dessus. A l'article 1, nous ne sommes pas d'accord, comme bien d'autres, d'ailleurs, pour que cette loi, si elle doit être votée, exclue les municipalités qui ont moins de 1,500 habitants. Je crois que si cette loi doit être universelle, elle doit être faite d'une façon universelle.

A l'article 2, nous demandons qu'il y ait plus de congés prévus dans la loi. Je pense que le rapport Rameau en mentionne onze. Nous demandons onze congés plutôt que le nombre mentionné dans le projet de loi.

Nous vous demandons aussi, à l'article 6, — je serai sans doute en contradiction avec celui qui m'a précédé ici — qu'il soit rayé et que ce soit aussi de caractère universel.

Nous vous demandons, à l'article 7, d'enlever le paragraphe Il au sujet des automobiles et des remorques. Nous nous posons vraiment des questions. Pourquoi, dans le cas des automobiles et des remorques, la loi ne s'appliquerait-elle pas? Mon confrère de la FTQ représente des groupes qui sont impliqués dans ce commerce et nous insistons pour que le paragraphe Il soit vraiment rayé; il n'y a pas de raison pour qu'il soit traité tellement différemment.

J'en arrive à l'article 10, où je suis obligé de faire un exposé un peu plus long, parce que l'article 10 est un article de base. L'Assemblée nationale, si elle adopte une loi, doit aussi prévoir un mécanisme d'application de la loi. Or, l'article 10, tel qu'il est présenté, permet, à mon avis, une drôle d'application. Ce sont les individus qui feront appliquer la loi. Ce sont les individus qui paieront les frais. S'ils gagnent, ils auront, peut-être, des remboursements. Mais qui a le moyen, comme individu, de se promener devant la série de tribunaux que nous avons au pays pour défendre la loi? Un gouvernement ou un Parlement qui passe une loi et qui en laisse l'application aux individus — faites-en ce que vous voudrez, dans le fond. — Ce n'est pas parce qu'il ne veut pas que la loi soit respectée, mais il faut qu'il se donne des instruments, des outils pour faire appliquer sa loi. Il ne faudrait pas en arriver à une loi qui nous conduise pure- ment et simplement à une délation constante.

Je pense qu'un office ou une régie devrait être prévu, comme d'ailleurs le rapport Rameau le mentionne. Si nous voulons qu'une loi soit appliquée, il faut, pour reprendre l'expression d'un ancien premier ministre, qu'elle ait quelques dents. Je me souviens que l'Assemblée nationale a déjà passé quelques lois pourvues de dents. Je pense que, dans le cas présent, si vous avez une loi qui n'a pas assez de dents ou pas même de dentier ou de partiel, je crois que le comité aurait intérêt à prévoir un mécanisme d'application qui soit différent de celui qui est inscrit à l'article 10.

Enfin, j'ai déjà fait des représentations sur l'article Il et sur l'article 13. Ceci complète les représentations que je voulais faire. J'insiste de nouveau pour que le comité nous dise clairement quelle est son orientation et ce qu'il veut. S'il n'est pas d'accord sur la question des décrets, j'aimerais bien le savoir. Je vous le dis tout de suite: Les deux centrales — vous en disposerez quand vous les entendrez — s'objecteront formellement à cette loi si elles ne peuvent pas avoir la liberté de négocier à l'intérieur de la loi cadre.

Je vous remercie. Si vous avez des questions, je suis a votre disposition.

M. LE PRESIDENT: M. Beaudry.

M. PEPIN: Voulez-vous permettre à M. Mérineau de dire juste un mot? Je répondrai ensuite.

M. MERINEAU: Claude Mérineau, secrétaire général de la FTQ. J'aimerais ajouter mon grain de sel aux deux ou trois choses qui ont été dites par Marcel Pépin. En ce qui concerne les décrets, nous partageons, évidemment, son opinion. En plus, nous nous inquiétons de l'impact que pourrait avoir cette législation sur les conventions collectives particulières, dans le domaine du commerce. Vous n'êtes pas sans savoir que les heures de travail, entre autres, sont régies par des conventions collectives, même si elles ne sont pas prolongées, particulièrement, dans certaines chaînes de magasins que je n'ai pas besoin de nommer. Si nous contestions la validité d'un décret régissant les heures de travail, éventuellement, nous aboutirions devant les tribunaux pour contester la validité d'une convention collective particulière qui ferait exactement la même chose.

L'autre point que j'aimerais souligner, c'est sur la question d'une régie ou d'un organisme de police pour surveiller l'application de la loi. Je sens que, si le ministre n'a pas inclus

dans son projet de loi un mécanisme comme celui-là, c'est peut-être pour des raisons de budget. Je crois qu'à ce moment-là cette raison n'est pas valable et qu'il faudrait probablement utiliser les moyens d'enquête qui sont présentement à la disposition du gouvernement.

Je pense, entre autres, aux inspecteurs de la Loi du salaire minimum. Je pense même aux corps policiers, soit la sûreté du Québec ou certains corps policiers municipaux bien organisés qui pourraient sûrement être utilisés pour fin d'enquête.

Je crois aussi, si c'est une question de budget, que l'organisme de surveillance proposé n'aurait pas besoin d'avoir des employés permanents. Cette régie-là pourrait probablement se réunir, au besoin, au tarif régulier du gouvernement, à tant par jour, ce qui est fort bien rémunéré, pour ceux qui y participent. Le but de cette régie est non seulement de surveiller l'application de la loi elle-même, mais aussi d'entendre les représentations pour disposer des cas de disparité régionale. Je crois que Marcel Pépin a très bien insisté là-dessus; la situation en Gaspésie, à Montréal ou à Québec est entièrement différente. S'imaginer qu'une loi cadre globale pourra s'appliquer indistinctement dans toute la province, je crois que c'est un peu rêver en couleur. Il faudra nécessairement que des adaptations soient faites.

Comme le mécanisme parlementaire est très compliqué lorsqu'on est obligé de modifier une loi, je crois que cet organisme-là, la régie, devra avoir le pouvoir de réglementation dans des cas particuliers.

Voici un autre point sur lequel j'insiste. Vous entendrez un mémoire sur ce sujet, tantôt. La FTQ est assurément d'avis que les marchands d'automobiles et de remorques ne devraient pas être exclus de l'application de cette loi. La raison pour laquelle nous insistons surtout, c'est que ce n'est pas le fait que la salle de montre d'un vendeur d'automobiles soit ouverte qui fait augmenter la consommation. Le désir de posséder une automobile est très ancré dans la population. Si nous en désirons réellement une, nous prendrons les moyens pour nous la procurer durant les heures d'ouverture et de travail.

J'abonde également dans le même sens pour ce qui est de l'universalité de l'application de cette loi-là. Pour le moment, ce sont les principales remarques que f ai à faire.

M. BEAUDRY: M. Pépin, au sujet de l'article 1, 1,500 de population, est-ce que vous y voyez quelques exceptions ou si vous croyez qu'il n'y a aucune exception? Je veux parler des commerces établis au bord des lacs ou des commerces dans les parcs touristiques.

M. PEPIN: Je pense plutôt, que ces choses pourraient aller dans l'article 7. La loi pourrait être générale et universelle; on pourrait enlever l'affaire des 1,500 habitants et s'il y a quelques exceptions nécessaires pour les parcs touristiques, comme vous le mentionnez, je pense que ça pourrait être inscrit plutôt à l'article 7. Je comprends votre point de vue.

M. BEAUDRY: Quelle est votre opinion, M. Pépin, au sujet des exceptions?

M. PEPIN: Bien, je vous avoue que s'il s'agit d'accommoder les gens sur le bord des lacs, j'ai l'impression que la plupart du temps, ils apportent leurs victuailles avec eux lorsqu'ils vont à la pêche. Ils peuvent oublier certaines choses. C'est cela que vous voulez couvrir effectivement?

M. BEAUDRY: Oui, mais il y a certains lacs... Vous n'êtes pas sans savoir qu'au nord de Montréal, il y a des épiceries-boucheries qui ouvrent même le dimanche et le samedi soir, soit sept jours par semaine. Il y a plusieurs commerces de ce genre. Je voulais connaître votre opinion à ce sujet.

M. PEPIN: De toute façon, là-dessus, je n'ai pas de position très forte. Je suis d'accord pour que les gens aillent se récréer alors... Mais je ne crois pas que vous ayez la solution par les 1,500 habitants parce que vous allez créer un autre problème.

Je pense que, dans le rapport Rameau, il y avait quelques exceptions de la nature de celles que signale le ministre. Cela m'embarrasse moins que d'arriver aux 1,500 habitants de l'article 1. Je pense que dans l'article 7, vous pourriez avoir quelques exceptions de cette nature.

M. BEAUDRY: Merci, monsieur.

M. LEVESQUE (Bonaventure): M. Pépin, vous parliez du danger que les décrets perdent leur efficacité par l'application de la loi générale dont nous étudions le projet présentement. Est-ce que vous croyez que l'inverse est également possible, que si nous maintenions complètement les décrets, la loi perdrait de son efficacité?

M. PEPIN: A mon avis, la loi ne perdrait pas de son efficacité parce que c'est une loi de portée générale et universelle s'appliquant à tous les commerces, sauf quelques exceptions.

Si on en arrive à des décrets, comme nous, nous le souhaitons, c'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui prendra la décision au nom

de l'Intérêt public. Le lieutenant-gouverneur en conseil qui reçoit une requête d'extension ou de demande d'extension doit, à ce moment-là, voir à ce que cette requête, si elle était agréée, ne cause pas de perturbations dans la région concernée. Bien sûr, si tout est réglementé dans le décret — je pense bien que c'est le point ultime de votre question — la loi générale n'a plus sa raison d'être, sauf qu'il n'est pas prévisible, M. le député, que tout soit réglementé par décret à brève échéance. Il y a des réalités concrètes que nous connaissons; il y en a d'autres qui s'en viennent. Mais que tout soit réglementé par décret... Prenez celui qui m'a précédé, M. Perrette, je pense bien que lui s'est organisé pour que ses employés ne soient pas facilement syndicables. Il sera toujours difficile d'avoir une négociation collective avec un concessionnaire-propriétaire alors que le père, la mère et les enfants travaillent tous dans la même boite. C'est pour cela que la loi recevra toujours une application même si, à la limite, vous pourriez avoir raison dans votre question. Mais je pense que c'est uniquement théorique, ce n'est pas pratique.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Voudriez-vous, maintenant, me donner une illustration d'un décret? Je m'explique davantage. Est-ce que le décret qui vous préoccupe a trait simplement au nombre d'heures? Ne devrait-il pas avoir trait plutôt au nombre d'heures qu'aux heures d'ouverture et de fermeture elles-mêmes?

M. PEPIN: Les deux points me préoccupent. Le dernier aussi nous préoccupe énormément. Je vous en donne un exemple puisque vous en demandez un.

A Québec, les employés de l'alimentation en détail ont formé un syndicat il y a quelques années, syndicat qui existait d'ailleurs depuis longtemps, mais très peu de membres y adhéraient.

A un certain moment, ils ont voulu régler un problème: la question des heures d'ouverture et de fermeture. Ils auraient pu le prendre différemment et régler le probllme de leurs heures de travail, mais ce n'était pas possible pour certaines raisons car ils travaillaient presque tous dans de petits et moyens établissements où l'employeur ne pouvait pas assurer une rotation de personnel, n'était pas assez important pour en arriver à ce résultat.

Les employés ont alors, formé leur syndicat. Ils ont lutté fermement. Ils sont allés voir l'ADA - je pense que c'est l'ADA qui était à Québec — et ils ont obtenu une convention col- lective. De là, les employeurs et les employés sont allés trouver le ministre du Travail pour lui demander d'étendre cette condition à tout le monde, ce qui a été agréé après neuf jours de grève, ici à Québec. Donc, nous sommes intéressés aux deux aspects et pour le motif que je vous donne qui, je crois, est raisonnable.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Mais, est-ce qu'il n'est pas plus fondamental de protéger les employés, quant aux heures de travail qui pourraient ensuite être soumises, et, jusqu'à un certain point, être négociées à l'intérieur de la loi cadre? Je comprends qu'il y a des problèmes comme celui que vous venez de soulever, pour des entreprises petites ou moyennes, où il n'y a pas moyen d'avoir deux ou trois personnes de relève. Mais si nous voulons que la loi cadre ait sa pleine efficacité, et si nous voulons protéger en même temps le nombre maximum d'heures de travail des employés, n'y aurait-il pas lieu de faire un compromis, à ce point-là, tout en protégeant les deux: l'esprit de la loi cadre et l'esprit des décrets?

M. PEPIN: Je suis toujours ouvert aux compromis, parce que je fais pas mal de négociation. Dans ce cas-là, on peut prendre cette thèse et dire ce ne sera que la loi cadre qui va s'appliquer et qu'il n'y aura plus de décret sur ce point particulier.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Non, je ne dis pas qu'il n'y ait plus de décrets. Je dis qu'il n'y aurait plus de décret pour les heures d'ouverture et de fermeture, mais il y aurait toujours des décrets pour le nombre maximum d'heures de travail.

M. PEPIN: Ce serait là le compromis. Nous pouvons prendre la décision, et l'Assemblée nationale peut la prendre, disant, à ce moment-là, que ce sera, à mon avis de favoriser les plus gros magasins. Cela me dérange, parce qu'il y a des employés qui sont membres chez nous et qui veulent défendre leur droit au travail, là où ils sont à l'heure actuelle. Si vous en arrivez à cette conclusion, M. Lévesque, ce n'est peut-être pas un drame, mais, à mon avis, vous protégez les plus gros entrepreneurs de commerce. Vous ne protégez pas suffisamment ceux que, dans la province de Québec, on a appelés les moyens, les petits, ceux qui étaient une cellule sociale importante, etc.

Parce que le compromis que vous offrez, celui que vous seriez prêt à discuter, nous conduit à dire, même si on veut avoir la semaine de 40 heures dans un endroit, que le commer-

çant sera peut-être obligé soit d'avoir deux relèves ou d'avoir une relève, ou encore sera obligé, si ses frais administratifs sont trop élevés, d'en arriver peut-être à fermer ses portes, je ne sais pas. Je ne défends pas les entrepreneurs, mais je défends les employés qui sont à l'intérieur de cela. Et les employés aimeraient avoir une vie convenable aussi.

M. LEVESQUE (Bonaventure): En effet, nous sommes tous à la recherche d'une solution. C'est ce qui explique les questions.

M. PEPIN: Je vous remercie.

M. LEDUC (Laviolette): Si je comprends l'intervention de M. Lévesque, c'est ceci. Il essaie de concilier autant que possible l'uniformité des heures d'ouverture. Parce qu'actuellement, avec décret ou non, certains commerçants ferment le samedi après-midi, ou toute la journée le samedi, ou le mercredi, etc. L'idée est la suivante: vous voudriez un décret où les négociations se limiteraient surtout aux heures de travail et non aux heures d'ouverture. C'est cela?

M. LEVESQUE (Bonaventure): C'est la question que je posais, attendant s'il y avait des objections majeures à cette solution.

M. PEPIN: Je pense qu'il y a des objections majeures. Celle que j'ai mentionnée est pour moi une objection majeure. N'oubliez pas aussi que les commerces, si ce n'est pas nécessaire qu'ils soient ouverts le lundi, si cela ne change pas les habitudes de la population, le lundi est moins contentieux que le samedi. Si la loi permet l'ouverture le lundi, les employés seront tenus d'être là; parce que le commerçant ne prendra pas le risque de se faire voler un client par un autre. Je sais par exemple que M. Beau-dry — il m'avait déjà expliqué cela — fermait même son commerce le samedi matin, ou le samedi après-midi, même si le décret ne le forçait pas, pour des raisons vraiment administratives, à ce moment-là.

Mais la règle générale, c'est qu'on va forcer les employés à être là et le samedi et le lundi. Vous ferez attention aussi à ceci, c'est que 300,000 personnes sont impliquées dans cela à l'heure actuelle. Ces gens-là veulent avoir une vie sociale un peu comme tout le monde. Si ce n'est pas nécessaire d'ouvrir le samedi après-midi — à Québec, l'expérience n'a pas l'air trop désastreuse, parce que l'alimentation en détail est fermée le samedi après-midi — cela donne une journée et demie à ces gens-là avec leur famille le samedi après-midi et le dimanche. Je crois qu'au plan social, c'est bon d'examiner cet aspect.

M. LEDUC (Laviolette): D'accord, il y a l'aspect du commerçant, de l'employé, il y a également l'aspect du consommateur qui trouve qu'il y a actuellement un peu de pagaille, un peu d'anarchie dans les heures d'ouverture.

Je pense bien que cela a été la principal but. Je trouve étrange — Je ne suis pas un spécialiste comme vous en ce qui concerne les relations du travail — mais est-ce qu'il y a beaucoup de décrets qui ne sont pas uniformes ou qui sont complètement différents?

M. PEPIN: Oui.

M. LEDUC (Laviolette): Y aurait-il possibilité, à un moment donné, d'arriver à une similitude?

M. PEPIN: Voyez-vous, si on accepte la thèse que j'ai essayé de développer et qui, je pense, ne manque pas de justesse, à savoir qu'il y a des problèmes régionaux, qui ne se ressemblent pas nécessairement d'une région à une autre... Prenons, par exemple, l'alimentation au détail; à Québec, leurs heures d'ouverture et de fermeture sont différentes. Les magasins ferment le samedi midi et ouvrent le lundi midi. Est-ce bien ça?

UNE VOIX: Oui.

M. PEPIN: A Montréal, c'est un autre régime qui existe. Je n'irai pas acheter ma viande à Montréal ou à Québec si je demeure dans une autre ville.

M. LEDUC (Laviolette): Mais, dans une région donnée?

M. PEPIN: Dans une région donnée, c'est important et nous sommes d'accord avec vous.

M. LEDUC (Laviolette): Pour tous les magasins d'alimentation?

M. PEPIN: Pour tous les genres de commerces, Je pense que ce n'est pas nécessaire, parce que vous avez des réalités différentes. Regardez les représentations qui vous ont été faites, par exemple, par les marchands de meubles. Vous excluez des commerces comme celui de l'automobile; nous vous demandons de les inclure. Il y a des réalités qui sont différentes. Ce n'est pas la pagaille que nous re-

cherchons, mais des relations ordonnées qui permettront aux gens de négocier.

M. PAUL: Actuellement, les conventions collectives s'appliquent presque exclusivement au secteur de l'alimentation. Il y a peut-être exception pour Dupuis & Frères.

M. PEPIN: Il y en a beaucoup d'autres.

M. PAUL: Il y en a beaucoup d'autres? Est-ce que les conventions de la CSN ne fixent des heures d'ouverture, tant d'heures par jour ou tant d'heures par semaine?

M. PEPIN: Oui, la plupart de nos conventions le font.

M. PAUL: Est-ce la même chose pour M. Mérineau?

M. MERINEAU: C'est à peu près la même chose.

M. PAUL: Est-ce que, dans votre convention avec Steinberg et Dominion, vous avez négligé de fixer les heures d'ouverture des magasins?

M. MERINEAU: Oui, ce n'est pas prévu. Ce n'est que les heures de travail qui sont prévues dans cette convention.

M. PAUL: N'y aurait-il pas...

M. MERINEAU: C'est une convention particulière; ce n'est pas un décret, cependant.

M. PAUL: A ce moment-là, n'y aurait-il pas avantage, comme le disait M. Pépin tout à l'heure, d'essayer d'adopter une politique uniforme par des décrets?

M. PEPIN: Il n'y a aucun doute qu'il y a avantage à le faire par des décrets. Quand la ou les conventions auxquelles on réfère s'appliquent à une région donnée, s'il arrive un décret et que ce décret soit d'intérêt public, la convention n'est pas périmée, mais les parties de la convention qui ne concordent pas avec le décret seront ajustées. Ainsi, dans le territoire de Montréal, en dépit de leur convention chez Steinberg et chez Dionne, les conditions qui sont prévues au décret s'appliquent quand même. A ce moment-là, l'anarchie n'existe pas, parce que c'est d'intérêt public et que c'est un décret public.

M. MERINEAU: Il faut savoir que, dans les conventions collectives, on applique certaines pénalités — par exemple, pour forcer Jusqu'à un certain point l'employeur à ne pas ouvrir ses portes à certaines heures — en imposant le temps supplémentaire, le temps et demi ou le temps double, certaines journées. Alors, c'est un peu la même chose dans tous les genres de commerce. Si ça devient trop onéreux d'être ouvert, alors on reste fermé. Par voie de conséquence, on essaie d'atteindre la même chose par le décret.

M. PAUL: Avez-vous d'autres questions?

M. SAINT-GERMAIN: Ainsi, vous croyez qu'il est très difficile de fixer des heures de travail convenables S. l'intérieur des heures d'ouverture plus prolongées?

M. PEPIN: Pour la raison que les commerces ont un nombre très variable d'employés suivant l'importance des entreprises. Un commerçant peut avoir une épicerie-boucherie, avec un seul boucher et cinq employés pour répondre au comptoir, à l'épicerie. Si vous fixez des heures de commerce très longues, disons soixante-sept heures, ça va lui prendre un deuxième boucher pour arriver. Cela peut peut-être créer de l'emploi. Je ne sais pas. Cela peut avoir une autre conséquence aussi. Je pense qu'il faut le prévoir.

Maintenant, quel mal y a-t-il à ce que nous puissions négocier ces choses-là? Nous négocions dans les entreprises, bien sur, mais je pense que nous pouvons aussi, dans une réalité comme le commerce, en arriver à négocier. Quels problèmes avons-nous éliminés à Montréal avec le décret de l'alimentation? A mon avis, nous avons éliminé un bon nombre de problèmes, de même qu'à Québec et au Saguenay. Je crois que c'est cette chose fondamentale que nous devons préserver parce que le commerce ne se fait pas de la même façon partout. Deuxièmement, à l'intérieur d'un secteur commercial, il y a un éventail: il y a des entreprises très petites, il y en a des moyennes, il y en a de plus grandes et il y en a de très grosses.

M. SAINT-GERMAIN: Toute notre industrie et notre vie commerciale est basée sur la libre entreprise. Comme c'est une loi, les heures de fermeture restreignent certainement la liberté des entrepreneurs ou des commerçants.

Ne croyez-vous pas que c'est un facteur qui fera, à la longue, que le coût de la distribution sera plus élevé dans le Québec?

M. PEPIN: Je suis assez mal placé pour vous donner- une réponse. Probablement que les employeurs ont fait de longues études là-dessus. Je doute, cependant, que nous en arrivions à un taux très élevé, concernant la distribution parce qu'il y aurait des heures d'ouverture et de fermeture qui ne seraient pas celles de la loi cadre.

Si nous suivons la thèse que, dans un régime de libre entreprise, on a le droit de faire n'importe quoi, l'Assemblée nationale n'adoptera pas de loi, parce que c'est la liberté totale.

M. SAINT-GERMAIN: Oui, mais, tout en laissant le commerçant libre au sujet de ses heures de fermeture et d'ouverture, cela ne veut pas nécessairement dire qu'il a le droit de faire n'importe quoi. En effet, vous pouvez, à l'intérieur de ces heures-là, avoir...

UNE VOIX: Un nombre maximal d'heures.

M. SAINT-GERMAIN: Vos syndiqués peuvent être protégés par vous de la même façon. Alors, c'est une liberté qui ne permet pas nécessairement d'abuser, si vous voulez, de l'employé. Enfin, je ne suis pas un spécialiste, mais si vous avez un loyer, par exemple, de $1,200 par mois, il est entendu que, si vous ouvrez 200 heures, votre loyer sera plus dispendieux que si vous ouvrez 300 heures. Il en va de même pour tout l'équipement, il en va de même pour l'inventaire, il en va de même pour tout. En principe, les dépenses de distribution sont certainement plus élevées quand les heures d'ouverture sont plus courtes, bien que cela puisse être, dans des cas particuliers, le contraire.

M. PEPIN: Je pense que nous visons pas mal le même objectif, si je saisis bien votre pensée. Le régime de libre entreprise dans lequel nous nous trouvons, il est là, mais à l'intérieur de cela, nous essayons de fixer, au nom de l'intérêt public, certaines conditions dont la loi cadre. Parce qu'il ne peut pas agir autrement qu'au nom de l'intérêt public, le lieutenant-gouverneur en conseil surveille pour que l'intérêt public soit protégé. Il ne faut donc pas lui enlever ce pouvoir de faire une réglementation à l'intérieur des cadres de cette loi générale, parce que, à mon avis, les employés rechercheront constamment une protection. Si, par ce truchement, cette protection n'est pas assurée, d'abord, comme je l'ai dit, vous mettez de côté certains droits acquis et, deuxièmement, vous provoquerez certains conflits sociaux importants.

M. LEVESQUE (Bonaventure): M. Pépin, est- ce que je me trompe si je trouve que, dans vos remarques vous plaidez beaucoup plus pour le principe que pour l'aspect pratique de la situation? Je m'explique.

Vous avez donné, tout à l'heure, l'exemple d'un boucher qui doit travailler seul pour un patron et qui serait forcément obligé de travailler pendant de plus longues heures si le décret n'était pas respecté. S'il existe un décret protégeant ce boucher, je m'imagine que ce décret doit mentionner un nombre d'heures de travail, disons 40 heures. Je crois bien que son patron ne laisse pas son magasin ouvert seulement 40 heures. Il doit donc avoir un second boucher. S'il n'a pas de second boucher, il doit payer du temps supplémentaire à ce même boucher.

Dans les circonstances, je crois que, en pratique, la loi cadre ne changerait pas tellement cette situation. Le magasin ou l'étal serait ouvert 67 heures ou moins par semaine. Ce patron aurait toujours le même boucher et il devrait s'en tenir au décret quant au nombre d'heures de travail. Il devrait probablement engager un autre boucher ou lui payer du temps supplémentaire. N'est-ce pas le cas?

M. PEPIN: En réponse à votre première affirmation, à l'effet que je parle plutôt au plan théorique, dans les principes, qu'en pratique, je vous assure que c'est très pratique, ce que j'essaie de développer ici. Si j'en avais l'occasion, je vous inviterais à une assemblée syndicale où les employés discutent de cette question d'heures.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Je vous ai demandé d'illustrer votre pensée, tout à l'heure, et vous l'avez illustrée ainsi. C'est ce même exemple que je vous retransmets.

M. PEPIN: Si vous me le permettez, je vais essayer de continuer avec le même exemple aussi. Je voudrais que vous sachiez, au départ, que ce n'est pas théorique, mais que c'est très pratique.

Les syndicats ouvriers sont souvent accusés à tort de faire fermer des entreprises.

Il arrive même que des députés pensent cela; quand nous les éclairons comme il faut, ils changent tout de suite d'avis.

Dans l'hypothèse que vous formulez, si nous avons un syndicat militant assez fort qui dit à l'employeur: Bien toi, tu vas payer temps et demi, temps double après tant d'heures, ou bien tu vas t'engager un autre boucher, la remarque immédiate que nous allons avoir sera: Il veut vraiment faire fermer mon entreprise, parce

que je n'ai pas le volume qu'il faut pour faire cela; je suis obligé de rester ouvert tout le temps et mon « gars » doit être là. On est pris dans le fond, M. le député, dans un très grand dilemme, si vous voulez. Vous êtes en négociation, vous pouvez dire à l'employeur: Très bien, tu es obligé de négocier avec moi, j'ai le droit de négocier quarante heures par semaine, le boucher n'entrera pas le samedi. On peut faire cela. La conséquence peut être, cependant, que l'entreprise disparaisse. C'est la première réponse que je vous fournis. Bien sûr que les employés quand ils raisonnent ces problèmes, à l'assemblée ou ailleurs, je vous garantis qu'ils ne sont pas prêts à faire fermer leur entreprise. Ils veulent se protéger, avoir des heures convenables. Mais quand la conclusion, c'est la fermeture de l'atelier ou de l'entreprise, très souvent, ils diront: Eh bien, nous ne pouvons rien faire parce que la loi est ainsi. C'est tout.

La deuxième remarque que je voudrais vous faire est un peu plus générale. C'est que les employés de commerce pourraient, à mon avis, jouir de conditions sociales identiques, dans certains cas, au reste de la population, les députés et les autres. Et s'il n'est pas nécessaire d'ouvrir le samedi toute la journée, pourquoi n'auraient-ils pas droit, eux aussi, à une condition sociale et à une vie familiale, s'ils sont mariés, qui soient un peu convenables? Je pense que les membres du comité ne peuvent mettre de côté cet aspect. Même en adoptant une loi cadre qui soit générale, universelle, ils peuvent se dire: Eh bien, écoute, les parties entre elles pourront par la suite faire autre chose pour autant que l'intérêt public est respecté et sauvegardé par le lieutenant-gouverneur en conseil.

M. LEVESQUE (Bonaventure): C'est justement cela, M. Pépin. Je crois que l'un des buts poursuivis par la loi cadre est de protéger l'employé, de lui accorder des heures de loisirs auxquelles il a droit.

M. PEPIN: Il n'en aura pas tellement avec cette loi, savez-vous.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Je crois que l'uniformité est l'un des buts. C'est ce que je comprends, du moins. Mais je reviens encore au boucher...

M. PEPIN: Un « gars » ne s'amusera pas beaucoup.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Lorsque vous avez mentionné l'exemple du boucher — je m'ex- cuse de revenir à la charge — je n'ai pas très bien compris quelle serait la situation pire dans laquelle il se trouverait...

M. PEPIN: Bon, la conséquence...

M. LEVESQUE (Bonaventure): ... parce que vous dites qu'aujourd'hui il est protégé par un décret.

M. PEPIN: Oui.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Alors, s'il est protégé par un décret avec un maximum, disons, de quarante heures...

M. PEPIN: Ah non, ce n'est pas cela! Il est protégé par un décret parce que le décret oblige l'employeur à fermer ses portes, disons, à une heure de l'après-midi, le samedi. C'est de cette façon qu'il est protégé par le décret; il y a d'autres conditions, mais il y a aussi celle-là. Alors, si celle-là disparaît, quels en seront les effets sur les moyennes et les petites entreprises? Les grandes entreprises s'en tireront parce qu'elles vont embaucher des gens en rotation, mais quels seront les effets sur les moyennes et les petites entreprises? Je crois que des représentations ont été faites par d'autres que moi sur ce point. Ce que j'essaie de protéger, ce sont les employés qui sont là-dedans. Si les conditions que les employés veulent avoir conduisent à la fermeture de quinze établissements dans une région donnée, vous comprendrez à ce moment-là que ces employés vont préférer ne pas se protéger plutôt que d'entraîner la fermeture. Mais ce n'est pas l'objectif que nous visons. S'il n'estpas nécessaire que l'entreprise soit ouverte, dans l'intérêt du public, le samedi après-midi, pourquoi ne laisserions-nous pas aux employés la chance d'avoir ce congé?

M. LEDUC (Laviolette): Si je comprends bien, il faudrait d'abord préciser le but de la loi qui n'est pas de réglementer les heures de travail, mais les heures d'ouverture et de fermeture.

J'aurais une question à vous poser, M. Pépin. Est-ce que, dans votre esprit, avec la loi cadre actuelle, à part certaines réserves que vous avez faites tout à l'heure sur certains points, il y aurait place pour les décrets et les négociations collectives?

M. PEPIN: Ah oui, sûrement. M. le Ministre?

M. BEAUDRY: M. Pépin, je sais que nous visons tous à l'idéal, que nous soyons travailleurs ou patrons. Je sais qu'il est dans l'optique des syndicats qu'un jour la semaine de travail se réduise à cinq jours par semaine et que ce soit fermé le samedi ou le lundi. Actuellement, est-ce que vous connaissez une province ou un Etat des Etats-Unis où on n'ouvre que cinq jours par semaine dans le commerce?

M. PEPIN: Je n'en connais pas; je n'ai pas fait le relevé. Mais je sais que nous ne sommes pas une province comme les autres.

M. BEAUDRY: M. Pépin, au point de vue économique, ne croyez-vous pas que si nous en venions à ce stade-là, cela pourrait nuire à l'économie du Québec?

M. PEPIN: M. le ministre, pour répondre d'une manière satisfaisante à votre question, je pense qu'il faudrait l'étudier par secteur commercial. Il y a probablement des commerces où ce ne sera jamais possible d'en arriver uniquement à cinq jours d'ouverture. Il y en a sans doute d'autres où la réalité n'est pas la même. Quand je pense à l'alimentation en détail, pour prendre cet exemple-là, je ne crois pas que cela affecte l'économie du Québec. Peut-être dans les régions limitrophes.

M. BEAUDRY: Pas dans le domaine de l'alimentation, mais dans d'autres secteurs.

M. PEPIN: Cependant, dans d'autres secteurs, je ne pourrais pas soutenir la même thèse, parce qu'il y a d'autres réalités. Voilà pourquoi ce que nous demandons au bill, c'est de pouvoir aussi examiner ces particularités-là, en les négociant et en demandant l'extension quand il y a lieu. Je pense que notre position est assez raisonnable, comme d'habitude.

M. SAINT-GERMAIN: M. Pépin, si au lieu d'avoir une loi cadre sur les heures d'ouverture et de fermeture, il y avait une loi cadre sur les heures de travail des employés dans le commerce, croyez-vous que ce serait plus effectif?

M. PEPIN: Nous l'examinerions, mais je pense que l'Assemblée nationale n'a pas eu l'habitude de faire de telles choses. Ce qu'elle a fait dans des cas particuliers, elle a une disposition générale dans la Loi du salaire minimum. Mais, en dehors de cela, si le gouvernement dépose un projet de loi, dans le sens que vous men- tionnez, nous en verrons des implications. Mais, pour le moment, nous sommes aux prises avec une loi où il y a certains articles, certaines finalités que nous ne nions pas, mais nous voulons protéger et les droits acquis et la question d'extension juridique.

M. MERINEAU: M. le Président, j'aimerais faire une remarque que j'aurais peut-être dû faire au moment où j'avais la parole, c'est que tout le débat se situe actuellement en regard de la Loi de la convention collective, telle qu'elle existe dans le moment. Je crois que vous êtes au courant que la FTQ, l'an dernier, a présenté un mémoire sur le droit d'association et que, par la suite, le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre s'est dit favorable à des changements de la Loi de la convention collective pour permettre, éventuellement, la négociation régionale et la négociation par secteur commercial et industriel. Il est bien évident que votre comité devrait tenir compte des implications qui vont être apportées éventuellement par la modification de la Loi de la convention collective. Nous avons même appris, à travers les branches, que cela pourrait se faire à cette session-ci.

Alors, si le mode de négociation et le mode d'extension juridique de la Loi de la convention collective sont changés, je crois que cela faciliterait d'autant plus à votre comité de prendre position sur les objections qui ont été formulées par les centrales syndicales à ce moment-ci. Je crois que le gouvernement a la réponse. Il sait ce que contiendront ces projets de loi sur la négociation régionale. Il n'y a aucune objection, je crois bien, de la part du gouvernement. Il ne devrait pas y avoir de problème à continuer à laisser s'appliquer la Loi des décrets, telle qu'elle s'applique dans le moment, pour éviter surtout les nombreux appels devant les tribunaux qui pourraient se produire à la suite de l'adoption de ce bill-là.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, messieurs, et je pense bien que, comme le ministre l'a déjà déclaré, le comité se penchera sur toutes les recommandations, et qu'une étude plus approfondie de la loi sera faite.

Alors, le numéro sept apparaissant sur la liste: L'Union des employés de commerce de Montréal, M. Jean Côté.

Les numéros cinq et six sont ensemble, je crois. C'est réglé.

M. PEPIN: Merci de dire que c'est réglé.

M. LE PRESIDENT: C'est réglé, dans le sens que ça fait partie de la même représentation.

Alors, le numéro sept, M. Jean Côté est-il ici?

UNE VOIX: C'est réglé.

M. LE PRESIDENT: C'est réglé aussi. C'est une façon de parler.

Le numéro huit, l'Association des services d'automobile, Me Jean-Jacques Croteau, Montréal.

Nous vous écoutons, M. Croteau.

M. Jean-Jacques Croteau

M. CROTEAU: M. le Président, MM. les membres du comité. L'Association des services de l'automobile existe depuis juin 1968, par suite des fusions de l'Association des garagistes et détaillants d'essence du Québec Inc. de la Fraternité des détaillants d'essence de Montréal et la Fraternité des détaillants d'essence du Québec.

L'association que je représente compte actuellement dans ses rangs 1,135 membres en règle.

L'association approuve le principe du bill 89 et félicite l'honorable Jean-Paul Beaudry de son intention de vouloir assainir le domaine du commerce dans le Québec. Elle trouve que ce bill est un bon départ, et lorsque cette loi sera adoptée par l'Assemblée nationale, la petite, la moyenne et la grande entreprise seront sur un pied d'égalité concernant les jours ouvrables et les heures d'ouverture, et cela sans discriminations causées par des mesures locales. Ici, je pense aux règlements municipaux.

Toutefois, elle profite de l'occasion pour souligner au ministre de ne pas s'arrêter et de continuer dans la bonne voie. Car, à venir jusqu'à maintenant, le commerce en général a toujours été traité en parent pauvre dans notre société québécoise, alors que, dans les autres domaines, le gouvernement du Québec a vu à ce que le citoyen se prépare et ne se lance pas tête baissée dans sa profession ou dans son métier. Tandis que, dans notre belle province, n'importe qui peut devenir commerçant, dans n'importe quel domaine, sans connaissance de la technique, de l'administration, de la finance, de la loi, de l'innovation ou de la mise en marché.

Par ce fait, sur le plan de l'économie générale, le. gouvernement, le compétiteur et le consommateur en souffrent.

Ce principe, reconnu dans l'opinion publique, que pour bien réussir dans le commerce, il faut savoir acheter et savoir vendre, est faux au départ. Quand on sait et constate, M. le Président, les développements de la technique au sein des entreprises commerciales comme vente automatique, gestion par ordinateur, libre service, l'existence des supermarchés et des cliniques pour automobile — cela existe maintenant — la concentration des commerces dans les centres d'achats et la construction d'autoroutes...

Nous prenons la liberté de réclamer de l'honorable ministre une action énergique pour la coordination dans l'établissement des commerces sur le territoire de notre province, et la création de normes pour se lancer dans le commerce. Nous réclamons aussi un effort dans les domaines de l'assistance technique et de la formation professionnelle comme la gestion, les contrats, la fiscalité et le financement.

Pour revenir au bill 89, l'Association des services de l'automobile suggère que l'article 1 devrait: 1- être plus explicite dans la définition d'établissement commercial et dire au lieu de « les mots établissement commercial signifient tout établissement » — et vous verrez pourquoi je demande cette précision — mentionner plutôt « les mots établissement commercial signifient tout emplacement ou local où des denrées ou marchandises sont vendues, etc. » 2- être amendé et dire que la loi s'applique sur tout le territoire de la province sans distinction de limite, de frontière ou de population. Par cela, le gouvernement éviterait des conflits de frontière, empêcherait des luttes stériles entre les commerçants de municipalités de moins de 1500 âmes, et ceux faisant affaires dans de plus gros centres.

Les articles 2, 3, 4 et à: Aucune objection au maintien de ces articles.

Après l'article à, l'association suggère l'insertion d'un article nouveau qu'on pourrait citer, dans les circonstances, l'article 5A. Nous aimerions avoir ceci: « Le propriétaire et les employés mentionnés à l'article précédent qui se trouvent dans l'établissement ne doivent être là que pour des fins administratives seulement, comme la comptabilité, la mise en place, la décoration, l'entretien, la prise d'inventaire et la réception de marchandises ou de denrées pour être vendues ou offertes en vente au détail. » Nous tenons compte du fait que le bill 89 est une loi cadre et générale.

Alors, par cet article, l'association veut empêcher certains garagistes ou propriétaires de station d'essence de prendre livraison de véhicules avant ou après les heures de fermeture, et surtout de travailler sur ces derniers, en dehors des heures mentionnées à l'article 3 du

bill 89, pour livrer ensuite ledit véhicule à domicile aux heures légales.

Pour l'article 6, nous soulignons au comité que stipuler un effectif total de moins de quatre personnes voudra dire que la grande majorité des stations d'essence ne sera pas assujettie à la loi, sauf quelques grandes stations dans les centres urbains.

En conséquence, nous demandons au comité de réduire ce nombre de moins quatre à moins trois. Ainsi, toutes les stations-service seront soumises à la loi, sauf celles qui seront situées à la campagne.

A l'article 7, nous aimerions faire adopter le paragraphe un, rédigé de la façon suivante — ici je me reporte à l'article 1, lorsque je demandais une précision en ce qui concerne la définition d'établissement commercial — « La présente loi ne s'applique pas à un établissement commercial ou à tout local distinct ou cloisonné d'un emplacement commercial dont l'activité exclusive est la vente. »

Par cela, l'association veut que l'activité commerciale s'effectue sur le terrain et non dans la bâtisse elle-même. Ainsi, les garagistes devront construire une maisonnette ou un abri pour les pompes et ils ne seront pas tentés ou forcés de vendre des pièces d'automobiles, des accessoires ou des nouveautés, comme plusieurs se proposent de le faire après l'adoption du bill 89. Même à certaines stations d'essence il existe, à Montréal, des maisonnettes ou des abris.

Les articles 8 et 9; aucune objection à leur maintien.

L'article 10, tel que rédigé, peut engendrer de la collusion entre commerçants d'une région donnée, des représailles de commerçants poursuivis ou l'abus de commerçants de mauvaise foi.

Cet article — et j'abonde dans le sens de M. Pépin — est très vague dans son application pour le simple contribuable; je ne parle pas d'un avocat.

Qui voir? Où se diriger? Comment faire la preuve? Qui paiera les timbres de cour? Quel avocat fera la preuve de la poursuite? Qui paiera les frais en appel? Etc, etc.

Par le maintien de cet article tel que rédigé, nous croyons qu'il y aurait danger que cette loi tombe dans l'oubli avec les années. Il faudrait donc — et l'association le suggère bien respectueusement au comité — créer un bureau de surveillance et de contrôle qu'on pourrait nommer « bureau de commerce ». Je sais que M. Pépin, tantôt, a fait allusion à une régie, mais, dans le sens que nous l'entendons, nous dans le Québec, une régie, c'est un tribunal quasi judiciaire. Alors, nous suggérons qu'un bureau de commerce serait suffisant pour faire appliquer cette loi.

Nous proposons donc au lieu et à la place de l'article 10, en s'inspirant d'autres lois provinciales, les articles suivants:

Article 10a): « Un organisme de surveillance et de contrôle est institué sous le nom de « Bureau du commerce ». Il est composé d'un directeur, des délégués des différents comités paritaires de la province, des délégués d'associations de diverses activités commerciales dans le Québec et des délégués régionaux du ministère de l'Industrie et du Commerce. » Par cet article, tout le monde serait dans le coup. Par le fait même, on donnerait beaucoup plus d'importance, par exemple, aux associations. Comme vous le savez tous, le petit et le moyen commerçant ont de la difficulté à s'exprimer et ils n'auront pas les moyens. Alors, comment peuvent-ils s'exprimer? C'est par leur association, et cette même association a parfois de la difficulté à recruter des membres. Qu'est-ce que tu vas nous donner? Qu'est-ce que l'association va nous donner? Par cet article, on donnerait de l'importance à l'association.

Article 10b): « Le Bureau du commerce a son siège social à Québec. Il peut avoir des bureaux à tout autre endroit de la province que désigne le ministre de l'Industrie et du Commerce sur recommandation du directeur ». Alors, selon les besoins, nous pourrions avoir des bureaux soit à Montréal, soit à Chicoutimi, etc..

Article 10c): « Le directeur est nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil qui fixe son traitement suivant la loi de la Fonction publique; et ce dernier fixe, s'il y a lieu, les honoraires, allocations ou traitements, ou, suivant le cas, les traitements additionnels des délégués. » Nous savons tous que, lors de la première rédaction de l'article 10, il y avait une question de budget. Je crois bien que les comités paritaires et les associations, pour la bonne application de cette loi, assisteraient ou du moins fréquenteraient le Bureau du commerce, et les traitements, s'ils le veulent ou s'ils le désirent, ils pourraient les refuser. Ils ne recevraient aucun salaire pour assister, s'ils le désirent, aux assemblées du Bureau du commerce.

Article lOd): « En cas d'incapacité du directeur — c'est là une question administrative, M. le Président — par suite d'absence ou de maladie, il peut être remplacé par une personne nommée par le ministre de l'Industrie et du Commerce », le tout toujours entériné par le lieutenant-gouverneur en conseil.

Article 10e): « Les autres fonctionnaires et

employés du bureau sont nommés et rémunérés suivant la Loi de la Fonction publique. » Par cela, le Bureau du commerce pourrait engager quelques inspecteurs et il pourrait ainsi y avoir une meilleure coordination pour l'application de cette loi.

Article lOf): « Le bureau peut, après enquête de sa propre initiative ou à la requête de quiconque, intenter toute poursuite pour infraction à la présente loi. » Au lieu que ce soit le citoyen qui aille devant les tribunaux, ce serait ce même bureau, comme le font différents comités conjoints. Vous avez différentes lois, et vous avez les organismes qui prennent les procédures sur plainte ou après enquête.

Article 10g): « Les membres du bureau autres que le directeur sont nommés pour un an et ils demeurent en fonction jusqu'à ce qu'ils soient nommés de nouveau ou remplacés par leur organisme. » « Nonobstant l'expiration de leur mandat, les membres du bureau demeurent en fonction pendant six mois jusqu'à ce qu'ils soient nommés de nouveau ou remplacés. »

Supposons que l'association n'a pas avisé le Bureau du commerce et qu'il s'est écoulé six mois, sans cet avertissement, par le fait même, il deviendrait déchu et ne pourrait plus faire partie de ce même bureau. « Toute vacance survenant au cours de la durée du mandat d'un membre est comblée pour la durée non écoulée du mandat du membre remplacé. » Ici, j'aimerais attirer votre attention sur ce qui suit: « Le mandat d'un individu à titre de délégué d'un comité paritaire ou d'une association quelconque n'est renouvelable (ou ne serait renouvelable) au Bureau du commerce qu'une fois consécutivement. » Par cela, nous voudrions qu'un membre qui serait délégué — ce ne serait pas un emploi permanent — soit remplacé au bout d'une autre année.

Article lOh): « Le Bureau du commerce doit faire au ministre de l'Industrie et du Commerce, dans les 15 jours qui suivent l'expiration de chaque mois, un rapport détaillé de ses activités pour ce mois. Ce rapport doit mentionner toutes les infractions commises, les poursuites intentées et les jugements et sentences rendus. « Ce même rapport doit aussi contenir tous les renseignements que le ministre pourrait désirer. « Ce rapport annuel est déposé devant l'Assemblée nationale, au plus tard le 30 Juin de chaque année, si elle est en session ou, si elle ne l'est pas, dans les 30 jours de l'ouverture de la session suivante. »

Quant au reste, M. le Président, j'ai déjà fait des représentations au nom des détaillants en alimentation de la province de Québec et je me joins à M. Pépin, M. Mérineau et Me Tellier, mon confrère, pour que, justement, les comités paritaires puissent exister.

M. le Président, l'association espère que son mémoire, présenté ce matin, sera bien reçu et qu'il sera considéré comme une critique constructive et salutaire pour le commerce en général. Respectueusement soumis.

M. LEDUC (Laviolette) (président du comité): Merci, M. Croteau. M. Paul.

M. PAUL: M. Croteau, il y a un article qui me rend un peu perplexe, à la page quatre de votre mémoire. A l'article 10a)...

M. CROTEAU: Oui.

M. PAUL: ... vous prônez la formation d'un organisme qu'on pourrait appeler Bureau du commerce...

M. CROTEAU: C'est ça, oui.

M. PAUL: ... composé des délégués des différents comités paritaires de la province...

M. CROTEAU: Oui.

M. PAUL: ... des délégués d'associations de diverses activités commerciales dans le Québec...

M. CROTEAU: C'est ça.

M. PAUL: ... et des délégués régionaux du ministère de l'Industrie et du Commerce. Ces personnes formeraient un bureau de combien de membres?

M. CROTEAU: Ce serait au ministre — c'est une suggestion — de déterminer un nombre. Cela pourrait être 20 ou 25. Je n'ai pas voulu entrer dans tous ces détails, mais il pourrait fixer un nombre.

Maintenant, je sais que la question qui s'en vient est: Quelles associations pourraient être représentées? Qui voudrait être représenté? Peut-être pourrait-il y avoir une lutte d'associations qui voudraient être représentées à ce bureau.

M. PAUL: Entre confrères, on se comprend!

M. CROTEAU: C'est ça. Je pense bien qu'à ce moment-là, nous pourrions prendre les associations régionales. Lorsque le bureau siégerait

pour un problème donné d'une certaine région, il convoquerait les délégués des associations et des comités paritaires pour cette région donnée. C'est une suggestion.

M. PAUL: Mais est-ce que vous avez une idée du nombre de délégués qui pourraient être appelés à former le Bureau du Commerce?

M. CROTEAU: Si on s'en rapporte aux différents commerces qui peuvent exister dans la province de Québec, nous pouvons dire qu'il y a environ dix secteurs. Je pourrais en citer quelques-uns. Vous avez l'alimentation, l'équipement ménager, l'équipement industriel, les pharmacies, les bijouteries, etc. Il s'agirait de coordonner. Je sais que, dans différents secteurs de notre économie, il y a plusieurs associations. Comme je le mentionnais au tout début de mon mémoire, avant que l'association des services de l'automobile existe, il y avait déjà trois associations. Je pense qu'il y aurait à mettre de l'ordre. C'est pour cela que je mentionnais aussi à la page 2 de mon mémoire que le ministre devrait prendre aussi une action énergique en ce qui concerne le commerce, par exemple, la coordination dans l'établissement des emplacements et des normes pour être commerçants. Il n'y a pas d'ordre. Cela serait un début.

M. PAUL: Ce sont des suggestions qui ne sont pas pertinentes au bill présenté. Ce sont d'excellentes recommandations, mais dont nous ne pouvons pas tenir compte dans l'étude du bill présentement devant nous. Laisser au ministre le pouvoir discrétionnaire ou celui d'établir des normes, quant aux conditions pour l'ouverture d'un commerce, cela ne pourrait pas rentrer dans les limites, le terrain couvert par la loi.

M. CROTEAU: Je sais bien, M. Paul, mais à un moment donné il va falloir que le ministre prenne ses responsabilités.

M. PAUL: Il a l'habitude de les prendre.

M. CROTEAU: Ensuite de cela, il va être obligé de dire quelle est l'association la plus importante, quelle est l'association la plus représentative. C'est au ministre, avec ses fonctionnaires, de décider.

M. PAUL: Avez-vous l'impression que l'association qui ne sera pas désignée comme la plus importante acceptera cela?

M. CROTEAU: Le ministère a déjà fait des enquêtes, il connaît très bien le nombre de com- merçants dans une telle branche. Une association se présente, dans laquelle vous avez 12,000 commerçants qui travaillent, je parle, par exemple, de l'alimentation, vous en avez 12,000; une association arrive qui prétend en représenter 4,000. Un autre arrive et affirme en représenter 500. Alors, ce serait à lui de donner plus d'importance à celle qui en représente le plus.

M. PAUL: Vous allez donner ouverture à du maraudage. M. Pépin sera contre cela.

M. CLICHE: L'association qui en comprend 400 membres et qui groupe 80% des employés devrait être reconnue avant l'autre.

M. CROTEAU: C'est elle qui a le plus d'importance à ce moment-là.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Me Croteau, vous cherchez un mécanisme d'application de la loi, et j'écoutais tout à l'heure M. Pépin et M. Mérineau qui avaient la même préoccupation. Nous avons suggéré, un moment donné, de confier à la commission du salaire minimum le soin de voir à l'application de la loi. Elle a des inspecteurs dans chacune des régions et même dans chacun des comtés de la province. Je pense que c'est M. Mérineau qui avait fait cette suggestion. Avez-vous, en principe, des objections?

M. MERINEAU: Déjà, voyez-vous ils représentent une catégorie, c'est-à-dire qu'ils représentent des employés, la plupart du temps. Ils ont déjà leur boulot. Maintenant, les utiliser pour faire appliquer une autre loi pourrait à mon sens créer des conflits.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Pouvez-vous expliciter davantage votre pensée?

M. MERINEAU: Vous savez, premièrement, que la Commission du salaire minimum, c'est un gros méchant. En d'autres termes, c'est la police qui surveille les commerçants ou les employeurs. Comment pouvez-vous discuter avec des gens qui sont toujours à vos trousses? Je sais que les gens de la Commission du salaire minimum font très bien leur travail, mais ils sont aussi fatigants pour certains employeurs. Peut-être que M. Pépin dira: Oui, ils le sont pour les employeurs qui ne suivent pas toujours la loi!

Je pense que chacun doit rester dans son domaine. Qu'ils s'occupent du salaire minimum et qu'ils s'en tiennent à celai

M. LEVESQUE (Bonaventure): Ils s'occupent

également des heures de travail des employés, etc...

UNE VOIX: De leurs congés.

M. LEVESQUE (Bonaventure): Il me semble que c'est assez près. Cela pourrait être une suggestion.

M. CROTEAU: Lorsque j'ai présenté le mémoire pour l'ADA, je mentionnais le comité paritaire.

M. LE PRESIDENT: C'est ça, le salaire minimum.

M. CROTEAU: Alors, comme je le mentionnais tantôt, ce sont des suggestions. Il y a toujours de la place pour de l'amélioration.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres questions? Nous vous remercions. Le numéro 9: le comité paritaire de l'alimentation au détail de Montréal. Me Claude Tellier.

Me Claude Tellier

M. TELLIER: M. le Président, MM. les ministres et députés, j'ai l'honneur de représenter le comité paritaire de l'alimentation au détail de Montréal; plusieurs membres du comité exécutif sont ici, ce matin, pour vous soumettre nos représentations à l'encontre ou à l'appui du bill 89 dont vous procédez à l'étude ce matin.

M. Pépin m'a précédé ici, ce matin. A l'entendre, f ai découvert que, sans collusion de notre part, nous avions, sur bien des points, des vues semblables, si bien que je ne lirai pas mon mémoire. Je vais plutôt essayer d'expliciter les points que nous considérons les plus importants, en tenant compte de ce qui vous a déjà été soumis ici, ce matin, de façon à éviter les répétitions.

M. PAUL: M. Tellier, si les membres du comité acceptaient cette suggestion, votre mémoire pourrait être inscrit au journal des Débats pour compléter leur information.

M. TELLIER: Merci, M. Paul La première remarque générale que je voudrais faire est la suivante; Nous sommes tout à fait d'accord avec le gouvernement et avec la Législature, sur le principe de la réglementation des heures de commerce. En effet, c'est un problème dans lequel nous nous débattons depuis déjà sept ou huit ans et nous avons eu à faire face, dans le concret, aux difficultés énormes qu'une entreprise de ce genre représente.

Pour aborder le problème, d'abord, dans son ensemble, je pense qu'il y a une différence fondamentale entre l'approche que nous voyons dans le bill 89 et l'approche exposée dans les conclusions du rapport Rameau. Dans le bill 89, on veut mettre toutes les régions de la province à la même heure, tandis que, dans le rapport Rameau, on préconisait la formation de dix régions économiques, ce qui permettait de tenir compte, si vous voulez, des caractéristiques propres à chacune.

La deuxième différence fondamentale, c'est que, dans la loi, on grave dans le marbre, n'est-ce pas, des heures fixes dans un texte de loi, chose qui est extrêmement difficile et compliquée à modifier.

Tandis que, dans le rapport Rameau, on préconisait de déléguer au lieutenant-gouverneur en conseil le droit d'adopter, sur recommandation de l'organisme chargé des heures d'affaires, le droit d'adopter, dis-je, des décrets ou des arrêtés en conseil qui réglementeraient à l'intérieur d'un cadre les heures de commerce pour chaque région. Je pense que c'est là une formule beaucoup plus souple et qui permet, n'est-ce pas, d'être beaucoup plus réaliste. Parce que vous avez des problèmes métropolitains comme ceux de Montréal, Québec ou Trois-Rivières, qui ont des problèmes particuliers face, si vous voulez, à d'autres régions, soit de nature agricole, soit de nature touristique.

L'été, la région de Montréal se vide de ses habitants le samedi après-midi, alors que, dans les Laurentides ou dans les Cantons de l'Est, on est débordé de touristes. Et comment allons-nous, n'est-ce pas, selon les saisons et selon les régions, pouvoir accommoder à la fois les impératifs des commerçants, de leurs employés et du consommateur? Je pense qu'il est illusoire de vouloir, dans une seule opération et dans un texte de loi, régler tout le problème. Je ne crois pas que ce soit possible.

Autre chose également. C'est qu'en matière de réglementation de commerce, vous ne pouvez pas séparer les heures de commerce et les conditions de travail. Je voudrais ici apporter un témoignage personnel. Au mois de septembre dernier, il y avait, pour le renouvellement du décret de Montréal, des négociations. Les circonstances ont fait qu'au moment d'une impasse dans les négociations, j'ai agi comme médiateur, entre les parties. Je me suis donc promené pendant plusieurs heures d'une salle à l'autre, pour essayer d'amener les parties à une entente. L'un des gros points en litige était justement la durée de la semaine de travail. Comment s'est-elle discutée, cette durée des heures de travail? Elle était en fonction des heures de commerce prévues dans le décret.

Si vous convenez d'une semaine de 40, 42, 44 ou 48-heures, cela a un impact direct et sur l'employeur, et sur l'employé qui, le premier, doit établir des cédules de travail pour ses employés et, le second, les travailler. Si vous n'avez pas un certain parallèle entre les deux, l'employeur se trouve dans l'obligation de faire des cédules de travail qui feront en sorte qu'il sera obligé de faire faire du temps supplémentaire inutilement pour combler des heures de commerce pendant lesquelles il doit, face à la concurrence, demeurer ouvert ou encore faire rentrer un de ses employés, disons un mercredi matin, pour 2 ou 3 heures seulement, pour qu'il puisse avoir les 40 ou 44 heures auxquelles il a droit en vertu de son contrat de travail. Et une question d'une heure ou deux, si vous voulez, dans le nombre d'heures de commerce d'une semaine, a un impact direct sur la possibilité de négocier la durée d'une semaine de travail.

C'est pourquoi, si, au lieu d'avoir des heures de commerce inscrites dans un texte de loi qui est évidemment modifiable, mais par des procédés beaucoup plus complexes, vous pouvez avoir recours à des arrêtés en conseil, vous pouvez, à ce moment-là, permettre une réglementation des heures de commerce qui tienne compte, à la fois, des conditions de travail.

J'aimerais également vous rappeler un texte de loi qui est oublié pour des raisons de réimpression. C'est le préambule de la Loi des décrets de convention collective, lorsqu'elle a été modifiée en 1940.

Ce préambule dit que la loi des décrets est conçue en vue de permettre aux employeurs qui sont désireux de consentir à leurs employés des conditions de travail convenables, que ces employeurs ne subissent pas un préjudice de la concurrence déloyale que les autres employeurs, leurs concurrents, pourraient leur faire.

Ce préambule n'a pas été répété dans la refonte de 1941 et celle de 1964. Mais il reste quand même que ce préambule a été cité, je crois, par un des juges de la cour d'Appel dans la cause de Steinberg. Il l'a rappelé. C'est justement le but. C'est que, depuis quelques années, la concurrence, au point de vue du commerce, s'est laite non pas sur la qualité du service à la clientèle, non pas sur la qualité des produits, ou si vous voulez, sur la question des prix, mais elle s'est laite sur une espèce de marathon d'endurance au point de vue heures de commerce.

Il y a quelques années, au moment où nous négociions à Montréal le premier décret de l'alimentation, pour créer chez la population le besoin de magasiner le jeudi soir, tous les magasins qui voulaient créer ce besoin offraient à ce moment-là double quantité de timbres-primes.

Maintenant, il reste qu'aujourd'hui le jeudi soir lait partie de nos moeurs, parce que la femme mariée travaille, etc. Il faut tenir compte du besoin du consommateur. Mais ce qui se produisait cependant à ce moment-là, c'est que le petit et le moyen entrepreneurs devaient, pour demeurer à la surface, s'imposer des heures extrêmement longues, pour justement ne pas se faire prendre leur clientèle par les autres qui demeuraient ouverts.

De plus, le projet de loi, tel qu'il est déposé devant la Chambre, suscite des problèmes extrêmement nombreux en ce qui a trait aux exceptions, notamment celles que l'on prévoit aux articles 6 et 7. Nous sentons dans ces articles, en sous-entendu, l'immense problème que cause la question de l'artisan. Qui est un artisan? Aucun texte de loi ne le définit. Et ce n'est pas facile. Nous avons fait des relevés au comité paritaire. Il y a des artisans de bonne foi, mais il y a aussi des artisans de toutes sortes de nature, qui sont pompiers, et qui, pendant les heures où ils ne sont pas à la caserne, tiennent un petit établissement commercial. Et ensuite, vient se greffer à cela tout le problème complexe de ce que j'appelle l'établissement polyvalent, c'est-à-dire cet établissement qui vend à la fois des produits laitiers, des épiceries, des jouets, des articles de fumeur, des journaux, des revues, etc.

Comment les définir? La seule façon de les définir, ce n'est pas par la théorie, c'est d'année en année, au fur et à mesure que l'on acquiert de l'expérience dans ce domaine. On finit par arriver à mettre le doigt sur une définition qui est équitable. Au comité paritaire, par exemple, nous travaillons sur le problème depuis deux ans. Si vous nous demandiez de vous définir de façon intelligente ce qu'est un artisan, je crois que nous n'avons pas encore amassé suffisamment d'information pour pouvoir le faire de façon raisonnable.

Si vous prenez l'article 6, on parle de quatre personnes. Mais on ne définit pas ce qu'est un employé. On ne fait pas la distinction entre l'employé permanent et l'employé à temps partiel. Supposez, par exemple, un petit commerçant qui aurait trois employés. Est-ce que le lait d'engager un étudiant pour la fin de semaine, le lait entrer sous la juridiction de cette loi, ou non? Ou pour éviter d'entrer sous la juridiction, pour faire en sorte qu'il n'ait pas un employé permanent, est-ce qu'il pourrait engager quatre employés à temps partiel à raison de dix heures chacun? C'est autant de sujets de contestation que cet article 6 peut soulever.

Par conséquent, nous sommes d'accord, sur le principe mais je crois que l'approche que nous retrouvons dans les moyens de régler le

problème nous donne l'impression que l'on tente de faire, ici, un tour de force, de vouloir réglementer des heures de commerce dans toute la province, sans tenir compte, à la fois, des disparités régionales et de la disparité des commerces. Je pense, personnellement, que nous devons être plus réalistes et mettre en branle des mécanismes qui permettent, sur une période de deux, trois ou cinq années, l'élaboration de règlements régionaux qui finiront par faire cette coordination dont plusieurs personnes ont souhaité la réalisation, ce matin.

Je voudrais reprendre, ici, un thème soulevé par M. Pépin, tout à l'heure, quant à l'impact de cette loi sur les décrets de conventions collectives présentement existants. Jusqu'au jugement de la cour Suprême, dans la cause de Steinberg, on avait mis en doute les pouvoirs du lieutenant-gouverneur en conseil de réglementer, à l'occasion d'un décret, les heures d'ouverture et de fermeture. Ce doute existait depuis longtemps, depuis des années. Autrefois, il n'y avait qu'un paragraphe à l'article 9. Vers les années 1960, à la suite d'un jugement du juge Batshaw rendu à Saint-Jérôme, quant au décret du commerce de la région de Saint-Jérôme, on avait adopté le deuxième paragraphe, mais même avec ce deuxième paragraphe, les contestations continuaient.

Or, après des années, voici que les décrets ont réussi à obtenir un jugement qui clarifie la question. Nous savons maintenant, avec certitude, que le lieutenant-gouverneur en conseil peut le faire.

Avec cette loi, où on ne retranche que le paragraphe trois, de l'article 9, les deuxpremiers paragraphes de l'article 9 demeurent. Si nous nous reportons à l'article 11, où l'on parle des dispositions de la présente loi, qui prévalent sur celles de toute autre loi générale ou spéciale, devons-nous interpréter ces expressions: « Toute loi générale ou spéciale » comme incluant la Loi des décrets de conventions collectives?

Cela veut dire que nous devons nous attendre à ce que, même si, pour nous qui sommes, si vous voulez, bienveillants, cela ne pose pas tellement de problèmes, il est évident que l'adoption d'une loi comme celle-ci va brimer les intérêts et dont l'on voudra contester la légalité de certains décrets. En contestant la validité de certains décrets, l'on fait faire un recul à des conditons sociales et de travail qui ont été péniblement élaborées par les décrets.

Tout à l'heure, des questions étaient posées, relativement à la Loi du salaire minimum. La raison primordiale pour laquelle les décrets, dans les domaines de commerces, sont venus en existence, est l'incapacité — je ne les blâme pas — de la Commission du salaire minimum de faire respecter même ces ordonnances au niveau des épiceries dans une région comme Montréal. On a critiqué le décret de l'alimentation pour avoir des taux de salaires très bas, mais je puis vous affirmer que, même avec ces taux de salaires très bas, qui étaient comparables à l'ordonnance du salaire minimum, le décret constituait, pour de nombreux employés, une amélioration marquée dans leurs conditions de travail.

La Commission du salaire minimum n'intervenait que rarement, lorsqu'un employé était congédié ou voulait faire des ennuis à son employeur. Les décrets ont permis une amélioration très nette des conditions de travail pour des milliers d'employés. Si, par cette loi que l'on adopterait telle quelle, on supprimait, si vous voulez, l'incidence des décrets, au point de vue des conditions de travail, nous en arriverions à un recul social, parce que — clarifions les choses — quelles seraient les motivations pour un groupe d'employeurs, comme pour un groupe d'employés, de négocier une convention collective pour ensuite en faire un décret?

Du côté des employeurs, il n'y a pas à se le cacher, c'est justement d'obtenir une réglementation d'heures de commerce qui soient convenables.

Si la Loi des décrets ne le permet plus, je ne vois pas comment une association d'employeurs pourrait continuer à exister. Ceci veut dire que, parallèlement, toutes les autres conditions de travail que les salariés ont pu obtenir en échange de ces heures de commerce s'effondrent et que nous revenons à l'ancien régime, c'est-à-dire à l'obscurité, au marchandage, et à des conditions de travail assez pénibles pour bien des entreprises.

Par conséquent, même si nous nous entendons — et nous sommes tout à fait d'accord pour souhaiter une réglementation des heures de travail — il ne faudrait pas que l'adoption d'une loi comme celle-là ait des répercussions aussi sérieuses que celles que nous pouvons prévoir dès à présent.

Autre chose, si c'était l'intention de la Législature d'abroger l'incidence de la Loi des décrets sur la réglementation des heures de commerce, vous pouvez vous attendre que les conventions collectives présentement existantes s'effondrent. Par voie de conséquence, vous pouvez vous attendre à avoir des conflits sociaux d'une très grande importance. Je faisais allusion tout a l'heure à cette négociation du décret en septembre dernier. Si cela ne s'était pas réglé, cela aurait pu être, pour la région

de Montréal, un chaos dont nous ne pouvons estimer les conséquences à tout point de vue.

Imaginez 3,000 entreprises qui sont en grève; avec, en moyenne, trois ou quatre employés par entreprise, cela veut dire 15,000 employés. IL y aurait eu des actes de violence. Vous voyez ce que je veux dire; cela aurait été, je pense, un chaos social regrettable. Même si ces milieux-là semblent vouloir se rationaliser, il ne faut pas mettre en cause la possibilité que cette paix industrielle acquise puisse reculer.

Je pense qu'une lacune très grave de cette loi, ce sont les moyens de la faire respecter. Je ne sais pas si vous vous imaginez les problèmes que nous avons quand il s'agit de l'inspection et de faire porter des plaintes. La première année du décret, nous avons porté dans la seule région de Montréal, au-delà de 800 plaintes pour violation des heures de commerce. Nous avons arrêté parce qu'il y avait des brefs de prohibition demandés par la compagnie Steinberg. Nous avons jugé qu'il était inéquitable de poursuivre les petits, alors que les gros se protégeaient par des procédures en prohibition.

Si l'on songe au service d'inspection que cela demande, aux frais judiciaires de signification et, évidemment, d'avocats, lorsque ces causes-là sont portées en appel, au coût des dossiers conjoints, aux factums, on ne peut pas s'attendre que le simple citoyen se comporte en héros, et aille, de son propre chef, faire des dénonciations qui vont lui faire encourir pour des milliers de dollars de frais judiciaires et de frais d'inspection de toutes sortes.

Nous avons parlé, tout à l'heure, d'une cause qui a été intentée contre la laiterie Perrette. Nos enquêteurs ont dû faire plusieurs heures d'inspection pour être capables de recueillir les faits voulus. Vous avez un territoire de plusieurs milles carrés.

Or, on se demande comment faire l'inspection à Montréal, par suite du décret, l'inspection ne coûte pas un cent à la province.

En vertu du décret, nous avons droit à des prélèvements qui servent à des frais de surveillance, bien entendu, mais également à l'application de toutes les autres clauses du décret, lorsqu'un employé veut réclamer une paie de vacances qui ne lui a pas été payée, selon lui, ou des choses comme cela.

Ce qui veut dire que vous avez là des mécanismes déjà en place qui s'autofinancent et qui ont un personnel capable de faire ce travail. Je ne crois pas que vous puissiez confier ce travail d'inspection à des policiers qui ont d'autres fonctions. Pour faire une cause contre un commerçant dont l'établissement serait ouvert en dehors des heures, il faut non seulement constater le fait, mais comme dans le décret, comme dans la loi il y a des produits exclus, si votre policier constate que le commerçant a vendu une pinte de lait, vous allez perdre votre cause parce que c'est un produit exclu. Il faudra qu'il soit capable de faire sa cause convenablement et cela demande un personnel spécialement entraîné pour témoigner dans ce genre de cause, savoir faire les observations et les constatations voulues, savoir enfin son métier dans ce domaine.

C'est pourquoi, au point de vue strictement inspection, les comités paritaires sont les organismes naturels tout désignés pour procéder à de pareilles inspections, sans frais additionnels pour le gouvernement.

Si vous le permettez, je vais seulement relire en diagonale mon mémoire. Je me joins à tous ceux qui m'ont précédé pour m'opposer également à la conception de l'article 1 quant aux municipalités dans la région de Montréal. Dans la région du décret, nous aurions cinq ou six municipalités, apparemment, je ne les ai pas dénombrées, c'est ce qu'on m'a dit. Ce qui veut dire qu'on aurait temporairement dans ces municipalités des entreprises champignons, comme je les appelle, qui viendraient profiter d'une exception. Je pense que c'est le ministre Beaudry qui, tout à l'heure, se préoccupait de cette question des établissements pour les régions touristiques. Si on procédait par arrêtés en conseil plutôt que par des lois fixes, on pourrait très bien circonscrire des régions en fonction de ce qu'elles sont, et même par saison. Prenez une région comme les Laurentides. Vous avez là la ville de Saint-Jérôme qui doit être considérée comme une ville, mais à cinq milles de Saint-Jérôme, vous êtes déjà dans un milieu de touristes où la proportion est inversée. C'est le vendredi et le samedi qu'ils font des affaires, ces gens-là. Tandis que dans une ville, les fins de semaines... Vous avez toutes sortes de mécanismes indirects qui peuvent vous permettre de réglementer, de façon aussi sûre, les heures de commerce. Je vais vous en donner un exemple: le jour où un décret contiendrait une disposition à l'effet que la paie de l'employé doit être remise le mardi, vous êtes assurés que le samedi vous n'aurez pas 10% de votre clientèle dans vos magasins. C'est une façon aussi certaine que de dire dans un texte de loi: pas de vente le samedi. Cela ne peut pas se faire d'un seul coup. Chaque région va être forcée de s'organiser. Les responsables de chaque région vont être obligés de faire de la consultation. C'est, à mon avis, l'application pratique de ces belles notions que l'on voit sur les « hustings », mais pas assez souvent dans la réalité. La participation, c'est quelque chose qui se vit, ce n'est

pas quelque chose qui se proclame. Par des consultations appropriées, par une prolifération des négociations, on va arriver à quelque chose qui va être beaucoup plus conforme à la réalité et aux caractéristiques de chaque région que de vouloir d'un seul coup... Je serais tenté, en concluant, de vous citer ce vieux proverbe que vous connaissez tous par expérience: « Qui trop embrasse, mal étreint. »

Je suis à votre disposition si vous avez des questions.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il des questions à poser à Me Tellier?

M. LEVESQUE (Bonaventure): La première question est celle-ci: Vous avez parlé du rapport Rameau qui régionalisait les heures d'ouverture et de fermeture et, un peu plus loin, vers la fin de vos remarques, vous avez mentionné que vous étiez contre l'application de l'article 1, parce que cela pouvait créer des situations où il y aurait des magasins, par exemple, des institutions qui s'établiraient pour profiter de la situation géographique justement. Si on revient à votre proposition de régionaliser plutôt que d'avoir un régime universel comme celui prévu par le projet de loi, ne croyez-vous pas qu'à ce moment-là, il y aura, disons dans les dix régions de la province, des frontières où d'un côté de la rue, par exemple, vous aurez des magasins qui pourront fermer à telle heure et, de l'autre côté de la rue, vous aurez d'autres magasins qui seront réglementés autrement. N'arriverez-vous pas, à ce moment-là, justement, à la situation que vous voulez éviter, en vous opposant à l'article 1?

M. TELLIER: Ce que vous dites est juste. Il faut aussi présumer que ceux qui vont être chargés de l'application de la loi, au niveau du ministère concerné, vont avoir quand même ce souci d'uniformisation n'est-ce pas? Je vais vous en donner un exemple. Lorsque, pour la première fois, nous avons présenté une requête pour obtenir un décret dans la région de Montréal, nous demandions le lundi fermé toute la journée. Le ministère, de sa propre autorité — et il l'a fait en tenant compte de toutes les objections qu'il a reçues — a dit: Non. Le lundi matin seulement. Le lundi après-midi ouvert.

Cela permettrait par exemple... Pour les régions touristiques, vous avez une région comme la Gaspésie qui peut être une région bien délimitée. Les régimes d'heures qui peuvent prévaloir en Gaspésie ne viennent pas en conflit avec le régime que nous pouvons connaître dans la région de Québec ou dans la région de Hull. Il y aura, évidemment, des différences marginales de frontières mais, nécessairement, il y aura une coordination qui se fera en haut lieu. Je ne pense pas que ces gens seront là pour entériner nécessairement toutes les demandes qui viendront des régions. Il va falloir qu'il y ait une politique d'ensemble.

On a parlé, par exemple, du problème des artisans. Comment le définir? C'est très délicat. Si, par exemple, on prenait la définition sous-jacente de l'article 6 et qu'on décrétait qu'un artisan est celui qui a quatre employés et moins. Savez-vous que, pour la seule région de Montréal, le recensement que nous avons fait, et que nous ne prétendons pas être complet, représente au moins 2,400 établissements. Et seulement pour l'alimentation! J'exclus tous les établissements polyvalents. On peut arriver à 5,000 ou 6,000. Avec le temps on va finir par être capable de faire une réglementation soit sur la nature du commerce ou soit encore sur la nature des produits qui sont mis en vente.

M. LEVESQUE (Bonaventure): La deuxième question est celle-ci. J'ai cru comprendre que vous avez mentionné qu'il y aurait peut-être conflit — et cela a déjà, d'ailleurs, été mentionné par M. Pépin, il y a quelques instants — entre l'application de la loi-cadre et la mise en vigueur des décrets. Je me demandais simplement si je fais erreur en interprétant le projet de loi comme établissant des heures maximales. Si la loi cadre établit seulement des heures maximales d'ouverture et de fermeture.

N'y aurait-il pas moyen, à l'intérieur de ces heures maximales, d'avoir des décrets qui tiendraient compte des disparités régionales et qui tiendraient compte des différences qui peuvent exister dans les besoins régionaux?

M. TELLIER: Sûrement, parce que même si on pense à l'hypothèse d'une loi cadre avec des régions économiques, je pense que, comme toutes les lois de cette nature, on aurait des cadres qui diraient ceci: Le lieutenant-gouverneur en conseil peut adopter des règlements concernant les heures, en définissant un territoire et en restant à l'intérieur des limites que voici...

M. LEVESQUE (Bonaventure): Même si la loi elle-même — Je reviens sur le projet de loi lui-même — vous mentionnez qu'il y aurait peut-être moyen de faire dire à la loi: Ce sont les arrêtés en conseil qui détermineront les heures. Mais, en gardant l'esprit universel de la loi, au point de vue des heures d'ouverture et de fermeture, n'y aurait-il pas moyen de

travailler à l'intérieur de ces heures maximales et, dans l'établissement des décrets, justement, de respecter les heures que le projet de loi veut prévoir?

M. TELLIER: C'est un point de vue intéressant. Il faudrait, à ce moment-là, tenir particulièrement compte de l'article 11 et faire dire à l'article 11: « A l'exception de la Loi des décrets de convention collective ».

Maintenant, on pourrait aller plus loin— c'est une opinion fort personnelle qui ne regarde pas mes clients — j'ai même pensé, à un moment donné, que l'on pourrait avoir, pour susciter un progrès social, la possibilité que la Loi des décrets permette l'extension de ses propres heures, pour un décret particulier, à d'autres secteurs sur le même territoire jusqu'au moment où cet autre secteur soit lui-même organisé.

Vous avez le problème suivant: de plus en plus, avec les banlieues qui se développent, vous avez des centres commerciaux qui se développent. Le magasin pilote sur ce centre commercial, c'est le magasin d'alimentation. Si vous avez des heures qui sont trop disparates entre l'alimentation et les autres commerces, vous débalancez l'affaire. C'est dans ce sens que...

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres remarques?

Nous vous remercions, Me Tellier.

L'association suivante, le numéro 10, l'Association des vendeurs professionnels d'automobiles. Me Keevin Pearl, de Montréal.

M. Keevin Pearl

M. PEARL: M. le Président, messieurs les membres, c'est un honneur, vraiment, ce matin, de présenter notre mémoire de l'Association des vendeurs professionnels d'automobiles. Je profite de cette occasion pour féliciter le gouvernement d'avoir eu le courage d'établir une loi qui réglementerait définitivement le secteur du commerce. C'est vraiment une loi urgente, et nous sommes tous absolument en faveur, de cette loi.

Le but principal de notre mémoire sera de retirer la section 7H qui exigerait que cette loi ne s'applique pas aux établissements commerciaux de la vente d'automobiles ou de remorques.

Nous croyons que la philosophie de cette loi serait de contrôler seulement les heures d'ouverture et de fermeture d'une façon uniforme à l'échelle provinciale, dans le but de ces trois objectifs: a) essayer de maintenir une situation équitable dans toute la province, de protéger les employés des grandes entreprises, en regard des heures de travail trop longues exigées par leurs employeurs, et d'enlever aux autorités municipales le droit de contrôler les heures de commerce.

Les raisons qui motivent notre demande de retirer la section h) sont très simples. Je voudrais seulement les énumérer pour commencer, et, après, expliquer quelles sont les interprétations de ces raisons.

Nous croyons vraiment que c'est une législation discriminatoire d'inclure la section h) dans l'article 7 du projet de loi. Aussi. Il y a une demande générale parmi tous les vendeurs et beaucoup de concessionnaires pour retirer cette section. Nous voyons aussi que c'est un abus de droit. Il existe des contradictions parmi les autres admissions dans la section 7-h), et c'est un avantage non justifié aux concessionnaires. Il n'y aura aucun mauvais effet dans le commerce de l'automobile si cette section est retirée. L'Association croit que les services de calibre professionnel au public pourraient être beaucoup mieux rendus si nous sommes régis par la loi, et, finalement, cela ouvre un précédent dangereux en faveur d'autres commerces.

Maintenant, les explications de chaque raison pour laquelle nous demandons que la section 7-h) soit retirée.

On prétend que la législation est discriminatoire parce que, si nous regardons la nature de toutes les autres exemptions dans la section 7-h), nous voyons bien que c'est une demande de services exigés en faveur du public, et que nous ne pouvons pas nous en servir sans ces services. Mais pourquoi la vente d'automobiles se trouverait-elle de la même nature que les autres? Pourquoi pas si nous gardons l'automobile dans cette section-là, les ventes de bateaux, les ventes de motos-neige, les ventes de bijoux ou de fourrures, toutes ces sortes de ventes qui prennent ou qui exigent un volume assez important dans notre commerce, qui prennent de gros montants d'argent pour les accomplir, pourquoi ces commerces ne sont-ils pas tenus dans les exceptions de l'article 7? Ils ne sont pas là. Et on demande même que les ventes d'automobiles soient exclues.

Notre deuxième raison des demandes générales: nous sommes, dans l'Association, 2,500 vendeurs dans toute la province. En réalité. Il y a 780 vendeurs sur notre liste payant chaque mois leur cotisation, et ces représentants sont répartis à travers toute la province. Cela représente, dans tous les districts de la province, les

garagistes et les vendeurs dans les garages. Nous avons reçu, depuis quelques mois, des lettres des concessionnaires qui nous donnent beaucoup de support, qui nous demandent quels sont nos buts. Nous avons déjS. envoyé des lettres disant quels sont les buts de l'association, et ils nous disent qu'ils aimeraient bien être vraiment protégés par une loi générale pour toute la province. La seule raison pour laquelle les concessionnaires ouvrent pendant des heures vraiment incontrôlables, selon mon opinion, des heures de fou, c'est parce que leurs compétiteurs sont ouverts.

Si la majorité était contrôlée par une loi, comme cela se fait ici, nous croyons vraiment que ça rendrait service même aux commerçants. Mais ici, nous représentons les vendeurs et ils ne veulent aucunement que ce soit contrôlé par une loi provinciale. Ils ne veulent pas être considérés comme des exceptions comme ça existe présentement dans notre loi.

Notre troisième raison: Un abus de droit. A ce sujet, l'association croit que les pouvoirs qui seraient accordés aux marchands de tenir leur commerce ouvert aux heures qu'ils désirent, qu'ils ne soient régis par aucun décret — et nous ne savons pas si demain ils ne seront pas régis par décret. Nous ne savons même pas si les décrets auront autorité pour les fermer...

Pourquoi devrions-nous donner un intérêt dans notre commerce? Pourquoi donner tant de pouvoir et tant de latitude à ces commerçants pour rester ouverts sept jours par semaine et 24 heures par jour? Il n'y a aucune raison. Je crois que ce serait un abus de droit, parce que les commerçants d'automobiles pourraient exiger que leurs vendeurs travaillent le dimanche ou le samedi soir ou tous les autres soirs, jusqu'à onze heures ou minuit. C'est même ce qu'ils font actuellement. Leur commerce est ouvert six jours par semaine au moins et beaucoup sont également ouverts le septième jour. Nous ne croyons pas qu'aucune raison puisse motiver un tel droit, une telle latitude pour les commerçants d'automobiles.

Maintenant, notre quatrième raison: la contradiction parmi les exemptions. Nous voyons bien que toutes les autres exemptions, par leur nature, portent sur des produits d'usage courant, qui sont indispensables à toute la société. Nous ne sommes pas contre le fait que les tabagies vendent des journaux, des produits pharmaceutiques, c'est une nécessité qui se présente 24 heures par jour. Ce sont de petites choses dont nous avons besoin constamment, de jour en jour, c'est un service au public que d'en permettre la vente dans la section sept. Mais la vente d'une automobile doit-elle être considérée comme un service public? Non Nous croyons que c'est un article de commodité, comme n'importe quel autre article. Ce n'est pas une nécessité et ça doit être considéré comme tous les autres articles de la même catégorie.

Notre cinquième raison pour que la section 7-Il soit retirée est basée sur cette question très simple: Pourquoi donner un avantage aux commerçants d'automobiles, lorsque ce n'est pas justifié? Nous croyons qu'il y a beaucoup de services connexes à ce commerce de la vente d'automobiles, par exemple, les banques, ou même le commerce, la vente de pneus ou de pièces. Il y a tous les autres services connexes à la vente d'automobiles qui sont exclus de la section 7, qui n'ont pas les mêmes droits que la vente d'automobiles. Nous ne voyons aucune raison pour ne pas les considérer comme faisant partie de ce genre de commerce et de les exclure.

Notre sixième raison: les effets sur le commerce de l'automobile. C'est un argument d'un économiste. Nous nous demandons vraiment si les heures d'ouverture et de fermeture des commerçants d'automobiles ne pourraient pas être contrôlées par cette loi-ci. Cela veut dire que si nous laissons la section 7-Il est-ce que cela aidera réellement beaucoup les ventes d'automobiles? Les ventes d'automobiles sont-elles réellement bien influencées par les heures d'ouverture des garages, ou ne serait-ce pas plutôt fixé par le nombre des personnes qui utilisent les automobiles?

Ces gens-là, s'ils ont besoin d'une automobile, l'achèteront quand elle sera à vendre.

Les heures de travail et les heures d'ouverture ne restreindront les ventes en aucune manière. Alors le commerce ne sera retardé d'aucune manière si une partie de l'article 7H est retirée.

Maintenant, notre septième raison: le service de calibre professionnel au public Nous voyons, aujourd'hui, que le vendeur d'automobiles est une personne qui n'attire pas la plupart du temps le respect que nous devrions lui accorder : celui de vendeur professionnel. Cela comprend tous les vendeurs qui travaillent à plein temps dans le domaine de la vente d'automobiles. Mais, nous voyons une majorité assez forte de vendeurs à temps partiel. Ils travaillent à temps partiel, parce qu'ils veulent avoir deux occupations. Ils veulent travailler durant la nuit, et ce sont des personnes qui ne connaissent pas la profession comme ils le devraient, parce que cela n'est qu'un passe-temps.

Ces commerces attirent beaucoup de vendeurs à temps partiel parce qu'ils ont de longues heures d'affaires. C'est parce que personne ne veut rester pendant les heures d'affaires,

de neuf heures à six heures, car c'est tranquille toute la journée et tout le monde ne vient que le soir pour voir les automobiles. Quant à ceux qui donnent le service au public, ils viennent seulement le soir. Mais cela n'est pas une manière de tenir un commerce, avec des personnes qui rie travaillent qu'à temps partiel. On ne peut pas attirer les vendeurs professionnels ou les vendeurs de bon calibre si ces heures inhumaines qui existent maintenant, persistent. Alors, nous demandons que la loi nous accorde la capacité d'attirer les bons vendeurs. Nous croyons sérieusement que les bons vendeurs ne seront pas attirés, si les heures de travail sont telles qu'elles existent aujourd'hui.

Un service réel sera rendu au public quand nous serons capables d'attirer et de protéger des personnes qui travaillent uniquement dans cette profession. Nous voyons aussi que dans les autres commerces, tels que la vente de l'assurance-vie, la vente des fonds mutuels, on exclut les vendeurs à temps partiel. Si l'exclusion nous est accordée par l'article 7H, la loi nous aidera pour que les vendeurs soient des vendeurs vraiment professionnels et qu'ils travaillent seulement durant la journée. Ils ne pourront pas tenir deux emplois à la fois.

Notre dernière raison est que cette exemption qui existe aujourd'hui à l'article 7H, crée un précédent dangereux. Nous croyons vraiment que cette section, telle qu'elle existe, ouvrirait la porte aux commerces connexes de l'automobile, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, dans la vente de pneus, la vente de pièces ou encore les compagnies de finance.

Les intérêts de ces commerces sont tellement connexes avec la vente d'automobiles que nous devrions avoir la même protection, selon la loi, que les vendeurs d'automobiles aient le même droit à être protégés. Pourquoi ne pas leur donner le même droit de tenir leur commerce, aux mêmes heures que les vendeurs d'automobiles? Je dois dire les « dealers ». Alors, les compagnies de finance diront: « Ecoutez, nous autres, nous faisons notre travail quand les automobiles sont vendues. La seule manière de gagner notre vie, c'est d'ouvrir quand les autres font leurs ventes ». Nous pouvons dire la même chose des vendeurs de pneus. Les automobiles sont vendues douze heures par jour, pourquoi pas les pneus? Il faut donner le service à tous les gens qui se servent de leur automobile. Alors, pourquoi créer un précédent aussi dangereux, et imposer à nos législateurs le problème de donner des privilèges à certains et non à d'autres?

Maintenant, si je peux faire des commentaires qui ne sont pas inclus dans notre mémoire.

Je crois qu'ils sont assez importants dans le projet. Je soumets, respectueusement, que la section un du bill 89 ne devrait pas limiter leur application territoriale. La raison est très simple. Les villes s'agrandissent aujourd'hui si vite, les petits villages deviennent, de jour en jour, de nouvelles corporations. Qui va établir si un territoire compte vraiment 1,500 personnes? Je crois que le but visé dans la section un est bien couvert dans la section six, où nous voyons que les établissements commerciaux sont limités à quatre personnes.

Je me demande, chers membres du comité, si vous pouvez m'indiquer s'il y a un commerce dans les petits villages de 1,000 personnes où travaillent plus que quatre personnes. Cela veut dire que l'article six couvre très bien le problème dans l'article numéro un. Tous les commerces, dans les petits villages, sont tenus par les propriétaires eux-mêmes et c'est très rare qu'il y ait plus de quatre personnes qui travaillent dans ces établissements.

Alors, je soumets respectueusement que la section un, qui limite son application à toutes les villes de plus de 1,500 personnes, ne devrait pas exister. Et aussi, nous pouvons voir aujourd'hui que les centres commerciaux ne s'établissent pas dans le centre des villes, mais ils s'éloignent de 20 à 30 milles des villes, et ces centres d'achat peuvent bien être considérés, dans le village, oft il y a 1,500 personnes. Je ne pense pas que ce soit le but de notre loi de donner le pouvoir aux gros marchands d'ouvrir dans les campagnes et de demeurer ouverts sept jours par semaine.

Je crois sérieusement que la section sept le couvre, et si Je peux suggérer un petit changement dans les termes, je vois une contradiction très mineure dans les termes de la section six. Dans la partie française, nous lisons « comprenant ». « Comprenant », en anglais, je crois que ça ne se traduit pas par « including » mais bien par « consisting of » parce que, lorsque nous lisons la section six en anglais, nous voyons que ça peut se traduire par « quatre personnes » et aussi les entrepreneurs, les employeurs et les employés. « Including », cela veut dire également « et aussi » au lieu de « comprenant ». Donc, je crois que le mot devrait être changé en « consisting of » au lieu de « including ».

Une autre suggestion — je crois que c'est assez important pour toute la loi — c'est d'établir une définition pour le mot « commercial ». Je crois qu'aujourd'hui, dans notre code civil, dans le statut d'interprétation, dans toutes les autres lois où ce mot apparaît, il n'a jamais été défini, et il y a assez de jurisprudence contradictoire qui établit ce qui est commercial, civil ou pas commercial.

Alors, je soumets respectueusement qu'une

loi aussi importante que celle que nous avons devant nous, ici, doit bien établir, assez clairement, quels sont les termes et quelles sont les qualifications qui établiront ce qu'est un commerce, ce qui est commercial.

Maintenant, pour mon dernier commentaire, je suggère, dans la même section 7 E, de denrées pour consommation sur place. Il n'y a ici aucune considération pour les ennuis qui vont être créés, par cette section aux commerces qui sont établis ici aujourd'hui, dans les grosses entreprises à Montréal. Si vous regardez quelle est la nature des complexes comme « Westmount Square », Place Victoria, Place Ville-Marie, on peut bien définir que les denrées de consommation sur place, cela peut inclure presque 75% des marchandises vendues dans ces magasins-là, parce que, la plupart du temps, c'est bien consommé sur place. Nous n'avons pas suggéré quel genre de loi, mais nous prétendons que le problème existe. Peut-être qu'il doit inclure les grands complexes où il y a à peu près 15,000 ou 50,000 personnes. Dans ces commerces. Il y a plusieurs personnes qui ne sortent pas de ces complexes-là pendant quelques mois, ils peuvent consommer sur place tout ce qu'ils y achètent. Alors messieurs, est-ce qu'il y aurait des questions?

M. SAUVAGEAU: Vous dites que votre association compte combien de membres en règle?

M. PEARL: En règle, nous sommes 734, je crois.

M. SAUVAGEAU: Où sont recrutés ces membres, les 734 à peu près?

M. PEARL: La majorité est sur l'Ile de Montréal. Pas seulement sur l'Ile; aussi les environs.

M. SAUVAGEAU: Est-ce que votre association n'a pas commencé par faire respecter les heures de fermeture, le samedi, sur l'Ile de Montréal?

M. PEARL: A l'heure actuelle, les heures de fermeture sur l'Ile ne sont pas respectées.

M. SAUVAGEAU: Dans votre association, est-ce qu'à l'occasion d'une réunion de votre association, on n'avait pas décidé de fermer le samedi?

M. PEARL: Nous voulons que ce soit fermé le samedi.

M. SAUVAGEAU: Est-ce que vous avez fermé?

M. PEARL: C'était déjà fermé, mais Ils ont rouvert.

M. SAUVAGEAU: Pourquoi?

M. PEARL: Ils voyaient bien que nous n'avions pas eu le pouvoir, mais il y avait une pétition de plus de 1,100 personnes, des vendeurs, qui demandaient que ce soit fermé. C'était dans le mois d'août, en septembre 1968. Le MADA a rendu une décision selon notre demande et, six mois après, ils ont vu qu'ils ne voulaient pas être fermé le samedi. Même contre notre volonté, ils ont ouvert le samedi.

M. SAUVAGEAU: Vos vendeurs ont simplement dit : On rentre, les dépositaires ne veulent pas, on va retourner au travail.

M. PEARL: Les vendeurs aujourd'hui poursuivaient la demande de leur employeur. Ils ne peuvent pas décider tout seuls qu'ils ne rentrent pas, parce qu'il y a toujours quelques vendeurs qui sont prêts à rentrer pour faire leur travail.

M. SAUVAGEAU: Lorsque le Montréal métropolitain a mis en force le règlement 4, les heures de fermeture, est-ce que les vendeurs et les dépositaires étaient tous d'accord? Même, ils ont demandé d'inclure, dans le commerce d'automobiles, les embarcations, pour demeurer ouvert jusqu'à 10 heures du lundi au vendredi et du samedi jusqu'à 7 heures. Tous d'accord, est-ce qu'il y a eu des plaintes à cet effet?

M. NOEL: Je crois que si vous faites allusion à cet effet de loi, dans le temps il y a seulement MADA ou la FADA qui est la Fédération des marchands d'automobiles dans toute la province, qui pouvait donner son opinion. D'ailleurs, le rapport Rameau, lorsqu'il a été préparé, nous n'existions pas. Donc, nous pouvions difficilement donner notre opinion sur un projet de loi.

A ce moment-là, les seuls qui ont été consultés sont les marchands.

M. SAUVAGEAU: A présent, combien calculez-vous qu'il y ait de vendeurs professionnels au Québec?

M. PEARL: Il y a, dans la province de Québec selon les estimés et enquêtes que nous avons

faits, environ 2,600 vendeurs. Cela ne comprend pas les vendeurs qui travaillent à temps partiel, mais ceux travaillant seulement dans la vente d'automobile,

M. SAUVAGEAU: Combien de vendeurs à temps partiel?

M. PEARL: Nous croyons qu'il y a plus de 2,600 vendeurs à temps partiel c'est-à-dire à peu près 3,000. Quand je dis vendeurs à temps partiel, cela veut dire que ces vendeurs travaillent soit quelques mois par année, soit quelques soirs par semaine. Ce n'est pas un emploi où ils retirent les avantages des vendeurs à plein temps.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres remarques?

Nous remercions Me Pearl. Nous passons à l'article Il, Montreal Kosher Retail Butchers Guild, M. Eugène Hollander.

M. Hollander nous a envoyé une lettre nous disant qu'il ne serait pas présent au comité et a remis son mémoire aux membres du comité pour qu'ils en prennent connaissance.

Nous passons maintenant au dernier article à l'ordre du jour. Le Centre d'Affaires Saint-Roch Inc., — le dernier article mais non le moindre — M. Charles-H. Robitaille, Québec.

M. Robitaille est-il ici?

UNE VOIX: Oui.

M. Charles-H. Robitaille

M. ROBITAILLE: M. le Président, MM. les ministres, MM. les membres du comité, le Centre d'Affaires Saint-Roch Inc. est une corporation sans but lucratif qui a été formée en 1962 dans le but de promouvoir les intérêts des commerçants, des industriels, des professionnels et autres qui paient une taxe d'affaires à la ville de Québec et qui font affaires dans le quartier Saint-Roch, qui a été si bien popularisé comme l'Aire no 10. Nous comptons 257 membres dont 80% sont des commerçants au détail.

Les grands magasins à rayons de Saint-Roch sont membres du centre, ainsi que la plupart des magasins à chaînes, dits de « variétés », tel que Woolworth, Kresge, Metropolitan.

Nous n'avons pas l'intention, M. le Président, de reprendre ici toute l'argumentation que nous avons déjà soumise à la commission Rameau. Permettez, cependant, que nous adressions des félicitations bien méritées au gouvernement qui, par l'intermédiaire de son minis- tre de l'Industrie et du Commerce, a présenté le bill 89.

Nous nous réjouissons du fait que ce bill n'est pas discuté à ce comité d'une façon partisane, et que l'Opposition a déjà manifesté son intention d'appuyer le bill en Chambre, ce qui est d'ailleurs conforme à la pensée qu'avait déjà le partie de l'Opposition alors qu'il était au pouvoir et qu'il avait créé la commission Rameau.

Le Bill 89 peut prêter à discussions au sujet de quelques-unes de ses clauses. Nous n'avions pas l'intention de les mentionner parce que nous Jugions que, devant l'importance et la nécessité d'une telle loi, les quelques détails qui ne rencontrent pas l'assentiment unanime sont sans grande importance dans un mécanisme légal qui sera rodé et sans aucun doute amélioré, dans les années à venir.

Puisqu'il le faut, cependant, mentionnons qu'à cause de la facilité des transports l'occasion s'y prêtant, il est peut-être dangereux de soustraire à l'application de la loi proposée, les établissements situés dans les municipalités de 1,500 habitants ou moins. Quelques cas ont été cités ici au comité, d'autres peuvent surgir ou surgiront parce qu'il y a des gens qui se font une profession d'étudier de quelle façon une loi peut-être contournée ou Ce quelle façon on peut se soustraire à son application.

Nous croyons que l'article devrait être modifié de façon à s'appliquer à tous les établissements commerciaux, non exclus par les articles 6 et 7.

Mentionnons encore, qu'à l'article 2, nous aurions vu d'un bon oeil, que les 2 janvier et 26 décembre, les établissements commerciaux soient fermés quel que soit le jour où tombent le 1er janvier et le 25 décembre.

A l'article 3, nous estimons que la période permise, pour l'ouverture des établissements commerciaux, le soir, dans notre humble opinion, devrait se terminer au 23 décembre inclusivement. Nous admettons cependant que certains établissements, plus petits que gros, peuvent répondre à un besoin de dernière heure. Mais, pour la grande majorité, la permission d'ouvrir les établissements le 24 au soir sera sans effet, à moins qu'un patron ne tienne pas compte de son personnel ou que celui-ci soit réduit à sa plus simple expression.

Nous avons cru déceler, au cours des échanges de vues entre les membres du comité, la possibilité que l'article 6 soit modifié pour n'exempter que les établissements comptant un effectif inférieur à trois personnes. Nous espérons qu'il en sera ainsi. Une alternative serait peut-être d'omettre de cet article le mot « employé », de façon à limiter cette exemption aux

entreprises strictement familiales, ce qui est, croyons-nous, l'Intention du législateur.

Aussi, croyons-nous que les exemptions prévues à l'article 7 devraient être les seules exemptions permises et qu'aucune autre ne vienne s'ajouter à la liste donnée.

Les quelques artisans, qui font commerce dans leur salon le soir, sont sans importance devant le projet de loi soumis. Disons cependant, qu'un grand nombre des commerces de banlieue qui ouvrent leurs portes six soirs par semaine ont commencé par tenir commerce dans leur salon.

Nous faisons confiance aux conseillers juridiques du gouvernement quant à ce qui a trait aux articles Il et 13. Sans doute que les organisations syndicales ouvrières — d'ailleurs elles ont déjà fait, ce matin, part de leur point de vue à ce sujet — et Je voudrais, si vous me permettez, M. le Président, peut-être faire un aparté pour demander si on a bien dans l'esprit — cela a été mentionné par des membres du comité ce matin — qu'il s'agit là d'une loi cadre, comme on disait d'heures maximales. Alors, je crois qu'il y a place à l'intérieur des 67 heures pendant lesquelles la loi permettra à un établissement d'être ouvert, pour laisser le libre exercice de la négociation de conventions collectives particulières et de leur extension sans aucun doute.

Nous ne voudrions pas terminer sans nous permettre de dire que le bill 89, dans notre opinion, n'est pas punitif à l'égard de la grande entreprise. Nous ne voyons pas le bill 89 comme une atteinte à la liberté de l'entreprise parce que nous faisons une différence entre la liberté et le libertinage et la licence. L'ordre n'a jamais engendré le désordre, économiquement parlant ou non.

Les 80,000 emplois que doit créer, a-t-on dit ici, le ministre de l'Industrie et du Commerce, seront plus facilement créés par des mesures comme les bills 23 et 24 que par l'absence d'heures cadres dans le commerce de détail. Dans une région donnée, il y a un pouvoir d'achat donné.

Les établissements commerciaux doivent cependant être soumis à certaines règles dans leur concurrence pour ce pouvoir d'achat. Ils doivent lutter sur le même matelas et attendre le son de cloche avant de commencer à porter des coups.

M. le Président, nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion d'exprimer notre opinion au sujet de ce bill.

Nous avons confiance que les membres de ce comité sont maintenant suffisamment éclairés, s'ils ne l'étaient auparavant, pour faire subir à ce projet de loi les étapes nécessaires à son acceptation et à sa mise en vigueur dans le plus bref délai possible.

Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie M. Robitaille. Est-ce qu'il y a des questions de la part des membres du comité?

M. PAUL: M. le Président, je pense bien me faire l'Interprète du gouvernement, et sûrement de l'Opposition pour remercier toutes les différentes associations ou corps publics qui nous ont présenté des mémoires. Cela nous a permis de saisir un peu les différents problèmes locaux qui peuvent se présenter. Que tous soient assurés de la ferme intention et du sincère désir de tous les membres du comité, des deux côtés de la Chambre, de présenter une législation qui puisse convenir aux besoins et aux aspirations de la grande majorité.

Je voudrais, à moins que M. Lévesque ou un autre veuille dire quelques mots...

M. LEVESQUE (Bonaventure): Si vous me le permettez, M. le Président, je voudrais me joindre aux remarques formulées par le leader parlementaire ministériel et remercier, au nom de l'Opposition, tous ceux qui ont présenté des mémoires et qui, sans aucun doute, nous ont éclairés. Espérons que nous pourrons maintenant, à la lumière de ces remarques, de ces renseignements, trouver une solution juste, aussi juste que possible pour tous les intéressés.

M. PAUL: M. le Président, Je demanderais l'ajournement du comité, pour une séance des membres seulement, pour le mercredi, 26 mars, à dix heures.

M. LE PRESIDENT: D'accord, le comité est ajourné au mercredi, 26 mars prochain.

(Fin de la séance: 12 h 51)

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