Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Question avec débat
(Dix heures douze minutes)
La Présidente (Mme Cuerrier): La commission permanente de
l'industrie et du commerce se réunit ce matin pour discuter la question
avec débat du député de Notre-Dame-de-Grâce au
ministre de l'Industrie et du Commerce.
Je dois préciser que comme le leader du gouvernement en a
informé l'Assemblée cette semaine, à la suite d'une
entente entre les leaders des différents partis politiques reconnus,
c'est le ministre d'Etat au développement économique qui sera le
ministre questionné. La question portera sur la situation
économique désastreuse du secteur privé de
Montréal. C'est M. le député de Notre-Dame-de-Grâce
qui pose la question.
J'aimerais quand même préciser certaines prescriptions de
l'article 162A du règlement qui dit: "a) le député qui a
donné avis de la question avec débat a droit d'être entendu
le premier et le ministre questionné peut lui répondre
immédiatement après; chacune de ces interventions doit être
limitée à vingt minutes; b) un député peut prendre
la parole aussi souvent qu'il lui plaît, à condition de ne pas
parler plus de vingt minutes en tout; cette restriction ne s'applique pas au
député qui a donné l'avis de question avec débat ni
au ministre questionné lesquels ont un droit de parole
privilégié; c) le ministre peut se faire accompagner des
fonctionnaires de son choix et les autoriser à prendre la parole et ils
parlent alors en leur nom."
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Merci, Mme la Présidente. Si je comprends bien,
j'ai maintenant un droit de parole de 20 minutes, et c'est tout, pour ouvrir le
débat.
La Présidente (Mme Cuerrier): Pour votre première
intervention, c'est le cas, en effet.
M. Russell: Mme la Présidente, sur une question de
procédure. Vous dites que chaque député a le droit
d'intervenir tant et aussi longtemps qu'il le voudra, à condition que
son intervention ne dépasse pas 20 minutes.
La Présidente (Mme Cuerrier): En tout, M. le
député de Brome-Missisquoi, parce que vous n'êtes pas celui
qui a un droit de parole privilégié.
M. Russell: Bon, c'est justement ce que je veux clarifier.
La Présidente (Mme Cuerrier): Ce droit de parole
privilégié appartient au député de
Notre-Dame-de-Grâce, ce matin, et au ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Russell: Ce que je voudrais clarifier actuellement, c'est
justement ce point.
La Présidente (Mme Cuerrier): C'est-à-dire au
ministre d'Etat au développement économique.
M. Russell: J'ai le droit de parler 20 minutes et c'est tout,
j'ai fini, après. Le député de Notre-Dame-de-Grâce
pourra parler plus longtemps que 20 minutes, s'il le désire, aussi bien
que le ministre.
La Présidente (Mme Cuerrier): Oui, certainement.
M. Russell: Mon intervention personnelle se limite à 20
minutes et c'est tout.
La Présidente (Mme Cuerrier): Voilà. M. Russell:
En tout ou en partie.
La Présidente (Mme Cuerrier): Vous pouvez prendre la
parole plusieurs fois à condition que le total du temps qui vous est
alloué ne dépasse pas 20 minutes.
M. Landry: Jusqu'à quelle heure? M. Lavoie:
Jusqu'à 13 heures.
La Présidente (Mme Cuerrier): C'est cela. M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce. (10 h 15)
Exposé du sujet
M. Reed Scowen
M. Scowen: Merci, Mme la Présidente. Nous avons
décidé ce matin d'aborder un sujet que nous trouvons d'une
importance primordiale pour le Québec, soit la situation de l'industrie
et du secteur des finances à Montréal, et surtout le secteur de
l'entreprise privée. Nous avons formulé cette question au
ministre de l'Industrie et du Commerce, M. Tremblay, parce que, d'après
nous, c'est son domaine; ces questions relèvent de lui. Je comprends un
peu, après sa performance d'hier après-midi en Chambre, pourquoi
il n'est pas ici aujourd'hui, mais on est très heureux de rencontrer le
ministre d'Etat au développement économique.
Il a été dit, Mme la Présidente, et assez souvent
récemment, que Montréal est une ville qui est en train de se
suicider. Tout le monde qui la visite voit facilement la situation et voit que
ce n'est pas loin de la réalité. En effet, ce n'est pas le
suicide; c'est le gouvernement du Parti québécois qui est en
train de la faire mourir. Aujourd'hui, nous voulons expliquer, d'après
nous, pourquoi cela se passe, démontrer clairement que c'est la
réalité et poser quelques questions très
spécifiques au ministre à qui nous demandons des réponses.
Nous avons eu de la misère, depuis six mois, à avoir des
réponses à nos questions en ce
qui touche ce secteur. Ce matin, nous allons les poser par écrit
et j'espère qu'il pourra répondre à ces questions non
seulement pour nous, mais pour tous les Québécois qui
s'intéressent grandement à ces questions.
Je veux d'abord délimiter un peu le débat. Nous parlons du
secteur privé, nous parlons du grand Montréal et nous parlons de
l'industrie manufacturière, des sièges sociaux, des industries
privées qui entourent les sièges sociaux et des institutions
financières privées qui forment l'ensemble du secteur
privé à Montréal. Nous excluons, pour les fins de notre
débat aujourd'hui, le commerce en détail simplement parce que
c'est quelque chose qui est un sujet un peu à part et qui dépend
d'autres facteurs, dont la population et le salaire moyen, etc. Quand je parle
de l'industrie secondaire, je parle des industries qui sont les plus
importantes pour le Québec, dont les industries de haute technologie
comme les industries d'ordinateurs, les industries d'ingénierie, les
produits de consommation, toutes les compagnies qu'une société
moderne cherche à développer.
On ne parle pas des richesses naturelles parce qu'elles sont à
l'extérieur de Montréal et que leur développement
dépend de toute une autre série de facteurs. Mais, pour une
société moderne, il faut avoir ces industries de pointe et ces
centres de décision qui sont les sièges sociaux.
Il n'y a aucun Etat que je connaisse en Amérique ou en Europe de
l'Ouest qui ne cherche pas à avoir de plus en plus de ces compagnies
parce qu'ils savent très bien que si vous les avez, vous avez la base
des petites et moyennes entreprises, vous avez la base d'un secteur de
détail qui est fort et surtout, vous avez de l'emploi non seulement pour
les cadres, les diplômés, mais pour les travailleurs à tous
les niveaux.
En général, les compagnies dont je parle, qui sont au
Québec depuis des années, sont des compagnies qui desservent le
marché canadien. En effet, elles sont localisées, avec leurs
usines ou leurs sièges sociaux, à Montréal, mais le
marché est le Canada. Cela a été développé
ainsi depuis des années et nous avons des centaines de compagnies qui
ont choisi de se localiser dans la partie du Canada qui s'appelle le
Québec, mais qui ont un système de vente, de distribution et
d'achat qui dessert et touche tout le pays. C'est très important.
L'industrie, les sièges sociaux et l'industrie secondaire à
Montréal touchent directement au-dessus d'un million de personnes dans
le grand Montréal. Ils sont de loin les plus grands employeurs. Ils
emploient à peu près 85% de toutes les personnes qui travaillent
à Montréal. On parle donc d'une situation qui est très
importante. Depuis plusieurs années, nous avons remarqué une
certaine détérioration dans cette partie de notre vie
économique. Depuis deux ans, depuis l'arrivée au pouvoir du Parti
québécois, c'est une catastrophe. C'est une
irresponsabilité flagrante dont le Parti québécois doit
porter toute la responsabilité.
Le programme de ce matin, Mme la Présidente, est que je vais
essayer, pour ma part, de démontrer très vite l'importance de ce
secteur; deuxièmement, de vous donner quelques chiffres et vous
répéter pour la nième fois que la vérité,
c'est que c'est très mauvais. Mon collègue, M. Raynauld, essaiera
dans son intervention de parler du manque d'investissements. Quant à
moi, je parlerai surtout du départ des entreprises qui étaient
à Montréal depuis longtemps. Finalement, on parlera
brièvement de la réaction du gouvernement jusqu'à
maintenant face à ce problème et on fera une analyse de nos
idées sur les causes. Ensuite, comme je l'ai dit, on vous posera
quelques questions très précises. L'importance, comme je l'ai
dit... 85% de la population de Montréal travaille dans le secteur
privé, 1 100 000 de personnes. C'est à peu près 60% de la
population du Québec. Les deux tiers de la productivité du
Québec est à Montréal. Cela touche toute la province.
Quand Montréal souffre d'insuffisance cardiaque, c'est tout le
Québec qui est affaibli, en effet. Tous les gens qui habitent les autres
régions le savent très bien parce qu'ils savent jusqu'à
quel point le Québec dépend, à plusieurs égards, de
Montréal.
Le point que je veux soulever, qui est le plus important, en ce qui
concerne l'importance de cette industrie au Québec, c'est que cela n'est
pas quelque chose qui touche le secteur privé, cela n'est pas quelque
chose qui touche seulement les investisseurs, les capitalistes, les cadres et
les dirigeants qui sont riches. Ceci est une erreur grave qui est faite par le
Parti québécois depuis longtemps. Les élites des
universités et les fonctionnaires du gouvernement croient souvent que
l'investissement privé est un mal nécessaire. C'est quelque chose
qui favorise les riches, qui favorise les capitalistes, qui favorise les
étrangers. Mais tous les gens à Montréal qui travaillent
dans les usines, qui sont obligés de travailler pour gagner leur vie
sont très conscients que, sans l'investissement, sans les outils, ils
n'auront pas de compagnies et ils n'auront pas de travail et, sans dirigeants,
sans personne pour bien diriger l'entreprise, la vie est très difficile.
J'ai vécu l'expérience de l'industrie pendant quinze ans et je
sais combien, pour un travailleur qui a des machines désuètes ou
mal entretenues, qui a un patron, un dirigeant de l'entreprise qui ne comprend
pas la situation, cela va mal. Je sais aussi combien cela peut bien fonctionner
si vous êtes dans une compagnie qui est bien organisée, bien
structurée, bien financée, qui a des ressources additionnelles
quand il devient nécessaire d'agrandir.
Je suis persuadé, Mme la Présidente, que la
méfiance envers le secteur privé qui est continuellement
démontrée par le gouvernement n'est pas démontrée
par les travailleurs de Montréal qui sont obligés de travailler
toute leur vie dans ces industries. Ils veulent favoriser les investisseurs
parce que les investissements favorisent le travail. Ils veulent favoriser les
dirigeants, même en ce qui concerne leurs impôts, parce que les
travailleurs savent qu'avec des bons dirigeants au Québec vous avez
beaucoup de travail, beaucoup d'emplois et très peu de
chômage.
II y a un autre aspect du secteur privé qui est très
important; c'est le secteur privé qui paie l'impôt. M. Drapeau est
très conscient de cela. J'ai lu récemment un article d'un
professeur de l'Université de Montréal qui disait: Si on veut
maintenir un minimum d'équité sociale dans la métropole en
redistribuant les richesses, notamment en fonds de services publics, il faudra
d'abord s'organiser pour créer cette richesse. Mme la Présidente,
cette richesse est créée par l'entreprise privée. Les
impôts sont payés par l'entreprise privée.
Le gouvernement ne paie pas d'impôt, comme vous le savez
très bien. Le problème de la méfiance du gouvernement
envers le secteur privé ne peut être mieux démontré
que dans les chiffres du chômage qui existe à Montréal.
Depuis votre arrivée au pouvoir, le chômage à
Montréal, qui a toujours été quelque chose de
sérieux, a augmenté d'à peu près 50%. Il
était, dans les années 1975, 1976, à peu près de 6%
à 6,5% et, en 1977 et 1978, à peu près de 9,5%. Une
légère augmentation de 50% depuis l'arrivée au pouvoir du
Parti québécois. Voici pour l'importance.
Je veux maintenant parler d'un aspect de la réalité du
problème. Mon collègue, M. Raynauld, va parler de l'autre. Le
mien est la question du déplacement des entreprises qui quittent le
Québec. Au mois de novembre, nous avons rendu public un document qui
prouvait qu'il y avait eu, en 1976, l'année avant votre arrivée
au pouvoir, le départ de sept entreprises québécoises du
Québec vers le reste du Canada. Dans notre rapport, nous avons
démontré que depuis l'arrivée au pouvoir du Parti
québécois, dans l'année et demie suivante, on a
assisté à la disparition de 35 autres entreprises, à peu
près cinq fois plus dans deux ans. Cela veut dire 250% de plus depuis
l'arrivée au pouvoir du Parti québécois.
Nous sommes en train de préparer le deuxième volet de ce
rapport. Je suis persuadé que quand il sera terminé, vous verrez
que nous avons perdu à Montréal, depuis l'arrivée au
pouvoir du Parti québécois, pas moins de 75 entreprises
québécoises qui ont quitté le Québec pour aller
faire leurs affaires à Toronto ou ailleurs en Ontario ou au Canada. Il y
a eu un rapport qui a été préparé, le nôtre,
bien sûr, par le Parti libéral. Je veux ajouter que chaque
départ a été confirmé avec la compagnie même;
le nombre des personnes qui sont parties, selon notre rapport, a
été confirmé par les compagnies et n'importe qui a le
droit de téléphoner aux compagnies concernées, elles sont
toutes sur la liste et on peut vérifier.
Il y a eu récemment une autre étude faite par les
conseillers en administration Drouin, Paquin et Associés Ltée, de
Montréal, qui confirme précisément les chiffres que nous
avons donnés. Elle dit que nous avons vécu la disparition
d'à peu près quinze entreprises mais elle parle simplement des
compagnies classées parmi les 500 plus grandes compagnies au Canada. Ses
chiffres confirment exactement les nôtres et cette étude ajoute
qu'il faut s'attendre d'ici 24 mois à la disparition d'une trentaine
encore, ce qui fait à peu près 30% des plus grandes compagnies du
Québec, à Montréal, qui sont décidées de
partir d'ici à deux ans.
L'exactitude de cette prévision pourrait être très
facilement vérifiée parce que, d'après mes chiffres ce
matin, depuis le dépôt de ce rapport au mois de décembre,
sept ou huit de ces 30 compagnies ont déjà annoncé leur
décision de quitter. Je parle des compagnies que j'ai mentionnées
hier à M. Tremblay. Les noms sont déjà très bien
connus. Mais nous avons vécu, depuis l'arrivée au pouvoir du
Parti québécois, la disparition de Dominion Glass en partie, pas
totalement, Domtar, Dupont, Genstar. En partie ou totalement, chacune de ces
compagnies a commencé publiquement à déménager ses
affaires à l'extérieur du Québec. Domtar, Dominion Glass,
Dupont, Genstar, Macdonald Tobacco, Northern Telecom, RCA Victor, Banque Royale
du Canada, Trust Royal, Standard Brands. Je peux continuer, madame, c'est une
liste d'à peu près toutes les grandes compagnies du
Québec.
L'affaire qui est encore pire, c'est qu'il n'y a rien qui arrive et M.
Raynauld, dans son intervention, va parler surtout de ce sujet. C'est encore
plus grave, mais c'est bien connu par tout le monde que, jusqu'à ce que
vous arrêtiez l'hémorragie qui existe ici aujourd'hui, ce sera
très difficile de persuader les nouveaux arrivés de faire de
nouveaux investissements ici. Jusqu'à maintenant, quelle est la
réaction du gouvernement? C'est une histoire bizarre et je vais parler
surtout du ministre d'Etat au développement économique. Il a
commencé en niant l'existence de ce phénomène. Pendant
deux mois, octobre et novembre, il disait il n'y a que six compagnies qui ont
quitté et, finalement, nous avons sorti notre rapport simplement pour
lui dire: Ecoutez, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas six, c'est au moins 42 et,
comme je l'ai dit, c'est nettement beaucoup plus élevé que cela.
Par la suite, il disait: Peut-être que cela existe, mais c'est un
phénomène qui existe depuis toujours. On a
démontré, oui, que cela existe depuis toujours. C'était un
ruisseau qui devait être arrêté, mais, après votre
arrivée, c'est devenu une rivière, un fleuve, cinq fois plus
grand. Il disait: II y a ceux qui arrivent. On lui a demandé de les
nommer. Il disait: II y a Okanagan Helicopters. On les cherche encore, c'est
une compagnie intéressante, mais, avec tout ce qu'on a perdu, je pense
que l'arrivée de Okanagan Helicopters, ce n'est pas très
important. (10 h 30)
Ensuite, le ministre a commencé à perdre toute sa
crédibilité, parce qu'il a commencé à ridiculiser
non seulement moi-même et l'Opposition, mais les compagnies. Il fallait
des croque-mitaines, il a cherché tout un nouveau vocabulaire. Il a
parlé de cassettes, de disque usé. Il disait que c'est un sujet
dont le monde ne voulait pas parler. Mais on a insisté, madame, parce
que ce n'est pas drôle. Ce n'est pas le moment de faire des jeux de
vocabulaire. Ce n'est pas un disque usé parce que c'est quelque chose
que le gouvernement ne veut pas apprendre.
Alors, on a insisté, et on continue à dire que c'est d'une
importance primordiale pour tous les Québécois, et on n'accepte
pas d'arrêter d'en parler, à moins que le problème soit
réglé. Fina-
lement, le ministre a dit: Ecoute, on ne regrette pas le départ
de ces compagnies, on ne regrette pas le départ de nos maîtres. Il
parlait de trois ou quatre compagnies, mais ça s'appliquait à
tout le monde et ça démontrait très facilement son
attitude d'hostilité et celle du gouvernement.
Finalement, récemment, Mme le Président, après six
mois de travail de la part de l'opposition du Parti libéral, le ministre
a admis que c'était un problème, et sa solution, pour le moment,
c'est de créer des commissions. Il y a une commission qui va
étudier le problème de New York. Il y en a une autre qui va faire
un plan de cinq ans, il y a une autre qui va faire un mini-sommet. Il va faire
des commissions, il va noyer le poisson maintenant, pendant deux, trois,
quatre, cinq, six mois, peut-être une année, alors que tout le
monde sait très bien quel est le problème.
Alors, nous sommes ici surtout ce matin pour lui dire d'arrêter de
créer des commissions, d'arrêter de faire des études dites
scientifiques qui ne sont pas du tout de la science, mais seulement du
camouflage pour masquer le problème qui existe, qui est réel, qui
est bien connu par tout le monde, de changer les politiques et de faire ce qui
s'impose pour rendre sain le climat à Montréal.
Je pense que j'ai dépassé mes vingt minutes
légèrement?
La Présidente (Mme Cuerrier): Oui, vous y êtes.
M. Scowen: Parce que je peux revenir, comme je l'ai dit, j'avais
des questions particulières à poser au ministre. Mais
peut-être...
La Présidente (Mme Cuerrier): Vous aurez l'occasion...
M. Scowen: D'accord, je vais revenir, madame.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce, vous aurez d'autres occasions au cours de ce
débat.
M. Scowen: D'accord, je vais revenir, madame.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre d'Etat au
développement économique.
Réponse du ministre M. Bernard Landry
M. Landry: Mme le Président, on doit être
reconnaissant au député de Notre-Dame-de-Grâce et, par
extension, aux quelques-uns dans l'Opposition officielle qui
s'intéressent assez à cette question pour la garder dans
l'actualité, alors que pendant des années où ce parti
était au pouvoir et que le drame se jouait, il faisait des pieds et des
mains d'une part, pour n'en pas parler et, d'autre part, surtout pour ne rien
faire.
Par conséquent, à ce titre, le député de
Notre-Dame-de-Grâce a droit à des remerciements pour la chose
qu'il fait. Pour la façon dont il l'a fait, il a droit, par ailleurs,
à des critiques vives, virulentes non seulement de la part du
gouvernement, mais de la part de l'ensemble de la population du Québec
et surtout de la population de Montréal. Quand le député
de Notre-Dame-de-Grâce veut attribuer à la présence du
présent gouvernement, démocratiquement élu par les
Québécois, les problèmes de la ville de Montréal,
il se livre à une démagogie grossière et il dit une
sottise qui est confirmée et connue par tous les économistes du
Québec et d'ailleurs qui se sont intéressés aux
problèmes de la région de Montréal.
Il ressort de l'intervention du député de
Notre-Dame-de-Grâce que ces problèmes sont dus à une
élection qui l'a beaucoup choqué, lui et les libéraux,
quand ils ont été balayés en 1976, et il essaie de faire
prendre sa morgue électorale ce n'est pas drôle de perdre
ses élections pour une argumentation rationelle.
M. Raynauld: Vous commencez à connaître cela!
M. Landry: Nous allons maintenant démontrer d'abondance
que ces gens ont menti sciemment, et particulièrement le
député d'Outremont, qui n'a pas parlé encore, mais qui est
un expert sur cette question et qui pourrait aussi bien que moi, s'il
n'était pas pris dans le carcan partisan, démontrer que les
problèmes de la région de Montréal remontent au moins
à 40 ans, qu'ils sont dans une phase aiguë depuis au moins 25 ans
et que probablement le creux de la vague a été atteint. C'est en
effet le député d'Outremont et j'incite le
député de Notre-Dame-de-Grâce à lire cet ouvrage du
député d'Outremont alors qu'il n'était pas pris dans la
fureur partisane qui disait...
M. Scowen: Je l'ai lu.
M. Landry: ... en 1970, à l'époque d'une
administration libérale, alors que le Parti québécois
était à peine fondé: "La métropole
économique du pays a quitté Montréal depuis longtemps." Il
disait cela en 1970. Il disait davantage, toujours en 1970: "II y a transfert
des investissements pour le développement du Québec vers
l'Ontario et, par conséquent, une accélération de
l'expansion de toute l'économie ontarienne et un ralentissement de
l'expansion de toute l'économie québécoise." Phrase
écrite en 1970 et qui tombe sous le sens pour le moindre observateur un
peu pénétrant et dépourvu de partisanerie politique.
Le député de Notre-Dame-de-Grâce a parlé des
sièges sociaux. Toujours dans la même étude chiffres
de 1967 le député d'Outremont démontrait que, sur
1681 filiales canadiennes d'entreprises américaines, 632 étaient
déjà à Toronto, 187 seulement dans la zone de
Montréal. Il faut vraiment avoir de l'audace pour aller attribuer
à un événement politique, qui vous a mis en fureur et qui
remonte à deux ans et demi, un problème qui date d'au moins 25
ans et davantage.
Vous avez parlé des sièges sociaux. Eh bien! l'indice des
sièges sociaux, au cours des années fastes de Montréal et
au tournant de la seconde guerre, était du double à
Montréal par rapport à Toronto. Il y en avait deux fois plus. Par
suite d'une série de départs réguliers et constants au
cours de toutes ces années, en 1972, sous l'administration
libérale dont on se souvient, il y avait deux fois plus de sièges
sociaux à Toronto qu'à Montréal, situation totalement
renversée. Alors, par conséquent, nier qu'il y ait un
problème à Montréal serait absurde. L'attribuer au choix
démocratique des Québécois en 1976 serait également
absurde mais, en plus, malhonnête, anti-québécois et de
nature non pas à régler le problème, mais à
entretenir une morosité artificielle dans la région de
Montréal de façon à vouloir justifier des
déclarations politiques au mépris des réels
problèmes de la région et de son développement.
Pour bien illustrer ma pensée, je vais citer un agent
économique montréalais qui connaît Montréal mieux
que le député de Notre-Dame-de-Grâce. Un agent
économique qui n'est pas réputé pour être proche du
Parti québécois, un agent économique qui veut travailler
positivement à la relance de Montréal. Je parle de la Chambre de
commerce de Montréal. Ce n'est pas le Parti libéral, ce n'est pas
le Parti québécois. Je voudrais une réponse formelle du
député de Notre-Dame-de-Grâce sur cette question pour
démasquer la partisanerie irresponsable avec laquelle il traite des
problèmes de Montréal.
Je cite un mémoire de la Chambre de commerce de Montréal
de décembre 1978, qui dit très exactement ceci, et je veux des
commentaires précis du député de Notre-Dame-de-Grâce
sur cette question: "Or, il n'y a rien dans l'évolution actuelle de
l'économie montréalaise actuelle, on est en 1978
qui montrerait une brisure dans les grandes tendances. Au contraire, plusieurs
aspects de la situation actuelle de Montréal semblent tout simplement
prolonger ces grandes tendances historiques." C'est la Chambre de commerce de
Montréal, qui est l'agent déterminant du problème dont
nous parlons, qui n'est pas, comme chacun sait, une filiale du Parti
québécois, qui dit honnêtement qu'il n'y a pas eu de
brisure.
Le député de Notre-Dame-de-Grâce a eu l'audace
d'aller jusqu'à parler de suicide. D'ailleurs, si son vocabulaire avait
été plus approprié à la situation, il aurait
plutôt parlé d'assassinat, mais il parlait de suicide dû au
Parti québécois, comme si on pouvait suicider quelqu'un d'autre
ou comme si on voulait employer le pléonasme "il s'est suicidé
lui-même".
M. Scowen: J'ai dit qu'il voulait faire mourir.
M. Landry: Vous avez dit que le Parti québécois
faisait mourir Montréal. Je trouve que cette affirmation est une sottise
grossière en termes économiques et de la basse démagogie
politique. Elle est contredite par tous les économistes sérieux
et je viens de le lire par la Chambre de commerce de
Montréal qui en connaît un bout sur cette affaire. C'est heureux
que vous ayez provoqué ce débat ce matin. Cela fait longtemps
qu'on a des escarmouches, des accrochages. Comme la période des
questions ne nous donne pas le temps d'aller au fond de ces affirmations sans
fondement et de ces attaques injustifiées, il est bon ce matin que la
population du Québec se rende compte que ce que vous faites depuis six
mois est une opération de déstabilisation politique purement
partisane qui est contredite par la réalité statistique et qui
est également contredite par un agent économique au-dessus de
tout soupçon en ce qui nous concerne, la Chambre de commerce de
Montréal.
Vous avez parlé des sièges sociaux. Je vais vous en
reparler, des sièges sociaux et par secteurs, en plus. Je vais vous
parler des compagnies d'assurance. Vous aviez fait grand cas de la Sun Life.
Tout le monde l'a vu à la télévision. On a entendu ce que
vous avez dit de la Sun Life, attribuant son départ au Parti
québécois, etc. Une étude de 1972, en pleine
administration libérale, du Centre de recherche de l'Université
de Montréal ce ne sont pas les recherchistes du Parti
libéral disait déjà j'aimerais avoir vos
commentaires sur cette question reliée à l'affaire de la Sun Life
que six des dix-huit sièges sociaux des compagnies
d'assurance-vie avaient quitté Montréal entre 1965 et 1970, un
sur trois. Est-ce à cause du fait que M. Bourassa voulait assassiner
Montréal? Est-ce à cause du fait que ses collaborateurs, le
ministre de l'Industrie et du Commerce du temps, par exemple, avaient
décidé consciemment de chasser les bureaux des compagnies
d'assurance de Montréal? Est-ce qu'en 1972 il y avait la loi 101? Est-ce
qu'en 1972 il y avait la loi 22? Quant aux autres types de compagnies
d'assurance, 34 ont émigré sur un total de 110 on en est
encore au tiers entre 1965 et 1970. Le Parti québécois
était à peine fondé.
J'espère, Mme la Présidente, que ces arguments sont
surabondants pour vous faire comprendre le jeu pernicieux qui a
été joué par l'Opposition officielle et, en particulier,
par le député de Notre-Dame-de-Grâce depuis six mois. C'est
une insulte à l'intelligence de cette Assemblée et à
l'intelligence du peuple québécois. L'homme de la rue, à
Montréal, qui sort pour rentrer au travail de la station de métro
Berri-Demontigny sait ces choses depuis des années, alors que le
député de Notre-Dame-de-Grâce essaie, d'une manière
persistante et ridicule, de l'intoxiquer avec ses faussetés partisanes.
(10 h 45)
Parlons maintenant des vraies causes du problème qu'il me semble
avoir démontré: le jeu auquel se livrait l'Opposition. Dire que
le Parti québécois n'a pas reconnu le problème et dire
qu'il l'a nié, c'est une autre fausseté manifeste. Il ne l'a
tellement pas nié qu'il est le premier gouvernement de l'histoire
contemporaine du Québec à faire des choses concrètes et
qu'on peut énumérer vis-à-vis du problème de
Montréal. Au lieu de s'adonner à la jérémiade et
aux accusations et aux tentatives de déstabilisation, le gouvernement
a
déjà posé, de concert avec la Communauté
urbaine de Montréal, de concert avec les autres agents
économiques de Montréal, des gestes qui sont autre chose que le
verbiage que le Parti libéral nous sert non seulement depuis qu'il a
été péniblement renvoyé dans l'Opposition, mais du
temps qu'il était au gouvernement.
Il y a c'est la deuxième partie de mon argumentation
figurez-vous, depuis récemment, des signes de redressement
à Montréal. La bataille de Montréal n'est pas
gagnée. Il y a des signes de redressement qui sont
précisément survenus depuis 1976. Je n'aurais pas l'impertinence
de les attribuer à la seule action du gouvernement. Je pense que, tout
simplement, nous avons passé le creux de la vague historique, mais je
n'irai pas sur le terrain où le Parti libéral est en train de
perdre toute crédibilité en essayant d'attribuer au Parti
québécois les problèmes de Montréal. Je
n'attribuerai pas au Parti québécois le fait que ces
problèmes semblent commencer à se régler. Mais la
tâche est encore immense.
Je vais vous citer quelques chiffres. La création nette d'emplois
pour la région métropolitaine de Montréal: en 1976, nous
avons gouverné durant les deux derniers mois de 1976 notre
élection n'était pas prévue par les agents
économiques et je dois dire, sans fausse honte, qu'elle était
à peine prévue par nous-mêmes; par conséquent, on
n'a pas influencé 1976 perte de 12 000 emplois pour la
région métropolitaine de Montréal, moins 12; en 1977,
moins 2000; en 1978, plus 14 000. Je voudrais que le député de
Notre-Dame-de-Grâce m'interprète ces statistiques qui viennent de
Statistique Canada. En 1976, sous les libéraux, on perd 12 000 emplois;
en 1977, sous le PQ, on perd 2000 emplois c'est déjà six
fois moins et, en 1978, on en gagne 14 000. Quand le
député de Notre-Dame-de-Grâce parle de
détérioration de la situation, je voudrais qu'il
m'interprète ces chiffres qui sont en termes d'emplois et qui illustrent
bien non seulement son manque de profondeur d'analyse quant aux causes, mais
qui illustrent bien qu'il s'est tout simplement fermé les yeux,
peut-être délibérément et c'est scandaleux
sur les signes de reprise en termes d'emplois.
On a parlé aussi beaucoup de construction. Là aussi, nous
avons vécu une période difficile. Montréal a vécu
un période difficile après l'exposition universelle. Il y a eu un
très grand nombre de faillites de firmes. Il y avait eu un surplus dans
la construction, chômeurs dans la construction. Le même
phénomène s'est répété, Mme la
Présidente, à la suite de la superactivité olympique. Un
gouvernement sage aurait constitué une banque de projets. Quand tu as
vécu l'Expo, tu devrais bien savoir qu'après les Olympiques, le
même phénomène se serait produit. Non, ces messieurs se
sont garrochés dans la dépense olympique sans penser qu'il y
aurait un lendemain à ces Olympiques.
Quand le Parti québécois a pris le pouvoir, la banque de
projets était à sec et la construction s'est effrondrée,
dans la région métropolitaine de
Montréal en particulier, comme conséquence directe de
l'ineptie de ceux du gouvernement d'alors qui essaient hypocritement de nous
donner des leçons aujourd'hui. Encore là, j'ai de relativement
bonnes nouvelles d'événements qui se sont produits
récemment. La valeur des contrats de construction d'ailleurs,
j'ai remarqué que vous ne m'en parliez plus depuis deux ou trois mois
à l'Assemblée nationale; je me doutais que c'est parce que la
reprise est en train de se faire et que cela commençait à aller
mieux. Vos spécialistes sur la valeur des contrats accordés ont
la voix un peu plus enrouée depuis quelques mois, mais là je
comprends pourquoi. C'est parce que, de mars 1978 à mars 1979, il y a
une augmentation de 12% dans Montréal.
M. Scowen: Est-ce que c'est le secteur privé ou non?
M. Landry: Je vous ai dit que je vais vous en parler du secteur
privé. Je vous donne la série de statistiques; vous n'êtes
pas habitués à lire les chiffres, vous les inventez; je les
prends à Statistique Canada et je les lis.
M. Lavoie: Un peu de calme, s'il vous plaît! M. Landry:
Mme la Présidente, je dis...
M. Scowen: Est-ce que le temps du ministre est
écoulé?
La Présidente (Mme Guerrier): S'il vous plaît,
à l'ordre!
M. Lavoie: Un peu de calme, il ne faut pas... On n'est pas pour
niaiser. Les règlements existent.
M. Scowen: Est-ce que le temps du ministre est
écoulé?
M. Landry: Ils veulent faire perdre le temps.
La Présidente (Mme Cuerrier): II reste une minute, M. le
ministre, c'est vous qui avez la parole actuellement et je demanderais qu'il
n'y ait pas d'intervention. M. le ministre.
M. Landry: Je vous remercie, madame. Vous devriez peut-être
même me donner 30 secondes additionnelles à cause de
l'interruption de ces messieurs; quand cela leur fait mal, ils crient. Je leur
dis avec un calme absolu que l'exposé du député de
Notre-Dame-de-Grâce est un pur monument politique, faible sur le plan
intellectuel, contraire à la réalité et contraire aux
meilleurs intérêts des Montréalais parce que l'augmentation
globale dont j'ai parlé de 12%, dans l'institutionnel, elle est de 125%;
dans le commercial est-ce le secteur privé ou si c'est le
gouvernement? 41%; dans le résidentiel, plus 15% et, dans
l'industriel, plus 5%. Si je m'étais dans ma vie laissé prendre
au piège de devenir membre du Parti libéral, je me
réjouirais et je crierais au miracle
d'une façon irréaliste. Il n'y a pas de miracle; il y a
simplement une légère reprise à Montréal, ce qui ne
s'était pas produit depuis plusieurs années. Il y a des
éléments plus spectaculaires que l'homme de la rue va voir.
M. Scowen: L'homme?
M. Landry: La Banque provinciale et Bell Canada mettent en
chantier le plus grand chantier du secteur privé depuis dix ans à
Montréal.
M. Scowen: Est-ce qu'il y a une limite pour chaque personne?
Le Présidente (Mme Cuerrier): Sûrement. M.
Landry: Ce sont la les vrais chiffres.
La Présidente (Mme Cuerrier): J'ai une question de
règlement actuellement, M. le ministre; vous devrez continuer votre
intervention tantôt; vous avez déjà utilisé 20
minutes.
M. Landry: Volontiers, madame; le règlement, c'est le
règlement.
La Présidente (Mme Cuerrier): Le règlement, c'est
le règlement, comme vous le dites si bien. M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
Discussion générale
M. Scowen: Merci, Mme la Présidente. Avant de céder
la parole au député Russell, je veux simplement répondre
brièvement à deux ou trois points que le ministre a
soulevés. Premièrement, je n'accepte pas du tout qu'il me
qualifie d'anti-québécois; il n'y a rien qui se passe dans ce
salon bleu qui est antiquébécois d'après moi. Si on ne
partage pas tous les mêmes opinions, c'est une chose mais cette arrogance
du Parti québécois me rappelle une citation du Dr Laurin, des
Hautes études commerciales. Il disait que les membres de cette nouvelle
élite se perçoivent comme étant investis de la mission
d'annoncer au peuple ce qui fera son bonheur il parle du Parti
québécois, bien sûr, je pense cette arrogance
à dire que moi, j'ai la vérité et tout le monde qui essaie
de me contredire n'est pas Québécois. C'est une attitude qui,
pour moi au moins, est totalement inacceptable et je vais continuer à
parler ici, jusqu'au moment où je ne serai plus député, au
nom des Québécois et je vais dire ce que je pense être le
meilleur pour les Québécois. Je n'accepterai jamais plus du
ministre qu'il continue de faire ces insinuations.
Deuxièmement, il m'avait posé une question je pense
que c'était une question où il parlait d'une citation de
la Chambre de commerce de Montréal. C'est très bien; on va passer
une bonne partie de la journée en citations des autorités d'un
côté ou de l'autre. Finalement, la population pendant une visite
ou pendant sa vie quotidienne à Montréal peut décider si
la relance, l'activité et le bien-être de Montréal dont le
ministre parle, c'est vrai ou non.
Il sait très bien que je peux citer moi aussi le Conseil du
patronat du Québec, qui est un organisme qui n'est pas libéral,
dont le président et le conseil d'administration ont continuellement dit
que le gouvernement est en train de détruire le Québec et en
particulier la ville de Montréal. Si vous voulez un exemple, vous n'avez
qu'à voir la lettre ouverte qui a été écrite par le
président, par le conseil, cela fait dix jours, au ministre Parizeau
touchant le budget. Pour les citations en réponse au ministre, je vais
lui en donner quelques-unes de gens qui font des investissements. Ils sont tous
dans le rapport de Drouin, Paquin et Associés Ltée, une compagnie
qui n'est pas libérale non plus; ce sont des conseillers en
administration.
Je vais en citer trois et après je vais céder la parole au
député de Brome-Missisquoi. Spécialistes en relocalisation
à New York, nous ne pouvons plus recommander Montréal à
nos clients car les facteurs cruciaux de localisation d'un siège social
ne sont plus en faveur de Montréal. Experts en développement
à New York. Ce sont tous des gens qui investissent. Les
nouvelles qui nous viennent du Québec détruisent les
possibilités d'investissement à Montréal. Tant que les
entreprises de Montréal quittent leur ville, un programme d'attraction
de nouvelles entreprises est sans objet. Experts en construction de bureaux. De
toutes les personnes que je connais dans cette industrie, je n'en connais pas
une seule qui envisage d'investir dans les immeubles à bureaux à
Montréal. Un dernier, banquier canadien à New York. Aux
Etats-Unis, il y a désormais un manque d'intérêt
marqué vis-à-vis de Montréal et du Québec. Tout le
monde observe ce qui va se passer. Quand par hasard Montréal est
mentionné dans les conversations, ce que l'on en dit est
négatif.
Mme la Présidente, on pourrait continuer toute la matinée
avec des batailles de citations et de chiffres, mais je veux simplement vous
démontrer qu'il y en a des deux côtés. Je passe la parole
à quelqu'un d'autre.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre d'Etat au
développement économique.
M. Landry: Oui, je pense que là-dessus, il y aurait un
point d'accord avec le député de Notre-Dame-de-Grâce: c'est
qu'on pourrait trouver des citations des deux côtés et en trouver
longtemps.
Il y a cependant des statistiques et des chiffres qui ne sont pas des
citations et qui ne sont pas interprétés. Quand il parle de la
faiblesse des investissements à Montréal et dans le Québec
en général, je lui dis formellement qu'il ignore la
réalité. La réalité c'est qu'en 1978, la croissance
des investissements au Québec a été la plus
élevée de toutes les provinces du Canada, sauf l'Alberta, et cela
exclut la baie James car il s'agit d'investissements manufacturiers. C'est beau
de vouloir être pessimiste et morose et justifier ses attitudes en
répandant des commentaires dépressifs, mais les hommes d'affaires
et les investisseurs ont l'air de comprendre cela autrement.
Il parle d'espaces à bureaux. J'ai cité, dans la fin de
mon intervention, deux réalités qui sont le
fait que la Banque provinciale, très dynamique entreprise du
Québec, et Bell Canada ont commencé les travaux
préliminaires et construisent à Montréal deux tours
à bureaux qui constituent l'investissement privé le plus
important à Montréal depuis dix ans. Cela ne s'était
même pas vu sous le gouvernement libéral de 1970 à
1976.
M. Lavoie: Place Desjardins.
M. Landry: J'ai dit privé. Vous voulez qu'on parle
d'investissements privés. La Banque provinciale, c'est privé, et
Bell Canada, c'est privé. Vous avez demandé qu'on se limite au
secteur privé.
M. Lavoie: Les Caisses populaires. M. Scowen: Ce n'est pas
privé?
M. Landry: Ce n'est pas nécessaire d'aller voir dans les
livres. On a simplement à constater ce qui se fait sur le terrain au
pied de la Côte du Beaver Hall. Je vous dis également, madame, que
la Banque d'épargne est également en train de négocier
avec les services d'urbanisme de la ville de Montréal pour aussi
construire un édifice important pour abriter ses services à
Montréal. Cela fera, pour la construction de grands édifices
à bureaux, une année record pour la mise en construction dans les
mois qui viennent. Cela constitue une réalité, ce sont des
réalités qui contredisent de façon formelle l'approche du
député de Notre-Dame-de-Grâce. (11 heures)
Quant au secteur dynamique il parle de mort de Montréal,
d'absence d'investissements dans les investissements manufacturiers de
la région métropolitaine de Montréal ce n'est pas
l'ensemble du Québec je voudrais encore des commentaires
là-dessus. En 1978/79, croissance des investissements manufacturiers
à Montréal et je ne prends que les secteurs dynamiques
matériel de transport plus 82%, aliments et boissons plus 27%,
produits chimiques plus 17%, appareils électriques plus 12%. On donne
souvent...
M. Lavoie: 17% de zéro, ça ne fait pas
beaucoup.
M. Landry: ... Toronto en exemple et on a raison parce que c'est
au profit de Toronto, au cours des 40 dernières années, que
Montréal a surtout perdu. Mais la hausse des investissements à
Toronto a été de 22% et c'est la ville la plus dynamique du
Canada probablement cette année et Montréal 21,1%,
c'est-à-dire moins de 1% de différence. On a, d'un
côté, ce que le député de Notre-Dame-de-Grâce
a décrit comme un mourant et, de l'autre côté, la ville la
plus dynamique du Canada. La croissance des investissements en 1978/79
pas dans le temps de Noé est à peu près la
même. C'est pourquoi je dis qu'aller entretenir un pessimisme artificiel
et à fins partisanes sur Montréal, ce n'est rendre service ni aux
Montréalais, ni à l'économie québécoise.
Quand on parle de la grande région de Montréal, il y a des
choses qu'il ne faut pas oublier non plus et auxquelles le député
de Laval sera sensible. Il y a 25 ans, il y avait une série de villages
sur l'île Jésus et de petites villes. Aujourd'hui, il y a
l'immense ville de Laval, deuxième plus grande ville du Québec,
un quart de million d'habitants, avec un parc industriel qui est tellement
rempli que les autorités municipales de Laval ont décidé
de multiplier sa surface par deux et qu'ils ont fait une demande au
gouvernement en ce sens.
M. Lavoie: Qu'est-ce qu'on peut entendre!
M. Landry: Cela aussi, ça compte. Le Montréal
métropolitain inclut aussi Laval et Laval, au cours des 25
dernières années, a été sûrement un des
endroits en Amérique du Nord dont le taux de croissance a
été le plus rapide non seulement pour la population, mais
également pour le commerce et l'industrie. Comme je vous l'ai
signalé, la ville de Laval doit maintenant agrandir son parc industriel
qui est plein comme un oeuf.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce.
M. le député de Brome Missisquoi.
M. Russell: Mme la Présidente, je vais prendre quelques
minutes. J'aimerais si on me le permet, diviser mon intervention en deux, parce
que, si j'ai seulement vingt minutes, il faut que je sois un petit peu plus
conservateur, au moins que je continue à conserver mon conservatisme
normal.
Je n'ai pas l'intention de faire une illustration du
déménagement des sièges sociaux de Montréal vers
Toronto. C'est une chose qui est connue depuis longtemps et on connaît
une partie des causes qui sont arrivées à créer ce climat.
Il faut d'abord connaître la situation géographique de Toronto,
savoir que c'est une capitale et savoir le travail qui se fait pour le
développement de Toronto. Il faut aussi connaître la situation
géographique de Montréal et lire simplement la façon dont
l'économie canadienne s'est développée et on va
s'apercevoir que cela justifie certains déménagements pour
certaines sociétés. Je suis d'accord, quand même, qu'il
faut tenter de faire quelque chose dans une province comme la nôtre et
c'est là que je trouve que le ministre a peut-être manqué
le bateau. Il aurait dû nous démontrer les mesures positives
qu'ils ont prises, eux, parce qu'ils ont été élus en 1976
sur la promesse d'être un bon gouvernement. Le gouvernement
précédent a été jugé et pas simplement sur
son action entre 1973 et 1976. On pourrait dire qu'ils ont été
jugés du début des années soixante, sur toutes les
politiques qu'ils ont amenées à la population et sur le climat
qu'ils ont pu créer. Ils ont été remerciés de leurs
services; on a élu un autre gouvernement, pas pour séparer le
Québec et c'est ça que je voudrais qu'on mette de
côté pour le moment. On a été élu en
promettant à la population qu'on serait un vrai gouvernement et qu'on
ferait un référendum pour la séparation du
Québec.
Donc, je veux tâcher d'être dans l'ordre pour essayer
d'illustrer ma pensée. Je voudrais ce matin tâcher d'examiner la
situation réelle du déménagement et je dis que ceci
réfère au climat. Ce climat, c'est le gouvernement qui le
crée souvent avec les municipalités qui sont ses organismes et
qui sont sous le contrôle, sous la tutelle du gouvernement. Cela a
été là la grande faiblesse des gouvernements
passés.
D'abord, il y a eu trop d'interventionnisme. On a commencé au
début des années soixante, au moment où la ville de
Montréal progressait à un rythme aussi rapide que celui de
Toronto. On n'a qu'à examiner les statistiques qui existaient dans le
temps. Ce n'est pas moi qui les ai inventées, j'ai même lu des
rapports qui ont été faits par le député à
ma droite, ici, qui connaît très bien ce sujet, qui a
établi des chiffres qui nous démontrent d'une façon
certaine, que Toronto ne progressait pas, avant 1960, plus rapidement que
Montréal.
Depuis ce temps, le gouvernement est intervenu à peu près
dans tous les domaines. Ces interventions ont donné quoi? Des dettes et
des charges aux contribuables. On a créé des dettes et des
charges aux contribuables, et surtout à l'entreprise privée,
comme le dit si bien le député de Notre-Dame-de-Grâce. Moi,
je suis dans l'entreprise privée et je ne veux pas d'interventionnisme.
Quand on voit, depuis 1960, toutes les sociétés d'Etat qui ont
été créées, en commençant par la
Société générale de financement, qui est devenue
propriétaire de Marine Industries, de Forano, de Volcano, de Donohue, de
Lasalle Treco, SOGEBEC, la Société de montage d'automobile, cela
a été un succès extraordinaire, cela a coûté
des millions à l'Etat et c'est ce qui a créé
l'augmentation dont on parle. J'ai cité ces quelques
sociétés pour vous démontrer que le gouvernement du temps,
par son intervention, avec une tendance plutôt socialiste, a
créé ce climat qui a fait que les hommes d'affaires ont dû
se placer dans une situation pour pouvoir survivre. Quand ils ont vu que le
gouvernement du Québec agissait de cette façon, on a
établi nos politiques d'administration pour réussir.
C'est là que bien des sociétés, qui avaient des
bureaux à Toronto et qui avaient des bureaux dans d'autres parties du
Canada et aux Etats-Unis, ont décidé de se centraliser vers
Toronto, peut-être pour une question de langue. On a reconnu que ce n'est
pas dû seulement à la loi 101, quoique ce fut un facteur qui n'a
pas aidé au climat québécois actuel. Je le vis
moi-même parce que j'ai des industries dans d'autres parties du Canada et
cela me cause des embêtements. Il y a des gens qui n'aiment pas cela. On
a tellement fait de publicité à cette loi 101 que cela
paraît encore pire que c'est en réalité. Cela a aidé
à créer un mauvais climat, et j'aimerais que le ministre nous
explique tout à l'heure, dans ses remarques, ce qu'il a l'intention de
faire pour corriger le climat qui a été créé par
cet interventionnisme.
Cet interventionnisme a créé la charge fiscale qu'on
connaît aujourd'hui au Québec. On sait que la charge fiscale au
Québec, tant au niveau municipal, dans bien des cas surtout
Montréal qu'au niveau provincial, dépasse l'Ontario et
Toronto de beaucoup. Donc, les gens préfèrent
déménager là-bas, là où ils paient moins
d'impôt, là où ils ont certains avantages, plutôt que
de demeurer à Montréal et avoir deux bureaux, être à
cheval sur deux. Il y a aussi la technologie moderne qui a permis à bien
des sociétés d'avoir un siège social à Toronto de
ne pas en avoir à Montréal, et de fonctionner de la même
façon. Cela se voit aujourd'hui et on le vit nous-mêmes; chacune
des industries d'une taille moyenne bénéficie de cela.
En plus, il faut reconnaître que Montréal ne pourra pas
tenir tête à Toronto. Avant 1960, on lui tenait tête, mais
depuis 1960, c'est presque deux pour un. Toutes les statistiques nous
démontrent, indépendamment des politiques qu'on va créer,
que cela va continuer à ce même rythme, à moins que le
gouvernement fédéral ne change toutes ses politiques qui
pourraient favoriser d'une façon spécifique la région de
Montréal et celle du Québec. Je doute fort que cela puisse
arriver. On pourrait regarder tous les secteurs. Le domaine des transports est
affecté; le domaine aérien, malgré Mirabel, est
affecté. Je n'ai pas vu de mesures draconiennes de la part du
gouvernement actuel pour corriger cette situation. Il faut que quelque chose se
fasse là, il faut arrêter de créer des commissions et il
faut agir plus rapidement.
Depuis 1960, on a créé des sociétés d'Etat,
je vous en ai donné une liste tout à l'heure. On a
créé surtout un fardeau inacceptable. De toutes les mesures
sociales qu'on a créées dans le Québec comme ailleurs,
mais surtout au Québec, on a l'assurance-maladie qui paie mieux que
l'Ontario, on a l'assurance sociale qui paie mieux que l'Ontario. La plupart de
ces lois sociales sont plus avantagées qu'en Ontario.
Ce qui fait en sorte que les gens, aujourd'hui, sont moins
intéressés à travailler. On a aussi l'effort qui a
été fait, de façon très justifiée, par les
mouvements ouvriers pour augmenter les salaires. C'était
justifié; parce que le coût de la vie augmentait, il fallait que
l'ouvrier aille chercher plus. C'est normal! Si vous regardez les
augmentations, si vous regardez les statistiques depuis dix, douze ans, dans le
domaine du revenu d'un ouvrier dont 80% ou 90% de son salaire vont pour
l'habitation, le vêtement, la nourriture de sa famille, ainsi de suite,
ç'a augmenté de 12% à 18% tandis que les augmentations de
salaire sont maintenues de 6% à 9%. Ce qui veut dire que le pouvoir
d'achat de l'ouvrier a diminué d'année en année. Donc, ils
ont demandé plus, c'était justifié. Il ne faut pas
critiquer et dire que les mouvements ouvriers ont été injustes.
Mais on a tellement fait de publicité, on a tellement créé
un climat et dit qu'au Québec c'était plus affreux qu'ailleurs!
Je ne sais pas si c'est simplement au Québec mais, en Ontario, on ne
voit pas ces publicités, ces annonces dans les journaux à pleine
page, quand il s'agit d'une grève comme ici à
Montréal.
On a montré Montréal dans les journaux comme la capitale
où il y avait toutes les grèves; le
Québec en général mais surtout Montréal. On
ne pouvait plus arriver, survivre à Montréal à cause des
fardeaux qu'on a créés et on a laissé Montréal se
débattre dans son propre problème. On n'est pas intervenu assez
pour aider Montréal à se développer comme l'a fait le
gouvernement de l'Ontario vis-à-vis de Toronto, qui est une capitale
encore. Montréal, j'admets que ce n'est pas une capitale. On a
aidé la ville de Québec à se développer;
Montréal, on y est allé au compte-gouttes. Je voudrais simplement
regarder le fardeau qui a été créé à
Montréal par l'exposition universelle, qui est un fardeau que le
contribuable de Montréal est obligé de payer; vous avez aussi les
Jeux olympiques qui sont un fardeau qu'on ressent actuellement, et le
gouvernement devrait prendre des mesures pour corriger cette situation. C'est
le contribuable de Montréal, c'est l'industriel de Montréal qui
vont avoir à porter ce fardeau.
En résumé, tout ceci, on se dit que c'est une mauvaise
orientation politique qui a été donnée par les
gouvernements précédents et je ne comprends pas le gouvernement
actuel qui se contente de s'asseoir et dire: Nous autres, on promet de faire
mieux. A ce jour, je ne vois pas la série de mesures qui a
été déposée devant la Chambre pour démontrer
que ce sera mieux dans un avenir rapproché. Je ne voudrais pas utiliser
tout mon temps, je veux garder quelques minutes pour plus tard parce qu'il y a
d'autres statistiques que je voudrais apporter.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre d'Etat au
développement économique.
M. Landry: Mme la Présidente, je voudrais réagir
aux remarques qui me semblent extrêmement honnêtes de la part du
représentant de l'Union Nationale. Il n'a pas essayé de brandir
des spectres politiques qui disent que les difficultés de
Montréal ont commencé en 1976. Il a évoqué un
certain nombre de points qui méritent une réponse attentive et la
plus structurée possible. Commençons par la loi 101. Je pense que
vous avez fondamentalement raison en disant que la loi 101 et toute loi
linguistique, par conséquent: bill 22, loi 63, créent certains
ennuis à la grande agglomération de Montréal. Cela est
vrai et inéluctable. Même le député de
Notre-Dame-de-Grâce l'a reconnu dans son étude; il parlait des
lois linguistiques au pluriel, j'imagine qu'il incluait le bill 22. C'est vrai
que cela dérange, cela ne sert à rien de le nier. Mais il y a des
gestes qui sont posés par les gouvernements dans un système
démocratique qui dérangent mais qui doivent l'être parce
que, s'ils ne sont pas posés, il y aurait des dérangements plus
grands encore.
J'essaie d'expliquer ma pensée: Vous vous souvenez du cauchemar
qu'on a vécu au Québec en 1970. Vous vous souvenez du climat
social invivable qui s'est par la suite développé entre 1970 et
1976. Vous ne l'avez peut-être pas vécu personnellement; mais,
bien que vous soyez parfaitement habile en langue anglaise, vous pouvez
être considéré comme un francophone. Vous pouvez sans doute
imaginer la frustration de millions et de millions d'hommes et de femmes du
Québec qui ont eu, bien qu'étant francophones, à
travailler en langue anglaise. Cela tombe sous le sens de dire cela; chacun l'a
vécu dans sa propre famille. (11 h 15)
Cela dérangeait en diable! La frustration s'accumulait. Cela
rendait les gens de plus en plus agressifs, et les moins calmes d'entre eux se
sont malheureusement laissés aller à une violence qui n'est pas
pardonnable, mais qui était réellement et qui était dans
le paysage de Montréal. Vous vous souvenez des boîtes aux lettres.
Vous vous souvenez de 1970. Donc, il fallait absolument remédier
à cette situation et, en y portant remède, on a
dérangé du monde, mais on a donné la paix à
certains autres.
Je vous dirai personnellement que mon propre père, qui
travaillait pour une usine de la Défense nationale du Canada, devait
répondre à ses supérieurs en anglais. J'ai vu cela quand
j'avais 14, 15 ou 16 ans, et c'était extrêmement dérangeant
pour mon père de le faire. Mon père n'était que comme des
millions de travailleurs québécois qui se rendaient au travail le
matin et qui devaient laisser à l'entrée de l'usine leur culture
et leur langue. Cela dérangeait en diable, cela! Cela ne
dérangeait pas un banquier à New-York, ou à Toronto,
à Bay Street. Ils s'en fichaient complètement dans ce
temps-là, mais cela dérangeait des millions d'hommes et de femmes
du Québec.
A la génération suivante, qui était la mienne, le
problème n'était pas réglé encore. Et là, je
parle du secteur public. J'ai dû, alors que j'étais officier dans
les Forces armées canadiennes donc secteur public
m'exprimer en anglais, dans une unité francophone, à la suite
d'un ordre qu'on m'avait donné. "Lieutenant, I give you the order to
speak in English." Mon père se faisait dire cela comme travailleur
à l'usine de munitions à Saint-Paul-l'Ermite et moi, je me le
faisais dire comme membre des Forces armées canadiennes. Cela
dérangeait en diable, cela!
C'est la raison pour laquelle le gouvernement qui nous a
précédés et le présent gouvernement ont
décidé qu'à la génération suivante, à
celle de mon fils, ces humiliations et ces frustrations devaient être
réglées et conjurées. Je pense que le député
de Notre-Dame-de-Grâce souscrit à cet objectif, comme le
député d'Outremont et comme la plupart des
Québécois. C'est la raison pour laquelle, assez malhabilement
parce que cela a soulevé un tollé et une critique
épouvantable les libéraux ont fait la loi no 22 et c'est
la raison pour laquelle nous avons fait la loi no 101.
Elle peut déranger et je ne nie pas qu'elle dérange. C'est
entendu qu'un gars qui faisait son activité économique à
Montréal, comme à la Sun Life, par exemple, depuis un
siècle, uniquement en langue anglaise, cela l'a dérangé
quand il s'est rendu compte que le Québec était en train de
changer. Mais c'était une situation scandaleuse. Si le
député de Notre-Dame-de-Grâce dirigeait une
compagnie d'assurance à Mexico pendant 25 ans, je suis sûr
qu'avec son intelligence, il parlerait l'espagnol. Il y avait des gars qui
dirigeaient des compagnies d'assurance à Montréal depuis 15 ou 20
ans et qui ne parlaient pas français.
Il fallait faire quelque chose. Et ce fut fait. Et fut bien fait,
à un point tel que cette loi no 101 dont on parle tant a
été citée en exemple à toutes les provinces du
Canada par la Commission Pépin-Robarts. C'est écrit textuellement
dans le rapport de cette commission. John Robarts, ancien premier ministre de
l'Ontario, membre d'une commission fédérale, écrit
textuellement que les autres provinces devraient faire comme le Québec,
et c'est la raison pour laquelle il voulait confier aux provinces, comme vous
le savez c'est la base de leur argumentation toute la protection
des droits des minorités. C'est au Québec, dans le monde
occidental, où la minorité de langue anglaise est la mieux
protégée de toutes les minorités qu'on puisse
imaginer.
Il y a des détails que me ravissent, qui m'enchantent et qui
montrent l'ouverture d'esprit des Québécois, avant la loi 101
comme après. Il y a deux pays au monde où les écoles
juives sont subventionnées à même les deniers publics
à même les taxes et j'en suis fier. Savez-vous quels
sont ces deux pays? Israël et le Québec. C'est cela, de l'ouverture
d'esprit. C'est cela, de la tolérance. Et si un banquier de Bay Street
n'a pas compris cela, s'il n'a pas compris que nous devions rajuster la
situation des Québécois dans le seul univers culturel qui est le
leur, le périmètre du Québec c'est dommage pour lui. S'il
décide de ne plus faire d'affaires au Québec, c'est doublement
dommage pour lui parce que c'est sa poche et son compte d'exploitation qui vont
en souffrir, comme la Sun Life, dont le marché québécois
s'est effondré. Ce n'est pas un cadeau de vendre une police d'assurance
de la Sun Life au Québec maintenant. Ils n'ont pas compris la nouvelle
situation québécoise.
Je vais vous faire une prévision: loi 101, pas loi 101, quoi
qu'il arrive politiquement dans l'avenir, à cause des richesses
énergétiques du Québec, à cause des
mégawatts que nous possédons, à cause des richesses
naturelles le prix du cuivre a doublé depuis qu'on est
arrivé au pouvoir et ce n'est pas de notre faute, d'ailleurs; c'est un
phénomène de marché parce qu'on s'est rendu compte
que, dans les déchets d'amiante, il y avait l'équivalent des
réserves mondiales de magnésium prouvées
comprenez-vous? les richesses au Québec, en termes de richesses
naturelles, nous sortent par les oreilles; à cause de cela, il y a des
gens qui vont demander, dans cinq ou dix ans, de venir s'implanter au
Québec et nous ne serons pas en mesure de les accueillir parce que les
immenses richesses énergétiques auront déjà
été employées par des entreprises
québécoises et étrangères au maximum de leur
capacité et ils iront payer leur courant électrique quatre, cinq,
huit, dix fois plus cher dans d'autres Etats américains et d'autres
parties du monde. Sur le plan de la concurrence, le Québec sera dans une
situation d'une telle force que ceux qui en sont sortis il n'y en a pas
autant qu'on le dit, mais ceux qui ont eu la bêtise d'en sortir
s'en mordront les pouces et il y en a plusieurs qui voudront y entrer.
Pour la question des langues, encore une fois, je vous donne raison,
cela dérange, mais, entre deux dérangements, on choisit le
moindre. Moi qui suis d'ascendance acadienne les dérangements, je sais
ce que c'est, on en avait eu un grand. La loi 101 dérange; c'est un
petit dérangement comparé à la frustration que l'ancienne
situation linguistique faisait peser sur les Québécois.
Vous avez parlé des taxes. Là aussi, je vous donne
partiellement raison. La fiscalité québécoise depuis 25
ans est très lourde et est trop lourde, sauf peut-être au chapitre
des corporations. Les compagnies, vous le savez, paient 2% de moins de taxes au
Québec qu'en Ontario si on considère la partie qui va aux
provinces; 2% de moins au Québec qu'en Ontario. Mais pour les individus,
c'est vrai, la fiscalité est lourde. Qu'a fait le présent
gouvernement? Le ministre des Finances l'a expliqué dix fois. Le
présent gouvernement s'est attaché à réduire le
fardeau fiscal, à diminuer les taxes et il a commencé,
imaginez-vous c'était logique par les secteurs où
c'était le plus urgent. On a commencé par baisser les taxes de
80% des Québécois, c'est-à-dire les plus démunis,
d'une part, mais aussi les salariés de classe moyenne et les ouvriers
spécialisés. Ce sont ceux-là qu'on a voulu toucher les
premiers. Nous sommes fiers de cela. C'était notre devoir, comme
gouvernement social-démocrate et comme gouvernement élu par le
plus grand nombre, de diminuer d'abord l'impôt du plus grand nombre, non
seulement l'impôt, mais aussi les taxes au sens plus restrictif du terme:
taxe de vente abolie de façon définitive sur des biens qui sont
de consommation essentielle.
L'idéal du gouvernement, ce n'est pas de monter les taxes; c'est
de les baisser. Chacun sait qu'il ne peut pas le faire dans un seul budget,
mais, dans trois budgets successifs, nous avons diminué les taxes de 80%
des Québécois et l'incidence des taxes foncières sera
elle-même abordée avec la réforme de la fiscalité
municipale en 1980.
Par conséquent, je rends des points au député,
d'une certaine manière, sur ces deux sujets. Je diverge d'opinion sur
les entreprises du secteur public. En 150 ans, le capital privé n'avait
pas réussi à doter la grande région montréalaise
d'une sidérurgie. Vous savez que l'acier, c'est majeur pour le
développement économique. Un consommateur d'acier du
Québec devait aller chercher son acier en Ontario. Alors, c'était
le prix, plus le transport. Une entreprise de transformation, une PME,
était en difficulté de concurrence par ce simple fait que l'acier
venait de l'Ontario. SIDBEC, qui n'a peut-être pas eu des performances
brillantes mais c'est une jeune sidérurgie, c'est une
sidérurgie qui a dix ans alors que la sidérurgie canadienne a
plus d'un siècle a permis à des PME
québécoises, des petites et moyennes entre-
prises, d'avoir de l'acier à un taux concurrentiel.
Cela est énorme et jamais le gouvernement de M. Lesage n'aurait
installé une sidérurgie d'Etat à Contrecoeur si le secteur
privé avait pu nous doter d'une sidérurgie
intégrée. S'il y avait eu des hauts fourneaux construits à
Contrecoeur ou à Trois-Rivières par l'entreprise privée
ils ont eu 150 ans pour le faire.
M. Raynauld: ...150 ans.
M. Landry: La technique des hauts fourneaux... Le
député d'Outremont est économiste mais il est mauvais
physicien; on a toujours fait de l'acier avec des hauts fourneaux depuis la
révolution industrielle survenue en Angleterre en 1850.
M. Russell: Le ministre nous parle de...
M. Landry: On ne parlera pas de cela mais c'est pour vous
expliquer...
M. Russell: Vous nous parlez d'une industrie qui n'existait pas,
mais parlez-nous de Marine et des autres qui existaient; l'entreprise
privée existait. Vous prenez ce qui fait votre affaire.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Brome-Missisquoi, il y a encore du temps qui vous est alloué; vous
aurez l'occasion d'intervenir.
M. Landry: Je ne veux pas dire que le gouvernement doit
intervenir le député m'a mal compris dans tous les
secteurs de l'activité économique, loin de là, on en a
plein les mains à administrer ce qu'on a déjà comme
gouvernement. Mais je ne le suis pas quand il dit qu'on aurait pas dû
faire SIDBEC, que le gouvernement Lesage n'aurait pas dû faire SIDBEC.
S'il n'avait pas fait SIDBEC, on aurait encore des petites entreprises, dans la
région de Montréal, qui devraient aller s'approvisionner, pour
leurs matières premières, en Ontario avec des coûts de
transport.
Un dernier point que je veux aborder sur le transfert des sièges
sociaux. L'économie du Québec est une économie
dominée, comme celle du Canada d'ailleurs, c'est-à-dire que les
centres de décision, dans une proportion beaucoup trop grande, sont en
dehors du Québec. Cela traîne dans tous les manuels de sciences
économiques et quand on parle de domination d'une économie par
l'étranger, dans toutes les universités du monde, on donne en
exemple le Québec, le Canada et certains pays de l'Est qui sont
satellisés par l'Union soviétique.
Il est entendu que dans un tel contexte de domination, quand on ne
contrôle pas ultimement la décision, on est vulnérable
à des changements de sièges sociaux et à des
départs. J'ai évoqué la Banque Provinciale tout à
l'heure; la Banque Provinciale, elle, a rapatrié à
Montréal des centres de décision qui étaient ailleurs. La
Banque Provinciale contrôle maintenant Unité-banque et le destin
de cette banque qui n'existait pas au Québec est décidé
maintenant à Montréal dans les bu- reaux du président de
la Banque Provinciale, Michel Bélanger. Même chose pour
Laurentides finance; c'est du rapatriement de pouvoirs. Power Corporation, qui
a été constitué surtout à la suite de la
nationalisation de l'électricité en fait, c'est l'argent
de la nationalisation qui s'est remis à l'oeuvre dans d'autres secteurs;
en grande partie, c'est cela Power Corporation a fait l'acquisition de
Great West, une compagnie d'assurance de l'Ouest dont les décisions
ultimes sont maintenant rapatriées à Montréal. Une partie
du salut des Québécois est de rapatrier ces centres de
décision pour ne pas être à la merci de décisions
étrangères.
J'ai pris au hasard, dans l'étude du député de
Notre-Dame-de-Grâce, une entreprise, Perkins Paper. J'espère qu'il
pourra nous en parler. Je pose la question très honnêtement.
Perkins Paper était une entreprise qui avait comme un de ses principaux
dirigeants le député de Notre-Dame-de-Grâce lui-même.
Pour autant que je sache, c'était une entreprise à capitaux
québécois; comme le député de
Notre-Dame-de-Grâce est Québécois, l'entreprise dont il
était un dirigeant et ses capitaux étaient
québécois. Cette entreprise a pris la décision de se
vendre ce qui est parfaitement légitime à une
entreprise qui est Bowater, capitaux d'origine britannique, sauf erreur. De ce
jour, un centre ultime de décision qui était entre les mains de
Québécois a cessé de l'être. C'est le contraire de
ce que la Banque provinciale fait quand elle achète Unité-banque.
Si la Banque Provinciale achète Unité-banque, elle ramène
de la décision et du pouvoir au Québec. Si Perkins Paper se vend
à des étrangers ou à des capitaux ultimement
contrôlés ailleurs, ils sortent un centre de décision du
Québec. Tout cela se fait dans le cours normal des affaires, je le
comprends, et je ne fais aucun blâme, mais il faut bien que nous nous
rendions compte que si les Québécois veulent être de plus
en plus maîtres chez eux, ils auront à être soigneux des
décisions d'affaires qu'ils prennent.
Dernier point, enfin, dont on a peu parlé... Je m'excuse, Mme la
Présidente, auprès de mes collègues d'avoir parlé
longtemps, je leur laisserai plus de temps par la suite. Dernier point dont on
a peu parlé: A l'époque où le député
d'Outremont faisait le rapport Martin-Higgins-RaynauId, il y a un
phénomène d'aujourd'hui qui n'était pas encore apparu.
C'est le formidable dynamisme de certaines régions du Québec. Ce
n'est pas un désastre en soi, c'est un effet compensateur. (11 h 30)
Avant, Montréal était le moteur absolu et suprême.
Aujourd'hui, il y a d'autres moteurs. Aujourd'hui, il y a la Beauce,
comprenez-vous. Qui aurait dit, il y a 25 ans, que Saint-Georges-de-Beauce
deviendrait un centre privilégié de PME, d'administrations, de
relations économiques? Qui aurait dit qu'à Saint-Joseph-d'Alma,
aujourd'hui Aima, on aurait le siège social d'une grande entreprise
financière, les caisses d'entraide économique? C'est un domaine
nouveau. On aurait dit cela au Canadian Club à Montréal il y a 25
ans, les gars
se seraient poigné les côtes de rire qu'une grande
entreprise financière ait son siège social à Alma. C'est
le cas aujourd'hui au moment où on parle. Qui aurait pensé que
l'Abitibi, qui était totalement dominée par les
intérêts étrangers et vivait d'une agriculture marginale il
y a 25 ans, serait devenue le noyau économique qu'elle est devenue
aujourd'hui? Il y a maintenant des groupes en Abitibi qui se sont
consolidés et qui sont capables de venir à Montréal pour
acheter ou tenter d'acheter les grandes entreprises.
Ce n'était pas le cas, il y a 25 ans. C'est vrai que
Montréal n'est plus ce qu'elle a été autrefois dans
l'économie relative du Québec. Mais il y a la Beauce. Vous
rigolez parce que je dis mais il y a la Beauce? Je le signale aux Beaucerons en
passant, le député de Notre-Dame-de-Grâce, quand j'ai dit,
mais il y a la Beauce, il a rigolé...
M. Scowen: Mme la Présidente, voulez-vous
répéter la question, s'il vous plaît?
M. Landry: Ce n'est pas une question, c'est une affirmation.
Quand j'ai dit la Beauce...
M. Scowen: Oui.
M. Landry: ... vous avez rigolé.
M. Scowen: Excusez-moi.
M. Landry: Je signale...
M. Scowen: Mme la Présidente, s'il vous plaît.
M. Landry: ...rnoi la Beauce cela ne me fait pas rigoler, je suis
plein d'admiration pour ce qui se passe dans la Beauce.
M. Scowen: La seule chose qui me fait rigoler, c'est le ministre
d'Etat au développement économique, qui fait une démagogie
incroyable depuis 20 minutes. Je n'ai rien dit en ce qui concerne la Beauce. Je
n'ai même pas pensé à la Beauce quand j'ai pensé au
ministre; l'une est assez intéressante et l'autre est idiot.
M. Landry: Moi, je pense à la Beauce. Quand on discute de
Montréal, je pense à la Beauce. Je pense à la Beauce,
pourquoi? Parce qu'aujourd'hui la Beauce...
M. Scowen: Moi, quand je discute de Montréal, je pense
à Montréal. Quand je discute de la Beauce, je pense à la
Beauce.
M. Landry: ... est devenue un excellent pôle
économique pour le Québec.
M. Scowen: C'est deux choses complètement
différentes.
M. Landry: Comme le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Comme l'Abitibi.
M. Scowen: C'est de la démagogie parfaite.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
vous aurez l'occasion d'intervenir, s'il vous plaît. Vous pouvez, de part
et d'autre de cette Assemblée ou de cette commission, diverger d'opinion
et vous en avez tout à fait le droit. Mais vous aurez des occasions
d'exprimer ce que vous voulez dire, M. le député; je vous
demanderais d'attendre que M. le ministre ait terminé son intervention.
M. le ministre.
M. Landry: Cela doit faire mal aux libéraux, madame, parce
qu'ils se sont mis à s'exciter au point qu'on ne peut pratiquement plus
parler.
La Présidente (Mme Cuerrier): Vous avez d'ailleurs
à peu près terminé, M. le ministre.
M. Landry: Très bien, madame. Je pense que vous avez
été très généreuse dans le temps que vous
m'avez alloué. Je n'ajouterai plus un seul mot, sauf pour des
interventions croisées sur la fin du débat.
M. Scowen: Avant que mon collègue parle, simplement vous
dire, Mme la Présidente, que, quand on fait le débat sur
Montréal, je pense à Montréal. Quand on fait le
débat sur la Beauce, je pense à la Beauce, et c'est bien
normal.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
d'Outremont, si vous voulez intervenir maintenant.
M. Raynauld: Mme la Présidente, c'est toujours
embarrassant de participer à un débat comme celui-ci avec le
ministre d'Etat au développement économique, qui, à mesure
qu'il avance, passe d'un niveau au départ assez factuel et assez
analytique à l'imagination la plus folle. Il rêve
éveillé, le ministre, à un moment donné et à
travers cela, malheureusement...
M. Scowen: II rigole...
M. Raynauld: Oui, il rigole parce qu'il pense à moi.
M. Landry: Je ne rigole pas du tout. Je voulais de façon
courtoise avertir le député d'Outremont que je vais
m'éloigner derrière le fauteuil, mais je continue à
l'écouter, je ne veux pas être impoli vis-à-vis de lui.
Qu'il ne pense pas que je me désintéresse de ce qu'il dit. Donc,
je ne rigolais pas, je prévenais poliment le député
d'Outremont que je suis tout oreilles.
M. Scowen: C'est la politesse de rester à son siège
pendant que le député d'Outremont parle.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
d'Outremont.
M. Raynauld: Mme la Présidente, je voulais
également regretter qu'en passant le ministre
d'Etat au développement économique se sente obligé
d'attribuer au Parti libéral, aux représentants du Parti
libéral des énormités qu'il lui est évidemment
facile ensuite d'essayer de démolir, qu'il lui est facile de
démolir parce qu'il nous fait dire des choses qu'on n'a jamais jamais
affirmées.
Il n'est pas de meilleur exemple que l'argument du gouvernement suivant
lequel les phénomènes dont nous parlons auraient pris naissance
avant la naissance du Parti québécois. Comme s'il s'agissait d'un
argument qui pouvait avoir quelque effet que ce soit sur l'analyse qu'on peut
faire aujourd'hui et sur les besoins d'intervention, aujourd'hui, pour
régler ces problèmes.
J'ai eu moi-même, Mme la Présidente le ministre y a
fait allusion à deux reprises, hier et aujourd'hui l'honneur
d'être le premier à attirer l'attention sur l'importance de la
région de Montréal sur le plan économique et aussi sur la
faiblesse structurelle de la région de Montréal dans le contexte
québécois, canadien et international.
Alors, ce n'est pas à moi que le ministre peut dire que j'impute
toutes les modifications qui se font, à l'heure actuelle, aux
dépens de Montréal seulement à l'élection du Parti
québécois. Ce n'est pas à moi, non plus, qu'il va dire que
tous ces phénomènes, parce qu'ils se sont produits avant que le
Parti québécois arrive, en ce moment, ils disparaissent. Comme si
le problème avait disparu parce qu'il était né avant;
comme si le fait que les sièges sociaux qui partent aujourd'hui seraient
partis auparavant, ça supprime le problème; comme si le
gouvernement n'avait plus de responsabilités. Comme si le gouvernement
pouvait toujours se dire: Comme il y avait des choses comme ça qui se
passaient auparavant, par conséquent, nous, là-dedans, on est
blanc comme neige, on ne contribue en rien à la
détérioration du phénomène lui-même, on n'est
pour rien dans tout ce qui se produit, et, par conséquent, on est
également dégagé de toute responsabilité.
Lorsque le gouvernement, le ministre au développement
économique nous dit, par exemple, que l'on est
antiquébécois et que l'on est malhonnête parce qu'on veut
imputer au gouvernement la responsabilité de ce qui se passe, ça
serait malhonnête si on faisait ça. Mais ce n'est pas ça
que nous faisons. Nous disons que le problème à l'heure actuelle
s'accentue. Nous disons qu'à l'heure actuelle, il y a un
dérapage, un glissement absolument extraordinaire qui se produit. Il y a
un vide qui se fait par l'intérieur dans la région de
Montréal. On dit qu'il y a une accélération de tendances
qui ont été certainement manifestes auparavant, mais une
détérioration très marquée dans ces tendances,
alors qu'on espérait et que j'espérais déjà, en
1970, que les gouvernements québécois, parce qu'ils seraient
sensibles à ce genre d'analyse et à ces faits, prendrait
justement des décisions pour renverser ces tendances.
Je ne crois pas au déterminisme géographique, je ne crois
pas au déterminisme historique, je ne crois pas à ces choses. Je
pense qu'un gouvernement est capable de prendre des déci- sions. Or, le
gouvernement qui est ici, qui est élu depuis novembre 1976, non
seulement ne prend pas de décisions, mais tout ce qu'il fait, il le fait
pour accentuer encore ce problème. C'est dans ce sens que je dis que le
gouvernement du Parti québécois à l'heure actuelle est en
train, effectivement, de détruire la base économique de
Montréal. C'est pour ça que nous faisons un débat ce
matin. Il est en train de détruire la base économique de
Montréal, parce que la philosophie du Parti québécois,
parce que les attitudes des ministres de ce gouvernement sont telles qu'ils
n'acceptent pas l'analyse qui est faite.
Le ministre peut bien, en rigolant, essayer de citer des phrases, des
paragraphes et des affirmations que j'ai pu faire auparavant, mais il serait
bien mieux avisé s'il essayait de comprendre l'analyse qu'il y a
là-dedans et qu'il la partageait suffisamment pour être capable
d'inciter le gouvernement à prendre les actions absolument
indispensables pour que Montréal ne devienne pas simplement un autre
gros village au Québec.
Que le problème existe à l'heure actuelle, je pense qu'il
faut vraiment être aveugle pour ne pas l'accepter. On peut diverger
d'opinion sur son importance, mais je pense que le gouvernement ne peut pas
nous dire, à nous, que le problème n'existe pas, qu'au contraire,
ça va bien à Montréal, que les sièges sociaux ne
sont pas partis de Montréal. Lorsqu'on fait état d'un service
particulier dans une entreprise, on nous rétorque: II n'y a rien
là, ce n'est pas le siège social! Là, on va jouer sur les
mots et on va dire: La, ce n'est pas un siège social. Lorsqu'il y a une
usine qui ferme, évidemment, ce n'est pas un siège social. Quand
on essaie de réunir ces phénomènes ensemble pour essayer
d'obtenir une certaine réalité, bien sûr, on ne parle pas
seulement de sièges sociaux officiels. Des sièges sociaux
officiels, il y en a qui sont complètement vides. Maintenant,
l'expression devient à la mode: des coquilles vides! On ne
s'intéresse pas nécessairement à ces choses-là. Ce
ne sont pas des coquilles vides qu'on veut; on essaie de voir ce qu'il y a
comme activités des sièges sociaux à Montréal. Ces
activités de sièges sociaux diminuent à l'heure actuelle;
elles n'augmentent pas. Cela n'a peut-être pas commencé en 1976,
mais grands dieux, le gouvernement est là depuis 1976! Fait-il quelque
chose pour renverser cette tendance? La tendance s'accentue. Les services des
sièges sociaux s'en vont, c'est absolument incontestable. On peut
relever des statistiques jour après jour dans les journaux. Il y en a
tous les jours, de ces statistiques. Le gouvernement nous dit: C'était
commencé avant. Comme si c'était une raison!
Sur ce plan, je pense qu'il est incontestable que le
phénomène existe. L'impact de ces décisions des
sièges sociaux est considérable. Je pense que cela aussi est
incontestable. Les centres de décision s'éloignent et ils
échappent à l'influence qu'on peut exercer au sein d'une certaine
communauté. Le ministre dit: Oui, mais il y a maintenant aussi des
rapatriements d'entreprises extérieures. Je l'espère bien! Il
peut en citer
deux et on peut en citer 50 qui sont parties. C'est ça, le
problème. Il y en avait aussi avant, des départs. Je connaissais
l'existence de certaines études faites justement parce qu'on voulait
attirer l'attention j'ai participé à toutes ces
études sur le danger que Montréal perde de sa
vitalité parce que les activités des sièges sociaux s'en
allaient ou parce que les activités des sièges sociaux ne se
créaient pas davantage à Montréal.
Les exemples que le ministre a cités tout à l'heure
pourraient ne pas se produire si, chaque fois que nous parlons d'un
siège social qui pourrait s'en aller, nous disons en même temps:
C'est très bien puisque ce sont nos maîtres qui sont partis; par
conséquent, nous aurons plus de pouvoirs sur ceux qui restent. Si le
gouvernement doit prendre une attitude comme celle-là, il n'y aura plus
d'achat d'entreprises extérieures. Pendant que nous voulions conserver
le Crédit foncier à Montréal, en même temps, il y a
eu Macmillan qui a été refusée par le gouvernement de la
Colombie-Britannique parce qu'il y avait des intérêts
montréalais qui voulaient les acheter. Je pense qu'on ne peut pas jouer
sur les deux tableaux. Ou bien on joue le jeu du rôle international et
national de Montréal et, à ce moment-là, il faut en tirer
les conséquences ou bien on se replie sur soi et on va se contenter du
marché local qui est absolument incompatible avec le rôle que
Montréal a joué jusqu'à maintenant.
Je ne voudrais pas ce matin entreprendre une guerre de chiffres avec le
ministre parce que ces guerres de chiffres sont ennuyeuses pour tout le monde.
Je voudrais, avec votre permission, Mme la Présidente
peut-être ne pourrez-vous pas me la donner distribuer deux ou
trois feuilles pour éviter de revenir sur des chiffres qui sont toujours
fastidieux. Si vous me le permettez, je vais passer au moins une copie de ces
statistiques au ministre d'Etat au développement économique.
J'attirerai simplement l'attention sur deux ou trois facteurs. Le premier est
qu'en général l'activité économique de
Montréal, depuis 1976, a ralenti considérablement. Une partie de
ce ralentissement est due à des facteurs de conjoncture. (11 h 45)
II y a aussi une autre partie de cette baisse d'activité qui est
due à ce ralentissement de type structurel qui se poursuit et qui
s'accélère à l'heure actuelle. Les mises en chantier de
logements, c'est bien connu, ont baissé, en 1977, de 28%; en 1978, elles
ont baissé de 33%, à Montréal. C'est lié
essentiellement à un phénomène démographique qui
est également lié à l'évolution
générale du Québec. Des hommes d'affaires nous disent: On
s'en va à Toronto parce qu'il y a des raisons économiques qui
nous incitent à le faire. Une des raisons économiques qui
incitent les entreprises à partir, c'est la base démographique du
Québec et de Montréal qui se rétrécit. Cela, on le
voit dans le logement.
Les contrats de construction accordés, j'ai bien ri tout à
l'heure lorsque le ministre a dit: On n'en parle plus des contrats parce que
cela a augmenté en masse. Je lui dirai, Mme la Prési- dente, que
j'ai des statistiques ici, pour toute l'année 1978, qui montrent que
cela a baissé de 27% à Montréal et que cela a
augmenté de 2% à Toronto. Pour les trois premiers mois de 1979 et
sur les trois premiers mois de 1978, qui est une comparaison plus valable,
beaucoup plus valable que la comparaison que le ministre fait qui est
basée seulement sur un mois et qui peut être due à des
facteurs saisonniers, cela a baissé encore de 17% en 1978 à
Montréal et cela a monté de 2% à Toronto. Les baisses sont
encore plus considérables évidemment dans certaines
catégories que dans d'autres. Je ne lirai pas tous ces tableaux mais je
dirai que c'est bien sûr qu'à un moment donné cela va
et je l'espère bien changer, mais jusqu'à
maintenant, quand on prend les trois premiers mois de 1978 et qu'on a une
baisse de 17% en 1979 et que le ministre nous dit qu'il a déjà vu
le creux de la vague, je pense qu'il rêve en couleur.
Les immobilisations: On fait état des immobilisations du secteur
manufacturier. Les immobilisations totales sont intéressantes à
regarder. J'ai donné les chiffres des investissements du secteur
privé: Québec, Ontario, Canada. Ces investissements
privés, au total, immobilisations: au Québec, en 1978, cela a
baissé de 3,5% et, en 1979, il est prévu que cela va monter de
6%. Investissements privés: l'augmentation prévue pour 1979,
quand elle est 6% à Québec, elle est de 9% en Ontario, elle est
de 9% aussi au Canada. Dans le secteur manufacturier, je suis bien prêt
à reconnaître qu'il y a eu une augmentation dans les
immobilisations du secteur manufacturier, au Québec, en 1978. Mais je
répondrai à cela que dans la région de Montréal,
pendant que cela montait de 18,3% au Québec, cela baissait de 2,3%
à Montréal. C'est la meilleure preuve qu'on peut apporter comme
quoi Montréal diminue en importance et ralentit le rythme de ses
activités, alors que dans l'ensemble du Québec cela peut, dans
certaines régions tout au moins, aller un peu mieux.
Lorsqu'on voit le secteur manufacturier dans l'ensemble, pour
l'année 1979, c'est 9,9%; c'est la même chose qu'en Ontario et au
Canada. Le miracle ne se produira pas deux fois. En ce qui concerne le taux de
chômage, je veux également montrer que Montréal a pris du
retard par rapport à l'ensemble du Québec et je l'indique ici.
J'indique également, je donne un petit graphique, Mme la
Présidente, qui est fort intéressant, sur les heures de travail
dans la construction. Le nombre d'heures de travail, le ministre des Finances
l'autre jour a essayé de montrer un petit graphique comme cela aussi et
il disait: Cela monte, cela descend, le chômage diminue beaucoup. Bien,
c'est difficile que le chômage diminue parce que quand on regarde le
grand Montréal ici, depuis 1975, c'est pratiquement en chute libre.
C'est la construction.
M. Landry: En 1975.
M. Raynauld: Depuis 1975, oui.
M. Landry: En 1975, on n'était pas là.
M. Raynauld: Oui, oui, depuis 1975. Cela fait trois ans.
M. Landry: On était dans l'Opposition, nous.
M. Raynauld: En ce qui concerne les données de l'emploi
que le ministre a citées tout à l'heure, j'ai juste un petit
problème avec cela, j'aimerais qu'on nous cite les chiffres parce que
mes données ne sont pas les mêmes. Les données du ministre
sont: une baisse d'emplois dans Montréal de 12 000 en 1976, une baisse
de 2 000 en 1977, et une hausse de 14 000 en 1978. Mme la Présidente,
j'ai ici les chiffres officiels de Statistique Canada: Région
métropolitaine de Montréal, baisse de 14 000 en 1976, baisse de
6000 en 1977, et baisse de 12 000 en 1978. Ce n'est pas une hausse de 14 000;
c'est une baisse de 12 000. Maintenant, s'il s'agit non pas de la région
métropolitaine de Montréal mais de la région no 6, la
région administrative de Montréal, les chiffres ne sont pas
égaux non plus. En 1976, dans la région administrative, il n'y a
pas eu une baisse de 12 000, il y a une hausse de 29 000 emplois...
M. Landry: La région métropolitaine et la
région administrative, ce n'est pas la même chose.
M. Raynauld: Ce n'est pas la même chose, c'est bien
sûr, mais laquelle des deux avez-vous prise? C'est bien cela, le
problème.
M. Landry: La région métropolitaine.
M. Raynauld: Là est le problème. On ne le sait pas.
Les statistiques que nous utilisons sont pour la région
métropolitaine de Montréal ou la région administrative no
6 de Québec. Mais on ne les a pas ici. Si vous avez choisi l'île
de Montréal, le comté d'Outremont, les comtés de Laval ou
de Fabre, à ce moment-là, dites-le.
M. Landry: Nous n'avons rien dans Fabre.
M. Raynauld: A ce moment-là, ces chiffres-là
en ce qui me concerne ne sont pas du tout représentatifs.
Ceux qui sont les plus représentatifs sont ceux que je viens de donner;
1976, moins 14 000 cela s'applique à la région
métropolitaine de Montréal 1977, moins 16 000 et, en 1978,
moins 12 000. Il n'y a pas d'augmentation et de progrès là, je
vous prie de me croire.
Enfin, Mme la Présidente, je voulais insister encore une fois
mais je pense que le temps court vite sur le problème de
l'analyse de Montréal. Montréal ne peut vivre qu'à cause
de son rôle national et international. Bien sûr, il y a des
industries légères à Montréal qui sont importantes,
de type manufacturier, mais la force d'attraction, de développement de
Montréal est liée et a toujours été
liée au fait que Montréal est une espèce de
station, de carrefour dans des circuits qui sont extérieurs au
Québec. Montréal a vécu d'abord parce que c'était
un centre de transports maritimes. Elle a vécu parce qu'elle est devenue
un centre de transports ferroviaires. Montréal a encore vécu plus
récemment parce qu'elle était un carrefour, un centre de
transports aériens. Montréal repose sur les liaisons avec
l'étranger dans des circuits mondiaux, et tout ce que ce gouvernement
québécois est en train de faire, c'est d'essayer de couper
Montréal de ses liens extérieurs. Il essaie de couper
Montréal. Il voudrait que Montréal devienne ce que sont toutes
les autres régions du Québec, même si on trouve que ces
régions du Québec sont dynamiques, et je le pense
elles sont devenues plus dynamiques récemment. Montréal ne joue
pas le même rôle. On ne doit pas confondre le rôle de
Montréal avec le rôle de la Beauce, de l'Abitibi ou du
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Montréal est une autre région dont le
potentiel de développement est complètement indépendant et
différent de celui des régions dont j'ai parlé tout
à l'heure. Montréal ne vit pas de ressources naturelles. Elle vit
de la technologie de pointe, de la gestion, de la liaison avec le reste du
monde. A ce moment-là, lorsqu'on voit le gouvernement du Parti
québécois se poser des questions sur le pouvoir des anglophones
par rapport aux francophones, se poser des problèmes pour savoir si les
sociétés d'Etat et l'Etat ne prennent pas suffisamment ou
suffisamment d'importance, attaquer les entreprises privées d'importance
et les hommes d'affaires...
La Présidente (Mme Cuerrier): Est-ce que...
M. Raynauld: Mme la Présidente, pourrais-je continuer une
minute ou deux avec le consentement du ministre?
M. Landry: Je consens avec joie, Mme la Présidente. Je
pense que le député est en train de rehausser le niveau du
débat
La Présidente (Mme Cuerrier): Puisqu'il y a consentement,
M. le député, vous avez droit à une ou deux minutes de
plus.
M. Raynauld: Mme la Présidente, je voulais ajouter que la
philosophie du gouvernement telle qu'on peut la percevoir est une philosophie
incompatible avec le maintien du rôle national et international de
Montréal. C'est ce qui est à l'origine, à la source du
problème actuel. Je ne dis pas que le gouvernement n'a pas le droit
d'avoir ses propres priorités, mais je veux lui poser un certain nombre
de questions. Quand le ministre nous dit: Bien sûr, la loi 101 doit
déranger, à ce moment-là, si cela dérange, comment
peut-il nous dire après cela que le gouvernement du Québec n'a
rien à voir avec les départs qui peuvent se produire? Si cela
dérange, cela devrait donc conduire à certains résultats.
Il ne peut pas jouer non plus sur les deux tableaux, ne pas prendre la
responsabilité de ce qui se passe et, en même temps, nous dire:
Oui, cela peut déranger, mais c'est très bien que cela
dérange parce que nous
voulons changer la société. Le gouvernement est-Il
prêt, à l'heure actuelle, à prendre des décisions
pour reconnaître le rôle national et international de
Montréal? S'il est prêt à reconnaître et à
favoriser ce rôle national et international, est-il prêt à
examiner les conséquences d'une position comme celle-là? Est-il
prêt à examiner l'application de la loi 101, non pas en
général, mais l'application de la loi 101 en ce qui concerne la
langue d'enseignement, en ce qu'elle s'applique à des sièges
sociaux, des sièges sociaux qui, par définition, ont besoin d'une
main-d'oeuvre, d'un personnel qui peut venir de toutes les parties de
l'univers? Ce n'est pas là prendre nos emplois à nous, les
Québécois. Une entreprise nationale et internationale doit
justement avoir du personnel qui vient d'à travers le monde entier. Cela
nous enrichit, cela ne nous appauvrit pas. Qu'il y ait des anglophones à
Montréal dans ce personnel d'entreprises nationales et internationales,
cela ne nous enlève rien. Cela enrichit le Québec.
Le gouvernement est-il disposé à examiner les
implications, pour les sièges sociaux, de la langue d'enseignement dans
la loi 101? Est-il prêt à examiner également les
conséquences de l'incertitude dans laquelle on se trouve à
l'heure actuelle à propos du référendum et de toute
l'option politique? Si cela dérange aussi des entreprises et que l'on
veut favoriser le rôle national et international de Montréal, la
question qu'on doit poser au gouvernement, c'est s'il pense qu'une entreprise
canadienne, justement à vocation nationale et internationale, est
capable de prendre des décisions d'investir à l'heure actuelle,
dans le climat actuel, lorsque ces entreprises, qui ont justement cette
vocation extérieure au Québec, ne savent pas si les règles
du jeu seront encore les mêmes après le référendum
qu'avant le référendum.
Le gouvernement est-il disposé à réexaminer les
attitudes que l'on peut percevoir dans le programme du Parti
québécois vis-à-vis de l'entreprise privée? Est-il
prêt à réexaminer ces positions-là, positions qui
sont bien connues de la part du public? Lorsque le programme du Parti
québécois dit qu'il faut favoriser l'intervention dans
l'économie, une forme prioritaire d'intervention dans l'économie,
une extension soutenue du secteur public, lorsque le Parti
québécois nous dit qu'il va exclure du Québec des
entreprises dont les actions ne sont pas à propriété
à 100% québécoise dans un certain nombre de secteurs,
est-il prêt à réviser ou à faire des efforts pour
que le parti auquel il appartient révise ces décisions-là?
C'est seulement dans le cas où il est prêt à réviser
la question de la langue d'enseignement pour les cadres et les sièges
sociaux, l'attitude vis-à-vis des entreprises privées et
l'attitude également du gouvernement vis-à-vis de l'avenir
politique du Québec, que ces entreprises nationales et internationales
pourront survivre à Montréal et que les Québécois
également pourront survivre, puisque nous avons besoin d'air. Nous avons
besoin d'être capables de souffler dans le Québec. Ceci ne peut se
faire qu'en ouvrant les portes et les fenêtres sur le reste du monde, pas
en les fermant. Merci.
M. Landry: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre d'Etat au
développement économique.
M. Landry: ... comme j'ai eu l'occasion de le dire par une
interjection quand le député a voulu prononcer quelques mots de
plus, je rends hommage au député d'Outremont pour avoir nettement
élevé le débat après la démagogie
stérile et la morosité d'auto-intoxication d'hommes d'affaires
montréalais que nous avait servies le député de
Notre-Dame-de-Grâce. Contrairement au député de
Notre-Dame-de-Grâce, le député d'Outremont a reconnu qu'en
1970 ce sont ses propres paroles il espérait que quelque
chose se fasse. En 1970, il avait bien diagnostiqué le problème,
et rien ne s'est fait, dit-il. Il a été déçu,
j'imagine, par le gouvernement qui a été élu en 1970 et
qui n'a rien fait. Je reviendrai sur ce que nous avons commencé à
faire et sur ce que nous avons l'intention de faire. Si le député
d'Outremont, dans les années qui viennent, continue le débat avec
la même honnêteté qu'il a eue ce matin dans son
exposé, je souhaite vivement qu'il reconnaisse que les espoirs que les
libéraux ont déçus en 1970 ne seront pas
déçus quand l'action que nous menons présentement aura
commencé à porter fruit. (12 heures)
Je voudrais maintenant reprendre un peu plus en détail certaines
des affirmations qu'il a faites et des problématiques qu'il a
évoquées. Sur les problématiques, je suis pratiquement
d'accord avec toutes et chacune d'entre elles, sauf avec des nuances.
Premièrement, le transport. C'est vrai, Montréal est
née du transport, Montréal est née du fleuve dès le
départ. Les premiers explorateurs ont pu se rendre à cette
île parce qu'il y avait ce véhicule majestueux qu'était le
Saint-Laurent. Lier le développement de Montréal au transport est
sûrement une clé de toute la question. On va parler d'abord de
transport aérien. Montréal était le port d'entrée
pour l'essentiel du trafic aérien intercontinental, Europe de l'Ouest
vers Montréal, entrée Dorval, personnes et marchandises.
C'était bien que cela soit ainsi. C'était économique,
c'était rationnel.
Qu'est-il arrivé en 1973? 1973: administration libérale
à Québec, administration libérale à Ottawa; rouge
à Québec, rouge à Ottawa. Il est arrivé en 1973 que
le gouvernement du Canada a permis à sept compagnies aériennes
dont le point terminal était jusqu'à ce jour Montréal
d'aller vers Toronto. C'est une bataille québécoise essentielle
qui a été faite par le gouvernement du Québec à
toutes les périodes, qui a été faite par la Chambre de
commerce de Montréal, qui a été faite par les milieux
d'affaires de Montréal pour que le gouvernement fédéral
qui est responsable des droits d'atterrissage permette à Montréal
de garder sa suprématie en matière de transport
aérien.
La construction automobile et les centaines de milliers d'emplois qui en
naissent en Ontario ont été consolidés par l'action du
gouvernement
du Canada. Ils ont l'automobile; ils ne peuvent pas tout avoir. Nous
avions le transport aérien. Le député d'Outremont
reconnaît que c'est une vieille revendication québécoise
que Dorval et par la suite Mirabel soient protégés par le
gouvernement du Canada. En 1973, après que le fédéral eut
construit ce majestueux éléphant blanc qui circule dans les
décors du bas des Laurentides, Mirabel, il permet à sept
compagnies de s'en aller atterrir directement à Toronto.
Résultat: 50 000 tonnes de fret perdues dans une année et un
nombre incalculable de voyageurs. C'est arrivé en 1973; cela ne peut pas
être le gouvernement du Parti québécois et c'est une
responsabilité fédérale. Quand le fédéral a
commencé à avoir cette attitude, quand M. Jean Marchand a perdu
sa bataille, lui qui avait résisté jusqu'à ce jour, ils
ont dardé au coeur le transport aérien dans la région de
Montréal. Cela, c'est une des causes très nettes, s'ajoutant
à d'autres, de la dégradation montréalaise.
Toujours au chapitre des transports, un des avantages fantastiques de la
situation de l'agglomération montréalaise était le fait
que, pour des navires d'un tonnage important, Montréal était le
port terminal de cette partie du continent nord-américain. Par une
décision du gouvernement du Canada et du gouvernement des Etats-Unis,
fondée très certainement sur une bonne rationalité
économique pour l'Ontario, fut décidée la canalisation du
Saint-Laurent. Au jour de l'ouverture du canal, quand le premier navire a
franchi l'écluse de Saint-Lambert, le rapport des investissements
industriels entre Montréal et la région du Toronto
métropolitain s'est littéralement inversé. Il est entendu
qu'une industrie qui voulait avoir accès à l'Atlantique
s'installait plutôt à Pointe Saint-Charles, ce qui s'était
fait depuis des années, mais le jour où tu peux dépasser
avec un bateau de même tonnage Saint-Lambert et rentrer au coeur du
continent, quel est l'intérêt à s'installer à Pointe
Saint-Charles ou à Montréal-Est quand tu peux t'ins-taller
à Toronto, à Mississaga, à Hamilton ou dans toutes les
régions du coeur de l'Ontario? On a là un exemple d'une politique
fédérale qui était bonne pour l'Ontario, et comme le
fédéral assume que ce qui est bon pour l'Ontario est bon pour
l'ensemble du Canada, dans leur optique, c'est bon que l'ensemble du Canada,
mais absolument néfaste pour Montréal.
Un vieil économiste québécois, pas si vieux que
cela, d'ailleurs, qui est surtout jeune intellectuellement, M.
François-Albert Angers, dont personne ne niera la compétence,
l'intégrité, le sens du travail, de la recherche, avait
remué ciel et terre pour dire que la canalisation serait néfaste
pour Montréal. Cela tombait sous le sens, d'ailleurs. Pas
nécessaire d'être économiste pour savoir que quand les
bateaux peuvent aller plus haut, ils n'arrêteront plus à
Montréal, et que les usines vont aller s'installer plus à
l'Ouest. C'est ce qui est arrivé. C'est une décision
fédérale.
Si le Parti québécois avait été au pouvoir
à l'époque, ou si on avait été en contexte de
souveraineté-association, est-ce que cela veut dire que nous aurions
été contre la canalisation du
Saint-Laurent? Non, ce n'est pas cela que cela veut dire. Mais cela veut
dire que, contre la canalisation, on aurait négocié autre chose.
Vous voulez que les bateaux se rendent jusqu'à Toronto, aux Grands Lacs?
D'accord. Mais nous allons garder ici le transport aérien et aucun droit
d'atterrissage outre-Atlantique ne sera donné à l'ouest de
Montréal. L'Ontario ne peut pas gagner sur tous les tableaux, et le
gouvernement fédéral ne peut pas faire gagner non plus l'Ontario
sur tous les tableaux. Ils ont gagné pour la canalisation. Le
Québec a pris son trou.
Mais pour les avions, on aurait dû être compensé.
Qu'est-ce qu'ils ont fait en 1973? Ils ont fait avec les avions, la même
chose qu'ils avaient faite avec les bateaux. Ni le Parti libéral du
Québec au pouvoir à l'époque, ni l'Union Nationale qui
avait eu le pouvoir avant, et ni le Parti québécois, parce qu'on
ne peut pas vivre l'histoire à l'envers, n'ont rien eu à voir
dans ces décisions. Les décisions économiques majeures
sont prises à Ottawa pour l'Ontario, par cette logique pernicieuse: ce
qui est bon pour l'Ontario est bon pour tout le monde. C'est faux. Ils ne
peuvent pas avoir les bateaux, les avions et les automobiles. Ils sont en train
de tout avoir.
Le gouvernement du Canada vient encore de nous en donner une preuve
flagrante, au cours de l'été dernier. Automobiles. On parle de
transport. Il y avait treize usines d'automobiles déjà en
Ontario. Une au Québec. Le gouvernement du Canada en a
subventionné une quatorzième dans une des régions, sinon
la région la plus riche du Canada. Trois interventions
fédérales que je vous démontre, madame, qui ont
été des coups de poignard dans le dos à la ville de
Montréal et à l'économie montréalaise: droits
d'atterrissage, voie maritime, implantation subventionnée d'une usine
d'automobiles en Ontario. Nous les Québécois, on aime cela les
bagnoles. On consomme 30% de tout ce qui est vendu au Canada. On a des grandes
distances, on a des grandes routes, cela nous prend des véhicules
automobiles. Ils sont tous fabriqués en Ontario, sauf 2% ou 3% à
notre usine de Sainte-Thérèse, qui est d'ailleurs une
réalisation contemporaine. Vous savez bien que cela n'a pas de bon
sens.
M. Raynauld: Ce n'est pas 2%, c'est 9%.
M. Landry: II ne faut pas que le député confonde la
fabrication des véhicules et les pièces, et en ajoutant
véhicules et pièces, cela ne fait quand même qu'une
proportion infime de la fabrication automobile au Canada, alors que nous,
Québécois et Québécoises, on consomme 30% des
véhicules produits.
Essayons, pour le besoin de la discussion, de savoir ce qui arriverait
à la puissante économie américaine si les Etats-Unis
importaient toutes leurs voitures automobiles. Si on fermait Détroit, si
on fermait les aciéries américaines qui fournissent l'acier pour
les automobiles, leur taux de chômage passerait à 10%, 12%, 15%.
Essayons d'imaginer ce qui arriverait si l'Ontario ne fabriquait que 2%
ou 3% ou 4% des véhicules automobiles du Québec, et si
nous, au Québec, on avait 100 000 emplois directs provenant de
l'industrie automobile. Qui est-ce qui aurait le taux de chômage le plus
élevé? L'Ontario ou le Québec? On consomme les bagnoles,
on ne les fabrique pas. Même chose pour la France. Même chose pour
la Suède. Fermez Fiat, en Italie. On va dire: On va faire un arrangement
équitable à la façon dont le gouvernement
fédéral du Canada les fait. Le Marché commun dirait: Toute
l'industrie de l'automobile sera en France. Toute l'industrie de l'automobile
va être en France et on dirait aux Italiens: Vous autres, vous achetez
les bagnoles des Français. Cela ruinerait l'économie
italienne.
Toutes ces politiques, le pacte de l'automobile, la dernière
subvention fédérale en Ontario, sont autant de coups non pas
mortels, parce que l'économie du Québec a la vie dure et que
c'est une économie relativement solide à cause de sa population
et ses richesses naturelles, mais des coups terribles. On ne paie pas des
impôts au fédéral pour leur donner des armes pour nous
taper sur la tête, comme ils le font depuis plus d'un siècle.
On a parlé d'avions, on a parlé de bateaux, on a
parlé d'automobiles, je vais vous parler de chemins de fer. Saviez-vous,
M. le Président, que l'Ontario était déjà
quadrillé d'un très grand nombre de voies de chemins de fer avant
qu'il y ait un chemin de fer entre Montréal et Québec? Est-ce que
le député d'Outremont savait ça? Sans doute, lui qui est
un érudit...
M. Raynauld: Le premier était Saint-Jean-Montréal.
Montréal-Saint-Jean a été le premier au Canada.
M. Landry: Le député de Notre-Dame-de-Grâce
ne le sait peut-être pas, les deux villes les plus importantes du
Québec et Québec, port de mer à cette époque
n'avaient pas de chemin de fer pour les relier, alors que des dizaines
de villes de l'Ontario l'étaient déjà. Décision du
fédéral, décision coloniale, décision
impérialiste. Ils ont trouvé le moyen de faire dix fois plus de
chemins de fer en Ontario qu'au Québec. Après ça, ils
disaient: Les Québécois ne sont pas assez instruits, c'est pour
ça que leur économie ne marche pas. Allons donc, il faut regarder
les choses sérieusement et dans leurs perspectives historiques.
On va quitter le domaine du transport. Enfin, je reconnais, avec le
député d'Outremont, que c'est un domaine majeur et que
Montréal s'est fait porter, par nul autre que le gouvernement du Canada,
des coups mortels dans ce domaine.
On va parler de compagnies d'assurance maintenant. Je vous dis tout de
suite que la compagnie d'assurance est un service, comme chacun le sait,
produit de grandes consommations, à clientèle répandue
dans toutes les régions, dans toutes les classes sociales. Je vous dis
que j'en déduis qu'il n'y a à peu près rien de plus facile
à remplacer qu'une compagnie d'assurance. On a eu l'exemple. Quand la
Sun Life a décidé de retirer à peu près 200
employés du Québec il faut reconnaître qu'il y en a
encore un millier ici comment les Québécois ont-ils
réagi? Ils ont réagi en allant s'assurer ailleurs, avec le
résultat qu'une seule compagnie québécoise, L'Alliance,
depuis que la Sun Life a annoncé son mouvement, a créé 60
emplois; une seule! 60 emplois dans une compagnie qui fonctionne totalement en
français, qui est dirigée par des Québécois et qui
n'a, d'aucune manière, l'atmosphère impérialiste,
coloniale, dominatrice et arrogante qu'avait la Sun Life. J'ai donné
l'exemple de Sun Life et de son président, qui ne parlait même pas
français après avoir passé je ne sais combien
d'années au Québec. Si une telle chose m'arrivait, si je vivais
au Mexique 25 ans sans parler l'espagnol, je me considérerais comme
déshonoré, parce que je pense qu'en 25 mois n'importe quel
individu normalement constitué est capable d'avoir une connaissance
convenable d'une langue seconde.
Cette institution impériale et impérialiste n'avait
même pas pris cette précaution élémentaire. Est-ce
qu'on va pleurer des larmes de crocodile parce qu'ils ont déplacé
une partie du siège social? Surtout, quand ce sont des nôtres? Au
conseil d'administration de L'Alliance, en particulier, il y a le professeur
Pierre Laurin, des Hautes études commerciales, dont vous avez
parlé, vous l'avez cité; il est au conseil d'administration de
L'Alliance. Sa compagnie a créé 60 emplois supplémentaires
depuis que la Sun Life est partie, et ce n'est qu'une seule compagnie. Ces
compagnies non seulement sont québécoises, non seulement ont le
français comme langue de travail, mais investissent au Québec
autant, sinon plus que ce qu'elles récoltent ici, alors que, pour la Sun
Life, c'était l'inverse. La Sun Life était une pompe à
finances. Elle prenait de l'argent du Québec et le sortait du
Québec.
Parlons banques maintenant. Vous avez parlé de la Royale, la
Royale, qui d'ailleurs, déjà en 1967, commençait à
déplacer ses services de placements. Là, elle a annoncé le
départ de 55 informaticiens, qui ne sont pas des hauts salariés,
qui sont des travailleurs spécialisés. Mais c'était la
conséquence de ce qui s'est passé en 1967. Le jour où tu
déplaces vers Toronto, en 1967, ton service de placements, il est bien
entendu que ceux qui font les calculs pour le service des placements, les
informaticiens, tôt ou tard, vont suivre. Il y a des mouvements qui sont
amorcés d'une façon fatale. C'est ça que la Sun Life avait
fait.
Mais, par ailleurs, là j'aimerais être compris bien
clairement, parce que c'est une des clefs de l'avenir de Montréal, je
voudrais parler de ce que j'appelle l'effet compensateur. L'effet compensateur
je vais essayer d'en parler en des termes les plus concrets possible
c'est le suivant: La loi 101 embête certaines gens les
dérange on s'est entendu là-dessus. Je vous ai dit
pourquoi elle dérangeait d'ailleurs et que ces dérangements sont
minimes par rapport aux dérangements que
la situation culturelle au Québec nous infligeait avant. Je ne
veux pas revenir là-dessus. (12 h 15)
II y a une chose que j'ai oublié de dire, juste pour montrer au
monde comment pouvait être le Québec à une certaine
période. La région militaire du Québec, qui est une
entité administrative fédérale, a été
commandée pendant de nombreuses années par un brigadier
général qui ne disait pas un mot de français. Je ne vous
parle pas du temps de Noé, je l'ai eu comme commandant.
M. Scowen: Est-ce dans le secteur privé? M. Lavoie:
L'armée, c'est le secteur public.
M. Landry: C'est pour montrer que si le secteur public nous
traitait comme cela, imaginez-vous comment nous traitait le secteur
privé!
M. Scowen: C'est simplement pour démontrer que vous ne
parlez pas du sujet du tout. On voulait le souligner à tout le
monde.
M. Landry: C'est simplement pour démontrer que quand on
parle du sujet d'une façon un peu subtile, le député de
Notre-Dame-de-Grâce n'est pas capable de comprendre.
M. Scowen: Si vous voulez commencer un débat sur la loi no
101, on serait bien content de le faire.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce...
M. Scowen: Si on veut parler des forces armées, on est
prêt à en parler.
M. Landry: M. le Président, est-ce que je peux continuer
à utiliser le droit de parole que vous m'avez attribué suivant
notre règlement?
Le Président (M. Boucher): M. le ministre, vous pouvez
continuer.
M. Landry: Je m'explique.
M. Raynauld: M. le Président, excusez-moi, une question de
directive. Parce que le ministre a un droit de parole privilégié,
est-ce qu'il pourrait effectivement prendre toute la période
jusqu'à 13 heures sans qu'on puisse l'interrompre? Il me semblait que
c'était 20 minutes au départ et qu'après cela
c'était des échanges.
Le Président (M. Boucher): Jusqu'à 12 h 19.
M. Raynauld: II n'y a pas possibilité d'avoir
d'échanges ni de questions!
M. Scowen: II a droit à 20 minutes chaque fois!
M. Raynauld: II a droit à 20 minutes chaque fois et il
peut parler jusqu'à 13 heures, comme cela?
Le Président (M. Boucher): Jusqu'à 12 h 19.
M. Landry: M. le Président, je dois vous dire que,
indépendamment...
M. Lavoie: II lui reste deux ou trois minutes. M. Raynauld:
C'est juste pour comprendre.
M. Landry: ... des droits que le règlement me donne, qui
ne me fixe aucune limite, je suis d'accord avec le député
d'Outremont et j'essaie de reprendre point par point son argumentation, mais je
ne voudrais pas monopoliser le temps.
M. Scowen: C'est ce qui est arrivé la dernière
fois.
M. Landry: Que le député d'Outremont se rassure et
qu'il donne aussi certaines petites leçons de politesse au
député de Notre-Dame-de-Grâce qui est devenu très
"intempestif" depuis qu'il a vu que son argumentation s'est
écroulée et qu'elle ne valait rien. Continuons avec le
député d'Outremont un dialogue sérieux. Je m'engage,
indépendamment des droits que le règlement me donne, à lui
laisser le temps de parler, ainsi qu'au représentant de l'Union
Nationale.
Nous avions parlé de l'assurance et nous allions parler de
l'effet compensateur. Je donnais cet exemple de la situation dans le secteur
public à Montréal, il y a un certain nombre d'années,
parce que si le secteur public était comme cela, payé par les
taxes des Québécois au gouvernement fédéral,
imaginez-vous ce qu'était le secteur privé. La loi 101, comme la
loi 22, dérange. D'accord. Les dérangements que nous avions avant
étaient dix fois plus importants. Les bombes, cela dérangeait,
ça aussi. Les manifestations, ça dérangeait. Le climat
social irrespirable qu'on a connu dans les dernières années du
régime Bourassa, ça dérangeait cent fois plus encore, mais
il y a des effets compensateurs. Je vous dit ce qu'ils sont en vous les
illustrant d'un exemple.
La Banque Royale a déplacé 55 informaticiens la
Banque Royale, siège social à Montréal vers
l'Ouest, vers Toronto, mais la Banque Toronto-Dominion c'est
intéressant de noter le fait qui a son siège social
à Toronto, maintenant, à cause de la loi 101 et à cause du
fait que le Québec est de plus en plus français, se rend compte
qu'elle ne peut plus administrer à partir de Toronto, comme autrefois,
toute son activité québécoise. Résultat net: elle
grossit ses effectifs québécois francophones qui vont travailler
en langue française. La Toronto-Dominion a créé à
Montréal 60 postes qui n'existaient pas et cela va jouer pour un
très grand nombre de compagnies. J'ai un autre exemple: La Travelers,
une compagnie d'assurance. J'ai ici la coupure qui annonce son intention.
"Travelers envisage une décentralisation au profit du Québec." La
Travelers était installée uniquement à Toronto et
dirigeait de Toronto les activités de son marché
québécois. Maintenant qu'il y a la loi 101 et que le
Québec est de plus en plus français, que fait le Travelers?
Elle
réagit intelligemment et dit: On va faire face à la
situation. Elle décide de décentraliser au profit du
Québec. A cause de la loi 101, la Travelers va créer de nouveaux
emplois au Québec pour diriger, à un niveau de siège
social décentralisé, son activité
québécoise. C'est là une clé importante pour le
secteur tertiaire à Montréal parce qu'il tombe sous le sens
qu'une compagnie américaine, qui, autrefois, dirigeait son
activité québécoise à partir, disons, de Chicago,
via Toronto, siège social canadien, et de Toronto dirigeait
l'activité au Québec, va comprendre très rapidement que
cela ne peut pas se faire. Pour diriger quoi que ce soit d'important au
Québec, il faut avoir des centres de décision et des
administrateurs au Québec. Le phénomène que j'ai
signalé pour la banque T.-D. et pour Travelers pourrait on va
essayer de multiplier les effets devenir le modèle qui va
créer des emplois supplémentaires dans le tertiaire à
Montréal et dans l'activité des sièges sociaux.
Je m'explique encore davantage, il me reste quelques secondes. Avant, le
vrai "boss" était à Chicago; le "sous-boss" était à
Toronto et commandait les vendeurs à Montréal. On ne peut
peut-être pas régler tout le problème, mais...
M. Raynauld: La Banque Royale.
M. Landry: ... le jour où le "boss" de Chicago...
M. Raynauld: La Banque Royale.
M. Landry: ... à cause de la loi 101, décide qu'on
ne peut plus traiter convenablement les gens de Montréal à partir
de Toronto, il va tout simplement transférer du pouvoir direct de
Chicago à Montréal. Et tant qu'à avoir un "boss" et un
"sous-boss", je considère que c'est déjà un gain net
d'avoir éliminé un intermédiaire. Il y a une petite
interjection du député d'Outremont sur la Banque Royale.
Savez-vous où était le siège social de la banque?
M. Raynauld: Le "boss" est à Montréal. Le "boss" de
la Banque Royale, comme vous dites, est à Montréal.
M. Landry: Oui, savez-vous...
M. Raynauld: S'il s'en va...
M. Landry: Savez-vous, Mme la Présidente...
M. Raynauld:... est-ce qu'il va être à Chicago comme
"boss"?
M. Landry: ... où était le siège social de
la Banque Royale du Canada en 1901?
M. Raynauld: Oui, oui.
M. Landry: C'est une bonne petite question. Il était
à Halifax? Il est passé, comme tout le mou- vement
économique, d'est en ouest; il est passé d'Halifax à
Montréal. Est-ce que c'est parce qu'il y avait une loi linguistique
à Halifax? Est-ce que c'est parce qu'il y avait un gouvernement qui
prônait la souveraineté-association à Halifax ou si c'est
simplement parce que les forces économiques profondes sont allées
d'est en ouest?
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre, vous aurez
d'autres occasions de vous exprimer. M. le député de Laval avait
manifesté l'intention de faire une intervention.
M. Lavoie: Mme la Présidente, avec votre permission, je
voudrais dialoguer avec le ministre d'Etat au développement
économique d'un domaine dans lequel je me sens plus à l'aise,
soit à cause de ma profession ou de mes antécédents, le
domaine de la construction dans la région du grand Montréal. Il
faut que, dans ce dialogue, il y ait cette approche théorique des
économistes, si vous voulez, mais je voudrais un peu, comme le
député de Brome-Missisquoi, vous apporter l'approche du
praticien, de celui qui, soit à cause de sa profession ou de ses
relations, est dans le milieu de la construction dans la région de
Montréal.
Je ne voudrais pas vous apporter une avalanche de chiffres. Je ne
voudrais pas aborder, non plus, un traité ou une somme sur
l'économie, mais une chose qu'on sait actuellement dans la région
de Montréal, une chose que les économistes savent, une chose que
la population sait, que le travailleur dans le domaine de la construction, les
autorités municipales ou les experts dans les centres industriels ou
autres, les gens dans les prêts hypothécaires dans la
construction, dans l'immobilier savent, c'est qu'il existe une situation
catastrophique actuellement dans le domaine de la construction et
spécialement dans la région de Montréal.
Mon collègue d'Outremont a mentionné tout à l'heure
les communiqués mensuels que nous recevons de l'Office de la
construction du Québec. Dans celui du 15 décembre 1978, entre
autres, on lit ceci: "Dans le secteur domiciliaire, on estime que la production
de logements en 1979, dans l'ensemble de la province, ne devrait pas
dépasser celle de 1978, se situant ainsi à 43 000 unités
de logement. Il faut dire qu'il s'agissait là du plus faible niveau de
production depuis plus de dix ans." Dans le domaine de la construction
résidentielle, on retourne dix ans en arrière. "Dans le secteur
non domiciliaire, la construction de bâtiments à vocation non
domiciliaire particulièrement à Montréal n'entraîne
que peu d'activités dans le secteur de la construction."
Dans le Montréal-Matin du 28 novembre 1978, il y a des
comparaisons. Ces comparaisons entre Montréal et Toronto, on les fait
depuis 15, 20 ou 25 ans. On sait que la construction, dans notre
économie nord-américaine, c'est cyclique, c'est un peu en dents
de scie. Il y a des années où c'est plus actif, puis il y a des
ralentissements; c'est l'économie nord-américaine. Je me
rappelle,
dans les années soixante, soixante-dix, la lutte qui se faisait,
cette saine compétition qui se faisait entre Montréal et Toronto;
à certains moments, la population ou les investissements à
Montréal dépassaient ceux de Toronto.
Quelques mois, un an après, c'était Toronto qui prenait de
l'avance, mais il y avait toujours un certain équilibre. Ce que disait
le ministre est vrai. Je ne conteste pas ses chiffres. Entre 1965 et 1970,
certaines compagnies d'assurance ont quitté le Québec. Il disait
qu'en 1967, il y avait deux fois plus de sièges sociaux à Toronto
qu'à Montréal. Personne ne conteste cela, mais il faut
également se rappeler que le problème constitutionnel,
l'affrontement constitutionnel, l'incertitude constitutionnelle que nous
connaissons au Québec actuellement a exactement commencé dans ces
années-là. Je me rappelle même de la fin de l'Union
Nationale lorsque la politique de M. Johnson dans le temps était
"égalité ou indépendance". On s'en rappelle. Le mouvement
indépendantiste a commencé dans les années 1965, 1967 et
1968 également avec la naissance du Parti
souveraineté-association, du Parti québécois. On se
rappelle des élections de 1970 où certains ministres de l'Union
Nationale, lors des élections disaient: L'indépendance, ce n'est
pas tout de suite. C'est dans dix ans. Un autre ministre disait: C'est dans
cinq ans. Cela n'encourageait pas le climat économique.
S'il y avait certains ralentissements dans les années 1967,1968
et 1969 ou une concurrence où Toronto semblait prendre un peu d'avance,
cela ne se compare pas aujourd'hui avec la destruction qu'on fait de
Montréal. On n'est plus dans la course. On n'est plus en
compétition avec Toronto. C'est ce qui est malheureux, cette concurrence
qui a existé depuis dix ou quinze ans. Lorsqu'on regarde les contrats de
la construction, même en 1976, cette concurrence existait. En 1976, la
valeur des contrats de construction à Montréal dépassait
celle de Toronto; $1 400 000 000 à Montréal contre $1 300 000 000
à Toronto, à peu près la même chose. En 1977,
à Toronto, $1500 000 000, et Montréal, $1 milliard. En 1978,
après deux ans d'administration du Parti québécois, on
n'est plus du tout dans la course avec Toronto. Toronto a des contrats de
construction de $1 500 000 000, alors que Montréal en a $700 millions,
la moitié moins.
Je ne vous parlerai pas de thèse sur l'économie, mais tous
les quotidiens de Montréal sont remplis, depuis quelques mois, de cette
nouvelle qui nous donne cette morosité. On voudrait que cela change, Mme
la Présidente. Dans la Presse du 30 mars, nous trouvons un article de
Pierre Bellemare: "Valeur de la construction autre que domiciliaire dans le
Montréal métropolitain, 1975, $641 millions; 1976, $687 millions;
1977, $464 millions. En 1978, $277 millions, pratiquement le tiers de la valeur
des contrats de construction de 1975 ou 1976. Le nombre de salariés dans
le domaine de la construction, dans le Montréal métropolitain,
était, en 1975, de 41 000 employés; en 1976, 36 000; en 1977, 32
000; en 1978, 26 500; en 1979, les prévisions sont de seulement 23 000
employés dans le domaine de la construction dans le Montréal
métropolitain à comparer avec 41 000 en 1975 ou 36 000 en 1976,
pratiquement 40% de moins." C'est comme cela sur toute la ligne.
Dans la Presse, également, un article de Pierre Vennat, le 6
avril 1979: "Construction, le chômage atteint des proportions
catastrophiques." Dans le même article de Pierre Vennat: "L'Office de la
construction du Québec vient de prédire une hausse du
chômage de 8% dans la construction au Québec en 1979. Bref, une
année de vaches maigres pour les travailleurs de la construction du
Québec et la situation serait encore pire, n'eût été
la baie James." Un autre article. On en a d'un bout à l'autre. Pierre
Bellemare, encore dans la Presse du 7 avril disait: "Depuis le choc je
ne pense pas que Pierre Bellemare ait la carte du Parti libéral
du 15 novembre 1976, aucune nouvelle construction d'importance n'a
été mise en chantier et, de l'avis général des
promoteurs montréalais, cette situation est principalement attribuable
au climat d'incertitude qui s'est installé au Québec avec
l'arrivée au pouvoir du gouvernement Lévesque." (12 h 30)
Un peu plus loin, c'est toujours dans l'article de Pierre Bellemare:
"Pénurie d'espace à bureaux à Montréal". Il
termine: "Elle semble l'année 1979 loin de la belle
époque des années 1972 à 1976, époque où
quatorze projets totalisant plus de six millions de pieds carrés ont
été réalisés." Il cite M. O'Brien, qui est le
président d'une firme à Montréal, dans l'immobilier. M.
O'Brien dit: "II ne faut quand même pas céder à la panique
et on ne veut pas paniquer soutient M. O'Brien. Les grandes entreprises,
tôt ou tard, reviendront à Montréal probablement au
lendemain du référendum." C'est cela qu'on veut dire: Cette
situation est grave. Il va falloir que le gouvernement prenne... Ce sont les
questions qu'on veut poser au ministre. Qu'il s'affranchisse donc de ce "dead
lock" constitutionnel. Ce sera ainsi tant que le référendum
n'aura pas eu lieu ou tant que le gouvernement je ne le sais pas
n'aura pas décidé sa position constitutionnelle. D'ailleurs, on a
vu le résultat autant dans le comté de Jean-Talon que dans le
comté d'Argenteuil. Le gouvernement est coincé avec sa position
constitutionnelle. Tant que l'atmosphère ne sera pas nettoyée,
c'est bien dommage, dans tous les domaines d'investissement, dans la
construction domiciliaire, résidentielle, commerciale ou industrielle,
on va connaître la catastrophe que nous vivons actuellement.
Le ministre a déjà parlé des édifices
à bureaux à Montréal de classe A. J'ai devant moi ce qui
est à peu près la bible dans le domaine immobilier à
Montréal, et le ministre connaît sans doute cette revue, Canadian
Real Estate, qui est publiée par LePage; vous la connaissez sans doute.
Cette revue est un peu, au Canada, la bible dans le domaine des investissements
immobiliers. Il est dit clairement ici le ministre l'a dit
lui-même, c'est uniquement cela qu'il nous a mentionné dans
certaines de ses réponses qu'il va y avoir une rareté des
édifices de classe A en 1979. C'est sûr
et vous savez pourquoi. Il y a une multitude de projets, comme ceux qui
ont été réalisés entre 1972 et 1976, qui sont sur
les tablettes. Mais les gens ne veulent pas investir dans de la construction
d'édifices à bureaux s'ils n'ont pas l'assurance de baux à
long terme. Vous connaissez les clauses; c'est rapporté dans ce
dépliant de Canadian Real Estate. II faut des locataires à long
terme. Il n'y a pas un constructeur d'édifices à bureaux qui peut
bâtir s'il n'a pas des locataires AAA qu'on appelle, des locataires
solvables qui signent des baux à long terme de vingt ans ou dix ans
minimum. Tous ces grands locataires exigent des clauses de bris ou la
permission de mettre fin au bail. J'en ai moi-même vu et c'est
cité dans cela. On signe pour dix ans et vingt ans, mais avec le droit
de mettre fin au bail au bout de dix ans, s'il y a séparation. Les
nouvelles clauses c'est mentionné ici et j'en ai moi-même
vu c'est qu'on signe un bail de dix ans ou de vingt ans, mais le
locataire se réserve le droit de mettre fin au bail dans six mois si
jamais un référendum sur la souveraineté-association
passait. Cela existe dans les baux. Qu'est-ce que cela veut dire? Que les
locataires ne louent plus et les constructeurs ne bâtissent plus. Il y a
une exception, c'est Bell Canada et la Banque Provinciale.
M. Landry: Ecoutez!
M. Lavoie: Souveraineté ou association, on va continuer
à se téléphoner quand même. La Banque Provinciale,
je pense, ne quittera pas le Québec.
M. Landry: Cela veut dire qu'on va continuer à avoir de
l'argent pour le mettre à la banque.
M. Lavoie: C'est le seul projet qu'il y a à
Montréal. Mme la Présidente, le ministre, qui est le
député de Fabre, dans Laval, m'a invité à traiter
avec lui, à dialoguer sur ce qui se passe dans Laval. Le parc industriel
de Laval est tellement plein qu'ils ne savent plus quoi faire! Oui, parce
qu'ils ont commencé ces expropriations pour l'agrandir en 1976. Demandez
donc aux administrateurs municipaux s'ils ne regrettent pas un peu la
décision de s'être embarqués dans une expropriation pour
doubler le parc industriel alors qu'il n'y a aucune activité dans le
parc industriel de Laval depuis deux ans. Je parlais ce matin avec M.
Réal Gariépy, le commissaire industriel dans Laval. Alors que,
dans les années 1975 et 1976, il y avait constamment des projets de 50
000 pieds carrés, qui représentaient $1 million ou $2 millions,
actuellement tout ce qu'il y a depuis un an ou deux ce sont des projets de 5000
ou de 3000 pieds carrés. Il y a peut-être Bell Canada qui est
venue. Provigo, cela s'est terminé sous le gouvernement libéral.
Le ruban s'est coupé de votre temps, mais la construction a
été faite, le projet a été lancé en
1975/76.
Voici des chiffres sur la construction dans Laval. En 1976, valeur des
permis de construction, d'après les statistiques officielles de la ville
de
Laval: du mois de janvier au mois d'août, pour l'année
1976, $110 000 000; pour l'année 1977, $91 000 000; pour l'année
1978, $66 000 000. C'est une baisse de près de 50%. Dans les
années 1975 et 1976, à Laval, il y avait des investissements dans
le domaine industriel de l'ordre de $15 millions par année; c'est pour
cela que la ville avait entrepris d'agrandir son parc industriel; en 1977, $12
millions dans le domaine industriel; en 1978 ce sont des chiffres que
j'ai obtenus hier du Service d'urbanisme de la ville de Laval $6 500 000
à comparer avec $15 millions en 1975 et en 1976. Ce sont là les
chiffres de Laval.
Je termine le domaine de la construction. Je vais vous donner des noms
de compagnies que vous connaissez dans le domaine de la construction, qui sont
de Laval et qui sont, pour la plupart, probablement dans votre propre
comté, M. le ministre, le comté de Fabre. Demix, dans les
années 1976, dans le domaine de la construction, une moyenne de 500
employés; actuellement, 100 employés. La compagnie Gagné,
dans votre comté, au coin du boulevard Saint-Martin et de l'autoroute,
location d'équipement lourd, avait 150 employés en 1976, et ce
sont des employés de la construction qui gagnent de $30 000 à $35
000 par année, des opérateurs de machinerie lourde; fermée
totalement au début de 1977, aucun employé maintenant. Paul
Dubé & Fils, constructeur à Laval, 150 employés en
1976 dans le domaine de la construction; actuellement, 20. Corival, dans le
comté de Mille-Iles, votre voisin, une moyenne, dans les années
1975 et 1976, de 250 employés; actuellement, 100. Canco, dans votre
comté, dans le parc industriel de Laval, dans l'excavation importante de
gros édifices, a toujours eu, en 1975 et en 1976, 200 employés;
actuellement, depuis la dernière année, 10 employés.
Francon, dans Laval et dans la région, dans le domaine de la
construction, une moyenne de 600 employés dans les années 1975 et
1976; actuellement, 100. Les Mir Construction, dans la région de
Montréal, une moyenne, en 1975 et 1976, de 400 employés dans le
service de la construction; actuellement, fermée, zéro. Miron,
qui a été vendu aux Arabes dernièrement, à Ville
Saint-Michel, pas loin de Laval, une moyenne de 600 à 700
employés, dans les années 1975 et 1976, dans le service de la
construction; actuellement, 250. Je termine...
M. Landry: Pourquoi les Arabes ont-ils acheté?
M. Lavoie: Pour la carrière ou Demix.
M. Landry: Pour la regarder ou pour l'exploiter?
M. Lavoie: Ils l'ont achetée parce qu'ils espèrent
que le Parti québécois va se faire battre avant longtemps. C'est
sûr qu'il va y avoir une reprise au Québec; ce ne sera pas long,
dès que vous ne serez plus là. Louisbourg construction, 250
employés; aujourd'hui, c'est fermé, il y a à peine
quelques employés. C'est cela la situation dans le
domaine de la construction. On n'a pas besoin d'enquête; on n'a
pas besoin de mini-sommet. Voici les problèmes. On ne veut plus
d'enquête. Tant que vous n'aurez pas purgé l'atmosphère sur
votre question constitutionnelle, sur le "deadlock" constitutionnel actuel qui
a été jugé durement dans Argenteuil et dans Jean-Talon,
vous êtes coincés, messieurs du gouvernement. Sortez de cette
situation. Faites le référendum ou oubliez votre
souveraineté-association parce que les Québécois et les
Montréalais veulent demeurer Canadiens. Vous êtes pris avec
cela.
Deuxièmement, votre préjugé, votre méfiance,
votre antipathie, votre antagonisme, votre hostilité dans le domaine du
secteur privé vous avez vu la lettre du Conseil du patronat
dernièrement... D'ailleurs, je ne suis pas surpris. Aucun des ministres
actuels... Je vous demanderais vos antécédents ou votre
expérience avec le milieu privé. C'est malheureux, pas un des 28
ministres actuels n'a eu quelque expérience que ce soit dans le domaine
privé, à commencer par le ministre d'Etat au développement
économique, je crois. Ils ne peuvent pas dialoguer, ils ne se
connaissent pas. Il en faudrait au moins quelques-uns dans un cabinet, quatre
ou cinq, qui ont quand même eu l'expérience de l'entreprise
libre.
Troisièmement, tant que vous n'atténuerez pas votre
radicalisme de la loi 101 sur la langue d'enseignement, votre clause
Québec au lieu de la clause Canada pour que les Canadiens des autres
provinces, les enfants des employés-cadres des grandes
sociétés puissent quand même, s'ils ont douze ans et que
cela fait cinq ans qu'ils vont à l'école anglaise, continuer
à aller à l'école anglaise c'est normal, cela ne
nous enlèvera pas nos droits d'être francophones, d'être
Québécois, d'aucune façon (je termine) votre impôt
sur le revenu également des cadres et des autonomes tant que vous
n'aurez pas corrigé cela, nous connaîtrons la situation que nous
connaissons actuellement. Je vous remercie, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Merci, Mme la Présidente. Je ne commence pas
avec une réponse à toutes les allégations personnelles du
ministre.
La Présidente (Mme Cuerrier): II faudrait quand même
terminer...
M. Scowen: Pardon? Qu'est-ce que vous dites?
La Présidente (Mme Cuerrier): Je n'ai pas donné la
parole au ministre pour répondre au député de Laval. Il
semble qu'il y ait un petit flottement. Je vous donne quand même un droit
d'intervention, mais il faudra...
M. Scowen: Je n'ai pas parlé maintenant depuis une heure,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): Je suis tout à fait
d'accord, sauf que vous aviez un droit de parole privilégié,
à ce moment. Il faut quand même donner la chance de
répondre aux uns et aux autres, évidemment.
M. Scowen: Le ministre a parlé déjà quatre
fois.
M. Lavoie: Mme la Présidente... La Présidente
(Mme Cuerrier): Oui.
M. Lavoie: ... juste pour vous donner une expérience qu'on
a eue, je crois qu'il y a eu des précédents avec les
décisions du président de l'Assemblée en ce qui concerne
cette période de question avec débat où on est encore au
rodage; ce n'est pas tout à fait déterminé comment
procéder. Le président de l'Assemblée nationale a reconnu
un genre de court droit de réplique au député qui posait
la question.
La Présidente (Mme Cuerrier): Evidemment, bien sûr.
C'est ce que j'allais dire au député de
Notre-Dame-de-Grâce, c'est qu'il y avait un certain flottement.
Normalement, j'aurais permis au ministre de faire une intervention pour
répondre au député de Laval puisque le
député de Laval pose des questions. Il est bien sûr aussi
que nous vous réserverons à vous et au ministre quelques moments
à la fin, avant le moment où nous devons ajourner, pour que vous
puissiez, chacun, essayer de faire un tour de la question.
M. Scowen: Je ne sais pas si je comprends bien, Mme la
Présidente. J'avais l'impression que chaque personne avait un droit de
parole de 20 minutes et que moi et le ministre, nous avions droit à une
quantité indéterminée d'interventions de 20 minutes
chacune. Vous m'avez donné la parole et j'ai des choses à dire.
Je n'ai pas parlé depuis une heure et demie.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
vous auriez pu le faire, sauf que vous avez laissé les
députés de votre formation politique intervenir.
M. Scowen: Quelle est votre direction alors?
La Présidente (Mme Cuerrier): Je considère que
grosso modo nous pouvons considérer que c'est vous qui étiez
représentant de votre formation politique. Comme vous avez permis les
interventions des représentants de votre formation politique, on peut
peut-être considérer que c'est vous qui parliez à ce
moment, si on peut dire. Je vous ferai remarquer qu'il faudrait quand
même, si vous voulez faire une courte intervention, préserver une
réponse du ministre à M. le député de Laval et,
ensuite, un tour d'horizon pour le député de
Notre-Dame-de-Grâce et pour le ministre d'Etat au développement
économique.
M. Lavoie: Est-ce qu'il y aurait possibilité de
s'entendre? Il reste à peu près 17 ou 18 minutes. Si le ministre
pouvait parler sept ou huit minutes, si vous voulez, et laisser sept ou huit
minutes au député puisque c'est sa question avec débat.
Est-ce qu'on pourrait s'entendre sur cela?
M. Landry: Mme la Présidente, je veux bien qu'on
s'entende, mais pas exactement sur ce qu'a dit le député de
Laval. Ce qui me conviendrait, ce qui m'apparaîtrait normal, c'est que
j'aie quelques minutes pour répondre au député de Laval
parce que, quand on concentre ce qu'il a dit, le flot verbal se réduit
à peu de chose.
La Présidente (Mme Cuerrier): Parlez donc plutôt du
consentement que vous désirez obtenir actuellement.
M. Landry: Alors, quelques minutes pour répondre au
député de Laval. Notre collègue de l'Union Nationale peut
peut-être aussi encore ajouter quelque chose.
Nous nous répartirions les dernières minutes restantes, le
député de Notre-Dame-de-Grâce et moi. C'est lui le
questionneur, donc l'attaquant. Je pense que c'est à moi de finir. C'est
la règle générale des débats et je prendrais les
cinq dernières minutes.
M. Scowen: Mme la Présidente, vous avez commencé ce
matin en suivant l'article 162...
M. Landry: C'est vous qui avez commencé.
La Présidente (Mme Cuerrier): Avec le député
de Notre-Dame-de-Grâce, M. le député, oui.
M. Scowen: ... et vous m'avez reconnu. On a commencé avec
les règlements et on termine avec je ne sais pas trop quoi ici.
La Présidente (Mme Cuerrier): Nous n'allons pas utiliser
tout ce temps. Si vous me le permettez, je vous ferai une suggestion... (12 h
45)
M. Lavoie: Oui, on vous écoute.
La Présidente (Mme Cuerrier): Je pensais qu'actuellement
il serait tout à fait normal que le ministre puisse faire au moins une
courte intervention pour répondre au député de Laval et
qu'ensuite nous nous préservions quatre ou cinq minutes au moins pour
chacun des deux intervenants privilégiés pour terminer ce tour de
la question juste avant l'ajournement â 13 heures.
M. Scowen: Est-ce que c'est moi ou le ministre qui va parler en
dernier dans cette affaire?
M. Lavoie: II y a eu des antécédents deux ou trois
fois aux questions avec débat où celui qui a posé la
question termine, un peu comme un droit de réplique.
M. Landry: Cela me semble aller contre le bon sens.
M. Scowen: Dans les deux questions que j'ai posées
l'année passée, Mme la Présidente, sur l'habitation et sur
l'investissement étranger, c'était moi qui avais parlé en
dernier. Je voulais simplement savoir si vous allez continuer cette
tradition.
La Présidente (Mme Cuerrier): Je sais qu'à certains
moments les choses se sont produites et que le contraire aussi s'est produit.
Actuellement, je donne la parole au ministre et je lui demanderais d'être
assez...
Une Voix: Concis?
La Présidente (Mme Cuerrier): Voilà. Et ça
me donnera le temps de penser à la suite.
M. Landry: Rapidement en réponse au député
de Laval, il a parlé d'incertitude et il l'a fait remonter au temps
où M. Daniel Johnson parlait d'égalité ou
indépendance, à la fondation du Mouvement
souveraineté-association. C'est bien ça que vous avez dit,
d'ailleurs. Alors, quand le Parti libéral dit qu'on a commencé il
y a quelques mois seulement à parler de souveraineté-association,
le député de Laval, lui qui connaît un peu plus l'histoire
politique, se rend bien compte que c'est un phénomène qui n'a pas
commencé hier.
Sur l'incertitude, voici ce que je dis: C'est le propre des
démocraties et des peuples en évolution de créer une
certaine incertitude. On n'est pas certain qui sera le premier ministre du
Canada après l'élection fédérale. Il y a une
incertitude. La Bourse réagit, les milieux d'affaires réagissent.
La société québécoise est en évolution et
effectivement, depuis Daniel Johnson et même avant, il y a incertitude
sur l'avenir constitutionnel. M. Johnson pour les impôts, par exemple,
disait "cent, cent, cent!" Vous vous souvenez de ça; il voulait tous les
impôts à 100%. Cela créait de l'incertitude. Les autres
formations politiques M. Bourassa parlait de souveraineté culturelle. M.
Trudeau lui répondait à coups de soufflet, c'est le moins qu'on
puisse dire. Mais ça aussi, ça créait de l'incertitude.
Qui aura la souveraineté culturelle, Ottawa ou Québec? Je dis que
c'est un phénomène normal et sain. Le député de
Laval que je tiens pour un homme de droite il ne sera pas insulté
que je lui dise ça sait très bien qu'un endroit...
M. Lavoie: Est-ce que je pourrais faire une correction?
M. Landry: Non, laissez-moi mon temps. Ecoutez...
M. Lavoie: Vous m'attaquez, homme de droite. Je n'accepterai pas
d'être un homme de droite. Je suis un centriste; je suis un vrai
libéral.
M. Landry: Faisons un compromis sur le centre droite.
M. Scowen: Ce matin, il a passé son opinion personnelle
sur chaque personne dans cette Chambre, sauf vous Mme la Présidente.
M. Lavoie: Ce sont des attaques ad hominem.
M. Landry: Le député de Laval reconnaîtra que
les seuls endroits au monde où il n'y a pas d'incertitude politique, ce
sont les dictatures autocrates à parti unique. En Union
soviétique, il n'y a aucune espèce d'incertitude. Rien ne change
et ce pays est politiquement enlisé.
Je suis par conséquent heureux qu'au Québec nous vivions
dans une démocratie et que M. Daniel Johnson, comme chef
démocratique des Québécois, ait pu dire: Egalité et
indépendance. Que Robert Bourassa ait pu dire: Souveraineté
culturelle. Et que nous puissions dire: Souveraineté-association. C'est
vrai que cela crée une certaine incertitude qui est au coeur même
de notre démocratie. Le Québec change et évolue. Vous nous
reconnaîtrez le mérite quand même d'être ceux qui
sommes en mesure de mettre fin à cette incertitude et de proposer enfin
aux Québécois de se prononcer par voie de
référendum.
Deuxième point de ma réponse au député de
Laval. C'est un peu plus grave, cela me paraît même très
grave. Il n'aura pas le temps aujourd'hui, mais je voudrais que le
député de Laval me donne une explication, lui qui est membre du
Parti libéral, parti qui est contre le libre choix de la langue
d'enseignement, c'est bien connu. Le Parti libéral est d'accord pour une
législation linguistique. Il a fait la loi 22, qui n'était pas le
libre choix, et il s'est dissocié à plusieurs reprises du libre
choix. Vous avez même des candidats du libre choix contre vous. Causes
des incidences économiques de la langue. Je voudrais que le
député de Laval nous dise pourquoi, dans son pamphlet
électoral de 1976, il préconise en matière linguistique le
libre choix de la langue d'enseignement et pourquoi...
M. Lavoie: Continuez!
M. Landry: J'ai ici: "Article 3. Libre choix de la langue
d'enseignement." Je voudrais que le député de Laval explique si
c'est pour des raisons économiques.
M. Lavoie: Continuez!
M. Landry: Comment, ayant fait campagne en 1976 en affirmant le
libre choix de la langue d'enseignement, peut-il toujours être membre du
Parti libéral et l'appuyer alors que cette question est majeure et
fondamentale?
M. Lavoie: La pertinence, la pertinence!
M. Landry: Enfin, sur les investissements... C'est très
pertinent, tout le monde a parlé de législation linguistique ce
matin; alors, j'en parle.
J'imagine que le député de Laval veut dire que le libre
choix serait meilleur pour l'économie. S'il veut soutenir le libre
choix, il y a le député de Pointe-Claire qui est pour le libre
choix. Qu'il aille avec ceux qui ont les mêmes positions fondamentales
que lui. On va revenir aux réalités économiques et
à la construction.
Personne ne nie qu'après les Olympiques il y ait eu un marasme
dans la construction. Si les carnets du gouvernement avaient été
pleins de projets quand on est arrivé au pouvoir, cela aurait
été évité, mais l'imprévoyance du
précédent gouvernement, qui avait perdu le contrôle de la
situation au Québec en termes économique, social et politique,
fait qu'il y a eu effectivement une baisse de la construction. Cependant,
à Laval, notre ville, en 1977, les Entreprises Albert Gagnon Ltée
ont commencé j'ai visité le projet un projet de
$100 millions. Les journaux des jours derniers nous apprenaient qu'une grande
chaîne hôtelière, Sheraton, dans notre ville de Laval,
construit...
M. Lavoie: 250 chambres.
M. Landry:... un grand hôtel avec un investissement qui va
aller chercher dans les $10 millions à $12 millions...
M. Lavoie: Oui, corrigez!
M. Landry: II n'y a jamais eu, même du temps où le
député de Laval était le maire de Laval, la construction
d'un hôtel de ce calibre dans l'île Jésus. Dans les grands
projets de la région de Montréal, j'ai cité Bell Canada,
la Banque Provinciale, la Banque d'épargne. Il y a également
SIDBEC-Dosco, Canada Packers, Entrepôts Desnoyers, Mercure, Gagnon,
Sheppard. J'ai vu fonctionner le parc industriel de Laval au cours des
dernières années et j'ai vu l'expansion qu'il est en train de
prendre, qu'il prend encore. Ce n'est pas pour des fantaisies que la ville de
Laval continue son expropriation, c'est parce qu'elle sait très bien
qu'elle ne peut plus loger d'industries majeures dans le parc industriel tel
qui existe présentement.
M. Lavoie: Est-ce que le ministre me permettrait une question sur
l'agrandissement du parc industriel de Laval qui a été
commencé en 1976 pour l'expropriation? Comment la ville va-t-elle
pouvoir prendre de l'expansion au point de vue industriel avec le zonage
agricole de tout ce grand terrain?
M. Landry: Le député de Laval...
La Présidente (Mme Cuerrier): ... si nous voulons
permettre les dernières interventions.
M. Landry: ... fait de la politique. Il sait parfaitement que la
Commission de zonage agricole et la ville de Laval en sont venues à une
entente qui préserve toutes les possibilités d'ex-
pansion industrielle de Laval. Ou c'est une petite manoeuvre politique
de dernière minute dans un débat qui vous a donné chaud,
ou c'est une erreur et un manque d'information flagrant. Je laisse au
député de Laval le soin de décider.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le
député... M. Lavoie: Je peux parler, il reste six minutes.
M. Scowen: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): C'est cela. M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen:... est-ce que je peux vous demander au moins les six
ou sept minutes qui restent?
M. Lavoie: Allez-y.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
il est habituel, au cours d'une question avec débat, que chacun des deux
intervenants privilégiés puisse avoir quelques minutes pour faire
le tour de la question. Alors, rapidement, s'il vous plaît!
M. Landry: II faut s'entendre d'avance parce que le temps file.
Il reste environ...
La Présidente (Mme Cuerrier): Habituellement. M.
Landry:... six ou sept minutes.
M. Scowen: Mme la Présidente...
M. Russell: J'avais pensé utiliser mon temps...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
je pense que nous n'avons plus le temps de permettre d'autres remarques, c'est
malheureux.
M. Russell: Je sais qu'en commission pléniè-re, on
ne peut pas soulever de point de règlement.
La Présidente (Mme Cuerrier): Nous avons des intervenants
privilégiés, M. le député de Brome-Missisquoi, et
je dois permettre à chacun de faire un dernier tour de la question. Nous
n'avons que six minutes pour cela, alors je donnerais trois minutes à
chacun des intervenants.
M. Russell: Ce que je voulais, en vous demandant la parole, c'est
dire au ministre que je suis d'accord pour laisser la parole au
député de Notre-Dame-de-Grâce pour la simple raison que
c'est sa motion.
La Présidente (Mme Cuerrier): Vous n'avez pas...
M. Russell: Je me le rappellerai à l'avenir. On aura
d'autres motions, nous aussi, et on saura comment agir, c'est tout. C'est ce
que je veux faire remarquer.
La Présidente (Mme Cuerrier): Nous sommes en train
d'établir une tradition où chacun des deux intervenants
privilégiés a quelques minutes à la fin. Alors, trois
minutes, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Mme la Présidente, je vous remercie. Le
ministre a essayé ce matin de dire, si je comprends bien, que oui, il
existe un problème à Montréal, mais que ce n'est pas
nouveau et que ce n'est pas aussi grave que nous le clamons. Nous avons
essayé, je pense, de dire que oui, c'est un problème qui est
très grave à Montréal. C'est quelque chose qui existe
depuis plusieurs années mais c'est quelque chose qui est devenu beaucoup
plus grave, beaucoup plus grave depuis le début de 1977. C'est une
question qui ne sera pas réglée ici ce matin; c'est bien clair
que la population sera obligée de décider elle-même. Les
citoyens de Montréal, quand ils regardent ce qui se passe dans leur
ville, quand ils regardent les journaux, les avis de départ, les
problèmes dans la construction, doivent décider si c'est pire ou
non. Nous disons, d'une façon très forte que c'est pire depuis
deux ans. Je pense que nous avons donné au moins des
éléments de preuve pour les gens qui n'en sont pas conscients de
leur propre expérience.
Nous avons dit ce matin qu'il est nécessaire de prendre des
mesures concrètes pour régler ces problèmes. Nous avons
dit qu'il existait trois choses. Nous avons posé trois questions
très précises au ministre. Pour nous, il n'est plus
nécessaire de faire des études, des analyses, de sommets, des
mini-sommets, des commissions. Les trois raisons sont claires. Mon
collègue, M. Raynauld, les avait fournies d'une façon très
cohérente. La première, c'est une hostilité accrue du
Parti québécois dans sa politique, que
réfléchissent continuellement les déclarations des
ministres et des députés et les politiques du gouvernement. Cela
a pour effet qu'aujourd'hui il y a une guerre ouverte avec le Conseil du
patronat du Québec, qui est la plus grande organisation des cadres, des
dirigeants à Montréal, une guerre ouverte entre M. Landry et
l'industrie pharmaceutique, une guerre ouverte entre M. Bérubé et
l'industrie minière, une guerre ouverte entre M. Parizeau et l'industrie
du textile et une autre guerre ouverte entre M. Parizeau et l'industrie de
l'amiante. En effet, il y a le charriage total entre le secteur privé et
le gouvernement. Ce n'est pas quelque chose de nouveau. C'est basé
exclusivement sur la politique de base du Parti québécois qui ne
comprend pas le secteur privé.
Le deuxième élément que le ministre a touché
aujourd'hui est la question de la loi sur la langue. Comme il l'a dit, nous
sommes aussi en faveur des lois linguistiques. Nous réclamons simplement
deux choses. Premièrement, nous réclamons que toutes les
personnes de l'extérieur du Québec qui veulent venir ici aient le
droit d'envoyer leurs enfants anglais aux écoles anglaises. Cela ne
touche pas du tout les droits des francophones. Cela signifie qu'une personne
qui est anglaise, qui veut venir de Toronto pour n'importe quelle raison pour
deux, trois, quatre, cinq, dix, quinze ou vingt ans, pourrait mettre son enfant
dans une école
anglaise. Je pense que nous avons le droit de le faire. La
deuxième chose qu'on réclame, c'est le droit de mettre un
affichage en anglais, également en français, mais le droit de se
servir de sa propre langue dans sa propriété. Je pense que, si un
Etat anglais fait une loi contre les Français disant: Tu ne peux pas
mettre d'affiche en français, cela va causer le charriage et je pense
que c'est exactement ce qui est arrivé dans le sens contraire
aujourd'hui. On ne craint pas l'élimination des droits sur la langue,
mais ces deux petits points. Finalement et avant tout...
La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, M. le
député!
M. Scowen: Oui, Mme la Présidente. Finalement et avant
tout, Mme la Présidente, nous réclamons d'une façon
absolue la nécessité d'arrêter de parler de
souveraineté-association tant que vous n'aurez pas mis devant la
population la question du référendum d'une façon claire,
parce que c'est connu de tout le monde. Mon collègue de Laval l'a
répété d'une façon très claire: l'industrie
du Canada qui est basée au Québec n'acceptera jamais de rester
ici dans l'éventualité d'une indépendance du
Québec. Cela n'est pas possible pour une compagnie canadienne il
y en a 500 ou 600 à Montréal aujourd'hui de rester dans un
autre pays que le Canada. Alors, si l'indépendance arrive, ces
compagnies vont partir. C'est clair. Cette incertitude qui est répandue
partout à travers le Canada, partout à travers le Québec,
parmi les anglophones du Québec, parmi les francophones du
Québec, parmi tous les autres groupes ethniques du Québec, c'est
quelque chose qui va créer l'instabilité économique d'ici
la fin du mandat du Parti québécois qui, j'espère, va
venir bientôt, ou jusqu'au moment où le référendum
réglera ce problème une fois pour toutes.
Mme la Présidente, je pense que je n'ai pas abusé
aujourd'hui de mon droit de parole. Le ministre a parlé au moins cinq
fois...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
vous aviez...
M. Scowen: ... et j'ai parlé une seule fois.
La Présidente (Mme Cuerrier): ... un droit de parole
privilégié.
M. Scowen: Je veux simplement terminer, si je peux, Mme la
Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): Vous auriez pu
empêcher, vous auriez pu demander que d'autres députés de
votre formation politique n'interviennent pas si vous vouliez intervenir plus
souvent. Vous aviez le droit de le faire. Ce que je vous dis maintenant, c'est
que nous avons toujours préservé au moins un droit de parole pour
faire le tour de la question. Nous arrivons à 13 heures et je pense
qu'il est tout à fait logique, je n'ai pas de dessin à faire,
que, quand quelqu'un pose une question, normalement on doit pouvoir y
répondre. Vous avez commencé l'intervention. Je pense qu'il
serait normal que vous laissiez au moins deux minutes ou trois minutes au
ministre pour vous répondre. Si vous ne le voulez pas, M. le
député, nous arriverons au moment de l'ajournement et nous
n'aurons pas de consentement. (13 heures)
M. Raynauld: Mme la Présidente...
M. Scowen:... pas de consentement... Mme la
Présidente.
M. Landry: Mme la Présidente...
M. Raynauld: ... le problème...
M. Scowen: On a passé la matinée à recevoir
des insultes personnelles du ministre. Je pense que cela ne vaut pas la peine
de continuer cet après-midi à recevoir plus d'insultes
personnelles quand on essayait de soulever un sujet qui est d'une importance
primordiale pour tous les Québécois.
La Présidente (Mme Cuerrier): Je pense que l'intervention
que je vous faisais...
M. Scowen: Oui, merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): ... était qu'il est
tout à fait logique que chacun puisse répondre mutuellement. Vous
avez débuté, vous avez posé la première question.
Tous les autres députés qui sont intervenus ensuite ont
posé des questions au ministre qui était l'interpellé.
Vous n'accordez pas maintenant au ministre le droit de répondre. M. le
ministre, je me vois dans l'obligation d'ajourner.
Cette commission...
M. Landry: Ils se disent libéraux. Ce sont des
autocrates.
La Présidente (Mme Cuerrier): ... ajourne ses
débats sine die.
Fin de la séance à 13 h 1