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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le vendredi 8 décembre 1978 - Vol. 20 N° 220

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition publique et étude du projet de loi no 108 - Loi modifiant la charte de la Société générale de financement du Québec


Journal des débats

 

Audition publique et étude du projet de loi no 108

(Onze heures cinquante-cinq minutes)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! La commission permanente de l'industrie et du commerce se réunit à la suite d'un mandat qui lui a été donné par l'Assemblée nationale.

Les membres de la commission pour la séance d'aujourd'hui sont: M. Russell (Brome-Missisquoi) en remplacement de M. Dubois (Huntingdon); M. Gosselin (Sherbrooke), M. Grégoire (Frontenac), Mme Leblanc-Bantey (Iles-de-la-Madeleine), M. Martel (Richelieu) en remplacement de M. Lefebvre (Viau); M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Forget (Saint-Laurent) en remplacement de M. Raynauld (Outremont); M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), M. Shaw (Pointe-Claire) et M. Tremblay (Gouin).

Les intervenants sont: M. Gagnon (Champlain), M. Godin (Mercier), M. Goulet (Bellechasse), M. Landry (Fabre), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys) en remplacement de M. Marchand (Laurier); M. Michaud (Laprairie), M. Perron (Duplessis), M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Verreault (Shefford).

On m'a informé que, vers 23 h 55 hier soir, les membres de la commission ont, semble-t-il, unanimement exprimé le voeu que le président de la SEE vienne aujourd'hui ou se présente aujourd'hui devant la commission. J'ai été informé que toutes les démarches ont été faites par le secrétaire des commissions parlementaires et que les personnes à qui il a parlé se sont montrées extrêmement intéressées à répondre aux questions des membres de la commission, sauf que le délai qui leur était donné pour ce faire les amenait à donner une réponse négative. D'autre part, je vous informe également qu'elles sont disposées à répondre à n'importe quelle question écrite qu'on pourrait leur envoyer et à faire parvenir des réponses au ministre concerné ou à toute personne qui pourrait vouloir leur poser des questions à ce sujet. Donc, elles se considèrent avoir été avisées ou invitées tardivement et, en conséquence, elles ne pourront ou il ne pourra se présenter aujourd'hui, quoiqu'elles aient manifesté le désir de pouvoir répondre affirmativement à cette invitation.

M. Martel: M. le Président, hier, la présidence a pris en délibéré une question que je posais à M. Rochette et, par la suite, cela s'est également appliqué dans le cas de certaines autres questions que je posais à M. Picard pour avoir des éclaircissements sur l'administration de Marine, sur des décisions. La question a été prise en délibéré par le président. J'aimerais savoir ce matin si vous avez l'intention de rendre jugement là-dessus. Cela a été pris en délibéré, mais je ne veux pas que cela reste au feuilleton, je veux avoir un jugement.

M. Forget: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: II y a eu substitution à la présidence...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Malgré son indivisibilité.

M. Forget: ... malgré son indivisibilité, comme vous le dites. J'ai eu le sentiment, on peut me corriger, que tout en l'ayant pris en délibéré initialement, le président, lorsque M. Picard est revenu à la charge, a indiqué que la même interprétation qu'il avait faite dans le cas de M. Rochette, s'appliquait à M. Picard. Par conséquent la décision me semble avoir été rendue hier.

M. Martel: Elle a été prise en délibéré, donc il doit y avoir une réponse rendue par la présidence ce matin, concernant cette question. Si la question a été prise en délibéré, c'est pour être tranchée à un moment donné.

M. Forget: Cela l'a été.

M. Martel: Cela ne l'a pas été, justement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Effectivement, j'ai eu l'occasion de rencontrer, ce matin, celui qui m'a remplacé comme président de la commission parlementaire, hier. Je n'ai pas eu l'occasion, par contre, de lire le journal des Débats, mais le président m'a informé qu'effectivement, vers 21 h 30 hier soir, on avait posé une question passablement importante, qu'il y avait même eu suspension, pour une certaine période, des travaux et que cette question avait été prise en délibéré.

Il y en a un ce matin qui me dit que la cause est en délibéré et I autre semble me dire que le jugement est rendu. D'autre part...

M. Martel: II l'a prise en délibéré.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... je constate que l'un dit une chose et que l'autre en dit une autre. J'ai devant moi le texte du journal des Débats de la séance d'hier soir, je n'ai pas eu l'occasion de le lire avant la séance de ce matin. Je suis porté, évidemment, à prendre la parole de mon collègue qui me remplaçait et à dire que le jugement n'a pas été rendu. Il me semble que celui qui puisse le mieux me rendre témoignage quant à savoir s'il a rendu une décision ou non, est justement celui qui avait à prendre ou à ne pas prendre telle décision. Il m'a dit que telle décision n'avait pas été rendue. (12 heures)

M. Russell: M. le Président, on ne peut pas mettre votre parole en doute.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce n'est pas ma parole, c'est la parole...

M. Russell: De votre prédécesseur.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De celui qui me précédait.

Décision du président

Alors, j'ai été informé du problème ce matin, vers 9 h 15. Effectivement, non seulement je pense, mais je suis convaincu que la cause a été prise en délibéré. Il s'agit d'une question importante qui ne trouve pas tellement de précédent. Cependant, certaines recherches nous ont permis de découvrir dans des extraits des travaux de la Chambre des communes pour la session 1912-1913, un problème absolument identique qui s'était présenté dans le cas d'un M. Miller.

Le lundi. 17 février 1913, la Chambre — puisque, à ce moment-là, les témoins étaient convoqués par la Chambre des communes et non par des comités et des commissions qui n'existaient pas — a posé à M. Miller une question. Son procureur a alors invoqué le fait que toute réponse pouvant être donnée par son client pourrait éventuellement l'incriminer et, à ce moment-là, il a été décidé que cette objection n'était pas valable et qu'en conséquence, le M. Miller en question devait répondre à la question qui lui avait été posée.

M. Miller a persisté dans son refus et le 20 février 1913, soit trois jours plus tard, le procureur de M. Miller a changé totalement son argumentation en invoquant cette fois-ci que la cause était devant les tribunaux.

Je lis une partie du Hansard d'alors: "Une partie de cette déclaration allait à dire que l'une de mes raisons pour refuser de répondre était que ma réponse aurait pu m'incriminer. Or, M. l'Orateur — c'est M. Miller qui parle — je désire spécialement retirer cette déclaration, attendu que je n'avais pas autorisé mon procureur à la faire, vu que je ne craignais absolument en aucune manière que ce soit, que j'aie pu m'incriminer sous quelque rapport que ce soit. "La raison principale que je désirais alléguer était celle-ci: A cause de certaines causes actuellement en litige et qui dépendent des transactions maintenant soumises à une enquête, j'ai cru qu'il ne serait pas judicieux de faire connaître les faits, parce que cela pourrait influer sur le résultat des causes en litige. "

Donc, le 17 février 1913, on invoque le fait que les réponses peuvent tendre à incriminer le témoin. L'objection est déclarée non valable.

Trois jours plus tard, nouvelle objection à l'effet qu'il y a des causes actuellement en litige et, en conséquence, la Chambre des communes — puisque c est elle qui avait décidé à ce moment-là — a rejeté la deuxième objection faite par le procureur au nom de son client, de telle sorte que ledit M. Miller a subi un sort qui était probablement le sort qu'on réservait à ce moment-là, en 1913, mais qui, je l'espère, n'est plus le nôtre aujourd'hui. A ce moment-là...

M. Forget: Quel sort?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le sort, en 1913, c'est qu'il est arrivé ceci, si vous voulez absolument le savoir, pour être fidèle à l'histoire...

M. Forget: On me met l'eau à la bouche.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Que cette Chambre, ayant examiné les déclarations par R.C. Miller et son procureur à la barre de cette Chambre, les 18 et 19 et 20 février courants, déclare par les présentes que ces déclarations ne sont pas une réponse à la question qui lui a été posée par M. l'Orateur aux dates susdites et que son refus de répondre à cette question constitue une transgression des privilèges du Parlement et rend ledit R.C. Miller coupable de mépris de cette Chambre. Cette Chambre ordonne et décrète que ledit R.C. Miller soit immédiatement transféré et emprisonné par le sergent d'armes en et dans la prison commune du comté de Carleton, en la cité d Ottawa, province d'Ontario, jusqu'à la prorogation de cette Chambre, à moins qu'il n'en soit plus tôt libéré sur l'ordre de cette Chambre, et le gardien ou autre fonctionnaire en charge de ladite prison est par les présentes autorisé à recevoir ledit R.C. Miller en sa garde et que M. l'Orateur émette en conséquence immédiatement un mandat à cet effet."

C'est évidemment... Vous m excuserez d avoir...

M. Forget: Je suis d'accord que cette décision n'avait pas été rendue hier.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous m'excuserez d'avoir été obligé de remonter à 1912 pour trouver un précédent. J'aurais aimé en trouver d'autres, mais il semble que ce soit l'un des seuls qui soit à notre disposition.

Ma décision, considérant l'importance de la tradition et des us et coutumes et de la jurisprudence en matière de droit parlementaire britannique, ne peut donc aller que dans le sens de cette décision de la Chambre des communes de 1912- 1913 dans le cas de M. R.C. Miller et, en conséquence, ayant pris connaissance de l'objection qui était la même, à savoir qu'il y avait des causes actuellement en litige, je rejette l'objection et je permets que les questions soient posées. M. Picard.

M. Picard (Laurent): M. le Président, je vous demanderais la permission de faire une clarification qui n'est peut-être pas absolument importante, mais qu'il serait peut-être bon de faire quand même à ce moment-ci. Le problème qui se posait hier sur la question de M. Martel, quand j'ai demandé d'attendre, était parce qu il pouvait y avoir mépris de cour et vous avez rendu votre décision. Le journal Le Devoir a un article très bien écrit d ailleurs, mais dans lequel l'auteur dit: Chose remarquable, tout le monde a demandé la protection de la commission.

Par ailleurs, on parle d'incrimination, etc. Je voudrais dire très clairement que le problème, ce n est pas cela, le problème c'est: Est-ce qu'on a le droit, lorsqu'on va être appelé comme témoin, de donner, devant une commission des réponses qu'on donnerait en cour? Je voudrais que ce soit quand même clair, parce que je...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Picard, comme président, je pense qu'il est de mon devoir de dire, pour le bénéfice de tous, qu'il s'agit d'un droit strict, d'un privilège que la présidence peut offrir, qu'elle a déjà offert à tout le monde et que personne n'a le droit d'interpréter la demande de protection de la commission dans aucun sens que ce soit. C'est un droit qui est accordé à tout témoin devant des commissions parlementaires, devant des tribunaux ou devant des commissions d'enquête. Je pense qu'il serait absolument malveillant et préjudiciable de la part de certaines personnes que l'on interprète l'exercice d'un droit sacré comme devant conduire à certaines conclusions.

M. Picard: Je vous remercie beaucoup. Je n'ai même pas eu la préoccupation d'amener un avocat ici, comme vous l'avez remarqué. Je suis prêt à répondre aux questions que les gens veulent me poser.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous remercie, M. Picard. Je pense que ce que vous avez soulevé est extrêmement important, puisqu'on ne peut jamais blâmer quelqu'un de l'exercice d'un droit et en tirer des conclusions qui ne sont aucunement justifiées.

M. Martel: M. le Président, vous avez tranché le litige. Je peux poser mes questions. La première question que j'ai posée hier, c'était pour savoir...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je me dois de respecter la liste des droits de parole. Vous êtes intervenu sur une question de règlement. Sur ma liste, actuellement, le premier intervenant est le député de Laprairie. Par la suite, ce sera M. Scowen et ensuite M. le député de Richelieu, en troisième lieu.

M. Michaud: Merci, M. le Président. M. Gosselin: J'ai demandé la parole.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Effectivement aussi, vous savez qu'hier est intervenue une sorte de consensus entre les partis politiques, à savoir que nos travaux seraient divisés en trois grandes parties: premièrement, vous excuserez l'expression, "les bateaux"; deuxièmement, la reconversion de Marine Industrie et, troisièmement, l'orientation de la SGF. Nous avons passé la journée entière sur les bateaux. Je pense qu'il y aurait lieu, même si la présidence n'a aucune directive à donner à qui que ce soit, dans les meilleurs délais, étant donné que nous pou- vons légalement siéger jusqu'à minuit, de faire en sorte que notre mandat soit complété. Donc, je demande la collaboration des députés afin que nous puissions passer le plus tôt possible au deuxième sujet qui nous intéresse, soit la reconversion de Marine Industrie, surtout que, même si ce n'est pas une raison légale, plusieurs députés sont ici depuis lundi matin et ont hâte de retourner dans leur famille, comme probablement certains de nos témoins. Alors, c'est une demande que je fais. J'avoue avoir consulté et l'Union Nationale et le Parti libéral et le parti ministériel avant de faire cette incitation. Oui?

M. Russell: M. le Président, je serai très bref. Je veux concourir dans le sens que l'avait indiqué la Chambre et nous avions, ce matin, l'intention de faire une motion que je vais éviter de faire, en posant simplement une question ou en formulant un souhait au ministre. Nous allons siéger de nouveau en commission après la deuxième lecture. La motion que je voulais faire, dans le sens que le ministre connaît, c'était d'inviter des administrateurs d'autres compagnies qui appartiennent à la SGF à venir témoigner devant la commission.

Je vais passer outre à cette motion et je demanderai au ministre s'il y a une possibilité de faire une demande pour inviter ces gens lorsqu'on retournera en commission parlementaire.

M. Tremblay: M. le Président, la ligne d'autorité à l'intérieur de la SGF est telle que le président de la SGF et son conseil d'administration sont responsables, vis-à-vis du ministre, des activités des filiales, de sorte que nous avons la chance d'avoir ici, avec nous, le président de la SGF et certains de ses officiers. Lorsque nous arriverons, après la discussion de la reconversion de Marine Industrie, à la discussion portant sur les orientations de la SGF et sur les activités d'autres filiales, je pense qu'il serait dans l'ordre de profiter de la présence du président de la SGF pour lui poser ces questions.

Autrement, il faut reconvoquer le président, et on voit que ce président ne manque pas de travail, qu'il doit travailler sur plusieurs plans en même temps, de même que son conseil d'administration. Il ne serait pas dans l'ordre de le reconvoquer puisque la commission élue pour l'étude après la deuxième lecture va surtout s'attaquer à l'étude article par article du projet de loi. Je demanderais la collaboration du député de Brome-Missisquoi pour réserver ses questions concernant les autres filiales directement au président qui est responsable face au gouvernement.

M. Russell: D accord.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je cède la parole au député de Laprairie.

Contrat de 18 bateaux (suite)

M. Michaud: Merci, M. le Président. Pour terminer mon droit de parole d'hier, je vais être très

bref. J'ai quelques questions précises. Comment se fait-il que trois bateaux sont encore sous contrat avec le Grec — on appelle M. Karageorgis, le Grec — puisque $9 300 000 ont été payés pour mettre fin à la dernière entente concernant les six navires?

M. Dinsmore: M. le Président, pour répondre à la question, il faudrait peut-être retourner aux événements de juillet, août, septembre et octobre 1977. A cette occasion, on avait identifié la volonté de l'armateur de se débarrasser de l'ensemble de ses engagements envers Marine Industrie. D'un autre côté, on savait que, dans les circonstances, il y avait la possibilité que l'armateur soit par la garantie qu'il avait déjà donné à la SEE serait susceptible d'accepter un engagement pour l'achat à un prix prédéterminé au bout d'une certaine échéance si d'autres mesures pour trouver des acheteurs n'étaient pas déterminées. C'était justement cela, c'est un engagement qui favorise Marine Industrie, c'est-à-dire qu'il assure la vente d'au moins trois des navires à l'armateur en fonction de garanties en place avec la SEE. C'était une exigence même de la SEE que cet engagement soit pris sous forme contractuelle avant d avoir complété toute la transaction en octobre 1977. A toutes fins pratiques, si en septembre 1979 on n'arrive pas avec des acheteurs plus intéressants par rapport à l'engagement de l'armateur, on peut disposer des trois premiers en les vendant à cette personne à des prix qui seront financés par la SEE.

M. Michaud: C est-à-dire qu'on lui donne $9 300 000 pour briser ces contrats et qu'on renégocie d'autres contrats avec lui. Comment ont été versés les $9 300 000?

M. Dinsmore: Est-ce que je peux apporter une précision, s'il vous plaît? A ce moment-là, ce ne serait plus un arrangement qui impliquerait Marine Industrie, ce serait un financement qui serait fait entre l'armateur et la SEE avec une réserve — et il faut quand même souligner qu'il y a une garantie de 55 millions par navire, à laquelle on a fait allusion dans le document, qui serait exerçable si I armateur faisait défaut par la suite et la SEE était obligée de vendre les navires à un prix inférieur au montant du solde de prêts offerts à l'armateur. C est un point qu'il faut souligner. (12 h 15)

M. Michaud: M. le Président, comment ont été versés les $9 300 000 et comment cela est-il réparti par navire? Est-ce un bloc de S9 300 000 qui a été versé?

M. Dinsmore: En premier lieu, le versement a été effectué en argent comptant, ce qui était une des exigences de la négociation. Pour répartir les montants par navire, ce n'est pas possible, en fait, parce que comme on le voit dans le document, les S9 300 000 sont composés de différents éléments dont les avances, l'équipement fourni par l'armateur et certains dédommagements. En bref, la transaction était l'achat effectué par six compagnies panaméennes et, à toutes fins pratiques, on peut attribuer les montants au coût des compagnies panaméennes et diviser, tout simplement par six. si on veut faire le calcul de cette façon.

M. Michaud: Donc, il n'y a pas eu un versement de $9 300 000, il y a eu six versements égaux pour totaliser...

M. Dinsmore: Non, cela a été versé d'un bloc et c'était en fonction des différents montants qui composent le montant total, mais le fait net, c'était l'achat de six compagnies panaméennes, chacune propriétaire d'un navire ou d'un contrat de construction d'un navire, à ce moment-là.

M. Michaud: La décision au sujet des $9 300 000 a été prise à Londres, d'après ce qu'on a appris ou a été prise ici à Montréal. Est-ce qu'elle a été prise avec l'autorisation de la direction de Marine, de la SGF, et est-ce qu'il y a un procès-verbal pour couvrir ces négociations?

M. Dinsmore: On est allé discuter avec l'armateur. On est revenu avec sa proposition. Le tout a été exposé au conseil d'administration et, après réflexion, le conseil d'administration a adopté une résolution qui favorisait en principe la décision, étant donné toutes les circonstances.

M. Michaud: Est-ce qu'il y avait un négociateur de la SEE lorsque vous avez négocié les $9 300 000? Est-ce qu'il y avait un représentant de la SEE lorsque vous avez, négocié les $9 300 000?

M. Dinsmore: Lors de la rencontre même, non. Mais, par la suite, et même avant, il y avait énormément d'indications de la SEE sur la façon de procéder.

M. Michaud: D'après vous, le premier versement de M. Karageorgis s'est fait quand?

M. Dinsmore: II y avait un versement sur les $9 300 000.

M. Michaud: C'est-à-dire le premier versement. Non. C'est-à-dire que le premier paiement de M. Karageorgis, je crois que c'étaient les $4 millions dont on parlait hier.

M. Dinsmore: Non, je regrette, j'ignore la date.

M. Michaud: Est-ce que M. Rochette se rappellerait la date du versement des $4 millions qui sont passés par la Banque Hellénique de Montréal?

M. Rochette (Louis): Non, réellement, il faudrait que je puisse me référer à des documents pour rafraîchir ma mémoire là-dessus. Il y a eu des paiements faits probablement peu après la signature des contrats en 1973, après cela, il y en a eu d'autres plus tard. Il y a certains paiements qui ont

été transférés aux Français et aux Algériens quand les contrats ont été transférés. Je ne peux pas vous dire de mémoire le calendrier qui a été suivi, c'est impossible, c'est trop loin. Il faudrait que je puisse me référer à des documents.

M. Michaud: D'accord. M. Picard, bonjour. M. Picard: Bonjour.

M. Michaud: Vous qui avez été un professeur longtemps, un professeur éminent.

M. Picard: Ah, M. le député!

M. Michaud: Oui, vous l'êtes encore, de toute façon, professeur éminent en administration, est-ce que le roulement de personnel au niveau de la direction de l'administration de Marine est anormal? Il n'y a pas de normalité dans cela, mais est-ce que c'est un petit peu différent de ce qu'on peut prévoir quelque part?

M. Picard: Pouvez-vous reprendre votre question, la dernière partie de votre question? Est-ce que le...

M. Michaud: Est-ce que le roulement de personnel, le "turnover ", la fréquence...

M. Picard: Parmi les cadres supérieurs? M. Michaud: Oui.

M. Picard: II y avait très peu de "turnover" jusqu'à ce que quatre cadres partent. Il n'y avait à peu près pas de "turnover", je pense. Très peu.

M. Michaud: Donc, il y avait une grande stabilité.

M. Picard: II y avait une grande stabilité, mais il y a eu aussi — là, vous me parlez de l'histoire ancienne — des cycles économiques qui se sont accentués, dans la construction navale, toujours, et il y a des gens qui sont partis et qui ne sont pas revenus. Mais je ne peux pas dire que j'ai noté... Les gens avec qui je travaillais étaient là depuis un certain temps. Il y en a qui étaient partis entretemps, j'imagine, mais ce sont des gens qui avaient été là un certain temps. Il y en a même qui avaient été là 25 ans ou 20 ans.

M. Michaud: C'est une question un peu difficile, mais quand même, votre départ...

M. Picard: Ce sont les réponses qui sont difficiles, M. le député, pas les questions.

M. Michaud: Votre départ, après à peine deux ans, a sûrement été motivé par plusieurs choses; est-ce que les méthodes d'administration de la SGF ont été la cause principale de votre départ ou si c'est le départ du groupe des quatre qui a amené votre intention de démissionner?

M. Picard: Non, pour répondre à la deuxième partie de la question avant la première, le départ du groupe des quatre n'a pas du tout influencé ma décision. Ce sont des choses qui présentent des problèmes, mais la productivité à Marine Industrie, je suis obligé de le dire, et je n'ai que les chiffres pour le montrer, a augmenté après le départ du groupe des quatre. Quand les quatre sont partis, la productivité dans l'atelier d'acier était d'à peu près 70%. On avait des problèmes particuliers d'acier et de peinture dans la fabrication des pétroliers et, après la réorganisation de l'atelier d'acier, qui représente à peu près 25% de l'activité du chantier maritime, on a fait passer la productivité de — je voudrais être sûr de mes chiffres — 70% à 115%, en quelque chose comme trois semaines, par une réorganisation des "quarts", des équipes, ainsi de suite.

Alors, à ce moment-là, je ne dis pas que ça dépend du départ des quatre, mais on était loin d'avoir fait face à un problème de production et de productivité dans le chantier, la productivité a augmenté substantiellement. Ce sont des courbes qui existent dans les documents de Marine Industrie et qu'on peut retrouver. Mais, si ma mémoire est bonne, pour ce problème particulier de l'atelier d'acier, la productivité avait baissé de façon constante depuis 18 mois. Il a fallu tout réorganiser. C'était un des problèmes avec lequel on était pris, tout réorganiser ça pour augmenter la productivité.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, afin qu'il n'y ait pas d'équivoque, parce que c'est une nouvelle séance de la commission parlementaire, je reconduis et renouvelle la protection qui a été accordée à tous les témoins hier.

M. Picard: J'espère que ça ne passera pas les journaux qui vont expliquer pourquoi...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Cela vient de moi, M. Picard, ça ne vient...

M. Picard: Merci, M. le Président, vous êtes bien gentil. Alors, cela n'a aucune relation.

M. Tremblay: Pardon, M. Picard, avec la permission du député, pourquoi, depuis 18 mois, la productivité baissait-elle?

M. Picard: Exactement pourquoi, je ne le sais pas, mais les courbes... Quand j'ai regardé les premières courbes en arrivant, M. Rochette doit se rappeler ça, déjà en novembre, je pense que j'ai été inquiété des résultats de l'acier, à cause de la très basse productivité.

M. Tremblay: Novembre 1975.

M. Picard: Novembre 1975, après trois mois. Les études qu'on a faites après coup pour essayer... Il y avait une pression considérable à ce moment-là, il y avait des problèmes, si je me rap-

pelle bien, pour l'acier sur les pétroliers. Au moment où les quatre sont partis, M. Rochette n'est peut-être pas au courant de ça, mais, une semaine après, le surintendant de l'atelier d'acier a fait une dépression nerveuse et est parti lui aussi. Quand les choses vont bien, elles vont bien ensemble, ordinairement toutes ensemble.

C'est à ce moment-là qu'on a complètement réorganisé ça, changé les "quarts", redéveloppé les équipes. Pourquoi cela a baissé? Je ne sais pas. Mais là, la tendance était vraiment forte. Je pense que, vers juin de cette année-là, on avait remonté la productivité dans l'atelier d'acier à peu près à 115%.

M. Tremblay: Est-ce que le député permettrait qu'on pose la question à M. Rochette? Peut-être que M. Rochette pourrait répondre à la question. Pourquoi la productivité, pendant les 18 mois qui ont précédé votre départ, c'est-à-dire en février 1976, avait-elle tendance à baisser?

M. Rochette: M. le Président, encore une fois, en labsence de données devant moi, c'est assez difficile de se rappeler ce qui se passait il y a trois ou quatre ans. Mon meilleur souvenir est que les navires qui étaient en construction au moment de notre départ et qui ont été livrés dans les mois précédents et dans les mois suivants, ont été complétés en dedans des estimations qui avaient été faites. Donc, si la productivité a augmenté par la suite, tant mieux, c'est une belle réussite. Mais je crois que, déjà, au moment où nous étions là, elle semblait assez satisfaisante. Tout ce que je peux dire, en toute humilité, c'est que si M. Picard et son équipe ont réussi cela par la suite; cela confirme que le conseil d'administration de Marine Industrie avait raison quand il l'a choisi comme président plutôt que moi.

M. Picard: Les données analytiques qui permettraient de voir la productivité n'existaient pas à ce moment-là. On a été obligé de les reconstruire à partir des données hebdomadaires. Mais c'est un fait...

Pour répondre à votre deuxième question, il y avait une différence fondamentale, je pense bien que nous sommes obligés de le dire, entre ce que j'interprétais, comme mon rôle à Marine Industrie et ce que la SGF interprétait comme mon rôle à Marine Industrie. Il faut dire que ce n'était pas dans une situation facile. J'ai été engagé à Marine Industrie pour systématiser l'administration, la gestion, pour réappliquer des méthodes d'administration qu'on avait appliquées, qu'on avait développées d'ailleurs et qui s'appliquent partout, à Radio-Canada, pour la planification, les coûts, le contrôle, etc. La première chose qu'on a su, c'est qu'on avait un problème sur les bras. La planification à long terme n'a pas duré longtemps à ce moment-là. C'était une situation difficile, mais il reste qu'entre ma façon de concevoir mon rôle, d'administrer, etc. — je ne parle pas des méthodes administratives, je parle plutôt des délégations et des autorités — on ne s'est pas entendus et j'ai préféré partir.

M. Michaud: Merci. Vous me permettrez...

M. Tremblay: Si vous me le permettez, M. le député de Laprairie, puisque c'est un problème fondamental, la question de la productivité, j aimerais poser la question au président de la SGF actuel et avoir ses commentaires sur cette question de productivité à l'époque, mais aussi présentement. Comment voyez-vous la question de productivité de votre perspective de président de la SGF?

M. Coulombe: En toute honnêteté, en ce qui concerne la productivité à l'époque où M. Picard et M. Rochette étaient présents, je ne peux pas répondre clairement. Il est bien évident qu'à I'heure actuelle, le problème de la productivité se place dans le contexte ou dans l'hypothèse où le carnet de commandes dans la construction navale, chez Marine Industrie, est, à toutes fins pratiques, vide. Deuxièmement, tout ce qui entoure la crise consécutive aux bateaux panaméens et aussi le début de la construction des bateaux polonais à I automne 1977, qui s'est fait après le harcèlement auquel on a fait allusion hier et des problèmes d'acier assez considérables qui se sont présentés à la fin de 1977 et au début de 1978, tous ces événements n'ont pas été garants d'une augmentation de la productivité dans la construction navale. On n'a qu'à regarder certains chiffres pour voir que, dans les autres divisions, la productivité semblerait — d'après les chiffres qu'on peut voir — plus élevée.

Maintenant la notion de productivité là-dedans — et c'est pour cela que je suis extrêmement prudent quand je réponds — je ne sais pas comment MM. Rochette et Picard la définissent ou la définissaient, mais c'est toujours une valeur relative en ce sens que la productivité de la main-d oeuvre est fonction des estimations qui sont faites de certains travaux.

Comment ces estimations sont-elles faites? Personnellement, on n'a pas encore assez fouillé tout ce domaine, mais il y a certainement un problème. En d'autres mots, la productivité peut être à 70%, à 75% ou à 85%, mais il faut avoir la technique de mesure. Et la technique de mesure est en fonction d'estimations.

Comment ces estimations sont-elles faites à Marine Industrie? Je ne suis pas capable d'y répondre de façon exacte. Il y a certainement des méthodes très précises. Peut-être que M. Dinsmore et M. Brisson les connaissent. Mais je pense qu'il faut être extrêmement prudent quand on parle de productivité. La productivité, dans l'esprit des gens, se réfère à l'efficacité de la main-d'oeuvre, mais l'efficacité de la main-d'oeuvre est souvent dépendante, comme c'est une mesure, des types de prévisions qui sont faites. Si les prévisions sont irréalistes, je ne vois pas comment ces targets " qui sont fixés dans les estimations pourraient être atteints par la main-d'oeuvre.

Par contre, si les estimations sont très bien faites, la mesure de la productivité prend un sens. Je n ai aucune idée comment les estimations étaient faites à cette époque. Mais M. Brisson ou M. Dinsmore pourrait peut-être expliquer un peu

plus clairement le problème des estimations en relation avec la productivité. (12 h 30)

M. Tremblay: Avant que vous ne passiez la parole à M. Dinsrnore, j'aimerais peut-être vous poser une sous-question. Evidemment, vous parlez de mesures, mais il y a certaines mesures évidentes que vous pouvez vérifier, par exemple, la productivité du chantier de Marine Industrie par rapport à d'autres chantiers maritimes. Il y en a au Québec. Il y en a au Canada. Avez-vous des idées, des évaluations de cette productivité relative? Il y a d'autres mesures aussi évidemment. C'est lorsque vous êtes capables de concurrencer avec d'autres, etc. Il y a des mesures globales comme celles-là. Est-ce que, comme conseil d'administration, comme président de la SGF, vous avez cette information ou si vous ne l'avez pas?

M. Coulombe: Actuellement non. Telle que définie, non.

M. Picard: Au moment où le harcèlement a commencé, il est sûr que la productivité a diminué. On le sait et on a donné les chiffres. Il est sûr qu'à ce moment-là, la productivité que vous mesurez, par exemple, dans un atelier d'acier en panneaux de soudure faite par heure-homme a diminué considérablement, parce que, comme on le disait hier, les gens étaient toujours obligés de tout recommencer.

Auparavant, la productivité... Dans la situation actuelle, la réponse de M. Coulombe est juste. Dans une situation de crise, de pression comme cela, c'est difficile à évaluer. Je veux dire deux choses. Quand M. Rochette et les autres sont partis, la productivité du chantier n'était pas mauvaise. Certains aspects de la productivité, comme l'acier qui est quand même important, allaient en baissant continuellement, mais la productivité générale du chantier n'était pas mauvaise. Je ne voudrais pas donner l'impression que c'était cela.

A ce moment-là, on mesurait la productivité à partir de données historiques. On avait 100% et c'est descendu à 65%. Les 100% de productivité sur un chantier peuvent être 108% ailleurs ou 104% ailleurs. Ce sont des chiffres absolument relatifs comme le dit monsieur...

M. Tremblay: J'aimerais quand même revenir rapidement sur cette question de productivité et poser une question au président de la SGF. J'ai mentionné qu'on pouvait comparer la productivité d'un chantier par rapport à d'autres, mais à l'intérieur du même chantier, vous avez construit des bateaux français avant 1972. Vous connaissez donc la productivité de ces bateaux. Vous avez construit des bateaux panaméens ou grecs. Il y a une productivité pour ces bateaux. Présentement, vous construisez des bateaux polonais. Il y a une productivité pour ces bateaux. Quelle est la productivité de ces trois types de bateaux?

M. Brisson: Peut-être que je peux faire un peu de lumière là-dessus. Si vous permettez, M. le Président, je commencerais en parlant simplement du concept productivité aussi. On a souvent l'impression que la productivité, cela veut dire la vitesse à laquelle l'employé travaille. Ce n'est pas cela. La productivité, c'est l'ensemble des activités dans une compagnie qui, elle, donne un résultat. La productivité s'applique à partir du président jusqu'au dernier. Je voulais faire cette clarification, parce que, très souvent, on s'imagine qu'en faisant marcher un employé plus vite on augmente la productivité, ce qui n'est pas nécessairement le cas.

La question de productivité dans un chantier, c'est une mesure interne de ses façons de procéder, de ses façons de faire l'ingénierie, de ses façons de passer et de communiquer les travaux et de sa façon aussi de travailler, de la qualité de ses outils. Ces données, pour les faire de chantier en chantier, c'est pratiquement impossible, parce que ce sont des secrets très bien gardés. Ce qu'on peut avoir, généralement, ce sont des comparaisons de prix et, à ce moment-là, faire certaines évaluations.

Les notions de productivité dans un chantier sont des notions relatives. C'est la relation entre l'estimation qui est faite au meilleur de la connaissance des gens qui font l'estimation à un moment donné où les dessins, où les spécifications ne sont pas totalement figés et l'exécution de ces travaux.

Dans une compagnie qui maintient des dossiers d'année en année, on peut comparer la productivité relative à l'estimation sur un grand nombre d'années et voir des tendances. Ce sont ces tendances qui donnent à l'administration la possibilité de juger s'il y a des hausses, des baisses, si les améliorations donnent des résultats. Dans la productivité, c'est comme cela qu'on peut constater, par exemple, comme M. Picard l'a mentionné, à un certain moment, un changement d'attitude dans un chantier. On voit la tendance qui change. On sait, par exemple, que la productivité était bonne à un moment donné et, au bateau 424, la journée où l'inspecteur grec est arrivé au chantier, la productivité est tombé de 20%, automatiquement. La productivité, c'est une mesure relative entre une estimation et l'exécution de l'estimation et c'est cela qui donne à l'administration la mesure et l'information pour voir les tendances, ce qui se passe dans le chantier.

M. Tremblay: Dans quelle direction, ces tendances pour les bateaux polonais, par exemple, vers le haut ou vers le bas?

M. Brisson: Dans le cas des bateaux polonais, la productivité est basse par rapport aux standards, aux normes que nous avions établis.

M. Tremblay: Pourquoi?

M. Brisson: On prend les bateaux polonais? Dans les bateaux polonais, on parle d'abord de relations entre estimation et exécution. Les bateaux polonais ont été pris à une période, et là, je devrais me référer à M. Picard, où le marché était très dur, où les commandes étaient à la baisse. A

ce moment, la concurrence des prix était énorme, à l'échelle internationale. Les bateaux polonais ont été pris avec des estimations minimales avec un profit minimal, afin de réussir à faire face à la concurrence internationale. Est-ce que cela va?

M. Picard: Très juste.

M. Tremblay: Continuez la réponse.

M. Brisson: Oui. A ce moment, lorsqu'on part avec une estimation qui a été taillée au minimum, le moindre pépin qui arrive, évidemment, va briser, va faire baisser la productivité, puisque la productivité est une relation entre l'exécution et l'estimation. Plusieurs choses sont arrivées. D'abord, le contrat a commencé en retard, du fait que les contrats grecs nous ont causé tous les problèmes dont on a discuté toute la journée hier, ce qui fait que les coûts augmentent automatiquement, les délais sont arrivés, ce qui nous a amenés à faire des travaux de façon différente. L'autre point, c'est que nous avons eu, dans le contrat polonais, un problème technique majeur, l'acier qui nous a été livré par les fournisseurs s'est avéré mauvais. Il a fallu faire un grand nombre de rectifications, et il a fallu, en fait, arrêter le chantier. Nous avons arrêté le chantier vers le mois de mars, nous avons arrêté presque toute la construction navale pour une période de 91 jours, ce qui a nécessité, dans le temps, M. le ministre, vous vous souvenez, une mise à pied d'environ 300 à 400 personnes.

Ce retard de 91 jours nous a causé des chambardements d'échéanciers. Nous avons dû changer les méthodes d'opération. Afin de faire face aux échéanciers qui sont fixes et qui sont très sérieux, parce qu'il y a aussi des pénalités, nous devons maintenant employer des méthodes qui ne sont peut-être pas les méthodes les plus économiques mais parce qu'il faut regagner le temps perdu afin de faire face aux échéanciers de nos fournisseurs.

Finalement, il y a encore dans le chantier un problème qui a été relevé hier, qui a été mentionné. Le chantier naval vit sur une corde raide depuis déjà pratiquement deux ans. Il a des problèmes de moral, nous avons eu le problème grec dont nous avons eu de la difficulté à nous relever. Nous avons une concentration de personnel technique et de personnel administratif qui a dû se consacrer à une série de problèmes qui ne sont pas normaux et, de ce fait, ont dilué la surveillance, l'organisation et la planification. C'est ce genre de problèmes qui sont des conséquences d'un accident dont nous essayons de nous relever. A l'heure actuelle, une équipe est à faire l'étude totale de ce projet, afin de déterminer exactement les causes, les mesures à prendre et les correctifs que nous devrons apporter pour minimiser la situation. C'est la situation des bateaux polonais, M. le ministre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. M. le député de Laprairie, très rapidement. Après cela, le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Michaud: Ma dernière question, à la suite des réponses de M. Rochette, vous me permettrez de déplorer énormément l'absence de M. Fillion et de M. Yvon Simard. Ma dernière question s'adresserait au président du syndicat. Est-ce qu'il peut confirmer des changements d'attitude dans les chantiers sous les différentes administrations ou sous les différents régimes?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Qui va répondre?

M. Gagné (Richard): Concernant l'administration...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Quel est votre titre?

M. Gagné: Président du Syndicat des travailleurs des chantiers maritimes. Sous l'administration, je pense qu'on n'a pas à se prononcer sur l'administration de Marine comme telle. C'est simplement sur les problèmes qu'il y a quand vous mentionnez les bateaux grecs et les cargos polonais. Cela ne donne pas un bon climat parmi les travailleurs, chez un travailleur qui est habitué à travailler. Chez nous, on est tous des spécialistes, vous allez trouver drôle que je dise cela, mais la plupart des travailleurs sont spécialisés dans des métiers d'acier. On travaille assez régulièrement et assez dur. Ce sont des conditions difficiles. Sur l'administration comme telle, on n'a pas à se prononcer que ce soit M. Rochette, M. Picard ou n'importe quel autre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Merci, M. le Président. Hier soir, le ministre nous a donné une analyse assez profonde de la situation. J'ai été préoccupé par cette analyse et je voudrais, très brièvement, poser quelques questions qui vont peut-être amener d'autres explications sur le problème qui a été soulevé hier.

Si j'ai bien compris, le ministre a dit que les problèmes étaient reliés, premièrement, aux difficultés qu'on a vécues avec la SEE, aux difficultés causées par un client qui a été malhonnête — en effet, les deux étaient malhonnêtes — et on a beaucoup parlé du problème des commissions qui étaient payées aux courtiers. Ce sont les trois éléments que j'ai retenus de l'analyse que le ministre a faite hier soir.

L'objectif que je poursuis ici aujourd'hui, et que j'ai poursuivi hier, c'est d'essayer de sortir des éléments, des idées, des principes qui peuvent nous aider à l'avenir; ce n'est pas de jeter le blâme sur qui que ce soit. Je pense qu'il serait dangereux de laisser à cette commission l'idée que les problèmes que vous avez vécues depuis maintenant cinq ans sont surtout des problèmes causés par le gouvernement fédéral, les étrangers et les commissions, parce que, si on laisse cette idée, on peut conclure que, si on veut résoudre les problè-

mes de Marine Industrie, il faut simplement ne plus jamais faire affaires avec le gouvernement fédéral, ne plus jamais vendre aux Grecs et ne plus jamais payer de commissions, toujours payer les commissions à un niveau uniforme; pour être juste envers le ministre, il a dit qu'il n'était pas contre les commissions, mais contre les variations.

Je vois dans cette affaire des problèmes d'organisation, je préfère dire des problèmes de responsabilité et de contrôle. Je voudrais poser quelques questions, surtout à M. Coulombe, pour savoir si je me trompe ou non. Comme vous le savez, si vous êtes dans une compagnie, il faut accepter que les fournisseurs soient exigeants, que les clients soient exigeants, que les financiers soient exigeants, que les syndicats soient exigeants: c'est dans la nature des choses. La mesure d'une administration, pour moi, c'est le niveau avec lequel elle peut contrôler, organiser, administrer ces choses pour créer une entreprise efficace et rentable.

Je voudrais, premièrement, M. Coulombe, vous parler de la question de la responsabilité. Je veux savoir... Une expression anglaise dit: "Who is in charge here? " Nous avons devant nous... Je sais que, pendant ces cinq ans, on a eu beaucoup de présidents, de vice-présidents, de SGF, de MIL qui changeaient continuellement.

La première chose qui me vient à l'idée, c'est que probablement la question de responsabilité pour les événements, pour tout ce qui se passait, pour les décisions, n'était jamais claire. Il y avait, premièrement, Marine qui avait des cadres qui changeaient assez souvent; il y avait le SGF qui avait également des cadres qui changaient assez souvent et il y avait une relation entre les deux compagnies qui, d'après moi, n'était pas toujours uniforme et claire. (12 h 45)

Peut-être que je me trompe, mais, vous M. Coulombe, ayant vécu l'expérience de ce problème d'une façon assez détachée depuis quelques mois, pouvez me dire, par exemple, en 1973, 1974, 1975, 1976, qui était la personne qui avait des responsabilités. Je ne veux pas blâmer maintenant, mais dans le sens "who is in charge"? Pour commencer avec quelque chose je l'espère, de simple, en 1973, quand le premier contrat a été signé, qui avait la responsabilité pour la compagnie pour le premier contrat de six bateaux? Qui? Quelle personne? Qui était responsable de ce contrat?

M. Coulombe: Je pense que, sur cette question spécifique, les responsabilités du premier contrat... M. Rochette a répondu, hier, quand il déclarait à la commission que le conseil d'administration de Marine Industrie était parfaitement conscient des contrats dans lesquels elle s'engageait.

M. Scowen: Si vous voulez me permettre, M. Coulombe. Un conseil d'administration peut agir de façon différente, mais, normalement, un conseil d'administration accepte les propos de son PDG, de son président, de quelqu'un, il étudie, il analyse, mais normalement il est très peu souvent en mesure de vraiment prendre une décision, en ce sens qu'il peut appliquer une décision. Je ne dis pas qu'un conseil d'administration ne prend jamais de décision, mais est-ce que c'était une espèce de conseil d'administration extraordinaire, ou était-ce vraiment une vente, un prix, une décision qui a été fait par quelqu'un et ratifié par un conseil d'administration? Qui était la personne qui agissait?

M. Coulombe: En toute honnêteté, je pense qu'il faudrait poser la question à M. Rochette, en I'absence de M. Fillion. M. Fillion, à cette époque, était vraiment le "chief executive" ou le président de Marine; M. Rochette vous a dit, hier, qu'il avait parfaitement bien informé le conseil d'administration qui, selon M. Rochette, a pris ses responsabilités. Je ne peux vraiment pas aller plus loin. Durant les six derniers mois, on n'a pas analysé en profondeur chacune des interrelations entre les individus, à cette époque. Mais, pour revenir à la question générale que vous posez — je l'ai dit dans mon texte hier — l'effondrement du marché international est une cause de la catastrophe qui est arrivée, mais, j'ai ajouté aussi, des problèmes internes de gestion et de production à Marine Industrie. Nous maintenons qu'il y a eu de véritables problèmes.

Lorsqu'on est arrivé, on a dû, pour clarifier la situation des relations entre la Société générale de financement et Marine, proposer des changements au conseil d'administration de Marine. La raison fondamentale pour laquelle on l'a proposé — et ce n'était pas facile de le faire — c'est qu'on s'est vite aperçu que cette double structure, dans les circonstances actuelles, occasionnait une perte d'efficacité et une perte de temps. Lorsque j'ai eu l'occasion de rencontrer les membres du conseil d'administration de Marine Industrie aux mois de mai et juin 1978, c'est exactement ce que je leur ai dit et, pour faciliter les contacts, on a collé un peu le conseil d'administration de la SGF et de Marine. Je ne dis pas que c'est une méthode qui devrait être prise à l'avenir, mais c'est justement parce que, traditionnellement Marine était la plus grosse compagnie de la SGF qui était une compagnie prestigieuse dans le milieu.

Mon impression personnelle est que les relations entre Marine et la SGF n'ont jamais été très très intimes.

M. Fillion est une personnalité forte et ceux qui l'ont suivi ont été des personnalités fortes. Il y en a eu d'autres à la SGF et cela a créé une relation qui n'a pas toujours été facile. Sans blâmer personne, je pense qu'entre la plus grosse filiale d'un groupe et un groupe dans lequel la SGF, qui était un "holding", qui a toujours oscillé entre un "holding" financier qui regardait les choses et l'implication dans les opérations complexes d'une grosse industrie où il y avait 3000 employés, cela n'a pas toujours été facile et, des fois, la SGF en tant que groupe, certains individus comme le président pouvaient être au courant de ce qui se pas-

sait à Marine, mais comme groupe, comme "holding", à la SGF, je ne suis pas sûr qu'il y ait toujours eu une connaissance parfaite de ce qui se passait dans la filiale de Marine. Ce n'est un blâme à personne, mais c'est quand même une situation extrêmement particulière chez Marine.

M. Scowen: Merci, M. Coulombe. Vous m'excuserez si je continue en vous posant une question exigeant une réponse un peu plus précise que celle que vous m'avez donnée là. Je ne veux pas faire le procès ou une analyse de toutes les décisions qui ont été prises pendant les cinq ans, mais il y a un moment qui, pour moi, était un moment clef. Je pense que c'était en 1975 ou 1976 et j'agis maintenant comme le président-directeur général d'une compagnie, ce que j'étais, il y a longtemps. Vous avez un contrat ou un quasi-contrat pour un bateau ou quelques bateaux. C'est en train de se négocier et de se concrétiser. Un jour, votre directeur des achats arrive dans le bureau et vous dit: M. le Président, si on veut respecter l'échéancier, il est nécessaire qu'aujourd'hui on place des commandes pour les matières brutes et c'est d'une valeur — il le faut tout de suite — de tant de millions de dollars. A ce moment-là, vous êtes le responsable, la personne "the who is in charge here". A ce moment-là, avant de signer une commande pour l'acier ou pour n'importe quoi, les moteurs, je ne sais pas, vous pensez, je crois: Est-ce que je suis couvert? Est-ce que j'ai vraiment une commande? J'imagine, si j'étais président d'une telle compagnie que c'est une chose que je ferais. A ce moment, si je comprends les déclarations de M. Picard, hier, il y a eu un moment, quand cette décision a été prise, où quelqu'un qui normalement était le président-directeur général a fait une commande pour ces choses sans avoir les garanties, les contrats, le financement, l'autre côté de la médaille. Qui était cette personne?

M. Coulombe: Vous parlez de la commande...

M. Scowen: Qui était responsable à ce moment-là...

M. Coulombe: Vous parlez de la commande des $100 millions de... Je pense qu'hier...

M. Scowen: La première grande commande qui a été faite pour les matières brutes pour le bateau avant que, évidemment... Qui l'a fait et quand?

M. Coulombe: Si je comprends bien, pour répondre spécifiquement, c'était l'époque où M. Rochette et M. Fillion étaient là, c'est là que cela s'est décidé.

M. Scowen: Pour les douze bateaux. M. Coulombe: Oui. M. Yvon Simard.

M. Scowen: C'était M. Simard et c'était probablement vers la fin de 1975, j'imagine. M. Coulombe, on n'est pas ici pour faire le procès de M.

Simard, mais la question que je vous pose, pour l'avenir seulement, est-ce que vous avez étudié un peu la situation qui se déroulait autour de M. Simard, à ce moment-là? Est-ce qu'il avait, d après vous, la responsabilité, est-ce qu'il savait qu'il avait la responsabilité, est-ce que la responsabilité et le droit de prendre cette décision étaient clairs, est-ce qu'il pensait que c'était nécessaire que le conseil d'administration, que quelqu'un à la SGF l'approuve? Quelle était la situation de la définition de ses responsabilités à ce moment-là? Est-ce que, pour vous, c'était clair ou non?

M. Coulombe: On me dit que les décisions qui ont été prises à cette étape, semble-t-il, c était après le départ de M. Simard.

M. David: C'est après le départ de M. Yvon Simard...

M. Coulombe: ... et avant l'arrivée...

M. David: ... de M. Picard.

M. Coulombe: Avant l'arrivée de M. Picard.

M. Scowen: Cela s'est fait au moment où il n y avait pas de président.

M. David: C'est M. Rochette qui était vice-president exécutif à cette époque.

M. Coulombe: M. Rochette était vice-président exécutif à cette époque.

M. Scowen: M. Rochette avait cette responsabilité.

M. Coulombe: ... seulement, M. Rochette...

M. Scowen: M. Rochette, je pense que vous comprenez ma ligne de pensée...

M. Rochette: Oui, je la comprends. Vous avez posé une question précise pour savoir à quel moment les commandes ont été engagées auprès des fournisseurs pour pouvoir compléter les contrats en question. Les commandes auprès des principaux fournisseurs ont été placées au moment où les douze derniers contrats ont été rendus fermes en août 1974 avec clause d annulation jusqu'au 15 avril 1975. Toutes les commandes principales étaient placées pour nous protéger, pour nous assurer que le matériel serait livré en temps, au prix convenu, et qu'il serait possible de respecter l'échéancier. Dans chaque cas, comme il fallait savoir si le financement des contrats par l'armateur serait complété avant de pouvoir aller de lavant, toutes les commandes ont été placées avec une clause d'annulation sans frais, jusqu au 15 avril 1975. Et, le 15 avril 1975, lorsque la confirmation de la SEE et de la Banque de Montréal et de I'armateur nous a été communiquée comme quoi le financement était mis en place, nous n avons pas annulé les commandes auprès des fournisseurs. A partir de ce moment, ces commandes sont devenues fermes.

M. Scowen: Mais, M. Rochette, vous étiez là au mois d'avril également?

M. Rochette: Oui, j'étais là au mois d'avril 1975.

M. Scowen: M. Rochette, si je comprends bien, vous acceptez de dire que c'est vous qui aviez pris la décision de placer ces commandes?

M. Rochette: Non, les commandes étaient placées depuis le mois d'août 1974. J'ai pris la décision de ne pas les annuler.

M. Scowen: Et c'était clair dans votre esprit que vous aviez le droit, par rapport aux responsabilités qui vous étaient définies comme vice-président exécutif, de prendre cette décision, sans l'approbation orale ou écrite du conseil d'administration ou de la SGF? C'était clair dans votre esprit que cette décision faisait partie de vos responsabilités?

M. Rochette: Oui, et la date ultime était le 15 avril. Nous avions préparé des télex à envoyer à tous les fournisseurs pour annuler toutes les commandes si les confirmations de la SEE, de la Banque de Montréal et de l'armateur ne nous étaient pas parvenues ce même jour. Tout s'est passé le même jour, le 15 avril.

M. Scowen: A qui étiez-vous responsable à ce moment-là? Directement au conseil d'administration?

M. Rochette: En l'absence d'un président, à ce moment-là, je dépendais du conseil d'administration et mon interlocuteur normal était M. Raymond David qui était président de la SGF.

M. Scowen: Et qui était le président...

M. Coulombe: Je voudrais préciser des dates très claires pour cette étape. M. Simard est parti... Sur votre liste, pour M. Yvon Simard, la lettre de démission date du 18 mars 1975. M. Simard était parti du Canada en décembre 1974. Il n'y avait donc plus de président de la SGF, ni de président de Marine Industrie, jusqu'au moment où, d'une part, M. Picard est arrivé à Marine Industrie, le 1er août 1975, et M. David a été nommé président de la SGF le...

M. David: A la fin d'avril 1975.

M. Coulombe: A la fin d'avril 1975. Or, à cette époque des contrats, M. Rochette dépendait du conseil d'administration. Il n'y avait pas de président, mais il y avait un président du conseil d'administration qui était M. Arthur Simard. Donc, à cette époque précise, pendant ces quatre ou cinq mois, il n'y avait ni président de la SGF, ni président de Marine Industrie.

M. Scowen: M. Simard, si vous le permettez, quand M. Rochette a pris la décision de ne pas annuler les contrats qui pouvaient être annulés sans pénalité, il avait, dans votre esprit, le droit et la responsabilité de prendre une telle décision?

M. Simard (Arthur): C'est-à-dire pas une telle...

M. Scowen: C'était une responsabilité qui, d'après vous, lui était confiée par le conseil d'administration?

M. Simard (Arthur): Oui.

M. Scowen: D'accord. Je veux terminer, M. Coulombe, parce que je sais bien que tout le monde... Avez-vous quelque chose à ajouter? Je ne sais pas si vous tirez des conclusions ou si vous avez des opinions sur l'avenir de cette expérience, mais, pour ma part, je crois qu'il y a des éléments intéressants pour ce qui concerne la responsabilité sur les grandes décisions qui peuvent en effet rendre en faillite une compagnie. Si c'était dans le secteur privé, elle serait en faillite, c'est clair. Le niveau des décisions, le type de décision, les achats, j'imagine qu'il existe passablement de compagnies dans l'industrie lourde qui sont habituées de travailler avec toutes les incertitudes que vous vivez normalement dans votre industrie qui ont créé les espèces de contrôles, des normes, des règles, des procédures pour minimiser ces problèmes. J'ai essayé de choisir cet exemple, simplement pour nous préparer un peu pour la deuxième partie de la discussion qui va suivre. Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A ce stade-ci, ce sont les membres de la commission qui décideront. Nous avons deux syndicats présents. Ils ont un mémoire à présenter qui concerne, je pense, également "l'histoire des bateaux". Leur mémoire est court. La période des questions va se continuer cet après-midi. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu d'avoir le consentement unanime pour entendre ce mémoire de sept pages.

M. Russell: Consentement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A ce moment-là, on reprendrait à 15 heures et les syndicats auront livré leur message et la période des questions pourra se poursuivre à 15 heures dans l'ordre tel qu'établi ici.

Une Voix: Consentement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Consentement.

M. Simard (Arthur): Seulement une explication, un éclaircissement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui. M. Simard.

M. Simard (Arthur): M. Yvon Simard qui y était et qui n'y était pas, il était président, mais il avait quitté

le pays. On a eu de la difficulté à le trouver. Un bout de temps, il était à Monaco et un bout de temps, il était à Nassau. Je crois que c'est le secrétaire, M. Asselin, qui a réussi à aller lui faire signer sa démission, il ne voulait pas; mais, de facto, il était le président de Marine Industrie. Il lui a fait signer un lot de documents, etc., mais il était le président. Il ne faut pas dire qu'il y a eu une période durant laquelle il n'y avait pas de président. Il l'était, mais il n'y était pas en personne. (13 heures)

M. Lessard: ... dans cette période?

M. Simard (Arthur): Je crois que oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La période des questions, de toute façon, va se continuer cet après-midi. Le consentement est de permettre au syndicat...

M. Lessard: Ce serait à vérifier.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Si celui-ci aime mieux donner son mémoire cet après-midi, c'est comme il veut. D'accord.

M. Gagné: A cinq minutes près, il est 13 heures. Vous allez nous passer pas mal vite.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord. Je pense que cela pourrait nous permettre, cet après-midi, à la période des questions, votre message étant livré de vous poser des questions, à vous comme à d'autres. On pourrait faire cela d'un bloc.

M. Tremblay: Consentement

M. Lessard: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que vous êtes membre ou intervenant à la commission, M. le ministre des Transports?

M. Lessard: Je vous demande la permission, M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce n'est pas à moi qu'il faut la demander, il faut le consentement unanime des membres de la commission.

M. Lessard: En vertu de l'article 144, s'il vous plaît!

Une Voix: Consentement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Consentement unanime!

M. Forget: Brièvement.

M. Lessard: Merci, M. le Président. J'ai quand même pris connaissance un peu du rapport. Je vais avoir des questions à poser concernant le rapport qui est présenté par la CSN, le syndicat. Je pense bien qu'il serait beaucoup mieux d'attendre après l'heure du dîner, alors que nous aurons l'occasion de poser ces questions.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Comme vous voulez!

M. Lalonde: On va se garrocher...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord. La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

Suspension de la séance à 13 h 2

Reprise de la séance à 15 h 10

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

J'aimerais vous rappeler qu'en vertu du mandat de la Chambre, nous allons ajourner nos travaux à 18 heures et recommencer à 20 heures pour terminer à minuit.

D'autre part, j'aimerais vous rappeler que, de consensus, l'Assemblée nationale a décidé de diviser l'étude de cette commission parlementaire en trois sujets principaux. J'insiste fortement pour que tous les députés fassent des efforts afin que nous puissions, d'ici minuit, étudier les trois points qui nous intéressent. Nous en sommes encore au premier et je cède maintenant la parole aux représentants invités des deux syndicats, le Syndicat national des chantiers maritimes de Sorel CSN, M. Richard Gagné qui, je pense, est accompagné d'un de ses confrères, M. de Carufel, pour les employés de bureaux de la même compagnie. M. Gagné.

Syndicat national des chantiers maritimes de Sorel

M. Gagné: C'est exact. M. le Président, dans un premier temps, on est invité à prendre la parole à cette commission parlementaire et on voudrait donner notre point de vue sur la loi 108 et, dans un deuxième temps, on aurait un mémoire présenté par le secteur des chantiers navals, la Fédération de la métallurgie, dont le président est M. François Péloquin, à ma gauche, et deux personnes ressources de la CSN m'accompagnent, M. Kémal Wassef, directeur de la recherche, et M. André L'Heureux, vice-président.

Je ne sais pas si j'aurai l'accord pour cette procédure, soit, dans un premier temps, discuter de la loi et, dans un deuxième temps, présenter le mémoire du secteur des chantiers maritimes.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): On a fait un agenda qui, premièrement, comprenait l'histoire des bateaux, deuxièmement, la reconversion et, troisièmement, les orientations de la SGF. C'est difficile de départager tout cela, mais étant

donné que nous n'avons pas encore terminé et que nous voulons vous entendre relativement aux bateaux, je comprends que, dans votre témoignage, il va peut-être être question de reconversion et on est capable de faire la part des choses. Alors, lisez votre mémoire et, par la suite, des questions pourront vous être adressées concernant les bateaux. Quand nous aborderons le deuxième point, vous êtes des invités à part entière et vous pourrez répondre à toutes les questions concernant la reconversion, comme tous les autres invités d'ailleurs.

M. Gagné: Comme cela, vous ne me donnez pas l'occasion de présenter mon mémoire?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, c'est ce que je vous demande de faire.

M. Gagné: Au départ?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

M. Gagné: Mais, sur la branche des chantiers maritimes, si on le faisait en même temps... Puis-je le faire en même temps?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

M. Gagné: D'accord, cela va.

Le rapport a été préparé conjointement — c'est notre point de vue sur la loi 108 — par le syndicat de Marine et le syndicat de bureaux. Quand on prend le syndicat de Marine, c'est qu'on a deux syndicats dans la même "boîte", comme on dit communément. C'est le syndicat horaire, les gars du chantier, et le syndicat de bureaux.

A la CSN, comme vous le savez, nous travaillons collectivement; d'abord avec nos assemblées générales, nos exécutifs, nos délégués, avec les autres syndicats des chantiers maritimes du Québec dont les plus importants sont affiliés à la CSN.

Nous faisons également partie de la Fédération des travailleurs de la métallurgie, des produits chimiques et des mines CSN, à l'intérieur de laquelle on retrouve une section — on l'appelle la branche — regroupant tous les syndicats des chantiers maritimes dont François Péloquin, de Marine, est le président. Quand on dit de Marine, c'est du syndicat de Marine.

La première raison pour laquelle nous sommes ici, c'est pour protéger les emplois des milliers de travailleurs des chantiers maritimes non seulement de Sorel, mais du Québec.

Vous comprendrez que les travailleurs des chantiers maritimes du Québec connaissent, collectivement, mieux que quiconque comment fonctionnent et ont fonctionné les chantiers maritimes.

Ce sont des gars spécialisés, ce sont eux, les travailleurs des chantiers maritimes, qui assemblent, finissent et lancent les navires.

Nous ne sommes pas venus ici pour faire le procès de qui que ce soit. Nous n'avons jamais rien eu à dire dans l'organisation de la production, sauf en ce qui concerne nos conditions de travail, comme sécurité, santé, vacances, etc. Vous le savez, les travailleurs n'ont rien à dire sur l'administration dont ils subissent d'ailleurs les conséquences. (15 h 15)

La plupart des décisions sont prises dans le secret des conseils d'administration.

Cela irait peut-être mieux si, un jour, les travailleurs et la collectivité québécoise contrôlaient des décisions qui les concernent directement.

A Marine comme ailleurs, les travailleurs pourraient parler de nombreuses choses: des abus, du manque d'organisation, de planification de la production.

Nous sommes convaincus qu'au temps des contrats à "cost plus", il y a sûrement du monde qui s'est bourré les poches, surtout durant et même après la guerre.

Nous ne pensons pas que ces immenses profits aient été réinvestis dans le chantier, comme ils auraient dû l'être, pour le moderniser, l'équiper régulièrement.

Combien ont profité de notre chantier avec des contrats du gouvernement, de l'argent des contribuables. Même si ce passé était scandaleux, et il l'est à certains points de vue, pour les travailleurs des chantiers et l'économie du Québec qui ont souffert par l'instabilité de l'emploi et souffrent encore de ce que nous appelons le sabotage de la marine marchande canadienne, l'abandon de notre fleuve à n'importe qui, l'absence de volonté de développer notre vocation maritime, ce qui nous intéresse, ce qui devrait en fait intéresser nos gouvernements c'est le présent et l'avenir de nos chantiers maritimes.

Nous vous disons que nous les travailleurs de Sorel, pouvons bâtir n'importe quel navire comme ceux de Lauzon et de Montréal ou de Gaspé, selon l'équipement industriel dans le chantier. Nous vous disons que nos bateaux n'ont pas assez de contenu québécois quant à l'outillage spécialisé, qu'il y a un manque sérieux de recherches dans ce sens.

Les travailleurs du Québec ont une vocation navale particulière de constructeurs de navires qui a été, au fil des années, saboté au profit d'intérêts étrangers par les gouvernements notamment le fédéral. Il y a, tout le monde le sait, un problème mondial de surcapacité chez les principaux producteurs de navires.

Le Québec, de par son histoire, sa géographie, son fleuve, le Grand-Nord, a une vocation maritime qui a été sous-développée. La plupart des pays industrialisés et ceux qui réussissent ont compris depuis longtemps l'importance malgré les difficultés de l'industrie de construction navale. Ces pays investissent à coups de milliards annuellement dans cette industrie.

Pendant ce temps, ici on est condamné à vivoter. Et même, selon nos renseignements, il semblerait que la division navale de Marine à Sorel

perdrait près de 40% des emplois actuels. Il semblerait même que certains voudraient éliminer la section navale de Marine. Je veux être clair. Toute personne qui recommanderait la fermeture éventuelle de la section navale commettrait une erreur grave qui irait dans le sens des politiques fédérales qui ont conduit, depuis des dizaines d'années, au sabotage de la marine marchande canadienne et de son industrie de construction navale.

A la CSN, les syndicats des chantiers maritimes préparent depuis plusieurs mois des analyses de la situation et préparent une campagne importante à ce sujet afin d'informer non seulement les travailleurs concernés mais la population en général de l'importance de l'industrie navale, de la vocation maritime du Québec.

Il faut, de la part du gouvernement fédéral comme celui du Québec, qu'ils révisent totalement leur attitude passée à l'endroit de cette industrie. Nous voulons que les eaux québécoises et canadiennes soient utilisées essentiellement par des bateaux fabriqués ici, que les besoins de la marine militaire, de l'Arctique, des flottes de pêche, des installations utilisées sur les eaux territoriales, le cabotage, etc, soient comblés se fasse par des navires produits de A à Z ici.

C'est cela que nous voulons et c'est pourquoi nous nous sommes battus. Tirons les leçons du passé, mais c'est le présent et l'avenir de notre industrie navale qui nous intéressent d'abord et avant tout.

Si vous permettez, M. le Président, pour entériner, on pourrait peut-être faire lecture du mémoire préparé par la division des chantiers maritimes, dont j'ai le président à ma gauche. Je pourrais le faire commenter par André L'Heureux. Si j'ai la permission...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Voici, M. Gagné. Je ne suis pas tellement spécialiste dans les chantiers maritimes, je suis plus familier avec la procédure. Pourriez-vous me dire, lorsque vous parliez de ce mémoire sur les chantiers maritimes, si nous débordons du cadre de Sorel et de Marine Industrie.

M. L'Heureux (André): André L'Heureux. M. le Président, si vous permettez, je crois que par les mots mêmes que vous avez utilisés ce matin, lorsque vous avez dit qu'il serait question, après avoir parlé des bateaux hier, d'orientation de la SGF et, deuxièmement, du projet explicité dans la loi de conversion industrielle à Marine...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord.

M. L'Heureux: Evidemment, ces deux questions sont très reliées, très liées. Parce que l'orientation de la SGF est très importante là-dedans et, deuxièmement, il est évident que, s'il y a une modification prévue de la vocation navale du chantier de Sorel, cela a des conséquences énormes de notre point de vue, du moins, et du point de vue de l'ensemble des syndiqués des chantiers maritimes du Québec affiliés à la CSN.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord. Je vois le lien, mais est-ce que j'aurais le consentement des membres de la commission pour que le mémoire soit lu immédiatement, même si on parle d'orientation et de reconversion, on en reparlera plus tard, le mémoire aura été déposé. A ce moment-là, ce sera une chose faite.

M. Tremblay: Consentement. M. Russell: ...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Consentement. Est-ce qu'il y a consentement... ce serait M. L'Heureux qui lirait le mémoire?

M. Gagné: M. L'Heureux...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. L'Heureux n'ayant pas été convoqué et étant formaliste, je demanderais le consentement de la commission pour que M. L'Heureux fasse lecture du mémoire. Consentement? Consentement. Allez-y.

M. L'Heureux; On vous remercie, MM. les membres de la commission parlementaire. Nous sommes très heureux, parce que c'est un problème très important. On doit vous dire qu'il y a déjà plusieurs dizaines d'années — je dis bien dizaines d'années, — mais on me dit une vingtaine d'années — disons depuis au moins vingt-cinq ans, les syndicats des chantiers maritimes où la CSN est majoritaire à 95%, de Gaspé à Montréal, à la Vickers, exigent, demandent, avec même l'appui des syndicats des autres chantiers maritimes canadiens, au gouvernement fédéral, d'établir enfin ce que tout pays industrialisé a reconnu comme étant fondamental, non seulement du point de vue stratégique, militaire ou autre, mais sur le plan industriel, et de maintenir une très forte industrie navale.

Je ne sais pas si vous voulez des copies... M. le Président, personne ne sera étonné d'apprendre que le secteur manufacturier du Québec, celui qui assure l'utilisation et la transformation des ressources québécoises, est peu développé. En 1976, la répartition des personnes occupées du Québec, par secteurs d'activité économique, indique que la tendance du développement passé s'est maintenue: contraction de l'emploi dans les secteurs primaires et secondaires et, inversement, maintien et extension du secteur tertiaire, à 65%. Ces tendances sont très significatives parce qu'elles illustrent l'insuffisance des investissements productifs au Québec. De plus, lorsqu'on regroupe les industries manufacturières du Québec selon leur vocation, il est facile de constater la faiblesse de la vocation industrielle du Québec, qui se manifeste de façon éloquente par l'absence d'une industrie lourde à fort contenu technologique, comme les industries de la fabrication de machines, d'équipe-

ment de transport, de produits électriques, des industries chimiques et pétrochimiques.

En 1976, plus de 65% de la valeur des livraisons manufacturières du Québec étaient reliées aux industries légères (textile, vêtement, meuble, etc.) et aux industries de transformation première de ressources naturelles (bois, papier, aluminium, etc.). Pour la même année, en Ontario, les mêmes industries ne représentaient que 45% des livraisons manufacturières.

L'absence d'une forte base industrielle dans le Québec n'est pas une préoccupation nouvelle. C'est un préoccupation constante du monde des travailleurs qui, de temps en temps, a eu des échos au niveau gouvernemental — et nous vous remercions de la permission que vous nous donnez aujourd'hui de vous faire entendre — et recueilli l'acceptation du milieu patronal quand il était assuré d'en tirer des profits.

La SGF et la vocation industrielle du Québec. Créée par une loi spéciale en juillet 1962, la SGF devait "susciter et favoriser" le développement industriel au Québec de façon "à élargir la base de sa structure économique, en accélérer le progrès et contribuer au plein emploi". De plus, la population du Québec était invitée à participer au financement de l'entreprise en y plaçant une partie de son épargne.

A cette époque, une telle vocation recouvrait un projet particulier: l'industrialisation. Toutefois, en réalité, à la vocation large et initiale de la SGF s'est substituée une vocation plus précise, celle de réchapper des propriétaires d'entreprises en substituant à leur mise de fonds privée une mise de fonds publique, en substituant au capital de risque privé un capital de risque collectif quand une entreprise proprement québécoise était menacée de perdre son seuil de rentabilité ou que celui-ci était jugé insuffisant.

C'est ainsi que les fonds de l'Etat et de nombreux épargnants crédules ont été utilisés pour renflouer et rentabiliser le trésor de nombreuses familles riches du pays. "Nombreuses", c'est peut-être exagéré.

Il n'est pas utile de citer toutes les "familles" que de tels procédés ont renflouées, mais il est impossible de passer sous silence la famille Simard qui, tout au long de la guerre, a empoché de nombreux millions pour construire les navires nécessaires sans réinvestir adéquatement et qui, au lendemain de la guerre, forçait de nombreux travailleurs au chômage.

M. Simard (Arthur): Je vous demande pardon. Je m'oppose à des "statements" semblables. Il dit que la famille Simard s'est enrichie...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.

Simard, à l'ordre, s'il vous plaît! La parole est au représentant de la CSN qui parle avec le consentement unanime de la commission. Je dois rappeler à M. l'Heureux que l'article 64 de notre règlement, de façon automatique, le protège contre tous les propos qu'il pourrait tenir ici. En conséquence, je vous redonne la parole.

M. L'Heureux: Je regrette, je ne demande pas la protection de la commission, je ne crois pas qu'elle soit nécessaire.

Aujourd'hui, la SGF se présente comme un holding financier québécois qui, en plus de ne pas se mesurer aux autres holdings de même nature, Power et Argus, a failli à la tâche précise que lui dictait son mandat.

Marine Industrie Ltée. Une entreprise de construction navale dont les méthodes de construction ont été longtemps associées au "cost plus". Des travailleurs dont l'insécurité d'emploi et de revenu est légendaire et qui constituent par ailleurs une main-d'oeuvre hautement spécialisée dans la construction navale.

Récupérée partiellement, à 60%, par la SGF en 1965, au moment où le boom de la construction navale occasionné par l'ouverture de la voie maritime du Saint-Laurent était épuisé, de 1962 à 1965, et au moment où de nombreuses entreprises similaires font faillite ou ferment (George T. Davie, Canadien Vickers) Marine Industrie constitue un exemple frappant de "réchappage" style SGF.

La nouvelle affiliation industrielle de Marine Industrie lui rapportera très peu. La SGF, au cours des années subséquentes, agira au même titre qu'un holding financier et l'élargissement de la vocation industrielle de Marine Industrie demeure limité.

Dès 1965, le thème de diversification industrielle (mots ronflants qui expriment la volonté de faire de tout mais de ne rien faire spécialement) consacrera des vocations additionnelles chez Marine: équipements hydrauliques, wagons, métallurgie diverse. Une telle conversion n'a pas stabilisé l'emploi ou l'activité des chantiers, elle permet aux gestionnaires de tirer partie de la conjoncture économique à un moment donné sans égard pour la spécialisation navale du chantier et sans égard pour les travailleurs qui doivent subir des mises à pied.

En effet, de telles vocations n'ont pas accru le domaine technologique de l'entreprise puisque les turbines et les alternateurs sont construits sous Iicence française, les wagons et les travaux métal I'urgiques primaires avec de l'acier.

Tous les problèmes que traverse actuellement Marine étaient déjà éclatants dès la fin des années soixante. Au cours des dernières années, avec l'élargissement du programme fédéral d'aide à la construction et à l'exportation des navires, Marine s'est assurée un certain nombre de commandes de navires neufs qui ont maintenu un niveau d'emploi élevé. Toutefois, depuis la crise du pétrole survenue à la fin de 1973, un état de surcapacité plane sur tous les chantiers navals du monde.

Le projet de loi 108: Le secteur des chantiers navals de la Fédération de la métallurgie, des mines et des produits chimiques (CSN) a examiné lés propositions du gouvernement. Sa position se résume en deux points et ne tient pas compte de l'ensemble du projet qui vise la SGF: Premièrement, nous sommes d'accord pour ce qui concerne le moyen très positif envisagé pour financer et garantir le prix de vente des six navires invendus par Marine; deuxièmement, désaccord sur le moyen envisagé pour relancer les activités de Marine.

En effet, dans le projet de loi, le gouvernement

garantit le prix de vente des navires invendus, mais du même souffle, prévoit une reconversion industrielle qui a pour effet de limiter l'orientation industrielle de Marine Industrie Ltée aux seuls champs de l'équipement hydroélectrique, aux wagons de chemins de fer et aux divers travaux métallurgiques. La vocation navale de Marine n'est plus réaffirmée. (15 h 30)

Le secteur des chantiers navals (CSN) ne peut accepter une telle situation, surtout que les nouvelles vocations industrielles qu'une telle reconversion implique, signifieront la mise à pied de 1800 travailleurs éventuellement chez Marine.

En ffet, seulement 250 travailleurs sont impliqués dans la production de turbines hydrauliques et alternateurs. Même si le Québec constitue le client privilégié de cette production, il faut déjà prévoir qu'à partir des années quatre-vingt-cinq, seul le Québec continuera de s'approvisionner en équipements liés à la production d'hydroélectricité et que l'usage du nucléaire se multipliera ailleurs.

Pour ce qui concerne la production de wagons et de métallurgie primaire. Nous désirons porter à l'attention du gouvernement que de telles activités sont peu complexes et sans grand contenu technologique.

En somme, la réorganisation industrielle prévue dans le projet de loi 108 nous apparaît comme une opération de sauvetage financier, rapide, nécessaire, évidemment, et en même temps, une opération éteignoir. Ce sont les travailleurs de Marine Industrie qui subiront, à court et à moyen terme, une instabilité accrue de leur emploi et de leur revenu et le chômage.

Le secteur des chantiers navals (CSN) est étonné de constater chez le gouvernement l'absence de politique industrielle précise pour Marine Industrie et la SGF. De plus, la disparition de la vocation navale du chantier nous apparaît totalement nuisible pour l'avenir économique de la région alors que des besoins maritimes importants se manifestent pour l'ensemble du pays.

Les besoins navals du Canada. Le gouvernement du Canada ayant étendu la zone maritime canadienne à 200 milles des côtes, il faudra, à brève échéance, construire les navires nécessaires pour la surveillance ou l'exploitation (pêche) des eaux nationales. Le ministère de la Défense a annoncé un programme de renouvellement de sa flotte au coût approximatif d'un milliard et demi de dollars. On s'apprête à procéder à l'exploitation du pétrole et surtout du gaz naturel dans l'Arctique, ce qui nécessitera la construction de plusieurs navires conventionnels de même que la construction de méthaniers et de pétroliers capables de naviguer dans les glaces du Nord.

La flotte des Grands Lacs est considérablement vieillie et nécessitera un renouvellement rapide au cours des prochaines années. A moins d'être aveugle, il nous apparaît nécessaire de reconfirmer la vocation principale de Marine Industrie qui est la construction navale. Autrement, la décision que prend le gouvernement consiste à laisser à d'autres entreprises canadiennes, aux Japonais, aux Suédois et aux autres de bâtir les navires nécessaires au transport maritime du pays.

La vocation industrielle. L'un des arguments de ceux qui sont farouchement opposés à ce que des gros navires soient construits au Québec, c'est le coût. Ainsi, il en coûterait plus cher de construire au Québec qu'il n'en coûterait au Japon. Actuellement, il faut vérifier la véracité réelle des épargnes; pour l'instant, on semble les prendre pour acquis.

Deuxièmement, il faudrait mesurer limpact de ces travaux au Québec à court et à long terme. Il en a d'ailleurs déjà été question ce matin. Même si à court terme, on peut penser que Marine Industrie aura une perte financière, la question est de savoir si cette perte ne se transformera pas en profit pour l'ensemble des pays si la vocation industrielle attachée à la fabrication de navires était poursuivie. Un gouvernement ne peut se comporter comme un simple individu qui veut s acheter une paire de chaussures et qui a le choix entre des souliers identiques dont une paire coûte $20 et l'autre $30 sans oublier qui les produit et comment il les produit. Le gouvernement doit se comporter comme l'instrument de développement de l'économie.

D'ailleurs, je lisais l'Economiste du 25 novembre 1978 où on faisait le sommaire de ce qui se passe en Europe et un peu partout dans le monde. Un pays comme la Suède, auquel on se réfère souvent, qui subit des difficultés comme tous les autres pays au niveau de l'industrie navale, prévoit une subvention de $470 millions pour éponger le déficit de son chantier nationalisé plus une avance, un crédit, une garantie de financement pour 1979 seulement, pour toute commande de navires faite avant la fin de 1979 au total de $530 millions; cela, seulement pour la Suède. Non seulement cela, le gouvernement libéral minoritaire qui est en place présentement, nationalise le chantier de Kokan, en faillite présentement, qui est très moderne, beaucoup plus que ceux qu'on a ici, et cela est vrai aussi de l'Allemagne de l'Ouest, de la France, de tous les pays, en fait de toutes les industries.

Or, tous les pays industrialisés reconnaissent, malgré les difficultés — ce n'est pas parce qu'il y a une crise qu'il faut arrêter, au contraire — et l'ont reconnu dans le passé, comme jamais, au Canada, le gouvernement fédéral ne l'a fait, la nécessité d'investir, massivement dans les chantiers navals. Ils le font encore présentement. Ils sont en avance sur nous quant à l'organisation technique et technologique et de la recherche.

La politique de cohérence du secteur des chantiers navals. Premièrement, une première série de décisions s'impose de la part des gouvernements en vue d'accélérer les commandes pour les navires que les chantiers sont actuellement en état de produire. Par exemple, les navires de surveillance de la zone de 200 milles pourraient être rapidement mis en chantier. De même également, il importe d'accélérer la mise en place de la nouvelle flotte canadienne de pêche à des conditions favorables. Il y va ici non seulement de l'avenir de l'industrie navale canadienne, mais du maintien et de l'expansion de l'industrie des pêches.

L'objectif de cette première recommandation est de maintenir l'emploi actuellement sérieusement menacé à court terme, voir à ce que tous les navires canadiens et étrangers qui circulent dans les eaux intérieures et dans la zone de 200 milles répondent aux exigences de la lutte contre la pollution, de même qu'aux exigences d'une vie décente de l'équipage à bord des navires.

Cette politique fédérale permettrait de stimuler considérablement l'activité des chantiers navals, pour ce qui est de la réparation et de la transformation des navires actuellement en opération.

Le Québec a son mot à dire, qu'il le manifeste. Dans l'Est du Canada, les côtes québécoises et le fleuve constituent une partie importante de la portion du territoire exposée à la pollution.

Une troisième série de décisions s'impose. Il faut des modifications majeures aux lois régissant le transport maritime. Il est absolument essentiel que la loi régissant le cabotage — qui est une loi fédérale — et qui accorde des privilèges exorbitants à la Grande-Bretagne de même qu'à l'ensemble des pays du Commonwealth soit modifiée de façon que seuls les navires construits au Canada, portant pavillon canadien et montés par des équipages canadiens, soient autorisés à transporter des marchandises d'un port canadien à un autre port canadien. Cette réglementation élémentaire devra couvrir — cela est essentiel aussi — le transport du pétrole et du gaz naturel à partir des ressources de l'Arctique canadien jusqu'au port choisi, probablement Québec, au centre du pays. Cette réglementation, d'ailleurs, pourrait facilement s'inspirer du "Jones Act" en vigueur chez nos voisins, les Américains.

Quatrièmement, le Canada et le Québec devraient, dans les délais les plus brefs, tenter des négociations avec leurs principaux partenaires commerciaux dans le monde en vue d'en arriver à des ententes qui régiraient le partage du trafic maritime à l'image de ce qui s'est produit pour le transport aérien de marchandises et de passagers.

L'objectif poursuivi par le Canada et le Québec dans ces négociations devrait être d'en arriver à réserver en exclusivité à une éventuelle marine marchande canadienne de haute mer 50% du tonnage qui atteint ses ports.

Cinquièmement, parallèlement à ces négociations, le Canada devrait mettre sur pied un organisme qui serait à l'image d'Air Canada pour ce qui est du transport maritime. Or, cette corporation d'Etat permettrait au Canada de reconquérir la place qu'il a perdue dans le secteur de la marine marchande et redonnerait au pavillon canadien la place qui lui revient sur les mers du monde, tout en contribuant vigoureusement au maintien et au développement de l'industrie navale canadienne. b). Cette nouvelle corporation d'Etat pourrait notamment, s'engager dans le transport des passagers en vue de stimuler l'industrie touristique. Le Canada, chaque année, fournit une part importante de la clientèle des pays du soleil. Il y a là un marché maritime pour une marine canadienne de même qu'une autre garantie du bon fonctionnement de l'industrie de construction navale.

Sixièmement. Tout en procédant à ces réformes et initiatives, il est fondamental de mettre au point, en collaboration avec les parties intéressées dans cette question, notamment les syndicats, un plan complet de restructuration des chantiers et de le réaliser.

Pour nous, ce plan devrait prévoir, premièrement, la transformation majeure d'un des chantiers canadiens, plus exactement celui de la Davie Shipbuilding de Lauzon en vue de le rendre capable de construire, réparer et entretenir les méthaniers, les superpétroliers rendus nécessaires par l'exploitation à court terme des ressources de pétrole et de gaz naturel de l'Arctique canadien.

Nous recommandons la transformation du chantier de Lauzon parce qu'il est l'un des plus importants au Canada et que, surtout, il est situé dans la région de Québec. Or, si les hypothèses les plus sérieuses, formulées par le groupe d'études Albery, Pullerits, Dickson and Associates, sont retenues, c'est à Québec que sera construite l'usine de déliquéfaction des gaz. La proximité de cette usine et du chantier de Lauzon rend le choix de Lauzon, pour ces travaux, parfaitement logique. En outre, le chantier de Lauzon est le seul, au Québec, qui permet pareil projet. L'autre possibilité serait aux Maritimes, donc hors du circuit prévu pour les méthaniers et pétroliers. b) Le regroupement, à partir des ressources trop peu développées, des services de recherches en construction maritime des deux gros chantiers québécois, de façon à mettre sur pied un centre unique, important et dynamique de recherches en construction navale;

C'est à partir de la recherche que l'innovation technologique est possible. Et c'est l'innovation qui ouvre les portes du marché. En outre, les exigences posées par la construction des gros navires prévus pour l'Arctique nécessiteront des recherches sérieuses qu'aucun chantier n'est actuellement en état de mener véritablement. c) La spécialisation des principaux chantiers existants, de façon à permettre une construction navale plus rapide et moins coûteuse et de sortir du fouillis actuel qui a comme résultat que chaque chantier fait un peu de tout, et en même temps. d) Eventuellement, la nationalisation des chantiers en fonction des besoins réels de la production canadienne.

Cette nationalisation permettrait, entre autres, de procéder à l'intégration des principaux services et à une réduction sensible des frais fixes d'administration. Ottawa ou Québec pourrait prendre modèle, pour cette nationalisation, sur l'une de nos deux mères patries, l'Angleterre.

Septièmement, enfin, cette politique d'ensemble étant mise en place, les contrats importants qui sont déjà annoncés pour les prochaines années pourraient être accordés à l'industrie navale canadienne, dans le cadre d'un plan de développement harmonieux, mettant fin pour plusieurs années à l'incertitude et au fouillis qui ont trop longtemps été les caractéristiques majeures des chantiers navals canadiens et québécois.

Conclusion générale. Le problème de fond de Marine Industrie n'est pas un cas isolé. C'est une

entreprise qui se présente sur un marché mondial très structuré sans avoir la taille ou la technologie nécessaire pour y faire face.

Il faudra consentir, ce qu'ont fait beaucoup d'autres pays industrialisés depuis longtemps, des investissements importants pour assurer une place à une industrie des chantiers navals du Québec. Ces investissements, en plus de favoriser la fabrication de navires pour les besoins maritimes nationaux, assureront de nombreux emplois dans les secteurs manufacturiers connexes et les industries de transport de marchandises, puis celles des installations portuaires. Car on ne se rend pas compte, M. le Président, dans quelle mesure nos chantiers maritimes sont des usines d'assemblage de produits fabriqués à l'étranger. On parlait, par exemple, des navires polonais. On me mentionne — je ne sais pas si le pourcentage est exact — que 90% de l'acier, des engins, proviennent de Pologne et qu'à Lauzon, c'est la même chose. On assemble, ce sont des usines d'assemblage de produits manufacturés à l'étranger.

L'industrie du transport maritime constituera dans l'avenir un élément stratégique important dans le développement industriel. En effet, avant longtemps, les transporteurs de tout acabit qui sillonnent les océans et nos eaux nationales nous imposeront des lois nouvelles de développement qui ne correspondront pas nécessairement à nos besoins sociaux et économiques. Les gouvernements qui veulent maintenir leur autonomie et leur souveraineté doivent planifier une intervention précise dans ce secteur d'activité.

Le secteur des chantiers navals de la Fédération de la métallurgie, des mines et des produits chimiques (CSN) est prêt à ouvrir un tel dialogue avec les gouvernements. Et contrairement, M. le Président, à la caricature du Soleil d'aujourd'hui qui ridiculise le projet de création éventuel d'une marine marchande québécoise — elle devrait être canadienne pour l'instant — nous la souhaitons, cette marine, et ce rêve n'est pas un rêve en couleur pour la plupart, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, des pays évolués, avancés, organisés sur le plan industriel dans le monde.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. L'Heureux. M. David.

M. David: Je pense que ma présence était requise ici en fonction du problème des navires et je demanderais d'être excusé si c'est possible.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. David, vous avez comparu volontairement et vous pouvez toujours quitter volontairement, mais je vous remercie de la sollicitude que vous démontrez et je pense que les membres de la commission...

M. Martel: M. le Président, étant donné que vous avez remis la période de questions après l'exposé du mémoire du syndicat, j'ai des questions à poser à M. Rochette et également à M. David, qui était à ce moment-là en fonction.

J'aimerais, si possible, qu'il attende quelques minutes avant de quitter. (15 h 45)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Coulombe.

M. Coulombe: M. le Président, si vous le permettez, j'aimerais faire un ou deux commentaires qui, je pense, s'imposent afin que la discussion ne s'éloigne du vif du sujet. En écoutant les deux excellents mémoires des syndicats, je voudrais tout de suite préciser un point. La position actuelle de la SGF, selon les recommandations qu'on a faites au gouvernement et l'esprit qui se retrouve dans la loi qui est là, n'est en aucune espèce de façon basée sur la disparition de la construction navale à Sorel, au contraire de ce qui est affirmé dans ces textes.

J'irais même plus loin, une des recommandations qui est faite là-dedans, c'est-à-dire la spécialisation du chantier, c'est exactement l'esprit du plan de conversion.

Deuxièmement, lorsqu'il signifie que le plan de conversion est associé à une perte d'emploi de 1800 personnes, je voudrais que ce soit extrêmement clair. Par rapport au texte qu'on a remis à la commission, la perte de ces 1800 emplois est reliée au fait qu'il n'y a aucun carnet de commandes dans la construction navale actuellement, à Marine Industrie. Cela n'a rien à voir avec le problème de la conversion industrielle. Ce problème va se poser durant l'année 1979 et, ses effets, s'il y en a et si le travail, en 1979, est bien fait, vont commencer à se faire sentir en 1980 et 1981, basés sur une spécialisation de la construction navale et non pas sa disparition.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord. Cela étant dit, nous avons permis à la CSN de présenter son second mémoire qui avait plutôt trait au domaine de la reconversion et de l'orientation. Maintenant, je dois vous rappeler que nous sommes encore au point no 1 de notre ordre du jour: "l'histoire des bateaux".

Le premier nom sur ma liste est celui du député de Richelieu, M. Martel.

M. Lessard: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Saguenay, il y aurait peut-être lieu que vous demandiez le consentement unanime pour vous faire inscrire comme intervenant, parce que le député de Jean-Talon veut entrer dans la danse également.

M. Lessard: M. le Président, si je demande la parole, c'est justement pour utiliser l'article 140 du règiement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): L'article 140, mais pour demander le droit de parole, il faut...

M. Lessard: Je vous demande, M. le Président, de me faire inscrire comme intervenant...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mais vous rendez-vous compte, M. le ministre...

M. Lessard: M. le Président, est-ce que je peux, au moins, vous demander de me faire inscrire comme intervenant? Si je ne peux pas vous le demander, M. le Président, c'est donc dire que je n'ai pas le droit de parole.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Légalement, je devrais vous dire non; vous auriez dû passer par un de vos collègues, puisque pour demander le droit de parole, il faut avoir le droit de parole.

M. Lessard: Est-ce que je peux demander à un de mes collègues d'intervenir en mon nom?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Cela étant dit...

M. Grégoire: M. le Président, est-ce que je peux demander l'inscription de notre collègue du Saguenay comme député intervenant au cours de cette commission?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Cela étant dit, est-ce qu'il y a consentement pour que le député de Saguenay soit intervenant...

M. Tremblay: Consentement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... à la place de...

M. Tremblay: Et le député de Jean-Talon aussi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... du député de Mercier, M. Godin.

M. Garneau: Je ne remplace personne.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord. M. le député de Richelieu.

M. Martel: Je suis très heureux de la mise au point que vient de faire le nouveau président de la Société générale de financement concernant le capital humain que nous avons dans la région, c'est-à-dire nos métiers qui ont fait leur réputation à travers le monde, dans le domaine de la construction navale. Je suis très heureux de voir qu'on tient compte de ce potentiel humain qui est très important et qu'on s'oriente vers une collaboration assez étroite avec les ouvriers de Marine Industrie et l'administration. Je pense que c'est très heureux et je vous encourage à intensifier ce domaine.

Je reviens à la question que j'aimerais poser à M. Rochette. Est-ce que vous avez obtenu un mandat de la Société générale de financement pour voir à l'expansion de Marine Industrie par l'acquisition ou bien le regroupement de compagnies semblables dans le but de donner de la vitalité à Marine Industrie? Si oui, en quelle année avez-vous obtenu ce mandat?

M. Rochette: M. le Président, vous avez permis, ce matin, que cette question me soit posée. Avant d'y répondre, je n'ai pas d'objection, elle n'est pas incriminante en aucune façon, je me demande si elle est pertinente au présent débat.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce matin, j'ai dit qu'on ne pouvait pas se servir de l'objection du sub judice, en vertu de la décision de jurisprudence de 1913, pour faire échec à une question. L'autre objection que vous faites est nouvelle. C'est bien évident que la présidence a à juger. Malgré que vous ayez la protection de l'Assemblée nationale, malgré que l'article 64 de la Loi de la Législature vous protège, il y a un autre point de vue qui doit être considéré effectivement et il appartient à la présidence de décider si la question est pertinente ou non.

Je dois vous avouer que c'est extrêmement difficile de décider si une question est pertinente ou non. Je demanderais donc au député de Richelieu, au préalable, de m'expliquer — puisque je pense que je suis ici pour protéger non seulement les droits des parlementaires, mais également les droits de nos invités, de nos témoins — j'aimerais donc, en toute prudence, que le député de Richelieu m'explique, malgré le jugement que j'ai rendu ce matin et qui demeure, en quoi cette question est pertinente au débat. Par la suite, je demanderai à celui qui veut plaider le contraire, c'est-à-dire au principal intéressé, de me dire en quoi ce n'est pas pertinent à notre mandat — parce que nous avons un mandat qui est assez précis — et, à ce moment-là, j'aurai à rendre une décision.

Compte tenu de l'importance de cette question, compte tenu de la réponse, compte tenu des causes qui peuvent être en litige, je me dois d'avoir au moins cette protection supplémentaire pour le témoin et je demanderais donc au député de Richelieu de m'expliquer la pertinence de la question face à ce que nous avons à discuter.

M. Martel: M. le Président, nous sommes ici pour faire la lumière sur l'administration d'une société d'Etat qui fonctionne avec l'argent des Québécois. A ce moment-là, nous avons démontré qu'en 1973, Marine Industrie a signé un contrat qui, en 1975-1976, la mettait dans une situation désastreuse, selon le rapport de la Société générale de financement.

Je pense que ma question, formulée à M. Rochette, a trait à l'administration, c'est-à-dire à des directives qu'il aurait pu recevoir de la Société générale de financement, dans le but de consolider l'entreprise de Marine Industrie, qui est une entreprise d'Etat. Cette question est pertinente au sujet que l'on traite, d'autant plus que, tout dépendant de la réponse, il pourrait peut-être y avoir des implications concernant la situation de Marine Industrie.

Mais pour le moment, je pense que la question est très pertinente parce qu'elle se rattache à

la situation financière de cette industrie d'Etat, pour laquelle nous avons convoqué cette commission parlementaire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'autorise, soit M. Rochette ou son procureur, Me Drolet, non pas à plaider sur le fond, non pas à répondre à la question, mais uniquement me dire en quoi, d'après vous, ce ne serait pas pertinent.

M. Rochette: M. le Président, encore une fois, je n'ai pas objection à répondre à la question, mais je ne vois pas beaucoup de rapport que cela peut avoir avec ce qui est discuté ici aujourd'hui. C'est une chose du passé, qui n'a eu aucune influence sur les résultats de Marine Industrie au cours des deux dernières années. Cela n'a rien à voir avec l'avortement de certains contrats avec des compagnies panaméennes.

Mais je vous laisse juger si oui ou non je dois répondre à cette question.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les travaux de la commission sont suspendus pour cinq minutes.

Suspension de la séance à 15 h 54

Reprise de la séance à 16 h 10

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais aux gens de reprendre leur place.

Chers collègues, messieurs les témoins, je vais vous avouer que cette commission parlementaire me fait travailler plus que toutes les autres commissions parlementaires que j'ai présidées depuis deux ans et, malgré le député de Saint-Laurent qui rit à ma gauche, je dois dire qu'on en a connu de célèbres, parce qu'elle pose des problèmes extrêmement importants, des problèmes de protection des témoins, des problèmes de procès qui sont en cours, des problèmes de libelle diffamatoire.

Je pense que j'ai rendu deux décisions importantes hier, qui étaient des décisions de droit, premièrement. Ce n'étaient pas des décisions, je pense que c'était la loi. Il y avait tout d'abord l'article 64 de la Loi de la Législature, qui protège les personnes qui viennent témoigner en commission parlementaire contre toute action éventuelle ou possible en libelle diffamatoire pour des propos tenus à l'intérieur de cette commission parlementaire.

D'autre part, notre ancien règlement prévoyait qu'un témoin pouvait se prévaloir de la protection de la commission et on a dit que le législateur ne parlait pas pour ne rien dire. Donc, si on prévoyait dans nos règlements ou dans notre ancien règlement — du moins, je pense que l'esprit de cet ancien règlement doit s'appliquer dans le nouveau — cette protection, nous devions nécessairement en accorder les effets, c'est-à-dire protéger les témoins contre toute utilisation éventuelle ou future des propos ou des aveux qui pourraient se faire ici dans un procès actuellement en cours ou ultérieur.

C'étaient là des questions de droit, des décisions ont été rendues et je pense et je crois qu'elles sont bonnes. Mais, actuellement, on me demande de me prononcer sur la pertinence. Une commission parlementaire, ce n'est pas uniquement le président, une commission parlementaire, c'est l'ensemble des membres de la commission. Est-ce pertinent ou non, la question du député de Richelieu? C'est une question de fait et non pas une question de droit. Bien sûr, la présidence peut décider si une question est pertinente ou non, essentielle ou non, à l'intérieur du mandat qui lui est confié par l'Assemblée nationale.

Est-ce que la commission parlementaire qui siège ici actuellement a besoin d'avoir une réponse à la question du député de Richelieu pour bien remplir le mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale? Voilà tout le problème et voilà que c'est à la présidence de décider si cette question est ou non pertinente au débat.

Il y a deux précédents importants où la présidence a demandé des directives à l'Assemblée, en vertu de l'article 43 de notre règlement qui dit ceci: "Le président se prononce sur les questions de règlement au moment où il le juge à propos, et il peut demander des directives à l'Assemblée ou la laisser se prononcer. "Lorsque le président rend sa décision, il indique ce qui la justifie et il n'est pas permis de la critiquer ni de revenir sur la question décidée; — ce qui n'est pas toujours le cas, en passant, pour le bénéfice des témoins — il en est de même lorsque le président décide de laisser l'Assemblée se prononcer sur une question ".

Or, il y a, disais-je, deux précédents importants où la présidence a demandé à l'Assemblée de se prononcer à sa place et, chaque fois, c'était sur une question de fait, parce que le président alléguait que l'ensemble des députés étaient plus en mesure que lui d'apprécier ces faits. Tout cela pour redire encore une fois qu'une commission parlementaire est composée du président et des membres de cette commission. (16 h 15)

Ce fut le cas en 1970, sur la crise d'octobre, où l'Assemblée a été invitée à décider s'il y avait eu ou non insurrection appréhendée. Ce fut également le cas vers 1973 ou 1974, dans le cas qui a été appelé le cas Dussault, cas que je ne me rappelle pas, mais dont certains parlementaires peuvent peut-être se souvenir. En conséquence, compte tenu de l'importance de la question, compte tenu du fait qu'on me demande de me prononcer sur une question de fait, et non pas sur une question de droit...

M. Lalonde: Est-ce que je pourrais vous demander une directive avant que vous prononciez un jugement que je vois presque immédiat? Est-ce que vous avez pensé de consulter d'abord la commission avant d'aller consulter l'Assemblée?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est-à-dire que notre commission, étant une émanation de l'Assemblée nationale et étant soumise aux mêmes règles, je sais que les deux cas en question sont arrivés dans l'enceinte même de l'Assemblée nationale, mais, par le fait même que nous en sommes l'émanation, je pense que l'article 43 s'applique aussi bien au président de la commission parlementaire qui peut demander aux membres soit des directives ou soit de se prononcer, que cela s'appliquait en 1970, dans le cadre de l'enceinte même de celle de qui nous émanons, c'est-à-dire l'Assemblée nationale. Je pense que nous sommes une continuation de l'Assemblée nationale, une émanation, et, en vertu de ce principe, je pense que l'article 43, qui a d'ailleurs déjà été utilisé depuis deux ans en commission parlementaire, s'applique. En conséquence, je n'entends pas demander des directives à l'Assemblée. Au contraire, j'entends que ceux qui participent à ce débat, depuis une journée et demie, décident eux-mêmes si cette question du député de Richelieu est pertinente et essentielle au débat, compte tenu du mandat que nous avons de l'Assemblée nationale. Je rappellerai que l'article 163 de notre règlement stipule qu'à moins de dispositions contraires, les règles relatives à l'Assemblée s'appliquent également aux commissions parlementaires. En conséquence, je demande le vote, sans aucun débat, à savoir: Est-ce que la question du député de Richelieu est oui ou non pertinente au débat?

M. Russell: M. le Président, seulement une directive. Je me demande, avant de voter, si on ne pourrait pas demander au député de Richelieu de répéter sa question, pour être certain que tout le monde est bien conscient...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord. Est-ce que le député de Richelieu pourrait répéter sa question?

M. Martel: J'ai demandé à M. Rochette s'il avait obtenu mandat de la Société générale de financement, de façon à amener une expansion à Marine Industrie par l'achat d'une entreprise semblable, ou bien de façon à faire un regroupement de sociétés semblables. Dans ce cas, je parlais de la Davie Shipbuilding de Lauzon. Je lui demandais, s'il avait eu ce mandat, à quelle date il l'a eu. Il me semble que c'est pertinent, que c'est clair.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je demande donc le vote sur la pertinence oui ou non de la question du député de Richelieu. M. Russell (Brome-Missisquoi)?

M. Russell: Oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Gosselin (Sherbrooke)?

M. Gosselin: Oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Grégoire (Frontenac)?

M. Grégoire: Oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme Leblanc-Bantey (Iles-de-la-Madeleine)?

Mme Leblanc-Bantey: Oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Martel (Richelieu)?

M. Martel: Evidemment, oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Ouellette (Beauce-Sud)?

M. Ouellette: Oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Forget (Saint-Laurent)?

M. Forget: Oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce)?

M. Scowen: Oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Shaw (Pointe-Claire? M. Tremblay (Gouin)?

M. Tremblay: Oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La commission a décidé que la question était pertinente. Je cède la parole à M. Rochette.

M. Rochette: Avant de répondre, j'aimerais demander à M. Martel s'il veut seulement un oui ou un non ou s'il veut une réponse avec commentaires.

M. Martel: Je veux une réponse avec commentaires, on est ici pour être éclairés, non seulement pour avoir des oui ou des non.

M. Rochette: Très bien. De la façon dont vous m'avez posé la question, la réponse serait non; je n'ai jamais eu de mandat de la Société générale de financement parce que j'étais un employé de Marine Industrie et je relevais du président et du conseil de Marine Industrie, non pas de la SGF.

Si vous voulez avoir une réponse avec beaucoup plus de commentaires, voulez-vous que je continue dans ce sens en ne limitant pas mon propos à la SGF?

M. Martel: D'accord.

M. Martel: Probablement à l'automne de 1972 ou au cours de l'année 1973 — de mémoire, je ne pourrais pas préciser davantage — j'ai suggéré à M. Fillion, qui était alors président de Marine Industrie,

d'étudier la possibilité de faire l'acquisition des chantiers de la DavieShipbuilding, de Lauzon, et des chantiers Canadian Shipbuilding Engineering Ltd, de Collingwood, en Ontario et de Port-Arthur, en Ontario.

A la suite de cette suggestion, M. Fillion en a discuté avec les membres du conseil d'administration qui ont cru qu'il valait la peine de faire une étude. Ils ont désigné la Société SNC pour faire une étude, après avoir contacté, évidemment, Power Corporation qui était propriétaire des deux autres chantiers pour savoir s'ils étaient d'accord avec une approche semblable. Le conseil d'administration a désigné la Société SNC pour faire une étude des installations physiques qui étaient offertes, ou qui pouvaient être offertes par Power Corporation. De son côté, Power Corporation a désigné la Société ABBDL pour faire une étude des installations de Marine Industrie, parce qu'il était évident que cela pourrait être une question d'échange d'actions; alors il fallait savoir, de chaque côté, la valeur des entreprises.

Ces études ont été faites. Marine Industrie a, de plus, demandé à un consultant d'Ottawa, aujourd'hui décédé, M. Howard Darling, qui était un spécialiste en question navale, de faire une étude de marché. Cette étude a été faite et présentée au conseil de Marine Industrie. Après que toutes ces études eurent été complétées, il y a eu certains pourparlers entre Marine Industrie et Power Corporation. Selon le résultat de ces pourparlers, Marine Industrie a décidé de ne pas réaliser une telle proposition d'achat à ce moment-là.

En 1974, après que M. Fillion eut pris sa retraite, alors que M. Yvon Simard était président de SGF et président de Marine Industrie, j'ai de nouveau abordé laquestion avec M. Simard et je lui ai suggéré d'analyser cette possibilité à nouveau. Remarquez qu'alors, c'est moi qui faisais la suggestion. J'étais un ancien employé de Davie Shipbuilding, y ayant travaillé pendant dix ans, et je voyais beaucoup d'avantages à réunir les deux chantiers. Je semblais tout de même prêcher dans le désert, personne d'autre que moi ne voyait d'avantages.

De toute façon, M. Yvon Simard a dit: Très bien, nous allons étudier cette possibilité. Nous nous sommes réunis MM. Paul et Louis Desmarais, Yvon Simard et moi-même, à deux reprises. MM. Desmarais ont laissé entendre qu'ils seraient prêts à vendre la Davie Shipbuilding et Canadian Shipbuilding & Engineering Ltd. à Marine Industrie pour un échange d'actions, aucun montant comptant. Cela aurait même pu être des actions privilégiées seulement. Après quelque temps de réflexion, M. Yvon Simard a rappelé M. Paul ou M. Louis Desmarais pour lui dire qu'il n'était pas intéressé. Il a terminé la négociation et m'en a informé.

Tout est resté là jusqu'en août 1975 à peu près. Presque un an après le départ de M. Yvon Simard, M. Louis Desmarais m'a téléphoné, m'a invité à déjeuner avec lui et, à l'occasion de ce déjeuner, il m'a dit: J'ai récemment parlé à M. Raymond David, président de la SGF pour essayer de rouvrir les négociations pour l'achat possible de Davie Shipbuilding par Marine Industrie, et j'ai essuyé un refus.

Il m'a demandé d'essayer de parler à Raymond David pour savoir s'il consentirait à reprendre le dossier. Je lui ai dit que je le ferais, parce que j'étais toujours intéressé, personnellement, à voir cette fusion.

J'ai écrit une lettre à M. David, que voici, en date du 11 septembre 1975, pour lui faire la suggestion. Il m'a répondu, le 29 septembre 1975, pour me dire qu'il ne voyait pas d'intérêt, à ce moment-là pour Marine de faire l'acquisition de Davie. J'ai fait part de cette réponse à M. Louis Desmarais. Je lui ai même fait lire la lettre de M. David et c'est quelques mois plus tard, deux ou trois mois plus tard, que M. Desmarais m'a laissé entendre qu'il accepterait de vendre son chantier de Lauzon à un groupe d'individus intéressés à l'acheter. Il ne m'a pas donné les noms à ce moment, mais c'était une carotte qu'il me tendait, c'est évident. Je lui ai demandé si vraiment il voulait dire par là qu'il accepterait une offre de ma part. Il a dit: Bien sûr. Cela a été le début de la négociation. Ce n'était pas une négociation. C'était une approche du sujet.

En janvier, j'ai pris deux semaines de vacances — vacances accumulées à Marine auxquelles j'avais droit — et j'ai négocié avec M. Louis Desmarais l'achat de Davie et le 17 février, une lettre d'intention a été signée entre les parties. Le 18, j'ai donné ma démission et les trois collègues qui avaient accepté de venir avec moi ont fait la même chose, sur la foi d'une lettre d'intention. Le contrat n'a été signé qu'à la fin mars. Il a bien failli ne jamais être signé parce que, à la suite de la saisie-revendication et la demande d'injonction que Marine a faites, la banque qui avait simplement exprimé son intention de nous financer a bien failli se retirer du dossier parce qu'elle a commencé à se poser des questions sur ce qui se passait.

Heureusement, grâce à M. Desmarais et à mes propres arguments, nous avons réussi à convaincre la banque que nous avions très bien agi, qu'il n'y avait rien eu de fait au détriment de Marine et que c'était après les refus répétés de Marine que nous avions finalement décidé de parfaire cet achat en notre propre nom et c'est ainsi que cela s'est passé.

Maintenant, j'ai aussi une lettre de M. Louis Desmarais, qu'il m'a écrite à ma demande, que je puis vous lire ici si vous voulez. Elle est datée du 20 juin 1978, adressée à Louis Rochette: "Mon cher Louis, Pour faire suite à votre demande, voici la liste, par ordre chronologique, des événements qui ont conduit à la vente de Davie Shipbuilding a votre groupe. Comme vous le savez, Power Corporation avait étudié la rentabilité d'une fusion des intérêts de Davie avec ceux de Marine Industrie et avait commandé une étude faite sur la fusion possible de nos deux compagnies, laquelle était favorable à la fusion proposée." Il fait allusion à l'étude par ABBDL que j'ai mentionnée. "Suite à cette étude, nous avons rencontré M. Yvon Simard, alors président de la Société générale de financement et de Marine, pour considérer les possibilités d'une fusion sous une même direction, qui aurait permis une meilleure utilisation des

immobilisations ainsi que du personnel de Sorel et de Lévis. La SGF n'était pas intéressée. Lorsque M. Simard fut remplacé à la présidence de Marine par M. Laurent Picard, j'ai rencontré ce dernier à deux reprises où j'ai essayé de rouvrir les négociations. Dans une conversation, j'ai même offert de céder Davie contre des actions ordinaires de Marine ou de la SGF. Toutes ces approches ont toujours reçu un refus. "Nous avons ensuite rencontré M. Maurice Massé, président du conseil de la SGF sur le même sujet, encore sans succès. Finalement, le président de la SGF, Raymond David, à qui j'ai fait la même proposition, m'a avisé gentiment que je perdais mon temps. C'est alors que je vous ai rencontré et nous nous sommes entendus sur des termes qui nous étaient mutuellement acceptables." Signé "Louis Desmarais".

Alors, c'est la réponse à votre question.

M. Martel: Lorsque vous parlez de votre groupe, vous voulez parler de quelles personnes exactement?

M. Rochette: M. William White, M. Maurice Provencher, M. Marcel Lafrance et moi-même.

M. Martel:... qui occupaient quelles fonctions à Marine?

M. Rochette: J'étais vice-président exécutif. M. White était vice-président directeur de la division construction navale. M. Provencher était vice-président aux finances. M. Marcel Lafrance dirigeait la production d'une des divisions, la division construction navale.

M. Martel: A ce moment, la dernière conversation concernant la possibilité de l'achat de Davie Shipbuilding remonte au 8 septembre 1975 alors que le président de la Société générale de financement de l'époque, M. David, avait réuni les présidents des filiales dans le but, justement, de leur demander d'étudier la possibilité de consolider chacune de leurs entreprises. A ce moment, je constate — et vous me corrigerez si je fais erreur — qu'il y a eu environ cinq mois après ce dernier refus supposément de M. David, et votre départ avec les trois autres cadres de Marine. Il s'est écoulé cinq mois entre ce dernier refus de se porter acquéreurs de la Davie et votre départ de Marine.

Est-ce exact? (16 h 30)

M. Rochette: Entre le dernier refus... C'est à la suite de la réunion que vous mentionnez que j'avais écrit à M. David le 11 septembre pour lui suggérer, dans l'esprit de la conversation qu'il y avait eu au cours de cette réunion, d'ouvrir de nouveau le dossier Davie. C'est le 29 septembre...

M. Martel: 1975.

M. Rochette:... qu'il m'a répondu pour refuser d'ouvrir ce dossier à nouveau. Alors, octobre, novembre, décembre, janvier, quatre à cinq mois après...

M. Martel: M. David lève la main. J'aurais justement une question à lui poser, les raisons...

M. David: Monsieur, me permetteriez-vous de commenter la réponse de M. Rochette avant que vous me posiez votre question?

M. Martel: Oui, très bien.

M. David: Parce que, dans ma lettre, je voudrais vous en lire un extrait, le deuxième paragraphe disait ceci: "Je suis cependant d'accord à ce que les facilités physiques de Lauzon puissent entrer en ligne de compte lorsque nous examinerons le prochain budget de dépenses d'immobilisation de Marine — j'ai écrit cela le 29 septembre — malgré que, dans mon esprit, il existe un immense problème de main-d'oeuvre à Lauzon, il peut être possible que les facilités qu'on y retrouve puissent représenter un certain intérêt pour nous." Je ne vois pas que ce soit un refus d'acheter.

M. Martel: C'est pas tout à fait ce que M. Rochette a dit.

M. David: Non, mais cela est écrit, Monsieur, et c'est une pièce qui est déposée.

M. Martel: C'est même le contraire.

M. Rochette: Je crois qu'il faut savoir dans quel sens...

M. Martel: Si vous permettez, M. Rochette, vous faites allusion à M. Yvon Simard, dont M. Edouard Simard a dit que, lors de sa présence, du moins officielle à Marine, officieuse, parce qu'officiellement M. Arthur Simard a dit ce matin qu'il n'était jamais là, à ce moment-là, le président de la SGF dit oui, pratiquement, à cette possibilité d'acheter Davie. M. Yvon Simard n'étant jamais là, vous aviez, comme vice-président avec les trois membres du conseil d'administration, les trois cadres, une décision capitale à prendre.

M. Rochette: Vous ne parlez pas de la même période. M. Yvon Simard était parti à ce moment-là. M. David était président de la SGF.

M. David: M. Yvon Simard n'était plus là.

M. Rochette: Mon approche avec M. Yvon Simard eut lieu un an avant cela, et cela avait avorté complètement. C'était un effort d'ouvrir le dossier de nouveau avec M. David. Et quand M. David me disait, dans sa lettre, qu'il était cependant d'accord que les facilités physiques de Lauzon puissent entrer en ligne de compte lorsque nous examinerions le prochain budget de dépenses d'immobilisation de Marine, c'est parce que je lui avais dit qu'il existait à Lauzon un atelier

d'usinage très bien équipé avec une aléseuse verticale de grande capacité qui n'était à peu près jamais utilisée et, à ce moment-là, à Sorel, nous considérions faire des immobilisations de plusieurs millions pour installer une machine de ce genre. Alors, je lui avais dit: On pourrait au moins donner en sous-traitance des travaux à Lauzon plutôt que d'immobiliser quatre ou cinq millions à Sorel. Vu qu'il ne voulait pas acheter l'entreprise, on pouvait au moins lui donner des sous-contrats pour...

M. David: Je n'ai pas refusé d'acheter l'entreprise. A cette époque-là, cela n'a pas été un refus catégorique d'acheter Lauzon. Dans sa lettre, M. Rochette suggérait que les facilités physiques puissent entrer en ligne de compte face au budget des dépenses capitales que Marine devait effectuer dans le proche avenir. A ce moment-là, je lui ai dit: Pour le chantier naval, ce n'est peut-être pas intéressant, parce que le marché avait déjà commencé à indiquer des signes de faiblesse à cette époque, mais, sur l'aspect des facilités physiques, j'ai demandé qu'on les examine en même temps que le budget d'immobilisation de Marine. Ce n'était donc pas un refus de ma part.

M. Martel: Vous contredisez un peu...

M. David: Je contredis effectivement ce que M. Rochette dit.

M. Martel: A ce moment-là, je pose une question au président de Marine du temps, c est-à-dire M. Picard, qui était à cette réunion, où vous avez suggéré à vos présidents de filiales de voir la possibilité de consolider leurs compagnies. Le 8 septembre, M. Picard accompagnait M. Rochette, lorsque ce mandat a été demandé aux filiales, n'est-ce pas, M. Picard?

M. David: Excusez, mais je veux bien que ce soit clair. Ce n'était pas un mandat donné aux filiales. C'étaient des suggestions faites pour...

M. Martel: Des suggestions, très bien.

M. Picard: Oui, j'accompagnais M. Rochette.

M. Martel: A ce moment-là, M. Rochette a affirmé qu'il avait reçu un refus de la part du président de la Société générale de financement. M. David dit que ce n'est pas un refus, que ce n'était pas négatif, loin de là. Vous, comme président, quel accueil avez-vous fait à cette suggestion de M. Rochette, qui était votre vice-président?

M. Picard: Deux ou trois commentaires là-dessus. Peut-être un premier sur la lettre de M. Desmarais. Il dit qu'il m'a rencontré à deux reprises. Je pense qu'il m'a rencontré à une reprise. Je ne sais pas si on appelle cela une reprise quand il y en a seulement une, mais je n'ai pas rencontré M. Louis Desmarais deux fois. A la rencontre avec M. Louis Desmarais, dont l'objectif n'était pas censé être cela, c'était une souscription pour une des oeuvres de charité de M. Desmarais. Il m'a demandé...

M. Tremblay: Pardon, M. Picard, on parle de Louis Desmarais.

M. Picard: Louis Desmarais. M. Desmarais m'a demandé si je serais intéressé à acheter Davie Shipbuilding. A ce moment-là, première chose, je n'avais pas l'autorité pour répondre; deuxièmement, j'ai demandé à M. Desmarais: Est-ce que ça veut dire aussi Engineering Company qui comprend Collingwood et ainsi de suite? Il m'a dit non. J'ai dit: Ce que vous vendez, dans le fond, "it is a shell", c'est une écaille vide; il m'a dit oui. J'ai dit: Je ne peux pas être très intéressé à ce moment-ci. De toute façon, ce n'est pas moi qui décide là-dessus, vous en parlerez à la SGF.

Je ne peux pas dire que j'ai encouragé M. Desmarais à poursuivre ces discussions avec moi, mais, par ailleurs, il ne peut pas le prendre comme un refus. Je lui ai dit que j'étais toujours ouvert à la discussion et, deuxièmement, que ce n'est pas moi qui ai autorité là-dessus, c'est la SGF. Il peut appeler ça un refus, s'il le veut. De ma part, ce n'est pas un refus, d'autant plus que je n'avais pas l'autorité pour le faire.

Le deuxième aspect du problème: Est-ce que, comme président de Marine Industrie — j'ai reçu copie de la lettre de M. Rochette à M. David et la copie de la lettre de M. David à M. Rochette — j'étais enthousiasmé par la fusion des deux sociétés? Je suis obligé de dire bien franchement, pour les raisons que j'ai données hier concernant la situation maritime, que ce n'était pas une chose qui me plaisait énormément. Ma réaction n'a jamais été officielle, je dois le dire, mais je suis obligé de dire aussi qu'elle était plutôt négative.

Par ailleurs, à deux réunions particulières... Lors d'une réunion, j'avais créé, à Marine Industrie, un comité de stratégie pour étudier exactement les problèmes que, trois ans plus tard, la société de financement étudie: Quelles sont les possibilités pour Marine Industrie, quelles sont les possibilités de diversification, étant donné qu'on était dans trois séries de produits fermés, fermés, dans un cas, par le marché; dans le deuxième cas, par les licences et, dans le troisième cas, aussi par le marché et par la valeur ajoutée, j'avais dit: Je voudrais qu'on considère toutes les possibilités. Parmi ces possibilités, on avait soulevé la possibilité d'acheter Davie Shipbuilding, il fallait aussi la considérer.

Deuxièmement, lors d'un lunch avec M. Bill White, je lui ai dit: J'aimerais en savoir beaucoup plus sur Davie que je n'en savais auparavant; est-ce qu'il y a moyen d'avoir une description de sa capacité, de ses qualités, ainsi de suite? M. White m'avait dit que cela faisait un certain temps qu'il n'avait pas vu Davie, mais qu'il s'occuperait de l'examiner.

Donc, si on veut résumer ma position: intuitivement, elle était plutôt négative, pour les raisons

que j'ai données hier; il n'était pas question de s'enthousiasmer pour le marché maritime à ce moment-là, mais on ne prend pas des décisions d'affaires d'une façon intuitive, on a des intuitions au début et on les poursuit dans l'analyse. Je l'avais demandé à M. White, sans dire que j'en avais fait un mandat officiel; à l'occasion d'un lunch, j'avais demandé à M. White de regarder ça et, à l'occasion de la réunion du comité de stratégie, j'avais demandé de considérer comme une option ouverte l'intégration de Davie à Marine Industrie.

De toute façon, j'ai toujours clairement dit à M. Louis Desmarais, plus clairement parce que la question se posait d'une façon évidente, et aux autres que ce n'était pas moi qui avais la responsabilité de décider d'une fusion, étant donné que ce n'était pas Marine Industrie qui était propriétaire de Marine Industrie, mais que c'était bien la SGF et que la discussion devait se faire à un autre niveau que le mien.

M. Martel: D'après les réponses que vous me donnez, M. David était à ce moment-là président de la SGF et M. Picard était président de Marine Industrie; je pose la question: Est-ce que les gens du groupe de M. Rochette, qui étaient les principaux cadres de Marine Industrie, ont fait l'acquisition du chantier Davie Shipbuilding de Lauzon pendant que la question était à l'étude et en suspens à la Société générale de financement et à Marine Industrie?

M. Picard: Du côté de Marine Industrie, je ne peux pas dire que c'est pendant que l'étude était en mouvement, mais je peux dire que c'est pendant que la question était en suspens; ce serait mon interprétation de ce qui était. Je n'avais jamais pensé... Comme je dis, je n'avais pas caché ma réaction plutôt négative à l'affaire, intuitivement négative à l'affaire, je n'ai pas caché que j'avais toujours considéré la question comme étant ouverte.

M. Martel: Trouvez-vous que c'est normal que, dans si peu de temps, après avoir été si près des dossiers, alors que ni la Société générale de financement, ni Marine Industrie n'avaient pris de décision définitive, quatre cadres se servent des études déjà faites pour s'en porter acquéreurs?

Une Voix: Je pense que...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'ai refusé la question. C'est une question d'opinion qu'on demandait à M. Picard ou à M. David. Je refuse cette question.

M. Martel: Je pourrais peut-être poser une autre question. Pendant que M. Rochette était vice-président de Marine Industrie, concernant la transaction qui a fait que Marine Industrie s'est départie de sa division de la "flotte", j'aimerais poser une question à M. Rochette. Est-ce que cette division de Marine Industrie qui s'appelle la "flot- te", était une division rentable? Si oui, pourquoi l'avoir vendue et à quel prix?

M. Rochette: Qu'est-ce que la "flotte"? Je ne comprends pas.

M. Martel: La "flotte", c'est ce qui s'appelle le dragage.

M. Rochette: Le dragage.

M. Forget: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre! M. le député de Richelieu, il y a une question de règlement de la part du député de Saint-Laurent.

M. Forget: Question de règlement. Je m'excuse auprès du député. Je ne veux pas manquer de délicatesse à son égard. Je comprends qu'on a fonctionné assez librement depuis deux jours. Il reste que, strictement parlant, notre règlement suppose qu'on a 20 minutes par député. Le temps avance, il est à 16 h 42 et il y a deux articles de l'ordre du jour qui n'ont pas fait l'objet de discussion. J'aimerais rappeller au député que nous devenons un peu inquiets quant à la possibilité que cette commission fasse son travail.

M. Martel: D'accord. Si vous le permettez... M. Rochette: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre! M. Rochette.

M. Rochette: Si vous le permettez, pour enlever tout doute possible, j'aimerais dire, en réponse à la question de M. Martel, que la vente du "dragage", je n'y ai été impliqué ni de près, ni de loin, en aucune façon. Elle ne me concerme pas du tout. J'étais responsable des chantiers maritimes.

M. Martel: Est-ce que vous étiez au courant des transactions qui se sont faites à ce moment-là?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur la question de règlement, depuis hier — vous savez qu'en vertu de l'article 96, chaque député a droit à 20 minutes — on ne l'a pas appliqué, parce que tout le monde a été pas mal raisonnable.

M. Martel: M. le Président, sur une question de règlement, pour répondre à mon collègue.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Voulez-vous me laisser terminer?

M. Martel: Oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Etant donné qu'on n'a pas été formaliste, hier, je

n'ai pas l'intention de l'être trop aujourd'hui. J'ai trois autres députés sur la liste: soit le député de Sherbrooke, le député de Duplessis et le député des Iles-de-la-Madeleine, je vois le député de Frontenac qui lève sa main. Nous n'avons pas encore terminé la première partie de l'ordre du jour et notre mandat se termine à 20 heures... ce soir, et à moins d'un nouvel ordre de la Chambre, il n'est pas question...

M. Perron: Pas à 20 heures, mais à minuit...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A 24 heures, pardon. Et à moins d'un nouvel ordre de la Chambre, il n'est pas question que nous revenions. Donc, je demanderais aux collègues de respecter au moins l'esprit de l'article 96, pour permettre aux quatre autres députés, que j'ai sur ma liste, d'intervenir également.

M. Martel: D'accord.

M. Russell: J'ai demandé la parole depuis hier et je ne l'ai pas eue encore.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Excusez-moi, je vais vous inscrire.

M. Lalonde: M. le Président, je vois M. David qui veut prendre la parole.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, M. David.

M. David: M. le Président, est-ce que je peux profiter de la permission que vous m'avez accordée tantôt?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord. M. David, je vous remercie beaucoup d'avoir participé volontairement aux travaux de cette commission.

M. David: Cela m'a fait plaisir. M. Martel: Simplement...

M. Lalonde: M. Picard semble aussi avoir une demande à faire.

M. Picard: J'aimerais aussi pouvoir disposer. M. Martel: Simplement pour...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un instant!

M. Martel: M. le Président, j'ai soulevé une question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Question de règlement, M. le député de Richelieu.

M. Martel: C'est pour répondre au député de Saint-Laurent qui trouve que...

Le Président: (M. Vaillancourt, Jonquière):

A l'ordre! M. le député de Richelieu, on ne répond pas à une question de règlement.

M. Martel: Ce n'est pas pour répondre, c'est pour faire une mise au point. Si, dans le temps, le gouvernement libéral avait fait "sa" job, il n'y aurait pas autant de questions à poser aujourd'hui.

M. Lalonde: Faites donc de la politique. Si vous vouiez en faire de la politique, on va vous en faire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre! Est-ce que vous avez terminé, M. le député de Richelieu, ou si vous avez d'autres questions à poser?

M. Martel: J'ai terminé.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Sherbrooke.

M. Gosselin: J'aimerais obtenir une directive.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: On a permis, à juste titre, à M. David qui avait un motif, la permission de s'absenter. Je vois que M. Picard également voudrait s'absenter. Est-ce qu'on pourrait demander à ceux qui ont des questions qui pourraient s'adresser à M. Picard de les poser d'abord? Je n'en aurais qu'une. Il pourra quitter par la suite.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que j'ai le consentement des autres députés?

M. Russell: Oui. M. le Président, je voudrais simplement souligner le fait qu'il y a des remarques que je vais faire tout à l'heure, qui vont concerner M. Picard. Je n'ai pas de questions à lui poser directement. Ce sont des remarques le concernant, mais il pourra lire le journal des Débats. Je n'ai pas d'objection à ce qu'il nous quitte.

M. Picard: Je suis à la disposition de la commission.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous êtes de très bons invités.

M. le député de Sherbrooke. (16 h 45)

M. Gosselin: Je voulais simplement relever une affirmation du président de la SGF hier dans laquelle il affirmait la nécessité d'établir un code d'éthique à la SGF. J'aimerais avoir des détails sur les impératifs qu'il a vus à instaurer un tel code d'éthique à la SGF, et le contenu un peu plus explicite de ce code d'éthique.

M. Coulombe: Je pense qu'il ne faut pas trop donner d'extension à ce terme. J'ai référé à un code d'éthique, parce que dans le cas des commissions, j'entendais dire qu'il serait souhaitable d'avoir une réglementation extrêmement précise qui pourrait servir de guide aux officiers des compagnies de la SGF, non pas seulement de Marine Industrie mais de la SGF elle-même. Ce serait une espèce de réglementation qui régirait tout simplement la question des commissions, parce que, dans certains — je pense que M. Rochette et les autres en ont parlé suffisamment — domaines de relations commerciales internationales où les compagnies ne peuvent pas avoir des représentants dans chacun des pays, parce que ce serait impensable, il y a lieu de passer par des courtiers, ce qui est une pratique tout à fait normale. Mais pour éviter, soit des abus, soit des interprétations, je pense qu'il y aurait lieu de codifier tout simplement la réglementation qui servirait de guide au conseil d'administration et aux officiers dans l'établissement de telles relations. Cela veut tout simplement dire cela. Je n'impliquerais pas par là que c'était pour cacher des choses qui s'étaient passées, etc., c'est que, tout simplement, ce type de réglementation, même dans les grandes corporations actuelles, est un exercice qui commence de plus en plus à se répandre et je ne vois pas pourquoi la SGF et toutes ses filiales n'auraient pas cette réglementation. Au lieu de l'appeler un code d'éthique, si cela fait référence à trop de choses, on peut l'appeler une réglementation concernant les commissions ou ce genre de problème.

M. Gosselin: Une autre question qui s'adresserait peut-être à M. Rochette. Dans les communications qui se sont établies avec le courtier, en 1973, et avec l'armateur, il y a eu plusieurs communications qui se sont faites sur la base de négociations, directement avec l'armateur, en présence du courtier, M. Kitching. Vous avez fait allusion à plusieurs déplacements au Pirée, notamment, où l'essentiel des communications s'est fait. Pourriez-vous me préciser l'envergure ou la nature des voyages et qui a participé aux diverses rencontres avec l'armateur, au Pirée, en 1973, pour cette négociation?

M. Rochette: De mémoire, c'est assez difficile à dire. Pour ma part, j'ai dû me rendre au Pirée trois fois probablement, en 1973. M. White qui était plus directement impliqué et M. Hacken qui était directeur du marketing et directement responsable de la négociation des contrats y sont probablement allés six ou sept fois facilement.

M. Gosselin: Est-ce que ces rencontres se faisaient sur l'invitation de l'armateur ou à la suite d'une demande qui était formalisée par vous?

M. Rochette: Je pense que je devrais vous expliquer un peu la séquence des événements. Le représentant du courtier, M. Kitching, est venu une première fois à Montréal, probablement vers mars 1973, avec le directeur du bureau de Londres de M. Karageorgis, qui s'appelle M. Roy Rod pour établir un premier contact et, à la suite de cela, ils ont visité le chantier, à Sorel. Ils se sont montrés intéressés à faire affaires avec nous et ils ont organisé la visite du chantier par M. Karageorgis lui-même avec deux de ses principaux officiers, dans le mois qui a suivi probablement.

Après sa visite au chantier, et après avoir visité un des navires construits par Marine, M. Karageorgis a exprimé sa satisfaction de la qualité du travail. Il nous a invités à nous rendre au Pirée pour négocier avec lui la possibilité de construire une série de navires. C'est comme cela que cela s'est déroulé, et que cela a continué par la suite.

M. Gosselin: Je vous remercie, M. Rochette.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. J'ai six questions assez brèves à poser. J'ai même pris la peine de les écrire justement pour les poser le plus brièvement possible. La première question s'adresse à M. Brisson qui, je crois, est l'actuel président de Marine. Je voudrais savoir, et ce, sans mentionner les noms des personnes ou des compagnies qui seraient intéressées, combien d'offres d'achat sont actuellement prises en considération par Marine Industrie, en ce qui concerne les six fameux navires qui sont en rade à Sorel, actuellement. C'est ma première question.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Dinsmore.

M. Dinsmore: Pour essayer de répondre à la question avec précision, nous disposons de deux ou peut-être de trois propositions écrites qui représentent des offres d'achat. Elles ne sont pas qualifiées comme telles, jusqu'à maintenant, parce que, à l'analyse, tous les éléments appropriés à un offre d'achat ne sont pas présents, c'est-à-dire que les moyens de financement ne sont pas encore clarifiés à notre satisfaction. En dehors des propositions écrites, nous sommes en négociation avec une dizaine de clients sérieux, mais nous n'avons pas encore atteint le point où le client est prêt à nous soumettre quelque chose par écrit.

M. Perron: Ma deuxième question. Lorsque vous parlez de vos dix clients possibles, toujours en rapport avec les six navires en rade, combien d'offres de location furent faites à Marine Industrie, approximativement?

M. Dinsmore: En termes assez généraux, parce que là, les offres, de nouveau, par notre définition, doivent être des présentations par écrit, nous avons actuellement peut-être trois propositions par écrit, dont une au moins a été rejetée à cause de la faible valeur de la proposition.

M. Perron: Merci. Toujours à M. Dinsmore,

parce que, d'ailleurs, j'avais l'intention de vous poser cette question, vous avez dit hier devant cette commission que le règlement ayant trait aux $9 300 000 s'est fait sur des bases d'évaluation des réclamations du Grec Karageorgis. Pourriez-vous dire aux membres de cette commission quelles étaient ces bases d'évaluation dont vous vous êtes servis pour en arriver à ce chiffre de $9 300 000?

M. Dinsmore: Nous sommes arrivés à cette conclusion, non seulement en fonction des montants indiqués pour effectuer les rectifications, mais aussi à cause d'autres facteurs dont les délais projetés pour réaliser la finition des navires en question et le risque que cela pourrait encourir pour laisser à l'armateur l'option de refuser la livraison, parce qu'on aurait dépassé de 180 jours les délais prévus dans le contrat. Pour parler plus explicitement des montants pour les rectifications, j'aimerais passer la parole à M. Brisson, qui a travaillé avec le personnel technique dans le chantier.

M. Brisson: On cherche à comprendre exactement la question que vous posez, M. le député. Est-ce que c'est le "break-down" des $9 300 000 que vous désirez avoir?

M. Perron: Non, ce sont strictement les bases d'évaluation dont vous vous êtes servis pour justement en arriver à $9 300 000. Lorsque vous avez négocié...

M. Brisson: Ce que comprennent les $9 300 000?

M. Perron: Oui, c'est cela.

M. Brisson: C'est cela. C'est ce que comprennent les $9 300 000.

M. Dinsmore: On a déjà indiqué, dans le document, la décomposition... Le montant était composé des avances déjà versées par l'armateur au montant de $5 800 000, d'un montant de $1 200 000 représentant les équipements fournis par l'armateur afin d'être intégrés dans la construction des navires, des réclamations de coûts administratifs au montant de $1 400 000, des frais d'intérêt au montant de $900 000, pour un total de $9 300 000 en dollars américains.

M. Perron: Maintenant, j'aurais une question à poser à la suite du rapport qui a été déposé et qui a d'ailleurs été lu par le syndicat de la CSN, son premier rapport. On mentionne, à la page 5: Nous vous disons que nos bateaux n'ont pas assez de contenu québécois quant à l'outillage spécialisé. Pourriez-vous expliciter un peu cette question et, par la suite, je demanderais à M. Brisson ou à M. Dinsmore de bien vouloir commenter cela, parce que, justement, on disait tout à l'heure qu'il y avait 90% de matériaux, d'équipement en usage dans ces bateaux, sur tous les bateaux polonais, je crois... Je voudrais avoir une réponse là-dessus.

M. de Carufel: Pierre de Carufel, des employés de bureau. Comme la CSN l'a toujours revendiqué depuis 1939, dans son premier mémoire présenté au gouvernement fédéral, le contenu des navires construits ou assemblés par les chantiers maritimes n'était jamais suffisamment composé de matériaux québécois, canadiens dans le temps, mais aujourd'hui de plus en plus québécois. On en a une preuve, encore une fois, avec les bateaux polonais où l'armateur a exigé que la plus grande quantité possible d'acier pour la construction de ces bateaux soit prise en Pologne, de même que les engins, de même que beaucoup d'autres matériaux nécessaires dans la construction des navires. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Perron: Cela clarifie ce que vous avez dit tout à l'heure. M. Dinsmore ou M. Brisson, concernant les 90% qui ont été mentionnés — c'est ma dernière question — pourriez-vous nous expliquer ce qui se passe dans ce dossier?

M. Brisson: Les 90% me semblent tout de même être un prix élevé; il y a certainement un problème réel. Dans les constructions de bateaux de cette nature, il y a 50% de ce montant qui est utilisé pour le matériel. Dans ces 50%, Marine Industrie essaie, comme toutes les autres compagnies — d'ailleurs, c'est un règlement pour obtenir les subsides du ministère de l'Industrie et du Commerce fédéral — d'obtenir le maximum de contenu canadien. Cependant, l'expérience démontre que, dans ce genre de bateaux de cette grosseur, nous devons aller à l'extérieur pour trouver 70% et parfois 80% du matériel commandé pour les bateaux. Ce pourcentage varie substantiellement selon les types de bateaux. Il y a certains types de bateaux où le pourcentage de contenu canadien augmente substantiellement. Les raisons de cela sont que nous n'avons pas d'équipements spécialisés au Canada, nous n'avons pas de compagnie qui produit des équipements spécialisés pour la construction maritime. Par exemple, un moteur d'une capacité de plus de 10 000 HP maritime, il ne s'en fabrique pas. (17 heures)

M. Tremblay: Je demanderais peut-être — parce que c'est très relié à ce que vous venez de demander — le contenu en main-d'oeuvre, je comprends que vous importez beaucoup de matériel, mais quel est le contenu en main-d'oeuvre par rapport à la valeur des bateaux?

M. Brisson: II faut définir main-d'oeuvre, mais l'autre moitié, c'est ce qui se fait au chantier. Donc, c'est du contenu en main-d'oeuvre. C'est la participation canadienne. Cela peut s'appeler les frais généraux, mais les frais généraux sont aussi du personnel canadien.

M. Coulombe: Je pense qu'il y a un certain élément sur lequel il faut être très clair et peut-être que M. Picard pourrait nous le dire. Dans le cas des bateaux polonais comme d'autres, quelles ontété les ententes avec les Polonais? C'est-à-dire, est-ce

qu'on était libre de dire que c'est de l'acier québécois ou de l'acier canadien, etc? Est-ce que c'était une condition?

M. Picard: Premièrement, la demande de soumissions pour les bateaux polonais arrivait avec un certain nombre de composantes qui devaient venir de Pologne, où vous acceptiez cela, ou vous ne faisiez pas de soumission. Les moteurs étaient inclus, l'acier. De toute façon, les moteurs ne se font pas au Canada. Le type d'acier particulier ne se fait pas au Canada. On aurait dû en acheter en Allemagne, et cela a été même assez difficile comme on a appris plus tard — cela a créé des problèmes —mais les conditions des spécifications, si je me rappelle bien, des moteurs polonais et certainement de l'acier polonais...

M. Tremblay: M. le Président, si vous me permettez de faire un commentaire à ce niveau. Je constate qu'il est 17 heures. Il est évident que c'est un dossier extrêmement complexe.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre, il y a un dernier député qui veut intervenir, le député de Brome-Missisquoi, sur ce sujet, et, par la suite, nous pourrons procéder, je pense, à... Mais j'ai promis au député de Brome-Missisquoi...

M. Tremblay: J'allais simplement dire que les questions techniques pourraient nous prendre trois semaines à les expliciter toutes si on allait dans le détail et si nous nous étions donné à l'unanimité un calendrier. Les représentants du syndicat ont présenté des mémoires qui sont extrêmement bien préparés et importants et qui touchent à des problèmes d'orientation future de Marine. Il ne faudrait pas se laisser coincer par le temps et ne pas être capable de parler du présent et de l'avenir.

Il est vrai que le passé est intéressant pour justifier la décision que le gouvernement a prise de déposer un projet d'urgence à l'Assemblée nationale, mais je souhaiterais que nous puissions passer à l'analyse du plan de reconversion industrielle et peut-être aussi à l'analyse des orientationsgénérales de la SGF.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Immédiatement après l'intervention du député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: Je vais faire en sorte que le ministre soit heureux et j'espère qu'il fera en sorte que je sois heureux après mon intervention. J'aurais une foule de questions à poser, ce qu'on a fait hier. On n'a certainement pas abusé, mais je me rends compte que depuis hier, malgré la bonne volonté des intervenants, des répondants, on n'a pas réussi à éclaicir la question, parce qu'il y a beaucoup de contradictions. Il serait très difficile, comme l'a dit le ministre, on pourrait travailler pendant des heures et des jours et peut-être pas atteindre l'objectif qu'ons'était fixé, parce que le but de la commission n'est certainement pas de blanchir ou de noircir qui que ce soit. Il s'agit d'essayer de déceler et de connaître les faits et pouvoir se faire une idée en vue d'appuyer ou de contester une demande qui est faite par le gouvernement.

Actuellement, je constate par des documents qui nous ont été remis hier par les officiers de Marine en parlant du contrat... Je vous donne un exemple. On nous a dit qu'il y avait 18 contrats. Quand je regarde le bilan financier, on parled'un contrat etsi je regarde aussi dans le rapport qui nous a été soumis — je pourrais citer le paragraphe si les gens sont intéressés — on parle d'un contrat.

Ces petits détails nous placent dans une situation de contradiction et je pense bien...Je ne veuxpas accuser de malhonnêteté ou de mauvaise volonté des gens qui nous ont donné les informations. On a affaire à des gens quant à l'histoire de la société Marine, quand on parle de la famille Simard, ce sont quand même des gens qui ont beaucoupd'expérien-ce. On a parlé aussi de M. Rochette qui a été vice-président pendant longtemps qui, lui aussi, a beaucoup d'expérience dans le domaine. Il s'est mis à la disposition de la commission pour nous donner toutes les informations qu'il possédait, même si, à certains moments, ses affirmations ont été contredites par d'autres officiers de cette organisation.

Par contre, je pense bien que d'autres ont été mis en cause. M. Picard a été mis en cause. Cela peut peut-être laisser un goût sûr devant la commission en disant au passage de M. Picard, il n'a peut-être pas fait son travail comme il aurait dû le faire, c'est une question d'opinion. Je ne porte pas de jugement, je dis simplement ce qui pourrait demeurer à la commission. Je pense que ce n'est pas notre rôle de juger personne. Donc, je m'abstiens de porter tout jugement. Je dis ceci en toute bonne foi et je pense que c'est l'opinion aussi de celui qui m'accompagnait hier.

Je ne veux pas parler de politique dans cela, je parle simplement de faits. Je pourrais même dire au président de la SGF que dans le rapport financier, il y a une contradiction et je ne voudrais pas embarquer là-dedans. Encore là, cela pourrait être long à discuter. Vous dites que ce sont des détails, mais cela porte toujours à confusion lorsqu'un membre d'une commission comme cela a ces documents-là.

Donc, pour résumer tout cela, je serais prêt à faire un voeu au ministre qui, après avoir eu le dépôt de ces documents — je suis convaincu qu'il en a beaucoup d'autres... En vue de soulager la crainte qui peut exister chez les ouvriers de Marine — c'est bien normal, c'est légitime qu'il y ait eu une crainte face à une situation comme celle qu'on connaît actuellement, parce qu'on connaît la situation de Marine par les rapports financiers qu'on a déposés, et penser que de l'autre côté le gouvernement peut, dans la situation économique actuelle qu'on traverse, garro-cher encore $1 million du côté de Marine, cela peut devenir assez difficile aussi, parce qu'il n'y a pas seulement Marine, il y a d'autres industries qui ont des problèmes. Peut-être que tout à l'heure, on pourra y faire allusion.

Donc, je voudrais simplement résumer en disant ceci, avec toute la bonne foi que je peux

posséder, je ferais un voeu au ministre pour qu'il prenne des dispositions afin de faire une enquête, qu'elle soit publique et si lui-même juge qu'il ne doit pas la faire, je prendrai d'autres moyens, que nous avons, pour la réclamer dans un avenir aussi rapproché que possible.

M. Tremblay: M. le Président, nous pourrions, évidemment, nous complaire dans le passé à l'infini. Lorsque nous avons proposé, à l'Assemblée nationale, de tenir une commission parlementaire après l'adoption en première lecture du projet de loi 108, c'était justement pour faire la lumière sur les causes et les circonstances qui avaient amené une situation financière précaire à Marine et qui exigeaient, de la part du gouvernement, une action rapide pour consolider ou pour assurer la survie de l'entreprise et consolider le plus grand nombre des 3200 emplois et faire voter, par l'Assemblée nationale, des sommes pour des investissements additionnels. Les rapports faits par la Société générale de financement ont été distribués aux députés, membres de cette commission, aux journalistes et aux invités. Nous avons eu hier surtout des discussions et des questions en profondeur sur des points litigieux qui ont pertinence au dossier de Marine au cours des années 1973, 1974, 1975, 1976 et même 1977. Hier, de onze heures à minuit, entre autres, je crois que nous avons cerné passablement la plupart des sujets qui étaient établis. Donc, je crois que le gouvernement a fait son travail, a demandé les rapports nécessaires, ils ont été déposés, ils ont été discutés.

Maintenant, si vous vous rappelez, M. le député de Brome-Missisquoi, hier soir, le président de la SGF a témoigné devant cette commission en disant qu'il avait demandé à des vérificateurs de faire des analyses détaillées de tous les contrats et de toutes les circonstances qui avaient accompagné la signature ou la résiliation ou la renégociation des contrats et du financement de ces contrats. Le président a dit aussi qu'ils avaient confié, à la suite de ces rapports, à des conseillers juridiques le soin d'analyser s'il était dans l'intérêt de la SGF d'entreprendre des procédures si c'était jugé nécessaire. Je crois qu'il appartient à la SGF de défendre les fonds publics qui y sont investis et je crois que ces paliers d'autorité sont respectés présentement. Donc, il n'est pas du tout dans l'intention du gouvernement de partir des chasses aux sorcières et d'aller à la chasse après cette commission. Si la SGF juge nécessaire, dans son mandat, de poursuivre le travail de ses vérificateurs, de poursuivre le travail de ses avocats, c'est sa responsabilité. Pour notre part, nous avons fait notre travail et nous serons prêts à défendre en deuxième lecture, devant l'Assemblée nationale, le principe de ce projet de loi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): En terminant cette première partie de nos débats — M. Picard, je vous accorderai la parole tout de suite après — j'aimerais tout d'abord remercier les invités que nous allons libérer dans quelques minutes, soit MM. Arthur Simard, Rochette, Picard, leur dire que c'est tout en leur honneur d'avoir volontairement accepté l'invitation de l'Assemblée nationale.

Je voudrais leur dire que j'ai fait tout mon possible, avec mes modestes compétences, pour protéger et les droits des parlementaires et leurs droits à eux. Je voudrais répéter, pour le bénéfice de nos témoins, et ce à la presse, que l'exercice d'un droit par une personne, qui lui est donné par une loi ou un règlement, ne doit jamais être interprété d'aucune façon que ce soit. J'espère que mes décisions, à l'avenir, ne nuiront pas aux droits et intérêts de toute personne qui a pu témoigner ici devant la commission parlementaire.

Je voudrais également saluer Me Drolet et son confrère qui est à sa droite, leur dire que j'ai apprécié leur éclairage.

M. Tremblay: M. le Président, très rapidement. A titre de ministre parrain de cette loi, je voudrais remercier M. Picard, M. Rochette et M. Simard, de même que M. David, qui a quitté, et M. Massé. Je répète que le but du gouvernement, en tenant une commission après la première lecture, n'était pas de détruire, mais de construire. Je remercie sincèrement tous les témoins qui ont accepté volontairement de venir aider cette commission, l'Assemblée nationale et le gouvernement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Picard.

M. Picard: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le dessert, en terminant.

M. Picard: Puisque j'ai accepté de rester pour écouter les commentaires de M. Russell, le député de Brome-Missisquoi, j'ai l'intention de commenter ses commentaires.

J'ai aimé l'habile présentation de M. Russell. M. Simard est un homme de grande expérience, M. Rochette est un homme de grande expérience, M. Picard, on ne sait pas s'il a fait un bon travail ou non.

Je tiens à préciser certains faits qui ont été identifiés ici par tous les témoins. Le premier, c'est que les contrats ont été signés en 1973, ont été réaffirmés ou confirmés en 1974, que l'équipement a été commandé ferme, que ce soit valide ou non, en avril 1975, que je suis entré à Marine Industrie en août 1975 et que, quand les premiers problèmes sont survenus, en août 1975, il y avait $100 millions d'engagements pour des contrats que je n'avais pas signés et auxquels je n'avais pas participé.

Je pense, M. Russell, que vous pourriez au moins admettre que, s'il y a des obscurités, ces faits sont clairs.

La deuxième chose que je voudrais dire, je ne venais pas ici pour parler de mon administration, mais pour éclairer la commission, il serait peut-être bon de dire un certain nombre de choses,

c'est que si je n'avais pas pris les contrats et que je ne les avais pas renégociés, le Parlement aurait fait face à un déficit de $180 millions et non pas un déficit de $100 millions. J'ai quand même coupé le déficit de $80 millions. Ce ne sont pas des choses qu'on aime dire, ce n'est pas une grande gloire de penser que le déficit n'est que de $100 millions au lieu d'être de $180 millions.

Je suis sûr que M. Russell va apprécier le fait que $80 millions payés par les contribuables québécois, cela a quand même une certaine importance. Je vous remercie, M. le Président.

M. Russell: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le débat est clos...

M. Russell: ... écoutez...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... M. le député de Brome-Missisquoi...

M. Russell: Je veux avoir la même chance que le ministre, il a félicité, remercié les gens...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Allez-y. Si d'autres veulent intervenir sur le même sujet, je le leur permettrai également.

M. Russell: M. le Président, je ne veux pas...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Brome-Missisquoi, j'ai un mandat à remplir, nous avons un mandat à remplir tous ensemble, on avait convenu que vous aviez une dernière intervention, j'ai remercié nos invités. Si je vous redonne le droit de parole, M. le député de Saint-Laurent aura le droit, M. le député de...

M. Lalonde: Ce sont des remerciements qu'il veut adresser.

M. Russell: C'étaient des remerciements et je pense qu'il y a une mise au point à faire. M. Picard s'est senti visé, il a senti le besoin de m'interpeller et ce n'est pas très souvent qu'il arrive que les intervenants interpellent les membres de la commission. Je ne lui en veux pas pour ça, c'est son privilège. On lui a permis de le faire...

Pardon?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Nous avons le droit.

M. Russell: D'accord, je ne lui en veux pas, mais c'est rare que cela arrive de toute façon. C'est peut-être parce qu'il s'est senti visé. J'ai bien dit avant qu'on n'était pas ici pour salir ou blâmer personne, on était ici pour avoir des faits.

M. Picard: On dit ça et ensuite, on dit autre chose.

M. Russell: J'ai souligné ceci, parce qu'il semblait demeurer devant la commission un fait, que vous preniez beaucoup de blâme, parce que tout est arrivé au moment où vous étiez là. C'est là-dessus que je voulais intervenir. Si vous l'avez mal compris, je m'excuse devant la commission, ce n'est nullement mon intention de vous viser particulièrement. J'ai simplement dit qu'on avait bénéficié de gens d'expérience. J'ai mentionné les noms. En fait, ce sont des gens qui ont de l'expérience dans le domaine. C'est tout ce que j'ai voulu dire.

M. le Président, encore une fois, je dis ceci: Ce n'était pas dans mon idée de viser M. Picard en particulier. C'est que les faits se sont produits alors qu'il était président. Je m'en excuse.

Et je voudrais faire miennes les paroles du ministre qui a bien voulu remercier les gens qui ont bien voulu se prêter à cette commission, même si je ne suis pas satisfait du travail qu'on a pu accomplir dans le nombre d'heures pendant lesquelles on a travaillé.

M. Picard: Vous gardez toute mon affection, M. le député.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous remercie. Les personnes que j'ai nommées tout à l'heure sont libérées.

M. Rochette: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Nous passons maintenant au deuxième article de notre ordre du jour qui est la reconversion de la SGF. Je cède la parole au ministre.

M. Tremblay: M. le Président, avant de poser une question au président de la SGF, j'aimerais peut-être compléter la réponse que j'ai donnée à mon collègue et néanmoins ami, comme on dit dans le milieu universitaire, le député de Brome-Missisquoi, concernant les vérifications et les analyses que fait faire présentement la SGF.

Lorsque la SGF aura reçu les avis requis de ses vérificateurs et de ses conseillers juridiques, je pourrai, à titre de ministre responsable de la SGF, faire, à l'Assemblée nationale, au moment opportun, un rapport sur la position adoptée par la SGF à cet égard.

Programme de conversion industrielle

Je tiens à souligner que le ministre de l'Industrie et du Commerce ne dirige pas la SGF. La SGF a un mandat de l'Assemblée nationale. Il est dans mon intention de surveiller si ces mandats sont vraiment réalisés. J'ai pleine confiance en la direction de la SGF, en son conseil d'administration et en son président. Je suis certain que, si les intérêts de la SGF, qui sont ceux des actionnaires, c'est-à-dire le gouvernement et la population, sont lésés, la SGF prendra les mesures nécessaires et, à ce moment-là, j'en ferai rapport à l'Assemblée nationale.

Maintenant, M. le Président, la commission avait pour but de jeter de la lumière sur les causes qui ont amené la situation d'urgence. Je crois

qu'en une journée et demie, nous avons jeté passablement de lumière. Mais le projet de loi lui-même ne fait pas allusion au passé. Ce projet de loi traite de l'avenir. Je rappelle que le projet de loi vise à porter le capital-actions autorisé de $140 900 000 à $200 millions et qu'essentiellement, ce projet de loi permet au ministre des Finances de consentir à la SGF, avant le 31 décembre 1979, des prêts pour une somme maximale de $18 millions et à lui verser une subvention de $10 millions afin de compenser des pertes et de payer des dépenses relativement aux six navires invendus de Marine Industrie.

Le ministre des Finances sera autorisé aussi à verser $10 millions par année, à la SGF, au cours des années 1980, 1981, 1982, 1983 et 1984. Donc, le projet de loi vise à donner et à fournir à Marine Industrie une marge de manoeuvre financière pour lui permettre de procéder à une opération de conversion industrielle de la société Marine Industrie et de relance de cette entreprise. Evidemment, si le propriétaire était des intérêts privés, il est tout probable que cette entreprise devrait passer par un autre cheminement avant d'être restructurée financièrement.

Dans notre cas, afin de ne pas créer de crise sociale dans la région de Sorel, nous croyons de notre devoir, comme gouvernement, d'injecter des fonds, de manière à permettre une consolidation des opérations. Evidemment, l'argent, l'investissement ne peut rien s'il n'y a pas une rationalité dans les plans de production de l'entreprise Marine Industrie.

Je demanderais, par conséquent, au président de la SGF, premièrement, à la suite du plan de reconversion et du programme de conversion industrielle qui est indiqué à la page 18 et à la page 19 du rapport qu'il a remis aux membres de cette commission, intitulé "Marine Industrie Limitée, document d'information pour la commission parlementaire de l'industrie et du commerce", de nous expliquer les grandes lignes de ce programme de conversion industrielle et, en même temps, par la suite, de commenter en quoi ce programme diverge des commentaires qui ont été faits dans les mémoires des deux représentants du syndicat au début de cette première séance.

M. Coulombe: M. le Président, si vous étiez d'accord, on a essayé dans le mémoire que je vous ai remis hier matin, aux pages... On s'est arrêté à la page 6. Je ne sais pas si tous les membres ont encore le mémoire d'hier.

Le Président (M. Perron): M. Coulombe, pour-riez-vous, s'il vous plaît, continuer à lire le mémoire comme vous l'aviez fait hier?

M. Coulombe: Parfait. Je suis rendu à la page 7.

Le Président (M. Perron): C'est la deuxième phase, oui.

M. Coulombe: C'est cela.

M. Tremblay: II faudrait que vous commenciez à la page 12, je pense, la reconversion, sans cela on reprend le débat d'hier.

M. Coulombe: Non, c'est le mémoire d'hier, à la page 7.

M. Tremblay: Ah! je m'excuse.

Le Président (M. Perron): Le mémoire d'hier.

Une Voix: Quelle page?

Des Voix: Page 7.

Le Président (M. Perron): M. Coulombe, allez-y.

M. Coulombe: Au cours de l'examen des dossiers de Marine Industrie des dix dernières années, la nouvelle direction de la SGF a fait le constat que cette entreprise a réalisé, pendant cette période, une perte nette dans la division navale de $17 600 000 qui est attribuable surtout à deux contrats, les navires français construits au début des années soixante-dix, une perte de $20 700 000, et les navires panaméens, à l'égard desquels des provisions initiales pour pertes de $12 millions ont déjà été prises en 1977.

Ces résultats n'incluent pas des pertes réelles anticipées pour 1978 tant sur les navires panaméens que sur les quatre navires polonais dont la construction a débuté il y a quelques mois à peine.

Il faut dire que le contrat de construction des quatre navires de 17 000 tonnes pour la Pologne a été signé le 20 mai 1977, c'est-à-dire pendant la période de difficultés entre MIL et l'armateur grec qui avait paraphé les contrats de construction des navires panaméens et au moment où ce contrat apparaissait comme le moyen de garder au travail pendant un an et demi environ les employés de MIL affectés à la construction navale.

Comme MIL était en concurrence avec plusieurs autres constructeurs à travers le monde, les prix ont été réduits et les échéanciers ont été resserrés de façon à satisfaire le client.

Il apparaît d'ores et déjà cependant que MIL devra assumer une perte financière additionnelle pour la construction de ces navires et il importe de signaler que le projet de loi 108 ne prévoit rien à ce sujet.

La perte éventuelle devra donc être supportée à même les profits des autres divisions de MIL, la division hydroélectrique et la division des wagons.

Dans l'état actuel des choses, MIL ne peut pas être compétitive sur le marché international pour la construction de navires et, à moins de modifications fondamentales, d'une part, dans l'entreprise elle-même et, d'autre part, dans son environnement — par environnement ici, je voudrais spécifier clairement en rapport avec le rapport de la CSN que des augmentations substantielles, des subventions, s'il y a lieu de la part du gouvernement fédéral ou d'autres gouvernements, une plus grande facilité de financement, etc., c'est ce qu'on appelle l'environnement de Marine Indus-

trie, et il n'appartient pas à la SGF de modifier cet environnement; d'ailleurs, elle n'en a pas les pouvoirs, de toute façon — l'activité de construction navale, telle qu'elle existe présentement à MIL n'est pas rentable et ne peut le devenir dans un avenir prévisible.

C'est pourquoi la direction de la SGF, en accord avec celle de Marine Industrie, estime qu'un plan de conversion industrielle, tel que décrit dans les documents qui ont soumis à la commission, doit être réalisé à Marine Industrie dans les meilleurs délais.

Le projet de loi 108 prévoit d'ailleurs que la SGF peut constituer un fonds pour la mise en oeuvre de ce plan qui devra être approuvé par le gouvernement. Aucun montant n'est prévu présentement pour la constitution de ce fonds qui concernera la main-d'oeuvre touchée par ce plan de conversion et la recherche technologique en vue du développement de nouveaux produits tant dans le division navale que dans les deux autres.

Ce plan de conversion signifierait concrètement une réduction significative de l'activité navale à Marine et une spécialisation à l'intérieur de ces secteurs, de façon à pouvoir construire et mettre en marché un produit (des navires) qui soit concurrentiel et qui puisse permettre de réaliser des bénéfices. De même, par ce plan de conversion, MIL miserait sur le développement des équipements reliés à l'hydro-électricité qui représentent déjà 39% du chiffre d'affaires de MIL et le développement de la division de la fabrication de wagons de chemins de fer. Chacune des divisions serait amenée, à l'aide d'un programme accéléré de recherches, à identifier de nouveaux produits qui permettraient de maintenir les activités de fabrication rentables à MIL.

Dans les meilleures circonstances — et je pense que c'est extrêmement important pour les besoins de la discussion — le délai prévisible pour la préparation concrète d'un tel plan de conversion qui nécessitera une collaboration non seulement entre les gouvernements, mais à l'intérieur de l'entreprise, entre tous les partenaires... Donc, on prévoit que l'année 1979 devra être consacrée en grande partie à cette définition. C'est donc dire que les investissements nécessaires à la réalisation de ce plan ne pourraient être faits qu'à compter de la fin de l'année 1979 ou au début de l'année 1980. Ce plan de conversion devra être préparé de façon détaillée dans une période qui ne sera pas toujours facile. En effet, la construction des bateaux polonais doit être poursuivie. On prévoit qu'elle sera terminée au cours des premiers mois de l'année 1980. De plus, Marine devra négocier un nouveau contrat de travail, puisque celui qui est en vigueur vient à échéance le 30 avril prochain et, enfin, il faudra que les efforts de recherches de nouveaux produits qui seront faits soient systématiques et donnent des résultats assez rapidement. C'est donc dire qu'au cours des deux ou trois prochaines années de grands efforts internes devront être déployés pour que le plan de conversion industrielle se concrétise.

Sur la question de la main-d'oeuvre qui est présentement de 1752 personnes — évidemment, ce chiffre de 1752 est un chiffre qui varie presque quotidiennement; celui que je vous donne, c'est celui du 5 décembre dernier — 564 personnes dans la division de fabrication de wagons, 521 personnes dans la division hydro-électrique, et 551 personnes dans l'administration, j'attire l'attention des membres de la commission sur les renseignements qui leur ont été transmis dans les documents auxquels ils ont eu accès et qui prévoient que si MIL ne réussit pas à augmenter substantiellement son carnet de commandes, surtout dans la construction navale qui demande plus de main-d'oeuvre, mais aussi dans la fabrication de wagons, d'ici un an, elle devra effectuer la mise à pied d'environ 1800 personnes. Des licenciements massifs de cette envergure et même d'une envergure encore plus grande ont eu lieu au cours des deux dernières années à travers le monde, et de cela, on en a discuté suffisamment.

Fondamentalement, ce qui est proposé en quelque sorte à Marine et au syndicat de Marine, c'est une hypothèse de travail qui signifierait une plus grande spécialisation de la construction navale, c'est-à-dire miser sur un développement technologique qui permettrait à Marine de construire des produits qui pourraient être vendus, soit sur le marché canadien, soit sur le marché international, mais de façon rentable. Evidemment, dans le mémoire de la CSN, ils font référence à des recommandations qu'ils font et qu'ils ont déjà faites aux différents gouvernements. On comprendra que pour ce genre de recommandations, la SGF n'a aucun pouvoir là-dessus. La SGF prend pour une donnée l'état actuel du marché, l'état actuel de son carnet de commandes, et la nécessité absolue de rentabilité que la SGF voudrait introduire dans toutes ses entreprises, et Marine y compris.

Le Président (M. Perron): Oui, M. le ministre.

M. Tremblay: Si vous me permettez, j'aimerais peut-être poser au président de la SGF quelques questions avant de laisser la parole aux membres de l'Opposition ou aux autres membres de la commission. Dans votre texte de présentation, à la page 8, vous avez bien dit que dans le rapport que vous avez soumis au gouvernement, le rapport soumis le 1er novembre dernier, il y a un mois, vous n'avez pas comptabilisé dans vos besoins financiers les pertes que vous anticipez à la suite des contrats des quatre navires polonais. Quel est l'ordre de ces pertes anticipées?

M. Coulombe: On ne les a pas comptabilisées, c'est-à-dire qu'on ne les a pas intégrées dans les demandes financières, mais les pertes actuelles prévisibles, au moment où on se parle, sont de l'ordre d'environ $8 millions. (17 h 30)

M. Tremblay: Sur des contrats de quelle valeur?

M. Coulombe: $100 millions. Maintenant, il faut bien penser qu'il reste 12, 13 ou 14 mois de construction à faire sur ces bateaux.

M. Scowen: Les contrats sont-Ils solides? Je voulais poser une question.

M. Tremblay: Volontiers. Allez-y.

Le Président (M. Perron): M. le député de Notre-Dame-de-G râce.

M. Scowen: Les contrats signés avec la Pologne pour les navires sont-ils solides? Concernant le financement et tout cet aspect, est-ce réglé? Y a-t-il des problèmes?

M. Coulombe: Si vous saviez à quel point on a souvent posé cette question au cours des derniers mois. Je ne sais pas si M. Asselin ou M...

M. Dinsmore: Je peux peut-être répondre pour indiquer que, premièrement, les contrats ont été négociés entre gouvernants, au moins dans le cadre d'une négociation entre gouvernants. De plus, on a acheté une police d'assurance de la Société pour l'expansion des exportations pour couvrir tout risque au cas où l'armateur déciderait de refuser la livraison. Dans la mesure du possible, on s'est protégé et on donne une attention très particulière à la rédaction, à la réalisation des plans et devis et à la surveillance de la qualité tout au long de la période de construction.

M. Scowen: Les inspecteurs polonais ne sont pas encore arrivés.

M. Dinsmore: Ils sont très gentils, eux.

M. Coulombe: II y a un point qu'il faudrait peut-être souligner, c'est que le contrat prévoit des pénalités quotidiennes, dépassé une date précise, de $2000 par jour, qui augmentent à $2500 et qui vont jusqu'à $3000 par jour. C'est bien évident que, d'ici 14 mois, il faudrait que peu d'événements fâcheux surviennent pour que les "deadlines " soient respectés.

M. Tremblay: Quoique, dans ce cas, j'ai bien compris qu'en ce qui concerne les navires polonais, ce n'était pas Marine Industrie qui avait été prise en défaut, mais plutôt le fournisseur d'acier polonais. Est-ce que ces délais étaient dus au fait qu'on avait fermé le chantier pendant quelques mois?

M. Coulombe: C'est une situation que M. Brisson peut raconter. La mauvaise qualité de l'acier polonais a occasionné des délais, mais il y a eu des négociations assez serrées, dernièrement, entre Marine Industrie et la Pologne, pour que ces délais ne soient pas imputables aux pénalités...

M. Tremblay: J'espère!

M. Coulombe: ... dont je viens de parler.

Le Président (M. Perron): M. Brisson.

M. Brisson: En effet, concernant les délais, les délais occasionnés spécifiquement par le problème de l'acier fourni par la Pologne ne sont pas considérés comme des délais acceptables pour les pénalités qui ne concernent que notre temps de production.

M. Tremblay: Je reviens à M. Coulombe sur I'avenir de la division du chantier maritime de Marine Industrie, parce que c'est là, vraiment, qu'est le coeur du problème. Vous avez entendu, comme moi, la lecture du mémoire faite par M. L'Heureux, où il est dit, aux pages 10 et 11, qu'il devrait y avoir non seulement un maintien, mais une expansion du chantier naval de Marine Industrie à cause des possibilités de commandes qui existeraient pour ces navires. Y a-t-il des commandes hypothétiques ou réelles possibles et qui vous permettraient de maintenir le chantier maritime au niveau d'exploitation actuel, ou même à une expansion?

M. Dinsmore: Pour répondre à la question du ministre, nous avons actuellement des possibilités de soumissions sur une vingtaine d'appels d'offres de différentes sortes dont quelques-uns au Canada ou même au Québec. Nous devons remarquer cependant que notre compétivité sur le marché international, en tenant compte de toutes les considérations dans les programmes de financement, est assez faible. Nous misons beaucoup sur nos chances à l'égard de contrats à l'intérieur du Canada ou même à l'intérieur du Québec.

M. Tremblay: A l'intérieur du Canada, parce qu'encore là, je me réfère au mémoire de la CSN qui est très bien préparé, à mon avis, où on a proposé sept solutions qui touchaient pratiquement toutes le gouvernement fédéral, si j'ai bien compris, ce qui est un peu humiliant pour un gouvernement provincial comme le nôtre; même si nous voulons nous occuper des problèmes, on se rend compte que nous n'avons pas tous les instruments pour les résoudre et je vous avoue que c'est assez frustrant. On aimerait être capable, on a même la prétention de vouloir devenir un gouvernement national bientôt; c'est donc dire que nous n'avons pas peur des problèmes...

Et le marasme actuel dans les chantiers maritimes pourrait, s'il y avait une accélération de certains contrats, peut-être amortir ou faciliter la consolidation de la division des chantiers maritimes de Marine. Je pense au contrat des frégates fédérales qui était prévu pour 1980-1981. Avez-vous des indications qui laissent croire que ces contrats pourraient être accélérés?

M. Dinsmore: Les indications que nous avons décelées dans notre travail sur ce projet semblent affirmer que cela serait très remarquable si le début de la construction des frégates peut commencer au début de 1982, tel que prévu dans l'échéancier. En d'autres termes, le travail de préparation et les délais prévus pour l'analyse des soumissions sont tels qu'il serait même assez difficile d'arriver avec un commencement de la production en 1982.

II n'est donc pas impossible que le début du travail sur la construction comme telle, qui implique des heures-homme, soit retardé peut-être en 1983 ou après.

M. Tremblay: Une autre question, peut-être la dernière. J'y reviendrai peut-être un peu plus tard. Je m'adresse à M. Coulombe. Lorsque vous avez lu votre texte, vous avez bien indiqué que les nouveaux investissements que la SGF fera avec les fonds que lui fournira le gouvernement vont commencer à apparaître surtout à la fin de 1979. Si je comprends bien, les bateaux polonais, la construction de ces bateaux se termine à la fin de 1979 aussi et, au moment où on se parle, aujourd'hui, le carnet de commandes pour la construction d'un navire... Vous dites qu'il est de combien? Il est de zéro. Donc, je comprends que vous aurez un problème au cours de 1979 et que cela sera le creux de la vague en 1979.

M. Coulombe: C'est-à-dire que l'emploi va quand même rester à un certain niveau parce que les quatre bateaux polonais vont se terminer. Dans les autres divisions, il y a actuellement, au niveau des wagons, des commandes extrêmement considérables qui sont en négociation, mais je ne sais pas quelle chance Marine peut avoir de les obtenir. Si on obtient ces commandes, le niveau de l'emploi va augmenter. Maintenant, comme la CSN l'a fait remarquer, la construction navale est beaucoup plus "labor intensive" que les deux autres divisions. C'est un fait.

Donc, dans la mesure où ce sont surtout des contrats dans les deux autres divisions, il y aura certainement un impact sur l'emploi. L'hypothèse qu'on fait dans le plan de conversion, c'est qu'à partir du début de janvier, à l'intérieur de Marine, par des mécanismes de collaboration qu'il reste à mettre en place, d'intensifier, par la création du fonds, les recherches technologiques accélérées pour essayer de développer des nouveaux produits.

Il n'y a personne qui peut garantir ici que cette recherche sera remplie de succès, mais il faudra y mettre tout l'effort possible pour essayer de justifier le genre de décisions qui devront être prises à la fin de 1979 et ce genre de décisions tourne autour d'investissements qu'il faudra regarder de plus près.

A titre d'exemple, il est évident qu'essayer... Il faut vous dire que, dans le secteur hydroélectrique, Marine a actuellement $350 millions de carnets de commandes fermes. La nouvelle politique du gouvernement concernant le développement énergétique allonge la période potentielle d'investissements dans l'hydroélectrique de façon assez considérable, mais, pour remplir ce carnet de commandes, peu importe ce qui se passe dans la construction navale ou ailleurs, il y a des investissements qui sont nécessaires à Marine et ces investissements devront être faits dans un cadre précis. Je m'explique en disant que s'il faut faire des investissements au niveau des bâtisses, au niveau de l'équipement, il va falloir qu'il y ait des choix qui se fassent entre l'utilisation des capacités physiques du chantier, il va falloir qu'il se fasse des choix vers la fin de 1979 pour rentabiliser les investissements en fonction des carnets de commandes qui seront présents à ce moment-là.

M. Tremblay: M. le Président, j'aurais peut-être une dernière question à poser à M. Coulombe avant de céder la parole. Je m'excuse auprès de mes collègues de la commission. Il va y avoir des augmentations d'emplois dans les autres divisions de Marine.

M. Coulombe: C'est-à-dire si on est chanceux ou si on est assez efficace, assez compétitifs pour accrocher les gros contrats de wagons qui sont à l'horizon, non seulement qui sont à l'horizon, mais qui sont en négociation.

M. Tremblay: Donc, il y a des "si" d'accrochés.

M. Coulombe: Oui.

M. Tremblay: Mais ce qui me fait un peu peur, et peut-être que c'est mon ignorance qui entre en jeu ici, M. Gagné a dit après le dîner que les travailleurs, dans la section marine, étaient très spécialisés, que c'étaient des professionnels spécialisés. Est-ce qu'il y a possibilité de recycler les travailleurs d'une division à l'autre ou si c'est complètement hermétique. Est-ce qu'il va vous falloir faire appel à de nouveaux travailleurs pour l'augmentation de l'emploi dans les autres divisions ou si vous pouvez transférer d'une division à l'autre?

Le Président (M. Perron): M. Brisson.

M. Brisson: II existe, évidemment, des métiers très spécialisés chez nous, mais les métiers principaux, qui s'occupent surtout de mécano-soudure, sont adaptables assez facilement d'une division à l'autre. La mécano-soudure chez nous est à peu près la partie essentielle et, de ce côté-là, ceux qui y sont spécialisés peuvent être transférés. Il y a certains autres métiers qui se spécialisent, par exemple, dans l'armement du navire. A ce moment-là, ceux-là ne sont pas facilement transférables.

M. Gagné: M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

M. Gagné: Ce que M. Brisson vient de mentionner est exact, mais simplement, le syndicat a une petite crainte dans cela, très sérieuse. Quand il mentionne que les gars de la finition, les soudeurs, les assembleurs, les brûleurs sont pas mal polyvalents dans le sens qu'ils vont sur les turbines, sur les wagons, sur les bateaux, c'est exact. Simplement, la question qu'on se pose.

c'est pour les métiers de finition comme les plombiers, les ferblantiers, les électriciens. Qu'est-ce qui va advenir de ces gars-là? Quand bien même on ferait des wagons et des turbines, il n'y a pas d'électricité dans cela et il y a légèrement de la plomberie. C'est une remarque. Quand on dit qu'on va augmenter la production, je suis bien d'accord que si on prend la... "shop", par exemple — peut-être que cela vous passe par-dessus la tête, mais les gars du domaine comprennent — et si on peut l'aménager pour des wagons, on comprend cela, mais le chantier va être pas mal réduit.

Mme Leblanc-Bantey: C'est le métier auquel vous faites allusion?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: M. Dinsmore, à la division des wagons, quels seront, pour l'année courante, le chiffre d'affaires et les profits ou les pertes? Egalement, pour la division hydroélectrique? Je l'ai cherché dans les documents que vous nous avez remis, mais je pense que ce n'est pas là.

M. Coulombe: On va vous le dire.

M. Scowen: Est-ce que c'est rentable, ces deux divisions, cette année? Est-ce qu'elles font des profits?

M. Dinsmore: Oui, on peut dire cela sans aucune réserve...

M. Scowen: ... de quel ordre?

M. Dinsmore: On cherche le chiffre.

M. Brisson: En réponse à M. Scowen, à la division hydroélectrique, nous prévoyons, étant donné que l'année n'est pas terminée, des ventes de $26 300 000, pour un ptofit de $3 700 000. Alors, à la division des wagons, nous prévoyons des ventes de $23 millions, pour un profit de $1 100 000.

M. Scowen: Dans le domaine hydraulique, est-ce que les prix... votre client principal, c'est l'Hydro-Québec, j'imagine...

M. Dinsmore: Et la Société d'énergie de la baie James. (17 h 45)

M. Scowen: ... les prix sont concurrentiels... Est-ce que les prix que paie la Société de la baie James sont concurrentiels? Les ventes sont faites par "tenders" ou par soumissions. Est-ce qu'on vous donne un prix préférentiel, parce que vous êtes au Québec? Est-ce qu'on est obligé de payer plus à Marine Industrie qu'à un autre fournisseur?

M. Dinsmore: La procédure d'approvisionnement de la Société d'énergie de la baie James et de l'Hydro-Québec entre dans le cadre de la politique d'achat des institutions gouvernementales et paragouvernementales du Québec. Depuis un certain nombre d'années, Marine Industrie a été impliquée avec l'autre fournisseur d'équipement hydroélectrique au Québec, qu'est Dominion Engineering Works, une filiale de la Canadian General Electric. Nous avons participé, en consortium avec l'autre fabricant, à l'approvisionnement des chutes Churchill, de LG-2 et de LG-3. Durant cette période, la société d'énergie, en particulier, a acquis une competence à analyser les coûts de fabrication des deux usines. Normalement, il y a une négociation qui s'effectue pour déterminer la juste valeur des différents éléments commandés par la société d'énergie ainsi que par l'Hydro-Québec.

En effet, ce n'est pas un appel d'offres ouvert et universel, c'est une invitation lancée aux fournisseurs québécois.

M. Scowen: Je vais poser la question d'une autre façon. Est-ce que vous trouvez que vos turbines et vos alternateurs sont concurrentiels au point de vue des prix et de la qualité sur le marché extérieur au Québec?

M. Dinsmore: C'est plus difficile de répondre à cette question parce que nous fabriquons sous licence, licence fournie par le groupe Alsthon-Atlantique Nyerpic de France et nos possibilités d'offrir nos produits à l'extérieur du Québec, sauf ailleurs au Canada, sont très limitées.

M. Scowen: En effet, en dehors du Québec ou en dehors du Canada, vous n'avez pas de permis de vente pour les produits de la division hydraulique.

M. Coulombe: Je pense que c'est un point extrêmement important. Le mémoire de la CSN mentionne cet aspect de l'hydraulique et de l'Hydroélectrique à Marine Industrie. On a l'intention de commencer en janvier ou février, des négociations avec la CGE, parce que le groupe Alsthon fait partie du groupe CGE en France, du niveau des licences pour permettre l'exportation. Au moment où on se parle, il est possible d'exporter des turbines de Marine Industrie, dans la mesure où c'est un financement canadien, et on a l'intention de s'asseoir sérieusement avec l'Hydro-Québec, surtout avec la nouvelle loi de l'Hydro-Québec, qui permet une division internationale, et on a l'intention d'ouvrir les licences qui nous lient à CGE pour permettre l'exportation dans le cadre de projets, intégrés ou non, avec ou sans la collaboration de l'Hydro-Québec, mais espérons-le, avec sa collaboration, sur le marché international. Ces démarches vont débuter au début de l'année 1979.

M. Forget: Si vous le permettez, M. le Président, relativement à cette question. Vous dites qu'il est permis actuellement, dans le cas d'un financement canadien, avec les licences actuelles. Cela comprend-il des projets financés par ACDI,

dans les pays du Tiers-Monde. Est-ce que, effectivement, Marine Industrie a construit des turbines pour des projets de ce type?

M. Dinsmore: Sans avoir la réponse exacte à votre question, vous allez remarquer, à l'annexe 10, dans la soumission de Marine Industrie, certaines installations aux Indes et en Amérique du Sud.

Dans ces cas-là, soit par l'entremise de l'ACDI, soit par un financement explicitement canadien, Marine Industrie a pu participer à ces occasions.

M. Forget: Et cette participation, est-ce qu'elle est faite selon des soumissions publiques ou si c'est encore par invitation?

M. Oinsmore: Evidemment, pour toute l'installation à l'étranger qui est financée par l'ACDI, au moins, je ne peux pas répondre exactement à votre question, parce que c'est avant le temps que je connais des activités de Marine Industrie. Mais l'ACDI cherche la source la plus économique au Canada de fourniture à l'étranger, en fonction des plans et devis fixés par le pays en question.

M. Coulombe: En fait, la procédure normale, c'est que les pays demandent à certaines entreprises d'autres pays de se qualifier. C'est la première étape. Après la qualification, il y a des prix négociés. Il faut d'abord se qualifier, ce qui est l'équivalent d'une certaine forme de soumissions publiques dans ces projets internationaux.

M. Scowen: D'après vos prévisions actuelles pour 1979, avec le carnet de commandes que vous prévoyez pour l'année prochaine, dans les deux divisions, l'hydraulique et les wagons, et les prix actuels, est-ce que vous prévoyez que le chiffre de ventes et le profit pour ces deux divisions vont rester assez stables pour 1979 et 1980 ou est-ce que le marché deviendra plus fort ou plus faible, dans ces deux secteurs?

M. Dinsmore: Pour parler de la division hydroélectrique, il faut remarquer que des contrats sont actuellement en main qui déterminent le niveau d'activité pour un certain nombre d'années, c'est-à-dire jusqu'en 1984 à peu près. Nous pouvons peut-être augmenter le chiffre d'affaires légèrement durant cette période, mais cela va imposer certaines contraintes sur le plan de nos capacités d'usinage et de fabrication, d'assemblage-

Dans le domaine des wagons, nous avons une capacité qui est présentement limitée légèrement en dessous de 2000 wagons par année. Cela dépend un peu du type de wagon et du nombre de commandes différentes qu'on reçoit, parce que nous n'avons qu'une seule ligne de montage. Chaque fois qu'on change le modèle, il y a une période de "retooling" et les capacités doivent être améliorées, si nous voulons justement profiter du potentiel qui nous paraît possible dans les prochains mois, peut-être jusqu'en 1980 ou 1981.

M. Scowen: M. le Président, je veux terminer mes commentaires par une brève réaction sur la partie I du document qui a été soumis par M. Coulombe et qui touche les politiques globales de la SGF, parce que je pense que c'est impossible de parler de l'avenir de Marine Industrie sans tenir compte de ce document.

Premièrement, je veux dire à M. Coulombe que, personnellement — je ne parle pas nécessairement au nom du parti, parce que cela vient d'arriver — j'ai trouvé que c'était un document intelligent et même courageux. Si vous acceptez de poursuivre les implications là-dedans et si c'est accepté par le gouvernement, je pense que ce serait quelque chose d'important pour assainir l'avenir de nos sociétés d'Etat, au moins en ce qui concerne la Société générale de financement.

Les implications là-dedans, quand vous regardez la partie clef dont, j'imagine, les définitions sont à la page 13, visent, si je comprends bien, à définir certains secteurs qui sont comme vous dites, jugés prioritaires pour le développement économique du Québec. Je pense que les trois exemples que vous avez développés en sont trois qu'on peut certainement accepter comme étant dans ce domaine. Je pense que cette façon de procéder est excellente. Comme vous appréciez, je suis certain, ce document et cette définition, si on tient à cette définition, si on a le courage de tenir à cette définition, à des implications énormes pour les compagnies qui sont actuellement dans la société, je pense que vous et moi, et le gouvernement également n'accepterons pas de changer une telle politique sans qu'on rende compte des implications, par exemple, pour les personnes qui sont au travail actuellement, dans les compagnies concernées. Je parle, par exemple, de Marine, parce que ce document a certainement des implications pour Marine. Comme M. L'Heureux, je suis complètement d'accord que ni chez Cadbury, dans l'entreprise privée, ni à la SGF, dans le secteur public, on doit fermer les usines sans rendre compte des implications pour tout le monde. En plus, je pense que tout le monde peut apprécier que ce n'est pas nécessaire, si le gouvernement décide de partir d'un secteur, de présumer que c'est inhabitable, que le secteur sera fermé. Cela pourrait être vendu soit à un autre gouvernement, par exemple, dans le cas d'un chantier maritime, soit à l'entreprise privée. C'est possible d'imaginer qu'avec un changement de patron, cela peut même s'agrandir, que cela deviendrait même plus rentable. Je pense que ce que vous avez commencé dans ce document, c'est très important, parce que vous avez commencé à poser la question: Dans quelles entreprises, en partie publiques et en partie privées, dans quel secteur, le contribuable québécois, le citoyen québécois doit-il être actionnaire ou propriétaire d'une société d'Etat? C'est une question, je pense, que vous abordez d'une façon excellente. J'ai une vingtaine de questions que je peux poser sur cette affaire. Si nous avons le temps, j'aimerais aller plus en profondeur dans ce document, parce que

je pense que c'est, comme je l'ai dit, excellent. J'ai plusieurs questions. Je vais arrêter parce que je veux laisser la parole à d'autres personnes. Finalement, j'espère que vous aurez la détermination de poursuivre la démarche que vous avez entreprise.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme le député des Iles-de-la-Madeleine.

Mme Leblanc-Bantey: Une question très courte qui s'adresse aux syndiqués. Dans votre mémoire, vous émettez deux opinions qui me semblent importantes. A la page 5, M. Gagné, vous dites que nos bateaux n'ont pas assez de contenu québécois quant à l'outillage spécialisé et vous dites qu'il y a un manque de recherche sérieux en ce sens. J'aimerais que vous expliquiez davantage cette affirmation et que vous nous disiez si vous avez pensé à la façon dont Marine Industrie, la SGF ou le gouvernement du Québec pourraient intervenir pour améliorer cette situation.

M. Gagné: Je pense que cela a été mentionné tantôt et cela a été précisé par la compagnie. C'est que 80% ou 90% des produits qui entrent sur le bateau, les moteurs, toutes sortes d'armements, viennent de l'étranger. Nous, on monte simplement les coques. Nous disons que pour l'avenir, s'il y avait possibilité qu'un certain groupe de gens fassent des études assez approfondies, si on est capable de les faire à l'intérieur... A l'intérieur de la CSN, on peut prouver qu'avec tous les gens spécialisés que nous avons, on est capable de construire ces matériaux.

Mme Leblanc-Bantey: M. Coulombe, y a-t-il des recherches qui se font dans ce sens?

M. Coulombe: Exactement dans la même perspective — je ne sais pas si c'est dans le même sens que les gens de la CSN l'entendent — lorsqu'on parle d'un fonds de conversion, on a dit qu'on avait le choix entre — à l'aspect technologique, développement de nouveaux produits dans le domaine naval comme dans d'autres produits — se dire: On va attendre, au fil des années, que l'entreprise, par les profits qu'elle générerait, investisse dans ce genre de recherches...

Ce qu'on propose dans le plan de conversion, c'est de ne pas attendre ces choses-là, mais d'investir immédiatement, dès 1979, à partir des profits des autres divisions ou à partir d'autres sources de fonds que la SGF va essayer de trouver, parce que ce n'est pas inclus dans la loi, à l'heure actuelle, d'investir dans la recherche de façon beaucoup plus systématique et beaucoup plus rapide pour que cela donne des résultats à court terme et qu'on puisse minimiser l'impact de l'absence de contrat qu'on a à l'heure actuelle. Donc, cela va dans le même sens. (18 heures)

Quand on parle du marché international — je pense que M. Dinsmore et M. Picard y ont fait allusion tantôt — c'est bien évident que si, pour l'obtention d'un contrat, un pays étranger donne comme condition qu'il doit fournir telle ou telle chose — ce qui est d'ailleurs la politique canadienne lorsqu'elle donne un contrat à l'étranger — évidemment, le contexte n'est pas le même et il y a certainement de la place pour l'innovation. L'innovation accélérée, c'est ce qu'on espère faire en consacrant des sommes d'argent spécifiques pour cette division navale, comme pour les autres divisions d'ailleurs, parce qu'il y a une accélération à donner si on veut sortir un peu du cercle vicieux dans lequel Marine tourne depuis plusieurs années.

Mme Leblanc-Banty: Cela va aller. Je m'excuse si vous y aviez déjà fait allusion, mais j'ai dû sortir un moment et j'ai perdu le fil.

M. Gagné: Pas de problème!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'après un consensus qui semble s'établir, il semblerait qu'il y aurait un consentement unanime pour que nous continuiions nos travaux jusqu'à 18 h 30, ce qui nous libérerait pour la soirée, parce que nous savons qu'il va y avoir un débat de deuxième lecture sur le projet de loi 108, donc une commission parlementaire qui va parler du principe de la loi 108.

Est-ce qu'il y a consentement unanime de la part des gens de la commission?

Des Voix: Consentement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que nos invités sont disponibles pour demeurer jusqu'à 18 h 30? D'accord. M. Coulombe.

M. Coulombe: Quand même, depuis une journée et demie, il y a eu passablement de discussion sur l'aspect historique des événements qui ont eu lieu à Marine et sur l'avenir de Marine, mais, si la commission a l'intention de terminer ses débats à 18 h 30, j'aimerais quand même profiter de l'occasion pour dire — et je suis d'autant plus à l'aise pour le faire que les chiffres que je vais citer, je n'en suis ni l'auteur ni la cause; donc, c'est tout à fait objectivement que je dépose cela à la commission; mais il ne faudrait quand même pas que la commission ait l'impression que la Société générale de financement est une entreprise perpétuellement remplie de problèmes, de tragédies, de catastrophes — pour donner quelques chiffres pour démontrer que, quand même, il y a un aspect sain dans la Société générale de financement et qu'il est possible, à partir de là, de bâtir.

Si on prend, entre 1973 et 1977, la Société générale de financement — le groupe, dans l'ensemble — a fait pour $1 691 000 000 de chiffres d'affaires. Les bénéfices, avant les impôts — pour reprendre une des objections un peu fondamentales de M. Biron sur les questions de l'impôt et de la taxe de vente, je dis qu'il s'est payé $35 millions d'impôt là-dessus — étaient de $48 millions. Ce

n'est pas un rendement qu'on peut qualifier des plus énormes et fantastiques, mais, si on enlève une des caractéristiques fondamentales de la Société générale de financement, c'est dire que, là où elle a eu ses catastrophes, il y a une constante et la constante, c'est lorsque la société ou ses filiales se sont aventurées dans le domaine international.

M. Tremblay: Excusez, avec la permission du président; vous avez mentionné que Marine a payé $35 millions d'impôt?

M. Coulombe: Non, l'ensemble des sociétés du groupe.

M. Tremblay: La SGF a payé $35 millions. M. Coulombe: Les filiales.

M. Tremblay: Les filiales ont payé $35 millions d'impôt.

M. Coulombe: C'est exact.

M. Tremblay: C'est très important parce que, souvent, certains disent que la SGF ne paie pas d'impôt.

M. Coulombe: Les filiales paient de l'impôt. M. Tremblay: $35 millions.

M. Coulombe: Si vous me permettez, on pourra y revenir parce que j'ai des choses très précises sur la question de l'impôt, on a fait des relevés, même sur la taxe de vente. J'ai des choses très précises à dire là-dessus. Mais, pour continuer le raisonnement, le domaine international est une pierre d'achoppement pour la Société générale de financement; dans les bateaux, les deux grands contrats, même les trois si on ajoute le polonais, les trois grands contrats de bateaux vont se solder par des pertes. Dans BG Checo, qui est une des filiales de CEGELEC Entreprises, le grand contrat international, qui est une "ligne" de transmission en Iran, s'est soldé et se solde par une mini-catastrophe dont la majeure partie est absorbée dans les états financiers antérieurs, mais il en reste une toute petite partie.

On a fait l'exercice pour les besoins de la commission: Si on enlève ces trois catastrophes... On ne peut pas les enlever parce que c'est vraiment de l'argent perdu. Je ne veux pas dire qu'on peut les enlever, mais, pour les besoins de la démonstration, si on enlève cela, sur $1 609 000 000 de chiffres d'affaires, il y aurait eu $90 millions de bénéfices avant impôt. Je parle pour l'ensemble des sociétés du groupe parce qu'il faut distinguer, ensuite, la part de la SGF, parce que la SGF est souvent partenaire à 50%, 55% ou 80%.

M. Tremblay: Pour quelles années, M. le Président?

M. Coulombe: Entre 1973 et 1977; cela ne comprend pas 1978. Je ne veux pas dire que la SGF n'a pas les capacités d'aller dans le domaine international; tout ce que je veux dire, c'est que l'histoire de ses incursions internationales ne s'est pas révélée un grand succès. Là-dessus, d'après les recherches qu'on a pu faire et les documents qu'on a pu consulter, au Québec, on n'est pas différent d'à peu près la majeure partie des pays du monde. Un exemple précis: Sur les "lignes " de transmission en Iran, les renseignements qu'on a sont que toutes les compagnies suédoises, allemandes, italiennes ont perdu de l'argent sur leur premier contrat. Cela n'excuse pas le fait qu'on a a perdu; ce que je veux dire, c'est que le fait qu'on n'ait pas eu beaucoup plus de succès dans le domaine international n'est pas une caractéristique qui nous est propre.

Deuxièmement, dans le cas de l'année 1978, toutes les sociétés du groupe, sauf une, en excluant Marine Industrie, donc, sauf deux, vont faire des profits assez intéressants.

M. Tremblay: Ce qui signifie, M. le Président, 11 filiales sur 13 qui vont faire des profits cette année.

M. Coulombe: Exact. Le cas de Marine Industrie étant spécial et il y a une autre filiale de moindre ampleur qui peut avoir $100 000, $200 000 ou $300 000 de pertes. Il y a donc un "management" dans les filiales qui est en train de faire un effort considérable de redressement, et, pour certaines compagnies, par exemple, faire un profit cette année, cela a été de passer de $3 millions, $4 millions de pertes à presque $1 million de profits cette année. Donc, sur des chiffres d'affaires de l'ordre de $40 millions ou $50 millions, il y a un redressement. Je le dis avec d'autant plus d'aise qu'il n'est pas dû uniquement à la nouvelle administration; cela a été l'effort qui s'est continué. On espère pouvoir l'accélérer et le continuer dans les trois secteurs prioritaires dont on a parlé. Il y a des projets extrêmement intéressants sur la table et je pense qu'il va y avoir moyen de bâtir avec les moyens qui vont nous être fournis dans la loi.

La question de l'impôt et de la taxe de vente, si vous voulez, je peux en parler.

Le Président (M. Gosselin): Continuez, M. Coulombe. De toute manière, il y a quelques députés qui ont demandé la parole pour tout à l'heure, à moins que vous préfériez que les questions soient...

Alors, vous allez revenir tout à l'heure pour vos compléments d'information.

M. Tremblay: M. le Président, si vous me permettez, c'est un sujet qui est tellement complémentaire à ce qu'il vient de dire, comme on approche de l'heure fatidique, en une minute ou deux, vous êtes capable de compléter ce que vous aviez commencé?

M. Coulombe: Pour la question de l'impôt et de la taxe de vente?

M. Tremblay: Oui.

M. Coulombe: Je demanderais à M. Michel Plessis-Bélair, qui est notre président, de donner les principales caractéristiques.

M. Plessis-Bélair: Au sujet de l'impôt, les sociétés d'Etat comme telles ne sont pas assujetties à l'impôt sur le revenu ni aux taxes de vente. Maintenant, pour les fins de l'impôt, une société d'Etat est une société dont 90% des actions sont directement détenues par un gouvernement. La SGF étant détenue à 100% par le gouvernement du Québec est donc une société d'Etat.

Par ailleurs, les filiales de cette société d'Etat doivent être détenues à 100%, c'est donc dire que, dans nos filiales, il n'y a que trois sociétés opérantes qui sont exemptes d'impôt, soit Lasalle Tricot, qui est une de ces sociétés, depuis 1973, c'est-à-dire au moment où la SGF elle-même est devenue société d'Etat, Forano et Volcano, depuis la fin de 1974, alors que la SGF a acquis 100% de ces compagnies.

On a essayé de voir et on a fait une analyse, à la suite des questions qui avaient été soulevées, pour voir quels étaient les montants des bénéfices que ces compagnies avaient faits et qui n'avaient pas été assujettis à l'impôt, grâce à la définition de ces sociétés comme sociétés d'Etat, pour fins fiscales. On arrive à la conclusion que, pour la période 1973 à 1977, les quatre sociétés, donc la SGF, Lasalle Tricot, Forano et Volcano, auraient eu un bénéfice taxable de $3 408 000. C'est donc un bénéfice de $3 millions sur un chiffre d'affaires qui est de l'ordre de $69 millions qui auraient pu être taxables. Il y a donc un avantage réel mais relativement infime si on compare aux chiffres d'affaires réalisés par ces compagnies.

Au niveau de la taxe de vente, l'avantage est vraiment très réduit puisque la taxe de vente est, à toutes fins utiles, très minime parce que la taxe de vente s'applique, comme on le sait, aux transactions au niveau de la consommation. Comme on a des entreprises industrielles qui sont usagers de produits, qui sont, à toutes fins pratiques, usagers de très peu de produits comme consommateurs, l'avantage, au niveau de la taxe de vente, est relativement minime. Le chiffre qu'on a établi pour ces mêmes sociétés durant cette période est de l'ordre de $419 000. C'est donc dire qu'au cours des cinq dernières années, de 1973 à 1977, il y aurait eu un avantage, pour ces sociétés, de l'ordre de $419 000 sur un chiffre d'affaires de $181 millions, soit à peu près 0,2% d'avantages, ce qui est relativement infime. Je ne pense pas que, dans le cas de la taxe de vente, cela puisse être considéré comme un avantage concurrentiel. On voulait au moins le préciser pour répondre à des questions qui avaient été posées.

Le Président (M. Gosselin): Merci beaucoup.

M. le député de Brome-Missisquoi, vous aviez demandé la parole.

M. Russell: M. le Président, je vous remercie. On a beaucoup parlé cet après-midi des bateaux japonais et on a parlé de 80% des produits incorporés à la construction venant de l'extérieur.

M. Tremblay: On a parlé des bateaux polonais.

M. Russell: Des bateaux polonais, oui. Qu'est-ce que cela représente sur le coût total du bateau? Est-ce que cela représente 50%? On l'a dit cet après-midi, mais cela m'a échappé.

M. Brisson: En effet. Je ne voudrais pas être tenu de préciser exactement les chiffres, mais on calcule environ 50% du coût total du bateau en matériel. Dans ce matériel, il y a environ 70% qui est de l'importation.

M. Russell: Des matériaux.

M. Brisson: 70% des matériaux sont de l'importation.

M. Russell: Ce qui veut dire 50% du coût de construction du bateau, si je comprends bien.

M. Brisson: C'est cela. Sur le prix total du bateau, il y a environ 35% qui est de l'importation.

M. Russell: Ah, 35% d'importation!

M. Brisson: Oui, sur le prix total du bateau.

M. Russell: D'accord. Donc, 50% du prix du bateau, ce sont des matériaux et le reste, de la main-d'oeuvre, c'est cela?

M. Brisson: Oui.

M. Russell: Bon. Ma deuxième question est celle-ci: Est-ce que ces bateaux ont la subvention fédérale de 15% ou 17% pour l'exportation?

M. Coulombe: 20%, dans ce cas-là. M. Brisson: 20%, dans ce cas-là. M. Russell: 20%, dans ce cas-là? M. Brisson: Oui.

M. Russell: Vous parlez d'une commande de $100 millions et vous prétendez que vous aurez $8 millions ou $10 millions de déficit. Vous avez $20 millions de subvention, ce qui veut dire $30 millions de subvention en tout, parce que le déficit sera comblé par une subvention, de toute façon.

M. Brisson: Notre hypothèse c'est qu'on ne demandera pas de subvention pour le déficit dont on vous a parlé tantôt.

M. Russell: Mettons le déficit de côté. On va dire que c'est quand même $30 millions. J'essaie de faire l'analyse de cela.

M. Brisson: Vous avez raison.

M. Russell: $30 millions sur $100 millions, dont $35 millions viennent de l'extérieur. Donc, il me reste un "gap" à l'intérieur qui n'est pas tellement florissant pour une exploitation maritime.

M. Brisson: Vous avez malheureusement raison. Maintenant...

M. Russell: Je veux que cette chose fonctionne mais...

M. Coulombe: II faut bien indiquer que les $8 millions dont on a parlé, c'est une prévision. Si, en 1979, tout se passe bien...

M. Russell: Vous êtes optimiste, M. Coulombe. J'ai les rapports de production et si j'en fais l'analyse, j'ai l'impression que vous arriverez en haut de $10 millions. Je parle de 10%. Donc, on va régler pour 10%. Mettons $8 millions, 8%, si vous voulez. Je peux vous dire qu'il y a à peu près 30% qui, directement ou indirectement, va venir de l'Etat. Vous allez avoir 70% des bateaux. En somme, si on voulait arriver à un coût égal sans subvention, il faudrait bâtir les bateaux pour $70 millions plutôt que $100 millions.

M. Coulombe: Mais la question de la subvention du fédéral, il faut quand même dire que c'est un programme qui est assez universel.

M. Russell: Oui, je sais, mais c'est quand même... Quand je parle de l'argent qui vient du fédéral, c'est l'ouvrier qui paie pour cela, ce sont des taxes. C'est à cela qu'il faut penser. Et ce sont les autres commerces dans le pays qui paient pour cela. Qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, cela existe quand même. Il faut faire attention où on va.

Donc, cela veut dire qu'on donne une commande qu'on devrait faire pour $70 millions pour arriver d'une façon bien opérationnelle.

Mon autre question est sur les turbines. Vous parlez du profit cette année de $3 millions sur $26 millions de vente ou de fabrication. Ma question est celle-ci: Lorsque vous faites la comptabilité, vous avez trois services, vous avez le coût fixe de fonctionnement; comment facturez-vous dans les services, un montant fixe? Est-ce que c'est facturé, dans ces choses-là, en pourcentage? (18 h 15)

M. Brisson: Oui, tous les frais généraux ou les frais fixes sont distribués à chacune des divisions, selon leur utilisation des capacités physiques.

M. Russell: ... prix là-dedans. M. Brisson: Oui.

M. Russell: Parce que cela me fait peur un peu, je parle de 8,5% dans les turbines et cela, vous avez dit tout à l'heure que la plupart de ces ventes étaient faites à l'Hydro-Québec. Probablement que l'Hydro-Québec a permis que vous ayez 5% ou 8% plus cher que d'autres.

M. Coulombe: II faut se fier à la rigueur de I'Hydro et Dieu sait — selon ce qu'on entend dire — qu'ils sont drôlement sévères, mais vous aurez probablement l'occasion de leur demander...

M. Russell: Vous avez parlé de la politique des achats du gouvernement qui...

M. Coulombe: Non. La politique des achats ne concerne pas le prix qui est demandé. La politique des achats concerne la préférence de fabrication au Québec. Il y a deux constructeurs au Québec. Mais, lorsque cette décision-là est prise, les négociations sur les prix et sur les choses sont extrêmement rigoureuses.

M. Russell: Est-ce que l'autre constructeur est au Québec?

M. Coulombe: Oui.

M. Martel: Marine n'est-elle pas la seule compagnie qui fabrique les turbines et les alternateurs au Québec?

M. Brisson: Oui.

M. Martel: C'est exact?

M. Brisson: Oui.

M. Russell: Pensez-vous être capable d'en analyser la faiblesse? Ces 8,5%, il ne faudrait pas varier trop parce qu'on serait dans le rouge encore. C'est ce que j'essaie de faire comprendre à la commission et, quand je regarde les wagons à 5%, cela me fait peur. Quand vous marchez dans l'industrie à 5%, vous êtes sur une glace très mince et c'est très dangereux de crouler. Avec la moindre petite faille dans les activités, vous allez vous ramasser avec des lignes rouges.

M. Coulombe: C'est une des raisons et c'est pour cela que c'est extrêmement sérieux. Quand on dit que l'année 1979 sera extrêmement cruciale pour Marine, c'est extrêmement sérieux. Vous avez parfaitement raison de dire que la division wagon, si elle reste telle qu'elle est constituée à l'heure actuelle, sans investissement, il ne faut pas se le cacher, c'est un cul-de-sac. Vous avez parfaitement raison de dire 5%. Cela va baisser, les 5%. Cela va être 4%, 3%, 2%, 1%, 0%. Il faut donc soit investir, soit quitter cette chose-là à moyen terme. Ce qu'on propose, c'est d'investir pour rentabiliser cette division. Cela va dépendre de la fin des études de marché qui sont en cours, parce que vous savez que les wagons, c'est extrêmement

cyclique et je pense que cela a été mentionné par les gens de la CSN. C'est extrêmement cyclique. On est actuellement dans un "peak" dans le domaine des wagons, mais il y a eu des années de vaches maigres.

M. Russell: S'il y a une baisse de commandes, cela veut dire que vos 5% viennent de disparaître.

M. Coulombe: Voilà! Vous avez raison. C'est pour cela qu'on propose d'investir à la fin de 1979 là-dedans.

M. Russell: C'est ce qui m'inquiète un peu en faisant l'analyse de Marine Industrie. Comme j'ai dit que je tâcherais de terminer aussi rapidement possible — il y aurait bien d'autres choses à dire sur Marine — je voudrais revenir un peu sur la question de l'impôt avant de passer aux autres filiales. Vous avez des poursuites pour des refus de paiement, des réclamations de paiement sur la taxe d'essence, ces choses-là, qui traînent depuis quelques années. Est-ce que ces choses sont réglées? Avez-vous été mis en défaut parce qu'on a oublié de comptabiliser cela, ou quoi? Moi, chez moi, je n'ai pas pu traîner des factures pendant deux ans.

M. Coulombe: André Asselin.

M. Asselin (André): M. le Président, les poursuites du ministère du Revenu contre Marine pour taxe sur l'essence et taxe de vente remontent à 1965. Cela a été très long avant que les poursuites soient intentées non pour la remise de sommes qu'on aurait perçues de tiers, mais pour la taxe qu'on devra payer sur des produits qu'on a consommés. Le litige réside dans la définition de certains termes, en particulier pour déterminer si des chalands et des dragues sont des navires de charge. Plusieurs autres industries ont apparemment le même problème. Nous avons...

M. Russell: M. le Président, je pense que la commission va passer cette question-là. Je vois que c'est une chose qui traîne depuis treize ans. Il faudrait rencontrer le ministre du Revenu pour régler cela.

M. Asselin: Cela fait très longtemps.

M. Russell: L'autre question dont je voulais discuter est celle des déficits actuariels. Il semble y avoir une petite différence. Je ne sais pas si vous avez regardé le bilan financier parce qu'en 1976 vous deviez $1 500 000 et vous avez payé $149 000. L'année précédente, vous n'aviez — selon le rapport — qu'une redevance de $950 000. Je me demande où sont allés les quelque $300 000.

M. Léveillé: En vertu des règlements du fonds de pension, nous devons, tous les trois ans, réévaluer notre fonds de pension et ce travail est fait par un actuaire. A ce moment-là, évidemment, de nouveaux chiffres actuariels montrent que le déficit peut diminuer ou augmenter et le déficit doit être amorti sur un certain nombre de périodes d'années.

M. Russell: II n'est pas dit dans le rapport...

M. Léveillé: Cela avait été fait en décembre à la publication du rapport.

M. Russell: Est-ce que ces montants portent intérêt?

M. Léveillé: Le déficit actuariel ne porte pas intérêt, mais les sommes annuelles qui sont versées au fonds portent intérêt, ce qui comble le déficit actuel.

M. Russell: Pour revenir à la question de l'impôt, je voudrais préciser un peu. Vous avez raison, et c'est ce qu'on a dit, les sociétés d'Etat ne paient pas d'impôt sur le revenu. C'est tout ce que Ion a dit. On est parfaitement au courant que celles qui sont détenues à 50%, 60% ou 70% par la SGF sont obligées de payer de l'impôt comme les autres. Mais, on dit quand même que si vous faites des profits, c'est un avantage sur les autres sociétés qui sont vos compétiteurs, aussi bien pour la taxe de vente, cela a été admis par le ministre du Revenu, que si vous facturez un produit. Je vais prendre un exemple pour être mieux compris: FORANO, qui est une société d'Etat ou qui est devenue une société d'Etat, peut vendre un morceau et charger la taxe de 8% et l'inclure dans son prix, tandis que MADCO pourrait charger le produit, mais doit montrer la taxe sur sa facture.

M. Plessis-Bélair: M. le député, je crois que, sur ce point-là, les sociétés d'Etat sont tenues de charger la taxe de vente lorsqu'elles font des transactions à la vente de biens qui sont utilisés pour la consommation, comme toute société. Elles sont tenues également de recueillir ces fonds et de les remettre au ministère du Revenu. L'avantage découle seulement du côté achats, lorsque ces sociétés achètent des biens dont elles sont le consommateur final, elles peuvent obtenir une remise de la taxe de vente qui a été chargée par le vendeur; mais, lorsque ces sociétés vendent des biens qui sont utilisés par des consommateurs finals, elles doivent, comme toute autre société, charger la taxe de vente et en faire la remise au ministère du Revenu. Dans ce cas, les sociétés ne sont que l'agent qui fait la perception de cette taxe de vente.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. L'Heureux.

M. L'Heureux: Merci, M. le Président. On parle beaucoup de rentabilité et de rendement, d'impôts, des taxes que cela implique et d'où cela vient. C'est sûr que tout le monde souhaiterait que toutes les entreprises soient rentables, y compris

celles de l'Etat. Cependant, ne doit-on pas reconnaître que, dans le secteur naval, les pays les plus avancés, qui sont au premier rang, les plus évolués et dont les entreprises sont les plus intégrées, qui fabriquent tout, de A à Z, et des pays gouvernés par des partis conservateurs, libéraux, au Japon, en Allemagne de l'Ouest, en Suède, en Europe, partout dans le monde, même en Asie, ne doit-on pas reconnaître que la majorité des pays, les plus avancés sur le plan naval ont reconnu qu'il ne fallait pas se comporter devant les chantiers navals comme on le fait normalement avec les notions de rentabilité normale. Au contraire, tous ces pays ont subventionné largement, fortement, tous les chantiers navals concernés, privés ou publics. Non seulement cela, la tendance est à la nationalisation, même par des gouvernements qui sont conservateurs ou libéraux. C'est la tendance réelle dans le monde. Il faudrait qu'on se rende compte de ce fait au Québec et qu'on se réveille.

M. le Président, par ailleurs, je pense qu'il y a une question avant qu'on se laisse, et je comprends...

M. Tremblay: C'est extraordinairement important. Je demanderais la permission du président de faire peut-être un commentaire sur ce que vous venez de dire, puisque votre commentaire implique une orientation politique que nous retrouvons dans le projet de loi.

Comme vous le dites, il est normal qu'un gouvernement intervienne pour empêcher des perturbations sociales et économiques dans une industrie et dans une région.

M. L'Heureux: Et à cause de l'impact économique très positif de ce secteur lourd.

M. Tremblay: Exactement, avec les retombées économiques et c'est pour cela que le gouvernement, en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, va justifier son intervention parce qu'il s'agit, effectivement, de subventions, de prêts conditionnels, etc., qui, normalement, pourraient ne pas être faits dans un secteur ordinaire, puisqu'il y a des pertes financières importantes et que le secteur n'est pas rentable.

Mais vous avez quand même utilisé deux mots importants, vous avez parlé de pays. C'est peut-être l'ambiguïté dans laquelle on se trouve ici; le gouvernement du Québec aimerait solutionner ces problèmes avec beaucoup de bonne volonté et vous-même, dans votre mémoire... D'ailleurs, je vous le demande et je vous le recommande, vous devriez présenter ce mémoire à un comité ministériel à Ottawa, puisque vos sept recommandations touchent le gouvernement fédéral. Mais nous allons les étudier, nous, très attentivement ainsi que tous les autres points de votre mémoire.

En ce qui concerne la nationalisation, je vous ferai remarquer que le chantier maritime de Marine est nationalisé, c'est ce qui fait que nous sommes ici aujourd'hui. Mais, nationalisation ne veut pas dire trou sans fond et fardeau pour le reste de la société. D'accord, il y a des coûts sociaux et des réorganisations industrielles qui doivent être considérés et qui exigent parfois, de la part d'un gouvernement, des subventions. Mais il ne faudrait pas, sous le couvercle de la nationalisation, croire que c'est un prétexte pour verser des fonds publics à l'infini.

M. L'Heureux: Ce mémoire, M. le Président, fait partie d'une campagne; d'ailleurs, il y a une brochure à très large diffusion. En fait, dans toutes les régions du Québec, il y a un effort de sensibilisation et d'information qui va être fait, quant au principe de base sur lequel le président du syndicat a insisté et sur lequel nous insistons. Quand on dit qu'il va falloir, de la part de nos gouvernements — ce qui est très lent à faire et on sait que cela prend du temps avant d'en prendre conscience — qu'on prenne conscience de la vocation maritime de ce pays et notamment du Québec. C'est cela qu'il y a; on ne sait même pas qu'on vit sur le bord d'un fleuve; on ne se rappelle pas qu'il y a une centaine d'années, il y avait des centaines de sentiers qui s'échelonnaient le long du fleuve jusqu'en Gaspésie et que tout cela, on est en train de le perdre. On l'a dit et on ne veut pas se répéter là-dessus.

Ce qui serait important, à ce moment-ci... Je ne sais pas si ce serait possible d'avoir une assurance là-dessus. La SGF, je crois, a une orientation qu'on trouve très positive, très intéressante, en particulier au niveau de la spécialisation. Cependant, avec une distinction très nette, très importante. On ne peut pas régler ceci maintenant, mais est-ce qu'on pourrait avoir l'assurance, M. le ministre, maintenant, parce que l'orientation de la SGF peut signifier l'utilisation d'une partie de l'espace qui, maintenant, sert aux chantiers, que rien ne sera fait dans ce sens sans qu'il y ait des consultations avec Marine, la SGF et le gouvernement? Pourrait-on avoir cette assurance sur le plan syndical? Deuxièmement...

M. Tremblay: Une question, M. L'Heureux, qui est très importante...

M. L'Heureux: Oui.

M. Tremblay:... je vais demander au président de la SGF de vous répondre parce que le ministre lui-même et le gouvernement lui-même n'administrent pas de compagnie; nous administrons un gouvernement et je vais demander à la SGF qui, elle, a un mandat de l'Assemblée nationale d'administrer une compagnie, de répondre à votre question.

M. Coulombe: Lorsque j'ai dit tantôt que le plan de conversion, en fait, sa phase cruciale de définition très claire, très précise serait dans les premiers mois de 1979, nous avons fermement l'intention, à la SGF, que cette définition soit faite en collaboration avec ceux qui ont un rôle extrêmement important à jouer dans l'avenir même de Marine Industrie. Donc, on va avoir l'occasion d'en

discuter à fond. Tout ce que je peux dire là-dessus, c'est que si la loi est acceptée par l'Assemblée nationale, nous, à la SGF, allons considérer comme un impératif fondamental la question de la rentabilité. C'est dans ce cadre que les recommandations de la Société générale de financement vont être faites, et, d'une rentabilité réelle, ce qui n'empêchera pas le gouvernement d'apprécier les recommandations de la SGF parce que l'actionnaire est quand même le gouvernement de cette société. Mais si le mandat explicite de l'Assemblée nationale est tel que celui qui est impliqué là-dedans, la notion de rentabilité va devoir primer dans nos recommandations. Le gouvernement les acceptera ou les refusera mais cela va être la notion fondamentale qu'on va essayer de respecter.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Brome-Missisquoi. Je solliciterais, parce que je pense qu'il n'a pas terminé, un nouveau consentement unanime.

M. Russell: M. le Président, j'étais bien consentant tout à l'heure pour raccourcir mon intervention. Vous avez dit que j'en aurais à peu près pour une demi-heure; j'ai eu à peu près dix minutes; je suis encore prêt à couper mais je vais tenter de terminer aussi rapidement que possible.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que vous en avez pour longtemps, M. le député de Brome-Missisquoi?

M. Russell: Non, pour une dizaine...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une heure ferme parce que sans cela, si on est pour aller jusqu'à 20 heures, on est aussi bien d'arrêter et de recommencer à 20 heures.

M. Scowen: Je propose 18 h 45.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord, consentement.

M. Russell: Donnez-moi seulement quatre ou cinq minutes.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): 18 h 45 au maximum.

M. Scowen: Point final.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je n'ai plus rien à dire.

M. Russell: M. le Président, je n'ai pas bien saisi tout à l'heure lorsque le président de la SGF a dit qu'il avait $48 millions de profit et qu'il avait payé $35 millions d'impôt, est-ce cela?

M. Plessis-Bélair: Au total.

M. Russell: Au total. (18 h 30)

M. Plessis-Bélair: II faut comprendre dans cela que certaines compagnies réalisant des pertes ne sont pas taxables; comme il y a plusieurs compagnies, dans les $48 millions de profit, il y a donc des compagnies qui ont connu des périodes difficiles et qui ont, comme vous le savez, enregistré des pertes. Par conséquent, quand on fait le rapport de $35 millions par rapport à $48 millions de pertes, le rapport n'est pas le même que dans le cas d'une seule compagnie.

M. Russell: Ma question est celle-ci: Vous avez fait $48 millions de profit avant impôt, c'est cela?

M. Plessis-Bélair: C'est cela.

M. Russell: Et vous avez payé $35 millions en impôt, donc, la différence est de $13 millions, c'est cela?

M. Plessis-Bélair: C'est cela. C'est exact. M. Russell: $13 millions sur quatre ans.

M. Plessis-Bélair: Effectivement, le bénéfice net consolidé de la SGF pour les cinq dernières années, c'est $11 millions. C'est la part SGF.

M. Russell: SGF.

M. Plessis-Bélair: Ce qui correspond à un retour sur l'avoir des actionnaires d'à peu près 3,4% durant la période.

M. Russell: Ma question est: Quand vous parlez de l'impôt que vous avez payé, ce sont les filiales qui ont payé l'impôt et non pas nécessairement la SGF.

M. Plessis-Bélair: Non, c'est cela exactement. M. Coulombe: Oui.

M. Russell: C'est cela que je voulais savoir.

Très brièvement, vous avez parlé de Forano qui a perdu $3 millions l'an dernier et près de $1 million l'année d'avant; est-ce que c'est rentable cette année?

M. Coulombe; Oui, il y a des bénéfices cette année, et c'est l'exemple que j'ai donné tantôt comme redressement assez intéressant.

M. Russell: II y a l'autre partie de Forano sur laquelle je voulais poser des questions. Forano ne m'impressionne pas tellement, elle est un peu comme une autre société qui importe beaucoup, c'est devenu commercial. Elle produit très peu ici, elle achète de l'extérieur et elle fait le commerce ici, pour une grosse partie.

M. Plessis-Bélair: Le pourcentage de fabrication dans le chiffre d'affaires de Forano, cette année, est à peu près de l'ordre de 45%. Alors, il y a une partie importante de...

M. Russell: C'est cela. J'aurais été plus libéral que vous, j'étais pour dire 50%.

M. Plessis-Bélair; L'an dernier, c'était 50%.

M. Russell: Ce sont les points que je voulais soulever devant cette commission. Je me sers de Forano comme exemple et plusieurs de ces filiales font du commerce en concurrence avec l'entreprise privée et font des déficits. C'est là que je trouve qu'elles ont des avantages d'impôt; je trouve que ce n'est pas tout à fait légitime. Si elles veulent faire du commerce et concurrencer l'entreprise privée, elles devraient payer leurs impôts comme toutes les entreprises privées. Je n'ai pas d'objection, par exemple, et je pense que cela va répondre aux désirs des syndicats, à ce qu'une firme comme Forano, si elle pouvait manufacturer 100% de ses produits et en faire la commercialisation... Même si elle avait un peu de déficit, ce serait avantageux pour un gouvernement de le faire. J'aurais moins d'objection. Ce sont les quelques points que je voulais soulever parmi plusieurs autres.

M. le Président, j'avais préparé une liste de questions, je vais la remettre aux calendes grecques. Je me reprendrai en commission plénière.

Je termine là-dessus.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. M. le député de Duplessis.

M. Ferron: Merci, M. le Président, j'aurais une couple de questions.

On sait que le projet de loi no 108 touche deux grands principes, celui de régler la question des navires et aussi celui de l'avenir de Marine Industrie. Ma question s'adresse à M. L'Heureux, du syndicat de la CSN, et se rapporte à la page 8 du mémoire qu'il a lui-même présenté. Lorsqu'on dit: Premièrement, accord en ce qui concerne — vous êtes d'accord, en d'autres mots — le moyen envisagé pour financer et garantir le prix de vente des six navires invendus par Marine. Donc, on touche le premier principe du projet de loi. Mais, pour le deuxième, il me semble que c'est ambigu, en tout cas pour moi, peut-être aussi pour d'autres membres de la commission. Vous dites être en désaccord sur le moyen à envisager pour relancer les activités de Marine. Est-ce que cela veut dire que vous êtes contre le deuxième principe du projet de loi ou quoi, pour la revalorisation de Marine? Allez-y.

M. L'Heureux: Oui, s'il signifie une réduction plutôt qu'une reprise, une réorganisation en termes massifs, par le fédéral, notamment, dont c'est la responsabilité. Si cela signifie une réduction de la vocation navale de Marine, je vous dis que nous sommes en désaccord avec ce principe, s'il doit conduire à cela. C'est pour cela que tantôt j'ai demandé l'assurance au ministre qu'on ne touche pas à la division navale de Marine tant qu'il n'y aura pas eu des discussions et qu'on n'aura pas discuté aussi de l'ensemble du problème maritime.

On a évidemment soulevé le problème de l'ensemble. C'est sûr qu'à court terme il y a un problème qu'on appelle peut-être un problème de "patchage".

A la Davie, vous savez, il y a du chômage là aussi. C'est cyclique, c'est constant. Il y a des périodes de deux ou trois ans où ça va, mais, depuis des dizaines d'années, il n'y a eu aucune espèce de planification, d'organisation en fonction de l'intérêt de notre industrie maritime ici, au Canada, et au Québec. Des bateaux? Il ne s'agit pas de décider qu'on en vend un et qu'il se fasse tout de suite d'ici six mois; des plans doivent être faits, etc., c'est très long. A court terme, il est sûr que ce sont des solutions de "patchage" comme on en a toujours eu. Cela veut dire, comme on l'a fait récemment, qu'on va le refaire et on espérait avoir l'appui du gouvernement là-dessus.

Il faudrait que le fédéral accélère son programme de reconversion du plan militaire, de certaines unités, les navires vieillis, disons, sur les Grands-Lacs. C'est du travail qui peut se faire assez rapidement par les chantiers et cela pourrait combler le taux de chômage massif qu'on a dans nos chantiers. A court terme, c'est sûr qu'on va être poigné avec des solutions de "patchage" comme on l'a toujours été.

Ce qu'on dit au gouvernement, par rapport au projet de loi, surtout en ce qui concerne les intentions, quand on voit des bouts, des aires, la superficie du terrain de Marine, qu'elle en achète d'autres, quelques aires supplémentaires, peut-être, ce qu'on vous demande est très important. Je pense ne pas exagérer en vous disant qu'à l'heure actuelle il y a beaucoup d'anxiété dans l'usine face à cet aspect du projet de loi. Il est perçu partiellement avec raison par les confirmations qu'on a eues ici, comme signifiant une réduction éventuelle du secteur maritime.

Le projet de la SGF est positif, il veut spécialiser, diversifier davantage, en fait, Marine. C'est très bien, on est d'accord, mais pas au prix de la réduction de la partie navale, même si on sait toutes les difficultés dans lesquelles nous sommes. Ce n'est pas parce qu'on est en état de crise, au contraire, qu'on ne doit pas apporter des remèdes très importants sans doute. J'espère que tous les partis seront d'accord, un jour, pour les subventions massives qu'il faudra pour avoir des chantiers maritimes vraiment efficaces et bien organisés au Québec et au Canada. Je ne sais pas si c'est assez clair.

M. Perron: Merci. Maintenant, j'ai une autre question qui s'adresse à M. Coulombe. Dans le cadre des modifications qui seront apportées à Marine Industrie par la SGF, suite à des négociations, pourriez-vous me dire si vous avez l'intention, au niveau de Marine ou de la SGF, de rentrer en contact avec le milieu syndical qui comprend tout de même au-dessus de 2000 personnes, si ce n'est pas plus, dans le cadre de cette revalorisation et de ces modifications que vous allez apporter à Marine Industrie?

M. Coulombe: La réponse, je l'ai donnée tantôt, c'est oui, à votre deuxième question. Le contact et les mécanismes que la direction de Marine va mettre en place pour s'assurer la collaboration des syndicats vont être mis en place en janvier ou février. Il faut vraiment intensifier la période de réflexion là-dessus.

Mais, sur le point de M. L'Heureux, je voudrais quand même qu'il n'y ait pas d'ambiguïté en ce qui concerne la situation de la SGF. Le programme de conversion qu'on présente — il ne faut pas qu'il y ait d'ambiguïté — c'est carrément une spécialisation et l'hypothèse d'une contraction de l'emploi dans la construction navale à Marine telle qu'on peut la percevoir actuellement dans l'environnement qu'on connaît, c'est ce qui est déposé. Si l'environnement change, par l'argumentation que vous fournissez, que vous allez fournir au gouvernement, on s'ajustera à l'environnement. Mais cet environnement n'est pas sous le contrôle de la Société générale de financement. Je pense qu'il faudrait que ce soit très clair à l'heure actuelle. On prend l'environnement tel qu'il est.

Les discussions qui vont s'entreprendre au mois de janvier devront toujours tenir compte que, si la problématique ou si l'environnement change par l'action des gouvernements, la SGF va s'y ajuster comme une entreprise industrielle doit s'y ajuster, pour le mieux. Et tant mieux si certains objectifs gouvernementaux sont changés. Mais, si ce n'est pas le cas, l'environnement tel qu'on le connaît, on va travailler dedans. C'est comme cela qu'on va aborder le problème.

M. L'Heureux: Excusez-moi, mon problème c'est que tantôt, initialement, quand j'ai posé la question au ministre, il m'a dit: C'est le président de la SGF qui est responsable. Je ne sais pas, je crois comprendre que maintenant c'est le gouvernement qui est un peu responsable aussi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): On va laisser la parole au ministre.

M. Tremblay: Rapidement peut-être, pour enchaîner à ce qu'a dit M. L'Heureux. Nous n'avons pas la prétention avec ce projet de loi 108 que nous avons déposé trois semaines après avoir reçu le rapport de la SGF de résoudre tous les problèmes des chantiers maritimes au Québec ou au Canada. Je crois par contre que nous agissons vite comme gouvernement. Dans d'autres pays, ce sont les gouvernements nationaux qui interviennent dans les chantiers maritimes. Vous avez mentionné la Suède. J'aurais pu mentionner la France et bien d'autres pays. Nous intervenons parce qu'il y a un problème urgent et c'est pour cela que nous intervenons d'urgence avant Noël pour sauver, finalement, l'entreprise qui est menacée financièrement, parce qu'elle devenait insolvable, si nous n'intervenions pas. Il est évident que nous allons regarder les choses dans une perspective plus grande et ce n'est pas à nous, M. le président de la SGF, de dire qu'il faut changer l'environnement parce que notre existence même comme parti politique est justement de changer l'environ- nement économique du Québec. Je peux donc m'engager auprès de tout le monde. Ce n'est qu'une partie d'une politique plus grande que nous voulons établir avec les moyens que nous avons présentement. Plus tard, nous aurons des moyens plus vastes.

Il est certain que le Québec a une vocation maritime. Je ne me rappelle pas qui l'a dit pendant la journée ou hier. Le Québec est une presqu'île entourée de mers et de rivières. Je suis le ministre responsable des pêcheries et mon collègue, Denis Perron, a un comté qui a des côtes de 1000 milles de longueur et même plus. Donc, le Québec a une vocation maritime. Il est évident que nous allons travailler comme gouvernement dans une perspective beaucoup plus vaste. Nous devions agir rapidement. Nous avons agi et nous agirons ultérieurement dans le même domaine dans des politiques plus vastes.

Le but de la commission n'était pas de résoudre tous les problèmes. C'était de faire un tour d'horizon de la situation d'urgence qui se présentait devant nous. Je présume que les membres de la commission, qui ont travaillé très fort pendant quatorze heures pratiquement d'affilée, jusqu'à minuit hier soir et même passé un peu minuit, se sentent renseignés, du moins dans les grandes lignes. Je présume, M. le Président, que je peux faire les remerciements d'usage et donner la perspective générale.

Donc, je présume que nous allons clore cette première étape du projet de loi. Ce n'est qu'une première étape, puisque le processus législatif exige maintenant que nous ayons un débat en deuxième lecture à l'Assemblée nationale et que nous revenions devant cette même commission au cours de la semaine prochaine. Je crois que nos débats ont démontré qu'il n'y avait rien à cacher, qu'il y avait une collaboration de tous les intervenants directs et indirects rattachés à ce dossier. Je pense que les témoignages ont été faits avec candeur, avec franchise et dans un esprit positif. Je profite de l'occasion pour le souligner, M. le Président, et remercier la nouvelle direction de la SGF et le conseil d'administration.

Il est évident que cette nouvelle direction est bien en selle, qu'elle exécute bien le mandat que le gouvernement lui a confié en mai dernier et je la remercie au nom du gouvernement. Je me réjouis aussi que les membres de l'Opposition aient très positivement collaboré aux travaux de la commission et je pense que c'est le député de Notre-Dame-de-Grâce qui a dit que les documents qui avaient été distribués allaient dans le bon sens.

Je crois ne pas me tromper en décelant une certaine unanimité au niveau de la commission pour soutenir la SGF dans son travail de consolidation et de construction de l'avenir, surtout à Marine Industrie. Comme je l'ai dit, je vais tenir — en réponse aux préoccupations de mon collègue le député de Brome-Missisquoi — l'Assemblée nationale au courant de tous les développements qui vont se produire dans les semaines et dans les mois à venir, concernant tout ce qui a été discuté ici au cours des deux derniers jours.

Sur cela, je voudrais remercier tous ceux qui

ont participé et collaboré à cette commission de près ou de loin et je propose, avec votre permission, la suspension sine die de nos travaux.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les travaux sont ajournés sine die.

Fin de la séance à 18 h 45

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