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Audition publique et étude du projet de loi no
108
(Onze heures quarante huit minutes)
Le Président (M. Gendron): A l'ordre, messieurs!
La commission de l'industrie et du commerce ouvre ses travaux pour la
journée.
Sont membres de cette commission: M. Dubois (Huntingdon), M. Gosselin
(Sherbrooke) je ferai les substitutions tantôt M.
Grégoire (Frontenac), Mme Leblanc-Bantey (Iles-de-la-Madeleine), M.
Martel (Richelieu) à la place de M. Lefebvre (Viau); M. Ouellette
(Beauce-Nord), M. Raynauld (Outremont), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce),
M. Shaw (Pointe-Claire), M. Tremblay (Gouin).
Les intervenants seront: M. Gagnon (Champlain), M. Godin (Mercier), M.
Goulet (Bellechasse), M. Landry (Fabre), M. Marchand (Laurier), M. Michaud
(Laprairie), M. Perron (Duplessis), M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson
(Rouyn-Noranda) et M. Verreault (Shefford).
Pour l'Union Nationale, à la place de M. Dubois (Huntingdon), M.
Biron (Lotbinière);
M. Biron: Et à la place de M. Goulet (Bellechasse), M.
Russell (Brome-Missisquoi).
Le Président (M. Gendron): M. Russell (Brome-Missisquoi)
à la place de M. Goulet (Bellechasse).
Le Parti libéral a-t-il des changements?
M. Forget: ...
Le Président (M. Gendron): M. Forget (Saint-Laurent) n'est
pas sur la liste...
M. Forget: En remplacement de M. Marchand (Laurier).
Le Président (M. Gendron): ... en remplacement de M.
Marchand (Laurier).
Une Voix: M. Lalonde.
Le Président (M. Gendron): M. Forget.
M. Forget: Et M. Lalonde aussi pour remplacer quelqu'un
d'autre.
Le Président (M. Gendron): M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys) à la place de M. Verreault (Shefford).
Si la commission veut maintenant nommer un rapporteur de cette
commission.
M. Ouellette: M. le Président, je propose, M. Martel
(Richelieu).
Le Président (M. Gendron): On propose que M. Martel
(Richelieu) soit nommé rapporteur. Est-ce que cela va?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Gendron): Adopté. M. le ministre
de l'Industrie et du Commerce pour la présentation de la convocation. M.
le ministre.
Mandat de la commission
M. Tremblay: Merci beaucoup, M. le Président. La
commission élue de l'industrie et du commerce a reçu le mandat de
l'Assemblée nationale de se réunir afin de faire des auditions de
procéder à des études concernant le projet de loi no 108,
appelé Loi modifiant la charte de la Société
générale de financement du Québec.
Je voudrais dire, M. le Président, que le gouvernement a
jugé nécessaire de demander une telle convocation, après
l'adoption en première lecture, puisque nous croyons qu'il serait
d'intérêt public que nous discutions de certaines modalités
du projet de loi 108 pour que nous puissions éclairer certaines des
causes qui ont amené la Société générale de
financement à recommander au gouvernement certains projets
d'investissements. Ce qui a amené le gouvernement à agir
rapidement en proposant d'urgence ce projet de loi no 108.
Il s'agit véritablement d'une commission, après la
première lecture, qui devrait normalement porter son attention sur les
modalités du projet de loi et non sur le principe, puisqu'il y aura un
débat à l'Assemblée nationale sur le principe et que nous
aurons une autre commission élue de l'industrie et du commerce pour
étudier, article par article, le projet de loi.
M. le Président, je donnerai quelques renseiments, avant d'entrer
dans le vif du sujet, sur les circonstances qui ont amené le
gouvernement à présenter ce projet de loi. Nous avions, en mai
dernier, renouvelé la direction de la Société
générale de financement, en lui confiant en même temps un
mandat lequel elle devait faire rapport au gouvernement à la fin de la
présente année. Ce mandat portait sur une évaluation de la
situation financière de certaines filiales de la Société
générale de financement, dont Marine Industrie, et sur les
orientations que devrait prendre dans les années à venir la
Société générale de financement. Or, le conseil
d'administration de la Société générale de
financement, a soumis ce rapport avant terme, avant la date limite,
c'est-à-dire le 27 octobre, du moins, le rapport soumis au gouvernement
était daté du 27 octobre et la lettre de soumission était
datée du 1er novembre 1978. Le gouvernement, au cours de certaines
séances spéciales tenues au début de novembre, a pris
connaissance de ces rapports et a décidé d'agir rapidement,
puisque nous avons estimé qu'il y avait urgence d'action si nous
voulions consolider une des filiales de la SGF, c'est-à-dire Marine
Industrie, et préserver le plus grand nombre d'emplois, environ 3200
emplois, dans la région de Sorel-Tracy. C'est la raison pour laquelle le
projet de loi a été déposé en Chambre le 22
novembre,
c'est-à-dire exactement trois semaines après le
dépôt ou la remise du rapport de la SGF.
Nous croyons, par contre, que ce projet de loi comporte des
détails et des modalités qui exigent un éclaircissement.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons qu'il y ait une discussion
ouverte sur certains événements qui ont conduit a la situation
présente. Alors le but du gouvernement, en convoquant cette commission,
c'est de faire la lumière surtout sur la situation financière et
industrielle de Marine Industrie, une des filiales de la Société
générale de financement. Il ne s'agit donc pas pour le
gouvernement de vouloir créer des problèmes ou même
d'imputer des motifs à des personnes. Il ne s'agit pas du tout d'une
opération qui pourrait soulever des insinuations.
Les buts poursuivis par le gouvernement sont uniquement de créer
une circonstance qui amène une discussion franche sur les
difficultés qu'affronte Marine Industrie. Je proposerais donc, M. le
Président, que, compte tenu de ce que je viens de dire, nous abordions
les questions dans un ordre logique afin de pouvoir mieux parvenir aux fins que
nous souhaitons tous.
Je proposerais, pour les discussions des prochaines heures, que nous
traitions du contrat qua dû signer Marine Industrie pour la fabrication
de certains bateaux, contrat qui est la cause du moins immédiate des
difficultés financières et, par conséquent, la cause
indirecte du projet de loi qui a été déposé le 22
novembre; que nous parlions par la suite de l'orientation et de la reconversion
de la filiale Marine Industrie et que nous en venions, par la suite, aux
orientations de la SGF, si les membres de la commission agréent ou le
souhaitent.
Si cette procédure était agréée, je voudrais
faire d autres commentaires, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Au
préalable, j'aimerais tout d'abord m'excuser d'avoir été
en retard de quelques minutes et vous dire que le mandat de la commission, qui
lui a été accordé par l'Assemblée nationale, est de
tenir une audition publique et d'étudier le projet de loi no 108. Je
dois vous dire immédiatement qu'il ne s'agit pas d'une commission
parlementaire après la deuxième lecture et donc, qu'il ne s'agit
pas d'étudier, article par article, le projet de loi no 108.
Appel des personnes convoquées
D'autre part, avant de donner suite aux demandes du ministre, je pense
qu'il est de mon devoir, à ce stade-ci, puisque des personnes ont
été convoquées, de faire l'appel de ces personnes pour
constater leur présence ou leur absence.
M. Arthur Simard.
M. Simard (Arthur): Présent.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Gérard Fillion. M. Fillion est absent. M. Louis Rochette.
M. Rochette: Présent.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Yvon
Simard, absent. M. Laurent Picard, M. Richard Gagné. M. Raymond David.
M. John H. Dinsmore. M. Jean-Roch Brisson. M. Guy Coulombe. M. Maurice-A.
Massé, et M. Pierre De Carufel.
Evidemment, en ce qui concerne les travaux de la commission, je pense
que les partis politiques qui sont ici présents auront à le
décider... Ce n'est pas à la présidence à
l'imposer. Je sais que des personnes ont des mémoires à
présenter. Je sais que des membres ont des questions à poser.
Le ministre a proposé une sorte de programme ou d agenda.
J'aimerais aviser les membres et les personnes convoquées que cette
commission siégera aujourd'hui, cet après-midi et ce soir, et qu
elle siégera également, à moins d avis contraire, demain
matin, demain après-midi et demain soir. Donc, je vous demanderais une
sorte de tolérance puisqu'il peut fort bien arriver que certaines
personnes, malheureusement, ne soient appelées, ou ne soient
interrogées, ou ne soient appelées à déposer que
demain et cela, évidemment, c est extrêmement difficile de le
prévoir.
Discussion préliminaire
M. Biron: M. le Président, parmi les personnes
convoquées devant cette commission, j'avais demandé et le
leader du gouvernement avait répondu oui à ma demande de
pouvoir rencontrer et de discuter avec le président de Volcano, le
président de Forano, le président de Donohue, le président
de CEGELEC, le président de Ingénierie BG Checo.
Je remarque que le président du syndicat des employés de
Marine est ici M. Gagnon, je crois. M. Gagné le
président du syndicat des employés de Donohue et j avais
demandé aussi M. Wermenlinger et M. Desmeules de Chabot et
Associés.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
chef de l'Union Nationale, le leader du gouvernement, en vertu de notre
règlement, demande au secrétariat des commissions de convoquer
certaines personnes, d inviter et j'insiste sur le mot inviter
certaines personnes à se présenter, invitation qui n'est pas
contraignante et, en ce qui me concerne, mon devoir est de regarder si les
personnes qui ont été convoquées par le secrétariat
sont présentes ou non. En ce qui concerne ce que vous soulevez, cela ne
s'adresse pas à la présidence. Vous en ferez grief ou reproche
à qui de droit, mais non pas à la présidence, ni au
secrétariat des commissions.
M. Biron: Ce que je voudrais savoir là-dessus est ceci:
Ces noms vous ont-ils été transmis? Ces gens ont-ils
été invités comme vous dites? (12 heures)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J ai ici
la liste devant moi des personnes qui ont été invitées par
le secrétariat des commissions et ce sont uniquement et seulement celles
dont j'ai mentionné le nom tout à l'heure.
M. Roy: Comment se fait-il...
M. Tremblay: M. le Président, comme je l'ai dit tout
à l'heure, la commission a été convoquée
après la première lecture pour étudier certaines
modalités du projet de loi et pour trouver des explications, recevoir
les explications, qui ont amené le gouvernement à agir d'urgence
dans le dossier. Le président de la Société
générale de financement tout à l'heure pourra
répondre à nos questions à ce sujet.
La raison principale vient de l'état de la situation
financière de Marine Industrie et de la proposition de la
Société générale de financement de reconvertir le
chantier maritime dans les mois qui viennent. Donc, comme je l'ai
proposé tout à l'heure, la commission, par définition,
devrait, du moins il me paraîtrait souhaitable, que nous commencions
surtout avec le problème des bateaux, avec le problème du
chantier maritime et avec le problème de Marine en
général, puis nous pourrons toucher aux orientations de la
SGF.
Mais comme je l'ai dit tout à l'heure, il ne s'agit pas d'une
commission après la deuxième lecture, il ne s'agit pas de faire
le débat maintenant sur le principe même du projet de loi, par
conséquent, sur les orientations de la SGF et sur les capitaux que le
gouvernement propose à l'Assemblée nationale d'y injecter, parce
que nous aurons un débat à l'Assemblée nationale sur ce
principe, de sorte que je proposerais que nous procédions à
l'étude du projet de loi en ce qui concerne les modalités qui
traitent de la situation financière à Marine et du plan de
reconversion proposé par la Société générale
de financement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Auparavant, j'ai reconnu le député de Notre-Dame-de-Grâce,
M. Scowen.
M. Scowen: Je voulais simplement poser une question au ministre.
Si je comprends bien, vous avez l'intention, vous vous proposez de parler
d'abord de la mission de Marine et ensuite de celle de SGF. Alors, dans le
document que vous nous avez remis, il y a dans la mission proposée pour
la SGF des implications pour Marine. Le programme pour la SGF est un programme
global et Marine en fait partie. Je me demande simplement si ce ne serait pas
mieux de parler d'abord de la mission globale de la SGF avant de
préciser celle de Marine.
M. Tremblay: M. le Président, le danger avec une telle
approche je ne crois pas que ce soit souhaitable c'est que nous
débordions, justement, sur un débat en deuxième lecture
sur le principe même de l'injection de fonds. Je pense que nous sommes
ici pour avoir des renseignements et des éclaircissements de la part des
témoins qui ont été invités sur ce qui a
amené la situation d'urgence. Il m'apparaîtrait logique que nous
procédions aux causes de cette situation d'urgence avant de passer au
projet à plus long terme de la SGF.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un
instant, auparavant, le député de Brome-Missisquoi.
M. Russell: M. le Président, je ne comprends pas tout
à fait la situation actuelle. Je sais que le problème de Marine
Industrie a été la cause principale de l'urgence, d'accord. Mais
cette commission est convoquée pour étudier la situation de la
SGF. Je pense bien qu'on pourrait, si on le voulait on n'a pas
d'objection suivre le ministre dans la directive qu'il nous donne, soit
d'examiner le cas de Marine Industrie. J'aimerais savoir s'il y a des motifs
qui empêcheraient la commission de convoquer parce qu'on en a le
droit les présidents d'autres sociétés qui
appartiennent à la SGF, ce qui avait été demandé
par l'Union Nationale et qui n'a pas été fait.
Maintenant, je sais que la commission a le droit, si elle le veut, si
elle le décide, de faire convoquer ces gens pour ce soir ou demain.
C'est la demande que je fais à la commission et au ministre. Est-ce
qu'il y a objection?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une
commission parlementaire peut toujours "convoquer", c'est-à-dire inviter
des gens. Mais je vous rappellerai qu'en vertu de nos lois et de nos
règlements, une commission parlementaire ne peut astreindre par
assignation formelle un témoin à se présenter devant elle,
à moins qu'elle en ait expressément le mandat de
l'Assemblée nationale.
M. Russell: M. le Président, ce n'est pas...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
commission peut inviter des gens à se présenter devant elle, sur
motion.
M. Russell: Je n'ai aucune objection qu'on emploie le mot
"inviter", mais je pense que des présidents de société, de
toutes les filiales de la SGF, ont quand même assez d'importance et sont
assez responsables, s'ils sont invités, pour y assister, à moins
d'empêchements graves. A ce moment-là, ils vont informer la
commission que pour telle ou telle raison, qui est une raison majeure, ils ne
peuvent y assister et ils enverront certainement quelqu'un à leur place.
Donc, ce matin, je voudrais que ce soit établi d'avance qu'on a
l'intention de poser des questions à tous les présidents et
autres personnes qu'on a demandé de convoquer, avant la fin de cette
commission. A moins que la commission refuse de convoquer ces gens et on va
demander à la commission et au ministre les raisons pour lesquelles il
nous le refuse.
M. Tremblay: M. le Président, il ne faudrait pas perdre de
vue l'objectif poursuivi par la convocation de la commission. Il s'agit d'un
projet de loi d'urgence.
Il s'agit d'un projet de loi qui traite, d'une part, des orientations
générales de la SGF en augmen-
tant le capital-actions de $140 900 000 à $200 millions, mais il
s'agit surtout d'un projet de loi qui vise à reconvertir le chantier
maritime de Marine Industrie et de préserver les emplois. D'ailleurs,
pratiquement la moitié des fonds qui sont demandés par la SGF
vont être affectés à la consolidation et à la
restructuration de Marine Industrie.
Il y aurait risque, si nous commencions à convoquer des dizaines
et des dizaines de personnes, que ce ne soit plus un projet de loi d'urgence et
que la commission doive siéger pour de très longues
périodes. Sur le fond de la question concernant la situation
financière de Marine Industrie, il y a énormément de
questions que le gouvernement veut voir éclaircies.
C'est pour cela que j'ai proposé tout à l'heure que nous
procédions par une investigation des questions rattachées
à la cause principale des difficultés financières de
Marine Industrie, c'est-à-dire les bateaux, que nous passions par la
suite à l'orientation de Marine Industrie comme entreprise, et que nous
passions enfin aux orientations de la SGF.
En ce qui concerne les orientations de la SGF, il est évident que
ceci peut toucher toutes les filiales de la Société
générale de financement existantes ou à créer.
Là, je demanderais la collaboration de la commission pour que nous
puissions discuter de cette orientation en deuxième lecture, que nous
puissions avoir un débat sur l'orientation de la SGF et de ses filiales.
Les filiales de la SGF, en général, sont rentables. Il n'y a pas
de problèmes qui justifieraient le gouvernement de proposer un projet de
loi d'urgence, en fonction de l'orientation des autres filiales.
La raison de la présentation du projet de loi d'urgence vient
d'une cause et c'est pour cette cause que nous avons convoqué la
commission après la première lecture. Autrement, dans un projet
de loi semblable, il y a le débat en deuxième lecture, où
ce que vous soulevez est soulevé et nous avons, par après, une
commission élue qui étudie le projet de loi article par article,
après la deuxième lecture, ce que nous aurons effectivement
après le débat en deuxième lecture.
Mais il me semblerait dans l'ordre des choses, de procéder ainsi
M. le Président, si nous ne voulons pas risquer de passer à
côté du problème, car il y a un problème
sérieux, c'est-à-dire qu'il y a un grand nombre d'emplois qui
sont menacés présentement et le gouvernement va justifier
pourquoi il y a urgence. Je constate que la SGF, la direction de Marine
Industrie est ici présente, avec d'autres témoins. Je les
félicite de s'être présentés et je les en remercie.
Nous allons tenter d'établir pourquoi il y a urgence.
Si nous commençons à débattre la situation d autres
sociétés, alors qu'il n'y a pas d urgence, je pense que nous
passons à côté de la question et je pense que nous passons
aussi à côté de l'ordre de l'Assemblée nationale,
dont l'esprit consistait à vouloir éclairer les raisons qui ont
justifié le gouvernement de proposer le projet de loi d'urgence, parce
que je proposais, M. le Président, que nous procédions tel que je
l'ai proposé et qu'en deuxième lecture et lors de l'étude
article par article, nous revenions d'une façon plus approfondie sur les
autres filiales de la Société générale de
financement, ce qui ne veut pas dire que, lors de cette première
commission, nous ne puissions pas analyser et questionner les témoins
sur les orientations de la SGF, y compris les orientations d'autres filiales.
Mais je ne voudrais pas que nous puissions nous lancer tout de suite dans une
fausse piste, laissant de côté l'essentiel. C'est pour cela que je
demande la collaboration des membres de la commission. L'essentiel, c'est de
faire la lumière sur la situation du chantier maritime de Marine
Industrie.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Richelieu.
M. Martel: M. le Président, en plus des raisons de
l'urgence du projet de loi no 108, dans le rapport de la Société
générale de financement présenté à la
commission parlementaire, rapport sur le rôle et les orientations de la
Société générale de financement, il est dit,
à la page 12: "La situation actuelle de la Société
générale de financement, à cause des six navires
panaméens invendus de Marine Industrie, est, à proprement parler,
dramatique."
La situation à la Société générale de
financement est dramatique à cause du problème de Marine
Industrie. C'est pour cela que la présente commission parlementaire a
été convoquée. J'ajouterais, comme député de
Richelieu, qu'elle est dramatique parce que, dans l'autre rapport soumis par
Marine Industrie, il est question de l'avenir économique de la
région de Richelieu, c'est-à-dire de cette masse salariale de $55
millions qui est injectée dans le comté de Richelieu et qui est
menacée de disparaître à la fin de 1979-1980,
d'après le rapport de Marine Industrie, par suite de mises à pied
de 1800 personnes. Je pense que c'est assez sérieux pour faire porter le
débat sur la Société générale de
financement, il va de soi, mais également sur la situation
financière de Marine Industrie. Je dirais même que l'on devrait
partir de 1965, c'est-à-dire à l'achat, par la
Société générale de financement, de Marine
Industrie, jusqu'à l'administration d'aujourd'hui qui fait que Marine
Industrie est dans une situation précaire et, par le fait même,
comme Marine Industrie est la principale filiale de la Société
générale de financement et qu'elle-même, la
Société générale de financement, le mentionne dans
le rapport, c'est tout à fait logique que cela porte sur ces deux points
précis, soit les investissements faits à la Société
générale de financement pour que, par la suite, la
Société générale de financement investisse
massivement dans des secteurs rentables de Marine Industrie, et
également sur l'administration de la Société
générale de financement et de Marine Industrie.
M. Lalonde: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, sur une question de
règlement.
M. Lalonde: Une question de règlement, M. le
Président. Je ne pense pas que ce soit de mise de permettre une
déclaration préliminaire à chacun des
députés. Il est 12 h 10. On a des dizaines de gens ici qui sont
invités, qui ont d'autres choses à faire que d'attendre et
à qui on a d'ailleurs confié des fonctions importantes dans leurs
bureaux et dans leurs usines. Il me semble qu'on devrait procéder
immédiatement et entendre...
M. Martel: II y a des mises au point nécessaires à
faire au début d'une commission, je crois.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! Je pense que ce qui serait important je
pense qu'après cela, cela va bien aller c'est de
déterminer quel est le mandat de cette commission. Je demande aux gens
de s'entendre, parce que, si vous ne vous entendez pas...
M. Lalonde: On ne le sait pas.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... je
serai obligé de demander que l'Assemblée nationale nous
précise notre mandat. Je pense connaître l'esprit du mandat qui
nous a été accordé. Je vais laisser une dernière
intervention au député de Beauce-Sud et, par la suite, je vais
demander si la proposition d'ordre du jour faite par le ministre est acceptable
par les parties. Sinon, je me verrai peut-être dans l'obligation de faire
un rapport spécial à l'Assemblée nationale pour faire
préciser dans la lettre ce que je vois dans l'esprit du mandat qui nous
a été accordé. M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président. C'était dans
l'esprit du mandat que semblait vouloir donner la commission ce matin. Je ne
voudrais pas retarder indûment les travaux de cette commission, mais je
suis très surpris d'entendre ce que j'entends en commission
parlementaire. D'abord, l'article 153 du règlement est bien clair, pour
ce qui a trait à la demande ou à la convocation de personnes
devant une commission parlementaire, c'est bien clair là-dessus. Mais
surtout quand j'entends parler de la situation d'urgence, cela me surprend
encore davantage, non pas que la situation d'urgence n'existe pas, mais qu'on
vienne de la décourir, parce qu'il n'y a pas eu de tremblement de terre,
ni de glissement de terrain, ni d'incendie, ni d'innondation. La situation dans
laquelle la SGF se trouve par rapport à Marine Industrie, ce n'est pas
une situation qui est survenue au cours des dernières semaines.
M. Martel: Le problème est là quand même.
M. Roy: Le problème est là d'accord. On arrive
encore avec une situation d'urgence de fin de ses- sion. Mon expérience
parlementaire, pendant un certain nombre d'années, est assez grande pour
constater que ce n'est pas la première fois que nous sommes en face
d'une stratégie, d'une situation de ce genre. Il me semble que la
situation financière d'une entreprise, cela peut se prévoir. Il y
a des situations qui peuvent se prévoir. Je suis bien sensible à
l'avenir économique de la région des Sorelois. Je suis bien
sensible à la situation des 1800 personnes. Quand pourra-t-on faire le
point de la situation, qu'on pourra examiner l'ensemble du problème, de
façon à pouvoir y apporter des correctifs d'ensemble? Une
situation d'urgence qui commande une mesure d'urgence, mesure que nous n'avons
pas le temps d'examiner dans toutes ses implications, dans toute sa profondeur,
mesure que nous n'avons pas le temps d'analyser aussi, surtout analyser les
conséquences, les causes de la situation actuelle.
Le leader parlementaire du gouvernement nous a soumis à
l'Assemblée nationale une liste de personnes pour nous demander si nous
étions d'accord, à la suite de ce qui a été soumis
au chef de l'Union Nationale. Le chef de l'Union Nationale a pris la peine de
se lever à l'Assemblée nationale et demander que d'autres
personnes soient convoquées. Ces personnes n'y sont pas ce matin, et on
nous apprend même qu'elles n'ont pas été convoquées.
Alors, c'est ma grande crainte que nous soyons encore en face d'une
opération d'urgence, oui, mais d'une opération camouflage.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'abord,
M. le député de Beauce-Sud, j'aurais une mise au point à
faire au niveau du règlement. Il est vrai que l'article 153 nous dit que
lorsqu'une commission élue a requis une personne de se présenter
"requérir" n'étant pas une invitation cela
présuppose qu'elle en a le mandat de requérir, puisqu'en vertu de
l'article 63 de la Loi de la législature, l'Assemblée nationale
peut assigner et contraindre toute personne à comparaître devant
elle ou une de ses commissions ou aller produire toute pièce qu'elle
juge nécessaire à ses actes ou délibérations. Donc,
une commission a le pouvoir d'interroger des témoins à la
condition qu'ils soient là. Une commission ne peut contraindre un
témoin à comparaître s'il n'a pas été
assigné régulièrement par l'Assemblée nationale ou
par une commission parlementaire à qui l'Assemblée a
délégué expressément ce pouvoir, et le pouvoir,
c'est le pouvoir de contraindre.
M. Roy: Sur le point de règlement. J'aimerais quand
même que l'article 153 soit lu au complet: "Lorsqu'une commission
élue a requis une personne de se présenter devant elle pour s'y
faire entendre ou pour produire des documents et que cette personne refuse de
le faire, la commission fait rapport de ce refus au président et
celui-ci prend les moyens nécessaires pour que la demande de la
commission soit satisfaite. ' C'est tout l'article. (12 heures)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Beauce-Sud, j'ai étudié toute cette
question pendant des semaines et lorsque vous lisez l'article 153, le mot
"requérir" ne veut pas dire inviter, il veut dire assignation et il
présuppose qu'elle en ait le pouvoir; ce pouvoir peut lui être
délégué par celle dont on est l'émanation,
c'est-à-dire, l'Assemblée nationale. Notre commission peut
inviter des gens, peut convoquer des gens mais elle ne peut contraindre des
gens à se présenter. Elle pourra contraindre des gens à se
présenter si l'Assemblée nationale, dans le mandat qu'elle donne
à la commission, lui donne expressément ce pouvoir de contrainte
ou si l'Assemblée nationale, d'autre part, dans le mandat donné
par le leader du gouvernement, indique que telle et telle personnes soient
nommément assignées par l'Assemblée nationale. Or, ce
point-là étant...
M. Biron: M. le Président, sur cette question de
règlement...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, M.
le chef de l'Union Nationale, les questions de règlement sont sans
appel; M. le député de Beauce-Sud a soulevé un point de
droit, point de droit que j'ai parce que je savais que je
présiderais cette commission depuis des semaines et que le
problème se poserait étudié. Je dois même
vous dire et cela en toute humilité que j'ai
déjà rendu une décision semblable à celle
concernant l'article 153 lors de la commission des pâtes et papier et
j'ai été à même de me rendre compte, en fouillant
mes études, que cette décision que j'avais rendue à ce
moment-là était malheureusement une mauvaise décision.
M. Biron: Question de directive, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.
M. Biron: L'Assemblée nationale a décidé,
parce que le leader du gouvernement a accepté ma demande, de convoquer
ou d'inviter devant cette commission parlementaire les gens que j'ai
nommés tout à l'heure. Je voudrais savoir pourquoi ces gens n'ont
pas été invités et qui a décidé de passer
outre à un ordre de l'Assemblée nationale?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est un
cours de procédure parlementaire, M. le chef de l'Union Nationale, que
vous voulez avoir. La procédure normale est que c'est le
secrétariat des commissions qui invite les personnes à se
présenter devant la commission et c'est le leader du gouvernement qui
indique au secrétariat des commissions quelles personnes la commission
va inviter. Ce n'est pas le Président qui invite. Le Président
constate la présence ou l'absence.
M. Tremblay: M. le Président, je ne veux pas recevoir de
cours de procédure parlementaire mais j'aimerais quand même
relever une affirmation du député de Beauce-Sud qui a sans doute
dépassé sa pensée lorsqu'il a dit qu'il s'agissait
peut-être d'une opération de camouflage.
M. Roy: Je n'ai pas dépassé ma pensée; c'est
ma crainte.
M. Tremblay: II s'agit précisément du contraire. Je
pense que si le gouvernement avait voulu camoufler, premièrement, il
n'aurait pas convoqué de commission après la première
lecture parce que le gouvernement n'est pas obligé de convoquer une
commission après la première lecture. Deuxièmement, si on
avait voulu vraiment camoufler, on aurait invité justement 150 personnes
dans 150 domaines différents pour discuter 150 problèmes. Le
gouvernement veut faire la lumière sur "le" problème et ne veut
pas créer de problèmes; il veut que nous discutions de solutions.
Je demande la collaboration des membres de la commission pour que nous nous
attaquions aux solutions et que nous ne soulevions pas de problèmes. Il
y a un problème qui est urgent. C est pour cela que le gouvernement a
déposé un projet de loi avant notre échéancier
parce que nous avions cru, après le mandat que nous avions confié
à la SGF, que nous pourrions injecter de nouveaux fonds dans la SGF au
cours de la prochaine session. Le rapport était tellement clair, posait
un problème tellement urgent pour toute une région
économique du Québec, que nous avons décidé d'agir
en moins de trois semaines après le dépôt du projet de
loi.
Donc, c'est le contraire d'une opération de camouflage. M. le
député de Beauce-Sud. Nous sommes prêts à le
débattre et nous aurons une première étape parlementaire
de renseignements qui nous permettra de débattre en deuxième
lecture l'ensemble du projet de loi. Alors, débattons le
problème, celui de Marine Industrie, comme je l'ai proposé tout
à l'heure, les bateaux, Marine Industrie et les orientations de la SGF
mais j'espère que nous ne passerons pas trop de temps sur les
orientations, à ce niveau de notre procédure parlementaire,
puisque nous aurons un débat en deuxième lecture justement sur
cette question, et je pense que nous remplirons notre mandat.
M. le Président, je solliciterai la collaboration des membres
pour que nous puissions procéder. Nous avons invité des
témoins. Ils sont ici. Ce sont des gens occupés, qui ont des
responsabilités dans toutes sortes de domaines et je pense que nous
devrions profiter de leur présence pour obtenir les
éclaircissements nécessaires à une bonne discussion en
deuxième lecture du projet de loi.
M. Russell: M. le Président, d'une façon
très brève, je ne pense pas être le plus grand
procédurier de la Chambre, mais je suis ce matin un peu renversé
de la situation. Quand j'écoute le député de
Marguerite-Bourgeoys et le ministre qui disent que nous avons ici des gens
occupés, on est parfaitement au courant que ces gens sont
occupés, mais nous aussi sommes occupés et je voudrais bien qu'on
donne des assurances à la com-
mission, parce que, que je sache, le projet de loi de Marine Industrie
fait partie de la Société générale de financement
et les crédits qui sont demandés le sont pour la
Société générale de financement et on veut discuter
de l'ensemble de l'utilisation de ces crédits, si je comprends bien.
Quand le ministre nous dit que c'est Marine Industrie qui est la cause
principale du problème de la SGF, je suis complètement d'accord.
On a regardé certains de ses chiffres. On veut poser des questions
à ces gens, oui, mais la seule chose que j'ai demandée tout
à l'heure, et je n'ai pas eu de réponse, c'est à cause du
fait qu'on ne veut pas convoquer les présidents d'autres
industries...
M. Tremblay: Mais l'argent est pour Marine. Les modalités
du projet de loi qui ont besoin d'éclaircissement portent sur la
situation d'urgence à Marine. En deuxième lecture, nous allons
débattre aussi longtemps que vous voudrez le principe d'injection de
fonds dans la SGF en général. Il n'y a pas de fonds dans le
projet de loi qui sont attitrés ou affectés directement à
une autre filiale que Marine. Donc, nous avons convoqué une commission
après la première lecture pour discuter du problème de
Marine. Si vous ne voulez pas en discuter, on fera rapport à la Chambre
et on passera tout de suite au débat en deuxième lecture.
M. Russell: Je comprends que le ministre a le droit de me couper
la parole, de m'arrêter quand cela lui fait plaisir. Je ne m'y suis pas
opposé, j'aurais pu le bloquer et l'arrêter de parler. J'avais la
parole et je ne sache pas que lui, en tout cas en commission, ait un droit
prioritaire sans demander votre permission pour avoir le droit de parole ou la
mienne. C'est ce qu'il vient de faire. Je ne lui en veux pas mais je lui
demanderais, de grâce, de ne pas adopter cette attitude parce que le
temps va être long. On est ici au moins pour 48 heures et cela sera
peut-être plus long, et je répète que les crédits
qui sont demandés et qui seront distribués et qui sont à
même l'explication de la loi, c'est pour la SGF. Elle pourra, à ce
moment, en disposer comme elle voudra...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Brome-Missisquoi, si le ministre ne peut vous
interrompre, moi, je vais vous interrompre.
M. Russell: C'est vrai. Vous avez le droit de m'interrompre. Je
ne suis pas dans l'ordre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vais
vous dire ceci: J'ai le mandat, parce qu'il y a des témoins,
effectivement, on a quelques heures pour travailler, et je demande tout
simplement qu'on ne discute pas pendant des heures et des heures sur le mandat,
sur les sujets dont on doit parler.
Le ministre a fait une proposition. Chacun des membres a le droit
d'être en accord ou en désaccord, mais, par exemple, si je
considère que les gens ne s'entendent pas sur le mandat qui nous est
donné par la Chambre, je peux demander à notre émanation,
c'est-à-dire à l'Assemblée nationale, de nous
préciser ce mandat. Si c'est cela que ça prend aux membres de la
commission pour s entendre, on peut aller à l'Assemblée
nationale, faire préciser notre mandat et on reviendra à 15
heures cet après-midi.
Je pense que ce serait déplorable. Je pense que des gens adultes
peuvent s'entendre sur un modus vivendi: qui on entend en premier, de quel
sujet on parle en premier, de quel sujet on parle en deuxième, quelle
personne doit parler sur ce sujet, quelle autre doit parler sur tel autre
sujet. Je ne voudrais pas qu'on passe jusqu'à une heure à parler
là-dessus. Je peux, de mon propre office, demander qu'on retourne devant
l'Assemblée nationale ou sur une simple motion d'un
député, probablement, et préciser le mandat.
M. Lalonde: Avant d'aller à l'Assemblée nationale,
M. le Président, est-ce qu'on pourrait entendre le président de
la SGF qui est assis devant nous, qui a une déclaration qui a
été distribuée. Cela va être conforme un peu
à ce que le député de... Excusez-moi, quel
comté?
M. Russell: Brome-Missisquoi.
M. Lalonde: ... Brome-Missisquoi dit. Il veut qu'on ait une vue
générale de tout ce que le projet de loi nous suggère et
peut-être qu'on va bifurquer sur les navires assez rapidement, mais au
moins on pourra commencer à entamer la discussion. Il est 12 h 25.
M. Russell: M. le Président, deux mots. Je sais que vous
pouvez m'interrompre quand je vais à rencontre du règlement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je ne le
fais pas souvent.
M. Russell: Non, quand je vais à rencontre du
règlement, vous avez le droit de m'interrompre, mais, quand j'ai le
droit de parole, vous n'avez aucune raison, vous n'avez pas le droit de
m'interrompre. Vous me dites que j'allais à rencontre du
règlement, c'est ce que vous m'avez dit quand vous m'avez interrompu. Je
voulais simplement demander une garantie au ministre. C'est tout ce que j'ai
demandé et on ne l'a pas eue encore. On est prêt à accepter
sa procédure. La seule chose, c'est qu'on voudrait avoir de lui
c'est ce qu'on lui a demandé et il n'a pas répondu... Il
me semble que ce serait assez simple de le dire: Oui ou non, est-ce que la
commission va pouvoir entendre les gens que l'Union Nationale a demandé
de convoquer ici? Si c'est oui, qu'il nous le dise. Si c'est non, qu'il nous le
dise; on va savoir à quoi s'en tenir. C'est tout.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Tremblay: Comme je l'avais dit tout à l'heure, la
convocation d'une commission après la première lecture est une
mesure exceptionnelle.
Nous l'avons fait parce qu'il s'agissait d'une question d'urgence.
L'urgence provenait d'une source, Marine Industrie. Nous avons demandé
de convoquer les dirigeants actuels de Marine, les dirigeants passés de
Marine et, évidemment, les dirigeants actuels de la SGF de même
que les représentants des syndicats de Marine. Nous sommes ici pour
discuter de ce problème.
En deuxième lecture, nous reprendrons l'orientation
générale de la SGF, mais, "sérialisons" les
problèmes; sans cela, nous allons être ici jusqu'après
Noël. Je demande encore, j'implore les membres de la commission de
collaborer avec le gouvernement, parce que, s'il n'y avait pas de
problème d'urgence... Et nous allons démontrer qu'il y a urgence,
il y a 3200 emplois qui sont menacés. Je comprends que ce n'est pas dans
votre comté, mais c'est une région industrielle importante du
Québec, et nous avons besoin d'agir rapidement.
Le président de l'Assemblée nationale a mentionné
qu'il nous reste à peu près une dizaine de jours à
l'Assemblée nationale. Il va nous falloir procéder à
l'interrogation des témoins que nous avons convoqués, retourner
à l'Assemblée nationale avec les délais qui sont
prévus par nos règlements, avoir un débat à
l'Assemblée nationale qui peut durer passablement longtemps, revenir ici
en commission avant la troisième lecture. Nous sommes ici dans une
situation d'urgence. Les deux jours que nous allons avoir vont servir en grande
partie à traiter de la question d'urgence et j'ai mentionné que
le président de la Société générale de
financement et les autres officiers vont certainement être disponibles
pour répondre aux questions traitant de l'orientation
générale de la SGF et de certaines autres filiales. Mais il n'est
pas dans l'intention du gouvernement de noyer le poisson et de faire ce qu'a
dit le député de Beauce-Sud, de traiter de 25 sujets à la
fois, alors qu'il y a un sujet que le gouvernement veut voir traiter et parce
que c'est celui-là qui a forcé le gouvernement à agir
rapidement.
M. le Président, si vous le permettez, je vais simplement
remercier les représentants de la SGF de même que ceux de Marine
Industrie, de même que les représentants du syndicat de Marine qui
se sont déplacés ici à la demande du secrétaire des
commissions et je dirais aussi le conseil d'administration de la SGF qui s'est
déplacé, même s'il n'a pas été
convoqué par le secrétaire des commissions. Je signale aussi, M.
le Président, la présence d'anciens dirigeants de la SGF et de
Marine qui ont aimablement accepté, eux aussi, de participer à
cette commission parlementaire et de venir nous aider à éclairer
le débat d'aujourd'hui.
Par contre, M. le Président, il serait peut-être utile que
je commente un peu le rapport du secrétaire des commissions que vous
avez mentionné tout à l'heure, puisque vous avez fait la liste
des témoins qui ont accepté l'invitation et j'ai constaté
qu'il y en a deux qui n'ont pas accepté de se présenter
aujourd'hui, c'est-à-dire M. Yvon Simard qui a été
vice-président de Marine du 26 août 1973 au 30 mai 1974 et qui a
été président de Marine
Industrie du 30 mai 1974 au 18 mars 1975, en plus d'avoir
été président de la Société
générale de financement du 15 décembre 1972 au 13 mars
1975. (12 h 30)
L autre témoin, je crois, est M. Gérard Fillion qui a
été président de Marine Industrie, du 26 avril 1966 au 30
mai 1974 et qui a été conseiller de Marine, jusqu'au mois de
juillet 1977.
M. le Président, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous
sommes ici pour trouver des solutions et éclairer les modalités
de ces solutions, non pas pour créer des problèmes. Je peux
comprendre que certains témoins puissent avoir des raisons valables de
ne pas se présenter. Par contre, j aimerais formuler le voeu et
peut-être en faire une motion, que nous souhaiterions, comme commission
élue, pouvoir entendre ces deux personnes ou du moins que ces deux
personnes soient à la disposition de la commission. Parce que nous
allons démontrer tout à Iheure que la période de 1974,
1975, 1976 est une période clef dans l'explication des déboires
de Marine Industrie. Comme M. Simard était un officier de haut rang de
la société Marine, à cette époque, qu'il en a
été de même pour M. Fillion, je pense que ce serait injuste
pour les autres témoins qui sont ici aujourd'hui, qui se sont
déplacés, si nous ne formulions pas un voeu de convocation de ces
deux autres personnes.
Mais comme vous l'avez mentionné, la commission n'a pas tous les
pouvoirs dans ce domaine et ce ne sera véritablement qu'un voeu. Si vous
me permettez, M. le Président, j'aimerais formuler une motion pour que
nous convoquions les deux personnes qui ne sont pas présentes. Ma motion
se lirait comme suit je vais demander à mes assistants de vous la
distribuer "Que cette commission fasse un rapport spécial
à l'Assemblée rapportant les faits suivants: premièrement,
la commission a reçu le mandat de l'Assemblée de se réunir
pour audition et étude du projet de loi no 108, Loi modifiant la charte
de la Société générale de financement du
Québec. Deuxièmement, pour bien remplir son mandat, la commission
a cru nécessaire de tenir une audition publique. Troisièmement,
en conséquence elle a convoqué un certain nombre de
témoins. Quatrièmement, deux de ces témoins, M.
Gérard Fillion et M. Yvon Simard, n'ont pas donné suite à
l'avis de convocation formelle qui leur a été
régulièrement signifié par le secrétaire des
commissions parlementaires en vue de comparaître devant notre commission,
à 10 heures, au salon rouge du parlement, le 7 décembre 1978.
Cinquièmement, leurs témoignages sont considérés
comme pertinents et essentiels par la commission. "En conséquence, la
commission fait rapport de ce refus des témoins de se présenter
devant elle et prie le président de l'Assemblée nationale de
prendre les moyens nécessaires pour que la commission puisse interroger
ces témoins en temps opportun, le tout conformément aux
dispositions de l'article 153 de notre règlement et des articles 63
à 91 de la Loi de la Législature".
Un court commentaire, M. le Président. Je crois que l'esprit dans
lequel je propose la motion, c'est simplement que je voudrais que la commission
soit d'accord pour que nous formulions une invitation par le truchement du
président afin que les deux personnes soient à la disposition de
la commission. Mais il est probable, puisque nous avons été
convoqués pour deux jours, qu'il y ait des obstacles
géographiques à ce que ces personnes puissent se
présenter. Dans le cas d'un des témoins, on m'a dit qu'il
était à l'extérieur du pays, etc. Je tenais à ce
que nous puissions formuler officiellement notre désir de les voir se
porter à la disposition de la commission.
M. Biron: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur la
recevabilité?
M. Biron: Non.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je
déclare la motion recevable, donc débattable et amendable. Mais
je dois laisser la parole auparavant...
M. Biron: D'accord.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ...
à lOpposition officielle. M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, il me semble qu'on a
passé suffisamment de temps à des mesures qui sont, dans le fond,
très préliminaires à nos travaux. Je crois que c'est
vous-même qui avez fait ressortir qu'il dépendait du ministre,
essentiellement du leader parlementaire, de convoquer des gens, que ce
n'était pas de l'autorité de la commission, du président
de la commission. De la même façon que je m'interroge sur
l'insistance qu'a mise l'Union Natonale à demander la convocation d'un
tas de personnes; je m'interroge également, à ce moment-ci de nos
travaux, sur l'insistance du ministre pour convoquer d'autres personnes, de
façon plus formelle qu'elles ne l'ont déjà
été.
On verra, selon le déroulement de nos travaux, quelles autres
informations sont nécessaires, quelles autres personnes sont
nécessaires, mais plutôt que d'ouvrir la porte à un
débat de procédure à ce moment-ci, j'inviterais le
ministre à observer la même retenue que je crois déceler,
malgré l'impatience compréhensible, du côté de
l'Union Nationale, et à procéder immédiatement à
l'audition des gens qui sont devant nous. Au moins, ceux-là, quand on
aura fini de les entendre, si on n'est pas satisfait, on pourra demander la
présence d'autres personnes. Mais ils semblent suffisamment nombreux
pour satisfaire notre curiosité.
Pour cette raison, M. le Président, on n'a pas l'intention
d'appuyer d'aucune façon la motion du ministre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Lotbinière, M. le chef de l'Union Nationale.
M. Biron: Très brièvement, M. le Président,
si la motion du ministre est jugée recevable, si elle doit se
décider ici, je voudrais simplement proposer un amendement: Qu'on
ajoute, aux deux noms mentionnés par le ministre, les noms de M. Lepage,
président de Volcano; M. Villeneuve, président de Forano; M.
Walsh, président de Donohue; M. Olivier, président de CEGELEC; le
président de BG Checo limitée; le président du Syndicat
des employés de Donohue; M. Wermenlinger et M. Jacques Desmeules de
Chabot et associés.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que l'amendement pourrait être fait par écrit, s'il vous
plaît? Vous voudrez bien en distribuer une copie à chacun des
membres de la commission.
M. Forget: ... tout le monde retirait sa motion.
M. Tremblay: M. le Président, je vais me ranger à
la demande du député de Saint-Laurent. Je pense que nous avons
perdu suffisamment de temps. Si, au cours des séances de la commission,
on se rend compte que les deux personnes que j'ai mentionnées seraient
importantes pour avoir une information complète sur le problème
de Marine Industrie, on pourra revenir avec la motion.
Mais, de bonne grâce, je me range du côté des membres
de l'Opposition et je retire ma motion.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
motion, pour être retirée, demande le consentement unanime,
puisqu'elle avait commencé à être débattue. Est-ce
qu'il y a consentement unanime pour le retrait de la motion.
Des Voix: Consentement.
Une Voix: Non, non, pas de consentement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II n'y a
pas de consentement?
M. Lalonde: II me semble que le ministre a ouvert une boîte
de Pandore...
M. Tremblay: Le problème est une boîte de
Pandore.
M. Lalonde: ... avec une élégance habituelle.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
qu'on peut prendre le vote sur la motion? On va l'enregistrer. Vous l'acceptez?
Comme vous voulez.
M. Lalonde: Est-ce que vous avez l'amendement?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je ne
l'ai pas encore, mais...
M. Lalonde: Comment peut-on parler sur un amendement si on ne l'a
pas, M. le Président?
M. Roy: Je pense qu'on peut quand même procéder
selon un certain ordre. On a demandé au chef de l'Union Nationale
d'écrire sa motion d'amendement. Elle sera déposée
à la présidence. Une copie sera remise aux membres de la
commission parlementaire.
M. Tremblay: Nous reprenons le débat d'il y a quelques
instants.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous
rappelle que je n'ai pas encore déclaré l'amendement recevable,
ni irrecevable.
M. Tremblay: Si on le retire, je ne vois pas pourquoi on ne
procéderait pas à l'audition des témoins.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est
parce que, M. le ministre, on ne peut retirer une motion qu'on a
présentée à partir du moment où on a
commencé à la débattre.
M. Lalonde: Ce n'est pas comme une parole qu'on retire en
Chambre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lalonde: Ce n'est pas comme une parole qu'on retire en
Chambre, n'est-ce pas?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Forget: Accélérons, qu'on ait l'amendement et
qu'on le vote.
M. Lalonde: ... les travaux de la commission sont suspendus. ...
que chacun des membres a le droit d'exprimer son admiration pour
l'habileté consommée du ministre dans la direction des
travaux.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ils sont
silencieux. A l'ordre s'il vous plaît!
M. Tremblay: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Tremblay: M. le Président, j'ai mentionné tout
à l'heure les dates de l'occupation de postes de la part des deux
témoins. S'il n'y a pas consentement pour retirer la motion, je vais la
maintenir, parce qu'il me paraît absolument essentiel que ces personnes
soient ici pour témoigner. Justement, les problèmes qui ont
conduit à la situation actuelle ont pris origine à cette
période temporelle que j'ai mentionnée.
Comme je le mentionnais aussi, il s'agit d'une certaine injustice
à l'endroit des autres témoins qui vont devoir répondre
à des questions sur une période où ils n'occupaient pas
les postes principaux.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.
Est-ce que le ministre parle en faveur de sa motion ou s'il l'a
retirée?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! Un instant! Vous voulez faire de la
procédure, mais le président s'y connaît en
procédure. Humblement, il s'y connaît.
M. Lalonde: Bon, allez-y!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Humblement, il s'y connaît. On ne peut pas retirer une motion à
partir du moment où la délibération est commencée.
Il faut le consentement unanime. Le ministre a voulu retirer sa motion, il ne
peut le faire de lui-même sans le consentement. Le défaut de
consentement a été constaté. Il a maintenant une motion
d'amendement qui n'a pas encore été jugée recevable, ni
irrecevable.
Je dois vous dire, M. le député de Lotbinière, que
votre motion d'amendement remet en question le mandat qui nous a
été confié par l'Assemblée nationale, puisque les
personnes que vous voulez voir assigner par votre amendement sont des personnes
qui, selon le mandat ou selon I'esprit du mandat qui nous a été
confié par l'Assemblée nationale, ne devraient pas être
assignées, à moins que nous ayons une précision de notre
mandat par l'Assemblée nationale, ce que nous n'avons pas encore.
M. Tremblay: C'est-à-dire que ce sera une commission sur
Marine Industrie. On va retourner.
M. Biron: M. le Président, seulement comme explication,
toutes les personnes que j'ai suggérées sont reliées
directement à la Société générale de
financement, soit comme président d'une de ses filiales, comme
président du syndicat ou comme employé d'une de ses filiales,
à un moment donné.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je
suspends les travaux de cette commission pour cinq à dix minutes.
Une Voix: ...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
suspension est prononcée pour cinq minutes.
Suspension de la séance à 12 h 42
Reprise de la séance à 12 h 46
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à chacun de reprendre sa
place.
Je pense que la motion d'amendement du député de Brome
Missisquoi me permet de taire les précisions suivantes: La motion du
ministre est essentiellement une motion qui vise des personnes qui ont
été invitées par le secrétariat des commissions et
qui ne se sont pas présentées; en conséquence, elle
demande qu'elles soient, vu leur défaut de répondre à
l'invitation, assignées formellement, qu'elles soient contraintes de se
présenter par notre émanation, c'est-à-dire
l'Assemblée nationale. Alors que la motion d'amendement du
député de Brome-Missisquoi vise des personnes qui n'ont pas
encore été invitées. Ce que je suggérerais, donc...
Elles ne sont pas récalcitrantes. On ne peut pas faire, à
l'endroit des personnes nommées par le député de
Brome-Missisquoi, un rapport suivant lequel elles sont récalcitrantes
puisqu'elles n'ont pas encore été...
M. Lalonde: II y en a deux qui sont ici, me dit-on.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):...
invitées. Donc, je déclare irrecevable, sur la forme, la motion
du député de Brome-Missisquoi, mais je lui dis, par contre, qu'il
pourra, à la suite du vote pris sur la motion principale,
présenter une motion invitant lesdites personnes à se
présenter devant notre commission. Est-ce que tous saisissent la nuance
entre les deux? Oui. Donc, la motion d'amendement est irrecevable. Nous
revenons à la motion principale. Est-ce que vous êtes prêts
à la voter? Est-ce que cette motion sera adoptée?
M. Russell: Adopté.
M. Lalonde: Est-ce qu'elle est retirée ou non
retirée?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur
division?
M. Tremblay: Je propose encore qu'on la retire. Cela irait
beaucoup plus vite.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
qu'il y a consentement unanime pour le retrait de la motion principale?
M. Biron: D'accord.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Donc, la
motion d'amendement est jugée irrecevable et la motion principale est
retirée, du consentement unanime de la commission.
M. Forget: Bravo!
M. Tremblay: J'aimerais ajouter, à la suite de ce vote,
que si, au cours des discussions et des interrogations, les membres de la
commission se rendent compte que la période 1974 et 1975 exigerait la
présence des deux personnes, comme j'avais mentionné dans ma
motion, avec leur permission, nous pourrions revenir sur la motion.
Exposé de la situation par le ministre M.
Rodrigue Tremblay
Si vous me permettez, je vais commencer les discussions par une
brève présentation, parce que le but de notre présence
ici, c'est d'éclairer le débat. Avant d'entreprendre l'examen des
modalités du projet de loi, je voudrais soulever un certain nombre de
questions auxquelles, tous ensemble, nous pourrons chercher des réponses
pendant le temps que la commission consacrera à l'étude du projet
de loi 108.
Marine Industrie, qui est la raison de notre présence ici,
fondamentalement, se retrouve donc aujourd'hui avec six navires polyvalents de
17 000 tonnes, qui ne sont pas encore vendus et qui ont coûté
à cette entreprise, avant des subventions du gouvernement
fédéral à la construction maritime de l'ordre de 17%, $135
millions.
Les questions évidentes qui se posent et que le gouvernement a
posées à la SGF, sont les suivantes: Quelles sont les principales
causes internes et externes de cette situation critique? Quelles sont les
principales étapes de ce dossier depuis la signature des contrats de
construction avec un armateur grec depuis le 2 août 1973 jusqu'à
maintenant? Quel a été le rôle de la Société
fédérale pour l'expansion des exportations dans le financement de
ces contrats? La Société fédérale pour l'expansion
des exportations, c'est la société du gouvernement
fédéral qui relève du ministère de l'Industrie et
du Commerce fédéral qui est partie au contrat que nous soulevons.
Quelle a été révolution du marché international des
navires polyvalents de 17 000 tonnes au cours des dernières
années?
M. le Président, on a distribué à tous les membres
de la commission, il y a une dizaine de jours au moins une semaine
les rapports en provenance de la SGF de même qu'un rapport de
coupures de journaux qui indiquent très clairement qu'au plan
international, tous les chantiers maritimes traversent une période
pratiquement désastreuse présentement.
Autre question, M. le Président: Quelles sont les fluctuations
qu'ont subies les taux d'affrètement de navires au cours des
dernières années? Quelles sont les possibilités de vente
ou d'utilisation de ces six navires dans l'avenir?
Toutes ces questions sont importantes parce qu'elles nous permettront de
savoir si les modalités du projet de loi que le gouvernement propose
sont à la mesure des problèmes que rencontrent Marine Industrie
et la SGF. Je vais demander tout à l'heure au président de la SGF
de commenter et de répondre aux questions que j'ai
mentionnées.
D'autre part, Marine Industrie a dû absorber une perte nette dans
la division navale de
$17 600 000 au cours dès dix dernières années qui
est attnbuable surtout à la construction de navires polyvalents au
début des années soixante-dix, pour une société
française la perte, pour la société, était
de $20 700 000 et à des provisions initiales pour perte de $10
000 000 pour les navires panaméens. Les navires panaméens sont
les navires grecs auxquels ont fait habituellement allusion.
De toute évidence, l'activité de la construction navale de
Marine Industrie n'est pas rentable dans l'état actuel des choses. Il
faut, par conséquent, que cette entreprise poursuive de façon
intensive l'effort de diversification qu'elle a entrepris en 1953 en
introduisant la fabrication de wagons et en 1965, en commençant à
fabriquer des turbines et des alternateurs et, également, en
réduisant de façon significative son activité de
construction navale de façon que les produits qui y seraient
fabriqués le soient sur une base rentable.
La situation actuelle de Marine exige qu'un plan de conversion
industrielle soit mis en oeuvre dans les meilleurs délais. Les questions
évidemment, auxquelles il serait intéressant pour la commission
d'obtenir des éclaircissements sont les suivantes: Quelles sont les
possibilités réelles de conversion à Marine compte tenu de
la situation économique actuelle? Des travaux concrets en cette
matière ont-ils été faits? Quel effet aura le programme de
conversion industrielle sur la main-d'oeuvre à Marine, à Sorel et
à Tracy? Sur quelle période ce programme
s'échelonnera-t-il et à partir de quel moment pourra-t-on
identifier des résultats pratiques. Dans l'état actuel du carnet
de commandes de Marine, quelles sont les mises à pied prévues par
la direction de cette entreprise? Autrement dit, le gouvernement agit
rapidement en injectant, par le truchement de la SGF, des sommes importantes,
mais ces sommes permettront-elles de consolider l'emploi ou devra-t-il y avoir
quand même une consolidation et une perte d'emplois à moyen terme
ou à court terme?
Donc, les membres de la commission doivent prendre note que Marine
construit des navires dans un contexte où la responsabilité
première et presque exclusive en matière de construction maritime
appartient au gouvernement fédéral.
Par conséquent, quelles sont les questions qu'il nous faut poser?
Par exemple, quelle suite le gouvernement fédéral entend-il
donner aux recommandations qui lui ont été faites par le groupe
d'étude sur l'industrie canadienne de la construction navale
présidé par M. McArthur et qui a remis son rapport il y a deux
mois environ? Parce qu'il y a d'autres chantiers maritimes ici même au
Québec et dans le reste du Canada qui font face à des
problèmes importants.
L'article 4 du projet de loi 108 précise la vocation de la SGF.
Quelles sont les principales raisons qui ont amené les propositions de
modification à la vocation originale de la SGF? Evidemment, nous allons
pouvoir, demain, peut-être revenir plus en détail sur ces grandes
orientations de la SGF. Quelles sont les raisons qui sous-entendent les choix
de secteurs prioritaires dans lesquels la SGF pourrait concentrer ses
activités dans l'avenir et se servir des fonds que le gouvernement
mettra à sa disposition au cours des cinq prochaines années?
Quelle est l'utilisation prévue pour le nouveau capital-actions
de la SGF qui sera versé, d'une part, sur une base statutaire et,
d'autre part, sous la forme d'un fonds à partir duquel cette
société pourra obtenir des fonds additionnels sur la base de
projets et avec l'autorisation du gouvernement. Quel est, d'autre part aussi,
le rôle du conseil d'administration d'une société d'Etat
comme la SGF?
Voilà un certain nombre de questions, M. le Président, qui
pourront être soulevées et précisées pendant les
travaux de cette commission parlementaire au cours de laquelle, à titre
d'actionnaire de la SGF et comme représentant du gouvernement, je
voudrais que le plus d'information possible soit donné. Avant de
demander au président de passer la parole au président de la
Société générale de financement, M. Guy Coulombe,
je voudrais indiquer aux membres de cette commission que j'ai l'intention
d'émettre des directives portant sur les objectifs et l'orientation de
la Société générale de financement comme le
prévoit l'article 16 du projet de loi 108, d'ici quelques mois, d'ici
à ce que nous passions à travers la situation d'urgence des
semaines présentes. Ces directives, M. le Président,
préciseront notamment les critères de performance que j'estime
que la SGF doit atteindre et serviront en quelque sorte de cadre de
référence aux membres du conseil d'administration de la SGF,
membres du conseil d'administration que je félicite encore à
nouveau pour avoir agi avec autant de compétence et de
célérité en déposant leur rapport et me
l'expédiant le 1er novembre dernier.
M. le Président, ce sont des questions générales,
il y en a beaucoup d'autres, ainsi que des sous-questions que les membres de la
commisson vont sans doute vouloir soulever, mais, avant de passer au menu
détail de ces questions, je voudrais avoir votre autorisation pour
demander au président de la Société générale
de financement de nous présenter son appréciation de la situation
à Marine et son appréciation du projet de loi en rapport avec les
besoins de reconversion de la société Marine Industrie.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Avant de
ce faire, je me dois, en vertu de nos règlements, d'au moins permettre
à chacun des représentants officiels de chacun des partis
représentés d'émettre également une brève
déclaration d'ouverture. D'autre part, je demanderais le consentement
unanime de la commission pour que M. Perron (Duplessis) agisse à la
place de M. Grégoire (Frontenac) comme membre de la commission.
M. Forget: Adopté.
M. Lalonde: Adopté. C'est une amélioration.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Etant
donné qu'il est 12 h 58, je présume que les
membres n'auraient pas d'objection que nous ajournions nos travaux
à 15 heures cet après-midi.
M. Lalonde: Oui.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les
travaux sont suspendus à 15 heures.
Suspension de la séance à 12 h 56
Reprise de la séance à 15 h 7
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! Il s'agit de la même séance que
celle de ce matin; donc, je n'ai pas à renommer les membres. Je vais
céder la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce;
par la suite, au chef de l'Union Nationale; par la suite, au
député de Beauce-Sud, brièvement; ensuite, M. Coulombe de
la SGF prendra la parole et puis ce sera la période de questions.
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
Remarques de l'Opposition M. Reed Scowen
M. Scowen: Le député de Saint-Laurent regrette son
absence ici cet après-midi, il a été retenu par un autre
engagement.
D'autre part, M. le Président, nous accueillons les personnes qui
nous visitent aujourd'hui; nous n'avons aucunement l'intention de faire le
procès des événements de Panama. Nous voulons, de notre
part, faire deux choses et j'apprécie énormément le fait
que le ministre a organisé l'information et le débat en fonction
de ces deux choses: premièrement, parler du problème urgent du
financement des pertes causées par la construction des bateaux;
deuxièmement, peut-être d'une façon plus importante, parler
d'une politique à long terme pour la compagnie Marine Industrie et aussi
pour la Société générale de financement.
On remercie énormément le ministre de nous avoir
donné cette occasion et j'espère que nous serons en mesure de
comprendre un peu les politiques du gouvernement envers les
sociétés d'Etat. On attend les témoignages avec un vif
intérêt. Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.
M. le chef de l'Union Nationale.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: M. le Président, notre attitude au cours de
cette commission parlementaire ne sera certainement pas d'essayer de
déterrer quelque malheur que ce soit ou de salir qui que ce soit. C'est
beaucoup plus en vue d'éclairer la population sur les actions,
l'orientation ou l'administration d'une ou de plusieurs de ces
sociétés d'Etat. En passant, la population du Québec est
l'action- naire de ces sociétés d'Etat, puisque c'est elle qui,
par ses taxes, paie finalement les investissements ou les déficits de
ces sociétés. C'est dans le but d'éclairer la
population.
Notre attitude sera positive tout le long de cette commission
parlementaire, surtout en fonction de l'étude du projet de loi tel que
soumis par le ministre. D'ailleurs, il a, dans ses remarques d'ouverture,
parlé énormément de la Société
générale de financement ou de ses orientations.
Il n'est pas question non plus d'essayer de noyer le poisson dans tout
cela. Il faut savoir ce qui s'est passé chez Marine Industrie, bien
sûr, mais aussi chez les autres sociétés d'Etat, et savoir
si ces sociétés maintenant s'administrent d'une façon plus
profitable qu'elles ne l'ont fait dans le passé.
En fonction du projet de loi 108, nous allons interroger ceux qui ont eu
l'amabilité d'accepter l'invitation des parlementaires du gouvernement
et de l'Assemblée nationale. Je tiens en passant à les remercier
sincèrement de leur présence, parce que je sais que pour la
totalité d'entre eux, ils auraient eu beaucoup d'autres choses à
faire aujourd'hui et demain. Mais puisqu'ils ont accepté notre
invitation, c'est qu'ils veulent participer, avec les représentants
élus de la population, à faire un peu plus de lumière sur
l'administration, la gestion de leurs sociétés d'Etat.
Je vous rappelle que l'Union Nationale, au cours des derniers mois, a
même proposé des mécanismes permanents, techniques, avec un
personnel technique de soutien nécessaire, afin d'aider ces
sociétés d'Etat en vue d'une meilleure gestion, d'une meilleure
administration. Ce n'est certainement pas pour détruire ces
sociétés, mais au contraire, notre attitude veut aider ces
sociétés, en particulier la Société
générale de financement, aider les administrateurs de ces
sociétés à répondre davantage aux demandes de la
population du Québec.
Mais lorsqu'on nous présente le projet de loi
déposé par le ministre en première lecture, depuis ce
temps-là, heureusement, j'ai pu lire des parties de rapports, surtout la
présentation de l'actuel président-directeur
général de la Société générale de
financement que je remercie. J'ai compris un peu mieux ce qu'on voulait faire
avec le montant de $52 millions qu'on nous demande de voter d'un coup sec,
à des fins agréées par le gouvernement. Autrement,
j'aurais été obligé d'engager une agence de
détectives pour savoir ce qu'il y avait dans ce projet de loi.
On nous a aussi demandé de consentir des prêts pour une
somme maximale de $18 millions, lesquels ne seraient pas remboursés. Le
ministre pourra convenir que l'obligation de les rembourser et d'en payer
l'intérêt dépend de l'accomplissement d'une condition.
J'ai interrogé le ministre à plusieurs reprises sur cette
condition. J'espère qu'on aura beaucoup plus d'éclaircissements
pendant cette commission parlementaire et qu'on pourra répondre au cours
de l'étude en deuxième lecture et en commission parlementaire,
lors de l'étude du projet de loi
article par article, afin d'avoir des réponses nettes et
précises sur ce projet de loi.
Mais je veux revenir quand même à ce qui est arrivé
à la société Marine Industrie, à l'occasion des
dernières années. Si mes informations sont justes, même
sans compter le cas des navires panaméens pour lesquels il est
arrivé une malchance à cette société d'Etat, la
perte de Marine Industrie aurait été quand même de $1,500
000, en 1977. Je voudrais savoir du président, après ces quelques
remarques, où on se dirige en 1978, et si l'entreprise, même sans
compter le problème des navires panaméens, se dirige à
profit ou à perte et ce qui se passe véritablement; le fond de
l'histoire de Marine Industrie d'un bout à l'autre.
Je remarque aussi, M. le Président, l'attitude des
différents parlementaires qui nous ont précédés,
depuis 1962. Il semble qu'historiquement, la Société
générale de financement s'est présentée devant
l'Assemblée nationale à plusieurs occasions pour demander des
sommes d'argent; en 1962, $15 millions, à l'occasion de sa fondation; en
1967, $5 millions additionnels; en 1969, $10 millions; en 1971, $10 millions;
en 1972, c'était pour acquérir les titres des
intérêts privés qu'il y avait à l'époque, une
partie qui était entre des mains privées alors que la grande
majorité était dans les mains du gouvernement; en 1973, $25
millions; en 1976, $37 millions; encore en 1976, $4 625 000; encore en 1976, un
prêt de $15 millions qui n'a pas été remboursé
depuis ce temps. On peut quand même se poser des questions sur ces
pèlerinages constants de la Société générale
de financement et se demander ce qui s'est passé au cours de
l'histoire.
C'est sûr que je ne veux pas accuser aucun des dirigeants actuels
ou même des dirigeants passés de mauvaise administration, mais il
y a lieu pour les représentants de la population de savoir exactement ce
qui s'est passé dans une telle société, comment les fonds
de cette société étaient administrés et ce qu'on
pourrait faire, nous, aujourd'hui afin d'aider davantage ces
sociétés à devenir finalement rentables, parce que
l'opinion générale qui est répandue dans la population du
Québec vis-à-vis des sociétés d'Etat est
très mauvaise.
Il nous importe, je crois bien, au cours des prochaines années,
de changer cette opinion en changeant des actions de la part des
différentes sociétés d'Etat. Surtout si j'examine les
derniers rapports, les bilans financiers de la Société
générale de financement en dehors des rapports de Marine
Industrie, je vois quand même que certaines sociétés ont
perdu de l'argent l'an dernier, en 1977, telles que Forano c'est
d'ailleurs pour cela que je voulais voir le président de Forano pour en
discuter Volcano, BG Checo avec possiblement un contrat en Iran
où on a perdu $16 millions, Artopex, SOGEFOR et, finalement, Marine
Industrie. Ce sont certainement des questions qu'on peut se poser très
clairement sur l'administration de ces sociétés d'Etat. (15 h
15)
II semble qu'il y ait eu des changements à la direction
générale de Marine Industrie et à sa société
générale. Il y a quand même un climat,
particulièrement à Marine Industrie, qui laisse à
désirer à l'heure actuelle. J'ai discuté avec plusieurs
cadres de Marine Industrie, plusieurs des travailleurs de Marine Industrie et
je qualifierais le climat des relations de travail de laisser-aller à I
heure actuelle. Ce n'est certainement pas avec un climat de laisser-aller qu'on
peut guérir un problème important.
Cela veut dire que le défi est lourd, le défi est
important pour les administrateurs actuels de Marine Industrie. C'est de
changer tout un climat des relations de travail à peu près pourri
qui a finalement atteint 2500 employés de Marine Industrie, à
tous les niveaux, qui semblent un peu pris dans ce climat et personne ne bouge
à l'heure actuelle pour corriger d'une façon profonde et d une
façon sérieuse ce climat de laisser-aller.
C'est tout simplement à constater aussi l'analyse des rapports de
production des différents bateaux, des différents navires qu'on a
produits au cours des dernières années. Je crois qu'on a des
problèmes sur les bateaux grecs ou panaméens, mais il y a aussi
eu des problèmes sur d'autres navires, que ce soient les navires
polonais, que ce soient les navires français. Il y a des renseignements
que je voudrais avoir là-dessus de la part du président et
directeur général sur le climat des relations de travail, comment
cela fonctionne, pourquoi on a un climat de laisser-aller à Marine,
pourquoi, alors qu'on devrait s'améliorer en construisant et en
travaillant sur ces navires, c'est-à-dire améliorer les
heures-homme par navire vis-à-vis du budget qu'on a fait lorsqu'on a
soumissionné sur ces différents navires ces heures-homme s'en
vont en se détériorant, pourquoi on a au-delà de 100 000
heures de plus sur certains navires, alors qu'avec l'expérience et la
connaissance des travailleurs, on devrait améliorer notre rendement
d'une façon considérable. Pourquoi certains travailleurs,
certains cadres de l'entreprise disent-ils qu'il y a des situations
inexplicables et que le rendement aujourd'hui, non seulement des travailleurs,
mais aussi des cadres, des contremaîtres, de la direction, c'est à
peu près 50%? Pourquoi y a-t-il un conflit entre la direction, les
cadres et les travailleurs? On dit, de part et d'autre, qu'il n'y a personne de
compétent là-dedans. J'imagine qu'il y a certainement des gens
compétents là-dedans, mais pourquoi les gens n'ont-ils pas
confiance les uns aux autres? Je pense bien qu'il y a des questions importantes
à poser et on devrait répondre là-dessus. Ce que je
voudrais surtout savoir, à la suite de ces pourquoi, c'est ce qu'on va
faire demain matin, comme action précise, pour améliorer ce
rendement, et surtout améliorer le rendement d'une façon
considérable si on songe qu'on a seulement 50%
d'efficacité des travailleurs, des cadres et de la direction de
Marine, d'après certains rapports qu'on a à discuter avec les
gens du milieu.
Maintenant, vis-à-vis plus particulièrement et plus
généralement de toutes les sociétés ou des
entreprises à l'intérieur de la Société
générale de financement, j'aurais aussi plusieurs questions
à poser au président, en particulier sur ce que
j'appelle des "dettes cachées" ou des dettes qui ne sont pas
entrées au bilan ou les engagements passifs éventuels, mais qui
ne sont ni à l'actif, ni au passif, ni aux coûts d'exploitation.
Il y a des questions là-dessus qu'on peut se poser, en particulier, au
sujet d'un déficit actuariel de la caisse de retraite. On avait, en
1976, un déficit de $1 550 000 qu'on doit rembourser en raison de $150
000 par année, pourquoi, d'un coup sec, à compter de 1976
jusqu'à 1977, ce déficit passe-t-il de $1 550 000 à $950
000? On a remboursé $600 000 dans une année. On ne les retrouve
nulle part aux états financiers que j'ai présentement. Il y a des
questions à se poser. Est-ce que cela dure depuis longtemps? Est-ce que
ces dettes existaient lorsque la Société générale
de financement a acheté Marine Industrie? Ce serait peut-être
intéressant de savoir cela. Et pourquoi ces dettes ont-elles
été assumées lorsqu'on l'a achetée, si elles
étaient là à l'époque?
Il y a aussi des poursuites et des cotisations se rapportant à
des taxes à la consommation. C'est important de savoir cela parce qu'on
réalise... Déjà, depuis un an, je l'ai d'ailleurs
mentionné au ministre des Finances qui m'avait promis d'agir dans ce
sens et je crois qu'il agira au cours des prochaines semaines. Il y a aussi des
taxes provinciales, des taxes d'essence qui sont im: payées
depuis plusieurs années par une société d'Etat alors que,
si cela arrivait dans l'entreprise privée, qu'on ait une
société qui, depuis 1962, accumule des taxes impayées,
j'ai l'impression que la société serait traduite en cour pas mal
plus rapidement. Pourquoi traîne-t-on des dettes comme cela? Pourquoi ne
paie-t-on pas les taxes qu'on doit, comme toute autre société, au
gouvernement du Québec? Là-dessus, il y a tout près de $1
million qui semble traîner de bilan à bilan. Je veux bien croire
que cela n'est pas arrivé l'année passée, mais cela fait
combien d'années qu'on traîne cela? Pourquoi ces taxes ne
sont-elles pas payées? Est-ce que ce sont réellement des taxes
provinciales, en particulier vis-à-vis des montants de taxes
provinciales? Est-ce que ce sont des taxes qu'on a reçues de clients et
qu'on a tout simplement reçues au nom du gouvernement, mais qu'on a
gardées dans les coffres de la société d'Etat? Ce serait
important de savoir si le ministre des Finances je vais peut-être
employer un mot un peu dur se fait voler par une société
d'Etat. Cela deviendrait presque un paradoxe.
Qu'est-ce qui arrive aussi sur les contrats de dragage? On a des
poursuites de la part du gouvernement canadien sur des contrats de dragage;
qu'est-ce qui arrive là-dessus? Je voudrais aussi savoir à quoi
est engagée la Société générale de
financement et sa filiale, Marine Industrie, vis-à-vis des
différentes poursuites de la part du gouvernement
fédéral?
M. le Président, il y a aussi des questions que je voudrais
peut-être me faire éclaircir davantage tout à l'heure, mais
j'aime mieux en informer tout de suite le président: les fameuses
commissions qui ont été payées, de l'ordre
d'au-delà de $7 millions, sur les navires que nous avons
prétendu- ment vendus et avec lesquels nous sommes finalement
poignés, qu'on n'a pas pu vendre. Est-ce que c'est normal qu'on paie des
commissions d'avance sur ces navires? Quel est le montant des commissions qui
ont été payées d'avance? Il semble que, dans un certain
rapport, on voit 70% et, dans un autre, 90%. Quel est le montant? Est-ce normal
que cela se fasse dans ce sens pour la vente des navires? Ce seraient des
questions auxquelles le président, je pense bien, pourrait
répondre.
Finalement, avant de terminer, je sais qu'on a invoqué beaucoup
de problèmes techniques sur ces bateaux, les bateaux panaméens en
particulier; les cadres et les travailleurs de Marine Industrie que j'ai
questionnés m'ont dit qu'il n'y avait pas de problèmes en
réalité, ce n'étaient que des pseudo-problèmes,
cela a été tout simplement une espèce de
harcèlement de la part du client envers la compagnie pour essayer de
retarder le plus possible la date d'échéance, de livraison des
navires pour pouvoir, après cela, plus facilement annuler ses
engagements vis-à-vis de la compagnie Marine.
Or, quels étaient ces vrais problèmes? Qu'a-ton fait pour
résoudre ces problèmes? Est-il vrai que si on avait tout
simplement fait venir la compagnie Lloyd's capable de donner un certificat sur
ces navires, ces problèmes ne seraient pas arrivés et,
finalement, le client grec aurait été obligé de prendre
ces navires?
Est-ce vrai aussi que vis-à-vis de cette négociation de
navires, le client était prêt à renégocier son
contrat et on n'a pas voulu, de la part de la direction de Marine,
renégocier le contrat alors que le même client grec a
renégocié ses contrats dans les chantiers maritines en Allemagne,
en Suède en particulier, et qu'il a accepté 100% de ses contrats
une fois renégociés là-bas et que les seuls contrats qu'il
a annulés sont ceux qui regardent l'entreprise Marine?
C'est beaucoup de questions que je voudrais poser, d'une façon
positive, afin d'éclairer un peu les membres de l'Assemblée
nationale, afin aussi d'éclairer la population du Québec. Mais je
redis, en terminant, que les questions importantes qui m'intéressent de
très près sont des questions à savoir ce qu'on fait cette
année, demain matin, au cours des prochaines années. Peut-on
espérer qu'avec une nouvelle injection de capitaux, la
société Marine, premièrement, sera rentable et que les
autres sociétés membres du groupe de la Société
générale de financement deviendront rentables le plus rapidement
possible?
Peut-on espérer de telles choses? Je pense que le
président serait prêt à nous répondre tout à
l'heure lorsque ce sera le temps pour lui de faire son intervention.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Beauce-Sud.
M. Fabien Roy
M. Roy: Merci, M. le Président. Je vais être
très bref. D'ailleurs, je suis heureux qu'une com-
mission parlementaire ait lieu pour examiner la situation
financière des sociétés qui sont ici
représentées aujourd'hui, puisque cela fait suite à un
voeu que j'ai souventefois exprimé dans le passé à savoir
que, lorsque l'Assemblée nationale est appelée à voter des
millions de dollars, des dizaines, voire des centaines de millions de dollars,
on puisse prendre une décision éclairée, une
décision vraiment responsable.
D'ailleurs, il n'y a pas un gérant de banque, ni même un
gérant de petite caisse populaire qui ne prend pas la peine d'examiner
un dossier avant de consentir un prêt à un individu à une
petite entreprise.
Plusieurs questions ont été posées par mes
collègues. J'aimerais ajouter quelques questions, évidemment,
puisqu'on parle de la nouvelle orientation, de la nouvelle vocation qu'on
pourrait donner à Marine Industrie. J'aimerais bien qu'on puisse nous
apporter un éclairage par exemple relativement à cette nouvelle
vocation. La société se dirige-t-elle vers des secteurs qui sont
déjà occupés par l'entreprise privée dans le
Québec? Je pense que c'est un élément qu'il est important
d'examiner, parce qu'on sait très bien que l'Etat s'engage toujours
à financer les déficits, alors que l'entreprise privée n'a
jamais le choix. Elle est obligée d'être rentable.
Deuxièmement, a-t-on fait des études du marché?
Troisièmement, s'il y a des rapports de rentabilité qui ont
été faits, quelles sont les relations aussi qui pourront exister
dans l'avenir avec la société Volcano ou la société
Forano. Ce sont toutes des questions auxquelles il serait bien important
d'avoir des réponses. J'aurai d'autres questions à poser et j'y
reviendrai au fur et à mesure, M. le Président, compte tenu...
Mais j'aimerais bien dire ceci de façon à être bien clair
pour tout le monde. Il peut arriver que nous posions des questions assez
gênantes et assez embarrassantes, mais cela fait partie de nos
responsabilités et je pense qu'un bon médecin qui veut
guérir un patient atteint d'une maladie sérieuse est parfois
obligé de lui faire mal. Ce n'est pas dans le but expressément de
nuire à quelqu'un, ce n'est pas dans le but de gêner quelqu'un non
plus, mais c'est dans le but de connaître tous les faits, d'avoir toute
l'information, la lumière nécessaire pour que, lorsque nous
serons appelés à nous prononcer en deuxième et en
troisième lecture sur le projet de loi qui est actuellement devant nous,
nous puissions prendre une décision éclairée et
responsable.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Beauce-Sud. Avant de céder la parole
à M. Coulombe, j'aimerais dire, pour le bénéfice de tous
ceux qui vont venir témoigner les choses suivantes: Premièrement,
l'article 64 de notre Loi de la législature dit ceci: "Nulle personne
n'est passible de dommages-intérêts ou n'est sujette à
aucun autre recours en raison d'actes accomplis sous l'autorité de
l'Assemblée nationale agissant dans la mesure de ses pouvoirs.'' Je sais
qu'il y a des confrères présents qui auront pris bonne note de
cette déclaration. D'autre part, même si le Parlement
protège ses témoins, ceux-ci peuvent demander formellement la
protection de la commission avant de produire leur déposition, ce qui
veut dire que toute parole ou tout aveu, quel qu'il soit, invoqué devant
I Assemblée nationale ou ses commissions, ne pourra jamais servir de
preuve contre lesdites personnes devant un quelconque tribunal face à
ces événements. Ceci dit, je cède la parole au
président de la SGF, M. Coulombe.
Situation à Marine Industrie
M. Coulombe (Guy): Merci, M. le Président. Vous
comprendrez que l'accumulation de données et l'établissement d'un
dossier qui, somme toute, est assez complexe nécessite la collaboration
de plusieurs personnes. Avec votre permission, M. le Président,
j'aimerais quand même présenter à la commission les membres
du conseil d administration, sans lesquels je ne crois pas qu'il aurait
été possible d'accomplir ou de réaliser ce programme ou ce
rapport que nous vous présentons aujourd'hui, ainsi que mes principaux
collaborateurs. J'ignore s'ils sont tous encore présents, mais
j'aimerais quand même vous les mentionner.
Les membres du conseil d'administration de la Société
générale de financement sont: M. Roland Giroux qui, je pense, est
bien connu dans cette salle, M. Michel Bélanger, qui est
président de la Banque provinciale, M. Yves Gratton, qui est
président de l'UAP, M. Michel Latraverse, qui est président de
York Lambton, M. Fernand Martin, professeur d'économique à
l'Université de Montréal et M. Claude Descôteaux qui est
sous-ministre de l'Industrie et du Commerce. Quant à mes principaux
collaborateurs ici, je voudrais présenter M. Jacques Paquin,
vice-président à l'exploitation, M. Michel Plessis-Bélair,
vice-président au développement de l'entreprise, M. Louis-Gilles
Gagnon, vice-président aux affaires juridiques.
M. le Président, j'aurais une directive à vous demander,
le résumé que je veux vous présenter se divise en trois
parties, j'ai crû comprendre que la commission voulait examiner les
problèmes lun après l'autre. Si vous étiez d'accord, je
pourrais peut-être présenter la partie qui concerne les bateaux,
et réserver les deux autres parties pour d'autres discussions, à
moins que vous désiriez que je passe à travers tout le
résumé.
Le Président (M. Marcoux): Je remplace pour quelques
minutes seulement. Je peux demander l'avis des membres de la commission.
M. Tremblay: M. le Président, le texte du président
est très long, et comme on a décidé ce matin de
sérialiser les problèmes des bateaux, de la société
Marine et la SGF, si les membres de l'Assemblée étaient d'accord,
on demanderait au président de formuler ses réponses ou ses
commentaires concernant la question des bateaux. Chacun des membres de la
commission pourrait
poser des questions sur ce sujet précis. Nous reviendrions, par
la suite, à un niveau d'analyse un peu plus vaste que celui de la
société Marine en général.
Le Président (M. Marcoux): II y a consentement pour
procéder étape par étape? Alors, les bateaux d'abord.
M. Coulombe: Lors de l'assemblée annuelle de la
Société générale de financement, le 5 mai dernier,
il y a huit mois, presque jour pour jour, le ministre de l'Industrie et du
Commerce, M. Rodrigue Tremblay a, à titre d'actionnaire et au nom du
gouvernement, confié à la nouvelle direction de la SGF, le mandat
de faire le point sur la situation à la SGF et de lui présenter
un rapport sur les problèmes et les orientations futures de cette
société d'Etat.
A ce moment-là, une évaluation des filiales de la SGF a
été entreprise et ce travail qui s'est effectué avec la
collaboration des dirigeants de chacune d'entre elles, se poursuit de
façon intensive. L'objectif de ce travail est de mettre au point un plan
de développement de chacune des filiales qui devrait normalement
être terminé le printemps prochain.
Très rapidement, la nouvelle direction de la SGF a
été confrontée avec le problème des six navires
invendus à Marine Industrie Ltée. Ce problème était
d'une telle ampleur qu'il a nécessité que la majeure partie du
temps de la direction de la SGF, en collaboration avec celle de MIL, y soit
consacrée.
Par ailleurs, l'ensemble du dossier de la SGF a été
analysé et des propositions ont été soumises au
gouvernement. Les questions relatives aux orientations de la SGF sont
traitées dans les documents qui ont été soumis aux membres
de la commission. Ces documents sont le rapport sur le rôle et les
orientations de la SGF, le rapport synthèse sur les filiales et
compagnies affiliées de la SGF et le rapport sur Marine Industrie
Ltée.
Il s'appuie sur un ensemble de textes dont certains ont un
caractère purement technique et dont d'autres ne peuvent être
rendus publics, parce qu'ils contiennent des informations concernant la
position concurrentielle de chacune des entreprises en cause.
La première dimension. Pour les fins de mon exposé, j'ai
l'intention de rappeler et d'indiquer les principaux éléments de
ce dossier et les membres de la commission pourront, au besoin,
compléter les informations que je fournis en interrogeant les personnes
qui sont ici présentes et qui ont assumé la direction, soit de
Marine, soit de la SGF au cours des cinq ou six dernières
années.
Dès son entrée en fonction, la nouvelle direction de la
SGF a pris connaissance du rapport soumis par le président de la SGF, M.
Raymond David, le 23 septembre 1977, au ministre de l'Industrie et du Commerce
sur les six navires panaméens. A la lumière de ces
renseignements, MIL a entrepris une étude plus détaillée
de la situation. Par la suite, un mandat général d'exa- men des
tenants et des aboutissants du dossier des navires panaméens a
été confié au vérificateur de Marine Industrie par
le conseil d'administration de cette entreprise. C'est ce à quoi on fait
allusion quand on parle du rapport Desmeules.
Les vérificateurs ont soumis ce rapport au conseil
d'administration de Marine Industrie et celui-ci a récemment
décidé de confier à une firme d'avocats l'étude de
ce rapport et de toute la documentation pertinente, afin de dégager et
de préciser les droits et réclamations que MIL pourrait faire
valoir à l'occasion de la négociation avec l'armateur, en
septembre 1979.
Les avocats, de même que les auteurs du rapport, verront à
faire des recommandations sur les suites à y donner. De plus, afin
d'éviter la répétition d'une telle situation, une
politique globale de gestion est en voie de préparation par la direction
de MIL (Marine Industrie Limitée) en collaboration avec les officiers de
la SGF et elle sera présentée au conseil d'administration de
Marine Industrie et de la SGF avant le 30 janvier 1979.
Les explications de la situation financière critique de MIL qui
entraînerait l'insolvabilité de cette entreprise, si le
gouvernement n'intervient pas, sont de plusieurs ordres et on peut chercher
longtemps les causes qui la sous-tendent.
Fondamentalement, cette situation s'explique par deux raisons:
l'effondrement du marché de la construction navale au niveau
international et des problèmes internes de gestion et de production
à Marine Industrie Limitée. L'effondrement du marché
international des navires est longuement expliqué dans le document remis
aux membres de la commission.
Les problèmes de gestion et de production chez MIL ont
commencé à être corrigés et un . effort intensif
sera entrepris, en particulier dans le cadre du programme de conversion
industrielle de cette entreprise, dont on pourra parler un peu plus tard.
Pour le moment, le résultat net pour la SGF est qu'il existe,
chez Marine Industrie, une de ses filiales importantes, six navires invendus et
qu'il faut par conséquent poursuivre les efforts déjà
entrepris pour la vente ou l'utilisation de ces navires. Depuis plus d'un an,
Marine Industrie a effectué de multiples démarches pour la vente
de ces navires, tant auprès de divers pays ou de sociétés
d'Etat de pays, qui ont déclaré des intentions d'augmenter leur
flotte de marine marchande, qu'auprès d'armateurs ou de compagnies
maritimes du secteur privé en Europe et au Canada.
Compte tenu des faibles taux de fret et d'affrètement qui
prévalent depuis trois ans, les entreprises du secteur privé ne
peuvent justifier de nouveaux achats de navires et les principaux efforts de
vente ont dû être orientés vers des pays en voie de
développement. Marine Industrie a eu des communications avec une
cinquantaine de ces pays et des officiers de Marine Industrie ont
participé à des missions dans quelques-uns pour tenter de
négocier des ventes. Il y a lieu de mentionner, entre autres, les
discussions qui ont
eu lieu avec des représentants de l'Indonésie,
l'Algérie, Cuba, la Côte-d'lvoire, le Gabon, le Niger, et le
Pérou. D'ailleurs, M. Dinsmore ainsi que M. Jacques Paquin,
vice-président de la SGF, pourront tout à l'heure parler plus
longuement de ces efforts multiples de vente.
Certaines de ces négociations ont échoué parce que
les pays concernés ne pouvaient obtenir le financement requis selon les
conditions avantageuses requises. Mais certaines négociations se
poursuivent de manière intensive. Jusqu'à ce que le projet de loi
à I étude soit déposé, Marine Industrie pouvait
difficilement entrevoir la possibilité de vendre ses navires à
des prix sensiblement inférieurs à ses prix coûtants, sans
pouvoir compenser pour les pertes qui en découleraient.
En plus des dicussions avec les représentants d'une cinquantaine
de pays, Marine Industrie a eu des pourparlers avec des officiers de plusieurs
des plus grandes compagnies de transport maritime de l'Europe et du Canada.
Certains de ceux-ci se sont dits intéressés à utiliser les
navires, mais pas à les acheter, tant et aussi longtemps que les taux de
fret et d'affrètement ne permettent pas de couvrir les remboursements de
capital et le paiement des intérêts.
Incidemment je pense que tout le monde a le texte vous
pouvez vérifier à la dernière page de l'annexe, pour voir
l'ampleur du problème. Vous voyez, au troisième paragraphe de la
page, que les intérêts à un taux de 9% par année,
sur une somme de $17 350 000, représentent à eux seuls $35 630,
soit $4275 par jour. On verra tantôt, avec les données qu'on
pourra vous fournir, à quel niveau se situent les taux actuels
d'affrètement comparés à cette exigence d'au moins $4000
seulement pour les intérêts.
Le projet de loi 108 qui est soumis à l'attention de la
commission prévoit, à l'article 10, des dispositions qui
rétabliraient la situation financière de MIL qui découle
de l'affaire des six navires panaméens. Ces dispositions vont dans le
sens de verser une subvention de $10 millions pour compenser les pertes de MIL
pour l'année 1978; de prêter à certaines conditions, $18
millions afin de compenser les pertes et de payer les dépenses
afférentes à la construction, à l'utilisation, à
l'entretien, au financement et à la vente des six navires. Ces $18
millions se décomposent comme suit: $10 millions pour réduire la
valeur aux livres des six navires encore là, à l'annexe A,
vous voyez le montant total du coût des bateaux, moins les subventions
où on arrive avec la nécessité d'un investissement, d'une
mise de fonds de $10 millions $5 millions représentant le
coût de la garde des trois navires faisant l'objet des engagements par
l'armateur grec jusqu'en septembre 1979, et $3 millions pour couvrir les pertes
d'opérations éventuelles de la première année de la
société de navigation, dans la mesure de la décision qui
sera prise, filiale de la SGF, qui serait chargée d'exploiter les trois
autres navires.
De même, le dernier alinéa de l'article 10 prévoit
que le ministre des Finances garantit un produit de vente de $17 350 000 pour
chacun des six navires panaméens. Le déboursé que le
gouvernement pourrait éventuellement être appelé à
faire serait donc la différence entre le prix de vente des navires et le
montant de $17 350 000. C'est expliqué plus en détail à
l'annexe 2 du même document.
La question fondamentale qui se pose c'est: Comment peut-on en arriver
à une décision de base ou quel est le meilleur prix?
L'attitude de la SGF vis-à-vis des six navires panaméens
dépendra d'un certain nombre de facteurs comme l'évolution des
taux d'affrètement du transport maritime sur le plan international
à ce propos, on a des chiffres à vous fournir tantôt
pour démontrer que ces taux ont augmenté d'environ 25% à
30% au cours des six derniers mois; il semble y avoir une remontée dans
ces taux les possibilités de financement qui pourront être
fournies par la Société pour l'expansion des exportations
quelles seront les conditions nouvelles à tout acheteur éventuel
que la société du gouvernement fédéral sera
prête à consentir? Ces choses-là restent à
être négociées dans l'ensemble les engagements
financiers du gouvernement du Québec évidemment, une perte
immédiate ou une perte dans six mois, etc., ce n'est pas
indifférent pour le gouvernement les engagements contractuels et
évidemment les engagements contractuels en vigueur, parce qu'avec
l'armateur en question, on a encore des engagements contractuels très
précis pour septembre 1979. En tout état de cause, la SGF
effectuera une analyse des coûts et des bénéfices de
différentes hypothèses et tentera d'obtenir le maximum de revenus
de la disposition à partir de l'utilisation des navires en question.
En terminant, mes remarques sur le dossier des six navires
panaméens, il importe de signaler aux membres de la commission que la
SGF a dû, à cause de la situation critique de MIL, utiliser toutes
les liquidités qui étaient disponibles pour avancer à sa
filiale le montant de $6 millions et, d'ici le 31 décembre prochain, un
nouveau montant de $3 millions à $4 millions devrait être
injecté dans MIL. Il est prévu que ces montants soient convertis
en capital-actions de Marine Industrie.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.
M. le ministre.
M. Tremblay: Merci beaucoup, M. le Président de la SGF,
pour cette présentation synthétique, en quelque sorte, du
problème. J'espère que votre intervention donne une idée
un peu plus précise du problème auquel sont confrontés le
gouvernement et la SGF.
Avant de poser des questions un peu plus précises et avant de
laisser la parole à mes collègues de la commission, je voudrais
vous faire une remarque concernant la page 4 de votre texte, où vous
indiquez que vous avez fait des démarches pour vendre des bateaux au
Niger. Je présume que vous vouliez dire le Nigéria, parce que le
Niger ayant été conseiller du gouvernement nigérien
pendant de nombreuses années est un
pays à l'intérieur de l'Afrique, qui n'a que le fleuve
Niger qui, habituellement, n'a pratiquement pas d'eau dedans et des bateaux de
17 000 tonnes ne pourraient pas remonter jusqu'à Niamey.
Le gouvernement canadien, par l'entremise de l'ACDI, a
subventionné un creusage, un dragage du fleuve. La sécheresse des
dernières années fait que même des barges ne peuvent pas
remonter jusqu'à Niamey. De toute façon, c'est un autre type de
bateau. Revenons à notre flotte.
Comme vous l'indiquez très clairement, le problème auquel
a été confronté le gouvernement, à la suite du
dépôt de votre rapport, c'est qu'il y avait risque
d'insolvabilité de Marine et comme Marine a des dettes, que vous pouvez
préciser, qui sont garanties par la Société
générale de financement, la survie même de la
Société générale de financement, sur le plan
financier, aurait pu être mise en doute. Or, comme il y a 8200
employés vous me corrigerez dans l'ensemble du
réseau de la SGF il y en a environ 3000 ou 3200 à Marine
même il s'agit d'un problème industriel majeur auquel fait
face le Québec, auquel fait face le gouvernement et auquel fait face
évidemment la Société générale de
financement. C'est la raison pour laquelle, évidemment, nous avons
convoqué la commission et nous avons déposé un projet de
loi afin d'éviter une certaine catastrophe, parce qu'il faut utiliser le
terme. Marine se trouve dans une situation, se trouve face pratiquement
à une catastrophe avec ses bateaux qui sont invendus.
Evidemment, avant d'entrer peut-être dans une question plus
précise sur l'étendue du problème, je vous dirais que je
lisais hier que l'annulation des bateaux de la part d'armateurs internationaux
n'est pas un phénomène qui est isolé ou unique à
Marine ou pour le Québec et le Canada. Je lisais un article dans le
numéro du "Fairplay International Shipping Weekly" du 24 août
1978, et je pense que cela peut nous éclairer un peu sur l'état
du marché international. Ceci a trait aux commandes que les chantiers
maritimes japonais se sont vu retirer au cours des dernières
années, les chantiers maritimes japonais étant, avec les
chantiers maritimes coréens et norvégiens, les principaux
concurrents des chantiers maritimes canadiens. On y lit, et je vais le lire en
anglais: "In the August 10th issue of the Japanese daily the KAIJI, 1978, the
cancellation of export ship contracts over the past three years reached 266
ships 266 bateaux d'annulés with an agrega-te of 14,7
million tons gross and worth in excess of $8,5 billion $8 500 000 000 de
contrats ou, en livre sterling, 427 millions de livres sterling. "Although, the
builders say that were it not for such a colossal cancellation, the industry
would not be in such a severe depression" le mot "depression" est
utilisé, ce n'est pas le mot "récession"; l'industrie navale
mondiale est dans une dépression présentement, comme elle ne l'a
jamais été au cours des cinquante dernières années.
Je continue: "... depression, as it is, the fact is that without such
cancellations, the shipping crisis would become the scourge of civilization and
the death of many companies." Ceci montre et je pense que c'est bon de
situer le problème dans lequel nous nous trouvons dans un contexte
international que tous les pays qui ont des chantiers maritimes font
face à une dépression dans ce secteur, avec des pertes d'emploi
phénoménales et, en France, on a fermé la moitié
des chantiers maritimes à ce que j'ai vu dans certaines coupures de
journaux qui ont été distribuées. (15 h 45)
Je reviens à Marine Industrie. En 1973, Marine Industrie a
frappé le "jackpot", si je comprends bien. Un client passant par des
courtiers de Londres en lisant vos documents, on le voit très
clairement a offert à Marine Industrie un contrat de 18 bateaux,
de l'ordre de $250 millions à $260 millions; à l'époque,
c'était donc une commande extraordinairement forte. La première
question que je voudrais vous poser, M. le Président et vous pouvez
peut-être demander à des collègues et témoins qui
ont été convoqués de vous aider à répondre
puisque, évidemment, vous n'étiez pas là à
l'époque, est-ce que la valeur des actifs de Marine Industrie et son
importance financière étaient suffisamment grandes pour s'engager
dans des contrats d'une telle ampleur, autrement dit, pour accepter ces
contrats? Evidemment, c'était peut-être l'euphorie, 18 bateaux de
17 000 tonnes. Il s'agissait d'un contrat qui allait assurer de l'emploi,
évidemment, et de l'activité économique aux chantiers
pendant de nombreuses années. N'y avait-il pas là un risque
d'attacher un cheval au cou d'un lapin et qu'à la moindre
défaillance du marché ou des contrats, de grèves ou autres
fatalités, Marine Industrie courre un risque important? Est-ce qu'en
1973, on réalisait cela ou si l'euphorie était telle qu'on s'est
dit: Si cela arrive, on verra? Est-ce qu'on s'est dit: Peut-être parce
qu'on est une société d'Etat, si cela va mal, le gouvernement va
nous sortir du trou? Je pose cette question parce qu'elle me semble
évidente. Est-ce qu'on réalisait cela en 1973?
M. Rochette: M. Coulombe me demande de répondre à
cette question. M. le Président, avant de répondre, vous avez
souligné tout à l'heure un article qui accorde une certaine
immunité à ceux qui ont à se présenter ici et aussi
qu'il était possible d'avoir la protection contre l'utilisation des
témoignages donnés ici dans des procédures civiles. Vous
n'êtes pas sans savoir qu'il y a des litiges en cour entre Marine
Industrie et moi-même et mes associés dans les chantiers Davie
Ltée; je n'ai pas d'objection à répondre ici aux
questions, mais comme il ne s'agit pas d'un tribunal et que je ne parle pas par
la voie d'un procureur, je voudrais avoir la protection pour que mon
témoignage ne puisse pas servir dans des procédures civiles qui
peuvent intervenir à une date ultérieure.
M. Lalonde: M. le Président, je pense qu'il faudrait quand
même éclairer le témoin là-dessus. J'aimerais que
vous lui disiez que son témoignage ne pourrait pas servir contre lui
mais qu'on ne pourrait pas empêcher un tiers de consulter la
transcription du journal des Débats et dire: M. Rochette, vous avez dit
telle chose à tel endroit.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense
que la question m'était adressée, je pense qu'il faut faire
référence tout d'abord à l'article 64, qui est la Loi de
la législature, Statuts refondus 1964, chapitre VI. Il est dit dans cet
article 64, la phrase ou le texte suivant: "Nulle personne n'est passible de
dommages-intérêts où n'est sujette à aucun autre
recours en raison d'actes les tribunaux interpréteront si cela
comprend les paroles accomplis sous l'autorité de
l'Assemblée nationale agissant dans la mesure de ses pouvoirs."
Evidemment, il n'est pas dans l'habitude des présidents de
commissions parlementaires, et ce n'est pas leur rôle,
d'interpréter un article mais je le fais, j'estime que cet article 64
protège le témoin contre tout action en libelle diffamatoire pour
des propos qu'il pourrait tenir soit envers des membres de cette commission
parlementaire ou envers toute autre tierce personne. Donc, s'il fallait que les
propos d'un témoin assigné par la commission, répondant
à quelqu'un ici, tienne des propos qui pourraient être
préjudiciables à quelqu'un d'autre, cette personne qui tient
lesdits propos est protégée, à mon avis
évidemment, je ne suis pas la Cour d'appel, la Cour suprême, c'est
mon interprétation contre des actions en libelle diffamatoire
contre elle pour lesdits propos.
D'autre part, et c'est le deuxième point, en accordant la
protection de la commission, je me fonde encore là, non pas sur des
jugements de la Cour d'appel ou de la Cour suprême, mais sur des auteurs
en droit britannique, notre Parlement est un Parlement qui tient sa tradition
de l'Angleterre et tous les auteurs sont unanimes à dire, et notre
ancien règlement le dit très clairement, que la commission ou le
président, mais je préfère la commission, peut accorder la
protection aux témoins qui comparaissent devant elle. Parce qu'il serait
absolument inconcevable que l'Assemblée nationale et ses commissions,
qui sont en quelque sorte, si je prends une expression anglaise dont les autres
se servent "The High Court" dans un pays ou dans une province donnée, ne
puissent pas accorder à ceux qu'elles assignent la protection que leurs
propres lois donnent à des témoins devant les tribunaux de droit
commun.
Or, je ne puis aller plus loin. Je vous dis ce que je peux vous dire.
Evidemment, je suis avocat, mais je ne suis pas ici comme avocat. Je suis ici
pour présider la commission parlementaire. Mon seul rôle est de
présider les débats, mais c est l'interprétation... Et
j'ai des confrères qui sont à ma gauche, peut-être à
ma droite et vous avez je pense__le peux vous dire également que la Loi
de la Législature donne le droit à toute personne assignée
par la commission d'être assistée d'un procureur. Je pense qu'on
doit le dire pour cette commission et pour toutes les autres commissions
parlementaires, mais je ne voudrais pas...
Vous ne devez pas être nécessairement d'accord avec cette
opinion, qui n'est pas strictement de moi mais qui est basée sur des
études très importantes que j'ai fouillées au cours des
dernières semaines en me préparant fébrilement à
cette commission parlementaire.
M. Drolet (Gaétan): Je m appelle Gaétan Dro-let. Je
suis avocat. Le problème est double. Le premier problème est
celui de l'immunité. Le deuxième problème est celui de la
protection. Vous avez très clairement expliqué, ce matin, que
nous sommes ici sur une base volontaire, non coercitive. Nous avons quand
même voulu venir sur invitation, mais il reste que tout ce
problème de sub judice où Marine est en demande contre notre
client, il ne faudrait pas que ce problème de la protection soit un
problème sujet à interprétation. La question que je vous
posais, c'est en vertu de quelle autorité suprême. Vous me dites
que c est l'autorité du Parlement. Mais je voulais quand même
avoir des assurances, parce qu'il semble même que votre collègue,
près de vous, a des doutes. Vous faites des recherches, vous faites des
études. Nous voulons avoir une assurance absolue. Autrement, il est
peut-être futile aujourd'hui de faire un procès qui viendra plus
tard.
M. Lalonde: Je voudrais, M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui,
d'accord, mais vous voudriez une assurance absolue. Vous savez que les Cours
supérieures peuvent être cassées par des Cours d'appel et
des Cours d'appel par la Cour suprême. Or, je ne puis donner une
assurance absolue.
M. Drolet: Vous me dites que le Parlement est la volonté
suprême. Le Parlement est-il prêt à dire: Dans ce cas-ci, il
y aura une immunité absolue, en plus, il y aura une protection
absolue.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je sens
l'importance de tout cela. Je l'ai étudié. Je pense qu'il est bon
de tirer la question au clair.
M. Drolet: Oui.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D autres
présidents de commissions parlementaires, je l'avoue, et d'autres
confrères pourraient avoir des opinions différentes, c'est fort
possible, et je les respecte également, mais pour plus de
précautions envers vous et envers votre client, j aimerais quand
même vous lire quelques parties des arguments qui m'amènent
à émettre de tels commentaires.
Premièrement, il serait inconcevable que la plus haute
institution politique qui s'érige au besoin en tribunal et en commission
d'enquête, n'accorde pas à ses propres témoins une
protection équivalente à celle que les tribunaux de droit commun,
et, je pourrais ajouter, parfois, que ses propres commissions qu'elle a
créées accordent aux leurs.
En droit criminel, un témoin qui demande et qui obtient la
protection de la Cour est assuré que son témoignage ne pourra
jamais servir de preuve contre lui devant toute instance où il pourra
être mis en accusation.
Deuxièmement, si le législateur permet qu'un témoin
puisse demander la protection de l'Assemblée ou de la commission, on
doit interpréter toute
disposition en ce sens comme signifiant quelque chose.
Le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Les témoins
sont protégés depuis toujours par les privilèges
traditionnels qui leur échoient en vertu de la coutume parlementaire et
de certains statuts. Donc, cet argument est que, si on prend le besoin dans nos
lois et règlements de prévoir la protection de la cour, c'est
qu'on a voulu donner à cette protection une certaine signification,
toujours sous réserve de dire la vérité évidemment.
Si donc, en outre, ils peuvent demander et obtenir la protection de
l'Assemblée ou de la commission, c'est qu'on a voulu leur accorder un
privilège supplémentaire. Ce privilège
supplémentaire, c'est certainement celui qu'une cour ordinaire consent
à ses témoins puisque, dans les deux cas, on utilise les
mêmes termes: "La cour ou la commission vous accorde la protection
demandée à la condition que vous disiez la vérité.
" Comme le droit parlementaire et le droit criminel ont la même origine
britannique, il serait inconcevable que les mêmes expressions, dans des
circonstances analogues, n'aient pas le même sens et la même
portée.
Troisièmement, dans l'interprétation des textes et de la
tradition, il faut tenir compte de ce que j'appellerais le principe de
l'équilibre, équilibre entre la fin et les moyens,
équilibre entre les droits et les obligations. Si le Parlement
protège pleinement ses témoins, c'est dans le but d'obtenir d'eux
un témoignage libre, d'en arriver à savoir l'entière
vérité. On les protège donc de toute contrainte physique
et/ou morale. Or, une des pires contraintes morales que pourrait ressentir un
témoin, c'est d'être obligé, en commission parlementaire,
de répondre à des questions qui pourraient l'incriminer face
à une autre juridiction. Pour savoir toute la vérité, le
Parlement a, entre autres, défendu à toute personne de poursuivre
un témoin en raison de ce qu'il a pu dire en commission parlementaire.
Peut-on imaginer qu'il puisse permette que son témoignage puisse servir
contre lui en dehors du Parlement? Si le Parlement s'est donné le droit,
lequel peut être exorbitant ou peut paraître exorbitant, de forcer
un témoin à répondre à des questions incriminantes
pour lui, peut-on concevoir qu'il n'a pas accepté en revanche
l'obligation de protéger ce même témoin quant à
l'utilisation possible de ce témoignage à d'autres fins? Poser
ces questions, c'est y répondre, à mon humble point de vue.
Est-ce que... Evidemment, je ne voudrais pas partir un débat
juridique.
M. Lalonde: M. le Président, parce que le confrère
disait que je n'étais pas en accord avec votre... Ce n'est pas tout
à fait exact. Je pense bien que je suis parfaitement d'accord sur la
décision. D'ailleurs, on en avait eu un précédent il y a
quelques semaines dans une autre commission. Je pense que, lorsqu'on accorde la
protection on exclut la personne qui parle devant les cours, on
assujettit cette protection à l'obligation de dire la
vérité. Je pense Me Drolet pourra en convenir.
Premièrement, je pense qu'il faut dire cela.
Deuxièmement, je voulais être bien sûr, parce qu'il
semblait que M. Rochette avait une conception un peu trop large de cette
protection. C'est pour cela que je voulais faire la remarque avant qu'il ne
témoigne. Mais je suis parfaitement d'accord avec
l'interprétation que le président a donnée de la Loi de la
législature et du règlement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Et la
dernière chose que je voudrais dire, évidemment, c'est que je ne
suis pas l'autorité suprême. Je suis l'autorité
suprême en cette commission seulement. Mais, évidemment, je fais
mon devoir de mon mieux. Je ne veux en aucun moment que ma décision
puisse porter préjudice à quelque personne que ce soit, mais je
pense que cette décision, en tout cas, je l'estime légalement
correcte puisque, d'après moi, sans répéter tout ce que
j'ai dit, il serait absolument inconcevable que le Parlement, qui fait
lui-même les lois, qui accorde à des témoins le pouvoir,
dans ses propres commissions qu'il crée en vertu des lois, de demander
la protection, qui prévoit dans son règlement qu'on puisse
demander la protection, n'accorde pas, en revanche, cette protection.
M. Drolet: M. le Président, je voudrais seulement faire
deux commentaires. Le premier commentaire, c'est d'abord: Est-ce que les
auteurs que vous citez, cela a été repris par un tribunal de
haute instance, soit la Cour d'appel ou la Cour suprême, ou si c'est
simplement un auteur qui s'improvise dans ce domaine?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, je
n'ai pas conscience, personnellement, que la Cour d'appel
peut-être que d'autres collègues ici, à cette commission,
auraient des causes à citer; je n'en ai pas que d'autres cours se
soient prononcées déjà ou que le cas se soit
déjà présenté, sauf que tous les auteurs en droit
parlementaire britannique sont unanimes sur cette interprétation et je
ne peux pas aller autrement, je ne peux pas aller plus loin que les sources
mêmes de notre droit parlementaire, qui est le droit britannique comme
notre droit criminel d'ailleurs. (16 heures)
M. Drolet: Le deuxième volet, M. le Président,
c'est que vous avez cité beaucoup d'altercations entre Sa Majesté
la Reine et autres, vous parliez toujours du droit criminel. Ici, nous sommes
en relations privées, c'est-à-dire Marine Industrie versus des
individus; est-ce qu'il serait possible, M. le Président, de demander
à la partie qui veut prendre ou qui pourrait prendre avantage à
renoncer à cet avantage? Quel qu'il soit.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce n'est
certainement pas mon... Je ne peux pas aller plus loin que ce que je vous ai
dit.
M. Drolet: Non, je pose le débat très clairement.
On a la demanderesse et la défenderesse ici. Je pense que...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Nous ne
sommes pas... Justement, pour moi, ici, il n'y a pas de défenderesse et
il n'y a pas de demanderesse.
M. Drolet: Je comprends très bien, mais on est sub judice,
M. le Président, et si on essaie de laver des situations passées,
je pense qu'il faudrait que ce soit clarifié.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Bon.
Ecoutez, je ne peux pas me prononcer là-dessus, je ne me prononcerai
pas. Vous m'avez posé des questions, je pense que j'ai répondu
qu'au niveau civil, les tierces personnes non présentes, comme les
députés, sont protégées contre les poursuites en
libelle diffamatoire pour des propos tenus non seulement à l'endroit des
députés ou même du président mais à l'endroit
de tierces personnes. A des niveaux autres que le libelle diffamatoire, vous
savez ce que je vous ai dit. Je pense que je dépasserais mon rôle
que d'aller dans d'autres voies.
Je peux vous dire également, qu'en droit parlementaire
britannique, un témoin, même s'il avait été
assigné et vous êtes venu volontairement a le droit
de ne pas se présenter. S'il ne se présente pas, il y a une
procédure qui est prévue, on peut faire un rapport, comme on a
passé près de le faire ce matin, mais il y a eu... Je peux vous
dire également qu'il y a l'obligation pour le témoin de
répondre à des questions même incriminantes, en raison
justement de la protection qu'on peut accorder.
Il peut arriver qu'un témoin dise, malgré tout ça:
Je refuse de témoigner. A ce moment-là, la même
procédure se met en branle, comme celle qui s'est mise en branle ce
matin, un rapport spécial à l'Assemblée nationale à
savoir que ce n'est pas un défaut de se présenter, c'est un
défaut de répondre.
Je pense vous avoir mis en face de tous vos droits, privilèges et
obligations. Maintenant, les décisions vous appartiennent.
M. Drolet: Je peux quand même poser une question.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous
pouvez poser quelques questions encore et si...
M. Orolet: Je vais quand même poser une question, M. le
Président, je ne sais pas si...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ecoutez,
c'est une affaire entre deux parties, moi, je suis prêt à
suspendre si c'est le voeu de la commission les travaux si cela
peut vous aider. Mais la dernière question que vous m'avez posée
n'est pas de mon ressort. Mon rôle est d'informer les témoins de
leurs droits, privilèges et obligations, mais les affaires entre les
parties qui sont présentes devant moi, ce sont des affaires
privées. Je peux, si les membres de la commission sont d accord,
suspendre quelques minutes pour vous permettre d'avoir des discussions.
Les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à 16 h 15.
Suspension de la séance à 16 h 4
Reprise de la séance à 16 h 19
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, messieurs!
M. le député de Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président. Je voudrais, sur ce point
de règlement qui a été soulevé, apporter mon appui
aux propos que vous avez tenus tout à l'heure, étant donné
que, le 27 novembre 1975 et je pense que cela va éclairer tous
les membres de la commission et que cela va également répondre
aux questions qui ont été posées par nos invités
un projet de loi a été soumis devant l'Assemblée
nationale et qui confrontait la ville de Rimouski à Rimouski-Est.
En vertu de l'article 99 de notre règlement de procédure,
il est interdit à un député qui a la parole de parler
d'une affaire qui est devant les tribunaux ou devant un organisme quasi
judiciaire ou d'une affaire qui est sous enquête, lorsque, dans ce
dernier cas, les paroles prononcées peuvent être
préjudiciables à une personne.
Le président avait rendu une décision à la suite de
cette question qui avait été posée, et je livre aux
membres de la commission la réponse qui avait été
donnée: "Faisant suite au point d'ordre soulevé par le
député de Beauce-Sud, je dois dire que la question sur laquelle
je dois rendre une décision en est une des plus importantes,
étant donné qu'elle touche à la souveraineté du
pouvoir législatif. Permettez-moi de citer, en l'appliquant à
notre situation, Gladstone, dans North American Review, 1878, rapporté
dans Beauchesne, quatrième édition, page 7 et je cite: "Un
principe capital de la constitution anglaise moderne veut que la Chambre des
communes soit le plus grand des pouvoirs de l'Etat. La Chambre des communes
l'emporte, et de beaucoup, par la force de ses institutions politiques, sur
tout autre pouvoir particulier s'exerçant dans l'Etat ".
Je pense que cela apporte un éclairage, une précision, M.
le Président, à la question qui a été
soulevée, parce que ce principe qui a été émis et
qui fait jurisprudence dans nos travaux parlementaires, affirme une question de
droit, affirme une question de principe qui, par la force des choses, assure
toute la protection nécessaire à ceux qui pourraient être
interrogés devant une commission parlementaire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
que les membres de la commission accordent leur protection, la protection de la
commission, aux témoins?
M. Roy: Pour le journal des Débats, je m'excuse, M. le
Président, mais j'aimerais citer, comme point de
référence, la page du journal des Débats, soit B-6565, le
jeudi, 27 novembre 1975.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Beauce-Sud, pour votre appui. Je demanderais
maintenant aux membres de la commission s'ils sont d'accord et s'ils donnent
leur protection, la protection de la commission et non pas la protection de la
présidence effectivement, cela va de soi aux
témoins...
M. Biron: D'accord.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... et
à un témoin particulier qui est M...
Une Voix: Rochette.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ...
Rochette.
M. Roy: D'accord.
M. Lalonde: Le gouvernement...
Une Voix: Ce sont tous des députés ici.
Une Voix: Ils le sont tous.
Le Président (M. Vaillancourt): Le gouvernement n'a pas
à accorder de protection, cest la commission, c'est-à-dire que la
commission est l'émanation de ce qui est la "High Court" de
l'Assemblée nationale.
M. Biron: Adopté. M. Lalonde: Adopté.
Contrat de 18 bateaux
M. Tremblay: Je reformulerais ma question, si vous le permettez,
M. le Président. Dans le fond, je demandais à M. Coulombe, soit
à lui-même, soit à M. Rochette, de nous faire
peut-être l'historique du contrat entre Marine Industrie et l'armateur
grec de 18 bateaux, en 1973, et peut-être aussi de toucher aux
circonstances qui ont amené la négociation de ce contrat, la
renégociation par la suite, ce qui a entraîné les
problèmes financiers que l'on connaît chez Marine Industrie.
M. Rochette: M. le Président, M. Coulombe m'a
demandé si je pouvais répondre à cette question-là.
Je suppose qu'il l'a fait, parce que M. Gérard Fillion n'est pas ici,
à cause de circonstances imprévues. Cela me place dans une
position un peu difficile et délicate, parce que, normalement, c'est
lui, je crois, qui aurait dû répondre à cette question.
Enfin, je puis vous dire ce que je connais de la réponse au meilleur de
ma connaissance.
En 1973, il y avait, chez Marine Industrie, un vice-président en
marketing, M. Cameron Hacken qui dépendait directement de M. Fillion.
C'est lui qui a été responsable de la négociation de ce
contrat, au Pirée, en Grèce, avec M. Karageorgis. J'ai
participé, dans une certaine mesure, aux négociations. J'ai
moi-même passé quelques jours en Grèce. M. William White
qui était directeur de la construction navale était là
aussi. Il y avait, avec MM. Hacken et White, un associé du bureau Blain,
Piché, Emery et Godbout, M. Robert Alain, qui servait de conseiller
juridique. Je suis revenu à Montréal avant que les
négociations soient terminées pour faire rapport à M.
Fillion de l'état des négociations et, à la suite du
rapport que j'ai fait, M. Fillion a présenté le tout au conseil
d'administration de Marine Industrie qui a accepté que le contrat soit
signé entre Marine et Karageorgis par MM. Hacken et White, au
Pirée. M. Fillion et moi-même avons ensuite conversé par
téléphone avec MM. Hacken et White et M. Fillion a fait part
à M. Hacken de l'autorisation du conseil d'administration de signer le
contrat pour les 18 navires. Il faut dire qu'à ce moment, il s'agissait
d'un contrat ferme pour six navires et d'un contrat sujet à
renégociation avant le 30 juin 1974 pour les douze autres.
Dans l'esprit de l'armateur, M. Karageorgis, de la façon dont
cela m'a été rapporté par M. Hacken et M. White, il
insistait pour avoir un contrat pour 18 navires. Il n'était pas
intéressé à un contrat pour six navires seulement. Selon
son argument, il commandait toujours de longues séries de navires pour
avoir beaucoup de navires semblables, nécessitant les mêmes
pièces de rechange, et pour lesquels l'entraînement des
équipages était facilité, parce qu'il pouvait les
transférer d'un navire à l'autre pendant leur période de
vacances, et après leur période de vacances; il n'était
pas nécessairement obligé de les retourner sur le même
navire.
C'est la raison qu'il a invoquée. C'est à cause de cet
argument que le conseil, je crois, a accepté de signer pour 18 navires,
même si cela paraissait un contrat énorme pour une
société comme Marine. Il faut dire, par contre, que Marine venait
de construire sept navires à peu près semblables pour deux
armateurs français. La compagnie avait perdu une somme
considérable d'argent, mais par contre, elle avait pris de
l'expérience. En signant un contrat pour des navires semblables avec un
nouvel armateur, à un prix substantiellement plus élevé et
avec des clauses escalatoires pour tous les navires, sauf les six premiers qui
étaient construits pendant une période où il y avait une
convention collective ferme, il semblait que la négociation que MM.
Hacken et White avaient menée assurait à la compagnie le contrat
très sécuritaire pour Marine sur le plan de la
rentabilité. Evidemment, à ce moment, personne n'a prévu
que la crise de novembre 1973 ferait suite à la guerre entre Israël
et les pays arabes, et que par la suite, il y aurait un effondrement du
marché des superpétroliers qui ensuite entraînerait une
crise dans toute l'industrie de la construction navale, crise qui n'a vraiment
fait son apparition qu'en 1975, mais qui a commencé à être
très prononcée en 1976.
Je vous ai brossé un tableau assez rapide. Si vous voulez avoir
plus d'explications...
M. Tremblay: Si vous permettez, j'aimerais peut-être poser
quelques questions complémentaires. Evidemment, nous étions
à l'époque je pense qu'il est important de situer le
problème dans un contexte où la demande pour les bateaux
était très forte, comme vous l'avez indiqué. Je me demande
si les commandes de 18 navires, six plus option sur douze, étaient des
commandes uniques à Marine de la part de M. Karageorgis, l'armateur qui
commandait, ou si cet armateur avait commandé chez d'autres chantiers
maritimes des commandes semblables. Autrement dit, est-ce qu'il y avait un
élément de spéculation de la part de l'armateur, à
votre avis, ou si c'était une commande pour des bateaux qu'il songeait
utiliser lui-même?
M. Rochette: Là-dessus, je pourrais vous répondre
qu'à ma connaissance, Karageorgis exploitait une flotte d'environ 45
navires. Donc, c était vraiment un armateur bona fide. Par contre, j'ai
constaté par la suite qu'il commandait assez souvent plus de navires
qu'il n'en avait besoin pour sa propre flotte et qu'il en revendait, par la
suite. Il avait, à un certain moment, en 1974, une valeur totale,
d'après un article paru dans une revue de l'industrie, d'environ $800
millions de commandes placées chez différents chantiers, au
Japon, au Canada, en Allemagne et en Suède. J'ai su, depuis, de
courtiers de l'industrie, qu'il a pris livraison d'à peu près
tous ces navires, sauf ceux de Marine qui ont été annulés.
Par contre, il en a revendu beaucoup, en plus d'avoir revendu les six à
Delmas-Vieljeux, les six premiers de la série dont on parle, et deux
à l'Algérie; il en a vendu de ceux qui étaient en
construction en Allemagne et au Japon aussi. Quel est l'état de sa
flotte aujourd'hui? Je ne le sais pas, parce que j'ai perdu cela de vue.
M. Tremblay: Devant un contrat d'une telle ampleur, je crois que
c'était $260 millions, vous pouvez peut-être nous préciser
quelle était la valeur financière de Marine à cette
époque. Est-ce que, Marine, à cette époque, a pris des
mesures pour vérifier la solvabilité de ce client, s'est
assurée d'avoir des assurances de solvabilité et surtout des
assurances de financement, soit de la construction, soit de la vente de ses
bateaux pour l'armateur? (16 h 30)
M. Rochette: Le financement était assuré par la
Société pour l'expansion des exportations et par la Banque de
Montréal. Les contrats, à leur signature avaient une clause qui
permettait l'annulation si le financement ne pouvait pas être mis en
place. Il a été mis en place et, pour Marine Industrie, le
problème ne semble pas du tout être un problème de
financement puisque les navires étaient financés par l'armateur
à travers la SEE et la Banque de Montréal. Au point de vue de la
solvabilité du client, M. Karageorgis nous avait remis ses états
financiers personnels qui montraient une fortune très
considérable, et si ma mémoire est bonne, il y avait une garantie
personnelle malgré qu'il s'agissait de compagnies panaméennes,
une compagnie par navire, ce qui peut-être n'offrait pas toutes les
garanties nécessaires mais il y avait une garantie personnelle de M.
Karageorgis ajoutée aux garanties fournies par les compagnies
panaméennes et il y avait une clause dans les contrats qui disait que
s'il était en défaut sur un contrat, il devenait en défaut
sur tous ses contrats. Alors les contrats étaient tous
interreliés.
M. Tremblay: Je reviendrai sur cette question de financement tout
à l'heure. Il faudrait peut-être régler la question de la
renégociation des contrats puisqu'effectivement, il n'y a pas eu 18
bateaux construits et livrés à ce client grec. Combien y a-t-il
eu de bateaux effectivement construits suite à ce contrat? A qui ont-ils
été livrés? Répondons à cela et on verra
ensuite.
M. Rochette: Pour la période de temps où j'ai
été au service de Marine Industrie, M. Karageorgis a revendu,
pendant la construction, les six premiers navires à une
société française Delmas-Vieljeux. Ces navires ont
été construits et livrés à Delmas-Vieljeux. Il a
revendu les deux suivants à la Compagnie nationale algérienne de
navigation. Ces deux navires, à ma connaissance, malgré que
j'étais parti de Marine Industrie, ont été construits et
livrés aussi en Algérie et, par la suite, je ne peux pas faire de
commentaires parce que je ne suis pas au courant de ce qui s'est
passé.
M. Tremblay: A la suite de ces commandes et à la suite de
ces renégociations, le problème auquel faisait face Marine
Industrie, si je comprends bien, était de s'assurer auprès de
fournisseurs un approvisionnement en pièces, en équipement pour
construire les bateaux et, en 1974-1975, il y a eu des commandes de moteurs,
d'acier, de pièces, de fournitures, etc., pour environ $100 millions si
je comprends bien. C'était une période où la demande
était assez forte, donc Marine Industrie devait faire des contrats assez
serrés pour obtenir ces fournitures d'une part. D'autre part,
évidemment, Marine Industrie avait ces contrats avec un armateur et
quand ces contrats ont commencé à devenir difficiles
d'application et là, j'aimerais bien qu'on informe la commission
sur les circonstances qui ont amené l'armateur à pouvoir se
sortir de ces contrats Marine s'est évidemment trouvée
entre des commandes déjà assez fermes, comprenant des
pénalités si elle les annulait, et des contrats qui lui filaient
entre les mains, restant évidemment avec des fournitures et de
l'équipement. La décision de Marine Industrie, semble-t-il, a
été d'aller de l'avant dans la construction même si, au
plan juridique, les contrats pouvaient peut-être ne pas être
réalisés et la livraison des bateaux ainsi construits
finalisée. Est-ce que mon appréciation de la situation est
conforme aux faits? Est-ce que vous pourriez nous donner des détails sur
ce "squeezing", en
quelque sorte, qui s'est produit pour Marine Industrie en 1974 et
1975?
M. Rochette: En 1974-1975, la situation était telle qu'il
fallait s'assurer l'approvisionnement nécessaire pour construire les
navires. Quand un contrat devient ferme avec un armateur, au même moment,
il faut avoir des contrats fermes avec les fournisseurs pour pouvoir construire
les navires dans Jes délais prescrits et payer les prix convenus. Au
moment des six premiers navires, nous avions placé toutes les commandes
nécessaires pour s'assurer du matériel pour les construire et
quand les douze suivants sont devenus des contrats fermes je dis fermes
mais avec clauses escalatoires, etc. quand ils ont été
confirmés, disons, en 1974, à nouveau nous avons placé des
commandes auprès des fournisseurs pour assurer l'approvisionnement pour
construire des navires et c'était entendu que si, par la suite, il
fallait annuler une partie de ces commandes, il pouvait y avoir des dommages
à payer.
M. Tremblay: Donc, je pense que c'est en avril 1975, il y a eu la
confirmation du financement et le contrat pour les bateaux est devenu
ferme?
M. Rochette: Vous avez raison. C'est au moment où le
financement a été assuré en avril 1975 que les contrats
sont devenus confirmés, et c'est à ce moment que Marine a
placé ses commandes de façon ferme avec ses fournisseurs.
M. Tremblay: Mars, avril 1975.
M. Rochette: Jusqu'à ce moment, les commandes
étaient placées, mais sous réserve d'annulation, sans
pénalité.
M. Tremblay: Juste au moment où on changeait de
président, je crois.
M. Biron: J'aimerais revenir à une question que le
ministre a posée tout à l'heure et qui n'a pas eu de
réponse. J'aimerais qu'on... c'est la question du ministre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est
parce que j'ai refusé ce droit tantôt à mon collègue
de gauche. C'est une question de procédure. Habituellement, disons que
je vais laisser... On peut prendre une procédure contraire, si c'est sur
le même sujet. Mais là, on parle toujours de bateaux. Cela va
être facile pour n'importe qui de poser des questions.
M. Biron: C'est exactement la même question que le ministre
a posée tout à l'heure. Cela avait l'air un peu d'un cheval pour
employer son terme, un cheval au cou d'un lapin. Dans le fond, est-ce que
Marine avait la capacité...? Puisque le ministre l'a posée,
j'aimerais entendre M. Rochette là-dessus.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Seulement celle-là.
M. Biron: Seulement celle-là. C'est exactement la question
du ministre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Parce
que je sens que je fais un peu de la discrimination envers mon collègue
et je ne le voudrais pas.
M. Biron: Marine avait-elle la capacité financière
et technique vous avez dit financière, oui mais technique
nécessaire pour prendre ces commandes? Est-ce que cette commande de 18
navires que le ministre a mentionnée tout à l'heure était
trop grosse pour Marine ou était-ce possible pour Marine de la prendre
et physiquement et financièrement réalisable?
M. Rochette: Je croyais avoir répondu à cette
question en disant que cette décision était du ressort du conseil
d'administration et le tout a été soumis au conseil
d'administration, qui a accepté que Marine s'engage dans ces contrats.
Je n'étais pas membre du conseil d'administration. J'ai fait mon rapport
au président, M. Fillion, qui l'a soumis au conseil
d'administration.
M. Biron: Et vous personnellement?
M. Rochette: Moi personnellement? J'émettrais seulement
une opinion.
M. Biron: C'est cela.
M. Rochette: Dans mon opinion, avec l'expérience, que
Marine venait de prendre sur les sept navires précédents
construits pour les Français, Marine avait certainement la
compétence pour les construire et comme les navires devaient être
financés par la SEE et la banque, qu'il n'y avait aucun engagement
financier de Marine dans le financement, il me semblait que c'était une
bonne affaire dans le marché que nous connaissions en 1973, qui
était un marché fantastique, et nous offrions de meilleures
livraisons que les autres pays.
M. Biron: Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
J'entends suivre la procédure habituelle en demandant à chacun,
par exemple, de ne pas abuser, le ministre, au bout d'un certain temps, le
député de Notre-Dame-de-Grâce, le chef de l'Union
Nationale, le député de Beauce-Sud, le député de
Richelieu, après cela, ce sera n'importe qui qui lui lèvera la
main le premier. C'est la procédure normale, pas les mains, ou la main,
mais très brièvement, de chaque côté, parce que
n'importe qui pourrait poser des questions pendant une heure et demie.
M. Tremblay: Je vois que vous êtes sage, il s'agit d'un
dossier d'une telle complexité que si nous ne suivons une ligne
d'analyse relativement droite, nous risquons de tomber dans le
coq-à-l'âne et de ne pas y voir clair. Je pense que nous
sommes maintenant à essayer de dégager les principales
grandes lignes du problème et, si vous permettez, j'aimerais continuer
dans cette direction, parce que M. Rochette a bien dit que c'était aux
environs de mars ou avril 1975 que la confirmation des commandes de fournitures
a été faite, et ce fut la période où il y a eu
changement de président à Marine.
M. Yvon Simard avait été président du 30 mai 1974
au 18 mars 1975. M. Yvon Simard, auquel nous avons fait allusion ce matin,
n'est malheureusement pas ici et c'est pour cela que j'aurais souhaité
que M. Simard soit ici parce que ce genre de questions...
Comme dit M. Rochette, il n'était pas membre du conseil
d'administration. Donc, par conséquent, je suis obligé de me
retourner vers le président de la SGF à l'époque, qui
était M. Raymond David. M. David a été président de
la SGF du 25 juillet 1974...
M. Coulombe:... M. Simard était aussi président de
la SGF.
M. Tremblay: M. David est arrivé en juillet 1975.
M. David (Raymond): A la SGF, comme président de la
finance en juin 1974 et président de la SGF à la fin d'avril
1975.
M. Tremblay: Donc, à l'époque M. Simard
était aussi président de la SGF et président de Marine,
les deux ensemble.
Donc, ce témoin auquel je faisais allusion ce matin aurait
pu...
M. Rochette: Est-ce que je peux vous apporter un
éclaircissement, M. le Président? Je pourrais vous apporter un
éclaircissement. Quand vous parlez de la date du 15 avril 1975,
c'était la date limite où l'armateur devait obtenir son
financement confirmé, mais les amendements à tous ces contrats
ont été négociés en août 1974 alors que M.
Yvon Simard était président de la compagnie. Ces
négociations ont eu lieu à Londres; les conditions auxquelles
nous pouvions accepter de confirmer les douze contrats étaient selon les
directives de M. Yvon Simard. Ils ont effectivement été
confirmés en août 1974, les amendements ont été
signés pour rendre ces contrats effectifs, sujets à ce que le
financement soit obtenu avant une certaine date. La date dont vous parlez,
c'est la date où le financement a été confirmé,
mais la décision a été prise avant cela. Il s'agit
simplement de la question d'obtenir, non pas de notre part, mais de la part de
l'armateur, la confirmation du financement.
M. Tremblay: M. le Président, étant donné
que le président de la SGF ou le président de Marine pour cette
période de 1974-1975 n'est pas ici, je vais demander au
vice-président de la SGF à l'époque si la SGF était
au courant de la teneur de ces contrats, si la SGF avait pris connaissance des
engagements que détenait Marine à l'endroit de l'armateur grec et
si, de l'avis de la SGF, ces engagements étaient assez solides pour
justifier les commandes de fourniture et d'équipement qui ont
été effectuées, parce qu'il s'agissait de montants
énormes, quand même. On parlait de $100 millions de commandes de
fournitures, d'une part, de bateaux qui pouvaient représenter $260
millions. Comme Marine représentait environ 40% des actifs de la SGF,
c'était pratiquement la principale filiale, est-ce que la SGF
était au courant de ce qui se passait et suivait le déroulement
de ces négociations?
M. David: La SGF n'avait pas plus d'information, M. le ministre,
que le conseil d'administration de Marine et, effectivement, le mode
d'administration à la SGF était un mode de
décentralisation.
M. Tremblay: Pardon. Est-ce que vous permettez que je vous
interrompe? Parce que vous venez de faire une déclaration qui me
paraît curieuse. Vous avez dit que le conseil d'administration de la SGF
ne possédait pas plus d'information que le conseil d'administration de
Marine?
M. David: C'est cela.
M. Tremblay: Qui avait l'information?
M. David: C'étaient des transactions de Marine. Elles
étaient approuvées par le conseil d'administration de Marine et
il y avait une communication qui était faite chaque mois sur
l'état de chaque filiale, au niveau du conseil d'administration de la
SGF.
M. Tremblay: On me souligne que M. Arthur Simard, qui
était président du conseil de Marine... Ici, c'est indiqué
je m'excuse que M. Arthur Simard était président du
conseil du 30 avril 1963 au 20 mai 1976. tst-ce que c'est exact, M. Simard?
Est-ce que vous étiez vraiment président du conseil pendant toute
cette période du 30 avril 1963 jusqu'au...
M. Simard (Arthur): ... je vais demander l'immunité aussi
et je vais demander la protection de la cour, si vous voulez avoir des
détails.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Simard, l'article 64 s'applique de façon automatique à vous
également, comme à tous les témoins et, d'autre part,
est-ce que la commission est disposée à accorder la même
protection?
Une Voix: Oui.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors,
la protection de la commission est accordée à M. Arthur
Simard.
M. Simard (Arthur): En tout premier lieu, j'aimerais dire
à messieurs les membres de la commission que M. Yvon Simard dont on
vient de
parler, ne vous trompez pas, ce n'est pas parent avec nous, ce n'est pas
dans la même famille. Il y a tellement de Simard et de Bourassa; alors,
ce n'est pas parent.
M. Tremblay: ... une accusation, M. Simard.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous
savez qu'il n'y a pas autant de Simard que de Tremblay au
Saguenay-Lac-Saint-Jean.
M. Simard (Arthur): C'est une coïncidence que Yvon Simard
soit là en même temps que j'étais là. J'ai
été là en 1963 quand mon père est
décédé. C'est moi qui ai pris la succession et je suis
resté là comme président du conseil jusqu'à ce
qu'on vende nos intérêts, le reste de nos intérêts
à la Société générale de financement. J'ai
été là de façon continue.
M. Tremblay: Je vous répète un peu la question que
j'ai essayé de soulever tout à l'heure, parce que cela
m'apparaît une question clé. Il y a eu des commandes de
fourniture, etc., de l'ordre de $100 millions. C'était sur la base
d'engagements d'un armateur.
M. Simard (Arthur): Oui.
M. Tremblay: Est-ce que ces engagements contractuels vous ont
semblé, à l'époque, suffisamment solides pour que vous
vous sentiez sécurisé, comme président du conseil
d'administration et comme conseil d'administration en général,
pour aller de l'avant?
M. Simard (Arthur): Oui.
M. Tremblay: II s'agissait d'un risque, quand même, qui
s'est révélé par la suite désastreux. Mais,
à l'époque, est-ce que vous aviez jugé que c'était
suffisant, est-ce que vous aviez vérifié pour voir si
c'était vraiment suffisant?
M. Simard (Arthur): Certainement. Je dois dire aussi qu'au
conseil d'administration de Marine Industrie, si vous regardez les membres du
conseil, les membres de la SGF en assez grand nombre étaient membres de
Marine Industrie. Alors, ce n'est pas par ricochet que la SGF a
été informée de ce qui se passait à Marine. Ils
étaient assis à la même table que moi.
M. Tremblay: Est-ce que les relations entre le conseil
d'administration de Marine Industrie et la SGF étaient assez limpides
à l'époque? Pour des contrats de cette envergure, est-ce que
Marine Industrie avait une autonomie complète à la SGF ou si
l'information était repassée à la SGF?
M. Simard (Arthur): Ah non. Marine Industrie fonctionnait pour
autant que la SGF voulait bien qu'elle fonctionne. D'ailleurs, si vous prenez
la période de 1963 où j'étais là, la période
de M. Jean Deschamps qui a été, de nombreuses années,
président, il n'y avait rien qui se faisait sans... Ecoutez, le patron,
c'était la SGF. Le patron étant la SGF, à partir de 1965,
nous avons vendu 60% des intérêts de Marine Industrie à la
SGF. Donc, le patron, c'était la SGF. S'il y avait un vote à
prendre, une assemblée d'actionnaires, la SGF avait seulement à
voter et nous autres... Je ne peux pas dire que cela s'est
présenté.
M. Tremblay: Quel était le pourcentage d'actions que vous
déteniez à l'époque, quand vous étiez
président de Marine?
M. Simard (Arthur): Pardon?
M. Tremblay: Vous étiez actionnaire vous-même...
M. Simard (Arthur): Personnellement? M. Tremblay: Oui.
M. Simard (Arthur): Ce serait un peu compliqué. J'avais
mes parts personnelles, une couple de 100, après ça, il y en
avait dans la succession de mon père, mes frères, mes soeurs,
toute la famille.
M. Tremblay: Les actionnaires minoritaires représentaient
combien, en 1974-1975?
M. Simard (Arthur): En 1974-1975, ce n'est plus pareil. Cela
avait diminué, parce que la SGF a remis de l'argent. Chaque fois qu'elle
a mis de l'argent, elle a demandé qu'on en remette. Nous autres, on ne
pouvait plus en remettre. Alors, notre pourcentage diminuait continuellement et
nous avons tous vendu, excepté la famille J.-Edouard Simard qui est
encore actionnaire de Marine Industrie.
M. Tremblay: Je pense que sur ces contrats, je vais donner
l'occasion à mes collègues de la commission de poser des
questions sous un angle un peu différent du mien, étant
donné que je suis dans le dossier depuis quelques semaines, j'ai
peut-être des informations que les membres n'ont pas et peut-être
que je ne pose pas les bonnes questions.
Je vais laisser mes collègues poser certaines questions.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Merci, M. le Président. Plutôt que de
continuer dans cette voie à laquelle on va certainement revenir,
j'aimerais préciser la question des coûts. M. Rochette, à
l'époque de la signature du contrat, vous aviez calculé,
j'imagine, une prévision des coûts par bateau. Quel a
été le coût calculé à l'époque pour
chaque bateau?
M. Rochette: Vous voulez dire au moment où ce contrat a
été signé la première fois, en 1973?
M. Scowen: Je veux avoir une idée de la différence
entre l'estimation originale et le coût réalisé.
M. Rochette: M. le Président, c'est trop loin pour que je
puisse me souvenir, de mémoire, de ces chiffres exacts, mais je peux
vous dire que la différence entre l'estimation et le prix de vente
était pour un profit de l'ordre de 8% à 10%, quelque chose du
genre. Finalement, pour les navires qui ont été livrés, du
temps où j'étais là, ce profit a été
réalisé, même un peu mieux.
M. Scowen: Le prix de vente a été...
M. Rochette: Pour les six premiers navires, au départ, il
était de l'ordre de $12 millions ou $13 millions. Il a été
augmenté par la suite, quand Karageorgis les a vendus à
Delmas-Vieljeux, parce que ces derniers ont exigé des additions au
navire, ce qui en a porté le prix... Je ne peux pas vous dire, de
l'ordre de $13 millions ou $14 millions chacun.
M. Scowen: Alors, le coût a été d'à
peu près 90% de $13 millions, à peu près $11 500 000 par
bateau?
M. Rochette: II faut dire qu'il y avait une subvention de 17% qui
a été accordée par le gouvernement fédéral.
Quand je parle du prix de vente, c'est après la subvention. Alors, la
valeur brute de ces navires, pour Marine Industrie, il faut ajouter la
subvention, de sorte qu'il devait rapporter à Marine Industrie environ
$16 millions ou $17 millions. Mais l'armateur payait 17% de moins.
M. Scowen: J'espère que vous comprenez ce que j'essaie de
faire. Je pense qu'il y a deux questions qu'il faut poser pour savoir ce qui
est arrivé. Est-ce que c'étaient des erreurs, des accidents de
parcours dans le domaine du prix et des contrats, ou si cela a
été, en partie, à cause des augmentations imprévues
du coût pour toutes sortes de raisons: les augmentations dans le
coût des matériaux bruts, les problèmes dans la
construction?
J'essaie un peu de séparer ces deux aspects. Je ne sais pas s'il
y a quelqu'un d'autre, ou M. Coulombe qui peut répondre. Quelle est
l'escalade du coût depuis les estimations originales jusqu'à la
réalisation des six bateaux?
M. Rochette: Pour les six premiers navires, ils étaient
à prix ferme. L'escalade était incluse dans le prix. Ils ont
été construits et livrés à l'intérieur des
estimations. Un profit a été réalisé.
Pour les douze derniers qui avaient été
renégociés et confirmés en 1974 et en 1975, il y avait des
clauses escalatoires qui protégeaient Marine Industrie contre toute
augmentation de la main-d'oeuvre ou des matériaux, de même qu'une
clause d'ajustement pour les variations dans la monnaie
étrangère. Donc, toute augmentation causée par l'inflation
ou les fluctuations de la monnaie étrangère était à
la charge de l'armateur. Donc, la marge de profit était très bien
protégée.
M. Scowen: C'était dans le contrat qui, jusqu'à
maintenant, n'a pas été réalisé?
M. Rochette: C'est cela.
M. Scowen: Quel était le coût final des six bateaux
que vous avez chez vous aujourd'hui, le coût par bateau?
M. Coulombe: Dans l'annexe au document que je vous ai
présenté ce matin, vous avez un petit tableau à l'annexe
1. C'est un coût total de $149 millions et il y a des subventions
reçues là-dessus de $16 millions, ce qui fait $133 millions. Le
coût total, en incluant les subventions, est de $149 millions au moment
où on se parle.
M. Scowen: Cela veut dire à peu près $25 millions
par bateau. C'est le coût des bateaux que vous avez chez vous maintenant.
Ils vous ont coûté $25 millions chacun.
M. Coulombe: C'est exact.
M. Scowen: Et quand cela a commencé, en 1973, le
coût était de $11 millions ou $12 millions?
M. Coulombe: Comme M. Rochette l'a indiqué, il faut
ajouter à cela les subventions.
M. Scowen: Excusez. Vous ajoutez normalement les subventions au
prix de vente, n est-ce pas?
M. Coulombe: Regardez l'annexe A du document de ce matin. Il faut
bien penser qu'au moment où on se parle, il y a les frais de financement
qui sont ajoutés. Il faut distinguer dans ces différents
coûts...
Le coût total à Marine Industrie, en incluant la
subvention, le chiffre global, total, brut, c'est $149 millions.
M. Scowen: D'accord.
M. Coulombe: Mais après, il faut distinguer; il faut
enlever les subventions. Il y en a seize déjà de reçues,
il y en a sept à recevoir. Donc, $23 millions de subventions
reçues ou à recevoir, distinguer les frais de financement, pour
concilier les chiffres avec ceux de M. Rochette.
M. Scowen: Ce que vous avez dans le moment, à Sorel, ce
sont six bateaux qui ont coûté à peu près $25
millions. Quel est le prix que vous pouvez toucher, en septembre 1979, pour les
trois, si vous acceptez le contrat?
M. Coulombe: II y a trois prix différents qui se situent
entre $16 millions et $17 millions. Les prix contractuels avec M. Karageorgis
pour septembre 1979 se situent entre $16 millions et $17 millions, en dollars
canadiens.
M. Scowen: Si vous acceptez le contrat que vous avez pour les
trois, d'ici un an on ne parle pas de l'intérêt d'ici cette
date la perte sera de l'ordre de $8 millions à $9 millions par
bateau?
M. Coulombe: Non, parce que les subventions sont payables sur le
coût total des bateaux. Il faut donc d'abord soustraire les subventions.
Si on soustrait les subventions, on soustrait $23 millions de $149 millions.
Les coûts moins les subventions sont actuellement de quel ordre? $19
millions? Ils se situent entre $19 500 000 et $20 millions. Il faut faire la
différence entre $16 millions et $17 millions et entre $19 millions et
$20 millions.
M. Scowen: II y a un deuxième point que je veux soulever,
à la page 10 du rapport que vous avez soumis avant la rencontre.
J'essaie de comprendre un peu le problème qui est survenu pendant
l'inspection, de même que les problèmes de construction. Je parle
particulièrement du premier alinéa du premier paragraphe de la
page 10 dans lequel vous disiez qu'avant 1977, vous entamiez des
négociations en Pologne pour la vente de quatre cargos additionnels qui
nécessitaient des voyages fréquents à l'étranger.
Vous avez relié cette déclaration, dans le même paragraphe,
à une déclaration que, durant cette période, les
inspecteurs du MAK, ont trouvé diverses erreurs de construction et des
imprécisions. Ces deux incidents sont-ils reliés ou est-ce
simplement par hasard qu'ils se trouvent dans le même paragraphe?
M. Coulombe: M. Picard, je pense que c'était durant
votre...
M. Picard (Laurent): Premièrement, pour éclairer un
peu la situation et donner un peu de "background", il y a une chose qui a
été dite qui me semble importante non pas à corriger, mais
M. Rochette n'est peut-être pas au courant de cela... D'ailleurs, il a
indiqué qu'il n'était pas complètement au courant. Quand
M. Rochette je trouve que c'est très important a dit que
M. Karageor-gis avait pris les bateaux de tous les autres chantiers
excepté ceux de Marine Industrie, il faudrait, premièrement, se
poser la question à savoir dans quelle condition il les a pris. Si
Marine Industrie avait été prête à accepter des
conditions qui n'étaient pas acceptables à ce moment-là,
comme les chantiers suédois l'ont fait, comme les chantiers finlandais
l'ont fait aussi je ne sais pas à propos du Japon il est
bien sûr que les contrats n'auraient pas été brisés.
La raison est que les Suédois, pour ne pas avoir à mettre des
gens à pied, ont accepté que M. Karageorgis prenne les bateaux
sans les payer et qu'il ne les paie que lorsqu'il ferait un profit sur les
bateaux.
Une Voix: Ah bon!
M. Picard: Cela nous a été offert. La
réponse a été "non". Les chantiers suédois, comme
vous le savez, ont été, dans la plupart des cas,
étatisés à cause de leurs difficultés
financières, et la politique de la Suède, à ce
moment-là, a été double: premièrement,
protéger l'emploi et, deuxièmement, construire pour inventaire.
Dans ces conditions, si Marine Industrie avait dit à ce
moment-là, à M. Karageorgis: Très bien, allez-vous en, on
vous remettra les bateaux; vous ne nous payez pas et, si vous faites des
profits avec ceux-ci, vous nous paierez en "profit sharing", en participation
aux profits, cela aurait pu se faire.
Il faut bien se comprendre. La solution en Finlande n'est pas exactement
la même, mais elle y ressemble beaucoup. Je pourrais vérifier les
autres choses, ce sont des données qui sont loin pour moi. Il faut bien
comprendre. Quand on dit que Marine Industrie a été la seule
à avoir des problèmes avec M. Karageorgis, d'ailleurs, ce n'est
pas tout à fait vrai, la Finlande en a eu, si Marine Industrie avait
pris la position de la Suède, elle n'aurait pas eu de problèmes
avec M. Karageorgis. Moi-même, j'aurais été prêt
à acheter personnellement des bateaux dans des conditions comme
celles-là.
M. Scowen: M. Picard, je m'excuse, mais ce que j'aimerais vous
demander de faire, c'est de relier les deux parties...
M. Picard: Oui, très bien.
M. Scowen: ... si vous permettez, avec une phrase de la
même page, au troisième paragraphe, où il a
été dit qu'il s'avérait impossible de s'entendre sur les
procédures à suivre afin de corriger certaines erreurs de
construction décelées par les inspecteurs. Je m'intéresse
aux voyages des cadres supérieurs en Pologne, à l'identification
des erreurs, dans le même paragraphe. Les deux choses
étaient-elles reliées? Il y a finalement l'impossibilité
de s'entendre sur la procédure à suivre pour corriger les
erreurs. Je veux simplement que vous nous parliez un peu de cet aspect du
problème.
M. Picard: Je vous remercie. Je m'excuse. C'est là que je
voulais en venir. La raison pour laquelle j'ai commencé par la
Suède, c'était justement pour donner le "background" de ces
difficultés. Je demande, comme tout le monde évidemment, puisque
je serai obligé de parler de personnes, la protection de la
Chambre...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
protection de la commission vous est accordée, M. Picard.
M. Picard: Premièrement, les difficultés à
Marine Industrie ont... Il y a aussi un grand nombre d'autres choses qu'il
faudrait préciser, dont M. Rochette n'est peut-être pas au
courant, c'est que le financement réel de ces contrats n'a jamais eu
lieu avant septembre 1976 dans la renégociation. Il n'a jamais eu lieu.
Ces contrats n'ont jamais été financés. Il y a eu des
approches. Il y a eu des ententes. Il y a eu des lettres
d'intention, mais cela n'a jamais été financé.
Quand cela a été financé...
M. Scowen: Excusez-moi.
M. Picard: Je réponds à votre question.
M. Scowen: Je pense que le ministre voulait s'interposer.
M. Tremblay: C'est une phrase très sérieuse que
vous venez de prononcer, M. Picard, que le financement des bateaux n'a jamais
eu lieu de façon formelle ou ferme, alors qu'en 1975, il y a eu une
commande de $100 millions de fournitures, de pièces et
d'équipements. (17 heures)
M. Picard: Je n'étais pas à Marine à ce
moment, mais il n'y avait pas de financement. Il y avait des ententes, il y
avait des lettres d'entente, il y avait des acceptations de conditions. J
embarque dans des termes techniques, j'espère que je ne me trompe pas,
mais je suis prêt à me faire corriger si ce n'est pas vrai. Il n'y
a jamais eu de financement réel de l'opération avant le mois de
septembre 1976.
M. Tremblay: Si vous me permettez, M. le Président, quand
vous êtes arrivé, M. Picard, à Marine, c'est-à-dire
le 1er août 1975, les commandes de pièces, de fournitures, de
moteurs et tout cela étaient faites avec des contrats fermes comportant
des pénalités importantes. Le financement pour la vente de
bateaux à cet armateur grec flottait encore dans l'air.
M. Picard: II y avait eu des expressions d'intentions. Les
premières négociations réelles ont commencé au mois
de décembre 1975. Il y a eu, au mois de décembre 1975, un contrat
de financement qu'on peut interpréter de plusieurs façons, un
contrat de financement où il y a eu entente de principe entre les deux
parties et signature de papiers, sujets comme toutes ces choses, à un
"closing". Le "closing" impliquait que M. Karagoergis déposait $5
millions ce sont des choses qui sont un peu loin, j'étais nouveau
à Marine dans le temps, je ne me rappelle peut-être pas tous les
détails et donnait des hypothèques sur deux navires pour
$25 millions. Quand est arrivé le temps du "closing", M. Karageorgis, au
début de janvier, ou à la fin de janvier, a refusé de
déposer les hypothèques et a refusé de déposer les
$5 millions. Donc, au mois de janvier 1976, lorsque le "closing'' devait
être fait, il n'a pas été fait et il n'y a pas eu de
financement des bateaux, au sens strict. Je continue. Il y a eu une
renégociation des contrats évidemment, Marine était
dans une position extrêmement faible pour renégocier et un
financement qui a eu lieu en septembre 1976, si ma mémoire est bonne. A
ce moment, une des conditions de la renégociation, c'était que M.
Karageorgis envoie sur le chantier ce qui est toujours normal, dans le
cas, mais qu'il n avait pas fait son représentant, M. Afroudakis,
si je me rappelle bien. Il est bien important de se rendre compte qu'une partie
des travaux sur les bateaux avait été faite au moment où
M. Afroudakis s'est présenté aux chantiers.
M. Scowen: Je m'excuse. Si je comprends bien...
M. Picard: Je donne le "background" . J'arrive à la
réponse.
M. Scowen: Oui, je comprends. Ce n est pas votre faute, c'est la
mienne. Les autres membres de la commission veulent que je me restreigne aux
questions que j'ai posées moi-même. Je suis certain qu on va
revenir à cette question, mais je veux vous demander de revenir à
la question que je vous ai posée. En mars 1977, un peu l'histoire de ce
problème des trois parties de votre texte que j'ai soulevé.
M. Picard: M. Scowen, c'est là que commencent les
problèmes. M. Afroudakis est arrivé aux chantiers en octobre et
il a commencé à critiquer un certain nombre de choses qui avaient
été déjà faites. Je ne me rappelle pas les
détails. J'ai rencontré M. Afroudakis lorsqu'il y a eu des
frictions avec les gens de Marine. J'ai rencontré les
représentants de Karageorgis; à ce moment, c était
Stathopoulos qui était leur ingénieur. Je ne peux pas vous donner
une date exacte, mais je pourrais la retrouver. Au mois de janvier ou à
peu près, les ententes étaient il me semble, ce n'est
peut-être pas juste, très précis qu'il n'y avait que
des problèmes mineurs qui pourraient être réglés.
C'est ce que les gens m'ont dit. Seulement...
M. Scowen: Cela veut dire votre personnel.
M. Picard: Non, M. Stathopoulos, qui était l'avocat, M.
Slight, qui était le vice-président des finances, et
l'ingénieur dont je ne me rappelle pas exactement le nom. Vers janvier,
je ne me rappelle pas exactement la date, ils sont venus aux chantiers, il y a
eu des discussions qui ont semblé être assez dures, mais je les ai
rencontrés le soir et ils m ont dit: II n'y a pas de problème
réel, profond, mais des problèmes mineurs. Après cela, les
critiques sont devenues de plus en plus considérables. Ce qui est
important, c'est qu'on travaillait au contrat polonais et on était
extrêmement occupé pour essayer d'obtenir le contrat polonais,
pour ne pas envoyer les gens en chômage. Cela a fait que certaines
personnes ont peut-être été moins près de la
situation.
Pour répondre maintenant directement à votre question, il
n'y a pas un lien direct entre les deux. Il est arrivé que
l'accélération de ces choses a eu lieu au moment où bien
des gens étaient occupés en Pologne à négocier le
contrat polonais.
Je voudrais ajouter une autre chose qui m'apparaît fondamentale
pour comprendre exactement quelle était la nature de ces discussions et
ces choses. J'ai ici le texte d'un rapport que j'ai écrit,
j'essaie de le retrouver. De toute façon, M. Afrou-dakis qui
était le superviseur de Karageorgis a eu une bagarre, une bataille
verbale avec les gens de Marine Industrie et il semble avoir dit à un
bonhomme de Marine Industrie c'est un document qui existe dans Marine
Industrie "Je me fous de ce qui peut arriver de vos bateaux, je me fous
de tout. Vous allez voir que la situation va empirer à partir
d'aujourd'hui". C'est là qu'après, j'ai mangé...
M. Roy: A quelle date?
M. Picard: Je n'ai aucun de mes papiers, M. le
député. C'est difficile pour moi de donner des dates exactes,
mais je dirais que c'était fin décembre, probablement
début janvier.
M. Roy: De quelle année?
M. Picard: 1976, et 1977, si c'est janvier. Donc, il n'y a pas de
relation directe.
M. Scowen: M. Picard, je comprends. Simplement pour terminer dans
cette ligne de pensée: Impossible de s'entendre sur la procédure
à suivre afin de corriger certaines erreurs de construction
décelées par les inspecteurs.
Est-ce que vous pouvez nous dire quelles étaient les erreurs de
construction? D'une façon non technique, est-ce que c'était des
choses majeures ou mineures? Quelles étaient spécifiquement les
erreurs de construction dont vous parlez dans ce document et qui ont
été décelées?
M. Picard: Ces discussions et ces problèmes ont
commencé à apparaître au moment où
déjà, j'étais impliqué en grande partie dans le
contrat polonais et au moment où, d'ailleurs, j'avais donné ma
démission à Marine Industrie. Il y a eu des problèmes
mineurs qui allaient de la couleur des poignées de porte ou des choses
comme celles-là je donne cela comme exemple il y en avait
des piles, semble-t-il. Il y a eu un certain nombre de problèmes
importants; un sur la peinture où il semble que Marine Industrie avait
totalement raison d'après l'opinion qu'on a; un autre sur une question
de tuyauterie, où la confusion des plans qui avaient été
laissés pour la construction des navires était telle qu'il
était difficile de définir s'il s'agissait de contrats et de
spécifications françaises, polonaises ou celles de Karageorgis
qui devaient s'appliquer. Alors, c'était d'une grande confusion. Il y a
eu un problème réel de ce qu'on appelle "misalignment".
M. Scowen: II semble que ce n'était pas seulement des
questions de peinture, parce que dans le même paragraphe, vous dites
qu'il s'avérait impossible de régler ces problèmes dans
les 180 jours qui venaient, ce qui voulait dire que le contrat pouvait
être annulé. Je pense que c'était le point que vous
essayiez de faire dans ce paragraphe.
M. Picard: Premièrement, M. Scowen, ce n'est pas moi qui
ai écrit ce rapport, alors ce n'est pas moi qui l'ai dit.
M. Scowen: Je comprends.
M. Picard: Deuxièmement, on a essayé pendant
longtemps, de bonne foi je pense, de tenir compte des critiques de M.
Afroudakis. On a rencontré des gens, mais à un moment
donné, les critiques ont commencé à
s'accélérer tellement, ces problèmes sont venus et cela
pouvait avoir été difficile, dans les conditions anormales du
chantier, que je viens de décrire, de terminer à
l'intérieur de 180 jours. Dans des conditions normales de chantier
je vous donne une opinion, je ne suis pas un expert du tout cela
aurait probablement été possible de le faire.
M. Scowen: J'ai deux autres questions à poser; je pense
que je vais me limiter à une seule.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense
que M. Coulombe voulait dire quelque chose?
M. Coulombe: Le problème des défauts techniques,
évidemment, est un de ceux qui, dans notre étude,
évidemment postérieure aux événements, d'il y a
cinq ou six mois, nous a le plus tracassés, parce que l'effondrement du
marché international est une chose évidente et clairement
démontrable. La question de l'organisation du chantier et des
problèmes techniques a été un problème sur lequel
on s'est penché d'un peu plus près.
Je demanderais à M. Brisson, qui est au chantier depuis un an et
demi, de donner aussi son interprétation après certains faits,
parce qu'il n'est là que depuis 1977. Il peut clarifier un peu ce point;
parce qu'il s'est dit tellement de choses sur ces bateaux. Il peut mettre cela
dans sa véritable perspective.
M. Brisson: Nous avons dû évidemment faire
l'étude pour...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Brisson, est-ce que vous voulez avoir la protection de la commission?
M. Brisson: Pourquoi pas?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous
n'avez rien à perdre. Vous avez tout à gagner. La protection de
la commission vous est accordée.
M. Brisson (Jean-Roch): Je vous remercie, M. le Président.
Alors, nous avons dû faire une étude détaillée
évidemment de cette situation et afin d'essayer de la clarifier, nous
avons classifié les problèmes en trois grandes
catégories.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Votre
micro, M. Brisson, s'il vous plaît.
M. Brisson: Alors, pour clarifier et simplifier la situation,
nous avons classifié les problèmes en trois grandes
catégories. Il y avait la catégorie où il y avait eu des
erreurs dans la construction c'étaient des erreurs de
construction technique qui étaient rectifiables. Nous en avons
discuté avec les représentants de la Société de
classification parce que tout travail qui se fait sur un bateau et qui n'est
pas prévu doit être discuté et approuvé. Alors,
cette série a été rectifiée à la
satisfaction de toutes les sociétés de classification.
Il y a eu l'autre série de déviations qui a porté
à confusion parce qu'il y avait une différence
d'interprétation entre les officiers techniques du chantier et les
officiers techniques de l'armateur et ces divergences d'opinion provenaient de
spécifications ou notes pas totalement claires ou de dessins qui avaient
été modifiés en cours de route et, enfin, du fait qu'une
des conditions dans le contrat était que nous employions je vais
employer le terme anglais des "Canadian shipbuilding standards" qui
réfèrent à une pratique normale de construction dans notre
milieu nord-américain. Or, ces standards ne sont pas très bien
définis et peuvent causer énormément de divergences
d'opinion selon que vous soyez le constructeur ou l'armateur et selon que vous
soyez un armateur désireux de prendre les navires ou un armateur qui
recherche plutôt le contraire.
Finalement, il y a eu la troisième classification que nous avons
appelée harcèlement où il y avait une série de
demandes qui croissaient de façon incessante et ces demandes
n'étaient pas reliées du tout à un contrat mais elles
continuaient à croître.
Ce sont les trois types de problèmes auxquels nous avons eu
à faire face. Ils ont été classés. Ceux qui
devaient être rectifiés ont été réglés
d'une façon que nous pourrons discuter plus tard, mais nous avons,
à ce moment, réglé les trois types de
problèmes.
M. Scowen: J'ai deux autres questions. Je pense que je n'en
poserai qu'une seule et je vais laisser aller l'autre parce que je suis presque
certain qu'elle sera posée par d'autres personnes.
La deuxième question que je ne poserai pas touche le
problème des navires polonais qu'on doit soulever à un certain
moment, mais la question que je vais maintenant soulever... Peut-être M.
Rochette peut-il nous aider?
Vous avez décrit le début de cette affaire, le voyage en
Grèce, la présence de M. Hacken et de M. Alain et d'autres.
J'aimerais connaître un peu les activités de la compagnie Simpson,
Spence et Young dans l'affaire. Qu'est-ce qu'ils ont fait au début?
Etaient-ils présents avant la rencontre en Grèce? Avez-vous
jamais rencontré ou, à votre connaissance, M. Simpson. M. Spence
et M. Young étaient-ils présents dans l'affaire? Qu'ont-ils fait
comme courtiers dans la transaction? Sur quelle base était
calculée la commission? D'après vous, le montant qui a
été versé à ce groupe correspondait-il au travail
qu'ils ont fait? Et connaissez-vous qui sont les vrais actionnaires,
propriétaires de cette société des Bermudes? (17 h 15)
M. Rochette: Oui. Je peux répondre à peu
près à toutes les questions qui ont été
posées. Simpson, Spence and Young est une firme de courtiers en
affrètement et en vente de navires assez réputée de
Londres et de New-York. Elle a un bureau à Londres, un à
New-York, un à Vancouver et un aux Bermudes. Je ne connais pas les
associés seniors Simpson, Spence and Young, je ne sais pas s'ils
existent encore, parce que, souvent, ces firmes sont très vieilles et
les noms ne veulent plus rien dire. L'associé senior avec qui nous avons
toujours fait affaire est un M. Peter Kitching, c'est lui qui est le courtier
attitré de M. Karageorgis et c'est lui qui nous a présenté
M. Karageorgis. Le premier contrat que nous avons eu avec M. Karageorgis en
mars ou avril 1973, c est M. Kitching qui est venu nous rencontrer à
Montréal avec le directeur du bureau de Londres de Karageorgis. Par la
suite, M. Kitching, a participé à toutes les négociations
qui ont eu lieu soit à Montréal, au Pirée ou à
Londres, dans tous les contrats qu'il y a eu avec M. Karageorgis, et M.
Karageorgis nous a toujours indiqué quelle commission il jugeait que
nous devions payer à Simpson, Spence and Young et il acceptait que cette
commission soit ajoutée au prix du contrat. C'était donc lui qui
payait la commission en définitive.
M. Scowen: Quel était le rôle de M. Kitching? Est-ce
qu'il donnait plutôt des services juridiques lors de sa présence
à ces rencontres?
M. Rochette: Non, je dirais qu'il agissait comme le
modérateur des négociations. C'était l'expert du monde
naval, du monde d'affrètement et de construction de navires, au point de
vue commercial surtout, pas au point de vue juridique parce que M. Karageorgis
avait son conseiller juridique comme nous avions le nôtre.
M. Scowen: Dans le cas de la compagnie Simpson, Spence and Young,
est-ce que vous aviez l'impression que c'était lié d'une
façon ou d'une autre avec M. Karageorgis, je dirais, d'une façon
spéciale, que c'était en un sens une filiale de M. Karageorgis ou
si c'était quelque chose de complètement indépendant, une
tierce partie, dans le vrai sens du mot?
M. Rochette: Pour nous, nous n'avions aucun moyen de le
déterminer. Nous savions que c'était le courtier attitré
de M. Karageorgis. La Société pour l'expansion des exportations,
je crois, ou le ministère de l'Industrie et du Commerce
fédéral, un ou l'autre, a demandé, à un moment
donné, de nous faire confirmer par Simpson, Spence and Young, s'il n'y
avait aucune affiliation corporative quelconque ni d'intérêts
communs entre eux et M. Karageorgis, et on a remis une lettre à
l'intention de
la SEE ou du ministère de l'Industrie et du Commerce à cet
effet, pour confirmer qu'il n'y avait aucun lien corporatif ni
d'intérêts communs entre les deux sociétés.
M. Scowen: Est-ce que vous avez, M. Rochet-te, l'impression que
c'était normal pour Marine, dans le cas des contrats navals ou autres,
d'accepter d'ajouter une commission à une tierce partie, au prix que
vous offriez à votre client? Est-ce que c'est un système...
M. Rochette: La pratique est courante. D'ailleurs, je crois
être bien informé en vous disant que Marine a continué
à se servir du même courtier, qui a agi dans le contrat des
navires polonais.
M. Scowen: II était dans le contrat polonais aussi.
M. Rochette: Le même courtier, je crois. Nous-mêmes,
au chantier de Davie, nous faisons affaires par des courtiers. Nous n'avons pas
fait affaires avec Simpson, Spence and Young depuis que nous sommes rendus
à Lauzon, mais nous avons eu des contrats avec eux, parce qu'à
quelques reprises, ils nous ont demandé des propositions pour un client.
Et si c'était devenu un contrat, nous lui aurions payé une
commission. Il n'y a aucun des contrats qui ont débuté chez nous
qui soit devenu un contrat, mais nous avons eu d'autres courtiers avec qui nous
avons fait affaires, à qui nous avons payé des commissions.
Autrement, il faudrait avoir une équipe de marketing à
l'échelle mondiale, avoir des représentants dans tous les pays.
C'est la pratique normale pour les chantiers maritimes de faire affaires par
des courtiers qui nous amènent les demandes des armateurs.
M. Scowen: M. le Président, cela termine mon intervention.
Je voudrais peut-être suggérer quelque chose. La question de
Simpson, Spence and Young, c'est une question assez spéciale. Cela
pourrait être une bonne idée, s'il y a d'autres membres de la
commission qui voulaient poser des questions sur cette affaire tout de suite.
On pourrait mettre de côté le sujet une fois pour toutes.
M. Tremblay. On reviendra sur cela plus tard. M. Scowen:
D'accord. Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
chef de l'Union Nationale.
M. Biron: M. le Président, je voudrais demander à
M. Rochette, qui était avec Marine depuis passablement longtemps, de
retourner en arrière, avant les contrats qu'on a signés avec M.
Kara-georgis, le Grec. On a fabriqué à Marine six bateaux, six
autres bateaux avant ceux-là, de 17 000 tonnes ou à peu
près, sept, de 17 000 tonnes, sur lesquels Marine a perdu $20 millions
à $25 millions. C est exact?
M. Rochette: A ma connaissance, $16 millions.
M. Biron: Sur ces sept navires. Mais, quand même, Marine a
acquis une expérience appréciable avec ces navires de 17 000
tonnes.
M. Rochette: Oui. Dans le premier contrat de 7 navires,
l'expérience a été très mauvaise pour Marine; sur
le plan financier, justement, la perte dont je me souviens est de $16 millions.
Une partie de cette perte a été causée par une fluctuation
du dollar américain, par rapport au mark allemand et au franc
français, qui était intervenue immédiatement après
la signature du contrat, avant de pouvoir nous protéger par l'achat de
"futures ", comme on dit en français. Une autre partie a
été causée par le fait que Marine Industrie a dû
supporter le financement des navires parce qu'ils étaient payables
seulement sur livraison, et Marine Industrie avait espéré une
aide financière qui n'est pas venue et les taux d'intérêt
ont monté en flèche.
En plus de ça, l'inflation avait été beaucoup plus
forte que celle prévue. Pour comble de malheur, il y avait eu un
dépassement du côté des heures. Evidemment,
l'expérience qui avait été payée très cher
sur ces sept navires a été l'expérience qui servait
ensuite pour pouvoir faire une estimation valable sur les contrats suivants qui
ont été des navires grecs. Cela a été prouvé
par les huit premiers qui ont été construits en dedans des
estimations qui avaient été faites, basées sur
l'expérience des navires français.
M. Biron: Vous souvenez-vous du prix demandé pour les six
premiers navires grecs?
M. Rochette: Les six premiers navires grecs qui ont
été revendus aux Français? Le prix net, après
subvention, d'après moi, devait être de l'ordre de $13 millions ou
$14 millions, quelque chose du genre. $14 millions, à peu près,
je crois.
M. Biron: Avant subvention, cela faisait peut-être $16
millions ou $17 millions.
M. Rochette: II y avait 17% de subventions sur le coût, ce
qui pouvait faire 15% sur le prix de vente; alors, ajoutez une couple de
millions, c'est à peu près ça, $16 millions.
M. Biron: Disons $16 millions, $17 millions. A présent,
ces premiers navires grecs, il semble que cela a été profitable
pour Marine Industrie.
M. Rochette: Oui, ce furent des contrats très rentables,
du moins les trois qui ont été complétés avant mon
départ de Marine Industrie, avec un profit qui dépassait les
objectifs originaux. J'ai été informé, de façon non
officielle, si vous voulez, par la suite, que les suivants s'étaient
bien déroulés aussi, que cela avait continué de la
même façon que les trois premiers.
M. Biron: Est-ce que vous diriez que le profit fait sur ces
navires est causé par le profit sur les
achats de matériaux ou si c'est à cause d'une meilleure
performance de la part des travailleurs?
M. Rochette: C'est tout l'ensemble. Nous avions estimé que
le matériel coûterait $7 millions, la main-d'oeuvre et les frais
généraux, $6 millions, ce qui fait $13 millions, et ils ont
été construits pour $13 millions ou un peu moins. Alors...
D'où l'économie provient surtout? Je crois que le profit a
été meilleur que prévu parce que les heures passées
pour construire le navire ont été un peu moindres que
l'estimation originale.
M. Biron: On s'aperçoit, sur les derniers navires grecs,
que le côut est autour de $25 millions, on nous parle de $149 millions
pour 6 ou tout près de $25 millions, ça veut dire que, de $16
millions à $25 millions, il y aura une perte, sur les prix cotés
au début, de $9 millions. Est-ce que, d'après vous, cette perte
est causée par l'achat de matériaux qui ont augmenté
considérablement ou si cela ne serait pas à cause du plus grand
nombre d'heures de la part des travailleurs, même avec une
expérience accrue?
M. Rochette: Je ne suis pas en mesure de faire de commentaires
là-dessus, parce que je n'étais pas là et je n'ai pas
d'information. Il y a certainement eu un facteur d'inflation qui a joué
là-dedans. D'ailleurs, les contrats prévoyaient une clause
d'échelle mobile pour couvrir l'inflation. Mais c'est tout ce que je
peux vous dire. Je ne connais pas les détails.
M. Biron: Avec votre expérience personnelle dans la
construction de navires, est-ce que, lorsqu'on a construit dix ou douze navires
semblables avec une équipe de travailleurs passablement
expérimentée comme celle de Marine Industrie, c'est normal et
raisonnable qu'après le douzième ou le treizième, on
commence à augmenter, sur le budget en heures, de 10%, 15% ou 20%,
jusqu'à 30% plus d'heures pour la construction d'un navire, comme c'est
arrivé pour les derniers, alors que les premiers étaient
passablement dans le budget des heures projetées?
M. Rochette: Non. Normalement, il y a une courbe
d'amélioration qui continue.
M. Simard (Arthur): Excusez, M. Biron, pour vous éclairer,
je vais vous donner une comparaison, si vous me permettez d'intervenir. Dans
une autre compagnie, Bernstein Limited, dont nous étions
propriétaires...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est
Arthur Simard qui parle.
M. Simard (Arthur): Arthur Simard, oui. En 1974, nous avons
construit notre dernier pétrolier à Marine Industrie au
coût de $6 200 000. L'an dernier, nous avons voulu avoir une
répétition et la cotation était de $14 300 000, autant
à Marine Industrie qu'à Davis Shipbuilding. Cela vous don- ne un
ordre de grandeur, entre 1974 et 1978; d'accord?
M. Biron: M. Simard, pendant que vous êtes là,
peut-être étiez-vous là en 1976, parce que je
remarque...
M. Simard (Arthur): Je suis parti en 1976.
M. Biron: Mais quand même, avec votre expérience, je
remarque que les derniers navires ont pris beaucoup plus d'heures
budgétisées, alors que les premiers étaient
budgétisés autour de 600 000 à 700 000 heures. Et nous
sommes même arrivés un peu en bas des heures
budgétisées. Pour les derniers navires, on a augmenté
jusqu'à 150 000 heures de plus que le budget.
M. Simard (Arthur): Si vous lisez un des rapports qui vous ont
été soumis, vous allez voir que M. Karageorgis a envoyé
une armée d inspecteurs. Je les ai rencontrés à ce
moment-là, je terminais à Marine Industrie. Il est venu à
peu près douze inspecteurs qui étaient là, jour et nuit,
et disaient: Vous allez me reprendre cette soudure. Cette armoire, je ne la
veux pas. Le capitaine, il mesure six pieds et demi, vous allez lui allonger le
lit. C est vrai. Et il faut enlever le bulkhead. Il faut enlever le mur, parce
que le lit est fait juste pour cette chambre. Et la hauteur de la porte ne fait
pas.
Il y a eu douze gars qui ont fait cela. Cela a coûté des
milliers et des milliers d'heures de retard parce que chaque jour que cela
retardait, Marine Industrie avait des pénalités. Et le gars
voulait excusez I expression, si vous le permettez
écoeurer les employés. Les employés de Marine Industrie,
je les ai vus et connus à ce moment-là, ils étaient rendus
qu ils n'étaient plus motivés. Ils disaient: On fait quelque
chose, et on sait que la semaine prochaine, on va le défaire. Ces
gars-là vont arriver et vont dire: Cela ne fait pas, cela ne fait pas
non plus. Marine Industrie n'avait plus le contrôle. Il n'y avait plus
moyen d avoir le contrôle.
M. Biron: Diriez-vous alors que le Grec voulait absolument
trouver tellement de punaises ou tellement écoeurer Marine Industrie qu
il fallait trouver des raisons pour étirer le temps, causer des
pénalités à Marine Industrie ou annuler le contrat
automatiquement?
M. Simard (Arthur): C'est cela. Absolument.
M. Biron: Vous, personnellement, croyez-vous que les raisons
invoquées, ou les améliorations ou les plaintes portées
pouvaient se tenir ou si. dans la plupart des cas, cela ne se tient pas dans le
domaine maritime habituellement?
M. Simard (Arthur): Au moment où les plaintes ont
été portées, je n'était plus là. Si j'avais
été assis à la table, je vais dire comme on dit: Un Grec,
c'est un Grec; mais un "Canayen", c'est un "Canayen".
M. Biron: C'est intéressant ce que vous dites, mais
qu'est-ce que vous auriez fait, personnellement, si vous aviez
été à la table?
M. Simard (Arthur): On appelle cela une chose
hypothétique.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Simard, vous avez le droit, en vertu du règlement, de refuser de
répondre à des questions hypothétiques.
Une Voix: Vous avez la protection de la commission.
M. Simard (Arthur): A ce que j'ai lu, les choses
hypothétiques, cela veut dire imaginaires.
M. Biron: Est-ce qu'il n'y avait pas des plans et devis assez
précis pour être suivis?
M. Simard (Arthur): Certainement. Mais mon cher monsieur
je parle pour les autres, parce que vous, vous êtes dans l'industrie,
vous connaissez cela imaginez-vous que je me fais bâtir une maison
en brique. Je dis au briqueteur: La cinquième brique, en haut, elle
n'est pas en ligne. Le gars me répond: Ecoutez, je vais être
obligé de défaire le mur. Je lui dis: Défais-le, je
n'accepte pas la maison tant que je n'aurai pas mes briques en ligne.
Ce sont des affaires comme cela. Sur un bateau, qu'est-ce que vous
voulez? Un gars qui veut critiquer et un gars qui veut trouver quelque chose
qui n'est pas correct, il en trouve. Des défauts, il y en a. Il y en a
même dans cette salle-ci, vous le voyez même par l'accoustique.
Ce sont des choses comme cela. Vous avez douze gars qui ne parlent ni
anglais ni français. Et nous autres, on ne parle pas le grec. Ils font
des meetings et ils font des meetings. Vous n'avez qu'à demander aux
gens qui étaient là. Il y a un petit noir là-bas, M.
Tougas, qui était vice-président des opérations du
chantier. C'étaient des assemblées à la journée
longue, avec des listes composées de pages complètes. Quand un
gars ne veut pas, hein? C'est comme quand une femme ne veut pas.
M. Biron: Peut-être que M. Simard peut répondre
à cela. Est-ce qu'il n'existe pas des compagnies qui approuvent la
construction des navires, comme la Llyods, par exemple? Est-ce que cette
compagnie a été appelée par Marine Industrie pour
approuver ces navires?
M. Simard (Arthur): Je regrette, je n'étais pas là.
Vous n'avez qu'à demander au président de Marine Industrie, il va
répondre. M. Brisson.
M. Biron: Pour le journal des Débats, c'est M.
Brisson.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Brisson.
M. Brisson (Roch): II y a des sociétés de
classification. Celle qui était impliquée dans ce contrat
était la société Lloyds. La surveillance d'inspection et
aussi le certificat à la fin, à la livraison des navires, porte
sur certains facteurs, certaines parties des navires. Elle porte sur les
parties qui vont avoir un effet plus tard, sur le fonctionnement, la
sécurité et la possibilité d'assurance. Mais les
sociétés de classification n'entrent pas... C'est une
appréciation du goût de l'armateur, l'arrangement ou les choses
visuelles, les aspects visuels ou de détails qui n'ont pas de relation
avec le bon fonctionnement et la sécurité du navire. A ce
moment-là, il y a une très grande partie d'appréciation du
travail qui ne tombe pas sous la société de classification. La
société de classification a toujours été
impliquée dans tous les domaines où elle devait être
impliquée et on la amenée chez nous à toutes les occasions
où on traitait d'un sujet qui l'impliquait. (17 h 30)
M. Biron: C'est parce que j'ai lu un article de journal dans la
Presse, le 2 novembre, disant que les navires n'avaient pas pu recevoir le
certificat qu'émet Lloyd's. Est-ce exact?
M. Brisson: C'est inexact. Cela a été retiré
par la suite. La société Lloyd's n'émet jamais de
certificat tant que le navire n'est pas livré. Elle fait ses
inspections; elle fait ses remarques en chemin. Elle est en communication avec
le chantier. Je pourrais lire le texte ici, si cela faisait...
M. Biron: Non, cela va, d'accord.
M. Brisson: Vous avez le texte? Bon. La société n'a
jamais refusé le certificat pour ces navires-là.
M. Biron: Merci pour cela. J'aimerais demander à M.
Picard: A l'époque où le Grec a voulu annuler cela, quels
étaient exactement les demandes de M. Karageorgis.
M. Picard: Vous parlez de l'annulation qui a été
renégociée?
M. Biron: Oui.
M. Picard: L'annulation s'est faite un peu comme résultat
du non-financement. Pardon? En fait, cela n'a jamais été
annulé, les contrats n'ont jamais été achevés.
Comme je l'ai dit tantôt, il n'y avait pas de financement. Le principe et
les ententes concernant le financement dataient du mois de décembre
1975. En janvier, lors du "closing", M. Karageorgis a refusé de donner
les garanties. Il n'y avait donc pas de financement et, à proprement
parler, pas de contrat.
A Pâques 1976, M. Stathopoulos et M. Slight sont venus à
Marine Industrie pour discuter de questions générales avec moi,
semble-t-il, et, rendus à Marine Industrie, ils ont dit: Nous ne voulons
pas les bateaux, cela ne nous intéresse pas.
Deuxièmement, par ailleurs, on est prêt à former une
compagnie avec ou sans l'aide de
Karageorgis je ne suis pas capable de me rappeler pour
acheter les dix bateaux à $11 millions, chacun. Ce sont des bateaux qui,
à cause de l'inflation, l'escalade des coûts, etc.,
coûtaient, à ce moment-là, à peu près $18
millions ou $19 millions. Il a dit simplement ceci: Ils ne m'intéressent
pas. On ne peut pas dire qu'il y a une annulation de contrat à ce
moment-là, il n'y avait formellement pas de contrat.
M. Biron: Voulez-vous, on va seulement retourner quand même
un peu en avant. On a dit tout à l'heure que le contrat des 18 navires
était un contrat en bonne et due forme. Il y avait même une
garantie d'endossement de la part du Grec là-dessus.
M. Picard: Ecoutez...
M. Biron: On arrive aujourd'hui et on dit que le contrat est
encore en bonne et due forme et qu'il n'y a pas de garantie d'endossement,
qu'il n'y a rien.
M. Picard: Non, il y a deux choses là-dessus. En avril
je n'étais pas présent, mais je peux vous donner les
analyses et les interprétations qu'on a eues de cela 1975, avant
que je ne sois... il y a eu une entente de principe sur un financement qui ne
s'est jamais fait. Je ne sais pas ce qu'on appelle un contrat signé ou
ferme. Je ne veux pas faire de la sémantique, mais quand on a
signé un contrat et qu'il n'y a aucune entente de financement, je
n'appelle pas cela un contrat. Vous pouvez toujours dire qu'il l'a
annulé quand il a dit qu'il n'était pas intéressé.
Il n'avait pas donné un sou. La garantie je tiens à le
spécifier que M. Karageorgis donnait, "two save Marine harmless",
n'avait à peu près aucune validité.
M. Biron: La garantie, c'est-à-dire l'endossement que M.
Karageorgis devait donner, n'avait aucune validité.
M. Picard: Selon les interprétations légales que
j'ai obtenues au moment où on a renégocié, de façon
à savoir quelle était notre position dans la négociation,
la garantie était à peu près non valide.
M. Biron: Cela veut dire qu'on a fait les six premiers navires
sans avoir la garantie de financement.
M. Picard: Les six premiers qui ont été vendus aux
Français?
M. Biron: Non, au Grec. Il y en avait en tout 18 au Grec, pour
lesquels on avait négocié.
M. Picard: Six bateaux grecs qui ont été transmis
aux Français, financés, etc. Il y avait douze autres bateaux dont
deux ont été transférés à la compagnie
algérienne qui les a pris avec les garanties de financement, qui les a
payés, je ne me rappelle pas le prix exact, mais c'est de l'ordre de $20
millions ou à peu près. Après cela, il restait dix bateaux
à construire, ce qui était un engagement entre Marine et M.
Karagoergis, qui a été fait antérieurement à mon
arrivée, pour lequel il n'y avait pas de financement. Il y avait des
ententes qu'on financerait, mais il n'y avait pas de financement. Pour le
premier financement, je vous raconte l'histoire jusqu'en avril, quand M.
Karageorgis a dit: On n'est pas intéressé aux bateaux, cela finit
là. Là, on a renégocié un contrat avec M.
Karagoergis. Pour diminuer le risque du contrat, qui était
déjà élevé, on a réussi, avec l'approbation
de M. Karageorgis d'ailleurs, c'était à peu près
unanime de tous les côtés à annuler quatre bateaux,
pour lesquels le coût d'annulation était minime. Il y avait dix
bateaux, quatre ont été annulés dans la
renégociation. Il en restait donc six, et ce sont les six bateaux dont
on parle actuellement.
M. Biron: D'accord. Ces quatre fameux bateaux, ce sont les quatre
bateaux qu'on a réussi à vendre aux Polonais pas longtemps
après?
M. Picard: Non, les Polonais voulaient avoir des bateaux
différents.
M. Biron: C'était encore autre chose. D'accord.
M. Picard: Ces bateaux n'ont jamais été construits,
les pièces n'ont jamais été reçues. On a
payé on s'est séparé, M. Karageorgis et Marine, et
les coûts d'annulation étaient relativement peu
élevés.
M. Biron: Lorsqu'on a réglé le cas
définitivement avec le Grec pour le remboursement de ses frais, de ses
intérêts, étiez-vous encore à Marine, à
l'époque? Non?
M. Picard: Non, je n'étais pas là.
M. Biron: C'est M. Dinsmore. Je termine le problème des
navires. Je l'amène jusqu'à aujourd'hui.
M. Scowen: C'est simplement à la suite de la
déclaration que M. Picard a faite. Nous avons dans notre livre un
document daté du 15 avril 1975. C'est un télex de l'Export
Development Corporation qui dit: "This is to confirm that the unsigned letter
dated April 11, 1975 and delivered to Mr Slight may now be considered, signed
by EBC. We understand the Bank of Montréal is sending a similar telex
today, which, in combination with this telex, will result in a firm financing
offer. This is addressed to Karageorgis." Est-ce qu'en effet, ce télex a
été le financement... Est-ce que les choses qui étaient
indiquées là-dedans ont été
réalisées? Est-ce qu'en effet, le financement a été
fait pour cette transaction, le 15 avril 1975?
M. Picard: Si vous voulez une réponse, peut-être pas
légale, mais technique, le fait d'envoyer un télex disant: Nous
considérons que nous
sommes prêts, à certaines conditions, à financer et
ainsi de suite remarquez que je n'étais pas là à ce
moment n'était pas un financement.
M. Scowen: Est-ce que je peux demander qui a mis ce document dans
le dossier? Quelle en était la signification, d'après les
personnes qui l'avaient mis dans le dossier?
M. Picard: M. Scowen, est-ce que je peux soulever une question
dont je ne connais pas la réponse, d'ailleurs? Mes renseignements sont
très vagues là-dessus, mais je ne crois pas que la Banque de
Montréal ait envoyé un télex confirmant le
télex...
M. Scowen: Est-ce qu'il y a quelqu'un qui peut confirmer?
M. Rochette: Je pourrait peut-être donner quelques
explications là-dessus. Je vous ai dit tout à l'heure que, quand
le contrat a été amendé en août 1974 pour les douze
derniers navires, il y avait, ce qu'on appelle, un "over-riding condition" que
ce contrat devenait valide pour autant que M. Karageorgis pouvait
compléter son financement avec la Société pour l'expansion
des exportations et la Banque de Montréal en dedans d'un certain
délai. Les amendements au contrat ont été signés.
Tout cela devenait ferme, si le financement était mis en place. Marine
Industrie n'intervient pas dans le financement. C'est entre l'armateur, la SEE
et la Banque de Montréal. L'armateur devait nous dire, avant une
certaine date, qui, je crois, était le 15 avril, si la condition
"over-riding" du contrat, il l'invoquait ou non. Le 15 avril, les deux
sociétés de financement, la SEE et la Banque de Montréal,
ont confirmé à M. Karageorgis les termes du financement qu'ils
proposaient, et lui, par un télex qui n'est pas ici, a accepté
ces termes. Des copies de ces télex sont venues à Marine pour
nous confirmer que le financement était mis en place, donc qu'il
n'invoquerait pas la clause d'annulation qu'il pouvait invoquer si le
financement n'était pas complété au 15 avril. A partir de
ce moment, nous, à Marine Industrie, nous avons considéré
que les contrats devenaient fermes, que le financement entre l'armateur et les
sociétés prêteuses avaient été mis en place,
même s'il n'y avait pas un contrat formel de signé. Il y avait eu
des lettres d'intention d'échangées. Ces télex ajoutaient
le dernier mot à ces lettres. Sur la base de ce renseignement, nous
avons confirmé à nos fournisseurs que les commandes
étaient toutes confirmées. C'était la date limite pour
pouvoir les confirmer ou les annuler. Alors, tout s'est fait le même
jour.
M. Scowen: Pour vous, M. Rochette, ce télex que vous avez
reçu de Karageorgis à la suite de ces deux-ci était une
confirmation officielle et, d'après vous, M. Picard, il ne
l'était pas.
M. Picard (Laurent): Cela me paraît assez simple. Je vous
envoie un télex demain pour vous dire que j'ai un financement pour
acheter votre maison et que c'est mon intention de le faire et, une semaine
après, quand vous me téléphonez, je ne réponds pas
au téléphone. Je ne sais pas si on appelle cela un financement.
Dans mes termes, ce n'est pas ce qu'on appelle un financement. Le financement
est fait après le "closing". Le "closing'' n'a jamais eu lieu.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
chef de l'Union Nationale.
M. Biron: Une fois que cela est arrivé, je voudrais
demander à M. Dinsmore ce qui est maintenant arrivé avec le Grec
et la négociation du début de janvier ou de février
1977.
M. Tremblay: M. le Président, je ne sais pas si le chef de
l'Union Nationale permettrait que nous approfondissions un peu cette question
avant d'aller plus loin, parce qu'on peut y revenir plus tard lorsque je
reprendrai la parole, mais ce problème du 15 avril est tellement central
à tout le problème et cest ce qui fait dire à M. Picard,
évidemment, qu'il n'y avait pas de financement, mais Marine Industrie
pensait, à l'époque, qu'il y en avait, parce que Marine
Industrie, à l'époque, n'a pas commandé pour $100 millions
de pièces et d équipement sans penser qu'il y avait un
financement. Or, le président qui a suivi M. Picard dit qu'il n'y a
jamais eu de financement. Cela est central. Je pense que M. Rochette pourrait
nous le préciser: Vous avez reçu un télex de la SEE disant
qu'il y avait financement et la SEE a commencé à vous verser des
paiements, ce qui vous a confirmés dans la certitude qu'il y avait
véritablement un financement, mais la SEE avait fixé des
conditions pour ce financement auprès de l'armateur, lesquelles
conditions n'ont jamais été remplies. Vous me corrigerez; je
pense qu'il y avait une garantie de $25 millions sur les navires de l'armateur
grec et, comme ces conditions n'ont jamais été remplies et que la
SEE ne les a pas fait remplir, le Grec s'est trouvé, évidemment,
dans une position très privilégiée. Il vous avait au bout
de la ligne parce que vous aviez commandé pour $100 millions de
pièces et d'équipement. Ses conditions auprès de la SEE
n'étaient pas remplies, donc, il ne pouvait pas être poursuivi en
rompant les contrats et c'est là le noeud gordien de toute l'affaire;
n'est-ce pas?
M. Rochette: Je crois que oui, il était responsable de son
contrat. Il faudrait que je revoie ces contrats que je n'ai pas vus depuis
trois ans pour être capable de me rappeler tous les détails, mais
la façon dont je m'en souviens, c'est qu'il avait droit d'annuler ses
contrats jusqu'au 15 avril et, s'il ne le faisait pas, les contrats devenaient
fermes. Non seulement il ne les a pas annulés, mais nous avons eu des
confirmations de tout le monde selon lesquelles il s'était entendu sur
le financement.
M. Tremblay: Mais quelles étaient les conditions de la SEE
auprès de l'armateur pour effectuer le financement?
M. Rochette: Marine Industrie n intervenait pas dans les
conditions.
M. Tremblay: Je parle de la SEE. La SEE, pour vous envoyer ce
télex qui vous a sécurisés, avait imposé des
conditions. Si je me rappelle bien, je crois qu'elle exigeait une garantie de
$25 millions sur deux des navires de la propriété de M.
Karageorgis.
M. Rochette: Marine Industrie n était pas au courant de
ces pourparlers.
M. Tremblay: C'est là le problème; vous n
étiez pas au courant, mais comme la SEE n'a pas fait appliquer ces
conditions, I'armateur s est trouvé dans une situation
rêvée pour se libérer de ses contrats, alors que vous aviez
pris des engagements fermes vis-à-vis vos fournisseurs pour $100
millions de fournitures.
M. Rochette: Mais vis-à-vis de Marine Industrie, ces
contrats étaient fermes aussi, parce qu'il ne les avait pas
annulés dans les délais prescrits; alors, ils devenaient
fermes.
M. Biron: J'aurais plusieurs questions, mais, étant
donné que mon collègue, le député de Beauce-Sud,
doit être à l'Assemblée nationale ce soir à compter
de vingt heures, je pourrais tout simplement poser une dernière question
et je me réserverai, si vous le voulez, à mon retour à
vingt heures, I'occasion de terminer. J'aurais seulement quelques autres
questions.
J'ai quand même laissé une chance à mon
collègue de Beauce-Sud de pouvoir...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II y a
d'autres députés également qui veulent intervenir.
M. Biron: Mais il me reste quelques questions. Je ne voudrais pas
priver le député de Beauce-Sud de poser des questions.
M. Roy: Je ne veux brimer personne, mais c'est quand même
une question qui nous intéresse.
M. Biron: Je n'ai qu'une question avant de passer au
député de Beauce-Sud et je continuerai après cela... C'est
vis-à-vis de la négociation, M. Dinsmore, avec le Grec, lorsqu'on
a décidé de lui remettre des montants d'argent, ces avances de $1
200 000 de $5 800 000 aussi et des sommes d'intérêt de coût
administratif.
Comment cette histoire s'est-elle négociée finalement pour
remettre des sommes d'argent à cet acheteur éventuel?
M. Dinsmore: Pour peut-être situer...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous
êtes M. Dinsmore.
M. Dinsmore: Dinsmore.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Pour le
journal des Débats. Voulez-vous avoir la protection de la commission, M.
Dinsmore?
M. Biron: ... notre générosité.
M. Dinsmore: Pour situer la relation qui a existé au
début de juillet 1977, au moment où M. Brisson et moi-même
avons commencé à travailler chez Marine Industrie, on avait
déjà effectuée une mission au Pirée, à la
fin de mai, qui se composait de M. Picard, d'un administrateur, d'un de nos
conseillers juridiques et de quelques cadres compétents, notamment, le
vice-président de l'exploitation, pour chercher à trouver une
solution à une situation qui, depuis un certain temps je pense
que M. Picard en a déjà fait allusion se montrait de plus
en plus difficile entre client et fournisseur et où il y avait certaines
indications de la part du client qu'il voulait se débarrasser d'une
façon ou d'une autre de ses engagements contractuels.
La visite n'a pas donné de résultat. On nous a dit par la
suite que l'armateur attendait des offres précises de Marine Industrie.
Je pense que la mission de Marine était allée pour écouter
les propositions plus précises et plus acceptables de l'armateur, mais
de toute façon, quand nous sommes arrivés, nous avons eu certains
échos de la part, notamment, des institutions prêteuses et aussi
de Lloyd's à Montréal et à Londres, indiquant qu'il y
avait une telle situation en place qui ne donnait pas confiance aux yeux de ces
deux groupes vis-à-vis de Marine, c'est-à-dire que les
prêteurs pensaient que Marine n'avait pas montré les
capacités d assurer la fourniture du produit contracté.
Du côté de Lloyd s, on était très inquiet de
certains points que l'armateur avait déposés auprès de
cette société de classification, au point où M. Brisson et
moi-même avons rendu visite à Londres à la fin de la
deuxième semaine de notre emploi pour déterminer exactement la
nature des circonstances. Je pense que même si nous avons réussi
à rétablir, à redresser un peu la situation, il restait
encore un point assez fort du côté de l'armateur dans l'esprit de
la société de classification. A ce moment-là, nous avons
pris contact pour la première fois avec l'armateur. Il faut admettre que
sa réaction a été assez explosive et raide. Il avait
toutes sortes de plaintes à l'appui et, évidemment, avec ses
inspecteurs au chantier, il avait des dossiers très complets sur la
situation.
Nous avons, par la suite, rediscuté de la situation avec le
conseil, avec les institutions prêteuses, parce qu'il faut remarquer
qu'à ce moment-là Marine ne recevait plus d'avances sur les
prêts. Les avances avaient été arrêtées
quelque deux mois avant notre arrivée, et Marine était à
cours de liquidité. Il y avait des comptes non payés aux
fournisseurs, et vu l'importance des engagements pour les fournitures, on
était en situation assez précaire sur le plan de la
liquidité. On ne pouvait pas convaincre les prêteurs de
recommencer les avances, malgré une présentation des plus
complètes possible dans les circonstances.
II faut bien admettre aussi qu'il y avait une certaine confusion
occasionnée, dans notre chantier, par les embouteillages dus aux retards
dans les progrès sur les contrats qui effectuaient une espèce de
saturation de pièces préfabriquées et autres: dans les
coques, dans les lits, et autres éléments qui ne pouvaient pas se
déplacer pour faire place aux nouveaux, etc. Alors, il y avait un
"pré-problème" de gestion sur place à ce
moment-là.
Les pressions étaient très fortes, donc, de trouver des
solutions. Nous avons enfin pris rendez-vous avec M. Karageorgis, à
Londres, vers la fin de la troisième semaine de juillet, je pense. M.
Brisson et moi-même y sommes allés. Nous l'avons rencontré
et pendant à peu près un jour il nous a parlé longuement
de toutes les circonstances qui lui déplaisaient dans notre chantier.
Nous avons, par la suite, appelé pour déterminer le vrai et le
faux dans tout cela pour arriver à la conclusion que,
premièrement, il y avait du vrai. Il y avait beaucoup
d'exagération, mais il y avait du vrai. Mais le plus difficile à
clarifier, pour nous permettre d'avoir la chance de continuer ces contrats,
c'étaient les délais déjà effectués par les
retards dans les contrats.
Les contrats comprenaient une clause qui permettait à l'acheteur
de quitter, avec dommages, les contrats après des délais à
la livraison qui dépassaient 180 jours. Les analyses avaient
montré que déjà, sur les quatre premiers contrats, il y
avait une forte possibilité de dépassement à partir de 150
jusqu'à 180 à 190 jours, sans tenir compte peut-être
d'autres embêtements que pourraient amener les armateurs. On a
été frappé par le sérieux de la personne et la
position très forte qu'elle avait, et surtout du fait que Marine n'avait
pas, apparemment, beaucoup d'appuis ni de la société Lloyds, ni
des institutions prêteuses, dans les circonstances.
On a donc déterminé les conditions de l'armateur pour
sortir des contrats. C'était un peu plus élevé, la
proposition qu'il a présentée dans un premier temps, on a
négocié, mais pas facilement et pas beaucoup pour arriver avec
les montants que vous voyez.
La décomposition de ces... pardon?
M. Biron: C'est là que, finalement, vous avez
réglé pour $9,3 millions à remettre au Grec pour vous
débarrasser des contrats. Mais, le gars qui avait justement causé
toutes sortes de problèmes, comme dit M. Simard, vous autres, vous
l'avez payé $9,3 millions pour vous en débarrasser.
M. Dinsmore: A la décomposition des chiffres,
évidemment, on pensait que la demande était, en partie,
raisonnable, du fait qu'il cherchait ces avances et le montant qu'il avait
payé pour certains équipements intégrés au contrat.
Il y avait quand même des montants en dommages que nous trouvions
exagérés, mais qu'il ne voulait pas lâcher. Est-ce que
c'était possible d'arriver avec une meilleure négociation? Dans
les circonstances, c'est très difficile à dire, parce qu'il
était très rigide dans sa position et il y avait
énormément d'information de son côté, que nous
n'avions pas à ce moment-là.
M. Biron: Mais le fait de le payer $9,3 millions, c'est
passablement d'argent. On a entendu plusieurs de vos
prédécesseurs dire: Ce bonhomme nous a causé des troubles.
En fait, c'est sûr qu'il y avait probablement quelques erreurs sur les
bateaux, mais c'est tout à fait normal dans la construction maritime. Un
gars qui nous cause du trouble, on s'en débarasse. Ce n'est pas payer un
peu cher pour se débarasser de ça?
M. Dinsmore: II avait déjà avancé $5,8
millions sur les contrats, il a cherché ce montant. Il avait
déjà payé à peu près $1,3 million pour
l'équipement intégré aux navires, ce qui est le "owner
supplies items" et il réclamait un intérêt sur ces avances,
à tort ou à raison. Ce qui restait comme solde, en dommages
réels ou en compensation, c'était quelque chose dans l'ordre de
$1,5 million.
M. Biron: Le seul point, c'est que, encore une fois, lui ou ses
employés ont fait en sorte de coûter très cher à
Marine Industrie en demandant des améliorations aux six bateaux qu'il y
avait là pour ne pas finalement prendre ces bateaux. J'en suis au fait
qu'on a payé $9,3 millions, plus tout l'argent que ce bonhomme a
directement coûté à Marine, peut-être $1 million ou
$2 millions par bateau, si je me fie un peu à ce qu'on a dit tout
à l'heure. Alors, il a coûté peut-être $10 millions,
$12 millions, peut-être $15 millions à Marine Industrie, plus les
$9 millions, ça coûte passablement cher.
M. Dinsmore: Vous avez raison de mentionner qu'on avait
déjà payé des sommes additionnelles pour satisfaire, en
partie, les exigences de ces inspecteurs. Par contre, on avait une liste qu'on
n'avait pas faite à sa satisfaction, à ce moment-là, et on
avait fait un certain calcul, selon les procédures qu'il avait
projetées, pour déterminer combien cela pourrait coûter
après la date où on a rencontré l'armateur pour discuter
de cette question, c'est-à-dire après le 20 juillet, à peu
près. Ces calculs avaient présenté des sommes aux
alentours de $45 millions à $50 millions, sommes que nous avons
trouvé très exagérées. Par contre, ayant
consulté le chantier, on a trouvé que cela pourrait coûter
$20 millions de plus, si on n'avait pas de nouvelles choses ajoutées
à la liste.
Vous voyez que, même là, on avait le risque d'engager
d'autres frais additionnels de taille considérable, pour enfin
épuiser les délais de 180 jours et risquer de nous voir
laissés par l'acheteur à ce moment-là.
M. Biron: M. le député de Beauce-Sud, si vous
voulez continuer. Je ne voudrais pas vous priver de votre droit de parole.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je
demanderais le consentement des membres de la
commission pour continuer jusqu à 18 h 15. D'accord?
Des Voix: Oui.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Beauce-Sud.
M. Roy: J'aimerais revenir sur un point, M. le Président,
à la suite des questions qu'a posées tout à l'heure
l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce. Il y a eu un contrat de 18
navires. Il y a six navires qui ont été livrés à
des Français et deux navires qui ont été livrés
à l'Algérie. On semble s'accorder, on semble unanime, du moins de
votre côté, pour dire qu'à ce niveau, il n'y a pas eu de
problème.
Il y a eu dix autres navires. On parle d'un contrat ferme. Il y a des
ententes qui ont été faites d'un côté. M. Picard,
vous dites qu'il n'y avait pas de plan de financement, de contrat de
financement je ne me souviens pas des termes exacts que vous avez
employés pour la construction des dix autres navires.
J aimerais avoir plus d'explications là-dessus, parce que cela me
semble confus. Je pense que c'est confus pour passablement de personnes
également. Est-ce qu'il y avait effectivement des ententes, au point de
vue du financement, avant que ne débute la construction des dix navires
ou s'il n y en avait pas?
M. Picard: M. Roy, je vais essayer de répondre le plus
directement possible à la question. J appelle un contrat signé
une entente finale. Si vous avez une entente avec quelqu'un, avec un
télex et ainsi de suite, et que vous ne payez pas pour I achat d'une
chose, en cour, semble-t-il il y a des avocats ici qui pourront le dire,
je n'en suis pas un c'est un contrat qui n'est pas valide.
Ce qui est arrivé, c'est que les gens se sont envoyé des
télex, comme nous le dit M. Rochette, des télex d'entente. Je
peux fort bien croire à ce moment-là que c'était normal de
penser que le "closing" se ferait, mais le "closing " ne s'est jamais fait,
jusqu'à la renégociation. La négociation du financement
final qui avait été indiquée au mois de mai 1975 s'est
faite au mois de décembre. Les conditions du financement étaient
une hypothèque sur deux navires de $25 millions. Si je me rappelle bien,
elle était de $5 millions. Quand cela a été le temps de
faire le "closing", comme lorsque vous achetez une maison, et que le type vous
dit: Je n'ai pas la propriété des titres. Le contrat n'est pas
fait. C'est cela qui est arrivé. Quand ce fut le temps de déposer
les hypothèques et les $5 millions, M. Karageorgis a dit: Je ne le fais
pas. De telle sorte que, même s'il y a eu des indications d'entente, il
n'y a jamais eu un "closing" financier.
M. Roy: II n'y a pas eu de "closing" financier et, à
partir du moment où les négociations ont eu lieu, à la fin
de l'année 1975 je pense que vous avez parlé de la fin de
1975 est-ce que la construction de ces dix navires était
commencée?
M. Picard: Oui. C'est-à-dire les pièces
étaient arrivées. Je ne me le rapelle pas en détail. Il y
avait peut-être un commencement de construction.
M. Roy: Mais comment se fait-il qu'on ait continué
à construire les navires, s'il n'y avait pas une entente ferme?
M. Picard: II y avait un principe... Je n'étais pas
là à ce moment-là. Je suis arrivé au moment
où déjà les choses étaient engagées, le
matériel était là. Les gens j'imagine, y compris
moi-même j'arrivais, je n'étais pas informé de cela
ont pensé qu'il y aurait un "closing". Ils ont travaillé
sur la base qu'il y aurait un jour un "closing".
M. Roy: Mais la décision...
Le Président (M. Marcoux): M. Roy, M. David a
manifesté le désir de répondre également.
M. Roy: Oui. Excusez-moi.
Le Président (M. Marcoux): Je vous offre également
la protection de la commission.
M. David: Je demande la protection de la commission.
M. Roy: D'accord, parce que j'avais une autre question à
poser à M. David.
Le Président (M. Marcoux): C'est accordé.
M. David: Simplement pour compléter l'exposé de M.
Picard, c'est que l'entente entre M. Karageorgis et Marine Industrie
était pour la construction navale. A l'entente de financement, Marine
Industrie n'y était pas partie. C'est cela qu'il faut bien comprendre.
L'entente de financement était entre la Société
d'expansion des exportations, la SEE, et l'armateur grec. Marine Industrie
avait dans ses dossiers des délais confirmant des intentions qu'un
financement se conclurait entre le Grec, SEE et la Banque de Montréal.
Marine Industrie s'est fiée, à l'époque, sur ses
télex, ce qui confirmait le contrat le 15 avril. Les conditions ont
été négociées par la suite, parce que je pense que,
pour être bien clair, il faut comprendre que ces télex
n'étaient qu'une confirmation d'intention qu'un financement se ferait.
(18 heures)
Les conditions ont été négociées par la
suite, entre avril 1975 et la fin de décembre 1975. Les conditions
comprenaient les engagements, par M. Karageorgis, de donner des garanties
collatérales, à savoir $5 millions américains et deux
hypothèques sur deux navires qu'il possédait au montant de $12
500 000. Ces ententes ont été portées à la
connaissance de Marine Industrie, à la fin de décembre 1975,
mais, encore là, Marine Industrie n'était pas partie à ces
ententes. Lorsque M. Picard réfère au "closing", c'était
un "closing" qui devait avoir lieu entre le Grec, la banque de Montréal
et la SEE. Ce "closing" n'a pas eu lieu.
L'argent n'entrait pas à Marine et c'est comme cela qu'on a su
que le "closing ' n'avait jamais eu lieu.
M. Roy: Comment se fait-il que ce "closing" n'ait jamais eu lieu?
J'aimerais savoir quelle a été l'attitude de la
Société d'expansion pour l'exportation à ce moment?
M. David: Elle avait consenti un prêt à M.
Karageorgis, moyennant qu'il donne des garanties "collatérales". Il n'a
jamais donné de garanties "collatérales", donc le prêt n'a
jamais été complété.
M. Roy: Est-ce que Marine...
M. David: C'est encore à l'insu de Marine, parce que
Marine ne participe pas à ces négociations.
M. Roy: Même si Marine ne participe pas à ces
négociations, quand même, je pense qu'une société
doit vérifier ces choses avant de s'engager à produire des biens
et à construire des navires! Si elle n'est pas sûre que les
ententes de financement sont faites...
M. David: Vous avez bien raison. Quand vous avez en main des
télex d'institutions comme la Banque de Montréal et la SEE... En
avril 1975, c'est là que tout a été confirmé, la
bonne foi des gens, par des institutions de ce calibre. Les commandes ont
été placées pour le matériel. Les
négociations pour le financement ont été
complétées à la fin de décembre 1975. Les garanties
"collatérales" n'ont jamais été déposées.
Alors, Marine a été pris le bec à l'eau avec tout le
matériel sur les bras.
M. Roy: J'aimerais savoir, sur un autre point je ne sais
pas si cela répond et si cela apporte suffisamment d'éclairage
aux membres de la commission à ce sujet...
M. Tremblay: II me reste une autre question, si vous me
permettez. Est-ce que normalement...
M. Roy: Je m'excuse, M. Rochette avait quelque chose à
ajouter.
M. Tremblay: Je poserai la question à M. Rochette aussi.
Est-ce que vous vous seriez attendu, à Marine, à ce que la SEE
vous le confirme? Parce que vous étiez en train de commander des moteurs
et des pièces pour $100 millions et la SEE n'était pas certaine
de vous envoyer des chèques par la poste. Elle ne vous l'a pas dit?
M. Rochette: Je crois qu'il serait bon de souligner, à ce
moment, qu'en plus d'avoir eu des confirmations qui peuvent peut-être
sembler insuffisantes aujourd'hui je ne sais pas, il faudrait avoir une
opinion légale là-dessus de la SEE et de la Banque de
Montréal, il y a le fait aussi que l'armateur avait fait un
dépôt de $4 millions. Quand un armateur fait un dépôt
si je me souviens bien, je parle de mémoire de $4
millions, et qu'en plus de cela, on a des télex des deux institutions
financières nous disant que le financement est en place, je pense
qu'à ce moment, Marine était justifiée de dire aux
fournisseurs: Cela marche, le contrat est ferme. On confirme nos commandes.
M. Simard (Arthur): Pour les $4 millions, je vais vous donner une
explication. D'abord, vous avez la SEE, qui fait la finance à long
terme, à Ottawa. Elle finance sur 25 ou 30 ans à 5% ou je ne sais
combien. Il y a une autre chose qu'on appelle en anglais le "bridge financing".
C'est le financement durant la construction du bateau, alors c'est temporaire.
Pour Marine Industrie, c'est la Banque de Montréal qui est censée
nous donner de l'argent. D'accord. Nous, c'est la Banque de Montréal et
SEE rembourse, ça fait de l'argent et elle s'arrange avec le gars. Nous,
à Marine Industrie, on ne s'occupe pas de cela. On fait les bateaux et
on est sûr d'être payés.
Je vais vous dire ce qui est arrivé. Vous allez voir le gars. M.
Rochette vous a parlé de $4 millions. Pour les premiers $4 millions,
savez-vous ce qu'il a fait? Dès qu'on a reçu le premier envoi
d'acier de $4 millions, on a appelé à la Banque de
Montréal et on a dit: On vient de recevoir $4 millions d'acier, il faut
payer. La Banque de Montréal a appelé M. Karageorgis et a dit: M.
Karageorgis, vous n'êtes pas venu endosser encore. Il a dit: Je n'ai pas
emprunté, pourquoi endosserais-je? Il a dit: J'endosserai quand
j'emprunterai. La Banque de Montréal lui a dit: On vient de recevoir un
téléphone de Marine Industrie et il y a $4 millions qu'il faut
payer. M. Karageorgis a dit: Appelez donc à la Banque Hellénique
de Montréal, j'y ai envoyé mon chèque de $4 millions. Il
avait envoyé son chèque de $4 millions à la Banque
Hellénique. La Banque Hellénique nous a envoyé les $4
millions à Sorel; la Banque de Montréal est restée les
mains vides et elle a couru après M. Karageorgis. Il lui a dit: Ne
m'achalez donc pas; j'endosserai quand j'emprunterai; je n'ai pas affaire
à endosser, si je n'emprunte pas. C'est cela qui s'est passé.
D'accord?
M. Roy: II y avait seulement les $4 millions qui avaient
été déposés et qui constituaient comme une garantie
de financement?
M. Simard (Arthur): Les $4 millions étaient pour un compte
d'acier qu'on venait de recevoir et on voulait être payés pour
pouvoir payer le gars. Nous, on les demande à la Banque de
Montréal. C'est la Banque de Montréal qui fait le "bridge
financing". La Banque de Montréal dit: On ne les a pas, il n'a pas
signé. Elle appelle M. Karageorgis. M. Karageorgis lui répond:
Appelez à la Banque Hellénique. Il s'est
dépêché; il lui a télégraphié. Les $4
millions étaient là et la Banque Hellénique nous a
envoyé les $4 millions à Sorel. Nous autres, on ne comprenait pas
pourquoi. On pensait qu'il
les aurait envoyés à la Banque de Montréal.
Pourquoi enverrait-il cela à la Banque Hellénique? Il a dit: Je
fais mes affaires avec la Banque Hellénique. C'est là où
le gars n'a jamais endossé. Quand un paiement arrivait, il envoyait le
paiement et la Banque de Montréal ne pouvait pas le forcer à
endosser, il n'avait pas emprunté. Est-ce que cela vous éclaire
un peu?
M. Roy: Oui, je comprends.
Le Président (M. Marcoux): M. Maurice Massé en
arrière a demandé la parole. Je lui offre la protection de la
commission.
M. Massé: Excusez ma voix, j'ai perdu la voix depuis
quelques jours. Simplement pour clarifier un peu la situation, la question du
"closing ", je n'étais pas à Marine Industrie ou à la SGF
dans le temps, mais j'étais à une institution financière
qui s'appelle la Banque de Montréal. Le prix "closing " a eu lieu le 31
décembre 1975 et, à ce moment, c'était tellement
jugé un "closing" qu'il y a eu des photographies prises du groupe qui
venait de signer le fameux "closing". Alors, je ne veux pas présumer
pour les gens de Marine du temps. Simplement, avec tout cela, il me semble
qu'ils pouvaient commander l'acier, les moteurs et tout ce que cela prenait
pour construire un ou des navires.
La période entre le 31 décembre et plus tard, janvier et
février, l'armateur devait produire ses "collatéraux" et ne l'a
pas fait. Il me semble qu'avec un peu d'expérience dans la finance et
avec ces garanties morales et signées, j aurais pu commander de l'acier
parce qu'en fin de compte, il y a eu d autres transactions avant
celle-là. Alors, peut-être que les circonstances étaient
les mêmes. Je ne le sais pas. Je n'étais pas là.
Une Voix: Vous n'étiez pas à la SGF?
M. Massé: Non. Je n'étais pas à la SGF. Je
parle des transactions avant avril 1975. Je parle d autres transactions,
d'autres constructions de navires. Alors, tout cela pour dire qu'il y avait
bonne foi, semble-t-il, et, lorsque la production des "collatéraux"
n'était pas évidente ou en place, naturellement, tout le monde
s'est sauvé, et Marine a été prise avec...
M. Tremblay: Avec la permission de M. le député de
Beauce-Sud...
M. Roy: Oui.
M. Tremblay: ... ce qui revient à dire, M. Massé,
que tout le monde s'est sauvé, excepté Marine. Marine est
restée, évidemment, avec les bateaux entre les mains. J'aimerais
poser la question à M. David parce que c'est lui qui a vécu la
crise à I époque.
Diriez-vous, M. David, que les institutions prêteuses et surtout
la SEE ont été d'une grande imprudence vis-à-vis de
l'armateur grec et qu'a- yant été imprudentes, n'ayant pas fait
réaliser leurs garanties, elles ont cessé les paiements, se sont
retournées contre vous et vous ont pressurés en quelque
sorte?
M. David: Ce n est pas tout à fait exact, M. le ministre,
si vous me permettez, parce que les gens avaient conclu une entente avec M.
Karageorgis et l'entente stipulait qu'il devait déposer des garanties
"collatérales ". Il ne les a jamais déposées. Alors, ces
gens n'ont pas couru de risques parce qu ils n'ont jamais consenti de
prêts. La convention de prêts n'est jamais venue
exécutoire...
M. Tremblay: Et la Banque de Montréal a commencé
à vous faire des versements.
M. David: Je ne peux pas parler parce que je n étais pas
dans la trésorerie de Marine et je doute fort qu il y ait des sommes
d'argent qui aient été avancées, mais...
M. Tremblay: Qui était là en 1975? La SEE et la
Banque de Montréal ont commencé à verser.
M. David: Non. Excusez. M. Léveillé nous dit qu'il
n'y a pas eu d'avance parce que le Grec n'avait pas rempli ses engagements.
Alors, elles n ont pas commencé à débourser et c est
là que les malaises de Marine ont commencé. Elle a manqué
de liquidité parce que...
M. Tremblay: Un instant. A la page 10 du mémoire qui nous
a été remis: Marine Industrie, Document d'information pour la
commission parlementaire de l'industrie et du commerce, au deuxième
paragraphe, il est bien écrit: Le 30 juin 1977, $48 700 000 de
matériel avaient été reçus pour les six navires,
$19 000 000 restaient à venir. L armateur avait déjà
versé directement $5 800 000, je pense que c'est un peu ce à quoi
faisait allusion M. Simard. Il devait encore $800 000. Est-ce que la
Société d expansion des exportations avait avancé, au nom
de I armateur, $35 400 000?
M. David: C'est en 1977 cela.
M. Tremblay: Oui. Les garanties n'étaient pas encore
réalisées.
M. David: Non, c'est la renégociation du contrat à
l'automne de 1976. Ce dont on parle ici en date du 30 juin 1977 c'est la suite
à la renégociation du contrat à l'automne 1976, à
la nouvelle entente financière qui s'est matérialisée et
en vertu de laquelle la SEE et la Banque de Montréal ont fait des
avances à Marine, mais c'est après la renégociation
où on...
M. Tremblay: Pourrais-je demander a M. Simard de préciser
ce point-là?
Une Voix: M. Simard n'était plus là.
M. Tremblay: Est-ce qu'en 1975-1976 la SEE faisait des versements
ou si c'était la Banque Hellénique seulement qui faisait des
versements.
M. Sitnard (Arthur): A ma connaissance, il y a eu ce paiement de
$4 millions et c'est alors que la banque courait après M. Karageorgis
pour qu'il endosse et il ne voulait pas endosser. Il a dit: J'endosserai quand
j'emprunterai.
M. Tremblay: Mais pendant qu'elle courait après lui, vous,
cela ne vous donnait pas d'argent à Marine.
M. Simard (Arthur): Non, il y a eu les $4 millions.
Une Voix: II n'était pas en défaut...
M. Simard (Arthur): II n'était pas en défaut. On a
reçu l'acier, parce qu'on reçoit l'acier d'avance, vous
savez.
M. Roy: Est-ce que Marine a toujours été
informée, a toujours suivi le dossier du financement quotidiennement
pour savoir exactement quelle était l'attitude continuelle de
l'armateur? Est-ce que la société Marine Industrie suivait cette
question du financement et était au courant que l'armateur grec n'avait
pas endossé?
M. Picard (Laurent): Marine savait que le financement se
préparait. Les premières indications qui ont été
données que le "closing ' qui devait être le closing" final ne se
ferait pas, cela a été vers le 15 janvier et on a reçu des
informations d'Europe que...
M. Roy: Le 15 janvier 1976. M. Picard: 1976.
M. Roy: Est-ce qu'à ce moment-là Marine en a
informé le ministre de l'Industrie et du Commerce? Est-ce que le
gouvernement du Québec a été informé à ce
moment-là quand on a su que le financement ne se ferait pas?
M. Picard: Je ne me rappelle pas la date exacte, mais j'ai
moi-même informé le ministre de l'Industrie et du Commerce que
Marine était en difficulté, parce que le "closing " ne
s'était pas fait.
M. Roy: Cela est en janvier 1976. Janvier, février, mars
1976. Mais au début de 1976.
M. Picard: C'est cela.
M. Roy: Quelle a été l'attitude du gouvernement
à cette époque? Est-ce que le gouvernement a dit: Continuez?
Est-ce que le gouvernement vous a donné le feu vert? Est-ce que le
gouvernement a laissé Marine entièrement libre?
M. Picard: A ce moment-là, la décision finale et
explicite pour dire que ça ne marchait pas, c'est quand les gens sont
venus au chantier nous dire, à Pâques, qu'ils n'étaient
plus intéressés aux bateaux.
M. Tremblay: Est-ce qu'on peut vous demander si l'information que
vous avez donnée le 15 janvier 1976 au ministre Saint-Pierre
était verbale ou écrite?
M. Picard: Cela a été fait verbalement. M.
Tremblay: On n'a vu aucun texte.
M. Picard: Je ne peux pas vous dire la date, mais ça
devait être en mars probablement.
M. Roy: Le ministre Saint-Pierre était au courant que de
graves difficultés...
M. Picard: Qu'il y avait de graves difficultés à
Marine Industrie.
M. Roy: ... à Marine Industrie. J'aimerais savoir quelle a
été l'attitude du gouvernement à ce moment-là, face
à ce problème. Est-ce qu'on a réagi ou est-ce qu'on a
été silencieux, est-ce qu'on a fait pression auprès de
Marine Industrie ou auprès de la SGF pour continuer la production de
navires quand même?
M. Picard: II n'y a pas eu de réaction comme
celle-là. Remarquez qu'à ce moment-là, Karageorgis avait
annoncé officiellement, à Pâques, qu'il n'était pas
intéressé aux bateaux. A ce moment-là, on a
recommencé à travailler avec la SEE pour renégocier un
contrat dont les bases ont été acceptées par
Karageorgis.
M. Tremblay: Avec la permission du député de
Beauce-Sud, deux questions rapides là-dessus. Vous avez informé
le ministre Saint-Pierre verbalement, mais je poserais la question à M.
David ou à M. Massé, est-ce que le conseil d'administration de la
SGF était au courant? Est-ce que le conseil d'administration de la SGF a
averti l'actionnaire, le ministre de l'Industrie et du Commerce, M.
Saint-Pierre, par écrit, qu'il y avait un problème de "non
closing" du financement?
M. David: II n'y a pas eu de déclaration par écrit,
mais je pense qu'on s'est trompé dans les dates. Je vois qu'on me donne
un document où on dit: "Au début d'avril 1976, les armateurs
indiquent aux procureurs de la Banque de Montréal et de la SEE, à
une assemblée tenue à Londres, qu'ils ne sont pas prêts
à déposer les garanties collatérales." C'est en avril
1976. Je suis allé voir, avec M. Picard, le ministre de l'Industrie et
du Commerce, à son bureau à Montréal. La consigne
était, tant du conseil d'administration de Marine Industrie que du
conseil d'administration de la SGF, de trouver une solution à cette
impasse.
La solution à cette impasse a été la
renégociation du contrat pour la construction de six navires
au lieu de dix. Une négociation de la construction de six navires
au lieu de dix et nous nous sommes impliqués, ainsi que la SEE, pour
nous assurer que le financement se ferait et la SEE, à cette
époque, a donné beaucoup de collaboration à la SGF et
à Marine Industrie, à l'été 1976. (18 h 15)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A moins
d'un nouveau consentement unanime, nous sommes liés par notre...
M. Roy: Trente secondes.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord.
M. Roy: Parce qu'il ne faudrait pas reprendre tout ça
après le souper. Ce que j'allais dire, c'est que les négociations
pour ces six navires n'ont pas abouti, finalement.
M. David: Oui, elles ont abouti. Une entente de financement a
été signée.
M. Roy: Justement, ce sont ces six navires que vous avez sur les
bras.
M. David: Parce que, après ça, I'armateur, tous les
problèmes de harcèlement et d exigences démesurées
sur la qualité des navires sont survenus, par la suite, après la
signature des nouvelles ententes pour la construction de six navires au lieu de
dix. C'est à la suite de ces signatures d ententes que les
difficultés dans la construction ont débuté à
Marine Industrie, avec les harcèlements de I inspecteur et les
représentants de larmateur.
M. Roy: J'aimerais savoir s il y a des raisons
particulières. C est quand même important, il s'agit de dizaines
et des dizaines de millions de dollars. C est l'argent des contribuables du
Québec. Il ne faut pas l'oublier.
Comment se fait-il, y a-t-il eu des raisons particulières,
pourquoi na-t-on pas jugé bon, à Marine Industrie, par
l'entremise de la SGF, puisque la SGF est l'actionnaire, d'en informer par
écrit le ministre de l'Industrie et du Commerce de lépoque,
plutôt que de faire une simple rencontre verbale, lorsque des enjeux de
cette importance étaient en cause? Est-ce qu'il y a des raisons
particulières?
M. David: Aucune raison, sauf que c'était notre
responsabilité de nous sortir de cette impasse; le mieux qui a pu
être fait à l'époque a été une
renégociation pour six navires.
M. Roy: Oui. C'était votre responsabilité de sortir
de cette impasse, d accord. Mais qui paie pour cela aujourd'hui?
M. David: C'est très dommage, ce qui est survenu par la
suite, mais, à ce moment-là, c était imprévisible
que le...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Picard.
M. Picard: Un commentaire qui m apparaît important, c est
que larmateur Karageorgis n a pas acheté des bateaux de Marine
Industrie. Ce sont six compagnies et dix compagnies panaméennes qui ont
acheté des bateaux. C est une distinction qui a son importance.
M. Scowen: M. le Président, je voudrais simplement
demander...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Dernière question.
M. Scowen: ... à M. Massé de répéter
la date de ce fameux prix "closing". Quelle était la date?
M. Massé: Du prix "closing"?
M. Scowen: Oui, vous l'avez dit et je ne me le rappelle pas. La
date du prix "closing ", c était quand?
M. Rochette: Le 31 décembre 1975. M. Scowen: 1975.
Ah bon!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les
travaux de la commission sont suspendus jusqu à 20 h 30, pour permettre
à tout le monde de prendre un bon repas.
Suspension de la séance à 18 h 18
Reprise de la séance à 20 h 40
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, messieurs!
La commission de l'industrie et du commerce poursuit ses travaux. La
parole sera au député de Richelieu. M. le député de
Richelieu.
M. Martel: M. le Président, après avoir entendu les
questions de mes collègues, cet après-midi, je pense que nous ne
sommes pas beaucoup plus avancés, sinon que nous constatons que
l'armateur grec Karageorgis a pris toutes les précautions voulues pour
avoir un bon contrat, ce qu'il a effectivement eu, et non seulement a-t-il pu
s'en sortir à un moment donné, mais il a même réussi
à se faire donner par Marine Industrie $9 200 000 et évidemment
la fameuse commission versée à une société des
Bermudes dont les noms apparaissent dans le rapport. On n a pas
déterminé si larmateur grec n'était pas là, mais
une chose que je pourrais me demander, c'est qu'après toutes ces
précautions que le Grec a prises, après en être sorti avec
aucune pénalité, après avoir fait investir au-delà
de $100 millions des Québécois par Marine Industrie pour acheter
la machinerie, les matériaux
nécessaires pour la construction des bateaux, il en sort avec des
millions, c'est-à-dire $9 200 000. J aimerais poser une question pour
savoir si le vendeur, qui s appelle Marine Industrie, a pris les mêmes
précautions pour protéger I'argent des Québécois. C
est ma première question.
Ma deuxième question, je peux la poser au président de la
Société générale de financement qui pourra la
transmettre à ceux qui étaient là dans le temps. Tout ce
qu'on peut sortir de cela, c'est que le Grec a "fourré" les
Québécois. Il n'y a pas à sortir de là. Toutes les
discussions qui ont eu lieu cet après-midi prouvent qu'il s'est
drôlement protégé. Il a pu sortir... Que ce soit n'importe
qui, que ce soit un petit entrepreneur ou bien un ouvrier qui se fait
construire une maison, il y a une entente entre l'entrepreneur et l'acheteur.
On se base sur une qualité de maison qu'on veut se faire construire, et
vice versa. On s'assure que le gars a les moyens nécessaires pour
acheter la maison et on s'assure que le gars qui construit est solvable, qu'il
est capable de construire.
Nous avons parlé de toutes sortes de clauses, cet
après-midi, mais si on résume le tout, on constate que les
précautions ont toutes été prises par le Grec. Je me
demande si ce Grec, Karageor-gis, ne devrait pas être ici pour nous
donner des trucs, parce que, franchement, je pense qu'il a réussi
à embarquer pas mal de gens. C'est assez rare qu'on voit un gars qui
négocie un contrat, qui fait investir des centaines de millions de
dollars, comme c'est le cas, et qui réussit à s'en sortir. On a
parlé également de la SEE.
J'aimerais tout d'abord poser ma première question. Après
toutes les précautions que l'armateur grec a prises, pour s'en sortir
avec des millions des Québécois, après les avoir
embarqués dans le trou, ce qui fait que Marine paie $1 million
d'intérêts à cause de cette administration, j'aimerais
savoir, dans un premier temps, si toutes les précautions ont
été prises de façon que l'argent des
Québécois soit bien dépensé dans cette
société, dans cette filiale, dans Marine Industrie. (20 h 45)
Deuxièmement, est-ce que M. Picard croit, par exemple, que la SEE
du gouvernement fédéral a plutôt favorisé les
intérêts de l'armateur grec que ceux de Marine Industrie, dans le
financement? Par la même occasion aussi, j'aimerais demander à M.
Picard si Marine Industrie, devant les demandes constantes de la part de
l'armateur grec, devant ces exigences nombreuses qu'il n'aurait pas pu faire,
à mon sens, si le contrat avait été réellement bien
signé, s'il y a eu une poursuite en cour pour faire cesser ces
harcèlements de la part de l'armateur grec devant des exigences qui
devenaient, à toutes fins utiles, un moyen de se défaire de cette
commande qu'il avait passée à Marine Industrie.
Une autre question que j'aimerais poser peut-être à M.
Rochette: Lorsque vous parliez de commissions qui ont été
consenties, disons avant que les bateaux soient livrés parce
qu'ils sont toujours au quai de Sorel... On a donné $7 200 000 en
commissions à des courtiers de Londres et également à des
courtiers dont on ne connaît pas les noms et qui ont des bureaux aux
Bahamas, aux Bermudes. J'aimerais demander, comme question
supplémentaire, à M. Rochette si ces courtiers de Londres et ces
courtiers de la maison qui a son siège social aux Bermudes avaient une
commission similaire à celle qui s'est donnée, par exemple, lors
de la construction et de la vente des bateaux aux Français et,
également, si c'est la même commission qui a été
donnée et qui se donne présentement pour la vente des bateaux aux
Polonais?
Le Président (M. Marcoux): M. Picard.
M. Picard: Vous avez posé plusieurs questions M. Martel.
Je vais vous donner plusieurs réponses. La première et je
reviens encore là-dessus parce qu'il y a un certain nombre
d'ambiguïtés qui reviennent tout le temps les douze bateaux
de M. Karageorgis dont on parle, dont deux ont été livrés
à l'Algérie et quatre ont été annulés
je tiens à le dire même si c'est répétitif mais
c'est un point fondamental n'ont jamais été achetés
par M. Karageorgis. Il n'a jamais commandé ces bateaux; il ne les a
jamais demandés. Les bateaux ont été achetés par
douze compagnies panaméennes dont les actifs de chacune des compagnies
étaient de $1000. Il faut très bien se rendre compte de cela si
on veut comprendre le problème. Pour essayer de l'expliquer encore plus
précisément et c'est un problème, le restant est
presque du détail, si on veut. Quel constructeur aurait accepté
un contrat à Montréal pour construire douze hôtels de $20
millions pour douze compagnies panaméennes après le Olympiques.
C'est cela le problème auquel on fait face.
Le reste qui n'a pas été signé, il reste que les
acheteurs, quelles que soient les garanties personnelles ou non, étaient
douze compagnies panaméennes qui n'avaient pas d'actifs autres que les
actifs nominaux.
Je pense que si on oublie cela, on perd toute la perspective du
problème qui s'est posé.
Revenons à une deuxième chose. Je voudrais apporter une
deuxième précision aussi... cet après-midi, qui
m'apparaît aussi fondamentale.
M. Tremblay: M. le député de Richelieu, j'aimerais
poser la question à M. Picard. Pourquoi était-ce des compagnies
panaméennes qui devaient acheter? Y avait-il une raison?
M. Picard: Probablement pour diminuer les risques, pour
empêcher... Seulement, cela a été fait ainsi. Je
n'étais pas là quand cela a été fait.
M. Tremblay: Peut-être M. Rochette pourrait-il nous dire
pourquoi l'armateur ne voulait pas prendre des engagements lui-même pour
l'achat et pourquoi il préférait passer par des compagnies bidons
qui étaient enregistrées à Panama?
M. Rochette: Je pense, pour réellement répondre
à cette question, qu'il faudrait faire venir
M. Karageorgis. C'est pratique courante, le pavillon de Panama est un
des deux pavillons les plus utilisés au monde avec celui du
Libéria. Quelles sont les raisons, pourquoi les armateurs des
différents pays choisissent-ils d'incorporer les compagnies au
Libéria et à Panama pour y mettre leurs navires? Il y a beaucoup
de raisons. Il y a des raisons fiscales. Il y a des raisons de
réglementation des différents pays d'équipages, de
salaires à payer, etc., mais je ne peux répondre pour M.
Karageorgis. Il y a des milliers et des milliers de navires enregistrés
sous pavillon panaméen et libérien par des armateurs de grande
réputation, que cela soit Onassis ou d'autres.
M. Tremblay: M. Rochette, si vous permettez, ce qui
intéresse les membres de cette commission, c'est peut-être la
question indirecte qu'a posée M. Picard. N'était-il pas imprudent
pour Marine de passer des contrats avec des sociétés bidons qui
n'étaient pas solvables en elles-mêmes?
M. Rochette: Avant de dire que c'étaient des
sociétés bidons et non solvables...
M. Tremblay: Si elles avaient $1000 d'actif et qu'elles
commandaient des actifs de $20 millions chacun, c'est vraiment le lapin non pas
avec un cheval, mais un éléphant.
M. Rochette: N'oubliez pas qu'au moment où nous avons
signé ces contrats, au moment où ils sont devenus fermes,
c'était sur la foi d'un engagement de SEE et de la Banque de
Montréal comme quoi ils feraient le financement, qu'ils avaient une
garantie personnelle de M. Karageorgis quant à la bonne exécution
des contrats et que nous avions en main ces bilans montrant une fortune
personnelle très considérable. C'est sur la foi de toutes ces
informations que le conseil d'administration de Marine a accepté de
s'engager dans ces contrats. Les huit premiers se sont très bien
terminés, avec des profits considérables. Les autres ont mal
tourné, pour toutes sortes de raisons qu'on a entendues ici cet
après-midi. Je n'étais pas là à ce moment. Je ne
peux pas vous dire si les gens ont bien ou mal négocié à
ce moment, si les torts sont du côté de M. Karageorgis ou de
Marine.
Je ne puis faire aucun commentaire là-dessus, parce que je n'y
étais pas. Au moment où je suis parti, M. Karageorgis
n'était pas en défaut. Le financement n'était
peut-être pas, comme M. Picard l'a expliqué, signé de
façon formelle, scellé, etc., mais il avait fait ses paiements
jusqu à ce moment-là tel que requis par les contrats. Alors,
qu'est-ce que vous voulez que je vous dise de plus?
M. Martel: Si vous permettez, M. Rochette. Vous avez fait
allusion à votre départ de Marine qui s est fait, je pense, en
même temps que trois autres cadres. A ce moment-là, c'est
arrivé, je pense, le 18 février 1976, c'est-à-dire deux
jours après que la Banque de Montréal eut refusé de
financer l'armateur grec. C'est arrivé je ne sais pas combien de mois
après que Marine ou la Société générale de
financement vous ait demandé de voir si la société Davie
Shipbuilding de Lauzon était rentable, dans le but d'en faire
l'acquisition pour Marine Industrie. A ce moment-là, est-ce que vous
aviez eu le mandat, de la part de Marine, de voir si la rentabilité de
Davie Shipbuilding de Lauzon pouvait être un actif, dans le but de faire
une transaction pour Marine?
M. Drolet: M. le Président, ce débat est sub
judice. Je pense que c'est justement le genre de question auquel on s'oppose et
j'aimerais, dans une bonne procédure parlementaire, qu'on reconnaisse
que cette question est prise sous réserve et qu'on ne peut pas
répondre à cette question.
M. Martel: On est ici pour faire la lumière sur
l'administration de Marine. Il y a eu un précédent dans une autre
commission parlementaire, par exemple Commonwealth Plywood, où il y
avait un tas de choses en suspens devant les tribunaux et la commission
parlementaire a pu poser des questions pour faire la lumière sur
I'administration de cette compagnie, comme nous essayons de le faire pour
l'administration de Marine. Et je pense que cela a été un facteur
tournant lorsque les quatre cadres de Marine sont partis. Je veux simplement me
limiter à demander s'il y avait eu un mandat de la part de Marine pour
voir à l'achat éventuel de Davie Shipbuilding, si c'était
rentable, si Marine devait s'en porter acquéreur. Je vois dans le
rapport que M. Rochette a fait la recommandation à Marine quelle devait
s'en porter acquéreur et, par la suite, je voudrais savoir les raisons
qui l'ont motivé à quitter si rapidement Marine pour se porter
acquéreur de Davie Shipbuilding.
M. Drolet: M. le Président, je m'oppose encore à la
question. C est sub judice et je pense que, dans un parlementarisme tel que
l'on connaît, on ne peut obliger une personne, je pense, c'est admis
entre les parties, à poursuivre une telle ligne de pensée
lorsqu'on vient, sur une base volontaire, offrir une collaboration. Je pense
que, si le noeud gordien peut relever du débat judiciaire qui est devant
les tribunaux, je pense que ce n'est pas la place pour nettoyer; on est ici
pour donner la collaboration, les renseignements, dans la mesure
nécessaire, mais dans ce cas-ci, je pense que c est directement
relié au débat qui divise les parties. Je pense que ce
serait...
M. Martel: C'est au président de trancher ce litige.
Le Président (M. Marcoux): Si vous me demandez de le
trancher immédiatement, je devrai suspendre quelques minutes pour m
informer davantage. Mais au lieu de suspendre immédiatement, je
demanderais plutôt à M. Picard de compléter la
réponse qu'il avait commencé à donner.
M. Picard: II y a une deuxième clarification que je veux
faire. Je ne pense pas contredire M. Rochette en disant ça, mais quant
à l'évaluation des bilans de Karageorgis, la comptabilité
se fait de plusieurs façons, comme on le sait et il y a une
comptabilité historique qui n'est pas une réflexion réelle
dune situation, mais qui est l'histoire comptable d une société,
il y a aussi ce qu on appelle les réévaluations.
Si je me rappelle bien, j'espère que je ne me trompe pas, je dois
vous dire que je n'ai pas vu cela depuis trois ans et demi, ce sont des choses
qui m avaient assez frappé dans le temps, j'ai l'impression d'avoir
raison, les ressources de M. Karageorgis, quant à sa fortune
personnelle, sur le plan historique, étaient loin d'être
considérables. Sur un plan de réévaluation, à
l'époque où il y avait justement cette enflure des prix
incroyables et ces commandes partout, il y a eu une réévaluation
qui donnait un bilan tout à fait différent. C'est un bilan au
marché qui a varié avec le marché et on sait comment le
marché a varié à ce moment-là. Je pense que M.
Rochette va être d'accord avec moi là-dessus. Il y a deux bilans
là-dedans, le bilan au marché, si le marché est bon, il
est élevé et si le marché n'est pas bon, il n'est pas
élevé.
M. Martel: Si vous permettez, M. Picard, M. Rochette, cet
après-midi, a affirmé que le Grec, M. Karageorgis, a
négocié et effectivement fait des affaires avec plusieurs
constructeurs navals à travers le monde et qu'il n'a
résilié aucun contrat. Il ne s'est retiré d'aucun contrat,
excepté à Marine Industrie. D'après tout ce qui s'est dit
aujourd'hui, on voit que cela a été, M. Simard l'a dit cet
après-midi, une politique de harcèlement qui a fait qu'à
un moment donné, je vous ai posé la question à savoir si
vous êtes allés devant le tribunal pour essayer de faire cesser
ces harcèlements de la part de l'armateur grec. Quelle a
été la décision du tribunal si vous y êtes
allés?
M. Picard: Ecoutez, au moment où j'ai quitté Marine
Industrie, on étudiait la possibilité, premièrement, d'un
arbitrage sur des questions particulières et, deuxièmement, de
pas plus importants, si c'était nécessaire. Mais je
n'étais pas là au moment où la décision a
été prise.
M. Martel: M. Coulombe, est-ce que quelqu'un pourrait nous dire
si Marine est allée en cour, devant ce harcèlement, par le Grec,
pour faire dépenser Marine Industrie avec des exigences qui
étaient vraiment un moyen de résilier son contrat?
M. Coulombe: M. Picard était parti, si je ne me trompe,
c'était en mai 1977...
Le Président (M. Marcoux): Pourriez-vous vous servir du
micro, si c'est possible?
M. Dinsmore: Pour offrir une certaine compréhension
à la situation, paraît-il qu'on n'a pris de procédures
explicites contre l'armateur, en aucun temps. L'armateur, pour sa part, a pris
l'initiative, vers le mois de mai, je pense, d'enregistrer une plainte à
l'égard de l'interprétation des plans et devis, plainte qui
était, selon le contrat, soumise à l'arbitrage. Au moment
où nous sommes arrivés, M. Brisson et moi-même, les avocats
de l'armateur essayaient de forcer la note pour la tenue de cet arbitrage.
Nous avons examiné la situation avec le peu de temps à
notre disposition. Nous avons fait remettre les dates à plusieurs
reprises, pour nous permettre justement d'évaluer toutes les
conséquences d'aller en arbitrage.
Avec les indications des retards déjà fournis par la
division de l'exportation de la compagnie, il était évident que
la complexité de l'arbitrage pourrait retarder de nouveau, d'au moins 30
jours , sinon plus, toutes les opérations au chantier. On n'était
pas encouragé par l'affaire, pas parce que Marine Industrie ne faisait
pas bien son travail, mais parce que la documentation n'était pas
parfaite, et on risquait, justement, d'arriver à une décision
partagée, c'est-à-dire une partie en faveur de l'armateur et une
partie en faveur de Marine Industrie, en fonction des documents, mais avec une
perte de temps d'au moins 30 jours, sinon plus, avec toutes les
conséquences non seulement pour les contrats en cours, mais pour
d'autres contrats qui étaient bloqués à cause des retards
occasionnés par les contrats grecs. (21 heures)
Ce fut un élément de nos évaluations qui nous amena
à une espèce de conclusion avec l'armateur. Mais, à ma
connaissance, c'est le seul geste qui ait été exprimé par
l'une ou l'autre des deux parties en cause, quant à passer à
l'arbitrage qui était possible en fonction du contrat.
M. Martel: J'attends les réponses de M. Picard et de M.
Rochette concernant le pourcentage des commissions. J'ai demandé
à M. Picard, par exemple, s'il avait l'impression que la
Société d'expansion des exportations avait plutôt
protégé l'armateur grec que Marine Industrie. C'était la
question à M. Picard.
La question s'adresse à M. Rochette ou à M. Coulombe. Ils
pourront faire répondre ceux qui sont habilités à
répondre. Quel pourcentage a été payé en
commissions aux courtiers pour la vente des bateaux grecs, des bateaux
français et des bateaux polonais?
M. Tremblay: Avec la permission du député, M.
Martel, il s'agit de deux questions très importantes. Je pense qu'on
doit les séparer.
M. Picard: M. Martel, vous m'aviez posé aussi d'autres
questions. La discussion a changé un peu. Je dois dire que, dans la
période où j'ai été là, la SEE a
généralement bien coopéré.
M. Martel: Me permettez-vous de lire une partie du rapport de
Marine Industrie qui dit: "Le 14 juillet, SEE recommanda que Marine Industrie
ne mette pas l'armateur en défaut et insista pour que Marine Industrie
présente un programme dé-
taillé démontrant à sa satisfaction qu'elle pouvait
terminer les contrats en question selon tous les termes et conditions... Ce
programme lui était nécessaire comme condition préalable
afin de consentir des avances additionnelles, soit sur les contrats avec MAK,
soit sur le contrat polonais".
M. Picard: C'était la période après mon
départ. Je suis parti au mois de mai.
M. Martel: C est après votre départ? M. Picard:
Après mon départ.
M. Martel: Est-ce que cela veut dire que I attitude de la SEE
aurait changé après votre départ vis-à-vis de
Marine Industrie?
M. Picard: Je ne peux pas en juger. Je peux vous dire que, quand
j'etais là, c'était positif. Je pense que les gens ont
été à même de discuter des...
M. Martel: M. David pourrait-il répondre concernant la
SEE, la participation au financement de ces bateaux?
M. David: II y a deux étapes, M. le député,
si vous me permettez. Il y a l'étape 1976. Après que le
financement original n'a jamais été complète, je dois dire
que la SEE a offert une très forte collaboration pour renégocier
avec l'armateur grec la construction de six navires au lieu de dix et a offert
toutes les possibilités de financement qu'elle pouvait faire à ce
moment-là. En 1977, je pense que cela a été un peu
différent, étant donné que les plaintes sur la
qualité de la construction de Marine Industrie ont été
reçues par la SEE, ont été transmises à ses
partenaires financiers, ont été transmises à d'autres
niveaux du gouvernement du Québec, alors que la partie qui aurait
dû normalement être la plus concernée, qui est Marine
Industrie, l'a été en tout dernier ressort. Cela a fait un cercle
à partir de la SEE, la Banque de Montréal, le premier ministre,
et cela a descendu pour revenir à Marine Industrie et on s'est
demandé où était le tort.
A cette époque, il y a eu énormément de
difficulté à faire accepter à la SEE que Marine Industrie
était un bon constructeur naval. Elle venait de terminer, au cours des
cinq, six ou sept dernières années, la construction d'une
quinzaine de ces navires et, soudainement, Marine Industrie était
devenue un très mauvais constructeur naval. C est à cette
époque, je pense, que la collaboration de la SEE a pu être mise en
doute.
M. Martel: Je pense qu'en aucun temps il n'est question de la
compétence mondiale des ouvriers de Marine qui ont réussi
à se faire une renommée à travers le monde. Il
n'était pas question de la compétence des ouvriers locaux. Je
pense, pendant cette commission, qu'il est question de la compétence de
l'administration lorsqu'elle signe un contrat. A ce moment, lorsqu'il s'agit de
l'argent des Québécois... Parce que tout le monde sait que le
potentiel, le capital humain que nous avons dans le comté de Richelieu,
c'est un peu unique, non seulement en Amérique du Nord, mais dans le
monde entier. On a une réputation qui est très bien connue dans
le domaine de la construction navale. Evidemment, est-ce que l'administration,
la gestion lors de ce fameux contrat de 1973 équivaut à la
qualité de la main-d'oeuvre que nous avons? C'est là qu'on se
pose la question et qu'on essaie de voir clair dans cette situation qui fait
qu'aujourd'hui, cela coûte aux contribuables québécois $1
million d'intérêt par mois pour supporter un contrat à
propos duquel on se demande comment il a été signé et
comment il a été négocié.
M. Tremblay: Avec la permission du député,
j'aimerais poser à M. David une question sur la SEE. Les défauts
invoqués par l'armateur grec avaient été gonflés,
de l'avis de tous. Voici la question qu'on se pose: Est-ce que la SEE a
donné plus de crédibilité à ce supposé
gonflement des défauts en provenance de l'armateur grec qu'à la
compétence du chantier maritime qu'était Marine? Il semble qu en
persuadant Marine de ne pas déclarer forfait ou en mettant en
défaut l'armateur grec qui avait retardé ses paiements et en se
rangeant du côté du Grec, en appuyant indirectement ou
implicitement les exagérations concernant les défauts, la SEE se
trouvait à tirer le tapis sous les pieds de Marine et à laisser
Marine seule face aux problèmes du financement. Est-ce que c'est
exact?
M. David: Je suis d'accord avec vous, M. le ministre, sur cette
compréhension des faits à l'été 1977.
M. Tremblay: Qu est-ce qui aurait pu amener la SEE à
donner de la crédibilité à cet armateur grec qui,
évidemment... Il ne fallait pas avoir un diplôme de
troisième niveau pour comprendre que cet armateur voulait se sortir de
ce contrat de toutes les façons. Il disait comme le mentionnait M.
Simard avant le souper, que les lits n'étaient pas assez longs, que les
portes n'étaient pas assez hautes, que la peinture était
mauvaise. Autrement dit, c'était un fumiste, c'était un
spéculateur qui voulait se sortir de son contrat parce que le
marché s'était effondré. Pourquoi la SEE, une compagnie de
la couronne fédérale, s'est-elle rangée en faveur d'un
spéculateur international contre Marine, une société du
Québec?
M. David: Malheureusement, M. le ministre, je n'ai pas la
réponse et je me suis posé exactement la même question
à cette époque.
M. Tremblay: Je le demanderais à M. Coulombe; cela fait
deux ou trois ans que vous réfléchissez à cela, il doit y
avoir une réponse à cela.
M. David: Le malaise est vraiment survenu en
1977. Je dois dire qu'au préalable, à la
renégociation en 1976, la SEE avait fourni une excellente collaboration,
mais cela a été une situation totalement différente en
1977.
M. Tremblay: Même en 1976, lorsqu'on a forcé Marine
à renégocier les contrats en passant de dix à six, ce
n'était pas du gâteau pour Marine.
M. David: Non, mais c'était encore mieux que de perdre les
dix navires, parce que l'approvisionnement pour les six premiers était
presque rendu à Sorel.
M. Tremblay: Oui, mais les garanties de financement
n'étaient pas plus sûres pour six que pour dix. M. Picard a dit
qu'il n'y a jamais eu de financement.
M. David: Non, je regrette. M. Picard a dit qu'il n'y avait
jamais eu de financement pour les dix navires. C'est vrai. Lorsqu'il y a eu des
renégociations pour six, il y a eu de nouvelles négociations pour
le contrat de la construction navale. Il y a eu des nouvelles
négociations pour le financement de la construction de six navires.
Effectivement, des fonds ont été déboursés pour la
construction des six navires. Si je m'en tiens, M. le ministre, au rapport
déposé par Marine, à la page 10, au deuxième
paragraphe, au 30 juin 1977, lorsqu'on fait un état, je crois qu'on dit,
à la troisième phrase: La SEE avait avancé au nom de
l'armateur $35 400 000. Elle devait encore $11 500 000. Il y avait eu des fonds
déboursés. La bonne volonté et la bonne collaboration de
1976, je crois que cela a été très valable pour permettre
à Marine, à cette époque, de se sortir de l'impasse
d'avoir des contrats de construction de dix navires qui ne reposaient sur
absolument rien.
M. Martel: M. le Président, j'attends toujours votre
réponse concernant la question que j'ai posée à M.
Rochette.
Le Président (M. Marcoux): Voici ce qu'indique le
règlement ou d'habitude la procédure parlementaire concernant les
réponses à donner aux questions posées. Notre
règlement, à l'article 153, dit que lorsqu'une commission
élue a requis une personne de se présenter devant elle pour s'y
faire entendre ou pour produire des documents et que cette personne refuse de
le faire, la commission fait rapport de ce refus au président et
celui-ci prend les moyens nécessaires pour que la demande de la
commission soit satisfaite.
De façon plus précise, il y a des interprétations
qui ont été données de ce règlement qui exige
évidemment que les témoins disent toute la vérité,
puis, qu'ils répondent aux questions. Dans l'ancien règlement, il
y avait l'article suivant qui disait: "Quand un témoin désire ne
pas répondre à une question, il doit exposer les raisons pour
lesquelles il se croit fondé à ne pas répondre ou
désire être exempté de répondre et demander à
l'orateur, ou le président, si, dans les circonstances, il est tenu de
répondre."
Egalement, dans l'ancien règlement, on disait: "Un témoin
ne peut refuser de répondre à une question sous le
prétexte que sa réponse peut l'exposer à une poursuite
civile ou criminelle, qu'il a fait le serment de ne pas révéler
les faits sur lesquels on l'interroge, qu'il est tenu au secret professionnel
ou que son avocat l'informe qu'il ne peut répondre sans courir le risque
de s'incriminer ou de s'exposer à une poursuite civile."
Or, avant de trancher la question de façon définitive, je
demanderais à M. Rochette ou à son représentant de
préciser à nouveau les motifs pour lesquels je devrais accepter
que M. Rochette ne réponde pas aux questions ou à la question
posée par le député de Richelieu.
M. Drolet: M. le Président, ce débat a eu lieu au
début de l'après-midi et il est clair qu'il y a un procès
civil entre Marine Industrie et M. Rochette et autres, et certains des
allégués dans cette procédure judiciaire sont de la
même nature que ceux du député. Alors, toute réponse
qu'on pourrait donner à ce procès qui est pendant priverait
évidemment le cours normal de la justice. Cela va se débattre
quelque part, un jour, devant un tribunal compétent en la
matière. Je pense que dans les circonstances, on a le droit de faire une
objection à cette question qui pourrait être de nature à
nuire au déroulement du procès.
Le Président (M. Marcoux): Seulement une chose que je
voudrais voir précisée; vous avez dit que cela priverait
éventuellement d'information le tribunal qui...
M. Drolet: Non, cela pourrait éventuellement être
utilisé. De toute façon, le juge de première instance de
la Cour d'appel, de la Cour suprême décidera. Quand je fais une
objection devant le tribunal ou que je fais une objection, je pense que vous
pouvez la prendre sous réserve ou de la façon que vous la
décidez, mais je sais que dans une commission de la nature de celle
où on est, où on a été simplement invités et
non pas requis je pense que c'était la distinction fondamentale
on vient ici offrir notre collaboration, mais jusqu'à une limite.
Je pense que nous frappons la limite directement dans un litige civil entre les
parties où la demanderesse est là et le défendeur est
ici.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie d'avoir
répondu à ma question. Avant de rendre ma décision, au
lieu de suspendre les travaux, je vais plutôt inviter un de mes
collègues à me remplacer pour continuer.
M. Martel: M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): Oui.
M. Martel: Je veux simplement demander... Je vais laisser tomber
une question personnelle qui avait trait au départ de M. Rochette le 18,
mais je vais demander à la direction de Marine Industrie du temps si
elle avait mandaté et sur cela, je
pense que je peux obtenir une réponse de cette dernière
M. Rochette pour voir à la possibilité d'acheter le
chantier de Davie Shipbuilding, de Lauzon, premièrement, et, aussi s'il
y a eu un rapport qui a été fait et quelle a été la
position, à ce moment-là, de Marine Industrie sur les
recommandations de M. Rochette. C'est une première question. La
deuxième à laquelle vous pouvez répondre, que j'avais
posée à M. Rochette et à laquelle il ne veut pas
répondre, sur la question des commissions, j'imagine que
l'administration de Marine Industrie est au courant des commissions qui se
donnaient aux courtiers à l'occasion de la vente des bateaux grecs, des
bateaux français et des bateaux polonais, le pourcentage qui s'est
donné, qui a fait que, pour les bateaux grecs, cela totalisait $7 200
000, dont $90 000 à un courtier de Londres et $350 000 à une
firme des Bermudes dont on ignore les actionnaires, ce qui fait qu'il s'est
payé $444 000 par bateau et ces bateaux sont toujours amarrés,
accostés dans le Richelieu près de Marine Industrie. (21 h
15)
Le Président (M. Marcoux): Je sais que M. le
Président avait levé la main. Il indiquait qu'il voulait
répondre à une des questions, une des deux?
M. Picard: Je suis doublement embêté pour
répondre, parce qu'on me dit que c'est sub judice et je n'ai pas
d'avocat avec moi. Je ne suis pas un mis en cause évidemment dans cette
affaire. Marine était, au moment du départ des gens, sous ma
direction, évidemment, il y a des choses que je puis dire
peut-être mais d'autres de la SGF sont plus en mesure que moi de dire,
parce que la discussion a eu lieu avec la SGF...
Je vous dis carrément que je suis embêté à
cause du sub judice. Je ne sais aucunement comment agir dans un tel cas.
Evidemment, ce que je vais dire ne peut ni me nuire, ni m'aider, je ne suis pas
en cause, mais il y a un procès qui est là et ce sont des
éléments... Je ne sais pas quoi faire. Je demande vos
conseils.
M. Martel: M. Picard, vous avez la protection de la commission
parlementaire et, en plus de cela, c'est quelque chose qui porte de la
lumière sur l'administration de Marine. J'ai simplement demandé
si vous avez donné un mandat à M. Rochette pour voir à la
possibilité de se porter acquéreur du chantier de Lauzon, dans un
premier temps. Quel est le rapport? A-t-il été favorable et
quelles ont été vos réactions? C'est la première
question. Je pense qu'il n'y a rien qui puisse vous empêcher de
répondre à cela.
M. Picard: Je ne voudrais refuser en aucune façon de
répondre à la commission. Je demanderais si la commission me
donnerait la possibilité parce que j'imagine qu on va travailler
demain de revoir cela avec un avocat et d'arriver avec quelque chose. Je
me sens vraiment embêté et vous savez fort bien que je n'ai pas
évité de répondre aux questions jusqu'ici, et,
deuxièmement, je ne suis pas un mis en cause.
M. Martel: Très bien, M. Picard.
M. Picard: Si vous me donnez cette permission, j'aimerais
consulter quelqu'un et revenir à la commission peut-être mieux,
plus en position de...
M. Martel: Parfait. J'accepte.
M. Picard: Je vous remercie beaucoup.
M. Martel: Ma deuxième question est très
importante. La commission payée aux courtiers à l'occasion de la
vente des bateaux français, quelle était-elle? La commission
payée aux courtiers à l'occassion de la vente des bateaux
polonais, quelle est-elle et quelle était la commission consentie qui
fait qu'il y a eu $7 200 000 donnés aux courtiers pour la vente des
bateaux grecs qui n'a pas eu lieu.
M. Picard: Je ne peux répondre qu'à un tiers de la
question, puisque je n'ai été présent qu'à un tiers
de l'opération, et ce sont les contrats polonais. Les informations que
je viens de vérifier sont qu'on a payé légèrement
en dessous de 2% de commission dans les contrats polonais, mais que cette
commission a fait l'objet d'un contrat.
Deuxièmement, je dois ajouter une informatin
supplémentaire. Dans les contrats polonais, il y avait deux courtiers en
cause, un qui représentait les intérêts de Marine, un qui
représentait les intérêts des Polonais et la commission a
été divisée en deux, c'est-à-dire 1% au
représentant de Marine et 1% au représentant des Polonais.
M. Martel: Je pourrais demander à M. David d'avoir les
deux tiers de réponse à ma question.
M. David: Je ne peux répondre, parce que je n'étais
pas un officier de Marine et, en 1973. dans la question des contrats grecs,
c'est bien avant mon arrivée à la SGF.
M. Martel: Est-ce que le président actuel de la
Société générale de financement peut me donner la
réponse?
M. Coulombe: En fait, les recherches qu'on a fait faire nous
démontrent que, pour les navires français, la commission a
été de 0,9%, moins de 1%.
M. Martel: Moins de 1% pour les bateaux français.
M. Coulombe: Moins de 1% pour les bateaux français, et
c'était payé par neuf tranches variant de 5% à 20%
chacune, la dernière étant 38 mois après la signature du
contrat. Dans le cas des navires grecs, la dernière commission, la
dernière entente était au niveau de 3,03%, soit de $460 000 par
navire, environ les deux tiers peu de temps après la signature des
ententes et le solde à la livraison de chacun des navires. Donc, les
deux tiers peu de temps après la signature et le solde à la
livraison. Dans le cas des navires polonais, il y avait deux...
M. Martel: Les bateaux grecs représentent quel pourcentage
de commission?
M. Coulombe: 3,03%.
M. Martel: Et les bateaux français, moins de 1%.
M. Coulombe: Oui, 0,90%. M. Martel: Et les polonais?
M. Coulombe: Dans le cas des polonais, il y avait deux courtiers
et chacun à 0,75%, ce qui fait 1,5%.
M. Martel: Comment expliquez-vous cet écart qui
représente plusieurs centaines de milliers de dollars en commission
entre les bateaux français, qui avaient un pourcentage de moins de 1%,
et les bateaux grecs, qui représentent 3,1% de commission? Comment
expliquer cet écart qu'ont payé les Québécois aux
courtiers?
M. Coulombe: Je pourrais vous donner les faits bruts, quant
à l'interprétation de ces faits, je ne sais pas si quelqu'un des
témoins est capable de donner l'interprétation.
M. Martel: Est-ce que M. Rochette pourrait nous éclairer,
étant donné que vous étiez à Marine depuis plus
longtemps que plusieurs de vos collègues?
M. Rochette: Je peux vous donner les renseignements que j'ai de
mémoire. Je vais essayer de concilier le chiffre qui est
mentionné dans le document d'information. J'arrive de mémoire
à un chiffre de $370 000 par navire pour les six premiers et $450 000
pour les douze derniers, ce qui peut correspondre à peu près aux
3% que M. Coulombe a mentionnés. Cela représente 2,5% du chiffre
brut avant la subvention et, au lieu d'être exprimé en pourcentage
dans ce cas-ci, cela a été exprimé en montants fixes parce
que les contrats étaient assujettis à une clause escalatoire.
Alors, si on avait mis un pourcentage au fur et à mesure que les
contrats auraient augmenté avec l'inflation, la commission aurait
augmenté. Alors, on a mis un montant fixe qui s'avérait 3% de
montant de base au départ. Si on calcule l'inflation qu'il y a eu sur
ces contrats ensuite, cela fait un pourcentage de moins de 3%
évidemment. Au point de vue du paiement de la commission
elle-même, M. Karageorgis nous a demandé d'accepter de payer cette
commission au courtier et d'ajouter le prix au montant du contrat. Alors, dans
notre esprit, cela ne coûtait absolument rien à Marine ni aux
Québécois. Il faut dire qu'aujourd'hui on parle de ce contrat par
rétrospective. C'est toujours facile de regarder les choses en
rétrospective. Au moment où les contrats ont été
signés en 1973, je ne peux pas blâmer du tout le conseil d
administration de Marine ou les officiers de la compagnie de s'être
embarqués dans ce qui peut paraître aujourd'hui comme une
aventure, quand on parlait de compagnie panaméenne qui n'avait
peut-être pas de capitaux derrière elle, mais il faut dire
qu'à ce moment-là le marché était à son
meilleur, que l'armateur payait tout de même un montant assez
considérable au moment de la signature du contrat, et que les navires,
en plus d'être financés par la SEE, étaient la
propriété de Marine jusqu'à paiement complet.
Ordinairement, c'est la plus belle protection que le chantier détienne
dans tout contrat qu'il a, c'est que le bateau est chez lui, il est à
lui. Dans un marché normal, ce navire-là, aujourd'hui, vaudrait
plus cher qu'il a coûté. Depuis ce temps-là, il est
arrivé une catastrophe à léchelle mondiale, que j'aurais
bien voulu être capable de prévoir en 1973, mais personne
n'était capable de le prévoir.
M. Martel: Mais, en 1973, il aurait pu être prévu de
signer un contrat avec le Grec pour essayer de se protéger, que le
vendeur, qui était Marine, se protège comme le Grec s'est
protégé. A ce moment-là, on aurait pu se protéger.
C'est vrai qu'il s'agissait de l'argent des Québécois.
M. Rochette: La protection, c'était le navire
lui-même, qui était la propriété de Marine
jusqu'à paiement intégral. A part cela, je dois vous dire que,
dans la négociation de ces contrats, nous avions toujours avec nous les
conseillers juridiques de la compagnie, internes et externes. Me André
Asselin a participé à toutes ces négociations, c'est le
chef du contentieux de Marine Industrie, que je considère comme un
avocat très compétent; il y avait Robert Alain, un associé
de la firme Blain, Piché, Emery, Godbout, que je considère aussi
comme un avocat compétent. C'est sur leurs avis et sur les avis aussi
des avocats de la SEE et de la Banque de Montréal que toutes ces
négociations ont été menées à bonne fin et,
aujourd'hui, on regarde ça d'en arrière et ça paraît
un désastre.
Au moment où les contrats ont été signés,
nous étions des héros. C'était le contrat du
siècle. Les circonstances ont voulu que ce ne soit pas longtemps le
contrat du siècle, cela l'a été pour huit navires;
après ça, cela a tourné au désastre.
M. Martel: ... ce contrat a été signé, si le
contrat avait été signé en bonne et due forme, le Grec
n'aurait pu s'en aller après avoir laissé tant de
difficultés derrière lui, de dettes, ces $100 millions de dette,
ce $1 million par mois, ces commissions. Il part non seulement sans prendre
livraison des bateaux, sans être pénalisé, mais il part
avec de l'argent, $9 200 000, comment expliquez-vous ça?
M. Rochette: M. le député...
M. Martel: ... au moment de la préparation du contrat.
M. Rochette: ... quand je suis parti de Marine Industrie,
l'armateur n'était pas en défaut, tous les paiements
contractuels, jusqu'à ce moment-là, avaient été
faits, les contrats, d'après moi, étaient
des contrats valides, parce que s'il avait voulu les annuler, il aurait
fallu qu'il le fasse avant le 15 avril 1975. Ce qui s'est passé
après ça, je regrette, je l'ignore, je n'étais pas
là. Je ne peux pas faire de commentaires là-dessus.
M. Martel: Qui était là, qui pourrait me
répondre, à savoir ce qui s'est passé après le
départ de M. Rochette?
M. Picard: Si vous voulez, je peux en parler. Maintenant, je ne
sais pas exactement ce que vous voulez dire par la question,
précisément, puisqu'on en a parlé tellement cet
après-midi. Il y a eu ce harcèlement, il y a eu une armée
de renégociation pour en arriver à un contrat qui
dépendait du contrat antérieur, qui ne pouvait pas être
plus fort pour Marine Industrie que le contrat antérieur.
Deuxièmement, il y a eu ce harcèlement, et j'aimerais bien qu'on
en tienne compte, parce que j'appuie fortement ce que M. Martel a dit
concernant les employés et les cadres de Marine Industrie; ce sont des
gens dont la réputation n'est plus à faire.
J'ai travaillé un an et demi avec eux et je suis parti avec une
admiration considérable. Je pense qu'il faudrait faire attention pour ne
pas trop leur mettre de blâme. M. Martel, je tiens à supporter
complètement ce que vous avez dit sur la qualité des
employés et des cadres de Marine Industrie.
Le deuxième point que je veux souligner, c'est qu'à ce
moment-là, Marine Industrie faisait des bateaux pour Gulf Oil, qui avait
des problèmes de design, qui ne sont pas nés après le
départ de M. Rochette. C'est d'ailleurs ce qui arrive toujours dans la
construction des navires et la discussion avec Gulf, qui a révisé
toute la question avec moi deux jours après le lancement, s'est
terminée par un accord selon lequel Marine Industrie finissait les
affaires de Gulf, que Gulf était satisfaite, qu'il y aurait du "give and
take" comme il y en a toujours dans ces choses-là. Marine Industrie a
livré les pétroliers Gulf qui sont des bateaux je peux
être corrigé là-dessus, mais selon le peu que j'ai appris
en choses marines pendant un an et demi infiniment plus
sophistiqués et compliqués qu'un cargo polyvalent.
La deuxième chose qu'il faut ajouter, c'est que Marine Industrie
faisait des bateaux cubains et il n'y a pas eu de problèmes avec les
bateaux cubains. Il y a eu des problèmes avec les bateaux de
Karageorgis.
Troisième chose, qu'il faut bien regarder, qu'il ne faut pas
oublier, que j'aimerais qu'on creuse pour voir directement les affaires
essentielles. Quand on dit qu'il n'y a pas eu d'autres annulations de bateaux,
je vous ai dit qu'en Suède, quand le processus, après avoir
été commencé par un autre armateur et avoir
coûté une fortune en désorganisation en Suisse, un autre
armateur qui était grec, par accident, quand la deuxième
série de choses comme ça a été faite, les
Suédois ont simplement accepté de ne pas se faire payer pour les
bateaux.
Je peux vous dire, c'est peut-être un jugement enfantin, que si
Marine Industrie avait dit à M.
Karageorgis: Vous n'avez rien à payer pour les bateaux, on va
vous les donner à la fin, si vous faites du profit, on sépare les
profits, il n'y aurait pas eu de problèmes à Marine Industrie. Je
n'aime pas, après avoir passé un an et demi à diriger
Marine, qu'on attaque la qualité et la valeur des employés et des
cadres de Marine.
M. Martel: M. Picard, est-ce que vous êtes arrivé
à Marine Industrie...
Le Président (M. Michaud): M. le député de
Richelieu, s'il vous plaît, une ou deux questions, parce que nous avons
déjà six noms sur la liste. (21 h 30)
M. Martel: J'ai entendu tout l'après-midi l'Opposition
poser des questions. J'espérais me reprendre après le souper,
c'est ce que je fais. Etant député de Richelieu, il s'agit de la
vie économique des gens de mon comté. Marine Industrie verse $55
millions de salaire par année. Cela représente évidemment
la moitié de la vie économique du comté de Richelieu.
C'est pour cette raison que j'insiste pour faire la lumière sur
l'administration de Marine Industrie, au moins depuis 1973, pour savoir ce qui
peut se passer l'an prochain, concernant les travailleurs de Marine
Industrie.
Ce que j'ai demandé à M. Picard tout à
l'heure...
M. Scowen: Excusez-moi. Question de privilège, M. le
Président.
Le Président (M. Michaud): II n'y a pas de question de
privilège en commission parlementaire.
M. Scowen: Je veux simplement soulever une question.
M. Martel: II n'y a pas de question de privilège en
commission parlementaire. Vous êtes revenu à plusieurs reprises,
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, pour poser des
questions supplémentaires et on vous a laissé faire. Je vous
demanderais la même politesse envers le député de Richelieu
que j'ai eue avec vous cet après-midi.
M. Scowen: Excusez-moi. Je n'ai rien contre tout ce que vous
dites. Tout ce que je veux que vous sachiez, c'est que nous sommes avec vous
dans cette enquête. Nous sommes tous ici avec le même objectif.
M. Martel: Pourquoi intervenez-vous alors que je pose des
questions?
M. Scowen: Je n'ai rien contre cela du tout.
Le Président (M. Michaud): Messieurs, à l'ordre,
s'il vous plaît!
M. Scowen: Je veux simplement souligner que, ce matin, votre
ministre a parlé et j'ai parlé. On va tous parler ce soir, avec
le même objectif.
M. Martel: Oui.
Le Président (M. Michaud): D'accord messieurs. M. le
député de Richelieu, encore deux questions et nous continuerons
le tour de table.
M. Martel: Autrement dit...
M. Russell: M. le Président, j'aimerais demander une
directive. Est-ce qu'on peut poser des questions à loisir, comme
député, ou si nous sommes limités à un certain
temps raisonnable?
Le Président (M. Michaud): C'est pour cette raison que
j'ai appelé le député de Richelieu à l'ordre
relativement à ses deux dernières questions, pour continuer le
tour de table. M. le député de Richelieu.
M. Martel: Très brièvement. M. Picard, lorsque vous
êtes arrivé à Marine Industrie en 1975, comme homme
d'affaires, comme homme d'expérience, quelle a été votre
impression vis-à-vis de ce contrat qui a été signé
en 1973? Quelles sont les raisons qui vont ont fait quitter Marine Industrie en
1977?
M. Picard: La première question, M. Martel, quand je suis
arrivé à Marine Industrie, j'ai dû apprendre mon
métier. J'en ai appris. A ce moment-là, M. Karageorgis
négociait avec l'Iran le transfert des dix bateaux qui restaient. Cela a
toujours été la stratégie que j'ai essayé de
développer pour Marine Industrie, de travailler plutôt de pays
à pays et ainsi de suite, parce que malgré les problèmes,
on peut s'entendre. Si l'Iran avait acheté les bateaux de M.
Karageorgis, il n'y aurait eu aucun problème. C'est mon avis. C'est une
opinion. Ce n'est pas un fait. C'est une opinion. Mais c'est mon opinion.
M. Tremblay: A quelle période de 1976?
M. Picard: En 1975, au tout début. Cela faisait trois mois
que j'étais là.
Au mois d'octobre ou novembre 1975, l'Iran, pour des raisons qu'on
ignore encore, c'était le moment où il y avait des
problèmes et il y avait ses questions de priorité, a
décidé de ne pas accepter le transfert des bateaux, de ne pas les
acheter, comme l'Algérie d'ailleurs.
Dès ce moment, j'ai averti le conseil d'administration que Marine
Industrie était dans une position précaire et extrêmement
difficile. Ces contrats ne m'apparaissaient pas comme étant des contrats
"foolproof " et forts.
M. Scowen: C'était à quelle date?
M. Picard: Octobre ou novembre 1975.
M. Scowen: Mais M. Massé a dit cet après-midi que
le prix "closing", qui était pour lui le "closing", était au mois
de décembre.
M. Picard: C'est cela; à ce moment-là, il n'y avait
pas de financement. C'était encore tout le processus qui passait. Et,
comme c'est arrivé dans des cas antérieurs même si
cela n'est pas arrivé, cela n'a pas tellement d'importance M.
Karageorgis avait un contrat. Nous, on n'avait pas de contrat avec M.
Karageorgis, en un certain sens, mais lui, il avait un contrat avec Marine
Industrie. Il pouvait faire le transfert des bateaux en Iran. A ce
moment-là, connaissant la richesse de l'Iran et le résultat de la
crise du pétrole à ce moment-là, le problème aurait
disparu, le financement se serait fait et tout le monde se serait
embrassé. On ne serait pas en commission parlementaire.
Mais dès le mois d'octobre, si je me rappelle bien, j'ai averti
mon conseil d'administration que la position de Marine Industrie était
extrêmement difficile, était précaire. Je ne me rappelle
pas les mots que j'ai utilisés, mais c'étaient des mots forts,
parce que cela m'avait frappé comme un danger que, d'ailleurs, je
craignais déjà depuis un mois.
M. Scowen: Mais comment se fait-il que vous étiez
présent à cette cérémonie à la Banque de
Montréal?
M. Picard: Je n'étais pas présent. M. Rochette et
M. White étaient présents.
M. Tremblay: Avec la permission du député. Lorsque
vous avez averti votre conseil d'administration, c'est-à-dire Marine
Industrie, en novembre 1975, est-ce que votre conseil, lui, a averti la SGF que
Marine Industrie flottait sur l'air pratiquement?
M. Picard: Je ne le sais pas. Il y avait des gens de la SGF sur
le conseil. J'ai simplement dit que je trouvais que ces contrats-là
étaient fragiles. Il y a une autre chose.
M. Tremblay: M. David, étiez-vous au courant que Marine
Industrie était très menacée en novembre 1975?
M. Picard: Je voudrais ajouter une autre chose, M. Martel, pour
vraiment compléter ma réponse. C'est qu'au début, à
mon arrivée à Marine Industrie, j'avais demandé des
rapports sur la construction navale dans le monde. A ce moment-là
cela pourrait vous donner une date exacte je pense que M. Massé
avait eu le même rapport. Il y a eu un rapport sur l'industrie japonaise,
sur les grandes compagnies et sur la construction à Marine Industrie. Il
était possible, à ce moment-là, en analysant la
capacité excédentaire, de se rendre compte qu'il y aurait un
effondrement de la construction navale. C'est pourquoi j'étais inquiet
concernant le contrat.
Le rapport existe encore. C'est un rapport sur toutes les grandes
entreprises. On pourra le retrouver dans nos papiers. On n'avait qu'à
regar-
der la capacité excédentaire prévue pour savoir que
la validité de ces contrats n'était pas très forte.
M. Martel: Ma deuxième question: Les raisons qui ont
motivé votre départ de Marine Industrie?
M. Picard: M. Martel, c'est une question embêtante sur
laquelle je n'aimerais pas parler beaucoup. J'ai eu certains conflits de
philosophie de management avec la SGF. Je ne mets pas du tout le blâme
sur la SGF, elle pourrait autant le mettre sur moi. Ce sont des choses qui ont
été discutées et, finalement, j'ai décidé
que, dans cette structure, je n'agissais pas comme j'aurais voulu le faire. Je
voudrais dire très clairement, à ce moment-ci, que ce que je dis
là n'est pas une critique de la SGF, mais c'est sur que nos philosophies
de management ne se rejoignaient pas.
M. Martel: Je vous remercie.
Le Président (M. Marcoux): Merci, M. le
député de Richelieu. Le prochain, le député de
Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Depuis cet
après-midi, on a passablement parlé de ce cher M. Karageorgis. Je
pense qu'il y aurait peut-être lieu de... En tout cas,
j'espérerais énormément l'avoir ici pour pouvoir lui poser
certaines questions auxquelles vous, messieurs, ne pouvez sûrement pas
répondre et nous non plus ici à cette table.
Je voudrais poser une question à M. Picard qui se rapporte
à la rencontre qui a eu lieu au printemps 1976 avec l'ancien ministre,
M. Saint-Pierre. Compte tenu du fait que vous avez mentionné cet
après-midi, ainsi que M. David, je crois, les buts de cette rencontre,
je voudrais savoir quels furent les sujets discutés lors de cette
rencontre et quels en furent les résultats. Je parle du gouvernement et
de Marine Industrie. Quels en furent les résultats? Y a-t-il une
position ferme qui a été prise en rapport avec ces fameux
contrats navals? Qu'en est-il ressorti de cette rencontre? C'est ma
première question. J'en aurai une additionnelle.
M. Picard: Certainement, M. Perron. L'objectif de la rencontre...
La première rencontre, encore là, je ne peux pas la situer
exactement. C'est certainement dans mes papiers que je n'ai pas. La
première devait avoir lieu en avril ou mai, quelque chose comme cela. A
ce moment-là, on partait, je pense, c'était le premier voyage de
renégociation à Londres. Je voulais mettre M. Saint-Pierre
totalement au courant de la situation telle qu'elle était, des
problèmes qui pouvaient se poser à Londres et de l'impact que
ceci pouvait avoir sur le chantier s'il n'y avait pas de résolution dans
la négociation. Ce qui est arrivé à ce moment-là,
c'est qu'il y a eu une solution temporaire qui a quand même sauvé
quelque $80 millions à Marine Industrie. C'était le but de la
visite.
Il y a eu une deuxième visite, et même une troisième
où la question des garanties a été discutée, je
pense.
M. David: Cela, c'est arrivé beaucoup plus tard, en juin
ou juillet. Il y a eu une réunion, M. le député. Il y a eu
une visite de M. Picard et de moi-même au ministre, M. Saint-Pierre,
à Montréal, pour lui faire part des difficultés que Marine
Industrie traversait et pour demander l'appui du gouvernement, à
l'époque, dans les renégociations et les différentes
possibilités qui pouvaient s'offrir, parce qu'à ce
moment-là, nous faisions face à une annulation totale du contrat.
La demande de l'armateur grec était d'abandonner complètement ses
contrats de construction pour les dix navires qui restaient. M. Saint-Pierre
nous a demandé de faire nos meilleurs efforts... Il a demandé
à la direction de Marine de faire ses meilleurs efforts pour s'en sortir
avec le résultat qu'une renégociation a été faite,
a été complétée pour la construction de six
navires.
M. Perron: Si je comprends bien, c'est à peu près
la seule solution qui était préconisée par l'ancien
ministre Saint-Pierre; c'était que vous fassiez le travail
nécessaire pour essayer de vous en sortir. Le gouvernement, à ce
moment, à la suite de l'appui que vous aviez demandé, n'a pas
vraiment pris de décision carrément là-dessus.
M. David: Non, parce qu'il n'a pas été
nécessaire, à cette époque, de recourir à des
engagements du gouvernement du Québec. Les engagements qui ont
été pris par Marine Industrie et par la Société
générale de financement ont reposé, à cette
époque, sur la valeur et sur le crédit des deux
sociétés en question. Il n'a pas été
nécessaire de recourir à des appuis additionnels au-delà
du capital que l'actionnaire, qui est le gouvernement du Québec, avait
souscrit dans la Société générale de
financement.
M. Perron: Merci. Ma deuxième question est la suivante, et
je voudrais la poser à M. Picard, ainsi qu'au président de la
SGF, ou l'ancien président, s'il est ici. Quand les conseils
d'administration de Marine et de la SGF ont-ils été
informés officiellement et clairement de l'étendue des
difficultés dans l'exécution du fameux contrat grec? C'est la
première partie de ma question. A quel moment ont-ils notamment
été informés de la décision de la SGF de proposer
à la SEE et à la Banque de Montréal la libération
du Grec en question?
M. Picard: Je peux seulement répondre à la
première partie. Si j'ai bonne mémoire, j'ai tenu le conseil
d'administration c'est dans les notes du conseil d'administration
au courant de toutes les difficultés qu'on avait, peut-être pas du
détail, parce que les brosses à dent et les poignées de
porte, on avait d'autre chose à parler que cela. C'était quand
même une partie du problème. Pour
les problèmes fondamentaux qu'on avait, je l'ai tenu au courant
à mesure que les problèmes se sont présentés.
M. Perron: Vous parlez des problèmes causés par les
demandes additionnelles du Grec. Vous avez même, à ce moment, si
mes renseignements sont bons, à peu près vers le 25 ou le 30
janvier 1977, informé le conseil de Marine que cela pourrait,
éventuellement, coûter de 25 000 à 30 000 heures
supplémentaires pour les demandes qui vous étaient faites et que
c'était illogique, selon vous.
M. Picard: Je ne me rappelle pas les dates. Dans un des rapports,
c'est très bien décrit. Je pense que le rapport est absolument
exact. D'ailleurs, les rapports qui ont été
présentés sont impressionnants par leur qualité. Je veux
ajouter M. Perron, que bien avant qu'on commence à parler d'heures et
ainsi de suite, parce qu'au début, cela ne se posait pas tellement en
termes d'heures, j'avais averti le conseil de Marine que les Grecs
exagéraient et ainsi de suite, et je l'ai tenu au courant autant que
c'était vrai, parce que Sphikas venait à Montréal et
dînait avec moi, pour me dire: II n'y a pas de problème entre
nous, on ne réglera pas dans dix minutes. J'ai toujours tenu. Il est
arrivé un moment donné, où ces demandes se sont
chiffrées en heures, et comme c'était indiqué dans le
rapport, j'ai mis le conseil au courant des heures, cela a été 25
000, et après cela, cela a été 50 000 heures.
M. Perron: Par navire? M. Picard: Pardon?
M. Perron: Par navire.
Maintenant, vers le 25 mars 1977, il y a un rapport qui aurait
été remis à Marine Industrie et qui proviendrait d'un
expert indépendant de Marine. Est-ce que vous pourriez dire aux membres
de cette commission quel était cet expert indépendant qui avait
été retenu par Marine et quel était son travail en rapport
avec...
M. Picard: M. Perron, à ce moment, je concentrais à
peu près tout mon temps sur les contrats polonais, parce qu'on savait
qu'on serait obligé de mettre des gens à pied rapidement, si cela
ne se faisait pas. J'ai ici M. Tougas. Est-ce que vous pourriez m'aider
là-dessus, M. Tougas? La question, c'est que, vers le 27 mars ou quelque
chose comme cela, on a reçu un rapport d'un expert de
I'extérieur. Quel était cet expert et quel était... Je
m'excuse de ne pas pouvoir y répondre moi-même.
M. Tougas (Léon): Si je me rappelle bien, l'expert qu'on
avait engagé, c'était Perrigo.
M. Picard: M. Léon Tougas, qui était directeur et
vice-président de l'exploitation de Marine, à ce moment, va vous
répondre.
Le Président (M. Michaud): D'accord. (21 h 45)
M. Tougas: L'expert qu'on avait retenu était un M. Perrigo
qui est un expert d'inspection de navires... Oui?
Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous demandez la
protection de la commission?
M. Tougas: Cela ne me dérange pas du tout.
Le Président (M. Boucher): D'accord. Accordé de
toute façon.
M. Picard: C'est la force morale des gens de Marine
Industrie.
M. Tougas: M. Perrigo est un expert qui connaissait beaucoup la
construction des bateaux, il connaissait la façon dont les bateaux
étaient faits au Canada; alors, il est venu chez nous et a
regardé la façon de construire il la connaissait
d'ailleurs précédemment et il nous a écrit un
rapport selon lequel les bateaux étaient faits selon les standards
canadiens, qu'ils n'étaient pas meilleurs ni pires que les autres
bateaux canadiens.
Le Président (M. Boucher): Ce nom de...
M. Tougas: P-É-R-A-G-O.
Le Président (M. Boucher): Une compagnie de
Montréal?
M. Martel: Une compagnie grecque?
M. Tougas: Non, une compagnie de Canadiens anglais, mais monsieur
parle français comme vous et moi.
M. Martel: Parfait.
M. Picard: P-e-r-r-i-g-o.
M. Tougas: Peut-être, en tout cas...
M. Perron: Disons que, pour le moment, M. le Président,
j'ai terminé, mais on est ici jusqu'à demain soir et...
Le Président (M. Boucher): D'accord. Maintenant, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys; avec l'accord de la commission
parlementaire, peut-être qu'on pourrait passer son droit de parole au
député de Saint-Laurent?
M. Lalonde: Allons-y.
M. Forget: Je n'avais qu'une question à poser je
pense que c'est la personne appropriée à M. Picard. Dans
la période où il a été président de Marine
Industrie, est-ce qu'il y a eu des modifications dans les procédures ou
les programmes de contrôle de la qualité ou est-ce que c'est
essentiellement de la même façon qu'on a procédé,
avec les mêmes gens?
M. Picard: Essentiellement, c'est de la même
façon.
M. Tougas: Nous avions produit huit bateaux
précédemment avec un contrôle de qualité
donné, avec des résultats satisfaisants; on continuait exactement
sur la même route.
M. Forget: Dans le rapport de Marine Industrie, il y a un
paragraphe au début de la page 10; je ne sais pas si on la
rédigé comme cela un peu accidentellement, je suis porté
à croire que non. On semble, parce qu'on les met dans le même
paragraphe, établir une relation avec les négociations pour les
bateaux polonais; on prend soin d'indiquer qu il y a des cadres qui doivent s
absenter et le problème qui est soulevé au même moment par
des inspecteurs envoyés par l'armateur grec. Est-ce qu on veut attirer
I'attention sur une relation qu'il y aurait entre ces deux choses ou si cela
n'a aucun rapport?
M. Picard: D'après moi, cela n'a aucun rapport, et cela en
a un évidemment. Quand les gens sont occupés à une place,
ils ne peuvent pas être ailleurs, mais les bateaux sont construits par
les gens de l'usine et les négociations étaient faites par ce qu
on appelle du "staff" qui, évidemment n'était pas là non
plus pour aider, répondre aux questions, supporter, prendre des
décisions et ainsi de suite. Mais on ne peut pas dire qu'il y a eu
transformation dans les processus de l'usine, à ce moment-là,
parce que ce ne sont pas les gens de I'usine qui ont été
négocié les contrats, ce sont des gens comme le
vice-président aux finances, le vice-président du marketing, le
vice-président en construction navale qui est un "staff
désigner", des architectes pour les spécifications; alors, les
deux types de travaux ne sont pas réunis. On n a pas pris des gens qui
font marcher l'usine pour aller négocier. Je ne me rappelle pas qu'il y
en ait eu, M. Tougas.
M. Tougas: Non.
M. Picard: Seulement, le fait est que Marine Industrie, qui
était déjà un peu à court, a été un
peu étirée sur tous les plans et que, pour certains, le
problème fondamental était d'essayer de faire le meilleur travail
sur le chantier et, pour d autres, la préoccupation fondamentale
était de ne pas avoir 2000 bonshommes sur les bras qui sont
chômeurs six mois après. Alors, il est sûr qu'à ce
moment-là, Marine Industrie était diablement
étirée. Les journées de 17 heures de travail
n'étaient pas inusitées. Dans ce sens, on peut dire... Mais, il
n'y avait pas de relation entre les gens qui travaillaient à une place
et l'usine elle-même, le chantier lui-même qui était
exploitée par les gens du chantier. Cela m'apparaît si on
veut l'étirer comme je l'ai expliqué qu'il y a une
certaine relation entre les deux, mais ce n'est pas une relation qui peut
expliquer le harcèlement et ces choses ou le changement de fabrication
sur les chantiers. Autrement dit, les équipes qui travaillaient aux
négociations n'étaient pas les mêmes équipes que
celles qui travaillaient sur les chantiers. Il y a eu des choses comme des
évaluations de coûts qu'il a fallu faire ensemble et qu'on faisait
évidemment régulièrement.
Donc, on peut dire que l'équipe de Marine à ce moment
était considérablement étirée, mais pas de
façon qu'elle manque de supervision, ou de telles choses.
Est-ce que je réponds à votre question?
M. Forget: Tout à fait. Je vous remercie.
Le Président (M. Michaud): A votre tour, M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Russell: M. le Président, je vais essayer d'être
le plus bref possible, afin de donner la chance à mes collègues
de poser des questions. Cela m'a fait plaisir cet après-midi d'entendre
toutes les questions qui ont été posées et les
réponses. Je suis convaincu que je n'adopterai pas la même
attitude qu'un citoyen qui disait: Je ne paie pas mon
électricité, parce que c'est notre affaire à nous. Mais je
comprends que la Société générale de financement
est actionnaire d'une compagnie qu'on appelle Marine Industrie et qu'elle
connaît des difficultés pour lesquelles on demande des fonds
additionnels. Je crois que la raison même de cette commission, c'est de
tâcher de faire la lumière à la satisfaction des membres de
la commission sur le problème qui semble exister. Parce qu'il semble y
avoir deux écoles de pensée actuellement et cela semble
être un peu embrouillé. Malgré toutes les questions qui ont
été posées et les réponses, il y a des points qui
ne sont pas tout à fait clairs encore.
Ma première question, si vous me permettez, M. le
Président, j'aimerais la poser à M. Simard qui a
été président de Marine de 1963...
M. Simard (Arthur): Président du conseil...
M. Russell: ... à 1975. De toute façon, j'aimerais
savoir de M. Simard qui a pas mal d'expérience dans la fabrication et
dans la vente des bateaux, ce qu'est une commission normale dans ce domaine. Je
ne connais pas cela M. Simard, et je voudrais savoir ce qu'on appelle une
commission normale. C'est fait par des agents industriels normalement. Je pense
que c'est la façon dont on procède par la vente de bateaux. Il
doit y avoir un point un peu comme un agent d'immeubles. Que paie-t-on comme
commission?
M. Simard (Arthur): Là-dessus, je dois vous dire que de
1963 à 1976, j'ai été président du conseil
d'administration, ce qui veut dire que je ne m'occupais pas des
opérations et je laissais au président, vice-président, M.
Rochette dans son cas ils l'ont remplacé par la suite
toutes ces choses qui étaient faites à leur niveau.
Comme président du conseil, je supervisais et je ne prenais
même pas part aux discussions, parce que je considérais que cela
ne me regardait pas.
Maintenant, les questions de commission. Par expérience, je peux
vous dire qu'elles sont varia-
blés selon les contrats que vous négociez, surtout dans un
cas où le client est au courant de la commission et qui vous dit: La
commission, vous l'ajouterez au prix. Mon Dieu, si une commission de 1%est
normale, si le gars dit: Mettez-en 3% mais demandez-les-moi, je vais lui
demander n'importe quoi. C'est ainsi que j'interprète cela. D'abord que
le gars est au courant et qu'il accepte de payer, on dit: C'est son argent.
C'est parce que cela a mal tourné. Si cela avait bien
tourné...
La situation mondiale des bateaux...
M. Russell: Je voudrais que M. Simard m'excuse. Je n'ai pas
compris sa réponse. Je pensais que vous étiez un homme du
métier...
M. Simard (Arthur): Oui.
M. Russell: ... étant donné que vous avez
été mêlé à cela et, chez nous, dans d'autres
domaines...
M. Simard (Arthur): J'ai été 40 ans à Marine
Industrie.
M. Russell: ... comme les agents d'immeubles, ils ont une
commission normale qui est reconnue ainsi. Celles qui ne sont pas normales, on
sait que cela peut varier de 1% à 25%. Cela n'a pas d'importance; mais
qu'est-ce qui est reconnu dans le métier comme une commission normale,
soit à Marine Industrie ou à la Davie Shipbuilding ou à
d'autres industries que vous connaissez du même genre? Il doit y avoir
une norme de commission qui est reconnue et qui est exigée par les
agents industriels.
M. Simard (Arthur): Ce que je peux dire, c'est que c'est
variable. Je ne peux pas vous en dire plus long, parce que je n'ai jamais
négocié de commission moi-même.
M. Tremblay: Avec la permission du député de
Brome-Missisquoi...
Le Président (M. Michaud): Excusez, M. le ministre. Je
crois que M. Rochette voulait ajouter un complément de
réponse.
M. Rochette: Je dois d'abord dire que le paiement de commission
ou l'utilisation de courtiers à l'échelle mondiale pour vendre
des navires de la part des chantiers canadiens est un phénomène
assez récent. Cela a commencé en 1971 quand le gouvernement
fédéral a commencé à nous accorder une subvention
à l'exportation, parce qu'avant cela, nous ne vendions pas de navire
à l'échelle internationale. C'était uniquement sur le
marché canadien et, sur le marché canadien, nous ne faisons pas
affaires avec des courtiers. Nous faisons directement affaires avec le client.
Même sur le marché international, cela arrive. Avec Cuba, par
exemple, je me souviens qu'il n'y a pas eu de courtiers qui ont agi entre Cuba
et Marine. Cela a été fait directement. A ma connaissance, dans
les contrats des différents chantiers canadiens depuis 1971, les
commissions ont varié entre 1% et 5% et la moyenne semble être
autour de 2%.
M. Tremblay: Avec la permission du député de
Brome-Missisquoi, sur cette question qui m'apparaît extrêmement
importante et je félicite le député de l'avoir
soulevée je crois qu'on a établi que pour les bateaux
français qui avaient été vendus avant 1972 ou construits
il y en avait sept la commission était de moins de 1%, je
crois.
M. Rochette: 0,90%.
M. Tremblay: Oui. Et pour les bateaux grecs, elle était de
3,03%.
M. Martel: 3,1% pour les grecs.
M. Tremblay: Pour les autres, je pense que c'étaient les
polonais.
M. Martel: C'est trois fois plus.
M. Tremblay: De toute façon, cela a varié
considérablement.
M. Martel: Dans peu de temps.
M. Tremblay: La chose qui est intrigante et qui devrait
peut-être être éclairée, c'est qu'il est
évident, comme l'a dit tout à l'heure, je pense, M. Rochette, que
cela ne coûtait rien à Marine ni aux Québécois
puisque la commission était ajoutée au prix et que, par
conséquent, il y avait un transfert. Mais moi, comme économiste,
je crois qu'il n'y a rien de gratuit et qu'il y avait sans doute quelqu'un qui
profitait de cette mesure parce qu'en augmentant le prix des bateaux, on
augmentait aussi la subvention fédérale de 17%.
M. Rochette: En autant que la subvention était
payée sur la commission. Mais j'ignore si elle l'a
été.
M. Tremblay: D'accord. Donc, il y avait un intérêt
pour l'armateur grec à gonfler le prix pour avoir une subvention plus
importante de la part du gouvernement fédéral.
M. Rochette: Même s'il avait eu la subvention sur la
commission, il en aurait tout de même payé 83%.
M. Tremblay: Oui, bien sûr, mais il y avait un financement
qui accompagnait et le financement était gonflé aussi.
M. Rochette: Moi, je peux me permettre de faire des suppositions,
de spéculer. Le courtier en cause était le courtier
attitré de Karageorgis et il était son courtier pour tous ses
affrètements de navires, pour toute sa flotte. Alors, peut-être
qu'il
trouvait là un moyen de le payer, à travers la
construction de navires, pour des services qu'il lui rendait ailleurs. C'est
une spéculation que je fais, une supposition que je fais. Je
l'ignore.
M. Tremblay: Mais la commission que Marine versait de 3,03%
allait à Simpson, Spence and Young International Development Agencies
des Bermudes. Elle n'était pas versée directement à
l'armateur Karageorgis.
M. Rochette: Non, elle était payée au courtier.
M. Tremblay: Elle était payée au courtier. A votre
connaissance est-ce que le courtier versait une partie de sa commission
à Karageorgis?
M. Rochette: Non. D'ailleurs cela a été la question
précise qui a été posée par le ministère de
l'Industrie et du Commerce ou la SEE à savoir s'il y avait un retour de
Simpson, Spence and Young à l'armateur.
M. Tremblay: Un instant. Pourquoi la commission était-elle
tellement importante? Parce que si l'armateur ne recouvrait pas la commission
qui avait été ajoutée au prix de vente qu'il payait,
pourquoi cette commission aussi importante au courtier Simpson, Spence and
Young alors que dans les autres transactions c'est à peu près 1%
et un peu moins?
M. Rochette: II y a eu 2% dans un autre cas. Il y a eu des cas
où il y en a eu plus que cela, mais les seuls qui pourraient vous
répondre ce sont Simpson, Spence and Young et Karageorgis. Nous n'avons
fait qu'exécuter leurs instructions.
M. Russell: ...
Le Président (M. Michaud): D'accord.
M. Russell: Je vais lui redonner la parole, mais je vais
compléter là-dessus. Ce qui m'intéresse c'est de savoir si
cette compagnie, d'abord, était installée aux Bermudes. Je pense
que vous avez dit cet après-midi qu'elle avait un bureau aux
Bermudes.
M. Rochette: Ses deux principaux bureaux étaient à
Londres et à New York, mais elle a aussi un bureau à Vancouver et
un aux Bermudes.
M. Russell: L'autre question qui me vient à l'esprit:
est-ce que ces commissions ont toutes été payées à
la société qui est installée aux Bermudes?
M. Rochette: Je l'ignore.
M. Russell: Est-ce que quelqu'un ici, ex-président ou
président actuel de Marine, peut nous informer à savoir si les
paiements ont été faits à la société qui est
installée aux Bermudes?
M. Scowen: C'est dans le livre, c'est dans le mémoire.
M. Russell: M. Coulombe, vous êtes... Une Voix:
C'était effectivement...
M. Russell: Après vérification, cela a
été payé au siège des Bermudes. Ce qui me frappe le
plus, M. le Président, c'est qu'il semble que le montant que ce monsieur
grec a payé pour les bateaux soit pas mal apparenté ou le
même montant que le dépôt qui a été fait sur
les bateaux. De toute façon, on reviendra là-dessus tout à
l'heure. Je voudrais savoir du président de la SGF si, à son
arrivée, il a fait un relevé pour savoir s'il y a eu plusieurs
rapports qui ont été faits sur Marine depuis que la
Société générale de financement a acquis Marine
à 60% et, à la suite, combien il y a eu de rapports qui ont
été faits sur la rentabilité et le fonctionnement de
Marine Industrie.
M. Coulombe: Depuis que la SGF a acquis des intérêts
dans Marine Industrie?
M. Russell: Oui, est-ce que cela vous a intéressé
de vérifier s'il y avait eu des rapports de rentabilité qui
avaient été faits avant votre arrivée? (22 heures)
M. Coulombe: Oui, il y a eu beaucoup de rapports de faits, des
études techniques sur les chantiers, des études d'acquisition
potentielle, mais je n'ai pas trouvé ça existe
peut-être mais je ne les ai pas en main et je ne les ai pas
trouvées ce que vous appelez des études de
rentabilité des opérations de Marine Industrie. Il y avait
peut-être des études internes, mais, avec le sens que vous lui
donnez, je n'en ai pas trouvé. Il y avait beaucoup d'études
techniques.
M. Russell: Est-ce que je dois comprendre que la SGF, qui a
acheté une industrie de l'importance de Marine Industrie, n'a jamais
fait faire de rapports sur Marine Industrie, rapports de rentabilité
d'exploitation?
M. Coulombe: Depuis les débuts, 1963, les premiers achats,
c'est-à-dire 1965, il en a peut-être existé, je ne les ai
pas vus.
M. Russell: Est-ce que M. Simard pourrait nous dire si, à
sa connaissance, il y a eu de ces rapports, de ces études qui ont
été faits par des tierces personnes?
M. Simard (Arthur): Certainement. En 1965, quand la famille
Simard a décidé de vendre 60% de Marine Industrie à la
SGF, la SGF nous a envoyé un régiment de gars pour regarder tous
nos livres, voir si c'était payant, si c'était une belle affaire
pour elle. Ce n'était pas un cadeau qu'elle nous faisait. En 1965, elle
a fait une étude approfondie et cela a été sur la
recommandation... Nous, si nous vendions à ce moment-là, je peux
bien
vous donner la raison principale, c'est que mon père venait de
mourir. C'est pour ça qu'on vendait, pas parce qu'on était mal
pris, pas parce que cela allait mal.
M. Russell: M. le Président, je ne cherche pas à
trouver des péchés ou à blâmer les administrateurs
passés...
M. Simard (Arthur): Non, mais vous demandez...
M. Russell: ... mais je voudrais savoir s'il y a des documents
qui existent, parce qu'à ma connaissance, j'ai appris par les journaux
et d'autres façons, qu'il y aurait des rapports, des études qui
se faisaient et on semble ne pas posséder aucun de ces rapports.
M. Simard (Arthur): Je crois...
M. Russell: II me semble que le nom de Drouin et Paquet me dit
quelque chose.
M. Coulombe: J'ai compris que vous m'aviez demandé si j'en
avais trouvé, lorsque je suis arrivé. Peut-être qu'on a mal
cherché, mais je n'en ai pas trouvé. Peut-être que les
résultats de la visite du régiment dont M. Simard parle, n'ont
pas été compilés entre deux couverts; si cela
l'était, on ne l'a pas trouvé. Depuis le mois de mai, on a
systématiquement étudié Marine Industrie. On a fait des
études qui sont encore à l'état préliminaire
de rentabilité, au sens strict du terme, de chacune des
divisions, avec la collaboration des officiers de Marine Industrie, c'est sous
l'angle de la rentabilité des divisions, des wagons
hydroélectriques et de la construction navale, et aussi de foresterie.
On a essayé de systématiser ces données dans le
passé, on a reculé dans le passé, on a cherché
quels étaient les problèmes financiers qui existaient à
Marine Industrie.
Ces documents sont encore sous forme préliminaire, parce qu'on
l'a fait en collaboration avec tout le management actuel de Marine Industrie,
ils sont en discussion à l'intérieur de Marine Industrie, sous
l'angle qu'on pourrait appeler rentabilité financière et sous
l'angle opérationnel.
En plus, depuis six mois, on a poursuivi certaines études qui
avaient été demandées par le conseil d'administration de
Marine Industrie, à partir des événements de
l'été 1977, où la crise a éclaté dans toute
son ampleur et où le gouvernement du Québec est intervenu. A
partir de ce moment-là, il y a eu, pour expliquer les faits, d'abord, le
rapport de M. David, expliquant ce qui s'était passé dans le cas
des bateaux, mais cela se limitait aux bateaux. On ne parlait pas de
l'hydroélectrique ou des wagons. Cela a été poursuivi par
une étude plus en profondeur, faite par un consultant, qui a
fouillé...
M. Russell: ... Daniel Wermenlinger.
M. Coulombe: ... M. Daniel Wermenlinger.
M. Russell: Est-ce que vous avez l'intention de déposer ce
rapport ou si c'est confidentiel?
M. Coulombe: C'est-à-dire que ce rapport était un
rapport d'étape qui, en quelque sorte, à partir des
données de M. David, poussait plus loin certains problèmes, comme
ceux dont on a discuté durant tout l'après-midi. A partir de ce
rapport, le conseil d'administration de Marine Industrie et de la SGF, parce
que, lorsqu'on est arrivé, on a fait des changements assez majeurs au
conseil d'administration de Marine Industrie, pour essayer d'unifier l'approche
à prendre vis-à-vis de Marine Industrie, car il y avait des
problèmes extrêmement considérables...
Le conseil d'administration a demandé aux vérificateurs de
Marine Industrie, à partir des données du rapport de M. David,
à partir des données du rapport de M. Wermenlinger, d'approfondir
toute la question reliée au contrat des bateaux grecs, en se demandant
si les circonstances qui avaient amené cette situation s'étaient
représentées dans le cas des bateaux polonais. C'était le
contrat actuellement en cours. On vous avoue que la frousse nous prenait
après ce qui s'était passé. On se demandait: Est-ce que,
dans le cas des bateaux polonais, on s'en va dans une autre série de
problèmes? Ce rapport a été fait par les
vérificateurs de Marine Industrie, sous la direction de M. Desmeules. Le
rapport a été remis il y a quelques semaines.
M. Russell: Vous avez demandé un rapport à M.
Desmeules?
M. Coulombe: C'est cela.
M. Russell: Est-ce que M. Desmeules a fait un rapport
complet?
M. Coulombe: II a remis un rapport au conseil d'administration de
Marine Industrie qui l'a étudié au conseil d'administration de la
SGF. Il y a certaines décisions qui ont été prises
à partir de ce rapport, décisions que je vous ai
communiquées ce matin, dans le résumé de la situation,
lorsque je disais que les vérificateurs ont soumis lorsque je
parlais des vérificateurs, c'était le rapport de M. Desmeules et
de ses collègues ce rapport au conseil d'administration de Marine
Industrie et celui-ci a récemment décidé de confier
à une firme d'avocats l'étude de ce rapport et de toute la
documentation pertinente afin de dégager et préciser les droits
et réclamations que MIL pourrait faire valoir à l'occasion de la
négociation avec l'armateur grec en question, en septembre 1979. Il faut
toujours se rappeler que nous sommes toujours liés par contrat avec M.
Karageorgis pour acheter trois bateaux en 1979.
M. Russell: On va y arriver tout à l'heure.
M. Coulombe: On a demandé à ces avocats, de
même qu'aux auteurs du rapport, de préciser aussi certaines des
conclusions qui pouvaient se
dégager de l'étude de ce qui s'était passé,
tant pour les contrats grecs que pour les contrats polonais. Cela est en marche
à l'heure actuelle.
De plus, afin d'éviter la répétition d'une telle
situation, une politique globale de gestion est en voie de préparation
par la direction de MIL, en collaboration avec les officiers de la SGF. Cela se
fait conjointement et elle sera présentée au conseil
d'administration de MIL avant le 30 janvier 1979. Quand on dit une politique
globale de gestion, cela va comprendre certains éléments qui vont
concerner les commissions dans l'avenir. Il existe, dans certaines
corporations, surtout à la suite de certains événements
qui sont arrivés aux Etats-Unis ou ailleurs, ce qu'on peut appeler des
codes d'éthique concernant ce genre de problème. On a l'intention
d'en mettre un clairement dans les règlements et de Marine Industrie et
de la SGF concernant le problème des commissions, problème qui
existe dans toutes les affaires internationales où il y a des
intermédiaires. En soi, il n y a rien de dramatique là-dedans. Ce
qui est dramatique, c'est lorsque cela ne découle pas de
décisions formelles du conseil d'administration à partir d'un
code d'éthique, et c'est ce que l'on a l'intention de "raffiner", en
collaboration avec Marine Industrie, pour que cette situation soit beaucoup
plus claire à l'avenir.
Donc, le rapport est entre les mains de la SGF. En toute
honnêteté, si vous me posez la question: Est-ce qu'il devrait
être déposé? On est en train de l'étudier, on est en
train de le mettre à exécution. Il y a des avis juridiques qu'on
attend sur ce document. Nous préférerions continuer cette
étude, quitte à ce que les conclusions qui pourraient s'en
dégager, tant au point de vue juridique, parce qu'elles vont être
dans les négociations avec M. Karaqeorpis qui vont être
extrêmement délicates dans les prochains mois, qu'au point de vue
interne, en termes de gestion, d'élaboration de code d'éthique et
ainsi de suite, lorsque cela sera en place, il n'y aura aucun problème
pour les communiquer soit à la commission, soit...
M. Russell: Est-ce qu'il y avait un rapport Drouin-Paquin?
M. Coulombe: Drouin-Paquin, c'est un autre exercice qu'on a
entrepris, parallèlement à tous ces travaux, parce que,
même s'il fallait creuser le passé pour apprendre comment
manoeuvrer l'avenir, il fallait quand même aller directement aux
problèmes qu'affrontait Marine Industrie et, en collaboration, encore
une fois, avec le management de Marine Industrie, on l'a mis sur pied, à
l'intérieur de Marine Industrie. Le conseil d'administration a
formé un comité spécial, composé de membres du
conseil d'administration ainsi que du président, le chef des
opérations et le chef de la direction de Marine Industrie, ainsi que
certains vice-présidents pour examiner à fond l'avenir de Marine
Industrie, non pas en termes d'une planification à long terme
très générale, mais en termes extrêmement concrets:
Qu'est-ce qui va arriver à Marine Industrie dans les prochaines
années ou dans les prochains mois?
C'est un comité de planification du conseil d'administration et,
pour accélérer les travaux, la firme Drouin, Paquin est
engagée pour donner un coup de main, en termes logistiques, en termes
d'organisation, mais le travail est fait à l'intérieur de Marine
Industrie par les officiers de Marine Industrie. Il y a un rapport
préliminaire qui est prêt. Je dis bien qu'il est
préliminaire. Il est prêt. Il est étudié à
l'heure actuelle dans les deux organisations, la SGF et Marine Industrie. Cela
permet en quelque sorte de donner un sens à l'hypothèse de plan
de conversion qui sera discuté dans la deuxième partie de vos
travaux à la commission parlementaire.
M. Russell: Si je comprends bien, actuellement, la SGF a fait
faire trois ou quatre rapports presque parallèles?
M. Coulombe: Oui. Ils avaient des objectifs différents. Il
y en a qui étaient pour...
M. Russell: II y en a eu d'autres aussi qui ont été
faits, n'est-ce pas?
M. Coulombe: Pardon?
M. Russell: D'autres rapports préalablement à cela
ont été faits, je crois, que vous n'avez peut-être pas
retrouvés dans les fichiers?
M. Coulombe: C'est votre question de tout à l'heure. S'il
y avait eu des études de rentabilité dans le passé, en
toute honnêteté, il y en a peut-être dans quelque tiroir
quelque part, mais moi, je ne les ai pas vues.
M. Russell: II n'y a pas le rapport Hogue qui a été
fait? Il me semble avoir vu cela quelque part.
M. Coulombe: Hogue?
M. Russell: Hogue?
M. Coulombe: En tout cas!
M. Russell: Je pose la question. Je parle simplement de
mémoire. M. le Président, je pense que ces rapports sont
drôlement intéressants. Etant donné que la commission est
intéressée à connaître la situation, je pense qu'on
devrait peut-être s'engager à ne pas divulguer dans le grand
public les noms, mais je pense qu'on devrait demander, s'il y a
possibilité, d'avoir copie de ces rapports. La SGF continuera à
les étudier avec le ministère de l'Industrie et du Commerce et
fera des applications sur les recommandations.
M. Tremblay: M. le Président, j'allais intervenir, mais je
vais faire un commentaire sur votre dernière phrase. Je pense qu'il n'y
aurait pas objection le président de la SGF peut peut-être
me corriger que les membres de la commission puissent aller consulter
ces rapports auprès du secrétaire de la commission sous le
couvert de la confidentialité. Je crois que ces rapports contien-
nent des renseignements chiffrés et confidentiels...
M. Coulombe: Sur la concurrence et sur le degré de...
M. Tremblay: ... qui pourraient porter préjudice à
l'entreprise s'ils étaient divulgués, mais je présume
que... Est-ce que je me trompe, M. le président, que vous n'auriez pas
objection que les membres de la commission qui le désirent puissent
aller consulter, auprès du secrétaire des commissions, ces
rapports sous le couvert de la confidentialité?
M. Lalonde: M. le Président, je ne sais pas à
quelle règle de confidentialité le ministre fait allusion. Je
sais que les membres de l'exécutif sont assermentés de cette
façon-là, mais les membres de l'Assemblée nationale, je
pense, ne sont pas liés à aucune confidentialité.
M. Tremblay: Non, mais cela pourrait être un engagement que
nous prenions.
M. Lalonde: Ce serait un engagement personnel. Je ne sais pas
dans quelle mesure...
M. Tremblay: Personnel.
M. Coulombe: Si je pouvais me permettre une remarque concernant
ce genre de rapport, vous savez qu'opérer des changements dans certaines
organisations qui traversent des périodes extrêmement difficiles,
même si ces périodes difficiles ne dépendent pas de la
qualité des individus qui sont là mais qu'elles dépendent
de circonstances souvent externes, remettre en marche un processus de
changement avec des rapports qui définissent des problèmes
réels dans l'entreprise et qui définissent la position
concurrentielle de l'entreprise par rapport à d'autres entreprises, si
on veut vraiment pouvoir avancer dans ce genre de travail et avoir la
collaboration des cadres, des entreprises, du groupe SGF, on voit difficilement
comment on pourrait les motiver si toutes ces études deviennent des
documents publics. Même si évidemment la confidentialité
existe, cela donne néanmoins une coloration assez spéciale
à ce genre d'étude et si on veut avoir les coudées
franches dans ce genre de chose, je pense que le moyen de juger cela, c'est
plutôt par la performance éventuelle des entreprises dans
le cadre de la discussion qu'on a actuellement, c'est un mot qui devrait
être entre guillemets qu'il faudrait être jugé et non
pas par le contenu d'un rapport précis sur un sujet précis.
M. Forget: M. le Président, sur le même sujet,
est-ce qu'on me permettrait d'intervenir brièvement?
Le Président (M. Marcoux): Un instant! Avant de vous
céder la parole, je voudrais rendre la décision que je devais
rendre tantôt concernant la question que le député de
Richelieu a posée. Je vous informe que je prends en
délibéré la décision, à savoir si la
commission peut ou non obliger M. Rochette à répondre à la
question formulée par le député de Richelieu. Pourquoi?
Parce qu'on a allégué c'est la raison pour laquelle je la
prends en délibéré que la question avait
directement trait à une affaire dont les tribunaux sont
présentement saisis. Je dois prendre du temps pour examiner cette
question parce qu'on ne m'a fourni aucune jurisprudence à cet effet et
cela suppose, évidemment, certaines recherches. De plus, ce n'est pas
tous les jours que la présidence est saisie d'un tel problème. La
prudence commande d'y réfléchir pour être certain que les
droits de l'Assemblée nationale et ceux des personnes qui comparaissent
devant ces commissions soient respectés. (22 h 15)
La décision ou le présent délibéré
concerne ce cas précis, mais je juge utile de rappeler la règle
générale qui est la suivante, telle que formulée par
l'ensemble des auteurs, mais plus particulièrement par l'auteur Cushing
qui dit qu'un témoin ne peut refuser de répondre à une
question sous le prétexte que sa réponse peut l'exposer à
une poursuite civile ou criminelle, qu'il a fait le serment de ne pas
révéler les faits sur lesquels on l'interroge, qu'il est tenu au
secret professionnel ou que son avocat l'informe qu'il ne peut répondre
sans courir le risque de s'incriminer ou de s'exposer à une poursuite
civile.
Vous n'ignorez pas, M. l'avocat, que l'Assemblée et ses
commissions, tout comme la Chambre des communes à Ottawa ou la Chambre
des communes à Londres, ont le statut de "High Court" et qu'elles ne
peuvent donc pas avoir moins de pouvoirs à l'égard des
témoins que les tribunaux de droit commun. Comme vous avez
soulevé un problème précis concernant le fait qu'il y
avait une cause pendante devant les tribunaux qui concernait cette question, je
la prends en délibéré.
Maintenant, je demanderais au député de Saint-Laurent de
poursuivre sur le même sujet.
M. Forget: Peut-être que M. Coulombe veut compléter
sa réponse.
Le Président (M. Marcoux): Vous voulez
compléter?
M. Coulombe: J'aurais peut-être un dernier point à
apporter en faveur de l'argument que j'essaie de développer. Dans
à peu près toutes les filiales, ou enfin toutes les
sociétés du groupe SGF, on est en collaboration avec d'autres
partenaires, que ce soient des compagnies du Québec, des compagnies de
la Colombie-Britannique, françaises, suisses. Avec ces collaborateurs,
il va falloir entreprendre, dans beaucoup de cas, des études internes
assez techniques et assez précises d'environnement de la corporation et
ainsi de suite. On ne voudrait pas se mettre dans la position où on
serait obligé de leur dire que certains rapports internes suivent une
filière qui pourrait, dans leur milieu, dans leurs traditions et dans la
tradition de concurrence, être compliquée.
M. Tremblay: M. le Président, sur cette question et avec
la permission du député de Brome-Missisquoi, la question des
rapports internes de l'entreprise pose un problème, parce que si la
confidentialité était brisée, des préjudices
pourraient s'ensuivre pour l'entreprise, les ententes de confidentialité
que l'entreprise a elle-même avec d'autres entreprises, etc. Il y a deux
solutions à cela: La première, c'est celle que je mentionnais,
c'est-à-dire qu'un membre de chacun des partis d'Opposition puisse
consulter, sous le couvert de la confidentialité, le rapport Paquin et
le rapport des vérificateurs, c'est à cela qu'on fait allusion.
C'est la première possibilité. Je pense que c'est très
risqué. L'autre solution, c'est que vous nous donniez les principales
constatations qui découlent du rapport des vérificateurs. Le
rapport Paquin, c'est un rapport interne et technique, opérationnel. Le
rapport des vérificateurs...
M. Coulombe: Est de nature différente.
M. Tremblay: ... évidemment, est de nature
différente, parce qu'il portait sur les analyses que vous avez fait
faire sur la question des commissions, etc. Si cela convenait aux membres de la
commission, on pourrait demander au président de nous faire part des
principales constatations de ce rapport. Nous n'aurions pas à courir le
risque de rendre public un rapport de la SGF qui doit demeurer en sa
possession, puisqu'il s'agit d'un rapport interne.
M. Russell: M. le Président, je ne veux pas insister plus
que cela. Je vois qu'on se sert d'excuses pour ne pas déposer le
rapport. La SGF, aussi bien que Marine, a des avantages sur ses concurrents, et
de beaucoup. Elle ne paie pas de taxes, elle se fait poursuivre pour des taxes
de vente et elle ne paie pas d'impôt. Les concurrents devraient se
plaindre, pas elle. Maintenant, je pense bien que la commission ne veut pas
avoir le rapport et se mettre à crier dans les rues qu'il s'agit du
rapport d'administration, parce que Marine est une des succursales de la SGF,
mais il y en a beaucoup d'autres aussi qu'on va questionner tout à
l'heure. Ce n'est pas tellement intéressant, et je sais qu'elles sont en
concurrence avec l'entreprise privée. Je pense qu'on est justifié
de savoir ce qui se passe là. Je ne vois pas tellement de grands secrets
dans cela, d'abord, parce qu'on a une grosse partie de l'information, mais ce
que je n'aime pas, c'est la façon dont cela nous vient. On nous
présente le climat qui existe actuellement et on nous dit qu'il est
très mauvais chez les ouvriers. On veut savoir ce qu'il y a de vrai dans
cela. On est venu ici cet après-midi, on a questionné et on y va
objectivement. On ne veut pas passer pour des policiers ou des
enquêteurs. On veut savoir quels sont les faits. On questionne et on a
des embryons de réponses. Moi, cela me surprend et me renverse. Je vais
revenir à ce que disait mon concitoyen quand il ne voulait pas payer sa
facture d'électricité: Cela doit être notre affaire, si la
SGF nous appartient à 100%. Au prix que cela nous coûte, cela
commence à être drôlement intéres- sant; le
contribuable doit commencer à être intéressé, et je
le représente ici. Donc, si je le représente, mon devoir est de
questionner et de connaître le fonctionnement de ces bebelles, comme
dirait le député de Johnson.
On commence à parler de confidentialité, il ne faut pas
que cela sorte, etc. Je n'ai pas d'objection, s il y a des grands secrets dans
la question de mise en marché, qu'on barre cela, qu'on fasse une
photocopie, qu'on en enlève une partie et qu'on donne le reste des
rapports pour savoir ce qui se passe dans cette boîte. Cela sera beaucoup
plus d'avance que de passer deux ou trois jours ici à vous poser des
questions et à avoir des embryons de réponse, alors que tout le
monde se surveille et a peur de répondre ou d'emboîter l'un ou
l'autre.
M. le Président, ce n'est pas mon intention et je pense
parler pour la majorité des membres de la commission on ne veut
embêter personne. On veut savoir la vérité, ce qui se passe
dans cette boîte. Dieu sait que, quand je rentre dans mon industrie, si
je veux savoir ce qui se passe, je vais au fond. Je suis surpris d'une
réponse que j'ai eue tout à l'heure à une question
posée à un ancien président qui me dit: Je ne savais pas
quelle commission on payait. Je peux vous dire que, chez nous, je connais les
commissions qui sont payées. Ce n'est peut-être pas aussi gros que
Marine Industrie, mais je connais les commissions qui sont payées et
cela me surprend qu un administrateur ne connaisse pas les commissions. Il a
peut-être pensé que ce n'était pas sa responsabilité
et il doit laisser à celui qui était responsable le soin de
répondre. Je ne lui en fais pas de reproche. Même si on nous dit
que Marine Industrie est à la porte de la faillite aujourd'hui, elle a
été tout près de la porte de la faillite il y a dix ans.
Ce n est pas une affaire qui est fonctionnelle. Cela a marché, cela a
donné un coup, parce qu'on a signé un contrat pour 18 bateaux;
cela a fait un peu d'inflation et, après cela, cela a fait un
"flop".
Je voudrais revenir à la réponse à ma question qui
ne me semble encore pas claire. Cet après-midi, M. Rochette a dit
qu'à sa connaissance et je pense bien que c'est de bonne foi
il y a eu un contrat qui a été fait pour 18 bateaux.
J'espère que ce n'était pas un bateau qu on nous a monté.
Six étaient faits et douze étaient renégociables. Par les
informations qu'on possède, est-ce qu'il est vrai qu'il y en a six qui
ont été fabriqués, vendus, expédiés, sans
problème, sans plainte, sans enquête. Il y a certes eu des
certificats qui ont été émis, parce que c'est Lloyd's, qui
s occupait d assurer ces bateaux, je pense bien que l'assurance donnait des
certificats dans ces cas-là, a émis les certificats. D'autres
bateaux ont été fabriqués à la suite de la commande
des douze. Je comprends mal ou je ne comprends pas, s'il y avait un contrat qui
vendait 18 bateaux, dont six qui étaient faits et qu on en a
fabriqué d'autres sur les douze autres, qu'il n y ait pas eu une
négociation ferme à ce moment où il n'y avait pas un lien
qui reliait tout cela légalement.
Quand on me dit qu'il y avait une kyrielle d avocats qui participaient
à cela, j'y perds mon latin. Je ne suis pas un avocat, c'est
évident, mais je
ne peux pas croire que deux, trois, quatre, cinq avocats se sont permis
de laisser passer des affaires comme celles-là. Même si on nous
dit que le Grec est un fin filou je ne me servirai pas d autres
expressions c'est un gars habile je ne lui en veux pas, c'est
à nous de nous protéger contre ces gens. Je sais que ce n est pas
facile. J'ai eu d'autres négociations avec des sociétés
françaises l'autre jour. Elles non plus ne sont pas faciles, mais c'est
à nous de nous protéger. Quand on prend des avocats, je pense
bien que ce n'est pas seulement pour avoir quelqu'un pour corriger des
expressions françaises fautives.
Le Président (M. Marcoux): M. le député,
est-ce que vous pourriez essayer de vous résumer, parce que la liste est
longue encore de ceux qui voulaient intervenir et...
M. Russell: D'accord, je m'excuse. Je vais simplement terminer
par une petite question très simple. Je demande à M. Rochette,
qui est peut-être celui qui est le plus en mesure de répondre: A
ce contrat de 18 navires, est-ce qu'il n'y avait pas une condition qui faisait
un lien après la construction des six premiers qui était ferme et
qui permettait à Marine Industrie d'embarquer dans la fabrication des
autres?
M. Rochette: C'est difficile pour moi de répondre à
cette question parce que cela fait tellement longtemps que j'ai vu les
documents qui se rapportent à tous ces contrats. Il est possible qu'au
début, les 18 contrats étaient liés entre eux, mais,
lorsque les six premiers ont été transférés, vendus
par l'armateur grec à la Société française
Delmas-Vieljeux, s'il y avait un lien, probablement qu'à ce moment, il a
été rompu.
Il faudrait que je puisse me référer aux documents. Cela
fait trop longtemps. Quand on parle de négociations qui ont
été tenues en 1973 et 1974, des documents auxquels je n'ai pas eu
accès depuis 1976...
M. Russell: M. le Président, M. Rochette pourrait
peut-être me répondre. Y aurait-il un contrat à votre
connaissance?
M. Rochette: Pardon?
M. Russell: Y avait-il un contrat à votre
connaissance?
M. Rochette: Bien sûr.
M. Russell: Des documents qui ont été
signés?
M. Rochette: Bien sûr.
M. Russell: Le président de la SGF a-t-il exigé ce
contrat et l'avez-vous fait examiner? Peut-on avoir une copie de ce
contrat?
J'ai deux autres petites questions pendant qu'on examine cela. Si on en
a une copie, on pourra en avoir le dépôt, je suppose?
M. Coulombe: Je ne sais pas si le contrat lui-même est dans
le rapport que j'ai ici. M. Asselin, qui est notre conseiller juridique...
M. Asselin (André): André Asselin, Marine
Industrie. Il y avait 18 contrats pour chacune des compagnies acheteuses d'une
des coques. Il y avait 18 contrats et chaque contrat a été
amendé à plusieurs reprises. Le dépôt serait
monumental.
M. Russell: Donc, il n'y a pas eu un contrat pour 18 navires ou
bateaux. Je ne connais pas le vrai terme français. Il y avait 18
contrats et non pas un contrat.
M. Asselin: C'est cela.
M. Russell: Pourrait-on avoir une copie d'un contrat pour voir
comment cela se fait, si, un jour, on décide à construire des
bateaux? Tout au moins, on peut s'en monter un.
M. Tremblay: Je présume que ce ne sont pas des contrats en
grec. C'est en anglais.
M. Russell: Cela ne fait rien. Je connais des Grecs. Ma
secrétaire est grecque. Elle travaille ici. Elle doit connaître
cela. Elle doit être capable de lire cela.
J'aurais bien d'autres questions, mais je pense qu'il est raisonnable
que je donne la chance à d'autres.
Le Président (M. Marcoux): J'apprécie votre
collaboration.
M. le député de Saint-Laurent.
Le fait est ceci: M. le député de Saint-Laurent...
M. Forget: Si M. Picard veut compléter...
M. Picard: M. le Président, tantôt, vous avez rendu
une décision concernant une question. Dans la même poursuite,
comme je vous dis, je ne suis pas mis en cause. Je ne suis pas partie.
Evidemment, comme j'étais président de Marine, j'aurai à
témoigner. Je voulais savoir si votre décision s'applique
à mon cas, parce que j'avais demandé d'attendre jusqu'à
demain avant de répondre.
En d'autres termes, mon témoignage pourra servir au jugement de
la cause à ce moment.
Le Président (M. Marcoux): La décision que j'ai
rendue tantôt, c'est que, la question étant sub judice ou ayant
trait à une cause qui est pendante devant les tribunaux actuellement, je
prenais la décision en délibéré; donc, je ne vous
oblige pas à répondre à la question.
Tantôt, si j'ai rendu la décision, ce n'est pas parce que
la décision impliquait directement M. Rochette, parce qu'avec le
règlement tel qu'il est fait, même si elle impliquait directement
M. Rochette, comme le règlement l'indique, normalement, tous les
témoins doivent répondre à toutes les questions en disant
la vérité, évidemment, mais
c'est parce qu'elle est pendante devant les tribunaux que je l'ai prise
en délibéré.
Or, dans la mesure où c'est la même chose en ce qui vous
concerne...
M. Picard: Merci, M. le Président.
M. Forget: On a parlé des transports qui ne sont pas
publics. Il y a cependant une catégorie de rapports qui sont publics. Ce
sont les états financiers annuels de Marine qui sont une information
précieuse, j'imagine, pour la SGF.
Dans les rapports financiers de Marine, j'imagine qu'on voit se
refléter, d'une certaine façon, les carnets de commandes. C'est
à la fois un actif, puisque Marine devient créancière des
montants pour lesquels les contrats sont signés, et aussi un passif,
puisqu'elle doit construire les bateaux et les livrer. (22 h 30)
J'imagine que la SGF passe un certain temps à analyser les
rapports financiers de ses filiales. Est-ce que dans les rapports financiers
des années 1975, 1976, il y a eu des réserves faites par les
vérificateurs sur la valeur, la validité des commandes en carnet?
Je ne sais pas quelles sont les conventions comptables de ce
côté-là, mais il me semblerait que quand on met dans les
actifs un carnet de commandes de $100 millions ou $80 millions, il faut se
donner la peine d'aller voir s'il y a des contrats pour les appuyer et, s'il
n'y en a pas, le vérificateur a le devoir de signaler aux actionnaires
que c'est un actif mais hypothétique. Est-ce qu'il y a de telles
réserves des vérificateurs dans les états financiers
annuels de Marine?
M. David: Je peux répondre pour une partie de la question,
si vous me le permettez. Il y a une réserve, effectivement, qui doit
être prise et qui a été prise dans les cas
appropriés lorsque les contrats étaient commencés. Dans
les carnets de commandes pour lesquels le travail n'était pas
commencé, c'était impossible de déterminer s'il y aura une
perte ou un profit à la réalisation du contrat, mais lorsque des
déboursés, des travaux sont entamés, c'est le devoir du
vérificateur de s'assurer que la valeur aux livres où les
coûts accumulés sont comptabilisés, soit inférieure
au prix vendant du contrat. S'il s'avérait que les coûts
accumulés devenaient supérieurs au prix vendant du contrat, une
réserve pour perte éventuelle doit être
comptabilisée, ce qui a été fait dans les livres de
Marine.
De mémoire, je dois vous dire qu'en décembre, à la
fin de l'année 1973, la réalisation des contrats français,
les sept premiers navires, et ce qui a été fait également
au 31 décembre 1977, pour prendre une provision préliminaire sur
les déboires actuels de Marine, sur les contrats grecs, au-delà
de cela, il n'y avait pas de provisions prises, parce que les contrats
n'étaient pas commencés.
M. Forget: On emploie la réserve dans deux sens
différents. Je ne parle pas des réserves pour défaut
prévisible sur les paiements envisagés. Je parle tout simplement
d'une note explicative qui pourrait être posée en annexe ou en
appendice à un rapport de vérification, das les états
financiers. Lorsqu'on dit: II y a en commande, j'imagine que c est
reflété dans les états financiers. Les commandes ne sont
pas reflétées dans les états financiers. Est-ce
normal?
M. David: Les commandes pour lesquelles le travail a
débuté, il y a une réflexion, mais en dehors de cela, les
commandes pour lesquelles le travail n'est pas commencé, vous demanderez
aux vérificateurs de Marine qui sont présents, je suis comptable
agréé moi-même, et je dois vous dire que cela ne fait pas
partie de la situation financière de la compagnie le jour où un
bilan est préparé et sur lequel les vérificateurs apposent
leur certificat.
M. Forget: Est-ce que ce n'est pas paradoxal qu'on prépare
des états financiers qui dépendent de façon cruciale des
perspectives à moyen terme et même à court terme qui ne
peuvent pas être appréciées à moins de savoir quelle
est la valeur des carnets de commandes en éliminant cet
élément-là et donc en éliminant aussi les
annotations qui pourraient être posées par le vérificateur,
à la suite de son examen des commandes? Est-ce normal? Est-ce que cela
fait partie des pratiques comptables de parler d'une entreprise qui est dans
une industrie où la période de gestation de chaque contrat est de
Tordre de quatre ou cinq ans, de ne pas faire état du carnet de
commandes de façon rigoureuse, mais simplement comme une note
générale d'encouragement?
M. David: A ma connaissance, les carnets de commandes pour
lesquels, encore une fois, les travaux ne sont pas commencés
d'exécuter ne font pas partie des états financiers d'une
compagnie.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Lotbinière.
M. Biron: M. le Président, je vais justement commencer par
ce que je devais terminer, c'est-à-dire des questions sur les
états financiers de Marine. J'ai été très surpris
de constater, lorsque j'ai comparé les états financiers, de
1975-1976, avec 1976-1977, de trouver tout à coup un changement de
chiffres dans le bénéfice brut avant les dépenses, alors
que dans l'état financier qui a été déposé
à I'Assemblée nationale pour 1976, on trouve un
bénéfice brut sur les ventes de $10 192 000 avant les
dépenses d'administration d'amortissement, et sur l'état
financier qui est déposé pour I année 1977, un an plus
tard, les mêmes $10 192 000 sont maintenant rendus $10 942 000. Donc, on
a augmenté ou on a soufflé d'une façon artificielle ou
autre, je ne sais pas, le bénéfice brut de $750 000. Est-ce que
quelqu'un pourrait nous dire si ce n'est pas, justement, pour parer à
toute éventualité de perte d'argent sur les bateaux? Est-ce qu'on
a joué dans les chiffres intentionnellement ou si c'est tout simplement
une erreur?
Si vous voulez regarder l'état financier 1975-1976, à la
page 3, états consolidés des bénéfices et des
bénéfices non répartis, de même qu'à la page
4, pour l'état financier 1977.
Le Président (M. Marcoux): Dans la mesure du possible, je
souhaiterais que les députés précisent à qui la
question s'adresse...
M. Biron: Possiblement au président de Marine
Industrie...
Le Président (M. Marcoux): ... pour que M. Coulombe
détermine qui va répondre...
M. Biron: ... M. Dinsmore ou M. Coulombe.
M. Dinsmore: Je demande de la patience pour un instant, on
consulte notre vice-président aux finances.
M. Léveillé (Gilles): Gilles
Léveillé, vice-président aux finances de Marine Industrie.
Si vous regardez les états financiers, il y a une conciliation; vous
partez de $17 000 009 et on continue à expliquer la différence
avec $6 000 085 pour $23 millions et ensuite de ça, dividendes,
direction privilégiée, $210 000 pour arriver à $22 884
000. On reprend ce chiffre dans les deux états.
M. Biron: Oui, c'est vrai. Mais la seule chose, c'est qu'on a
soufflé les bénéfices bruts de $750 000 tout de suite
après les ventes et on a ajouté, au débit, des provisions
correspondant au coût exceptionnel encouru à la suite de la
dénonciation d'un contrat. Je veux savoir pourquoi on a ajouté
$750 000 de bénéfices bruts, d'une année à l'autre,
simplement en changeant d'un état financier à l'autre.
M. Coulombe: M. Plessis-Bélair, vice-président de
la SGF.
M. Plessis-Bélair: C'est essentiellement à cause
d'un reclassement des postes. Si vous regardez la note 14 de la page 12 des
états financiers...
M. Biron: Quelle année? M. Plessis-Bélair:
1977. M. Biron: Oui.
M. Plessis-Bélair: On a une note qui se lit de la
façon suivante: "Certains postes des états financiers
consolidés au 31 décembre 1976 ont été
reclassés afin de les rendre comparables à ceux du 31
décembre 1977." Il s'agit essentiellement, lorsque l'accumulation des
différents postes, est faite d'une année à l'autre,
lorsqu'on change certaines classifications, de faire en sorte que les deux
chiffres qui apparaissent à un poste soient comparables,
c'est-à-dire qu'on prenne exactement les mêmes points. Il se peut,
d'une année à l'autre, que cette reclassification fasse en sorte
que les montants de différents postes précis changent. Vous
remarquerez que le bénéfice net de la compagnie, d'une
année à l'autre, reste exactement le même. Il s'agit
essentiellement d'une reclassification et c'est selon les normes comptables
généralement reconnues.
M. Biron: J'ai remarqué que le bénéfice net
était demeuré le même, mais je me suis demandé si on
n'avait pas soufflé artificiellement la valeur de l'inventaire,
c'est-à-dire des bateaux en inventaire, pour perdre $750 000 de moins
aux chiffres présentés par la compagnie. C'est sûr que ce
montant de $750 000 est relié directement à la valeur des
bateaux, les fameux bateaux grecs probablement. M. David?
M. David: Si vous regardez le bénéfice brut de
1976, dans le rapport de 1979, il est de $10 942 000 et le point suivant est
une provision correspondant aux coûts exceptionnels encourus à la
suite de la dénonciation d'un contrat, $1250 000. L'année
précédente, le bénéfice brut était
baissé de $750 000 et la provision était de $500 000 au lieu de
$1 250 000.
M. Biron: Là-dessus, c'est exactement ce que j'ai
remarqué, mais ce que je veux savoir, est-ce qu'on a soufflé
artificiellement le prix des bateaux en inventaire?
M. David: Si cela avait été ça, le profit en
bas de la page serait différent.
M. Plessis-Bélair: Si on suivait votre raisonnement, le
bénéfice net...
Le Président (M. Marcoux): Vous avez le droit de parole,
mais est-ce que vous pourriez vous identifier?
M. Plessis-Bélair: ... de SGF. Si on suivait votre
raisonnement, le bénéfice net, si on change effectivement le
montant des réserves ou le montant des provisions au bilan et à
l'actif de la compagnie, cela aurait un impact direct sur le
bénéfice net de la compagnie. Cela n'a pas été le
cas.
C'est donc dire qu'il s'agit d'une reclassification de certains postes
qui, antérieurement, n'étaient pas sous le vocable "provision
correspondant aux coûts exceptionnels encourus par suite de la
dénonciation d'un contrat" et qui ont été changés
de place tout simplement, pour que, d'une année à l'autre, le
montant de $17 765 000 de provision qu'on retrouve, se compare,
c'est-à-dire soit de même nature et réponde aux termes de
la classification. C'est un montant de $1 250 000. Il n'y a pas de relation
entre le bilan, donc la valeur des bateaux en inventaire, et le montant qu'on
retrouve à l'état des profits et pertes, dans ce cas-ci. Il
s'agit simplement d'une reclassification d'un poste de dépenses à
un autre poste de dépenses. Il n'y a pas de changement. C'est
également pour répondre à des exigences de
classification.
M. Biron: Mais du fait de changer vos chiffres, vous avez
réussi à avoir une provision additionnelle de $750 000 sur les
bateaux.
M. Plessis-Bélair: On n'a pas réussi. Avoir $750
000 de provision additionnelle aurait eu comme conséquence de
créer une dépense additionnelle de $750 000. Si on avait
créé une dépense additionnelle de $750 000, le
bénéfice net de la compagnie aurait été
réduit d'autant. Il serait passé de $6 085 000 à $6 085
000, moins $750 000. Cela n'a pas été le cas. Il s'agit donc
d'une reclassification des comptes. C'est pour cela qu'on avait la note 14 pour
aviser le lecteur qu'il se pouvait que, d'une année à l'autre, il
y ait des changements dans les montants. Mais ce changement était
dû essentiellement à une reclassification des biens.
M. Biron: Est-ce que je peux vous suggérer, à
l'avenir, d'être beaucoup plus précis dans vos notes explicatives?
Pour moi, lorsqu'on l'on met un débit et un crédit, cela
équivaut à la même chose, mais on peut changer beaucoup de
choses, simplement en jouant d'un côté à l'autre.
Je voudrais vous poser une question...
Le Président (M. Marcoux): M. Léveillé veut
compléter.
M. Léveillé: Voici. Le montant de $750 000, c'est
une provision comme on en prend pour différents postes du bilan. $750
000 sur $91 millions, à ce moment-là, l'importance relative de la
provision est infime. L'année suivante, lorsqu'on a décidé
de prendre une provision de $10 millions, cela est devenu important et l'on a
divulgué les deux provisions de l'année précédente
et de l'année en cours. C'est pour cela.
Au niveau des réclamations d'assurance, chaque année, on
fait des prévisions, mais ce sont des montants infimes par rapport au
montant global. Le $750 000 par rapport à $91 millions que vous voyez
là, c'était infime. Mais lorsqu'on en est venu à une
provision de $10 millions, on a montré les deux provisions.
M. Biron: Je vous remercie de vos explications.
M. Coulombe, tout à l'heure, vous avez fait état de quatre
rapports différents, dont deux rapports, à la fois le rapport
David et le rapport Chabot et Associés, ou Jacques Desmeules qui sont
directement reliés aux bateaux, spécialement aux bateaux grecs,
je suppose.
Est-ce que, en préparant votre présentation devant la
commission parlementaire, vous vous êtes inspiré de ces deux
rapports?
M. Coulombe: Oui.
M. Biron: Et est-ce qu'il y a des choses dans les rapports qui
n'ont pas été discutées jusqu'à maintenant,
concernant ce fameux problème des bateaux?
M. Coulombe: En ce qui concerne le premier des rapports auxquels
vous faites allusion, le rapport que M. David a préparé à
l'intention du ministre de l'Industrie et du Commerce, je ne crois pas, je
pense que tout a été revu aujourd'hui.
En ce qui concerne le rapport Desmeules, qui est le deuxième
rapport, je pense que c'est presque impossible d'avoir discuté de tous
les aspects du rapport Desmeules, qui est assez considérable et qui
traite de beaucoup de choses extrêmement importantes, mais aussi de
choses qui, par rapport au problème de fond, peuvent être des
détails. Par exemple, qui a signé quoi? Quand? Les minutes du
procès-verbal du conseil d'administration. Il y a beaucoup de choses qui
sont dans le rapport Desmeules qui n'ont pas été apportées
ici. Mais les choses fondamentales, les choses importantes, je pense
personnellement qu'elles ont été touchées aujourd'hui dans
la discussion.
M. Biron: Le rapport de M. Wermenlinger lui, touchait à la
fois les bateaux et les problèmes généraux de Marine
Industrie?
M. Coulombe: Non, il était beaucoup plus
spécifique. A la suite du rapport de M. David, dans les discussions
qu'il y a eu c'est avant que j'arrive à la SGF, mais, comme dans
l'ancien poste que j'avais au gouvernement, j'étais au courant de ce qui
se passait là-dedans entre le ministère de l'Industrie et
du Commerce et la SGF, il avait été convenu que, dans le rapport
de M. David, il y avait certains points qui méritaient d'être
poussés un peu plus loin. (22 h 45)
Cela tournait autour de la situation à Marine Industrie
consécutive au contrat Karageorgis. L étude rapide que M.
Wermenlinger a faite de la situation, à partir des documents qui lui
étaient disponibles et avec l'entente implicite que ce n'était
pas un commissaire d'enquête et qu'il ne pouvait pas aller voir tous les
anciens officiers de Marine Industrie, ceux qui étaient partis, etc., a
été une étude extrêmement interne qui a
été plus loin que ce que M. David avait présenté et
qui laissait en suspens certaines questions qui ont été
touchées ici aujourd'hui, par exemple, les commissions. Il
décrivait les commissions et il finissait en disant: On peut
s'interroger sur tel et tel aspect. C'est une question que vous avez
posée.
A partir de là, on s'est dit: Comme c'était une
étude rapide dans le temps, je pense qu'on est justifié d'aller
un peu plus loin. C'est là qu'on a demandé au vérificateur
de prendre ces rapports et de creuser exactement les mêmes points, mais
d'aller beaucoup plus loin, mais encore là avec l'entente tacite que ce
n'était pas une commission royale d'enquête, qu'il n'avait pas des
pouvoirs de... C'est entendu, à cause des circonstances qui ont
été évoquées ici aujourd'hui, que c'étaient
des problèmes extrêmement délicats de relations pour les
vérificateurs d'aller questionner en profondeur certaines personnes qui
auraient pu être impliquées et qui ont été
effectivement impliquées de
par le poste qu'ils avaient dans l'histoire de Marine Industrie. C'est
pour cela que, même dans le rapport de M. Desmeules, il y a certaines
questions qui n'ont pas encore une réponse totale et absolue, tout
simplement parce que les contacts avec les individus qui étaient les
principaux acteurs dans la période 1973-1975... A cause de la situation
juridique qui existe, c'était extrêmement délicat d'aller
un peu plus loin.
Le conseil d'administration de Marine Industrie et de la SGF se sont
satisfaits de voir que, sur les éléments essentiels,
l'information était là. Dans ce genre de contexte où c'est
dans un milieu international et avec des organismes fédéraux,
provinciaux et tout ce que vous voudrez, et sur une période de cinq ou
six ans, c'est évident que cela prendrait des mois, des mois et des mois
d'enquête de tous les individus concernés, à partir des
contremaîtres sur le chantier, pour savoir exactement quel type de
problème il a pu y avoir sur les coques 424 et 425. Cela n'a pas
été fait en profondeur, parce qu'on a pensé que, ce qui
était important, c'était d'aller à l'essentiel. Cet
essentiel a satisfait les conseils d'administration concernés. Mais cela
a été interne à Marine Industrie, tel que cela existait en
1978.
M. Biron: Etant donné que c'étaient surtout trois
rapports de bons administrateurs, je crois bien... Un point essentiel qu'on a
discuté aujourd'hui, c'est la validité des contrats. Qu'est-ce
que ces trois rapports, en substance, disent sur la validité des
contrats que nous avions avec le Grec?
M. Coulombe: Pour ce qui concerne les deux premiers rapports, le
rapport David et le rapport Wermenlinger, à moins que je ne me trompe,
je pense qu'il n'était pas question, en termes de validité
juridique, de ces contrats, dans ces deux premiers rapports.
Pour ce qui concerne le rapport Desmeules sur la validité
juridique des premiers contrats, il faudrait que quelqu'un me
rafraîchisse la mémoire. Oui. On va distinguer. C'est que,
concernant les commissions payées, on a des rapports, dont les derniers
datent de quelques semaines, d'avocats de Montréal et d'avocats de
Londres, sur une question qui nous inquiétait fortement: Quelle est la
légalité de cela, est-ce qu'on est obligé de payer? On
s'est demandé si, au lieu de payer, non seulement on ne devrait plus
payer, mais, en plus, si on devait réclamer l'argent qui avait
été payé. C'est une question qui a été
posée. Les avis juridiques sont formels là-dessus. D'après
la nature des ententes qu'il y a eu, en 1973, entre Marine Industrie et plus
spécifiquement M. Rochette, avec l'accord de son conseil
d'administration, comme il nous l'a dit cet après-midi, et M.
Karageorgis ou enfin ceux avec qui c'était signé, les conseillers
juridiques sont formels: Légalement, Marine Industrie était
obligée de payer, à partir des documents de base qu'ils ont eu en
main et qui existent dans les dossiers. C'est un premier point juridique qui
nous tracaissait énormément et qui est à se régler.
Je vous prie de croire que cela a été longuement fouillé
par les avocats de Londres et parles avocats de
Montréal.
Y a-t-il une deuxième dimension au point de vue juridique que
j'ai traitée? C'est exact. Dans le rapport de M. Desmeules, vu que ce
n'étaient pas des conseillers juridiques, on a forcé le point des
commissions pour savoir si au moins on ne pouvait pas aller
récupérer de l'argent. Cette avenue a été mise de
côté, selon l'opinion des conseillers juridiques. Sur la question
des contrats, encore là, je vous réfère au texte de ce
matin, une partie des contrats, c'est-à-dire ceux qui existent encore et
qui nous lient jusqu'en septembre 1979 avec Karageorgis vont être
étudiés... Il y a une firme d'avocats actuellement qui
étudie ces contrats je l'ai ici en profondeur afin de nous
préparer à bien passer l'étape qui s'en vient avec
Karageorgis jusqu'en septembre 1979. Espérons que, l'expérience
aidant, cela ne se terminera pas comme les autres étapes.
Quant à la validité des contrats, des 18 contrats dont on
parle, je ne pense pas...
M. Biron: Vous ne trouvez pas un peu curieux qu'on ait
regardé le côté légal de la commission qui comporte
$8 millions ou $9 millions et qu'on n'ait pas trop examiné le
côté légal du contrat qui comporte, lui, tout près
de $200 millions? A première vue, cela me surprend
énormément. En fait, le côté légal de la base
des 18 contrats aurait dû être regardé très
rapidement. Je suis surpris que vous me disiez que cela n'a pas
été regardé.
M. Coulombe: Le problème auquel on devait faire face
était le suivant. Il faut se rappeler cela a peut-être
été ambigu toute la journée que M. Karageorgis n'a
pas brisé ses contrats. C'était une entente avec Marine, par
laquelle Marine rachetait, ou éliminait, ou acceptait que Karageorgis se
retire. Donc, le problème des 18 contrats auquel on a fait allusion, n'a
pas été une brisure de contrat de la part de M. Karageorgis. Cela
a été l'ensemble des facteurs qui ont été
expliqués, où se servant de ce type de contrats, que ce soient
ceux-là ou n'importe quel autre, des problèmes de
tolérance acceptés ou non dans la construction navale,
l'effondrement du marché, bref, il ne voulait plus des bateaux.
Là, il a profité de toutes les circonstances cela a
été longuement expliqué pour s'en sortir. Ce
n'était pas au niveau de la validité légale des contrats
qui avaient été signés au début. C'était le
type de relations qui existaient entre cet armateur et les constructeurs,
où, à tous les jours, cela jouait. La hausse des coûts
n'avait rien à voir avec les contrats. J'admets que la question de
l'arbitrage, il faudra peut-être qu'elle soit éclaircie, parce
qu'elle faisait partie quand même du type de solution qui pouvait
exister. Je pense qu'il y a eu des discussions assez précises et
même une expérience assez précise d'arbitrage. Voilà
un point qui n'a peut-être pas été assez souligné
aujourd'hui. Peut-être que M. Dinsmore ou M. Brisson pourrait parler...
Il y a eu un conseil d'arbitrage, à un moment donné, qui
s'est penché sur certains problèmes relativement aux
bateaux.
Explique donc ce qui s'est passé.
M. Dinsmore: Lors de l'évaluation de la conformité
de la construction par rapport aux plans et devis, on a remarqué que la
tuyauterie installée dans le fond de la coque avait été
modifiée en fonction de changements qu'on a effectués sur les
plans et devis paraphés, paraît-il, mais qui n'étaient pas
conformes à une procédure, aux yeux de l'armateur,
réellement contractuelle. Ce point laissait un certain doute sur la
façon dont Marine a interprété le travail à faire.
Il a pris les démarches prévues par l'article 6 j'ai copie
ici du contrat que je veux déposer au président de la commission
qui prévoit la procédure pour les "disputes and
arbitration". Son intention était signifiée à Marine vers
les premières semaines de juillet, après avoir
développé toute l'argumentation appropriée.
Comme je l'ai mentionné tout à Iheure, nous avons
essayé de remettre le commencement de cette procédure parce qu'on
voulait évaluer exactement les possibilités et les
conséquences sur I ensemble des contrats et, comme je l'ai dit,
c'était à remarquer que l'engagement pouvait entraîner un
laps de temps considérable avec des effets sur Ies activités dans
le chantier. Alors, le fait qu'on ait réglé une entente de
principe avec l'armateur avant la tenue de l'arbitrage qui était
prévu pour le 15 août enfin, a fait oublier la
nécessité de passer par cette étape. A ma connaissance,
c'est la seule fois dans toute la période du contrat qu'on a eu recours
à cet article du contrat.
M. Biron: Pour ma satisfaction personnelle, les arbitres dans ce
domaine maritime ne doivent pas pleuvoir du ciel, il ne doit pas y en avoir
partout; qui était arbitre dans votre cas en particulier?
M. Dinsmore: Dans notre cas particulier, on s est adressé
à Londres pour... De la façon dont le comité
s'était formé et c'était normal dans les
circonstances chaque côté nommait son propre
représentant et il y en avait un troisième qui était
nommé avec l'accord commun des deux parties. Celui qui a
été choisi par Marine Industrie était un expert de Londres
et le troisième qui a été choisi... Je ne me souviens plus
de lautre côté. C était un avocat de Montréal dans
les deux cas.
M. Biron: Je suis heureux de voir qu à Montréal, on
a des gens compétents dans ce domaine.
M. Tremblay: Si vous me permettez, il y avait toujours la clause
des 180 jours qui pouvait permettre à l'armateur de se sortir de son
contrat, de sorte que I arbitrage travaillait en sa faveur; cela retardait la
livraison des navires.
M. Brion: II me reste, M. le Président, quelques questions
très brèves.
Le Président (M. Marcoux): Le plus brièvement
possible.
M. Biron: Très bien.
Le Président (M. Marcoux): Parce que cela fait
déjà presqu'une demi-heure.
M. Biron: Je voudrais demander à M. Coulombe: Sur le
dernier rapport Drouin et Paquin, le quatrième, sur l'avenir de Marine
Industrie, surtout dans les prochains mois, les prochaines années,
considérant la bonne et la mauvaise expérience dans le domaine
maritime, qu'est-ce qu'il dit ce rapport là-dessus? Est-ce qu'il traite
des bateaux en particulier?
M. Coulombe: Oui, d'abord, il y a une partie inventaire. On se
demandait sérieusement: Est-ce que... Une question qu'on s'est
posée qu'on s est payée aussi: Est-ce que Marine Industrie
a fait de l'argent dans la construction navale? C était toujours le
problème qui était à la base de la situation. Je peux vous
décrire en deux mots la situation actuelle de Marine Industrie: ce sont
les rendements par division division navale, division
hydroélectrique, division des wagons. Les hypothèses de
marché futur dans ces trois divisions et une évaluation
très préliminaire et chacun de ces points est
préliminaire à l'heure actuelle parce que cela a
été fait dans les trois derniers mois et c est encore
préliminaire. Dans chacun de ces cas, les forces et les faiblesses de
chacune des divisions, son degré de compétitivité, etc. A
partir de là, certaines hypothèses ont été
examinées sur le programme de conversion industrielle, c
est-à-dire: le potentiel de développement de
l'hydroélectrique, quel type de marché peut exister, soit au
Québec, soit à l'exportation, quelles sont les conditions pour
élargir le carnet de commandes qui est quand même
extrêmement considérable dans l'hydroélectrique à
l'heure actuelle on pourra en discuter tantôt dans le cadre de la
conversion industrielle. Les mêmes questions pour les wagons. S il y a
des marchés ou des produits nouveaux, quel type de réorganisation
cela peut-il prendre au chantier, quel type d équipement nouveau, quel
déplacement d'équipement actuel, quelles sont les
conséquences sur le niveau de l'activité de la construction
navale dans l'hypothèse où le carnet de commandes reste ce qu'il
est, c est-à-dire zéro, et où il peut être
augmenté. (23 heures)
Est-ce que, pour les quelques centaines de milliers ou les millions
d'heures qui sont consacrées à la construction navale, on peut de
façon réaliste espérer garder le même niveau ou un
niveau inférieur pourrait-il être considéré? Ce sont
ces hypothèses qui ont été examinées de
façon très préliminaire.
M. Biron: Est-ce que c'est exact que, lorsqu'on a examiné
le passé de la construction navale, on a fait la suggestion, dans le
rapport, que Marine aurait dû sortir de la construction navale il y a dix
ans à cause des pertes énormes qu'elle a encourues
là-dedans?
M. Coulombe: Je ne sais pas dans quel rapport.
M. Biron: Celui-là.
M. Coulombe: Cela serait marqué là-dedans?
M. Biron: A cause des pertes énormes. Ce rapport-là
quand même...
M. Coulombe: Je ne pense pas que le rapport dise que Marine
aurait dû sortir. Il ne dit même pas que Marine devrait sortir.
Tout ce que cela prouve, c'est que cela examine assez et le plus froidement
possible les résultats effectifs que cela a donnés dans les dix
dernières années et ces résultats signifient des pertes
dans la construction navale et, encore là, il faut distinguer les
pertes...
Et je tiens à souligner et M. Dinsmore me le souligne avec
raison que c'est un rapport qui a été les
consultants ont servi d'appui logistique à l'opération, mais
c'était fait vraiment de façon interne à Marine
fait avec les vice-présidents, avec les cadres principaux de Marine.
Deux chiffres: De 1968 à 1977, un chiffre d'affaires de $425 millions et
des pertes de $17 millions, des pertes cumulatives évidemment, et il
faut indiquer quand même que cela, c'est en 1977, donc que cela ne tient
pas compte de ce que vous avez dans le projet de loi actuel,
c'est-à-dire des pertes dues aux bateaux. Cela ne tient compte que d'une
provision de $12 millions sur les bateaux grecs et cela ne tient pas compte des
pertes des navires polonais, qui sont inévitables, à moins d'un
redressement qui pourrait être discuté un peu plus tard.
M. Biron: Pendant ce temps, dans le domaine électrique,
hydro-électrique ou dans le domaine des wagons, Marine était
profitable.
M. Coulombe: Dans le domaine hydroélectrique et
industriel, $145 millions de chiffres d'affaires et $5 millions de
bénéfices. Pour les wagons, $254 millions de chiffres d'affaires
et $8 millions de bénéfices, $7 973 000.
M. Biron: M. le Président, je vois que mon temps est
terminé. Je remercie M. Coulombe, en particulier, et M. Dinsmore, qui
ont répondu à mes questions. J'aurais voulu poser des questions,
peut-être d'autres le feront-ils, sur la perte de profits, la perte sur
les bateaux polonais qui s'en viennent; j'aurais encore quelques questions,
mais je pense bien que le ministre ou un autre pourra le faire, sur les
commissions payées. Avec les taux que vous avez donnés tout
à l'heure, j'ai quand même compté rapidement, il me semble
qu'on arrive à un montant de $5 millions qu'on aurait dû payer en
commissions alors qu'on a $6 350 000. Il y a peut-être des chiffres qui
ne concordent pas avec ce que j'ai dû calculer quand même
rapidement. Peut-être que, tout à l'heure, on pourra questionner
un peu plus là-dessus.
Le Président (M. Marcoux): II y a une partie de votre
question qui concerne un peu l'avenir.
M. Coulombe: Toutes les commissions ne sont pas encore
payées. Il reste un solde.
M. Biron: C'est cela. D'après le pourcentage qu'on a
donné...
M. Coulombe: Ce solde...
M. Biron: C'est tout simplement d'après les pourcentages
que vous avez donnés à une réponse du ministre si
je ne me trompe, c'est M. Rochette qui l'a donné c'était
1% ou tout près sur les bateaux français, 2% sur les bateaux
polonais et 3% sur les bateaux grecs. J'arrive finalement à un montant
qui devrait être approximativement à $5 millions de commissions
alors que, déjà, $6 350 000 ont été payés
et, apparemment, il nous reste encore $810 000 à payer,
c'est-à-dire qu'on paiera $7 150 000 alors que, d'après le
pourcentage qu'on a donné tout à l'heure sur le prix des bateaux,
j'arrive à $5 millions. Il y a une différence de $2 millions
là-dessus.
M. Coulombe: Je sais que M. le ministre m'a questionné
là-dessus. Cela a été une de ses questions.
M. Tremblay: Pouvez-vous nous donner trois ou quatre minutes. On
va trouver cela dans le rapport. On pourra donner le chiffre exact.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Biron: Je sais que le ministre va questionner
là-dessus, cela a été u'ne de ses questions.
M. Tremblay: Merci beaucoup, M. le Président. L'exercice
que nous faisons présentement est soit une autopsie, soit la
reconstitution d'un casse-tête, c'est pratiquement un interrogatoire de
cour. Je pense que l'image globale de la situation appelée bateaux
commence à figer. Il y a deux gros morceaux du casse-tête qu'il
reste peut-être à préciser. Ces deux morceaux du
casse-tête sont les contrats qu'avait passés l'armateur, la teneur
de ces contrats et les renégociations de ces contrats, leurs faiblesses
qui a coincé Marine avec des commandes de fournitures et
d'équipement de $100 millions alors que les contrats valaient peu.
L'autre question, c'est la question des commissions et de la nature
spéciale des commissions qui existaient dans le cas des navires grecs.
Je vais essayer, en dix ou quinze minutes, d'avoir quelque chose de
précis autant que possible. C'est évident que c'est un
casse-tête qui est tellement gros qu'on ne peut pas aller dans tous les
recoins, mais, au moins, il faut être très clair sur ces deux gros
morceaux qui, finalement, éclairent toute la question, à mon
avis.
Je pense que c'est M. Picard qui a eu peut-être la phrase la plus
claire. Il a dit, à la suite de la remarque de M. Rochette qui disait
que c'était le contrat du siècle évidemment, il a
cessé d'être le contrat du siècle après les six
premiers bateaux C'est que le Grec avait un contrat, mais Marine n'en
avait pas.
M. Picard: C'est à peu près cela.
M. Tremblay: Légalement, il y avait des contrats, mais
c'étaient des contrats pleins de trous qui permettaient au Grec de s'en
sortir si la situation allait mal pour lui, mais, si cela allait bien, Marine
devait faire la livraison. Donc, pile, il gagnait; face, il gagnait.
Evidemment, on a renégocié les contrats à quelques
occasions, mais Marine avait toujours le couteau sur la gorge et, à
chaque renégociation, finalement, cela a été dans des
conditions encore moins favorables.
Je pense que la meilleure façon de résumer cela, c'est
à la page 9 du mémoire du rapport qui a été
distribué aux membres de la commission qui s'appelle: Marine Industrie
Ltée, Document d'information pour la commission parlementaire de
l'industrie et du commerce, le 30 novembre 1978, à la page 9, où
on voit très clairement qu'à partir du printemps 1976, Marine
était dans une situation de vulnérabilité terrible face
à cet armateur et de vulnérabilité très grande face
à la SEE, à la Banque de Montréal. La SEE n'avait pas pris
suffisamment de garanties. Elle se retrouvait avec quelqu'un, comme disait M.
Simard, qui l'envoyait vers la Banque Hellénique etc. Le Grec n'avait
pratiquement pas de pénalité s'il ne versait pas les montants.
Non seulement cela, mais Marine avait passé des contrats avec des
compagnies panaméennes qui avaient $1000 d'actif. Donc, il avait pris
toutes les précautions pour pouvoir s'en sortir sans trop de dommage si
c'était nécessaire. Autrement dit, c'était quelqu'un
d'expérimenté et qui jouait aux échecs, mais en regardant
deux ou trois mouvements à l'avance.
Donc, au printemps de 1976... Je vais lire la page 9, du moins les trois
quarts de la page 9, parce que c'est là qu'on a toutes les
réponses, finalement, congelées. "Au début de 1976"
et cela traite du premier contrat, le premier type de contrat que Marine avait
sur les dix bateaux, une fois que les six ont été vendus à
la France et deux à l'Algérie "au début d'avril
(1976), aucune avance n'avait encore été payée sur les
prêts consentis en décembre 1975." Il faut bien se rappeler que
Marine s'était engagée, en avril ou mars 1975, auprès de
ses fournisseurs, pour $100 millions et, comme a dit M. Picard, à la fin
de 1975, il n'v a pas eu de "closing". Marine, comme on dit en anglais: "was
twisting slowly in the wind". "L'armateur indiqua aux procureurs de la Banque
de Montréal et de la SEE, lors d'une assemblée tenue à
Londres, qu'il n'était pas prêt à déposer les
garanties "collatérales" promises." Autrement dit, l'armateur a dit
à la SEE: Allez au diable. N'est-ce pas, M. Simard? C'est pas mal cela
qu'il a dit; en grec, probablement, je ne le sais pas. "Quelques jours plus
tard toujours au printemps de 1976 Marine reçut une
demande de l'armateur en vue de consentir à l'annulation de l'ensemble
desdits contrats et de lui indiquer ce qu'il en coûterait en termes
d'amendes et de pénalités."
Donc, au printemps de 1976, le Grec avait décidé de casser
les contrats. C'est clair. Comme il s'était organisé pour les
casser, ce n'est pas surprenant qu'il ait réussi. "A titre
d'alternative, il proposait de réduire le prix de quelque $2 millions
chacun et d'éliminer les clauses "escalatoires" du contrat." Autrement
dit, le couteau sur la gorge, Marine: Cassez-le pas parce que vous avez $100
millions de fournitures, vous allez payer, vous allez baisser les prix, vous
allez vous sacrifier; autrement dit: négociez un "buyer's market".
Marine Industrie rejeta les deux propositions à la lumière
des déboursés de $13 millions ainsi que des engagements pour
l'achat de matériel au montant de $60 millions déjà
encourus à cette date. En septembre 1976, les négociations se
soldèrent par un amendement au contrat, on parle d'un deuxième
type de contrat, Marine Industrie consent finalement à un
deuxième type de contrat, comportant la réduction des dix
contrats à six on en a laissé quatre et gardé six
une réduction du prix de chacun de ces derniers de l'ordre de $1
750 000, le partage à parts égales des frais d'annulation sur le
matériel et le maintien des clauses d'escalation du prix de vente.
Il faut dire que selon les contrats, si j'ai bien compris, l'armateur
grec s'était engagé, dans les premiers types de contrat, à
dédommager Marine Industrie pour toute annulation. Le couteau sur la
gorge, Marine Industrie a accepté d'en dédommager la
moitié. Il y a plus que ça. La SEE, Société pour
l'expansion des exportations, pour sa part, exigea de Marine Industrie, une
garantie de $7 millions, elle n'augmentait pas les garanties au Grec, elle en
avait demandé, mais elle avait oublié de les faire "paragrapher".
N'est-ce pas, M. Simard? Vous souriez, mais c'est vrai. La SEE, dans cela,
c'est une bande d'imbéciles, n'est-ce pas?
Une Voix: Parapher.
M. Tremblay: En tout cas, continuons. Une garantie de $7 millions
qui assurerait la livraison des navires, donc Marine Industrie est en train de
couler et on lui demande $7 millions, suivant les termes et conditions des
contrats. Forte de cette garantie ils sont braves, les gens de la SEE
la SEE se réservait l'option de continuer la construction en cas
de défaut de l'armateur. Une deuxième garantie consentie par
Marine Industrie et la Société générale de
financement prévoyait le paiement à la SEE, encore, en cas de
défaut de l'armateur l'armateur avait déjà
décidé, au printemps de 1976, qu'il voulait s'en sortir, les
contrats étaient pleins de trous, tout le monde savait que l'armateur
allait pouvoir s'en sortir, je présume dans les cinq ans
après la livraison de chaque navire, de toute différence,
jusqu'à concurrence de $5 millions entre le produit net d'une vente et
l'endettement de l'armateur à ce moment-là.
Autrement dit, la SGF était obligée d'ajouter une garantie
de $30 millions, n'est-ce pas? Donc, non seulement le Grec a mis le couteau sur
la gorge de Marine Industrie, lui a fait baisser les prix, etc., mais la SEE
aussi a mis le couteau sur la gorge de Marine Industrie et de la SGF, au cours
de l'année 1976.
Je pose la question à M. david. Est-ce vrai, ce qu'on vient de
lire ici dans le rapport que nous a donné la SGF? Est-ce conforme
à la réalité?
M. David: C'est exact.
M. Tremblay: Je trouve ça scandaleux. Est-ce que vous
trouvez ça scandaleux? La SEE avait oublié de faire respecter,
par l'armateur, ses garanties, parce qu'il y avait $25 millions de garantie sur
ses propres bateaux, plus une garantie personnelle de $5 millions. Elle avait
oublié. Evidemment, en oubliant, le Grec était libre comme l'air.
Et c'est Marine Industrie qui avait commandé ses $100 millions de
pièces au printemps de 1975, qui a ramassé les morceaux. Mais au
lieu de collaborer à aider Marine Industrie à se sortir du trou
financièrement, on lui imposait des garanties sur garanties,
hypothéquant non seulement Marine Industrie, mais la SGF dans sa
totalité. N'est-ce pas, M. Picard? Vous avez fait un geste, je pensais
que vous...
M. Picard: Non.
M. Tremblay: C'est un point central de tout le casse-tête.
On ne peut pas réparer les problèmes, mais on voit que c'est le
coeur du problème, en l'année 1976, Marine Industrie avait ses
carottes cuites. Celui qui mettait du bois dans la fournaise, c'était la
SEE pour faire bouillir les carottes. L'armateur grec s'était
organisé pour avoir des contrats pleins de trous et, dans la
terminologie de M. Picard, ce n'était pas des contrats. Il n'y avait
certainement pas de contrats de financement de la part de la SEE, puisqu'il n'y
avait jamais eu de "closing".
Bon, il faut que ce soit très clair. On pourrait discuter pendant
trois mois de ces affaires et entrer dans les demi-virgules. Je pense que c'est
pas mal clair. Il n'y a personne qui collaborait avec Marine Industrie. Marine
Industrie était laissée toute seule. La SGF était
pratiquement laissée toute seule aussi. Je trouve cela un peu
déplorable que les institutions financières
évidemment, la Banque de Montréal, on peut peut-être
comprendre mais que la Société d'expansion des
exportations, ayant été fautive dans ce dossier en n'ayant pas
surveillé les garanties que le Grec devait accorder, avant d'envoyer ce
télex disant qu'il y avait financement on fonctionnait par
télex, imaginez-vous que SEE ait laissé tomber Marine
Industrie et lui ait imposé, le couteau sur la gorge, garantie sur
garantie, ce qui a grevé sa solvabilité. Evidemment, le moindre
petit coup par après faisait que non seulement Marine Industrie pouvait
être insolvable, mais même la SGF pouvait être insolvable.
Ceci a obligé le gouvernement, au cours de l'été 1977,
l'été passé, à demander à la SDI d'ajouter
une autre garantie de $115 millions pour que ces messieurs de la SEE continuent
à financer la construction.
Je pense que c'est le coeur du problème. J'espère qu'il
est clair aux yeux des membres de la commission.
Je ne porte pas d'accusation. C'est un bourbier. C'est malpropre. C'est
sale. J'en reviens à la question des commissions. J'aimerais poser
quelques questions à la fois à M. Coulombe, président de
la SGF, de même qu'à M. Simard et à M. Ro-chette.
On a dit tout à l'heure que la SGF, en 1978, a fait faire des
examens par des vérificateurs, sur la question des commissions. Je crois
que la SGF et ses filiales fonctionnent dans un monde de concurrence. Ce n'est
pas l'Hydro-Québec, c'est un monde de concurrence. Elles ont des
positions de marché, de production, des positions légales face
à cet armateur. Il m apparaîtrait dangereux et contraire à
l'intérêt public de donner ses propres rapports, les rapports que
la SGF a.
Par contre, est-ce que vous pouvez nous donner les principales
constatations qui ont découlé de l'étude que vous avez
fait faire par les vérificateurs sur la question des commissions? Il ne
faut pas jouer aux fous avec cela. Les commissions variaient comme un yoyo: de
0,75% jusqu'à 3%, 5% , a dit M. Rochette. Il y a une explication
à cela. Il y a certainement une explication. Est-ce que vous pouvez me
donner les constatations générales auxquelles vous en êtes
venus à la suite du travail des vérificateurs?
M. Coulombe: En même temps, pour répondre à
M. Biron et au point de vue faits, pour éclairer ma réponse: pour
les navires 416 à 421, selon l'engagement de Marine Industrie du 31
juillet 1973, il a été payé $1 400 000, le 3 octobre 1973;
$116 000, le 24 juillet 1975; $116 000 au mois d'octobre 1975; $116 000 au mois
de mars 1976; $116 000 au mois d'avril 1976; $116 000 au mois de juin 1976 et
$116 000 au mois d'août 1976, pour un total de $2 100 000, pour les
coques 416 à 421.
Les coques 422 à 435, les douze autres navires, selon...
M. Tremblay: Ils n'ont jamais été
livrés.
M. Coulombe: Non, une partie n'a jamais été
construite.
M. Tremblay: Une partie n'a jamais été construite
et une autre partie n'a jamais été livrée.
M. Coulombe: II a été payé, le 14 octobre
1975, $2 millions.
M. Tremblay: D'accord.
M. Coulombe: Le 26 janvier 1976, $1 million; le 28 janvier 1976,
$1 million; le 10 décembre 1976, $126 000, lors de la livraison du 422;
et le 25 février 1977, à la livraison du 423, $126 000, pour une
autre somme de $4 253 332.
M. Perron: C'est pour 422 à 433?
M. Coulombe: C'est de 422 à 433. Il faut se rappeler que
les 430, 431, 432 et 433 ont été annulés. Ils n'ont pas
été construits.
M. Tremblay: Et le montant global de toutes ces commissions?
C'était dans le rapport.
M. Coulombe: $4 250 000 plus $2 100 000, ce qui fait $6 355 000
et il reste un solde de $810 000.
M. Tremblay: Donc, ces commissions ont été
versées.
M. Coulombe: Elles ont été versées à
la date que je vous ai mentionnée et pour l'ensemble des bateaux,
même pour ceux qui n'ont pas été construits.
M. Tremblay: C'est le problème...
M. Biron: Si le ministre veut me permettre...
M. Tremblay: D'accord!
M. Biron: C'est pour m'éclairer davantage. Sur les 422
à 433, quatre ont été annulés, six nous restent ici
sur les mains, cela veut dire qu'il reste deux bateaux, en particulier, sur
lesquels on a payé...
M. Coulombe: C'est deux qui ont été livrés
aux Algériens.
M. Tremblay: En Algérie.
M. Coulombe: C'est cela. Pour les deux qui ont été
livrés aux Algériens, finalement, on a payé $4 millions en
commissions.
Une Voix: ... Est-ce cela?
M. Coulombe: Non, non. Les sommes que je vous donne sont pour les
douze navires.
M. Biron: Oui, mais il y en a quatre sur les douze qui ont
été annulés. Nous en avons six sur les bras, ils ne sont
pas livrés.
M. Coulombe: Si je comprends bien le dossier, les commissions ont
été payées même si les bateaux n'ont pas
été construits.
M. Biron: C'est cela.
M. Tremblay: Cela amène la question évidente, bien
sûr, et M. Rochette sourit. D'après les dates, il est
évident qu'on a versé les commissions avant la livraison des
bateaux. Est-ce la pratique courante? On faisait allusion, tout à
l'heure, au travail de courtier lorsqu'on achète une maison.
Habituellement on paie le courtier après que la transaction est
terminée. Dans le cas qui nous intéresse, non seulement les
commissions ont été versées avant la livraison des
bateaux, mais avant même qu'on commence à les construire, puisque
certains n'ont jamais été construits, et il y a eu des
commissions de versées sur ces bateaux, n'est-ce pas?
M. Rochette: Est-ce à moi que vous posez la question?
M. Tremblay: Oui, M. Rochette. J'essaie de comprendre, parce que
je pense qu'il y a moyen de comprendre. Est-ce la procédure normale? On
revient toujours à la même question. M. Russell avait posé
la question à M. Simard. Est-ce la procédure normale dans ce
marché international des bateaux de verser aux courtiers les commissions
avant même que les bateaux ne commencent à être construits
et, par conséquent, avant livraison?
M. Simard (Arthur): M. Rochette va répondre à cela
parce que c'est lui qui donne les...
M. Rochette: Je regrette...
M. Tremblay: Oui, M. Coulombe.
M. Coulombe: II y a eu une annulation du versement dû
à la livraison des navires 430 à 433, les quatre
annulés.
M. Tremblay: Un instant! C'est très important ce que vous
dites là. Vous dites que, sur les bateaux qui n'ont jamais
été construits, il n'y a pas eu de commission de
versée.
M. Coulombe: Oui, il y a eu $500 000 d'annulés et il y a
eu un versement de $50 000 en considération de l'annulation.
M. Tremblay: On a donc abaissé la... Autrement dit, c'est
un forfaitaire par bateau annulé. C'était $440 000...
M. Coulombe: Cela a coûté $50 000 pour annuler les
quatre.
M. Tremblay: ... et on aurait baissé cela à $50
000. Mais, sur les autres bateaux, la commission avait été
versée avant la livraison. Est-ce la procédure normale de verser
des commissions avant la livraison?
M. Rochette: M. le Président, pour répondre
à cette question, je ne crois pas qu'il y ait de procédure
normale, c'est cas par cas. Dans chaque cas, à ma connaissance, il y a
eu des commissions de versées. C'est une entente qui intervenait en
même temps que la signature du contrat et en même temps que les
paiements progressifs sur ce contrat-là étaient terminés.
La première condition, c'est qu'il fallait que les paiements progressifs
soient suffisants pour payer les dépenses encourues plus les
commissions. Autrement dit, à la signature d'un contrat, s'il y a un
paiement de X millions de fait, à ce moment-là, il faut que ce
paiement puisse permettre de payer cette commission et de payer les
dépenses que le chantier devra encourir jusqu'au prochain paiement fait
par l'armateur. C'est cas par cas. Il y a eu un événement qui a
affecté un peu le processus normal dans le cas de ce contrat. Les
paiements progressifs qui avaient été faits par l'armateur
sur
les premiers navires et qui étaient assez substantiels ont
été transférés à la Société
Delmas-Vieljeux lorsqu'elle a acheté ces contrats. A un moment
donné, on s'est rendu compte, après la vente à
Delmas-Vieljeux, et ensuite après la vente aux Algériens de deux
navires, que l'équité de l'armateur dans l'ensemble des contrats
a diminué du fait qu'il avait vendu son équité à
d'autres armateurs. Mais, tout de même, les paiements qu'il a faits ont
toujours au moins égalé ou dépassé les commissions.
Je n'étais pas là quand les contrats ont été
annulés, mais il me semble que si j'avais été
impliqué, une des conditions que j'aurais mises, cela aurait
été l'annulation des commissions et même le remboursement.
Cela aurait dû faire partie de la négociation. Peut-être que
cela en a fait partie. Je ne le sais pas. Il a dû y avoir toutes sortes
de choses qui ont fait partie des négociations à ce
moment-là, mais comme je n'ai pas été impliqué, je
ne peux pas savoir si ces points en particulier, ont été
négociés. Cela aurait été normal que les
commissions soient totalement annulées ou même remboursées
dans certains cas.
M. Coulombe: Avec toutes les acrobaties de ce genre de choses, la
réalité est la suivante: Sur les navires qui ont
été annulés, il y avait déjà eu des
paiements de faits, quatre navires. Sur ces quatre bateaux, il devait se payer
$1 840 000 de commissions...
M. Tremblay: Ce sont les $440 000 par bateau auxquels on faisait
allusion tout à l'heure?
M. Coulombe: ... c'est cela, $460 000 par bateau.
M. Tremblay: $460 000?
M. Coulombe: $460 000, oui. Il restait un solde de $506 000
à payer là-dessus, à la livraison. Comme ils ont
été annulés, les $50 000 ont en quelque sorte
acheté ces $500 000. Le reste qui avait déjà
été payé pour ces bateaux, $1 300 000, n'a pas
été remboursé. Il a été ajouté au
prix des six contrats des bateaux qu'on a actuellement.
M. Tremblay: Une fuite en avant? M. Coulombe: C'est
cela.
M. Tremblay: Au lieu de rembourser on a dit: On va vous payer
plus cher les bateaux qui s'en viennent...
M. Coulombe: C'est cela.
M. Tremblay: Comme il travaillait, évidemment, pour
annuler les contrats de ces bateaux... Une minute! Une chatte qui ne retrouve
plus ses petits! Comment a-t-on pu accepter un pareil "deal", alors qu'on
savait que l'armateur faisait des pieds et des mains pour se désengager
de ses contrats? Alors, il nous dit: Le montant de $1 800 000, ne vous en
faites pas, ajoutez cela sur le prix des bateaux qui s'en viennent. Qui
était en charge de Marine à cette époque?
M. Picard: C'est moi, M. le ministre. La réponse est
très simple. M. Karageorgis nous offrait de négocier les bateaux,
les contrats n'étaient pas exécutoires. Il posait les conditions
qu'il voulait, c'était aussi simple que cela. On n'avait aucune force de
négociation. Si on avait dit: Remettez les commissions, il aurait dit:
Oui, mais on va couper $1 million de plus dans les profits. On n'avait
strictement aucune force de négociation.
M. Tremblay: II vous avait par la corde et il vous faisait
danser.
M. Picard: Oui.
M. Tremblay: Je reviens toujours à l'allié que vous
auriez pu avoir, cela aurait été la SEE.
M. Picard: Dans la négociation sur les prix et ainsi de
suite, sur la renégociation de contrats qui n'avaient jamais
été signés, la SEE n'est pas intervenue.
M. Tremblay: On voit l'image. Evidemment, c'est une image assez
pathétique, mais on la voit assez clairement. J'aimerais poser quelques
petites questions pour éclairer encore mieux cet aspect. Ces
damnées commissions, assumant que c'est normal que l'on paie des
commissions, ce que je trouve moins normal, c'est qu'elles fluctuent comme des
yo-yo, mais il y a des commissions... Comment étaient-elles
versées, ces commissions? Est-ce que c'était par chèque,
parce que cela passait par les Bermudes? Est-ce que c'était en lingots
d'or ou quoi? Comment ces commissions sortaient-elles?
M. Coulombe: Par des transferts bancaires.
M. Tremblay: Des transferts bancaires autorisés par qui et
sous quelle forme? Par écrit?
M. Coulombe: Le vice-président de Marine pourrait
l'expliquer. M. Léveillé, vice-président de Marine.
M. Léveillé: Les officiers en place, à ce
moment, donnaient des instructions au trésorier qui donnait des
instructions à la banque de faire des transferts.
M. Tremblay: Par écrit, par téléphone ou par
télex?
M. Léveillé: Par téléphone. Le
trésorier donnait les instructions par téléphone, mais les
officiers de Marine avaient à approuver la facture de commissions.
M. Tremblay: Est-ce que c'est normal qu'une banque accepte des
appels téléphoniques sembla-
blés pour effectuer des transferts de fonds aussi importants au
plan international?
M. Léveillé: Disons que, le lendemain, la banque
envoyait un avis de transfert et avait débité le compte de banque
de Marine.
M. Tremblay: Un appel téléphonique, n'importe qui
pourrait téléphoner à une banque et dire:
Transférez-moi $1 800 000 à un compte aux Bermudes!
M. Léveillé: Normalement, il y a toujours une
lettre, le lendemain, qui confirme les instructions de...
M. Tremblay: Est-ce qu'il envoyait la lettre, finalement, ou
si...
M. Léveillé: Dans certains cas, il n'y a pas eu
de...
M. Tremblay: Dans certains cas, il n'y avait même pas de
lettre. Est-ce qu'on considérait le versement des commissions comme
étant quelque chose de normal ou si c'est quelque chose qu'il fallait
cacher ou camoufler, pour ne pas laisser de traces écrites sous forme de
lettres?
M. Léveillé: Non, il y a quand même des
documents qui approuvent le déboursé chez Marine. Les
employés du service de la trésorerie de Marine transigeaient
constamment avec la banque, demandaient des transferts pour les fournisseurs.
Pour eux, c'était un fournisseur qu'ils payaient comme tout autre
créancier de Marine.
M. Tremblay: Quand vous dites que les officiers de Marine
approuvaient ce genre de transactions et donnaient l'ordre au trésorier
de téléphoner, faites-vous allusion au conseil d'administration,
au président, au vice-président ou quoi? (23 h 30)
M. Léveillé: Je veux parler des
vice-présidents d'opération, les officiers à
l'intérieur de Marine Industrie.
M. Tremblay: Si je me rappelle bien, je pense qu'avant le
dîner, M. Simard a dit: Quand j'étais président du conseil,
je n'étais pas en charge des opérations et je n'étais pas
au courant de ce qui se faisait quant au paiement des commissions. Il y a une
question de régie interne et de règle de gestion à
l'intérieur de Marine Industrie. Est-ce qu'un officier avait une
latitude pour effectuer des paiements qui étaient plafonnés
à un certain montant? Par exemple, souvent, dans une compagnie, on va
permettre à un président, à un vice-président de
signer des montants de $25 000 ou $50 000. Quand cela dépasse un certain
montant, il faut que ce soit contresigné par deux personnes: le
président et le vice-président; on exige plusieurs
signatures.
Dans le cas de Marine Industrie, on versait quand même quelques
millions de dollars, ce n'était pas des montants de $25 000. Est-ce que
cela se faisait sous une signature, deux signatures ou si ce n'était que
verbal? Je pose la question à M. Rochette.
M. Rochette: M. le ministre, dans le cas des commissions, c'est
une convention qui est intervenue entre le chantier et le courtier. Cette
convention prévoyait le montant de la commission et les termes de
paiement à des dates précises ou à des
événements précis, la livraison d'un navire, par exemple.
Cette convention était signée par deux vice-présidents de
Marine Industrie ou un vice-président et le secrétaire, je crois,
peut-être, M. Asselin, je ne me souviens pas; mais il y avait deux
signatures, de toute façon.
M. Tremblay: Puisque M. Simard, qui était président
du conseil, n'était pas au courant, est-ce que le président, M.
Fillion, chef des opérations, était au courant?
M. Rochette: Pardon?
M. Tremblay: J'essaie de comprendre. Le président du
conseil d'administration de Marine Industrie, à cette époque M.
Simard, nous a dit tout à l'heure que sur cette question des
commissions, il n'était pas au courant. Maintenant, vous me dites
qu'habituellement, pour avoir ce protocole, ces contrats de commissions, on
exigeait deux signatures. M. Fillion, à l'époque, était le
président de Marine Industrie, chef des opérations et vous
n'étiez que le vice-président. Voici la question que je pose:
Est-ce que M. Gérard Fillion était au courant ou participait au
versement de commissions avec vous et le secrétaire, ou si ce
n'étaient que vous et le secrétaire qui avaient la mission de
s'occuper des commissions?
M. Rochette: Laissez-moi expliquer un peu. Je n'ai jamais
participé au paiement des commissions. J'ai dit que l'entente intervenue
entre le courtier et Marine Industrie était signée par deux
officiers de la compagnie. Je crois que dans le cas des six premiers navires,
c'était M. Hacken et M. White qui ont signé au Pirée.
Quant aux douze navires suivants, je crois que j'étais un des deux
signataires, le deuxième était soit M. Asselin, soit M. White, je
ne pourrais pas l'assurer sans voir le document. Une fois cette convention
intervenue, par la suite, quand une commission devait être remise, le
courtier nous envoyait une facture. Si cette facture arrivait à mon
attention, je demandais à Me Asselin ou à un autre de
vérifier si c'était conforme aux termes de l'entente et, si oui,
de le payer; mais je ne me suis jamais occupé du paiement. La
façon dont c'était payé, je l'ignore.
M. Tremblay: On comprend peut-être un peu mieux. Il y avait
eu une convention avec le courtier. Comment s'appelait-il?
M. Rochette: Simpson, Spence & Young.
M. Tremblay: Ce courtier vous envoyait une facture à
partir de ses bureaux des Bermudes, vous passiez ces factures à M.
Léveillé qui téléphonait à la banque et
c'était transféré.
M. Léveillé: Je n'étais pas à Marine
Industrie à ce moment-là.
M. Rochette: J'aimerais faire une petite mise au point. La
convention, pour autant que je me souvienne, était signée avec
Simpson, Spence & Young, Londres. Par la suite, je crois qu'ils nous ont
demandé, lorsque nous faisions des paiements, de les remettre à
leur succursale des Bermudes. Je ne crois pas que la convention ait
été signée avec Simpson, Spence & Young des Bermudes,
c'était à Londres, à leur siège social. Par la
suite, ils ont demandé que les paiements soient dirigés vers les
Bermudes.
M. Tremblay: Je crois comprendre cette opération. L'autre
point qui est un peu obscur, je demanderais aux témoins d'essayer de
nous éclairer, c'est sur le volume des commissions. Pourquoi
était-ce important... Avant 1973, la commission était de 1% sur
les sept bateaux français; lorsqu'on est arrivé aux bateaux
grecs, elle est monté à 3%, peut-être à 5%, mais en
moyenne, à peu près à 3%.
M. Rochette: Cela n'a rien à voir avec les bateaux grecs.
Quand j'ai mentionné, tout à l'heure...
M. Tremblay: Cela pouvait aller jusqu'à 5%, c'est
cela.
M. Rochette: Pas avec ces bateaux-là. M. Tremblay:
... ces bateaux-là.
M. Rochette: II y a des courtiers qui nous demandent 5%
lorsqu'ils nous approchent, d'autres nous demandent 2%, 3%; d'autres nous
demandent 1%.
M. Tremblay: D'accord. J'essaie de faire un graphique. Avant
1973, pour les sept bateaux vendus aux Français c'était à
peu près 1%, c'est monté à 3% avec les bateaux pour les
Grecs, après cela avec les bateaux pour les Polonais et les bateaux pour
les Cubains...
M. Rochette: II n'y a pas eu de commission pour les bateaux
vendus aux Cubains.
M. Tremblay: II n'y avait pas de courtier?
M. Rochette: II n'y avait pas de courtier. C'était
directement avec le gouvernement de Cuba.
M. Tremblay: C'est à cause du socialisme. Il y a des
avantages là. Donc, il y a eu quand même avec les bateaux pour le
Grec des pourcentages qui dépassaient la coutume, du moins
récente et postérieure, chez Marine. Là, ce serait bon si
on pouvait en comprendre le pourquoi. Il doit y avoir une explication logique.
Il y a toujours une explication pour les choses. Une explication serait que
puisque Marine acceptait d'ajouter au prix des bateaux la commission qu'elle
versait au courtier, à la demande de l'armateur...
M. Rochette: Du consentement de l'armateur.
M. Tremblay: Du consentement de l'armateur. Le mot est important
selon vous? Ce n'est pas à la demande, c'est plutôt du
consentement.
M. Rochette: Ce n'est pas à la demande, c'est du
consentement de l'armateur.
M. Tremblay: Du consentement de l'armateur. Marine se disait:
Pourquoi pas? On va plaire à un bon client. On lui souffle sa facture de
3%. Cela permet d'obtenir du gouvernement fédéral 10% sur une
facture soufflée. 17% de...
M. Rochette: C'est le courtier qui le demande. C'est le courtier
qui demande une commission et l'armateur consent à ce que...
M. Tremblay: Mais ce damné courtier, il travaillait pour
qui? Est-ce qu'il travaillait pour l'armateur ou pour Marine ou pour les deux
en même temps?
M. Rochette: C'était le courtier attitré de
Kara-georgis, mais à ce moment-là il travaillait comme un agent
d'immeuble. On peut dire qu'il travaille pour le vendeur ou pour l'acheteur,
dépendant de quelle façon vous le regardez. Il travaille surtout
pour lui.
M. Tremblay: Oui, je comprends...
M. Perron: C'était le courtier attitré de
Kara-georgis et non pas de Marine.
M. Rochette: Non. Marine fait affaires avec n'importe quel
courtier qui offre de lui amener des clients, la même chose que chez
Davie. Un courtier vient nous présenter une affaire. Il dit: Je peux
vous présenter à un client et si je réussis à faire
la vente pour vous, ma commission sera de X. C'est comme cela que...
M. Tremblay: Donc, le client, l'acheteur, parce qu'on a
établi que c'était un "buyer's market", le client avait
imposé son propre courtier à Marine.
M. Rochette: C'est-à-dire que c'est le courtier qui nous a
présenté à Karageorgis, mais c'est le courtier de
Karageorgis. Il est venu nous voir et il nous a dit: J'ai un client qui est
intéressé à acheter une série de navires chez-vous.
Voulez-vous faire affaires avec moi.
M. Tremblay: Donc, le courtier recevait 3,03%.
Je m'excuse, on a établi cela en pourcentage, mais
vous-même vous avez établi que ce n'était pas en
pourcentage dans la convention...
M. Rochette: C'était un montant fixe.
M. Tremblay: ... c'était un montant fixe qui a
augmenté et qui est allé jusqu'à $460 000 par bateau.
M. Rochette: Parce que les derniers navires valaient beaucoup
plus cher que les premiers.
M. Tremblay: D'accord. Ces $460 000 par bateau étaient
versés au courtier Simpson, Spence and Young International Development
Agencies des Bermudes. D'accord? C'était un gros montant. Ce montant
était payé ou du moins devait être payé par
l'armateur qui avait vu son prix soufflé.
M. Rochette: C'est cela.
M. Tremblay: Donc, c'était un armateur qui aimait beaucoup
son courtier. Evidemment l'armateur pouvait se dire: 17% de la subvention, le
prix étant soufflé, je gagne un petit peu du gouvernement
fédéral. Le gouvernement fédéral payait un peu de
cette commission soufflée.
M. Rochette: Si le gouvernement l'a payée, ce que
j'ignore.
M. Tremblay: Je demanderai peut-être à M. Coulombe
tout à l'heure. Je présume que cela a été
payé. Est-ce que c'est un procédé... C'est un
procédé qui m'apparaît un peu douteux, que l'on ait
gonflé les prix. Mais je peux concevoir que Marine essayait de plaire
à son armateur, afin de garder de bonnes relations. Maintenant et
là je pose la question compte tenu que c'était I armateur
qui devait payer cette grosse commission, qui était plus grande que
d'ordinaire, est-ce qu'il est logique de croire que le courtier gardait toute
la commission pour lui?
M. Rochette: Je l'ai dit plus tôt aujourd'hui, je l'ignore.
Il faudrait le lui demander et au courtier. Est-ce que le courtier lui rendait
par ailleurs d'autres services pour lesquels il ne le payait pas parce qu'il
avait été payé à même cette commission, je
l'ignore. Je ne peux pas répondre à cette question.
M. Tremblay: Oui, c'est une question à laquelle il est
difficile de répondre, mais c'est une question qu'il est légitime
de se poser. Est-ce que le courtier était le bénéficiaire
ultime des commissions?
M. Rochette: Je l'ignore.
M. Tremblay: M. Rochette dit qu'il I'ignore. Parce que le
député de Brome-Missisquoi a mentionné tout à
l'heure que peut-être qu'il y avait une présomption que l'armateur
qui devait payer les prix gonflés, qui aurait pu recevoir des
commissions en provenance de son courtier, se servait peut-être de ces
fonds pour faire les avances à Marine, de sorte que, dans une telle
circonstance, l'armateur aurait fait des avances à Marine Industrie avec
les fonds que Marine Industrie lui versait en commission.
M. Russell: Je présumais que cela se faisait, mais je
trouvais que les montants se ressemblaient beaucoup.
M. Tremblay: Oui, c'est ce que l'on essaie de faire, cerner un
peu plus cette affaire. Peut-être que c'est impossible, parce que M.
Karageorgis n'est pas ici, MM. Simpson, Spence, Young ne sont pas ici, et je
présume que le ministre fédéral de l'Industrie et Commerce
n'est pas ici, parce que... Je pose la question, est-ce que le ministère
fédéral de l'Industrie et du Commerce était au courant que
la subvention de 17% qui était versée portait sur un prix qui
avait été gonflé par une commission à un courtier
des Bermudes qui était plus forte que l'ordinaire?
M. Rochette: Dans tout contrat sur lequel une subvention
fédérale est payée, il faut déclarer ce qu'on
appelle le contenu non canadien du contrat, alors, nous faisons une liste des
paiements qui seront faits à l'étranger pour l'achat des moteurs
ou des génératrices, ou différentes pièces et, sur
cette liste, était mentionnée la commission et à qui elle
serait payée. C'est à la suite de cette déclaration
qu'Ottawa nous a demandé d'obtenir de Simpson, Spence and Young une
déclaration formelle comme quoi il n'y avait pas de lien corporatif
entre cette firme et M. Karageorgis. Ils ont fait cette déclaration qui
a été envoyée à Ottawa.
M. Tremblay: ... habituellement, c'est le contraire.
M. Rochette: M. Tremblay, j'aimerais ajouter une chose...
M. Tremblay: ... mais pas à son propre profit, au profit
d'un Grec. Oui, M. Rochette.
M. Rochette: J'aimerais ajouter qu'on parle toujours de ces
contrats parce qu'ils ont mal tourné, dans le cas des six premiers qui
ont été revendus à Delmas-Vieljeux, les deux aux
Algériens, mais ces contrats ont été des contrats à
grand succès, et la commission qui a été payée au
courtier, qui était une des conditions pour faire affaire, si nous
avions refusé de l'accepter, nous n'aurions pas eu de contrat du
tout.
M. Martel: M. Rochette, sur les bateaux français auxquels
vous faites allusion, il y avait tout de même encore des pertes de $20
millions à Marine Industrie à ce moment-là?
M. Rochette: Sur...
M. Martel: Sur les bateaux qui ont été vendus, les
bateaux français.
M. Rochette: Non, sur les six navires de M. Karageorgis qui ont
été vendus à Delmas-Vieljeux, après que M.
Karageorgis eut signé ces contrats avec nous, Marine Industrie a fait
une moyenne de $1 500 000 de profit par navire quelque chose du genre.
M. Martel: II y a des bateaux qui ont été vendus
avant, les bateaux français...
M. Rochette: La première série, en 1971.
M. Martel: ... il y avait $20 millions de déficit à
ce moment-là.
M. Rochette: La première série en 1971.
M. Martel: D'accord. Je voulais vous demander, si vous permettez,
M. le ministre, qui était en charge des opérations
financières à Marine Industrie à ce moment-là,
est-ce que c'était M. Maurice Provencher?
M. Rochette: Non, en 1971, c'était M. René
Barrière.
M. Martel: M. Barrière.
M. Rochette: Oui.
M. Martel: II n'est plus à Marine Industrie.
M. Rochette: II est décédé.
M. Martel: D'accord.
M. Tremblay: J'aurais deux dernières questions sur cette
question des commissions. La première, je la poserais à M.
Simard. On a augmenté les commissions de $350 000 par bateau à
$460 000, à un moment donné la convention a donc
été changée avec le courtier. La question était
évidente, est-ce que ces changements dans la nature des accords
étaient autorisés par le conseil d'administration ou si
c'était complètement à l'extérieur du conseil
d'administration que ce genre d'accords étaient conclus?
M. Simard (Arthur): Cela arrivait au conseil d'administration
pour un montant global et non pas divisé au conseil d'administration, on
n'avait pas toute la liste des fournitures c'était un montant global.
Quand on parlait d'un contrat et que le contrat était augmenté,
parce que les bateaux avaient coûté plus cher, si la commission
était augmentée, on ne la voyait pas.
M. Tremblay: D'accord. Une dernière question à M.
Rochette, cette fois-ci.
M. Simard (Arthur): Pour M. Rochette?
M. Tremblay: Une dernière question, parce que... Je
comprends qu'à partir de 1975-1976, Marine Industrie s'est
trouvée dans une situation où le marché international
s'était effondré et où sa vulnérabilité l'a
placée à la merci de l'armateur grec. Comme la SEE ne collaborait
pas du tout, au contraire, se rangeait du côté de l'armateur pour
justifier ses prétendues critiques en ce qui concerne la qualité,
Marine Industrie a dû renégocier les contrats, aller de mal en
pis. Je comprends ça. Mais lorsque vous avez conclu les premiers
contrats, en 1973, sur les 18 bateaux, le marché était ferme au
plan international, parce que les armateurs se garrochaient dans tous les
chantiers maritimes du monde afin de passer le plus grand nombre de commandes
en anticipant des hausses de prix. C'est vrai? (23 h 45)
M. Rochette: Le marché était bon, mais les prix
canadiens étaient tout de même élevés. La
concurrence était assez difficile parce que nos prix étaient plus
élevés que ceux des Japonais et même que la plupart des
chantiers européens.
M. Tremblay: C'était quand même une situation
relativement bonne.
M. Rochette: La seule chose qui nous a permis de faire des
ventes, c'est que nous offrions de meilleures livraisons.
M. Tremblay: Oui. Mais je pense qu'il y a autre chose aussi qui
vous a permis de faire des ventes. Vous avez offert des commissions qui
étaient extrêmement intéressantes. Quand vous avez dit: Ces
commissions, pour plaire à l'armateur qui demandait 3% et nous demandait
de l'ajouter au prix, cela ne nous faisait rien cela faisait quelque
chose au gouvernement fédéral parce qu'il devait payer un peu
plus vous avez partiellement répondu à ma question.
Pourquoi avoir consenti des commissions aussi importantes alors que le
marché était assez fort et que les armateurs, dans le cas de
Karageorgis, avaient déjà passé des commandes dans
plusieurs autres chantiers maritimes et étaient très
intéressés à passer un contrat pour 18 bateaux? Je crois
que quelqu'un a dit, au cours de la journée, qu'il ne voulait pas avoir
moins que 18 bateaux.
M. Rochette: C'est moi qui l'ai dit.
M. Tremblay: Marine Industrie aurait voulu avoir moins que 18
bateaux, parce que c'était $260 millions de contrats et cela devait vous
faire peur un peu, ces gros montants. J'ai parlé du lapin et du
cheval.
Donc, c'était le Grec qui pressait pour vraiment s'assurer d'une
livraison, d'une garantie de bateaux, pour pouvoir anticiper une vente à
des prix plus élevés. Il en a vendu une partie à la France
et une partie à l'Algérie, sur laquelle il a sans doute
réalisé des profits, y compris le courtier.
Marine Industrie était heureuse d'avoir ces bateaux,
évidemment, c'était le contrat du siècle.
Mais la pression, du côté de la demande, était
forte. Ce n'était pas ce qu'on peut appeler nécessairement un
"buyer's market" à cette époque.
Et là, c'est une question naïve que je pose. Dans une
situation semblable, pourquoi Marine Industrie a-t-elle dû consentir au
courtier ce montant de 3%, alors qu'auparavant, cela avait été de
1% et qu'après, c'est revenu à 1% de commission et même
moins?
M. Rochette: Je crois que vous avez une mauvaise impression si
vous croyez que ces ventes étaient faciles.
M. Tremblay: Non, non.
M. Rochette: Elles n'étaient pas faciles du tout. Et les
clients étaient plutôt rares, justement parce que nos prix
étaient trop élevés à comparer avec ceux des
Japonais. Alors, lorsqu'un client comme Karageorgis est venu nous dire qu'il
avait confiance en nos produits, qu'il avait visité les navires que nous
avions construits pour les Français précédemment, qu'il
était très impressionné par notre qualité et qu'il
voulait une longue série de navires, nous étions très
intéressés.
Et quand le courtier nous a exigé une commission que l'armateur
consentait à payer dans le prix du navire, pour notre part, il n'y avait
pas d'hésitation. C'était ajouté directement au coût
du navire. Il n'y a pas eu du tout de cachette non plus, du côté
du fédéral. Nous avons mentionné cette commission dans la
liste des paiements que nous avions à faire. Nous n'avons jamais
cherché à la cacher. Je ne sais pas si, depuis, ces gens ont
payé la subvention ou non, mais avec Karageorgis, je crois qu'il
était entendu que, si la subvention n'était pas
payée...
Je me trompe avec le financement intérimaire que nous avons
inclus dans le contrat, le financement intérimaire où la
subvention s'appliquait sur l'intérêt et, si elle s'appliquait,
nous en donnions le bénéfice à Karageorgis.
Dans le cas de la commission, nous l'avons simplement
déclarée à Ottawa. Est-ce que la subvention a
été payée ou non depuis? Il faudrait le vérifier.
Je l'ignore, parce que je n'étais pas là lorsque le contrat a
été terminé. La vérification se fait uniquement
à la fin du contrat.
M. Tremblay: M. le Président, sur ces deux points, je
pense que cela donne un éclairage assez important. Evidemment, on peut
porter jugement soi-même, individuellement. Est-ce que c'était
souhaitable? Comme le disait M. Rochette, en rétrospective, c'est
toujours facile de voir très clairement...
M. Rochette: Beaucoup.
M. Tremblay: On peut s'imaginer que, voyant apparaître un
contrat de cette ampleur, il y avait une certaine euphorie et que, d'autre
part, l'armateur était habitué de passer ce genre de contrat.
J'aurais peut-être une dernière question. Je reviens au
contrat. Est-ce que Marine Industrie, face à des contrats comme
ceux-là, et face à un armateur international qui connaissait les
contrats maritimes, a fait appel à des avocats spécialisés
en droit maritime pour étudier ces contrats?
M. Rochette: Non. Nous avons fait appel à nos conseillers
juridiques habituels. Evidemment, ce n'était pas la première fois
qu'ils travaillaient sur des contrats de navires, parce que Marine Industrie a
toujours eu des contrats de navires, au cours de son histoire.
Même si ce n'était pas des conseillers juridiques
spécialisés dans la chose maritime, ils avaient tout de
même l'expérience des contrats de construction de navires.
M. Tremblay: Je ne veux pas être méchant, M.
Rochette, mais vous aviez devant vous des professionnels. Vous, ce que vous
aviez finalement, c'étaient pratiquement des amateurs sur le plan
international dans ce domaine.
M. Rochette: Sans être des amateurs, nous manquions
peut-être un peu d'expérience sur le marché international,
même si ce n'était pas notre premier contrat; mais de là
à dire, comme cela a été dit ici. que ces contrats
étaient pleins de trous, je ne le reconnais pas encore.
M. Tremblay: M. Picard a dit qu'en termes économiques, ces
contrats n existaient pratiquement pas.
M. Rochette: J'aimerais mieux demander un avis juridique,
plutôt que l'opinion de M. Picard.
M. Picard: On a eu un avis juridique. Ces contrats n avaient
aucune valeur exécutoire. Comment exécutez-vous un contrat si
vous êtes mal pris contre une compagnie qui a $1000 d'actifs, ces
contrats... Je voudrais souligner une deuxième chose. Après avoir
écouté M. Rochette, qui a d'ailleurs bien expliqué un
certain nombre de choses, si c'était si difficile de négocier
avec M. Karageorgis, en 1973, quand le marché était à son
sommet, je suis sûr que M. Rochette va reconnaître que ce
n'était pas très facile un an et demi après, en plein
naufrage, pour employer un terme maritime, de négocier des contrats qui
ne valaient rien.
M. Tremblay: Mais parfois il décrit bien une situation
réelle.
M. Biron: Comme aujourd'hui, oui.
M. Picard: II avait $60 millions d'engagements. Il n'avait pas de
recours possibles. Les contrats n étaient pas exécutoires et le
marché était tombé radicalement. Si cela a
été difficile de négocier des contrats, en 1973, vous
pouvez imaginer à peu près ce que c'était en 1975, dans
cette situation-là.
Une Voix: C'est encore plus difficile en 1978.
Une Voix: J'en suis sûr.
Le Président (M. Marcoux): Sur ma liste d'intervenants,
j'avais encore le député de Laprairie, le député de
Notre-Dame-de-Grâce, le député de Richelieu, le
député de Sherbrooke et le député de
Brome-Missisquoi.
M. Michaud: ... amplement, d'ici minuit, trois ou quatre
minutes.
Le Président (M. Marcoux): Trois ou quatre minutes.
M. Michaud: Si vous permettez.
Le Président (M. Marcoux): Trois ou quatre minutes. Je
réserve les trois ou quatre dernières minutes pour M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce qui voudrait qu'on s'entende
rapidement sur la démarche de demain.
M. Michaud: D'accord. Vous comprendrez que, quand j'ai
demandé mon droit de parole, il était 15 heures. Il y a plusieurs
questions qui ont reçu une réponse. Quelques détails. M.
Picard dit qu'il n'y a pas eu de contrat. D'après M. Massé, le
prix "closing" a eu lieu le 31 décembre 1975. Vous me permettrez de
rappeler ce qu'il a dit: "C'était tellement jugé un "closing"
qu'il y a eu des photographies de prises." Ce n'est pas une condition sine qua
non d'un sérieux, mais de toute façon. D'après M.
Rochette, à quelle date le contrat a-t-il été
signé?
M. Rochette: Tous les contrats ont été
signés en 1973. Les six premiers étaient fermes et les douze
derniers étaient sujets à certaines renégociations. Ils
ont été amendés en août 1974.
M. Michaud: D'accord. Au début, on parlait d'un contrat de
18 navires. Il y en a six qui ont été vendus d'un bloc.
Après cela, un peu plus tard dans la journée, on a parlé
de douze compagnies panaméennes.
M. Rochette: C'étaient 18 compagnies panaméennes,
une compagnie par contrat.
M. Michaud: C'était une compagnie par contrat.
M. Rochette: Oui.
M. Michaud: Vous n'avez pas trouvé cela curieux au
début?
M. Rochette: Non, c'est la coutume courante des armateurs grecs
partout où ils font affaires dans !e monde.
M. Michaud: C'est tout à fait normal.
M. Rochette: Nous le savons parce que, quand nous réparons
un navire d'un armateur grec, c'est toujours une compagnie
séparée pour le navire en cause. Regardez dans le registre
des
Lloyd's et vous allez voir qu'à peu près chaque navire
grec a une compagnie séparée.
M. Michaud: Ainsi, d'après vous, les contrats ont
été signés en 1973?
M. Rochette: Pardon?
M. Michaud: D'après vous, les contrats ont
été signés en 1973?
M. Rochette: Dix-huit contrats ont été
signés en 1973, oui. Il y en a douze qui ont été
amendés en 1974.
M. Michaud: Vous avez donc retardé de payer un peu vos
commissions, si vous avez commencé à payer seulement en 1975?
M. Rochette: Non, les commissions pour les six premiers ont
commencé à être payées en 1973. Elles ont
été complétées à la livraison de chacun des
navires.
M. Michaud: D'accord. Il faut que je termine. Je pourrai revenir
demain.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce a une suggestion sur la conduite de nos travaux,
demain.
Une Voix: On pourrait continuer ce soir.
M. Scowen: Merci, M. le Président. C'est une suggestion
très précise qui ressort des commentaires du ministre. J'ai
été frappé de constater que je ne voyais pas du tout sa
perspective, son analyse de la situation qu'il a dévoilée ce
soir. J'avais l'intention, et j'ai encore l'intention de poser quelques
questions demain sur l'aspect du problème que je trouve le plus
important, c'est-à-dire l'organisation et la gestion de la SGF et de ses
filiales. Je pense qu'on en retire énormément de bonnes
expériences, d'éléments qu'on peut utiliser dans le
développement d'une politique pour l'avenir.
Le ministre a souligné deux aspects du problème:
premièrement la faute du gouvernement fédéral et la faute
des étrangers dans cette affaire. J'admets que c'est possible qu'il ait
raison. Je ne suis pas d'accord. Je pense même que c'est malsain
d'essayer de porter le blâme sur ces deux autres groupes ou personnes.
Dans le cas du fédéral, cette fois-ci, nous avons l'occasion de
savoir jusqu'à quel point ce blâme est justifié. Ce que je
propose pour demain, c'est qu'à 9 heures ou à 8 heures, on
téléphone à Ottawa, et on invite à
comparaître devant nous, demain après-midi ou demain soir, un
représentant de la SEE pour nous permettre de poser les questions,
d'entendre son point de vue pour éclaircir un peu la situation, surtout
l'aspect dont le ministre a parlé ce soir, qui est, en effet, un des
plus importants. Je suis persuadé que ce sera possible. Je suis certain
que le ministre peut I'accepter avec un esprit d'ouverture pour qu'on comprenne
vraiment les problèmes et
les solutions possibles. Je propose tout simplement qu'on réserve
une demi-heure pour un représentant de la SEE, demain après-midi
ou demain soir.
M. Martel: M. le Président...
Le Président (M. Marcoux): Un instant! Je veux que ce soit
très clair. Est-ce que vous émettez un voeu à savoir que
le ministère de l'Industrie et du Commerce, ou le président de la
commission, le secrétaire et le secrétariat des commissions
entrent en contact avec le président de la SEE pour l'inviter à
venir nous rencontrer ou si vous en faites une motion? Si vous en faites une
motion, évidemment, elle est débattable. Je ne crois pas que,
dans les deux minutes qui viennent, nous puissions la débattre, à
moins qu'on n'obtienne l'unanimité.
M. Tremblay: S'il s'agit d'un voeu de la part du
député de Notre-Dame-de-Grâce, voulant que le
secrétaire des commissions téléphone au président
de la SEE et l'invite à venir devant la commission, évidemment,
j'en serais ravi, mais plutôt que d'entrer, comme le dit le chef de
l'Union Nationale, dans une motion en bonne et due forme, puisqu'il s'agit d'un
probème constitutionnel on sait bien qu'un organisme qui
relève d'un autre gouvernement et les fonctionnaires qui y travaillent
ne sont pas sous la juridiction d'un autre cette motion n'aurait pas
d'effet. S'il s'agit d'un voeu, je serais certainement heureux de donner mon
acquiescement à la suggestion du député de
Notre-Dame-de-Grâce.
Le Président (M. Marcoux): Je transmettrai votre voeu au
secrétaire des commissions. Le président vous fera rapport demain
à l'ouverture, au début des travaux, après la
période des questions. Je voudrais savoir, puisqu'il reste une ou deux
minutes, je veux peut-être poser une ou deux questions. Vous aviez trois
sujets à l'ordre du jour: Les bateaux; deuxièmement, la
réorganisation de Marine; troisièmement, la SGF. Est-ce
que...
M. Martel: M. le Président, là-dessus, demain,
j'espère que le syndicat de Marine, qui a passé la journée
ici, va pouvoir aussi venir parler. Il n'est pas venu à Québec
pour rien non plus. M. Picard, dans mon esprit, a apporté un peu de
conclusion au problème des bateaux négociés avec le Grec
en déclarant tout à l'heure qu'après avoir consulté
des juristes, à ce moment, les contrats n'étaient pas
légaux. Donc, demain, je pense qu'il est important, étant
donné que nous avons une loi qui concerne l'avenir de 1800 travailleurs
à Marine, qu on se réserve une bonne partie de la journée
pour connaître la planification, la conversion que Marine Industrie a
l'intention de faire avec les $103 millions que la SGF va recevoir.
Le Président (M. Marcoux): On termine à minuit
comme prévu. Ce que je voulais dire, c'est qu'aujourd'hui, tous les
députés pouvaient inviter des représentants du syndicat et
leur poser toutes les questions qu'ils voulaient; demain, il en sera de
même, la commission étant maîtresse de ses travaux et chacun
de ses membres pouvant poser des questions à tous les invités. Et
parce qu'avis a été donné à la Chambre que le
président du syndicat était invité comme témoin,
aujourd'hui, vous pouviez le faire et vous le pourrez également demain.
Tous les membres de la commission auront le loisir de poser toutes les
questions qu'ils veulent poser à tous les témoins qui ont
été invités.
M. Picard.
M. Picard: Juste une correction. Je n'ai pas dit que les contrats
n'étaient pas légaux, j'ai dit qu'il n'y avait pas de force
exécutoire. Donc, ils pouvaient être légaux, mais on ne
pouvait rien en faire.
Le Président (M. Marcoux): Une question...
M. Michaud: M. le Président, est-ce que vous allez suivre
la liste commencée aujourd'hui pour Tordre des participants?
Le Président (M. Marcoux): Je vais transmettre, à
la personne qui présidera demain si ce n'est pas moi la
liste des intervenants, dans l'ordre où ils étaient rendus.
M. Michaud: D'accord.
Le Président (M. Marcoux): On en était rendu au
député de Laprairie, au député de
Notre-Dame-de-Grâce, au député de Richelieu, au
député de Sherbrooke et au député de
Brome-Missisquoi.
La commission ajourne ses travaux sine die.
Fin de la séance à 0 h 2