L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente de l'industrie et du commerce

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente de l'industrie et du commerce

Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le jeudi 7 décembre 1978 - Vol. 20 N° 218

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition publique et étude du projet de loi no 108 - Loi modifiant la charte de la Société générale de financement du Québec


Journal des débats

 

Audition publique et étude du projet de loi no 108

(Onze heures quarante huit minutes)

Le Président (M. Gendron): A l'ordre, messieurs!

La commission de l'industrie et du commerce ouvre ses travaux pour la journée.

Sont membres de cette commission: M. Dubois (Huntingdon), M. Gosselin (Sherbrooke) — je ferai les substitutions tantôt — M. Grégoire (Frontenac), Mme Leblanc-Bantey (Iles-de-la-Madeleine), M. Martel (Richelieu) à la place de M. Lefebvre (Viau); M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Raynauld (Outremont), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), M. Shaw (Pointe-Claire), M. Tremblay (Gouin).

Les intervenants seront: M. Gagnon (Champlain), M. Godin (Mercier), M. Goulet (Bellechasse), M. Landry (Fabre), M. Marchand (Laurier), M. Michaud (Laprairie), M. Perron (Duplessis), M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Verreault (Shefford).

Pour l'Union Nationale, à la place de M. Dubois (Huntingdon), M. Biron (Lotbinière);

M. Biron: Et à la place de M. Goulet (Bellechasse), M. Russell (Brome-Missisquoi).

Le Président (M. Gendron): M. Russell (Brome-Missisquoi) à la place de M. Goulet (Bellechasse).

Le Parti libéral a-t-il des changements?

M. Forget: ...

Le Président (M. Gendron): M. Forget (Saint-Laurent) n'est pas sur la liste...

M. Forget: En remplacement de M. Marchand (Laurier).

Le Président (M. Gendron): ... en remplacement de M. Marchand (Laurier).

Une Voix: M. Lalonde.

Le Président (M. Gendron): M. Forget.

M. Forget: Et M. Lalonde aussi pour remplacer quelqu'un d'autre.

Le Président (M. Gendron): M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys) à la place de M. Verreault (Shefford).

Si la commission veut maintenant nommer un rapporteur de cette commission.

M. Ouellette: M. le Président, je propose, M. Martel (Richelieu).

Le Président (M. Gendron): On propose que M. Martel (Richelieu) soit nommé rapporteur. Est-ce que cela va?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Gendron): Adopté. M. le ministre de l'Industrie et du Commerce pour la présentation de la convocation. M. le ministre.

Mandat de la commission

M. Tremblay: Merci beaucoup, M. le Président. La commission élue de l'industrie et du commerce a reçu le mandat de l'Assemblée nationale de se réunir afin de faire des auditions de procéder à des études concernant le projet de loi no 108, appelé Loi modifiant la charte de la Société générale de financement du Québec.

Je voudrais dire, M. le Président, que le gouvernement a jugé nécessaire de demander une telle convocation, après l'adoption en première lecture, puisque nous croyons qu'il serait d'intérêt public que nous discutions de certaines modalités du projet de loi 108 pour que nous puissions éclairer certaines des causes qui ont amené la Société générale de financement à recommander au gouvernement certains projets d'investissements. Ce qui a amené le gouvernement à agir rapidement en proposant d'urgence ce projet de loi no 108.

Il s'agit véritablement d'une commission, après la première lecture, qui devrait normalement porter son attention sur les modalités du projet de loi et non sur le principe, puisqu'il y aura un débat à l'Assemblée nationale sur le principe et que nous aurons une autre commission élue de l'industrie et du commerce pour étudier, article par article, le projet de loi.

M. le Président, je donnerai quelques renseiments, avant d'entrer dans le vif du sujet, sur les circonstances qui ont amené le gouvernement à présenter ce projet de loi. Nous avions, en mai dernier, renouvelé la direction de la Société générale de financement, en lui confiant en même temps un mandat lequel elle devait faire rapport au gouvernement à la fin de la présente année. Ce mandat portait sur une évaluation de la situation financière de certaines filiales de la Société générale de financement, dont Marine Industrie, et sur les orientations que devrait prendre dans les années à venir la Société générale de financement. Or, le conseil d'administration de la Société générale de financement, a soumis ce rapport avant terme, avant la date limite, c'est-à-dire le 27 octobre, du moins, le rapport soumis au gouvernement était daté du 27 octobre et la lettre de soumission était datée du 1er novembre 1978. Le gouvernement, au cours de certaines séances spéciales tenues au début de novembre, a pris connaissance de ces rapports et a décidé d'agir rapidement, puisque nous avons estimé qu'il y avait urgence d'action si nous voulions consolider une des filiales de la SGF, c'est-à-dire Marine Industrie, et préserver le plus grand nombre d'emplois, environ 3200 emplois, dans la région de Sorel-Tracy. C'est la raison pour laquelle le projet de loi a été déposé en Chambre le 22 novembre,

c'est-à-dire exactement trois semaines après le dépôt ou la remise du rapport de la SGF.

Nous croyons, par contre, que ce projet de loi comporte des détails et des modalités qui exigent un éclaircissement. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons qu'il y ait une discussion ouverte sur certains événements qui ont conduit a la situation présente. Alors le but du gouvernement, en convoquant cette commission, c'est de faire la lumière surtout sur la situation financière et industrielle de Marine Industrie, une des filiales de la Société générale de financement. Il ne s'agit donc pas pour le gouvernement de vouloir créer des problèmes ou même d'imputer des motifs à des personnes. Il ne s'agit pas du tout d'une opération qui pourrait soulever des insinuations.

Les buts poursuivis par le gouvernement sont uniquement de créer une circonstance qui amène une discussion franche sur les difficultés qu'affronte Marine Industrie. Je proposerais donc, M. le Président, que, compte tenu de ce que je viens de dire, nous abordions les questions dans un ordre logique afin de pouvoir mieux parvenir aux fins que nous souhaitons tous.

Je proposerais, pour les discussions des prochaines heures, que nous traitions du contrat qua dû signer Marine Industrie pour la fabrication de certains bateaux, contrat qui est la cause du moins immédiate des difficultés financières et, par conséquent, la cause indirecte du projet de loi qui a été déposé le 22 novembre; que nous parlions par la suite de l'orientation et de la reconversion de la filiale Marine Industrie et que nous en venions, par la suite, aux orientations de la SGF, si les membres de la commission agréent ou le souhaitent.

Si cette procédure était agréée, je voudrais faire d autres commentaires, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Au préalable, j'aimerais tout d'abord m'excuser d'avoir été en retard de quelques minutes et vous dire que le mandat de la commission, qui lui a été accordé par l'Assemblée nationale, est de tenir une audition publique et d'étudier le projet de loi no 108. Je dois vous dire immédiatement qu'il ne s'agit pas d'une commission parlementaire après la deuxième lecture et donc, qu'il ne s'agit pas d'étudier, article par article, le projet de loi no 108.

Appel des personnes convoquées

D'autre part, avant de donner suite aux demandes du ministre, je pense qu'il est de mon devoir, à ce stade-ci, puisque des personnes ont été convoquées, de faire l'appel de ces personnes pour constater leur présence ou leur absence.

M. Arthur Simard.

M. Simard (Arthur): Présent.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Gérard Fillion. M. Fillion est absent. M. Louis Rochette.

M. Rochette: Présent.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Yvon Simard, absent. M. Laurent Picard, M. Richard Gagné. M. Raymond David. M. John H. Dinsmore. M. Jean-Roch Brisson. M. Guy Coulombe. M. Maurice-A. Massé, et M. Pierre De Carufel.

Evidemment, en ce qui concerne les travaux de la commission, je pense que les partis politiques qui sont ici présents auront à le décider... Ce n'est pas à la présidence à l'imposer. Je sais que des personnes ont des mémoires à présenter. Je sais que des membres ont des questions à poser.

Le ministre a proposé une sorte de programme ou d agenda. J'aimerais aviser les membres et les personnes convoquées que cette commission siégera aujourd'hui, cet après-midi et ce soir, et qu elle siégera également, à moins d avis contraire, demain matin, demain après-midi et demain soir. Donc, je vous demanderais une sorte de tolérance puisqu'il peut fort bien arriver que certaines personnes, malheureusement, ne soient appelées, ou ne soient interrogées, ou ne soient appelées à déposer que demain et cela, évidemment, c est extrêmement difficile de le prévoir.

Discussion préliminaire

M. Biron: M. le Président, parmi les personnes convoquées devant cette commission, j'avais demandé — et le leader du gouvernement avait répondu oui à ma demande — de pouvoir rencontrer et de discuter avec le président de Volcano, le président de Forano, le président de Donohue, le président de CEGELEC, le président de Ingénierie BG Checo.

Je remarque que le président du syndicat des employés de Marine est ici — M. Gagnon, je crois. M. Gagné — le président du syndicat des employés de Donohue et j avais demandé aussi M. Wermenlinger et M. Desmeules de Chabot et Associés.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le chef de l'Union Nationale, le leader du gouvernement, en vertu de notre règlement, demande au secrétariat des commissions de convoquer certaines personnes, d inviter — et j'insiste sur le mot inviter — certaines personnes à se présenter, invitation qui n'est pas contraignante et, en ce qui me concerne, mon devoir est de regarder si les personnes qui ont été convoquées par le secrétariat sont présentes ou non. En ce qui concerne ce que vous soulevez, cela ne s'adresse pas à la présidence. Vous en ferez grief ou reproche à qui de droit, mais non pas à la présidence, ni au secrétariat des commissions.

M. Biron: Ce que je voudrais savoir là-dessus est ceci: Ces noms vous ont-ils été transmis? Ces gens ont-ils été invités comme vous dites? (12 heures)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J ai ici la liste devant moi des personnes qui ont été invitées par le secrétariat des commissions et ce sont uniquement et seulement celles dont j'ai mentionné le nom tout à l'heure.

M. Roy: Comment se fait-il...

M. Tremblay: M. le Président, comme je l'ai dit tout à l'heure, la commission a été convoquée après la première lecture pour étudier certaines modalités du projet de loi et pour trouver des explications, recevoir les explications, qui ont amené le gouvernement à agir d'urgence dans le dossier. Le président de la Société générale de financement tout à l'heure pourra répondre à nos questions à ce sujet.

La raison principale vient de l'état de la situation financière de Marine Industrie et de la proposition de la Société générale de financement de reconvertir le chantier maritime dans les mois qui viennent. Donc, comme je l'ai proposé tout à l'heure, la commission, par définition, devrait, du moins il me paraîtrait souhaitable, que nous commencions surtout avec le problème des bateaux, avec le problème du chantier maritime et avec le problème de Marine en général, puis nous pourrons toucher aux orientations de la SGF.

Mais comme je l'ai dit tout à l'heure, il ne s'agit pas d'une commission après la deuxième lecture, il ne s'agit pas de faire le débat maintenant sur le principe même du projet de loi, par conséquent, sur les orientations de la SGF et sur les capitaux que le gouvernement propose à l'Assemblée nationale d'y injecter, parce que nous aurons un débat à l'Assemblée nationale sur ce principe, de sorte que je proposerais que nous procédions à l'étude du projet de loi en ce qui concerne les modalités qui traitent de la situation financière à Marine et du plan de reconversion proposé par la Société générale de financement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Auparavant, j'ai reconnu le député de Notre-Dame-de-Grâce, M. Scowen.

M. Scowen: Je voulais simplement poser une question au ministre. Si je comprends bien, vous avez l'intention, vous vous proposez de parler d'abord de la mission de Marine et ensuite de celle de SGF. Alors, dans le document que vous nous avez remis, il y a dans la mission proposée pour la SGF des implications pour Marine. Le programme pour la SGF est un programme global et Marine en fait partie. Je me demande simplement si ce ne serait pas mieux de parler d'abord de la mission globale de la SGF avant de préciser celle de Marine.

M. Tremblay: M. le Président, le danger avec une telle approche — je ne crois pas que ce soit souhaitable — c'est que nous débordions, justement, sur un débat en deuxième lecture sur le principe même de l'injection de fonds. Je pense que nous sommes ici pour avoir des renseignements et des éclaircissements de la part des témoins qui ont été invités sur ce qui a amené la situation d'urgence. Il m'apparaîtrait logique que nous procédions aux causes de cette situation d'urgence avant de passer au projet à plus long terme de la SGF.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Un instant, auparavant, le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: M. le Président, je ne comprends pas tout à fait la situation actuelle. Je sais que le problème de Marine Industrie a été la cause principale de l'urgence, d'accord. Mais cette commission est convoquée pour étudier la situation de la SGF. Je pense bien qu'on pourrait, si on le voulait — on n'a pas d'objection — suivre le ministre dans la directive qu'il nous donne, soit d'examiner le cas de Marine Industrie. J'aimerais savoir s'il y a des motifs qui empêcheraient la commission de convoquer — parce qu'on en a le droit — les présidents d'autres sociétés qui appartiennent à la SGF, ce qui avait été demandé par l'Union Nationale et qui n'a pas été fait.

Maintenant, je sais que la commission a le droit, si elle le veut, si elle le décide, de faire convoquer ces gens pour ce soir ou demain. C'est la demande que je fais à la commission et au ministre. Est-ce qu'il y a objection?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une commission parlementaire peut toujours "convoquer", c'est-à-dire inviter des gens. Mais je vous rappellerai qu'en vertu de nos lois et de nos règlements, une commission parlementaire ne peut astreindre par assignation formelle un témoin à se présenter devant elle, à moins qu'elle en ait expressément le mandat de l'Assemblée nationale.

M. Russell: M. le Président, ce n'est pas...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La commission peut inviter des gens à se présenter devant elle, sur motion.

M. Russell: Je n'ai aucune objection qu'on emploie le mot "inviter", mais je pense que des présidents de société, de toutes les filiales de la SGF, ont quand même assez d'importance et sont assez responsables, s'ils sont invités, pour y assister, à moins d'empêchements graves. A ce moment-là, ils vont informer la commission que pour telle ou telle raison, qui est une raison majeure, ils ne peuvent y assister et ils enverront certainement quelqu'un à leur place. Donc, ce matin, je voudrais que ce soit établi d'avance qu'on a l'intention de poser des questions à tous les présidents et autres personnes qu'on a demandé de convoquer, avant la fin de cette commission. A moins que la commission refuse de convoquer ces gens et on va demander à la commission et au ministre les raisons pour lesquelles il nous le refuse.

M. Tremblay: M. le Président, il ne faudrait pas perdre de vue l'objectif poursuivi par la convocation de la commission. Il s'agit d'un projet de loi d'urgence.

Il s'agit d'un projet de loi qui traite, d'une part, des orientations générales de la SGF en augmen-

tant le capital-actions de $140 900 000 à $200 millions, mais il s'agit surtout d'un projet de loi qui vise à reconvertir le chantier maritime de Marine Industrie et de préserver les emplois. D'ailleurs, pratiquement la moitié des fonds qui sont demandés par la SGF vont être affectés à la consolidation et à la restructuration de Marine Industrie.

Il y aurait risque, si nous commencions à convoquer des dizaines et des dizaines de personnes, que ce ne soit plus un projet de loi d'urgence et que la commission doive siéger pour de très longues périodes. Sur le fond de la question concernant la situation financière de Marine Industrie, il y a énormément de questions que le gouvernement veut voir éclaircies.

C'est pour cela que j'ai proposé tout à l'heure que nous procédions par une investigation des questions rattachées à la cause principale des difficultés financières de Marine Industrie, c'est-à-dire les bateaux, que nous passions par la suite à l'orientation de Marine Industrie comme entreprise, et que nous passions enfin aux orientations de la SGF.

En ce qui concerne les orientations de la SGF, il est évident que ceci peut toucher toutes les filiales de la Société générale de financement existantes ou à créer. Là, je demanderais la collaboration de la commission pour que nous puissions discuter de cette orientation en deuxième lecture, que nous puissions avoir un débat sur l'orientation de la SGF et de ses filiales. Les filiales de la SGF, en général, sont rentables. Il n'y a pas de problèmes qui justifieraient le gouvernement de proposer un projet de loi d'urgence, en fonction de l'orientation des autres filiales.

La raison de la présentation du projet de loi d'urgence vient d'une cause et c'est pour cette cause que nous avons convoqué la commission après la première lecture. Autrement, dans un projet de loi semblable, il y a le débat en deuxième lecture, où ce que vous soulevez est soulevé et nous avons, par après, une commission élue qui étudie le projet de loi article par article, après la deuxième lecture, ce que nous aurons effectivement après le débat en deuxième lecture.

Mais il me semblerait dans l'ordre des choses, de procéder ainsi M. le Président, si nous ne voulons pas risquer de passer à côté du problème, car il y a un problème sérieux, c'est-à-dire qu'il y a un grand nombre d'emplois qui sont menacés présentement et le gouvernement va justifier pourquoi il y a urgence. Je constate que la SGF, la direction de Marine Industrie est ici présente, avec d'autres témoins. Je les félicite de s'être présentés et je les en remercie. Nous allons tenter d'établir pourquoi il y a urgence.

Si nous commençons à débattre la situation d autres sociétés, alors qu'il n'y a pas d urgence, je pense que nous passons à côté de la question et je pense que nous passons aussi à côté de l'ordre de l'Assemblée nationale, dont l'esprit consistait à vouloir éclairer les raisons qui ont justifié le gouvernement de proposer le projet de loi d'urgence, parce que je proposais, M. le Président, que nous procédions tel que je l'ai proposé et qu'en deuxième lecture et lors de l'étude article par article, nous revenions d'une façon plus approfondie sur les autres filiales de la Société générale de financement, ce qui ne veut pas dire que, lors de cette première commission, nous ne puissions pas analyser et questionner les témoins sur les orientations de la SGF, y compris les orientations d'autres filiales. Mais je ne voudrais pas que nous puissions nous lancer tout de suite dans une fausse piste, laissant de côté l'essentiel. C'est pour cela que je demande la collaboration des membres de la commission. L'essentiel, c'est de faire la lumière sur la situation du chantier maritime de Marine Industrie.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Richelieu.

M. Martel: M. le Président, en plus des raisons de l'urgence du projet de loi no 108, dans le rapport de la Société générale de financement présenté à la commission parlementaire, rapport sur le rôle et les orientations de la Société générale de financement, il est dit, à la page 12: "La situation actuelle de la Société générale de financement, à cause des six navires panaméens invendus de Marine Industrie, est, à proprement parler, dramatique."

La situation à la Société générale de financement est dramatique à cause du problème de Marine Industrie. C'est pour cela que la présente commission parlementaire a été convoquée. J'ajouterais, comme député de Richelieu, qu'elle est dramatique parce que, dans l'autre rapport soumis par Marine Industrie, il est question de l'avenir économique de la région de Richelieu, c'est-à-dire de cette masse salariale de $55 millions qui est injectée dans le comté de Richelieu et qui est menacée de disparaître à la fin de 1979-1980, d'après le rapport de Marine Industrie, par suite de mises à pied de 1800 personnes. Je pense que c'est assez sérieux pour faire porter le débat sur la Société générale de financement, il va de soi, mais également sur la situation financière de Marine Industrie. Je dirais même que l'on devrait partir de 1965, c'est-à-dire à l'achat, par la Société générale de financement, de Marine Industrie, jusqu'à l'administration d'aujourd'hui qui fait que Marine Industrie est dans une situation précaire et, par le fait même, comme Marine Industrie est la principale filiale de la Société générale de financement et qu'elle-même, la Société générale de financement, le mentionne dans le rapport, c'est tout à fait logique que cela porte sur ces deux points précis, soit les investissements faits à la Société générale de financement pour que, par la suite, la Société générale de financement investisse massivement dans des secteurs rentables de Marine Industrie, et également sur l'administration de la Société générale de financement et de Marine Industrie.

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, sur une question de règlement.

M. Lalonde: Une question de règlement, M. le Président. Je ne pense pas que ce soit de mise de permettre une déclaration préliminaire à chacun des députés. Il est 12 h 10. On a des dizaines de gens ici qui sont invités, qui ont d'autres choses à faire que d'attendre et à qui on a d'ailleurs confié des fonctions importantes dans leurs bureaux et dans leurs usines. Il me semble qu'on devrait procéder immédiatement et entendre...

M. Martel: II y a des mises au point nécessaires à faire au début d'une commission, je crois.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! Je pense que ce qui serait important — je pense qu'après cela, cela va bien aller — c'est de déterminer quel est le mandat de cette commission. Je demande aux gens de s'entendre, parce que, si vous ne vous entendez pas...

M. Lalonde: On ne le sait pas.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... je serai obligé de demander que l'Assemblée nationale nous précise notre mandat. Je pense connaître l'esprit du mandat qui nous a été accordé. Je vais laisser une dernière intervention au député de Beauce-Sud et, par la suite, je vais demander si la proposition d'ordre du jour faite par le ministre est acceptable par les parties. Sinon, je me verrai peut-être dans l'obligation de faire un rapport spécial à l'Assemblée nationale pour faire préciser dans la lettre ce que je vois dans l'esprit du mandat qui nous a été accordé. M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président. C'était dans l'esprit du mandat que semblait vouloir donner la commission ce matin. Je ne voudrais pas retarder indûment les travaux de cette commission, mais je suis très surpris d'entendre ce que j'entends en commission parlementaire. D'abord, l'article 153 du règlement est bien clair, pour ce qui a trait à la demande ou à la convocation de personnes devant une commission parlementaire, c'est bien clair là-dessus. Mais surtout quand j'entends parler de la situation d'urgence, cela me surprend encore davantage, non pas que la situation d'urgence n'existe pas, mais qu'on vienne de la décourir, parce qu'il n'y a pas eu de tremblement de terre, ni de glissement de terrain, ni d'incendie, ni d'innondation. La situation dans laquelle la SGF se trouve par rapport à Marine Industrie, ce n'est pas une situation qui est survenue au cours des dernières semaines.

M. Martel: Le problème est là quand même.

M. Roy: Le problème est là d'accord. On arrive encore avec une situation d'urgence de fin de ses- sion. Mon expérience parlementaire, pendant un certain nombre d'années, est assez grande pour constater que ce n'est pas la première fois que nous sommes en face d'une stratégie, d'une situation de ce genre. Il me semble que la situation financière d'une entreprise, cela peut se prévoir. Il y a des situations qui peuvent se prévoir. Je suis bien sensible à l'avenir économique de la région des Sorelois. Je suis bien sensible à la situation des 1800 personnes. Quand pourra-t-on faire le point de la situation, qu'on pourra examiner l'ensemble du problème, de façon à pouvoir y apporter des correctifs d'ensemble? Une situation d'urgence qui commande une mesure d'urgence, mesure que nous n'avons pas le temps d'examiner dans toutes ses implications, dans toute sa profondeur, mesure que nous n'avons pas le temps d'analyser aussi, surtout analyser les conséquences, les causes de la situation actuelle.

Le leader parlementaire du gouvernement nous a soumis à l'Assemblée nationale une liste de personnes pour nous demander si nous étions d'accord, à la suite de ce qui a été soumis au chef de l'Union Nationale. Le chef de l'Union Nationale a pris la peine de se lever à l'Assemblée nationale et demander que d'autres personnes soient convoquées. Ces personnes n'y sont pas ce matin, et on nous apprend même qu'elles n'ont pas été convoquées. Alors, c'est ma grande crainte que nous soyons encore en face d'une opération d'urgence, oui, mais d'une opération camouflage.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'abord, M. le député de Beauce-Sud, j'aurais une mise au point à faire au niveau du règlement. Il est vrai que l'article 153 nous dit que lorsqu'une commission élue a requis une personne de se présenter — "requérir" n'étant pas une invitation — cela présuppose qu'elle en a le mandat de requérir, puisqu'en vertu de l'article 63 de la Loi de la législature, l'Assemblée nationale peut assigner et contraindre toute personne à comparaître devant elle ou une de ses commissions ou aller produire toute pièce qu'elle juge nécessaire à ses actes ou délibérations. Donc, une commission a le pouvoir d'interroger des témoins à la condition qu'ils soient là. Une commission ne peut contraindre un témoin à comparaître s'il n'a pas été assigné régulièrement par l'Assemblée nationale ou par une commission parlementaire à qui l'Assemblée a délégué expressément ce pouvoir, et le pouvoir, c'est le pouvoir de contraindre.

M. Roy: Sur le point de règlement. J'aimerais quand même que l'article 153 soit lu au complet: "Lorsqu'une commission élue a requis une personne de se présenter devant elle pour s'y faire entendre ou pour produire des documents et que cette personne refuse de le faire, la commission fait rapport de ce refus au président et celui-ci prend les moyens nécessaires pour que la demande de la commission soit satisfaite. ' C'est tout l'article. (12 heures)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Beauce-Sud, j'ai étudié toute cette question pendant des semaines et lorsque vous lisez l'article 153, le mot "requérir" ne veut pas dire inviter, il veut dire assignation et il présuppose qu'elle en ait le pouvoir; ce pouvoir peut lui être délégué par celle dont on est l'émanation, c'est-à-dire, l'Assemblée nationale. Notre commission peut inviter des gens, peut convoquer des gens mais elle ne peut contraindre des gens à se présenter. Elle pourra contraindre des gens à se présenter si l'Assemblée nationale, dans le mandat qu'elle donne à la commission, lui donne expressément ce pouvoir de contrainte ou si l'Assemblée nationale, d'autre part, dans le mandat donné par le leader du gouvernement, indique que telle et telle personnes soient nommément assignées par l'Assemblée nationale. Or, ce point-là étant...

M. Biron: M. le Président, sur cette question de règlement...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, M. le chef de l'Union Nationale, les questions de règlement sont sans appel; M. le député de Beauce-Sud a soulevé un point de droit, point de droit que j'ai — parce que je savais que je présiderais cette commission depuis des semaines et que le problème se poserait — étudié. Je dois même vous dire — et cela en toute humilité — que j'ai déjà rendu une décision semblable à celle concernant l'article 153 lors de la commission des pâtes et papier et j'ai été à même de me rendre compte, en fouillant mes études, que cette décision que j'avais rendue à ce moment-là était malheureusement une mauvaise décision.

M. Biron: Question de directive, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

M. Biron: L'Assemblée nationale a décidé, parce que le leader du gouvernement a accepté ma demande, de convoquer ou d'inviter devant cette commission parlementaire les gens que j'ai nommés tout à l'heure. Je voudrais savoir pourquoi ces gens n'ont pas été invités et qui a décidé de passer outre à un ordre de l'Assemblée nationale?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est un cours de procédure parlementaire, M. le chef de l'Union Nationale, que vous voulez avoir. La procédure normale est que c'est le secrétariat des commissions qui invite les personnes à se présenter devant la commission et c'est le leader du gouvernement qui indique au secrétariat des commissions quelles personnes la commission va inviter. Ce n'est pas le Président qui invite. Le Président constate la présence ou l'absence.

M. Tremblay: M. le Président, je ne veux pas recevoir de cours de procédure parlementaire mais j'aimerais quand même relever une affirmation du député de Beauce-Sud qui a sans doute dépassé sa pensée lorsqu'il a dit qu'il s'agissait peut-être d'une opération de camouflage.

M. Roy: Je n'ai pas dépassé ma pensée; c'est ma crainte.

M. Tremblay: II s'agit précisément du contraire. Je pense que si le gouvernement avait voulu camoufler, premièrement, il n'aurait pas convoqué de commission après la première lecture parce que le gouvernement n'est pas obligé de convoquer une commission après la première lecture. Deuxièmement, si on avait voulu vraiment camoufler, on aurait invité justement 150 personnes dans 150 domaines différents pour discuter 150 problèmes. Le gouvernement veut faire la lumière sur "le" problème et ne veut pas créer de problèmes; il veut que nous discutions de solutions. Je demande la collaboration des membres de la commission pour que nous nous attaquions aux solutions et que nous ne soulevions pas de problèmes. Il y a un problème qui est urgent. C est pour cela que le gouvernement a déposé un projet de loi avant notre échéancier parce que nous avions cru, après le mandat que nous avions confié à la SGF, que nous pourrions injecter de nouveaux fonds dans la SGF au cours de la prochaine session. Le rapport était tellement clair, posait un problème tellement urgent pour toute une région économique du Québec, que nous avons décidé d'agir en moins de trois semaines après le dépôt du projet de loi.

Donc, c'est le contraire d'une opération de camouflage. M. le député de Beauce-Sud. Nous sommes prêts à le débattre et nous aurons une première étape parlementaire de renseignements qui nous permettra de débattre en deuxième lecture l'ensemble du projet de loi. Alors, débattons le problème, celui de Marine Industrie, comme je l'ai proposé tout à l'heure, les bateaux, Marine Industrie et les orientations de la SGF mais j'espère que nous ne passerons pas trop de temps sur les orientations, à ce niveau de notre procédure parlementaire, puisque nous aurons un débat en deuxième lecture justement sur cette question, et je pense que nous remplirons notre mandat.

M. le Président, je solliciterai la collaboration des membres pour que nous puissions procéder. Nous avons invité des témoins. Ils sont ici. Ce sont des gens occupés, qui ont des responsabilités dans toutes sortes de domaines et je pense que nous devrions profiter de leur présence pour obtenir les éclaircissements nécessaires à une bonne discussion en deuxième lecture du projet de loi.

M. Russell: M. le Président, d'une façon très brève, je ne pense pas être le plus grand procédurier de la Chambre, mais je suis ce matin un peu renversé de la situation. Quand j'écoute le député de Marguerite-Bourgeoys et le ministre qui disent que nous avons ici des gens occupés, on est parfaitement au courant que ces gens sont occupés, mais nous aussi sommes occupés et je voudrais bien qu'on donne des assurances à la com-

mission, parce que, que je sache, le projet de loi de Marine Industrie fait partie de la Société générale de financement et les crédits qui sont demandés le sont pour la Société générale de financement et on veut discuter de l'ensemble de l'utilisation de ces crédits, si je comprends bien.

Quand le ministre nous dit que c'est Marine Industrie qui est la cause principale du problème de la SGF, je suis complètement d'accord. On a regardé certains de ses chiffres. On veut poser des questions à ces gens, oui, mais la seule chose que j'ai demandée tout à l'heure, et je n'ai pas eu de réponse, c'est à cause du fait qu'on ne veut pas convoquer les présidents d'autres industries...

M. Tremblay: Mais l'argent est pour Marine. Les modalités du projet de loi qui ont besoin d'éclaircissement portent sur la situation d'urgence à Marine. En deuxième lecture, nous allons débattre aussi longtemps que vous voudrez le principe d'injection de fonds dans la SGF en général. Il n'y a pas de fonds dans le projet de loi qui sont attitrés ou affectés directement à une autre filiale que Marine. Donc, nous avons convoqué une commission après la première lecture pour discuter du problème de Marine. Si vous ne voulez pas en discuter, on fera rapport à la Chambre et on passera tout de suite au débat en deuxième lecture.

M. Russell: Je comprends que le ministre a le droit de me couper la parole, de m'arrêter quand cela lui fait plaisir. Je ne m'y suis pas opposé, j'aurais pu le bloquer et l'arrêter de parler. J'avais la parole et je ne sache pas que lui, en tout cas en commission, ait un droit prioritaire sans demander votre permission pour avoir le droit de parole ou la mienne. C'est ce qu'il vient de faire. Je ne lui en veux pas mais je lui demanderais, de grâce, de ne pas adopter cette attitude parce que le temps va être long. On est ici au moins pour 48 heures et cela sera peut-être plus long, et je répète que les crédits qui sont demandés et qui seront distribués et qui sont à même l'explication de la loi, c'est pour la SGF. Elle pourra, à ce moment, en disposer comme elle voudra...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Brome-Missisquoi, si le ministre ne peut vous interrompre, moi, je vais vous interrompre.

M. Russell: C'est vrai. Vous avez le droit de m'interrompre. Je ne suis pas dans l'ordre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vais vous dire ceci: J'ai le mandat, parce qu'il y a des témoins, effectivement, on a quelques heures pour travailler, et je demande tout simplement qu'on ne discute pas pendant des heures et des heures sur le mandat, sur les sujets dont on doit parler.

Le ministre a fait une proposition. Chacun des membres a le droit d'être en accord ou en désaccord, mais, par exemple, si je considère que les gens ne s'entendent pas sur le mandat qui nous est donné par la Chambre, je peux demander à notre émanation, c'est-à-dire à l'Assemblée nationale, de nous préciser ce mandat. Si c'est cela que ça prend aux membres de la commission pour s entendre, on peut aller à l'Assemblée nationale, faire préciser notre mandat et on reviendra à 15 heures cet après-midi.

Je pense que ce serait déplorable. Je pense que des gens adultes peuvent s'entendre sur un modus vivendi: qui on entend en premier, de quel sujet on parle en premier, de quel sujet on parle en deuxième, quelle personne doit parler sur ce sujet, quelle autre doit parler sur tel autre sujet. Je ne voudrais pas qu'on passe jusqu'à une heure à parler là-dessus. Je peux, de mon propre office, demander qu'on retourne devant l'Assemblée nationale ou sur une simple motion d'un député, probablement, et préciser le mandat.

M. Lalonde: Avant d'aller à l'Assemblée nationale, M. le Président, est-ce qu'on pourrait entendre le président de la SGF qui est assis devant nous, qui a une déclaration qui a été distribuée. Cela va être conforme un peu à ce que le député de... Excusez-moi, quel comté?

M. Russell: Brome-Missisquoi.

M. Lalonde: ... Brome-Missisquoi dit. Il veut qu'on ait une vue générale de tout ce que le projet de loi nous suggère et peut-être qu'on va bifurquer sur les navires assez rapidement, mais au moins on pourra commencer à entamer la discussion. Il est 12 h 25.

M. Russell: M. le Président, deux mots. Je sais que vous pouvez m'interrompre quand je vais à rencontre du règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je ne le fais pas souvent.

M. Russell: Non, quand je vais à rencontre du règlement, vous avez le droit de m'interrompre, mais, quand j'ai le droit de parole, vous n'avez aucune raison, vous n'avez pas le droit de m'interrompre. Vous me dites que j'allais à rencontre du règlement, c'est ce que vous m'avez dit quand vous m'avez interrompu. Je voulais simplement demander une garantie au ministre. C'est tout ce que j'ai demandé et on ne l'a pas eue encore. On est prêt à accepter sa procédure. La seule chose, c'est qu'on voudrait avoir de lui — c'est ce qu'on lui a demandé — et il n'a pas répondu... Il me semble que ce serait assez simple de le dire: Oui ou non, est-ce que la commission va pouvoir entendre les gens que l'Union Nationale a demandé de convoquer ici? Si c'est oui, qu'il nous le dise. Si c'est non, qu'il nous le dise; on va savoir à quoi s'en tenir. C'est tout.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Tremblay: Comme je l'avais dit tout à l'heure, la convocation d'une commission après la première lecture est une mesure exceptionnelle.

Nous l'avons fait parce qu'il s'agissait d'une question d'urgence. L'urgence provenait d'une source, Marine Industrie. Nous avons demandé de convoquer les dirigeants actuels de Marine, les dirigeants passés de Marine et, évidemment, les dirigeants actuels de la SGF de même que les représentants des syndicats de Marine. Nous sommes ici pour discuter de ce problème.

En deuxième lecture, nous reprendrons l'orientation générale de la SGF, mais, "sérialisons" les problèmes; sans cela, nous allons être ici jusqu'après Noël. Je demande encore, j'implore les membres de la commission de collaborer avec le gouvernement, parce que, s'il n'y avait pas de problème d'urgence... Et nous allons démontrer qu'il y a urgence, il y a 3200 emplois qui sont menacés. Je comprends que ce n'est pas dans votre comté, mais c'est une région industrielle importante du Québec, et nous avons besoin d'agir rapidement.

Le président de l'Assemblée nationale a mentionné qu'il nous reste à peu près une dizaine de jours à l'Assemblée nationale. Il va nous falloir procéder à l'interrogation des témoins que nous avons convoqués, retourner à l'Assemblée nationale avec les délais qui sont prévus par nos règlements, avoir un débat à l'Assemblée nationale qui peut durer passablement longtemps, revenir ici en commission avant la troisième lecture. Nous sommes ici dans une situation d'urgence. Les deux jours que nous allons avoir vont servir en grande partie à traiter de la question d'urgence et j'ai mentionné que le président de la Société générale de financement et les autres officiers vont certainement être disponibles pour répondre aux questions traitant de l'orientation générale de la SGF et de certaines autres filiales. Mais il n'est pas dans l'intention du gouvernement de noyer le poisson et de faire ce qu'a dit le député de Beauce-Sud, de traiter de 25 sujets à la fois, alors qu'il y a un sujet que le gouvernement veut voir traiter et parce que c'est celui-là qui a forcé le gouvernement à agir rapidement.

M. le Président, si vous le permettez, je vais simplement remercier les représentants de la SGF de même que ceux de Marine Industrie, de même que les représentants du syndicat de Marine qui se sont déplacés ici à la demande du secrétaire des commissions et je dirais aussi le conseil d'administration de la SGF qui s'est déplacé, même s'il n'a pas été convoqué par le secrétaire des commissions. Je signale aussi, M. le Président, la présence d'anciens dirigeants de la SGF et de Marine qui ont aimablement accepté, eux aussi, de participer à cette commission parlementaire et de venir nous aider à éclairer le débat d'aujourd'hui.

Par contre, M. le Président, il serait peut-être utile que je commente un peu le rapport du secrétaire des commissions que vous avez mentionné tout à l'heure, puisque vous avez fait la liste des témoins qui ont accepté l'invitation et j'ai constaté qu'il y en a deux qui n'ont pas accepté de se présenter aujourd'hui, c'est-à-dire M. Yvon Simard qui a été vice-président de Marine du 26 août 1973 au 30 mai 1974 et qui a été président de Marine

Industrie du 30 mai 1974 au 18 mars 1975, en plus d'avoir été président de la Société générale de financement du 15 décembre 1972 au 13 mars 1975. (12 h 30)

L autre témoin, je crois, est M. Gérard Fillion qui a été président de Marine Industrie, du 26 avril 1966 au 30 mai 1974 et qui a été conseiller de Marine, jusqu'au mois de juillet 1977.

M. le Président, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous sommes ici pour trouver des solutions et éclairer les modalités de ces solutions, non pas pour créer des problèmes. Je peux comprendre que certains témoins puissent avoir des raisons valables de ne pas se présenter. Par contre, j aimerais formuler le voeu et peut-être en faire une motion, que nous souhaiterions, comme commission élue, pouvoir entendre ces deux personnes ou du moins que ces deux personnes soient à la disposition de la commission. Parce que nous allons démontrer tout à Iheure que la période de 1974, 1975, 1976 est une période clef dans l'explication des déboires de Marine Industrie. Comme M. Simard était un officier de haut rang de la société Marine, à cette époque, qu'il en a été de même pour M. Fillion, je pense que ce serait injuste pour les autres témoins qui sont ici aujourd'hui, qui se sont déplacés, si nous ne formulions pas un voeu de convocation de ces deux autres personnes.

Mais comme vous l'avez mentionné, la commission n'a pas tous les pouvoirs dans ce domaine et ce ne sera véritablement qu'un voeu. Si vous me permettez, M. le Président, j'aimerais formuler une motion pour que nous convoquions les deux personnes qui ne sont pas présentes. Ma motion se lirait comme suit — je vais demander à mes assistants de vous la distribuer — "Que cette commission fasse un rapport spécial à l'Assemblée rapportant les faits suivants: premièrement, la commission a reçu le mandat de l'Assemblée de se réunir pour audition et étude du projet de loi no 108, Loi modifiant la charte de la Société générale de financement du Québec. Deuxièmement, pour bien remplir son mandat, la commission a cru nécessaire de tenir une audition publique. Troisièmement, en conséquence elle a convoqué un certain nombre de témoins. Quatrièmement, deux de ces témoins, M. Gérard Fillion et M. Yvon Simard, n'ont pas donné suite à l'avis de convocation formelle qui leur a été régulièrement signifié par le secrétaire des commissions parlementaires en vue de comparaître devant notre commission, à 10 heures, au salon rouge du parlement, le 7 décembre 1978. Cinquièmement, leurs témoignages sont considérés comme pertinents et essentiels par la commission. "En conséquence, la commission fait rapport de ce refus des témoins de se présenter devant elle et prie le président de l'Assemblée nationale de prendre les moyens nécessaires pour que la commission puisse interroger ces témoins en temps opportun, le tout conformément aux dispositions de l'article 153 de notre règlement et des articles 63 à 91 de la Loi de la Législature".

Un court commentaire, M. le Président. Je crois que l'esprit dans lequel je propose la motion, c'est simplement que je voudrais que la commission soit d'accord pour que nous formulions une invitation par le truchement du président afin que les deux personnes soient à la disposition de la commission. Mais il est probable, puisque nous avons été convoqués pour deux jours, qu'il y ait des obstacles géographiques à ce que ces personnes puissent se présenter. Dans le cas d'un des témoins, on m'a dit qu'il était à l'extérieur du pays, etc. Je tenais à ce que nous puissions formuler officiellement notre désir de les voir se porter à la disposition de la commission.

M. Biron: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur la recevabilité?

M. Biron: Non.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je déclare la motion recevable, donc débattable et amendable. Mais je dois laisser la parole auparavant...

M. Biron: D'accord.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... à lOpposition officielle. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, il me semble qu'on a passé suffisamment de temps à des mesures qui sont, dans le fond, très préliminaires à nos travaux. Je crois que c'est vous-même qui avez fait ressortir qu'il dépendait du ministre, essentiellement du leader parlementaire, de convoquer des gens, que ce n'était pas de l'autorité de la commission, du président de la commission. De la même façon que je m'interroge sur l'insistance qu'a mise l'Union Natonale à demander la convocation d'un tas de personnes; je m'interroge également, à ce moment-ci de nos travaux, sur l'insistance du ministre pour convoquer d'autres personnes, de façon plus formelle qu'elles ne l'ont déjà été.

On verra, selon le déroulement de nos travaux, quelles autres informations sont nécessaires, quelles autres personnes sont nécessaires, mais plutôt que d'ouvrir la porte à un débat de procédure à ce moment-ci, j'inviterais le ministre à observer la même retenue que je crois déceler, malgré l'impatience compréhensible, du côté de l'Union Nationale, et à procéder immédiatement à l'audition des gens qui sont devant nous. Au moins, ceux-là, quand on aura fini de les entendre, si on n'est pas satisfait, on pourra demander la présence d'autres personnes. Mais ils semblent suffisamment nombreux pour satisfaire notre curiosité.

Pour cette raison, M. le Président, on n'a pas l'intention d'appuyer d'aucune façon la motion du ministre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Lotbinière, M. le chef de l'Union Nationale.

M. Biron: Très brièvement, M. le Président, si la motion du ministre est jugée recevable, si elle doit se décider ici, je voudrais simplement proposer un amendement: Qu'on ajoute, aux deux noms mentionnés par le ministre, les noms de M. Lepage, président de Volcano; M. Villeneuve, président de Forano; M. Walsh, président de Donohue; M. Olivier, président de CEGELEC; le président de BG Checo limitée; le président du Syndicat des employés de Donohue; M. Wermenlinger et M. Jacques Desmeules de Chabot et associés.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que l'amendement pourrait être fait par écrit, s'il vous plaît? Vous voudrez bien en distribuer une copie à chacun des membres de la commission.

M. Forget: ... tout le monde retirait sa motion.

M. Tremblay: M. le Président, je vais me ranger à la demande du député de Saint-Laurent. Je pense que nous avons perdu suffisamment de temps. Si, au cours des séances de la commission, on se rend compte que les deux personnes que j'ai mentionnées seraient importantes pour avoir une information complète sur le problème de Marine Industrie, on pourra revenir avec la motion.

Mais, de bonne grâce, je me range du côté des membres de l'Opposition et je retire ma motion.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La motion, pour être retirée, demande le consentement unanime, puisqu'elle avait commencé à être débattue. Est-ce qu'il y a consentement unanime pour le retrait de la motion.

Des Voix: Consentement.

Une Voix: Non, non, pas de consentement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II n'y a pas de consentement?

M. Lalonde: II me semble que le ministre a ouvert une boîte de Pandore...

M. Tremblay: Le problème est une boîte de Pandore.

M. Lalonde: ... avec une élégance habituelle.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce qu'on peut prendre le vote sur la motion? On va l'enregistrer. Vous l'acceptez? Comme vous voulez.

M. Lalonde: Est-ce que vous avez l'amendement?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je ne l'ai pas encore, mais...

M. Lalonde: Comment peut-on parler sur un amendement si on ne l'a pas, M. le Président?

M. Roy: Je pense qu'on peut quand même procéder selon un certain ordre. On a demandé au chef de l'Union Nationale d'écrire sa motion d'amendement. Elle sera déposée à la présidence. Une copie sera remise aux membres de la commission parlementaire.

M. Tremblay: Nous reprenons le débat d'il y a quelques instants.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous rappelle que je n'ai pas encore déclaré l'amendement recevable, ni irrecevable.

M. Tremblay: Si on le retire, je ne vois pas pourquoi on ne procéderait pas à l'audition des témoins.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est parce que, M. le ministre, on ne peut retirer une motion qu'on a présentée à partir du moment où on a commencé à la débattre.

M. Lalonde: Ce n'est pas comme une parole qu'on retire en Chambre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Ce n'est pas comme une parole qu'on retire en Chambre, n'est-ce pas?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Forget: Accélérons, qu'on ait l'amendement et qu'on le vote.

M. Lalonde: ... les travaux de la commission sont suspendus. ... que chacun des membres a le droit d'exprimer son admiration pour l'habileté consommée du ministre dans la direction des travaux.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ils sont silencieux. A l'ordre s'il vous plaît!

M. Tremblay: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Tremblay: M. le Président, j'ai mentionné tout à l'heure les dates de l'occupation de postes de la part des deux témoins. S'il n'y a pas consentement pour retirer la motion, je vais la maintenir, parce qu'il me paraît absolument essentiel que ces personnes soient ici pour témoigner. Justement, les problèmes qui ont conduit à la situation actuelle ont pris origine à cette période temporelle que j'ai mentionnée.

Comme je le mentionnais aussi, il s'agit d'une certaine injustice à l'endroit des autres témoins qui vont devoir répondre à des questions sur une période où ils n'occupaient pas les postes principaux.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président. Est-ce que le ministre parle en faveur de sa motion ou s'il l'a retirée?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! Un instant! Vous voulez faire de la procédure, mais le président s'y connaît en procédure. Humblement, il s'y connaît.

M. Lalonde: Bon, allez-y!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Humblement, il s'y connaît. On ne peut pas retirer une motion à partir du moment où la délibération est commencée. Il faut le consentement unanime. Le ministre a voulu retirer sa motion, il ne peut le faire de lui-même sans le consentement. Le défaut de consentement a été constaté. Il a maintenant une motion d'amendement qui n'a pas encore été jugée recevable, ni irrecevable.

Je dois vous dire, M. le député de Lotbinière, que votre motion d'amendement remet en question le mandat qui nous a été confié par l'Assemblée nationale, puisque les personnes que vous voulez voir assigner par votre amendement sont des personnes qui, selon le mandat ou selon I'esprit du mandat qui nous a été confié par l'Assemblée nationale, ne devraient pas être assignées, à moins que nous ayons une précision de notre mandat par l'Assemblée nationale, ce que nous n'avons pas encore.

M. Tremblay: C'est-à-dire que ce sera une commission sur Marine Industrie. On va retourner.

M. Biron: M. le Président, seulement comme explication, toutes les personnes que j'ai suggérées sont reliées directement à la Société générale de financement, soit comme président d'une de ses filiales, comme président du syndicat ou comme employé d'une de ses filiales, à un moment donné.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je suspends les travaux de cette commission pour cinq à dix minutes.

Une Voix: ...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La suspension est prononcée pour cinq minutes.

Suspension de la séance à 12 h 42

Reprise de la séance à 12 h 46

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à chacun de reprendre sa place.

Je pense que la motion d'amendement du député de Brome Missisquoi me permet de taire les précisions suivantes: La motion du ministre est essentiellement une motion qui vise des personnes qui ont été invitées par le secrétariat des commissions et qui ne se sont pas présentées; en conséquence, elle demande qu'elles soient, vu leur défaut de répondre à l'invitation, assignées formellement, qu'elles soient contraintes de se présenter par notre émanation, c'est-à-dire l'Assemblée nationale. Alors que la motion d'amendement du député de Brome-Missisquoi vise des personnes qui n'ont pas encore été invitées. Ce que je suggérerais, donc... Elles ne sont pas récalcitrantes. On ne peut pas faire, à l'endroit des personnes nommées par le député de Brome-Missisquoi, un rapport suivant lequel elles sont récalcitrantes puisqu'elles n'ont pas encore été...

M. Lalonde: II y en a deux qui sont ici, me dit-on.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):... invitées. Donc, je déclare irrecevable, sur la forme, la motion du député de Brome-Missisquoi, mais je lui dis, par contre, qu'il pourra, à la suite du vote pris sur la motion principale, présenter une motion invitant lesdites personnes à se présenter devant notre commission. Est-ce que tous saisissent la nuance entre les deux? Oui. Donc, la motion d'amendement est irrecevable. Nous revenons à la motion principale. Est-ce que vous êtes prêts à la voter? Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Russell: Adopté.

M. Lalonde: Est-ce qu'elle est retirée ou non retirée?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur division?

M. Tremblay: Je propose encore qu'on la retire. Cela irait beaucoup plus vite.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce qu'il y a consentement unanime pour le retrait de la motion principale?

M. Biron: D'accord.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Donc, la motion d'amendement est jugée irrecevable et la motion principale est retirée, du consentement unanime de la commission.

M. Forget: Bravo!

M. Tremblay: J'aimerais ajouter, à la suite de ce vote, que si, au cours des discussions et des interrogations, les membres de la commission se rendent compte que la période 1974 et 1975 exigerait la présence des deux personnes, comme j'avais mentionné dans ma motion, avec leur permission, nous pourrions revenir sur la motion.

Exposé de la situation par le ministre M. Rodrigue Tremblay

Si vous me permettez, je vais commencer les discussions par une brève présentation, parce que le but de notre présence ici, c'est d'éclairer le débat. Avant d'entreprendre l'examen des modalités du projet de loi, je voudrais soulever un certain nombre de questions auxquelles, tous ensemble, nous pourrons chercher des réponses pendant le temps que la commission consacrera à l'étude du projet de loi 108.

Marine Industrie, qui est la raison de notre présence ici, fondamentalement, se retrouve donc aujourd'hui avec six navires polyvalents de 17 000 tonnes, qui ne sont pas encore vendus et qui ont coûté à cette entreprise, avant des subventions du gouvernement fédéral à la construction maritime de l'ordre de 17%, $135 millions.

Les questions évidentes qui se posent et que le gouvernement a posées à la SGF, sont les suivantes: Quelles sont les principales causes internes et externes de cette situation critique? Quelles sont les principales étapes de ce dossier depuis la signature des contrats de construction avec un armateur grec depuis le 2 août 1973 jusqu'à maintenant? Quel a été le rôle de la Société fédérale pour l'expansion des exportations dans le financement de ces contrats? La Société fédérale pour l'expansion des exportations, c'est la société du gouvernement fédéral qui relève du ministère de l'Industrie et du Commerce fédéral qui est partie au contrat que nous soulevons. Quelle a été révolution du marché international des navires polyvalents de 17 000 tonnes au cours des dernières années?

M. le Président, on a distribué à tous les membres de la commission, il y a une dizaine de jours — au moins une semaine — les rapports en provenance de la SGF de même qu'un rapport de coupures de journaux qui indiquent très clairement qu'au plan international, tous les chantiers maritimes traversent une période pratiquement désastreuse présentement.

Autre question, M. le Président: Quelles sont les fluctuations qu'ont subies les taux d'affrètement de navires au cours des dernières années? Quelles sont les possibilités de vente ou d'utilisation de ces six navires dans l'avenir?

Toutes ces questions sont importantes parce qu'elles nous permettront de savoir si les modalités du projet de loi que le gouvernement propose sont à la mesure des problèmes que rencontrent Marine Industrie et la SGF. Je vais demander tout à l'heure au président de la SGF de commenter et de répondre aux questions que j'ai mentionnées.

D'autre part, Marine Industrie a dû absorber une perte nette dans la division navale de

$17 600 000 au cours dès dix dernières années qui est attnbuable surtout à la construction de navires polyvalents au début des années soixante-dix, pour une société française — la perte, pour la société, était de $20 700 000 — et à des provisions initiales pour perte de $10 000 000 pour les navires panaméens. Les navires panaméens sont les navires grecs auxquels ont fait habituellement allusion.

De toute évidence, l'activité de la construction navale de Marine Industrie n'est pas rentable dans l'état actuel des choses. Il faut, par conséquent, que cette entreprise poursuive de façon intensive l'effort de diversification qu'elle a entrepris en 1953 en introduisant la fabrication de wagons et en 1965, en commençant à fabriquer des turbines et des alternateurs et, également, en réduisant de façon significative son activité de construction navale de façon que les produits qui y seraient fabriqués le soient sur une base rentable.

La situation actuelle de Marine exige qu'un plan de conversion industrielle soit mis en oeuvre dans les meilleurs délais. Les questions évidemment, auxquelles il serait intéressant pour la commission d'obtenir des éclaircissements sont les suivantes: Quelles sont les possibilités réelles de conversion à Marine compte tenu de la situation économique actuelle? Des travaux concrets en cette matière ont-ils été faits? Quel effet aura le programme de conversion industrielle sur la main-d'oeuvre à Marine, à Sorel et à Tracy? Sur quelle période ce programme s'échelonnera-t-il et à partir de quel moment pourra-t-on identifier des résultats pratiques. Dans l'état actuel du carnet de commandes de Marine, quelles sont les mises à pied prévues par la direction de cette entreprise? Autrement dit, le gouvernement agit rapidement en injectant, par le truchement de la SGF, des sommes importantes, mais ces sommes permettront-elles de consolider l'emploi ou devra-t-il y avoir quand même une consolidation et une perte d'emplois à moyen terme ou à court terme?

Donc, les membres de la commission doivent prendre note que Marine construit des navires dans un contexte où la responsabilité première et presque exclusive en matière de construction maritime appartient au gouvernement fédéral.

Par conséquent, quelles sont les questions qu'il nous faut poser? Par exemple, quelle suite le gouvernement fédéral entend-il donner aux recommandations qui lui ont été faites par le groupe d'étude sur l'industrie canadienne de la construction navale présidé par M. McArthur et qui a remis son rapport il y a deux mois environ? Parce qu'il y a d'autres chantiers maritimes ici même au Québec et dans le reste du Canada qui font face à des problèmes importants.

L'article 4 du projet de loi 108 précise la vocation de la SGF. Quelles sont les principales raisons qui ont amené les propositions de modification à la vocation originale de la SGF? Evidemment, nous allons pouvoir, demain, peut-être revenir plus en détail sur ces grandes orientations de la SGF. Quelles sont les raisons qui sous-entendent les choix de secteurs prioritaires dans lesquels la SGF pourrait concentrer ses activités dans l'avenir et se servir des fonds que le gouvernement mettra à sa disposition au cours des cinq prochaines années?

Quelle est l'utilisation prévue pour le nouveau capital-actions de la SGF qui sera versé, d'une part, sur une base statutaire et, d'autre part, sous la forme d'un fonds à partir duquel cette société pourra obtenir des fonds additionnels sur la base de projets et avec l'autorisation du gouvernement. Quel est, d'autre part aussi, le rôle du conseil d'administration d'une société d'Etat comme la SGF?

Voilà un certain nombre de questions, M. le Président, qui pourront être soulevées et précisées pendant les travaux de cette commission parlementaire au cours de laquelle, à titre d'actionnaire de la SGF et comme représentant du gouvernement, je voudrais que le plus d'information possible soit donné. Avant de demander au président de passer la parole au président de la Société générale de financement, M. Guy Coulombe, je voudrais indiquer aux membres de cette commission que j'ai l'intention d'émettre des directives portant sur les objectifs et l'orientation de la Société générale de financement comme le prévoit l'article 16 du projet de loi 108, d'ici quelques mois, d'ici à ce que nous passions à travers la situation d'urgence des semaines présentes. Ces directives, M. le Président, préciseront notamment les critères de performance que j'estime que la SGF doit atteindre et serviront en quelque sorte de cadre de référence aux membres du conseil d'administration de la SGF, membres du conseil d'administration que je félicite encore à nouveau pour avoir agi avec autant de compétence et de célérité en déposant leur rapport et me l'expédiant le 1er novembre dernier.

M. le Président, ce sont des questions générales, il y en a beaucoup d'autres, ainsi que des sous-questions que les membres de la commisson vont sans doute vouloir soulever, mais, avant de passer au menu détail de ces questions, je voudrais avoir votre autorisation pour demander au président de la Société générale de financement de nous présenter son appréciation de la situation à Marine et son appréciation du projet de loi en rapport avec les besoins de reconversion de la société Marine Industrie.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Avant de ce faire, je me dois, en vertu de nos règlements, d'au moins permettre à chacun des représentants officiels de chacun des partis représentés d'émettre également une brève déclaration d'ouverture. D'autre part, je demanderais le consentement unanime de la commission pour que M. Perron (Duplessis) agisse à la place de M. Grégoire (Frontenac) comme membre de la commission.

M. Forget: Adopté.

M. Lalonde: Adopté. C'est une amélioration.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Etant donné qu'il est 12 h 58, je présume que les

membres n'auraient pas d'objection que nous ajournions nos travaux à 15 heures cet après-midi.

M. Lalonde: Oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les travaux sont suspendus à 15 heures.

Suspension de la séance à 12 h 56

Reprise de la séance à 15 h 7

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! Il s'agit de la même séance que celle de ce matin; donc, je n'ai pas à renommer les membres. Je vais céder la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce; par la suite, au chef de l'Union Nationale; par la suite, au député de Beauce-Sud, brièvement; ensuite, M. Coulombe de la SGF prendra la parole et puis ce sera la période de questions.

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Remarques de l'Opposition M. Reed Scowen

M. Scowen: Le député de Saint-Laurent regrette son absence ici cet après-midi, il a été retenu par un autre engagement.

D'autre part, M. le Président, nous accueillons les personnes qui nous visitent aujourd'hui; nous n'avons aucunement l'intention de faire le procès des événements de Panama. Nous voulons, de notre part, faire deux choses et j'apprécie énormément le fait que le ministre a organisé l'information et le débat en fonction de ces deux choses: premièrement, parler du problème urgent du financement des pertes causées par la construction des bateaux; deuxièmement, peut-être d'une façon plus importante, parler d'une politique à long terme pour la compagnie Marine Industrie et aussi pour la Société générale de financement.

On remercie énormément le ministre de nous avoir donné cette occasion et j'espère que nous serons en mesure de comprendre un peu les politiques du gouvernement envers les sociétés d'Etat. On attend les témoignages avec un vif intérêt. Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. M. le chef de l'Union Nationale.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: M. le Président, notre attitude au cours de cette commission parlementaire ne sera certainement pas d'essayer de déterrer quelque malheur que ce soit ou de salir qui que ce soit. C'est beaucoup plus en vue d'éclairer la population sur les actions, l'orientation ou l'administration d'une ou de plusieurs de ces sociétés d'Etat. En passant, la population du Québec est l'action- naire de ces sociétés d'Etat, puisque c'est elle qui, par ses taxes, paie finalement les investissements ou les déficits de ces sociétés. C'est dans le but d'éclairer la population.

Notre attitude sera positive tout le long de cette commission parlementaire, surtout en fonction de l'étude du projet de loi tel que soumis par le ministre. D'ailleurs, il a, dans ses remarques d'ouverture, parlé énormément de la Société générale de financement ou de ses orientations.

Il n'est pas question non plus d'essayer de noyer le poisson dans tout cela. Il faut savoir ce qui s'est passé chez Marine Industrie, bien sûr, mais aussi chez les autres sociétés d'Etat, et savoir si ces sociétés maintenant s'administrent d'une façon plus profitable qu'elles ne l'ont fait dans le passé.

En fonction du projet de loi 108, nous allons interroger ceux qui ont eu l'amabilité d'accepter l'invitation des parlementaires du gouvernement et de l'Assemblée nationale. Je tiens en passant à les remercier sincèrement de leur présence, parce que je sais que pour la totalité d'entre eux, ils auraient eu beaucoup d'autres choses à faire aujourd'hui et demain. Mais puisqu'ils ont accepté notre invitation, c'est qu'ils veulent participer, avec les représentants élus de la population, à faire un peu plus de lumière sur l'administration, la gestion de leurs sociétés d'Etat.

Je vous rappelle que l'Union Nationale, au cours des derniers mois, a même proposé des mécanismes permanents, techniques, avec un personnel technique de soutien nécessaire, afin d'aider ces sociétés d'Etat en vue d'une meilleure gestion, d'une meilleure administration. Ce n'est certainement pas pour détruire ces sociétés, mais au contraire, notre attitude veut aider ces sociétés, en particulier la Société générale de financement, aider les administrateurs de ces sociétés à répondre davantage aux demandes de la population du Québec.

Mais lorsqu'on nous présente le projet de loi déposé par le ministre en première lecture, depuis ce temps-là, heureusement, j'ai pu lire des parties de rapports, surtout la présentation de l'actuel président-directeur général de la Société générale de financement que je remercie. J'ai compris un peu mieux ce qu'on voulait faire avec le montant de $52 millions qu'on nous demande de voter d'un coup sec, à des fins agréées par le gouvernement. Autrement, j'aurais été obligé d'engager une agence de détectives pour savoir ce qu'il y avait dans ce projet de loi.

On nous a aussi demandé de consentir des prêts pour une somme maximale de $18 millions, lesquels ne seraient pas remboursés. Le ministre pourra convenir que l'obligation de les rembourser et d'en payer l'intérêt dépend de l'accomplissement d'une condition.

J'ai interrogé le ministre à plusieurs reprises sur cette condition. J'espère qu'on aura beaucoup plus d'éclaircissements pendant cette commission parlementaire et qu'on pourra répondre au cours de l'étude en deuxième lecture et en commission parlementaire, lors de l'étude du projet de loi

article par article, afin d'avoir des réponses nettes et précises sur ce projet de loi.

Mais je veux revenir quand même à ce qui est arrivé à la société Marine Industrie, à l'occasion des dernières années. Si mes informations sont justes, même sans compter le cas des navires panaméens pour lesquels il est arrivé une malchance à cette société d'Etat, la perte de Marine Industrie aurait été quand même de $1,500 000, en 1977. Je voudrais savoir du président, après ces quelques remarques, où on se dirige en 1978, et si l'entreprise, même sans compter le problème des navires panaméens, se dirige à profit ou à perte et ce qui se passe véritablement; le fond de l'histoire de Marine Industrie d'un bout à l'autre.

Je remarque aussi, M. le Président, l'attitude des différents parlementaires qui nous ont précédés, depuis 1962. Il semble qu'historiquement, la Société générale de financement s'est présentée devant l'Assemblée nationale à plusieurs occasions pour demander des sommes d'argent; en 1962, $15 millions, à l'occasion de sa fondation; en 1967, $5 millions additionnels; en 1969, $10 millions; en 1971, $10 millions; en 1972, c'était pour acquérir les titres des intérêts privés qu'il y avait à l'époque, une partie qui était entre des mains privées alors que la grande majorité était dans les mains du gouvernement; en 1973, $25 millions; en 1976, $37 millions; encore en 1976, $4 625 000; encore en 1976, un prêt de $15 millions qui n'a pas été remboursé depuis ce temps. On peut quand même se poser des questions sur ces pèlerinages constants de la Société générale de financement et se demander ce qui s'est passé au cours de l'histoire.

C'est sûr que je ne veux pas accuser aucun des dirigeants actuels ou même des dirigeants passés de mauvaise administration, mais il y a lieu pour les représentants de la population de savoir exactement ce qui s'est passé dans une telle société, comment les fonds de cette société étaient administrés et ce qu'on pourrait faire, nous, aujourd'hui afin d'aider davantage ces sociétés à devenir finalement rentables, parce que l'opinion générale qui est répandue dans la population du Québec vis-à-vis des sociétés d'Etat est très mauvaise.

Il nous importe, je crois bien, au cours des prochaines années, de changer cette opinion en changeant des actions de la part des différentes sociétés d'Etat. Surtout si j'examine les derniers rapports, les bilans financiers de la Société générale de financement en dehors des rapports de Marine Industrie, je vois quand même que certaines sociétés ont perdu de l'argent l'an dernier, en 1977, telles que Forano — c'est d'ailleurs pour cela que je voulais voir le président de Forano pour en discuter — Volcano, BG Checo avec possiblement un contrat en Iran où on a perdu $16 millions, Artopex, SOGEFOR et, finalement, Marine Industrie. Ce sont certainement des questions qu'on peut se poser très clairement sur l'administration de ces sociétés d'Etat. (15 h 15)

II semble qu'il y ait eu des changements à la direction générale de Marine Industrie et à sa société générale. Il y a quand même un climat, particulièrement à Marine Industrie, qui laisse à désirer à l'heure actuelle. J'ai discuté avec plusieurs cadres de Marine Industrie, plusieurs des travailleurs de Marine Industrie et je qualifierais le climat des relations de travail de laisser-aller à I heure actuelle. Ce n'est certainement pas avec un climat de laisser-aller qu'on peut guérir un problème important.

Cela veut dire que le défi est lourd, le défi est important pour les administrateurs actuels de Marine Industrie. C'est de changer tout un climat des relations de travail à peu près pourri qui a finalement atteint 2500 employés de Marine Industrie, à tous les niveaux, qui semblent un peu pris dans ce climat et personne ne bouge à l'heure actuelle pour corriger d'une façon profonde et d une façon sérieuse ce climat de laisser-aller.

C'est tout simplement à constater aussi l'analyse des rapports de production des différents bateaux, des différents navires qu'on a produits au cours des dernières années. Je crois qu'on a des problèmes sur les bateaux grecs ou panaméens, mais il y a aussi eu des problèmes sur d'autres navires, que ce soient les navires polonais, que ce soient les navires français. Il y a des renseignements que je voudrais avoir là-dessus de la part du président et directeur général sur le climat des relations de travail, comment cela fonctionne, pourquoi on a un climat de laisser-aller à Marine, pourquoi, alors qu'on devrait s'améliorer en construisant et en travaillant sur ces navires, c'est-à-dire améliorer les heures-homme par navire vis-à-vis du budget qu'on a fait lorsqu'on a soumissionné sur ces différents navires ces heures-homme s'en vont en se détériorant, pourquoi on a au-delà de 100 000 heures de plus sur certains navires, alors qu'avec l'expérience et la connaissance des travailleurs, on devrait améliorer notre rendement d'une façon considérable. Pourquoi certains travailleurs, certains cadres de l'entreprise disent-ils qu'il y a des situations inexplicables et que le rendement aujourd'hui, non seulement des travailleurs, mais aussi des cadres, des contremaîtres, de la direction, c'est à peu près 50%? Pourquoi y a-t-il un conflit entre la direction, les cadres et les travailleurs? On dit, de part et d'autre, qu'il n'y a personne de compétent là-dedans. J'imagine qu'il y a certainement des gens compétents là-dedans, mais pourquoi les gens n'ont-ils pas confiance les uns aux autres? Je pense bien qu'il y a des questions importantes à poser et on devrait répondre là-dessus. Ce que je voudrais surtout savoir, à la suite de ces pourquoi, c'est ce qu'on va faire demain matin, comme action précise, pour améliorer ce rendement, et surtout améliorer le rendement d'une façon considérable — si on songe qu'on a seulement 50% d'efficacité — des travailleurs, des cadres et de la direction de Marine, d'après certains rapports qu'on a à discuter avec les gens du milieu.

Maintenant, vis-à-vis plus particulièrement et plus généralement de toutes les sociétés ou des entreprises à l'intérieur de la Société générale de financement, j'aurais aussi plusieurs questions à poser au président, en particulier sur ce que

j'appelle des "dettes cachées" ou des dettes qui ne sont pas entrées au bilan ou les engagements passifs éventuels, mais qui ne sont ni à l'actif, ni au passif, ni aux coûts d'exploitation. Il y a des questions là-dessus qu'on peut se poser, en particulier, au sujet d'un déficit actuariel de la caisse de retraite. On avait, en 1976, un déficit de $1 550 000 qu'on doit rembourser en raison de $150 000 par année, pourquoi, d'un coup sec, à compter de 1976 jusqu'à 1977, ce déficit passe-t-il de $1 550 000 à $950 000? On a remboursé $600 000 dans une année. On ne les retrouve nulle part aux états financiers que j'ai présentement. Il y a des questions à se poser. Est-ce que cela dure depuis longtemps? Est-ce que ces dettes existaient lorsque la Société générale de financement a acheté Marine Industrie? Ce serait peut-être intéressant de savoir cela. Et pourquoi ces dettes ont-elles été assumées lorsqu'on l'a achetée, si elles étaient là à l'époque?

Il y a aussi des poursuites et des cotisations se rapportant à des taxes à la consommation. C'est important de savoir cela parce qu'on réalise... Déjà, depuis un an, je l'ai d'ailleurs mentionné au ministre des Finances qui m'avait promis d'agir dans ce sens et je crois qu'il agira au cours des prochaines semaines. Il y a aussi des taxes provinciales, des taxes d'essence qui sont im: payées depuis plusieurs années par une société d'Etat alors que, si cela arrivait dans l'entreprise privée, qu'on ait une société qui, depuis 1962, accumule des taxes impayées, j'ai l'impression que la société serait traduite en cour pas mal plus rapidement. Pourquoi traîne-t-on des dettes comme cela? Pourquoi ne paie-t-on pas les taxes qu'on doit, comme toute autre société, au gouvernement du Québec? Là-dessus, il y a tout près de $1 million qui semble traîner de bilan à bilan. Je veux bien croire que cela n'est pas arrivé l'année passée, mais cela fait combien d'années qu'on traîne cela? Pourquoi ces taxes ne sont-elles pas payées? Est-ce que ce sont réellement des taxes provinciales, en particulier vis-à-vis des montants de taxes provinciales? Est-ce que ce sont des taxes qu'on a reçues de clients et qu'on a tout simplement reçues au nom du gouvernement, mais qu'on a gardées dans les coffres de la société d'Etat? Ce serait important de savoir si le ministre des Finances — je vais peut-être employer un mot un peu dur — se fait voler par une société d'Etat. Cela deviendrait presque un paradoxe.

Qu'est-ce qui arrive aussi sur les contrats de dragage? On a des poursuites de la part du gouvernement canadien sur des contrats de dragage; qu'est-ce qui arrive là-dessus? Je voudrais aussi savoir à quoi est engagée la Société générale de financement et sa filiale, Marine Industrie, vis-à-vis des différentes poursuites de la part du gouvernement fédéral?

M. le Président, il y a aussi des questions que je voudrais peut-être me faire éclaircir davantage tout à l'heure, mais j'aime mieux en informer tout de suite le président: les fameuses commissions qui ont été payées, de l'ordre d'au-delà de $7 millions, sur les navires que nous avons prétendu- ment vendus et avec lesquels nous sommes finalement poignés, qu'on n'a pas pu vendre. Est-ce que c'est normal qu'on paie des commissions d'avance sur ces navires? Quel est le montant des commissions qui ont été payées d'avance? Il semble que, dans un certain rapport, on voit 70% et, dans un autre, 90%. Quel est le montant? Est-ce normal que cela se fasse dans ce sens pour la vente des navires? Ce seraient des questions auxquelles le président, je pense bien, pourrait répondre.

Finalement, avant de terminer, je sais qu'on a invoqué beaucoup de problèmes techniques sur ces bateaux, les bateaux panaméens en particulier; les cadres et les travailleurs de Marine Industrie que j'ai questionnés m'ont dit qu'il n'y avait pas de problèmes en réalité, ce n'étaient que des pseudo-problèmes, cela a été tout simplement une espèce de harcèlement de la part du client envers la compagnie pour essayer de retarder le plus possible la date d'échéance, de livraison des navires pour pouvoir, après cela, plus facilement annuler ses engagements vis-à-vis de la compagnie Marine.

Or, quels étaient ces vrais problèmes? Qu'a-ton fait pour résoudre ces problèmes? Est-il vrai que si on avait tout simplement fait venir la compagnie Lloyd's capable de donner un certificat sur ces navires, ces problèmes ne seraient pas arrivés et, finalement, le client grec aurait été obligé de prendre ces navires?

Est-ce vrai aussi que vis-à-vis de cette négociation de navires, le client était prêt à renégocier son contrat et on n'a pas voulu, de la part de la direction de Marine, renégocier le contrat alors que le même client grec a renégocié ses contrats dans les chantiers maritines en Allemagne, en Suède en particulier, et qu'il a accepté 100% de ses contrats une fois renégociés là-bas et que les seuls contrats qu'il a annulés sont ceux qui regardent l'entreprise Marine?

C'est beaucoup de questions que je voudrais poser, d'une façon positive, afin d'éclairer un peu les membres de l'Assemblée nationale, afin aussi d'éclairer la population du Québec. Mais je redis, en terminant, que les questions importantes qui m'intéressent de très près sont des questions à savoir ce qu'on fait cette année, demain matin, au cours des prochaines années. Peut-on espérer qu'avec une nouvelle injection de capitaux, la société Marine, premièrement, sera rentable et que les autres sociétés membres du groupe de la Société générale de financement deviendront rentables le plus rapidement possible?

Peut-on espérer de telles choses? Je pense que le président serait prêt à nous répondre tout à l'heure lorsque ce sera le temps pour lui de faire son intervention.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. Roy: Merci, M. le Président. Je vais être très bref. D'ailleurs, je suis heureux qu'une com-

mission parlementaire ait lieu pour examiner la situation financière des sociétés qui sont ici représentées aujourd'hui, puisque cela fait suite à un voeu que j'ai souventefois exprimé dans le passé à savoir que, lorsque l'Assemblée nationale est appelée à voter des millions de dollars, des dizaines, voire des centaines de millions de dollars, on puisse prendre une décision éclairée, une décision vraiment responsable.

D'ailleurs, il n'y a pas un gérant de banque, ni même un gérant de petite caisse populaire qui ne prend pas la peine d'examiner un dossier avant de consentir un prêt à un individu à une petite entreprise.

Plusieurs questions ont été posées par mes collègues. J'aimerais ajouter quelques questions, évidemment, puisqu'on parle de la nouvelle orientation, de la nouvelle vocation qu'on pourrait donner à Marine Industrie. J'aimerais bien qu'on puisse nous apporter un éclairage par exemple relativement à cette nouvelle vocation. La société se dirige-t-elle vers des secteurs qui sont déjà occupés par l'entreprise privée dans le Québec? Je pense que c'est un élément qu'il est important d'examiner, parce qu'on sait très bien que l'Etat s'engage toujours à financer les déficits, alors que l'entreprise privée n'a jamais le choix. Elle est obligée d'être rentable.

Deuxièmement, a-t-on fait des études du marché? Troisièmement, s'il y a des rapports de rentabilité qui ont été faits, quelles sont les relations aussi qui pourront exister dans l'avenir avec la société Volcano ou la société Forano. Ce sont toutes des questions auxquelles il serait bien important d'avoir des réponses. J'aurai d'autres questions à poser et j'y reviendrai au fur et à mesure, M. le Président, compte tenu... Mais j'aimerais bien dire ceci de façon à être bien clair pour tout le monde. Il peut arriver que nous posions des questions assez gênantes et assez embarrassantes, mais cela fait partie de nos responsabilités et je pense qu'un bon médecin qui veut guérir un patient atteint d'une maladie sérieuse est parfois obligé de lui faire mal. Ce n'est pas dans le but expressément de nuire à quelqu'un, ce n'est pas dans le but de gêner quelqu'un non plus, mais c'est dans le but de connaître tous les faits, d'avoir toute l'information, la lumière nécessaire pour que, lorsque nous serons appelés à nous prononcer en deuxième et en troisième lecture sur le projet de loi qui est actuellement devant nous, nous puissions prendre une décision éclairée et responsable.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Beauce-Sud. Avant de céder la parole à M. Coulombe, j'aimerais dire, pour le bénéfice de tous ceux qui vont venir témoigner les choses suivantes: Premièrement, l'article 64 de notre Loi de la législature dit ceci: "Nulle personne n'est passible de dommages-intérêts ou n'est sujette à aucun autre recours en raison d'actes accomplis sous l'autorité de l'Assemblée nationale agissant dans la mesure de ses pouvoirs.'' Je sais qu'il y a des confrères présents qui auront pris bonne note de cette déclaration. D'autre part, même si le Parlement protège ses témoins, ceux-ci peuvent demander formellement la protection de la commission avant de produire leur déposition, ce qui veut dire que toute parole ou tout aveu, quel qu'il soit, invoqué devant I Assemblée nationale ou ses commissions, ne pourra jamais servir de preuve contre lesdites personnes devant un quelconque tribunal face à ces événements. Ceci dit, je cède la parole au président de la SGF, M. Coulombe.

Situation à Marine Industrie

M. Coulombe (Guy): Merci, M. le Président. Vous comprendrez que l'accumulation de données et l'établissement d'un dossier qui, somme toute, est assez complexe nécessite la collaboration de plusieurs personnes. Avec votre permission, M. le Président, j'aimerais quand même présenter à la commission les membres du conseil d administration, sans lesquels je ne crois pas qu'il aurait été possible d'accomplir ou de réaliser ce programme ou ce rapport que nous vous présentons aujourd'hui, ainsi que mes principaux collaborateurs. J'ignore s'ils sont tous encore présents, mais j'aimerais quand même vous les mentionner.

Les membres du conseil d'administration de la Société générale de financement sont: M. Roland Giroux qui, je pense, est bien connu dans cette salle, M. Michel Bélanger, qui est président de la Banque provinciale, M. Yves Gratton, qui est président de l'UAP, M. Michel Latraverse, qui est président de York Lambton, M. Fernand Martin, professeur d'économique à l'Université de Montréal et M. Claude Descôteaux qui est sous-ministre de l'Industrie et du Commerce. Quant à mes principaux collaborateurs ici, je voudrais présenter M. Jacques Paquin, vice-président à l'exploitation, M. Michel Plessis-Bélair, vice-président au développement de l'entreprise, M. Louis-Gilles Gagnon, vice-président aux affaires juridiques.

M. le Président, j'aurais une directive à vous demander, le résumé que je veux vous présenter se divise en trois parties, j'ai crû comprendre que la commission voulait examiner les problèmes lun après l'autre. Si vous étiez d'accord, je pourrais peut-être présenter la partie qui concerne les bateaux, et réserver les deux autres parties pour d'autres discussions, à moins que vous désiriez que je passe à travers tout le résumé.

Le Président (M. Marcoux): Je remplace pour quelques minutes seulement. Je peux demander l'avis des membres de la commission.

M. Tremblay: M. le Président, le texte du président est très long, et comme on a décidé ce matin de sérialiser les problèmes des bateaux, de la société Marine et la SGF, si les membres de l'Assemblée étaient d'accord, on demanderait au président de formuler ses réponses ou ses commentaires concernant la question des bateaux. Chacun des membres de la commission pourrait

poser des questions sur ce sujet précis. Nous reviendrions, par la suite, à un niveau d'analyse un peu plus vaste que celui de la société Marine en général.

Le Président (M. Marcoux): II y a consentement pour procéder étape par étape? Alors, les bateaux d'abord.

M. Coulombe: Lors de l'assemblée annuelle de la Société générale de financement, le 5 mai dernier, il y a huit mois, presque jour pour jour, le ministre de l'Industrie et du Commerce, M. Rodrigue Tremblay a, à titre d'actionnaire et au nom du gouvernement, confié à la nouvelle direction de la SGF, le mandat de faire le point sur la situation à la SGF et de lui présenter un rapport sur les problèmes et les orientations futures de cette société d'Etat.

A ce moment-là, une évaluation des filiales de la SGF a été entreprise et ce travail qui s'est effectué avec la collaboration des dirigeants de chacune d'entre elles, se poursuit de façon intensive. L'objectif de ce travail est de mettre au point un plan de développement de chacune des filiales qui devrait normalement être terminé le printemps prochain.

Très rapidement, la nouvelle direction de la SGF a été confrontée avec le problème des six navires invendus à Marine Industrie Ltée. Ce problème était d'une telle ampleur qu'il a nécessité que la majeure partie du temps de la direction de la SGF, en collaboration avec celle de MIL, y soit consacrée.

Par ailleurs, l'ensemble du dossier de la SGF a été analysé et des propositions ont été soumises au gouvernement. Les questions relatives aux orientations de la SGF sont traitées dans les documents qui ont été soumis aux membres de la commission. Ces documents sont le rapport sur le rôle et les orientations de la SGF, le rapport synthèse sur les filiales et compagnies affiliées de la SGF et le rapport sur Marine Industrie Ltée.

Il s'appuie sur un ensemble de textes dont certains ont un caractère purement technique et dont d'autres ne peuvent être rendus publics, parce qu'ils contiennent des informations concernant la position concurrentielle de chacune des entreprises en cause.

La première dimension. Pour les fins de mon exposé, j'ai l'intention de rappeler et d'indiquer les principaux éléments de ce dossier et les membres de la commission pourront, au besoin, compléter les informations que je fournis en interrogeant les personnes qui sont ici présentes et qui ont assumé la direction, soit de Marine, soit de la SGF au cours des cinq ou six dernières années.

Dès son entrée en fonction, la nouvelle direction de la SGF a pris connaissance du rapport soumis par le président de la SGF, M. Raymond David, le 23 septembre 1977, au ministre de l'Industrie et du Commerce sur les six navires panaméens. A la lumière de ces renseignements, MIL a entrepris une étude plus détaillée de la situation. Par la suite, un mandat général d'exa- men des tenants et des aboutissants du dossier des navires panaméens a été confié au vérificateur de Marine Industrie par le conseil d'administration de cette entreprise. C'est ce à quoi on fait allusion quand on parle du rapport Desmeules.

Les vérificateurs ont soumis ce rapport au conseil d'administration de Marine Industrie et celui-ci a récemment décidé de confier à une firme d'avocats l'étude de ce rapport et de toute la documentation pertinente, afin de dégager et de préciser les droits et réclamations que MIL pourrait faire valoir à l'occasion de la négociation avec l'armateur, en septembre 1979.

Les avocats, de même que les auteurs du rapport, verront à faire des recommandations sur les suites à y donner. De plus, afin d'éviter la répétition d'une telle situation, une politique globale de gestion est en voie de préparation par la direction de MIL (Marine Industrie Limitée) en collaboration avec les officiers de la SGF et elle sera présentée au conseil d'administration de Marine Industrie et de la SGF avant le 30 janvier 1979.

Les explications de la situation financière critique de MIL qui entraînerait l'insolvabilité de cette entreprise, si le gouvernement n'intervient pas, sont de plusieurs ordres et on peut chercher longtemps les causes qui la sous-tendent.

Fondamentalement, cette situation s'explique par deux raisons: l'effondrement du marché de la construction navale au niveau international et des problèmes internes de gestion et de production à Marine Industrie Limitée. L'effondrement du marché international des navires est longuement expliqué dans le document remis aux membres de la commission.

Les problèmes de gestion et de production chez MIL ont commencé à être corrigés et un . effort intensif sera entrepris, en particulier dans le cadre du programme de conversion industrielle de cette entreprise, dont on pourra parler un peu plus tard.

Pour le moment, le résultat net pour la SGF est qu'il existe, chez Marine Industrie, une de ses filiales importantes, six navires invendus et qu'il faut par conséquent poursuivre les efforts déjà entrepris pour la vente ou l'utilisation de ces navires. Depuis plus d'un an, Marine Industrie a effectué de multiples démarches pour la vente de ces navires, tant auprès de divers pays ou de sociétés d'Etat de pays, qui ont déclaré des intentions d'augmenter leur flotte de marine marchande, qu'auprès d'armateurs ou de compagnies maritimes du secteur privé en Europe et au Canada.

Compte tenu des faibles taux de fret et d'affrètement qui prévalent depuis trois ans, les entreprises du secteur privé ne peuvent justifier de nouveaux achats de navires et les principaux efforts de vente ont dû être orientés vers des pays en voie de développement. Marine Industrie a eu des communications avec une cinquantaine de ces pays et des officiers de Marine Industrie ont participé à des missions dans quelques-uns pour tenter de négocier des ventes. Il y a lieu de mentionner, entre autres, les discussions qui ont

eu lieu avec des représentants de l'Indonésie, l'Algérie, Cuba, la Côte-d'lvoire, le Gabon, le Niger, et le Pérou. D'ailleurs, M. Dinsmore ainsi que M. Jacques Paquin, vice-président de la SGF, pourront tout à l'heure parler plus longuement de ces efforts multiples de vente.

Certaines de ces négociations ont échoué parce que les pays concernés ne pouvaient obtenir le financement requis selon les conditions avantageuses requises. Mais certaines négociations se poursuivent de manière intensive. Jusqu'à ce que le projet de loi à I étude soit déposé, Marine Industrie pouvait difficilement entrevoir la possibilité de vendre ses navires à des prix sensiblement inférieurs à ses prix coûtants, sans pouvoir compenser pour les pertes qui en découleraient.

En plus des dicussions avec les représentants d'une cinquantaine de pays, Marine Industrie a eu des pourparlers avec des officiers de plusieurs des plus grandes compagnies de transport maritime de l'Europe et du Canada. Certains de ceux-ci se sont dits intéressés à utiliser les navires, mais pas à les acheter, tant et aussi longtemps que les taux de fret et d'affrètement ne permettent pas de couvrir les remboursements de capital et le paiement des intérêts.

Incidemment — je pense que tout le monde a le texte — vous pouvez vérifier à la dernière page de l'annexe, pour voir l'ampleur du problème. Vous voyez, au troisième paragraphe de la page, que les intérêts à un taux de 9% par année, sur une somme de $17 350 000, représentent à eux seuls $35 630, soit $4275 par jour. On verra tantôt, avec les données qu'on pourra vous fournir, à quel niveau se situent les taux actuels d'affrètement comparés à cette exigence d'au moins $4000 seulement pour les intérêts.

Le projet de loi 108 qui est soumis à l'attention de la commission prévoit, à l'article 10, des dispositions qui rétabliraient la situation financière de MIL qui découle de l'affaire des six navires panaméens. Ces dispositions vont dans le sens de verser une subvention de $10 millions pour compenser les pertes de MIL pour l'année 1978; de prêter à certaines conditions, $18 millions afin de compenser les pertes et de payer les dépenses afférentes à la construction, à l'utilisation, à l'entretien, au financement et à la vente des six navires. Ces $18 millions se décomposent comme suit: $10 millions pour réduire la valeur aux livres des six navires — encore là, à l'annexe A, vous voyez le montant total du coût des bateaux, moins les subventions où on arrive avec la nécessité d'un investissement, d'une mise de fonds de $10 millions — $5 millions représentant le coût de la garde des trois navires faisant l'objet des engagements par l'armateur grec jusqu'en septembre 1979, et $3 millions pour couvrir les pertes d'opérations éventuelles de la première année de la société de navigation, dans la mesure de la décision qui sera prise, filiale de la SGF, qui serait chargée d'exploiter les trois autres navires.

De même, le dernier alinéa de l'article 10 prévoit que le ministre des Finances garantit un produit de vente de $17 350 000 pour chacun des six navires panaméens. Le déboursé que le gouvernement pourrait éventuellement être appelé à faire serait donc la différence entre le prix de vente des navires et le montant de $17 350 000. C'est expliqué plus en détail à l'annexe 2 du même document.

La question fondamentale qui se pose c'est: Comment peut-on en arriver à une décision de base ou quel est le meilleur prix?

L'attitude de la SGF vis-à-vis des six navires panaméens dépendra d'un certain nombre de facteurs comme l'évolution des taux d'affrètement du transport maritime sur le plan international — à ce propos, on a des chiffres à vous fournir tantôt pour démontrer que ces taux ont augmenté d'environ 25% à 30% au cours des six derniers mois; il semble y avoir une remontée dans ces taux — les possibilités de financement qui pourront être fournies par la Société pour l'expansion des exportations — quelles seront les conditions nouvelles à tout acheteur éventuel que la société du gouvernement fédéral sera prête à consentir? Ces choses-là restent à être négociées dans l'ensemble — les engagements financiers du gouvernement du Québec — évidemment, une perte immédiate ou une perte dans six mois, etc., ce n'est pas indifférent pour le gouvernement — les engagements contractuels et évidemment les engagements contractuels en vigueur, parce qu'avec l'armateur en question, on a encore des engagements contractuels très précis pour septembre 1979. En tout état de cause, la SGF effectuera une analyse des coûts et des bénéfices de différentes hypothèses et tentera d'obtenir le maximum de revenus de la disposition à partir de l'utilisation des navires en question.

En terminant, mes remarques sur le dossier des six navires panaméens, il importe de signaler aux membres de la commission que la SGF a dû, à cause de la situation critique de MIL, utiliser toutes les liquidités qui étaient disponibles pour avancer à sa filiale le montant de $6 millions et, d'ici le 31 décembre prochain, un nouveau montant de $3 millions à $4 millions devrait être injecté dans MIL. Il est prévu que ces montants soient convertis en capital-actions de Marine Industrie.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. M. le ministre.

M. Tremblay: Merci beaucoup, M. le Président de la SGF, pour cette présentation synthétique, en quelque sorte, du problème. J'espère que votre intervention donne une idée un peu plus précise du problème auquel sont confrontés le gouvernement et la SGF.

Avant de poser des questions un peu plus précises et avant de laisser la parole à mes collègues de la commission, je voudrais vous faire une remarque concernant la page 4 de votre texte, où vous indiquez que vous avez fait des démarches pour vendre des bateaux au Niger. Je présume que vous vouliez dire le Nigéria, parce que le Niger — ayant été conseiller du gouvernement nigérien pendant de nombreuses années — est un

pays à l'intérieur de l'Afrique, qui n'a que le fleuve Niger qui, habituellement, n'a pratiquement pas d'eau dedans et des bateaux de 17 000 tonnes ne pourraient pas remonter jusqu'à Niamey.

Le gouvernement canadien, par l'entremise de l'ACDI, a subventionné un creusage, un dragage du fleuve. La sécheresse des dernières années fait que même des barges ne peuvent pas remonter jusqu'à Niamey. De toute façon, c'est un autre type de bateau. Revenons à notre flotte.

Comme vous l'indiquez très clairement, le problème auquel a été confronté le gouvernement, à la suite du dépôt de votre rapport, c'est qu'il y avait risque d'insolvabilité de Marine et comme Marine a des dettes, que vous pouvez préciser, qui sont garanties par la Société générale de financement, la survie même de la Société générale de financement, sur le plan financier, aurait pu être mise en doute. Or, comme il y a 8200 employés — vous me corrigerez — dans l'ensemble du réseau de la SGF — il y en a environ 3000 ou 3200 à Marine même — il s'agit d'un problème industriel majeur auquel fait face le Québec, auquel fait face le gouvernement et auquel fait face évidemment la Société générale de financement. C'est la raison pour laquelle, évidemment, nous avons convoqué la commission et nous avons déposé un projet de loi afin d'éviter une certaine catastrophe, parce qu'il faut utiliser le terme. Marine se trouve dans une situation, se trouve face pratiquement à une catastrophe avec ses bateaux qui sont invendus.

Evidemment, avant d'entrer peut-être dans une question plus précise sur l'étendue du problème, je vous dirais que je lisais hier que l'annulation des bateaux de la part d'armateurs internationaux n'est pas un phénomène qui est isolé ou unique à Marine ou pour le Québec et le Canada. Je lisais un article dans le numéro du "Fairplay International Shipping Weekly" du 24 août 1978, et je pense que cela peut nous éclairer un peu sur l'état du marché international. Ceci a trait aux commandes que les chantiers maritimes japonais se sont vu retirer au cours des dernières années, les chantiers maritimes japonais étant, avec les chantiers maritimes coréens et norvégiens, les principaux concurrents des chantiers maritimes canadiens. On y lit, et je vais le lire en anglais: "In the August 10th issue of the Japanese daily the KAIJI, 1978, the cancellation of export ship contracts over the past three years reached 266 ships — 266 bateaux d'annulés — with an agrega-te of 14,7 million tons gross and worth in excess of $8,5 billion — $8 500 000 000 de contrats ou, en livre sterling, 427 millions de livres sterling. "Although, the builders say that were it not for such a colossal cancellation, the industry would not be in such a severe depression" — le mot "depression" est utilisé, ce n'est pas le mot "récession"; l'industrie navale mondiale est dans une dépression présentement, comme elle ne l'a jamais été au cours des cinquante dernières années. Je continue: "... depression, as it is, the fact is that without such cancellations, the shipping crisis would become the scourge of civilization and the death of many companies." Ceci montre — et je pense que c'est bon de situer le problème dans lequel nous nous trouvons dans un contexte international — que tous les pays qui ont des chantiers maritimes font face à une dépression dans ce secteur, avec des pertes d'emploi phénoménales et, en France, on a fermé la moitié des chantiers maritimes à ce que j'ai vu dans certaines coupures de journaux qui ont été distribuées. (15 h 45)

Je reviens à Marine Industrie. En 1973, Marine Industrie a frappé le "jackpot", si je comprends bien. Un client passant par des courtiers de Londres — en lisant vos documents, on le voit très clairement — a offert à Marine Industrie un contrat de 18 bateaux, de l'ordre de $250 millions à $260 millions; à l'époque, c'était donc une commande extraordinairement forte. La première question que je voudrais vous poser, M. le Président et vous pouvez peut-être demander à des collègues et témoins qui ont été convoqués de vous aider à répondre puisque, évidemment, vous n'étiez pas là à l'époque, est-ce que la valeur des actifs de Marine Industrie et son importance financière étaient suffisamment grandes pour s'engager dans des contrats d'une telle ampleur, autrement dit, pour accepter ces contrats? Evidemment, c'était peut-être l'euphorie, 18 bateaux de 17 000 tonnes. Il s'agissait d'un contrat qui allait assurer de l'emploi, évidemment, et de l'activité économique aux chantiers pendant de nombreuses années. N'y avait-il pas là un risque d'attacher un cheval au cou d'un lapin et qu'à la moindre défaillance du marché ou des contrats, de grèves ou autres fatalités, Marine Industrie courre un risque important? Est-ce qu'en 1973, on réalisait cela ou si l'euphorie était telle qu'on s'est dit: Si cela arrive, on verra? Est-ce qu'on s'est dit: Peut-être parce qu'on est une société d'Etat, si cela va mal, le gouvernement va nous sortir du trou? Je pose cette question parce qu'elle me semble évidente. Est-ce qu'on réalisait cela en 1973?

M. Rochette: M. Coulombe me demande de répondre à cette question. M. le Président, avant de répondre, vous avez souligné tout à l'heure un article qui accorde une certaine immunité à ceux qui ont à se présenter ici et aussi qu'il était possible d'avoir la protection contre l'utilisation des témoignages donnés ici dans des procédures civiles. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a des litiges en cour entre Marine Industrie et moi-même et mes associés dans les chantiers Davie Ltée; je n'ai pas d'objection à répondre ici aux questions, mais comme il ne s'agit pas d'un tribunal et que je ne parle pas par la voie d'un procureur, je voudrais avoir la protection pour que mon témoignage ne puisse pas servir dans des procédures civiles qui peuvent intervenir à une date ultérieure.

M. Lalonde: M. le Président, je pense qu'il faudrait quand même éclairer le témoin là-dessus. J'aimerais que vous lui disiez que son témoignage ne pourrait pas servir contre lui mais qu'on ne pourrait pas empêcher un tiers de consulter la transcription du journal des Débats et dire: M. Rochette, vous avez dit telle chose à tel endroit.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense que la question m'était adressée, je pense qu'il faut faire référence tout d'abord à l'article 64, qui est la Loi de la législature, Statuts refondus 1964, chapitre VI. Il est dit dans cet article 64, la phrase ou le texte suivant: "Nulle personne n'est passible de dommages-intérêts où n'est sujette à aucun autre recours en raison d'actes — les tribunaux interpréteront si cela comprend les paroles — accomplis sous l'autorité de l'Assemblée nationale agissant dans la mesure de ses pouvoirs."

Evidemment, il n'est pas dans l'habitude des présidents de commissions parlementaires, et ce n'est pas leur rôle, d'interpréter un article mais je le fais, j'estime que cet article 64 protège le témoin contre tout action en libelle diffamatoire pour des propos qu'il pourrait tenir soit envers des membres de cette commission parlementaire ou envers toute autre tierce personne. Donc, s'il fallait que les propos d'un témoin assigné par la commission, répondant à quelqu'un ici, tienne des propos qui pourraient être préjudiciables à quelqu'un d'autre, cette personne qui tient lesdits propos est protégée, à mon avis — évidemment, je ne suis pas la Cour d'appel, la Cour suprême, c'est mon interprétation — contre des actions en libelle diffamatoire contre elle pour lesdits propos.

D'autre part, et c'est le deuxième point, en accordant la protection de la commission, je me fonde encore là, non pas sur des jugements de la Cour d'appel ou de la Cour suprême, mais sur des auteurs en droit britannique, notre Parlement est un Parlement qui tient sa tradition de l'Angleterre et tous les auteurs sont unanimes à dire, et notre ancien règlement le dit très clairement, que la commission ou le président, mais je préfère la commission, peut accorder la protection aux témoins qui comparaissent devant elle. Parce qu'il serait absolument inconcevable que l'Assemblée nationale et ses commissions, qui sont en quelque sorte, si je prends une expression anglaise dont les autres se servent "The High Court" dans un pays ou dans une province donnée, ne puissent pas accorder à ceux qu'elles assignent la protection que leurs propres lois donnent à des témoins devant les tribunaux de droit commun.

Or, je ne puis aller plus loin. Je vous dis ce que je peux vous dire. Evidemment, je suis avocat, mais je ne suis pas ici comme avocat. Je suis ici pour présider la commission parlementaire. Mon seul rôle est de présider les débats, mais c est l'interprétation... Et j'ai des confrères qui sont à ma gauche, peut-être à ma droite et vous avez je pense__le peux vous dire également que la Loi de la Législature donne le droit à toute personne assignée par la commission d'être assistée d'un procureur. Je pense qu'on doit le dire pour cette commission et pour toutes les autres commissions parlementaires, mais je ne voudrais pas...

Vous ne devez pas être nécessairement d'accord avec cette opinion, qui n'est pas strictement de moi mais qui est basée sur des études très importantes que j'ai fouillées au cours des dernières semaines en me préparant fébrilement à cette commission parlementaire.

M. Drolet (Gaétan): Je m appelle Gaétan Dro-let. Je suis avocat. Le problème est double. Le premier problème est celui de l'immunité. Le deuxième problème est celui de la protection. Vous avez très clairement expliqué, ce matin, que nous sommes ici sur une base volontaire, non coercitive. Nous avons quand même voulu venir sur invitation, mais il reste que tout ce problème de sub judice où Marine est en demande contre notre client, il ne faudrait pas que ce problème de la protection soit un problème sujet à interprétation. La question que je vous posais, c'est en vertu de quelle autorité suprême. Vous me dites que c est l'autorité du Parlement. Mais je voulais quand même avoir des assurances, parce qu'il semble même que votre collègue, près de vous, a des doutes. Vous faites des recherches, vous faites des études. Nous voulons avoir une assurance absolue. Autrement, il est peut-être futile aujourd'hui de faire un procès qui viendra plus tard.

M. Lalonde: Je voudrais, M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, d'accord, mais vous voudriez une assurance absolue. Vous savez que les Cours supérieures peuvent être cassées par des Cours d'appel et des Cours d'appel par la Cour suprême. Or, je ne puis donner une assurance absolue.

M. Drolet: Vous me dites que le Parlement est la volonté suprême. Le Parlement est-il prêt à dire: Dans ce cas-ci, il y aura une immunité absolue, en plus, il y aura une protection absolue.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je sens l'importance de tout cela. Je l'ai étudié. Je pense qu'il est bon de tirer la question au clair.

M. Drolet: Oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D autres présidents de commissions parlementaires, je l'avoue, et d'autres confrères pourraient avoir des opinions différentes, c'est fort possible, et je les respecte également, mais pour plus de précautions envers vous et envers votre client, j aimerais quand même vous lire quelques parties des arguments qui m'amènent à émettre de tels commentaires.

Premièrement, il serait inconcevable que la plus haute institution politique qui s'érige au besoin en tribunal et en commission d'enquête, n'accorde pas à ses propres témoins une protection équivalente à celle que les tribunaux de droit commun, et, je pourrais ajouter, parfois, que ses propres commissions qu'elle a créées accordent aux leurs.

En droit criminel, un témoin qui demande et qui obtient la protection de la Cour est assuré que son témoignage ne pourra jamais servir de preuve contre lui devant toute instance où il pourra être mis en accusation.

Deuxièmement, si le législateur permet qu'un témoin puisse demander la protection de l'Assemblée ou de la commission, on doit interpréter toute

disposition en ce sens comme signifiant quelque chose.

Le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Les témoins sont protégés depuis toujours par les privilèges traditionnels qui leur échoient en vertu de la coutume parlementaire et de certains statuts. Donc, cet argument est que, si on prend le besoin dans nos lois et règlements de prévoir la protection de la cour, c'est qu'on a voulu donner à cette protection une certaine signification, toujours sous réserve de dire la vérité évidemment. Si donc, en outre, ils peuvent demander et obtenir la protection de l'Assemblée ou de la commission, c'est qu'on a voulu leur accorder un privilège supplémentaire. Ce privilège supplémentaire, c'est certainement celui qu'une cour ordinaire consent à ses témoins puisque, dans les deux cas, on utilise les mêmes termes: "La cour ou la commission vous accorde la protection demandée à la condition que vous disiez la vérité. " Comme le droit parlementaire et le droit criminel ont la même origine britannique, il serait inconcevable que les mêmes expressions, dans des circonstances analogues, n'aient pas le même sens et la même portée.

Troisièmement, dans l'interprétation des textes et de la tradition, il faut tenir compte de ce que j'appellerais le principe de l'équilibre, équilibre entre la fin et les moyens, équilibre entre les droits et les obligations. Si le Parlement protège pleinement ses témoins, c'est dans le but d'obtenir d'eux un témoignage libre, d'en arriver à savoir l'entière vérité. On les protège donc de toute contrainte physique et/ou morale. Or, une des pires contraintes morales que pourrait ressentir un témoin, c'est d'être obligé, en commission parlementaire, de répondre à des questions qui pourraient l'incriminer face à une autre juridiction. Pour savoir toute la vérité, le Parlement a, entre autres, défendu à toute personne de poursuivre un témoin en raison de ce qu'il a pu dire en commission parlementaire. Peut-on imaginer qu'il puisse permette que son témoignage puisse servir contre lui en dehors du Parlement? Si le Parlement s'est donné le droit, lequel peut être exorbitant ou peut paraître exorbitant, de forcer un témoin à répondre à des questions incriminantes pour lui, peut-on concevoir qu'il n'a pas accepté en revanche l'obligation de protéger ce même témoin quant à l'utilisation possible de ce témoignage à d'autres fins? Poser ces questions, c'est y répondre, à mon humble point de vue. Est-ce que... Evidemment, je ne voudrais pas partir un débat juridique.

M. Lalonde: M. le Président, parce que le confrère disait que je n'étais pas en accord avec votre... Ce n'est pas tout à fait exact. Je pense bien que je suis parfaitement d'accord sur la décision. D'ailleurs, on en avait eu un précédent il y a quelques semaines dans une autre commission. Je pense que, lorsqu'on accorde la protection — on exclut la personne qui parle — devant les cours, on assujettit cette protection à l'obligation de dire la vérité. Je pense Me Drolet pourra en convenir.

Premièrement, je pense qu'il faut dire cela.

Deuxièmement, je voulais être bien sûr, parce qu'il semblait que M. Rochette avait une conception un peu trop large de cette protection. C'est pour cela que je voulais faire la remarque avant qu'il ne témoigne. Mais je suis parfaitement d'accord avec l'interprétation que le président a donnée de la Loi de la législature et du règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Et la dernière chose que je voudrais dire, évidemment, c'est que je ne suis pas l'autorité suprême. Je suis l'autorité suprême en cette commission seulement. Mais, évidemment, je fais mon devoir de mon mieux. Je ne veux en aucun moment que ma décision puisse porter préjudice à quelque personne que ce soit, mais je pense que cette décision, en tout cas, je l'estime légalement correcte puisque, d'après moi, sans répéter tout ce que j'ai dit, il serait absolument inconcevable que le Parlement, qui fait lui-même les lois, qui accorde à des témoins le pouvoir, dans ses propres commissions qu'il crée en vertu des lois, de demander la protection, qui prévoit dans son règlement qu'on puisse demander la protection, n'accorde pas, en revanche, cette protection.

M. Drolet: M. le Président, je voudrais seulement faire deux commentaires. Le premier commentaire, c'est d'abord: Est-ce que les auteurs que vous citez, cela a été repris par un tribunal de haute instance, soit la Cour d'appel ou la Cour suprême, ou si c'est simplement un auteur qui s'improvise dans ce domaine?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, je n'ai pas conscience, personnellement, que la Cour d'appel — peut-être que d'autres collègues ici, à cette commission, auraient des causes à citer; je n'en ai pas — que d'autres cours se soient prononcées déjà ou que le cas se soit déjà présenté, sauf que tous les auteurs en droit parlementaire britannique sont unanimes sur cette interprétation et je ne peux pas aller autrement, je ne peux pas aller plus loin que les sources mêmes de notre droit parlementaire, qui est le droit britannique comme notre droit criminel d'ailleurs. (16 heures)

M. Drolet: Le deuxième volet, M. le Président, c'est que vous avez cité beaucoup d'altercations entre Sa Majesté la Reine et autres, vous parliez toujours du droit criminel. Ici, nous sommes en relations privées, c'est-à-dire Marine Industrie versus des individus; est-ce qu'il serait possible, M. le Président, de demander à la partie qui veut prendre ou qui pourrait prendre avantage à renoncer à cet avantage? Quel qu'il soit.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce n'est certainement pas mon... Je ne peux pas aller plus loin que ce que je vous ai dit.

M. Drolet: Non, je pose le débat très clairement. On a la demanderesse et la défenderesse ici. Je pense que...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Nous ne sommes pas... Justement, pour moi, ici, il n'y a pas de défenderesse et il n'y a pas de demanderesse.

M. Drolet: Je comprends très bien, mais on est sub judice, M. le Président, et si on essaie de laver des situations passées, je pense qu'il faudrait que ce soit clarifié.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Bon. Ecoutez, je ne peux pas me prononcer là-dessus, je ne me prononcerai pas. Vous m'avez posé des questions, je pense que j'ai répondu qu'au niveau civil, les tierces personnes non présentes, comme les députés, sont protégées contre les poursuites en libelle diffamatoire pour des propos tenus non seulement à l'endroit des députés ou même du président mais à l'endroit de tierces personnes. A des niveaux autres que le libelle diffamatoire, vous savez ce que je vous ai dit. Je pense que je dépasserais mon rôle que d'aller dans d'autres voies.

Je peux vous dire également, qu'en droit parlementaire britannique, un témoin, même s'il avait été assigné — et vous êtes venu volontairement — a le droit de ne pas se présenter. S'il ne se présente pas, il y a une procédure qui est prévue, on peut faire un rapport, comme on a passé près de le faire ce matin, mais il y a eu... Je peux vous dire également qu'il y a l'obligation pour le témoin de répondre à des questions même incriminantes, en raison justement de la protection qu'on peut accorder.

Il peut arriver qu'un témoin dise, malgré tout ça: Je refuse de témoigner. A ce moment-là, la même procédure se met en branle, comme celle qui s'est mise en branle ce matin, un rapport spécial à l'Assemblée nationale à savoir que ce n'est pas un défaut de se présenter, c'est un défaut de répondre.

Je pense vous avoir mis en face de tous vos droits, privilèges et obligations. Maintenant, les décisions vous appartiennent.

M. Drolet: Je peux quand même poser une question.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous pouvez poser quelques questions encore et si...

M. Orolet: Je vais quand même poser une question, M. le Président, je ne sais pas si...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ecoutez, c'est une affaire entre deux parties, moi, je suis prêt à suspendre — si c'est le voeu de la commission — les travaux si cela peut vous aider. Mais la dernière question que vous m'avez posée n'est pas de mon ressort. Mon rôle est d'informer les témoins de leurs droits, privilèges et obligations, mais les affaires entre les parties qui sont présentes devant moi, ce sont des affaires privées. Je peux, si les membres de la commission sont d accord, suspendre quelques minutes pour vous permettre d'avoir des discussions.

Les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à 16 h 15.

Suspension de la séance à 16 h 4

Reprise de la séance à 16 h 19

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, messieurs!

M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président. Je voudrais, sur ce point de règlement qui a été soulevé, apporter mon appui aux propos que vous avez tenus tout à l'heure, étant donné que, le 27 novembre 1975 — et je pense que cela va éclairer tous les membres de la commission et que cela va également répondre aux questions qui ont été posées par nos invités — un projet de loi a été soumis devant l'Assemblée nationale et qui confrontait la ville de Rimouski à Rimouski-Est.

En vertu de l'article 99 de notre règlement de procédure, il est interdit à un député qui a la parole de parler d'une affaire qui est devant les tribunaux ou devant un organisme quasi judiciaire ou d'une affaire qui est sous enquête, lorsque, dans ce dernier cas, les paroles prononcées peuvent être préjudiciables à une personne.

Le président avait rendu une décision à la suite de cette question qui avait été posée, et je livre aux membres de la commission la réponse qui avait été donnée: "Faisant suite au point d'ordre soulevé par le député de Beauce-Sud, je dois dire que la question sur laquelle je dois rendre une décision en est une des plus importantes, étant donné qu'elle touche à la souveraineté du pouvoir législatif. Permettez-moi de citer, en l'appliquant à notre situation, Gladstone, dans North American Review, 1878, rapporté dans Beauchesne, quatrième édition, page 7 et je cite: "Un principe capital de la constitution anglaise moderne veut que la Chambre des communes soit le plus grand des pouvoirs de l'Etat. La Chambre des communes l'emporte, et de beaucoup, par la force de ses institutions politiques, sur tout autre pouvoir particulier s'exerçant dans l'Etat ".

Je pense que cela apporte un éclairage, une précision, M. le Président, à la question qui a été soulevée, parce que ce principe qui a été émis et qui fait jurisprudence dans nos travaux parlementaires, affirme une question de droit, affirme une question de principe qui, par la force des choses, assure toute la protection nécessaire à ceux qui pourraient être interrogés devant une commission parlementaire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que les membres de la commission accordent leur protection, la protection de la commission, aux témoins?

M. Roy: Pour le journal des Débats, je m'excuse, M. le Président, mais j'aimerais citer, comme point de référence, la page du journal des Débats, soit B-6565, le jeudi, 27 novembre 1975.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Beauce-Sud, pour votre appui. Je demanderais maintenant aux membres de la commission s'ils sont d'accord et s'ils donnent leur protection, la protection de la commission et non pas la protection de la présidence — effectivement, cela va de soi — aux témoins...

M. Biron: D'accord.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... et à un témoin particulier qui est M...

Une Voix: Rochette.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... Rochette.

M. Roy: D'accord.

M. Lalonde: Le gouvernement...

Une Voix: Ce sont tous des députés ici.

Une Voix: Ils le sont tous.

Le Président (M. Vaillancourt): Le gouvernement n'a pas à accorder de protection, cest la commission, c'est-à-dire que la commission est l'émanation de ce qui est la "High Court" de l'Assemblée nationale.

M. Biron: Adopté. M. Lalonde: Adopté.

Contrat de 18 bateaux

M. Tremblay: Je reformulerais ma question, si vous le permettez, M. le Président. Dans le fond, je demandais à M. Coulombe, soit à lui-même, soit à M. Rochette, de nous faire peut-être l'historique du contrat entre Marine Industrie et l'armateur grec de 18 bateaux, en 1973, et peut-être aussi de toucher aux circonstances qui ont amené la négociation de ce contrat, la renégociation par la suite, ce qui a entraîné les problèmes financiers que l'on connaît chez Marine Industrie.

M. Rochette: M. le Président, M. Coulombe m'a demandé si je pouvais répondre à cette question-là. Je suppose qu'il l'a fait, parce que M. Gérard Fillion n'est pas ici, à cause de circonstances imprévues. Cela me place dans une position un peu difficile et délicate, parce que, normalement, c'est lui, je crois, qui aurait dû répondre à cette question. Enfin, je puis vous dire ce que je connais de la réponse au meilleur de ma connaissance.

En 1973, il y avait, chez Marine Industrie, un vice-président en marketing, M. Cameron Hacken qui dépendait directement de M. Fillion. C'est lui qui a été responsable de la négociation de ce contrat, au Pirée, en Grèce, avec M. Karageorgis. J'ai participé, dans une certaine mesure, aux négociations. J'ai moi-même passé quelques jours en Grèce. M. William White qui était directeur de la construction navale était là aussi. Il y avait, avec MM. Hacken et White, un associé du bureau Blain, Piché, Emery et Godbout, M. Robert Alain, qui servait de conseiller juridique. Je suis revenu à Montréal avant que les négociations soient terminées pour faire rapport à M. Fillion de l'état des négociations et, à la suite du rapport que j'ai fait, M. Fillion a présenté le tout au conseil d'administration de Marine Industrie qui a accepté que le contrat soit signé entre Marine et Karageorgis par MM. Hacken et White, au Pirée. M. Fillion et moi-même avons ensuite conversé par téléphone avec MM. Hacken et White et M. Fillion a fait part à M. Hacken de l'autorisation du conseil d'administration de signer le contrat pour les 18 navires. Il faut dire qu'à ce moment, il s'agissait d'un contrat ferme pour six navires et d'un contrat sujet à renégociation avant le 30 juin 1974 pour les douze autres.

Dans l'esprit de l'armateur, M. Karageorgis, de la façon dont cela m'a été rapporté par M. Hacken et M. White, il insistait pour avoir un contrat pour 18 navires. Il n'était pas intéressé à un contrat pour six navires seulement. Selon son argument, il commandait toujours de longues séries de navires pour avoir beaucoup de navires semblables, nécessitant les mêmes pièces de rechange, et pour lesquels l'entraînement des équipages était facilité, parce qu'il pouvait les transférer d'un navire à l'autre pendant leur période de vacances, et après leur période de vacances; il n'était pas nécessairement obligé de les retourner sur le même navire.

C'est la raison qu'il a invoquée. C'est à cause de cet argument que le conseil, je crois, a accepté de signer pour 18 navires, même si cela paraissait un contrat énorme pour une société comme Marine. Il faut dire, par contre, que Marine venait de construire sept navires à peu près semblables pour deux armateurs français. La compagnie avait perdu une somme considérable d'argent, mais par contre, elle avait pris de l'expérience. En signant un contrat pour des navires semblables avec un nouvel armateur, à un prix substantiellement plus élevé et avec des clauses escalatoires pour tous les navires, sauf les six premiers qui étaient construits pendant une période où il y avait une convention collective ferme, il semblait que la négociation que MM. Hacken et White avaient menée assurait à la compagnie le contrat très sécuritaire pour Marine sur le plan de la rentabilité. Evidemment, à ce moment, personne n'a prévu que la crise de novembre 1973 ferait suite à la guerre entre Israël et les pays arabes, et que par la suite, il y aurait un effondrement du marché des superpétroliers qui ensuite entraînerait une crise dans toute l'industrie de la construction navale, crise qui n'a vraiment fait son apparition qu'en 1975, mais qui a commencé à être très prononcée en 1976.

Je vous ai brossé un tableau assez rapide. Si vous voulez avoir plus d'explications...

M. Tremblay: Si vous permettez, j'aimerais peut-être poser quelques questions complémentaires. Evidemment, nous étions à l'époque — je pense qu'il est important de situer le problème dans un contexte — où la demande pour les bateaux était très forte, comme vous l'avez indiqué. Je me demande si les commandes de 18 navires, six plus option sur douze, étaient des commandes uniques à Marine de la part de M. Karageorgis, l'armateur qui commandait, ou si cet armateur avait commandé chez d'autres chantiers maritimes des commandes semblables. Autrement dit, est-ce qu'il y avait un élément de spéculation de la part de l'armateur, à votre avis, ou si c'était une commande pour des bateaux qu'il songeait utiliser lui-même?

M. Rochette: Là-dessus, je pourrais vous répondre qu'à ma connaissance, Karageorgis exploitait une flotte d'environ 45 navires. Donc, c était vraiment un armateur bona fide. Par contre, j'ai constaté par la suite qu'il commandait assez souvent plus de navires qu'il n'en avait besoin pour sa propre flotte et qu'il en revendait, par la suite. Il avait, à un certain moment, en 1974, une valeur totale, d'après un article paru dans une revue de l'industrie, d'environ $800 millions de commandes placées chez différents chantiers, au Japon, au Canada, en Allemagne et en Suède. J'ai su, depuis, de courtiers de l'industrie, qu'il a pris livraison d'à peu près tous ces navires, sauf ceux de Marine qui ont été annulés. Par contre, il en a revendu beaucoup, en plus d'avoir revendu les six à Delmas-Vieljeux, les six premiers de la série dont on parle, et deux à l'Algérie; il en a vendu de ceux qui étaient en construction en Allemagne et au Japon aussi. Quel est l'état de sa flotte aujourd'hui? Je ne le sais pas, parce que j'ai perdu cela de vue.

M. Tremblay: Devant un contrat d'une telle ampleur, je crois que c'était $260 millions, vous pouvez peut-être nous préciser quelle était la valeur financière de Marine à cette époque. Est-ce que, Marine, à cette époque, a pris des mesures pour vérifier la solvabilité de ce client, s'est assurée d'avoir des assurances de solvabilité et surtout des assurances de financement, soit de la construction, soit de la vente de ses bateaux pour l'armateur? (16 h 30)

M. Rochette: Le financement était assuré par la Société pour l'expansion des exportations et par la Banque de Montréal. Les contrats, à leur signature avaient une clause qui permettait l'annulation si le financement ne pouvait pas être mis en place. Il a été mis en place et, pour Marine Industrie, le problème ne semble pas du tout être un problème de financement puisque les navires étaient financés par l'armateur à travers la SEE et la Banque de Montréal. Au point de vue de la solvabilité du client, M. Karageorgis nous avait remis ses états financiers personnels qui montraient une fortune très considérable, et si ma mémoire est bonne, il y avait une garantie personnelle malgré qu'il s'agissait de compagnies panaméennes, une compagnie par navire, ce qui peut-être n'offrait pas toutes les garanties nécessaires mais il y avait une garantie personnelle de M. Karageorgis ajoutée aux garanties fournies par les compagnies panaméennes et il y avait une clause dans les contrats qui disait que s'il était en défaut sur un contrat, il devenait en défaut sur tous ses contrats. Alors les contrats étaient tous interreliés.

M. Tremblay: Je reviendrai sur cette question de financement tout à l'heure. Il faudrait peut-être régler la question de la renégociation des contrats puisqu'effectivement, il n'y a pas eu 18 bateaux construits et livrés à ce client grec. Combien y a-t-il eu de bateaux effectivement construits suite à ce contrat? A qui ont-ils été livrés? Répondons à cela et on verra ensuite.

M. Rochette: Pour la période de temps où j'ai été au service de Marine Industrie, M. Karageorgis a revendu, pendant la construction, les six premiers navires à une société française Delmas-Vieljeux. Ces navires ont été construits et livrés à Delmas-Vieljeux. Il a revendu les deux suivants à la Compagnie nationale algérienne de navigation. Ces deux navires, à ma connaissance, malgré que j'étais parti de Marine Industrie, ont été construits et livrés aussi en Algérie et, par la suite, je ne peux pas faire de commentaires parce que je ne suis pas au courant de ce qui s'est passé.

M. Tremblay: A la suite de ces commandes et à la suite de ces renégociations, le problème auquel faisait face Marine Industrie, si je comprends bien, était de s'assurer auprès de fournisseurs un approvisionnement en pièces, en équipement pour construire les bateaux et, en 1974-1975, il y a eu des commandes de moteurs, d'acier, de pièces, de fournitures, etc., pour environ $100 millions si je comprends bien. C'était une période où la demande était assez forte, donc Marine Industrie devait faire des contrats assez serrés pour obtenir ces fournitures d'une part. D'autre part, évidemment, Marine Industrie avait ces contrats avec un armateur et quand ces contrats ont commencé à devenir difficiles d'application — et là, j'aimerais bien qu'on informe la commission sur les circonstances qui ont amené l'armateur à pouvoir se sortir de ces contrats — Marine s'est évidemment trouvée entre des commandes déjà assez fermes, comprenant des pénalités si elle les annulait, et des contrats qui lui filaient entre les mains, restant évidemment avec des fournitures et de l'équipement. La décision de Marine Industrie, semble-t-il, a été d'aller de l'avant dans la construction même si, au plan juridique, les contrats pouvaient peut-être ne pas être réalisés et la livraison des bateaux ainsi construits finalisée. Est-ce que mon appréciation de la situation est conforme aux faits? Est-ce que vous pourriez nous donner des détails sur ce "squeezing", en

quelque sorte, qui s'est produit pour Marine Industrie en 1974 et 1975?

M. Rochette: En 1974-1975, la situation était telle qu'il fallait s'assurer l'approvisionnement nécessaire pour construire les navires. Quand un contrat devient ferme avec un armateur, au même moment, il faut avoir des contrats fermes avec les fournisseurs pour pouvoir construire les navires dans Jes délais prescrits et payer les prix convenus. Au moment des six premiers navires, nous avions placé toutes les commandes nécessaires pour s'assurer du matériel pour les construire et quand les douze suivants sont devenus des contrats fermes — je dis fermes mais avec clauses escalatoires, etc. — quand ils ont été confirmés, disons, en 1974, à nouveau nous avons placé des commandes auprès des fournisseurs pour assurer l'approvisionnement pour construire des navires et c'était entendu que si, par la suite, il fallait annuler une partie de ces commandes, il pouvait y avoir des dommages à payer.

M. Tremblay: Donc, je pense que c'est en avril 1975, il y a eu la confirmation du financement et le contrat pour les bateaux est devenu ferme?

M. Rochette: Vous avez raison. C'est au moment où le financement a été assuré en avril 1975 que les contrats sont devenus confirmés, et c'est à ce moment que Marine a placé ses commandes de façon ferme avec ses fournisseurs.

M. Tremblay: Mars, avril 1975.

M. Rochette: Jusqu'à ce moment, les commandes étaient placées, mais sous réserve d'annulation, sans pénalité.

M. Tremblay: Juste au moment où on changeait de président, je crois.

M. Biron: J'aimerais revenir à une question que le ministre a posée tout à l'heure et qui n'a pas eu de réponse. J'aimerais qu'on... c'est la question du ministre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est parce que j'ai refusé ce droit tantôt à mon collègue de gauche. C'est une question de procédure. Habituellement, disons que je vais laisser... On peut prendre une procédure contraire, si c'est sur le même sujet. Mais là, on parle toujours de bateaux. Cela va être facile pour n'importe qui de poser des questions.

M. Biron: C'est exactement la même question que le ministre a posée tout à l'heure. Cela avait l'air un peu d'un cheval pour employer son terme, un cheval au cou d'un lapin. Dans le fond, est-ce que Marine avait la capacité...? Puisque le ministre l'a posée, j'aimerais entendre M. Rochette là-dessus.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Seulement celle-là.

M. Biron: Seulement celle-là. C'est exactement la question du ministre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Parce que je sens que je fais un peu de la discrimination envers mon collègue et je ne le voudrais pas.

M. Biron: Marine avait-elle la capacité financière et technique — vous avez dit financière, oui — mais technique nécessaire pour prendre ces commandes? Est-ce que cette commande de 18 navires que le ministre a mentionnée tout à l'heure était trop grosse pour Marine ou était-ce possible pour Marine de la prendre et physiquement et financièrement réalisable?

M. Rochette: Je croyais avoir répondu à cette question en disant que cette décision était du ressort du conseil d'administration et le tout a été soumis au conseil d'administration, qui a accepté que Marine s'engage dans ces contrats. Je n'étais pas membre du conseil d'administration. J'ai fait mon rapport au président, M. Fillion, qui l'a soumis au conseil d'administration.

M. Biron: Et vous personnellement?

M. Rochette: Moi personnellement? J'émettrais seulement une opinion.

M. Biron: C'est cela.

M. Rochette: Dans mon opinion, avec l'expérience, que Marine venait de prendre sur les sept navires précédents construits pour les Français, Marine avait certainement la compétence pour les construire et comme les navires devaient être financés par la SEE et la banque, qu'il n'y avait aucun engagement financier de Marine dans le financement, il me semblait que c'était une bonne affaire dans le marché que nous connaissions en 1973, qui était un marché fantastique, et nous offrions de meilleures livraisons que les autres pays.

M. Biron: Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'entends suivre la procédure habituelle en demandant à chacun, par exemple, de ne pas abuser, le ministre, au bout d'un certain temps, le député de Notre-Dame-de-Grâce, le chef de l'Union Nationale, le député de Beauce-Sud, le député de Richelieu, après cela, ce sera n'importe qui qui lui lèvera la main le premier. C'est la procédure normale, pas les mains, ou la main, mais très brièvement, de chaque côté, parce que n'importe qui pourrait poser des questions pendant une heure et demie.

M. Tremblay: Je vois que vous êtes sage, il s'agit d'un dossier d'une telle complexité que si nous ne suivons une ligne d'analyse relativement droite, nous risquons de tomber dans le coq-à-l'âne et de ne pas y voir clair. Je pense que nous

sommes maintenant à essayer de dégager les principales grandes lignes du problème et, si vous permettez, j'aimerais continuer dans cette direction, parce que M. Rochette a bien dit que c'était aux environs de mars ou avril 1975 que la confirmation des commandes de fournitures a été faite, et ce fut la période où il y a eu changement de président à Marine.

M. Yvon Simard avait été président du 30 mai 1974 au 18 mars 1975. M. Yvon Simard, auquel nous avons fait allusion ce matin, n'est malheureusement pas ici et c'est pour cela que j'aurais souhaité que M. Simard soit ici parce que ce genre de questions...

Comme dit M. Rochette, il n'était pas membre du conseil d'administration. Donc, par conséquent, je suis obligé de me retourner vers le président de la SGF à l'époque, qui était M. Raymond David. M. David a été président de la SGF du 25 juillet 1974...

M. Coulombe:... M. Simard était aussi président de la SGF.

M. Tremblay: M. David est arrivé en juillet 1975.

M. David (Raymond): A la SGF, comme président de la finance en juin 1974 et président de la SGF à la fin d'avril 1975.

M. Tremblay: Donc, à l'époque M. Simard était aussi président de la SGF et président de Marine, les deux ensemble.

Donc, ce témoin auquel je faisais allusion ce matin aurait pu...

M. Rochette: Est-ce que je peux vous apporter un éclaircissement, M. le Président? Je pourrais vous apporter un éclaircissement. Quand vous parlez de la date du 15 avril 1975, c'était la date limite où l'armateur devait obtenir son financement confirmé, mais les amendements à tous ces contrats ont été négociés en août 1974 alors que M. Yvon Simard était président de la compagnie. Ces négociations ont eu lieu à Londres; les conditions auxquelles nous pouvions accepter de confirmer les douze contrats étaient selon les directives de M. Yvon Simard. Ils ont effectivement été confirmés en août 1974, les amendements ont été signés pour rendre ces contrats effectifs, sujets à ce que le financement soit obtenu avant une certaine date. La date dont vous parlez, c'est la date où le financement a été confirmé, mais la décision a été prise avant cela. Il s'agit simplement de la question d'obtenir, non pas de notre part, mais de la part de l'armateur, la confirmation du financement.

M. Tremblay: M. le Président, étant donné que le président de la SGF ou le président de Marine pour cette période de 1974-1975 n'est pas ici, je vais demander au vice-président de la SGF à l'époque si la SGF était au courant de la teneur de ces contrats, si la SGF avait pris connaissance des engagements que détenait Marine à l'endroit de l'armateur grec et si, de l'avis de la SGF, ces engagements étaient assez solides pour justifier les commandes de fourniture et d'équipement qui ont été effectuées, parce qu'il s'agissait de montants énormes, quand même. On parlait de $100 millions de commandes de fournitures, d'une part, de bateaux qui pouvaient représenter $260 millions. Comme Marine représentait environ 40% des actifs de la SGF, c'était pratiquement la principale filiale, est-ce que la SGF était au courant de ce qui se passait et suivait le déroulement de ces négociations?

M. David: La SGF n'avait pas plus d'information, M. le ministre, que le conseil d'administration de Marine et, effectivement, le mode d'administration à la SGF était un mode de décentralisation.

M. Tremblay: Pardon. Est-ce que vous permettez que je vous interrompe? Parce que vous venez de faire une déclaration qui me paraît curieuse. Vous avez dit que le conseil d'administration de la SGF ne possédait pas plus d'information que le conseil d'administration de Marine?

M. David: C'est cela.

M. Tremblay: Qui avait l'information?

M. David: C'étaient des transactions de Marine. Elles étaient approuvées par le conseil d'administration de Marine et il y avait une communication qui était faite chaque mois sur l'état de chaque filiale, au niveau du conseil d'administration de la SGF.

M. Tremblay: On me souligne que M. Arthur Simard, qui était président du conseil de Marine... Ici, c'est indiqué — je m'excuse — que M. Arthur Simard était président du conseil du 30 avril 1963 au 20 mai 1976. tst-ce que c'est exact, M. Simard? Est-ce que vous étiez vraiment président du conseil pendant toute cette période du 30 avril 1963 jusqu'au...

M. Simard (Arthur): ... je vais demander l'immunité aussi et je vais demander la protection de la cour, si vous voulez avoir des détails.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Simard, l'article 64 s'applique de façon automatique à vous également, comme à tous les témoins et, d'autre part, est-ce que la commission est disposée à accorder la même protection?

Une Voix: Oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors, la protection de la commission est accordée à M. Arthur Simard.

M. Simard (Arthur): En tout premier lieu, j'aimerais dire à messieurs les membres de la commission que M. Yvon Simard dont on vient de

parler, ne vous trompez pas, ce n'est pas parent avec nous, ce n'est pas dans la même famille. Il y a tellement de Simard et de Bourassa; alors, ce n'est pas parent.

M. Tremblay: ... une accusation, M. Simard.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous savez qu'il n'y a pas autant de Simard que de Tremblay au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

M. Simard (Arthur): C'est une coïncidence que Yvon Simard soit là en même temps que j'étais là. J'ai été là en 1963 quand mon père est décédé. C'est moi qui ai pris la succession et je suis resté là comme président du conseil jusqu'à ce qu'on vende nos intérêts, le reste de nos intérêts à la Société générale de financement. J'ai été là de façon continue.

M. Tremblay: Je vous répète un peu la question que j'ai essayé de soulever tout à l'heure, parce que cela m'apparaît une question clé. Il y a eu des commandes de fourniture, etc., de l'ordre de $100 millions. C'était sur la base d'engagements d'un armateur.

M. Simard (Arthur): Oui.

M. Tremblay: Est-ce que ces engagements contractuels vous ont semblé, à l'époque, suffisamment solides pour que vous vous sentiez sécurisé, comme président du conseil d'administration et comme conseil d'administration en général, pour aller de l'avant?

M. Simard (Arthur): Oui.

M. Tremblay: II s'agissait d'un risque, quand même, qui s'est révélé par la suite désastreux. Mais, à l'époque, est-ce que vous aviez jugé que c'était suffisant, est-ce que vous aviez vérifié pour voir si c'était vraiment suffisant?

M. Simard (Arthur): Certainement. Je dois dire aussi qu'au conseil d'administration de Marine Industrie, si vous regardez les membres du conseil, les membres de la SGF en assez grand nombre étaient membres de Marine Industrie. Alors, ce n'est pas par ricochet que la SGF a été informée de ce qui se passait à Marine. Ils étaient assis à la même table que moi.

M. Tremblay: Est-ce que les relations entre le conseil d'administration de Marine Industrie et la SGF étaient assez limpides à l'époque? Pour des contrats de cette envergure, est-ce que Marine Industrie avait une autonomie complète à la SGF ou si l'information était repassée à la SGF?

M. Simard (Arthur): Ah non. Marine Industrie fonctionnait pour autant que la SGF voulait bien qu'elle fonctionne. D'ailleurs, si vous prenez la période de 1963 où j'étais là, la période de M. Jean Deschamps qui a été, de nombreuses années, président, il n'y avait rien qui se faisait sans... Ecoutez, le patron, c'était la SGF. Le patron étant la SGF, à partir de 1965, nous avons vendu 60% des intérêts de Marine Industrie à la SGF. Donc, le patron, c'était la SGF. S'il y avait un vote à prendre, une assemblée d'actionnaires, la SGF avait seulement à voter et nous autres... Je ne peux pas dire que cela s'est présenté.

M. Tremblay: Quel était le pourcentage d'actions que vous déteniez à l'époque, quand vous étiez président de Marine?

M. Simard (Arthur): Pardon?

M. Tremblay: Vous étiez actionnaire vous-même...

M. Simard (Arthur): Personnellement? M. Tremblay: Oui.

M. Simard (Arthur): Ce serait un peu compliqué. J'avais mes parts personnelles, une couple de 100, après ça, il y en avait dans la succession de mon père, mes frères, mes soeurs, toute la famille.

M. Tremblay: Les actionnaires minoritaires représentaient combien, en 1974-1975?

M. Simard (Arthur): En 1974-1975, ce n'est plus pareil. Cela avait diminué, parce que la SGF a remis de l'argent. Chaque fois qu'elle a mis de l'argent, elle a demandé qu'on en remette. Nous autres, on ne pouvait plus en remettre. Alors, notre pourcentage diminuait continuellement et nous avons tous vendu, excepté la famille J.-Edouard Simard qui est encore actionnaire de Marine Industrie.

M. Tremblay: Je pense que sur ces contrats, je vais donner l'occasion à mes collègues de la commission de poser des questions sous un angle un peu différent du mien, étant donné que je suis dans le dossier depuis quelques semaines, j'ai peut-être des informations que les membres n'ont pas et peut-être que je ne pose pas les bonnes questions.

Je vais laisser mes collègues poser certaines questions.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Merci, M. le Président. Plutôt que de continuer dans cette voie à laquelle on va certainement revenir, j'aimerais préciser la question des coûts. M. Rochette, à l'époque de la signature du contrat, vous aviez calculé, j'imagine, une prévision des coûts par bateau. Quel a été le coût calculé à l'époque pour chaque bateau?

M. Rochette: Vous voulez dire au moment où ce contrat a été signé la première fois, en 1973?

M. Scowen: Je veux avoir une idée de la différence entre l'estimation originale et le coût réalisé.

M. Rochette: M. le Président, c'est trop loin pour que je puisse me souvenir, de mémoire, de ces chiffres exacts, mais je peux vous dire que la différence entre l'estimation et le prix de vente était pour un profit de l'ordre de 8% à 10%, quelque chose du genre. Finalement, pour les navires qui ont été livrés, du temps où j'étais là, ce profit a été réalisé, même un peu mieux.

M. Scowen: Le prix de vente a été...

M. Rochette: Pour les six premiers navires, au départ, il était de l'ordre de $12 millions ou $13 millions. Il a été augmenté par la suite, quand Karageorgis les a vendus à Delmas-Vieljeux, parce que ces derniers ont exigé des additions au navire, ce qui en a porté le prix... Je ne peux pas vous dire, de l'ordre de $13 millions ou $14 millions chacun.

M. Scowen: Alors, le coût a été d'à peu près 90% de $13 millions, à peu près $11 500 000 par bateau?

M. Rochette: II faut dire qu'il y avait une subvention de 17% qui a été accordée par le gouvernement fédéral. Quand je parle du prix de vente, c'est après la subvention. Alors, la valeur brute de ces navires, pour Marine Industrie, il faut ajouter la subvention, de sorte qu'il devait rapporter à Marine Industrie environ $16 millions ou $17 millions. Mais l'armateur payait 17% de moins.

M. Scowen: J'espère que vous comprenez ce que j'essaie de faire. Je pense qu'il y a deux questions qu'il faut poser pour savoir ce qui est arrivé. Est-ce que c'étaient des erreurs, des accidents de parcours dans le domaine du prix et des contrats, ou si cela a été, en partie, à cause des augmentations imprévues du coût pour toutes sortes de raisons: les augmentations dans le coût des matériaux bruts, les problèmes dans la construction?

J'essaie un peu de séparer ces deux aspects. Je ne sais pas s'il y a quelqu'un d'autre, ou M. Coulombe qui peut répondre. Quelle est l'escalade du coût depuis les estimations originales jusqu'à la réalisation des six bateaux?

M. Rochette: Pour les six premiers navires, ils étaient à prix ferme. L'escalade était incluse dans le prix. Ils ont été construits et livrés à l'intérieur des estimations. Un profit a été réalisé.

Pour les douze derniers qui avaient été renégociés et confirmés en 1974 et en 1975, il y avait des clauses escalatoires qui protégeaient Marine Industrie contre toute augmentation de la main-d'oeuvre ou des matériaux, de même qu'une clause d'ajustement pour les variations dans la monnaie étrangère. Donc, toute augmentation causée par l'inflation ou les fluctuations de la monnaie étrangère était à la charge de l'armateur. Donc, la marge de profit était très bien protégée.

M. Scowen: C'était dans le contrat qui, jusqu'à maintenant, n'a pas été réalisé?

M. Rochette: C'est cela.

M. Scowen: Quel était le coût final des six bateaux que vous avez chez vous aujourd'hui, le coût par bateau?

M. Coulombe: Dans l'annexe au document que je vous ai présenté ce matin, vous avez un petit tableau à l'annexe 1. C'est un coût total de $149 millions et il y a des subventions reçues là-dessus de $16 millions, ce qui fait $133 millions. Le coût total, en incluant les subventions, est de $149 millions au moment où on se parle.

M. Scowen: Cela veut dire à peu près $25 millions par bateau. C'est le coût des bateaux que vous avez chez vous maintenant. Ils vous ont coûté $25 millions chacun.

M. Coulombe: C'est exact.

M. Scowen: Et quand cela a commencé, en 1973, le coût était de $11 millions ou $12 millions?

M. Coulombe: Comme M. Rochette l'a indiqué, il faut ajouter à cela les subventions.

M. Scowen: Excusez. Vous ajoutez normalement les subventions au prix de vente, n est-ce pas?

M. Coulombe: Regardez l'annexe A du document de ce matin. Il faut bien penser qu'au moment où on se parle, il y a les frais de financement qui sont ajoutés. Il faut distinguer dans ces différents coûts...

Le coût total à Marine Industrie, en incluant la subvention, le chiffre global, total, brut, c'est $149 millions.

M. Scowen: D'accord.

M. Coulombe: Mais après, il faut distinguer; il faut enlever les subventions. Il y en a seize déjà de reçues, il y en a sept à recevoir. Donc, $23 millions de subventions reçues ou à recevoir, distinguer les frais de financement, pour concilier les chiffres avec ceux de M. Rochette.

M. Scowen: Ce que vous avez dans le moment, à Sorel, ce sont six bateaux qui ont coûté à peu près $25 millions. Quel est le prix que vous pouvez toucher, en septembre 1979, pour les trois, si vous acceptez le contrat?

M. Coulombe: II y a trois prix différents qui se situent entre $16 millions et $17 millions. Les prix contractuels avec M. Karageorgis pour septembre 1979 se situent entre $16 millions et $17 millions, en dollars canadiens.

M. Scowen: Si vous acceptez le contrat que vous avez pour les trois, d'ici un an — on ne parle pas de l'intérêt d'ici cette date — la perte sera de l'ordre de $8 millions à $9 millions par bateau?

M. Coulombe: Non, parce que les subventions sont payables sur le coût total des bateaux. Il faut donc d'abord soustraire les subventions. Si on soustrait les subventions, on soustrait $23 millions de $149 millions. Les coûts moins les subventions sont actuellement de quel ordre? $19 millions? Ils se situent entre $19 500 000 et $20 millions. Il faut faire la différence entre $16 millions et $17 millions et entre $19 millions et $20 millions.

M. Scowen: II y a un deuxième point que je veux soulever, à la page 10 du rapport que vous avez soumis avant la rencontre. J'essaie de comprendre un peu le problème qui est survenu pendant l'inspection, de même que les problèmes de construction. Je parle particulièrement du premier alinéa du premier paragraphe de la page 10 dans lequel vous disiez qu'avant 1977, vous entamiez des négociations en Pologne pour la vente de quatre cargos additionnels qui nécessitaient des voyages fréquents à l'étranger. Vous avez relié cette déclaration, dans le même paragraphe, à une déclaration que, durant cette période, les inspecteurs du MAK, ont trouvé diverses erreurs de construction et des imprécisions. Ces deux incidents sont-ils reliés ou est-ce simplement par hasard qu'ils se trouvent dans le même paragraphe?

M. Coulombe: M. Picard, je pense que c'était durant votre...

M. Picard (Laurent): Premièrement, pour éclairer un peu la situation et donner un peu de "background", il y a une chose qui a été dite qui me semble importante non pas à corriger, mais M. Rochette n'est peut-être pas au courant de cela... D'ailleurs, il a indiqué qu'il n'était pas complètement au courant. Quand M. Rochette — je trouve que c'est très important — a dit que M. Karageor-gis avait pris les bateaux de tous les autres chantiers excepté ceux de Marine Industrie, il faudrait, premièrement, se poser la question à savoir dans quelle condition il les a pris. Si Marine Industrie avait été prête à accepter des conditions qui n'étaient pas acceptables à ce moment-là, comme les chantiers suédois l'ont fait, comme les chantiers finlandais l'ont fait aussi — je ne sais pas à propos du Japon — il est bien sûr que les contrats n'auraient pas été brisés. La raison est que les Suédois, pour ne pas avoir à mettre des gens à pied, ont accepté que M. Karageorgis prenne les bateaux sans les payer et qu'il ne les paie que lorsqu'il ferait un profit sur les bateaux.

Une Voix: Ah bon!

M. Picard: Cela nous a été offert. La réponse a été "non". Les chantiers suédois, comme vous le savez, ont été, dans la plupart des cas, étatisés à cause de leurs difficultés financières, et la politique de la Suède, à ce moment-là, a été double: premièrement, protéger l'emploi et, deuxièmement, construire pour inventaire. Dans ces conditions, si Marine Industrie avait dit à ce moment-là, à M. Karageorgis: Très bien, allez-vous en, on vous remettra les bateaux; vous ne nous payez pas et, si vous faites des profits avec ceux-ci, vous nous paierez en "profit sharing", en participation aux profits, cela aurait pu se faire.

Il faut bien se comprendre. La solution en Finlande n'est pas exactement la même, mais elle y ressemble beaucoup. Je pourrais vérifier les autres choses, ce sont des données qui sont loin pour moi. Il faut bien comprendre. Quand on dit que Marine Industrie a été la seule à avoir des problèmes avec M. Karageorgis, d'ailleurs, ce n'est pas tout à fait vrai, la Finlande en a eu, si Marine Industrie avait pris la position de la Suède, elle n'aurait pas eu de problèmes avec M. Karageorgis. Moi-même, j'aurais été prêt à acheter personnellement des bateaux dans des conditions comme celles-là.

M. Scowen: M. Picard, je m'excuse, mais ce que j'aimerais vous demander de faire, c'est de relier les deux parties...

M. Picard: Oui, très bien.

M. Scowen: ... si vous permettez, avec une phrase de la même page, au troisième paragraphe, où il a été dit qu'il s'avérait impossible de s'entendre sur les procédures à suivre afin de corriger certaines erreurs de construction décelées par les inspecteurs. Je m'intéresse aux voyages des cadres supérieurs en Pologne, à l'identification des erreurs, dans le même paragraphe. Les deux choses étaient-elles reliées? Il y a finalement l'impossibilité de s'entendre sur la procédure à suivre pour corriger les erreurs. Je veux simplement que vous nous parliez un peu de cet aspect du problème.

M. Picard: Je vous remercie. Je m'excuse. C'est là que je voulais en venir. La raison pour laquelle j'ai commencé par la Suède, c'était justement pour donner le "background" de ces difficultés. Je demande, comme tout le monde évidemment, puisque je serai obligé de parler de personnes, la protection de la Chambre...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La protection de la commission vous est accordée, M. Picard.

M. Picard: Premièrement, les difficultés à Marine Industrie ont... Il y a aussi un grand nombre d'autres choses qu'il faudrait préciser, dont M. Rochette n'est peut-être pas au courant, c'est que le financement réel de ces contrats n'a jamais eu lieu avant septembre 1976 dans la renégociation. Il n'a jamais eu lieu. Ces contrats n'ont jamais été financés. Il y a eu des approches. Il y a eu des ententes. Il y a eu des lettres

d'intention, mais cela n'a jamais été financé. Quand cela a été financé...

M. Scowen: Excusez-moi.

M. Picard: Je réponds à votre question.

M. Scowen: Je pense que le ministre voulait s'interposer.

M. Tremblay: C'est une phrase très sérieuse que vous venez de prononcer, M. Picard, que le financement des bateaux n'a jamais eu lieu de façon formelle ou ferme, alors qu'en 1975, il y a eu une commande de $100 millions de fournitures, de pièces et d'équipements. (17 heures)

M. Picard: Je n'étais pas à Marine à ce moment, mais il n'y avait pas de financement. Il y avait des ententes, il y avait des lettres d'entente, il y avait des acceptations de conditions. J embarque dans des termes techniques, j'espère que je ne me trompe pas, mais je suis prêt à me faire corriger si ce n'est pas vrai. Il n'y a jamais eu de financement réel de l'opération avant le mois de septembre 1976.

M. Tremblay: Si vous me permettez, M. le Président, quand vous êtes arrivé, M. Picard, à Marine, c'est-à-dire le 1er août 1975, les commandes de pièces, de fournitures, de moteurs et tout cela étaient faites avec des contrats fermes comportant des pénalités importantes. Le financement pour la vente de bateaux à cet armateur grec flottait encore dans l'air.

M. Picard: II y avait eu des expressions d'intentions. Les premières négociations réelles ont commencé au mois de décembre 1975. Il y a eu, au mois de décembre 1975, un contrat de financement qu'on peut interpréter de plusieurs façons, un contrat de financement où il y a eu entente de principe entre les deux parties et signature de papiers, sujets comme toutes ces choses, à un "closing". Le "closing" impliquait que M. Karagoergis déposait $5 millions — ce sont des choses qui sont un peu loin, j'étais nouveau à Marine dans le temps, je ne me rappelle peut-être pas tous les détails — et donnait des hypothèques sur deux navires pour $25 millions. Quand est arrivé le temps du "closing", M. Karageorgis, au début de janvier, ou à la fin de janvier, a refusé de déposer les hypothèques et a refusé de déposer les $5 millions. Donc, au mois de janvier 1976, lorsque le "closing'' devait être fait, il n'a pas été fait et il n'y a pas eu de financement des bateaux, au sens strict. Je continue. Il y a eu une renégociation des contrats — évidemment, Marine était dans une position extrêmement faible pour renégocier — et un financement qui a eu lieu en septembre 1976, si ma mémoire est bonne. A ce moment, une des conditions de la renégociation, c'était que M. Karageorgis envoie sur le chantier — ce qui est toujours normal, dans le cas, mais qu'il n avait pas fait — son représentant, M. Afroudakis, si je me rappelle bien. Il est bien important de se rendre compte qu'une partie des travaux sur les bateaux avait été faite au moment où M. Afroudakis s'est présenté aux chantiers.

M. Scowen: Je m'excuse. Si je comprends bien...

M. Picard: Je donne le "background" . J'arrive à la réponse.

M. Scowen: Oui, je comprends. Ce n est pas votre faute, c'est la mienne. Les autres membres de la commission veulent que je me restreigne aux questions que j'ai posées moi-même. Je suis certain qu on va revenir à cette question, mais je veux vous demander de revenir à la question que je vous ai posée. En mars 1977, un peu l'histoire de ce problème des trois parties de votre texte que j'ai soulevé.

M. Picard: M. Scowen, c'est là que commencent les problèmes. M. Afroudakis est arrivé aux chantiers en octobre et il a commencé à critiquer un certain nombre de choses qui avaient été déjà faites. Je ne me rappelle pas les détails. J'ai rencontré M. Afroudakis lorsqu'il y a eu des frictions avec les gens de Marine. J'ai rencontré les représentants de Karageorgis; à ce moment, c était Stathopoulos qui était leur ingénieur. Je ne peux pas vous donner une date exacte, mais je pourrais la retrouver. Au mois de janvier ou à peu près, les ententes étaient — il me semble, ce n'est peut-être pas juste, très précis — qu'il n'y avait que des problèmes mineurs qui pourraient être réglés. C'est ce que les gens m'ont dit. Seulement...

M. Scowen: Cela veut dire votre personnel.

M. Picard: Non, M. Stathopoulos, qui était l'avocat, M. Slight, qui était le vice-président des finances, et l'ingénieur dont je ne me rappelle pas exactement le nom. Vers janvier, je ne me rappelle pas exactement la date, ils sont venus aux chantiers, il y a eu des discussions qui ont semblé être assez dures, mais je les ai rencontrés le soir et ils m ont dit: II n'y a pas de problème réel, profond, mais des problèmes mineurs. Après cela, les critiques sont devenues de plus en plus considérables. Ce qui est important, c'est qu'on travaillait au contrat polonais et on était extrêmement occupé pour essayer d'obtenir le contrat polonais, pour ne pas envoyer les gens en chômage. Cela a fait que certaines personnes ont peut-être été moins près de la situation.

Pour répondre maintenant directement à votre question, il n'y a pas un lien direct entre les deux. Il est arrivé que l'accélération de ces choses a eu lieu au moment où bien des gens étaient occupés en Pologne à négocier le contrat polonais.

Je voudrais ajouter une autre chose qui m'apparaît fondamentale pour comprendre exactement quelle était la nature de ces discussions et ces choses. J'ai ici le texte d'un rapport que j'ai écrit,

j'essaie de le retrouver. De toute façon, M. Afrou-dakis qui était le superviseur de Karageorgis a eu une bagarre, une bataille verbale avec les gens de Marine Industrie et il semble avoir dit à un bonhomme de Marine Industrie — c'est un document qui existe dans Marine Industrie — "Je me fous de ce qui peut arriver de vos bateaux, je me fous de tout. Vous allez voir que la situation va empirer à partir d'aujourd'hui". C'est là qu'après, j'ai mangé...

M. Roy: A quelle date?

M. Picard: Je n'ai aucun de mes papiers, M. le député. C'est difficile pour moi de donner des dates exactes, mais je dirais que c'était fin décembre, probablement début janvier.

M. Roy: De quelle année?

M. Picard: 1976, et 1977, si c'est janvier. Donc, il n'y a pas de relation directe.

M. Scowen: M. Picard, je comprends. Simplement pour terminer dans cette ligne de pensée: Impossible de s'entendre sur la procédure à suivre afin de corriger certaines erreurs de construction décelées par les inspecteurs.

Est-ce que vous pouvez nous dire quelles étaient les erreurs de construction? D'une façon non technique, est-ce que c'était des choses majeures ou mineures? Quelles étaient spécifiquement les erreurs de construction dont vous parlez dans ce document et qui ont été décelées?

M. Picard: Ces discussions et ces problèmes ont commencé à apparaître au moment où déjà, j'étais impliqué en grande partie dans le contrat polonais et au moment où, d'ailleurs, j'avais donné ma démission à Marine Industrie. Il y a eu des problèmes mineurs qui allaient de la couleur des poignées de porte ou des choses comme celles-là — je donne cela comme exemple — il y en avait des piles, semble-t-il. Il y a eu un certain nombre de problèmes importants; un sur la peinture où il semble que Marine Industrie avait totalement raison d'après l'opinion qu'on a; un autre sur une question de tuyauterie, où la confusion des plans qui avaient été laissés pour la construction des navires était telle qu'il était difficile de définir s'il s'agissait de contrats et de spécifications françaises, polonaises ou celles de Karageorgis qui devaient s'appliquer. Alors, c'était d'une grande confusion. Il y a eu un problème réel de ce qu'on appelle "misalignment".

M. Scowen: II semble que ce n'était pas seulement des questions de peinture, parce que dans le même paragraphe, vous dites qu'il s'avérait impossible de régler ces problèmes dans les 180 jours qui venaient, ce qui voulait dire que le contrat pouvait être annulé. Je pense que c'était le point que vous essayiez de faire dans ce paragraphe.

M. Picard: Premièrement, M. Scowen, ce n'est pas moi qui ai écrit ce rapport, alors ce n'est pas moi qui l'ai dit.

M. Scowen: Je comprends.

M. Picard: Deuxièmement, on a essayé pendant longtemps, de bonne foi je pense, de tenir compte des critiques de M. Afroudakis. On a rencontré des gens, mais à un moment donné, les critiques ont commencé à s'accélérer tellement, ces problèmes sont venus et cela pouvait avoir été difficile, dans les conditions anormales du chantier, que je viens de décrire, de terminer à l'intérieur de 180 jours. Dans des conditions normales de chantier — je vous donne une opinion, je ne suis pas un expert du tout — cela aurait probablement été possible de le faire.

M. Scowen: J'ai deux autres questions à poser; je pense que je vais me limiter à une seule.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense que M. Coulombe voulait dire quelque chose?

M. Coulombe: Le problème des défauts techniques, évidemment, est un de ceux qui, dans notre étude, évidemment postérieure aux événements, d'il y a cinq ou six mois, nous a le plus tracassés, parce que l'effondrement du marché international est une chose évidente et clairement démontrable. La question de l'organisation du chantier et des problèmes techniques a été un problème sur lequel on s'est penché d'un peu plus près.

Je demanderais à M. Brisson, qui est au chantier depuis un an et demi, de donner aussi son interprétation après certains faits, parce qu'il n'est là que depuis 1977. Il peut clarifier un peu ce point; parce qu'il s'est dit tellement de choses sur ces bateaux. Il peut mettre cela dans sa véritable perspective.

M. Brisson: Nous avons dû évidemment faire l'étude pour...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Brisson, est-ce que vous voulez avoir la protection de la commission?

M. Brisson: Pourquoi pas?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous n'avez rien à perdre. Vous avez tout à gagner. La protection de la commission vous est accordée.

M. Brisson (Jean-Roch): Je vous remercie, M. le Président. Alors, nous avons dû faire une étude détaillée évidemment de cette situation et afin d'essayer de la clarifier, nous avons classifié les problèmes en trois grandes catégories.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Votre micro, M. Brisson, s'il vous plaît.

M. Brisson: Alors, pour clarifier et simplifier la situation, nous avons classifié les problèmes en trois grandes catégories. Il y avait la catégorie où il y avait eu des erreurs dans la construction — c'étaient des erreurs de construction technique — qui étaient rectifiables. Nous en avons discuté avec les représentants de la Société de classification parce que tout travail qui se fait sur un bateau et qui n'est pas prévu doit être discuté et approuvé. Alors, cette série a été rectifiée à la satisfaction de toutes les sociétés de classification.

Il y a eu l'autre série de déviations qui a porté à confusion parce qu'il y avait une différence d'interprétation entre les officiers techniques du chantier et les officiers techniques de l'armateur et ces divergences d'opinion provenaient de spécifications ou notes pas totalement claires ou de dessins qui avaient été modifiés en cours de route et, enfin, du fait qu'une des conditions dans le contrat était que nous employions — je vais employer le terme anglais — des "Canadian shipbuilding standards" qui réfèrent à une pratique normale de construction dans notre milieu nord-américain. Or, ces standards ne sont pas très bien définis et peuvent causer énormément de divergences d'opinion selon que vous soyez le constructeur ou l'armateur et selon que vous soyez un armateur désireux de prendre les navires ou un armateur qui recherche plutôt le contraire.

Finalement, il y a eu la troisième classification que nous avons appelée harcèlement où il y avait une série de demandes qui croissaient de façon incessante et ces demandes n'étaient pas reliées du tout à un contrat mais elles continuaient à croître.

Ce sont les trois types de problèmes auxquels nous avons eu à faire face. Ils ont été classés. Ceux qui devaient être rectifiés ont été réglés d'une façon que nous pourrons discuter plus tard, mais nous avons, à ce moment, réglé les trois types de problèmes.

M. Scowen: J'ai deux autres questions. Je pense que je n'en poserai qu'une seule et je vais laisser aller l'autre parce que je suis presque certain qu'elle sera posée par d'autres personnes.

La deuxième question que je ne poserai pas touche le problème des navires polonais qu'on doit soulever à un certain moment, mais la question que je vais maintenant soulever... Peut-être M. Rochette peut-il nous aider?

Vous avez décrit le début de cette affaire, le voyage en Grèce, la présence de M. Hacken et de M. Alain et d'autres. J'aimerais connaître un peu les activités de la compagnie Simpson, Spence et Young dans l'affaire. Qu'est-ce qu'ils ont fait au début? Etaient-ils présents avant la rencontre en Grèce? Avez-vous jamais rencontré ou, à votre connaissance, M. Simpson. M. Spence et M. Young étaient-ils présents dans l'affaire? Qu'ont-ils fait comme courtiers dans la transaction? Sur quelle base était calculée la commission? D'après vous, le montant qui a été versé à ce groupe correspondait-il au travail qu'ils ont fait? Et connaissez-vous qui sont les vrais actionnaires, propriétaires de cette société des Bermudes? (17 h 15)

M. Rochette: Oui. Je peux répondre à peu près à toutes les questions qui ont été posées. Simpson, Spence and Young est une firme de courtiers en affrètement et en vente de navires assez réputée de Londres et de New-York. Elle a un bureau à Londres, un à New-York, un à Vancouver et un aux Bermudes. Je ne connais pas les associés seniors Simpson, Spence and Young, je ne sais pas s'ils existent encore, parce que, souvent, ces firmes sont très vieilles et les noms ne veulent plus rien dire. L'associé senior avec qui nous avons toujours fait affaire est un M. Peter Kitching, c'est lui qui est le courtier attitré de M. Karageorgis et c'est lui qui nous a présenté M. Karageorgis. Le premier contrat que nous avons eu avec M. Karageorgis en mars ou avril 1973, c est M. Kitching qui est venu nous rencontrer à Montréal avec le directeur du bureau de Londres de Karageorgis. Par la suite, M. Kitching, a participé à toutes les négociations qui ont eu lieu soit à Montréal, au Pirée ou à Londres, dans tous les contrats qu'il y a eu avec M. Karageorgis, et M. Karageorgis nous a toujours indiqué quelle commission il jugeait que nous devions payer à Simpson, Spence and Young et il acceptait que cette commission soit ajoutée au prix du contrat. C'était donc lui qui payait la commission en définitive.

M. Scowen: Quel était le rôle de M. Kitching? Est-ce qu'il donnait plutôt des services juridiques lors de sa présence à ces rencontres?

M. Rochette: Non, je dirais qu'il agissait comme le modérateur des négociations. C'était l'expert du monde naval, du monde d'affrètement et de construction de navires, au point de vue commercial surtout, pas au point de vue juridique parce que M. Karageorgis avait son conseiller juridique comme nous avions le nôtre.

M. Scowen: Dans le cas de la compagnie Simpson, Spence and Young, est-ce que vous aviez l'impression que c'était lié d'une façon ou d'une autre avec M. Karageorgis, je dirais, d'une façon spéciale, que c'était en un sens une filiale de M. Karageorgis ou si c'était quelque chose de complètement indépendant, une tierce partie, dans le vrai sens du mot?

M. Rochette: Pour nous, nous n'avions aucun moyen de le déterminer. Nous savions que c'était le courtier attitré de M. Karageorgis. La Société pour l'expansion des exportations, je crois, ou le ministère de l'Industrie et du Commerce fédéral, un ou l'autre, a demandé, à un moment donné, de nous faire confirmer par Simpson, Spence and Young, s'il n'y avait aucune affiliation corporative quelconque ni d'intérêts communs entre eux et M. Karageorgis, et on a remis une lettre à l'intention de

la SEE ou du ministère de l'Industrie et du Commerce à cet effet, pour confirmer qu'il n'y avait aucun lien corporatif ni d'intérêts communs entre les deux sociétés.

M. Scowen: Est-ce que vous avez, M. Rochet-te, l'impression que c'était normal pour Marine, dans le cas des contrats navals ou autres, d'accepter d'ajouter une commission à une tierce partie, au prix que vous offriez à votre client? Est-ce que c'est un système...

M. Rochette: La pratique est courante. D'ailleurs, je crois être bien informé en vous disant que Marine a continué à se servir du même courtier, qui a agi dans le contrat des navires polonais.

M. Scowen: II était dans le contrat polonais aussi.

M. Rochette: Le même courtier, je crois. Nous-mêmes, au chantier de Davie, nous faisons affaires par des courtiers. Nous n'avons pas fait affaires avec Simpson, Spence and Young depuis que nous sommes rendus à Lauzon, mais nous avons eu des contrats avec eux, parce qu'à quelques reprises, ils nous ont demandé des propositions pour un client. Et si c'était devenu un contrat, nous lui aurions payé une commission. Il n'y a aucun des contrats qui ont débuté chez nous qui soit devenu un contrat, mais nous avons eu d'autres courtiers avec qui nous avons fait affaires, à qui nous avons payé des commissions. Autrement, il faudrait avoir une équipe de marketing à l'échelle mondiale, avoir des représentants dans tous les pays. C'est la pratique normale pour les chantiers maritimes de faire affaires par des courtiers qui nous amènent les demandes des armateurs.

M. Scowen: M. le Président, cela termine mon intervention. Je voudrais peut-être suggérer quelque chose. La question de Simpson, Spence and Young, c'est une question assez spéciale. Cela pourrait être une bonne idée, s'il y a d'autres membres de la commission qui voulaient poser des questions sur cette affaire tout de suite. On pourrait mettre de côté le sujet une fois pour toutes.

M. Tremblay. On reviendra sur cela plus tard. M. Scowen: D'accord. Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le chef de l'Union Nationale.

M. Biron: M. le Président, je voudrais demander à M. Rochette, qui était avec Marine depuis passablement longtemps, de retourner en arrière, avant les contrats qu'on a signés avec M. Kara-georgis, le Grec. On a fabriqué à Marine six bateaux, six autres bateaux avant ceux-là, de 17 000 tonnes ou à peu près, sept, de 17 000 tonnes, sur lesquels Marine a perdu $20 millions à $25 millions. C est exact?

M. Rochette: A ma connaissance, $16 millions.

M. Biron: Sur ces sept navires. Mais, quand même, Marine a acquis une expérience appréciable avec ces navires de 17 000 tonnes.

M. Rochette: Oui. Dans le premier contrat de 7 navires, l'expérience a été très mauvaise pour Marine; sur le plan financier, justement, la perte dont je me souviens est de $16 millions. Une partie de cette perte a été causée par une fluctuation du dollar américain, par rapport au mark allemand et au franc français, qui était intervenue immédiatement après la signature du contrat, avant de pouvoir nous protéger par l'achat de "futures ", comme on dit en français. Une autre partie a été causée par le fait que Marine Industrie a dû supporter le financement des navires parce qu'ils étaient payables seulement sur livraison, et Marine Industrie avait espéré une aide financière qui n'est pas venue et les taux d'intérêt ont monté en flèche.

En plus de ça, l'inflation avait été beaucoup plus forte que celle prévue. Pour comble de malheur, il y avait eu un dépassement du côté des heures. Evidemment, l'expérience qui avait été payée très cher sur ces sept navires a été l'expérience qui servait ensuite pour pouvoir faire une estimation valable sur les contrats suivants qui ont été des navires grecs. Cela a été prouvé par les huit premiers qui ont été construits en dedans des estimations qui avaient été faites, basées sur l'expérience des navires français.

M. Biron: Vous souvenez-vous du prix demandé pour les six premiers navires grecs?

M. Rochette: Les six premiers navires grecs qui ont été revendus aux Français? Le prix net, après subvention, d'après moi, devait être de l'ordre de $13 millions ou $14 millions, quelque chose du genre. $14 millions, à peu près, je crois.

M. Biron: Avant subvention, cela faisait peut-être $16 millions ou $17 millions.

M. Rochette: II y avait 17% de subventions sur le coût, ce qui pouvait faire 15% sur le prix de vente; alors, ajoutez une couple de millions, c'est à peu près ça, $16 millions.

M. Biron: Disons $16 millions, $17 millions. A présent, ces premiers navires grecs, il semble que cela a été profitable pour Marine Industrie.

M. Rochette: Oui, ce furent des contrats très rentables, du moins les trois qui ont été complétés avant mon départ de Marine Industrie, avec un profit qui dépassait les objectifs originaux. J'ai été informé, de façon non officielle, si vous voulez, par la suite, que les suivants s'étaient bien déroulés aussi, que cela avait continué de la même façon que les trois premiers.

M. Biron: Est-ce que vous diriez que le profit fait sur ces navires est causé par le profit sur les

achats de matériaux ou si c'est à cause d'une meilleure performance de la part des travailleurs?

M. Rochette: C'est tout l'ensemble. Nous avions estimé que le matériel coûterait $7 millions, la main-d'oeuvre et les frais généraux, $6 millions, ce qui fait $13 millions, et ils ont été construits pour $13 millions ou un peu moins. Alors... D'où l'économie provient surtout? Je crois que le profit a été meilleur que prévu parce que les heures passées pour construire le navire ont été un peu moindres que l'estimation originale.

M. Biron: On s'aperçoit, sur les derniers navires grecs, que le côut est autour de $25 millions, on nous parle de $149 millions pour 6 ou tout près de $25 millions, ça veut dire que, de $16 millions à $25 millions, il y aura une perte, sur les prix cotés au début, de $9 millions. Est-ce que, d'après vous, cette perte est causée par l'achat de matériaux qui ont augmenté considérablement ou si cela ne serait pas à cause du plus grand nombre d'heures de la part des travailleurs, même avec une expérience accrue?

M. Rochette: Je ne suis pas en mesure de faire de commentaires là-dessus, parce que je n'étais pas là et je n'ai pas d'information. Il y a certainement eu un facteur d'inflation qui a joué là-dedans. D'ailleurs, les contrats prévoyaient une clause d'échelle mobile pour couvrir l'inflation. Mais c'est tout ce que je peux vous dire. Je ne connais pas les détails.

M. Biron: Avec votre expérience personnelle dans la construction de navires, est-ce que, lorsqu'on a construit dix ou douze navires semblables avec une équipe de travailleurs passablement expérimentée comme celle de Marine Industrie, c'est normal et raisonnable qu'après le douzième ou le treizième, on commence à augmenter, sur le budget en heures, de 10%, 15% ou 20%, jusqu'à 30% plus d'heures pour la construction d'un navire, comme c'est arrivé pour les derniers, alors que les premiers étaient passablement dans le budget des heures projetées?

M. Rochette: Non. Normalement, il y a une courbe d'amélioration qui continue.

M. Simard (Arthur): Excusez, M. Biron, pour vous éclairer, je vais vous donner une comparaison, si vous me permettez d'intervenir. Dans une autre compagnie, Bernstein Limited, dont nous étions propriétaires...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est Arthur Simard qui parle.

M. Simard (Arthur): Arthur Simard, oui. En 1974, nous avons construit notre dernier pétrolier à Marine Industrie au coût de $6 200 000. L'an dernier, nous avons voulu avoir une répétition et la cotation était de $14 300 000, autant à Marine Industrie qu'à Davis Shipbuilding. Cela vous don- ne un ordre de grandeur, entre 1974 et 1978; d'accord?

M. Biron: M. Simard, pendant que vous êtes là, peut-être étiez-vous là en 1976, parce que je remarque...

M. Simard (Arthur): Je suis parti en 1976.

M. Biron: Mais quand même, avec votre expérience, je remarque que les derniers navires ont pris beaucoup plus d'heures budgétisées, alors que les premiers étaient budgétisés autour de 600 000 à 700 000 heures. Et nous sommes même arrivés un peu en bas des heures budgétisées. Pour les derniers navires, on a augmenté jusqu'à 150 000 heures de plus que le budget.

M. Simard (Arthur): Si vous lisez un des rapports qui vous ont été soumis, vous allez voir que M. Karageorgis a envoyé une armée d inspecteurs. Je les ai rencontrés à ce moment-là, je terminais à Marine Industrie. Il est venu à peu près douze inspecteurs qui étaient là, jour et nuit, et disaient: Vous allez me reprendre cette soudure. Cette armoire, je ne la veux pas. Le capitaine, il mesure six pieds et demi, vous allez lui allonger le lit. C est vrai. Et il faut enlever le bulkhead. Il faut enlever le mur, parce que le lit est fait juste pour cette chambre. Et la hauteur de la porte ne fait pas.

Il y a eu douze gars qui ont fait cela. Cela a coûté des milliers et des milliers d'heures de retard parce que chaque jour que cela retardait, Marine Industrie avait des pénalités. Et le gars voulait — excusez I expression, si vous le permettez — écoeurer les employés. Les employés de Marine Industrie, je les ai vus et connus à ce moment-là, ils étaient rendus qu ils n'étaient plus motivés. Ils disaient: On fait quelque chose, et on sait que la semaine prochaine, on va le défaire. Ces gars-là vont arriver et vont dire: Cela ne fait pas, cela ne fait pas non plus. Marine Industrie n'avait plus le contrôle. Il n'y avait plus moyen d avoir le contrôle.

M. Biron: Diriez-vous alors que le Grec voulait absolument trouver tellement de punaises ou tellement écoeurer Marine Industrie qu il fallait trouver des raisons pour étirer le temps, causer des pénalités à Marine Industrie ou annuler le contrat automatiquement?

M. Simard (Arthur): C'est cela. Absolument.

M. Biron: Vous, personnellement, croyez-vous que les raisons invoquées, ou les améliorations ou les plaintes portées pouvaient se tenir ou si. dans la plupart des cas, cela ne se tient pas dans le domaine maritime habituellement?

M. Simard (Arthur): Au moment où les plaintes ont été portées, je n'était plus là. Si j'avais été assis à la table, je vais dire comme on dit: Un Grec, c'est un Grec; mais un "Canayen", c'est un "Canayen".

M. Biron: C'est intéressant ce que vous dites, mais qu'est-ce que vous auriez fait, personnellement, si vous aviez été à la table?

M. Simard (Arthur): On appelle cela une chose hypothétique.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Simard, vous avez le droit, en vertu du règlement, de refuser de répondre à des questions hypothétiques.

Une Voix: Vous avez la protection de la commission.

M. Simard (Arthur): A ce que j'ai lu, les choses hypothétiques, cela veut dire imaginaires.

M. Biron: Est-ce qu'il n'y avait pas des plans et devis assez précis pour être suivis?

M. Simard (Arthur): Certainement. Mais mon cher monsieur — je parle pour les autres, parce que vous, vous êtes dans l'industrie, vous connaissez cela — imaginez-vous que je me fais bâtir une maison en brique. Je dis au briqueteur: La cinquième brique, en haut, elle n'est pas en ligne. Le gars me répond: Ecoutez, je vais être obligé de défaire le mur. Je lui dis: Défais-le, je n'accepte pas la maison tant que je n'aurai pas mes briques en ligne.

Ce sont des affaires comme cela. Sur un bateau, qu'est-ce que vous voulez? Un gars qui veut critiquer et un gars qui veut trouver quelque chose qui n'est pas correct, il en trouve. Des défauts, il y en a. Il y en a même dans cette salle-ci, vous le voyez même par l'accoustique.

Ce sont des choses comme cela. Vous avez douze gars qui ne parlent ni anglais ni français. Et nous autres, on ne parle pas le grec. Ils font des meetings et ils font des meetings. Vous n'avez qu'à demander aux gens qui étaient là. Il y a un petit noir là-bas, M. Tougas, qui était vice-président des opérations du chantier. C'étaient des assemblées à la journée longue, avec des listes composées de pages complètes. Quand un gars ne veut pas, hein? C'est comme quand une femme ne veut pas.

M. Biron: Peut-être que M. Simard peut répondre à cela. Est-ce qu'il n'existe pas des compagnies qui approuvent la construction des navires, comme la Llyods, par exemple? Est-ce que cette compagnie a été appelée par Marine Industrie pour approuver ces navires?

M. Simard (Arthur): Je regrette, je n'étais pas là. Vous n'avez qu'à demander au président de Marine Industrie, il va répondre. M. Brisson.

M. Biron: Pour le journal des Débats, c'est M. Brisson.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Brisson.

M. Brisson (Roch): II y a des sociétés de classification. Celle qui était impliquée dans ce contrat était la société Lloyds. La surveillance d'inspection et aussi le certificat à la fin, à la livraison des navires, porte sur certains facteurs, certaines parties des navires. Elle porte sur les parties qui vont avoir un effet plus tard, sur le fonctionnement, la sécurité et la possibilité d'assurance. Mais les sociétés de classification n'entrent pas... C'est une appréciation du goût de l'armateur, l'arrangement ou les choses visuelles, les aspects visuels ou de détails qui n'ont pas de relation avec le bon fonctionnement et la sécurité du navire. A ce moment-là, il y a une très grande partie d'appréciation du travail qui ne tombe pas sous la société de classification. La société de classification a toujours été impliquée dans tous les domaines où elle devait être impliquée et on la amenée chez nous à toutes les occasions où on traitait d'un sujet qui l'impliquait. (17 h 30)

M. Biron: C'est parce que j'ai lu un article de journal dans la Presse, le 2 novembre, disant que les navires n'avaient pas pu recevoir le certificat qu'émet Lloyd's. Est-ce exact?

M. Brisson: C'est inexact. Cela a été retiré par la suite. La société Lloyd's n'émet jamais de certificat tant que le navire n'est pas livré. Elle fait ses inspections; elle fait ses remarques en chemin. Elle est en communication avec le chantier. Je pourrais lire le texte ici, si cela faisait...

M. Biron: Non, cela va, d'accord.

M. Brisson: Vous avez le texte? Bon. La société n'a jamais refusé le certificat pour ces navires-là.

M. Biron: Merci pour cela. J'aimerais demander à M. Picard: A l'époque où le Grec a voulu annuler cela, quels étaient exactement les demandes de M. Karageorgis.

M. Picard: Vous parlez de l'annulation qui a été renégociée?

M. Biron: Oui.

M. Picard: L'annulation s'est faite un peu comme résultat du non-financement. Pardon? En fait, cela n'a jamais été annulé, les contrats n'ont jamais été achevés. Comme je l'ai dit tantôt, il n'y avait pas de financement. Le principe et les ententes concernant le financement dataient du mois de décembre 1975. En janvier, lors du "closing", M. Karageorgis a refusé de donner les garanties. Il n'y avait donc pas de financement et, à proprement parler, pas de contrat.

A Pâques 1976, M. Stathopoulos et M. Slight sont venus à Marine Industrie pour discuter de questions générales avec moi, semble-t-il, et, rendus à Marine Industrie, ils ont dit: Nous ne voulons pas les bateaux, cela ne nous intéresse pas.

Deuxièmement, par ailleurs, on est prêt à former une compagnie avec ou sans l'aide de

Karageorgis — je ne suis pas capable de me rappeler — pour acheter les dix bateaux à $11 millions, chacun. Ce sont des bateaux qui, à cause de l'inflation, l'escalade des coûts, etc., coûtaient, à ce moment-là, à peu près $18 millions ou $19 millions. Il a dit simplement ceci: Ils ne m'intéressent pas. On ne peut pas dire qu'il y a une annulation de contrat à ce moment-là, il n'y avait formellement pas de contrat.

M. Biron: Voulez-vous, on va seulement retourner quand même un peu en avant. On a dit tout à l'heure que le contrat des 18 navires était un contrat en bonne et due forme. Il y avait même une garantie d'endossement de la part du Grec là-dessus.

M. Picard: Ecoutez...

M. Biron: On arrive aujourd'hui et on dit que le contrat est encore en bonne et due forme et qu'il n'y a pas de garantie d'endossement, qu'il n'y a rien.

M. Picard: Non, il y a deux choses là-dessus. En avril — je n'étais pas présent, mais je peux vous donner les analyses et les interprétations qu'on a eues de cela — 1975, avant que je ne sois... il y a eu une entente de principe sur un financement qui ne s'est jamais fait. Je ne sais pas ce qu'on appelle un contrat signé ou ferme. Je ne veux pas faire de la sémantique, mais quand on a signé un contrat et qu'il n'y a aucune entente de financement, je n'appelle pas cela un contrat. Vous pouvez toujours dire qu'il l'a annulé quand il a dit qu'il n'était pas intéressé. Il n'avait pas donné un sou. La garantie — je tiens à le spécifier — que M. Karageorgis donnait, "two save Marine harmless", n'avait à peu près aucune validité.

M. Biron: La garantie, c'est-à-dire l'endossement que M. Karageorgis devait donner, n'avait aucune validité.

M. Picard: Selon les interprétations légales que j'ai obtenues au moment où on a renégocié, de façon à savoir quelle était notre position dans la négociation, la garantie était à peu près non valide.

M. Biron: Cela veut dire qu'on a fait les six premiers navires sans avoir la garantie de financement.

M. Picard: Les six premiers qui ont été vendus aux Français?

M. Biron: Non, au Grec. Il y en avait en tout 18 au Grec, pour lesquels on avait négocié.

M. Picard: Six bateaux grecs qui ont été transmis aux Français, financés, etc. Il y avait douze autres bateaux dont deux ont été transférés à la compagnie algérienne qui les a pris avec les garanties de financement, qui les a payés, je ne me rappelle pas le prix exact, mais c'est de l'ordre de $20 millions ou à peu près. Après cela, il restait dix bateaux à construire, ce qui était un engagement entre Marine et M. Karagoergis, qui a été fait antérieurement à mon arrivée, pour lequel il n'y avait pas de financement. Il y avait des ententes qu'on financerait, mais il n'y avait pas de financement. Pour le premier financement, je vous raconte l'histoire jusqu'en avril, quand M. Karageorgis a dit: On n'est pas intéressé aux bateaux, cela finit là. Là, on a renégocié un contrat avec M. Karagoergis. Pour diminuer le risque du contrat, qui était déjà élevé, on a réussi, avec l'approbation de M. Karageorgis — d'ailleurs, c'était à peu près unanime de tous les côtés — à annuler quatre bateaux, pour lesquels le coût d'annulation était minime. Il y avait dix bateaux, quatre ont été annulés dans la renégociation. Il en restait donc six, et ce sont les six bateaux dont on parle actuellement.

M. Biron: D'accord. Ces quatre fameux bateaux, ce sont les quatre bateaux qu'on a réussi à vendre aux Polonais pas longtemps après?

M. Picard: Non, les Polonais voulaient avoir des bateaux différents.

M. Biron: C'était encore autre chose. D'accord.

M. Picard: Ces bateaux n'ont jamais été construits, les pièces n'ont jamais été reçues. On a payé — on s'est séparé, M. Karageorgis et Marine, et les coûts d'annulation étaient relativement peu élevés.

M. Biron: Lorsqu'on a réglé le cas définitivement avec le Grec pour le remboursement de ses frais, de ses intérêts, étiez-vous encore à Marine, à l'époque? Non?

M. Picard: Non, je n'étais pas là.

M. Biron: C'est M. Dinsmore. Je termine le problème des navires. Je l'amène jusqu'à aujourd'hui.

M. Scowen: C'est simplement à la suite de la déclaration que M. Picard a faite. Nous avons dans notre livre un document daté du 15 avril 1975. C'est un télex de l'Export Development Corporation qui dit: "This is to confirm that the unsigned letter dated April 11, 1975 and delivered to Mr Slight may now be considered, signed by EBC. We understand the Bank of Montréal is sending a similar telex today, which, in combination with this telex, will result in a firm financing offer. This is addressed to Karageorgis." Est-ce qu'en effet, ce télex a été le financement... Est-ce que les choses qui étaient indiquées là-dedans ont été réalisées? Est-ce qu'en effet, le financement a été fait pour cette transaction, le 15 avril 1975?

M. Picard: Si vous voulez une réponse, peut-être pas légale, mais technique, le fait d'envoyer un télex disant: Nous considérons que nous

sommes prêts, à certaines conditions, à financer et ainsi de suite — remarquez que je n'étais pas là à ce moment — n'était pas un financement.

M. Scowen: Est-ce que je peux demander qui a mis ce document dans le dossier? Quelle en était la signification, d'après les personnes qui l'avaient mis dans le dossier?

M. Picard: M. Scowen, est-ce que je peux soulever une question dont je ne connais pas la réponse, d'ailleurs? Mes renseignements sont très vagues là-dessus, mais je ne crois pas que la Banque de Montréal ait envoyé un télex confirmant le télex...

M. Scowen: Est-ce qu'il y a quelqu'un qui peut confirmer?

M. Rochette: Je pourrait peut-être donner quelques explications là-dessus. Je vous ai dit tout à l'heure que, quand le contrat a été amendé en août 1974 pour les douze derniers navires, il y avait, ce qu'on appelle, un "over-riding condition" que ce contrat devenait valide pour autant que M. Karageorgis pouvait compléter son financement avec la Société pour l'expansion des exportations et la Banque de Montréal en dedans d'un certain délai. Les amendements au contrat ont été signés. Tout cela devenait ferme, si le financement était mis en place. Marine Industrie n'intervient pas dans le financement. C'est entre l'armateur, la SEE et la Banque de Montréal. L'armateur devait nous dire, avant une certaine date, qui, je crois, était le 15 avril, si la condition "over-riding" du contrat, il l'invoquait ou non. Le 15 avril, les deux sociétés de financement, la SEE et la Banque de Montréal, ont confirmé à M. Karageorgis les termes du financement qu'ils proposaient, et lui, par un télex qui n'est pas ici, a accepté ces termes. Des copies de ces télex sont venues à Marine pour nous confirmer que le financement était mis en place, donc qu'il n'invoquerait pas la clause d'annulation qu'il pouvait invoquer si le financement n'était pas complété au 15 avril. A partir de ce moment, nous, à Marine Industrie, nous avons considéré que les contrats devenaient fermes, que le financement entre l'armateur et les sociétés prêteuses avaient été mis en place, même s'il n'y avait pas un contrat formel de signé. Il y avait eu des lettres d'intention d'échangées. Ces télex ajoutaient le dernier mot à ces lettres. Sur la base de ce renseignement, nous avons confirmé à nos fournisseurs que les commandes étaient toutes confirmées. C'était la date limite pour pouvoir les confirmer ou les annuler. Alors, tout s'est fait le même jour.

M. Scowen: Pour vous, M. Rochette, ce télex que vous avez reçu de Karageorgis à la suite de ces deux-ci était une confirmation officielle et, d'après vous, M. Picard, il ne l'était pas.

M. Picard (Laurent): Cela me paraît assez simple. Je vous envoie un télex demain pour vous dire que j'ai un financement pour acheter votre maison et que c'est mon intention de le faire et, une semaine après, quand vous me téléphonez, je ne réponds pas au téléphone. Je ne sais pas si on appelle cela un financement. Dans mes termes, ce n'est pas ce qu'on appelle un financement. Le financement est fait après le "closing". Le "closing'' n'a jamais eu lieu.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le chef de l'Union Nationale.

M. Biron: Une fois que cela est arrivé, je voudrais demander à M. Dinsmore ce qui est maintenant arrivé avec le Grec et la négociation du début de janvier ou de février 1977.

M. Tremblay: M. le Président, je ne sais pas si le chef de l'Union Nationale permettrait que nous approfondissions un peu cette question avant d'aller plus loin, parce qu'on peut y revenir plus tard lorsque je reprendrai la parole, mais ce problème du 15 avril est tellement central à tout le problème et cest ce qui fait dire à M. Picard, évidemment, qu'il n'y avait pas de financement, mais Marine Industrie pensait, à l'époque, qu'il y en avait, parce que Marine Industrie, à l'époque, n'a pas commandé pour $100 millions de pièces et d équipement sans penser qu'il y avait un financement. Or, le président qui a suivi M. Picard dit qu'il n'y a jamais eu de financement. Cela est central. Je pense que M. Rochette pourrait nous le préciser: Vous avez reçu un télex de la SEE disant qu'il y avait financement et la SEE a commencé à vous verser des paiements, ce qui vous a confirmés dans la certitude qu'il y avait véritablement un financement, mais la SEE avait fixé des conditions pour ce financement auprès de l'armateur, lesquelles conditions n'ont jamais été remplies. Vous me corrigerez; je pense qu'il y avait une garantie de $25 millions sur les navires de l'armateur grec et, comme ces conditions n'ont jamais été remplies et que la SEE ne les a pas fait remplir, le Grec s'est trouvé, évidemment, dans une position très privilégiée. Il vous avait au bout de la ligne parce que vous aviez commandé pour $100 millions de pièces et d'équipement. Ses conditions auprès de la SEE n'étaient pas remplies, donc, il ne pouvait pas être poursuivi en rompant les contrats et c'est là le noeud gordien de toute l'affaire; n'est-ce pas?

M. Rochette: Je crois que oui, il était responsable de son contrat. Il faudrait que je revoie ces contrats que je n'ai pas vus depuis trois ans pour être capable de me rappeler tous les détails, mais la façon dont je m'en souviens, c'est qu'il avait droit d'annuler ses contrats jusqu'au 15 avril et, s'il ne le faisait pas, les contrats devenaient fermes. Non seulement il ne les a pas annulés, mais nous avons eu des confirmations de tout le monde selon lesquelles il s'était entendu sur le financement.

M. Tremblay: Mais quelles étaient les conditions de la SEE auprès de l'armateur pour effectuer le financement?

M. Rochette: Marine Industrie n intervenait pas dans les conditions.

M. Tremblay: Je parle de la SEE. La SEE, pour vous envoyer ce télex qui vous a sécurisés, avait imposé des conditions. Si je me rappelle bien, je crois qu'elle exigeait une garantie de $25 millions sur deux des navires de la propriété de M. Karageorgis.

M. Rochette: Marine Industrie n était pas au courant de ces pourparlers.

M. Tremblay: C'est là le problème; vous n étiez pas au courant, mais comme la SEE n'a pas fait appliquer ces conditions, I'armateur s est trouvé dans une situation rêvée pour se libérer de ses contrats, alors que vous aviez pris des engagements fermes vis-à-vis vos fournisseurs pour $100 millions de fournitures.

M. Rochette: Mais vis-à-vis de Marine Industrie, ces contrats étaient fermes aussi, parce qu'il ne les avait pas annulés dans les délais prescrits; alors, ils devenaient fermes.

M. Biron: J'aurais plusieurs questions, mais, étant donné que mon collègue, le député de Beauce-Sud, doit être à l'Assemblée nationale ce soir à compter de vingt heures, je pourrais tout simplement poser une dernière question et je me réserverai, si vous le voulez, à mon retour à vingt heures, I'occasion de terminer. J'aurais seulement quelques autres questions.

J'ai quand même laissé une chance à mon collègue de Beauce-Sud de pouvoir...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II y a d'autres députés également qui veulent intervenir.

M. Biron: Mais il me reste quelques questions. Je ne voudrais pas priver le député de Beauce-Sud de poser des questions.

M. Roy: Je ne veux brimer personne, mais c'est quand même une question qui nous intéresse.

M. Biron: Je n'ai qu'une question avant de passer au député de Beauce-Sud et je continuerai après cela... C'est vis-à-vis de la négociation, M. Dinsmore, avec le Grec, lorsqu'on a décidé de lui remettre des montants d'argent, ces avances de $1 200 000 de $5 800 000 aussi et des sommes d'intérêt de coût administratif.

Comment cette histoire s'est-elle négociée finalement pour remettre des sommes d'argent à cet acheteur éventuel?

M. Dinsmore: Pour peut-être situer...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous êtes M. Dinsmore.

M. Dinsmore: Dinsmore.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Pour le journal des Débats. Voulez-vous avoir la protection de la commission, M. Dinsmore?

M. Biron: ... notre générosité.

M. Dinsmore: Pour situer la relation qui a existé au début de juillet 1977, au moment où M. Brisson et moi-même avons commencé à travailler chez Marine Industrie, on avait déjà effectuée une mission au Pirée, à la fin de mai, qui se composait de M. Picard, d'un administrateur, d'un de nos conseillers juridiques et de quelques cadres compétents, notamment, le vice-président de l'exploitation, pour chercher à trouver une solution à une situation qui, depuis un certain temps — je pense que M. Picard en a déjà fait allusion — se montrait de plus en plus difficile entre client et fournisseur et où il y avait certaines indications de la part du client qu'il voulait se débarrasser d'une façon ou d'une autre de ses engagements contractuels.

La visite n'a pas donné de résultat. On nous a dit par la suite que l'armateur attendait des offres précises de Marine Industrie. Je pense que la mission de Marine était allée pour écouter les propositions plus précises et plus acceptables de l'armateur, mais de toute façon, quand nous sommes arrivés, nous avons eu certains échos de la part, notamment, des institutions prêteuses et aussi de Lloyd's à Montréal et à Londres, indiquant qu'il y avait une telle situation en place qui ne donnait pas confiance aux yeux de ces deux groupes vis-à-vis de Marine, c'est-à-dire que les prêteurs pensaient que Marine n'avait pas montré les capacités d assurer la fourniture du produit contracté.

Du côté de Lloyd s, on était très inquiet de certains points que l'armateur avait déposés auprès de cette société de classification, au point où M. Brisson et moi-même avons rendu visite à Londres à la fin de la deuxième semaine de notre emploi pour déterminer exactement la nature des circonstances. Je pense que même si nous avons réussi à rétablir, à redresser un peu la situation, il restait encore un point assez fort du côté de l'armateur dans l'esprit de la société de classification. A ce moment-là, nous avons pris contact pour la première fois avec l'armateur. Il faut admettre que sa réaction a été assez explosive et raide. Il avait toutes sortes de plaintes à l'appui et, évidemment, avec ses inspecteurs au chantier, il avait des dossiers très complets sur la situation.

Nous avons, par la suite, rediscuté de la situation avec le conseil, avec les institutions prêteuses, parce qu'il faut remarquer qu'à ce moment-là Marine ne recevait plus d'avances sur les prêts. Les avances avaient été arrêtées quelque deux mois avant notre arrivée, et Marine était à cours de liquidité. Il y avait des comptes non payés aux fournisseurs, et vu l'importance des engagements pour les fournitures, on était en situation assez précaire sur le plan de la liquidité. On ne pouvait pas convaincre les prêteurs de recommencer les avances, malgré une présentation des plus complètes possible dans les circonstances.

II faut bien admettre aussi qu'il y avait une certaine confusion occasionnée, dans notre chantier, par les embouteillages dus aux retards dans les progrès sur les contrats qui effectuaient une espèce de saturation de pièces préfabriquées et autres: dans les coques, dans les lits, et autres éléments qui ne pouvaient pas se déplacer pour faire place aux nouveaux, etc. Alors, il y avait un "pré-problème" de gestion sur place à ce moment-là.

Les pressions étaient très fortes, donc, de trouver des solutions. Nous avons enfin pris rendez-vous avec M. Karageorgis, à Londres, vers la fin de la troisième semaine de juillet, je pense. M. Brisson et moi-même y sommes allés. Nous l'avons rencontré et pendant à peu près un jour il nous a parlé longuement de toutes les circonstances qui lui déplaisaient dans notre chantier. Nous avons, par la suite, appelé pour déterminer le vrai et le faux dans tout cela pour arriver à la conclusion que, premièrement, il y avait du vrai. Il y avait beaucoup d'exagération, mais il y avait du vrai. Mais le plus difficile à clarifier, pour nous permettre d'avoir la chance de continuer ces contrats, c'étaient les délais déjà effectués par les retards dans les contrats.

Les contrats comprenaient une clause qui permettait à l'acheteur de quitter, avec dommages, les contrats après des délais à la livraison qui dépassaient 180 jours. Les analyses avaient montré que déjà, sur les quatre premiers contrats, il y avait une forte possibilité de dépassement à partir de 150 jusqu'à 180 à 190 jours, sans tenir compte peut-être d'autres embêtements que pourraient amener les armateurs. On a été frappé par le sérieux de la personne et la position très forte qu'elle avait, et surtout du fait que Marine n'avait pas, apparemment, beaucoup d'appuis ni de la société Lloyds, ni des institutions prêteuses, dans les circonstances.

On a donc déterminé les conditions de l'armateur pour sortir des contrats. C'était un peu plus élevé, la proposition qu'il a présentée dans un premier temps, on a négocié, mais pas facilement et pas beaucoup pour arriver avec les montants que vous voyez.

La décomposition de ces... pardon?

M. Biron: C'est là que, finalement, vous avez réglé pour $9,3 millions à remettre au Grec pour vous débarrasser des contrats. Mais, le gars qui avait justement causé toutes sortes de problèmes, comme dit M. Simard, vous autres, vous l'avez payé $9,3 millions pour vous en débarrasser.

M. Dinsmore: A la décomposition des chiffres, évidemment, on pensait que la demande était, en partie, raisonnable, du fait qu'il cherchait ces avances et le montant qu'il avait payé pour certains équipements intégrés au contrat. Il y avait quand même des montants en dommages que nous trouvions exagérés, mais qu'il ne voulait pas lâcher. Est-ce que c'était possible d'arriver avec une meilleure négociation? Dans les circonstances, c'est très difficile à dire, parce qu'il était très rigide dans sa position et il y avait énormément d'information de son côté, que nous n'avions pas à ce moment-là.

M. Biron: Mais le fait de le payer $9,3 millions, c'est passablement d'argent. On a entendu plusieurs de vos prédécesseurs dire: Ce bonhomme nous a causé des troubles. En fait, c'est sûr qu'il y avait probablement quelques erreurs sur les bateaux, mais c'est tout à fait normal dans la construction maritime. Un gars qui nous cause du trouble, on s'en débarasse. Ce n'est pas payer un peu cher pour se débarasser de ça?

M. Dinsmore: II avait déjà avancé $5,8 millions sur les contrats, il a cherché ce montant. Il avait déjà payé à peu près $1,3 million pour l'équipement intégré aux navires, ce qui est le "owner supplies items" et il réclamait un intérêt sur ces avances, à tort ou à raison. Ce qui restait comme solde, en dommages réels ou en compensation, c'était quelque chose dans l'ordre de $1,5 million.

M. Biron: Le seul point, c'est que, encore une fois, lui ou ses employés ont fait en sorte de coûter très cher à Marine Industrie en demandant des améliorations aux six bateaux qu'il y avait là pour ne pas finalement prendre ces bateaux. J'en suis au fait qu'on a payé $9,3 millions, plus tout l'argent que ce bonhomme a directement coûté à Marine, peut-être $1 million ou $2 millions par bateau, si je me fie un peu à ce qu'on a dit tout à l'heure. Alors, il a coûté peut-être $10 millions, $12 millions, peut-être $15 millions à Marine Industrie, plus les $9 millions, ça coûte passablement cher.

M. Dinsmore: Vous avez raison de mentionner qu'on avait déjà payé des sommes additionnelles pour satisfaire, en partie, les exigences de ces inspecteurs. Par contre, on avait une liste qu'on n'avait pas faite à sa satisfaction, à ce moment-là, et on avait fait un certain calcul, selon les procédures qu'il avait projetées, pour déterminer combien cela pourrait coûter après la date où on a rencontré l'armateur pour discuter de cette question, c'est-à-dire après le 20 juillet, à peu près. Ces calculs avaient présenté des sommes aux alentours de $45 millions à $50 millions, sommes que nous avons trouvé très exagérées. Par contre, ayant consulté le chantier, on a trouvé que cela pourrait coûter $20 millions de plus, si on n'avait pas de nouvelles choses ajoutées à la liste.

Vous voyez que, même là, on avait le risque d'engager d'autres frais additionnels de taille considérable, pour enfin épuiser les délais de 180 jours et risquer de nous voir laissés par l'acheteur à ce moment-là.

M. Biron: M. le député de Beauce-Sud, si vous voulez continuer. Je ne voudrais pas vous priver de votre droit de parole.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je demanderais le consentement des membres de la

commission pour continuer jusqu à 18 h 15. D'accord?

Des Voix: Oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: J'aimerais revenir sur un point, M. le Président, à la suite des questions qu'a posées tout à l'heure l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce. Il y a eu un contrat de 18 navires. Il y a six navires qui ont été livrés à des Français et deux navires qui ont été livrés à l'Algérie. On semble s'accorder, on semble unanime, du moins de votre côté, pour dire qu'à ce niveau, il n'y a pas eu de problème.

Il y a eu dix autres navires. On parle d'un contrat ferme. Il y a des ententes qui ont été faites d'un côté. M. Picard, vous dites qu'il n'y avait pas de plan de financement, de contrat de financement — je ne me souviens pas des termes exacts que vous avez employés — pour la construction des dix autres navires.

J aimerais avoir plus d'explications là-dessus, parce que cela me semble confus. Je pense que c'est confus pour passablement de personnes également. Est-ce qu'il y avait effectivement des ententes, au point de vue du financement, avant que ne débute la construction des dix navires ou s'il n y en avait pas?

M. Picard: M. Roy, je vais essayer de répondre le plus directement possible à la question. J appelle un contrat signé une entente finale. Si vous avez une entente avec quelqu'un, avec un télex et ainsi de suite, et que vous ne payez pas pour I achat d'une chose, en cour, semble-t-il — il y a des avocats ici qui pourront le dire, je n'en suis pas un — c'est un contrat qui n'est pas valide.

Ce qui est arrivé, c'est que les gens se sont envoyé des télex, comme nous le dit M. Rochette, des télex d'entente. Je peux fort bien croire à ce moment-là que c'était normal de penser que le "closing" se ferait, mais le "closing " ne s'est jamais fait, jusqu'à la renégociation. La négociation du financement final qui avait été indiquée au mois de mai 1975 s'est faite au mois de décembre. Les conditions du financement étaient une hypothèque sur deux navires de $25 millions. Si je me rappelle bien, elle était de $5 millions. Quand cela a été le temps de faire le "closing", comme lorsque vous achetez une maison, et que le type vous dit: Je n'ai pas la propriété des titres. Le contrat n'est pas fait. C'est cela qui est arrivé. Quand ce fut le temps de déposer les hypothèques et les $5 millions, M. Karageorgis a dit: Je ne le fais pas. De telle sorte que, même s'il y a eu des indications d'entente, il n'y a jamais eu un "closing" financier.

M. Roy: II n'y a pas eu de "closing" financier et, à partir du moment où les négociations ont eu lieu, à la fin de l'année 1975 — je pense que vous avez parlé de la fin de 1975 — est-ce que la construction de ces dix navires était commencée?

M. Picard: Oui. C'est-à-dire les pièces étaient arrivées. Je ne me le rapelle pas en détail. Il y avait peut-être un commencement de construction.

M. Roy: Mais comment se fait-il qu'on ait continué à construire les navires, s'il n'y avait pas une entente ferme?

M. Picard: II y avait un principe... Je n'étais pas là à ce moment-là. Je suis arrivé au moment où déjà les choses étaient engagées, le matériel était là. Les gens j'imagine, y compris moi-même — j'arrivais, je n'étais pas informé de cela — ont pensé qu'il y aurait un "closing". Ils ont travaillé sur la base qu'il y aurait un jour un "closing".

M. Roy: Mais la décision...

Le Président (M. Marcoux): M. Roy, M. David a manifesté le désir de répondre également.

M. Roy: Oui. Excusez-moi.

Le Président (M. Marcoux): Je vous offre également la protection de la commission.

M. David: Je demande la protection de la commission.

M. Roy: D'accord, parce que j'avais une autre question à poser à M. David.

Le Président (M. Marcoux): C'est accordé.

M. David: Simplement pour compléter l'exposé de M. Picard, c'est que l'entente entre M. Karageorgis et Marine Industrie était pour la construction navale. A l'entente de financement, Marine Industrie n'y était pas partie. C'est cela qu'il faut bien comprendre. L'entente de financement était entre la Société d'expansion des exportations, la SEE, et l'armateur grec. Marine Industrie avait dans ses dossiers des délais confirmant des intentions qu'un financement se conclurait entre le Grec, SEE et la Banque de Montréal. Marine Industrie s'est fiée, à l'époque, sur ses télex, ce qui confirmait le contrat le 15 avril. Les conditions ont été négociées par la suite, parce que je pense que, pour être bien clair, il faut comprendre que ces télex n'étaient qu'une confirmation d'intention qu'un financement se ferait. (18 heures)

Les conditions ont été négociées par la suite, entre avril 1975 et la fin de décembre 1975. Les conditions comprenaient les engagements, par M. Karageorgis, de donner des garanties collatérales, à savoir $5 millions américains et deux hypothèques sur deux navires qu'il possédait au montant de $12 500 000. Ces ententes ont été portées à la connaissance de Marine Industrie, à la fin de décembre 1975, mais, encore là, Marine Industrie n'était pas partie à ces ententes. Lorsque M. Picard réfère au "closing", c'était un "closing" qui devait avoir lieu entre le Grec, la banque de Montréal et la SEE. Ce "closing" n'a pas eu lieu.

L'argent n'entrait pas à Marine et c'est comme cela qu'on a su que le "closing ' n'avait jamais eu lieu.

M. Roy: Comment se fait-il que ce "closing" n'ait jamais eu lieu? J'aimerais savoir quelle a été l'attitude de la Société d'expansion pour l'exportation à ce moment?

M. David: Elle avait consenti un prêt à M. Karageorgis, moyennant qu'il donne des garanties "collatérales". Il n'a jamais donné de garanties "collatérales", donc le prêt n'a jamais été complété.

M. Roy: Est-ce que Marine...

M. David: C'est encore à l'insu de Marine, parce que Marine ne participe pas à ces négociations.

M. Roy: Même si Marine ne participe pas à ces négociations, quand même, je pense qu'une société doit vérifier ces choses avant de s'engager à produire des biens et à construire des navires! Si elle n'est pas sûre que les ententes de financement sont faites...

M. David: Vous avez bien raison. Quand vous avez en main des télex d'institutions comme la Banque de Montréal et la SEE... En avril 1975, c'est là que tout a été confirmé, la bonne foi des gens, par des institutions de ce calibre. Les commandes ont été placées pour le matériel. Les négociations pour le financement ont été complétées à la fin de décembre 1975. Les garanties "collatérales" n'ont jamais été déposées. Alors, Marine a été pris le bec à l'eau avec tout le matériel sur les bras.

M. Roy: J'aimerais savoir, sur un autre point — je ne sais pas si cela répond et si cela apporte suffisamment d'éclairage aux membres de la commission à ce sujet...

M. Tremblay: II me reste une autre question, si vous me permettez. Est-ce que normalement...

M. Roy: Je m'excuse, M. Rochette avait quelque chose à ajouter.

M. Tremblay: Je poserai la question à M. Rochette aussi. Est-ce que vous vous seriez attendu, à Marine, à ce que la SEE vous le confirme? Parce que vous étiez en train de commander des moteurs et des pièces pour $100 millions et la SEE n'était pas certaine de vous envoyer des chèques par la poste. Elle ne vous l'a pas dit?

M. Rochette: Je crois qu'il serait bon de souligner, à ce moment, qu'en plus d'avoir eu des confirmations qui peuvent peut-être sembler insuffisantes aujourd'hui — je ne sais pas, il faudrait avoir une opinion légale là-dessus — de la SEE et de la Banque de Montréal, il y a le fait aussi que l'armateur avait fait un dépôt de $4 millions. Quand un armateur fait un dépôt — si je me souviens bien, je parle de mémoire — de $4 millions, et qu'en plus de cela, on a des télex des deux institutions financières nous disant que le financement est en place, je pense qu'à ce moment, Marine était justifiée de dire aux fournisseurs: Cela marche, le contrat est ferme. On confirme nos commandes.

M. Simard (Arthur): Pour les $4 millions, je vais vous donner une explication. D'abord, vous avez la SEE, qui fait la finance à long terme, à Ottawa. Elle finance sur 25 ou 30 ans à 5% ou je ne sais combien. Il y a une autre chose qu'on appelle en anglais le "bridge financing". C'est le financement durant la construction du bateau, alors c'est temporaire. Pour Marine Industrie, c'est la Banque de Montréal qui est censée nous donner de l'argent. D'accord. Nous, c'est la Banque de Montréal et SEE rembourse, ça fait de l'argent et elle s'arrange avec le gars. Nous, à Marine Industrie, on ne s'occupe pas de cela. On fait les bateaux et on est sûr d'être payés.

Je vais vous dire ce qui est arrivé. Vous allez voir le gars. M. Rochette vous a parlé de $4 millions. Pour les premiers $4 millions, savez-vous ce qu'il a fait? Dès qu'on a reçu le premier envoi d'acier de $4 millions, on a appelé à la Banque de Montréal et on a dit: On vient de recevoir $4 millions d'acier, il faut payer. La Banque de Montréal a appelé M. Karageorgis et a dit: M. Karageorgis, vous n'êtes pas venu endosser encore. Il a dit: Je n'ai pas emprunté, pourquoi endosserais-je? Il a dit: J'endosserai quand j'emprunterai. La Banque de Montréal lui a dit: On vient de recevoir un téléphone de Marine Industrie et il y a $4 millions qu'il faut payer. M. Karageorgis a dit: Appelez donc à la Banque Hellénique de Montréal, j'y ai envoyé mon chèque de $4 millions. Il avait envoyé son chèque de $4 millions à la Banque Hellénique. La Banque Hellénique nous a envoyé les $4 millions à Sorel; la Banque de Montréal est restée les mains vides et elle a couru après M. Karageorgis. Il lui a dit: Ne m'achalez donc pas; j'endosserai quand j'emprunterai; je n'ai pas affaire à endosser, si je n'emprunte pas. C'est cela qui s'est passé. D'accord?

M. Roy: II y avait seulement les $4 millions qui avaient été déposés et qui constituaient comme une garantie de financement?

M. Simard (Arthur): Les $4 millions étaient pour un compte d'acier qu'on venait de recevoir et on voulait être payés pour pouvoir payer le gars. Nous, on les demande à la Banque de Montréal. C'est la Banque de Montréal qui fait le "bridge financing". La Banque de Montréal dit: On ne les a pas, il n'a pas signé. Elle appelle M. Karageorgis. M. Karageorgis lui répond: Appelez à la Banque Hellénique. Il s'est dépêché; il lui a télégraphié. Les $4 millions étaient là et la Banque Hellénique nous a envoyé les $4 millions à Sorel. Nous autres, on ne comprenait pas pourquoi. On pensait qu'il

les aurait envoyés à la Banque de Montréal. Pourquoi enverrait-il cela à la Banque Hellénique? Il a dit: Je fais mes affaires avec la Banque Hellénique. C'est là où le gars n'a jamais endossé. Quand un paiement arrivait, il envoyait le paiement et la Banque de Montréal ne pouvait pas le forcer à endosser, il n'avait pas emprunté. Est-ce que cela vous éclaire un peu?

M. Roy: Oui, je comprends.

Le Président (M. Marcoux): M. Maurice Massé en arrière a demandé la parole. Je lui offre la protection de la commission.

M. Massé: Excusez ma voix, j'ai perdu la voix depuis quelques jours. Simplement pour clarifier un peu la situation, la question du "closing ", je n'étais pas à Marine Industrie ou à la SGF dans le temps, mais j'étais à une institution financière qui s'appelle la Banque de Montréal. Le prix "closing " a eu lieu le 31 décembre 1975 et, à ce moment, c'était tellement jugé un "closing" qu'il y a eu des photographies prises du groupe qui venait de signer le fameux "closing". Alors, je ne veux pas présumer pour les gens de Marine du temps. Simplement, avec tout cela, il me semble qu'ils pouvaient commander l'acier, les moteurs et tout ce que cela prenait pour construire un ou des navires.

La période entre le 31 décembre et plus tard, janvier et février, l'armateur devait produire ses "collatéraux" et ne l'a pas fait. Il me semble qu'avec un peu d'expérience dans la finance et avec ces garanties morales et signées, j aurais pu commander de l'acier parce qu'en fin de compte, il y a eu d autres transactions avant celle-là. Alors, peut-être que les circonstances étaient les mêmes. Je ne le sais pas. Je n'étais pas là.

Une Voix: Vous n'étiez pas à la SGF?

M. Massé: Non. Je n'étais pas à la SGF. Je parle des transactions avant avril 1975. Je parle d autres transactions, d'autres constructions de navires. Alors, tout cela pour dire qu'il y avait bonne foi, semble-t-il, et, lorsque la production des "collatéraux" n'était pas évidente ou en place, naturellement, tout le monde s'est sauvé, et Marine a été prise avec...

M. Tremblay: Avec la permission de M. le député de Beauce-Sud...

M. Roy: Oui.

M. Tremblay: ... ce qui revient à dire, M. Massé, que tout le monde s'est sauvé, excepté Marine. Marine est restée, évidemment, avec les bateaux entre les mains. J'aimerais poser la question à M. David parce que c'est lui qui a vécu la crise à I époque.

Diriez-vous, M. David, que les institutions prêteuses et surtout la SEE ont été d'une grande imprudence vis-à-vis de l'armateur grec et qu'a- yant été imprudentes, n'ayant pas fait réaliser leurs garanties, elles ont cessé les paiements, se sont retournées contre vous et vous ont pressurés en quelque sorte?

M. David: Ce n est pas tout à fait exact, M. le ministre, si vous me permettez, parce que les gens avaient conclu une entente avec M. Karageorgis et l'entente stipulait qu'il devait déposer des garanties "collatérales ". Il ne les a jamais déposées. Alors, ces gens n'ont pas couru de risques parce qu ils n'ont jamais consenti de prêts. La convention de prêts n'est jamais venue exécutoire...

M. Tremblay: Et la Banque de Montréal a commencé à vous faire des versements.

M. David: Je ne peux pas parler parce que je n étais pas dans la trésorerie de Marine et je doute fort qu il y ait des sommes d'argent qui aient été avancées, mais...

M. Tremblay: Qui était là en 1975? La SEE et la Banque de Montréal ont commencé à verser.

M. David: Non. Excusez. M. Léveillé nous dit qu'il n'y a pas eu d'avance parce que le Grec n'avait pas rempli ses engagements. Alors, elles n ont pas commencé à débourser et c est là que les malaises de Marine ont commencé. Elle a manqué de liquidité parce que...

M. Tremblay: Un instant. A la page 10 du mémoire qui nous a été remis: Marine Industrie, Document d'information pour la commission parlementaire de l'industrie et du commerce, au deuxième paragraphe, il est bien écrit: Le 30 juin 1977, $48 700 000 de matériel avaient été reçus pour les six navires, $19 000 000 restaient à venir. L armateur avait déjà versé directement $5 800 000, je pense que c'est un peu ce à quoi faisait allusion M. Simard. Il devait encore $800 000. Est-ce que la Société d expansion des exportations avait avancé, au nom de I armateur, $35 400 000?

M. David: C'est en 1977 cela.

M. Tremblay: Oui. Les garanties n'étaient pas encore réalisées.

M. David: Non, c'est la renégociation du contrat à l'automne de 1976. Ce dont on parle ici en date du 30 juin 1977 c'est la suite à la renégociation du contrat à l'automne 1976, à la nouvelle entente financière qui s'est matérialisée et en vertu de laquelle la SEE et la Banque de Montréal ont fait des avances à Marine, mais c'est après la renégociation où on...

M. Tremblay: Pourrais-je demander a M. Simard de préciser ce point-là?

Une Voix: M. Simard n'était plus là.

M. Tremblay: Est-ce qu'en 1975-1976 la SEE faisait des versements ou si c'était la Banque Hellénique seulement qui faisait des versements.

M. Sitnard (Arthur): A ma connaissance, il y a eu ce paiement de $4 millions et c'est alors que la banque courait après M. Karageorgis pour qu'il endosse et il ne voulait pas endosser. Il a dit: J'endosserai quand j'emprunterai.

M. Tremblay: Mais pendant qu'elle courait après lui, vous, cela ne vous donnait pas d'argent à Marine.

M. Simard (Arthur): Non, il y a eu les $4 millions.

Une Voix: II n'était pas en défaut...

M. Simard (Arthur): II n'était pas en défaut. On a reçu l'acier, parce qu'on reçoit l'acier d'avance, vous savez.

M. Roy: Est-ce que Marine a toujours été informée, a toujours suivi le dossier du financement quotidiennement pour savoir exactement quelle était l'attitude continuelle de l'armateur? Est-ce que la société Marine Industrie suivait cette question du financement et était au courant que l'armateur grec n'avait pas endossé?

M. Picard (Laurent): Marine savait que le financement se préparait. Les premières indications qui ont été données que le "closing ' qui devait être le closing" final ne se ferait pas, cela a été vers le 15 janvier et on a reçu des informations d'Europe que...

M. Roy: Le 15 janvier 1976. M. Picard: 1976.

M. Roy: Est-ce qu'à ce moment-là Marine en a informé le ministre de l'Industrie et du Commerce? Est-ce que le gouvernement du Québec a été informé à ce moment-là quand on a su que le financement ne se ferait pas?

M. Picard: Je ne me rappelle pas la date exacte, mais j'ai moi-même informé le ministre de l'Industrie et du Commerce que Marine était en difficulté, parce que le "closing " ne s'était pas fait.

M. Roy: Cela est en janvier 1976. Janvier, février, mars 1976. Mais au début de 1976.

M. Picard: C'est cela.

M. Roy: Quelle a été l'attitude du gouvernement à cette époque? Est-ce que le gouvernement a dit: Continuez? Est-ce que le gouvernement vous a donné le feu vert? Est-ce que le gouvernement a laissé Marine entièrement libre?

M. Picard: A ce moment-là, la décision finale et explicite pour dire que ça ne marchait pas, c'est quand les gens sont venus au chantier nous dire, à Pâques, qu'ils n'étaient plus intéressés aux bateaux.

M. Tremblay: Est-ce qu'on peut vous demander si l'information que vous avez donnée le 15 janvier 1976 au ministre Saint-Pierre était verbale ou écrite?

M. Picard: Cela a été fait verbalement. M. Tremblay: On n'a vu aucun texte.

M. Picard: Je ne peux pas vous dire la date, mais ça devait être en mars probablement.

M. Roy: Le ministre Saint-Pierre était au courant que de graves difficultés...

M. Picard: Qu'il y avait de graves difficultés à Marine Industrie.

M. Roy: ... à Marine Industrie. J'aimerais savoir quelle a été l'attitude du gouvernement à ce moment-là, face à ce problème. Est-ce qu'on a réagi ou est-ce qu'on a été silencieux, est-ce qu'on a fait pression auprès de Marine Industrie ou auprès de la SGF pour continuer la production de navires quand même?

M. Picard: II n'y a pas eu de réaction comme celle-là. Remarquez qu'à ce moment-là, Karageorgis avait annoncé officiellement, à Pâques, qu'il n'était pas intéressé aux bateaux. A ce moment-là, on a recommencé à travailler avec la SEE pour renégocier un contrat dont les bases ont été acceptées par Karageorgis.

M. Tremblay: Avec la permission du député de Beauce-Sud, deux questions rapides là-dessus. Vous avez informé le ministre Saint-Pierre verbalement, mais je poserais la question à M. David ou à M. Massé, est-ce que le conseil d'administration de la SGF était au courant? Est-ce que le conseil d'administration de la SGF a averti l'actionnaire, le ministre de l'Industrie et du Commerce, M. Saint-Pierre, par écrit, qu'il y avait un problème de "non closing" du financement?

M. David: II n'y a pas eu de déclaration par écrit, mais je pense qu'on s'est trompé dans les dates. Je vois qu'on me donne un document où on dit: "Au début d'avril 1976, les armateurs indiquent aux procureurs de la Banque de Montréal et de la SEE, à une assemblée tenue à Londres, qu'ils ne sont pas prêts à déposer les garanties collatérales." C'est en avril 1976. Je suis allé voir, avec M. Picard, le ministre de l'Industrie et du Commerce, à son bureau à Montréal. La consigne était, tant du conseil d'administration de Marine Industrie que du conseil d'administration de la SGF, de trouver une solution à cette impasse.

La solution à cette impasse a été la renégociation du contrat pour la construction de six navires

au lieu de dix. Une négociation de la construction de six navires au lieu de dix et nous nous sommes impliqués, ainsi que la SEE, pour nous assurer que le financement se ferait et la SEE, à cette époque, a donné beaucoup de collaboration à la SGF et à Marine Industrie, à l'été 1976. (18 h 15)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A moins d'un nouveau consentement unanime, nous sommes liés par notre...

M. Roy: Trente secondes.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord.

M. Roy: Parce qu'il ne faudrait pas reprendre tout ça après le souper. Ce que j'allais dire, c'est que les négociations pour ces six navires n'ont pas abouti, finalement.

M. David: Oui, elles ont abouti. Une entente de financement a été signée.

M. Roy: Justement, ce sont ces six navires que vous avez sur les bras.

M. David: Parce que, après ça, I'armateur, tous les problèmes de harcèlement et d exigences démesurées sur la qualité des navires sont survenus, par la suite, après la signature des nouvelles ententes pour la construction de six navires au lieu de dix. C'est à la suite de ces signatures d ententes que les difficultés dans la construction ont débuté à Marine Industrie, avec les harcèlements de I inspecteur et les représentants de larmateur.

M. Roy: J'aimerais savoir s il y a des raisons particulières. C est quand même important, il s'agit de dizaines et des dizaines de millions de dollars. C est l'argent des contribuables du Québec. Il ne faut pas l'oublier.

Comment se fait-il, y a-t-il eu des raisons particulières, pourquoi na-t-on pas jugé bon, à Marine Industrie, par l'entremise de la SGF, puisque la SGF est l'actionnaire, d'en informer par écrit le ministre de l'Industrie et du Commerce de lépoque, plutôt que de faire une simple rencontre verbale, lorsque des enjeux de cette importance étaient en cause? Est-ce qu'il y a des raisons particulières?

M. David: Aucune raison, sauf que c'était notre responsabilité de nous sortir de cette impasse; le mieux qui a pu être fait à l'époque a été une renégociation pour six navires.

M. Roy: Oui. C'était votre responsabilité de sortir de cette impasse, d accord. Mais qui paie pour cela aujourd'hui?

M. David: C'est très dommage, ce qui est survenu par la suite, mais, à ce moment-là, c était imprévisible que le...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Picard.

M. Picard: Un commentaire qui m apparaît important, c est que larmateur Karageorgis n a pas acheté des bateaux de Marine Industrie. Ce sont six compagnies et dix compagnies panaméennes qui ont acheté des bateaux. C est une distinction qui a son importance.

M. Scowen: M. le Président, je voudrais simplement demander...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Dernière question.

M. Scowen: ... à M. Massé de répéter la date de ce fameux prix "closing". Quelle était la date?

M. Massé: Du prix "closing"?

M. Scowen: Oui, vous l'avez dit et je ne me le rappelle pas. La date du prix "closing ", c était quand?

M. Rochette: Le 31 décembre 1975. M. Scowen: 1975. Ah bon!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les travaux de la commission sont suspendus jusqu à 20 h 30, pour permettre à tout le monde de prendre un bon repas.

Suspension de la séance à 18 h 18

Reprise de la séance à 20 h 40

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, messieurs!

La commission de l'industrie et du commerce poursuit ses travaux. La parole sera au député de Richelieu. M. le député de Richelieu.

M. Martel: M. le Président, après avoir entendu les questions de mes collègues, cet après-midi, je pense que nous ne sommes pas beaucoup plus avancés, sinon que nous constatons que l'armateur grec Karageorgis a pris toutes les précautions voulues pour avoir un bon contrat, ce qu'il a effectivement eu, et non seulement a-t-il pu s'en sortir à un moment donné, mais il a même réussi à se faire donner par Marine Industrie $9 200 000 et évidemment la fameuse commission versée à une société des Bermudes dont les noms apparaissent dans le rapport. On n a pas déterminé si larmateur grec n'était pas là, mais une chose que je pourrais me demander, c'est qu'après toutes ces précautions que le Grec a prises, après en être sorti avec aucune pénalité, après avoir fait investir au-delà de $100 millions des Québécois par Marine Industrie pour acheter la machinerie, les matériaux

nécessaires pour la construction des bateaux, il en sort avec des millions, c'est-à-dire $9 200 000. J aimerais poser une question pour savoir si le vendeur, qui s appelle Marine Industrie, a pris les mêmes précautions pour protéger I'argent des Québécois. C est ma première question.

Ma deuxième question, je peux la poser au président de la Société générale de financement qui pourra la transmettre à ceux qui étaient là dans le temps. Tout ce qu'on peut sortir de cela, c'est que le Grec a "fourré" les Québécois. Il n'y a pas à sortir de là. Toutes les discussions qui ont eu lieu cet après-midi prouvent qu'il s'est drôlement protégé. Il a pu sortir... Que ce soit n'importe qui, que ce soit un petit entrepreneur ou bien un ouvrier qui se fait construire une maison, il y a une entente entre l'entrepreneur et l'acheteur. On se base sur une qualité de maison qu'on veut se faire construire, et vice versa. On s'assure que le gars a les moyens nécessaires pour acheter la maison et on s'assure que le gars qui construit est solvable, qu'il est capable de construire.

Nous avons parlé de toutes sortes de clauses, cet après-midi, mais si on résume le tout, on constate que les précautions ont toutes été prises par le Grec. Je me demande si ce Grec, Karageor-gis, ne devrait pas être ici pour nous donner des trucs, parce que, franchement, je pense qu'il a réussi à embarquer pas mal de gens. C'est assez rare qu'on voit un gars qui négocie un contrat, qui fait investir des centaines de millions de dollars, comme c'est le cas, et qui réussit à s'en sortir. On a parlé également de la SEE.

J'aimerais tout d'abord poser ma première question. Après toutes les précautions que l'armateur grec a prises, pour s'en sortir avec des millions des Québécois, après les avoir embarqués dans le trou, ce qui fait que Marine paie $1 million d'intérêts à cause de cette administration, j'aimerais savoir, dans un premier temps, si toutes les précautions ont été prises de façon que l'argent des Québécois soit bien dépensé dans cette société, dans cette filiale, dans Marine Industrie. (20 h 45)

Deuxièmement, est-ce que M. Picard croit, par exemple, que la SEE du gouvernement fédéral a plutôt favorisé les intérêts de l'armateur grec que ceux de Marine Industrie, dans le financement? Par la même occasion aussi, j'aimerais demander à M. Picard si Marine Industrie, devant les demandes constantes de la part de l'armateur grec, devant ces exigences nombreuses qu'il n'aurait pas pu faire, à mon sens, si le contrat avait été réellement bien signé, s'il y a eu une poursuite en cour pour faire cesser ces harcèlements de la part de l'armateur grec devant des exigences qui devenaient, à toutes fins utiles, un moyen de se défaire de cette commande qu'il avait passée à Marine Industrie.

Une autre question que j'aimerais poser peut-être à M. Rochette: Lorsque vous parliez de commissions qui ont été consenties, disons avant que les bateaux soient livrés — parce qu'ils sont toujours au quai de Sorel... On a donné $7 200 000 en commissions à des courtiers de Londres et également à des courtiers dont on ne connaît pas les noms et qui ont des bureaux aux Bahamas, aux Bermudes. J'aimerais demander, comme question supplémentaire, à M. Rochette si ces courtiers de Londres et ces courtiers de la maison qui a son siège social aux Bermudes avaient une commission similaire à celle qui s'est donnée, par exemple, lors de la construction et de la vente des bateaux aux Français et, également, si c'est la même commission qui a été donnée et qui se donne présentement pour la vente des bateaux aux Polonais?

Le Président (M. Marcoux): M. Picard.

M. Picard: Vous avez posé plusieurs questions M. Martel. Je vais vous donner plusieurs réponses. La première — et je reviens encore là-dessus parce qu'il y a un certain nombre d'ambiguïtés qui reviennent tout le temps — les douze bateaux de M. Karageorgis dont on parle, dont deux ont été livrés à l'Algérie et quatre ont été annulés — je tiens à le dire même si c'est répétitif mais c'est un point fondamental — n'ont jamais été achetés par M. Karageorgis. Il n'a jamais commandé ces bateaux; il ne les a jamais demandés. Les bateaux ont été achetés par douze compagnies panaméennes dont les actifs de chacune des compagnies étaient de $1000. Il faut très bien se rendre compte de cela si on veut comprendre le problème. Pour essayer de l'expliquer encore plus précisément — et c'est un problème, le restant est presque du détail, si on veut. Quel constructeur aurait accepté un contrat à Montréal pour construire douze hôtels de $20 millions pour douze compagnies panaméennes après le Olympiques. C'est cela le problème auquel on fait face.

Le reste qui n'a pas été signé, il reste que les acheteurs, quelles que soient les garanties personnelles ou non, étaient douze compagnies panaméennes qui n'avaient pas d'actifs autres que les actifs nominaux.

Je pense que si on oublie cela, on perd toute la perspective du problème qui s'est posé.

Revenons à une deuxième chose. Je voudrais apporter une deuxième précision aussi... cet après-midi, qui m'apparaît aussi fondamentale.

M. Tremblay: M. le député de Richelieu, j'aimerais poser la question à M. Picard. Pourquoi était-ce des compagnies panaméennes qui devaient acheter? Y avait-il une raison?

M. Picard: Probablement pour diminuer les risques, pour empêcher... Seulement, cela a été fait ainsi. Je n'étais pas là quand cela a été fait.

M. Tremblay: Peut-être M. Rochette pourrait-il nous dire pourquoi l'armateur ne voulait pas prendre des engagements lui-même pour l'achat et pourquoi il préférait passer par des compagnies bidons qui étaient enregistrées à Panama?

M. Rochette: Je pense, pour réellement répondre à cette question, qu'il faudrait faire venir

M. Karageorgis. C'est pratique courante, le pavillon de Panama est un des deux pavillons les plus utilisés au monde avec celui du Libéria. Quelles sont les raisons, pourquoi les armateurs des différents pays choisissent-ils d'incorporer les compagnies au Libéria et à Panama pour y mettre leurs navires? Il y a beaucoup de raisons. Il y a des raisons fiscales. Il y a des raisons de réglementation des différents pays d'équipages, de salaires à payer, etc., mais je ne peux répondre pour M. Karageorgis. Il y a des milliers et des milliers de navires enregistrés sous pavillon panaméen et libérien par des armateurs de grande réputation, que cela soit Onassis ou d'autres.

M. Tremblay: M. Rochette, si vous permettez, ce qui intéresse les membres de cette commission, c'est peut-être la question indirecte qu'a posée M. Picard. N'était-il pas imprudent pour Marine de passer des contrats avec des sociétés bidons qui n'étaient pas solvables en elles-mêmes?

M. Rochette: Avant de dire que c'étaient des sociétés bidons et non solvables...

M. Tremblay: Si elles avaient $1000 d'actif et qu'elles commandaient des actifs de $20 millions chacun, c'est vraiment le lapin non pas avec un cheval, mais un éléphant.

M. Rochette: N'oubliez pas qu'au moment où nous avons signé ces contrats, au moment où ils sont devenus fermes, c'était sur la foi d'un engagement de SEE et de la Banque de Montréal comme quoi ils feraient le financement, qu'ils avaient une garantie personnelle de M. Karageorgis quant à la bonne exécution des contrats et que nous avions en main ces bilans montrant une fortune personnelle très considérable. C'est sur la foi de toutes ces informations que le conseil d'administration de Marine a accepté de s'engager dans ces contrats. Les huit premiers se sont très bien terminés, avec des profits considérables. Les autres ont mal tourné, pour toutes sortes de raisons qu'on a entendues ici cet après-midi. Je n'étais pas là à ce moment. Je ne peux pas vous dire si les gens ont bien ou mal négocié à ce moment, si les torts sont du côté de M. Karageorgis ou de Marine.

Je ne puis faire aucun commentaire là-dessus, parce que je n'y étais pas. Au moment où je suis parti, M. Karageorgis n'était pas en défaut. Le financement n'était peut-être pas, comme M. Picard l'a expliqué, signé de façon formelle, scellé, etc., mais il avait fait ses paiements jusqu à ce moment-là tel que requis par les contrats. Alors, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise de plus?

M. Martel: Si vous permettez, M. Rochette. Vous avez fait allusion à votre départ de Marine qui s est fait, je pense, en même temps que trois autres cadres. A ce moment-là, c'est arrivé, je pense, le 18 février 1976, c'est-à-dire deux jours après que la Banque de Montréal eut refusé de financer l'armateur grec. C'est arrivé je ne sais pas combien de mois après que Marine ou la Société générale de financement vous ait demandé de voir si la société Davie Shipbuilding de Lauzon était rentable, dans le but d'en faire l'acquisition pour Marine Industrie. A ce moment-là, est-ce que vous aviez eu le mandat, de la part de Marine, de voir si la rentabilité de Davie Shipbuilding de Lauzon pouvait être un actif, dans le but de faire une transaction pour Marine?

M. Drolet: M. le Président, ce débat est sub judice. Je pense que c'est justement le genre de question auquel on s'oppose et j'aimerais, dans une bonne procédure parlementaire, qu'on reconnaisse que cette question est prise sous réserve et qu'on ne peut pas répondre à cette question.

M. Martel: On est ici pour faire la lumière sur l'administration de Marine. Il y a eu un précédent dans une autre commission parlementaire, par exemple Commonwealth Plywood, où il y avait un tas de choses en suspens devant les tribunaux et la commission parlementaire a pu poser des questions pour faire la lumière sur I'administration de cette compagnie, comme nous essayons de le faire pour l'administration de Marine. Et je pense que cela a été un facteur tournant lorsque les quatre cadres de Marine sont partis. Je veux simplement me limiter à demander s'il y avait eu un mandat de la part de Marine pour voir à l'achat éventuel de Davie Shipbuilding, si c'était rentable, si Marine devait s'en porter acquéreur. Je vois dans le rapport que M. Rochette a fait la recommandation à Marine quelle devait s'en porter acquéreur et, par la suite, je voudrais savoir les raisons qui l'ont motivé à quitter si rapidement Marine pour se porter acquéreur de Davie Shipbuilding.

M. Drolet: M. le Président, je m'oppose encore à la question. C est sub judice et je pense que, dans un parlementarisme tel que l'on connaît, on ne peut obliger une personne, je pense, c'est admis entre les parties, à poursuivre une telle ligne de pensée lorsqu'on vient, sur une base volontaire, offrir une collaboration. Je pense que, si le noeud gordien peut relever du débat judiciaire qui est devant les tribunaux, je pense que ce n'est pas la place pour nettoyer; on est ici pour donner la collaboration, les renseignements, dans la mesure nécessaire, mais dans ce cas-ci, je pense que c est directement relié au débat qui divise les parties. Je pense que ce serait...

M. Martel: C'est au président de trancher ce litige.

Le Président (M. Marcoux): Si vous me demandez de le trancher immédiatement, je devrai suspendre quelques minutes pour m informer davantage. Mais au lieu de suspendre immédiatement, je demanderais plutôt à M. Picard de compléter la réponse qu'il avait commencé à donner.

M. Picard: II y a une deuxième clarification que je veux faire. Je ne pense pas contredire M. Rochette en disant ça, mais quant à l'évaluation des bilans de Karageorgis, la comptabilité se fait de plusieurs façons, comme on le sait et il y a une comptabilité historique qui n'est pas une réflexion réelle dune situation, mais qui est l'histoire comptable d une société, il y a aussi ce qu on appelle les réévaluations.

Si je me rappelle bien, j'espère que je ne me trompe pas, je dois vous dire que je n'ai pas vu cela depuis trois ans et demi, ce sont des choses qui m avaient assez frappé dans le temps, j'ai l'impression d'avoir raison, les ressources de M. Karageorgis, quant à sa fortune personnelle, sur le plan historique, étaient loin d'être considérables. Sur un plan de réévaluation, à l'époque où il y avait justement cette enflure des prix incroyables et ces commandes partout, il y a eu une réévaluation qui donnait un bilan tout à fait différent. C'est un bilan au marché qui a varié avec le marché et on sait comment le marché a varié à ce moment-là. Je pense que M. Rochette va être d'accord avec moi là-dessus. Il y a deux bilans là-dedans, le bilan au marché, si le marché est bon, il est élevé et si le marché n'est pas bon, il n'est pas élevé.

M. Martel: Si vous permettez, M. Picard, M. Rochette, cet après-midi, a affirmé que le Grec, M. Karageorgis, a négocié et effectivement fait des affaires avec plusieurs constructeurs navals à travers le monde et qu'il n'a résilié aucun contrat. Il ne s'est retiré d'aucun contrat, excepté à Marine Industrie. D'après tout ce qui s'est dit aujourd'hui, on voit que cela a été, M. Simard l'a dit cet après-midi, une politique de harcèlement qui a fait qu'à un moment donné, je vous ai posé la question à savoir si vous êtes allés devant le tribunal pour essayer de faire cesser ces harcèlements de la part de l'armateur grec. Quelle a été la décision du tribunal si vous y êtes allés?

M. Picard: Ecoutez, au moment où j'ai quitté Marine Industrie, on étudiait la possibilité, premièrement, d'un arbitrage sur des questions particulières et, deuxièmement, de pas plus importants, si c'était nécessaire. Mais je n'étais pas là au moment où la décision a été prise.

M. Martel: M. Coulombe, est-ce que quelqu'un pourrait nous dire si Marine est allée en cour, devant ce harcèlement, par le Grec, pour faire dépenser Marine Industrie avec des exigences qui étaient vraiment un moyen de résilier son contrat?

M. Coulombe: M. Picard était parti, si je ne me trompe, c'était en mai 1977...

Le Président (M. Marcoux): Pourriez-vous vous servir du micro, si c'est possible?

M. Dinsmore: Pour offrir une certaine compréhension à la situation, paraît-il qu'on n'a pris de procédures explicites contre l'armateur, en aucun temps. L'armateur, pour sa part, a pris l'initiative, vers le mois de mai, je pense, d'enregistrer une plainte à l'égard de l'interprétation des plans et devis, plainte qui était, selon le contrat, soumise à l'arbitrage. Au moment où nous sommes arrivés, M. Brisson et moi-même, les avocats de l'armateur essayaient de forcer la note pour la tenue de cet arbitrage.

Nous avons examiné la situation avec le peu de temps à notre disposition. Nous avons fait remettre les dates à plusieurs reprises, pour nous permettre justement d'évaluer toutes les conséquences d'aller en arbitrage.

Avec les indications des retards déjà fournis par la division de l'exportation de la compagnie, il était évident que la complexité de l'arbitrage pourrait retarder de nouveau, d'au moins 30 jours , sinon plus, toutes les opérations au chantier. On n'était pas encouragé par l'affaire, pas parce que Marine Industrie ne faisait pas bien son travail, mais parce que la documentation n'était pas parfaite, et on risquait, justement, d'arriver à une décision partagée, c'est-à-dire une partie en faveur de l'armateur et une partie en faveur de Marine Industrie, en fonction des documents, mais avec une perte de temps d'au moins 30 jours, sinon plus, avec toutes les conséquences non seulement pour les contrats en cours, mais pour d'autres contrats qui étaient bloqués à cause des retards occasionnés par les contrats grecs. (21 heures)

Ce fut un élément de nos évaluations qui nous amena à une espèce de conclusion avec l'armateur. Mais, à ma connaissance, c'est le seul geste qui ait été exprimé par l'une ou l'autre des deux parties en cause, quant à passer à l'arbitrage qui était possible en fonction du contrat.

M. Martel: J'attends les réponses de M. Picard et de M. Rochette concernant le pourcentage des commissions. J'ai demandé à M. Picard, par exemple, s'il avait l'impression que la Société d'expansion des exportations avait plutôt protégé l'armateur grec que Marine Industrie. C'était la question à M. Picard.

La question s'adresse à M. Rochette ou à M. Coulombe. Ils pourront faire répondre ceux qui sont habilités à répondre. Quel pourcentage a été payé en commissions aux courtiers pour la vente des bateaux grecs, des bateaux français et des bateaux polonais?

M. Tremblay: Avec la permission du député, M. Martel, il s'agit de deux questions très importantes. Je pense qu'on doit les séparer.

M. Picard: M. Martel, vous m'aviez posé aussi d'autres questions. La discussion a changé un peu. Je dois dire que, dans la période où j'ai été là, la SEE a généralement bien coopéré.

M. Martel: Me permettez-vous de lire une partie du rapport de Marine Industrie qui dit: "Le 14 juillet, SEE recommanda que Marine Industrie ne mette pas l'armateur en défaut et insista pour que Marine Industrie présente un programme dé-

taillé démontrant à sa satisfaction qu'elle pouvait terminer les contrats en question selon tous les termes et conditions... Ce programme lui était nécessaire comme condition préalable afin de consentir des avances additionnelles, soit sur les contrats avec MAK, soit sur le contrat polonais".

M. Picard: C'était la période après mon départ. Je suis parti au mois de mai.

M. Martel: C est après votre départ? M. Picard: Après mon départ.

M. Martel: Est-ce que cela veut dire que I attitude de la SEE aurait changé après votre départ vis-à-vis de Marine Industrie?

M. Picard: Je ne peux pas en juger. Je peux vous dire que, quand j'etais là, c'était positif. Je pense que les gens ont été à même de discuter des...

M. Martel: M. David pourrait-il répondre concernant la SEE, la participation au financement de ces bateaux?

M. David: II y a deux étapes, M. le député, si vous me permettez. Il y a l'étape 1976. Après que le financement original n'a jamais été complète, je dois dire que la SEE a offert une très forte collaboration pour renégocier avec l'armateur grec la construction de six navires au lieu de dix et a offert toutes les possibilités de financement qu'elle pouvait faire à ce moment-là. En 1977, je pense que cela a été un peu différent, étant donné que les plaintes sur la qualité de la construction de Marine Industrie ont été reçues par la SEE, ont été transmises à ses partenaires financiers, ont été transmises à d'autres niveaux du gouvernement du Québec, alors que la partie qui aurait dû normalement être la plus concernée, qui est Marine Industrie, l'a été en tout dernier ressort. Cela a fait un cercle à partir de la SEE, la Banque de Montréal, le premier ministre, et cela a descendu pour revenir à Marine Industrie et on s'est demandé où était le tort.

A cette époque, il y a eu énormément de difficulté à faire accepter à la SEE que Marine Industrie était un bon constructeur naval. Elle venait de terminer, au cours des cinq, six ou sept dernières années, la construction d'une quinzaine de ces navires et, soudainement, Marine Industrie était devenue un très mauvais constructeur naval. C est à cette époque, je pense, que la collaboration de la SEE a pu être mise en doute.

M. Martel: Je pense qu'en aucun temps il n'est question de la compétence mondiale des ouvriers de Marine qui ont réussi à se faire une renommée à travers le monde. Il n'était pas question de la compétence des ouvriers locaux. Je pense, pendant cette commission, qu'il est question de la compétence de l'administration lorsqu'elle signe un contrat. A ce moment, lorsqu'il s'agit de l'argent des Québécois... Parce que tout le monde sait que le potentiel, le capital humain que nous avons dans le comté de Richelieu, c'est un peu unique, non seulement en Amérique du Nord, mais dans le monde entier. On a une réputation qui est très bien connue dans le domaine de la construction navale. Evidemment, est-ce que l'administration, la gestion lors de ce fameux contrat de 1973 équivaut à la qualité de la main-d'oeuvre que nous avons? C'est là qu'on se pose la question et qu'on essaie de voir clair dans cette situation qui fait qu'aujourd'hui, cela coûte aux contribuables québécois $1 million d'intérêt par mois pour supporter un contrat à propos duquel on se demande comment il a été signé et comment il a été négocié.

M. Tremblay: Avec la permission du député, j'aimerais poser à M. David une question sur la SEE. Les défauts invoqués par l'armateur grec avaient été gonflés, de l'avis de tous. Voici la question qu'on se pose: Est-ce que la SEE a donné plus de crédibilité à ce supposé gonflement des défauts en provenance de l'armateur grec qu'à la compétence du chantier maritime qu'était Marine? Il semble qu en persuadant Marine de ne pas déclarer forfait ou en mettant en défaut l'armateur grec qui avait retardé ses paiements et en se rangeant du côté du Grec, en appuyant indirectement ou implicitement les exagérations concernant les défauts, la SEE se trouvait à tirer le tapis sous les pieds de Marine et à laisser Marine seule face aux problèmes du financement. Est-ce que c'est exact?

M. David: Je suis d'accord avec vous, M. le ministre, sur cette compréhension des faits à l'été 1977.

M. Tremblay: Qu est-ce qui aurait pu amener la SEE à donner de la crédibilité à cet armateur grec qui, évidemment... Il ne fallait pas avoir un diplôme de troisième niveau pour comprendre que cet armateur voulait se sortir de ce contrat de toutes les façons. Il disait comme le mentionnait M. Simard avant le souper, que les lits n'étaient pas assez longs, que les portes n'étaient pas assez hautes, que la peinture était mauvaise. Autrement dit, c'était un fumiste, c'était un spéculateur qui voulait se sortir de son contrat parce que le marché s'était effondré. Pourquoi la SEE, une compagnie de la couronne fédérale, s'est-elle rangée en faveur d'un spéculateur international contre Marine, une société du Québec?

M. David: Malheureusement, M. le ministre, je n'ai pas la réponse et je me suis posé exactement la même question à cette époque.

M. Tremblay: Je le demanderais à M. Coulombe; cela fait deux ou trois ans que vous réfléchissez à cela, il doit y avoir une réponse à cela.

M. David: Le malaise est vraiment survenu en

1977. Je dois dire qu'au préalable, à la renégociation en 1976, la SEE avait fourni une excellente collaboration, mais cela a été une situation totalement différente en 1977.

M. Tremblay: Même en 1976, lorsqu'on a forcé Marine à renégocier les contrats en passant de dix à six, ce n'était pas du gâteau pour Marine.

M. David: Non, mais c'était encore mieux que de perdre les dix navires, parce que l'approvisionnement pour les six premiers était presque rendu à Sorel.

M. Tremblay: Oui, mais les garanties de financement n'étaient pas plus sûres pour six que pour dix. M. Picard a dit qu'il n'y a jamais eu de financement.

M. David: Non, je regrette. M. Picard a dit qu'il n'y avait jamais eu de financement pour les dix navires. C'est vrai. Lorsqu'il y a eu des renégociations pour six, il y a eu de nouvelles négociations pour le contrat de la construction navale. Il y a eu des nouvelles négociations pour le financement de la construction de six navires. Effectivement, des fonds ont été déboursés pour la construction des six navires. Si je m'en tiens, M. le ministre, au rapport déposé par Marine, à la page 10, au deuxième paragraphe, au 30 juin 1977, lorsqu'on fait un état, je crois qu'on dit, à la troisième phrase: La SEE avait avancé au nom de l'armateur $35 400 000. Elle devait encore $11 500 000. Il y avait eu des fonds déboursés. La bonne volonté et la bonne collaboration de 1976, je crois que cela a été très valable pour permettre à Marine, à cette époque, de se sortir de l'impasse d'avoir des contrats de construction de dix navires qui ne reposaient sur absolument rien.

M. Martel: M. le Président, j'attends toujours votre réponse concernant la question que j'ai posée à M. Rochette.

Le Président (M. Marcoux): Voici ce qu'indique le règlement ou d'habitude la procédure parlementaire concernant les réponses à donner aux questions posées. Notre règlement, à l'article 153, dit que lorsqu'une commission élue a requis une personne de se présenter devant elle pour s'y faire entendre ou pour produire des documents et que cette personne refuse de le faire, la commission fait rapport de ce refus au président et celui-ci prend les moyens nécessaires pour que la demande de la commission soit satisfaite.

De façon plus précise, il y a des interprétations qui ont été données de ce règlement qui exige évidemment que les témoins disent toute la vérité, puis, qu'ils répondent aux questions. Dans l'ancien règlement, il y avait l'article suivant qui disait: "Quand un témoin désire ne pas répondre à une question, il doit exposer les raisons pour lesquelles il se croit fondé à ne pas répondre ou désire être exempté de répondre et demander à l'orateur, ou le président, si, dans les circonstances, il est tenu de répondre."

Egalement, dans l'ancien règlement, on disait: "Un témoin ne peut refuser de répondre à une question sous le prétexte que sa réponse peut l'exposer à une poursuite civile ou criminelle, qu'il a fait le serment de ne pas révéler les faits sur lesquels on l'interroge, qu'il est tenu au secret professionnel ou que son avocat l'informe qu'il ne peut répondre sans courir le risque de s'incriminer ou de s'exposer à une poursuite civile."

Or, avant de trancher la question de façon définitive, je demanderais à M. Rochette ou à son représentant de préciser à nouveau les motifs pour lesquels je devrais accepter que M. Rochette ne réponde pas aux questions ou à la question posée par le député de Richelieu.

M. Drolet: M. le Président, ce débat a eu lieu au début de l'après-midi et il est clair qu'il y a un procès civil entre Marine Industrie et M. Rochette et autres, et certains des allégués dans cette procédure judiciaire sont de la même nature que ceux du député. Alors, toute réponse qu'on pourrait donner à ce procès qui est pendant priverait évidemment le cours normal de la justice. Cela va se débattre quelque part, un jour, devant un tribunal compétent en la matière. Je pense que dans les circonstances, on a le droit de faire une objection à cette question qui pourrait être de nature à nuire au déroulement du procès.

Le Président (M. Marcoux): Seulement une chose que je voudrais voir précisée; vous avez dit que cela priverait éventuellement d'information le tribunal qui...

M. Drolet: Non, cela pourrait éventuellement être utilisé. De toute façon, le juge de première instance de la Cour d'appel, de la Cour suprême décidera. Quand je fais une objection devant le tribunal ou que je fais une objection, je pense que vous pouvez la prendre sous réserve ou de la façon que vous la décidez, mais je sais que dans une commission de la nature de celle où on est, où on a été simplement invités et non pas requis — je pense que c'était la distinction fondamentale — on vient ici offrir notre collaboration, mais jusqu'à une limite. Je pense que nous frappons la limite directement dans un litige civil entre les parties où la demanderesse est là et le défendeur est ici.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie d'avoir répondu à ma question. Avant de rendre ma décision, au lieu de suspendre les travaux, je vais plutôt inviter un de mes collègues à me remplacer pour continuer.

M. Martel: M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Oui.

M. Martel: Je veux simplement demander... Je vais laisser tomber une question personnelle qui avait trait au départ de M. Rochette le 18, mais je vais demander à la direction de Marine Industrie du temps si elle avait mandaté — et sur cela, je

pense que je peux obtenir une réponse de cette dernière — M. Rochette pour voir à la possibilité d'acheter le chantier de Davie Shipbuilding, de Lauzon, premièrement, et, aussi s'il y a eu un rapport qui a été fait et quelle a été la position, à ce moment-là, de Marine Industrie sur les recommandations de M. Rochette. C'est une première question. La deuxième à laquelle vous pouvez répondre, que j'avais posée à M. Rochette et à laquelle il ne veut pas répondre, sur la question des commissions, j'imagine que l'administration de Marine Industrie est au courant des commissions qui se donnaient aux courtiers à l'occasion de la vente des bateaux grecs, des bateaux français et des bateaux polonais, le pourcentage qui s'est donné, qui a fait que, pour les bateaux grecs, cela totalisait $7 200 000, dont $90 000 à un courtier de Londres et $350 000 à une firme des Bermudes dont on ignore les actionnaires, ce qui fait qu'il s'est payé $444 000 par bateau et ces bateaux sont toujours amarrés, accostés dans le Richelieu près de Marine Industrie. (21 h 15)

Le Président (M. Marcoux): Je sais que M. le Président avait levé la main. Il indiquait qu'il voulait répondre à une des questions, une des deux?

M. Picard: Je suis doublement embêté pour répondre, parce qu'on me dit que c'est sub judice et je n'ai pas d'avocat avec moi. Je ne suis pas un mis en cause évidemment dans cette affaire. Marine était, au moment du départ des gens, sous ma direction, évidemment, il y a des choses que je puis dire peut-être mais d'autres de la SGF sont plus en mesure que moi de dire, parce que la discussion a eu lieu avec la SGF...

Je vous dis carrément que je suis embêté à cause du sub judice. Je ne sais aucunement comment agir dans un tel cas. Evidemment, ce que je vais dire ne peut ni me nuire, ni m'aider, je ne suis pas en cause, mais il y a un procès qui est là et ce sont des éléments... Je ne sais pas quoi faire. Je demande vos conseils.

M. Martel: M. Picard, vous avez la protection de la commission parlementaire et, en plus de cela, c'est quelque chose qui porte de la lumière sur l'administration de Marine. J'ai simplement demandé si vous avez donné un mandat à M. Rochette pour voir à la possibilité de se porter acquéreur du chantier de Lauzon, dans un premier temps. Quel est le rapport? A-t-il été favorable et quelles ont été vos réactions? C'est la première question. Je pense qu'il n'y a rien qui puisse vous empêcher de répondre à cela.

M. Picard: Je ne voudrais refuser en aucune façon de répondre à la commission. Je demanderais si la commission me donnerait la possibilité — parce que j'imagine qu on va travailler demain — de revoir cela avec un avocat et d'arriver avec quelque chose. Je me sens vraiment embêté et vous savez fort bien que je n'ai pas évité de répondre aux questions jusqu'ici, et, deuxièmement, je ne suis pas un mis en cause.

M. Martel: Très bien, M. Picard.

M. Picard: Si vous me donnez cette permission, j'aimerais consulter quelqu'un et revenir à la commission peut-être mieux, plus en position de...

M. Martel: Parfait. J'accepte.

M. Picard: Je vous remercie beaucoup.

M. Martel: Ma deuxième question est très importante. La commission payée aux courtiers à l'occasion de la vente des bateaux français, quelle était-elle? La commission payée aux courtiers à l'occassion de la vente des bateaux polonais, quelle est-elle et quelle était la commission consentie qui fait qu'il y a eu $7 200 000 donnés aux courtiers pour la vente des bateaux grecs qui n'a pas eu lieu.

M. Picard: Je ne peux répondre qu'à un tiers de la question, puisque je n'ai été présent qu'à un tiers de l'opération, et ce sont les contrats polonais. Les informations que je viens de vérifier sont qu'on a payé légèrement en dessous de 2% de commission dans les contrats polonais, mais que cette commission a fait l'objet d'un contrat.

Deuxièmement, je dois ajouter une informatin supplémentaire. Dans les contrats polonais, il y avait deux courtiers en cause, un qui représentait les intérêts de Marine, un qui représentait les intérêts des Polonais et la commission a été divisée en deux, c'est-à-dire 1% au représentant de Marine et 1% au représentant des Polonais.

M. Martel: Je pourrais demander à M. David d'avoir les deux tiers de réponse à ma question.

M. David: Je ne peux répondre, parce que je n'étais pas un officier de Marine et, en 1973. dans la question des contrats grecs, c'est bien avant mon arrivée à la SGF.

M. Martel: Est-ce que le président actuel de la Société générale de financement peut me donner la réponse?

M. Coulombe: En fait, les recherches qu'on a fait faire nous démontrent que, pour les navires français, la commission a été de 0,9%, moins de 1%.

M. Martel: Moins de 1% pour les bateaux français.

M. Coulombe: Moins de 1% pour les bateaux français, et c'était payé par neuf tranches variant de 5% à 20% chacune, la dernière étant 38 mois après la signature du contrat. Dans le cas des navires grecs, la dernière commission, la dernière entente était au niveau de 3,03%, soit de $460 000 par navire, environ les deux tiers peu de temps après la signature des ententes et le solde à la livraison de chacun des navires. Donc, les deux tiers peu de temps après la signature et le solde à la livraison. Dans le cas des navires polonais, il y avait deux...

M. Martel: Les bateaux grecs représentent quel pourcentage de commission?

M. Coulombe: 3,03%.

M. Martel: Et les bateaux français, moins de 1%.

M. Coulombe: Oui, 0,90%. M. Martel: Et les polonais?

M. Coulombe: Dans le cas des polonais, il y avait deux courtiers et chacun à 0,75%, ce qui fait 1,5%.

M. Martel: Comment expliquez-vous cet écart qui représente plusieurs centaines de milliers de dollars en commission entre les bateaux français, qui avaient un pourcentage de moins de 1%, et les bateaux grecs, qui représentent 3,1% de commission? Comment expliquer cet écart qu'ont payé les Québécois aux courtiers?

M. Coulombe: Je pourrais vous donner les faits bruts, quant à l'interprétation de ces faits, je ne sais pas si quelqu'un des témoins est capable de donner l'interprétation.

M. Martel: Est-ce que M. Rochette pourrait nous éclairer, étant donné que vous étiez à Marine depuis plus longtemps que plusieurs de vos collègues?

M. Rochette: Je peux vous donner les renseignements que j'ai de mémoire. Je vais essayer de concilier le chiffre qui est mentionné dans le document d'information. J'arrive de mémoire à un chiffre de $370 000 par navire pour les six premiers et $450 000 pour les douze derniers, ce qui peut correspondre à peu près aux 3% que M. Coulombe a mentionnés. Cela représente 2,5% du chiffre brut avant la subvention et, au lieu d'être exprimé en pourcentage dans ce cas-ci, cela a été exprimé en montants fixes parce que les contrats étaient assujettis à une clause escalatoire. Alors, si on avait mis un pourcentage au fur et à mesure que les contrats auraient augmenté avec l'inflation, la commission aurait augmenté. Alors, on a mis un montant fixe qui s'avérait 3% de montant de base au départ. Si on calcule l'inflation qu'il y a eu sur ces contrats ensuite, cela fait un pourcentage de moins de 3% évidemment. Au point de vue du paiement de la commission elle-même, M. Karageorgis nous a demandé d'accepter de payer cette commission au courtier et d'ajouter le prix au montant du contrat. Alors, dans notre esprit, cela ne coûtait absolument rien à Marine ni aux Québécois. Il faut dire qu'aujourd'hui on parle de ce contrat par rétrospective. C'est toujours facile de regarder les choses en rétrospective. Au moment où les contrats ont été signés en 1973, je ne peux pas blâmer du tout le conseil d administration de Marine ou les officiers de la compagnie de s'être embarqués dans ce qui peut paraître aujourd'hui comme une aventure, quand on parlait de compagnie panaméenne qui n'avait peut-être pas de capitaux derrière elle, mais il faut dire qu'à ce moment-là le marché était à son meilleur, que l'armateur payait tout de même un montant assez considérable au moment de la signature du contrat, et que les navires, en plus d'être financés par la SEE, étaient la propriété de Marine jusqu'à paiement complet. Ordinairement, c'est la plus belle protection que le chantier détienne dans tout contrat qu'il a, c'est que le bateau est chez lui, il est à lui. Dans un marché normal, ce navire-là, aujourd'hui, vaudrait plus cher qu'il a coûté. Depuis ce temps-là, il est arrivé une catastrophe à léchelle mondiale, que j'aurais bien voulu être capable de prévoir en 1973, mais personne n'était capable de le prévoir.

M. Martel: Mais, en 1973, il aurait pu être prévu de signer un contrat avec le Grec pour essayer de se protéger, que le vendeur, qui était Marine, se protège comme le Grec s'est protégé. A ce moment-là, on aurait pu se protéger. C'est vrai qu'il s'agissait de l'argent des Québécois.

M. Rochette: La protection, c'était le navire lui-même, qui était la propriété de Marine jusqu'à paiement intégral. A part cela, je dois vous dire que, dans la négociation de ces contrats, nous avions toujours avec nous les conseillers juridiques de la compagnie, internes et externes. Me André Asselin a participé à toutes ces négociations, c'est le chef du contentieux de Marine Industrie, que je considère comme un avocat très compétent; il y avait Robert Alain, un associé de la firme Blain, Piché, Emery, Godbout, que je considère aussi comme un avocat compétent. C'est sur leurs avis et sur les avis aussi des avocats de la SEE et de la Banque de Montréal que toutes ces négociations ont été menées à bonne fin et, aujourd'hui, on regarde ça d'en arrière et ça paraît un désastre.

Au moment où les contrats ont été signés, nous étions des héros. C'était le contrat du siècle. Les circonstances ont voulu que ce ne soit pas longtemps le contrat du siècle, cela l'a été pour huit navires; après ça, cela a tourné au désastre.

M. Martel: ... ce contrat a été signé, si le contrat avait été signé en bonne et due forme, le Grec n'aurait pu s'en aller après avoir laissé tant de difficultés derrière lui, de dettes, ces $100 millions de dette, ce $1 million par mois, ces commissions. Il part non seulement sans prendre livraison des bateaux, sans être pénalisé, mais il part avec de l'argent, $9 200 000, comment expliquez-vous ça?

M. Rochette: M. le député...

M. Martel: ... au moment de la préparation du contrat.

M. Rochette: ... quand je suis parti de Marine Industrie, l'armateur n'était pas en défaut, tous les paiements contractuels, jusqu'à ce moment-là, avaient été faits, les contrats, d'après moi, étaient

des contrats valides, parce que s'il avait voulu les annuler, il aurait fallu qu'il le fasse avant le 15 avril 1975. Ce qui s'est passé après ça, je regrette, je l'ignore, je n'étais pas là. Je ne peux pas faire de commentaires là-dessus.

M. Martel: Qui était là, qui pourrait me répondre, à savoir ce qui s'est passé après le départ de M. Rochette?

M. Picard: Si vous voulez, je peux en parler. Maintenant, je ne sais pas exactement ce que vous voulez dire par la question, précisément, puisqu'on en a parlé tellement cet après-midi. Il y a eu ce harcèlement, il y a eu une armée de renégociation pour en arriver à un contrat qui dépendait du contrat antérieur, qui ne pouvait pas être plus fort pour Marine Industrie que le contrat antérieur. Deuxièmement, il y a eu ce harcèlement, et j'aimerais bien qu'on en tienne compte, parce que j'appuie fortement ce que M. Martel a dit concernant les employés et les cadres de Marine Industrie; ce sont des gens dont la réputation n'est plus à faire.

J'ai travaillé un an et demi avec eux et je suis parti avec une admiration considérable. Je pense qu'il faudrait faire attention pour ne pas trop leur mettre de blâme. M. Martel, je tiens à supporter complètement ce que vous avez dit sur la qualité des employés et des cadres de Marine Industrie.

Le deuxième point que je veux souligner, c'est qu'à ce moment-là, Marine Industrie faisait des bateaux pour Gulf Oil, qui avait des problèmes de design, qui ne sont pas nés après le départ de M. Rochette. C'est d'ailleurs ce qui arrive toujours dans la construction des navires et la discussion avec Gulf, qui a révisé toute la question avec moi deux jours après le lancement, s'est terminée par un accord selon lequel Marine Industrie finissait les affaires de Gulf, que Gulf était satisfaite, qu'il y aurait du "give and take" comme il y en a toujours dans ces choses-là. Marine Industrie a livré les pétroliers Gulf qui sont des bateaux — je peux être corrigé là-dessus, mais selon le peu que j'ai appris en choses marines pendant un an et demi — infiniment plus sophistiqués et compliqués qu'un cargo polyvalent.

La deuxième chose qu'il faut ajouter, c'est que Marine Industrie faisait des bateaux cubains et il n'y a pas eu de problèmes avec les bateaux cubains. Il y a eu des problèmes avec les bateaux de Karageorgis.

Troisième chose, qu'il faut bien regarder, qu'il ne faut pas oublier, que j'aimerais qu'on creuse pour voir directement les affaires essentielles. Quand on dit qu'il n'y a pas eu d'autres annulations de bateaux, je vous ai dit qu'en Suède, quand le processus, après avoir été commencé par un autre armateur et avoir coûté une fortune en désorganisation en Suisse, un autre armateur qui était grec, par accident, quand la deuxième série de choses comme ça a été faite, les Suédois ont simplement accepté de ne pas se faire payer pour les bateaux.

Je peux vous dire, c'est peut-être un jugement enfantin, que si Marine Industrie avait dit à M.

Karageorgis: Vous n'avez rien à payer pour les bateaux, on va vous les donner à la fin, si vous faites du profit, on sépare les profits, il n'y aurait pas eu de problèmes à Marine Industrie. Je n'aime pas, après avoir passé un an et demi à diriger Marine, qu'on attaque la qualité et la valeur des employés et des cadres de Marine.

M. Martel: M. Picard, est-ce que vous êtes arrivé à Marine Industrie...

Le Président (M. Michaud): M. le député de Richelieu, s'il vous plaît, une ou deux questions, parce que nous avons déjà six noms sur la liste. (21 h 30)

M. Martel: J'ai entendu tout l'après-midi l'Opposition poser des questions. J'espérais me reprendre après le souper, c'est ce que je fais. Etant député de Richelieu, il s'agit de la vie économique des gens de mon comté. Marine Industrie verse $55 millions de salaire par année. Cela représente évidemment la moitié de la vie économique du comté de Richelieu. C'est pour cette raison que j'insiste pour faire la lumière sur l'administration de Marine Industrie, au moins depuis 1973, pour savoir ce qui peut se passer l'an prochain, concernant les travailleurs de Marine Industrie.

Ce que j'ai demandé à M. Picard tout à l'heure...

M. Scowen: Excusez-moi. Question de privilège, M. le Président.

Le Président (M. Michaud): II n'y a pas de question de privilège en commission parlementaire.

M. Scowen: Je veux simplement soulever une question.

M. Martel: II n'y a pas de question de privilège en commission parlementaire. Vous êtes revenu à plusieurs reprises, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, pour poser des questions supplémentaires et on vous a laissé faire. Je vous demanderais la même politesse envers le député de Richelieu que j'ai eue avec vous cet après-midi.

M. Scowen: Excusez-moi. Je n'ai rien contre tout ce que vous dites. Tout ce que je veux que vous sachiez, c'est que nous sommes avec vous dans cette enquête. Nous sommes tous ici avec le même objectif.

M. Martel: Pourquoi intervenez-vous alors que je pose des questions?

M. Scowen: Je n'ai rien contre cela du tout.

Le Président (M. Michaud): Messieurs, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Scowen: Je veux simplement souligner que, ce matin, votre ministre a parlé et j'ai parlé. On va tous parler ce soir, avec le même objectif.

M. Martel: Oui.

Le Président (M. Michaud): D'accord messieurs. M. le député de Richelieu, encore deux questions et nous continuerons le tour de table.

M. Martel: Autrement dit...

M. Russell: M. le Président, j'aimerais demander une directive. Est-ce qu'on peut poser des questions à loisir, comme député, ou si nous sommes limités à un certain temps raisonnable?

Le Président (M. Michaud): C'est pour cette raison que j'ai appelé le député de Richelieu à l'ordre relativement à ses deux dernières questions, pour continuer le tour de table. M. le député de Richelieu.

M. Martel: Très brièvement. M. Picard, lorsque vous êtes arrivé à Marine Industrie en 1975, comme homme d'affaires, comme homme d'expérience, quelle a été votre impression vis-à-vis de ce contrat qui a été signé en 1973? Quelles sont les raisons qui vont ont fait quitter Marine Industrie en 1977?

M. Picard: La première question, M. Martel, quand je suis arrivé à Marine Industrie, j'ai dû apprendre mon métier. J'en ai appris. A ce moment-là, M. Karageorgis négociait avec l'Iran le transfert des dix bateaux qui restaient. Cela a toujours été la stratégie que j'ai essayé de développer pour Marine Industrie, de travailler plutôt de pays à pays et ainsi de suite, parce que malgré les problèmes, on peut s'entendre. Si l'Iran avait acheté les bateaux de M. Karageorgis, il n'y aurait eu aucun problème. C'est mon avis. C'est une opinion. Ce n'est pas un fait. C'est une opinion. Mais c'est mon opinion.

M. Tremblay: A quelle période de 1976?

M. Picard: En 1975, au tout début. Cela faisait trois mois que j'étais là.

Au mois d'octobre ou novembre 1975, l'Iran, pour des raisons qu'on ignore encore, c'était le moment où il y avait des problèmes et il y avait ses questions de priorité, a décidé de ne pas accepter le transfert des bateaux, de ne pas les acheter, comme l'Algérie d'ailleurs.

Dès ce moment, j'ai averti le conseil d'administration que Marine Industrie était dans une position précaire et extrêmement difficile. Ces contrats ne m'apparaissaient pas comme étant des contrats "foolproof " et forts.

M. Scowen: C'était à quelle date?

M. Picard: Octobre ou novembre 1975.

M. Scowen: Mais M. Massé a dit cet après-midi que le prix "closing", qui était pour lui le "closing", était au mois de décembre.

M. Picard: C'est cela; à ce moment-là, il n'y avait pas de financement. C'était encore tout le processus qui passait. Et, comme c'est arrivé dans des cas antérieurs — même si cela n'est pas arrivé, cela n'a pas tellement d'importance — M. Karageorgis avait un contrat. Nous, on n'avait pas de contrat avec M. Karageorgis, en un certain sens, mais lui, il avait un contrat avec Marine Industrie. Il pouvait faire le transfert des bateaux en Iran. A ce moment-là, connaissant la richesse de l'Iran et le résultat de la crise du pétrole à ce moment-là, le problème aurait disparu, le financement se serait fait et tout le monde se serait embrassé. On ne serait pas en commission parlementaire.

Mais dès le mois d'octobre, si je me rappelle bien, j'ai averti mon conseil d'administration que la position de Marine Industrie était extrêmement difficile, était précaire. Je ne me rappelle pas les mots que j'ai utilisés, mais c'étaient des mots forts, parce que cela m'avait frappé comme un danger que, d'ailleurs, je craignais déjà depuis un mois.

M. Scowen: Mais comment se fait-il que vous étiez présent à cette cérémonie à la Banque de Montréal?

M. Picard: Je n'étais pas présent. M. Rochette et M. White étaient présents.

M. Tremblay: Avec la permission du député. Lorsque vous avez averti votre conseil d'administration, c'est-à-dire Marine Industrie, en novembre 1975, est-ce que votre conseil, lui, a averti la SGF que Marine Industrie flottait sur l'air pratiquement?

M. Picard: Je ne le sais pas. Il y avait des gens de la SGF sur le conseil. J'ai simplement dit que je trouvais que ces contrats-là étaient fragiles. Il y a une autre chose.

M. Tremblay: M. David, étiez-vous au courant que Marine Industrie était très menacée en novembre 1975?

M. Picard: Je voudrais ajouter une autre chose, M. Martel, pour vraiment compléter ma réponse. C'est qu'au début, à mon arrivée à Marine Industrie, j'avais demandé des rapports sur la construction navale dans le monde. A ce moment-là — cela pourrait vous donner une date exacte — je pense que M. Massé avait eu le même rapport. Il y a eu un rapport sur l'industrie japonaise, sur les grandes compagnies et sur la construction à Marine Industrie. Il était possible, à ce moment-là, en analysant la capacité excédentaire, de se rendre compte qu'il y aurait un effondrement de la construction navale. C'est pourquoi j'étais inquiet concernant le contrat.

Le rapport existe encore. C'est un rapport sur toutes les grandes entreprises. On pourra le retrouver dans nos papiers. On n'avait qu'à regar-

der la capacité excédentaire prévue pour savoir que la validité de ces contrats n'était pas très forte.

M. Martel: Ma deuxième question: Les raisons qui ont motivé votre départ de Marine Industrie?

M. Picard: M. Martel, c'est une question embêtante sur laquelle je n'aimerais pas parler beaucoup. J'ai eu certains conflits de philosophie de management avec la SGF. Je ne mets pas du tout le blâme sur la SGF, elle pourrait autant le mettre sur moi. Ce sont des choses qui ont été discutées et, finalement, j'ai décidé que, dans cette structure, je n'agissais pas comme j'aurais voulu le faire. Je voudrais dire très clairement, à ce moment-ci, que ce que je dis là n'est pas une critique de la SGF, mais c'est sur que nos philosophies de management ne se rejoignaient pas.

M. Martel: Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): Merci, M. le député de Richelieu. Le prochain, le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. Depuis cet après-midi, on a passablement parlé de ce cher M. Karageorgis. Je pense qu'il y aurait peut-être lieu de... En tout cas, j'espérerais énormément l'avoir ici pour pouvoir lui poser certaines questions auxquelles vous, messieurs, ne pouvez sûrement pas répondre et nous non plus ici à cette table.

Je voudrais poser une question à M. Picard qui se rapporte à la rencontre qui a eu lieu au printemps 1976 avec l'ancien ministre, M. Saint-Pierre. Compte tenu du fait que vous avez mentionné cet après-midi, ainsi que M. David, je crois, les buts de cette rencontre, je voudrais savoir quels furent les sujets discutés lors de cette rencontre et quels en furent les résultats. Je parle du gouvernement et de Marine Industrie. Quels en furent les résultats? Y a-t-il une position ferme qui a été prise en rapport avec ces fameux contrats navals? Qu'en est-il ressorti de cette rencontre? C'est ma première question. J'en aurai une additionnelle.

M. Picard: Certainement, M. Perron. L'objectif de la rencontre... La première rencontre, encore là, je ne peux pas la situer exactement. C'est certainement dans mes papiers que je n'ai pas. La première devait avoir lieu en avril ou mai, quelque chose comme cela. A ce moment-là, on partait, je pense, c'était le premier voyage de renégociation à Londres. Je voulais mettre M. Saint-Pierre totalement au courant de la situation telle qu'elle était, des problèmes qui pouvaient se poser à Londres et de l'impact que ceci pouvait avoir sur le chantier s'il n'y avait pas de résolution dans la négociation. Ce qui est arrivé à ce moment-là, c'est qu'il y a eu une solution temporaire qui a quand même sauvé quelque $80 millions à Marine Industrie. C'était le but de la visite.

Il y a eu une deuxième visite, et même une troisième où la question des garanties a été discutée, je pense.

M. David: Cela, c'est arrivé beaucoup plus tard, en juin ou juillet. Il y a eu une réunion, M. le député. Il y a eu une visite de M. Picard et de moi-même au ministre, M. Saint-Pierre, à Montréal, pour lui faire part des difficultés que Marine Industrie traversait et pour demander l'appui du gouvernement, à l'époque, dans les renégociations et les différentes possibilités qui pouvaient s'offrir, parce qu'à ce moment-là, nous faisions face à une annulation totale du contrat. La demande de l'armateur grec était d'abandonner complètement ses contrats de construction pour les dix navires qui restaient. M. Saint-Pierre nous a demandé de faire nos meilleurs efforts... Il a demandé à la direction de Marine de faire ses meilleurs efforts pour s'en sortir avec le résultat qu'une renégociation a été faite, a été complétée pour la construction de six navires.

M. Perron: Si je comprends bien, c'est à peu près la seule solution qui était préconisée par l'ancien ministre Saint-Pierre; c'était que vous fassiez le travail nécessaire pour essayer de vous en sortir. Le gouvernement, à ce moment, à la suite de l'appui que vous aviez demandé, n'a pas vraiment pris de décision carrément là-dessus.

M. David: Non, parce qu'il n'a pas été nécessaire, à cette époque, de recourir à des engagements du gouvernement du Québec. Les engagements qui ont été pris par Marine Industrie et par la Société générale de financement ont reposé, à cette époque, sur la valeur et sur le crédit des deux sociétés en question. Il n'a pas été nécessaire de recourir à des appuis additionnels au-delà du capital que l'actionnaire, qui est le gouvernement du Québec, avait souscrit dans la Société générale de financement.

M. Perron: Merci. Ma deuxième question est la suivante, et je voudrais la poser à M. Picard, ainsi qu'au président de la SGF, ou l'ancien président, s'il est ici. Quand les conseils d'administration de Marine et de la SGF ont-ils été informés officiellement et clairement de l'étendue des difficultés dans l'exécution du fameux contrat grec? C'est la première partie de ma question. A quel moment ont-ils notamment été informés de la décision de la SGF de proposer à la SEE et à la Banque de Montréal la libération du Grec en question?

M. Picard: Je peux seulement répondre à la première partie. Si j'ai bonne mémoire, j'ai tenu le conseil d'administration — c'est dans les notes du conseil d'administration — au courant de toutes les difficultés qu'on avait, peut-être pas du détail, parce que les brosses à dent et les poignées de porte, on avait d'autre chose à parler que cela. C'était quand même une partie du problème. Pour

les problèmes fondamentaux qu'on avait, je l'ai tenu au courant à mesure que les problèmes se sont présentés.

M. Perron: Vous parlez des problèmes causés par les demandes additionnelles du Grec. Vous avez même, à ce moment, si mes renseignements sont bons, à peu près vers le 25 ou le 30 janvier 1977, informé le conseil de Marine que cela pourrait, éventuellement, coûter de 25 000 à 30 000 heures supplémentaires pour les demandes qui vous étaient faites et que c'était illogique, selon vous.

M. Picard: Je ne me rappelle pas les dates. Dans un des rapports, c'est très bien décrit. Je pense que le rapport est absolument exact. D'ailleurs, les rapports qui ont été présentés sont impressionnants par leur qualité. Je veux ajouter M. Perron, que bien avant qu'on commence à parler d'heures et ainsi de suite, parce qu'au début, cela ne se posait pas tellement en termes d'heures, j'avais averti le conseil de Marine que les Grecs exagéraient et ainsi de suite, et je l'ai tenu au courant autant que c'était vrai, parce que Sphikas venait à Montréal et dînait avec moi, pour me dire: II n'y a pas de problème entre nous, on ne réglera pas dans dix minutes. J'ai toujours tenu. Il est arrivé un moment donné, où ces demandes se sont chiffrées en heures, et comme c'était indiqué dans le rapport, j'ai mis le conseil au courant des heures, cela a été 25 000, et après cela, cela a été 50 000 heures.

M. Perron: Par navire? M. Picard: Pardon?

M. Perron: Par navire.

Maintenant, vers le 25 mars 1977, il y a un rapport qui aurait été remis à Marine Industrie et qui proviendrait d'un expert indépendant de Marine. Est-ce que vous pourriez dire aux membres de cette commission quel était cet expert indépendant qui avait été retenu par Marine et quel était son travail en rapport avec...

M. Picard: M. Perron, à ce moment, je concentrais à peu près tout mon temps sur les contrats polonais, parce qu'on savait qu'on serait obligé de mettre des gens à pied rapidement, si cela ne se faisait pas. J'ai ici M. Tougas. Est-ce que vous pourriez m'aider là-dessus, M. Tougas? La question, c'est que, vers le 27 mars ou quelque chose comme cela, on a reçu un rapport d'un expert de I'extérieur. Quel était cet expert et quel était... Je m'excuse de ne pas pouvoir y répondre moi-même.

M. Tougas (Léon): Si je me rappelle bien, l'expert qu'on avait engagé, c'était Perrigo.

M. Picard: M. Léon Tougas, qui était directeur et vice-président de l'exploitation de Marine, à ce moment, va vous répondre.

Le Président (M. Michaud): D'accord. (21 h 45)

M. Tougas: L'expert qu'on avait retenu était un M. Perrigo qui est un expert d'inspection de navires... Oui?

Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous demandez la protection de la commission?

M. Tougas: Cela ne me dérange pas du tout.

Le Président (M. Boucher): D'accord. Accordé de toute façon.

M. Picard: C'est la force morale des gens de Marine Industrie.

M. Tougas: M. Perrigo est un expert qui connaissait beaucoup la construction des bateaux, il connaissait la façon dont les bateaux étaient faits au Canada; alors, il est venu chez nous et a regardé la façon de construire — il la connaissait d'ailleurs précédemment — et il nous a écrit un rapport selon lequel les bateaux étaient faits selon les standards canadiens, qu'ils n'étaient pas meilleurs ni pires que les autres bateaux canadiens.

Le Président (M. Boucher): Ce nom de...

M. Tougas: P-É-R-A-G-O.

Le Président (M. Boucher): Une compagnie de Montréal?

M. Martel: Une compagnie grecque?

M. Tougas: Non, une compagnie de Canadiens anglais, mais monsieur parle français comme vous et moi.

M. Martel: Parfait.

M. Picard: P-e-r-r-i-g-o.

M. Tougas: Peut-être, en tout cas...

M. Perron: Disons que, pour le moment, M. le Président, j'ai terminé, mais on est ici jusqu'à demain soir et...

Le Président (M. Boucher): D'accord. Maintenant, M. le député de Marguerite-Bourgeoys; avec l'accord de la commission parlementaire, peut-être qu'on pourrait passer son droit de parole au député de Saint-Laurent?

M. Lalonde: Allons-y.

M. Forget: Je n'avais qu'une question à poser — je pense que c'est la personne appropriée — à M. Picard. Dans la période où il a été président de Marine Industrie, est-ce qu'il y a eu des modifications dans les procédures ou les programmes de contrôle de la qualité ou est-ce que c'est essentiellement de la même façon qu'on a procédé, avec les mêmes gens?

M. Picard: Essentiellement, c'est de la même façon.

M. Tougas: Nous avions produit huit bateaux précédemment avec un contrôle de qualité donné, avec des résultats satisfaisants; on continuait exactement sur la même route.

M. Forget: Dans le rapport de Marine Industrie, il y a un paragraphe au début de la page 10; je ne sais pas si on la rédigé comme cela un peu accidentellement, je suis porté à croire que non. On semble, parce qu'on les met dans le même paragraphe, établir une relation avec les négociations pour les bateaux polonais; on prend soin d'indiquer qu il y a des cadres qui doivent s absenter et le problème qui est soulevé au même moment par des inspecteurs envoyés par l'armateur grec. Est-ce qu on veut attirer I'attention sur une relation qu'il y aurait entre ces deux choses ou si cela n'a aucun rapport?

M. Picard: D'après moi, cela n'a aucun rapport, et cela en a un évidemment. Quand les gens sont occupés à une place, ils ne peuvent pas être ailleurs, mais les bateaux sont construits par les gens de l'usine et les négociations étaient faites par ce qu on appelle du "staff" qui, évidemment n'était pas là non plus pour aider, répondre aux questions, supporter, prendre des décisions et ainsi de suite. Mais on ne peut pas dire qu'il y a eu transformation dans les processus de l'usine, à ce moment-là, parce que ce ne sont pas les gens de I'usine qui ont été négocié les contrats, ce sont des gens comme le vice-président aux finances, le vice-président du marketing, le vice-président en construction navale qui est un "staff désigner", des architectes pour les spécifications; alors, les deux types de travaux ne sont pas réunis. On n a pas pris des gens qui font marcher l'usine pour aller négocier. Je ne me rappelle pas qu'il y en ait eu, M. Tougas.

M. Tougas: Non.

M. Picard: Seulement, le fait est que Marine Industrie, qui était déjà un peu à court, a été un peu étirée sur tous les plans et que, pour certains, le problème fondamental était d'essayer de faire le meilleur travail sur le chantier et, pour d autres, la préoccupation fondamentale était de ne pas avoir 2000 bonshommes sur les bras qui sont chômeurs six mois après. Alors, il est sûr qu'à ce moment-là, Marine Industrie était diablement étirée. Les journées de 17 heures de travail n'étaient pas inusitées. Dans ce sens, on peut dire... Mais, il n'y avait pas de relation entre les gens qui travaillaient à une place et l'usine elle-même, le chantier lui-même qui était exploitée par les gens du chantier. Cela m'apparaît — si on veut l'étirer comme je l'ai expliqué — qu'il y a une certaine relation entre les deux, mais ce n'est pas une relation qui peut expliquer le harcèlement et ces choses ou le changement de fabrication sur les chantiers. Autrement dit, les équipes qui travaillaient aux négociations n'étaient pas les mêmes équipes que celles qui travaillaient sur les chantiers. Il y a eu des choses comme des évaluations de coûts qu'il a fallu faire ensemble et qu'on faisait évidemment régulièrement.

Donc, on peut dire que l'équipe de Marine à ce moment était considérablement étirée, mais pas de façon qu'elle manque de supervision, ou de telles choses.

Est-ce que je réponds à votre question?

M. Forget: Tout à fait. Je vous remercie.

Le Président (M. Michaud): A votre tour, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: M. le Président, je vais essayer d'être le plus bref possible, afin de donner la chance à mes collègues de poser des questions. Cela m'a fait plaisir cet après-midi d'entendre toutes les questions qui ont été posées et les réponses. Je suis convaincu que je n'adopterai pas la même attitude qu'un citoyen qui disait: Je ne paie pas mon électricité, parce que c'est notre affaire à nous. Mais je comprends que la Société générale de financement est actionnaire d'une compagnie qu'on appelle Marine Industrie et qu'elle connaît des difficultés pour lesquelles on demande des fonds additionnels. Je crois que la raison même de cette commission, c'est de tâcher de faire la lumière à la satisfaction des membres de la commission sur le problème qui semble exister. Parce qu'il semble y avoir deux écoles de pensée actuellement et cela semble être un peu embrouillé. Malgré toutes les questions qui ont été posées et les réponses, il y a des points qui ne sont pas tout à fait clairs encore.

Ma première question, si vous me permettez, M. le Président, j'aimerais la poser à M. Simard qui a été président de Marine de 1963...

M. Simard (Arthur): Président du conseil...

M. Russell: ... à 1975. De toute façon, j'aimerais savoir de M. Simard qui a pas mal d'expérience dans la fabrication et dans la vente des bateaux, ce qu'est une commission normale dans ce domaine. Je ne connais pas cela M. Simard, et je voudrais savoir ce qu'on appelle une commission normale. C'est fait par des agents industriels normalement. Je pense que c'est la façon dont on procède par la vente de bateaux. Il doit y avoir un point un peu comme un agent d'immeubles. Que paie-t-on comme commission?

M. Simard (Arthur): Là-dessus, je dois vous dire que de 1963 à 1976, j'ai été président du conseil d'administration, ce qui veut dire que je ne m'occupais pas des opérations et je laissais au président, vice-président, M. Rochette dans son cas — ils l'ont remplacé par la suite — toutes ces choses qui étaient faites à leur niveau.

Comme président du conseil, je supervisais et je ne prenais même pas part aux discussions, parce que je considérais que cela ne me regardait pas.

Maintenant, les questions de commission. Par expérience, je peux vous dire qu'elles sont varia-

blés selon les contrats que vous négociez, surtout dans un cas où le client est au courant de la commission et qui vous dit: La commission, vous l'ajouterez au prix. Mon Dieu, si une commission de 1%est normale, si le gars dit: Mettez-en 3% mais demandez-les-moi, je vais lui demander n'importe quoi. C'est ainsi que j'interprète cela. D'abord que le gars est au courant et qu'il accepte de payer, on dit: C'est son argent. C'est parce que cela a mal tourné. Si cela avait bien tourné...

La situation mondiale des bateaux...

M. Russell: Je voudrais que M. Simard m'excuse. Je n'ai pas compris sa réponse. Je pensais que vous étiez un homme du métier...

M. Simard (Arthur): Oui.

M. Russell: ... étant donné que vous avez été mêlé à cela et, chez nous, dans d'autres domaines...

M. Simard (Arthur): J'ai été 40 ans à Marine Industrie.

M. Russell: ... comme les agents d'immeubles, ils ont une commission normale qui est reconnue ainsi. Celles qui ne sont pas normales, on sait que cela peut varier de 1% à 25%. Cela n'a pas d'importance; mais qu'est-ce qui est reconnu dans le métier comme une commission normale, soit à Marine Industrie ou à la Davie Shipbuilding ou à d'autres industries que vous connaissez du même genre? Il doit y avoir une norme de commission qui est reconnue et qui est exigée par les agents industriels.

M. Simard (Arthur): Ce que je peux dire, c'est que c'est variable. Je ne peux pas vous en dire plus long, parce que je n'ai jamais négocié de commission moi-même.

M. Tremblay: Avec la permission du député de Brome-Missisquoi...

Le Président (M. Michaud): Excusez, M. le ministre. Je crois que M. Rochette voulait ajouter un complément de réponse.

M. Rochette: Je dois d'abord dire que le paiement de commission ou l'utilisation de courtiers à l'échelle mondiale pour vendre des navires de la part des chantiers canadiens est un phénomène assez récent. Cela a commencé en 1971 quand le gouvernement fédéral a commencé à nous accorder une subvention à l'exportation, parce qu'avant cela, nous ne vendions pas de navire à l'échelle internationale. C'était uniquement sur le marché canadien et, sur le marché canadien, nous ne faisons pas affaires avec des courtiers. Nous faisons directement affaires avec le client. Même sur le marché international, cela arrive. Avec Cuba, par exemple, je me souviens qu'il n'y a pas eu de courtiers qui ont agi entre Cuba et Marine. Cela a été fait directement. A ma connaissance, dans les contrats des différents chantiers canadiens depuis 1971, les commissions ont varié entre 1% et 5% et la moyenne semble être autour de 2%.

M. Tremblay: Avec la permission du député de Brome-Missisquoi, sur cette question qui m'apparaît extrêmement importante — et je félicite le député de l'avoir soulevée — je crois qu'on a établi que pour les bateaux français qui avaient été vendus avant 1972 ou construits — il y en avait sept — la commission était de moins de 1%, je crois.

M. Rochette: 0,90%.

M. Tremblay: Oui. Et pour les bateaux grecs, elle était de 3,03%.

M. Martel: 3,1% pour les grecs.

M. Tremblay: Pour les autres, je pense que c'étaient les polonais.

M. Martel: C'est trois fois plus.

M. Tremblay: De toute façon, cela a varié considérablement.

M. Martel: Dans peu de temps.

M. Tremblay: La chose qui est intrigante et qui devrait peut-être être éclairée, c'est qu'il est évident, comme l'a dit tout à l'heure, je pense, M. Rochette, que cela ne coûtait rien à Marine ni aux Québécois puisque la commission était ajoutée au prix et que, par conséquent, il y avait un transfert. Mais moi, comme économiste, je crois qu'il n'y a rien de gratuit et qu'il y avait sans doute quelqu'un qui profitait de cette mesure parce qu'en augmentant le prix des bateaux, on augmentait aussi la subvention fédérale de 17%.

M. Rochette: En autant que la subvention était payée sur la commission. Mais j'ignore si elle l'a été.

M. Tremblay: D'accord. Donc, il y avait un intérêt pour l'armateur grec à gonfler le prix pour avoir une subvention plus importante de la part du gouvernement fédéral.

M. Rochette: Même s'il avait eu la subvention sur la commission, il en aurait tout de même payé 83%.

M. Tremblay: Oui, bien sûr, mais il y avait un financement qui accompagnait et le financement était gonflé aussi.

M. Rochette: Moi, je peux me permettre de faire des suppositions, de spéculer. Le courtier en cause était le courtier attitré de Karageorgis et il était son courtier pour tous ses affrètements de navires, pour toute sa flotte. Alors, peut-être qu'il

trouvait là un moyen de le payer, à travers la construction de navires, pour des services qu'il lui rendait ailleurs. C'est une spéculation que je fais, une supposition que je fais. Je l'ignore.

M. Tremblay: Mais la commission que Marine versait de 3,03% allait à Simpson, Spence and Young International Development Agencies des Bermudes. Elle n'était pas versée directement à l'armateur Karageorgis.

M. Rochette: Non, elle était payée au courtier.

M. Tremblay: Elle était payée au courtier. A votre connaissance est-ce que le courtier versait une partie de sa commission à Karageorgis?

M. Rochette: Non. D'ailleurs cela a été la question précise qui a été posée par le ministère de l'Industrie et du Commerce ou la SEE à savoir s'il y avait un retour de Simpson, Spence and Young à l'armateur.

M. Tremblay: Un instant. Pourquoi la commission était-elle tellement importante? Parce que si l'armateur ne recouvrait pas la commission qui avait été ajoutée au prix de vente qu'il payait, pourquoi cette commission aussi importante au courtier Simpson, Spence and Young alors que dans les autres transactions c'est à peu près 1% et un peu moins?

M. Rochette: II y a eu 2% dans un autre cas. Il y a eu des cas où il y en a eu plus que cela, mais les seuls qui pourraient vous répondre ce sont Simpson, Spence and Young et Karageorgis. Nous n'avons fait qu'exécuter leurs instructions.

M. Russell: ...

Le Président (M. Michaud): D'accord.

M. Russell: Je vais lui redonner la parole, mais je vais compléter là-dessus. Ce qui m'intéresse c'est de savoir si cette compagnie, d'abord, était installée aux Bermudes. Je pense que vous avez dit cet après-midi qu'elle avait un bureau aux Bermudes.

M. Rochette: Ses deux principaux bureaux étaient à Londres et à New York, mais elle a aussi un bureau à Vancouver et un aux Bermudes.

M. Russell: L'autre question qui me vient à l'esprit: est-ce que ces commissions ont toutes été payées à la société qui est installée aux Bermudes?

M. Rochette: Je l'ignore.

M. Russell: Est-ce que quelqu'un ici, ex-président ou président actuel de Marine, peut nous informer à savoir si les paiements ont été faits à la société qui est installée aux Bermudes?

M. Scowen: C'est dans le livre, c'est dans le mémoire.

M. Russell: M. Coulombe, vous êtes... Une Voix: C'était effectivement...

M. Russell: Après vérification, cela a été payé au siège des Bermudes. Ce qui me frappe le plus, M. le Président, c'est qu'il semble que le montant que ce monsieur grec a payé pour les bateaux soit pas mal apparenté ou le même montant que le dépôt qui a été fait sur les bateaux. De toute façon, on reviendra là-dessus tout à l'heure. Je voudrais savoir du président de la SGF si, à son arrivée, il a fait un relevé pour savoir s'il y a eu plusieurs rapports qui ont été faits sur Marine depuis que la Société générale de financement a acquis Marine à 60% et, à la suite, combien il y a eu de rapports qui ont été faits sur la rentabilité et le fonctionnement de Marine Industrie.

M. Coulombe: Depuis que la SGF a acquis des intérêts dans Marine Industrie?

M. Russell: Oui, est-ce que cela vous a intéressé de vérifier s'il y avait eu des rapports de rentabilité qui avaient été faits avant votre arrivée? (22 heures)

M. Coulombe: Oui, il y a eu beaucoup de rapports de faits, des études techniques sur les chantiers, des études d'acquisition potentielle, mais je n'ai pas trouvé — ça existe peut-être mais je ne les ai pas en main et je ne les ai pas trouvées — ce que vous appelez des études de rentabilité des opérations de Marine Industrie. Il y avait peut-être des études internes, mais, avec le sens que vous lui donnez, je n'en ai pas trouvé. Il y avait beaucoup d'études techniques.

M. Russell: Est-ce que je dois comprendre que la SGF, qui a acheté une industrie de l'importance de Marine Industrie, n'a jamais fait faire de rapports sur Marine Industrie, rapports de rentabilité d'exploitation?

M. Coulombe: Depuis les débuts, 1963, les premiers achats, c'est-à-dire 1965, il en a peut-être existé, je ne les ai pas vus.

M. Russell: Est-ce que M. Simard pourrait nous dire si, à sa connaissance, il y a eu de ces rapports, de ces études qui ont été faits par des tierces personnes?

M. Simard (Arthur): Certainement. En 1965, quand la famille Simard a décidé de vendre 60% de Marine Industrie à la SGF, la SGF nous a envoyé un régiment de gars pour regarder tous nos livres, voir si c'était payant, si c'était une belle affaire pour elle. Ce n'était pas un cadeau qu'elle nous faisait. En 1965, elle a fait une étude approfondie et cela a été sur la recommandation... Nous, si nous vendions à ce moment-là, je peux bien

vous donner la raison principale, c'est que mon père venait de mourir. C'est pour ça qu'on vendait, pas parce qu'on était mal pris, pas parce que cela allait mal.

M. Russell: M. le Président, je ne cherche pas à trouver des péchés ou à blâmer les administrateurs passés...

M. Simard (Arthur): Non, mais vous demandez...

M. Russell: ... mais je voudrais savoir s'il y a des documents qui existent, parce qu'à ma connaissance, j'ai appris par les journaux et d'autres façons, qu'il y aurait des rapports, des études qui se faisaient et on semble ne pas posséder aucun de ces rapports.

M. Simard (Arthur): Je crois...

M. Russell: II me semble que le nom de Drouin et Paquet me dit quelque chose.

M. Coulombe: J'ai compris que vous m'aviez demandé si j'en avais trouvé, lorsque je suis arrivé. Peut-être qu'on a mal cherché, mais je n'en ai pas trouvé. Peut-être que les résultats de la visite du régiment dont M. Simard parle, n'ont pas été compilés entre deux couverts; si cela l'était, on ne l'a pas trouvé. Depuis le mois de mai, on a systématiquement étudié Marine Industrie. On a fait des études — qui sont encore à l'état préliminaire — de rentabilité, au sens strict du terme, de chacune des divisions, avec la collaboration des officiers de Marine Industrie, c'est sous l'angle de la rentabilité des divisions, des wagons hydroélectriques et de la construction navale, et aussi de foresterie. On a essayé de systématiser ces données dans le passé, on a reculé dans le passé, on a cherché quels étaient les problèmes financiers qui existaient à Marine Industrie.

Ces documents sont encore sous forme préliminaire, parce qu'on l'a fait en collaboration avec tout le management actuel de Marine Industrie, ils sont en discussion à l'intérieur de Marine Industrie, sous l'angle qu'on pourrait appeler rentabilité financière et sous l'angle opérationnel.

En plus, depuis six mois, on a poursuivi certaines études qui avaient été demandées par le conseil d'administration de Marine Industrie, à partir des événements de l'été 1977, où la crise a éclaté dans toute son ampleur et où le gouvernement du Québec est intervenu. A partir de ce moment-là, il y a eu, pour expliquer les faits, d'abord, le rapport de M. David, expliquant ce qui s'était passé dans le cas des bateaux, mais cela se limitait aux bateaux. On ne parlait pas de l'hydroélectrique ou des wagons. Cela a été poursuivi par une étude plus en profondeur, faite par un consultant, qui a fouillé...

M. Russell: ... Daniel Wermenlinger.

M. Coulombe: ... M. Daniel Wermenlinger.

M. Russell: Est-ce que vous avez l'intention de déposer ce rapport ou si c'est confidentiel?

M. Coulombe: C'est-à-dire que ce rapport était un rapport d'étape qui, en quelque sorte, à partir des données de M. David, poussait plus loin certains problèmes, comme ceux dont on a discuté durant tout l'après-midi. A partir de ce rapport, le conseil d'administration de Marine Industrie et de la SGF, parce que, lorsqu'on est arrivé, on a fait des changements assez majeurs au conseil d'administration de Marine Industrie, pour essayer d'unifier l'approche à prendre vis-à-vis de Marine Industrie, car il y avait des problèmes extrêmement considérables...

Le conseil d'administration a demandé aux vérificateurs de Marine Industrie, à partir des données du rapport de M. David, à partir des données du rapport de M. Wermenlinger, d'approfondir toute la question reliée au contrat des bateaux grecs, en se demandant si les circonstances qui avaient amené cette situation s'étaient représentées dans le cas des bateaux polonais. C'était le contrat actuellement en cours. On vous avoue que la frousse nous prenait après ce qui s'était passé. On se demandait: Est-ce que, dans le cas des bateaux polonais, on s'en va dans une autre série de problèmes? Ce rapport a été fait par les vérificateurs de Marine Industrie, sous la direction de M. Desmeules. Le rapport a été remis il y a quelques semaines.

M. Russell: Vous avez demandé un rapport à M. Desmeules?

M. Coulombe: C'est cela.

M. Russell: Est-ce que M. Desmeules a fait un rapport complet?

M. Coulombe: II a remis un rapport au conseil d'administration de Marine Industrie qui l'a étudié au conseil d'administration de la SGF. Il y a certaines décisions qui ont été prises à partir de ce rapport, décisions que je vous ai communiquées ce matin, dans le résumé de la situation, lorsque je disais que les vérificateurs ont soumis — lorsque je parlais des vérificateurs, c'était le rapport de M. Desmeules et de ses collègues — ce rapport au conseil d'administration de Marine Industrie et celui-ci a récemment décidé de confier à une firme d'avocats l'étude de ce rapport et de toute la documentation pertinente afin de dégager et préciser les droits et réclamations que MIL pourrait faire valoir à l'occasion de la négociation avec l'armateur grec en question, en septembre 1979. Il faut toujours se rappeler que nous sommes toujours liés par contrat avec M. Karageorgis pour acheter trois bateaux en 1979.

M. Russell: On va y arriver tout à l'heure.

M. Coulombe: On a demandé à ces avocats, de même qu'aux auteurs du rapport, de préciser aussi certaines des conclusions qui pouvaient se

dégager de l'étude de ce qui s'était passé, tant pour les contrats grecs que pour les contrats polonais. Cela est en marche à l'heure actuelle.

De plus, afin d'éviter la répétition d'une telle situation, une politique globale de gestion est en voie de préparation par la direction de MIL, en collaboration avec les officiers de la SGF. Cela se fait conjointement et elle sera présentée au conseil d'administration de MIL avant le 30 janvier 1979. Quand on dit une politique globale de gestion, cela va comprendre certains éléments qui vont concerner les commissions dans l'avenir. Il existe, dans certaines corporations, surtout à la suite de certains événements qui sont arrivés aux Etats-Unis ou ailleurs, ce qu'on peut appeler des codes d'éthique concernant ce genre de problème. On a l'intention d'en mettre un clairement dans les règlements et de Marine Industrie et de la SGF concernant le problème des commissions, problème qui existe dans toutes les affaires internationales où il y a des intermédiaires. En soi, il n y a rien de dramatique là-dedans. Ce qui est dramatique, c'est lorsque cela ne découle pas de décisions formelles du conseil d'administration à partir d'un code d'éthique, et c'est ce que l'on a l'intention de "raffiner", en collaboration avec Marine Industrie, pour que cette situation soit beaucoup plus claire à l'avenir.

Donc, le rapport est entre les mains de la SGF. En toute honnêteté, si vous me posez la question: Est-ce qu'il devrait être déposé? On est en train de l'étudier, on est en train de le mettre à exécution. Il y a des avis juridiques qu'on attend sur ce document. Nous préférerions continuer cette étude, quitte à ce que les conclusions qui pourraient s'en dégager, tant au point de vue juridique, parce qu'elles vont être dans les négociations avec M. Karaqeorpis qui vont être extrêmement délicates dans les prochains mois, qu'au point de vue interne, en termes de gestion, d'élaboration de code d'éthique et ainsi de suite, lorsque cela sera en place, il n'y aura aucun problème pour les communiquer soit à la commission, soit...

M. Russell: Est-ce qu'il y avait un rapport Drouin-Paquin?

M. Coulombe: Drouin-Paquin, c'est un autre exercice qu'on a entrepris, parallèlement à tous ces travaux, parce que, même s'il fallait creuser le passé pour apprendre comment manoeuvrer l'avenir, il fallait quand même aller directement aux problèmes qu'affrontait Marine Industrie et, en collaboration, encore une fois, avec le management de Marine Industrie, on l'a mis sur pied, à l'intérieur de Marine Industrie. Le conseil d'administration a formé un comité spécial, composé de membres du conseil d'administration ainsi que du président, le chef des opérations et le chef de la direction de Marine Industrie, ainsi que certains vice-présidents pour examiner à fond l'avenir de Marine Industrie, non pas en termes d'une planification à long terme très générale, mais en termes extrêmement concrets: Qu'est-ce qui va arriver à Marine Industrie dans les prochaines années ou dans les prochains mois?

C'est un comité de planification du conseil d'administration et, pour accélérer les travaux, la firme Drouin, Paquin est engagée pour donner un coup de main, en termes logistiques, en termes d'organisation, mais le travail est fait à l'intérieur de Marine Industrie par les officiers de Marine Industrie. Il y a un rapport préliminaire qui est prêt. Je dis bien qu'il est préliminaire. Il est prêt. Il est étudié à l'heure actuelle dans les deux organisations, la SGF et Marine Industrie. Cela permet en quelque sorte de donner un sens à l'hypothèse de plan de conversion qui sera discuté dans la deuxième partie de vos travaux à la commission parlementaire.

M. Russell: Si je comprends bien, actuellement, la SGF a fait faire trois ou quatre rapports presque parallèles?

M. Coulombe: Oui. Ils avaient des objectifs différents. Il y en a qui étaient pour...

M. Russell: II y en a eu d'autres aussi qui ont été faits, n'est-ce pas?

M. Coulombe: Pardon?

M. Russell: D'autres rapports préalablement à cela ont été faits, je crois, que vous n'avez peut-être pas retrouvés dans les fichiers?

M. Coulombe: C'est votre question de tout à l'heure. S'il y avait eu des études de rentabilité dans le passé, en toute honnêteté, il y en a peut-être dans quelque tiroir quelque part, mais moi, je ne les ai pas vues.

M. Russell: II n'y a pas le rapport Hogue qui a été fait? Il me semble avoir vu cela quelque part.

M. Coulombe: Hogue?

M. Russell: Hogue?

M. Coulombe: En tout cas!

M. Russell: Je pose la question. Je parle simplement de mémoire. M. le Président, je pense que ces rapports sont drôlement intéressants. Etant donné que la commission est intéressée à connaître la situation, je pense qu'on devrait peut-être s'engager à ne pas divulguer dans le grand public les noms, mais je pense qu'on devrait demander, s'il y a possibilité, d'avoir copie de ces rapports. La SGF continuera à les étudier avec le ministère de l'Industrie et du Commerce et fera des applications sur les recommandations.

M. Tremblay: M. le Président, j'allais intervenir, mais je vais faire un commentaire sur votre dernière phrase. Je pense qu'il n'y aurait pas objection — le président de la SGF peut peut-être me corriger — que les membres de la commission puissent aller consulter ces rapports auprès du secrétaire de la commission sous le couvert de la confidentialité. Je crois que ces rapports contien-

nent des renseignements chiffrés et confidentiels...

M. Coulombe: Sur la concurrence et sur le degré de...

M. Tremblay: ... qui pourraient porter préjudice à l'entreprise s'ils étaient divulgués, mais je présume que... Est-ce que je me trompe, M. le président, que vous n'auriez pas objection que les membres de la commission qui le désirent puissent aller consulter, auprès du secrétaire des commissions, ces rapports sous le couvert de la confidentialité?

M. Lalonde: M. le Président, je ne sais pas à quelle règle de confidentialité le ministre fait allusion. Je sais que les membres de l'exécutif sont assermentés de cette façon-là, mais les membres de l'Assemblée nationale, je pense, ne sont pas liés à aucune confidentialité.

M. Tremblay: Non, mais cela pourrait être un engagement que nous prenions.

M. Lalonde: Ce serait un engagement personnel. Je ne sais pas dans quelle mesure...

M. Tremblay: Personnel.

M. Coulombe: Si je pouvais me permettre une remarque concernant ce genre de rapport, vous savez qu'opérer des changements dans certaines organisations qui traversent des périodes extrêmement difficiles, même si ces périodes difficiles ne dépendent pas de la qualité des individus qui sont là mais qu'elles dépendent de circonstances souvent externes, remettre en marche un processus de changement avec des rapports qui définissent des problèmes réels dans l'entreprise et qui définissent la position concurrentielle de l'entreprise par rapport à d'autres entreprises, si on veut vraiment pouvoir avancer dans ce genre de travail et avoir la collaboration des cadres, des entreprises, du groupe SGF, on voit difficilement comment on pourrait les motiver si toutes ces études deviennent des documents publics. Même si évidemment la confidentialité existe, cela donne néanmoins une coloration assez spéciale à ce genre d'étude et si on veut avoir les coudées franches dans ce genre de chose, je pense que le moyen de juger cela, c'est plutôt par la performance éventuelle des entreprises — dans le cadre de la discussion qu'on a actuellement, c'est un mot qui devrait être entre guillemets — qu'il faudrait être jugé et non pas par le contenu d'un rapport précis sur un sujet précis.

M. Forget: M. le Président, sur le même sujet, est-ce qu'on me permettrait d'intervenir brièvement?

Le Président (M. Marcoux): Un instant! Avant de vous céder la parole, je voudrais rendre la décision que je devais rendre tantôt concernant la question que le député de Richelieu a posée. Je vous informe que je prends en délibéré la décision, à savoir si la commission peut ou non obliger M. Rochette à répondre à la question formulée par le député de Richelieu. Pourquoi? Parce qu'on a allégué — c'est la raison pour laquelle je la prends en délibéré — que la question avait directement trait à une affaire dont les tribunaux sont présentement saisis. Je dois prendre du temps pour examiner cette question parce qu'on ne m'a fourni aucune jurisprudence à cet effet et cela suppose, évidemment, certaines recherches. De plus, ce n'est pas tous les jours que la présidence est saisie d'un tel problème. La prudence commande d'y réfléchir pour être certain que les droits de l'Assemblée nationale et ceux des personnes qui comparaissent devant ces commissions soient respectés. (22 h 15)

La décision ou le présent délibéré concerne ce cas précis, mais je juge utile de rappeler la règle générale qui est la suivante, telle que formulée par l'ensemble des auteurs, mais plus particulièrement par l'auteur Cushing qui dit qu'un témoin ne peut refuser de répondre à une question sous le prétexte que sa réponse peut l'exposer à une poursuite civile ou criminelle, qu'il a fait le serment de ne pas révéler les faits sur lesquels on l'interroge, qu'il est tenu au secret professionnel ou que son avocat l'informe qu'il ne peut répondre sans courir le risque de s'incriminer ou de s'exposer à une poursuite civile.

Vous n'ignorez pas, M. l'avocat, que l'Assemblée et ses commissions, tout comme la Chambre des communes à Ottawa ou la Chambre des communes à Londres, ont le statut de "High Court" et qu'elles ne peuvent donc pas avoir moins de pouvoirs à l'égard des témoins que les tribunaux de droit commun. Comme vous avez soulevé un problème précis concernant le fait qu'il y avait une cause pendante devant les tribunaux qui concernait cette question, je la prends en délibéré.

Maintenant, je demanderais au député de Saint-Laurent de poursuivre sur le même sujet.

M. Forget: Peut-être que M. Coulombe veut compléter sa réponse.

Le Président (M. Marcoux): Vous voulez compléter?

M. Coulombe: J'aurais peut-être un dernier point à apporter en faveur de l'argument que j'essaie de développer. Dans à peu près toutes les filiales, ou enfin toutes les sociétés du groupe SGF, on est en collaboration avec d'autres partenaires, que ce soient des compagnies du Québec, des compagnies de la Colombie-Britannique, françaises, suisses. Avec ces collaborateurs, il va falloir entreprendre, dans beaucoup de cas, des études internes assez techniques et assez précises d'environnement de la corporation et ainsi de suite. On ne voudrait pas se mettre dans la position où on serait obligé de leur dire que certains rapports internes suivent une filière qui pourrait, dans leur milieu, dans leurs traditions et dans la tradition de concurrence, être compliquée.

M. Tremblay: M. le Président, sur cette question et avec la permission du député de Brome-Missisquoi, la question des rapports internes de l'entreprise pose un problème, parce que si la confidentialité était brisée, des préjudices pourraient s'ensuivre pour l'entreprise, les ententes de confidentialité que l'entreprise a elle-même avec d'autres entreprises, etc. Il y a deux solutions à cela: La première, c'est celle que je mentionnais, c'est-à-dire qu'un membre de chacun des partis d'Opposition puisse consulter, sous le couvert de la confidentialité, le rapport Paquin et le rapport des vérificateurs, c'est à cela qu'on fait allusion. C'est la première possibilité. Je pense que c'est très risqué. L'autre solution, c'est que vous nous donniez les principales constatations qui découlent du rapport des vérificateurs. Le rapport Paquin, c'est un rapport interne et technique, opérationnel. Le rapport des vérificateurs...

M. Coulombe: Est de nature différente.

M. Tremblay: ... évidemment, est de nature différente, parce qu'il portait sur les analyses que vous avez fait faire sur la question des commissions, etc. Si cela convenait aux membres de la commission, on pourrait demander au président de nous faire part des principales constatations de ce rapport. Nous n'aurions pas à courir le risque de rendre public un rapport de la SGF qui doit demeurer en sa possession, puisqu'il s'agit d'un rapport interne.

M. Russell: M. le Président, je ne veux pas insister plus que cela. Je vois qu'on se sert d'excuses pour ne pas déposer le rapport. La SGF, aussi bien que Marine, a des avantages sur ses concurrents, et de beaucoup. Elle ne paie pas de taxes, elle se fait poursuivre pour des taxes de vente et elle ne paie pas d'impôt. Les concurrents devraient se plaindre, pas elle. Maintenant, je pense bien que la commission ne veut pas avoir le rapport et se mettre à crier dans les rues qu'il s'agit du rapport d'administration, parce que Marine est une des succursales de la SGF, mais il y en a beaucoup d'autres aussi qu'on va questionner tout à l'heure. Ce n'est pas tellement intéressant, et je sais qu'elles sont en concurrence avec l'entreprise privée. Je pense qu'on est justifié de savoir ce qui se passe là. Je ne vois pas tellement de grands secrets dans cela, d'abord, parce qu'on a une grosse partie de l'information, mais ce que je n'aime pas, c'est la façon dont cela nous vient. On nous présente le climat qui existe actuellement et on nous dit qu'il est très mauvais chez les ouvriers. On veut savoir ce qu'il y a de vrai dans cela. On est venu ici cet après-midi, on a questionné et on y va objectivement. On ne veut pas passer pour des policiers ou des enquêteurs. On veut savoir quels sont les faits. On questionne et on a des embryons de réponses. Moi, cela me surprend et me renverse. Je vais revenir à ce que disait mon concitoyen quand il ne voulait pas payer sa facture d'électricité: Cela doit être notre affaire, si la SGF nous appartient à 100%. Au prix que cela nous coûte, cela commence à être drôlement intéres- sant; le contribuable doit commencer à être intéressé, et je le représente ici. Donc, si je le représente, mon devoir est de questionner et de connaître le fonctionnement de ces bebelles, comme dirait le député de Johnson.

On commence à parler de confidentialité, il ne faut pas que cela sorte, etc. Je n'ai pas d'objection, s il y a des grands secrets dans la question de mise en marché, qu'on barre cela, qu'on fasse une photocopie, qu'on en enlève une partie et qu'on donne le reste des rapports pour savoir ce qui se passe dans cette boîte. Cela sera beaucoup plus d'avance que de passer deux ou trois jours ici à vous poser des questions et à avoir des embryons de réponse, alors que tout le monde se surveille et a peur de répondre ou d'emboîter l'un ou l'autre.

M. le Président, ce n'est pas mon intention — et je pense parler pour la majorité des membres de la commission — on ne veut embêter personne. On veut savoir la vérité, ce qui se passe dans cette boîte. Dieu sait que, quand je rentre dans mon industrie, si je veux savoir ce qui se passe, je vais au fond. Je suis surpris d'une réponse que j'ai eue tout à l'heure à une question posée à un ancien président qui me dit: Je ne savais pas quelle commission on payait. Je peux vous dire que, chez nous, je connais les commissions qui sont payées. Ce n'est peut-être pas aussi gros que Marine Industrie, mais je connais les commissions qui sont payées et cela me surprend qu un administrateur ne connaisse pas les commissions. Il a peut-être pensé que ce n'était pas sa responsabilité et il doit laisser à celui qui était responsable le soin de répondre. Je ne lui en fais pas de reproche. Même si on nous dit que Marine Industrie est à la porte de la faillite aujourd'hui, elle a été tout près de la porte de la faillite il y a dix ans. Ce n est pas une affaire qui est fonctionnelle. Cela a marché, cela a donné un coup, parce qu'on a signé un contrat pour 18 bateaux; cela a fait un peu d'inflation et, après cela, cela a fait un "flop".

Je voudrais revenir à la réponse à ma question qui ne me semble encore pas claire. Cet après-midi, M. Rochette a dit qu'à sa connaissance — et je pense bien que c'est de bonne foi — il y a eu un contrat qui a été fait pour 18 bateaux. J'espère que ce n'était pas un bateau qu on nous a monté. Six étaient faits et douze étaient renégociables. Par les informations qu'on possède, est-ce qu'il est vrai qu'il y en a six qui ont été fabriqués, vendus, expédiés, sans problème, sans plainte, sans enquête. Il y a certes eu des certificats qui ont été émis, parce que c'est Lloyd's, qui s occupait d assurer ces bateaux, je pense bien que l'assurance donnait des certificats dans ces cas-là, a émis les certificats. D'autres bateaux ont été fabriqués à la suite de la commande des douze. Je comprends mal ou je ne comprends pas, s'il y avait un contrat qui vendait 18 bateaux, dont six qui étaient faits et qu on en a fabriqué d'autres sur les douze autres, qu'il n y ait pas eu une négociation ferme à ce moment où il n'y avait pas un lien qui reliait tout cela légalement.

Quand on me dit qu'il y avait une kyrielle d avocats qui participaient à cela, j'y perds mon latin. Je ne suis pas un avocat, c'est évident, mais je

ne peux pas croire que deux, trois, quatre, cinq avocats se sont permis de laisser passer des affaires comme celles-là. Même si on nous dit que le Grec est un fin filou — je ne me servirai pas d autres expressions — c'est un gars habile — je ne lui en veux pas, c'est à nous de nous protéger contre ces gens. Je sais que ce n est pas facile. J'ai eu d'autres négociations avec des sociétés françaises l'autre jour. Elles non plus ne sont pas faciles, mais c'est à nous de nous protéger. Quand on prend des avocats, je pense bien que ce n'est pas seulement pour avoir quelqu'un pour corriger des expressions françaises fautives.

Le Président (M. Marcoux): M. le député, est-ce que vous pourriez essayer de vous résumer, parce que la liste est longue encore de ceux qui voulaient intervenir et...

M. Russell: D'accord, je m'excuse. Je vais simplement terminer par une petite question très simple. Je demande à M. Rochette, qui est peut-être celui qui est le plus en mesure de répondre: A ce contrat de 18 navires, est-ce qu'il n'y avait pas une condition qui faisait un lien après la construction des six premiers qui était ferme et qui permettait à Marine Industrie d'embarquer dans la fabrication des autres?

M. Rochette: C'est difficile pour moi de répondre à cette question parce que cela fait tellement longtemps que j'ai vu les documents qui se rapportent à tous ces contrats. Il est possible qu'au début, les 18 contrats étaient liés entre eux, mais, lorsque les six premiers ont été transférés, vendus par l'armateur grec à la Société française Delmas-Vieljeux, s'il y avait un lien, probablement qu'à ce moment, il a été rompu.

Il faudrait que je puisse me référer aux documents. Cela fait trop longtemps. Quand on parle de négociations qui ont été tenues en 1973 et 1974, des documents auxquels je n'ai pas eu accès depuis 1976...

M. Russell: M. le Président, M. Rochette pourrait peut-être me répondre. Y aurait-il un contrat à votre connaissance?

M. Rochette: Pardon?

M. Russell: Y avait-il un contrat à votre connaissance?

M. Rochette: Bien sûr.

M. Russell: Des documents qui ont été signés?

M. Rochette: Bien sûr.

M. Russell: Le président de la SGF a-t-il exigé ce contrat et l'avez-vous fait examiner? Peut-on avoir une copie de ce contrat?

J'ai deux autres petites questions pendant qu'on examine cela. Si on en a une copie, on pourra en avoir le dépôt, je suppose?

M. Coulombe: Je ne sais pas si le contrat lui-même est dans le rapport que j'ai ici. M. Asselin, qui est notre conseiller juridique...

M. Asselin (André): André Asselin, Marine Industrie. Il y avait 18 contrats pour chacune des compagnies acheteuses d'une des coques. Il y avait 18 contrats et chaque contrat a été amendé à plusieurs reprises. Le dépôt serait monumental.

M. Russell: Donc, il n'y a pas eu un contrat pour 18 navires ou bateaux. Je ne connais pas le vrai terme français. Il y avait 18 contrats et non pas un contrat.

M. Asselin: C'est cela.

M. Russell: Pourrait-on avoir une copie d'un contrat pour voir comment cela se fait, si, un jour, on décide à construire des bateaux? Tout au moins, on peut s'en monter un.

M. Tremblay: Je présume que ce ne sont pas des contrats en grec. C'est en anglais.

M. Russell: Cela ne fait rien. Je connais des Grecs. Ma secrétaire est grecque. Elle travaille ici. Elle doit connaître cela. Elle doit être capable de lire cela.

J'aurais bien d'autres questions, mais je pense qu'il est raisonnable que je donne la chance à d'autres.

Le Président (M. Marcoux): J'apprécie votre collaboration.

M. le député de Saint-Laurent.

Le fait est ceci: M. le député de Saint-Laurent...

M. Forget: Si M. Picard veut compléter...

M. Picard: M. le Président, tantôt, vous avez rendu une décision concernant une question. Dans la même poursuite, comme je vous dis, je ne suis pas mis en cause. Je ne suis pas partie. Evidemment, comme j'étais président de Marine, j'aurai à témoigner. Je voulais savoir si votre décision s'applique à mon cas, parce que j'avais demandé d'attendre jusqu'à demain avant de répondre.

En d'autres termes, mon témoignage pourra servir au jugement de la cause à ce moment.

Le Président (M. Marcoux): La décision que j'ai rendue tantôt, c'est que, la question étant sub judice ou ayant trait à une cause qui est pendante devant les tribunaux actuellement, je prenais la décision en délibéré; donc, je ne vous oblige pas à répondre à la question.

Tantôt, si j'ai rendu la décision, ce n'est pas parce que la décision impliquait directement M. Rochette, parce qu'avec le règlement tel qu'il est fait, même si elle impliquait directement M. Rochette, comme le règlement l'indique, normalement, tous les témoins doivent répondre à toutes les questions en disant la vérité, évidemment, mais

c'est parce qu'elle est pendante devant les tribunaux que je l'ai prise en délibéré.

Or, dans la mesure où c'est la même chose en ce qui vous concerne...

M. Picard: Merci, M. le Président.

M. Forget: On a parlé des transports qui ne sont pas publics. Il y a cependant une catégorie de rapports qui sont publics. Ce sont les états financiers annuels de Marine qui sont une information précieuse, j'imagine, pour la SGF.

Dans les rapports financiers de Marine, j'imagine qu'on voit se refléter, d'une certaine façon, les carnets de commandes. C'est à la fois un actif, puisque Marine devient créancière des montants pour lesquels les contrats sont signés, et aussi un passif, puisqu'elle doit construire les bateaux et les livrer. (22 h 30)

J'imagine que la SGF passe un certain temps à analyser les rapports financiers de ses filiales. Est-ce que dans les rapports financiers des années 1975, 1976, il y a eu des réserves faites par les vérificateurs sur la valeur, la validité des commandes en carnet? Je ne sais pas quelles sont les conventions comptables de ce côté-là, mais il me semblerait que quand on met dans les actifs un carnet de commandes de $100 millions ou $80 millions, il faut se donner la peine d'aller voir s'il y a des contrats pour les appuyer et, s'il n'y en a pas, le vérificateur a le devoir de signaler aux actionnaires que c'est un actif mais hypothétique. Est-ce qu'il y a de telles réserves des vérificateurs dans les états financiers annuels de Marine?

M. David: Je peux répondre pour une partie de la question, si vous me le permettez. Il y a une réserve, effectivement, qui doit être prise et qui a été prise dans les cas appropriés lorsque les contrats étaient commencés. Dans les carnets de commandes pour lesquels le travail n'était pas commencé, c'était impossible de déterminer s'il y aura une perte ou un profit à la réalisation du contrat, mais lorsque des déboursés, des travaux sont entamés, c'est le devoir du vérificateur de s'assurer que la valeur aux livres où les coûts accumulés sont comptabilisés, soit inférieure au prix vendant du contrat. S'il s'avérait que les coûts accumulés devenaient supérieurs au prix vendant du contrat, une réserve pour perte éventuelle doit être comptabilisée, ce qui a été fait dans les livres de Marine.

De mémoire, je dois vous dire qu'en décembre, à la fin de l'année 1973, la réalisation des contrats français, les sept premiers navires, et ce qui a été fait également au 31 décembre 1977, pour prendre une provision préliminaire sur les déboires actuels de Marine, sur les contrats grecs, au-delà de cela, il n'y avait pas de provisions prises, parce que les contrats n'étaient pas commencés.

M. Forget: On emploie la réserve dans deux sens différents. Je ne parle pas des réserves pour défaut prévisible sur les paiements envisagés. Je parle tout simplement d'une note explicative qui pourrait être posée en annexe ou en appendice à un rapport de vérification, das les états financiers. Lorsqu'on dit: II y a en commande, j'imagine que c est reflété dans les états financiers. Les commandes ne sont pas reflétées dans les états financiers. Est-ce normal?

M. David: Les commandes pour lesquelles le travail a débuté, il y a une réflexion, mais en dehors de cela, les commandes pour lesquelles le travail n'est pas commencé, vous demanderez aux vérificateurs de Marine qui sont présents, je suis comptable agréé moi-même, et je dois vous dire que cela ne fait pas partie de la situation financière de la compagnie le jour où un bilan est préparé et sur lequel les vérificateurs apposent leur certificat.

M. Forget: Est-ce que ce n'est pas paradoxal qu'on prépare des états financiers qui dépendent de façon cruciale des perspectives à moyen terme et même à court terme qui ne peuvent pas être appréciées à moins de savoir quelle est la valeur des carnets de commandes en éliminant cet élément-là et donc en éliminant aussi les annotations qui pourraient être posées par le vérificateur, à la suite de son examen des commandes? Est-ce normal? Est-ce que cela fait partie des pratiques comptables de parler d'une entreprise qui est dans une industrie où la période de gestation de chaque contrat est de Tordre de quatre ou cinq ans, de ne pas faire état du carnet de commandes de façon rigoureuse, mais simplement comme une note générale d'encouragement?

M. David: A ma connaissance, les carnets de commandes pour lesquels, encore une fois, les travaux ne sont pas commencés d'exécuter ne font pas partie des états financiers d'une compagnie.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Lotbinière.

M. Biron: M. le Président, je vais justement commencer par ce que je devais terminer, c'est-à-dire des questions sur les états financiers de Marine. J'ai été très surpris de constater, lorsque j'ai comparé les états financiers, de 1975-1976, avec 1976-1977, de trouver tout à coup un changement de chiffres dans le bénéfice brut avant les dépenses, alors que dans l'état financier qui a été déposé à I'Assemblée nationale pour 1976, on trouve un bénéfice brut sur les ventes de $10 192 000 avant les dépenses d'administration d'amortissement, et sur l'état financier qui est déposé pour I année 1977, un an plus tard, les mêmes $10 192 000 sont maintenant rendus $10 942 000. Donc, on a augmenté ou on a soufflé d'une façon artificielle ou autre, je ne sais pas, le bénéfice brut de $750 000. Est-ce que quelqu'un pourrait nous dire si ce n'est pas, justement, pour parer à toute éventualité de perte d'argent sur les bateaux? Est-ce qu'on a joué dans les chiffres intentionnellement ou si c'est tout simplement une erreur?

Si vous voulez regarder l'état financier 1975-1976, à la page 3, états consolidés des bénéfices et des bénéfices non répartis, de même qu'à la page 4, pour l'état financier 1977.

Le Président (M. Marcoux): Dans la mesure du possible, je souhaiterais que les députés précisent à qui la question s'adresse...

M. Biron: Possiblement au président de Marine Industrie...

Le Président (M. Marcoux): ... pour que M. Coulombe détermine qui va répondre...

M. Biron: ... M. Dinsmore ou M. Coulombe.

M. Dinsmore: Je demande de la patience pour un instant, on consulte notre vice-président aux finances.

M. Léveillé (Gilles): Gilles Léveillé, vice-président aux finances de Marine Industrie. Si vous regardez les états financiers, il y a une conciliation; vous partez de $17 000 009 et on continue à expliquer la différence avec $6 000 085 pour $23 millions et ensuite de ça, dividendes, direction privilégiée, $210 000 pour arriver à $22 884 000. On reprend ce chiffre dans les deux états.

M. Biron: Oui, c'est vrai. Mais la seule chose, c'est qu'on a soufflé les bénéfices bruts de $750 000 tout de suite après les ventes et on a ajouté, au débit, des provisions correspondant au coût exceptionnel encouru à la suite de la dénonciation d'un contrat. Je veux savoir pourquoi on a ajouté $750 000 de bénéfices bruts, d'une année à l'autre, simplement en changeant d'un état financier à l'autre.

M. Coulombe: M. Plessis-Bélair, vice-président de la SGF.

M. Plessis-Bélair: C'est essentiellement à cause d'un reclassement des postes. Si vous regardez la note 14 de la page 12 des états financiers...

M. Biron: Quelle année? M. Plessis-Bélair: 1977. M. Biron: Oui.

M. Plessis-Bélair: On a une note qui se lit de la façon suivante: "Certains postes des états financiers consolidés au 31 décembre 1976 ont été reclassés afin de les rendre comparables à ceux du 31 décembre 1977." Il s'agit essentiellement, lorsque l'accumulation des différents postes, est faite d'une année à l'autre, lorsqu'on change certaines classifications, de faire en sorte que les deux chiffres qui apparaissent à un poste soient comparables, c'est-à-dire qu'on prenne exactement les mêmes points. Il se peut, d'une année à l'autre, que cette reclassification fasse en sorte que les montants de différents postes précis changent. Vous remarquerez que le bénéfice net de la compagnie, d'une année à l'autre, reste exactement le même. Il s'agit essentiellement d'une reclassification et c'est selon les normes comptables généralement reconnues.

M. Biron: J'ai remarqué que le bénéfice net était demeuré le même, mais je me suis demandé si on n'avait pas soufflé artificiellement la valeur de l'inventaire, c'est-à-dire des bateaux en inventaire, pour perdre $750 000 de moins aux chiffres présentés par la compagnie. C'est sûr que ce montant de $750 000 est relié directement à la valeur des bateaux, les fameux bateaux grecs probablement. M. David?

M. David: Si vous regardez le bénéfice brut de 1976, dans le rapport de 1979, il est de $10 942 000 et le point suivant est une provision correspondant aux coûts exceptionnels encourus à la suite de la dénonciation d'un contrat, $1250 000. L'année précédente, le bénéfice brut était baissé de $750 000 et la provision était de $500 000 au lieu de $1 250 000.

M. Biron: Là-dessus, c'est exactement ce que j'ai remarqué, mais ce que je veux savoir, est-ce qu'on a soufflé artificiellement le prix des bateaux en inventaire?

M. David: Si cela avait été ça, le profit en bas de la page serait différent.

M. Plessis-Bélair: Si on suivait votre raisonnement, le bénéfice net...

Le Président (M. Marcoux): Vous avez le droit de parole, mais est-ce que vous pourriez vous identifier?

M. Plessis-Bélair: ... de SGF. Si on suivait votre raisonnement, le bénéfice net, si on change effectivement le montant des réserves ou le montant des provisions au bilan et à l'actif de la compagnie, cela aurait un impact direct sur le bénéfice net de la compagnie. Cela n'a pas été le cas.

C'est donc dire qu'il s'agit d'une reclassification de certains postes qui, antérieurement, n'étaient pas sous le vocable "provision correspondant aux coûts exceptionnels encourus par suite de la dénonciation d'un contrat" et qui ont été changés de place tout simplement, pour que, d'une année à l'autre, le montant de $17 765 000 de provision qu'on retrouve, se compare, c'est-à-dire soit de même nature et réponde aux termes de la classification. C'est un montant de $1 250 000. Il n'y a pas de relation entre le bilan, donc la valeur des bateaux en inventaire, et le montant qu'on retrouve à l'état des profits et pertes, dans ce cas-ci. Il s'agit simplement d'une reclassification d'un poste de dépenses à un autre poste de dépenses. Il n'y a pas de changement. C'est également pour répondre à des exigences de classification.

M. Biron: Mais du fait de changer vos chiffres, vous avez réussi à avoir une provision additionnelle de $750 000 sur les bateaux.

M. Plessis-Bélair: On n'a pas réussi. Avoir $750 000 de provision additionnelle aurait eu comme conséquence de créer une dépense additionnelle de $750 000. Si on avait créé une dépense additionnelle de $750 000, le bénéfice net de la compagnie aurait été réduit d'autant. Il serait passé de $6 085 000 à $6 085 000, moins $750 000. Cela n'a pas été le cas. Il s'agit donc d'une reclassification des comptes. C'est pour cela qu'on avait la note 14 pour aviser le lecteur qu'il se pouvait que, d'une année à l'autre, il y ait des changements dans les montants. Mais ce changement était dû essentiellement à une reclassification des biens.

M. Biron: Est-ce que je peux vous suggérer, à l'avenir, d'être beaucoup plus précis dans vos notes explicatives? Pour moi, lorsqu'on l'on met un débit et un crédit, cela équivaut à la même chose, mais on peut changer beaucoup de choses, simplement en jouant d'un côté à l'autre.

Je voudrais vous poser une question...

Le Président (M. Marcoux): M. Léveillé veut compléter.

M. Léveillé: Voici. Le montant de $750 000, c'est une provision comme on en prend pour différents postes du bilan. $750 000 sur $91 millions, à ce moment-là, l'importance relative de la provision est infime. L'année suivante, lorsqu'on a décidé de prendre une provision de $10 millions, cela est devenu important et l'on a divulgué les deux provisions de l'année précédente et de l'année en cours. C'est pour cela.

Au niveau des réclamations d'assurance, chaque année, on fait des prévisions, mais ce sont des montants infimes par rapport au montant global. Le $750 000 par rapport à $91 millions que vous voyez là, c'était infime. Mais lorsqu'on en est venu à une provision de $10 millions, on a montré les deux provisions.

M. Biron: Je vous remercie de vos explications.

M. Coulombe, tout à l'heure, vous avez fait état de quatre rapports différents, dont deux rapports, à la fois le rapport David et le rapport Chabot et Associés, ou Jacques Desmeules qui sont directement reliés aux bateaux, spécialement aux bateaux grecs, je suppose.

Est-ce que, en préparant votre présentation devant la commission parlementaire, vous vous êtes inspiré de ces deux rapports?

M. Coulombe: Oui.

M. Biron: Et est-ce qu'il y a des choses dans les rapports qui n'ont pas été discutées jusqu'à maintenant, concernant ce fameux problème des bateaux?

M. Coulombe: En ce qui concerne le premier des rapports auxquels vous faites allusion, le rapport que M. David a préparé à l'intention du ministre de l'Industrie et du Commerce, je ne crois pas, je pense que tout a été revu aujourd'hui.

En ce qui concerne le rapport Desmeules, qui est le deuxième rapport, je pense que c'est presque impossible d'avoir discuté de tous les aspects du rapport Desmeules, qui est assez considérable et qui traite de beaucoup de choses extrêmement importantes, mais aussi de choses qui, par rapport au problème de fond, peuvent être des détails. Par exemple, qui a signé quoi? Quand? Les minutes du procès-verbal du conseil d'administration. Il y a beaucoup de choses qui sont dans le rapport Desmeules qui n'ont pas été apportées ici. Mais les choses fondamentales, les choses importantes, je pense personnellement qu'elles ont été touchées aujourd'hui dans la discussion.

M. Biron: Le rapport de M. Wermenlinger lui, touchait à la fois les bateaux et les problèmes généraux de Marine Industrie?

M. Coulombe: Non, il était beaucoup plus spécifique. A la suite du rapport de M. David, dans les discussions qu'il y a eu — c'est avant que j'arrive à la SGF, mais, comme dans l'ancien poste que j'avais au gouvernement, j'étais au courant de ce qui se passait là-dedans — entre le ministère de l'Industrie et du Commerce et la SGF, il avait été convenu que, dans le rapport de M. David, il y avait certains points qui méritaient d'être poussés un peu plus loin. (22 h 45)

Cela tournait autour de la situation à Marine Industrie consécutive au contrat Karageorgis. L étude rapide que M. Wermenlinger a faite de la situation, à partir des documents qui lui étaient disponibles et avec l'entente implicite que ce n'était pas un commissaire d'enquête et qu'il ne pouvait pas aller voir tous les anciens officiers de Marine Industrie, ceux qui étaient partis, etc., a été une étude extrêmement interne qui a été plus loin que ce que M. David avait présenté et qui laissait en suspens certaines questions qui ont été touchées ici aujourd'hui, par exemple, les commissions. Il décrivait les commissions et il finissait en disant: On peut s'interroger sur tel et tel aspect. C'est une question que vous avez posée.

A partir de là, on s'est dit: Comme c'était une étude rapide dans le temps, je pense qu'on est justifié d'aller un peu plus loin. C'est là qu'on a demandé au vérificateur de prendre ces rapports et de creuser exactement les mêmes points, mais d'aller beaucoup plus loin, mais encore là avec l'entente tacite que ce n'était pas une commission royale d'enquête, qu'il n'avait pas des pouvoirs de... C'est entendu, à cause des circonstances qui ont été évoquées ici aujourd'hui, que c'étaient des problèmes extrêmement délicats de relations pour les vérificateurs d'aller questionner en profondeur certaines personnes qui auraient pu être impliquées et qui ont été effectivement impliquées de

par le poste qu'ils avaient dans l'histoire de Marine Industrie. C'est pour cela que, même dans le rapport de M. Desmeules, il y a certaines questions qui n'ont pas encore une réponse totale et absolue, tout simplement parce que les contacts avec les individus qui étaient les principaux acteurs dans la période 1973-1975... A cause de la situation juridique qui existe, c'était extrêmement délicat d'aller un peu plus loin.

Le conseil d'administration de Marine Industrie et de la SGF se sont satisfaits de voir que, sur les éléments essentiels, l'information était là. Dans ce genre de contexte où c'est dans un milieu international et avec des organismes fédéraux, provinciaux et tout ce que vous voudrez, et sur une période de cinq ou six ans, c'est évident que cela prendrait des mois, des mois et des mois d'enquête de tous les individus concernés, à partir des contremaîtres sur le chantier, pour savoir exactement quel type de problème il a pu y avoir sur les coques 424 et 425. Cela n'a pas été fait en profondeur, parce qu'on a pensé que, ce qui était important, c'était d'aller à l'essentiel. Cet essentiel a satisfait les conseils d'administration concernés. Mais cela a été interne à Marine Industrie, tel que cela existait en 1978.

M. Biron: Etant donné que c'étaient surtout trois rapports de bons administrateurs, je crois bien... Un point essentiel qu'on a discuté aujourd'hui, c'est la validité des contrats. Qu'est-ce que ces trois rapports, en substance, disent sur la validité des contrats que nous avions avec le Grec?

M. Coulombe: Pour ce qui concerne les deux premiers rapports, le rapport David et le rapport Wermenlinger, à moins que je ne me trompe, je pense qu'il n'était pas question, en termes de validité juridique, de ces contrats, dans ces deux premiers rapports.

Pour ce qui concerne le rapport Desmeules sur la validité juridique des premiers contrats, il faudrait que quelqu'un me rafraîchisse la mémoire. Oui. On va distinguer. C'est que, concernant les commissions payées, on a des rapports, dont les derniers datent de quelques semaines, d'avocats de Montréal et d'avocats de Londres, sur une question qui nous inquiétait fortement: Quelle est la légalité de cela, est-ce qu'on est obligé de payer? On s'est demandé si, au lieu de payer, non seulement on ne devrait plus payer, mais, en plus, si on devait réclamer l'argent qui avait été payé. C'est une question qui a été posée. Les avis juridiques sont formels là-dessus. D'après la nature des ententes qu'il y a eu, en 1973, entre Marine Industrie et plus spécifiquement M. Rochette, avec l'accord de son conseil d'administration, comme il nous l'a dit cet après-midi, et M. Karageorgis ou enfin ceux avec qui c'était signé, les conseillers juridiques sont formels: Légalement, Marine Industrie était obligée de payer, à partir des documents de base qu'ils ont eu en main et qui existent dans les dossiers. C'est un premier point juridique qui nous tracaissait énormément et qui est à se régler. Je vous prie de croire que cela a été longuement fouillé par les avocats de Londres et parles avocats de Montréal.

Y a-t-il une deuxième dimension au point de vue juridique que j'ai traitée? C'est exact. Dans le rapport de M. Desmeules, vu que ce n'étaient pas des conseillers juridiques, on a forcé le point des commissions pour savoir si au moins on ne pouvait pas aller récupérer de l'argent. Cette avenue a été mise de côté, selon l'opinion des conseillers juridiques. Sur la question des contrats, encore là, je vous réfère au texte de ce matin, une partie des contrats, c'est-à-dire ceux qui existent encore et qui nous lient jusqu'en septembre 1979 avec Karageorgis vont être étudiés... Il y a une firme d'avocats actuellement qui étudie ces contrats — je l'ai ici — en profondeur afin de nous préparer à bien passer l'étape qui s'en vient avec Karageorgis jusqu'en septembre 1979. Espérons que, l'expérience aidant, cela ne se terminera pas comme les autres étapes.

Quant à la validité des contrats, des 18 contrats dont on parle, je ne pense pas...

M. Biron: Vous ne trouvez pas un peu curieux qu'on ait regardé le côté légal de la commission qui comporte $8 millions ou $9 millions et qu'on n'ait pas trop examiné le côté légal du contrat qui comporte, lui, tout près de $200 millions? A première vue, cela me surprend énormément. En fait, le côté légal de la base des 18 contrats aurait dû être regardé très rapidement. Je suis surpris que vous me disiez que cela n'a pas été regardé.

M. Coulombe: Le problème auquel on devait faire face était le suivant. Il faut se rappeler — cela a peut-être été ambigu toute la journée — que M. Karageorgis n'a pas brisé ses contrats. C'était une entente avec Marine, par laquelle Marine rachetait, ou éliminait, ou acceptait que Karageorgis se retire. Donc, le problème des 18 contrats auquel on a fait allusion, n'a pas été une brisure de contrat de la part de M. Karageorgis. Cela a été l'ensemble des facteurs qui ont été expliqués, où se servant de ce type de contrats, que ce soient ceux-là ou n'importe quel autre, des problèmes de tolérance acceptés ou non dans la construction navale, l'effondrement du marché, bref, il ne voulait plus des bateaux. Là, il a profité de toutes les circonstances — cela a été longuement expliqué — pour s'en sortir. Ce n'était pas au niveau de la validité légale des contrats qui avaient été signés au début. C'était le type de relations qui existaient entre cet armateur et les constructeurs, où, à tous les jours, cela jouait. La hausse des coûts n'avait rien à voir avec les contrats. J'admets que la question de l'arbitrage, il faudra peut-être qu'elle soit éclaircie, parce qu'elle faisait partie quand même du type de solution qui pouvait exister. Je pense qu'il y a eu des discussions assez précises et même une expérience assez précise d'arbitrage. Voilà un point qui n'a peut-être pas été assez souligné aujourd'hui. Peut-être que M. Dinsmore ou M. Brisson pourrait parler... Il y a eu un conseil d'arbitrage, à un moment donné, qui

s'est penché sur certains problèmes relativement aux bateaux.

Explique donc ce qui s'est passé.

M. Dinsmore: Lors de l'évaluation de la conformité de la construction par rapport aux plans et devis, on a remarqué que la tuyauterie installée dans le fond de la coque avait été modifiée en fonction de changements qu'on a effectués sur les plans et devis paraphés, paraît-il, mais qui n'étaient pas conformes à une procédure, aux yeux de l'armateur, réellement contractuelle. Ce point laissait un certain doute sur la façon dont Marine a interprété le travail à faire. Il a pris les démarches prévues par l'article 6 — j'ai copie ici du contrat que je veux déposer au président de la commission — qui prévoit la procédure pour les "disputes and arbitration". Son intention était signifiée à Marine vers les premières semaines de juillet, après avoir développé toute l'argumentation appropriée.

Comme je l'ai mentionné tout à Iheure, nous avons essayé de remettre le commencement de cette procédure parce qu'on voulait évaluer exactement les possibilités et les conséquences sur I ensemble des contrats et, comme je l'ai dit, c'était à remarquer que l'engagement pouvait entraîner un laps de temps considérable avec des effets sur Ies activités dans le chantier. Alors, le fait qu'on ait réglé une entente de principe avec l'armateur avant la tenue de l'arbitrage qui était prévu pour le 15 août enfin, a fait oublier la nécessité de passer par cette étape. A ma connaissance, c'est la seule fois dans toute la période du contrat qu'on a eu recours à cet article du contrat.

M. Biron: Pour ma satisfaction personnelle, les arbitres dans ce domaine maritime ne doivent pas pleuvoir du ciel, il ne doit pas y en avoir partout; qui était arbitre dans votre cas en particulier?

M. Dinsmore: Dans notre cas particulier, on s est adressé à Londres pour... De la façon dont le comité s'était formé — et c'était normal dans les circonstances — chaque côté nommait son propre représentant et il y en avait un troisième qui était nommé avec l'accord commun des deux parties. Celui qui a été choisi par Marine Industrie était un expert de Londres et le troisième qui a été choisi... Je ne me souviens plus de lautre côté. C était un avocat de Montréal dans les deux cas.

M. Biron: Je suis heureux de voir qu à Montréal, on a des gens compétents dans ce domaine.

M. Tremblay: Si vous me permettez, il y avait toujours la clause des 180 jours qui pouvait permettre à l'armateur de se sortir de son contrat, de sorte que I arbitrage travaillait en sa faveur; cela retardait la livraison des navires.

M. Brion: II me reste, M. le Président, quelques questions très brèves.

Le Président (M. Marcoux): Le plus brièvement possible.

M. Biron: Très bien.

Le Président (M. Marcoux): Parce que cela fait déjà presqu'une demi-heure.

M. Biron: Je voudrais demander à M. Coulombe: Sur le dernier rapport Drouin et Paquin, le quatrième, sur l'avenir de Marine Industrie, surtout dans les prochains mois, les prochaines années, considérant la bonne et la mauvaise expérience dans le domaine maritime, qu'est-ce qu'il dit ce rapport là-dessus? Est-ce qu'il traite des bateaux en particulier?

M. Coulombe: Oui, d'abord, il y a une partie inventaire. On se demandait sérieusement: Est-ce que... Une question qu'on s'est posée — qu'on s est payée aussi: Est-ce que Marine Industrie a fait de l'argent dans la construction navale? C était toujours le problème qui était à la base de la situation. Je peux vous décrire en deux mots la situation actuelle de Marine Industrie: ce sont les rendements par division — division navale, division hydroélectrique, division des wagons. Les hypothèses de marché futur dans ces trois divisions et une évaluation très préliminaire — et chacun de ces points est préliminaire à l'heure actuelle parce que cela a été fait dans les trois derniers mois et c est encore préliminaire. Dans chacun de ces cas, les forces et les faiblesses de chacune des divisions, son degré de compétitivité, etc. A partir de là, certaines hypothèses ont été examinées sur le programme de conversion industrielle, c est-à-dire: le potentiel de développement de l'hydroélectrique, quel type de marché peut exister, soit au Québec, soit à l'exportation, quelles sont les conditions pour élargir le carnet de commandes qui est quand même extrêmement considérable dans l'hydroélectrique à l'heure actuelle — on pourra en discuter tantôt dans le cadre de la conversion industrielle. Les mêmes questions pour les wagons. S il y a des marchés ou des produits nouveaux, quel type de réorganisation cela peut-il prendre au chantier, quel type d équipement nouveau, quel déplacement d'équipement actuel, quelles sont les conséquences sur le niveau de l'activité de la construction navale dans l'hypothèse où le carnet de commandes reste ce qu'il est, c est-à-dire zéro, et où il peut être augmenté. (23 heures)

Est-ce que, pour les quelques centaines de milliers ou les millions d'heures qui sont consacrées à la construction navale, on peut de façon réaliste espérer garder le même niveau ou un niveau inférieur pourrait-il être considéré? Ce sont ces hypothèses qui ont été examinées de façon très préliminaire.

M. Biron: Est-ce que c'est exact que, lorsqu'on a examiné le passé de la construction navale, on a fait la suggestion, dans le rapport, que Marine aurait dû sortir de la construction navale il y a dix ans à cause des pertes énormes qu'elle a encourues là-dedans?

M. Coulombe: Je ne sais pas dans quel rapport.

M. Biron: Celui-là.

M. Coulombe: Cela serait marqué là-dedans?

M. Biron: A cause des pertes énormes. Ce rapport-là quand même...

M. Coulombe: Je ne pense pas que le rapport dise que Marine aurait dû sortir. Il ne dit même pas que Marine devrait sortir. Tout ce que cela prouve, c'est que cela examine assez et le plus froidement possible les résultats effectifs que cela a donnés dans les dix dernières années et ces résultats signifient des pertes dans la construction navale et, encore là, il faut distinguer les pertes...

Et je tiens à souligner — et M. Dinsmore me le souligne avec raison — que c'est un rapport qui a été — les consultants ont servi d'appui logistique à l'opération, mais c'était fait vraiment de façon interne à Marine — fait avec les vice-présidents, avec les cadres principaux de Marine. Deux chiffres: De 1968 à 1977, un chiffre d'affaires de $425 millions et des pertes de $17 millions, des pertes cumulatives évidemment, et il faut indiquer quand même que cela, c'est en 1977, donc que cela ne tient pas compte de ce que vous avez dans le projet de loi actuel, c'est-à-dire des pertes dues aux bateaux. Cela ne tient compte que d'une provision de $12 millions sur les bateaux grecs et cela ne tient pas compte des pertes des navires polonais, qui sont inévitables, à moins d'un redressement qui pourrait être discuté un peu plus tard.

M. Biron: Pendant ce temps, dans le domaine électrique, hydro-électrique ou dans le domaine des wagons, Marine était profitable.

M. Coulombe: Dans le domaine hydroélectrique et industriel, $145 millions de chiffres d'affaires et $5 millions de bénéfices. Pour les wagons, $254 millions de chiffres d'affaires et $8 millions de bénéfices, $7 973 000.

M. Biron: M. le Président, je vois que mon temps est terminé. Je remercie M. Coulombe, en particulier, et M. Dinsmore, qui ont répondu à mes questions. J'aurais voulu poser des questions, peut-être d'autres le feront-ils, sur la perte de profits, la perte sur les bateaux polonais qui s'en viennent; j'aurais encore quelques questions, mais je pense bien que le ministre ou un autre pourra le faire, sur les commissions payées. Avec les taux que vous avez donnés tout à l'heure, j'ai quand même compté rapidement, il me semble qu'on arrive à un montant de $5 millions qu'on aurait dû payer en commissions alors qu'on a $6 350 000. Il y a peut-être des chiffres qui ne concordent pas avec ce que j'ai dû calculer quand même rapidement. Peut-être que, tout à l'heure, on pourra questionner un peu plus là-dessus.

Le Président (M. Marcoux): II y a une partie de votre question qui concerne un peu l'avenir.

M. Coulombe: Toutes les commissions ne sont pas encore payées. Il reste un solde.

M. Biron: C'est cela. D'après le pourcentage qu'on a donné...

M. Coulombe: Ce solde...

M. Biron: C'est tout simplement d'après les pourcentages que vous avez donnés à une réponse du ministre — si je ne me trompe, c'est M. Rochette qui l'a donné — c'était 1% ou tout près sur les bateaux français, 2% sur les bateaux polonais et 3% sur les bateaux grecs. J'arrive finalement à un montant qui devrait être approximativement à $5 millions de commissions alors que, déjà, $6 350 000 ont été payés et, apparemment, il nous reste encore $810 000 à payer, c'est-à-dire qu'on paiera $7 150 000 alors que, d'après le pourcentage qu'on a donné tout à l'heure sur le prix des bateaux, j'arrive à $5 millions. Il y a une différence de $2 millions là-dessus.

M. Coulombe: Je sais que M. le ministre m'a questionné là-dessus. Cela a été une de ses questions.

M. Tremblay: Pouvez-vous nous donner trois ou quatre minutes. On va trouver cela dans le rapport. On pourra donner le chiffre exact.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Biron: Je sais que le ministre va questionner là-dessus, cela a été u'ne de ses questions.

M. Tremblay: Merci beaucoup, M. le Président. L'exercice que nous faisons présentement est soit une autopsie, soit la reconstitution d'un casse-tête, c'est pratiquement un interrogatoire de cour. Je pense que l'image globale de la situation appelée bateaux commence à figer. Il y a deux gros morceaux du casse-tête qu'il reste peut-être à préciser. Ces deux morceaux du casse-tête sont les contrats qu'avait passés l'armateur, la teneur de ces contrats et les renégociations de ces contrats, leurs faiblesses qui a coincé Marine avec des commandes de fournitures et d'équipement de $100 millions alors que les contrats valaient peu. L'autre question, c'est la question des commissions et de la nature spéciale des commissions qui existaient dans le cas des navires grecs. Je vais essayer, en dix ou quinze minutes, d'avoir quelque chose de précis autant que possible. C'est évident que c'est un casse-tête qui est tellement gros qu'on ne peut pas aller dans tous les recoins, mais, au moins, il faut être très clair sur ces deux gros morceaux qui, finalement, éclairent toute la question, à mon avis.

Je pense que c'est M. Picard qui a eu peut-être la phrase la plus claire. Il a dit, à la suite de la remarque de M. Rochette qui disait que c'était le contrat du siècle — évidemment, il a cessé d'être le contrat du siècle après les six premiers bateaux — C'est que le Grec avait un contrat, mais Marine n'en avait pas.

M. Picard: C'est à peu près cela.

M. Tremblay: Légalement, il y avait des contrats, mais c'étaient des contrats pleins de trous qui permettaient au Grec de s'en sortir si la situation allait mal pour lui, mais, si cela allait bien, Marine devait faire la livraison. Donc, pile, il gagnait; face, il gagnait. Evidemment, on a renégocié les contrats à quelques occasions, mais Marine avait toujours le couteau sur la gorge et, à chaque renégociation, finalement, cela a été dans des conditions encore moins favorables.

Je pense que la meilleure façon de résumer cela, c'est à la page 9 du mémoire du rapport qui a été distribué aux membres de la commission qui s'appelle: Marine Industrie Ltée, Document d'information pour la commission parlementaire de l'industrie et du commerce, le 30 novembre 1978, à la page 9, où on voit très clairement qu'à partir du printemps 1976, Marine était dans une situation de vulnérabilité terrible face à cet armateur et de vulnérabilité très grande face à la SEE, à la Banque de Montréal. La SEE n'avait pas pris suffisamment de garanties. Elle se retrouvait avec quelqu'un, comme disait M. Simard, qui l'envoyait vers la Banque Hellénique etc. Le Grec n'avait pratiquement pas de pénalité s'il ne versait pas les montants. Non seulement cela, mais Marine avait passé des contrats avec des compagnies panaméennes qui avaient $1000 d'actif. Donc, il avait pris toutes les précautions pour pouvoir s'en sortir sans trop de dommage si c'était nécessaire. Autrement dit, c'était quelqu'un d'expérimenté et qui jouait aux échecs, mais en regardant deux ou trois mouvements à l'avance.

Donc, au printemps de 1976... Je vais lire la page 9, du moins les trois quarts de la page 9, parce que c'est là qu'on a toutes les réponses, finalement, congelées. "Au début de 1976" — et cela traite du premier contrat, le premier type de contrat que Marine avait sur les dix bateaux, une fois que les six ont été vendus à la France et deux à l'Algérie — "au début d'avril (1976), aucune avance n'avait encore été payée sur les prêts consentis en décembre 1975." Il faut bien se rappeler que Marine s'était engagée, en avril ou mars 1975, auprès de ses fournisseurs, pour $100 millions et, comme a dit M. Picard, à la fin de 1975, il n'v a pas eu de "closing". Marine, comme on dit en anglais: "was twisting slowly in the wind". "L'armateur indiqua aux procureurs de la Banque de Montréal et de la SEE, lors d'une assemblée tenue à Londres, qu'il n'était pas prêt à déposer les garanties "collatérales" promises." Autrement dit, l'armateur a dit à la SEE: Allez au diable. N'est-ce pas, M. Simard? C'est pas mal cela qu'il a dit; en grec, probablement, je ne le sais pas. "Quelques jours plus tard — toujours au printemps de 1976 — Marine reçut une demande de l'armateur en vue de consentir à l'annulation de l'ensemble desdits contrats et de lui indiquer ce qu'il en coûterait en termes d'amendes et de pénalités."

Donc, au printemps de 1976, le Grec avait décidé de casser les contrats. C'est clair. Comme il s'était organisé pour les casser, ce n'est pas surprenant qu'il ait réussi. "A titre d'alternative, il proposait de réduire le prix de quelque $2 millions chacun et d'éliminer les clauses "escalatoires" du contrat." Autrement dit, le couteau sur la gorge, Marine: Cassez-le pas parce que vous avez $100 millions de fournitures, vous allez payer, vous allez baisser les prix, vous allez vous sacrifier; autrement dit: négociez un "buyer's market".

Marine Industrie rejeta les deux propositions à la lumière des déboursés de $13 millions ainsi que des engagements pour l'achat de matériel au montant de $60 millions déjà encourus à cette date. En septembre 1976, les négociations se soldèrent par un amendement au contrat, on parle d'un deuxième type de contrat, Marine Industrie consent finalement à un deuxième type de contrat, comportant la réduction des dix contrats à six — on en a laissé quatre et gardé six — une réduction du prix de chacun de ces derniers de l'ordre de $1 750 000, le partage à parts égales des frais d'annulation sur le matériel et le maintien des clauses d'escalation du prix de vente.

Il faut dire que selon les contrats, si j'ai bien compris, l'armateur grec s'était engagé, dans les premiers types de contrat, à dédommager Marine Industrie pour toute annulation. Le couteau sur la gorge, Marine Industrie a accepté d'en dédommager la moitié. Il y a plus que ça. La SEE, Société pour l'expansion des exportations, pour sa part, exigea de Marine Industrie, une garantie de $7 millions, elle n'augmentait pas les garanties au Grec, elle en avait demandé, mais elle avait oublié de les faire "paragrapher". N'est-ce pas, M. Simard? Vous souriez, mais c'est vrai. La SEE, dans cela, c'est une bande d'imbéciles, n'est-ce pas?

Une Voix: Parapher.

M. Tremblay: En tout cas, continuons. Une garantie de $7 millions qui assurerait la livraison des navires, donc Marine Industrie est en train de couler et on lui demande $7 millions, suivant les termes et conditions des contrats. Forte de cette garantie — ils sont braves, les gens de la SEE — la SEE se réservait l'option de continuer la construction en cas de défaut de l'armateur. Une deuxième garantie consentie par Marine Industrie et la Société générale de financement prévoyait le paiement à la SEE, encore, en cas de défaut de l'armateur — l'armateur avait déjà décidé, au printemps de 1976, qu'il voulait s'en sortir, les contrats étaient pleins de trous, tout le monde savait que l'armateur allait pouvoir s'en sortir, je présume — dans les cinq ans après la livraison de chaque navire, de toute différence, jusqu'à concurrence de $5 millions entre le produit net d'une vente et l'endettement de l'armateur à ce moment-là.

Autrement dit, la SGF était obligée d'ajouter une garantie de $30 millions, n'est-ce pas? Donc, non seulement le Grec a mis le couteau sur la gorge de Marine Industrie, lui a fait baisser les prix, etc., mais la SEE aussi a mis le couteau sur la gorge de Marine Industrie et de la SGF, au cours de l'année 1976.

Je pose la question à M. david. Est-ce vrai, ce qu'on vient de lire ici dans le rapport que nous a donné la SGF? Est-ce conforme à la réalité?

M. David: C'est exact.

M. Tremblay: Je trouve ça scandaleux. Est-ce que vous trouvez ça scandaleux? La SEE avait oublié de faire respecter, par l'armateur, ses garanties, parce qu'il y avait $25 millions de garantie sur ses propres bateaux, plus une garantie personnelle de $5 millions. Elle avait oublié. Evidemment, en oubliant, le Grec était libre comme l'air. Et c'est Marine Industrie qui avait commandé ses $100 millions de pièces au printemps de 1975, qui a ramassé les morceaux. Mais au lieu de collaborer à aider Marine Industrie à se sortir du trou financièrement, on lui imposait des garanties sur garanties, hypothéquant non seulement Marine Industrie, mais la SGF dans sa totalité. N'est-ce pas, M. Picard? Vous avez fait un geste, je pensais que vous...

M. Picard: Non.

M. Tremblay: C'est un point central de tout le casse-tête. On ne peut pas réparer les problèmes, mais on voit que c'est le coeur du problème, en l'année 1976, Marine Industrie avait ses carottes cuites. Celui qui mettait du bois dans la fournaise, c'était la SEE pour faire bouillir les carottes. L'armateur grec s'était organisé pour avoir des contrats pleins de trous et, dans la terminologie de M. Picard, ce n'était pas des contrats. Il n'y avait certainement pas de contrats de financement de la part de la SEE, puisqu'il n'y avait jamais eu de "closing".

Bon, il faut que ce soit très clair. On pourrait discuter pendant trois mois de ces affaires et entrer dans les demi-virgules. Je pense que c'est pas mal clair. Il n'y a personne qui collaborait avec Marine Industrie. Marine Industrie était laissée toute seule. La SGF était pratiquement laissée toute seule aussi. Je trouve cela un peu déplorable que les institutions financières — évidemment, la Banque de Montréal, on peut peut-être comprendre — mais que la Société d'expansion des exportations, ayant été fautive dans ce dossier en n'ayant pas surveillé les garanties que le Grec devait accorder, avant d'envoyer ce télex disant qu'il y avait financement — on fonctionnait par télex, imaginez-vous — que SEE ait laissé tomber Marine Industrie et lui ait imposé, le couteau sur la gorge, garantie sur garantie, ce qui a grevé sa solvabilité. Evidemment, le moindre petit coup par après faisait que non seulement Marine Industrie pouvait être insolvable, mais même la SGF pouvait être insolvable. Ceci a obligé le gouvernement, au cours de l'été 1977, l'été passé, à demander à la SDI d'ajouter une autre garantie de $115 millions pour que ces messieurs de la SEE continuent à financer la construction.

Je pense que c'est le coeur du problème. J'espère qu'il est clair aux yeux des membres de la commission.

Je ne porte pas d'accusation. C'est un bourbier. C'est malpropre. C'est sale. J'en reviens à la question des commissions. J'aimerais poser quelques questions à la fois à M. Coulombe, président de la SGF, de même qu'à M. Simard et à M. Ro-chette.

On a dit tout à l'heure que la SGF, en 1978, a fait faire des examens par des vérificateurs, sur la question des commissions. Je crois que la SGF et ses filiales fonctionnent dans un monde de concurrence. Ce n'est pas l'Hydro-Québec, c'est un monde de concurrence. Elles ont des positions de marché, de production, des positions légales face à cet armateur. Il m apparaîtrait dangereux et contraire à l'intérêt public de donner ses propres rapports, les rapports que la SGF a.

Par contre, est-ce que vous pouvez nous donner les principales constatations qui ont découlé de l'étude que vous avez fait faire par les vérificateurs sur la question des commissions? Il ne faut pas jouer aux fous avec cela. Les commissions variaient comme un yoyo: de 0,75% jusqu'à 3%, 5% , a dit M. Rochette. Il y a une explication à cela. Il y a certainement une explication. Est-ce que vous pouvez me donner les constatations générales auxquelles vous en êtes venus à la suite du travail des vérificateurs?

M. Coulombe: En même temps, pour répondre à M. Biron et au point de vue faits, pour éclairer ma réponse: pour les navires 416 à 421, selon l'engagement de Marine Industrie du 31 juillet 1973, il a été payé $1 400 000, le 3 octobre 1973; $116 000, le 24 juillet 1975; $116 000 au mois d'octobre 1975; $116 000 au mois de mars 1976; $116 000 au mois d'avril 1976; $116 000 au mois de juin 1976 et $116 000 au mois d'août 1976, pour un total de $2 100 000, pour les coques 416 à 421.

Les coques 422 à 435, les douze autres navires, selon...

M. Tremblay: Ils n'ont jamais été livrés.

M. Coulombe: Non, une partie n'a jamais été construite.

M. Tremblay: Une partie n'a jamais été construite et une autre partie n'a jamais été livrée.

M. Coulombe: II a été payé, le 14 octobre 1975, $2 millions.

M. Tremblay: D'accord.

M. Coulombe: Le 26 janvier 1976, $1 million; le 28 janvier 1976, $1 million; le 10 décembre 1976, $126 000, lors de la livraison du 422; et le 25 février 1977, à la livraison du 423, $126 000, pour une autre somme de $4 253 332.

M. Perron: C'est pour 422 à 433?

M. Coulombe: C'est de 422 à 433. Il faut se rappeler que les 430, 431, 432 et 433 ont été annulés. Ils n'ont pas été construits.

M. Tremblay: Et le montant global de toutes ces commissions? C'était dans le rapport.

M. Coulombe: $4 250 000 plus $2 100 000, ce qui fait $6 355 000 et il reste un solde de $810 000.

M. Tremblay: Donc, ces commissions ont été versées.

M. Coulombe: Elles ont été versées à la date que je vous ai mentionnée et pour l'ensemble des bateaux, même pour ceux qui n'ont pas été construits.

M. Tremblay: C'est le problème...

M. Biron: Si le ministre veut me permettre...

M. Tremblay: D'accord!

M. Biron: C'est pour m'éclairer davantage. Sur les 422 à 433, quatre ont été annulés, six nous restent ici sur les mains, cela veut dire qu'il reste deux bateaux, en particulier, sur lesquels on a payé...

M. Coulombe: C'est deux qui ont été livrés aux Algériens.

M. Tremblay: En Algérie.

M. Coulombe: C'est cela. Pour les deux qui ont été livrés aux Algériens, finalement, on a payé $4 millions en commissions.

Une Voix: ... Est-ce cela?

M. Coulombe: Non, non. Les sommes que je vous donne sont pour les douze navires.

M. Biron: Oui, mais il y en a quatre sur les douze qui ont été annulés. Nous en avons six sur les bras, ils ne sont pas livrés.

M. Coulombe: Si je comprends bien le dossier, les commissions ont été payées même si les bateaux n'ont pas été construits.

M. Biron: C'est cela.

M. Tremblay: Cela amène la question évidente, bien sûr, et M. Rochette sourit. D'après les dates, il est évident qu'on a versé les commissions avant la livraison des bateaux. Est-ce la pratique courante? On faisait allusion, tout à l'heure, au travail de courtier lorsqu'on achète une maison. Habituellement on paie le courtier après que la transaction est terminée. Dans le cas qui nous intéresse, non seulement les commissions ont été versées avant la livraison des bateaux, mais avant même qu'on commence à les construire, puisque certains n'ont jamais été construits, et il y a eu des commissions de versées sur ces bateaux, n'est-ce pas?

M. Rochette: Est-ce à moi que vous posez la question?

M. Tremblay: Oui, M. Rochette. J'essaie de comprendre, parce que je pense qu'il y a moyen de comprendre. Est-ce la procédure normale? On revient toujours à la même question. M. Russell avait posé la question à M. Simard. Est-ce la procédure normale dans ce marché international des bateaux de verser aux courtiers les commissions avant même que les bateaux ne commencent à être construits et, par conséquent, avant livraison?

M. Simard (Arthur): M. Rochette va répondre à cela parce que c'est lui qui donne les...

M. Rochette: Je regrette...

M. Tremblay: Oui, M. Coulombe.

M. Coulombe: II y a eu une annulation du versement dû à la livraison des navires 430 à 433, les quatre annulés.

M. Tremblay: Un instant! C'est très important ce que vous dites là. Vous dites que, sur les bateaux qui n'ont jamais été construits, il n'y a pas eu de commission de versée.

M. Coulombe: Oui, il y a eu $500 000 d'annulés et il y a eu un versement de $50 000 en considération de l'annulation.

M. Tremblay: On a donc abaissé la... Autrement dit, c'est un forfaitaire par bateau annulé. C'était $440 000...

M. Coulombe: Cela a coûté $50 000 pour annuler les quatre.

M. Tremblay: ... et on aurait baissé cela à $50 000. Mais, sur les autres bateaux, la commission avait été versée avant la livraison. Est-ce la procédure normale de verser des commissions avant la livraison?

M. Rochette: M. le Président, pour répondre à cette question, je ne crois pas qu'il y ait de procédure normale, c'est cas par cas. Dans chaque cas, à ma connaissance, il y a eu des commissions de versées. C'est une entente qui intervenait en même temps que la signature du contrat et en même temps que les paiements progressifs sur ce contrat-là étaient terminés. La première condition, c'est qu'il fallait que les paiements progressifs soient suffisants pour payer les dépenses encourues plus les commissions. Autrement dit, à la signature d'un contrat, s'il y a un paiement de X millions de fait, à ce moment-là, il faut que ce paiement puisse permettre de payer cette commission et de payer les dépenses que le chantier devra encourir jusqu'au prochain paiement fait par l'armateur. C'est cas par cas. Il y a eu un événement qui a affecté un peu le processus normal dans le cas de ce contrat. Les paiements progressifs qui avaient été faits par l'armateur sur

les premiers navires et qui étaient assez substantiels ont été transférés à la Société Delmas-Vieljeux lorsqu'elle a acheté ces contrats. A un moment donné, on s'est rendu compte, après la vente à Delmas-Vieljeux, et ensuite après la vente aux Algériens de deux navires, que l'équité de l'armateur dans l'ensemble des contrats a diminué du fait qu'il avait vendu son équité à d'autres armateurs. Mais, tout de même, les paiements qu'il a faits ont toujours au moins égalé ou dépassé les commissions. Je n'étais pas là quand les contrats ont été annulés, mais il me semble que si j'avais été impliqué, une des conditions que j'aurais mises, cela aurait été l'annulation des commissions et même le remboursement. Cela aurait dû faire partie de la négociation. Peut-être que cela en a fait partie. Je ne le sais pas. Il a dû y avoir toutes sortes de choses qui ont fait partie des négociations à ce moment-là, mais comme je n'ai pas été impliqué, je ne peux pas savoir si ces points en particulier, ont été négociés. Cela aurait été normal que les commissions soient totalement annulées ou même remboursées dans certains cas.

M. Coulombe: Avec toutes les acrobaties de ce genre de choses, la réalité est la suivante: Sur les navires qui ont été annulés, il y avait déjà eu des paiements de faits, quatre navires. Sur ces quatre bateaux, il devait se payer $1 840 000 de commissions...

M. Tremblay: Ce sont les $440 000 par bateau auxquels on faisait allusion tout à l'heure?

M. Coulombe: ... c'est cela, $460 000 par bateau.

M. Tremblay: $460 000?

M. Coulombe: $460 000, oui. Il restait un solde de $506 000 à payer là-dessus, à la livraison. Comme ils ont été annulés, les $50 000 ont en quelque sorte acheté ces $500 000. Le reste qui avait déjà été payé pour ces bateaux, $1 300 000, n'a pas été remboursé. Il a été ajouté au prix des six contrats des bateaux qu'on a actuellement.

M. Tremblay: Une fuite en avant? M. Coulombe: C'est cela.

M. Tremblay: Au lieu de rembourser on a dit: On va vous payer plus cher les bateaux qui s'en viennent...

M. Coulombe: C'est cela.

M. Tremblay: Comme il travaillait, évidemment, pour annuler les contrats de ces bateaux... Une minute! Une chatte qui ne retrouve plus ses petits! Comment a-t-on pu accepter un pareil "deal", alors qu'on savait que l'armateur faisait des pieds et des mains pour se désengager de ses contrats? Alors, il nous dit: Le montant de $1 800 000, ne vous en faites pas, ajoutez cela sur le prix des bateaux qui s'en viennent. Qui était en charge de Marine à cette époque?

M. Picard: C'est moi, M. le ministre. La réponse est très simple. M. Karageorgis nous offrait de négocier les bateaux, les contrats n'étaient pas exécutoires. Il posait les conditions qu'il voulait, c'était aussi simple que cela. On n'avait aucune force de négociation. Si on avait dit: Remettez les commissions, il aurait dit: Oui, mais on va couper $1 million de plus dans les profits. On n'avait strictement aucune force de négociation.

M. Tremblay: II vous avait par la corde et il vous faisait danser.

M. Picard: Oui.

M. Tremblay: Je reviens toujours à l'allié que vous auriez pu avoir, cela aurait été la SEE.

M. Picard: Dans la négociation sur les prix et ainsi de suite, sur la renégociation de contrats qui n'avaient jamais été signés, la SEE n'est pas intervenue.

M. Tremblay: On voit l'image. Evidemment, c'est une image assez pathétique, mais on la voit assez clairement. J'aimerais poser quelques petites questions pour éclairer encore mieux cet aspect. Ces damnées commissions, assumant que c'est normal que l'on paie des commissions, ce que je trouve moins normal, c'est qu'elles fluctuent comme des yo-yo, mais il y a des commissions... Comment étaient-elles versées, ces commissions? Est-ce que c'était par chèque, parce que cela passait par les Bermudes? Est-ce que c'était en lingots d'or ou quoi? Comment ces commissions sortaient-elles?

M. Coulombe: Par des transferts bancaires.

M. Tremblay: Des transferts bancaires autorisés par qui et sous quelle forme? Par écrit?

M. Coulombe: Le vice-président de Marine pourrait l'expliquer. M. Léveillé, vice-président de Marine.

M. Léveillé: Les officiers en place, à ce moment, donnaient des instructions au trésorier qui donnait des instructions à la banque de faire des transferts.

M. Tremblay: Par écrit, par téléphone ou par télex?

M. Léveillé: Par téléphone. Le trésorier donnait les instructions par téléphone, mais les officiers de Marine avaient à approuver la facture de commissions.

M. Tremblay: Est-ce que c'est normal qu'une banque accepte des appels téléphoniques sembla-

blés pour effectuer des transferts de fonds aussi importants au plan international?

M. Léveillé: Disons que, le lendemain, la banque envoyait un avis de transfert et avait débité le compte de banque de Marine.

M. Tremblay: Un appel téléphonique, n'importe qui pourrait téléphoner à une banque et dire: Transférez-moi $1 800 000 à un compte aux Bermudes!

M. Léveillé: Normalement, il y a toujours une lettre, le lendemain, qui confirme les instructions de...

M. Tremblay: Est-ce qu'il envoyait la lettre, finalement, ou si...

M. Léveillé: Dans certains cas, il n'y a pas eu de...

M. Tremblay: Dans certains cas, il n'y avait même pas de lettre. Est-ce qu'on considérait le versement des commissions comme étant quelque chose de normal ou si c'est quelque chose qu'il fallait cacher ou camoufler, pour ne pas laisser de traces écrites sous forme de lettres?

M. Léveillé: Non, il y a quand même des documents qui approuvent le déboursé chez Marine. Les employés du service de la trésorerie de Marine transigeaient constamment avec la banque, demandaient des transferts pour les fournisseurs. Pour eux, c'était un fournisseur qu'ils payaient comme tout autre créancier de Marine.

M. Tremblay: Quand vous dites que les officiers de Marine approuvaient ce genre de transactions et donnaient l'ordre au trésorier de téléphoner, faites-vous allusion au conseil d'administration, au président, au vice-président ou quoi? (23 h 30)

M. Léveillé: Je veux parler des vice-présidents d'opération, les officiers à l'intérieur de Marine Industrie.

M. Tremblay: Si je me rappelle bien, je pense qu'avant le dîner, M. Simard a dit: Quand j'étais président du conseil, je n'étais pas en charge des opérations et je n'étais pas au courant de ce qui se faisait quant au paiement des commissions. Il y a une question de régie interne et de règle de gestion à l'intérieur de Marine Industrie. Est-ce qu'un officier avait une latitude pour effectuer des paiements qui étaient plafonnés à un certain montant? Par exemple, souvent, dans une compagnie, on va permettre à un président, à un vice-président de signer des montants de $25 000 ou $50 000. Quand cela dépasse un certain montant, il faut que ce soit contresigné par deux personnes: le président et le vice-président; on exige plusieurs signatures.

Dans le cas de Marine Industrie, on versait quand même quelques millions de dollars, ce n'était pas des montants de $25 000. Est-ce que cela se faisait sous une signature, deux signatures ou si ce n'était que verbal? Je pose la question à M. Rochette.

M. Rochette: M. le ministre, dans le cas des commissions, c'est une convention qui est intervenue entre le chantier et le courtier. Cette convention prévoyait le montant de la commission et les termes de paiement à des dates précises ou à des événements précis, la livraison d'un navire, par exemple. Cette convention était signée par deux vice-présidents de Marine Industrie ou un vice-président et le secrétaire, je crois, peut-être, M. Asselin, je ne me souviens pas; mais il y avait deux signatures, de toute façon.

M. Tremblay: Puisque M. Simard, qui était président du conseil, n'était pas au courant, est-ce que le président, M. Fillion, chef des opérations, était au courant?

M. Rochette: Pardon?

M. Tremblay: J'essaie de comprendre. Le président du conseil d'administration de Marine Industrie, à cette époque M. Simard, nous a dit tout à l'heure que sur cette question des commissions, il n'était pas au courant. Maintenant, vous me dites qu'habituellement, pour avoir ce protocole, ces contrats de commissions, on exigeait deux signatures. M. Fillion, à l'époque, était le président de Marine Industrie, chef des opérations et vous n'étiez que le vice-président. Voici la question que je pose: Est-ce que M. Gérard Fillion était au courant ou participait au versement de commissions avec vous et le secrétaire, ou si ce n'étaient que vous et le secrétaire qui avaient la mission de s'occuper des commissions?

M. Rochette: Laissez-moi expliquer un peu. Je n'ai jamais participé au paiement des commissions. J'ai dit que l'entente intervenue entre le courtier et Marine Industrie était signée par deux officiers de la compagnie. Je crois que dans le cas des six premiers navires, c'était M. Hacken et M. White qui ont signé au Pirée. Quant aux douze navires suivants, je crois que j'étais un des deux signataires, le deuxième était soit M. Asselin, soit M. White, je ne pourrais pas l'assurer sans voir le document. Une fois cette convention intervenue, par la suite, quand une commission devait être remise, le courtier nous envoyait une facture. Si cette facture arrivait à mon attention, je demandais à Me Asselin ou à un autre de vérifier si c'était conforme aux termes de l'entente et, si oui, de le payer; mais je ne me suis jamais occupé du paiement. La façon dont c'était payé, je l'ignore.

M. Tremblay: On comprend peut-être un peu mieux. Il y avait eu une convention avec le courtier. Comment s'appelait-il?

M. Rochette: Simpson, Spence & Young.

M. Tremblay: Ce courtier vous envoyait une facture à partir de ses bureaux des Bermudes, vous passiez ces factures à M. Léveillé qui téléphonait à la banque et c'était transféré.

M. Léveillé: Je n'étais pas à Marine Industrie à ce moment-là.

M. Rochette: J'aimerais faire une petite mise au point. La convention, pour autant que je me souvienne, était signée avec Simpson, Spence & Young, Londres. Par la suite, je crois qu'ils nous ont demandé, lorsque nous faisions des paiements, de les remettre à leur succursale des Bermudes. Je ne crois pas que la convention ait été signée avec Simpson, Spence & Young des Bermudes, c'était à Londres, à leur siège social. Par la suite, ils ont demandé que les paiements soient dirigés vers les Bermudes.

M. Tremblay: Je crois comprendre cette opération. L'autre point qui est un peu obscur, je demanderais aux témoins d'essayer de nous éclairer, c'est sur le volume des commissions. Pourquoi était-ce important... Avant 1973, la commission était de 1% sur les sept bateaux français; lorsqu'on est arrivé aux bateaux grecs, elle est monté à 3%, peut-être à 5%, mais en moyenne, à peu près à 3%.

M. Rochette: Cela n'a rien à voir avec les bateaux grecs. Quand j'ai mentionné, tout à l'heure...

M. Tremblay: Cela pouvait aller jusqu'à 5%, c'est cela.

M. Rochette: Pas avec ces bateaux-là. M. Tremblay: ... ces bateaux-là.

M. Rochette: II y a des courtiers qui nous demandent 5% lorsqu'ils nous approchent, d'autres nous demandent 2%, 3%; d'autres nous demandent 1%.

M. Tremblay: D'accord. J'essaie de faire un graphique. Avant 1973, pour les sept bateaux vendus aux Français c'était à peu près 1%, c'est monté à 3% avec les bateaux pour les Grecs, après cela avec les bateaux pour les Polonais et les bateaux pour les Cubains...

M. Rochette: II n'y a pas eu de commission pour les bateaux vendus aux Cubains.

M. Tremblay: II n'y avait pas de courtier?

M. Rochette: II n'y avait pas de courtier. C'était directement avec le gouvernement de Cuba.

M. Tremblay: C'est à cause du socialisme. Il y a des avantages là. Donc, il y a eu quand même avec les bateaux pour le Grec des pourcentages qui dépassaient la coutume, du moins récente et postérieure, chez Marine. Là, ce serait bon si on pouvait en comprendre le pourquoi. Il doit y avoir une explication logique. Il y a toujours une explication pour les choses. Une explication serait que puisque Marine acceptait d'ajouter au prix des bateaux la commission qu'elle versait au courtier, à la demande de l'armateur...

M. Rochette: Du consentement de l'armateur.

M. Tremblay: Du consentement de l'armateur. Le mot est important selon vous? Ce n'est pas à la demande, c'est plutôt du consentement.

M. Rochette: Ce n'est pas à la demande, c'est du consentement de l'armateur.

M. Tremblay: Du consentement de l'armateur. Marine se disait: Pourquoi pas? On va plaire à un bon client. On lui souffle sa facture de 3%. Cela permet d'obtenir du gouvernement fédéral 10% sur une facture soufflée. 17% de...

M. Rochette: C'est le courtier qui le demande. C'est le courtier qui demande une commission et l'armateur consent à ce que...

M. Tremblay: Mais ce damné courtier, il travaillait pour qui? Est-ce qu'il travaillait pour l'armateur ou pour Marine ou pour les deux en même temps?

M. Rochette: C'était le courtier attitré de Kara-georgis, mais à ce moment-là il travaillait comme un agent d'immeuble. On peut dire qu'il travaille pour le vendeur ou pour l'acheteur, dépendant de quelle façon vous le regardez. Il travaille surtout pour lui.

M. Tremblay: Oui, je comprends...

M. Perron: C'était le courtier attitré de Kara-georgis et non pas de Marine.

M. Rochette: Non. Marine fait affaires avec n'importe quel courtier qui offre de lui amener des clients, la même chose que chez Davie. Un courtier vient nous présenter une affaire. Il dit: Je peux vous présenter à un client et si je réussis à faire la vente pour vous, ma commission sera de X. C'est comme cela que...

M. Tremblay: Donc, le client, l'acheteur, parce qu'on a établi que c'était un "buyer's market", le client avait imposé son propre courtier à Marine.

M. Rochette: C'est-à-dire que c'est le courtier qui nous a présenté à Karageorgis, mais c'est le courtier de Karageorgis. Il est venu nous voir et il nous a dit: J'ai un client qui est intéressé à acheter une série de navires chez-vous. Voulez-vous faire affaires avec moi.

M. Tremblay: Donc, le courtier recevait 3,03%.

Je m'excuse, on a établi cela en pourcentage, mais vous-même vous avez établi que ce n'était pas en pourcentage dans la convention...

M. Rochette: C'était un montant fixe.

M. Tremblay: ... c'était un montant fixe qui a augmenté et qui est allé jusqu'à $460 000 par bateau.

M. Rochette: Parce que les derniers navires valaient beaucoup plus cher que les premiers.

M. Tremblay: D'accord. Ces $460 000 par bateau étaient versés au courtier Simpson, Spence and Young International Development Agencies des Bermudes. D'accord? C'était un gros montant. Ce montant était payé ou du moins devait être payé par l'armateur qui avait vu son prix soufflé.

M. Rochette: C'est cela.

M. Tremblay: Donc, c'était un armateur qui aimait beaucoup son courtier. Evidemment l'armateur pouvait se dire: 17% de la subvention, le prix étant soufflé, je gagne un petit peu du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral payait un peu de cette commission soufflée.

M. Rochette: Si le gouvernement l'a payée, ce que j'ignore.

M. Tremblay: Je demanderai peut-être à M. Coulombe tout à l'heure. Je présume que cela a été payé. Est-ce que c'est un procédé... C'est un procédé qui m'apparaît un peu douteux, que l'on ait gonflé les prix. Mais je peux concevoir que Marine essayait de plaire à son armateur, afin de garder de bonnes relations. Maintenant — et là je pose la question — compte tenu que c'était I armateur qui devait payer cette grosse commission, qui était plus grande que d'ordinaire, est-ce qu'il est logique de croire que le courtier gardait toute la commission pour lui?

M. Rochette: Je l'ai dit plus tôt aujourd'hui, je l'ignore. Il faudrait le lui demander et au courtier. Est-ce que le courtier lui rendait par ailleurs d'autres services pour lesquels il ne le payait pas parce qu'il avait été payé à même cette commission, je l'ignore. Je ne peux pas répondre à cette question.

M. Tremblay: Oui, c'est une question à laquelle il est difficile de répondre, mais c'est une question qu'il est légitime de se poser. Est-ce que le courtier était le bénéficiaire ultime des commissions?

M. Rochette: Je l'ignore.

M. Tremblay: M. Rochette dit qu'il I'ignore. Parce que le député de Brome-Missisquoi a mentionné tout à l'heure que peut-être qu'il y avait une présomption que l'armateur qui devait payer les prix gonflés, qui aurait pu recevoir des commissions en provenance de son courtier, se servait peut-être de ces fonds pour faire les avances à Marine, de sorte que, dans une telle circonstance, l'armateur aurait fait des avances à Marine Industrie avec les fonds que Marine Industrie lui versait en commission.

M. Russell: Je présumais que cela se faisait, mais je trouvais que les montants se ressemblaient beaucoup.

M. Tremblay: Oui, c'est ce que l'on essaie de faire, cerner un peu plus cette affaire. Peut-être que c'est impossible, parce que M. Karageorgis n'est pas ici, MM. Simpson, Spence, Young ne sont pas ici, et je présume que le ministre fédéral de l'Industrie et Commerce n'est pas ici, parce que... Je pose la question, est-ce que le ministère fédéral de l'Industrie et du Commerce était au courant que la subvention de 17% qui était versée portait sur un prix qui avait été gonflé par une commission à un courtier des Bermudes qui était plus forte que l'ordinaire?

M. Rochette: Dans tout contrat sur lequel une subvention fédérale est payée, il faut déclarer ce qu'on appelle le contenu non canadien du contrat, alors, nous faisons une liste des paiements qui seront faits à l'étranger pour l'achat des moteurs ou des génératrices, ou différentes pièces et, sur cette liste, était mentionnée la commission et à qui elle serait payée. C'est à la suite de cette déclaration qu'Ottawa nous a demandé d'obtenir de Simpson, Spence and Young une déclaration formelle comme quoi il n'y avait pas de lien corporatif entre cette firme et M. Karageorgis. Ils ont fait cette déclaration qui a été envoyée à Ottawa.

M. Tremblay: ... habituellement, c'est le contraire.

M. Rochette: M. Tremblay, j'aimerais ajouter une chose...

M. Tremblay: ... mais pas à son propre profit, au profit d'un Grec. Oui, M. Rochette.

M. Rochette: J'aimerais ajouter qu'on parle toujours de ces contrats parce qu'ils ont mal tourné, dans le cas des six premiers qui ont été revendus à Delmas-Vieljeux, les deux aux Algériens, mais ces contrats ont été des contrats à grand succès, et la commission qui a été payée au courtier, qui était une des conditions pour faire affaire, si nous avions refusé de l'accepter, nous n'aurions pas eu de contrat du tout.

M. Martel: M. Rochette, sur les bateaux français auxquels vous faites allusion, il y avait tout de même encore des pertes de $20 millions à Marine Industrie à ce moment-là?

M. Rochette: Sur...

M. Martel: Sur les bateaux qui ont été vendus, les bateaux français.

M. Rochette: Non, sur les six navires de M. Karageorgis qui ont été vendus à Delmas-Vieljeux, après que M. Karageorgis eut signé ces contrats avec nous, Marine Industrie a fait une moyenne de $1 500 000 de profit par navire quelque chose du genre.

M. Martel: II y a des bateaux qui ont été vendus avant, les bateaux français...

M. Rochette: La première série, en 1971.

M. Martel: ... il y avait $20 millions de déficit à ce moment-là.

M. Rochette: La première série en 1971.

M. Martel: D'accord. Je voulais vous demander, si vous permettez, M. le ministre, qui était en charge des opérations financières à Marine Industrie à ce moment-là, est-ce que c'était M. Maurice Provencher?

M. Rochette: Non, en 1971, c'était M. René Barrière.

M. Martel: M. Barrière.

M. Rochette: Oui.

M. Martel: II n'est plus à Marine Industrie.

M. Rochette: II est décédé.

M. Martel: D'accord.

M. Tremblay: J'aurais deux dernières questions sur cette question des commissions. La première, je la poserais à M. Simard. On a augmenté les commissions de $350 000 par bateau à $460 000, à un moment donné la convention a donc été changée avec le courtier. La question était évidente, est-ce que ces changements dans la nature des accords étaient autorisés par le conseil d'administration ou si c'était complètement à l'extérieur du conseil d'administration que ce genre d'accords étaient conclus?

M. Simard (Arthur): Cela arrivait au conseil d'administration pour un montant global et non pas divisé au conseil d'administration, on n'avait pas toute la liste des fournitures c'était un montant global. Quand on parlait d'un contrat et que le contrat était augmenté, parce que les bateaux avaient coûté plus cher, si la commission était augmentée, on ne la voyait pas.

M. Tremblay: D'accord. Une dernière question à M. Rochette, cette fois-ci.

M. Simard (Arthur): Pour M. Rochette?

M. Tremblay: Une dernière question, parce que... Je comprends qu'à partir de 1975-1976, Marine Industrie s'est trouvée dans une situation où le marché international s'était effondré et où sa vulnérabilité l'a placée à la merci de l'armateur grec. Comme la SEE ne collaborait pas du tout, au contraire, se rangeait du côté de l'armateur pour justifier ses prétendues critiques en ce qui concerne la qualité, Marine Industrie a dû renégocier les contrats, aller de mal en pis. Je comprends ça. Mais lorsque vous avez conclu les premiers contrats, en 1973, sur les 18 bateaux, le marché était ferme au plan international, parce que les armateurs se garrochaient dans tous les chantiers maritimes du monde afin de passer le plus grand nombre de commandes en anticipant des hausses de prix. C'est vrai? (23 h 45)

M. Rochette: Le marché était bon, mais les prix canadiens étaient tout de même élevés. La concurrence était assez difficile parce que nos prix étaient plus élevés que ceux des Japonais et même que la plupart des chantiers européens.

M. Tremblay: C'était quand même une situation relativement bonne.

M. Rochette: La seule chose qui nous a permis de faire des ventes, c'est que nous offrions de meilleures livraisons.

M. Tremblay: Oui. Mais je pense qu'il y a autre chose aussi qui vous a permis de faire des ventes. Vous avez offert des commissions qui étaient extrêmement intéressantes. Quand vous avez dit: Ces commissions, pour plaire à l'armateur qui demandait 3% et nous demandait de l'ajouter au prix, cela ne nous faisait rien — cela faisait quelque chose au gouvernement fédéral parce qu'il devait payer un peu plus — vous avez partiellement répondu à ma question.

Pourquoi avoir consenti des commissions aussi importantes alors que le marché était assez fort et que les armateurs, dans le cas de Karageorgis, avaient déjà passé des commandes dans plusieurs autres chantiers maritimes et étaient très intéressés à passer un contrat pour 18 bateaux? Je crois que quelqu'un a dit, au cours de la journée, qu'il ne voulait pas avoir moins que 18 bateaux.

M. Rochette: C'est moi qui l'ai dit.

M. Tremblay: Marine Industrie aurait voulu avoir moins que 18 bateaux, parce que c'était $260 millions de contrats et cela devait vous faire peur un peu, ces gros montants. J'ai parlé du lapin et du cheval.

Donc, c'était le Grec qui pressait pour vraiment s'assurer d'une livraison, d'une garantie de bateaux, pour pouvoir anticiper une vente à des prix plus élevés. Il en a vendu une partie à la France et une partie à l'Algérie, sur laquelle il a sans doute réalisé des profits, y compris le courtier.

Marine Industrie était heureuse d'avoir ces bateaux, évidemment, c'était le contrat du siècle.

Mais la pression, du côté de la demande, était forte. Ce n'était pas ce qu'on peut appeler nécessairement un "buyer's market" à cette époque.

Et là, c'est une question naïve que je pose. Dans une situation semblable, pourquoi Marine Industrie a-t-elle dû consentir au courtier ce montant de 3%, alors qu'auparavant, cela avait été de 1% et qu'après, c'est revenu à 1% de commission et même moins?

M. Rochette: Je crois que vous avez une mauvaise impression si vous croyez que ces ventes étaient faciles.

M. Tremblay: Non, non.

M. Rochette: Elles n'étaient pas faciles du tout. Et les clients étaient plutôt rares, justement parce que nos prix étaient trop élevés à comparer avec ceux des Japonais. Alors, lorsqu'un client comme Karageorgis est venu nous dire qu'il avait confiance en nos produits, qu'il avait visité les navires que nous avions construits pour les Français précédemment, qu'il était très impressionné par notre qualité et qu'il voulait une longue série de navires, nous étions très intéressés.

Et quand le courtier nous a exigé une commission que l'armateur consentait à payer dans le prix du navire, pour notre part, il n'y avait pas d'hésitation. C'était ajouté directement au coût du navire. Il n'y a pas eu du tout de cachette non plus, du côté du fédéral. Nous avons mentionné cette commission dans la liste des paiements que nous avions à faire. Nous n'avons jamais cherché à la cacher. Je ne sais pas si, depuis, ces gens ont payé la subvention ou non, mais avec Karageorgis, je crois qu'il était entendu que, si la subvention n'était pas payée...

Je me trompe avec le financement intérimaire que nous avons inclus dans le contrat, le financement intérimaire où la subvention s'appliquait sur l'intérêt et, si elle s'appliquait, nous en donnions le bénéfice à Karageorgis.

Dans le cas de la commission, nous l'avons simplement déclarée à Ottawa. Est-ce que la subvention a été payée ou non depuis? Il faudrait le vérifier. Je l'ignore, parce que je n'étais pas là lorsque le contrat a été terminé. La vérification se fait uniquement à la fin du contrat.

M. Tremblay: M. le Président, sur ces deux points, je pense que cela donne un éclairage assez important. Evidemment, on peut porter jugement soi-même, individuellement. Est-ce que c'était souhaitable? Comme le disait M. Rochette, en rétrospective, c'est toujours facile de voir très clairement...

M. Rochette: Beaucoup.

M. Tremblay: On peut s'imaginer que, voyant apparaître un contrat de cette ampleur, il y avait une certaine euphorie et que, d'autre part, l'armateur était habitué de passer ce genre de contrat.

J'aurais peut-être une dernière question. Je reviens au contrat. Est-ce que Marine Industrie, face à des contrats comme ceux-là, et face à un armateur international qui connaissait les contrats maritimes, a fait appel à des avocats spécialisés en droit maritime pour étudier ces contrats?

M. Rochette: Non. Nous avons fait appel à nos conseillers juridiques habituels. Evidemment, ce n'était pas la première fois qu'ils travaillaient sur des contrats de navires, parce que Marine Industrie a toujours eu des contrats de navires, au cours de son histoire.

Même si ce n'était pas des conseillers juridiques spécialisés dans la chose maritime, ils avaient tout de même l'expérience des contrats de construction de navires.

M. Tremblay: Je ne veux pas être méchant, M. Rochette, mais vous aviez devant vous des professionnels. Vous, ce que vous aviez finalement, c'étaient pratiquement des amateurs sur le plan international dans ce domaine.

M. Rochette: Sans être des amateurs, nous manquions peut-être un peu d'expérience sur le marché international, même si ce n'était pas notre premier contrat; mais de là à dire, comme cela a été dit ici. que ces contrats étaient pleins de trous, je ne le reconnais pas encore.

M. Tremblay: M. Picard a dit qu'en termes économiques, ces contrats n existaient pratiquement pas.

M. Rochette: J'aimerais mieux demander un avis juridique, plutôt que l'opinion de M. Picard.

M. Picard: On a eu un avis juridique. Ces contrats n avaient aucune valeur exécutoire. Comment exécutez-vous un contrat si vous êtes mal pris contre une compagnie qui a $1000 d'actifs, ces contrats... Je voudrais souligner une deuxième chose. Après avoir écouté M. Rochette, qui a d'ailleurs bien expliqué un certain nombre de choses, si c'était si difficile de négocier avec M. Karageorgis, en 1973, quand le marché était à son sommet, je suis sûr que M. Rochette va reconnaître que ce n'était pas très facile un an et demi après, en plein naufrage, pour employer un terme maritime, de négocier des contrats qui ne valaient rien.

M. Tremblay: Mais parfois il décrit bien une situation réelle.

M. Biron: Comme aujourd'hui, oui.

M. Picard: II avait $60 millions d'engagements. Il n'avait pas de recours possibles. Les contrats n étaient pas exécutoires et le marché était tombé radicalement. Si cela a été difficile de négocier des contrats, en 1973, vous pouvez imaginer à peu près ce que c'était en 1975, dans cette situation-là.

Une Voix: C'est encore plus difficile en 1978.

Une Voix: J'en suis sûr.

Le Président (M. Marcoux): Sur ma liste d'intervenants, j'avais encore le député de Laprairie, le député de Notre-Dame-de-Grâce, le député de Richelieu, le député de Sherbrooke et le député de Brome-Missisquoi.

M. Michaud: ... amplement, d'ici minuit, trois ou quatre minutes.

Le Président (M. Marcoux): Trois ou quatre minutes.

M. Michaud: Si vous permettez.

Le Président (M. Marcoux): Trois ou quatre minutes. Je réserve les trois ou quatre dernières minutes pour M. le député de Notre-Dame-de-Grâce qui voudrait qu'on s'entende rapidement sur la démarche de demain.

M. Michaud: D'accord. Vous comprendrez que, quand j'ai demandé mon droit de parole, il était 15 heures. Il y a plusieurs questions qui ont reçu une réponse. Quelques détails. M. Picard dit qu'il n'y a pas eu de contrat. D'après M. Massé, le prix "closing" a eu lieu le 31 décembre 1975. Vous me permettrez de rappeler ce qu'il a dit: "C'était tellement jugé un "closing" qu'il y a eu des photographies de prises." Ce n'est pas une condition sine qua non d'un sérieux, mais de toute façon. D'après M. Rochette, à quelle date le contrat a-t-il été signé?

M. Rochette: Tous les contrats ont été signés en 1973. Les six premiers étaient fermes et les douze derniers étaient sujets à certaines renégociations. Ils ont été amendés en août 1974.

M. Michaud: D'accord. Au début, on parlait d'un contrat de 18 navires. Il y en a six qui ont été vendus d'un bloc. Après cela, un peu plus tard dans la journée, on a parlé de douze compagnies panaméennes.

M. Rochette: C'étaient 18 compagnies panaméennes, une compagnie par contrat.

M. Michaud: C'était une compagnie par contrat.

M. Rochette: Oui.

M. Michaud: Vous n'avez pas trouvé cela curieux au début?

M. Rochette: Non, c'est la coutume courante des armateurs grecs partout où ils font affaires dans !e monde.

M. Michaud: C'est tout à fait normal.

M. Rochette: Nous le savons parce que, quand nous réparons un navire d'un armateur grec, c'est toujours une compagnie séparée pour le navire en cause. Regardez dans le registre des

Lloyd's et vous allez voir qu'à peu près chaque navire grec a une compagnie séparée.

M. Michaud: Ainsi, d'après vous, les contrats ont été signés en 1973?

M. Rochette: Pardon?

M. Michaud: D'après vous, les contrats ont été signés en 1973?

M. Rochette: Dix-huit contrats ont été signés en 1973, oui. Il y en a douze qui ont été amendés en 1974.

M. Michaud: Vous avez donc retardé de payer un peu vos commissions, si vous avez commencé à payer seulement en 1975?

M. Rochette: Non, les commissions pour les six premiers ont commencé à être payées en 1973. Elles ont été complétées à la livraison de chacun des navires.

M. Michaud: D'accord. Il faut que je termine. Je pourrai revenir demain.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce a une suggestion sur la conduite de nos travaux, demain.

Une Voix: On pourrait continuer ce soir.

M. Scowen: Merci, M. le Président. C'est une suggestion très précise qui ressort des commentaires du ministre. J'ai été frappé de constater que je ne voyais pas du tout sa perspective, son analyse de la situation qu'il a dévoilée ce soir. J'avais l'intention, et j'ai encore l'intention de poser quelques questions demain sur l'aspect du problème que je trouve le plus important, c'est-à-dire l'organisation et la gestion de la SGF et de ses filiales. Je pense qu'on en retire énormément de bonnes expériences, d'éléments qu'on peut utiliser dans le développement d'une politique pour l'avenir.

Le ministre a souligné deux aspects du problème: premièrement la faute du gouvernement fédéral et la faute des étrangers dans cette affaire. J'admets que c'est possible qu'il ait raison. Je ne suis pas d'accord. Je pense même que c'est malsain d'essayer de porter le blâme sur ces deux autres groupes ou personnes. Dans le cas du fédéral, cette fois-ci, nous avons l'occasion de savoir jusqu'à quel point ce blâme est justifié. Ce que je propose pour demain, c'est qu'à 9 heures ou à 8 heures, on téléphone à Ottawa, et on invite à comparaître devant nous, demain après-midi ou demain soir, un représentant de la SEE pour nous permettre de poser les questions, d'entendre son point de vue pour éclaircir un peu la situation, surtout l'aspect dont le ministre a parlé ce soir, qui est, en effet, un des plus importants. Je suis persuadé que ce sera possible. Je suis certain que le ministre peut I'accepter avec un esprit d'ouverture pour qu'on comprenne vraiment les problèmes et

les solutions possibles. Je propose tout simplement qu'on réserve une demi-heure pour un représentant de la SEE, demain après-midi ou demain soir.

M. Martel: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): Un instant! Je veux que ce soit très clair. Est-ce que vous émettez un voeu à savoir que le ministère de l'Industrie et du Commerce, ou le président de la commission, le secrétaire et le secrétariat des commissions entrent en contact avec le président de la SEE pour l'inviter à venir nous rencontrer ou si vous en faites une motion? Si vous en faites une motion, évidemment, elle est débattable. Je ne crois pas que, dans les deux minutes qui viennent, nous puissions la débattre, à moins qu'on n'obtienne l'unanimité.

M. Tremblay: S'il s'agit d'un voeu de la part du député de Notre-Dame-de-Grâce, voulant que le secrétaire des commissions téléphone au président de la SEE et l'invite à venir devant la commission, évidemment, j'en serais ravi, mais plutôt que d'entrer, comme le dit le chef de l'Union Nationale, dans une motion en bonne et due forme, puisqu'il s'agit d'un probème constitutionnel — on sait bien qu'un organisme qui relève d'un autre gouvernement et les fonctionnaires qui y travaillent ne sont pas sous la juridiction d'un autre — cette motion n'aurait pas d'effet. S'il s'agit d'un voeu, je serais certainement heureux de donner mon acquiescement à la suggestion du député de Notre-Dame-de-Grâce.

Le Président (M. Marcoux): Je transmettrai votre voeu au secrétaire des commissions. Le président vous fera rapport demain à l'ouverture, au début des travaux, après la période des questions. Je voudrais savoir, puisqu'il reste une ou deux minutes, je veux peut-être poser une ou deux questions. Vous aviez trois sujets à l'ordre du jour: Les bateaux; deuxièmement, la réorganisation de Marine; troisièmement, la SGF. Est-ce que...

M. Martel: M. le Président, là-dessus, demain, j'espère que le syndicat de Marine, qui a passé la journée ici, va pouvoir aussi venir parler. Il n'est pas venu à Québec pour rien non plus. M. Picard, dans mon esprit, a apporté un peu de conclusion au problème des bateaux négociés avec le Grec en déclarant tout à l'heure qu'après avoir consulté des juristes, à ce moment, les contrats n'étaient pas légaux. Donc, demain, je pense qu'il est important, étant donné que nous avons une loi qui concerne l'avenir de 1800 travailleurs à Marine, qu on se réserve une bonne partie de la journée pour connaître la planification, la conversion que Marine Industrie a l'intention de faire avec les $103 millions que la SGF va recevoir.

Le Président (M. Marcoux): On termine à minuit comme prévu. Ce que je voulais dire, c'est qu'aujourd'hui, tous les députés pouvaient inviter des représentants du syndicat et leur poser toutes les questions qu'ils voulaient; demain, il en sera de même, la commission étant maîtresse de ses travaux et chacun de ses membres pouvant poser des questions à tous les invités. Et parce qu'avis a été donné à la Chambre que le président du syndicat était invité comme témoin, aujourd'hui, vous pouviez le faire et vous le pourrez également demain. Tous les membres de la commission auront le loisir de poser toutes les questions qu'ils veulent poser à tous les témoins qui ont été invités.

M. Picard.

M. Picard: Juste une correction. Je n'ai pas dit que les contrats n'étaient pas légaux, j'ai dit qu'il n'y avait pas de force exécutoire. Donc, ils pouvaient être légaux, mais on ne pouvait rien en faire.

Le Président (M. Marcoux): Une question...

M. Michaud: M. le Président, est-ce que vous allez suivre la liste commencée aujourd'hui pour Tordre des participants?

Le Président (M. Marcoux): Je vais transmettre, à la personne qui présidera demain — si ce n'est pas moi — la liste des intervenants, dans l'ordre où ils étaient rendus.

M. Michaud: D'accord.

Le Président (M. Marcoux): On en était rendu au député de Laprairie, au député de Notre-Dame-de-Grâce, au député de Richelieu, au député de Sherbrooke et au député de Brome-Missisquoi.

La commission ajourne ses travaux sine die.

Fin de la séance à 0 h 2

Document(s) associé(s) à la séance