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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le vendredi 24 novembre 1978 - Vol. 20 N° 198

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Question avec débat: L'absence de politique du gouvernement québécois en ce qui concerne l'investissement de capitaux provenant de l'extérieur du Québec


Journal des débats

 

Question avec débat

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'industrie et du commerce est réunie pour la question avec débat du député de Notre-Dame-de-Grâce au ministre de l'Industrie et du Commerce sur le sujet suivant: L'absence de politiques du gouvernement québécois en ce qui concerne l'investissement de capitaux provenant de l'extérieur du Québec.

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous avez 20 minutes pour aborder le sujet.

M. Scowen: Merci, M. le Président. Je me demande si je peux suggérer au ministre un léger changement à l'ordre du jour. Normalement, c'est la deuxième session à laquelle j'assiste, cette idée de 20 minutes de discours suivies par 20 minutes de discours, pour moi, n'est pas fidèle tout à fait à l'idée de question avec débat. J'ai parlé un peu avec M. Russell avant que le ministre arrive et je pense qu'il est d'accord avec la suggestion que je propose au ministre, à savoir que ce matin, peut-être, on va changer. Quant à moi, je vais faire un petit préambule de cinq minutes dans lequel je vais dénoncer le gouvernement au sujet de cette affaire.

Ensuite, je vais poser quelques questions assez précises, puis le ministre pourra prendre cinq minutes pour dénoncer l'Opposition ou faire un préambule et, tout de suite après, on pourra passer aux questions. On va permettre à M. Russell de faire la même chose après avoir passé notre première série de questions. Je pense que cela pourrait être plus intéressant et peut-être que ça nous permettrait même de partir un peu plus tôt, en plus.

Je ne sais pas si vous pouvez accepter cette suggestion, M. le ministre.

M. Tremblay: Je dois dire, M. le Président, que ce n'est pas nous qui avons convoqué la commission; c'est le député de Notre-Dame-de-Grâce qui l'a convoquée. Je présume qu'il a des choses intéressantes à nous dire, parce que je dois dire que, comme ministre de l'Industrie et du Commerce, je suis très occupé présentement. Je suis rentré, hier soir, comme je le mentionnais déjà, d'une rencontre à Mont-Joli, où j'ai créé un commissariat industriel: j'aurais eu des rencontres aujourd'hui avec le conseil d'administration de SIDBEC, à Montréal, et je suis en train de préparer la commission parlementaire sur la SGF où nous allons augmenter son capital-actions de $60 millions. Donc, je présume que cette convocation n'est pas frivole, qu'il y a, de la part du député de Notre-Dame-de-Grâce et de l'Opposition libérale, des choses importantes à dire. Je suis venu ici pour les entendre et, évidemment, commenter ces déclarations et répondre à des questions.

J'ajouterais d'autre part, M. le Président, que l'institution qui s'appelle l'interpellation va être revue — parce que c'est une procédure expérimentale qui sera, de toute évidence, suspendue pour le mois de décembre puisque nos règlements ne permettent pas qu'une commission semblable siège pendant le mois de décembre — étant donné qu'elle fait — je vais ajouter un troisième commentaire, si vous me le permettez, parce qu'on a soulevé une question et qu'on a demandé mon opinion — double emploi avec la période de questions à l'Assemblée nationale.

D'autre part, la période d'interpellation se fait selon des règles qui ont été arrêtées par les leaders des différents partis et je n'ai pas autorité, ce matin, au pied levé, à la dernière — peut-être — période d'interpellation que nous aurons, probablement — puisque ces règles ont été établies suite à une superposition de l'ancien système français de la IVe République avec le système parlementaire qui est assez illogique — de les changer. Je pense qu'on devrait s'en tenir, étant donné que c'est déjà une formule assez boiteuse, au moins, à la tradition qui s'est établie depuis l'ouverture de la session.

M. Russell: M. le Président, si vous me permettez seulement un petit mot là-dessus, non pas pour répondre au ministre, mais pour donner une opinion sur la demande du député de Notre-Dame-de-Grâce. Le ministre a raison quand il dit qu'il y a des normes qui ont été établies entre les leaders parlementaires. Et quand on établit des cadres dans lesquels on doit travailler, c'est normal, lorsqu'il n'y a pas entente. Mais je ne connais pas une commission qui ne peut pas elle-même changer les normes de procédure s'il y a entente entre les parties. Le travail — si j'ai bien compris le but visé par cette commission — est d'accomplir quelque chose et d'informer les gens qui posent des questions. Je pense qu'on va atteindre le but d'une façon plus rapide si on procède immédiatement aux questions plutôt que de faire des préambules de vingt minutes qui sont, à mon sens, peut-être...

M. Scowen: Ce qu'on désire, c'est de réduire le préambule de vingt minutes à cinq minutes.

Le Président (M. Marcoux): II n'y a rien qui vous empêche, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, d'être le plus bref possible dans vos premières vingt minutes. De toute façon, comme vous avez un droit de parole privilégié et que vous n'êtes que trois membres avec le droit de parole, je suis convaincu que vous pourrez reprendre la parole à plusieurs reprises en procédant immédiatement, si possible.

M. Scowen: M. le Président, est-ce que je comprends maintenant que le ministre n'est pas d'accord pour réduire le préambule de vingt minutes à cinq minutes pour chacun?

M. Tremblay: Ce n'est pas une question de ne pas être d'accord. J'ai dit simplement qu'il y a des règlements de procédure qui ont été établis à savoir que celui qui convoque la commission peut utiliser 20 minutes. Il peut évidemment utiliser une minute aussi, mais je présumerais que cette commission n'a pas été convoquée pour des fins frivoles.

M. Scowen: 20 minutes chacun dans ce cas-là. D'accord?

M. Tremblay: Je m'excuse. Vous parlez le temps que vous voulez. C'est ce que le président a dit.

Le Président (M. Marcoux): La première étape, c'est 20 minutes au maximum pour le député de Notre-Dame-de-Grâce. Il peut en utiliser cinq, dix ou quinze, mais il aura plusieurs droits de parole de toute façon à la suite de la réponse du ministre, qui sera au maximum de 20 minutes également pour la première réponse.

Exposé du sujet M. Reed Scowen

M. Scowen: Alors, M. le Président, j'ai convoqué cette question avec débat, parce que, d'après plusieurs opinions que j'ai eues du monde des affaires, des journalistes, du monde de notre parti, il semble que le Parti québécois n'ait pas encore réussi à développer une politique sur les investissements non québécois qui soit claire et qui pourrait être comprise par les personnes intéressées. Moi, je dis aujourd'hui qu'il n'y a pas de politique. Il y a une attitude qui est révélée dans les déclarations qui ont été faites jusqu'ici, quelques gestes, et je les qualifie de colériques et d'inarticulés. Ce manque de politique est probablement la raison de cette attitude. Vous n'avez pas rendu les choses claires et nettes. C'est souvent difficile d'être consistant et content, mais il faut d'abord que je souligne qu'une politique envers ces investisseurs a été promise.

J'ai une citation de M. Landry qui date du 25 juin 1977, que je ne vais pas répéter, mais M. Landry a dit qu'il y aurait une politique sur ces investissements très bientôt et, de temps en temps, depuis cette déclaration, il y a eu d'autres indications qu'une politique s'en venait. Il a toujours été dit que cette politique serait basée sur le programme officiel du Parti québécois et surtout le chapitre III, les entreprises, et M. Landry, à plusieurs reprises, a fait référence à ce programme. Depuis cette promesse, nous avons vu, si je comprends bien, ce qui s'est passé.

J'ai essayé de fouiller un peu dans les documents et les coupures de presse. Il y a, premièrement, ce que j'appellerais une attitude générale envers ces investisseurs non Québécois qui est hostile, une préoccupation pour les petites et moyennes entreprises québécoises, et même des déclarations que c'est sur celles-là qu'on va bâtir notre économie, une détermination de favoriser les autochtones, mais pas de politiques.

L'hostilité, je pense que c'est bien connu. Je n'avais pas de problème, hier, pour trouver des références pour les hommes d'affaires; je cite quelques exemples: "bastard", M. Lévesque; un chancre dans l'économie, M. Jacques-Yvan Morin; "small dictators, le ministre roi nègre, inféodé, extrémiste de droite, puppet, maître chanteur, arrogant, incompétent. On a toute une liste d'adjectifs, j'ai des citations ici. Mais tout le monde est conscient qu'en général, l'attitude envers ce grou-ge de membres de notre économie de la part des gens qui ne sont pas des capitalistes du Québec est un peu négative.

Pour donner le sommaire de cette attitude, je pense que je peux citer M. Laurin; c'est le plus clair que j'ai vu, une citation de juillet 1978: "II n'y a pas de doute que nous entrons en conflit avec les multinationales; depuis le temps que ces dernières opèrent au Québec, nous les connaissons bien." Je pense que cette seule phrase, c'est le sommaire assez précis de toutes les attitudes que je décris.

Deuxièmement, j'ai parlé brièvement de la question de la politique des PME. C'est clair qu'en général, l'idée du ministre, si je comprends ses paroles jusqu'ici, c'est que la base de notre économie doit être les petites et moyennes entreprises. Je cite simplement un exemple, il y en a plusieurs. Il serait illusoire de croire, comme on l'a cru dans certains gouvernements précédents, que le développement économique du Québec devrait reposer sur l'apport des investissements étrangers.

Notre politique économique doit reposer sur une première préoccupation, celle d'encourager les efforts des autochtones. L'ensemble des politiques et des programmes du gouvernement visera à l'avenir, directement ou indirectement, à cet objectif central. Alors, voici la situation. Une certaine hostilité envers les hommes d'affaires étrangers, un certain désir de construire un Québec sur la base de nos autochtones; c'est un mot dont les gens se servent pour des fins différentes, mais, quand même, je pense que, dans ce sens, le ministre n'a pas parlé des premiers citoyens de l'Amérique du Nord, mais des Québécois mêmes.

Comment expliquer cette hostilité, ce manque de confiance dans les hommes d'affaires, dans les capitalistes qui ne sont pas Québécois. Je ne peux pas l'expliquer. Je pense que ce n'est pas quelque chose qui est inévitable. En ce qui regarde le passé, je pense que nous avons un peu moins de connaissance de ces grandes compagnies qu'auparavant. On a développé une espèce de mythologie autour de ces compagnies, qu'elles ont toutes un bureau à New York, dans un gratte-ciel, dirigé par les capitalistes qui manipulent les travailleurs du monde, les consommateurs, et qui exploitent les épargnes des Québécois pour quelque chose qu'on appelle le profit, ce mot terrible, qui est devenu presque synonyme, ici, d'exploitation et de vie luxueuse pour les capitalistes anglais à Toronto et aux Etats-Unis.

Ces idées sont dépassées. C'est un peu primitif. Je pense que le ministre lui-même est conscient que ces attitudes, qu'on voit assez souvent dans les journaux, non seulement du gouvernement mais des autres secteurs de notre société, sont dépassées.

Le fait que cette attitude existe, l'attitude que j'ai décrite jusqu'ici, pour moi, c'est clair que nous perdrons. Nous sommes perdants. Nous avons beaucoup de compagnies qui sont en train de quitter le Québec pour se situer ailleurs, surtout dans les autres endroits du Canada, surtout Toronto. Plusieurs milliers d'emplois sont perdus déjà et il y en a d'autres qui vont venir.

Par contre, du côté des investissements au Québec, c'est aussi très grave. Il y a des investissements qui se font au Québec, qui sont normalement aujourd'hui dans les secteurs traditionnels qui sont en relance aujourd'hui, comme le textile et les pâtes et papiers, à cause de certains facteurs. Il y a les investissements qui se font ici par les compagnies québécoises pour desservir le marché québécois. Mais il n'y a presque pas d'investissements de l'extérieur du Québec qui se situent ici, sauf si c'est pour les fins des richesses naturelles ou pour des raisons très particulières. Il n'y a pas d'activités dans nos parcs industriels. Et, pour les huit premiers mois de cette année, la construction industrielle à Montréal, comparée avec 1977, est en baisse de 40%, et, en comparaison avec 1976, en baisse de 80%, pour la construction industrielle à Montréal. Pour les huit premiers mois de cette année, c'est 80% plus bas. (10 h 30)

C'est la fin de mon préambule. J'ai essayé de vous montrer, M. le ministre, que, pour toutes sortes de raisons — je ne dis pas que ce sont nécessairement des raisons que vous-même accepterez parfaitement, parce que vous allez certainement montrer un autre côté de la médaille — nous sommes rendus au point où il n'y a pas beaucoup d'investissement étrangers. Les gens ne sont pas capables de sortir de vos déclarations, jusqu'ici, une politique claire et nette et, comme résultat, ils attendent.

J'ai convoqué cette rencontre, ce matin, pour une raison très précise, pour essayer de préciser cette politique sur les investissements non québécois. Le seul endroit que je peux trouver pour commencer, c'est le programme du Parti québécois auquel vous avez vous-même fait référence, ainsi que M. Landry, comme étant la base de votre politique envers les entreprises, C'est ce que j'ai fait. Je l'ai lu attentivement et j'ai dit que je pourrais peut-être étudier le programme avec vous, ce matin, dans le but, M. le ministre, de donner aux hommes d'affaires, aux intéressés dans le domaine du journalisme financier, un peu de précisions sur la façon dont vous vous proposez d'appliquer cette politique.

Pour ces fins, j'ai sorti une liste — simplement pour que ce soit plus réel — de cinq compagnies qui ont des statuts différents. Ce que je me propose, M. le ministre, c'est de vous demander de m'aider à répondre à quelques questions qui démontreront l'application de votre politique sur cinq compagnies que j'ai prises comme exemple seulement. Ces compagnies sont Cadbury, General Motors, Labatt, Alcan et Power Corporation. Je vais vous dire pourquoi. Elles sont toutes dans des catégories un peu différentes. Si vous regardez le document avec moi, je vais vous montrer comment. Cadbury est une compagnie non québécoise. J'arrête là, parce que c'est une question importante.

Dans le programme du Parti québécois, vous définissez ce que vous voulez dire par "entreprise non québécoise". C'est une entreprise dont le capital-actions est détenu par les non-résidents. C'est clair. Je pense que c'est bien compréhensible, je l'accepte. Si la compagnie a des actions qui ne sont pas québécoises c'est un investissement étranger.

Par rapport à cette définition, les quatre premières compagnies sont toutes non québécoises. Alcan est majoritairement canadienne maintenant, mais certainement pas majoritairement québécoise. A Power Corporation, les actions sont majoritairement québécoises. Les sièges sociaux, je le nie, parce qu'on parle toujours des sièges sociaux quand on parle des investissements étrangers. J'ai pris deux sociétés qui ont des sièges sociaux à l'extérieur du Canada, une qui a son siège social au Canada, et deux qui ont leurs sièges sociaux au Québec. Parce que, la semaine passée, vous m'avez dit que votre définition de siège social, dans le cas de Cadbury, c'est celui qui existe en Angleterre, pas celui qui est au Québec, j'ai été obligé, pour les fins de cette discussion, de développer une nouvelle expression, le bureau central des filiales. Je vous donne un exemple ici, Cadbury. D'après vous, je prends votre parole, le siège sociale de Cadbury est en Angleterre, évidemment, mais ils ont quelque chose que j'ai décidé de qualifier comme étant le bureau central des filiales, le BCF, qui est au Québec. General Motors est aussi une compagnie dont le siège social est à l'extérieur du Canada, mais dont le BCF est à l'extérieur du Québec.

Avec ces cinq compagnies, je vais poser seulement quatre questions. Quand vous aurez répondu, M. le ministre, je serai toujours content de vous laisser partir pour vos autres devoirs, comme vous l'avez mentionné ce matin. Ces quatre questions touchent quatre éléments de votre politique. La première touche l'article 2 qui dit: "Accorder à toute entreprise désirant poursuivre ou lancer des opérations au Québec un charte québécoise, lui donnant une existence juridique, conformément aux critères énoncés par la loi. " Ma question est: Si je comprends bien, toutes les compagnies, ces cinq compagnies seront obligées d'avoir une charte québécoise. Cela veut dire une existence juridique québécoise pour les activités québécoises, avec, évidemment, un conseil d'administration, des responsables, un bilan annuel, un état financier, si vous voulez, pour que vous puissiez savoir le profit québécois et pour que vous puissiez exercer un pouvoir juridique sur les compagnies. Si je comprends bien, c'est l'interpré-

tation que je donne à cette politique. Quand vous répondez, peut-être pourrons-nous aller un peu plus loin.

La deuxième question à laquelle j'aimerais avoir une réponse touche l'article 5b relativement aux dividendes: "S'assurer que les dividendes versés par une entreprise majoritairement contrôlée par les intérêts étrangers ne représentent pas plus que la moitié des bénéfices après impôts rapportés au Québec."

Si je comprends bien, cet article s'appliquera aux quatre premières compagnies. Alors, Alcan, par exemple, sera soumise à cet article, parce qu'elle est majoritairement contrôlée par des intérêts étrangers non résidents, mais Power Corporation ne sera pas assujettie à cet article de limite de versement des dividendes à l'extérieur du Québec. C'est la deuxième question sur laquelle je veux avoir des précisions.

La troisième question — vous me suivez, je pense? — c'est au sujet de l'article 5a, qui est un paragraphe assez compliqué, qui crée les trois catégories de participation que vous permettrez. Ces trois catégories sont, premièrement, une exclusion totale de participation étrangère dans les secteurs vitaux, comme l'équipement culturel, la radio-télévision, etc.; deuxièmement, une participation minoritaire dans les secteurs comme les services publics, le secteur financier et l'industrie financière. Je ne vais pas le lire, mais certaines catégories manufacturières. La troisième indique que n'importe quelle compagnie ne sera pas autorisée à faire des affaires au Québec du tout, à moins qu'elle n'ait 1% de ses actions entre les mains des Québécois.

Toutes les compagnies qui voudront faire affaires au Québec seront obligées d'avoir une participation d'au moins 1%, ou au moins 51% ou elles n'auront pas la permission de s'installer ici, selon le cas.

Mon interprétation... Je sais très bien que, probablement, vous allez me dire que les catégories ne sont pas définies de façon à vous permettre de donner des précisions exactes, mais c'est tout simplement pour fins de discussion; pour ma part, je ne trouve aucune raison pour laquelle une compagnie comme Cadbury ne serait pas acceptée ici avec la vente de 1% seulement. C'est une compagnie, je cite la définition "qui n'a aucun effet réel sur l'orientation de l'économie". Je pense qu'on peut dire que Cadbury est probablement dans cette catégorie. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Les actionnaires sont obligés de vendre 1% seulement de leurs actions.

Le cas de General Motors est un peu plus compliqué. Une fois que vous avez créé cette société québécoise de General Motors, vous l'obligez à vendre au moins 1% de ses actions. J'aimerais avoir une opinion, à savoir si vous trouvez que c'est une compagnie qui est plutôt dans la deuxième catégorie, un secteur industriel où il importe de modifier le comportement des entreprises... Excusez-moi, où la capacité de production permet la constitution de groupes majoritairement québécois. J'aimerais que vous me disiez où vous placeriez GM.

Labatt, j'imagine que c'est certainement une compagnie qui sera obligée de vendre 51% de ses actions, parce qu'elle appartient à la deuxième catégorie et j'ai posé la question concernant Power Corporation parce que c'est intéressant. Elle contrôle les compagnies qui sont certainement dans le secteur no 1, la presse. Mais la compagnie même, Power Corporation, est aujourd'hui majoritairement québécoise et, comme vous le savez, les personnes qui ont des actions ont souvent des fonds de pension qui sont eux-mêmes une dispersion aux intéressés un peu partout. J'aimerais que vous abordiez un peu la question suivante: Comment allez-vous appliquer la question du contrôle dans le cas de Power Corporation qui est probablement dans deux ou trois catégories?

Finalement, M. le Président, je veux demander au ministre de nous parler un peu d'une clause qui se trouve dans la section des relations de travail. C'est, en effet, l'article 11a qui dit qu'un gouvernement du Parti québécois s'engage à favoriser en droit et en fait le développement des formes démocratiques de gestion, de manière que les travailleurs exercent une juridiction partielle ou complète de leurs entreprises sur le marché.

Je vous pose des questions qui m'ont été posées par les hommes d'affaires. Cela existe. Comme l'a dit récemment Mme Leblanc-Bantey, le gouvernement du Parti québécois a la fâcheuse habitude de réaliser son programme et ses politiques et tout le monde doit rendre des comptes. Elle parlait, je pense, de la décentralisation des pêcheries. Les hommes d'affaires croient que c'est un parti qui a la fâcheuse habitude de réaliser son programme. Voici les programmes. Je veux savoir, ce matin, premièrement, une précision, pour que je puisse retourner cet après-midi et dire aux gens, aux Québécois: Ecoutez, ce n'est pas vrai. Ce que j'ai dit dans ma motion qu'il n'y a pas de politiques cohérentes et claires sur les compagnies non québécoises, ce n'est pas vrai. Le ministre, ce matin, a répondu clairement et précisément à mes questions avec les exemples que je lui ai donnés et je peux vous dire: Voici la politique d'investissements non québécois du parti et soyez sûrs que, de plus en plus, il va la réaliser.

C'était le but de cette rencontre aujourd'hui. J'espère que vous accepterez, M. le ministre, le fait que c'est très sérieux, même si vous n'acceptez pas toute la rhétorique avec laquelle j'ai commencé ma présentation. Je pense que vous accepterez qu'il y a quand même pas mal de réalités là-dedans et cette précision, avec des exemples, s'impose et j'aimerais énormément entendre vos réponses. Merci.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

Réponse du ministre

M. Rodrigue Tremblay

M. Tremblay: Merci beaucoup, M. le Président. Après avoir entendu le député de Notre-Dame-de-Grâce, je comprends un peu mieux

maintenant pourquoi il demandait seulement cinq minutes pour faire son intervention. Je me serais attendu, étant donné que c'est le député qui avait convoqué cette commission, qu'il se soit présenté avec une position originale sur ce problème très important des investissements étrangers, pour le Québec comme pour la plupart des économies industrialisées, et qu'il nous aurait peut-être éclairé sur cette question. Je trouve ses commentaires un peu minces et je trouve un peu paradoxal qu'il demande mon aide pour mieux comprendre ce problème que constituent les investissements é-trangers.

Evidemment, il voudrait avoir mon aide aussi pour commenter le programme du Parti québécois. Nous avons un programme, mais le Parti libéral ne semble pas en avoir. Je peux l'aider aussi dans ce domaine, mais je peux l'aider aussi comme économiste et comme ministre de l'Industrie et du Commerce à y voir un peu clair sur cette question des investissements étrangers. Je suis bien disposé à le faire, parce que j'ai déjà énormément réfléchi sur cette question et si on veut faire une sorte de séminaire sur cette question aujourd'hui, je suis bien disposé à le faire. (10 h 45)

Par contre, je me rends compte que dans son intervention, dans les dix premières minutes, il s'agissait surtout d'un méli-mélo d'une foule de choses, de citations de différents ministres et d'impressions de certains milieux des affaires, surtout. Cela m'a donné l'impression un peu de coupures de la Gazette, que nous avons pu...

M. Scowen: La majorité des citations étaient en français.

M. Tremblay: Je comprends, mais on peut traduire des articles.

M. Scowen: Excusez-moi, M. le Président, mais il faut que je vous donne les citations, parce que cela vient de journaux et revues comme le Devoir, le Nouvelliste, The Gazette, Time, le Star, le Soleil, le Jour.

M. Tremblay: Donc, le député vient de confirmer ce que je venais de dire. Son intervention était un peu un collage de différents articles. Il aurait pu, peut-être, citer le titre de l'éditorial de la Gazette justement, il y a quelques jours, qui était celui-ci: "The PQ Government is not so bad". Evidemment, si la Gazette dit que le "PQ government is not so bad", that government must be damn good. Lorsqu'on en est rendu à admettre les faits, parce qu'il deviendrait indécent de ne pas reconnaître la réalité que tout le monde reconnaît à l'intérieur comme à l'extérieur du Québec, je pense que nous devons admettre que le Québec est bien dirigé présentement.

Sur cette question des investissements étrangers, le député de Notre-Dame-de-Grâce commence par vouloir faire un procès d'intention au gouvernement et au ministre de l'Industrie et du Commerce en disant: Bien, vous avez déjà dit que vous vouliez mettre la priorité sur le développement des petites et des moyennes entreprises et que ceci devrait impliquer, par conséquent, que vous n'aimez pas les grosses entreprises et peut-être que vous n'aimez pas, aussi, les entreprises étrangères. Je pense que c'est une vue très simpliste des choses et je voudrais dissiper cette question dans les commentaires que je ferai après mon intervention du début et lors de la discussion.

Le député a dit aussi: II y a des problèmes avec les profits. Il a soulevé la question des profits. Il a soulevé la question de l'hostilité qu'auraient certains ministres ou le gouvernement en général à l'endroit des milieux d'affaires, etc. Donc, il a soulevé un méli-mélo, il a mis cela sur la table comme quelqu'un qui va à la pêche. Il a mis le programme du Parti québécois par-dessus cela et il s'est dit: Si on jette tout cela sur la table, peut-être que le ministre va faire une erreur et peut-être qu'on va trouver quelque chose d'intéressant. Je pense que c'est une approche un peu scandaleuse pour aborder des problèmes comme celui des investissements étrangers et assez superficielle, quoique je suis bien prêt à m'y prêter.

La première hypothèse que j'aimerais faire concerne cette prétendue hostilité. Le député de Notre-Dame-de-Grâce aurait peut-être dû mentionner qu'après l'ascension du Parti québécois au pouvoir, après le 15 novembre 1976, il y a eu une période d'hostilité de certains milieux qui sont à la fois anglophones et d'affaires de la région de Montréal à l'endroit du gouvernement. On parlait même de tentatives de déstabilisation d'un gouvernement démocratiquement élu dans les premiers mois qui ont suivi le 15 novembre. Ce n'était pas que le gouvernement avait de l'hostilité à l'endroit de ces milieux, mais il était évident pour tous que ces milieux qui avaient eu dans le passé le privilège historique de manipuler le gouvernement du Québec — et cela, c'est un secret de polichinelle — que les gouvernements du Québec, dans le passé, étaient très proches des milieux d'affaires et surtout des milieux anglophones, et ceci a prévalu pendant des décennies et des décennies... Je rappellerai au député de Notre-Dame-de-Grâce, il ne le sait peut-être pas, que même si le Parlement du Québec existe depuis de nombreuses années, de nombreuses décennies, ce n'est qu'en 1948 que nous avons eu pour la première fois un ministre des Finances au gouvernement du Québec qui était francophone. Il était de tradition auparavant, dans les gouvernements, à Ottawa, bien sûr, mais à Québec, d'avoir des députés, qui provenaient de la population francophone du Québec, avec des ministres, mais le monde des affaires et le monde de la finance étaient laissés à la minorité anglophone. Et un premier ministre qui se respectait, comme M. Taschereau, Louis-Alexandre Taschereau, n'aurait pas voulu insulter la tradition historique et les milieux d'affaires de Montréal en nommant un ministre des Finances francophone.

M. Scowen: M. le Président, la moitié de ces épithètes que j'ai citées sont dirigées, par le

ministre, vers les hommes d'affaires francophones. Le fameux...

M. Tremblay: Est-ce que vous vouliez parler des investissements étrangers ou des milieux d'affaires francophones? Il aurait fallu vous faire une idée avant de convoquer la commission.

M. Scowen: Je parlais des épithètes d'hostilité qui étaient le sujet et je dis simplement que cette hostilité était dirigée vers le monde des affaires.

M. Tremblay: J'essaie, d'autre part, et c'est mon droit, M. le Président, je pense que, si on veut faire un procès d'intention à ce gouvernement, c'est normal que le ministre qui le représente ici ce matin le défende. Je crois que c est très facile de le défendre. Remarquez bien que je n'ai pas de mérite particulier, parce que les arguments qui m'ont été servis ce matin étaient d'une telle puérilité et d'une telle faiblesse que c'en est presque un peu triste, alors qu'on approche d'une période référendaire où les débats de fond vont être soulevés.

Si l'Opposition n'a pas plus de profondeur dans ses approches et plus de rigueur, je crois qu'elle ne remplira pas son rôle. Mais j'essayais d'expliquer pourquoi les milieux d'affaires, surtout les milieux d'affaires anglophones, auraient pu être vexés par cette fierté des Québécois ou presque cette insulte qu'aurait pu faire le peuple du Québec de se donner un gouvernement axé vers ses propres intérêts.

L'élection du 15 novembre 1976 a été pratiquement perçue, dans certains milieux anglophones et d'affaires, comme étant presque un soufflet à leur hégémonie. De là, je pense, l'hostilité qui est apparue et un journal comme The Gazette reflète ces milieux. Vous avez vu pendant des mois les attaques systématiques contre le gouvernement, mais, après deux ans, on s'est bien rendu compte que ce gouvernement n'avait pas de poignard entre les dents, que c'était un gouvernement compétent, que les finances étaient bien administrées, que les milieux des capitaux internationaux donnaient un haut "rating" à cette gestion et aux investissements qui pouvaient s'y faire et que, finalement, c'était un gouvernement compétent. De là, l'aboutissement, il y a quelques jours, de la Gazette elle-même qui dit: Well, that government is not so bad after all. Traduit en français, ça veut dire que c'est un très bon gouvernement.

Je laisse de côté ce méli-mélo du début, je pense que ça ne fait pas sérieux. Je reviens au problème très sérieux des investissements étrangers. Parce que le Québec, comme économie industrielle, puisque nous avons quand même un produit national brut qui dépasse $50 millards et que le Québec est environ le 23e pays au monde au plan économique sur environ 160 pays, c'est quand même une économie qui, pour des raisons historiques évidentes, a été influencée fortement par les forces extérieures. Cela n'empêche pas des pays et des économies comme les économies européennes, comme l'économie française, l'économie italienne ou les économies du Marché commun, d'avoir aussi été influencés par les investissements étrangers et par les forces extérieures.

Même les États-Unis ont une économie qui a été financée en grande partie par les capitaux extérieurs; la différence, c'est que les États-Unis, étant un réservoir vierge de ressources, ce sont surtout des capitaux étrangers de portefeuille qui ont développé les États-Unis, alors que les investissements directs, c est-à-dire des investissements d'entreprise, étaient plutôt autochtones, pour employer le terme qu'utilisait le député de Notre-Dame-de-Grâce.

J'aurais aimé le voir faire cette distinction entre les investissements étrangers, type portefeuille, et les investissements étrangers, type investissement direct. Il a demandé mon aide lorsqu'il m'a soumis les cinq compagnies; alors, j'y reviendrai. J'aurais aimé aussi qu'il demande mon aide pour faire la distinction entre la propriété d'une entreprise, le contrôle d'une entreprise, les centres d'administration d'une entreprise et les centres de décision d'une entreprise. Je vais certainement léclairer sur ces questions si j'ai le temps. M. le Président.

Comme je le dis, les investissements étrangers, surtout après la deuxième grande guerre, sont devenus très importants en ce qui concerne les investissements directs. Les entreprises américaines, qui avaient été épargnées par l'effort de guerre et la destruction de la guerre, soit au Japon, soit en Europe, se sont retrouvées après la guerre avec une technologie qui avait été financée en grande partie par l'effort de guerre américain, se sont retrouvées avec des ressources financières très importantes et devant un champ de bataille décimé. Elles ont occupé l'Europe. Dès l'apparition, en 1954, de l'entente sur le charbon et l'acier, en Europe, qui formait le début du Marché commun, et sa concrétisation, en 1958, les entreprises américaines ont établi des filiales à l'intérieur du Marché commun et ont pris une avance sur leurs concurrents, Français, Allemands, Anglais, Italiens, etc., ce qui a créé le problème qu'a rencontré l'Europe, d'avoir beaucoup d'entreprises américaines, étrangères qui posent le problème européen.

L'argument principal qu'ont les Européens, ou qu'ils invoquent présentement pour créer une union monétaire eu Europe, c'est la solidarité industrielle des Européens face aux investissements étrangers américains. C'est le grand argument. Donc, le problème des investissements étrangers qui, souvent, est un problème de multinationales de source américaine, est sérieux pour les économies européennes. On sait que c'est quand même 265 millions d'habitants.

Si c'est sérieux pour l'Europe, qui n'a jamais été conquise, a fortiori, M. le Président, c'est sérieux pour le Québec, qui est un ancien reliquat de l'empire britannique et qui est une province dans un empire politique "Canadian ". Il est bien évident que ceci est un problème.

Je donnerai peut-être un tableau qui illustre le problème auquel nous devons faire face et dont est infiniment conscient le gouvernement du Qué-

bec. Il forme finalement la trame de fond de toute notre volonté de prendre nos affaires en main, au plan politique, afin de nous doter des ressources financières et économiques, bien sûr, mais des ressources d'interventions commerciales et industrielles, afin de mettre en marche un processus de croissance économique qui soit plus axé sur les besoins industriels et économiques du Québec.

Je dirais qu'en ce qui me concerne c'est probablement l'argument le plus fort pour que nous votions oui au prochain référendum. Je l'ai dit devant la Chambre de commerce de la rive sud samedi, devant des hommes d'affaires, le référendum, au plan économique, va être "a good business decision".

Evidemment, ceci ne diminue en rien le besoin pour le Québec d'assurer sa survivance culturelle et ethnique dans un tout nord-américain qui est anglophone. Ceci va de soi, il nous faut un encadrement politique et juridique qui ne nous mette pas dans une situation de minoritaires perpétuels dont la survie dépend de la bonne volonté des autres. Il est évident que ceci relève de la fierté, de la dignité d'un peuple, et que ceci est important.

Par contre, l'élément économique est aussi central que ce premier élément de dignité et de fierté de survivance.

Lorsque nous regardons la situation présente — et je voudrais distribuer le tableau, si vous le permettez — il est évident que le Québec est un locataire, si je peux dire, au plan économique. Si vous voulez que je personnalise, je dirais que les Québécois sont des locataires sur leur territoire.

Lorsque je regarde la répartition de la valeur des livraisons manufacturières, si nous prenons le secteur de la fabrication, qui est le secteur où les entreprises étrangères, où les investissements étrangers sont les plus fortement concentrés, de même que dans les mines ou dans le secteur des richesses naturelles comme les pâtes et papiers, donc, lorsque nous regardons la répartition de la valeur des livraisons manufacturières, selon le contrôle des investissements par différents groupes ethniques, en 1974, selon une étude qui a été faite par mon ministère, le ministère de l'Industrie et du Commerce, on se rend compte que les entreprises qui sont contrôlées par des Québécois francophones ne sont responsables que pour 21,5% de la production. (11 heures)

Lorsqu'il s'agit d'entreprises qui sont contrôlées par d'autres canadiens, surtout les entreprises anglophones, c'est 38,9%. On parle toujours ici pour le Québec, on ne parle évidemment pas pour l'ensemble du Canada. Lorsqu'on regarde le contrôle des entreprises étrangères, c'est 39,6%, et ceci regroupe évidemment une très grande majorité d'entreprises américaines. Même s'il y a des entreprises anglaises provenant de Grande-Bretagne, quelques entreprises japonaises, allemandes et italiennes, ce sont surtout des entreprises américaines.

La situation de fait du Québec, c'est que c'est une économie qui est dominée par des entreprises étrangères, étrangères du moins à la majorité de la population, dans le sens que les francophones sont dans un milieu économique, même sur leur territoire, qui provient surtout de forces extérieures. C'est pour cela qu'on a parlé, dans les analyses qui ont été faites... J'en ai fait plusieurs. J'ai même publié un recensement d'études scientifiques sur cette question. Je le mentionne, parce que le député de Notre-Dame-de-Grâce, étant nouveau ici, au Parlement, n'est peut-être pas au courant. Cela s'appelle "L'économie québécoise" et a été publié par les Presses de l'Université du Québec.

M. Scowen: J'ai entendu parler de cela, j'ai même fouillé là-dedans.

M. Tremblay: Oui, vous avez fouillé, mais on peut quand même continuer "le fouillage"

M. Scowen: Allez-y.

M. Tremblay: Dans cela, évidemment, on parle de la duplicité... Excusez-moi, on parle de la dualité de l'économie du Québec, c'est-à-dire d'un secteur francophone avec des PME, avec un réseau d'information et un réseau de distribution qui est autochtone, et des entreprises étrangères qui sont, jusqu'à un certain point, des enclaves à l'intérieur de la société québécoise, puisqu'elles fonctionnent en anglais. Elles font appel à des bureaux de comptables de Toronto, de Chicago, des bureaux d'avocats internationaux et existent évidemment physiquement sur place. Mais, dans le réseau de l'économie du Québec, elles sont axées sur l'extérieur, elles sont branchées sur le système nord-américain et canadien — on l'a vu dans d'autres pays aussi — ce qui crée une dualité de l'économie qui fait que véritablement, au Québec, nous avons deux économies, une économie de petite taille, avec des petites entreprises, cantonnée dans des secteurs comme les aliments et boissons ou les meubles, etc., et une économie venant de l'extérieur et branchée sur l'extérieur, concernant les matières premières, l'automobile, par exemple, des secteurs de matériaux de transport et des secteurs semblables.

Ceci est très sérieux pour une économie, parce que le dynamisme interne de notre économie est tronqué. Dans n'importe quelle économie qui est plus équilibrée en fonction de la population qui habite le territoire, il y a un dynamisme qui lui est propre. Ceci a été très bien analysé, il y a sept ou huit ans, par un de nos meilleurs économistes au Québec qui s'appelle M. Jean-Luc Migué, dont l'étude s'appelait "Le nationalisme, l'unité nationale et la théorie économique de l'information". C'est-à-dire que, lorsque vous avez deux économies qui vivent dans des cercles différents, il y a très peu d'osmose et, par conséquent, très peu de renforcement de leurs impacts économiques. Il est donc évident que ceci est un problème sérieux pour l'économie du Québec qui est évidemment le résultat de quatre siècles de dépendance économique hors du Québec.

M. Scowen: Excusez-moi, puis-je poser une question au ministre?

M. Tremblay: Bien sûr.

M. Scowen: Vous avez commencé une espèce de colloque sur l'investissement étranger, ce qui est très intéressant. J'ai déjà fait partie de plusieurs colloques depuis quelques années. Je serais très content d'avoir cette conversation avec vous, parce que vous avez posé des questions intéressantes et qui, je pense, dans plusieurs cas, n'étaient pas tout à fait correctes, mais avez-vous l'intention, d'ici deux ou trois minutes, d'en venir aux questions précises que j'ai posées sur les politiques du Parti québécois ou avez-vous l'intention de réserver ces réponses après que vous aurez terminé vos vingt minutes et que M. Russell aura parlé? C'est tout ce que je veux savoir. Allez-vous répondre dans vos vingt minutes aux questions que j'ai posées ou est-ce que ce sera après M. Russell?

M. Tremblay: Cela dépendra du temps dont je dispose. Evidemment, le député de Notre-Dame-de-Grâce...

Le Président (M. Marcoux): Deux ou trois minutes.

M. Tremblay: ... me demandant en deux ou trois minutes de résoudre un problème qui existe depuis quatre siècles, il faut quand même garder une certaine perspective.

M. Scowen: Je veux simplement savoir quelle est votre politique. Vous, M. Russell et moi sommes très conscients du problème. J'ai décidé, ce matin, de laisser tomber cela tout à fait, parce que nous sommes trois experts là-dedans et nous pouvons aller...

M. Tremblay: Pourquoi voulez-vous laisser tomber?

M. Scowen: En acceptant, on peut aller directement à l'essentiel, à savoir quelle est la politique du parti. C'était mon idée. Si vous ne voulez pas le faire, très bien, mais je voulais simplement savoir auand nous pourrions aller directement aux questions que je vous avais posées. Est-ce que vous avez l'intention de le faire tout de suite?

M. Tremblay: M. le Président, le député de Notre-Dame-de-Grâce a sollicité mon aide, au départ.

M. Scowen: Une réponse à quelques questions, pas d'aide.

M. Tremblay: Non, avant d'arriver à vos questions, vous avez demandé mon aide et des explications sur le type d'investissements étrangers, les propriétés, le contrôle, les sièges sociaux, etc. Je suis en train de poser le problème, parce qu'avant d'arriver à des solutions et à des avenues de solution il faut que le problème soit bien posé, parce que, si le problème n'est pas bien posé, il n'y aura pas de solution claire possible. Comme le gouvernement sait où il s'en va dans ce domaine, comme dans d'autres domaines, je voulais quand même avoir une situation très claire et essayer de démêler l'écheveau que vous avez jeté sur la table au début, qui était un ramassis de tout, finalement: construction, hostilités, coupures de journaux, etc.

M. Scowen: Vers quelle heure allez-vous commencer à répondre?

Le Président (M. Marcoux): A moins de...

M. Tremblay: Ne jouez pas le jeu que vous jouez à l'Assemblée nationale, celui de poser une question qui dure dix minutes et de demander au ministre de répondre en un mot. Si vous êtes ici pour cela, cela fait encore moins sérieux. Nous avons trois heures, si vous voulez rester avec moi. Je suis très heureux que nous discutions d'un sujet comme cela. Je vais vous fournir toutes les explications et toutes les avenues de solution, et l'échéancier que nous avons retenu comme gouvernement pour les résoudre.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Brome-Missisquoi.

Autres interventions M. Armand Russell

M. Russell: M. le Président, je sais que j'ai simplement vingt minutes à ma disposition pour la totalité de mes interventions. Je n'ai pas l'intention d'utiliser immédiatement ces vingt minutes. Je veux simplement procéder un peu comme j'avais espéré qu'on procède au début, par certaines questions pour clarifier un domaine qui semble un petit peu mêlé actuellement et qui persiste à se mêler de jour en jour, si je prends des déclarations qui sont faites par le ministre responsable du développement économique et certaines réponses qu'on a eues en Chambre. Ce qui m'inquiète encore plus, c'est le climat qui persiste dans le Québec depuis le mois de novembre ou qui a peut-être débuté avant et qui s'est empiré lors de l'avènement au pouvoir du gouvernement actuel. On n'a pas à se mettre la tête dans le sable et à faire l'autruche. D'ailleurs, le ministre l'a reconnu ce climat qui a été créé. Qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, il existe quand même. Quand je regarde l'édition 1978 du programme officiel du Parti québécois, qui a été cité par le député de Notre-Dame-de-Grâce, cela ne me rassure pas et ne rassure certainement pas les investisseurs étrangers.

Ce que je voudrais, c'est revenir un peu sur des questions qui ont été posées préalablement par le chef de l'Union Nationale, en date du 16 juin 1977, qui sollicitait à ce moment le code d'éthique

ou le livre bleu, blanc, rouge qu'on veut bien présenter. Le député de Bellechasse, dans une question qu'il a posée au mois de mars 1978, ce qui est tout récent, demandait au premier ministre la date où nous allions obtenir un livre blanc ou un livre d'un autre couleur, parce qu'on a vu des livres de toutes les couleurs à peu près, dans tous les domaines, excepté l'économie du Québec.

Je ne veux pas qu'on tienne pour acquis que je veux faire de la politique. Je rappelle au ministre que je suis content de venir devant une commission comme celle-là, qui n'est pas la Chambre. On n'est pas en pleine télévision. On peut faire un dialogue assez amical pour essayer de clarifier ces questions, parce que moi comme d'autres je me fais questionner par des industriels, surtout dans le domaine que j'occupe. Je fréquente quotidiennement ces gens. On se fait poser des questions assez dures. Ce n'est pas à moi de les clarifier, ce n'est pas à moi la responsabilité. Je pourrais simplement "descendre" le gouvernement; cela ne donnerait rien, cela n'améliorerait pas la situation. Je pense qu'il appartient au ministre de clarifier cette situation, et à des occasions comme celle-ci, c'est la place idéale pour le faire.

Si je me reporte au mois de mai, à l'occasion du colloque qui a eu lieu à la Malbaie, le ministre responsable du développement économique disait ceci: Que l'Etat deviendra le moteur de relance économique au Québec et non le secteur privé. Dans son idée, dans son esprit, je présume que c'était bien clair; c'est bien ce qu'il a dit Ce n'est pas la Gazette, c'est le Devoir qui rapporte ça. C'est drôlement important, parce que plus loin, dans le même article, le journaliste disait: Le ministre d'Etat, M. Landry, semble avoir saisi le message, lui qui déclarait hier soir que le mouvement coopératif aura sa place au sein du développement économique au Québec.

Je n'ai rien contre les coopératives, mais je ne voudrais pas qu'on s'oriente pour tout donner aux coopératives avant qu'elles n'aient fait leurs preuves. On va me dire: II y a des coopératives agricoles comme celle de Granby qui a eu un succès énorme, et je suis d'accord. Il y a eu deux raisons pour lesquelles ces gens ont eu un succès. D'abord, ils ont été, je ne dirai pas gavés — le mot n'est peut-être pas parlementaire — quant à moi, de subventions gouvernementales, tant du fédéral que du provincial, et aussi, ils ont eu à la tête de la coopérative un homme qui a mené ça de main de fer, comme si cela était une entreprise privée et les actionnaires prenaient leur trou comme ceux d'une entreprise privée, comme à GM, à Bell Téléphone et les autres, ce ne sont pas eux qui mènent. Donc, c'est ça, le succès de la coopérative agricole de Granby. Je connais beaucoup d'autres coopératives qui n'ont pas eu le même succès, parce qu'elles n'ont pas eu cette chance d'aller chercher ce gars clé ou un bureau de direction assez fort pour contrôler... On ne s'est pas laissé contrôler par tout le monde.

Mais si on veut se diriger vers les coopératives, évidemment, ce n'est pas tellement intéressant pour les intérêts privés de l'extérieur, parce que... Remarquez bien, M. le Président, que je ne voudrais pas que le ministre soit tenté de nous dire que ce sont des Anglais. J'ai une coupure ici du Patronat français, le nom, le ministre le connaît peut-être mieux que moi, le nom m'échappe, c'est Rigaud, qui s'inquiétait — je ne veux pas lire l'article, ce serait bien trop long — de la politique du gouvernement du Québec. Pourtant, ils sont bien français, les Français. Je fais affaires avec une société française. Je connais la façon dont ils fonctionnent et je sais ce qu'ils ont appris. J'avertis le ministre immédiatement que, pour ma part, selon mon expérience avec le gouvernement français et les Français, on pourrait peut-être aller chercher de la technologie beaucoup plus rapidement ailleurs et beaucoup plus avantageuse pour le Québec que de se tourner seulement vers la France. Par contre, je ne veux pas mettre de côté ce que peut nous offrir la France, mais je préfère de beaucoup ce que peuvent nous offrir les Etats-Unis et d'autres nationalités qui pourraient nous aider à nous développer beaucoup plus rapidement.

M. le Président, je voudrais simplement ce matin... Le député de Notre-Dame-de-Grâce a lu des passages que j'avais notés moi-même dans le programme du Parti québécois et qui semblent démontrer, d'une façon très claire, que ce n'est pas l'entreprise privée qui est la bienvenue, ce sont les coopératives, et l'entreprise privée, si elle vient ici, devra se plier à des normes auxquelles, on sait d'avance, qu'elle ne se pliera pas. Personne de l'extérieur ne va venir ici avec la technologie, la finance, s'installer ici et agir en minoritaire. C'est utopique de penser une telle chose. Ils viennent ici, ils vont vouloir contrôler leur industrie et je suis certain qu'aucun de ces gens n'a objection à venir ici, à condition qu'ils gardent le contrôle et qu'ils aient des intérêts québécois qui investissent avec eux. Même, ce sont les bienvenus dans la majorité des cas. Malheureusement, on manque de gens pour faire ça, mais ce sont des gens qui n'accepteront pas, par exemple, que I'Etat devienne le contrôleur de leurs affaires. C'est peut-être pour cette raison qu'on manque le bateau dans plusieurs domaines.

Il y a des cas qui m'ont drôlement inquiété dans les agissements du gouvernement et je veux en nommer seulement un en particulier, celui de la commande d'autobus qu'on a déjà discuté qui est allée à GM, plutôt qu'à Bombardier. Quant à moi, je n'ai rien contre GM. Je ne lui dois rien non plus, mais GM, c'est une compagnie internationale qui va installer une usine au Québec et, la journée que ça ne fera pas son affaire, elle mettra tout simplement la clé dans la porte. Que GM perde $150 millions, ce n'est pas grave, elle va le déduire des profits globaux de sa maison-mère et ça finit là. Tandis que Bombardier, c'est québécois; elle n'est pas internationale, mais elle peut vendre sur le marché international si on lui avait fourni l'occasion de grandir avec une commande du Québec. Mais on a préféré aller à GM, peut-être qu'elle offrait quelque chose de meilleur en apparence. Pourtant, la construction d'autobus ou

d'autres choses, il n'y a rien de compliqué dans cela. Puisque Bombardier en a déjà fait, elle peut en faire aussi bien que GM. C'est simplement de la mécanique et de la technique qui sont très communes aujourd'hui. (11 h 15)

M. Tremblay: Est-ce que je peux simplement vous donner un petit détail? American Motors, qui est le quatrième plus grand fabricant d'automobiles en Amérique du Nord, a fermé sa production d'autobus parce qu'elle trouvait cela trop compliqué. Donc, quand vous dites que c'est seulement de la mécanique, c'est peut-être de la mécanique, mais lorsque les marchés sont accaparés par un autre ou par d'autres, cela devient peut-être très déficitaire. C'est un marché, en Amérique du Nord, qui est contrôlé par General Motors. American Motors a dû fermer son usine de fabrication d'autobus et c'était justement l'autobus que voulait utiliser, avec sous-traitance, Bombardier. Bombardier n'avait jamais fabriqué d'autobus et n'avait pas de technologie dans ce domaine. Elle passait un contrat de sous-traitance avec American Motors. Or, American Motors a fermé son usine de fabrication d'autobus l'été dernier.

M. Russell: M. le Président, simplement pour répondre...

M. Tremblay: Je voulais seulement vous montrer que c'est très compliqué.

M. Russell: Je ne veux pas me compliquer la vie avec cela, parce que je suis dans un domaine un peu semblable et que je fais face à des compagnies internationales. Je voudrais seulement juste vous donner un exemple. Je sais qu'American Motors est quasi contrôlée par les autres grosses bibites internationales, les trois autres grosses, quatre avec American Motors, mais ce sont elles qui ont le contrôle. Donc, elles se partagent le gâteau. Elles se font la guerre, un peu comme dans le domaine de la chimie que je connais.

M. Tremblay: On appelle cela un cartel.

M. Russell: Oui, disons que c'est un cartel, mais un cartel bien contrôlé. Elles vont décider et Bombardier se servait indirectement de la technologie de ce cartel. J'ai fait face à un autre cartel qui est dans la chimie actuellement, où les compagnies américaines se disent: Toi, tu restes dans cela et moi, je vais faire cela et toi, tu vas faire cela. J'ai été pris en souricière entre les deux. J'ai dû me débattre pendant quelques années, mais pas avec l'aide du gouvernement du Québec, parce qu'il ne soutenait même pas notre produit, même si on produisait au Québec et qu'on expédiait 50% ou 60% de notre produit à l'extérieur du Québec...

M. Tremblay: En quelle année était-ce?

M. Russell: Elle est en cours actuellement, parce que la guerre vient de finir.

M. Tremblay: Mais elle a commencé, cette attaque du cartel contre votre entreprise...

M. Russell: Depuis deux ans.

M. Tremblay: Et vous n'avez pas demandé l'aide du gouvernement? C'était en 1976?

M. Russell: Oui. J'ai demandé l'aide du gouvernement et la réponse qu'on m'a donnée est la suivante: Étant donné que tu es un actionnaire de cette société et que tu es député, tu as le choix de démisionner comme député et on pourra peut-être examiner cela à ce moment-là.

M. Tremblay: Qui vous a donné cette réponse?

M. Russell: Le ministère de l'Industrie et du Commerce.

M. Tremblay: Mais du temps de mon prédécesseur?

M. Russell: Du temps du ministre actuel.

M. Tremblay: Je ne peux vous avoir donné cette réponse. C'est la première fois que j'en entends parler.

M. Russell: C'est-à-dire pas le ministre, mais du temps du ministre actuel. Ce n'est pas moi qui me suis adressé là. Je ne voulais pas intervenir parce que j'étais député. C'est mon associé qui est venu, le contrôleur de chez nous...

M. Tremblay: Vous savez que nous avons mis sur pied une politique d'achat qui vise, justement à encourager les PME québécoises. C'est pour cela que je suis étonné.

M. Russell: Je m'excuse mais, justement. M. le Président, je ne veux pas intervenir. J'ai toujours été l'un de ceux qui n'ont jamais voulu se servir de leur position pour influencer parce que j'étais indirectement concerné.

M. Tremblay: Ah! bon.

M. Russell: Bon! Et quand on a fait ce complot, j'ai dit: On va passer à travers quand même. Mais je veux revenir à cette question pour dire au ministre qu'on devrait peut-être examiner ce qu'on a actuellement et voir s'il n'y a pas possibilité de les aider plutôt que de les laisser être dominées...

M. Tremblay: Aider les petites et moyennes entreprises du Québec.

M. Russell:... comme cela se fait dans trop de cas, par la finance extérieure qui vient ici, par l'entremise des filiales, et qui prend le contrôle indirectement de ces compagnies en leur passant l'argent et qui les domine après. On les laisse aller à l'étranger. Je pourrais vous nommer des cas en

série. J'en ai dans mon comté, des gens que j'ai rencontrés. Je pense qu'on devrait faire la liste de ces cas et les examiner un à un. On pourrait peut-être remonter les $50 milliards du produit national brut à $60 milliards ou $70 milliards. Cela aiderait le Québec, plutôt que de faire ce qu'on fait actuellement. Je sais qu'on fait des efforts dans des domaines comme le papier, les cartonneries. Je sais que Cabano est en déficit. Est-ce que cela va marcher? Si on n'investit pas d'autre argent, cela ne marchera pas. C'est encore le gouvernement qui est pris là-dedans.

Je sais que la Société générale de financement a des douleurs actuellement. On va en reparler dans les jours qui vont suivre. Je ne veux pas m'attarder là-dessus. Je connais un peu l'histoire. Et si on n'est pas constamment en Chambre, si on ne crie pas en Chambre, ce n'est pas parce qu'on ne connaît pas l'histoire. On passerait une période de questions qui serait assez longue s'il fallait commencer à les réviser une à une. On a l'expérience de SIDBEC. On a des informations sur SIDBEC. Ce sont encore des choses pour lesquelles on doit tenir le gouvernement sur la sellette, très alerte dans ce domaine parce qu'il y a des correctifs à apporter et cela presse!

Que le ministre ne pense pas que si, de temps en temps, on crie en Chambre, c'est pour nuire au gouvernement. C'est pour lui rappeler qu'on le surveille de près et qu'il fasse son travail. M. le Président, j'étais très intéressé à voir le ministre me donner la réponse pour connaître un peu la politique qu'il a l'intention d'établir à la suite de ce qui a été écrit dans le programme et à la suite des annonces qui ont été faites par les journaux autres que la Gazette. Je vais mettre de côté les annonces de la Gazette, parce que cela semble lui faire peur mais je serais bien intéressé à ce qu'il nous l'explique, j'espère qu'il va le faire, comme l'a demandé le député de Notre-Dame-de-Grâce, et on pourra peut-être conclure là-dessus après avoir eu ces explications.

Je ne veux pas retarder indûment cette réunion. Je pense qu'elle est drôlement intéressante et qu'on doit laisser une chance au ministre d'expliquer réellement sa politique. Comme il ne nous a pas livré son livre blanc, son livre vert ou son livre bleu, peut m'importe la couleur, qu'il nous dise ce que va être son livre, s'il n'a pas l'intention de le sortir, pour qu'on puisse transmettre le message à ceux qui sont réellements intéressés à connaître la politique du gouvernement actuel. J'attends la réponse sur les cinq sociétés qui ont été nommées par le député de Notre-Dame-de-Grâce et on pourra peut-être revenir à quelques petites questions pour terminer cette réunion.

M. Tremblay: M. le Président, je remercie sincèrement le député de Brome-Missisquoi pour son intervention très positive. Je pense qu'il a soulevé la question ou la problématique sous l'angle sous lequel il faut la soulever, à savoir ce qu'on peut faire en face du problème. Je concède par contre qu'il y a une certaine différence d'approche entre celle que vous avez proposée, qui est surtout une approche qui vise à renforcer les petites et moyennes entreprises, à encourager les entreprises autochtones, alors que l'approche du député de Notre-Dame-de-Grâce semblait, indirectement du moins, me reprocher d'aider justement les petites et moyennes entreprises et de ne pas aider suffisamment les grandes entreprises étrangères. Je dois vous dire que la position du gouvernement est juste entre les deux et je voudrais l'expliquer un peu plus à partir des points que vous avez soulevés. J'aimerais, par contre, avant de passer à la citation de La Malbaie, l'Etat moteur du développement économique, qui est quand même un aspect très important de la problématique des investissements étrangers, expliquer quel est le rôle du gouvernement du Québec face à cette présence omniprésente des entreprises étrangères et, d'autre part, la contribution du secteur privé québécois et du secteur coopératif au développement économique. Je pense que le député de Brome-Missisquoi a soulevé cette question et ceci peut amener une réponse. Il a soulevé la question de General Motors et des autobus et comme ceci fait partie aussi de la problématique des investissements étrangers et de la position du gouvernement du Québec, parce que, d'une part, on semble reprocher au gouvernement du Québec de n'être pas suffisamment amical à l'endroit des entreprises étrangères et, d'autre part — je pense que ce sont surtout les libéraux qui nous reprochent cela — l'Union Nationale semble nous dire: Vous aimez trop les entreprises étrangères puisque, quand il s'agit de donner un contrat d'autobus, vous le donnez à une multinationale qui s'appelle General Motors.

M. Scowen: M. le Président, je veux être très clair avec le ministre. Je ne suis pas ici ce matin pour critiquer les politiques du gouvernement en ce qui concerne les investissements étrangers, non québécois. J'ai dit au début, dans le préambule, que je trouvais qu'il y avait jusqu'ici un certain élément d'hostilité. Je pense que c'est vrai, et qu'il y a une certaine inquiétude parmi les gens qui sont, si vous voulez, directement ou indirectement impliqués dans les compagnies non québécoises. Je suis venu ici avec un seul but, non pas de critiquer votre politique envers les PME, envers les coopératives, envers les sociétés étrangères — cela peut arriver une autre fois — mais simplement de clarifier la page 18, qui est la partie clef de votre politique, du programme du Parti québécois, avec des exemples concrets pour que tout le monde puisse savoir quelle est la réalité du programme. Je vais essayer, autant que possible, d ici 13 heures, de ne pas critiquer; il s'agit simplement d avoir de vous des précisions.

M. Tremblay: Merci beaucoup, M. le Président. La commission n'est pas l'instrument du député de Notre-Dame-de-Grâce. La commission est une commission de l'Assemblée nationale et le député de Brome-Missisquoi est intervenu; je

m'apprêtais à répondre à ses commentaires. Je reviendrai tout à l'heure pour continuer les réponses que j'avais entamées aux questions soulevées par le député de Notre-Dame-de-Grâce. Il serait injuste, à l'endroit du député de Brome-Missisquoi que je ne réponde pas aux points très importants qu'il a soulevés...

M. Scowen: Complètement d'accord. Allez-y.

M. Tremblay: Si le député de Notre-Dame-de-Grâce le permet, j'aimerais donner certaines réponses au député de Brome-Missisquoi a parlé des investissements qui, peut-être, ne seraient pas suffisamment importants, compte tenu des besoins. C'est vrai, le Québec a un retard au plan des investissements, quoique, cette année, selon les prévisions qui ont été faites, le Québec sera un endroit où les investissements manufacturiers seront passablement élevés, les plus élevés, semble-t-il, après l'Alberta.

Dans les prévisions de Statistique Canada, I'enquête que ces gens font à la mi-année pour les investissements manufacturiers, il y aura $2 100 000 000 de nouveaux investissements manufacturiers au Québec cette année, ce qui représente une augmentation de 20,7% sur les investissements de l'an passé. Cette augmentation est substantiellement plus élevée que la moyenne canadienne. Pour l'ensemble du Canada, les investissements manufacturiers, selon Statistique Canada, augmenteront de 8,3%...

M. Russell: Pour 1978.

M. Tremblay: Pour 1978, ils augmenteront de 8,3% pour l'ensemble du Canada, mais l'économie ontarienne, dans le domaine de la fabrication, fait face à des problèmes très sérieux. Il y a sans doute une très grande incertitude qui prévaut dans cette province présentement, sans doute parce qu'Ottawa est sur le territoire de l'Ontario — je veux faire une petite blague, en passant — parce qu'il y a une baisse de 0,5% des investissements en termes nominaux. Cela veut dire qu'en termes réels, il y a une baisse substantielle des investissements dans la fabrication en Ontario prévue pour l'année 1978.

C'est un fait, je dirais, je vais essayer de le démontrer tout à l'heure; c'est que, même si le Québec, depuis un an ou un an et demi, connaît une reprise industrielle, et on peut épiloguer longtemps sur les causes — il est évident que le gouvernement du Québec ne peut pas y être complètement étranger — je pense que les mesures qui ont été mises de l'avant commencent à avoir de l'effet. Mais ce n'est certainement pas le seul facteur de la reprise, puisqu'il y a eu une baisse du dollar canadien qui est favorable à nos industries de l'exportation, etc., et la confiance du milieu des affaires dans le potentiel économique du Québec. Je pense que tous ces facteurs sont en partie responsables. Mais il y a quand même un retard historique qui fait que nous avons eu systématiquement une pénurie d'investissements au Québec.

C'est là où votre question est très importante par rapport à la position que doit prendre le gouvernement du Québec face à ce problème de la pénurie des investissements productifs au Québec depuis toujours. Pour concrétiser cette pénurie, j'ai fait distribuer, je pense que vous l'avez eu... Est-ce que tous les députés ont eu ce tableau? Le tableau part de 1960 — je pense que vous l'avez devant vous — et donne les immobilisations par habitant dans les industries manufacturières au Québec, en Ontario et au Canada.

On constate que l'Ontario a toujours eu un investissement par habitant, dans le secteur manufacturier, qui est plus élevé que celui du Québec. Évidemment, ceci remonte à 1960, mais on pourrait reculer dans le temps et ce serait la même chose. Cela a toujours été cela, la situation, le Québec a été sevré depuis toujours de sa part des investissements productifs. Le résultat est cumulatif, c'est-à-dire que nos industries sont dans des secteurs plus vulnérables, ce sont des industries où la productivité est plus basse, où les salaires sont plus bas, où les faillites sont plus élevées et où, évidemment, la vulnérabilité de l'économie est beaucoup plus grande.

C'est un problème de l'économie du Québec que personne ne cache et certainement pas notre gouvernement, puisque nous avons demandé d'être élus, justement, parce que nous voulions corriger ce genre de choses et que nous voulions mettre des mécanismes en marche qui vont les corriger, pas en quelques jours, parce qu'on ne réparera pas des décennies d'indifférence, de laisser faire et de négligence en quelques jours. (11 h 30)

Comme le disait un économiste, il y a deux jours, M. Joseph Chung lors d'un colloque traitant des capitaux au Québec, à Montréal, avec M. Mar-cellin Tremblay: Le Québec va avoir besoin de trente ans pour effectuer ce rattrapage. Je pense que nous allons le faire plus rapidement; nous allons mettre en place des mécanismes pour rattraper ce retard.

Maintenant, quels vont être ces mécanismes et quelle serait la place des entreprises privées, des entreprises publiques, des entreprises étrangères et des entreprises coopératives? Je pense que c'est un peu la question qu'a posée le député de Brome-Missisquoi qui est extrêmement bien posée parce qu'elle s'intègre à la problématique des investissements étrangers. On ne peut pas regarder les investissements étrangers comme étant un phénomène isolé de l'ensemble de la situation économique du Québec. Comme gouvernement, nous devons regarder la toile pour avoir une cohérence dans toutes nos politiques. Nous ne voulons pas intervenir dans l'économie à la pièce, selon un modèle folklorique. Nous voulons intervenir sur une base cohérente et comprehensive. C'est ce que nous tentons de faire depuis un an et demi et que nous allons intensifier dans les mois qui vont venir. J'ai proposé la loi de la SGF hier. Attendez-vous à voir d'autres lois de plus grande importance dans les mois à venir.

Oui, mais nous ne voulons pas faire d'improvisation. Certains gouvernements ont été au pou-

voir pendant des décennies ici, au Québec, et n'ont jamais abordé la question de la reconquête économique et du raffermissement de l'économie sur une base compréhensive et cohérente. Donc, il ne faudrait pas nous reprocher de ne pas l'avoir fait en quelques mois. Nous le faisons sans improvisation, mais en y allant à la mesure des besoins.

A la question de savoir si l'Etat est un moteur de développement, je répondrai ceci: II est évident que le secteur privé au Québec doit jouer un rôle central dans le développement économique du Québec. Nous l'avons concrétisé dès le début, parce que la première loi que j'ai proposée comme ministre de l'Industrie et du Commerce, une loi que j'ai rédigée pratiquement de ma propre main, c'est la loi 48 qui visait évidemment à abaisser de 50% les impôts sur les profits des petites et moyennes entreprises du Québec — ce sont environ 6500 entreprises, sur les 12 500 que nous avons globalement dans le secteur manufacturier — afin de leur créer des fonds de relance industrielle et qu'elles puissent se constituer un fonds d'investissement, en plus des capitaux qu'elles peuvent emprunter et des capitaux auto-générés à l'intérieur des entreprises, ceci afin d'avoir un mécanisme de croissance de nos petites et moyennes entreprises.

Ceci est en marche et il y a eu 420 projets, représentant $80 millions, pour la première année. Evidemment, un nouveau projet prend du temps à se roder au niveau des fonctionnaires, etc. J'anticipe que, dans les années à venir, surtout lorsque nous allons rapatrier les trois quarts des impôts que nos entreprises versent à Ottawa... Vous le savez, les entreprises du Québec ne paient qu'un quart des impôts au Québec et trois quarts à Ottawa. Habituellement, les services sont en sens inverse. C'est le gouvernement du Québec qui contribue pour les trois quarts des services aux entreprises, au moins, et un quart vient d'Ottawa, quand il en vient. Pour les PME surtout, il en vient très peu. Mais cela est un problème un peu plus vaste que nous allons essayer de résoudre avec le référendum.

Il y a quand même une prise officielle de position du gouvernement en faveur du secteur privé. Cela a été concrétisé. En faveur du secteur coopératif aussi, parce que les problèmes du Québec sont tellement grands au plan économique, le retard historique est tellement important à rattraper que nous ne pouvons pas exclure de ce rattrapage des sources de contribution importantes. Et le mouvement coopératif, qui est quand même un instrument extraordinairement efficace de mobilisation des efforts, ne peut pas être laissé de côté. C'est pour cela que nous avons créé, dans les premiers mois du gouvernement, la Société de développement coopératif, afin de susciter des initiatives de production coopérative. Ceci est en marche et va créer un mécanisme qui devrait produire des effets dans l'avenir.

Maintenant, au niveau des multinationales et des sociétés étrangères ou des investissements étrangers directs qui, comme je le disais, représentent — j'ai donné le tableau de tout à l'heure — 39,6%, en 1974, de la valeur des livraisons, il est évident que leur contribution à l'économie du Québec est importante, simplement parce que ce sont les faits. Le gouvernement veut, par contre, intégrer le plus possible ces investissements étrangers, ces entreprises à l'économie du Québec. Il veut que les retombées de ces entreprises soient surtout au Québec, au niveau de nos ingénieurs, nos avocats, nos comptables et les travailleurs en général. Et, pour cela, nous portons une attention particulière à tous les mécanismes dont dispose un gouvernement provincial, parce qu'il ne faut pas présumer des pouvoirs d'un gouvernement provincial par rapport à un gouvernement national qui a des mécanismes de gestion et de réglementation beaucoup plus grands afin de les intégrer.

Une des façons de les intégrer, parfois, c'est d'associer ces entreprises étrangères à des entreprises locales, à cause de leur avance souvent très confortable au plan technologique. On mentionnait tout à l'heure les autobus. C'est très compliqué les autobus, parce qu'on ne peut pas du jour au lendemain inventer un différentiel d'autobus, on ne peut pas inventer un moteur d'autobus comme cela. Je veux dire que cela exige des investissements énormes. Or, nous ne pouvons pas, au Québec, étant un petit peuple qui a été laissé pour compte au plan économique pendant des décennies, redécouvrir les boutons à quatre trous dans tous les secteurs industriels, ce serait illogique. La contribution technologique des entreprises étrangères est absolument nécessaire pour le Québec, mais il faut que cette technologie et les capitaux qui accompagnent cette technologie assez souvent s'insèrent dans notre structure industrielle et dans nos besoins industriels. C'est pour cela que le gouvernement favorise les participations des entreprises locales avec des entreprises étrangères. Il y a des exemples, Forex-Leroy, en Abitibi, une entreprise française, dans ce cas-là, avec des entreprises locales, etc.

Nous voulons aussi, lorsqu'il s'agit de gros investissements, que les entreprises, d'Etat... J'en viens à votre question, à savoir si l'Etat est un moteur de développement. Premièrement, l'Etat est un moteur de développement s'il est éveillé et s'il a de l'imagination pour présider au développement économique et jouer ce rôle de catalyseur des forces en présence. Je pense que notre gouvernement a la ferme intention de jouer ce rôle qu'aucun autre organisme au Québec ne peut jouer. Il a la responsabilité de le remplir. Mais les sociétés d'Etat du Québec qui existent — et nous allons les renforcer, la preuve, c'est le projet de loi 108 que j'ai déposé hier qui augmente le capital-actions substantiellement de la Société générale de financement — vont pouvoir s'associer avec des entreprises étrangères. Nos capitaux s'associeront à la technologie étrangère et à la connaissance des réseaux de distribution et des réseaux commerciaux à travers l'Amérique du Nord ou les pays industrialisés afin que nous maximisions les retombées sous forme d'emplois, de productivité, d'impôts et de richesses finalement. Je pense que, si on s'associe de façon intelligente aux entreprises étrangères, elles peuvent être des moteurs de

développement économique pour le Québec, mais non pas des moteurs uniques. La tragédie du Québec, dans le passé, c'est qu'on s'en est toujours remis à l'étranger.

M. Scowen: M. Russell, est-ce que vous insistez...

M. Tremblay: Je croyais dire des choses fondamentales sur la politique du gouvernement et on m'interrompt. Je trouve assez ridicule ce genre d'interruption impolie.

M. Scowen: Je veux simplement dire à M. Russell que, s'il a eu les réponses qu'il voulait à ses questions, il n'hésite pas à le dire au ministre.

M. Russell: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, j'ai une partie des réponses que je voulais. J'ai l'intention de revenir avec d'autres questions tout à l'heure.

M. Tremblay: M. le député de Brome-Missisquoi, je crois que votre question était tellement fondamentale et je vous félicite pour cela...

M. Scowen: La mienne a été la première.

M. Tremblay: Elle a été la première, mais elle était tellement superficielle et confuse que, finalement, je dois féliciter le député de Brome-Missisquoi d'avoir posé le vrai problème des investissements étrangers au Québec dans une perspective de développement économique parallèlement à l'Etat, au mouvement coopératif et au secteur privé. Vous voulez, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, aller à la pêche en soulevant une partie du voile de la question, ce qui m'apparaît pratiquement irresponsable. Evidemment, vous n'êtes pas au pouvoir, heureusement, mais je crois que vous devriez peut-être me laisser compléter la réponse que je donne au député de Brome-Missisquoi, parce que j'étais en train de donner l'orientation du gouvernement, du moins l'approche du gouvernement face à ce problème complexe.

Je crois que ce serait bon que vous écoutiez, parce que vous apprendriez peut-être l'approche du gouvernement. Je serais très heureux par la suite d'entendre votre approche, d'apprendre quelle serait votre approche, parce que vous-même, vous avez une expérience, évidemment, dans le monde des affaires. Vous ne pouvez pas être tellement contre les investissements étrangers, parce que vous avez déjà fait affaire avec des entreprises étrangères, mais j'aimerais connaître votre approche...

M. Scowen: M. le Président, je m'excuse d'interrompre continuellement, c'est la quatrième fois et ce n'est pas mon habitude. Je répète qu'on ne peut faire beaucoup de motions pour aujourd'hui. Vous m'avez demandé, dès le début, M. le ministre, d'être sérieux et assez précis. J'ai essayé d'être précis. Vous avez un programme écrit. J'ai soulevé quatre points, j'aurais pu en soulever une dizaine, mais je me suis dit que j'allais me limiter à quatre et demander poliment au ministre de démontrer l'application pratique de ces quatre articles dans quelques cas particuliers pour que les intéressés puissent mieux comprendre.

M. Tremblay: Je reviendrai à ces cas particuliers aussitôt que j'aurai terminé...

M. Scowen: On a déjà parlé pendant des années et des années de la question de l'investissement étranger. Vous touchez toutes sortes de questions qu'il est peut-être important de répéter aujourd'hui, je n'ai rien contre, mais je veux simplement vous dire que je vous ai posé mes questions d'abord. J'accepte complètement que vous puissiez les encadrer dans un exposé général, mais il me semble, et je le dis très poliment, qu'il y a certaines limites à cette politique globale, à l'élaboration de cette politique globale dans le contexte de ma motion, parce que c'est aujourd'hui une motion du Parti libéral. La motion est très précise. J'attends qu'on en vienne aux détails aussi vite que possible, et en disant cela, continuer avec le député de Brome-Missisquoi, mais j'espère que bientôt, on va retourner à la question qui est posée par le principal intervenant. Je vous remercie.

M. Tremblay: M. le Président, le député de Notre-Dame-de-Grâce, évidemment, est sur un terrain très mouvant, puisqu'il a convoqué une commission sur des allégations qui se révèlent fausses évidemment, à mesure que je parle, parce qu'il a prétendu que le gouvernement ne savait pas où il allait dans le domaine des investissements étrangers. Or, je suis en train de lui démontrer que le gouvernement du Québec sait très bien où il va dans le domaine des investissements étrangers. Je comprends que cela ne lui fait pas plaisir, mais ce n'est pas ma faute. Il voudrait que nous abordions cette question en tranches de salami sur des cas particuliers. Je vais revenir à ces cas particuliers. Il a parlé de Cadbury tout à l'heure, je vais parler de Cadbury, il n'y a aucun problème à ce sujet. Je voudrais quand même continuer d'émettre la philosophie et la position du gouvernement face au problème qu'a soulevé le député de Brome-Missisquoi sur l'intégration des entreprises étrangères et des investissements étrangers dans le développement économique du Québec. Après cela, je viendrai à vos cas très précis, un par un, Labatt, etc., et Cadbury. Il n'y a aucun problème...

M. Scowen: C'est simplement...

M. Tremblay: ... mais je pense qu'il est dans l'ordre des choses que nous abordions les questions importantes avant de passer à l'accessoire.

M. Scowen: C'est simplement que tout le monde est conscient que la semaine passée, c'était une motion de l'Union Nationale et qu'au-

jourd'hui, c'est une motion du Parti libéral. J'espère que vous allez respecter ce principe que c'est le Parti libéral qui a posé la question avec...

M. Tremblay: Oui, mais lorsque le thème est déposé à la commission, il n'appartient plus à celui qui l'a amené. Le député de Notre-Dame-de-Grâce a soulevé un thème qui est très important, celui des investissements étrangers dans le développement économique. Evidemment, maintenant il appartient à la commission, et je suis très heureux, pour ma part, d'en parler, parce que c'est fondamental pour l'avenir économique et politique du Québec, cette question. Peut-être son inexpérience se révèle-t-elle ici. Lorsqu'on amène un sujet aussi important, il faut être aguerri et avoir des choses à dire, de façon concrète et nouvelle. Si on a des commentaires à faire sur des entreprises particulières et que cela a été le prétexte, parler des investissements étrangers, pour parler de Cadbury, de Power Corporation et de l'Alcan, j'en conviens bien...

M. Scowen: Non.

M. Tremblay: ... et nous allons y venir, parce que nous avons encore une heure et quart. Mais vous me permettrez de prendre encore quelques minutes pour poursuivre la présentation de la position du gouvernement sur l'intégration des entreprises étrangères dans notre modèle de développement économique. Ceci en réponse, évidemment, aux interrogations du député de Brome-Missisquoi qui, à mon avis, a posé le vrai problème et nous en sommes conscients. (11 h 45)

Donc, nous constatons que le secteur privé au Québec, soit parce que les gouvernements passés n'ont pas suffisamment porté intérêt à son renforcement, soit parce que les politiques industrielles du gouvernement d'Ottawa, ce qu'on appelait "national" dans le "national policy" n'ont pas été favorables à notre secteur privé, soit encore parce que les institutions économiques du Québec au plan bancaire, au plan du financement des investissements, au plan de fonctionnement des bourses de valeurs, etc., n'ont pas été suffisamment accessibles au secteur privé du Québec, la constatation, c'est que notre secteur privé n'a pas été à la hauteur des besoins économiques du Québec. Ce fait se traduit par un secteur manufacturier au Québec qui est trop petit, qui est trop faible, qui est trop vulnérable et qui n'emploie pas suffisamment de gens. Le secteur manufacturier au Québec emploie maintenant 23% des travailleurs, alors qu'en 1950, c'était dans les environs de 28%, 29%, mais c'était parce que le secteur public était plus petit. Depuis une trentaine d'années, ce sont les secteurs public et parapublic qui ont créé les emplois dans les écoles... Ce sont les gouvernements qui ont dû faire des fuites en avant afin de créer de l'emploi parfois par de grandes manifestations de jeu, par exemple, les Jeux olympiques, comme on faisait il y a pratiquement six siècles lorsqu'on construisait les pyramides pour em- ployer les soldats entre deux guerres, les gros projets comme l'Expo. Le problème avec cela, c'est que ces grandes mesures étatiques créent de l'emploi, mais temporairement, et on se retrouve après avec une chute évidemment dans la construction, et ce n'est pas le même mécanisme de création d'emplois et de richesse qui est perpétuel comme celui des entreprises. Lorsque nous avons une entreprise comme General Motors à Sainte-Thérèse, qui emploie 4500 personnes, ou comme Pratt & Whitney, qui sont des entreprises étrangères, à Longueuil, évidemment, ce n'est pas une année haute, une année basse. Il y a des fluctuations, mais ce sont des fluctuations sur le haut de la vague.

M. Russell: A la Pratt & Whitney, n'y a-t-il pas des petits problèmes actuellement avec la baisse?

M. Tremblay: Non, au contraire, nous avons publié, il y a deux jours — le Bureau de la statistique du Québec, qui relève de mon ministère — les prévisions d'emploi des entreprises aérospatiales du Québec — nous en avons un minimum de 50, du moins, que nous avons recensées — vont faire une embauche de 6600 travailleurs d'ici 1983, je crois, dont 2200 nouveaux emplois dans ce secteur. Au contraire, et surtout — j'ai parlé encore ce matin à mon sous-ministre pour être bien certain que ceci va se réaliser — le gouvernement fédéral va acheter un des deux avions selon ce qu'il a annoncé hier, pour une somme de $2 300 000 000.

Dans le passé, le Québec, parfois dans ses contrats, n'avait que les miettes. Je veux m'assurer et je vais m'assurer, lors de la conférence de la semaine prochaine à Ottawa — la conférence des premiers ministres — que le Québec va avoir une part importante du moins dans les 27%, puisque nous représentons 27% de la population canadienne et que nous finançons le gouvernement fédéral et, par conséquent, les dépenses de l'armée et de l'"Air force" canadienne, 27% des retombées économiques et peut-être plus, compte tenu que c'est un secteur où nous sommes forts, dans l'automobile, nous en avons très peu, mais dans l'aérospatial, nous en avons plus et Pratt & Whitney, c'est une de nos principales compagnies avec 5500 employés, donc, nous allons nous assurer que nous aurons des retombées sur la construction d'un de ces deux avions de chasse qui sera choisi au printemps par le gouvernement fédéral.

Evidemment, si nous étions dans une perspective de souveraineté-association, ceci irait de soi, puisque nous aurions d'office, comme gouvernement souverain associé pour les fins de la défense, une partie des retombées. Maintenant, il faut les quêter, mais nous allons les quêter.

M. Russell: M. le Président, est-ce que le ministre veut dire que si on était séparé, le Québec aurait son armée à lui?

M. Tremblay: Non, dans une perspective d'association... On a dit qu'au niveau de la défense, il y

a une association, d'ailleurs, qui est continentale, puisque NORAD existe. Puisque vous soulevez cette question, vous vous rappelez bien que le ministre des Affaires intergouvernementales a officiellement dit que le Québec souverain fera partie de NORAD et fera partie aussi de l'OTAN, ce qui veut dire qu'il aura des flottes d'avions de chasse qui seront très intégrées avec le reste du Canada dans une politique de la défense qui sera commune, mais lorsque, au plan économique et au plan industriel, il y aura des achats...

M. Scowen: Est-ce que ce sont nos avions de chasse ou ceux du Canada?

M. Tremblay: Vous savez bien que le Canada ne produit pas d'avions de chasse, comme il ne produit pas d'autobus.

M. Scowen: Oui, mais à qui vont appartenir ces avions?

M. Tremblay: Ils vont appartenir à la population.

M. Scowen: De?

M. Tremblay: Un instant! Ne vous énervez pas! On va vous dire comment fonctionne la souveraineté-association. J'ai voulu vous répondre en Chambre, une fois. Je n'ai pas eu l'occasion de le faire. Vous avez sollicité mon aide, tout à l'heure, sur les investissements étrangers. Je vais vous la donner dans un autre domaine. J'ai parlé au plan industriel. Les contrats de la défense sont extrêmement importants pour le développement industriel d'une économie et il est évident que le gouvernement du Québec et la population du Québec qui finance l'achat, soit de bateaux militaires, soit de chars d'assaut, soit d'avions de chasse, doit non seulement être du côté du financement par ses impôts, mais elle doit être du côté des retombées industrielles, du côté de l'emploi et des investissements. Pendant la dernière guerre — et cela est très important — lorsque le ministre de l'Industrie et du Commerce, M. C. D. Howe, présidait à ces retombées industrielles, le Québec a eu les miettes dans ce domaine. Je vais vous donner, par exemple, l'évaluation que nous en avons faite. Habituellement, les industries militaires lourdes étaient localisées en Ontario et les usines de munitions étaient au Québec.

M. Scowen: Question de privilège, M. le Président.

M. Tremblay: Ah! lorsqu'on touche un peu le fond du problème, je vois que le député de Notre-Dame-de-Grâce prend panique.

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Scowen: Je veux simplement vous poser une question. Voulez-vous me donner une déci- sion avant la limite du temps? Que le ministre s'occupe de répondre aux questions du député de Brome-Missisquoi pour qu'on puisse ensuite revenir à la question que j'ai posée.

Le Président (M. Marcoux): Un instant!

M. Scowen: M. le Président, cela fait déjà plus d'une demi-heure qu'il prend pour répondre.

Le Président (M. Marcoux): Comme vous invoquez le règlement, il est évident que le ministre a dépassé les vingt minutes qui lui étaient allouées pour répondre aux questions du député de Brome-Missisquoi. Normalement, maintenant, je dois passer la parole à un autre intervenant. Il y a le député de Sherbrooke qui a demandé la parole. Je présume que vous également...

M. Gérard Gosselin

M. Gosselin: Sur le sujet même du débat de ce matin, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce...

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Sherbrooke.

M. Gosselin: ... cinq minutes à peine, simplement pour dire ceci. Je suis un député ministériel ordinaire. Je n'ai pas d'équipe pour soutenir mes interventions ce matin. Je suis, évidemment, d'accord avec le programme de notre parti en matière économique et je pense que, par contre, on est tous conscients que les objectifs ultimes de la politique du gouvernement du Parti québécois en matière économique ne seront réalisés que par la souveraineté. Mais ce qui me préoccupe, de prime abord, c'est l'application des politiques sur le terrain et la manière dont le gouvernement agit présentement, face à l'investissement, qu'il soit étranger ou autochtone.

Je viens d'une région qui a été développée principalement par un capital étranger ou, tout au moins, par un capital non francophone, surtout marquée par le textile, les pâtes et papiers, l'amiante. Je voudrais, sur ces trois volets notamment, expliciter un peu — et je crois que cela répondra à la question du député de Notre-Dame-de-Grâce — et c'est à partir de faits concrets ou à partir d'interventions concrètes du gouvernement, tout au moins, au cours des deux premières années de son mandat dans ces trois secteurs.

Prenez le secteur du textile. Je crois que nous traitons avec une entreprise qui a très peu d'intérêts — les tableaux qui nous ont été distribués tout à l'heure le manifestent — et pour laquelle peu de capital francophone, québécois, original, finalement, est investi. Pour le textile, on a eu une intervention déterminante et on a manifesté comment, comme gouvernement, on était préoccupé à soutenir un secteur absolument névralgique de notre économie. Je crois que cette politique du gouvernement québécois, par rapport à l'entreprise multinationale ou pancanadienne du textile, a été très positive et, plus que cela, a amené une sympathie, une alliance tacite de l'entreprise installée au Québec dans le secteur du textile contre,

jusqu'à un certain point, le gouvernement canadien qui a refusé, comme on le sait, d'endosser l'abaissement des taxes comme convenu.

J'ai, à cet égard, à mon bureau, un télégramme de la compagnie Bruck Mills, qui est dans le comté du député de Brome-Missisquoi, qui a son lieu d'affaires principal là-bas, un télégramme d'appui au gouvernement québécois au moment où le litige s'est posé. Cela manifeste jusqu'à quel point, dans le secteur du textile, notamment, le gouvernement et l'entreprise ont su se concerter et ont pu collaborer finalement à consolider un secteur absolument névralgique et, actuellement, les industries textiles au Québec fonctionnent très bien. Dans le secteur des pâtes et papiers, on avait le problème de...

M. Russell: M. le Président, un instant, si le député me le permettait, je voudrais ne pas induire la commission en erreur. La question de la Bruck, je l'ai suivie de près, parce que j'ai travaillé avec l'exécutif. Il ne s'agit pas simplement de la politique du Québec. Il s'agit de certains changements de la politique fédérale aussi. Je ne voudrais pas qu'on tienne pour acquis...

M. Tremblay: Je crois, M. le député, que le député de Sherbrooke mentionnait la politique de l'abolition de la taxe de vente sur le textile.

M. Russell: C'est cela.

M. Tremblay: Mais vous avez raison, il y a eu, en novembre 1976 et en janvier 1977, d'une part, des revendications de la part du Québec, par moi-même, parce que je suis allé à une conférence à Ottawa pour demander des contingentements sur le textile et le vêtement et, effectivement, le gouvernement fédéral en a appliqué, de façon temporaire, pour un certain nombre de pays et pour la chaussure aussi pour quatre pays.

M. Russell: Et la Bruck a été frappée aussi par certains changements de la politique sur le polyester qui permettait aux Etats-Unis de faire du "dumping". En changeant de politique, c'est ce qui a corrigé un peu la situation et, aujourd'hui, avec les changements tout récents, cela devrait devenir quelque chose d'assez concret. C'est un ensemble dans un tout, ce n'est pas simplement...

M. Gosselin: Ce que je voulais simplement dire, c'est que le gouvernement québécois avait collaboré de très près avec l'entreprise du textile...

M. Tremblay: Si vous me le permettez, M. le député, si j'avais su que le sujet de l'entreprise de Bruck Mills allait être soulevé, j'aurais apporté avec moi la lettre que j'ai envoyée au ministre Horner à Ottawa justement sur cette entreprise demandant une intervention directe en faveur de l'entreprise. Je pourrais peut-être produire cette lettre à une autre occasion, mais je puis vous assurer que le ministère de l'Industrie et du Commerce et le ministre qui vous parle, sont intervenus directement pour aider cette entreprise.

M. Russell: M. le Président, je suis parfaitement au courant de cela, parce que j'ai moi-même écrit au ministre. J'ai eu une réponse et j'ai eu une copie de la lettre qu'il a envoyée à M. Horner. Je suis d'accord sur l'intervention du ministre. Je le reconnais comme tel. Je m'excuse.

M. Tremblay: Vous pensez que la Gazette n'a peut-être pas tort de dire: That government is not so bad.

M. Gosselin: J'en étais à ce secteur, et je termine rapidement, mais je crois que c'est important, à l'intérieur de cette commission, ce matin, de soulever ces points.

Prenons le secteur des pâtes et papiers. C'est un autre secteur névralgique dans ma région avec les usines de Bromptonville, de Kruger, de Windsor et East Angus, la Domtar. On sait que la compagnie Domtar a connu des difficultés. Il y a deux ans, à East Angus notamment, il y avait une menace de fermeture très proche. Je pense qu'on a pu travailler, comme gouvernement, avec la compagnie et avec l'ensemble des compagnies de pâtes et papiers au Québec, chez lesquelles, on le sait il y a très peu, encore là, de capital francophone. On a affaire, dans certains cas, à des multinationales ou encore à des compagnies pan-canadiennes. On a tenu des commissions parlementaires là-dessus. Finalement, on a arrêté un plan de relance du développement des pâtes et papiers et, pour ce qui est des usines dans ma région, notamment dans le secteur des pâtes et papiers, cela roule comme cela n'a jamais marché finalement. La menace de fermeture a été écartée. Cela est dû à une intervention ponctuelle du ministre de l'Industrie et du Commerce, du ministre des Terres et Forêts, mais qui a été dans le sens de consolider les acquis, les développements de compagnies qui n'ont pas toutes un titre de propriété exclusivement québécoise.

Prenons le secteur de l'amiante également. Dans la région des Cantons de l'Est, l'amiante, si on prend la zone d'Asbestos et de Thetford Mines, il y avait traditionnellement très peu d'investissements qui s'étaient faits pour la transformation de l'amiante. On n'a pas agi encore là-dedans de manière tout à fait draconienne et pour détenir les pouvoirs ultimes qui nous permettraient de corriger plus rapidement les situations quant à la conversion du produit de l'amiante chez nous, il faudrait, évidemment, avoir la souveraineté politique. (12 heures)

Je crois qu'on a agi dans le dossier de l'amiante d'une manière encore très pondérée et très correcte, en ne cachant pas nos objectifs, en les situant très bien et en suscitant au maximun le milieu à s'impliquer dans une politique de transformation de l'amiante chez nous que le gouvernement s'avançait à mettre à terme. C'est ainsi qu'on a créé le Société nationale de l'amiante.

Je dois vous dire que depuis qu'on a posé les premiers gestes, déjà, tout le marché de l'amiante, la Johns-Manville, les principaux producteurs d'amiante se concertent mieux qu'ils ne l'ont

jamais fait avec le gouvernement du Québec. Cela commence déjà à donner des résultats, dans mon milieu, dans la région, par quelques annonces prochaines d'investissements nouveaux. Je pense que les compagnies comprennent qu'il y va aussi de leur intérêt de se concerter avec le gouvernement du Québec et de maximiser leur propre production, leur propre transformation de produits chez nous.

C est encore une intervention ponctuelle qu'on a faite dans le secteur. Je voudrais dire que notre faiblesse, finalement, persiste toujours au niveau de la petite et moyenne entreprises et qu'au-delà du fait qu'on supporte vraiment, qu'on élabore des concertations adéquates avec la grande entreprise, il y a vraiment un secteur névralgique de petites entreprises à développer chez nous.

Je voudrais, à cet égard, poser des questions sur les stratégies de nos commissariats industriels. Dans une région comme la mienne, il y a plusieurs commissariats industriels et notamment la commissariat industriel de la ville de Sherbrooke, de loin le plus imposant, le plus important...

M. Scowen: je ne veux pas bousculer le député de Sherbrooke indûment, mais je veux répéter que le sujet, ce matin, n'est pas les petites et moyennes entreprises, c'est une politique sur les investissements non québécois. Je suggère poliment...

M. Gosselin: Je suis sur ce sujet.

M. Scowen: ... qu'il parle de cette question, pas des PME.

M. Gosselin: Je suis sur ce sujet...

Scowen: Je ne sais pas; il a cinq minutes je pense?

M. Gosselin: Je suis sur ce sujet, M. le député. M. Scowen: Quelle période...

Le Président (M. Marcoux): II a droit à vingt minutes, au maximum, mais...

M. Scowen: Chaque intervenant a droit à vingt minutes?

M. Gosselin: Je vais prendre tout au plus dix minutes. Si vous me permettez de terminer, j'achève.

J'étais sur ce point, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, c'est simplement pour signaler que, malheureusement, nos stratégies de développement industriel dans les régions ont été surtout orientées, et le sont encore malheureusement, vers la recherche de capital étranger. On a souvent passé à côté de modèles de développement de petites entreprises très localement, à partir des besoins et aussi à partir des possibilités des milieux de développer une petite entreprise autochtone.

Je citais l'exemple, à cet égard, du commissariat industriel de ma ville et je crois que l'exemple peut se répéter à bien des endroits au Québec; je suis au vif du débat que vous avez soulevé. Je prétends qu'on est encore trop orientés, au niveau de nos commissariats industriels, vers le capital étranger, non pas qu'il faille le sous-estimer, mais parce qu'on passe encore à côté de secteurs importants de développement de petites entreprises. L'exemple en est le suivant: Sherbrooke mène des missions, constamment, sur le marché européen, a participé l'année dernière à quelques grandes foires internationales en Suisse, en France, le maire de ma municipalité a fait des tournées européennes. Également, plusieurs missions se sont succédé à San Francisco et dans d'autres centres importants des États-Unis.

C'est important, on ne sous-estime pas l'importance du capital, de l'investissement qui pourrait y survenir, sauf que, dans une région comme la mienne, où l'industrie de transformation de l'amiante aura à prendre de plus en plus de place... A mon avis, on est aussi une région où l'industrie autochtone agro-alimentaire, à cause de la vocation agro-alimentaire de l'Estrie, aurait à prendre de plus en plus de place. A cet égard, je vous signale que la chaîne d'alimentation Provigo, qui a connu ces dernières années une montée vertigineuse sur le marché, c'est vraiment une chaîne d'alimentation typiquement québécoise, tient son origine à Sherbrooke.

A cet égard, on n'a pas vraiment encore investi, ni du côté du gouvernement québécois, je m'excuse de le dire, ni du côté du commissariat industriel dans nos municipalités, pour promouvoir un modèle d'investissement et un modèle d'entreprise qui correspondraient beaucoup mieux aux vocations de nos régions.

M. Tremblay: Je voudrais vous préciser, M. le député, que le gouvernement du Québec, par la Caisse de dépôt, est le plus gros actionnaire de Provigo.

M. Gosselin: C'est malheureux que, même au niveau de nos commissariats industriels, on ne s'applique pas à mieux définir des projets d'investissements qui pourraient aller, d'une manière concertée, avec l'expansion que prend actuellement la chaîne Provigo, pour développer localement la petite et moyenne entreprise dans le secteur agro-alimentaire.

Il y a également le secteur forestier. Les grands développeurs, tels que la Domtar, par exemple, se sont préoccupés du bois mou, sauf que, dans les concessions forestières détenues par la Domtar, il y a également beaucoup de bois feuillu qui ne trouve pas d'utilisation actuellement sur le marché. Et il y a du développement presque illimité du côté des énergies nouvelles pour mettre en place de nouvelles entreprises, soit dans le secteur du meuble, soit dans le secteur du bois de chauffage — parce que cela revient à la mode — dans l'utilisation d'autres essences qui pourraient nous permettre de rentabiliser un secteur important de nos forêts.

Le but de mon intervention, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, est simplement de signaler qu'on a, à mon avis, comme gouvernement, été vraiment correct pour ce qui est de la reconnaissance du capital étranger sur notre territoire et de la nécessité de continuer à supporter l'expansion que devrait prendre ce capital.

Quant aux stratégies futures de développement, je crois sincèrement qu'on doit de plus en plus investir dans le développement d'une entreprise locale autochtone, d'une petite entreprise autochtone. A cet égard, le modèle de développement des SODEQ régionales, notamment, est un modèle absolument indispensable pour le plus grand nombre de régions du Québec. Je crois qu'il y en a trois qui ont été mises sur pied. Je me préoccupe infiniment...

M. Tremblay: II y en a quatre.

M. Gosselin: ... que dans une région comme la mienne — et la situation pourrait s'appliquer dans toutes les autres régions — il y ait un travail, dans un proche avenir, très concerté...

M. Scowen: C'était une initiative du gouvernement libéral.

M. Tremblay: Proposée par la Chambre de commerce du Québec, en 1974.

M. Scowen: Et réalisée par le Parti libéral.

M. Gosselin: Une des rares, mais heureuses initiatives de l'ancien gouvernement...

M. Scowen: C'est bon qu'on le dise.

M. Gosselin: ... qui a été opérationnalisée par le nôtre.

M. Scowen: Oui, c'est sûr, et améliorée.

M. Gosselin: Je pense qu'il y a, par le rôle des bureaux régionaux du MIC et des commissariats industriels des municipalités, des objectifs très fermes à donner dorénavant à toutes les régions du Québec de développer la petite et moyenne entreprise à l'échelle des besoins des régions et des potentiels inexplorés des régions. Malheureusement, un type de développement qui nous a complètement échappé ou presque parfaitement échappé dans le passé, du côté de l'investissement du grand capital, nous a portés un peu à oublier cette attention très quotidienne qu'on doit avoir sur nos propres ressources de développement localement.

A cette commission, aujourd'hui, étant donné que le député de Notre-Dame-de-Grâce a soulevé le sujet des rôles de l'investissement étranger vis-à-vis du gouvernement du Québec, de l'attention qu'on porte à l'un et à l'autre, je dois dire qu'on doit renforcer de plus en plus l'investissement autochtone, le développement autochtone et continuer sur la foulée de concertation qu'on a entreprise avec le grand capital. Et je crois que c'est ce qu'on fait. Je vous remercie, M. le Président.

Discussion générale

M. Russell: M. le Président, si vous le permettez, simplement un mot. Il n'y a pas de réponse?

Le Président (M. Marcoux): Mais, si le député de Notre-Dame-de-Grâce a des choses à ajouter, la priorité lui reviendrait.

M. Russell: Je pense que cela va aider à régler la question globale. Je voudrais simplement rapporter ce qu'on avait dit avant la réunion. On avait dit qu'on tâcherait de terminer avant 12 h 30, parce que vous aviez un train à prendre. Je suis prêt à coopérer dans ce sens-là.

Mais je voudrais simplement dire ceci, malgré que j'aurais plusieurs questions à poser. Je serais satisfait de savoir quand le ministre va déposer son livre blanc ou bleu. Ce serait drôlement intéressant. J'accepterais qu'il réponde simplement aux questions qui ont été posées par le député de Notre-Dame-de-Grâce, lesquelles j'ai endossées. Je laisserai tomber les autres questions.

M. Tremblay: Très bien. Je voudrais féliciter le député de Sherbrooke pour son excellente intervention. Je pense que c'est une intervention très lucide. Il connaît bien l'économie de sa région qui vit évidemment les problèmes de l'ensemble du Québec et qui vit le problème d'une économie qui dépend de centres de décision qui sont soit étrangers, soit à l'extérieur du Québec. Je pense que tout le monde s'entend au Québec et ceci est naturel et normal.

M. Scowen: Excusez-moi, M. le Président, il a demandé quand le ministre va déposer le document.

M. Tremblay: Cessez de vous comporter comme à la période des questions, là où vous interrompez un ministre lorsqu'il répond. J'allais justement répondre à la question du député de Brome-Missisquoi. Non seulement j'allais lui répondre concernant les projets de loi et les livres blancs, verts et jaunes, mais j'allais lui donner la substance de la politique.

M. Scowen: Vous m'avez dit que j'avais la priorité à ce moment-là?

Le Président (M. Marcoux): Oui.

M. Scowen: Dans ce cas, je vais me servir de cela pour retourner si possible à la question...

M. Tremblay: Je regrettre, M. le Président, question de privilège.

M. Scowen: M. le Président, vous m'avez dit que j'avais la priorité.

M. Tremblay: Je suis en train de dire des choses extrêmement importantes. Je comprends que le député de Notre-Dame-de-Grâce n'aime pas que le gouvernement dise des choses importantes.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre... M. Scowen: II doit répondre, c'est tout.

M. Tremblay: Je ne réponds pas à vous, je réponds à la commission, à mes collègues ici. Vous n'êtes pas un juge pour juger le ministre; pour qui vous prenez-vous, ce matin?

M. Scowen: Je suis simplement venu poser des questions.

Le Président (M. Marcoux): Un instant! Le député de Notre-Dame-de-Grâce a un droit de parole privilégié. S'il a des questions supplémentaires...

M. Tremblay: C'est moi qui avais la parole et je demanderais, M. le Président, la permission de poursuivre la phrase que j'avais commencée.

M. Scowen: M. le Président, je demande le droit de parole ici.

Le Président (M. Marcoux): Normalement, je pense qu'il n'y a pas eu abus du député de Notre-Dame-de-Grâce, jusqu'à maintenant, dans son droit de parole. Il a eu à peine 20 minutes depuis le début de la commission. Le député qui fait l'interpellation prend régulièrement une demi-heure, trois quarts d'heure, une heure. C'est pourquoi, si le député de Notre-Dame-de-Grâce a d'autres éléments à ajouter avant que vous donniez une réponse à l'ensemble des...

M. Tremblay: Question de règlement. Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Oui, M. le ministre.

M. Tremblay: Je crois que les propos du député de Notre-Dame-de-Grâce seraient plus é-clairés s'il me permettait peut-être en cinq minutes de donner la politique du gouvernement sur les investissements étrangers et sur le développement économique. Evidemment, si...

Le Président (M. Marcoux): S'il veut bien vous le permettre.

M. Tremblay: C'était évidemment le sens de la question du député de Brome-Missisquoi.

M. Scowen: M. le Président, je pense qu'on a déjà entendu le ministre pendant une période de presque une heure avec ses deux interventions. Je désire respectueusement retourner à une autre intervention moi-même. J'ai une question.

M. Tremblay: La politique du gouvernement sur les investissements étrangers, est-ce que j'ai bien lu la motion?

M. Scowen: Est-ce que je peux... s'il vous plaît?

M. Tremblay: II faut en revenir à la motion, M. le Président.

M. Scowen: Merci. Quelle est votre décision? Le Président (M. Marcoux): A l'ordre!

M. Tremblay: La motion consiste à dire que le gouvernement ne sait pas où il va dans la question des investissements étrangers.

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! A l'ordre!

M. Tremblay: Le député de Notre-Dame-de-Grâce était-il sérieux lorsqu'il nous a posé cette question ou est-ce que c'était un prétexte pour aller à la pêche?

Le Président (M. Marcoux): Je maintiens que le député de Notre-Dame-de-Grâce a la parole.

M. Scowen: Merci.

M. Tremblay: Si vous permettez, M. le Président, question de règlement. Que mes paroles soient enregistrées dans le sens que j'ai voulu répondre à la question concernant la position du gouvernement du Québec pour ce qui concerne sa politique sur les investissements étrangers. Le député de Notre-Dame-de-Grâce n'a pas voulu m'écouter.

Le Président (M. Marcoux): C'est enregistré.

M. Scowen: M. le Président, je parie au député de Sherbrooke. Mon intervention s'adresse au député de Sherbrooke. Je pense que la politique du parti est très claire dans sa préoccupation dans le secteur coopératif, le secteur autochtone et le secteur des sociétés d'Etat. C'est très clair. Le premier article de sa politique ne touche que ces aspects du problème, de favoriser prioritairement une intervention dans l'économie par une extension soutenue du secteur public, des entreprises d'Etat mixtes, etc.

Tout cela a été réglé. Une politique a été développée envers le secteur qu'on appelle des entreprises non québécoises, disons de l'extérieur du Québec. Dans les cinq ou six articles que j'ai cités, c'est pas mal clair. Il y a certainement là des éléments qui sont très intéressants. Voici, ce que j'ai fait. J'ai pris cinq compagnies, pas des compagnies en particulier, mais des exemples de cinq catégories de compagnies, dans un domaine qui est assez compliqué. Je parle maintenant de l'investissement direct. Je veux poser des ques-

tions au ministre en ce qui concerne l'application de ces règles à ces cinq compagnies. (12 h 15)

La première question que je pose touche l'article 2 de ce programme qui dit que toute compagnie désirant poursuivre ou lancer des opérations au Québec aura l'obligation d'avoir une charte québécoise lui donnant une existence juridique.

Ma première question au ministre, je vais la poser aussi clairement que possible. Si je comprends cette politique, cela veut dire que toutes les compagnies sur la liste ou toutes les compagnies dans les catégories dont les noms sont simplement des exemples, toutes ces compagnies seront obligées d'avoir une charte québécoise avec une existence juridique québécoise, un conseil d'administration pour cette compagnie québécoise — je ne dis pas que tous les membres doivent résider au Québec, mais qu'il y ait au moins un conseil d'administration pour cette entité juridique — et qu'elles devront produire un bilan de leurs activités. Est-ce que c'est vrai que cela va être appliqué à chacun des cinq cas? C'est ma première question et j'en ai trois autres.

M. Tremblay: Je n'ai pas d'objection, évidemment, à commenter les cas, un par un, mais il me semble que les débats seraient mieux éclairés si je présentais l'approche du gouvernement, parce qu'elle est cohérente, et qu'on l'appliquait par la suite à des cas particuliers, plutôt que de partir d'un cas particulier et d'essayer d'en faire un cas général. Ce n'est pas notre façon de procéder.

M. Scowen: Excusez-moi, M. le Président. Le cadre général est développé dans la politique. Les articles qui suivent, qui découlent de cet encadrement général sont numérotés 2, 3, 4, 5, 6, et maintenant, tout cela ayant été fait et réalisé, je veux simplement aller à la prochaine étape, celle de parler, pour les cas — je ne parle pas nécessairement des compagnies — les exemples, des catégories différentes, de l'application. C'est tout.

M. Tremblay: M. le Président...

M. Scowen: Je comprends bien la politique générale. M. le ministre a parlé de la politique globale pendant une heure. On veut partir dans quinze ou vingt minutes et je veux simplement avoir un peu de précision. Ma première question, et je répète...

M. Tremblay: M. le Président...

M. Scowen: ... d'après moi, est-ce que je me trompe quand je dis que toutes les compagnies des catégories dont j'ai donné les exemples sur cette liste seront obligées d'avoir une charte québécoise avec tout ce que cela implique? Oui ou non?

M. Tremblay: M. le Président, je ne conteste pas le droit du député de poser les questions qu'il veut. Je conteste son droit de me mettre dans la bouche les réponses que je dois donner. Lorsque je commence à vouloir donner une réponse, il ne trouve pas cela à son goût, mais ce n'est pas ma faute. Son droit, c'est de poser les questions. Elles sont soulevées. Maintenant, qu'il me laisse répondre.

Il a soulevé la question de la juridiction du Québec, dans le cadre de la loi des compagnies, sur (a charte des sociétés commerciales et industrielles au Québec. Or, il faut faire une distinction entre un statut provincial pour un gouvernement provincial et un statut de gouvernement national. Il est évident que, dans le cadre d'un statut provincial, les compagnies ont le droit de s'incorporer, soit auprès du ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières du Québec ou auprès du ministère fédéral de la Consommation et des Corporations et cela est une liberté. Evidemment, elles ne peuvent pas s'incorporer à Washington, parce que les Etats-Unis sont un pays souverainement différent de celui du Canada. Or, présentement donc, le gouvernement du Québec ne peut pas changer cette incorporation; c'est laissé à la discrétion des conseils d'administration. Il est évident que, lorsque le Québec aura récupéré la juridiction sur son territoire, c'est-à-dire lorsque ses lois seront celles qui s'appliquent sur son territoire, c'est-à-dire les lois de ce Parlement, dans un tel cas, toute entreprise qui veut fonctionner sur un territoire devra avoir une charte, autrement dit, un morceau de papier qui lui dit qu'elle peut fonctionner ici sur le territoire. C'est une évidence et je m'étonne que le député la soulève.

M. Scowen: Je parle d'une charte lui donnant une existence juridique.

M. Tremblay: II est évident que...

M. Scowen: Ce n'est pas pour faire affaires. Ce n'est pas une licence.

M. Tremblay: ... le Québec étant un pays souverain, lorsque la population le décidera, dans lequel cas, évidemment, les sociétés commerciales ou toute autre société qui doivent avoir un permis d'opération, vont devoir avoir une charte québécoise puisque l'autorité politique sur le territoire sera une autorité québécoise. C'est la définition même de la souveraineté. Ceci ne veut pas dire, comme on le retrouve à l'intérieur du Marché commun européen, que les chartes ou les conditions d'octroi des chartes industrielles dans une juridiction, ne sont pas équivalentes ou coordonnées avec les conditions qui existent dans les autres pays, et il est évident que, dans le cadre de la souveraineté-association, les conditions d'octroi des chartes au Québec pour le fonctionnement des entreprises financières, industrielles et commerciales, seront rapprochées de ce qui existera dans le reste du Canada et même aux Etats-Unis, parce que, finalement, il y a une jurisprudence commune dans ce domaine.

Mais là, il ne faudrait pas construire le toit de l'édifice avant les fondations. C'est ce que je voulais vous expliquer, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, nous allons traverser cette rivière, que vous indiquez, c'est-à-dire la juridiction sur le territoire au niveau des incorporations, lorsque la population du Québec elle-même aura décidé qu'elle prend ses affaires en main au plan politique et qu'elle veut avoir un gouvernement qui contrôle le territoire au plan législatif et au plan légal.

M. Scowen: M. le Président, c'est très bien, là! Vous savez que ce document, le programme du Parti québécois est un effort pour décrire un Québec souverain à l'intérieur d'une association et cette clause dont on parle, de charte québécoise donnant une existence juridique, est très claire et c'est contenu dans une association; le programme même, c'est un programme d'association. Si je vous comprends bien, d'après vous, à l'intérieur de cette association, les deux veulent dire que les compagnies seront obligées d'avoir une existence juridique québécoise qui pourrait être liée d'une façon ou d'une autre à une existence canadienne. Mais il y aura une base minimale, une charte québécoise sera nécessaire, compte tenu du fait que le Québec sera souverain.

M. Tremblay: Je vais vous répondre par un des exemples que vous avez soulevés. Je pense que vous aimez avoir des exemples pour mieux comprendre. Parfois, les exemples réussissent à étayer. Prenons le cas de Cadbury. Cadbury est une multinationale qui appartient à Cadbury London Limited à Londres, une compagnie britannique qui a des filiales aux Etats-Unis et au Canada qui s'appellent Cadbury Schweppes Powell Limited. Il est évident que, lorsque le Québec aura acquis sa maturité politique, cette multinationale, qui a son siège social à Londres, aura une filiale aux Etats-Unis, aura une filiale, je le présume, à Whitby en Ontario et aura sans doute une filiale au Québec si elle veut y vendre du chocolat. Si elle veut vendre du chocolat, elle doit au moins avoir des entrepôts. Elle doit avoir des services de marketing parce que vous savez que, pour vendre du chocolat, il faut que les factures soient en français au Québec depuis la loi 101. Donc, cette multinationale va devoir revenir au Québec. Cela, je peux vous l'assurer. Il y en a d'autres aussi qui pensent qu'en allant à Toronto, elles vont pouvoir faire du "dumping" sur le marché québécois et qu'elles vont pouvoir fonctionner à partir de Toronto.

M. Scowen: Mais, M. le ministre...

M. Tremblay: Après le référendum, ces petites compagnies, qui ont besoin du marché du Québec pour survivre, vont devoir avoir un siège social au Québec.

M. Scowen: Un siège social? C'est une existence juridique.

M. Tremblay: Tout à l'heure, vous étiez mêlé entre...

M. Scowen: Le siège social canadien de Cadbury est au Québec, n'est-ce pas?

M. Tremblay: Vous parliez tout à l'heure d'un siège social et d'un centre de décision. Si vous me le permettez, je vais vous expliquer la différence. General Motors, évidemment, a son siège social à Détroit. Les décisions d'investissement se prennent à Détroit, même si General Motors of Canada a un siège social à Oshawa, en Ontario. Le fait d'avoir un siège social régional — parce que c'est dans cette perspective — ne signifie pas que le centre de décision s'y trouve. Il est évident que, compte tenu des besoins de marketing, de financement des inventaires et de d'autres considérations rattachées soit à une production, soit à une vente, un bureau régional constitue un centre de services pour l'entreprise. Ce n'est pas nécessairement un centre de décision. C'est pour cela que le terme "siège social" englobe des choses qui ont parfois des significations tout à fait différentes. La vraie signification d'un siège social, c'est le siège social de la maison-mère d'une société commerciale, industrielle ou bancaire. Cela veut dire, là où se prennent les décisions d'investissement et les décisions importantes. Les autres centres sont des centres de services.

En réponse à votre question, il est évident que, lorsque le Québec aura atteint, comme je l'ai dit, la maturité politique, le "home rule", comme on dit en anglais, ou le "self-government " et que seules ses lois s'appliqueront sur le territoire du Québec, toute entreprise commerciale, financière, bancaire ou industrielle qui veut faire des affaires au Québec devra avoir une existence légale au Québec comme Genelal Motors, de Détroit, a une filiale au Canada, General Motors of Canada, pour pouvoir fonctionner.

Cela ne voudra pas dire pour autant que les centres de décision importants seront au Québec, parce que General Motors des États-Unis prend les décisions de General Motors, même s'il y a un siège "social" à Oshawa, en Ontario, mais nous serons certains d'une chose, c'est que le marketing, les finances, le financement des inventaires, etc., vont devoir se faire au Québec.

Donc, toutes les entreprises qui pensent s'établir à Toronto aujourd'hui et pensent fonctionner à partir de l'Ontario et faire du "dumping" au Québec et considérer le Québec comme étant un marché de consommation, vont devoir revenir en sens inverse sur la route 401, parce que si elles veulent vendre du chocolat, des automobiles, des pièces d'automobiles, des réfrigérateurs, des téléviseurs et tout cela, il va falloir qu'elles aient une existence juridique au Québec.

C'est là la beauté de vouloir prendre ses affaires en main, c'est qu'on cesse de rire de nous, et quatre siècles d'indifférence et de négligence à notre endroit, c'est assez.

M. Scowen: M. le ministre, je comprends très bien votre commentaire. C'est parfait. Je veux

simplement vous dire qu'à l'intérieur d'un marché commun, d'une association, il pourrait être possible d'envisager, à l'intérieur du Canada, un système à peu près comme ce que nous avons maintenant. Je ne dis pas que c'est la meilleure chose, mais vous avez certainement clarifié cette affaire ici. Est-ce qu'on peut aller...

M. Tremblay: Si vous me le permettez, sur cela, il faut faire bien attention, parce que, là, vous mélangez des pommes et des poires. Il est évident qu'à l'intérieur du Marché commun européen, comme à l'intérieur du marché commun canadien, les entreprises peuvent investir là où elles veulent et peuvent aussi prendre des circuits de distribution de leurs produits comme elles le veulent, mais, pour faire légalement les ventes — prenons les magasins Eaton à Montréal ou le magasin Simpsons, La Baie, Canadian Tire, ce sont toutes des entreprises étrangères, car, comme je l'ai démontré, le Québec est un locataire chez lui, les Québécois sont des locataires qui financent des hypothèques des autres. On le fait depuis des siècles. On va changer cela à l'avenir, mais, au plan juridique, il est évident qu'Eaton va devoir avoir une charte québécoise pour vendre ses choses.

Evidemment, cette charte va être accordée automatiquement, puisque tous les citoyens, corporatifs comme privés, sont égaux devant la loi. Mais nous sommes certains que les factures de Eaton ne proviendront pas de Toronto; elles vont provenir d'un bureau qui sera québécois parce que la loi rendra illégal ce genre de facturation en provenance d'un pays ou d'une juridiction qui sera étrangère.

Cela ne signifie pas, comme je l'ai dit, que ceci changera le fond du problème qui est rattaché aux investissements étrangers, aux centres de décision. Ce problème que j'ai expliqué en Europe dépasse la juridiction et la souveraineté des Etats. Mais nous sommes certains que cet aspect légal fera en sorte que beaucoup d'activités tertiaires qui sont rattachées à des centres de services commerciaux, bancaires ou de production, seront au Québec.

M. Scowen: Excellent, est-ce qu'on peut...

M. Russell: Est-ce que le député de Notre-Dame-de-Grâce me permet une petite question pour clarifier? Il parlait de Cadbury, tout à l'heure, qui a son siège social au Québec; est-ce qu'elle sera obligée de produire au Québec.

M. Tremblay: Non, non. La commercialisation est une opération différente de la production, du domaine bancaire ou des assurances; c'naque domaine est différent. Mais, dans chaque domaine, il y a des relations avec des tiers dans le marché. Par exemple, il faut poursuivre un client qui ne vous paie pas. Dans un système de souveraineté légale ne prévalent que les tribunaux de la région. Par conséquent, il faut que votre bureau d'avocats soit ici pour pouvoir fonctionner.

Vous ne pouvez plus fonctionner de l'extérieur. Vous devez maintenir des activités de service pour soutenir vos activités, soit commerciales dans le cas de Eaton, soit de production dans le cas de General Motors; dans le cas de Cadbury, je ne le sais plus. C'est un cas mitoyen, étant donné que ces gens vont avoir leur siège social ici à Montréal, le bureau régional, parce que le siège social... Celui qui prend des décisions, il est à Londres et leur production est en Ontario. Il ne faut pas s'illusionner.

C'est pour cela qu'habituellement, ce qu'on appelle les sièges sociaux sont toujours rapprochés un peu de la production, parce que c'est un peu une antinomie d'avoir la production dans une région et le siège social dans l'autre; ceci se fait rarement.

Donc... (12 h 30)

M. Scowen: Deuxième question, M. le ministre les dividendes.

M. Tremblay: Je crois que M. le député de Brome-Missisquoi avait soulevé la question d'un consentement pour terminer à 12 h 30. Cela ne me fait rien de continuer, mais...

M. Scowen: Je veux continuer jusqu'à ce que nous ayons réglé ces trois questions. Je vais les poser chacune dans moins de trente secondes. Je vous laisse la décision de répondre vite.

M. Tremblay: Je ne m'engage pas, par contre, à répondre en trente secondes.

M. Scowen: Du tout. Je pense, M. le Président, que le ministre a l'idée que je pose des questions pour lui faire tort ou lui causer des problèmes.

M. Tremblay: Pas du tout, au contraire.

M. Scowen: Je vous assure que ce sont des questions qui sont posées par le milieu économique du Québec, qui s'intéresse à avoir des précisions, pour pouvoir prendre des décisions concernant les investissements dans des années à venir. Ce sont des décisions qu'ils sont obligés de prendre avec la possibilité que nous aurons d'une souveraineté-association. Autant que possible, ils veulent savoir ce que cela veut dire, cette politique des entreprises du Parti québécois. Ce qu'on fait ici est très important et je pense qu'on doit essayer d'être aussi clair que possible pour aider les gens qui ont à prendre des décisions.

Je vais passer aux dividendes. "S'assurer que les dividendes versés par une entreprise majoritairement contrôlées par des intérêts étrangers ne représentent pas plus de la moitié des bénéfices après impôt rapportés au Québec."

Si je comprends bien, M. le ministre, cette règle va toucher l'existence juridique québécoise des quatre catégories que j'ai soulevées, des quatre premiers exemples, disons: Cadbury, GM, Labatt et Alcan, mais une compagnie comme Power Corporation, si elle est majoritairement

contrôlée par les Québécois, ne serait pas soumise à cette loi.

Mais des genres d'entreprises comme Alcan, Labatt, GM et Cadbury seront soumises à la loi et sur les profits qu'elles gagnent dans cette société, avec une existence juridique québécoise, elles ne peuvent pas verser plus que 50% en dividendes à l'extérieur. Est-ce vrai? Est-ce que mon interprétation du deuxième point est vraie?

M. Tremblay: M. le Président, je ne suis pas ici pour répondre à des questions de demi-détails, etc. Je peux simplement dire ceci: Le gouvernement du Québec encourage les entreprises privées, comme je l'ai dit dans le contexte que j'ai évoqué tout à l'heure des besoins de rattrapage industriel du Québec.

Deuxièmement, le gouvernement du Québec est en faveur d'une association économique et d'un marché commun, par conséquent, avec la continuation du marché commun canadien qui existe présentement. De cela découle, évidemment, la possibilité pour les entreprises d'avoir la liberté de mobilité en ce qui concerne leurs investissements et leurs produits. Ceci implique des règles qui seront établies en conjonction avec nos partenaires du reste du Canada sur le fonctionnement des entreprises.

Il serait énormément prématuré de présumer des ententes que devra conclure le Québec avec le reste du Canada sur des règles précises. J'ai fait allusion tout à l'heure aux conditions d'incorporation des entreprises; c'était un élément de la question. Mais, sur l'ensemble des autres règles, il serait prématuré de dire quelles vont être les ententes qui seront conclues entre le Québec et le reste du Canada. Il est évident que, dans un contexte d'association économique et de marché commun, tel que cela existe présentement, et comme nous souhaitons que cela continue, ces règles devront être harmonisées. C'est aussi dans le programme du Parti québécois que ces règles devront être harmonisées, mais il faut attendre que ces ententes se réalisent. Il reste encore quelques événements à se produire, comme avec la population du Québec dans le cadre d'un référendum.

Par contre, je dirai ceci pour ce qui concerne notre approche, sans présumer évidemment des ententes qui seront "formalisées" dans le cadre de l'association. Présentement, l'approche qui existe au gouvernement canadien concernant les investissements étrangers et les entreprises, c'est une approche cas par cas, une approche qui vise à dire: Telle entreprise, c'est bon, telle entreprise ce n'est pas bon. L'Agence canadienne de tamisage des investissements étrangers, à laquelle nous collaborons, comme gouvernement... Je suis le ministre qui donne habituellement les positions du gouvernement sur cette question parce que j'ai, dans mon ministère, un bureau d'examens de l'investissement étranger. On n'a pas eu le temps d'en parler, mais je comptais en parler un peu plus longuement, parce que je suis le ministre qui se préoccupe quotidiennement de ces questions.

L'approche du gouvernement fédéral est une approche cas par cas. L'approche du gouvernement du Québec, qui ne peut pas être "formalisée" dans les faits maintenant, de façon définitive, puisque nous sommes encore un gouvernement provincial, est plutôt une approche sectorielle, c'est-à-dire que nous croyons que, dans une politique industrielle cohérente...

M. Scowen: Excusez-moi, M. le ministre, la prochaine question. Dans votre programme, vous avez clairement distingué trois catégories avec les secteurs inclus.

M. Tremblay: Chaque fois que je commence à vouloir répondre un peu sur la politique d. gouvernement, alors que c'était, je croyais, le but de la motion de questionner le gouvernement sur sa politique vis-à-vis des investissements étrangers, aussitôt que je commence à donner la position du gouvernement, on me harcelle, on me coupe la parole pour m'empêcher...

M. Scowen: Dites donc que vous n'avez pas l'occasion de parler, M. le ministre.

M. Tremblay: Le député de Brome-Missisquoi et le président avaient souhaité que nous terminions à 12 h 30. Il est pratiquement 12 h 40. J'essaie de fournir une réponse...

M. Scowen: Je voulais simplement...

M. Tremblay: ... extrêmement importante. On m'en empêche.

M. Scowen: ... soulever le point, M. le ministre, que la partie de votre programme qui touche les dividendes est clairement séparée de la partie qui touche votre politique sectorielle.

M. Tremblay: On voit votre approche, qui est d'aller à la pèche sur des petits points particuliers. C'était toute l'opération...

M. Scowen: Avant de faire un investissement ici, ce sont les questions précises que je pose. La question, en gros, c'est si un homme d'affaires... Est-ce que je dois prendre au sérieux dans me-plans l'article 2 qui touche l'existence judirique québécoise et l'article 4b qui touche le fait que je suis obligé de ne pas verser plus de 50% de mes bénéfices québécois en dividendes, ou est-ce que je peux les mettre de côté parce que ce n'est pas quelque chose que vous avez sérieusement l'intention d'implanter? Qu'est-ce que vous allez dire? Ou qu'est-ce que je dois dire?

M. Tremblay: Je ne peux que...

M. Scowen: C'est une question sérieuse. Les gens veulent savoir avant d'investir. C'est une question très simple. Est-ce qu'ils doivent les prendre au sérieux ou non?

M. Tremblay: Je ne peux que répéter la réponse que je vous ai donnée, que je croyais articulée, à savoir que dans le cadre des négociations et des ententes concernant le fonctionnement du marché commun canadien, ce fédéralisme économique que nous appelons l'association économique, il y aura une position commune des deux gouvernements souverains sur cette question des règles de fonctionnement des entreprises, et que, par conséquent, je ne peux pas vous donner les résultats de ces ententes, puisqu'elles sont à venir. Et non seulement elles sont à venir, mais il faut qu'il y ait un référendum qui se produise avant pour donner l'autorité au gouvernement du Québec; non seulement l'autorité, mais a juridiction sur ces questions, juridiction que nous n'avons pas présentement. Donc, il faut construire les fondations avant de construire le toit. Vous me demandez la couleur du toit, la forme de la cheminée. Je vous dis que nous sommes en train de construire les fondations. Je peux vous donner des indications sur la forme du toit. Je m'apprêtais à vous les donner et vous m'avez interrompu. Je vous ai dit qu'au moment où nous nous parlons, l'approche du gouvernement canadien, qui est une approche cas par cas et qui peut le demeurer lorsqu'il sera temps de négocier la souveraineté-association, n'est pas identique à celle que nous préférons. Nous ne pouvons que la préférer présentement, puisque nous sommes un gouvernement provincial. On sait que dans la structure canadienne, les gouvernements provinciaux sont un peu des grosses municipalités. Dans le domaine économique, on peut toujours envoyer promener les provinces. L'agence de tamisage étranger du gouvernement fédéral, ce n'est pas une loi du Québec. C'est une loi du gouvernement fédéral. Nous la subissons parce que nous n'avons pas participé à son élaboration.

Tout ce que je dis, c'est que dans la future politique Québec-Canada sur les investissements étrangers, le gouvernement du Québec sera un participant dans l'élaboration de la politique et non pas un spectateur, comme nous le sommes présentement, et, lorsque nous serons un participant, je vous donne, si vous me permettez, l'orientation que nous préférerions prendre, qui est une orientation qui ne va pas dans les cas par cas, parce que ceci est "tatillonneux" pour les entreprises. Les entreprises étrangères et les investissements étrangers détestent cette approche discrétionnaire de la part du gouvernement fédéral, parce qu'on doit embaucher des avocats et ça coûte très cher, parce qu'on ne sait jamais à quoi s'attendre, ça dépend des fonctionnaires et de la façon dont ils perçoivent la chose cas par cas.

Nous disons que les règles du jeu concernant la contribution des entreprises étrangères au développement économique du Québec et du Marché commun canadien vont devoir être faites par secteur. Ces règles du jeu, dans le cadre d'une politique industrielle cohérente, évidemment, si on n'avait pas de politique... Je crois qu'à Ottawa, il n'y en a pas, au plan industriel, c'est absolument évident. C'est un des problèmes. Nous subissons l'absence de politique industrielle de la part du gouvernement canadien sur notre propre territoire, mais nous n'avons pas les pouvoirs d'appliquer notre propre politique de façon réelle. C'est là la tragédie. Même si nous avions le meilleur gouvernement possible au niveau du Québec, aussi longtemps que nous demeurerons un gouvernement provincial et que nous sommes soumis à une dépendance et à une satellisation d'un gouvernement fédéral qui, lui, n'a pas de politique cohérente, nous devons être un peu spectateurs devant cette politique face aux investissements étrangers. Je dis que, dans le cadre de la souveraineté-association, le Québec va vouloir introduire la coopération des entreprises étrangères dans le cadre de la politique économique et industrielle globale et que certains secteurs vont devoir être privilégiés plutôt que certains autres. Prenons le cas de l'automobile. Il est évident que le Québec n'a pas d'industrie autochtone de l'automobile, le Canada non plus, parce qu'il s'agit d'une industrie qui a besoin, pour être efficace, d'avoir des usines de grandes dimensions et de produire plusieurs unités d'un même modèle pour un très grand marché. Pour produire une automobile de façon concurrentielle, il faut produire un minimum de 150 000 unités d'un modèle. Sans cela, le coût est trop élevé. Donc, par définition, les entreprises étrangères nord-américaines... le député de Brome-Missisquoi, qui s'y connaît bien dans ce domaine — je le félicite, j'en profite pour dire que même si l'Union Nationale a peu de députés, je dois dire qu'au plan économique, ses interventions depuis deux ans sont beaucoup mieux étayées que toutes les interventions du Parti libéral, peut-être qu'ils se fient un peu moins aux nuages et aux forces occultes et plus à la réalité et qu'ils amènent finalement des propositions et des idées réelles et réalistes — a mentionné tout à l'heure qu'en Amérique du Nord...

M. Scowen: M. le Président, je vais intervenir pour la dernière fois, parce que je sais que vous voulez partir...

M. Tremblay: Oui, mais je donnais un exemple... Un instant! Le député de Brome-Missisquoi mentionnait... parce que vous aimez bien les exemples. Quand je veux répondre en vous parlant de la politique cohérente du gouvernement, on m'interrompt parce qu'on dit: Revenez aux exemples. Quand je suis en train de donner un exemple, on dit: Non, revenez à la politique globale. Est-ce qu'on joue au chat et à la souris ici?

Je revenais à l'exemple de l'automobile et le député de Brome-Missisquoi a mentionné qu'il y a quatre producteurs nord-américains dont l'un, American Motors, a plus de difficultés que Chrysler, Ford et General Motors. Il est évident que le Québec, n'ayant pas une industrie locale, mais consommant beaucoup dans le secteur de l'automobile, beaucoup de camions et beaucoup de pièces, va devoir avoir — sans compter les camions militaires et les chars d'assaut sur lesquels nous n'avons aucune prise présentement

pour la production au Québec. La preuve, c'est qu'il n'y en a pas qui sont produits au Québec. Vous allez me dire: C'est la fatalité, comme le disait le député de Saint-Laurent à l'Assemblée nationale. Moi, je vous dis que ce n'est pas la fatalité. C'est le favoritisme du gouvernement canadien à Ottawa envers le développement industriel de l'Ontario et nous allons essayer de mettre fin à cela.

Il est évident qu'il va falloir, dans ce secteur de l'automobile que nous voulons développer, que General Motors, que Ford et Chrysler puissent produire ici au Québec en prenant de l'aluminium du Québec, en prenant des ressources du Québec, en étant incorporées au Québec, en embauchant des avocats, des ingénieurs, des comptables du Québec, en fonctionnant en français, mais avec des liens en anglais avec le reste de l'Amérique du Nord. C'est prévu dans la loi 101 et il n'y a aucun problème pour cela. L'usine de Sainte-Thérèse de General Motors a 4500 employés, elle produit des voitures Buick et Oldsmobile pour tout le continent nord-américain, elle produit des autobus à Saint-Eustache parce qu'on a mentionné, tout à l'heure, le contrat des autobus et j'aurais bien aimé vous répondre sur cela parce que le Québec, présentement, est un fabricant nord-américain d'autobus et a pratiquement un monopole dans ce domaine, puisqu'on exporte maintenant des autobus provenant de Saint-Eustache à New York et dans les grandes villes américaines. On a fermé l'usine de London, en Ontario et on a concentré cette production à Saint-Eustache. C'est l'exemple typique d'un gouvernement qui, avec un levier qui est le contrat de 300 autobus, permet de débloquer du développement industriel en faveur du Québec puisque, maintenant, on va produire entre 750 et 1500 autobus par année, alors que nous n'en achetons nous-mêmes que 300. Donc, nous exportons énormément d'autobus et c'est cela, le développement industriel, mais par secteur, pas cas par cas. (12 h 45)

C'est une approche broche à foin que nous avons présentement au niveau fédéral. Tout le monde est d'accord et je peux le répéter à la face de M. Trudeau mardi prochain, parce que c'est moi qui vais, en compagnie du premier ministre, établir la position industrielle du Québec. Le Québec veut avoir une approche cohérente au plan industriel, pas une approche cas par cas, broche à foin. Depuis toujours, à Ottawa, c'est une approche — je dirais — à la petite semaine, alors qu'on a des problèmes industriels fondamentaux.

Le conseil économique du Canada — et le collègue du député de Notre-Dame-de-Grâce, le député d'Outremont, qui a déjà été président, l'a répété — a fait des études, a proposé au gouvernement canadien une approche cohérente au plan commercial et industriel, mais ces études ont toujours été mises de côté et on se retrouve aujourd'hui avec un problème industriel et manufacturier pour l'ensemble du Canada, même si le Canada, cette partie du continent, ce demi-continent, est extraordinairement riche en ressources, qui est une économie malade.

Le gouvernement du Québec veut faire sa part en ce qui concerne le Québec, parce que c'est notre responsabilité, parce que nous vivons ici; par définition, il faut s'occuper de nos affaires; nous voulons avoir un peu plus de pouvoirs pour nous en occuper un peu plus, mais nous voulons aussi que le gouvernement fédéral collabore jusqu'à ce qu'on ait réglé la situation à savoir qui est le capitaine à l'intérieur sur le bateau du Québec.

Présentement, il y a deux capitaines. Il y en a un qui va dans une direction, et je pense qu'à Ottawa on ne sait pas dans quelle direction on va; nous nous allons dans la direction que j'ai voulu expliquer et que j'aurais bien aimé expliquer plus en détail, si nous avions plus de temps.

Je pense que la position et la politique di gouvernement du Québec sont cohérentes, elles sont globales, et je pense qu'elles sont très logiques.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: M. le Président, je suis venu ici ce matin avec un grand désir d'aller un peu plus loin que le Parti québécois est déjà allé dans sa politique sur les investissements non québécois. J'avais devant moi un programme qui n'est pas très précis. J'avais l'espoir, dans l'intérêt des investisseurs non québécois qui sont ici actuellement, et qui sont intéressés à venir ici, d'essayer de les aider à mieux comprendre cette politique, parce qu'il faut qu'en prenant leur décision sur leurs investissements, ils tiennent compte de la possibilité qu'ils se trouvent, un jour, à l'intérieur d'un marché commun canadien et d'un Québec souverain. C'est une possibilité. Ce programme du Parti québécois doit donc être un programme qui définisse le comportement qui sera requis des compagnies à l'intérieur de cette politique. J'ai posé des questions très spécifiques sur les trois ou quatre points les plus importants qui toucheront ces compagnies, des questions très chaudes, parce que ce sont des questions auxquelles il fait connaître les réponses avant qu'elles décident quoi faire. J'ai donné un petit exemple au ministre, pensant qu'il pourrait nous aider à aller un peu plus loin. Pour moi, vous pouvez avoir votre propre opinion, je pense qu'il n'est pas allé plus loin, il a reculé. Il trouvait même que de parler de ces questions précises était impossible. Il trouvait sa propre politique trop chaude, peut-être qu'il a décidé que ce n'était pas réaliste, je ne sais pas.

Mais je pense que toute personne désintéressée peut dire qu'on n'a pas avancé la définition, l'application de ces règles très claires, la nécessité de ne pas verser plus de 50% de vos dividendes, si vous êtes une compagnie au Québec contrôlée à I'extérieur, d'avoir une société avec une existence juridique québécoise, de permettre aux Québécois d'acheter au moins 1% de vos actions, si vous voulez faire affaires au Québec, ainsi de suite. Si ces données sont bonnes, est-ce qu'elles seront mises en vigueur? On ne sait pas. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'après presque trois heures, on n'est même pas au début de ce débat.

Ce matin, quand j'ai commencé, j'ai dit que je trouvais, jusqu'à ce matin, les politiques d'investissement du Parti québécois colériques et inarticulées. Je continue à dire que c'est colérique et inarticulé et on n'a pas du tout avancé. J'espère que nous aurons d'autres occasions de parler de cette question; j'espère que le ministre va prendre mes commentaires, non seulement dans le sens critique, mais dans le sens que je lui assure qu'il y a énormément de gens, à l'extérieur de ce bâtiment, qui aimeraient avoir une réponse à la question: Est-ce que votre politique sur les entreprises, proposée dans votre programme, est une politique sérieuse, oui ou non?

Alors, je regrette qu'on ne soit pas allé plus loin, mais je suis certain que le ministre va prendre note de mes commentaires et va essayer, autant que possible, dans les jours, les semaines, les mois qui viennent, de faire un peu plus de lumière sur ce sujet très important. Je le remercie énormément, ainsi que ses collègues, parce qu'ils sont venus ici ce matin et ont fait tout ce qu'ils pouvaient pour clarifier un peu cette question. Je vous remercie.

M. Tremblay: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Brome-Missisquoi, rapidement.

M. Russell: Et le ministre pourra répondre par la suite.

Je veux simplement vous remercier, M. le Président, et m'excuser auprès de vous de vous avoir fait manquer votre train pour aller remplir vos obligations. Mais je suis heureux d'être venu ce matin participer à ce débat qui n'est pas terminé. Je pense qu'il y a beaucoup d'éclaircissements à donner encore. Je pense bien que le ministre n'a pas eu le temps de faire tout cela. Il y a eu des questions du député de Notre-Dame-de-Grâce qui sont demeurées sans réponse. J'en avais plusieurs autres à poser. Le temps nous presse. Il pourra peut-être nous répondre par écrit ou à d'autres occasions, je suppose.

Mais un point sur lequel je voudrais revenir, c'est de lui demander — s'il ne le fait pas aujourd'hui, il pourra nous le donner par écrit dans des délais raisonnables afin qu'on l'ait en notre possession — quand il fera le dépôt global de cette politique. D'après ce qu'on déduit de l'exposé du ministre, le programme sera applicable seulement après l'indépendance du Québec.

M. Tremblay: M. le Président, je vais prendre deux minutes, tout simplement, pour répondre aux derniers propos du député de Notre-Dame-de-Grâce et je répondrai rapidement, à la toute fin, à la question du député de Brome-Missisquoi.

Lorsque le député de Notre-Dame-de-Grâce dit que la position du gouvernement du Québec concernant la place des investissements étrangers dans le développement industriel et dans la croissance économique est inarticulée, je crois qu'il n'a pas écouté ce que j'ai dit aujourd'hui. Je crois que j'ai présenté une approche cohérente qui partait de la réalité. J'ai déposé des chiffres et cette réalité, je l'ai établie; je ne le répète pas. Mon approche vise à encourager l'initiative privée au Québec dans le domaine économique et industriel; vise à encourager le secteur coopératif dans la production; vise à renforcer les sociétés d'Etat du Québec dans le domaine industriel et commercial — la preuve était la loi 108 que j'ai déposée à l'Assemblée nationale concernant l'augmentation du capital-actions de la Société générale de financement — vise aussi à intégrer les entreprises multinationales et anglo-canadiennes, qui ont des sources financières et des ressources technologiques que nous n'avons pas, dans le fonctionnement de l'économie en coopération, quand c'est nécessaire, avec les entreprises autochtones, mais souvent dans des secteurs où elles sont majoritaires, et pratiquement des monopoles, comme celui de l'automobile.

En ce qui concerne les règles de fonctionnement des entreprises qui devraient s'appliquer dans une perspective de souveraineté-association, je ne peux que répéter que ce genre de règle doit être établie en coopération avec le reste du Canada ou le gouvernement du Canada anglais, parce que les règles de fonctionnement des entreprises, dans le cadre d'un marché commun, comme on a à l'intérieur du Marché commun européen, doivent être semblables afin de pouvoir avoir une juste péréquation de l'activité économique et de l'activité industrielle.

Par conséquent, aucune réponse définitive ne peut être apportée à ce genre de question, puisque ceci est à venir. Par contre, j'ai indiqué quelle était la préférence du gouvernement du Québec qui était une approche cohérente et globale au développement industriel et non pas une approche à la pièce, une approche que j'appellerais folklorique. Là, je réponds en une phrase à la question du député de Brome-Missisquoi.

Pour ce qui concerne la politique industrielle du Québec, nous avions déposé le projet de loi 108 sur la SGF. Nous avons dit que nous procéderions par étapes. Je le répète, notre priorité était de renforcer les PME. Nous l'avons fait par la politique d'achats, par la loi 48, qui visent à renforcer les PME. La politique d'achat est une politique qui vise à diriger les contrats des secteurs public et parapublic vers les entreprises autochtones qui, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, étaient souvent des petites et des moyennes entreprises.

Je pense que ceci a été fait avec la création de SODEQ. Comme l'a dit le député de Notre-Dame-de-Grâce, les chambres de commerce, en 1974, avaient proposé cela, l'ancien gouvernement, au mois de juin 1976, avait adopté la loi et j'ai établi les règlements. J'ai lancé cette semaine, à Beauceville, en compagnie de deux collègues de l'Assemblée nationale, la première SODEQ en activité, Beauce-Appalaches, dans la Beauce.

L'autre étape consiste à renforcer nos sociétés d'Etat et à y mettre de l'ordre en les renforçant par du capital-actions. Nous avons commencé par la SGF. Nous allons en venir à SIDBEC, etc.

L'autre étape sera de tout remettre ensemble dans le cadre d'une politique industrielle globale que nous sommes à préparer, mais non pas en improvisant rapidement, parce que nous prenons une situation où il n'y a jamais eu d'approche globale. Nous sommes à la préparer. J'ai déjà indiqué dans mes discours, depuis quelques mois, que cette politique aura une ampleur très grande, c'est-à-dire quelle sera à la mesure du besoin de rattrapage que nous avons aux plans économique et industriel. Ceci va donc se réaliser dans les mois et dans les années à venir.

J'aimerais bien pouvoir en discuter davantage, mais il faut permettre au gouvernement de rédiger ses lois, ses règlements et tout cela. Lorsque ces lois seront déposées, nous aurons des commissions parlementaires, nous aurons des débats à l'Assemblée nationale sur ces thèmes qui sont fondamentaux et extrêmement importants, mais qui exigent, de la part du gouvernement, beaucoup plus de réflexion que dans d'autres domaines de réglementation gouvernementale, parce que dans ce cas, non seulement s'agit-il d'avoir une politi- que qui soit bien pensée et cohérente, mais il s'agit aussi de dégager les ressources pour l'appuyer.

Dans les domaines linguistiques ou dans les domaines sociaux, parfois, il s'agit de réglementer. La loi 101 ne coûte pas cher à appliquer, il s'agit évidemment d'écrire noir sur blanc ce que le gouvernement souhaite pouvoir appliquer. Dans le domaine industriel et commercial, s'il faut relancer les investissements, renforcer la production, il nous faut avoir des ressouces. Donc, il faut non seulement avoir l'imagination, la cohérence, mais il faut aussi avoir les moyens. C'est en mettant tous ces aspects de la question ensemble que nous allons aborder l'élaboration de la politique globale du gouvernement qui viendra dans les mois à venir.

Le Président (M. Marcoux): La commission permanente de l'industrie et du commerce ajourne ses travaux sine die.

Fin de la séance à 13 heures

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