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Etude du projet de loi no 21
(Dix heures dix-sept minutes)
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de l'industrie et du commerce est réunie
ce matin pour étudier article par article le projet de loi no 21, Loi
autorisant la vente de certains vins dans les épiceries.
Les membres de la commission sont: M. Blank (Saint-Louis), remplace M.
Ciaccia (Mont-Royal); M. Dubois (Huntingdon), M. Gosselin (Sherbrooke), M.
Michaud (Laprairie), remplace M. Grégoire (Frontenac); Mme Leblanc
(Iles-de-la-Madeleine), M. Lefebvre (Viau), M. Ouellette (Beauce-Nord), M.
Raynauld (Outremont), M. Shaw (Pointe-Claire), M. Tremblay (Gouin).
Les intervenants sont M. Caron (Verdun), M. Gagnon (Champlain), M. Godin
(Mercier), M. Bellemare (Johnson), remplace M. Goulet (Bellechasse); M. Landry
(Fabre), M. Perron (Duplessis), M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson (Rouyn-Noranda)
et M. Vaillancourt (Orford).
Est-ce qu'il y a un rapporteur...
M. Michaud: M. le Président, est-ce que je pourrais
proposer le député de Beauce-Nord?
Le Président (M. Boucher): M. Ouellette?
M. Michaud: M. Ouellette.
Le Président (M. Boucher): Alors, M. Ouellette est donc
rapporteur. M. le ministre.
Projet de loi no 21
M. Tremblay: M. le Président, je vous remercie. Je
proposerais donc que nous procédions article par article, étant
donné que le projet de loi a été adopté par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture à
l'unanimité et que nous considérions le premier article.
Est-ce que vous désiriez que je lise le premier article, M. le
Président?
Le Président (M. Boucher): Non. Est-ce qu'il y a des
commentaires du côté de l'Opposition?
M. Raynauld: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Le député
d'Outremont.
M. Raynauld: Je pense que la pratique autorise des
déclarations préliminaires avant de passer à
l'étude plus précise des articles.
M.Tremblay: Dans ce cas-là, M. le Président, si
l'Opposition le souhaite, je peux faire une déclaration
préliminaire.
M. Raynauld: Pardon?
M. Tremblay: Si vous souhaitez, je peux faire une
déclaration préliminaire dans le but, peut-être,
d'éviter que l'on revienne indûment.
M. Blank: D'accord.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Raynauld: Nous sommes entièrement d'accord.
Remarques préliminaires
M. Rodrigue
Tremblay
M.Tremblay: Mes propos, M. le Président, seraient pour
enchaîner sur le débat que nous avons tenu à
l'Assemblée nationale en deuxième lecture et revenir sur le sens
même de cette loi.
Cette loi je veux insister fortement sur cela ne vise pas
à réduire ou à éliminer la responsabilité de
la Société des alcools dans la commercialisation des alcools au
Québec. La Société des alcools est un monopole et ce
système nous a très bien servis au cours du demi-siècle
d'existence de la Société des alcools.
La Société des alcools a permis d'importer des produits,
d'acheter de grandes quantités d'alcool en se servant de son pouvoir
d'achat et d'obtenir ainsi des prix inférieurs à ce qu'il aurait
été possible d'obtenir autrement. Elle a permis de
réglementer un marché difficile quant à la
réglementation. Elle a permis d'établir un réseau de
distribution, un mode de commercialisation qui garantit aux consommateurs un
produit de très haute qualité.
Je crois que le Québec se distingue en Amérique du Nord
par la réputation, quant à sa Société des alcools,
de mettre à la disposition des consommateurs un produit qui est non
seulement bon marché en termes relatifs, mais aussi de qualité
irréprochable.
Le but du présent projet de loi est d'accroître les
services de la Société des alcools dans le domaine de la
commercialisation en permettant au réseau des petites épiceries
au Québec de faire la commercialisation de certains vins.
Il ne s'agit donc pas de retirer à la Société des
alcools une quelconque responsabilité dans la mise en marché des
vins. Il s'agit plutôt d'une extension de la responsabilité de la
Société des alcools d'importer, de vendre et de distribuer des
vins, d'étendre cette responsabilité au réseau des
épiciers indépendants.
Ce faisant, nous poursuivons trois buts interreliés et
complémentaires. Le premier est d'accroître les services à
la clientèle québécoise. Les modes de consommation, les
modes de vie se sont considérablement modifiés au cours des
dernières décennies, de sorte que la consommation du vin est
très étroitement reliée à la vente des autres
produits alimentaires.
II nous est apparu anachronique que les maîtresses de maison
aient, en faisant leurs emplettes, à se présenter à deux
points de vente différents, souvent à des distances passablement
longues pour obtenir des produits qui sont devenus, dans les faits,
complémentaires.
Le deuxième objectif poursuivi est de permettre à notre
réseau de distribution, de commercialisation des produits alimentaires
au Québec, celui contrôlé par les épiciers
indépendants, de raffermir sa position sur ces marchés et
d'offrir un meilleur service à la clientèle.
Contrairement à l'Ontario où les grandes chaînes
occupent 60% du marché de l'alimentation, alors que les
indépendants n'en occupent que 40%, au Québec, nos
épiciers indépendants contrôlent de 55% à 60% des
marchés de l'alimentation. Or, comme il s'agit de petites
épiceries qui sont très rapprochées des gens, qui vivent
la vie des quartiers, dans les municipalités comme dans les villages, il
nous apparaît qu'il est socialement et économiquement souhaitable
que ce réseau d'épiciers continue d'exister et de
prospérer. Ces épiceries, qui détiennent des permis de
vente de bière et de cidre, pourront, avec cette loi, ajouter les vins
désignés à leur gamme de produits alcooliques.
D'autre part, le troisième objectif poursuivi, c'est en
même temps de créer des retombées économiques au
Québec. C'est évident que l'industrie vinicole n'est pas une
industrie autochtone pour le Québec, ce n'est pas une industrie qui
découle d'une matière première comme la pomme par exemple,
dans le cas du cidre. Nous devons importer les raisins ou importer le jus de
raisin ou le vin. Mais les activités connexes à la fabrication du
vin sont importantes au plan économique. Les activités qui sont
reliées à l'embouteillage, entre autres, sont très
importantes. Les activités rattachées à l'achat de
bouteilles, à la fabrication de bouteilles, à la fabrication de
boîtes de carton sont donc des activités qui sont peu
négligeables pour des industries comme l'industrie du verre et
l'industrie du papier et du carton pour le Québec. Donc, devant faire un
choix dans le type de produits qui peut avoir accès dans les
épiceries... Parce qu'il serait économiquement insensé et
irréalisable de concevoir un élargissement du mode de
commercialisation pour l'ensemble des vins dans les épiceries, le
coût de mise en marché étant tellement prohibitif et, comme
la Société des alcools possède un réseau d'environ
350 magasins et que ses prix sont relativement très concurrentiels, une
telle opération d'élargissement aurait été
économiquement impossible à réaliser. Donc, devant choisir
et il y a d'autres raisons sur lesquelles je reviendrai plus tard
nous avons choisi de privilégier les produits qui sont susceptibles de
créer le maximum de retombées économiques au
Québec.
Donc, M. le Président, il s'agit ici des points essentiels que je
voulais souligner parce qu'ils reflètent l'esprit de la loi et
l'intention du gouvernement dans cette loi.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Outremont.
M. André Raynauld
M. Raynauld: Je vous remercie, M. le Président. Je
voudrais d'abord réaffirmer ce que j'ai affirmé, avant-hier, dans
le discours de deuxième lecture, savoir que l'Opposition officielle est
d'accord sur le principe qui sous-tend ce projet de loi. Nous sommes favorables
à une accessibilité beaucoup plus grande pour les consommateurs
par les très nombreux points de vente que représentent les
détenteurs de permis d'épicerie par comparaison aux magasins
relativement peu nombreux de la Société des alcools du
Québec.
Nous sommes d'accord sur le principe de cette loi. Cela dit, je suis
obligé ici de reconnaître, dès le départ, que ce
projet de loi a des lacunes très importantes sur le plan de la
présentation, sur le plan du libellé. Ces lacunes
reflètent des lacunes beaucoup plus importantes qui se sont
manifestées depuis déjà plusieurs mois et qui touchent
vraiment le fond dans le sens suivant? Il semble que le gouvernement ait
décidé, il y a quelque temps, du principe de ce transfert de la
distribution des vins aux épiceries et qu'il ait refusé,
jusqu'à maintenant, d'en examiner les conséquences, d'en examiner
les modalités d'application et de discuter avec les
intéressés, des conséquences que peuvent avoir, pour eux,
les applications éventuelles qui viendront par les
règlements.
Alors, j'ai noté aussi, dans le discours de deuxième
lecture, pour ce qui concerne la facture du projet de loi, qu'il n'y avait
absolument rien dans ce projet et que tout était dans les
règlements à venir. Il n'y a même pas d'objectifs
indiqués, dans le projet de loi, qui viendraient, en quelque sorte,
encadrer les règlements que le gouvernement voudra faire.
Il y a des problèmes très considérables lorsqu'il s
agit de voir quel va être l'impact de cette opération sur les gens
qui sont dans ce domaine. Je pense aux fabricants de cidre, aux
épiceries, aux détaillants; je pense à la SAQ, et à
l'ensemble des gens qui sont concernés par ce genre de commerce. Il est
de notoriété publique qu'il a été extrêmement
difficile pour les gens concernés d'exprimer leurs points de vue, de se
faire entendre par le gouvernement et d'en arriver à une certaine
connaissance mutuelle des intentions véritables du gouvernement et des
modalités d'application de cette loi. (10 h 30)
Comme je l'ai dit tout à l'heure, dans le projet de loi, on n'a
pas de critère ni même d'objectif; on n'a évidemment pas de
règles du jeu. Il faut bien se rendre compte qu'on ne peut pas
décider, du jour au lendemain, de distribuer une certaine
catégorie de vins dans 9000 points de vente sans que les gens qui
fabriquent ces vins ne soient directement impliqués. Quand il y aura une
sorte de vin qui sera désignée par la SAQ pour être
vendue dans 9000 points de vente, plusieurs autres, elles, n'auront pas
accès à ces points de vente.
Imaginez les entreprises qui sont dans ce domaine et qui ont à
décider de leurs investissements, de leur programme de production, de la
commercialisation et de la mise en marché. Il n'y a absolument rien
à l'heure actuelle qui permette à ces personnes, à ces
gens directement impliqués, dont c'est la vie professionnelle, de savoir
ce qui va se produire, ce qui les attend.
Je n'ai pas encore parlé des fabricants de cidre. Il est
évident que, pour eux, les retombées ont de grosses chances
d'être négatives, puisque les fabricants de cidres ont
déjà accès directement aux détenteurs de permis
d'épicerie. Du jour au lendemain, on leur dit: Vous aurez
également la concurrence de certains vins, mais on ne sait pas encore
lesquels.
Ces gens ont fait des investissements. Ils voudraient savoir ce qui va
leur arriver. Ils voudraient savoir ce que le gouvernement entend faire pour
protéger ces investissements qu'ils ont faits en toute bonne foi avec
l'aide du gouvernement, avec l'appui du gouvernement. Aujourd'hui, on leur dit:
On met les vins en vente dans les épiceries, sans avoir daigné
les entendre, sans avoir daigné répondre même aux
mémoires qu'ils ont pu présenter, il y a déjà
plusieurs mois.
Les fabricants de vins, de leur côté, sont dans une
situation analogue, dans la plus grande obscurité possible. Pourtant,
ils fabriquent des vins. Ils doivent être vendus. Pour les fabriquer, il
faut qu'on prenne les mesures en conséquence. Il faut qu'on ait les
capacités de production pour faire ces choses-là. Il y a
peut-être des fabricants de vins qui s'attendent que leurs vins soient
désignés et qui ne le seront pas. Ces gens, qu'est-ce qu'ils vont
faire de leur capacité de production s'ils ont décidé,
à leur tour, de répondre à cette invitation du
gouvernement?
Motion priant la commission d'entendre les organismes
intéressés
Je crois qu'il serait absolument indispensable à ce stade-ci
je vais en faire une motion, M. le Président que cette
commission parlementaire entende les gens qui sont directement concernés
par l'application de celle loi. Je vais faire motion pour que soient entendus,
avant le début de l'étude article par article du projet de loi
21, un certain nombres d'oganismes.
Je ne voudrais pas en faire une liste exhaustive. Elle pourrait
être préparée d'ailleurs par des gens plus
compétents que moi. Mais il est évident qu'on devrait entendre
devant cette commission, d'abord, la Société des alcools du
Québec, directement impliquée dans ce projet; l'Association des
détaillants de l'alimentation, l'Association des épiciers en
gros, les fabricants de vins, les pomicul-teurs, les brasseurs, l'ensemble des
associations concernées dans la fabrication et la distribution de vin et
de cidre au Québec.
Il va de soi qu'une commission parlementaire qui veut prendre son
rôle au sérieux, devrait pouvoir s'informer des
répercussions qu'un projet de loi comme celui-ci pourra avoir sur les
gens directement concernés. J'espère que le ministre voudra
accepter cette motion que nous faisons en toute bonne foi, que nous faisons,
dans une grande mesure, avec pleine connaissance de cause, mais j'aimerais que
cette motion soit acceptée et qu'on entende les parties avant le
début de l'étude article par article. Merci, M. le
Président.
M. Tremblay: M. le Président, est-ce que je peux
répondre à la motion?
Le Président (M. Boucher): Nous avons devant nous une
motion pour que soient entendus avant le début de l'étude article
par article du projet de loi les organismes suivants... En fait, je n'ai pas la
liste des organismes...
M. Raynauld: Je modifierais la formulation de la motion pour
dire: Les principaux organismes concernés par l'application de la
loi.
M. Michaud: Un message par pigeon voyageur?
M. Raynauld: Pardon?
M. Michaud: C'est un message par pigeon voyageur?
M. Raynauld: Ce n'est pas un message. Nous avons des
recherchistes qui sont chargés justement de préparer des motions.
Il n'y a rien d'anormal là-dedans.
M. Blank: Anciennement, le pigeon était Louis Bernard.
Le Président (M. Boucher): Avant d'aller plus loin,
j'aimerais entendre les arguments sur la recevabilité de cette motion,
étant donné...
M. Blank: Des arguments pressants?
Le Président (M. Boucher): ... que le mandat actuel de la
commission est d'étudier article par article le projet de loi 21.
M. Michaud: Est-ce que vous pourriez la relire, s'il vous
plaît?
M. Raynauld: Sur la recevabilité?
Le Président (M. Boucher): La motion se lit comme suit:
Que soient entendus avant le début de l'étude article par article
du projet de loi 21 les organismes...
M. Raynauld: Concernés par l'application de la loi.
Le Président (M. Boucher): ... concernés par
l'application de la loi.
M. Raynauld: Je m'excuse de ma mauvaise écriture. Sur la
recevabilité?
Le Président (M. Boucher): Sur la recevabilité.
M. Bellemare: Est-ce qu'il n'y aurait pas possibilité,
avant l'étude de cette motion, de maintenir l'alternance pour que le
parti de l'Union Nationale puisse se faire valoir à la suite du ministre
et du Parti libéral, cette alternance qui est toujours respectée
dans les commissions parlementaires, pour que notre représentant
officiel puisse donner son opinion? Après cela, on reviendra à
l'étude de la recevabilité de la motion.
Le Président (M. Boucher): Est-ce que les membres sont
d'accord? Oui?
M. Tremblay: M. le Président, je crois que, sur cette
question, il conviendrait que nous disposions de cette motion avant de
continuer les remarques préliminaires. Je pense que l'Opposition
officielle a présenté une motion. Je crois que nous devrions en
disposer dès maintenant pour maintenir le déroulement de nos
travaux.
Le Président (M. Boucher): Nous avons devant nous une
motion dont il faut disposer, à savoir si elle est recevable ou non.
J'aimerais entendre les arguments sur la recevabilité.
M. Raynauld: Sur la recevabilité, M. le Président,
je dirai que la principale justification de cette motion tient aux très
nombreux précédents qui existent. J'ai participé à
un très grand nombre de commissions depuis un an. Dans tous les cas, des
motions de ce genre ont été reçues. Je pourrais mentionner
que nous avons discuté très longuement, par exemple, dans le cas
de l'assurance automobile pour savoir si on devait entendre les parties. Un
compromis a été finalement accepté d'entendre certaines
personnes. Durant l'étude de la loi 45, une motion a été
présentée; il y a eu là aussi un compromis. On a
accepté certains organismes pas tous dans le domaine des
communications, cette semaine. De nouveau, à l'occasion de
l'étude des crédits, une motion a été
présentée pour les communications, et, finalement, un compromis a
été accepté par les deux partis. Il y a eu l'amiante,
quoique dans le cas de l'amiante, je ne sais pas s'il y a eu des motions
formelles de présentées, mais je pense que, là encore,
plusieurs intéressés ont été invités
à se présenter devant la commission.
Si on s'en tient au règlement, à l'artile 154, on dit: "En
commission plénière ou élue, après la
deuxième lecture, on ne peut discuter que les détails d'un projet
de loi et il ne peut y avoir audition publique que devant une commission
élue pourvu que celle-ci y consente. "
Alors, il suffit que la commission y consente pour que cette pratique
soit acceptée. Je pense avoir donné, tout à l'heure, des
raisons de fond qui justifient une telle motion. Compte tenu des cinq ou six
précédents que je viens de vous donner, compte tenu
également du règlement d'après lequel il suffit que la
commission y consente pour qu'on puisse entendre les intéressés,
je pense que vous devriez accepter cette motion.
M. Tremblay: M. le Président, si le projet de loi no 21
était un projet de loi portant sur une matière nouvelle, qui
n'avait pas été discutée à fond dans d'autres
occasions, si, comme le dit le député d'Outremont, il n'y avait
pas eu suffisamment de consultation...
M. Blank: Question de règlement! Excusez-moi, M. le
ministre. Le président a demandé qu'on discute la question de la
recevabilité. Maintenant, vous discutez sur le fond.
M. Tremblay: Non, je suis en train de montrer qu'il n'est pas
nécessaire... Nous sommes ici pour discuter le projet article par
article, et, par conséquent, je crois que la motion n'est pas recevable.
Je prends un peu le contre-pied des arguments du député
d'Outremont, qui laisse entendre qu'il n'y a pas eu de consultation, qu'il n'y
a pas eu d'étude.
Or, vous savez fort bien, M. le Président, qu'il y a eu une
commission royale d'enquête sur le commerce des boissons alcooliques,
commission d'enquête à laquelle j'ai participé activement,
puisque c'est moi qui ai écrit le rapport sur les boissons alcooliques.
On mentionnait, par ailleurs, le cidre. Je connais bien le cidre. C'est moi qui
ai écrit le rapport proposant la légalisation de la vente du
cidre au Québec et, d'autre part, il y a maintenant deux ans que nous
procédons à des consultations puisque j'avais annoncé
cette intention au gouvernement il y a deux ans.
J'ai rencontré à de multiples occasions les fabricants de
vins, les dirigeants de la SAQ, les représentants de l'Association des
épiciers; la SAQ les gens de la Société des alcools ont
fait de même. Le sous-ministre responsable de la société
d'Etat a fait de même.
Je crois que ce n'est pas pour rien que le sondage que nous avons fait
faire par la société CROP démontrait qu'au-delà de
82% de la population était très favorable à ce projet de
loi. C'est un projet de loi qui est mûr. Tout a été
discuté. Il est vrai qu'il y a des intérêts conflictuels,
et c'est justement une industrie où il y a énormément de
conflits d'intérêts, mais j'ai déjà indiqué
que nous avions, comme gouvernement, la ferme intention que la
Société des alcools soit une société industrielle
et commerciale au-dessus de tout soupçon et que les pressions qui
peuvent s'exercer par le truchement de l'Opposition ne feront pas plier le
gouvernement pour défendre des intérêts particuliers.
M. Raynauld: Nous défendons des intérêts
particuliers, M. le ministre?
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Huntingdon.
M. Tremblay: Vous connaissez la situation aussi bien que moi.
M. Raynauld: Nous sommes des parlementaires et je n'accepterai
pas que le ministre fasse des insinuations chaque fois que nous soulevons une
objection à n'importe quel projet de loi. Avec ce gouvernement, on
défend toujours des intérêts qu'on ne devrait pas
défendre. On défend les intérêts des
étrangers. On défend les intérêts du
fédéral. On défend des intérêts particuliers.
On défend ici des intérêts particuliers! Je n'accepterai
pas ces insinuations. Nous sommes ici des parlementaires! J'ai
été élu au même titre que le ministre qui est en
face et je défends les intérêts des Québécois
ici!
M. Tremblay: M. le Président, je pense que la
colère du député d'Outremont indique que j'ai
peut-être frappé plus juste que je ne le croyais!
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: Merci, M. le Président. Je voudrais exprimer au
ministre qu'il sait bien que nous sommes d'accord avec les principes de ce
projet de loi et j'ai bien dit les principes. Nous le lui avons
d'ailleurs exprimé très clairement au cours de nos interventions
en deuxième lecture, mais une foule de réticences de la part des
industries de chez nous touchées par ce projet de loi n'ont pu
être exprimées.
M. Tremblay: Question de règlement, M. le
Président. Parlons-nous sur la recevabilité de la motion?
Le Président (M. Boucher): Sur la recevabilité s'il
vous plaît!
M. Dubois: J'explique les pourquoi...
M. Blank: Le ministre n'a pas dit un mot sur la
recevabilité. Il a parlé du fond de la motion. Je n'ai entendu
aucune objection de la part du ministre sur la recevabilité.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Huntingdon, vous avez la parole.
M. Dubois: Merci, M. le Président. Une foule de
réticences de la part des industries de chez nous touchées par ce
projet de loi n'ont pu être exprimées. C'est une des raisons pour
lesquelles j'appuie la motion du député d'Outremont. Dans
l'état actuel des choses, je crois qu'il est vraiment ridicule
d'étudier ce projet de loi plus à fond, tant que nous n'aurons
pas en main les règlements, premièrement... (10 h 45)
M. Tremblay: Je vous défie de voter contre.
M. Dubois: ... qui interprètent l'application de cette loi
et qui en régissent l'application. En plus, nous de l'Union Nationale,
exigeons et d'ailleurs, je l'ai déclaré dans mon discours
de deuxième lecture que les principaux intervenants, soit les
fabricants de vins et de cidres, puissent présenter un mémoire
ici en commission parlementaire et faire valoir leurs préoccupations au
ministre.
Je crois que c'est le point le plus important. Le ministre sait
pertinemment que les principaux intervenants, à ce jour, n'ont pas eu le
loisir d'étudier toute la portée de ce projet de loi avec le
ministre de l'Industrie et du Commerce.
I! semble aussi que le comité chargé de la
préparation de la loi et des règlements, que nous n'avons pas
aujourd'hui, n'ait été composé que de membres de la SAQ,
laissant donc de côté les industriels québécois
oeuvrant dans la production des vins et cidres.
Le député a repris tout à l'heure une foule de
propos que j'ai exprimés lors de mon discours en deuxième lecture
et donc, à la suite de la cohérence entre mes propos de
deuxième lecture et les propos que le député d'Outremont
vient de tenir, je crois que j'ai toutes les raisons d'appuyer cette motion aux
fins d'écouter les intervenants et d'avoir en main les règlements
avant de poursuivre plus à fond cette étude.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: Je n'ai pas d'objection si d'autres veulent y
aller.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Nord.
M. Ouellette: M. le Président, sur la recevabilité.
Je ne porte pas de jugement quant à la recevabilité sur le fond,
mais quant au libellé. Si on dit dans cette motion: recevoir les
principaux organismes touchés par ce projet de loi, accepter une telle
motion, ce serait s'embarquer dans l'obligation de recevoir à peu
près tout le Québec. Il faudrait, à tout le moins, qu'on
précise les organismes qu'on aimerait voir ici et, lorsqu'on les
connaîtra, on pourra peut-être porter un jugement plus
éclairé.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: M. le Président, comme la motion est faite,
il est question, d'après ce qu'il a dit en parlant de la loi
elle-même, il a bien mentionné que c'est trois organismes qu'il
voudrait entendre particulièrement.
M. le Président, est-ce que le gouvernement a peur de l'article
154? Où a-t-on vu une commission parlementaire manquer son coup
jusqu'à maintenant? A la United Aircraft, M. le Président, la
grève durait depuis huit mois, un an, un an et demi. Si on n'avait pas
eu une commission parlementaire pour entendre les parties, jamais la
grève de la United Aircraft n'aurait été
réglée. C'est
quand la compagnie a déposé, à la demande de
l'Opposition, ses états financiers que, huit jours plus tard, la
grève s'est réglée. Voici le gouvernement qui va
légiférer dans un domaine extrêmement sensible où il
peut y avoir de la partisanerie, où il peut y avoir des
à-côtés, où la Société des alcools
nous dirait: N'allez pas si loin. On n'a même pas les règlements
en main. On n'a pas de règlement, on ne sait pas. Ce seront encore les
bureaucrates, M. le Président, qui vont étayer ce que les
législateurs devraient faire. C'est nous, les législateurs, qui
devrions participer à la réglementation, pas seulement les
bureaucrates. Ils n'ont pas le mandat qu'on a. C'est nous qui aurons les
plaintes, c'est nous qui aurons les problèmes à régler. On
n'aura pas entendu les intéressés, parce que nous sommes des
parlementaires. Je pense que l'article 154 est bien clair: "En commission
pléniè-re ou élue, après la deuxième
lecture, on ne peut discuter que les détails d'un projet de loi et il ne
peut y avoir audition publique..." Je pense que la motion est bien faite et
parfaitement justifiable et nous voterons en faveur de son acceptation pour
permettre aux législateurs de jouer véritablement leur
rôle. Fini, M. le Président, le temps où les
législateurs étaient des gens qui copiaient ce que les
bureaucrates leur disaient et imposaient des règlements qu'ils n'avaient
jamais vus. Qui est responsable des règlements? C'est le ministre, c'est
sûr, mais nous aussi, les législateurs, qui avons à
répondre devant l'opinion publique d'une foule de questions que l'on ne
connaît pas. Cela sera publié dans la Gazette officielle,
d'accord. Quels sont ceux qui lisent la Gazette officielle? Quels sont ceux
qui, souvent, n'ont pas besoin de lire les règlements, mais d'autres en
ont absolument besoin pour diriger un bureau de comté ou savoir
répondre...
Là. M. le Président, vous touchez presque a tous les
comtés de la province, parce que cette nouvelle politique du
gouvernement sur la vente de certains vins dans les épiceries va
être un domaine où tous les députés de tous les
comtés vont avoir à répondre à cette question,
parce que la réglementation n'est pas faite, parce qu'on ne l'a pas,
parce qu'on va être obligé d'accepter a l'aveuglette un projet de
loi qui va nous dire telle chose, telle chose, les règlements vont
être faits, mais qui va juger des règlements?
M. le Président, une commission parlementaire nous aiderait,
parce qu'à la suite des questions qu'on poserait aux différents
intervenants, on pourrait savoir où se dirigent les
règlements.
M. Blank: Sur la question de la recevabilité...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laprairie.
M. Michaud: M. le Président, la commission parlementaire a
été convoquée pour étudier le projet de loi no 21
article par article. Donc, c'est ce que nous devrions faire...
M. Bellemare: Vous n'avez pas d'ordre à nous donner, vous,
pas du tout. Parce que l'article 154 du règlement dit autre chose.
Tâchez d'apprendre à lire.
M. Michaud: M. le député de Johnson, je n'ai
donné aucun ordre, j'ai dit: C'est ce que nous devrions faire.
M. Ouellette: Le conditionnel...
M. Michaud: II faut comprendre le conditionnel, ce n'est pas un
impératif.
M. Bellemare: J'espère que vous allez le comprendre
souvent, le conditionnel.
M. Michaud: Ce n'est pas un impératif, je m'excuse. Nous
devons, ici en commission parlementaire, étudier le projet de loi 21
article par article. On donne comme argument que les personnes
concernées ne se sont pas fait entendre. Toutes les personnes ou
organismes concernés se sont fait entendre, même la population, le
sondage CROP l'établit, est d'accord à 82%. Je me dis donc, que
c'est tout simplement une motion pour retarder le projet de loi, parce que,
quand le gouvernement veut prendre action sur ce qui aurait dû être
fait il y a 2 ans, 3 ans, 5 ans, 10 ans, on veut retarder les choses, en
invoquant le fait que les personnes concernées ne se sont pas fait
entendre.
Je crois qu'on a tout entendu...
M. Blank: ... le fond, c'est ça que je me demande.
M. Michaud: ... et que cette motion n'est pas recevable, M. le
Président.
M. Blank: Elle n'est pas recevable pour quelle raison? M. le
Président...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Louis...
M. Blank: Je vais en rester à la question de
recevabilité. Je ne parle pas de la question de fond. Après que
vous aurez déclaré cette motion recevable, je parlerai du fond.
L'article 154 est clair, pour commencer, et, deuxièmement, il y a des
précédents. Il y a eu la commission des consommateurs. Sur
l'étude de la Loi de l'assurance automobile, la même motion a
été faite, elle a été déclarée
recevable par le président, elle a été débattue et
rejetée par la commission.
A la commission des richesses naturelles, sur l'étude du bill 70,
la même motion a été faite au commencement des travaux,
elle a été déclarée recevable par le
président, elle a été débattue et rejetée
par l'Assemblée, mais acceptée par la commission. Je dois dire
qu'il y a des précédents.
Le Président (M. Boucher): M. le député...
M. Tremblay: M. le Président...
M. Blank: On ne peut pas avoir des jugements différents
dans des commissions différentes.
M. Tremblay: M. le Président, je pense que le
député a raison. Je pense que tous les intervenants, y compris
moi-même, avons parlé, surtout sur le fond de la motion. Sauf que
je demanderais, pour clarifier les choses, que le président donne sa
décision et que nous continuions nos travaux.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre, je suis
d'accord sur la recevabilité de la motion. Toutefois, en vertu de
l'article 165, paragraphe 2, le président peut également
modifier, dans sa forme, une motion pour la rendre recevable. Je demanderais au
député d'Outremont de préciser les organismes qu'il veut
entendre.
M. Raynauld: M. le Président, j'aurais
préféré, quant à moi, ne pas mettre dans la motion
la liste, parce qu'il semble qu'il pourrait y avoir des consultations
là-dessus et je ne voudrais pas empêcher l'adoption d'une motion
comme celle-là, si le ministre a d'excellentes raisons, que je ne
connais pas. de dire, pour un organisme que je pourrais citer, qu'en aucune
façon cet organisme ne peut venir ici. Je pourrais donner des exemples
cependant.
Le Président (M. Boucher): Dans le libellé de la
motion, vous dites...
M. Raynauld: Je sais que vous...
Le Président (M. Boucher): ... "les organismes
concernés par l'application de la loi"...
M. Raynauld: On peut trouver cela trop général.
Le Président (M. Boucher): II y aurait peut-être
à s'entendre sur ces organismes qui sont concernés. On ne peut
pas convoquer tous les organismes sans savoir lesquels sont
concernés.
M. Raynauld: L'intention de la motion était...
peut-être que cela pourrait aider de dire "directement ou
immédiatement touchés". Je sais que cela a l'air trop vaque et je
suis un peu d'accord avec vous sur ça. Mais, comme exemple,
l'Association des fabricants de cidres, l'Association des détaillants en
alimentation, l'Association des épiciers en gros, la SAQ, l'Association
des brasseurs, peut-être le Syndicat des employés de la SAQ, c'est
ça qu'on avait à l'esprit. Mais je ne voudrais pas, encore une
fois, faire une bataille sur chacun des organismes en particulier. Je cite cela
comme exemple. Il est bien évident qu'on n'a pas l'intention de faire
siéger cette commission pendant tout l'été pour entendre
tout le monde et son père.
M. Blank: On aurait soif.
M. Raynauld: On aurait trop soif.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Huntingdon.
Motion d'amendement de M. Dubois
M. Dubois: Je ferais une proposition d'amendement à la
motion du député d'Outremont pour en arriver à un
consensus. Je crois qu'il y a trois principaux intervenants qui sont
directement touchés: Soprovin, qui est le fabricant de vins
québécois, les deux principales cidreries je crois qu'il
n'y en a que deux au Québec, présentement, ou trois et la
SAQ. Ce sont les trois principaux intervenants. Si on pouvait faire un
consensus autour de la table, ce serait le minimum d'intervenants que l'on
pourrait entendre. Cela serait salubre pour le ministère de l'Industrie
et du Commerce, pour ces industries québécoises et aussi pour la
population du Québec. On aurait ainsi un bien meilleur projet de loi et
des règlements qui seraient favorables à tout le monde.
Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'il y a consentement
sur la proposition du député de Huntingdon?
M. Blank: Quant à ce qui est de n'en inviter que trois, je
ne suis pas tellement d'accord. Je pense même que le député
d'Outremont en avait cinq. On pourrait laisser 20 minutes à chacun des
organismes qui viennent ici et leur poser des questions. Pour une question de
40 minutes, priver ainsi deux autres groupes de venir ici... Pour 40 minutes,
je ne ferai pas une très grosse bataille. Il y a les brasseurs aussi
qui...
M. Dubois: Je ne suis pas contre, mais les gens les plus
affectés sont quand même Soprovin et les cidreries.
M. Blank: D'accord, mais 40 minutes dans notre année
parlementaire, ce n'est pas tellement une grosse affaire.
M. Dubois: Je ne crois pas, M. le Président, qu'en 20 ou
40 minutes les deux principaux intervenants, qui sont Soprovin et les
cidreries, puissent faire entendre des mémoires bien
détaillés. Cela prendrait beaucoup plus de temps que cela. Je
serais d'accord pour qu'on concède au moins deux heures à chacun
de ces deux groupes. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, j'ai
précisé qu'on serait mieux, pour en arriver à un
consensus, de couper le nombre de groupes pour avoir des mémoires plus
approfondis, en leur donnant plus de chance de s'exprimer.
M. Blank: II n'y a pas seulement les mémoires, il faut
aussi avoir la chance de poser des questions. On discute ici de ce
côté, mais est-ce qu'on a le consentement de l'autre
côté? C'est cela le problème.
M. Gosselin: M. le Président, j'ignore si je dois
intervenir sur la recevabilité de la motion ou la décision que
vous avez rendue.
Le Président (M. Boucher): Je l'ai déclarée
recevable, pour autant qu'elle soit modifiée en
ajoutant, après "les organismes concernés par
I'application de la loi", les organismes suivants; en fait, les organismes que
l'on désignera dans cette motion.
M. Gosselin: En tout cas, j'aimerais simplement qu'on sache
préciser ces choses-là avant d'arriver en commission
parlementaire, pour éviter de faire perdre le temps de tout le
monde.
A mon avis, si on a une proposition claire à formuler, du
côté de l'Opposition officielle, qu'on l'identifie clairement et
qu'on s'entende le plus tôt possible. Peut-être qu'il vaudrait la
peine de suspendre quelques minutes pour permettre à ces messieurs de
l'Opposition de se concerter.
Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous voulez
suspendre cinq minutes, pour préciser le nom des organismes?
M. Raynauld: Cinq minutes, d'accord.
Le Président (M. Boucher): D'accord. La commission suspend
ses travaux pendant cinq minutes.
(Suspension de la séance à 10 h 59)
Reprise de la séance à 11 h 3
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, messieurs!
Nous avons devant nous la motion suivante: Que soient entendus, avant le
début de l'étude article par article du projet de loi 21, les
organismes suivants: Soprovin, l'Association des fabricants de cidres du
Québec, l'Association des épiceries en gros, la
Société des alcools du Québec et l'Association des
brasseurs du Québec.
Je déclare cette motion recevable. Je vous invite à
discuter sur le fond de la motion.
M. Tremblay: M. le Président, étant donné
que la discussion qui a eu lieu tout à l'heure portait en grande partie
sur le fond, vous me permettrez de compléter les propos que je tenais et
d'indiquer la position du gouvernement.
Je crois qu'il s'agit ici d'une motion dilatoire, qui vise à
retarder l'adoption de ce projet de loi, qui est attendu depuis, je dirais, au
moins une décennie. Nous avons devant nous deux partis politiques qui
ont eu l'occasion d'appliquer la mesure que nous appliquons aujourd'hui, mais,
pour toutes sortes de raisons, ne l'ont pas fait. Il leur appartient
évidemment de se justifier devant la population et d'expliquer pourquoi
ils ne l'ont pas fait.
Or, la population du Québec, par son gouvernement, a
financé au coût d'environ $500 000, une commission royale
d'enquête sur le commerce des boissons alcooliques, de 1969 à
1971. Au-delà de 200 mémoires ont été reçus
à cette occasion de la part de tous les intervenants de cette
industrie.
Une analyse, par conséquent extrêmement
détaillée, à laquelle aucune industrie au Québec
n'a jamais été soumise, a donc été faite.
Consultations, analyses, recherches, voyages à I'étranger, toutes
ces démarches ont été faites et suivies d'un rapport qui a
été déposé en février 1971. Le rapport
recommandait, à l'article 62, que le mode de commercialisation des vins
soit élargi de la Société des alcools vers les
épiceries.
Moi-même, il y a deux ans, du moins 18 mois, après
l'élection du nouveau gouvernement. J'avais indiqué que
c'était l'intention du ministre de I'Industrie et du Commerce et, par la
suite, du gouvernement d'appliquer, au moins, les grandes lignes de la
recommandation du rapport Thinel. Des consultations furent mises en marche
dès cette période avec les trois syndicats de la SAQ, avec
I'Association des épiciers indépendats, les fabricants de vins,
les administrateurs de la SAQ, etc. La décision formelle de
procéder à l'élargissement du mode de commercialisation
des vins fut prise en décembre 1977, il y a environ six mois. Une autre
ronde de consultation s'est de nouveau produite. Tous les organismes
impliqués dans ce commerce ont été une fois de plus
consultés avec les mêmes résultats. Or, on me souligne que.
pas plus tard que vendredi de la semaine dernière, les
représentants de Soprovin et les représentants des deux cideries
ont passé une journée entière avec des
représentants de la Société des alcools.
Nous nous trouvons vraiment ici devant un sujet surétudié,
suranalysé. Or, je crois que l'étude est très
bénéfique, très bonne, les consultations sont très
utiles, mais un gouvernement doit finalement prendre des décisions. Ce
gouvernement étudie, certes, mais c'est un gouvernement d'action. Je
crois qu'il est temps de procéder avec ce projet de loi.
D'autre part, c'est aussi un projet de loi qui comporte des
éléments logistiques desquels on ne doit pas sous-estimer
l'importance. En prévision de cet élargissement du mode de
commercialisation à presque 9000 nouveaux points de vente, des mesures
sont présentement à être appliquées. De la part de
la Société des alcools, il y a eu des démarches pour
confectionner un présentoir. On s imagine les problèmes
logistiques que ceci représente sous forme de commandes d'acier, parce
que ces présentoirs sont en acier, pour confectionner ces
présentoirs, parce qu'il est évident que, au moment où la
loi sera adoptée, les épiciers vont solliciter la permission de
vendre les vins. Il faut donc que des mesures de précaution soient
prises pour que ces épiciers soient en mesure de faire la vente des
vins, donc que des présentoirs soient prêts.
D'autre part, la SAQ, devant prévoir une clientèle accrue
ou, du moins le nombre des points de vente considérablement accrus, doit
accroître ses achats de vins. Des démarches ont été
faites pour augmenter les commandes de vins, pour être prêt
à faire face à la demande qui va survenir lors de l'adoption de
la loi. Ces vins ne peuvent évidemment pas se conserver
indéfiniment. La même chose existe pour les membres de
la société Soprovin, parce que la société
elle-même négocie avec la SAQ, mais, individuellement, les membres
commencent à préparer des commandes accrues pour la
Société des alcools. J'ouvre une parenthèse pour dire
comment il était illogique de la part du député de
Huntingdon de mentionner, lors de son discours en deuxième lecture, que
les fabricants de vins allaient voir leur chiffre d'affaires diminuer par
l'élargissement des 9000 points de vente à la
Société des alcools puisqu'il s'agit d'une augmentation
importante.
M. Dubois: ... tout à l'heure ce qui va se passer avec
votre projet de loi.
M. Tremblay: M. le Président, il y a des mesures qui sont
prises présentement il s'agit d'une opération, quand
même, d'une très grande envergure qui causeraient des
préjudices importants s'il y avait retard dans l'adoption de la loi,
alors qu'il n'y aurait pas de bénéfice accrus découlant de
l'adoption de la proposition.
D'autre part, M. le Président, il ne faut pas, non plus je
reviens à mes propos du tout début faire dire au projet de
loi ce qu'il ne dit pas. Le projet de loi poursuit deux objectifs:
premièrement, permettre à la Société des alcools de
vendre aux épiciers des vins, la Société des alcools
demeurant le monopole d'Etat pour l'importation et la commercialisation du vin
au Québec. La loi de la Société des alcools n'est pas
suspendue par ce projet de loi; elle n'est que précisée et ce, je
le dis à l'intention du député d'Outremont. Ce projet de
loi ne suspend pas la Loi de la Société des alcools, elle ne fait
que la préciser. D'autre part, il s'agit de permettre aux
épiciers, dans le cadre du permis de vente de la bière et des
cidres, d'être habilités à vendre certains vins.
Au-delà de ces permissions qui découlent du présent
projet de loi et qui, par conséquent, s'insèrent dans les deux
lois sous-jacentes qui demeurent, il devient nécessaire de
négocier une logistique d'application de cette mesure, et seule une
négociation est possible. Il aurait été enfantin et
puéril de vouloir inclure dans un projet de loi, des négociations
dont on ignore les conclusions définitives. Nous sommes sur un terrain
nouveau, puisque les 9000 épiciers, ne distribuant pas de vins ne sont
donc pas équipés pour le faire présentement et la
société, n'ayant jamais fourni de présentoir, se trouve
à innover dans le domaine.
Donc, la Société des alcools va continuer ses
négociations avec les fabricants de cidres qui désirent
s'associer à la Société des alcools pour relancer leur
industrie. Si les fabricants de cidres décident de continuer dans la
situation actuelle, ils ont toute la liberté de le faire, de vendre
directement aux épiciers et de continuer à subir la
désaffectation des consommateurs je pourrais donner des chiffres
il y a eu baisse en 1975 de 14,9% des ventes de cidres; une baisse en
1976 de 0,2, et en 1977 de 16,5%. Si les fabricants de cidres décident
de laisser leur industrie s'effondrer, libre à eux. Ce projet de loi
leur permet de relancer leur industrie.
D'autre part, pour les fabricants de vins au Québec, il y a une
chance énorme d'accroître leur chiffre de façon formidable,
phénoménale, mais il n est pas question que le gouvernement leur
accorde un monopole pour la vente des vins dans les épiceries. C'est une
question de politique, c'est une question de volonté politique, et c'est
ce que reflète le projet de loi.
En ce qui concerne les épiceries, les négociations sont en
cours pour établir les modalités d'acceptation d'un
présentoir pour que la qualité des vins soit garantie par la
Société des alcools. Rien ne serait plus irresponsable pour notre
gouvernement de permettre une situation anar-chique dans le domaine des vins
où le consommateur perdrait confiance dans la qualité des vins
distribués dans les épiceries, par rapport à ceux qui sont
distribués par les points de vente de la Société des
alcools.
Nous ne répéterons pas l'erreur qui a été
faite par les autres gouvernements dans l'industrie du cidre. Rien ne serait
plus irresponsable. Il faut absolument, surtout au début d'une
opération semblable, que le consommateur soit assuré que les vins
distribués dans les épiceries ne seront pas exposés au
soleil à longueur de journée et ne seront pas perdus dans des
recoins de magasin sous la poussière, mais seront des produits dont la
qualité sera identique à ceux que nous retrouvons dans les points
de vente de la Société des alcools. (11 h 15)
S'il n'y avait pas cette précaution de prise, toute
l'opération pourrait se révéler un échec,
échec pour les consommateurs qui perdraient confiance dans un produit,
échec pour les épiciers qui n'auraient pas l'achalandage qu'ils
anticipent de cette mesure, échec pour la SAQ et pour le gouvernement
qui verraient une mesure très bien acceptée et recherchée,
mais une mesure qui ne donnerait pas les résultats escomptés.
M. le Président, celui qui vous parle connaît bien cette
industrie pour en avoir étudié les détails. Lorsque le
député de Johnson dit que ce sont les bureaucrates qui dirigent,
peut-être dans son temps, les ministres avaient-ils besoin d'être
dirigés par l'expertise des hauts fonctionnaires...
M. Blank: Le ministre connaît cela.
M. Tremblay: Dans le cas qui nous concerne, je crois que le
ministre...
M. Blank: ... connaît cela.
M. Tremblay: J'en connais sûrement plus que vous, M.
Blank.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre! M. Raynauld:
Cela fait moins longtemps.
M. Tremblay: Nous avons étudié, à fond,
pendant deux ans, cette industrie.
M. Blank: C'est exactement l'accusation du ministre. Je veux que
les autres partis connaissent
au moins ce que le ministre connaît. Comme député,
j'ai le droit de savoir cela et c'est seulement en entendant les autres parties
que je peux me renseigner.
M. Tremblay: M. le député de Saint-Louis, vous
pourriez me poser des questions et je répondrai à n'importe
lesquelles.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Raynauld: Vous auriez dû attendre que le
député de Johnson soit ici avant d'attaquer.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre! M. le
député de Huntingdon.
M. Dubois: II aurait pu au moins vous répondre.
M. Tremblay: II s'attaque peut-être à des jeunes de
notre parti, mais il ne s'attaquera pas à moi.
M. Dubois: Vous en profitez pendant qu'il est parti.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Dubois: Cela n'est pas acceptable.
M. Tremblay: Sa flagornerie à la Chambre fait parfois
beaucoup d'éclat. Je ne réagis pas à cela, mais je n'ai
pas l'intention de me laisser "bulldozer" par quiconque!
M. Raynauld: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Outremont, question de règlement.
M. Raynauld: M. le Président, serait-il possible que vous
demandiez au ministre de parler sur la motion, s'il vous plaît? Cela fait
cinq minutes qu'il parle sur l'ensemble du projet de loi. J'aimerais que vous
le rappeliez à l'ordre.
M. Tremblay: Donc, j'allais conclure...
Le Président (M. Boucher): Je rappelle aux membres de la
commission l'article 100. Je prierais les membres de ne pas interrompre le
ministre tant qu'il aura la parole étant donné que son temps
n'est pas écoulé.
M. le ministre.
M. Tremblay: M. le Président, j'allais conclure ces propos
que je juge extrêmement importants pour éclairer l'ensemble du
débat, puisque je crois que certains députés de
l'Opposition ont abordé ce projet de loi sous un faux angle. Ils ont vu
dans ce projet de loi ce qu'ils auraient voulu y voir, c'est-à-dire
beaucoup plus qu'il ne comporte.
Je résume donc en disant qu'il s'agit ici d'un sujet qui a
été étudié, surétudié,
surconsulté, que la population attend, que les épiciers
attendent, que tout le monde attend, que les consultations ont eu lieu depuis
deux ans sur une base continuelle et, que ce projet de loi comporte, par
contre, des éléments logistiques qui ne peuvent se régler
par législation, mais qui doivent se faire au plan commercial entre la
Société des alcools et les différents intervenants. Il
n'appartient pas, je crois, à des membres de l'Assemblée
nationale de se substituer à l'expertise commerciale de la
Société des alcools. Des mesures de prévention et de
précaution en prévision de cette implantation ont
déjà été prises par une foule d'intervenants qui
comporteraient des coûts substantiels si le projet de loi était
retardé dans son adoption. De plus, compte tenu du fait qu'il y a eu
adoption, à l'unanimité, en deuxième lecture à
l'Assemblée nationale, donc, pour toutes ces raisons, nous allons voter
contre la motion du député d'Outremont.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: Je parlerai sur le fond de la motion. J'ai
écouté le ministre et chaque argument qu'il a donné prouve
que la motion du député d'Outremont est valable et doit
être adoptée.
Il a parlé de retard. Il a dit qu'on ne peut pas retarder
l'étude de ce projet de loi, parce que le vin va tourner en vinaigre. Il
est déjà prêt sur les tablettes de la Société
des alcools et sur les tablettes des fabricants de vins à Québec.
Voilà un argument ridicule, parce que cette question a commencé
le 15 février et on a déposé le projet de loi seulement la
semaine dernière. S'il avait été tellement si
pressé, il aurait pu déposer le projet de loi l'année
dernière. On lui a donné une chance c'était sa
première année; mais cette année, il aurait pu
déposer le projet de loi au début de la session s il avait
voulu.
Deuxièmement, sur la question du retard, on parle d'un jour. Un
jour ne changera pas grandement le vin. Les autres arguments qu'on donne, sont
ceux-ci: il y a des études qui ont été faites, la
Société des alcools du Québec a eu des entrevues avec des
épiciers et des fabricants de vins. Cela prouve exactement qu'on n'est
pas prêt encore, qu'on ne sait pas où on va.
Nous, les députés de l'Opposition, devons savoir, avant de
voter une loi, de quoi il s'agit, où on va, quelles sont les
modalités. Vous parlez de toutes sortes de choses. Le ministre a
parlé du soleil sur les bouteilles et de la poussière dans des
coins, etc. Cela prend de l'argent pour construire des sections pour le vin, si
les règlements sont aussi rigoureux qu'ils semblent l'être. On
veut avoir l'opinion des épiciers. Est-ce qu'ils sont prêts
à dépenser cet argent? Est-ce que cela vaut la peine? On ne le
sait pas.
M. Tremblay: Ce sera fourni gratuitement par la
Société des alcools.
M. Blank: C'est ce qu'on veut savoir.
M. Tremblay: Posez des questions, je vous répondrai.
M. Blank: On va les poser à la SAQ. Je sais qu'il y a des
représentants de la SAQ ici aujourd'hui et qu'un ou deux ont
rejeté cette idée. Ils étaient contre la vente du vin dans
les épiceries.
M. Tremblay: Est-ce que le député me permettrait un
commentaire?
M. Blank: Pas un commentaire, une question.
M. Tremblay: Vous ne voulez pas avoir d'information? En
voulez-vous de l'information?
M. Blank: Oui, mais je veux l'avoir...
Le Président (M. Boucher): M. le ministre, en vertu de
l'article 96, vous pourrez poser des questions, si le député de
Saint-Louis le désire.
M. Tremblay: Laissez-moi vous dire que... Voulez-vous une
réponse?
M. Blank: Non.
M. Tremblay: Vous n'en voulez pas. Vous voulez simplement
retarder les débats.
M. Blank: Non, je ne veux pas de réponse de vous.
M. Tremblay: Voulez-vous une réponse? Vous n'en voulez
pas. D'accord, restez dans l'ignorance.
M. Blank: C'est exactement la raison pour laquelle nous avons
fait cette motion. On ne veut pas de réponse politisée du
ministre. Je n'ai jamais vu un ministre aussi politisé que celui-ci.
Jamais de ma vie.
M. Tremblay: Je regrette, c'est une réponse technique.
M. Blank: Cela fait 18 ans que je suis ici dans cette Chambre et
je n'ai jamais vu un ministre... Chaque mot est politisé. Je veux avoir
des faits et les faits...
M. Tremblay: Une question de privilège.
M. Blank: II n'y a pas de question de privilège en
commission.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre! M. le ministre, je
vous ferai remarquer qu'il n'y a pas de question de privilège en
commission.
M. Blank: Pas de question de privilège en commission.
M. Tremblay: Je voulais donner un renseignement technique et non
politique.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre, vous voudriez
donner des réponses...
M. Blank: Les renseignements techniques, je veux les avoir de la
bouche des personnes qualifiées: la SAQ, les épiciers, les
associations d'épiceries, les associations de producteurs de vins, les
brasseries. Ce sont les gens qui peuvent me donner les informations techniques
et je veux voter pour ou contre en pleine connaissance de cause. Ici, le
ministre, avec ce gouvernement transparent, cache toute l'affaire. Il cache
cela en nous disant: On va vous le dire après. Donnez-nous un
chèque en blanc et on vous donnera la date et le montant après.
C'est ce que vous nous demandez. Ici, comme représentants du peuple, on
a le droit à l'information.
M. Tremblay: Vous voterez contre.
M. Blank: J'ai voté pour le bill, mais je voterai contre
les modalités. Je ne veux pas...
M. Tremblay: Si vous voulez avoir le droit de passer des
règlements, faites-vous élire comme gouvernement.
M. Blank: Exactement, voilà le gouvernement
transparent...
M. Tremblay: Quand vous étiez au pouvoir, vous ne passiez
pas de loi...
M. Blank: ...il passe tout en cachette et ne veut donner aucune
information aux représentants du peuple. C'est ce que vous pensez
être de la transparence? C'est cela que vous pensez être un vrai et
honnête gouvernement? C'est exactement le contraire. Vous êtes un
gouvernement politisé, comme jamais auparavant. L'affaire de Mme
Carrier, des mutations dans la fonction publique, et cette affaire ici, en
cachette, tout en cachette...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Louis, je vous ferai remarquer que nous parlons sur le fond de la
motion.
M. Blank: Pour ces raisons et les raisons que le ministre a
données, on doit voter pour la motion.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Huntingdon.
M. Tremblay: C'est pas fort.
M. Dubois: Merci, M. le Président. Je voudrais dire tout
simplement au ministre de l'Industrie et du Commerce que ce gouvernement...
M. Blank: Je sais que ce n'est pas fort, je ne veux pas votre
opinion.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Dubois: ... qui devait être à l'écoute de
la population, vous l'aviez promis, devait être très respectueux
des industries québécoises...
M. Lalonde: On l'est, j'ai décentralisé les
pêcheries en fin de semaine.
M. Blank: Des promesses encore. Le Président (M.
Boucher): A l'ordre!
M. Dubois: ... et de la survie des industries de chez nous. Vous
deviez être très respectueux de cela. Vous l'avez toujours
prêché pendant votre campagne électorale, surtout en 1976.
Je comprends très mal que le ministre, qui a annoncé pour la
première fois, en décembre 1976, qu'il apporterait une loi visant
la vente des vins dans les épiceries, n'ait pas à ce jour de
règlements prêts, que l'on puisse avoir devant nous pour les
étudier. Depuis un an et demi que le ministre l'annonce. Vous avez
commencé en 1976 à dire qu'une loi était prête et
devait être déposée.
M. Tremblay: Les règlements ne sont pas
négociés. Ils ne comprennent rien.
M. Dubois: Je trouve l'attitude du ministre et des membres du
gouvernement très cavalière. Elle ne reflète aucunement la
transparence que vous aviez tant promise. Selon les paroles du ministre, il a
déjà présumé que ce projet de loi serait
voté, puisqu'il a déjà placé les commandes de vins
pour la SAQ. Je comprends très mal que le ministre présume aussi
rapidement de l'adoption d'un projet de loi. D'une façon ou d'une autre,
vous savez, M. le ministre, que ni l'un ni l'autre des intéressés
ici présents dans cette enceinte il y en a; je pense que vous les
connaissez n'a été consulté convenablement. Je
pense q'il pourrait vous en faire la remarque s'il avait le droit de parole
ici. C'est vraiment irrespectueux de votre part d'adopter une attitude aussi
cavalière. C'est ce que j'avais à dire, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Huntingdon. M. le député d'Outremont.
M. Raynauld: M. le Président, sur le fond de la motion, je
pense que, lorsque le ministre nous dit que ce projet de loi a
été préparé de longue main et qu'il s'inspire en
particulier du rapport Pinel, je pense qu'il faut dire là-dessus que,
depuis 1971-1972, il y a pas mal de vin qui a coulé sous les ponts. Je
crois qu'il y a eu beaucoup de changements depuis ce temps, la SAQ en
particulier a modifié son rôle, considérablement, à
la suite du rapport Pinel... Pardon?
M. Tremblay: Le rapport Thinel. M. Raynauld: Le rapport
Thinel.
M. Tremblay: Le rapport Thinel, Thinel.
M. Raynauld: Thinel, excusez. Le rapport Thinel. La structure de
la SAQ a été modifiée depuis ce temps-là. Il y a
maintenant une Régie et une Société des alcools, à
la suite des recommandations du rapport Thinel, et la société a
accru considérablement ses activités dans certains domaines, ce
qui n'était pas le cas au moment de l'étude du rapport Thinel, en
tant que fabricants de vins en particulier.
Ensuite, je trouve ironique que le ministre invoque, d'une part, le
rapport Thinel et qu'ensuite, il vienne nous dire que, dans ce projet de loi,
il est bien entendu que la Société des alcools du Québec
conserve son monopole et conserve toutes ses prérogatives, ce qui
était justement contraire à une des recommandations du rapport
Thinel, absolument contraire. Je trouve ironique que vous puissiez invoquer le
rapport Thinel, d'un côté, pour montrer comment ce projet de loi a
été étudié et que vous arriviez avec un projet de
loi qui ne suit pas les recommandations du rapport Thinel.
En second lieu, le ministre a aussi invoqué le fait qu'il y avait
eu beaucoup de consultations. Le problème, je pense qu'il faut le dire
entre nous, c'est que la consultation, suivant mes informations, a
été faite auprès de la Société des alcools
du Québec. Or, c'est là qu'est tout le problème. La
Société des alcools du Québec, dans cette affaire, est
juge et partie, elle est en conflit d'intérêts à ce sujet.
Cette consultation n'est pas acceptée par les parties, celles-ci
auraient voulu qu'elle se fasse au niveau du ministère et au niveau du
ministre, en particulier. Elle est contestée.
Quand une chose comme celle-là est contestée, la meilleure
façon d'agir pour une commission parlementaire, c'est de faire venir les
parties et là, du côté du gouvernement, du
côté de l'Opposition, on verra si cette consultation a
été effective, si elle a eu lieu, dans quelle mesure et ensuite,
évidemment, cela nous permettrait de porter un jugement un peu plus
éclairé sur l'ensemble du projet de loi.
Je pense que le gouvernement nous dit qu'il a bien étudié
son affaire, mais le problème, c'est que, quand on adopte des projets de
loi, il faut aussi que l'Opposition soit également informée, si
on veut que l'Opposition joue son rôle d'une façon responsable et
non pas d'une façon dilatoire ou d'une façon négative. Je
pense que les intentions que nous avons, de ce côté-ci, ce n'est
pas de retarder le projet de loi, c'est d'en faire le meilleur projet de loi
possible.
Enfin, je pense que le ministre a également invoqué
l'argument qu'il y aurait des préjudices causés s'il y avait un
retard dans l'adoption du projet de loi. Je pense que mes collègues ont
dit là-dessus comment cette attitude pouvait être arrogante.
Lorsqu'on sait que la commission parlementaire est convoquée le
lendemain de l'adoption en deuxième lecture et que la deuxième
lecture a eu lieu à peu près une semaine après que le
projet de loi a été déposé, je pense que vous
ne
pouvez pas accuser l'Opposition d'avoir retardé l'adoption du
projet de loi. Je pense qu'il faut être culotté pour dire une
chose pareille. Cela n'a jamais été si vite.
S'il y a un préjudice causé par le retard dans l'adoption
du projet de loi, ce n'est sûrement pas notre faute. Je pense que cet
argument ressemble fort à des ultimatums qui nous sont donnés,
ultimatums qui ressemblent étrangement aussi à certains articles
du projet de loi dont nous aurons l'occasion de discuter un peu plus tard. (11
h 30)
Je pense qu'on ne peut pas accepter cet argument. Nous n'avons rien
retardé. Les travaux de la commission parlementaire ont
débuté ce matin à dix heures, cela fait une heure et
demie. Si on commence déjà, même pas après une heure
et demie, après une demi-heure, à nous accuser de retarder
l'adoption du projet de loi, je pense qu'il faut vraiment protester, parce que
c'est contraire à toutes les règles parlementaires que je peux
connaître, même si je n'en connais pas beaucoup. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député d'Outremont. M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: M. le Président, j'aurais un autre argument sur
la question de fond. Je veux clarifier un point avec le ministre. Il nous a
suggéré qu'un amendement à l'article 5 pourrait faire en
sorte qu'on vende maintenant de la bière, du cidre et du vin le
dimanche, chez les dépanneurs. C'est cela que signifie le
sous-amendement?
M. Tremblay: On discutera de cela à l'article 5. Je
consulterai tout à l'heure les deux représentants de l'Opposition
officielle et celui de l'Union Nationale. S'il y avait unanimité, on
pourrait faire un amendement. S'il n'y en a pas, on va le laisser comme
cela.
M. Blank: C'est exactement cela. Peut-être que nous sommes
tous d'accord. Mais cela affecterait peut-être 90% des détenteurs
de permis d'épicerie, c'est-a-dire ceux qui n'ouvrent pas le
dimanche.
Le Président (M. Boucher): Vous discutez d'un amendement
possible qui concerne...
M. Tremblay: Je pense qu'il y a beaucoup d'hypocrisie dans
cela.
M. Blank: Je discute d'une motion. Le ministre nous a
parlé de cela et je pense que l'Association des détaillants doit
avoir son mot à dire dans cette affaire. Cela peut affecter leurs
commerces.
M. Tremblay: S'il n'y a pas unanimité sur cela...
M. Blank: C'est une autre raison de faire venir ces gens.
M. Tremblay: M. le Président, s'il n'y a pas
unanimité sur cela, je n'en ferai pas. C'est un domaine où il y a
énormément d'hypocrisie.
Le Président (M. Boucher): C'est une hypothèse
d'amendement qu'il y aura au cours de l'étude du projet de loi. Je pense
qu'il vaudrait mieux ne pas en discuter.
M. Raynauld: M. le Président, si je comprends bien
l'intervention de mon collègue, ce n'est pas pour discuter le fond de
cet amendement, c'était simplement pour apporter une raison
supplémentaire, s'il y en a, pour écouter les gens.
M. Blank: II demande mon opinion sur cela. Il dit que s'il y a un
consentement unanime, on adoptera cet article. Je veux savoir de mes
électeurs, des gens de mon comté, si les épiciers sont
pour ou contre ce sous-amendement. Je représente le peuple, mais il ne
me donne pas une chance...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Louis, on ne peut pas discuter ici d'un amendement hypothétique au
cours de l'étude du projet de loi. Je ne l'ai pas devant moi.
M. Tremblay: II n'a pas encore été proposé
officiellement.
Le Président (M. Boucher): Je ne l'ai pas devant moi.
M. Tremblay: II ne le sera pas non plus, si vous ne le voulez
pas.
Le Président (M. Boucher): C'est sur la motion et non sur
un amendement hypothétique.
M. Blank: D'accord, je dis sur la motion. Cela peut être
des amendements que moi, je veux proposer dans cette loi. Comment puis-je
proposer ces amendements sans avoir des faits? La seule place où je peux
avoir ces faits, c'est en entendant des témoins. Je veux entendre les
épiciers pour savoir s'ils sont prêts à donner aux
dépanneurs le droit de vendre de la bière le dimanche. Je veux
savoir des dépanneurs s'ils sont prêts à rester ouverts le
dimanche pour vendre de la bière, du cidre et du vin. Je ne le sais pas.
C'est le seul moyen que j'ai à ma disposition, ou de retarder la
commission, de retourner dans mon comté faire un sondage, ou de faire
venir les gens ici et leur demander la question.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Saint-Louis. Est-ce qu'on est prêt à voter
sur la motion?
M. Tremblay: J'aimerais terminer le débat en soulevant
peut-être deux points.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Tremblay: Je dirai encore qu'il n'y a aucun effet
bénéfique qui pourrait découler de l'adoption
de la proposition, si ce n'est que d'étaler les
intérêts conflictuels de différents intervenants dans
l'industrie des boissons alcooliques. Il est évident que c'est une
industrie qui comporte des intérêts conflictuels. Il est
évident aussi qu'il serait très utile pour certains fabricants
d'obtenir un monopole dans la distribution des vins dans les épiceries:
9000 points de vente, je vous garantis que c'est intéressant.
Je reçois énormément de pression
présentement pour accroître ce pourcentage car vous savez que les
fabricants de vins du Québec peuvent importer jusqu'à 35% de
leurs produits, et que le raisin que l'on importe est défraîchi et
déshydraté. Il est évident qu'il s'agirait dune poule aux
oeufs d'or.
Mais ce n'est pas la fonction d'un gouvernement d'établir des
monopoles lorsque ce n'est pas nécessaire. C'est évident que ceci
pourrait être mis a jour et faire ressortir des intérêts
conflictuels comme cela.
Mais le but du projet de loi, M. le Président, n'est pas de
proposer de donner des monopoles a tel groupe ou à tel groupe. C'est
simplement de permettre à la SAQ. qui est régie par une loi qui
n'est pas remise en cause, de pouvoir vendre certains vins dans les
épiceries, et de permettre, d'autre part, aux épiceries, de
vendre certains vins. C'est là le projet de loi.
On ne remet pas en cause toute la Loi de la Société des
alcools, ni toute la Loi régissant la Commission de contrôle des
permis d'alcool, comme voudrait le faire l'Opposition, faire un très
gros débat avec cela, tout faire ressortir, refaire la commission
Thinel, autrement dit.
Il n'est question, M. le Président, que l'on reprenne toutes les
recommandations de la commission Thinel. Il s'agit d'un débat qui est
rest-treint. Je comprends que l'Opposition veut faire un peu de millage
politique avec cela et élargir le débat, mais ce n'est pas le but
du projet de loi et, par conséquent, l'objet des travaux de la
commission.
C'est pour cela, M. le Président, que je demanderais le vote sur
la motion.
Vote sur la motion
Le Président (M. Boucher): Les membres sont prêts
à voter. J'appelle donc les membres. M. Blank (Saint-Louis)?
M. Blank: Pour.
Le Président (M. Boucher): M. Dubois (Huntingdon)?
M. Dubois: Pour.
Le Président (M. Boucher): M. Gosselin (Sherbrooke)?
M. Gosselin: Contre.
Le Président (M. Boucher): M. Michaud (Laprairie)?
M. Michaud: Contre.
Le Président (M. Boucher): M. Lefebvre (Viau)?
M. Lefebvre: Contre.
Le Président (M. Boucher): M. Ouellette (Beauce-Nord)?
M. Ouellette: Contre.
Le Président (M. Boucher): M. Raynauld (Outremont)?
M. Raynauld: Pour.
Le Président (M. Boucher): M. Tremblay (Gouin)?
M. Tremblay: Contre.
Le Président (M. Boucher): La motion est donc
rejetée, cinq contre trois.
Avant la présentation de la motion, nous en étions aux
commentaires généraux. L'Opposition, l'Union Nationale avait son
droit de parole.
Motion réclamant le dépôt des
règlements
M. Dubois: Avant de commencer les commentaires
généraux, M. le Président, et tenant compte du contenu
global de ce projet de loi, je fais motion pour que l'étude de ce projet
de loi ne commence que lorsque les membres de l'Assemblée nationale
auront en main, auront reçu les règlements qui sont à
toutes fins utiles l'essence même de ce projet de loi.
Le Président (M. Boucher): Voulez-vous présenter
votre motion par écrit?
M. Tremblay: Vous voulez faire un "filibuster ", si je comprends
bien?
M. Raynauld: C'est notre privilège.
M. Blank: On veut seulement l'information.
M. Tremblay: Posez des questions.
M. Gosselin: C'est d'avoir l'information.
M. Tremblay: Vous voulez faire un filibuster...
M. Blank: Si vous avez des règlements, donnez-nous les et
on adoptera la loi dans cinq minutes.
M. Gosselin: Si on s'engageait à l'étude article
par article...
M. Tremblay: Je vais vous expliquer pourquoi c'est une
opération d'attendre les règlements, parce que c'est impossible
d'avoir les règlements avant que la loi ne soit adoptée.
Une Voix: Les règlements étant
adoptés...
M. Blank: Ne jouez pas avec les mots, donnez-nous les
règlements projetés, si vous les avez.
Une Voix: Démontrez votre bonne foi.
M. Gosselin: Si on pouvait discuter article par article, le
député aurait sûrement des réponses à ses
questions. Il pourrait formuler les questions. Il pourrait entendre les
réponses.
M. Blank: Je veux voir les règlements...
M. Michaud: Si les règlements étaient
adoptés avant le projet de loi, vous critiqueriez, parce qu'on aurait
présumé que la loi était adoptée avant.
M. Blank: Si les règlements ne sont pas
préparés avant cette date, le gouvernement fait fausse route.
M. Ouellette: Ils doivent faire l'objet...
M. Blank: II demande carte blanche ici et il ne sait pas
où il va. Il doit voir au moins à préparer ses
règlements.
M. Ouellette: Les règlements vont suivre une
négociation. Mon Dieu, que c'est donc compliqué!
M. Blank: Je ne demande pas les règlements officiels, mais
au moins le projet de règlements.
M. Tremblay: Les 9000 petites épiceries n'aimeront pas
cela, M. le député de Huntingdon, les 9000 épiciers
indépendants n'aimeront pas que vous retardiez une mesure aussi
populaire.
M. Blank: On n'est pas ici pour jouer à la politique.
M. Dubois: On veut que tout le monde soit
protégé...
Le Président (M. Boucher): A l'odre, s'il vous
plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Blank: C'est exactement cela, on représente toute la
province. On ne joue pas à la politique ici.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Raynauld: Vous défendez les intérêts de
qui?
M. Tremblay: Ceux de la population du Québec.
Le Président (M. Boucher): Nous avons devant nous...
M. Blank: Les 9000.
M. Raynauld: Les 9000, oui. M. Blank: Du patronage!
Le Président (M. Boucher): Que cette commission... S'il
vous plaît, à l'ordre!
M. Tremblay: 6 250 000 consommateurs.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
piaît! Nous avons devant nous la motion suivante: Que cette
commission...
M. Dubois: Invite...
Le Président (M. Boucher): ... invite le ministre...
M. Dubois: De l'Industrie et du Commerce.
Le Président (M. Boucher): ... de l'Industrie et du
Commerce, avant le début de l'étude article par article du projet
de loi no 21, à distribuer aux membres et intervenants de cette
commission un projet de règlements relatifs au projet de loi.
Il s'agit d'une invitation. Les membres de la commission ont le droit de
faire des voeux, s'ils le désirent. Je déclare donc cette motion
recevable. Sur la motion.
M. Gosselin: Est-ce que vous me permettez de m'exprimer sur la
recevabilité de la motion?
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Sherbrooke.
M. Blank: C'est un jugement.
M. Raynauld: II y a eu un jugement de rendu, elle est
recevable.
Le Président (M. Boucher): Elle est recevable.
M. Raynauld: Sur le fond, M. le Président...
Le Président (M. Boucher): Sur le fond de la motion.
Une Voix: ... la décision.
M. Raynauld: Je pense que cette motion est entièrement
dans l'ordre. Non seulement elle est dans l'ordre, mais je crois qu'elle est
particulièrement justifiée dans le cas de ce projet de loi.
En effet, dans ce projet de loi, il n'y a absolument aucun article sur
le fond. Le projet de loi nous dit, somme toute: Nous allons amender tel et tel
article d'autres lois existantes pour permettre la distribution de certains
vins dans les épiceries. Pour le reste, tout le projet de loi porte sur
la façon dont les règlements seront préparés. Au
premier article d'un projet de loi, d'habitude, on voit au moins une
affirmation soit d'un objectif, soit d'une intention, mais le premier article
ici nous dit tout de suite que le lieutenant-gouverneur pourra faire des
règlements. Ces règlements déter-
minent la totalité et l'ensemble de toutes les activités,
des règlements pour déterminer les conditions, les
modalités d'approvisionnement, de conservation, de mise en marché
et de vente des vins que la Société des alcools
désigne.
Le paragraphe suivant nous dit que le lieutenant-gouverneur en conseil
se donne le pouvoir de déterminer les conditions, les modalités
d'approvisionnement, !a conservation, la mise en marché et la vente des
cidres. Je n'ai jamais vu un projet de loi rédigé de cette
façon. On se plaint depuis des années, et cela n'a pas
commencé avec ce gouvernement, qu'on attache de plus en plus
d'importance aux règlements et de moins en-moins d'importance au projet
de loi. On a dit, dans ce cas: Vous savez, c'est une question commerciale. Il y
a toujours de bonnes raisons pour que ce soient les règlements qui
déterminent la totalité des régimes que nous voulons
établir. Je trouve cela absolument inacceptable. Il faut réagir
à cette tendance que nous avons eue, que les gouvernements ont eue
depuis quelques années de tout confier à des comités
lorsque vient le moment de déterminer les règles du jeu dans un
certain domaine d'activités.
Le projet de loi est vraiment un exemple absolument extraordinaire
où on n'a aucun principe qui peut inspirer la rédaction de ces
règlements. Il n'y a aucun cadre qui vient restreindre la portée
de ces règlements. Là, c'est une démission en masse du
pouvoir législatif en faveur du pouvoir réglementaire. Ce projet
de loi 21 va passer, je pense, dans les annales. A mon avis, il va être
étudié par tous les étudiants de droit, pendant des
générations, comme étant le plus bel exemple de cette
délégation de pouvoirs, de cette démission des
parlementaires en face de comités plus ou moins anonymes, avec, dans ce
cas, en plus, un comité de rédaction des règlements, un
comité qui n'est formé que de quatre personnes de la
Société des alcools du Québec. Il n'y a même pas un
représentant du ministère dans le comité qui
prépare la rédaction des règlements. Il n'y a même
pas un fonctionnaire du ministère. D'habitude, au moins, on a des
comités interministériels. On me dit qu'il y a quatre membres
à un comité de rédaction des règlements. On me dit
qu'il y a quatre membres au comité...
M. Michaud: On vous le dit. M. Tremblay: C'est faux.
M. Raynauld: Vous me dites que c'est faux?
M. Tremblay: II y a le sous-ministre à la
société d'Etat, l'avocat du contentieux, tout ce monde participe
à la constitution des règlements.
M. Raynauld: On m'a dit qu'il y avait un comité de quatre
personnes.
M. Tremblay: Qui vous dit ceia?
M. Raynauld: Je n'ai pas d'affaire à vous dire qui me
donne mes renseignements.
M. Tremblay: Ah bon! Vous n'avez pas à nous le dire?
M. Raynauld: Non, je n'ai pas d'affaire à donner cela.
M. Tremblay: Vous avez des sources confidentielles. Vous
connaissez un peu mieux le ministère que moi.
M. Raynauld: Je vous dis que je reçois des renseignements.
Si vous les contestez, très bien, j'apprendrai des choses, mais,
jusqu'à maintenant, ce sont mes renseignements. Il y a eu un
comité de formé. D'ailleurs, vous-même, vous l'avez dit
tout à l'heure. Tous les organismes ont rencontré des
représentants de la Société des alcools. Ils ont
passé des journées entières avec eux. Vous avez dit avec
la Société des alcools, tout à l'heure. C'est ce que vous
avez dit.
M. Tremblay: Oui, mais avec moi aussi et avec le sous-ministre
à la société d'Etat.
M. Raynauld: Enfin, si c'est inexact, tant mieux. Je n'ai pas
de...
M. Tremblay: Vos sources ne semblent pas tellement fiables, M. le
député.
M. Raynauld: Peut-être qu'elles ne sont pas
entièrement fiables, c'est très bien. Tant mieux si ce n'est pas
un comité seulement de la Société des alcools du
Québec. On aura, j'espère, l'occasion d'examiner cette question
plus tard. (11 h 45)
Pour l'instant, il reste certain que, indépendamment du fait que
le comité soit formé à la Société des
alcools du Québec ou au ministère, le projet de loi, à
l'heure actuelle, tel qu'il est rédigé celui que nous
avons devant nous ne contient absolument rien. Il n'a aucun objet, il
n'a aucune intention d'indiquer là-dedans aucun objectif. On aurait pu
au moins indiquer là-dedans que les règlements devaient
poursuivre une certaine fin, celle, par exemple, que le ministre lui-même
a déclarée tout à l'heure. Cela aurait pu être
inclus dans le projet de loi, que ceux qui sont chargés de
rédiger les règlements et ensuite le lieutenant-gouverneur en
conseil, qui sera chargé de les adopter, puissent s'orienter à
partir d un certain nombre d'objectifs comme celui de favoriser la fabrication
des vins au Québec ou de favoriser l'accessibilité des vins pour
les consommateurs.
Ensuite, il me semble que le gouvernement lui-même est d'accord
avec la critique que je fais du projet de loi. En effet, il y a eu le ministre
chargé de la réforme parlementaire, le leader du gouvernement,
qui a déclaré, le 15 mars 1978... Est-ce qu'il serait possible
que je ne parle pas pour les murs? J'aimerais avoir votre oreille, M. le
ministre.
M. Tremblay: Je vous écoutais d'une oreille
attentive, mais je consultais un de mes collègues en même
temps.
M. Raynauld: Je disais que le leader...
M. Blank: II ne s'intéresse pas à l'opinion des
autres.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît, M. le député de Saint-Louis!
M. Raynauld: Je disais que le leader du gouvernement a justement
dénoncé ce que nous avons dans ce projet de loi. Le 15 mars 1978,
il allait très loin, et, si vous me permettez, je voudrais vous lire ce
que le leader du gouvernement a dit à ce sujet-là: "Ce que je
suggère, c'est que, justement, nous ayons une commission parlementaire
dont ce soit la fonction. II voudrait même créer une
commission parlementaire spéciale dont ce serait la fonction
d'examiner carrément et clairement cette législation
déléguée, qu'elle puisse dire qu'elle est en accord avec
la législation, parce que, quand vous donnez votre accord de
deuxième lecture à un projet de loi, vous avez un petit article
quelque part qui dit je lis toujours, c'est le leader du gouvernement
qui dit ça : Le lieutenant-gouverneur en conseil peut adopter par
règlements a, b, c, d, et, bien souvent, cela se rend jusqu'à
u".
Dans ce projet de loi, ce n'est pas un petit article à la fin du
projet de loi, c'est le premier article, c'est le deuxième, c'est le
troisième, jusqu'à la fin. Ce sont seulement des articles qui
autorisent le gouvernement à adopter des règlements. Le leader du
gouvernement ajoute: "II est essentiel, à mon avis, que nous ayons une
possibilité de contrôle et la création d'une telle
commission nous aiderait à le faire".
Imaginez, si le leader du gouvernement veut faire une commission
spéciale pour examiner les règlements, comment pourrait-il
accepter un projet de loi comme celui-ci, qui va justement accentuer tout ce
qu'il dénonce ici? Cela accentue tout ce qu'il dénonce ici, et je
pense que le minimum qu'on peut faire, le strict minimum, c'est que, lorsqu'on
va étudier ça, le ministre essaie de nous éclairer sur le
genre de règlements qui s'en viennent. Il faudrait absolument qu'il
fasse ça.
Alors, on lui demande, dans la motion, de déposer une copie des
règlements. Je ne sais pas si les règlements sont prêts ou
s'ils ne sont pas prêts. Je n'en sais rien.
M. Tremblay: C'est impossible.
M. Raynauld: Mais lorsque le ministre a dit tout à l'heure
que ce n'était pas possible d'adopter des règlements quand le
projet de loi n'était pas adopté, vous m'excuserez, mais
ça ne tient pas debout. Justement, dans ce projet de loi-ci, il n'y a
absolument rien qui restreigne la préparation des règlements. Ils
auraient pu être préparés il y a un an. Il n'y a absolument
rien qui interdise de faire quoi que ce soit là-dedans. Il
n'était pas du tout nécessaire d'attendre de préparer les
règlements.
On attend pour faire des règlements, pour les promulguer,
ça, c'est différent. La promulgation des règlements ne
peut pas procéder l'adoption du projet de loi, c'est bien
évident. Mais la préparation des règlements a pu
précéder la rédaction d'un projet de loi comme celui-ci,
sans aucun doute, et je pense que, si le gouvernement avait si bien
préparé son projet de loi, il avait sûrement dû
préparer aussi des règlements, puisque c'est l'essentiel du
projet de loi. S'il n'a pas préparé les règlements,
à ce moment-là, comment peut-il nous dire que toute son affaire a
été bien pensée, a été bien
planifiée, bien orientée? Je pense, à ce moment-là,
que c'est faux, une affirmation comme celle-là.
J'appuie donc la motion du député de Huntingdon, qui
demande au gouvernement de distribuer à cette commission une copie des
règlements relatifs au projet de loi 21. Je pense que c'est absolument
indispensable. Il n'est pas possible d'étudier avec un peu
d'intelligence ce projet de loi.
Quand je l'ai lu la première fois, n'étant pas au courant
des préparatifs qui avaient pu être faits auparavant et j'ai
même pensé qu'il s'agissait de certains vins, Loi autorisant la
vente de certains vins dans les épiceries, vous admettrez que j'aurais
pu penser n'importe quoi.
J'ai appris, par le discours du ministre, qu'il s'agissait de vins
fabriqués au Québec. J'ai appris cela. Je ne le savais pas.
Même cela n'est pas dit dans le projet de loi. De certains vins...
Peut-on trouver un projet de loi plus vague que celui-là? Je pense qu'on
ne peut pas en trouver. Il n'y en a pas. Il faut attendre des
déclarations du gouvernement, du ministre pour savoir la chose la plus
élémentaire, soit la nature des vins dont il est question.
Evidemment, on ne sait pas non plus s'il s'agit d'un très grand
nombre de marques de vins, d'un très petit nombre. On ne sait pas si la
Société des alcools va vendre ses propres vins dans les
épiceries en même temps que les fabricants indépendants de
vins. On n'en sait rien non plus.
Pour ce qui concerne les épiceries, on dit que ce sont les
détenteurs du permis d'épicerie qui est donné dans une
autre loi. On nous dit: II y a 9000 épiceries. On ne connaît pas
non plus les conditions d'application de cette histoire. La
Société des alcools forcera-t-elle les épiceries à
les vendre? Les laissera-t-elle libres d'acheter ce qu'elles veulent? La
Société des alcools fera-t-elle elle-même la distribution?
Par exemple, les fabricants de cidres vendent directement à l'heure
actuelle aux épiciers. En vertu de ce projet de loi, leur
enlèvera-t-on l'accès direct aux épiceries?
M. Tremblay: Non. C'est écrit. M. Raynauld: C'est
écrit où?
M. Tremblay: C'est écrit dans le projet de loi qu'ils
continueront s'ils veulent...
M. Raynauld: Où? Dans le projet de loi, c'est
écrit? Il n'y a rien d'écrit dans le projet de loi. Absolument
rien.
M. Blank: C'est dans les règlements, M. le ministre.
M. Tremblay: La loi n'apportant pas de changement dans ce qui se
fait, ils continuent de faire ce qu'ils font, c'est-à-dire vendre
directement aux épiciers.
M. Raynauld: Alors, les fabricants de cidres continueront
à vendre directement aux épiciers.
M. Tremblay: Mais s'ils le désirent, ils peuvent faire
entériner la qualité de leurs produits par la
Société des alcools et en les revalorisant aux yeux des
consommateurs, leurs ventes augmenteront.
M. Blank: Cela sera dans les règlements?
M. Tremblay: Non. C'est dans la loi M. le député de
Saint-Louis, si vous l'aviez lue, vous le sauriez.
M. Blank: Où dans la loi?
M. Tremblay: Lisez-la!
M. Blank: Je l'ai, la loi. Où est-ce?
M. Tremblay: Vous essayez de faire de la petite
démagogie.
M. Blank: Ce que vous dites, c'est le contraire de la loi. M. le
ministre, je pense que vous avez induit la commission en erreur. Vous dites que
l'on va continuer à vendre les cidres directement des cidreries. A
l'article 10 de la loi, il est dit: "...la Société des alcools
approvisionne de vin et, le cas échéant, de cidre... " Cela veut
dire que ce sera elle qui vendra le cidre. L'article 10 dit le contraire de ce
que vous dites.
M. Tremblay: Si vous permettez, M. le député,
l'article traite des cidres qui seront désignés par la
Société des alcools.
M. Blank: Oui, mais cela change...
M. Tremblay: Les cidres qui ne sont pas désignés
continuent d'être vendus dans la procédure de commercialisation
actuelle.
M. Blank: Mais si vous désignez les cidres qui sont
vendus, vous avez la liberté de désigner ceux que vous voulez par
règlement.
M. Tremblay: Non. Seulement par entente, M. le
député...
M. Blank: Entente avec qui?
M. Tremblay: ... entre les fabricants de cidres et la
Société des alcools. Je vais vous expliquer tout à l'heure
tout cela très clairement. Je pense que vous ne connaissez pas la Loi de
la Société des aicools.
M. Blank: Pensez-vous que nous n'avons pas le droit de poser ces
questions?
M. Tremblay: Vous avez le droit, mais écoutez par
contre.
M. Blank: Savez-vous qu'avant que les règlements n'aient
été déposés la dernière fois pour la vente
de cidres la SAQ et les fabricants de cidres étaient venus ici devant
une commission des députés ministériels qui était
chargée des règlements pour leur poser des questions, pour
décider d'une action sur les règlements. Ce n'était pas
fait en cachette, c'était fait avec les représentants de la SAQ
et les représentants des cidreries pour préparer les
règlements devant des parlementaires, pas des fonctionnaires.
M. Tremblay: M. le Président, il s'agissait alors
et je le sais, puisque c'est moi qui ai écrit le rapport recommandant la
commercialisation du cidre il s'agissait là d'une mesure de vente
de cidre dans les épiceries qui n'existait pas; c'était un droit
nouveau. Il ne s'agit pas d'un droit nouveau ici, en ce qui concerne le cidre,
puisqu'il peut continuer d'être vendu dans les épiceries, comme il
l'a toujours été depuis 1971.
M. Blank: Mais pensez-vous que la vente du vin, ce n'est pas
quelque chose de nouveau? Les parlementaires ont droit à la même
information.
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Outremont, aviez-vous terminé votre intervention?
M. Tremblay: Je vais vous en donner.
M. Raynauld: Non, pas tout à fait, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): Alors, vous avez la parole.
M. Raynauld: On a dévié un peu. J'étais
curieux de connaître la réponse du ministre a la question que je
lui ai posée. Il nous dit maintenant qu'il est évident que
certaines de ces choses vont se faire par entente avec les associations
concernées. Je défie le ministre de trouver un article dans le
projet de loi qui parle d'ententes avec les organismes. Ce n'est absolument pas
écrit nulle part. Il est évident que ceci va entrer dans les
règlements. C'est normal, d'ailleurs, que cela entre dans les
règlements. Je ne demande pas au ministre de mettre dans un projet de
loi qu'il y a des ententes, mais qu'il ne vienne pas nous dire que c'est dans
le projet de loi. Cela n'y est pas.
M. Tremblay: M. le Président, on veut caricaturer le
projet de loi. Je veux bien, mais qu on attende tout à l'heure
l'explication que je vais donner.
M. Raynauld: Je résume mon argumentation en faveur de la
motion qui vient d'être présentée:
d'une part, le projet de loi ne nous éclaire en rien sur les
intentions du gouvernement et, d'autre part, l'essentiel de cette
opération va apparaître dans les règlements. Si on veut
avoir une discussion intelligente de ce projet de loi, il faut avoir une copie
des règlements. C'est ce que la motion demande au ministre, soit de les
distribuer aux membres de cette commission.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre. M. Tremblay:
M. le Président...
Le Président (M. Boucher): Sur votre motion, vous voulez
parler tout de suite? Alors, allez-y. M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: M. le Président, il me semble impossible
d'étudier avec logique un bout de papier qui ne nous indique à
peu près rien et sur lequel nous n'avons aucune donnée
précise. On dit que la régie désignera les produits
vendus. Elle sera donc juge et partie. Je crois que c'est très dangereux
pour nos producteurs québécois que la société ait
en main tous ces pouvoirs.
Ma motion est en ce sens: l'Opposition a constamment en main des projets
de loi, mais n'a jamais les règlements. Alors, comment voulez-vous qu'on
ait des débats sensés dans cette Chambre? C'est absolument
impossible. On nous demande toujours un chèque en blanc. Qu'on n'accuse
plus l'Opposition de charrier. Si on veut étudier quelque chose avec un
peu de logique, il faut quand même avoir des données
précises, ce qui nous manque également.
On dit que le lieutenant-gouverneur en conseil a tous les outils
c'est indiqué dans la loi pour imposer les contraintes qu'il veut
envers les épiciers québécois et, d'autre part, les
fabricants de vins et de cidres. La société décidera aussi
lesquelles des vingt marques de vins produits au Québec seront vendues
dans les magasins ou les épiceries. Alors, il y a vingt marques de vins
produits au Québec et seulement dix de ces vingt marques seront offertes
par les épiciers, pendant que la société qui n'a que dix
marques à offrir les offrira. Alors, je pense qu'il y a là une
injustice flagrante envers les producteurs québécois.
M. le Président, je me dis que pour avoir un débat
sensé, il nous faut absolument avoir ces règlements; autrement,
on parle dans le vide et ce n'est pas intéressant pour nous. On veut
parler sérieusement, mais que le ministre soit aussi sérieux. Je
pense qu'il nous prouve ce matin qu'il veut mener le débat à lui
seul. Je n'accepte pas ce principe, je veux un débat
démocratique, tel que cela doit avoir lieu en commission
parlementaire.
M. Bellemare: Si cela avait été eux... M.
Tremblay: M. le Président...
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Tremblay: Je crois que les députés de
l'Opposition, devant un projet de loi aussi populaire, voudraient en faire une
caricature. Ne pouvant s'attaquer au fond du projet, ils essaient de s'attaquer
à des artifices pour créer de la confusion. Cette confusion me
semble savamment entretenue et je me réjouis que mon collègue, le
député d'Outremont, ancien professeur d'université comme
moi, semble prendre goût à ces débats parlementaires et,
ayant l'occasion de créer cette confusion, s'y lance à corps
perdu. (12 heures)
Je crois qu'il s'agit d'une confusion, parce qu'on revient
continuellement sur la Loi de la Société des alcools et on veut,
par le truchement du débat sur la loi 21, remettre en cause le fondement
même de la Loi de la Société des alcools qui accorde
à la Société des alcools un monopole dans la
commercialisation des produits, des alcools.
En jouant ce jeu, il laisse entendre que le projet de loi est mince,
qu'il ne comporte pas suffisamment de détails, mais c'est justement ce
que nous ne voulons pas faire avec ce projet de loi, nous ne voulons pas
remettre en cause le monopole de la Société des alcools. Est-ce
clair? Est-ce assez clair?
M. Blank: Est-ce qu'il y a de l'opposition ici? Personne n'a fait
d'opposition? Personne.
M. Tremblay: Donc, la Société des alcools, qui est
régie par une loi, à qui on accorde le monopole de la
commercialisation et de qui on exige le contrôle de la qualité des
vins, quel que soit l'endroit où ils sont vendus, y compris chez les
épiciers, devra continuer d'exercer le mandat qu'elle possède
présentement.
Il est évident que, si les membres de l'Opposition s'attendaient
que le présent projet de loi enlève à la
Société des alcools une partie de ses responsabilités,
diminue ses pouvoirs en fonction de sa propre loi, je comprends qu'elle est
déçue. Mais, si vous êtes déçus, vous n'avez
qu'à vous en prendre à vous-mêmes puisque vos idées
sur cette question ne sont pas celles du gouvernement. Par conséquent,
vous devriez peut-être...
M. Raynauld: ... ne pas être déçus.
M. Tremblay: Vous pouvez être déçus, mais
vous pouvez peut-être respecter le droit du gouvernement...
M. Raynauld: On va s'en prendre à soi-même.
M. Tremblay: ... de ne pas bouleverser la Loi de la
Société des alcools.
M. Raynauld: Ce n'est pas du tout la question. M. Blank:
Ce n'est pas ça du tout.
M. Tremblay: Tout ce que fait cette loi... M. Dubois: Pas
du tout, il ne comprend pas.
M. Tremblay: Est-ce qu'on pourrait me laisser donner les
explications?
De sorte qu'on voudrait que la Société des alcools abdique
soit sa responsabilité sur la commercialisation, soit sur les
importations, soit sur le contrôle de la qualité. Il n'en est
rien. La Société des alcools garde toutes ses
prérogatives, et j'ai expliqué pourquoi. Parce qu'il serait
irresponsable qu'on enlève cette fonction à la
Société des alcools et que nous lancions une opération
semblable qui pourrait s'avérer un échec, telle qu'elle est
planifiée. Il n'y aura pas d'échec.
M. Raynauld: M. le ministre, vous avez changé d
idée?
M. Tremblay: M. le Président, de sorte que la
Société des alcools possède déjà tous ces
pouvoirs de délégation auxquels fait allusion le
député d'Outremont. La Loi de la Société des
alcools lui donne une complète juridiction sur le commerce des alcools
au Québec; il n'y a donc pas besoin de délégation
additionnelle, elle la possède déjà. Ce qu'il faut, par le
projet de loi, c'est ce que nous faisons, c'est lui permettre de faire des
ententes avec les épiceries, en fonction de sa propre loi, et il faut
aussi permettre aux épiceries, bien sûr, de pouvoir vendre les
vins.
C'est tout ce que le projet de loi recherche; vous recherchez autre
chose. Je regrette, le gouvernement n'est pas d'accord avec votre approche. Or,
la loi actuelle de la Société des alcools ne comporte pas
d'articles qui ont trait au choix des produits mis en vente dans les
succursales de la SAQ, au mode d'approvisionnement des détenteurs de
permis, au marché bénéficiaire, aux règles de
conservation des produits. Donc, il s'agit d'une foule de technicités
qui ne peuvent pas être incluses dans un nouveau projet de loi, puisque
nous faisons ici de nouvelles expériences commerciales qui sont
justifiées par la loi générale de la Société
des alcools.
Mais ces technicités devront être précisées,
non pas de façon unilatérale par le législateur, non pas
de façon unilatérale par la Société des alcools,
même si la loi le lui permet, mais à la suite de
négociations. Donc, la Société des alcools, une fois le
projet de loi adopté, pourra compléter... Parce qu'on ne peut pas
demander aux épiciers de faire des ententes avec la
Société des alcools, alors qu'il n'ont même pas encore le
droit de vendre du vin. Lorsque le projet de loi sera adopté, la
Société des alcools pourra faire des ententes formelles avec les
épiciers, fera des ententes formelles avec les fabricants de cidres qui
le désirent et fera aussi des ententes formelles avec les fabricants de
vins qui le désirent.
Parce que les fabricants de vins peuvent continuer à vendre dans
les 350 points de vente de la Société des alcools comme cela
existe présentement. Lorsque ces ententes auront été
conclues...
M. Raynauld: Est-ce que je pourrais poser une question?
Le Président (M. Boucher): M. le ministre, M. le
député d'Outremont désire poser une question. Est-ce que
vous acceptez?
M. Tremblay: Volontiers.
M. Raynauld: Où est-ce qu'il est indiqué dans le
projet de loi que la Société des alcools fera des ententes?
M. Tremblay: C'est inscrit dans la Loi de la
Société des alcools qui lui donne le monopole sur le commerce des
alcools. Donc, elle peut faire ce qu elle veut dans le domaine du commerce des
alcools, pourvu qu'elle garde le contrôle.
M. Raynauld: Je comprends, mais il n'est pas dit que
l'application de ce projet de loi va se faire par des ententes ce n'est
pas dit dans le projet de loi avec les épiciries. Vous nous dites
cela actuellement.
M. Tremblay: Cela fait partie de la Loi de la
Société des alcools qui n'est pas suspendue, M. le
député.
M. Raynauld: Je comprends qu'elle n'est pas suspendue.
M. Tremblay: Elle ne fait qu'étendre la loi existante. On
ne reprend pas toute la loi. Vous comprendriez que ce serait là un
projet de loi très majeur. Mais comme on ne remet pas en cause le
principe même du monopole d'Etat, on ne veut qu'élargir le
réseau de distribution des vins aux épiceries. Il n'y a rien de
sorcier dans cela, il n'y a rien de compliqué. Vous voulez le
compliquer, mais je crois que ce n'est pas justifié. Les choses sont
relativement claires. C'est une aberration que de demander des
règlements avant même que la loi ne soit adoptée, puisque,
logiquement, ces ententes ne peuvent se faire qu'une fois la loi
adoptée, une fois qu'on a accepté de confier aux épiciers
la vente des vins.
M. le Président, c'est peut-être par ignorance de
l'industrie ou peut-être en vertu d'autres considérations
parlementaires et je respecte les préoccupations légitimes
des députés de l'Opposition sur cette question mais
à cause de toutes les explications que je viens de donner, je crois que
nous allons nous prononcer contre la motion.
Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'il y a d'autres
interventions sur la motion?
M. Blank: Oui.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: Je pense que le ministre n'a pas compris du tout
l'argument de l'Opposition. On ne veut pas toucher à la Loi de la
société des alcools. On sait qu'il a le pouvoir de
délégation et le pouvoir de faire des règlements. Mais ce
qu'on veut, c'est simplement que les règlement soient faits en pleine
connaissance de tous les faits, et avec I'appui des parlementaires. C'est nous
qui devons voter la loi, c'est nous qui avons des responsabilités envers
nos électeurs. Quand on a changé la Loi de la
Société des alcools, pour ajouter le cidre
dans les épiceries, il y avait, à ce moment-là, le
pouvoir de délégation dont parle le ministre.
Mais on a pris la précaution de préparer des
règlements, devant un comité de parlementaires, où les
deux partis en cause ont négocié pour en arriver à des
règlements qui font l'affaire de tout le monde.
Avec ce que le ministre veut faire ici, on va préparer ces
règlements, je ne sais pas ou, ni par qui. Mais qu'on les fasse au moins
devant les parlementaires. Je suis même prêt à donner au
ministre le droit de le faire, non pas devant cette commission, mais au moins
devant un comité de parlementaires ministériels, au moins cela,
pour qu'on voit des parlementaires qui sont responsables envers la population,
dire un mot là-dedans. C'est ce que je demande, c'est ce qui a
été fait pour la question du cidre.
M. Tremblay: Vous me permettrez de préciser, M. le
député, que la loi donne justement ce droit, au Conseil des
ministres. Ce n'est pas la société qui fait les
règlements, c'est le Conseil des ministres.
M. Blank: C'est le Conseil des ministres, mais la dernière
fois qu'on l'a fait avec le cidre, cela a été fait avec le
comité des parlementaires, la SAQ, les producteurs de cidres
étaient là également. Les trois parties, la population,
les gens concernés par le cidre et la régie...
M. Tremblay: M. le Président, on revient sur une motion
dont on a déjà disposé.
M. Raynauld: On n'en a pas disposé, M. le
Président.
M. Blank: Je ne parle pas de cela, je parle des
règlements.
M. Raynauld: On n'a pas disposé de la motion.
M. Tremblay: La première motion revient.
M. Blank: Je parle de la préparation des
règlements. Je ne parle pas de cette commission-ci.
Le Président (M. Boucher): Cela touche aux
règlements.
M. Blank: Je n'ai pas parlé d'inviter des gens. J'ai dit
que si on veut préparer des règlements, on doit avoir ces
règlements ici. Si vous n'êtes pas prêts, au moins,
donnez-nous la promesse qu'ils vont être préparés avec
l'appui des députés, avec la connaissance des
députés, mettez-nous à côté des
députés ministériels, mais au moins faites en sorte que la
population soit au courant de ce qui se passe.
M. Tremblay: Ils seront publiés dans la Gazette
officielle.
M. Blank: Pardon?
M. Tremblay: Les règlements, comme tous les autres
règlements, seront publiés dans la Gazette officielle.
M. Blank: Comment se fait-il que nous, le parti de cachette,
ayons fait cela en public et vous, celui de la transparence, faites cela en
arrière?
M. Tremblay: Est-ce que la Gazette officielle est un organisme
caché?
M. Blank: Pardon?
M. Tremblay: Est-ce que la Gazette officielle est un organisme
caché?
M. Blank: Oui. Ce n'est pas la Gazette officielle qui les
prépare. C'est seulement une publication. Nous autres, les
libéraux, dans notre temps, on a fait cela en public.
M. Tremblay: Vous autres, les libéraux, vous n'avez rien
passé, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Blank: Même les gens derrière vous nous
conseillaient de ne rien passer. Maintenant, ils ont changé d'avis.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: On veut savoir pourquoi. Qui a fait la pression? Et
pourquoi a-t-on fait la pression sur ces gens-là? Vous les forcez, cette
fois-ci, à appuyer quelque chose qu'ils rejetaient, il y a deux ans.
C'est ce que je veux savoir. Vous avez peur de les faire entendre. C'est la
vraie raison. Vous, le ministre, avez peur de convoquer à la commission
parlementaire les gens de la SAQ qui ont renversé leur décision
sous la pression du gouvernement actuel et ce à des fins politiques.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laprairie.
M. Blank: Répondez-moi sur cela.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laprairie.
M. Blank: Je suis pour et le Parti libéral était
pour, mais la SAQ était contre à ce moment-là.
M. Tremblay: C'étaient donc les fonctionnaires qui
dirigeaient dans votre temps et non pas vous-mêmes. C'est pour cela qu'on
vous a renversés. Vous étiez un gouvernement qui ne dirigeait
pas.
M. Blank: Oui, on pense avant de marcher. On demande des
opinions. Vous autres avez peur des opinions.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Laprairie.
M. Michaud: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir
à ce que le député d'Outremont disait tout à
l'heure. Il disait que la Société des alcools du Québec
est en conflit d'intérêts. S'il avait lu les notes explicatives au
début du projet de loi no 21, il aurait bien vu qu'on dit "aux fins
d'autoriser les détenteurs de permis d'épicerie à vendre
des vins désignés par la Société des alcools du
Québec aux conditions et selon les modalités
déterminées par le lieutenant-gouverneur en conseil."
La Société des alcools n'est pas en conflit
d'intérêts. Ce n'est pas la Société qui fera les
conditions et les modalités, ce sera tout simplement le
lieutenant-gouverneur en conseil.
Les prérogatives que la Société des alcools a,
d'après la loi, elle les conserve. Si je voulais être malin, je
pourrais demander au député d'Outremont s'il a demandé
à son chef de parler comme cela. Peut-être qu'après l'heure
du dîner, il pourrait changer d'idée et parler autrement. Je ne
voudrais pas revenir sur ce point de vue.
M. Raynauld: Vous êtes bien malin.
M. Blank: Nous avons très peur de notre chef. C'est
très intéressant.
M. Michaud: De toute façon, je crois...
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Tremblay: Qu'il se fasse élire dans NDG, qu'il se fasse
élire chez les anglophones. Vous allez voir qu'on saura le
démasquer.
M. Blank: Qu'il se fasse élire où il veut, ce n'est
pas le Parti québécois qui va diriger notre équipe.
M. Tremblay: Qu'il se fasse élire et qu'il vienne discuter
sur la place publique, ici, à l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Tremblay: Qu'il ait le courage de se faire élire.
M. Blank: Ouvrez votre comté à des élections
et présentez-vous contre lui. Je vous en fais le défi. Faites-le,
si vous voulez.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre! A l'ordre!
Messieurs, s'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous
plaît!
M. Tremblay: Le comté est ouvert.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Raynauld: Ouvrez donc le vôtre.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît! Nous en sommes toujours à la motion du député
de Huntingdon.
M. Raynauld: Ouvrez le vôtre.
M. Michaud: C'est mon droit de parole, s il vous plaît!
Nous n'avons aucune peur de leur chef, c'est peut-être eux qui ont peur
de leur nouveau chef. De toute façon, M. le Président, je vais
voter contre cette motion.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: J'ai une courte question à poser à M. le
ministre. D'une part, vous avez précisé tout à l'heure que
la réglementation se fera seulement après l'adoption du projet de
loi. D'autre part, une initiative a été prise, jusqu'à
maintenant, de commander du vin importé, avant que la
réglementation soit faite.
M. Tremblay: D'accord, j'ai mentionné que la
Société des alcools était...
M. Dubois: C'est difficile à comprendre. C est
incohérent.
M. Tremblay: Je vais vous l'expliquer. C'est très simple.
Ce n'est pas compliqué. Ce n'est pas sorcier.
M. Dubois: Ah! Ce n'est pas compliqué!
M. Tremblay: La Société des alcools a le monopole
de l'importation. Elle doit donc faire des démarches longtemps à
l'avance pour ses achats. C'est évident qu'elle peut prévoir ce
qui s'en vient, le projet de loi ayant été annoncé au mois
de décembre, qu'il allait y avoir un afflux de demandes. Il est
évident que la Société des alcools jouit d'une grande
latitude dans ses décisions concernant le marché des alcools, de
sorte qu'elle n'a à s'excuser auprès de personne de poser des
gestes commerciaux en fonction d'une évaluation d'un marché
potentiel. C'est même sa responsabilité. Je crois que nous
pourrions reprocher à la Société des alcools de ne pas
prévoir les fluctuations dans la demande. Comme il y a dans la demande
des fluctuations qui sont prévisibles et que les démarches pour
faire face à ces fluctuations de la demande doivent se faire longtemps
à l'avance, je dois féliciter la Société des
alcools de faire des gestes dans ce sens.
M. Dubois: M. le ministre, suite aux 8000 nouveaux
débouchés pour la vente des vins, vous aviez prévu une
augmentation des vins importés et embouteillés au Québec,
naturellement. Je pense que je le comprends. Vis-à-vis des producteurs
québécois, est-ce que vous avez aussi placé d'importantes
commandes? Si vous vous attendez à une augmentation assez importante de
la vente
des vins, j'imagine que cela va aussi pour les vins
québécois.
M. Tremblay: M. le Président, le ministre de l'Industrie
et du Commerce est responsable devant la Chambre de la Société
des alcools. Ce n'est pas lui, par contre, qui dirige la Société
des alcools. J'ai mentionné tout à l'heure...
M. Dubois: Je m'excuse, est-ce que je pourrais vous poser une
question additionnelle?
M. Tremblay: Est-ce qu'on peut me laisser répondre un peu?
Une minute!
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Huntingdon, M. le ministre va répondre et vous poserez votre autre
question. (12 h 15)
M. Dubois: D'accord.
M. Tremblay: J'ai mentionné tout à l'heure que,
vendredi dernier c'est aussi près que cela la
Société des alcools a rencontré des fabricants de vins du
Québec, et il y a des démarches pour l'achat de vins. Les
conditions commerciales pour un produit qui est fabriqué au
Québec ne sont pas les mêmes que celles qui existent pour
l'importation, de sorte que je présume que les dirigeants actuels de la
société des alcools, qui sont très compétents,
posent les gestes qui sont normaux dans le domaine. J'ai confiance en leur
jugement commercial. Je demanderais au député de Huntingdon
d'avoir la même confiance dans la capacité et l'expertise des
dirigeants de la Société des alcools.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: M. le ministre, vous avez quand même bien
indiqué tout à l'heure qu'une quantité
supplémentaire de vins importés fut commandée. Je pense
que si vous êtes au courant du fait qu'on a augmenté nos commandes
de vins importés embouteillés au Québec, vous devriez
aussi être au courant s'il y a eu des commandes additionnelles de
placées chez les fabricants québécois.
M. Blank: Demandez-le!
M. Tremblay: On me dit qu'il y a des commandes qui ont
été passées, mais commander et livrer, ce n'est pas la
même chose les livraisons vont se faire dans le temps et
qu'il y a donc des contacts très fréquents avec les milieux qui
fabriquent le vin. Tout ceci revient finalement à des décisions
commerciales de prudence, de bonne administration publique et de bonne mise en
marché et ceci me rassure de voir que la Société des
alcools réagit si rapidement. J'ai confiance que cette opération
est non seulement très souhaitée par la population, elle sera
aussi un succès commercial.
M. Blank: C'est la raison pour laquelle les employés des
magasins de la SAQ protestent contre l'intervention des députés
ministériels dans leurs affaires? Vous n'avez pas entendu cela à
la télévision la semaine passée, samedi passé? Les
employés des magasins de la SAQ protestaient contre l'ingérance
politique des députés ministériels dans leurs
affaires.
M. Tremblay: Samedi passé, j'étais à
Gaspé en train de présider un mini-sommet sur les pêches
commerciales. Je travaillais donc samedi, sans être payé en temps
supplémentaire. Cela a été un mini-sommet formidable avec
l'approbation générale de l'ensemble du Québec et du
milieu des pêches.
M. Blank: Oui, mais, comme ministre, vous devez au moins avoir
des gens pour vous faire rapport de la situation dans vos propres magasins, ce
qui se passe dans vos magasins.
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Outremont.
M. Blank: La politique avant tout.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Louis, s'il vous plaît! M. le député d'Outremont.
M. Tremblay: Vous avez l'air de connaître cela!
M. Raynauld: M. le Président...
M. Blank: ... je peux parler, j'attendrais.
M. Tremblay: Peut-être que vous avez une recette.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Saint-Louis, à l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Raynauld: M. le Président, comme...
M. Blank: Pas du tout. Le Parti québécois n'a pas
augmenté dans mon comté, pas du tout. Mes confrères ici
ont pris quelques votes, mais pas vous autres.
Une Voix: Vous, vous avez baissé.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Louis. M. le député d'Outremont, vous avez la parole.
M. Raynauld: Le ministre a senti tout à l'heure le besoin
de féliciter la Société des alcools du Québec de
prévoir la demande. Je voudrais lui dire ici qu'il y a souvent des
débats qui sont soulevés parce que les administrations tiennent
pour acquis que des projets de loi sont adoptés avant d'être
adoptés, et je voudrais lui rappeler, à cet égard,
qu'il serait peut-être préférable de ne pas trop s'en
vanter, de ces prévisions de la demande qui dépendent de
l'adoption d'un projet de loi, parce que les parlementaires sont
souverains.
M. Tremblay: Cela a été fait à la demande du
ministre de l'Industrie et du Commerce, M. le député.
M. Raynauld: Non, je ne veux pas dire que c'est parce que c'est
le ministre, mais vous vous vantez, vous vantez la société
d'avoir fait des choses en prévision de l'adoption de ce projet de loi,
et je dis que ce genre de commentaires est déplacé...
M. Tremblay: Vous nous reprocheriez le contraire, si...
M. Raynauld:... parce que vous vous rappellerez que, dans le cas
de l'assurance automobile, il y a même eu un débat à
l'Assemblée nationale, parce qu'on avait commencé à faire
de la publicité avant que le projet de loi soit adopté. Il y a
beaucoup de parlementaires qui ont trouvé que c'était une
violation des droits des parlementaires, parce que ce sont eux qui
décident si les projets de lois sont adoptés, ce n'est pas
l'administration et ce ne sont pas les sociétés d'Etat. Ce n'est
personne. Ce sont les parlementaires eux-mêmes.
Je voudrais ensuite poser une question...
M. Michaud: Bien administrer, c'est prévoir.
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, M. le
député de Laprairie!
M. Raynauld: Oui. Je voudrais ensuite demander si le ministre a
consulté le ministre des Affaires sociales dans l'élaboration et
la préparation de son projet de loi.
M. Tremblay: Oui, M. le Président.
M. Raynauld: Alors, le ministre des Affaires sociales n'est pas
solidaire du cabinet?
M. Tremblay: Après discussion, nous avons
démontré que cette mesure allait avoir très peu d'effet
sur le taux d'alcoolisme, et on pourra vous l'expliquer, au cours des
discussions sur certains amendements. J'ai des chiffres à vous
communiquer à ce propos, qui sont très
révélateurs.
M. Raynauld: Oui. Enfin, je voudrais répondre, si c'est
possible, parce que je pense que les commentaires étaient assez vides,
au député de Laprairie. J'ai également noté, parce
que c'est dans la loi. ce n'est pas seulement dans les notes explicatives qui,
pour son information, ne font pas partie des lois, mais c'est même
écrit dans la loi cela, je l'avais lu que c'était
bien le lieutenant-gouverneur en conseil qui adoptait les règlements. Je
n'ai jamais dit que c'était la Société des alcools qui
faisait ça.
Mais le problème du conflit d'intérêts n'est pas
rejeté pour autant, n'est pas supprimé pour autant, parce que,
dans le libellé de l'article, on dit bien que c'est le
lieutenant-gouverneur qui établit les règlements, mais il
établit les règlements pour la mise en marché, la vente
des vins que la société désigne. C'est ça le
problème. C'est la société elle-même qui
désigne les vins qui seront vendus.
Je peux comprendre pourquoi le gouvernement a fait ça. Je peux le
comprendre.
M. Michaud: Question de qualité.
M. Raynauld: Oui, mais, ceci dit, il reste que là. on
demande à une société de désigner qui seront ses
concurrents? Ce n'est pas extraordinaire, ça? Moi, je trouve ça
extraordinaire. C'est la société qui va désigner quels
vont être les vins qui seront vendus dans les épiceries, et c'est
là qu'est le conflit d'intérêts.
M. Tremblay: Me permettez-vous un commentaire afin que l'on
puisse peut-être éviter des débats trop longs?
M. Raynauld: Non, je pense que ce ne sont pas des commentaires,
M. le Président, ce sont des questions qu'on accepte d'habitude dans ce
genre de débat.
M. Tremblay: Je vous poserai la question, à savoir quelle
est la situation présente?
M. Raynauld: La situation présente, c'est que la
Société des alcools je savais que vous étiez pour
me dire ça...
M. Tremblay: Ah!
M. Raynauld: ... la Société des alcools a le
monopole.
NI. Tremblay: Pardon? Oui.
M. Raynauld: Oui, elle a le monopole...
M. Tremblay: On veut qu'elle continue d'avoir le monopole.
M. Raynauld: Vous voulez qu'elle continue à l'avoir.
M. Tremblay: Oui, êtes-vous contre ça?
M. Raynauld: Mais il reste que, lorsqu'on essaie
d'étendre, comme on le fait dans ce projet de loi, la distribution de
vins, et qu'on dit, dans les déclarations que le ministre fait, que
ça, c'est pour favoriser les producteurs québécois, les
vins fabriqués au Québec, il faut bien reconnaître que les
vins fabriqués au Québec par ces fabricants viennent en
concurrence avec les vins vendus par la Société des alcools. Que
vous aimiez cela ou non...
M. Tremblay: Mais par rapport à la situation
présente, vous ne nierez pas...
M. Raynauld: Si vous voulez tellement insister sur ce sujet, je
vous conseillerais de dire carrément et de déclarer à la
population que vous avez l'intention que la Société des alcools
achète tous les fabricants qui sont là et les fasse
disparaître. Je pense que c'est cela la notion d'un monopole.
M. Tremblay: C'est absolument contraire aux intentions du
gouvernement.
M. Raynauld: Vous réaffirmez continuellement, chaque fois
qu'on vous dit de telles choses, qu'il est bien entendu que vous ne voulez pas
toucher au monopole de la SAQ. Je vous dis que si vous ne touchez pas au
monopole de la SAQ, dans les circonstances actuelles, cela veut dire, par voie
de conséquence, que les fabricants de vins et de cidres, au
Québec, ont leurs jours comptés. C'est cela que ça veut
dire.
M. Tremblay: Au contraire. Si on laissait la situation
présente prévaloir...
M. Raynauld: ... à ce moment...
M. Tremblay: ... ils continueraient de s'abaisser. J'ai
donné des chiffres concernant le cidre tout à l'heure. C'est
pathétique.
M. Raynauld: Cela veut dire que vous ne refusez pas
qu'effectivement il y ait des fabricants, donc qu'il y ait des concurrents
à la SAQ. Alors, ajustez vos commentaires.
M. Tremblay: La SAQ ne fabrique pas de vins comme tels. Elle ne
fabrique pas d'alcool.
M. Raynauld: Elle fabrique des vins au même titre que les
fabricants.
M. Tremblay: Elle embouteille.
M. Raynauld: Elle embouteille, et il y a des fabricants
québécois qui achètent de la matière
première, du moult...
M. Tremblay: ... à l'extérieur...
M. Raynauld:... à l'extérieur et qui le
transforment légèrement, à ce qu'on me dit, mais qui
l'embouteillent également. Alors, à ce moment, il n'est pas exact
de dire que la SAQ est la seule qui fasse de l'embouteillage de vins au
Québec. Ce n'est pas exact et cela est un changement depuis que vous
avez fait votre étude sur le rapport Thinel, selon ce qu'on me dit.
C'est un changement. Cela s'est produit au cours des dernières
années, en vertu de quelle loi, je n'en sais rien. Je ne veux pas le
savoir. Mais je sais qu'il existe des fabricants aujourd'hui.
M. Tremblay: Cela dure depuis 1921, d'après ce qu'on me
dit. L'embouteillage privé de vins dure depuis 1921.
M. Raynauld: On me dit que c'est depuis trois ou quatre ans.
M. Tremblay: L'embouteillage de la Société des
alcools date de 1921.
M. Raynauld: Ah! On ne parle pas de cela. On parle de
l'embouteillage par des fabricants privés. Je sais bien que la
Société des alcools embouteille depuis longtemps. Ce n'est pas
cela l'histoire. Je dis qu'il y a des producteurs québécois qui
sont apparus sur le marché récemment. Peut-être y en
avait-il depuis 1910, ce n'est pas impossible, mais on me dit que, depuis
quelques années, il y a des fabricants en plus grand nombre et que de
ces fabricants, effectivement je pense que c'est cela qui était
l'essentiel de vos propos tout à l'heure il y en a un certain
nombre, comme des fabricants de cidres, qui sont en difficultés
financières.
Je reconnais tout à fait l'intention du gouvernement qu'en
donnant des points de vente additionnels, cela devrait favoriser ces
fabricants. Je n'ai jamais dit le contraire. Je n'ai jamais dit que cela
restreindrait la vente de ces produits. Cependant, cela dépend des
conditions. Pour être capables de vendre dans 9000 points de vente, il va
falloir que ces fabricants aient la possibilité de faire les
investissements nécessaires, au moins en publicité. Il faudra
qu'ils sachent si leurs vins seront désignés par la
Société des alcools.
C'est afin d'avoir les informations nécessaires, avant de
commencer l'étude de ce projet de loi, qu'il y a une motion qui est sur
la table, qui dit: Essayez donc d'éclairer les membres de la commission
en apportant le texte des règlements puisque le projet de loi 21, tel
qu'il est là, ne nous permet pas de connaître les intentions, qui
peuvent être très bonnes. Je ne les conteste pas avant de les
savoir, je ne les connais pas, je veux connaître les intentions du
gouvernement sur ce projet-là.
Le Président (M. Boucher): M. le député,
vous aviez épuisé votre temps sur la motion. Alors, M. le
député de Huntingdon avait demandé la parole. M. le
député de Laprairie par la suite.
M. Dubois: Merci, M. le Président. J'espère que le
ministre a été bien honnête quand il nous a dit qu'un des
buts visés par ce projet de loi était de favoriser la vente des
vins québécois et des industries québécoises
impliquées dans la fabrication de vins et de cidres. Suite aux
indications du ministre, on peut s'apercevoir que sur 20 marques de vins
produits au Québec, chacun des dix fabricants n'aura pas droit à
plus de deux marques de ces vins. Ce qui veut dire que d'un
côté...
M. Tremblay: Les vins des fabricants québécois sont
sur la liste des 350 points de vente de la Société des
alcools.
M. Dubois: Oui, mais je parle des 8000 épiciers
indépendants.
M. Tremblay: J'ai déjà expliqué qu'il y
avait des problèmes logistiques. L'opération deviendrait
aberrante sur le plan économique s'il y avait une multitude de marques.
Les coûts deviendraient tels qu'on ne pourrait pas avoir de prix dans les
épiceries qui soit concurrentiel avec celui que l'on a dans les magasins
de la Société des alcools. Donc, il y a une contrainte de mise en
marché, de marketing, extrêmement serrée.
M. Dubois: Selon les indications que vous avez fournies
après la deuxième lecture, qui ne sont quand même pas
indiquées dans le projet de loi, quant au présentoir, il y aurait
un tiers de l'espace réservé aux vins de la
société, un tiers aux vins québécois et
possiblement un tiers aux cidres québécois.
M. Tremblay: La Société des alcools négocie
avec les intervenants une mesure semblable qui serait équitable,
semble-t-il, pour tous les intervenants.
M. Dubois: Où je trouve que ce n'est pas tellement
équitable, c'est que les dix vins embouteillés ou choisis par la
société pour être placés dans le présentoir
vont y être, alors que chacun des fabricants du Québec n'aura pas
plus de deux vins. C'est à peu près un cinquième des
marques de vins fabriqués au Québec qui seront
présentées au public dans les 8000 épiceries.
M. Tremblay: Evidemment, le véritable arbitre sera en
définitive le consommateur. Le gouvernement peut adopter des lois pour
élargir un mode de commercialisation et on l'élargit
passablement, c'est évident: selon l'offre et la demande. C'est
là que vous voyez comment il serait aberrant de décréter
dans des règlements, alors qu'on ne connaît pas encore les
négociations; et encore plus aberrant d'insérer cela dans une
loi, que les marques vont varier en fonction des fluctuations de la demande. Le
consommateur, finalement, sera le dernier roi, le dernier juge.
L'expérience sera donc très révélatrice,
mais on ne peut pas préjuger trop longtemps à l'avance de ce qui
se passera dans les 9000 points de vente.
M. Dubois: Vous admettrez quand même, M. le ministre, qu'il
est impossible, pour les fabricants québécois, de faire
connaître au public toutes leurs marques de vins. Ce serait
impossible...
M. Raynauld: M. le Président...
M. Dubois: Ils en auront seulement deux sur dix.
M. Tremblay: Oui, présentement, M. le député
de Huntingdon, les vins québécois sont dans les magasins de la
Société des alcools, 350 magasins offrant 960 vins.
M. Dubois: D'accord.
M. Tremblay: Donc, ils sont en concurrence avec beaucoup d'autres
vins. Dans les épiceries, ils seront en concurrence uniquement avec des
vins de la Société des alcools, c'est donc une diminution
draconienne de la concurrence, et seulement dix marques de la
Société des alcools. C'est donc une occasion fantastique pour les
fabricants de vins du Québec. C'est pour ça que je trouve
tellement aberrant que l'on dise que cette mesure qui leur donne, en quelque
sorte, un quasi-monopole de distribution dans les épiceries pourrait
leur être dommageable. Si le consommateur n'achète pas ces
produits avec au-delà de 9000 points de vente, il y a certainement de
sérieux problèmes de qualité. Je ne présume pas,
mais si c'était votre argument, je pense qu'il ne tient pas.
Je pense que ce projet de loi est extraordinairement favorable aux
fabricants de vins du Québec.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre, nous sommes
à l'heure de suspendre les travaux.
M. Dubois: Je peux avoir la parole en revenant, au début
de la commission?
Le Président (M. Boucher): Vous aurez la parole à
la reprise cet après-midi. Nous ajournons nos travaux sine die.
(Suspension de la séance à 12 h 30)
Reprise de la séance à 16 h 20
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, messieurs!
La commission de l'Industrie et du Commerce s'est réunie pour
étudier article par article le projet de loi no 21, Loi autorisant la
vente de certains vins dans les épiceries.
Les membres de la commission sont M. Blank (Saint-Louis)
remplaçant M. Ciaccia (Mont-Royal); M. Dubois (Huntingdon), M. Gosselin
(Sherbrooke), M. Grégoire (Frontenac), M. Perron (Duplessis)
remplaçant Mme Leblanc (Iles-de-la-Madeleine); M. Lefebvre (Viau), M.
Ouellette (Beauce-Nord), M. Raynauld (Outremont), M. Shaw (Pointe-Claire) et M.
Tremblay (Gouin).
Les intervenants sont M. Caron (Verdun), M. Gagnon (Champlain), M. Godin
(Mercier), M. Bellemare (Johnson) remplaçant M. Goulet (Bellechasse); M.
Michaud (Laprairie), M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson (Rouyn-Noranda) et M.
Vaillancourt (Orford).
M. Perron: Je suis membre permanent.
Le Président (M. Boucher): Vous êtes intervenant et
on a demandé que vous remplaciez Mme Leblanc.
Une Voix: II a donc droit de vote.
M. Grenier: M. le Président, suis-je ajouté comme
intervenant?
Le Président (M. Boucher): M. Grenier, vous
remplacez...
M. Grenier: M. Bellemare.
Le Président (M. Boucher): M. Bellemare, qui
remplaçait M. Goulet.
M. Grenier: L'intervenant, c'est M. Dubois. On m'informe qu'il
sera ici dans quelques minutes, quelqu'un d'autre peut parler en attendant. Il
est en train de préparer son mini-débat sur l'agriculture pour ce
soir à 22 heures.
Le Président (M. Boucher): Y a-t-il d'autres interventions
sur la motion que nous avions ce matin?
M. Tremblay: Je vous dirai simplement, M. le Président,
que nous avons discuté durant au moins une heure sur cet amendement et
je demanderais le vote.
M. Raynauld: M. le Président, est-ce que je pourrais poser
une question au ministre?
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Outremont.
M. Raynauld: Pourquoi n'acceptez-vous pas cet amendement?
M. Tremblay: J'ai expliqué en long et en large, au moins
pendant vingt minutes, si ce n'est pas une demi-heure, que les
règlements ne pourront être rédigés de façon
définitive, approuvés par le Conseil des ministres et
publiés dans la Gazette officielle qu'une fois les ententes faites avec
les épiciers et les autres intervenants au dossier.
C'est évident qu'on ne peut pas faire d'ententes semblables tant
que la loi n'est pas adoptée. Ce n'est pas plus compliqué que
cela. J'ai donné toutes les raisons secondaires, mais c'est le fond de
la question. Par conséquent, il nous faut adopter les quelques
amendements aux deux lois que comporte le projet de loi 21.
Vote sur la motion
Le Président (M. Boucher): Je mets aux voix la motion du
député de Huntingdon, qui se lit comme suit: Que cette commission
invite le ministre de l'Industrie et du Commerce, avant le début de
l'étude article par article du projet de loi no 21, à distribuer
aux membres et intervenants de cette commission un projet des règlements
relatifs au projet de loi. Que ceux qui sont pour ou contre veuillent bien se
prononcer. M. Blank (Saint-Louis)?
M. Blank: Pour.
Le Président (M. Boucher): M. Dubois (Huntingdon)? Absent.
M. Gosselin (Sherbrooke)?
M. Gosselin: Contre.
Le Président (M. Boucher): M. Perron (Duplessis)?
M. Perron: Contre.
Le Président (M. Boucher): M. Lefebvre (Viau)?
M. Lefebvre: Contre.
Le Président (M. Boucher): M. Ouellette (Beauce-Nord)?
M. Ouellette: Contre.
Le Président (M. Boucher): M. Raynauld (Outremont)?
M. Raynauld: Pour.
Le Président (M. Boucher): M. Tremblay (Gouin)?
M. Tremblay: Contre.
Le Président (M. Boucher): Cette motion est donc
rejetée à cinq contre deux.
M. Tremblay: M. le Président, j'aimerais vous proposer que
nous procédions à l'étude de l'article 1 du projet de loi
21.
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Outremont.
Motion relative à une demande de
renseignements
M. Raynauld: M. le Président, je pense que le débat
que nous avons eu, ce matin, sur la motion précédente indiquait
une intention, de notre part, absolument légitime. Nous essayons
d'obtenir, avant le début de l'étude du projet de loi, dans le
cadre de l'organisation de nos travaux, des idées un peu plus
précises de ce que le gouvernement entend faire avant d'adopter le
projet de loi no 21. Le gouvernement nous donne, somme toute, une raison
technique pour refuser la motion précédente que nous avons
présentée, raison technique que je peux comprendre, s'il est bien
exact que les règlements vont comprendre ou seront le résultat
d'ententes, ce que j'ignorais avant de présenter cette motion.
Maintenant, on n'est pas plus avancé encore, étant
donné que si on n'a pas les règlements, cela ne remplit pas le
projet de loi. Le projet de loi reste toujours aussi vide qu'il l'était.
Il reste un projet de loi qui repose, pour son intelligence, sur des
règlements que nous ne connaissons pas. Même si la raison qui nous
est donnée est une raison qui peut être légitime, il reste
que nous sommes toujours dans la plus grande obscurité. Par
conséquent, je pense qu'il devrait y avoir possibilité, de la
part du ministre, de nous renseigner davantage. Comme il n'a pas
suggéré lui-même d'offrir à l'Opposition les
renseignements nécessaires, je voudrais proposer une motion qui viserait
justement à obtenir ces renseignements.
Je vais lire cette motion. Mais avant de la lire, je voudrais
réitérer l'intention de la motion. Ce sera d'ailleurs, en ce qui
me concerne, la dernière motion préliminaire que je
présenterai. Je ne veux pas que ce soit perçu simplement comme
des motions dilatoires. Je pense qu'il y a, si vous voulez, comme justification
à cette motion, comme à la précédente, une
préoccupation que je pense entièrement légitime.
Nous avons un projet de loi qui nous dit: Nous passerons des
règlements. Je pense qu'il est impossible que nous puissions passer un
jugement sur un projet de loi comme celui-là sans avoir des
détails supplémentaires. Je pense que ces détails auraient
pu prendre la forme de règlements. Ils pourraient aussi prendre la forme
d'autre chose. A peu près dans toutes les commissions où je suis
allé j'en ai fait plusieurs depuis un an et demi il y a
finalement toujours eu une certaine réponse de la part du gouvernement.
Je participe à l'heure actuelle à la commission sur l'amiante. A
cette commission, nous avons présenté des motions comme
celle-là. La plupart ont été refusées, mais, en
échange, le gouvernement a quand même reconnu que, pour faire
avancer les travaux et les faire d'une façon plus
éclairée, il était opportun de soumettre à la
commission soit des études, soit des documents préliminaires,
soit des rapports qui auraient pu être faits par des fonctionnaires du
gouvernement ou parfois par des groupes extérieurs, de sorte qu'on a pu
finalement avoir accès à des informations qui nous paraissaient
non seulement utiles, mais indispensables, et c'est cette intention que je
poursuis en présentant cette nouvelle motion. J'espère que cette
motion va attirer un peu plus de réactions positives que la
précédente.
La motion se lit donc comme suit: "Que cette commission invite le
ministre de l'Industrie et du Commerce, avant le début de l'étude
article par article du projet de loi no 21, à distribuer aux membres et
intervenants de cette commission copie d'un document devant servir à la
rédaction des règlements".
Il y a une raison pour laquelle la formulation est faite comme celle-ci.
Je peux me tromper, mais je suis moralement certain qu'on n'a quand même
pas pu faire un projet de loi comme celui-ci sans qu'il existe au moins un
document qui a servi de base à un certain nombre de discussions qui ont
eu lieu nous savons qu'elles ont eu lieu entre les fabricants de
cidres ou de vins ou avec d'autres.
Je libelle l'amendement de cette façon "... d'un document..."
parce que je me dis qu'il y en a eu au moins un. Il a fallu qu'il y en ait au
moins un qui a servi ou qui doit servir, qui doit inspirer la rédaction
des règlements à venir, parce qu'en plus, évidemment, des
ententes précises, il y a, aussi, parce que les gens de l'industrie sont
au courant, toutes sortes de choses qui ont été discutées
déjà.
On discute, par exemple, de la "forme présen-toire " c'est
un nouveau mot que j'ai appris hier soir que la Société
des alcools du Québec a l'intention d'utiliser pour la mise en
marché de ses vins. Il y a quand même toutes sortes de
modalités d'application de l'intention exprimée par le
gouvernement, à l'effet de faire distribuer certains vins dans les
épiceries. Il me semble que nous aurions droit, comme membres de la
commission parlementaire, d'avoir au moins un document d orientation, un
document qui nous dise: Ecoutez. C'est vrai. Certains vins sont des vins qui
sont fabriqués au Québec. C'est cela qui est en arrière du
projet de loi ou bien, ce sont des vins embouteillés par la
Société des alcools du Québec qu'on veut mettre là.
Mais c'est quoi au juste? Est-ce l'un? Est-ce l'autre? Sont-ce les deux? (16 h
30)
II y a également toute une série, bien entendu, et c'est
normal, de principes directeurs qui seront suivis, et je suis convaincu que le
ministre a déjà pris connaissance d'un certain nombre de ces
principes directeurs pour dire: Quand on fera la distribution des vins dans les
épiceries, on va faire cela de telle façon. Par exemple, nous
avons appris ce matin que les vins ne seront pas vendus directement. Cela
passera par la Société des alcools du Québec. C'est une
règle. On dit: Les vins passeront par la Société des
alcools du Québec même si cela n'est pas le texte du
règlement comme tel.
Il y a comme cela toute une série de modalités
d'application, il me semble, qu'il serait légitime pour nous, pour
pouvoir discuter de ce projet de
loi de façon intelligente, de demander et d'obtenir, sous une
forme ou sous une autre.
On est donc bien obligé, pour faire avancer les débats, de
formuler une motion. Je la formule au meilleur de ma connaissance. Elle n'est
peut-être pas parfaite comme libellé, mais j'invite, au nom de la
commission, le ministre de l'Industrie et du Commerce à essayer de
répondre à cette préoccupation, sinon sous cette forme
exacte, au moins sous une autre.
Le Président (M. Boucher): Alors, nous avons devant nous
une nouvelle motion libellée comme suit: Que cette commission invite le
ministre de, l'Industrie et du Commerce, avant le début de
l'étude article par article du projet de loi no 21, à distribuer
aux membres et intervenants de cette commission copie d'un document devant
servir à la rédaction des règlements.
Sur la recevabilité de cette motion, j'aimerais que les membres
de la commission m'indiquent leur opinion.
M. Tremblay: M. le Président, la motion est suffisamment
vaste. De toute façon, j'avais l'intention, lors de l'étude
article par article, de fournir certaines précisions pour autant que
nous en disposions. Je n'ai pas d'objection à accepter la proposition.
Mais il n'y aura pas de dépôt de document. Il y aura des
explications. Le député d'Outremont a mentionné: Quelle
que soit la forme. La forme sera verbale, soit, des explications. Je
m'apprêtais à le faire de toute façon.
M. Blank: Est-ce que le document existe? Les règlements
n'existent pas.
M. Tremblay: En commission, en troisième lecture, nous ne
déposons pas de document, M. le député.
M. Blank: On ne dépose pas, mais vous pouvez, à
l'invitation de la commission.
M. Tremblay: Si c'est formulé dans le sens d'un
dépôt de document, je m'oppose.
M. Blank: Je ne parle pas de dépôt, je parle de
transmettre aux députés, non pas sur la table, des explications,
pour nous aider dans l'étude de la loi.
M. Tremblay: Si je comprends la proposition qui veut que le
député d'Outremont demande des explications, quelle que soit la
forme des explications, à cela, évidemment, je n'ai pas
d'objection. Je vais les donner verbalement. S'il s'agit d'une demande de
dépôt de document formel, alors, je m'opposerai.
Le Président (M. Boucher): Est-ce sur la
recevabilité encore?
M. Grenier: C'est sur la recevabilité, encore.
Le Président (M. Boucher): J'aimerais qu'on se prononce
sur la recevabilité et non sur le fond de la motion.
M. Blank: Sur la recevabilité, ce matin, vous avez dit
vous-mêmes...
Le Président (M. Boucher): II y a un voeu encore
émis par le ministre. Si vous voulez que je me prononce tout de suite
sur la recevabilité, je puis dire que je reçois la motion,
étant donné qu'il s'agit d'un voeu. On dit qu'en vertu du
principe qu'une commission est maîtresse de ses travaux dans le cadre de
son mandat, il est normal qu'on puisse accepter la présentation de
certaines motions qui ont trait à l'organisation de ses travaux en vue
du meilleur accomplissement de son mandat. Je considère que les
renseignements ou les informations que le ministre pourrait fournir sont des
documents qui peuvent servir à un meilleur accomplissement du mandat de
la commission. Je reçois donc la motion et je vous demanderais de...
M. Tremblay: Est-ce que vous pourriez relire, M. le
Président, la motion afin de savoir si je peux être d'accord ou
non?
Le Président (M. Boucher): Alors, on dit: Que cette
commission invite le ministre de l'Industrie et du Commerce, avant le
début de l'étude article par article du projet de loi no 21,
à distribuer aux membres et intervenants de cette commission copie d'un
document devant servir à la rédaction des règlements.
M. Tremblay: M. le Président, si vous me permettez
d'intervenir sur cette motion, il y a un vieux principe dans le droit
parlementaire qui dit qu'on ne peut pas faire indirectement ce qu'on ne peut
pas faire directement. C'est évident que cette motion ressemble
étrangement à la motion que nous venons de discuter. On demande
des précisions qui ne seront vraiment définitives que lorsque
nous aurons les règlements, c'est-à-dire lorsque des ententes
auront été complétées.
Il est évident que je suis prêt à donner les grandes
lignes d orientation de ces négociations que la Société
des alcools doit tenir avec les intervenants et je m'apprêtais à
le faire verbalement. Mais il ne saurait être question que nous
déposions des documents sur cette orientation, puisque je suis
disposé à les donner verbalement.
Donc, je voterai contre la proposition.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Sherbrooke.
M. Gosselin: M. le Président, cette proposition m
apparaît comme un brouillon hâtif de la part du
député d'Outremont qui nous laisse encore très fermement
dans le vague depuis le début, alors qu'on n'a pas encore engagé
la véritable discussion article par article du projet de loi. J'avoue
que
les membres de cette commission n'avancent pas tellement, dans le
travail qui est exigé de nous autres, par des motions
consécutives qui ne précisent pas, comme celle-là, ce
qu'on cherche à obtenir, ce qu'on veut avoir, un document devant servir
à la rédaction des règlements.
Je m'excuse, mais je ne me sens pas en mesure de voter pour une motion
comme celle-là, parce que c'est trop vague et, à la rigueur, le
ministre pourrait produire des ébauches qu'il a pu préparer
lui-même ou des mémos qu'il a pu recevoir de quelqu'un, une lettre
que j'ai pu produire ou des lettres que d'autres députés ont pu
produire pour demander que les vins soient distribués dans les
épiceries et ça pourrait être reçu à la
commission. Parce que le libellé de cette motion n'ajoute rien à
nos débats.
Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'il y a d autres
intervenants sur la motion? M. le député de Saint-Louis.
M. Blank: Pour répondre au député de
Sherbrooke, on ne cherche pas des lettres sur la vente des vins, mais on
cherche de l'information sur les modalités, on veut savoir sur quoi on
vote ici. On veut voir la base des règlements. Les règlements
sont la loi. Ici, il n'y a pas de loi, c'est seulement un voeu pieux pour que
la régie fasse telle et telle chose, en général, mais le
règlement, c'est la loi. Le ministre dit qu'il n'y a pas de
règlements, qu'ils ne sont pas préparés encore.
Peut-être est-il allé trop vite avec sa loi, il a mis la charrue
devant les boeufs.
Au moins, j'espère qu'il a fait des études et qu'il y a
une base à cette loi. On cherche à avoir ça, seulement
pour nous aider à donner un consentement logique à cette loi. On
veut adopter cette loi, parce que le principe a du bon sens. Mais les
détails peuvent aller à l'encontre du principe; on ne le sait
pas.
Pour un gouvernement de transparence, tout est fait en cachette. Je ne
comprends pas que le député de Sherbrooke, qui a fait partie de
beaucoup de groupes de citoyens qui demandaient toujours de l'information,
s'oppose aujourd'hui à avoir l'information de base.
M. Tremblay: M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Tremblay: M. le Président, je l'ai déjà
dit, je l'ai répété tout à l'heure, que je vais
fournir des indications verbales, les grandes lignes de direction, des
modalités d'application, mais que je devais m'opposer à la
motion, parce qu'elle demandait le dépôt formel de documents.
Après, à l'occasion de l'étude du premier article, je vais
vous fournir tous les renseignements que vous avez demandés, pour autant
qu'ils ne touchent pas à des questions de pur marketing où la
société est seule juge et maîtresse.
M. Blank: ... le marketing, vous le faites faire avec un
monopole. Ils ont peur pour qui?
M. Tremblay: II n'y a personne qui a peur de personne.
M. Blank: Si vous ne donnez pas l'information parce que cela peut
affecter le marketing, et s'il n'y a pas de concurrence, qui est-ce que cela va
affecter? C'est cela que vous dites, c'est le monopole. Si c'est le monopole et
qu'il n'y a pas de concurrence, pourquoi ne nous donnez-vous pas des chiffres
ou des études sur le marketing? C'est cela que je ne comprends pas.
M. Ouellette: M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Nord.
M. Ouellette: J'aimerais intervenir quelques secondes sous forme
de question à l'endroit du député de Saint-Louis. La
Société des alcools, telle qu'elle est régie actuellement
par la loi, n'est pas mandatée pour entreprendre quelque
négociation que ce soit avec les épiceries, en tant que
distributrices de vin.
Je pense que le ministre l'a dit à plusieurs reprises, de
façon très claire. Avant que la société ne soit
autorisée à faire cela, il faudra que la loi, que nous sommes
à étudier article par article, soit votée.
Deuxièmement, la société n'étant pas
mandatée, elle n'a donc pas pu faire ces négociations et les
règlements, que vous cherchez à connaître avant même
qu'on passe la loi, ne peuvent être rédigés qu'après
les négociations. Cela me paraît très clair.
M. Blank: Je vais répondre au député. Ici,
vous demandez qu'on vote pour une loi qui consiste à vendre le vin dans
les épiceries. Tout le monde est d'accord. Mais, pas à n'importe
quelles conditions. Ici, avec ce que vous dites, vous donnez carte blanche
à la régie de forcer des épiciers sous des conditions,
nonobstant que la Chambre est contre ces conditions. On veut connaître
ces conditions en général avant de voter. C'est ce qui est notre
problème.
M. Ouellette: Je ne trouve pas vos propos sérieux.
M. Tremblay: M. le Président, est-ce que je peux
intervenir?
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Tremblay: D'après les interventions, surtout celles du
député de Saint-Louis, il est évident que plusieurs
députés n'ont pas lu la Loi de la Société des
alcools. Elle établit un monopole d'Etat dans le domaine du commerce des
boissons alcooliques tellement vaste qu'on s'est même interrogé si
nous avions besoin d'une loi pour permettre à la SAQ de faire des
ententes avec des épiciers.
Dans le fond, nous aurions pu en permettre la vente dans les
épiceries, sans même venir devant
le Parlement, simplement en fonction de la loi qui donne à la
Société des alcools... Je cite, par exemple, dans la Loi de la
Société des alcools, l'article 17 qui dit: "La
société a le pouvoir d'accomplir tout ce qui est
nécessaire à la réalisation de ses fonctions et
notamment'' et je passe au paragraphe e) "d'autoriser toute
personne à vendre des boissons alcooliques en son nom à titre
d'agent de la société, lorsqu'elle estime qu'il n'est pas
opportun d'ouvrir un magasin dans une localité donnée. Cette
personne doit être munie d'un certificat constatant sa qualité
d'agent." J'ai mentionné qu'il y avait 1200 municipalités au
Québec et seulement 350 points de vente.
M. Blank: Cela fait une différence.
M. Tremblay: La société aurait pu, en vertu de
l'article 17, paragraphe e), permettre à des magasins de vendre des vins
sous son autorisation.
M. Blank: Elle ne peut faire cela ni à Montréal, ni
à Québec, ni à Sherbrooke.
M. Tremblay: Le paragraphe g) de l'article 17 dit: "La
société peut autoriser toute personne à faire la livraison
de boissons alcooliques et garder lesdites boissons alcooliques à cette
fin pour le compte de la société aux conditions
déterminées par cette dernière."
La Loi de la Société des alcools, que nous ne remettons
pas du tout en cause avec le projet de loi 21, donne une latitude à la
Société des alcools qui est telle que nous nous sommes
sérieusement interrogés, avec les légistes du
gouvernement, à savoir si nous avions besoin d'aller devant le Parlement
pour obtenir cette autorisation ou si on ne devait pas simplement
procéder par mandat, ou par directive, comme on le fait dans bien
d'autres cas, pour demander à la Société des alcools
d'étudier cette question et de procéder.
Vous voyez pourquoi le projet de loi 21 n'est pas compliqué.
C'est que, ne remettant pas en cause le principe de la Loi de la
Société des alcools qui lui donne le monopole, comme je viens de
le mentionner, par deux paragrahes de l'article 17. on conçoit, par
conséquent, pourquoi le projet de loi ne comporte que onze articles et
est très succinct. Ce n'est finalement que par assurance et par respect
du Parlement et de la population que nous venons devant l'Assemblée
nationale pour demander de faire adopter ce projet de loi.
Il s'agit évidemment d'un domaine qui touche, comme le disait le
député de Johnson, l'ensemble des comtés. C'est un projet
attendu depuis longtemps par la population. Nous avons pensé qu'il
valait mieux concrétiser dans un projet de loi cette intention du
gouvernement. On voit là toute l'exagération des propos que les
députés de l'Opposition ont tenus ce matin et au début de
cet après midi dans cette optique. Le gouvernement fait preuve, je
pense, d'un respect exemplaire des droits du Parlement en venant, malgré
tout, devant le Parlement avec ce projet de loi alors que la loi existante
aurait permis à la Société des alcools, en toute
probabilité, de procéder unilatéralement.
M. Blank: Je veux dire au ministre que même un
étudiant en première année de droit n'accepterait pas la
définition de cet article. Cet article donne la permission à la
société d'autoriser des personnes où il n'y a pas de
magasins, mais il y a des magasins, à Montréal, à
Québec, presque partout au Québec.
M. Tremblay: J'ai mentionné qu'il y a 1200
municipalités et qu'il n'y a que 350 magasins. Ils ne peuvent pas
être partout en même temps.
M. Blank: Oui, mais les 1200 municipalités
représentent quoi pour une population de 6 millions au Québec? On
se doit d'être sérieux; nous ne devrions pas avoir la latitude de
dire qu'elle n'est pas nécessaire. C'est nécessaire d'avoir une
loi pour donner le droit de vendre des vins dans les épiceries. On doit
changer de contexte. Le permis donne seulement le droit...
M. Tremblay: Vous voulez faire du droit, je vais vous montrer
qu'un économiste aussi sait en faire.
M. Blank: Qu'est-ce qu'il dit?
M. Tremblay: L'article 17 de la loi dit: "La
société a le pouvoir d'accomplir tout ce qui est
nécessaire à la réalisation de ses fonctions et, notamment
ce n'est même pas exclusif
M. Blank: "Notamment" quoi?
M. Tremblay: Notamment, autrement dit, elle a tellement de
pouvoirs qu'elle peut prendre des initiatives, dans le cadre de cette loi, qui
ne sont même pas mentionnées dans l'article. (16 h 45)
M. Blank: Immédiatement après, le chapitre XX dit
qu'un permis à l'épicier l'autorise à vendre de la
bière et du cidre. Qu'est-ce que vous ferez avec cet article?
M. Tremblay: Les épiciers deviendraient mandataires de la
SAQ, et par conséquent, n'auraient pas besoin d'une modification au
permis.
M. Blank: Lisez la loi, c'est clair. On ne joue pas avec la
loi.
M. Tremblay: Mon cher député, de toute
façon, les légistes...
M. Blank: Si vous n'aviez pas besoin de cette loi, on ne serait
pas ici aujourd'hui.
M. Tremblay: Mon cher collègue, les légistes du
gouvernement ont quand même une expérience dans la confection des
lois. Tout en respectant votre grande compétence, selon
l'interprétation de ces légistes, en toute probabilité,
elle n'était pas nécessaire, mais on suggérait au
gouvernement, dans le but de clarifier les choses, qu'il valait mieux
établir cette nouvelle politique, parce qu'il s'agit vraiment d'une
politique du gouvernement,
dans le cadre d'une loi plutôt que dans une directive à la
Société des alcools.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: Merci, M. le Président. Une Voix: Sur la
motion.
M. Dubois: Suite aux propos du ministre, je me demande
réellement pourquoi on étudie le projet de loi 21 ici,
étant donné que la SAQ a tous les pouvoirs...
M. Tremblay: Si vous êtes d'accord avec le projet de loi, c
est tant mieux.
M. Dubois: Je n'ai pas dit qu'on était d'accord de la
façon dont il est présenté, étant donné
qu'on ne peut pas avoir de renseignements, qu'on ne peut pas avoir de document
de travail, vous ne voulez pas entendre les intervenants, les principaux
intéressés, finalement, qu'est-ce qu'on fait ici?
M. Tremblay: Je m'excuse, mais cela fait deux fois que je le
répète. J'ai dit qu'aussitôt qu'on disposera de ces motions
dilatoires et qu'on passera finalement à l'étude du premier
article du projet de loi, je fournirai les grandes lignes directrices que nous
avons données à la Société des alcools dans ses
négociations pour refléter la politique du gouvernement. Qu'on
cesse de charrier, pour dire...
M. Dubois: Après l'étude du projet de loi,
dites-vous.
M. Tremblay: J'ai dit après l'étude de ces motions
dilatoires que vous empilez. Cela ne me fait rien. Je serais heureux de rester
ici jusqu à mardi, parce qu'il s'agit d'un projet de loi
extrêmement populaire. Plus on va en parler, plus les journalistes vont
en parler, plus cela paraîtra dans les journaux, mieux ce sera.
M. Raynauld: C est une mesure dilatoire.
M. Tremblay: Bien, c'est une mesure dilatoire...
M. Raynauld: Oui, cela mesure bien votre attitude devant
cela.
M. Tremblay: Comme vous l'avez dit vous-même tout à
l'heure...
M. Raynauld: Une mesure dilatoire...
M. Tremblay: ... vous avez laissé entendre que. quelle que
soit la forme, vous seriez satisfait, mais le libellé de votre motion
visait à forcer le gouvernement à déposer des documents.
Si vous êtes sincères dans votre recherche de renseigne- ments,
attendez que je vous les donne et on pourra en discuter.
M. Perron: Ils n'en ont jamais déposé, de toute
façon, quand ils étaient dans le gouvernement...
M. Tremblay: C'était la SAQ qui dirigeait dans leur
temps.
M. Raynauld: Au contraire, pendant cette discussion, le
député de Saint-Louis qui était ici. a dit qu'il y avait
eu des commissions parlementaires qui avaient duré des mois concernant
le cidre, vous êtes tout à fait à côté...
M. Blank: Oui. on avait fait venir toutes les personnes
intéressées pour discuter le règlement. On a
discuté. On a décidé le règlement...
M. Gosselin: M. le Président, d'après la pertinence
du débat...
M. Blank: ... et ce comité a été
annulé quand vous êtes arrivés au pouvoir. On avait un
comité spécial.
Le Président (M. Boucher): A I'ordre, s'il vous
plaît! Question de règlement, M. le député de
Sherbrooke.
M. Gosselin: Je crois qu'on en est sur la discussion de la motion
du député d Outremont. A ce moment, on est en train de discuter
de la pertinence même de la loi et de toute...
Le Président (M. Boucher): J'étais justement pour
rappeler à l'ordre, parce qu'on discute ici de la motion du
député d'Outremont, voulant que cette commission invite le
ministre de I'Industrie et du Commerce, avant le début de l'étude
article par article du projet de loi no 21, à distribuer aux membres et
intervenants de cette commission une copie d un document devant servir à
la rédaction du règlement. Est-ce que les membres de la
commission sont prêts à se prononcer sur cette motion?
M. Tremblay: Qu'on la mette aux voix. Vote sur la
motion
Le Président (M. Boucher): Je mets donc aux voix la motion
du député d'Outremont. M. Blank (Saint-Louis)?
M. Blank: Pour.
Le Président (M. Boucher): M. Dubois (Huntingdon)?
M. Dubois: Pour.
Le Président (M. Boucher): M. Gosselin (Sherbrooke)?
M. Gosselin: Contre.
Le Président (M. Boucher): M. Perron (Duplessis)?
M. Perron: Contre.
Le Président (M. Boucher): M. Lefebvre (Viau)?
M. Lefebvre: Contre.
Le Président (M. Boucher): M. Ouellette (Beauce-Nord)?
M. Ouellette: Contre.
Le Président (M. Boucher): M. Raynauld (Outremont)?
M. Raynauld: Pour.
Le Président (M. Boucher): M. Tremblay (Gouin)?
M. Tremblay: Contre.
Le Président (M. Boucher): Cette motion est donc
rejetée à cinq contre trois.
M. Tremblay: M. le Président, j'aimerais revenir à
l'étude du premier article du projet de loi 21.
Le Président (M. Boucher): J'appelle donc l'article 1 du
projet de loi 21.
M. Tremblay: Est-ce que vous désireriez que je fasse la
lecture de l'article 1?
Le Président (M. Boucher): Si vous avez des commentaires
généraux à faire sur l'article, M. le ministre, vous avez
la parole.
Pouvoir d'adopter des règlements
M. Tremblay: Je dirais que l'article proposé est de droit
nouveau. Il permet au lieutenant-gouverneur en conseil d'adopter des
règlements concernant la vente de certains vins et cidres dans les
épiceries licenciées. Les vins et les cidres qui seront offerts
en vente dans ces épiceries seront désignés par la
Société des alcools.
Ce premier article est le seul qui fournit au lieutenant-gouverneur en
conseil la latitude d'établir des règlements. Les autres articles
du projet de loi sont des articles précis concernant des faits
précis.
Je souligne que, dans la loi actuelle de la Société des
alcools, loi qui est amendée par le projet de loi no 21, il y a
l'article 37 qui permet au lieutenant-gouverneur en conseil de faire des
règlements pour toutes sortes de questions rattachées au commerce
des alcools, c'est-à-dire statuer sur les conditions de fabrication, de
conserva- tion et de manutention des boissons alcooliques, etc., prescrire le
classement des boissons alcooliques et établir à cette fin les
classes, catégories et dénominations particulières
appropriées, déterminer les droits qu'une personne doit payer
pour qu'un permis puisse lui être livré, etc.
Donc, il ne s'agit de rien de nouveau par rapport à l'ancienne
loi. Il s'agit simplement d'une précision concernant évidemment
les vins dans les épiceries. J'aimerais revenir à ce que je
voulais dire tout à l'heure, avant la motion du député
d'Outremont. Tout en concevant que la Société des alcools devait
garder une certaine latitude dans ses recommandations au Conseil des ministres
relativement aux règlements et qu'il y a des négociations qui ont
cours présentement et qui s'intensifieront après l'adoption du
projet de loi, il y a quand même des lignes directrices que nous avons
fournies à la Société des alcools. J'aimerais donner
maintenant ces grandes lignes directrices de l'orientation de la politique du
gouvernement.
En premier lieu, il nous fallait prévoir que les épiciers
licenciés soient autorisés par la Loi de la commission de
contrôle des permis d'alcool à vendre les vins
désignés plutôt qu'en vertu d'ententes spécifiques
conclues entre eux et la Société des alcools. J'ai
mentionné tout à l'heure quel a été le débat
législatif sur cette question. En cas de doute et voulant
préciser les choses, nous avons jugé qu'il valait mieux
préciser cela dans un élargissement du permis des
épiceries plutôt que par le truchement d'un mandat de la
Société des alcools à des épiciers.
D'autre part, il fallait autoriser la Société des alcools
du Québec à désigner les vins qui seront offerts par les
épiciers parmi les vins fabriqués ou embouteillés au
Québec. J'ai mentionné ce matin qu'il y avait un problème
logistique. Il était impensable, au point de vue marketing, avec 9000
points de vente, d'avoir un très grand nombre de vins, parce que le
coût de distribution aurait vite été prohibitif et aurait
rendu non rentable, non profitable cette opération par rapport à
la distribution dans les magasins de la Société des alcools. Il
fallait quand même que les épiciers puissent connaître des
retombées économiques favorables découlant de cette
activité et que, par conséquent, leurs prix de vente ne puissent
pas dépasser indûment les prix des produits vendus dans les
magasins de la Société des alcools. Il fallait donc donner
à la Société des alcools une orientation quant aux types
de vins qui seront vendus.
Le gouvernement a demandé à la Société des
alcools que ce soient des vins, fabriqués ou embouteillés au
Québec.
Troisièmement, il fallait attribuer à la
Société des alcools du Québec le pouvoir d'imposer la mise
en vente, dans les mêmes présentoirs que les vins
désignés, de certains cidres qu'elle désignera
nommément. J'ai mentionné que le cidre est une industrie qui,
malheureusement, n'a pas connu les résultats escomptés et que,
à cette occasion de la mise en vente des vins dans les épiceries,
il survenait une occasion d'aider cette industrie en lui permettant de
revaloriser toute la mise en
marché et d'obtenir de la Société des alcools une
concrétisation de la qualité des cidres auprès des
consommateurs, de sorte que nous voulions que la Société des
alcools se préoccupe de cette industrie et fasse des ententes avec les
fabricants de cidres qui le désirent pour revaloriser leur vente au
Québec.
En quatrième lieu, nous voulions accorder au gouvernement
lui-même et non pas à la Société des alcools du
Québec le député d'Outremont a, jusqu'à un
certain point, raison, sur la question qu'il a soulevée ce matin,
à savoir qu'il pourrait y avoir un certain conflit
d'intérêts si seule la Société des alcools
était habilitée à établir les règlements
régissant la politique du gouvernement de mettre les vins dans les
épiceries. Pour préciser cela, nous voulions donc accorder au
gouvernement et non pas à la Société des alcools du
Québec le pouvoir d'adopter des règlements déterminant les
modalités et conditions d'approvisionnement, de conservation, de mise en
marché et de vente des vins et des cidres désignés.
Ceci devrait sécuriser le député d'Outremont qui,
lors du débat en deuxième lecture, avait laissé entendre
que peut-être le ministre de l'Industrie et du Commerce n'était
pas tellement sérieux dans son intention de mettre des vins dans les
épiceries, même si cela fait huit ans que je travaille à
cette idée.
Pour s'assurer que vraiment, il y aura des vins dans les
épiceries, c'est le gouvernement qui adoptera les règlements.
Vous pouvez être certain, M. le député d'Outremont, qu'il y
aura des vins dans les épiceries, à moins que les épiciers
décident de ne pas en vendre, mais comme la Société des
alcools a reçu le mandat de négocier la mise en vente des vins
dans les épiceries, il y en aura.
Donc, cinquièmement, nous voulions aussi confier à la
Société des alcools le pouvoir d'étaler sur quelques mois
l'opération d'approvisionnement des nouveaux points de vente.
Evidemment, lorsque nous faisons face à 9000 points de vente, il s'agit
d'une opération d'une grande envergure et nous ne voulions pas
être forcés de décréter, dès l'approbation du
projet de loi par le Parlement, que le lendemain matin toutes les
épiceries allaient avoir du vin. Il y a un problème logistique,
avant de fournir des vins à 9000 épiceries, il faut mettre sur
pied un appareil passablement complexe.
Donc, ce sont les grandes lignes directrices. Maintenant, il y a des
modalités, peut-être un peu moins certaine, qui reflètent
peut-être moins la décision formelle du gouvernement, mais il y a
certaines modalits qui sont encore à être négociées.
Par exemple, à cause surtout des contraintes d'espace, de rotation de
stocks et de qualité des produits, le choix des vins serait
limité à deux grandes catégories, soit les produits
fabriqués et mis en bouteille au Québec par les entreprises
privées, et les produits importés et mis en bouteille par la SAQ
en plus d'ajouter, évidemment, les cidres désignés
produits au Québec.
Ceci reflète un peu la grande ligne maîtresse qui guide
l'action du gouvernement. D'autre part, les détenteurs de permis
agréés pourront choisir parmi une vingtaine de produits
sélectionnés parmi les produits fabriqués au
Québec, lesquels seront sélectionnés par la
Société des alcools à l'intérieur d une
première catégorie, et une dizaine de produits de deuxième
catégorie, c'est-à-dire les produits embouteillés par la
Société des alcools. Le format le plus populaire,
c'est-à-dire la bouteille, serait utilisé mais on pourrait y
ajouter éventuellement des gallons et des demi-gallons. Mais là,
vous voyez qu'on entre dans des considérations de mise en marché
et de marketing. Il est évident que le gouvernement lui-même ne
peut pas statuer sur ce genre de questions. Le gouvernement fait confiance
à la Société des alcools, aux épiciers et aux
fabricants de vins et de cidres pour voir quelles seraient les formules. Des
gallons et des demi-gallons, est-ce nécessaire dans les
épiceries? On leur demande d'essayer de négocier quelque chose
à ce propos et de trouver la formule qui sera la plus favorable, tant
pour les consommateurs que pour les producteurs.
D'autre part, la Société des alcools aura la tâche
d'approvisionner en exclusivité les détenteurs de permis
agréés au moyen de son propre réseau de distribution. Ceci
revient à l'idée fondamentale que nous laissons à la
Société des alcools le monopole de la distribution que nous
jugeons absolument essentiel à cette opération, comme le
fonctionnement du marché des alcools au Québec qui a
été entériné par le rapport Thinel afin que le
contrôle de la qualité des vins comme des autres produits soit
vraiment sous la responsabilité de la Société des alcools.
Nous ne voulons pas I anarchie dans ce secteur parce que l'anarchie ne pourrait
conduire qu'à l'expérience malheureuse que nous avons connue dans
le domaine du cidre, et je répète que nous ne voulons pas revivre
I'expérience du cidre avec le vin dans les épiceries.
Je pense que cela serait tragéque, et un bon gouvernement doit
prévenir plutôt que de guérir. Ce gouvernement-ci,
heureusement pour la population, est capable de prévenir plutôt
que de guérir. Je pense que les députés de l'Opposition
seront d'accord avec moi pour...
M. Raynauld: ...sujet ...là?
M. Tremblay: ...encourager le gouvernement à poursuivre
cette approche dans la chose publique.
D'autre part, la Société des alcools fournira sans frais
et c'est un point important parce que la qualité des produits et
l'opération de consolidation des réseaux privés de
distribution, des retombées économiques comportent un aspect bien
public ce qui fait que la Société des alcools fournira
sans frais aux détenteurs de permis agréés un
présentoir aux dimensions variables qui servira à mettre en
valeur, dans des proportions égales, les trois catégories de
produits offerts en vente. Il est évident que le gouvernement
désire, pour le succès de cette opération, que la
qualité
des vins et des cidres dans les épiceries agréées
soit au-dessus de tout reproche. Il s'agit ici d'un bien public et on ne
demande pas aux épiceries, normalement dans la théorie des biens
publics, d'assumer le coût de cette implantation; c'est la
Société des alcools qui assumera le coût d'implantation du
présentoir. (17 heures)
C'est la société qui garde le contrôle sur la
qualité, elle reprendra donc les bouteilles, par exemple, qui sont
retournées parce que le vin n'est pas bon, etc., elle doit donc garder
la responsabilité et les coûts de maintien de cette
qualité. On ne demandera pas aux épiciers d'assumer ce
coût, c'est la société qui le fera. Comme c'est un
élément central de toute l'opération, je pense que c'est
logique. Vous voyez donc, là, M. le Président, que ce projet de
loi découle d'une longue réflexion, comme je l'ai
mentionné tout à l'heure, cela faisait au moins huit ans que,
dans mon cas, j'étudiais attentivement cette question, et parce que nous
avons longuement scruté les expériences qui sont faites dans les
autres pays je me rappelle lors de la tenue de la commission Thinel,
nous étions allés en Californie et nous avions tenu des
délibérations sur les différents systèmes, etc.
à cause de cette longue réflexion, on peut arriver ici
avec un projet qui, tout en n'étant pas complété dans ses
règlements et dans ses modalités pour les raisons que j'ai
indiquées tout à l'heure, est quand même très bien
pensé, est quand même très complet. Je pense que nous
devrions, par conséquent, adopter ce premier article, M. le
Président, et j'en fais la recommandation.
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Outremont.
M. Raynauld: M. le Président, je remercie le ministre de
nous avoir donné quelques indications au moins c'est un
début sur la façon dont la loi pourrait être
appliquée. Je pense que certains de ses commentaires méritent
aussi des commentaires de ma part. J'aurais également un certain nombre
de questions supplémentaires à poser, parce qu'il me semble, dans
mon esprit en tout cas, que j'ai encore plusieurs points qui sont obscurs. Si
je me résume un peu, il est bien entendu qu'il s'agit de faire
distribuer des vins qui sont fabriqués ou embouteillés au
Québec. Sur ce sujet, je voudrais dire que je n'ai pas d'objection
à cette formulation en tant que telle, sauf que, si je comprends bien,
les vins embouteillés sont des vins qui sont embouteillés par la
SAQ et les vins fabriqués proviennent des fabricants privés. C
est une de ces choses que je ne comprends pas, probablement parce que je ne
suis pas assez près de cette industrie, mais on me dit que ce qui est
embouteillé par la SAQ ou fabriqué au Québec par des
fabricants privés, c'est pas mal la même chose, dans les deux cas,
c'est à peu près équivalent. Dans un cas, lorsqu'on dit
dans la publicité auprès des consommateurs, que c'est
embouteillé au Québec, cela permet de dire que ce sont des vins
importés; mais lorsqu'ils sont fabriqués au Québec, tout
le monde s'imagine qu'on a des raisins ici, qu'on fait pousser les raisins un
peu partout sur les riches terres du plateau laurentien. Le résultat net
de cela, c'est que les gens ne prennent pas cela trop au sérieux, quand
en réalité on me corrigera, si je fais erreur le
moût qui sert à la fabrication vient souvent des mêmes
endroits que le moût qui est acheté par la SAQ et qui est
embouteillé. Cela est une question. Encore une fois, il n'y a rien
d'anormal en soi là-dedans, sauf que la question qui me vient à
l'esprit, et je pense que c'est une question légitime, est-ce qu'on va
refaire le même coup lorsque le vin sera présenté dans les
épiceries et est-ce qu'on dira, dans un certain sens: Voilà des
vins du Québec? Chose surprenante, lorsque ce sera marqué
là, les gens n'en voudront pas, et si ce sont des vins
embouteillés au Québec, est-ce qu'on va continuer à
perpétuer cette confusion où on dira, quand c'est
embouteillé au Québec: Ce sont de bons vins parce que ce sont des
vins qui sont importés en réalité? Alors, pour reprendre
l'argument du ministre, s'il veut avoir des retombées économiques
plus considérables, a ce moment-là, la question se posera et se
posera un peu plus tard, cet après-midi, à savoir si on doit
favoriser l'un et l'autre également, ou avec plus ou moins de pression
dans un cas ou dans l'autre.
J'avais une autre catégorie de questions avant de commencer
l'étude du premier article. J'aimerais avoir des informations et
exprimer certains commentaires sur des points reliés, mais qui n'ont pas
été mentionnés directement par le ministre. D'abord,
est-ce qu'il y a eu des études faites par la Société des
alcools ou par le ministère sur la rentabilité d'une
opération comme celle-là? Est-ce qu'il y a eu des
prévisions faites en ce qui concerne le cidre? Est-ce que pour les
fabricants de cidre au Québec, le fait de vendre le vin dans les
épiceries, de placer le cidre à côté du vin dans un
même présentoir, ferait monter les ventes du cidre ou les ferait
diminuer? Je pense que c'est une bonne question. Il y a des gens qui
prétendent que c'est la mort du cidre au Québec que de
procéder à cette opération sous cette forme ou sous cette
modalité.
Autre chose, toujours dans les modalités, il est évident
que la Société des alcools du Québec a beaucoup plus de
ressources que les fabricants privés du Québec. Le ministre m'a
fait sourire tout à l'heure lorsqu'il a présenté son
présentoir comme étant un bien public. Je pourrais
peut-être lui suggérer que, dans un prochain manuel, il utilise
cet exemple de bien public. Je pense qu'il aurait un peu de difficulté
à expliquer comment un présentoir pourrait être un bien
public. Je pense qu'il aurait beaucoup de difficulté à expliquer
ça, parce que...
Une Voix: II appartient à la société.
M. Tremblay: C'est que la qualité du produit est un bien
public, si on veut que l'industrie québécoise maintienne et
augmente ses parts de marché.
M. Raynauld: II n'a pas parlé de la qualité du vin,
il a parlé du présentoir.
M. Tremblay: Pour avoir la qualité du vin, il faut avoir
un présentoir.
M. Raynauld: Oui, du présentoir, qui serait un bien
public. Je voudrais lui rappeler qu'un bien public, c est autre chose. Un bien
public est un bien dont la consommation par un consommateur ne diminue pas la
consommation d'un autre consommateur, comme dans le cas d'un appareil de
télévision, un programme de télévision, qui peut
être utilisé par 100 ou par 1000, sans que...
Là, je pense que je n'ai pas besoin de...
M. Tremblay: Un bien public, M. le député, vous
savez, fournit des bénéfices qui...
M. Raynauld: Je voudrais juste lui...
M. Tremblay: ... profitent à l'ensemble d une
collectivité, mais dont les coûts ne sont pas directement
absorbés par ceux qui en profitent. Si nous voulons bonifier la
qualité des produits du Québec, soit dans le cas du cidre ou des
vins fabriqués au Québec, dans le but de créer des emplois
et d'encourager une activité économique qui va apporter des
bénéfices à l'ensemble de l'économie du
Québec, c'est évident qu'on ne peut pas demander aux seuls
épiciers d'assurer le coût du maintien de cette
qualité.
M. Raynauld: En tout cas, je ne veux pas poursuivre le
débat sur la théorie économique...
M. Tremblay: Vous êtes sur un bon terrain, je pense.
M. Raynauld:... mais je lui suggère d'introduire ça
à l'avenir dans ses exemples d'un bien public, le présentoir de
la Société des alcools du Québec, je pense qu'il va faire
rire beaucoup de monde.
M. Tremblay: M. le député, si on adopte des lois
aussi bonnes, on demeurera peut-être au gouvernement tellement longtemps
que je ne retournerai peut-être jamais à l'université. Mais
c'est une de mes grandes préoccupations.
M. Raynauld: Dans ce cas-ci, ce serait peut-être mieux,
parce que, comme je vous dis, avant que vous convainquiez des
économistes que le présentoir est un bien public, je pense que
vous allez avoir un peu de difficulté.
M. Tremblay: Je croyais vous avoir donné une
explication.
M. Raynauld: Quoi qu'il en soit, ce n'est pas mon problème
immédiat. Le problème est de savoir comment les fabricants
à qui on donne accès pour une fois et c'est une
très bonne chose à des points de vente beaucoup plus
nombreux, à quelles conditions ces gens vont opérer. J'ai
commencé cette réflexion en vous parlant des ressources beaucoup
plus considérables de la SAQ et il faut bien admettre que même si
on veut respecter le monopole de la SAQ. ce avec quoi je ne suis pas d'accord,
mais ce n est pas important non plus, en admettant qu'on veuille respecter le
monopole de la SAQ, il faut bien admettre que, dans cette opération on
donne accès à des fabricants québécois qui, eux, ne
font pas partie de ce monopole, ne sont pas des entreprises publiques; ce sont
des entreprises privées.
A ce moment-là, qu'on le veuille ou non, qu'on aime cela ou non,
il y a des vins qui vont être en concurrence, des vins fabriqués
par des entreprises privées et des vins qui sont embouteillés par
une société d'Etat. Ces vins sont placés les uns à
côté des autres, sans parler du cidre qui fera également
partie de la même présentation. Il y a une concurrence entre les
produits qui sont là. A ce moment-là, on ne peut pas se rabattre
sur le fait que la SAQ est un monopole pour refuser de voir à quelles
conditions cela sera rentable pour les producteurs privés de faire cette
opération.
A partir de l'idée que la SAQ a beaucoup plus de ressources,
est-ce qu'il n'y a pas un danger énorme que, dans cette concurrence, qui
va être une concurrence de fait, qui va se produire, il y ait vraiment
une concurrence déloyale vis-à-vis des producteurs à qui
on donne l'autorisation de vendre leurs vins par l'intermédiaire de la
Société des alcools du Québec?
A ce moment-là, cela pose toute une série de
sous-questions. Si cette concurrence existe, on dit: Est-ce qu'on a des
assurances que, par exemple, le vin de ces fabricants québécois
sera présenté d'une manière qui sera aussi attrayante? Je
ne suis pas un spécialiste du marketing, mais on me dit que c'est bien
important. Si les bouteilles sont placées en haut plutôt qu'en
bas, il paraît que les gens regardent en haut pour commencer, ils
achètent la bouteille d'en haut plutôt que celle qui est par
terre. En tout cas, l'expérience prouve des choses semblables. C'est la
même chose pour ce qui est des choses qui sont placées à
droite plutôt qu'à gauche; quand on entre dns les magasins, les
premières bouteilles qui sont là ont plus de chances d'être
vendues que celles qui sont en arrière. Tout cela semble avoir de
l'importance.
Quelles sont les garanties qu'on a pas pour moi, et pas
nécessairement pour sauvegarder les intérêts de ces
fabricants pour permettre à ces fabricants d'en
bénéficier et d'utiliser cette occasion qu'ils ont de faire la
distribution de leurs vins? Si ce n'est pas rentable pour eux,
évidemment, l'opération va échouer. Je pense qu'on a tous
intérêt, si c'est pour marcher, à ce que les fabricants
voient là une occasion de rentabilité. Cette occasion de
rentabilité, pour l'instant, suivant mes informations, ils ne l'ont pas.
Ils n'ont pas cette confiance qu'ils seront capables de faire une concurrence
adéquate et de permettre juste-
ment que les vins puissent leur rapporter quelque chose.
L'autre question, c'est: Qu'est-ce qu'il en coûte aux fabricants
québécois pour avoir accès à ces points de vente?
On a mentionné que la SAQ allait donner gratuitement, puisqu'il s'agit
d'un bien public, un présentoir aux épiceries. On me dit que cela
pourrait coûter jusqu'à $5 millions ou $6 millions. Je ne sais pas
si c'est exact. Mais on va donner aux épiceries un présentoir qui
va bénéficier aux fabricants privés des vins.
Maisé à côté de cela, il y a, semble-t-il, le
besoin, pour les fabricants québécois, de rejoindre les
consommateurs directement, par exemple par un programme de publicité. Si
la SAQ a des programmes de publicité de trois quarts de million de
dollars ou deux tiers de million de dollars, à ce qu'on m'a dit
je ne sais pas si c'est exact, mais on m'a rapporté cela comment
voulez-vous que ces fabricants puissent avoir le même accès aux
consommateurs que la société qui s'en vient là avec armes
et bagages et avec tout l'appui des ressources qu'elle a accumulées, qui
sont considérables, sans parler de la qualification de son personnel,
etc.? Je pourrais en ajouter un petit peu, si vous voulez.
Autrement dit, l'aspect qui retient mon attention pour l'instant, c'est:
Est-ce qu'il est possible de penser que ces fabricants puissent
bénéficier à plein de cet accès qu'on leur donne et
sur une base rentable pour eux, compte tenu de la concurrence de la
Société des alcools du Québec, compte tenu des conditions
concrètes dans lesquelles leur vin sera vendu?
En particulier, je veux revenir sur ce que j'ai dit tout à
l'heure. Est-ce que c'est exact que les vins embouteillés au
Québec on a les vins fabriqués au Québec, d'un
côté, et, de l'autre, les vins embouteillés par la SAQ
sont perçus, à tort ou à raison, comme des vins qui
sont importés, avec la conséquence que j'ai donnée tout
à l'heure? Est-ce que c'est exact? Ensuite, le ministre nous a dit aussi
tout à l'heure... (17 h 15)
M. Tremblay: Pour l'intelligence de nos débats, ne
serait-il pas utile que je réponde à vos questions, à
moins que vous n'ayez qu'une seule autre question?
M. Raynauld: Si vous voulez.
Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous désirez
avoir les réponses immédiatement?
M. Raynauld: J'achevais, j'avais seulement une petite...
Le Président (M. Boucher): Ah bon! M. le
député d'Outremont va terminer et vous pourrez enchaîner
sur les réponses.
M. Raynauld: J'avais une question supplémentaire. M. le
ministre a mentionné tout à l'heure que la SAQ était la
distributrice exclusive. Est-ce que cela s'applique au cidre? Est-ce que la SAQ
serait la distributrice exclusive?
M. Tremblay: Non, j'ai expliqué ce matin, cependant, cette
question que...
M. Raynauld: Vous avez dit, ce matin, qu'elle n'était pas
la distributrice exclusive. Cet après-midi, vous avez dit qu'elle
l'était. Je me suis demandé si cela s'appliquait...
M. Tremblay: Non, les cidres, présentement, qui ne sont
pas entérinés par la Société des alcools sont
distribués comme les pois verts. S'il y a une entente entre la
Société des alcools et les fabricants de cidres pour que la
Société des alcools garantisse la stabilité de la
qualité, dans ce cas-là, ce sera la société
elle-même qui les distribuera.
Je m'excuse. Présentement ce sont les réseaux de
grossistes et de détaillants qui s'occupent de cela, mais lorsque la
Société des alcools mettra son imprimatur sur la qualité,
elle devra suivre les critères de qualité et c'est elle qui s'en
chargera. Mais ces questions sont encore à être
précisées dans les négociations avec des fabricants de
cidres, parce qu'ils peuvent continuer à fonctionner tels qu'ils
fonctionnent présentement. Je dois revenir à la question du
cidre, parce que vous avez soulevé cette question tout à
l'heure.
Je pense qu'on a soulevé ici des points extrêmement
importants et extrêmement intéressants auxquels il me fait plaisir
de donner réponse. Au début, on s'interroge sur la notion
d'équivalence entre les vins fabriqués au Québec, les vins
importés et embouteillés au Québec, on aurait pu
mentionner aussi les vins fabriqués au Canada, parce qu'il y en a qui
viennent de l'Ontario et de la Colombie-Britannique...
M. Raynauld: Oui.
M. Tremblay: ... et les cidres du Québec. J'ai un petit
tableau ici auquel j'ai fait allusion ce matin. Il serait peut-être bon
surtout pour l'intelligence du débat que je dépose ce tableau
d'évolution dans les ventes.
Le Président (M. Boucher): Faites-le distribuer, M. le
ministre.
M. Tremblay: On en fera des copies, mais comme je veux m'en
servir, je vous le donnerai tout à l'heure.
En ce qui concerne le vin du Québec, le vin fabriqué au
Québec, en 1971, il y avait 1315 gallons; en 1972, 10 000 gallons; en
1973, 204 000 gallons; en 1974, 866 000 gallons; en 1975, 1 072 000 gallons; en
1976, 1 120 000 gallons et 1 350 000, en 1977. Il y a une croissance continue
et assez rapide de l'ordre pratiquement de 20% par année de la
production des vins fabriqués au Québec, alors que les vins
canadiens vendus au Québec baissent dans la même proportion.
En 1971, c'était 1 million de vente de vin canadien; en 1972, la
même chose; en 1973, 1 million de gallons. On voit en 1974, un
début de baisse, 925 000; en 1975, 884 000 gallons; en 1976, 760 000
gallons; en 1977, 670 000 gallons. On voit qu'il a vraiment une grande
substitution qui est en
train de s opérer entre des vins fabriqués au
Québec et les vins importés des autres provinces, parce que,
comme vous le mentionniez tout à l'heure, il n'y a peut-être pas
une adéquation vraiment identique entre les vins embouteillés par
la Société des alcools, qui sont des vins de très haute
qualité finalement que la société peut acheter à
bon compte, parce qu'elle achète de très gros volumes et qu'elle
les embouteille, et les vins fabriqués au Québec qui sont faits
selon une technique qui incorpore soit un vin importé, parce que les
fabricants de vins québécois peuvent importer jusqu'à 35%
je l'ai mentionné ce matin de vins qu'ils mélangent
avec leur produit local. Le produit local vient d'un moût importé
auquel on ajoute de l'eau qu'on laisse fermenter pendant quelque temps. C'est
un processus de fabrication qui se compare avec celui des autres vins
canadiens. Comme ce sont des raisins importés qui sont quand même
de bonne qualité, mais peut-être pas d'aussi bonne qualité
que si on avait fait le vin sur place à cause de la
déshydratation et d'autres phénomènes qui accompagnent le
déplacement, on peut dire que les vins fabriqués au Québec
se comparent avantageusement avec les vins des autres provinces du Canada. Au
niveau de la qualité, on peut peut-être discuter de
l'équivalence par rapport aux vins importés et
embouteuillés par la Société des alcools.
Je pense que l'évaluation que je fais n'est pas celle d'un
expert, mais elle est faite d'après ce qu'on m'en a dit de la
situation.
M. Blank: Seulement une question sur ce point. Est-ce que tous
les vins embouteillés par la SAQ sont des vins qui arrivent ici, sous
forme liquide ou...
M. Tremblay: Oui, la société n'achète du vin
qu'en baril et elle en fait l'embouteillage. Elle ne produit pas son vin comme
tel. On peut donc déposer ce petit tableau. Maintenant, lorsqu'on parle
des retombées économiques, il découle de ce que je viens
de dire que c'est évident qu'il n'y a pas une très grande
différence dans les retombées économiques entre les vins
vraiment fabriqués au Québec et ceux embouteillés par la
SAQ. Dans le fond, la véritable économie se produit au niveau de
l'embouteillage, de l'achat de bouteilles, de l'achat de boîtes et de la
livraison par camion et de tout cela. Le fait qu'on importe un moût et
qu'on fasse venir jusqu'à 35% de vins qui viennent s'ajouter en
importation, qu'on ajoute de l'eau et qu'on fasse fermenter le produit
représente un peu de valeur ajoutée, mais ce n'est pas une
différence phénoménale. Il ne s'agit pas d'une industrie
autochtone. Il ne faut pas se leurrer. Le Québec n'est pas un producteur
de raisins qui conduit à des vins. Il faut des pays qui connaissent 300
jours de soleil par année. Il n'est peut-être pas exclu que, dans
l'avenir, avec l'énergie solaire, on réussisse à
créer de grandes serres, et qu'on réussisse à produire des
raisins. La loi des avantages comparés en commerce international nous
indique que c'est un peu probable. Si le Québec devient
indépendant et prend la maîtrise de ses destinées,
peut-être qu'on ne produira pas de raisins, mais on s'occupera davantage
de nos affaires et on pourra davantage tirer profit au moins de nos richesses
naturelles et de nos autres avantages comparatifs. Au niveau des avantages
économiques, on ne peut pas dire qu'il y a une différence
énorme. Maintenant, en ce qui concerne la rentabilité de
l'opération, c'est un peu rattaché à la théorie de
la concurrence monopolistique. Je parle surtout pour le député
d'Outremont. Il est évident que si on permettait la distribution de 960
vins dans les épiceries, avec autant de points de vente, un degré
d'inefficacité s'installerait dans le système et toute
l'opération menacerait de ne pas être rentable. Donc,
première démarche absolument dictée par la théorie
économique, il fallait absolument réduire le nombre de produits
distribués dans un si grand nombre de points de vente.
L'autre élément clé pour établir la
rentabilité de l'opération, c'est le rabais que la
Société des alcools va devoir accorder aux épiceries. Il
est évident qu'il faudra que la Société des alcools
accorde aux épiceries un rabais qui rende l'opération rentable
pour les épiceries. Le vin n'est pas de même nature que les pois
verts ou les confitures, puisque c'est un produit fortement taxé, de
sorte que, dans le prix du produit, il y a la valeur économique du
produit, plus la taxe. Donc, le pourcentage de rabais peut paraître
relativement restreint, lorsqu'on prend l'ensemble de la valeur totale du
produit majoré par les taxes par rapport à la valeur marchande du
produit avant taxes. Il s'agit là vraiment d'un élément
à négocier encore.
La Société des alcools, on le sait par le rapport Thinel,
perçoit une majoration commerciale d environ 30% sur le coût brut
de ces matières, et une majoration fiscale d'environ 70%. Il est
évident qu'elle doit jouer à l'intérieur de sa majoration
commerciale de 30%. Elle doit, par conséquent, distribuer les vins aux
épiceries, surveiller la qualité, etc., et faire un profit, si
possible, tout en accordant à l'épicerie un rabais qui lui permet
d'en faire une opération profitable. Ceci est en train d'être
négocié entre la Société des alcools et les
épiciers. Il faudra, évidemment, qu'il y ait une solution qui
satisfasse aux deux contraintes de rentabilité de la
Société des alcools et des épiceries.
Tout à l'heure, j'ai mentionné la question des
présentoirs. Il est évident qu'au début, la
Société des alcools doit absorber ces coûts. On ne peut pas
entrer ces coûts dans une seule année. Il faut que ce soit amorti
sur plusieurs années. La Société des alcools doit composer
les frais de manutention des vins qui seront distribués dans les
épiceries.
Maintenant, en ce qui concerne le cidre, il est évident que c'est
une question très importante. C'est pour cela que nous avons voulu
associer à ce projet de loi une opération de revalorisation du
cidre.
Comme le tableau que je viens de distribuer I'indique, si nous laissons
l'industrie du cidre à son seul sort, dans l'état actuel des
choses, il y a une baisse graduelle. En 1974, 1 143 000 gallons
vendus; en 1975, 973 000 gallons; en 1976, 971 000 gallons; en 1977; 811
000 gallons. On voit qu'il y a une baisse, une tendance qui est
extrêmement inquiétante pour l'industrie du cidre. On connaissait
plusieurs fabricants de cidres il y a quelques années. Maintenant, on ne
retrouve plus, à toutes fins utiles, que deux producteurs de cidres qui,
non seulement ne sont que deux, mais, dans les deux cas, ont
décidé de se lancer dans la production du vin, ce qui indique le
désarroi de cette industrie qui risque... Cette industrie est encore
plus fondamentale pour le Québec que l'industrie du vin parce qu'il
s'agit de la pomme québécoise, une matière première
québécoise. Il faut absolument que cette industrie soit
revalorisée.
Or, tous s'accordent pour dire que le grand problème du cidre,
c'est que les consommateurs ont été échaudés. Je
dirais même que tous les membres ici autour de la table ont sans doute eu
des expériences, et il s'est développé, dans la
population, une certaine crainte à l'endroit du cidre parce que le
produit, semblerait-il, ne serait pas d'une qualité constante et
garantie.
Or, la Société des alcools a une réputation
irréprochable au niveau de la stabilité et de la qualité
de ses produits, de sorte que, en tant que ministre responsable, je lui ai
demandé de faire des démarches auprès des fabricants de
cidres pour les inciter à s'associer à la Société
des alcools qui, elle, a un bon nom au niveau des consommateurs pour
revaloriser le cidre, et je souhaiterais que les fabricants de cidres
s'associent à la Société des alcools pour revaloriser le
cidre, surtout le cidre léger. Le cidre léger est un très
bon produit, qui contient seulement 6% d'alcool, qui pourrait trouver preneur
dans les restaurants de I'ensemble du Québec, et je trouve dramatique
que des provinces comme la Colombie-Britannique consomment beaucoup de cidre
tandis qu'au Québec on a un bon produit et ce n'est pas vendu.
Donc, le but de toute l'opération, c'est de créer une
clientèle nouvelle pour le cidre. Il ne s'agit pas, donc, de se
contenter des 811 000 gallons qui ont été vendus en 1977. Il faut
trouver une clientèle nouvelle. Pour ce faire, on dit aux fabricants de
cidres: Vous pouvez continuer de faire ce que vous faites, aller vendre vos
cidres directement à l'épicerie. Les épiciers vont les
mettre avec des petits pois verts, on les retournera près du
calorifère, au soleil, n'importe où, à la poussière
j'en ai déjà acheté qui avait un demi-pouce de
poussière ou associez-vous avec la Société des
alcools; si vous le faites, voici ce que vous allez obtenir: Vos produits
feront partie du présentoir qui est marqué de l'imprimatur de la
Société des alcools, la société se
préoccupera de la qualité et sans doute s'associera aussi
à vous pour faire de la publicité. Mais ça, c'est à
négocier avec la société, dans le but de développer
une clientèle nouvelle, parce que la clientèle du cidre, c'est
une clientèle qui va dans les épiceries et qui pourrait
être attirée par ce présentoir. On peut donc trouver
là une clientèle nouvelle en revalorisant surtout le cidre
léger, et j'insiste parce que ce dernier n'est pratiquement pas en
concurrence avec le vin. Le cidre léger ne contient que 6% d'alcool.
Donc, les deux fabricants de cidres qui restent ont une occasion en or
de sauver l'industrie avant qu'elle ne s'effondre complètement. Je pense
que, si on laisse les choses aller tel quel ça, c'est clair
l'industrie est en train de s'effondrer, et je pense que nous allons...
Pour ma part, j'ai une très grande confiance. Si on fait comprendre aux
consommateurs que le cidre du Québec, c'est un bon cidre, qui est
stable, qui ne varie pas d'une bouteille à I'autre, d'une semaine
à l'autre, non seulement on pourra vendre davantage de cidre au
Québec, mais on en commencera l'exportation. Je ne vois pas pourquoi on
n'exporterait pas de cidre en Colombie-Britannique alors que la
Colombie-Britannique en importe de Grande-Bretagne. Il y a des illogismes dans
toute cette situation qui, pour un économiste, sont pratiquement
scandaleux.
Maintenant, je reviens à une troisième question, les
conditions d'accès au présentoir, en relation avec la concurrence
que la Société des alcools ferait aux vins fabriqués ou,
du moins, patentés au Québec.
Dans la situation actuelle, avec 350 points de vente, les vins
fabriqués au Québec sont en concurrence avec quelque 900 autres
marques de vins dans des libres-services, donc, les vins du Québec sont
en concurrence avec beaucoup d'autres vins. En ouvrant 9000 nouveaux points de
vente et en limitant la concurrence, pour des raisons techniques et
économiques, à seulement dix marques de la Société
des alcools, on réduit considérablement la concurrence à
laquelle font face les vins du Québec présentement dans les
points de vente de la Société des alcools. (17 h 30)
De la sorte, nous allégeons considérablement la pression
de la concurrence que subissent les vins fabriqués au Québec; il
devrait alors s'ensuivre une augmentation formidable dans les épiceries
des ventes des vins fabriqués au Québec. Comme je l'ai
laissé entendre tout à l'heure, la substitution se fait
présentement entre les vins fabriqués au Québec et les
vins canadiens, et ce serait une insulte au consommateur du Québec de
lui fournir uniquement une catégorie de vins qui est quand même
fabriquée dans des conditions quelque peu artificielles. On fait venir
du moût, on ajoute de l'eau, on fait venir un peu d'autres vins qu'on
mélange. C'est quand même un vin de table qui peut être
utilisé, mais il faut peut-être donner au consommateur un choix
qui soit un peu plus vaste, et, en mettant des vins importés
embouteillés par la Société des alcools qui produisent
à peu près les mêmes retombées économiques
avec des vins du Québec. On ne rit pas du consommateur.
Je pense que cela aurait été rire du consommateur que de
dire: Seuls les vins du Québec... Si nous étions une
contrée qui produisait des vins, si on était des producteurs de
vins, j'aurais peut-être été à la rigueur... ma
tendance aurait été de créer un monopole
injustifié.
Dans les circonstances, je pense donc que nous trouvons un compromis
passablement équilibré, environ dix marques de la
Société des alcools, environ vingt marques du Québec, donc
un contre deux, avec un choix assez vaste avec les 350 autres magasins, parce
que le consommateur n'est pas prisonnier de cette opération. C'est un
point important. Le consommateur a quand même ses 350 points qui vont
s'accroître, parce que nous avons déjà annoncé
l'établissement d'environ 100 nouveaux points de vente. Nous
étions en retard sur l'Ontario et d'autres régions de
l'Amérique du Nord sur ce point; bientôt le consommateur sera
très bien servi. Je pense que les producteurs du Québec auront
une chance extrêmement intéressante. Par contre, la
Société des alcools pourra contribuer à agrandir ses
installations d'embouteillage et créer de l'activité
économique encore plus importante.
Il ne s'agit donc pas de concurrence déloyale, à mon avis.
Je pense que c'est une concurrence équilibrée qui suivra des
règles qui refléteront les grandes lignes directrices que j'ai
indiquées tout à l'heure concernant la présentation dans
les magasins. S'il y a entente entre les trois intervenants, le rapport sera de
un tiers, un tiers, un tiers. S'il n'y en a pas, ce sera
moitié-moitié entre les deux autres intervenants. Cela se fera de
façon passablement arithmétique.
Par contre, nous voulons éviter que le champ de distribution des
épiceries devienne un "free for all" pour les fabricants de vins du
Québec ils sont environ une dizaine. J'ouvre une
parenthèse pour dire que j'ai l'intention de scruter de très
près toute nouvelle demande de fabricants de vins pour l'octroi de
permis industriels, afin de ne pas répéter l'expérience
soit des motoneiges, soit des maisons mobiles, soit du cidre, parce qu'il peut
y avoir un engouement pour fabriquer du vin et qu'on ait tellement de petits
producteurs que, finalement, après quelques années, ils fassent
faillite.
J'étudie cette possibilité, parce qu'il y a là un
danger qui peut se présenter. Il serait donc dangereux de retrouver dans
les épiceries une lutte, pour le présentoir où on veut
retrouver la bouteille, une bouteille à tel endroit plutôt
qu'à tel autre. Vous savez que, par réglementation, nous avons
défendu aux agents des fabricants ou des importateurs d'aller dans les
magasins de la Société des alcools pour faire des pressions sur
la mise en marché, parce que vous savez que c'était quand
même une des sources de corruption qui avait terni le nom de la
Société des alcools: on soudoyait les vendeurs pour faire placer
telle marque en avant, telle marque au deuxième étage, etc.
Donc, nous ne voulons pas que l'ancien système qui
prévalait dans les anciens magasins de la Société des
alcools soit établi au niveau des 9000 petites épiceries. On veut
que les fabricants de vins du Québec laissent en paix les petites
épiceries et qu'une fois qu'on a déterminé un tiers, un
tiers, ce soit le petit épicier qui décide où il place ses
bouteilles dans tel étage et qu'on lui laisse la paix. Au besoin, on
adoptera une réglementation à cette fin, puisque je ne veux pas
qu'on revienne à l'ancien système du soudoiement des
employés de magasins.
M. Blank: Est-ce que la société va avoir les
mêmes inspections?
M. Tremblay: Elle l'a, je l'ai dit tout à l'heure. On a
voté un règlement à cette fin et il a été
publié dans la Gazette officielle. Il ne semble pas, M. le
député, que vous lisez la Gazette officielle.
M. Blank: Ce n'est pas ce que je dis. Vous m'avez mal compris.
J'ai dit que la société va avoir la même restriction de ne
pas forcer les épiciers à mettre leurs produits dans un endroit
spécial. C'est cela que j'ai dit.
M. Tremblay: Je comprends, mais, comme j'ai dit tout à
l'heure...
M. Blank: Vous êtes prêt à faire de la
politique à chaque minute.
M. Tremblay: On m'accuse de ne pas être un politicien,
d'être trop économiste. Je vous remercie du compliment.
M. Blank: On essaie d'être logique, de ne pas politiser les
débats, mais je ne peux pas.
M. Tremblay: Maintenant, qu'est-ce qu'il en coûte aux
fabricants québécois? Pas un cent, parce que,
présentement, le système qui existe avec la Société
des alcools va se poursuivre et c est la Société des alcools qui
amènera les vins, fera des ententes avec des grossistes, si c'est
nécessaire, dans des régions éloignées, pour amener
les vins dans les épiceries. Donc, le fabricant québécois
ne perd pas un cent, mais il n'a pas le droit d'aller dans les épiceries
pour y vendre son vin sans passer préalablement par la
Société des alcools. Le système demeure le monopole de la
société, donc la réponse à cela est assez courte.
En ce qui concerne les programmes de publicité, je pense que le simple
fait que nous proposions un projet de loi et que nous en discutions depuis
pratiquement huit ans, mais de façon intensive depuis deux ans, fait en
sorte que le vin dans les épiceries, c'est connu de beaucoup de gens,
créera un achalandage additionnel et, par conséquent, un
achalandage additionnel pour les vins vendus au Québec qui sont perdus
maintenant parmi les 960 qui sont déjà vendus par la
Société des alcools. La Société des alcools va sans
doute mettre sur pied un programme de publicité du présentoir
pour mettre l'accent sur le cidre, et les vins qu'elle vend, et je ne peux que
voir des effets bénéfiques et des retombées
bénéfiques de la capacité de la Société des
alcools à faire de la publicité pour ceux qui vont s'associer
à ce présentoir. Il est évident que la
Société des alcools est une grosse machine, mais on ne peut pas
lui demander de cesser de faire de la publicité parce qu elle est
grosse. Je pense qu'elle doit le demeu-
rer, elle doit croître, et nous allons insister pour qu'elle ait
des règles de rentabilité qui soient des plus précises
comme nous le faisons pour toutes les sociétés d'Etat, mais je
suis certain que la publicité qui est faite autour de cette question des
vins dans les épiceries et la publicité que la
société va certainement faire par après,
bénéficiera fortement au vin fabriqué au Québec et
au cidre désigné et entériné par la
Société des alcools.
Je pense qu'avec ces réponses, M. le Président, on a une
image passablement complète de l'opération. Il y a encore des
points d'interrogation qui découlent des négociations qui auront
cours, mais on sait que ces négociations se feront dans le cadre des
contraintes et des lignes directrices que j'ai indiquées et il n'y aura
donc pas de grandes surprises à attendre. Il s'agit de modalités
qui vont être précisées.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Huntingdon.
M. Dubois: Merci, M. le Président. Selon l'article 1,
seule la société peut désigner les vins dans les
épiceries. A la suite de cet article, un producteur de vins
québécois qui aurait investi une somme d'argent
considérable dans le développement d'un vin particulier, qui
aurait dépensé aussi énormément d'argent au niveau
de la publicité pour mousser son vin, peut se voir refuser ce vin
particulier au niveau du présentoir? S'il est bon. S'il n'est pas
bon...
M. Tremblay: La réponse à cela est très
claire, pour un nouveau produit, il faudra que le fabricant
québécois teste ce produit dans les points de vente
réguliers de la Société des alcools, 350 maintenant, et ce
nombre montera à au-delà de 400, et il pourra lui-même
faire une substitution, si ce vin est un bon vendeur, avec un des vins qu'il
vend déjà dans les épiceries et mettre dans les
épiceries celui qu'il pense être le meilleur vendeur. Mais il
faudra qu'il fasse des substitutions. Il n'est pas question de monter de 30,
40, 50, 100 ou 125 vins. Je vous donne mon opinion d'économiste, 90 vins
fabriqués au Québec présentement, comment voulez-vous
faire de la publicité autour de 90 vins? C'est beaucoup trop. C'est
comme les cidres il y a quelques années.
M. Dubois: Je voulais en venir...
M. Tremblay: On fabriquait tellement de cidres qu'on ne se
retrouvait plus dans la publicité. Donc, grâce à ce
réseau de la Société des alcools, les fabricants de vins
ont un réseau qui permet un test qui s'avère extrêmement
intéressant pour leurs nouveaux produits.
M. Dubois: Où je voulais en venir, est-ce qu'il y aura
quand même un dialogue entre les producteurs de vins
québécois et la SAQ au niveau de leur...
M. Tremblay: Cela existe déjà. Il y a
déjà une entente avec les fabricants de vins. Elle met en vente
leurs produits.
M. Dubois: II y a un dialogue possible, constant, entre les
fabricants et la SAQ?
M. Tremblay: Oui, c'est la fonction de la SAQ.
M. Dubois: J'aimerais savoir où se situent les
chaînes d'alimentation là-dedans. Est-ce qu'elles auront le droit
d'acheter en quantité pour redistribution à leurs clients
normaux?
M. Tremblay: Les chaînes, bon. Nous n'avons pas voulu
revoir le fond de la Loi de la Société des alcools et le fond de
la Loi de la Commission de contrôle des permis d'alcool.
Bien plus, étant donné que nous voulions mettre l'accent
sur les détenteurs de permis d'épicerie actuels qui sont des
indépendants surtout, et que nous voulions renforcer ce secteur,
consolider ce secteur, nous n'avons pas tendance à modifier les lois
existantes. De sorte que les chaînes peuvent distribuer du cidre, ce qui
a été un élargissement apporté il y a quelques
années pour essayer de renflouer le cidre, mais vous voyez que cela n'a
pas donné tellement de bons résultats, même si on a
élargi la vente aux chaînes. Ainsi les chaînes ne sont pas
comprises dans le projet de loi 21, parce qu'elles ne le sont pas dans les deux
lois qui sous-tendent la loi 21.
M. Dubois: ... par la chaîne ou est fourni directement par
la SAQ à ce moment-là.
M. Tremblay: Non, ça change quelque chose; la SAQ doit
garder son monopole pour garder la qualité, donc, la SAQ ne peut pas
confier à une chaîne... Vous faites peut-être allusion
à des Provisoir, des Métro?
M. Dubois: C'est ça.
M. Tremblay: Ce sont des chaînes indépendantes.
M. Dubois: Steinberg.
M. Tremblay: Non, Steinberg...
M. Dubois: Provigo, Métro, Richelieu...
M. Tremblay: ... c'est une chaîne possédée
à plein.
M. Blank: Mais il vend du cidre, Steinberg.
M. Tremblay: Oui, mais il ne vend pas de bière.
M. Blank: Non.
M. Dubois: Je parle des chaînes comme Provigo qui ont
environ 9000 "outlets" au Québec.
M. Tremblay: Les indépendants qui font partie de
chaînes possèdent déjà des permis de bière et
de cidre; ils vont continuer à avoir le droit de vendre du vin.
M. Dubois: Les vins déjà acceptés par la
société pour être mis en présentoir, cela ne change
rien que ces vins viennent de Provigo, de Richelieu ou de la SAQ. A ce
moment-là, ce sont des vins spécifiques acceptés par la
société.
M. Tremblay: Cela ajouterait un intermédiaire et comme la
marge d'exploitation n'est pas tellement large, moins il y aura
d'intermédiaires, mieux ce sera. Mais il n'est pas exclu que la
Société des Alcools fasse des ententes avec les grossistes ou
avec des chaînes d'indépendants pour qu'ils fassent la
distribution dans des régions où il ne serait pas
économique pour la Société des alcools d'avoir un
réseau de camions.
Je souligne le fait que la Société des alcools a quand
même un réseau de camions qui approvisionne les 12 000
restaurateurs et hôteliers au Québec présentement. Il y a
déjà un système qui existe, de sorte que les coûts
d'implantation d'un réseau d'approvisionnement des épiceries ne
seront peut-être pas tellement élevés. Le but est d obtenir
un système plus économique d'approvisionnement et la
Société des alcools a pleine liberté de procéder
dans la direction qui lui semble la plus économique. Parce que la
Société des alcools doit être une société
efficace.
Quand j'ai mentionné majoration fiscale, majoration commerciale,
tout à l'heure, on surveillera la Société des alcools dans
sa majoration commerciale et on s'attend à ce qu'elle fasse des
progrès d'augmentation de productivité, qu'elle soit rentable. Il
faut qu'elle prenne de bonnes décisions commerciales.
M. Dubois: Si on parle de majoration au Québec sur les
vins québécois, c'est de 85% à 95% de majoration qu'on a
ici, tandis qu'en Ontario, il y a 38% de majoration sur les vins ontariens.
Alors, je me demande pourquoi la très grande différence entre
cette majoration ontarienne et québécoise.
M. Tremblay: Dans le cas de l'Ontario et de la
Colombie-Britannique, qui veulent protéger leur agriculture et veulent
aussi protéger le raisin et les pommes, ii en est ainsi pour le cidre.
Mais j'ai donné tout à l'heure des chiffres, en fournissant un
tableau qui montre que le vin canadien, même s'il est favorisé par
toutes sortes de mesures fiscales en Ontario, ne réussit pas à
concurrencer le vin fabriqué ici même au Québec. Il semble
qu'il y a une tendance à la substitution.
M. Blank: En fait, c'est la SAQ qui met des restrictions sur
l'importation des vins d'Ontario et des autres endroits.
M. Tremblay: Je pense que le député d'Outremont
pourrait vous répondre que ce genre de manipulation des taxes à
des fins protectionnistes...
M. Blank: C'est déjà fait. Je ne parle pas de
taxe.
M. Tremblay: ... peut enfreindre les règles du GATT.
M. Blank: Je ne parle pas de taxe. Ne me faites pas dire des mots
que je n'ai pas dits. Je ne parle pas de taxe.
M. Dubois: Oui, mais une majoration.
M. Tremblay: C'est parce que j'ai répondu à une
question du député de Huntingdon qui avait parlé de
majoration fiscale.
M. Blank: II n'y a pas longtemps, il y a eu une chicane entre le
Québec et l'Ontario. L'Ontario ne voulait pas vendre des vins du
Québec, parce que le Québec refusait de vendre des vins de
l'Ontario. (17 h 45)
M. Tremblay: Le problème avec l'Ontario, c'est qu'elle ne
veut pas vendre nos cidres. C'est cela le problème.
M. Blank: Est-ce que la diminution de la vente des vins canadiens
est une vraie diminution ou si c'est une diminution artificielle imposée
par la SAQ pour acheter ces vins-là?
M. Tremblay: Vous avez raison, probablement que les deux raisons
sont en cause. La société est moins enthousiaste et je suis
certain qu'elle va devenir plus enthousiaste s'il y a des ententes d
établies avec l'Ontario, non seulement pour le vin fabriqué au
Québec, mais surtout le cidre qui n'est pas accepté en Ontario,
peut-être parce que le cidre du Québec n'a pas donné une
preuve de qualité et de stabilité. Peut-être qu'en
revalorisant la qualité du cidre du Québec, on fait d'une pierre
deux coups. On accroîtra peut-être les exportations de cidre. Ceci
serait extrêmement souhaitable.
M. Dubois: Est-ce que vous avez des négociations avec
l'Ontario présentement au niveau de la vente du cidre
québécois là-bas?
M. Tremblay: II y a des pourparlers, semble-t-il, mais on ne peut
pas appeler cela des négociations. Ce sont deux gros
éléphants, voyez-vous.
M. Dubois: Ils sont vraiment protectionnistes.
M. Tremblay: Je pense que ce sont...
M. Raynauld: II y a une association avec l'Ontario
là-dessus.
M. Dubois: Mais cela n'a rien à voir avec...
M. Tremblay:... avec des clauses de
réciprocité.
M. Raynauld: Mais ce serait peut-être avantageux, en effet,
parce que, lorsque arrivent les deux...
M. Tremblay: C'est pour cela qu'on a recommandé, en
éducation, de faire des ententes de réciprocité. Je pense
que si on pouvait le faire pour l'éducation, cela serait d'autant plus
facile de le faire pour le vin et pour le cidre.
M. Dubois: Les mesures protectionnistes de l'Ontario n'ont rien
à voir avec les négociations du GATT.
M. Tremblay: Pardon?
M. Dubois: Les mesures protectionnistes de l'Ontario n'ont rien
à voir avec les négociations du GATT. Vous avez soulevé
cela tout à l'heure, mais il reste que...
M. Tremblay: Non. Les mesures fiscales ont affaire avec le GATT,
parce que vous pouvez, par des majorations différenciées, selon
la provenance des produits, introduire un quasitarif à l'importation.
Par exemple, si on n'avait aucune majoration fiscale pour le vin
fabriqué au Québec et une majoration fiscale de 90% pour le vin
importé, il s'agirait effectivement d'un tarif de 90%.
M. Dubois: Qu'est-ce qui arrive dans le cas de l'Ontario? Est-ce
que vous avez des données?
M. Tremblay: Je sais que l'Ontario a une majoration fiscale
différente pour les vins de l'Ontario par rapport aux autres vins. Mais,
comme je l'ai dit tout à l'heure, l'Ontario est un producteur de
raisins.
M. Dubois: D'accord. Mais il reste quand même que
l'écart est fantastique entre les deux, de 37% à 95%. ou 85%.
M. Tremblay: Malgré cela, les Ontariens achètent de
plus en plus de vin importé.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Il y a plusieurs
questions que je voudrais poser au ministre, premièrement, en ce qui a
trait au tableau qu'il vient de nous fournir...
M. Tremblay: Est-ce que je pourrais poser une question? On me
demande s'il y a possibilité que nous siégions ce soir, de 8
à 10 heures? Est-ce que cela conviendrait aux membres ou si vous
préféreriez qu'on retarde à mardi?
M. Raynauld: Je suis censé être occupé
à une autre commission ce soir. Et, en plus, il y a un ordre de la
Chambre.
M. Tremblay: A moins que nous terminions avant six heures. Si
vous pensez qu'on a suffisamment répondu aux questions. Tous les autres
articles, dans le fond, c'est simplement de la concordance.
M. Raynauld: Vous voulez l'adopter?
M. Tremblay: Pas nécessairement, je
préférerais qu'on retarde à mardi, pour ma part.
M. Blank: D'accord, mardi.
M. Tremblay: On va attendre à mardi.
M. Blank: C'est un ordre de la Chambre déjà.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Duplessis.
Une Voix: Mardi.
M. Perron: M. le Président, je disais donc que le ministre
nous avait présenté un tableau pour ce qui a trait aux vins et
cidres fabriqués au Québec ainsi que des vins canadiens vendus au
Québec. Je me pose la question. Pour ce qui a trait aux vins
embouteillés par la Société des alcools du Québec,
est-ce qu'on a un autre tableau qui pourrait nous dire combien il y a de
gallons de vins embouteillés par la société qui sont
vendus au Québec?
M. Tremblay: Je peux vous donner le renseignement que j'ai.
M. Perron: Approximatif.
M. Tremblay: La Société des alcools vend pour
environ $150 millions de vins. Elle en embouteille à peu près le
tiers.
M. Perron: 150 millions de gallons?
M. Tremblay: $150 millions...
M. Blank: Ce n'est pas là la question.
M. Tremblay: ... ce qui représente à peu
près le tiers de ses ventes aussi, qui sont d'environ $400 millions.
M. Blank: II ne répond pas à sa question.
M. Perron: Je parle au niveau du "gallonna-ge"
approximativement.
Une Voix: C'est 2 150 000 gallons.
M. Tremblay: Un instant! Je vais demander un renseignement: 2 150
000 gallons de vin sont embouteillés par la Société des
alcools.
M. Perron: D'accord. Merci, M. le ministre. Si vous permettez, je
voudrais revenir aux présentoirs. On sait que ces présentoirs
seront financés
par la Société des alcools et préparés aussi
selon certains règlements et critères; ainsi, ils devront s
adapter à certains vins et cidres fabriqués ou
embouteillés au Québec. Compte tenu du fait que ces
présentoirs seront fabriqués au Québec, est-ce que ceux-ci
seront diversifiés, premièrement et, deuxièmement...
Une Voix: Les présentoirs.
M. Perron: Les présentoirs demeureront-ils la
propriété de la SAQ, dans l'éventualité de la
fermeture d'une épicerie quelconque ou d'un transfert?
M. Tremblay: Pour ce qui concerne les présentoirs, il est
évident que la Société des alcools a fait des
démarches préliminaires, mais ne pouvait pas procéder de
façon définitive tant que le projet de loi n'était pas
adopté. Il faut que ces présentoirs répondent à des
normes de marketing qui soient uniformes, parce que cela coûterait
énormément cher que d'avoir un présentoir
personnalisé pour chacun des magasins, les 9000 magasins. On me dit que
ce sera sans doute un présentoir classique, fait en acier.
M. Blank: Pourquoi déposer cela comme cela? Ce n'est pas
ce qu'on demande.
M. Tremblay: C'est parce que ces choses doivent être
négociées. On ne peut présumer des négociations.
Donc, ce sera un présentoir. J espère qu'il ne sera pas laid,
qu'il sera beau.
M. Perron: Uniforme pour tout le Québec?
M. Tremblay: Uniforme pour tout le Québec, mais avec des
sections. C'est-à-dire qu'un petit magasin peut avoir une section, un
plus grand peut en avoir deux et un autre plus grand peut en avoir trois. Il y
aura donc une flexibilité quant au présentoir. D'autre part...
Qu'est-ce que vous demandez?
M. Perron: Est-ce qu'ils demeureront la propriété
de la société?
M. Tremblay: Oui, parce que la Société des alcools
se sert du présentoir pour contrôler la qualité, la mise en
marché, pour éviter que le consommateur soit
pénalisé.
M. Raynauld: Des ordinateurs IBM.
M. Tremblay: La Société des alcools garde le
contrôle du présentoir et, si l'entente n'était pas
respectée, elle garde le droit de retirer le présentoir. Mais ce
sera dans des cas biens spécifiques.
M. Perron: Si vous me permettez, M. le Président, je
voudrais maintenant revenir aux vins, à la question de la distribution
que vous avez mentionnée tout à l'heure. Est-ce que j'ai bien
entendu que la distribution des vins dans les épiceries se fera
gratuitement?
M. Tremblay: II n'y a rien de gratuit sous ce soleil, M. le
député. Comme je l'ai dit tout à l'heure, en parlant de
rentabilité, il y aura des ententes entre la Société des
alcools et les épiciers, de façon que l'opération soit
rentable pour les épiciers, mais soit aussi rentable pour la
Société des alcools. Il y aura un rabais. Les épiciers
vont avoir le choix soit de demander à la Société des
alcools de faire la livraison, une fois par semaine, ou à d'autres
occasions, de certains vins, où eux-mêmes auront accès aux
350 points de vente et recevront le rabais, s'ils étaient mal pris, par
exemple, pour obtenir rapidement de l'approvisionnement. C'est la beauté
du système de la Société des alcools. Elle a des
réseaux de distribution déjà bien établis. Ce n'est
pas gratuit, mais il y a un rabais qui sera négocié avec les
épiceries, qui leur sera accordé pour la majoration.
M. Perron: Est-ce que vous parlez d'un rabais sur les vins ou
d'un rabais sur...
M. Tremblay: Sur les vins, parce que la distribution aux
épiciers est gratuite dans le sens que...
M. Dubois: ... les restaurants et les hôtels...
M. Tremblay: Dans le cas des hôtels, est-ce qu'ils peuvent?
On me dit que cela sera le même système pour les restaurateurs et
pour les hôteliers, c'est-à-dire que, lorsqu'ils demandent une
livraison, ils paient. Dans le cas des épiceries, si ces gens veulent
éviter les frais de livraison, ils pourront aller dans un des 350
magasins prendre leur vin et l'apporter, et avoir le rabais directement. Donc,
il y a une flexibilité à ce niveau.
M. Perron: Maintenant, une couple de questions en rapport avec
les cidres vendus au Québec. On remarque que la vente des cidres au
Québec est à la chute, pas en chute libre, mais disons que cela
baisse d'année en année. Est-ce que vous pourriez me dire s'il y
a seulement des cidres fabriqués au Québec qui sont vendus au
Québec? Ce que je veux dire, c'est: Est-ce qu'on vend dans les
épiceries...
M. Tremblay: Exclusivement, oui.
M. Perron:... exclusivement des cidres québécois?
Donc, il n'y a aucune importation.
M. Tremblay: ... et aussi dans les magasins de la
Société des alcools.
M. Perron: II n'y a aucune importation de cidres qui
proviendraient de l'Ontario ou d'ailleurs?
M. Tremblay: Non.
M. Perron: Maintenant...
M. Raynauld: ... on a perdu une raison.
M. Tremblay: Une raison de quoi?
M. Raynauld: De la chute, parce que, d'habitude, ce sont les
importations.
M. Tremblay: ... l'état du problème.
M. Perron: Maintenant, toujours en rapport avec les cidres qui
sont vendus au Québec, donc faits au Québec, est-ce que vous
pourriez me dire si les règlements qui sont appliqués, qui
devraient être appliqués par la Société des alcools
du Québec sont très bien suivis en ce qui a trait à la
qualité des cidres eux-mêmes?
M. Raynauld: II n'y a pas de contrôle de la SAQ
là-dessus.
M. Tremblay: II y a des exigences de propreté et de
fabrication du cidre, mais le goût, lui, n'est pas contrôlé
par la Société des alcools. La qualité tactile n'est pas
contrôlée par la Société des alcools. Donc, il est
difficile de dire que ces règlements ne sont pas suivis. Je
présume qu'ils le sont, mais, ce qui manque, c'est une surveillance
additionnelle concernant la stabilité du goût. Lorsqu'on parle de
qualité, évidemment, d'un produit de consommation comme le cidre,
c'est de garder le goût uniforme, et c'est là où la lacune
semble être la plus forte.
M. Perron: Donc, selon vous, cela pourrait avoir contribué
à diminuer, de 1976 à 1977, de 971 000 gallons à 811 000
gallons.
M. Tremblay: Je n'ai pas...
M. Perron: Cela pourrait être une des raisons.
M. Tremblay: Cela pourrait certainement être une des
raisons puisqu'il n'y a aucun contrôle de la qualité de la part de
la SAQ.
M. Perron: Une dernière question, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): Une dernière, courte
question, étant donné l'heure.
M. Perron: Oui. Est-ce que la Société des alcools
du Québec a l'intention justement de réglementer cette fameuse
qualité?
M. Tremblay: J'ai mentionné tout à l'heure que ceci
dépendra de la liberté des producteurs de cidre qui devront faire
une entente avec la Société des alcools. Ils ont pleine
liberté, soit de continuer dans le système actuel, soit de faire
des ententes avec la Société des alcools pour être inclus
dans le présentoir.
M. Perron: Merci.
Le Président (M. Boucher): Alors, compte tenu de l'heure,
nous devons ajourner nos travaux.
M. Tremblay: Est-ce que je pourrais proposer qu'on adopte
l'article 1?
Le Président (M. Boucher): L'article 1 est-il
adopté?
Des Voix: Non, non.
Le Président (M. Boucher): Non? Alors...
M. Blank: On a de petits amendements pour améliorer votre
loi.
Le Président (M. Boucher): La commission ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 17 h 57)