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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le jeudi 4 mai 1978 - Vol. 20 N° 63

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 21 - Loi autorisant la vente de certains vins dans les épiceries


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 21

(Dix heures dix-sept minutes)

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'industrie et du commerce est réunie ce matin pour étudier article par article le projet de loi no 21, Loi autorisant la vente de certains vins dans les épiceries.

Les membres de la commission sont: M. Blank (Saint-Louis), remplace M. Ciaccia (Mont-Royal); M. Dubois (Huntingdon), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Michaud (Laprairie), remplace M. Grégoire (Frontenac); Mme Leblanc (Iles-de-la-Madeleine), M. Lefebvre (Viau), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Raynauld (Outremont), M. Shaw (Pointe-Claire), M. Tremblay (Gouin).

Les intervenants sont M. Caron (Verdun), M. Gagnon (Champlain), M. Godin (Mercier), M. Bellemare (Johnson), remplace M. Goulet (Bellechasse); M. Landry (Fabre), M. Perron (Duplessis), M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Vaillancourt (Orford).

Est-ce qu'il y a un rapporteur...

M. Michaud: M. le Président, est-ce que je pourrais proposer le député de Beauce-Nord?

Le Président (M. Boucher): M. Ouellette?

M. Michaud: M. Ouellette.

Le Président (M. Boucher): Alors, M. Ouellette est donc rapporteur. M. le ministre.

Projet de loi no 21

M. Tremblay: M. le Président, je vous remercie. Je proposerais donc que nous procédions article par article, étant donné que le projet de loi a été adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture à l'unanimité et que nous considérions le premier article.

Est-ce que vous désiriez que je lise le premier article, M. le Président?

Le Président (M. Boucher): Non. Est-ce qu'il y a des commentaires du côté de l'Opposition?

M. Raynauld: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Le député d'Outremont.

M. Raynauld: Je pense que la pratique autorise des déclarations préliminaires avant de passer à l'étude plus précise des articles.

M.Tremblay: Dans ce cas-là, M. le Président, si l'Opposition le souhaite, je peux faire une déclaration préliminaire.

M. Raynauld: Pardon?

M. Tremblay: Si vous souhaitez, je peux faire une déclaration préliminaire dans le but, peut-être, d'éviter que l'on revienne indûment.

M. Blank: D'accord.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Raynauld: Nous sommes entièrement d'accord.

Remarques préliminaires M. Rodrigue Tremblay

M.Tremblay: Mes propos, M. le Président, seraient pour enchaîner sur le débat que nous avons tenu à l'Assemblée nationale en deuxième lecture et revenir sur le sens même de cette loi.

Cette loi — je veux insister fortement sur cela — ne vise pas à réduire ou à éliminer la responsabilité de la Société des alcools dans la commercialisation des alcools au Québec. La Société des alcools est un monopole et ce système nous a très bien servis au cours du demi-siècle d'existence de la Société des alcools.

La Société des alcools a permis d'importer des produits, d'acheter de grandes quantités d'alcool en se servant de son pouvoir d'achat et d'obtenir ainsi des prix inférieurs à ce qu'il aurait été possible d'obtenir autrement. Elle a permis de réglementer un marché difficile quant à la réglementation. Elle a permis d'établir un réseau de distribution, un mode de commercialisation qui garantit aux consommateurs un produit de très haute qualité.

Je crois que le Québec se distingue en Amérique du Nord par la réputation, quant à sa Société des alcools, de mettre à la disposition des consommateurs un produit qui est non seulement bon marché en termes relatifs, mais aussi de qualité irréprochable.

Le but du présent projet de loi est d'accroître les services de la Société des alcools dans le domaine de la commercialisation en permettant au réseau des petites épiceries au Québec de faire la commercialisation de certains vins.

Il ne s'agit donc pas de retirer à la Société des alcools une quelconque responsabilité dans la mise en marché des vins. Il s'agit plutôt d'une extension de la responsabilité de la Société des alcools d'importer, de vendre et de distribuer des vins, d'étendre cette responsabilité au réseau des épiciers indépendants.

Ce faisant, nous poursuivons trois buts interreliés et complémentaires. Le premier est d'accroître les services à la clientèle québécoise. Les modes de consommation, les modes de vie se sont considérablement modifiés au cours des dernières décennies, de sorte que la consommation du vin est très étroitement reliée à la vente des autres produits alimentaires.

II nous est apparu anachronique que les maîtresses de maison aient, en faisant leurs emplettes, à se présenter à deux points de vente différents, souvent à des distances passablement longues pour obtenir des produits qui sont devenus, dans les faits, complémentaires.

Le deuxième objectif poursuivi est de permettre à notre réseau de distribution, de commercialisation des produits alimentaires au Québec, celui contrôlé par les épiciers indépendants, de raffermir sa position sur ces marchés et d'offrir un meilleur service à la clientèle.

Contrairement à l'Ontario où les grandes chaînes occupent 60% du marché de l'alimentation, alors que les indépendants n'en occupent que 40%, au Québec, nos épiciers indépendants contrôlent de 55% à 60% des marchés de l'alimentation. Or, comme il s'agit de petites épiceries qui sont très rapprochées des gens, qui vivent la vie des quartiers, dans les municipalités comme dans les villages, il nous apparaît qu'il est socialement et économiquement souhaitable que ce réseau d'épiciers continue d'exister et de prospérer. Ces épiceries, qui détiennent des permis de vente de bière et de cidre, pourront, avec cette loi, ajouter les vins désignés à leur gamme de produits alcooliques.

D'autre part, le troisième objectif poursuivi, c'est en même temps de créer des retombées économiques au Québec. C'est évident que l'industrie vinicole n'est pas une industrie autochtone pour le Québec, ce n'est pas une industrie qui découle d'une matière première comme la pomme par exemple, dans le cas du cidre. Nous devons importer les raisins ou importer le jus de raisin ou le vin. Mais les activités connexes à la fabrication du vin sont importantes au plan économique. Les activités qui sont reliées à l'embouteillage, entre autres, sont très importantes. Les activités rattachées à l'achat de bouteilles, à la fabrication de bouteilles, à la fabrication de boîtes de carton sont donc des activités qui sont peu négligeables pour des industries comme l'industrie du verre et l'industrie du papier et du carton pour le Québec. Donc, devant faire un choix dans le type de produits qui peut avoir accès dans les épiceries... Parce qu'il serait économiquement insensé et irréalisable de concevoir un élargissement du mode de commercialisation pour l'ensemble des vins dans les épiceries, le coût de mise en marché étant tellement prohibitif et, comme la Société des alcools possède un réseau d'environ 350 magasins et que ses prix sont relativement très concurrentiels, une telle opération d'élargissement aurait été économiquement impossible à réaliser. Donc, devant choisir — et il y a d'autres raisons sur lesquelles je reviendrai plus tard — nous avons choisi de privilégier les produits qui sont susceptibles de créer le maximum de retombées économiques au Québec.

Donc, M. le Président, il s'agit ici des points essentiels que je voulais souligner parce qu'ils reflètent l'esprit de la loi et l'intention du gouvernement dans cette loi.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le député d'Outremont.

M. André Raynauld

M. Raynauld: Je vous remercie, M. le Président. Je voudrais d'abord réaffirmer ce que j'ai affirmé, avant-hier, dans le discours de deuxième lecture, savoir que l'Opposition officielle est d'accord sur le principe qui sous-tend ce projet de loi. Nous sommes favorables à une accessibilité beaucoup plus grande pour les consommateurs par les très nombreux points de vente que représentent les détenteurs de permis d'épicerie par comparaison aux magasins relativement peu nombreux de la Société des alcools du Québec.

Nous sommes d'accord sur le principe de cette loi. Cela dit, je suis obligé ici de reconnaître, dès le départ, que ce projet de loi a des lacunes très importantes sur le plan de la présentation, sur le plan du libellé. Ces lacunes reflètent des lacunes beaucoup plus importantes qui se sont manifestées depuis déjà plusieurs mois et qui touchent vraiment le fond dans le sens suivant? Il semble que le gouvernement ait décidé, il y a quelque temps, du principe de ce transfert de la distribution des vins aux épiceries et qu'il ait refusé, jusqu'à maintenant, d'en examiner les conséquences, d'en examiner les modalités d'application et de discuter avec les intéressés, des conséquences que peuvent avoir, pour eux, les applications éventuelles qui viendront par les règlements.

Alors, j'ai noté aussi, dans le discours de deuxième lecture, pour ce qui concerne la facture du projet de loi, qu'il n'y avait absolument rien dans ce projet et que tout était dans les règlements à venir. Il n'y a même pas d'objectifs indiqués, dans le projet de loi, qui viendraient, en quelque sorte, encadrer les règlements que le gouvernement voudra faire.

Il y a des problèmes très considérables lorsqu'il s agit de voir quel va être l'impact de cette opération sur les gens qui sont dans ce domaine. Je pense aux fabricants de cidre, aux épiceries, aux détaillants; je pense à la SAQ, et à l'ensemble des gens qui sont concernés par ce genre de commerce. Il est de notoriété publique qu'il a été extrêmement difficile pour les gens concernés d'exprimer leurs points de vue, de se faire entendre par le gouvernement et d'en arriver à une certaine connaissance mutuelle des intentions véritables du gouvernement et des modalités d'application de cette loi. (10 h 30)

Comme je l'ai dit tout à l'heure, dans le projet de loi, on n'a pas de critère ni même d'objectif; on n'a évidemment pas de règles du jeu. Il faut bien se rendre compte qu'on ne peut pas décider, du jour au lendemain, de distribuer une certaine catégorie de vins dans 9000 points de vente sans que les gens qui fabriquent ces vins ne soient directement impliqués. Quand il y aura une sorte de vin qui sera désignée par la SAQ pour être

vendue dans 9000 points de vente, plusieurs autres, elles, n'auront pas accès à ces points de vente.

Imaginez les entreprises qui sont dans ce domaine et qui ont à décider de leurs investissements, de leur programme de production, de la commercialisation et de la mise en marché. Il n'y a absolument rien à l'heure actuelle qui permette à ces personnes, à ces gens directement impliqués, dont c'est la vie professionnelle, de savoir ce qui va se produire, ce qui les attend.

Je n'ai pas encore parlé des fabricants de cidre. Il est évident que, pour eux, les retombées ont de grosses chances d'être négatives, puisque les fabricants de cidres ont déjà accès directement aux détenteurs de permis d'épicerie. Du jour au lendemain, on leur dit: Vous aurez également la concurrence de certains vins, mais on ne sait pas encore lesquels.

Ces gens ont fait des investissements. Ils voudraient savoir ce qui va leur arriver. Ils voudraient savoir ce que le gouvernement entend faire pour protéger ces investissements qu'ils ont faits en toute bonne foi avec l'aide du gouvernement, avec l'appui du gouvernement. Aujourd'hui, on leur dit: On met les vins en vente dans les épiceries, sans avoir daigné les entendre, sans avoir daigné répondre même aux mémoires qu'ils ont pu présenter, il y a déjà plusieurs mois.

Les fabricants de vins, de leur côté, sont dans une situation analogue, dans la plus grande obscurité possible. Pourtant, ils fabriquent des vins. Ils doivent être vendus. Pour les fabriquer, il faut qu'on prenne les mesures en conséquence. Il faut qu'on ait les capacités de production pour faire ces choses-là. Il y a peut-être des fabricants de vins qui s'attendent que leurs vins soient désignés et qui ne le seront pas. Ces gens, qu'est-ce qu'ils vont faire de leur capacité de production s'ils ont décidé, à leur tour, de répondre à cette invitation du gouvernement?

Motion priant la commission d'entendre les organismes intéressés

Je crois qu'il serait absolument indispensable à ce stade-ci — je vais en faire une motion, M. le Président — que cette commission parlementaire entende les gens qui sont directement concernés par l'application de celle loi. Je vais faire motion pour que soient entendus, avant le début de l'étude article par article du projet de loi 21, un certain nombres d'oganismes.

Je ne voudrais pas en faire une liste exhaustive. Elle pourrait être préparée d'ailleurs par des gens plus compétents que moi. Mais il est évident qu'on devrait entendre devant cette commission, d'abord, la Société des alcools du Québec, directement impliquée dans ce projet; l'Association des détaillants de l'alimentation, l'Association des épiciers en gros, les fabricants de vins, les pomicul-teurs, les brasseurs, l'ensemble des associations concernées dans la fabrication et la distribution de vin et de cidre au Québec.

Il va de soi qu'une commission parlementaire qui veut prendre son rôle au sérieux, devrait pouvoir s'informer des répercussions qu'un projet de loi comme celui-ci pourra avoir sur les gens directement concernés. J'espère que le ministre voudra accepter cette motion que nous faisons en toute bonne foi, que nous faisons, dans une grande mesure, avec pleine connaissance de cause, mais j'aimerais que cette motion soit acceptée et qu'on entende les parties avant le début de l'étude article par article. Merci, M. le Président.

M. Tremblay: M. le Président, est-ce que je peux répondre à la motion?

Le Président (M. Boucher): Nous avons devant nous une motion pour que soient entendus avant le début de l'étude article par article du projet de loi les organismes suivants... En fait, je n'ai pas la liste des organismes...

M. Raynauld: Je modifierais la formulation de la motion pour dire: Les principaux organismes concernés par l'application de la loi.

M. Michaud: Un message par pigeon voyageur?

M. Raynauld: Pardon?

M. Michaud: C'est un message par pigeon voyageur?

M. Raynauld: Ce n'est pas un message. Nous avons des recherchistes qui sont chargés justement de préparer des motions. Il n'y a rien d'anormal là-dedans.

M. Blank: Anciennement, le pigeon était Louis Bernard.

Le Président (M. Boucher): Avant d'aller plus loin, j'aimerais entendre les arguments sur la recevabilité de cette motion, étant donné...

M. Blank: Des arguments pressants?

Le Président (M. Boucher): ... que le mandat actuel de la commission est d'étudier article par article le projet de loi 21.

M. Michaud: Est-ce que vous pourriez la relire, s'il vous plaît?

M. Raynauld: Sur la recevabilité?

Le Président (M. Boucher): La motion se lit comme suit: Que soient entendus avant le début de l'étude article par article du projet de loi 21 les organismes...

M. Raynauld: Concernés par l'application de la loi.

Le Président (M. Boucher): ... concernés par l'application de la loi.

M. Raynauld: Je m'excuse de ma mauvaise écriture. Sur la recevabilité?

Le Président (M. Boucher): Sur la recevabilité.

M. Bellemare: Est-ce qu'il n'y aurait pas possibilité, avant l'étude de cette motion, de maintenir l'alternance pour que le parti de l'Union Nationale puisse se faire valoir à la suite du ministre et du Parti libéral, cette alternance qui est toujours respectée dans les commissions parlementaires, pour que notre représentant officiel puisse donner son opinion? Après cela, on reviendra à l'étude de la recevabilité de la motion.

Le Président (M. Boucher): Est-ce que les membres sont d'accord? Oui?

M. Tremblay: M. le Président, je crois que, sur cette question, il conviendrait que nous disposions de cette motion avant de continuer les remarques préliminaires. Je pense que l'Opposition officielle a présenté une motion. Je crois que nous devrions en disposer dès maintenant pour maintenir le déroulement de nos travaux.

Le Président (M. Boucher): Nous avons devant nous une motion dont il faut disposer, à savoir si elle est recevable ou non. J'aimerais entendre les arguments sur la recevabilité.

M. Raynauld: Sur la recevabilité, M. le Président, je dirai que la principale justification de cette motion tient aux très nombreux précédents qui existent. J'ai participé à un très grand nombre de commissions depuis un an. Dans tous les cas, des motions de ce genre ont été reçues. Je pourrais mentionner que nous avons discuté très longuement, par exemple, dans le cas de l'assurance automobile pour savoir si on devait entendre les parties. Un compromis a été finalement accepté d'entendre certaines personnes. Durant l'étude de la loi 45, une motion a été présentée; il y a eu là aussi un compromis. On a accepté certains organismes — pas tous — dans le domaine des communications, cette semaine. De nouveau, à l'occasion de l'étude des crédits, une motion a été présentée pour les communications, et, finalement, un compromis a été accepté par les deux partis. Il y a eu l'amiante, quoique dans le cas de l'amiante, je ne sais pas s'il y a eu des motions formelles de présentées, mais je pense que, là encore, plusieurs intéressés ont été invités à se présenter devant la commission.

Si on s'en tient au règlement, à l'artile 154, on dit: "En commission plénière ou élue, après la deuxième lecture, on ne peut discuter que les détails d'un projet de loi et il ne peut y avoir audition publique que devant une commission élue pourvu que celle-ci y consente. "

Alors, il suffit que la commission y consente pour que cette pratique soit acceptée. Je pense avoir donné, tout à l'heure, des raisons de fond qui justifient une telle motion. Compte tenu des cinq ou six précédents que je viens de vous donner, compte tenu également du règlement d'après lequel il suffit que la commission y consente pour qu'on puisse entendre les intéressés, je pense que vous devriez accepter cette motion.

M. Tremblay: M. le Président, si le projet de loi no 21 était un projet de loi portant sur une matière nouvelle, qui n'avait pas été discutée à fond dans d'autres occasions, si, comme le dit le député d'Outremont, il n'y avait pas eu suffisamment de consultation...

M. Blank: Question de règlement! Excusez-moi, M. le ministre. Le président a demandé qu'on discute la question de la recevabilité. Maintenant, vous discutez sur le fond.

M. Tremblay: Non, je suis en train de montrer qu'il n'est pas nécessaire... Nous sommes ici pour discuter le projet article par article, et, par conséquent, je crois que la motion n'est pas recevable. Je prends un peu le contre-pied des arguments du député d'Outremont, qui laisse entendre qu'il n'y a pas eu de consultation, qu'il n'y a pas eu d'étude.

Or, vous savez fort bien, M. le Président, qu'il y a eu une commission royale d'enquête sur le commerce des boissons alcooliques, commission d'enquête à laquelle j'ai participé activement, puisque c'est moi qui ai écrit le rapport sur les boissons alcooliques. On mentionnait, par ailleurs, le cidre. Je connais bien le cidre. C'est moi qui ai écrit le rapport proposant la légalisation de la vente du cidre au Québec et, d'autre part, il y a maintenant deux ans que nous procédons à des consultations puisque j'avais annoncé cette intention au gouvernement il y a deux ans.

J'ai rencontré à de multiples occasions les fabricants de vins, les dirigeants de la SAQ, les représentants de l'Association des épiciers; la SAQ les gens de la Société des alcools ont fait de même. Le sous-ministre responsable de la société d'Etat a fait de même.

Je crois que ce n'est pas pour rien que le sondage que nous avons fait faire par la société CROP démontrait qu'au-delà de 82% de la population était très favorable à ce projet de loi. C'est un projet de loi qui est mûr. Tout a été discuté. Il est vrai qu'il y a des intérêts conflictuels, et c'est justement une industrie où il y a énormément de conflits d'intérêts, mais j'ai déjà indiqué que nous avions, comme gouvernement, la ferme intention que la Société des alcools soit une société industrielle et commerciale au-dessus de tout soupçon et que les pressions qui peuvent s'exercer par le truchement de l'Opposition ne feront pas plier le gouvernement pour défendre des intérêts particuliers.

M. Raynauld: Nous défendons des intérêts particuliers, M. le ministre?

Le Président (M. Boucher): M. le député de Huntingdon.

M. Tremblay: Vous connaissez la situation aussi bien que moi.

M. Raynauld: Nous sommes des parlementaires et je n'accepterai pas que le ministre fasse des insinuations chaque fois que nous soulevons une objection à n'importe quel projet de loi. Avec ce gouvernement, on défend toujours des intérêts qu'on ne devrait pas défendre. On défend les intérêts des étrangers. On défend les intérêts du fédéral. On défend des intérêts particuliers. On défend ici des intérêts particuliers! Je n'accepterai pas ces insinuations. Nous sommes ici des parlementaires! J'ai été élu au même titre que le ministre qui est en face et je défends les intérêts des Québécois ici!

M. Tremblay: M. le Président, je pense que la colère du député d'Outremont indique que j'ai peut-être frappé plus juste que je ne le croyais!

Le Président (M. Boucher): M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Merci, M. le Président. Je voudrais exprimer au ministre qu'il sait bien que nous sommes d'accord avec les principes de ce projet de loi — et j'ai bien dit les principes. Nous le lui avons d'ailleurs exprimé très clairement au cours de nos interventions en deuxième lecture, mais une foule de réticences de la part des industries de chez nous touchées par ce projet de loi n'ont pu être exprimées.

M. Tremblay: Question de règlement, M. le Président. Parlons-nous sur la recevabilité de la motion?

Le Président (M. Boucher): Sur la recevabilité s'il vous plaît!

M. Dubois: J'explique les pourquoi...

M. Blank: Le ministre n'a pas dit un mot sur la recevabilité. Il a parlé du fond de la motion. Je n'ai entendu aucune objection de la part du ministre sur la recevabilité.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Huntingdon, vous avez la parole.

M. Dubois: Merci, M. le Président. Une foule de réticences de la part des industries de chez nous touchées par ce projet de loi n'ont pu être exprimées. C'est une des raisons pour lesquelles j'appuie la motion du député d'Outremont. Dans l'état actuel des choses, je crois qu'il est vraiment ridicule d'étudier ce projet de loi plus à fond, tant que nous n'aurons pas en main les règlements, premièrement... (10 h 45)

M. Tremblay: Je vous défie de voter contre.

M. Dubois: ... qui interprètent l'application de cette loi et qui en régissent l'application. En plus, nous de l'Union Nationale, exigeons — et d'ailleurs, je l'ai déclaré dans mon discours de deuxième lecture — que les principaux intervenants, soit les fabricants de vins et de cidres, puissent présenter un mémoire ici en commission parlementaire et faire valoir leurs préoccupations au ministre.

Je crois que c'est le point le plus important. Le ministre sait pertinemment que les principaux intervenants, à ce jour, n'ont pas eu le loisir d'étudier toute la portée de ce projet de loi avec le ministre de l'Industrie et du Commerce.

I! semble aussi que le comité chargé de la préparation de la loi et des règlements, que nous n'avons pas aujourd'hui, n'ait été composé que de membres de la SAQ, laissant donc de côté les industriels québécois oeuvrant dans la production des vins et cidres.

Le député a repris tout à l'heure une foule de propos que j'ai exprimés lors de mon discours en deuxième lecture et donc, à la suite de la cohérence entre mes propos de deuxième lecture et les propos que le député d'Outremont vient de tenir, je crois que j'ai toutes les raisons d'appuyer cette motion aux fins d'écouter les intervenants et d'avoir en main les règlements avant de poursuivre plus à fond cette étude.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Je n'ai pas d'objection si d'autres veulent y aller.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Nord.

M. Ouellette: M. le Président, sur la recevabilité. Je ne porte pas de jugement quant à la recevabilité sur le fond, mais quant au libellé. Si on dit dans cette motion: recevoir les principaux organismes touchés par ce projet de loi, accepter une telle motion, ce serait s'embarquer dans l'obligation de recevoir à peu près tout le Québec. Il faudrait, à tout le moins, qu'on précise les organismes qu'on aimerait voir ici et, lorsqu'on les connaîtra, on pourra peut-être porter un jugement plus éclairé.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: M. le Président, comme la motion est faite, il est question, d'après ce qu'il a dit en parlant de la loi elle-même, il a bien mentionné que c'est trois organismes qu'il voudrait entendre particulièrement.

M. le Président, est-ce que le gouvernement a peur de l'article 154? Où a-t-on vu une commission parlementaire manquer son coup jusqu'à maintenant? A la United Aircraft, M. le Président, la grève durait depuis huit mois, un an, un an et demi. Si on n'avait pas eu une commission parlementaire pour entendre les parties, jamais la grève de la United Aircraft n'aurait été réglée. C'est

quand la compagnie a déposé, à la demande de l'Opposition, ses états financiers que, huit jours plus tard, la grève s'est réglée. Voici le gouvernement qui va légiférer dans un domaine extrêmement sensible où il peut y avoir de la partisanerie, où il peut y avoir des à-côtés, où la Société des alcools nous dirait: N'allez pas si loin. On n'a même pas les règlements en main. On n'a pas de règlement, on ne sait pas. Ce seront encore les bureaucrates, M. le Président, qui vont étayer ce que les législateurs devraient faire. C'est nous, les législateurs, qui devrions participer à la réglementation, pas seulement les bureaucrates. Ils n'ont pas le mandat qu'on a. C'est nous qui aurons les plaintes, c'est nous qui aurons les problèmes à régler. On n'aura pas entendu les intéressés, parce que nous sommes des parlementaires. Je pense que l'article 154 est bien clair: "En commission pléniè-re ou élue, après la deuxième lecture, on ne peut discuter que les détails d'un projet de loi et il ne peut y avoir audition publique..." Je pense que la motion est bien faite et parfaitement justifiable et nous voterons en faveur de son acceptation pour permettre aux législateurs de jouer véritablement leur rôle. Fini, M. le Président, le temps où les législateurs étaient des gens qui copiaient ce que les bureaucrates leur disaient et imposaient des règlements qu'ils n'avaient jamais vus. Qui est responsable des règlements? C'est le ministre, c'est sûr, mais nous aussi, les législateurs, qui avons à répondre devant l'opinion publique d'une foule de questions que l'on ne connaît pas. Cela sera publié dans la Gazette officielle, d'accord. Quels sont ceux qui lisent la Gazette officielle? Quels sont ceux qui, souvent, n'ont pas besoin de lire les règlements, mais d'autres en ont absolument besoin pour diriger un bureau de comté ou savoir répondre...

Là. M. le Président, vous touchez presque a tous les comtés de la province, parce que cette nouvelle politique du gouvernement sur la vente de certains vins dans les épiceries va être un domaine où tous les députés de tous les comtés vont avoir à répondre à cette question, parce que la réglementation n'est pas faite, parce qu'on ne l'a pas, parce qu'on va être obligé d'accepter a l'aveuglette un projet de loi qui va nous dire telle chose, telle chose, les règlements vont être faits, mais qui va juger des règlements?

M. le Président, une commission parlementaire nous aiderait, parce qu'à la suite des questions qu'on poserait aux différents intervenants, on pourrait savoir où se dirigent les règlements.

M. Blank: Sur la question de la recevabilité...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laprairie.

M. Michaud: M. le Président, la commission parlementaire a été convoquée pour étudier le projet de loi no 21 article par article. Donc, c'est ce que nous devrions faire...

M. Bellemare: Vous n'avez pas d'ordre à nous donner, vous, pas du tout. Parce que l'article 154 du règlement dit autre chose. Tâchez d'apprendre à lire.

M. Michaud: M. le député de Johnson, je n'ai donné aucun ordre, j'ai dit: C'est ce que nous devrions faire.

M. Ouellette: Le conditionnel...

M. Michaud: II faut comprendre le conditionnel, ce n'est pas un impératif.

M. Bellemare: J'espère que vous allez le comprendre souvent, le conditionnel.

M. Michaud: Ce n'est pas un impératif, je m'excuse. Nous devons, ici en commission parlementaire, étudier le projet de loi 21 article par article. On donne comme argument que les personnes concernées ne se sont pas fait entendre. Toutes les personnes ou organismes concernés se sont fait entendre, même la population, le sondage CROP l'établit, est d'accord à 82%. Je me dis donc, que c'est tout simplement une motion pour retarder le projet de loi, parce que, quand le gouvernement veut prendre action sur ce qui aurait dû être fait il y a 2 ans, 3 ans, 5 ans, 10 ans, on veut retarder les choses, en invoquant le fait que les personnes concernées ne se sont pas fait entendre.

Je crois qu'on a tout entendu...

M. Blank: ... le fond, c'est ça que je me demande.

M. Michaud: ... et que cette motion n'est pas recevable, M. le Président.

M. Blank: Elle n'est pas recevable pour quelle raison? M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Louis...

M. Blank: Je vais en rester à la question de recevabilité. Je ne parle pas de la question de fond. Après que vous aurez déclaré cette motion recevable, je parlerai du fond. L'article 154 est clair, pour commencer, et, deuxièmement, il y a des précédents. Il y a eu la commission des consommateurs. Sur l'étude de la Loi de l'assurance automobile, la même motion a été faite, elle a été déclarée recevable par le président, elle a été débattue et rejetée par la commission.

A la commission des richesses naturelles, sur l'étude du bill 70, la même motion a été faite au commencement des travaux, elle a été déclarée recevable par le président, elle a été débattue et rejetée par l'Assemblée, mais acceptée par la commission. Je dois dire qu'il y a des précédents.

Le Président (M. Boucher): M. le député... M. Tremblay: M. le Président...

M. Blank: On ne peut pas avoir des jugements différents dans des commissions différentes.

M. Tremblay: M. le Président, je pense que le député a raison. Je pense que tous les intervenants, y compris moi-même, avons parlé, surtout sur le fond de la motion. Sauf que je demanderais, pour clarifier les choses, que le président donne sa décision et que nous continuions nos travaux.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre, je suis d'accord sur la recevabilité de la motion. Toutefois, en vertu de l'article 165, paragraphe 2, le président peut également modifier, dans sa forme, une motion pour la rendre recevable. Je demanderais au député d'Outremont de préciser les organismes qu'il veut entendre.

M. Raynauld: M. le Président, j'aurais préféré, quant à moi, ne pas mettre dans la motion la liste, parce qu'il semble qu'il pourrait y avoir des consultations là-dessus et je ne voudrais pas empêcher l'adoption d'une motion comme celle-là, si le ministre a d'excellentes raisons, que je ne connais pas. de dire, pour un organisme que je pourrais citer, qu'en aucune façon cet organisme ne peut venir ici. Je pourrais donner des exemples cependant.

Le Président (M. Boucher): Dans le libellé de la motion, vous dites...

M. Raynauld: Je sais que vous...

Le Président (M. Boucher): ... "les organismes concernés par l'application de la loi"...

M. Raynauld: On peut trouver cela trop général.

Le Président (M. Boucher): II y aurait peut-être à s'entendre sur ces organismes qui sont concernés. On ne peut pas convoquer tous les organismes sans savoir lesquels sont concernés.

M. Raynauld: L'intention de la motion était... peut-être que cela pourrait aider de dire "directement ou immédiatement touchés". Je sais que cela a l'air trop vaque et je suis un peu d'accord avec vous sur ça. Mais, comme exemple, l'Association des fabricants de cidres, l'Association des détaillants en alimentation, l'Association des épiciers en gros, la SAQ, l'Association des brasseurs, peut-être le Syndicat des employés de la SAQ, c'est ça qu'on avait à l'esprit. Mais je ne voudrais pas, encore une fois, faire une bataille sur chacun des organismes en particulier. Je cite cela comme exemple. Il est bien évident qu'on n'a pas l'intention de faire siéger cette commission pendant tout l'été pour entendre tout le monde et son père.

M. Blank: On aurait soif.

M. Raynauld: On aurait trop soif.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Huntingdon.

Motion d'amendement de M. Dubois

M. Dubois: Je ferais une proposition d'amendement à la motion du député d'Outremont pour en arriver à un consensus. Je crois qu'il y a trois principaux intervenants qui sont directement touchés: Soprovin, qui est le fabricant de vins québécois, les deux principales cidreries — je crois qu'il n'y en a que deux au Québec, présentement, ou trois — et la SAQ. Ce sont les trois principaux intervenants. Si on pouvait faire un consensus autour de la table, ce serait le minimum d'intervenants que l'on pourrait entendre. Cela serait salubre pour le ministère de l'Industrie et du Commerce, pour ces industries québécoises et aussi pour la population du Québec. On aurait ainsi un bien meilleur projet de loi et des règlements qui seraient favorables à tout le monde.

Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'il y a consentement sur la proposition du député de Huntingdon?

M. Blank: Quant à ce qui est de n'en inviter que trois, je ne suis pas tellement d'accord. Je pense même que le député d'Outremont en avait cinq. On pourrait laisser 20 minutes à chacun des organismes qui viennent ici et leur poser des questions. Pour une question de 40 minutes, priver ainsi deux autres groupes de venir ici... Pour 40 minutes, je ne ferai pas une très grosse bataille. Il y a les brasseurs aussi qui...

M. Dubois: Je ne suis pas contre, mais les gens les plus affectés sont quand même Soprovin et les cidreries.

M. Blank: D'accord, mais 40 minutes dans notre année parlementaire, ce n'est pas tellement une grosse affaire.

M. Dubois: Je ne crois pas, M. le Président, qu'en 20 ou 40 minutes les deux principaux intervenants, qui sont Soprovin et les cidreries, puissent faire entendre des mémoires bien détaillés. Cela prendrait beaucoup plus de temps que cela. Je serais d'accord pour qu'on concède au moins deux heures à chacun de ces deux groupes. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, j'ai précisé qu'on serait mieux, pour en arriver à un consensus, de couper le nombre de groupes pour avoir des mémoires plus approfondis, en leur donnant plus de chance de s'exprimer.

M. Blank: II n'y a pas seulement les mémoires, il faut aussi avoir la chance de poser des questions. On discute ici de ce côté, mais est-ce qu'on a le consentement de l'autre côté? C'est cela le problème.

M. Gosselin: M. le Président, j'ignore si je dois intervenir sur la recevabilité de la motion ou la décision que vous avez rendue.

Le Président (M. Boucher): Je l'ai déclarée recevable, pour autant qu'elle soit modifiée en

ajoutant, après "les organismes concernés par I'application de la loi", les organismes suivants; en fait, les organismes que l'on désignera dans cette motion.

M. Gosselin: En tout cas, j'aimerais simplement qu'on sache préciser ces choses-là avant d'arriver en commission parlementaire, pour éviter de faire perdre le temps de tout le monde.

A mon avis, si on a une proposition claire à formuler, du côté de l'Opposition officielle, qu'on l'identifie clairement et qu'on s'entende le plus tôt possible. Peut-être qu'il vaudrait la peine de suspendre quelques minutes pour permettre à ces messieurs de l'Opposition de se concerter.

Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous voulez suspendre cinq minutes, pour préciser le nom des organismes?

M. Raynauld: Cinq minutes, d'accord.

Le Président (M. Boucher): D'accord. La commission suspend ses travaux pendant cinq minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 59)

Reprise de la séance à 11 h 3

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, messieurs!

Nous avons devant nous la motion suivante: Que soient entendus, avant le début de l'étude article par article du projet de loi 21, les organismes suivants: Soprovin, l'Association des fabricants de cidres du Québec, l'Association des épiceries en gros, la Société des alcools du Québec et l'Association des brasseurs du Québec.

Je déclare cette motion recevable. Je vous invite à discuter sur le fond de la motion.

M. Tremblay: M. le Président, étant donné que la discussion qui a eu lieu tout à l'heure portait en grande partie sur le fond, vous me permettrez de compléter les propos que je tenais et d'indiquer la position du gouvernement.

Je crois qu'il s'agit ici d'une motion dilatoire, qui vise à retarder l'adoption de ce projet de loi, qui est attendu depuis, je dirais, au moins une décennie. Nous avons devant nous deux partis politiques qui ont eu l'occasion d'appliquer la mesure que nous appliquons aujourd'hui, mais, pour toutes sortes de raisons, ne l'ont pas fait. Il leur appartient évidemment de se justifier devant la population et d'expliquer pourquoi ils ne l'ont pas fait.

Or, la population du Québec, par son gouvernement, a financé au coût d'environ $500 000, une commission royale d'enquête sur le commerce des boissons alcooliques, de 1969 à 1971. Au-delà de 200 mémoires ont été reçus à cette occasion de la part de tous les intervenants de cette industrie.

Une analyse, par conséquent extrêmement détaillée, à laquelle aucune industrie au Québec n'a jamais été soumise, a donc été faite. Consultations, analyses, recherches, voyages à I'étranger, toutes ces démarches ont été faites et suivies d'un rapport qui a été déposé en février 1971. Le rapport recommandait, à l'article 62, que le mode de commercialisation des vins soit élargi de la Société des alcools vers les épiceries.

Moi-même, il y a deux ans, du moins 18 mois, après l'élection du nouveau gouvernement. J'avais indiqué que c'était l'intention du ministre de I'Industrie et du Commerce et, par la suite, du gouvernement d'appliquer, au moins, les grandes lignes de la recommandation du rapport Thinel. Des consultations furent mises en marche dès cette période avec les trois syndicats de la SAQ, avec I'Association des épiciers indépendats, les fabricants de vins, les administrateurs de la SAQ, etc. La décision formelle de procéder à l'élargissement du mode de commercialisation des vins fut prise en décembre 1977, il y a environ six mois. Une autre ronde de consultation s'est de nouveau produite. Tous les organismes impliqués dans ce commerce ont été une fois de plus consultés avec les mêmes résultats. Or, on me souligne que. pas plus tard que vendredi de la semaine dernière, les représentants de Soprovin et les représentants des deux cideries ont passé une journée entière avec des représentants de la Société des alcools.

Nous nous trouvons vraiment ici devant un sujet surétudié, suranalysé. Or, je crois que l'étude est très bénéfique, très bonne, les consultations sont très utiles, mais un gouvernement doit finalement prendre des décisions. Ce gouvernement étudie, certes, mais c'est un gouvernement d'action. Je crois qu'il est temps de procéder avec ce projet de loi.

D'autre part, c'est aussi un projet de loi qui comporte des éléments logistiques desquels on ne doit pas sous-estimer l'importance. En prévision de cet élargissement du mode de commercialisation à presque 9000 nouveaux points de vente, des mesures sont présentement à être appliquées. De la part de la Société des alcools, il y a eu des démarches pour confectionner un présentoir. On s imagine les problèmes logistiques que ceci représente sous forme de commandes d'acier, parce que ces présentoirs sont en acier, pour confectionner ces présentoirs, parce qu'il est évident que, au moment où la loi sera adoptée, les épiciers vont solliciter la permission de vendre les vins. Il faut donc que des mesures de précaution soient prises pour que ces épiciers soient en mesure de faire la vente des vins, donc que des présentoirs soient prêts.

D'autre part, la SAQ, devant prévoir une clientèle accrue ou, du moins le nombre des points de vente considérablement accrus, doit accroître ses achats de vins. Des démarches ont été faites pour augmenter les commandes de vins, pour être prêt à faire face à la demande qui va survenir lors de l'adoption de la loi. Ces vins ne peuvent évidemment pas se conserver indéfiniment. La même chose existe pour les membres de

la société Soprovin, parce que la société elle-même négocie avec la SAQ, mais, individuellement, les membres commencent à préparer des commandes accrues pour la Société des alcools. J'ouvre une parenthèse pour dire comment il était illogique de la part du député de Huntingdon de mentionner, lors de son discours en deuxième lecture, que les fabricants de vins allaient voir leur chiffre d'affaires diminuer par l'élargissement des 9000 points de vente à la Société des alcools puisqu'il s'agit d'une augmentation importante.

M. Dubois: ... tout à l'heure ce qui va se passer avec votre projet de loi.

M. Tremblay: M. le Président, il y a des mesures qui sont prises présentement — il s'agit d'une opération, quand même, d'une très grande envergure — qui causeraient des préjudices importants s'il y avait retard dans l'adoption de la loi, alors qu'il n'y aurait pas de bénéfice accrus découlant de l'adoption de la proposition.

D'autre part, M. le Président, il ne faut pas, non plus — je reviens à mes propos du tout début — faire dire au projet de loi ce qu'il ne dit pas. Le projet de loi poursuit deux objectifs: premièrement, permettre à la Société des alcools de vendre aux épiciers des vins, la Société des alcools demeurant le monopole d'Etat pour l'importation et la commercialisation du vin au Québec. La loi de la Société des alcools n'est pas suspendue par ce projet de loi; elle n'est que précisée et ce, je le dis à l'intention du député d'Outremont. Ce projet de loi ne suspend pas la Loi de la Société des alcools, elle ne fait que la préciser. D'autre part, il s'agit de permettre aux épiciers, dans le cadre du permis de vente de la bière et des cidres, d'être habilités à vendre certains vins.

Au-delà de ces permissions qui découlent du présent projet de loi et qui, par conséquent, s'insèrent dans les deux lois sous-jacentes qui demeurent, il devient nécessaire de négocier une logistique d'application de cette mesure, et seule une négociation est possible. Il aurait été enfantin et puéril de vouloir inclure dans un projet de loi, des négociations dont on ignore les conclusions définitives. Nous sommes sur un terrain nouveau, puisque les 9000 épiciers, ne distribuant pas de vins ne sont donc pas équipés pour le faire présentement et la société, n'ayant jamais fourni de présentoir, se trouve à innover dans le domaine.

Donc, la Société des alcools va continuer ses négociations avec les fabricants de cidres qui désirent s'associer à la Société des alcools pour relancer leur industrie. Si les fabricants de cidres décident de continuer dans la situation actuelle, ils ont toute la liberté de le faire, de vendre directement aux épiciers et de continuer à subir la désaffectation des consommateurs — je pourrais donner des chiffres — il y a eu baisse en 1975 de 14,9% des ventes de cidres; une baisse en 1976 de 0,2, et en 1977 de 16,5%. Si les fabricants de cidres décident de laisser leur industrie s'effondrer, libre à eux. Ce projet de loi leur permet de relancer leur industrie.

D'autre part, pour les fabricants de vins au Québec, il y a une chance énorme d'accroître leur chiffre de façon formidable, phénoménale, mais il n est pas question que le gouvernement leur accorde un monopole pour la vente des vins dans les épiceries. C'est une question de politique, c'est une question de volonté politique, et c'est ce que reflète le projet de loi.

En ce qui concerne les épiceries, les négociations sont en cours pour établir les modalités d'acceptation d'un présentoir pour que la qualité des vins soit garantie par la Société des alcools. Rien ne serait plus irresponsable pour notre gouvernement de permettre une situation anar-chique dans le domaine des vins où le consommateur perdrait confiance dans la qualité des vins distribués dans les épiceries, par rapport à ceux qui sont distribués par les points de vente de la Société des alcools.

Nous ne répéterons pas l'erreur qui a été faite par les autres gouvernements dans l'industrie du cidre. Rien ne serait plus irresponsable. Il faut absolument, surtout au début d'une opération semblable, que le consommateur soit assuré que les vins distribués dans les épiceries ne seront pas exposés au soleil à longueur de journée et ne seront pas perdus dans des recoins de magasin sous la poussière, mais seront des produits dont la qualité sera identique à ceux que nous retrouvons dans les points de vente de la Société des alcools. (11 h 15)

S'il n'y avait pas cette précaution de prise, toute l'opération pourrait se révéler un échec, échec pour les consommateurs qui perdraient confiance dans un produit, échec pour les épiciers qui n'auraient pas l'achalandage qu'ils anticipent de cette mesure, échec pour la SAQ et pour le gouvernement qui verraient une mesure très bien acceptée et recherchée, mais une mesure qui ne donnerait pas les résultats escomptés.

M. le Président, celui qui vous parle connaît bien cette industrie pour en avoir étudié les détails. Lorsque le député de Johnson dit que ce sont les bureaucrates qui dirigent, peut-être dans son temps, les ministres avaient-ils besoin d'être dirigés par l'expertise des hauts fonctionnaires...

M. Blank: Le ministre connaît cela.

M. Tremblay: Dans le cas qui nous concerne, je crois que le ministre...

M. Blank: ... connaît cela.

M. Tremblay: J'en connais sûrement plus que vous, M. Blank.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre! M. Raynauld: Cela fait moins longtemps.

M. Tremblay: Nous avons étudié, à fond, pendant deux ans, cette industrie.

M. Blank: C'est exactement l'accusation du ministre. Je veux que les autres partis connaissent

au moins ce que le ministre connaît. Comme député, j'ai le droit de savoir cela et c'est seulement en entendant les autres parties que je peux me renseigner.

M. Tremblay: M. le député de Saint-Louis, vous pourriez me poser des questions et je répondrai à n'importe lesquelles.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Raynauld: Vous auriez dû attendre que le député de Johnson soit ici avant d'attaquer.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre! M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: II aurait pu au moins vous répondre.

M. Tremblay: II s'attaque peut-être à des jeunes de notre parti, mais il ne s'attaquera pas à moi.

M. Dubois: Vous en profitez pendant qu'il est parti.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Dubois: Cela n'est pas acceptable.

M. Tremblay: Sa flagornerie à la Chambre fait parfois beaucoup d'éclat. Je ne réagis pas à cela, mais je n'ai pas l'intention de me laisser "bulldozer" par quiconque!

M. Raynauld: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Outremont, question de règlement.

M. Raynauld: M. le Président, serait-il possible que vous demandiez au ministre de parler sur la motion, s'il vous plaît? Cela fait cinq minutes qu'il parle sur l'ensemble du projet de loi. J'aimerais que vous le rappeliez à l'ordre.

M. Tremblay: Donc, j'allais conclure...

Le Président (M. Boucher): Je rappelle aux membres de la commission l'article 100. Je prierais les membres de ne pas interrompre le ministre tant qu'il aura la parole étant donné que son temps n'est pas écoulé.

M. le ministre.

M. Tremblay: M. le Président, j'allais conclure ces propos que je juge extrêmement importants pour éclairer l'ensemble du débat, puisque je crois que certains députés de l'Opposition ont abordé ce projet de loi sous un faux angle. Ils ont vu dans ce projet de loi ce qu'ils auraient voulu y voir, c'est-à-dire beaucoup plus qu'il ne comporte.

Je résume donc en disant qu'il s'agit ici d'un sujet qui a été étudié, surétudié, surconsulté, que la population attend, que les épiciers attendent, que tout le monde attend, que les consultations ont eu lieu depuis deux ans sur une base continuelle et, que ce projet de loi comporte, par contre, des éléments logistiques qui ne peuvent se régler par législation, mais qui doivent se faire au plan commercial entre la Société des alcools et les différents intervenants. Il n'appartient pas, je crois, à des membres de l'Assemblée nationale de se substituer à l'expertise commerciale de la Société des alcools. Des mesures de prévention et de précaution en prévision de cette implantation ont déjà été prises par une foule d'intervenants qui comporteraient des coûts substantiels si le projet de loi était retardé dans son adoption. De plus, compte tenu du fait qu'il y a eu adoption, à l'unanimité, en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, donc, pour toutes ces raisons, nous allons voter contre la motion du député d'Outremont.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Je parlerai sur le fond de la motion. J'ai écouté le ministre et chaque argument qu'il a donné prouve que la motion du député d'Outremont est valable et doit être adoptée.

Il a parlé de retard. Il a dit qu'on ne peut pas retarder l'étude de ce projet de loi, parce que le vin va tourner en vinaigre. Il est déjà prêt sur les tablettes de la Société des alcools et sur les tablettes des fabricants de vins à Québec. Voilà un argument ridicule, parce que cette question a commencé le 15 février et on a déposé le projet de loi seulement la semaine dernière. S'il avait été tellement si pressé, il aurait pu déposer le projet de loi l'année dernière. On lui a donné une chance c'était sa première année; mais cette année, il aurait pu déposer le projet de loi au début de la session s il avait voulu.

Deuxièmement, sur la question du retard, on parle d'un jour. Un jour ne changera pas grandement le vin. Les autres arguments qu'on donne, sont ceux-ci: il y a des études qui ont été faites, la Société des alcools du Québec a eu des entrevues avec des épiciers et des fabricants de vins. Cela prouve exactement qu'on n'est pas prêt encore, qu'on ne sait pas où on va.

Nous, les députés de l'Opposition, devons savoir, avant de voter une loi, de quoi il s'agit, où on va, quelles sont les modalités. Vous parlez de toutes sortes de choses. Le ministre a parlé du soleil sur les bouteilles et de la poussière dans des coins, etc. Cela prend de l'argent pour construire des sections pour le vin, si les règlements sont aussi rigoureux qu'ils semblent l'être. On veut avoir l'opinion des épiciers. Est-ce qu'ils sont prêts à dépenser cet argent? Est-ce que cela vaut la peine? On ne le sait pas.

M. Tremblay: Ce sera fourni gratuitement par la Société des alcools.

M. Blank: C'est ce qu'on veut savoir.

M. Tremblay: Posez des questions, je vous répondrai.

M. Blank: On va les poser à la SAQ. Je sais qu'il y a des représentants de la SAQ ici aujourd'hui et qu'un ou deux ont rejeté cette idée. Ils étaient contre la vente du vin dans les épiceries.

M. Tremblay: Est-ce que le député me permettrait un commentaire?

M. Blank: Pas un commentaire, une question.

M. Tremblay: Vous ne voulez pas avoir d'information? En voulez-vous de l'information?

M. Blank: Oui, mais je veux l'avoir...

Le Président (M. Boucher): M. le ministre, en vertu de l'article 96, vous pourrez poser des questions, si le député de Saint-Louis le désire.

M. Tremblay: Laissez-moi vous dire que... Voulez-vous une réponse?

M. Blank: Non.

M. Tremblay: Vous n'en voulez pas. Vous voulez simplement retarder les débats.

M. Blank: Non, je ne veux pas de réponse de vous.

M. Tremblay: Voulez-vous une réponse? Vous n'en voulez pas. D'accord, restez dans l'ignorance.

M. Blank: C'est exactement la raison pour laquelle nous avons fait cette motion. On ne veut pas de réponse politisée du ministre. Je n'ai jamais vu un ministre aussi politisé que celui-ci. Jamais de ma vie.

M. Tremblay: Je regrette, c'est une réponse technique.

M. Blank: Cela fait 18 ans que je suis ici dans cette Chambre et je n'ai jamais vu un ministre... Chaque mot est politisé. Je veux avoir des faits et les faits...

M. Tremblay: Une question de privilège.

M. Blank: II n'y a pas de question de privilège en commission.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre! M. le ministre, je vous ferai remarquer qu'il n'y a pas de question de privilège en commission.

M. Blank: Pas de question de privilège en commission.

M. Tremblay: Je voulais donner un renseignement technique et non politique.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre, vous voudriez donner des réponses...

M. Blank: Les renseignements techniques, je veux les avoir de la bouche des personnes qualifiées: la SAQ, les épiciers, les associations d'épiceries, les associations de producteurs de vins, les brasseries. Ce sont les gens qui peuvent me donner les informations techniques et je veux voter pour ou contre en pleine connaissance de cause. Ici, le ministre, avec ce gouvernement transparent, cache toute l'affaire. Il cache cela en nous disant: On va vous le dire après. Donnez-nous un chèque en blanc et on vous donnera la date et le montant après. C'est ce que vous nous demandez. Ici, comme représentants du peuple, on a le droit à l'information.

M. Tremblay: Vous voterez contre.

M. Blank: J'ai voté pour le bill, mais je voterai contre les modalités. Je ne veux pas...

M. Tremblay: Si vous voulez avoir le droit de passer des règlements, faites-vous élire comme gouvernement.

M. Blank: Exactement, voilà le gouvernement transparent...

M. Tremblay: Quand vous étiez au pouvoir, vous ne passiez pas de loi...

M. Blank: ...il passe tout en cachette et ne veut donner aucune information aux représentants du peuple. C'est ce que vous pensez être de la transparence? C'est cela que vous pensez être un vrai et honnête gouvernement? C'est exactement le contraire. Vous êtes un gouvernement politisé, comme jamais auparavant. L'affaire de Mme Carrier, des mutations dans la fonction publique, et cette affaire ici, en cachette, tout en cachette...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Louis, je vous ferai remarquer que nous parlons sur le fond de la motion.

M. Blank: Pour ces raisons et les raisons que le ministre a données, on doit voter pour la motion.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Huntingdon.

M. Tremblay: C'est pas fort.

M. Dubois: Merci, M. le Président. Je voudrais dire tout simplement au ministre de l'Industrie et du Commerce que ce gouvernement...

M. Blank: Je sais que ce n'est pas fort, je ne veux pas votre opinion.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Dubois: ... qui devait être à l'écoute de la population, vous l'aviez promis, devait être très respectueux des industries québécoises...

M. Lalonde: On l'est, j'ai décentralisé les pêcheries en fin de semaine.

M. Blank: Des promesses encore. Le Président (M. Boucher): A l'ordre!

M. Dubois: ... et de la survie des industries de chez nous. Vous deviez être très respectueux de cela. Vous l'avez toujours prêché pendant votre campagne électorale, surtout en 1976. Je comprends très mal que le ministre, qui a annoncé pour la première fois, en décembre 1976, qu'il apporterait une loi visant la vente des vins dans les épiceries, n'ait pas à ce jour de règlements prêts, que l'on puisse avoir devant nous pour les étudier. Depuis un an et demi que le ministre l'annonce. Vous avez commencé en 1976 à dire qu'une loi était prête et devait être déposée.

M. Tremblay: Les règlements ne sont pas négociés. Ils ne comprennent rien.

M. Dubois: Je trouve l'attitude du ministre et des membres du gouvernement très cavalière. Elle ne reflète aucunement la transparence que vous aviez tant promise. Selon les paroles du ministre, il a déjà présumé que ce projet de loi serait voté, puisqu'il a déjà placé les commandes de vins pour la SAQ. Je comprends très mal que le ministre présume aussi rapidement de l'adoption d'un projet de loi. D'une façon ou d'une autre, vous savez, M. le ministre, que ni l'un ni l'autre des intéressés ici présents dans cette enceinte — il y en a; je pense que vous les connaissez — n'a été consulté convenablement. Je pense q'il pourrait vous en faire la remarque s'il avait le droit de parole ici. C'est vraiment irrespectueux de votre part d'adopter une attitude aussi cavalière. C'est ce que j'avais à dire, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Huntingdon. M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: M. le Président, sur le fond de la motion, je pense que, lorsque le ministre nous dit que ce projet de loi a été préparé de longue main et qu'il s'inspire en particulier du rapport Pinel, je pense qu'il faut dire là-dessus que, depuis 1971-1972, il y a pas mal de vin qui a coulé sous les ponts. Je crois qu'il y a eu beaucoup de changements depuis ce temps, la SAQ en particulier a modifié son rôle, considérablement, à la suite du rapport Pinel... Pardon?

M. Tremblay: Le rapport Thinel. M. Raynauld: Le rapport Thinel.

M. Tremblay: Le rapport Thinel, Thinel.

M. Raynauld: Thinel, excusez. Le rapport Thinel. La structure de la SAQ a été modifiée depuis ce temps-là. Il y a maintenant une Régie et une Société des alcools, à la suite des recommandations du rapport Thinel, et la société a accru considérablement ses activités dans certains domaines, ce qui n'était pas le cas au moment de l'étude du rapport Thinel, en tant que fabricants de vins en particulier.

Ensuite, je trouve ironique que le ministre invoque, d'une part, le rapport Thinel et qu'ensuite, il vienne nous dire que, dans ce projet de loi, il est bien entendu que la Société des alcools du Québec conserve son monopole et conserve toutes ses prérogatives, ce qui était justement contraire à une des recommandations du rapport Thinel, absolument contraire. Je trouve ironique que vous puissiez invoquer le rapport Thinel, d'un côté, pour montrer comment ce projet de loi a été étudié et que vous arriviez avec un projet de loi qui ne suit pas les recommandations du rapport Thinel.

En second lieu, le ministre a aussi invoqué le fait qu'il y avait eu beaucoup de consultations. Le problème, je pense qu'il faut le dire entre nous, c'est que la consultation, suivant mes informations, a été faite auprès de la Société des alcools du Québec. Or, c'est là qu'est tout le problème. La Société des alcools du Québec, dans cette affaire, est juge et partie, elle est en conflit d'intérêts à ce sujet. Cette consultation n'est pas acceptée par les parties, celles-ci auraient voulu qu'elle se fasse au niveau du ministère et au niveau du ministre, en particulier. Elle est contestée.

Quand une chose comme celle-là est contestée, la meilleure façon d'agir pour une commission parlementaire, c'est de faire venir les parties et là, du côté du gouvernement, du côté de l'Opposition, on verra si cette consultation a été effective, si elle a eu lieu, dans quelle mesure et ensuite, évidemment, cela nous permettrait de porter un jugement un peu plus éclairé sur l'ensemble du projet de loi.

Je pense que le gouvernement nous dit qu'il a bien étudié son affaire, mais le problème, c'est que, quand on adopte des projets de loi, il faut aussi que l'Opposition soit également informée, si on veut que l'Opposition joue son rôle d'une façon responsable et non pas d'une façon dilatoire ou d'une façon négative. Je pense que les intentions que nous avons, de ce côté-ci, ce n'est pas de retarder le projet de loi, c'est d'en faire le meilleur projet de loi possible.

Enfin, je pense que le ministre a également invoqué l'argument qu'il y aurait des préjudices causés s'il y avait un retard dans l'adoption du projet de loi. Je pense que mes collègues ont dit là-dessus comment cette attitude pouvait être arrogante. Lorsqu'on sait que la commission parlementaire est convoquée le lendemain de l'adoption en deuxième lecture et que la deuxième lecture a eu lieu à peu près une semaine après que le projet de loi a été déposé, je pense que vous ne

pouvez pas accuser l'Opposition d'avoir retardé l'adoption du projet de loi. Je pense qu'il faut être culotté pour dire une chose pareille. Cela n'a jamais été si vite.

S'il y a un préjudice causé par le retard dans l'adoption du projet de loi, ce n'est sûrement pas notre faute. Je pense que cet argument ressemble fort à des ultimatums qui nous sont donnés, ultimatums qui ressemblent étrangement aussi à certains articles du projet de loi dont nous aurons l'occasion de discuter un peu plus tard. (11 h 30)

Je pense qu'on ne peut pas accepter cet argument. Nous n'avons rien retardé. Les travaux de la commission parlementaire ont débuté ce matin à dix heures, cela fait une heure et demie. Si on commence déjà, même pas après une heure et demie, après une demi-heure, à nous accuser de retarder l'adoption du projet de loi, je pense qu'il faut vraiment protester, parce que c'est contraire à toutes les règles parlementaires que je peux connaître, même si je n'en connais pas beaucoup. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député d'Outremont. M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: M. le Président, j'aurais un autre argument sur la question de fond. Je veux clarifier un point avec le ministre. Il nous a suggéré qu'un amendement à l'article 5 pourrait faire en sorte qu'on vende maintenant de la bière, du cidre et du vin le dimanche, chez les dépanneurs. C'est cela que signifie le sous-amendement?

M. Tremblay: On discutera de cela à l'article 5. Je consulterai tout à l'heure les deux représentants de l'Opposition officielle et celui de l'Union Nationale. S'il y avait unanimité, on pourrait faire un amendement. S'il n'y en a pas, on va le laisser comme cela.

M. Blank: C'est exactement cela. Peut-être que nous sommes tous d'accord. Mais cela affecterait peut-être 90% des détenteurs de permis d'épicerie, c'est-a-dire ceux qui n'ouvrent pas le dimanche.

Le Président (M. Boucher): Vous discutez d'un amendement possible qui concerne...

M. Tremblay: Je pense qu'il y a beaucoup d'hypocrisie dans cela.

M. Blank: Je discute d'une motion. Le ministre nous a parlé de cela et je pense que l'Association des détaillants doit avoir son mot à dire dans cette affaire. Cela peut affecter leurs commerces.

M. Tremblay: S'il n'y a pas unanimité sur cela...

M. Blank: C'est une autre raison de faire venir ces gens.

M. Tremblay: M. le Président, s'il n'y a pas unanimité sur cela, je n'en ferai pas. C'est un domaine où il y a énormément d'hypocrisie.

Le Président (M. Boucher): C'est une hypothèse d'amendement qu'il y aura au cours de l'étude du projet de loi. Je pense qu'il vaudrait mieux ne pas en discuter.

M. Raynauld: M. le Président, si je comprends bien l'intervention de mon collègue, ce n'est pas pour discuter le fond de cet amendement, c'était simplement pour apporter une raison supplémentaire, s'il y en a, pour écouter les gens.

M. Blank: II demande mon opinion sur cela. Il dit que s'il y a un consentement unanime, on adoptera cet article. Je veux savoir de mes électeurs, des gens de mon comté, si les épiciers sont pour ou contre ce sous-amendement. Je représente le peuple, mais il ne me donne pas une chance...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Louis, on ne peut pas discuter ici d'un amendement hypothétique au cours de l'étude du projet de loi. Je ne l'ai pas devant moi.

M. Tremblay: II n'a pas encore été proposé officiellement.

Le Président (M. Boucher): Je ne l'ai pas devant moi.

M. Tremblay: II ne le sera pas non plus, si vous ne le voulez pas.

Le Président (M. Boucher): C'est sur la motion et non sur un amendement hypothétique.

M. Blank: D'accord, je dis sur la motion. Cela peut être des amendements que moi, je veux proposer dans cette loi. Comment puis-je proposer ces amendements sans avoir des faits? La seule place où je peux avoir ces faits, c'est en entendant des témoins. Je veux entendre les épiciers pour savoir s'ils sont prêts à donner aux dépanneurs le droit de vendre de la bière le dimanche. Je veux savoir des dépanneurs s'ils sont prêts à rester ouverts le dimanche pour vendre de la bière, du cidre et du vin. Je ne le sais pas. C'est le seul moyen que j'ai à ma disposition, ou de retarder la commission, de retourner dans mon comté faire un sondage, ou de faire venir les gens ici et leur demander la question.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Saint-Louis. Est-ce qu'on est prêt à voter sur la motion?

M. Tremblay: J'aimerais terminer le débat en soulevant peut-être deux points.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Tremblay: Je dirai encore qu'il n'y a aucun effet bénéfique qui pourrait découler de l'adoption

de la proposition, si ce n'est que d'étaler les intérêts conflictuels de différents intervenants dans l'industrie des boissons alcooliques. Il est évident que c'est une industrie qui comporte des intérêts conflictuels. Il est évident aussi qu'il serait très utile pour certains fabricants d'obtenir un monopole dans la distribution des vins dans les épiceries: 9000 points de vente, je vous garantis que c'est intéressant.

Je reçois énormément de pression présentement pour accroître ce pourcentage car vous savez que les fabricants de vins du Québec peuvent importer jusqu'à 35% de leurs produits, et que le raisin que l'on importe est défraîchi et déshydraté. Il est évident qu'il s'agirait dune poule aux oeufs d'or.

Mais ce n'est pas la fonction d'un gouvernement d'établir des monopoles lorsque ce n'est pas nécessaire. C'est évident que ceci pourrait être mis a jour et faire ressortir des intérêts conflictuels comme cela.

Mais le but du projet de loi, M. le Président, n'est pas de proposer de donner des monopoles a tel groupe ou à tel groupe. C'est simplement de permettre à la SAQ. qui est régie par une loi qui n'est pas remise en cause, de pouvoir vendre certains vins dans les épiceries, et de permettre, d'autre part, aux épiceries, de vendre certains vins. C'est là le projet de loi.

On ne remet pas en cause toute la Loi de la Société des alcools, ni toute la Loi régissant la Commission de contrôle des permis d'alcool, comme voudrait le faire l'Opposition, faire un très gros débat avec cela, tout faire ressortir, refaire la commission Thinel, autrement dit.

Il n'est question, M. le Président, que l'on reprenne toutes les recommandations de la commission Thinel. Il s'agit d'un débat qui est rest-treint. Je comprends que l'Opposition veut faire un peu de millage politique avec cela et élargir le débat, mais ce n'est pas le but du projet de loi et, par conséquent, l'objet des travaux de la commission.

C'est pour cela, M. le Président, que je demanderais le vote sur la motion.

Vote sur la motion

Le Président (M. Boucher): Les membres sont prêts à voter. J'appelle donc les membres. M. Blank (Saint-Louis)?

M. Blank: Pour.

Le Président (M. Boucher): M. Dubois (Huntingdon)?

M. Dubois: Pour.

Le Président (M. Boucher): M. Gosselin (Sherbrooke)?

M. Gosselin: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. Michaud (Laprairie)?

M. Michaud: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. Lefebvre (Viau)?

M. Lefebvre: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. Ouellette (Beauce-Nord)?

M. Ouellette: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. Raynauld (Outremont)?

M. Raynauld: Pour.

Le Président (M. Boucher): M. Tremblay (Gouin)?

M. Tremblay: Contre.

Le Président (M. Boucher): La motion est donc rejetée, cinq contre trois.

Avant la présentation de la motion, nous en étions aux commentaires généraux. L'Opposition, l'Union Nationale avait son droit de parole.

Motion réclamant le dépôt des règlements

M. Dubois: Avant de commencer les commentaires généraux, M. le Président, et tenant compte du contenu global de ce projet de loi, je fais motion pour que l'étude de ce projet de loi ne commence que lorsque les membres de l'Assemblée nationale auront en main, auront reçu les règlements qui sont à toutes fins utiles l'essence même de ce projet de loi.

Le Président (M. Boucher): Voulez-vous présenter votre motion par écrit?

M. Tremblay: Vous voulez faire un "filibuster ", si je comprends bien?

M. Raynauld: C'est notre privilège.

M. Blank: On veut seulement l'information.

M. Tremblay: Posez des questions.

M. Gosselin: C'est d'avoir l'information.

M. Tremblay: Vous voulez faire un filibuster...

M. Blank: Si vous avez des règlements, donnez-nous les et on adoptera la loi dans cinq minutes.

M. Gosselin: Si on s'engageait à l'étude article par article...

M. Tremblay: Je vais vous expliquer pourquoi c'est une opération d'attendre les règlements, parce que c'est impossible d'avoir les règlements avant que la loi ne soit adoptée.

Une Voix: Les règlements étant adoptés...

M. Blank: Ne jouez pas avec les mots, donnez-nous les règlements projetés, si vous les avez.

Une Voix: Démontrez votre bonne foi.

M. Gosselin: Si on pouvait discuter article par article, le député aurait sûrement des réponses à ses questions. Il pourrait formuler les questions. Il pourrait entendre les réponses.

M. Blank: Je veux voir les règlements...

M. Michaud: Si les règlements étaient adoptés avant le projet de loi, vous critiqueriez, parce qu'on aurait présumé que la loi était adoptée avant.

M. Blank: Si les règlements ne sont pas préparés avant cette date, le gouvernement fait fausse route.

M. Ouellette: Ils doivent faire l'objet...

M. Blank: II demande carte blanche ici et il ne sait pas où il va. Il doit voir au moins à préparer ses règlements.

M. Ouellette: Les règlements vont suivre une négociation. Mon Dieu, que c'est donc compliqué!

M. Blank: Je ne demande pas les règlements officiels, mais au moins le projet de règlements.

M. Tremblay: Les 9000 petites épiceries n'aimeront pas cela, M. le député de Huntingdon, les 9000 épiciers indépendants n'aimeront pas que vous retardiez une mesure aussi populaire.

M. Blank: On n'est pas ici pour jouer à la politique.

M. Dubois: On veut que tout le monde soit protégé...

Le Président (M. Boucher): A l'odre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Blank: C'est exactement cela, on représente toute la province. On ne joue pas à la politique ici.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Raynauld: Vous défendez les intérêts de qui?

M. Tremblay: Ceux de la population du Québec.

Le Président (M. Boucher): Nous avons devant nous...

M. Blank: Les 9000.

M. Raynauld: Les 9000, oui. M. Blank: Du patronage!

Le Président (M. Boucher): Que cette commission... S'il vous plaît, à l'ordre!

M. Tremblay: 6 250 000 consommateurs.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous piaît! Nous avons devant nous la motion suivante: Que cette commission...

M. Dubois: Invite...

Le Président (M. Boucher): ... invite le ministre...

M. Dubois: De l'Industrie et du Commerce.

Le Président (M. Boucher): ... de l'Industrie et du Commerce, avant le début de l'étude article par article du projet de loi no 21, à distribuer aux membres et intervenants de cette commission un projet de règlements relatifs au projet de loi.

Il s'agit d'une invitation. Les membres de la commission ont le droit de faire des voeux, s'ils le désirent. Je déclare donc cette motion recevable. Sur la motion.

M. Gosselin: Est-ce que vous me permettez de m'exprimer sur la recevabilité de la motion?

Le Président (M. Boucher): M. le député de Sherbrooke.

M. Blank: C'est un jugement.

M. Raynauld: II y a eu un jugement de rendu, elle est recevable.

Le Président (M. Boucher): Elle est recevable.

M. Raynauld: Sur le fond, M. le Président...

Le Président (M. Boucher): Sur le fond de la motion.

Une Voix: ... la décision.

M. Raynauld: Je pense que cette motion est entièrement dans l'ordre. Non seulement elle est dans l'ordre, mais je crois qu'elle est particulièrement justifiée dans le cas de ce projet de loi.

En effet, dans ce projet de loi, il n'y a absolument aucun article sur le fond. Le projet de loi nous dit, somme toute: Nous allons amender tel et tel article d'autres lois existantes pour permettre la distribution de certains vins dans les épiceries. Pour le reste, tout le projet de loi porte sur la façon dont les règlements seront préparés. Au premier article d'un projet de loi, d'habitude, on voit au moins une affirmation soit d'un objectif, soit d'une intention, mais le premier article ici nous dit tout de suite que le lieutenant-gouverneur pourra faire des règlements. Ces règlements déter-

minent la totalité et l'ensemble de toutes les activités, des règlements pour déterminer les conditions, les modalités d'approvisionnement, de conservation, de mise en marché et de vente des vins que la Société des alcools désigne.

Le paragraphe suivant nous dit que le lieutenant-gouverneur en conseil se donne le pouvoir de déterminer les conditions, les modalités d'approvisionnement, !a conservation, la mise en marché et la vente des cidres. Je n'ai jamais vu un projet de loi rédigé de cette façon. On se plaint depuis des années, et cela n'a pas commencé avec ce gouvernement, qu'on attache de plus en plus d'importance aux règlements et de moins en-moins d'importance au projet de loi. On a dit, dans ce cas: Vous savez, c'est une question commerciale. Il y a toujours de bonnes raisons pour que ce soient les règlements qui déterminent la totalité des régimes que nous voulons établir. Je trouve cela absolument inacceptable. Il faut réagir à cette tendance que nous avons eue, que les gouvernements ont eue depuis quelques années de tout confier à des comités lorsque vient le moment de déterminer les règles du jeu dans un certain domaine d'activités.

Le projet de loi est vraiment un exemple absolument extraordinaire où on n'a aucun principe qui peut inspirer la rédaction de ces règlements. Il n'y a aucun cadre qui vient restreindre la portée de ces règlements. Là, c'est une démission en masse du pouvoir législatif en faveur du pouvoir réglementaire. Ce projet de loi 21 va passer, je pense, dans les annales. A mon avis, il va être étudié par tous les étudiants de droit, pendant des générations, comme étant le plus bel exemple de cette délégation de pouvoirs, de cette démission des parlementaires en face de comités plus ou moins anonymes, avec, dans ce cas, en plus, un comité de rédaction des règlements, un comité qui n'est formé que de quatre personnes de la Société des alcools du Québec. Il n'y a même pas un représentant du ministère dans le comité qui prépare la rédaction des règlements. Il n'y a même pas un fonctionnaire du ministère. D'habitude, au moins, on a des comités interministériels. On me dit qu'il y a quatre membres à un comité de rédaction des règlements. On me dit qu'il y a quatre membres au comité...

M. Michaud: On vous le dit. M. Tremblay: C'est faux.

M. Raynauld: Vous me dites que c'est faux?

M. Tremblay: II y a le sous-ministre à la société d'Etat, l'avocat du contentieux, tout ce monde participe à la constitution des règlements.

M. Raynauld: On m'a dit qu'il y avait un comité de quatre personnes.

M. Tremblay: Qui vous dit ceia?

M. Raynauld: Je n'ai pas d'affaire à vous dire qui me donne mes renseignements.

M. Tremblay: Ah bon! Vous n'avez pas à nous le dire?

M. Raynauld: Non, je n'ai pas d'affaire à donner cela.

M. Tremblay: Vous avez des sources confidentielles. Vous connaissez un peu mieux le ministère que moi.

M. Raynauld: Je vous dis que je reçois des renseignements. Si vous les contestez, très bien, j'apprendrai des choses, mais, jusqu'à maintenant, ce sont mes renseignements. Il y a eu un comité de formé. D'ailleurs, vous-même, vous l'avez dit tout à l'heure. Tous les organismes ont rencontré des représentants de la Société des alcools. Ils ont passé des journées entières avec eux. Vous avez dit avec la Société des alcools, tout à l'heure. C'est ce que vous avez dit.

M. Tremblay: Oui, mais avec moi aussi et avec le sous-ministre à la société d'Etat.

M. Raynauld: Enfin, si c'est inexact, tant mieux. Je n'ai pas de...

M. Tremblay: Vos sources ne semblent pas tellement fiables, M. le député.

M. Raynauld: Peut-être qu'elles ne sont pas entièrement fiables, c'est très bien. Tant mieux si ce n'est pas un comité seulement de la Société des alcools du Québec. On aura, j'espère, l'occasion d'examiner cette question plus tard. (11 h 45)

Pour l'instant, il reste certain que, indépendamment du fait que le comité soit formé à la Société des alcools du Québec ou au ministère, le projet de loi, à l'heure actuelle, tel qu'il est rédigé — celui que nous avons devant nous — ne contient absolument rien. Il n'a aucun objet, il n'a aucune intention d'indiquer là-dedans aucun objectif. On aurait pu au moins indiquer là-dedans que les règlements devaient poursuivre une certaine fin, celle, par exemple, que le ministre lui-même a déclarée tout à l'heure. Cela aurait pu être inclus dans le projet de loi, que ceux qui sont chargés de rédiger les règlements et ensuite le lieutenant-gouverneur en conseil, qui sera chargé de les adopter, puissent s'orienter à partir d un certain nombre d'objectifs comme celui de favoriser la fabrication des vins au Québec ou de favoriser l'accessibilité des vins pour les consommateurs.

Ensuite, il me semble que le gouvernement lui-même est d'accord avec la critique que je fais du projet de loi. En effet, il y a eu le ministre chargé de la réforme parlementaire, le leader du gouvernement, qui a déclaré, le 15 mars 1978... Est-ce qu'il serait possible que je ne parle pas pour les murs? J'aimerais avoir votre oreille, M. le ministre.

M. Tremblay: Je vous écoutais d'une oreille

attentive, mais je consultais un de mes collègues en même temps.

M. Raynauld: Je disais que le leader...

M. Blank: II ne s'intéresse pas à l'opinion des autres.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Saint-Louis!

M. Raynauld: Je disais que le leader du gouvernement a justement dénoncé ce que nous avons dans ce projet de loi. Le 15 mars 1978, il allait très loin, et, si vous me permettez, je voudrais vous lire ce que le leader du gouvernement a dit à ce sujet-là: "Ce que je suggère, c'est que, justement, nous ayons une commission parlementaire dont ce soit la fonction. — II voudrait même créer une commission parlementaire spéciale dont ce serait la fonction — d'examiner carrément et clairement cette législation déléguée, qu'elle puisse dire qu'elle est en accord avec la législation, parce que, quand vous donnez votre accord de deuxième lecture à un projet de loi, vous avez un petit article quelque part qui dit — je lis toujours, c'est le leader du gouvernement qui dit ça —: Le lieutenant-gouverneur en conseil peut adopter par règlements a, b, c, d, et, bien souvent, cela se rend jusqu'à u".

Dans ce projet de loi, ce n'est pas un petit article à la fin du projet de loi, c'est le premier article, c'est le deuxième, c'est le troisième, jusqu'à la fin. Ce sont seulement des articles qui autorisent le gouvernement à adopter des règlements. Le leader du gouvernement ajoute: "II est essentiel, à mon avis, que nous ayons une possibilité de contrôle et la création d'une telle commission nous aiderait à le faire".

Imaginez, si le leader du gouvernement veut faire une commission spéciale pour examiner les règlements, comment pourrait-il accepter un projet de loi comme celui-ci, qui va justement accentuer tout ce qu'il dénonce ici? Cela accentue tout ce qu'il dénonce ici, et je pense que le minimum qu'on peut faire, le strict minimum, c'est que, lorsqu'on va étudier ça, le ministre essaie de nous éclairer sur le genre de règlements qui s'en viennent. Il faudrait absolument qu'il fasse ça.

Alors, on lui demande, dans la motion, de déposer une copie des règlements. Je ne sais pas si les règlements sont prêts ou s'ils ne sont pas prêts. Je n'en sais rien.

M. Tremblay: C'est impossible.

M. Raynauld: Mais lorsque le ministre a dit tout à l'heure que ce n'était pas possible d'adopter des règlements quand le projet de loi n'était pas adopté, vous m'excuserez, mais ça ne tient pas debout. Justement, dans ce projet de loi-ci, il n'y a absolument rien qui restreigne la préparation des règlements. Ils auraient pu être préparés il y a un an. Il n'y a absolument rien qui interdise de faire quoi que ce soit là-dedans. Il n'était pas du tout nécessaire d'attendre de préparer les règlements.

On attend pour faire des règlements, pour les promulguer, ça, c'est différent. La promulgation des règlements ne peut pas procéder l'adoption du projet de loi, c'est bien évident. Mais la préparation des règlements a pu précéder la rédaction d'un projet de loi comme celui-ci, sans aucun doute, et je pense que, si le gouvernement avait si bien préparé son projet de loi, il avait sûrement dû préparer aussi des règlements, puisque c'est l'essentiel du projet de loi. S'il n'a pas préparé les règlements, à ce moment-là, comment peut-il nous dire que toute son affaire a été bien pensée, a été bien planifiée, bien orientée? Je pense, à ce moment-là, que c'est faux, une affirmation comme celle-là.

J'appuie donc la motion du député de Huntingdon, qui demande au gouvernement de distribuer à cette commission une copie des règlements relatifs au projet de loi 21. Je pense que c'est absolument indispensable. Il n'est pas possible d'étudier avec un peu d'intelligence ce projet de loi.

Quand je l'ai lu la première fois, n'étant pas au courant des préparatifs qui avaient pu être faits auparavant et j'ai même pensé qu'il s'agissait de certains vins, Loi autorisant la vente de certains vins dans les épiceries, vous admettrez que j'aurais pu penser n'importe quoi.

J'ai appris, par le discours du ministre, qu'il s'agissait de vins fabriqués au Québec. J'ai appris cela. Je ne le savais pas. Même cela n'est pas dit dans le projet de loi. De certains vins... Peut-on trouver un projet de loi plus vague que celui-là? Je pense qu'on ne peut pas en trouver. Il n'y en a pas. Il faut attendre des déclarations du gouvernement, du ministre pour savoir la chose la plus élémentaire, soit la nature des vins dont il est question.

Evidemment, on ne sait pas non plus s'il s'agit d'un très grand nombre de marques de vins, d'un très petit nombre. On ne sait pas si la Société des alcools va vendre ses propres vins dans les épiceries en même temps que les fabricants indépendants de vins. On n'en sait rien non plus.

Pour ce qui concerne les épiceries, on dit que ce sont les détenteurs du permis d'épicerie qui est donné dans une autre loi. On nous dit: II y a 9000 épiceries. On ne connaît pas non plus les conditions d'application de cette histoire. La Société des alcools forcera-t-elle les épiceries à les vendre? Les laissera-t-elle libres d'acheter ce qu'elles veulent? La Société des alcools fera-t-elle elle-même la distribution? Par exemple, les fabricants de cidres vendent directement à l'heure actuelle aux épiciers. En vertu de ce projet de loi, leur enlèvera-t-on l'accès direct aux épiceries?

M. Tremblay: Non. C'est écrit. M. Raynauld: C'est écrit où?

M. Tremblay: C'est écrit dans le projet de loi qu'ils continueront s'ils veulent...

M. Raynauld: Où? Dans le projet de loi, c'est écrit? Il n'y a rien d'écrit dans le projet de loi. Absolument rien.

M. Blank: C'est dans les règlements, M. le ministre.

M. Tremblay: La loi n'apportant pas de changement dans ce qui se fait, ils continuent de faire ce qu'ils font, c'est-à-dire vendre directement aux épiciers.

M. Raynauld: Alors, les fabricants de cidres continueront à vendre directement aux épiciers.

M. Tremblay: Mais s'ils le désirent, ils peuvent faire entériner la qualité de leurs produits par la Société des alcools et en les revalorisant aux yeux des consommateurs, leurs ventes augmenteront.

M. Blank: Cela sera dans les règlements?

M. Tremblay: Non. C'est dans la loi M. le député de Saint-Louis, si vous l'aviez lue, vous le sauriez.

M. Blank: Où dans la loi?

M. Tremblay: Lisez-la!

M. Blank: Je l'ai, la loi. Où est-ce?

M. Tremblay: Vous essayez de faire de la petite démagogie.

M. Blank: Ce que vous dites, c'est le contraire de la loi. M. le ministre, je pense que vous avez induit la commission en erreur. Vous dites que l'on va continuer à vendre les cidres directement des cidreries. A l'article 10 de la loi, il est dit: "...la Société des alcools approvisionne de vin et, le cas échéant, de cidre... " Cela veut dire que ce sera elle qui vendra le cidre. L'article 10 dit le contraire de ce que vous dites.

M. Tremblay: Si vous permettez, M. le député, l'article traite des cidres qui seront désignés par la Société des alcools.

M. Blank: Oui, mais cela change...

M. Tremblay: Les cidres qui ne sont pas désignés continuent d'être vendus dans la procédure de commercialisation actuelle.

M. Blank: Mais si vous désignez les cidres qui sont vendus, vous avez la liberté de désigner ceux que vous voulez par règlement.

M. Tremblay: Non. Seulement par entente, M. le député...

M. Blank: Entente avec qui?

M. Tremblay: ... entre les fabricants de cidres et la Société des alcools. Je vais vous expliquer tout à l'heure tout cela très clairement. Je pense que vous ne connaissez pas la Loi de la Société des aicools.

M. Blank: Pensez-vous que nous n'avons pas le droit de poser ces questions?

M. Tremblay: Vous avez le droit, mais écoutez par contre.

M. Blank: Savez-vous qu'avant que les règlements n'aient été déposés la dernière fois pour la vente de cidres la SAQ et les fabricants de cidres étaient venus ici devant une commission des députés ministériels qui était chargée des règlements pour leur poser des questions, pour décider d'une action sur les règlements. Ce n'était pas fait en cachette, c'était fait avec les représentants de la SAQ et les représentants des cidreries pour préparer les règlements devant des parlementaires, pas des fonctionnaires.

M. Tremblay: M. le Président, il s'agissait alors — et je le sais, puisque c'est moi qui ai écrit le rapport recommandant la commercialisation du cidre — il s'agissait là d'une mesure de vente de cidre dans les épiceries qui n'existait pas; c'était un droit nouveau. Il ne s'agit pas d'un droit nouveau ici, en ce qui concerne le cidre, puisqu'il peut continuer d'être vendu dans les épiceries, comme il l'a toujours été depuis 1971.

M. Blank: Mais pensez-vous que la vente du vin, ce n'est pas quelque chose de nouveau? Les parlementaires ont droit à la même information.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Outremont, aviez-vous terminé votre intervention?

M. Tremblay: Je vais vous en donner.

M. Raynauld: Non, pas tout à fait, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Alors, vous avez la parole.

M. Raynauld: On a dévié un peu. J'étais curieux de connaître la réponse du ministre a la question que je lui ai posée. Il nous dit maintenant qu'il est évident que certaines de ces choses vont se faire par entente avec les associations concernées. Je défie le ministre de trouver un article dans le projet de loi qui parle d'ententes avec les organismes. Ce n'est absolument pas écrit nulle part. Il est évident que ceci va entrer dans les règlements. C'est normal, d'ailleurs, que cela entre dans les règlements. Je ne demande pas au ministre de mettre dans un projet de loi qu'il y a des ententes, mais qu'il ne vienne pas nous dire que c'est dans le projet de loi. Cela n'y est pas.

M. Tremblay: M. le Président, on veut caricaturer le projet de loi. Je veux bien, mais qu on attende tout à l'heure l'explication que je vais donner.

M. Raynauld: Je résume mon argumentation en faveur de la motion qui vient d'être présentée:

d'une part, le projet de loi ne nous éclaire en rien sur les intentions du gouvernement et, d'autre part, l'essentiel de cette opération va apparaître dans les règlements. Si on veut avoir une discussion intelligente de ce projet de loi, il faut avoir une copie des règlements. C'est ce que la motion demande au ministre, soit de les distribuer aux membres de cette commission.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre. M. Tremblay: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): Sur votre motion, vous voulez parler tout de suite? Alors, allez-y. M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: M. le Président, il me semble impossible d'étudier avec logique un bout de papier qui ne nous indique à peu près rien et sur lequel nous n'avons aucune donnée précise. On dit que la régie désignera les produits vendus. Elle sera donc juge et partie. Je crois que c'est très dangereux pour nos producteurs québécois que la société ait en main tous ces pouvoirs.

Ma motion est en ce sens: l'Opposition a constamment en main des projets de loi, mais n'a jamais les règlements. Alors, comment voulez-vous qu'on ait des débats sensés dans cette Chambre? C'est absolument impossible. On nous demande toujours un chèque en blanc. Qu'on n'accuse plus l'Opposition de charrier. Si on veut étudier quelque chose avec un peu de logique, il faut quand même avoir des données précises, ce qui nous manque également.

On dit que le lieutenant-gouverneur en conseil a tous les outils — c'est indiqué dans la loi — pour imposer les contraintes qu'il veut envers les épiciers québécois et, d'autre part, les fabricants de vins et de cidres. La société décidera aussi lesquelles des vingt marques de vins produits au Québec seront vendues dans les magasins ou les épiceries. Alors, il y a vingt marques de vins produits au Québec et seulement dix de ces vingt marques seront offertes par les épiciers, pendant que la société qui n'a que dix marques à offrir les offrira. Alors, je pense qu'il y a là une injustice flagrante envers les producteurs québécois.

M. le Président, je me dis que pour avoir un débat sensé, il nous faut absolument avoir ces règlements; autrement, on parle dans le vide et ce n'est pas intéressant pour nous. On veut parler sérieusement, mais que le ministre soit aussi sérieux. Je pense qu'il nous prouve ce matin qu'il veut mener le débat à lui seul. Je n'accepte pas ce principe, je veux un débat démocratique, tel que cela doit avoir lieu en commission parlementaire.

M. Bellemare: Si cela avait été eux... M. Tremblay: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Tremblay: Je crois que les députés de l'Opposition, devant un projet de loi aussi populaire, voudraient en faire une caricature. Ne pouvant s'attaquer au fond du projet, ils essaient de s'attaquer à des artifices pour créer de la confusion. Cette confusion me semble savamment entretenue et je me réjouis que mon collègue, le député d'Outremont, ancien professeur d'université comme moi, semble prendre goût à ces débats parlementaires et, ayant l'occasion de créer cette confusion, s'y lance à corps perdu. (12 heures)

Je crois qu'il s'agit d'une confusion, parce qu'on revient continuellement sur la Loi de la Société des alcools et on veut, par le truchement du débat sur la loi 21, remettre en cause le fondement même de la Loi de la Société des alcools qui accorde à la Société des alcools un monopole dans la commercialisation des produits, des alcools.

En jouant ce jeu, il laisse entendre que le projet de loi est mince, qu'il ne comporte pas suffisamment de détails, mais c'est justement ce que nous ne voulons pas faire avec ce projet de loi, nous ne voulons pas remettre en cause le monopole de la Société des alcools. Est-ce clair? Est-ce assez clair?

M. Blank: Est-ce qu'il y a de l'opposition ici? Personne n'a fait d'opposition? Personne.

M. Tremblay: Donc, la Société des alcools, qui est régie par une loi, à qui on accorde le monopole de la commercialisation et de qui on exige le contrôle de la qualité des vins, quel que soit l'endroit où ils sont vendus, y compris chez les épiciers, devra continuer d'exercer le mandat qu'elle possède présentement.

Il est évident que, si les membres de l'Opposition s'attendaient que le présent projet de loi enlève à la Société des alcools une partie de ses responsabilités, diminue ses pouvoirs en fonction de sa propre loi, je comprends qu'elle est déçue. Mais, si vous êtes déçus, vous n'avez qu'à vous en prendre à vous-mêmes puisque vos idées sur cette question ne sont pas celles du gouvernement. Par conséquent, vous devriez peut-être...

M. Raynauld: ... ne pas être déçus.

M. Tremblay: Vous pouvez être déçus, mais vous pouvez peut-être respecter le droit du gouvernement...

M. Raynauld: On va s'en prendre à soi-même.

M. Tremblay: ... de ne pas bouleverser la Loi de la Société des alcools.

M. Raynauld: Ce n'est pas du tout la question. M. Blank: Ce n'est pas ça du tout.

M. Tremblay: Tout ce que fait cette loi... M. Dubois: Pas du tout, il ne comprend pas.

M. Tremblay: Est-ce qu'on pourrait me laisser donner les explications?

De sorte qu'on voudrait que la Société des alcools abdique soit sa responsabilité sur la commercialisation, soit sur les importations, soit sur le contrôle de la qualité. Il n'en est rien. La Société des alcools garde toutes ses prérogatives, et j'ai expliqué pourquoi. Parce qu'il serait irresponsable qu'on enlève cette fonction à la Société des alcools et que nous lancions une opération semblable qui pourrait s'avérer un échec, telle qu'elle est planifiée. Il n'y aura pas d'échec.

M. Raynauld: M. le ministre, vous avez changé d idée?

M. Tremblay: M. le Président, de sorte que la Société des alcools possède déjà tous ces pouvoirs de délégation auxquels fait allusion le député d'Outremont. La Loi de la Société des alcools lui donne une complète juridiction sur le commerce des alcools au Québec; il n'y a donc pas besoin de délégation additionnelle, elle la possède déjà. Ce qu'il faut, par le projet de loi, c'est ce que nous faisons, c'est lui permettre de faire des ententes avec les épiceries, en fonction de sa propre loi, et il faut aussi permettre aux épiceries, bien sûr, de pouvoir vendre les vins.

C'est tout ce que le projet de loi recherche; vous recherchez autre chose. Je regrette, le gouvernement n'est pas d'accord avec votre approche. Or, la loi actuelle de la Société des alcools ne comporte pas d'articles qui ont trait au choix des produits mis en vente dans les succursales de la SAQ, au mode d'approvisionnement des détenteurs de permis, au marché bénéficiaire, aux règles de conservation des produits. Donc, il s'agit d'une foule de technicités qui ne peuvent pas être incluses dans un nouveau projet de loi, puisque nous faisons ici de nouvelles expériences commerciales qui sont justifiées par la loi générale de la Société des alcools.

Mais ces technicités devront être précisées, non pas de façon unilatérale par le législateur, non pas de façon unilatérale par la Société des alcools, même si la loi le lui permet, mais à la suite de négociations. Donc, la Société des alcools, une fois le projet de loi adopté, pourra compléter... Parce qu'on ne peut pas demander aux épiciers de faire des ententes avec la Société des alcools, alors qu'il n'ont même pas encore le droit de vendre du vin. Lorsque le projet de loi sera adopté, la Société des alcools pourra faire des ententes formelles avec les épiciers, fera des ententes formelles avec les fabricants de cidres qui le désirent et fera aussi des ententes formelles avec les fabricants de vins qui le désirent.

Parce que les fabricants de vins peuvent continuer à vendre dans les 350 points de vente de la Société des alcools comme cela existe présentement. Lorsque ces ententes auront été conclues...

M. Raynauld: Est-ce que je pourrais poser une question?

Le Président (M. Boucher): M. le ministre, M. le député d'Outremont désire poser une question. Est-ce que vous acceptez?

M. Tremblay: Volontiers.

M. Raynauld: Où est-ce qu'il est indiqué dans le projet de loi que la Société des alcools fera des ententes?

M. Tremblay: C'est inscrit dans la Loi de la Société des alcools qui lui donne le monopole sur le commerce des alcools. Donc, elle peut faire ce qu elle veut dans le domaine du commerce des alcools, pourvu qu'elle garde le contrôle.

M. Raynauld: Je comprends, mais il n'est pas dit que l'application de ce projet de loi va se faire par des ententes — ce n'est pas dit dans le projet de loi — avec les épiciries. Vous nous dites cela actuellement.

M. Tremblay: Cela fait partie de la Loi de la Société des alcools qui n'est pas suspendue, M. le député.

M. Raynauld: Je comprends qu'elle n'est pas suspendue.

M. Tremblay: Elle ne fait qu'étendre la loi existante. On ne reprend pas toute la loi. Vous comprendriez que ce serait là un projet de loi très majeur. Mais comme on ne remet pas en cause le principe même du monopole d'Etat, on ne veut qu'élargir le réseau de distribution des vins aux épiceries. Il n'y a rien de sorcier dans cela, il n'y a rien de compliqué. Vous voulez le compliquer, mais je crois que ce n'est pas justifié. Les choses sont relativement claires. C'est une aberration que de demander des règlements avant même que la loi ne soit adoptée, puisque, logiquement, ces ententes ne peuvent se faire qu'une fois la loi adoptée, une fois qu'on a accepté de confier aux épiciers la vente des vins.

M. le Président, c'est peut-être par ignorance de l'industrie ou peut-être en vertu d'autres considérations parlementaires — et je respecte les préoccupations légitimes des députés de l'Opposition sur cette question — mais à cause de toutes les explications que je viens de donner, je crois que nous allons nous prononcer contre la motion.

Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la motion?

M. Blank: Oui.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Je pense que le ministre n'a pas compris du tout l'argument de l'Opposition. On ne veut pas toucher à la Loi de la société des alcools. On sait qu'il a le pouvoir de délégation et le pouvoir de faire des règlements. Mais ce qu'on veut, c'est simplement que les règlement soient faits en pleine connaissance de tous les faits, et avec I'appui des parlementaires. C'est nous qui devons voter la loi, c'est nous qui avons des responsabilités envers nos électeurs. Quand on a changé la Loi de la Société des alcools, pour ajouter le cidre

dans les épiceries, il y avait, à ce moment-là, le pouvoir de délégation dont parle le ministre.

Mais on a pris la précaution de préparer des règlements, devant un comité de parlementaires, où les deux partis en cause ont négocié pour en arriver à des règlements qui font l'affaire de tout le monde.

Avec ce que le ministre veut faire ici, on va préparer ces règlements, je ne sais pas ou, ni par qui. Mais qu'on les fasse au moins devant les parlementaires. Je suis même prêt à donner au ministre le droit de le faire, non pas devant cette commission, mais au moins devant un comité de parlementaires ministériels, au moins cela, pour qu'on voit des parlementaires qui sont responsables envers la population, dire un mot là-dedans. C'est ce que je demande, c'est ce qui a été fait pour la question du cidre.

M. Tremblay: Vous me permettrez de préciser, M. le député, que la loi donne justement ce droit, au Conseil des ministres. Ce n'est pas la société qui fait les règlements, c'est le Conseil des ministres.

M. Blank: C'est le Conseil des ministres, mais la dernière fois qu'on l'a fait avec le cidre, cela a été fait avec le comité des parlementaires, la SAQ, les producteurs de cidres étaient là également. Les trois parties, la population, les gens concernés par le cidre et la régie...

M. Tremblay: M. le Président, on revient sur une motion dont on a déjà disposé.

M. Raynauld: On n'en a pas disposé, M. le Président.

M. Blank: Je ne parle pas de cela, je parle des règlements.

M. Raynauld: On n'a pas disposé de la motion.

M. Tremblay: La première motion revient.

M. Blank: Je parle de la préparation des règlements. Je ne parle pas de cette commission-ci.

Le Président (M. Boucher): Cela touche aux règlements.

M. Blank: Je n'ai pas parlé d'inviter des gens. J'ai dit que si on veut préparer des règlements, on doit avoir ces règlements ici. Si vous n'êtes pas prêts, au moins, donnez-nous la promesse qu'ils vont être préparés avec l'appui des députés, avec la connaissance des députés, mettez-nous à côté des députés ministériels, mais au moins faites en sorte que la population soit au courant de ce qui se passe.

M. Tremblay: Ils seront publiés dans la Gazette officielle.

M. Blank: Pardon?

M. Tremblay: Les règlements, comme tous les autres règlements, seront publiés dans la Gazette officielle.

M. Blank: Comment se fait-il que nous, le parti de cachette, ayons fait cela en public et vous, celui de la transparence, faites cela en arrière?

M. Tremblay: Est-ce que la Gazette officielle est un organisme caché?

M. Blank: Pardon?

M. Tremblay: Est-ce que la Gazette officielle est un organisme caché?

M. Blank: Oui. Ce n'est pas la Gazette officielle qui les prépare. C'est seulement une publication. Nous autres, les libéraux, dans notre temps, on a fait cela en public.

M. Tremblay: Vous autres, les libéraux, vous n'avez rien passé, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Blank: Même les gens derrière vous nous conseillaient de ne rien passer. Maintenant, ils ont changé d'avis.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: On veut savoir pourquoi. Qui a fait la pression? Et pourquoi a-t-on fait la pression sur ces gens-là? Vous les forcez, cette fois-ci, à appuyer quelque chose qu'ils rejetaient, il y a deux ans. C'est ce que je veux savoir. Vous avez peur de les faire entendre. C'est la vraie raison. Vous, le ministre, avez peur de convoquer à la commission parlementaire les gens de la SAQ qui ont renversé leur décision sous la pression du gouvernement actuel et ce à des fins politiques.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laprairie.

M. Blank: Répondez-moi sur cela.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laprairie.

M. Blank: Je suis pour et le Parti libéral était pour, mais la SAQ était contre à ce moment-là.

M. Tremblay: C'étaient donc les fonctionnaires qui dirigeaient dans votre temps et non pas vous-mêmes. C'est pour cela qu'on vous a renversés. Vous étiez un gouvernement qui ne dirigeait pas.

M. Blank: Oui, on pense avant de marcher. On demande des opinions. Vous autres avez peur des opinions.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Laprairie.

M. Michaud: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir à ce que le député d'Outremont disait tout à l'heure. Il disait que la Société des alcools du Québec est en conflit d'intérêts. S'il avait lu les notes explicatives au début du projet de loi no 21, il aurait bien vu qu'on dit "aux fins d'autoriser les détenteurs de permis d'épicerie à vendre des vins désignés par la Société des alcools du Québec aux conditions et selon les modalités déterminées par le lieutenant-gouverneur en conseil."

La Société des alcools n'est pas en conflit d'intérêts. Ce n'est pas la Société qui fera les conditions et les modalités, ce sera tout simplement le lieutenant-gouverneur en conseil.

Les prérogatives que la Société des alcools a, d'après la loi, elle les conserve. Si je voulais être malin, je pourrais demander au député d'Outremont s'il a demandé à son chef de parler comme cela. Peut-être qu'après l'heure du dîner, il pourrait changer d'idée et parler autrement. Je ne voudrais pas revenir sur ce point de vue.

M. Raynauld: Vous êtes bien malin.

M. Blank: Nous avons très peur de notre chef. C'est très intéressant.

M. Michaud: De toute façon, je crois...

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Tremblay: Qu'il se fasse élire dans NDG, qu'il se fasse élire chez les anglophones. Vous allez voir qu'on saura le démasquer.

M. Blank: Qu'il se fasse élire où il veut, ce n'est pas le Parti québécois qui va diriger notre équipe.

M. Tremblay: Qu'il se fasse élire et qu'il vienne discuter sur la place publique, ici, à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Tremblay: Qu'il ait le courage de se faire élire.

M. Blank: Ouvrez votre comté à des élections et présentez-vous contre lui. Je vous en fais le défi. Faites-le, si vous voulez.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre! A l'ordre! Messieurs, s'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Tremblay: Le comté est ouvert.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Raynauld: Ouvrez donc le vôtre.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît! Nous en sommes toujours à la motion du député de Huntingdon.

M. Raynauld: Ouvrez le vôtre.

M. Michaud: C'est mon droit de parole, s il vous plaît! Nous n'avons aucune peur de leur chef, c'est peut-être eux qui ont peur de leur nouveau chef. De toute façon, M. le Président, je vais voter contre cette motion.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: J'ai une courte question à poser à M. le ministre. D'une part, vous avez précisé tout à l'heure que la réglementation se fera seulement après l'adoption du projet de loi. D'autre part, une initiative a été prise, jusqu'à maintenant, de commander du vin importé, avant que la réglementation soit faite.

M. Tremblay: D'accord, j'ai mentionné que la Société des alcools était...

M. Dubois: C'est difficile à comprendre. C est incohérent.

M. Tremblay: Je vais vous l'expliquer. C'est très simple. Ce n'est pas compliqué. Ce n'est pas sorcier.

M. Dubois: Ah! Ce n'est pas compliqué!

M. Tremblay: La Société des alcools a le monopole de l'importation. Elle doit donc faire des démarches longtemps à l'avance pour ses achats. C'est évident qu'elle peut prévoir ce qui s'en vient, le projet de loi ayant été annoncé au mois de décembre, qu'il allait y avoir un afflux de demandes. Il est évident que la Société des alcools jouit d'une grande latitude dans ses décisions concernant le marché des alcools, de sorte qu'elle n'a à s'excuser auprès de personne de poser des gestes commerciaux en fonction d'une évaluation d'un marché potentiel. C'est même sa responsabilité. Je crois que nous pourrions reprocher à la Société des alcools de ne pas prévoir les fluctuations dans la demande. Comme il y a dans la demande des fluctuations qui sont prévisibles et que les démarches pour faire face à ces fluctuations de la demande doivent se faire longtemps à l'avance, je dois féliciter la Société des alcools de faire des gestes dans ce sens.

M. Dubois: M. le ministre, suite aux 8000 nouveaux débouchés pour la vente des vins, vous aviez prévu une augmentation des vins importés et embouteillés au Québec, naturellement. Je pense que je le comprends. Vis-à-vis des producteurs québécois, est-ce que vous avez aussi placé d'importantes commandes? Si vous vous attendez à une augmentation assez importante de la vente

des vins, j'imagine que cela va aussi pour les vins québécois.

M. Tremblay: M. le Président, le ministre de l'Industrie et du Commerce est responsable devant la Chambre de la Société des alcools. Ce n'est pas lui, par contre, qui dirige la Société des alcools. J'ai mentionné tout à l'heure...

M. Dubois: Je m'excuse, est-ce que je pourrais vous poser une question additionnelle?

M. Tremblay: Est-ce qu'on peut me laisser répondre un peu? Une minute!

Le Président (M. Boucher): M. le député de Huntingdon, M. le ministre va répondre et vous poserez votre autre question. (12 h 15)

M. Dubois: D'accord.

M. Tremblay: J'ai mentionné tout à l'heure que, vendredi dernier — c'est aussi près que cela — la Société des alcools a rencontré des fabricants de vins du Québec, et il y a des démarches pour l'achat de vins. Les conditions commerciales pour un produit qui est fabriqué au Québec ne sont pas les mêmes que celles qui existent pour l'importation, de sorte que je présume que les dirigeants actuels de la société des alcools, qui sont très compétents, posent les gestes qui sont normaux dans le domaine. J'ai confiance en leur jugement commercial. Je demanderais au député de Huntingdon d'avoir la même confiance dans la capacité et l'expertise des dirigeants de la Société des alcools.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: M. le ministre, vous avez quand même bien indiqué tout à l'heure qu'une quantité supplémentaire de vins importés fut commandée. Je pense que si vous êtes au courant du fait qu'on a augmenté nos commandes de vins importés embouteillés au Québec, vous devriez aussi être au courant s'il y a eu des commandes additionnelles de placées chez les fabricants québécois.

M. Blank: Demandez-le!

M. Tremblay: On me dit qu'il y a des commandes qui ont été passées, mais commander et livrer, ce n'est pas la même chose — les livraisons vont se faire dans le temps — et qu'il y a donc des contacts très fréquents avec les milieux qui fabriquent le vin. Tout ceci revient finalement à des décisions commerciales de prudence, de bonne administration publique et de bonne mise en marché et ceci me rassure de voir que la Société des alcools réagit si rapidement. J'ai confiance que cette opération est non seulement très souhaitée par la population, elle sera aussi un succès commercial.

M. Blank: C'est la raison pour laquelle les employés des magasins de la SAQ protestent contre l'intervention des députés ministériels dans leurs affaires? Vous n'avez pas entendu cela à la télévision la semaine passée, samedi passé? Les employés des magasins de la SAQ protestaient contre l'ingérance politique des députés ministériels dans leurs affaires.

M. Tremblay: Samedi passé, j'étais à Gaspé en train de présider un mini-sommet sur les pêches commerciales. Je travaillais donc samedi, sans être payé en temps supplémentaire. Cela a été un mini-sommet formidable avec l'approbation générale de l'ensemble du Québec et du milieu des pêches.

M. Blank: Oui, mais, comme ministre, vous devez au moins avoir des gens pour vous faire rapport de la situation dans vos propres magasins, ce qui se passe dans vos magasins.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Outremont.

M. Blank: La politique avant tout.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Louis, s'il vous plaît! M. le député d'Outremont.

M. Tremblay: Vous avez l'air de connaître cela!

M. Raynauld: M. le Président...

M. Blank: ... je peux parler, j'attendrais.

M. Tremblay: Peut-être que vous avez une recette.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Saint-Louis, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Raynauld: M. le Président, comme...

M. Blank: Pas du tout. Le Parti québécois n'a pas augmenté dans mon comté, pas du tout. Mes confrères ici ont pris quelques votes, mais pas vous autres.

Une Voix: Vous, vous avez baissé.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Louis. M. le député d'Outremont, vous avez la parole.

M. Raynauld: Le ministre a senti tout à l'heure le besoin de féliciter la Société des alcools du Québec de prévoir la demande. Je voudrais lui dire ici qu'il y a souvent des débats qui sont soulevés parce que les administrations tiennent pour acquis que des projets de loi sont adoptés avant d'être

adoptés, et je voudrais lui rappeler, à cet égard, qu'il serait peut-être préférable de ne pas trop s'en vanter, de ces prévisions de la demande qui dépendent de l'adoption d'un projet de loi, parce que les parlementaires sont souverains.

M. Tremblay: Cela a été fait à la demande du ministre de l'Industrie et du Commerce, M. le député.

M. Raynauld: Non, je ne veux pas dire que c'est parce que c'est le ministre, mais vous vous vantez, vous vantez la société d'avoir fait des choses en prévision de l'adoption de ce projet de loi, et je dis que ce genre de commentaires est déplacé...

M. Tremblay: Vous nous reprocheriez le contraire, si...

M. Raynauld:... parce que vous vous rappellerez que, dans le cas de l'assurance automobile, il y a même eu un débat à l'Assemblée nationale, parce qu'on avait commencé à faire de la publicité avant que le projet de loi soit adopté. Il y a beaucoup de parlementaires qui ont trouvé que c'était une violation des droits des parlementaires, parce que ce sont eux qui décident si les projets de lois sont adoptés, ce n'est pas l'administration et ce ne sont pas les sociétés d'Etat. Ce n'est personne. Ce sont les parlementaires eux-mêmes.

Je voudrais ensuite poser une question...

M. Michaud: Bien administrer, c'est prévoir.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, M. le député de Laprairie!

M. Raynauld: Oui. Je voudrais ensuite demander si le ministre a consulté le ministre des Affaires sociales dans l'élaboration et la préparation de son projet de loi.

M. Tremblay: Oui, M. le Président.

M. Raynauld: Alors, le ministre des Affaires sociales n'est pas solidaire du cabinet?

M. Tremblay: Après discussion, nous avons démontré que cette mesure allait avoir très peu d'effet sur le taux d'alcoolisme, et on pourra vous l'expliquer, au cours des discussions sur certains amendements. J'ai des chiffres à vous communiquer à ce propos, qui sont très révélateurs.

M. Raynauld: Oui. Enfin, je voudrais répondre, si c'est possible, parce que je pense que les commentaires étaient assez vides, au député de Laprairie. J'ai également noté, parce que c'est dans la loi. ce n'est pas seulement dans les notes explicatives qui, pour son information, ne font pas partie des lois, mais c'est même écrit dans la loi — cela, je l'avais lu — que c'était bien le lieutenant-gouverneur en conseil qui adoptait les règlements. Je n'ai jamais dit que c'était la Société des alcools qui faisait ça.

Mais le problème du conflit d'intérêts n'est pas rejeté pour autant, n'est pas supprimé pour autant, parce que, dans le libellé de l'article, on dit bien que c'est le lieutenant-gouverneur qui établit les règlements, mais il établit les règlements pour la mise en marché, la vente des vins que la société désigne. C'est ça le problème. C'est la société elle-même qui désigne les vins qui seront vendus.

Je peux comprendre pourquoi le gouvernement a fait ça. Je peux le comprendre.

M. Michaud: Question de qualité.

M. Raynauld: Oui, mais, ceci dit, il reste que là. on demande à une société de désigner qui seront ses concurrents? Ce n'est pas extraordinaire, ça? Moi, je trouve ça extraordinaire. C'est la société qui va désigner quels vont être les vins qui seront vendus dans les épiceries, et c'est là qu'est le conflit d'intérêts.

M. Tremblay: Me permettez-vous un commentaire afin que l'on puisse peut-être éviter des débats trop longs?

M. Raynauld: Non, je pense que ce ne sont pas des commentaires, M. le Président, ce sont des questions qu'on accepte d'habitude dans ce genre de débat.

M. Tremblay: Je vous poserai la question, à savoir quelle est la situation présente?

M. Raynauld: La situation présente, c'est que la Société des alcools — je savais que vous étiez pour me dire ça...

M. Tremblay: Ah!

M. Raynauld: ... la Société des alcools a le monopole.

NI. Tremblay: Pardon? Oui.

M. Raynauld: Oui, elle a le monopole...

M. Tremblay: On veut qu'elle continue d'avoir le monopole.

M. Raynauld: Vous voulez qu'elle continue à l'avoir.

M. Tremblay: Oui, êtes-vous contre ça?

M. Raynauld: Mais il reste que, lorsqu'on essaie d'étendre, comme on le fait dans ce projet de loi, la distribution de vins, et qu'on dit, dans les déclarations que le ministre fait, que ça, c'est pour favoriser les producteurs québécois, les vins fabriqués au Québec, il faut bien reconnaître que les vins fabriqués au Québec par ces fabricants viennent en concurrence avec les vins vendus par la Société des alcools. Que vous aimiez cela ou non...

M. Tremblay: Mais par rapport à la situation présente, vous ne nierez pas...

M. Raynauld: Si vous voulez tellement insister sur ce sujet, je vous conseillerais de dire carrément et de déclarer à la population que vous avez l'intention que la Société des alcools achète tous les fabricants qui sont là et les fasse disparaître. Je pense que c'est cela la notion d'un monopole.

M. Tremblay: C'est absolument contraire aux intentions du gouvernement.

M. Raynauld: Vous réaffirmez continuellement, chaque fois qu'on vous dit de telles choses, qu'il est bien entendu que vous ne voulez pas toucher au monopole de la SAQ. Je vous dis que si vous ne touchez pas au monopole de la SAQ, dans les circonstances actuelles, cela veut dire, par voie de conséquence, que les fabricants de vins et de cidres, au Québec, ont leurs jours comptés. C'est cela que ça veut dire.

M. Tremblay: Au contraire. Si on laissait la situation présente prévaloir...

M. Raynauld: ... à ce moment...

M. Tremblay: ... ils continueraient de s'abaisser. J'ai donné des chiffres concernant le cidre tout à l'heure. C'est pathétique.

M. Raynauld: Cela veut dire que vous ne refusez pas qu'effectivement il y ait des fabricants, donc qu'il y ait des concurrents à la SAQ. Alors, ajustez vos commentaires.

M. Tremblay: La SAQ ne fabrique pas de vins comme tels. Elle ne fabrique pas d'alcool.

M. Raynauld: Elle fabrique des vins au même titre que les fabricants.

M. Tremblay: Elle embouteille.

M. Raynauld: Elle embouteille, et il y a des fabricants québécois qui achètent de la matière première, du moult...

M. Tremblay: ... à l'extérieur...

M. Raynauld:... à l'extérieur et qui le transforment légèrement, à ce qu'on me dit, mais qui l'embouteillent également. Alors, à ce moment, il n'est pas exact de dire que la SAQ est la seule qui fasse de l'embouteillage de vins au Québec. Ce n'est pas exact et cela est un changement depuis que vous avez fait votre étude sur le rapport Thinel, selon ce qu'on me dit. C'est un changement. Cela s'est produit au cours des dernières années, en vertu de quelle loi, je n'en sais rien. Je ne veux pas le savoir. Mais je sais qu'il existe des fabricants aujourd'hui.

M. Tremblay: Cela dure depuis 1921, d'après ce qu'on me dit. L'embouteillage privé de vins dure depuis 1921.

M. Raynauld: On me dit que c'est depuis trois ou quatre ans.

M. Tremblay: L'embouteillage de la Société des alcools date de 1921.

M. Raynauld: Ah! On ne parle pas de cela. On parle de l'embouteillage par des fabricants privés. Je sais bien que la Société des alcools embouteille depuis longtemps. Ce n'est pas cela l'histoire. Je dis qu'il y a des producteurs québécois qui sont apparus sur le marché récemment. Peut-être y en avait-il depuis 1910, ce n'est pas impossible, mais on me dit que, depuis quelques années, il y a des fabricants en plus grand nombre et que de ces fabricants, effectivement — je pense que c'est cela qui était l'essentiel de vos propos tout à l'heure — il y en a un certain nombre, comme des fabricants de cidres, qui sont en difficultés financières.

Je reconnais tout à fait l'intention du gouvernement qu'en donnant des points de vente additionnels, cela devrait favoriser ces fabricants. Je n'ai jamais dit le contraire. Je n'ai jamais dit que cela restreindrait la vente de ces produits. Cependant, cela dépend des conditions. Pour être capables de vendre dans 9000 points de vente, il va falloir que ces fabricants aient la possibilité de faire les investissements nécessaires, au moins en publicité. Il faudra qu'ils sachent si leurs vins seront désignés par la Société des alcools.

C'est afin d'avoir les informations nécessaires, avant de commencer l'étude de ce projet de loi, qu'il y a une motion qui est sur la table, qui dit: Essayez donc d'éclairer les membres de la commission en apportant le texte des règlements puisque le projet de loi 21, tel qu'il est là, ne nous permet pas de connaître les intentions, qui peuvent être très bonnes. Je ne les conteste pas avant de les savoir, je ne les connais pas, je veux connaître les intentions du gouvernement sur ce projet-là.

Le Président (M. Boucher): M. le député, vous aviez épuisé votre temps sur la motion. Alors, M. le député de Huntingdon avait demandé la parole. M. le député de Laprairie par la suite.

M. Dubois: Merci, M. le Président. J'espère que le ministre a été bien honnête quand il nous a dit qu'un des buts visés par ce projet de loi était de favoriser la vente des vins québécois et des industries québécoises impliquées dans la fabrication de vins et de cidres. Suite aux indications du ministre, on peut s'apercevoir que sur 20 marques de vins produits au Québec, chacun des dix fabricants n'aura pas droit à plus de deux marques de ces vins. Ce qui veut dire que d'un côté...

M. Tremblay: Les vins des fabricants québécois sont sur la liste des 350 points de vente de la Société des alcools.

M. Dubois: Oui, mais je parle des 8000 épiciers indépendants.

M. Tremblay: J'ai déjà expliqué qu'il y avait des problèmes logistiques. L'opération deviendrait aberrante sur le plan économique s'il y avait une multitude de marques. Les coûts deviendraient tels qu'on ne pourrait pas avoir de prix dans les épiceries qui soit concurrentiel avec celui que l'on a dans les magasins de la Société des alcools. Donc, il y a une contrainte de mise en marché, de marketing, extrêmement serrée.

M. Dubois: Selon les indications que vous avez fournies après la deuxième lecture, qui ne sont quand même pas indiquées dans le projet de loi, quant au présentoir, il y aurait un tiers de l'espace réservé aux vins de la société, un tiers aux vins québécois et possiblement un tiers aux cidres québécois.

M. Tremblay: La Société des alcools négocie avec les intervenants une mesure semblable qui serait équitable, semble-t-il, pour tous les intervenants.

M. Dubois: Où je trouve que ce n'est pas tellement équitable, c'est que les dix vins embouteillés ou choisis par la société pour être placés dans le présentoir vont y être, alors que chacun des fabricants du Québec n'aura pas plus de deux vins. C'est à peu près un cinquième des marques de vins fabriqués au Québec qui seront présentées au public dans les 8000 épiceries.

M. Tremblay: Evidemment, le véritable arbitre sera en définitive le consommateur. Le gouvernement peut adopter des lois pour élargir un mode de commercialisation et on l'élargit passablement, c'est évident: selon l'offre et la demande. C'est là que vous voyez comment il serait aberrant de décréter dans des règlements, alors qu'on ne connaît pas encore les négociations; et encore plus aberrant d'insérer cela dans une loi, que les marques vont varier en fonction des fluctuations de la demande. Le consommateur, finalement, sera le dernier roi, le dernier juge.

L'expérience sera donc très révélatrice, mais on ne peut pas préjuger trop longtemps à l'avance de ce qui se passera dans les 9000 points de vente.

M. Dubois: Vous admettrez quand même, M. le ministre, qu'il est impossible, pour les fabricants québécois, de faire connaître au public toutes leurs marques de vins. Ce serait impossible...

M. Raynauld: M. le Président...

M. Dubois: Ils en auront seulement deux sur dix.

M. Tremblay: Oui, présentement, M. le député de Huntingdon, les vins québécois sont dans les magasins de la Société des alcools, 350 magasins offrant 960 vins.

M. Dubois: D'accord.

M. Tremblay: Donc, ils sont en concurrence avec beaucoup d'autres vins. Dans les épiceries, ils seront en concurrence uniquement avec des vins de la Société des alcools, c'est donc une diminution draconienne de la concurrence, et seulement dix marques de la Société des alcools. C'est donc une occasion fantastique pour les fabricants de vins du Québec. C'est pour ça que je trouve tellement aberrant que l'on dise que cette mesure qui leur donne, en quelque sorte, un quasi-monopole de distribution dans les épiceries pourrait leur être dommageable. Si le consommateur n'achète pas ces produits avec au-delà de 9000 points de vente, il y a certainement de sérieux problèmes de qualité. Je ne présume pas, mais si c'était votre argument, je pense qu'il ne tient pas.

Je pense que ce projet de loi est extraordinairement favorable aux fabricants de vins du Québec.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre, nous sommes à l'heure de suspendre les travaux.

M. Dubois: Je peux avoir la parole en revenant, au début de la commission?

Le Président (M. Boucher): Vous aurez la parole à la reprise cet après-midi. Nous ajournons nos travaux sine die.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

Reprise de la séance à 16 h 20

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, messieurs!

La commission de l'Industrie et du Commerce s'est réunie pour étudier article par article le projet de loi no 21, Loi autorisant la vente de certains vins dans les épiceries.

Les membres de la commission sont M. Blank (Saint-Louis) remplaçant M. Ciaccia (Mont-Royal); M. Dubois (Huntingdon), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Grégoire (Frontenac), M. Perron (Duplessis) remplaçant Mme Leblanc (Iles-de-la-Madeleine); M. Lefebvre (Viau), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Raynauld (Outremont), M. Shaw (Pointe-Claire) et M. Tremblay (Gouin).

Les intervenants sont M. Caron (Verdun), M. Gagnon (Champlain), M. Godin (Mercier), M. Bellemare (Johnson) remplaçant M. Goulet (Bellechasse); M. Michaud (Laprairie), M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Vaillancourt (Orford).

M. Perron: Je suis membre permanent.

Le Président (M. Boucher): Vous êtes intervenant et on a demandé que vous remplaciez Mme Leblanc.

Une Voix: II a donc droit de vote.

M. Grenier: M. le Président, suis-je ajouté comme intervenant?

Le Président (M. Boucher): M. Grenier, vous remplacez...

M. Grenier: M. Bellemare.

Le Président (M. Boucher): M. Bellemare, qui remplaçait M. Goulet.

M. Grenier: L'intervenant, c'est M. Dubois. On m'informe qu'il sera ici dans quelques minutes, quelqu'un d'autre peut parler en attendant. Il est en train de préparer son mini-débat sur l'agriculture pour ce soir à 22 heures.

Le Président (M. Boucher): Y a-t-il d'autres interventions sur la motion que nous avions ce matin?

M. Tremblay: Je vous dirai simplement, M. le Président, que nous avons discuté durant au moins une heure sur cet amendement et je demanderais le vote.

M. Raynauld: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une question au ministre?

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Pourquoi n'acceptez-vous pas cet amendement?

M. Tremblay: J'ai expliqué en long et en large, au moins pendant vingt minutes, si ce n'est pas une demi-heure, que les règlements ne pourront être rédigés de façon définitive, approuvés par le Conseil des ministres et publiés dans la Gazette officielle qu'une fois les ententes faites avec les épiciers et les autres intervenants au dossier.

C'est évident qu'on ne peut pas faire d'ententes semblables tant que la loi n'est pas adoptée. Ce n'est pas plus compliqué que cela. J'ai donné toutes les raisons secondaires, mais c'est le fond de la question. Par conséquent, il nous faut adopter les quelques amendements aux deux lois que comporte le projet de loi 21.

Vote sur la motion

Le Président (M. Boucher): Je mets aux voix la motion du député de Huntingdon, qui se lit comme suit: Que cette commission invite le ministre de l'Industrie et du Commerce, avant le début de l'étude article par article du projet de loi no 21, à distribuer aux membres et intervenants de cette commission un projet des règlements relatifs au projet de loi. Que ceux qui sont pour ou contre veuillent bien se prononcer. M. Blank (Saint-Louis)?

M. Blank: Pour.

Le Président (M. Boucher): M. Dubois (Huntingdon)? Absent. M. Gosselin (Sherbrooke)?

M. Gosselin: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. Perron (Duplessis)?

M. Perron: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. Lefebvre (Viau)?

M. Lefebvre: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. Ouellette (Beauce-Nord)?

M. Ouellette: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. Raynauld (Outremont)?

M. Raynauld: Pour.

Le Président (M. Boucher): M. Tremblay (Gouin)?

M. Tremblay: Contre.

Le Président (M. Boucher): Cette motion est donc rejetée à cinq contre deux.

M. Tremblay: M. le Président, j'aimerais vous proposer que nous procédions à l'étude de l'article 1 du projet de loi 21.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Outremont.

Motion relative à une demande de renseignements

M. Raynauld: M. le Président, je pense que le débat que nous avons eu, ce matin, sur la motion précédente indiquait une intention, de notre part, absolument légitime. Nous essayons d'obtenir, avant le début de l'étude du projet de loi, dans le cadre de l'organisation de nos travaux, des idées un peu plus précises de ce que le gouvernement entend faire avant d'adopter le projet de loi no 21. Le gouvernement nous donne, somme toute, une raison technique pour refuser la motion précédente que nous avons présentée, raison technique que je peux comprendre, s'il est bien exact que les règlements vont comprendre ou seront le résultat d'ententes, ce que j'ignorais avant de présenter cette motion.

Maintenant, on n'est pas plus avancé encore, étant donné que si on n'a pas les règlements, cela ne remplit pas le projet de loi. Le projet de loi reste toujours aussi vide qu'il l'était. Il reste un projet de loi qui repose, pour son intelligence, sur des règlements que nous ne connaissons pas. Même si la raison qui nous est donnée est une raison qui peut être légitime, il reste que nous sommes toujours dans la plus grande obscurité. Par conséquent, je pense qu'il devrait y avoir possibilité, de la part du ministre, de nous renseigner davantage. Comme il n'a pas suggéré lui-même d'offrir à l'Opposition les renseignements nécessaires, je voudrais proposer une motion qui viserait justement à obtenir ces renseignements.

Je vais lire cette motion. Mais avant de la lire, je voudrais réitérer l'intention de la motion. Ce sera d'ailleurs, en ce qui me concerne, la dernière motion préliminaire que je présenterai. Je ne veux pas que ce soit perçu simplement comme des motions dilatoires. Je pense qu'il y a, si vous voulez, comme justification à cette motion, comme à la précédente, une préoccupation que je pense entièrement légitime.

Nous avons un projet de loi qui nous dit: Nous passerons des règlements. Je pense qu'il est impossible que nous puissions passer un jugement sur un projet de loi comme celui-là sans avoir des détails supplémentaires. Je pense que ces détails auraient pu prendre la forme de règlements. Ils pourraient aussi prendre la forme d'autre chose. A peu près dans toutes les commissions où je suis allé — j'en ai fait plusieurs depuis un an et demi — il y a finalement toujours eu une certaine réponse de la part du gouvernement. Je participe à l'heure actuelle à la commission sur l'amiante. A cette commission, nous avons présenté des motions comme celle-là. La plupart ont été refusées, mais, en échange, le gouvernement a quand même reconnu que, pour faire avancer les travaux et les faire d'une façon plus éclairée, il était opportun de soumettre à la commission soit des études, soit des documents préliminaires, soit des rapports qui auraient pu être faits par des fonctionnaires du gouvernement ou parfois par des groupes extérieurs, de sorte qu'on a pu finalement avoir accès à des informations qui nous paraissaient non seulement utiles, mais indispensables, et c'est cette intention que je poursuis en présentant cette nouvelle motion. J'espère que cette motion va attirer un peu plus de réactions positives que la précédente.

La motion se lit donc comme suit: "Que cette commission invite le ministre de l'Industrie et du Commerce, avant le début de l'étude article par article du projet de loi no 21, à distribuer aux membres et intervenants de cette commission copie d'un document devant servir à la rédaction des règlements".

Il y a une raison pour laquelle la formulation est faite comme celle-ci. Je peux me tromper, mais je suis moralement certain qu'on n'a quand même pas pu faire un projet de loi comme celui-ci sans qu'il existe au moins un document qui a servi de base à un certain nombre de discussions qui ont eu lieu — nous savons qu'elles ont eu lieu — entre les fabricants de cidres ou de vins ou avec d'autres.

Je libelle l'amendement de cette façon "... d'un document..." parce que je me dis qu'il y en a eu au moins un. Il a fallu qu'il y en ait au moins un qui a servi ou qui doit servir, qui doit inspirer la rédaction des règlements à venir, parce qu'en plus, évidemment, des ententes précises, il y a, aussi, parce que les gens de l'industrie sont au courant, toutes sortes de choses qui ont été discutées déjà.

On discute, par exemple, de la "forme présen-toire " — c'est un nouveau mot que j'ai appris hier soir — que la Société des alcools du Québec a l'intention d'utiliser pour la mise en marché de ses vins. Il y a quand même toutes sortes de modalités d'application de l'intention exprimée par le gouvernement, à l'effet de faire distribuer certains vins dans les épiceries. Il me semble que nous aurions droit, comme membres de la commission parlementaire, d'avoir au moins un document d orientation, un document qui nous dise: Ecoutez. C'est vrai. Certains vins sont des vins qui sont fabriqués au Québec. C'est cela qui est en arrière du projet de loi ou bien, ce sont des vins embouteillés par la Société des alcools du Québec qu'on veut mettre là. Mais c'est quoi au juste? Est-ce l'un? Est-ce l'autre? Sont-ce les deux? (16 h 30)

II y a également toute une série, bien entendu, et c'est normal, de principes directeurs qui seront suivis, et je suis convaincu que le ministre a déjà pris connaissance d'un certain nombre de ces principes directeurs pour dire: Quand on fera la distribution des vins dans les épiceries, on va faire cela de telle façon. Par exemple, nous avons appris ce matin que les vins ne seront pas vendus directement. Cela passera par la Société des alcools du Québec. C'est une règle. On dit: Les vins passeront par la Société des alcools du Québec — même si cela n'est pas le texte du règlement comme tel.

Il y a comme cela toute une série de modalités d'application, il me semble, qu'il serait légitime pour nous, pour pouvoir discuter de ce projet de

loi de façon intelligente, de demander et d'obtenir, sous une forme ou sous une autre.

On est donc bien obligé, pour faire avancer les débats, de formuler une motion. Je la formule au meilleur de ma connaissance. Elle n'est peut-être pas parfaite comme libellé, mais j'invite, au nom de la commission, le ministre de l'Industrie et du Commerce à essayer de répondre à cette préoccupation, sinon sous cette forme exacte, au moins sous une autre.

Le Président (M. Boucher): Alors, nous avons devant nous une nouvelle motion libellée comme suit: Que cette commission invite le ministre de, l'Industrie et du Commerce, avant le début de l'étude article par article du projet de loi no 21, à distribuer aux membres et intervenants de cette commission copie d'un document devant servir à la rédaction des règlements.

Sur la recevabilité de cette motion, j'aimerais que les membres de la commission m'indiquent leur opinion.

M. Tremblay: M. le Président, la motion est suffisamment vaste. De toute façon, j'avais l'intention, lors de l'étude article par article, de fournir certaines précisions pour autant que nous en disposions. Je n'ai pas d'objection à accepter la proposition. Mais il n'y aura pas de dépôt de document. Il y aura des explications. Le député d'Outremont a mentionné: Quelle que soit la forme. La forme sera verbale, soit, des explications. Je m'apprêtais à le faire de toute façon.

M. Blank: Est-ce que le document existe? Les règlements n'existent pas.

M. Tremblay: En commission, en troisième lecture, nous ne déposons pas de document, M. le député.

M. Blank: On ne dépose pas, mais vous pouvez, à l'invitation de la commission.

M. Tremblay: Si c'est formulé dans le sens d'un dépôt de document, je m'oppose.

M. Blank: Je ne parle pas de dépôt, je parle de transmettre aux députés, non pas sur la table, des explications, pour nous aider dans l'étude de la loi.

M. Tremblay: Si je comprends la proposition qui veut que le député d'Outremont demande des explications, quelle que soit la forme des explications, à cela, évidemment, je n'ai pas d'objection. Je vais les donner verbalement. S'il s'agit d'une demande de dépôt de document formel, alors, je m'opposerai.

Le Président (M. Boucher): Est-ce sur la recevabilité encore?

M. Grenier: C'est sur la recevabilité, encore.

Le Président (M. Boucher): J'aimerais qu'on se prononce sur la recevabilité et non sur le fond de la motion.

M. Blank: Sur la recevabilité, ce matin, vous avez dit vous-mêmes...

Le Président (M. Boucher): II y a un voeu encore émis par le ministre. Si vous voulez que je me prononce tout de suite sur la recevabilité, je puis dire que je reçois la motion, étant donné qu'il s'agit d'un voeu. On dit qu'en vertu du principe qu'une commission est maîtresse de ses travaux dans le cadre de son mandat, il est normal qu'on puisse accepter la présentation de certaines motions qui ont trait à l'organisation de ses travaux en vue du meilleur accomplissement de son mandat. Je considère que les renseignements ou les informations que le ministre pourrait fournir sont des documents qui peuvent servir à un meilleur accomplissement du mandat de la commission. Je reçois donc la motion et je vous demanderais de...

M. Tremblay: Est-ce que vous pourriez relire, M. le Président, la motion afin de savoir si je peux être d'accord ou non?

Le Président (M. Boucher): Alors, on dit: Que cette commission invite le ministre de l'Industrie et du Commerce, avant le début de l'étude article par article du projet de loi no 21, à distribuer aux membres et intervenants de cette commission copie d'un document devant servir à la rédaction des règlements.

M. Tremblay: M. le Président, si vous me permettez d'intervenir sur cette motion, il y a un vieux principe dans le droit parlementaire qui dit qu'on ne peut pas faire indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement. C'est évident que cette motion ressemble étrangement à la motion que nous venons de discuter. On demande des précisions qui ne seront vraiment définitives que lorsque nous aurons les règlements, c'est-à-dire lorsque des ententes auront été complétées.

Il est évident que je suis prêt à donner les grandes lignes d orientation de ces négociations que la Société des alcools doit tenir avec les intervenants et je m'apprêtais à le faire verbalement. Mais il ne saurait être question que nous déposions des documents sur cette orientation, puisque je suis disposé à les donner verbalement.

Donc, je voterai contre la proposition.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Sherbrooke.

M. Gosselin: M. le Président, cette proposition m apparaît comme un brouillon hâtif de la part du député d'Outremont qui nous laisse encore très fermement dans le vague depuis le début, alors qu'on n'a pas encore engagé la véritable discussion article par article du projet de loi. J'avoue que

les membres de cette commission n'avancent pas tellement, dans le travail qui est exigé de nous autres, par des motions consécutives qui ne précisent pas, comme celle-là, ce qu'on cherche à obtenir, ce qu'on veut avoir, un document devant servir à la rédaction des règlements.

Je m'excuse, mais je ne me sens pas en mesure de voter pour une motion comme celle-là, parce que c'est trop vague et, à la rigueur, le ministre pourrait produire des ébauches qu'il a pu préparer lui-même ou des mémos qu'il a pu recevoir de quelqu'un, une lettre que j'ai pu produire ou des lettres que d'autres députés ont pu produire pour demander que les vins soient distribués dans les épiceries et ça pourrait être reçu à la commission. Parce que le libellé de cette motion n'ajoute rien à nos débats.

Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'il y a d autres intervenants sur la motion? M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Pour répondre au député de Sherbrooke, on ne cherche pas des lettres sur la vente des vins, mais on cherche de l'information sur les modalités, on veut savoir sur quoi on vote ici. On veut voir la base des règlements. Les règlements sont la loi. Ici, il n'y a pas de loi, c'est seulement un voeu pieux pour que la régie fasse telle et telle chose, en général, mais le règlement, c'est la loi. Le ministre dit qu'il n'y a pas de règlements, qu'ils ne sont pas préparés encore. Peut-être est-il allé trop vite avec sa loi, il a mis la charrue devant les boeufs.

Au moins, j'espère qu'il a fait des études et qu'il y a une base à cette loi. On cherche à avoir ça, seulement pour nous aider à donner un consentement logique à cette loi. On veut adopter cette loi, parce que le principe a du bon sens. Mais les détails peuvent aller à l'encontre du principe; on ne le sait pas.

Pour un gouvernement de transparence, tout est fait en cachette. Je ne comprends pas que le député de Sherbrooke, qui a fait partie de beaucoup de groupes de citoyens qui demandaient toujours de l'information, s'oppose aujourd'hui à avoir l'information de base.

M. Tremblay: M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Tremblay: M. le Président, je l'ai déjà dit, je l'ai répété tout à l'heure, que je vais fournir des indications verbales, les grandes lignes de direction, des modalités d'application, mais que je devais m'opposer à la motion, parce qu'elle demandait le dépôt formel de documents. Après, à l'occasion de l'étude du premier article, je vais vous fournir tous les renseignements que vous avez demandés, pour autant qu'ils ne touchent pas à des questions de pur marketing où la société est seule juge et maîtresse.

M. Blank: ... le marketing, vous le faites faire avec un monopole. Ils ont peur pour qui?

M. Tremblay: II n'y a personne qui a peur de personne.

M. Blank: Si vous ne donnez pas l'information parce que cela peut affecter le marketing, et s'il n'y a pas de concurrence, qui est-ce que cela va affecter? C'est cela que vous dites, c'est le monopole. Si c'est le monopole et qu'il n'y a pas de concurrence, pourquoi ne nous donnez-vous pas des chiffres ou des études sur le marketing? C'est cela que je ne comprends pas.

M. Ouellette: M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Nord.

M. Ouellette: J'aimerais intervenir quelques secondes sous forme de question à l'endroit du député de Saint-Louis. La Société des alcools, telle qu'elle est régie actuellement par la loi, n'est pas mandatée pour entreprendre quelque négociation que ce soit avec les épiceries, en tant que distributrices de vin.

Je pense que le ministre l'a dit à plusieurs reprises, de façon très claire. Avant que la société ne soit autorisée à faire cela, il faudra que la loi, que nous sommes à étudier article par article, soit votée.

Deuxièmement, la société n'étant pas mandatée, elle n'a donc pas pu faire ces négociations et les règlements, que vous cherchez à connaître avant même qu'on passe la loi, ne peuvent être rédigés qu'après les négociations. Cela me paraît très clair.

M. Blank: Je vais répondre au député. Ici, vous demandez qu'on vote pour une loi qui consiste à vendre le vin dans les épiceries. Tout le monde est d'accord. Mais, pas à n'importe quelles conditions. Ici, avec ce que vous dites, vous donnez carte blanche à la régie de forcer des épiciers sous des conditions, nonobstant que la Chambre est contre ces conditions. On veut connaître ces conditions en général avant de voter. C'est ce qui est notre problème.

M. Ouellette: Je ne trouve pas vos propos sérieux.

M. Tremblay: M. le Président, est-ce que je peux intervenir?

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Tremblay: D'après les interventions, surtout celles du député de Saint-Louis, il est évident que plusieurs députés n'ont pas lu la Loi de la Société des alcools. Elle établit un monopole d'Etat dans le domaine du commerce des boissons alcooliques tellement vaste qu'on s'est même interrogé si nous avions besoin d'une loi pour permettre à la SAQ de faire des ententes avec des épiciers.

Dans le fond, nous aurions pu en permettre la vente dans les épiceries, sans même venir devant

le Parlement, simplement en fonction de la loi qui donne à la Société des alcools... Je cite, par exemple, dans la Loi de la Société des alcools, l'article 17 qui dit: "La société a le pouvoir d'accomplir tout ce qui est nécessaire à la réalisation de ses fonctions et notamment'' — et je passe au paragraphe e) — "d'autoriser toute personne à vendre des boissons alcooliques en son nom à titre d'agent de la société, lorsqu'elle estime qu'il n'est pas opportun d'ouvrir un magasin dans une localité donnée. Cette personne doit être munie d'un certificat constatant sa qualité d'agent." J'ai mentionné qu'il y avait 1200 municipalités au Québec et seulement 350 points de vente.

M. Blank: Cela fait une différence.

M. Tremblay: La société aurait pu, en vertu de l'article 17, paragraphe e), permettre à des magasins de vendre des vins sous son autorisation.

M. Blank: Elle ne peut faire cela ni à Montréal, ni à Québec, ni à Sherbrooke.

M. Tremblay: Le paragraphe g) de l'article 17 dit: "La société peut autoriser toute personne à faire la livraison de boissons alcooliques et garder lesdites boissons alcooliques à cette fin pour le compte de la société aux conditions déterminées par cette dernière."

La Loi de la Société des alcools, que nous ne remettons pas du tout en cause avec le projet de loi 21, donne une latitude à la Société des alcools qui est telle que nous nous sommes sérieusement interrogés, avec les légistes du gouvernement, à savoir si nous avions besoin d'aller devant le Parlement pour obtenir cette autorisation ou si on ne devait pas simplement procéder par mandat, ou par directive, comme on le fait dans bien d'autres cas, pour demander à la Société des alcools d'étudier cette question et de procéder.

Vous voyez pourquoi le projet de loi 21 n'est pas compliqué. C'est que, ne remettant pas en cause le principe de la Loi de la Société des alcools qui lui donne le monopole, comme je viens de le mentionner, par deux paragrahes de l'article 17. on conçoit, par conséquent, pourquoi le projet de loi ne comporte que onze articles et est très succinct. Ce n'est finalement que par assurance et par respect du Parlement et de la population que nous venons devant l'Assemblée nationale pour demander de faire adopter ce projet de loi.

Il s'agit évidemment d'un domaine qui touche, comme le disait le député de Johnson, l'ensemble des comtés. C'est un projet attendu depuis longtemps par la population. Nous avons pensé qu'il valait mieux concrétiser dans un projet de loi cette intention du gouvernement. On voit là toute l'exagération des propos que les députés de l'Opposition ont tenus ce matin et au début de cet après midi dans cette optique. Le gouvernement fait preuve, je pense, d'un respect exemplaire des droits du Parlement en venant, malgré tout, devant le Parlement avec ce projet de loi alors que la loi existante aurait permis à la Société des alcools, en toute probabilité, de procéder unilatéralement.

M. Blank: Je veux dire au ministre que même un étudiant en première année de droit n'accepterait pas la définition de cet article. Cet article donne la permission à la société d'autoriser des personnes où il n'y a pas de magasins, mais il y a des magasins, à Montréal, à Québec, presque partout au Québec.

M. Tremblay: J'ai mentionné qu'il y a 1200 municipalités et qu'il n'y a que 350 magasins. Ils ne peuvent pas être partout en même temps.

M. Blank: Oui, mais les 1200 municipalités représentent quoi pour une population de 6 millions au Québec? On se doit d'être sérieux; nous ne devrions pas avoir la latitude de dire qu'elle n'est pas nécessaire. C'est nécessaire d'avoir une loi pour donner le droit de vendre des vins dans les épiceries. On doit changer de contexte. Le permis donne seulement le droit...

M. Tremblay: Vous voulez faire du droit, je vais vous montrer qu'un économiste aussi sait en faire.

M. Blank: Qu'est-ce qu'il dit?

M. Tremblay: L'article 17 de la loi dit: "La société a le pouvoir d'accomplir tout ce qui est nécessaire à la réalisation de ses fonctions et, notamment — ce n'est même pas exclusif —

M. Blank: "Notamment" quoi?

M. Tremblay: Notamment, autrement dit, elle a tellement de pouvoirs qu'elle peut prendre des initiatives, dans le cadre de cette loi, qui ne sont même pas mentionnées dans l'article. (16 h 45)

M. Blank: Immédiatement après, le chapitre XX dit qu'un permis à l'épicier l'autorise à vendre de la bière et du cidre. Qu'est-ce que vous ferez avec cet article?

M. Tremblay: Les épiciers deviendraient mandataires de la SAQ, et par conséquent, n'auraient pas besoin d'une modification au permis.

M. Blank: Lisez la loi, c'est clair. On ne joue pas avec la loi.

M. Tremblay: Mon cher député, de toute façon, les légistes...

M. Blank: Si vous n'aviez pas besoin de cette loi, on ne serait pas ici aujourd'hui.

M. Tremblay: Mon cher collègue, les légistes du gouvernement ont quand même une expérience dans la confection des lois. Tout en respectant votre grande compétence, selon l'interprétation de ces légistes, en toute probabilité, elle n'était pas nécessaire, mais on suggérait au gouvernement, dans le but de clarifier les choses, qu'il valait mieux établir cette nouvelle politique, parce qu'il s'agit vraiment d'une politique du gouvernement,

dans le cadre d'une loi plutôt que dans une directive à la Société des alcools.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Merci, M. le Président. Une Voix: Sur la motion.

M. Dubois: Suite aux propos du ministre, je me demande réellement pourquoi on étudie le projet de loi 21 ici, étant donné que la SAQ a tous les pouvoirs...

M. Tremblay: Si vous êtes d'accord avec le projet de loi, c est tant mieux.

M. Dubois: Je n'ai pas dit qu'on était d'accord de la façon dont il est présenté, étant donné qu'on ne peut pas avoir de renseignements, qu'on ne peut pas avoir de document de travail, vous ne voulez pas entendre les intervenants, les principaux intéressés, finalement, qu'est-ce qu'on fait ici?

M. Tremblay: Je m'excuse, mais cela fait deux fois que je le répète. J'ai dit qu'aussitôt qu'on disposera de ces motions dilatoires et qu'on passera finalement à l'étude du premier article du projet de loi, je fournirai les grandes lignes directrices que nous avons données à la Société des alcools dans ses négociations pour refléter la politique du gouvernement. Qu'on cesse de charrier, pour dire...

M. Dubois: Après l'étude du projet de loi, dites-vous.

M. Tremblay: J'ai dit après l'étude de ces motions dilatoires que vous empilez. Cela ne me fait rien. Je serais heureux de rester ici jusqu à mardi, parce qu'il s'agit d'un projet de loi extrêmement populaire. Plus on va en parler, plus les journalistes vont en parler, plus cela paraîtra dans les journaux, mieux ce sera.

M. Raynauld: C est une mesure dilatoire.

M. Tremblay: Bien, c'est une mesure dilatoire...

M. Raynauld: Oui, cela mesure bien votre attitude devant cela.

M. Tremblay: Comme vous l'avez dit vous-même tout à l'heure...

M. Raynauld: Une mesure dilatoire...

M. Tremblay: ... vous avez laissé entendre que. quelle que soit la forme, vous seriez satisfait, mais le libellé de votre motion visait à forcer le gouvernement à déposer des documents. Si vous êtes sincères dans votre recherche de renseigne- ments, attendez que je vous les donne et on pourra en discuter.

M. Perron: Ils n'en ont jamais déposé, de toute façon, quand ils étaient dans le gouvernement...

M. Tremblay: C'était la SAQ qui dirigeait dans leur temps.

M. Raynauld: Au contraire, pendant cette discussion, le député de Saint-Louis qui était ici. a dit qu'il y avait eu des commissions parlementaires qui avaient duré des mois concernant le cidre, vous êtes tout à fait à côté...

M. Blank: Oui. on avait fait venir toutes les personnes intéressées pour discuter le règlement. On a discuté. On a décidé le règlement...

M. Gosselin: M. le Président, d'après la pertinence du débat...

M. Blank: ... et ce comité a été annulé quand vous êtes arrivés au pouvoir. On avait un comité spécial.

Le Président (M. Boucher): A I'ordre, s'il vous plaît! Question de règlement, M. le député de Sherbrooke.

M. Gosselin: Je crois qu'on en est sur la discussion de la motion du député d Outremont. A ce moment, on est en train de discuter de la pertinence même de la loi et de toute...

Le Président (M. Boucher): J'étais justement pour rappeler à l'ordre, parce qu'on discute ici de la motion du député d'Outremont, voulant que cette commission invite le ministre de I'Industrie et du Commerce, avant le début de l'étude article par article du projet de loi no 21, à distribuer aux membres et intervenants de cette commission une copie d un document devant servir à la rédaction du règlement. Est-ce que les membres de la commission sont prêts à se prononcer sur cette motion?

M. Tremblay: Qu'on la mette aux voix. Vote sur la motion

Le Président (M. Boucher): Je mets donc aux voix la motion du député d'Outremont. M. Blank (Saint-Louis)?

M. Blank: Pour.

Le Président (M. Boucher): M. Dubois (Huntingdon)?

M. Dubois: Pour.

Le Président (M. Boucher): M. Gosselin (Sherbrooke)?

M. Gosselin: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. Perron (Duplessis)?

M. Perron: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. Lefebvre (Viau)?

M. Lefebvre: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. Ouellette (Beauce-Nord)?

M. Ouellette: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. Raynauld (Outremont)?

M. Raynauld: Pour.

Le Président (M. Boucher): M. Tremblay (Gouin)?

M. Tremblay: Contre.

Le Président (M. Boucher): Cette motion est donc rejetée à cinq contre trois.

M. Tremblay: M. le Président, j'aimerais revenir à l'étude du premier article du projet de loi 21.

Le Président (M. Boucher): J'appelle donc l'article 1 du projet de loi 21.

M. Tremblay: Est-ce que vous désireriez que je fasse la lecture de l'article 1?

Le Président (M. Boucher): Si vous avez des commentaires généraux à faire sur l'article, M. le ministre, vous avez la parole.

Pouvoir d'adopter des règlements

M. Tremblay: Je dirais que l'article proposé est de droit nouveau. Il permet au lieutenant-gouverneur en conseil d'adopter des règlements concernant la vente de certains vins et cidres dans les épiceries licenciées. Les vins et les cidres qui seront offerts en vente dans ces épiceries seront désignés par la Société des alcools.

Ce premier article est le seul qui fournit au lieutenant-gouverneur en conseil la latitude d'établir des règlements. Les autres articles du projet de loi sont des articles précis concernant des faits précis.

Je souligne que, dans la loi actuelle de la Société des alcools, loi qui est amendée par le projet de loi no 21, il y a l'article 37 qui permet au lieutenant-gouverneur en conseil de faire des règlements pour toutes sortes de questions rattachées au commerce des alcools, c'est-à-dire statuer sur les conditions de fabrication, de conserva- tion et de manutention des boissons alcooliques, etc., prescrire le classement des boissons alcooliques et établir à cette fin les classes, catégories et dénominations particulières appropriées, déterminer les droits qu'une personne doit payer pour qu'un permis puisse lui être livré, etc.

Donc, il ne s'agit de rien de nouveau par rapport à l'ancienne loi. Il s'agit simplement d'une précision concernant évidemment les vins dans les épiceries. J'aimerais revenir à ce que je voulais dire tout à l'heure, avant la motion du député d'Outremont. Tout en concevant que la Société des alcools devait garder une certaine latitude dans ses recommandations au Conseil des ministres relativement aux règlements et qu'il y a des négociations qui ont cours présentement et qui s'intensifieront après l'adoption du projet de loi, il y a quand même des lignes directrices que nous avons fournies à la Société des alcools. J'aimerais donner maintenant ces grandes lignes directrices de l'orientation de la politique du gouvernement.

En premier lieu, il nous fallait prévoir que les épiciers licenciés soient autorisés par la Loi de la commission de contrôle des permis d'alcool à vendre les vins désignés plutôt qu'en vertu d'ententes spécifiques conclues entre eux et la Société des alcools. J'ai mentionné tout à l'heure quel a été le débat législatif sur cette question. En cas de doute et voulant préciser les choses, nous avons jugé qu'il valait mieux préciser cela dans un élargissement du permis des épiceries plutôt que par le truchement d'un mandat de la Société des alcools à des épiciers.

D'autre part, il fallait autoriser la Société des alcools du Québec à désigner les vins qui seront offerts par les épiciers parmi les vins fabriqués ou embouteillés au Québec. J'ai mentionné ce matin qu'il y avait un problème logistique. Il était impensable, au point de vue marketing, avec 9000 points de vente, d'avoir un très grand nombre de vins, parce que le coût de distribution aurait vite été prohibitif et aurait rendu non rentable, non profitable cette opération par rapport à la distribution dans les magasins de la Société des alcools. Il fallait quand même que les épiciers puissent connaître des retombées économiques favorables découlant de cette activité et que, par conséquent, leurs prix de vente ne puissent pas dépasser indûment les prix des produits vendus dans les magasins de la Société des alcools. Il fallait donc donner à la Société des alcools une orientation quant aux types de vins qui seront vendus.

Le gouvernement a demandé à la Société des alcools que ce soient des vins, fabriqués ou embouteillés au Québec.

Troisièmement, il fallait attribuer à la Société des alcools du Québec le pouvoir d'imposer la mise en vente, dans les mêmes présentoirs que les vins désignés, de certains cidres qu'elle désignera nommément. J'ai mentionné que le cidre est une industrie qui, malheureusement, n'a pas connu les résultats escomptés et que, à cette occasion de la mise en vente des vins dans les épiceries, il survenait une occasion d'aider cette industrie en lui permettant de revaloriser toute la mise en

marché et d'obtenir de la Société des alcools une concrétisation de la qualité des cidres auprès des consommateurs, de sorte que nous voulions que la Société des alcools se préoccupe de cette industrie et fasse des ententes avec les fabricants de cidres qui le désirent pour revaloriser leur vente au Québec.

En quatrième lieu, nous voulions accorder au gouvernement lui-même et non pas à la Société des alcools du Québec — le député d'Outremont a, jusqu'à un certain point, raison, sur la question qu'il a soulevée ce matin, à savoir qu'il pourrait y avoir un certain conflit d'intérêts si seule la Société des alcools était habilitée à établir les règlements régissant la politique du gouvernement de mettre les vins dans les épiceries. Pour préciser cela, nous voulions donc accorder au gouvernement et non pas à la Société des alcools du Québec le pouvoir d'adopter des règlements déterminant les modalités et conditions d'approvisionnement, de conservation, de mise en marché et de vente des vins et des cidres désignés.

Ceci devrait sécuriser le député d'Outremont qui, lors du débat en deuxième lecture, avait laissé entendre que peut-être le ministre de l'Industrie et du Commerce n'était pas tellement sérieux dans son intention de mettre des vins dans les épiceries, même si cela fait huit ans que je travaille à cette idée.

Pour s'assurer que vraiment, il y aura des vins dans les épiceries, c'est le gouvernement qui adoptera les règlements. Vous pouvez être certain, M. le député d'Outremont, qu'il y aura des vins dans les épiceries, à moins que les épiciers décident de ne pas en vendre, mais comme la Société des alcools a reçu le mandat de négocier la mise en vente des vins dans les épiceries, il y en aura.

Donc, cinquièmement, nous voulions aussi confier à la Société des alcools le pouvoir d'étaler sur quelques mois l'opération d'approvisionnement des nouveaux points de vente. Evidemment, lorsque nous faisons face à 9000 points de vente, il s'agit d'une opération d'une grande envergure et nous ne voulions pas être forcés de décréter, dès l'approbation du projet de loi par le Parlement, que le lendemain matin toutes les épiceries allaient avoir du vin. Il y a un problème logistique, avant de fournir des vins à 9000 épiceries, il faut mettre sur pied un appareil passablement complexe.

Donc, ce sont les grandes lignes directrices. Maintenant, il y a des modalités, peut-être un peu moins certaine, qui reflètent peut-être moins la décision formelle du gouvernement, mais il y a certaines modalits qui sont encore à être négociées. Par exemple, à cause surtout des contraintes d'espace, de rotation de stocks et de qualité des produits, le choix des vins serait limité à deux grandes catégories, soit les produits fabriqués et mis en bouteille au Québec par les entreprises privées, et les produits importés et mis en bouteille par la SAQ en plus d'ajouter, évidemment, les cidres désignés produits au Québec.

Ceci reflète un peu la grande ligne maîtresse qui guide l'action du gouvernement. D'autre part, les détenteurs de permis agréés pourront choisir parmi une vingtaine de produits sélectionnés parmi les produits fabriqués au Québec, lesquels seront sélectionnés par la Société des alcools à l'intérieur d une première catégorie, et une dizaine de produits de deuxième catégorie, c'est-à-dire les produits embouteillés par la Société des alcools. Le format le plus populaire, c'est-à-dire la bouteille, serait utilisé mais on pourrait y ajouter éventuellement des gallons et des demi-gallons. Mais là, vous voyez qu'on entre dans des considérations de mise en marché et de marketing. Il est évident que le gouvernement lui-même ne peut pas statuer sur ce genre de questions. Le gouvernement fait confiance à la Société des alcools, aux épiciers et aux fabricants de vins et de cidres pour voir quelles seraient les formules. Des gallons et des demi-gallons, est-ce nécessaire dans les épiceries? On leur demande d'essayer de négocier quelque chose à ce propos et de trouver la formule qui sera la plus favorable, tant pour les consommateurs que pour les producteurs.

D'autre part, la Société des alcools aura la tâche d'approvisionner en exclusivité les détenteurs de permis agréés au moyen de son propre réseau de distribution. Ceci revient à l'idée fondamentale que nous laissons à la Société des alcools le monopole de la distribution que nous jugeons absolument essentiel à cette opération, comme le fonctionnement du marché des alcools au Québec qui a été entériné par le rapport Thinel afin que le contrôle de la qualité des vins comme des autres produits soit vraiment sous la responsabilité de la Société des alcools. Nous ne voulons pas I anarchie dans ce secteur parce que l'anarchie ne pourrait conduire qu'à l'expérience malheureuse que nous avons connue dans le domaine du cidre, et je répète que nous ne voulons pas revivre I'expérience du cidre avec le vin dans les épiceries.

Je pense que cela serait tragéque, et un bon gouvernement doit prévenir plutôt que de guérir. Ce gouvernement-ci, heureusement pour la population, est capable de prévenir plutôt que de guérir. Je pense que les députés de l'Opposition seront d'accord avec moi pour...

M. Raynauld: ...sujet ...là?

M. Tremblay: ...encourager le gouvernement à poursuivre cette approche dans la chose publique.

D'autre part, la Société des alcools fournira sans frais — et c'est un point important parce que la qualité des produits et l'opération de consolidation des réseaux privés de distribution, des retombées économiques comportent un aspect bien public — ce qui fait que la Société des alcools fournira sans frais aux détenteurs de permis agréés un présentoir aux dimensions variables qui servira à mettre en valeur, dans des proportions égales, les trois catégories de produits offerts en vente. Il est évident que le gouvernement désire, pour le succès de cette opération, que la qualité

des vins et des cidres dans les épiceries agréées soit au-dessus de tout reproche. Il s'agit ici d'un bien public et on ne demande pas aux épiceries, normalement dans la théorie des biens publics, d'assumer le coût de cette implantation; c'est la Société des alcools qui assumera le coût d'implantation du présentoir. (17 heures)

C'est la société qui garde le contrôle sur la qualité, elle reprendra donc les bouteilles, par exemple, qui sont retournées parce que le vin n'est pas bon, etc., elle doit donc garder la responsabilité et les coûts de maintien de cette qualité. On ne demandera pas aux épiciers d'assumer ce coût, c'est la société qui le fera. Comme c'est un élément central de toute l'opération, je pense que c'est logique. Vous voyez donc, là, M. le Président, que ce projet de loi découle d'une longue réflexion, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, cela faisait au moins huit ans que, dans mon cas, j'étudiais attentivement cette question, et parce que nous avons longuement scruté les expériences qui sont faites dans les autres pays — je me rappelle lors de la tenue de la commission Thinel, nous étions allés en Californie et nous avions tenu des délibérations sur les différents systèmes, etc. — à cause de cette longue réflexion, on peut arriver ici avec un projet qui, tout en n'étant pas complété dans ses règlements et dans ses modalités pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure, est quand même très bien pensé, est quand même très complet. Je pense que nous devrions, par conséquent, adopter ce premier article, M. le Président, et j'en fais la recommandation.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: M. le Président, je remercie le ministre de nous avoir donné quelques indications — au moins c'est un début — sur la façon dont la loi pourrait être appliquée. Je pense que certains de ses commentaires méritent aussi des commentaires de ma part. J'aurais également un certain nombre de questions supplémentaires à poser, parce qu'il me semble, dans mon esprit en tout cas, que j'ai encore plusieurs points qui sont obscurs. Si je me résume un peu, il est bien entendu qu'il s'agit de faire distribuer des vins qui sont fabriqués ou embouteillés au Québec. Sur ce sujet, je voudrais dire que je n'ai pas d'objection à cette formulation en tant que telle, sauf que, si je comprends bien, les vins embouteillés sont des vins qui sont embouteillés par la SAQ et les vins fabriqués proviennent des fabricants privés. C est une de ces choses que je ne comprends pas, probablement parce que je ne suis pas assez près de cette industrie, mais on me dit que ce qui est embouteillé par la SAQ ou fabriqué au Québec par des fabricants privés, c'est pas mal la même chose, dans les deux cas, c'est à peu près équivalent. Dans un cas, lorsqu'on dit dans la publicité auprès des consommateurs, que c'est embouteillé au Québec, cela permet de dire que ce sont des vins importés; mais lorsqu'ils sont fabriqués au Québec, tout le monde s'imagine qu'on a des raisins ici, qu'on fait pousser les raisins un peu partout sur les riches terres du plateau laurentien. Le résultat net de cela, c'est que les gens ne prennent pas cela trop au sérieux, quand en réalité — on me corrigera, si je fais erreur — le moût qui sert à la fabrication vient souvent des mêmes endroits que le moût qui est acheté par la SAQ et qui est embouteillé. Cela est une question. Encore une fois, il n'y a rien d'anormal en soi là-dedans, sauf que la question qui me vient à l'esprit, et je pense que c'est une question légitime, est-ce qu'on va refaire le même coup lorsque le vin sera présenté dans les épiceries et est-ce qu'on dira, dans un certain sens: Voilà des vins du Québec? Chose surprenante, lorsque ce sera marqué là, les gens n'en voudront pas, et si ce sont des vins embouteillés au Québec, est-ce qu'on va continuer à perpétuer cette confusion où on dira, quand c'est embouteillé au Québec: Ce sont de bons vins parce que ce sont des vins qui sont importés en réalité? Alors, pour reprendre l'argument du ministre, s'il veut avoir des retombées économiques plus considérables, a ce moment-là, la question se posera et se posera un peu plus tard, cet après-midi, à savoir si on doit favoriser l'un et l'autre également, ou avec plus ou moins de pression dans un cas ou dans l'autre.

J'avais une autre catégorie de questions avant de commencer l'étude du premier article. J'aimerais avoir des informations et exprimer certains commentaires sur des points reliés, mais qui n'ont pas été mentionnés directement par le ministre. D'abord, est-ce qu'il y a eu des études faites par la Société des alcools ou par le ministère sur la rentabilité d'une opération comme celle-là? Est-ce qu'il y a eu des prévisions faites en ce qui concerne le cidre? Est-ce que pour les fabricants de cidre au Québec, le fait de vendre le vin dans les épiceries, de placer le cidre à côté du vin dans un même présentoir, ferait monter les ventes du cidre ou les ferait diminuer? Je pense que c'est une bonne question. Il y a des gens qui prétendent que c'est la mort du cidre au Québec que de procéder à cette opération sous cette forme ou sous cette modalité.

Autre chose, toujours dans les modalités, il est évident que la Société des alcools du Québec a beaucoup plus de ressources que les fabricants privés du Québec. Le ministre m'a fait sourire tout à l'heure lorsqu'il a présenté son présentoir comme étant un bien public. Je pourrais peut-être lui suggérer que, dans un prochain manuel, il utilise cet exemple de bien public. Je pense qu'il aurait un peu de difficulté à expliquer comment un présentoir pourrait être un bien public. Je pense qu'il aurait beaucoup de difficulté à expliquer ça, parce que...

Une Voix: II appartient à la société.

M. Tremblay: C'est que la qualité du produit est un bien public, si on veut que l'industrie québécoise maintienne et augmente ses parts de marché.

M. Raynauld: II n'a pas parlé de la qualité du vin, il a parlé du présentoir.

M. Tremblay: Pour avoir la qualité du vin, il faut avoir un présentoir.

M. Raynauld: Oui, du présentoir, qui serait un bien public. Je voudrais lui rappeler qu'un bien public, c est autre chose. Un bien public est un bien dont la consommation par un consommateur ne diminue pas la consommation d'un autre consommateur, comme dans le cas d'un appareil de télévision, un programme de télévision, qui peut être utilisé par 100 ou par 1000, sans que...

Là, je pense que je n'ai pas besoin de...

M. Tremblay: Un bien public, M. le député, vous savez, fournit des bénéfices qui...

M. Raynauld: Je voudrais juste lui...

M. Tremblay: ... profitent à l'ensemble d une collectivité, mais dont les coûts ne sont pas directement absorbés par ceux qui en profitent. Si nous voulons bonifier la qualité des produits du Québec, soit dans le cas du cidre ou des vins fabriqués au Québec, dans le but de créer des emplois et d'encourager une activité économique qui va apporter des bénéfices à l'ensemble de l'économie du Québec, c'est évident qu'on ne peut pas demander aux seuls épiciers d'assurer le coût du maintien de cette qualité.

M. Raynauld: En tout cas, je ne veux pas poursuivre le débat sur la théorie économique...

M. Tremblay: Vous êtes sur un bon terrain, je pense.

M. Raynauld:... mais je lui suggère d'introduire ça à l'avenir dans ses exemples d'un bien public, le présentoir de la Société des alcools du Québec, je pense qu'il va faire rire beaucoup de monde.

M. Tremblay: M. le député, si on adopte des lois aussi bonnes, on demeurera peut-être au gouvernement tellement longtemps que je ne retournerai peut-être jamais à l'université. Mais c'est une de mes grandes préoccupations.

M. Raynauld: Dans ce cas-ci, ce serait peut-être mieux, parce que, comme je vous dis, avant que vous convainquiez des économistes que le présentoir est un bien public, je pense que vous allez avoir un peu de difficulté.

M. Tremblay: Je croyais vous avoir donné une explication.

M. Raynauld: Quoi qu'il en soit, ce n'est pas mon problème immédiat. Le problème est de savoir comment les fabricants à qui on donne accès pour une fois — et c'est une très bonne chose — à des points de vente beaucoup plus nombreux, à quelles conditions ces gens vont opérer. J'ai commencé cette réflexion en vous parlant des ressources beaucoup plus considérables de la SAQ et il faut bien admettre que même si on veut respecter le monopole de la SAQ. ce avec quoi je ne suis pas d'accord, mais ce n est pas important non plus, en admettant qu'on veuille respecter le monopole de la SAQ, il faut bien admettre que, dans cette opération on donne accès à des fabricants québécois qui, eux, ne font pas partie de ce monopole, ne sont pas des entreprises publiques; ce sont des entreprises privées.

A ce moment-là, qu'on le veuille ou non, qu'on aime cela ou non, il y a des vins qui vont être en concurrence, des vins fabriqués par des entreprises privées et des vins qui sont embouteillés par une société d'Etat. Ces vins sont placés les uns à côté des autres, sans parler du cidre qui fera également partie de la même présentation. Il y a une concurrence entre les produits qui sont là. A ce moment-là, on ne peut pas se rabattre sur le fait que la SAQ est un monopole pour refuser de voir à quelles conditions cela sera rentable pour les producteurs privés de faire cette opération.

A partir de l'idée que la SAQ a beaucoup plus de ressources, est-ce qu'il n'y a pas un danger énorme que, dans cette concurrence, qui va être une concurrence de fait, qui va se produire, il y ait vraiment une concurrence déloyale vis-à-vis des producteurs à qui on donne l'autorisation de vendre leurs vins par l'intermédiaire de la Société des alcools du Québec?

A ce moment-là, cela pose toute une série de sous-questions. Si cette concurrence existe, on dit: Est-ce qu'on a des assurances que, par exemple, le vin de ces fabricants québécois sera présenté d'une manière qui sera aussi attrayante? Je ne suis pas un spécialiste du marketing, mais on me dit que c'est bien important. Si les bouteilles sont placées en haut plutôt qu'en bas, il paraît que les gens regardent en haut pour commencer, ils achètent la bouteille d'en haut plutôt que celle qui est par terre. En tout cas, l'expérience prouve des choses semblables. C'est la même chose pour ce qui est des choses qui sont placées à droite plutôt qu'à gauche; quand on entre dns les magasins, les premières bouteilles qui sont là ont plus de chances d'être vendues que celles qui sont en arrière. Tout cela semble avoir de l'importance.

Quelles sont les garanties qu'on a — pas pour moi, et pas nécessairement pour sauvegarder les intérêts de ces fabricants — pour permettre à ces fabricants d'en bénéficier et d'utiliser cette occasion qu'ils ont de faire la distribution de leurs vins? Si ce n'est pas rentable pour eux, évidemment, l'opération va échouer. Je pense qu'on a tous intérêt, si c'est pour marcher, à ce que les fabricants voient là une occasion de rentabilité. Cette occasion de rentabilité, pour l'instant, suivant mes informations, ils ne l'ont pas. Ils n'ont pas cette confiance qu'ils seront capables de faire une concurrence adéquate et de permettre juste-

ment que les vins puissent leur rapporter quelque chose.

L'autre question, c'est: Qu'est-ce qu'il en coûte aux fabricants québécois pour avoir accès à ces points de vente? On a mentionné que la SAQ allait donner gratuitement, puisqu'il s'agit d'un bien public, un présentoir aux épiceries. On me dit que cela pourrait coûter jusqu'à $5 millions ou $6 millions. Je ne sais pas si c'est exact. Mais on va donner aux épiceries un présentoir qui va bénéficier aux fabricants privés des vins.

Maisé à côté de cela, il y a, semble-t-il, le besoin, pour les fabricants québécois, de rejoindre les consommateurs directement, par exemple par un programme de publicité. Si la SAQ a des programmes de publicité de trois quarts de million de dollars ou deux tiers de million de dollars, à ce qu'on m'a dit — je ne sais pas si c'est exact, mais on m'a rapporté cela — comment voulez-vous que ces fabricants puissent avoir le même accès aux consommateurs que la société qui s'en vient là avec armes et bagages et avec tout l'appui des ressources qu'elle a accumulées, qui sont considérables, sans parler de la qualification de son personnel, etc.? Je pourrais en ajouter un petit peu, si vous voulez.

Autrement dit, l'aspect qui retient mon attention pour l'instant, c'est: Est-ce qu'il est possible de penser que ces fabricants puissent bénéficier à plein de cet accès qu'on leur donne et sur une base rentable pour eux, compte tenu de la concurrence de la Société des alcools du Québec, compte tenu des conditions concrètes dans lesquelles leur vin sera vendu?

En particulier, je veux revenir sur ce que j'ai dit tout à l'heure. Est-ce que c'est exact que les vins embouteillés au Québec — on a les vins fabriqués au Québec, d'un côté, et, de l'autre, les vins embouteillés par la SAQ — sont perçus, à tort ou à raison, comme des vins qui sont importés, avec la conséquence que j'ai donnée tout à l'heure? Est-ce que c'est exact? Ensuite, le ministre nous a dit aussi tout à l'heure... (17 h 15)

M. Tremblay: Pour l'intelligence de nos débats, ne serait-il pas utile que je réponde à vos questions, à moins que vous n'ayez qu'une seule autre question?

M. Raynauld: Si vous voulez.

Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous désirez avoir les réponses immédiatement?

M. Raynauld: J'achevais, j'avais seulement une petite...

Le Président (M. Boucher): Ah bon! M. le député d'Outremont va terminer et vous pourrez enchaîner sur les réponses.

M. Raynauld: J'avais une question supplémentaire. M. le ministre a mentionné tout à l'heure que la SAQ était la distributrice exclusive. Est-ce que cela s'applique au cidre? Est-ce que la SAQ serait la distributrice exclusive?

M. Tremblay: Non, j'ai expliqué ce matin, cependant, cette question que...

M. Raynauld: Vous avez dit, ce matin, qu'elle n'était pas la distributrice exclusive. Cet après-midi, vous avez dit qu'elle l'était. Je me suis demandé si cela s'appliquait...

M. Tremblay: Non, les cidres, présentement, qui ne sont pas entérinés par la Société des alcools sont distribués comme les pois verts. S'il y a une entente entre la Société des alcools et les fabricants de cidres pour que la Société des alcools garantisse la stabilité de la qualité, dans ce cas-là, ce sera la société elle-même qui les distribuera.

Je m'excuse. Présentement ce sont les réseaux de grossistes et de détaillants qui s'occupent de cela, mais lorsque la Société des alcools mettra son imprimatur sur la qualité, elle devra suivre les critères de qualité et c'est elle qui s'en chargera. Mais ces questions sont encore à être précisées dans les négociations avec des fabricants de cidres, parce qu'ils peuvent continuer à fonctionner tels qu'ils fonctionnent présentement. Je dois revenir à la question du cidre, parce que vous avez soulevé cette question tout à l'heure.

Je pense qu'on a soulevé ici des points extrêmement importants et extrêmement intéressants auxquels il me fait plaisir de donner réponse. Au début, on s'interroge sur la notion d'équivalence entre les vins fabriqués au Québec, les vins importés et embouteillés au Québec, on aurait pu mentionner aussi les vins fabriqués au Canada, parce qu'il y en a qui viennent de l'Ontario et de la Colombie-Britannique...

M. Raynauld: Oui.

M. Tremblay: ... et les cidres du Québec. J'ai un petit tableau ici auquel j'ai fait allusion ce matin. Il serait peut-être bon surtout pour l'intelligence du débat que je dépose ce tableau d'évolution dans les ventes.

Le Président (M. Boucher): Faites-le distribuer, M. le ministre.

M. Tremblay: On en fera des copies, mais comme je veux m'en servir, je vous le donnerai tout à l'heure.

En ce qui concerne le vin du Québec, le vin fabriqué au Québec, en 1971, il y avait 1315 gallons; en 1972, 10 000 gallons; en 1973, 204 000 gallons; en 1974, 866 000 gallons; en 1975, 1 072 000 gallons; en 1976, 1 120 000 gallons et 1 350 000, en 1977. Il y a une croissance continue et assez rapide de l'ordre pratiquement de 20% par année de la production des vins fabriqués au Québec, alors que les vins canadiens vendus au Québec baissent dans la même proportion.

En 1971, c'était 1 million de vente de vin canadien; en 1972, la même chose; en 1973, 1 million de gallons. On voit en 1974, un début de baisse, 925 000; en 1975, 884 000 gallons; en 1976, 760 000 gallons; en 1977, 670 000 gallons. On voit qu'il a vraiment une grande substitution qui est en

train de s opérer entre des vins fabriqués au Québec et les vins importés des autres provinces, parce que, comme vous le mentionniez tout à l'heure, il n'y a peut-être pas une adéquation vraiment identique entre les vins embouteillés par la Société des alcools, qui sont des vins de très haute qualité finalement que la société peut acheter à bon compte, parce qu'elle achète de très gros volumes et qu'elle les embouteille, et les vins fabriqués au Québec qui sont faits selon une technique qui incorpore soit un vin importé, parce que les fabricants de vins québécois peuvent importer jusqu'à 35% — je l'ai mentionné ce matin — de vins qu'ils mélangent avec leur produit local. Le produit local vient d'un moût importé auquel on ajoute de l'eau qu'on laisse fermenter pendant quelque temps. C'est un processus de fabrication qui se compare avec celui des autres vins canadiens. Comme ce sont des raisins importés qui sont quand même de bonne qualité, mais peut-être pas d'aussi bonne qualité que si on avait fait le vin sur place à cause de la déshydratation et d'autres phénomènes qui accompagnent le déplacement, on peut dire que les vins fabriqués au Québec se comparent avantageusement avec les vins des autres provinces du Canada. Au niveau de la qualité, on peut peut-être discuter de l'équivalence par rapport aux vins importés et embouteuillés par la Société des alcools.

Je pense que l'évaluation que je fais n'est pas celle d'un expert, mais elle est faite d'après ce qu'on m'en a dit de la situation.

M. Blank: Seulement une question sur ce point. Est-ce que tous les vins embouteillés par la SAQ sont des vins qui arrivent ici, sous forme liquide ou...

M. Tremblay: Oui, la société n'achète du vin qu'en baril et elle en fait l'embouteillage. Elle ne produit pas son vin comme tel. On peut donc déposer ce petit tableau. Maintenant, lorsqu'on parle des retombées économiques, il découle de ce que je viens de dire que c'est évident qu'il n'y a pas une très grande différence dans les retombées économiques entre les vins vraiment fabriqués au Québec et ceux embouteillés par la SAQ. Dans le fond, la véritable économie se produit au niveau de l'embouteillage, de l'achat de bouteilles, de l'achat de boîtes et de la livraison par camion et de tout cela. Le fait qu'on importe un moût et qu'on fasse venir jusqu'à 35% de vins qui viennent s'ajouter en importation, qu'on ajoute de l'eau et qu'on fasse fermenter le produit représente un peu de valeur ajoutée, mais ce n'est pas une différence phénoménale. Il ne s'agit pas d'une industrie autochtone. Il ne faut pas se leurrer. Le Québec n'est pas un producteur de raisins qui conduit à des vins. Il faut des pays qui connaissent 300 jours de soleil par année. Il n'est peut-être pas exclu que, dans l'avenir, avec l'énergie solaire, on réussisse à créer de grandes serres, et qu'on réussisse à produire des raisins. La loi des avantages comparés en commerce international nous indique que c'est un peu probable. Si le Québec devient indépendant et prend la maîtrise de ses destinées, peut-être qu'on ne produira pas de raisins, mais on s'occupera davantage de nos affaires et on pourra davantage tirer profit au moins de nos richesses naturelles et de nos autres avantages comparatifs. Au niveau des avantages économiques, on ne peut pas dire qu'il y a une différence énorme. Maintenant, en ce qui concerne la rentabilité de l'opération, c'est un peu rattaché à la théorie de la concurrence monopolistique. Je parle surtout pour le député d'Outremont. Il est évident que si on permettait la distribution de 960 vins dans les épiceries, avec autant de points de vente, un degré d'inefficacité s'installerait dans le système et toute l'opération menacerait de ne pas être rentable. Donc, première démarche absolument dictée par la théorie économique, il fallait absolument réduire le nombre de produits distribués dans un si grand nombre de points de vente.

L'autre élément clé pour établir la rentabilité de l'opération, c'est le rabais que la Société des alcools va devoir accorder aux épiceries. Il est évident qu'il faudra que la Société des alcools accorde aux épiceries un rabais qui rende l'opération rentable pour les épiceries. Le vin n'est pas de même nature que les pois verts ou les confitures, puisque c'est un produit fortement taxé, de sorte que, dans le prix du produit, il y a la valeur économique du produit, plus la taxe. Donc, le pourcentage de rabais peut paraître relativement restreint, lorsqu'on prend l'ensemble de la valeur totale du produit majoré par les taxes par rapport à la valeur marchande du produit avant taxes. Il s'agit là vraiment d'un élément à négocier encore.

La Société des alcools, on le sait par le rapport Thinel, perçoit une majoration commerciale d environ 30% sur le coût brut de ces matières, et une majoration fiscale d'environ 70%. Il est évident qu'elle doit jouer à l'intérieur de sa majoration commerciale de 30%. Elle doit, par conséquent, distribuer les vins aux épiceries, surveiller la qualité, etc., et faire un profit, si possible, tout en accordant à l'épicerie un rabais qui lui permet d'en faire une opération profitable. Ceci est en train d'être négocié entre la Société des alcools et les épiciers. Il faudra, évidemment, qu'il y ait une solution qui satisfasse aux deux contraintes de rentabilité de la Société des alcools et des épiceries.

Tout à l'heure, j'ai mentionné la question des présentoirs. Il est évident qu'au début, la Société des alcools doit absorber ces coûts. On ne peut pas entrer ces coûts dans une seule année. Il faut que ce soit amorti sur plusieurs années. La Société des alcools doit composer les frais de manutention des vins qui seront distribués dans les épiceries.

Maintenant, en ce qui concerne le cidre, il est évident que c'est une question très importante. C'est pour cela que nous avons voulu associer à ce projet de loi une opération de revalorisation du cidre.

Comme le tableau que je viens de distribuer I'indique, si nous laissons l'industrie du cidre à son seul sort, dans l'état actuel des choses, il y a une baisse graduelle. En 1974, 1 143 000 gallons

vendus; en 1975, 973 000 gallons; en 1976, 971 000 gallons; en 1977; 811 000 gallons. On voit qu'il y a une baisse, une tendance qui est extrêmement inquiétante pour l'industrie du cidre. On connaissait plusieurs fabricants de cidres il y a quelques années. Maintenant, on ne retrouve plus, à toutes fins utiles, que deux producteurs de cidres qui, non seulement ne sont que deux, mais, dans les deux cas, ont décidé de se lancer dans la production du vin, ce qui indique le désarroi de cette industrie qui risque... Cette industrie est encore plus fondamentale pour le Québec que l'industrie du vin parce qu'il s'agit de la pomme québécoise, une matière première québécoise. Il faut absolument que cette industrie soit revalorisée.

Or, tous s'accordent pour dire que le grand problème du cidre, c'est que les consommateurs ont été échaudés. Je dirais même que tous les membres ici autour de la table ont sans doute eu des expériences, et il s'est développé, dans la population, une certaine crainte à l'endroit du cidre parce que le produit, semblerait-il, ne serait pas d'une qualité constante et garantie.

Or, la Société des alcools a une réputation irréprochable au niveau de la stabilité et de la qualité de ses produits, de sorte que, en tant que ministre responsable, je lui ai demandé de faire des démarches auprès des fabricants de cidres pour les inciter à s'associer à la Société des alcools qui, elle, a un bon nom au niveau des consommateurs pour revaloriser le cidre, et je souhaiterais que les fabricants de cidres s'associent à la Société des alcools pour revaloriser le cidre, surtout le cidre léger. Le cidre léger est un très bon produit, qui contient seulement 6% d'alcool, qui pourrait trouver preneur dans les restaurants de I'ensemble du Québec, et je trouve dramatique que des provinces comme la Colombie-Britannique consomment beaucoup de cidre tandis qu'au Québec on a un bon produit et ce n'est pas vendu.

Donc, le but de toute l'opération, c'est de créer une clientèle nouvelle pour le cidre. Il ne s'agit pas, donc, de se contenter des 811 000 gallons qui ont été vendus en 1977. Il faut trouver une clientèle nouvelle. Pour ce faire, on dit aux fabricants de cidres: Vous pouvez continuer de faire ce que vous faites, aller vendre vos cidres directement à l'épicerie. Les épiciers vont les mettre avec des petits pois verts, on les retournera près du calorifère, au soleil, n'importe où, à la poussière — j'en ai déjà acheté qui avait un demi-pouce de poussière — ou associez-vous avec la Société des alcools; si vous le faites, voici ce que vous allez obtenir: Vos produits feront partie du présentoir qui est marqué de l'imprimatur de la Société des alcools, la société se préoccupera de la qualité et sans doute s'associera aussi à vous pour faire de la publicité. Mais ça, c'est à négocier avec la société, dans le but de développer une clientèle nouvelle, parce que la clientèle du cidre, c'est une clientèle qui va dans les épiceries et qui pourrait être attirée par ce présentoir. On peut donc trouver là une clientèle nouvelle en revalorisant surtout le cidre léger, et j'insiste parce que ce dernier n'est pratiquement pas en concurrence avec le vin. Le cidre léger ne contient que 6% d'alcool.

Donc, les deux fabricants de cidres qui restent ont une occasion en or de sauver l'industrie avant qu'elle ne s'effondre complètement. Je pense que, si on laisse les choses aller tel quel — ça, c'est clair — l'industrie est en train de s'effondrer, et je pense que nous allons... Pour ma part, j'ai une très grande confiance. Si on fait comprendre aux consommateurs que le cidre du Québec, c'est un bon cidre, qui est stable, qui ne varie pas d'une bouteille à I'autre, d'une semaine à l'autre, non seulement on pourra vendre davantage de cidre au Québec, mais on en commencera l'exportation. Je ne vois pas pourquoi on n'exporterait pas de cidre en Colombie-Britannique alors que la Colombie-Britannique en importe de Grande-Bretagne. Il y a des illogismes dans toute cette situation qui, pour un économiste, sont pratiquement scandaleux.

Maintenant, je reviens à une troisième question, les conditions d'accès au présentoir, en relation avec la concurrence que la Société des alcools ferait aux vins fabriqués ou, du moins, patentés au Québec.

Dans la situation actuelle, avec 350 points de vente, les vins fabriqués au Québec sont en concurrence avec quelque 900 autres marques de vins dans des libres-services, donc, les vins du Québec sont en concurrence avec beaucoup d'autres vins. En ouvrant 9000 nouveaux points de vente et en limitant la concurrence, pour des raisons techniques et économiques, à seulement dix marques de la Société des alcools, on réduit considérablement la concurrence à laquelle font face les vins du Québec présentement dans les points de vente de la Société des alcools. (17 h 30)

De la sorte, nous allégeons considérablement la pression de la concurrence que subissent les vins fabriqués au Québec; il devrait alors s'ensuivre une augmentation formidable dans les épiceries des ventes des vins fabriqués au Québec. Comme je l'ai laissé entendre tout à l'heure, la substitution se fait présentement entre les vins fabriqués au Québec et les vins canadiens, et ce serait une insulte au consommateur du Québec de lui fournir uniquement une catégorie de vins qui est quand même fabriquée dans des conditions quelque peu artificielles. On fait venir du moût, on ajoute de l'eau, on fait venir un peu d'autres vins qu'on mélange. C'est quand même un vin de table qui peut être utilisé, mais il faut peut-être donner au consommateur un choix qui soit un peu plus vaste, et, en mettant des vins importés embouteillés par la Société des alcools qui produisent à peu près les mêmes retombées économiques avec des vins du Québec. On ne rit pas du consommateur.

Je pense que cela aurait été rire du consommateur que de dire: Seuls les vins du Québec... Si nous étions une contrée qui produisait des vins, si on était des producteurs de vins, j'aurais peut-être été à la rigueur... ma tendance aurait été de créer un monopole injustifié.

Dans les circonstances, je pense donc que nous trouvons un compromis passablement équilibré, environ dix marques de la Société des alcools, environ vingt marques du Québec, donc un contre deux, avec un choix assez vaste avec les 350 autres magasins, parce que le consommateur n'est pas prisonnier de cette opération. C'est un point important. Le consommateur a quand même ses 350 points qui vont s'accroître, parce que nous avons déjà annoncé l'établissement d'environ 100 nouveaux points de vente. Nous étions en retard sur l'Ontario et d'autres régions de l'Amérique du Nord sur ce point; bientôt le consommateur sera très bien servi. Je pense que les producteurs du Québec auront une chance extrêmement intéressante. Par contre, la Société des alcools pourra contribuer à agrandir ses installations d'embouteillage et créer de l'activité économique encore plus importante.

Il ne s'agit donc pas de concurrence déloyale, à mon avis. Je pense que c'est une concurrence équilibrée qui suivra des règles qui refléteront les grandes lignes directrices que j'ai indiquées tout à l'heure concernant la présentation dans les magasins. S'il y a entente entre les trois intervenants, le rapport sera de un tiers, un tiers, un tiers. S'il n'y en a pas, ce sera moitié-moitié entre les deux autres intervenants. Cela se fera de façon passablement arithmétique.

Par contre, nous voulons éviter que le champ de distribution des épiceries devienne un "free for all" pour les fabricants de vins du Québec — ils sont environ une dizaine. J'ouvre une parenthèse pour dire que j'ai l'intention de scruter de très près toute nouvelle demande de fabricants de vins pour l'octroi de permis industriels, afin de ne pas répéter l'expérience soit des motoneiges, soit des maisons mobiles, soit du cidre, parce qu'il peut y avoir un engouement pour fabriquer du vin et qu'on ait tellement de petits producteurs que, finalement, après quelques années, ils fassent faillite.

J'étudie cette possibilité, parce qu'il y a là un danger qui peut se présenter. Il serait donc dangereux de retrouver dans les épiceries une lutte, pour le présentoir où on veut retrouver la bouteille, une bouteille à tel endroit plutôt qu'à tel autre. Vous savez que, par réglementation, nous avons défendu aux agents des fabricants ou des importateurs d'aller dans les magasins de la Société des alcools pour faire des pressions sur la mise en marché, parce que vous savez que c'était quand même une des sources de corruption qui avait terni le nom de la Société des alcools: on soudoyait les vendeurs pour faire placer telle marque en avant, telle marque au deuxième étage, etc.

Donc, nous ne voulons pas que l'ancien système qui prévalait dans les anciens magasins de la Société des alcools soit établi au niveau des 9000 petites épiceries. On veut que les fabricants de vins du Québec laissent en paix les petites épiceries et qu'une fois qu'on a déterminé un tiers, un tiers, ce soit le petit épicier qui décide où il place ses bouteilles dans tel étage et qu'on lui laisse la paix. Au besoin, on adoptera une réglementation à cette fin, puisque je ne veux pas qu'on revienne à l'ancien système du soudoiement des employés de magasins.

M. Blank: Est-ce que la société va avoir les mêmes inspections?

M. Tremblay: Elle l'a, je l'ai dit tout à l'heure. On a voté un règlement à cette fin et il a été publié dans la Gazette officielle. Il ne semble pas, M. le député, que vous lisez la Gazette officielle.

M. Blank: Ce n'est pas ce que je dis. Vous m'avez mal compris. J'ai dit que la société va avoir la même restriction de ne pas forcer les épiciers à mettre leurs produits dans un endroit spécial. C'est cela que j'ai dit.

M. Tremblay: Je comprends, mais, comme j'ai dit tout à l'heure...

M. Blank: Vous êtes prêt à faire de la politique à chaque minute.

M. Tremblay: On m'accuse de ne pas être un politicien, d'être trop économiste. Je vous remercie du compliment.

M. Blank: On essaie d'être logique, de ne pas politiser les débats, mais je ne peux pas.

M. Tremblay: Maintenant, qu'est-ce qu'il en coûte aux fabricants québécois? Pas un cent, parce que, présentement, le système qui existe avec la Société des alcools va se poursuivre et c est la Société des alcools qui amènera les vins, fera des ententes avec des grossistes, si c'est nécessaire, dans des régions éloignées, pour amener les vins dans les épiceries. Donc, le fabricant québécois ne perd pas un cent, mais il n'a pas le droit d'aller dans les épiceries pour y vendre son vin sans passer préalablement par la Société des alcools. Le système demeure le monopole de la société, donc la réponse à cela est assez courte. En ce qui concerne les programmes de publicité, je pense que le simple fait que nous proposions un projet de loi et que nous en discutions depuis pratiquement huit ans, mais de façon intensive depuis deux ans, fait en sorte que le vin dans les épiceries, c'est connu de beaucoup de gens, créera un achalandage additionnel et, par conséquent, un achalandage additionnel pour les vins vendus au Québec qui sont perdus maintenant parmi les 960 qui sont déjà vendus par la Société des alcools. La Société des alcools va sans doute mettre sur pied un programme de publicité du présentoir pour mettre l'accent sur le cidre, et les vins qu'elle vend, et je ne peux que voir des effets bénéfiques et des retombées bénéfiques de la capacité de la Société des alcools à faire de la publicité pour ceux qui vont s'associer à ce présentoir. Il est évident que la Société des alcools est une grosse machine, mais on ne peut pas lui demander de cesser de faire de la publicité parce qu elle est grosse. Je pense qu'elle doit le demeu-

rer, elle doit croître, et nous allons insister pour qu'elle ait des règles de rentabilité qui soient des plus précises comme nous le faisons pour toutes les sociétés d'Etat, mais je suis certain que la publicité qui est faite autour de cette question des vins dans les épiceries et la publicité que la société va certainement faire par après, bénéficiera fortement au vin fabriqué au Québec et au cidre désigné et entériné par la Société des alcools.

Je pense qu'avec ces réponses, M. le Président, on a une image passablement complète de l'opération. Il y a encore des points d'interrogation qui découlent des négociations qui auront cours, mais on sait que ces négociations se feront dans le cadre des contraintes et des lignes directrices que j'ai indiquées et il n'y aura donc pas de grandes surprises à attendre. Il s'agit de modalités qui vont être précisées.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Merci, M. le Président. Selon l'article 1, seule la société peut désigner les vins dans les épiceries. A la suite de cet article, un producteur de vins québécois qui aurait investi une somme d'argent considérable dans le développement d'un vin particulier, qui aurait dépensé aussi énormément d'argent au niveau de la publicité pour mousser son vin, peut se voir refuser ce vin particulier au niveau du présentoir? S'il est bon. S'il n'est pas bon...

M. Tremblay: La réponse à cela est très claire, pour un nouveau produit, il faudra que le fabricant québécois teste ce produit dans les points de vente réguliers de la Société des alcools, 350 maintenant, et ce nombre montera à au-delà de 400, et il pourra lui-même faire une substitution, si ce vin est un bon vendeur, avec un des vins qu'il vend déjà dans les épiceries et mettre dans les épiceries celui qu'il pense être le meilleur vendeur. Mais il faudra qu'il fasse des substitutions. Il n'est pas question de monter de 30, 40, 50, 100 ou 125 vins. Je vous donne mon opinion d'économiste, 90 vins fabriqués au Québec présentement, comment voulez-vous faire de la publicité autour de 90 vins? C'est beaucoup trop. C'est comme les cidres il y a quelques années.

M. Dubois: Je voulais en venir...

M. Tremblay: On fabriquait tellement de cidres qu'on ne se retrouvait plus dans la publicité. Donc, grâce à ce réseau de la Société des alcools, les fabricants de vins ont un réseau qui permet un test qui s'avère extrêmement intéressant pour leurs nouveaux produits.

M. Dubois: Où je voulais en venir, est-ce qu'il y aura quand même un dialogue entre les producteurs de vins québécois et la SAQ au niveau de leur...

M. Tremblay: Cela existe déjà. Il y a déjà une entente avec les fabricants de vins. Elle met en vente leurs produits.

M. Dubois: II y a un dialogue possible, constant, entre les fabricants et la SAQ?

M. Tremblay: Oui, c'est la fonction de la SAQ.

M. Dubois: J'aimerais savoir où se situent les chaînes d'alimentation là-dedans. Est-ce qu'elles auront le droit d'acheter en quantité pour redistribution à leurs clients normaux?

M. Tremblay: Les chaînes, bon. Nous n'avons pas voulu revoir le fond de la Loi de la Société des alcools et le fond de la Loi de la Commission de contrôle des permis d'alcool.

Bien plus, étant donné que nous voulions mettre l'accent sur les détenteurs de permis d'épicerie actuels qui sont des indépendants surtout, et que nous voulions renforcer ce secteur, consolider ce secteur, nous n'avons pas tendance à modifier les lois existantes. De sorte que les chaînes peuvent distribuer du cidre, ce qui a été un élargissement apporté il y a quelques années pour essayer de renflouer le cidre, mais vous voyez que cela n'a pas donné tellement de bons résultats, même si on a élargi la vente aux chaînes. Ainsi les chaînes ne sont pas comprises dans le projet de loi 21, parce qu'elles ne le sont pas dans les deux lois qui sous-tendent la loi 21.

M. Dubois: ... par la chaîne ou est fourni directement par la SAQ à ce moment-là.

M. Tremblay: Non, ça change quelque chose; la SAQ doit garder son monopole pour garder la qualité, donc, la SAQ ne peut pas confier à une chaîne... Vous faites peut-être allusion à des Provisoir, des Métro?

M. Dubois: C'est ça.

M. Tremblay: Ce sont des chaînes indépendantes.

M. Dubois: Steinberg.

M. Tremblay: Non, Steinberg...

M. Dubois: Provigo, Métro, Richelieu...

M. Tremblay: ... c'est une chaîne possédée à plein.

M. Blank: Mais il vend du cidre, Steinberg.

M. Tremblay: Oui, mais il ne vend pas de bière.

M. Blank: Non.

M. Dubois: Je parle des chaînes comme Provigo qui ont environ 9000 "outlets" au Québec.

M. Tremblay: Les indépendants qui font partie de chaînes possèdent déjà des permis de bière et de cidre; ils vont continuer à avoir le droit de vendre du vin.

M. Dubois: Les vins déjà acceptés par la société pour être mis en présentoir, cela ne change rien que ces vins viennent de Provigo, de Richelieu ou de la SAQ. A ce moment-là, ce sont des vins spécifiques acceptés par la société.

M. Tremblay: Cela ajouterait un intermédiaire et comme la marge d'exploitation n'est pas tellement large, moins il y aura d'intermédiaires, mieux ce sera. Mais il n'est pas exclu que la Société des Alcools fasse des ententes avec les grossistes ou avec des chaînes d'indépendants pour qu'ils fassent la distribution dans des régions où il ne serait pas économique pour la Société des alcools d'avoir un réseau de camions.

Je souligne le fait que la Société des alcools a quand même un réseau de camions qui approvisionne les 12 000 restaurateurs et hôteliers au Québec présentement. Il y a déjà un système qui existe, de sorte que les coûts d'implantation d'un réseau d'approvisionnement des épiceries ne seront peut-être pas tellement élevés. Le but est d obtenir un système plus économique d'approvisionnement et la Société des alcools a pleine liberté de procéder dans la direction qui lui semble la plus économique. Parce que la Société des alcools doit être une société efficace.

Quand j'ai mentionné majoration fiscale, majoration commerciale, tout à l'heure, on surveillera la Société des alcools dans sa majoration commerciale et on s'attend à ce qu'elle fasse des progrès d'augmentation de productivité, qu'elle soit rentable. Il faut qu'elle prenne de bonnes décisions commerciales.

M. Dubois: Si on parle de majoration au Québec sur les vins québécois, c'est de 85% à 95% de majoration qu'on a ici, tandis qu'en Ontario, il y a 38% de majoration sur les vins ontariens. Alors, je me demande pourquoi la très grande différence entre cette majoration ontarienne et québécoise.

M. Tremblay: Dans le cas de l'Ontario et de la Colombie-Britannique, qui veulent protéger leur agriculture et veulent aussi protéger le raisin et les pommes, ii en est ainsi pour le cidre. Mais j'ai donné tout à l'heure des chiffres, en fournissant un tableau qui montre que le vin canadien, même s'il est favorisé par toutes sortes de mesures fiscales en Ontario, ne réussit pas à concurrencer le vin fabriqué ici même au Québec. Il semble qu'il y a une tendance à la substitution.

M. Blank: En fait, c'est la SAQ qui met des restrictions sur l'importation des vins d'Ontario et des autres endroits.

M. Tremblay: Je pense que le député d'Outremont pourrait vous répondre que ce genre de manipulation des taxes à des fins protectionnistes...

M. Blank: C'est déjà fait. Je ne parle pas de taxe.

M. Tremblay: ... peut enfreindre les règles du GATT.

M. Blank: Je ne parle pas de taxe. Ne me faites pas dire des mots que je n'ai pas dits. Je ne parle pas de taxe.

M. Dubois: Oui, mais une majoration.

M. Tremblay: C'est parce que j'ai répondu à une question du député de Huntingdon qui avait parlé de majoration fiscale.

M. Blank: II n'y a pas longtemps, il y a eu une chicane entre le Québec et l'Ontario. L'Ontario ne voulait pas vendre des vins du Québec, parce que le Québec refusait de vendre des vins de l'Ontario. (17 h 45)

M. Tremblay: Le problème avec l'Ontario, c'est qu'elle ne veut pas vendre nos cidres. C'est cela le problème.

M. Blank: Est-ce que la diminution de la vente des vins canadiens est une vraie diminution ou si c'est une diminution artificielle imposée par la SAQ pour acheter ces vins-là?

M. Tremblay: Vous avez raison, probablement que les deux raisons sont en cause. La société est moins enthousiaste et je suis certain qu'elle va devenir plus enthousiaste s'il y a des ententes d établies avec l'Ontario, non seulement pour le vin fabriqué au Québec, mais surtout le cidre qui n'est pas accepté en Ontario, peut-être parce que le cidre du Québec n'a pas donné une preuve de qualité et de stabilité. Peut-être qu'en revalorisant la qualité du cidre du Québec, on fait d'une pierre deux coups. On accroîtra peut-être les exportations de cidre. Ceci serait extrêmement souhaitable.

M. Dubois: Est-ce que vous avez des négociations avec l'Ontario présentement au niveau de la vente du cidre québécois là-bas?

M. Tremblay: II y a des pourparlers, semble-t-il, mais on ne peut pas appeler cela des négociations. Ce sont deux gros éléphants, voyez-vous.

M. Dubois: Ils sont vraiment protectionnistes.

M. Tremblay: Je pense que ce sont...

M. Raynauld: II y a une association avec l'Ontario là-dessus.

M. Dubois: Mais cela n'a rien à voir avec...

M. Tremblay:... avec des clauses de réciprocité.

M. Raynauld: Mais ce serait peut-être avantageux, en effet, parce que, lorsque arrivent les deux...

M. Tremblay: C'est pour cela qu'on a recommandé, en éducation, de faire des ententes de réciprocité. Je pense que si on pouvait le faire pour l'éducation, cela serait d'autant plus facile de le faire pour le vin et pour le cidre.

M. Dubois: Les mesures protectionnistes de l'Ontario n'ont rien à voir avec les négociations du GATT.

M. Tremblay: Pardon?

M. Dubois: Les mesures protectionnistes de l'Ontario n'ont rien à voir avec les négociations du GATT. Vous avez soulevé cela tout à l'heure, mais il reste que...

M. Tremblay: Non. Les mesures fiscales ont affaire avec le GATT, parce que vous pouvez, par des majorations différenciées, selon la provenance des produits, introduire un quasitarif à l'importation. Par exemple, si on n'avait aucune majoration fiscale pour le vin fabriqué au Québec et une majoration fiscale de 90% pour le vin importé, il s'agirait effectivement d'un tarif de 90%.

M. Dubois: Qu'est-ce qui arrive dans le cas de l'Ontario? Est-ce que vous avez des données?

M. Tremblay: Je sais que l'Ontario a une majoration fiscale différente pour les vins de l'Ontario par rapport aux autres vins. Mais, comme je l'ai dit tout à l'heure, l'Ontario est un producteur de raisins.

M. Dubois: D'accord. Mais il reste quand même que l'écart est fantastique entre les deux, de 37% à 95%. ou 85%.

M. Tremblay: Malgré cela, les Ontariens achètent de plus en plus de vin importé.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. Il y a plusieurs questions que je voudrais poser au ministre, premièrement, en ce qui a trait au tableau qu'il vient de nous fournir...

M. Tremblay: Est-ce que je pourrais poser une question? On me demande s'il y a possibilité que nous siégions ce soir, de 8 à 10 heures? Est-ce que cela conviendrait aux membres ou si vous préféreriez qu'on retarde à mardi?

M. Raynauld: Je suis censé être occupé à une autre commission ce soir. Et, en plus, il y a un ordre de la Chambre.

M. Tremblay: A moins que nous terminions avant six heures. Si vous pensez qu'on a suffisamment répondu aux questions. Tous les autres articles, dans le fond, c'est simplement de la concordance.

M. Raynauld: Vous voulez l'adopter?

M. Tremblay: Pas nécessairement, je préférerais qu'on retarde à mardi, pour ma part.

M. Blank: D'accord, mardi.

M. Tremblay: On va attendre à mardi.

M. Blank: C'est un ordre de la Chambre déjà.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Duplessis.

Une Voix: Mardi.

M. Perron: M. le Président, je disais donc que le ministre nous avait présenté un tableau pour ce qui a trait aux vins et cidres fabriqués au Québec ainsi que des vins canadiens vendus au Québec. Je me pose la question. Pour ce qui a trait aux vins embouteillés par la Société des alcools du Québec, est-ce qu'on a un autre tableau qui pourrait nous dire combien il y a de gallons de vins embouteillés par la société qui sont vendus au Québec?

M. Tremblay: Je peux vous donner le renseignement que j'ai.

M. Perron: Approximatif.

M. Tremblay: La Société des alcools vend pour environ $150 millions de vins. Elle en embouteille à peu près le tiers.

M. Perron: 150 millions de gallons?

M. Tremblay: $150 millions...

M. Blank: Ce n'est pas là la question.

M. Tremblay: ... ce qui représente à peu près le tiers de ses ventes aussi, qui sont d'environ $400 millions.

M. Blank: II ne répond pas à sa question.

M. Perron: Je parle au niveau du "gallonna-ge" approximativement.

Une Voix: C'est 2 150 000 gallons.

M. Tremblay: Un instant! Je vais demander un renseignement: 2 150 000 gallons de vin sont embouteillés par la Société des alcools.

M. Perron: D'accord. Merci, M. le ministre. Si vous permettez, je voudrais revenir aux présentoirs. On sait que ces présentoirs seront financés

par la Société des alcools et préparés aussi selon certains règlements et critères; ainsi, ils devront s adapter à certains vins et cidres fabriqués ou embouteillés au Québec. Compte tenu du fait que ces présentoirs seront fabriqués au Québec, est-ce que ceux-ci seront diversifiés, premièrement et, deuxièmement...

Une Voix: Les présentoirs.

M. Perron: Les présentoirs demeureront-ils la propriété de la SAQ, dans l'éventualité de la fermeture d'une épicerie quelconque ou d'un transfert?

M. Tremblay: Pour ce qui concerne les présentoirs, il est évident que la Société des alcools a fait des démarches préliminaires, mais ne pouvait pas procéder de façon définitive tant que le projet de loi n'était pas adopté. Il faut que ces présentoirs répondent à des normes de marketing qui soient uniformes, parce que cela coûterait énormément cher que d'avoir un présentoir personnalisé pour chacun des magasins, les 9000 magasins. On me dit que ce sera sans doute un présentoir classique, fait en acier.

M. Blank: Pourquoi déposer cela comme cela? Ce n'est pas ce qu'on demande.

M. Tremblay: C'est parce que ces choses doivent être négociées. On ne peut présumer des négociations. Donc, ce sera un présentoir. J espère qu'il ne sera pas laid, qu'il sera beau.

M. Perron: Uniforme pour tout le Québec?

M. Tremblay: Uniforme pour tout le Québec, mais avec des sections. C'est-à-dire qu'un petit magasin peut avoir une section, un plus grand peut en avoir deux et un autre plus grand peut en avoir trois. Il y aura donc une flexibilité quant au présentoir. D'autre part... Qu'est-ce que vous demandez?

M. Perron: Est-ce qu'ils demeureront la propriété de la société?

M. Tremblay: Oui, parce que la Société des alcools se sert du présentoir pour contrôler la qualité, la mise en marché, pour éviter que le consommateur soit pénalisé.

M. Raynauld: Des ordinateurs IBM.

M. Tremblay: La Société des alcools garde le contrôle du présentoir et, si l'entente n'était pas respectée, elle garde le droit de retirer le présentoir. Mais ce sera dans des cas biens spécifiques.

M. Perron: Si vous me permettez, M. le Président, je voudrais maintenant revenir aux vins, à la question de la distribution que vous avez mentionnée tout à l'heure. Est-ce que j'ai bien entendu que la distribution des vins dans les épiceries se fera gratuitement?

M. Tremblay: II n'y a rien de gratuit sous ce soleil, M. le député. Comme je l'ai dit tout à l'heure, en parlant de rentabilité, il y aura des ententes entre la Société des alcools et les épiciers, de façon que l'opération soit rentable pour les épiciers, mais soit aussi rentable pour la Société des alcools. Il y aura un rabais. Les épiciers vont avoir le choix soit de demander à la Société des alcools de faire la livraison, une fois par semaine, ou à d'autres occasions, de certains vins, où eux-mêmes auront accès aux 350 points de vente et recevront le rabais, s'ils étaient mal pris, par exemple, pour obtenir rapidement de l'approvisionnement. C'est la beauté du système de la Société des alcools. Elle a des réseaux de distribution déjà bien établis. Ce n'est pas gratuit, mais il y a un rabais qui sera négocié avec les épiceries, qui leur sera accordé pour la majoration.

M. Perron: Est-ce que vous parlez d'un rabais sur les vins ou d'un rabais sur...

M. Tremblay: Sur les vins, parce que la distribution aux épiciers est gratuite dans le sens que...

M. Dubois: ... les restaurants et les hôtels...

M. Tremblay: Dans le cas des hôtels, est-ce qu'ils peuvent? On me dit que cela sera le même système pour les restaurateurs et pour les hôteliers, c'est-à-dire que, lorsqu'ils demandent une livraison, ils paient. Dans le cas des épiceries, si ces gens veulent éviter les frais de livraison, ils pourront aller dans un des 350 magasins prendre leur vin et l'apporter, et avoir le rabais directement. Donc, il y a une flexibilité à ce niveau.

M. Perron: Maintenant, une couple de questions en rapport avec les cidres vendus au Québec. On remarque que la vente des cidres au Québec est à la chute, pas en chute libre, mais disons que cela baisse d'année en année. Est-ce que vous pourriez me dire s'il y a seulement des cidres fabriqués au Québec qui sont vendus au Québec? Ce que je veux dire, c'est: Est-ce qu'on vend dans les épiceries...

M. Tremblay: Exclusivement, oui.

M. Perron:... exclusivement des cidres québécois? Donc, il n'y a aucune importation.

M. Tremblay: ... et aussi dans les magasins de la Société des alcools.

M. Perron: II n'y a aucune importation de cidres qui proviendraient de l'Ontario ou d'ailleurs?

M. Tremblay: Non.

M. Perron: Maintenant...

M. Raynauld: ... on a perdu une raison.

M. Tremblay: Une raison de quoi?

M. Raynauld: De la chute, parce que, d'habitude, ce sont les importations.

M. Tremblay: ... l'état du problème.

M. Perron: Maintenant, toujours en rapport avec les cidres qui sont vendus au Québec, donc faits au Québec, est-ce que vous pourriez me dire si les règlements qui sont appliqués, qui devraient être appliqués par la Société des alcools du Québec sont très bien suivis en ce qui a trait à la qualité des cidres eux-mêmes?

M. Raynauld: II n'y a pas de contrôle de la SAQ là-dessus.

M. Tremblay: II y a des exigences de propreté et de fabrication du cidre, mais le goût, lui, n'est pas contrôlé par la Société des alcools. La qualité tactile n'est pas contrôlée par la Société des alcools. Donc, il est difficile de dire que ces règlements ne sont pas suivis. Je présume qu'ils le sont, mais, ce qui manque, c'est une surveillance additionnelle concernant la stabilité du goût. Lorsqu'on parle de qualité, évidemment, d'un produit de consommation comme le cidre, c'est de garder le goût uniforme, et c'est là où la lacune semble être la plus forte.

M. Perron: Donc, selon vous, cela pourrait avoir contribué à diminuer, de 1976 à 1977, de 971 000 gallons à 811 000 gallons.

M. Tremblay: Je n'ai pas...

M. Perron: Cela pourrait être une des raisons.

M. Tremblay: Cela pourrait certainement être une des raisons puisqu'il n'y a aucun contrôle de la qualité de la part de la SAQ.

M. Perron: Une dernière question, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Une dernière, courte question, étant donné l'heure.

M. Perron: Oui. Est-ce que la Société des alcools du Québec a l'intention justement de réglementer cette fameuse qualité?

M. Tremblay: J'ai mentionné tout à l'heure que ceci dépendra de la liberté des producteurs de cidre qui devront faire une entente avec la Société des alcools. Ils ont pleine liberté, soit de continuer dans le système actuel, soit de faire des ententes avec la Société des alcools pour être inclus dans le présentoir.

M. Perron: Merci.

Le Président (M. Boucher): Alors, compte tenu de l'heure, nous devons ajourner nos travaux.

M. Tremblay: Est-ce que je pourrais proposer qu'on adopte l'article 1?

Le Président (M. Boucher): L'article 1 est-il adopté?

Des Voix: Non, non.

Le Président (M. Boucher): Non? Alors...

M. Blank: On a de petits amendements pour améliorer votre loi.

Le Président (M. Boucher): La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 57)

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