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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mardi 29 octobre 2024 - Vol. 47 N° 91

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 73, Loi visant à contrer le partage sans consentement d’images intimes et à améliorer la protection et le soutien en matière civile des personnes victimes de violence


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Journal des débats

9 h 30 (version non révisée)

(Neuf heures quarante-sept minutes)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte.

La commission est réunie afin d'entreprendre des consultations particulières et audiences publiques sur le projet de loi n° 73, Loi visant à contrer le partage sans consentement d'images intimes et à améliorer la protection et le soutien en matière civile des personnes victimes de violence.

Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Bourassa (Charlevoix—Côte-de-Beaupré) est remplacée par Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac); et M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé par M. Cliche Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne).

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Ce matin, nous allons débuter d'abord par les remarques préliminaires puis nous entendrons les organismes suivants : le Réseau des centres d'aide aux victimes d'actes criminels, le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale et le Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel.

On est maintenant en remarques... aux remarques préliminaires. M. le ministre, vous avez la parole pour 6 minutes, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. À nouveau, au plaisir de vous retrouver, de retrouver les collègues de la partie gouvernementale, des oppositions et les collègues du ministère de la Justice qui nous accompagneront.

Alors, nous entamons aujourd'hui l'étape importante des consultations particulières du projet de loi n° 73, Loi visant à contrer le partage sans consentement d'images intimes et à améliorer la protection et le soutien en matière civile des personnes victimes de violence. Celles et ceux qui suivent les travaux du ministère de la Justice depuis notre arrivée en poste savent qu'offrir un meilleur soutien aux personnes victimes et des services centrés sur les besoins et leur réalité est une priorité. Les personnes victimes ont trop longtemps été reléguées au second plan. Maintenant, nous nous assurons qu'elles soient les premières considérées dans toutes nos décisions. Le projet de loi n° 73 s'inscrit directement dans cette lignée, alors qu'il vise à mieux protéger les personnes victimes en cas de partage d'images intimes sans consentement, tout en améliorant l'accompagnement en matière civile, incluant en matière familiale, des personnes victimes de violences sexuelles et de violence conjugale.

Dans les dernières années, nous avons vu l'apparition d'un véritable fléau le partage d'images intimes sans consentement. Si vous avez des adolescents à la maison, vous le constatez certainement. De nos jours, les jeunes ont tous des cellulaires, et nous n'avons pas suffisamment de doigts dans cette pièce pour compter le nombre de textos qu'ils s'envoient dans une seule journée, je dirais même dans une seule heure. Malheureusement, ça ne prend qu'un seul texto pour briser quelqu'un, affecter durablement son estime, compromettre son sentiment de sécurité, saboter son lien de confiance envers les autres. Et quand je parle de fléau, je n'exagère pas, selon une étude, on estime qu'un adolescent sur cinq aurait déjà reçu l'image intime d'une personne qui n'y consentait pas. Lorsqu'une telle situation se produit, la rapidité d'intervention devient la clé. Plus c'est long avant de détruire l'image, plus celle-ci risque de circuler et plus les conséquences peuvent être dévastatrices pour la personne victime. Nous en avons d'ailleurs fait l'exercice la veille du dépôt du projet de loi. La vidéo que vous avez probablement vu passer a rejoint une centaine de personnes en moins de 15 minutes. Ça démontre à quel point une image peut faire du chemin, et ce, en très peu de temps.

En ce moment, les procédures en place pour dénoncer le partage d'images intimes peuvent s'étirer sur toute une année et ce n'est pas acceptable. Avec le projet de loi n° 73, nous introduisons un processus clair, simple et rapide afin d'empêcher ou de faire cesser rapidement le partage d'une image intime sans consentement. Dès qu'une personne apprendra qu'une image intime d'elle circule sans son consentement ou qu'une autre personne menace de...

M. Jolin-Barrette : ...la partager, elle pourra remplir un formulaire disponible en ligne ou au greffe des palais de justice afin d'obtenir une ordonnance de la Cour du Québec. Le juge qui recevra la demande devra la traiter en urgence et pourra ordonner à toute personne, même celle se cachant derrière un pseudonyme, qui détient ou qui a sous son contrôle l'image intime de ne pas partager l'image intime ou de cesser tout partage, de la détruire ou de la désindexer... tout hyperlien permettant d'y accéder.

• (9 h 50) •

Une personne visée par cette ordonnance devra la respecter dès qu'elle lui sera notifiée, sans quoi elle s'exposera à une amende pouvant aller de 500 $ à 5 000 $ par jour pour une personne physique et de 5 000 $ à 50 000 $ par jour pour une personne morale. Ultimement, une peine d'emprisonnement pourrait être imposée à une personne physique.

Le projet de loi n° 73 propose également de renforcer l'ordonnance civile de protection. Rappelons que cette dernière vise la protection des personnes victimes, notamment en contexte de violence familiale, conjugale ou sexuelle, d'intimidation ou de harcèlement. Le tribunal peut, par exemple, ordonner à une personne de ne pas s'approcher... de ne pas approcher le domicile ou le lieu de travail d'une autre personne ou de l'empêcher de communiquer avec elle.

Les échos que nous avons de la part de plusieurs organismes qui oeuvrent auprès des personnes victimes nous indiquent que ce recours, bien que fort utile, est malheureusement peu utilisé étant donné qu'il n'est pas adapté. Nous souhaitons donc en faciliter l'utilisation afin de mieux protéger notamment les personnes victimes de violence familiale, conjugale ou sexuelle.

En ce moment, une personne victime de ce type de violence doit prouver que sa vie, sa santé ou sa sécurité est menacée pour obtenir une ordonnance civile de protection. Dans certains cas, cela peut être très difficile et pour ne pas dire impossible à prouver. Grâce au projet de loi que nous avons déposé, la crainte d'un risque pour la vie, la santé ou la sécurité d'une personne victime suffira pour obtenir une ordonnance. C'est nuance qui peut sembler minime, mais cela fera une énorme différence pour les personnes victimes dans le fardeau de preuve qui leur est imposé.

De plus, avec le projet de loi n° 73, le non-respect de l'ordonnance civile de protection devient une infraction criminelle, ce qui permettra aux policiers d'intervenir. Jusqu'ici, le fardeau était sur les épaules de la personne victime qui devait entreprendre un recours, parfois long et coûteux, d'outrage au tribunal. Désormais, les policiers auront les moyens d'agir pour faire respecter l'ordonnance.

Finalement, le projet de loi n° 73 introduit plusieurs mesures qui permettront aux personnes victimes d'être mieux soutenues en matière civile. Avec le tribunal spécialisé en matière criminelle et pénale, nous avons développé de nouveaux articles... de nouveaux services qui seront maintenant implantés en matière civile, incluant en matière familiale, entre autres l'élargissement de l'offre de formation sur les réalités de la violence sexuelle ou conjugale aux intervenants qui oeuvrent auprès des personnes victimes en matière civile, incluant en matière familiale, la possibilité pour la personne victime de témoigner à distance et d'être accompagnée d'une personne de confiance ou d'un chien de soutien, et nous venons établir clairement que la référence aux mythes et stéréotypes comme le passé sexuel de la personne ou le fait qu'elle n'ait pas mis un terme à la relation avec le présumé agresseur ne pourra pas servir de preuve.

Voilà donc un tour d'horizon rapide des mesures-phares du projet de loi n° 73 sur lesquelles vous serez appelés à vous prononcer au cours des prochaines heures. Mes collègues et moi serons à l'écoute.

En terminant, le système de justice ne doit jamais être un fardeau, il doit être un outil, et je souhaite que nous gardions tous cela en tête pour la durée de nos travaux et pour l'amélioration des lois en général.

Alors, je vous remercie, M. le Président, à l'avance, et nous sommes prêts à procéder avec les consultations.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de l'Acadie pour six minutes, s'il vous plaît.

M. Morin : Alors, bonjour, M. le Président. M. le ministre, collègues de la banquette gouvernementale, membre de votre cabinet et probablement du ministère de la Justice qui vous accompagnent également. Donc, je vous salue. Je salue également les collègues des oppositions et M. Bourret qui m'accompagne, le recherchiste de l'aile parlementaire dans le cadre du travail que nous allons entreprendre en lien avec le projet de loi n° 73, Loi visant à contrer le partage sans consentement d'images intimes et à améliorer la protection et le soutien en matière civile des personnes victimes de violence.

C'est, je dois dire, M. le Président, un projet de loi important, que je qualifierais d'important, dans un sujet qui est aussi fondamental. Et je regardais, en préparant, évidemment, l'étude du projet de loi, le fait que la Colombie-Britannique, par exemple, s'est déjà intéressée à la question. Il y a une loi de la Colombie-Britannique qui traite de ça. Le Code criminel également prévoit une infraction.

Je dois souligner, j'ai trouvé... j'ai été impressionné, disons-le, par les moyens technologiques qui ont été utilisés par le ministère pour nous aviser de ce projet de loi. Quand il y a des bonnes choses qui sont faites, M. le Président, il faut le reconnaître. J'ai avoué que c'était bien, c'était bien pensé. On parle de moyens technologiques, on reçoit un petit texto, et voilà. Parce qu'effectivement...

M. Morin :...le partage d'images intimes, l'utilisation de l'Internet, c'est un outil, et ces fameux appareils très sophistiqués, c'est un outil qu'un grand nombre de personnes, maintenant, utilisent constamment. On peut même s'interroger à savoir s'il y a des gens qui pourraient s'en passer. Je dois vous dire que c'est un sujet qui est important, parce qu'il y a aussi une commission de l'Assemblée nationale qui étudie l'utilisation des appareils, des appareils électroniques et des écrans. Donc, on voit que ça prend une ampleur vraiment importante dans notre société. Et le fait de partager des images intimes sans le consentement de la personne peut et a un impact dévastateur. Et évidemment, une fois que c'est rendu sur le Web, là par exemple, ça peut devenir difficile d'enlever ces images-là.

Alors, c'est important qu'on ait plusieurs groupes et spécialistes, dont j'ai noté le professeur Trudel de l'Université de Montréal, qui va venir nous parler éventuellement, évidemment, de ce projet de loi, et comment le législateur peut agir en étant le plus... le plus efficace possible. Je vous dirais qu'il y a quelques éléments qui ont retenu mon attention, et je veux les partager d'emblée. D'ailleurs, ça a été soulevé par différents groupes dans le cadre des mémoires que nous avons reçus. Il y a toute la question, parfois, des délais dans le système judiciaire. Donc, si on veut être efficace, il faudrait qu'on soit capable d'agir ou que les victimes soient capables d'agir rapidement. Puis il y a aussi, bien sûr, l'accès à la justice, donc, s'interroger sur toute la question de la gratuité et du rôle de l'aide juridique dans ce domaine-là.

J'ai noté également qu'il y a une importance qui a été identifiée puis qui sera accordée à la formation, et ça, c'est un élément clé. Il va falloir, et on en rediscutera, mais il va falloir que le ministre et le ministère s'assurent qu'il y aura des budgets pour bien informer la population du fait que maintenant il y aura des sanctions. Il y aura une possibilité de recourir à des ordonnances pour faire cesser ce type de partage, sans consentement, d'images intimes. Mais surtout aussi, je vous dirais, de prévenir les gens des effets dévastateurs que le partage de ces images, sans consentement, peuvent avoir sur, évidemment, les victimes. Ça, c'est quelque chose qu'on aura l'occasion évidemment de reparler et d'étudier.

Alors, sans plus tarder, je suis heureux, à nouveau, de travailler au sein de cette commission, M. le Président, et de débuter les consultations particulières dans le cadre du projet de loi n° 73. Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le député de l'Acadie. Donc, on va débuter les auditions. Alors, il me fait plaisir d'avoir les représentantes du Réseau des centres d'aide aux victimes d'actes criminels, qu'on appelle communément les CAVAC, alors je pense que c'est bien connu partout au Québec. Merci beaucoup d'être avec nous. Comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation et, après ça, on aura une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, d'abord, vous présenter et débuter votre témoignage, s'il vous plaît. Merci.

Mme Villeneuve (Marie-Christine) : Merci. Bonjour, mesdames, messieurs. Merci de l'invitation. D'abord, mon nom est Marie-Christine Villeneuve. Je suis coordonnatrice aux communications et aux relations publiques pour le Réseau des CAVAC. Je suis accompagnée de Marilie Cormier-Gaudet, elle est directrice générale du CAVAC, Centre-du-Québec; ainsi que de Karine Gagnon, qui est coordonnatrice au soutien organisationnel au Réseau des CAVAC également.

Donc, je vais d'emblée vous présenter... faire les grandes lignes du Réseau des CAVAC. Peut-être certains, certaines le connaissent un peu mieux que d'autres, le réseau a pour mission, en fait, de promouvoir, de faire la promotion des besoins des personnes victimes d'actes criminels, de leurs proches ainsi que des témoins d'infractions criminelles. Mais on a aussi comme mission, à titre de réseau, là, d'être à la recherche des meilleures pratiques en matière de victimologie et de favoriser l'harmonisation de ces pratiques-là au sein de l'ensemble des CAVAC. Donc, ce sont 17 centres d'aide aux victimes d'actes criminels qui composent notre réseau, qui sont situés dans chacune des régions administratives. Et ces CAVAC là sont des organismes à but non lucratif, qui offrent des services à une clientèle qui est très vaste.

Donc, on offre des services aux victimes directes d'une infraction criminelle, à leurs proches également, qui peuvent vivre beaucoup de conséquences, mais aussi aux témoins. Peu importe l'âge, peu importe le sexe, peu importe le moment où est survenue l'infraction criminelle, on offre les services. Et peu importe si la personne a porté plainte aux services de police ou participe à un processus judiciaire, les services sont offerts à toutes ces personnes-là. Les services qu'on offre, eh bien, on parle de suivi...

Mme Villeneuve (Marie-Christine) : ...psychosocial, de suivi post-traumatique pour arriver à limiter les conséquences de l'infraction criminelle sur leur vie. Donc, on vise une reprise de pouvoir graduelle. Donc, ce sont des suivis qui sont de courte, moyenne durée, à court, moyen terme.

On offre aussi, évidemment, de l'information judiciaire, tout ce qui est en lien avec le processus judiciaire. On va les accompagner avant, pendant, après le processus, pour s'assurer qu'elles comprennent bien tout ce qui est en lien avec le processus judiciaire, ce qui, parfois, là, échappe un peu à la connaissance, quand on n'est pas plongé dans ce milieu-là. On va, évidemment, leur offrir des informations en lien avec les recours qu'elles ont, l'indemnisation, par exemple, qu'elles peuvent avoir accès... à laquelle elles peuvent avoir accès, et offrir du soutien technique dans ces démarches-là, donc remplir les papiers, par exemple, pour avoir accès à l'IVAC, à la CNESST, bref, les indemnisations qui sont possibles pour elles.

• (10 heures) •

Donc, on va les accompagner là-dedans aussi, mais on est aussi en mesure, là... Si on juge que la personne victime a des besoins particuliers qui pourraient être mieux répondus par un autre organisme qui est spécialisé, on va faire ce référencement-là, évidemment.

Donc, ce sont des services qui sont offerts dans chacun de nos CAVAC. Vous mentionner aussi qu'on a 185 portes d'entrée, donc on est présent, oui, évidemment, dans les sièges sociaux, mais aussi dans les postes de police et dans les palais de justice.

Alors, ça fait le tour un peu de ce qu'on peut offrir et à qui on offre ces services-là. Et, évidemment, vous êtes bien conscients que, dans le cadre de cette mission-là et de nos fonctions, on est à même de constater les conséquences néfastes du partage non consensuel d'images intimes, mais aussi on a des préoccupations en lien avec ce que vivent les personnes victimes au sein du processus judiciaire civil, alors que ce sont les mêmes personnes victimes qui traversent le processus au niveau criminel. Alors, on a évidemment des remarques à vous partager, aujourd'hui, en lien avec le projet de loi no 73.

Je vais donc partager... plutôt passer la parole, oui, à ma collègue, Marilie Cormier-Gaudet, qui est directrice générale du CAVAC Centre-du-Québec.

Mme Cormier-Gaudet (Marilie) : Donc. Bonjour à tous. Merci de m'accorder le temps de partager un peu. Donc, je débuterais par mentionner que le réseau des CAVAC est très favorable à ce projet de loi là. C'est des outils supplémentaires pour les personnes victimes et ça envoie un message plus dissuasif. Si vous n'avez pas... si vous ne l'avez pas fait, je vous invite fortement à lire le mémoire que nous avons déposé. Il est un peu plus étoffé que les points qu'on va mentionner aujourd'hui. On va vous mentionner seulement, aujourd'hui, là, les points saillants au niveau de nos préoccupations puis quelques suggestions. Et comme l'a nommé ma collègue, Marie-Christine, peu importe la juridiction, les personnes victimes ont les mêmes besoins, et on souhaite que ces besoins-là reçoivent la même considération.

Je vais débuter par vous parler de l'article 6, au niveau du partage des images intimes. Donc, sans vouloir répéter ce que Me Morin vient de mentionner, dans un contexte d'engorgement des tribunaux et devant la croissance constante de ce type de comportement, soit le partage d'images intimes, on a une préoccupation quant à la vitesse à laquelle le système de justice sera en mesure de répondre aux demandes des personnes victimes, considérant la somme de dossiers qui sont déjà référés aux juges de garde. Donc, est-ce les demandes des personnes victimes seront réellement entendues et traitées en temps opportun et quels seront les mécanismes administratifs mis en place en dehors des heures ouvrables, parce que ces comportements-là ne prennent pas de pause.

Je vais poursuivre avec l'article 18, toujours au niveau du partage des images intimes. Donc, on se posait la question : Quels sont les moyens ou les mécanismes qui vont être mis en place en cas de non-respect d'une ordonnance? Ces mécanismes-là doivent être clairs et faciles d'accès pour les personnes victimes. Dans le même ordre d'idée, quels sont les moyens envisagés pour faire respecter une ordonnance pour une organisation ou une personne dans une autre juridiction? On peut prendre l'exemple de Pornhub, qui a récemment fait l'objet d'un reportage à Enquête, je vous suggère encore une fois d'aller l'écouter si ce n'est pas fait, c'est tout un combat pour les personnes victimes, là, de tenter d'obtenir justice dans ces cas-là. Je vais passer la parole à ma collègue, Karine Gagnon.

Mme Gagnon (Karine) : Je m'excuse. Merci, Marilie. Bonsoir à tous et à toutes. Donc, plus spécifiquement concernant l'ordonnance civile de protection, il y a deux éléments qu'on souhaite porter à votre attention, plus précisément, de vive voix. Donc, en ce qui concerne la mesure qui prévoit de rendre exécutoire, là, l'ordonnance civile de protection, c'est évidemment une mesure qu'on trouve tout à fait adéquate, dans le sens de ne pas laisser reposer sur les épaules de la personne victime, là, les démarches pour faire respecter ce type d'ordonnance, comme ça a été mentionné, là, dans les remarques préliminaires...


 
 

10 h (version non révisée)

Mme Gagnon (Karine) : ...par contre, évidemment, on a des préoccupations quant à l'arrimage entre le civil et les corps de police, donc comment ces liens-là vont se créer et s'assurer que les corps de police aient bien l'information requise, s'assurer également, et ça a été mentionné, là, aussi dans les remarques préliminaires, que les policiers, policières qui auront à intervenir pour ce genre de situation soient bien formés sur ce type d'ordonnance, en comprennent bien la portée et soient bien formés également sur leurs pouvoirs dans ce cadre-là, leurs nouveaux pouvoirs dans ce cadre-là. Évidemment, encore une fois, dans ce type de situation là, le temps est aussi important. On parle de sécurité des personnes. Donc, les ressources, les policiers, policières devront aussi être en nombre suffisant pour être en mesure d'intervenir en temps opportun en cas de non-respect de ce type d'ordonnance.

L'autre élément qu'on souhaite porter à votre attention, ça concerne les mesures d'accompagnement et les mesures de facilitation du témoignage. Dans le fond, on prend ce qui existe actuellement dans le secteur criminel et pénal et on l'importe au niveau civil, ce qui est tout à fait pertinent à notre avis. La préoccupation qu'on a, c'est au niveau de l'attestation qu'une personne devrait obtenir pour pouvoir avoir accès, entre autres, aux témoignages à distance ou encore à un chien d'assistance. On se demande pourquoi cette attestation-là est requise. On essaie de voir un peu, là, quelle est l'intention sous-jacente, si c'est de faire en sorte que les personnes victimes se retournent vers des ressources d'aide, bien, c'est certainement un objectif qui est louable, sauf qu'il faut quand même garder en tête que, de se tourner vers des ressources d'aide, ça doit être la liberté de la personne victime, ça doit être son choix, on ne peut pas lui imposer ce genre de choses là. Donc, c'est un souci qu'on a à cet égard-là. Et puis on a aussi le souci de la charge administrative et des démarches supplémentaires que ça représente pour une personne victime, au même titre que ça représente aussi une charge administrative supplémentaire pour les ressources d'aide qui, comme vous le savez, sont bien occupées à répondre aux demandes en augmentation constante des personnes victimes. Donc, on... cette exigence-là d'attestation, on... elle nous préoccupe.

Et par ailleurs on a aussi le souci en ce qui concerne les ressources qui seront appelées à accompagner les personnes victimes dans le processus civil. Nous, évidemment, on fait ce travail-là au niveau criminel et pénal. Mais comme ça a été mentionné par ma collègue tout à l'heure, les personnes qui traversent le processus civil, le processus judiciaire et civil, ont les mêmes besoins d'accompagnement. Donc, il faudra être au rendez- vous en ce qui concerne, là, les ressources je dirais spécialisées et qui ont les connaissances et la formation nécessaires pour faire cet accompagnement-là de façon adéquate.

Je ne sais pas si nous reste encore un peu de temps, je repasserais la parole à ma collègue Marilie.

Le Président (M. Bachand) :Le 10 minutes est déjà passé, mais je regarde du côté gouvernemental.

Mme Gagnon (Karine) : ...

Le Président (M. Bachand) :Alors, si vous voulez continuer, ça va être sur le temps pris du côté ministériel. Merci.

Mme Cormier-Gaudet (Marilie) : Parfait. Il ne nous reste qu'un seul petit point. Je terminerais avec l'article 19 au niveau du partage d'images intimes. Donc, le Réseau des CAVAC souhaite mentionner, là, que notre souhait est que la nouvelle loi ait un effet dissuasif puis que les ordonnances émises soient respectées. En ce sens-là, on trouve bien pertinent que les sommes des contraventions soient remises aux CAVAC, mais ce qu'on a pu constater que de telles mesures dissuasives, ça ne semble pas suffisant pour assurer la pérennité du fonds. Les besoins des personnes victimes sont grandissants, les dénonciations sont en hausse, donc il faut être au rendez-vous. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci infiniment. Donc, je me tourne maintenant vers le côté gouvernemental. M. le ministre, il vous reste 16 min 26 s.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mme Cormier-Gaudet, Mme Gagnon, Mme Villeneuve, bonjour, merci de participer aux consultations publiques en lien avec le projet de loi n° 73 pour le Réseau des centres d'aide aux victimes d'actes criminels. Et puis, bien, j'ai l'occasion de vous connaître un petit peu, puis de vous visiter de temps à autre, notamment dans les palais de justice puis, à toutes les fois, ça m'impressionne à quel point vous faites un excellent travail d'accompagnement. Ce n'est pas un travail qui est facile de soutenir, d'accompagner les personnes victimes au sein du processus judiciaire, alors je veux vous lever mon chapeau, au travail que vous faites les intervenants aussi dans vos... dans vos différents centres qui sont soit dans les palais de justice, soit hors palais de justice ou dans... souvent dans les services de police ou dans les différentes régions quand vous êtes délocalisés. Alors, vous êtes des partenaires essentiels au système de justice, puis je souhaite l'énoncer...

M. Jolin-Barrette : ...publiquement et fortement aussi pour dire que vous faites du très bon travail. Peut-être pour répondre à quelques points que vous avez soulevés, en lien avec votre mémoire, je suis d'accord avec vous qu'il faut faire en sorte de simplifier la vie le plus possible des personnes victimes. Puis un des objectifs du projet de loi, c'est celui-là. Donc, on amène ce qu'on fait en matière criminelle, mythes et stéréotypes, aides aux témoignages, tout ça, en matière civile. L'exemple que vous avez donné sur l'attestation pour le télétémoignage, la façon dont on a réfléchi la chose, c'est pour faire en sorte que ce soit accordé, justement, parce qu'un des enjeux qui a été porté à mon attention, c'est que, parfois, supposons, lorsqu'une personne victime de violence conjugale, en matière civile, donc en matière familiale, bien, le tribunal ne l'accordait pas systématiquement le fait de permettre à Mme d'être... en matière de télétémoignage. Et pour obtenir le télétémoignage, il fallait déposer une requête à la cour avec fort... souvent avec son avocat. Donc, ça engendrait des coûts puis une lourdeur de la part de la personne victime. Le fardeau était sur ses épaules. Donc, on cherche à simplifier tout ça et on inverse également le fardeau, la règle de preuve... la règle de procédure relativement à l'octroi du témoignage à distance. Parce que ce qu'on veut favoriser, c'est lorsqu'il y a présence de violence, que le juge l'accorde. Sauf que notre enjeu actuellement, c'est que le juge ne l'accordait pas systématiquement quand c'étaient des victimes adultes en matière civile.

• (10 h 10) •

Donc, nous, ce qu'on dit : Bien, à partir du moment où il y a un organisme d'aide qui atteste qu'il y a une consultation pour violence conjugale ou violence sexuelle, bien, à ce moment-là, ça va être au juge de devoir justifier pourquoi est-ce que je n'accorde pas le télétémoignage, alors que ça devrait être la norme, pour éviter justement que Mme ait à témoigner à trois pieds de M. dans la même salle où est-ce que des comportements qui n'apparaissent pas comme étant de la violence apparente, mais qui entraînent un signal entre les ex-conjoints que ça amenait à faire de la violence.

On m'a raconté que M., avant de violenter sa conjointe, bien, il se raclait toujours la gorge, puis que, là, au tribunal, quand elle venait pour témoigner, bien, M. commençait à se racler la gorge. Donc, c'était tout pour déstabiliser la personne victime dans la même salle. Alors, je pense qu'il faut favoriser le fait d'avoir du télétémoignage pour justement que la personne victime puisse livrer librement son témoignage et le faire en toute... en toute sécurité à l'extérieur de la salle de cours. Puis là le juge à moins que ce soit pour apprécier la crédibilité, bien là, à ce moment-là, il devra accorder le témoignage à distance. Ça fait que c'est dans cet objectif-là qu'on amène ça justement pour amener le tribunal à favoriser le témoignage.

Autre... autre mesure que vous avez soulevée, sur la question de la disponibilité en matière d'ordonnance pour le partage d'images intimes. Dans le fond, nous, on souhaite que ce soit traité dans les meilleurs délais, d'une façon qui est urgente par la Cour du Québec. Et là, en termes de disponibilité, bien, ça va fonctionner par les mesures administratives qu'on a déjà en place. Prenez l'exemple de la Cour supérieure en matière d'injonction, et les injonctions qui sont prononcées d'urgence également, donc, ça va être un peu le même processus. Les juges de paix magistrats sont de garde pour entendre les mandats, donc on leur donne la juridiction, donc 24-7. Les juges de la Cour du Québec ont des disponibilités, ont des gardes aussi et tout ça. Donc, on va s'assurer, en collaboration avec la magistrature, qu'il y ait quelqu'un pourra entendre la requête rapidement.

Et vous avez soulevé un autre point aussi, avant de vous céder la parole, là, mais vous avez soulevé un autre point sur l'application de l'ordonnance extraterritoriale lorsque l'entreprise, elle n'est pas là. Nous en sommes conscients. Il y a des ententes de réciprocité, parfois, mais vous avez raison de dire qu'à certains endroits dans le monde, si c'est hébergé, supposons, en Thaïlande... puis là je parle à travers mon chapeau, je ne sais pas si on a une entente de réciprocité, mais ça peut être difficile. Mais notre objectif, c'est deux choses. Oui, Internet, mais également le partage texto. Et ça, ça se fait à une échelle beaucoup plus locale. Ça fait que c'est sûr que ce n'est pas parfait sur réussir à empêcher, mais ça, c'est tous les jugements de toutes les juridictions au Canada, qu'on a une limite à une portée extraterritoriale quand il n'y a pas d'entente. Mais peut-être vous entendre là-dessus, si ça... si ça répond à vos... à vos enjeux.

Mme Cormier-Gaudet (Marilie) : Bien, je peux me prononcer. Merci, M. le ministre. En fait, je commenterai que votre premier point, c'est louable, que vous avez nommé afin de convaincre la magistrature, là, au niveau des mesures d'aide au témoignage. Par contre, les organismes, si je prends en exemple les CAVAC, on va pouvoir effectivement attester que la personne victime reçoit nos services... pour qu'on le fasse, mais je...

Mme Cormier-Gaudet (Marilie) : ...on va attester que cette personne victime là subit de la violence. C'est là la nuance qu'on aimerait apporter puis c'est de là notre questionnement. Voilà.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur l'ordonnance de protection civile, là, vous souhaiteriez que la durée minimale de protection soit plus longue que le 10 jours. Cependant, ce qu'on a prévu comme mécanisme, c'est le fait que le juge peut la renouveler dans son bureau aussi. Donc...

Parce que là, dans le fond, l'ordonnance civile de protection, on n'oblige pas un débat contradictoire dès le départ. Ça veut dire : on n'a pas besoin d'avoir la personne qui est visée par l'ordonnance au tribunal. Ça fait que ça peut se faire, on dit, ex parte, mais, à ce moment-là, elle est notifiée, et là, par la suite, il peut y avoir un contrôle de la part du juge, mais ce n'est pas nécessaire de réunir toutes les parties, puis il va pouvoir la renouveler dans son bureau.

Donc, ça, je voulais juste le porter à votre attention. C'est sûr, il y aura un renouvellement, mais il n'est pas obligé d'y avoir une audition formelle par la suite, là. Mais ça prend... ça prend un certain délai quand même parce que, vu que l'ordonnance est prononcée sans que la personne ait pu faire valoir ses arguments, l'ordonnance prononcée contre lui, il faut qu'il y ait un mécanisme à un moment donné pour que la personne puisse se soulever. Ça fait qu'elle est prononcée d'urgence 10 jours, mais après il y a une sorte de contrôle par le juge si elle est contestée. Mais on s'assure au départ qu'immédiatement elle puisse être ordonnée.

Mme Gagnon (Karine) : Bien, il y avait cet élément-là sur le 10 jours, mais il y avait le trois ans aussi, parce qu'on comprend, là, que, le 10 jours, à un moment donné, l'autre partie doit être entendue, évidemment, là. Mais il y avait sur le trois ans aussi qu'on trouvait que la période n'était peut-être pas assez longue.

Évidemment, il y a la... il y a la possibilité de renouveler, mais notre préoccupation, c'était de ne pas rajouter une démarche pour la personne victime de façon trop rapide, compte tenu... on sait, en contexte post... de postséparation, comment ça peut durer pendant de très nombreuses années, cette violence-là, encore plus quand il y a des enfants.

Ça fait que notre souci, c'était ça, c'était de ne pas... d'éviter à la personne victime d'avoir à revenir à la cour trop rapidement. À notre avis, trois ans, c'était peut-être un peu court à ce niveau-là.

Maintenant, de combien devrait être la durée? Il faudrait peut-être, là, consulter des études sur le sujet, tu sais, qui sont plus précises sur dans combien... dans le temps, combien ça peut s'étendre, ce genre de violence là, pour déterminer un peu, là, la durée de l'ordonnance.

M. Jolin-Barrette : Je comprends. Vous nous dites de consulter les études, mais est-ce que vous avez une opinion sur, selon vous, quelle devrait être la durée, si ce n'est pas trois ans?

Mme Cormier-Gaudet (Marilie) : De notre côté, là, on avait pensé à un cinq ans, qui serait un peu plus raisonnable.

M. Jolin-Barrette : O.K., parfait. Donc, globalement, le projet de loi amène des avancées. On va prendre en compte vos commentaires que vous avez formulés dans le mémoire. Je vais céder la parole à vos collègues, mais je tiens à vous remercier d'avoir déposé un mémoire puis d'être venues en commission parlementaire aujourd'hui.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre. Il reste sept minutes 30 secondes à la partie gouvernementale. Donc, Mme la députée de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.

Mme Haytayan : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Merci pour votre temps ce matin.

Sur le terrain, à quel point vous constatez une augmentation de l'ampleur du phénomène? Puis aussi, côté victimes, quel est le profil qui revient le plus souvent?

Mme Gagnon (Karine) : Vous voulez dire par rapport au partage d'images intimes plus particulièrement?

Mme Haytayan : Les victimes. Oui, le profil des victimes.

Mme Gagnon (Karine) : Bien, c'est sûr que ce qu'on constate, je vous dirais, dans les dernières années, c'est une augmentation au niveau des jeunes. Ça, c'est quelque chose qu'on constate. Profil des victimes, bien, c'est...

Mme Haytayan : Quand vous dites «jeunes», si je peux me permettre, quand vous dites «jeunes», quelle tranche d'âge?

Mme Gagnon (Karine) : Les adolescents.

Mme Haytayan : O.K.

Mme Gagnon (Karine) : Les adolescents. Donc, comme c'était mentionné tout à l'heure, dans le fond, le projet de loi, c'est sûr que, quand c'est entre des individus qu'on peut facilement identifier, on voit, nous, que, pour les jeunes, pour les adolescents, c'est... ce qui est prévu dans la loi, ça risque d'être aidant, là, pour contrer ce genre de comportement là, parce que c'est quelque chose qu'on voit qui est en émergence... en fait, ce n'est pas juste en émergence, là, ça prend une ampleur assez importante, là, dans les dernières années.

Mme Haytayan : ...dernières années. Donc, depuis combien d'années vous voyez cette ampleur?

Mme Gagnon (Karine) : Ce serait difficile à qualifier, mais je vous dirais que la pandémie a contribué certainement à ce que les jeunes soient encore beaucoup plus sur les réseaux sociaux qu'ils l'étaient auparavant. Donc, on pourrait situer... situer le début de cette augmentation-là autour de la pandémie, là.

Mme Haytayan : Donc, surtout depuis 2020.

Mme Gagnon (Karine) : ...

Mme Haytayan : O.K. O.K. Aussi, je voulais vous entendre sur l'ordonnance civile de...

Mme Haytayan : ...actuellement, avec ce type d'ordonnance, s'il n'y a pas de suivi par les policiers, est-ce que c'est problématique, selon vous?

Mme Gagnon (Karine) : En fait, oui, c'est problématique parce que le fardeau repose sur la personne victime, à ce moment-là, de dénoncer au... bien. En matière civile, par outrage ou tribunal. Donc, c'est une requête qui doit être présentée. Et, évidemment, bon, c'est une démarche judiciaire, mais là on parle surtout de délais, parce que, quand ce genre d'ordonnance là n'est pas respectée, c'est la sécurité de la personne victime, et potentiellement ses enfants, si elle en a, qui est à risque. Donc, on veut une intervention rapide et immédiate, par des gens qui sont en mesure de poser des gestes et d'arrêter les auteurs de violence. Donc, c'est effectivement problématique.

C'est pour ça qu'on parle d'un faux sentiment de sécurité, parce que la personne victime peut penser que, parce qu'elle a cette ordonnance-là qui vient d'un juge, elle est en sécurité, mais, dans les faits, la réaction qui peut... qui peut avoir lieu, bien, elle est vraiment... Ça prend beaucoup de temps, là, avant que ça puisse se produire.

• (10 h 20) •

Mme Haytayan : O.K. Merci.

Le Président (M. Bachand) :...M. le député de Saint-Jean, 4 min 30 s.

M. Lemieux : Merci. Merci beaucoup, M. le Président. Mesdames Cormier-Gaudet, Gagnon et Villeneuve, merci beaucoup d'être avec nous ce matin et d'inaugurer ces consultations publiques sur le projet de loi. Je vais rester, moi aussi, sur la partie des images, parce que c'est le titre du projet de loi, mais, en même temps, c'est ce qui a bouleversé le grand public quand ça a commencé à circuler, parce qu'il y a eu plusieurs reportages, que les images circulaient à l'école, textos, et tout ça, puis là on a compris l'ampleur du phénomène.

Je reviens juste sur la partie des jeunes, dont on parlait tout à l'heure, parce qu'on a l'impression que parce que les médias nous ont parlé de la circulation de ces images-là en textos ou dans des groupes d'étudiants du secondaire, surtout, qu'il n'y avait pas de problème, que ce n'était pas un gros problème pour le reste de la gente féminine et des autres.

Pourtant, au criminel, si j'ai bien lu, il y a à peine une centaine, peut-être, certaines années, 150, 175 dossiers criminels qui sont ouverts, parce que c'est effectivement couvert par le criminel. Est-ce que la dimension civile qu'on introduit maintenant peut faire ouvrir les vannes? Pensez-vous? Est-ce que vous voyez vraiment la possibilité, pas seulement pour les jeunes, mais tous ceux et celles qui sont frappés par ce problème-là, d'intervenir facilement? Parce que c'est ça, la prétention du ministre, dans son projet de loi : ça va être facile, ça va être rapide. Est-ce qu'il y a ce qu'il faut là-dedans pour ça?

Mme Gagnon (Karine) : Est-ce que ça va ouvrir les vannes? C'est difficile à dire. Est-ce que c'est un outil supplémentaire? Certainement. Vous l'avez mentionné, on parle des jeunes, mais ce n'est pas que les jeunes, hein, on rencontre aussi des situations de fraude, de sextorsion. On a des gens plus âgés, là, qui se font menacer, qui se font extorquer de l'argent de cette façon-là. On parle des femmes, mais il y a aussi des hommes qui sont victimes de ce genre de choses là.

Est-ce que ce sera plus facile? Ça reste toujours quelque chose d'intime. Ça restera certainement toujours quelque chose de difficile, pour une personne victime, à dénoncer, peu importe la juridiction qui sera utilisée, mais c'est certainement un moyen supplémentaire pour pouvoir le faire et le faire d'une autre manière. Il y a des gens qui pourraient être intimidés par le fait d'aller vers les policiers, vers un processus judiciaire criminel, et pour qui le processus... le processus civil pourra être plus adéquat. Donc, c'est certainement un outil supplémentaire.

M. Lemieux : Surtout...

Mme Cormier-Gaudet (Marilie) : ...

M. Lemieux : Oui, allez-y.

Mme Cormier-Gaudet (Marilie) : Oui. J'allais dire, si je peux me permettre, on a effectivement eu un bel exemple de ce que vous venez de nommer à Drummondville. Donc, à Drummondville, on a été un des cinq projets pilotes, des cinq premiers projets pilotes en matière de tribunaux spécialisés en violence conjugale et en violence sexuelle, et on a vu une augmentation des dénonciations à la police pour ce type de crimes là. Donc, il se peut que cela ait cet effet-là, effectivement.

M. Lemieux : Et là il n'y a presque plus temps, M. le Président? Une minute. C'est rapide, une minute, alors je vais seulement rajouter mes compliments à ceux du ministre tout à l'heure. J'avais envie de commencer en vous disant merci d'exister, parce que... mais j'ai sauté dans la question de la collègue pour enchaîner. Mais, effectivement, il faut être assis dans une commission comme celle-ci pour vous voir revenir à chaque fois, à chaque fois qu'il y a des problèmes adressés par le gouvernement par rapport à violence sexuelle, violence conjugale, aide aux victimes de quelque ordre qu'elles soient. Et je sais que vous êtes une créature, mais c'est beau de voir la passion que vous investissez dans cette créature de la société pour venir en aide aux victimes...

M. Lemieux : ...merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin :Oui. Merci, M. le Président. Alors, Mmes Cormier-Gaudet, Gagnon et Villeneuve, merci d'être là avec nous aujourd'hui. Moi, je dois vous dire, j'ai la chance, là, de le dire publiquement, mais il y a... ça fait déjà... ça remonte à quelques mois, mais j'ai eu la chance d'être accueilli par le CAVAC à Drummondville. On y a fait une visite, on a eu une excellente discussion, puis, après ça, nous sommes allés au palais de justice. Alors, je voulais vous remercier, et le faire publiquement, pour l'accueil que j'ai reçu, mais aussi pour le travail que vous faites auprès des victimes d'actes criminels. Et j'espère qu'au palais les réaménagements se font bien pour vous puis que vous êtes capables, sans problème, de remplir votre mandat. Donc, merci... merci beaucoup.

Merci aussi d'avoir pris le temps de déposer un mémoire à la commission sur un sujet qui est effectivement très important. J'aurais... j'aurais quelques questions pour vous. À l'article 14 du projet de loi, une fois que l'ordonnance est... est obtenue, on parle du mode de signification et on dit : «par tout mode approprié, notamment par huissier de justice, poste recommandée, remise en main propre, service de messagerie ou moyens technologiques. Est-ce que vous pensez que c'est suffisant? Et quand je l'ai lu, l'entremise de la poste recommandée, ça peut prendre quand même du temps. Remise en main propre, j'imagine que ce serait par un huissier de justice. Est-ce que vous y voyez un enjeu? Puis moyen technologique, bien, le problème, c'est que ça peut être la preuve de la signification. Est-ce qu'il y aurait d'autres moyens auxquels vous avez pensé qui pourraient permettre de signifier l'auteur de ses gestes blâmables?

Mme Gagnon (Karine) : Bien, c'est une question technique que vous nous posez, puis évidemment, on n'est pas spécialistes de cette question-là. Mais évidemment ça prend un moyen qui permet de signifier en temps opportun, parce qu'on l'a mentionné, là, à quelques reprises. Tant pour ce qui concerne l'ordonnance civile de protection que pour le partage d'images intimes, le temps est un enjeu. Donc effectivement il faut que le moyen utilisé rencontre, là, ces préoccupations-là concernant le temps, là.

M. Morin :Oui, puis c'est vrai, vous avez raison, c'est vrai que c'est un moyen un peu technique. Mais parfois le législateur a de très bonnes idées, des bons principes, mais souvent c'est dans les détails, dans la mise en application qu'on voit que c'est un peu plus compliqué. Donc, vous comprendrez que moi, comme législateur, ce volet-là m'intéresse aussi d'une façon importante d'ailleurs.

Un peu dans le même sujet, mais peut être un peu moins technique, vous soulevez aussi la question de l'accès ou des coûts, puis vous faites mention, à un moment donné, je pense, dans votre mémoire, de l'aide juridique. D'après vous, quels sont les meilleurs mécanismes puis est-ce que l'État devrait les défrayer pour permettre justement aux victimes de ce type de comportement là de pouvoir agir rapidement?

Mme Gagnon (Karine) : Bien en fait, on soulevé cette question-là concernant... si on souhaite invoquer, entre autres, le passé d'une personne victime. On sait qu'en matière criminelle et pénale, quand ce genre de requête là doit être débattu, le procureur de la Couronne n'étant pas l'avocat de la personne victime, la personne victime a droit d'être représentée gratuitement pour le débat sur cette requête-là. Nous, ce qu'on suggère, c'est que comme on importe ces principes-là en matière civile, et qu'en matière civile généralement la personne va être représentée par avocat, mais que la partie sur le débat de ce type de requête là puisse aussi être... être défrayé par l'aide juridique. C'est vraiment spécifiquement par rapport à cet aspect-là qu'on ont soulevait la question. Parce que c'est exactement le même type de débat, donc la personne devrait avoir les mêmes droits dans les deux juridictions à ce moment-là. C'est à ce niveau-là qu'on invoquait cette possibilité-là.

M. Morin :Je vous remercie. C'est très clair. J'aurais une autre question. Dans le projet de loi, le projet de loi va aussi modifier le Code de procédure civile, et à l'article 9, puis M. le ministre en a parlé, l'a évoqué, on dit «le témoin avec l'autorisation du tribunal, ou la partie qui a déposé au greffe une attestation confirmant qu'elle est présentée à un service d'aide aux personnes victimes...

M. Morin :...reconnu par le ministère de la Justice. Donc, ça, ça pourrait être vous.

Une voix : Hum-hum.

M. Morin :Excellent. Donc, pourrait à ce moment-là, témoigner à distance ou utiliser, évidemment, un autre type de mécanisme pour témoigner. Ces craintes-là, qui sont qui sont justifiées chez les victimes, est-ce que vous avez... vous avez un grand nombre de demandes ou de dialogues avec les victimes qui font en sorte qu'elles pourraient se prévaloir de cette autorisation-là? Puis je vous pose la question parce qu'une fois que la loi va être en vigueur, vous, allez-vous avoir eu assez d'employés pour être capables de faire face à la demande?

• (10 h 30) •

Mme Cormier-Gaudet (Marilie) : C'était effectivement notre crainte. C'est pourquoi, là, on l'a amenée dans nos faits saillants. Actuellement, on se questionnait sur la pertinence de cette attestation-là, parce que ça va ajouter une charge supplémentaire aux CAVAC. C'est sans surprise que les CAVAC, en ce moment, ont une charge de travail qui est déjà importante, donc on appréhende, oui, le fait d'avoir flux de demandes.

Si on parle de cour criminelle, donc en chambre criminelle, c'est la grande majorité de nos victimes, là, qui ont recours aux aides au témoignage, qu'on parle de paravent, de chien d'assistance ou de témoignages en visioconférence. Donc, et ose croire que ce sera la même chose lorsque cette loi-là va être en vigueur.

Mme Villeneuve (Marie-Christine) : Notamment, je pense... bien, peut-être préciser, quand tu dis... quand on mentionne la grande majorité, on parle quand même dans un contexte de violence conjugale. Dans ce contexte-là, effectivement, ce sont des outils qui sont appréciés et souvent très, très nécessaires. Donc, on peut penser, effectivement, que ce sera demandé.

Maintenant, quand vous demandez : Est-ce que ça va ajouter une charge, est-ce que vous parlez de l'accompagnement même au niveau de la cour civile ou vous parliez simplement de l'attestation?

M. Morin :Bien, je parle de l'attestation, d'abord, parce qu'on peut... c'est certain qu'il y a des victimes qui vont s'en prévaloir. Il y a probablement des victimes qui vont avoir besoin d'aide pour comprendre, évidemment, ce à quoi il en retourne, l'impact, tout ça, l'information qui est relevée. Puis, évidemment, si ça retombe sur vos épaules, parce que vous êtes... bien, fort heureusement, bien identifiées comme étant des expertes dans le domaine, mais, évidemment, vos ressources ne sont pas illimitées. C'est la même logique, c'est la même préoccupation, en fait, que j'ai, tu sais, si on met un truc dans un projet de loi qui est bon, mais qu'après ça tout le monde est plus ou moins content parce que vous n'avez pas les ressources pour rendre le travail, ça frustre tout le monde : vous, parce que vous n'êtes pas capables de faire le travail, puis les victimes, parce qu'elles ne sont pas capables d'avoir le service. Donc, c'est pour ça que je voulais avoir, compte tenu de votre expertise, grande, dans ce domaine... Comment vous voyez ça? Est-ce que vous allez envoyer des demandes supplémentaires pour augmenter votre budget au ministère ou...

Mme Gagnon (Karine) : Bien si je peux juste compléter, on comprend l'objectif, là, de contourner les requêtes qui devaient être déposées. Parce que, tu sais, je comprends, on comprend qu'on veut alléger, là, le fardeau des personnes victimes. Donc, si l'attestation peut venir aider à ça, on comprend l'idée, là. Sauf que nous, notre souhait, ce serait que ce soit vraiment comme en matière criminelle, que ce soit quelque chose d'automatique pour les personnes victimes.

Donc, évidemment, on n'est pas des experts du processus judiciaire civil, donc les technicalités, et tout ça, ça ne relève pas de nos compétences, mais c'est vraiment notre souhait, ce serait que cette attestation-là ne soit pas nécessaire. Maintenant, si ça vient... si ça vient éviter de présenter une requête, qui est encore beaucoup plus lourde qu'une attestation, bien là, à ce moment-là, il faudra voir, justement, comment, dans les services d'aide, oui, les CAVAC, mais les autres services d'aide aux personnes victimes, dépendant du type de victimisation, comment on serait en mesure de répondre à ce besoin-là? Parce que, oui, il va y en avoir, des demandes, puis on le souhaite, qu'il y en ait, parce qu'on veut que les personnes aient accès à ces mesures-là au civil, au même titre qu'au criminel, mais oui, la question va se poser, de l'opérationnalisation de tout ça sur le terrain, effectivement.

Mme Cormier-Gaudet (Marilie) : Puis on pourrait poursuivre juste en précisant, là, qu'au niveau de l'accompagnement, parce que vous avez mentionné que votre question a deux volets, présentement, on est vraiment les spécialistes au niveau de l'accompagnement des personnes victimes en chambre criminelle. Comme l'a dit ma collègue, on n'est pas des spécialistes en chambre civile. Donc, si c'est le souhait, que les CAVAC accompagnent en chambre civile, évidemment, il va falloir revoir un petit peu nos mandats, là.

M. Morin :  Oui, bien, en fait, c'est un point excessivement pertinent, à mon avis, que vous soulevez. Parce que, bien sûr, tu sais, les CAVAC, bien, on parle toujours...


 
 

10 h 30 (version non révisée)

M. Morin : ...victimes d'actes criminels, mais le traumatisme ne sera pas moins grand pour la victime si elle va déposer devant une chambre civile, là, on...

Une voix : Exactement.

M. Morin : Les conséquences ne sont pas les mêmes pour la personne qui est visée par la procédure, mais, pour la victime, elle, ce ne sera pas différent. Et donc, avec votre expertise, avec votre expérience, est-ce qu'il y a des centres qui pourraient les aider? Parce que je comprends que vous, ça déborde un peu votre mandat. Est-ce que je me trompe ou...

Mme Cormier-Gaudet (Marilie) : Effectivement. Vous voyez juste.

M. Morin : D'accord, excellent. Donc, ça va être une chose à réfléchir. Je vous remercie. Merci beaucoup. Puis avez-vous aussi de l'expérience avec le témoignage et l'aide avec un chien guide?

Mme Cormier-Gaudet (Marilie) : Avec un chien d'assistance judiciaire, effectivement, là, si je peux parler pour Drummondville. Donc, on a le privilège depuis déjà deux ans d'avoir Falcor avec nous, là, qui accompagne les personnes victimes au... du tribunal spécialisé.

M. Morin : Puis ça fonctionne bien?

Mme Cormier-Gaudet (Marilie) : Ça fonctionne très bien.

Mme Villeneuve (Marie-Christine) : Oui, on en a trois présentement, projets pilotes qui fonctionne, là, notamment à Drummondville et dans deux autres régions. Et ça fonctionne effectivement très bien. Il y a des demandes, et ça facilite beaucoup, en fait, le passage des personnes victimes au sein du tribunal.

M. Morin : Parfait. Je vous remercie beaucoup. J'ai terminé, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Sur ce, à mon tour de vous remercier d'avoir participé aux travaux de la commission.

Et je suspends les travaux quelques instants pour accueillir le prochain groupe. Merci et à bientôt. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 36)

(Reprise à 10 h 38)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît. La commission reprend ses travaux. Alors, il me fait plaisir d'accueillir en personne les représentantes du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale. Merci beaucoup d'être avec nous. Je vous invite, bien sûr, d'abord, à vous présenter et à débuter votre témoignage. Merci beaucoup.

Mme Riendeau (Louise) : Bonjour, je suis Louise Riendeau. Je suis coresponsable des dossiers politiques au regroupement et je suis accompagnée de Mélanie Guénette, qui est membre du conseil d'administration de notre organisme et qui est directrice de la maison Le Prélude.

Alors, bonjour, M. le Président, M. le ministre, chers députés. On est très contentes d'être ici pour vous parler. On va vous parler spécifiquement du projet de loi en fonction de la réalité des femmes victimes de violence conjugale. Notre association regroupe 46 maisons réparties à travers le Québec, qui, de ce fait, accompagnent des milliers de femmes victimes de violence conjugale. Et l'ensemble des éléments du projet de loi sont d'intérêt pour ces femmes-là. Pour nous, le projet de loi est certainement une avancée au plan de la protection des femmes victimes de violence conjugale, comme d'autres victimes aussi.

Ce qui a beaucoup retenu notre attention, ce n'est pas tant les articles du projet de loi, mais son application, pour laquelle on a un certain nombre de préoccupations et de recommandations. On va aussi présenter quelques mesures qui, on pense, auraient pu figurer au projet de loi no 73.

Pour ce qui est de la question du partage d'images intimes, tantôt...

Mme Riendeau (Louise) : ...il y avait des questions sur les jeunes. Nous, c'est une réalité que les femmes victimes de violence conjugale vivent. On voit souvent des conjoints obliger les femmes à être filmées, à être photographiées sans leur consentement pendant les activités sexuelles et les menacer d'utiliser ces images-là, particulièrement au moment où les femmes tentent de mettre fin à leur relation. Alors, ce que le projet de loi propose pour nous est important. Le fait qu'on puisse invoquer la révocation du consentement est aussi important dans la mesure où, quand on parle de violence conjugale, on parle souvent plutôt de consentement vicié par peur de subir des agressions. Donc pour nous, ça va être intéressant. Donc que ce soit au niveau de la... du partage d'images intimes ou de l'ordonnance de protection civile dont on va parler un peu plus longuement, nous, ce qui nous préoccupe, c'est que les victimes aient les moyens de vraiment raconter tout ce qu'elles ont vécu et tout ce qui est pertinent pour que les juges puissent en tenir compte, et ça ne va pas de soi.

• (10 h 40) •

On vient de vivre une expérience intéressante avec le ministère de la Sécurité publique où on a été sur un comité pour refaire la déclaration que les victimes peuvent utiliser au moment d'aller porter plainte, et je dirais que notre participation a permis beaucoup de bonifier, de mettre des éléments de contrôle coercitif qui n'auraient pas été mis là autrement, et ça a permis de le tester avec les victimes qui nous ont dit : Ah! si on avait eu ça, on aurait déclaré beaucoup plus de choses aux policiers. Donc, on pense que c'est un bel exemple, et ce qu'on recommande, c'est qu'en fait, pour les formulaires dont il est question dans le projet de loi, que le gouvernement s'associe à des ressources spécialisées comme les nôtres, mais aussi à des services comme Rebâtir qui faisait partie du comité où en était, ou Juripop qui ont beaucoup représenté des victimes de violences sexuelles et de violences conjugales. On pense que, comme ça, on pourrait s'assurer d'avoir un meilleur outil. Mais un outil ne suffit pas toujours, c'est un... déclarer tout ça pour les victimes, c'est quelque chose d'intime, parfois de honteux. Donc, on se dit : Ça serait bien qu'elles puissent bénéficier d'un accompagnement et que ce mandat-là soit confié à Rebâtir qui déjà donne des consultations aux victimes de violences sexuelles et de violences conjugales. Donc, on pense que, comme ça, les victimes feraient de meilleures déclarations, et les juges auraient davantage ce qu'il faut en main pour prendre des décisions à ce niveau-là.

On est préoccupés effectivement aussi par la capacité des juges d'évaluer les risques. Donc, si les facteurs de risque sont présents dans le formulaire, ça sera facilitant pour prendre des décisions à ce niveau-là. On est aussi préoccupés par comment les policiers vont pouvoir intervenir en cas de contravention à l'ordonnance de protection civile. On dit : Le service de police sera informé. Mais pour nous, ça ne suffit pas. Ça se peut que le manquement à l'ordonnance arrive dans la ville à côté. Donc, il faut s'assurer que l'autre service de police soit aussi au fait, et la seule façon de faire ça, c'est que ça soit rentré dans la base de données du Centre de renseignements policiers du Québec. Mais ça, c'est codifié, c'est un certain nombre de caractères, ce n'est pas si simple. Donc, on se dit : Il faudra vraiment que le ministère de la Justice et le ministère de la Sécurité publique travaillent avec le CRTQ pour que celui-ci regarde comment ça peut se faire et donne des indications aux services de police. Et l'autre chose aussi, ce qu'on nous dit, c'est que souvent, les ordonnances, celles qui sont données en droit de la famille, vont être dans un tout un jugement en droit de la famille, de plusieurs pages. Donc, c'est complexe. Donc, on se dit : Ça serait intéressant qu'il y ait un formulaire où les conditions sont inscrites séparément, ça va faciliter la vie des policiers pour rentrer ça et ça facilitera aussi l'intervention. Donc, pour nous, ça, c'est un élément qui est important. Il est tout aussi important quand on regarde comment on va signifier les ordonnances, qu'est ce qu'on va dire aux victimes au moment où le conjoint reçoit l'ordonnance. Il y a des victimes qui cohabitent encore avec l'auteur de violences. Donc, il faut les diriger vers des ressources qui peuvent les aider à mettre en place un filet de sécurité.

Puis il faudra aussi que les policiers soient formés. Encore aujourd'hui, malheureusement, on banalise les bris conditions ou conditions de remise en liberté au 810. Donc ça, pour nous, c'est un élément qui sera important. Et on pense que le ministre de la Sécurité publique devrait indiquer, dans le Guide de pratiques policières en matière de violence conjugale et peut être en matière de violence sexuelle, comment les policiers doivent agir dans le cas des ordonnances de...

Mme Riendeau (Louise) : ...protection civile. Pour ce qui est de toute la section aides aux témoignages, possibilité de témoigner à distance où on demande aux victimes d'avoir une attestation pour leur faciliter la vie, nous, on recommande que les mêmes organismes qui sont reconnus pour la résiliation du bail ou l'accès aux soins, sans le consentement de l'autre parent, soient reconnus, donc les CAVAC, les CALACS, les maisons d'hébergement, mais qu'on ajoute aussi d'autres organismes qui viennent en aide aux victimes et rebâtir, comme ça, ça facilitera la vie aux victimes à ce moment-là. J'essaie d'aller vite. On a beaucoup de choses à dire en 10 minutes.

Puis c'est ça, pour le témoignage à distance, j'ai entendu le ministre qui disait: Bien, s'il y a une attestation, peut-être que les juges vont davantage l'entendre. En tout cas, on est préoccupés pour que les juges n'utilisent pas l'exception qui dit : Si vous pensez que ça va être plus facile de vérifier la crédibilité, vous pouvez demander un témoignage en personne. On sait que, pour les victimes, c'est quelque chose qui est difficile. Donc, on espère qu'il y aura sensibilisation, discussion avec le Conseil de la magistrature à ce niveau-là.

Enfin, pour la formation des intervenants, on pense que le ministre devrait prendre exemple sur la Loi sur le tribunal spécialisé où on avait nommé les professionnels qui devaient être formés. En droit civil, il y a certains professionnels qui sont de pratique privée, qui ne sont pas dans un organisme ou dans un ministère. Donc, il serait peut-être bon de les nommer et aussi de dire que la formation doit être donnée en consultant des ressources qui ont de l'expertise en la matière.

Au plan de la terminologie, on a remarqué qu'on ne parle pas toujours de la même façon de la violence conjugale et de la violence sexuelle. Nous, on recommanderait qu'on parle toujours au long  de violence conjugale, toujours au long de plans de violence à caractère sexuel et qu'on l'harmonise partout dans le projet de loi. Et on propose aussi, pour s'assurer qu'on ait une vision complète de ce qu'est la violence conjugale et pas juste de la violence physique, qu'on fasse une apposition, qu'on mette après «violence conjugale», «contrôle coercitif». Il y a de plus en plus de gens qui savent de quoi on parle, mais il y en a qui ne sont pas encore tout à fait au courant. Donc, ça va un peu forcer une meilleure compréhension des choses.

Et, enfin, on voulait souligner deux sujets qui sont problématiques pour la sécurité des victimes, un, c'est quand elles vont chercher leurs effets personnels à leur ancien domicile, l'autre, c'est quand le conjoint a laissé ses effets personnels là. Dans le premier cas, en général, la police les accompagne et, en général, les conjoints acceptent. Mais il y a des cas où les conjoints refusent, et, à ce moment-là, la police dit :  Bien, il faut que vous alliez chercher un jugement, mais aller chercher un jugement, c'est long. Donc, est-ce qu'on peut s'inspirer de ce qu'on a pour la résiliation du bail, pour l'accès aux soins sans l'accord de l'autre parent, pour qu'un officier public recevant une attestation d'un organisme spécialisé puisse faire une attestation que Mme peut retourner chercher ses effets, ce qui permettrait au policier de l'accompagner dans ça. Ça, c'est une chose.

Pour la question de la récupération des biens laissés par le conjoint, à l'heure actuelle, en fonction de l'article 944 du Code civil, une femme peut être prise, pendant six mois, avec les biens du conjoint, et les biens, ça peut être des animaux, dont il faut prendre soin, parce que sinon elle pourrait être accusée de ne pas avoir fait les choses correctement. C'est un peu long. Alors, on dit : Est-ce qu'il pourrait y avoir une exception, dans les cas de violence conjugale, pour réduire les délais au maximum à deux mois?

Alors, voilà, on pense, c'est un bon projet de loi, mais il faut qu'il soit bien appliqué.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Mme Riendeau. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Alors, Mme Riendeau, Mme Guénette, bonjour. C'est toujours un plaisir de vous retrouver. Donc, je rebondis sur votre dernière phrase, vous trouvez que c'est un bon projet de loi. Donc, c'est dans l'application que c'est important, puis vous nous avez fait des suggestions sur les modalités d'application. Essentiellement, là, sur le fond, les articles, vous êtes en accord, qu'on met en place. Je voulais vous demander les impacts des différentes mesures qu'on amène comme changement. Je donne un exemple. L'ordonnance civile de protection, on diminue le fardeau pour la victime, on criminalise également le bris. Là, je suis d'accord, avec vous, sur la question du CRPQ, du fait que ce qu'on a prévu, là, dans le fond, c'est que l'ordonnance, elle est notifiée au corps de police où réside la demanderesse, mais également on veut l'inscrire aussi au CRPQ.

Ça fait qu'on est en discussion avec le ministère de la Sécurité publique là-dessus. Vous avez raison de dire qu'en matière de jugements familiaux, il y a plusieurs types d'ordonnance. C'est pour ça qu'on est en train de travailler à ce que l'ordonnance civile de protection...

M. Jolin-Barrette : ...ça puisse être énoncé sous forme de formulaire, ça puisse être énoncé dans le jugement, mais également pour que ça puisse être intégré dans le CRPQ, il faut que ça soit prescriptif comme formulaire. Donc, votre suggestion est très très bonne, puis on est enlignés sur vous. Donc, c'est quoi l'impact pour les personnes victimes de la diminution du fardeau de preuve en ordonnance civile de protection comme on le fait?

• (10 h 50) •

Mme Riendeau (Louise) : Bien, je pense que tout ce qui peut faciliter l'accès à des mesures de sécurité pour les victimes est important. Si on parle de la violence conjugale, souvent les victimes vont avoir à faire des procédures en droit de la famille, des procédures au judiciaire. C'est beaucoup et c'est très lourd. Donc, il faut faciliter ça. C'est une bonne idée, mais ce n'est pas magique. C'est pour ça qu'on dit : Ça prend un bon formulaire pour que les victimes puissent bien déclarer et ça prend de l'accompagnement. Ça fait que ça, je pense que c'est... il ne faut pas penser que ça va se faire si facilement, là, c'est des sujets très sensibles. Puis il ne faut pas non plus, comme les collègues des CAVAC le disaient, créer un faux sentiment de sécurité. Donc, il faut s'assurer que, s'il y a une contravention, bien, il va pouvoir y avoir une intervention qui est rapide. Donc c'est pour nous, c'est deux éléments vraiment essentiels, et il va falloir s'assurer que l'intervention est juste. Comme je le disais malheureusement, et nos collègues de la fédération ont fait une lettre ouverte dans Le Devoir la semaine dernière. Il y a encore malheureusement beaucoup de cas où c'est les bris de condition ne sont pas... ne sont pas pris au sérieux quand les femmes les rapportent. Donc, on a besoin de maximiser la formation, puis faire comprendre aussi que ce soit aux policiers, que ce soit aux juges, que les dangers de féminicide, d'homicide intraconjugal, ça ne vient pas nécessairement après une escalade de violence puis beaucoup de violence physique. Les recherches nous montrent le contraire. Ça vient toujours après du contrôle coercitif ou à peu près, puis souvent il n'y en a pas eu de violence physique avant. Donc, c'est pour ça aussi qu'on insiste pour qu'on reconnaisse mieux le contrôle coercitif puis que les... Puis d'ailleurs, au Québec, je dirais, nous, on a fait beaucoup de formation, on commence à comprendre, cette... cette notion-là. On est en avance sur nos collègues du reste du Canada, mais il reste du travail à faire.

M. Jolin-Barrette : O.K. Mais d'ailleurs, sur la question de la formation, les corps de police aussi vont être visés par l'offre de formation qu'on offre dans la loi. Vous avez raison de dire qu'il faut que ça soit sanctionnable dans le fond l'ordonnance. Donc, c'est pour ça qu'on le transfère en infraction criminelle par le mécanisme de... je pense que c'est 127 du Code criminel, puis on a enlevé le recours sur l'outrage au tribunal justement pour pas que ça soit sur le fardeau... le fardeau soit sur les épaules de la victime à cet effet- là. Ça fait que c'est la logique, on veut que l'utilisation de l'ordonnance civile de protection soit beaucoup plus disponible et vous avez raison de dire aussi le formulaire pour remplir... et vous donniez l'exemple des déclarations et tout ça, on va vous consulter pour les formulaires qui sont disponibles, autant pour l'image intime que pour l'autre. Et puis pour les organismes qui vont être appelés à être reconnus, c'est par arrêté ministériel. Donc, c'est nous qui allons déterminer ça. Donc, on va vous consulter aussi pour... pour avoir un large, un large réseau à ce niveau-là.

J'aimerais que vous me parliez de votre expérience par rapport au télétémoignage dans des dossiers, supposons, de violence conjugale, violence sexuelle. Comment ça se passe généralement à la cour, là? Est-ce que... est-ce que la magistrature accepte le télétémoignage?

Mme Guénette (Mélanie) : C'est arrivé à quelques reprises pendant la COVID et c'est là qu'on a eu beaucoup plus accès au télétémoignage, et ça fait toute la différence pour les femmes victimes de violence conjugale. D'un, on parlait de contrôle tantôt. Oui, il y a encore quand même le contrôle, parce qu'on voit quand même ce qui se passe à la cour, mais le sentiment de sécurité est vraiment augmenté en étant pas physiquement avec M.. Quelqu'un parlait tantôt, là, à trois pieds à côté, je pense que c'est vous, M. le ministre, effectivement ça a une différence, au niveau du contrôle coercitif aussi, tu sais, il y a un... il y a un pas de distance qui s'est pris. Donc, c'est sûr que c'est une mesure qui est... qui est largement valorisée, là, puis qu'on va mettre de l'avant, là, dans nos maisons pour... Si ce projet de loi passe, avec cette mesure-là, on va vraiment la promouvoir auprès de notre clientèle. C'est clair.

M. Jolin-Barrette : Dans ce que vous constatez, est-ce que vous avez des femmes, qui sont hébergées chez vous, qui se font dire : Non, il faut aller témoigner en cour actuellement?

Mme Guénette (Mélanie) : Ça arrive encore fréquemment.

M. Jolin-Barrette : Ça arrive encore fréquemment.

Mme Guénette (Mélanie) : C'est encore fréquent.

Mme Riendeau (Louise) : Oui, je dirais que le télétémoignage est quand même assez récent et, pendant longtemps, c'était réservé aux enfants, aux personnes en situation de handicap. Puis malheureusement, en droit de la famille, on a encore des juges qui disent : Bien, séparer, c'est fini...

Mme Riendeau (Louise) : ...ou, tu sais, qui ne sont pas capables de prendre la pleine mesure de l'impact que la violence a pu avoir. Donc, dans ce sens-là, nous, on voit d'une... d'un bon oeil le fait que ça puisse être élargi, effectivement, au civil, parce que, si toutes les femmes ne portent pas plainte au criminel, parce qu'elles ne le veulent pas ou elles n'ont pas vécu ce qui est actuellement reconnu comme une infraction, toutes celles qui ont des enfants vont aller en droit de la famille. Ça touche donc beaucoup de femmes, et c'est des... On voit la virulence et parfois la quérulence des conjoints dans ces procédures-là. C'est très épuisant émotivement et financièrement pour les femmes. Donc, tout ce qui peut faciliter la fin de l'union sans revictimiser les victimes est le bienvenu.

Mme Guénette (Mélanie) : Si je peux permettre...

M. Jolin-Barrette : Allez-y, allez-y.

Mme Guénette (Mélanie) : ...l'aspect aussi du lieu où a lieu le télétémoignage. Donc, tu sais, d'être au palais à côté... d'être, tu sais, dans une salle à côté, ce n'est pas rassurant. Par contre, de pouvoir le faire soit du bureau de leur avocat ou dans nos bureaux, à partir de nos bureaux, ou de tout autre bureau à l'extérieur du palais de justice, c'est... ça fait une différence.

M. Jolin-Barrette : Parce que c'est un des objectifs, là, tu sais, dans le projet de loi sur le droit de la famille, le 56, on a nommé la violence judiciaire, justement sur la question de la quérulence puis d'épuiser financièrement le conjoint, tout ça. Là, on amène... En civil, la règle de base, c'est que, dès qu'il y a l'attestation, on accorde le télétémoignage. C'est sûr que ça prend une exception pour le tribunal, parce qu'ils peuvent l'ordonner pour la crédibilité, mais le principe de base, c'est : vous avez votre attestation, vous avez droit au télétémoignage, justement parce que moi aussi, j'ai constaté que ce n'était pas systématiquement accordé, même avec requête, tout ça. Donc là, je pense qu'on amène un changement de paradigme là-dedans pour justement que les gens se sentent à l'aise quand ils rentrent dans les palais de justice ou quand ils prennent action puis qu'ils fassent du télétémoignage, que ce soit dans les bureaux. C'est la même chose avec la disposition sur la question de l'adresse.

Tu sais, ça, la question de l'adresse, peut-être nous expliquer en droit de la famille, supposons, quand il y a de la violence conjugale, là, qu'est-ce que ça signifie, là, le fait de divulguer ou non son adresse. Parce que, généralement, quand vous êtes en civil à la cour, le greffier vous demande, bien, de vous nommer puis demande l'adresse, puis votre adresse est sur les procédures. Ça fait que c'est quoi l'impact de faire ce qu'on fait du fait que l'adresse, désormais, ça va pouvoir être le bureau d'avocat ou le greffe?

Mme Guénette (Mélanie) : Bien, beaucoup. Au niveau de la sécurité, combien de femmes demandent à ce que la garde d'enfant, l'échange de garde se fasse à un lieu neutre justement pour ne pas que le conjoint auteur de violence soit informé du lieu où elle habite? Ça, c'est... tu sais, c'est par mesure de sécurité.

Tu sais, on met déjà en place tout un filet de sécurité quand Mme... Là, d'emblée, je vais vous dire que ça arrive que l'adresse, c'est la maison d'hébergement. On ne peut pas donner... Tu sais, pour moi, c'est clair, là, mais on ne peut pas donner l'adresse de la maison d'hébergement par mesure de sécurité, autant pour les femmes, les enfants qu'on héberge que pour nos travailleuses. Mais, c'est ça, dans leurs... dans le cas de leurs domiciles à elles, c'est leur filet de sécurité où est-ce qu'on met... Tu sais, quand elles quittent les maisons d'hébergement ou même quand elles sont en service externe puis qu'elles se relocalisent, on fait avec elles un filet de sécurité où est-ce qu'on met en place un système d'alarme, on fait... on met en place des caméras de sécurité dans certains cas. Certaines déménagent très loin aussi. Si on se met à donner l'adresse, c'est clair qu'on vient de donner toute l'information pertinente à M. pour exercer un contrôle, ne serait-ce qu'en passant régulièrement devant la maison ou... Ça arrive fréquemment. C'est quelque chose qui arrive de façon fréquente, là, que l'adresse se retrouve comme ça connue.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je vous remercie pour votre passage en commission parlementaire. Je vais laisser mes collègues échanger avec vous, mais un grand merci pour votre témoignage puis votre mémoire, puis on va prendre ça en considération. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le député de Saint-Jean, s'il vous plaît.

M. Lemieux : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Il nous reste combien de temps?

Le Président (M. Bachand) :6 min 39.

M. Lemieux : Merci. D'abord, mesdames, bonjour. Bienvenue. Rebienvenue en vrai. Tellement content de vous revoir, Mme Riendeau. Merci beaucoup.

Il y a un concept qui s'impose de plus en plus au fur et à mesure de vos visites, puis là je ne suis pas micro dans le projet de loi, je suis macro dans l'ensemble de l'oeuvre : le concept du contrôle coercitif. À chaque fois que vous avez quelque chose à dire, il y a toujours le contrôle avant, pendant ou après ce dont vous parlez. Les images intimes, là, c'est un peu, beaucoup ou un gros morceau du contrôle coercitif?

• (11 heures) •

Mme Riendeau (Louise) : Ça en fait partie. Le contrôle coercitif, en fait, c'est toutes les manifestations...


 
 

11 h (version non révisée)

Mme Riendeau (Louise) : ...tous les gestes qu'un conjoint peut utiliser pour contrôler sa victime. Donc, il y a la violence sexuelle, la violence physique, qui sont des évidences, le partage d'images intimes, mais ça peut être l'isolement, ça peut être l'humiliation, ça peut être le contrôle économique. En fait, ça en fait partie, et souvent, tout comme en violence sexuelle de façon générale, c'est des crimes qui sont moins dénoncés par les victimes, plus intimes. Même en maison d'hébergement, souvent, les victimes, c'est la dernière chose dont elles vont nous parler, mais c'est quelque chose qui malheureusement est vécu par beaucoup de femmes. Dans une recherche récente, là, qui a été menée conjointement avec l'UQAM, une femme sur cinq disait qu'elle a été filmée ou photographiée pendant les relations sexuelles sans son consentement. On n'a pas de chiffres sur dans combien de cas ça a été diffusé. Mais la peur que ce soit diffusé est quelque chose de très fort qui fait que des femmes vont rester, donc le contrôle s'exerce de cette façon-là.

M. Lemieux : Et d'ailleurs la diffusion, à la limite, elle n'est... elle n'est pas si importante que ça si elle fait partie du contrôle, la menace qui va avec.

Mme Riendeau (Louise) : Absolument.

M. Lemieux : La gagnez-vous, cette bataille pour que le contrôle coercitif devienne une espèce de... de pièce centrale de ce qu'il faut qu'on ait dans nos lois, dans nos règlements, dans nos habitudes avec les policiers et la cour? Sentez-vous que vous avancez? Moi, je le sens de fois en fois, quand vous venez nous voir. Mais c'est difficile à prouver...

Mme Riendeau (Louise) : Oui, mais...

M. Lemieux : ...et les lois n'étaient pas faites pour ça au début, là.

Mme Riendeau (Louise) : Bien, il y a un projet de loi à l'étude, maintenant au Sénat en deuxième lecture. Nous, on espère vraiment qu'il pourra être adopté, avoir la sanction royale avant qu'il y ait des changements de gouvernement, parce que ça donnerait des leviers aux femmes, ça reconnaîtrait mieux ce qu'elles vivent et ça donnerait des leviers aussi aux policiers pour intervenir. Je vous dirais qu'au Québec, on l'a dit, on a formé 6 000 acteurs judiciaires, beaucoup de policiers dans les dernières années, et il y a une ouverture, il y a une volonté. Mais c'est sûr qu'un projet de loi qui viendrait en faire une infraction nous aiderait.

Mais on voit maintenant des rapports de police où le contrôle coercitif est mentionné, même si ce n'est pas une infraction. Ça donne un meilleur éclairage aux procureurs quand ils ont à plaider le dossier, à faire des représentations sur sentence. Donc, nous on a, oui, la conviction qu'on avance et que c'est... c'est vraiment un moyen pour mieux faire reconnaître l'ensemble des violences et des gestes de contrôle que vivent les femmes.

M. Lemieux : Et, si je peux me permettre, le contrôle coercitif, quand il est noté, quand il est remarqué, quand il est enregistré, ce n'est pas seulement les policiers, c'est toute la machine qui peut en tenir compte, là.

Mme Riendeau (Louise) : Tout à fait, ce... Mais c'est ça, il faut que ça parte des policiers, parce que le dossier part de là, le procureur peut mieux travailler, les gens aux services correctionnels peuvent en tenir compte. Ça va... Tu sais, on a travaillé avec les gens de la Commission des libérations conditionnelles, puis qui nous disaient : Bien, on a besoin de l'avoir dans les dossiers à partir du début pour que nous, on prenne des bonnes décisions.

M. Lemieux : Vous n'avez pas mentionné les juges. C'est juste un oubli, ou c'est volontaire?

Mme Riendeau (Louise) : Non, ce n'est pas un oubli, ça reste... On compte sur le ministre pour avoir des discussions avec le Conseil de la magistrature. Ça reste un défi, puis c'est... c'est le noyau dur, là, pour arriver à faire connaître cette réalité-là par l'ensemble des juges, qu'ils soient au criminel ou qu'ils soient au civil. Bien sûr, s'il y a une infraction qui est créée, ça va percoler quelque part au niveau de la magistrature, mais...

M. Lemieux : Merci beaucoup, Mme Riendeau. M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Il reste 1 min 50 s

Mme Haytayan : Merci, M. le Président. Vous en avez parlé un peu plus tôt. Dans un contexte de violence conjugale, est-ce que vous pouvez nous donner des exemples de stéréotypes, de mythes qui sont utilisés comme éléments de preuve dans les dossiers en matière civile?

Mme Riendeau (Louise) : Elle n'a pas quitté, elle n'a pas porté plainte, ça fait partie des choses. Pourquoi elle n'a pas rapporté ce qu'elle vivait? D'autres mythes en matière civile qui ne sont pas tout à fait visés par le projet de loi, mais genre : C'est... c'est un mauvais conjoint, mais c'est un bon père, alors qu'il a exposé ses enfants à des gestes de violence et de contrôle.

Donc, on a du travail à faire pour ramener les choses dans leur juste mesure puis apprécier toute la... la souffrance que vivent les femmes et que vivent aussi les enfants qui sont...

Mme Riendeau (Louise) :  ...dans ces foyers.

Mme Haytayan : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît!

M. Morin : Merci, M. le Président. Mme Riendeau, Mme Guénette, bonjour. Merci d'être là avec nous. Merci aussi pour le mémoire que vous avez produit à la commission, qui contient un nombre important de recommandations, puis on voit évidemment toute l'ardeur que vous mettez dans votre travail pour parler de ces sujets-là, et alors c'est très apprécié, je tiens à le souligner.

J'aurais une question plus générale, parce que vous l'avez évoqué tout à l'heure, ça dépasse peut-être un petit peu le cadre du projet de loi, mais je trouve ça important parce que j'ai été... Moi, en fait comme député, j'ai eu à aider des gens qui avaient des problèmes comme ça. Donc, je voudrais juste cerner peut-être l'ampleur du problème, puis voir s'il y a des correctifs qui pourraient être apportés. Vous avez dit tantôt, puis corrigez moi si je fais erreur, il y a encore des accusations parfois, que ce soit d'agression, de harcèlement ou autre, qui se termine en 810 et où parfois des bris de conditions qui ne sont pas... qui ne sont pas judiciarisés. Est-ce que... est-ce que c'est un phénomène que vous voyez souvent? Est-ce que c'est des cas vraiment isolés? Est-ce qu'il y aurait quelque chose à faire là-dedans et intervenir éventuellement? Comment vous voyez ça? Est-ce que c'est fréquent?

Mme Riendeau (Louise) : Tu veux-tu y aller...

Mme Guénette (Mélanie) : Bien oui, c'est assez... ça arrive. Il y a plusieurs raisons pourquoi que ce n'est pas nécessairement relevé les bris de condition.  Bon, Mme a peur aussi, ça, ça rentre dans les raisons, le sentiment de sécurité, mais aussi la discorde. Moi, ce que j'ai envie de relever, c'est la discordance entre le traitement des bris de condition. Certains... je vais vous donner un exemple. Tu sais, certaines vont être.... vont être crues. Le niveau où est-ce que la Mme est crue ou n'est pas crue, ça, c'est... ça a un impact, ou de prendre en considération... Tu sais, il est passé en avant de la porte, c'est il est passé en avant de la porte. Mais pour Mme, là, il n'y a pas d'affaire à passer en avant de la porte, ça fait toute la différence. Puis là, c'est comme il passait par là, ou c'est un boulevard ou... Ce n'est pas grave, tu sais, c'est... c'est une façon de... on va revenir avec le contrôle, mais c'est une façon d'établir son contrôle et de démontrer sa présence, et ça ne sera pas nécessairement traité de toutes les façons. Il y a aussi les bris de conditions par personne interposée. Je peux vous donner un exemple qu'on a vécu et qui est assez, assez récent, ou où on... M. a appelé à la garderie alors qu'il n'avait pas d'autorisation de rentrer en communication avec l'enfant, huit fois, pour savoir elle était où la sortie pour les enfants parce qu'il y avait une sortie extérieure, puis pour vouloir payer la sortie. Évidemment, on a fortement suggéré, et ça a été respecté aussi, de ne pas envoyer l'enfant à cette sortie à la garderie, mais... puis ça, bien, parce que c'est une personne interposée, ça n'a pas été pris en considération, mais c'est clairement une mesure de contrôle qui est prise envers Mme où, cette journée-là, elle a gardé l'enfant à la maison alors qu'elle aurait pu le laisser aller à la garderie, tu sais.

M. Morin : Parfait, je vous...

Mme Riendeau (Louise) : Et j'ajouterais que...

M. Morin : Oui, oui.

Mme Riendeau (Louise) : ...qu'une des failles du système, vous savez, quand il y a un 810 ou quand il y a une ordonnance de... avec certaines conditions, c'est souvent écrit, sauf exception pour les mesures dictées par la Cour supérieure où, sauf exception pour les enfants, et beaucoup de conjoints vont utiliser ça. Tu sais, moi, j'ai... on a fait une recherche à un moment donné, sur le 810. Le conjoint appelait à 2 heures du matin pour parler des enfants. Quelle urgence peut-il y avoir à 2 heures du matin quand les enfants sont chez Mme pour lui parler des enfants? Et il utilisait ce prétexte-là, cette espèce de faille, puis là, les policiers sont toujours en disant : oui, mais il a le droit quand c'est en fonction des enfants. Donc, il faut clarifier ces choses-là, qu'est ce que ça veut dire en fonction d'un jugement, puis il faut aussi qu'on ait plus de cohérence entre les jugements en matière familiale et les jugements en matière criminelle. Souvent, le tribunal de la famille se dit : Ah! la sécurité, ça va être le criminel qui va l'avoir pris en charge, puis le criminel se dit : Bien, moi, je ne me mêle pas de ça, voir si... qu'elles devraient être les relations, ça appartient au tribunal de la famille. Sauf que toutes les failles dans le système, quand il y a du contrôle coercitif, servent à les... servent à l'exercer.

• (11 h 10) •

M. Morin : Oui, effectivement, quelqu'un qui veut utiliser ces failles-là va évidemment les... vas les utiliser, là, clairement. Ça fait que je vous remercie. Merci beaucoup pour votre... votre éclairage. Vous avez mentionné aussi, au départ...

M. Morin : ...quand on parlait, entre autres, je pense, du formulaire ou de l'attestation, la capacité des juges à évaluer les risques... Avez-vous des suggestions de ce qui pourrait être fait ou mis pour qu'il y ait une meilleure évaluation des risques?

Mme Riendeau (Louise) : Bien, moi, je pense qu'il faut que les formulaires permettent aux femmes d'expliquer toute une série de facteurs de risque qu'elles pourraient vivre et dont elles ne sont pas toujours conscientes. C'est pour ça qu'il faut avoir des questions qui nous permettent de voir c'est quoi, l'histoire de cette relation-là, pour voir, est-ce qu'effectivement il y a eu du harcèlement? Est-ce qu'on sait s'il y avait de la violence avec d'autres conjointes précédemment? On revient justement d'une mission sur la criminalisation du contrôle coercitif en Grande-Bretagne. Une des façons que les policiers utilisent dans les enquêtes qu'ils font puis pour l'évaluation des risques... ils essaient de retrouver les anciennes conjointes et de voir, il y a-tu un pattern, il était-tu violent avec une autre avant? Ça fait qu'il y a différents facteurs de risque qui pourraient avantageusement être mis dans un formulaire. Si la femme l'a vécu, elle peut l'exprimer, si elle l'a pas vécu, elle n'en parlera pas, mais je pense que ça pourrait être aidant et ça pourrait aussi faire penser... des fois, prendre conscience aux femmes de tout ce qu'elles ont vécu, parce qu'elles disent : Bien, je ne sais pas, il ne m'a pas battue, j'ai-tu vécu de la violence?, alors qu'elles ont vécu beaucoup de contrôle et qu'elles en ont peur depuis des années.

M. Morin : Oui, puis, évidemment, on sait que, oui, bien sûr, il y a de la violence physique, mais il peut y avoir de la violence verbale, il peut y avoir, tu sais, je veux dire, ça...

Mme Riendeau (Louise) : Absolument.

M. Morin : Puis une victime peut être aussi traumatisée, tout dépendant du type de violence. On ne peut pas identifier un seul type de violence, clairement, là. Excellent, merci.

J'en parlais tout à l'heure avec les représentantes des CAVAC, puis j'attire votre attention, là, c'est un peu plus micro, à l'article 9 du projet de loi, qui va venir modifier le Code de procédure civile, quand on parle du témoignage à distance puis qu'on parle d'une attestation confirmant... Évidemment, les CAVAC sont là en matière criminelle, là, on est en matière civile. Donc, voyez-vous des mesures qui pourraient être mises en place pour aider les victimes pour qu'elles comprennent bien l'importance de remplir l'attestation? Parce que, là, je comprends de la part de M. le ministre, que, s'il y a une attestation, le tribunal n'aurait plus de discrétion. Comment vous voyez ça? Est-ce qu'ils devraient être aidés... ça devrait-tu être couvert par l'aide juridique? Vous, avez-vous la capacité de les aider? Parce qu'on a beau mettre ça, si les gens ne le savent pas, ils ne sont pas capables de remplir le formulaire, ça ne va pas aider personne.

Mme Riendeau (Louise) : Non. Bien, on l'a proposé au niveau du partage d'images intimes, mais je pense qu'on pourrait aussi le proposer au niveau de ces mesures-là. On pense que les campagnes d'information publiques sont importantes, mais ça ne suffit pas, évidemment. C'est pour ça que nous, on a recommandé que, pour remplir les formulaires, ou, dans certains cas, pour être représenté, qu'on donne le mandat à Rebâtir. Parce qu'effectivement, au criminel, les procureurs peuvent faire les demandes, nommer tout ça, mais c'est vrai qu'au civil les victimes ont besoin d'être accompagnées.

Nous, on ne s'est pas opposées à l'idée d'attestation parce que c'est aussi une occasion de réseauter les victimes avec des organisations spécialisées, qui peuvent regarder avec elles... Tu sais, avoir une attestation, avoir une ordonnance c'est une chose, mais ce n'est pas l'ensemble du filet de sécurité. Donc, c'est sûr que c'est davantage de travail et qu'il faudra qu'il y ait des ressources qui suivent, éventuellement, mais on pense que des organismes spécialisés pourraient les accompagner et que quand on est plus au niveau juridique, que c'est un mandat qui pourrait être donné par la commission, là, à l'organisme Rebâtir, qui a développé une très belle expertise au niveau de la violence conjugale et de la violence sexuelle, depuis qu'ils sont là, en place.

M. Morin : Je vous remercie. Une dernière question. À la page 13 de votre mémoire, votre recommandation 16, vous dites : «Cette histoire peut sembler anecdotique, mais le regroupement demande à ce que le ministère de la Justice s'assure que la Chambre des huissiers du Québec inclue une nouvelle formation de base.» Est-ce qu'il y a un problème particulier? Vous parlez de vigilance, confidentialité des adresses?

Mme Riendeau (Louise) : Bien, en fait, on a été informé d'une situation d'une femme qui avait eu un problème avec un huissier qui avait déclaré l'adresse au conjoint, qui a même tenté de l'extorsion pour ne pas la donner. Mais on a régulièrement des huissiers qui arrivent dans...

Mme Riendeau (Louise) : ...maison d'hébergement, alors que les adresses sont supposées être confidentielles. Donc, je pense qu'il faut... il faut qu'il y ait... que, justement, puisqu'on prend des mesures pour assurer la confidentialité des adresses des victimes, qu'on revisite cette question-là, que la Chambre des huissiers du Québec, là, avec le ministère de la Justice s'assure que ces gens là feront partie des gens formés dans le cadre du projet de loi n° 73 puis connaissent particulièrement les enjeux et les défis qu'on a face à des situations de violence conjugale où toute l'importance de la confidentialité de l'adresse est entière.

M. Morin : Parfait. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Merci. Merci, M. le Président. Merci de votre présence, merci de votre mémoire qui est vraiment très complet, avec plusieurs recommandations. On a l'impression que ça touche pas mal à tous les points. Mais évidemment, vous êtes les expertes. Bien, je dis : Les expertes, en fait, vous vivez presque quotidiennement, je dirais, là, avec des cas un peu atypiques, invivables, là, je dirais, là, même de femmes victimes de violence, de famille, tout ça. Est-ce que, selon vous, le projet de loi... Là, j'ai compris, quand vous avez dit au ministre que c'est un... tu sais, c'est un bon projet de loi, puis on est contents, là, d'arriver avec des mesures comme ça, parce qu'il faut protéger ces femmes-là, victimes, protéger les familles, les enfants aussi.

Mais est-ce qu'il y aurait, je ne veux pas dire : Une faille, ou est-ce qu'il y aurait un enjeu majeur qui se... qui n'est pas... qui ne serait pas là? Je présume, vous en auriez fait une recommandation, là, mais est-ce qu'il y a un... Tu sais, votre plus grande préoccupation, j'ai compris qu'il y avait l'adresse, la confidentialité, le formulaire, puis tout, mais la protection de la femme, évidemment. Mais quelle serait la... C'est parce que moi, je vois qu'il y a comme un... on dirait qu'à un moment donné, il ne faut pas que ça devienne trop lourd non plus. Parce que, si c'est trop lourd, tu sais, je comprends, le formulaire, je comprends tout ça, mais j'ai l'impression que, si ça devient trop lourd, on n'y arrivera pas non plus, Ça va se perdre dans les dédales de la police, ça va se perdre dans les dédales de... tu sais, un peu partout. Ça fait que, s'il y avait une recommandation à faire?

Mme Riendeau (Louise) : Moi, je dirais que, s'il y avait une recommandation, ce serait une meilleure connaissance et une meilleure compréhension de tous les acteurs visés de ce qu'est la violence conjugale dans son ensemble, donc du contrôle coercitif. Si on avait ça, déjà, beaucoup de choses qui sont proposées là auraient pu être facilitées. Donc, je dirais que c'est pour ça qu'on suggère d'apposer contrôle coercitif à côté de violence conjugale, puis qu'on dit : Il faut... il faut que tout le monde soit formé pour vraiment comprendre à la fois les enjeux de sécurité puis à la fois les enjeux de conséquences à long terme que peut avoir la violence conjugale sur les femmes et les enfants.

Mme Nichols : Bien, est-ce qu'on peut lire entre les lignes qu'il y a peut-être à certains niveaux où ce n'est pas assez pris au sérieux, où on va souligner qu'il manque telle affaire justement pour intervenir? Est-ce que c'est ce que je comprends?

Mme Riendeau (Louise) : Oui, moi, je dirais qu'on a fait des progrès en droit criminel, mais qu'on a encore des croûtes à manger en droit de la famille. Absolument, c'est... on a beaucoup de témoignages de femmes qui nous sollicitent parce qu'elles sont désespérées, qu'elles risquent de perdre la garde de leurs enfants. Parce que les juges et les experts psychosociaux disent qu'en dénonçant la violence ou en voulant protéger leurs enfants, elles font de l'aliénation parentale. Donc, on a à ce niveau-là beaucoup, beaucoup de progrès à faire. Et la difficulté, tu sais, quand on est en droit criminel, le ministre peut émettre des orientations, le DPCP donne des directives. Quand on est en droit de la famille, on est avec des acteurs privés, on est des avocats de pratique privée, on a des juges qui ont une indépendance. Donc, il faut qu'on... en tout cas, qu'on soit créatif pour trouver des moyens.

Mme Nichols : Mais ça, on comprend qu'il y a déjà des directives qui ont été données puis qu'il y a déjà des formations obligatoires, entre autres, là, pour les... pour la magistrature. Donc, vous souhaitez que ce soit appliqué, tu sais, à l'ensemble des intervenants dans les différents dossiers.

• (11 h 20) •

Mme Guénette (Mélanie) : Si je peux me permettre, je suis d'accord avec Louise, puis j'ajouterais... je me permets une deuxième, l'accompagnement de rebâtir pour les victimes, pour les compétences de droit, ça va faire toute la différence aussi, tu sais, d'avoir quelqu'un qui accompagne les victimes, qui a les compétences juridiques pour les accompagner, faire valoir leurs droits aussi à travers le système judiciaire, civil et familial. C'est vraiment important de... c'est ça, et rebâtir fait un travail extraordinaire avec les victimes. C'est fort apprécié, mais ce n'est pas assez long. On a... ils ont quatre heures environ avec... de disponibles...

Mme Guénette (Mélanie) : ...de disponibles. Puis, des fois, les... on a des dossiers qui sont complexes, puis quatre heures, ça ne devient pas suffisant, parce qu'on peut tomber dans un dossier immigration, droit civil, tu sais, ça s'accumule... Ça fait que, quatre heures, on a fait vite le tour. Ça fait que de donner un plus grand mandat peut-être puis qu'ils puissent être mieux accompagnés. Je pense qu'on fait un bon travail au niveau de l'accompagnement psychosocial dans nos ressources, mais, au niveau juridique, ça prend des spécialistes dans le domaine, puis je pense que Rebâtir est un bon...

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Mme Guénette. Mme Riendeau, merci encore une fois d'avoir été avec nous aujourd'hui. Puis on se dit, bien, à bientôt. Merci beaucoup.

Alors, je suspends les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 21)

(Reprise à 11 h 26)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir la représentante du Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel. Alors, merci beaucoup d'être avec nous. Je vous inviterais d'abord à vous présenter puis à débuter votre témoignage. Merci beaucoup.

Mme Khiari (Ikram) : Merci beaucoup. Donc, bonjour. Mon nom est Ikram Khiari, analyste politique et juridique au regroupement des CALACS. Au nom du Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, RQCALACS, et de ses membres, les CALACS, nous tenons d'abord à vous remercier de votre invitation aujourd'hui à prendre part aux consultations concernant le projet de loi n° 73. Nous tenons tout d'abord à vous remercier et à saluer votre travail, qui représente une avancée majeure dans la lutte contre les agressions à caractère sexuel. Cela fait plus de 40 ans que le RQCALACS et que les CALACS luttent contre les violences faites aux femmes et aux filles, plus spécifiquement contre les violences sexuelles par le biais de la prévention, de la défense des droits et de l'aide aux victimes survivantes d'agressions à caractère sexuel via des services d'intervention féministe, intersectionnelle pour toutes les femmes et les filles du Québec. Comme seul groupe national en violence sexuelle au Québec, nous oeuvrons activement pour que les droits des personnes victimes et survivantes de violences sexuelles et de violences basées sur le genre soient protégés, garantis et renforcés. Cela fait plusieurs années que nos CALACS constatent que le partage des photos intimes non consensuel est une problématique qui gagne en importance, particulièrement chez les jeunes âgés entre 12 et 24 ans. Il nous apparaît important de souligner aujourd'hui que le RQCALACS et ses membres considèrent que ce fléau représente une forme d'agression à caractère sexuel ayant des conséquences dévastatrices pour les victimes.

Considérant des restrictions de temps et de ressources, nous n'avons pas été en mesure d'analyser le projet de loi dans toute sa profondeur ou de fournir un mémoire, mais fortes de nos expériences auprès des femmes victimes de violence sexuelle, nous souhaitons toutefois maintenant vous partager nos observations et nos recommandations concernant le projet de loi n° 73.

Tout d'abord, le partage non consensuel d'image intime est une forme de violence sexuelle qui peut avoir des conséquences dévastatrices pour les victimes. Comme le souligne le regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale ainsi que de nombreuses organisations entendues en commission, il est essentiel que le formulaire de demande d'ordonnance pour faire cesser le partage de ces images soit élaboré en collaboration avec des experts et expertes en violence sexuelle pour qu'il soit adapté à leurs besoins et à leur réalité. En effet, notre expertise au RQCALACS nous permet d'affirmer que les victimes et les personnes survivantes ont souvent honte de parler de ce type de violence et peuvent en minimiser les impacts. Il est donc primordial de tenir compte de cette réalité dans la conception du formulaire afin qu'il permette aux victimes de décrire leur situation de manière complète et sécurisante.

Nous recommandons que les organisations et les personnes expertes participent à l'élaboration, à la mise en application et à la stratégie de diffusion de ce formulaire. Je parle notamment du RQCALACS, les CALACS, Rebâtir et Juripop ainsi que d'autres organismes présents aujourd'hui. Nous recommandons que des dispositifs qui tiennent compte à la fois des réalités spécifiques des personnes victimes et des obstacles auxquels ils peuvent être confrontés soient mis en place en collaboration avec les organisations et les personnes d'expertes.

En deuxième, le projet de loi n° 73 aborde la violence conjugale et la violence sexuelle comme deux catégories distinctes. Or, il est crucial de reconnaître que la violence sexuelle est souvent présente dans un contexte de violence conjugale. De plus, la menace de partager des images intimes est un moyen de contrôle coercitif utilisé par certains conjoints pour maintenir leur emprise sur leur victime. Il est essentiel que les juges soient sensibilisés aux dynamiques de pouvoir et de contrôle qui caractérisent la violence sexuelle afin de pouvoir prendre des décisions éclairées pour la protection des victimes. Nous recommandons que le projet de loi reconnaisse explicitement la violence sexuelle commise par un ou une partenaire intime comme une forme de violence conjugale. Il est important de nommer cette réalité pour mieux la comprendre et la combattre.

Au niveau des... de la formation des personnes intervenantes, il est primordial que toutes les personnes intervenantes qui travaillent auprès des victimes de violence, y compris les juges, les procureurs, policiers et policières et les professionnels de la santé reçoivent une formation spécialisée sur les réalités de la violence sexuelle. Le projet de loi n° 73 prévoit une telle formation pour les personnes susceptibles d'intervenir dans un tel contexte. Toutefois, le projet de loi ne spécifie pas quels organismes seront responsables de dispenser cette formation. Il est important de nommer explicitement les CALACS et les autres organismes spécialisés en violence sexuelle comme ressource incontournable pour la formation des juges, des procureurs, policiers et policières et de toutes les autres personnes intervenantes qui travaillent auprès des victimes.

• (11 h 30) •

Nous saluons la modification permettant aux victimes de ne pas divulguer leur adresse. Cependant, comme le mentionne le Regroupement des maisons pour femmes...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

Mme Khiari (Ikram) : ...de violence conjugale. Il est crucial que les greffiers et greffières soient également formés pour informer les victimes de cette possibilité et les diriger vers les services d'aide appropriés, y compris les CALACS.

L'accès à un accompagnement spécialisé est primordial pour les victimes de violence sexuelle afin de les aider à naviguer dans le système judiciaire. Nous recommandons donc de nommer explicitement les organismes responsables de la formation spécialisée sur la violence sexuelle. Nous recommandons des organismes comme les CALACS, Juripop, Rebâtir et d'autres organismes présents aujourd'hui. Nous recommandons également que la formation aborde spécifiquement les enjeux liés à la violence sexuelle, notamment le consentement, les dynamiques de pouvoir et le contrôle coercitif, les mythes et les stéréotypes ainsi que les conséquences de la violence sexuelle sur les victimes.

Au niveau des témoignages, le projet de loi n° 73 permet aux victimes de témoigner à distance, qui est une avancée majeure. Cependant, il permet aussi au juge d'ordonner le témoignage en personne s'il estime qu'un témoignage à distance ne lui permet pas d'apprécier la crédibilité du témoin. Cette disposition est problématique, car elle laisse place à l'interprétation du juge, qui ne pourrait ne pas être suffisamment sensibilisé aux réalités des victimes de violence sexuelle.

Le témoignage à distance est essentiel pour éviter la retraumatisation des victimes, qui peuvent notamment être confrontées à leurs agresseurs lors d'un témoignage en personne. Le RQCALACS recommande donc d'offrir systématiquement la possibilité de témoigner à distance aux victimes de violence sexuelle sans laisser au juge la possibilité de l'exiger en personne.

Nous appuyons également la recommandation du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale que le ministre de la Justice reconnaisse un plus large éventail de services d'aide aux victimes pour fournir l'attestation nécessaire à l'application de certaines mesures du projet de loi. Cela permettrait aux victimes de choisir un service qui répond à leurs besoins spécifiques.

Au niveau du croisement des oppressions, afin de garantir un accès équitable à la justice pour toutes les victimes de violences à caractère sexuel, il est crucial de reconnaître et de répondre aux besoins spécifiques des victimes qui vivent à la croisée des oppressions. Ces victimes peuvent faire face à des obstacles supplémentaires en raison de leur origine ethnique, de leur statut socioéconomique, de leur orientation sexuelle, de leur handicap ou d'autres facteurs de marginalisation. Le RQCALACS recommande que le ministère de la Justice mette en place des mesures pour faciliter l'accès à la justice pour les victimes qui visent à la croisée... qui vivent à la croisée des oppressions. Ces mesures doivent être prises en compte à toutes les étapes de la procédure. Ces mesures peuvent inclure l'accès à des services de traduction et d'interprétation, la prise en charge des frais de déplacement s'il y a lieu, le soutien aux victimes ayant des besoins particuliers et la sensibilisation des intervenants et intervenantes aux réalités des oppressions croisées. Finalement, au niveau de la prévention, la diffusion non consensuelle d'images intimes en ligne est une forme de violence sexuelle de plus en plus répandue, qui nécessite donc une réponse juridique adaptée. Les victimes de partage non consensuel d'images intimes subissent des effets psychologiques profonds, incluant anxiété, dépression, isolement social et même des pensées suicidaires dans certains cas. Beaucoup ressentent une honte et une peur de voir leurs relations, qu'elles soient personnelles ou professionnelles, compromises. Cette violence les conduit souvent à éviter des interactions sociales, craignant que les images aient été vues par leur entourage ou des collègues, qui peut même mener à la perte d'emploi ou des difficultés d'embauche. Pour contrer efficacement la cyberviolence sexuelle, il faut miser sur une approche multidimensionnelle qui cible différents groupes.

Premièrement, il est crucial d'intégrer des programmes d'éducation au consentement, au respect de la vie privée et aux conséquences du partage non consensuel d'images intimes dans les écoles. Le programme Empreinte du RQCALACS, créé en collaboration avec des professeurs de l'UQAM, est un parfait exemple du type de projet à soutenir. Il s'agit d'un programme de prévention des agressions sexuelles spécifiquement conçu pour les élèves du secondaire au Québec.

Deuxièmement, il est essentiel de former les parents, les éducateurs et les professionnels sur les différentes formes de cyberviolence sexuelle, les risques pour les jeunes et les moyens de les protéger. Des guides pratiques, des ateliers de sensibilisation et des formations spécialisées peuvent les aider à identifier les signes de manipulation en ligne, soutenir les victimes et promouvoir des comportements responsables en ligne.

Troisièmement, et finalement, des campagnes de sensibilisation grand public sont nécessaires pour déconstruire les mythes et les stéréotypes entourant la cyberviolence sexuelle et pour promouvoir une culture de respect et de consentement en ligne. Nous appuyons également la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes, qui insiste sur l'importance d'assurer un financement durable pour les formations et les activités de sensibilisation aux violences fondées sur le genre.

En conclusion, nous saluons les avancées majeures du projet de loi n° 73. La possibilité d'obtenir une ordonnance pour faire cesser le partage d'images intimes sans consentement, la simplification de la procédure sur l'ordonnance de protection civile et l'imprescriptibilité du droit à la réparation pour les victimes d'infractions criminelles sont autant de pas dans la bonne direction. Cependant, pour que ce projet de loi soit réellement transformateur, il doit tenir compte de la réalité crue et souvent silencieuse de la violence sexuelle. En collaborant avec les organismes spécialisés, en écoutant les victimes et en intégrant leurs recommandations, nous pouvons faire du projet de loi n° 73 un véritable rempart contre la violence sexuelle. Ensemble, construisons un système judiciaire où chaque victime se sentira entendue, crue et protégée. Faisons en sorte que le Québec soit un exemple, un phare d'espoir pour toutes les victimes de violence sexuelle. Merci beaucoup pour votre écoute.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mme Khiari, bonjour. Merci de participer à la commission parlementaire pour le Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel...

M. Jolin-Barrette : ...donc vous êtes sur l'ensemble du territoire québécois, vous accompagnez les personnes victimes de violence sexuelle, puis je pense que vous les aidez dans leur processus de réparation, parce que c'est extrêmement difficile de vivre une infraction à caractère sexuel. Donc, on se retrouve dans des situations où il peut y avoir plusieurs conséquences que vous avez nommées tout à l'heure pour les victimes de violence sexuelle.

Donc, écoutez, je souhaite échanger avec vous. Globalement, vous accueillez favorablement le projet de loi. Vous dites...

Mme Khiari (Ikram) : Oui.

M. Jolin-Barrette : Vous dites : Il faut travailler en collaboration avec tous les intervenants. Je suis d'accord avec vous parce que ce changement de culture là, dans le système de justice, qu'on a amorcé, bien, ça se fait avec la collaboration de tous les partenaires au niveau national, mais au niveau local aussi, donc notamment avec le déploiement du tribunal spécialisé, mais aussi toutes les règles de preuve, de procédure qu'on est en train de modifier. Puis l'objectif du projet de loi, c'est justement ça, qu'est-ce qu'on a fait de bien en matière criminelle qu'on amène pour les victimes de violence sexuelle en matière civile. Parce que ce n'est pas vrai que, si vous avez un dossier en matière criminelle puis que vous avez le même dossier en matière civile ou en matière familiale... en matière violence conjugale ou en matière de violence sexuelle, bien, c'est les mêmes acteurs. Donc, on doit étendre ces mesures de protection là par rapport au télétémoignage, par rapport à l'adresse. Je pense que ça a été bien soulevé par le groupe qui vous a précédé.

Vous avez abordé la question, dans le projet de loi, puis on n'en a pas encore parlé... sur la question de l'imprescriptibilité du jugement. Lorsqu'il y a une condamnation, supposons, en matière civile, on décide, dans le projet de loi, de faire en sorte que le jugement n'est pas prescriptible par 10 ans, puis la condamnation va pouvoir être exécutée au-delà de ça. C'est quoi, l'impact de cette imprescriptibilité-là, pour les victimes?

Mme Khiari (Ikram) : Donc, au niveau de l'imprescriptibilité, cette mesure est très importante puisque, comme on sait, au niveau des victimes d'agression sexuelle, les personnes... les personnes survivantes peuvent prendre du temps, en fait, à dénoncer, peuvent prendre du temps à débuter les mesures. Ce qui fait en sorte qu'il ne faut pas mettre... qu'il ne faut pas baliser, en fait, ce temps que les personnes... que les victimes pourraient avoir besoin pour dénoncer leur agresseur ou pour décider de mettre en place les procédures. Donc, c'est une mesure qui est totalement importante et qu'on supporte, au niveau des RQCALACS et des CALACS.

M. Jolin-Barrette : O.K. Pouvez-vous nous décrire une victime de violence sexuelle, là, lorsqu'elle va à la cour pour témoigner? Puis là, je fais le pont sur le télétémoignage qu'on vient vraiment favoriser pour faire en sorte que lorsqu'il y a une attestation, bien, le juge doit accorder le télétémoignage. Il y a une exception sous réserve de la crédibilité. Mais c'est quoi... racontez-nous c'est quoi l'impact pour une victime de violence sexuelle d'aller au tribunal, d'aller témoigner, là, dans son parcours personnel, là, comment c'est vécu.

Mme Khiari (Ikram) : Écoutez, c'est une des situations les plus difficiles qu'une personne seule survivante peut vivre. Elle est confrontée non seulement à la retraumatisation au niveau des événements qu'elle a vécus, au niveau de la violence qu'elle a vécue, elle peut également se retrouver face à son agresseur. Ce n'est pas suffisant. C'est une mesure extrêmement importante de permettre à la personne d'être accompagnée, que ce soit par un animal, que ce soit par une personne intervenante, sauf que ce ne sont pas toutes les victimes d'agression sexuelle sur le même parcours. Donc, le fait de se présenter dans un tribunal, il y a non seulement la pression de ne pas être cru, il y a également la pression de revivre tous les événements traumatisants et la pression de se retrouver face à la personne qui a fait vivre cette violence. C'est pourquoi il est vraiment important que la personne puisse se sentir dans un environnement sécurisant, dans un environnement où elle ne va pas faire face à ce type de situation.

C'est pourquoi nous recommandons d'imposer, en fait, que les victimes puissent témoigner à distance et, si cela n'est pas possible, d'élargir l'éventail des organismes qui peuvent fournir une attestation qui ferait en sorte que les personnes survivantes pourraient plus facilement avoir accès à cette mesure.

M. Jolin-Barrette : C'est ça. Bien, tout à l'heure, on avait un peu cet échange-là avec l'autre groupe, donc c'est par arrêté ministériel. Donc, on va regarder justement les organismes qui peuvent le faire. Déjà, c'est assez large, mais on va étudier avec le MJQ puis avec les différents organismes qui pourraient être appelés à pouvoir donner cette attestation-là. Moi, j'ai une grande ouverture à ce niveau-là.

• (11 h 40) •

Vous avez dit... Bon, on essaie de faire ce qu'on a fait avec le tribunal spécialisé justement pour favoriser le témoignage, la prise en charge, le fait d'avoir des lieux sécurisés. On modifie les palais de justice, au fur et à mesure, on déploie. Puis il y a beaucoup de travaux qui sont prévus dans les différents palais, notamment les blocs sanitaires aussi, pour que ce soit à proximité des locaux, des personnes victimes. Sur l'ordonnance civile de protection, là, là on vient diminuer le fardeau qui est imposé...

M. Jolin-Barrette : ...aux personnes victimes. Donc, maintenant, c'est la crainte, il n'y a pu la démonstration que ça représente un danger, mais c'est la crainte de danger, donc on diminue.

Vous nous avez parlé un peu, là, de contrôle coercitif aussi. Pouvez-vous aborder cette question-là sur l'aspect des violences sexuelles? Comment est-ce que, dans ces dynamiques de violence là, le contrôle est établi par le biais de la violence sexuelle? Et comment est-ce que les mesures dans le projet de loi vont permettre, justement, de limiter, de venir contrer?

Mme Khiari (Ikram) : Donc, il faut dire que le contrôle coercitif, c'est une forme de violence psychologique qui est subtile, qui est souvent présente dans les relations où il y a violence sexuelle, violence conjugale. C'est un ensemble de comportements manipulatoires, c'est des stratégies de domination qu'une personne utilise pour contrôler et limiter la liberté de son partenaire. Donc, dans le contexte dont on parle aujourd'hui, il pourrait s'agir de différentes choses, par exemple, la menace de partager des images intimes aux employeurs, aux personnes de l'entourage sur Internet.

Au niveau des conséquences sur les victimes, on va retrouver souvent de l'isolement social. La personne va... il va y avoir une surveillance et un contrôle des activités de la personne, ça peut même aller jusqu'à un contrôle économique. Donc, on va parler de peur, d'anxiété, de confusion, donc les victimes se sentent souvent piégées, elles se sentent souvent isolées, puis ça peut entraîner des symptômes de traumatisme qui sont très complexes.

Donc, au niveau du projet de loi, c'est pourquoi, en fait, on recommande que les personnes intervenantes, que ce soit les juges, les policiers, policières, le personnel de la santé, les... même les greffiers, greffières soient vraiment formés pour comprendre toutes les nuances du contrôle coercitif et comprendre qu'une victime, au moment où elle est... où elle vit dans ce type de situations là, bien, en fait, il faut prendre en considération tous ces éléments-là pour pouvoir amener la victime à... à l'accompagner, en fait, dans son processus de dénonciation.

Donc, c'est vraiment... on accueille favorablement les mesures qui font que le fardeau de la preuve, en fait, n'est plus sur la victime, vraiment, c'est quelque chose qui est un gros changement au niveau du projet de loi puis c'est quelque chose qui va aider les personnes qui sont dans une situation de contrôle coercitif à s'en sortir.

M. Jolin-Barrette : O.K. Peut-être, deux dernières questions avant de céder la parole à mes collègues. En matière civile, ce qu'on a fait, notamment, c'est que, s'il y a une condamnation, là, en matière criminelle, mais là le dépôt du jugement en preuve en matière civile va faire en sorte que la faute en matière civile n'aura plus à être prouvée, ça fait que ça aussi, c'est une mesure qui favorise les recours en dommages et intérêts. L'objectif est de faire en sorte d'éviter que la personne ait à retémoigner sur l'élément de faute, ça, vous accueillez ça favorablement aussi?

Mme Khiari (Ikram) : Oui, définitivement. Je vais encore taper sur le clou de la retraumatisation. Donc, le processus en soi est tellement lourd, tellement complexe pour la victime, que le fait de ne pas avoir à retémoigner, le fait de ne pas avoir à reprouver, c'est quelque chose qui est accueilli très favorablement et c'est quelque chose qui va nous aider, en fait, nous, au niveau du RQCALACS et au niveau des CALACS, surtout au niveau de nos CALACS, de prendre en charge la victime et de s'occuper, en fait, du côté psychologique de la violence que cette victime-là a subie. Donc, en pouvant laisser de côté ces considérations-là, on va vraiment pouvoir mettre de l'avant le processus de guérison pour cette victime-là. Donc, on l'accueille favorablement.

M. Jolin-Barrette : O.K. Puis vous avez dit quelque chose intéressant tantôt sur la question du partage d'images intimes, vous dites : Ça sert à contrôler les gens. Donc, d'où l'ordonnance qu'on met en place rapidement, ça va permettre de briser cette chaîne-là, ce lien-là auprès de la victime, qui voit ces photos d'elle ou des vidéos d'elle en possession du tiers, en possession parfois de l'ex-conjoint, justement, pour lui donner les outils pour dire : Bien, je coupe, je coupe la corde qui me lie à lui, parce que c'est utilisé dans une dynamique de violence, souvent, ces images-là, là.

Mme Khiari (Ikram) : Exactement. Exactement. Quand on parle de ce nouveau fléau qui est le partage d'images intimes non consensuelles en ligne, on peut parler d'une violence qui va même devenir exponentielle. Donc, ça ne s'arrête pas à l'agression en soi, d'avoir en sa possession cette photo de la victime, mais le fait de la menacer, par exemple, de la partager que ce soit à des employeurs, que ce soit à l'entourage, que ce soit à la famille, ça, ça créé chez la victime un niveau de stress, un niveau de peur et même un isolement, une détresse qui est tellement complexe qu'on est vraiment... on accueille très favorablement ce projet de loi...

Mme Khiari (Ikram) : ...les différentes mesures, qui comprend, en fait, la spécificité de ce type de violence sexuelle.

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, un grand merci, Mme Khiari. Je laisse mes collègues échanger avec vous. Merci beaucoup pour votre présence en commission parlementaire.

Mme Khiari (Ikram) : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci, M. le ministre. Mme la députée de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.

Mme Haytayan : Merci, M. le Président. Merci pour votre temps. En lien avec le partage d'images intimes sans consentement, est-ce que vous pensez que les sanctions pénales imposées vont permettre de prévenir ce phénomène, donc, que ça va lancer un message comme quoi c'est inacceptable puis que ça peut avoir des conséquences graves, destructrices?

Mme Khiari (Ikram) : Oui. Oui, totalement. Déjà, d'adresser, en fait, la problématique, de la nommer, de faire un projet de loi qui se concentre sur cette problématique-là, c'est déjà un message fort qu'on envoie aux Québécois et aux Québécoises, mais d'imposer des sanctions qui sont pénales et qui sont... qui peuvent aller, en fait... et qui vont être journalières, qui vont être imposées à la journée, c'est quelque chose de vraiment... qu'on accueille vraiment très favorablement, puisque ça va démontrer que c'est quelque chose qui est vraiment pris au sérieux, que ce type de violence est inacceptable et que ce type de violence a des conséquences absolument dévastatrices sur les victimes.

Mme Haytayan : O.K. Merci.

Le Président (M. Bachand) :M. le député de Saint-Jean, 5min 35s.

M. Lemieux : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, Mme Khiari, de votre présentation, d'abord, mais de répondre à nos questions. Si vous me le permettez, je vais retourner à une série de questions que j'ai posées plus tôt parce que c'est important par rapport à la perception du public, de ce que nous sommes en train de faire comme loi.

Vous avez utilisé le mot «fléau» tout à l'heure. Je ne sais pas si vous étiez à l'écoute, mais, un peu plus tôt, j'essayais de voir dans quelle mesure le grand public a été sensibilisé à ce fléau-là, comme vous l'appelez. Parce que les journaux se sont mis à rapporter, les médias se sont mis à expliquer que les jeunes faisaient circuler, par textos puis dans des groupes, des photos, mais c'est plus que ça, puis on me l'a confirmé tantôt. Mais je voulais savoir comment vous, vous mesuriez l'importance de ce fléau, par rapport aux jeunes, bien sûr, mais par rapport à la société en général, particulièrement avec ce que vous venez de dire au sujet de la coercition, là. Ça fait partie de tout ça, là.

Mme Khiari (Ikram) : Merci beaucoup de votre question. Écoutez, au niveau... Oui, c'est totalement un fléau. Écoutez, je vais vous parler tout d'abord du type de conséquences psychologiques pour les victimes. Donc, elles peuvent, oui, développer de l'anxiété, de la dépression, du stress post-traumatique, mais même des idées suicidaires en raison de la honte et de l'humiliation qui est subie au niveau du partage de ces photos intimes. Cette violence, elle génère une peur constante de voir les images circuler davantage, et ça exacerbe l'isolement social de ces victimes. On parle également, au niveau... plus largement, de la société, on parle de conséquences professionnelles, de conséquences sociales. La répercussion du partage d'images non consensuel, ça peut entraîner des pertes d'emploi, des atteintes à la réputation, des difficultés dans les relations personnelles. Même que, dans certains cas, les victimes peuvent être stigmatisées ou exclues socialement, ce qui les isole encore plus.

Au niveau des jeunes, c'est... on parle de vulnérabilité accrue. Donc, il y a une pression sociale, il y a la popularité des réseaux sociaux. Donc, les victimes peuvent devenir cibles d'intimidation, de sextorsion, où l'agresseur, par exemple, va exiger des faveurs sous la menace de diffuser d'autres images. Donc, c'est pourquoi on parle vraiment de... qu'on est présent aujourd'hui vraiment pour appuyer ce projet de loi et pour amener nos recommandations.

M. Lemieux : Expliquez-moi alors pourquoi, alors que c'était au Code criminel, et ça existe, là, on le sait, le phénomène... on dit même que... moi, j'avance un chiffre que j'ai lu dans la recherche pour le projet de loi, qu'il y a un adolescent sur cinq qui aurait déjà reçu une image. Ça ne nous donne pas le nombre de victimes, mais ça nous donne l'importance, selon les experts, de ce que ça peut vouloir dire, comme phénomène. Mais, au criminel, des données, les plus récentes qu'on a : entre 100 et 200 dossiers ouverts chaque année en chambre criminelle pour ce type d'infractions.

Ce qu'on est en train de faire, et c'est la question que je vous pose, ça va simplifier, à quelque part, les choses. Ça ne remplacera pas le criminel, mais ça peut rendre la protection, entre guillemets, beaucoup plus proche des victimes puis être une façon d'empêcher le phénomène de la part de ceux qui en abusent, là.

• (11 h 50) •

Mme Khiari (Ikram) : Totalement. Totalement. On a appliqué des mesures qui seront vraiment spécifiques à ce type de violence sexuelle. Par exemple, quand on parle des recours pour faire cesser la diffusion, donc le fait que les victimes peuvent obtenir une ordonnance pour exiger le retrait des images intimes diffusées sans leur consentement, ça, on parle de stopper rapidement la propagation...

Mme Khiari (Ikram) : ...qui est un point crucial pour limiter les dommages de ce style de violence. Aussi, le fait que l'ordonnance de protection soit simplifiée, donc, les victimes peuvent demander une ordonnance de protection civile sans nécessiter la présence de l'agresseur, ce qui est extrêmement important pour une... allant jusqu'à trois ans, qui est renouvelable. Donc, le fait que ça inclut des restrictions pour empêcher l'agresseur de contacter ou de surveiller la victime, on parle ainsi de réduire, quand même, le risque de harcèlement, également, au niveau de la destruction, de la prise d'incitation es images, finalement, bien, la confidentialité et le soutien des victimes. Donc, on arrive vraiment... on pense vraiment qu'il va y avoir des changements systémiques suite à ce projet de loi, surtout si on suit les recommandations des organismes qui sont présents aujourd'hui.

M. Lemieux : Donc, la dimension civile qu'on introduit, en fait, c'est la seule qu'on introduit, mais qui vient faire loi au Québec, c'est fondamental par rapport à la perception et des victimes et des agresseurs dans le cas de ces images non consensuelles, parce que le criminel, entre guillemets, ne faisait pas le travail.

Mme Khiari (Ikram) : Exactement. Vous l'avez très bien dit, on parle de 100 à 200 cas qui sont ouverts en ce moment... 200 dossiers qui sont ouverts en ce moment. Donc là, le plus important, comme je parlais plus tôt, c'est une violence qui est exponentielle, donc, c'est une violence qui, en fait, va se perpétuer sur le temps avec le partage de ces images-là. Donc, le fait de pouvoir arrêter le partage des images, le fait de simplifier la demande d'ordonnance, c'est quand même quelque chose qui est très nouveau et quelque chose qui, je crois, va envoyer un message très fort aux Québécoises, aux Québécois.

M. Lemieux : Merci, Mme Khiari. Merci beaucoup, M. le Président.  

Le Président (M. Bachand) :Merci. M. le député de l'Acadie.

M. Morin : Oui, merci, M. le Président. Bonjour, Mme Khiari. Merci d'être là avec nous. Merci pour les explications que vous nous donnez, également, basées sur ce que vous vivez dans votre travail au quotidien. Quand on parle de l'ordonnance urgente de cessation, de prévention du partage d'une image intime, j'aimerais vous entendre, parce qu'évidemment le principe est bon, est important, mais c'est souvent dans la mise en application que ça peut être un peu plus compliqué. Est-ce que vous pensez qu'il y aurait lieu d'accorder ou d'offrir un service pour ces victimes, quant à la rédaction de l'ordonnance qui pourrait être faite. Je comprends que les juges de paix magistrats au Québec, qui sont en fonction 24 h sur 24, sept jours par semaine, mais ce n'est pas évident. Alors, comment, comment vous voyez ça? Puis est-ce que vous avez des recommandations pratiques qui pourraient être mises en œuvre puis qui pourraient aider finalement les victimes, ou est-ce qu'il faudrait... Est-ce que vous, par exemple, dans le regroupement, c'est un service que vous pourriez envisager d'offrir, puis avez-vous les moyens pour le faire?

Mme Khiari (Ikram) : Oui, très bonne question. Merci beaucoup. Donc c'est sûr que le partage... en fait, faciliter le partage des images intimes, non consensuelles, en ligne, c'est un immense défi. C'est sûr que, par exemple, une fois que l'image est partagée, elle peut être repostée, copiée, rediffusée sur plusieurs sites, réseaux sociaux. Les plateformes peuvent être lentes à retirer le contenu. Donc, c'est sûr qu'au niveau des recommandations, une fois que le projet de loi aura passé, c'est sûr qu'éventuellement il faudra avoir des discussions avec les grandes plateformes numériques pour parler de suppression immédiate des contenus qui sont visés. Également, quand on parle au niveau de nous, les services qu'on offre, écoutez, je vous dirais qu'un des services les plus importants, c'est vraiment au niveau de la prévention notamment. Donc, comme je vous ai dit dans ma présentation, on a remarqué que, vraiment, c'est un fléau qui touche particulièrement les 12 à 24 ans. Donc, c'est très important de soutenir les programmes de prévention dans les écoles.

Par exemple, je peux vous parler rapidement de notre programme...  qui a été créé en collaboration avec des professeurs de l'UQAM et qui est une initiative de prévention des agressions sexuelles spécifiquement conçues pour les élèves du secondaire au Québec. Donc, ça vise à sensibiliser les jeunes et les parents et le personnel scolaire à la réalité des violences sexuelles et à développer une culture du consentement. Donc, on va parler, dans ce programme-là, de consentement, de dénonciation, de soutien des victimes. On va déconstruire le... sexuel et on va faire de la prévention au niveau de l'exploitation sexuelle. On va également avoir... On va également vraiment parler de ce type de fléau là, donc, au niveau de la cyberviolence sexuelle, je vous dirais, le programme, bien qu'il est extrêmement populaire, par exemple, en 2021-2022, on a touché près de 35 000 jeunes, mais on voit vraiment qu'il y a des barrières pour être accueilli dans les écoles. Donc, c'est un petit peu comme si ça se passait la balle, on ne sait pas à qui s'adresser pour être capable de rentrer dans certaines écoles. On ne veut pas remettre la charge sur les enseignants.

Donc, je pense que ça serait vraiment important, à ce niveau-là...

Mme Khiari (Ikram) : ...non seulement d'avoir un financement qui est récurrent pour les organismes qui offrent ce type de programme là, parce que ça, c'est une autre difficulté qu'on a, on n'a pas assez de ressources pour avoir assez d'intervenantes qui vont aller dans toutes les écoles du Québec, mais également de faciliter l'entrée de ce type de programme là dans les écoles. Parce que, vraiment, je crois qu'au niveau de la cyberviolence sexuelle et du partage d'images non consensuel, ça passe tout d'abord par le... excusez-moi, par la prévention. Donc, la prévention au niveau de nos jeunes, je crois, c'est vraiment le nœud du problème et de la solution.

M. Morin : Bien, écoutez, je vous remercie beaucoup. Parce que vous insistez, effectivement, sur la prévention. C'est sûr que, si on peut prévenir un tel comportement, c'est encore mieux. On s'entend, il n'y aura pas de victime si ça ne se passe pas. Ça va être encore... c'est optimal. Maintenant, oui, pour les sources de financement, c'est noté. Une fois qu'un acte comme ça a été commis, par exemple, vous, avec votre regroupement, est-ce que vous apportez de l'aide aux victimes? Parce que vous avez souligné qu'effectivement ça peut... ça peut même entraîner des pensées ou des idées suicidaires chez des victimes, c'est un... garçon ou fille, homme ou femme, là, parce que les deux peuvent être victimes de ce type de comportement là. Quel programme que vous avez? Puis avez-vous du financement nécessaire ou suffisant pour ça?

Mme Khiari (Ikram) : Écoutez, au niveau... Je vais vous parler un petit peu de notre travail tout d'abord. Donc, c'est sûr que les CALACS, donc les centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, offrent aux victimes un espace sécurisant pour parler de leurs expériences, des expériences qui sont... par la honte, la peur, l'isolement. Donc, on donne... nos centres donnent des soutiens émotionnels et psychosociaux constants. On utilise une approche féministe, intersectionnelle, sans jugement qui fait en sorte que toutes les femmes et les filles, au Québec, toutes les personnes victimes, en fait, de ce type de violence vont être accueillies. Également, oui, on offre un accompagnement dans les démarches juridiques, donc on va aider les victimes à comprendre leurs droits, les options qui sont disponibles, y compris les nouvelles ordonnances de protection prévues par le projet de loi. On parle aussi de groupes de soutien, d'éducation, de création de réseaux de solidarité, de prévention, de sensibilisation et également de plaidoyer, comme je le fais aujourd'hui.

Je vous dirais, au niveau de financement, le financement n'est pas suffisant. On a des centres qui peinent à recruter des ressources. On a des... nos centres sont débordés, on a des listes d'attente qui ne finissent plus. On a vu quand même une explosion dans les dernières années au niveau des demandes d'aide, ce qui fait en sorte que le fait de ne pas avoir de financement récurrent ou la difficulté d'avoir du financement à la mission, puisque souvent ça va être du financement par projet, fait en sorte que nos centres peinent à arriver. Donc, oui, définitivement, nous sommes une aide de première ligne. Donc, nous voulons que les victimes sachent qu'on est là pour les aider et qu'on est là pour les accompagner dans tout le processus. Malheureusement, les temps d'attente peuvent faire en sorte que les victimes se retrouvent dans une situation d'isolement, de détresse, et puis ça va prendre du temps avant qu'elles soient accompagnées. Donc, oui, le financement est extrêmement important. C'est vraiment un enjeu qu'on remarque depuis plusieurs années dans nos centres.

M. Morin : Est-ce que... Écoutez, je vous pose la question. Puis je vous remercie pour votre ouverture et votre franchise. Parce que, comme législateurs, on aura beau adopter tous les meilleurs projets de loi de la planète, si après ça il n'y a pas d'argent pour les mettre en œuvre, si les victimes qui sont sujettes de ces comportements-là qui sont tout à fait répréhensibles ne peuvent pas recevoir d'aide, bien, ça ne donnera pas grand-chose. Puis je comprends que votre financement, vous l'avez, donc, pour des projets particuliers, donc ce n'est pas un financement qui est... qui est permanent. Votre financement, vous l'obtenez particulièrement de quel ministère?

Mme Khiari (Ikram) : On a... particulièrement le Secrétariat à la condition féminine, entre autres, puis... En fait, c'est ça, c'est... comme vous dites, c'est sûr qu'on a... également. Donc, c'est sûr qu'au niveau du financement, pour ça, il faudrait du financement, vraiment, qui est à la mission et non pas par projet pour nous permettre d'avoir une pérennité, en fait, dans nos centres. Puis, vraiment, on peine... vous devez le savoir, on peine à aller chercher des intervenantes et des intervenants. Ça, c'est quelque chose qui est très difficile aussi. Les salaires sont bas, les heures ne sont pas garanties. C'est très difficile en fait d'aller chercher ces jeunes-là qui sortent de l'école et qui veulent faire une différence dans leur milieu mais qui... au final, on n'a pas le financement pour les accueillir. Donc, ça, c'est quelque chose qui est très problématique à ce niveau-là.

• (12 heures) •

M. Morin : Parfait. Je vous remercie. J'ai une question, c'est un peu plus technique, mais le projet de loi, à l'article 12, traite de la résiliation d'un bail de logement et va venir modifier une disposition du Code civil du Québec...


 
 

12 h (version non révisée)

M. Morin : ...c'est sûr que c'est important, dans un cas comme ça, de pouvoir, comme on dit «casser le bail». Mais quand vous accompagnez des victimes d'agressions à caractère sexuel, est-ce que c'est des enjeux que vous rencontrez? Évidemment, le bail peut bien être cassé, mais les gens ne quitteront pas leur logement dans les minutes qui suivent. On en a parlé un peu plus tôt que parfois il y a même des enjeux avec des animaux de compagnie, parce qu'il y a de plus en plus de gens qui ont des animaux de compagnie. Qu'est-e que vous vivez sur sur le terrain? C'est quoi votre expérience, puis est-ce qu'il y a des choses qu'on pourrait faire pour améliorer le projet de loi à ce niveau-là?

Mme Khiari (Ikram) : Oui. Donc, écoutez, c'est sûr qu'au niveau de... au niveau de cette problématique-là, on va voir souvent dans les cas... en fait, vraiment, souvent, dans les cas de violence conjugale où il y a en fait une coercition qui est faite au niveau financier et au niveau du logement qui va mettre non seulement la victime en danger, mais également ses enfants, ses animaux de compagnie. Donc, on parle non seulement... Nous, ce qu'on peut remarquer en fait, c'est les impacts psychologiques et émotionnels notamment. Donc, on parle de victimes qui... qui vivent dans un environnement violent. C'est des conséquences psychologiques, émotionnelles graves et à long terme, stress, anxiété, dépression, troubles du sommeil, troubles post-traumatiques. Donc, l'impossibilité en fait de rompre le bail peut aggraver ces problèmes-là. En plus, on va parler précarité économique. Donc, la personne peut se retrouver dans une situation là où elle peine à retrouver un autre logement. Écoutez, je vous dirais ce qu'on peut améliorer au... qui est vraiment une mesure qu'on accueille très favorablement, là, au niveau de l'article 12, ce qu'on pourrait améliorer, notamment au niveau de ce qu'on voit sur le terrain, c'est notamment augmenter le financement au niveau des maisons d'hébergement puisque ces femmes-là, il faut comprendre que ce n'est pas juste la problématique de briser le bail. Qu'est-ce qui se passe une fois que le bail est brisé et que la femme s'en va, mais qu'elle n'est pas capable de se payer un nouveau logement? On sait très bien, au Québec, en ce moment, les gens peinent à arriver, les gens... les loyers sont trop élevés pour la majorité des gens. Donc, il faut... il faut augmenter le financement des lieux où ces femmes-là vont pouvoir être reçues, où elles vont pouvoir se remettre sur leurs pieds, où ces femmes-là vont pouvoir avoir un accompagnement psychologique et émotionnel, et leurs enfants également, ainsi que leurs animaux. Donc, c'est une mesure qu'on pourrait améliorer dans le projet de loi. Qu'est-ce qui se passe après que le bail soit brisé?

M. Morin : Merci beaucoup. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Merci, M. le Président. Merci, Mme Khiari, de votre... de vos représentations. Quand vous avez présenté votre position, au début, là, vous avez parlé, entre autres, des mythes... des mythes sur la violence. Pouvez-vous nous expliquer, là, les mythes, ce à quoi vous faites référence?

Mme Khiari (Ikram) : Oui, bien sûr. Donc, au niveau de la violence sexuelle, on va voir vraiment beaucoup de limites et préjugés... dans la société. Donc, les médias contribuent souvent à la situation des victimes. Par exemple, on va dire que la victime est responsable de l'agression. Dans le cas du partage d'images non consensuelles, on va dire : Écoutez, la victime a accepté de prendre cette photo-là, la victime a envoyé cette photo-là. Donc, à partir de ce moment-là, elle est responsable de ce qui lui arrive, ce qui est l'un des préjugés qu'on va voir souvent. Également, on va avoir le mythe... il faut que je le... il faut que je le dise, que les agressions à caractère sexuel, notamment le partage d'images non consensuel qui sont commis par des inconnus. Ça, c'est un gros mythe que ça va être fait en fait dans le métro, dans l'autobus. C'est des choses qui arrivent définitivement, puis il faut des solutions par rapport à ça. Sauf qu'il faut dire que la majorité des agressions sexuelles sont commises par une personne qui est connue de la victime, un partenaire, un ami, un membre de la famille. Donc, il faut comprendre la complexité de la chose, puis que c'est des agressions qui peuvent survenir dans des contextes de confiance, de proximité, ce qui complique le dévoilement pour la victime. Également, on peut dire le mythe que les victimes mentent aussi au sujet de ce type d'agression là. Donc, par exemple, au niveau du partage d'images non consensuel, on peut dire : Écoutez, même chose que j'ai dite un petit peu plus tôt, elle voulait que ces images-là soient partagées. Elle a accepté ça. On le sait, les fausses accusations en violences sexuelles sont extrêmement rares. La problématique, c'est plutôt que la majorité des victimes ne déclarent pas leur agression puisqu'elles on peut de ne pas être crues ou d'être blâmées. Donc ça, ça va faire partie des nombreux mythes et réalités, d'où l'importance d'avoir une formation qui est donnée par des experts en violences sexuelles ou personnes qui interviennent dans ces cas-là.

Mme Nichols : Merci. Merci pour les précisions. Moi, j'ai pris connaissance des différents mémoires. J'ai écouté aussi, là, les groupes... les groupes précédents. Les points qui reviennent souvent, puis vous en avez parlé vous aussi, c'est souvent la formation. On demande plus de formation, il n'y a pas assez de formation. L'accompagnement, on parle d'avoir un meilleur accompagnement. Ce qui semble le plus difficile en fait c'est que... une de mes préoccupations, tu sais, c'est comme on dise, oui, c'est un bon projet de loi, oui, tu sais, ça va apporter...

Mme Nichols : ...tu sais, oui, c'est nécessaire, mais on se demande au niveau de l'applicabilité du projet de loi, là. Mon collègue précédemment a parlé des mesures financières, mais, sur le terrain, la mise en place, il va sûrement y avoir... Tu sais, où on parlait de la rapidité, de la réaction des tribunaux, de la réponse en cas de non-respect, justement, des ordonnances. Ça, ça semble être différents enjeux. Est-ce que vous partagez cette préoccupation?

Le Président (M. Bachand) :...

Mme Khiari (Ikram) : Oui, définitivement. Comme je l'ai dit, c'est sûr qu'on accueille très favorablement ce projet de loi, mais on est très conscients, en fait, que sur le terrain, ça va être très difficile de l'appliquer. Écoutez, on parle... on en a parlé beaucoup, le manque de ressources. Donc, c'est ça, on ne parle pas, en fait, dans le projet de loi des organismes responsables... Oui, du financement qui va être alloué. Donc, on a très peur. On s'inquiète en fait du manque de financement pour les formations, pour les programmes d'aide aux victimes, surtout avec les récentes coupures dans des services comme Rebâtir, comme Juripop, qui ont été d'une grande aide, notamment au niveau du comité pour le Tribunal spécialisé en violence sexuelle.

Également, si on parle... Moi, je me sens obligée quand même de le mentionner à nouveau, les obstacles pour les femmes marginalisées. Donc, quand on parle de femmes qui sont non francophones, de femmes qui vivent dans des milieux ruraux, des femmes qui vivent dans des situations de grande précarité. Parce qu'il faut quand même noter qu'au niveau des ordonnances, des formulaires, on se tourne vraiment vers des choses qui vont se faire en ligne. Il faut comprendre que le numérique, ce n'est pas tout le monde qui y a accès. Donc, ça, c'est quand même une problématique. On ne parle pas également de services de traduction ou de services d'interprétation, par exemple pour les femmes sourdes et muettes. Donc, ça, c'est des problématiques qu'on va voir également sur le terrain.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Merci beaucoup. Le temps passe rapidement, Mme Khiari. Merci beaucoup d'avoir été avec nous.

Sur ce, la commission suspend ses travaux... jusqu'à les avis après les travaux des commissions. Merci. À tantôt.

(Suspension de la séance à 12 h 07)


 
 

15 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 15 h 44)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des instituts reprend ses travaux. Désolé du petit délai. On poursuit donc les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 73, Loi visant à contrer le partage sans consentement d'images intimes et à améliorer la protection et le soutien en matière civile des personnes victimes de violence.

Alors, on débute notre après-midi avec les représentantes de la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes. Merci beaucoup d'être avec nous. Je vous inviterais d'abord à vous présenter et à débuter votre présentation, s'il vous plaît. Merci beaucoup.

(Visioconférence)

Mme Monastesse (Manon) : Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes les députées et MM. les députés, bonjour. Alors, merci de nous avoir invités aux audiences pour le projet de loi n° 73. Manon Monastesse, directrice générale de la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes.

Tout d'abord, en entrée...

Mme Monastesse (Manon) : ...et je voudrais souligner que la fédération représente 38 maisons de première étape et 22 maisons de plus longue durée, MH2. Pour la dernière année 2023-2024, nous avons reçu, en maisons de première étape, 2 525 femmes, 1 524 enfants. Dans nos services externes, 3 606 femmes et 998 enfants. Notre taux d'occupation pour nos maisons membres est de... pour l'année 2023-2024 est à 106,91 %. Toujours... Le nombre de refus par manque de places est toujours très élevé. On est à plus de 11 000.

Quand on regarde au niveau de nos statistiques, au niveau de la dénonciation au niveau policier, on est à 25 % des femmes qui vont porter plainte, alors qui vont faire une dénonciation. C'est quand même une amélioration. On était à une sur cinq. Maintenant, on est à une sur quatre. 38 %, malheureusement, ne vont pas porter plainte à la police, et les... au niveau des statistiques au niveau des violences, ce qui est important de voir également, c'est que les menaces de mort et les tentatives de meurtre représentent quand même 26 % des femmes qui nous ont déclaré, auto déclaré qu'elles avaient été victimes de menaces de mort, de tentatives de meurtre, d'où l'importance du projet de loi p.l. n° 73 dans la perspective d'améliorer justement la protection au niveau civil. Alors, on souligne... on salue l'importance et la qualité du projet de loi.

Je dirais, d'entrée de jeu, deux points. L'importance d'élargir la définition afin que toutes les victimes puissent se retrouver dans les définitions, de ne pas cloisonner les définitions, et l'importance du l'accès aux services juridiques, dont les avocates qui sont formées par nous, qui sont très ferrées du programme Rebâtir, les services juridiques. Je laisserais la parole à mes collègues.

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Oui, merci, Manon. Julie St-Pierre-Gaudreault, je suis conseillère aux enjeux politiques à la FMHF, puis je vais essayer de faire ça super rapidement. En fait, juste pour aller aller avec ce que Manon disait, on a quand même nommé dans notre mémoire les avancées qu'on considérait que le p.l. n° 73 apportait. Une qui est pour nous très importante, c'est vraiment le fait que les mythes et préjugés ne pourront plus être admissibles en preuve. Les modifications qui seront apportées au Code civil du Québec, au Code du travail, à la Loi sur la fonction publique et la Loi sur la justice administrative, ça nous paraît être une réelle avancée, puis ça va aussi de pair avec la recommandation n° 146 du rapport Rebâtir la confiance. Donc, on espère que ça pourra être aussi appliqué dans d'autres lois.

Puis c'est sûr que, par exemple, il faut penser que, malgré que ce soit ajouté aux lois, il faut que ce soit mis en application en parallèle avec des formations et de la sensibilisation, parce que ça va vraiment nécessiter une déconstruction des mythes et préjugés, aller vraiment aussi sensibiliser par rapport aux biais que peut-être certains des acteurs qui viennent aider les personnes victimes de violence peuvent avoir. Donc, on considère que ça va vraiment de pair.

• (15 h 50) •

Puis pour de l'information et de la sensibilisation, bien, c'est sûr que ça prend un accompagnement financier, dont une augmentation des financements pour que ce soit... si on veut déployer à la grandeur de la province et dans plusieurs milieux. Puis on pense aussi à surtout l'importance d'avoir un financement qui serait offert de manière pérenne et qui serait multisectoriel, intersectionnel, comme Manon le mentionnait, pour pouvoir couvrir la majorité des formes de violences et aussi des oppressions qui peuvent être vécues par des femmes, surtout des femmes qui se trouvent marginalisées. Et ces outils là, bien, on considère que c'est superimportant qu'ils soient élaborés en co-construction avec les ressources spécialisées, dont les maisons d'aide et d'hébergement et aussi des organismes comme le nôtre. Puis on parle aussi de co-construction, notamment des formations qui vont être... qui seraient déployées, mais en plus des outils de sensibilisation ou des outils... par exemple les formulaires, là, qui pourraient être utilisés lorsqu'il y aurait...

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : ...lorsqu'il y aurait ordonnance pour cesser le partage d'une image intime ou lorsqu'il y aurait des formulaires en ligne pour les ordonnances de protection, comme ça avait déjà été cité dans notre avis. J'ai essayé de parler rapidement, là. Je vais laisser Marilyn se prononcer.

Mme Coupienne (Marilyn) : Oui. Bonjour. Marilyn Coupienne. Je suis avocate et conseillère juridique à la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes.

Alors, pour ma part, je vais insister sur trois modifications législatives. D'abord, tout comme Mme Monastesse, je vais réitérer, en fait, là, l'importance de créer la loi visant à contrer le partage d'images intimes qui, selon nous, est indispensable à la lutte contre les violences qui sont faites aux femmes.

À l'article 5, par contre, nous avons proposé dans notre avis de retirer, en fait, le terme «révocation» du consentement pour plutôt insérer une présomption, en fait, que le partage de l'image a été fait sans consentement. Et donc il y aurait un renversement du fardeau de preuve sur les épaules du défendeur une fois qu'il y aurait demande introductive d'instance et affidavit, là, indiquant qu'il n'y avait pas de consentement.

On voulait aussi souligner l'article... l'ajout de l'article 2874.1 du Code civil du Québec, qui va faciliter grandement la preuve des... et les démarches, en fait, des victimes d'un acte criminel par la passation, là, en fait... par le dépôt d'un jugement... comme preuve. On le sait, c'est toute une procédure, c'est tout un défi pour les femmes de se rendre devant les tribunaux. Et donc de faciliter pour une réparation au niveau civil, c'est grandement apprécié.

Pour finir... On voulait terminer en soulignant aussi, là, l'importance d'avoir mis l'ordonnance civile de protection dans un chapitre distinct de celui des injonctions, parce que... parce qu'actuellement, en fait, l'ordonnance de protection en matière civile s'appliquait difficilement. Ça constitue aussi, selon nous, une alternative à la problématique en lien avec les bris de condition, dont Mme Monastesse et moi avons fait parvenir, là, une lettre d'opinion dans Le Devoir le 24 octobre dernier, où on dénonçait, en fait, le fait que les bris de conditions n'étaient pas pris en compte par les autorités policières lorsque les femmes venaient dénoncer. On considère que l'ordonnance civile de protection est une alternative au niveau civil et qu'elle est très importante. À ce sujet-là, nous avons proposé une modification à l'article 515.3 du Code de procédure civile et donc d'ajouter une partie des conditions que le juge pourrait ordonner pour éviter toute ambiguïté sur les pouvoirs que va avoir le juge dans le cadre de cette ordonnance de protection civile là.

Alors, je vous remercie pour votre écoute.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Alors, je me tourne vers le gouvernement. M. le ministre, pour une période de 15 minutes, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mme Monastesse, Mme St-Pierre-Gaudreault, Mme Coupienne, bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission. On se voit régulièrement en commission parlementaire, puis c'est toujours un plaisir.

Écoutez, d'entrée de jeu, je voudrais qu'on discute. Vous avez soulevé la question du renversement du fardeau de preuve, notamment à l'article 5, là, du projet de loi. Donc, ce qu'on a fait, c'est qu'il y a une présomption de consentement et une présomption de faute lors du partage d'images intimes. Donc, le fardeau de preuve est déjà simplifié parce que, lorsque la personne remplit le formulaire, dans le fond, il y a une présomption à cet effet-là, et c'est sur les épaules... Supposons qu'on veut casser l'ordonnance qui a été prononcée par le juge de la Cour du Québec ou le juge de paix magistrats, le fardeau, il est sur les épaules déjà du... de la personne qui est visée par l'ordonnance relativement à l'image intime.

L'autre point aussi, c'est lorsqu'il y a une condamnation criminelle maintenant, on n'a plus... on dépose le jugement criminel au civil, et ça, ça va faire la preuve de la faute. On n'aura pas à refaire témoigner la personne victime.

Alors, je ne sais pas si ça vous rassure, là, mais quand qu'on a conçu le projet de loi, on avait ça en tête, justement, de faciliter la preuve pour les victimes, là. Bien, j'aimerais vous entendre là-dessus, là, sur... en lien avec ce que vous avez soulevé.

Mme Coupienne (Marilyn) : Oui. Je pourrais y aller. Donc, au niveau criminel, je comprends. Par contre, on... nous, la fédération, on ne prendra pas pour acquis qu'une femme va avoir nécessairement dénoncé au...

Mme Coupienne (Marilyn) : ...puis le processus est relativement long. Donc, vous parliez, là, vous étiez toujours dans l'article cinq, là, au niveau de... du criminel, si je comprends bien.

M. Jolin-Barrette : Oui.

Mme Coupienne (Marilyn) : Oui. Donc, c'est ça. Donc, on ne prendra pas pour acquis que la femme va nécessairement avoir dénoncé, qu'elle aura pris la voie du processus criminel. Et donc pour nous en soit, la loi visant à contrer le partage sans consentement d'images intimes est une protection supplémentaire. Mais pour nous ce n'est pas... ce n'est pas un plus. Si... je comprends tout à fait que ce que vous me dites, c'est que comme la demande peut être sur ex-parte, comme elle est traitée en urgence, le fardeau et relativement diminué. Par contre, quand on regarde le premier... le premier alinéa de l'article cinq, une personne pour révoquer son consentement au partage d'images intimes, mais en fait on parle de révocation. Nous, ce qu'on propose, c'est vraiment en fait que le partage en soi d'une image intime est fait sans le consentement, et c'est au... et donc il y a une présomption immédiate de faute au lieu de... au lieu que ce soit le contraire.

M. Jolin-Barrette : Mais, si on faisait ça, supposons deux conjoints, là, ou deux partenaires intimes, là, qui s'envoient des photos intimes, là, ça voudrait dire qu'à la base, avec ce que vous me proposez, c'est qu'il n'y aurait pas de consentement, même s'ils y consentent. Là, il y a un enjeu d'application du droit, du fait que... Supposons, moi et le député de l'Acadie, on est dans... en relation intime...

M. Morin : ...

M. Jolin-Barrette : Non, mais...

Mme Coupienne (Marilyn) : Je comprends ce que vous dites.

M. Jolin-Barrette : Mon... ce que je veux vous dire, ce que je veux vous dire, c'est que, si les deux consentent, là, à ce moment-là, on ne peut pas déjà dire qu'il n'y a pas de... une présomption de non-consentement. L'objectif est de faire en sorte que, s'il n'y a pas de consentement, en premier lieu, ça s'applique. Mais s'il y avait consentement et après il n'y a plus de consentement, à partir du moment où la personne dit : Aie! partage pas mes photos ou je veux que tu supprimes mes photos, là l'ordonnance peut être... peut aller être cherchée. Parce que si tout le monde est consentant dès le départ, on ne peut pas dire : Il n'y a pas de consentement, alors que tout le monde consent, là.

Mme Coupienne (Marilyn) : Je comprends, c'est une question de formulation, mais... Ce qui est... ce qui est problématique à notre niveau... puis peut-être que ce serait à réfléchir à nouveau au niveau de la formulation du paragraphe... de l'alinéa un de l'article cinq. Par contre, ce que... on ne peut pas... En fait, ce que je voudrais dire, c'est qu'au niveau de la preuve de la révocation du consentement... repose encore sur les fardeaux... sur les épaules de la victime, ce qui pour nous est problématique.

Je pense que de réfléchir à une formulation pour l'alinéa un pourrait en fait, là, éviter que les... le fardeau retombe sur les épaules de la victime et éviter, comme vous dites, là, que le partage entre conjoints de manière consentante soit... soit automatiquement, là, soulevés par l'article cinq.

M. Jolin-Barrette : O.K. Bien, on va regarder ça. Autre élément, là, sur l'ordonnance civile de protection, je pense que vous êtes en accord avec le fait que le fait qu'on diminue le fardeau pour la victime, c'est une bonne chose. Donc, on passe de la preuve de la démonstration à la crainte, donc on diminue le fardeau pour que ce soit plus simple. Vous soulevez dans votre mémoire qu'il devrait y avoir des sanctions pénales aussi associées à l'ordonnance civile de protection. L'enjeu avec ça, c'est que, si on veut criminaliser l'ordonnance civile de protection comme on le fait dans le... comme on le fait dans le projet de loi, là, on ne pourra pas utiliser l'article 127 du Code criminel. Parce que la mécanique pour criminaliser, l'ordonnance civile de protection, c'est par l'article 127 qui fait en sorte qu'il ne faut pas qu'il y ait d'autres moyens de sanctionner l'ordonnance. Donc, si jamais on appliquait des sanctions pénales, on ne pourrait pas mettre en application le régime de... du Code criminel pour le rendre criminel.

• (16 heures) •

Donc, on a jugé que c'était préférable d'y aller par voie criminelle, parce que quand il y aura contravention à l'ordonnance civile de protection, ça fait en sorte que les policiers vont pouvoir agir maintenant. Donc, plutôt que de mettre le fardeau sur la victime puis qu'elle, elle-même prenne un recours en outrage au tribunal, supposons, bien, ça va être la disposition criminelle qui va s'appliquer. On a préféré y aller dans ce sens-là pour éviter justement que ce soit... Bien, en fait, c'était un des reproches de l'ordonnance civile de protection que lorsqu'elle n'était pas respectée, bien, on ne voulait pas que les victimes prennent... bien, les... ils pouvaient le faire, là, mais c'était lourd pour elles de devoir démontrer la faute avec le hors de tout doute en civil qui se retrouve en procès pénal...


 
 

16 h (version non révisée)

M. Jolin-Barrette : ...ou lors de l'outrage au tribunal. Ça fait que c'est pour ça qu'on a fait ça comme ça, là.

Mme Coupienne (Marilyn) : Oui. Je comprends, M. Jolin-Barrette. C'est tout simplement que, dans votre napperon puis dans le préambule, on voit qu'on peut prendre la voie criminelle, par contre, dans les... à moins que je me trompe, puis là, vraiment, vous m'en excuserez, je ne l'ai pas lu dans les articles de loi. Je l'ai vu dans le préambule, je l'ai vu...

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, en fait, c'est parce que c'est à cause de la mécanique. Dans le fond, c'est 127 du Code criminel reste dans le code. Puis, dans le fond, c'est le fait qu'on supprime le recours en outrage au tribunal qui fait en... qui amène... c'est un mécanisme de bascule qui nous amène vers le Code criminel. C'est plus pour ça.

Mme Coupienne (Marilyn) : Je comprends. D'accord. Alors, nous sommes en accord avec ça.

M. Jolin-Barrette : O.K. Pouvez-vous nous décrire l'impact, pour les personnes victimes, du fait de ne pas être en mesure de faire un témoignage à distance? Parce que, j'imagine, dans vos maisons d'hébergement, vous en voyez, des femmes qui souhaiteraient témoigner à distance par rapport à des infractions de nature de violence sexuelle, violence conjugale. Un, avez-vous vu des situations où ça a été refusé, le témoignage à distance, puis quel est l'impact quand qu'on refuse le témoignage à distance pour la personne victime?

Mme Coupienne (Marilyn) : Je pourrais commencer puis je laisserais ensuite Mme Monastesse poursuivre.

D'abord, l'impact est au niveau de croiser, en fait, l'auteur de violence au palais de justice. C'est l'impact majeur. Je laisserais mes collègues poursuivre pour la suite.

Ce que je voulais dire également, c'est au niveau de votre première question qui... Je m'en excuse. Je vais laisser... Oui, allez-y.

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, ma question, c'est : Quel est l'impact sur une personne qui est dans vos maisons d'hébergement relativement au fait de témoigner à distance ou de se faire refuser de témoigner à distance? Puis est-ce que vous avez des cas où est-ce que c'est arrivé, puis c'est quoi, l'impact sur son témoignage?

Mme Coupienne (Marilyn) : Oui. Alors pour les cas... Oui, allez, vas-y. Allez-y, Mme Monastesse.

Mme Monastesse (Manon) : Bien, en premièrement, au niveau de témoigner à distance, c'est souvent les distances, là, qui sont majeures pour se rendre au palais de justice. Et aussi en termes de sécurité psychologique, parce qu'au niveau de... surtout, ce qu'on a vu, c'étaient des refus au niveau de mettre en place des mécanismes de protection, là, les auvents, les... ces aspects-là, au niveau de protéger la victime, d'avoir un rempart devant le quand l'ex-conjoint, l'agresseur qui est présent là, c'est ça qu'on a vu plutôt en termes de refus, là, au niveau de vraiment où est-ce qu'on s'est opposé pour dire que c'était nécessaire qu'on puisse voir la victime, témoigner, et tout. Donc, c'est beaucoup à ce niveau-là, là, qu'on a vu des refus. Et, pour nous, c'est inquiétant. Et c'est pour ça que c'est important que ça a été mis dans le projet loi 73.

Et la question de... Au niveau de la distance, du témoignage à distance, oui, ça peut être majeur parce que certaines victimes ne sont pas en état physique et psychologique de venir au palais de justice, qui est quand même un traumatisme, ou physiquement, elles ont des atteintes, elles sont en stress post-traumatique, et tout, donc le fait de témoigner à distance, c'est un élément majeur.

M. Jolin-Barrette : O.K.

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Si je peux me permettre, ça... On considère aussi que ça peut améliorer... bien, dans le fond, fournir des accès supplémentaires justement aux femmes qui vont vivre en région éloignée. Ça peut aussi être bénéfique pour les femmes qui peuvent vivre en situation de précarité financière puis qui ne pourraient pas se payer, par exemple, le transport pour se rendre dans un lieu, justement, où il y aurait le tribunal. Donc, ça peut représenter une facilité en tout cas pour l'accessibilité des services juridiques.

Mme Coupienne (Marilyn) : Si je peux ajouter.

M. Jolin-Barrette : Oui, allez-y, allez-y.

Mme Coupienne (Marilyn) : Oui. Si je peux ajouter, également, nos maisons d'hébergement à Québec, où le tribunal spécialisé... là on est en matière criminelle, mais où le tribunal spécialisé est... est implanté, vont souvent, en fait, voir des refus, en fait, de... par exemple, d'ordonner une ordonnance de non-publication ou un paravent ou un témoignage par vidéoconférence. Et, dans le Code criminel, en fait, ce pouvoir-là est discrétionnaire pour les juges. C'est pour ça que nous avons proposé une modification législative où...

Mme Coupienne (Marilyn) : ...ce ne serait plus discrétionnaire au juge, c'est, lorsque la victime en fait la demande, elle va pouvoir témoigner à distance, pour que cette partie du Code criminel, qui n'est pas de l'ordre du tribunal spécialisé mais qui peut être applicable si vous... si vous légiférez à ce sujet dans ...en droit civil, s'appliquer.

M. Jolin-Barrette : Peut-être un commentaire, en terminant, puis je vais laisser la parole à mes collègues. Dans le fond, ce qu'on a mis, c'est... la règle de base, c'est, lorsqu'il y a une attestation d'un organisme... la violence conjugale, violence sexuelle, la personne pourra témoigner à distance. Donc, ça, c'est la règle, le principe de base, mais il y a une exception pour le tribunal, parce que, dans tous les cas, en raison des pouvoirs inhérents à la cour, ils pourraient le faire, relativement à la crédibilité. Si le tribunal juge que, pour évaluer la crédibilité... Cependant, le fardeau est inversé, désormais, donc ça veut dire que c'est à distance, mais le tribunal va devoir se justifier si jamais il ne le donne pas. Donc, je cède la parole à mes collègues pour la suite. Merci beaucoup pour votre présence.

Le Président (M. Bachand) :  Merci. M. le député de Saint-Jean pour un peu plus de deux minutes.

M. Lemieux : Un peu plus de deux minutes. Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, mesdames. Salutations particulières à Mme Monastesse. Content de vous retrouver en Commission des institutions.

On part de... Ce projet de loi parle à tous les Québécois, mais, évidemment, les intervenants comme vous êtes, en milieu de femmes violentées, c'est particulier, puis on a tendance à aller directement au but et surtout à votre expérience. C'est là que je m'en vais, puis il me reste une minute, je vais faire ça vite. Donc, les images intimes, ça peut être un jeu qui tourne mal, ça peut même être de la sextorsion frauduleuse. Mais quand on arrive chez vous, avec votre clientèle, je voudrais comprendre l'importance, puis vous avez peut-être entendu la même question que j'ai posée à d'autres avant vous, ce matin, l'importance que ces images-là peuvent avoir dans le contrôle coercitif, qui est devenu un peu le nœud du problème de la violence conjugale et sexuelle.

Mme Monastesse (Manon) : Oui, tout à fait. Ça a une importance majeure parce que c'est quand même une microrégulation, c'est un microcontrôle qui fait partie de l'ensemble des stratégies utilisées en contrôle coercitif. Alors, c'est extrêmement dévastateur pour les victimes, là, qu'elles soient en contexte de violence conjugale, sexuelle. On parle aussi, en contexte d'exploitation sexuelle, de violence familiale. Alors, c'est extrêmement dévastateur et ça peut empêcher les victimes de dénoncer au criminel et de poursuivre les demandes au niveau civil, donc la question de la garde d'enfant.

M. Lemieux : Et est-ce que ce que vous êtes témoin ou est-ce que vous êtes au courant de beaucoup de cas qui ont augmenté au fur et à mesure que le partage d'images sans consentement était de plus en plus populaire, disons-le comme ça?

Mme Monastesse (Manon) : Tout à fait. On a vu la recrudescence d'utiliser cette forme de contrôle auprès des femmes, oui.

Le Président (M. Bachand) :...merci, M. le député.

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Si je peux rappeler...

Le Président (M. Bachand) :...je dois céder la parole au député d'Acadie pour une période de 15 minutes. M. le député de l'Acadie.

M. Morin : Merci, M. le Président. Alors, Mme Monastesse, bonjour. Heureux de vous retrouver en commission parlementaire. Mme St-Pierre-Gaudreault et Me Coupienne. Je pense que c'est Mme St-Pierre-Gaudreault qui allait répondre ou ajouter quelque chose. Alors, je vais vous céder la parole, Mme, pour qu'on puisse vous entendre.

Mme St-Pierre-Gaudreault (Julie) : Oui. Bien, en fait, c'était seulement pour rappeler aussi le fait que, outre ce que Mme Monastesse a dit, c'est... dans le fond, tu sais, c'est sûr qu'au début, on a mentionné le fait que les femmes qui visitent ou qui sont hébergées dans nos maisons membres, ça peut représenter à peu près un 30 % qui reçoivent des menaces, puis il y a les femmes qui sont victimes de cyberviolence. Bien, en fait, c'est vraiment une violence qui peut être sexospécifique, donc que c'est les femmes en majorité qui sont victimes de cette forme de violence là, qui touche plus rarement, par exemple, les hommes. Donc, c'était juste un petit aparté.

• (16 h 10) •

M. Morin : Merci. Merci beaucoup. Le gouvernement, dans son projet de loi, permet qu'une ordonnance soit présentée. On parle d'un juge de la Cour du Québec ou un juge de paix magistrat aux articles 6 et suivants. D'après vous, est-ce qu'il devrait y avoir une représentation juridique offerte pour les personnes qui veulent déposer une telle... une telle ordonnance? Est-ce que ça devrait être à des centres comme vous, là, les maisons d'hébergement ou autres de conseiller? Comment vous voyez l'application...

M. Morin : ...l'application concrète? Parce que... puis c'est pas mal toutes les questions que je pose depuis ce matin, là, l'objet même, l'objectif visé par le projet de loi, il est bon, là. Toute image de nature intime qui est véhiculée ou qui est propagée sur internet sans le consentement de la personne, c'est quelque chose qu'on ne veut pas. Mais moi, ce qui m'importe beaucoup, c'est de s'assurer comme législateur. Une fois que ça, ça va être en vigueur, bien, est-ce que ça va être utile, allez-vous avoir les ressources nécessaires pour aider? Parce qu'on aura beau adopter toutes les lois du monde puis rédiger parfaitement, si on n'est pas capable après de les mettre en pratique, bien, ça ne donne... bien, en fait, ça fruste le monde bien plus que d'autre chose. Et c'est là-dessus que j'aimerais vous entendre. Puis, si vous avez des pistes de solutions concrètes pour l'opposition officielle, j'apprécierais grandement.

Mme Monastesse (Manon) : Bien, écoutez, un exemple très concret, on a appris malheureusement que la phase deux du projet Rebâtir, les avocates qui sont spécialisées, là, au niveau du soutien, avec qui on travaille en étroite collaboration, dans beaucoup de cas, presque tous les cas, l'avocate de Rebâtir va être en contact aussi avec nos services... Alors, on est vraiment très inquiètes que la phase deux qui est... qui était le niveau... qui pouvait représenter, représenter les femmes à la cour ait été... ne sera plus financée.

Et nous, ce qu'on voit quand on parle justement d'un projet de loi comme ça, qui va favoriser et aider les femmes au niveau de... des dispositions, on doit mettre en place l'accès aussi aux services juridiques. Nous, ce qu'on voit dans les... Je crois que la Commission des services juridiques n'est pas au courant parce que la réponse qui a été donnée, c'est que les services d'aide juridique vont être capables de prendre le relais. Un, c'est très dommage parce que ce ne sont pas nécessairement des avocates qui sont formées, spécialisées dans l'intervention en violence conjugale et sexuelle. Et, deux, c'est que je crois qu'ils ne sont pas au courant des stratégies utilisées par les agresseurs. Nous, ce qu'on voit, c'est que la stratégie qui est utilisée, c'est que les agresseurs vont appeler partout. Ça veut dire qu'ils vont appeler à l'aide juridique, qu'ils vont appeler les avocats, le bassin d'avocats. Et là, quand c'est la victime qui appelle, bien, elle est en conflit d'intérêts. Alors là, on se retrouve... des femmes en région qui n'ont pas accès à des avocats et, en plus, qui sont alors représentées... même on est des femmes au Saguenay-Lac-Saint-Jean, en Gaspésie qui sont représentées par des avocats à Montréal. Alors, pour nous, c'est un non-sens.

Et il faut maintenir, il faut, comme vous dites, injecter des fonds et faire en sorte que, dans l'actualisation du projet de loi, on puisse avoir toutes... toutes les possibilités possibles, et les ressources juridiques, et également nos ressources, qui ont développé aussi une expertise dans nombre de maisons. On a maintenant des intervenantes qui sont spécialisées dans l'aide aux soutiens sociaux judiciaires. Alors, oui, on a besoin, et c'est pour ça que nos services externes, aussi, les services explosent, entre autres à cause de l'augmentation des demandes des femmes au niveau sociojudiciaire et d'autant plus avec l'implantation des tribunaux spécialisés. Alors... mais tout à fait d'accord qu'il faut avoir les ressources financières et les ressources humaines pour mener à bien l'actualisation des articles, le projet de loi n° 73.

M. Morin : Alors, si je vous ai bien compris, Mme Monastesse, dans la phase deux de Rebâtir, qui est un projet phare du gouvernement actuel, il y avait une possibilité pour des avocats ou des avocates de représenter des femmes à la cour. On parle ici de violence, violence conjugale entre autres, et que ce service-là, cette phase-là ne fonctionnera pas.

Mme Monastesse (Manon) : Il ne sera pas financé. Le financement a été retiré.

M. Morin : C'est assez difficile à comprendre pour ma part, là. Mais je vous remercie de cette information-là, on va faire un...

M. Morin : ...on va faire un suivi.

Dans votre mémoire, vous.... Parce que... Parce qu'écoutez, on s'entend, là, les demandes qui sont faites à des juges de la Cour du Québec ou à des juges de paix magistrats en matière criminelle, c'est... moi, c'est plus le... l'expertise que j'ai, c'est souvent ou bien des avocats ou des agents de la paix qui vont les rédiger, ça fait qu'ils sont habitués, quand je pense entre autres à des demandes, ou des requêtes, ou des demandes pour des mandats à des juges de paix magistrats. Mais, si on demande à des gens dans la population en général de rédiger de telles ordonnances, c'est un peu plus compliqué, on s'entend, puis la majorité des gens seront... ou bien ne seront pas capables ou ils vont avoir énormément de difficulté.

Je comprends que vous, probablement et sûrement, dans vos maisons d'hébergement, vous allez en parler à... à des femmes. Mais après ça, est-ce que c'est vous qui allez être obligées de donner le service pour les aider, ou si vous allez les référer à des avocats de l'aide juridique, ou... Comment? Comment vous allez faire?

Mme Coupienne (Marilyn) : Pour notre part, on réfère aux avocats qui font de la représentation. Nos intervenantes servent un accompagnement sociojudiciaire, mais ne se substituent pas, hein, aux actes réservés par les avocats, et ce qu'on observe actuellement, c'est que l'accès à la justice des femmes est gravement atteint, notamment en raison, là, des montants accordés pour des mandats d'aide juridique privés, donc des mandats d'aide juridique qui sont pris par des avocats de la pratique privée, et non les avocats des bureaux d'aide juridique. Donc nous, on voyait d'un bon oeil en fait que la deuxième phase de Rebâtir soit financée, parce qu'il y aurait eu un pont entre les bureaux d'aide juridique et le projet Rebâtir, puisque c'est un... on peut considérer que c'est un grand bureau et que ce sont des collègues, et donc que les femmes victimes de violence allaient d'abord être représentées par l'aide juridique, ce qui était pour nous une avancée majeure.

Donc non, malheureusement, nous n'avons pas les ressources, les effectifs pour pouvoir faire les... les demandes introductives d'instance, les requêtes ou remplir les formulaires, là, pour les femmes, ce sont des avocats qui devraient faire ça.

M. Morin : Oui, c'est ça, et puis là, bien, M. le ministre vient de revenir, là. Je comprends que la phase 2 de Rebâtir, où il y avait des avocats ou des avocates qui... pour représenter les femmes à la cour, ne sera pas financée. Donc, ça pose un enjeu de taille quant à l'application, puis on peut penser que ça pourrait avoir un enjeu sur l'utilité de l'article 6 du projet de loi. Est-ce que c'est pire en région?

Mme Coupienne (Marilyn) : En région, oui, c'est... c'est particulièrement... Nous, on a à Montréal, dans la grande région de Montréal... il y a Juripop, on a le palier juridique. Par contre, en région, le Saguenay se retourne parfois vers Québec, vers Montréal, c'est excessivement difficile. Un des outils de contrôle des conjoints violents, c'est en fait d'aller voir plusieurs avocats afin de créer un conflit d'intérêts, là, pour la femme, qui ne peut pas ensuite aller voir cet avocat-là, ce qui fait qu'elle se ramasse devant rien.

Alors, en créant en fait ce pont, ce lien directement entre les bureaux d'aide juridique et les femmes victimes de violence par l'entremise du... du projet Rebâtir de l'aide juridique, nous, on voit vraiment une solution pour l'accès à la justice des femmes et une représentation adéquate, ce qui est un droit par ailleurs.

M. Morin : Vous avez... Vous avez tout à fait raison.

Mme Monastesse (Manon) : D'autant plus que nous avons formé également les avocates de Rebâtir et nous avons déjà des ponts, des processus de concertation avec les avocates. Donc, il y a tout un processus de soutien qui est déjà en place. Alors, pour nous, c'est extrêmement... Et ce sont des avocates qui sont maintenant ferrées, qui sont spécialisées. Alors, c'est vraiment pour nous une importance majeure de maintenir la phase 2.

M. Morin : Alors, espérons que M. le ministre, qui est avec nous, vous entend et qu'il va rétablir le financement rapidement.

Ceci étant, alors j'attire votre attention à l'article 12, parce que vous représentez la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes. Le projet de loi prévoit la résiliation d'un bail de logement, ce qui en soi, est une bonne chose dans des cas, évidemment, de violence. Mais quel va être l'impact chez vous? Parce que j'imagine que, si une femme subit une situation de violence et que son bail est résilié, il va falloir quand même qu'elle aille vivre en quelque part, là. Est-ce que vous croyez qu'il pourrait y avoir une augmentation de cas qui pourraient faire appel à vos services?

• (16 h 20) •

Mme Monastesse (Manon) : Mais cet article est déjà en vigueur depuis plusieurs années, et... Mais, écoutez, c'est... c'est souvent... c'est absolument nécessaire, là, en ce qui concerne la sécurité et c'est ce qui ... Bien sûr, c'est... avec la pénurie de logements, c'est...

Mme Monastesse (Manon) : ...et ça peut devenir problématique. Mais souvent les femmes aussi vont être hébergées dans nos services avec la capacité qu'on a. Mais ce qu'on voit poindre à l'horizon, c'est justement la question de se reloger qui peut mettre en péril l'application de cet... de cet article.

M. Morin : Parce qu'en fait, là...

Mme Coupienne (Marilyn) : Si vous me...

M. Morin : Oui, oui, allez-y, je vous en prie. 

Mme Coupienne (Marilyn) : Et si vous me permettez, M. le député.

M. Morin : Oui.

Mme Coupienne (Marilyn) : C'est que, oui, l'article est présent depuis plusieurs années. Il y a des enjeux de ressources, ça, c'est sûr. Mais l'enjeu, en fait, qu'on voit en maison d'hébergement, c'est que c'est limité à violence familiale, conjugale, violences conjugales, sexuelles et à l'égard d'un enfant, ce qui ne couvre pas l'ensemble des violences faites aux femmes, des violences sexospécifiques, et certaines maisons viennent nous voir en disant : On ne sait pas si la femme qu'on accueille, par exemple, qui est victime de violences de la part de son colocataire ou de la part de son propriétaire ne peut pas demander la résiliation de bail en vertu de 1974.1. Donc, oui, il y a un enjeu de ressources qui est clair, mais il y a aussi un enjeu au niveau du libellé de ce des... de toutes les formes de violences en fait sexospécifiques qui devraient, selon nous, être ajoutées. Et dans le projet de loi n° 73, on ajoute les termes «intimidation» et «harcèlement» aux violences familiales, conjugales et sexuelles, et nous croyons vraiment, là, qu'on devrait avoir ce même libellé pour l'article 1974.1.

M. Morin : D'accord. Et c'est la raison pour laquelle, à la page 8 de votre mémoire, vous suggérez d'élargir la définition de la violence. C'est exact?

Mme Coupienne (Marilyn) : Exactement.

Une voix : Exactement, oui.

M. Morin : Parfait. Tout à fait. Maintenant, dans l'amendement qui va être proposé, ça dit, entre autres, pour la résiliation d'un bail, que ça va être fait sur le vu d'un jugement constatant une situation de violence. Alors donc, ça risque d'être plus facile, justement, de résilier un bail. Vous risquez d'avoir plus de demandes.

Mme Coupienne (Marilyn) : Oui et non. Je dirais oui, on risque d'avoir plus de demandes. Par contre, il ne faut pas oublier comment ça se passe actuellement à la régie... au Tribunal administratif du logement, et que d'obtenir un jugement est assez laborieux en fait ces temps-ci. Donc, il y a des... il y a des problèmes d'accès et de délais au niveau du système judiciaire, mais je vous dirais que oui, ça va augmenter en effet, la demande et donc les ressources financières devraient suivre.

M. Morin : Dernière question le temps file vous... à la page 9, vous parlez d'un défi pour les accès à des services de traduction. Est-ce que vous pouvez me donner des cas ou partager des cas précis?

Le Président (M. Bachand) :Rapidement, s'il vous plaît. 

Mme Monastesse (Manon) : Bien, écoutez, c'est un enjeu qu'on est en train de négocier encore avec le... entre autres, avec le MIFI. On faisait partie d'un projet qui s'appelait SIFI, où est-ce que les les coûts monétaires pour les services d'interprétariat étaient payés par le gouvernement. Mais malheureusement on veut mettre fin à ce... à ce service, et pour nous, c'est fondamental au niveau de l'accès à la justice pour les femmes qui sont allophones ou qui connaissent très peu le français ou l'anglais, vous comprendrez, et ça représente des enjeux monétaires importants, là. Pour des maisons d'hébergement, ça peut représenter autour de 20 000 $ par année pour des services d'interprétariat.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Merci beaucoup. Le temps file rapidement. Merci beaucoup d'avoir été avec nous cet après-midi. Ça a été très très apprécié, et on se dit, bien,  à bientôt. Merci beaucoup. Alors je suspends les travaux quelques instants pour accueillir le prochain invité. Merci.

Des voix : Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 24 )

(Reprise à 16 h 25 )

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, il me fait plaisir d'accueillir M. Pierre Trudel, professeur émérite du Centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal. Merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi. Alors, d'emblée, je...

Le Président (M. Bachand) :...je vous laisse la parole pour 10 minutes. Après ça, on aura une période d'échange avec les membres. Merci.

M. Trudel (Pierre) : Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs les membres de la commission je suis... c'est à titre de professeur de droit qui suit le développement des cadres juridiques d'Internet, depuis maintenant plusieurs années, que je me... que je me présente à vous et je vous remercie évidemment de l'invitation que vous m'avez transmise. J'interviens strictement à titre de professeur de droit, intéressé par la mise en place de moyens efficaces pour assurer le respect des droits et des libertés de toutes et de tous et chacun sur Internet. Et donc c'est uniquement dans cet angle-là que je souhaite vous partager un certain nombre de remarques.

Nous vivons dans un environnement technologique où il est très facile d'abuser de la puissance des outils connectés. Chacun a désormais sur soi, grâce aux téléphones portables et à la magie de la technologie, la capacité de capter et de diffuser même les informations les plus intimes sur autrui. Les technologies de captation d'images, l'intelligence artificielle et surtout les capacités très considérables de répandre de façon virale des images, y compris des images intimes, posent de redoutables défis pour ceux qui ont à cœur de protéger la dignité et l'intimité des personnes.

Le partage non consensuel d'une image intime, c'est-à-dire le fait de publier, diffuser, distribuer, transmettre, vendre, communiquer, rendre accessible ou publiciser une image, est une forme particulièrement grave de violence technologique. La puissance que confère la technologie à ceux qui décident de se venger ou d'exercer un contrôle sur une autre personne nécessite des réponses musclées du législateur. Face à la vitesse et à l'ubiquité d'Internet, les lois doivent être calibrées de manière à répondre... ou à pouvoir répondre avec rapidité et fermeté aux actions malveillantes émanant de ceux qui font un usage du réseau pour nuire ou pour harceler.

À cet égard, le projet de loi n° 73 est bienvenu, car il vient renforcer la protection contre la dissémination non consensuelle d'images intimes, qui existent déjà dans le droit du Québec. Surtout, il met en place des mécanismes afin d'accélérer les processus afin d'obliger les individus et les entreprises, en mesure d'agir, de le faire avec célérité. Il existe déjà au Canada des lois dans les provinces comme Terre-Neuve, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Colombie-Britannique. Il y a des lois qui, dans la même veine que le projet de loi n° 73, procurent ou visent à procurer des recours aux victimes de publications non consensuelles d'images intimes. Ajoutons à ça l'article 162.1 du Code criminel qui criminalise aussi le fait de diffuser ce type d'images. Au Québec, l'article 28.1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé prévoit, depuis déjà quelques mois, quelques... deux ans... deux ans maintenant, un droit d'exiger la cessation de diffuser... de diffusion de renseignements personnels lorsqu'il est démontré que la diffusion de ce renseignement contrevient à la loi ou à une ordonnance judiciaire. Cette disposition vise notamment le partage ou les situations de partage non consensuel d'images intimes, mais également toutes sortes d'autres informations, toutes sortes d'autres diffusions illégales de textes ou d'images.

• (16 h 30) •

Le projet de loi n° 73 vient ajouter des moyens au bénéfice des personnes qui ont à se débattre avec les violences que constitue la diffusion d'images de leur intimité. C'est un projet qui est justement le type de législation qu'il faut mettre en place le plus vite possible afin de répondre à ces violences technologiques qui engendrent tant de détresse. Il ne suffit pas de déployer... ou de déplorer ou de se plaindre des violences technologiques, en s'imaginant naïvement que l'éducation des gens va à elle seule faire disparaître les usages abusifs de ces puissants outils que sont désormais les réseaux sociaux et les autres environnements connectés. Il faut imposer de véritables obligations aux plateformes et aux autres entreprises qui, directement ou indirectement, profitent des pratiques abusives qui sévissent dans les réseaux. Et il faut déployer les moyens qui fonctionnent à la vitesse qui caractérise la diffusion en mode viral, qui est caractéristique d'Internet...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

M. Trudel (Pierre) : ...autrement dit, il faut que le droit s'ajuste et aille aussi vite, si possible, que la vitesse désormais permise grâce aux technologies de l'information, notamment d'Internet. À cet égard, il convient, il me semble, de saluer le projet de loi no 73, qui est assurément un pas dans la bonne direction. Et je souhaite que l'Assemblée nationale décide de l'adopter pour en faire une loi qui viendrait s'ajouter aux moyens disponibles pour réduire les souffrances qui sont associées aux violences technologiques. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci infiniment. Donc, période d'échange. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bonjour, Pr Trudel. Merci de participer aux travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi no 73. Donc, je note votre enthousiasme, votre intérêt à ce que le projet de loi soit adopté. Puis vous avez parlé, tout à l'heure, là, de violence technologique, parce que c'est ce que c'est, dans le fond, le fait de diffuser l'image intime d'une personne qui n'y a pas consenti. Et vous dites, dans votre lettre ouverte dans Le Devoir, de la semaine dernière ou il y a deux semaines : «Le projet de loi no 73  est le type de mesure législative qu'il faut mettre en place le plus vite possible afin de répondre aux violences technologiques qui engendrent tant de détresse. Il ne suffit pas de déplorer les violences technologiques en s'imaginant naïvement que l'éducation des gens fera à elle seule disparaître les usages abusifs des réseaux sociaux, il faut imposer de vraies obligations à ceux qui profitent des pratiques abusives dans les réseaux et déployer des moyens fonctionnant à la vitesse... qui caractérise la viralité de la diffusion sur Internet.» Pensez-vous que l'ordonnance qu'on a mise en place, avec le fait qu'un juge doit l'entendre extrêmement rapidement, répond à ce besoin-là?

M. Trudel (Pierre) : Il me semble que c'est un excellent pas dans la bonne direction. Sans doute, il faudra envisager que ça se fasse en ligne. En fait, au Québec, on a... à l'Université de Montréal, on a un laboratoire de cyberjustice qui développe toutes sortes de moyens pour permettre aux tribunaux d'agir en ligne, surtout à l'égard de situations qui se déroulent en ligne. Alors donc, il me semble que ce que propose le projet de loi no 73, combiné avec un recours approprié aux technologies en ligne, ça permettrait, justement, d'accélérer le processus judiciaire, la mise en place d'ordonnances judiciaires pour intervenir de façon conséquente, là, dans des délais qui tiennent compte de la réalité d'Internet, qui est une réalité de vitesse, hein, il faut aller très vite. Et ce qui souvent est un grand handicap, c'est la lenteur des processus judiciaires.

Et dans ce domaine-là, surtout quand il est question de droits fondamentaux qui sont violés ou de personnes qui subissent de telles violences technologiques, la capacité pour le système de justice d'agir vite devient un impératif incontournable. Et donc il me semble que le projet de loi va dans cette direction. Il me paraît qu'il serait sans doute intéressant, en même temps, de s'assurer que les juges ont la possibilité d'utiliser tous les outils que la technologie peut mettre à leur disposition, afin, justement, d'être beaucoup plus efficaces, afin qu'on puisse les rejoindre, saisir le tribunal de façon efficace, et préférablement en ligne, et, éventuellement, permettre aux juges d'agir en ligne s'ils estiment que c'est approprié compte tenu de l'urgence et de la gravité des situations.

M. Jolin-Barrette : Peut-être une question sur les conséquences de la violence technologique. Vous savez, lorsqu'on est derrière notre ordinateur, on a peut-être l'impression que, bon, ce n'est pas grave, les commentaires qu'on fait ou les images qu'on envoie, tout ça. Par rapport au monde physique, je vous dirais... le monde numérique, le monde physique, comment vous qualifiez les conséquences de cette violence technologique là comparativement aux violences physiques, en personne, là? Est-ce qu'il y a une distinction ou, pour la personne qui les subit, ce sont les mêmes conséquences?

M. Trudel (Pierre) : Bon. Évidemment, je dois dire à la commission que je ne suis pas un spécialiste, là, je n'ai pas étudié les conséquences ou je n'ai pas fait d'étude particulière spécifique là-dessus. Moi, je suis un juriste. Cependant, ce qui semble assez évident, si on regarde la littérature sur ce sujet, c'est que ça va très vite, sur Internet, et la...

M. Trudel (Pierre) : ...la capacité de répandre de façon virale des informations fait en sorte que ça décuple la gravité jusqu'à un certain point, hein? On a été habitués aux mémérages de cour d'école ou aux mémérages de perrons d'église, si on veut, dans... à d'autres époques. Aujourd'hui, la capacité de répandre des informations, elle est d'abord... tu sais, on parle de répandre de l'information au niveau planétaire, littéralement, et ça veut... peut aller très, très, très vite. Et dans ce sens-là, il me semble que c'est plus grave que dans le monde réel. Ça ne peut pas être... Loin de moi l'idée de penser que, dans le monde réel, ce n'est pas grave de diffuser des informations intimes, mais dans le monde virtuel, ça peut être diffusé avec des conséquences qui peuvent se révéler beaucoup plus difficiles à réparer que dans le monde non virtuel.

M. Jolin-Barrette : Vous avez indiqué, dans votre lettre ouverte, là, que la liberté d'expression n'est pas et n'a jamais été absolue, et qu'elle est évidemment limitée par les droits des autres, notamment le droit à la dignité, à la vie privée. J'aimerais ça vous entendre sur ce point-là, en lien avec le partage des images intimes.

M. Trudel (Pierre) : En fait, il me semble que, s'agissant du partage d'images intimes, on est vraiment dans un univers ou dans une question où il paraît totalement inapproprié d'invoquer la liberté d'expression. Je sais que, dans certains milieux, à chaque fois que l'État cherche à intervenir, on crie à la soi-disant violation de la liberté d'expression. Or, ici, ce dont il est question, ce sont des informations qui n'ont jamais... qu'on n'a jamais eu la liberté de diffuser au nom de la liberté d'expression. On parle d'informations comme des images intimes, hein, des images des parties intimes du corps humain. Donc, on est loin d'une... d'un type de propos ou d'un type d'images ou de discours qui pourraient être considérés comme protégés par la liberté d'expression. Dans ce sens-là, il me paraît totalement inapproprié de prétendre, là, qu'il y a un enjeu de liberté d'expression.

Cela dit, le projet de loi lui-même et les lois qu'il complète, comme l'article 28.1 de la Loi québécoise sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, ont prévu justement des... des ajustements ou en fait des limitations qui nous protègent contre la tentation que pourraient avoir certaines personnes d'abuser des mécanismes proposés dans le projet de loi n° 73 ou dans d'autres mécanismes pour supprimer du discours légitime ou supprimer la diffusion légitime de... d'informations ou de... et même d'images. Alors, ces précautions-là sont déjà dans le projet de loi tel qu'il est proposé et dans le droit existant, et même dans le droit criminel canadien qui prévoit également le même genre de balises. Autrement dit... et il me parait... on ne peut pas vraiment invoquer, à l'égard de ce projet de loi là, qu'on est en présence ou qu'on serait en présence d'une violation de la liberté d'expression qui ne serait pas justifiée dans une société libre et démocratique, et donc... et c'est pour ça qu'il me semblait important de le mentionner parce que, dans certains milieux, la liberté d'expression est invoquée souvent de manière complètement abusive pour parfois tenter de justifier ce qui constitue essentiellement de l'agression virtuelle. Hein, on s'entend, c'est... c'est une façon d'agresser des gens que de diffuser contre leur gré des images intimes.

M. Jolin-Barrette : Selon certaines études, il y a environ un jeune sur cinq qui reçoit une image intime d'une personne qui n'y a pas consenti. Il y a environ une centaine de dossiers par année en matière criminelle qui sont ouverts en... qui procèdent en matière de partage d'images intimes. Qu'est-ce qui explique ce phénomène-là? Selon vous? Est-ce que c'est en raison de la lourdeur de la procédure en matière criminelle? Parce que nous, on a développé le recours civil d'une façon très simple. Ce qu'on fait dans le cadre du projet de loi pour faire en sorte que le formulaire va être disponible en ligne, va pouvoir être envoyé en ligne ou au greffe en personne du palais de justice, ça va être entendu rapidement par le juge. Mais qu'est ce qui explique, selon vous, si le phénomène est en expansion, pourquoi il y a si peu de dossiers en matière criminelle qui sont ouverts par année sur ce sujet-là considérant qu'il y a... il semble y avoir une explosion du nombre de cas?

• (16 h 40) •

M. Trudel (Pierre) : Mais je pense que c'est...

M. Trudel (Pierre) : ...je crois que c'est la lourdeur du processus. D'abord, on a affaire à des personnes victimes qui peuvent estimer que c'est difficile de dénoncer ce type de situation, ils peuvent avoir l'impression qu'en dénonçant ou... ça va les amener à répandre encore plus des informations ou des images qu'elles ne souhaitent pas partager. Donc, il y a certainement cet aspect de... cette dimension de lourdeur du processus, le temps que ça prend aussi pour... Parce que la plupart du temps, d'après ce que j'en sais, et là c'est une connaissance, là, qui n'est pas une connaissance scientifique, c'est plus l'expérience, le fait d'avoir fréquenté puis d'avoir des anciens étudiants qui ont eu à travailler sur ces questions-là, ce que ce que j'en sais, c'est que les personnes qui sont victimes de ce genre de choses là veulent que ça finisse le plus vite possible. Ce n'est pas tellement d'obtenir la condamnation de la personne qui aurait... qui se rendrait coupable de ce genre de pratique, c'est plutôt de faire en sorte que ça arrête le plus vite possible, qu'on fasse tout ce qu'il faut pour supprimer, là, les images qui ont été partagées de façon illicite.

Et, dans ce sens-là, je dirais que ce n'est pas surprenant que, dans l'état actuel des choses, il y ait peu de gens qui se plaignent, dans la mesure où le... l'état actuel du droit ne leur garantit pas qu'ils vont pouvoir obtenir, en effet... les images qui leur font préjudice vont effectivement être supprimées d'Internet. Or, le projet de loi no 73 vient prévoir des mécanismes pour que le tribunal puisse forcer les entreprises, puisse ordonner aux entreprises qui ont la capacité de le faire de faire tout ce qu'elles peuvent pour supprimer ces images. Et, dans ce sens-là, ça peut être beaucoup plus intéressant pour les victimes de faire valoir leurs droits, parce que, là, au moins, il va y avoir un résultat tangible, c'est-à-dire faire stopper cette circulation d'images qui leur fait tant mal.

M. Jolin-Barrette : Merci beaucoup, Pr Trudel, pour votre présence en commission parlementaire. Je vais céder la parole à mes collègues, mais un grand merci pour vos commentaires puis votre contribution aux travaux de la commission.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Donc, je me tourne vers la partie gouvernementale. M. le député de Vanier... j'oublie ton... Vanier-les-Rvières. Excuse-moi, Mario... M. le député.

M. Asselin : Je n'interviens pas souvent, d'où le fait que... Je vous excuse. Pr Trudel, c'est un grand honneur de pouvoir vous interroger. Vous êtes un des premiers qui s'est intéressé au droit des médias électroniques en particulier. Je me demandais, compte tenu que le projet de loi... Évidemment, dans Le Devoir, vous avez... vous êtes intervenu, puis j'invite les gens à vous lire, vous avez parlé de vraies obligations, entre autres dans votre texte, mais, pour les jeunes, est-ce que vous voyez le bon œil qu'on prévoie dans le projet de loi qu'une personne mineure de 14 ans ou plus, disons, puisse demander seule de faire retirer une image intime partagée sans son consentement?

M. Trudel (Pierre) : Tout à fait. Il me semble que c'est sûrement une excellente... une excellente idée de permettre à une personne mineure de plus de 14 ans d'agir seule à cet égard-là. Il serait, il me semble, contre-indiqué, là, d'attendre que les parents s'en mêlent. Souvent, ça se fait dans un contexte où les jeunes sont suffisamment en détresse pour qu'on ne leur fasse pas en plus endurer la difficulté d'interagir, là, avec les titulaires de l'autorité parentale, qui, à mon sens, ne... peuvent, certainement, légitimement, intervenir et aider, mais, au premier chef, c'est la personne victime qui doit être au centre de la démarche. Et, dans ce sens-là, je crois que c'est une bonne idée pour que le projet de loi leur donne ce droit, là, de demander seuls le déclenchement des procédures, là, pour mettre fin ou pour interdire de répandre cette image-là, ces images.

M. Asselin : Excellent. Si je peux me permettre une question, M. le Président, je voudrais que vous me parliez un peu d'hypertrucage, de «deep fake». Est-ce que c'est important de viser par le projet de loi ce domaine-là qui est développé par l'intelligence artificielle en particulier?

Le Président (M. Bachand) :...

M. Trudel (Pierre) : Oui, je crois que vous avez tout à fait raison, c'est essentiel...

M. Trudel (Pierre) : ...je relève que l'article 2 du projet de loi prévoit... définit une image intime comme étant toute image modifiée ou non. Alors, il me semble que ça inclut une image qui pourrait avoir été modifiée soit par intelligence artificielle ou par d'autres procédés techniques. Il me semble également que ça englobe le procédé par lequel on utilise le visage d'une personne pour l'intégrer dans un... une image qui n'a rien à voir avec la vraie personne mais qui fait... en fait, fait comme si cette personne-là était engagée dans une activité à caractère sexuel ou pornographique. Alors, il me semble que l'article 2 vise ces situations qui risquent malheureusement de se répandre avec la disponibilité d'outils d'intelligence artificielle. Ce n'est pas... Autrement dit, ce n'est pas uniquement le scénario de la photo prise innocemment lors d'un moment d'intimité que l'on décide... que quelqu'un décide de partager pour se venger ou pour faire du mal à une autre personne, mais ça peut être également une image forgée.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Alors, M. le député de Vanier-Les Rivières, merci beaucoup. M. le député de l'Acadie, la parole est à vous pour 11 minutes.

M. Morin : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, professeur Trudel. Merci. Merci d'être avec nous cet après-midi. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt la lettre, d'ailleurs M. le ministre y faisait référence, que vous avez publiée dans les journaux peu de temps après le dépôt du projet de loi. Et évidemment votre expertise dans le domaine des médias sociaux est reconnue au Québec et ailleurs.

J'ai... J'ai une question pour vous parce que vous êtes un spécialiste sur ce... dans ce domaine-là. Le projet de loi vise à obtenir une ordonnance qui va demander à quelqu'un d'enlever une image ou d'arrêter de la diffuser, mais vous y avez fait référence tout à l'heure, on vit dans une époque où la diffusion d'une image sur les réseaux sociaux ou sur le web se passe souvent à des vitesses que je qualifierais d'astronomiques. Alors, je comprends l'intention du législateur, elle est bonne, je la salue, mais, dans les faits, une fois que quelqu'un met, sans le consentement d'une personne, une image avec des parties intimes et qu'il envoie ça dans l'univers et que l'image se propage... on va lui envoyer une ordonnance éventuellement pour la retirer, mais lui, il peut peut-être la retirer sur son ordinateur, mais l'image va se promener quand même.

Ça fait que comment... quels seraient les meilleurs mécanismes à mettre en place? Parce que... Pour empêcher ou pour que ça cesse. Parce qu'évidemment la victime, elle, c'est sûr qu'elle ne veut pas que l'auteur, au premier plan, fasse ça, mais, si c'est répété après, elle, son image va se ramasser pareil dans le cyberespace. Donc, avez-vous... avez-vous des suggestions pour nous, pour le législateur, pour essayer de... évidemment, de colmater tous ces éléments-là?

M. Trudel (Pierre) : Bien, je crois qu'une première mesure qui devrait être envisagée... Parce que vous avez tout à fait raison, on est dans un univers où ça se propage à la manière d'un virus. Donc, on ne peut pas simplement envoyer une ordonnance à une personne parce qu'il se peut que la personne ait partagé déjà ou que d'autres aient partagé la même image. Alors, il faut que l'ordonnance soit dirigée vers les entreprises qui ont la maîtrise de l'environnement, par exemple un réseau social. Il faut probablement aussi que l'ordonnance impose à l'entreprise d'utiliser les moyens techniques afin d'identifier l'image ou d'identifier les possibles variations de cette image pour aller la retracer.

• (16 h 50) •

Autrement dit, il faut avoir des ordonnances qui sont conséquentes avec le caractère viral de l'Internet, c'est-à-dire le fait que l'information circule, se reproduit très, très vite. Et donc il faut ordonner à ces entreprises... qui en général sont bien capables de disposer de ces outils-là lorsqu'il est question de cibler de la publicité ou de tracer les internautes. Donc, lorsqu'il est question de générer de la valeur et des profits, ces entreprises-là ont des capacités technologiques considérables. Bien, il faut être capable de leur ordonner d'utiliser de telles capacités technologiques pour, par exemple, retracer une image...

M. Trudel (Pierre) : ...et exiger qu'elles soient non seulement retracées, mais supprimées dans toutes ces versions ou dans toutes ces... dans toutes ces présentations. Et donc, autrement dit, ce n'est pas tout de dire : Arrêtez de partager l'image, c'est le début, mais il faut aller beaucoup plus loin, et c'est... Moi, c'est comme ça que je lis le projet de loi. C'est-à-dire qu'il faut vraiment que... Par exemple, à l'article six, on dit : «Le juge peut ordonner à toute personne de désindexer tout hyperlien permettant d'accéder à cette image ou ordonner à toute personne de lui fournir de l'information utile.» Si j'avais une suggestion pour améliorer le projet de loi, j'irais beaucoup plus loin et je dirais : Bien, on peut... le juge peut ordonner à une entreprise de prendre les moyens techniques pour retracer l'image et éventuellement obtenir que cette image soit supprimée. Donc, peut-être qu'il faudrait être beaucoup plus précis puisque... Comme c'est là, on a... Je pense que c'est peut-être une des améliorations qui peut être envisagée pour le projet de loi. Ça... on semble... on a l'impression que l'image est diffusée une fois, puis ça s'arrête là. Alors, il faut que le... il faudrait, je pense, que le projet de loi reflète le caractère viral de l'Internet. Et, si j'avais une suggestion à faire, ce serait celle-là, c'est-à-dire de... d'habiliter le juge à ordonner le déploiement des outils techniques nécessaires pour retracer l'image et éventuellement la supprimer.

M. Morin : Puis, en fait... Et j'en ai pris bonne note, parce qu'à la lecture du projet de loi, la première impression que j'ai eue, c'est celle que vous venez de décrire, c'est-à-dire qu'on va cibler la personne qui l'a mise en ligne et probablement que cette personne-là, si elle l'a dans son ordinateur quelque part, va être capable de l'enlever. Mais, pour la victime, ce n'est pas tout si l'image continue à se propager et à voyager dans le web ou dans le cyberespace.

Quand on parle de moyens techniques ou de compagnies, bien, vous le savez mieux que moi, il y a plusieurs entreprises qui n'auront pas, par exemple, de serveur ou d'établissement au Québec. Donc, il faudrait aussi trouver un moyen de rattachement pour être capable de les forcer à agir et ne pas se faire répondre : Oui, bien, moi, la loi ne s'applique pas à moi parce que moi, je ne suis pas ici, je ne sais pas, moi, je suis en Arizona, je suis au Sri Lanka, peu importe. Est-ce que vous voyez une formulation qui pourrait être utilisée pour nous aider à bien cerner et éviter justement que des entreprises se cachent derrière le fait qu'ils ne sont pas sur le territoire québécois pour éviter finalement la loi?

M. Trudel (Pierre) : Oui, je pense que la loi pourrait être... pourrait par exemple statuer que, dès lors qu'une entreprise vise des personnes qui sont situées sur le territoire du Québec, ou acceptent de l'information ou de... des messages ou des images en provenance de personnes qui sont sur le territoire du Québec, ou au... ou bien perçoit des revenus... Parce qu'il faut être conscient que beaucoup de ces réseaux sociaux perçoivent des revenus à partir de l'attention des personnes qui sont présentes au Québec, hein, des gens qui sont actifs sur TikTok ou sur d'autres réseaux sociaux. Ça génère de l'attention, et c'est comme ça que ces entreprises-là font des publicités.

Alors, la loi pourrait en effet affirmer que, dès lors que ces entreprises-là tirent des revenus du... du Canada, finalement, parce que ça pourrait être bien une entreprise qui a un siège hors du Québec, mais au Canada, et, à ce moment-là, il serait tout à fait dans l'ordre des choses que ce soit... elles soient soumises aux lois du Québec lorsque la situation se passe au Québec. Alors donc, la loi pourrait venir préciser que, dès lors qu'une entreprise à un pareil lien, c'est-à-dire s'il y a des revenus, vise des personnes au Québec, bien, la loi s'y applique.

D'autres États vont plus loin et demandent, par exemple, aux entreprises qui ont une activité significative sur le territoire de s'enregistrer dans la juridiction, dans... au Québec, par exemple, ce serait ici l'équivalent du Registre des entreprises. Ça permettrait d'aller encore plus loin. Cela dit, il faut aussi convenir que c'est très difficile de... Il pourrait arriver qu'on utilise un réseau social qui est... dont...

M. Trudel (Pierre) : ...dont les serveurs sont au bout du monde et qui a très, très peu d'abonnés au Québec. Là, effectivement, la difficulté serait... demeurait complète, mais, au moins, dès lors qu'on est capables de viser les entreprises qui font des revenus au Québec et qui rejoignent des gens au Québec, il me semble que c'est déjà un pas important dans la bonne direction.

M. Morin : C'est un pas important. Alors, merci. J'ai une dernière question pour vous, Pr Trudel. Le projet de loi modifie certaines lois, le Code du travail, la Loi sur la fonction publique, la Loi sur la justice administrative, et ça fait en sorte que lorsque l'affaire comporte des allégations de violence à caractère sexuel ou de violence conjugale, il y a des éléments qui sont jugés non pertinents pour les fins d'application de la loi. Je pense, entre autres, aux articles 15 et suivants du projet de loi. Sauf que le législateur n'a pas ajouté ou ne fait pas référence aux lois professionnelles ou au Code des professions. Et il arrive que, dans le cadre du Code de déontologie, les professionnels vont commettre des fautes qui pourraient y avoir un caractère sexuel ou une violence à caractère sexuel ou conjugal. Est-ce que vous pensez que c'est quelque chose qui devrait être ajouté?

Le Président (M. Bachand) :Ah, il reste une petite minute, M. Trudel. Une minute.

M. Trudel (Pierre) : Sûrement.

Le Président (M. Bachand) :Allez-y, il reste une petite minute.

M. Trudel (Pierre) : Oui. Cela dit, je ne suis pas un expert de ces matières-là. Moi, je suis plus un... mon domaine, c'est plus le domaine d'Internet et des communications. Mais il me semble, effectivement, qu'à partir du moment où on pense que ce n'est pas pertinent de pouvoir poser des questions à une personne victime sur ces aspects là, ça devrait aussi s'étendre aux lois professionnelles, il me semble. Mais je le dis sous toute réserve parce que ce n'est pas vraiment mon domaine d'expertise.

M. Morin : Pr Trudel, un gros merci. Passez une bonne fin de journée. Au revoir.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Vaudreuil pour quatre minutes, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Merci, M. le Président. Merci, M. Trudel d'être parmi nous. J'ai... virtuellement, évidemment, j'ai pris connaissance aussi, là, de la lettre que vous avez publiée et j'ai bien entendu vos propos. Vous mentionnez, entre autres, la lenteur des processus, des processus judiciaires, tu sais, que c'est long. Vous demandez à ce que les juges puissent aussi utiliser toute la technologie à leur disposition. Quand vous avez dit... quand vous parlez de technologie à leur disposition, vous faisiez référence à quoi, entre autres? Parce que vous êtes juriste aussi, là, puis vous en avez vu des procès ou des dossiers qui arrivent devant les juges, puis les juges n'ont pas tant de technologie que ça à leur disposition, ou, en fait, quand on parle de technologie, souvent ils mettent ça sous scellé puis ils l'envoient à quelqu'un d'autre ou... Ça fait que vous faites référence à quoi qu'on vous dites que les juges peuvent utiliser toute la technologie à leur disposition?

M. Trudel (Pierre) : Bien, je faisais surtout référence à ce qu'on appelle les processus de cyberjustice, c'est-à-dire un juge qui est en ligne peut être saisi en ligne, un peu comme ça existe déjà pour les conflits en matière de noms de domaine sur Internet, là, où ça se fait uniquement en ligne. Autrement dit, il me semble que c'est ce genre de procédé là qu'il faudrait répandre et perfectionner pour justement aider les... le système de justice à aller plus vite. Donc, ce que ça veut dire concrètement, c'est une image est signalée, bien, il devrait être possible de saisir un juge en ligne et lui demander l'ordonnance appropriée, lui transmettre les informations prévues par la loi, et le juge pourrait instantanément émettre cette ordonnance. C'est à cette vitesse-là qu'il faudrait que les juges puissent fonctionner. Et d'après moi, c'est probablement en utilisant des mécanismes de ce qu'on appelle de cyberjustice. Ça se fait déjà, là, par exemple, il y a des tribunaux au Canada qui utilisent déjà ces procédés-là, mais je pense que c'est une belle... un bel exemple de ce qu'il faut faire pour, justement, mettre... ajuster la vitesse du système judiciaire à la vitesse dont on a besoin.

Mme Nichols : D'accord. Je comprends que vous y faites référence pour l'accès, l'accès aux juges, pas nécessairement, là, la technologie après pour identifier, pour l'identification soit de preuves ou d'individus ou de... pas du tout, là, c'est...

• (17 heures) •

M. Trudel (Pierre) : Bien, c'est-à-dire que le juge devrait aussi, à mon avis, à mon sens, avoir... pouvoir accéder à de l'expertise. C'est comme ça que je comprends certains...


 
 

17 h (version non révisée)

M. Trudel (Pierre) : ...disposition du projet de loi qui concerne, là, le devoir du ministre d'outiller les personnes, donc ça peut vouloir dire, par exemple, un... peut-être il faudrait envisager un service pour justement avoir les technologies qui permettent d'identifier ces images et éventuellement les retracer. À défaut, bien, le juge devrait au moins avoir le pouvoir d'exiger que les entreprises qui ont ces technologies les mettent en œuvre pour se conformer aux ordonnances.

Mme Nichols : ...et pourra en déterminer la provenance.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Merci. Il vous reste 15 secondes.

Mme Nichols : Bien, en fait, ma préoccupation, moi, c'est l'application de tout ça. Mais là, je comprends qu'en 15 secondes, ça va être difficile d'aller un peu plus loin. Mais merci de votre présence, M. Trudel.

Le Président (M. Bachand) :Merci, Mme la députée de Vaudreuil. Pr Trudel, merci beaucoup d'avoir été avec nous cet après-midi. C'est très, très, très apprécié.

Sur ce, je suspends les travaux quelques instants pour accueillir notre prochain invité. Merci.

M. Trudel (Pierre) : Merci à vous.

(Suspension de la séance à 17 h 01)

(Reprise à 17 h 02)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir les représentantes de l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes avec nous cet après-midi. Merci beaucoup d'être là. Alors, je vous inviterais d'abord à vous présenter, puis après ça, à débuter votre présentation, s'il vous plaît. Merci.

(Visioconférence)

Mme Mac Donald (Karine) : Merci. Donc je suis Karine Mac Donald, criminologue et directrice générale à l'AQPV. Je suis avec Léa Serier.

(Visioconférence)

Mme Serier (Léa) : Oui. Bonjour à toutes et tous. Léa Serier, responsable des dossiers politiques.

Le Président (M. Bachand) :Merci.

Mme Mac Donald (Karine) : Donc, bonjour. L'Association québécoise Plaidoyer-Victimes, qui est l'AQPV, vous remercie de nous accueillir aujourd'hui. Donc, je suis accompagnée aujourd'hui, là, de ma collègue qui est responsable aux dossiers politiques.

Depuis 40 ans, l'AQPV défend les droits et les intérêts collectifs des personnes victimes d'infractions criminelles et de leurs proches et veille à rendre ces droits accessibles et effectifs. On offre notamment un programme de formation, on diffuse l'information, on organise des activités de mobilisation, de sensibilisation, représentation.

L'AQPV met aussi son expertise à contribution non seulement au Québec mais au Canada. On est guidés par des valeurs de solidarité, d'inclusion, d'équité et de rigueur. L'association compte plus de 200 membres issus de divers secteurs tels que la justice, la sécurité publique, les services sociaux, l'éducation, le milieu universitaire, le milieu communautaire. Donc, on a vraiment une belle variété, là, de membres.

D'emblée, on souhaite mentionner que l'AQPV salue le projet de loi n° 73. C'est des avancées significatives qui vont permettre d'assurer une meilleure accessibilité à la justice et une meilleure protection des personnes victimes de violence.

Aujourd'hui, on tient quand même à présenter quelques questionnements, commentaires, recommandations en lien avec trois mesures spécifiques du projet de loi, soit l'ordonnance urgente de cessation et de prévention du partage sans consentement d'une image intime, l'ordonnance de protection civile et les nouvelles mesures d'aide au témoignage.

Donc, pour commencer, l'AQPV accueille favorablement, bien sûr, la nouvelle loi visant à contrer le partage sans consentement d'images intimes. L'ordonnance de cessation, prévention du partage d'une image intime, si elle est simple et rapide à obtenir, sera un outil vraiment pertinent pour faire cesser bien sûr rapidement l'infraction, mais surtout pour limiter les conséquences graves et les impacts sur les personnes victimes.

Par contre, on aimerait ça mettre en lumière le fait que le partage sans consentement d'images intimes peut être utilisé comme un moyen de représailles dans certains contextes, par exemple dans des situations de violence conjugale ou de relation amoureuse chez les jeunes. Cette ordonnance ne doit donc pas être présentée comme une alternative aux procédures judiciaires. La personne victime doit être informée des recours existants pour faire des choix éclairés et assurer sa sécurité. Il faut comprendre que retirer des photos...

Mme Mac Donald (Karine) :  ...des photos intimes, c'est une chose, mais à être en sécurité, ça en est une autre. L'AQPV recommande donc de s'assurer d'un accompagnement psychosocial et juridique des personnes victimes lors de ces démarches, en leur rappelant notamment leur droit de bénéficier d'une consultation juridique gratuite avec le service Rebâtir. Ensuite, l'AQPV appuie également l'initiative du gouvernement pour faciliter la demande d'ordonnances civiles de protection. En effet, on pense qu'en élargissant la portée de cette ordonnance aux personnes qui sont... qui craignent que leur vie, santé ou sécurité soient menacées, et en allégeant le fardeau de preuve, plus de personnes victimes vont se prévaloir de ce droit.

Encore une fois, on souhaite rappeler qu'il est important de ne pas présenter cette ordonnance civile comme une alternative aux démarches criminelles, particulièrement dans des contextes de violences conjugales, pour éviter un faux sentiment de sécurité. Il arrive qu'on voie des personnes victimes qui hésitent à porter plainte au criminel contre un ex-conjoint violent pour éviter un dossier criminel. On croit donc essentiel de proposer systématiquement à la personne victime un accompagnement psychosocial afin de faire un choix éclairé et surtout d'évaluer adéquatement le risque de dangerosité que peut représenter le conjoint ou l'ex-conjoint violent.

Un autre enjeu qu'on souhaite mettre en lumière est celui de la possibilité que certaines personnes victimes ne soient pas représentées par un avocat lors de cette demande d'ordonnance, autant pour le retrait des images intimes que pour la protection. Ça peut être le cas, là, qu'une personne n'a pas les moyens financiers ou n'est pas admissible à l'aide juridique. Donc, dans ces situations-là, même avec une procédure simplifiée pour demander une ordonnance, se représenter seul sans avocat peut être intimidant, complexe, peut amener du stress supplémentaire, même une revictimisation, et ça peut être un réel enjeu d'accès à la justice. Pour assurer l'accès à cette mesure et assurer l'accès à l'information et à la protection des personnes victimes selon la chartre, l'AQPV recommande de garantir un accompagnement psychosocial et juridique des personnes victimes, notamment en leur proposant systématiquement la possibilité de rencontrer une personne intervenante et en leur rappelant leur droit à des consultations juridiques gratuites avec les services Rebâtir. Je laisse maintenant la parole à ma collègue Léa.

Mme Serier (Léa) : Bonjour à toutes et à tous encore. L'AQPV tient encore à saluer les nouvelles mesures d'aide au témoignage visant un meilleur accompagnement des personnes victimes de violences en matière civile. Nous avons quand même quelques questionnements à la lecture de l'article 9 du projet de loi n° 73. Tout d'abord, concernant l'autorisation de ces mesures d'aide par le tribunal, l'AQPV se demande pourquoi exiger de la personne victime qu'elle se présente dans un organisme d'aide reconnu pour se faire délivrer une attestation avant de pouvoir demander des mesures d'aide au témoignage. On comprend que l'objectif serait de simplifier le fardeau de la personne victime, mais nous croyons que cela vient alourdir et complexifier sa démarche et donc limiter l'accès à ces mesures, particulièrement pour les personnes victimes vulnérables, marginalisées et à la croisée de plusieurs oppressions, qui ne souhaiteraient pas ou ne pourraient pas forcément faire appel à ces organismes. L'AQPV recommande donc de ne pas exiger d'attestation comme préalable pour obtenir des mesures d'aide et d'accompagnement.

Également, on se questionne sur les critères. Sur quels critères précisément le tribunal s'appuiera pour autoriser ou non une demande d'aide et d'accompagnement? Le projet de loi prévoit que le tribunal pourra refuser seulement s'il estime que cela l'empêchera d'apprécier la crédibilité de la personne. Est-ce qu'on comprend qu'il s'agira bien de la seule limite? Et comment s'assurer que ce motif ne sera utilisé que de manière exceptionnelle? À notre sens, il serait donc pertinent de clarifier ces critères, comme le fait, par exemple le Code criminel, pour assurer l'interprétation commune de la loi.

Ensuite, concernant les mesures d'aide au témoignage, l'AQPV propose plusieurs recommandations dans son mémoire pour les bonifier. Seulement quelques mesures sont spécifiées dans le projet de loi : le témoignage à distance et l'accompagnement par une personne de confiance ou un chien de soutien. Est-ce que c'est une liste exhaustive? On propose sinon d'élargir les possibilités d'aide au témoignage en intégrant au projet de loi toutes les autres mesures qu'on peut retrouver, notamment en matière criminelle, et dans le cas des tribunaux spécialisés. Par exemple, au-delà du témoignage à distance, d'autres moyens pourraient être prévus, tels que le témoignage dans une salle... télétémoignage dans une salle dédiée et adaptée aux personnes victimes, le témoignage derrière un paravent ou encore tout autre dispositif qui permettrait à la personne victime de ne pas voir la partie autrice de violences lors de son témoignage.

• (17 h 10) •

L'AQPV recommande aussi de s'assurer que les différentes mesures d'aide et d'accompagnement proposées par ce projet de loi puissent être combinées. Ce qui veut dire qu'il pourrait être permis, par exemple, de faire un témoignage à distance et d'être accompagné par une personne de confiance et par un chien de soutien. Chacune de ces mesures ont un rôle vraiment différent à jouer, tout aussi important les uns que les autres. Enfin, l'AQPV souligne la volonté du gouvernement d'élargir l'offre d'information sur les réalités de la violence sexuelle, conjugale et familiale aux acteurs judiciaires notamment...

Mme Serier (Léa) : ...en autant que cela soit fait en collaboration avec les organismes et les personnes expertes sur ces sujets et que cette formation inclue les différentes réalités, en particulier lorsque les personnes victimes vivent au croisement de plusieurs oppressions.

Aussi, les nouvelles mesures d'aide aux témoignages vont permettre aux personnes victimes d'être accompagnées. Cela pourra se faire notamment par des personnes intervenantes et nous pensons donc qu'il est essentiel de mettre en place les ressources nécessaires pour assurer que ces intervenantes et intervenants soient formés sur les procédures en matière civile.

Donc, pour conclure, ce projet de loi participe vraiment à une meilleure... un meilleur accès à la justice civile pour les personnes victimes de violences, et l'AQPV a proposé des recommandations dans l'objectif de contribuer à le bonifier et à veiller à son effectivité. Pour l'association, il est essentiel de renforcer l'accompagnement psychosocial et juridique des personnes victimes au sein du système de justice civile et donc de mettre en place des collaborations entre les différents acteurs. Il est aussi essentiel d'élargir les mesures d'aide et d'accompagnement et de prévoir des ressources suffisantes pour que toutes les personnes victimes bénéficient du soutien nécessaire.

Donc, nous vous remercions pour votre écoute et nous tenons à ce que vous sachiez que l'AQPV se tient prête à contribuer activement aux discussions futures sur ces enjeux pour assurer une meilleure accessibilité à la justice et une meilleure protection pour toutes les personnes victimes.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Bien, je me tourne vers le gouvernement, pour une période 16 min 10 s. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. Mme Mac Donald, Mme Serier, merci de participer aux travaux de la commission. C'est un plaisir de vous retrouver ici, pour l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes. Donc, merci de votre présence.

Donc, d'entrée de jeu, vous soulignez que c'est un projet de loi qui est positif, qui va aider les personnes victimes. J'ai entendu vos commentaires, notamment sur la question du témoignage à distance. Ce que l'on souhaite faire, justement, c'est d'incorporer les mesures qui existent en matière criminelle, où on n'a pas de levier, au niveau québécois, donc, à l'Assemblée nationale, en matière criminelle, pour le déroulement. Ce que l'on fait, par contre, dans le cadre du tribunal spécialisé, c'est qu'on fournit... dans le fond, on met en place, dans chacun des palais de justice, des salles de télétémoignage qui pourront être utilisées en matière civile. Et, quand je parle de civil, j'inclus le familial, également. On rend disponibles des écrans de protection, donc des panneaux, des paravents. Le chien d'assistance, également, on le fournit, maintenant, dans les CAVAC. Donc là, présentement, on en a deux, on en avait trois, il y en a un qui a été déclassé, puis là il y a plusieurs CAVAC qui vont recevoir... il y a des affichages de postes, justement, là-dessus. Donc, on travaille en collaboration avec la Fondation Mira pour fournir des chiens d'assistance. Donc, ce que l'on fait, c'est qu'on incorpore toutes ces mesures-là, dites administratives, mais qu'en matière civile on vient les inclure dans le Code de procédure civile, où on peut agir sur la procédure civile, parce que ça, ça relève de l'Assemblée nationale.

Donc, c'est pour ça que, dans le cadre du projet de loi, on vient prévoir, en termes de procédure, dans le fond, les articles qui nous permettent... qui nous permettent de faire en sorte de dire aux juges, dans le fond : Bien, vous devez autoriser le témoignage à distance. C'est ça, le principe de base, ou dans... le télétémoignage, ou au domicile de l'avocat, ou être dans une autre salle au palais de justice. Parce que ce dont on se rendait compte, c'était le fait que ça arrivait peu souvent que lorsqu'il y avait une requête, puis là il fallait faire la requête par le biais d'un avocat ou une personne qui se représente seule, avec un fardeau financier, pour dire, bien, pourquoi est-ce que je veux témoigner à distance.

Donc, on souhaite simplifier ça puis limiter les coûts pour la personne victime lorsqu'elle va voir un organisme qui est accrédité, notamment, supposons, le CAVAC, qui est directement au palais de justice, qui... lorsque la personne victime va consulter un organisme d'aide, pour avoir cette attestation-là, pour éviter d'avoir à faire la démarche devant le tribunal, qui peut être une démarche beaucoup plus ardue et complexe.

Là, bien entendu, le tribunal, on l'a prévu à l'alinéa 2, qui conserve sa juridiction... sur le fait que, pour une question de crédibilité, il pourrait l'assigner, mais, dans tous les cas, le tribunal aurait pu le faire parce que c'est inhérent à ses pouvoirs. Mais ce qu'on envoie comme message très clair, c'est de dire : On veut favoriser le télétémoignage, le témoignage à distance lorsqu'il y a des circonstances de violence, si c'est demandé par la personne victime, pour éviter, justement, que la personne se retrouve dans la même pièce que la personne qui est l'auteur de la violence. Ça fait que c'est un peu la démarche dans laquelle on a construit le projet de loi. C'est sûr que ce n'est pas uniquement la personne victime qui dit : Bien, moi, je ne veux pas témoigner en salle de cours, puis c'est accordé. C'est pour ça, c'est un peu le même mécanisme qu'on a lorsque vient le temps d'annuler un bail de logement pour...

M. Jolin-Barrette : ...cause de violence. Donc, c'est un peu la même mécanique qu'on a utilisée. Je ne sais pas si ça vous rassure quand je vous dis ça, là.

Mme Mac Donald (Karine) : Oui, bien, on avait... on se doutait, là, que ça pourrait être calqué sur le criminel, avec les nouvelles mesures aussi du tribunal spécialisé. Un des soucis, là, qu'on nomme, là, dans notre rapport, c'est celui de la... de pouvoir cumuler les mesures d'aide, parce qu'actuellement, au niveau du criminel, une personne victime... l'accompagneur... l'accompagnatrice, disons, du chien est le maître-chien. Donc, souvent, on refuse qu'il y ait une intervenante ou une personne de confiance qui accompagne en plus du chien. Mais, pour nous, ils ont vraiment deux rôles différents, le chien et la personne intervenante, auprès de la personne victime.

M. Jolin-Barrette : Bien, sur la question du cumul, ils vont pouvoir le faire également, donc le chien, l'intervenante aussi. On ne vise pas à limiter ça, au contraire. Ce qu'on essaie de faire, c'est vraiment que les palais de justice, les salles de cour soient un espace sécurisant pour les personnes qui viennent livrer leurs témoignages. Donc, ça, je pense que c'est important, puis c'est ce qu'on essaie de faire en filigrane du projet de loi tout au long.

Comme, exemple, peut-être avez-vous des cas d'exemple, là, sur la question de l'adresse, on a été sensibilisé à ça, où parfois, sur certains documents judiciaires, l'adresse d'une personne victime apparaît, en matière civile ou en matière familiale. Et donc on veut éviter justement qu'elle soit obligée de donner son adresse de domicile pour des questions de crainte, de s'il y avait des antécédents de harcèlement ou des situations qui font en sorte qu'il y a un malaise justement parce que l'ex-conjoint est là. Alors, ça, c'est une mesure qu'on met en place, là. Elle va pouvoir élire domicile soit au greffe ou donner l'adresse de son bureau d'avocats. Ça, vous accueillez ça comment?

Mme Mac Donald (Karine) : Bien, très positivement.

Mme Serier (Léa) : ...

Mme Mac Donald (Karine) : Oui. Je l'ai vu dans ma pratique, des personnes qui refusaient de faire une telle démarche parce que c'était impossible pour elle de garder anonyme... confidentielle son adresse. Donc, cette nouvelle mesure va vraiment donner un plus grand accès aux procédures civiles, ça, c'est certain.

M. Jolin-Barrette : O.K. Mais ça, c'est intéressant, ce que vous venez de dire. Vous dites : Il y a certaines personnes qui refusaient d'aller devant la cour, de faire valoir leurs droits, supposons, parce qu'ils auraient dû identifier... bien, en fait, s'identifier puis donner leur adresse de domicile, puis ils disaient : Bien, moi, je préfère ne pas aller à la cour plutôt que de faire ça.

Mme Mac Donald (Karine) : Exactement.

M. Jolin-Barrette : O.K. Bon, bien, voyez-vous, on répond à cette problématique-là, puis c'est notre objectif en ce sens-là.

Sur la question de l'ordonnance civile de protection, là, on vient diminuer le critère. Donc, pour la démonstration, on vient maintenant cerner uniquement la crainte. Donc, le fardeau est diminué pour la personne victime. On le fait ex parte, donc sans la présence de l'auteur de la violence contre qui on souhaite... on souhaite prononcer l'ordonnance, et on enlève le recours à l'outrage au tribunal pour que ça puisse être une infraction de nature criminelle et que ça soit les policiers qui la fassent exécuter. Ça, vous êtes à l'aise avec ça, le fait qu'on mette... on ne mette plus le fardeau sur les épaules de la victime mais que ça soit la police qui s'en occupe?

Mme Serier (Léa) : Oui, définitivement.

M. Jolin-Barrette : Qu'est-ce que... Pensez-vous qu'il va y avoir davantage de personnes qui vont utiliser ce recours-là avec ces nouvelles... avec ces nouvelles règles là?

Mme Serier (Léa) : Oui, c'est certain qu'alléger le fardeau de la preuve, ça va, en tout cas, permettre à plus de personnes de se prévaloir de ce droit-là. C'est sûr que... on le mentionne aussi dans notre mémoire, mais c'est une avancée quand même significative parce que c'est des préoccupations qui avaient été mentionnées dans le passé par plusieurs organismes de défense des droits des personnes victimes, mais... Donc, on est vraiment... on accueille favorablement.

M. Jolin-Barrette : O.K.

Mme Mac Donald (Karine) : ...

M. Jolin-Barrette : Allez-y, allez-y.

Mme Mac Donald (Karine) : Non, mais j'allais dire que, justement, dans ma pratique, je voyais que c'était un frein souvent pour les personnes victimes, toutes les différentes démarches, la complexité d'accès, le fait qu'il y avait peu... c'était complexe aussi s'il y avait un bris de l'ordonnance, à quel point ça pouvait être complexe. Donc, tout ça vient vraiment simplifier et rendre beaucoup plus accessible, là. C'est plus tentant pour une personne victime de se prévaloir de ce droit.

• (17 h 20) •

M. Jolin-Barrette : O.K. Peut-être avant de céder la parole à mes collègues, une dernière question sur la question de la formation. Vous êtes des partenaires, là, au niveau de l'offre de formation pour le tribunal spécialisé. Quelle est l'importance, pour les différents acteurs du système de justice, de la formation? Puis j'inclus, dans le fond, l'ensemble des acteurs, donc tout le personnel judiciaire, les gens qui viennent à la cour, la magistrature. Puis expliquez-nous d'où on est parti, le chemin qu'on est en train de faire, puis où est-ce qu'on devrait aller avec la formation...

Mme Mac Donald (Karine) : ...je peux y aller, tu complèteras, Léa, si tu veux. En fait, la formation, c'est la base. Dans le cadre... tout ce qui touche au tribunal spécialisé, là, vous l'avez nommé, là, on est... on fait partie des partenaires qui offrons les formations. C'est la base pour qu'une personne victime puisse avoir une expérience positive dans le cadre du processus. Donc, ça passe autant par tous les acteurs. On parle du patrouilleur qui va prendre la plainte, l'enquêteur, l'avocat de la Couronne, de la défense, le juge. Toute personne qui pourrait côtoyer cette personne-là. C'est sûr qu'on parle aussi des intervenants. Donc, en matière civile, c'est hyperimportant que toutes les personnes qui pourraient recevoir une personne dans un contexte, justement, de violence, comprennent la dynamique qui peut se cacher derrière cette demande-là. On ne le dira jamais assez, au niveau de la sécurité, une personne victime de violence conjugale est souvent la moins bonne pour évaluer... est souvent biaisée, disons, sur le risque de dangerosité que le cycle... la personne violente peut représenter pour elle. Donc, c'est pour ça que c'est important à tous les niveaux.

Au niveau civil, on se questionne : Qui va pouvoir évaluer ce risque-là? Est-ce que la mesure de...l'ordonnance de protection est la meilleure solution pour protéger cette personne victime là? Donc la formation de tous les acteurs est très importante, mais, vous l'avez dit, on part... tu sais, ça fait plus de 20 ans que je pratique dans le milieu et on a vraiment beaucoup, beaucoup évolué depuis les 20 dernières années, en termes de... déjà de sensibilisation, de formation des différents acteurs. Je ne sais pas si Léa, tu voulais ajouter des choses.

Mme Serier (Léa) : Non, juste de dire que c'est vraiment le nœud de... le cœur de la solution pour assurer un changement systémique, parce que c'est vraiment un problème de société puis il faut un changement systémique pour assurer la protection des personnes victimes puis le respect des droits des personnes victimes.

M. Jolin-Barrette : O.K. Une vraie, vraie dernière question, puis ensuite je cède la parole. Dans le projet de loi, là, on a mis une disposition relativement à la fin de la prescription pour les jugements en matière civile. Donc, exemple, supposons que vous êtes victime de violence sexuelle, d'agression sexuelle, vous obtenez une condamnation au criminel. On fait en sorte que désormais le jugement va pouvoir être versé en preuve dans une instance civile, supposons, en responsabilité civile. Puis la victime n'aura pas à reprouver la faute de l'agression sexuelle. Donc, on vise à diminuer son fardeau sur elle.

Et deuxièmement, le jugement n'aura plus de prescription, en ce sens où un jugement est valide pour 10 ans. Supposons que la personne est condamnée à payer 100 000 $ en dommages-intérêts, la personne est insolvable, bien, dans le fond, le jugement va perdurer dans le temps, puis il ne s'éteindra pas au bout de 10 ans. La vie durant, il va falloir, il aura force. Alors, comment vous voyez ça le fait qu'on vient simplifier le témoignage en matière civile là-dessus, en n'ayant pas à refaire la preuve puis la fin du jugement? Ça va être quoi, la conséquence pour les personnes victimes qui entament ce genre de recours là?

Mme Serier (Léa) : Encore une fois, c'est une avancée significative puis on n'a pas assez appuyé sur toutes les avancées significatives dans le mémoire, parce qu'on s'est concentré sur trois catégories sur lesquelles on avait des commentaires. Mais, oui, définitivement, c'est une avancée significative pour que toutes les personnes victimes se prévalent de ce droit là, mais aussi pour éviter toute forme de revictimisation puis de retraumatisme, d'aller comme alléger ce fardeau-là puis d'aller justement déposer ce jugement. Alors, je ne sais pas si, Karine, tu avais quelque chose de plus à dire, mais...

Mme Mac Donald (Karine) : Non, je suis tout à fait d'accord. C'est vraiment une avancée significative qu'on ait... que la personne n'ait pas à repasser dans un deuxième processus complet pour faire valoir ce droit.

M. Jolin-Barrette : Bien, je vous remercie pour votre présence en commission parlementaire, c'est grandement apprécié.

Le Président (M. Bachand) :Merci, du côté gouvernement, M. le député de Saint-Jean, pour trois minutes 30 secondes.

M. Lemieux : Merci, M. le Président. Merci d'être là, mesdames. Je vous ai entendu parler d'éviter un faux sentiment de sécurité et c'était autour de la question du criminel versus civil. Expliquez-moi ça.

Mme Mac Donald (Karine) : En fait, c'est de s'assurer que les... quand... je l'ai nommé un petit peu tout à l'heure, là, à M. Jolin-Barrette, c'est qu'une personne victime va... tout est dans le contexte de la violence conjugale, va parfois sentir que seulement une ordonnance de protection pourrait lui assurer une sécurité, sauf qu'elle n'a pas nécessairement une bonne perception de la dynamique de violence conjugale et surtout du risque de dangerosité que peut représenter le conjoint violent. Donc, quand on parle de faux sentiment de sécurité, elle se dit : Peut-être, bien, avec une ordonnance comme ça, il n'aura pas à entrer en communication avec moi, il ne pourra plus le faire et il pourrait avoir une accusation criminelle s'il ne le fait pas. Sauf que ce n'est peut-être pas suffisant dans ce cas-ci, peut-être qu'une accusation criminelle, avec peut-être une détention...

Mme Mac Donald (Karine) : ...ou avec des conditions plus strictes serait plus approprié dans cette situation-là. Donc c'est pour ça qu'on parle vraiment d'une analyse importante, là, de la situation des personnes victimes de violence conjugale.

M. Lemieux : De là votre insistance pour dire qu'il ne faut pas abandonner le criminel parce qu'il y a d'autres options. Mais, l'année dernière et au cours des dernières années, il y a eu à peine... bien, il y a eu un minimum d'une centaine et un maximum de 175 dossiers d'ouverts, pourtant, on dit qu'il y a un adolescent sur cinq qui aurait déjà reçu l'image intime d'une personne qui n'y consentait pas. Donc, très peu de dossiers criminels. Je comprenais que l'objectif du projet de loi, c'était de faire plus vite pour avoir un remède au problème et puis, en même temps, de sécuriser, mais peut-être pas au sens où vous l'entendiez dans la... Dans la violence conjugale, mais d'être capables de calmer le jeu le plus rapidement possible et le plus facilement possible. Puis, ça, ce que j'en comprends, c'est que c'est le civil qui va faire ça.

Mme Serier (Léa) : Oui, oui, définitivement. En fait, le point, ce n'est pas de dire... de privilégier le criminel, c'est d'offrir toutes les possibilités à la personne victime. C'est vraiment une avancée significative de pouvoir faire cesser dans le cadre de l'ordonnance de cessation ou de prévention du partage d'images intimes. C'est vraiment une avancée significative de pouvoir faire cesser le partage de cette image. Surtout qu'au criminel, il n'y a... il n'existe pas de processus actuellement pour cesser ce partage-là. En fait, le point, c'est, puisqu'on est au civil, de s'assurer que les personnes victimes soient bien entourées des personnes intervenantes qui comprennent ces dynamiques de violence, notamment, violence conjugale, contrôle coercitif, pour s'assurer que toutes les options sont offertes à la personne victime et que son choix soit éclairé et qu'elle n'ait pas ce faux sentiment de sécurité en allant juste avec une ordonnance de protection civile, par exemple. Donc, ce n'est pas de privilégier le criminel, c'est juste de... étant au civil, on veut s'assurer qu'il y a un accompagnement aussi de la personne victime pour prendre ses décisions et être éclairée.

M. Lemieux : Oui. En terminant, quelques secondes, pensez-vous que les sanctions pénales pourraient permettre de prévenir, avoir un effet de prévention ou de décourager l'envoi de messages contenant des images sans consentement?

Le Président (M. Bachand) :Très rapidement, s'il vous plaît.

Mme Mac Donald (Karine) : Bien, il y a déjà des sanctions pénales en ce moment pour l'envoi d'images intimes, donc, et ça s'envoie quand même. C'est juste, comme vous le dites, qu'il n'y a pas eu beaucoup de plaintes en ce sens, parce que les gens, il y a... il y a un aspect de honte aussi en arrière de ça. Souvent, je ne ferai pas un cours sur toutes les conséquences qu'une personne victime peut vivre, qui est victime de distribution de ces images intimes, donc il y a probablement plusieurs facteurs qui expliquent qu'une personne ne va pas dénoncer. Donc, le civil vient répondre à ça.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Merci beaucoup. M. le député de l'Acadie pour 12 min 5 s.

M. Morin : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Mac Donald, Mme Serier. Merci d'être là. Merci pour le document que vous avez déposé à la commission également.

Moi, j'ai... j'ai une question plus générale sur l'applicabilité des mesures qui sont dans le projet de loi. Je l'ai dit précédemment, les mesures qui sont prévues sont bonnes, mais encore faut-il être capables de les mettre en pratique. Et j'attire votre attention sur l'ordonnance de protection. Évidemment, une personne n'est pas obligée d'être représentée par un avocat, peut présenter elle-même l'ordonnance. C'est peut-être plus difficile pour certaines personnes, même si le projet de loi prévoit qu'il y aura un formulaire. C'est la même chose pour l'ordonnance qui empêche la transmission d'images intimes. Mais vous soulignez, dans votre mémoire, à la page huit, qu'il faut assurer des ressources ou financements nécessaires pour permettre aux personnes victimes d'accéder à toutes les aides dont elles ont besoin. Alors, ce que je lis, ce que je comprends, c'est qu'effectivement il y a un besoin financier criant. Comment on va être capables de faire fonctionner ça puis venir véritablement en aide aux victimes si l'argent ne suit pas?

Mme Serier (Léa) : C'est une question qu'on pose dans notre mémoire. C'est une question importante. Et que ce soit en ressources... en termes de ressources financières, ressources humaines, les deux vont... vont de pair. Mais effectivement, si on veut assurer un accompagnement des personnes victimes, déjà, il faut assurer la présence de ces personnes-là, voire la formation de ces personnes. Alors, on espère que les ressources en arrière seront présentes. Mais on se questionnait sur l'opérationnalisation de la loi sans mesures concrètes financières.

• (17 h 30) •

M. Morin : Et je me... Et je me pose exactement la même question que vous. Parce que l'idée est bonne...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

M. Morin : ...c'est clair, là, mais si les gens ne sont pas capables de l'utiliser... puis je comprends que le fardeau en matière civile est moins élevé puis en plus... qu'en matière criminelle. Mais, en matière criminelle, quand une victime fait une dénonciation, bien, après ça, c'est la police puis le poursuivant qui prend ça en charge. Ici, ma compréhension, c'est que ça va être la personne qui va prendre ça en charge.

Mme Serier (Léa) : Exactement.

M. Morin : Il y a un groupe un peu plus tôt, Fédération des maisons d'hébergement pour femmes, qui nous ont dit que la phase 2 de Rebâtir avec la possibilité pour des avocates de représenter des victimes ne sera pas financée. Êtes-vous au courant de ça?

Mme Serier (Léa) : Oui. On a entendu parler de ceci vendredi, oui, vendredi.

M. Morin : C'est un empêchement majeur à ce que ce projet de loi là fonctionne, en fait.

Mme Serier (Léa) : Bien, c'est une inquiétude, oui, qui s'est rajoutée quand on l'a appris vendredi. Parce qu'encore une fois le... la problématique qu'on voit, c'est que les personnes victimes, que ce soit au civil ou au criminel, ont les mêmes besoins. Alors, si on veut s'assurer de la protection des personnes victimes, en tout cas, de leur accompagnement, de leur accès à l'information autant au civil qu'au criminel, il faut qu'il y ait des mesures, autant au civil qu'au criminel. Et actuellement le projet de loi va permettre plus de protection des personnes victimes, mais, mettons, pour ajouter des personnes intervenantes, il va falloir qu'il y ait des ressources supplémentaires pour permettre cet accompagnement. Alors, on se questionne là-dessus. Et, oui, pour la représentation, effectivement, en matière criminelle, la question ne se pose pas puisque vous l'avez dit, le poursuivant... témoin au civil, c'est elle qui porte son dossier. Donc, avoir accès à une personne avocate, c'est beaucoup plus compliqué, et ça entraîne d'autres problématiques.

M. Morin : Bon, effectivement. Donc, c'est... c'est un... c'est un enjeu... c'est un enjeu de taille. Je vous remercie de partager votre expérience avec nous là-dessus, parce que ça m'apparaît aussi être quelque chose, en fait, qui pourrait même mettre en péril l'efficacité du projet de loi. Et, vous avez raison, quand une victime doit raconter ce qu'elle a subi, qu'elle soit devant la chambre civile ou la chambre criminelle, pour la victime, j'imagine... et vous avez plus d'expérience que moi, là-dedans, bien, c'est les mêmes traumatismes qui vont remonter à la surface, donc ça va être effectivement difficile pour elle.

Au niveau de l'accompagnement dans le témoignage et la possibilité, ça vous en avez parlé un peu des différents types d'aide. Est-ce que vous trouvez que la rédaction du projet de loi est assez claire, que ces types d'aide là peut être cumulative ou ça mériterait d'être clarifié?

Mme Mac Donald (Karine) : Bien, je crois que ce n'était peut-être pas assez clair puisque ce n'était pas... puisqu'on a posé la question. Donc là, M. le ministre nous a rassurés par rapport à ça. Bien, si c'est possible de le clarifier, effectivement, ça sera peut-être plus facilement effectif en salle de cour puisque ça ne l'est pas présentement au niveau criminel.

Et au niveau des aides, on a le même questionnement aussi au niveau du... des ressources. On parle des intervenants. Il y a les CAVACS qui sont passés juste avant nous. Ils ont déjà des fois peine à suffire, là, pour le criminel. Donc, si on ajoute le civil, le financement doit suivre aussi, les chiens également. On a de la difficulté à avoir des chiens pour des dossiers criminels. Donc, si on prévoit des chiens dans des dossiers civils, qui seront ces chiens?

M. Morin : Oui, exact.

Mme Serier (Léa) : D'autant plus que les...

M. Morin : Oui, allez-y.

Mme Serier (Léa) : Pardon. Bien, juste pour... je me permets un petit ajout, mais d'autant plus que les personnes, par exemple, au sein des CAVACS sont... interviennent plus en matière criminelle. Alors, en matière civile, je pense qu'il y aura un besoin de formation de base, en tout cas, pour permettre la compréhension des procédures civiles. Alors, ça veut dire des ressources supplémentaires aussi pour permettre ces formations-là.

M. Morin : Très bien. Alors, je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Merci d'être parmi nous. Des petites questions rapides. J'ai compris, entre autres, là, votre préoccupation en lien avec... quand vous dites, entre autres, qu'il n'est pas souhaitable de présenter une ordonnance comme une alternative à une procédure criminelle. Tu sais, je comprends... je comprends votre préoccupation, je la partage aussi. Bien, si on en fait une préoccupation, c'est parce qu'on a peut-être des doutes que, justement, des personnes vont aller vers la voie peut-être plus rapide, qui va être le civil. Puis, une fois que l'image ne sera plus en... diffusée ou ne sera plus partagée, bien, ça va arrêter là puis ils n'iront pas plus loin pour que des conséquences criminelles s'appliquent. Est-ce que c'est la même préoccupation qu'on... qu'on partage?

Mme Mac Donald (Karine) : Oui. Effectivement, on partage...

Mme Mac Donald (Karine) : ...la même préoccupation, et surtout on avait un enjeu ou... Parce que la loi civile s'applique autant aux juvéniles qu'aux majeurs. Donc, le partage d'images intimes de personnes mineures est un crime très grave. Donc, si la personne mineure partage... Tu sais, dans le fond, il y a un partage d'une photo d'une personne mineure. Quels seront les recours au niveau de la protection de la jeunesse? Qui va activer ce processus-là de faire le signalement? Et des personnes qui partagent des photos de ce type là doivent être sentencés. Donc, il y a une... Puis les conséquences au niveau criminel sont très... sont très graves. Donc, l'école ou les amis, l'entourage pourrait faire pression sur la personne victime pour dire : Bien, regarde, va juste au civil, enlève la photo... puis on en parlera plus, puis ça va bien aller. Et les personnes qui sont autrices, là, du délit là pourraient s'en tirer, là, sans difficulté. Moi, je vois très bien ce qui est... que c'est ça qui pourrait arriver dans le futur.

Mme Nichols : Oui, en fait, oui, je... oui, je partage. Puis c'est quand même... c'est quand même un peu inquiétant. Dans vos recommandations, je veux juste revenir sur l'attestation, là, on en a parlé un petit peu plus tôt, mais là vous... Dans vos recommandations, vous dites de ne pas exiger l'attestation comme un préalable pour obtenir des mesures d'aide et d'accompagnement. Qu'est-ce que vous vouliez dire? Ça aussi, c'était comme une préoccupation. Mais là on a comme compris qu'il y a... qu'il y aurait peut-être un cumul qui serait possible ou... Qu'est-ce que vous voulez dire quand vous dites : Ne pas exiger cette attestation-là?

Mme Serier (Léa) : Dans le fond, c'était de... la crainte de rajouter une charge administrative supplémentaire pour la personne victime et puis pour ces organismes-là, d'ailleurs, aussi, là, mais... et puis de laisser le choix à la personne victime en fait parce que ce n'est pas forcément les personnes victimes qui vont vouloir se diriger vers ces organismes et avoir une attestation comme quoi elles sont extrêmement victimes de violences. Et il y a des personnes victimes qui pourraient aussi ne pas avoir accès à ces services-là. Ça peut être pour des raisons de barrière de la langue, pour être en région éloignée, ou ne pas faire confiance aux organismes, ou ne pas avoir des services adaptés culturellement autres à leur situation, particulièrement, ce sont des personnes à la croisée de diverses oppressions, alors... Alors, c'est pour ça, qu'on avait ces craintes-là. Et puis, si on veut absolument garder ce préalable, d'au moins s'asseoir avec plusieurs groupes, là, pour essayer de... je le sais, que c'est par arrêté ministériel, là, cette liste, mais de discuter, de revoir ou, en tout cas, d'inclure plus d'identités dans ces listes-là, entre autres, des personnes en pratiques privées ou... en tout cas, là, je dis ça. Mais, c'est ça, de... au moins, comme s'asseoir peut-être avec d'autres organismes pour s'assurer d'élargir cette liste, pour s'assurer d'un plus grand accès, du moins, pour les personnes qui n'y ont pas accès, mais c'est ça, surtout pour laisser le choix à la personne victime, en fait, de recourir ou non à ces organismes... Puis, Karine, si tu as autre chose à dire par-dessus.

Mme Nichols : Parfait. Merci. Juste en terminant, là, une petite question. Il y a un groupe... Il y a un groupe préalablement, là, qui parlait... qui parlait de la consultation juridique gratuite de 4 heures avec Rebâtir, puis ils nous disaient entre autres que 4 heures, ce n'est pas suffisant. Est-ce que vous, dans votre association, on vous a déjà passé un commentaire à cet effet-là, que ça prendrait peut-être, dans certains cas, plus que quatre heures? Est-ce que le 4 heures, selon vous, est suffisant ou vous...

Mme Serier (Léa) : Non.

Mme Nichols : Non.

Mme Serier (Léa) : Définitivement, ça... c'est remonté plusieurs fois, que 4 heures, c'est bien trop peu. Et puis souvent, même au bout de 4 heures, la personne victime, ce n'est pas forcément comme... comment dire, comme habituée aux... juste au droit en général, ne va pas forcément savoir quelle question posée pendant les 4 heures de consultation juridique... alors, vont plus parler de leur expérience, parler de... des conséquences qu'elles ont subies. Donc, il y a comme... il y a comme un espace de consultation qui est dédié à des questions purement juridiques, mais qui ne va pas forcément être utilisé pour des questions purement juridiques. Et puis même, des fois, des dossiers qui sont tellement complexes que même 4 heures de consultation sur des questions purement juridiques ne sont pas assez, parce qu'en matière de violence conjugale, parfois, ce sont des dossiers qui durent depuis 40 ans et il y a énormément de nœuds à... Alors, je ne sais pas, Karine, si tu as d'autres choses à nous dire par rapport à ça, mais définitivement, c'est remonté plusieurs fois dans nos discussions.

Mme Nichols : Merci beaucoup. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Mme Mac Donald, Mme Serier, merci beaucoup d'avoir été avec nous aujourd'hui. C'était très apprécié.

Sur ce, je suspends les travaux de la commission quelques instants. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 17 h 40)

(Reprise à 17 h 41)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, il me fait plaisir de recevoir M. Antoine Normand, président de Bluebear. Alors, merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi, c'est très apprécié. Vous avez 10 minutes de présentation puis, après ça, on aura une période d'échange avec les membres de la commission. Alors, M. Normad, la parole est à vous.

M. Normand (Antoine) : Merci, M. le Président. Merci de l'invitation. Premièrement, bien, mon nom, c'est Antoine Normand. Je suis président d'une PME québécoise qui s'appelle... qui s'appelle Bluebear, qui fournit une technologie exclusivement à plusieurs... au-delà d'une centaine de corps policiers un peu partout dans le monde. Notre technologie permet à ces enquêteurs-là d'automatiser l'extraction et le visionnement d'images et de vidéos et donc d'éviter d'avoir à revoir constamment le même matériel suite... dans chacune des enquêtes qu'ils poursuivent. On travaille principalement en exploitation sexuelle d'enfants. Donc, les images que l'on traite prioritairement avec... notre technologie traite, prioritairement, c'est de créer d'immenses bases de données, d'images et de vidéos connues, connues des différents corps policiers, parce qu'ils ont chacun leurs propres bases de données.

Premièrement... établir quelque chose que les autres intervenants ont déjà dit, mais, en matière d'exploitation sexuelle en ligne, il y a une victimisation de la victime à chaque visionnement. Le Pr Trudel en a parlé un petit peu plus tôt, mais, quand une image ou une vidéo devient virale sur un réseau social, sur une plateforme quelconque, bien c'est des dizaines, des centaines, des milliers de copies de la même image ou du même vidéo qui deviennent... qui deviennent disponibles. Et pour vous donner une idée des enjeux de quantité, là, on parle maintenant d'une exploitation commerciale, une exploitation sexuelle commerciale, au sens... ce qui se passe en ligne. Pour vous donner une idée, un cas moyen, chez les policiers, d'à peu près 100 000 images, là, en 2015-2016 est devenu, en 2024, à peu près... une moyenne d'au-delà de 1 million, 1,5 million d'images à chaque arrestation, à chaque fois qu'un cas... que le matériel informatique est saisi. On a vu, récemment, en Suisse, un cas de 40 millions d'images. Donc, vous imaginez un petit peu le travail qu'un humain doit passer pour essayer de passer au travers tout ce contenu qui est excessivement... qui est excessivement difficile.

Je parlais d'exploitation commerciale parce qu'en matière d'exploitation sexuelle les images et les vidéos s'échangent un peu comme des cartes de baseball. Donc, chaque carte de baseball a une valeur intrinsèque, certaines, qui sont très communes, qui ont été données chez McDo, ne valent à peu près rien parce qu'on les voit passer depuis 10 ans, depuis 15 ans, depuis 20 ans, mais le matériel original a une grande valeur. D'où un peu mon inquiétude avec les pénalités prévues au projet de loi no 73, là, de 50 à 5 000 $. Vous comprenez qu'une image, surtout une image d'un mineur, plus il est jeune, évidemment, plus la valeur est élevée, mais est souvent la porte d'entrée d'un... de quelqu'un qui désire entrer dans des cercles fermés de pédophiles qui sont des collectionneurs, qui sont des producteurs, qui se retrouvent sur des plateformes sécurisées, qui se retrouvent sur le dark Web, et la seule manière de pouvoir intégrer un de ces groupes-là, c'est d'arriver avec des images originales et d'être référé par quelqu'un qui est déjà membre du groupe. Donc, vous comprendrez qu'un producteur d'images a accès directement à du matériel qui est original et donc du matériel qui, en ligne, vaut beaucoup plus cher.

Donc, transposez ça dans le concept d'échange d'images intimes, mais seulement, par exemple, pour des mineurs, donc, des adolescents, de jeunes adolescents qui échangent ce type d'images là, bien, la personne qui récupère le contenu...

M. Normand (Antoine) : ...ça a une valeur pour lui.

J'aurais dû premièrement vous féliciter pour l'introduction du projet de loi n° 73, hein, il y a très peu de juridictions dans le monde qui ont accepté d'aller jusque là, spécialement pour les images intimes entre personnes d'âge adulte. Donc, je souligne, je souligne ça.

Ma préoccupation par rapport au projet de loi, ce n'est pas nécessairement l'objectif du projet de loi, c'est son implémentation, c'est sa mise en œuvre. À mon avis, la mise en application via la demande d'une ordonnance à un juge de la Cour du Québec va créer un engorgement absolument ingérable. Parce que je crois que le fait, par le projet de loi n° 73, de viser la personne qui détient l'image plutôt qu'au sens plus large, les organisations qui les hébergent ou qui en permettent la distribution va faire qu'il va y avoir un déluge de plaintes. Un peu comme les deux intervenants précédents y faisaient référence, si c'est beaucoup plus facile de faire une plainte en ligne et de demander le retrait d'une image, bien les gens vont prendre cette voie-là, alors que les policiers actuellement sont absolument, totalement débordés et enquêtent un nombre très minime de cas d'exploitation sexuelle d'enfants par rapport à la quantité de... au volume d'images qui est échangé.

Dans les 15 dernières années, j'ai travaillé avec plusieurs pays, j'ai visité plusieurs pays, j'en ai assisté quelques-uns. Puis le meilleur modèle que j'ai vu jusqu'à maintenant, c'est le modèle australien. Le modèle australien vise principalement les plateformes d'échange. Il y a trois niveaux pour être une plateforme en Australie, et c'est une loi à portée extraterritoriale, là. Donc, il y a les... le niveau un, c'est les... ce qu'ici on connaît comme les Youporn ou Pornhub, là, MindGeek qui s'appelle maintenant Aylo, ce type de plateforme là. Les autres, c'est évidemment les réseaux sociaux, les Snapchat, TikTok, Instagram, etc. Puis le niveau suivant, c'est ceux qui sont à faible potentiel d'héberger des images, là, genre Hydro-Québec. Le modèle australien a créé un officier du Parlement qui s'appelle le eSafety, elle s'appelle, à vrai dire, le eSafety Commissioner, donc le commissaire à la sécurité en ligne. Et cet officier du Parlement là a trois principaux types de pouvoirs. Premièrement, le pouvoir de régulation, de déterminer ce qui est illégal ou pas acceptable en ligne, un peu comme le CRTC ici, dans une petite, petite mesure. Le deuxième pouvoir, évidemment, c'est l'éducation, l'éducation auprès des enfants, auprès de la population en général, auprès des autochtones, mais aussi auprès des aînés qui sont de plus en plus victimes, vous ne me croirez pas, mais de sextorsion. Et donc le troisième pouvoir, c'est un pouvoir d'ordonnance très similaire à celui du projet de loi n° 73, c'est-à-dire d'ordonner à une plateforme de retirer un contenu sous 24 heures. Et les pénalités, en Australie, varient pour un individu d'à peu près 111 000 $, à une entreprise, à une plateforme à 555 000 $ de pénalité, en plus de la possibilité d'obtenir une ordonnance d'emprisonnement face à la personne qui refuserait d'enlever du contenu, mais aussi face aux dirigeants d'une plateforme, qu'ils soient conscients ou non de la présence du contenu. Comme la loi a une portée extraterritoriale, à partir du moment où un exécutif de, je ne sais pas moi, de Meta ou de TikTok mettrait les pieds en Australie, bien, il pourrait faire l'objet d'une arrestation pour avoir refusé l'ordonnance du eSafety Commissioner.

Rapidement, le eSafety Commissioner, en 2023, a reçu 9 060 rapports. De ces 9 060 rapports-là, ils provenaient de 6 500 adresses Web, ou plateformes, ou endroits différents sur Internet. Ils ont eu un taux de succès de retrait du contenu de 87 %.

• (17 h 50) •

Votre projet de loi parle aussi évidemment des échanges non consensuels entre adultes, donc d'images ou de contenus à caractère intime entre deux adultes qui ne sont pas... qui ne veulent pas que ce matériel-là soit partagé, dont des cas de violence conjugale, etc. L'Australie en 2023 a reçu 2 644 plaintes. De ça, ils en ont retenu 601 pour faire des demandes de retrait à des plateformes et ils ont réussi à en faire enlever...

M. Normand (Antoine) : ...un autre modèle qui est à étudier, c'est le modèle français. Le modèle français s'applique seulement aux images d'abus sexuels qui sont... qui répondent à la définition du Code criminel français. Ils ont construit une plateforme en ligne de dénonciation qui s'appelle Pharos. Depuis 2009, Pharos a reçu 1,6 million d'images que les gens jugeaient comme étant à caractère d'abus sexuel en ligne. Et, pour vous donner une idée, depuis le début 2024, ils reçoivent 4 400 signalements par semaine. Ils ont 27 employés à temps plein qui travaillent 24 h sur 24. Puis, encore ici, on ne parle même pas d'images intimes, là, non consensuelles entre adultes, on parle d'images qui répondent à la définition du Code criminel.

Donc, quand je vous parle de mes inquiétudes par rapport au traitement par... via des juges de la Cour du Québec, bien, le risque, évidemment, c'est que ce soit engorgé. Deuxièmement, je ne suis pas sûr que tous les juges de la Cour du Québec ont nécessairement la formation ou la volonté de voir des images... du contenu qui peut-être excessivement difficile et excessivement problématique, parce qu'on va devoir leur montrer de quoi il s'agit et c'est... comment identifier ce fichier-là en particulier si on veut émettre une ordonnance pour le faire retirer. Donc, c'est ça. Donc, mon inquiétude est à ce niveau-là.

L'autre chose que je veux souligner à votre attention...

Le Président (M. Bachand) :Très rapidement, M. Normand. Il reste quelques secondes pour la présentation.

M. Normand (Antoine) : Parfait. «Deepfake», vous en parlez déjà dans le projet de loi. C'est important de comprendre qu'on peut créer des images intimes de quelqu'un sans avoir de photos intimes de lui.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. Normand. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Normand. Merci de participer aux travaux de la commission.

Bien, continuons sur la question des hypertrucages, là. Vous l'avez bien dit, c'est possible de créer un image... une image de quelqu'un alors que ce n'est pas son vrai corps, donc avec le visage. Pouvez-vous nous détailler ça? Puis le projet de loi, dans le fond, il s'y attaque aussi, donc, les hypertrucages sont visés par l'ordonnance.

M. Normand (Antoine) : Il y touche. Je ne suis pas sûr que je n'irais pas un petit peu plus loin à votre place, mais, plus ou moins, la technologie est rendue à un certain point où est-ce que c'est possible de créer, par exemple, une image d'exploitation sexuelle d'enfant sans même avoir un visage, donc de créer du matériel complètement inédit, basé sur des algorithmes qui sont allés voir des millions et des millions d'images d'exploitation sexuelle d'enfants puis qui créent du contenu selon ce qu'on demande comme type d'activité sexuelle à l'intérieur du matériel.

Aussi, puis ça existe depuis un petit peu plus longtemps, vous y faites référence, c'est la possibilité de créer du matériel à caractère pornographique, si on touche aux adultes, mais du matériel d'exploitation sexuelle, autant d'adultes que d'enfants, en ligne. Ça se fait même de plus en plus... Avant, c'était un peu compliqué, là, il fallait passer par l'exécution d'algorithmes puis de trucs comme ça. Maintenant, c'est disponible carrément sur des sites web qui sont hébergés à l'étranger.

M. Jolin-Barrette : Un des objectifs du recours qu'on met en place... Bien, c'est sûr, il y a tout le volet criminel qui est déjà en place au Canada. Donc, c'est déjà interdit de partager une image intime sans le consentement. Par contre, les délais en matière criminelle, le fardeau de preuve n'est pas le même, tout ça. Puis nous, on arrive avec une ordonnance en matière civile justement pour avoir plus d'agilité, plus de flexibilité et donc que ça soit traité rapidement par par un juge de la Cour du Québec ou par un juge de paix magistrat. Quelle est l'importance d'agir rapidement dans ce domaine-là?

M. Normand (Antoine) : Bien, c'est la raison pour laquelle l'Australie a déterminé que c'était 24 heures, là. Donc, c'est excessivement important d'agir très rapidement, et d'où mon inquiétude d'engorgement, donc que ce soit... qu'il y ait trop de demandes en même temps, qu'il y ait trop de plaintes et que ce ne soit pas possible de les traiter dans un délai, là, de quelques heures.

M. Jolin-Barrette : En fait, nous, dans le projet de loi, c'est dès la réception de l'ordonnance, puis il y a toujours un juge de garde qui est là. Donc, les formulaires en ligne sont là, ou au greffe également. Donc...

M. Normand (Antoine) : Mais, monsieur...

M. Jolin-Barrette : L'an passé, tu sais, il y a eu une centaine de dossiers criminels. Bien entendu, on s'attend à ce qu'il y ait davantage de dossiers d'images considérant que le fardeau est moins élevé. Mais un des objectifs, c'est ça, c'est de faire en sorte qu'ils puissent émettre des ordonnances vraiment rapidement.

M. Normand (Antoine) : Je comprends, mais vous ne pouvez pas vous fier au nombre de plaintes au niveau criminel qui ont été reçues par les corps policiers québécois au cours des dernières années. Les corps policiers québécois reçoivent des dénonciations, la très grande majorité des enquêtes qu'ils font viennent des États-Unis. C'est-à-dire une des plateformes signale une image à NCMEC, NCMEC l'envoie à la GRC dans un système qui s'appelle Ocean, la GRC la retourne à la Sûreté du Québec ou aux polices...

M. Normand (Antoine) : ...municipales... Il en rentre 60, 65 par jour. Ça fait qu'au Canada on n'a même pas la capacité... on doit choisir quel cas criminel on traite à chaque... à chaque jour, quelle enquête est faite et quelle enquête n'est pas faite.

Donc, oui, les policiers vont traiter certaines plaintes, là, du genre Mme se présente au poste de police en disant : Mon conjoint a produit de la... des images d'exploitation sexuelle de mon enfant, je désire porter plainte, etc. C'est une infime petite partie de tout le volume qui existe en ligne.

Donc, d'après moi, si je peux me permettre, vous devriez vous attendre à des centaines et à des centaines de dénonciations par mois.

M. Jolin-Barrette : Et c'est la personne... dans notre modèle, c'est la personne qui est visée, c'est la victime qui va remplir le formulaire ou une personne en son nom qui va le faire, justement, pour permettre, supposons, des mineurs, de venir intervenir. Bien, on a prévu également que les personnes âgées de 14 ans et plus pouvaient le faire eux-mêmes pour une question aussi parfois qu'ils ne veulent pas le dire à leurs parents ou quoi que ce soit, mais on va avoir de la flexibilité pour intervenir.

Dans le cadre de votre travail, là, supposons sur une perspective de 10 ans, là, comment ça évolue? On est en augmentation hyper truquages, partage d'images intimes...

M. Normand (Antoine) : Bien, dites-vous que tout ça est...

M. Jolin-Barrette : Faites-nous le portrait, là.

M. Normand (Antoine) : Oui. Tout ça est parti, là, fin des années 2010, 2008, 2009, 2010. Le constat était que de l'hébergement, là, être capable de stocker des images ou du... des vidéos, ça coûtait de moins en moins cher. Tu sais, vous alliez chez Costco, puis ça coûtait 500 $ pour un terabyte, puis, un an et demi plus tard, ça n'en coûtait 200, etc. Et les fournisseurs d'accès Internet ont augmenté... ils ont multiplié pour le même prix la vitesse de leurs connexions. Donc, ça donne la capacité à des gens qui ont de mauvaises intentions de... d'échanger des quantités énormes de contenus. Et donc ce qu'on voit, puis je vous donnais l'exemple, le début de la pandémie a été marquant. On parle d'à peu près 300, 350 % d'augmentation depuis 2020 chez mes clients.

M. Jolin-Barrette : Et ça, c'est sur Internet. Le projet de...

M. Normand (Antoine) : Bien, c'est sur ce qui est saisi.

M. Jolin-Barrette : Sur ce qui est saisi.

M. Normand (Antoine) : Oui.

M. Jolin-Barrette : Parce que là, nous, on couvre aussi, dans le cadre du projet de loi, les échanges texto aussi...

M. Normand (Antoine) : Oui.

M. Jolin-Barrette : ...parce qu'il y a ce phénomène-là aussi chez les adolescents. Ça n'a pas nécessairement besoin d'être sur une plateforme ou être hébergé, mais également par textos, puis ça aussi, c'est un fléau actuellement.

M. Normand (Antoine) : C'est un fléau. Les adolescents préfèrent les... préfèrent normalement les plateformes parce que c'est... il y a moins de surveillance. Vous comprenez que pour surveiller une plateforme, un hébergeur, un Facebook ou un Snapchat, utilise des listes d'images déjà connues puis il les compare avec les images qui arrivent puis qui sont uploader par les gens. Puis, s'ils ne la connaissent pas, bien, il la laisse passer à moins que quelqu'un la flague, la désigne comme illégale ou comme problématique. Ça fait que la grande majorité est échangée de cette manière-là parce que les textos, évidemment, bien, il y a une copie de l'image qui reste chez Bell, chez Vidéotron. Donc, c'est beaucoup plus facile à retracer quand on parle d'images à caractère plus ou moins illégal.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je vous remercie pour votre passage en commission parlementaire.

M. Normand (Antoine) : Merci pour l'invitation.

M. Jolin-Barrette : Je vais laisser mes collègues échanger avec vous. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :M. le député Saint-Jean, s'il vous plaît.

M. Lemieux : Merci beaucoup, M. le Président. M. Normand, mon ancien collègue Charles Tisseyre aurait dit que vous écouter, c'est fascinant...

M. Normand (Antoine) : Merci. C'est gentil.

M. Lemieux : ...mais c'est aussi épeurant.

M. Normand (Antoine) : Oui.

M. Lemieux : Vous veniez de parler du cas d'une mère dont l'enfant avait été abusé dans le sens qu'il y a eu des images à son insu qui circulaient. Il y a la pornographie, c'est l'exploitation commerciale de. Il y a l'exploitation sexuelle des mineurs, qui est la dimension criminelle de l'affaire. Puis là on parle depuis ce matin à des gens qui travaillent au service de victimes de violence conjugale, violence sexuelle. C'est deux mondes, mais, en même temps, c'est la même mécanique...

M. Normand (Antoine) : C'est la même chose.

M. Lemieux : ...puis c'est le même problème. C'est ne pas plus beau ou moins beau, mais c'est deux mondes, là.

M. Normand (Antoine) : Oui.

M. Lemieux : Quand vous dites : Vous allez en avoir des centaines. Vous voyez ça plus venir du monde de l'exploitation sexuelle des mineurs et ces gens qui ont des millions de photos?

• (18 heures) •

M. Normand (Antoine) : Moi, je pense que la très grande majorité des dénonciations que vous allez avoir vont venir de matériel de contenu de personnes mineures. Donc, la très grande majorité des photos, des vidéos qui vont faire l'objet d'une plainte vont être des personnes qui... Bien, écoutez probablement rarement des... On en voit, là, de un an, deux ans, trois ans, là, mais la tranche d'âge de 10 à 18 ans, d'après moi, va être de loin...


 
 

18 h (version non révisée)

M. Normand (Antoine) : ...par rapport aux adultes qui vont... qui vont porter plainte.

M. Lemieux : Et, sans vouloir être inclusif et penser à tout, je pense que, quand le projet de loi a été déposé, les gens voyaient que leur adolescente de 15 ans, qui n'ose pas aller parler à maman mais qui a vu sa photo sur un groupe de... circuler, peut aller et avoir un certain recours, même sans passer par sa mère, et ça, c'est la partie à laquelle on pense tous.

M. Normand (Antoine) : Oui.

M. Lemieux : Mais vous, vous nous évoquez un paquet d'affaires.

M. Normand (Antoine) : Bien, moi, je vais être franc avec vous. Moi, ce qui m'inquiète, c'est par exemple un adolescent de 11 ans qui est en train de jouer sur la plateforme Fortnite puis qui se fait offrir par une jeune fille de 14 ans qui est excessivement attirante, la possibilité d'obtenir 2 000 V-bucks, qui est la monnaie sur Fortnite, en échange d'images intimes de lui-même ou d'un vidéo, d'un streaming qu'il pourrait faire sur une plateforme quelconque. Et le jeune va recevoir son 2 000 V-bucks et probablement va même recevoir des images, de fausses images intimes de l'abuseur qui se fait passer pour une jeune fille. Ma question, c'est le 50 $ à 5 000 $ puis l'ordonnance, vous allez la faire appliquer en Côte d'Ivoire comment?

M. Lemieux : Bien, c'est là où je m'en allais, mais pas aussi précis que vous êtes là, mais le modèle australien dont vous nous parliez. D'abord, c'est quoi, la proportion de dossiers qu'on pourrait appeler de personnes, d'écoliers, de maris qui sont... qui sont en train de vraiment exercer un contrôle coercitif sur leur conjointe avec du matériel comme ça? Puis après ça, on parlera d'argent par rapport aux amendes, là. Mais faites-moi un portrait de leurs cas, là.

M. Normand (Antoine) : En Australie, des rapports «about image-base abuse», ça fait que, donc, des images d'abus sexuels, pas nécessairement d'enfants, mais en général, on parle de 9 060 rapports, l'année passée. Puis, de ceux-là, il y en a eu 2 644 qui provenaient d'adultes.

M. Lemieux : O.K. Mais il y a... il y avait de tout, là. Ce commissaire-là, il règle... il ne règle pas mais il reçoit toutes ces plaintes-là?

M. Normand (Antoine) : Il reçoit toutes ces plaintes-là en ligne via un processus de traitement, et tout ça.

M. Lemieux : Parlons d'amendes maintenant. Parce que, dans notre cas, il y a... il y a plus que le 500 $ à 5 000 $. Il y a le 5 000 $ à 50 000 $ aussi dans le cas des personnes morales, il y a les personnes physiques. Bon. C'est... C'est vraiment efficace quand on monte les montants en Australie par exemple?

M. Normand (Antoine) : Oui. Parce qu'il faut comprendre, une entreprise comme... là, qui a son siège social à Montréal, qui est propriété d'un groupe d'investisseurs d'Ottawa, qui est la plus grosse plateforme... c'est eux qui ont le plus de... qui ont le plus de trafic mondial en termes de contenu adulte, je veux dire, 50 000 $, tu sais, ils font ça aux 10 minutes, là.

M. Lemieux : Mais l'Australie, ils font quoi, eux autres?

M. Normand (Antoine) : L'Australie, c'est... c'est plus que 500 000 $, et deuxièmement, ils les exposent publiquement, et troisièmement, ils ont la possibilité de faire emprisonner les dirigeants ou les représentants de l'entreprise sans... même si ceux-ci n'avaient pas connaissance ou n'ont pas approuvé la publication du contenu.

M. Lemieux : Faites-moi un parallèle, dans le même sujet, les amendes avec le modèle français.

M. Normand (Antoine) : Je ne connais pas les amendes du modèle français, malheureusement. Je n'ai pas... Je ne détiens pas cette information-là. Mais les Français ont aussi un modèle extraterritorial, c'est-à-dire qu'ils peuvent demander à une plateforme américaine de retirer du contenu.

M. Lemieux : Mais, de ce que vous en savez, il y a... il y a du mérite par rapport au point de vue du législateur... pas «d'augmenter», mais d'aller le plus haut possible pour être capable d'aller chercher pas juste l'argent mais...

M. Normand (Antoine) : Et de faire retirer le contenu.

M. Lemieux : Faire retirer le contenu. C'est ça.

M. Normand (Antoine) : Oui. C'est ça. L'autre chose que l'Australie a bien faite, au début, c'était seulement coercitif. Le bureau de la... Mme Grant, là, de la Safety Commissioner, a signé des ententes avec les plus grands hébergeurs du pays, donc ceux qui avaient le plus de volume. Un peu comme le Pr Trudel parlait, là. Qui fait le plus d'argent avec du contenu visuel au Canada actuellement, bien, allons signer une entente avec Meta, allons signer une entente avec TikTok, allons signer une entente où est-ce qu'eux-mêmes s'autorégulent, eux-mêmes mettent en place des boutons où est-ce que tu peux dire : Moi, je veux que ce contenu-là soit retiré, puis ils s'engagent à un résultat d'un certain nombre... une réactivité d'un certain nombre d'heures.

M. Lemieux : O.K. Je retourne aux montants. Parce que je fais calcul rapide, là, pour les personnes physiques, d'un projet de loi, c'est 500 $ à 5 000 $ par jour tant que ce n'est pas retiré, puis pour le 5 000 $ à 50 000 $ pour les personnes morales par jour tant que ce n'est pas retiré. Vous, vous pensez que plus c'est haut, plus c'est retiré vite...

M. Normand (Antoine) : ...Oui, surtout si on a une entente préalable avec la plateforme.

M. Lemieux : Vous le pensez? Et est-ce que c'est documenté, jusqu'à un certain point?

M. Normand (Antoine) : Je crois que, si on se base sur le rapport annuel de la commissaire à la commission de la eSafety Commissioner de l'Australie, ça... c'est assez bien documenté, oui.

M. Lemieux : Donc, ça marche, là, comme on dit, là.

M. Normand (Antoine) : En Australie, 87 % du contenu est retiré. Puis là, on s'entend, là, tu sais, vous avez du contenu qui est... qui est posté sur imgsr.ru, Là, en Russie, où est-ce qu'il y a plein de contenus d'exploitation sexuelle de... autant d'adultes que de mineurs, bien, vos chances sont un peu plus faibles, là.

M. Lemieux : Oui. Et donc ça peut revenir à un moment donné, ça, là?

M. Normand (Antoine) : C'est clair. Et ça peut être réintroduit sur des plateformes à partir de ces plateformes... de ces plateformes d'hébergement là sur lesquelles on n'a aucune juridiction puis qui ne collaborent pas.

M. Lemieux : Donc, le cauchemar qu'on entend souvent dans le monde du numérique, que tu ne peux jamais être rassuré que ça n'existe plus, ce n'est pas... c'est vrai, là.

M. Normand (Antoine) : C'est vrai.

M. Lemieux : Combien de temps, M.?

Le Président (M. Bachand) :Deux minutes.

M. Lemieux : Deux minutes. Quand vous avez lu le projet de loi n° 73, parce que vous aviez entendu parler qu'il sortait, vous êtes-vous dit enfin?

M. Normand (Antoine) : Bien, j'ai fait... Premièrement, mettons les choses en contexte. Le gouvernement fédéral travaille sur le projet de loi n° 63, C-63, depuis plusieurs mois, sinon deux ans, deux ans et demi, et on... au Canada, surtout dans la communauté policière, on est un peu tous découragés de la vitesse que les choses avancent et de comment ils approchent les... ils approchent les choses. C'est... Premièrement, c'est mené par le ministère du Patrimoine canadien. On parlait de créer à l'interne un groupe d'experts, là, qui allait... qui allait faire de la modération sur Internet, donc. Donc, j'ai vu avec rafraîchissement le dépôt du projet de loi n° 73 comme quelque chose de plus simple. Mais, encore une fois, ma recommandation, ce serait de créer un officier du Parlement, peut-être un juge mais un juge spécialisé, avec une formation dans le domaine, appuyé d'un bureau, appuyé d'une équipe qui aurait les moyens et technologiques et l'expertise pour le faire.

M. Lemieux : Laissez-moi quelques secondes, puisqu'il m'en reste, pour vous demander si l'effet de dissuasion des grosses amendes fait en sorte aussi qu'il y a moins de tentatives ou il y a moins de viols de...

M. Normand (Antoine) : Bien, il y a plus d'autorégulation chez les plateformes. Je ne pense pas que la grosseur des amendes ralentisse les adolescents qui décident de faire de l'échange, dans leur école secondaire, d'images intimes.

M. Lemieux : Ils n'y ont pas pensé, eux autres. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci, M. le député de Saint-Jean. M. le député de l'Acadie, pour 12 minutes 45 s.

M. Morin : Oui, merci, M. le Président. Bonjour, M. Normand. Merci, merci d'être là. C'est très éclairant. J'ai une question pour vous. J'en ai discuté avec le Pr Trudel. Le projet de loi, et je l'ai dit plus tôt aujourd'hui, l'objectif, l'idée, c'est... bon, là, évidemment, je ne veux pas que ces images-là circulent. Il y a la possibilité d'obtenir une ordonnance. Mais, dans les faits, là, concrètement, une fois l'ordonnance obtenue, comment... comment on fait pour retirer ça du Web?

M. Normand (Antoine) : Bien, comme je vous dis, c'est... Si on parle seulement de deux personnes qui... une qui détient les images puis l'autre qui veut que les images soient effacées, c'est assez simple, là. Mais, à partir du moment où il y a une diffusion, où il y a... où il y a du... où ces images-là passent par différentes plateformes d'échange, où des vidéos qui, peut-être, étaient consensuelles au départ mais qui se ramassent sur des plateformes à caractère adulte, alors que souvent les personnes dans les vidéos ne sont pas des adultes, là, ça commence à être excessivement compliqué parce qu'il y a une multiplication du contenu. Vous pouvez aller sur une plateforme adulte, «downloader» le contenu, le garder sur votre ordinateur, vous brancher sur le «dark Web» puis la repartager par la suite, ou sur Reddit, ou sur plein d'autres plateformes.

M. Morin : O.K. Le projet de loi couvre aussi les textos. Évidemment, si c'est deux personnes qui s'échangent des textos, j'imagine qu'on peut les identifier assez facilement.

M. Normand (Antoine) : C'est assez facile.

M. Morin : S'il y a un groupe textos puis... ça partout, même si c'est des textos, ça ne sera pas plus facile.

M. Normand (Antoine) : Ça ne sera pas plus facile, mais ça l'a le même caractère d'avoir la capacité d'être enlevé, au... tu sais, au pire, un texto, on pourrait demander aux telcos de le faire retirer. Là, j'imagine qu'ils ont la... Si Facebook a la capacité d'effacer 1 500 copies de la même image, c'est comme un rien, que Bell a la capacité d'effacer huit textos, là.

• (18 h 10) •

M. Morin : O.K. Donc, ce serait important... Puis, à ce moment-là, bien, l'ordonnance devrait viser une personne ou un organisme. Puis, à ce moment-là, bien, il faut quand même être capable d'identifier l'image.

M. Normand (Antoine) : D'identifier l'image, de s'assurer de l'authenticité de l'image parce que quelqu'un pourrait prétendre...

M. Normand (Antoine) : ...que quelqu'un partage des fausses images d'elle juste pour des questions de nuisances. Et aussi l'intégrité de l'image. Donc, est-ce que... est-ce qu'un juge va devoir recevoir, via le formulaire, une copie de toutes ces images-là pour s'assurer que le contenu, c'est vraiment ce qui est... ce qui est visible en ligne, là? Ça, ça va être un... ça va coûter cher de services psychologiques dans la magistrature.

M. Morin : O.K., très bien. Je vous remercie. En Australie... vous avez parlé du modèle australien, là, vous avez parlé des amendes. Ils ont instauré un système civil ou criminel?

M. Normand (Antoine) : Civil. Les deux. Donc, si c'est des images non... d'enfants abusés, bien, évidemment, il y a... c'est référé au centre canadien de protection des... «centre canadien», centre australien de protection des enfants, à Brisbane, qui, eux, vont faire l'enquête et vont déposer les... déposer les accusations qui sont nécessaires. Mais le processus de retrait d'image et le processus de forcer quelqu'un à l'effacer, c'est un processus civil.

M. Morin : O.K.. Parfait.

M. Normand (Antoine) : Et pénal, là, s'il y a des... s'il y a des peines d'emprisonnement qui s'appliquent aux dirigeants, par exemple, c'est pénal mais pas criminel.

M. Morin : Puis la... bien, la commissaire, parce que c'est une femme, en Australie, là.

M. Normand (Antoine) : Oui. Mme Grant, oui.

M. Morin : Donc, elle, elle a... elle a les pouvoirs d'un juge puis elle peut émettre des ordonnances.

M. Normand (Antoine) : Oui, bien, je ne sais pas si elle a le pouvoir d'un juge, mais elle a le pouvoir d'un officier du Parlement et elle peut émettre des ordonnances qui sont exécutoires.

M. Morin : Qui sont exécutoires. Et, à ce moment-là, est-ce qu'il y a une possibilité de contester ces ordonnances-là?

M. Normand (Antoine) : Oui, il y a une procédure de contestation, là, que... Je ne connais pas les détails, là, mais quelqu'un peut s'opposer, mais le fardeau de la preuve, un peu comme dans le projet de loi no 73, est un peu inversé, là.

M. Morin : O.K. Parfait. L'autre élément, vous y avez fait référence, puis j'ai posé une question là-dessus également au Pr Trudel, un peu plus tôt : Quel serait le meilleur moyen pour s'assurer qu'on va être capable d'identifier et d'avoir une compétence sur les plateformes qui sont au Québec? Parce qu'il est possible que leur...

M. Normand (Antoine) : Oui. Je suis un peu en désaccord avec le Pr Trudel, là-dessus. Si on se fie au modèle australien, donc, on pourrait facilement mettre dans la loi que les plateformes, même si elles ne sont pas au Québec, ont l'obligation de retirer le contenu et de mettre les pénalités en place, mais surtout de rendre... de rendre responsables les dirigeants de ces plateformes-là, tu sais. Tik Tok, là, le dirigeant de Tik Tok, au Canada, on le voit dans des conférences à tous les six mois, là, donc on est capable de savoir où il demeure puis de l'arrêter si nécessaire.

M. Morin : Sauf que, dans ce cas-ci, il s'agirait d'une ordonnance civile, c'est ma compréhension, donc lui demander, finalement, de faire le nécessaire pour que l'image soit retirée.

M. Normand (Antoine) : Oui. La majorité des grandes plateformes, là, les Tik Tok, Meta et autres, là, vont collaborer juste pour ne pas se faire accuser de faire de la diffusion de matériel à caractère d'exploitation sexuelle. C'est l'expérience qu'on a vue ailleurs, en France, notamment, en Australie.

M. Morin : Parfait. Je vous remercie. Puis, en fait, vous, là, selon votre opinion, la procédure qui est prévue dans le projet de loi, bien que l'objectif soit louable, ça risque de ne pas être très efficace, finalement.

M. Normand (Antoine) : Bien, écoutez, on peut l'essayer, mais, comme je vous dis, moi, je pense que ça va être des centaines... des centaines et des centaines de dénonciations par mois, une fois que ça va être connu, là, donc on peut se donner probablement un six mois d'implantation, mais, par la suite, ça va... Surtout si on permet de le faire en ligne, puis ce que je vous suggère, c'est de le faire en ligne, comme ils font notamment en France et en Australie. Bien, un enfant qui, tout d'un coup, est pris dans un coin, il y a des images de lui qui circulent, il ne veut pas en parler à ses parents, il ne veut pas en parler à l'école, bien, d'aller remplir un formulaire où il explique c'est quoi, sa situation, puis qu'il y a quelqu'un qu'il ne connaît pas qui va faire enlever les images, je pense que ça a des chances de marcher.

M. Morin : O.K. Puis, oui, évidemment, je vous écoute, puis il me semble que ce serait un minimum d'avoir toute la procédure en ligne, parce que c'est de ça dont on parle, puis, pour être efficace... Je comprends que le projet de loi prévoit d'autres mécanismes, mais à la vitesse où ça va, tu sais, se présenter au palais de justice, déposer une ordonnance, le juge regarde ça, l'image, elle va s'être promenée partout sur la planète et encore.

M. Normand (Antoine) : C'est clair. Sauf que, tu sais, une... un homme, un homme blanc de 65 ans qui vient de se faire extorquer... par des images, puis on lui demande 50 000 $...

M. Normand (Antoine) : ...est-ce qu'il a la capacité d'aller en ligne, de remplir tous les formulaires, d'uploader ce qu'il a lui-même créé sur son ordinateur? Il y a peut-être des cas où un formulaire papier et un accompagnement vont être nécessaires.

M. Morin : O.K. Et on nous a dit un peu plus tôt que, pour plusieurs victimes, ce serait important effectivement d'avoir un accompagnement pour être capable de remplir, déposer le formulaire. Est-ce que ce type d'accompagnement là existe en Australie ou si les gens envoient au eCommisonner ou eSafety Commissioner?

M. Normand (Antoine) : Ce que je comprends, c'est qu'au niveau de l'exploitation sexuelle d'enfants, il y a un accompagnement pour le dépôt de la plainte qui est disponible.

M. Morin : O.K. Mais le projet de loi ici ne vise pas que des enfants.

M. Normand (Antoine) : Exactement. Donc, vous sortez de mon expertise. Je ne le sais pas.

M. Morin : O.K., C'est parfait. Je vous remercie beaucoup, M.. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Oui. Merci, M. le Président. Merci d'être parmi nous. Dans le fond, ce que je comprends, c'est que vous pensez que les parlementaires, on sous-estime peut-être un peu le volume de plaintes qui vont arriver au niveau civil.

M. Normand (Antoine) : Bien, les intervenants précédents ont dit qu'un adolescent sur cinq, au cours de son adolescence, va recevoir du matériel qu'il ne voulait pas recevoir de quelqu'un qui ne voulait probablement pas que ce soit partagé. Donc, faites le calcul rapidement sur, tu sais, combien de personnes ça peut représenter au Québec. Il y en a peut-être, quoi, 10 %, 15 % qui vont demander le retrait de ce contenu-là. Donc, moi, je pense que c'est des milliers de... c'est des milliers de plaintes qui vont rentrer par année, là.

Mme Nichols : Puis vous disiez : Ça peut être facile d'aller en ligne, remplir le formulaire, puis là, le lendemain matin, bien, le juge regarde... le juge reçoit tous les dossiers, il regarde ça, mais le juge regarde ça... Puis je fais appel un peu à votre expérience, vous avez l'expérience dans des dossiers probablement plus criminels, dans des dossiers criminels, là, on s'en va en civil. Puis, même encore là, là, dans les dossiers criminels, les juges ont cette expertise-là, de regarder les photos, de l'analyser, de le... Moi, c'est là où je...

M. Normand (Antoine) : Oui. La majorité des juges ne veulent pas voir les photos. Ils demandent aux policiers de prendre des échantillons représentatifs et de les décrire par écrit de c'est quoi l'action à caractère sexuel, la mutilation, les cris, la voix, etc., qu'est-ce qui est dit dans le vidéo pour ne pas être exposé au matériel auquel les enquêteurs sont exposés. Donc, j'ai de la misère à croire que les juges vont vouloir voir tout le matériel qui va leur être soumis. Mais pour en avoir vu et travaillé sur des dossiers depuis une quinzaine d'années, je peux vous assurer que c'est excessivement difficile de se débarrasser de ce contenu-là dans notre tête, là.

Mme Nichols : Oui, c'est une chose de se débarrasser de ce contenu-là, mais c'est parce qu'il va falloir qu'ils se prononcent aussi, parce qu'il va y avoir une ordonnance... il va y avoir une ordonnance. Ça fait qu'il va avoir l'image et il va devoir se prononcer sur l'image, alors qu'il n'a peut-être pas, puis là je vais dire, les qualités, là, mais, tu sais.

M. Normand (Antoine) : Ou la formation ou le suivi nécessaire à voir cette quantité de... cette quantité de matériel visuel, là, ou audio, hein, parce qu'il y a du son dans les vidéos, là.

Mme Nichols : Vous avez parlé... Il me reste un peu de temps, M. le Président? Vous avez parlé, entre autres, de... là, on parle de la formation qui va avoir évidemment besoin de formation, mais vous avez parlé de la mise en application qui va sûrement être difficile. En tout cas, je pense que c'est ce qu'on partage un peu, là, puis même les différents groupes, que ce soit pour les femmes victimes d'agression sexuelle, c'est l'application de tout ça sur le terrain. Ça va être quoi, le plus grand défi à relever?

M. Normand (Antoine) : Bien, je pense qu'un des plus grands défis va être la mise en place d'une plateforme qui va collecter toute cette information-là, qui va la classer et la présenter à la personne ou à l'organisation qui va devoir décider si une ordonnance doit être émise ou non. Donc, on sous-estime souvent la complexité de la mise en place de ces choses-là, en voulant créer évidemment un audit trail, là, un suivi, la capacité de suivi de qui a vu l'image, qui a le droit de la voir, qui a le droit de voir le contenu et qui y a accédé dans le passé pour s'assurer de l'intégrité des preuves qui vont être déposées, un peu comme les modèles forensiques au sein des forces policières.

• (18 h 20) •

Mme Nichols : O.K., donc s'il y avait des recommandations, votre première recommandation, c'était de créer un officier, puis sinon?

M. Normand (Antoine) : Bien, premièrement, mon premier constat, c'est que j'ai peur de l'engorgement. Ma recommandation, c'est de créer...

M. Normand (Antoine) : ...un bureau spécialisé, là, complètement indépendant qui pourrait être présidé par un juge ou non. Et troisièmement, de tenir compte des nouveaux effets de l'intelligence artificielle et des prochaines itérations des algorithmes, là, de ce qu'ils vont être capables de créer.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. Normand, d'avoir été avec nous cet après-midi, c'est très, très, très apprécié.

Sur ce, je suspends les travaux. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 21)

(Reprise à 18 h 25)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, on continue les travaux. Alors, il nous fait plaisir de recevoir les représentants du Barreau du Québec, donc Maître Marcel-Olivier Nadeau et, comme je le disais avant de rentrer en ondes, un habitué de la Commission des institutions, Maître Nicolas Le Grand Alary. Merci beaucoup d'être avec nous. Alors, vous connaissez la règle, 10 minutes de présentation, et après ça, on aura un échange avec les membres de la commission. Donc la parole est à vous.

(Visioconférence)

M. Nadeau (Marcel-Olivier) : Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je suis Maître Marcel-Olivier Nadeau, premier vice-président du Barreau du Québec, et je suis accompagné de Maître Nicolas Le Grand Alary, avocat au secrétariat de l'ordre et des affaires juridiques. Nous vous remercions d'avoir invité le Barreau à participer aux consultations entourant le projet de loi n° 73. Son objectif est clair, mieux protéger les personnes victimes de partage d'images intimes sans consentement et améliorer l'accompagnement des victimes de violence familiale, sexuelle ou conjugale devant les tribunaux.

Depuis plusieurs années, le Barreau du Québec est interpelé par les enjeux relatifs au traitement judiciaire des violences sexuelles et conjugales, s'engage d'ailleurs activement dans les travaux menés à ce sujet, notamment en collaborant avec le ministère de la Justice dans les réflexions et le déploiement du tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale.

Nous accueillons donc avec beaucoup de satisfaction l'ensemble des mesures prévues au projet de loi. Nous désirons néanmoins formuler certains commentaires puisque nous croyons qu'il est possible d'en accroître l'efficacité par des propositions concrètes susceptibles d'en simplifier l'application et d'en bonifier le contenu.

De prime abord, nous proposons que l'ensemble des mesures offertes par le projet de loi soient couvertes par l'aide juridique. Cela favoriserait l'accessibilité aux personnes victimes, considérant notamment que ce sont majoritairement des mineurs qui risquent de demander les ordonnances visant à faire cesser le partage d'une image intime.

En ce qui a trait à la notion au cœur du projet de loi sur le partage sans consentement d'images intimes, il y est proposé une définition d'«image intime» qui s'inspire de celle prévue au Code criminel en lien avec l'infraction de publication non consensuelle de telles images.

Tout d'abord, nous saluons l'inclusion des images modifiées par hypertrucage, car ces modifications sont de plus en plus fréquentes, surtout depuis la prolifération des outils d'intelligence artificielle qui permettent de générer des images réalistes de personnes existantes.

Le Barreau du Québec s'interroge toutefois sur le libellé général de l'article. Nous comprenons qu'une image intime «doit représenter une personne nue ou partiellement nue ou une personne se livrant à une activité sexuelle explicite et que l'attente raisonnable de protection de la vie privée s'applique à l'une et l'autre de ces situations.» Or, la rédaction actuelle de l'article pourrait laisser croire, par l'emploi des termes «soit» et «ou», que certaines des conditions sont cumulatives ou exclusives.

Le Barreau propose donc que cette disposition soit réécrite en paragraphe, dans un souci de clarification, afin de permettre que toute personne, majeure ou mineure... de se prévaloir aisément du processus d'ordonnance. En effet, dans un tel contexte, il ne devrait pas être nécessaire d'avoir à consulter un avocat ou une avocate pour se faire expliquer la loi. Cela devrait être à la portée de tous, d'autant plus que la rapidité de réaction est de mise pour éviter la propagation des images.

Par ailleurs, nous voulons suggérer que la possibilité de révocation du consentement donné dans le cadre d'un contrat conclu à des fins commerciales ou artistiques soit élargie au cas où un intérêt prépondérant, public ou privé, le justifie ou lorsque la loi le permet. Ainsi, l'article de loi ne pourra être interprété comme retirant des droits que les victimes pourraient, en son absence, faire valoir.

Poursuivons avec les droits octroyés par le projet de loi aux personnes mineures. Les dispositions proposées innovent en permettant aux mineurs de 14 ans et plus d'introduire seuls la demande d'ordonnance, de consentir seuls à ce qu'une personne ou un organisme l'introduise pour eux. Le Barreau du Québec appuie avec enthousiasme cette orientation.

Cependant, le texte du projet est silencieux quant aux mineurs de moins de 14 ans. Rappelons que, selon les règles régulières, les tuteurs et représentants sont tenus, dans une procédure contentieuse, de se faire représenter par un avocat devant les tribunaux. Afin de favoriser le recours à cette nouvelle ordonnance, le Barreau du Québec suggère que le projet de loi inclut une exception à cette exigence afin que les parents et tuteurs légaux puissent introduire la demande au nom de l'enfant mineur de moins de 14 ans sans avoir à être représenté par avocat ou avocate.

• (18 h 30) •

Pour poursuivre quant aux formalités relatives à la demande d'ordonnance, notre mémoire contient quelques propositions de bonification, notamment quant au contenu du formulaire et quant à l'assermentation de celui-ci. Au demeurant, nous suggérons qu'un second formulaire soit mis à la disposition des justiciables pour la demande d'annulation d'ordonnance.

Nous notons que le projet de loi permet par ailleurs que l'ordonnance soit prononcée à l'égard de toute personne, même si son identité est inconnue du tribunal...


 
 

18 h 30 (version non révisée)

M. Nadeau (Marcel-Olivier) : ...Le Barreau s'interroge sur la force exécutoire d'une telle ordonnance, considérant que la Cour suprême du Canada a décidé, dans le cadre d'un recours en outrage au tribunal, qu'une personne ne peut avoir l'intention de faire obstacle à un ordre de la cour si elle n'en a pas connaissance. Ainsi, nous suggérons que l'ordonnance puisse être prononcée à l'égard de toute personne dont l'identité ou tout autre renseignement permettant sa notification est connu.

Pour clore sur cet aspect, il est prévu que toute audition... toute audience relative à une ordonnance de cesser le partage d'images intimes doit se tenir à huis clos. Elle peut... Elle peut toutefois être publique, si le tribunal l'ordonne, dans l'intérêt de la justice. Nous proposons de prévoir que l'audience puisse aussi être publique à la demande de la personne qui a requis l'ordonnance afin de contribuer au processus de guérison et de reprise de pouvoir de la part de la personne victime. C'est une demande qui est fréquemment formulée dans le cadre de procès criminel en matière de violences sexuelles.

Poursuivons maintenant avec un second élément clé du projet de loi, soit l'ordonnance civile de protection. Celles-ci ont été intégrées au Code de procédure civile en 2016. Bien qu'elles aient pour finalité de favoriser la protection de la vie, de la santé ou de la sécurité d'une personne, leur utilisation demeure jusqu'à présent relativement marginale. Le Barreau du Québec avait d'ailleurs formulé des recommandations afin de mieux baliser le mécanisme dans le but d'encourager son usage. Nous sommes donc heureux de constater que le projet de loi apporte des améliorations en ce sens. D'une part, il élargit le champ d'application des ordonnances de protection et, d'autre part, il simplifie la procédure de demande d'une telle ordonnance.

Une autre avancée significative proposée par le projet de loi mérite d'être soulignée. En effet, en cas de contravention à une ordonnance de protection, les sanctions prévues au Code criminel trouveront application. À l'heure actuelle, la victime est contrainte d'intenter un recours en outrage au tribunal, une démarche qui peut s'avérer onéreuse et complexe. Les modifications proposées par le projet de loi permettront dorénavant au Directeur des poursuites criminelles et pénales de porter une accusation ou d'intenter une poursuite sommaire de désobéissance à une ordonnance du tribunal, conformément au Code criminel. Nous sommes convaincus que cette modification aura un effet dissuasif à l'égard de la personne contrevenante et allégera le parcours des victimes en leur évitant d'engager des démarches supplémentaires. D'ailleurs, afin de protéger davantage ces dernières, le Barreau du Québec recommande de conférer au tribunal la possibilité d'émettre l'ordonnance de protection pour une durée indéterminée. Le projet de loi n'apporte aucune modification quant à la durée maximale de l'ordonnance de protection, laquelle demeure donc limitée à trois ans. En octroyant à l'ordonnance un caractère permanent, il en résulterait également un allègement du fardeau reposant sur la victime de faire une demande de renouvellement ou de prolongation. Pour sa part, la personne visée par l'ordonnance pourra toujours faire une demande de modification ou d'annulation, si les circonstances le justifient.

Aussi, afin de promouvoir l'accessibilité aux demandes d'ordonnance de protection, le Barreau recommande une exemption des frais judiciaires afférents à cette procédure. Nous proposons cette exemption parce que nous estimons que le montant des frais et autres droits de greffe, actuellement 293 $, peut constituer un frein injustifié à l'exercice de ce recours, compromettant ainsi l'accès à la justice pour les personnes vulnérables qui ont besoin de cette mesure de protection.

Nous voulons par ailleurs saluer les diverses mesures d'aide aux personnes victimes proposées par le projet de loi, notamment les mesures d'assistance lors d'un témoignage et la possibilité de faire la preuve d'une infraction criminelle en matière civile. Notre mémoire renferme des pistes d'optimisation à ces mesures.

Au niveau du droit de la preuve, nous accueillons avec enthousiasme la présomption de faits non pertinents que le projet de loi intègre au Code civil du Québec ainsi qu'à plusieurs autres lois. Nous recommandons d'ailleurs qu'elle soit également ajoutée au Code des professions, puisqu'une telle présomption faciliterait l'administration de la preuve par les ordres professionnels dans les dossiers d'inconduite sexuelle. Les faits présumés non pertinents, au nombre de six, constituent une codification des enseignements des tribunaux relatifs aux mythes et stéréotypes persistants dans le domaine judiciaire. Depuis les trois dernières décennies, la jurisprudence de la Cour suprême a clairement établi que la preuve fondée sur de tels mythes et stéréotypes est inacceptable, que ceux-ci n'ont plus leur place en droit canadien.

En terminant, le Barreau du Québec souhaite que le projet de loi soit mis en œuvre rapidement et que les mesures proposées portent fruit afin de mieux protéger les personnes victimes de partage non consensuel d'images intimes, ainsi que, de manière plus générale, les personnes victimes de violence sexuelle, conjugale ou familiale. D'autres commentaires se trouvent dans notre mémoire.

Nous vous remercions encore une fois pour cette invitation et sommes disposés à répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. Me Nadeau, Me Le Grand Alary, bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission relativement au projet de loi n° 73, la Loi visant à contrer le partage d'images intimes. Merci de représenter le Barreau du Québec. Je voudrais échanger avec vous, là...

M. Jolin-Barrette : ...sur le fait que, dans le projet de loi, on a fait en sorte qu'un jugement en matière civile, notamment en matière de responsabilité civile, qui condamne à des dommages-intérêts un défendeur pour des gestes à caractère sexuel, notamment une agression sexuelle, supposons que la personne a commis des gestes de nature sexuelle à l'endroit d'une victime et qu'on en est à 100 000 $, bien, on abolit le délai de prescription pour la validité du jugement, parce que les jugements sont valides pour 10 ans.

Alors, j'aimerais vous entendre sur cette proposition-là, la position du Barreau, sur le fait que la personne qui obtient un jugement va pouvoir l'exécuter, la vie durant dans le fond, il n'y aura plus de délai de prescription de 10 ans. Donc, si jamais la personne est insolvable au moment du prononcé du jugement et qu'elle devient solvable à la 15 ᵉ année après le jugement, bien, la personne victime va pouvoir faire exécuter son jugement. Je voulais savoir qu'est-ce que vous pensiez de cette mesure-là.

M. Nadeau (Marcel-Olivier) : Me Le Grand Alary, je vous laisse répondre.

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Oui, merci. Merci pour la question. C'est un point qu'on salue dans notre mémoire, effectivement. Il faut comprendre que... Puis il y a eu des modifications au fil des années au niveau du délai de prescription pour obtenir un jugement, là, c'est-à-dire après une demande en justice, soit pour des faits de nature sexuelle ou d'autres faits en matière d'agressions sexuelles ou d'infractions criminelles. Le Barreau a appuyé ces mesures-là puis l'extension du délai de prescription.

On considère ici que l'abolition du délai de prescription de 10 ans, le rendre imprescriptible au niveau du jugement, bien, c'est une excellente mesure, en fait, là, qui va permettre, si, par exemple, la personne est insolvable, d'attendre qu'elle le devienne pour l'exécuter. Je crois que les arguments qu'on entend souvent au niveau du délai de prescription, c'est-à-dire que les témoins peuvent avoir oublié leur version, tu sais, si on remonte à quelque chose qui remonte à plusieurs années, où la preuve matérielle peut avoir été perdue ou d'autres choses, c'est des arguments qu'on peut comprendre en matière de prescription lorsqu'on est comme en demande principale pour obtenir le jugement. Mais lorsque le jugement a été obtenu, ces questions-là ont déjà été réglées. On a un jugement qui est entré en force de choses jugées, et donc on ne voit pas d'enjeu à ce qu'il soit imprescriptible, là, pour l'exécution puis aussi pour favoriser, là, pour la victime l'exécution du jugement si la personne... le défendeur devient solvable par la suite.

M. Jolin-Barrette : O.K. Vous avez bien raison de dire : On a modifié la loi également. Ma collègue, la présidente du Conseil du trésor, a fait adopter le projet de loi n° 55, justement pour abolir le délai de prescription en matière de violences subies pendant l'enfance, de violences sexuelles, de violence conjugale, qui faisait suite à un projet de loi que j'avais déposé dans l'opposition. Puis, pour nous, c'est très clair qu'on voulait envoyer un signal que le simple écoulement du temps ne fait pas en sorte que ça va empêcher les victimes de violence sexuelle agressées sexuellement d'obtenir réparation. Donc, c'était un des objectifs. Puis, dans le fond, le fait que les jugements désormais n'auront plus de délais de prescription aussi dans ces matières là, bien, ça complète ce que nous avions proposé.

Je voudrais vous entendre également sur... un peu sur un même sujet, là. Dans le projet loi, on prévoit que, lorsqu'il y a une condamnation criminelle, supposons encore en matière d'agressions sexuelles, on va pouvoir, s'il y a une demande en matière civile, en responsabilité civile notamment, simplement déposer le jugement en matière criminelle, et la personne victime demanderesse n'aura pas à faire la preuve de la faute parce que le jugement va faire établir que la faute est versée en matière civile. Donc, comment vous réagissez par rapport à cette mesure-là, du fait que la victime n'aura pas à réprouver, donc n'aura pas à témoigner sur les éléments de la faute pour éviter justement qu'elle doive relater les mêmes faits au tribunal en matière civile?

M. Nadeau (Marcel-Olivier) : Bien, d'une part, dans notre mémoire, on suggère de peut-être clarifier la disposition afin d'être certain que tout le monde comprenne s'il s'agit d'un renversement de fardeau de preuve, s'il s'agit d'une présomption simple qui peut être renversée ou d'une présomption irréfragable... irréfragable, excusez-moi, qui ne peut être renversée. C'est ce qu'on suggère dans notre mémoire. Et pour ce qui est... Et je comprends de votre intervention, M. le ministre, que votre avis est qu'il s'agirait d'une présomption qui ne pourrait être renversée. Et puis, pour notre part, on est somme toute à l'aise avec une telle disposition.

• (18 h 40) •

M. Le Grand Alary (Nicolas) : J'ajouterais juste... en fait, j'ajouterais juste qu'effectivement c'est important d'éviter de revictimiser la personne victime. Donc, on appuie effectivement cette mesure-là, mais je pense juste qu'il y a peut-être... Quand on regarde l'état du droit au niveau de la jurisprudence sur quelle est la force probante d'un jugement, on est sur souvent...

M. Le Grand Alary (Nicolas) : ...une espèce de présomption ou, en tout cas, un caractère réfragable, si vous voulez, que ce soit clair, que ce soit présomption irréfragable, peut-être le préciser plus... de manière plus spécifique au libellé, là, ce qui est vraiment... fait. Nous, on n'avait pas de commentaire au niveau de la force que vous vouliez lui accorder. Je pense que l'important, c'est au niveau d'éviter de revictimiser la personne.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur l'ordonnance civile de protection, là, on a fait le choix de diminuer le fardeau de preuve qui est sur les épaules de la personne victime, donc d'y aller avec la crainte plutôt que de démontrer que c'était un état de fait. Est-ce que vous avez des commentaires par rapport à cette proposition-là?

M. Nadeau (Marcel-Olivier) : Me Le Grand Alary?

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Non, pas sur ce point-là. Au niveau de l'ordonnance civile de protection, on avait été... le Barreau avait été interpelé, là, dès 2016, lors de la création, là, de l'ordonnance civile de protection, au niveau de son utilisation. Puis avec le temps, on a formulé des commentaires sur le fait que c'était peut être un outil qui n'était malheureusement peut-être pas assez utilisé. Donc, la mise en place de nouveaux critères qui vont favoriser l'obtention, puis peut-être d'aller vers ce mécanisme-là au lieu d'aller vers le 810 du Code criminel, qu'on a vu dans plusieurs endroits, c'est quelque chose qui peut effectivement aider.

Ce que vous avez pris connaissance, dans notre mémoire, au niveau de l'ordonnance civile de protection, on était beaucoup sur le mécanisme, les coûts puis la durée de l'ordonnance, au final, là, mais au niveau des critères... c'est quelque chose qui s'oriente au niveau de ce qu'on veut faire en matière de protection des personnes victimes. Puis aussi on salue, également, tout le nouveau mécanisme d'ordonnance provisoire, avec les délais en urgence puis l'obtention de l'ordonnance permanente par la suite, là. Je pense que tout ça, c'est un mécanisme qui est intéressant pour les personnes victimes puis qui va... qui devrait porter fruit, parce qu'on voit que... même dans la jurisprudence, que ça demeure peu utilisé, là, actuellement.

M. Jolin-Barrette : Donc, renseignez-moi, je comprends, pour vous, que vous ne souhaiteriez pas... bien, en fait, vous souhaiteriez abolir le délai de trois ans pour la validité de l'ordonnance civile de protection?

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Effectivement. Il faut comprendre qu'une ordonnance civile de protection, c'est essentiellement un peu comme une injonction. Si on regarde les règles du Code de procédure civile... une injonction peut être faite de manière permanente. Donc, on ne verrait pas pourquoi il y aurait un délai, là, de... un délai de trois ans pour sa validité. Puis c'est aussi d'éviter de demander aux personnes victimes d'aller redemander un prolongement, qu'elles soient émises de nouveau, ou des modifications. Si jamais il y a un changement de situation qui nécessite que l'ordonnance soit retirée, bien, l'autre partie peut toujours le faire, je pense que Me Nadeau l'a évoqué dans l'allocution, il peut faire la demande de modification ou d'annulation de l'ordonnance, puis il y aura une audition à cet effet-là.

M. Nadeau (Marcel-Olivier) : Effectivement, la personne visée par l'ordonnance aurait le fardeau, elle, de demander à ce qu'elle soit suspendue ou annulée, plutôt que de faire porter le fardeau à la victime d'y retourner à une période déterminée, soit de trois ans ou soit de plus, pour demander le renouvellement de l'ordonnance.

M. Jolin-Barrette : Parce que, là, c'est vraiment une ordonnance en soi, là, ce n'est pas... ce n'est pas une injonction, c'est... on crée vraiment l'ordonnance de protection... sur l'ordonnance.

Le CAVAC, tantôt, nous a dit : Nous, on serait à l'aise avec une durée de cinq ans. Qu'est-ce que vous pensez de cinq ans pour la validité de l'ordonnance civile de protection?

M. Nadeau (Marcel-Olivier) : Bien, considérant qu'on vous suggère qu'elle ait une durée indéterminée, je vous dirais qu'on ne peut pas s'opposer à ce qu'elle soit plus longue que trois ans, là, mais la position du Barreau est à l'effet qu'on pourrait faire reposer sur les épaules de la personne visée par l'ordonnance le fait de retourner devant le tribunal pour en demander l'annulation.

M. Jolin-Barrette : Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues, sur la question de l'aide au témoignage, on vient prévoir, là, dans le projet de loi, là, qu'on va pouvoir témoigner à distance si jamais on est victime de violence sexuelle ou violence conjugale en matière civile. Le juge devra l'ordonner si on a une attestation. Même chose, accompagnement d'une personne de confiance dans la salle d'audience pour témoigner, ou d'un chien d'assistance. Donc, on vise à incorporer ce qui se fait, pas mal, en matière de tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et conjugale, donc d'aider, de créer un sentiment de sécurité pour rendre à l'aise, sous réserve, bien entendu, que le tribunal pour apprécier la crédibilité, mais le fardeau va être sur la cour. Est-ce que le Barreau est à l'aise avec ces mesures-là d'aide au témoignage?

M. Nadeau (Marcel-Olivier) : Nicolas, je te laisse.

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Oui, tout à fait... Oui, merci. Oui, tout à fait, on est à l'aise avec ces mesures-là. On vous suggère certains points, là, peut-être plus techniques dans le mémoire, notamment au niveau de...

M. Le Grand Alary (Nicolas) : ...de ce qui se fait dans le Code criminel en matière des... notamment aux personnes mineures puis aux personnes ayant une déficience, là, c'est le terme employé par le Code criminel. Il y a certaines mesures qui ne sont peut-être pas exactement prévues dans le Code de procédure civile, là, l'utilisation de paravent, écran, et autres, il y en a qui sont aussi prévues au Code de procédure civile. Je pense qu'il y a... il y a une panoplie d'outils pour les... pour les tribunaux. L'utilisation d'un chien spécialement formé également, c'est quelque chose qu'on salue. Il y a beaucoup de... Il y a... Il y a beaucoup de mesures là-dedans qui vont permettre de faciliter le témoignage.

Puis, en même temps, ça demeure sur la cour. Et on voit, je crois, à l'article 279, comme modifié du Code de procédure civile, que le tribunal peut ordonner le témoignage en personne si jamais il y aurait un juge sur l'appréciation de la crédibilité du témoin. Donc, on maintient pour le tribunal la possibilité de le faire lorsque les circonstances l'exigent, mais le tout, dans l'objectif de favoriser, là, la personne victime, là, de favoriser son passage dans le... dans le processus judiciaire.

M. Jolin-Barrette : O.K. Peut-être une vraie dernière question, là. Sur la question de la formation avec le Tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et conjugale, on a mis une obligation de formation pour tous ceux qui interviennent au tribunal spécialisé. En matière civile, en matière familiale, là on va offrir la formation aussi aux acteurs qui sont là. Je voulais vous demander : Qu'en est-il par rapport à la magistrature sur la formation? Parce que, quand qu'on a fait le projet de loi sur le tribunal spécialisé, pour les juges de la Cour du Québec, les juges de paix magistrats puis les juges des cours municipales, ceux que le gouvernement du Québec nomme, on a prévu qu'au moment du dépôt du formulaire de la candidature, les juges devaient s'engager à suivre une formation. Même chose pour les juges suppléants. Donc, ceux qui décident de prendre la retraite et qui souhaitent continuer à siéger, ils doivent s'engager ou avoir suivi la formation avant qu'ils puissent être désignés par le gouvernement du Québec à titre de juges suppléants, ce qui est... ce qui est... ce qui est en cours de fonction et couvert par le Conseil de la magistrature. Mais je voudrais entendre le Barreau sur la formation de la magistrature. Est-ce que vous avez des pistes de solution à suggérer au législateur relativement à la formation de la magistrature, que ce soit pour la Cour supérieure ou que ce soit pour la Cour du Québec, considérant le fait que la majorité des dossiers en matière familiale se retrouvent à la Cour supérieure, des litiges en matière civile peuvent être à la fois à la Cour du Québec ou à la fois en Cour supérieure, en fonction du montant? Mais je voudrais vous entendre sur la formation par rapport à la magistrature, s'il y a des avenues qui devraient être entreprises par le législateur.

M. Le Grand Alary (Nicolas) : C'est une excellente question. Je pense qu'on avait salué, à l'époque, là, les modifications au niveau de la formation, l'engagement à suivre de la formation en matière de violence sexuelle, conjugale, qui a été fait. Mettons, au niveau du partage d'images intimes, est-ce qu'on pourrait faire la même chose? Ça ne fait pas l'objet du... Ce n'était pas dans le projet de loi, puis on n'a pas de commentaires nommément à cet effet-là. Mais je pense que tous s'entendent, puis je pense que tous les acteurs s'entendraient pour dire que c'est important, la formation de tous les acteurs, incluant la magistrature.

Donc, pour ce qui est des juges de nomination fédérale, par exemple à la Cour supérieure, bien, c'est sûr qu'au niveau de... on a... on n'a peut-être pas de solution aujourd'hui, là, puis de piste là-dessus, mais effectivement, c'est quelque chose à explorer, que ce soit en collaboration avec le Conseil de la magistrature ou avec la Cour elle-même, sur les orientations, là, qui pourraient être prises sur ce qui pourrait être fait comme formation. Mais, je pense, c'est pas mal le plus loin qu'on peut... qu'on peut aller parce que ça n'a pas fait l'objet de commentaires dans notre mémoire.

M. Jolin-Barrette : Excellent. Bien, écoutez, merci beaucoup pour votre présence en commission parlementaire. Je vais céder la parole à mes collègues. Merci.

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Merci à vous.

Le Président (M. Bachand) :M. le député de Saint-Jean pour 2 min 58 s.

M. Lemieux : Presque trois.

Le Président (M. Bachand) :Presque trois.

M. Lemieux : Il n'en reste plus rien que 2 min 50 s. Merci, M. le Président. Me Nadeau, Me Le Grand Alary. Content de voir revoir, en passant. Me Nadeau, je ne sais pas pourquoi, mais, si vous étiez là déjà, en CI, depuis quelques années. Vous étiez en grand nombre, puis je vous... en tout cas.

M. Nadeau (Marcel-Olivier) : C'est mon baptême du feu, M. le député. C'est ma première présence en commission parlementaire.

M. Lemieux : Il me semblait aussi. Bien oui, il me semblait aussi, bon. Bien, je vais commencer par les fleurs d'abord. Puis je n'aurai peut-être pas le temps pour le... non, je n'ai pas de pot. Parce que, tout au long de votre témoignage puis de vos réponses, mais surtout dans votre présentation, je vais saluer le fait que vous ayez salué autant de choses auxquelles nous tenions beaucoup en déposant ce projet de loi, et même la dernière réponse au sujet de la formation sur la magistrature. Effectivement, en parlant à d'autres témoins, tout à l'heure, j'avais remarqué qu'il y avait une petite hésitation. On parlait de formation. Je pense que c'est les personnes responsables des maisons qui viennent en aide aux femmes. Puis la personne répondait : Oui, peut-être...

M. Lemieux : ...comme pour avoir plus d'informations ici, plus là. Puis j'ai relancé en disant oui, puis la magistrature et le sourire auquel j'ai eu droit étaient tellement éloquents. Alors, merci d'avoir contribué à la réflexion du ministre dans cette dernière réponse.

• (18 h 50) •

Il ne me reste plus beaucoup de temps mais... puis la journée a été longue et on recommence demain avec le même sujet, mais il y a une question que je pose à tout le monde. Je vais vous la poser rapidement. On nous dit qu'il y a un adolescent sur cinq qui aurait déjà reçu l'image intime d'une personne qui n'y consentait pas, mais seulement une centaine de dossiers minimum par année, puis pas plus que 175 au criminel, en chambre criminelle, pour ce type d'infractions. C'est donc... en tout cas, vu de mon point de vue, c'est une avancée extraordinaire pour l'accès à la justice pour tous ces gens-là, surtout si on parle des adolescents. Puis on imagine mal puis on n'imagine même pas combien il peut y avoir d'adultes dans ce cas là aussi. Donc, on va avancer et vous êtes non seulement d'accord avec ça, mais vous êtes enthousiaste, sans vous mettre les mots dans la bouche.

M. Nadeau (Marcel-Olivier) : Bien, bous avez raison de le dire, on souligne plusieurs, plusieurs bons coups du projet de loi, et, notamment, je crois que, pour ce qui est des délais, par exemple, certaines mesures, notamment le fait que le juge de paix magistrat va pouvoir entendre les demandes d'ordonnances et autres, là, sont des avenues qui font en sorte qu'effectivement l'accès à la justice devrait être assuré pour un plus grand nombre de personnes, comme vous le soulignez.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup.

M. Lemieux : ...Me Le Grand Alary. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :M. le député d'Acadie.

M. Morin : Merci, M. le Président. Alors, bonsoir, Me Nadeau. Bienvenue pour votre première participation, si j'ai bien compris, en commission parlementaire. Ça fait plaisir. Me Le Grand Alary, bonsoir. Mais vous, vous avez... vous êtes un habitué. Alors, content de vous revoir.

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire. J'attire votre attention à la page 4 quand vous faites une référence à l'article 2 et que vous soulignez que l'article pourrait être rédigé différemment pour en augmenter sa clarté et son utilisation. Si jamais vous avez une proposition pour le gouvernement ou l'opposition officielle, ça nous fera plaisir de la recevoir et, à ce moment-là, on pourra travailler avec ça. Parce qu'évidemment, vous avez raison, la loi doit être claire et bien compréhensible pour évidemment les citoyens et citoyennes.

Le projet de loi prévoit qu'il y a une demande qui pourrait être faite en ligne. J'imagine que vous êtes d'accord avec cette proposition-là.

Des voix : ...

M. Morin : Parfait. Excellent. J'attire également votre attention à l'article 9 du projet de loi quand on parle d'une modification du Code de procédure civile et des aides au témoignage. À l'article 9, il y a différentes aides qui sont prévues. Il y a des groupes qui nous ont dit que ce n'était pas clair si ces types d'aides là pouvaient être cumulatives, c'est-à-dire avoir quelqu'un qui assite puis, en plus, avoir un chien spécialement formé. D'après vous, est-ce que le libellé permet le cumul des aides ou si ce n'est pas clair?

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Je pense que tout est une question de lecture. Et je crois peut-être que... si vous regardez ce qu'on a fait dans le mémoire au niveau, puis votre première réflexion sur l'article 2, là, puis ça va nous faire plaisir de regarder si le libellé... Je pense que... Je vais vous donner un exemple. Si on met plusieurs avocats dans une pièce et chacun ont leur propre interprétation de l'article, il y a peut-être un problème de clarté à dégager de ça. Peut-être effectivement que ça pourrait être plus clair que les mesures soient cumulatives. Moi, ma lecture rapide ne fait pas état, là, que ce soit limitatif, mais si c'est quelque chose qui a été soulevé et qu'il n'y a rien qui empêche que ce soit des mesures cumulatives d'aide aux témoignages, c'est quelque chose qui pourrait être effectivement précisé, là. Nous, on avait certains commentaires peut-être techniques sur l'accréditation des chiens formés pour l'assistance judiciaire puis la panoplie des mesures à 279 du Code de procédure civile, donc je pense qu'on s'inscrit dans cette lignée-là, là, de vouloir en favoriser le témoignage de la personne victime, s'il y a certaines mesures qui le permettent.

Puis, encore une fois, comme je l'ai dit dans une réponse précédente, le tribunal conserve la possibilité donnée aux témoins d'être présents ou de mettre en place les mesures ou non sur certains cas. Tout ça pourra être jugé selon les circonstances. Donc, il y a un cumul de mesures, ce n'est pas... c'est peut-être quelque chose à réfléchir.

M. Morin : Je vous remercie...

M. Morin : ...Vous avez fait référence à certains éléments plus techniques pour l'accréditation du chien d'assistance. Est-ce que vous pouvez développer davantage?

M. Le Grand Alary (Nicolas) : En fait, c'est juste... Quand on regarde, c'est quelque chose qui existe dans d'autres juridictions au Canada depuis plusieurs années. L'expérience dans ces juridictions-là, normalement, on va vers un programme accrédité, là, d'animaux d'assistance, notamment des chiens d'assistance juridique. Je ne sais pas s'il y a une intention d'avoir un décret qui nomme un organisme accréditeur ou qu'il y ait... ou que ce soit des animaux qui soient des chiens qui soient, par exemple, fournis par le ministère de la Justice ou un organisme affilié. C'est peut-être des pistes à réfléchir, là, au niveau de la... du balancement entre l'aide au témoignage puis le décorum de la salle d'audience, là. Quand on regarde ce qui s'est fait dans d'autres juridictions, il y a peut-être eu des fois des... je ne vais pas dire des dérapages, mais il y a eu des cas qui ont nécessité de recentrer les règles. Ce qu'on voit normalement, c'est la présence d'un certain mécanisme d'accréditation de ces animaux-là. C'est vraiment juste ça.

M. Morin : En fait, c'est un excellent point que vous mentionnez, Me Le Grand Alary. Ça permettrait aussi de s'assurer que l'État va financer l'achat des chiens d'assistance, parce que, sinon, ça devient très difficile pour des organismes qui aident des victimes à acquérir, ces chiens-là. Parfait.

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Effectivement.

M. Morin : Merci. Également, quand on parle au début de l'ordonnance pour empêcher le partage sans le consentement d'images intimes, la procédure qui est identifiée, choisie par le législateur, c'est un juge de la Cour du Québec ou un juge de paix magistrat. Sauf qu'ici, ma compréhension, c'est qu'on est en matière civile. Est-ce que pour vous, ça pose un enjeu? Est-ce qu'on est en train d'étendre la compétence du juge de paix magistrat à la chambre civile? Ça pose-tu un problème dans la règle de nomination. Est-ce que c'est quelque chose qu'on devrait regarder?

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Le Barreau appuie le fait, là, de permettre aux juges de paix magistrats, là, de rendre ces ordonnances-là. Effectivement, les juges de paix magistrats, normalement, exercent plus en matière pénale et criminelle, mais, quand on regarde leurs attributions, notamment à l'annexe cinq de la Loi sur les tribunaux judiciaires, on voit qu'ils peuvent présider, là, les procès en matière pénale et criminelle de manière concurrente, là, avec les juges de la Cour du Québec. C'est sûr que la majorité des dossiers qui leur sont soumis, là, je pense que leurs... leurs dossiers majoritaires, c'est l'émission de mandats, l'émission d'ordonnances, notamment en matière criminelle, matière pénale, mandats de perquisition et autre, donc, ils sont habitués déjà à juger sur requête dans des auditions ex parte, hors de la présence des parties. Donc, le mécanisme proposé colle avec... pour l'émission, là, de l'ordonnance, là, sur le dossier suite à la... à la complétion d'un formulaire par la partie demanderesse. Je pense que ça... ça va de soi, avec leurs attributions. Nous, ce qu'on propose... En fait, le seul commentaire qu'on fait sur les juges de paix magistrats, c'est que, si on va à une audition en contestation à l'article 15 du projet de loi... en fait, à l'article 15 de la loi, là, édicté par le projet de loi, on propose que ce soit un juge de la Cour du Québec, là, qui se prononce parce que, là, il pourrait avoir d'autres enjeux là-dessus, au niveau, là, d'un débat contradictoire, il y a d'autres choses. Donc, là-dessus, ce serait de compétence de la Cour du Québec. Mais, pour l'émission initiale de l'ordonnance, effectivement, là, le projet de loi octroie aux juges de paix magistrats puis le Barreau appuie cette mesure.

M. Morin : Eh bien, je vous remercie. Évidemment, compte tenu de la vitesse à laquelle les images sont diffusées ou partagées sur Internet, il faut agir vite. Je comprends que la demande, elle, peut être faite ex parte. Maintenant, s'il y a... s'il y a une contestation, entre autres, l'article 17 soutient et indique que la règle que l'audience doit se tenir à huis clos. Il y a quand même une exception lorsque les parties sont majeures. Avez-vous des enjeux avec le fait que la règle serait que l'audience va se tenir à huis clos, compte tenu évidemment de l'importance pour la population d'avoir accès aux cours de justice?

• (19 heures) •

M. Le Grand Alary (Nicolas) : C'est sûr que, comme principe général, je pense, c'est important, la publicité des débats, c'est sûr. C'est sûr que l'article proposé par le projet de loi le mentionne, que ça s'applique malgré l'article 23 de la charte, où on reconnaît... la charte québécoise reconnaît l'importance, là, des auditions publiques. Mais, considérant la nature du type de dossier, c'est le type d'exception qu'on peut retrouver ailleurs. Et nous, je crois qu'on essaie de... Il y a déjà une exception qui est prévue que le tribunal peut le lever. Nous, on propose d'ajouter que la personne victime, là, que la partie demanderesse puisse demander également la levée...


 
 

19 h (version non révisée)

M. Le Grand Alary (Nicolas) : ...du huis clos dans un processus, là, de guérison puis de... de reprise de pouvoir, ce qu'on voit souvent en matière de procès pour agression sexuelle. Il faut comprendre qu'en matière criminelle il y a également des dossiers qui sont... qui peuvent être à huis clos, on le voit en matière de protection de la jeunesse, dans d'autres domaines, en famille. Il y a différents domaines, puis peut-être, Me Nadeau, il y a... vous avez d'autres exemples, là, mais il y a... il y a plusieurs exemples sur... sur ce type de dossiers-là qui peuvent être à huis clos, là.

M. Morin : Et j'ai une dernière... dernière question, parce qu'il y a un élément, je trouve, qui est important que vous avez soulevé. Le projet de loi va modifier différentes lois pour s'assurer qu'il y a certains éléments qui vont être présumés non pertinents. Vous l'avez identifié, on ne mentionne pas le Code des professions. Personnellement, je pense, ça pourrait être un ajout intéressant. Vous le soulignez également. Est-ce que le fait que... Quand il y a ce type d'enjeux, qui sont en fait... ou manquements par un professionnel en lien, par exemple, avec de la violence à caractère sexuel ou violence conjugale, vous suggérez que dans le Code de professions... ou dans le Code des professions, ces mêmes éléments-là pourraient être jugés non pertinents et que ça serait utile?

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Oui, effectivement. C'est sûr que l'infraction spécifique au Code des professions, là, à laquelle on va rattacher souvent les... la notion de violence à caractère sexuel, c'est l'article 59.1, qui précise qu'un professionnel ne peut pas abuser ou utiliser la relation professionnelle qu'il a avec un client pour tenir des propos abusifs à caractère sexuel, abuser de la personne. Toute la notion d'«inconduite sexuelle» passe par cet article-là. Mais, effectivement, il peut y avoir des cas où ça va être pertinent, là, d'exclure peut-être certaines... certains éléments qui pourraient être non pertinents, là, selon la jurisprudence constante de la Cour suprême sur... sur ce qui est pertinent ou non en matière, là, d'infractions de nature sexuelle, donc, puis on le voit dans une panoplie où on l'ajoute au Code civil, mais vous avez la Loi sur la fonction publique, la Loi sur les normes du travail. Je crois qu'on l'inclut dans la plupart des... des différentes, là, lois qui peuvent avoir une composante ou avoir un dossier qui va invoquer ce type de stéréotypes là, de mythes et préjugés là. Donc, le Code des professions peut être une... également, là, une voie à inclure là-dedans, là, au niveau de l'interdiction d'utiliser ces éléments non pertinents là.

M. Nadeau (Marcel-Olivier) : En fait, on ne voit aucune raison pour lesquelles... pour laquelle ça ne serait pas également ajouté au Code des professions. Ce serait tout à fait logique que ce le soit, au même titre que ce l'est dans les lois qui ont été nommées par Me Le Grand Alary.

M. Morin : Parfait. Alors, Me Nadeau, Me Le Grand Alary, merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le député d'Acadie. Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Merci, M. le Président. Merci de votre présence et de votre mémoire. J'ai seulement une question. Je voulais savoir la position du Barreau... en fait, une précision, parce que vous parlez entre autres... vous parlez qu'à l'article 15, là, où il y a une permission également, en fait, avec la demande d'annulation. Vous vous positionnez ou... En fait, vous dites que la compétence devrait être un peu différente à cause de cette procédure d'annulation là? Vous souhaiteriez que ça... que ça soit traité... Peut-être juste nous expliquer, là, quel est le raisonnement qui... qui suit cette proposition-là.

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Je comprends que vous visez le... le cas de figure où, lorsqu'on est dans une... dans les 30 jours, là, de l'émission de l'ordonnance, il y a une audition. Là, si le... si le défendeur, essentiellement, décide de contester, où ce débat-là devrait avoir lieu...

Mme Nichols : À l'article 15.

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Exactement, à l'article 15. Considérant, là, les... Considérant les enjeux potentiels d'une telle contestation, la façon qu'il peut y avoir des moyens de défense, il peut y avoir des enjeux contractuels également, c'est quelque chose qui a été évoqué, bien, ce type de débat là, peut-être, sied mieux à la Cour du Québec, là, un juge de la Cour du Québec qu'un juge de paix magistrat, qui a clairement les compétences pour le faire, mais peut-être n'a pas... n'a pas forcément l'habitude de... de présider des ordonnances... des auditions contradictoires. Peut-être, Me Nadeau, sur le... tu sais, le caractère peut-être contractuel ou le... le... les débats qu'il pourrait y avoir sur... Ce n'est pas uniquement... C'est que c'est... Il faut démontrer la fausseté des allégations, je crois, là, et... l'insuffisance ou la fausseté des allégations de la déclaration de la personne, là, initiale. Donc, il peut y avoir un débat, là, judiciaire à ce niveau-là au niveau de la contestation, donc on le voyait plus à la Cour du Québec.

Mme Nichols : Donc, sur cette partie, vous suggérez qu'on précise que ça soit seulement à compétence... Chambre civile de la Cour du Québec?

M. Nadeau (Marcel-Olivier) : Exact.

Mme Nichols : Parfait. Très bien. Peut-être juste...

Mme Nichols : ...vous avez, d'emblée, là, ouvert votre... quand vous avez commencé votre... vos explications, vous avez dit «couvrir l'ensemble des mesures par l'aide juridique.» Vous parlez de l'ouvrir... de l'ouvrir à tout le monde... à tout le monde qui va déposer une demande pour une ordonnance?

M. Nadeau (Marcel-Olivier) : On suggère que ce soit un service qui soit... qui soit inclus, qu'il soit possible d'être couvert par l'aide juridique. Mais évidemment, les critères d'admissibilité demeuraient les mêmes. Donc, si une personne a un revenu élevé mais dépose une ordonnance, elle ne... elle ne pourra pas avoir accès à l'aide juridique. Mais c'est une possibilité. Donc, dès lors que la personne est éligible par ses revenus, elle pourrait avoir accès à l'aide juridique. Donc, c'est...

Mme Nichols : Oui. Les critères seraient les mêmes, mais de l'ouvrir à l'ensemble des mesures?

M. Nadeau (Marcel-Olivier) : Les critères d'admissibilité seraient les mêmes, mais il s'agirait d'un service qui serait inclus, qui serait possible de... c'est ça, de recevoir les services de l'aide juridique.

Mme Nichols : Très bien. Merci.

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Puis ça peut inclure les personnes mineures également, là, tu sais, si des personnes mineures sont couvertes. Donc, tu sais, je pense que le panier de... le panier de services... de l'inclure dans le panier de services de l'aide juridique avec les conditions d'admissibilité, puis ensuite, il y a d'autres possibilités qui sont prévues dans le projet de loi, que des organismes ou autres contribuent à remplir, là, ces mesures-là. Donc, je pense que ça offre le service à la majorité, là, ;de la population.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Merci, Me Le Grand Alary, Maître Nadeau. Merci beaucoup d'avoir été avec nous. Puis, Maître Nadeau, Me Le Grand Alary, on se dit à la prochaine, hein?

Alors donc, la commission ajourne ses travaux au mercredi 30 octobre 2024, après les avis touchant les travaux des commissions. Merci. Belle soirée!

(Fin de la séance à 19 h 07)


 
 

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