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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mardi 24 septembre 2024 - Vol. 47 N° 83

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 67, Loi modifiant le Code des professions pour la modernisation du système professionnel et visant l’élargissement de certaines pratiques professionnelles dans le domaine de la santé et des services sociaux


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Journal des débats

9 h 30 (version non révisée)

(Neuf heures quarante-cinq minutes)

Le Président (M. Bachand) :Bonjour, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte.

La Commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 67, Loi modifiant le Code des professions pour la modernisation du système professionnel et visant à l'élargissement de certaines pratiques professionnelles dans le domaine de la santé et des services sociaux.

Avant de débuter, M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Asselin (Vanier-Les Rivières) est remplacé par M. Allard (Maskinongé); Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis) est remplacée par Mme Caron (La Pinière); et M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé par M. Cliche Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne).

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Donc ce matin, nous allons avoir le plaisir d'entendre les organismes suivants : l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, la table de concertation des associations professionnelles. Mais d'abord, il nous fait plaisir d'accueillir le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité. Alors, merci beaucoup avec nous. Vous connaissez les règles, 10 minutes de présentation, après ça, on aura le plaisir d'échanger avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous. Merci.

Mme Paquette (Marie-Josée) : Merci, M. le Président. Mmes et MM. les députés et membres de la Commission des institutions, je suis enthousiaste de vous présenter aujourd'hui le mémoire du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, le CQCM, concernant le projet de loi n° 67, qui vise à moderniser le système professionnel.

Donc, d'entrée de jeu, il est important de préciser que nous sommes en accord avec l'intention du projet de loi. Nous entrevoyons des retombées très structurantes, dont plus particulièrement pour le milieu coopératif, si certains éléments sont bien définis.

Donc, premièrement, permettez-moi quelques mots sur le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité. Notre organisation a été fondée en 1940 pour répondre aux besoins des coopératives existantes de l'époque, d'avoir un lieu de concertation et d'échange. Aujourd'hui, le CQCM est le point de repère pour les réseaux coopératifs mais également pour les mutuelles du Québec. Il mobilise près de 3 000 coopératives et mutuelles dans la province et ses champs d'action demeurent la concertation, toujours aujourd'hui, la représentation gouvernementale, on est ici aujourd'hui, l'éducation ainsi que la promotion du modèle d'affaires, mais on coordonne aussi tout un écosystème qui est en soutien au démarrage et à la croissance d'entreprises sur l'ensemble du territoire québécois, contribuant ainsi au développement social et économique, à la vitalité des territoires et surtout à l'engagement citoyen par le modèle d'affaires coopératif. Donc, on coordonne un ensemble d'organisations qui oeuvrent dans différents secteurs d'activités, par exemple les services financiers et les assurances, l'agroalimentaire, quand on parle de souveraineté alimentaire avec nos coopératives agricoles sur l'ensemble du territoire, la forêt et l'énergie, quand on parle qu'il faut réviser le régime forestier avec nos coopératives de travailleurs en milieu forestier, l'habitation, quand on veut avoir plus d'accessibilité à la propriété avec les coopératives d'habitation, les services à la personne, quand on veut maintenir nos aînés plus longtemps dans leur milieu de vie, ou encore assurer des services de santé en région avec les coopératives de santé, commerce de détail, pour éviter des déserts alimentaires en région avec des coopératives d'alimentation qui sont partout dans nos régions, le manufacturier. Des secteurs en émergence aussi, ça peut être des coopératives en intelligence artificielle ou encore en développement durable. Donc, on représente tous ces secteurs d'activités là.

C'est quoi une coopérative? Une coopérative, c'est une entreprise, c'est une entreprise à vocation économique qui est gérée collectivement par ses membres. Donc, les membres peuvent être, par exemple, des producteurs, des travailleurs et des consommateurs. Ses membres composent le conseil d'administration qui embauche la direction générale. Donc, c'est une entreprise qui se distingue par sa gouvernance, qui est inclusive, transparente, mais surtout démocratique. L'entreprise appartient aux membres. C'est une entreprise qui est collective. Et, au Québec, on peut se vanter d'avoir une loi qui encadre les coopératives depuis plusieurs années, la Loi sur les coopératives, et qu'on veut continuer d'actualiser, qui est présentement entre les mains du ministre Skette pour une actualisation de la loi qu'on souhaite qu'elle soit d'ailleurs inscrite au processus législatif.

Donc, une coopérative ne génère pas de profits, ici, c'est très important, mais plutôt des excédents qui bénéficient à ses membres, mais aussi à la collectivité. Donc, par le collectif, vous comprenez qu'une coopérative bénéficie de facto d'une acceptabilité sociale comme projet collectif dans une région, parce qu'elle est créée pour répondre à un besoin et que les services et les produits offerts sont taillés sur mesure pour répondre à ces besoins-là. Elle crée une mobilisation, un enracinement local dans les communautés. Elle est donc souvent impliquée dans les communautés, que ce soit par un soutien financier ou encore moral à différents projets ou causes, selon la vision de son conseil d'administration. Donc, les préoccupations de la société sont généralement reflétées à travers les coopératives sur l'ensemble du...

Mme Paquette (Marie-Josée) : ...territoires québécois qui ont à cœur un développement responsable beaucoup plus large que simplement leur propre entreprise. Donc, les engagements envers les enjeux de société sont fréquents.

• (9 h 50) •

Et c'est un modèle d'affaires qui plaît, entre autres, à la jeune génération d'entrepreneurs qui y voient une façon d'entreprendre différemment selon leurs valeurs, leurs principes et leurs aspirations. C'est un modèle d'affaires qui favorise l'engagement citoyen aux enjeux de société.

Finalement, les coopératives sont fondées sur le principe de démocratie, et la gestion collective de l'entreprise, bien, permet un engagement fort de ses membres dans toutes les décisions prises par l'organisation.

On a réalisé une étude en 2022 sur le taux de survie des coopératives et les résultats sont probants : 64 % des coops créées survivent au moins cinq ans, contre 35 % des entreprises traditionnelles québécoises, et 44 % des coopératives créées survivent au moins 10 ans contre 19,5 % des entreprises traditionnelles québécoises. On est sortis d'une pandémie de COVID. Les coopératives ont été des entreprises qui ont passé le mieux au travers, bien qu'elles avaient également des défis, comme toute autre entreprise québécoise.

Donc, ces chiffres témoignent de l'importance de valoriser davantage le secteur collectif auprès des secteurs public et privé, en réponse aux enjeux sociétaux et surtout pour favoriser l'engagement des citoyens et des citoyennes du Québec pour répondre à ces enjeux-là.

L'importance du projet de loi n° 67, revenons au projet de loi n° 67, pour le milieu coopératif ne peut pas être sous-estimé. Pourquoi? Parce que ça représente une opportunité d'innovation et de développement qui est considérable pour les coopératives. Il permettra aux professionnels du Québec d'avoir une plus grande flexibilité pour choisir le mode d'exercice de leur profession et de clairement pouvoir utiliser ce modèle d'affaires pour les différentes pratiques.

Par exemple, les coopératives de travailleurs, de santé et de producteurs pourront bénéficier de ce cadre législatif modernisé pour mieux répondre aux besoins de leurs membres et de la communauté.

Prenons l'exemple des coopératives de travailleurs. Les coopératives permettent aux travailleurs de venir... de devenir copropriétaires de leur entreprise, ce qui favorise une plus grande implication et motivation de ces derniers. Mais, pour ce faire, la notion des coopératives au sein du projet de loi n° 67 et la reconnaissance du cadre juridique les entourant doivent clairement être reflétées dans le p.l. 67.

J'en viens à nos recommandations. Notre première recommandation concerne la définition des personnes morales sans but lucratif. Actuellement, le projet de loi n° 67 ne comporte pas de définition claire de ce terme, ce qui peut entraîner des confusions. Et ce n'est pas juste le projet de loi n° 67. Plusieurs textes législatifs au Québec n'a pas la même définition de ce qu'est une personne morale sans but lucratif.

Donc, on propose de remplacer chaque occurrence du terme «personne morale sans but lucratif» par «entreprise d'économie sociale». Pourquoi? Afin de garantir une interprétation inclusive des coopératives. On considère que l'utilisation d'«entreprise d'économie sociale» respecte l'intention du législateur, évite un flou dans la définition pouvant malheureusement exclure les coopératives. Puis, en plus de tout ça, elle reconnaît une autre belle loi qu'on a passée au Québec, la Loi sur l'économie sociale, qui n'est pas encore assez mise en valeur et utilisée, et qui définit c'est quoi, des entreprises d'économie sociale, qui incluent notamment les OBNL mais aussi les coopératives. Première recommandation.

Deuxième recommandation porte sur les conditions particulières de l'article 94. Cet article 94 propose des balises qui pourraient limiter l'application du modèle coopératif, notamment en fixant des proportions de membres de l'ordre au sein des coopératives, autant sur les C.A. que dans la composition des membres de coopératives. Donc, par exemple, dans une coop de santé, il pourrait y avoir des médecins, infirmières, dentistes. Si chaque profession doit représenter un certain pourcentage de membres de la coop, bien, ça pourrait limiter le nombre de professions pouvant y participer, contribuant ainsi à freiner l'innovation au sein de ces coops.

Et finalement, la troisième recommandation concerne l'article 187.19.1 qui propose que les honoraires exigés par les professionnels exerçant au sein d'une personne morale sans but lucratif ne doivent pas excéder un coût modique. Premièrement, la notion du coût modique est ambiguë, et on demande le retrait de cet article pour éviter toute confusion et permettre aux coopératives ou toute organisation de fonctionner de manière optimale. Parce que les coopératives, de par leur constitution, doivent être viables financièrement, mais elles n'ont pas l'objectif...

Mme Paquette (Marie-Josée) : ...l'objectif de faire du profit. Donc, il serait ainsi nécessaire que les coopératives offrent un service professionnel à un juste coût tout en respectant ces responsabilités financières.

En élargissant les pratiques professionnelles dans le domaine de la santé et des services sociaux, ce projet de loi permet aux coopératives de santé, par exemple, d'intégrer une plus grande gamme diversifiée de professionnels comme des diététistes, des optométristes, des ergothérapeutes ou tout autre professionnel que la coopérative évaluera comme un besoin pour sa communauté. On va éviter d'avoir des déserts de santé en maintenant des coopératives de santé qui sont diversifiées, surtout notamment dans les régions du Québec. La flexibilité accrue que présente le projet de loi n° 67 va favoriser aussi la création de coopératives multidisciplinaires capables de répondre de façon plus holistique aux besoins de leurs membres et de la communauté.

Donc, en terminant — et je serai prête à répondre à vos questions — ces potentiels d'innovation ne peuvent arriver que si, numéro un, nous avons une définition inclusive des coopératives dans le projet de loi, numéro deux, que nous retirons l'application du nombre de membres obligatoire au sein des conseils d'administration, parce que ça ne va pas avec le modèle juridique de la coopérative et c'est limitatif, et, numéro trois, de retirer l'obligation d'octroyer ces services professionnels à coût modique, parce qu'une entreprise d'économie sociale ne vise pas le profit, vise la rentabilité financière et peut générer effectivement des excédents.

Donc, ce projet de loi a le potentiel de représenter des avancées majeures pour la coopération au Québec, et on est aussi prêts à accompagner le gouvernement dans sa mise en œuvre, et je tiens d'ailleurs à souligner le fabuleux travail de la Direction de l'entrepreneuriat collectif au sein du ministère de l'Économie, qui sont des professionnels en coopération.

Le Président (M. Bachand) :Merci, merci beaucoup. Alors, je me tourne maintenant vers le gouvernement pour un bloc d'échange de 16 min 30 s, Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour cette présentation. Ça nous donne... je vous dirais, bon, sur un point particulier du projet de loi qui a déjà d'ailleurs été abordé par plusieurs dans les consultations précédentes et qui, je vous dirais, ouvre une réflexion sur beaucoup d'enjeux, beaucoup d'aspects. Bon. Certains nous demandaient d'ouvrir encore plus largement sur les modèles juridiques de... je dirais, les modèles où on peut travailler comme professionnel, pas juste pour les PMSBL ou l'économie sociale, selon votre... votre définition préconisée. D'autres parlent du coût modique... non, donc, et la gouvernance.

J'aimerais ça, peut-être, profiter de votre passage pour vous entendre un peu plus sur la réalité de la... du travail en multi... voyons! multidisciplinarité — mardi matin — et voir un peu... Parce que j'ai... selon votre mémoire, c'est clair, là, ce qui se dégage par rapport à la gouvernance, etc. Mais peut-être... nous donner, sous l'angle plus des professionnels, des exemples concrets des difficultés que ça pourrait apporter, pour qu'on puisse mieux réfléchir à la façon de faire pour avancer, parce que je pense qu'effectivement il faut faire un pas vers l'avant dans cette... et permettre aux professionnels d'être dans ce type d'entités là, en tout cas à tous les professionnels. Certains le peuvent présentement de par leur loi constitutive. Mais j'aimerais peut-être vous entendre... puis nous aider à réfléchir sur l'illustration de cas concrets, quel... sur la difficulté que ça peut apporter.

Mme Paquette (Marie-Josée) : Bien, merci pour votre question. En fait, tout d'abord, peut-être juste revenir en arrière en vous disant qu'une coopérative, c'est une entreprise qui est légalement constituée et qui est tout le temps oubliée, même si on a une loi sur les coopératives et la loi en économie sociale. Donc, merci de nous recevoir aujourd'hui pour vous rappeler que ce modèle d'affaires juridique existe.

En ce qui concerne les professionnels puis les balises, prenons par exemple la coopérative de santé dans une région. La force d'une coopérative de santé dans une région, c'est de pouvoir offrir une gamme de services : un ergothérapeute, à la limite un dentiste, infirmière, effectivement un médecin. Donc, présentement, les balises qui sont inscrites à l'article 94 du projet de loi limiteraient le nombre de professions qui pourraient œuvrer au sein de la coopérative. En fait...

Oui. Puis... Bien oui, absolument. Allez-y, bien oui.

M. Smith (Edward) : Oui. Donc, Edward Smith. Je suis avocat, puis j'accompagne exclusivement, là, les entreprises d'économie sociale au quotidien, et puis je travaille intimement avec les coopératives de santé. Puis qu'est-ce qu'il faut savoir, c'est qu'en ce moment, vu que les coopératives ne peuvent pas intégrer les professionnels, les professionnels doivent louer des bureaux ou des locaux à la coopérative. Donc, ils se font une «inc.», tu sais, Gérard Cyprien, physiothérapeute, inc., puis lui, il va louer à la coop. Et donc, si le projet de loi permet aux ergothérapeutes d'intégrer la coop à titre de membres travailleurs, donc salariés, on empêche la constitution superflue de ces «inc.»-là, qui sont juste...

M. Smith (Edward) : ...des boîtes, là. Et donc on permet à la coopérative de s'occuper de toute la gestion. Donc, tu sais, il n'y a pas besoin de faire un rapport d'impôt. C'est la coop qui s'occupe de tous les revenus, toute l'administration, toutes les choses que les professionnels ne veulent pas faire, parce qu'ils ne sont pas formés pour être gestionnaires, pour s'occuper d'une business. La coop est la coquille administrative qui s'occupe de ça pour eux. Et donc c'est pour ça que la coop laisse les professionnels faire ce qu'ils font de mieux. Mais, en ce moment, vu qu'ils doivent quand même respecter leur cadre législatif actuel, ils ne peuvent pas pleinement participer à la vie coopérative.

• (10 heures) •

Mme LeBel : O.K. Puis, bon, j'ai... j'ai quelques notions, là, qui datent de très longtemps sur les différentes formes juridiques dans lesquelles on peut... on peut faire affaire, les différentes formes juridiques de modèle d'affaires.

Par rapport à la gouvernance, l'objectif, bon, on a entendu le Collège des médecins, je sais que ce n'est pas tout à fait la même... la même situation, mais je veux quand même l'illustrer puis voir avec vous, au niveau des coopératives, si ça peut se décliner ou non parce que c'est un modèle... c'est un modèle juridique différent. Mais une des... une des préoccupations de certaines... de certains ordres professionnels, c'est le contrôle du professionnel ou à tout le moins contrôle déontologique, naturellement, là, du professionnel, d'avoir accès, l'environnement dans lequel le professionnel évolue. On le voit beaucoup en santé, la tenue des dossiers, c'est pareil pour les avocats avec le Barreau. La tenue des dossiers, bon, en santé, il y a... il y a en plus l'environnement médical, les instruments, etc. Quand on parle de modèle d'affaires, qu'on parle d'un OBNL ou d'une coopérative, il y a des enjeux de gouvernance qu'on tente d'encadrer dans le projet de loi n° 67. On a eu plusieurs commentaires. Il va falloir se pencher sur la question. Mais est-ce que ce même enjeu là se retrouve dans une coopérative, si le professionnel n'est pas impliqué? Quelle est l'implication, là, peut-être, pour illustrer, pour qu'on comprenne mieux, là?

Mme Paquette (Marie-Josée) : Bien, je commence un début de réponse, on se complète? Parfait.

Bien, en fait, on va... Prenons un exemple. Si c'est... Par exemple, c'est une coopérative de travailleurs, donc que tous les travailleurs sont des membres professionnels de l'ordre, bien, évidemment que la gouvernance de la coopérative va être teintée de leur service professionnel. Mais la nuance d'une coopérative, c'est que ça peut également être par exemple une coopérative de solidarité où, oui, le service va être offert, mais le but de la coopérative n'est pas seulement que le service offert par le membre de l'ordre. Donc, mon point, c'est de vous dire que le modèle doit quand même... le modèle coopératif, la gouvernance de la coopérative n'est pas toujours liée... le but de la coopérative n'est pas toujours lié aux services offerts par les professionnels de l'ordre.

Et cette nuance-là n'est pas apportée dans le projet de loi. Ce qui fait en sorte qu'il va y avoir des restrictions pour avoir différents types de coopératives qui pourraient être créées pour permettre à ces professionnels-là d'oeuvrer.

Je vous donne un dernier exemple. Puis, Me Smith, vous me compléterez. On a tout un écosystème, en accompagnement à la coopération au Québec, qui accompagne les entrepreneurs qui se démarrent des coopératives. Dans nos fédérations sectorielles, souvent, on offre le service juridique. Mais, par ce projet de loi là, on va obliger un avocat, parmi une équipe de 100 employés qui offrent 20 services différents, à venir siéger sur le conseil d'administration, alors que le but du réseau coopératif, c'est offrir de l'accompagnement plus global aux entrepreneurs, par exemple. C'est... C'est... C'est deux exemples liés à ces balises qu'on vous demande de retirer, en fait.

M. Smith (Edward) : Puis aussi, j'ajouterais, c'est intéressant de noter que les ordres professionnels ont comme but de protéger le public, hein? C'est leur mission première. Mais, quand le public fait partie de l'administration, implicitement, nécessairement, les intérêts du public sont protégés parce qu'ils siègent sur le C.A. Donc, si un ordre professionnel note un manquement de la part d'un professionnel qui œuvre au sein d'une coopérative puis il en alerte les administrateurs, certainement qu'ils vont vouloir répondre aux demandes parce que c'est eux qui vont subir les conséquences à titre d'usagers, tu sais. Si je suis patient usager dans une coop de santé, puis l'Ordre des psychologues, des diététistes qui cogne à la porte et dit : Votre psychologue et votre diététiste est en contravention de toutes sortes de règles déontologiques, bien, c'est sûr que je vais m'assurer de dire : Peux-tu régler tes choses parce que c'est moi qui est impacté par tes manquements. Donc, je n'y vois pas de nécessité de garantir une place.

Cependant, il ne faut pas se leurrer, en ce moment, les professionnels qui sont des locataires, comme je le disais, peuvent siéger sur le C.A. Mais l'important, c'est de ne pas l'obliger. Tu sais, s'ils veulent participer à la vie démocratique, c'est correct, mais je crois que les intérêts du public sont suffisamment protégés par le fait qu'ils font partie de la gouvernance puis ils vont avoir intérêt à respecter ce que les ordres leur demandent.

Mme LeBel : Bien, je suis d'accord avec vous que c'est un incitatif qui est assez fort...


 
 

10 h (version non révisée)

Mme LeBel : ...mais je ne pense pas que les ordres professionnels peuvent abdiquer leur rôle de protection du public en disant : Bien, il y a des membres du public, donc je suis rassuré.

M. Smith (Edward) : Bien, ils peuvent toujours de suspendre leurs membres, là.

Mme LeBel : Bien, c'est ça. Donc, l'idée, c'est de voir avec vous...

M. Smith (Edward) : Tu sais... ça ne change rien.

Mme LeBel : ...c'est de voir avec vous : Est-ce que c'est le membre... est-ce que ça passe par le membre? Est-ce... Oui, il y a plusieurs solutions. Mais comment on peut à ce moment-là... C'est sûr que c'est différent quand la coopérative est axée sur... Le modèle coopératif est sur le service professionnel, hein? En matière de soins, c'est plus souvent le cas. Pour les avocats, c'est plus souvent, là... il y a plus de cas de figure où l'avocat est au sein d'une coopérative et que son service professionnel n'est pas au public, mais est à la coopérative ou, en tout cas, au bon fonctionnement de la coopérative, mais il doit quand même pouvoir répondre à son code de déontologie, donc...

Mme Paquette (Marie-Josée) : ...

M. Smith (Edward) : Ça ne change rien parce que c'est... Tu sais, l'ordre professionnel peut sanctionner, dire... suspendre son membre. Puis ce n'est pas le fait qu'il y ait une personne morale qui... entre le professionnel et l'ordre, qui va empêcher l'application des sanctions et des demandes des ordres professionnels. Les autres professionnels sont parfaitement capables de suspendre, de radier, d'imposer des amendes, nonobstant le fait qu'il y a un conseil d'administration, qu'il y ait ou pas des professionnels.

Mme LeBel : Est-ce que vous pensez qu'on pourrait faire... Et je pose l'hypothèse pour voir votre réaction. On pourrait peut-être faire la distinction entre une coopérative dont l'objet est de faire... de donner des services... d'offrir des services professionnels et une coopérative dont... qui a un professionnel au sein de son organisation.

Mme Paquette (Marie-Josée) : Bien, cette distinction pourrait être faite. Bien, de facto, parce que c'est la... ça va... ça risque d'être une coopérative de travailleurs s'ils déploient le service. Donc, de facto, les travailleurs vont composer le conseil d'administration. Ça va aller de soi. Est-ce que... Si vous voulez l'intégrer, bien, ça va être... ça va être de...

M. Smith (Edward) : Exemple, si je peux juste donner un exemple, là, mettons que t'as des hygiénistes dentaires qui... tu sais, cinq, six hygiénistes dentaires puis qui veulent offrir leurs services. Bien, si c'est une coop de travail, tout simplement, le conseil d'administration va être composé que d'hygiénistes dentaires. Donc, dans ces cas-là, c'est garanti que les ordres vont être entièrement satisfaits de cette préoccupation-là. Alors que, dans les coops de solidarité, c'est là que ça change, parce qu'effectivement le but de la coop n'est pas d'offrir du travail à ses membres, contrairement à de la coop de travail, c'est d'offrir des services à la population. Donc, c'est les deux modèles. Mais, comme je vous dis, dans un cas, c'est juste les professionnels qui vont siéger sur le C.A., dans l'autre cas, c'est plus les usagers qui vont subir les services et les utiliser.

Mme LeBel : Bon, et, dans le cas, qui est quand même assez clair, de dire : Bien, on a une coopérative qui donne des services professionnels uniques, c'est-à-dire juste des hygiénistes dentaires, versus une coopérative qui donne des soins de santé multiples, là, on a peut-être... vous avez soulevé, je pense, ou... si ce n'est pas vous, plusieurs ont soulevé la difficulté d'avoir des règlements multiples sur la gouvernance également, quand il y a plusieurs...

Des voix : ...

Mme LeBel : ...plusieurs disciplines qui... Quand c'est une seule discipline, on peut comprendre qu'un règlement va être... va faire le travail potentiellement, là, mais...

Mme Paquette (Marie-Josée) : Oui. En fait, ce qu'on mentionne aussi, c'est que les ordres vont toujours faire leur travail. Dans le cas d'une coopérative multidisciplinaire, là, c'est... Si on a des balises imposées par les ordres de quotas sur les conseils d'administration qui font... ou de quotas dans le nombre de membres de la coopérative, c'est là où ça peut être problématique. Quand on a une hygiéniste, un dentiste, un médecin, une ergothérapeute, tu sais, là, à un moment donné... Puis c'est la force de la coopérative, notamment en région, pour offrir une multitude de soins de santé.

M. Smith (Edward) : Puis si je peux donner un exemple de l'absurdité potentielle qui peut survenir s'il y a des proportions de membres. Imaginez, là, une coop de santé, en moyenne, ça a entre 1 000 et 5 000 membres, tu sais, les patients qui utilisent les services. S'il faut que l'ordre dise : 10 % de tes membres doivent être des professionnels de la santé, bien, sur 1 000, 10 %, ça veut dire 100, ça voudrait dire qu'il faudrait que tu aies 100 physiothérapeutes, sans médecin, sans infirmière. Donc, ils peuvent... ils ne peuvent pas imposer des balises, sinon tu vas avoir cinq membres du public. Même chose pour le conseil d'administration, une coop peut maximum avoir 15 administrateurs, puis, dans les faits, souvent, c'est plus entre sept et neuf. Ça fait que, si 6 à 8 de ces places-là sont occupées par un membre de chaque ordre professionnel, c'est... c'est intenable, ce n'est pas une gouvernance qui est saine, ce n'est pas une gouvernance qui répond aux besoins du public.

Mme LeBel : Peut-être prendre le temps qu'il me reste pour vous parler de la notion de coûts modiques. L'objectif, on vient d'en parler, hein, l'objectif est d'offrir... bon, celle qui vient le plus souvent dans nos exemples, c'est souvent les coopératives de santé ou les OBNL en santé, là, et l'idée, naturellement... ou même les services juridiques à la population pour l'accès à la justice. Donc, l'idée est de donner des services à coûts modiques à la population. Donc, ça, c'est mon langage populaire. Donc, c'est l'objectif. Ce que vous nous dites, c'est que la Loi sur les coopératives, l'article 128 viendrait répondre à cette préoccupation-là. Parce que...

Mme LeBel : ...comment on l'encadre pour s'assurer que ça demeure des honoraires à prix modique, donc accessibles, qui est l'objectif de ces... de ces entités-là?

• (10 h 10) •

Mme Paquette (Marie-Josée) : Bien, je vais répondre en deux temps, puis vous complétez. En fait, premièrement, la notion de coût modique pour nous, elle est très ambiguë, là. Qu'est-ce qu'est un coût modique? Ce qu'on trouvait et, deuxièmement, une entreprise d'économie sociale, dont une coopérative, à la base, c'est créé pour répondre à un besoin de la population. Et ça ne... c'est une entreprise à vocation économique, oui, mais ça ne vise pas à faire des profits. Parce que la Loi sur les coopératives, tout excédent généré par la coopérative demeure dans l'entreprise. Ça ne va pas dans des poches d'actionnaires externes. En cas de liquidation d'une coopérative, l'argent reste pour le développement coopératif au Québec, reste au Québec, dans les collectivités. Donc, en tout cas, ça m'apparaît a contrario avec ce qu'est une coopérative fondamentalement, de dire qu'il faut en plus définir ce qu'est un coût modique, pour nous, ça ne fait pas de sens.

M. Smith (Edward) : Puis, je peux... si je peux ajouter. Dans le fond, si, par exemple, un ordre professionnel doit adopter une grille tarifaire, O.K., ça va faire en sorte que ça va rendre tant les ordres professionnels inconfortables tels que vous avez probablement vu dans les mémoires jusqu'à présent, mais également les professionnels, parce que si je dois facturer un coût modique déterminé à 30 $ de l'heure, mais là, après ça, si ce coût modique là est tellement bas que moi je ne peux pas compenser mes revenus et mes dépenses, eh bien on revient à créer des organismes communautaires parce qu'il va y avoir des déficits. Et donc, étant donné que le p. l. 67 n'a pas de subvention ou de mesure pour compléter le manque à gagner qui découlerait du potentiel manque à gagner et du coût modique, il faut laisser le développement de l'entreprise d'économie sociale prendre son cours parce que sinon vous n'allez voir aucun projet. Tu sais, le projet de loi va n'avoir aucune, aucun effet parce que personne ne voudra s'embarquer dans une aventure où que le coût modique pourrait faire en sorte qu'ils vont être déficitaire constamment. Ils vont demander de l'argent ou sinon ils vont juste fermer la porte. Donc, ne pas oublier que la gouvernance coopérative force les entreprises à ne pas surfacturer parce qu'à la fin de l'année, de toute façon, personne ne peut recevoir un bénéfice individuel. Ça va dans la réserve et c'est ça qui assure la pérennité des coopératives et qui fait en sorte qu'ils durent plus longtemps dans le temps, comme on a démontré dans l'étude, en fait.

Le Président (M. Bachand) : D'autres commentaires, Mme la ministre.

Mme LeBel : Non, merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci. Maintenant, je me tourne vers l'opposition officielle pour un bloc de 12 min 28 s, M. le député d'Acadie.

M. Morin : Oui, bonjour, M. le Président, ça va bien? Excellent! Alors, bonjour. Merci beaucoup d'être là. J'ai quelques questions, mais j'aimerais pouvoir discuter avec vous également du modèle actuel. Puis vous en avez parlé, vous avez commencé à en parler, de l'impact du projet de loi, si on s'intéresse particulièrement au domaine de la santé. Il y a présentement des coopératives de santé au Québec. Il y en a dans plusieurs régions?

M. Smith (Edward) : Oui.

Mme Paquette (Marie-Josée) : Il y en a à peu près une cinquantaine sur l'ensemble du territoire, mais ce n'est pas facile démarrer une coopérative de santé parce que présentement, si ce n'est pas un GMF, il n'y a pas de reconnaissance nécessairement de l'État.

M. Morin : D'accord, ça déborde peut-être un peu le cadre du p. l. 67, ça, mais c'est quand même important que vous le mentionniez.

Mme Paquette (Marie-Josée) : Oui, puis en fait, le p. l. 67 est une belle opportunité pour renforcer ce type de coopérative-là.

M. Morin : Voilà, vous me volez les mots de la bouche. Alors, qu'est-ce qu'on... Puis je comprends très bien ce que vous dites là puis je veux dire, on entend dans les journaux, là, l'accès aux services de santé. C'est difficile, avoir un médecin de famille, c'est difficile. Une fois qu'on est dans le système...

Mme Paquette (Marie-Josée) : Ça va bien.

M. Morin : ...oui, ça va bien. On a d'excellentes, d'excellents infirmières, infirmiers, médecins qui se dévouent ça. Ça, c'est très clair. L'ennui, c'est l'accès. Le problème, c'est l'accès. Donc, qu'est-ce qu'on pourrait faire avec le p. l. 67? Parce que vous me parlez des GMF qui ferait en sorte que ça améliorerait et quel pourrait être l'apport des coopératives de santé?

Mme Paquette (Marie-Josée) : Bien, en fait, je vais commencer à répondre, Me Smith, vous me complétez. On a un exemple en région, dans la municipalité de Sainte-Croix, où on a deux médecins de famille qui sont âgés et qui vont bien...

M. Smith (Edward) : Saint-Prospère.

Mme Paquette (Marie-Josée) : Saint-Prospère, désolée. Saint-Prospère, on s'est trompé de municipalité, Saint-Prospère, deux médecins de famille qui sont âgés puis qui vont s'en aller à la retraite...

Mme Paquette (Marie-Josée) : ...en enlevant les balises de l'article 94 du projet de loi n° 67, on va favoriser la création d'une coopérative de santé et la reprise, en fait, de ces soins-là par des médecins qui voudront s'investir en créant une coop de santé et potentiellement en ajoutant certains services. C'est la beauté de la coopérative de santé. La coopérative de santé permet à plusieurs professionnels donc d'offrir une gamme, une diversité de services aux gens qui habitent en région, qui sont... qui doivent faire plus que 30 kilomètres pour avoir accès à un hôpital ou encore une clinique, d'avoir accès à ces services-là de façon de façon efficace et complémentaire aussi. Me Smith...

M. Smith (Edward) : Oui, bien, j'ajouterais que vous... Ça fait que c'est sûr que maintenant que les infirmières praticiennes peuvent prendre en charge des patients, là, ça serait super important de pouvoir les permettre d'exercer au sein d'une coop parce qu'elles pourraient se rassembler ensemble et offrir des services à la population. Puis également, il faut savoir que la coop, comme je disais tantôt, s'occupe de la gestion, fait que des médecins prennent leur retraite qu'ils quittent la région, la coopérative va rester nonobstant le fait que le médecin est là ou non et donc ça permet d'avoir une stabilité. Donc, ça, c'est super important.

Mme Paquette (Marie-Josée) : Ils peuvent s'occuper du recrutement, aussi, les professionnelles au sein de la coopérative, puis, tu sais, je tiens à réitérer, en ce moment, les coopératives de santé au Québec, premièrement, c'est une coopérative qui ne génère pas d'excédents ou très peu, hein, parce qu'elle favorise d'avoir différentes disciplines oeuvrant au sein de la coopérative. Puis, ultimement, c'est pour assurer des services en matière de santé à la population. Et le ministère de la Santé, si ce n'est pas un GMF, il n'y a aucun soutien à la coopérative de santé, donc c'est une plus-value dans notre système de santé qui actuellement est sous-utilisée au Québec. Carrément.

M. Morin : Je comprends que les IPS qui pourraient œuvrer aussi dans un GMF, mais ça, ce n'est pas défendu.

M. Smith (Edward) :  Oui, puis il y a des coops de santé qui intègrent des GMF, hein? Il faut savoir, là, c'est régulier que le GMF a des médecins qui oeuvrent dans la coop. Puis une chose qui est très cool du mode coopératif, c'est qu'il y a des médecins qui peuvent travailler en établissement public, qui peuvent travailler en clinique privée, puis ils font un petit, une journée, deux demi-journées à la Coop. Ça fait que comme ça. Puis ça, sans blague, des fois, leur chalet, mettons, dans les Laurentides puis la coop n'est pas loin de leur chalet. Ça fait qu'ils font comme une demi-journée avant d'aller au chalet. Ça fait que, tu sais, ça permet une flexibilité que les professionnels peuvent juste... Tu sais, tu peux avoir une dizaine, une vingtaine de médecins qui, à la gang, comblent la semaine, fait que ça, ça enlève le fardeau de dire : je m'investis à temps plein dans la coop alors que, tu sais, j'ai une pratique qui va bien ailleurs. Donc, c'est très intéressant d'offrir aux professionnels le droit d'exercer à la fois en établissement, à la fois à la coop. Comme ça la population peut bénéficier d'un petit supplément, là, c'est vraiment intéressant.

M. Morin : Et merci. Je comprends que votre conseil, ça, ça chapeaute, évidemment, plusieurs coopératives. On a parlé des coopératives de santé dans le domaine juridique.

M. Smith (Edward) : Oui.

M. Morin : Ça fonctionne également?

M. Smith (Edward) : Oui, bien, j'en suis un peu la preuve, là, le Barreau depuis des années, mais me permet d'exercer, là, et mes collègues, là, pour une coopérative qui s'appelle le Consortium de coopération des entreprises collectives. Puis on offre une vingtaine de services à la population, dont les services juridiques. Mais notre équipe est beaucoup plus grande, on est 100 employés. Donc, c'est sûr que : Est-ce que d'avoir un avocat sur le conseil d'administration, ça change de quoi pour la saine gouvernance pour nos membres? Parce qu'on offre des services à nos membres. Donc c'est eux qui ultimement vont décider s'il y a une qualité des services, évidemment, les autres professionnels. Mais sachez qu'il n'y a aucun, aucun problème au niveau de la collaboration par rapport au Barreau et tout ça fait que j'y vois. Puis il y a plein de coops maintenant qui pourront avoir un avocat à l'interne, des fédérations de coops qui pourront avoir un avocat à l'interne. Tu sais,  ça fait que c'est intéressant.

M. Morin : Puis j'aimerais à nouveau que vous puissiez revenir sur les mots, l'expression «coûts modiques» et l'enjeu que ça soulève avec le projet de loi. Si on parle par exemple d'une coopérative de santé ou une coopérative où il y aurait une prestation de services juridiques, évidemment, une coopérative, ce n'est pas là pour faire des profits.

Mme Paquette (Marie-Josée) : Non.

M. Smith (Edward) : 128.

M. Morin : On s'entend là-dessus sauf que c'est quoi l'impact du projet de loi pour être bien sûr de comprendre...

Mme Paquette (Marie-Josée) : ...bien, en fait, c'est que ça va a contrario avec ce qu'est une coopérative à la base. Nous, on croit qu'on n'est pas obligé de le préciser, c'est quoi, un coût modique, dans le cadre du projet de loi no 67. Premièrement, un coût modique défini comme c'est là, c'est ambigu, ça ne veut rien dire, puis, deuxièmement, pour une coopérative, qui ne vise pas à faire du profit, qui génère des excédents qui sont, de toute façon, versés à la réserve en fin d'année ou qui restent dans le milieu coopératif, on n'a pas besoin que cette notion-là soit nécessairement définie, parce que ça va à l'encontre de ce qu'est... en fait, la coopérative, en soi, va offrir évidemment ses services à coût modique, si on veut le dire comme ça.

• (10 h 20) •

M. Smith (Edward) : Puis ma crainte... ma crainte, ce serait que le coût modique empêche d'offrir des salaires compétitifs. Parce que si ton coût modique est tellement bas, ce que tu dois facturer aux clients, aux usagers, est tellement bas, qu'après ça tu n'arrives pas, à la fin du mois, considérant que les salaires, tu sais, si tu veux attirer quelqu'un du privé, là, pour l'amener dans la coop, il faut quand même qu'il y ait une certaine légitimité dans le salaire. Donc, mon problème, c'est que coût modique, comme ça, ça ne veut rien dire. Donc, les ordres vont nécessairement devoir avoir une réflexion sur qu'est-ce que c'est. Une grille tarifaire, personne ne veut ça parce que les ordres ne sont pas là pour dire combien facturer, parce ce n'est pas ça qui protège le public. Tu sais, au final, on pense que les ordres sont assez intelligents, sont assez... ils ont le bon jugement pour déterminer quand on abuse du public, et ils interviendront au cas par cas, mais de mettre ça comme principe, que, d'emblée, il faut... coût modique égale ça puis... ça cause trop d'encarcanement pour rien. On pense que, c'est ça, il faut arriver, à la fin du mois, et donc payer des salaires compétitifs si on veut que ce projet de loi là ait des conséquences réelles.

M. Morin : Parfait. Merci. Merci, M. le Président. Je crois que ma collègue la députée de La Pinière... Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de La Pinière, pour trois minutes.

Mme Caron : Merci, M. le Président. Alors, je vais y aller rapidement. Vous avez dit que le mode coopératif réduit le travail administratif des médecins et autres professionnels.

M. Smith (Edward) : Absolument.

Mme Paquette (Marie-Josée) : ... de santé.

Mme Caron : D'accord, parce que toute la paperasse, finalement, le travail administratif est effectué par la coop.

Mme Paquette (Marie-Josée) : Exact.

Mme Caron : Maintenant, pour ce qui est de... Un enjeu qui était amené par des ordres aussi, c'est que... c'était en fait d'inspection professionnelle. Dans certaines entreprises, par exemple, c'est difficile, pour les ordres qui vont faire une inspection d'un de leurs professionnels, d'obtenir les données sur les dossiers, sur la tenue des dossiers. Est-ce que c'est une difficulté ou non qui se pose dans le cas d'un professionnel qui œuvre au sein d'une coopérative?

Mme Paquette (Marie-Josée) : Me Smith.

M. Smith (Edward) : Oui, bien, moi, je pense que, si tu es un professionnel qui travaille dans une entreprise d'économie sociale, tes valeurs sont différentes. Ça... Tu vas être porté à être celui qui va écouter ton ordre professionnel parce que tu penses à autre chose que juste facturer. Tu sais, c'est vraiment important de mettre en évidence que l'économie sociale, ce n'est pas juste une structure juridique, c'est un système de valeurs, c'est un mode de travailler, c'est une réflexion de comment une collectivité veut offrir des services à la population. Donc, moi je trouve que, s'il y a bien un professionnel qui va vouloir répondre à son ordre et être, tu sais, droit par rapport à ça, ça va être le professionnel qui est en coop.

Mme Paquette (Marie-Josée) : Puis, en même temps, juste dire tu sais, ça n'enlève pas tout suivi réglementaire ou encore... peu importe si tu travailles dans une entreprise d'économie sociale ou dans une inc., je veux dire, tout le monde est soumis aux mêmes lois et règlements, là, donc.

Mme Caron : D'accord. Maintenant, vous proposez d'enlever "personne morale sans but lucratif" pour remplacer... "entreprise d'économie sociale". Est-ce que vous avez regardé, pour vous, ça ferait votre affaire? Est-ce que vous avez regardé les préoccupations dans les autres mémoires à propos de ce vocable-là? Est-ce que d'utiliser "entreprise d'économie sociale", ça viendrait faciliter ou ça... il n'y aurait pas d'incidence ou ça viendrait confondre les gens, d'utiliser ça pour d'autres organisations?

Mme Paquette (Marie-Josée) : En fait, ça vient clarifier, parce qu'on a une loi en économie sociale, au Québec, qui définit clairement ce qu'est une entreprise d'économie sociale, qui inclut les OBNL et les coopératives. Présentement, et la PMSBL n'inclut pas les coopératives. Donc, à la base, les coopératives sont présentement complètement exclues du projet de loi no 67, comme si ça n'existait pas au Québec, des coops.

Mme Caron : D'accord. Donc, alors, à votre sens, ça ne nuirait pas aux autres, aux autres groupes non plus?

Mme Paquette (Marie-Josée) : Pas du tout.

M. Smith (Edward) : Non, ça ne nuirait pas. Puis moi, j'ai consulté tous les mémoires qui ont été déposés publiquement sur le site, là, puis il n'y a personne qui traite de la définition de PMSBL, sauf nous. Ça fait que, de un, je ne pense pas que c'est tant une préoccupation parce qu'ils ne la voient pas, parce que... Moi, je baigne dedans tous les jours, ça fait que je peux l'entrevoir, mais, en fait, il n'y a aucun négatif de remplacer PMSBL par "entreprise d'économie sociale", parce qu'en réalité économie sociale est bien définie dans la loi sur l'économie sociale, ça fait qu'on va savoir à quoi s'en tenir. Alors que, dans la loi sur...

M. Smith (Edward) : ...la Société d'habitation du Québec, PMSBL, ça veut dire une chose. Dans le règlement du Barreau qui a été passé pour permettre les professionnels d'exercer, PMSBL veut dire une autre chose. PMSBL n'a pas de constance, c'est fluctuant, alors qu'une entreprise d'économie sociale, on sait c'est quoi, et il n'y a personne qui peut... qui va être déçu de la définition.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Merci beaucoup. M. le député de Saint-Henri–Sainte-Anne, pour quatre minutes de huit secondes.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup pour votre excellente présentation et votre mémoire assez limpide et direct, là, on le comprend bien. Il y a un petit élément par contre à la lecture qui pour moi mériterait une petite précision. Puis j'aimerais ça vous entendre. C'est à la page huit, sur la première recommandation, vous dites : «Qui plus est, il faudrait éviter d'inclure l'obligation d'interdire l'attribution de ristourne et d'obligation... et l'obligation d'interdire de verser de l'intérêt.» J'aimerais ça vous entendre sur ce point-là spécifiquement. Qu'est-ce que ça veut dire ou qu'est-ce que vous recommandez?

Mme Paquette (Marie-Josée) : En fait, une coopérative, un... il y a deux véhicules financiers d'une coopérative. Au niveau de la ristourne, ça permet notamment aux coopératives de travail... en fait, toutes sortes de coopératives, là, les excédents, quand on dit que c'est redonné aux membres, ça permet de redonner en fait les excédents aux membres. Donc, c'est un véhicule financier qui est intéressant pour enrichir collectivement la coopérative, qu'il ne faudrait pas brimer, ce véhicule financier là. Même... même chose pour les parts et les parts privilégiées, c'est un véhicule financier qui vient capitaliser la coopérative. Donc, encore une fois, il ne faudrait pas brimer ce véhicule financier là qui, au final, n'a aucun incident... ou qui n'atteint pas du tout, là, les... ce que ce qu'on veut faire avec le p. l. 67 là.

M. Cliche-Rivard : Là, vous dites : Il ne faudrait pas, mais est-ce que, là... c'est fait ou modifié de quelconque façon ou vous nous envoyez...

Mme Paquette (Marie-Josée) : Non, il faudrait juste le...

M. Cliche-Rivard : Comme un message que vous...

Mme Paquette (Marie-Josée) : C'est ça, il faut juste... c'est à faire attention que si vous auriez l'idée de dire : Il faudrait s'empêcher la ristourne parce que la notion... exemple, je ne sais pas, moi, à coût modique, ou on veut s'assurer que, bon, c'est une entreprise d'économie sociale, on veut s'assurer que ça ne fera pas de profit, ça ne fera pas... ça ne génèrera pas d'excédent, ça ne fera rien, n'en demeure pas moins qu'une entreprise d'économie sociale, une coopérative veut avoir les meilleurs professionnels au sein de sa coop, va s'engager à rétribuer le service de façon... à un coût modique pour la population, mais, en même temps, on ne peut pas lui brimer de tous ses véhicules financiers pour venir capitaliser.

M. Cliche-Rivard : Ça fait que c'est en lien peut-être avec l'élément de coût modique, directement, finalement.

Mme Paquette (Marie-Josée) : En fait, on tenait à vous le spécifier d'entrée de jeu.

M. Cliche-Rivard : O.K. C'est parfait. Je comprends mieux.

Mme Paquette (Marie-Josée) : Parce que, si, éventuellement, vous analysez le modèle d'affaires juridique et que vous voyez ces deux véhicules financiers là, on ne voulait pas que vous vous posiez de questions, on voulait d'entrée juste vous le spécifier qu'il ne fallait pas le restreindre.

M. Smith (Edward) : Parce qu'on le voit dans différents programmes gouvernementaux. Ça dit que, pour une coopérative, pour être éligible, elle ne peut pas émettre de ristourne. Mais la ristourne, c'est une manière de rendre compétitifs les salaires, encore une fois. Si on veut que ce soit attractif, il faut permettre, dans certains cas, pas tous les cas, comme les coops de solidarité en santé où ça va être multidisciplinaire, c'est moins l'enjeu. Mais les IPSPL qui décident de faire une coop d'IPSPL, bien, c'est sûr que ça serait intéressant de permettre la ristourne. Donc, c'est là la petite nuance. Puis on pense que... c'est ça.

Mme Paquette (Marie-Josée) : Juste pour être clair, la... tu sais, je veux dire, une coopérative, là, c'est une... c'est une entreprise qui est transparente, démocratique, tout est connu et su de l'entreprise, il n'y a pas de ristournes qui sont versées si ce n'est pas entièrement approuvé par le conseil d'administration qui détermine les montants de ristournes. Puis c'est véhiculé dans tous les documents financiers qui sont rendus disponibles à l'ensemble des membres à l'assemblée générale annuelle. Donc, il n'y a pas de cachette.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup de votre participation.

Le Président (M. Bachand) :Me Smith, Mme Paquette, merci beaucoup d'avoir été avec nous. Je vais suspendre les travaux quelques instants pour accueillir le prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 28)

 (Reprise à 10 h 31)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir les représentants de la Table de concertation des associations professionnelles. Alors, merci beaucoup de temps avec nous. D'abord, peut-être vous présenter et, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation. Après ça, on aura un échange avec... de la commission. Encore une fois, bienvenue. La parole est à vous.

M. Martin (Marc-André) : Donc, bonjour, Je me présente, Marc-André Martin, président de l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec. Je suis accompagné par un confrère, M. Gaëtan Roussy, qui est président de l'Association des psychologues du Québec et du docteur Carl Tremblay, qui est président de l'Association des chirurgiens dentistes du Québec.

Donc, M. le Président, Mme la ministre responsable de l'Administration gouvernementale et présidente du Conseil du trésor, mesdames, messieurs, membres de la commission, merci de nous entendre. Il me fait plaisir aujourd'hui de prendre la parole au nom de la Table de concertation des associations professionnelles, dit la TaCAP, afin de contribuer à cette importante réflexion sur le projet de loi n° 67 qui vise la modernisation du système professionnel. La TaCAP est un regroupement d'associations et de syndicats professionnels représentant des professionnels. Conjointement, elle représente la voix de plus de 1 000 professionnels. Ce regroupement est l'un des principaux acteurs intéressés relativement aux changements envisagés par la modernisation du système professionnel. Nous sommes l'un des rares acteurs s'exprimant directement et uniquement pour les professionnels. Notre présence est donc essentielle à toutes les étapes du débat, à même titre que le public, que les ordres professionnels, que le Conseil interprofessionnel du Québec et que l'Office des professions. Donc, je vous nomme les associations qui la composent : l'Association des chirurgiens dentistes du Québec, l'Association des médecins vétérinaires du Québec en pratique de petits animaux, l'Association des opticiens et opticiennes du Québec, l'Association des optométristes du Québec, Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec, Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec, Association professionnelle des pharmaciens salariés du Québec, l'Association des psychologues du Québec, l'Association des orthophonistes et audiologistes, l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, l'Association québécoise de la physiothérapie, l'Association des sexologues du Québec et les avocats notaires de l'État.

Maintenant, considérant nos demandes. D'entrée de jeu, la TaCAP salue le processus de modernisation du droit professionnel entamé par le gouvernement, mais nous constatons que les principales préoccupations des professionnels ne sont malheureusement pas incluses à cette première étape de la modernisation. En effet, bien qu'il nous ait été souligné que ce projet de loi s'inscrivait dans le cadre d'une modernisation majeure du droit professionnel et que d'autres changements suivraient, la TaCAP veut dès maintenant sensibiliser le gouvernement et la commission aux recommandations comprises dans son mémoire. Nous souhaitons que celles-ci soient intégrées, pour être intégrées à ce présent projet de loi ou à un futur projet de loi, qui, nous l'espérons, suivra très prochainement.

Donc, de façon générale, nos recommandations sont issues du rapport qui émane du Conseil interprofessionnel du Québec, dont nous avons fait siennes plusieurs recommandations. Je vais laisser mes confrères en discuter plus longuement. Donc, je vais passer la parole à M. Gaëtan Roussy.

M. Roussy (Gaëtan) : Alors, bonjour, M. le Président, Mme la ministre, messieurs et mesdames les parlementaires. Donc, il y a quelques années, lorsque la ministre Sonia LeBel avait demandé au Conseil interprofessionnel du Québec de se pencher sur la question des syndics, des ordres professionnels, ça avait créé...


 
 

10 h 30 (version non révisée)

M. Roussy (Gaëtan) : ...créé un très grand espoir chez plusieurs professionnels à cause des difficultés qui se présentaient par rapport à cette question là. Ça demandait beaucoup de courage pour ouvrir là-dessus, parce que ça avait été... ça n'avait jamais été fait dans le monde professionnel, cette mise au point là qui était absolument nécessaire. Et le Conseil interprofessionnel du Québec, par la suite, a déposé son rapport sur le sujet, qui contient plusieurs recommandations très intéressantes. Et nous, on voulait simplement s'assurer que ce soit toujours dans les plans du gouvernement d'appliquer ces recommandations-là, qui sont très importantes pour nous. Parce que, dans une société démocratique comme la nôtre, comme vous le savez, tout le monde doit rendre des comptes, même les juges doivent rendre des comptes, le SCRS doit rendre des comptes, les banques doivent rendre des comptes, l'Autorité des marchés financiers, les policiers doivent rendre des comptes à une commission, les syndics de faillite doivent rendre des comptes au surintendant des faillites, mais les syndics des autres professionnels, étrangement, n'ont pas de comptes à rendre à personne jusqu'à présent. Alors donc, on voulait simplement s'assurer de la poursuite des travaux par rapport à ça. Et on voulait vous inviter aussi, quoi qu'il arrive par la suite, quelles que soient les décisions du gouvernement par rapport à ça, on vous invite à impliquer activement les associations professionnelles, ça serait une bonne façon d'arriver à une solution plus aisée, plus rapide aussi pour ce problème-là dont on va vous parler plus à fond, de la question des syndics des ordres professionnels, leur comportement, leur manière d'agir. Alors, je vais passer la parole à mon collègue.

M. Tremblay (Carl) : Alors, de mon côté, je vais vous parler des cinq recommandations qu'on vous propose aujourd'hui parmi les 17 recommandations du rapport du CIQ.

Alors, premièrement, on voudrait avoir l'adoption d'un code de déontologie des syndics des ordres professionnels pour avoir un cadre normatif. Ça serait une première étape. Deuxièmement, la création d'un poste de commissaire aux plaintes chargé de recevoir et de traiter les demandes d'enquêtes. Et puis, troisièmement, en lien avec ces enquêtes là, bien, la création d'un conseil de discipline, parce qu'aucun mécanisme de surveillance ne sera efficace s'il n'est doublé d'un pouvoir d'imposer des conséquences. Ensuite, de ça, la détermination d'un délai contraignant à l'intérieur duquel un syndic doit compléter son enquête, informer le professionnel visé du résultat et porter plainte le cas échéant. Il est inacceptable que des enquêtes s'étirent sur plusieurs mois, voire souvent sur plusieurs années, ça laisse les professionnels concernés dans l'incertitude la plus complète, dans le stress le plus complet, puis c'est aussi inacceptable pour le public qui porte plainte, parce que le public s'attend à une certaine diligence dans le traitement de ces plaintes. Ensuite de ça, cinquièmement, bien, un ajout à la disposition du Code des professions énonçant le droit de tout professionnel faisant l'objet d'une enquête à l'assistance d'un avocat et à l'obligation corollaire du syndic d'en informer le professionnel à la première occasion. Parce que, pour l'instant, les professionnels sont parfois accompagnés d'un avocat, mais celui-ci n'a pas le droit de parole, alors on voudrait que, vraiment, le professionnel puisse être accompagné d'un avocat.

En conclusion, je dois vous dire que ce projet de loi là, qu'on appuie, est un projet de loi qui mène à la modernisation du système professionnel, doit être vu comme une occasion unique d'inclure nos recommandations dans cette réforme de la loi, car toutes nos recommandations, ainsi que la majorité des recommandations du rapport CIQ suggérées par les ordres professionnels eux-mêmes nécessitent un changement à la loi actuelle. Donc, si nous passons à côté de ce moment quasi historique, nous craignons qu'une autre occasion ne se présente que dans plusieurs décennies. Alors, ce serait bon, autant pour le public que pour les professionnels concernés.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup pour votre exposé. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Oui. Merci, M. le Président. Merci beaucoup, Messieurs, pour votre présentation. Je tiens d'entrée de jeu à réitérer ce que j'ai eu l'occasion de dire à quelques reprises, particulièrement devant les ordres professionnels, naturellement : on est dans une démarche de modernisation de notre système professionnel qui... Oui, c'est vrai que j'ai entamé cette démarche-là quand j'ai eu l'occasion, en 2018-2020, d'être responsable des ordres professionnels. Par la suite, il s'est passé beaucoup de choses au Québec...

Mme LeBel : ...qui ont... bon, qui ont fait en sorte que, peut-être, malheureusement, la priorité de moderniser n'est pas... n'était pas la priorité numéro un. Mais, quand j'ai récupéré cette fonction, en 2022, rapidement d'entrée de jeu, j'ai réitéré que j'avais deux mandats très précis. Le premier était de continuer cette modernisation-là, qui a été entamée aussi par la consultation que le CIQ a faite et des recommandations qui apparaissent dans le rapport, auxquelles vous avez fait référence et, entre autres aussi l'élargissement des professions, particulièrement dans le domaine de la santé, pour être capable d'avoir de meilleurs services à la population. Donc, je vous rassure, vous l'avez dit d'entrée de jeu, la question, toute la question de la discipline, de la gouvernance, il y a plusieurs grands sujets qu'on veut aborder et le travail est en cours de... est en cours de chemin. On pourra l'aborder dans des étapes subséquentes.

• (10 h 40) •

J'ai bien mentionné que le projet de loi n° 67 était une première étape, parce que j'ai assez d'expérience comme professionnelle et, je dirais, comme responsable des ordres professionnels pour comprendre que, si on attend que l'ensemble de l'oeuvre soit parachevé, on n'y parviendra jamais. Donc, l'idée du projet de loi n° 67 était de, en bon français, sécuriser les choses qui étaient... qui faisaient consensus immédiatement, pour être capable de bâtir sur ces étapes-là et passer à une prochaine étape. Donc, naturellement, je prends bonne note de la lettre que vous avez envoyée avec les différents postes qui... focalisent beaucoup plus sur la notion de syndic et de discipline, qui est une notion que je partage avec vous. Je pense qu'il faut faire des travaux dans ce sens-là. On verra vos recommandations, comment elles vont se déployer dans le temps à ce moment-là dans... et comment elles vont se mettre en œuvre ou non, dépendamment de la suite des travaux.

Mais, vous l'avez dit, vous représentez plusieurs associations, et je ne les nommerai pas toutes, parce que vous l'avez fait tantôt, et elles sont énumérées dans votre lettre de toute façon, mais on a des ingénieurs, on a des gens du domaine de la santé, on a beaucoup de gens du domaine de la santé, d'ailleurs, des avocats, notaires également, bon, Et on a reçu et on va recevoir deux de vos membres, qui est l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires et l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec. Je pense, c'est des propriétaires qu'on voit tantôt, puis on a vu les établissements la semaine passée, mais je sais qu'on reçoit les deux, qui vont faire part d'un point particulier. Mais, parmi toutes ces belles associations là, est-ce que vos membres vous ont parlé de la notion de permis restreint, de permis spéciaux, de projet pilote et, du point de vue des associations, d'avoir des membres qui ont des permis restreints ou des permis spéciaux? Comment vous voyez ça?

Parce que, bon, je ne dis pas que vous n'êtes pas soucieux de la protection du public, mais ce n'est pas votre première mission, on va se... on va se parler franchement. Donc, du point de vue de vos membres et du point de vue des associations, quelles sont vos réactions sur cette notion de permis restreint temporaire ou de permis spécial, qui est une forme de permis restreint, mais plus permanent?

M. Tremblay (Carl) : Le mandat de notre comité n'était pas de se pencher sur ces questions-là, mais de vraiment amener quelque chose de commun à toutes nos associations, alors on va laisser les différents ordres professionnels, les différentes associations représentées par ces doléances-là... de venir s'exprimer eux-mêmes.

Mme LeBel : O.K. Donc, ni oui ni non, bien au contraire, c'est ça?

M. Tremblay (Carl) : Exactement.

M. Roussy (Gaëtan) : Ce que je dirais, pour répondre à votre question, également, par exemple, vous avez accordé le diagnostic des troubles mentaux à certains professionnels. Bien entendu, ça a un lien aussi avec la question du syndic, de toute façon, parce qu'eux vont vouloir, justement, rester vigilants par rapport à cette question-là, on sait que ça peut être préjudiciable et... des choses comme ça, des diagnostics, hein, tout ce que ça implique pour les gens, pour le public. Alors, ce serait rassurant pour les professionnels aussi de savoir que les travaux, justement... vous nous rassurez en disant que les travaux s'en viennent par rapport au syndic, pour s'assurer que ces questions-là soient réglées, parce que, comme certaines professions commencent à diagnostiquer des troubles mentaux, bien, il pourrait y avoir des malentendus, peut-être, entre les professionnels et certains syndics, éventuellement, juste pour être sûr que ça se fasse harmonieusement.

Ce serait un exemple parfait... comme ça. Parce que nous, comme mon collègue disait, notre groupement, c'est vraiment, là, on a centré ça là-dessus, mais chaque association aussi a ses préoccupations propres, évidemment.

Mme LeBel : Bien, merci beaucoup, messieurs. Je suis certaine qu'on aura l'occasion de discuter plus avant de ces sujets-là quand ils seront, je dirais, à l'ordre du jour plus précisément.

M. Roussy (Gaëtan) : ...Mme la ministre.

Mme LeBel : Bien, posez...

M. Roussy (Gaëtan) : Par exemple... pour le code de déontologie des syndics, par exemple, est-ce que vous avez une idée d'échéance, par exemple? Parce que nous, on aimerait bien le voir avant de pouvoir en discuter, éventuellement, avec vous. Est-ce que vous avez une petite idée?

Mme LeBel : En temps opportun.

M. Roussy (Gaëtan) : En temps opportun? Alors, O.K., ça fait que vous ne le savez pas...

M. Roussy (Gaëtan) : ...je vous taquine.

Mme LeBel : Merci. Merci de votre présentation, messieurs.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de La Pinière, s'il vous plaît.

Mme Caron : Merci, M. le Président. Alors, merci, messieurs, pour votre présentation. Une première question. Sauf erreur, un syndic d'un ordre professionnel est membre de l'ordre en question. C'est toujours le cas? Alors, ce syndic est lié par le code de déontologie de son propre ordre professionnel?

M. Roussy (Gaëtan) : Non.

Mme Caron : Non. D'accord. Alors, c'est pour ça que vous demandez que la fonction... les personnes, les professionnels qui exercent... qui exercent la fonction de syndic dans chaque ordre aient... soient liées à un code qui serait commun, transversal à tous les ordres, finalement, bien, à tous les syndics de ces ordres-là. Merci.

Votre deuxième recommandation, que... en fait, de pouvoir enquêter sur les syndics eux-mêmes à la suite de plaintes via la création d'un commissaire aux plaintes, donc, ça m'apparaît tout à fait logique.

Votre troisième recommandation, d'un code de discipline des syndics, est-ce que je comprends que cette recommandation-là que vous faites dans votre mémoire n'était pas dans le rapport du CIQ?

M. Tremblay (Carl) : Effectivement, elle n'était pas dans le rapport du CIQ. Alors, nous autres, on va un petit peu plus loin que le CIQ, à ce niveau-là, parce qu'on pense que, si on a un organisme qui n'a pas de... certains moyens de coercition, bien, ça n'a pas d'impact sur le syndic fautif puis il peut continuer de travailler de la même façon s'il n'y a pas des conséquences. C'est la même chose pour les professionnels, hein, quand on est devant le syndic puis qu'on a commis une faute, il y a une conséquence. C'est la même chose pour le code de la route, hein, ça nous empêche d'aller trop vite, même si, des fois, la route est belle puis qu'on est seul, parce qu'on a peur des conséquences. Alors, c'est un peu la même chose pour tous les professionnels, alors je ne vois pas pourquoi les syndics seraient exempts de potentielles, vraiment, sanctions.

Mme Caron : D'accord. Donc ça se trouve à être comme une 18e recommandation, au 17, qui est incluse dans le rapport du CIQ, c'est ça?

M. Tremblay (Carl) : Bien, un complément d'une des recommandations du CIQ, tout à fait.

Mme Caron : Ah! d'accord. D'accord. Parfait. Pour ce qui est de la recommandation 4, sur le délai contraignant la fin des travaux du syndic, est-ce que... parce que... est-ce que, peut-être, dans le rapport du CIQ, il y avait un lien aussi avec le délai d'obtenir des informations? Parce quel parfois, pour mener une enquête auprès d'un dossier, d'un professionnel ou des actes d'un professionnel, ça peut ne pas être si simple que ça. Même si le syndic a le pouvoir d'exiger des informations, il peut avoir peut-être une réticence. Je ne parle pas d'un cas particulier, mais dans le domaine du possible. Alors, est-ce que ça, c'est... vous envisagez que ce soit quand même balisé? Parce que le syndic, surtout s'il est lié par un code de déontologie, il veut faire un bon travail, un travail complet d'enquête, alors il faut qu'il ait accès à tous les documents. S'il est contraint par un délai absolu, il ne pourrait pas faire son travail correctement, alors...

M. Tremblay (Carl) : Bien, effectivement, on l'a fait dans le... au ministère de la Santé, avec l'arrêt Jordan, on donne un délai pour que les gens soient jugés. Alors, c'est un peu la même chose. Puis, en tant que délai très précis, bien, on vous invite, on invite le gouvernement à nous inviter et à l'Office des professions à nous inviter, quand il sera question de déterminer un délai pour chacune des professions, qu'on soit à la table pour vous éclairer, pour vous parler des différents enjeux qu'on vit sur le terrain qui, comme je le disais d'entrée de jeu impactent souvent le public aussi parce que le public, à un moment donné, perd un peu confiance dans les institutions quand les procédures s'allongent d'une façon indue.

M. Martin (Marc-André) : ...je vais juste complémenter, là, mais, écoutez, vous avez vu l'ensemble des associations qui sont énumérées. Si on a réussi à faire une recommandation concertée sur des enjeux de délai, c'est que ce n'est pas anecdotique. C'est quelque chose qui est général à l'ensemble des associations qui sont indiquées là. Donc, elles ont subi certains, entre guillemets, préjudices.

Puis ce n'est pas juste... Des fois, la balle est dans... la faute du professionnel, des fois, tantôt, dans la faute du syndic, mais je vous dirais que, lorsqu'on fait office d'une enquête du syndic, on a une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Peu importe le professionnel. Il y en a qui ont des enjeux plus grands, vous écouterez les pharmaciens propriétaires après nous, mais, écoutez, quand on est un professionnel, qu'on subit une enquête, c'est très difficile. Si, par exemple, on souhaite changer d'emploi, la mobilité s'en voit réduite. Il n'y a pas... Les employeurs vont être réticents à embaucher quelqu'un qui pourrait être sous l'effet d'une radiation possible. Donc, vous comprendrez que ces délais-là sont très, très importants, et l'agent... Comme Docteur Tremblay l'a mentionné tantôt, c'est que ça cause un stress. On a toujours cette épée-là au-dessus de la tête, puis c'est important qu'à un moment donné on vienne à avoir des délais, je dirais, plus contraignants, puis que les enquêtes...

M. Martin (Marc-André) : ...est-ce que oui ou non il faut porter plainte? Est-ce que oui ou non, il arrive des choses? Donc, c'est de là notre recommandation.

M. Roussy (Gaëtan) : J'ajouterai aussi vous demandiez tantôt si le CIQ avait mentionné cette question-là. C'est en page 18 de son rapport, à la page 18 du rapport du Conseil interprofessionnel du Québec, il y a deux paragraphes sur les délais d'enquête, là, comme quoi ça a été mentionné que les délais étaient beaucoup trop longs et le CIQ fait une semi-recommandation à l'effet de renvoyer ça à une modification du Code des professions pour traiter certains dossiers en fonction de critères très précis. C'est comme s'ils réfèrent aux ordres professionnels en disant qu'ils ont leurs critères puis il y aurait moyen, mais ce n'est pas clair. Et par rapport aux ordres professionnels, c'est, ce n'est pas que les gens professionnels ne sont pas corrects, c'est juste qu'ils sont un petit peu, je ne sais pas si je peux employer le mot conflit d'intérêt, mais par rapport à leur syndic, c'est leur bureau du syndic. Alors on vous en parlera peut-être tantôt, mais on veut vraiment des processus indépendants, vraiment indépendants, pour pas que les autres professionnels se sentent coincés eux-mêmes de toute façon, parce qu'ils ont chacun leur façon d'agir et plusieurs autres professionnels collaborent régulièrement avec leur syndic pour discuter de leur travail. Mais à ce moment-là, je ne sais pas s'ils se sentiraient vraiment à l'aise d'appliquer, d'intervenir lorsqu'un syndic se comporte de façon inadéquate à cause déjà du lien de confiance, de la façon de travailler ensemble, de certaines facilités. Alors, c'est pour ça, et du côté des professionnels, bien, même si la plupart s'entendent bien avec leur ordre professionnel, il reste que ce n'est pas les mêmes intérêts et ce n'est pas les mêmes enjeux. Alors on serait plus à l'aise à ce moment-là. Et ça fait partie d'ailleurs des recommandations d'avoir vraiment un processus plus indépendant, là.

• (10 h 50) •

Mme Caron : Est-ce que les... il y a des obstacles qui ont été identifiés à la réalisation d'enquêtes dans des délais, disons, je vais utiliser le mot entre guillemets, là, «raisonnables» aux yeux d'un professionnel. Est-ce qu'il y a des obstacles qui ont été identifiés, des raisons pour lesquelles ce n'est pas anecdotique, que le délai s'allonge comme ça?

M. Roussy (Gaëtan) : Bien, il peut y avoir toutes sortes de raisons mais, entre autres choses, c'est souvent parfois des absences de réponse. Quand le professionnel demande au syndic : Bien, qu'est-ce qui se passe et quand est-ce que je vais avoir une réponse, quand est-ce que vous allez avoir telle information? Bien, souvent, les professionnels n'ont pas de réponse à ça. C'est comme si à un moment donné, c'est le syndic qui décide de ça. Et je me souviens que j'avais assisté aux audiences en Cour supérieure avec le juge Castonguay qui s'étonnait du fait qu'un syndic, un dossier d'enquête de saisie qui était ouvert depuis 15 ans et j'étais là, moi, dans la salle. Alors, c'est que c'est quand même à un moment donné, c'est pas juste un délai, c'est comme si le dossier est en hibernation. Et à un moment donné, parce qu'il n'y a pas de presse, il n'y a pas de pression, il n'y a pas de règle vraiment définie, pas d'obligation. C'est sûr qu'il y a quelques règles, quelques critères, mais je veux dire, et je pense que vous comprenez qu'on veut quelque chose vraiment, hein, de plus précis et de plus contraignant dans le but de toute façon, dans l'intérêt du public, dans l'intérêt de tout le monde, dans l'intérêt des professions du monde professionnel, pour que ça se règle, ça a toujours traîné ces questions-là.

M. Tremblay (Carl) : Et pour compléter, on sait qu'il y a certains obstacles à ça, mais ça ne veut pas dire qu'on ne doit pas s'asseoir tous ensemble puis essayer de régler le problème. Puis je vous rappelle que le rapport du CIQ émane des ordres des ordres professionnels eux-mêmes qui se sont penchés sur les meilleures pratiques dans d'autres juridictions qui ont rapporté ça ici, qui en ont produit un rapport intéressant. Alors, je pense que c'est assez rare que les ordres et les associations sont en accord, mais sur ce rapport-là, on se rejoint à plusieurs endroits.

Mme Caron : Alors, vous avez concentré l'essentiel dans... c'est-à-dire, dans vos recommandations, vous vous êtes limités, je dirais, aux recommandations du rapport du CIQ qui portait sur les syndics, parce que vous avez dit que c'était ça, votre le mandat que vous avez donné, je crois. Mais est-ce qu'il y a d'autres, d'autres recommandations de ce rapport-là qui devraient être mises en œuvre? Je pense que oui, là, vous êtes d'accord avec le rapport, mais qui devraient être mises en œuvre. Est-ce qu'il y aurait une fenêtre d'opportunité dans ce projet de loi là aussi, ou c'est plutôt vous vous êtes limité parce que non, vous ne voyez pas comment ça peut entrer dans ce projet de loi ici?

M. Tremblay (Carl) : Non, mais je pense que ça dépend du législateur lui-même s'il est d'accord pour procéder à des changements, nous inclure dans les discussions pour entendre nos expériences, l'expérience de nos membres. Certainement qu'on peut bonifier tout ça, mais je pense que ce serait déjà...

M. Tremblay (Carl) : ...un bon point de départ si les cinq... nos cinq recommandations étaient appliquées.

Mme Caron : D'accord. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci. M. le député de Saint-Henri-Sainte-Anne, s'il vous plaît.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation très claire. Actuellement, là, c'est quoi, les recours des professionnels face au syndic? Il y en a-tu?

M. Tremblay (Carl) : Aucun.

M. Cliche-Rivard : Aucun. Ça fait qu'il y n'a pas... Je pense, le Barreau a un comité de révision de la décision du syndic. Il n'y a pas possibilité d'appeler devant le tribunal? Il n'y a pas de recours?

M. Tremblay (Carl) : Bien, en fait, on peut appeler sur une décision, mais on ne peut pas en appeler sur la façon dont on a été traité par un syndic.

M. Cliche-Rivard : La conduite.

M. Tremblay (Carl) : C'est très, très différent.

M. Cliche-Rivard : Mais, quand on va le contester, en fait, ça n'aura aucun impact, la conduite, finalement, du syndic. On va se défendre, nous, professionnels, face à la... le bris de notre obligation déontologique ou de normes de pratiques, mais il n'y aura pas de capacité pour vous, du professionnel, de soulever le... la problématique ou comme un bris de procédure ou... Ça, ça...

M. Tremblay (Carl) : Aucunement.

M. Cliche-Rivard : Il n'y a pas de... Il n'y a pas d'espace. Ça fait que c'est essentiellement plutôt ça, sur la méthode du comment, plus que sur le fond de la conduite ou le fond de la décision professionnelle que vous... sur lequel vous nous appelez à agir.

M. Tremblay (Carl) : Tout à fait.

M. Cliche-Rivard : Vous vouliez ajouter?

M. Roussy (Gaëtan) : Oui, bien, je rajouterais également que le dossier d'enquête est confidentiel. Alors, c'est lors de l'enquête, particulièrement, qu'il y a des problèmes, à cause de l'attitude du syndic par rapport... de certains syndics, là, par rapport aux professionnels. Mais là le dossier d'enquête est confidentiel

M. Cliche-Rivard : Donc, en termes d'équité procédurale, le droit de répondre, le droit de voir la preuve, le droit de contre-interroger, cet ensemble-là, c'est des choses qui doit être... qui devraient être revues, là, selon vous.

M. Roussy (Gaëtan) : C'est ça. Exactement, oui. Oui, puis il y avait maître... de Montréal, un avocat de Montréal qui a établi une liste de causes dans lesquelles le syndic avait quand même été obligé de déposer son dossier d'enquête. Ça avait été présenté en Cour supérieure en... je ne peux pas... je ne peux pas vous donner l'année. Mais je l'avais entendu, maître... et il y avait une série de possibilités, quand même, mais c'est... ça se relance en Cour d'appel, en cour de ci, en cour de ça.

M. Cliche-Rivard : ...de l'équité, finalement, puis là, bien, ça avance avec ce que... ce qu'on peut définir en droit... ce n'est pas du droit administratif, là, ça va être du droit de sanction professionnelle, ça va être du droit professionnel, mais quand même.

Vous dites : Pas toujours le droit à l'avocat, vous dites : Se font parfois imposer le silence. Puis là, là-dessus aussi, ce que vous dites, c'est que la règle n'est pas claire, finalement.

M. Martin (Marc-André) : Ce n'est pas que ce n'est pas clair, c'est que ce n'est pas un droit, actuellement, ce n'est... C'est toléré par les ordres. Puis, tu sais, je veux juste comme recentrer un peu notre discours, ici, là, on n'est pas en train de faire le procès des syndics. Nous, on est dans la démarche d'amélioration du système, de la modernisation, qui arrive à peu près à tous les 50 ans. Donc là, on souhaite améliorer le système puis là on voit, là, qu'où est-ce qu'il y a de l'homme, il y a de l'hommerie. Donc, les syndics ne sont pas imperméables à tout ce qu'on voit partout... tu sais aussi... il y a des abus aussi, tu sais, ce n'est pas imperméable à ça.

Donc, nous, ce qu'on dit, c'est qu'en général, de façon générale, un syndic devrait être encadré, à même titre que les professionnels au Québec, via un ordre et un code de déontologie, ce qui viendrait régler la très grande majorité des enjeux qu'on a ici.

M. Cliche-Rivard : Puis les syndics, eux, reçoivent ça comment, vos recommandations?

M. Martin (Marc-André) : On discute avec eux, puis, honnêtement, c'est que ça doit dépendre de chacune des associations. Chez nous, les ingénieurs, on n'a pas vraiment d'enjeu depuis que l'ordre n'est plus en tutelle, donc, tu sais, ça... on a... N'importe qui qui veut se faire encadrer, bien sûr, ça ne doit pas lui faire plaisir, mais...

M. Cliche-Rivard : En même temps, on peut en profiter, de cet encadrement-là. Justement, toutes ces critiques-là, qui sont légitimes, pourraient être évacuées avec un mécanisme indépendant qui redonnerait une confiance dans l'institution, tu sais, de la même façon où le syndic de bonne foi qui fait son travail, lui, n'aurait pas de problème à voir peut-être certains de ses collègues qui font peut-être un peu moins bien que lui être encadrés. Ça fait que je pense que, peut-être, au contraire, ils pourraient être vos alliés dans cette discussion-là. En tout cas, c'est ce que je... c'est ce que je souhaite.

Est ce que... tu sais, à part, mettons, la question du délai, est-ce que vous voyez des obstacles ou des drapeaux rouges qui sont soulevés par les autres recommandations ou vous sentez que c'est consensuel?

M. Martin (Marc-André) : Bien, écoutez, pour les avocats... ce que les syndics nous mentionnent, tu sais, quand on discute avec eux, il dit... Puis là le «wording» est vraiment important ici. On ne demande pas d'être... On demande l'assistance d'un avocat. C'est... L'assistance d'un avocat, c'est que c'est... contrairement à ce qu'on pourrait voir, mettons, en droit, c'est que ce n'est pas... ce n'est pas la... être représenté par un avocat, c'est différent. L'assistance d'un avocat, ce n'est que quelqu'un pour nous aider. Vous comprendrez que, dans un processus d'enquête, quelqu'un qui est quand même formé pour faire des interrogatoires est capable d'aller soutirer certains mots, certaines phrases, certaines informations qui pourraient comme amener le professionnel à... dans un endroit où est-ce qu'il est plus ou moins à l'aise, il répond... des fois on répond nerveusement puis il ne devrait pas aller dans ce coin-là. Un avocat pourrait comme le rédiger, le recentrer. Puis c'est pour nous mettre sur un pied d'égalité, tu sais, la balance des pouvoirs. C'est important que, quand on fait face à des gens qui sont formés, justement, pour...

M. Martin (Marc-André) : ...des...

M. Cliche-Rivard : Puis sur les autres questions, sur l'adoption du code, ça, il y a un consensus, ou il y a des obstacles, il y a des levées de boucliers?

M. Tremblay (Carl) : Il semble avoir un consensus auprès des ordres professionnels.

• (11 heures) •

M. Cliche-Rivard : Parfait. Parce que la ministre disait tout à l'heure qu'elle prenait par bouchée de consensus, ça fait que je... c'est pour ça que je pose la question dans ce sens-là. Sur celui-là, vous ne voyez pas... vous voyez que la job est faite, le consensus existe?

M. Tremblay (Carl) : On pense que oui, mais on n'a pas parlé à tous les autres indépendamment. Mais c'est leur rapport, hein, le rapport de CIQ.

M. Cliche-Rivard : Évidemment, vous parlez pour vous, c'est bien évidemment.

M. Tremblay (Carl) : Bien entendu.

M. Cliche-Rivard : Puis, sur la création d'un poste de commissaire aux plaintes, vous voyez qu'il y a consensus sur ça aussi?

M. Tremblay (Carl) : Bien, en tout cas, nous autres, c'est notre recommandation.

M. Cliche-Rivard : Mais il n'y a pas quelqu'un tout de suite dont vous savez : Ah, oui, eux autres ils ne voudront pas?

M. Tremblay (Carl) : Non, pas à ma connaissance.

M. Cliche-Rivard : Alors que sur le délai d'enquête, ça, j'entends puis je vois déjà venir des drapeaux rouges en disant : Oui, mais, attention, il y a des faits nouveaux, il y a une enquête qui prend du temps, il y a des mesures, il y a des moyens. Là, pour ça, on pourrait deviner qu'il y a peut-être des éléments réfractaires.

M. Tremblay (Carl) : Peut-être, mais c'est quand même dans le rapport du CIQ. Donc, il y a sûrement moyen de trouver des solutions.

M. Cliche-Rivard : Vous pouvez ajouter, bien sûr.

M. Roussy (Gaëtan) : Et par rapport, justement, au commissaire aux plaintes par exemple, ou tout organisme, ou tout processus qui pourrait servir à recevoir les plaintes à l'endroit des syndics. Il y a des syndics, là, tout d'un coup, qui ont dit : Ouais, mais, des fois, peut-être qu'on pourrait avoir des plaintes abusives, ou peut-être qu'on pourrait... tu sais. Ça fait que je me sentis... on s'est senti compris comme professionnel, tu sais. Alors, c'est pour ça, là, que c'est juste une question d'équité, hein? S'il y a un processus d'un bord, mais il faut qu'il y en ait un de l'autre aussi.

M. Cliche-Rivard : Bien, merci beaucoup, puis au plaisir de vous revoir bientôt.

Le Président (M. Bachand) :Alors, Dr Tremblay, M. Martin, M. Roussy, merci beaucoup d'avoir été avec nous ce matin. C'est très apprécié.

Et la commission suspend ces travaux quelques instants pour accueillir le prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 02)


 
 

11 h (version non révisée)

(Reprise à 11 h 08)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, ça nous fait plaisir d'accueillir les représentants et représentantes de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires. Merci beaucoup! Alors,, on termine les auditions publiques et consultations avec vous. Alors on finit en beauté. Alors, comme vous connaissez les règles, 10 minutes de présentation, ensuite on a une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous invite d'abord à vous présenter et à débuter votre exposé. Merci beaucoup.

M. Morin (Benoit) : Bien, merci, M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission. Donc, je suis Benoit Morin, président de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires. Je suis pharmacien propriétaire aussi. Je suis accompagné par Jean Bourcier, pharmacien, vice-président exécutif et directeur général et par maître Marie-Ève Gagné, directrice aux affaires juridiques et à la négociation. L'Association québécoise des pharmaciens propriétaires représente les 2092 pharmaciennes et pharmaciens propriétaires de quelque 1 900 pharmacies réparties partout sur le territoire québécois, et ce, toutes bannières et chaînes confondues. D'entrée de jeu, je tiens à réitérer notre soutien au projet de loi n° 67, visant, entre autres, à élargir le champ de pratique des pharmaciens et à accroître leur autonomie professionnelle. Au cours des dernières années, on a pu assister à une évolution importante de la profession qui a permis aux patients de bénéficier davantage de l'expertise de leurs pharmacies. Toutefois, en raison de certaines limites dans leur droit de pratique, les pharmaciens se voyaient restreints dans leur capacité d'aider leurs patients. Le projet de loi n° 67 apporte un changement majeur dans la vision des soins de santé au Québec. Le gouvernement a choisi de miser sur l'accessibilité du réseau de la pharmacie et sur la capacité des pharmaciens d'en faire plus. Ceci permettra enfin aux pharmaciens d'utiliser davantage leurs compétences et leur jugement professionnels pour améliorer l'accès à la première ligne de soins et la prise en charge des maladies chroniques. C'est donc une excellente nouvelle pour les patients et pour la population. Je tiens à saluer le travail, la vision et même le courage de l'Office des professions, de l'ordre...

M. Morin (Benoit) : ...de l'Ordre des pharmaciens, du Collège des médecins, du gouvernement et de tous ceux qui ont travaillé dans ce dossier. Nos objectifs est de faire du déploiement des modalités du p.l. 67 un franc succès et d'en assurer une mise en place efficace, rapide pour le bénéfice de nos patients et du système de santé. Pour y arriver, nous avons besoin de votre soutien et de l'établissement de conditions gagnantes. Nous nous devons toutefois de faire une mise en contexte importante. Faute d'une planification adéquate de la part du gouvernement en collaboration étroite avec l'AQPP et d'une négociation consciencieuse dans l'optique d'établir un partenariat réel entre nous, nous pourrions passer à côté de réellement améliorer la fluidité des services pour les patients. Il faudra donner aux pharmacies communautaires les moyens nécessaires pour mettre en œuvre les nouvelles activités de façon optimale optimale.

• (11 h 10) •

Notre mémoire est le fruit d'un exercice rigoureux basé sur notre expertise du fonctionnement de la pharmacie communautaire. Pour que les patients puissent bénéficier le plus tôt possible d'une amélioration du parcours de soins, il est essentiel de s'y pencher avec attention. Par exemple, avec le p.l. 67, on anticipe une demande accrue de la part des patients non seulement pour des services cliniques, mais pour une foule de conseils santé. Pour répondre à cette amplification des demandes, les pharmacies devront bénéficier d'une rémunération adéquate. Pour bien définir cette rémunération, il faudra prévoir une période de négociation et de transition réaliste.

D'autres conditions sont à considérer pour le mode... pour que le modèle que déploiera le p.l. 67 demeure viable à long terme. On doit s'assurer que nos lois et règlements soient respectés par tous les joueurs de l'industrie. Malheureusement, un écosystème opaque de distribution de médicaments de spécialité prive l'ensemble du réseau des pharmacies d'accéder à certains médicaments. Cette situation problématique, qui perdure depuis plusieurs années, est l'oeuvre d'un groupe de pharmacies et d'entreprises qui se livrent à des pratiques interdites pour accaparer une clientèle vulnérable. En résumé, ils dirigent les patients dans une pharmacie partenaire d'un programme de soutien aux patients. Il s'agit d'une approche illégale d'obtention de clientèle via un tiers contraire au Code de déontologie des pharmaciens et connue sous le nom de dirigisme. Dans ce système, le patient n'a pas le choix de son professionnel et n'est pas pris en charge par le pharmacien qu'il connaît le mieux et qui fait le suivi complet de son dossier patient. Ce stratagème n'est pas sans conséquence, il y a un risque qu'il y ait... une incohérence, pardon, à fractionner le parcours du soin des patients, ce qui, à notre avis, va à l'encontre des objectifs liés au p.l. 67. La prise en charge globale des patients par un seul pharmacien simplifie le parcours de soins et minimise les intervenants inutiles et les risques d'erreurs.

Aujourd'hui, les lois et règlements en place pour encadrer les pratiques et sanctionner les fabricants grossistes non reconnus et intermédiaires ne suffisent pas à freiner cette pratique. Avec ce projet de loi, nous avons une opportunité unique de régler la situation. Dans notre mémoire, nous suggérons différentes modifications législatives et réglementaires, entre autres pour donner à la RAMQ de meilleures chances de succès. Je laisse maintenant la parole à Jean.

M. Bourcier (Jean) : Merci. Merci, Benoit. Avec ce projet de loi, on fait un choix de société sur le modèle de pharmacie qu'on préconise. On veut des pharmacies accessibles à la population qui offrent davantage de services de proximité. On veut des pharmaciens capables de répondre aux patients dans un court délai et avec agilité. Pour atteindre ces objectifs, il faut également prévoir la couverture de frais associés à divers tests de diagnostic ou de dépistage nécessaires pour que les pharmaciens puissent jouer pleinement leur rôle auprès de leurs patients.

Pendant la pandémie de COVID, les pharmaciens étaient au front, toujours ouverts et présents pour les Québécois. Le Québec a alors innové en permettant la distribution de tests rapides en pharmacie puis, encore plus, en permettant aux pharmaciens de prescrire le Paxlovid, avec succès, d'ailleurs, aux clientèles ciblées, ce qui a constitué une première mondiale. Je tiens à le souligner, on a été les premiers au monde à prescrire le Paxlovid, les pharmacies. En ce moment, ces tests ne sont plus disponibles gratuitement en pharmacie, tout comme les tests pour le streptocoque, le VIH et le VHC... le VHC, oui. Le coût de ces tests facturés aux patients sont une barrière à l'accessibilité des soins en pharmacie. Ils sont accessibles sans frais chez le médecin, mais ils ne sont pas couverts pour tous en pharmacie. Si l'on veut vraiment encourager la population à aller en pharmacie pour des conditions de ce genre, il faut s'assurer que ces barrières financières soient abolies pour le patient, comme ce fut le cas lorsque le gouvernement a retiré les frais de franchises et de coût assurance sur les activités cliniques effectuées en pharmacie.

Il faut aussi considérer que les pharmaciens ont besoin de soutien financier pour mieux aménager leur espace et leur chaîne de travail en fonction de leurs nouvelles réalités. Il faudrait aussi collaborer pour que les logiciels...

M. Bourcier (Jean) : ...de pharmacies et ceux du gouvernement se parlent. Habituellement, ils ne se parlent pas pour éviter la duplication de l'entrée de données. Surtout, nous devrons prendre le temps de bien communiquer à la population de manière coordonnée sur les soins effectivement disponibles en pharmacie, les modèles... et les modalités pour avoir accès à ces soins,  pour éviter que la pharmacie ne devienne un centre de triage et que les patients en soient lésés. Finalement, ce projet de loi, le Québec sera en tête des provinces canadiennes puis on reste en reste là, mais je pense qu'on voit une des pratiques de pharmacie les plus avancées au monde en termes d'activités cliniques dont pourra bénéficier la population en pharmacie. Ce n'est pas surprenant, considérant que la pharmacie québécoise est des plus axées sur les besoins des patients. Le fait qu'au Québec, les pharmacies sont exclusivement détenues par des professionnels de la santé des pharmaciens compte... y contribue grandement. En effet, le droit de propriété au Québec qui fait en sorte que seul un pharmacien peut être propriétaire d'une pharmacie est un mécanisme essentiel qui assure que les intérêts du patient priment sur les intérêts commerciaux du propriétaire de la pharmacie. Cependant, ce modèle unique en Amérique du Nord, subit des pressions importantes avec la concentration grandissante des joueurs de l'industrie partout au Canada. Le Québec ne fait pas exception à cette tendance. C'est pourquoi nous sommes persuadés qu'un déploiement optimal de l'élargissement du champ de pratique des pharmacies communautaires repose sur un renforcement des mesures visant à protéger l'indépendance professionnelle et l'autonomie des pharmaciens. Certaines dispositions du règlement sur certains contrats que peuvent conclure les pharmaciens dans l'exercice de leur profession doivent être modifiées à cet égard. Nous avons une occasion à saisir pour assurer une meilleure protection du public et éviter des dérives ou des pressions externes indues, par exemple, des quotas fixés par des chaînes des bannières de pharmacie, comme c'est le cas notamment en Ontario où, récemment, le Collège des pharmaciens de l'Ontario a pu... a soulevé d'importantes problématiques en ce sens. Et sur ce, je vais passer la parole à Benoit pour la conclusion.

M. Morin (Benoit) : Merci à Jean. L'AQPP travaille sans relâche pour adapter le modèle d'affaires de la pharmacie québécoise aux besoins des patients et de l'écosystème de santé. Et nous continuerons d'épauler nos membres et le gouvernement dans cette transition. Les pharmaciens communautaires sont aptes à intégrer les nouveaux changements dans leurs pratiques et des partenaires efficaces pour aider le gouvernement à atteindre ses cibles en matière de santé. Les pharmacies subissent toutes sortes de pressions de marché. Des situations alarmantes partout ailleurs au Canada et aux États-Unis qui mettent en péril l'accessibilité en région, le contact humain, l'indépendance professionnelle et le droit des patients de choisir leur professionnel de la santé. Toutefois, des solutions sont proposées dans notre mémoire. Nous croyons que la vision d'avenir de la pharmacie québécoise illustrée dans le p. l. 67 est la bonne. Il faut simplement se donner les moyens d'y arriver dès maintenant. Et en terminant, sur une note plus personnelle, quand j'ai gradué en 1988, il y a 36 ans, tout comme les pharmaciens du Québec, on rêvait d'une pratique qui nous permettrait d'aider nos patients à la hauteur de nos compétences et de notre formation. Ce projet de loi nous mettre... nous permettra enfin d'y arriver. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci infiniment. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour cette présentation. Bon, beaucoup de sujets, hein, certains qui relèvent de l'ordre de la négo. Vous avez quelqu'un qui vous accompagne, d'autres de mon collègue en santé, d'autres qui sont qui font l'objet de travaux de la RAMQ donc, comme vous le savez. Donc, je n'aborderai pas ici ces sujets-là, bien que ce soit très intéressant de vous lire. Par contre, je vais peut-être parler un peu plus de ce qui concerne le projet de loi n° 67, disons-le, de façon plus macro puis peut-être on ira vers un peu plus de détails. Quand on parle du droit de propriété, de l'indépendance de vos membres par rapport au droit de propriété ou de toute autre forme juridique à travers... à l'intérieur de laquelle vos membres pourraient exercer. Peut-être nous donner un peu plus d'information sur ces aspects-là. Je sais que vous êtes... en tout cas, je crois comprendre que pour vous, la question de l'indépendance du membre, d'être propriétaire de sa pharmacie, c'est important. On a entendu le Collège des médecins sur certains aspects quand les professionnels de la santé ne sont pas nécessairement propriétaires de leur clinique. Donc peut être que vous allez vous entendre un peu cet aspect-là, et ça va m'amener à vous demander de parler un peu plus de vos recommandations concernant les PMSBL, s'il vous plaît.

M. Morin (Benoit) : Ah oui, bien, le droit de propriété au Québec est unique pour la pharmacie communautaire. Je pense qu'on est les seuls en Amérique du Nord, avec le Dakota du Nord, à avoir le droit de propriété. Donc on est, on a un certain privilège et responsabilité envers ce droit-là, ce qui nous nous met à l'abri, d'une certaine façon, de l'indépendance professionnelle qui protège l'indépendance professionnelle. Mais on sent ce droit-là glisser. Il y a des joueurs de plus en plus importants. Il y a des modèles d'affaires qui se développent où cette indépendance-là est mise à mal...

M. Morin (Benoit) : ...et on sent qu'il y a nécessité de le renforcer parce que la pharmacie au Québec, elle est différente d'ailleurs et elle est, de notre point de vue, plus performante, plus près des patients, plus efficace. Et le projet de loi aujourd'hui en est un des aboutissements, si on veut. Mais ce droit-là doit être protégé, on doit protéger ces acquis-là et on fait face à des grands joueurs, comme je disais, qui ont beaucoup de moyens. Et, comme simples pharmaciens propriétaires, parfois la lutte est inégale, et on doit protéger ces acquis-là, comme je disais, puis défendre les droits.

Évidemment, on a soumis un mémoire à l'Ordre des pharmaciens, qui devait aller... qui devait proposer des modifications réglementaires pour améliorer cette protection-là. Ça fait que, si Mme la ministre est intéressée, on pourra vous faire parvenir ce mémoire-là.

• (11 h 20) •

M. Bourcier (Jean) : Peut-être en complément d'information, Mme la ministre. Le Québec, Benoit l'a dit, est une société distincte, je vais utiliser ce mot, en pharmacie parce qu'ailleurs au Canada il n'est pas nécessaire d'être un pharmacien pour être propriétaire d'une pharmacie. Donc, parfois, une grande corporation est propriétaire de ladite pharmacie, ce qui fait en sorte que ces organisations-là, certaines organisations qui ont des points de service d'une côte à l'autre, «from coast to coast», cherchent à amener les pratiques à l'extérieur du Québec au Québec pour justement faire en sorte qu'il y ait une uniformité dans leur façon de faire les choses. Donc, les ententes contractuelles qui sont amenées sont souvent similaires à ce qu'on voit dans d'autres provinces, mais pas adaptées à l'environnement du Québec, ce qui fait, comme Benoit disait, une certaine érosion du droit... du droit de propriété. Donc, notre différence fait en sorte que ça vient complexifier les affaires pour certaines organisations. Ils tentent justement de venir aplanir cette complexité-là.

D'ailleurs, c'est le même... c'est la même problématique dans le dossier des programmes de support aux patients, où les pharmaceutiques tentent de venir mettre en place un programme pancanadien sans nécessairement se préoccuper outre mesure des lois qui prévalent au Québec, qui sont en place au Québec.

M. Morin (Benoit) : Et, Mme la ministre, dans notre mémoire, en annexe, on a un rapport du Collège des pharmaciens de l'Ontario qui fait état de l'influence des tiers dans... sur les activités cliniques performées en pharmacie. Ça illustre bien la différence entre le Québec et le reste du Canada, mais qu'il faut protéger.

Mme LeBel : Parlons peut-être plus particulièrement de l'introduction de la notion... au sein... bien, au sein du Code des professions, parce que j'ai eu l'occasion de le réitérer à plusieurs reprises, il y a certaines lois professionnelles qui permettent à certains professionnels de se... ou de travailler ou de... au sein d'une PMSBL, mais on vient amener cette possibilité-là pour l'ensemble des professionnels. Vous avez quelques... quelques recommandations. Peut-être nous entretenir un peu plus, là. Encore une fois, ça tourne encore sur la notion de coût modique. On comprend que ce qu'on cherche à faire par cette notion de coût modique là, et je reviens à l'objectif, est de s'assurer que les professionnels qui oeuvrent au sein de telles entités fournissent des services à la population qui sont abordables. Donc, c'est une question d'accès. Que ce soit dans le domaine de la santé ou la justice, c'est une question d'accès. Vous avez quelques commentaires. Vous nous dites que, bon, le libellé des lois actuelles peut peut-être faire le travail plutôt que d'introduire une notion. Si vous pouviez peut-être élaborer un peu plus sur ces questions-là, ça me... ça m'aiderait beaucoup. Merci.

M. Morin (Benoit) : Bien, je vais laisser Me Gagné là-dessus. Moi... Ce qui est important pour nous puis ce qui est un peu difficile à saisir, c'est que l'ensemble des frais... Ce qui est intéressant avec la pharmacie, c'est l'universalité, la couverture universelle, soit par l'assurance... l'assureur privé ou par l'assurance du gouvernement. Donc, «frais modiques», à l'intérieur des opérations d'une pharmacie...

Mme LeBel : C'est peut-être moins...

M. Morin (Benoit) : ...c'est peut-être moins applicable et moins réalisable. Et nos préoccupations, nous, c'est le droit de propriété, les acquis, la... parce qu'on est sous l'influence de tiers qui veulent prendre... des tiers extérieurs, au Canada, aux États-Unis, qui veulent prendre... qui voudraient prendre une part du marché. Et toutes les occasions, toutes les brèches pourraient être bonnes pour y accéder. Donc, on a certains enjeux à ce niveau-là. Mais je vais laisser Me Gagné...

Mme LeBel : Bien, peut-être avant que Me Gagné élabore... Puis je vais... je vais l'écouter avec plaisir. Donc, si je comprends bien, vous avez un peu le même point de vue que certains des groupes qui sont venus nous voir, c'est-à-dire «coût modique», bon, sous réserve de définir la notion de coût modique, naturellement, là, parce qu'on a eu des commentaires à cet effet-là... mais «coût modique», oui, mais ça ne veut pas dire que ça s'applique à tous les cas de figure, de tous les professionnels en PMSBL. C'est un peu... C'est un peu votre commentaire que je traduis, là?

M. Morin (Benoit) : Puis je ne veux pas rentrer dans le micro, mais on...

Mme LeBel : Mais à haut niveau, disons-le, pour...

M. Morin (Benoit) : Oui, disons... En pharmacie, c'est le prix usuel ou coutumier. Je ne peux pas charger un prix différent à quelqu'un puis...

Mme LeBel : De toute façon, c'est ça.

M. Morin (Benoit) : De toute façon.

Mme LeBel : Parfait.

M. Bourcier (Jean) : Et les ententes qu'on a avec différents joueurs, comme le ministère de la Santé, comme avec certains partenariats fédéraux en santé, viennent encadrer également certaines notions de prix dans l'environnement.

Mme LeBel : Ça fait qu'elle a peut-être moins application dans votre réalité, c'est ce que vous...

M. Bourcier (Jean) : ...exactement, exactement.

Mme LeBel : Me Gagné peut-être, sur le...

Mme Gagné (Marie-Ève) : Bien, ils ont dit pas mal l'ensemble de ce que... de ce qu'il y avait à dire au sujet des OBNL. Mais effectivement, vous l'avez mentionné, là, rapidement, dans la loi actuelle, là, un organisme à but non lucratif doit finalement avoir une...

Mme Gagné (Marie-Ève) : ...qui n'est pas nécessairement d'offrir des services, là, à coût modique. Donc, c'était un simple rappel, là, qu'ils pouvaient... qu'on n'était pas contre, en fait, l'idée que les pharmaciens puissent se constituer en organisme à but non lucratif sans la notion de coût modique, mais également évidemment, là, pour le rappeler et insister, là, en respectant, là, le droit de propriété et l'indépendance professionnelle des pharmaciens, évidemment.

Mme LeBel : J'aurais besoin de clarifications sur une de vos recommandations que... Puis, quand vous dites, dans la recommandation sur les permis restrictifs permanents, les permis spéciaux : Afin de prévenir les dérives d'exercice de la pharmacie par une pharmacie n'ayant pas de local en territoire québécois», j'imagine, vous faites référence aux bannières, là, ou, à tout le moins...

M. Morin (Benoit) : Pas nécessairement. 

Mme LeBel : Pas nécessairement.

M. Morin (Benoit) : Ça peut être Amazon, par exemple.

Mme LeBel : O.K., parfait. «L'AQPP propose de prévoir l'obligation par un ordre professionnel de fixer les modalités en lien avec le permis spécial par règlement.» Juste peut-être m'expliquer... Là, j'avoue qu'honnêtement, là, le lien entre les deux, je ne le vois pas, là, mais ce n'est pas... C'est pour ça que je vous demande plus d'explications. Je suis convaincu qu'il y en a un, mais...

Mme Gagné (Marie-Ève) : Mais qu'est-ce que vous voulez dire par «entre les deux»?

Mme LeBel : Bien, ce que vous dites c'est... ça semble... vous semblez proposer de prévoir l'obligation de... par un autre professionnel, de fixer les modalités en lien avec le permis spécial par règlement. Puis vous semblez faire un lien avec de possibles dérives dans l'exercice de la pharmacie par une pharmacie n'ayant pas le local en territoire québécois.

Mme Gagné (Marie-Ève) : Oui, effectivement. C'est qu'une pharmacie qui n'a pas de local en territoire québécois pourrait instrumentaliser, en fait, une personne, un pharmacien qui obtiendrait un tel permis, pour lui permettre d'offrir des services pharmaceutiques au Québec. Donc, nous, ce qu'on souhaite, c'est que ce soit réglementé et que les pharmaciens qui obtiennent un tel permis doivent nécessairement pratiquer la pharmacie dans une pharmacie qui a pignon sur rue au Québec.

Mme LeBel : O.K., je veux juste vraiment être sûre de comprendre, là. Vous dites qu'on pourrait... un ordre professionnel pourrait accorder un permis restreint — parce que les permis spéciaux sont un permis restreint, là — à un professionnel qui ne pratiquerait pas au Québec.

Mme Gagné (Marie-Ève) : Il pratiquerait au Québec, mais pour le compte d'une pharmacie, par exemple, en Ontario, qui enverrait de façon, par exemple, postale...

Mme LeBel : O.K. Le pharmacien au Québec, mais l'entité ne le serait pas.

Mme Gagné (Marie-Ève) : Exactement. Donc, il est membre de l'Ordre des pharmaciens du Québec. Donc, c'est pour éviter ce genre de dérives là qu'on voit actuellement, ceci étant dit. Donc, nous, c'est pour prévenir davantage de dérives. Donc, si... Tu sais, on comprend que l'objectif de ces permis-là, c'est de pallier, là, en grande partie à la pénurie de main-d'œuvre ou à la rareté de main-d'œuvre. Donc, ce serait... ça irait à l'encontre, en fait, de cet objectif là si les pharmaciens qui obtiendraient de tels permis travaillaient pour le compte de pharmacies ailleurs au Québec... ailleurs qu'au Québec.

Mme LeBel : O.K., je comprends bien, là. Donc, le pharmacien est au Québec, c'est l'entité qui ne l'est pas.

Mme Gagné (Marie-Ève) : Exact.

Mme LeBel : O.K., Parfait. Bien, merci. Bien, si vous avez quelque chose à...

M. Morin (Benoit) : Nous, ce qui est important, c'est que ça soit réglementé par l'ordre pour pas... qu'on puisse faire autrement à ce qui est illégal de faire actuellement, là, tout simplement.

Mme LeBel : Bien, merci, c'est plus clair. Merci pour moi.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Je me tourne vers l'opposition officielle. M. le député d'Acadie.

M. Morin :Oui, merci. Merci, M. le Président. Alors, bonjour, merci d'être là. Désolé, j'ai raté le tout début de votre exposé. Il arrive qu'un député aille à se promener dans le Parlement. Alors, ce n'est pas par manque d'intérêt, croyez-moi.

Il y a un aspect de votre mémoire qui m'a particulièrement intéressé compte tenu de ma formation comme avocat, mais en pénal, c'est à la page 31. Et vous dites : «La réforme du Code des professions est une opportunité de revoir des infractions pénales qui y sont prévues et la procédure selon laquelle un tiers participant à une infraction prévue au code peut être sanctionné.» Et vous voulez attribuer aux ordres ou à l'office des pouvoirs d'enquête puis créer une entité administrative distincte responsable de l'application du Code des professions envers les tiers. Donc, j'aimerais que vous puissiez peut-être m'éclairer davantage sur... bien, d'abord, qu'est-ce qui ne fonctionne pas présentement, qu'est-ce qui ferait en sorte que votre proposition serait plus efficace pour la protection du public. Je dois avouer que ça a piqué ma curiosité.

M. Morin (Benoit) : Bien, avant de... Je vais laisser Me Gagngé répondre à l'aspect peut-être plus technique, mais la situation qu'on vit, notamment avec les médicaments de spécialité, c'est que les processus d'enquête ne produisent pas de résultats. Les pharmaciens sont sanctionnés par l'ordre, sont probablement enquêtés par la RAMQ, mais ça ne produit pas de résultats et ça continue et ça augmente. Donc, nous, on cherche des solutions et on a mis dans le mémoire les différentes solutions humblement qu'on considère... qu'on pourrait considérer plus efficace pour changer cette dynamique-là, qui continue malheureusement à se produire au détriment des patients du Québec.

M. Morin :Pourriez-vous m'en dire un peu plus quand vous parlez d'enquêtes de médicaments de spécialité? Quel est le problème présentement puis qu'est ce qu'on pourrait faire pour essayer de le corriger?

M. Morin (Benoit) : ...mais le problème, c'est le dirigisme. Je l'ai mentionné dans l'introduction, c'est un réseau opaque de dirigisme où le patient est pris dans un système où on l'envoie à une pharmacie donnée parce que cette pharmacie-là qui est en... qui distribue le médicament. Donc, il rentre dans un réseau de dirigisme, ce qui est illégal au Québec. Donc, au lieu d'aller chez son pharmacien, il est envoyé dans une autre pharmacie qu'il ne connaît pas et qu'on, par plusieurs stratagèmes... on l'incite à aller là. Donc, ce n'est pas un consentement éclairé. Et ça, ça se produit, ça augmente et ça concerne les médicaments de spécialité. Mais ces médicaments-là, c'est l'avenir... c'est le présent et l'avenir. Ça veut dire que tous les nouveaux médicaments qui sortent sur le marché, ce sont des médicaments de spécialité. Ils sont de plus en plus performants. Ce sont des produits... des médicaments qui... c'est de la haute technologie. Mais c'est ça, l'avenir, c'est ça, le présent. Donc, le pharmacien communautaire, c'est ça qui va servir. Si on lui prive de son accès et si le patient doit faire affaire dans trois ou quatre pharmacies pour avoir accès à l'ensemble de son dossier, ça ne fait juste pas de sens. Donc, il faut que ça cesse, il faut qu'on trouve un moyen de contrer ce réseau-là illégal de réseau médicament de spécialité.

• (11 h 30) •

M. Bourcier (Jean) : Je vais compléter en vous disant...

M. Morin ( Acadie) :Parfait. Oui.

M. Bourcier (Jean) : Le processus est le suivant, qu'une compagnie pharmaceutique signe une entente avec un gestionnaire de programme de support aux patients, qui, eux, vont signer une entente d'exclusivité avec une pharmacie pour la distribution et la gestion du programme du médicament et la gestion du programme de support médicament qui est associé... le patient est dirigé vers ces pharmacies-là qui détiennent ce contrat d'exclusivité là et, à la fin de la journée, n'a pas vraiment le choix que de faire affaire que cette pharmacie. Il y a actuellement six... 10 pharmacies au Québec qui détiennent 40 % du marché des médicaments dits de spécialité. On parle ici de 1,5 milliard de chiffre d'affaires réparti dans 10 pharmacies. Une pharmacie moyenne, au Québec, là, ça fait 6,5 millions de chiffre d'affaires, là. Ça fait que faites le calcul. Donc, c'est un processus... C'est ça, c'est ça qu'on appelle du dirigisme, c'est la signature d'une entente d'exclusivité avec un pharmacien pour l'accès d'une clientèle. Et ça, c'est interdit, c'est... ça va à l'encontre du Code de déontologie des pharmaciens. Mais les mesures que le syndic de l'ordre, que l'ordre... l'Ordre des pharmaciens peut mettre en place ne sont pas efficaces. Ils ont essayé, ils ne sont pas efficaces. Pourquoi? Parce que les profits générés par ces environnements-là sont tellement importants que se faire radier 30 jours avec une pénalité de 40 000 $, ça ne fait pas la job. Ça fait que c'est de ça qu'on parle. Et on aimerait que l'ordre puisse aller sanctionner en amont, c'est-à-dire, les gens qui participent à ce processus-là, soit les gestionnaires de programme de support aux patients ou, encore même, les pharmaceutiques, éventuellement. Et ça, actuellement, c'est impossible, ça ne peut pas être fait.

M. Morin (Acadie) : Parfait. C'est très éclairant. Je vous remercie. J'imagine que, quand vous parlez de médicaments de spécialité... je ne suis pas pharmacien, mais les gens qui souffrent de cancer...

M. Morin (Benoit) : Bien, pas exclusivement, mais ça peut en faire partie. Puis ça n'existe pas vraiment, des médicaments de spécialité, c'est un terme qu'on utilise pour donner un nom à des médicaments chers qui sont nouveaux, qui sont récents. Par exemple, c'est des médicaments pour l'arthrite rhumatoïde qui vont amener une rémission chez un patient. Au lieu d'avoir cinq ou six traitements pharmacologiques qui font... qui diminuent les symptômes, on va mettre le patient en rémission avec une injection une fois par semaine, qui coûte 1 000, 500, 1  000 $ de l'injection, qui est dispendieux mais qui est ultraefficace dans bien des cas. Et, oui, ça touche le cancer, ça touche un paquet de maladies, ça touche aussi des maladies rares où on a un traitement qui va traiter quelques patients dans la province, mais c'est de plus en plus courant. Il y a plusieurs années, il y en avait quelques-uns. Là, il y en a des centaines, voire des milliers. Et, éventuellement, tous les patients du Québec vont en bénéficier un jour ou l'autre.

M. Morin (Acadie) : Puis j'imagine qu'avec la situation actuelle... puis corrigez-moi si je fais erreur, mais, si vous êtes dans une région puis que le pharmacien, je ne sais pas, moi, de la ville ou du village n'a pas ce genre d'entente là, bien, le patient, il faut qu'il se déplace ailleurs pour avoir accès à son médicament.

M. Morin (Benoit) : Bien, je vous dirais qu'actuellement les... je vous donne un exemple. Les patients du Lac-Saint-Jean reçoivent des médicaments de spécialité d'une pharmacie de la Rive-Sud de Montréal, qu'ils ne connaissent pas, ils vont le recevoir sur le perron avec un livreur de Purolator et ils n'ont pas nécessairement d'interaction avec le pharmacien de spécialité, au lieu de le recevoir de sa pharmacie de quartier, qui a l'ensemble de son dossier et qui...  je vous donne un exemple. Si moi, je prescris un antibiotique dans le cadre du p.l. 67 pour une infection, une morsure de chat, je vais peut-être recommander à un patient de cesser son médicament de spécialité temporairement, le temps qu'il a une infection parce qu'il est immunodéprimé. Là, l'autre pharmacie va lui envoyer son médicament, l'infirmière du programme de support aux patients va l'appeler pour s'assurer qu'il le prenne, alors que moi, je lui dis de retarder sa dose. Ça fait que ça ne fonctionne...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

M. Morin (Benoit) : ...mais pas à long terme ce système-là.

M. Morin (Acadie) :Puis là je comprends qu'il n'y a pas... il n'y a pas de dialogue entre tous ces professionnels-là. Donc là, le patient, lui, est pris tout seul.

M. Morin (Benoit) : Il y a... Il y a du dialogue à partir du moment où on le sait, mais, je veux dire...

M. Morin (Acadie) :C'est ça. Parfait. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :...Mme la députée de La Pinière, pour cinq minutes.

Mme Caron : Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup à vous trois. Alors, donc, je comprends, par les explications que vous avez données, les médicaments de spécialité, ce ne sont pas des médicaments qui n'ont pas encore été autorisés.

M. Morin (Benoit) : Non.

Mme Caron : C'est tout ce qui est nouveau, finalement, parce que les nouveaux sont superperformants...

M. Morin (Benoit) : Mais il y a des médicaments de spécialité qui sont là depuis 10 ans, quand même, là... Il y en a qui sont là depuis un certain temps.

Mme Caron : O.K. Alors, je vais passer à un autre... à un autre point, puisqu'on a eu l'occasion de vous entendre avec beaucoup de précisions là-dessus. Je me demandais si... Bien, en fait vous avez parlé de tests de dépistage au COVID, par exemple, qui devraient être accessibles gratuitement dans les pharmacies. D'ailleurs, la FADOQ, qui n'a pas été entendue dans le cadre... qui n'est pas venue faire dépôt d'un mémoire ici, a quand même déposé un mémoire sur le site et ce... c'est une chose qu'elle demandait aussi, que, dans les pharmacies communautaires, on continue d'avoir accès gratuitement à ces tests-là, parce que c'est depuis le mois de mars, je crois, que ce n'est plus... il faut payer, mais vous ajoutez aussi les tests de VIH, de dépistage de VIH qui peuvent être faits en pharmacie?

M. Morin (Benoit) : Oui.

Mme Caron : Oui?

M. Morin (Benoit) : Puis le virus hépatique... l'hépatite C aussi. C'est-à-dire que c'est... ce sont des exemples que, si c'est fait à la pharmacie... Il y a eu des projets pilotes pour le... pour l'hépatite C aussi, où un groupe de pharmaciens communautaires a même détecté deux cas à l'aide de ces tests-là. Mais c'est pour illustrer que, oui, on peut être performant sur des activités cliniques puis initier des traitements, mais ça nous prend les outils, et il faut que ces outils-là ne soient pas aux frais du patient pour que ça soit performant et qu'il ne se dise pas : Bien, je vais aller chez le médecin à la place parce que je ne veux pas payer le test.

Dans le cas des tests rapides COVID, au début... au milieu de la pandémie, on avait des tests à la pharmacie. Si on suspectait un patient avec la COVID, on lui donnait le test. S'il est positif puis tu es un groupe à risque, je vais t'administrer le Paxlovid. Là, si on suspecte un patient d'avoir la COVID et il est à risque, il faut que je l'envoie au centre de dépistage s'en chercher un ou il faut que je lui en vende un, ce qui est un frein, là. Malgré que, dans cet exemple-là, c'est la même chose chez le médecin. Le médecin n'a pas de test rapide non plus.

Mais il faut qu'il y ait une cohérence entre les outils et l'efficacité de pouvoir poser les gestes qu'on va devoir poser. Donc, on veut être partie prenante des échanges où on va pouvoir illustrer ces chemins-là puis arriver à être performant dans les besoins des patients.

Mme Caron : Merci. Vous abordez aussi la question de la charge administrative de rapports à la RAMQ. Est-ce que, selon vous... Bon, je comprends qu'il y a déjà une charge administrative un peu lourde. Est-ce que le projet de loi va vous en rajouter et c'est pour ça que vous faites cette recommandation-là ou c'est une recommandation uniquement pour ce qui se passe actuellement?

M. Morin (Benoit) : Bien, c'est une recommandation pour vraiment améliorer notre performance, donc se libérer des tâches cléricales qui prennent du temps, qui n'est pas consacré aux patients. Et on sent... Il faut comprendre que, pour nos membres et même pour les pharmaciens salariés, on est dans un contexte de rareté de main-d'oeuvre. Donc, il faut optimiser notre façon de travailler. Il faut optimiser notre chaîne de travail, notre façon d'opérer, de faire les activités. Il faut s'automatiser encore plus. On est bons là-dedans, mais il faut prendre, si vous voulez, une étape de plus et se libérer de tâches inutiles qui ne sont ni à valeur ajoutée par la RAMQ ni à valeur ajoutée pour nous, puis aussi encadrer un peu les espèces d'inspections qui des fois prennent beaucoup, beaucoup de temps. On peut avoir 2 000, 3 000, 5 000 ordonnances à vérifier, et là ça prend beaucoup d'énergie pour arriver à ça pour des processus d'enquête un peu lourds. Donc, on va produire un rapport et on est en discussion avec la RAMQ sur ces aspects-là. Mais c'est un élément... un des éléments qui pourraient améliorer notre performance.

M. Bourcier (Jean) : Peut-être en complément... en complément d'information. On a des rencontres régulières avec la RAMQ. On s'assoit en partenaire d'affaires avec la RAMQ en essayant de trouver des solutions.

Ceci étant dit, la RAMQ aussi exécute ce que la loi lui demande d'exécuter. Donc, si la loi lui dit : Écoute, il faut que tu fasses telle vérification auprès des pharmaciens annuellement, il faut qu'ils te donnent leurs rapports des achats de médicaments génériques pour qu'ils fassent la démonstration qu'ils n'ont pas acheté plus que 50 % de leurs génériques d'une telle compagnie, vous allez comprendre que c'est très fastidieux pour les pharmaciens. Ce n'est pas nécessairement la RAMQ qui veut ça, c'est la loi qui le dit. Ça fait qu'à partir de ce moment-là, ça prend une modification législative pour permettre d'enlever cet élément de fardeau là. Je vous donne un exemple très spécifique, là, pour illustrer mes propos, là, mais...

Mme Caron : Parfait. Et puis votre recommandation 11, je me demandais si elle visait...

Mme Caron : ...des entreprises d'économie sociale, qu'on a entendues un petit peu plus tôt, ou si c'était... l'objectif était autre?

M. Morin (Benoit) : Non. Oui, ça peut être ça. Ça peut être, par exemple, une pharmacie pilote à l'Université de Montréal ou à l'Université Laval pour former les jeunes étudiants. C'est un peu ce contexte-là, pour s'assurer qu'il n'y ait pas un partage de profits, qu'on ne fasse pas indirectement ce qui est interdit par la loi et que ça ne crée pas une brèche comme on nommait tantôt.

• (11 h 40) •

Mme Caron : O.K. Mais c'est...

Le Président (M. Bachand) :Merci. C'est terminé, désolé. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, s'il vous plaît.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci pour votre excellente présentation également. Recommandation 1 à 5, vous parlez quand même de quelques éléments, là, la rémunération adéquate nécessaire. Vpus parlez d'une période de négo réaliste, vous parlez de prévoir aussi une couverture de frais de dépistage, organisation des bureaux. Bref, on a des choses à faire, il va avoir beaucoup de choses à faire. Avez-vous prévu un... Combien de temps vous pensez que ça va nous... ça vous prendre de régler ça?

M. Morin (Benoit) : Bien, on est déjà dans ce processus-là.

M. Cliche-Rivard : C'est ça, vous êtes déjà dedans.

M. Morin (Benoit) : On est déjà dans ce processus-là. Mais il faut comprendre qu'avec la loi 41, loi 31 par la suite on a commencé à vacciner, on s'est organisés pour la vaccination. On pourrait être encore plus performants pour la vaccination. On a encore du chemin à faire. Il y a certaines activités cliniques où on est meilleurs que d'autres. Les prises en charge, c'est un peu plus lourd et il s'en fait un petit peu moins. Donc, on a du travail à faire. Et, au fur et à mesure, on s'est aménagé, mais il faut continuer à le faire. Puis le projet de loi n° 67, ça nous donne vraiment une... là, on ne peut plus faire ça à travers notre travail habituel puis dire : Je vais rencontrer mon patient un soir puis je vais le faire le soir. Là, c'est... ça va être trop.

M. Cliche-Rivard : Ça prend des plages horaires, ça prend un local, ça prend...

M. Morin (Benoit) : Ça prend une stratégie où, là, on va devoir investir pour avoir une chaîne de travail, ça ne se fera pas... pas une chaîne de travail, mais une chaîne clinique, probablement, pour plusieurs d'entre nous, pour arriver à livrer ça. Et là, ce n'est plus la même dynamique, avoir une chaîne clinique puis une chaîne de travail, de prescription, si on veut, ça fait que ça va demander un effort supplémentaire. Mais on a confiance, on est résilients. La pandémie nous a brassés un petit peu, mais on a réussi à s'optimiser, à faire ce qu'on avait à faire, puis à tenir debout, puis d'être présent pour les patients. Puis je pense qu'on va être capables de relever ce défi-là aussi.

M. Bourcier (Jean) : ...

M. Cliche-Rivard : Allez-y...

M. Bourcier (Jean) : Peut-être un commentaire additionnel. Quand on parle de venir supporter le financement, en fin de compte, on n'est pas en train de vous dire : Donnez-nous un pot d'argent pour qu'on se finance, là. Ce n'est pas ça qu'on est en train de dire. Actuellement, les pharmaciens ont énormément de difficultés à avoir l'accès à des subventions, énormément de difficultés à avoir accès à des facilités de financement de différents organismes. Puis on...

M. Cliche-Rivard : Crédits d'impôt.

M. Bourcier (Jean) : Crédits d'impôt, il y a peu de crédits d'impôt de disponible. Donc, nous, ce qu'on cherche plutôt, c'est d'améliorer la facilité à l'accès à certaines de ces... de ces mesures qui viennent supporter le financement des activités en pharmacie, entre autres les aménagements, entre autres la robotisation.

M. Morin (Benoit) : Tu sais, rapidement, là...

M. Cliche-Rivard : Allez-y.

M. Morin (Benoit) : ...vous avez 2 900 cliniques de pharmaciens à travers la province. Il faut les optimiser, il faut les «upgrader», en bon français, pour s'assurer que...

M. Cliche-Rivard : Puis là vous l'aviez fait à la pièce, là, avec les deux dernières lois, ce que vous me dites. Mais là il va falloir faire une organisation vers l'avenir, là.

M. Morin (Benoit) : Oui, absolument.

M. Cliche-Rivard : Vous étiez aussi en train de dire... Au niveau du dépistage, au niveau de frais de couverture, et tout ça, est-ce que ça, c'est le genre de discussion avec la RAMQ ou...

M. Morin (Benoit) : C'est à faire.

M. Cliche-Rivard : C'est à faire?

M. Morin (Benoit) : C'est à faire.

M. Cliche-Rivard : Puis vous estimez donc six, huit, 10 mois, un an? Vous n'avez aucune idée? On...

M. Morin (Benoit) : Je pense que ce qu'on comprend, c'est que ça va être moins que ça.

M. Cliche-Rivard : O.K. Application rapide.

M. Bourcier (Jean) : Bien, je vais vous donner un point de vue, là,. Notre entente actuelle avec le gouvernement vient à échéance le 31 mars 2025. Le p.l. 67, c'est... c'est vous qui allez décider quand ça va se finaliser, tout ça, il va falloir entrer en négociation. Donc, vous voyez, là, la fenêtre d'opportunité va se situer dans les... je vous dirais, dans les six prochains mois.

M. Cliche-Rivard : Dans les six prochains mois.

M. Bourcier (Jean) : Oui.

M. Cliche-Rivard : Oui, vous parliez aux recommandations 10 et 11 sur des volets, là, de prévoir des obligations... en fait, neuf et 10, puis de... Bien, en fait, ce que vous nous dites, c'est que, là, c'est... il y a des choses qui sont prévues pour les permis spéciaux ou il y a des obligations qui sont prévues, mais dont l'obligation n'est pas clairement identifiée dans la modification législative. Ça fait que vous dites : Nous, on ne voudrait pas que, là, il y ait une brèche, on voudrait s'assurer que les... sont dans l'obligation de l'inclure et non pas juste laisser ça aux... à la décision de l'ordre sur la modification, par exemple sur les permis spéciales. C'est-u à peu près ça?

Des voix : Oui.

M. Cliche-Rivard : Oui. O.K. Et, finalement, je reviens avec la question de ma collègue. Les économies... Les organismes d'économie sociale nous ont quand même parlé de l'importance de financiarisation, de la façon de ristourne, etc. Et là je voulais être sûr que... Est-ce que ça, ça rentre en contradiction, ce que vous aviez en recommandation 11, ou, finalement, il y a une voie de passage possible entre, finalement, les mécanismes de coopératifs puis de ristourne puis votre volonté d'interdire la distribution de profits entre les membres? Est-ce qu'on est en opposition là-dessus ou?

Mme Gagné (Marie-Ève) : Je n'ai pas lu cette recommandation-là de façon précise, mais il pourrait effectivement y avoir des contradictions parce que, pour respecter le droit de propriété exclusif, là...

Mme Gagné (Marie-Ève) : ...il faudrait que le conseil d'administration soit composé que de pharmaciens, que les membres soient que des pharmaciens également pour un organisme à but non lucratif qui vise les services pharmaceutiques. Donc, il pourrait y avoir des enjeux, là, effectivement, en cas de ristourne, etc. Donc, nous, on a quand même une certaine préoccupation. C'est pour ça qu'on demande à ce que ce soit de l'Ordre des pharmaciens du Québec qui puisse faire la réglementation à cet égard là pour s'assurer que l'indépendance professionnelle soit 100 % respectée.

M. Cliche-Rivard : Ça fait qu'on laisserait les ordres décisionnels... à savoir, ça s'applique-tu, une coop multi, dans tel secteur peut-être? Ça ne s'applique pas chez nous, nous autres, on doit être... bien, vous l'expliquez.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Merci beaucoup. Alors, merci beaucoup d'avoir été avec nous aujourd'hui. C'est très apprécié.

Avant de conclure les auditions, je procède au dépôt des mémoires de personnes et organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques, et, compte tenu de l'heure, la commission ajoute ses travaux à mercredi 2 octobre 2024, après les avis touchant les travaux des commissions où elle va entreprendre un autre mandat. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 11 h 46)


 
 

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