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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mardi 7 mai 2024 - Vol. 47 N° 71

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 56, Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d’union parentale


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Journal des débats

10 h (version non révisée)

(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît. Bonne journée. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi no 56, Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d'union parentale.

Avant de débuter, M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Boivin (Anjou-Louis-Riel) est remplacée par Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) et M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé par Mme Ghazal (Mercier).

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Alors, aujourd'hui, nous allons entendre les organismes suivants : la Chambre des notaires du Québec, le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, et, bien sûr, on débute avec les gens du Barreau du Québec, qui sont des habitués de la Commission des institutions. Très grand plaisir de vous retrouver. Alors, vous connaissez les règles, 10 minutes de présentation... période d'échange. Alors, je vous invite d'abord à vous présenter puis à débuter votre présentation. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui.

Mme Claveau (Catherine) : Bonjour. Merci, M. le Président, M. le ministre, Mesdames et Messieurs les députés. Je me présente, je suis Catherine Claveau, bâtonnière du Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui de Me Valérie Laberge, à ma droite, qui est la... membre du groupe d'experts en droit de la famille du barreau, ainsi que de Me Nicolas Le Grand Alary, qui est avocat au secrétariat de l'Ordre et affaires juridiques du Barreau du Québec.

Le Barreau du Québec vous remercie de l'avoir invité à participer aux consultations entourant le projet de loi no 56, qui constitue un jalon important, et le troisième de la réforme du droit de la famille au Québec. Alors, que la réforme du droit de la famille a longtemps été évoquée à l'Assemblée nationale, nous souhaitons souligner l'audace du ministre de la Justice de prendre en charge un tel effort.

Le Barreau du Québec salue le dépôt de ce projet de loi et appuie vigoureusement son objectif de protéger l'intérêt des enfants. Pour le Barreau, il est essentiel que l'important chantier législatif sur la réforme du droit de la famille soit un véritable projet sociétal pour le Québec, ses familles et ses enfants. C'est pourquoi nous présentons certains commentaires visant à bonifier les mesures de protection qui leur seront offertes.

De prime abord, nous soulignons la volonté du législateur d'intégrer au projet de loi des dispositions visant à sanctionner la violence judiciaire. Il s'agit d'une notion relativement nouvelle, en matière familiale au Québec, puisqu'elle était parue dans la jurisprudence en 2023. Nous sommes donc heureux de constater la célérité du législateur à l'intégrer dans le Code civil.

Continuons avec la notion centrale du projet de loi, soit l'institution de l'union parentale. Nous sommes favorables à ce que l'événement déclencheur du droit entre les conjoints de fait soit la naissance des enfants. Bien que le profil démographique de la famille québécoise ne cesse d'évoluer, il est toujours utile de rappeler que la naissance d'un enfant peut générer un déséquilibre économique entre conjoints et placer le couple en situation...

Mme Claveau (Catherine) : ...en situation d'interdépendance.

Un autre élément clé du projet de loi concerne le patrimoine d'union parentale. La protection des enfants est tributaire d'un certain équilibre entre les situations financières de chacun de ses parents à la suite de la rupture de leur relation. Selon une étude menée en 2020, 41 % des enfants n'avaient pas le même niveau de vie chez leurs parents après la séparation, si ceux-ci étaient des conjoints de fait, contre 25 % si ceux-ci étaient mariés. Nous soumettons que le partage à la résidence familiale des meubles et des automobiles du ménage ne permettra pas de rétablir cette situation. Plus précisément, le Barreau du Québec considère que la véritable richesse partageable se cristallise au sein des droits accumulés au titre de régimes de retraite et des gains inscrits au Régime des rentes du Québec.

Ainsi, pour parvenir à l'objectif principal du projet de loi, soit celui de protection des intérêts de l'enfant, le Barreau du Québec propose que la composition du patrimoine d'union parentale soit la même que celle du patrimoine familial. Ainsi, ce dernier devrait être d'ordre public, et la renonciation ne devrait être possible qu'au moment de la fin de l'union parentale. Conscients toutefois que le législateur désire préserver la liberté contractuelle et que la réalité financière des couples québécois est variable, une seule exception pourrait être prévue quant aux droits accumulés durant l'union parentale au titre de régimes de retraite et quant aux gains au RRQ, il devrait être possible de les soustraire d'un commun accord en cours d'union et par acte notarié.

En complément sur la possibilité de renoncer au patrimoine d'union parentale, nous croyons qu'il serait préjudiciable pour un conjoint de le faire avant de pouvoir en apprécier sa composition. Nous croyons de surcroît qu'une décision de renonciation pour le futur ne peut être réellement libre et éclairée et risque de porter atteinte aux droits des justiciables, d'autant plus qu'une telle décision touche aux mesures de protection des enfants. Nous demandons donc de retirer du projet de loi les dispositions permettant de se soustraire du patrimoine d'union parentale ou d'en modifier la composition. Si toutefois le législateur adoptait ces dispositions, le Barreau du Québec suggère d'ajouter l'obligation pour chacun des conjoints d'obtenir un avis juridique indépendant. Cela permettrait, en présence des intérêts opposés, de s'assurer du consentement éclairé de chacun. Également, nous considérons que le notaire qui reçoit un tel acte bien devrait être sensibilisé adéquatement pour déceler les signes de violence conjugale dans le but de mieux apprécier l'absence de vice de consentement.

• (10 h 10) •

Quant aux règles de partage du patrimoine d'union parentale, le projet de loi propose des règles différentes de celle du partage du patrimoine familial, et nous comprenons difficilement l'intention du législateur de faire une telle distinction. Par souci d'équité et de cohérence envers les régimes du Barreau du Québec... envers les régimes, pardon, le Barreau du Québec suggère de prévoir les mêmes règles pour ce qui est des mesures de protection de la résidence familiale, le projet de loi les étend aux conjoints en union parentale. Nous appuyons cette mesure, mais nous nous interrogeons sur le court délai de 30 jours qui est prévu suivant la fin de l'union parentale où subsistent des mesures de protection et pendant lequel les demandes afférentes doivent être présentées au tribunal. Ce délai est trop court considérant le délai inhérent à la rétention des services d'un avocat et au dépôt des procédures, surtout pour les parties admissibles à l'aide juridique. Nous vous proposons plutôt de retenir un délai de 90 à 180 jours.

Nous suggérons également de réviser le recours de la prestation compensatoire entre conjoints en union parentale. Nous constatons que les règles proposées par le projet de loi sont moins généreuses que celles prévues actuellement dans la loi et la jurisprudence entre époux ou même entre conjoints de fait. En outre, nous devons souligner que les recours en prestation compensatoire risquent de mener à une surjudiciarisation des séparations. Il s'agit d'un recours long et onéreux pour les justiciables et l'issue est malheureusement imprévisible. Nous invitons le législateur à saisir l'occasion pour élaboler... élaborer des lignes directrices qui guideront le calcul de la prestation compensatoire. En plus d'introduire un aspect de prévisibilité, ceci donnerait la possibilité aux médiateurs familiaux de procéder à ce calcul permettant aux parties de convenir d'une entente sans l'intervention d'un tribunal. Le Barreau du Québec offre sa collaboration pour la rédaction de ces lignes directrices.

Par ailleurs, bien que nous accueillons favorablement les avancées du projet de loi, nous sommes préoccupés de constater que le texte, une fois sanctionné, ne trouvera pas application immédiate. En effet, comme tous les enfants du Québec nés hors mariage avant le 29 juin 2025 ne seront pas protégés par le...

Mme Claveau (Catherine) : ...par le projet de loi, nous sommes forcés de constater que celui ci ne respecte pas le principe d'égalité du droit des enfants. Le projet de loi crée plutôt une inégalité basée sur leur date de naissance ainsi que sur la nature de l'union des parents, puisque les enfants naissant de parents mariés ou unis civilement demeureront tout de même les mieux protégés.

Le Barreau considère que le projet de loi devrait entrer en vigueur immédiatement après sa sanction et que soit prévue, par respect pour l'autonomie décisionnelle des conjoints de fait déjà parents, la possibilité pour ceux-ci de se soustraire à l'application des nouvelles règles dans un délai imparti, à l'instar de ce qui a été fait en 1989 à la suite de la création du patrimoine familial.

En terminant, le Barreau du Québec souligne que le projet de loi propose une définition de conjoints de fait qui permet enfin d'intégrer au Code civil un mode de vie favorisé par beaucoup de ménages québécois. À cet effet, nous tenons à souligner que la législation québécoise relative aux droits et obligations des conjoints de fait est source d'incompréhension pour les justiciables. Il est inquiétant de constater qu'ils ne peuvent faire un choix éclairé sans en connaître adéquatement tous les... tous les tenants et aboutissants. Nous invitons donc le gouvernement à tenir des campagnes d'éducation au bénéfice de la population à l'occasion de la mise en place du projet de loi.

D'autres commentaires se trouvent dans notre mémoire. Nous vous remercions encore une fois pour cette invitation et nous sommes maintenant disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Mme la bâtonnière. M. le ministre, pour une période de 16 min 30 s.

M. Jolin-Barrette : Oui, bonjour, Me Claveau, Me Laberge et Me Le Grand Alary. Merci au Barreau du Québec de venir en commission parlementaire pour nous présenter vos recommandations par rapport au projet de loi n° 56, donc troisième volet de la réforme, je le dis, on se voit minimum une fois par année au mois de mai, juin. Donc, c'est un rendez-vous annuel.

Écoutez, il y a beaucoup de points que le... le Barreau... rapporte. D'entrée de jeu, là, sur la question de la violence judiciaire, est-ce que vous trouvez que les dispositions qu'on met en place vont assez loin, notamment pour contrer cette violence judiciaire là? Et subsidiairement j'aurais envie de vous demander : Qu'est-ce qui est constaté par le Barreau du Québec relativement à ce genre d'abus là? Tu sais, quels sont les... les cas qui vous sont répertoriés dans la pratique, supposons, syndic ou à travers l'ordre professionnel, là, qu'est-ce... qu'est-ce que vous constatez comme expérience?

Mme Claveau (Catherine) : Alors, pour répondre à votre première question, bien, nous sommes en accord avec la... le contenu de la disposition. Selon nous, elle va quand même assez loin et elle répond quand même, là, au courant jurisprudentiel, là, qui a été amorcé assez récemment.

Maintenant, je ne pourrais vous dire avec précision, par rapport aux plaintes au syndic, que... dans ce genre de comportement là de nos membres, ce serait quelque chose qu'on pourrait quand même vous répondre, là, après, après la commission, si vous souhaitez avoir une réponse plus précise. Mais je peux peut-être parler avec ma collègue qui est plus... qui fait de la pratique en droit familial, parlé de par son vécu, peut-être, de cette situation-là.

Le Président (M. Bachand) :...

Mme Laberge (Valérie) : Oui. Bien, c'est certain que c'est des problématiques, la violence judiciaire, qui sont quand même assez factuelles, là, c'est-à-dire que ça reste une question de fait puis le juge doit l'apprécier. Ce n'est certainement pas une mauvaise chose de... de le consacrer dans un article comme vous le faites. Puis comme vous le faites depuis... toutes vos interventions législatives, en fait, en lien avec le droit de la famille, ont contenu des indications en lien avec ça, ce qui est excellent.

Ce qu'on constate, quand on parle de violence judiciaire, c'est vraiment des gens qui vont utiliser la cour pour entretenir le conflit qui... qui les oppose à leur ex-conjoint, ex-conjointe. Donc, on parle d'une multiplication de procédures, tu sais, inutiles puis de... on parle également d'aucun... aucune possibilité d'avancement, tout est sujet à chicane, à discussion, à contestation. Donc, évidemment que ça se traduit par beaucoup de stress, je pense, pour les parties, beaucoup de souffrance au niveau psychologique, là, dans un moment où ils sont déjà affaiblis, là. Quand on se sépare, on n'est pas au meilleur moment de notre vie. Donc, ça se traduit par tout ça, mais ça se traduit évidemment aussi par des... des frais juridiques importants. Donc, en ce sens là, votre article répond aux préoccupations.

M. Jolin-Barrette : O.K. On vient également inviter notamment la Cour supérieure à privilégier le fait d'avoir, en matière familiale, idéalement le même juge qui suit les familles, qu'est-ce que... qu'est-ce que vous pensez de ça?

Mme Claveau (Catherine) : Bien, c'est sûr que c'est un peu un idéal, hein, d'avoir un juge par famille. Maintenant, on est quand même sujet, là, à des contraintes matérielles. Vous le savez, M. le ministre, là, la... une des causes, là, des délais fait... il y a... tu sais, il y a... il y a un manque de personnel...

Mme Claveau (Catherine) : ...ça prend plusieurs juges quand même pour... pour répondre à... à cette demande-là, parce qu'on sait qu'en Cour supérieure, le pourcentage de dossiers en droit de la famille est très important. Donc, réserver un juge pour seulement ces dossiers-là, bien, ça... Ça prendrait, à mon avis, plus de juges. Puis il y a également aussi toute la question, là, d'indépendance, séparation des pouvoirs. Peut être que mon collègue Nicolas Le Grand Alary pourrait... notre spécialiste en droits et libertés pourrait... pourrait élaborer là-dessus.

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Bien oui. Comme le disait la bâtonnière, effectivement, c'est une bonne suggestion au niveau du juge unique, mais ça prend les ressources qui suivent. Parce que sans ces ressources-là, il pourrait y avoir effectivement un écueil au niveau du troisième pilier de l'indépendance judiciaire, là, qui a été précisé dans l'arrêt Valente de la Cour suprême, c'est- à-dire l'indépendance institutionnelle ou administrative qui... qui inclut, là... puis là... la décision, la confection des rôles, l'assignation des juges aux causes. Donc, il faut juste s'assurer que... que les ressources suivent, mais c'est sûr que c'est une... une bonne suggestion au final, là, d'avoir un juge par dossier. Ça peut régler des problèmes, mais il faut le faire selon, là, les règles.

Mme Laberge (Valérie) : ...je voudrais juste ajouter que, factuellement, là, on en... il y en a des dossiers à la cour pour lesquels il y a des juges qui vont demeurer saisis quand ils voient que c'est problématique puis ils ne voudront pas que ça parte dans tous les sens, puis que ces gens-là viennent à la cour constamment. Ils vont demeurer saisis du dossier pour plus longtemps ou faire des gestions particulières avec toujours le même juge. Donc, c'est une mesure qui, dans les cas qui sont justifiés actuellement, est quand même disponible.

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, en résumé, vous êtes d'accord avec le principe. Je comprends que pratico pratique, ça prend davantage de juges de la Cour supérieure. D'ailleurs, dans le projet de loi n° 54, on a augmenté de sept postes le nombre de... de postes à la Cour supérieure. Donc, idéalement, oui, mais il faut que ça soit possible de le faire. Puis je retiens, Me Le Grand Alary, que la confection des rôles, l'assignation des juges, ça relève du judiciaire. On ne remet pas ça en question, puis c'est pour ça que l'article est écrit d'une façon à dire «on favorise, on privilégie». C'est un message qui est envoyé, notamment parce que ça peut notamment avoir un impact aussi sur les justiciables de toujours raconter son histoire. Il y a... Souvent, il y a plusieurs interlocutoires, si je peux dire, en famille. Donc, sur le fond, vous êtes en accord. C'est dans les modalités, donc, pour réussir à y arriver.

Mme Claveau (Catherine) : Effectivement.

M. Jolin-Barrette : O.K. Bon, parlons maintenant du patrimoine d'union parental. Le Barreau nous invite à inclure... bien, en fait, de... de prendre les protections associées au patrimoine familial et de les inclure dans le patrimoine d'union parental, notamment les fonds de pension, les régimes de retraite, les... les REER. Pourquoi vous souhaitez qu'on applique intégralement le patrimoine familial, supposons, dans le nouveau régime?

• (10 h 20) •

Mme Laberge (Valérie) : Il y a deux raisons. La première raison, c'est par souci de cohérence, là. Je pense que ça vous a été dit de multiples fois depuis le début de cette commission-là. Les conjoints sont mélangés par rapport à leurs droits et obligations, puis ça paraît tellement plus clair quand il y a toutes les mêmes protections.

Il y a également cet enjeu-là au niveau de vos déductions. On n'en a pas beaucoup parlé, mais vous ne prévoyez pas les mêmes déductions dans votre patrimoine d'union parentale que dans votre patrimoine familial. On pense que ça peut créer quand même beaucoup de confusion, puis on vous invite à y réfléchir très sérieusement, surtout dans les cas où les gens ont des enfants puis se marient par la suite, ça peut occasionner toutes sortes de problématiques.

Par rapport aux fonds de pension, bien, c'est certain que... Vous savez, un des... une des choses que vous avez dites, c'est qu'un des objectifs du projet de loi est de... de... je pense, là, de répartir un peu plus équitablement les conséquences économiques de la rupture entre les époux. Et ça, bien, ça.. pour nous, ça passe par des règles claires, par des règles qui sont faciles à appliquer. Et... Et, vous savez, le patrimoine familial, ça... ça nous vient d'une prestation compensatoire qui ne fonctionnait pas super bien, à laquelle on a décidé de dire : Bien, on va laisser de côté ce bout-là puis on va mettre un socle de façon très solide, très clair, très précis pour permettre que ce soit facile à prévoir et facile à séparer les actifs des parties. Et ça, c'est déjà une forme, je pense, de reconnaissance qu'à partir du moment où tu fais un enfant avec quelqu'un, bien, il y a vraiment une interdépendance économique claire qui se crée. Et les choix financiers de l'un par rapport à l'épargne, par rapport à... à... au fait de... de... de dépenser l'argent pour les besoins de la famille plutôt que d'en mettre de côté dans un REER ou le fait de gagner un revenu par exemple dans un emploi où il y a un fonds de pension et qu'il y a une partie de la rémunération qui est comme différé finalement, qui va être seulement disponible à la retraite, bien, pour nous, c'est... c'est de reconnaître que ces gens-là, pendant leur union parentale ou leur mariage, ont eu une interdépendance économique et c'est une façon claire de partager par la suite, prévisible, qui fait en sorte que... Ma clientèle à moi, personnellement, c'est une clientèle de classe moyenne, et, une fois, qu'on... on fait le divorce, là, une fois qu'on a...

Mme Laberge (Valérie) : ...maisons, autos, fonds de pension, REER, meubles, il ne reste plus grand-chose à discuter. Donc, ça répond aux besoins, ce partage-là, c'est plus global, sans avoir à rentrer dans ce qu'il y a eu, un enrichissement, un appauvrissement. On prend pour acquis qu'on fait les choses ensemble, que les gens ne se posent pas toutes les mêmes questions qu'on est en train de se poser là, quand ils vivent leur vie courante et que... Voilà! Ça fait que c'est une façon assez prévisible de répartir les conséquences entre nous.

M. Jolin-Barrette : Le projet de loi est par contre centré sur l'enfant, sur la stabilité de l'enfant. Le régime de retraite, REER, fonds de pension va arriver beaucoup plus tard dans la vie des jeunes selon le décaissement. L'enfant ne sera probablement même plus à la maison ou à la charge des parents. Je voudrais vous entendre sur la liberté individuelle de cotiser, parce que c'est ce choix-là aussi qui revient lorsqu'on parle de régimes de retraite, lorsqu'on parle de fonds de pension ou de REER. Parfois, c'est un peu la cigale et la fourmi. Alors, le fait qu'une personne pourrait se retrouver en désavantage aussi si on inclut le régime de retraite à l'intérieur du régime d'union parentale aussi, ça, est-ce que cet argument-là...

Mme Laberge (Valérie) : ...pas parlant.

M. Jolin-Barrette : ...vous l'avez considéré?

Mme Laberge (Valérie) : On l'a considéré, mais il n'est pas très parlant pour nous. Je vous explique pourquoi. D'abord, on a bien saisi que votre patrimoine d'union parentale tel que proposé, c'est une mesure à filet de sécurité, vous dites, minimal, puis je pense que le mot est excellent pour l'enfant. Maintenant, nous, ce qu'on vous dit, c'est qu'inclure le REER, pour nous, c'est quand même une façon de... Parce que votre prestation compensatoire, on pourra en reparler, là, on voit beaucoup de problèmes avec cette prestation-là. Donc, c'est comme une façon d'inclure ça, mais par l'entremise d'un partage de biens. Puis les gens pourront opter out s'ils ne veulent pas, là.

Maintenant au niveau du choix individuel de cotiser ou ne pas cotiser, la limite c'est que quelqu'un pourrait dépenser tout son argent à faire... à s'acheter je ne sais pas quoi, là, des vêtements, puis aller au spa tout le temps pendant qu'un autre met de l'épargne. Je pense que c'est complètement irréaliste, là. Je pense que ce qu'on retrouve, ce n'est pas ça, là, dans la réalité, c'est des gens qui vont, par exemple, puis on le voit dans les journaux, il y a des articles qui sont sortis, là, les femmes vont par exemple en mettre moins de côté, vont être moins intéressées par ces questions-là que les hommes pour des questions plus de stéréotypes genrés, tu sais, qu'on ne réglera pas ici aujourd'hui, là. Mais c'est quand même ça, l'enjeu. Alors, elles se retrouvent qu'elles ont moins épargné, qu'elles ont probablement plus dépensé pour les dépenses de la famille. Puis, en bout de ligne, elles vont moins pour la retraite devant elles. Dans l'hypothèse où il y avait vraiment quelqu'un entre les deux qui faisait n'importe quoi avec son argent, qui allait jouer au casino puis que l'autre personne mettait ses REER puis qu'elle trouvait ça injuste de partager, bien, votre projet de loi prévoit un partage inégal. Je pense que ça répondrait à votre préoccupation.

M. Jolin-Barrette : O.K. Avant de céder la parole à mes collègues, peut-être une dernière question. Pour la protection associée à la résidence familiale, vous voulez qu'on augmente de 90 à 180 jours. Votre... Avez-vous une préférence sur la cible?

Mme Laberge (Valérie) : Le plus loin possible.

M. Jolin-Barrette : Le plus loin possible?

Mme Laberge (Valérie) : Oui.

M. Jolin-Barrette : Malgré le fait que l'union se termine à partir du moment où, supposons, il y a fin de la vie commune, là?

Mme Claveau (Catherine) : Je pense que ça s'explique bien par le... par le vécu, hein?

Mme Laberge (Valérie) : Oui, oui, oui, absolument. J'ai fait une étude, franchement non scientifique, là, mais j'ai ouvert mes 10 derniers dossiers et j'ai pu constater que parmi ces 10 dossiers-là, il y en a... Il y en a un seul qui est venu me voir à l'intérieur d'un délai de 30 jours, là. Les autres, j'en avais, je l'ai noté, là, j'en avais six qui étaient venus six mois ou plus, puis quatre à l'intérieur du premier six mois. Donc, tu sais, je vous le dis, il y a des gens plus scientifiques que moi qui sont venus là-dessus. Je suis sûre que vous pourriez avoir des données plus probantes, mais règle de pouce, là, plus c'est loin, mieux c'est. Pourquoi? Parce que les gens, ils ont un choc à la séparation. Ils n'ont pas la tête à discuter de ça tout de suite. Ils vont souvent essayer de s'arranger par eux-mêmes. Donc, ils vont essayer de cohabiter un certain temps, essayer de réfléchir. Est-ce que c'est moi qui pars? Est-ce que c'est toi qui pars? Ça prend du temps. Ensuite, ils vont souvent essayer d'aller en médiation familiale. Ça prend aussi du temps. Puis il faut laisser le temps au temps en droit de la famille, on le sait. C'est pour ça que nos délais sont beaucoup plus longs en vertu du Code de procédure, hein, on le double. Et il faut favoriser que les conjoints essayent de s'organiser le plus possible par eux-mêmes. Et là vous découragez ça en mettant un délai court parce qu'il y a une perte de droits si, rapidement, on ne saisit pas le tribunal. Donc, bien entendu, c'est une mesure d'engorgement des tribunaux ou de perte de droits pour le justiciable. Ça ne peut pas être... là dans un court délai.

M. Jolin-Barrette : On va prendre en considération. Merci beaucoup au Barreau du Québec d'être venu témoigner en commission parlementaire. Puis je vais céder la parole à mes collègues. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Alors, Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré pour un temps résiduel de trois minutes.

Mme Bourassa : Parfait! Merci beaucoup. J'aimerais ça revenir sur la partie où c'est possible pour le couple...

Mme Bourassa : ...de se retirer de l'union parentale. Bon, vous avez quand même un petit bémol, vous avez dit : Si ça va de l'avant, il faut que ça soit avec un avis juridique indépendant. Est-ce que vous êtes en accord avec le fait que ce soit un notaire ou vous préféreriez un autre professionnel? Puis vous parliez peut-être d'une formation supplémentaire pour les notaires.

Mme Claveau (Catherine) : Non, bien, nous, quand on parle de conseiller juridique indépendant, ça inclut un membre de la Chambre de notaire ou un membre du Barreau. Le point est qu'il faut que ce soit une personne indépendante. Donc, chaque époux... pardon, époux, c'est un lapsus, chaque conjoint devrait avoir sa propre opinion juridique, qu'elle provienne d'un notaire ou d'un avocat. Le problème est que si c'est un seul notaire, là, on a un petit peu de... lorsqu'il y a des dossiers où est-ce que les intérêts ne sont pas les mêmes, des intérêts opposés, là, on voit une espèce de conflit d'intérêts, les gens... et on fait un parallèle avec la médiation. Par exemple, lorsqu'un médiateur a devant lui un couple où est-ce que, là, il sent qu'il y a un genre de point de rupture parce qu'on n'est pas capable de rallier les parties, la recommandation et d'aller chercher un avis juridique indépendant. Donc, on peut faire ce parallèle-là.

Mme Laberge (Valérie) : Le père est même obligé d'y aller et même obligé quand il constate qu'il y a un préjudice qui peut être porté. L'article 118 le force à obliger qu'il aille consulter un avis indépendant. Là, en ce moment, la renonciation, elle serait quand même notariée. Ça, ça va, là, il n'y a pas de problème avec les notaires. Ceci dit, on veut que les gens puissent avoir un conseil indépendant. Ça se justifie, là, par plusieurs raisons. Moi, je suis médiatrice familiale, j'ai souvent des clients qui viennent me voir conjointement, et là ça arrive souvent que des clients, mettons, mariés vont me dire : Bien, moi, je vais renoncer à tout, là, je ne veux pas son fonds de pension, je ne veux rien. Bon, moi, dans ce temps-là, je ne peux pas dire : Bien, vous savez, M., on va regarder vos finances. Comment vous allez faire pour arriver? Êtes-vous sûr que vous êtes correct? Savez-vous combien vaut le fonds de pension? Parce que la madame, elle va me regarder puis elle va dire : Êtes-vous son avocate? Puis, tu sais, elle va perdre confiance en moi puis ne je pourrai plus avancer dans le processus. Donc, ce que je fais dans ce temps-là, c'est, je vais dire : Bien, parfait, tout ça, c'est correct, mais, M., vous allez aller consulter un avocat indépendant pour obtenir des conseils sur votre situation puis ça va solidifier votre entente. Puis je vous dirais, là, ça aussi, c'est des statistiques maison peu probantes, mais je vous dirais qu'à peu près une fois sur trois, ils vont changer d'idée. Ils vont revenir me voir une fois qu'ils vont avoir vu... parce qu'il y a des choses qu'ils n'oseront pas dire pendant que l'autre personne est là, il y a une réflexion peut être qu'ils ne se permettront pas de faire. Et là en parlant avec le conseiller, des fois, le conseiller va dire : Tu sais, voici ce à quoi tu aurais droit. Maintenant, comment, toi, tu penses t'organiser? Es-tu vraiment sûr que tu veux renoncer?

Mme Bourassa : ...session indépendante avec le notaire ne serait pas assez? Il faudrait vraiment un autre professionnel, comme plus...

Mme Laberge (Valérie) : Bien, c'est parce que, pour moi, le notaire, il ne peut pas dire le contraire à un et à l'autre parce qu'il est vraiment en conflit, là, entre les deux clients. Donc, il est très limité dans jusqu'où il peut aller. Mais ça pourrait être un notaire personnel, là, ça, je n'ai pas de problème, qui donne le conseil. Tant que c'est quelqu'un qui est membre d'un des deux ordres, il n'y a aucun souci. Puis pour la suggestion pour la violence conjugale, bien, c'est vraiment pour que le notaire, quand il reçoit l'acte, bien, qu'il soit en mesure de déceler les indices de violence conjugale parce que ça peut avoir un impact certain, là, sur le consentement.

• (10 h 30) •

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Me Laberge. M. le député d'Acadie pour 13 min 52 s, s'il vous plaît.

M. Morin : Merci. Merci, M. le Président. Mme la bâtonnière, Me Laberge, Me Le Grand Alary, merci. Merci d'être là. Merci pour votre mémoire. J'aimerais qu'on revienne au patrimoine d'union parentale parce qu'on a entendu plusieurs groupes, on a lu évidemment les journaux et il n'est pas évident de faire un consensus à ce niveau-là. Évidemment, comme législateur, moi, j'aimerais ça savoir ce qui est le mieux pour l'ensemble de la population québécoise qui vit dans cette situation là évidemment. Il y en a qui nous disent : Écoutez, le patrimoine d'union parentale, ce qui est proposé, c'est assez. Il y en a plusieurs qui nous ont dit : À 521.30, dans le patrimoine d'union parentale, il faudrait inclure pas uniquement la résidence familiale, mais d'autres résidences, etc. Mais il y en a plusieurs aussi qui nous ont dit : Mais surtout, ne touchez pas à mon fonds de pension, ne touchez pas à mes REER, c'est pour ça qu'on est en union de fait. Donc là, évidemment, il faut essayer de partager tout ça.

Vous, je comprends, ce que vous recommandez, c'est qu'au fond, le patrimoine d'union parentale devrait correspondre au patrimoine familial qui existe déjà. Pour toute la question des fonds de pension, des REER, pour essayer de concilier les deux, qu'est-ce que vous pensez, par exemple, de la situation où ça pourrait être inclus, mais avec la possibilité pour les personnes qui sont en union de fait de pouvoir se dégager du régime à tout moment, comme c'est prévu dans le projet de loi, ce qui permettrait de conserver une certaine liberté contractuelle? Parce que je comprends que vous, ce que vous proposez en plus, c'est qu'après une période de temps, comme pour le patrimoine familial, les gens ne pourront plus s'en...

Mme Laberge (Valérie) : ...le REER, on prévoit un maintien...


 
 

10 h 30 (version non révisée)

Mme Laberge (Valérie) : ...les REER. Pour nous, ça se peut que les gens fassent le choix... Parce qu'il y a toutes sortes de situations possibles, hein? Des fois, il y en a qui vont hériter de plein d'argent puis qui vont dire : Garde ton fonds de pension, moi, je vais être correct pour ma retraite. Plein de choses peuvent arriver qui vont faire en sorte que les gens... Ou, sinon, ils peuvent être fondamentalement indépendants puis ils ne veulent rien savoir de partager leurs affaires.

Ce qu'on voit aussi chez les couples mariés... Vous savez, moi j'ai des clients mariés, là, puis là je leur dis : Bon, bien là, il va falloir sortir votre fonds de pension, tout ça, puis ils me disent : Bien, voyons, pourquoi on fait ça? Parce que vous êtes mariés, tu sais, il faut regarder. Bien oui, mais ça pas rapport, nous, on ne veut pas séparer ça, là. Pourquoi vous vous êtes mariés, d'abord? Bien là, me niaisez-vous? Je me suis marié parce qu'on trouvait ça beau, parce qu'on voulait faire un party. On n'a jamais pensé de se marier pour partager ou ne pas partager des biens. Donc, la décision de se... le point, le postulat de base, là, de dire que les gens choisissent de se marier parce qu'ils choisissent des protections juridiques, c'est vraiment un faux postulat. Ce n'est pas... ce n'est pas le bon point de départ.

Je pense que le point de départ, c'est que la naissance des enfants crée une interdépendance économique entre des personnes qui va subsister même après la fin de la vie commune. Donc la vraie protection, la vraie liberté de choix, elle passe bien plus par un «opting out», où des gens peuvent dire : En toute connaissance de cause, nous, on ne veut pas s'assujettir à ça, on souhaite conserver notre indépendance. Allez vous chercher un avis juridique indépendant puis sortez-vous du régime, il n'y en a pas, de problème. Mais ça se passe bien plus par ça, la volonté claire de s'en sortir, que par un «opting in», on le voit, on est dans une logique d'«opting in», personne n'«opt in», parce que la vie va vite puis on ne planifie pas notre rupture comme on planifie d'autres choses dans notre vie, puis c'est très heureux, dans le fond.

M. Morin : Mais... Merci. On nous a dit aussi qu'il y a aussi peu d'information. Donc, les gens qui sont en union de fait, présentement, à cause de dispositions d'autres lois dans le corpus législatif, notamment en matière fiscale, pensent qu'ils sont couverts, puis il n'y a pas de souci, puis il y a une protection juridique. Quand, là, il y a une séparation, bien, c'est là qu'ils se rendent compte que woups!, finalement, eux autres, ils n'ont pas d'encadrement juridique pour leur situation.

L'objectif du ministre, c'est évidemment de protéger les enfants. On nous l'a dit, et c'est d'ailleurs en vertu de son projet de loi, ce qui donne naissance à l'union... à l'union parentale. Mais les enfants jusqu'à quel âge? Avez-vous réfléchi à ça?

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Bien, en fait, nous, ce qu'on propose... Le projet de loi, actuellement, vise les enfants, là, qui vont être... naître après une date, là, qui a été déterminée à l'article 45 du projet loi, qui est, je crois, le 29 juin, là, 2025. La compréhension du régime, c'est que ça vise, là, tous les enfants qui sont mineurs ou à charge, là, selon les règles actuelles. Il y a d'autres... il y a des âges qui ont été évoqués, là, à titre de proposition. C'est sûr que ce serait... Nous, ultimement, la recommandation qu'on fait, c'est que le projet loi soit d'application immédiate, donc la date du 29 juin, là, soit retirée et qu'il y ait, là, le «opting out» qu'on a parlé, là, pour pour ceux qui ont réglé leurs affaires avant l'entrée en vigueur de la loi, là, mais donc cela inclurait, là, les enfants, là, à charge, là, où les enfants mineurs, là, selon les les conditions qu'on a dans la jurisprudence puis la loi actuellement. Si on décide d'aller vers un autre âge, c'est une avancée, mais ce n'est pas, selon nous, là, une panacée, parce qu'il faut comprendre qu'il peut y avoir des cas de figure où ce n'est pas... si, par exemple, on prend un âge de 14 ans, ce n'est pas à 14 ans qu'il y a moins de dépenses envers l'enfant ou il y a moins de temps qui est consacré à son éducation ou à ses soins. Il y a plusieurs cas de figure, là, qui peuvent nécessiter... un âge plus avancé, là, d'un enfant à charge. Donc, c'est pour ça, là, qu'on est allé, là, sur les critères qui s'appliquent actuellement, mais juste... d'application immédiate.

Mme Laberge (Valérie) : Puis j'aimerais ça, avoir à ne pas dire à des clients : Bien, vous devriez vraiment considérer d'arrêter d'essayer que ça marche, là, pour vous séparer vraiment avant que votre enfant ait un certain âge, comme ça, vous allez pouvoir bénéficier de protection, parce que si vous passez le délai, vous n'en aurez plus, parce l'enfant est trop vieux, tu sais. Ce n'est pas... je ne pense pas que c'est ça qu'on veut, là.

M. Morin : Donc, en fait, c'est ce que vous retenez, c'est le concept d'un enfant à charge plus que d'une limite d'âge quelconque. O.K..

Une voix : ...jurisprudence.

M. Morin : Oui. Parfait. Merci. Merci beaucoup. J'ai des questions un peu plus spécifiques. À 521.22 du projet de loi, le législateur propose que l'union parentale va prendre fin par le décès d'un des conjoints ou par la manifestation expresse ou tacite de la volonté. Et ça, il y en a plusieurs qui nous ont dit que c'était évidemment très innovateur comme libellé, mais ça ne correspond pas nécessairement à ce qui est connu présentement, et que ça pourrait entraîner inutilement des contestations judiciaires. J'aimerais ça, vous entendre là-dessus. Puis qu'est-ce que vous suggérez qui serait, finalement, le meilleur libellé?

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Bien, en fait... en fait, ce qu'on propose, là, c'est que ça passe par le... Puis on l'explique dans notre mémoire, là, il y a beaucoup de couples qui peuvent être mariés, par exemple, qui ne vont pas... qui ne vont pas divorcer. Il y a des couples qui vont obtenir juste... ça peut être rare, là, mais un jugement...

M. Le Grand Alary (Nicolas) : ...on propose d'ajouter le critère comme fin, là, de l'union parentale de la fin de vie commune. Je pense qu'un critère général de fin de vie commune, là, répond à ces interrogations-là au niveau de la définition expresse ou tacite, là, de la fin de l'union, de la volonté. Mais, au-delà de tout ça, une autre composante peut-être pratique, c'est le fait que notre recommandation d'élargir les délais pour le départ, les protections vient un peu régler la question parce qu'on ne va pas tomber dans des cas d'exemples, là, où il va y avoir une journée puis le recours va être prescrit. Quand on a un délai de six mois par rapport à 30 jours, la fin devient peut-être moins nébuleuse. Puis aussi, au niveau de la fin de vie commune, il y a beaucoup de jurisprudence qui est déjà établie là-dessus, donc il y a une stabilité puis on sait un peu les critères auxquels on doit, là, faire face ou, en tout cas, utiliser pour déterminer.

M. Morin : Donc, en fait, cessation de vie commune serait probablement le libellé qui serait le plus... en fait, le moins litigieux, appelons-le comme ça.

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Effectivement.

M. Morin : Merci. Maintenant, j'aimerais qu'on parle un peu de la prestation compensatoire. Parce que, là, il y a des groupes qui nous ont dit : Ah! bien, c'est... c'est une institution de droit civil, c'est parfait, c'est en accord avec le Code civil, c'est super. Il y en a d'autres, bien, en fait, vous en avez parlé, c'est... c'est souvent un peu difficile à prouver, on rencontre ça moins souvent. Il y en a qui nous ont dit : Il faudrait inclure les aliments, d'autres qui ont dit : Il faudrait une pension alimentaire, mais il n'y a pas de consensus non plus là-dessus. Si on revient à la... à la prestation compensatoire, je sais que vous avez mentionné que, dans votre pratique, ça... ça n'arrive pas nécessairement souvent, mais, au niveau de la preuve, si on y incluait des présomptions, est-ce que c'est quelque chose qui pourrait faciliter et aider, finalement, puis réduire les débats devant les tribunaux?

Mme Laberge (Valérie) : En fait, ce n'est pas que ça n'arrive pas souvent, hein? Tu sais, pour les conjoints de fait, ça va être leur seule mesure de rééquilibrage, là, si on se fie au projet de loi tel qu'il est. Donc, c'est certain que, là, là, on a un grand problème, un, à constituer un recul, cette présomption... cette... tel que libellé, là, sur la méthode de calcul. La Cour d'appel nous dit que la méthode de calcul qui est utilisée dans le projet de loi, ça réduit la femme à son rôle de nourrice et de ménagère, je ne pense pas que c'est ça qu'on souhaite, là, donc, d'une part.

• (10 h 40) •

Ensuite, d'autre part, je... on voit que le ministre a retenu la solution un peu qui avait été évoquée dans le rapport Roy, qui était de fonctionner avec une prestation compensatoire. Ceci dit, dans le rapport, on avait une prestation compensatoire parentale qui avait vraiment un volet compensatoire et qui avait le mérite d'être aussi prospective, hein? Parce que l'interdépendance économique que ça crée d'avoir des enfants, ça subsiste après la séparation. Si on a un enfant qui a... par exemple, est handicapé, bien, il va être encore handicapé après la séparation puis ça se peut qu'on ne soit pas capable de générer les mêmes revenus. Donc, il y avait vraiment toute une réflexion très riche qui avait été faite dans ce rapport-là. Et il suggérait aussi l'utilisation de lignes directrices. C'est ultraimportant, qu'il y ait des lignes directrices. Ces recours-là coûtent très cher. D'ailleurs, on le reconnaît, dans le projet de loi, on dit : On va vous donner une provision pour frais parce qu'on sait que ça coûte tellement cher, plaider ces dossiers-là. Mais ce n'est pas ça, la vraie bonne façon de régler les problèmes des gens, là, c'est d'inclure plus de biens dans le partage automatique, comme les REER, les fonds de pension. Dans la classe moyenne, ça règle beaucoup, beaucoup, beaucoup de situations. Ensuite, dans les autres cas, c'est sûr que, des lignes directrices, il en faut. Parce que, là, on va avoir des gens mariés avec des règles très claires qui vont pouvoir aller en médiation familiale, souvent avec des non-juristes, avec des règles claires, faciles à appliquer puis ils vont pouvoir régler leurs dossiers, alors que les conjoints de fait, si on a une prestation compensatoire, on est obligés de les envoyer voir des avocats parce qu'on ne peut pas leur donner de conseils ou d'avis juridiques puis on ne peut pas leur dire qu'est-ce qu'on pense que devrait être le résultat. Donc, ces gens-là vont devoir obligatoirement faire intervenir des conseillers juridiques avec des résultats qui sont imprévisibles, qui coûtent cher puis, finalement, qui répondent aux besoins de personne. Vous savez, quand on a 100 000 à aller chercher puis que M. va mettre 30 000 en frais d'avocat et Mme 30 000 en frais d'avocat, on vient d'appauvrir la famille de 60 000 $. C'est une occasion complètement ratée que de ne pas proposer des lignes directrices claires si on s'éloigne des règles qu'on connaît déjà au niveau du... des époux mariés.

M. Morin : Donc, bonifier le patrimoine familial et suivre les recommandations du professeur Roy et son rapport.

Mme Laberge (Valérie) : Ou, en tout cas, s'en inspirer. Parce qu'il manque ce volet prospectif à la prestation telle qu'elle est ici, puis, pour nous, c'est quand même une atteinte importante, là.

M. Morin : Parfait. Merci, merci beaucoup. C'est bien noté. Autre élément, à l'article 6 du projet de loi qui va modifier l'article 653 du Code civil en matière de dévolution légale, ce que le ministre a retenu, c'est pour la notion de conjoint survivant, bon, défunt par mariage, par union civile ou par union parentale, mais... mais pas par union de fait. Et donc ça semble exclure...

M. Morin : ...sur une catégorie, puis je voulais vous entendre là-dessus parce que personnellement je ne comprends pas pourquoi, parce que là, on parle de succession, là, on n'est pas en train de bâtir un patrimoine familial. Pourquoi on ne l'applique pas à l'ensemble des gens en union de fait?

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Effectivement, vous l'avez vu dans la mémoire, on n'a pas de... on n'a pas de commentaire particulier sur les règles de dévolution successorale. Effectivement, le choix a été fait, là, d'inclure, là, l'union parentale comme condition. Effectivement, on peut se poser la question sur pourquoi il n'y a pas une... une inclusion des conjoints de fait sans enfants avec une durée de vie commune déterminée.

Par contre, de manière générale, au niveau de la... de ce choix-là, puis du partage ensuite des... de la succession, les pourcentages qui sont attribués aux différents héritiers, ça, ultimement, c'est un choix un peu de société. Il faut comprendre que les successions ab intestat, les... les règles de dévolution successorale du Code civil sont des règles qui s'appliquent en l'absence de testament. La réelle, ultimement solution passe par une campagne sans doute d'éducation, sensibilisation auprès des justiciables, là, de faire les testaments. Dépendamment de la forme retenue d'un testament, il y a très peu de formalités, là, qui peuvent être assujetties. Ça peut être sur une feuille écrite à la main, signée, et c'est par le testament qu'on est capable de réellement déterminer, là comment on veut partager, que ses biens soient partagés après son décès. Au niveau de la succession, puis c'est vraiment la... l'expression, là, de l'ultime volonté de la... du justiciable de faire un testament, donc ça... La vraie peut-être réponse passe par une bonification de cette règle-là, parce qu'il faut comprendre que les règles de succession ab intestat ne pourront jamais régler tous les cas. Ils seront injustes dans certaines circonstances, certaines réalités familiales plus justes dans d'autres. On ne pourra jamais couvrir tous les cas de figure, mais c'est... c'est une avancée, là, qui... qui est importante effectivement de le reconnaître.

Le Président (M. Bachand) :Merci.

M. Morin : Parfait. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci. M. le député de Jean-Talon pour 2 min 38 s, s'il vous plaît.

M. Paradis : Merci beaucoup. Si vous pouviez résumer en quelques secondes et de manière très simple avec les propositions que le Barreau du Québec nous fait aujourd'hui, ça serait quoi la différence entre les obligations et les droits conférés par le régime du mariage et celui de l'union parentale, ça serait quoi?

Mme Laberge (Valérie) : En fait, dans les protections ou en tout cas les obligations reliées au mariage, il y a toute une section sur le régime primaire, la contribution des époux qui doit être proportionnelle à leurs facultés respectives. Bon. Tous ces articles-là ne s'appliquent pas. Et ensuite les grandes différences, bien, il y a la composition du patrimoine, il y a également l'absence d'obligation alimentaire, et il y a la méthode de calcul de prestation compensatoire également. Mais là, évidemment, il n'y a pas de régimes matrimoniaux pour l'union de fait.

M. Paradis : Mais dans la mesure où le Barreau semble nous inciter à nous rapprocher le plus possible des droits et obligations conférés par le régime du mariage, est-ce que, selon vous, il resterait des différences significatives ou l'idée pour le Barreau, c'est qu'il y ait à peu, près au Québec, un... un même régime de droits et obligations, je parle notamment, là, du patrimoine qui s'applique à peu près tout le monde qui est en couple avec des enfants. Est-ce que je comprends bien que c'est un peu vers ça que le Barreau nous incite à aller?

Mme Claveau (Catherine) : Bien, c'est sûr que nous, on salue encore une fois, là, ce projet de loi là qui est quand même audacieux, qui... qui permet, si, évidemment, on... on retient la... la possibilité que tous les enfants soient assujettis, une meilleure protection des enfants, que leurs parents soient mariés ou non. Ça, c'est le grand principe, donc on le salue. Il reste qu'il y a des différences. Le... le Législateur a fait le choix, par exemple, là, de ne pas aller vers les obligations alimentaires. C'est un choix qu'il a fait. Maintenant, on... comme l'a expliqué Me Laberge tout à l'heure, le fait qu'il y a quand même possibilité d'avoir une prestation compensatoire, puis, si on rend d'ordre public le partage de... de l'équivalent de patrimoine familial tel que nous vous suggérons donc, en ajoutant REER et les régimes de pension, bien là, on... on protège davantage les enfants qu'avant l'arrivée de ce projet de loi, là.

M. Paradis : Très bien. Maintenant, je vous amène vers une autre des propositions du Barreau, c'est-à-dire que, si on garde les dispositions telles qu'elles sont là, vous dites, s'il y a renonciation aux règles du patrimoine d'union parentale, il faut consulter. Il y a une obligation de consulter un juriste avant. Beaucoup nous ont parlé de ça, mais en même temps, ça ajoute... On nous parle de surjudiciarisation, mais en même temps on ajoute des étapes. Certains ont proposé, c'est le cas de la Chambre des notaires, de dire il y aurait une possibilité pour les conjoints de dire, bien, on renonce, il faut le dire, on renonce à la possibilité de consulter un juriste pour le faire. Est-ce que vous seriez... est-ce que vous seriez ouverts à cette possibilité-là aussi?

Mme Claveau (Catherine) : Bien... bien, c'est parce qu'il faudrait vraiment s'assurer que la volonté est libre et éclairée, que le... tu sais, que le notaire soit bien formé sur la... toute la violence conjugale et l'effet coercitif que... que certains conjoints peuvent avoir sur l'autre pour provoquer des décisions lourdes de...

Mme Claveau (Catherine) : ...comme ça, qui ont quand même... qui sont lourdes de conséquences.

M. Paradis : Très bien.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Merci beaucoup d'avoir été avec nous. On se dit peut-être au printemps 2025. Alors, on verra, mais c'était un grand plaisir.

Alors, je suspends les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 48)

(Reprise à 10 h 53)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.

Il me fait plaisir les représentants du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. C'est très apprécié. Alors... vous avez 10 minutes de présentation, après ça, on aura une période d'échange avec les membres. Alors ,la parole est à vous. Merci.

Mme Trou (Mathilde) : Oui, bonjour. Donc, mon nom est Mathilde Trou. Je suis coresponsable des dossiers politiques au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.

Mme Allen-Lefebvre (Laurence) : Bonjour à tous. Je m'appelle Laurence Allen-Lefebvre. Je suis gestionnaire de la Maison d'aide et d'hébergement, Alternative pour elles, en Abitibi-Témiscamingue. Notre maison est membre du Regroupement pour les maisons pour les femmes victimes.

Mme Trou (Mathilde) : M. le Président de la commission, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, un grand merci pour votre invitation. Elle nous donne l'opportunité d'exprimer la position de notre regroupement et de ses 46 maisons membres sur le projet de loi n° 56. D'entrée de jeu, nous tenons à saluer la démarche du gouvernement de faire avancer cet important dossier. C'est une réforme nécessaire, même si nous reconnaissons qu'elle n'est pas simple à mener. Toutefois, nous considérons que le nouveau régime d'union parentale, qui est au cœur du projet de loi, n'offre pas un niveau de protection suffisant aux enfants concernés et à leurs mères en cas de séparation. En effet, à la lecture du projet de loi et à la lumière de la persistance des inégalités socioéconomiques entre les femmes et les hommes, qui ont été d'ailleurs très bien documentées et présentées par des groupes entendus précédemment, nous en sommes arrivés, nous aussi, à la conclusion que le nouveau régime d'union parentale viendrait renforcer ces iniquités.

Et concernant plus spécifiquement les femmes victimes de violence conjugale, celles dont nous amplifions la voix aujourd'hui, nous tenons à souligner qu'elles ressortent, la plupart du temps, appauvries après leur séparation, notamment en raison du contrôle économique et de la violence qu'elles ont subis. Pour celles qui sont en union de fait avec des enfants, nous voyons difficilement comment ce nouveau régime viendrait améliorer leur situation économique à la fin de l'union. Par conséquent, si nous voulons réellement offrir plus de protection et de stabilité aux enfants, comme cela semble être le souhait du législateur, il faut s'assurer que les mécanismes qui régissent la séparation chez les conjoints de fait, ayant des enfants, protègent également le conjoint le plus vulnérable, bien souvent, la femme.

À cet égard, nous rejoignons la position de plusieurs groupes et nous recommandons que les conjoints de fait ayant des enfants aient les mêmes obligations, incluant l'obligation alimentaire, droits et mécanismes de partage, que ceux régissant actuellement les couples mariés, que ce soit à la fin de l'union ou au décès de l'autre conjoint. Pour les conjoints de fait sans enfant, nous recommandons également qu'ils aient les mêmes droits et obligations que les gens mariés après une période de cohabitation d'une durée indéterminée. Par ailleurs, nous sommes préoccupées que le projet de loi, par ses dispositions, vienne créer différents niveaux de protection entre les enfants québécois.

Et, pour éviter cette situation, nous recommandons que la loi s'applique aux conjoints de fait avec enfants dès son entrée en vigueur, avec possibilité, dans un délai d'un an après l'adoption de la loi, de se soustraire de son application par acte notarié. Afin d'éviter que ce droit de retrait ne soit fait sous la contrainte, le ou la notaire qui enregistrera la décision doit s'assurer que chaque conjoint ait bénéficié d'un conseiller juridique indépendant au préalable comme condition à la validité de la convention. Cette dernière partie est capitale pour nous. Dans une situation de violence conjugale, le conjoint violent peut exercer de fortes pressions sur la femme pour qu'elle renonce à ses droits et ses biens en cas de séparation. La consultation d'un conseiller juridique, sans la présence du conjoint, viendrait éclairer la femme sur ses droits, sur les conséquences de ce retrait et faire ainsi contrepoids à la position du conjoint.

Concernant d'autres aspects du projet de loi, nous tenons à saluer la prise de position du législateur sur la violence judiciaire et sa volonté de la contrer avec les articles 27 et 29 du projet de loi. Comme vous le savez, la violence conjugale ne cesse pas avec la fin de la relation. Bien au contraire, le moment de la séparation est souvent synonyme d'intensification du contrôle et de la violence, on parle alors de violence postséparation. L'an passé, c'est un peu plus de 44 % des femmes qui ont contacté nos maisons pour recevoir du soutien via des services externes. Elles l'ont fait en lien avec des violences effectuées par un ex-conjoint. Quand on parle de services externes, c'est des services reçus par les femmes, mais sans hébergement. Pour celles qui ont des enfants avec leur ex-conjoint, il n'est pas rare que ces violences se poursuivent plusieurs années après la séparation. Et une des stratégies de l'ex-conjoint pour poursuivre son contrôle et sa violence, c'est justement de multiplier les procédures devant les tribunaux.

Ces abus de procédure, si elles visent en priorité l'ex-conjointe, ont bien... évidemment des répercussions importantes sur les enfants. Les contacts avec leur père violent peuvent être maintenus plus longtemps à cause des délais. Ils voient la violence envers leur mère se poursuivre. Ils peuvent être instrumentalisés par leur...

Mme Trou (Mathilde) : ...contre leur mère ou leurs conditions de vie peuvent se dégrader si la mère s'appauvrit durant ces procédures. Nous voyons donc d'un bon œil la volonté du législateur de vouloir lutter contre la violence judiciaire. Toutefois, afin que cette procédure soit réellement utile et efficace, nous recommandons que le législateur s'assure que les demandes relatives à ces abus soient faciles d'accès et peu coûteuses. Nous recommandons également, en plus des dommages et intérêts déjà prévus dans l'article 29, que soient ajoutées d'autres mesures punitives autres que financières afin que cela ait un réel impact... dissuasif sur les auteurs de violence. Avec les juges... ces mesures-là pourraient être discutées avec les juges qui sont directement concernés par ces abus de procédure et voir quelles sanctions seraient les plus appropriées à cet égard.

Afin que le tribunal se prononce de manière éclairée sur l'ensemble des abus, nous recommandons qu'il ait entre les mains l'historique de l'ensemble des procédures impliquant les parties et pas seulement celles en droit de la famille. Et enfin, afin de soutenir et de guider les acteurs du droit de la famille et les magistrats face à la complexité de la violence conjugale et afin qu'elles ne soient pas limitées dans la compréhension commune à certaines formes de violence souvent physique, nous suggérons d'ajouter les notions de contrôle coercitif et de violence postséparation dans l'article 27 du projet de loi.

Mme Allen-Lefebvre (Laurence) : Par ailleurs, une autre stratégie du conjoint pour poursuivre sa violence après la séparation passe souvent par le contrôle économique. Les articles 521.39 et 521.40 du projet de loi sont intéressants à cet égard, car ils viennent offrir des recours au conjoint lésé en cas d'aliénation, de détournement ou de dilapidation par l'autre conjoint des biens faisant partie du patrimoine. Cependant, sur le terrain, nous constatons la grande créativité des conjoints violents pour éviter tout versement ou remboursement dû à leur ex-conjoint. Certains décident de se mettre à la retraite, de retourner aux études, de vider les comptes ou de faire faillite... afin, pardon, de ne plus avoir les fonds nécessaires pour se conformer au jugement. Même en cas de jugement ordonnant un remboursement, il est très rare que les femmes récupèrent l'argent qui leur est dû ou, si c'est le cas, elles sont souvent... elles ont souvent dépensé l'équivalent de cette somme en frais d'avocat.

Sur ce vaste et complexe sujet, nous invitons le législateur à aller plus loin que les articles 521.39 et 521.40 et à réfléchir à des mesures empêchant les conjoints, au moment de la séparation, de dilapider le patrimoine familial. Par ailleurs, en ce qui a trait à la résidence familiale, nous constatons, en cas de violence conjugale, que ce sont très souvent les femmes qui vont quitter la résidence familiale lors de la rupture pour se mettre à l'abri, elles ainsi que leurs enfants. L'ex-conjoint, lui, demeurera dans la résidence familiale. Le fait d'être victime de violence conjugale n'offre actuellement aucune protection supplémentaire aux femmes pour qu'elles puissent, si cela est sécuritaire, revenir rapidement dans leur domicile après la rupture. Au contraire, cela s'ajoute à leur fardeau de devoir démontrer les violences vécues et les relations qui les ont ainsi poussées à quitter rapidement le domicile. Il est primordial que ces femmes, si elles le souhaitent, puissent bénéficier d'un droit au maintien dans les lieux, qu'elles soient copropriétaires ou non, signataires du bail ou non, afin de leur assurer un minimum de sécurité émotive ou financière, et ce, sans égard à la durée hors du domicile familial.

• (11 heures) •

Ainsi, nous recommandons que la personne victime qui a quitté le domicile familial pour assurer sa sécurité ou qui est obligée de le faire puisse bénéficier d'une présomption en sa faveur. Pour démontrer la présence de violence conjugale, le législateur pourrait par exemple reprendre les mécanismes prévus dans la démarche de résiliation de bail en cas de violence conjugale. La décision de retour dans les lieux pourrait alors être prise par le juge dans le cadre d'une ordonnance de sauvegarde.

Nous recommandons également de modifier l'article 521.28 afin que le fardeau de la preuve ne repose pas sur les victimes. En cas de violence conjugale présumée, il faudrait que ce soit à l'auteur des violences de venir défendre son maintien dans les lieux. Nous ajoutons finalement que l'exigence de saisir le tribunal dans un délai de 30 jours constitue une charge immense pour les personnes victimes, dont la priorité est d'abord et avant tout d'assurer leur sécurité et celle de leurs enfants. Nous recommandons donc que le délai de 30 jours prévu à l'article 521.27 du projet de loi n° 56 soit supprimé.

Mme Trou (Mathilde) : Sur un autre sujet, nous rejoignons l'avis de plusieurs groupes sur l'importance que le gouvernement, après l'adoption du projet de loi, réalise une vaste campagne d'éducation populaire auprès de toute la population afin de les informer de leurs droits en matière de droit de la famille. Et, s'il est primordial d'informer la population, il l'est tout autant de poursuivre la formation des acteurs de la communauté juridique. Nous recommandons donc que les professionnels de la justice soient formés sur la violence conjugale, incluant le contrôle coercitif et la violence postséparation. Nous soulignons à cet égard l'important travail de formation qui a réalisé...


 
 

11 h (version non révisée)

Mme Trou (Mathilde) : ...par l'organisme Juripop, et nous recommandons que le gouvernement rétablisse et consolide le montant octroyé à Juripop pour qu'il puisse poursuivre cet important volet de ses activités.

Enfin, afin de garantir un véritable accès à la justice, nous recommandons que les ressources allouées à la Commission des services juridiques pour le service Rebâtir soient augmentées de façon à pouvoir représenter davantage de victimes qui ne peuvent être représentées par les avocats permanents de leurs bureaux d'aide juridique. Nous recommandons aussi que l'accessibilité à la représentation soit augmentée par l'octroi d'honoraires adéquats aux avocats de pratique privée qui acceptent des mandats d'aide juridique, afin que ces honoraires tiennent compte de la complexité des causes où la violence conjugale est présente. Cela vient conclure notre prise de parole. Nous vous remercions pour votre écoute.

Le Président (M. Bachand) :Merci infiniment. Alors, on va débuter la période d'échange. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. Mme... Mathilde Trou, Mme Laurence Allen-Lefebvre, merci pour votre contribution aux travaux de la commission. On aura l'occasion d'échanger. Je tiens également à saluer les élèves de l'école Saint-Charles-sur-Richelieu et de Saint-Denis-sur-Richelieu, qui sont avec nous, donc, de la circonscription de Borduas.Alors, rentrez, rentrez dans la salle. Donc, on a deux classes, je pense qu'on a 75 étudiants. On peut s'en venir à l'avant, également, là, il y a de la place même où est-ce qu'il y a les micros.

Alors, M. le Président, vous constaterez que ce sont de jeunes étudiants de cinquième et sixième année, donc, qui sont venus faire une visite à Québec pour en apprendre davantage sur le Parlement. Donc, vous allez assister à une audition en commission parlementaire sur le projet de loi sur le droit de la famille, qui va probablement vous impacter dans vos vies futures. Alors, bonjour, tout le monde.

Des voix : ...

M. Jolin-Barrette : Ou pas, ou pas, ou pas. Alors, excusez-moi, mesdames. Donc, écoutez, d'entrée de jeu, je voulais savoir, sur la question de la présence d'un juge qui suit les parties, on a mis dans le projet de loi le fait qu'idéalement la Cour supérieure devrait favoriser la prise en charge d'un dossier par un seul et même juge. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

Mme Trou (Mathilde) : Oui. Alors, à cet égard, on avait deux préoccupations. Même si, dans les faits, on considère que ça pourrait être une bonne solution, notre première préoccupation, c'est que la réalité sur le terrain montre que ça pourrait être assez compliqué, considérant le... certains postes de juges qui sont toujours vacants et la quantité de dossiers dans certains districts. Et notre deuxième préoccupation serait plutôt reliée, on le sait, à certaines sensibilités qui seraient liées à n'importe quelle personne traitant un dossier de violence conjugale qui peut aussi s'appliquer à des juges. Donc, ce serait ça, nos deux préoccupations par rapport à cette mesure-là.

M. Jolin-Barrette : O.K., mais je retiens que, sur le principe, vous êtes d'accord que ça faciliterait la vie des parties. Là, je retiens de votre... la deuxième partie de votre commentaire à l'effet que vous dites Bien, écoutez, ça prend une sensibilité. Pouvez-vous expliciter là-dessus? Qu'est-ce que vous voulez dire par «ça prend une sensibilité»? Trouvez-vous qu'il y a un manque de sensibilité?

Mme Trou (Mathilde) : Ce ne serait pas nécessairement un manque de sensibilité, mais peut-être... On le sait, là, que la violence conjugale, ça peut être très complexe. Il faut que ça soit bien documenté pour que ce soit bien pris en compte. Il y a certaines femmes qui peuvent être réticentes aussi à parler plus en détail de leur situation. Donc, il y a des dossiers qui peuvent arriver devant un juge où il faut vraiment avoir de bonnes connaissances pour pouvoir dépister et détecter cette problématique-là, et ce n'est pas toujours le cas, ou elles peuvent être comprises partiellement, mais pas totalement, ce qui fait qu'on peut se retrouver avec des décisions qui ne reflètent pas la réalité des femmes victimes de violence conjugale. Donc, c'est sûr que, si votre proposition est associée à une formation des magistrats sur la violence conjugale, la violence postséparation et le contrôle perceptif, même si je sais que ça ne dépend pas de vous, là, on arriverait à une solution qui, je pense, serait idéale.

M. Jolin-Barrette : Vous, vous l'avez bien dit, ça ne relève pas du ministère de la Justice ni du ministre de la Justice, parce que la formation des juges relève des juges eux-mêmes. Donc, moi je n'ai pas de pouvoir d'action sur ce dossier-là. Vous vous souvenez, je l'ai fait dans le cadre du tribunal spécialisé, où les juges, avant d'être nommés, doivent s'engager, s'ils sont nommés, à suivre une formation sur la violence sexuelle, la violence conjugale. Même chose pour les juges qui sont des juges puînés, des juges qui s'en vont à la retraite dans le fond, puis que, si je les nomme comme juges suppléants, je peux exiger, avant de les renommer comme juges suppléants, qu'il y ait suivi. Mais, durant l'exercice de leurs fonctions, ça ne relève pas de l'exécutif, relativement à la formation, donc ça relève de la cour elle-même, et d'autant plus qu'à la Cour supérieure...

M. Jolin-Barrette : ...ce sont des juges de nomination fédérale. Donc, par rapport à... au nombre de juges, par rapport à la disponibilité, nous, ce qu'on peut faire, c'est créer des postes de juges dans la Loi sur les tribunaux judiciaires, ce qu'on a fait avec sept de plus, mais ce n'est pas nous qui les nommons.

Autre question. Relativement à la violence judiciaire, aux articles qu'on a insérés dans le Code de procédure civile, je comprends, de votre mémoire, que vous trouvez qu'on devrait aller encore plus loin que ça... mais il faut aller plus loin. C'est ce que vous nous invitez à faire.

Mme Trou (Mathilde) : Oui, exactement, puisque dans certains cas, soit c'est des conjoints qui ne vont pas être solvables ou des conjoints pour qui l'argent n'est peut-être pas nécessairement le... un problème. Et donc avoir uniquement la punition en dommages et intérêts pour rembourser les frais qui ont été dépensés par l'ex-conjointe, nous, on pense qu'il pourrait y avoir, c'est ça, des punitions supplémentaires pour que ça soit... pour que ça ait un effet qui soit réellement dissuasif sur certains conjoints violents.

M. Jolin-Barrette : O.K. Pouvez-vous nous... nous relater, dans le cadre de vos expériences professionnelles, supposons, les femmes que vous accueillez qui sont victimes de violence judiciaire. À quoi ça ressemble? C'est quoi... C'est quoi le... le... la réalité concrète, là, de celles qui se retrouvent dans les maisons d'hébergement?

Mme Allen-Lefebvre (Laurence) : Bien, en fait, ce qu'on voit beaucoup, c'est des conjoints qui vont se représenter eux-mêmes au départ, qui vont faire ralentir toutes les démarches parce qu'ils ne saisissent pas nécessairement. Après ça, on va les... on va voir qu'ils vont se chercher un avocat. Ils vont dire : Bien là, finalement, je n'ai pas d'avocat. Je veux être représenté, mais je n'en trouve pas. Chez nous, en Abitibi-Témiscamingue... je pense que c'est comme ça dans plusieurs autres régions du Québec, mais ce n'est peut-être pas ça à la grandeur du Québec. Chez nous, il y a une grave pénurie d'avocats, donc c'est très difficile de se trouver un avocat. Donc là... les cours sont remis, remis parce que le conjoint ne... n'est pas représenté. Donc, il y a beaucoup de... de stratégies qui sont utilisées pour étirer les délais, ce qui fait que la femme se retrouve, là, dans une situation d'instabilité pendant de très, très longues semaines.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la question de la protection associée à la résidence familiale, vous êtes d'accord. Cependant, vous voulez qu'on abroge le délai de 30 jours. Ça me prend quand même un délai parce qu'avec ce régime-là, dans le fond, la fin de l'union parentale prend fin avec la fin de la vie commune. Donc, je comprends de vos propos que le délai le plus long sera le mieux.

Mme Trou (Mathilde) : Long, mais il ne faudrait pas que ça soit trop long non plus parce que sinon, au niveau, justement, de la résidence familiale et du maintien dans les lieux, ça vient cristalliser des situations. C'est le conjoint, comme on l'a expliqué, qui reste dans la résidence familiale, bien, si la femme est en dehors du domicile pendant trop longtemps, bien, ça va être de plus de plus en plus difficile pour elle de réintégrer la résidence. Donc, on étirerait un peu le délai, peut-être à 45, peut-être 60 jours, mais pas nécessairement plus.

• (11 h 10) •

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, le délai, il est là pour le demander. Dans le fond, l'attribution de la résidence familiale, c'est, justement, supposons, pour Mme qui a la garde des enfants, pour faire en sorte qu'elle puisse demander au tribunal que, même si elle n'est pas propriétaire de la maison, pour la stabilité des enfants, qu'elle puisse faire sa demande au tribunal et se faire attribuer la résidence familiale. Nous, on avait mis 30 jours de la fin de l'union. On a eu des groupes qui nous ont dit, bien, 45, 60, 90, 120 jours. Vous vous situez où là-dedans pour faire perdurer cette... cette demande, pour assurer cette protection?

Mme Trou (Mathilde) : Nous, on serait plus dans le 45, 60 jours pour éviter des délais qui soient trop, trop longs.

M. Jolin-Barrette : Sur la question de la composition du patrimoine, donc du patrimoine de l'union parentale, vous souhaiteriez qu'on bonifie le patrimoine.

Mme Trou (Mathilde) : Oui, tout à fait.

M. Jolin-Barrette : O.K. Pourquoi... Pourquoi vous souhaitez qu'on... qu'on insère les REER, les régimes de retraite à l'intérieur du patrimoine d'union parentale?

Mme Trou (Mathilde) : Bien, je peux y aller, puis, Laurence, tu pourras compléter. Ça, il y a plusieurs groupes, là, qui... qui sont passés la semaine dernière, qui ont vraiment bien documenté toutes les inégalités socioéconomiques, là, qui existent déjà entre les hommes et les femmes puis qui démontraient très bien que les femmes au niveau économique étaient défavorisées par rapport au... au patrimoine puis la différence de salaire, etc. par rapport à leur conjoint. Donc, nous, on pense que si on veut arriver à une société qui soit plus égalitaire entre les femmes et qui protège les femmes au moment de la séparation, il faudrait intégrer notamment, donc, toutes les protections qui sont... qui sont déjà là pour les couples mariés. Et, au niveau des femmes victimes de violence conjugale, c'est sûr qu'avec tout le contrôle économique, donc, il y a beaucoup de conjoints qui vont vouloir isoler leur conjointe, qui vont l'empêcher de travailler. La femme va démissionner. C'est eux qui vont s'occuper de toutes... de tous les comptes dans... dans... dans la relation, qui vont vraiment s'emparer des... des salaires de...

Mme Trou (Mathilde) : ...de la femme, nous, on remarque vraiment que c'est des femmes qui vont sortir réellement appauvries de la séparation. Donc, avec un patrimoine familial qui serait bonifié, ça permettrait qu'elles aient des conditions de vie qui soient décentes au moment de la séparation. Et donc ça a aussi un impact sur les enfants, notamment quand il y a des gardes partagées, pour qu'il y ait un niveau de vie qui soit équivalent si l'enfant est chez papa ou chez maman.

M. Jolin-Barrette : Excellent. Je vais céder la parole à mes collègues. Je vous remercie grandement d'avoir été présentes en commission parlementaire, et puis merci également pour le dépôt de votre mémoire.

Le Président (M. Bachand) :Merci, M. le ministre. Mme la députée de Lotbinière-Frontenac.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Merci. Bonjour, mesdames. J'ai...

Mme Allen-Lefebvre (Laurence) : Bonjour.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Tout à l'heure, vous avez parlé de violence judiciaire puis que... vous avez dit aussi que ça devait être facile d'accès. Je n'ai pas trop saisi exactement, donc j'aimerais avoir plus de détails, s'il vous plaît.

Mme Trou (Mathilde) : Oui. Par rapport à cette disposition-là, on a pu en parler avec certains avocats, avocates qui nous ont dit que, par exemple, la procédure en matière de quérulence qui existe actuellement aujourd'hui, c'était une procédure qui était réellement complexe et qui pouvait être coûteuse pour la personne qui se lançait dans ces procédures-là. Et, si on voit tout l'avantage des mesures pour contrer la violence judiciaire dans le projet de loi, nous, on veut vraiment s'assurer que, bien, soit c'est le juge qui peut reconnaître ces violences judiciaires là, mais que, si c'est la femme qui fait un recours... désolée si ce n'est pas le vocabulaire spécifique, mais on n'est pas juristes, ma collègue et moi, donc peut-être que parfois ce n'est pas très adéquat, mais ça... si la femme victime de violence conjugale veut contrer ces violences judiciaires et fait une demande de recours pour ça, on voudrait s'assurer que ça soit justement facile d'accès pour elle et que ça n'engendre pas des milliers de dollars de plus en frais d'avocats pour pouvoir faire en sorte que cette violence soit reconnue.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : D'accord. Concernant la... le droit de retrait, est-ce que vous pouvez élaborer votre position?

Mme Trou (Mathilde) : Laurence...

Mme Allen-Lefebvre (Laurence) : Veux-tu me laisser y aller?

Mme Trou (Mathilde) : Oui, oui, tout à fait.

Mme Allen-Lefebvre (Laurence) : Bien, en fait, le droit de retrait, pour nous, c'est certain qu'on a une préoccupation qui est très importante. J'ai entendu le groupe qui nous précédait en parler. Dans les relations de violence, le conjoint exerce un contrôle sur une grande quantité d'éléments de la vie. Donc, c'est certain que le droit de retrait doit... s'il est inséré dans la loi, doit être exercé avec beaucoup de prudence. Donc, il faut absolument qu'il y ait des conseils juridiques indépendants, où les femmes vont avoir accès à de l'information fiable, où elles vont pouvoir prendre une décision éclairée puis des... elle va... elle va pouvoir avoir le recul pour réfléchir à ce que son conjoint lui a dit, parce que, pendant des années, il lui a ressassé des éléments en lui disant toutes sortes de choses qui ne reflètent pas la réalité. Donc, il faut qu'elle puisse comparer ce que le conseiller juridique vient de lui dire avec ce qu'elle, elle a toujours entendu pour être capable d'avoir le recul puis de prendre une décision vraiment éclairée pour venir faire un contrepoids, un peu, avec la pression que son conjoint pourrait faire pour l'inciter à se rétracter, là, de ces protections-là.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Parfait.

Le Président (M. Bachand) :Merci. M. le député de Saint-Jean, pour un temps restant de quatre minutes.

M. Lemieux : Merci beaucoup, M. le Président. Mesdames, bonjour.

Une voix : Bonjour.

M. Lemieux : D'abord, Mme Trou, il faut que je vous dise que la formulation était belle quand vous avez dit à un moment donné que vous amplifiez la voix des femmes. Et effectivement, quand on vous parle à vous dans le contexte du projet de loi qu'on va étudier, il y a... c'est loin d'être un angle mort, c'est un angle qu'on voit très bien, mais, en même temps, il faut... il faut voir la globalité du projet de loi. Vous l'avez dit, tout le monde arrive en félicitant ou en remerciant le ministre d'avoir avancé avec ce nouveau pan de la loi de la famille. On comprend que vous êtes plus ou moins enthousiastes à l'idée d'arrêter là où le projet de loi s'arrête en termes d'un paquet de détails.

Moi, je voudrais vous entendre parce que vous avez une clientèle particulière. Donc, la voix que vous portez, comme vous le disiez si bien, que vous amplifiez, elle est spécifique à votre... à votre clientèle, mais, en même temps, c'est très varié, et on nous a dit que le monde changeait beaucoup, beaucoup, beaucoup ou avait changé déjà beaucoup, beaucoup. Par exemple, la plupart des couples ne sont pas très conscients du fait que, mariés ou conjoints de fait, ça ne change rien au bout de la ligne. Puis, en même temps, on se fait dire par d'autres : Bien, s'ils avaient voulu se marier, ils auraient pu. Puis là on peut aussi aller «opter out», «opter in», puis là ça part dans toutes les directions. On se demandait jusqu'où, de votre point de vue, on pourrait aller. Évidemment, votre mémoire et votre présentation nous le dit...

M. Lemieux : ...mais par rapport à la société que vous sentez autour de vous.

Mme Trou (Mathilde) : Mais c'est ça, nous, on... Quand on a... On a entendu les mêmes informations, là, que les autres groupes, là, par rapport à l'information que... dont les gens disposent quand ils se mettent en union de fait ou quand ils se marient. Puis ce qui est vraiment marquant quand on entend ces données-là, c'est que les... les gens ne... ne se mettent pas dans une sorte d'union différente en fonction des protections et des obligations que cela implique, mais par... par conviction religieuse ou par projet de vie, etc. Et pourtant, quand on les interroge sur les droits et protections, ils pensent qu'ils ont les mêmes droits et protections, les maximums, celles des couples mariés. Donc, nous, on se dit : Mais pourquoi ne partons pas de ce postulat de base : protégeons de la meilleure manière possible tous les couples. Mais est-ce qu'au final c'est les enfants qui vont réellement avoir ces impacts positifs sur leur vie en cas de séparation?

Et, en plus de ça, nous, on est d'autant plus d'accords sur cette position-là puisque ce qu'on voit parmi les femmes qu'on accompagne, c'est que c'est vraiment elles qui sortent, qui ont une situation extrêmement vulnérable après avoir vécu de la violence conjugale au niveau économique.

M. Lemieux : Tout à fait d'accord, mais en même temps... ou pas mais, mais et en même temps, le postulat c'est, pour certains ou en tout cas, c'est de marier les gens de force. Et est-ce qu'il n'y a pas de la place pour un autre régime? Puis là ça tombe bien, on a un régime parental, pour justement protéger les enfants. Et ma question c'était plus de savoir si... malgré tout, si ça ne va pas assez loin pour vous, est-ce que la protection des enfants pourrait être encore améliorée. Pas nécessairement en allant plus loin, mais en faisant autre chose, ou oui, en en faisant davantage un peu pour les enfants pus?

Le Président (M. Bachand) :Très rapidement, s'il vous plaît. Très rapidement. Merci.

Mme Allen-Lefebvre (Laurence) : Bien, je... je ne sais pas si la protection pour les enfants pourrait être... je ne sais pas comment elle pourrait être améliorée si on ne va pas plus loin. Tantôt, vous disiez, tu sais, on se fait un projet de loi qui s'applique à la situation... à la population en général, les femmes sont généralement défavorisées dans ces mécanismes de... de protection là, parce que, dans ceux qui sont... qui sont présumés s'installer dans la législation, parce qu'elles ont des enfants, donc elles ne bénéficient pas de la possibilité durant leur grossesse de cotiser à leur REER autant, elles ont des congés de maladie, des congés... les femmes sont généralement pénalisées par rapport à tout ça puis c'est... c'est un postulat de base, il faut... il faut en tenir compte.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Je cède maintenant la parole au député d'Acadie pour 10 min 24 s. M. le député.

M. Morin : Merci, M. le Président. Mme Trou, Mme Allen-Lefebvre, merci beaucoup d'être... d'être avec nous aujourd'hui, de participer aux travaux de la... de la commission.

• (11 h 20) •

Tout à l'heure, quand vous avez répondu à des questions de M. le ministre, vous avez dit, entre autres, à 500, en lien avec 521.28, qui traite de la possibilité pour un des conjoints de quitter la résidence familiale, que le fardeau ne repose pas sur les victimes. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus là-dessus? Qu'est-ce que vous voyez comme... comme situation qui serait optimale? Et est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une présomption qui fait en sorte qu'admettons la femme et les enfants restent d'abord dans la résidence familiale et que ce soit l'autre conjoint qui quitte? Enfin, si vous pouviez élaborer là-dessus, j'apprécierais.

Mme Trou (Mathilde) : Mais je peux commencer, puis Laurence, pour la... plus les impacts sur les femmes, je te laisserai poursuivre. En effet, on a beaucoup discuté de la possibilité que ce soit la femme justement avec ses enfants qui restent dans... dans le domicile familial, mais malheureusement, pour des questions de sécurité, ce n'est pas toujours optimal que ça soit cette configuration-là. Et, bien souvent, c'est donc la femme qui va se réfugier en maison d'aide et d'hébergement ou chez des proches pour justement assurer vraiment la... la sécurité.

Dans les dernières années, il y a un nombre assez important de maisons d'aide et d'hébergement de deuxième étape qui ont été construites au Québec. Puis ces maisons-là, leur vocation, c'est vraiment de pouvoir héberger les femmes et les enfants qui ont encore des... où il y a des gros enjeux de sécurité par rapport à leur ex-conjoint. Puis c'est... Une maison d'aide et d'hébergement, ça va être de l'hébergement pour le long terme. Donc ça, ça montre, et puis c'est essentiellement pour prévenir l'homicide conjugal que ces maisons ont été développées. Donc, ça montre que cette... la solution que vous proposez, qui pourrait fonctionner pour certaines femmes, ne pourrait pas fonctionner pour la globalité des femmes victimes de violence conjugale. Laurence si tu veux... si tu veux poursuivre.

Mme Allen-Lefebvre (Laurence) : Mais en fait, sur le terrain, ce qu'on voit, c'est que les femmes ne peuvent pas demeurer dans...

Mme Allen-Lefebvre (Laurence) : ...maison parce que ce n'est pas réaliste de penser que le conjoint, lui, va partir de son propre chef. Donc, c'est M. qui a le contrôle. M. n'est pas en... n'est pas réaliste et objectif face à la situation. Il va demeurer là pour continuer d'exercer son contrôle. Donc, dans 90 % des cas, peut-être même plus, je dirais, dans ma pratique, ce sont toujours les femmes qui quittent. Évidemment que, dans une situation idéale, les femmes demeureraient avec leurs enfants dans leur maison, mais ce n'est pas la réalité, ce n'est pas... Je ne pense pas que ce soit réalisable actuellement.

M. Morin : Donc vous, ce n'est pas... ce n'est pas ce que vous constatez parce qu'il y a des groupes qui ont suggéré cette option-là. Évidemment, ça, ça a moins d'impact sur les enfants, ils restent chez eux, mais pratico-pratique ça ne serait pas... En fait, difficilement faisable, là, si je vous entends bien.

Mme Allen-Lefebvre (Laurence) : Exactement. C'est ce qu'on pense dans la grande majorité des cas. Si on arrivait à encadrer, je ne peux même pas vous dire comment, de quelle sorte d'intervention judiciaire, policière il faudrait y avoir, mais je ne crois pas, là, pour le moment, qu'on a les mécanismes qui permettraient de demeurer dans une résidence de façon sécuritaire pour la majorité des femmes.

M. Morin : Je vous remercie. À 521.27, je pense que vous avez été... vous avez été claire suite à la question de M. le ministre. Donc, 30 jours pour présenter en fait une demande, c'est trop court, mais pas trop long. C'est ce que vous avez dit. Moi, je rattache ça avec un élément que vous, que vous soulignez dans votre mémoire et que j'ai trouvé particulièrement important, et je vous réfère aux pages 25 et 26, ou vos recommandations 24 et 25. Ça traite des ressources allouées à la Commission des services juridiques qui... qui, en fait, ne semblent pas être suffisantes, et également l'accessibilité à la représentation qui soit augmentée par l'octroi d'honoraires adéquats pour les avocats et avocates de pratique privée qui prennent des mandats d'aide juridique. Bien, on le sait, la situation n'est pas... n'est pas réglée. J'ai moi-même posé des questions à M. le ministre là-dessus. J'aimerais savoir. Vous, là, au niveau pratique, c'est quoi l'impact que vous voyez au quotidien?

Mme Allen-Lefebvre (Laurence) : Bien, en fait, je peux vous donner un exemple que j'ai présentement en maison d'hébergement, j'ai une femme qui a quitté le domicile familial il y a environ, je vous dirais, trois mois. Elle a quitté avec un enfant qui vit en situation de handicap. Elle n'a pas d'accès à la résidence. Monsieur, lui, travaille sur des runs, en bon québécois. Donc, il est à peu près absent 90 % du temps de la maison. La maison est vide. Il a changé les serrures de la maison. Donc, elle n'a aucun, aucun accès. Et en ce moment, elle est incapable d'avoir un accès à un avocat parce que c'est extrêmement difficile d'avoir accès à des avocats. En Abitibi, c'est encore pire. On a toute la proximité des gens. Il y a beaucoup de... La notion de conflit d'intérêts vient souvent nuire à la représentation des femmes.

Donc, c'est certain que, pour nous, un, dans... d'avoir la possibilité, là, d'avoir accès à des avocats de Rebâtir, ce serait vraiment fabuleux parce que ça augmenterait la possibilité d'être représenté, mais aussi que les avocats de mandat... de pratique privée accepteraient peut-être plus aussi les mandats d'aide juridique en contexte de violence conjugale, parce que ce sont des dossiers qui sont plus complexes, qui s'étirent sur plus longtemps. Moi, personnellement, j'ai suivi des dossiers sur de longues périodes où les avocats se sont retirés en disant : Écoute, je peux plus te représenter, ça n'a pas de bon sens, mes associés me disent : Ce dossier là... ils ont fait du gros trou avec ça, là. Donc, c'est très, très... ils le disent verbalement à la femme. Donc, c'est sûr que ça aurait des impacts importants, là, certainement dans les régions, probablement aussi dans les grandes instances.

M. Morin : Puis est-ce que... est-ce que j'ai bien entendu, vous êtes dans la région de l'Abitibi, est-ce que c'est exact?

Mme Allen-Lefebvre (Laurence) : C'est exact.

M. Morin : Et donc l'absence d'avocats qui prennent des mandats d'aide juridique, ça pose un enjeu tout à fait important en Abitibi, normalement... bien, en fait, présentement?

Mme Allen-Lefebvre (Laurence) : Bien, ça fait déjà plusieurs années que ça perdure, cette situation-là, mais c'est un enjeu, je vous dirais, primaire, c'est très, très important ici la... c'était des difficultés, là, quasi insurmontables. Les femmes finissent par être représentées par des avocats de l'extérieur qui prennent des mandats, mais ce n'est pas une représentation qui est aussi efficace, là. Donc, puis des fois il y en a qui n'arrivent tout simplement même pas à en trouver pendant... c'est des semaines de temps. Donc, c'est pour ça que le 30 jours n'est pas réaliste pour nous, les femmes ne peuvent généralement pas trouver un... un représentant, un avocat pour les défendre en 30 jours.

M. Morin : Puis, dans les dossiers, en général, bien, ça empêche des femmes à avoir accès à la justice.

Mme Allen-Lefebvre (Laurence) : À la garde des enfants....

Mme Allen-Lefebvre (Laurence) : ...à la garde des enfants, à la résidence, à un paquet de... de choses. Donc, toute leur vie est en suspend pendant ce temps-là, puis c'est une longue semaine que ça dure, là.

M. Morin : Parfait. Puis ces gens-là, évidemment, vivent des situations stressantes, on en convient.

Mme Allen-Lefebvre (Laurence) : Tout à fait.

M. Morin : Parfait. Je vous remercie. Il reste moins de temps, peut-être une question. Vous avez parlé de... évidemment, l'importance d'avoir des avis juridiques indépendants. La façon dont le projet de loi a été construit, c'est qu'on demande évidemment, pour certaines dispositions, qui soient faites par acte notarié. Il y a des notaires qui nous ont dit que c'était leur rôle, finalement, de conseiller les deux parties. D'une part, est-ce que vous pensez que, dans ce que vous vivez au quotidien, c'est... c'est des... il y a des limites à ça, d'une part? D'autre part, quand vous dites «un autre avis juridique», est-ce que vous laissez la discrétion au notaire de... finalement de voir s'il n'y a pas un conflit d'intérêts, puis là, lui ou elle va suggérer d'avoir un autre avis juridique ou vous préféreriez que ce soit inclus dans la loi spécifiquement?

Mme Allen-Lefebvre (Laurence) : Bien, je dirais que dans un monde idéal, si ça pouvait être inclus dans la loi pour s'assurer le plus possible que ce soient vraiment des conseils qui sont personnalisés à la personne qui devant nous. L'important, c'est... En fait, les femmes, de façon très générale, ne connaissent pas leurs droits du tout. Donc, il faut qu'il y ait une campagne de sensibilisation sur la connaissance des droits. Mais précisément dans ça, il faut que les femmes puissent vraiment prendre du recul et avoir la bonne information. Donc, il faut que ce soit un conseiller vraiment indépendant qui va être... qui va se pencher spécifiquement sur cette situation-là avec cette femme-là.

M. Morin : Eh bien, merci. Puis au niveau de l'information des... des droits, parce qu'on peut penser qu'avec la majorité que le gouvernement a en Chambre, ce projet de loi va être adopté, là. Ça, il n'y a pas il n'y a pas d'incertitude là-dessus. Qu'est-ce que vous suggérez comme séances ou périodes ou campagnes d'information qui pourraient venir, évidemment, de la part du gouvernement pour s'assurer puis profiter de l'avantage de l'adoption de ce projet de loi là pour véritablement informer les gens en union de fait, au Québec? Avez-vous des recommandations, des suggestions?

Mme Trou (Mathilde) : Oui. Mais déjà on a vu, quand le projet de loi est sorti, ça a été accompagné, là, de fiches explicatives qui... c'est très visuel, c'est de l'information qui est expliquée, qui est accessible dans un langage qui est clair, qui... qui... c'est ça, qui est facilement accessible. Donc, on pourrait imaginer, peut- être avoir un site Internet ou, en tout cas, qui est facilement trouvable aussi, parce que, c'est ça, il y a tellement d'informations qu'il faut s'assurer que quand on cherche, on tombe sur... sur le bon site Internet. On recommandait aussi, dans notre mémoire, d'aller faire peut-être des campagnes de.... de sensibilisation qui soient plus ciblées au niveau des cégeps, puisque... bien, c'est là où les... les jeunes adultes peuvent commencer à... à se mettre en couple. Donc, s'ils sont éclairés sur leurs droits à ce moment-là, bien, ça permettra après qu'ils fassent des choix aussi qui soient libres et éclairés au moment de... de vouloir se marier, ou, en tous cas si les couples en union de fait sont reconnus après une certaine période, bien, ils auront au moins tout... toute l'information à leur disposition à ce moment-là.

• (11 h 30) •

M. Morin : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Mercier pour 3 min 28 s, s'il vous plaît.

Mme Ghazal : Oui, merci beaucoup. Merci, mesdames, pour votre présentation, votre mémoire. C'est très instructif. Vous dites qu'il faudrait que les conjoints de fait, ceux qui ont des enfants ou pas d'enfant, qu'ils aient les mêmes obligations droits, mécanismes que les couples mariés. Est-ce que vous êtes aussi en faveur pour que le projet de loi s'applique pour ceux qui ont eu des enfants avant juin 2025, c'est-à-dire que pour pour tout le monde finalement? Vous êtes en faveur?

Mme Trou (Mathilde) : Oui, tout à fait, si... C'est pour vraiment éviter d'avoir des... des niveaux de protection qui soient variables d'un enfant à un autre en fonction de leur date de naissance ou en fonction du statut d'union de leurs parents. On est vraiment favorable à ce que ce soit le plus uniforme possible.

Mme Ghazal : O.K. Puis pour ce qui est de... de... C'est peut-être un élément qu'on a moins discuté, la fin de l'union. Est-ce que vous trouvez qu'il faudrait que, dans le projet de loi, on applique des critères autres que ceux qui sont déjà là sur c'est quoi la fin de l'union? Des fois, il peut y avoir une chicane, une petite séparation, puis après ça les gens reviennent ensemble. Ça serait quoi les critères? Est-ce qu'on devrait en définir d'autres que ceux qui sont déjà présents?

Mme Trou (Mathilde) : Mais ça, on en discutait avec... avec Laurence, puis elle me disait justement que parfois il y a des femmes... Souvent les femmes arrivent en maison d'hébergement, puis le conjoint, bien, parce qu'elles ont voulu quitter de manière sécuritaire aussi, ça fait que le conjoint n'est même pas au courant que la... la séparation est effective. Donc, c'est sûr qu'on trouvait dans le projet de loi que c'était une notion qui était floue, même quand il n'y avait pas de situation de violence conjugale. Mais pour des cas de violence conjugale, là, c'est sûr que ça peut venir créer une difficulté supplémentaire de déterminer à partir de...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

Mme Trou (Mathilde) : ...quand la séparation, ça... a été effective, mais n'étant pas juriste, on ne s'est pas avancées sur des mécanismes plus précis pour déterminer la séparation.

Mme Ghazal : O.K. Donc, il faudrait clarifier plus, que ça soit moins flou, mais il faudrait peut-être faire plus de recherche ou voir ce que d'autres intervenants ont dit par rapport à ça. Est-ce que vous êtes d'accord pour que la résidence principale soit exclue du droit de retrait?

Mme Trou (Mathilde) : Oui, tout à fait. Oui.

Mme Ghazal : Puis pourquoi? Si vous pouviez convaincre le ministre.

Mme Trou (Mathilde) : Bien, là encore, dans une optique de protection du conjoint le plus vulnérable, si on retire la résidence principale, si on permet de retirer la résidence principale du patrimoine, là, on vient vraiment créer un déséquilibre entre les deux conjoints. Et on le sait, que c'est la mère qui va en pâtir, parce que c'est le conjoint qui ressort le plus appauvri, souvent, d'une séparation. Donc, nous, on tend aussi pour que ce soient des mécanismes qui garantissent vraiment une séparation qui soit la plus équilibrée possible, puis, là encore, pour que les enfants obtiennent un niveau de vie qui soit encore semblable, qu'il soit chez son père ou qu'il soit chez sa mère.

Mme Ghazal : Là, je vous pose la question parce que ça peut aider après, c'est mon collègue qui va être à cette commission-là plus tard, lors de l'étude détaillée. Supposons qu'on donne le choix, là, dans un esprit de négociation, pendant l'étude détaillée du projet de loi, est-ce que vous... est-ce que c'est mieux d'enlever la résidence principale du droit de retrait ou d'ajouter, par exemple, les REER, et tout ça, dans l'ensemble, dans le patrimoine familial? Parce que... notre vie, c'est comme ça qu'on travaille. On ne peut pas tout avoir. Donc, je voulais avoir votre avis si... Ou vous préférez les deux, j'imagine, là, mais s'il fallait faire un choix.

Le Président (M. Bachand) :Rapidement, s'il vous plaît. Oui, allez-y.

Mme Trou (Mathilde) : ...on n'a pas...Oui, je pense qu'on n'a pas assez étudié les impacts pour...

Mme Ghazal : Je pense qu'il me reste peu de temps. Comment est-ce que vous qualifiez ce projet de loi?

Le Président (M. Bachand) :Il ne reste malheureusement plus de temps.

Mme Ghazal : Très bien. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Alors, M. le député de Jean-Talon, pour 2imin 38s.

M. Paradis : Merci beaucoup. Je vais continuer dans la foulée de ma collègue puis je vais vous poser une question difficile. J'espère que vous pourrez y répondre. Moi-même, je ne saurais pas trop comment y répondre, mais je vais vous expliquer en quelques secondes. La mission que votre organisation poursuit, elle nous tient vraiment toutes et tous à cœur, celle d'une meilleure protection des femmes victimes de violence conjugale, mais quand on regarde votre mémoire, avec 25 recommandations, particulièrement les recommandations 1, 2, 4 et 9, vous demandez, en réalité, au ministre d'aller complètement ailleurs avec son projet de loi. Et c'est rare que ça arrive, surtout lorsque le travail est appuyé par une commission qui a travaillé 10 ans puis qui est arrivée avec des recommandations. Si vous aviez un message, aujourd'hui, pour le ministre, pour nous, les députés de l'opposition qui allons dans l'étude détaillée, là, ce que vous diriez, ce qui est vraiment crucial, ça, là, il faut retirer ça, ou il faut vraiment avoir absolument ça... qu'est-ce que vous nous recommanderiez pour notre travail qui s'en vient? Le plus essentiel.

Mme Trou (Mathilde) : Bien, je pense que... c'est qu'au niveau du patrimoine qui est créé par l'union parentale, c'est qu'il faut absolument venir bonifier ce patrimoine d'une manière ou d'une autre. Et, sur le mécanisme de prestation compensatoire qui est inclus, si on reste avec ce mécanisme-là présent dans le projet de loi, on vient appauvrir les femmes à la fin de l'union. Donc là, après, c'est un choix de société qui doit être fait, mais, si... Le gouvernement a montré, là, que l'égalité hommes-femmes fait partie... faisait partie de ses priorités, donc là, je pense qu'on a vraiment un projet de loi qui viendrait spécifiquement montrer qu'on tend vers cette égalité-là en essayant d'en faire plus pour le conjoint le plus vulnérable, et c'est la femme.

M. Paradis : J'ai, entre autres, beaucoup aimé la partie où vous expliquez les déséquilibres et les inégalités qui persistent entre les femmes et les hommes, et je vois que vous insistez sur la question des fonds de retraite, et d'autres intervenants aussi nous ont parlé de ça. Est-ce que je peux suggérer que vous nous pointez notamment que c'est quelque chose sur lequel on pourrait travailler dans le patrimoine d'union parentale?

Mme Trou (Mathilde) : Exactement. Oui, oui, tout à fait. Surtout qu'on le voit, avec le contrôle économique, tout le contrôle coercitif, la femme, c'est bien souvent celle qui va s'occuper du domicile, s'occuper des enfants. Donc, c'est celle qui va cotiser le moins. À chaque congé maternité, elle va moins aussi avoir la possibilité de cotiser. C'est tout... tout...  tout le contrôle économique va vraiment impacter sur le patrimoine que la femme va pouvoir se créer tout au long de sa relation. Donc là, c'est sûr que c'est vraiment quelque chose qui est important, mais la résidence familiale, pour nous, pour les femmes victimes de violence conjugale, ça, c'est aussi quelque chose qu'on tient à mettre de l'avant parce que c'est important pour la stabilité des enfants aussi, dans des séparations qui sont difficiles, de pouvoir leur maintenir quand même des conditions de vie stables.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le député Jean-Talon. Mesdames, merci beaucoup d'avoir été avec nous. C'est très, très, très apprécié. Sur ce, je suspends les travaux quelques instants pour...

Le Président (M. Bachand) :...accueillir le prochain groupe. Merci.

Des voix : Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 11 h 38)

(Reprise à 11 h 40) 

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, c'est avec grand plaisir qu'on reçoit les représentants et représentantes de la Chambre des notaires du Québec. Merci beaucoup d'être avec nous. Alors, je vous inviterais d'abord à vous présenter puis à débuter votre présentation, s'il vous plaît. Merci.

M. Larivière (Bruno) : Bonjour, je suis Bruno Larivière. Je m'excuse, je n'ai pas bien entendu, vous voulez qu'on démarre...

Le Président (M. Bachand) :Tout simplement vous présenter les quatre, oui.

M. Larivière (Bruno) : Ah! O.K. Donc, j'ai à mes côtés... Donc, Bruno Larivière, je suis président de la Chambre des notaires, je suis notaire évidemment, je suis accompagné de Me Laurent Fréchette, notaire émérite et expert en droit des personnes et de la famille, je suis également accompagné de Me Brigitte Roy, notaire émérite et chargée d'enseignement à la Faculté de droit de l'Université Laval, et de Me Catherine Boily, qui est notaire, évidemment, et responsable des relations institutionnelles du présent dossier à la Chambre des notaires. Donc, M. le Président, M. le notaire général et ministre de la justice, Mmes, MM. les députés, je vous remercie de nous accueillir aujourd'hui.

Depuis plus de 10 ans, la Chambre des notaires multiplie les démarches afin que le législateur initie le grand chantier de la réforme du droit de la famille. Nous sommes très heureux de constater que nous avons été entendus par le ministre de la Justice depuis les dernières années et qui, avec le dépôt du projet de loi n° 56, fait preuve, encore une fois, de leadership pour adapter notre droit civil aux réalités des familles québécoises. La Chambre remercie et appuie le projet de loi n° 56.

Elle souhaite également souligner l'apport significatif depuis plusieurs années du notaire et professeur Alain Roy. Il a présidé le Comité consultatif sur le droit de la famille qui a déposé son rapport à 2015. Cette véritable pièce maîtresse a servi de jalon déterminant pour la suite du dossier de cette grande réforme. Il a également co-présidé la Commission citoyenne mise en place par la Chambre en 2018. Me Roy, au nom de tous les notaires, merci.

Par notre intervention et la présentation de nos recommandations formulées à notre mémoire, nous ne souhaitons qu'enrichir un projet de loi qui, pour nous, permet aux enfants de bénéficier d'une protection de la loi afin de minimiser les conséquences de la séparation de leurs parents qui sont conjoints de fait. Pour notre analyse du projet de loi, nous avons été guidés par trois principes directeurs. Tout d'abord, celui de la protection de l'enfant, qui est d'ailleurs, si notre compréhension est bonne, l'objectif premier du projet de loi, ensuite le deuxième principe est la protection légale des familles par l'apport du notaire, qui, rappelons-le, est officier public, conseiller juridique...

M. Larivière (Bruno) : ...auxiliaire de justice et un intervenant de première ligne en matière de droit familial. Et finalement, le troisième principe est celui du droit préventif, qui permet notamment d'éviter les situations conflictuelles et de désengorger notre système de justice. Le tout dans la plus pure tradition civiliste.

Permet... permet moi... permettez-moi donc de vous présenter certaines de nos recommandations. En premier lieu, nous vous signons notre recommandation cinq à l'effet d'accorder à tous les enfants, qu'ils soient déjà nés ou à naître, les mesures de protection concernant la résidence familiale. Cette mesure, appliquée à tous les enfants, permettrait d'éviter de les déraciner de leur milieu, notamment lors d'une séparation des parents, sans égard au statut conjugal de ceux-ci.

Ensuite, nous remarquons que le projet de loi n° 56 n'inclut aucune disposition concernant le choix qui peut être fait par les conjoints de fait qui sont déjà parents de se soumettre au régime d'union parentale d'un commun accord. Bien que ce choix reste possible sans qu'une disposition légale ne le permette, nous recommandons une disposition spécifique au projet de loi n° 56, à cet effet, et ce pour les raisons suivantes. Tout d'abord, prévoir une disposition viendrait informer les conjoints qu'ils peuvent s'y soumettre. Cela n'est pas anodin, sachant qu'actuellement ils sont moins de 8 % des conjoints de fait à rédiger un contrat de vie commune, malgré le fait qu'il s'agit d'un outil préventif aidant à planifier les conséquences d'une séparation et ainsi d'éviter d'éventuels litiges.

Ensuite, et surtout, cette disposition est nécessaire pour venir encadrer la manière de se soumettre aux dispositions de la loi. Nous recommandons que cette adhésion volontaire soit constatée exclusivement par acte notarié en minutes, comme c'est le cas actuellement pour le contrat de mariage et le contrat d'union civile, évitant ainsi les débats et litiges quant à l'existence de l'union parentale et sa composition au moment d'une séparation.

Cela nous amène à la question de l'autonomie décisionnelle. À ce sujet, la chambre est en accord avec le choix du législateur de protéger la liberté contractuelle des conjoints en union parentale, mais, comme le législateur, nous sommes d'avis que la liberté... que cette liberté contractuelle doit être encadrée afin de protéger adéquatement les conjoints et ultimement les enfants. Le législateur exige en effet que la modification qui vise à exclure un bien du patrimoine d'union parentale, ainsi que le choix de se retirer de ce patrimoine soit signée par acte notarié en minutes. Nous remercions le législateur de faire confiance au notaire en misant sur le rôle d'officier public d'un conseiller juridique et de juriste de proximité de nos familles. Le public bénéficie du meilleur encadrement juridique possible auprès du professionnel du droit, avec lequel il aura souvent déjà établi un lien de confiance. Le notaire est présent tout au long de la vie familiale des conjoints, notamment lors de l'achat d'une première propriété et à la naissance ou à l'adoption d'un enfant, moments souvent choisis pour rédiger un testament et un mandat de protection.

La chambre, dans sa mission de protection du public, recommande toutefois d'élargir l'utilisation de l'acte notarié. Si notre compréhension est bonne, le projet de loi semble permettre aux conjoints non pas uniquement de retirer un bien du patrimoine d'union parental, mais également d'en ajouter. Ainsi, nous recommandons que le législateur précise la possibilité d'ajouter un bien au patrimoine parental afin que les protections légales trouvent également application aux biens ajoutés par voie contractuelle.

Afin de prévenir tout litige, nous suggérons que toute modification à la composition du patrimoine d'union parental, qu'il s'agisse de l'ajout ou du retrait d'un bien, soit constatée par un acte notarié en minutes. Il s'agit de notre recommandation huit. Autrement, la chambre appréhende que la preuve de l'inclusion d'un bien et de sa valeur nette puisse être difficile à faire lorsque le conjoint voudra faire valoir ses droits lors de la dissolution de l'union parentale et du partage de son patrimoine.

Je me permets d'ajouter quelques mots quant à la composition du patrimoine parental qui, selon nous, devra inclure... devrait inclure, pardon, les résidences de la famille, qu'elles soient principales ou secondaires, comme en matière de patrimoine familial, de façon notamment à éviter les litiges quant à la qualification des résidences. Ensuite, toujours en matière d'union... de patrimoine d'union parental, nous invitons le législateur à la possibilité de ne pas permettre aux conjoints de se retirer de ce patrimoine pendant l'année suivant le début de l'union, ce qui, dans la très grande majorité des cas, se produira à la naissance de l'enfant. Il est plus que probable et tout à fait normal que les parents se consacreront davantage au bien-être de leur enfant et de la famille durant les premiers mois qu'aux considérations légales de leur union. Cette période tampon d'une année réduirait ainsi la pression d'avoir à prendre position rapidement face à un enjeu de taille que celui d'adhérer ou non au régime d'union parental. Un retrait dans les 90 jours suivant cette période d'un an ferait en sorte que le patrimoine d'union parental serait réputé n'avoir jamais été constitué.

Finalement, nous recommandons de prévoir un système d'inscription de la formation et de la fin de l'union parentale en ajoutant au Code civil une habilitation réglementaire pour la mise sur pied d'un registre. La création de ce registre vise à privilégier une justice préventive, à éviter les litiges et les recours aux tribunaux. Sans ce registre...

M. Larivière (Bruno) : ...l'application du projet de loi n° 56 pourrait être difficile et mener à une judiciarisation de certaines situations. Par exemple, lors de la... lors d'une transaction immobilière avec un citoyen, le notaire pourrait se retrouver dans une situation délicate s'il n'est pas en mesure d'identifier objectivement un conjoint partie à l'union parentale dont le consentement serait nécessaire.

Par ailleurs, lors du règlement d'une succession sans testament, à défaut de la preuve d'une date certaine du début et de la fin de l'union, il pourrait être très difficile d'identifier les successibles, ce qui peut mener à bien des litiges qui seraient autrement évitables.

En matière de succession. La chambre encourage le législateur à entamer une réflexion globale en considérant les nouvelles réalités familiales et conjugales de la société québécoise. La chambre invite la commission à consulter son mémoire, qui inclut plusieurs autres recommandations, dont celle qui vise à créer un comité de mise en œuvre interdisciplinaire du projet de loi n° 56. La chambre réitère son habituelle pleine collaboration au ministre dans le cadre de sa réforme du droit de la famille, et nous sommes disponibles pour répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Me Larivière, merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Me Larivière, Me Fréchette, Me Roy, Me Boily, bonjour. Vous me permettrez de saluer monsieur... Me La Rivière, nouveau président de la Chambre des notaires. Donc, félicitations pour votre élection et nous vous souhaitons un bon mandat à titre de président de la Chambre des notaires. Et bienvenue à l'Assemblée nationale. Je crois que c'est votre première fois comme témoin, alors on va essayer de ne pas harceler le témoin comme à la cour.

Écoutez, d'entrée de jeu, je remercie la chambre pour votre mémoire, pour votre travail également au cours des nombreuses années, pour la réforme du droit de la famille. Je pense que c'est un aboutissement qu'on vit également. Vous me permettrez moi aussi de remercier Me Roy, je suis bien conseillé, ainsi que les équipes du ministère de la Justice qui travaillent à pied d'œuvre depuis de nombreuses années sur cette réforme-là.

Écoutez, d'entrée de jeu, là, on a eu plusieurs commentaires, on permet... on va permettre au notaire d'instrumenter l'acte qui va faire en sorte que si les gens souhaitent se retirer du patrimoine d'union parentale de le faire par acte notarié en allant voir un notaire après la naissance d'un nouvel enfant survenu après le 30 juin 2025. Certains témoins nous ont dit : Écoutez, c'est problématique parce que les notaires ne sont pas en mesure de conseiller juridiquement les parties. Les notaires ne sont pas formés pour détecter s'il y a présence de violence conjugale. Les notaires ne sont pas en mesure d'apprécier adéquatement le consentement libre et éclairé. Bon, je paraphrase, là, mais je voudrais entendre la chambre relativement à notamment ces trois éléments-là, à savoir : Est-ce que les notaires sont outillés pour réaliser la mission que l'État québécois veut leur confier?

• (11 h 50) •

M. Larivière (Bruno) : Donc, M. le ministre, il y a plusieurs éléments dans votre question. Je vais répondre à une partie de votre question et ensuite laisser mes collègues répondre. Je vais saisir l'occasion de cette question pour rappeler aux parlementaires le rôle d'officier public impartial qui, en Amérique du Nord, est unique à notre écosystème juridique. En tant qu'officier public les notaires doivent faire preuve évidemment de la date du lieu, l'identité, de la capacité et du consentement libre et éclairé. Donc, on doit prendre tous les moyens pour s'assurer de ce fait. Contrairement à ce qu'on a pu entendre de certains groupes ici, le notaire ne donne pas de l'information comme un médiateur, il donne des conseils juridiques. La loi lui impose de conseiller toutes les parties aux actes qu'il reçoit en toute impartialité. L'impartialité de l'officier public, ce n'est pas synonyme de neutralité passive. Le notaire doit être proactif pour s'assurer que chaque partie dont les intérêts sont opposés, divergent, reçoive les conseils appropriés.

Écoutez, j'étais praticien jusqu'à il y a un mois, on va dire, et lorsqu'on reçoit une signature, et ça, peu importe le type de dossier ou d'acte qui est devant nous, on a toujours le devoir d'ajuster nos explications, nos conseils. C'est au cœur de notre mission de conseiller juridique impartial. À de très nombreuses reprises dans ma pratique privée, j'ai exigé de rencontrer une des parties de façon individuelle pour m'assurer de son consentement libre. Et je ne parle pas seulement en termes de contrat de mariage ou de conjugalité, on peut penser à presque tout acte qui a plus qu'une partie, les intérêts sont nécessairement opposés, un simple acte de vente, on peut aller jusqu'à une hypothèque. Donc, notre rôle d'officier public est constamment à l'avant dans chacun de nos dossiers...

M. Larivière (Bruno) : ...donc, on semble présenter l'opting out comme quelque chose de nouveau puisque les intérêts divergent, mais, ceci étant dit, comme je vous dis, on a... on a vraiment régulièrement des dossiers où les parties ont des intérêts divergents, que ce soit une donation, une renonciation, un contrat de mariage, etc. Donc, ceci étant dit, la chambre comprend la préoccupation et est consciente de la sensibilité des intérêts opposés possibles dans un couple. Et, pour ces raisons, on a déjà entamé des discussions et on envisage l'adoption d'éventuelles lignes directrices pour encadrer le travail du notaire lorsqu'il est en présence de conjoints qui se situent dans les circonstances visées par le p.l. 56. Et ces lignes directrices pourraient, entre autres, prévoir que le notaire devra tenir une rencontre individuelle avec chacun des conjoints avant une éventuelle rencontre de signature, où, évidemment, les deux seront présents. Donc, on tient à rassurer les parlementaires qu'il y a des moyens autres qu'une modification au projet de loi pour s'assurer de l'obtention d'un consentement libre et éclairé des parties. Et je vais inviter Me Boily peut-être à compléter ma réponse.

Mme Boily (Catherine) : Oui. Merci, M. le Président. Peut-être juste pour compléter. Ce que notre président a mentionné, c'est que l'adoption de lignes directrices, ce n'est pas nouveau. Ça ne serait pas nouveau pour la Chambre. On l'a déjà fait déjà en novembre 2022 avec l'adoption de lignes directrices pour encadrer les notaires dans leur devoir lorsqu'il y a des personnes en situation de vulnérabilité. Ces lignes directrices là prévoient notamment des façons de repérer les indices qui pourraient amener le notaire à percevoir des situations de vulnérabilité. Et on pense, entre autres, le désir de signer rapidement. Ensuite de ça, le refus de s'exprimer par une des parties, un comportement qui change de manière radicale entre deux parties lorsque le notaire explique et conseille les deux parties. Une fois que ces indices-là sont repérés, bien, on valide ensuite les... les indices auprès des parties. Et c'est là que ces lignes directrices là, actuellement, de novembre 2022, mentionnent que le notaire doit discuter seul à seul avec chacune des... de la partie qu'il pense qui est en situation de vulnérabilité et même se renseigner sur le contexte familial.

Donc, je veux juste vous indiquer puis vous rassurer que ça existe déjà. Mais, compte tenu de la préoccupation qui semble ici se... avoir, on va aller plus loin. Donc, la chambre va aller plus loin. La chambre va émettre des nouvelles lignes directrices par rapport à la... aux couples en situation de conjugalité, là. Donc, les couples. Et on va arriver avec des normes qui... qui amènent les notaires à aller consulter, donner leurs conseils juridiques de façon séparée. Au niveau...

M. Jolin-Barrette : Une sous question rapport à ça.

Mme Boily (Catherine) : Oui.

M. Jolin-Barrette : Donc, sur toute la question de l'identification d'une personne qui est victime de violence conjugale, vous, vous considérez que vos notaires vont être en mesure de le détecter?

Mme Boily (Catherine) : Bien, écoutez, si je peux me permettre, M. le Président, au niveau de la formation, on se comprend, c'est des changements majeurs ici, le projet de loi n° 56, les notaires vont recevoir de la formation. On vous le garantit, ils vont recevoir de la formation non pas uniquement au niveau des... des notions, des nouvelles notions du projet de loi n° 56, mais aussi en termes de détection de la violence. On va aller encore plus loin, la violence physique, violence verbale, la violence psychologique. On parle notamment, exemple, de pouvoir détecter des situations de captation, de détecter des situations de manipulation. Donc, on a... on a... on a l'obligation, comme ordre professionnel, et on va le faire, de s'assurer que les notaires sont formés à cet égard.

M. Jolin-Barrette : O.K. Peut-être sur un autre sujet. Pourquoi vouloir ajouter les résidences de la famille à l'article 521.30, au lieu que ce soit la résidence familiale qui soit dans le patrimoine de l'union parentale?

M. Larivière (Bruno) : Donc, je vais inviter Me Roy à répondre à la question.

Mme Roy (Brigitte) : Alors, on sait qu'en lisant, là, les dispositions relatives au patrimoine d'union parentale, on voit que c'est assez calqué sur ce qu'il y a dans le patrimoine familial, à l'exception, bon, des fonds... des fonds de retraite. Maintenant, considérant le fait que des conjoints en union parentale peuvent avoir notamment des domiciles distincts, la vie les amène peut-être dans des régions différentes, on fait du télétravail peut-être au chalet, peut-être à la maison. L'appartement en ville est peut-être le pied à terre. Alors, il pourrait y avoir une confusion dans les genres de toute façon. Et considérant que c'est le caractère familial autour de ça, on croit qu'on devrait inclure toutes les...

Mme Roy (Brigitte) : ...résidences de la famille pour créer et éviter, là, qu'il y ait de la confusion et éventuellement éviter des litiges, quant à la qualification des résidences.

M. Jolin-Barrette : O.K. Et peut-être dernière question avant de céder la parole à mes collègues, là. Vous souhaitez qu'on étende le délai de 30 jours pour faire en sorte d'assurer l'attribution ou la protection de la résidence familiale. Ça serait quoi, un délai que vous souhaiteriez qu'il soit étendu là? On devrait mettre ça à combien de jours si ce n'est pas 30 jours?

M. Larivière (Bruno) : Je vais laisser Me Fréchette répondre à la question.

M. Fréchette (Laurent) : On trouve le délai trop court. Définitivement, 30 jours, quand on est dans une situation de rupture où on à faire un partage de biens, où on a possiblement avoir une garde qui aura à être discutée, échangée, où on a à se préoccuper si on va faire valoir nos droits pour, par exemple, avoir un droit d'usage de l'immeuble, c'est définitivement un délai trop court. Écoutez, si vous nous demandez un délai, on pense que 6 à 12 mois, c'est quelque chose qui est plus normal pour permettre vraiment aux gens de pouvoir se réajuster. Il y a lieu de s'y arrêter à réfléchir, mais définitivement, 30 jours, c'est beaucoup trop court.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je vous remercie pour la présentation de votre mémoire en commission parlementaire, puis je cède la parole. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :...Mme la députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré, s'il vous plaît.

Mme Bourassa : Merci beaucoup. À vous entendre, je suis une denrée rare. Dans mon couple, on a un contrat... un contrat de couple, en fait, et ça ne semble pas la norme, selon ce que j'ai entendu. C'est quoi, 8 % des couples qui ont ça?

Une voix : ...oui.

Mme Bourassa : J'aimerais savoir, en fait, la nécessité de cette loi. Qu'est-ce que vous constatez? Parce que vous êtes les mieux placés, c'est vous qui recevez souvent les couples, soit à la suite d'un décès, à la suite d'une séparation. Quand les règles ne sont pas claires, quelles situations fâcheuses vous avez vues qu'on pourrait éviter justement avec ce projet de loi là?

M. Larivière (Bruno) : D'un point de vue par rapport aux résidences, c'est certain qu'on va venir échapper certain nombre de... pas... réchapper, plutôt, on va venir réchapper des situations où il y a des conjointes... pour de longues périodes, pour différentes raisons, ils ne sont pas propriétaires de la résidence, c'est certain. Ceci étant dit, il y a beaucoup, beaucoup de couples... Aujourd'hui, on constate que les deux conjoints sont déjà propriétaires, notamment les dernières années, avec le prix des résidences, évidemment, qui a explosé. Au niveau successoral, peut-être je vais laisser répondre Brigitte... Me Roy, pardon.

• (12 heures) •

Mme Roy (Brigitte) : Bon, l'article 6 du projet de loi n° 56 veut modifier l'article 613 du Code civil pour permettre au conjoint survivant en union parentale, donc, de lui donner le statut de successible ou d'héritier, et, il faut le redire, c'est en l'absence de testament. Cet article-là, oui, il est intéressant, mais on comprend en même temps qu'un conjoint décédé peut avoir enlevé ou nié ce droit-là à ce conjoint survivant là, sauf pour le partage du patrimoine d'union parentale. Bon, là, par rapport... puisqu'on parle, donc, de l'article 613, je voudrais peut-être enchaîner pour souligner que le législateur propose que ça s'adresse aux conjoints en union parentale, ça l'aurait lieu que pour des conjoints avec enfants qui faisaient vie commune depuis plus d'une année avant le décès. Mais pourtant, tout le régime d'union parentale, c'est basé sur l'arrivée d'un enfant. L'article 6, lui, bien, ajoute un critère de durée de vie commune pour finalement qualifier le conjoint survivant. Alors, ça va poser la difficulté de déterminer, bon, quand est-ce que la vie commune a commencé. Si on rattachait ça à la naissance ou à l'adoption d'un enfant, c'est un événement qui est certain, alors ça, ça ne créerait pas, donc, de problème. Et, encore là, je reviens avec la question de la vie commune, quand on sait que des conjoints peuvent avoir des domiciles, des domiciles distincts, sans pour autant ne pas faire vie commune. Alors, sur la question de la vocation successorale, qui peut être un élément qui peut être intéressant, encore là, bien, à défaut de testament, ce qui veut dire, donc, que la portée de l'article, elle est... elle est limitée, quelqu'un peut avoir fait, donc, un testament. Alors donc, on pense que, sur la question de la vocation successorale, la naissance ou l'adoption d'un enfant devrait être le seul critère, sans égard à la durée de vie commune des parents, avant le décès, là, de l'un... d'eux, pardon.

Mme Bourassa : ...

Le Président (M. Bachand) :Oui. Mme la députée de Laval-des-Rapides.

Mme Haytayan : Merci, M. le Président. Bonjour, Me Larivière, Me Fréchette, Me Roy, Me Boily, merci pour votre temps. Je me demandais : Que pensez-vous des mesures pour contrer la violence...


 
 

12 h (version non révisée)

Mme Haytayan : ...judiciaire en cas de séparation? Si vous pouvez développer sur la question, sur l'importance aussi d'encadrer, bon, l'abus de procédure, entre autres.

Une voix : Je vais laisser Me Boily répondre.

Mme Boily (Catherine) : Donc, merci pour votre question. Écoutez, violence judiciaire, c'est un nouveau concept, hein, qui est arrivé il n'y a pas très longtemps, mais qui existe depuis bien longtemps. Donc, on ne peut qu'appuyer le projet de loi n° 56, qui donne des nouveaux outils aux tribunaux pour venir... bien entendu, leur donner des outils pour s'assurer que la violence judiciaire n'existe plus.

Mme Haytayan : O.K. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Deux minutes pour M. le député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Vous êtes trop bon pour moi, M. le Président. Bonjour à tous les quatre. On a beaucoup parlé... Vous êtes les derniers à passer, donc vous avez probablement entendu aussi, d'un certain équilibre, même si je me le suis fait dire je ne sais pas combien de fois, le législateur est souvent en retard sur la société, puis la Loi sur la famille est en retard sur les lois, donc... puis là on essaie de se rattraper. On a beaucoup parlé d'équilibre. Vous... J'ai bien noté que le patrimoine... On est rendu plus moderne peut-être qu'on pense, là, en pensant seulement à la maison familiale, puis que le reste, c'est... c'est peut-être plus commun qu'on pense. Mais par rapport à cet équilibre-là, le gros argument, c'est toujours de dire : Bien, il y a déjà le mariage. Pourquoi on n'aurait pas, avec ce régime parental, une autre voie? Pourquoi... Pourquoi est-ce qu'on doit se recentrer le plus possible... se... s'en aller le plus possible vers la même chose que le mariage en terme légal, même si je comprends que fiscal, c'est ça, et tout le reste? Je sais que c'est une question très large, mais je... j'essaie seulement de... de ramener les choses à un essentiel de votre point de vue.

M. Larivière (Bruno) : Bien...

Le Président (M. Bachand) :...

M. Larivière (Bruno) : ...si je comprends bien votre question, on comprend que le... le ministre a voulu respecter le principe de la liberté contractuelle, et je considère que ça reste important que les citoyens aient le choix entre différentes options par rapport à la régie des affaires juridiques de leur couple. Donc, le mariage, l'union civile continue d'exister avec des... des différents régimes matrimoniaux, et ce régime s'ajoute aux autres. Donc, je ne sais pas si je réponds à votre question.

M. Lemieux : C'est en plein ça, puis c'est la dernière réponse qu'on va avoir après... avant l'opposition.

Le Président (M. Bachand) :Merci. M. le député de l'Acadie, 13 min 52 s, s'il vous plaît.

M. Morin :Merci... Merci, M. le Président. Alors, Me Larivière, Me Fréchette, Me Roy, Me Boily, merci pour votre passage en commission parlementaire. Merci également pour votre mémoire, et, Me Larivière, félicitations pour votre nouveau poste, et je vous souhaite la meilleure des chances dans le cadre de vos nouvelles fonctions.

On a eu avec les groupes précédents beaucoup de discussions sur le patrimoine de l'union parentale, ce qui doit... en fait ce qui doit le composer ou pas. Peu de temps... bien, en fait, ce matin, un petit peu... peu de temps avant vous, il y a le Barreau du Québec, la bâtonnière qui est venue... qui est venue nous parler. Et finalement, eux, ce qu'il suggérait, c'est que ce serait à peu près calqué sur le patrimoine familial, donc inclure évidemment les REER, les fonds de pension, etc., mais avec la possibilité de se soustraire du... du régime. Parce qu'on nous explique qu'au fond, dans la majorité des cas... puis je ne sais pas si c'est ce que vous voyez dans votre pratique, mais les avoirs que les gens ont, en général, là, bien, c'est ça, un peu... une résidence familiale, quelques résidences, leur fonds de pension, etc. Bon. Pensez-vous que ça... ça permettrait de mieux équilibrer les... les... les deux conjoints qui sont en union de fait ou si ça va trop loin? J'aimerais ça vous... vous entendre là-dessus parce que j'essaie de... j'essaie de trouver un consensus entre les groupes puis je vous avouerai qu'à ce niveau-là c'est pas mal éclaté, ça va à gauche et à droite.

M. Larivière (Bruno) : Moi, ce que j'ai entendu du ministre lors de la présentation du p.l. 56 dans la conférence de presse, c'est que le projet de loi n° 56, le principe directeur de base, c'est l'intérêt de l'enfant. À partir de là, est-ce qu'il y a les régimes de retraite, les REER et autres vont dans le sens de l'intérêt de l'enfant, où on peut présumer que lorsque ces sommes-là seront utiles, bien, règle générale, les enfants auront peut-être quitté le giron familial? Aussi, en incluant ces actifs-là dans le patrimoine d'union parental, est-ce qu'on vient un peu diminuer la liberté contractuelle des Québécois, Québécoises? Et j'ai entendu également le ministre en conférence de presse également dire qu'il ne voulait pas marier de force les Québécois, les Québécoises. On s'y rapprocherait un peu en incluant ces biens-là. Toutefois, je ne sais pas si Me Roy voulait ajouter quelque chose.

Mme Roy (Brigitte) : Bien, en fait, moi, j'étais notaire quand que la Loi favorisant...

Mme Roy (Brigitte) : ...l'égalité économique entre les époux a été adoptée en 1989. L'objectif de cette loi-là était de favoriser cet équilibre-là entre les conjoints. La présente loi vise à réformer le droit de la famille avec, au cœur de la réforme, l'enfant. Alors, c'est des objectifs qui sont différents. Alors, on prétend que cerner l'intérêt de l'enfant, l'intérêt immédiat de l'enfant, des parents qui l'ont... qui l'ont vu naître ou qui l'ont adopté, alors c'est directement en lien avec le sujet de cette loi-là. Et on ne pense pas qu'on doive aller, jusqu'à présent, là, dans le sens de calquer complètement, là, le patrimoine d'union parental sur le patrimoine familial.

M. Morin :Je vous remercie. Je suis d'accord avec vous, Me Larivière et Me Roy. C'est effectivement ce que le ministre a dit, c'est son objectif. La beauté d'être un député, c'est qu'on n'est pas toujours obligé de suivre le ministre. Puis, des fois, on veut même, comme législateurs, aider à la bonification d'un projet de loi. D'où ma question... Parce qu'effectivement il y a des groupes qui nous ont dit... bien, c'est un peu toujours... Ça a été évoqué aussi, ça fait longtemps qu'on n'a pas touché à ce type d'union là au Québec. Bien, tant qu'à y être, allons-y, essayons d'améliorer les choses. Donc, ma question était dans ce sens-là. Je vous vous remercie, je vous remercie pour la réponse.

Maintenant, on est d'accord, c'est ce que le ministre a dit quand il a présenté son projet de loi. C'était avant tout pour l'enfant, c'est la pierre angulaire du pl 56. Je suis prêt à considérer ça, mais où j'ai un peu de difficulté, c'est que ça va s'appliquer à l'enfant, mais après le 29 juin 2025. Alors, si la pierre angulaire, c'est l'enfant, pourquoi on ne l'applique pas aux enfants maintenant?

M. Larivière (Bruno) : Je vais laisser Me Fréchette vous répondre.

• (12 h 10) •

M. Fréchette (Laurent) : À vrai dire, il y a un choix qui a à être fait. Il y a un moment où on doit démarrer ce qui en est, de distinction à faire. Et le projet de loi se veut très clair de protéger les gens pour qu'on puisse voir qu'est-ce qu'il en est. Et c'est la raison pour laquelle on souhaite donner la possibilité que les couples qui souhaiteraient vouloir adhérer aient la possibilité de demander à adhérer au projet de loi. Mais il en demeure que les enfants sont tous égaux entre eux et l'obligation alimentaire qui résulte du devoir que les parents ont envers leurs enfants est toujours là, même si ça se trouve à s'appliquer par la suite.

De la même façon que l'autorité parentale, on peut avoir qu'il n'y a pas de distinction, peu importe le moment où l'enfant vient au monde. On croit que d'arriver avec des effets rétroactifs ferait en sorte de venir modifier le rapport que les couples ont pu avoir dans leur autonomie décisionnelle. De pouvoir décider de la forme que leur couple va prendre et des ententes qu'ils vont avoir entre eux, on se retrouverait à les forcer à aller dans une voie qu'ils n'ont pas nécessairement choisie. En l'annonçant d'avance et en voyant qu'est-ce qu'il en est, on pense que ça répond mieux à cette... à cette vision-là.

M. Morin :Pourtant, dans votre mémoire, à la page 17, vous vous interrogez... en fait, vous vous questionnez sur l'objectif recherché par le législateur et vous suggérez: «N'y aurait-il pas lieu d'appliquer ces mesures de protection également pour les conjoints de fait qui ont un enfant commun avant même l'entrée en vigueur?» Puis, en fait, je vous dirais, honnêtement, tout comme vous, je me questionne. Je comprends que le ministre fait des choix politiques, ça lui appartient. Moi, comme membre du Parlement, j'essaie de voir ce qui est le mieux pour l'ensemble du bien commun.

Donc, je me dis: Est-ce qu'il y a un manque de cohérence? Est ce qu'il n'y aurait... ce ne serait davantage préférable, pas d'avoir un effet rétroactif pour l'appliquer, le projet de loi, à des couples qui sont en union de fait depuis sept, huit ans, là, ou, en fait, pour venir corriger des situations qui sont arrivées il y a je ne sais pas combien d'années. Mais si on parle plus d'une application immédiate, donc ça couvrirait, ma compréhension, l'ensemble des enfants qui sont nés de personnes en union de fait.

M. Fréchette (Laurent) : Alors, définitivement, il y a un choix qui est fait de la part du législateur. Puis ce que vous référez à notre mémoire porte essentiellement sur la protection de la résidence familiale. Et, au fond, nous, on fait une distinction entre les résidences... la résidence familiale dans le patrimoine parental versus la protection de la résidence familiale où un couple qui est propriétaire d'un immeuble ou qui demeure dans un appartement ne peuvent pas disposer sans avoir le consentement du conjoint. Et on voit, dans cette protection-là, quelque chose qui devrait dépasser la notion d'accumulation de patrimoine ou de choix de patrimoine que le couple...

M. Fréchette (Laurent) : ...va avoir, alors que cette protection-là assurerait à tout le monde d'être protégé. Et c'est quelque chose qui avait été mis en place, là, dès le début des années 80, avant même le patrimoine familial. Donc vraiment, on pense que ça peut être une plus-value que de venir le ramener à l'ensemble des couples. Mais c'est un choix du législateur, bien entendu.

M. Morin : Je vous remercie. Il y a plusieurs groupes aussi. En lisant l'article 521.22 du projet de loi sur la fin de l'union parentale, le législateur a choisi d'utiliser les mots «manifestation expresse ou tacite». Vous, vous suggérez «manifestation non équivoque». Plusieurs groupes nous ont dit que ce serait peut-être mieux d'utiliser une expression comme «cessation de la vie commune» qui, si mon souvenir est bon, est déjà utilisée dans le Code civil à l'article 417 pour éviter une multitude d'interprétations. Est-ce que vous ne pensez pas qu'utiliser une expression qui est déjà consacrée comme la «cessation de la vie commune», ça ne serait pas préférable? Parce qu'évidemment, en créant ou en adoptant une loi, on ne veut pas multiplier des recours judiciaires, on veut essayer d'en... de les diminuer le plus possible. Et pourquoi vous arrivez avec «manifestation non équivoque?

M. Fréchette (Laurent) : Je vais laisser Me Roy répondre.

M. Morin : Merci.

Mme Roy (Brigitte) : Bon, en fait, la question de tacite, on comprend que les dictionnaires juridiques nous disent que c'est quelque chose qui n'est pas formellement exprimé, qu'on peut en déduire des faits. Alors, déjà, ça, ça crée problème que de se retrouver à devoir déduire des conséquences juridiques d'une situation non formellement établie. Le code utilise le mot, le mot «tacite», mais finalement c'est toujours les tribunaux qui finissent par dire ce qui est tacite puis ce qui ne l'est pas. Donc, on voudrait, par exemple, qu'un proposant que ce soit non équivoque. Ce qu'on veut, c'est d'éviter, là, de judiciariser l'interprétation des faits. «Cessation de vie commune», oui, il y a aussi de la jurisprudence, mais on pourrait faire encore mieux, peut-être, ou on pourrait, en disant «de façon non équivoque», penser à, par exemple, une déclaration notariée ou une déclaration assermentée, une notification à l'autre conjoint, une inscription à un registre, une espèce de présomption de notoriété publique de certains faits. En somme, tout sauf ce qui serait tacite, de façon à éviter d'en arriver, par exemple, à ce que la modification du statut Facebook, par exemple, ou du même genre, engendre des conséquences juridiques par son effet pervers, là, de «tacite».

Alors, je pense que «non équivoque» c'est déjà utilisé dans le Code civil. Alors, ce qui n'est pas ambigu, je pense qu'on serait capable, là, de s'en sortir avec ça facilement, sans aller non plus vers la «cessation de vie commune». Parce que quand est-ce que c'est fini exactement? On proposerait des moyens plus sûrs, plus certains d'établir de façon non équivoque cette chose-là, puis qu'on évite de tomber dans les choses tacites.

M. Morin : Je vous remercie. Le groupe qui vous a précédé, Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale nous ont vraiment mis en garde sur le fait qu'une seule personne, par exemple un notaire, puisse être capable de conseiller deux parties. M. le ministre vous a posé des questions là-dessus. Je ne reviendrai pas là-dessus. Cependant, au niveau de la formation, vous avez fait référence à vos... à des lignes, des lignes directrices où... Bon, est-ce que vous allez les modifier? Mais présentement, est-ce que, pendant la formation notariale à l'université, est-ce que les étudiants et étudiantes en notariat reçoivent de la formation sur la façon d'identifier et de détecter la violence conjugale ou le contrôle coercitif?

Une voix : Me Fréchette.

M. Fréchette (Laurent) : Pour avoir enseigné la pratique notariale pendant quelques années, je vous dirais que ça fait partie des éléments mêmes qu'on a à venir définir sur qu'est-ce qu'un officier public et comment on vient vérifier le consentement libre d'une part, et éclairé d'autre part. Et donc ce n'est pas nouveau qu'on a à valider quand même des mesures de sécurité. On pense à la Loi contre la maltraitance envers les aînés et les personnes vulnérables qui déjà nous a obligés à avoir à réajuster le tir. Il y a des malheureuses situations qui se présentent, de gens qui se font escroquer et pas nécessairement toujours par des bandits avec un petit... une petite lunette, là, mais c'est souvent des proches. De sorte que déjà les notaires ont été sensibilisés à ça. Lors de leur formation, il y a des... il y a une approche spécifique, mais on souhaite aller encore plus loin en donnant une formation qui va porter directement sur cet angle-là.

Lors du dernier cours de perfectionnement qui a eu lieu il y a un mois, il y a eu une présentation en plénière qui a été faite aux notaires pour venir préciser...

M. Fréchette (Laurent) : ...exactement et rappeler quels étaient les devoirs de l'officier public, pour ramener les notaires à bien saisir la portée de ce qui en est. Alors, on est déjà sensibles à ça.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup... rapidement. Une petite minute, M. le député d'Acadie.

M. Morin :Je vous remercie. Une petite minute. Rapidement, donc, vous êtes aussi... vous recommandez également l'établissement de lignes directrices à l'égard des prestations compensatoires, c'est dans votre mémoire. Je pense que ça, ça améliorerait les choses, je vous remercie, mais vous suggérez également la création d'un comité interdisciplinaire pour la mise en œuvre du projet de loi. Pouvez-vous nous en dire un peu plus, et quels seraient les effets bénéfiques de ce comité?

Mme Boily (Catherine) : Donc, merci pour la question. Écoutez, oui, parce que, pour nous, la mise en œuvre, c'est un changement de société, ici, qu'on parle, ça va au-delà des concepts légaux, ça va au-delà des conséquences légales. C'est une... c'est un... c'est toute la société qui doit mettre l'épaule à la roue, tous les intervenants. On parle ici des intervenants psychosociaux, on parle aussi, bon, bien sûr, des juristes, on parle aussi... ça peut être le domaine de la santé aussi, lors de l'arrivée d'un enfant. Donc, c'est... Il faut que tous les intervenants qui gravitent autour de la famille soient impliqués dans cette mise en œuvre là. On l'a vu, il y a 8% des couples, actuellement, qui ont... qui font un contrat de vie commune. On voit qu'il y a une problématique d'information globale, ici, puis systémique. Donc, il faut vraiment qu'on se concerte, tous les intervenants, puis qu'on mette en place une mise en œuvre...

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, maître. Je dois céder la parole au député de Jean-Talon. Merci.

M. Paradis : Merci beaucoup. Le collègue de l'Acadie le mentionnait, on a entendu beaucoup de choses dans ces consultations particulières. Et il y a ceux qui nous parlent beaucoup de la liberté contractuelle. Ils ont même été jusqu'à parler de paternalisme, quand on veut trop réglementer. D'autres, nous, on dit : Bien, il y a encore un besoin de protection, notamment, du conjoint ou de la conjointe en position de vulnérabilité.

Vous le mentionnez d'entrée de jeu dans votre mémoire, les notaires sont les conseillers juridiques de proximité en droit de la famille. Vous êtes les gens qui font les contrats de mariage. J'ai cru sentir de la nuance, beaucoup, dans vos commentaires, aujourd'hui, dans vos réponses et dans votre mémoire, sur le degré de protection dont ont besoin les conjoints de fait, avec ou sans enfants. Est-ce que vous pourriez nous en dire un petit peu plus sur votre position philosophique sur cette question-là, aujourd'hui, au moment où on va aborder l'étude détaillée du projet de loi?

• (12 h 20) •

M. Larivière (Bruno) : Je vais laisser Me Fréchette répondre.

M. Fréchette (Laurent) : La réalité des couples aujourd'hui est bien différente de ce qu'elle a déjà été dans le passé, mais, si on remonte juste il n'y a pas si loin, on changeait le régime légal de la communauté de biens pour la société d'acquêts pour mieux circonscrire ce qui se passait parce que la plupart des gens se mariaient en séparation de biens pour ne pas être en communauté de biens. Est arrivé différents changements au fil du temps, la pension alimentaire, le patrimoine familial, les prestations compensatoires. La réalité des couples d'il y a 50 ans n'est pas celle d'il y a 30 ans et elle n'est pas celle d'aujourd'hui non plus.

Et, pour avoir des enfants qui sont des jeunes adultes, je dois vous dire qu'ils arrivent beaucoup mieux équipés, mieux informés que jadis, les gens de ma génération ou de la génération précédente.

On souhaite encore donner la liberté aux gens de déterminer ce qu'il en est. Et le principe de la loi, c'est la protection de l'enfant. À partir du moment où la priorité, elle est mise là, on veut s'assurer que les gens puissent faire le choix du régime qui va être... conjugal qui va être approprié pour eux. Et la réalité, aujourd'hui, elle est bien différente d'à une certaine époque, on le voit, comme notaires, et dans la façon de donner des informations et d'accompagner les gens aujourd'hui, je pense qu'il y avait un choix qui était à faire de respecter la possibilité d'aller vers le mariage, l'union civile ou d'être en union de fait, mais le patrimoine parental va arriver avec un juste équilibre à cet égard-là.

M. Paradis : Et vous dites dans votre mémoire que c'est une étape, donc, vous dites : On est rendu là aujourd'hui, mais on pourrait vouloir faire autre chose plus tard. Est-ce que j'ai bien compris ça dans votre introduction?

Des voix : ...

M. Fréchette (Laurent) : Oui, évidemment, on est dans un contexte où il y a toute une réflexion qui est à faire, peut-être plus large. On fait aujourd'hui une réflexion qui porte sur la protection des enfants. Est-ce dire qu'éventuellement il y aurait d'autres étapes de réflexion conjugale qui pourraient être faites, de la même façon qu'au niveau successoral? On aurait... on aurait à s'y arrêter, éventuellement, possiblement qu'on pourrait aller plus loin.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Merci beaucoup d'avoir été avec nous.

Avant de conclure les auditions, je procède au dépôt des mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques.

Et, sur ce, je vous remercie pour votre contribution, la commission ayant accompli son mandat ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup...

Le Président (M. Bachand) :...merci infiniment.

(Fin de la séance à 12 h 23)


 
 

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