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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mercredi 1 mai 2024 - Vol. 47 N° 69

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 56, Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d’union parentale


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Journal des débats

11 h (version non révisée)

(Onze heures seize minutes)

Le Président (M. Bachand) :Bonjour, tout le monde. À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 56, Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d'union parentale.

Avant de débuter, M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Bourassa (Charlevoix—Côte-de-Beaupré) est remplacée par Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac); et M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé par M. Cliche-Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne).

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Ce matin, nous allons recevoir Me Dominique Goubau, mais nous allons d'abord débuter avec Me Marie Annick Walsh, médiatrice familiale. Merci beaucoup d'être avec nous ce matin, c'est très apprécié. Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, après ça, on aura une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous.

Mme Walsh (Marie Annik) : Bonjour. Merci de me recevoir. Merci de m'avoir invitée. Je vous avise d'avance, je m'excuse d'avance de mon inconfort, je n'ai pas tant l'habitude de ces grands... de ces grands auditoires là, ça fait que je vais essayer d'être la plus concise possible.

Je vous ai fait parvenir un mémoire hier, et je pense qu'on peut résumer... Contrairement aux autres intervenants, probablement, je ne me suis pas lancée dans une grande analyse juridique, mais plutôt une analyse pratique du projet de loi. Donc, on peut résumer, là, mon mémoire à peu près en 10 points. Et je me suis également penchée sur la base.

Donc, un des premiers points qui m'interpellait était vraiment le nouvel article au projet de loi de... 521.20, la définition du conjoint de fait. De la façon que c'est écrit, actuellement, je comprends qu'on veut que ça soit d'application générale à tous les parents qui deviennent... qui deviennent parents dès la mise en vigueur de la loi. Par ailleurs, il me semble que ça ne devrait pas être ça, le but d exercice, le but de l'exercice étant... de plutôt protéger les enfants et la constitutionnalité de l'union parentale dans une orée, dans une perspective à plus long terme.

Donc, ce que je proposais à ce niveau-là, c'est que la définition de conjoint de fait comporte... plutôt que «sans égard à la durée de leur vie commune», comporte «une durée de vie commune d'un an», ce qui viendrait, également, d'une part, je vous dirais, confirmer un peu la connaissance du peuple québécois quant à tout...

Mme Walsh (Marie Annik) : ...toutes sortes de lois, Loi sur l'impôt, Loi sur la Régie des rentes, etc., ou même des qu'en-dira-t-on par rapport à ça. Et également, parce que la question d'être un parent, le lendemain, le Code civil le règle. Les obligations alimentaires, l'autorité parentale, c'est déjà réglé par le Code civil. Là, on essaie de préserver un autre concept, un nouveau concept d'union parentale.

Mon deuxième point était à l'effet du délai d'application. Ce que je suggère, dans le fond, c'est quelque chose de probablement un peu innovateur. Mais, vous savez, au moment de l'implantation de la Loi sur le patrimoine familial, on avait quand même laissé un délai d'environ 18 mois à l'époque pour que... pour permettre aux parties d'y déroger. Le contenu de l'application très imminente de ce projet de loi qui est quand même dans la prochaine année, ce que je suggérerais, c'est que le temps d'application ou le moment pour annoncer nous donnerait... donnerait au conjoint de fait, en fait un an supplémentaire.

Ce qui viendrait dire qu'au moment de l'application, il y aurait un an, de la mise en vigueur, pour y déroger, aller voir un notaire, aller voir un avocat, faire des conventions... etc., se pencher sur la question, y réfléchir une fois pour toutes, et décider ensemble s'il y a possibilité d'une dérogation ou pas, ou si la décision, c'est d'y déroger ou pas. Évidemment, j'innove un peu aussi quant à l'ajout des conjoints de fait qui existent déjà. Alors, ce que... par ce fait-là, bien, ça vient... Évidemment, c'est un petit peu plus complexe, ça demande probablement une réflexion supplémentaire, mais ça ne forme pas... le projet de loi ne formerait pas deux catégories d'enfants ceux qui sont nés avant et ceux qui sont nés après le 29 juin de l'année prochaine.

• (11 h 20) •

Quant aux mesures de protection de la résidence familiale, évidemment, je vous suggère simplement pratico-pratique... des solutions pratico-pratiques par rapport aux délais de 521 et 524. La réalité de ces... On prévoit, là, au projet de loi, que les mesures de protection subsisteraient pendant 30 jours. La réalité des dossiers de droit matrimonial, c'est que, dans 30 jours, on ne fait pas grand-chose. Alors, il faudrait vraiment que ça, ça soit... ce délai-là soit prolongé de six à 12 mois, là, dépendamment de ce qui se passe, s'il y a une instance judiciaire ou pas, et de comment les parties refont leur vie, refont... prennent leurs décisions par rapport au partage des biens... pardon, des biens, etc. Dans le même esprit, à 521.27, vous demandez... En fait, vous prévoyez qu'on devrait demander l'usage de la résidence familiale dans les 30 jours de la fin de l'union, je vous dirais que ce délai est trop court. Il se passe tellement de choses dans les premières semaines d'une séparation que je ne pense pas que c'est réaliste de penser que les gens vont se retrouver devant la cour dans les 30 jours, puis également, avec les délais, les délais de rédaction, les délais de consultation, tout ça, c'est un peu pour.

Par rapport au patrimoine familial, 521.30, ce que je suggérerais là-dedans, c'est d'ajouter à la liste, car la liste est différente et restreinte, là, à ce qui existe comme un patrimoine familial pour des gens mariés. Ça fait que, dans l'union parentale, à la liste restreinte, j'ajouterai, dans les biens du patrimoine, «les biens accumulés par les parties durant l'union dans la Régie des rentes du Québec»,  ce qui ferait, à mon sens, du sens... dans le sens... dans la mesure où, en ce moment, si un des deux conjoints décède après un an de vie  commune, quand les parties ont des enfants, bien, évidemment, ça nous ramène à...  Il y a une possibilité d'une rente de veuf ou de veuve. En même temps, ça permettrait de vraiment concrétiser le rôle que les parties ont ensemble dès le mariage. Ça viendrait... Évidemment, ça ne compenserait pas pour des REER, ou des choses comme ça plus élaborées, mais, au moins, la Régie des rentes du Québec, ce n'est pas un décaissement, mais c'est de reconnaître l'union... l'union parentale et les contributions respectives des parties. Un article qui...

Mme Walsh (Marie Annik) : ...on souhait et très important, c'est celui du 521.31. Je vous dirais que, quant à moi, cet article-là, de la façon qu'il est rédigé en ce moment, ça enlève toute crédibilité au projet de loi. On essaie, par ce projet de loi là, de venir protéger les familles, protéger les enfants des familles, et si on prévoit une révision des biens du patrimoine de l'union parentale, je trouve que ça vient complètement enlever tout ce concept-là. Alors, quant à moi, c'est, une fois le délai d'un an passé, la renonciation qui n'a pas eu lieu, tout le monde est dans le même bateau, c'est applicable à tous, et il n'est pas question de réviser la liste des biens parce que ça met les parties dans... ça met une pression supplémentaire, je vous dirais, dans les familles, et pour toutes sortes de raisons, tentatives de persuasion, où un bien devient beaucoup plus important, au niveau de sa valeur, bien, on essaie de... pour toutes sortes de raisons, encore une fois, là, de convaincre l'autre d'exclure ce bien-là. Ça fait que pour moi, ça, c'est... c'est... c'est inacceptable.

Je vous dirais, pour les provisions pour frais, il y a eu des... il y a un ajout qui est fait au niveau de la prestation compensatoire. J'ajouterais la possibilité de demander une provision pour frais dans le cadre de partage du patrimoine... de l'union parentale, pardon, simplement pour essayer de... d'éviter les iniquités au niveau financier et de permettre aux deux parties de pouvoir faire valoir leurs droits devant le tribunal. Évidemment, cette question-là est un peu épineuse, parce que la tendance jurisprudentielle est... ne nous suit pas là-dedans, dans la mesure où les provisions pour frais sont d'habitude octroyées lorsqu'il y a des demandes alimentaires. Et, dans ce cas-là, on parle le partage de l'union parentale.

Au niveau de la prestation compensatoire, j'ai élaboré beaucoup là-dessus parce que c'est un recours, actuellement, qui existe, un recours semblable, je vous dirais, en enrichissement justifié, à l'article du Code civil. Et je vous dirais que cette... ce recours-là est très fastidieux, très difficile, très coûteux. Donc, pour bien résumer, je crois que, dans ce que vous avez présenté comme prestation compensatoire, ça vient bien cerner, ça vient bien définir, c'est... c'est... c'est bien élaboré, sauf qu'il faudrait peut-être penser d'ajouter le concept de coentreprise à 521.46, parce que dans certaines situations, pour des couples de longue durée, je ne pense pas que votre évaluation du quantum va le couvrir, de la manière que c'est écrit.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Me Walsh. Nous... Nous allons commencer, pardon, la période d'échange. M. le ministre, pour 16 minutes 30 secondes.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bonjour, M. le Président. Bonjour, Maître Walsh. Merci de participer aux travaux de la commission parlementaire, de nous avoir transmis votre mémoire et de nous faire partager votre expérience de praticienne, notamment.

D'entrée de jeu, là, je voudrais vous référer à la page 11 de votre mémoire, là. Pour l'article 400.9.1 du Code de procédure civile, le juge en chef privilégie la prise en charge d'un dossier du tribunal par un seul et même juge. Vous dites que ça vous réjouit particulièrement, et que cette demande-là avait été faite à plusieurs reprises par le Barreau du Québec, au fil des années.

Mme Walsh (Marie Annik) : En fait, j'ai été, là, durant les derniers 20 ans, très impliquée auprès de l'Association des avocats en droit familial, là, pour y avoir siégé à toutes sortes de postes, puis c'est quelque chose qu'on a... on a privilégié, qu'on a demandé via les comités de liaison dans le district de Montréal, il y a... en fait, sur toutes, à peu près, les tribunes qu'on a essayé de faire, depuis des années, parce que ça fait très longtemps, là, que j'y siégeais, puis c'était une préoccupation. Vous comprenez que la préoccupation étant qu'à chaque fois on refait... on refait l'historique du dossier et on tombe dans les craques souvent, donc oui, ça a été des demandes qui ont été faites.

M. Jolin-Barrette : Pour les... Pour les gens qui nous écoutent, là, pouvez-vous définir c'est quoi, un comité de liaison?

Mme Walsh (Marie Annik) : Un comité de liaison, c'est un comité... En fait, dans les districts judiciaires, il y a des comités où siègent des avocats avec la magistrature du district en question. Et on se réunit...

Mme Walsh (Marie Annik) : ...on se réunit quatre, cinq fois par année pour adresser, je vous dirais, les problèmes plus de logistique, ou les dynamiques, ou les délais, des choses comme ça. Donc, c'est des...

M. Jolin-Barrette : Puis c'est dans le cadre... c'est dans le cadre, dans le fond, de vos fonctions, notamment, puis des avocats qui sont membres de l'Association des avocats en droit de la famille puis dans les différents comités que vous avez fait ces demandes-là. Puis pourquoi vous faites cette demande-là? Parce que ça serait plus simple pour les familles, pour les praticiens aussi?

Mme Walsh (Marie Annik) : Bien, vous comprenez que, pour les praticiens, c'est plus simple parce qu'on n'a pas à refaire l'historique de tout ça à chaque fois, parce qu'on a quelqu'un qui nous suit depuis le début. Pour les familles, bien, c'est souvent la première fois que les familles se rendent devant le tribunal. C'est souvent la première fois et la dernière, dans le cadre de leur dossier de droit familial. Donc, s'il y avait quelqu'un qui les connaissait, entre guillemets, depuis le début, qui avait lu l'historique... Parce qu'on dépose... vous savez, en droit de la famille, on dépose beaucoup de documentation, on dépose beaucoup de déclarations assermentées, on dépose des résumés de ce qui se passe, des documents financiers. Alors, c'est vraiment une... on dépose la vie de ces gens-là et... en preuve, alors si c'était quelqu'un qui, dès le début, prenait charge du dossier, pourrait le lire, et même s'ils ont beaucoup de volume, se rappellerait et se rappellerait aussi des interventions qui sont... au fil... au fur et à mesure.

Donc, c'est pour ça qu'autant au niveau personnel... parce que le comité de liaison, c'est soit des associations ou des avocats qui siègent personnellement. On a demandé à plusieurs reprises que ça, ça puisse être fonctionnel.

• (11 h 30) •

M. Jolin-Barrette : Puis, essentiellement, Me Walsh, là, pour que tout le monde comprenne, là, supposons, quand on pratique en droit familial, là, puis vous avez un couple qui est marié, supposons, qui a trois enfants, puis là décide de se séparer. Ils débarquent dans votre bureau, puis là vous, vous faites plusieurs procédures, là. Un dossier de divorce, supposons que tout le monde ne s'entend pas parfaitement, là, pas à... pas à haut niveau de litige, là, mais, supposons, là, un dossier régulier où ce n'est pas copain-copain, mais ce n'est pas dramatique non plus, mais, quand même, là c'est un dossier familial, ça va s'étaler généralement sur quelques années. Donc, vous allez faire plusieurs procédures, des provisoires, des intérimaires. Ensuite, ça peut durer plusieurs mois, donc, vous repassez quelques fois devant le tribunal.

Mme Walsh (Marie Annik) : Exactement. Exactement.

M. Jolin-Barrette : Si vous n'avez pas le même juge, bien là, il faut que le juge relise... le nouveau uge relise tout, il ne connaît pas l'historique du dossier. Tandis que, si vous aviez déjà quelqu'un, pour le justiciable, j'imagine, c'est moins long en temps d'avocat, c'est moins long pour les citoyens, pour le temps juge aussi, là.

Mme Walsh (Marie Annik) : Exactement. Puis, tu sais, à partir du moment où les gens viennent dans notre bureau, il y a une rédaction de procédure, il y a évidemment des demandes à la cour, avec des déclarations assermentées. Ce qui se passe, après, c'est que, rapidement, quand il y a une urgence puis que les gens ne s'entendent pas, surtout au début, il y a une première apparition à la cour, il y a une première... il y a des premières représentations. Donc, on commence par ça, mais, après ça, le dossier évolue, le dossier peut... peut se retrouver devant le tribunal tout simplement parce qu'il y a un enfant qui souhaite, par exemple... je vous donne un exemple concret, l'enfant veut aller habiter avec son père seulement, mettons, donc on retourne vers la cour, puis c'est... et, après ça, bien, on a des problèmes de gestion de documentation, on retourne vers la cour. Puis ce n'est pas quelque chose d'inusité, là. Avant, je vous dirais, un procès, on peut facilement retourner devant la cour trois, quatre fois, dans un dossier normal. Évidemment, quand c'est un dossier de «high conflict», là, c'est différent, là, ça prend des proportions... Mais c'est quand même important que, si c'était la même personne, il n'aurait effectivement probablement pas besoin de tout lire puis il connaîtrait l'historique.

M. Jolin-Barrette : Il connaît déjà le dossier, dans le fond.

Mme Walsh (Marie Annik) : Il connaît l'historique, mais il connaît aussi, puis ça, c'est important, ce qu'il a rendu comme jugement puis pourquoi il a rendu ce jugement-là. Ça fait que ça permet de déceler qui ne collabore pas, qui ne remplit pas ses affaires, qui... etc. Ça fait que ça devient très... beaucoup plus personnel et particulier.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je veux vous amener sur un autre sujet, là, la question, là, de la prestation compensatoire qu'on vient insérer par rapport à l'enrichissement injustifié. Le recours, là, en enrichissement injustifié, qui existe, là, actuellement, là, c'est quand même un recours qui est difficile à utiliser pour la majorité des citoyens, tandis que la prestation compensatoire, c'est plus simple.

Mme Walsh (Marie Annik) : Exactement. Bien...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

Mme Walsh (Marie Annik) : ...injustifiée, c'est un dossier, comme je l'ai écrit dans mon mémoire, qui est très, très fastidieux, très complexe. La raison principale, c'est que ça arrive souvent quand c'est des couples qui étaient là... qui étaient ensemble, qui vivaient ensemble depuis des années. Évidemment, il faut faire la preuve, parce que la façon dont ça fonctionne en ce moment, c'est un... c'est un recours général, ça fait qu'il faut faire la preuve de tous les gestes, de tous les apports. Il faut avoir des documents. Souvent, on n'en a pas. Donc, ce n'est pas... et c'est un... c'est souvent des... je vous dirais, des recours qui sont très longs, complexes, un peu hybrides entre le droit civil et le droit familial. Les délais sont longs, les auditions sont souvent très, très longues, parce qu'on doit faire la preuve de tout. Ça fait que ça s'étale sur plusieurs jours. Ça fait que c'est... Oui, effectivement, ce n'est pas tout le monde qui s'embarque là-dedans. Ce n'est pas non plus tout le monde qui a les moyens de le faire.

M. Jolin-Barrette : C'est ça. C'est un recours qui est coûteux et pas nécessairement accessible. Certains ont dit que le fait de... d'insérer le recours en prestation compensatoire allait être discriminatoire, tu sais, plutôt que d'utiliser... dans le fond, plutôt que d'utiliser le recours en... injustifié, le fait que le législateur vienne dire : Bien non, ça va être le recours en prestation compensatoire, et que ça serait moins généreux. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Mme Walsh (Marie Annik) : Moi, je vous dirais que, oui, effectivement, la façon que les recours en enrichissement injustifié fonctionnent, puis je peux... si je peux vraiment faire un sommaire, c'est qu'on regarde l'ensemble de la vie commune des parties. Quels sont les apports des... des deux puis de la personne qui demande l'enrichissement injustifié? Et on établit le quantum en... par rapport à la valeur des actifs. Combien ces gens-là avaient avant puis combien ils ont accumulé, puis qu'est-ce qui est maintenant? Donc... et par rapport à ça, il y a des pourcentages qui sont établis par le tribunal.

La prestation compensatoire, vous l'avez bien définie à vos articles, à vos propres propositions d'articles. Puis, ce que je vous dirais, c'est que, si vous ajoutez la notion de coût entreprise qui est juste un petit peu plus haut qu'une prestation compensatoire, pour les couples de longue durée, peut-être que ça règle le problème. Je vous dirais que ce n'est pas parfait, ça mérite quand même d'y réfléchir, mais ça réglerait probablement le problème pour... au niveau, là, notamment, là, de prouver l'ensemble de la vie commune. Parce qu'à court terme, une prestation compensatoire, de la façon que vous l'avez décrite dans le projet de loi, vous semblez vouloir dire que c'est simplement pour compenser les apports très spécifiques d'un des conjoints. Moi, je vais plus loin que ça. Il y a des apports dans la vie commune de conjoints qui sont à long terme, qui ne sont pas nécessairement spécifiques, mais c'est des apports qui sont prolongés. Par exemple, un conjoint qui travaille dans l'entreprise de son... de son... de son conjoint, qui n'est pas rémunéré, mais c'est tout ça, là, que j'essaie d'inclure dans la co-entreprise.

M. Jolin-Barrette : O.K. Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues, là. Vous, vous dites : Bon, pour le... pour l'union parentale, on devrait non pas faire en sorte qu'à partir du moment où il y a un enfant qui naît il y a vie commune des gens, puis que les gens se présentent comme un couple. Vous dites : Ça devrait s'appliquer à tous les couples qui font vie commune depuis un an ou un an et demi, puis que, là...

Mme Walsh (Marie Annik) : Un an.

M. Jolin-Barrette : Un an, puis durant cette année-là, ils ont leur possibilité de droit de retrait par rapport au patrimoine. Ce que ça aurait pour effet, par contre, c'est que, quand vous êtes en couple, supposons, puis vous n'avez pas d'enfants, la réalité, bien souvent, elle est fort différente d'avec des enfants et pas d'enfants. Je pense, c'est quand même de connaissances générales où la venue d'enfants peut amener certaines... je vous dirais, une effervescence dans la vie. Donc, si jamais on permet... on allait dans votre... dans votre proposition et on disait : Bien, écoutez, vous pouvez vous retirer avant d'avoir les enfants, la personne qui se serait retirée du régime avant d'avoir des enfants ne sait pas quelles sont les conséquences d'avoir des enfants aussi. Vous n'êtes pas préoccupée par ça, par le fait de dire : Bien, mon...

Mme Walsh (Marie Annik) : Bien, ce n'est pas ça, ce n'est pas ça que je propose. Ce que je proposais, c'est que, pour les couples qui ont des enfants... ça fait que probablement que c'est peut-être mal exprimé, là, mais ce que je... Pour les couples qui ont des enfants, à partir du moment où ils ont des enfants, le 29 juin 2025, à partir de ce jour-là, ils ont un an pour se retirer, s'ils veulent faire partie, ça fait que ce n'est pas... c'est ça, la nuance.

M. Jolin-Barrette : O.K., vous mettez délai maximum n couple pas d'enfant.

Mme Walsh (Marie Annik) : ...je n'en parle pas.

M. Jolin-Barrette : O.K. Excellent. Bon, écoutez, Me Walsh, je vous remercie grandement d'être venue en commission parlementaire. Ça a été fort instructif. Et je cède la parole à mes collègues. Merci pour votre présence.

Mme Walsh (Marie Annik) : Merci à vous.

Le Président (M. Bachand) :Merci, M. le ministre. Mme la députée de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.

Mme Haytayan : Merci, M. le Président. Bonjour, Me Walsh. Merci pour votre temps. Que pensez-vous des mesures pour contrer la violence judiciaire? Si vous pouvez développer sur l'encadrement de l'abus de procédure.

Mme Walsh (Marie Annik) : Bien, écoutez, vous savez qu'au niveau de la proposition du projet de loi, il y a une proposition de faire une provision pour frais, de demander de provision pour frais. Ça fait qu'à ce moment-là, ça va régler pas mal de problèmes. Au niveau de l'encadrement des... je voudrais, des quérulents ou des gens qui reviennent à la cour constamment puis qui essaient de mettre la pression, il me semble que c'est tout à fait approprié. Ce n'est pas dans toutes les... ce n'est pas dans tous les dossiers, évidemment, qu'on voit ça, mais c'est certain que les mesures qui sont proposées me semblent très appropriées.

• (11 h 40) •

Mme Haytayan : O.K., merci.

Le Président (M. Bachand) :M. le député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Combien de temps?

Le Président (M. Bachand) :3 min 42 s.

M. Lemieux : 3 min 42 s?

Le Président (M. Bachand) :Oui.

M. Lemieux : Merci beaucoup. Bonjour et merci, Me Walsh, de répondre à nos questions. Et je vais... peut être, je vais décevoir, mais je vais y aller quand même parce que vous êtes très pratico-pratique, vous restez... voulez rester terrain, mais je vais quand même vous demander de me suivre pour essayer d'élargir un peu la lorgnette de votre point de vue qui est beaucoup plus collé sur le sujet que nous pouvons l'être de toute façon.

Puis je continue dans ma lancée de mes questions d'hier à d'autres personnes qui sont venues partager leurs opinions et leurs savoirs avec nous. On fait beaucoup de cas, et c'est normal parce que c'est le principe dominant du projet de loi, parce que la logique, c'est que les enfants, on veut les protéger, et donc ce régime d'union parentale là, il est fait pour eux finalement. Mais on est quand même avec une... On aurait eu, si on avait voulu, l'opportunité de changer... et c'est le cas à partir du moment d'avoir des enfants, mais de changer les choses avant qu'ils n'aient des enfants. Je parle des conjoints de fait. Et effectivement, on vient travailler un peu le pourtour du portrait pour les conjoints de fait. Même si ça ne change pratiquement rien, en théorie, on a encore les mains dedans, là.

Qu'est-ce que vous pouvez me dire sur comment vous voyez la démarche qu'on fait avec le projet de loi, si on aurait du, pu, s'il aurait fallu, si oui, non, peut être, joué dans les conjoints de fait sans enfant avant de faire tout ce qu'on a dit et ce qu'on est en train de décider qu'on va faire pour les enfants et le régime qui l'accompagne et la réalité qui vient avec?

Mme Walsh (Marie Annik) : Bien, moi, ce que je vous dirais, c'est qu'il n'y a rien de parfait dans ce genre de projet de loi là, parce que c'est superimportant puis c'est novateur, c'est nouveau. C'est un début, c'est un «work in progress» et je ne pense pas que ce serait facile d'avoir l'accessibilité sociale, d'inclure tout le monde, parce que, là, vous mariez les gens de force, là, et ces conjoints de fait là qui n'ont pas d'enfant, qui vivent souvent sans convention de vie commune, bien, parce qu'ils ont choisi de faire ça, ils sont des majeurs, ils ont pris les décisions où ils n'en ont pas pris. Donc, oui, ça aurait pu aller loin, mais pour moi, puis ça, je l'ai dit à plusieurs reprises dans les dernières semaines, c'est un début, c'est un vecteur. On commence par protéger les familles les plus vulnérables, les gens qui ont des enfants, que les conséquences de la séparation viennent impacter directement. Parce qu'en ce moment, la réalité, c'est que, demain matin, un conjoint de fait qui n'est pas propriétaire de la résidence familiale, bien, il doit partir dans un... dans 30 jours, dans 60 jours, et la réalité est complètement impactée de ce conjoint-là et de la famille.

M. Lemieux : Merci de le dire comme ça. C'est d'ailleurs ce que je pense moi aussi, mais je voulais qu'on en parle justement pour montrer jusqu'à quel point on peut faire œuvre utile même si on ne change pas la loi. Maintenant, en abordant la question, en en parlant et en revenant constamment avec la convention de vie commune qui est encore sous-utilisée, mais on ne le dira jamais assez, à moins que ce ne soit pas nécessaire pour la majorité, mais je ne suis pas certain qu'il en soit conscient, et là il va y avoir ce passage au nouveau régime s'il y a un enfant, et là ça va impliquer aussi la possibilité de.

Donc, au final, je suis content d'entendre votre vision du projet de loi et je me fais dire qu'il ne me reste plus de temps. Alors, plutôt que de vous poser une question, vous mettre dans l'embarras de répondre en 10 secondes, je vais vous remercier, Me Walsh.

Le Président (M. Bachand) :Merci, M. le député. M. le député d'Acadie pour...

Mme Walsh (Marie Annik) : Merci à vous.

Le Président (M. Bachand) :Merci. M. le député de l'Acadie...

Le Président (M. Bachand) :...pour 12min 23s, s'il vous plaît.

M. Morin :Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, Me Walsh. Merci d'être là avec nous. Merci pour le document que vous nous avez présenté. Évidemment, vos commentaires, vos opinions sont... c'est précieux parce que vous avez une grande expérience dans le domaine du droit de la famille.

Dans le projet de loi et à l'article trois, donc, qui vise, entre autres, 521.20, le ministre ne met pas une période de temps, alors, mais, dans d'autres lois, dans d'autres provinces, il y a effectivement une période de temps. Vous l'avez évoqué, dans d'autres lois, qui ne traitent pas, comme tel, de l'union de fait, mais qui considèrent des conjoints de fait comme étant des gens mariés, il y a une période de temps.

Hier, on a écouté plusieurs plusieurs groupes, puis, en tout cas, à moins que j'aie raté quelque chose, mais vous êtes la première qui prenez position, en fait, puis qui... vous dites : Moi, je suggérerais une période de temps. J'aimerais savoir pourquoi. Puis quel est l'enjeu avec la façon dont 521.20 est rédigé présentement?

Mme Walsh (Marie Annik) : Bien, je vous dirais que, pour des gens, en ce moment, qui ont un enfant puis qui ne sont pas mariés... et le Code civil règle leur situation, actuellement, là, au niveau de... évidemment, pas des biens, mais au niveau de l'autorité parentale, de la garde de la pension alimentaire, tout ça, provisions pour frais, le cas échéant. Tout réglé, maintenant. Ça fait que, quant à moi, je ne pense pas que le but de l'exercice était de débuter l'union parentale dès la naissance d'un enfant puis que... à ce que je pensais aussi, c'était, bien, les gens qui n'avaient pas l'intention d'avoir un enfant, que c'est un accident, ou les gens que ce n'était pas prévu tout de suite, qui ne vivent pas ensemble. Puis je pense que c'est important de développer le concept d'union parentale comme un projet commun. On vit ensemble, on vit sous le même toit, ça fait que, pour permettre ça, il ne faut pas que ça soit une semaine, il faut que ça soit un an. Moi, j'ai proposé un an simplement pour essayer de... pendant cette période-là, que tout le monde se conscientise, aille voir des conseillers juridiques, fasse les démarches pour faire une convention de vie commune, parce que ça serait ça le plus approprié. Et, sinon, bien, oui, ils sont... ils rentrent dans la définition d'union de fait.

Je suis... je n'étais pas convaincue en le lisant, ma première lecture, je ne m'en suis même pas aperçu. Puis, après ça, j'ai relu puis je me suis rendu compte : Oui, bien là, sans égard à la durée... je pense que c'est important qu'il y ait une durée. On n'est pas en union parentale le lendemain de la naissance d'un enfant, quant à moi.

M. Morin :O.K., parfait. Je vous remercie. Maintenant, la loi va créer, puis on en a parlé, un patrimoine d'union parentale. Le législateur a fait un choix. Il y a des éléments qui vont être inclus. J'aimerais que vous puissiez partager avec nous, est-ce que c'est suffisant, est-ce qu'il y a des éléments qui devraient être ajoutés, est-ce qu'on garde quelque chose?

Puis, hier, tout dépendant des experts qui venaient nous parler, il y en a qui disaient : Bien, il faut inclure les fonds de pension, il faut inclure les REER, il ne faut pas les inclure, etc. Vous, votre position, là-dedans? Parce que vous le voyez, vous avez de l'expérience, j'imagine, dans votre pratique, vous ne faites pas juste des divorces, vous devez rencontrer des gens qui sont présentement en union de fait, là, puis qui se séparent, là. Alors, qu'est-ce... en fait, quels seraient les... tous les éléments qui devraient être inclus pour s'assurer qu'il y aura une protection pour les conjoints puis pour les enfants également?

Mme Walsh (Marie Annik) : Bien, je vous dirais que, comme je l'ai dit souvent, c'est un début, puis, quant à moi, ce qui est élaboré dans le projet de loi est peut-être... ça n'inclut pas tout, les items du patrimoine familial, par exemple, mais c'est... on commence, il faut commencer à quelque part, là. La perfection, là, ça ne fait absolument rien, ça fait que... Ça protège. Ce qui est dans la loi en ce moment protège les biens les plus importants. Oui, on pourrait inclure, comme je le proposais, la Régie des rentes, parce que ce n'est pas nécessairement des échanges de montants en argent.

L'inclusion des REER et des fonds de pension, à mon avis, ça va trop loin, simplement parce que c'est exactement la même chose que les couples mariés, et ce n'est pas nécessairement un choix de ma part, mais c'est plutôt une réalité que je vois dans ma clientèle, les gens ne sont pas mariés parce qu'ils ne veulent pas partager ces deux biens-là, les plus... les deux biens les plus importants. Je ne suis pas certaine qu'on est rendu là, au Québec, au niveau de...

Mme Walsh (Marie Annik) : ...d'accepter que ça soit exactement les mêmes biens, tout simplement. Mais oui, si on voulait la totale et on voulait protéger les gens de la même façon que les couples mariés, on mettrait exactement la même liste que le patrimoine familial, qui inclurait évidemment les REER, les fonds de pension. C'est les deux items les plus importants qu'il manque.

M. Morin :O.K., parfait. Je vous... Je vous remercie. J'aimerais attirer votre attention sur l'article 29 du projet de loi. C'est une modification au Code de procédure civile, l'article 54, entre autres, en matière familiale, pour permettre au tribunal finalement d'imposer des dommages et intérêts s'il y a un caractère abusif par les actes de procédure. Je comprends que cet article-là vient compléter l'article 54. Donc, selon vous, l'article 54 actuel n'était pas suffisant?

Mme Walsh (Marie Annik) : Bien, c'est probablement... En fait, l'article 54 est suffisant en soi, mais c'est l'interprétation jurisprudentielle qui est venue le compléter en matière familiale. Ça fait que, quant à moi, oui.

En matière familiale, vous savez, la dynamique est complètement différente et il vaut mieux l'écrire que de laisser ça à la discrétion judiciaire. Et de la façon que c'est écrit, comme j'ai dit un petit peu plus tôt à un vos collègues, ça me satisfait parce que ça vient vraiment protéger les abus. Puis, en matière familiale, compte tenu du haut degré d'émotion, je vous dirais, c'est assez propice à... peut-être pas le mot «abus», mais à des gens à retourner devant la cour parce qu'ils ne sont pas contents. Et il y a une question financière aussi, là. La personne qui a plus de sous a beaucoup plus le loisir de s'y retrouver, et ce qui constitue finalement une espèce d'abus au fil du temps dans le dossier judiciaire.

• (11 h 50) •

M. Morin :Parfait. Je vous remercie. Maintenant, relativement à l'article 33, et vous en avez parlé avec M. le ministre, c'est cette disposition-là où le juge en chef privilégie la prise en charge d'un dossier du tribunal par un seul et même juge. Je vous ai très bien écoutée, j'ai compris votre point de vue. Maintenant, dans certains grands districts, évidemment, s'il y a plusieurs juges, c'est facile d'avoir une équipe de juges qui va suivre tel ou tel dossier. Dans des plus petits districts, est-ce que vous voyez que ça peut être un enjeu, entre autres à cause des délais, si vous avez des juges qui doivent siéger dans plusieurs chambres de la même cour ou même dans différents districts judiciaires? Je voudrais juste avoir votre expérience là-dessus, parce que je comprends très bien ce que vous avez dit, on ne veut pas que les parties répètent toujours la même chose. Par contre, s'il y a un juge qui n'est pas disponible puis que ça entraîne des délais dans une matière en droit familial, ça peut être aussi problématique. Donc, j'aimerais ça que vous puissiez nous éclairer là-dessus.

Mme Walsh (Marie Annik) : En fait, c'est probablement l'inverse. Dans les plus petits districts judiciaires, en pratique, c'est souvent les mêmes juges qui reviennent. C'est souvent le juge coordonnateur puis un autre juge qui reviennent et qui sont ce qu'on appelle, là... qui siègent en pratique, donc qui entendent ce genre de demandes là à la cour, qui sont des demandes intérimaires, des demandes de sauvegarde.

Ça fait que, pour moi, dans les petits districts judiciaires, oui, effectivement, ça pourrait être problématique s'il n'y a pas de disponibilité de la cour. Mais, en même temps, la réalité, c'est que c'est souvent les mêmes juges dans ces... dans ces petits districts là. Le problème avec les grands districts judiciaires, c'est qu'il y a une rotation et pas nécessairement une assignation des juges permanente.

M. Morin :O.K., parfait. Je vous remercie. Hier, on a écouté Maître Tétreault, qui disait qu'un des éléments qu'il manquait dans le projet de loi pour assurer une meilleure protection, c'était toute la question des aliments. Effectivement, on n'en... on n'en parle pas. Quel est votre point de vue là-dessus?

Mme Walsh (Marie Annik) : ...je vous dirais que c'est un peu le même... quant à la constitution des biens, là, de l'union parentale, c'est que je n'ai pas l'impression que vous avez une acceptabilité sociale par rapport aux aliments. Encore une fois, si le projet de loi voulait traiter l'union de fait ou les conjoints de fait comme des personnes mariées et leur donner des obligations à... d'un à l'autre, si on voulait que ça soit parfait, on ajouterait, oui, effectivement, qu'il y aurait des aliments ou la possibilité d'aliments pour le conjoint le plus vulnérable financièrement. Mais j'ai l'impression que ce n'est pas... c'est quelque chose qui va être très difficile au niveau de l'acceptabilité sociale, alors...

Quand j'ai fait mes réflexions là-dessus...

Mme Walsh (Marie Annik) : ...je me suis dit : Bien, il vaut mieux... puis je sais que je reviens là-dessus souvent, mais il vaut mieux commencer à quelque part que d'avoir un projet parfait. Puis, en ce moment, c'est souvent... la problématique, c'est souvent la résidence familiale, les biens communs, etc., puis, par le biais de la prestation compensatoire, on vient un peu... on viendrait un peu compenser la question, je vous dirais, d'ordre financier ou d'ordre alimentaire. Mais jamais comme une pension alimentaire, effectivement, mais ce serait dans un monde parfait, où... Mais je vous dirais que ce serait vraiment comme si vous mariiez les gens encore une fois, puis je ne suis pas certaine que le Québec est rendu là.

M. Morin :Parce que c'est sûr que... Bon, évidemment, il faut commencer quelque part, là, mais, d'un autre côté, là, on a une opportunité de faire ce qui est mieux...

Mme Walsh (Marie Annik) : Tant qu'à faire.

M. Morin :...alors, tu sais, je me dis, des fois, hein... Comme vous l'avez dit, tant qu'à faire, pourquoi est-ce qu'on ne le ferait pas? Donc, d'après vous, dans votre... Puis j'ai très bien compris ce que vous avez dit tout à l'heure, à propos, par exemple, des REER, de l'acceptabilité sociale. J'imagine que, dans votre pratique, quand vous rencontrez des couples qui sont en union de fait, vous l'avez souligné vous-même, un des éléments qu'ils mentionnent, c'est plutôt : On n'est pas mariés parce qu'on ne peut pas partager les fonds de pension, des REER, ou autres. Je le conçois. Mais si, par exemple, pour toutes sortes de raisons, il y a un conjoint qui, parce qu'il s'est occupé d'enfants ou, même, d'un parent, n'a pas pu avoir certaines promotions ou pas les mêmes revenus, est-ce que vous ne pensez pas que la question, par exemple, des aliments d'une pension alimentaire pourrait venir corriger... Parce que là, je comprends qu'il y a une prestation compensatoire, mais ça, ça implique, évidemment, d'en faire la preuve, ça implique des litiges, ça implique du temps. Qu'est-ce que vous pensez de ça? Il reste 23 secondes à peu près.

Mme Walsh (Marie Annik) : Bien, je vous dirais qu'autant les gens qui ne veulent pas partager leur REER puis leur fonds de pension ils ne veulent pas payer de pension alimentaire, là. Ça fait que, dans mes 23 secondes, je vous dirais que ça va être difficile à faire accepter aux gens. Même dans les conventions de vie commune, c'est très rare qu'on prévoie là, des dispositions alimentaires. Ça fait partie de l'espèce de liberté, là, des conjoints de fait.

M. Morin :Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, merci. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, 4 min 8 s.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. C'est juste pour bien comprendre aussi votre position, là. Pour ceux qui ont déjà des enfants, vous parlez d'un délai, là, d'un an de dérogation, si je comprends bien, un «opt-out», et, sans quoi, après un an, là, le régime va être d'application automatique à eux, si... C'est ça votre position, finalement, je la comprends bien?

Mme Walsh (Marie Annik) : Oui. Oui, oui, tout à fait.

M. Cliche-Rivard : Parfait. Puis ceux qui ont des enfants après juin 2025, est-ce que vous leur octroyez, ou vous pensez qu'ils devraient avoir un délai maximum pour «opt-out», ou vous pensez que, du moment où c'est fait de consentement, des deux côtés, ils pourraient «opt-out» à tout moment?

Mme Walsh (Marie Annik) : Bien, je pense que le délai d'un an est important, mais, effectivement, s'il y a des enfants qui ont des... des parents qui ont des enfants après juin, et qu'il y a une mise en vigueur de la loi, bien c'est... tout le monde rentre dans le même mode.

M. Cliche-Rivard : Et là, auquel cas, eux peuvent décider, de commun accord, de s'en retirer.

Mme Walsh (Marie Annik) : Exactement.

M. Cliche-Rivard : O.K. Donc, on pourrait prévoir aussi la même chose... Puis là je pose la question a posteriori, là : Pour ceux qui ont eu des enfants, donc, avant, une fois qu'ils ont «opt-in» ou, en fait, qu'ils n'ont pas déclaré le renoncement, comme vous le proposez, là, post-entrée en vigueur de la loi, j'imagine que vous leur permettriez aussi d'«opt-out», de consentement, par la suite, si c'est ça qu'ils décident ensemble?

Mme Walsh (Marie Annik) : Exact, si c'est ce qu'ils décident ensemble, oui.

M. Cliche-Rivard : O.K. Donc, vous leur donnez une option en amont, vous leur dites : Manifestez votre «opt-out» tout de suite, sinon, c'est l'application. Le cas échéant, une fois que c'est appliqué à vous, de facto, vous avez les mêmes droits ou les mêmes possibilités que les autres de s'en retirer. J'ai bien résumé votre propos, c'est ça?

Mme Walsh (Marie Annik) : Oui, exactement.

M. Cliche-Rivard : Parfait. Vous dites : On ne devrait pas pouvoir réviser la liste des biens, si je comprends bien, ou on ne devrait pas pouvoir la modifier. Pourquoi vous pensez que, de consentement, on ne devrait pas offrir ça si, de toute façon, on offrirait un «opt-out», de consentement, par la suite?

Mme Walsh (Marie Annik) : Moi, je trouve que de réviser la liste des biens, c'est comme changer la liste des biens en cours de route, là. Quand je dis «en cours de route», en cours d'union. C'est comme changer les règles en cours d'union. Si on a décidé que ça s'appliquait à nous, on ne peut pas changer les règles en cours d'union, ou, sinon, ça permet aux gens... Ah! bien là, notre maison, maintenant, là, elle vaut tant, puis c'est moi qui ai tout payé, parce que la réalité, depuis le début de notre relation, ce n'était pas équivalent, ça fait que j'aimerais ça retirer la résidence familiale. Vous comprenez?

Ça fait que moi, je pense que, pour donner toutes...

Mme Walsh (Marie Annik) : ...crédibilité à ce pouvoir-là d'entrer... de protéger certains biens, une fois que c'est fait, c'est immuable. On ne peut pas décider, «pick and choose», qu'est-ce qui est bon, qu'est-ce qui n'est pas bon pour nous, puis je vous dirais également que ça permet beaucoup de pression dans le couple. Vous savez, la pensée magique, là, dans les couples, là, et puis les mots juridiques, là, c'est... il y en a plein en ce moment, là. Il faut essayer de cadrer ça au minimal.

M. Cliche-Rivard : Je pense... C'est un bon argument que vous apportez là, parce que, là, bon, moi... Mais la question que je me posais, c'est : Si on leur permet d'«opt out» de toute façon le consentement, je ne vois pas pourquoi on ne leur permettrait pas de modifier la liste, de consentement. Mais là, ce que vous dites, c'est que là il y a une distinction entre l'«opt out» de fin de relation, finalement, ou... ou la violence intraconjugale, c'est un petit peu ça que vous dites, ou ça pourrait être institutionnalisé à l'intérieur, ou on viendrait mettre des pressions alors que la relation continue. Il y a quand même là un...

Mme Walsh (Marie Annik) : Exactement.

M. Cliche-Rivard : ...un élément important que je comprends.

Vous avez parlé, en terminant, dans votre mémoire d'une vaste campagne publicitaire, parce que vous pensez que les gens, finalement, ils ne sont pas tant au courant, ou ils ne seront pas tant au courant de leurs droits, là?

Mme Walsh (Marie Annik) : Ils ne le sont pas tant. Il y a beaucoup de qu'en-dira-t-on, il y a... tout le monde pense qu'ils connaissent leurs droits. Même aujourd'hui, les conjoints de fait pensent qu'ils doivent partager la résidence... Sans que tout ça existe, là, avant, ils pensent qu'il y a des choses qu'on doit partager. Alors, c'est... ça serait superimportant... Si j'ai un message dans tout ça qui passe puis qui peut être répété, c'est de lancer sur toutes les tribunes que les gens, il faut qu'ils s'informent, qu'ils aillent voir les conseillers juridiques, qu'ils signent des conventions de vie commune, ça... En ce moment, là, le vide juridique est tellement vaste, et l'impact est tellement néfaste sur ces familles-là... Alors, je vous dirais, là, que oui, c'est... ça serait une mission de ce projet de loi là.

Le Président (M. Bachand) :Merci, merci beaucoup. Me Walsh, merci beaucoup d'avoir été avec nous, c'est très... ça a été très apprécié.

Cela dit, je suspends les travaux quelques instants pour accueillir notre prochain invité. Merci beaucoup.

Mme Walsh (Marie Annik) : Merci à vous.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 12 h 01)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Il me fait plaisir d'accueillir Me Dominique Goubau, professeur associé, Faculté de droit de l'Université Laval. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Vous connaissez les règles : un petit 10 minutes de présentation, après ça une période d'échange avec les membres de la commission. Alors, maître, la parole est à vous. Merci.

M. Goubau (Dominique) : Merci, M. le Président, et merci à M. le ministre, Mmes, MM. les députés, pour cette invitation. C'est toujours... Enfin, j'ai toujours ressenti comme un privilège de pouvoir participer aux travaux des commissions parlementaires, même si c'est à midi et que parfois c'est plus difficile d'avoir l'attention des gens à midi. Mais je n'ai pas non plus fait de mémoire, je n'étais pas en position de le faire, donc en situation de vous présenter un mémoire, mais j'espère tout de même que les quelques explications verbales que je pourrai vous donner pourront vous être utiles.

Je n'ai pas la prétention de penser que tout le monde me connaît, et donc, si vous permettez, je commencerais par quelques tout petits mots de présentation pour vous dire ce qui me rattache à l'objet de ce projet de loi.

Ça fait maintenant presque 40 ans que le droit de la famille est au centre de mes occupations et préoccupations, de mes activités professionnelles comme avocat d'abord, comme avocat praticien il y a plusieurs années, particulièrement comme avocat de l'Aide juridique dans un bureau civil qui pratiquait en droit de la famille et puis comme professeur pendant plus de 30 ans, et donc comme chercheur et enseignant. J'ai également été pendant presque 20 ans président du Comité permanent du Barreau du Québec en droit de la famille et, pendant plusieurs années aussi, vice-président de l'Association internationale de droit de la famille. J'ai eu le privilège d'être un des membres de la commission... ou du comité, plutôt, de réflexion sur la... une éventuelle réforme du droit de la famille. Voici que cette réforme est en train de se réaliser devant nos yeux, et donc je suis heureux de pouvoir participer à ces travaux aujourd'hui avec vous.

Je voudrais, si vous voulez, commencer mon bref exposé par une remise en perspective historique. En réalité...


 
 

12 h (version non révisée)

M. Goubau (Dominique) : ...vous êtes, en quelque sorte, les dépositaires d'un débat qui a lieu depuis 50 ans, et même plus de 50 ans, au Québec. La question du statut des conjoints de fait revient de façon récurrente, et, en tout cas, à chaque réforme, certainement, du droit de la famille. La question se pose toujours : Faut-il intervenir ou faut-il s'abstenir d'intervenir? Et il y a eu une longue conversation sociale, parlementaire autour de cette question très importante, et qui devient de plus en plus importante. Vous êtes donc ceux qui poursuivez ce débat. C'est pour vous, je pense, un grand privilège, mais c'est aussi une responsabilité.

Et, déjà, dans le courant des années 70 et 80, le Québec a... et il était précurseur, si on se compare à la plupart des autres pays occidentaux, et si on se compare aux autres provinces canadiennes. Le droit québécois a reconnu, progressivement, la réalité des conjoints de fait, en droit public, en droit social, en droit fiscal, d'abord, pour ce qui est des conjoints hétérosexuels, et puis, très rapidement... là aussi, le Québec était précurseur... à la fin des années 90, début des années 2000, l'union entre personnes de même sexe non mariées.

Mais la question qui reste, la question récurrente qui revient, celle que tout le monde trouve très délicate, toujours, est celle : Qu'est-ce qu'on fait du droit privé de la famille? Est-ce qu'il faut intervenir, aussi, là, comme on l'a fait en droit public, comme on l'a fait en droit fiscal, ou en droit social, ou faut-il, au contraire, s'abstenir dans ce cadre précis du droit, alors qu'on intervient partout ailleurs? Cette question est au cœur des débats aujourd'hui, mais je vous prie de croire qu'elle était exactement la même depuis 40 ans.

Le rapport de l'Office de révision du Code civil, en 1977, le rapport de l'ORCC sur le droit de la famille et le droit des personnes proposait déjà tout un cadre pour les conjoints de fait, avec, notamment, un droit alimentaire entre conjoints de fait et des droits successoraux, qui étaient, à peu près, l'équivalent des droits successoraux et des droits alimentaires des personnes mariées, mais ce rapport a été mis de côté, sur cet aspect-là, lors de la grande réforme de 1980, dont tout le monde parle aujourd'hui, en disant... C'est la dernière grande réforme du droit de la famille, il y a 40 ans, alors qu'en fait il y en a eu bien d'autres après. Mais, en 1980, on a mis de côté cette proposition de l'ORCC. Pourquoi? Parce qu'on disait : Il faut, finalement, respecter le libre choix des personnes et accepter que cette nouvelle réalité des conjoints de fait... dans les années 80, il y en avait de plus en plus, début 80... eh bien, c'est une nouvelle réalité qu'il faut... dont il faut prendre acte, et une façon d'en prendre acte, c'est de respecter le choix des personnes de ne pas se marier. Et donc, en 1980, on s'est abstenus de donner suite au rapport de l'ORCC.

En 1989... il y a eu d'autres petites réformes, mais, en 1989, autre grande réforme du droit de la famille, par l'introduction du patrimoine familial. Et il faut se rappeler que plusieurs intervenants, à l'époque, avaient proposé de ne pas nécessairement imposer le patrimoine familial aux couples... à tous les couples, à tous les couples mariés, mais, par exemple, de l'étendre aux conjoints non mariés dès lors qu'il y avait des enfants. Et donc cette idée d'une... cette idée, que moi, je qualifie d'assez moderne, de tenir compte de la présence des enfants pour enclencher des protections, ou, en tout cas, des mesures d'équité — c'est comme ça qu'il faut les qualifier — au sein des couples, cette idée est ancienne. Elle existait déjà en 1989. Et, cette fois-ci, on... Et cette idée a eu énormément d'opposition, particulièrement de la Chambre des notaires, à l'époque, qui était, probablement, l'institution, au Québec, qui était la plus farouchement opposée à cette idée de mettre de côté la liberté contractuelle et de voir imposer aux gens mariés cette espèce de régime matrimonial obligatoire, avec ce partage de biens, et les notaires étaient tout à fait contre cette idée.

Or, aujourd'hui, je pense bien que tous les observateurs sages de la pratique judiciaire, et notamment la pratique de médiation, au Québec, reconnaissent aujourd'hui que le patrimoine familial a été et est encore aujourd'hui un facteur de règlement des conflits extrajudiciaires, comme, d'ailleurs, l'a été aussi l'introduction des barèmes de fixation de pension alimentaire pour enfants. Ce sont des règles qui sont prévisibles, qui sont claires et qui poussent les gens à ne pas se battre devant les tribunaux, mais plutôt à régler de façon consensuelle.

La réponse, en 1989, du gouvernement de l'époque, lorsqu'on a suggéré qu'on pourrait peut-être étendre le patrimoine familial aux conjoints non mariés, c'était... ce n'était pas tellement l'idée du respect de la liberté. C'était plutôt... et ça a été la réponse...

M. Goubau (Dominique) : ...la ministre responsable du dossier à l'époque, c'était plutôt la suivante : On ne connaît pas encore assez bien la réalité des conjoints de fait, on n'est pas encore assez documenté sur combien et comment ils vont, qu'est-ce qu'ils font, comment ça fonctionne. Et donc il est difficile d'intervenir législativement à l'égard d'une réalité qui est insuffisamment documentée.

En 2024, aujourd'hui, les choses ont bien changé. D'abord, on est très documenté, et je pense que vous avez commencé à l'entendre avec les intervenants, on est très documenté sur la réalité des conjoints de fait, qui est devenue, disons-le comme ça, pour faire court, le modèle dominant lorsqu'il s'agit des couples avec enfants. Là, vous avez certainement entendu les chiffres la majorité des enfants aujourd'hui naissent hors mariage. On sait... aussi aujourd'hui ce qu'on ne savait pas en... on soupçonnait, mais qu'on ne savait pas vraiment en 1980, c'est qu'il y a, et je reprends ici les mots de la Cour suprême du Canada, des similarités fonctionnelles entre les couples mariés et les couples non mariés. C'est une très mauvaise traduction de l'anglais pour dire simplement que les couples non mariés avec enfant fonctionnent exactement de la même façon que les couples avec enfant et que les conséquences d'une séparation pour un couple avec enfant et un couple sans enfant, qu'ils soient mariés ou pas mariés, c'est exactement les mêmes conséquences. Je veux dire, les couples avec enfant, qu'ils sont mariés ou non mariés, similarité fonctionnelle.

• (12 h 10) •

On sait aussi aujourd'hui ce qu'on ne savait pas à l'époque, et vous avez eu les chiffres, que ce n'est qu'une toute petite minorité de gens qui font des ententes de vie commune et qui donc se donnent des protections là où la loi s'abstient de leur en donner. On sait également, c'est très documenté par toutes nos recherches et celles de mes collègues, que les précarités, au moment de la séparation, les fragilités sont encore d'actualité. Et, même si, évidemment, et c'est une bonne chose, les femmes ont investi le marché du travail, il reste des inégalités, il reste des précarités auxquelles le droit doit répondre.

Et dernière chose qu'on sait aujourd'hui, qu'on ne savait pas dans les années 80, c'est que les gens non mariés se pensent protégés, alors qu'en réalité ils ne sont pas protégés. Et ceux qui se protègent sont ceux qui savent qu'ils ne sont pas protégés, mais c'est une minorité de gens. Je pense qu'il y a donc là une responsabilité publique d'intervenir par la mise en place de protections lorsqu'elles sont nécessaires.

On sait aujourd'hui aussi, par rapport aux débats des années 80, on sait en 2024... et quand j'ai vu la liste de vos invités dire, j'imagine que vous en avez déjà entendu parler, mais que l'idée de liberté absolue des conventions en matière matrimoniale, c'est un grand... c'est en grande partie un mythe. Je veux simplement citer deux phrases de deux décisions de la Cour suprême du Canada, une première dans l'affaire Lacroix concernant la prestation compensatoire entre gens mariés, et la Cour suprême dit ceci : Jugement unanime, la prestation, la prestation compensatoire, qui est une mesure d'équité, «vise, je cite, manifestement à pallier les injustices engendrées à l'occasion de la réalisation du régime matrimonial librement consenti». En d'autres mots, la Cour suprême dit : Les gens choisissent des régimes matrimoniaux en séparation de biens librement, en réalité, ils ne savent pas ce qu'ils font, et...

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Maître. On est déjà rendus à la période d'échange. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. Maître Goubau, bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission. Toujours un plaisir de vous recevoir. Vous avez participé au comité consultatif sur le droit de la famille, notamment. Le projet de loi qu'on fait vise principalement... bien, en fait, prend comme assise le fait que la venue d'un enfant amène des changements dans les familles, notamment. Et là, c'est le choix qu'on a fait de dire : Bien, la vie change, à partir du moment où vous avez un enfant, et donc il doit y avoir un patrimoine d'union parentale. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette prémisse-là du fait que le législateur choisisse du fait que, puisqu'il y a des enfants, bien, ça entraîne la création d'un patrimoine d'union parentale?

M. Goubau (Dominique) : Non seulement je suis d'accord, mais j'ai écrit cela, ça fait 25 ans. J'ai... Je soutiens l'idée selon laquelle les mesures de protection, disons, coercitives, si je n'aime pas le mot, devraient... ne devraient pas être tributaires du statut matrimonial, mais plutôt de la présence des enfants. J'ai cosigné la partie du rapport dont vous avez fait état et qui dit notamment ceci : La principale source d'interdépendance conjugale et familiale réside dans la naissance ou la présence...

M. Goubau (Dominique) : ...la présence d'enfants, d'un enfant qui exige la mobilisation de ressources additionnelles. Je pense que tous les chercheurs, aujourd'hui, sont d'accord et tous les praticiens du milieu sont d'accord pour dire que, lorsqu'il y a des enfants dans un couple, la donne change. Et, par conséquent, l'idée de faire dépendre une protection matérielle, je ne suis pas d'accord avec son contenu, mais une mesure de protection de la présence des enfants plutôt que du statut des enfants, je trouve que c'est précurseur et c'est une excellente idée.

M. Jolin-Barrette : Et donc je retiens de votre propos que le fait qu'on ne couvre pas les... les conjoints sans enfant, donc des conjoints de fait... Supposons qu'ils vivent ensemble cinq ou 10 ans, on leur laisse la liberté contractuelle à eux de convenir quelles sont les modalités de protection, et j'aime votre mot que vous avez utilisé, de protection coercitive rattachée à leur union.

M. Goubau (Dominique) : Je trouve que c'est un excellent compromis. Il n'y a pas de solution idéale, mais je pense qu'il faut trouver un compromis, et vous le connaissez, entre eux, la... le respect de la liberté individuelle qui, comme l'a dit la Cour suprême en matière familiale, est désormais une valeur fondamentale dans notre société, c'est vrai, et, d'autre part, l'impératif de protéger les personnes qui ont besoin de protection, particulièrement au moment de la séparation, que ce soit un conjoint ou que ce soit les enfants. Je pense que l'idée qui est celle de dire : Eh bien, on peut trouver un équilibre entre ces deux impératifs en disant, et ce n'est peut-être pas parfait, mais je pense que c'est un bon équilibre, en disant : Eh bien, dès lors qu'il n'y a pas d'enfant, il faut appuyer sur la liberté individuelle, lorsqu'il y a des enfants, il faut appuyer sur l'idée de protection... il y a plusieurs arguments qui militent en faveur d'une telle solution.

D'abord, le principe du respect de la liberté individuelle est un argument qui n'a aucun sens lorsqu'il s'agit de l'impact de ces décisions sur les enfants puisque les enfants n'ont pas participé au choix. Donc, si les parents font des choix dont on sait aujourd'hui qu'ils peuvent avoir des impacts néfastes au moment de la séparation sur les enfants directement ou indirectement, alors je trouve qu'il est normal d'imposer. Mais il ne faut pas oublier non plus, il faut être logique, que... Alors, s'il n'y a pas d'enfant, si on appuie sur l'idée de liberté, alors il faut aller plus loin que le projet de loi et il faut, par exemple, prévoir que le patrimoine familial, s'il n'y a pas d'enfant, eh bien, les parents devraient pouvoir... bien, pas les parents, les conjoints mariés aussi devraient pouvoir s'en extraire. Il y a... Donc, cette idée, il y aurait un changement de paradigme. Ce n'est pas le statut matrimonial qui dicterait les règles et... mais c'est plutôt la présence des enfants. Mais c'est aussi, si vous permettez, la raison pour laquelle je pense qu'il y a un problème structurel au projet de loi, c'est que, si on est d'accord avec cette idée que c'est la prise en charge d'enfants, et j'ajouterais, peut importe le lien de filiation, mais si c'est la prise en charge effective d'enfants qui doit nous amener à mettre en place des protections, alors il n'y a aucune raison d'apporter des protections différentes aux enfants dont les parents sont mariés et aux parents... et aux enfants dont les parents ne sont pas mariés. C'est une erreur de logique.

Le projet... Le projet de loi reconnaît, et c'est sa nouveauté, qu'il y a un impact économique matériel à la prise en charge d'enfants, à l'arrivée d'enfants dans un couple. Si c'est vrai, et je pense que tout le monde est, à peu près, ici... est d'accord avec ça, si c'est vrai, alors il faut protéger. Mais il n'y a aucune logique à protéger différemment dès lors qu'on a accepté comme point de départ qu'il y a un impact. Et donc je pense que c'est là, le problème du projet de loi, qui par ailleurs a de très bons points aussi, mais je pense que c'est ça, son son vice fondamental, c'est de ne pas suivre la logique de cette affirmation selon laquelle la prise en charge des enfants a un impact qui nécessite des protections.

M. Jolin-Barrette : Donc, si je résume votre intervention, vous, vous seriez du tenant que le législateur intervienne dans le mariage pour dire aux gens qui sont mariés, qui n'ont pas d'enfants qu'ils pourraient se soustraire aux règles du patrimoine familial, mais que ça devrait être les mêmes règles pour les conjoints qui sont mariés ou qui ne sont pas mariés à partir du moment où ils ont des enfants.

M. Goubau (Dominique) : Exactement. Comme compromis.

M. Jolin-Barrette : O.K. Comme compromis.

M. Goubau (Dominique) : Oui, parce que je ne pense pas que c'est une solution idéale non plus, elle n'existe pas.

M. Jolin-Barrette : O.K. Dans les autres mesures du projet de loi, notamment sur la question de la violence judiciaire qu'on vient introduire, qu'est-ce que vous en pensez?

M. Goubau (Dominique) : Bien, moi, je trouve que c'est très bien. Je ne pense pas que c'est une grande innovation, mais c'est toujours bien de dire les choses. La... la... la violence judiciaire, elle est... elle est déjà... c'est déjà une réalité sur laquelle des juges ont une emprise par le pouvoir des juges...

M. Goubau (Dominique) : ...en matière de quérulence. Par ailleurs, depuis quelques années maintenant, et à juste titre, les législateurs, que ce soit fédéral ou provinciaux, peu importe, insistent beaucoup sur l'importance de tenir compte des situations de violence familiale. Et on s'entend tous pour dire que cela inclut la violence psychologique. Moi, j'ai toujours pensé que la quérulence faisait partie de la définition de la violence psychologique, donc ça n'ajoute rien, mais c'est bien de le dire. C'est encore plus clair et c'est un signal intéressant à envoyer. Donc, oui, je suis d'accord avec ça.

M. Jolin-Barrette : O.K. De votre expérience, notamment de chercheur et de praticien, là, le fait que, dans la mesure du possible, ça soit un juge, le même juge qui suive la famille, est-ce que c'est approprié?

M. Goubau (Dominique) : Oui. À une époque, j'étais moins d'accord avec ça, mais c'était l'époque où je plaidais devant certains juges que je n'aimais pas trop, mais... je pense que, oui, c'est une... c'est une bonne idée et probablement faudrait-il rattacher à cela, alors, une une espèce d'obligation de spécialisation des juges, voyez-vous, de formation des juges à cette réalité-là et/ou s'assurer à tout le moins que les juges qui sont ces juges... finalement, une espèce de chambre de la famille de facto, soient des juges intéressés par les sujets. Parce qu'on le sait tous, il y a certains juges qui ne sont pas du tout intéressés par ces sujets-là, et donc ça ne fait pas des bons juges en droit de la famille, comme d'autres juges ne sont pas intéressés par le droit fiscal, et ça ne fait pas des bons juges en droit fiscal.

M. Jolin-Barrette : O.K. Dans... dans les propos que vous avez tenus publiquement suite au dépôt du projet de loi, notamment, vous dites : «Dans sa forme actuelle, le projet de loi serait susceptible de contestations, notamment, qui... et puis vous me corrigerez, là, notamment... notamment qui pourraient être discriminatoires.» Pouvez-vous élaborer sur cette question-là, votre opinion sur cette question-là, eu égard du fait que la Cour suprême a quand même validé le régime actuel dans lequel nous vivons.

• (12 h 20) •

M. Goubau (Dominique) : Bien, j'adore cette question-là, qui demanderait évidemment des développements assez longs, et le temps est compté, mais, oui, la Cour suprême s'est prononcée, en 2013, dans le cadre de... du Code civil, tel qu'il existait au moment où la Cour suprême a été saisie de la question, ou, en tout cas, de la Cour supérieure, dans un premier temps, a été saisi de cette question.

Or, ici, nous avons une modification très importante de code civil si le projet de loi est adopté tel quel, parce que ce projet de loi reconnaît ce que le code ne faisait pas avant. Le... le projet de loi reconnaît qu'il y a des conséquences économiques pour les enfants et pour les conjoints de la simple présence des enfants et indépendamment du statut matrimonial. C'est... c'est donc une réalité législative juridique complètement différente de celle dont été saisie la Cour suprême en 2013. Et, par conséquent, un recours, à mon avis, est susceptible d'être pris, puisque, tout en affirmant, comme j'ai dit tout à l'heure, qu'il y a un impact reconnu de la présence d'enfants, la prise en charge de l'enfant sur les droits des individus, or, en réponse, la loi vient distinguer les individus en fonction de l'état civil et du statut matrimonial. Il y a donc là un nouveau contexte législatif qui rend à mon avis très fragile les distinctions qui sont introduites par ce projet de loi. Et... et donc, moi, je vais vous dire, je pense qu'il y a une solution tellement simple et tellement utile, c'est tout simplement... Vous savez, j'ai déjà... Lors d'une conversation que nous avons eue, j'ai déjà fait ce geste, les... on a cru dans les années 80 qu'il fallait protéger les enfants et les conjoints mariés qui se séparaient, qui divorçaient, etc. On leur a mis des protections à ce niveau-là. Aujourd'hui, on dit : Mais quand il y a des enfants, qu'ils soient mariés, qu'ils ne soient pas mariés, il faut les protéger. Alors, on va mettre en place des protections et on s'arrête ici. Et j'ai dit : C'est ça, le problème, c'est ça, la distinction qui pourrait bien être discriminatoire, si on... si on veut être logiques avec le principe qu'on affirme nous-mêmes, alors il faut monter jusqu'ici.

Et il y a une mesure qui m'apparaît la plus simple, contrairement à la prestation compensatoire qui est proposée, et qui est, je vais dire, un cadeau aux avocats, je propose que la pension alimentaire, l'obligation alimentaire, qui ne s'applique pas à tout le monde, qui ne s'applique que lorsqu'il y a des besoins démontrés et surtout qui tient compte de la fluctuation des moyens de le payer et des besoins , qui peut se faire aussi sous forme de somme globale, est une réponse totalement adéquate et qui permet...

M. Goubau (Dominique) : ...aussi d'échapper à la critique de statuts distincts et donc éventuellement de discrimination. C'est la solution qui a été adoptée par toutes les provinces. Je sais bien qu'il ne faut pas faire toujours comme les autres, et que nous sommes distincts en droit civil, mais... mais tout de même, ça vaut la peine d'y penser. Et je crois que cette... cette méthode permet de répondre à toutes les difficultés que représente la définition d'un patrimoine familial différent, la prestation compensatoire qui est une nique procès. Là, on aurait un outil qui pousse à la négociation. Pourquoi? Parce que, comme on fait dans les autres provinces, on pourrait ajouter à cette obligation alimentaire des barèmes, comme on l'a fait en... à l'égard des obligations alimentaires pour les enfants, ce qui fait que ça deviendrait tellement facile et prévisible que là vous auriez un outil et de protection et de déjudiciarisation. C'est simple. Et à mon avis... j'ai suivi de très près les recherches qui ont été faites par des collègues d'autres universités, et c'est une solution qui semble recevoir un accueil assez favorable au sein même de la population québécoise. Dès lors qu'il y a des enfants, la... la majorité des gens qui sont sondés, j'ai fait moi-même des recherches en ce sens là, sont d'accord pour dire que la donne change complètement et que... et que les protections équivalentes à celles du mariage, s'il y a des enfants, oui, ça, ça va, mais pas s'il n'y a pas d'enfants, là, il faut respecter la liberté. Je trouve que tout ça est assez logique. Je crains que le projet de loi manque de logique et tombe dans un champ où il risque effectivement d'être attaqué pour cause de distinction discriminatoire.

Dernière chose, je rappelle tout de même que dans l'affaire Lola, la Cour suprême, cinq jours sur neuf... cinq juges sur neuf ont dit que l'absence d'obligations alimentaires en droit québécois est discriminatoire, mais sauvegardée par l'article 1 avec un seul juge. Et c'est d'ailleurs pour ça qu'on a eu ce comité consultatif, parce que la Cour suprême a mis le doigt sur ce qui est, il faut bien l'avouer, un problème dans notre Code civil aujourd'hui. Vous avez l'occasion de rectifier le tir.

M. Jolin-Barrette : Merci, Me Goubau, pour votre passage en commission parlementaire. Je vais céder la parole à... à ma collègue. Merci beaucoup pour votre contribution.

M. Goubau (Dominique) : Merci à vous.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Laval-des-Rapides.

Mme Haytayan : Merci, M. le Président. Me Goubau, merci. Merci, Pr Goubau, d'être ici parmi nous, prendre le temps. Pouvez-vous développer sur l'importance de permettre aux conjoints de fait en union parentale d'hériter même sans testament, d'hériter même en l'absence de testament?

M. Goubau (Dominique) : Lorsqu'il y a des enfants?

Mme Haytayan : Oui, avec enfants.

M. Goubau (Dominique) : Vous aurez compris...

Mme Haytayan : En union parentale.

M. Goubau (Dominique) : Vous aurez compris de mon exposé que mon idée, c'est que, dès lors qu'il y a des enfants, on ne devrait plus faire des distinctions entre les gens mariés, les gens non mariés. Et que, par conséquent, l'extension des droits successoraux, dès lors qu'il y ait eu charge d'enfants, me paraît tout à fait logique avec cette position.

J'ajouterais peut-être ceci, c'est que l'union parentale telle que prévue dans... dans le projet est tout de même une union parentale qui se... qui se limite à une union fondée sur l'idée de la filiation et qui distingue donc les enfants. Et là encore je vois un, comment dire, une contradiction avec le principe même du projet de loi qui reconnaît que la prise en charge d'enfants doit générer des mesures de protection. Si on est d'accord avec ce principe, c'est le principe même de la loi, alors il n'y a aucune raison de restreindre la définition d'union parentale à la parenté où il y a un lien juridique de filiation. Il y a des prises en charge effectives dans les familles recomposées où il n'y a pas de lien de filiation et pourtant où l'effet économique est exactement le même. Donc, si on veut poursuivre dans cette logique de l'impact de la prise en charge des enfants, alors je pense qu'il faudrait élargir l'idée d'union parentale aux unions qui incluraient également les recompositions familiales.

Mme Haytayan : Parfait. Merci.

Le Président (M. Bachand) :M. le député de Saint-Jean, une minute pour question et réponse.

M. Lemieux : Autre chose avec ça? Me Goubau, j'allais essayer de répondre à la question logique ou du problème logique que vous aviez. On aura luncher après, puis qu'on vous a volé votre heure du dîner vous aussi.

La longue conversation sociale, c'est : Est-ce que c'est un phénomène qui nous... aujourd'hui nous dit que vous aviez raison il y a 25 ans, mais c'est aujourd'hui qu'on vous suit? Il y aura toujours un décalage dans la société, à mois qu'il y ait un mouvement de masse énorme dans l'opinion publique, là.

M. Goubau (Dominique) : Oui, alors vous avez tout à fait raison, les sociologues du droit de la famille, les sociologues de la famille ont toujours mis le doigt sur le fait que le droit de la famille, contrairement peut-être à d'autres secteurs du droit, est toujours un droit en retard, mais... mais je pense que vous avez l'occasion de le mettre à jour et de ne pas être de trop en retard.

M. Lemieux : Merci, Maître.

Le Président (M. Bachand) :...député de l'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin : Oui. Merci...

M. Morin : ...merci, M. le Président. Bonjour, Pr Goubau. Merci, merci d'être là avec nous. Ma première question est la suivante : Quand M. le ministre a déposé son projet de loi, il a souligné l'importance pour lui de vouloir mettre en place un encadrement juridique qui allait apporter une certaine égalité, une protection quand, dans un couple en union de fait, il y a des enfants. C'est, je pense, la... un peu la pierre angulaire de son projet de loi.

Et là vous nous avez dit, et j'ai noté, et corrigez-moi si j'ai fait erreur en notant : Il y a un problème structurel au projet de loi, notamment en ce qui a trait à la protection qui sont accordées aux enfants, quand on les compare à un couple marié et à un couple en union de fait. La beauté... La beauté du Québec, c'est, vous l'avez mentionné... on a un code civil, donc le législateur peut agir. Quelle serait la meilleure façon pour vous d'éviter un problème structurel? Tu sais, ça fait 40 ans qu'on en parle, vous en avez parlé vous-même, là, là, on a la chance de faire quelque chose. Alors, quels seraient les meilleurs éléments qu'on devrait inclure dans ce projet de loi pour, évidemment, être capable de conserver un équilibre entre des personnes en union de fait qui n'ont pas d'enfant et qui ne veulent pas se marier? On ne peut pas les forcer à se marier, mais, si la présence d'enfants apporte un changement, je pense que ça, c'est assez évident pour l'ensemble de la population, quels seraient les meilleurs éléments qu'on devrait inclure dans le projet de loi pour éviter tout problème structurel et être cohérent avec la pensée du ministre?

• (12 h 30) •

M. Goubau (Dominique) : Moi, je... je... M. le député, je pense, je suis persuadé que l'idée selon laquelle la présence d'enfants, la prise en charge des enfants doit désormais, en droit de la famille québécois, être le critère déclencheur des protections plutôt que le statut. C'est complètement avant-gardiste. C'est... Ça remettrait, d'ailleurs, le Québec sur la map des juridictions qui sont à l'avant-garde, comme nous l'avons été au début des années 80 en matière familiale. C'est en tout cas comme ça que le reste du Canada nous voyait et même la plupart des pays européens. Et... Mais la façon d'être logique et de régler ce problème structurel du projet de loi, c'est d'en tirer la conséquence logique, c'est-à-dire que, si ce n'est plus le statut matrimonial, mais bien la prise en charge, alors il faut ou bien baisser les protections des gens mariés ou alors monter les gens qui ne sont pas mariés et qui ont des enfants au même niveau que les personnes mariées. C'est... je veux dire, c'est la logique élémentaire. Et, à moins d'accepter l'idée... mais je pense qu'il est juridiquement fragile d'instaurer des statuts différents qui... qui seront, à mon avis, testés devant les tribunaux.

M. Morin : Et, comme vous l'avez souligné, et la Cour suprême y faisait référence dans l'affaire Lola, on parlait déjà à l'époque... on constatait qu'il y avait une discrimination.

M. Goubau (Dominique) : Pour ce qui est de l'obligation alimentaire. Mais, pour faire... pour faire tout de même justice au projet de loi, je dirais... et je sais de quoi je parle parce que j'étais un des avocats dans l'affaire Lola, je représentais un des avocats de l'équipe de... qui représentait la Fédération des associations des familles monoparentales et reconstituées du Québec en Cour suprême, et nous avions, nous, comme... comme fédération, soulevé le problème de l'inconstitutionnalité de l'article 4, c'est-à-dire le pouvoir d'un tribunal d'attribuer un droit d'habitation pour le bénéfice des enfants aux conjoints non propriétaires, mais qui est gardien des enfants, et la Cour suprême ne s'est pas prononcée là-dessus, en fait, n'a pas pris le temps d'expliquer. Et je pense que le projet de loi n° 56 règle cette question-là, et c'est... À mon avis, c'est... c'est le meilleur coup du projet de loi, c'est l'extension des protections de la résidence familiale et particulièrement l'article 410 qui est le plus utile.

M. Morin :D'accord. Je vous... Je vous remercie. Maintenant, quant à la constitution du patrimoine d'union parentale, si je vous comprends bien, donc, il ne devrait pas y avoir de distinction quant au patrimoine familial entre un couple marié et un couple en union de fait qui a des enfants. Est-ce que je vous suis correctement?

M. Goubau (Dominique) : Oui. Et, vous savez, le projet de loi... Évidemment, je veux rester dans ma logique qui consiste à dire qu'il faut monter les protections, mais j'ajouterais qu'il y a dans le projet de loi des différences qui pourront paraître très surprenantes pour les gens mariés parce que le calcul des valeurs partageables du patrimoine d'union parentale prévoit, par exemple, que, pour calculer les valeurs, le propriétaire d'un bien pourra...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

M. Goubau (Dominique) : ...déduire des montants qui proviennent de ces actifs qu'il détenait avant l'union parentale, ce qui est impossible en patrimoine familial pour les gens mariés. Si vous êtes... si vous vous mariez et que vous avez des économies d'avant le mariage et que vous les injectez dans votre résidence familiale qui fait partie, patrimoine familial, vous ne pourrez pas récupérer ces montants. C'est d'ailleurs une des règles qui est assez critiquée aujourd'hui à l'égard du patrimoine familial dans le cadre du mariage. Mais voilà qu'on vient donner à... si vous les... si vous voulez, au débiteur au moment de la dissolution, au débiteur en matière d'union parentale, un avantage très grand sur les gens mariés. Ce qui est donc, si vous voulez, une distinction, mais un petit peu à l'envers, là.

M. Morin : Oui, d'accord, je... je vous suis. Je vous remercie. D'après vous... Parce qu'évidemment le patrimoine d'union familiale, bon, l'union parentale arrive quand il y a un enfant, puis après ça, bien, ça va s'appliquer après juin 2025. Est-ce que vous pensez que, dans sa forme actuelle, le projet de loi crée différentes catégories d'enfants qui auront des droits différents, tout dépendant du moment où ils viennent au monde?

M. Goubau (Dominique) : Oui, je suis tout à fait d'accord avec la position de mon collègue Robert Leckey, le doyen de la Faculté de droit de McGill, qui l'a exposé, qui, je pense, viendra vous l'exposer aussi. La première discrimination, c'est celle sur l'effet... l'entrée en vigueur de la loi. C'est sûr que la... on a beaucoup entendu parler dans les journaux, dans les médias, que, la loi, il ne fallait pas qu'elle soit rétroactive, mais il n'est pas question ici de rétroactivité, il est question d'effet immédiat. Si on ne change pas ça, bien, j'imagine que vous pourrez le changer, mais, si on ne change pas ça, à ma connaissance, ce serait la première fois dans l'histoire législative du Québec qu'une règle, qu'une mesure de protection des enfants ne soit pas d'application immédiate. Donc, je pense que ça, c'est quelque chose qui devrait être changé dans le projet de loi, et dire qu'évidemment on ne va pas... on ne va pas exclure tous les enfants actuels, les centaines et centaines de milliers d'enfants du bénéfice de ces mesures dont la loi dit elle-même que c'est des mesures qui visent à protéger les enfants.

M. Morin : Donc, ce serait en fait une autre incohérence du projet de loi.

M. Goubau (Dominique) : Bien, c'est... c'est... Je ne sais pas si on pourrait appeler la cohérence, mais c'est l'introduction d'une... d'une distinction, en 2024, alors que, depuis 1980, on est tous d'accord au moins sur une chose, et je pense que vous en avez déjà entendu parlé, c'est que tous les enfants, quelles que soient les circonstances de leur naissance, ont les mêmes droits, les mêmes obligations, en tout cas, le même statut. On n'est plus à l'époque où on distingue des enfants légitimes, illégitimes, adultérins, adoptifs. Ils ont tous les mêmes droits. Alors, ça fait... ça fait bizarre de venir... Non seulement ça fait bizarre, mais ça pourrait être considéré comme discriminatoire que de venir avec un projet de loi qui réintroduit des différentes catégories d'enfants pour ce qui est des droits civils. C'est... c'est... honnêtement, pour un enseignant en droit de la famille, c'est un non-sens.

M. Morin : D'accord. Je vous remercie. Vous avez parlé aussi de, évidemment, la prestation compensatoire et de l'obligation alimentaire. Certains experts nous ont dit qu'au niveau de l'obligation alimentaire, on n'était peut-être pas rendus là, au Québec, il n'y avait peut-être pas d'acceptabilité sociale. Vous avez souligné également que vous, vous avez fait des... un sondage ou, en fait, vous avez sondé des gens. Alors, d'après vous, est-ce qu'on est... Est-ce qu'on est rendus là? Est-ce qu'il y a véritablement un problème d'acceptabilité sociale si on propose une obligation alimentaire ou pas? Est-ce que le Québec est rendu là ou pas, quand un couple, évidemment, a des enfants?

M. Goubau (Dominique) : Oui, oui. Nous avons, au sein d'une équipe multidisciplinaire, fait des sondages. Et puis, dans le cadre d'une vaste étude longitudinale, nous avons interviewé des gens et soumis des questionnaires aux gens dans lesquels on a notamment demandé leur opinion. Donc, c'est des gens séparés, avec des enfants mineurs, donc qui avaient connu une séparation. Et 90 % de ces gens n'étaient pas mariés. Et ça, c'est le hasard qui nous montre donc que la réalité aujourd'hui, c'est ça. Et, quand on leur demande : Est-ce qu'on devrait étendre la protection... de patrimoine familial, etc., aux conjoints non mariés... excusez, c'est ça, non mariés et qui n'ont pas d'enfants? Les opinions sont partagées.  Et donc c'est plutôt une légère majorité des gens qui vont dire : Non, il faut, il ne faut pas... il ne faut pas imposer ça. Et, quand on leur demande : Est-ce que votre réponse serait la même s'il y a des enfants? Et alors ça change. Et une majorité des gens disent : Bien là, il n'y a pas de raison de distinguer. La situation devrait être la même lorsque des enfants sont là et sont présents.

M. Morin : Et, votre avis, parce qu'on a aussi posé plusieurs questions, sur toute la question des fonds de retraite, des REER, etc., puis là aussi certains nous ont répondu...

M. Morin : ...il n'y a pas d'acceptabilité sociale. Si les gens restent en union de fait, c'est parce que, justement, ils ne veulent pas partager, etc. C'est quoi votre opinion là-dessus quand il y a des enfants?

M. Goubau (Dominique) : Bien, mon opinion, c'est que, d'abord, je comprends que des gens ne veuillent pas partager. Parfois, le fait de ne pas partager signifie créer des injustices au moment de la séparation. La Cour suprême l'a rappelé constamment, qu'il fallait rectifier ces injustices. L'Assemblée nationale du Québec l'a reconnu en créant la prestation compensatoire, en créant le patrimoine familial. Il y a, au moment de la séparation, une zone de danger dans laquelle une... j'allais dire à un conjoint, mais généralement une conjointe et des enfants risquent de subir des conséquences néfastes. Et par conséquent, il faut intervenir. Et là, je vous dis ça et j'ai oublié la question.

M. Morin : Bien, en fait, je vous disais, au niveau des REER, là, certains disent : Oui, il faudrait les inclure, d'autres non. Alors...

M. Goubau (Dominique) : En deux mots, en deux mots, encore dans ma logique, il faut conclure puisqu'on les met sur le même pied. Mais regardez bien le patrimoine d'union parentale aujourd'hui. Honnêtement, quand on... sur papier, ça fait un statut, ça fait un patrimoine, mais dans la réalité des choses, vous savez, la plupart de... la grande majorité des gens qui sont en union de fait avec des enfants, lorsqu'ils ont la chance d'être propriétaires, ils sont copropriétaires. Donc, déjà là, ce patrimoine n'aura aucun impact puisqu'ils sont déjà protégés par la règle de la copropriété.

• (12 h 40) •

Les meubles, bon, les meubles, ce n'est pas une grosse, grosse valeur. Et puis il reste une auto, généralement, ils sont copropriétaires ou ils sont locataires, ou ils sont chacun propriétaires. Donc, il n'y a pas une grosse différence. En d'autres mots, le patrimoine tel qu'il est là, à mon avis, je ne vais pas dire que c'est une coquille vide, mais, franchement, ce n'est pas lourd. Là où ça devient vraiment lourd, c'est quand on prend la valeur des régimes de retraite et des économies pour fin de retraite, mais...

Et peut-être dernière chose sur... puisque ça touche un peu à ça aussi, la prestation compensatoire. Vous savez que la majorité des gens, et certainement ceux que j'ai représentés quand j'étais à l'aide juridique, ils ne sont pas dans une situation financière où il y a le capital, les actifs pour payer une prestation compensatoire, alors qu'ils seraient dans une situation où ils peuvent peut-être soutenir par voie d'une obligation alimentaire fluctuante, temporaire, qui tiennent compte de leurs besoins.

M. Morin : Merci. Merci beaucoup. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne. Merci beaucoup.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup pour votre présentation puis vos explications. C'est très apprécié. Dans le paradigme dans lequel vous êtes, là, où le régime est basé sur l'enfant, sur la protection envers l'enfant, c'est ce que vous nous suggérez, quelle place on laisse à ça, à la vie commune, puis au fait d'avoir une union de fait, finalement, d'habiter en situation de conjoints de fait pour... bon, il y a différents modèles parentaux aujourd'hui, il y a des couples qui ont des enfants qui ne vivent pas ensemble, dans cette conception-là, comment ça peut s'opérer?

M. Goubau (Dominique) : C'est très difficile et je comprends qu'il faut faire des choix. Même la définition de «conjugalité», la Cour suprême elle-même a dit que c'était un exercice à peu près impossible. Et donc il faut trouver des compromis et je pense que le compromis, qui est d'ailleurs celui qu'a fait l'Assemblée nationale dans la rédaction de l'article 61.1 de la loi de l'interprétation, qui définit l'union de fait, qui définit les conjoints de fait, le projet de loi fait à peu près la même définition, bien, je pense que c'est un bon compromis de tenir compte de la cohabitation. D'autres vont dire : Oui, mais il peut y avoir des enfants sans cohabitation. Oui, c'est vrai, mais c'est quand même assez marginal.

M. Cliche-Rivard : Parce que... notamment, parce que vous... Bien, vous avez raison de dire que c'est marginal, mais vous étiez à nous expliquer une non-distinction d'enfant, qu'on a eu cette distinction d'enfant, vous étiez à dire ceux hors mariage, ceux dans le mariage. Là, on aura ceux qui habitent avec des parents qui ont une union de fait puis ceux qui habitent avec des parents qui n'habitent pas ensemble. Bref, je vous soumets dans cette lecture-là. Puis dans votre paradigme, est-ce qu'il n'y a pas là un enjeu ou un dualisme?

M. Goubau (Dominique) : Il y en a un, c'est sûr, et il y a... mais vous êtes en politique, vous savez mieux que moi que tout est question de compromis.

M. Cliche-Rivard : Tout à fait.

M. Goubau (Dominique) : Mais moi, le compromis que je propose est un compromis qui englobe la grande majorité des gens, alors que ce problème là reste un problème assez marginal, qui est probablement le prix à payer parce qu'on doit faire un compromis. Comprenez-vous?

M. Cliche-Rivard : Vous étiez nous parler aussi d'application immédiate avec possibilité de s'en retirer immédiatement ou vous pensez que non?

M. Goubau (Dominique) : Bien non. Je veux dire, si c'est un droit de l'enfant, si c'est une mesure de protection des enfants, alors l'idée d'un retrait est illogique. Comment peut-on penser protéger un enfant, mais permettre aux parents de se retirer de ces mesures de protection là? Franchement, ce n'est pas logique.

M. Cliche-Rivard : Et pour l'ensemble des protections?

M. Goubau (Dominique) : Pardon?

M. Cliche-Rivard : Votre propos, il est pour l'ensemble des protections...

M. Goubau (Dominique) : C'est ça.

M. Cliche-Rivard : Pas simplement pour la résidence principale ou pas simplement pour... pour l'ensemble du régime. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup...

Le Président (M. Bachand) :...je vous remercie beaucoup d'avoir été avec nous, et puis vous avez... vous avez laissé un appétit, alors on va sûrement prendre le temps de réfléchir à tout ça.

Et, sur ce, je suspends les travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 44)


 
 

14 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 15 h 02)

Le Président (M. Bachand) :Bonjour, tout le monde. À l'ordre, s'il vous plaît? La Commission des institutions reprend ses travaux, puis on poursuit donc les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 56, Loi portant sur la réforme du droit de la famille instituant le régime d'union parentale.

Cet après-midi, nous aurons le plaisir d'accueillir le Groupe des 13, le Conseil sur la femme, la Fédération des associations des familles monoparentales et recomposées du Québec, mais d'abord, il nous fait plaisir d'accueillir Me Kevin Houle et Me Brown de l'Association professionnelle des notaires du Québec. Merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi. Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, puis après ça on aura un échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous. Merci.

M. Houle (Kevin) : Merci. Donc, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés et membres de la commission, bonjour. Je tiens d'abord à vous remercier de nous avoir invités à témoigner et à présenter nos recommandations dans le cadre des auditions publiques sur le projet de loi n° 56. Donc, je me présente, Kevin Houle, je suis notaire et président de l'Association professionnelle des notaires du Québec, l'APNQ, et je suis accompagné de Me Marie-Ève Brown, notaire émérite et médiatrice familiale. Je tiens à préciser également que Me Brown fut l'ancienne présidente de l'Association des médiateurs familiaux du Québec, l'AMFQ.

Bien que nous ayons certaines recommandations à vous soumettre dans le cadre du projet de loi. Nous tenons surtout à souligner que...


 
 

15 h (version non révisée)

M. Houle (Kevin) : ...nous sommes heureux et enthousiastes de participer à cette importante consultation.

D'abord, au niveau des éléments à saluer, tout en protégeant davantage certaines familles issues des... de conjoints non mariés, le régime proposé par le projet de loi n° 56 offre la possibilité aux couples auxquels ces protections ne conviennent pas d'en modifier la portée ou de s'en soustraire.

Ensuite, il donne d'une certaine manière, suite au jugement de l'affaire Éric contre Lola. Et aussi le législateur démontre qu'il a tenu compte des appréhensions vécues par certains qui craignaient de se faire marier de force par la loi.

Le projet de loi n° 56 cible ainsi un juste milieu entre l'équité conjugale et la liberté contractuelle des individus. Au travers de cette pièce législative, le gouvernement, notamment en considérant le professionnalisme des notaires québécois, offrira aux citoyens le contexte adéquat pour s'ajuster ou se soustraire du régime d'union parentale de façon libre et éclairée. Le public et l'administration de la justice en sortiront gagnants.

...ceci étant dit, pardon, nous avons quelques recommandations à vous soumettre, au sujet desquelles vous trouverez plus de détails dans notre mémoire, bien évidemment.

D'abord, au niveau des personnes visées par le régime, en ce qui concerne ces personnes là, à la lecture des articles 521.20 et 521.22 tels que proposés par le projet de loi, plusieurs questions ont été soulevées.

Jusqu'à quel âge est-on considéré comme un enfant pour l'application des dispositions régissant l'union parentale? Par exemple, si deux personnes sont en union de fait et donnent naissance à un enfant, demeurent-ils en union parentale, alors même que leurs enfants ou leur enfant est devenu majeur et a quitté le nid familial?

Ensuite, en ce qui concerne les conjoints, le commencement de l'union parentale est établi de façon claire s'il est provoqué, par exemple, par la naissance de l'enfant ou la dissolution du mariage de l'un des conjoints avec son partenaire intérieur.

En effet, dans ces cas, une date fixe constatée par des documents officiels marqués... marquent le point de départ, pardon, de départ, donc, de l'union parentale.

Qu'en est-il cependant des cas où l'union parentale se forme lorsque des... les parents d'un même enfant entament postérieurement leur vie commune? La détermination des dates peut s'avérer nébuleuse.

Dans le même ordre d'idée, il existe des scénarios où la fin de l'union parentale est non équivoque. Passons entre autres au décès de l'un des conjoints, au mariage de ceux-ci ou au mariage de l'un d'entre eux avec un tiers. Dans de tels scénarios, établir la date précise de fin de l'union ne poserait aucun problème. Toutefois, en cas de manifestation dite tacite de la volonté de l'un des conjoints de mettre fin à l'union, les choses peuvent se révéler plus complexes qu'il n'y paraît. Ici, la difficulté est la notion de manifeste... voyons, pardon, manifestation tacite. Voilà.

L'APNQ n'est pas défavorable à l'idée proposée, mais se questionne fortement sur la façon dont elle sera appliquée. Nous craignons également que la notion de manifestation tacite puisse potentiellement entraîner une intervention accrue des tribunaux pour trancher cette question. Nous nous demandons ainsi si le remplacement du mot «tacite» par «non équivoque» pourrait rendre la preuve de la fin de l'union parentale plus simple et déterminante.

En ce qui a trait aux résidences de la famille, l'APNQ est favorable au contenu de l'article 521.30, alinéa 1, du code... Cependant, nous nous demandons pourquoi la notion de résidences de la famille au pluriel, telle que prévu dans la notion de patrimoine familial, n'a pas été reproduite pour le patrimoine d'union parentale.

Au fil des années, la cour s'est prononcée à maintes reprises sur la notion de résidence la famille au sens de l'article 415 du Code civil pour le partage du patrimoine familial. Le fait de reproduire le libellé exact pour le patrimoine d'union parentale et d'inclure dans le patrimoine d'union parentale toutes les résidences de famille permettrait d'appliquer les principes de la jurisprudence applicable au patrimoine familial. Il ne faut pas oublier que la liberté contractuelle des conjoints est tout de même toujours protégée par l'article 521.31 qui permet aux conjoints que le désirent de modifier la composition du patrimoine d'union parentale et d'exclure des biens contenus dans les articles... dans l'article 521.30, alinéa 1, au moyen de l'acte notarié en minutes.

Nous recommanderions donc de calquer, pour le patrimoine d'union parentale, le libellé de l'article 415 du code en excluant la portion relative aux régimes de retraite.

Au niveau maintenant de la protection de la résidence familiale, l'APNQ se réjouit de constater que le projet de loi rendrait applicables aux conjoints de l'union parentale les mesures de protection de la résidence familiale des conjoints mariés. Il sera donc établi que le notaire recevra un acte d'aliénation ou de vente, par exemple, de la résidence familiale devra obtenir le consentement du conjoint non-propriétaire. Or, à l'heure actuelle, s'assurer de l'état civil d'une personne demeure une question de déclaration lorsque celle-ci est célibataire, avec ou sans conjoint de fait. Dans plusieurs des dossiers, le notaire vérifie l'état civil de l'individu non marié, ou divorcé, ou uni civilement au moyen de sa... de sa déclaration, ce qui pourra s'avérer complexe vu la difficulté qu'il y aura, dans certains cas, de démontrer le début ou la fin de l'union parentale avec la notion dont... dont je parlais de manifestation tacite et en plus l'absence d'un nouveau registre de conjoints d'union parentale.

Le projet de loi prévoit, à son article 521.27, un délai maximal de 30 jours après la fin de l'union parentale pour présenter les demandes relatives notamment à l'attribution de la propriété ou d'un droit d'usage de la résidence familiale. Le délai de 30 jours nous semble trop court. Un délai... délai, pardon, minimal de 80 jours serait plus approprié dans le contexte d'une séparation. Cela permettra au citoyen d'avoir le temps de consulter un conseiller juridique et exercer les droits qui lui sont conférés par le...

M. Houle (Kevin) : ...par le projet de loi. Au niveau de la prestation compensatoire, l'APNQ salue l'initiative du législateur de vouloir compenser l'iniquité qui serait créée suivant un apport particulier d'un des deux conjoints parental qui crée un enrichissement en faveur de l'un des deux conjoints. Nous considérons toutefois qu'il serait requis de prévoir une habilitation réglementaire à l'article 521.46, qui permettrait au législateur, donc, d'encadrer de façon claire les calculs d'octroi d'une prestation compensatoire et d'y prévoir, s'il y a lieu, des présomptions pour une application uniforme de cette prestation. Ces mesures réduiraient donc le nombre de recours potentiels qui devront, à défaut, être tranchés devant les tribunaux. Il n'engorgerait pas ainsi des tribunaux. De plus, ceci donnerait un outil fort nécessaire aux médiateurs familiaux et permettrait aux notaires en droit de la famille de cerner davantage les expectatives pour les justiciables.

Maintenant, au niveau de la vocation successorale du conjoint de l'union parentale, le régime proposé par le projet de loi fera en sorte que le conjoint de fait en union parentale aura vocation à recueillir un tiers de la succession, les deux autres tiers étant dévolus aux enfants du défunt. À ce jour, la seule preuve officielle de l'état civil d'une personne décédée demeure la mention inscrite sur la copie de l'acte de décès délivrée par le directeur de l'état civil.

Considérant toutefois que l'union parentale ne sera pas consignée au registre de l'état civil, l'APNQ se questionne quant à la façon dont le notaire pourra s'assurer, autrement que par la déclaration du conjoint ou de proches, amis du défunt, que ce dernier était ou n'était pas en union parentale. Nous appréhendons une augmentation de la judiciarisation des successions en raison de ce flou. L'application risque d'être très problématique à certains niveaux.

• (15 h 10) •

Afin d'éviter aussi qu'une tendance judiciaire ne s'installe en droit successoral au Québec, ce qui n'est pas le cas actuellement, notamment par le rôle du notaire et de l'acte authentique, il est primordial d'encadrer davantage, en amont dans la loi, la qualification du conjoint survivant en union parentale. Rappelons-le, au Québec, avec les testaments notariés, la déclaration d'hérédité notariée, on limite à sa plus simple expression le recours duu tribunal. Ainsi, il serait possible d'inclure au projet de loi davantage de présomptions permettant de qualifier efficacement une personne au titre de conjoint en union parentale dans le contexte d'un décès. (Interruption) Pardon.

Il pourrait y avoir aussi une difficulté à expliquer les règles aux justiciables, en sachant que la dévolution au conjoint de fait est possible uniquement si ce conjoint se qualifie comme étant en union parentale, sans y avoir mis fin tacitement en plus. Après analyse, eh bien, la question se pose : Pourquoi donc seulement les conjoints de fait avec enfants ont-ils le droit à la vocation successorale?

Eh bien, l'APNQ croit que cette question devrait faire l'objet d'une étude plus approfondie dans le cadre d'une réforme du droit des successions.

Au niveau maintenant de «l'opting in» par acte noratié, eh bien, l'APNQ ne peut, d'abord, évidemment, se réjouir du choix du législateur de privilégier l'Acte notarié en minute pour la convention de modification du patrimoine d'union parentale, la convention de retrait de certaines dispositions ainsi que pour l'acte de renonciation au partage du patrimoine parental.

D'abord, l'APNQ salue le choix du législateur d'offrir aux conjoints, nécessairement, la possibilité de modifier le contenu du patrimoine d'union parentale. Ainsi, la modification du patrimoine d'union parentale, tout comme c'est le cas pour le contrat de mariage, la modification de celui-ci doit être constatée par acte notarié en minute.

Dans le même ordre d'idées, l'APNQ accueille favorablement le choix du législateur d'exiger la forme notariée pour renoncer au partage du patrimoine parental. Ce prérequis s'inscrit en continuité des règles du Code civil prévoyant la forme notariée des renonciations en matière familiale et successorale.

Face au caractère sensible que peuvent revêtir ces renonciations, le législateur fait du notaire son principal allié pour contrer les abus et la manipulation à l'égard des conjoints qui seraient à risque de consentir à des actes sans en saisir la portée, tout en limitant la multiplication de professionnels et des coûts et honoraires en découlant.

Une fois de plus le législateur mise sur le notaire et sur l'acte notarié pour leurs nombreux avantages qui sont détaillés dans notre mémoire.

L'APNQ est d'avis que l'adhésion volontaire au régime devrait se faire également sous la forme notariée en minute. Il faut rappeler que ce nouveau régime emportera plusieurs droits et obligations, dont celui d'hériter du conjoint de fait décédé. Nous jugeons alors important que cette adhésion se fasse sans équivoque, avec une date certaine. Mais, bien sûr, l'acte notarié est le meilleur véhicule pour ce faire. De cette manière, cette avenue aurait pour effet d'éviter de judiciariser la question d'adhésion ou non à ce régime.

Ainsi, tel qu'abordé précédemment, le législateur respecte, en conclusion, le principal fondamental... de principe, pardon, fondamental de liberté contractuelle, et voit en l'acte notarié l'instrument qui garantira le consentement... pardon, le consentement libre et éclairé des citoyens. Ainsi, nous connaissons... reconnaissons que législateur québécois assume pleinement ses responsabilités afin de garantir une paix juridique aux Québécois et Québécoises.

Je vous remercie d'avoir écouté... de m'avoir écouté et je suis évidemment disponible avec ma collègue Me Brown pour répondre à toutes vos questions.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Me Houle. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Me Brown, Me Houle, merci beaucoup d'être présents aujourd'hui pour l'Association professionnelle des notaires du Québec. Vous représentez plusieurs milliers de notaires, je crois, au Québec. Combien de...

M. Houle (Kevin) : Tout près de 1 900 à peu près...

M. Jolin-Barrette : On ferait... on va faire un chiffre rond, près de 2 000 notaires. À la fin de l'année, votre membership va peut-être avoir augmenté...

M. Houle (Kevin) : Effectivement.

M. Jolin-Barrette : ...suite à votre passage en commission parlementaire. Écoutez, merci beaucoup pour le mémoire. Je comprends que vous dites...

M. Jolin-Barrette : ...c'est un juste milieu, le projet de loi. Je voulais vous amener dans un premier temps sur le rôle du notaire et sur l'évaluation du consentement libre et éclairé. Parce que vous n'êtes pas sans savoir que le projet de loi est sujet à certaines critiques. Certains disent qu'on ne devrait pas permettre le fait d'avoir une disposition de retrait du patrimoine d'union parentale, parce que le notaire n'est pas nécessairement en mesure d'évaluer si la personne consent librement.

J'aimerais ça que vous nous disiez comment ça se passe en pratique. Quelle est la position des notaires là-dessus? Parce que, puisqu'on permet aux gens de venir dire, à partir du moment où il y a un enfant, bien, vous allez pouvoir vous... allez vous retirer, mais par acte notarié, soit en totalité ou soit certains biens.

M. Houle (Kevin) : Je vais répondre à votre question, puis je pourrai laisser ma collègue Me Brown terminer, mais d'abord, il ne faut pas se... il faut se rappeler que le notaire est un officier public, oui, mais aussi un conseiller juridique. Donc, à partir de là, le notaire n'est pas simplement qu'un simple commissaire à l'assermentation, n'est pas un professionnel qui ne fait que recevoir la signature d'une personne sans aucune explication. Il faut regarder ce débat ou cette question-là en ayant en tête la déontologie, la loi qui régit la profession notariale. Au niveau déontologique et légal, le notaire se doit obligatoirement, quand il agit comme officier public impartial, et c'est la loi qui le dit, donner des conseils, un devoir de conseil très large et très important. Donc, c'est reconnu, c'est clair. Donc, à partir de là, le notaire, conseiller juridique, est le seul conseiller juridique au Québec en mesure de donner du conseil juridique à plus d'une partie, nécessairement, qui peuvent avoir aussi des intérêts divergents. Donc, à ce niveau-là, je n'ai aucun problème. Et les notaires ont prouvé, depuis les centaines... les dernières années, la capacité, le professionnalisme qu'ils ont d'être en mesure de donner les conseils, les effets d'une renonciation, dans ce cas-ci, les droits et obligations qui résulteraient normalement si on n'a peut-être pas hâte de ce régime-là, par exemple. Donc, quels seraient les effets? À quoi vous renoncez exactement? Et qu'est-ce qui va arriver après coup?

Donc, il n'y a aucun problème considérant que le notaire, encore une fois, le seul conseiller juridique au Québec en mesure de le faire, eh bien, est habilité et formé pour être en mesure de pouvoir donner du conseil juridique à plus qu'une partie, et d'autant plus que la population a confiance au notaire et apprécie le conseil que le notaire donne. Puis je voulais terminer également, peut-être pour faire un petit aparté, parce que ma collègue pourrait terminer, en ce qui concerne la différence entre le notaire, mais aussi il faut penser entre les devoirs du médiateur aussi, je pense, ce sont deux choses distinctes. Je ne sais pas si on pourrait se permettre d'en permettre déjà.

M. Jolin-Barrette : Allez-y, allez-y.

Mme Brown (Marie-Eve) : Je vais peut-être juste commencer en disant : Je suis un peu surprise, vous me voyez surprise quand j'entends les gens dire qu'un notaire ne pourra pas donner un conseil juridique adéquat quand il y a des parties qui ont des intérêts opposés, parce que c'est le travail qu'on fait à la journée longue, c'est un travail qu'on fait déjà. Donc, moi, dans notre étude, on fait un grand nombre de modifications de régimes matrimoniaux. Donc, les gens qui sont mariés, en société d'acquêts, puis qui décident de commencer à être en séparation de biens à partir d'une certaine date, ils ont des intérêts opposés. Le notaire va les rencontrer, va leur donner chacun un conseil, et puis va les assister dans la rédaction de leurs contrats... leurs contrats de mariage. La même chose pour les contrats de mariage, les demandes conjointes en divorce.

M. Jolin-Barrette : Est-ce que... Est-ce que vous les rencontrez séparément?

Mme Brown (Marie-Eve) : Si c'est nécessaire. Donc, effectivement, si un notaire a un doute, veut vérifier la capacité, le consentement libre, c'est fréquent qu'on va rencontrer nos clients seul à seul. Donc, on appelle ça des caucus, ce n'est pas la même chose que vos caucus. C'est où est-ce qu'on va prendre une partie avec nous, seul à seul, pour un petit entretien, et ensuite on va prendre l'autre partie seul à seul. Ça peut arriver aussi que le notaire, qui a encore un doute sur le consentement, va demander que les clients aillent chercher un conseiller juridique indépendant. Donc, moi dans ma pratique, ça arrive des fois, surtout dans des demandes conjointes en divorce. Ils conviennent d'un accord, je vais leur dire : Ce serait une bonne idée d'aller consulter. On leur donne un projet, ils vont consulter s'ils ressentent le besoin, puis ils reviennent devant moi pour conclure l'horaire.

M. Houle (Kevin) : Bien, souvent, cette option-là, si vous me permettez, ça va être dans un contexte où nécessairement le notaire peut sentir qu'il y a peut-être des éléments sous-jacents, des éléments non dits, des éléments qui sont externes à la situation qui se trouve devant lui, là, par exemple.

M. Jolin-Barrette : Et donc ça ne vous inquiète pas? Parce qu'il y a certains commentaires qui ont été formulés à la commission, à l'époque du patrimoine familial, où il y avait la possibilité de s'exclure, en 1989, où il serait survenu des... des consentements qui auraient été viciés. Donc, le fait d'avoir une disposition de retrait, vous, vous êtes à l'aise avec ça, vous considérez que les notaires sont outillés pour donner un consentement libre et éclairé, et surtout pour l'évaluer? Ça, vous êtes...

M. Houle (Kevin) : Puis je tiens à dire qu'il n'y a personne de parfait, mais législateur tente d'aller avec la meilleure protection possible. Et, au Québec, c'est un acte notarié, la meilleure protection possible.

M. Jolin-Barrette : O.K...

M. Jolin-Barrette : ...toujours sur l'acte notarié, pourquoi vous souhaitez que l'adhésion au régime... Parce que, dans le fond, le régime débute à partir du moment où, après le 30 juin 2025, les gens qui vont avoir un enfant, le régime va s'ouvrir d'office par la loi. Ceux qui auraient des enfants, supposons, actuellement et qui voudraient être assujettis au régime d'union parentale, vous dites : Bien, écoutez, nous on trouve que ça devrait être fait par acte notarié. Pourquoi?

M. Houle (Kevin) : Bien, d'abord, il faut savoir qu'avec les droits et obligations qui vont découler de ce nouveau régime-là, comme praticiens, là, bien, on se dit que, veux veux pas, il va arriver un moment donné un contexte où le document tel qu'il soit sera peut-être perdu, signé par une des deux parties ou, nécessairement, maintenant, il va falloir qu'on règle le partage ou bien la succession. Et là on va se questionner à l'effet que l'élément qui a déclenché le processus n'était lui-même pas si clair ou si béton, assuré. Il y a même le consentement. Donc, la personne a-t-elle signé volontairement ou non? Là, évidemment, on ne parle pas de l'«opting out», c'est peut-être moins, là, dommageable d'y rentrer, entre guillemets, mais il ne demeure pas moins que c'étaient tous les effets qui en découlent à cette union-là. Mais on se dit qu'il faut que le point de départ soit le plus solide possible aussi, là.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la question du 30 jours, là, le fait qu'on permet de demander au tribunal l'attribution de la résidence familiale, vous, vous nous suggérez d'aller jusqu'à 90 jours. C'est bien ça?

• (15 h 20) •

M. Houle (Kevin) : Effectivement.

M. Jolin-Barrette : Pourquoi?

Mme Brown (Marie-Eve) : Dans mon étude, on fait beaucoup de séparations, puis les gens, à l'intérieur de 30 jours, quand il y a une annonce de la rupture, qu'est ce qu'on va faire avec les enfants, comment qu'on va organiser l'école, ils sont tellement pris avec 5 millions de décisions que l'instinct d'aller voir : Bon, bien, on va aller devant les tribunaux pour se permettre la protection de la résidence familiale, ça ne sera pas instinctif, immédiat. Donc, on veut permettre aux conjoints d'avoir un plus grand délai pour s'adresser aux tribunaux.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la question des successions du testament, en matière successorale, le projet de loi vient faire en sorte que les conjoints qui sont en union parentale pourront désormais, en l'absence de testament, hériter comme les gens mariés, c'est-à-dire le tiers de la succession, le deux tiers aux enfants. Dans le cadre de la pratique de vos membres, là, c'est quoi, la proportion des gens que vous voyez qui n'ont pas de testament?

M. Houle (Kevin) : D'abord, je dois dire qu'on n'a quand même pas de statistiques officielles sur cet élément-là, puis je vais laisser peut-être Me Brown... puis je pourrai compléter par la suite.

Mme Brown (Marie-Eve) : C'est certain que dans ma pratique, c'est peut être biaisé parce que je suis connu comme étant la notaire qui prend des dossiers que les autres notaires ne veulent pas, donc j'ai une auto de clientèle qui n'ont pas de testament, puis, généralement, c'est des successions qui sont un peu plus contentieuses, un peu plus difficile. Donc, je dirais que j'ai probablement à peu près 40 % à 50 % de mes successions qui sont sans testament.

M. Houle (Kevin) : Et en ce qui me concerne, moi, je fais du droit des affaires principalement, mais il ne demeure pas moins que je fais aussi quelques fois du résidentiel, donc je parle à M. et Mme tout le monde, la clientèle. La personne en affaires demeure quand même une personne qui a des enfants, un couple. Donc, quand on leur parle, je vous dirais que de mon niveau, facilement, j'ai envie de dire 50 %, mais c'est peut-être complètement faux. Ce que je veux dire, c'est que, nécessairement, quand tu parles à quelqu'un qui vient d'avoir des enfants, peut être que pour ce jeune couple là, effectivement, ils se disent : Bien, moi ça fait peut être un an, deux ans que je suis avec ma blonde, on a des enfants, on a acheté une maison, bien, je trouve ça normal que ma blonde, elle hérite, tu sais, nécessairement. Mais tu vas parler à d'autres personnes qui n'ont pas encore d'enfants, ça fait deux ans qu'ils sont ensemble sans enfants, puis eux autres, ça les satisfait peut être que la blonde ou le chum n'hérite pas non plus. Donc, il ne faut pas présumer non plus que, nécessairement, tout le monde n'a pas de testament parce que nécessairement ils sont négligents. Ça se peut qu'ils soient satisfaits de ce que la loi prévoit actuellement. Ce n'est pas officiel ce que je dis là, par contre, je dois l'avouer, mais chacun a ses raisons.

M. Jolin-Barrette : Mais là, le fait que désormais les parents avec enfants, après le 30 juin 2025 vont être assujettis, dans le fond, en l'absence de testament, j'imagine que ça vient tout de même corriger une situation où, quand on est conjoint de fait, trois enfants, ça fait 25 ans qu'on habite avec quelqu'un, on décède subitement, le conjoint n'hérite de rien. J'imagine que vous en voyez des cas comme ça.

M. Houle (Kevin) : Oui, c'est ça, effectivement. Puis j'ai même vu des cas où effectivement les enfants étaient majeurs, puis Mme a dû racheter la part de la maison aux enfants, là. C'était ainsi. Mais il n'en demeure pas moins qu'on était d'accord avec l'idée, mais la notion de sortir de ce régime-là de manière tacite, de l'Union, je veux dire, là, c'est ce qui nous mettait, là... ce qui nous causait problème comme notaires praticiens, parce que, clairement, les notaires, nos collègues vont arriver, puis ils vont dire : Bon, là, Mme, on dit qu'ils avaient cessé de faire... ils vivaient encore sous le même toit, mais ils ne dormaient dans le même lit depuis un mois, là. Donc, est ce qu'ils étaient encore des...

M. Houle (Kevin) : ...tu sais, c'est tout ça qui va arriver nécessairement.

M. Jolin-Barrette : O.K. Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Vous dites, là : On devrait remplacer le terme «manifestation tacite» par «manifestation non équivoque». Que voulez-vous dire par manifestation non équivoque?

M. Houle (Kevin) : Bien, aucune ambiguïté, claire, assurer que... confirmer, donc que ce soit clair, cet élément-là. Ce qu'on se disait, c'est... Il peut y avoir différentes procédures, méthodes. On renverrait la balle peut-être au législateur. Mais ce que je veux dire, par exemple, c'est peut-être non officiel, mais ça peut être un élément où, après un certain temps, si Mme, par exemple, ou M., prenons l'exemple de Mme, décide de sortir de l'union et qu'il n'y a pas d'entente pour signer un document qui confirme mutuellement avec les deux, est-ce que ça peut être... ou elle signe un document peut-être notarié, et, après coup, on peut même jusqu'à dire qu'une fois qu'on l'envoie par huissier, mais l'autre ex-conjoint reconnaît la date... Vous comprenez, il y a plein d'éléments. Ce n'est pas officiel, ce que je vous dis là, mais je me dis que le législateur, après cette commission, pourra peut-être réfléchir sur la méthode de... s'assurer que cette expression «tacite»... expression «non équivoque», se fasse d'une quelconque manière, mais pas tacitement.

M. Jolin-Barrette : Vous voulez que ça soit clair, là?

M. Houle (Kevin) : Oui, considérant les effets de ce projet... de cette union-là.

M. Jolin-Barrette : Mon amour, je t'informe que je te laisse.

M. Houle (Kevin) : Oui, mais, si c'est : Mon amour, je t'informe que je ne suis pas certain que je t'aime encore, O.K., est-ce qu'on est encore ensemble ou non, finalement?

M. Jolin-Barrette : Bien là, le statut c'est : C'est compliqué.

M. Houle (Kevin) : C'est ça. Bien, ça, c'est un statut qu'on peut mettre sur les réseaux sociaux, mais, au plan légal, ça... on voyait... on voyait beaucoup de problèmes au niveau des notaires que nous sommes, là, qui allons régler ces successions.

M. Jolin-Barrette : O.K. Bien, écoutez, merci beaucoup pour votre passage en commission.

Le Président (M. Bachand) :Merci. M. le député de Saint-Jean, pour quatre minutes 15 secondes, s'il vous plaît.

M. Lemieux : On n'a même plus besoin de vous poser la question. Merci, M. le Présidnt. Me Houle, Me Brown, bonjour. Le déclencheur de l'union parentale, c'est la partie parentale de l'affaire. Ça veut dire qu'il y a des choses qui ne changent pas pour des conjoints de fait puis qui vont changer en cours de route si enfant il y a. On va voir la première étape : conjoints de fait, pas d'enfant. Il y a-tu quelque chose qu'il faut qu'on change là-dedans, là, comme c'est écrit? Parce qu'il y en a qui pensent qu'on ne va pas assez loin, d'autres pas trop loin, juste sur ce bout-là, là.

M. Houle (Kevin) : Conjoint de fait, pas d'enfant, en ce qui nous concerne, on s'est... le comité s'est penché sur l'étude du projet de loi tel quel, on va laisser d'autres intervenants peut-être se pencher sur les questions plus globales de la protection ou non des conjoints de fait sans enfants.

M. Lemieux : Mais globalement? Mais globalement?

M. Houle (Kevin) : Qu'est-ce que vous voulez dire?

M. Lemieux : Bien, je veux parler pointu, là, je veux juste... Globalement, vous avez regardé ça, vous vous êtes dit : O.K., c'est beau, ou vous avez plein de réserves, plein de...

M. Houle (Kevin) : Bien, considérant que le projet de loi ne vise pas du tout une réforme complète de la notion de conjugalité en termes de conjoints de fait, sans enfant, globalement, nous n'avons pas fait cette étude globale.

M. Lemieux : O.K. On arrive aux enfants. Donc, le... le... le régime s'applique pour ceux... l'enfant après le 25. Est-ce que le principe est clair? Je veux dire, on va... on va étudier ça je ne sais pas pendant combien d'heures, là, article par article, il y a sûrement un article ici, un article là qu'on va jouer, là, mais le principe et la hauteur, parce qu'il y a des gens qui nous ont fait des signes pour nous expliquer que ça pourrait être jusque là, mais là ça va jusque là, la hauteur de ce qui va se passer si c'est adopté tel que tel.

M. Houle (Kevin) : Mais la hauteur de ce qui va se passer, incessamment, on ne peut pas être contre la protection des enfants, l'intérêt de l'enfant, et ça va de soi. Puis on est conscients qu'il y a... il y a bien souvent, dans quelques cas, un conjoint qui pourrait, suite à une relation de fait, là, un conjoint qui va peut-être, après une séparation, se retrouver, là, défavorisé et que l'enfant va vivre ces effets-là. Donc, on ne peut pas être contre le projet. C'est ce qu'on disait d'entrée de jeu, c'est un entre deux, entre la protection de l'enfant et justement ce que vous me disiez tantôt, l'aspect, là : Doit-on légiférer la notion de conjoints de fait largement sans conjoint de fait... sans enfant?

M. Lemieux : Votre... bien, pas votre spécialité à vous parce que vous faites du droit... vous faites du notariat d'affaires et vous... Mais on imagine toujours, les gens qui ne vont pas voir souvent le notaire, que la première raison pour laquelle on irait, c'est pour un testament ou pour une maison. Un cliché, vous allez me dire, mais c'est probablement le cas, en tout cas, pour le testament, il y en a qui devraient y aller puis ils n'y vont pas, puis c'est là que je veux aller. Vous en avez parlé tout à l'heure, mais je veux que ce soit clair, on protège les enfants avec la mesure par rapport au testament, donc, si on... si on... si on disparaît sans testament, il y a une protection de base pour les enfants, mais ça simplifie l'affaire beaucoup aussi pour le conjoint.

Mme Brown (Marie-Eve) : Effectivement. Donc, si le parent conjoint reçoit une part d'héritage, ça va enlever plusieurs des successions tragiques qu'on a...

Mme Brown (Marie-Eve) : ...ou l'immeuble est au nom uniquement de la conjointe. Elle décède, ne laisse pas de testament, et là c'est les enfants mineurs qui héritent. Le conjoint est incapable d'aller obtenir un prêt, il faut qu'il rachète la part des enfants mineurs. Il faut qu'on fasse un conseil de tutelle. Puis là je le compare toujours... j'ai l'impression, quand je rencontre ces clients-là qui sont en deuil, et puis là : Ma conjointe est décédée, qu'est-ce qu'il faut que je fasse, notaire? La maison est à son nom. On a deux enfants en bas âge. Là, non seulement il vient de devenir monoparental, j'ai l'impression d'empiler sans cesse le stress sur ses épaules en lui disant : Bien là, la maison appartient aux enfants, non, tu ne peux pas l'hypothéquer comme tu veux, il faut qu'on crée un conseil de tutelle pour protéger l'actif des enfants mineurs. Ça devient beaucoup plus complexe et beaucoup plus lourd. Donc, c'est une protection qui est très intéressante pour les conjoints avec enfants.

M. Lemieux : Et, du point de vue des notaires que vous êtes, c'est un ajout important, là. Il ne faut pas jouer avec ça, là.

Mme Brown (Marie-Eve) : C'est un ajout très important. C'est une belle avancée.

M. Lemieux : Merci beaucoup. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :...député de l'Acadie, s'il vous plaît.

Mme Brown (Marie-Eve) : Merci.

M. Morin : Merci, M. le Président. Alors, bon après-midi. Bonjour, Me Houle, Maître Brown, merci d'être avec nous cet après-midi. Quelques... quelques questions, quelques échanges avec vous. Il y a des experts plus tôt aujourd'hui qui nous ont suggéré que ce serait peut-être bien que l'union parentale, en fait, se forme après un certain nombre de temps, un an ou deux ans. Ce n'est pas ce qui a retenu le législateur à 521.20. Est-ce que vous y voyez un avantage ou si le fait de laisser ça comme c'est là, ça va suffisamment protéger les conjoints?

• (15 h 30) •

Mme Brown (Marie-Eve) : Je pense que la... c'est la naissance de l'enfant, étant donné qu'on... que ce projet de loi là vous mettre le... tout l'élément central, c'est l'enfant, c'est normal que ça soit la naissance de l'enfant qui crée les droits et non pas une union de fait pendant un an comme on pourrait voir pour les cas... pour les déclarations fiscales, par exemple, on est considéré comme en union de fait à partir d'un an, mais ce n'est pas la vie commune, ce n'est pas la cohabitation qui crée un droit. Dans ce projet de loi là, on met l'enfant au cœur, et donc c'est normal que ce soit à la naissance de l'enfant que les droits sont créés.

M. Morin : Je vous remercie. Maintenant, compte tenu du fait de la définition de l'union parentale, père et mère, naissance de l'enfant, est-ce que vous croyez que ce projet de loi crée différentes catégories d'enfants qui seront traités différemment, tout dépendant du moment de leur naissance?

Mme Brown (Marie-Eve) : On a... je l'ai entendu souvent, là, j'ai écouté hier, puis la notion de catégories d'enfant, je ne suis pas certaine de comprendre en quoi ça crée différentes catégories d'enfants. Est-ce qu'on a déjà des catégories d'enfants différents du fait qu'on a des gens qui sont mariés en société d'acquêts, des gens qui sont mariés en séparation de biens, qu'on a des gens qui sont mariés sous des régimes étrangers, on a des gens qui ne sont même pas en couple, qui ont des enfants ensemble, mais qui ont des projets parentaux? Donc, je ne vois pas en quoi ce projet de loi là crée des différentes catégories d'enfants. Si on prend cette pensée-là, mais ça voudrait dire qu'on en a déjà, des différentes catégories d'enfants, auquel cas on devrait obliger tout le monde à se marier en société d'acquêts pour que tous les enfants... avant d'avoir des enfants.

M. Morin : Oui, sauf que, quand je lis le projet de loi... puis peut-être que ma lecture n'est pas correcte, mais à 521.20, on parle de l'union parentale qui se forme dès que les conjoints de fait deviennent les pères et mères et les parents d'un même enfant. Et, un peu plus loin, bien, on parle de la résidence familiale puis on parle, après ça, du patrimoine de l'union parentale qui s'applique. Mais, s'il y a des enfants qui sont nés avant, d'après vous, est-ce que le projet de loi va aussi leur permettre, si jamais il y a... il y a une désunion, de bénéficier des mêmes éléments du partage du patrimoine de l'union parental?

Mme Brown (Marie-Eve) : Dans le fond, il faut tirer la ligne en quelque part. Puis je comprends le sens de votre question, c'est là, les parents qui ont un enfant, au mois de mai 2025, pourquoi eux ça ne s'applique pas à eux? Et puis ou les parents qui ont des enfants maintenant. C'est certain qu'il faut qu'on tire une ligne en quelque part, puis, si on la tire, puis on dit : C'est à partir de l'adoption. Tous les enfants qui sont nés à partir de l'adoption de la loi, toutes les protections vont s'appliquer, mais là on va avoir des gens qui vont dire : Mais nous autres, quand on a projeté avoir un enfant, on a une grossesse qui est en cours, ce n'est pas juste, ce n'étaient pas les règles qui s'appliquaient à nous. Si on décide, on l'applique à tout le monde qui a déjà des enfants ou des enfants mineurs, comme j'ai entendu hier, on a des gens qui vont dire : Mais nous on a décidé d'avoir des enfants sous un certain régime, puis là vous nous obligez à un autre régime. Puis, si on fait ce qui a été décidé par le législateur, c'est-à-dire, bien, on tire la ligne en 2025 pour permettre aux gens qui décident d'avoir des enfants de savoir dans quel régime ils embarquent, bien, ça crée l'autre injustice...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

Mme Brown (Marie-Eve) : ...où est-ce qu'on dit : Oui, mais ceux qui en ont déjà, pourquoi que ça ne peut pas s'appliquer à eux? Puis il faut tirer en quelque part la ligne, puis, je pense, le législateur le fait. Est-ce qu'il y aurait un moyen d'avoir une position mitoyenne puis d'offrir, par exemple, la protection de la résidence familiale à tous les couples avec enfants, même s'ils sont nés avant 2025? Bien, peut-être qu'il y aurait une façon de trouver une position plus mitoyenne.

M. Morin : Parce qu'en fait, ma compréhension, quand M. le ministre a déposé son projet de loi, c'est que l'élément déclencheur, au fond, c'est la naissance d'un enfant, donc c'est pour protéger des enfants. Alors, je me dis, bien, si on est pour protéger des enfants, puis que, de toute façon, on va changer le régime qui s'applique aux couples en union de fait, pourquoi attendre à 2025? Si on veut protéger, pourquoi ne pas le faire dès l'adoption de la loi puis son entrée en vigueur?

Mme Brown (Marie-Eve) : On comprend, mais comme je vous dis, c'est juste... peu importe où on va tirer la ligne, il va y avoir des mécontents.

M. Morin : D'accord, on va essayer d'en faire le moins possible. 521.22, il y a plusieurs groupes, personnes, experts qui nous en ont parlé, ne vous l'avez souligné également, la fameuse manifestation expresse ou tacite qui n'est peut-être pas si expresse que ça. On nous a suggéré le concept qui se retrouve déjà dans le Code civil puis qui s'appelle la cessation de vie commune. Est-ce que pour vous ça serait plus clair? Est-ce que ça permettrait d'établir plus facilement ce qui arrive ou pas?

Mme Brown (Marie-Eve) : L'avantage de la cessation de vie commune, c'est qu'on a déjà un bon lot de jurisprudence là-dessus. Donc, c'est certain qu'introduire une nouvelle notion comme une manifestation tacite, on va attendre des années avant de vraiment comprendre que les tribunaux puissent interpréter : Bien, c'est quoi une manifestation tacite? Est-ce que je t'ai trompé puis on s'est chicané ce soir-là, puis je décède, est-ce que c'est une manifestation tacite? Donc, avant que les tribunaux nous donnent des lignes, ça va être long. Donc, évidemment, si on prenait une notion qui est déjà connue, comme la fin de vie commune, ça pourrait faciliter la fin de cette union parentale là. Sachez par contre qu'en médiation familiale, quand on doit décréter une fin de vie commune, une date de fin de vie commune, je vous dis, j'ai des dossiers où est-ce qu'on passe deux ou trois rencontres à décider c'est quoi qu'on considère comme étant notre date fin de vie commune. Ça fait que ce n'est pas nécessairement très, très clair non plus?

M. Morin : Oui, je comprends que, dans certaines circonstances, ça peut être un peu plus difficile. Maintenant, vous avez quand même la jurisprudence actuelle qui peut vous aider pour l'expliquer aux gens qui cessent de faire une vie commune plutôt que d'attendre d'autres jurisprudences éventuellement qui nous interpréteront ce que c'est qu'une manifestation tacite de la volonté des conjoints. Merci.

Autre élément, et puis là aussi, bon, les experts, les groupes, on a eu, en fait, différents points de vue. Toute la question des aliments pour les conjoints, vous en pensez quoi?

Mme Brown (Marie-Eve) : Donc, si vous me permettez, il y a vraiment deux régimes différents qui ont des protections différentes. Quand on est mariés, donc le régime du mariage vient protéger le conjoint, vient protéger le conjoint avec le patrimoine familial, le régime, la pension alimentaire, donc tout ce qu'on connaît du mariage. Et c'est donc logique en mariage qu'on ait une pension alimentaire pour conjoint parce que ce n'est pas dépendant qu'on ait des enfants ou non. En se mariant, on crée un régime dans lequel on veut se protéger l'un et l'autre. C'est aussi la logique pour laquelle on inclut les régimes de retraite. Donc, ce que je dis à mes clients, c'est que quand tu mets 20 000 $ de côté dans tes REER puis tu es marié, tu le mets de côté pour la retraite du couple.

Le deuxième régime, c'est pour la protection de l'enfant. Et étant donné que le régime d'union parentale, ce n'est pas pour protéger le conjoint, mais bien pour protéger les enfants, il est donc logique qu'il n'y ait pas deux régimes de retraite et qu'il n'y ait pas de pension alimentaire pour conjoints, parce que si les gens veulent cette protection-là, ils ont juste à se marier. Et puis les notaires vont leur faire... vont se faire un Plaisir de marier les gens en leur donnant un très bon conseil juridique en plus, ce qui est un point positif que de se marier à l'église.  Se marier devant le notaire, tu as tous les conseils que tu as besoin.

M. Morin : D'accord. Maintenant, le projet de loi parle aussi de prestation compensatoire. Et on nous a dit qu'effectivement ça peut être un moyen de compenser un conjoint, sauf que ça ne se fait pas, évidemment, sans preuve, ça prend du temps, il faut aller à la cour, c'est le tribunal, ce n'est pas...

M. Morin : ...pas évident, là. Pensez-vous que c'est un mécanisme qui est utile, ou si on ne pourrait pas penser à un autre mécanisme qui éviterait, par exemple, une judiciarisation puis qui permettrait d'arriver à des fins semblables plus rapidement?

Mme Brown (Marie-Eve) : Ça fait partie des recommandations dans notre mémoire, on est d'accord avec la prestation compensatoire qui est une notion vraiment de droit civil, mais ce qu'on a demandé dans la mémoire, c'est d'avoir une habilitation réglementaire, ou un autre mécanisme, là, que le législateur trouvera bon, afin de nous permettre d'avoir un barème, peut-être, des présomptions qui vont faire que les gens peuvent facilement calculer la prestation compensatoire. Puis quand je dis «de présomption», mais s'il y a un des deux conjoints qui a travaillé 50 % du temps pendant deux ans pour s'occuper des enfants, qu'on ait une façon facile de faire un calcul avec peut-être une fourchette de prestation compensatoire, ce qui viendrait déjudiciariser.

M. Morin : Parfait. Merci. Puis finalement, à 521.30, dans le patrimoine d'union parentale, il y a une énumération des biens qui rentrent dedans, encore là, on a eu plusieurs... plusieurs suggestions, on y inclut la résidence familiale, mais pas, par exemple, des résidences secondaires où la famille peuvent vivre. Il y a... on nous a dit qu'il y a des gens qui ont des résidences secondaires, finalement, qui sont plus importantes que la résidence familiale, ça échapperait. Si c'est pour protéger les enfants, puis on ne veut pas que des enfants, après la désunion, se ramassent dans une situation qui est défavorable, est-ce qu'on ne devrait pas inclure plus de biens?

• (15 h 40) •

Mme Brown (Marie-Eve) : Ça fait partie de nos recommandations. Donc, pour moi, pour nous, pour l'APNQ, pour les notaires, c'est un non-sens qu'il y ait une seule résidence qui fasse partie du patrimoine d'union parentale. Les résidences de la famille, telles que décrites à l'article 415, font l'objet de beaucoup de jurisprudence. On sait c'est quoi une résidence de la famille ou les droits qui en confèrent l'usage. Donc, fais partie de nos recommandations de calquer l'article sur l'article 415 tout en enlevant la portion des régimes de retraite. Il ne faut pas oublier qu'on a des gens... moi, ça m'arrive dans mon bureau, j'ai des gens que j'ai un conjoint qui a une... un condo à Montréal, l'autre conjoint a une maison dans les Laurentides, on est en union de fait, on voyage d'une résidence à l'autre, mais on peut imaginer, quand ils se séparent, ça va être laquelle des deux propriétés qui va être la résidence qu'on se partage? Ça va créer une iniquité dans le couple. Donc, si moi, le condo en ville, je dis : Non, non, c'est notre résidence secondaire, je peux la garder, mais on va partager la propriété dans les Laurentides. Ça... ça n'a aucun sens. Puis j'ai entendu hier que ça devrait être les résidences principales et secondaires. Ce que l'APNQ propose, c'est vraiment de le calquer au 415, donc les résidences de la famille et les droits qui en confèrent l'usage.

M. Houle (Kevin) : Mais il ne faut pas oublier que, par rapport à la protection de la résidence familiale, ce n'est pas la même notion, là. On comprend qu'on protège la résidence, mais, pour le fait du calcul, ce sont les résidences qu'on voudrait.

M. Morin : Parfait. Je vous remercie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le député de l'Acadie. M. le député de Saint-Henri Sainte-Anne.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci pour votre excellente présentation. Il y a une question que vous avez abordée, là, qui va se poser dans 18 ans, peut-être 19 ans, qu'est ce qui se passe quand l'enfant devient majeur dans l'union parentale, aviez-vous la réponse, vous? Vous la posez, mais...

M. Houle (Kevin) : ...

Mme Brown (Marie-Eve) : C'est une question qui nous a été posée par des membres qui nous ont dit : Mais là qu'est ce qui arrive aux couples qui ont eu des enfants en juin 2025? Là, ils ont eu des triplets en juin 2025, 50 ans plus tard, 40 ans plus tard, les enfants sont partis du nid, ils ont leurs propres enfants, est-ce qu'ils sont encore en union parentale? Puis on a discuté longuement de la question et donc, étant donné qu'on n'avait pas la réponse, on l'a mise dans notre mémoire.

M. Houle (Kevin) : Mais on... nécessairement, on n'a pas vu que c'était une cause, la majorité, de dissolution du... Bien, on comprend, mais, ce que je dis, c'est : Est-ce que c'est vraiment, donc, l'intention du législateur de faire en sorte que le conjoint, une fois que les enfants ont 31 et 37 ans, que le conjoint hérite aussi? Alors que là, nécessairement, la protection des enfants fait... ça fait que c'est... C'était un point où on voulait vraiment s'assurer que l'intention, c'était bel et bien ça.

M. Cliche-Rivard : Bien, on s'assurera d'en faire mention dans nos travaux, là. Je vois M. le ministre qui hoche de la tête. Donc, on s'assurera d'avoir sa réponse formelle, là, sur le procès-verbal au moment des travaux, mais il semble que oui. Il me semble que, l'idée, c'est que, passé la majorité, la réponse, c'est oui.

Deuxième point. Vous aviez un volet sur, bon, la déclaration de l'union au Directeur de l'état civil, mais vous aviez aussi l'autre volet sur le volet testamentaire, sur la déclaration fiscale. Donc, je comprends que c'est deux régimes différents puis que, d'un côté, ça va être l'enregistrement pour la résidence, de l'autre côté, mais je me demandais qu'est-ce qui faisait en sorte que, d'un côté, vous... vous aviez privilégié une solution où on enregistrait l'union parentale au Directeur de l'état civil, mais, de l'autre côté, vous disiez : Ah, mais en même temps la déclaration d'impôt pourrait suffire pour le régime.

M. Houle (Kevin) : ...j'imagine, là.

M. Cliche-Rivard : Dans vos recommandations...

Mme Brown (Marie-Eve) : Donc, c'est... La recommandation, bon, pour les... pour la succession, ce qu'on vous...

Mme Brown (Marie-Eve) : ...comme praticien, donc les notaires règlent la majorité des successions au Québec, c'est : Qu'est-ce qu'on va faire avec le cas où j'ai un conjoint qui se dit en union parentale. L'autre, les membres de la famille disent : Non, non, tu ne l'es pas. Ce qu'on aurait aimé, ce qu'on suggérerait, c'est qu'on ait une présomption, qui pourra être réfutée s'il y a lieu. Donc, par exemple, on avait utilisé l'exemple qu'un conjoint qui a eu un enfant avec le défunt et qui s'est déclaré en union de fait dans la dernière déclaration d'impôt avant le décès serait présumé être en union parentale au moment du décès, ce qui pourrait simplifier le règlement des successions.

M. Houle (Kevin) : Parce qu'il ne faut pas oublier que, ça, c'est une question de présomption pour fin du règlement de la succession, par exemple. Tandis que la question de l'état civil du registre, c'est simplement où nécessairement tu peux être inscrit comme étant des conjoints de fait, entre guillemets, là, dans le cadre d'une union parentale. On revient au fait que, oui, mais si d'ici là, on a cessé cette union là, bien, le registre ne nous aidera pas plus à court terme s'il y a un décès, par exemple.

M. Cliche-Rivard : ...ne fonctionnera pas.

M. Houle (Kevin) : Bien, la présomption, il faudra peut-être la réfuter rendu là s'il y a des éléments qui viennent contrecarrer, mais, cous comprenez, c'est un peu tout ça, là. Le notaire va vivre avec tout ça, là, pour l'instant, là... bien, pas pour l'instant, mais à venir.

M. Cliche-Rivard : Parfait. Bien, justement, parce que c'est intéressant, puis vous étiez à le dire quand mon collègue de Saint-Jean posait la question, parce que vous faites beaucoup de recommandations d'application de votre expertise. Mais, là aussi, vous entrez dans certaines applications ou dans certaines recommandations quand même sur la plus-value, puis sur l'élément plus philosophique ou justice, là. J'aurais aimé ça... puis il vous reste 30 secondes pour répondre, mais, tu sais, vous vous situez un petit peu entre les deux quand même dans vos recommandations. Mais en même temps, vous disiez : Bien là, on n'est pas là pour dire ce qui n'est pas dans le projet de loi, ça fait que ça m'intéressait, là. Je vous laisserais peut-être juste me dire où est-ce que vous, vous tranchez là-dedans.

M. Houle (Kevin) : Bien, en ce qui me concerne, malgré le fait que ça ne paraisse pas dans le mémoire, ou qu'on ne se soit pas penché en long et en large sur cette question, je tiens à rappeler, il n'en demeure pas moins qu'on le dit par contre, et ça, je peux le dire, on apprécie le fait que le législateur ait gardé et conservé cette liberté contractuelle. Donc, actuellement, on est là.

M. Cliche-Rivard : Je comprends. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci Beaucoup. Alors, Me Houle, Me Brown, merci beaucoup d'avoir été avec nous cet après-midi. C'est très, très, très apprécié. Cela dit, je vais suspendre les travaux quelques instants pour accueillir notre prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 46)

(Reprise à 15 h 48)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir les représentants de la Fédération des Associations des familles monoparentales et recomposées du Québec. Merci infiniment d'être avec nous cet après-midi.

Donc, vous j'inviterais d'abord vous présenter et débuter votre exposé, s'il vous plaît. Merci.

Mme Dufour (Mariepier) : Bonjour. Mariepier Dufour. Je suis la directrice générale à la fédération.

Mme Dauphinais (Chloé) : Donc, Chloé Dauphinais, je suis responsable des dossiers politiques et de la rédaction.

Mme Riendeau (Marie-Pier) : Marie-Pier Riendeau, responsable de la vie associative et de l'éducation populaire.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Allez-y, oui.

Mme Dufour (Mariepier) : Bien, bon après-midi. Tout d'abord, nous aimerions remercier les membres de la Commission des institutions de nous permettre d'être entendus dans le cadre de la présente consultation...

Mme Dufour (Mariepier) : ...cependant, nous déplorons les délais extrêmement courts, délais qui ne nous ont pas permis d'analyser autant en profondeur qu'on aurait voulu le projet de loi n° 56 et aussi de consulter nos membres. Nous profitons de l'occasion aujourd'hui pour réitérer la revendication historique de notre fédération, que nous portons depuis plus de 15 ans et qui demeure toujours d'actualité. Notre position principale est d'étendre l'ensemble des protections actuelles du mariage aux couples avec enfants, qu'ils soient mariés ou non, incluant le même partage du patrimoine familial, les mêmes protections pour la résidence familiale, ainsi qu'à l'obligation alimentaire entre ex-partenaires.

De plus, bien que la position défendue par la fédération concerne les unions avec enfants, les principes d'entraide et de solidarité familiale sur lesquels elle s'appuie peuvent s'appliquer à l'ensemble des couples. Il est important qu'une réforme du droit de la famille assure la protection des membres les plus vulnérables du couple. Encore aujourd'hui, parmi les couples avec enfants, le salaire médian des hommes équivaut à une fois et demie celui des femmes. Les écarts perdurent dans le temps et ont un impact sur la capacité d'épargne des femmes. Les inégalités sociales, dont celles liées au genre, se répercutent dans la vie intime. Ainsi, il nous semble qu'offrir des protections aux personnes en union libre dépasse la capacité de choix.

• (15 h 50) •

Depuis la dernière grande réforme du droit de la famille, en 1980, le nombre d'enfants nés hors mariage n'a cessé d'augmenter. Aujourd'hui, c'est 65 % des naissances au Québec. Malgré cette grande popularité, 31 % des personnes en union libre croient avoir le même statut légal que les couples mariés et 11 % ne savent pas. Si les gens en union libre connaissent peu leurs droits, on peut alors se demander quel choix libre et éclairé le législateur veut-il protéger?

La réforme proposée maintient l'importance de préserver le libre choix des individus de vivre en union libre, sans trop de contraintes légales. Pourquoi pénaliser les enfants en se basant sur l'état civil de leurs parents? Adopté tel quel, le projet de loi viendrait à terme créer des protections variables pour les enfants. Il y aurait toujours les mieux protégés, qui sont les enfants nés de parents mariés, ensuite, ceux qui seront protégés grâce au niveau régime d'union parentale, mais aussi les enfants mis de côté par le projet de loi tel que prévu actuellement. Les enfants de parents en union libre, mais qui sont nés avant le 30 juin 2025, ainsi que ceux qui se trouvent mis de côté pour d'autres motifs, dont les enfants des familles recomposées ou ceux dont l'un des parents est toujours marié. Pour finir, il y aura aussi tous les enfants visés par le régime d'union parentale, mais dont les parents se seront exclus en utilisant leur droit de retrait.

Comme on vous l'a déjà affirmé, la fédération continue de militer pour que ce soit l'ensemble des protections du mariage qui soient appliquées aux couples en union libre, minimalement ceux avec enfants. Par contre, si le gouvernement ne souhaite pas modifier en profondeur sa réforme, nous avons quelques demandes prioritaires qui rendraient le projet de loi n° 56 plus acceptable à nos yeux.

Que la loi s'applique dès son adoption à l'ensemble des couples en union libre avec enfant, et donc que le législateur retire la disposition voulant qu'elle ne s'applique qu'aux personnes qui deviennent parent d'un enfant commun après le 29 juin 2025. Les enfants qui vivent actuellement dans des familles où les parents ne sont pas mariés devraient pouvoir bénéficier de ces protections pour des séparations qui seraient, elles, dans le futur. Il n'y a rien d'anormal à ce qu'une loi s'applique au moment de son adoption. En droit familial, au Québec, cela a déjà eu lieu en 1989, lorsqu'il y a eu l'adoption du patrimoine familial pour les couples mariés. Celle-ci s'est appliquée à l'ensemble de ces couples avec un droit de retrait notarié d'un an. Il ne s'agit donc pas d'une rétroactivité, mais d'un effet immédiat de la loi que de la... (Interruption) pardon, que de l'appliquer à toutes les unions libres avec enfants.

Que le régime d'union parentale s'applique minimalement à tous les couples en union libre avec des enfants à charge, et que, lorsque ce régime ne s'applique pas, que la protection de la résidence familiale puisse être applicable dès l'arrivée d'un enfant dans un couple. Plusieurs enfants de familles recomposées se voient exclus des protections du régime d'union parentale. Prenons d'abord l'exemple d'un couple en union libre, qui n'a pas d'enfant commun, mais qui vit avec les enfants d'un des deux conjoints. En cas de rupture, ceux-ci ne pourront pas bénéficier de la protection de la résidence familiale. Ensuite, prenons l'exemple d'une famille recomposée avec enfant commun, mais dont l'un des conjoints est toujours marié avec une autre personne...

Mme Dufour (Mariepier) : ...au Québec, les divorces ne se règlent pas toujours rapidement. Le projet de loi vient donc encore une fois exclure plusieurs enfants.

Que le droit de se soustraire au régime d'union parentale ou d'en modifier la composition nécessite absolument deux avis juridiques indépendants, soit un avis pour chacune des personnes du couple. Dans le rapport Roy, le régime d'union parentale impératif, duquel s'inspire le projet de loi n° 56, ne recommandait pas un droit de retrait lorsqu'un enfant commun était présent. Nous pensons que ce droit de retrait se doit d'être davantage balisé si nous voulons nous assurer qu'il respecte la protection des membres les plus vulnérables de la famille.

Que soit minimalement inclus dans le patrimoine d'union parentale, les REER et les régimes de retraite. Évidemment, en raison de la principale revendication de la FAFMRQ pour l'encadrement juridique des couples avec enfants en union libre, il est évident que le patrimoine d'union parentale prévu est insuffisant, comme il est considérablement réduit. Il va sans dire que toute amélioration rapprochant le patrimoine d'union parental à celui du patrimoine familial prévu par les protections du mariage serait pour nous positive.

Outre les recommandations liées au projet de loi n° 56, pour la fédération, il est important de prendre le temps d'aborder d'autres enjeux. Ainsi, la FAFMRQ demande que le gouvernement québécois s'engage dans une campagne d'éducation sur le droit de la famille afin de mieux outiller la population. Le choix libre et éclairé demande des connaissances importantes au préalable. Cependant, nous pensons tout de même que la liberté contractuelle est difficilement applicable dans le contexte des relations affectives.

Par ailleurs, la fédération revendique qu'une harmonisation des politiques fiscales, des lois sociales et du droit de la famille soit réalisée pour mieux répondre aux réalités contemporaines des familles. Pour la FAFMRQ, cela est une... cela est une question de solidarité sociale.

Finalement, la FAFMRQ est depuis fort longtemps préoccupée par l'accès à la justice pour les familles monoparentales et recomposées du Québec. Selon ce que nos membres et nous-mêmes constatons, l'accessibilité à la justice est un parcours parsemé d'obstacles. Par exemple, cette situation amène des parents à renoncer à aller ou à retourner en cours pour obtenir une ordonnance de garde. Les délais parfois déraisonnables pour être entendus par un juge minent la patience et la confiance des parents envers le système de justice. Il est indispensable que le ministre de la Justice continue de se pencher sur des moyens d'améliorer l'accès à la justice. Cela est d'autant plus primordial que le projet de loi n° 56 risque potentiellement de créer davantage d'achalandage devant les tribunaux. La fédération recommande que le gouvernement assure une plus grande accessibilité à la justice, tant au niveau des délais qu'au niveau financier.

Le projet de loi n° 56 présente un premier pas vers un droit de la famille plus équitable envers tous les enfants du Québec. Nous pensons cependant qu'il est nécessaire d'en faire davantage pour protéger les enfants et les membres les plus vulnérables de la famille. Bien que le régime d'union parentale soit une avancée intéressante, on espère que le ministre de la Justice sera à l'écoute et que des amendements seront réalisés. Il semble qu'on soit aujourd'hui arrivé à un consensus social pour un encadrement juridique des unions libres équivalent au mariage. Merci de votre écoute.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Mme Dufour. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Mme Dufour, Mme Dauphinais, Mme Riendeau, bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission parlementaire. C'est apprécié. Et vous venez au nom de la Fédération des associations des familles monoparentales et recomposées du Québec.

Peut-être une première question explicative, parce que je lisais, au début de votre mémoire, vous expliquez, dans le fond, les familles monoparentales, les familles recomposées. Juste de nous expliquer votre définition de familles monoparentales. Dans le fond, comment vous le... vous le concevez, la famille monoparentale?

Mme Riendeau (Marie-Pier) : On prend une définition très large de la monoparentalité, là, donc ça peut aller d'une garde à... exclusive à une garde de 50-50. Pour nous, il n'y a pas de différence, là. On considère ces familles-là comme des familles monoparentales.

M. Jolin-Barrette : Donc, c'est à partir du moment où, supposons, les parents sont séparés, puis qu'elles... supposons... une garde partagée 50-50, on se retrouve avec, supposons, les deux...

M. Jolin-Barrette : ...deux parents chacun de leur côté, qui sont monoparentals chacun de leur côté.

Mme Riendeau (Marie-Pier) : Oui, c'est ça, je... Statistique Canada a de la misère à compter ces familles-là, là, parce qu'on compte l'enfant où il est la nuit du recensement, donc on compte seulement une des deux familles, mais nous, on va compter ces deux familles-là comme... les deux parents comme des familles... monoparentales.

M. Jolin-Barrette : Ce qui explique tout de même les chiffres importants que vous mettez au début du mémoire par rapport au Québec, au nombre de familles monoparentales qui existent au Québec.

Mme Riendeau (Marie-Pier) : Non, ça, c'est les chiffres de Statistique Canada.

M. Jolin-Barrette : Ah! ça, c'est les chiffres de Statistique Canada. O.K. Excellent. Je voudrais vous entendre sur la question de la violence judiciaire. Qu'est-ce que vous pensez des dispositions du projet de loi sur la question de la violence judiciaire?

Mme Riendeau (Marie-Pier) : C'est une intéressante avancée, qu'on le reconnaisse, en espérant que cet ajout-là de type de violence s'ajoute aussi à la définition du gouvernement sur la violence conjugale. Nommer les choses, des fois, ça donne une visibilité puis un sentiment de légitimité quand on le vit. Ensuite, il y a quand même un petit... Les familles qui viennent chez nous n'ont souvent pas beaucoup de moyens, donc cette violence-là, elles la vivent, mais elle est souvent à court terme parce qu'elles n'ont pas les moyens d'aller plusieurs dizaines de fois en cours dans une même année. Donc, c'est hyperintéressant, mais les familles qui viennent chez nous la vivre assurément mais de façon beaucoup plus limitée. Donc, est-ce qu'ils auraient accès à des dommages? C'est les questions qu'on se pose là.

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, si le... Dans le fond, de la façon dont on l'a écrit, si le juge constate la présence d'abus en matière familiale, donc de violence judiciaire, il est obligé de condamner aux dommages et intérêts. Ce n'est pas une possibilité, c'est une obligation de condamner aux dommages-intérêts pour les frais d'avocats qui sont déboursés. Puis...

Mme Riendeau (Marie-Pier) : Bien, ce que je voulais dire, c'est que, comme ces parents-là n'ont pas les moyens de payer des avocats plusieurs dizaines de fois, souvent, abandonnent le combat. Donc, on ne se rendra probablement pas jusqu'au juge qui pourra condamner parce que les parents vont avoir abandonné avant faute de moyens.

• (16 heures) •

M. Jolin-Barrette : Et donc, dans cette perspective-là, je comprends que vous êtes favorable au fait que ça soit idéalement le même juge qui suive le dossier pour éviter que, justement, il y ait... les... vos membres soient obligés de raconter à plusieurs reprises à des juges différents l'histoire familiale qu'il y a aussi, là.

Mme Riendeau (Marie-Pier) : ...à fait. Après ça, on partage aussi les craintes des gens qui sont passés avant nous. Est-ce qu'il va y avoir assez de juges? Est-ce que ça va allonger les délais? Puis, tant qu'à faire ça, on pourrait aussi se questionner sur un tribunal unifié de la famille. Là, on aurait tout à la même place, puis ça simplifierait beaucoup le parcours des familles.

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, moi, je suis d'accord avec vous pour le tribunal unifié, je pense que ça pourrait être une avenue intéressante, mais ce tribunal-là doit se faire à la Cour du Québec, s'il y a tribunal unifié. Alors, j'ai déjà eu des discussions avec mon homologue fédéral à ce niveau-là puis je pense que ce serait intéressant pour le gouvernement fédéral de prendre une entente avec l'État québécois pour faire en sorte que, justement, les... le droit de la jeunesse, notamment, et le droit de la famille soient regroupés au sein d'un même tribunal, justement parce que, si on a une approche en fonction des besoins des justiciables, en fonction des familles, quand les dossiers se retrouvent, supposons, en matière de DPJ, en matière familiale, puis parfois il y a des dossiers judiciarisés, supposons, à la Cour du Québec aussi, où ils traitent... plus que 99 % des dossiers en matière criminelle lorsqu'il y a de la... supposons de la violence, le fait que ce soit regroupé à la Cour du Québec, ça pourrait être une avenue qui est intéressante. On a certains enjeux pour l'instant constitutionnels, mais je pense qu'il y aurait tout de même une volonté de l'Assemble nationale dans un terme de... de souci d'efficacité pour les justiciables, peut-être, de travailler là-dessus ensemble. Alors, je tends la main à mon collègue de l'Acadie et de Saint-Henri Sainte-Anne. Ça pourrait être un beau consensus québécois. Alors, mon collègue prend ça sous réserve, en délibéré.

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : ... Excellent. Voyez-vous, vous êtes en train de dégager des consensus ici. Alors, je vous remercie de les amener. Je comprends que, sur les types de protections qu'on met dans le projet de loi, votre position, c'est : C'est un début, mais ce n'est pas suffisant.

Mme Dauphinais (Chloé) :  ...la question...


 
 

16 h (version non révisée)

Mme Dauphinais (Chloé) : ...oui, c'est un début, mais on pense que ça devrait aller plus loin, parce que les gens, quand ils choisissent de ne pas se marier justement, ce n'est pas nécessairement un choix. Les gens sont souvent confus par rapport aux lois sociales, aux lois fiscales. Ils pensent qu'ils ont les mêmes droits, les mêmes protections. Donc, ce n'est pas nécessairement un choix. Donc, nous, on pense que, pour simplifier le droit, ils devraient avoir les mêmes protections. Puis vous parlez de droit de retrait dans le projet de loi, donc si vous mettez le droit de retrait, on ne peut pas parler de mariage de force parce que les gens vont avoir la possibilité d'émettre un choix éclairé devant un notaire de se retirer. Donc, pour nous, s'il y a un droit de retrait, ça devrait être les mêmes protections que le mariage parce qu'en plus vous pouvez les modifier devant le notaire, vous allez pouvoir avoir les conseils. Puis j'avais un autre chose que je voulais dire, mais j'ai oublié.

M. Jolin-Barrette : O.K., donc vous nous invitez de base à dire : Bien, écoutez, mettez ce qu'il y a dans le patrimoine familial, dans le patrimoine d'union parentale, et vous allez respecter votre équilibre, puisque vous aurez le droit de retrait intégralement. Donc, si jamais les gens veulent, supposons, sortir les REER, alors qu'ils seraient dedans, ils pourront les sortir, régime de pension, les maisons, les chalets, tout ça.

Mme Dauphinais (Chloé) : Certainement, puis ils vont avoir bénéficié de conseils juridiques, idéalement deux personnes, deux avis juridiques différents pour que la personne soit bien conseillée.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la question de la résidence, la protection associée à l'attribution de la résidence familiale, vous nous invitez à augmenter le délai ou peut-être ne pas en avoir, comme en situation de mariage. On doit mettre un délai parce que ce n'est pas la même chose que le mariage, parce que l'union prend fin à partir du moment où il y a fin de la vie commune, c'est une des conditions qui est perdue, contrairement au mariage où le lien juridique subsiste. Quel serait un délai qui serait approprié, qui est plus de 30 jours selon vous? Parce que, là, actuellement, dans le projet de loi, c'est 30 jours où est ce qu'on peut demander à la fois l'attribution de la résidence familiale, mais à la fois aussi la protection pour pas que la maison soit vendue, ou soit aliénée, ou louée.

Mme Riendeau (Marie-Pier) : Bien, je dois vous avouer qu'on n'est pas juristes, donc le nombre de jours et peut-être... on laissera entre les mains de juristes. Nous, ce qu'on amène, c'est que, 30 jours, ce n'est pas suffisant. Les parents qui se retrouvent dans une séparation, je vais répéter ce que la notaire juste avant moi a dit, se retrouve avec 1 001 affaires à penser, la garde des enfants, l'école, comment l'annoncer aux enfants. Donc, ce délai là en charge mentale, déjà le 30 jours est court. Après ça, il faut déposer quand même la demande. Donc, il faut trouver un avocat ou, tu sais, il faut aller chercher les moyens de déposer cette demande-là. Puis il y a aussi un jeu avec la manifestation expresse ou tacite. Est-ce qu'il pourrait y avoir un juge justement avec un conjoint qui dit : Bien, c'était très clair, on a... puis j'avais dit qu'on n'était plus ensemble. Donc, 30 jours passés, tu n'as plus la protection de la résidence familiale. Donc, il y a ça aussi, là, dans le projet de loi qui peut nous inquiéter. Est-ce que, comme la la manifestation peut être quand même un peu flou, est-ce qu'on pourrait jouer avec le délai pour qu'une personne perde son droit?

M. Jolin-Barrette : O.K., je comprends ce que vous me dites. Tout à l'heure, au début de votre intervention, là, vous avez dit... vous avez parlé d'un enjeu d'accès à la justice. Vous avez dit : Les gens chez nous, parfois, dans le fond, ils n'ont pas les moyens de se payer un avocat pour entamer les procédures judiciaires. Décrivez-nous, parmi les gens qui sont membres de votre association, là, comment ça se passe, les séparations, comment vous les accueillez, puis, souvent, quel est le... s'il y en a un, un portrait type de... avec les enfants, la séparation, la maison. Comment ça se passe, là, la réalité, là, sur le terrain quand vous accueillez les gens?

Mme Riendeau (Marie-Pier) : Bien, c'est nos membres qui accueillent des gens, et les familles qui viennent dans les associations membres, chez nous, ce n'est pas les familles qui se séparent super bien, qui achètent un duplex, qui continuent d'aller en vacances tout le monde ensemble, là. Nous, on a comme le 30 %, là, qui ne va pas super bien. Donc, évidemment que c'est des séparations beaucoup plus acrimonieuses, des séparations où il y a des avocats dans le dossier. Beaucoup de gens gagnent un petit peu plus que le seuil d'admissibilité à l'aide juridique, donc sont obligés de faire des choix, à savoir qu'est-ce qu'on amène en cour, est-ce que... des choix stratégiques tout le temps pour essayer d'économiser là. Il y en a qui ont accès aussi à l'aide juridique, c'est...

Mme Riendeau (Marie-Pier) : ...c'est super bien. Des fois, il y a un déséquilibre entre un conjoint qui a accès à l'aide juridique puis un conjoint qui a beaucoup de moyens, qui se paie un avocat. Et là ce n'est pas une critique des avocats, des avocates à l'aide juridique, mais, vu le temps qu'ils ont devant eux, un avocat qu'on paie, je ne sais pas moi, 500 $ de l'heure, a probablement plus de moyens, une plus grosse équipe pour mettre du temps dans un dossier. Donc, il y a aussi un déséquilibre là des fois. Il y a certains de nos groupes dans des régions peut-être un peu plus éloignées, qui disent : Bien, il y a des ex, puis pas de genre à ces ex-là, qui magasinent les avocats pour être certain de brûler tous les avocats. Parce qu'une fois que je t'ai consulté une fois. Que je t'ai raconté un peu mon problème, mais tu ne peux pas prendre mon ex-partenaire.

Donc, dans des régions où il n'y a pas beaucoup d'avocats, ça, c'est une réalité dont nos groupes nous parlent régulièrement, ça devient difficile, parce que quelqu'un qui veut mettre le trouble peut facilement le mettre. Donc, on se retrouve, évidemment, les familles qui viennent dans nos organismes, c'est les séparations d'habitude, là, qui se passent le moins bien.

M. Jolin-Barrette : Puis dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Puis, quand vous accueillez les enfants, comment ça se passe?

• (16 h 10) •

Mme Riendeau (Marie-Pier) : À échelle variable? Nos groupes font tout ce qu'ils peuvent pour à la fois outiller les parents à bien accompagner les enfants dans cette séparation-là. Puis il y a certains groupes qui ont aussi des ateliers pour enfants pour discuter de la séparation. Mais si les parents ne vont pas bien, si on est toujours en train de réfléchir à comment je vais mettre de la nourriture, comment je vais payer le loyer, bien, même si on a toutes les bonnes intentions du monde, même si on ne veut pas que la séparation impacte nos enfants, la séparation va avoir un impact sur les enfants, là.

Mme Dauphinais (Chloé) : Mais si je peux me permettre aussi, pour rebondir sur ce que ma collègue dit sur la pauvreté des enfants, tu sais, c'est ça aussi qui arrive avec le législateur en ce moment. Quand les familles essaient de se recomposer, là ils décident de faire vie commune. Après 12 mois, il y a des mères qui voient leur chèque d'allocations familiales coupé. Des fois, c'est dans les besoins de base, après ça, qu'ils doivent faire des choix, parce que là le nouveau conjoint, il ne contribue pas nécessairement à hauteur, lui aussi a des enfants.  Donc, ça devient compliqué. Puis cette solidarité-là familiale, elle est dans les populations moins nanties, le législateur le demande. Mais, après ça, on ne veut pas offrir des protections, donc il y a comme un...

M. Jolin-Barrette : Ça, puis j'avais dit, c'était ma dernière question, mais c'est plus une intervention. On a déjà mis un groupe de travail entre le ministère de la Justice et le ministère des Finances, justement, pour aborder les questions que vous soulevez en termes de fiscalité. Ça fait que c'est quelque chose qu'on travaille. Moi, je vais déposer la réforme le plus rapidement possible pour faire des avancées, mais c'est quelque chose qu'on travaille actuellement. Donc, je cède la parole à mes collègues.

Le Président (M. Bachand) :Alors, du côté gouvernemental, il reste deux minutes, 20 secondes. M. le député Saint-Jean.

M. Lemieux : Merci beaucoup, M. le Président. Quand vous parliez... Bonjour, mesdames. Quand vous parlez du même juge, corrigez-moi si je me trompe, mais c'est parce qu'on a la vision de comment ça se passe aujourd'hui, là, dans le projet de loi, il est question d'avoir autant que possible le seul et même juge pour la suite des choses. Est-ce qu'en ouvrant un petit peu les œillères sur nos habitudes d'aujourd'hui, on peut imaginer que ce serait plus facile si on y allait en se disant que le système peut s'adapter à une loi et à nous qui s'adaptons de l'autre côté aussi, c'est-à-dire que j'essaie de voir si on n'est pas juste en réaction en disant : Oui, mais là il y a un paquet de problèmes qui vient avec ça, alors qu'en réalité, si je comprends bien la mesure et l'intention surtout du ministre dans le projet de loi, c'est justement de favoriser l'accès, un accès régulier, un accès qui est plus facile et donc plus rapide. Là, vous dites : Oui, mais il ne va peut-être pas avoir autant de juges. Oui, mais ça va peut-être être compliqué, il va falloir passer par là. Je vous demande juste de ne pas faire un saut dans le vide, là... une profession de foi les yeux fermés, mais il y a-tu moyen de penser que ça pourrait être aussi une abonne chose?

Mme Riendeau (Marie-Pier) : Ça pourrait être effectivement une bonne chose. Ce qu'on a dit, c'est : Tant qu'à aller là, allons plus loin puis pensons à un tribunal unifié de la famille, qui là, simplifierait énormément la vie des familles, parce que là la cause au criminel, la cause à la jeunesse et la cause à la famille seraient par le même juge.

M. Lemieux : Mais vous parlez à un ministre, mais pas moi, lui qui a déjà fait un tribunal spécial sur les causes en violence conjugale et sexuelle, qui a fait trois, minimum, projets de loi pour l'accès à la justice. Je ne sais pas où votre tribunal de la famille se situe...

M. Lemieux : ...dans ses vœux pour l'avenir, mais là, il fait déjà un beau pas, il me semble, là.

Mme Riendeau (Marie-Pier) : Oui, et on l'admet.

M. Lemieux : O.K. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Député de l'Acadie.

M. Morin : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames Dufour, Dauphinais et Riendeau. Merci d'être avec nous. Merci beaucoup pour le mémoire que vous avez déposé. Puis, vous voyez, on est... En fait, moi, comme député de l'opposition, là, on essaie de faire le mieux qu'on peut, bonifier les projets de loi, mais on voit que, sur certaines questions, il y a vraiment, là, deux... deux positions qui se dessinent. Le groupe juste avant vous disait : Ah! non, non, écoutez, il faut garder la date du 29 juin 2025. J'ai posé la question, vous l'avez entendue, parce que, là, bien, les gens vont être capables de planifier puis de voir ce qui va arriver, puis ça va être tout... en toute... en toute connaissance de cause.

Et là vous, vous nous dites : Ah! non, non, non, il faut que ça s'applique le plus rapidement possible. 2025, c'est trop tard. Expliquez-moi pourquoi c'est important pour vous que ça s'applique dès maintenant.

Mme Dauphinais (Chloé) : Oui. Bien, j'étais... on était ici déjà quand... quand ça a été nommé. Je pense que ce n'était pas aussi clair non plus, c'était plus : il va y avoir une ligne de tracée, donc on n'est pas particulièrement contre cette ligne-là, mais il pourrait y avoir un effet... application immédiate de la loi, là. Et par rapport à pourquoi nous, c'est important, bien, c'est parce qu'on parle de... On ne peut pas refaire le passé, mais les séparations qui vont découler des enfants qui sont aujourd'hui des enfants sont dans le futur, ne sont pas nécessairement encore... ils n'ont pas nécessairement eu lieu encore. Donc, c'est pour protéger ces enfants-là dans le futur. Puis, de ce qu'on comprend de l'objectif du ministre, avec ce projet de loi là, c'est de donner un filet de sécurité aux enfants, advenant les contrecoups d'une séparation. Donc, on ne comprend pas pourquoi les enfants, qui sont actuellement des enfants dont les parents sont en union de fait, eux, ne seront pas protégés, puis ceux nés après le 29 juin 2025 le seront.

Puis ça fait juste créer une nouvelle catégorie, une nouvelle disparité entre les enfants. C'est sûr que nous, on n'est pas juristes, là, c'est le point de vue d'une médiatrice qui a l'impression que les gens font ces choix-là en toute connaissance de cause. Moi, personnellement, je ne suis pas dans ces milieux-là où les gens font ces choix-là en toute connaissance de cause. Les gens pensent avoir les mêmes droits, parce que la loi, souvent, les traite comme ça, conjoints de fait ou conjoints mariés, on vous traite de la même façon. Donc, pour la grande majorité des gens... puis c'est ça, c'est que, souvent, c'est dans des séparations où les biens, le patrimoine familial qui est en compte n'est pas nécessairement un gros patrimoine. Les gens n'ont pas les moyens nécessairement d'aller chez le notaire, puis cet argent-là, pour le parent le plus vulnérable, est nécessaire. Donc, pour nous, c'est important puis c'est... c'est important pour...

Mme Riendeau (Marie-Pier) : Puis juste ajouter aussi que l'effet immédiat de la loi, comme il y a un droit de retrait, il n'y a pas de graves conséquences à l'appliquer immédiatement. On disait : Mais les gens qui ont fait des enfants avant, ils ne l'ont pas fait sous ce régime-là. Bien, comme pour le patrimoine familial en 1989, pourront, pendant un an, se dire : Bien, nous, ce n'est vraiment pas l'entente qu'on avait. On sort de là. Il y a déjà un droit de retrait. Donc, l'effet... l'effet immédiat de la loi devrait être... devrait pouvoir s'appliquer.

M. Morin : En fait, oui, c'est ça. Donc, je comprends que votre position, c'est de dire : Mais, de toute façon, l'effet de l'imposition de la loi immédiatement est atténué par le fait qu'un couple pourrait, de toute façon, se séparer du régime. Et donc, pour vous, ça devrait s'appliquer aussi... Parce que, là, évidemment, dans le projet de loi, l'union... l'union parentale, ça s'applique quand les parents ont un enfant. Mais vous, vous seriez prêts à l'étendre à des familles monoparentales qui ont déjà présentement un enfant, si je vous comprends bien, puis qu'éventuellement vivraient en union parentale avec un autre conjoint, puis que, là, il arriverait un enfant à la suite de l'union, et donc ça s'appliquerait à tous les enfants, finalement.

Mme Dauphinais (Chloé) : Certainement. Puis, comme le ministre le relevait tantôt, avec les statistiques, c'est de plus en plus de familles qui sont... qui vivent des séparations, des recompositions. Puis, oui, il y a une certaine... un certain temps, un délai, peut-être une stabilité d'union avant d'imposer une solidarité, mais on peut penser à des critères comme trois ans de vie commune, comme c'est déjà dans certaines lois sociales ou dans d'autres provinces canadiennes. Puis, oui, nous, ça serait important pour nous que ça s'applique à tous les couples avec enfants, avec peut-être un critère, là, pour harmoniser avec les lois sociales puis fiscales. Puis aussi on... bien, je crois que c'est l'avocat Dominique Goubau qui en parlait plus tôt, mais, dans le projet de loi, c'est l'idée de la prise en charge d'un enfant qui...

Mme Dauphinais (Chloé) : ...c'est par l'interdépendance économique des conjoints. Donc, que ce soit ton enfant biologique ou pas, c'est bien possible que dans ton arrangement familial tu fasses des sacrifices pour l'enfant. Donc, le rôle des beaux-parents, c'est aussi un rôle aussi qui est important. Donc, pour nous, si on veut protéger les enfants, ce serait l'étendre à tous les couples avec enfants, là, que ce soit enfants en commun ou pas.

M. Morin : Merci. Puis est-ce que je vous comprends bien quand vous dites que, dans votre réalité, finalement, au Québec, les enfants qui naissent dans des couples en union de fait, c'est comme la majorité, c'est devenu comme la norme?

Mme Dauphinais (Chloé) : C'est devenu la norme, c'est 65 %. Puis si on regarde dans certaines régions du Québec, c'est encore plus, là, parce que les gens se marient. À Montréal, Québec, un peu, mais dans certaines régions, c'est la réalité de très peu de gens, là. Donc, oui.

M. Morin : O.K. Les gens qui sont en union, en couple que vous accompagnez, est-ce que c'est souvent des gens qui sont très fortunés ou moins fortunés, ou ça varie totalement?

Mme Riendeau (Marie-Pier) : Bien, on ne peut pas dire que c'est que des gens moins fortunés, mais, majoritairement, on n'a pas de Éric et Lola, là, dans nos organismes. Donc, c'est plus des gens qui comptent leurs sous à la fin du mois, là.

• (16 h 20) •

M. Morin : Et puis, pour eux, est-ce que l'accès à la justice puis l'accès à l'aide juridique, c'est un enjeu?

Mme Riendeau (Marie-Pier) : C'est un enjeu et un enjeu majeur. Il y a ceux qui y ont droit puis on a augmenté les seuils d'admissibilité. Donc, ça, c'est bien, mais il y a quand même toute cette classe moyenne, là, qui est un peu au-dessus des seuils, mais pas encore assez pour débourser des 2 000 $, des 3 000 $ d'acompte pour avoir un avocat ou une avocate. Donc, l'accès à la justice reste une réalité importante pour les parents qui viennent dans nos organismes membres.

M. Morin : D'accord. On nous a dit un peu plus tôt... parce qu'encore là on a entendu des avocats, des notaires, je n'ai pas des statistiques officielles, mais souvent les notaires, en fait, ce que je me rappelle, ils nous ont dit, écoutez un notaire, quelqu'un qui est impartial, pas besoin de conseiller juridique, il peut prendre une décision, conseiller les deux parties. Il y a des avocats qui nous ont dit juste l'inverse. Vous, dans votre réalité, qu'est-ce que vous recommandez? Qu'est-ce que vous voyez qui peut être problématique pour s'assurer que les gens sont bien informés?

Mme Dufour (Mariepier) : Bien, en fait, j'ai entendu le commentaire de la notaire tout à l'heure disant, là, qu'ils sont totalement impartiaux. Je me suis fait la réflexion : Est-ce que ces gens-là sont formés, par exemple, pour détecter la violence conjugale? Est-ce qu'ils sont formés pour détecter le contrôle coercitif? Donc, j'ai beaucoup de difficulté à... même s'ils pratiquent dans le meilleur intérêt qu'ils croient, je ne pense pas que le même notaire peut outiller le couple. Ça prend, selon nous, absolument deux avis distincts.

M. Morin : C'est un point... c'est un point important, à mon avis, que vous soulevez. On peut peut-être penser que si... Parce que le contrôle coercitif, là, ça existe, c'est clair, là.

M. Dufour (Mariepier) : C'est insidieux, ça ne se voit pas facilement.

M. Morin : Exactement, ça se manifeste de différentes façons. S'il y a un couple qui vit seul, ils sont devant une seule personne qui va décider des deux, on s'entend que peut être que ce n'est pas évident. D'accord, je vous remercie. Puis évidemment, ce qu'on veut, c'est qu'ils soient informés, bien informés, bien éclairés.

D'ailleurs, à ce niveau-là, vous en parlez d'ailleurs dans vos documents, mais vous suggérez qu'il faudrait absolument qu'il y ait plus d'information qui soit faite. Parce que je comprends que, dans votre réalité, vous devez aussi rencontrer plein de gens en union de fait qui pensent qu'ils ont un paquet de droits, puis, finalement, quand ils se séparent, ils n'en ont pas. J'imagine, c'est aussi votre réalité.

Mme Riendeau (Marie-Pier) : Exactement. Les gens ne comprennent pas. Tu sais, puis les statistiques... puis même les notaires avant nous l'ont dit, là, ça arrive dans notre étude, ils ne savaient pas qu'ils n'héritaient pas automatiquement, donc il y a vraiment une méconnaissance. Puis même si l'affaire Éric contre Lola a créé beaucoup d'actualité, on en a parlé, les gens aujourd'hui ne comprennent pas parce que les lois fiscales, les lois sociales leur envoient un autre message.

M. Morin : Exact. Dans le projet de loi, on parle de la prestation compensatoire. Pensez-vous que c'est un mécanisme, avec les gens que vous rencontrez, qui va être vraiment utile?

Mme Dauphinais (Chloé) : Non, pas avec les gens qu'on rencontre. On n'est pas contre la vertu, dans le sens qu'on n'est pas contre qu'il soit dans le projet de loi, mais nous, on pense que les pensions alimentaires pour ex-conjoints seraient une mesure plus...

Mme Dauphinais (Chloé) : ...simple et efficace et qui couvrirait aussi plus les gens que nous, on côtoie. Puis c'est ça, parce qu'une prestation compensatoire, ça demande d'avoir un certain capital, donc, pour les personnes moins nanties, puis c'est plus adapté aussi aux besoins des personnes. Donc, la pension alimentaire pour ex-conjoint serait une meilleure mesure, selon nous.

M. Morin : O.K. Puis donc je comprends qu'évidemment, bien sûr, quand on parle de pension alimentaire, on parle de pension alimentaire pour ex-conjoint. Les enfants ont déjà dans la loi actuelle des provisions, des dispositions qui leur donnent des montants. Donc, au fond... En fait, est-ce que je vous résume bien si... Vous demandez que le régime d'union de fait, en fait, ne soit à peu près... pas identique mais presque identique au régime qu'on les couples mariés, est-ce que je me trompe ou est-ce que je résume trop?

Mme Dauphinais (Chloé) : On pense qu'il devrait être identique... bien, mis à part le droit de retrait. Mais sinon, s'il y a un droit de retrait, donnons les mêmes droits, puis les gens pourront le modifier s'ils veulent, mais donnons cette même protection-là à tout... tous les parents, les enfants.

M. Morin : O.K. Il y a... Il y a des gens, plutôt, qui nous ont dit : Oui, mais, au Québec, on a la liberté de... contractuelle. Donc, s'il y a des gens qui sont en union de fait, justement, c'est parce qu'ils ne veulent pas ou ils n'ont pas de contrat. Donc, vous répondez quoi à cet argument-là?

Mme Dauphinais (Chloé) : Qui pourront se retirer avec le droit de retrait si eux, ils tiennent à avoir... à se dédouaner du soutien mutuel et de la solidarité familiale, qui, je pense, devrait... bien, on pense, la fédération devrait être davantage... les valeurs mises de l'avant par le droit familial.

M. Morin : Puis le droit de retrait, donc, devrait exister toujours, je comprends bien, ou c'est... ou il y a une date après laquelle les gens peuvent se retirer? Qu'est-ce que vous suggérez?

Mme Dauphinais (Chloé) : Bien, nous, on proposait un an, mais on n'est pas juristes, là. C'était notre proposition, là

M. Morin : O.K. Donc, après un an. O.K.

Le Président (M. Bachand) :20 secondes, M. le député.

M. Morin : Oui. Merci, M. le Président. Au niveau des règles de succession, est-ce que vous avez des commentaires pour nous vis-à-vis le projet de loi?

Mme Riendeau (Marie-Pier) : Bien, hyperintéressant, là, que la conjointe ou le conjoint puissent hériter automatiquement. On se questionne sur le délai d'un an. Si la protection rentre en vigueur au... Si l'union parentale rentre en vigueur au moment de la naissance de l'enfant, pourquoi rajouter un an de plus pour pouvoir hériter? C'est la question, en fait, qu'on avait sur... sur le...

M. Morin : Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, s'il vous plaît.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup puis merci beaucoup pour votre excellente présentation, votre mémoire. Je voulais juste être sûr de bien vous comprendre. Là, vous parlez de l'application de la loi dès son adoption, donc pas en juin 25, mais vous le... vous en parlez pour tout le monde, là, donc là, vous vous dites avec, sans enfant, et, ceux qui ont déjà des enfants avant, évidemment, il y a l'implication directe. C'est ce que vous dites?

Mme Dauphinais (Chloé) : Bien, la position de la fédération, c'est les couples avec enfants. Mais on a toujours été solidaires aussi des autres causes, dont... pas l'enrichissement, mais l'appauvrissement que certains... certaines femmes, par exemple, peuvent vivre. Donc, d'emblée, on est solidaires à l'élargissement de l'union de... voyons, excusez-moi.

M. Cliche-Rivard : ...

Mme Dauphinais (Chloé) : Mais notre position, officiellement, c'est les couples avec enfants, mais pas nécessairement enfants communs.

M. Cliche-Rivard : Puis vous leur... O.K., pas nécessairement enfants communs. Puis vous voulez leur donner un an de «opt out» de l'application de la loi, ou de la mise en vigueur de la loi, ou de la naissance de l'enfant, ou ça dépend si c'est l'enfant avant puis l'enfant après? C'est quoi, votre position sur...

Mme Dauphinais (Chloé) : Bien, je pense, c'est... exactement, ça dépend, un an après l'application de la loi puis un an après la naissance de l'enfant. Puis là, s'il y a des gens qui se retrouvent...

M. Cliche-Rivard : O.K. Donc, la personne qui a l'enfant avant, elle est  «in», mais elle a un an postapplication de la loi pour s'en retirer. L'enfant... La personne qui a un enfant après, elle a un an de la naissance de l'enfant pour s'en retirer.

Mme Dauphinais (Chloé) : Exact.

M. Cliche-Rivard : O.K. Et retrait de tout, incluant la protection de la résidence principale, ou s'il y a une limite à la capacité de retrait dans ce que vous prévoyez?

Mme Riendeau (Marie-Pier) : La résidence familiale, pour nous, elle devrait être automatique à la naissance d'un enfant. D'ailleurs, les enfants qui ne seront pas couverts, par exemple, parce qu'un des deux conjoints est toujours marié, on devrait pouvoir sortir la... la protection de la résidence familiale, même de l'union parentale. À partir du moment où il y a un enfant, il y a une protection de la résidence familiale.

M. Cliche-Rivard : Et jamais il pourrait «opt out», même de consentement, penser de cette protection minimale-là. Est-ce que vous en faites comme une condition de droit public en disant : On ne pourra jamais déroger à ça, là, la maison, c'est la maison. Est-ce que je vous comprends bien ou?

Mme Dauphinais (Chloé) : Oui.

M. Cliche-Rivard : Oui. Ça fait que, le reste, on pourrait convenir, là. Dans le régime complet, vous dites : REER, O.K., maison secondaire, je ne sais pas, O.K., les biens, na, na, na, mais...

M. Cliche-Rivard : ...Ça, c'est sine qua non, c'est votre condition. Vous dites : Ça, c'est immuable, ça, c'est le droit public, la résidence principale.

Mme Dauphinais (Chloé) : Exact. Puis comme ma collègue le disait, même pour des parents qui ne seraient pas en union parentale, par exemple, parce que quelqu'un n'aurait pas réglé son divorce, il devrait aussi y avoir la protection de la résidence familiale pour cet enfant-là, qui vient avec...

M. Cliche-Rivard : Ça fait que, que ça soit le plus généreux et global, dans une perspective où l'enfant va demeurer protégé, qu'importe le statut puis l'évolution du statut civil du père?

Mme Riendeau (Marie-Pier) : Oui, parce que c'est l'enfant qu'on veut protéger. Puis dans... advenant le cas d'un des deux parents qui n'est pas divorcé, probablement que tout est réglé, là, tu sais, la... de la résidence familiale, il n'habite déjà plus avec... Tu sais, ça a déjà été réglé, le patrimoine familial a été réglé, ça fait qu'on ne voit pas pourquoi on ne pourrait pas minimalement protéger la résidence familiale pour ces enfants-là.

M. Cliche-Rivard : Les notaires nous disaient eux se sentent capables de faire un avis clair, indépendant, précis, en disant : Mme, voici tes droits, M., voici tes droits. J'imagine, ça va quand même très vite aussi, là, dans la mesure où il y a une capacité d'évaluer ou pas. Vous pensez que c'est sine qua non, qu'on doit vraiment aller chercher deux avis juridiques?

Mme Riendeau (Marie-Pier) : Absolument. Mais ce n'est pas les... Tu sais, on n'est pas...

M. Cliche-Rivard : Pas contre les notaires. Ah!

Mme Riendeau (Marie-Pier) : ...contre... contre la compétence des notaires, mais il me semble que, si je ne suis pas à l'aise avec le partage du patrimoine familial ou de... le retrait de l'union parentale, j'aurais plus de place de le dire si je suis toute seule avec un notaire que si mon conjoint est là.

• (16 h 30) •

M. Cliche-Rivard : O.K. Mais eux nous expliquaient qu'ils pouvaient faire un genre de caucus où ils parlent à madame, puis ensuite, parlaient à monsieur.

Mme Riendeau (Marie-Pier) : Mais ça n'avait pas l'air d'être une pratique automatique.

M. Cliche-Rivard : O.K. Ça fait qu'il y aurait peut-être quelque chose à encadrer dans la pratique ou dans le comment on va le faire dans les meilleures pratiques. Mais vous dites, «at the end of the day», là, ce que vous dites comme recommandation, c'est : allez chercher deux avis juridiques indépendants. Je me pose juste la question sur l'accès à la justice puis cette capacité de faire ça fondamentalement, mais ça, c'est peut-être une autre question.

Mme Riendeau (Marie-Pier) : Mais on ne veut pas nécessairement que les gens sortent du régime donc est-ce qu'il faut favoriser l'accès au «opting out»?

M. Cliche-Rivard : Non, mais l'accès à l'information juridique indépendante?

Une voix : Oui.

M. Cliche-Rivard : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Mme Riendeau, Dauphinais, Dufour, merci beaucoup d'avoir été avec nous cet après-midi.

Je suspends les travaux quelques instants. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 16 h 31)


 
 

16 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 16 h 35)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir de recevoir les représentantes du Conseil du statut de la femme. Merci beaucoup d'être avec nous. Je vous invite à vous présenter officiellement puis à débuter votre présentation. Merci beaucoup.

Mme Cordeau (Louise) :Merci. Bonjour aux membres de la commission. Alors, Louise Cordeau, présidente du Conseil du statut de la femme. Je suis accompagnée de Mme Mélanie Julien qui est directrice de la recherche et de l'analyse au Conseil du statut de la femme.

Alors, vous savez qu'à titre de conseiller du gouvernement du Québec en matière d'égalité entre les femmes et les hommes, le Conseil du statut de la femme, qui vient d'ailleurs de célébrer en 2023 ses 50 ans d'existence, est vivement interpellé par cette réforme tant attendue du droit de la famille qui doit impérativement répondre à la réalité des couples d'aujourd'hui. Dans une société où l'égalité entre les sexes n'est pas encore atteinte, que les femmes sont souvent injustement désavantagées à la fin d'une union, vous comprendrez que nous sommes préoccupées par les dispositions législatives proposées pour les couples vivant en union de fait.

D'entrée de jeu, le conseil salue l'intention du législateur de reconnaître des droits et des obligations mutuelles à des personnes vivant en union de fait, union qui caractérise aujourd'hui plus de 40 % des couples québécois. Le projet de loi n° 56 répond ainsi, bien qu'en partie seulement, à la recommandation que le conseil avait faite au gouvernement du Québec en 2014 d'appliquer l'obligation alimentaire et les règles de partage du patrimoine à toutes les personnes vivant en union de fait de la même façon qu'aux personnes mariées. 10 ans plus tard, le conseil maintient cette position.

Ainsi, le conseil regrette que le projet de loi n° 56 se limite à reconnaître des droits et des obligations aux personnes vivant en union de fait qui ont un enfant commun. Il comprend que le législateur centre son attention sur l'intérêt de l'enfant. Le conseil est toutefois convaincu que l'intérêt de l'enfant peut et doit aller de pair avec l'intérêt des conjointes et des conjoints, y compris ceux qui ne sont pas parents. Ce point de vue repose sur une réalité tangible. Il existe une interdépendance économique dans les couples, qu'ils aient ou non un enfant commun. Bien sûr, l'arrivée d'un enfant transforme la dynamique d'un couple et les conditions de vie des femmes. Leur revenu à long terme en est affecté. C'est ce qu'on appelle la pénalité à la maternité. Il est ainsi justifié que des dispositions législatives soient adoptées pour les personnes vivant en union de fait qui ont un enfant commun.

Mais force est d'admettre qu'une interdépendance économique s'observe aussi dans les couples qui n'ont pas d'enfant commun. S'il fallait retenir qu'un chiffre, ce serait 76 000, plus de 76 000 couples sans enfant au Québec comptaient en 2023 sur un seul revenu. C'est donc dire que plus de 76 000 personnes âgées de 25 à 54 ans qui n'ont pas d'enfant étaient susceptibles de dépendre de leur partenaire pour leur subsistance.

Plusieurs situations autres que l'arrivée d'un enfant entraînent une interdépendance économique entre deux partenaires de vie et exigent donc une solidarité économique à la fin de l'union. C'est par exemple le cas lorsqu'une femme se retire du marché du travail pour prendre soin d'un parent en perte d'autonomie. L'interdépendance économique dans le couple, avec ou sans enfant, est d'ailleurs reconnue dans plusieurs lois québécoises. Le conseil en appelle ainsi à la cohérence du législateur. Nous savons...

Mme Cordeau (Louise) :...nous savons aussi que l'interdépendance entre conjointe et conjoint, avec ou sans enfant commun, est susceptible d'entraîner un déséquilibre économique entre les deux parties à la fin de l'union. Et ce sont plus souvent des femmes qui s'en trouvent désavantagées. Pourquoi? Parce qu'elles consacrent davantage de temps aux soins des enfants, à la proche aidance, aux tâches domestiques. Nous le savons, ce sont des activités réalisées gratuitement qui ont une immense valeur économique pour la société québécoise. Elles sont aussi moins actives sur le marché du travail. Elles occupent plus souvent un emploi à temps partiel. Elles gagnent un salaire moindre. Elles ont une capacité d'épargne, un patrimoine personnel et des revenus de retraite moindres et tendent à assumer davantage les dépenses volatiles ou variables plutôt que les dépenses dites fixes.

Par ailleurs, le conseil déplore que les droits et obligations qui seraient dévolus aux personnes vivant en union de fait soient moindres et distincts que ceux qui s'appliquent aux couples mariés. Deux éléments retiennent particulièrement notre attention. Le premier concerne la composition du patrimoine. Comment justifier que le patrimoine commun des couples vivant en union de fait soit considéré différemment de celui des couples mariés? L'exclusion des fonds de retraite, des REER, des résidences secondaires, du patrimoine commun de ces couples aura pour conséquence de diminuer considérablement la valeur dudit patrimoine lors d'une rupture et donc d'aller à l'encontre du principe d'égalité entre les conjoints. Le conseil s'inquiète particulièrement de l'exclusion des fonds de retraite et des REER, sachant que les revenus de retraite et de placements détenus par les femmes sont moindres que ceux des hommes, et ce, en raison des inégalités entre les sexes qui existent en amont sur le marché du travail.

• (16 h 40) •

Le deuxième élément qui retient notre attention est la pension alimentaire. Le projet de loi n° 56 propose des mesures pour la personne qui est désavantagée à la fin d'une union de fait, notamment l'accès au recours en prestation compensatoire. Cette mesure demeure toutefois largement insuffisante pour pallier les déséquilibres économiques observés entre les partenaires lors de la rupture et permettre à celui ou à celle qui se trouve dans une situation de vulnérabilité de reprendre son autonomie financière, que ce soit, par exemple, après avoir diminué son nombre d'heures de travail ou après s'être retiré du marché du travail pour prendre soin d'un enfant ou d'un parent en perte d'autonomie.

Bref, le conseil s'étonne qu'il ne soit pas prévu que les personnes vivant en union de fait puissent demander une pension alimentaire pour elles-mêmes, tout en respectant les principes qui justifient un tel recours pour les couples mariés. Le conseil interpelle donc les membres de cette commission à ne pas rater l'occasion unique qui leur est offerte de reconnaître à toutes les personnes vivant en union de fait les mêmes droits et les mêmes obligations que les personnes mariées. Nous pensons particulièrement au patrimoine familial et au recours à une pension alimentaire.

Quant à la préoccupation de ne pas marier les Québécoises et les Québécois de force, nous y avons réfléchi et nous y répondons par trois arguments. Premièrement, il est prévu que les couples en union de fait puissent modifier la composition de leur patrimoine partageable, voire se retirer des dispositions en la matière, ce qui n'est pas possible pour les couples mariés. Deuxièmement, la notion de libre choix, dont disposent actuellement les personnes vivant en union de fait, demeure... limitée. C'est ce qu'on appelle la liberté contractuelle. Vous conviendrez avec moi qu'il faut être deux pour se marier. Certaines personnes sont forcées de ne pas se marier, parce que leur partenaire, le plus souvent l'homme, le refuse. Il faut aussi être deux pour convenir d'une entente de vie commune.

Finalement, la recherche nous indique que les Québécoises et les Québécois vivant en union de fait pensent qu'ils bénéficient déjà des mêmes protections juridiques que les couples mariés. Ce mythe du mariage automatique est nourri par le fait que plusieurs de nos lois considèrent indifféremment les couples mariés et non mariés. En quelque sorte, ces lois marient déjà de force les couples québécois. C'est pourquoi, d'ailleurs, la majorité des couples ne voient pas l'utilité de se doter d'une entente de vie commune ni même d'un testament. Or, nous savons que de mauvaises surprises surviennent en cas de rupture ou de décès. En fonction de ces réalités et parfois de ces contraintes, nous sommes d'avis que l'État québécois doit établir un encadrement juridique qui reconnaisse l'interdépendance économique dans le couple et soutienne la solidarité entre conjoints et conjoints à la fin...

Mme Cordeau (Louise) :...de leur union.

En conclusion, le Conseil souhaite que les membres de la Commission des institutions procèdent à une révision substantielle du projet de loi n° 56. Nous considérons qu'il est du devoir de l'État québécois d'être un acteur significatif de changement afin de reconnaître des droits et des obligations qui sont équivalents pour toutes les personnes vivant en couple, qu'ils soient mariés ou non, avec ou sans enfants, et ce, par principe d'équité, de justice sociale et en respectant la valeur d'égalité entre les femmes et les hommes portée par la société québécoise. Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Me Cordeau. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Me Cordeau, Mme Julien, Bonjour. Un plaisir de vous retrouver. Merci pour votre présentation puis le dépôt du mémoire à la... à la commission.

Donc, si on y va sur le fond de la chose, le Conseil dit : on ne devrait pas faire de distinction, que vous ayez des enfants ou non, à partir du moment où on est en couple, après un certain nombre d'années, ça devrait être les protections du mariage qui s'appliquent également aux conjoints de fait, peu importe... bien, après un certain nombre d'années là. Après, je pense, vous dites un an?

Mme Cordeau (Louise) :On n'a pas établi le... de délai. On ne s'est pas penchées sur le délai. On... En 2014, on suggérait deux ans, mais là-dessus, on n'a pas de position ferme, là, quant au délai de vie commune.

M. Jolin-Barrette : O.K. Essentiellement, la position du conseil, ça serait, en quelque sorte, et je reprends cette expression-là qui peut être caricaturale, là, mais de marier tout le monde. Tout le monde, après deux ans, au Québec, dans le fond, de vie commune, de vie de couple, que vous ayez des enfants ou non, on vous marie puis on vous impose des obligations, les mêmes obligations qu'au mariage.

Mme Cordeau (Louise) :En fait, on ne les marie pas. Les personnes mariées ne peuvent pas se retirer du patrimoine familial, qui est d'ordre public, alors que les conjoints de fait pourraient se retirer de ce partage de patrimoine, qui serait équivalent effectivement à celui que... qui a été déterminé législativement pour les conjoints mariés.

M. Jolin-Barrette : Donc, vous iriez avec une disposition de retrait?

Mme Cordeau (Louise) :Pardon, j'ai mal compris.

M. Jolin-Barrette : Vous iriez avec une disposition de retrait pour les conjoints de fait?

Mme Cordeau (Louise) :Oui, tout à fait, tout à fait.

M. Jolin-Barrette : C'est ça. O.K. Il y a tout de même un choix dans le mariage. Donc, lorsqu'on décide de se marier, c'est un choix positif. Vous, vous dites : les gens qui ne se marient pas, ce n'est pas un véritable choix, parce que souvent, même s'ils voudraient se marier, l'autre conjoint ou conjointe ne veut pas, donc ce n'est pas un choix, ma... dans le fond, ma volonté unique n'est pas suffisante, et donc ce n'est pas un choix.

Mme Cordeau (Louise) :Bien, il faut être deux, il faut être deux pour contracter, ça, on le sait. Et nous, du point de vue du Conseil du statut de la femme et du point de vue de... des enjeux d'égalité, et comme l'égalité n'est pas encore atteinte, on est obligés, force est de constater que les femmes sont encore de grande perdante au niveau économique lors de la rupture d'une union. Et, M. le ministre, ça fait 40 ans qu'on attend une réforme en droit de la famille. Nous y sommes. Vous avez fait un grand pas. Ce qu'on souhaite, c'est un pas un peu plus grand pour regarder la nouvelle réalité des conjoints de fait au Québec, non pas que la réalité du mariage, mais la réalité vécue par l'ensemble de la population québécoise qui choisit de vivre en couple et qui vit majoritairement à titre de conjoints de fait. Et nous, ce qu'on regarde, ce sont les conséquences de ces ruptures-là pour les femmes qui vivent sans avoir aucun... aucune protection ou sans avoir... on n'aime pas beaucoup le mot «protection», au conseil, mais sans avoir aucune disposition ou sans avoir aucun droit qui entoure la fin de la vie commune.

M. Jolin-Barrette : O.K. Est-ce que c'est... Parce que l'approche que nous, on a prise, c'est notamment l'approche qui vient du rapport du Comité consultatif en droit de la famille sur le fait que c'est souvent la venue d'un enfant qui amène des changements dans la vie conjugale. Donc là, vous, vous ne prenez pas cette approche-là. Vous dites : qu'il y ait des enfants ou qu'il n'y ait pas d'enfants, ce n'est pas ce facteur déterminant là qui amène un changement. Parce que je vous donne un exemple. Tu sais, supposons, deux jeunes professionnels qui décident de ne pas avoir des enfants puis qui mènent leur carrière séparément...

M. Jolin-Barrette : ...tout ça. Là, vous, vous voulez leur imposer les mêmes règles que le... que le mariage, même s'ils n'ont pas d'enfants?

Mme Cordeau (Louise) :On convient que l'arrivée d'enfants, et c'est ce que je disais tantôt, que l'arrivée d'un enfant a un très grand impact dans la vie d'un couple, puis un impact... un impact souvent plus grand pour les femmes qui ont à renoncer, parfois, à une période de vie professionnelle active ou à autre chose. Les couples, comme vous le mentionnez, M. le ministre, qui n'ont pas d'enfants ont nécessairement, ou presque tout le temps, une interdépendance économique dans le couple. Ces couples-là pourraient se retirer de ce régime. Actuellement, ce qu'on dit aux couples, c'est : adhérez à un régime ou à une convention commune. Et nous, ce qu'on dit : Bien, c'est la règle de base, vous pouvez décider d'y renoncer en tout ou en partie. Alors, c'est...

M. Jolin-Barrette : Puis vous, votre proposition, c'est notarié?

Mme Cordeau (Louise) :On n'a pas de... Bien, c'est notarié, c'est-à-dire que ça doit être un acte officiel. On n'a pas eu de... Le conseil n'a pas fait de recommandation formelle sur qui devrait le faire, est-ce que ça devrait être par une ou deux personnes ou... Ce qu'il faut, ce qu'il faut retenir, c'est qu'il faut nécessairement que les personnes disposent d'informations et aient un consentement libre et éclairé. Alors, le Conseil, en 2014, recommandait deux parties distinctes pour accompagner les couples ou accompagner chacun des conjoints, deux professionnels distincts, mais le Conseil n'a pas fait de recommandation spécifique sur ce sujet-là.

• (16 h 50) •

M. Jolin-Barrette : O.K. Qu'est-ce que vous pensez des mesures en matière de violence judiciaire qu'on est venu intégrer dans le projet de loi?

Mme Cordeau (Louise) :Tout à fait d'accord. Il y a plusieurs éléments du projet de loi que le Conseil salue d'ailleurs, c'est bien inscrit dans le mémoire. Malheureusement, le temps qui nous est imparti dans les 10 minutes, on ne pouvait pas le souligner. Mais toute la question... toute la question de ces dispositions-là, toute la question de la protection de la résidence familiale aussi, de la... d'une façon de faciliter l'octroi de pension alimentaire de façon administrative, toutes les questions, comme vous le dites, de violence judiciaire, on les salue. C'est... C'est important. C'est un pas très important en droit de la famille qui est contenu dans ce projet de loi là.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la question de la prise en charge, idéalement, d'un dossier judiciaire par un même juge en matière familiale, qu'est-ce que... qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que ça aiderait les familles? Supposons, quand qu'il y a plusieurs... il y a des provisoires, il y a des intérimaires, des interlocutoires, qu'est-ce que vous pensez de tout ça, dans la mesure du possible?

Mme Cordeau (Louise) :Si on enlève la notion de juge dans tous les dossiers en matière familiale, moins il y a d'intervenants, plus les personnes qui vivent ces réalités difficiles sont entourées par les mêmes professionnels, que ce soit en matière de rupture, en matière de violence, on y gagne beaucoup. Donc, que ce soit idéalement le même juge qui entende l'ensemble des éléments relatifs à un dossier de rupture entre conjoints, ça me semble optimal. Comment pourrait-on le réaliser? C'est une autre question.

M. Jolin-Barrette : Mais ça bénéficie aux justiciables.

Mme Cordeau (Louise) :Tout à fait.

M. Jolin-Barrette : Le fait de ne pas de devoir raconter son histoire à plusieurs reprises, puis que les faits soient repris, puis il faut raconter, puis tout ça. Mais je comprends que c'est une... c'est une question pour vous de faisabilité.

Mme Cordeau (Louise) :Tout à fait.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la question de la prescription, l'abolition de la prescription entre conjoints, quelle est votre opinion à...

Mme Cordeau (Louise) :Le conseil ne s'est pas prononcé, là, sur cet élément-là de façon spécifique.

M. Jolin-Barrette : O.K. La protection de la résidence familiale, la...

Mme Cordeau (Louise) :Tout à fait. D'ordre public. On ne peut pas y renoncer. On ne devrait pas pouvoir y renoncer.

M. Jolin-Barrette : On a eu quelques commentaires à l'effet que le délai de 30 jours, parce que le régime, de la façon dont il est constitué, là, c'est qu'il prend fin au moment de la... de la... de la fin de la vie commune. Donc, contrairement au mariage, il prend fin immédiatement. Le mariage, le lien juridique subsiste. Là, dans le projet de loi, on a un délai de 30 jours qui est prévu. On a eu certains groupes qui nous ont recommandé d'allonger le délai. Est-ce que vous trouvez qu'on devrait allonger le délai à la fois pour l'attribution de la résidence familiale et à la fois pour la protection de la résidence familiale? Et sous-question, si oui, ça serait quoi, un délai acceptable pour vous?

Mme Cordeau (Louise) :On ne s'est pas non plus prononcées sur le délai. Si je comprends bien, c'est 30 jours pour demande, faire la demande.

M. Jolin-Barrette : Exactement...

Mme Cordeau (Louise) :...j'ai pratiqué un droit matrimonial pendant plusieurs années, 30 jours, c'est... c'est une opinion personnelle, il me semble, court, considérant la réorganisation qui doit être vécue lorsqu'une rupture survient, mais le conseil ne s'est pas prononcé formellement sur le délai.

M. Jolin-Barrette : O.K. Peut-être, avant de céder la parole, là, à mes collègues, là, sur la question du... du... le fait, là... on vient faire en sorte de pouvoir fixer la pension alimentaire quand les conjoints sont d'accord, là, bien entendu. Qu'est-ce que vous pensez de cette mesure-là?

Mme Cordeau (Louise) :  C'est une très belle mesure. C'est une mesure qui va... qui va faciliter, d'abord, je dirais, les discussions entre les conjoints, parce que ça ne sera pas... ce ne sera pas devant un tribunal, et c'est aussi une mesure, je pense, qui va éviter de dépenser des sommes importantes pour l'attribution d'une pension alimentaire pour les enfants.

M. Jolin-Barrette : Excellent. Merci beaucoup de votre présence, au Conseil du statut de la femme aussi. Je vais céder la parole à mes collègues...

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Vimont, s'il vous plaît.

Mme Schmaltz : Merci, M. le Président. Bonjour, Mesdames. Merci beaucoup d'être... d'être ici présentes, parce que c'est important, votre voix est importante aussi, hein? Je veux dire, c'est... le conseil du statut de la femme, c'est extrêmement important. Alors, merci, encore une fois, d'être... d'être présentes cet après-midi.

Tantôt, vous avez mentionné... vous avez demandé au ministre de ne pas rater l'occasion, justement, à la toute fin, là, de votre présentation, de ne pas rater cette occasion. En fait, vous savez, moi, je suis convaincue qu'on ne ratera... on ne va pas rater cette occasion justement de défendre les droits des enfants. C'est important. On est... Je pense que vous le voyez avec le ministre, depuis les débuts, tout ce qui est mis en place, mon collègue l'a mentionné tantôt, avec les projets de loi, je pense qu'on est... On fait des bonds assez importants au Québec, et je pense qu'on peut être fiers là-dessus. Toujours matière d'amélioration, hein, ça, c'est sûr, mais, je pense, à la base, là, on peut être fiers. Puis ce qu'on amène aujourd'hui, c'est vraiment quelque chose... c'est un pas de géant, puis je pense qu'on ne doit pas l'oublier.

Puis, ceci étant dit, en préambule, tantôt, j'ai noté quelque chose qui m'a intriguée, puis j'aimerais ça que vous développiez là-dessus, parce que je ne suis pas entièrement certaine d'avoir bien, bien compris ce que vous vouliez dire. Vous aviez dit, vous aviez mentionné que l'intérêt de l'enfant... je pense, je vais mettre mes lunettes, là, parce que je ne vois rien. Bon, l'intérêt de l'enfant doit aller de pair avec les intérêts des parents. Moi, ça m'a... Je voudrais comprendre. Qu'est-ce que vous voulez dire par ça?

Mme Julien (Mélanie) : En fait, ce n'est pas exactement ça. C'est l'intérêt des enfants va de pair avec l'intérêt des conjoints, des conjointes. La vision, actuellement, qui est défendue avec le projet de loi, c'est avant tout... c'est l'intérêt est centré sur celui des enfants. Et nous, ce qu'on dit, c'est qu'on peut à la fois considérer l'intérêt des enfants et considérer celui des conjoints, des conjointes qui se trouvent dans une situation vulnérable à la fin d'une... à la fin d'une union. Alors, d'où... d'où l'intérêt de revoir les couples qui sont assujettis aux droits et obligations qui sont mis sur la table. Alors, ce qu'on souhaite, c'est que ce soient tous les... toutes les personnes qui vivent en union de fait, comme les couples mariés, qui puissent bénéficier de droits et d'obligations au moment de la fin d'une union.

Mme Schmaltz : Mais c'est ce qu'on propose, là?

Mme Julien (Mélanie) : Non, ce que vous... ce que le projet loi propose, c'est uniquement les couples en union de... les couples en union de fait qui ont un enfant commun, alors que, nous, c'est toutes les personnes qui vivent en union de fait.

Mme Schmaltz : O.K., parfait. Bon, au moins, c'est un petit peu plus clair. Parfait. C'est ça, on parlait aussi... J'ai-tu un peu le temps encore? Oui. O.K. On parlait tantôt des mariages forcés. Puis vous avez mentionné que, souvent, ça prend deux personnes pour se marier. Puis, dans la plupart du temps, c'est les hommes qui ne sont pas en accord avec... avec le mariage. Je pense que c'est huit sur 10, hein, ou quelque chose comme ça? Mais, en tout cas, peu importe.

Selon vous, pourquoi? Qu'est-ce qui fait que les hommes sont réfractaires à la notion du mariage? Est-ce que c'est le fait justement d'avoir à partager des biens ou c'est simplement parce que... Qu'est-ce que... La réflexion que vous faites autour de ça, c'est quoi, exactement? Parce qu'il y a toutes sortes de raisons pour quoi on peut refuser le mariage. Mais j'ai senti tantôt un petit peu un... oui, mais ce sont les hommes qui refusent. Je ne veux pas dire qu'on les pointe méchamment, là-dedans, parce que ce n'est pas... Il y a probablement des femmes aussi, là, hein?

Une voix : ...

Mme Schmaltz : Non, non, c'est sûr, il y a des femmes aussi qui refusent, là, ce n'est pas juste les hommes, mais pourquoi, comme ça, un peu les pointer... les hommes, un peu réfractaires, là?

Mme Julien (Mélanie) : Ce que la recherche en général nous démontre, ce que... c'est que les gens qui se marient ne le font pas forcément pour les protections juridiques. Les Québécois et les Québécoises, en général, n'ont pas ça dans leur esprit au moment de demander à son partenaire à se marier. Alors, ce n'est pas du tout dans cet... pour ces raisons-là que les couples se marient ou ne se marient pas...

Mme Schmaltz : O.K... vraiment par amour.

Mme Julien (Mélanie) : Alors, pour nous, ça ne fait pas partie du radar. Par amour, par conviction, par religion. Alors, il y a toutes sortes de raisons qui peuvent être évoquées, mais rarement les protections juridiques.

Mme Schmaltz : O.K. Merci...

Mme Schmaltz : ...je vais laisser la parole à ma collègue.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Il reste deux minutes du côté gouvernemental.

M. Lemieux : ...

Le Président (M. Bachand) :M. le député de Saint-Jean, allez-y.

M. Lemieux : Merci beaucoup. On va continuer sur... pour faire du pouce sur ma collègue, parce qu'on s'est fait dire que... dans les témoignages précédents, qu'effectivement la société a beaucoup changé depuis 20 ans, particulièrement au chapitre du mariage. Et ça explique les chiffres auxquels on est confrontés, pas seulement des couples, mais des enfants issus de ces couples-là, hors mariage. Est-ce qu'une loi comme celle qu'on est en train de faire doit régler tout ça? Puis je viens vous rejoindre, là, sur la partie avant les enfants. Est-ce qu'on est prêts pour ça? Plein de monde aujourd'hui puis hier qui m'ont dit : Vous savez, la loi sur la famille, c'est pas mal tout le temps en retard, mais en même temps, ça prend... Et j'en veux pour preuve le fait que les couples non mariés ne sont vraiment pas au courant de ce qui les attend, s'ils ont un problème, l'un ou l'autre décède, et tout le reste des problèmes qui viennent avec. Je comprends le militantisme, je comprends la volonté de faire avancer, je comprends de faire plus qu'un pas. Mais est-ce qu'on est prêts pour ça?

• (17 heures) •

Mme Julien (Mélanie) : En fait, à la question de savoir si on est prêts, les Québécois et les Québécoises pensent qu'on est déjà rendus là.

M. Lemieux : Bien oui.

Mme Julien (Mélanie) : Alors, poser la question, c'est y répondre.

M. Lemieux : Oui, mais ça, c'est... c'est une impression. Ce n'est pas un fait puis ce n'est surtout pas une loi, là.

Mme Julien (Mélanie) : Alors, est-ce qu'on est prêts? Dans la mesure où on pense qu'on est déjà rendus là, que c'est déjà reconnu, et qu'ils... et que les Québécois et les Québécoises souhaitent avoir des protections, des droits équivalents, alors bien sûr que nous y sommes rendus. Et...

M. Lemieux : Mais quand vous dites qu'ils sont déja rendus là, c'est de la mauvaise information. C'est d'abord, et ça avant tout, une mauvaise impression, là.

Mme Julien (Mélanie) : Oui, mais pour eux, ça va de soi que l'ensemble des couples, qu'ils soient mariés ou non, bénéficient des mêmes droits et obligations. Alors, en ce sens-là, ils sont favorables à ce que les protections soient équivalentes.

M. Lemieux : Je voudrais bien voir le gouvernement qui va leur dire qu'ils sont rendus là avant de l'être. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.

Mme Maccarone : Merci, M. le Président. Bonjour, Maître Cordeau, Mme Julien. Un plaisir de vous avoir avec nous aujourd'hui. Merci pour votre mémoire puis aussi pour votre présentation.

Évidemment, je souhaite parler des femmes. Puis je ne sais pas si vous avez vu passer le témoignage de les professeurs Langevin, Belleau, Lavallée, ils nous ont beaucoup éclaircis en ce qui concerne la condition féminine, une cause que je sais qu'on partage. Puis ils ont parlé de... on est en train de créer des catégories des femmes. Je souhaite avoir votre opinion là-dessus parce que je sais que vous avez quand même élaboré un peu là-dessus. Mais, si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, que sera l'impact des femmes aujourd'hui? Est-ce que c'est vrai qu'on va avoir des catégories des femmes suite à l'adoption du projet de loi n° 56, dans sa forme sans modification?

Mme Cordeau (Louise) :Il est évident que le projet de loi est d'abord axé sur l'intérêt de l'enfant, et que des dispositions sont prises pour favoriser la sécurité des enfants lors d'une rupture. Alors, est-ce qu'il y aurait des différences entre les femmes? Bien sûr, c'est... ça me semble évident. Les femmes qui vivent en union de fait, qui n'ont pas d'enfant commun avec un conjoint, mais qui peuvent vivre en union de fait avec des enfants, des unions recomposées, on en voit, qui prennent en charge des enfants de leur conjoint, qui peuvent faire des choix de famille, parce que c'est une famille recomposée, n'auraient pas de droits et d'obligations. C'est un seul exemple qui me vient en tête mais je pense qu'il est assez éloquent.

Mme Maccarone : D'abord, je présume que vous partagez. On a reçu Me Tétreault, qui a passé en commission hier, puis il utilise à peu près les mêmes exemples que vous. On parle de la pénalité à la maternité. Il n'a pas qualifié d'exactement la même façon, mais il a quand même peinturé un portrait. Mais il a aussi dit quelque chose que j'ai trouvé fort intéressant parce qu'il a dit : la situation économique des enfants est directement liée à la situation économique des femmes. Alors, encore une fois, je souhaite vous entendre un peu là-dessus, de l'impact sur les enfants. Parce que, l'autre chose que peut-être vous pourriez aussi nous clarifier votre position, on a aussi entendu plusieurs groupes, puis là, il y a plusieurs opinions, là, je ne suis pas avocate, mais il y a plusieurs opinions, on a des catégories des enfants, on a des catégories des femmes. Alors, quand vous parlez un peu de la situation économique de l'enfant qui est directement en lien avec la situation économique des parents, ça peut être la femme ou l'homme ou le parent en question, est-ce qu'on a aussi... est-ce que nous sommes en train de faire ceci avec ce projet de loi? Et est-ce qu'on est en train de créer des catégories des enfants?...


 
 

17 h (version non révisée)

Mme Cordeau (Louise) :...nous, ce sur quoi on veut surtout axer notre argumentaire, ce sont pour les conjoints de fait qui n'ont pas d'enfant, parce qu'on considère que le projet de loi qui est devant nous prévoit des dispositions quant aux droits qui seraient afférents aux couples qui ont des enfants communs. Quant aux couples qui n'ont pas d'enfant commun et qui vivent en union de fait, pour différentes raisons, les femmes sont désavantagées à la fin de leur union, j'en ai... j'en ai nommé quelques-unes de ces raisons. Donc, la maternité n'est pas le seul élément qui fait en sorte que les femmes, à la fin d'une union, sont moins avantagées que les hommes ou... puis là je fais femmes et hommes, mais on peut regarder d'autres, d'autres types de couple aussi.

Mais ce qu'il faut retenir, c'est que ces femmes peuvent ne pas avoir d'enfant commun avec leur conjoint, mais la proche aidance, on en parle de plus en plus, prendre charge de parent malade, ce n'est pas un enfant commun. Et n'oublions pas, et ça, je l'ai répété tantôt, l'interdépendance économique des conjoints, nonobstant qu'ils aient des enfants ou non, existe dans presque tous les couples.

Mme Julien (Mélanie) : Si vous me permettez, j'ajouterais que toutes les autres juridictions canadiennes reconnaissent le droit des personnes qui vivent en union de fait de demander une pension alimentaire pour soi-même à la fin de l'union. Et il n'y a aucune juridiction canadienne qui exige, qui limite ce droit-là aux personnes qui vivent en union de fait, qui ont un enfant commun. C'est... Ce n'est pas un critère qui est exigé ailleurs au Canada. Alors, si le projet de loi n° 56 était adopté tel quel, ce serait une singularité du Québec par rapport à l'ensemble des autres juridictions canadiennes.

Mme Maccarone : C'est bon de savoir. Merci. On a aussi entendu, par contre, que les contrats de vie de commun, ça peut être une panacée, c'est une solution. Est-ce que c'est une solution? Est-ce que vous, vous connaissez beaucoup de gens qui connaissent c'est quoi, un contrat de vie commune, et c'est utilisé? Vous avez beaucoup de statistiques, merci pour ça, dans votre document. 

Mme Julien (Mélanie) : Moins de 8 % des personnes, des personnes qui vivent en union de fait, ont convenu d'une entente de vie commune. Alors, effectivement, c'est très peu.

Mme Maccarone : Mais quand on parle d'un «opting in/opting out», là,  comment allons-nous... Si, mettons, on sait quelque chose, puis la loi est adoptée, comment allons-nous informer la population si on dit que... Parce que je comprends, on parle beaucoup de mariage de force, on souhaite avoir une équité pour toutes les femmes, peu importe leur situation, qui sont conjoints de fait, qui sont mariées, qui ont enfants, sans enfant. Mais comment en informer la population que ça, ça existe, mettons, s'il y a un «opting out», qui sera mis en place? Comment ça fonctionnerait selon vous?

Mme Cordeau (Louise) :C'est un très grand défi. Si on regarde... si on considère que la dernière réforme date de plus de 40 ans et que si on parle du partage du patrimoine familial aujourd'hui à plusieurs couples, je ne suis pas certaine que l'information précise existe des couples mariés. Alors, la question de l'information, peu importe l'ensemble des dispositions qui seraient retenues dans ce projet de loi, l'information est au cœur, au cœur de ce qui doit être fait quant aux couples qui vivent en union de fait au Québec.

Mme Julien (Mélanie) : Mais, du moins, avec la proposition du conseil, c'est que les droits et les obligations de base, l'ensemble, seraient reconnus à l'ensemble des personnes. Alors, l'information, ce serait pour... y renoncer. Alors, c'est a contrario que la liberté contractuelle va se faire, va s'exercer. Alors qu'actuellement les gens qui veulent bénéficier de ces droits, de ces protections-là, doivent être informés pour aller chercher une entente de vie commune. Alors, nous, on dit : Donnons-leur un ensemble de base, des droits... Reconnaissons-leur des droits, des obligations de base. Et, si ça ne convient pas à leur mode de fonctionnement, ils auront la liberté contractuelle d'y renoncer.

Mme Maccarone : Mais il faudra les informer.

Mme Julien (Mélanie) : Absolument, avec avis juridique, absolument.

Mme Maccarone : Parce qu'on a aussi entendu... Il y a du monde qui dit qu'on devrait avoir accès à un conseiller juridique indépendant. On a discuté un peu de ça avec les notaires, avec le regroupement des personnes qui représentent des familles monoparentales, recomposées aussi. Puis il y a des doutes que ça fonctionne. Un milite qui dit : Oui, on sait, on fait ça au quotidien, mais il y a plus... Moi, je connais plein, plein plein... surtout des femmes qui n'ont pas accès. Que devons-nous faire pour aider à...

Mme Maccarone : ...que, si on dit qu'on doit informer la population, la loi va changer, on veut donner un accès aux droits, je n'ai aucune idée, ça va avoir l'air de quoi, le projet de loi, à la fin du processus de l'étude détaillée. J'espère qu'on va avoir des modifications pour bonifier la loi. Mais comment allons-nous faire pour s'assurer que tout le monde a accès à un conseiller juridique indépendant?

Mme Cordeau (Louise) :Je n'ai pas la réponse, je n'ai pas la réponse. Mais ce qui est clair, c'est qu'à partir du moment, comme l'a dit Mme Julien, où l'ensemble des couples vivant en union de fait ont des droits et des obligations qui sont communs, et je pense particulièrement aux droits et obligations qu'auraient les femmes, il y aurait un minimum qui serait acquis pour les femmes qui vivent en union de fait.

Mme Maccarone : Je commence à avoir l'impression que ça va être plate à avoir une relation de couple puis plate, avoir des enfants parce que ça commence à être très compliqué.

On parle beaucoup des dates dans ce projet de loi. L'application de la loi, ça va être un an après, si, mettons, c'est le cas, puis, exemple, en 2025, puis on parle aussi, mettons, de 30 jours d'attribution de la résidence familiale, après qu'on... quand on est en union de fait. Puis le ministre dit souvent qu'on n'a pas le choix, il faut faire ça. On a entendu autre avocat dire que ce n'est pas le cas, on n'a pas besoin d'avoir une date du tout. Moi, je connais des familles, enfants et sans enfants, qui ont décidé de partager la maison pendant une période d'un an et demi. Votre opinion là-dessus? Que devons-nous faire en termes de ce type de date à l'intérieur du projet de loi?

• (17 h 10) •

Mme Cordeau (Louise) :Le conseil ne s'est pas prononcé, n'a pas fait de recommandation sur les dates. Je pense qu'il faut revenir aussi à l'essence de la nature de la protection de la résidence familiale, pourquoi ça existe en cas de rupture. Alors, je pense que c'est dans des situations où des gestes... des gestes rapides doivent être posés pour la protection... la protection des enfants et de la personne qui resterait dans la résidence familiale. Alors, je pense qu'il ne faut pas perdre de vue l'objet et le sens de la protection de la résidence familiale.

Mme Maccarone : Ça fait que, dans le fond, moi, ce que j'entends, c'est : on a besoin d'avoir quelque chose qui est plus sur mesure et non du mur-à-mur. Est-ce que c'est un...

Mme Cordeau (Louise) :Là-dessus, le conseil ne s'est pas prononcé.

Mme Maccarone : O.K., je comprends. Selon vous, est-ce que le projet de loi reconnaît le travail non rémunéré? Vous l'avez évoqué un peu dans vos remarques.

Mme Julien (Mélanie) : Il reconnaît la pénalité à la maternité, dans une certaine mesure, parce qu'il accorde des droits et des obligations aux personnes qui vivent en union de fait qui ont un enfant commun mais ne reconnaît pas le travail non rémunéré qui concerne les personnes vivant en union de fait qui n'ont pas d'enfant commun. Alors, comme Me Cordeau le disait, des personnes proches aidantes, par exemple, il y a un certain nombre de personnes sans enfants communs qui vont prendre soin d'un parent vieillissant, même d'un beau-parent, alors qui s'investit dans la... dans une perspective de solidarité familiale, met en... sur pause ses activités professionnelles pour prendre soin de cette personne-là, arrive la fin d'une union, et vit un désavantage économique flagrant vis-à-vis son ex-partenaire. Il n'est pas en mesure... n'est pas en mesure de demander une pension pour soi-même pour recouvrer son autonomie financière à la fin de l'union. Alors effectivement, le projet de loi ne reconnaît pas ce type de situation là.

Mme Maccarone : Bon. Ça fait le tout pour moi, mesdames. Merci beaucoup. Ça a été fort intéressant d'échanger avec vous, surtout, comme j'ai mentionné par avant, qu'on a plusieurs d'opinions. Ce qui est clair, c'est qu'il y a plusieurs opinions, puis il n'y a pas un chemin à prendre. Mais j'espère qu'on va pouvoir compter sur toutes les collègues féminines de porter la voix des femmes lors de l'étude détaillée de ce projet de loi pour s'assurer qu'on protège les droits des femmes, qu'on protège les droits de toutes les familles qui sont concernées par ce projet de loi. Merci beaucoup pour votre passage en commission. C'est grandement apprécié.

Le Président (M. Bachand) :À mon tour de vous dire merci, Mme Julien et Me Cordeau, d'avoir été à la commission.

Et puis je vais suspendre les travaux quelques instants pour accueillir le prochain groupe. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 17 h 13)

(Reprise à 17 h 18)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Il me fait plaisir d'accueillir les représentantes du groupe des Treize, alors je vous invite à vous présenter, après ça, à débuter votre présentation pour 10 minutes. Merci beaucoup.

Mme Bélanger (Annie-Pierre) : Annie-Pierre Bélanger, coordonnatrice du groupe des 13.

Mme Arsenault (Sara) : Sarah Arsenault, responsable des dossiers politiques à la Fédération des femmes du Québec.

Mme Lapointe (Marianne) : Marianne Lapointe, au Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, le CIAFT.

Le Président (M. Bachand) :Merci, allez-y.

Mme Bélanger (Annie-Pierre) : M. le Président de la commission, M. le ministre de la Justice, mesdames et Messieurs membres de la commission, on vous remercie…

Mme Bélanger (Annie-Pierre) : ...de nous recevoir dans les cadres... dans le cadre de la consultation sur le projet de loi n° 56. Nous représentons le Groupe des treize, une coalition féministe qui existe depuis près de 40 ans et qui regroupe 23 organisations féministes nationales à travers le Québec. Bien que nous reconnaissons le bien-fondé du projet de loi n° 56, aujourd'hui, on va vous présenter une analyse du point de vue des femmes et des personnes marginalisées. Compte tenu du temps alloué, on va aller directement aux recommandations principales et on vous transmettra un mémoire plus complet d'ici le 7 mai.

Pour notre première recommandation, nous demandons que le gouvernement respecte ses engagements en matière d'égalité énoncés dans la stratégie égalité 2022-2027 et qu'il réalise une analyse différenciée selon les sexes dans une perspective intersectionnelle, ADS+, du projet de loi. Qu'il la rende publique en toute transparence et qu'il effectue au besoin les correctifs nécessaires. Cette analyse devrait être construite dans une perspective intersectionnelle, comme stipulé dans le cadre de référence pour les projets pilotes en ADS+ déposé en 2023 par le Secrétariat à la condition féminine. Cette démarche est essentielle pour assurer le respect des droits fondamentaux.

Notre deuxième recommandation, qui est primordiale pour nous en regard du projet de loi à l'étude, soit que les mêmes protections s'appliquent aux conjoints de fait qu'aux couples en union civile. Plus concrètement, nous demandons que l'on modifie le Code civil afin d'accorder aux conjointes et conjoints de fait les mêmes droits que les couples en union civile, c'est-à-dire que nous souhaitons leur rendre applicables les articles 521.6 à 521.19 et 585 à 596.1 du Code civil, avec les adaptations nécessaires, ainsi que les droits et obligations en matière de successions et aliments.

• (17 h 20) •

Cette recommandation s'appuie sur notre ADS+ de la situation des conjoints de fait dont voici quelques éléments : la persistance des inégalités de revenus, les taux d'union libre qui sont plus élevés dans des régions où les hommes gagnent près du double du revenu médian des femmes, 41 % des enfants de conjoints de fait qui n'ont pas le même niveau de vie chez leurs parents après une séparation. Le Québec est un des endroits du monde où il y a le plus d'unions libres, mais aucun encadrement, contrairement à d'autres provinces canadiennes.

Par ailleurs, bien que le Québec veuille respecter le libre choix, ce choix n'est ni libre ni éclairé, puisque seulement 8 % des couples en union libre ont rédigé une convention de vie commune. Pire, selon des données de 2022, 50 % des personnes en union libre pensent que la loi les traite de la même manière que les couples en union civile. Une personne sur quatre en union de fait voulait se marier, mais l'autre non. Enfin, selon une étude récente, plus de 70 % des Québécois et Québécoises sont favorables à un traitement juridique similaire des couples mariés et en union libre. C'est pourquoi nous recommandons, en troisième point, que l'on définisse les conjointes, conjoints de fait comme étant deux personnes, quels que soient leur sexe ou leur identité de genre, qui répondent à l'un des critères suivants, soit qu'ils font vie commune et qu'ils se présentent publiquement comme un couple et qu'ils sont tous les deux parents d'un même enfant, sans égard à leur durée de vie commune, qui font vie commune et qui se présentent publiquement comme un couple depuis au moins trois ans, qui ont signé un contrat de vie commune notarié et qui l'ont enregistré auprès du directeur de l'état civil.

Cette recommandation vise à simplifier le droit et à harmoniser la définition avec d'autres lois sociales. En ce sens, notre quatrième recommandation est donc que la loi s'applique aux conjoints de fait répondant aux critères de notre recommandation trois, et cela dès l'entrée en vigueur de la loi. Que les couples jouissent d'un délai d'un an après l'adoption de la loi pour se soustraire de son application par acte notarié, et que le ou la notaire qui enregistre la décision ait l'obligation de s'assurer que chaque conjoint ait bénéficié d'un conseil juridique indépendant au préalable comme condition à la validité de la convention. Le but de cette recommandation est d'avoir un effet immédiat, comme ce fut le cas pour l'instauration du patrimoine familial en 1989 et d'inscrire la liberté contractuelle dans une culture du consentement libre et éclairé.

Comme nous l'avons dit précédemment, les couples en union libre sont confus par rapport à leurs droits, confusion qui vient en partie de la fiscalité et des lois sociales qui les traitent comme interdépendants. Notre cinquième recommandation est donc dans tous les cas que le gouvernement réalise une campagne d'envergure pour informer la population de ses droits en matière de droit de la famille à la lumière des modifications adoptées par le projet de loi n° 56.

Mme Lapointe (Marianne) : Nous venons de vous présenter nos recommandations primordiales. Si, toutefois, le législateur décidait de ne pas les retenir en entier, voici nos amendements prioritaires. Nous recommandons, en sixième point, que le PL 56 soit immédiatement effectif afin qu'il couvre tous les enfants des conjointes et conjoints de fait qui... qui sont déjà nés, en commun ou non, parce que le PL 56 instaure une nouvelle discrimination envers les enfants en fonction du statut matrimonial des parents. Sur le droit de retrait, tel que présenté dans le PL 56, nous recommandons...

Mme Lapointe (Marianne) : ...en septième point, que dans tous les cas où les conjoints de fait ou en union parentale prennent une décision concernant l'inclusion, le «opting in», ou l'exclusion, le «opting out», des dispositions du patrimoine, que le notaire qui enregistre la décision ait l'obligation de s'assurer que chaque conjoint ait bénéficié d'un conseil juridique indépendant au préalable comme condition à la validité de la convention. Le but de cette recommandation est de prôner une culture de consentement libre et éclairé pour les raisons évoquées précédemment mais aussi pour les conflits d'intérêts entre les deux personnes du couple.

Notre huitième recommandation est que soit inclus dans les dispositions concernant le patrimoine d'une union parentale ou d'une union de fait l'ensemble des éléments qui sont inclus dans le patrimoine familial, en particulier tous les actifs accumulés pour la retraite provenant de l'ensemble des outils d'épargne-retraite en vigueur, les droits accumulés dans le régime des rentes du Québec, les régimes complémentaires de retraite, les REER, les CELI, et autres instruments d'épargne-retraite. Ces actifs représentent une part importante des avoirs des ménages, et les femmes y contribuent par leur travail rémunéré mais aussi par leur travail non rémunéré ou invisible. Aujourd'hui, il demeure des écarts de revenus importants entre les femmes et les hommes. Ces écarts se reflètent dans la capacité d'épargne tout au long de la vie et donc dans les revenus à la retraite. Pour les femmes, l'écart se situe à moins de 30 % évidemment inférieur à celui des hommes.

Les femmes sont... ont effectué 61.1 % du total des heures de travail non rémunéré entre 2015 et 2018. Par ce travail de soins, en tant que mères, conjointes et proches aidantes, ces femmes contribuent à la santé de la famille et de la société, ce qui produit une valeur. En 2018, la valeur de ce travail se situait entre 25,5 % et 37.3 % du PIB, selon la méthode utilisée. En contrepartie, elles sont moins disponibles pour le travail rémunéré et cumulent un retard important dans le revenu et les épargnes-retraite.

Sur d'autres sujets, nous avons constaté que certains articles du PL 56 limitent les protections accordées. Nos deux prochaines recommandations seront deux exemples.

Premièrement, le PL 56 instaure un délai de 30 jours pour les protections provisoires liées à la résidence familiale. Nous sommes en désaccord : ce délai n'existe pas pour les couples en union civile, le délai de 30 jours ne respecte pas les délais actuels pour obtenir l'aide juridique et intenter un recours, ce délai n'est pas réaliste parce que, dans les premiers temps d'une séparation, il y a beaucoup de chamboulements, dont la garde des enfants qui est somme toute prioritaire, et que les dates de fin d'union ne sont pas toujours claires.

Pour toutes ces raisons, notre neuvième recommandation est que le délai de 30 jours prévu à l'article 521.27 du projet de loi soit supprimé, et que toutes les protections liées à la résidence familiale énumérées dans les articles 401 à 413 et 3062 du Code civil s'appliquent aux conjoints en union parentale et aux conjoints de fait et qu'elles restent en vigueur jusqu'à ce qu'un jugement final sur la dissolution de l'union soit rendu.

Deuxièmement, au sujet de la prestation compensatoire, nous pensons que les articles 427 à 430 du Code civil devraient s'appliquer tels quels, c'est-à-dire que notre 10e recommandation est de retirer l'article 521.46, limitant le calcul de la prestation compensatoire à la valeur marchande dans le PL 56. La raison est que la jurisprudence a tendance à fixer la prestation compensatoire à la valeur accumulée plutôt qu'à la valeur marchande. Donc, cet article du PL 56 constitue, en fait, une perte par rapport à la situation actuelle des conjoints de fait.

En conclusion, nous réitérons notre position d'accorder les mêmes dispositions aux conjoints en union libre qu'aux conjointes en union civile, après trois ans de vie commune ou un enfant commun, et ce, dès l'application de la loi, avec un droit de retrait libre et éclairé la première année et une large campagne d'information. Il en va du respect des engagements du Gouvernement en matière d'égalité entre les femmes et les hommes, de non-discrimination des femmes et des enfants et de solidarité, toutes des valeurs chères à la société québécoise et promues par la CAQ. Si le législateur restreint les protections aux conjoints de fait ayant un enfant en commun, nous recommandons prioritairement d'encadrer l'effet immédiat de la loi, le droit de retrait libre et éclairé d'inclure les régimes de retraite, de retirer le libellé qui limite à 30 jours le délai pour protéger la résidence familiale et celui limitant le calcul de la prestation...

Mme Lapointe (Marianne) : ...compensatoire.

Le Président (M. Bachand) :Merci infiniment. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Mme Bélanger, Mme Arsenault, Mme Lapointe, merci d'être présentes à l'Assemble nationale et de présenter votre mémoire, de participer aux consultations du projet de loi n° 56. D'entrée de jeu, je... vous avez 10 recommandations, on va les aborder plus en détail. Mais, sur la question du projet de loi lui-même, là, je comprends que vous, vous dites : Il n'est pas parfait, il faut aller plus loin, mais vous reconnaissez que c'est déjà une avancée par rapport à ce qu'on a actuellement.

Mme Arsenault (Sara) : Oui, en effet, c'est sûr qu'on aimerait souligner quand même le courage que ça prend d'apporter ce sujet-là à l'Assemblée nationale, d'ouvrir le débat de société. Évidemment, on est ouvertes avec le concept d'union parentale. Pour nous, on va parler plutôt du patrimoine d'union de fait ou d'union de fait puisque c'est notre... notre recommandation principale. C'est sûr, évidemment, aussi, par rapport aux violences judiciaires, c'est quelque chose qui est vraiment très intéressant, donc, ce que vous proposez. Plus principalement, on sait, comme Me Kirouack l'avait nommé en... lors de son intervention hier, il y a un concept de chose jugé par rapport... qui ne s'applique pas par rapport aux gardes et aux aliments. Donc, il y a effectivement des dérives parfois au niveau des violences judiciaires. Donc, c'est vraiment une avancée par rapport à cela. Ensuite, on pourra discuter aussi, là, d'autres mesures que vous proposez dans le projet de loi.

• (17 h 30) •

M. Jolin-Barrette : Peut-être en lien avec la violence judiciaire, là, qu'on insère, là. On propose également aussi, lorsque c'est possible de le faire, qu'un dossier en matière familiale soit suivi par le même juge dans la mesure du possible. Qu'est-ce que vous pensez de cette proposition-là?

Mme Arsenault (Sara) : C'est une proposition qui est intéressante dans un monde parallèle, je vais m'expliquer, dans le sens où il y a plusieurs limites quand même dans le concret de la pratique. Dans notre époque, je pratiquais en droit familial. Il y a plusieurs choses à prendre en considération : engorgement des tribunaux, le manque de juges en Cour supérieure, le fait que d'avoir un même juge attribué puisse apporter des enjeux au niveau de la disponibilité et donc des délais. On sait que les... les demandes provisoires en garde... en droit familial sont des demandes qui doivent être entendues d'urgence. Donc, c'est important, qu'il y ait une disponibilité des fonds et des ressources qui soient proportionnels à la mesure, là, qui est proposée.

M. Jolin-Barrette : Mais là, on est sur la mécanique davantage, là, le...

Mme Arsenault (Sara) : Absolument.

M. Jolin-Barrette : ...sur le principe, là, le...

Mme Arsenault (Sara) : Sur le principe, c'est un principe, comme on vous dit, qui est... qui est très intéressant. Ensuite, on ne peut pas non plus faire fi de la réalité, là, parce qu'on sait que ça va être des femmes, des enfants et des familles qui vont en payer le prix. Donc, il faut faire attention quand même avec ce type de mesures là, d'avoir les ressources qui sont appropriées.

M. Jolin-Barrette : Donc, si l'utilisation et le mode de gestion est revu, en tout respect de l'indépendance judiciaire... Parce que ce n'est pas moi qui assigne les juges de la Cour supérieure, ce n'est pas moi qui les nomme non plus, c'est le fédéral puis ce n'est pas moi qui attribue le nombre de postes. D'ailleurs, dans le projet de loi n° 54, on est venus prévoir sept postes supplémentaires de juges de la Cour supérieure. Donc, nous, on fournit les bureaux, les adjointes, avec le soutien à la magistrature, donc... puis on fait des démarches auprès du gouvernement fédéral pour avoir davantage de juges. Mais cela étant, je comprends que c'est plus simple pour les justiciables si c'est le même juge qui suit leur dossier, puis, dans la mesure où ils sont disponibles, ils sont pratiques, donc on... on comprend. O.K.

Mme Arsenault (Sara) : Oui. Et j'ajouterais aussi dans la mesure où, ça l'a été quand même mentionné par d'autres intervenants, intervenantes, bien, qu'il y ait une sensibilité aussi de ce juge par rapport au droit familial et des enjeux qui sous-tendent également.

M. Jolin-Barrette : Mais, dans les faits... bien, en fait, non, pas dans les faits, théoriquement, quand on se présente devant la cour, on est censés avoir le même traitement, peu importe qui est sur le banc.

Mme Arsenault (Sara) : C'est un commentaire que je vous ai entendu faire dans d'autres interventions, là. On pourrait avoir des discussions quand même parce qu'il y a des réserves quand même à la mise en application. Là, je pense que les juges sont des êtres humains qui ont parfois des biais. Il y a des recherches qui remontent... qui démontrent quand même qu'il y a des biais sexistes qui s'immiscent parfois dans les jugements en droit familial. Donc, c'est important de... de le prendre en considération.

M. Jolin-Barrette : Mais je suis intéressé à vous entendre là-dessus.

Mme Arsenault (Sara) : Moi, je ne suis pas chercheuse, donc ce n'est pas nécessairement ça qu'on veut apporter aujourd'hui, mais on pourra vous... vous donner des références ou des... de la documentation, si vous le souhaitez, après la consultation.

M. Jolin-Barrette : Bien, certainement, si vous voulez le transmettre au secrétariat de la... de la commission. Je suis convaincue que les parlementaires seraient intéressés à avoir ça.

Mme Lapointe (Marianne) : Si je peux me permettre.

M. Jolin-Barrette : Oui.

Mme Lapointe (Marianne) : Je crois qu'il y a des dispositions dans la stratégie égalité à ce propos. Mais, comme ce n'est pas une question à laquelle je m'attendais, je n'ai pas lu ces articles-là, mais je vous invite à relire la stratégie en égalité qui appartient...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

Mme Lapointe (Marianne) : ... au gouvernement.

M. Jolin-Barrette : Excellent. Sur vos recommandations, vous nous proposez, dans le fond, que ce que... que les conjoints, lorsque ça fait trois ans qu'ils sont ensemble, dans le fond, ils aient les mêmes obligations que les conjoints qui sont mariés. Dans le fond, faire en sorte que l'écoulement du temps fasse en sorte, même s'ils n'ont pas d'enfants, que les règles du mariage s'appliquent à eux. J'ai bien compris?

Mme Bélanger (Annie-Pierre) : Nous, c'est l'union civile, par contre. Le mariage, il y a certaines dispositions qui sont différentes puis il y a aussi un aspect souvent religieux. Alors, on parlait des mêmes dispositions que l'union civile.

M. Jolin-Barrette : Je comprends, mais le... le régime est similaire, puis, dans le fond, le mariage, ça peut être célébré dans une église, comme ça peut être célébré par... par un notaire, par le maire, au palais de justice aussi, là, donc.

Mme Arsenault (Sara) : Oui, bien, en effet, peut-être pour compléter ma collègue, tu sais, c'est surtout qu'on entend beaucoup ce discours du mariage forcé. Par contre, il faut faire quand même attention, parce que nous, par exemple, nos recommandations, ce n'est pas de retransférer les normes par rapport à la célébration du mariage, par exemple, ou de demander l'application de la loi sur le divorce dans... dans le cadre de nos recommandations. Donc, c'est là où est-ce qu'on fait une petite distinction. Puis également il y a quand même plusieurs retraits ou exclusions qui sont prévus dans le projet de loi. Donc, pour nous, ce n'est pas assimilable, dans le fond, au régime du mariage.

M. Jolin-Barrette : Hum-hum. Bien, en fait, vous voulez les protections associées au mariage ou à l'union civile...

Mme Arsenault (Sara) : Les obligations, les droits et les protections, en effet.

M. Jolin-Barrette : C'est ça. O.K. Tout à l'heure, donc, vous êtes d'accord avec la protection puis l'attribution de la résidence familiale. Vous dites : Par contre, le délai de 30 jours, il est trop court. On doit mettre un délai. Alors, vous nous suggérez d'élargir ce délai-là jusqu'à combien de temps?

Mme Bélanger (Annie-Pierre) : En fait, notre... bien, ce qu'on remarquait, c'est que, du côté de l'union civile, le délai est associé à la dissolution, donc... bon, lorsqu'il y a la séparation des biens, tout ça. Alors, nous, on recommandait que ce soit la même chose qui s'applique, et toujours dans l'esprit de simplifier, en fait, le droit.

M. Jolin-Barrette : Mais l'enjeu, c'est qu'on ne peut pas faire ça, parce que la fin de l'union parentale survient avec la fin de la vie commune, contrairement à l'union civile ou contrairement au mariage, que le lien perdure. Donc, on n'a pas le choix juridiquement de mettre un délai, mais 60 jours, 90 jours?

Mme Arsenault (Sara) : En fait, je pense que c'est important de reprendre, parce que, par rapport à nos recommandations, effectivement, il y a deux définitions, là. Donc, on veut que ça soit applicable autant pour les conjoints qui vont avoir un enfant, par exemple, mais aussi ceux qui vont avoir fait vie commune pendant trois ans sans nécessairement avoir d'enfant, mais nous, on propose aussi une option d'opting in. Donc, pour... donc, votre commentaire ne s'appliquerait pas nécessairement à tous les cas pour lesquels nous, on a la recommandation trois, qui tend à élargir. Si vous pouvez peut-être juste reformuler votre question, je vais pouvoir aussi aller plus en détail.

M. Jolin-Barrette : Bien, dans le fond, c'est parce qu'à la fois pour l'union civile et à la fois pour le mariage, dans le fond, lorsqu'il y a séparation, le lien de droit demeure jusqu'au prononcé du jugement.

Mme Arsenault (Sara) : En effet.

M. Jolin-Barrette : Là, dans le régime de l'union parental, on n'a pas ça. L'union prend fin à partir du moment où il y a une des conditions de l'union qui prend fin, puis ça se termine maintenant. Ça fait que, dans le fond, c'est par une fiction juridique qu'on maintient la protection associée à la résidence familiale. Dans le fond, le législateur dit : On ajoute 30 jours. Là, ça fait quelques groupes qui me disent : Le 30 jours, il est trop restreint, mais ça nous prend quand même un délai. Ça fait que ma question, c'est : Quel délai serait approprié pour vous pour permettre... Je comprends que, dans les commentaires précédents qu'on a eus, on me disait : Bien, 30 jours, c'est un peu rapide pour se retourner puis présenter une demande à la cour. Donc, c'est plus là-dessus que... que je veux avoir votre... vos lumières.

Mme Arsenault (Sara) : Oui. Bien, c'est sûr, évidemment, je pense qu'il va y avoir des amendements, peut-être, éventuellement sur la définition que vous allez retenir par rapport aux conjoints, conjointes qui vont être protégés par la loi. Également, ça se pourrait qu'il y ait aussi des modifications par rapport à la fin de l'union. Donc, c'est sûr que, dépendamment des choix qui seront faits par le législateur, il va y avoir des adaptations nécessaires au projet de loi, et notamment par rapport à cette protection-là. On ne s'est pas prononcé sur un temps spécifique, mais je vais laisser...

Mme Lapointe (Marianne) : Mais on a mis dans notre libellé, en fait, que nous, on s'intéresse aux dates de fin d'union plus claires. Donc, le législateur pourrait effectivement établir une liste de critères, en fait, où, là, c'est clair que l'union est dissolue. Donc, par exemple, ne plus faire vie commune dans la même... dans la même résidence familiale, avoir réglé la garde des enfants, tu sais, avoir amorcé un processus de... de médiation pour la garde des enfants, etc...

Mme Lapointe (Marianne) : ...donc il pourrait y avoir une liste d'éléments qui viennent appuyer le fait que la date est claire.

Mme Bélanger (Annie-Pierre) : Si je peux ajouter un élément, nous, le Groupe des Treize, on n'est pas des juristes, mais on... dans le fond, on représente des organisations féministes, puis on se base sur les faits de la société. Donc, la suggestion pourrait être d'étudier en fait à quel moment, dans une séparation de fait, les conjoints, conjointes arrivent à la question légale. Parce que ce qu'on sait, c'est que déjà dans le projet de loi, il y a la question de la manifestation tacite qui ne rend quand même pas clair le début ou le délai du 30 jours court. Mais, en plus, dans cette période-là de séparation, il y a beaucoup de bouleversements. Là, il faut prendre en compte, en plus, il y a une crise du logement qui fait en sorte que se relocaliser n'est pas simple. Et, pour les parents, souvent, c'est la question de la garde des enfants qui va être prioritaire. Donc, on inviterait plutôt le législateur à se pencher sur comment, actuellement, ça fonctionne dans la société, puis à ajuster le délai en fonction de l'usage finalement.

M. Jolin-Barrette : Excellent! Je vous remercie pour votre présence en commission parlementaire, c'est apprécié. Donc, je vais céder la parole à mes collègues. Merci pour les échanges.

• (17 h 40) •

Le Président (M. Bachand) :Mme la députée de Vimont.

Mme Schmaltz : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Bien contente de vous rencontrer. Je salue aussi vos collègues en arrière, parce que je les vois hocher de la tête, elles vous écoutent religieusement, en tout cas. Pour ma part, moi, c'est la première fois, je ne vous connaissais pas. J'ai regardé tantôt les groupes que vous représentez. C'est assez...très diversifié, si on peut dire, et puis... Bien, merci de votre présence.

Alors, j'ai pris connaissance des recommandations. J'ai bien aimé la numéro 5, d'ailleurs, je l'ai marquée, j'aime bien, avec la réalisation d'une campagne d'envergure pour informer la population une fois le projet adopté. Effectivement, je pense que ça s'inscrit naturellement là-dedans, d'informer la population de ses droits.

Recommandation 4, vous... c'est mentionné que... Vous suggérez que «les conjoints ou conjointes qui décident de se soustraire de l'application par acte notarié, donc un an après l'adoption de la loi, bénéficient d'un conseil juridique indépendant». C'est quoi? Ça serait composé de qui et pourquoi?

Mme Arsenault (Sara) : C'est une très bonne question. Je pense qu'il y a plusieurs intervenants, intervenantes aussi qui ont proposé certaines modalités. Pour nous, si c'est un acte notarié, donc, définitivement, c'est devant notaire que serait enregistré le tout. Un conseil juridique, ça peut être fait par un avocat, un notaire, par exemple. Pour nous, c'est important, ça, parce qu'il y a tout un contexte, comme ça a été nommé précédemment, de toute façon, de contrôle coercitif, de violence conjugale qui ne sont pas nécessairement visibles dans une rencontre, par exemple, avec un notaire. Donc, quand on décide de retirer certaines protections à son patrimoine ou de se retirer du régime complètement, il faut que ce consentement-là puisse prendre en mesure, justement, la valeur des biens qui sont associés à ce patrimoine-là pour que le consentement soit complet, en fait, qu'on ait toutes les informations en main pour que le consentement soit libre et éclairé complètement, et surtout parce que les intérêts des conjoints, conjointes ne sont pas toujours nécessairement alignés.

Donc, il y a certains enjeux qui peuvent se poser. Et je vais renchérir sur un commentaire de Me Kirouac, qui mentionnait justement que les médiateurs et médiatrices familiales, par exemple, ont cette obligation-là, en vertu de l'article 118 du Code de procédure civile, quand ils voient qu'il y a un différend de demander aux parties d'avoir un avis juridique indépendant. Donc, pour nous, la logique est finalement à peu près la même, là, pour des décisions qui sont aussi importantes que de retirer des protections, mais il faut noter aussi qu'on a aussi ajouté dans notre «opting in». Donc, pour nous, ça va dans les deux sens, «opting out/opting in». 

Mme Schmaltz : Je m'excuse de vous couper, juste... Est-ce qu'on parle de rencontre individuelle ou de couple, ou vous prenez les... bien, les deux personnes à part? C'est ça, hein, on les prend à part pour ne pas que personne n'influence... soit influencé par... O.K. Parfait. C'est bon.

Mme Bélanger (Annie-Pierre) : C'est aussi juste d'être libre, en fait, de considérer ses propres intérêts dans une relation qui n'est pas fondée. Tu sais, ça a été nommé à plusieurs reprises, mais la relation intime ou d'union parentale ou d'union, de fait, elle n'est pas d'abord fondée sur des intérêts économiques. C'est des relations qui sont intimes, des partenaires qui se choisissent, et donc de pouvoir prendre un temps séparément pour mesurer... dans le fond, ses intérêts, pour nous, c'est primordial. C'est sûr qu'on est dans le milieu féministe, on prône une culture du consentement libre et éclairé, et, pour nous, ce sont les conditions qu'on met sur la table pour exercer...

Mme Bélanger (Annie-Pierre) : ...ce consentement-là, libre et éclairé, ça pourrait être d'autres conditions, mais pour nous, il faut que ça respecte le principe d'un consentement libre et éclairé.

Mme Schmaltz : Parfait. Je vous remercie. Merci. Je n'ai plus... Je n'ai pas de question.

Le Président (M. Bachand) :Une petite minute. Ça va du côté gouvernemental. Mme la députée de Laval-des-Rapides pour une minute.

Mme Haytayan : Merci. Est-ce que vous pouvez développer rapidement sur l'importance de permettre aux conjoints de fait en union parentale d'hériter de l'autre en l'absence de testament?

Mme Lapointe (Marianne) : Si vous pouvez me permettre, nous ne sommes aucunement des spécialistes du droit de... de successions, désolée. Donc, nous, on est vraiment ici aujourd'hui pour parler de... tu sais, de ce qu'on a préparé. C'est sûr que, dans l'optique où on est très préoccupés par les inégalités de revenus et les inégalités entre les hommes et les femmes, on trouverait très, très important que les droits des conjoints et des conjointes soient vraiment respectés jusqu'au bout, jusque dans le décès, et qu'en fait les droits des conjoints ou des conjointes... ou, en fait, des personnes, des compagnons de vie qui ont le moins de revenus dans le couple soient protégés par le droit à l'accès à... aux sous après la mort d'un des deux conjoints. Mais nous ne sommes pas des spécialistes du droit de la succession.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Je me tourne vers la position officielle. M. le député de l'Acadie. Oui, allez-y.

M. Morin : Oui, merci, M. le Président. Alors, je vais... je vais commencer comme ça. Alors, désolé... Bonjour, mesdames. Désolé, je suis arrivé un peu en retard, j'avais une intervention à faire au salon bleu. C'est terminé. Merci. Merci d'être là. Merci aussi pour ce que vous nous expliquez et vous nous dites.

Quand M. le ministre a déposé son projet de loi, il a dit que la pierre angulaire, c'était la protection des enfants. Ce que j'aimerais savoir de vous, c'est qu'avec le projet de loi est-ce que vous pensez que tous les enfants sont bien protégés dans le cas de couples qui vivent en union de fait?

Mme Bélanger (Annie-Pierre) : Non. Pour nous, il y a une discrimination qui est faite des enfants par rapport au statut matrimonial de leurs parents. Les enfants ne choisissent pas dans quel type d'union ils naissent, d'ailleurs, certains sont déjà nés. On a parlé d'instaurer à partir, bon, de... d'une date en 2025. Par contre, il va y avoir une séparation en 2010, mais c'est un enfant qui va être né en 2003, il ne sera pas couvert. Les enfants des personnes mariées, finalement, sont ceux qui ont les meilleures protections. Et il n'y a pas seulement... Oui, on voit que le projet de loi a été déposé dans l'intérêt en tout cas de certains enfants, on va dire, mais pour nous, on parle aussi de la question de la discrimination des femmes dans la société. Et le projet de loi, finalement, aussi vient centrer son intérêt sur les femmes qui vont mettre au monde ou adopter un enfant après une certaine date en 2025. Et on se questionne, à savoir toutes les autres femmes qui font du travail invisible et non rémunéré, qu'on sait, empiriquement, toutes les données sont d'accord avec ça, il y a des inégalités qui subsistent, il y a l'iniquité salariale, ça a des importances tout au long de la vie jusqu'à la retraite, mais ces femmes-là, leur travail ne sera pas reconnu. Alors, que la stratégie égalité du gouvernement, il y a un objectif qui dit clairement qu'on doit reconnaître et valoriser le travail invisible et non rémunéré des femmes. Mais reconnaître, c'est le mettre en mots, le mettre dans un projet de loi, le valoriser, c'est lui accorder une valeur. Et donc, au moment de la séparation, c'est une super opportunité pour enfin reconnaître et valoriser ce travail-là. Et on pourra le faire dans toutes sortes d'autres projets de loi, dans toutes sortes d'autres programmes sociaux. Mais là, aujourd'hui, on est là pour parler du projet de loi n° 56, et c'est ce qu'on veut. On veut que le gouvernement non seulement ne crée pas de nouvelles discriminations, s'il vous plaît, ne complexifions pas le droit de la famille, alors qu'à peu près tout le monde est confus, et ne recréons pas non plus de discrimination entre les femmes, puis profitons-en pour faire avancer l'égalité entre les femmes et les hommes.

M. Morin : Merci. On nous a dit aujourd'hui... plusieurs groupes, personnes nous ont dit : écoutez, le mariage, c'est un choix, les gens ne sont pas obligés de se marier, ils font un choix. Puis là, on ne veut pas marier des gens de force au Québec, on nous a dit ça aussi. Puis là, bien, évidemment, comme porte-parole de l'opposition officielle, on tente toujours de faire ce qui est de mieux pour la population, de bonifier éventuellement les projets de loi. Qu'est-ce que vous répondez à cet argument-là, qui, en fait, va créer une distinction entre des conjoints ou des conjoints avec ou sans enfants?

Mme Bélanger (Annie-Pierre) : Là, vous voulez dire sur la question du libre choix, en particulier?...

M. Morin : ...Oui, puis souvent aussi, la différence qu'on a entre, mettons, le régime primaire, quand quelqu'un est marié, auquel on ne peut pas... on ne peut pas , et ce qui est proposé dans le projet de loi n° 56.

Mme Bélanger (Annie-Pierre) : Bien, sur la question du libre choix, je pense que ça a été nommé par plusieurs intervenants et intervenantes, que les personnes qui choisissent de se marier ou qui s'en vont plutôt vers une union civile ou une union de fait ne le font pas nécessairement par rapport aux droits, obligations ou protections. Donc, est-ce qu'en partant là, il y a un libre choix? Ensuite, on parle... tu sais, nous, on propose, à l'instar du Conseil du statut de la femme, d'inverser simplement le fardeau. Au lieu que le fardeau soit sur les épaules individuelles des femmes, des hommes, des personnes, de faire un choix et de se mettre en action, bon, d'aller s'informer, etc., aller signer un contrat, nous on dit : on met des protections de base, là, pour tout le monde. Nous, ce qu'on propose, c'est un droit de retrait pour la première année d'application du projet de loi. Mais pour nous, c'est de cette façon-là que le choix... le libre choix sera davantage respecté.

Puis on voit aussi, en fait, que les hommes et les femmes sont à peu près, et de façon équivalente... ignorent leurs droits de la... le droit de la famille. La seule... bien, «la seule», c'est une énorme différence, c'est que les hommes qui ignorent le droit de la famille, généralement, lors d'une séparation, se trouvent avantagés, alors que les femmes qui ignorent le droit de la famille lors d'une séparation généralement se trouvent désavantagées. Et nous, c'est à cet endroit-là qu'on pense qu'il faut agir.

Je ne sais pas si vous voulez compléter.

• (17 h 50) •

Des voix : ...

M. Morin : Merci. Je vais maintenant céder la parole à ma collègue la députée de Westmount—Saint-Louis.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Alors, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis, s'il vous plaît.

Mme Maccarone : Merci beaucoup. Bonjour, mesdames Bélanger, Arsenault et Lapointe. Merci beaucoup de votre passage aujourd'hui.

J'ai envie de poser les mêmes questions que j'ai posées un peu à le Conseil du statut de la femme. Si le projet de loi n'est pas bonifié, n'est pas modifié, puis ça reste dans sa mouture actuelle, est-ce que nous sommes en train de créer des catégories des femmes?

Mme Lapointe (Marianne) : Oui. Bien, un... on a légèrement la même position que le Conseil du statut de la femme. Donc, il va y avoir les femmes qui vont avoir eu des enfants à un moment x et celles qui vont être en union libre et n'auront pas d'enfant, et, etc., les femmes mariées. Donc, oui, on est en train de catégoriser les femmes. C'est une forme de discrimination. Et il ne faut pas oublier que les femmes vivent, tout au long de leur vie, toutes sortes de formes de discrimination, qui découlent des écarts de revenus, et qui découlent des écarts de revenus à la retraite, et qui découlent... plein de... d'autres discriminations. Donc, souvent, une discrimination en entraîne une autre. Donc, on peut penser aussi, on n'en a pas parlé dans notre présentation parce qu'à un moment donné, pour 10 minutes, il faut faire des choix, mais au niveau des écarts de revenus, on peut entre autres mentionner les femmes immigrantes qui sont arrivées depuis plus de 10 ans au... ici, qui ont un écart de revenus avec les hommes dans la même situation de moins 14 %. Donc, vous aurez accès à beaucoup de données statistiques, là, dans notre mémoire, on en a plusieurs qu'on n'a pas nommées aujourd'hui. Mais la discrimination, elle est flagrante. Et ça ne tient pas compte aussi du fait que les femmes qui ne bénéficieraient pas de la protection, vu qu'elles n'auraient pas encore eu d'enfants, elles sont potentiellement des proches aidantes, elles sont quand même des conjointes qui contribuent à l'enrichissement de leur cellule familiale et devraient avoir accès, en fait, aux protections en cas de séparation.

Donc, votre collègue d'en face m'a... a posé la question tout à l'heure sur les protections lors de la mort, bien oui, c'est important, lors du décès d'un conjoint ou d'une conjointe. Il y a les protections pendant qu'on est mère, mais il ne faut pas oublier les protections entre les deux. Donc, au niveau de la retraite, ces protections-là sont très importantes aussi parce qu'il y a énormément de femmes qui se ramassent à la retraite en étant en situation de pauvreté.

Mme Maccarone : Merci de le soulever. Surtout la situation des femmes immigrantes, proches aidantes, on n'en parle pas assez. Je pense que... J'ai manqué le début de la commission, mais je pense que vous êtes les premières à faire la mention, alors c'est important. Puis j'ai... je vous ai entendues lors de votre témoignage, vous avez aussi évoqué les mêmes statistiques qu'on a entendues des professeurs Langevin, Belleau et Lavallée, puis juste avant vous, vous étiez ici dans la salle, pour le témoignage de le Conseil du statut de la...

Mme Maccarone : ...qui nous ont fait part de 76 000 et plus couples sans enfant, vivent avec un revenu qui demande... qui dépend sur un des partenaires. Puis là vous avez dit que vous n'avez pas eu assez de temps. J'ai beaucoup d'autres questions que je pourrais vous poser, là. Il me reste trois minutes 30 secondes. Y a-t-il autres statistiques ou autres informations que vous souhaitez partager avec les membres de la commission? Je peux vous céder mon temps ou je peux vous poser des questions, mais c'est tellement important votre passage ici, en commission, J'ai envie de vous entendre.

Mme Bélanger (Annie-Pierre) : Bien, c'est très gentil. Peut-être, pendant que mes collègues réfléchissent, bien, déjà, nous, le groupe des 13, 23 organisations nationales féministes, quand on a vu le dépôt du projet de loi, nous, pour s'organiser, là, ce n'est pas qu'on retourne à notre bureau, puis on écrit un mémoire, là, ce n'est vraiment pas ça. Il faut s'approprier collectivement l'enjeu pour faire une ADS+ collective. Il faut ensuite aller de l'avant, là, avec notre rédaction, puis il faut faire approuver, nous autres. Donc, d'être invitées dès le début de la commission, de ne pas être, en fait, informées rapidement, donc peut-être à l'avance, une prochaine fois qui se prépare un dossier en lien avec la condition féminine. Ça, c'est quelque chose qui nous aiderait.

Et d'ailleurs, à travers ça, on a appris, en rencontrant le conseiller politique de la CAQ, qu'il n'y avait pas nécessairement eu d'ADS du projet de loi. Et, par la suite, quand on a rencontré le secrétaire à la Condition féminine, on nous a dit : Oui, oui, le ministre a sollicité... le ministre de la Justice a sollicité un accompagnement en ADS. Et là, nous, on a demandé : Bien, peut-on consulter cet ADS? Parce que ça nous aiderait à nous faire une tête. Puis, pour nous, le projet de loi était plutôt plus ou moins écrit dans une perspective ADS, disons-le, et pas ADS+ non plus. Alors, c'est quelque chose qu'on aimerait aussi, avoir accès, en fait, aux ADS, idéalement ADS+ qui sont réalisées dans le cadre des projets de loi. Aussi, être convoquées plutôt vers la fin, vu notre processus démocratique et l'ensemble des membres qu'on représente, puis aussi être informées autant que possible à l'avance. Donc, là-dessus, je laisse mes collègues compléter.

Mme Lapointe (Marianne) : Bien, moi, j'aurais simplement à dire qu'on a l'impression, à la lecture de certains projets de loi récents et du P.L. 56, qu'il y a un mythe qui... qui perdure dans l'appareil gouvernemental présentement, que l'égalité entre les hommes et les femmes est atteinte. Donc, moi, j'aimerais renforcer le fait que ce n'est pas le cas, que, bien qu'on a une progression du taux d'activité des femmes sur le marché du travail, il demeure des inégalités flagrantes, entre autres au niveau du revenu, mais aussi, entre autres, au niveau des métiers occupés, des... de la discrimination au niveau des conditions de travail. Donc, beaucoup de femmes sont dans les milieux de travail non syndiqués, à statut précaire, avec des horaires atypiques, etc. Donc, ça renforce aussi le besoin de protection, parce que toutes ces femmes-là, qui ont des enjeux de discrimination et d'écart de conditions de travail et de revenu, vont accumuler tout ça et, rendues à la fin de leur vie, vont avoir des soucis. Et je trouve qu'on est bien positionné dans un projet de loi pour la famille de...

Mme Maccarone : De ne pas manquer le coup. Je comprends.

Mme Arsenault (Sara) : Et si je peux...

Mme Maccarone : 30 secondes.

Mme Arsenault (Sara) : 30 secondes. O.K. Je vais vite, super, ça va vous tenir réveillés. Il y a aussi un aspect, je pense, qui est important, plusieurs ont mentionné, à la suite des lois sociales, qu'il y a une disparité, par exemple. Tu sais, les critères varient beaucoup. On parle de période de vie commune, adoption... compris, pas compris. Puis, tu sais, il y a une réforme, par exemple de l'aide sociale qui a été annoncée. On sait que, dans la loi sur... bref, que la vie maritale est un des critères qui va vraiment venir créer une dépendance économique pour les femmes prestataires de l'aide sociale, etc. Et ce qu'on voit, c'est que, dans plusieurs lois, on va... on va marier de force, comme on aime le dire, et donc il y a des désavantages qui ressortent de ces lois-là, mais, d'un autre part, on ne veut pas apporter les protections, les droits ou les obligations qui en découlent. Puis pourtant, bien, il y a beaucoup de programmes d'aide... programmes d'aide sociale, mais pas aide sociale, mais vous comprenez, qui sont réduites, en fait, si on parle, par exemple...

Le Président (M. Bachand) :Merci. Merci beaucoup. Je vais céder la parole au député de Saint-Henri–Sainte-Anne.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci pour votre excellente présentation, là, j'en ai manqué une partie, malheureusement, comme j'étais au salon bleu aussi. Donc, j'espère que je ne vais pas vous faire répéter trop. Vous dites que le gouvernement réalise une ADS et au besoin apporte des correctifs nécessaires. Mais là, vous êtes... vous êtes polies dans le «au besoin», là, vous l'avez faite vous-même, j'imagine, puis vous faites les constats. Ça fait que vous demandez nécessairement que ces corrections-là soient faites.

Mme Bélanger (Annie-Pierre) : Oui. Oui, en fait, l'ADS, quand on regarde c'est quoi, dans la définition même du gouvernement, c'est un outil d'aide à la décision...

Mme Bélanger (Annie-Pierre) : ...donc, si on fait seulement une analyse avec un rapport puis on le tablette, nous n'avons pas fait une ADS. Le gouvernement ne peut pas cocher. C'est un outil d'aide à la décision, donc cela doit transparaître dans la décision. Et, comme nous, ça ne transparaissait pas, en tout cas peut-être qu'on n'a pas vu la première mouture non plus, mais on s'est dit qu'on aurait aimé voir en fait ce rapport ADS là, ce qui a été réalisé.

M. Cliche-Rivard : Vous dites : trois ans dans le cas de couples qui n'ont pas d'enfant. Pourquoi vous vous êtes arrêtées à trois ans de vie commune?

Mme Bélanger (Annie-Pierre) : En... Bien, certaines lois, programmes sociaux, lois sociales, loi sur l'assurance adoptent trois ans. Parfois, c'est un, parfois c'est deux. On s'est dit, si on va dans une optique d'harmoniser, simplifier, trois ans seraient une proposition intéressante, selon nous. On aurait été ouvertes à deux ans aussi.

M. Cliche-Rivard : O.K., deux, mais vous ne descendiez pas un an. Vous étiez dans cette réflexion-là parce que, «conjoint de fait», bon, on s'initie ou s'enclenche après un an dans certaines lois aussi, vous venez de le dire.

• (18 heures) •

Mme Bélanger (Annie-Pierre) : Un an, nous...

M. Cliche-Rivard : Vous étiez à trois ans.

Mme Bélanger (Annie-Pierre) : C'est ça.

M. Cliche-Rivard : Qu'est-ce qui est pour le «opt out», avec un enfant né après juin 25, vous conservez ce droit-là pendant un an? Vous l'enlevez?

Mme Bélanger (Annie-Pierre) : Si le projet de loi est adopté sans prendre en compte notre recommandation primordiale, O.K., donc on est dans un régime d'union parentale, pour nous, nous, dans le fond, on recommanderait seulement la première année d'application du projet. Ceci étant dit, si le projet est adopté avec l'idée d'un «opting out» tout le long, notre recommandation, qui est toujours là d'ailleurs, c'est le... un avis juridique indépendant pour chacun, chacune des conjoints.

M. Cliche-Rivard : O.K. Donc, dans l'année, puis après ça, il n'y a pas d'«opt out». Une fois que l'année est passée, vous, vous n'êtes pas à dire que, de consentement, on pourrait se retirer finalement du régime?

Mme Arsenault (Sara) : Bien non. Mais, en fait, pour nous, c'est ça, on veut, avec les adaptations nécessaires, le régime d'union... d'union civile. Donc, par exemple, le patrimoine familial, c'est des dispositions d'ordre public. Donc, pour nous, il y a toujours la possibilité, puis je pense que, des fois, on a tendance à l'oublier, mais de renoncer à la... à séparation. Donc, il y a quand même un choix, si on souhaite renoncer, ou, des fois, il y a des situations de partage inégal, là, donc ce n'est pas... Tu sais, il y a certaines situations quand même qui peuvent venir changer la donne, mais aussi, bien, c'est que pour nous, tu sais, tous les aspects aussi de la société d'acquêts qu'on a un peu moins discutés, ça serait les mêmes dispositions, donc aussi les mêmes particularités de pouvoir être en séparation de biens, par exemple, etc.

M. Cliche-Rivard : Puis vous prévoyez donc un... des normes minimales ou un plancher minimal comme la résidence principale, par exemple, duquel on nd pourrait pas se dissocier, même... même par consentement?

Mme Arsenault (Sara) : Exact. Nous, c'est l'article 415 du code civil, tel quel, régime de retraite, tout.

M. Cliche-Rivard : Ça fait que... qu'importe l'avis juridique notarié, les avis, ça, c'est fondamental puis de droit public. Ça ne devrait pas être...

Mme Arsenault (Sara) : Mais toujours avec la possibilité de renoncer à la séparation.

M. Cliche-Rivard : O.K..

Mme Bélanger (Annie-Pierre) : Au moment de la séparation.

M. Cliche-Rivard : Au moment de la séparation.

Mme Bélanger (Annie-Pierre) : C'est ça qu'on veut dire.

M. Cliche-Rivard : C'est ça, de consentement entre les deux parties.

Mme Arsenault (Sara) : Oui, parce que bien souvent on prend des dispositions en début de vie commune pendant que ça va bien, mais les vrais enjeux, c'est plus tard qu'on... qu'on peut les voir, donc.

M. Cliche-Rivard : Puis les dispositions, justement, de modification, pendant la relation... de venir modifier, là, il y a...

Mme Bélanger (Annie-Pierre) : Nous, on a préféré se garder une réserve là-dessus. On remet ça entre les mains du législateur, là. Nous, on a fait la recommandation que le «opt out», là, le droit de retrait serait la première année d'application du projet de loi seulement, avec une belle campagne d'information, et tout. Donc...

Mme Lapointe (Marianne) : Et des conseils juridiques indépendants pour chacun des conjoints.

M. Cliche-Rivard : Accessibles évidemment.

Mme Lapointe (Marianne) : Accessibles.

Mme Arsenault (Sara) : Oui.

Mme Lapointe (Marianne) : Qui fassent partie, en fait, d'un programme de soutien à l'accès.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup pour votre temps.

Le Président (M. Bachand) :Sur ce, mesdames, merci beaucoup d'avoir été avec nous. Ça a été très apprécié.

Et la commission ajourne ses travaux au jeudi 2 mai après les avis touchant les travaux des commissions. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 03)


 
 

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