Journal des débats de la Commission des institutions
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)
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Le
mercredi 13 mars 2024
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Vol. 47 N° 55
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 54, Loi donnant suite à la Table Justice-Québec en vue de réduire les délais en matière criminelle et pénale et visant à rendre l’administration de la justice plus performante
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11 h (version non révisée)
(Onze heures dix minutes)
Le Président (M.
Bachand) :Bonjour, tout le monde. Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions
ouverte. Je vous souhaite encore une fois la bienvenue.
La commission est réunie afin de procéder
aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi
no 54, Loi donnant suite à la Table Justice-Québec en vue de réduire les délais
en matière criminelle et pénale et visant à rendre l'administration de la
justice beaucoup plus performante.
M. le secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Boivin-Roy (Anjou-Louis-Riel) est remplacée par Mme Lachance (Bellechasse)
et M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé par M. Cliche-Rivard (Saint-Henri-Sainte-Anne).
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Donc, nous
allons débuter par les remarques préliminaires puis nous entendrons par la
suite les organismes suivants : l'Association des procureurs aux
poursuites criminelles et pénales, ainsi que le Réseau des centres d'aide aux
victimes d'actes criminels, mieux connu sous le nom de CAVAC. Alors, M. le
ministre, vous avez la parole pour vos remarques préliminaires pour six
minutes. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Un plaisir de vous retrouver et de retrouver les
membres de cette commission, ça faisait longtemps. On était dus, M. le
Président. Alors, écoutez les Québécois doivent avoir un système de justice
performant et accessible qui leur permette de tourner la page rapidement sur ce
qu'ils vivent. Une personne victime qui a le courage de dénoncer et de porter
plainte doit recevoir une décision dans les meilleurs délais. La situation des
délais judiciaires s'est aggravée. Certaines causes ont dû être abandonnées, on
l'a vu dans l'actualité, M. le Président, à notre corps défendant, il y a eu
des arrêts des procédures. Les procureurs aux poursuites criminelles et pénales
ont dû déposer des... et ça, à chaque fois qu'il y a un arrêt ou qu'il y a... M.
le Président, bien, il y a des victimes, derrière ça, il y a des personnes qui
ont eu le courage de dénoncer. Et le système de justice doit donner confiance
aux personnes victimes.
Et c'est pour ça que je suis heureux qu'on
ait mis en place la Table Justice l'automne dernier, avec tous les partenaires
du système de justice, avec le ministère de la Justice, le ministère de la
Sécurité publique, le Directeur des poursuites criminelles et pénales, la
Commission des services juridiques, la Cour d'appel du Québec, la Cour
supérieure du Québec, la Cour du Québec, le Barreau du Québec, l'Association
des avocats de la défense de Montréal, Laval, Longueuil, l'Association
québécoise des avocats et avocates de la défense, la Chambre des notaires du
Québec, le Réseau des centres d'aide aux victimes d'actes criminels. Et le
travail concerté de tous ces partenaires-là du système de justice a amené le
dépôt du plan d'action de la Table Justice 2023-2024, que vous avez pu
constater dans les médias, et le projet de loi qu'on va étudier au cours des
prochains jours, le projet de loi no 54, vient justement donner suite aux
mesures de la Table Justice, celle qui requiert des modifications législatives.
Et je suis heureux qu'on puisse l'étudier
et débuter les consultations particulières, parce qu'en permettant le fait d'étudier
rapidement et de déposer un projet de loi pour donner suite aux mesures de la
Table Justice, bien, ça va avoir de l'influence sur le système de justice, sur
la confiance des gens, sur la question des délais judiciaires. Parce que ce sur
quoi il faut travailler, et ça fait suite notamment à de multiples péripéties, M.
le Président, que vous avez pu constater au cours des dernières années, dans le
système de justice... Pour le gouvernement du Québec, ça a toujours été un
élément fondamental de limiter les délais judiciaires, parce que, lorsqu'il n'y
a pas de dossier entendu, lorsque les dossiers tombent, il n'y a pas de
justice, et ce n'est pas ce que l'on souhaite.
Alors, tous les partenaires du système de
justice doivent mettre l'épaule à la roue, et c'est ce qui s'est produit cet
automne, lorsqu'on a fédéré tous les partenaires pour arriver avec le plan d'action
de la Table Justice...
M. Jolin-Barrette : ...et
notamment avec le projet de loi que nous avons devant nous. Donc, il y a trois
actions-phares émanant de la Table de justice, qui ont découlé de ça,
notamment, l'octroi de nouveaux pouvoirs de juge... aux juges de paix magistrats
afin qu'ils puissent... les comparaisons et les enquêtes sur mise en liberté,
des tâches normalement réservées aux juges de la Cour du Québec. Cette mesure a
le potentiel, M. le Président, de libérer 15 à 20 juges à temps plein à la Cour
du Québec, s'ils sont assignés pour faire ces tâches. Donc, ça signifie, M. le
Président, une bouffée d'air frais. Vous savez, on vient de rajouter 14 juges
en matière criminelle et pénale dans la... de justice, plus 15 à 20.
Donc, voyez-vous, ça peut avoir véritablement
un impact sur le système de justice. Et je vous rappellerais l'entente que j'ai
signée avec l'ancienne juge en chef de la Cour du Québec, justement, pour faire
en sorte, suite à la décision unilatérale de la Cour du Québec, de diminuer le
nombre de jours siégés, de faire en sorte de se fixer, pour la première fois,
des objectifs précis, ciblés, pardon, M. le Président, relativement aux délais
que la moyenne des dossiers soit de 212 jours, qu'on ferme plus de dossiers
annuellement qu'on en ouvre, pour, justement, limiter l'inventaire avec un taux
de fermeture de 1,1, et également de faire en sorte que 87 % des dossiers
soient traités à l'intérieur de 18 à 30 mois. Vous allez me dire : Bien
là, il en manque 13 %, des demandes qui viennent de la défense et qui ne sont
pas comptabilisées. Donc, avec ces cibles-là, lorsque les juges de la Cour du
Québec les auront atteintes, on va être à flot, justement, en donnant davantage
de ressources comme nous l'avons fait et en libérant un potentiel de 15 à 20
juges.
Alors, ça nous amène, justement, à des
gains d'efficacité. Il faut repenser la façon dont on fait les choses. Il faut
être lus efficace, plus efficient. Et, aujourd'hui, on a le résultat concret de
mesures de la Table Justice qui va nous permettre de faire en sorte que,
justement, on donne des outils aux partenaires du système de justice pour faire
fonctionner le système de justice. On va permettre la possibilité aux juges de
paix magistrats de tenir les comparutions, les enquêtes sur mise en liberté par
visioconférence sept jours sur sept, M. le Président. Ça, on le fait déjà les
fins de semaine, mais ça va permettre, notamment, quand je dis de mieux
travailler, d'éviter que les procès qui ont cours soient suspendus pour faire
comparaître ou pour les enquêtes sur mise en liberté en raison des délais plus
serrés.
Donc, la façon de travailler va nous
permettre justement d'améliorer le tout. On allège également le régime de
preuve pour économiser du temps d'audience, éviter des déplacements à la cour
aux témoins lorsque les règles étaient trop strictes. Et il y a certains
dossiers qui vont aller vers les juges de paix fonctionnaires. L'important,
c'est d'avoir le bon officier de justice au bon endroit et qu'il soit optimisé
par rapport à ses compétences et à son expertise. C'est ce que nous faisons
avec cet effet de cascade là, passant des juges de la Cour du Québec, aux juges
de paix magistrats, aux juges de paix fonctionnaires.
On ajoute également sept postes de juge à
la Cour supérieure afin d'améliorer l'accès de la justice en région, où la
majorité des postes additionnels sont situés. Ça, c'est fondamental parce que,
depuis 2016, la Loi sur les tribunaux judiciaires a été modifiée de... à 157
juges et le fédéral n'a jamais désigné les juges. Et c'est une demande
conjointe de la part de la Cour supérieure du Québec et de la part du ministère
de la Justice que le fédéral accorde des ressources judiciaires supplémentaires
à la Cour supérieure. Je pense que c'est fondamental, notamment en matière
familiale, notamment en matière civile, les délais sont longs pour les
justiciables. Et donc, nous, on fait notre part, on finance l'administration de
la justice, les greffiers, les bureaux.
Alors, je pense que c'est un signal qu'on envoie
au gouvernement fédéral. Et, avec les multiples communications que j'ai eues
avec le ministre fédéral de la Justice, je souhaite que le gouvernement fédéral
soit conscient de toute l'importance pour accompagner le système de justice.
Autre élément important du projet de loi,
l'optimisation de la procédure de confiscation des biens provenant d'activités
illégales. Pour éviter la judiciarisation de nos nouveaux dossiers, on crée la
confiscation administrative, justement, pour permettre que les biens issus des
produits de la criminalité, bien, ne servent pas à enrichir les criminels.
Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre.
Alors, M. le député de l'Acadie pour votre trois minutes, 36 secondes. M. le
député, s'il vous plaît!
M. Morin : Merci, merci, M.
le Président. Alors, bonjour, M. le ministre, distingués collègues. Je salue
également les fonctionnaires qui accompagnent M. le ministre dans le cadre de
l'étude de ce projet de loi.
Dans mes remarques préliminaires, je vous
dirai, oui, l'accessibilité à la justice, c'est fondamental. On veut que la
justice soit efficace, que ça aille vite. Mais là on a un projet de loi, M. le
Président, puis il y a, des fois, bien, quand on va trop vite comme
parlementaire, on risque de faire des erreurs. Et je tiens à le souligner,
parce que la vitesse à laquelle les différents groupes ont été convoqués, ça
s'est fait tellement rapidement que nous n'avons pas reçu tous les mémoires. Il
y a des groupes, ce qu'on me dit, qui n'ont même pas pu en produire. Puis le
mémoire du Barreau du Québec, et je le salue, qui est quand même très étoffé,
on l'a eu ce matin, quelques... en fait, à peine une heure, une heure et demie
avant le début des audiences. Et je trouve ça malheureux, parce que, moi, comme
législateur, comme parlementaire, j'ai un rôle à jouer. Mais, évidemment, quand
on est bousculé puis qu'on arrive à la dernière minute, bien...
M. Morin : ...c'est toujours
un peu plus compliqué puis ça diminue, ça diminue, je vous dirais la qualité
des échanges qu'on peut avoir avec les différents groupes, et ça, je tenais à
le noter.
Évidemment, on ne peut pas être contre la
table Justice Québec, c'est un excellent forum. Mais c'est quand M. le ministre
disait que tous les partenaires sont là, bien, je pense que M. le ministre en a
oublié un, il y a le service des poursuites pénales du Canada, organisme que je
connais un peu, qui n'est pas là. Évidemment, ils n'ont pas le volume du DPCP
au Québec, je le reconnais, je le sais, mais c'est quand même... ils sont
devant les tribunaux criminels au quotidien. Alors, quand on regarde les
mesures qui pourraient être adoptées, consolider, renforcer le changement de
culture, les différentes rencontres statutaires avec la défense et le DPCP, je
pense qu'on gagnerait également d'avoir SBPC.
Ceci... ceci étant dit, c'est sûr qu'il y
a des... il y a des éléments du projet de loi que je salue. Un des éléments par
ailleurs de la table Justice Québec, c'est étendre les pouvoirs des juges de
paix magistrats en matière criminelle. Ça, on va avoir le temps d'en discuter,
mais je pense qu'on peut dire d'emblée que c'est une bonne... c'est une bonne
mesure puis ça va permettre effectivement d'avoir les bons acteurs judiciaires
au bon... au bon endroit pour rendre... pour rendre la justice.
Cependant, et j'ai peut être mal lu, mais
je regardais dans le plan d'action et j'essayais de trouver toutes les
discussions, les recommandations en lien avec les confiscations, et ça, je ne
l'ai pas vu. Donc, c'est un ajout, semble-t-il. On va en parler avec les
différents groupes qui vont venir témoigner devant la commission, mais c'est
également un élément important, puis ça n'a pas fait partie du plan d'action.
L'autre élément qui est manquant dans le
plan d'action, à moins que j'aie mal lu encore une fois, je n'ai absolument
rien vu pour la justice avec les Premières Nations et des Inuits et la justice
dans le Nord. Ça semble être complètement évacué, puis on sait... on sait,
parce que M. le ministre lui-même a demandé à Me Travers ce du produire un
rapport sur la justice dans le Nord. J'aurais espéré que, dans le plan
d'action, on voie quelque chose là-dessus, mais ça n'y est pas.
Alors, ça complète mes remarques
préliminaires. Très heureux d'être avec vous puis surtout très heureux
d'entendre des groupes pour traiter de ce sujet important qui est l'accès à la
justice. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député.
Donc, je cède la parole maintenant au député de Saint-Henri--Sainte-Anne pour
1 min 12 s M. le député, s'il vous plaît.
• (11 h 20) •
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, M. le Président. Content de vous revoir aussi. Bonjour collègues,
bonjour à leur équipe également. Je vais être d'accord avec mon collègue, là
encore, de courts délais, des désistements, des mémoires qui sont rentrés hier,
qui sont rentrés ce matin également, des communications ou en fait pas de
mémoire dans certains cas, parce que les délais sont trop courts. Je pense
effectivement que ce n'est pas la première fois qu'on en parle ici, là, dans
cette commission. Il y a quelque chose qui s'en vient. Non, non, ça fait... ça
fait... Vous le savez très bien, M. le ministre. Il y a des mémoires qu'on a
reçus ce matin, puis des mémoires qu'on a reçus hier. Ça fait que vous pouvez
nier comme vous voulez nier, là, il y a des mémoires qu'on reçoit en ce moment,
ça fait que je pense qu'on pourrait passer notre temps à débattre de choses qui
sont actuellement débattables.
Évidemment, on accueille le p. l.
positivement... Je pense que c'est moi qui ai le temps de parole, M. le
ministre, hein, M. le Président? Exactement. On accueille le p. l. positivement
dans ce qui est présenté comme accélérant la justice dans la mesure où c'est ça
que ça fait. Évidemment, on voit que le p. l.dépasse les mesures du plan
d'action. Mon collègue, on en a parlé. Évidemment, on va voir quelques
questions, notamment sur la confiscation administrative, sur les rôles des
juges magistrats, sur la question des renvois en Cour d'appel. Donc, il y a
plusieurs points à éclaircir. On a beaucoup de travail, alors allons-y. Merci,
M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député.
Mme la députée de Vaudreuil, 1 min 12 s, la parole est à vous.
Mme Nichols : Oui, merci, M.
le Président. Alors, à mon tour de saluer les collègues et vous, M. le
Président, je vais être très brève, je ne veux pas être redondante non plus.
Comme le disaient... comme le disaient mes précédents collègues, évidemment, on
ne peut pas être contre le principe du projet de loi et de ses objectifs. Oui,
il y a certaines mesures qui dépassent peut être le plan d'action, et on
aura... évidemment, j'aurai des questions, des commentaires pour jouer mon
rôle, comme le rôle de l'opposition, de la deuxième opposition ,et de la
députée indépendante afin de bonifier le projet de loi. Je pense que c'est
notre rôle ici. Bien sûr, je suis heureuse d'entendre les groupes parce que ce
sont eux les acteurs du milieu, ce sont eux qui peuvent nous donner la température
de l'eau. Donc, ça nous fera plaisir de les accueillir et de leur poser les
questions... les questions pour nous donner un coup de pouce afin de livrer un
excellent projet de loi. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Donc, on va
débuter les auditions. Alors, ça me fait plaisir d'accueillir officiellement,
les représentants de l'association... et représentantes, pardon, de
l'Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales. Alors,
merci d'être avec nous. Comme vous savez, vous avez 10 minutes de
présentation. Je vous cède la parole. Mais, s'il vous plaît, d'abord pour
présenter qui vous êtes et qui vous accompagne, s'il vous plaît, merci.
M. Michaud (Guillaume) : Alors,
merci, merci beaucoup de nous accueillir. Merci pour l'invitation, donc.
Guillaume Michaud, président de l'Association des procureurs aux poursuites
criminelles et pénales. Évidemment, je suis un procureur depuis 17 ans,
mais président depuis sept ans. Je suis accompagné, à ma gauche...
M. Michaud (Guillaume) : ...gauche,
de Me Karine Frenette, qui est... qui est membre du conseil d'administration de
l'association et qui est la référence au DPCP en matière de confiscation, et, à
ma droite, Me Olivier Charbonneau, qui est vice-président de l'Association des
procureurs aux poursuites criminelles et pénales et qui est spécialisé pour les
crimes sexuels et abus contre les enfants.
Alors, je vous remercie, effectivement, de
nous accueillir ici, là, pour pouvoir nous exprimer. On a accepté cette
invitation puisque les absents ont toujours tort, mais je vous préviens, malgré
toute notre volonté sincère d'être constructif et d'alimenter vos travaux à
partir des recommandations pour bonifier le projet de loi n° 54, on n'est
pas ici pour vous parler seulement de ce qu'il contient, mais surtout de ce
qu'il ne contient pas.
Donc, avant toute chose, qu'est-ce que
l'association? L'association représente uniquement... est la... la
représentante unique des quelque 800 procureurs du Québec depuis 1990. On
n'a pas le droit de se syndiquer, pas le droit de faire la grève, pas le droit
de s'unir avec d'autres groupes. Alors, on est les seuls représentants et on
est une association qui fait tout par nous-mêmes. Alors, qui sont les procureurs?
Bon, vous le savez, j'y vais rapidement, là. Les procureurs sont des avocats
spécialisés qui représentent l'État et ultimement l'intérêt public et non la
victime devant les tribunaux. On applique plus de 100 lois canadiennes
québécoises ainsi que leurs règlements. On joue un rôle important auprès des
victimes, évidemment. Et, en résumé, le procureur travaille afin de veiller
à... afin que tous puissent vivre dans une société juste et sécuritaire.
Alors, avant d'aborder le contenu du
projet de loi, permettez-moi une observation sur la Table Justice-Québec, qui
est à la base de ce projet de loi. Dans le plan d'action, je cite... je cite M.
le ministre, là : «Ce plan s'inscrit dans la continuité des autres mesures
que nous avons mises de l'avant... mises en place au cours des dernières
années, en collaboration avec l'ensemble des partenaires du milieu.» À la page
trois, il dit également : «...rassemble l'ensemble des partenaires du
milieu judiciaire québécois». Et aujourd'hui je l'entends dire : Tous les
partenaires du milieu étaient présents. Alors... Or, je trouve important de
dire que nous n'avons pas été invités à cette table, ce qui nous envoie un
drôle de message.
Je tiens à dire que nous sommes un acteur
incontournable du système judiciaire. On représente l'entièreté des procureurs
du Québec. On est un acteur incontournable au Québec, au Canada. On n'est pas
la même entité que le DPCP. On ne pense pas nécessairement pareil et on a nos
propres opinions. En fait, aujourd'hui, ce que je viens vous dire, je viens
vous parler du terrain, je viens représenter l'ensemble des procureurs qui
travaillent à tous les jours, à qui on donne bien des directives, des
orientations, mais à qui on donne insuffisamment de moyens.
Alors, je vais commencer par reconnaître les
avancées du projet de loi, là. Pour la justice criminelle, évidemment, je ne
suis pas un spécialiste en droit civil, alors je veux m'attarder à la justice
criminelle, pour nous, elles sont minces. J'en ai retenu deux. Tout le volet
pénal, là, je vais y aller globalement, là, tout le volet pénal. Les
amendements du projet de loi visent que quelques amendements techniques.
Évidemment, ça va permettre l'administration de plus de preuves documentaires,
permettre à l'absence du défendeur de procéder plus rapidement. Donc, oui,
c'est une avancée. C'est un certain gain de temps maintenant parce qu'on va
pouvoir assigner moins de témoins, débattre moins de l'admissibilité de la
preuve de certains documents. Est-ce que c'est pratique? Oui. Est-ce que c'est
une révolution? Non. Est-ce qu'on va se trouver une quantité incroyable de
temps? La réponse, c'est non. On va sauver une infime quantité de temps. Oui,
ça va être pratique pour les procureurs, oui, les procureurs sont contents, les
procureurs qui travaillent au pénal, mais est-ce qu'ils se disent : On va
sauver énormément de temps? La réponse, c'est non. L'ajout des juges de la Cour
supérieure. Donc, je salue toujours l'ajout de ressources. C'est ce que ça
prend et c'est ce que vous allez m'entendre dire aujourd'hui. Ça prend... La
priorité, c'est d'ajouter des ressources. Alors, je salue cet ajout-là. Est-ce
que je peux dire que c'est assez? Je ne le sais pas, ce n'est pas un groupe que
je représente, mais quand même, je salue cet effort-là d'ajouter des juges.
Maintenant, il faut se dire, les avancées
pour le droit criminel sont minces pour la réalité du terrain. Pourtant, le
titre du projet de loi était chargé d'espoir pour nous, mais parfois, le titre
ne suffit pas, il faut regarder dans le contenu. Je ne suis pas un expert du
civil, comme je vous ai dit, mais, en criminel, ce n'est pas révolutionnaire.
On parle, pour nous, d'économie de bouts de chandelle pour la récupération du
temps. Il n'y a pas personne, il n'y a pas un procureur qui m'a appelé en me disant :
C'est la bouffée d'air qu'on avait besoin. Au contraire, les procureurs,
présentement, sont au bout du rouleau. On a l'impression qu'on les laisse
tomber, qu'on laisse tomber les victimes envers qui on a des responsabilités.
Alors, on est... on est donc ici. Je vous lance un cri du cœur, on vous lance
un cri du cœur afin de tendre vers un véritable changement dans les faits, sur
le terrain, là où les enjeux se jouent à tous les jours.
Je vous parle d'un aspect plus spécifique
au niveau de la confiscation, ce qui est dans la loi. J'y vais rapidement parce
que c'est des modifications à la confiscation civile, et on pourra revenir si
vous avez des questions, mais...
M. Michaud (Guillaume) : ...encore
une fois, on n'est pas des experts en droit civil. Ce que je peux vous dire
présentement, c'est que le droit criminel pour la confiscation criminelle, on a
préséance sur le civil. Alors, ce n'est que si on signe un formulaire de refus
que le dossier ira en confiscation civile. Alors, il n'y a rien dans le projet
de loi sur la confiscation criminelle. Alors, pour nous, ça va continuer comme
ça continue présentement. Alors oui, en droit civil, ça semble être bien. On a
en facilite la confiscation au civil, mais est-ce que ça va diminuer, enlever
la charge du travail du procureur? Moi, je ne le vois pas. Il faudrait qu'on me
l'explique parce que, présentement, je ne le vois pas, parce qu'on va continuer
à avoir préséance. Et une fois qu'on fait le procès, bien, on va faire la
confiscation qui va suivre.
Concernant le fait de donner plus de
pouvoir aux juges de paix pour permettre aux juges de la juge du Québec de...
la Cour du Québec de faire davantage de procès, moi, je me pose des questions.
On va envoyer qui dans ces salles-là? Quel procureur? Quel personnel de cour?
On a de la misère à arriver dans l'horaire actuellement avec notre charge de
travail. Et là on dit on va libérer des juges. C'est bien... c'est bien beau
tout ça, on va libérer des juges, on va ouvrir des nouvelles salles, mais il y
a des salles qui ferment parfois parce qu'il manque de greffiers. Les
procureurs, on ne peut pas se fendre en quatre, là. Si on a un dossier, on ne
peut pas aller en faire un autre dans une autre salle. Donc, est-ce qu'on a
pensé à ça, ajouter des nouveaux procureurs? Moi, je ne l'ai pas vu.
On déplace aussi le problème pour les
juges. On ferme des salles présentement. On m'avise... Les procureurs au pénal
m'avisent que, présentement, on ferme les salles en pénal parce qu'il manque
des juges. Ce n'est pas avec les modifications que ça va régler ce problème-là.
Et si on les envoie faire du droit criminel, bien, ça va être exacerbé encore
une fois. Et ce n'est pas avec les modifications au pénal qu'on va sauver assez
de temps. Donc, est-ce qu'il y a des juges qui vont être nommés? Je ne le sais
pas également. Et il n'y a personne qui me confirme l'ajout de ressources.
Même, j'ai regardé le budget hier, et en coupe de 9 millions par rapport
aux dépenses de cette année, le budget du DPCP.
• (11 h 30) •
Alors ça, c'est alarmant pour nous. La
pression sur les procureurs pour traiter les dossiers est énorme. On veut une
justice qui obtient la bonne peine pour chacun des crimes, mais les procureurs,
parfois, doivent régler pour une sentence moindre pour éviter les arrêts de procédure.
Ça, c'est inacceptable. Il ne faut plus que ça arrive. Est-ce que c'est ça
qu'on veut pour nos victimes? Est-ce que c'est ça qu'on veut pour notre système
de justice? Je ne pense pas.
En plus d'influer sur les dossiers, la
pression qu'on a, évidemment, a un impact majeur sur notre santé mentale. La
charge de travail, présentement, est irréaliste. Je vous le dis, elle l'est,
irréaliste. On nous ajoute constamment des responsabilités, des devoirs, des
obligations. Et les effectifs, malheureusement, ne suivent pas. Le gouvernement
peut s'en... s'enorgueillir à déposer des chiffres en disant que les effectifs
ont considérablement augmenté. C'est vrai, mais ça ne suit pas les
responsabilités. On a beau ajouter un procureur, mais si ça en prend deux, au
bout du compte, il n'y en a pas suffisamment et on ne peut pas faire ce qu'on
nous demande. On ne peut pas rencontrer les victimes aussi rapidement qu'on
nous le demande. On ne peut pas autoriser les dossiers aussi rapidement qu'on
nous le demande. Finalement, on a tellement d'autres tâches à faire que, quand
vient le temps de préparer notre dossier, bien, on manque de temps puis on fait
ce qu'on peut.
Alors, les recommandations. Je vois le
temps filer. J'ai l'impression que... J'ai parcouru plusieurs fois dans le...
le projet de loi avec mes collègues. On a l'impression qu'on tente d'améliorer
quelque chose par une voie juridique avec le titre, là, les délais judiciaires,
là. On ne dit pas qu'il y a juste du mauvais, mais on a l'impression qu'on
va... on dit on va améliorer tout ça par le volet juridique, alors que la
solution principale n'est pas là, là. Tout d'abord, il faut se concentrer sur
l'ajout de ressources humaines et financières, et non seulement sur la loi. Il
faut injecter davantage de ressources dans le système de justice pour engager
des procureurs, des juges et du personnel de cour, du personnel judiciaire. Ça
va avoir non seulement un effet faire diminuer les délais judiciaires, mais
aussi les délais inhérents à l'étude des dossiers, parce que le dossier ne
commence pas lorsque les délais commencent, là. Le dossier commence dans notre
bureau quand on a une pile de dossiers à côté de nous autres puis qu'on n'est
pas capables de les autoriser parce qu'il faut suivre les dossiers que les délais
sont partis, parce que la préautorisation, là, des dossiers et les victimes,
leur dossier commence lorsqu'ils déposent leur plainte et que le dossier arrive
dans notre bureau. Et parfois on doit attendre pour l'autoriser parce qu'on
sait que les délais vont commencer. Et là, bien, on n'a pas le temps de les
traiter. Alors, pendant ce temps là, la victime, qu'est ce qu'elle fait? Bien,
elle attend que son dossier se fasse autoriser.
On doit aussi avoir des locaux adéquats.
Les procureurs travaillent, pour plusieurs, à deux dans leurs bureaux. Ça,
c'est inacceptable. On n'est pas dans une entreprise technologique où on a
besoin d'une communauté pour cogiter sur un projet. On gère des choses
sérieuses, tristes, désolantes, puis on n'est pas capables de se concentrer
parce qu'on doit partager nos locaux. Ça, c'est quelque chose qui nous dérange.
Deuxièmement, comme proposition, on doit
accorder davantage d'autonomie financière au DPCP pour lui permettre d'obtenir
les sommes nécessaires à sa mission. La justice ne doit pas dépendre de choix
politiques. On veut un système de poursuite indépendant. Mais est-ce qui l'est
vraiment quand on voit le budget? Parce que, nécessairement, quand on a un
budget moindre, bien, on doit faire des choix. Et c'est ce qu'on a fait dans
les dernières années. Le DPCP a une dépendance monétaire et il doit faire des
choix. Et parfois on doit faire des choix pour les procureurs qui sont attitrés
aux dossiers...
11 h 30 (version non révisée)
M. Michaud (Guillaume) : ...couper
des formations, limiter le temps supplémentaire, limiter les dépenses de
déplacement.
Alors, en conclusion, on vous a prévenus,
on n'est pas ici pour vous parler seulement de ce que contient le projet de loi
n° 54, mais surtout de ce qu'il ne contenait pas. Je sais, notre
intervention est dure, on en est conscients, mais je... on ne s'excusera pas,
parce que la justice et le service à donner aux victimes et tous les citoyens
sont trop importants pour qu'on l'échappe actuellement. Parce que c'est qui qui
va être les principales victimes si on l'échappe? Bien, ça va être les
victimes. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Me Michaud.
Donc, on débute la période d'échanges avec la partie gouvernementale pour un
premier bloc de 16 minutes 30 secondes. M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Me Michaud, Me Charbonneau, Me Frenette, merci de
votre présence à l'Assemblée nationale pour venir participer aux consultations
du projet de loi n° 54. Et donc, bien, je pense que c'est important de le
dire, que les procureurs aux poursuites criminelles et pénales font un travail
qui est important dans notre société, un travail qui vise à réprimer les
infractions criminelles, un travail qui n'est pas facile, parce que lorsque
vous êtes procureur en poursuites criminelles et pénales, vous êtes confrontés
à des décisions difficiles. D'ailleurs, je pense que mon collègue de l'Acadie
va pouvoir en témoigner personnellement tout à l'heure, de la charge que ça
amène de prendre des décisions, des dossiers qui sont des dossiers de fraude,
de drogue, de stupéfiants, de violence physique, notamment d'agressions
sexuelles. C'est des dossiers qui demandent beaucoup d'investissement personnel.
C'est des dossiers qui demandent aussi d'agir... comme rempart contre la
criminalité avec... avec les corps de police, avec les différents intervenants,
avec les intervenants sociaux, judiciaires, les CAVAC, tout ça. Alors, c'est...
les procureurs, ce sont eux qui sont à la fois dans les palais de justice, mais
dans les bureaux également, pour des dossiers de plus longue haleine aussi, où
est-ce que des fois ce n'est pas... ce n'est pas au quotidien que les dossiers
se plaident, mais ça ne veut pas dire que ce n'est pas au palais de justice à
tous les jours que ce n'est pas moins important. La criminalité se raffine.
Vous avez des dossiers de gangs de rues, des choses pas faciles à voir, des
meurtres. C'est... c'est... c'est un métier qui est difficile, puis je pense
que la société reconnaît l'apport des procureurs en poursuites criminelles et
pénales. Au cours des années, vous le savez, il y a eu un cheminement, puis,
vous l'avez bien dit tantôt aussi, je pense, vous n'avez pas le droit de grève,
vous n'êtes pas un syndicat, vous êtes une association. C'est l'équivalent, ça
fait suite à la loi qui a été adoptée en 2011. On a donné un statut particulier
aux poursuivants en matière criminelle et pénale. En contrepartie de ça, il y a
des comités de rémunération pour les procureurs. D'ailleurs, ça a été déposé,
les résultats de cela à l'Assemblée nationale, et la réponse, relativement au
comité de rémunération, viendra prochainement par l'Assemblée nationale, ce
sera déposé à l'Assemblée nationale.
Donc, essentiellement, vous nous dites :
Bon, le projet de loi n° 54, c'est bien, mais ça nous prendrait davantage
de ressources. Moi, je vous dirais que je serais un petit peu plus nuancé que
vous, puis que c'est des avenues qui sont intéressantes, qui ont été
développées par les membres de la Table justice. D'ailleurs, le directeur des
poursuites criminelles et pénales était là. En termes de ressources, là, depuis
les dernières années, là, on est passé, supposons, en 2018-2019, de 661 procureurs
à 793 procureurs. Moi, je ne connais pas beaucoup d'organisation dans l'État
québécois en termes de volumétrie et de ressources... a augmenté d'une façon si
importante. Si vous retournez en 2010-2011, au moment de la grève, il y avait
450 procureurs, ça fait qu'on a presque doublé. Puis je vous le dis, là,
je le sais que ce n'est pas un travail facile. Les procureurs en poursuites
criminelles et pénales sont occupés. Il n'y a personne qui se tourne les pouces
dans leur bureau. Sur l'ensemble de l'État québécois, je vous dirais, tout le
monde souhaiterait avoir davantage de ressources. Vous faites votre travail
aujourd'hui comme association représentative de vos membres, effectivement, de
venir dire : Bien, écoutez, oui, ça nous prendrait davantage de
ressources. On comprend ça. Dans un monde idéal, on pourrait donner des
ressources illimitées, mais ce n'est pas le cas. Les ressources ne sont pas illimitées.
L'autre élément qui est important aussi, c'est
qu'avec la Table justice, et ça, ça fait partie notamment de plusieurs
facteurs, il faut réussir à changer certaines façons de faire, parce qu'au fil
de l'histoire, prenez les 25, 30 dernières années, c'est récurrent dans le
système de justice. C'est tout le temps... ça prend plus de ressources, ça
prend plus de ressources. Puis là je ne vous blâme pas de faire la demande que
vous faites. Je parle à la fois pour la magistrature, pour l'ensemble du
système. Ce n'est plus... uniquement qu'une question de ressources. C'est une
question d'organisation du travail, d'efficience, d'efficacité, puis c'est ça
qu'on essaie d'apporter aussi. Puis je consultais des anciens ministres de la
Justice, puis ils me disaient la même...
M. Jolin-Barrette : ...la même
chose. Il y a 20 ans, c'était le même enjeu, il y a 10 ans, c'était le même
enjeu. Il faut donner un électrochoc au système de justice, puis c'est ça qu'on
est en train de faire à travers les différentes mesures, autant en matière
civile, en matière criminelle, en matière de jeunesse aussi, on a annoncé,
cette semaine, le lancement d'une table jeunesse pour s'attaquer aux délais
judiciaires. Donc, on s'en va dans cette direction-là, mais on ne peut pas
toujours refaire le même gâteau avec les mêmes ingrédients, il faut changer les
façons de faire. Puis on est fortement mobilisé, justement, à réduire les
délais judiciaires, à ce qu'il n'y ait pas d'arrêt de procédure, à ce qu'il n'y
ait pas... que vous ne soyez pas forcés de présenter des... aussi, parce que
j'imagine que, pour un procureur en poursuite criminelle et pénale, s'il se
retrouve à faire le choix de dire : Bien, je n'ai pas le choix, parce que
je n'ai pas de date de cour, de prioriser un autre dossier, sachant que mon
délai arrive au bout du compte. Ce n'est pas optimal, puis je suis sûr que ça
vous crève le cœur de faire ça aussi, puis ça crève le cœur de vos membres.
Alors, peut-être, au-delà des ressources
supplémentaires que vous souhaitez, que vous revendiquez, là, quels autres
aspects, dans le quotidien, pour l'efficacité du système de justice, pourraient
être une avenue intéressante, là, pour vos membres?
M. Michaud (Guillaume) : Écoutez,
je vais être redondant, mais, et je vais répondre à votre question, là, mais un
procureur en violence conjugale a 300 dossiers. C'est ça qu'on veut... c'est ça
qu'on veut du procureur puis on veut... aux victimes, bien, ce sera ça. Le
procureur, présentement, en violence conjugale, a 300 dossiers. Mon collègue, à
ma droite, est aux agressions sexuelles, abus d'enfant, avait 300 dossiers, ce
qui correspond à peu près à 200, 250 victimes. Ça, 300 dossiers... par année,
c'est en même temps. Donc, on a beau dire qu'on augmente les ressources, on a
beau dire qu'on n'a jamais autant augmenté, mais le résultat de la chose, c'est
qu'on augmente aussi les responsabilités. Donc, si on augmente les
responsabilités....
• (11 h 40) •
Moi, quand je suis arrivé, j'ai fait la
grève. Quand je suis arrivé à la grève, là... Ce n'est pas compliqué, on
rentrait le matin. J'avais 40 personnes dans le corridor. Je ne les rencontrais
pas ou à moitié parce que je n'avais pas le temps. J'allais à la cour. Je les
faisais témoigner. Je faisais mon possible. Je finissais ma journée. J'avais
fait... j'avais sept, huit procès sur le rôle, puis je faisais mon possible.
C'est-tu souhaitable? Bien non, la réponse, c'est non. Est ce qu'on a amélioré
ça? Oui, c'est sûr que ça s'est amélioré. Maintenant, on veut encore plus, et
les victimes veulent plus, et avec raison, et les procureurs veulent en donner
aux victimes.
Donc, je répète : Si on a 300
dossiers... 250 dossiers, 300 dossiers, est-ce qu'on a le temps de faire notre
travail? La réponse, c'est non. Donc, la première solution, avant de s'attaquer
à toute chose, moi, je vous le dis, ça prend des ressources. On a beau trouver
n'importe quel moyen, virer en rond, ça va toujours revenir à ça, être
efficace. Comment voulez-vous être efficace si vous avez trop de victimes à
rencontrer dans votre journée? Si vous avez un horaire qu'à chaque... à chaque
heure, bien, vous avez une victime, puis après l'heure, bien, la victime, ce
n'est pas fini, parce qu'elle pleure puis il faut la consoler. Puis on aimerait
ça continuer avec elle, mais on est obligé de lui dire : Excuse-moi, c'est
parce que j'ai une autre victime après toi. Bien, c'est ça qui se passe
présentement.
Donc, nous, présentement, ce qu'il faut,
ça nous prend de l'air. Si vous voulez... C'est parfait. Vous voulez ouvrir des
nouvelles salles, vous voulez avoir... vous voulez des responsabilités accrues
aux juges. C'est correct. Moi, ce qu'on vous dit, c'est que, si on ne fait pas
quelque chose, bien, il n'y aura pas de procureur dans la salle. Et, s'il y a
des procureurs dans la salle, parce que c'est ce qui va arriver, malheureusement,
bien, les procureurs vont piler sur ce qu'ils ont à faire, ils vont encore
couper, il faut tourner les coins ronds. Bien, le procureur va se brûler, puis
on va avoir des procureurs qui sont... qui vont tomber en maladie.
M. Jolin-Barrette : Vous ne
pensez pas qu'il y a une façon de mieux organiser le système de justice que
comment ça fonctionne actuellement?
M. Michaud (Guillaume) : Bien,
écoutez...
M. Jolin-Barrette : Honnêtement,
là, objectivement, là, vous trouvez que, dans le système de justice criminelle
et pénale, là, c'est vraiment efficace de la façon dont ça fonctionne dans les
différents palais de justice. Supposons, prenons Montréal, là, vous trouvez
que, si on rentrait quelqu'un, un spécialiste en optimisation du travail, en
analyse, pour voir comment on fonctionne dans les palais de justice, il
n'aurait rien à dire sur comment ça fonctionne.
M. Michaud (Guillaume) : En
fait, moi, ce que je vous dis, c'est que, je vais parler pour les procureurs,
quand on rentre dans le bureau, bien, on a beau optimiser... Comment
voulez-vous qu'on optimise si on a trop de dossiers? Alors, c'est la première
question que je pose. Comment voulez-vous qu'on optimise tout ça? On en a trop
de dossiers. Si, moi, j'ai une pile de dossiers en arrière de moi, puis je ne
suis pas capable de l'autoriser, comment voulez-vous que je... Moi, optimiser
mon dossier, j'ai un crayon, j'ai un dossier, il faut que j'aie le temps de le
lire, il faut que j'aie le temps de l'autoriser. Il faut que j'aie le temps
d'être en cour. Il faut que j'aie le temps de rencontrer ma victime. Comment on
va l'optimiser, ça? À un moment donné, il y a un travail humain qui doit se
faire, et je n'ai pas de perte de temps dans ma journée, là. Moi, une fois
que... Je ne vais pas, à la cour, attendre qu'on me passe, là. Je continue dans
mon bureau, j'autorise...
M. Michaud (Guillaume) : ...ici,
on m'appelle à la cour. L'optimisation, ça passe par le fait qu'il y a une
salle de cour nouvelle qui va être ouverte puis, oui, je vais pouvoir y aller
parce que, moi, je vais avoir moins de dossiers, puis là il y a quelqu'un
d'autre qui va autoriser mes dossiers. Ça, c'est optimiser, effectivement, puis
on va pouvoir aller plus vite comme ça. Mais s'il n'y a pas de ressources en arrière,
je ne pourrai pas y aller dans ma salle de cour. Est-ce qu'il y a des choses à
améliorer au palais de justice de Montréal? Pour vous donner un exemple, moi,
je ne suis pas au palais de justice de Montréal. Je ne sais pas si...
M. Charbonneau (Olivier) : Bien,
c'est sûr que la façon que ça fonctionne, ça... il y a toujours place à
amélioration. Mais, on revient à la base, quand moi, je reçois un dossier, par
exemple, je veux parler de ça parce que c'est ce que je connais, d'agression
sexuelle sur enfant, j'ai une panoplie de directives à respecter, puis c'est
souhaitable. On veut donner le meilleur service pour ces victimes-là. Mais
quand je reçois le dossier, il faut que je visionne les vidéos des
interrogatoires des accusés, la déclaration des enfants. Ça prend quelques
heures. Il faut que je prenne rendez-vous avec cet enfant-là, que je m'assoie
avec lui ou elle puis que je le rencontre. Je veux dire, une rencontre avec un
enfant, là, ça va prendre une heure, 1 h 15 min Il n'y a rien à
optimiser là, là. Je ne couperai pas dans le service, là. Puis après ça, c'est
le dépôt d'accusations.
Donc, oui, dans les salles de cour,
certainement que, si un spécialiste venait, comme dans n'importe quelle
entreprise, il y aurait des améliorations à faire. Mais je veux dire, dans le
«core», en bon français, du travail, c'est très difficile à ce moment-ci si on
a 300, 400 dossiers à gérer. Puis c'est plate, on revient toujours à ça,
mais je regarde ma semaine, je regarde ma journée comme procureur, il n'y en a
pas de temps mort.
Est-ce que j'ai des idées? Évidemment. Par
exemple, avant d'être libéré à temps complet pour l'association, j'ai terminé
certains dossiers de longue haleine. Donc, je me suis déplacé, encore en
octobre dernier, au palais de justice de Montréal, puis le printemps dernier
aussi l'année passée. Puis j'arrivais devant la salle de cour, ça ouvre à
9 h et demie. Pas de constable, pas de greffier. Le juge est là. Il ne
peut pas ouvrir la salle. Donc, on attend. La victime est là. Il y a d'autres
gens qui sont là. Donc, jusqu'à 11 h et demie. Puis là, à un moment donné,
la salle ouvre. Mais il y a des dossiers qui n'ont pas pu être traités. Donc,
c'est un problème que j'ai vécu, qu'on a tous vécu. Donc, oui, M. le ministre,
il y a un spécialiste qui vient au palais de justice de Montréal, puis constate
qu'il y a des salles de cour qui ne sont pas ouvertes certaines journées parce
qu'il manque de personnel. Il va trouver une façon de dire qu'on pourrait
optimiser.
M. Jolin-Barrette : Avant
de céder la parole à ma collègue, juste pour dire... Au cours de la dernière
année et demie, toutes les salles ont ouvert. Puis quand je disais de changer
nos façons de faire, bien, il y a certaines situations où tout le monde il faut
qu'il fasse preuve de flexibilité. Puis tout le monde est face au même marché
du travail aussi. Alors, la justice, ce n'est pas immuable. Et le système de
justice, ce n'est pas parce que ça se passait comme ça depuis les
40 dernières années que ça va continuer. Parce que si tout le monde n'y
met pas du sien puis n'adapte pas ses façons de faire, bien, ça ne fonctionnera
pas. C'est mon message essentiellement, mais je vais céder la parole à... à ma
collègue.
Le Président
(M. Bachand) :Merci, Mme la députée
de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme Bourassa : Merci
beaucoup. Merci de votre présence. Je suis très sensible à ce que vous dites au
niveau de la charge d'une part de travail. Mais la charge émotionnelle, je
comprends que vous n'êtes pas dans un secteur d'activité où on peut compresser
le temps puis essayer d'aller plus vite, vraiment pas. Alors, j'aimerais ça
revenir justement sur l'ajout des juges, tu sais, les juges qui ont été nommés.
Là, on parle de 11 postes de juge à la Cour supérieure qui demeurent non pourvus.
Pour l'instant, c'est dans la cour du fédéral. Alors, on espère bien la
nomination assez... assez prochainement. Mais qu'est ce que ça pourrait changer
pour vous? Ça, est-ce que ça aurait une incidence sur votre travail? Est-ce que
ça vous permettrait d'avoir quelques allègements?
M. Michaud (Guillaume) : Moi,
du moment qu'il y a plus de juges, il y a plus de procès qui procèdent
rapidement. Parfait parce que, là, on n'aura pas... on ne se rendra pas au bout
des délais. Mais moi, quand il y a un dossier qui rentre, il y en a aussi de
finis, il y en a d'autres qui rentrent, là. Donc, nous, pour nous, c'est
toujours... Là, je vais... Je vais... je vais répéter la même chose, c'est que
même si on ajoute des juges, bien, ça prend un procureur qui est devant. Parce
qu'une salle avec un juge tout seul, il ne peut pas rien faire. C'est plate,
mais c'est ça. Et... Et, oui, on peut toujours améliorer les choses, mais le
système de justice, il va toujours y avoir un accusé puis ça va toujours être
son droit de ne pas plaider coupable. Et puis on ne pourra pas le forcer à
faire ça, puis c'est correct comme ça. Donc, il va toujours avoir des façons de
se parler, mais il va toujours avoir un certain nombre de dossiers qui va se
régler, il va toujours avoir un nombre de... un certain nombre de dossiers qui
va procéder. C'est sûr que si on n'est pas capable de procéder, bien là, on a
un problème si on n'est pas capable de procéder dans le temps. Alors, il
faut... il faut le régler, ce problème-là. Puis ça...
Mme Bourassa : ...que
c'est impossible de procéder parce qu'il n'y a pas de juge, à quoi ça
ressemble?
M. Michaud (Guillaume) : Bien,
il y a des dossiers qui... En fait, même, je vais prendre l'exemple de
Montréal. Un bon bout de temps, là, il y a des dossiers qu'on... Si on
dépassait la première orientation sans fixer, bien, on brisait tout de suite le
plafond. Alors, oui, c'est... Oui, c'est arrivé, on le sait, il y en a eu des
arrêts de procédure, là. Puis je vous... je ne vous le cacherai pas, il va en avoir
encore...
M. Michaud (Guillaume) : ...Et
quand il n'y en a pas... Parce qu'on peut parler des chiffres que vous avez,
des arrêts de procédure qu'il y a, mais vous n'avez pas tous les procès que les
procureurs sauvent. Quand je dis sauver, c'est qu'à un moment donné, si moi
j'ai un dossier de stupéfiants, par exemple, je vais dire un dossier sans...
sans victime... On sait tous que la drogue, ça fait des victimes, mais un
dossier sans victime, bien, peut-être que je n'aurai pas le choix, à un moment
donné, de dire : Bien, moi, je vais... je vais baisser mon chiffre, même
si c'est des criminels de haut niveau parce que soit que la personne par
exemple m'offre deux ans, moi je pense que ça vaut cinq, il m'offre deux ans ou
soit que j'essaie de me rendre jusqu'au bout, mais elle va n'avoir rien puis
elle va sortir par la grande porte, parce que les délais vont être dépassés.
Alors, c'est quoi le choix qu'on doit faire? Ça, c'est de la pression sur les
procureurs. C'est-tu souhaitable? Non, ce n'est pas ça qu'on veut. Alors, si
on... les délais, bien, le procureur, à ce moment-là, peut-être ne le réglera
pas ce dossier-là, il va aller jusqu'au bout. Et là, la personne ne voudra pas
plaider coupable, on va procéder et là on va pouvoir procéder devant un juge et
pouvoir faire notre travail.
Mme Bourassa : Vous l'avez
dit vous-même bon...
Le Président (M.
Bachand) :...
Mme Bourassa : O.K. Bon, je
vais être très rapide. J'aimerais juste vous entendre sur... Vous avez
dit : L'assignation de témoin, ça va changer. Ça, ça va faciliter quand
même un petit peu votre façon de faire. De quelle manière?
M. Michaud (Guillaume) : Au
niveau du pénal. Alors, au niveau du pénal, quand il y a des dossiers qui...
qui sont... le... la personne, le défendeur n'est pas là. Alors, parfois on
doit... on peut déposer le constat, mais si on a une preuve autre, bien, à ce
moment-là, de ce que je comprends de la loi, c'est qu'on pourra déposer
aussi... faire une preuve, je vais dire, par ouï-dire, de déposer les documents
et le défendeur sera condamné par défaut, quand la personne n'est pas là, là.
Alors, ça va sauver du... certain temps au procureur au lieu de faire sa
preuve, alors qu'il n'y a même pas de défendeur l'autre côté, là. Ça, oui,
c'est un irritant au niveau des poursuivants qui font du pénal.
• (11 h 50) •
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Je me tourne
maintenant vers l'opposition officielle pour neuf minutes, 54 secondes, M.
le député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Me Michaud, Me Frenette, Me Charbonneau, merci. Merci d'être avec
nous aujourd'hui. Merci de prendre le temps parce que je comprends, entre
autres, de votre témoignage, que du temps vous n'en avez pas beaucoup. Avec les
délais qu'on a, puis que je mentionnais au début, c'est probablement pour ça
que, malheureusement, vous n'avez pas pu produire de mémoire, mais votre
témoignage est quand même très éloquent.
J'écoutais M. le ministre, puis,
effectivement, votre travail est difficile. Je suis d'autant plus à même de le
comprendre que je l'ai fait pendant des années puis je plaidais, entre autres,
des dossiers d'agressions sexuelles sur des enfants, ça fait que je peux vous
dire que charge émotive, là, j'ai une bonne idée de ce que vous vous ressentez.
Puis après ça, bien, j'ai migré vers le fédéral où j'ai plaidé là aussi comme
procureur de la Couronne pendant des années et des années, ça fait que je
comprends très bien ce que vous vivez.
Et ce matin on a à regarder un projet de
loi, puis j'aurais quelques questions pratico-pratiques pour vous, parce que,
dans mon travail maintenant de parlementaire, bien, tu sais, on essaie de
bonifier des projets de loi. Quand vous avez parlé de la preuve documentaire
puis de l'assignation de moins de témoins, à un moment donné, vous avez
dit : Mais on ne sauvera pas de temps. Puis pouvez-vous m'expliquer, en
fait, en pratique, ce qui va arriver? Parce que c'est un des éléments
importants du projet de loi, puis, si c'est une mesure qui ne donnera pas le
résultat escompté, bien, j'aimerais savoir comment on peut peut-être bonifier
éventuellement le projet de loi pour que ça soit plus utile pour l'ensemble de
la population québécoise.
M. Michaud (Guillaume) : En
fait, je ne veux pas vous corriger pour le... On a réussi à déposer un mémoire
in extremis, là, de deux pages, là, juste avant de rentrer, là. Donc, je ne
sais si vous...
M. Morin : Désolé, je... Tu
sais, ça...
M. Michaud (Guillaume) : On
l'a déposé à 10 h 45, 11 heures, alors c'est normal que vous ne
l'ayez pas...
M. Morin : Bien, je vous
remercie. Bien, ça explique davantage mes propos introductifs. Écoutez, je ne
l'ai pas lu là. On n'a pas eu le temps. Désolé.
M. Michaud (Guillaume) : Donc,
je m'en excuse également d'avoir... mais on l'a fini ce matin. Alors,
maintenant, au niveau de votre question, là, ce que je veux dire, c'est que ça
ne sauvera pas un nombre énorme de temps. Oui, c'est sûr que, si on arrive, on
réussit à faire une preuve documentaire dans certains dossiers... Parce que ce
n'est pas dans tous les dossiers, là. Quand le défendeur est là... Bon, de ce
que je comprends de la loi, c'est que quand le défendeur ne sera pas là,
bien... Normalement, on pouvait le faire déjà. On dépose le constat du... ça
roule, là. Les défendeurs, bien, ils ne sont pas là, alors on dépose des
constats, et les personnes sont condamnées une après l'autre, si les
infractions sont... est remplie. Alors, dans certains cas, il pouvait arriver
qu'on doive quand même faire témoigner un témoin pour certaines infractions.
Donc ça, ça va permettre de déposer... de ce que je comprends, encore une fois,
du projet de loi, ça va permettre de déposer ce témoignage-là. Mais moi, les
procureurs qui sont sur le terrain me disent : Oui, c'est parfait, on va
sauver du temps. Maintenant, est-ce qu'on va sauver du temps à la hauteur de...
C'est une petite mesure qui est positive pour les procureurs, mais est-ce que
c'est la manne? Est-ce qu'on va sauver énormément de temps pour libérer les
juges et ensuite de ça les envoyer à la Cour du Québec? Ce qu'on me dit...
M. Michaud (Guillaume) : ...c'est
qu'on a de la misère, parfois, à ouvrir des salles parce qu'il n'y a pas de
juge. Alors là, on dit : Bien, on ne libérera pas... C'est minime, là, de
ce que je comprends... Moi, je ne fais pas du droit pénal, je fais du droit
criminel. J'ai parlé avec des experts du droit pénal dans les bureaux, et on me
dit : Bien, c'est minime, c'est minime, mais c'est positif.
M. Morin : Je vous
remercie. Autre élément, celui-là, plus en lien avec les dispositions qui vont
traiter de la confiscation, confiscation administrative, donc pas uniquement
civile, mais administrative. Vous avez dit : Écoutez, on ne devrait pas
sauver beaucoup de temps, parce que, de toute façon, le criminel a la priorité,
et vous devez signer, je pense, un document pour, éventuellement, diriger le
dossier vers une confiscation civile. Est-ce que ça se pourrait qu'avec le
régime proposé il y ait des dossiers qui aillent directement en confiscation
administrative, que vous ne voyez pas, et donc que ça pourrait avoir un impact
aussi, nécessairement, tous les dossiers de confiscation doivent passer d'abord
par le DPCP, les procureurs?
M. Michaud (Guillaume) : Alors,
j'ai la chance d'avoir la référence au DPCP avec moi, donc, évidemment, je vais
la laisser répondre, comme elle pourra vous étayer davantage que moi.
M. Morin : Merci.
Mme Frenette (Karine) : Alors,
bonjour. Alors, en matière de confiscation administrative, ce que je comprends
du projet de loi, puis je ne suis pas une spécialiste de la loi civile sur la
confiscation, mais que... c'est qu'une fois qu'on va envoyer l'avis, la
personne peut contester avec, elle aussi, un avis. Puis ça fait en sorte que le
procureur général civil va instruire sa procédure, là, comme s'il n'y avait pas
eu de confiscation administrative.
Le problème que je vois à ça, c'est que,
souvent, quand on demande la confiscation de produits et instruments
d'activités illégales, bien, ça correspond aussi, au sens du Code criminel, aux
biens fractionnels et aux produits de la criminalité. Puis, souvent, on va
accuser quelqu'un pour avoir fait ce crime-là. Et, au niveau du criminel, ce
qu'on fait, c'est qu'on fait le procès où la personne est déclarée coupable, et
là admet certaines, certaines choses et, après ça, on va demander la
confiscation. Ça fait que ça devient un accessoire, tu sais, à une instance qui
est déjà en cours au criminel. Ça fait que ma crainte avec ça, ce serait de
dupliquer les procédures judiciaires, de faire deux recours avec les mêmes
faits dans deux instances différentes. Ça fait que la façon de faire
actuellement, je trouve qu'elle fonctionne bien. Le dossier... Puis c'est
souvent des blocages de résidence, des blocages de compte bancaire. C'est mon
service, là, le service de la gestion des biens au DPCP qui va évaluer. On va
procéder aux ordonnances de blocage. Si on voit que le procureur n'accuse pas,
on va l'envoyer tout de suite en confiscation civile. Mai, s'il y a des
accusations, on va privilégier la voie criminelle, justement, pour ne pas qu'il
y ait deux juges saisis des mêmes instances, là, pense que c'est pour une bonne
administration de la justice.
M. Morin : Oui, je vous
comprends. D'ailleurs, dans le projet de loi, on ne parle pas spécifiquement de
biens infractionnels, là. Est-ce que c'est...
Mme Frenette (Karine) : ...l'activité
illégale, ça correspond aux biens fractionnels au niveau du Code criminel.
M. Morin : Sensiblement.
Oui, c'est sensiblement la... la même chose.
Mme Frenette (Karine) : Tu
sais, c'est... c'est la même chose...
M. Morin : Maintenant,
c'est vrai que dans... Souvent, là, ce qu'on... ce qu'on vivait à la cour,
parce que j'ai aussi plaidé des dossiers de produits de la criminalité, c'est
qu'on a... il y a des... on a du substantif, puis là, après ça, on a des
produits, puis évidemment, on fait la preuve des produits. C'est une preuve qui
est faite hors de tout doute, puis après ça, bien, pour la...
Mme Frenette (Karine) : ...prépondérance
des probabilités lorsque c'est attaché à l'infraction. C'est que c'est le même
fardeau que la confiscation civile.
M. Morin : Vous avez
raison. Sauf qu'il y a... Des fois, il y a des accusations de produits qui ne
sont pas rattachés à du substantif.
Mme Frenette (Karine) : Exact.
Ça peut être...
M. Morin : Donc là, il
faut faire la preuve au complet.
Mme Frenette (Karine) : Mais
la plupart du temps c'est...
M. Morin : Puis quand ça
ne marche pas, bien, souvent, après ça, on envoyait ça au civil.
Mme Frenette (Karine) : Au
civil, on le fait encore.
M. Morin : Parfait. Moi,
ma question, c'est : Ça peut-tu aller directement au civil ou à
l'administratif sans même que vous en soyez saisi ou si c'est forcément un renvoi
que vous allez faire au civil après une enquête criminelle?
Mme Frenette (Karine) : Bien,
en fait, là, maintenant, avec la nouvelle loi civile, le... il y a une demande
d'information qui peut être faite. Ça fait que le procureur général va pouvoir aller
voir combien l'individu déclare à Revenu Québec. Avant, ce n'était pas
possible. Ça fait que, moi, les policiers m'appelaient : Karine, j'ai
saisi 15 000 $, il y avait un peu de stupéfiants. Ça fait que, moi,
je demandais tous les compléments aux policiers. Je regardais mon dossier puis
je me disais : Je n'ai pas...
Mme Frenette (Karine) : ...assez.
Puis le fardeau, tu sais... Puis je n'ai pas d'infraction, parce qu'on
n'accusait pas dans ces cas-là, ça fait que ça va être plus facile d'obtenir la
confiscation au civil. Ça fait que ces dossiers-là, on les envoie, mais on
demandait quand même des compléments. Puis c'est mon bureau, en général, qui
fait ça. On est... maintenant, on est six procureurs, là, mais c'est récent,
avant, on était trois, là. Ça fait que c'est des dossiers de conseil, ça fait
que ça va relativement vite. Puis je pense que ça va continuer pour que je
puisse demander des compléments encore. Puis après ça, on va les... on les
envoie. S'il n'y a pas d'accusation criminelle, normalement, on va privilégier
la voie civile, là.
M. Morin : Et je comprends,
dans le projet de loi, que, pour une confiscation administrative, ça peut aller
quand même vite. Parce que c'est... d'après le projet de loi, c'est le
procureur général qui introduit la procédure, il envoie l'avis, puis il y a
même une présomption que l'avis de confiscation a été reçu cinq jours après sur
la transmission.
Mme Frenette (Karine) : Exact.
M. Morin : Ça fait que là,
comme ça, pour le défendeur...
Mme Frenette (Karine) : C'est
ça. Sauf que, si on enverrait tout l'argent, exemple, que les policiers
saisissent, on dit : Bon, on envoie tout ça en confiscation civile, bien,
il y a des gens qui vont faire des avis, puis là ça va dédoubler les recours.
Ça fait que si moi, je préconise la voix de dire est-ce qu'on accuse, si on
accuse, on va voir le même fardeau. Parce qu'après ça, si on va au civil, on ne
peut pas revenir au criminel. Ça fait que c'est dans cette optique-là.
M. Morin : Je vous... je vous
remercie.
Mme Frenette (Karine) : Mais
ça facilite vraiment, tu sais, de confisquer davantage, là, les biens provenant
d'activités illégales ou de produits de la criminalité, là. C'est une loi qui a
du mordant, là.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Merci beaucoup,
M. le député de l'Acadie. Alors, M. le député de Saint-Henri-Sainte-Anne, pour
trois minutes, 18 secondes, s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Merci à vous trois. Corrigez-moi, si je me trompe, mais j'ai entendu
beaucoup de colère ce matin dans votre intervention. Si je comprends bien, ça
ne va pas si bien, là. Ça ne va pas très bien chez vous, chez vos procureurs.
J'aimerais ça vous entendre.
M. Michaud (Guillaume) : Je
ne sais pas si je pourrais... si... je ne sais pas si c'est de la colère,
peut-être plus du désespoir, du... Je sais qu'il y a une... il y a une
grande... il y a une grande problématique au niveau de la santé mentale au
niveau des procureurs, alors... Et je les présente, donc peut-être que je viens
émotif parce que je fais... je fais partie d'eux, je les présente et je les
vois. Je les vois, les procureurs, qui nous appellent en pleurant, les
procureurs, qui sont désarmés devant... devant tout ce qu'ils ont à faire, là.
Ils ne le montreront pas aux victimes, évidemment, mais il la charge émotive
est immense, là...
• (12 heures) •
M. Cliche-Rivard : Puis là
vous dites : J'ai reçu un appel, des appels, mais, je veux dire, c'est
plus qu'anecdotique, là?
M. Michaud (Guillaume) : Oui,
oui, oui.
M. Cliche-Rivard : C'est tout
le monde?
M. Michaud (Guillaume) : Bien,
c'est... je vous dirais... je vous dirais qu'on... les procureurs qui sont en
détresse psychologique, malheureusement, qui se qualifient pour la détresse
psychologique sont en nombre très, très, très important, malheureusement, très
important.
M. Cliche-Rivard : Dans le
message que vous êtes venus livrer ce matin, est-ce que vous avez perçu ou
senti beaucoup d'écoute?
M. Michaud (Guillaume) : Bien,
j'espère que M. le ministre nous écoute. J'espère qu'on nous écoute, là. Je...
On hoche de la tête, là. Je suis ici, et le but de la chose, ce n'est pas...
comme je vous dis, ce n'est pas d'être en colère, c'est de vous dire : ça
existe, là. On a... on a beau faire l'ensemble des mesures, mais il y a des
procureurs... moi, je représente le terrain, alors je vous dis que, sur le
terrain, ça ne va pas si bien que ça.
Ça ne va pas si bien que ça, l'implantation
du tribunal spécialisé. Il y a des écueils. C'est normal, vous allez me dire,
il y a des écueils quand on fait quelque chose. Oui, mais quand on a des
procureurs qui disent : moi, j'en peux plus, je veux plus y aller, sur
cette équipe-là, parce qu'on manque de temps, on manque de ressources. Ça ne se
garroche pas aux portes, là, pour aller sur cette équipe-là, là, je vous le
dis, là, même si c'est quelque chose qui vient chercher les procureurs. Quand
on fait ce travail-là, c'est pour aider les victimes, hein? Puis, les premières
victimes, bien, c'est des crimes comme ça, là, c'est des crimes de violence
conjugale, des crimes d'agression sexuelle. Vous ne savez pas ce que ça peut
faire, d'aider ces gens-là. Mais, quand on n'est plus capables parce qu'on n'a
pas de ressources, bien, on ne veut plus le faire, là. Donc, c'est ça qui
arrive pour plusieurs procureurs, on les brûle. Puis on est en train de brûler,
bien, nos procureurs, là. Donc, si on ne fait pas de quoi rapidement, bien, ça
va... On a promis beaucoup de choses aux victimes, hein? Il faut livrer. Puis
on est prêts à livrer, là, on veut livrer, mais il faut qu'on nous donne les
ressources. Parce que, sinon, à un moment donné, on va vous dire : on
n'est plus capables, on ne peut pas faire ce que vous nous demandez de faire.
M. Cliche-Rivard : En
terminant, vous en avez glissé un mot tantôt, est-ce que, dans ce sens-là, le
budget vous a rassuré?
M. Michaud (Guillaume) : Bien
non, il ne m'a pas rassuré. C'est la première chose que j'ai faite, hier à
3 h et 10, et cinq, quand j'ai... quand j'étais sur le site... le site de
l'Assemblée nationale. Alors, le budget de cette année était, je pense, de
221... 220, 221 millions. L'année... Le budget réel qui a été dépensé,
autour de 228, 229 millions. L'année prochaine, on dit au DPCP :
Bien, vous aurez 218, 219 millions. Alors, on est 9 millions de
moins. Et on n'est pas... on n'est pas un endroit où on...
12 h (version non révisée)
M. Michaud (Guillaume) : ...construit...
on n'est pas... on ne fait pas des autoroutes, là. Où on peut couper, c'est
dans quoi... on a, comme matériel. On a des crayons, on a des codes criminels,
puis on a des ressources. Ça fait que le calcul est assez simple. Où on coupe,
on coupe dans les ressources. Présentement, on s'est fait annoncer qu'on
coupait dans nos formations. Il faut former les procureurs, il faut continuer
de former. Alors, c'est ça, nous, présentement, on le sent directement, là. On
nous demande... On nous dit : Bien, temps supplémentaire, essayez d'en
faire moins. Oui, mais il faut que je sois prêt pour le lendemain, là. Donc, si
je ne suis pas prêt, je fais quoi?
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Me Michaud,
merci. Mme la députée de Vaudreuil, pour 3 min 18 s, s'il vous
plaît.
Mme Nichols : Oui, merci, M.
le Président. Bien, merci à vous trois d'être ici. Merci de nous partager... Tu
sais, nous, on est des députés à l'Assemblée nationale, ça fait qu'on ne connaît
pas nécessairement, justement, la charge de votre travail puis votre quotidien,
finalement, donc merci de venir nous sensibiliser puis de le partager avec
nous, du moins, de prendre le temps de le faire, c'est apprécié.
Me Frenette, vous avez parlé, là, juste
avant... en répondant au collègue de l'Acadie, vous avez parlé que, tu sais,
souvent, la voie civile va être privilégiée. Là, vous demandez un complément,
vous regardez tout ça, puis, finalement, ça arrive que la voie civile est
privilégiée, puis vous dites que les avis vont sûrement dédoubler. Avez-vous,
tu sais... puis il va y en avoir...
Mme Frenette (Karine) : Bien,
en fait, si on décide d'aller en confiscation civile, souvent, ça va être parce
qu'on n'a pas pris d'accusations criminelles, ou il y a eu un arrêt Jordan. Tu
sais, des fois, on saisit 100 000 $, mais comme ça. Ça fait qu'il n'y
a pas de stupéfiants. On demande les revenus. On voit que l'individu gagne 20 000 $.
Bien, moi, au niveau du Code criminel, je vais avoir de la difficulté à obtenir
la confiscation. Ça fait que je vais le référer au dossier... tu sais, en
confiscation civile, à ce moment-là.
Mme Nichols : Puis, selon
vous, ça va doubler la charge, il va y avoir encore plus de demandes au civil?
Non? Ça n'a pas...
Mme Frenette (Karine) : Ce n'est
pas ça que je dis. Ceux qu'on réfère...
Mme Nichols : ...qui va le
permettre, mais vous, vous le faites déjà, donc.
Mme Frenette (Karine) : En
fait, ce que je dis, c'est que, si jamais on décidait, toute la confiscation,
aller au civil, là, ça dédoublerait. Ça fait que la façon de faire est bonne,
dans le sens qu'on regarde le dossier, les procureurs, on se dit : Ah! on
a une infraction, on va être sur le même fardeau de preuve qu'à la loi civile,
alors on va le garder chez nous, pour éviter que deux instances soient prises.
Puis, s'il y a un arrêt Jordan, il n'y a rien qui empêche qu'on refuse, à ce
moment-là, puis qu'on transfère le dossier au civil. Puis il y a une bonne...
il y a un bon partenariat, ça va bien. Depuis, je vous dirais... depuis 2019,
là, on en transfère beaucoup, puis ça va bien. Puis la loi améliore grandement,
là, le travail de mes confrères au civil.
M. Michaud (Guillaume) : Mais
nous, pour nous... Moi, je regarde le titre de la loi. Pour nous, améliorer les
délais judiciaires, pour nous... Moi, ce que je comprends, c'est que ça ne
change rien pour nous, là. C'est qu'on va faire le procès pareil, puis on n'aura
pas moins de confiscations à faire, à moins qu'on nous dit : Bien, vous n'en
faites plus du tout. Puis, si c'est ça... c'est ça qu'essayait d'expliquer Me
Frenette... si c'est ça qui arrive, qu'on nous enlève tout, bien là, on va
remettre les délais sur le civil, parce qu'eux vont avoir à recommencer encore,
on va faire réentendre les mêmes témoins que nous, on a fait entendre. Ce n'est
pas souhaitable, là. On veut que les témoins puis les victimes... on veut
leur... La charge judiciaire est importante, on ne veut pas qu'ils reviennent.
Et là on va être obligés de recommencer encore. Ce n'est pas ça qu'on veut, je
ne pense pas que c'est ça qu'on veut. Enfin, j'espère que ce n'est pas ça qu'on
veut, là.
Mme Frenette (Karine) : Non,
ce n'est pas ça qu'on veut.
Le Président (M.
Bachand) :...donc, Mes Frenette, Charbonneau
et Michaud, merci beaucoup d'avoir été avec nous ce matin, très apprécié.
Et, là-dessus, je suspends les travaux
quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 07)
(Reprise à 12 h 09)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Alors, il me fait plaisir d'accueillir les
représentantes du Réseau des centres d'aide aux victimes d'actes criminels,
qu'on connaît bien sûr sous le nom de CAVAC. Alors, merci beaucoup d'être avec
nous. Alors, je vous invite d'abord à vous présenter et à débuter votre
présentation, d'une durée maximale de 10 minutes. Merci beaucoup d'être encore
avec nous aujourd'hui. Merci.
Mme Mac Donald (Karine) : Merci.
Je vais laisser Mme Charest.
Mme Charest (Jenny) : Oui,
bonjour. Bien, merci, merci de nous accueillir aujourd'hui et de nous permettre
en fait de venir vous parler de certaines préoccupations et certains éléments
qu'on constate. Alors, mon nom est Jenny Charest, je suis la directrice générale
du CAVAC de Montréal, et je suis accompagnée de Karine Mac Donald, qui est
criminologue, et coordonnatrice, et responsable des communications au Réseau
des CAVAC.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Alors, vous pouvez
débuter votre présentation, s'il vous plaît.
Mme Mac Donald (Karine) : Parfait,
merci. Donc, on tient premièrement à remercier la commission de nous recevoir
aujourd'hui, de l'avoir, l'opportunité de se faire entendre sur le projet de
loi n° 54 en vue de réduire les délais en matière criminelle et pénale, donc ce
projet de loi qui découle de la Table Justice-Québec, sur laquelle nous
siégeons. Nous sommes vraiment enchantés de siéger sur cette table-là, et il
nous fait plaisir d'approfondir aujourd'hui nos préoccupations avec vous. Nous
avons déposé un court mémoire en raison du délai alloué, mais on le jugeait
vraiment important de partager avec vous nos préoccupations et de souligner
notre appui aux principes véhiculés par ce nouveau projet de loi. Donc, nous
vous remercions de cette opportunité d'échanger avec les membres de la
commission.
Pour les personnes qui connaîtraient
peut-être moins le CAVAC, le Réseau des CAVAC a pour orientation de promouvoir
les besoins des personnes victimes d'infractions criminelles ainsi que les
proches et les témoins, de chercher les meilleures pratiques d'intervention en
victimologie, les mettre en commun, en favoriser l'harmonisation, les faire
connaître et faire valoir l'expertise des CAVAC et de soutenir le déploiement
des services à l'échelle provinciale. On vise une forme d'uniformité.
Les CAVAC, en soi, c'est 17 CAVAC qui sont
distincts. La mission des CAVAC, c'est d'offrir des services qui sont gratuits,
confidentiels aux personnes victimes, aux proches et aux témoins d'une
infraction criminelle, peu importe la nature du crime, et, c'est important de
préciser, que le crime ait ou non été dénoncé à la police. On a près de 200
portes d'entrée partout en province en plus des bureaux, points de services un
peu partout, on est dans tous les palais de justice du Québec, on est aussi
dans plusieurs postes de police, autant municipaux que provinciaux. Nos
différents services d'information proactifs nous permettent de rejoindre un
très grand nombre de personnes victimes par année. Ces personnes-là vont
pouvoir bénéficier d'un suivi psychosocial post-traumatique d'accompagnement
dans les différentes démarches qu'occasionne une victimisation, de préparer à
rendre témoignage, tout simplement d'être informées sur le processus et les
droits recours dans ce dédale qu'est le système de justice.
Les services sont offerts par des équipes
d'intervenants constituées principalement de travailleurs sociaux,
criminologues, sexologues, psychoéducation. C'est environ 450 personnes qui
oeuvrent quotidiennement pour la mission des CAVAC. Les CAVAC, aussi, je pense,
c'est important de le mentionner, on ne cesse d'innover afin de répondre plus
spécifiquement aux besoins des personnes victimes. Donc, on a mis en place des
meilleures pratiques, notamment avec le Programme témoin-enfant, l'équipe
d'intervention dédiée en exploitation sexuelle, le Programme de soutien pour
les proches de victimes d'exploitation sexuelle, et c'est sûr, notre rôle, là,
est quand même important dans le projet pilote des tribunaux spécialisés. Donc,
je cède la parole à Mme Charest.
Mme Charest (Jenny) : Bon.
Merci, Karine. Alors, en fait, en bref, la présentation du réseau, c'était un
peu aussi pour démontrer qu'on... notre... nos services et nos actions
dépassent grandement ce qu'on appelle le processus judiciaire, hein, c'est de
façon très globale qu'on accompagne les personnes victimes. Alors, pour nous,
dans nos actions quotidiennes, en fait, on voit vraiment l'impact des délais,
hein, ça... et le fait de participer à la Table Justice nous a permis quand
même de discuter déjà de plusieurs préoccupations, mais on veut comme un peu
les approfondir aujourd'hui. Les délais, en fait, pour essayer de vous mettre
en contexte, pour une personne victime qui attend, ça veut dire pour elle
d'être obligée de se rappeler, de s'assurer que les détails, elle les garde en
tête, donc...
Mme Charest (Jenny) : ...il
ne peut pas passer à autre chose parce que le système de justice lui demande de
s'en rappeler. Donc, on était totalement d'accord avec la réduction des délais.
Malheureusement, ce qu'on a vu avec l'arrêt Jordan, c'est un effet un peu
pervers auquel on n'avait pas pensé, mais qui fait que parfois, avec l'arrêt
Jordan, quand des procédures sont arrêtées, bien, ce que ça fait, c'est que la
personne victime, elle a non seulement gardé en tête, elle a travaillé fort à
s'assurer de rester un bon témoin et un bon acteur du système judiciaire, mais
elle ne peut pas terminer, elle ne peut pas finaliser son processus. Parce que,
bon, je pense que je n'ai pas besoin d'en parler longtemps, ça prend beaucoup
de courage de porter plainte, et le fait de se retrouver en fin de processus
sans avoir eu la possibilité de voir l'agresseur ou l'auteur de l'agression
reconnu coupable ou non... Parce que parfois on va voir que le fait de se
présenter dans le système de justice permet aux personnes victimes de reprendre
un certain pouvoir. Sauf que, quand il y a un arrêt des procédures, ce qu'on
constate, c'est que ce pouvoir-là, elles le perdent. Elles ont un sentiment de
perte qui est quand même important.
Alors, je vous dirais que ce sentiment
d'injustice là, de boucle jamais fermée, a un impact direct sur le
rétablissement. On constate malheureusement que certaines personnes veulent
rester prises avec ça, et c'est plus de l'amertume. Et cette amertume-là, elle
s'élargit à la société, en fait. On dépasse le système de justice parce que,
d'une part, ça a un impact sur le public, parce que c'est souvent bien... c'est
malheureusement souvent bien, je cherche le mot, désolée, connu en fait quand
il y a des gros... des...
Une voix : Médiatisé.
Mme Charest (Jenny) : Médiatisé.
Merci. Ah! C'est pour ça que je ne suis pas la coordonnatrice et porte-parole.
Et, en fait, ce volet-là a une influence sur la confiance du public, et ça a
aussi une influence sur notre travail. Parce qu'en fait, c'est nous qui, dans
notre façon de tenter d'accompagner les personnes victimes, devons travailler
avec cet élément-là pour essayer de leur ramener le pouvoir qu'elles ont. Mais
je vous dirais que c'est très, très difficile. Puis ce qu'on constate, en fait,
quand on parle de confiance, c'est que ça a un impact direct sur la capacité de
dénoncer. Les gens ne veulent plus dénoncer. Donc, suite à un arrêt Jordan qui
est médiatisé, ce qu'on voit, c'est que les personnes ne veulent plus le faire.
Hein, on le constate tous les jours.
En ce qui concerne le projet de loi, en
fait, d'entrée de jeu, on veut le saluer. On trouve que c'est une autre avancée
qui va beaucoup dans le sens de tout ce qui a été mis en place dans les
dernières années. Il y a différentes mesures qui ont été là pour faire avancer
les choses. Et le projet de loi permet, en fait, d'aller chercher encore plus
d'outils pour continuer d'être, je vous dirais, socialement parlant, là pour
les personnes victimes, les soutenir et les amener à reconnaître que, même si
elles ne sont pas une partie officielle dans le système de justice, elles sont
reconnues, elles sont entendues. Le bout entendu fait partie des droits de la
charte canadienne des personnes victimes, et c'est hyper important dans le
fond.
Alors, le réseau des CAVAC que Karine vous
a présenté est en majorité financé par le Fonds d'aide aux victimes d'actes
criminels. Alors, c'est clair que, pour l'article 1, nous, on le salue parce
que ce qu'on constate régulièrement, c'est qu'actuellement les mesures qui ont
été mises en place pour faire connaître les services d'aide fonctionnent très,
très bien. On en est contents. Sauf que ce que ça apporte aussi comme enjeux,
c'est une augmentation des demandes et une augmentation de délais. Et ça, les
délais, je vous dirais, pour tous les intervenants, en fait, dans les CAVAC,
c'est un peu terrible parce que, quand on sait qu'on peut prendre une semaine
avant de rappeler quelqu'un ou que ça peut prendre de deux à six mois avant
d'avoir un service d'aide, un accompagnement et un suivi psychosocial, ce n'est
pas la meilleure façon d'offrir des services auprès de personnes qui viennent
de vivre un crime qui est quand même assez dévastateur.
Alors, on... le fait de vouloir trouver de
nouvelles façons et d'améliorer le financement du FAVAC, pour nous, c'est
très... c'est très positif parce que, justement, ça va faire en sorte qu'on va
être en mesure de continuer de développer. Un peu comme Karine le disait, on
cherche des moyens toujours le plus adéquat pour répondre aux besoins. Les
services des CAVAC visent à être personnalisés. Alors, quand on a trop de
monde, malheureusement, ce que ça fait, c'est que ça crée des détresses chez
les personnes victimes. Et c'est... Ce n'est pas du tout ce qu'on veut. Donc,
pour nous...
Mme Charest (Jenny) : ...l'article
un est excellent parce que justement, ça... on voit que ça va continuer de...
d'apporter au Québec la vision de précurseur dans l'aide aux victimes, hein? Le
Réseau des CAVAC est parfois allé dans d'autres pays, et je vous dirais que le
fait de financer à même le fonds d'aide, à même les différents volets liés à la
criminalité, fait en sorte que c'est une mesure qui démontre, en fait, que les
personnes victimes, même si elles ne sont pas un acteur officiel, sont
reconnues par notre système de justice, sont reconnues par notre gouvernement.
Alors, pour nous, c'est une mesure qui va
aider à répondre à des besoins essentiels. Parce que malheureusement, puis je
suis vraiment triste de vous dire ça, ce n'est pas vrai qu'actuellement on est
capables de répondre à tous les besoins des personnes victimes. Et ça, c'est
souvent parce qu'on... plus de gens demandent de l'aide, ce qui est une
excellente nouvelle. Alors, on... le fait de... d'augmenter le financement du
FAVAC, pour nous, bien, ça veut dire nous donner les moyens de continuer
d'offrir les meilleurs services possibles, nous et d'autres services d'aide aux
victimes. Parce que le FAVAC finance quand même plusieurs services d'aide qui
sont tous, je dirais, essentiels et importants.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Ça va très
vite. Alors, on va débuter avec la période d'échange, et faites-vous-en pas, il
reste encore du temps. M. le ministre, s'il vous plaît.
Mme Charest (Jenny) : Parfait.
• (12 h 20) •
M. Jolin-Barrette : Mme
Charest, Mme Mac Donald, merci beaucoup d'être présentes avec nous aujourd'hui
pour la consultation. Écoutez, merci pour votre mémoire, merci également pour
votre participation à la Table Justice. Je pense que ça a été éclairant. Puis
je souhaite vous remercier également du travail que vous faites puis que vos
intervenants et intervenantes font à la grandeur du réseau. Depuis que je suis
ministre la Justice, je me... je me suis promené dans quelques palais de
justice, j'ai rencontré plusieurs personnes qui travaillent pour les CAVAC,
puis je dois dire qu'à toutes les fois, je rencontre des personnes qui sont
passionnées, qui sont dédiées à leur travail, qui ont la volonté d'accompagner
les gens qui sont dans des situations difficiles, de vulnérabilité, qui sont
souvent désorientés quand qu'ils arrivent au palais de justice. Alors, chapeau
pour le travail que vous faites, c'est un travail extrêmement important. Puis,
honnêtement, on est chanceux de pouvoir compter sur la qualité de vos employés,
des gens qui travaillent pour vous, du Réseau des CAVAC aussi. Puis vous êtes
toujours également en mode solution, alors je pense que c'est grandement apprécié,
votre contribution.
Puis vous avez raison de dire que c'est
important, les victimes, dans le système de justice. Puis ce qu'on essaie de
faire, c'est de les mettre au centre du processus pour voir à quel point,
parfois, elles n'ont pas été considérées, n'ont pas été mises au centre du
processus durant des années. Puis même, écoutez, on avait le témoignage de
Maître Michaud tout à l'heure, qui disait : Moi, en 2011, j'étais là, puis
je ne prenais pas le temps de rencontrer les victimes ou, si j'avais le temps,
j'essayais. Voyez-vous, on amène ce changement de culture là dans le système de
justice, la poursuite verticale en matière de violence sexuelle, violence
conjugale, on déploie les ressources à travers le tribunal spécialisé. Je suis
d'accord, ce n'est pas parfait, mais on est en train de s'ajuster pour arriver
partout en 2026. Les lieux également, on essaie de faire en sorte que les
locaux des CAVAC notamment, soient plus accueillants, plus accessibles. Puis
ça, je pense qu'on s'en va dans la bonne direction.
Puis quoi de plus choquant, puis je le
raconte souvent, là, quand je vais dans les palais de justice puis je constate
que, des fois, le CAVAC avait le dernier local au bout du corridor, devant les
deux salles d'audience en matière criminelle, puis que les victimes doivent
passer à travers là, puis aller aux salles de bain, après ça, à l'autre bout,
la salle des pas perdus, retraverser la salle. C'est complètement inacceptable,
puis on est en train de travailler là-dessus pour améliorer tout ça.
Sur le Fonds d'aide aux victimes d'actes
criminels, c'est important, vous avez raison, de bien le doter. Là, on vient
augmenter la contribution. Ma collègue, la vice-première ministre également
fait la même chose avec les radars photo dans le projet de loi n° 48 pour aller
chercher des sommes. On a une difficulté à pérenniser les sommes depuis la
décision sur la suramende compensatoire, qui n'est plus obligatoire, ça a fait
beaucoup diminuer les revenus. Là, le ministre Finances est venu combler les déficits
de par rapport au fonds, mais effectivement, on cherche des sources de revenus
pour bien financer les CAVAC.
Autre point, je crois, que vous avez
soulevé dans votre mémoire, la question des pôles de comparution. On est très
conscients de l'importance du suivi. Parce que, pour imager ça, là, je pense
que vous faites référence à, supposons, quelqu'un qui est arrêté pour violence
conjugale, il passe la nuit en prison, mais on veut... la victime veut savoir,
il est-tu remis en liberté par la suite, le lendemain. Pouvez-vous nous parler
de ça, de l'importance de ça?
Mme Charest (Jenny) : Bien
sûr. Merci de votre question, hein, c'était l'autre partie que je n'ai pas eu
le temps. Mais, en fait, oui, pour les pôles, c'est aussi une excellente
nouvelle, hein, d'augmenter les pôles et de s'assurer, en fait, que le plus
grand nombre de personnes puissent être entendues et que... Mais...
Mme Charest (Jenny) : ...ce
qu'on constate, c'est que, souvent, le temps imparti à cette information-là est
sous-estimé, hein? On évalue à à peu près 45 minutes, minimum, ou, en tout cas,
de moyenne, pour une intervention, quand on appelle une personne victime pour
l'informer du résultat de la comparution. On parle ici d'un mandat qui implique
une sécurité hyperimportante, et qui est gros, en fait, parce que c'est une
responsabilité sur les épaules de la personne qui tente de joindre une personne
pour l'informer, par exemple, qu'un accusé est libéré.
Vous l'avez nommé, on parle de violence
conjugale, où on parle de femmes qui sont en danger, hein? On l'a vu, des
féminicides, il y en a beaucoup. Il y a eu beaucoup de cellules d'action rapide
qui ont été mises en place un peu partout au Québec. alors, ça aussi, il faut
le prendre en compte. Quand on a à appeler une victime, quand on a à appeler
une personne qui est en attente, bien, il faut, pour le faire, avoir accès à
l'information, hein? Il y a plein de travaux qui se font actuellement, mais,
avant, ce qu'on... ce que nous, on voudrait, c'est qu'avant de mettre en place
différentes choses, de toujours s'assurer qu'on prend aussi en compte les
services d'aide pour que les personnes soient rejointes en temps opportun et
qu'on puisse, dans le fond, travailler tous ensemble pour faire en sorte qu'il
n'y aura personne qu'on n'aura pas rejoint qui, finalement, le lendemain, va
faire la une parce qu'elle a été assassinée. C'est quand même... On parle de
risque homicidaire. Je vous dirais qu'on le constate régulièrement. Si je parle
seulement pour Montréal, le CAVAC constate et demande des cellules
d'intervention rapide régulièrement, je vous dirais, presque à chaque semaine.
C'est le cas aussi dans plusieurs... dans toutes les régions du Québec. Et ça
implique d'ailleurs, dans des pôles, si on a plusieurs pôles, qui va faire
cette information-là, qui va être en mesure d'attacher tous les fils pour
déclencher des cellules, si c'est nécessaire. Donc, on parle d'information,
mais c'est beaucoup plus large que ça.
Et le Réseau des CAVAC est très heureux,
là, de se voir confier ce mandat-là, mais il doit avoir les moyens de le faire.
Et, en fait, dans tout processus de changement... Vous l'avez... vous en avez
parlé tantôt, on parle ici d'un changement de culture, donc il faut vraiment
attacher tous les acteurs, incluant les gens dans le Réseau des CAVAC, pour
qu'on puisse aussi faire ce travail-là, pour aider les personnes victimes, qui
vont, après coup, devenir des bons témoins aussi, qui vont devenir une
partie... une personne qui va bien participer au processus. Parce que l'accompagnement,
ce que ça donne, comme résultat, c'est de faire en sorte que les personnes vont
jusqu'au bout. Et, notamment, violence conjugale, les tribunaux spécialisés,
c'est un peu dans la perspective qui a été mise de l'avant, de bien
accompagner, pour que les personnes puissent faire valoir leurs droits.
Dans le Réseau des CAVAC, on parle
beaucoup de promotion de besoins, hein? On n'est pas là pour défendre des
droits, mais on veut promouvoir les besoins des gens, et le besoin
d'information, de sécurité et de soutien au moment où une personne porte
plainte. Ou que quelqu'un d'autre que cette personne-là a porté plainte, parce
que ça arrive fréquemment que ce n'est pas la personne elle-même qui a appelé
la police. Elle doit être sécurisée, et les liens doivent être faits.
Donc, ce qu'on dit, en fait, c'est qu'on
est d'accord et on veut vraiment embarquer dans ce train, qu'on trouve
excellent, mais c'est clair qu'on doit avoir une vision globale, qui implique
qu'on pense... et on donne les ressources nécessaires pour le faire, parce que
c'est quelque chose de trop gros de jouer avec la sécurité des personnes
victimes.
M. Jolin-Barrette : Vous avez
raison. Peut-être un dernier point avant de céder la parole à mes collègues. Je
pense que... J'ai vu, dans votre mémoire, vous aviez une inquiétude par rapport
à la formation des juges de paix magistrats relativement au fait qu'ils vont
entendre les comparutions, les enquêtes sur remise en liberté. Déjà vous dire
qu'ils doivent... lorsqu'ils soumettent leur candidature pour être juge de paix
magistrats, ils sont assujettis à la loi 92... bien, en fait, le projet de loi
n° 92, la loi sur le tribunal spécialisé, de prendre l'engagement de
suivre les formations. Bien entendu, on va sensibiliser le Conseil de la
magistrature au fait que tous les juges de paix magistrats qui vont présider où
qu'il y a des enquêtes sur remise en liberté soient formés en matière de
violence conjugale.
En terminant, là, peut-être juste... Vous
nous en avez parlé, mais l'impact, là, sur les personnes victimes quand il y a
des arrêts des procédures ou des nolle prosequi, puis ça ne procède pas, là,
c'est extrêmement défavorable pour la dénonciation. Puis les gens voient ça
dans les médias puis ils se disent : Ah! bien, c'est ça, ça ne donne pas
rien d'aller dénoncer, mon dossier ne procédera pas. Puis c'est ce sur quoi on
veut travailler, puis tous les partenaires de la Table Justice en sont
conscients. On a une obligation collective, là. Il ne faut pas que ça...
M. Jolin-Barrette : ...il y en
aura toujours, le moins possible, mais c'est le message qu'on veut envoyer puis
c'est un peu l'objectif du projet loi 54. Mais je ne fais pas plus de
commentaires. Je laisse la parole à mes collègues.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre. Mme la députée de
Charlevoix-Côte-de-Beaupré.
Mme Bourassa : Oui. Merci
beaucoup de votre présence. J'ai apprécié ce que mon collègue ministre a dit.
Effectivement, il faut être créatifs pour trouver des sous ces temps-ci. Mais
justement, l'augmentation du fonds d'aide, de quelle manière est-ce que ça
pourrait concrètement vous donner des outils pour mieux soutenir les victimes?
Est-ce que vous avez déjà quelque chose en tête? Est-ce que c'était quelque
chose de souhaité? J'imagine que oui, là, on veut toujours plus de sous?
Mme Charest (Jenny) : Bien,
en fait, c'est... On voit et on constate l'augmentation, hein. Quand on
parlait, les mesures qui ont été mises en place pour changer la culture, pour
bien informer la population sur les services d'aide, elles fonctionnent. Il y a
eu plusieurs enjeux sociaux aussi, les féminicides, le #moiaussi, on a constaté
différentes choses qui font que les gens vont plus vers les ressources d'aide.
Avant, on avait le défi de faire valoir qu'il existe des services d'aide au
Québec, parce que, combien de fois on a entendu : il n'y a pas d'aide, et
le fait de ne... d'envoyer ce message-là fait en sorte que les gens restent
isolés. Alors, maintenant, on pense que ça va de mieux en mieux. Les gens nous
connaissent, les gens connaissent les autres services d'aide également. Et ça
augmente les demandes.
Donc, qui, finalement, paie, au bout du
compte, si les demandes augmentent et que les ressources ne sont pas là? Ce
sont malheureusement les personnes victimes elles-mêmes, mais également nos
intervenants. Parce que, de dire à quelqu'un : on va pouvoir vous rappeler
dans deux mois pour vous donner un rendez-vous, c'est épouvantable, parce que
c'est de la gestion de détresse tous les jours. Et c'est la même chose chez
nos... chez les personnes qui travaillent auprès des personnes victimes.
La vision, c'est la proactivité, la
vision, c'est une intervention rapide. Parce que ce qu'on constate, c'est quand
on fait ça, ça fait toute la différence pour atténuer, en fait, les
conséquences du crime. L'objectif et la mission des CAVAC, c'est de travailler,
d'agir pour tenter d'atténuer au maximum et d'accompagner dans le processus
judiciaire. Parce que, d'accompagner une personne, ça fait en sorte que
justement, le processus, même s'il n'est pas parfait, même si ce n'est pas
facile, peut devenir une source de réalisation personnelle. Combien de
personnes victimes on voit sortir de la cour la tête haute d'avoir réussi. Un
arrêt Jordan, c'est complètement... la différence, c'est la personne sort avec
une colère extrême, souvent, parce que là, on vient lui enlever du pouvoir sur
sa vie, alors qu'elle pensait et elle croyait dans le système. Parce que
quelqu'un qui va vers le système, qui est accompagné, le comprend mieux et est
prêt à investir. Donc, il y a ce volet-là.
• (12 h 30) •
Alors, augmenter le FAVAC, ça veut dire
que quand on évalue les besoins, on est en mesure d'y répondre. Parce
qu'actuellement on est en mesure d'évaluer les besoins, on a eu quand même
beaucoup de soutien, on ne dit pas qu'il n'y a rien qui se passe, sauf qu'on
estime que les besoins vont aller en augmentant. Le tribunal spécialisé, ce que
ça fait, c'est que ça montre que ça peut marcher. Alors, quand ça peut marcher,
les gens vont vers les services. Alors, les gens, dans les services, veulent
avoir les moyens de le faire. Et d'augmenter le FAVAC, bien, c'est ce que ça
fait.
En fait, le financement, malheureusement,
on parle souvent du nerf de la guerre, je pense que Karine l'a nommé, on est
très créatifs. Mais, en fait, on a le... on a le souci de dire que malgré notre
bonne volonté, on n'y arrive pas toujours. Et ça, je vous dirais qu'on le dit
avec un déchirement, là, parce que les gens qui travaillent dans les CAVAC,
c'est des personnes dévouées. On dit souvent que les personnes ont le CAVAC
tatoué sur le cœur, et c'est vraiment ce qu'on constate, là. Donc, oui,
augmenter le financement ou trouver d'autres sources. Et ça permet aussi de
dire, bien, c'est vrai qu'on croit dans le rétablissement des personnes
victimes, c'est vrai qu'on croit dans les services, qui sont professionnels,
qui existent depuis 35 ans, et qui là sont de plus en plus connus. Alors,
c'est ce que ça va faire, ça va nous permettre d'offrir encore plus de
services.
Mme Bourassa : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député
Saint-Jean, pour 3 min 40 secondes.
M. Lemieux : Oui, M. le
Président. Merci de suivre mon chronomètre comme ça. Bonjour, mesdames, Mme
Charest, Mme Mac Donald. Je veux juste revenir, Mme Charest, vous avez dit tout
à l'heure : Voilà pourquoi ce n'est pas moi qui est porte-parole. Votre
directrice des communications, qui est à l'écran avec vous, va vous le dire,
vous êtes une très bonne porte-parole parce que vous êtes en train de nous
parler avec des mots simples d'une réalité et d'une vérité qui n'est pas
toujours facile là où vous êtes.
C'est là où je veux vous amener
d'ailleurs. Parce que vous avez aussi dit, en commençant, que vous étiez très
contente de l'exercice de la Table Justice, et je voudrais en savoir un peu
plus. C'est relativement nouveau en tout cas, que vous y soyez, là, et puis
qu'on réussit en séquence avec...
12 h 30 (version non révisée)
M. Lemieux : ...le projet de
loi qui suit une table, puis... bon, et je me demandais... Vous êtes
probablement, parmi tous ceux qui sont assis là et avec qui vous discutez, vous
êtes probablement les mieux placés pour être le plus proche possible de la...
la perception du grand public. Malheureusement, le grand public qui s'approche
autant de vous, mais c'est des victimes, alors c'est moins drôle, là, mais vous
êtes relativement neutre là-dedans. Et je me demandais dans tout ce que vous
avez entendu dit, discuté, sans violer de secrets puis sans tirer dans la
chaloupe de mon ministre, ce que vous auriez voulu avoir de plus que ce que la
Table justice n'a pas réussi à attacher, parce qu'il y a quand même un minimum
de consensus puis de gros bon sens là-dedans, là.
Mme Charest (Jenny) : Mais en
fait, je pense que le fait d'inviter les services d'aide à cette table-là, ça a
donné une voix et... aux personnes victimes parce que comme vous le dites, nous
on parle on constate des choses, et c'est les constats qu'on amène. Tu sais, il
y a plusieurs éléments qui... qui apparaissent nouveaux pour plusieurs, mais
pour nous, ce n'est pas nouveau'est ce qu'on entend et ce qu'on voit dans nos
bureaux depuis des années. Donc, est-ce que... qu'est-ce qui resterait à
attacher? J'ai envie de vous dire, c'est de poursuivre dans cette vision-là,
parce que notre notre volonté, c'est de s'assurer que les services d'aide
soient toujours impliqués et intégrés dans les réflexions, dans les choix de
mesures et qu'on intègre. En fait, on veut faire en sorte que tout soit attaché,
et je pense que c'est ça l'objectif de la justice. Je pense que ça doit se
poursuivre parce que chacun des acteurs de la Table justice est à apprendre à
se connaître aussi, et de pouvoir parler à des juges, de pouvoir parler avec
les procureurs, de pouvoir parler avec des gens de la probation, des détentions,
ça permet de se connaître, ça permet d'amener des éléments, des exemples comme
vous le dites, pour faire avancer les choses. Mais... et ce qu'on voit, c'est
ça donne lieu à un projet de loi, ça donne lieu à un plan d'action qui est
quand même ambitieux. Et ce qu'on se dit, c'est qu'il faut vraiment que tout le
monde s'assoie et comprenne la réalité de chacun pour faire en sorte que ce
plan-là soit bien... soit... soit une réussite.
M. Lemieux : Mon temps est
écoulé, mais je suis content de votre enthousiasme après l'exercice, et
j'espère que vous êtes aussi contentes du projet de loi, et c'est la grâce que
je nous souhaite pour la suite des choses. Merci, mesdames.
Le Président (M. Bachand) :
Merci, M. le député de Saint-Jean. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Bonjour, Mme Charest, Mme Mac Donald. Merci pour votre
mémoire. Merci pour votre témoignage devant la commission aujourd'hui.
J'ai eu moi-même la chance d'aller
rencontrer le CAVAC à Drummondville, puis on a visité le palais de justice, et
effectivement, je vous confirme que vous avez là des gens enthousiastes et
dévoués, et c'est très rafraîchissant de... de voir ça. Si vous permettez, j'aurais...
j'aurais quelques questions pour vous en rapport avec le mémoire que vous nous
avez... vous nous avez envoyé.
À la page 9 de votre mémoire, à 6.2,
vous parlez de l'article 21 pour... qui... du projet de loi qui va prévoir
un mode de confiscation administratif afin de dégager les tribunaux de la
confiscation d'un bien d'une valeur de 100 000 $. Mais vous dites un peu
plus loin qu'en lien avec l'article 31 : De même, ne serait-il pas
pertinent de revoir le partage de ce type de biens? Pouvez-vous élaborer
davantage là-dessus, s'il vous plaît?
Mme Charest (Jenny) : Oui.
Bien, en fait, c'est une question qu'on se pose parce que, ce qu'on... ce qu'on
comprend, c'est qu'il y a à peu près un 25 % des produits de la
criminalité qui vont dans le Fonds d'aide aux personnes victimes, mais le Fonds
d'aide aux victimes, mais le Réseau des CAVAC dit toujours «personne victime»
parce qu'avant une victime il y a une personne, et c'est ce sur quoi on
travaille. Alors, on s'est questionné en se disant : Est-ce que le fait de
mettre en place un nouveau projet de loi peut faire en sorte que ce soit un bon
moment pour réfléchir à comment on départage les produits de la criminalité
pour faire en sorte que, justement, les services d'aide aux personnes victimes
soient soutenus pour mieux soutenir les personnes victimes. Tout ça, dans notre
tête, c'est comme au bénéfice des personnes victimes. Est-ce qu'il y aurait moyen
aussi d'aller revoir cet aspect-là? Est-ce qu'on a des recommandations
officielles? Non, mais on s'est posé la question en se disant : Comme ce
sont des produits de la criminalité, la criminalité cause... les crimes causent
des victimes et comme société, on veut les soutenir. Alors, est-ce qu'il y a
une possibilité ou une perspective de revoir?
M. Morin : Je comprends que
vous avez dit qu'il y a 25 % des produits de la criminalité...
M. Morin : ...qui vont
aux victimes. Est-ce qu'il y aurait lieu d'augmenter ce pourcentage-là? Et
puis, une fois que... Oui, allez-y. Je vous écoute.
Mme Charest (Jenny) : Bien,
je crois que c'est... c'est certain qu'on aimerait que ce pourcentage-là soit
augmenté, mais ça demande quand même une analyse. Parce qu'on ne dit pas qu'il
y a seulement 25 % qui vont aux personnes victimes parce que les... les
organismes qui sont financés, les services policiers, les mesures de prévention
peuvent aussi avoir un impact sur les personnes victimes. Mais on est à chercher
des façons de mieux soutenir l'aide aux victimes au Québec parce que l'aide aux
victimes fonctionne de mieux en mieux. Alors, c'est aussi une façon. Donc, oui,
s'il y a une possibilité, mais on ne dit pas de le faire sans faire une analyse
préalable. Ce n'est pas du tout notre... notre suggestion, là.
M. Morin : Je vous... Je
vous remercie. L'autre élément sur lequel j'aimerais avoir votre... vous
pourriez partager votre expertise, et vous en avez parlé un peu avec... avec M.
le ministre, mais c'est l'importance pour vous d'avoir accès à l'information.
Mais rapidement. Et je note qu'à la page 10 de votre mémoire, vous
soulevez des problématiques en lien avec des difficultés technologiques pour
avoir accès à de l'information. Est-ce que vous pouvez préciser davantage?
Peut-être nous donner des exemples concrets. Puis avez-vous des pistes de
solution pour nous?
Mme Charest (Jenny) : En
fait, il y a toutes sortes d'avancées technologiques qui se font actuellement.
Il y a beaucoup de travaux qui se font pour améliorer les outils technologiques
et du ministère de la Justice, et des CAVAC, et du DPCP, et des greffes, mais,
en fait, c'est... En temps opportun, on n'a pas toujours la capacité d'avoir
accès à l'information et on doit voir comment mieux arrimer les choses. Et ce
qu'on dit, en fait, c'est qu'on doit s'assurer que ces travaux-là soient
avancés pour qu'on ait l'accès. Actuellement, on n'a pas nécessairement, pas
dans tous les programmes d'information, un accès direct à l'information, un accès
informatique. Et parfois on doit aller chercher de l'information. Et ça, ça
fait en sorte que c'est du temps qu'on n'a pas pour une intervention. Mais j'ai
envie de dire qu'on voit qu'il y a beaucoup de changements actuellement qui...
qui se passent, il y a beaucoup de travaux qui se passent, mais on a le souci
de s'assurer, avant de prendre un mandat qui va nous... nous amener à être
responsable de la sécurité de personnes victimes d'avoir la certitude d'avoir
ces accès-là.
• (12 h 40) •
Je vous dirais que ça fait plusieurs
années qu'on travaille à vouloir trouver des façons. Ce n'est pas simple. Il y
a différents... Les acteurs ont chacun, hein, leur mécanisme, leur accès à
l'information, alors, comment on les partage. Actuellement, il y a des travaux
qui se font au provincial avec la direction des poursuites criminelles et
pénales, les CAVAC, le ministère de la Justice, pour voir aussi comment on peut
mieux partager tout ça dans le respect des lois, mais pour le bien être et le
bénéfice des personnes victimes. Alors, avant de pouvoir faire un mandat
comme celui-là, il faut qu'on soit certains d'avoir les accès parce qu'on ne
les a pas toujours et on ne peut pas, s'il y a des pôles un peu partout au
Québec, sans avoir l'accès rapidement, faire ce travail-là. Et en fait, on a
envie de dire que quand on fait un travail, on a des professionnels, on veut
s'assurer qu'on fait bien le travail parce qu'on a trop à cœur le bien-être et
la sécurité des personnes victimes.
M. Morin : Écoutez, je
vous comprends, puis vous l'avez... vous l'avez évoqué vous-même, c'est sûr,
par exemple, en niveau... au niveau de la charte des droits des victimes, donc,
qui est incluse entre autres dans le Code criminel, là, si quelqu'un est remis
en liberté avec des conditions, bien, pour vous, ça devient hyperimportant
d'avoir les conditions puis d'être capables d'en informer la victime, puis de
dialoguer avec elle. Donc, je comprends que ça, là, ce document-là, qui est
hyperimportant, vous, vous ne l'avez pas toujours automatiquement ou
rapidement. Puis, si vous ne l'avez pas, qu'est-ce qui bloque? Qu'est-ce qu'on
peut faire pour vous aider?
Mme Charest (Jenny) : Bien,
je pense qu'il doit y avoir des liens qui se font entre les différentes
structures, entre les différentes plateformes, et on sent une volonté de le
faire. Et je pense qu'on voit, je dirais, une certaine lumière au bout du
tunnel. Parce que l'accès à l'information, c'est complexe. Parce que, oui, il y
a des éléments qu'on ne peut pas partager, il y a des... Tu sais, chaque acteur
a ses contraintes aussi, et on est à travailler, à faire en sorte de trouver
des façons de faire pour que ça fonctionne mieux, pour qu'il y ait des ententes
officielles avec chacun des acteurs. Mais ce qu'on veut, en...
Mme Charest (Jenny) : ...c'est
de savoir qu'avant de mettre en place quelque chose, ces accès-là sont réglés,
que ces... ces travaux-là, préalables, soient finalisés pour que, si on a à
faire un mandat de cette ampleur-là, qu'on puisse le faire, parce que si on
avait un accès direct à... ça ferait toute la différence. Parfois, on a accès
aussi, puis on peut avoir des accès, mais les informations ne sont pas toujours
à jour, selon les régions. Il y a plein... Et ce n'est pas un manque de volonté
des acteurs, loin de là, mais c'est toutes sortes d'enjeux autres. Alors, il
faut trouver des façons que les choses... que l'information se communique plus
facilement.
M. Morin : Mais
corrigez-moi si je fais erreur, mais, tu sais, on parlait, là, d'un cas concret,
par exemple, les conditions pour remise en liberté, là. Bien, en vertu du Code
criminel, ça se fait à la cour. Le juge de paix est là, l'accusé est là, les
parties sont là, puis ils remplissent un document, puis c'est public. Ça fait
que, qu'est ce qui fait que vous ne l'avez pas tout de suite? Je comprends que,
dans les hôpitaux, il y a encore des fax, là, mais... Mais dans le milieu de la
justice, il y en a un peu moins, là. Ça fait que pourquoi vous n'êtes pas
capables d'avoir accès, par exemple, à la fin de la journée, là, numérisation
des documents puis... ou même un accès... un accès direct. J'ai de la misère à
comprendre comment ça se fait que vous ne l'ayez pas maintenant parce que c'est
un document qui est tellement fondamental. Si quelqu'un est remis en liberté,
ça arrive, là, avec des conditions strictes, puis il y a, entre autres, une
condition de ne pas s'approcher de la victime, rencontrer la victime, être en
contact avec la victime. Puis là, vous, vous avez la victime. Bien, c'est
fondamental. Puis c'est votre mandat. Donc, c'est fondamental que vous ayez ça
illico, rapidement et immédiatement. Ça fait que comment ça se fait que ça ne
fonctionne pas comme ça?
Mme Charest (Jenny) : Parce
que les documents ne sont pas nécessairement toujours déposés rapidement. Et
c'est... Il y a plein d'éléments de réponse à votre question, en fait. Chaque
région est différente aussi. Il y a des régions où les personnes arrivent à
avoir l'information tout de suite. Mais quand on parle de régions à gros volume,
on n'est pas du tout dans cette perspective-là parce qu'il y a plein d'éléments
qui font en sorte que l'information n'est pas accessible au moment où elle
sort. Il faut trouver la façon d'aller la chercher, mais c'est justement ce
qu'on essaie de faire pour avoir un accès direct. Mais il faut s'assurer que
les choses sont déposées, que l'information, elle est au bon endroit. Si on
parle des comparutions de fin de semaine, jours fériés ou soir, bien, il y a...
c'est un peu nos préoccupations. On veut s'assurer qu'on va l'avoir,
l'information, et très rapidement.
Le Président
(M. Bachand) :Merci beaucoup. Merci
beaucoup. Merci infiniment. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, s'il vous
plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Et merci pour votre travail au quotidien, évidemment. Et merci pour
ce que vous faites pour les personnes victimes. C'est... c'est essentiel. Je
reviens sur un point. À 6.2, là, vous nous parlez d'une préoccupation relative
à la santé financière du FAVAC. Vous en parlez, vous en avez parlé aussi dans
votre témoignage. J'aimerais ça vous entendre un petit peu là-dessus. Vous
dites qu'il y a un... une augmentation des délais des demandes. On n'est pas
capable de répondre à tous les besoins. M. le ministre vous a dit qu'il
cherchait des sources de revenus. Mais est-ce que vous demeurez inquiète quand
même? Est ce qu'aujourd'hui le message que vous nous dites, c'est : Faites
attention, il y a un risque, ici, là?
Mme Charest (Jenny) : Le
message qu'on vous dit, c'est oui. Ce projet de loi est excellent parce qu'il
cherche des solutions. En fait, ce qu'on constate, c'est que le ministre
cherche des solutions en déposant un projet de loi comme celui-là. Nous, on le
salue vraiment parce que cette problématique-là, des surdemandes, qui a fait
baisser les fonds est très problématique parce qu'en fait on doit dire que les
financements de base n'ont pas diminué. Mais ce qu'on constate, c'est que la
demande augmente parce qu'il y a quand même eu beaucoup d'augmentation. On ne dit
pas que le financement n'a pas été augmenté, n'a pas été revu ou ne répond pas
entièrement. C'est que ce qu'on constate, c'est que les augmentations de
demandes font en sorte que, malgré le fait qu'on est soutenus, maintenant, on
n'arrive plus à faire exactement ce qu'on voudrait faire dans un service de
qualité, comme on le sait, va faire la différence.
On continue quand même d'offrir des
services, on continue de trouver toutes sortes de façons. Alors, oui, ce
financement-là, il est important. Mais il y a également de voir est-ce que
d'autres financements pourraient être possibles? Le fonds d'aide, s'il n'est
plus suffisant, on ne voudrait pas, dans quelques années, se retrouver qu'il
n'y a plus d'argent, on n'offre plus de services d'aide, alors que ça fait
35 ans qu'il y a une expertise et qu'il y a plusieurs autres services qui
existent. Là, on parle des CAVAC aujourd'hui parce qu'on parle de notre
réalité, mais on le constate aussi, là, d'autres... Les autres ressources aussi
se retrouvent un peu débordées. Et le terme «liste d'attente» n'était pas un
terme qu'on entendait. Je suis là depuis plusieurs années, Karine encore plus
que moi, et «liste d'attente», Karine, c'est... on avait... on n'avait jamais
vu ça avant.
Mme Mac Donald (Karine) : Non.
C'est nouveau des... d'à peu près huit... six, huit ans, je crois. Mais, moi,
ça fait 20 ans que je suis dans le réseau. On pouvait offrir des services
très rapidement aux personnes victimes...
Mme Mac Donald (Karine) : ...puis,
on le sait, la recherche le dit, si la personne réussit à recevoir des services
dans moins d'un mois suite à l'acte criminel, il va y avoir beaucoup moins de
chances qu'elle développe un stress post-traumatique, ce qu'on n'est pas en
mesure de faire en ce moment. Donc, c'est... quand on parle de services de
qualité, c'est ça qu'on n'est plus capables de faire. Donc, en ayant plus de
ressources, plus de financement, on serait en mesure d'offrir un très bon
service.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député, oui.
M. Cliche-Rivard : ...je vous
laisse sur un deuxième point. Pour l'article 37, là, puis l'élargissement de la
compétence des juges, vous parlez d'enjeux de sécurité majeurs. J'aimerais ça,
vous entendre sur c'est quoi, les enjeux de sécurité majeurs.
Le Président (M.
Bachand) :En quelques secondes. Le temps
file. Merci.
Mme Charest (Jenny) : Parfait.
En fait, de ne pas informer une personne de la libération d'un auteur de
violence, ou de violence sexuelle, ou violence conjugale, entre autres, bien,
ça peut se terminer par un décès, si vous voulez que je sois très courte, ou
par le fait que la personne va être victimisée à nouveau, et la personne qui
est en attente doit avoir... Le travail qu'on doit faire comme intervenants,
comme service d'aide, c'est d'assurer la sécurité de cette personne-là, de
mettre autour d'elle un filet de sécurité. Je dis «elle» parce qu'on parle des
personnes victimes, c'est en majorité des femmes, mais autour d'eux, je devrais
plutôt dire, là, eux et elles, et ne pas le faire, c'est comme un peu garder la
personne isolée. Je vous dirais, j'ai déjà...
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Mme Charest.
Désolé, je dois céder la parole à la députée de Vaudreuil. Mme la députée de
Vaudreuil, s'il vous plaît.
Mme Nichols : Merci. Merci,
M. le Président. Alors, bien, à mon tour, mesdames, de vous réitérer, là,
l'importance de la CAVAC... du CAVAC, du centre d'aide aux victimes d'actes
criminels. J'ai travaillé avec la CAVAC en tant qu'avocate en droit familial
pendant de nombreuses années. Maintenant, comme députés, bien, évidemment, on
les réfère aussi à... on les réfère chez vous. Votre mission de servir
gratuitement et confidentiellement, là, les citoyens dans le besoin est un
service essentiel. Donc, comme mes collègues, je vous réitère que vous faites
un excellent travail. Vous le transmettrez à l'ensemble des gens qui vous
entourent.
• (12 h 50) •
Je reviens rapidement aussi sur les enjeux
de sécurité dont vous parliez. On les comprend. Puis vous en parlez aussi, là,
dans l'article 37, vous en avez parlé aussi à mes collègues. Dans le fond, ce
qu'on comprend, là, le défi, c'est de relayer l'information afin que
l'information vous revienne. Est-ce que vous n'avez pas, concrètement, une idée
à soumettre? Parce que vous dites que le ministre travaille justement dans ce
sens-là. Vous n'avez pas une idée à soumettre concrètement, un moyen de
notification justement pour aider les victimes, ou parce que vous, vous allez
le dire aux victimes, enfin, à ceux avec qui vous travaillez, un moyen de
notification rapide?
Mme Charest (Jenny) : Bien,
il y a... Oui, il y a différentes mesures qui sont à se mettre en place, oui,
justement, que la notification entre rapidement, que toutes les... on a parlé
des conditions, qu'on les reçoive rapidement, qu'il y ait des liens directs.
Mme Nichols : Je m'excuse de
vous interrompre, mais présentement vous recevez la notification, vous êtes
informés dans environ quel délai?
Mme Charest (Jenny) : Ça
dépend des régions. En fait, ça dépend des régions, et la problématique, elle
est souvent liée au volume. Donc... Mais... Et on parlait de créativité, hein.
Chaque région trouve aussi des modes pour être encore plus créative pour avoir
accès à l'information, puis le fait d'avoir de très bons liens avec les acteurs
judiciaires nous permet d'avoir l'information. On est en lien avec les
procureurs de façon quotidienne et on peut l'avoir, l'information aussi.
Parfois, on doit aller la chercher, pour toutes sortes de raisons. Le greffe va
mettre l'information, mais elle n'est pas nécessairement à jour le jour même.
Donc, quand on parle de sécurité maximale,
ou en tout cas d'une personne qui est en danger, c'est là où on a beaucoup de
craintes, et parfois il y a des régions où on n'est pas en mesure de le faire
le jour même ou les jours suivants, ça peut aller quelques jours avant qu'on
puisse informer une personne de ce qui se passe. On parlait tantôt de c'est
quoi, les impacts. On a déjà eu une personne qui avait été victime de violence
sexuelle qui a rencontré son agresseur à l'épicerie. Cette personne-là a été en
état de stress post-traumatique, tout est revenu, et c'est un peu... on repart
toute l'intervention qui avait été faite. Et son sentiment de confiance, il
était nul, parce qu'on n'avait pas réussi à rejoindre cette personne-là. Ce
n'était pas parce qu'on n'avait pas eu accès à l'information, il y avait des
éléments autres. Mais ça nous montre à quel point ce n'est pas banal de ne pas
informer quelqu'un.
Mme Nichols : Bon.
Définitivement, il faut trouver une solution pour faire mieux. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Donc, Mme
Charest, Mme Mac Donald, merci beaucoup d'avoir été avec nous aujourd'hui, très
apprécié. Puis, à mon tour, puis j'aurais un paquet de témoignages à vous
donner, mais merci pour le travail des CAVAC au Québec, vous faites un travail
merveilleux. Merci beaucoup.
Alors, cela dit, la commission suspend ses
travaux jusqu'à 15 h 50. Tantôt!
(Suspension de la séance à 12 h 53)
15 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 15 h 51)
Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des institutions
reprend ses travaux. Nous poursuivons donc les consultations particulières et
auditions publiques sur le projet de loi n° 54, Loi donnant suite à la
Table Justice-Québec en vue de réduire les délais en matière criminelle et
pénale et visant à rendre l'administration de la justice plus performante.
Cet après-midi, nous allons entendre l'Association
du Barreau canadien, division du Québec, mais d'abord, on a le privilège d'avoir
les représentants et représentantes de l'Association québécoise des avocats et
avocates de la défense. Ce n'est pas une première à la Commission des
institutions, d'ailleurs. Alors donc, merci beaucoup d'être avec nous. Alors,
je vous invite à vous présenter et à débuter votre présentation. Merci.
Mme Boulet (Marie-Pier) : Bonjour
à tous. Alors, Marie-Pier Boulet, présidente de l'AQAAD, qui sera le diminutif
que j'utiliserai pour présenter l'association... Me Benoit, qui m'accompagne,
Me Jean-François Benoit, qui est le président du comité projet de loi que nous
formons au sein de l'association.
Alors, sans plus tarder, j'imagine que
vous souhaitez que j'enchaîne avec la présentation? Alors, l'AQAAD est une
association qui est fondée en 1995 et qui représente plus de 650 avocats
et avocates qui oeuvrent en défense, en droit criminel et pénal, partout au
Québec. Le volet de notre mission, qui consiste à défendre les droits et
libertés des justiciables, a amené l'AQAAD à agir dans... à plusieurs reprises,
pardon, comme intervenante dans des dossiers devant la Cour d'appel du Québec
et la Cour suprême du Canada. Les membres de l'AQAAD représentent des milliers
de justiciables devant les tribunaux du Québec, notamment les cours municipales
de la province. Comme ils agissent en défense, leur expérience, aux avocats de
l'association, se rapproche beaucoup de celle de tout justiciable devant les
cours de justice.
L'AQAAD vous remercie. Elle remercie la
Commission des institutions pour l'invitation. Notre intervention aujourd'hui
vise à souligner les avancées les plus importantes, selon nous, du projet de
loi et surtout vous faire part de notre expérience terrain. Nous sommes en
mesure d'anticiper les effets du projet de loi dans la pratique et donc, dans
une certaine mesure, de pouvoir déjà en mesurer l'efficacité. Nous vous ferons
par des propositions d'amendement et partagerons avec vous certaines
inquiétudes à l'égard du projet de loi. Et je cède donc immédiatement la parole
à Me Benoit...
M. Benoit (Jean-François) : ...Merci.
Donc, d'entrée de jeu, l'ACAAD appuie les modifications proposées au Code de la
procédure pénale qui permettent un allègement de certaines règles de preuve,
dont la preuve documentaire jointe au rapport d'infraction, soit
l'article 2, ou des extraits de registre public, soit l'article 3 du
projet de loi. L'ACAAD est aussi en accord avec le fait que le juge puisse
rendre un jugement par défaut en son cabinet, l'article 6 du projet de
loi. Ces modifications permettront des audiences moins longues, de réduire le
nombre de témoins, tout en préservant l'équité procédurale. Les jugements par
défaut en cabinet libéreront des salles... pardon, les employés du greffe et
les poursuivants.
La seule réserve de l'ACAAD touche le
premier alinéa projeté de l'article 191.01. Ce dernier prévoit que,
lorsque le défendeur ne se présente pas pour l'instruction, après avoir été
régulièrement convoqué, que toute preuve pertinente qui offre des garanties
raisonnables de fiabilité est admissible, notamment la preuve documentaire et
les dépositions écrites des témoins. La rédaction proposée rend admissibles des
éléments de preuve qui n'auraient pas pu légalement être admis en preuve par
témoignage en raison d'autres règles de preuve telles que celles prohibant le
ouï-dire. Ainsi, nous proposons de limiter la preuve par déposition écrite des
témoins aux éléments sur lesquels ils auraient pu témoigner en conformité avec
les autres règles de preuve. Cette proposition permettra d'atteindre l'objectif
de simplifier les audiences et l'administration de la preuve, sans pour autant
rend admissibles des éléments de preuve par ailleurs inadmissibles en vertu des
autres règles. L'efficacité sera préservée, et l'équité du procès assurée.
Le projet de loi modifie l'annexe V de la
Loi sur les tribunaux judiciaires qui énonce les attributions des juges de paix
magistrats, que je vais nommer les JPM pour les fins de l'élocution. Cette
modification leur donne plus de pouvoir afin de libérer les juges de la Cour du
Québec de certaines tâches. D'entrée de jeu, nous tenons à mentionner que les
JPM sont des juristes compétents soumis aux mêmes règles de sélection que les
juges de la Cour du Québec et qu'ils bénéficient des mêmes garanties d'inamovibilité
et d'indépendance. Ils utilisent déjà leur discrétion judiciaire lors de
l'émission de mandats et lors de nombreux procès pénaux qu'ils entendent.
Essentiellement, le projet de loi prévoit que les juges de paix magistrats
aient les mêmes attributions que les juges de la Cour du Québec, sauf que les
JPM ne pourront pas présider de procès, et ce, peu importe le mode de
poursuite. Les JPM pourront accepter des plaidoyers de culpabilité, mais ne
pourront sentencer que les infractions poursuivies par voie sommaire. Donc, ils
ne pourront pas le faire pour les actes criminels. Les JPM pourront accepter
des renvois à procès de consentement que si aucune preuve n'a été présentée.
Les JPM ne pourront pas présider d'enquête préliminaire.
L'objectif est louable, mais nous sommes
d'opinion qu'en pratique l'effet risque d'être plutôt limité et même
contre-productif. Nous concevons difficilement comment la gestion des rôles
dans les palais de justice permettra d'avoir recours efficacement aux nouvelles
attributions des juges de paix magistrats. Nous croyons pertinent de vous
partager notre expérience terrain sur ce point.
Il faut comprendre que les... que seuls
les rôles des cours municipales sont composés uniquement de dossiers poursuivis
par voie sommaire, et que les rôles de la Cour du Québec sont composés de
dossiers poursuivis par voie sommaire et aussi de dossiers poursuivis par actes
criminels. Ces dossiers sont donc appelés dans la même salle et devant les
mêmes juges. De plus, dans les plus petits palais, il n'y a souvent qu'une
salle de cour ouverte, et conséquemment le juge doit entendre l'ensemble des
dossiers qui y sont prévus peu importe le stade des procédures et peu importe
le mode de poursuite. Sur le même rôle, il y a des comparutions, des enquêtes
sur mise en liberté, des enquêtes préliminaires, des sentences et des procès.
Il est donc important que le juge ait l'ensemble des pouvoirs requis pour
écouler le rôle. Les attributions projetées des JPM ne leur permettront pas de
siéger efficacement.
Dans les plus grands palais. Il n'y a
habituellement une salle à volume qui traite les comparutions, les pro forma,
les plaidoyers de culpabilité avec suggestions communes ou contestées qui
nécessitent de courtes représentations. Les attributions des juges de paix
magistrats ne leur permettront pas de siéger efficacement puisqu'ils ne
pourront pas sentencer les accusés par actes criminels. Toujours dans les plus
grands palais, les enquêtes sur la mise en liberté, les enquêtes préliminaires,
les sentences contestées et les procès se retrouvent dans les autres salles,
mais sur un rôle qui comporte tous ces types de... de dossiers. Il est donc
impératif que le juge ait l'ensemble des pouvoirs requis pour écouler le rôle.
Or, les juges de paix magistrats ne pourront pas le faire efficacement.
Seuls quelques palais, à notre
connaissance Montréal et Québec, ont un volume suffisant de dossiers.
M. Benoit (Jean-François) : ...avoir
une salle réservée aux enquêtes sur mises en liberté. Les attributions projetées
des JPM leur permettront de traiter presque tous les dossiers dans cette salle,
mais ils ne pourront pas accepter, encore une fois, de plaidoyers et sentencier
un accusé poursuivi par acte criminel, ce qui nécessitera un changement de
salle ou un changement de juge.
Quant aux rôles de fin de semaine, ils
sont composés de dossiers au stade de la comparution ou de l'enquête sur mise
en liberté. Les attributions projetées des... JPM, pardon, ne leur permettront
pas de traiter l'ensemble des dossiers, puisqu'ils ne pourront pas, encore une
fois, accepter des plaidoyers et sentencier un accusé poursuivi par acte
criminel qui désire plaider coupable à ce stade des procédures. Ainsi, un
accusé arrêté le vendredi qui comparaît pour un acte criminel et qui désire
disposer de son dossier, même avec une suggestion commune ne comportant pas de
détention, ne pourra pas le faire. Conséquemment, ces dossiers devraient être
renvoyés devant un juge de la Cour de Québec, sollicitant les employés du
greffe et en retardant indûment la mise en liberté possiblement de quelques
jours, jusqu'à tant que le dossier se retrouve devant un juge de la Cour du
Québec.
Ainsi, les gains escomptés ne se
concrétiseront pas. Nous envisageons même que cela aura pour effet de nuire au
bon déroulement des audiences en forçant des suspensions, des transferts de
dossiers entre salles, des changements de juges en cours de journée et des
remises inutiles de dossiers. Nous envisageons même des détentions prolongées.
Nous sommes d'opinion que l'objectif de
rendre l'administration de la justice plus performante serait atteint si les
juges de paix magistrats devenaient des juges de la Cour du Québec à part
entière. Cette proposition permettrait un meilleur déploiement des ressources
judiciaires en augmentant leur flexibilité ainsi pour mieux répondre aux
besoins du système de justice.
• (16 heures) •
Nous devinons que cela implique un
investissement, puisque les salaires des JPM sont inférieurs à ceux des juges
de la Cour du Québec, mais nous croyons que les gains justifient cet
investissement. Il faut aussi considérer que le projet de loi comporte des
coûts cachés : reports inutiles de dossiers, suspensions d'audience,
transferts de salles, retards de mise en liberté des citoyens. Cela augmente également
les vacances à la cour des témoins, des victimes, des intervenants, des
procureurs et des avocats. Sans oublier qu'il est à prévoir un réajustement
salarial des juges de paix magistrats, puisque leur attribution sera étendue
par le projet de loi et qu'elle sera... et que leurs pouvoirs se rapprocheront
de ceux des juges de la Cour du Québec.
S'il est de votre intention de maintenir
une différence entre les attributions des juges de paix magistrats et les juges
de la Cour du Québec, nous suggérons que les attributions soient définies pour
simplifier l'administration dans les palais. Donc, nous proposons,
subsidiairement, de permettre aux juges de paix magistrats de présider des enquêtes
préliminaires, de... excusez-moi, d'ordonner aux prévenus de subir leurs procès
avec consentement. Donnez-moi une petite seconde, si vous permettez. Bien, je
vais céder la parole à ma collègue, mon temps est écoulé, donc je lui cède la
parole.
Le Président (M.
Bachand) :Votre micro est fermé, maître.
Mme Boulet (Marie-Pier) : J'allais
dire : Il restait un seul point, je pense qu'il est important :
recevoir des plaidoyers de culpabilité et procéder à la sentence, peu importe
le mode de poursuite, pour ce qui est de définir les pouvoirs du juge de paix
magistrats. J'enchaîne rapidement avec les commentaires, nos commentaires sur
les articles 12 et suivants, c'est-à-dire le volet qui concerne la Loi sur la
confiscation, administration et affectation des produits. Simplement, nos
commentaires ressemblent grandement, peut-être, à ceux que le Barreau du Québec
a soumis, c'est-à-dire que l'article premier de la loi prévoit que la
confiscation civile vise, là, la confiscation de biens provenant d'activités
illégales. Le texte actuel, justement, limite l'application de la loi aux
activités qui sont visées par le Code criminel et un peu étendu à la loi sur
certaines drogues et autres substances, loi sur le cannabis, etc. Par contre,
et de plus, le présent... pardon, texte de loi, c'est-à-dire l'article sept
actuel, prévoit des mécanismes permettant au tribunal de protéger les tiers de
bonne foi, pour les qualifier ainsi, et toujours dans ce même article 7, qui
prévoit également la mise en œuvre de l'objet de la loi via le critère de
l'enrichissement. Ainsi, la confiscation vise les produits ou les instruments
susceptibles d'enrichir illégalement l'auteur ou le bénéficiaire et les prive
de cet enrichissement. Le projet de loi ne modifie pas l'objet de la loi, mais
retire tous les éléments qui permettaient d'atteindre cet objectif. Alors, nous
suggérons de...
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Alors, on est
rendus à la... Merci beaucoup, hein, désolé, le temps file rapidement. Alors,
M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Me Boulet, Me Benoit, merci de participer aux travaux
de la commission parlementaire...
16 h (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : ...je
vous remercie également d'avoir participé au... bien, aux travaux de la Table
Justice Québec et du plan d'action également, qu'on a pu arriver ensemble avec
tous les partenaires justice. Je pense que c'était important que les avocats de
la défense soient autour de la table également. On a vu, je pense, puis vous
pourrez le confirmer, mais je pense, le fait que d'être assis ici avec... à la
même table, avec le poursuivant, avec le DPCP, bien, ça va permettre justement
aux avocats de la défense, au DPCP d'avoir des canaux de communication encore
plus ouverts. Je pense que vous allez avoir des réunions également à... prévues
à... certaines statutaires, si je pourrais dire, justement, pour faciliter le
tout. Puis je pense que, dans le système de justice, si les différents
intervenants peuvent se parler d'une façon plus soutenue, plus adéquate pour
trouver des façons que ça fonctionne mieux, à la fois pour les avocats de la
pratique privée en défense, les procureurs aux poursuites criminelles et
pénales, vos clients, les victimes, c'est au bénéfice de tout le monde. Alors,
je tiens à vous remercier d'avoir participé à la Table Justice, puis au plan d'action
également.
Peut-être un point à éclaircir. Je pense
que c'est vous, Me Benoit, tantôt qui en parlait, là. Sur la question du
ouï-dire, là, au début, vous nous avez dit : Bon, on est en accord avec le
fait que le régime de preuve permet désormais de déposer les documents.
Cependant, on ne veut pas que la preuve qu'il faut déposer autrement n'aurait
pas été admissible. Pouvez-vous juste nous expliquer davantage ce volet-là, là,
de votre intervention?
M. Benoit (Jean-François) : Oui.
Bon, ça serait sur la...
M. Jolin-Barrette : ...nous
donner un exemple.
M. Benoit (Jean-François) : Oui.
Bien, ça serait sur la discussion qui permet le dépôt des dépositions écrites
des témoins. Parce que souvent, on le voit même dans les tribunaux, lorsque les
gens témoignent, ils ont le réflexe de dire : Oui, mais lui, il m'a dit
ça, ou je ne l'ai pas vu, mais lui, il m'a dit ça puis c'est comme ça. Ça fait
que ce genre d'information là, qui se trouve déjà dans les témoignages à la
cour, risque de se retrouver dans les déclarations écrites. On le voit déjà
régulièrement dans les déclarations. Donc, l'objectif n'est pas d'empêcher le
dépôt de ces dépositions-là, mais c'est que le juge, dans son analyse de la
preuve documentaire, fasse abstraction des éléments qui sont du ouï-dire, donc,
que le témoin n'a pas pris ou n'a pas eu connaissance directement par ses sens,
tout simplement.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Parce que, normalement, s'il y avait eu un dossier où les personnes physiques
auraient été présentes, vous vous seriez objecté à cette preuve-là parce que,
bon, ce n'est pas lui qui l'a constaté. Puis c'est, supposons, Roger m'a dit qu'il
a vu Ginette faire ça.
M. Benoit (Jean-François) : L'homme
qui a vu l'ours, effectivement. Ça fait qu'en réalité c'est ça le problème,
parce qu'on ne peut pas... C'est un des problèmes, c'est une règle qui est
répandue, autant pénal et... pénal, criminel. Donc, je pense que c'est
important de le préciser. Et ça ne limite pas vraiment la portée du projet de
loi. Donc, on va quand même pouvoir déposer les dépositions des témoins. C'est
juste que le juge ne tiendra pas en considération les éléments qui sont du
ouï-dire.
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Peut-être plus largement, là, on a pris acte de vos commentaires sur... sur le
projet de loi. Sur Table Justice, les mesures un peu que... Pour informer, là,
les gens, là, qui nous écoutent, les mesures prônées par les avocats... les
associations d'avocats de la défense. Comment vous entrevoyez ça, les
mesures... la mise en place des mesures, là, sur lesquelles vous êtes
partenaires?
Mme Boulet (Marie-Pier) : Je
vous dirais, sur lesquelles nous sommes partenaires, M. le ministre,
principalement... Vous parliez tout à l'heure des rencontres, là, statutaires
avec le DPCP. Je peux vous dire que, déjà, il y en a une. Alors, nous avons été
particulièrement proactifs en la matière, et ça nous a amenés même à créer d'autres
projets, là, complémentaires à ceux qui étaient déjà prévus dans la Table
Justice. Pour notre part, on était évidemment partenaires dans le sens où on va
collaborer aux mesures. Là, vous vous souviendrez, celles relativement aux
enquêtes préliminaires hors cour. C'est une pratique pour laquelle nous étions
déjà des partenaires, où nous contribuons. Et nous faisons des demandes en ce
sens-là. Et l'objectif actuel est que ce soit une pratique qui soit étendue.
Alors, nous allons finalement parler de ça dans les comités de liaison. Donc,
en plus de parler avec le DPCP, nous avons des rencontres dans les palais
avec... qui entourent, là, tous les intervenants judiciaires, le greffe, les
consultants spéciaux. Donc, avec ces gens-là, là, nous allons leur faire part,
parce que, vous savez, une enquête préliminaire hors cour, il y a également la
question de l'attribution des salles, la disponibilité du personnel. Donc,
nous, on s'assure finalement de mettre ce dossier-là à l'ordre du jour pour que
ça se passe concrètement sur le terrain. Ça fait que c'est un des éléments, là,
qu'on... qu'on met en place, en plus des rencontres, comme on vous avait
mentionné.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Comment vous entrevoyez ça, puis je sais qu'il y en a déjà, là, mais le fait
que la Cour du Québec, notamment, souhaite élargir la facilitation, la
superfacilitation dans les différents dossiers? Parce que, tu sais, il y a
beaucoup de dossiers qui se règlent la veille ou le matin même aussi, puis là
on... on se retrouve à sacrifier du temps de cour alors que tout le monde s'est
préparé de part et d'autre...
M. Jolin-Barrette : ...la
défense, la couronne se préparer, le juge aussi, connaissance du dossier.
Comment vous entrevoyez ça, là, la facilitation, superfacilitation avec le DPCP
puis la cour?
Mme Boulet (Marie-Pier) : Alors,
c'est une mesure qui était déjà existante, qui était, encore une fois, comme
l'enquête préliminaire en cour, qui n'était peut-être pas suffisamment étendue,
donc des districts où c'était très exploité, d'autres où ça l'était moins. Je
vous dirais qu'on est très, très favorables en défense, là, et c'est mur à mur,
de participer à ce genre de... disons, de mesure de rechange, si on peut le
dire ainsi, là... une façon différente de faire le procès, de le faire à
l'avance, de discuter, c'est hyperefficace. On a toute l'ouverture, là, je vous
dirais, des membres, là, pour y participer, et c'était d'ailleurs une mesure
qu'on présentait au départ, là. Donc, ce n'est pas... Dans le document final de
la Table-Justice, là, c'est une mesure qui se retrouve plutôt attribuée à la
Cour du Québec, mais c'est une mesure qu'on avait déjà également identifiée
comme étant hyperefficace.
Vous savez, la facilitation, il y a un
volet confidentialité qui vient avec ça qui est hyperimportant, parce qu'il y a
des choses qu'on ne peut pas nécessairement dévoiler par exemple au poursuivant,
sachant que par exemple ça pourrait contrecarrer une défense. Mais, si ça se
fait dans un cadre de confidentialité et qu'on peut avoir à l'avance l'opinion
d'un juge... Si moi, je reviens de facilitation et je dis à mon client :
Vous savez, j'ai présenté nos arguments, et le juge m'a dit que je n'ai aucune
chance, c'est certain que ça peut avoir un impact sur le client, et, vice
versa, la poursuite qui se ferait dire : Écoutez, l'argument de la
couronne... de la défense est très fondé, vous devez évidemment l'envisager.
Alors, on repart chacun de notre côté avec ça, déjà on ébranle nos positions,
et plutôt, comme vous le dites, de le faire le matin du procès, eh bien, on le
fait à l'avance. C'est extraordinaire, je vous le dis, là, rien de moins.
• (16 h 10) •
M. Jolin-Barrette : C'est
bon, ça. C'est des bonnes nouvelles, des bonnes nouvelles. Peut-être m'éclairer
sur un point, là. Tout à l'heure, Me Benoit, vous avez soulevé... Vous, vous
avez une crainte, avec le projet de loi, que le juge de paix magistrat, si,
supposons, la personne arrive en comparution devant lui, supposons, il est
poursuivi sur infraction sommaire, que dans le fond il ne puisse pas
enregistrer son plaidoyer de culpabilité, supposons qu'il veut plaider à la
première occasion. Est-ce que je me trompe? C'était ça, votre...
M. Benoit (Jean-François) : Si
vous me permettez, en réalité, je ne vois pas de problème au niveau sommaire,
c'est plutôt si l'accusation est prise par acte criminel. Parce que ce que nous
comprenons du projet de loi... Il peut recevoir le plaidoyer, mais il ne peut
pas procéder à la sentence.
M. Jolin-Barrette : Exactement.
M. Benoit (Jean-François) : Donc...
Mais donc, l'individu ne pourra pas être remis en liberté, même si le poursuivant
ne recherche pas nécessairement de la détention. Donc, on prolonge une
détention, on fait en sorte... on vient scinder un petit peu, parce qu'on a un
juge de paix qui a des pouvoirs très limités, puis on ne permet pas de traiter
l'ensemble du dossier. Donc, il y a un report, un changement de salle, un
changement de jour, donc on retarde cela, et ça, ça peut être préoccupant,
parce qu'on parle de la liberté des individus. Donc, à mon sens, la question
de... lors de la comparution, parce que 515 du Code criminel le prévoit, on
peut recevoir un plaidoyer à ce stade-là. Donc, un des problèmes qu'on voit,
c'est surtout par acte criminel, notamment parce que, bon, le juge se retrouve
à n'avoir pas l'ensemble des pouvoirs pour traiter le dossier, donc on risque
de voir des reports et une privation de liberté indue, la plus grande
inquiétude que nous avons.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Juste avant de céder la parole à mes collègues, dans votre pratique, là, est-ce
que vous en avez beaucoup, de clients qui plaident coupable à la comparution?
M. Benoit (Jean-François) : Oui.
M. Jolin-Barrette : Oui.
C'est quelle proportion?
M. Benoit (Jean-François) : Écoutez,
je n'ai pas de statistiques, parce qu'il faut savoir qu'on a des pratiques
toutes différentes. Il y a des avocats qui ont des clientèles très détenues, il
y a des avocats qui ont des clientèles très peu détenues. Dans mon jeune temps,
j'avais une clientèle qui était détenue, j'ai une clientèle qui est moins
détenue pour l'instant. Mais je peux vous dire que, même s'il n'y a qu'une
personne qui veut le faire, puis cette personne-là est détenue indûment, c'est
une de trop. Ça, c'est clair. Donc, en tant que société juste et démocratique
libre, on doit tout faire en sorte pour faire en sorte que cette privation
indue n'arrive pas. Puis, à mon sens, limiter les pouvoirs du juge de paix,
c'est un peu ce qui se faisait dans le C-24, si vous me permettez... C'est pour
ça que la loi a été déclarée inconstitutionnelle sur certains points. Puis on
se retrouve un peu dans une même dynamique.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Bien, écoutez, je vous remercie pour votre présence en commission
parlementaire. Je note, M. le Président, que Me Benoit a dit «dans son jeune
temps». Alors, je ne sais pas s'il est rendu dans son vieux temps, mais...
Le Président (M.
Bachand) :Mais, vous savez, à la
Commission des institutions, on ne fait pas d'âgisme.
M. Jolin-Barrette : Non, non!
Le Président (M.
Bachand) :Alors donc, Mme la députée de
Charlevoix-Côte-de-Beaupré, s'il vous plaît.
Mme Bourassa : Merci
beaucoup. Bon après-midi. On ne vous a pas beaucoup entendus lors de l'exposé
sur la question de... que les JPM pourraient faire la comparution et les
enquêtes sur remise en liberté à distance et sept jours sur sept. On est tous
là pour un système de justice plus accessible. Comment est-ce que ça va
vraiment changer votre façon de faire?
M. Benoit (Jean-François) : Présentement,
écoutez, les enquêtes sur remise en liberté...
M. Benoit (Jean-François) : ...il
y en a distance. Il y en a aussi pour lesquels on demande une présence
physique. Donc, à mon sens, c'est quand même une avancée importante qu'on
puisse contacter un juge de paix magistrat qui a des pouvoirs, l'entièreté des
pouvoirs nécessaires pour tenir une enquête sur remise en liberté. C'est un
gain important. Que ça puisse se faire, en fait, techniquement, il n'y a rien
qui limite cela à des heures régulières de la cour. Donc, c'est une question de
liberté. Donc, le plus rapidement qu'on peut traiter de la légalité de la
détention, le mieux que c'est. Le fait que ça soit à distance, ça devrait... je
ne vois pas... C'est correct que ça puisse se faire à distance, mais, lorsque
le citoyen désire le faire en personne, il devrait avoir la possibilité de le
faire.
Est-ce qu'il devrait avoir la possibilité
de le faire 24 heures sur 24? On n'a pas étudié la question. Mais je pense que
le fait de la capacité de le faire à distance... de toute façon, c'était prévu au
Code criminel depuis très longtemps. C'était même possible, selon le Code
criminel, de le faire par téléphone. Donc... Mais le fait... avec le système
actuel en place, c'est déjà une avancée majeure, la fin de semaine, c'est déjà
ce qui est fait d'ailleurs.
Mme Bourassa : Et j'imagine
ce que les gens veulent, une certaine modernisation. Tu sais, on a les outils,
alors, surtout quand il est question de détention, comme vous disiez, là, que
c'est quand même assez important de faire valoir ses droits le plus rapidement
possible.
M. Benoit (Jean-François) : Oui,
je suis d'accord avec vous. Cependant, le procédé à distance, ça a des impacts
sur la capacité de l'avocat de rencontrer son client, la capacité d'échanger
rapidement de l'information, de faire un retour, parce que le procureur de la
couronne parle avec la défense, c'est difficile de parler régulièrement avec le
client. Donc, ça ralentit le processus. Ça rend plus facile d'avoir une
audience devant le tribunal, mais le processus en arrière-plan est un petit peu
plus compliqué. Quand l'individu est au palais de justice, je parle avec mon
collègue de la poursuite, je vais voir mon client... comme ça, les choses vont
très vite. Mais c'est un gain parce qu'on va étendre les plages... lors desquelles
on peut avoir des enquêtes sur remise en liberté, mais il faut avoir... Par
contre, si l'individu veut avoir son enquête en personne, parce qu'il doit
témoigner souvent dans le cadre de l'enquête de l'enquête, puis, s'il le
désire, c'est important qu'il puisse le faire.
Mme Bourassa : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Député de Saint-Jean,
s'il vous plaît!
M. Lemieux : ...
Le Président (M.
Bachand) :Quatre minutes 17 secondes
exactement, M. le député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
M. le Président. M. Benoit, Mme Boulet, merci beaucoup d'être là. J'ai juste
assez de temps pour commencer par vous parler des travaux de la table, parce
que j'observais la conversation avec le ministre, et je voyais dans vos yeux,
Mme Boulet, que la participation à la table ne vous a pas juste réjouie, mais
vous a rendu très optimiste pour la suite des choses, même que vous avez
commencé à travailler sur certaines choses qui ont semblé vous plaire énormément.
Ça, pour moi, c'est extraordinairement important, puis je voudrais vous
entendre davantage. Parce que le projet de loi, c'est une chose, puis on va en
parler, puis on va adopter article par article, puis on va s'organiser, puis on
va tenir compte de ce que vous nous dites pour voir dans quel but... dans
quelle mesure on peut améliorer tout ça.
Mais, au fond, on n'aura pas tout réglé
pour réduire les délais en matière criminelle et pénale, et puis on n'aura pas
rendu l'administration de la justice plus performante pour toujours, juste plus
performante pour un petit bout. Vous voyez ça comment, vous deux, la suite des
choses?
M. Benoit (Jean-François) : ...ça...
c'est de l'argent qui manque dans le système de justice. Le système de justice
est sous-financé. Il y a eu un budget hier, je n'ai pas les chiffres, là, mais
la part 31 millions pour la sécurité dans les palais, c'est bienvenu, mais ce
n'est pas de l'argent qui est mis pour rendre plus d'audience, de faciliter le
processus. Donc, il y a un sous-financement, je pense, dans le système de
justice. Quand les salles ferment, parce qu'il manque de greffiers, il y a un
problème. Quand un greffier gagne 38 000 $ par année, il y a un problème.
Il est là, le problème, à mon sens. Donc, oui, présentement, on fait des
actions dans le but de sauver le système, parce que les acteurs du système le
portent à bout de bras, le système, les juges la font, la défense le fait, la
poursuite le fait. Mais on arrive à un point où on n'est plus capable de
soutenir ce rythme-là et de sauver ce système-là.
Donc, oui, c'est des salles, oui, c'est
des juges, oui c'est des ressources, c'est des mesures alternatives de
règlement. Il y a différentes avenues, mais aussi à des visions à plus long
terme, je pense.
M. Lemieux : Des juges... Je
m'excuse. Peut-être Mme Boulet, vous vouliez raconter quelque chose, mais je
vais rebondir sur Me Benoit. Des juges, il y en a sept de plus, là, non?
M. Benoit (Jean-François) : Il
y a en sept de plus. Pouvez-vous me dire la part qui va à Québec, Montréal?
Une voix : ...
M. Lemieux : Ah! Il y a 14
juges de plus. Et puis j'ai entendu, dans une conversation précédente, la
déclinaison d'où allaient les juges, mais je ne sais pas comment quelqu'un
pourrait m'aider à vous donner la liste, à moins que M. le Président me
permette...
Le Président (M.
Bachand) :M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Benoit (Jean-François) : Je
n'ai pas besoin de la liste exacte, mais juste pour vous dire que la part du
lion va toujours dans les grands...
M. Benoit (Jean-François) : ...Les
régions, c'est un petit peu plus difficile. Ça, c'est une réalité. Mais le
nombre de juges, c'est une réalité. Mais la réalité quotidienne de la pratique
est de beaucoup plus complexe qu'elle était. Dans mon jeune temps, ça fait
17 ans que je fais ça, je peux vous dire que j'ai vu les choses. Il y a
beaucoup plus de requêtes à faire, il y a des requêtes préliminaires à faire
qui n'existaient pas avant. Ce qui fait qu'il y a une multiplication, dans le
même dossier, des audiences, et ça demande des ressources considérables à tous
les acteurs. Donc, c'est la réalité au quotidien.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. M. le ministre de la
Justice, voulez-vous répondre sur la répartition des juges?
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bien, en fait, les juges qu'on a nommés à la Cour du Québec, il y en a huit à
Montréal, et on en a, je pense, un à Québec, on en avait deux à Laval, je
crois. Mais, si vous faites référence aux sept, c'est les juges de la Cour
supérieure. Mais je crois que vous pratiquez en Outaouais, Me Benoit, puis on a
vu le Barreau de l'Outaouais qui nous a indiqué très clairement qu'il
souhaitait avoir des postes de juges de la Cour supérieure qui soient fixés à
Gatineau. Moi, je suis très ouvert avec cette réalité-là. D'ailleurs, la Cour
supérieure, on a concocté d'un commun accord la disposition des sept postes de
juges qui sont tous en région. Mais je comprends qu'il y a un besoin
particulier pour Gatineau, puis je suis extrêmement sensible à ça. Donc, on
aura... Les travaux ne font que débuter, alors... du présent projet de loi,
alors, moi, j'ai beaucoup d'ouverture. Mais j'entends votre cri du cœur de
l'Outaouais.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député
d'Acadie, s'il vous plaît.
M. Lemieux : ...
Le Président (M.
Bachand) :Merci. M. le député de
l'Acadie.
• (16 h 20) •
M. Morin : Merci, merci, M.
le Président. Alors, bonjour, maître Benoit, Me Boulet. Ça me fait plaisir de
dialoguer avec vous à nouveau en commission parlementaire.
J'ai quelques questions pour vous. La
première qui touche la compétence qui sera un peu étendue des juges de paix magistrats.
Le projet de loi prévoit que, dans le cadre de l'enquête préliminaire... Puis
je comprends qu'on a... on a restreint au Code criminel des crimes pour
lesquels on peut demander ou bien avoir une enquête préliminaire, là, ça, c'est
clair, là. Mais, en fait, ce qu'on leur permet de... d'accepter, comme on dit
dans le jargon, c'est un 5.49, c'est-à-dire le poursuivant, la défense sont
d'accord, puis on saute l'enquête préliminaire puis on s'en va au procès. Il y
a peut-être certains grands centres où un juge peut avoir un rôle de 5.49, mais
j'imagine que dans certaines régions, il ne peut pas avoir un rôle de 5.49, là,
il n'aura peut-être pas assez de dossiers. Comment... comment voyez-vous ça au
niveau de la gestion des dossiers? Est-ce que c'est un avantage? Est-ce que ça
va aller plus vite?
Puis à l'enquête préliminaire, là, dans le
Code criminel, c'est un juge de paix qui préside l'enquête préliminaire. Ce
n'est pas un juge de la Cour du Québec, là, tu sais. Alors, c'est sûr que le
juge de la Cour du Québec, il a plusieurs chapeaux, là, mais, dans le code,
c'est un juge de paix. Donc, il ne pourrait pas entendre des témoins, le juge
de paix magistrat?
M. Benoit (Jean-François) : Si
vous me permettez, je pense que l'enquête préliminaire est le très bon exemple,
exactement, de ce qu'un juge de paix magistrat devrait être capable de faire.
Il entend des témoins. Il n'y a pas d'évaluation de crédibilité, il n'y a rien.
Le juge, à l'enquête préliminaire, fait juste gérer les règles d'admission de la
preuve, là. Il va traiter de... du renvoi à procès, ce qui est relativement
très rare. Mais, tu sais, est-ce qu'il y a une preuve prima facie? C'est la
seule règle. Donc, en réalité, moi je pense que tous les juges de paix
magistrats devraient faire partie de la... les juges de la Cour du... Cour
Québec. Mais, si vous voulez limiter les pouvoirs, donnez-leur au moins
l'enquête préliminaire. C'est tout désigné pour un juge de paix magistrat.
Faire un 5.49, un renvoi, écoutez, c'est tout le monde consent qu'on ne fera
pas l'enquête préliminaire puis qu'on s'en va de suite au procès. Je veux dire,
c'est un acte purement administratif. Le juge n'a absolument aucune discrétion
à faire. Il reçoit le consentement des parties. On l'empêche de faire ça. S'il
y a eu une présentation d'une preuve, logiquement, c'est parce qu'il y a un
début d'enquête préliminaire. Souvent, il va y avoir un début d'enquête
préliminaire, on va la limiter, on ne fera pas une enquête complète, on va
faire un renvoi au procès avec 5.49. Donc, si le juge a la... juge de paix
magistrat a la capacité d'entendre l'enquête préliminaire, logiquement, il
devrait avoir la capacité aussi de faire un 5.49, là, parce que ça va un petit
peu ensemble. Mais il n'y a pas une salle de cour, dans aucun palais, que c'est
toutes des 5.49, là. Oubliez ça, là. C'est un... c'est un... c'est un sac de
bonbons mélangés, tout ça, là.
M. Morin : Ce qui fait
qu'actuellement le juge de paix magistrat pourrait entendre un 5.49. Mais la
défense, comme ça arrive parfois, qui veut entendre un témoin et puis faire un
5.49 pour le reste, bien là, ça ne marchera pas.
M. Benoit (Jean-François) : En
plein ça.
M. Morin : Donc, ça ne
pourrait pas être le juge de paix magistrat. Il faudra aller devant un juge de
la Cour du Québec, qui est par ailleurs un juge de paix. O.K., très bien. Bien,
écoutez, merci, merci beaucoup. Ça... ça m'éclaire.
Autre chose, vous n'en avez pas beaucoup
parlé, mais j'aimerais vous entendre là-dessus, comme... comme avocat de la
défense, c'est tout le régime de confiscation administratif. Vous aviez
commencé à en parler un peu, mais le temps nous a fait défaut, donc
j'aimerais... j'aimerais vous entendre là-dessus. Il y a, dans le projet de
loi, plusieurs présomptions...
M. Morin : ...il y a même une
présomption à l'effet que le défendeur va avoir été présumé recevoir l'avis de
la confiscation. Comme avocat de défense, qu'est-ce que vous pensez de ça?
Mme Boulet (Marie-Pier) : Je
vous dirais que... Oui, vas-y. Allez-y...
M. Benoit (Jean-François) : En
quelques mots, le projet de loi multiplie la portée de la loi sur la
confiscation, l'étend à toute infraction. Première chose, on enlève la
discrétion du juge pour rendre des ordonnances qui vont dans l'intérêt de la
justice. On enlève les protections contre les tiers de bonne foi. Donc, c'est
tous des effets multiplicateurs. La loi est sans limites, elle est... c'est une
loi qui ne... je vous dirais, qui vise absolument tout. Qui vise un excès de
vitesse. Le véhicule pourrait être confiscable, selon cette loi-là. Une
résidence a... n'a pas de piscine... n'a pas de clôture autour de sa piscine,
l'immeuble pourrait être confiscable. La portée est incroyable, de ce projet de
loi là. Pour faire... rebondir sur ce que vous avez mentionné, sur l'avis
envoyé par courrier simple, puis confisquer un bien d'une valeur jusqu'à
100 000 $, ça n'a aucun bon sens, ça n'a aucun bon sens, parce que
là, il va falloir, par la suite, aller devant le tribunal, revenir en arrière.
C'est contre-productif.
Donc, il y a beaucoup de choses dans ce
projet de loi là. Il y a... La portée est étendue, elle est multipliée, on
enlève les barrières, on simplifie la procédure. Je vois ou je peux prévoir...
Puis, écoutez, on peut se fier à la bonne foi du poursuivant ou du Procureur
général, mais c'est le rôle du législateur d'encadrer ce pouvoir-là. Le simple
fait qu'on présume que le pouvoir qui est accordé par une loi va être exercé de
bonne foi, ce n'est pas une garantie suffisante. C'est le rôle du législateur
de mettre les quatre coins à l'intérieur desquels le Procureur général va
devoir travailler, puis je pense que c'est le gros problème avec ce projet de
loi là, il n'y a même pas de quatre coins.
Mme Boulet (Marie-Pier) : Et
j'ajouterais, l'article 16 du projet de loi, qui retire les mécanismes, là, qui
protègent les tiers de bonne foi, donc, le tribunal va être obligé de donner
droit à une confiscation, même si le propriétaire du bien n'a pas participé à
l'activité illégale, il ne pouvait pas s'en douter. Alors, on va littéralement
punir des tiers qui sont totalement de bonne foi, les priver d'un bien qui,
comme on le disait, là, n'est pas nécessairement un bien mince ou d'une faible
valeur.
M. Morin : Je comprends que,
dans le projet de loi, il y a toujours, par la suite, un mécanisme de
contestation, mais là on peut se demander en quoi ça va accélérer le processus,
parce que, s'il y a, effectivement, des tiers qui ont été dépossédés, bien, ils
vont vouloir contester. Donc, finalement, on est peut-être partis très vite
avec un sprint, mais, vu que c'est un marathon, ça va finir où ce ne sera pas
plus vite. J'ai une bonne compréhension du projet de loi ou je me trompe?
Mme Boulet (Marie-Pier) : C'est
en plein ce qu'on dit, qu'au niveau de l'objectif du projet de loi d'accélérer,
là toute la question de l'efficacité, là on est à rebours là-dessus.
M. Morin : O.K. Il y a
d'autres éléments aussi. Quand on dit, dans le projet de loi... Je regarde,
entre autres, l'article 18, qui va... bien, en fait, qui va insérer, après
l'article 12, 12.2 : «Un bien présumé est un produit d'activités illégales
dans l'une ou l'autre des situations suivantes. Il s'agit d'une somme d'argent
comptant trouvée à proximité de substances interdites.» Le mot «proximité»,
pour vous, c'est précis? C'est vague, ça mériterait d'être précisé?
Mme Boulet (Marie-Pier) : Ça
ne peut pas être plus vague, en fait, parce que la proximité, là, du moment
qu'on est à l'intérieur d'un immeuble, par exemple, mais qu'on n'est pas dans
des pièces, par exemple, avec un colocataire, où moi, j'ai des choses, lui, il
a les siennes, il y a... on a des espaces privés même à l'intérieur d'un même
espace. Je vous dirais que juste passer le temps à interpréter, finalement,
devant les tribunaux, cette notion-là, on va perdre beaucoup de temps et de
ressources.
M. Morin : Et...
M. Benoit (Jean-François) : Si
vous me...
M. Morin : Oui, allez-y, je
vous en prie.
M. Benoit (Jean-François) : Bien,
la même chose pour «une disposition est incompatible avec les pratiques des
institutions financières». On parle des sommes d'argent. Je vais vous avouer
que je n'ai aucune idée qu'est-ce que veut dire «disposition est incompatible
avec les pratiques des institutions financières». Ça fait qu'encore une fois le
projet de loi crée un concept qui est nébuleux, qui va se retrouver devant les
tribunaux et qui va... qui risque d'augmenter le volume de dossiers, notamment
devant la Cour supérieure, là. Ce n'est pas devant des instances criminelles,
c'est devant des instances civiles, ces dossiers-là, il faut le dire, mais de
la Cour supérieure.
M. Morin : Et ça, on n'en a
pas parlé, mais qu'est-ce que vous pensez de la disposition qui prévoit que, si
c'est adopté, dorénavant, tous les renvois seront déposés à la Cour d'appel à
Québec?
M. Benoit (Jean-François) : Ce
n'est pas un sujet que nous avons discuté en comité, donc on n'émettra pas
d'opinion personnelle sur ce point.
M. Morin : Parfait, je vous
remercie. Si on revient...
M. Morin : ...en option
et quand on regarde toujours l'article 18 du projet de loi l'insertion de
12.1, «un bien est présumé être un instrument d'activité illégale lorsqu'une
infraction de nature sexuelle a été commise en utilisant ce bien». D'après
vous, est-ce que ça pourrait permettre une... Parce que «bien», bon,
évidemment, n'est pas défini. On est dans un contexte de droit civil. Si on
regarde la définition d'un bien au Code civil, ça peut être un immeuble ou un
meuble. Donc, ça voudrait-tu dire que le législateur peut venir confisquer un
immeuble?
M. Benoit (Jean-François) : Écoutez.
Moi, je crois que l'interprétation se tient. Également, je vous donne... Je
vous donne un exemple. C'est la victime qui est propriétaire de l'immeuble. Le
projet de loi permettrait de saisir cet immeuble-là si l'agression sexuelle a
lieu chez elle, même si l'auteur de l'infraction n'est même pas propriétaire du
bien et n'a pas... n'a pas de lien avec ce bien-là. Moi, je pense que ce que je
viens de vous dire est permis. Et on peut l'interpréter de cette façon-là si on
se fie au projet de loi. Ce qui fait... Je suis convaincu que ce n'est pas
l'intention du législateur, mais il faut faire en sorte que ce type
d'interprétation là, là, ne soit pas possible.
Le Président
(M. Bachand) :Je vous laisse la
parole, M. le député de l'Acadie.
M. Morin : Oui. Puis
alors, je comprends que ces dispositions-là risquent éventuellement d'être
débattues devant la cour. Donc, ça ne va pas accélérer le système.
Le Président
(M. Bachand) :Merci.
M. Morin : Merci
beaucoup.
Le Président
(M. Bachand) :M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne,
s'il vous plaît.
• (16 h 30) •
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Merci pour votre présentation. Rapidement. Est-ce qu'on a
connaissance dans le reste du Canada ou dans les autres provinces d'un
élargissement similaire de ce qui existe ou l'équivalent du juge de paix
magistrat? Ça nous aiderait dans notre réflexion.
M. Benoit (Jean-François) : Oui.
Bien, écoutez, à ma connaissance, il faut savoir que le juge de paix est...
date depuis très longtemps, c'est un vieux concept. Alors qu'il n'y avait pas
de juge disponible, c'est le juge de paix qui gérait les petites urgences, là,
si vous voulez. Il y a eu une contestation à l'époque au Nouveau-Brunswick sur,
justement, la règle des 24 heures, la disponibilité des juges. Mais à ma
connaissance, on a aboli tout simplement la notion de juge de paix. C'est tous
des juges de la Cour provinciale au Nouveau-Brunswick. Ce qui donne une plus
grande flexibilité, ici, et je ne touche pas... Parce qu'au Québec on a les
juges de paix fonctionnaires, là. Les juges de paix fonctionnaires devraient
rester des juges de paix fonctionnaires, bien entendu, mais, à mon sens, pour
donner une vraie flexibilité à l'appareil de la justice, avec des gens qui sont
déjà présentement nommés et qui ont une compétence juridique, qui sont déjà...
qui font déjà des procès en matière pénale, bien, il y a... Il y a une quarantaine
de juges de paix magistrats qui sont déjà disponibles.
M. Cliche-Rivard : Ça
fait que vous dites que... Vous dites que l'exemple de la... du
Nouveau-Brunswick vous amène à penser qu'il pourrait avoir un recours en
contestation similaire.
M. Benoit (Jean-François) : Eh
non! Du tout. Il y a eu... À la suite d'une contestation sur la question de la
disponibilité des juges de paix, ils ont tout simplement aboli les juges de
paix, puis c'est tous des juges de la Cour provinciale aujourd'hui.
M. Cliche-Rivard : Parfait.
Il y a l'article 34 qui fait passer le nombre de juges à Montréal de 101 à
99. Est-ce que vous aviez une position ferme là-dessus ou est-ce que vous aviez
pris une position?
Mme Boulet (Marie-Pier) : Ce
n'est pas un sujet qu'on a discuté non plus en comité.
M. Cliche-Rivard : Parfait.
Vous avez répondu assez franchement tout à l'heure au collègue de... le député
de Saint-Jean, là, comme quoi ça allait continuer à être compliqué dans
l'avenir pour l'administration de la justice. Est-ce que vous pensez qu'on
s'attaque à la bonne chose ici avec le projet de loi?
Mme Boulet (Marie-Pier) : Moi,
je pense sincèrement que vous êtes à la recherche de la solution. En tout cas,
quand on regarde l'étendue des pouvoirs pour les juges de paix magistrats, ça
m'apparaît évident. Et l'échange plus tôt avec le ministre a quand même effet.
C'est-à-dire que nous aussi, on va continuer de ne pas simplement faire les
choses de la manière qu'on le faisait puis se remettre en question. C'est ce
qu'on fait lors des rencontres. On va faire preuve de plus d'ouverture. Mais ce
qu'on vous dit, c'est que les questions, puis on va parler des avocats de la
défense, parce que ça, ça ne se nomme pas, un avocat de la défense, ça se crée,
là, de... C'est un... C'est une vocation, j'ose croire.
Et je vous dirais que je vais ajouter à la
difficulté, je vais vous parler de la négociation des tarifs de l'aide
juridique. Vous savez qu'en ce moment, là, vous... On risque d'arriver au... à
un délaissement ces dossiers-là à nouveau si le point n'est pas réglé. Moi et
Me Benoit, aujourd'hui, là, on est bénévoles et tous les membres de
l'association, on est bénévoles. Ma participation à la Table Justice l'était. À
la dépense, on... Comme je le dis, c'est une vocation, et on souhaite continuer
de faire ainsi. Je pense que c'est ce qui nous motive de donner de notre temps.
Mais à un moment donné, ça va avoir quand même ses limites, surtout quand ça
vient avec des grandes responsabilités, comme celle de représenter un
justiciable pour lequel la liberté et, par exemple, la possibilité de...
d'antécédents judiciaires, là, est un risque évident. Je pense qu'à un moment
donné, c'est beaucoup nous demander. On va continuer de mettre beaucoup
d'efforts, du bénévolat, mais il faut régler ces dossiers-là au niveau du
financement, et ça passe par l'aide juridique.
M. Cliche-Rivard : Et
les discussions continuent, là, avec le juridique, si je comprends bien, pour
le financement, là.
Mme Boulet (Marie-Pier) : Oui.
Bien, en fait, nous, on n'est pas directement impliqués, là. On l'est
indirectement, là. Vous savez qu'on arrive plus au moment où il y a des moyens
de pression à part pour les inciter à régler. Pour l'instant, on se fait bien
patients. On continue de prendre les dossiers, mais je sais que le délaissement
va être assez imminent du moment que ça ne se... que ça ne se réglera pas.
Le Président
(M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la
députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.
Mme Nichols : Oui,
merci...
16 h 30 (version non révisée)
Mme Nichols : ...Merci, M. le
Président. Merci à vous deux de votre participation. Merci de partager votre...
votre longue expérience, Me Benoît. J'avais... En conclusion, Me Boulet,
là, vous aviez parlé dans... vous n'aviez pas eu le temps, là, de terminer
votre conclusion. Vous étiez sur la partie de la loi sur les confiscations. Je
ne sais pas s'il y avait des points à ajouter ou si on les a abordés avec mes
collègues précédemment.
Mme Boulet (Marie-Pier) : Avec
vos collègues précédemment, on a pas mal réussi à faire le tour...
Mme Nichols : Parfait.
Mme Boulet (Marie-Pier) : ...parce
que je vous dirais que notre conclusion était que... d'abandonner finalement
littéralement ce volet-là. Parce que ce qui était en place à l'heure actuelle,
on trouvait que ça répondait bien et qu'il y avait les garanties, en fait, on
dit que ça répond bien. Mais il y a déjà une grande difficulté de contestation,
et là on la rend littéralement illusoire, là, avec le projet de loi et on vient
condamner des tiers innocents, notamment pour ce qu'on... pour ne pas reprendre
ce qu'on a déjà dit.
Mme Nichols : Ça fait que,
dans le fond, ce qu'on comprend, c'est que dans le projet de loi qui vient
proposer les cinq nouvelles présomptions pour un certain nombre, là, de biens
présumés, comme des produits d'activités illégales, des exemples dont a donné
Me Benoît, ça viendrait porter à confusion puis ça n'aiderait pas du tout.
Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, à la place de venir plutôt préciser... d'apporter
certaines... que certaines présomptions soient précisées? Est-ce qu'il y aurait
un effet bénéfique de préciser certaines... certaines présomptions?
M. Benoit (Jean-François) : Pour
ma part, je peux vous dire pour les dossiers que j'ai faits en cette matière,
ce sont tous des dossiers qui viennent après un dossier au criminel. C'est des
biens souvent qui ont été saisis dans le cadre d'une instance criminelle, pas
seulement, mais souvent, et le procureur général a 30 jours, après l'instance,
pour signifier la demande introductive d'instance.
Donc, souvent, il y a déjà des plaidoyers
de culpabilité, il y a déjà de la preuve qui est déjà disponible. Donc... selon
moi, la preuve est déjà très facile à faire dans ces dossiers... dans ces
dossiers-là. Donc, on étend énormément la portée, on enlève la protection... et
en plus on rajoute des présomptions. Je vous soumettrais que la portée est
nettement, nettement excessive.
Mme Nichols : Parfait. Merci.
Je n'avais pas d'autre question. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Sur ce, Me Boulet,
Me Benoît, merci infiniment d'avoir été avec nous. Ça a été très, très,
très agréable et un grand privilège. Sur ce, la commission suspend ses travaux
quelques instants. Merci beaucoup. À bientôt.
(Suspension de la séance à 16 h 36)
(Reprise à 16 h 37)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Alors, c'est avec un grand privilège que
nous... nous avons les représentants de l'Association... Association du Barreau
canadien, division du Québec. Alors, merci infiniment d'être avec nous. Alors,
comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation. Je vous inviterais d'abord
à vous présenter et débuter votre présentation. Merci encore d'être avec nous
aujourd'hui.
M. Sévéno (Louis) : Alors,
bonjour. Bonjour à tous et à toutes. Je me présente. Je m'appelle Louis Sévéno.
Je suis le président de l'ABC-Québec. Je suis également praticien en matière de
litige, principalement civil et commercial, au cabinet Woods à Montréal. Je
suis un associé du cabinet et je suis membre du Barreau du Québec depuis 2004.
Je suis accompagné aujourd'hui... et j'ai la grande chance d'être accompagné d'un
avocat expérimenté exerçant dans les domaines du droit pénal, criminel et
disciplinaire, nul autre que Me David Robert Temim, associé fondateur du
cabinet Dumoulin-Temim. Il est membre du Barreau du Québec depuis 2012 et il a
contribué à la rédaction du mémoire que nous avons déposé à titre de membre du
comité exécutif de notre section droit pénal et criminel.
Donc, je vais passer la parole dans
quelques instants à Me Temim puisque c'est lui qui va vous adresser la
parole, principalement sur les aspects du projet de loi qui concernent le...
qui concernent le droit pénal et qui concernent en grande partie le...
M. Sévéno (Louis) : ...le plan
d'action de la Table Justice-Québec, modifications dont nous saluons la
présence puisqu'elles visent à mettre en œuvre ce plan d'action avec lequel
notre... notre association est grandement d'accord. Moi, je vais par la suite
vous adresser la parole concernant les modifications qui ont plus trait à
l'administration de la justice de façon générale et puis nous allons pouvoir
vous exprimer notre accord avec certaines dispositions, mais aussi certaines
réserves que nous avons exprimées dans notre mémoire, mais avec peut-être un
peu plus de détails.
Donc, sans tarder, je cède la parole à M.
Temim.
M. Temim (David Robert) : Merci,
Me Sévéno. Oui, comme... comme l'annonçait Me Sévéno, nous saluons, nous
accueillons avec beaucoup d'enthousiasme certaines mesures et, essentiellement,
une mesure phare qui est la nomination des juges, je vais laisser Me Sévéno
revenir là-dessus ultérieurement. En ce qui me concerne, j'attirerais votre attention
sur le pouvoir élargi qui va être dévolu aux juges de paix magistrats. On
considère que c'est une mesure qui est véritablement de nature à favoriser une
diminution des temps de cour. Les juges de paix magistrats vont être maintenant
en mesure d'entendre, par exemple, des enquêtes caution, des enquêtes sur
remise en liberté, mais aussi d'enregistrer ce qu'on appelle des 549, des
renonciations à l'enquête préliminaire, ce qui va permettre de libérer
considérablement du temps pour les juges de la Cour du Québec, la juge... les
juges de la Cour provinciale. Ça, nous pensons que ça n'est pas négligeable.
Pour certains autres aspects, effectivement, comme on aura l'occasion de vous
l'expliquer plus en détail ensuite, nous avons... nous émettons des réserves.
Je recède la parole à mon confrère.
• (16 h 40) •
M. Sévéno (Louis) : Donc, en
ce qui concerne la nomination de juges de la Cour supérieure, nous ne pouvons
que saluer cette modification. Il a été noté et voire décrié à moult reprises
le manque de ressources judiciaires à divers niveaux. Bien sûr, la présence de
juges supplémentaires en Cour supérieure aiderait à réduire les délais,
aiderait à ce que le travail de la justice se fasse et, je dirais même,
pourrait aider également à diminuer la charge au niveau des juges de la Cour
supérieure qui siègent actuellement. Donc, c'est une chose que nous saluons.
D'ailleurs, notre association, tant au niveau de notre division au Québec, au
niveau de la division au niveau national, nous comptons écrire au ministre de
la Justice fédérale pour l'exhorter à donner suite à ces modifications-là et à,
effectivement, procéder aux nominations tout de même qu'aux remplacements ou,
disons, des nominations pour veiller à remplir des vacances actuelles. Donc,
c'est définitivement une chose que nous saluons. Nous allons tout de même
souligner le fait qu'avec la présence de plus de juges va devoir venir, de la
part du gouvernement du Québec, un budget pour que ces juges-là soient épaulés
par, par exemple, un personnel de soutien, personnel administratif, par les
ressources en matière d'informatique. Donc, nous espérons que cette mesure-là
n'est que la pointe de l'iceberg et que, finalement, il y aura plus de
ressources en matière judiciaire.
Maintenant, en ce qui concerne l'article
concernant le renvoi, plus particulièrement l'article 32 du projet de loi,
c'est un article... Et d'ailleurs j'ai eu l'occasion de lire le mémoire du
Barreau et nous sommes d'accord quant au fait que cette disposition-là n'a pas
lieu d'être et devrait être retirée du projet de loi, bien humblement dit.
Selon nous, premièrement, ce n'est pas une disposition qui a trait au droit
pénal, n'est pas du genre à améliorer les délais en matière judiciaire, ne
ressort pas du plan d'action de la Table Justice-Québec, et nous ne pouvons que
constater que ça semblerait être un ajout. Donc, on peut se demander le
pourquoi d'une disposition comme celle-là, et on a indiqué dans notre mémoire
être étonnés de sa présence puisque le fait de pouvoir...
M. Sévéno (Louis) : ...procédé
dans un de deux centres, donc dans un de deux... de deux cours pour... ne
pourrait qu'aider à ce que les dossiers procèdent plus rapidement. Ayant eu
l'occasion de discuter avec plusieurs, par exemple anciens juges de la Cour
d'appel, force est de constater que lorsque vient le moment d'entendre ces
renvois-là, ces renvois-là peuvent être de toutes sortes de nature et les... et
le ou la juge en chef va devoir composer un banc en fonction de toute une série
de critères. Et ce qui s'est passé dans le passé, c'est que plusieurs de ces
renvois-là ont dû être... être entendus à Montréal, parfois pour des raisons
purement pratiques, mais parfois pour toutes sortes de raisons, incluant le
fait que ce n'est que dans l'édifice de... de la Cour d'appel à Montréal
actuellement qu'on a les dispositions... le dispositif, pardon, pour recevoir
un banc de cinq ou de sept juges. Et c'est ce qu'on fait lorsqu'il y a des
renvois sur des questions qui sont très importantes. Donc, on voit mal, au
niveau de notre association, à quoi ça pourrait servir d'indiquer que les
renvois ne seraient entendus qu'à Québec dorénavant.
Et on a peu considéré que, par exemple, si
ce sont des juges qui... qui résident dans la région de Montréal, on doive les
faire déplacer à Québec pour entendre certains renvois, ça n'occasionne que
plus de frais pour les contribuables, dans un contexte où les ressources
judiciaires ne sont pas nécessairement les plus... Donc, dans ce contexte, nous
considérons que cette mesure-là n'est pas souhaitable et je vous dirais que
nous sommes d'accord avec la position avancée par le Barreau à l'effet qu'elle
pourrait même atteindre à l'indépendance judiciaire, puisqu'il a toujours été
énoncé que l'administration... en ce qui concerne les tâches administratives de
la Cour, que l'indépendance judiciaire inclut également l'indépendance
administrative, et ce rôle-là est normalement dévolu au ou à la juge en chef.
Et ce n'est pas le genre de chose qui devrait changer, bien humblement dit,
selon nous. Donc, je repasse la parole à Me Temim pour le reste.
M. Temim (David Robert) : Merci,
Me Sévéno. Petit point qui nous préoccupe à l'ABC, pour vous donner des
exemples, par exemple, l'article premier du projet de loi qui vise à
l'augmentation du montant de la contribution pénale, qui viendrait s'ajouter au
montant total des amendes et des frais réclamés sur un constat d'infraction.
Alors, si, effectivement, nous n'avons pas, par principe, d'objection à une
telle augmentation, juste par principe, nous craignons que ça risque d'avoir un
effet un petit peu... un petit peu contraire et d'inciter plus de gens à
contester des constats d'infraction. Et donc on se demande si, véritablement,
ça va permettre de réduire les délais pour certains genres de dossiers ou à les
augmenter. D'autant que nous pensons qu'une telle mesure ne fait pas partie du
plan d'action de la table Justice... Justice Québec et que ça semble aller à
l'encontre même de l'esprit du projet de loi qui vise à réduire les délais en
matière criminelle et pénale.
Si je vous réfère, par exemple, autre
petit point de réserve, à l'article 13 du projet de loi qui est censé
remplacer l'article deux de la Loi sur la confiscation, l'administration et
l'affectation des produits et instruments d'activité illégale par, donc,
l'article deux, nous considérons qu'à l'heure actuelle, l'article deux de la
loi se lit comme : «Pour l'application de la présente loi sont des
activités illégales les activités visées par le Code criminel, la loi et les
règlements... du règlement... de la loi réglementant, pardon, certaines drogues
et autres substances.» La loi qui a trait aux infractions liées aux stupéfiants
et la loi sur le cannabis plus récente. On considère qu'il s'agit là d'un
élargissement peut-être trop important du champ d'application de la loi et que
c'est un élargissement qui, couplé avec la possibilité de confiscation
administrative sans audition, pourrait, selon nous, mener à peut-être certains
débordements. On considère que la confiscation ne devrait pas être limitée aux
infractions pénales les plus graves, et on considère que...
M. Temim (David Robert) : ...au
niveau de l'ABC, l'ABC Québec...
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Merci beaucoup, Maître.
Désolé, on est rendus déjà à la période d'échange.
M. Temim (David Robert) : Je
vous en prie.
Le Président (M.
Bachand) :Alors, M.... Merci beaucoup. M.
le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Me Sévéno, Me Temim, merci de participer aux travaux de la commission
parlementaire aujourd'hui sur le projet de loi n° 54.
Écoutez, d'entrée de jeu, votre mémoire,
la première page, vous faites... vous citez un extrait de la décision Jordan.
Je pense que c'est à bon aloi de le faire, vous avez bien raison de le faire
pour dire qu'en résumé la confiance du public dépend des délais puis le fait, à
la fois pour les accusés, mais à la fois pour les victimes, d'être... d'être
jugés dans un délai raisonnable, puis je suis d'accord avec vous là-dessus puis
je trouve que c'est un bon extrait que vous avez cité. Puis c'est une...
j'ajouterais que c'est une responsabilité partagée de tous les acteurs du
système de justice, puis c'est pour ça que je suis heureux d'avoir déposé ce
projet de loi là, parce que ça découle de la Table Justice où tous les
partenaires se sont assis ensemble autour de la même table et tout le monde a
trouvé des solutions qui je pourrais dire dans leurs chaumières, qui pourraient
répondre et aider les délais en matière judiciaire. Donc, chacun y a mis du
sien puis c'est comme ça qu'on va réussir à contrer les délais judiciaires en
matière de justice. Alors, je pense que c'est de bon aloi que vous ayez cité
cette décision-là et surtout que ce n'est pas uniquement une responsabilité qui
est gouvernementale, parce qu'il y a des bouts importants dans le système de
justice criminelle et pénale où ce n'est pas le ministre qui assigne les juges,
ce n'est pas le ministre qui fait les rôles, ce n'est pas le ministre qui fait
horreur. Alors, c'est un travail de collaboration avec tous les acteurs.
• (16 h 50) •
Cela étant, j'en profite, puisque vous
êtes là aujourd'hui, pour solliciter votre collaboration sur le fait que les
juges de la Cour supérieure... vous avez écrit dans votre mémoire, à la
page 2, que neuf postes sont à combler présentement. Je vous soumettrai
que c'est plutôt 11 postes, parce qu'à l'époque une de mes prédécesseurs,
Mme Vallée, à l'époque où elle était ministre de la Justice, suite à l'arrêt
Jordan, en 2016, elle avait modifié la loi pour faire passer la Loi sur les
tribunaux judiciaires de 155 à 157 postes et le gouvernement fédéral n'a
jamais comblé ces postes-là. Nous, on a fait notre part au Québec, écoutez, en
2016, on a nommé 16 juges de plus à la Cour du Québec. Là, on vient d'en nommer
14 de plus, avec les modifications législatives qu'on fait, s'ils sont utilisés
à 100 %, on calcule, c'est entre 15 à 20 juges de plus à la Cour du
Québec. Et là on fait de l'espace de nouveau dans la Loi sur les tribunaux
judiciaires pour ajouter sept postes de juge à la Cour supérieure, mais il y a
déjà les deux de Jordan, les postes 156, 157. Alors, je... je vous
sollicite pour compter sur votre collaboration, vous aussi, pour faire pression
sur le gouvernement fédéral, pour que ces deux postes-là depuis huit ans, qui
n'ont pas été comblés et qui sont nécessaires, je pense que c'est important que
le Québec parle d'une seule voix et que ces postes-là soient comblés parce que
ça va avoir un impact, notamment sur les délais judiciaires. Puis, quand on
parle d'investissement dans le système de justice, oui, l'État québécois le
fait, fais sa part, mais si le fédéral ne veut pas nommer les juges, nous, on
pourrait prendre la compétence pour le faire. Alors, voyez-vous, c'est un cri
du coeur que je vous lance pour avoir votre appui avec nous puis je suis
convaincu que vous allez nous appuyer là-dedans.
Peut-être, vous entendre un peu, là,
sur... vous avez abordé l'article 32, là, sur le fait que, la Cour
d'appel, les renvois allaient être entendus à Québec, là. Vous avez dit, je
pense, Me Sévéno : Bien, écoutez, les juges vont devoir venir à Québec
pour entendre, supposons, les renvois des juges basés à Montréal. Sauf qu'à ma
connaissance, à la Cour d'appel, les juges qui ont davantage une résidence à
Montréal viennent siéger à Québec fréquemment, et vice versa également, des
juges de Québec viennent siéger à Montréal aussi. Puis, de ce qu'on nous dit,
c'est que la Cour d'appel n'est qu'une seule et même cour, même si elle a deux
sièges. Alors, ça, je pense que c'est important de le dire aux Québécois :
Il n'y a qu'une seule Cour d'appel et elle est un tout unique, les
23 juges de la Cour d'appel sont ensemble et travaillent ensemble.
Bien, peut-être une question sur... sur la
contribution pénale, là, qu'on augmente. Vous, vous avez une réticence, hein,
par rapport à ça?
M. Temim (David Robert) : Mais
c'est parce qu'on se demande si ça ne va pas avoir un effet unique, si ça ne va
pas, au contraire, encourager les individus à contester des constats d'infraction
qu'ils auraient l'habitude de payer plus rapidement qu'autrement. C'est notre
préoccupation. C'est notre interrogation.
M. Jolin-Barrette : Basée
uniquement sur des faits qui... qui vont au FAVAC puis au FAJ parce que...
M. Temim (David Robert) : Si
possible, oui.
M. Jolin-Barrette : ...oui,
il y a une augmentation, mais vous savez...
M. Jolin-Barrette : ...de
compensatoire, elle n'est plus obligatoire. Donc, c'est important de financer
adéquatement. Et là, dans le projet de loi n° 48, sur les sanctions
administratives pécuniaires en matière de radars photo, on a augmenté les
contributions. Donc, c'est important aussi de le financer adéquatement. Mais je
suis preneur, si vous avez d'autres suggestions pour financer les fonds, là.
M. Temim (David Robert) : En
tout cas, on a accueilli évidemment la nécessité de... qu'il y ait une
augmentation pour trouver du financement. Ça, évidemment, on ne dira pas le
contraire. Mais on avait un petit peu l'interrogation par rapport au... à
l'objectif général de réduire les délais et au fait que ça puisse avoir un
effet un petit peu un peu contraire à ce qui est souhaité, même si je comprends
effectivement votre... votre... votre argument, M. le ministre.
M. Sévéno (Louis) : M. le ministre,
je crois qu'il y avait quand même certaines questions qui m'étaient adressées
tout à l'heure concernant la Cour d'appel. Si vous me permettez, je pourrais
peut-être y répondre. Bien, premièrement, je salue la précision que vous avez
fournie quant au nombre de juges de la Cour supérieure. Puis, comme je vous
l'avais mentionné dans notre allocution, nous avons déjà été dans le passé par
rapport à la nomination de juges et au niveau de la Cour supérieure... et aussi
au fait, là, de combler des vacances, nous comptons, une fois que ce projet de
loi ci deviendra loi, d'écrire à nouveau au ministre de la Justice à ce sujet.
Donc, comptez assurément sur notre pleine collaboration à ce sujet là.
En ce qui concerne l'article 32, je
suis tout à fait au courant que des juges ayant une résidence habituelle à
Montréal peuvent être appelés à siéger à Québec et que, dans ce contexte-là, le
gouvernement défraie déjà des coûts de subsistance pour les juges alors qu'ils
sont là. Là n'était pas exactement mon propos. C'est plutôt qu'à l'heure
actuelle la juge en chef, puisque c'est une femme actuellement, elle, juge en
chef, bénéficie d'une latitude pour nommer les juges qui vont siéger dans le
cadre de certains renvois, une latitude qui doit demeurer et qui est... qui
parfois doit être exercée dans des conditions très particulières, où, par
exemple, il peut y avoir des conflits d'intérêts, qui peuvent faire en sorte
que certains juges peuvent ou ne peuvent pas siéger. Et, dans ce contexte-là,
il est entièrement possible que, si jamais on décidait d'avoir un banc, par
exemple de sept juges... il est possible que, pour un renvoi qui exige
habituellement une audience quand même plus longue, et parfois sur une période
plus... plus importante, il est possible que, sur un banc de sept juges, ce
soit cinq juges de Montréal, à ce moment-là, et ça pourrait effectivement créer
une certaine pression à ce niveau-là.
Mais, à la base, on doit se rappeler que
c'est une grande richesse. Et d'ailleurs, c'est le... c'est dans le mémoire du
Barreau, que ça a été écrit explicitement, c'est une grande richesse que
d'avoir une cour d'appel qui a deux greffes, deux sièges et non pas un seul
siège unique. Et, cette richesse-là, je ne pense pas qu'on devrait... qu'on
devrait l'éliminer dans les cas des renvois. Et notre association ne voit pas
vraiment d'utilité à le faire dans le cadre des renvois, surtout compte tenu
des faits... du fait que chaque envoi est distinct et chaque envoi peut avoir
ses propres exigences particulières. Donc, dans ce contexte-là, nous préférons
conserver la latitude qui existe actuellement.
M. Jolin-Barrette : O.K.,
mais vous conviendrez avec moi, Me Sévéno, que la juge en chef du Québec
conserve son entière prérogative de composer le banc. Dans le fond, ce qu'on
dit, les renvois sont initiés par l'État québécois. Et, à partir de ce
moment-là, le législateur dit : Ils sont... ils sont entendus à Québec,
puis ce sont des dossiers d'importance. Vous avez dit également, dans votre
mémoire, je pense, qu'ils peuvent siéger à trois. Cependant, la Cour suprême,
on a accueilli la Cour suprême, puis ils ont siégé à neuf à Québec, au Palais
de justice de Québec, quand ils sont venus, sur plusieurs dossiers. Donc, je
pense qu'on est capable de faire les choses comme il faut dans la
Capitale-Nationale, à Québec aussi. Puis la composition du banc, ce n'est pas
le ministre qui s'en occupe, ça relève de l'indépendance judiciaire. Puis
j'imagine que ça doit arriver, parfois même sur des bancs de trois à Québec,
que ça soit trois juges qui ont leur résidence à Montréal. Alors, on
n'intervient pas là-dedans. On dit simplement que les renvois seront entendus à
Québec.
M. Sévéno (Louis) : O.K. Je
ne suis pas certain s'il y avait une question, mais, en ce qui nous concerne,
avant de changer la loi pour limiter le siège à un seul, lorsqu'on parle de
renvoi, ce n'est pas qu'une question de pourquoi pas, c'est une question plutôt
de pourquoi. Et, à date, je veux dire, c'est la Cour d'appel du Québec, non pas
la Cour d'appel de Québec...
M. Sévéno (Louis) : ...de la
ville de Québec. On a une cour d'appel qui a deux sièges. On a un nombre de
juges, dont certains sont plutôt dans la région de Montréal... montréalaise,
d'autres dans la région de Québec. Donc, on... On n'a pas vraiment vu. Et
surtout que ça ne... Ce n'est pas quelque chose qui avait été discuté au niveau
de la Table Justice Québec, c'est quelque chose qui était un, je veux dire, qui
est un ajout. Donc, avant qu'on modifie cette loi-là et qu'on vienne limiter
les prérogatives de la juge en chef, la question, c'est plutôt de savoir
pourquoi. Donc, je ne sais pas si je réponds à votre question, là.
M. Jolin-Barrette : Mais je
veux juste vous poser... Je veux juste vous poser une question. Est-ce que la
capitale nationale du Québec a une importance relative pour vous? Le fait, là,
que la Cour d'appel fait partie des institutions québécoises, est-ce que, pour
vous, il n'y a pas un intérêt, notamment, sur la question des renvois, à ce
que ce soit entendu dans la capitale du Québec, comme à Ottawa les renvois du
gouvernement fédéral sont entendus dans la capitale du Canada?
M. Sévéno (Louis) : Écoutez,
c'est une question qui se pose. Je peux dire que notre association ne s'est pas
penchée spécifiquement sur cette question-là, mais on en demeure au principe
que c'est une richesse pour nous, pour notre association, que notre cour
d'appel ait deux sièges officiels. Je ne pense pas que les... l'endroit des
renvois ait été problématique dans l'histoire de la Cour d'appel, depuis qu'ils
existent. Si c'est le cas, certainement, ça pourrait être discuté et j'imagine
que ça pourrait faire l'objet de consultations dans des tables... de justice
Québec où il y a des membres de la magistrature qui sont présents. On pourrait
avoir la convocation et l'avis de toutes les parties prenantes à ce niveau-là,
et j'imagine que c'est quelque chose qui pourrait être étudié en temps et lieu.
• (17 heures) •
M. Jolin-Barrette : Excellent.
Je vous remercie grandement pour votre présence en commission parlementaire.
C'est apprécié. Merci au Barreau, à l'Association du Barreau canadien. Je vais
céder la parole à mes collègues. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Charlevoix–Côte-de-Beaupré, s'il vous plaît.
Mme Bourassa : Bonjour. Bon
après-midi. Écoutez, moi, je ne suis pas avocate du tout. Je vous entendais
parler avec le ministre de technicalités importantes dans un jargon judiciaire.
Moi, ce que je veux savoir sur ce projet de loi là, c'est qu'est-ce que ça va
changer pour les citoyens. Donc, tout à l'heure, vous parliez en début
d'exposé, bon, qu'avec les nouvelles fonctions des JPN, l'organisation de la
cour pourrait s'améliorer, ça va libérer du temps de juge provincial. Qu'est-ce
que ces juges-là vont pouvoir faire de plus? Puis comment est-ce que M., Mme
Tout-le-monde, ça va faciliter leur expérience dans le système de justice?
M. Temim (David Robert) : Bien,
ce qui arrive, c'est que, dans la pratique du droit criminel et pénal, ou du
droit... on va prendre l'exemple du droit criminel, il y a plusieurs procédures
qui jalonnent un dossier au cours de son existence et il y a des moments où un
juge de paix magistrat serait tout à fait à même de remplir la responsabilité
qui est aujourd'hui dévolue à un juge de la Cour du Québec, qui serait
probablement mieux utilisé à entendre une cause sur le fond, alors qu'on sait
que, par exemple, il y a des dossiers où on ne peut pas avoir un juge de
disponible pour avoir un procès et où ça occasionne des arrêts de procédure.
Pour le citoyen, peut-être plus
directement, au niveau... si on prend l'exemple des victimes, elles vont avoir
l'occasion d'entendre leur cause, de voir leur cause entendue plus rapidement
et peut-être de moins s'exposer à des arrêts des procédures. Si on prend le cas
d'un accusé qui, vous en conviendrez avec moi, est aussi un citoyen, il va
avoir l'opportunité d'avoir une enquête sur remise en liberté de manière plus
facile, qui est un droit constitutionnel, alors qu'au jour d'aujourd'hui, on
peut se retrouver dans des cas où effectivement on n'a pas de greffier
disponible. On peut ne pas avoir de juge de la Cour de Québec disponible et on
peut avoir des délais qui s'accumulent. Donc, à ce niveau-là, je pense
qu'effectivement tout le monde a... y gagne.
Mme Bourassa : Parfait. Et
justement, dans l'organisation du travail, concrètement, sur le terrain,
comment... comment ça va s'organiser? Qu'est-ce que ça changerait? Mais
j'entends les répercussions, mais comment ça va s'organiser?
M. Temim (David Robert) : Bien,
la façon dont ça va s'organiser, c'est qu'il va y avoir plus... probablement
plus de juges de paix, magistrats qui vont prendre le banc afin de pouvoir
justement faire face à ce genre de procédures qui, au jour d'aujourd'hui,
nécessitent la présence d'un juge de la Cour provinciale, qui remplit
parfaitement cette fonction, entendez-moi bien, mais qui n'est peut-être pas
absolument indispensable à ce stade. Par exemple, un exemple très simple, une
procédure comme l'enquête préliminaire. Lorsque l'enquête préliminaire se tient
effectivement, on va solliciter évidemment un juge de la Cour du Québec. Si...
17 h (version non révisée)
M. Temim (David Robert) : ...y
a renonciation à l'enquête préliminaire à un moment donné, alors qu'elle a été
effectivement tenue, et qu'on fait ce qu'on appelle un 549, bien, le juge de
paix magistrat va être en mesure d'entendre cette procédure, qui est très, très
rapide, et on n'aura pas besoin de faire siéger un juge de la Cour du Québec,
alors que l'enquête ne sera pas effectivement tenue. Il pourrait être dévolu à
une autre fonction ou, peut-être, à entendre une enquête préliminaire qui,
elle, sera effectivement tenue.
Mme Bourassa : On ne vous a
pas nécessairement attendus là-dessus, mais tout à l'heure on a entendu d'autres
groupes parler de la modernisation avec les comparutions sept jours semaine,
des juges justement... des JPM qui pourraient aussi être sept jours-semaine à
distance. C'est quoi, votre position par rapport à ça?
M. Temim (David Robert) : C'est
effectivement souhaitable. C'est effectivement souhaitable de faciliter la
comparution des personnes qui sont arrêtées. Ça permet aussi, là, de ne pas
scléroser inutilement le système en amont et ça va permettre de respirer
davantage en aval, automatiquement.
Mme Bourassa : C'était
demandé, là, par les justiciables, que vous côtoyez aussi, j'imagine, ou par
les gens au sein du système de justice?
M. Temim (David Robert) : Les
deux. Vous savez, tout le monde est préoccupé par les mêmes considérations. Je
crois qu'il y a des décisions qui doivent être prises par les législateurs,
mais, comme semblait le dire M. le ministre tantôt, et à bon escient, je crois
que c'est une question de culture générale, tout le monde doit y mettre un
petit peu du sien. Et il y a beaucoup de mesures dans le projet de loi qui vont
dans le bon sens...
Mme Bourassa : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :...
M. Temim (David Robert) : ...même
s'il y en a d'autres qui nous interpellent, excusez-moi.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député d'Acadie,
s'il vous plaît.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Bonjour, Me Sévéno, toujours heureux de vous revoir, Me Temim,
bonjour. Merci pour la mémoire que vous avez produit. Ma première question est
en lien avec les pouvoirs étendus qui seront éventuellement dévolus aux juges
de paix magistrats. Et vous l'avez souligné, Me Themim, dans le projet de loi,
on va permettre... en fait, le projet de loi permettrait à un juge de paix
magistrat d'entendre un article 549 du Code criminel, c'est-à-dire, en
fait, de consentement, avec le poursuivant, de sauter l'enquête préliminaire.
Sauf que, dans les faits, en pratique, il arrive souvent qu'un avocat de la
défense, par exemple, voudra faire entendre un témoin, puis, comme on dit,
faire un 549 pour le reste de la preuve. Et là je comprends que, dans un cas
comme ça, le juge de paix magistrat ne pourra pas présider cette enquête-là. Qu'est-ce
que vous pensez de l'idée d'étendre davantage le pouvoir du juge de paix
magistrat puis de lui permettre d'entendre un témoin, étant entendu qu'à l'enquête
préliminaire il ne va pas entendre des requêtes de charte, ne va pas évaluer la
preuve, ne va pas déclarer l'individu, la personne, le prévenu coupable ou pas?
Est-ce que ça pourrait aider? Est-ce que ça pourrait rendre la justice plus
accessible et plus rapide?
M. Temim (David Robert) : Écoutez,
c'est une question... Vous me faites beaucoup d'honneur en me posant cette
question. Je ne sais pas si j'ai l'envergure pour pouvoir répondre à cette
question. Je vous dirais qu'en principe pourquoi pas. Je vous dirais que probablement
il faut voir comment les changements vont évoluer et que peut-être ça va
devenir quelque chose d'impérieux qui va s'imposer à nous avec le temps, lorsqu'on
va être confrontés, justement, aux questionnements que vous soulevez. Au jour d'aujourd'hui,
je ne sais pas si je suis en mesure de vous dire s'il est souhaitable d'aller...
d'aller plus loin encore avec les pouvoirs dévolus aux juges de paix
magistrats. Je vous dirais simplement que, de manière un petit peu
conservatrice... je vous dirais que c'est déjà un bon pas dans la bonne
direction, et qui vivra verra, mais une possibilité, pourquoi pas, pourquoi
pas.
M. Morin : Oui, je suis... je
suis d'accord avec vous pour dire que c'est... c'est quand même... Cette
mesure-là, c'est un pas dans la bonne direction, d'accord, sauf qu'au fond,
pour que ce soit vraiment efficace, il faudrait à peu près qu'il y ait un rôle
complet de 549 pour l'enquête préliminaire, parce que, sinon, dans un palais de
justice, au quotidien, là, s'il y a deux 549 sur le rôle, bien, le juge de paix
magistrat va faire les deux puis, après ça, il... quoi, il va partir. C'est le
juge de paix, mais qui est aussi un juge de la Cour du Québec, qui va entendre
les témoins. Donc, dans dans le quotidien... en fait, peut-être que, dans
certains grands districts, ça va fonctionner pour un rôle au complet, mais,
dans plein d'autres districts, c'est un mélange qu'on se ramasse avec toutes
les étapes préliminaires. Donc, j'essaie de voir quel est le gain qui pourrait
être fait au niveau de l'accès de la justice puis de la confection des rôles,
et c'est un peu pour ça que je vous posais la question. Mais j'entends de votre
réponse que, d'après vous, il n'y aurait pas nécessairement d'empêchement
juridique à ce qu'un juge de paix magistrat entende des témoins à l'étape d'une
enquête préliminaire...
M. Temim (David Robert) : ...Mais
s'il n'a pas de décision à rendre sur la suffisance de la preuve, pour citer un
procès par exemple, pourquoi pas? On fait... on fait bien des... des interrogatoires
avec des greffiers... avec des sténographes, pardon, puis hors cour, donc
pourquoi pas? On le fait au criminel aujourd'hui.
M. Morin : Tout à fait.
M. Temim (David Robert) : Quand
on... quand on estime qu'il n'y aura pas nécessairement de questions à
trancher, on peut gagner du temps. Donc, effectivement, je crois... je crois
que vos questions sont... je ne suis pas... je ne me sens pas à même de vous
apporter peut-être la réponse que vous auriez souhaité de manière aussi
tranchée que vous l'auriez aimée, mais je pense que vous soulevez des choses
qui sont... qui sont pertinentes, parce qu'effectivement au fur et à mesure que
le projet de loi... au fur et à mesure que la nouvelle loi va être implémentée
et qu'on va rencontrer au jour le jour ces petits problèmes que vous
mentionnez, qui sont plus que des petits problèmes, qui sont des choses qui
vont arriver, effectivement.
M. Morin : Je vous... je vous
remercie beaucoup. J'aimerais, dans le temps qui nous reste, qu'on parle un peu
du régime des... des confiscations administratives parce que c'est... c'est un
aspect important du projet de loi. Moi, je n'ai pas vu, dans le plan d'action
de la Table Justice Québec, qu'on avait discuté de ces choses-là entre
l'ensemble des intervenants. Et je me dis, bon, écoutez, on a un régime de
confiscation des produits de la criminalité en matière criminelle avec, bon,
des fardeaux de preuves, une procédure qui est bien établie. Par la suite, si
ça ne fonctionne pas, il peut y avoir une procédure de confiscation civile qui
est déjà dans la loi québécoise. Là, je comprends que M. le ministre va aller
un peu plus loin et parler de confiscations administratives.
• (17 h 10) •
Et là j'aimerais vous entendre là dessus,
parce qu'en plus d'avoir une confiscation administrative, il y a une foule de
présomptions, même une présomption que quelqu'un a reçu la signification de
l'avis de confiscation. Puis je comprends qu'on réduit aussi la protection
accordée à des tiers innocents. Donc, quelle est votre position là-dessus?
Est-ce qu'on va trop loin? Est-ce qu'il y a des garanties qui sont évacuées?
Est-ce qu'on risque de se ramasser dans une situation où finalement on va être
obligé de reprendre des procédures parce qu'il y a un tiers innocent qui va
lever la main puis va dire : Écoutez, c'est à moi, ce bien là, je n'ai
rien fait, donc arrêtez tout. J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Temim (David Robert) : Ça
nous... ça nous préoccupe, effectivement. Ça a... ça a attiré notre attention.
On considère que l'article 21 serait de nature à créer une procédure de
confiscation administrative, comme vous l'appelez. Or, nous nous questionnons
tout d'abord sur le nombre de dossiers de confiscation civile, comme vous
l'avez mentionné, qui est quelque chose qui existe. Il s'agirait de quelque
chose qui serait de nature d'une ordonnance de blocage, mais qui ne requérait
pas d'aller devant un juge pour avoir une autorisation préalable. Selon notre
compréhension, à l'ABC, le procureur général du Québec serait essentiellement,
comme on le dit dans notre... dans notre mémoire, en mesure d'obtenir, en vertu
donc de ces dispositions, une ordonnance de la nature d'une ordonnance de
blocage, c'est ce que je vous disais juste à l'instant, sans contrôle
judiciaire préalable. Ça, c'est toujours quelque chose qui nous préoccupe
effectivement dans une association comme l'ABC. On se questionne effectivement
sur le caractère opportun d'un tel changement qui, c'est ce qui nous avait
aussi... c'est ce qui avait attiré notre attention, ne semble pas faire partie
de... du plan d'action de la Table Justice Québec, ça va plus loin, et on ne
pense pas que ce soit nécessairement opportun. Ça comporte des risques.
M. Morin : Et... non, je vous
remercie. Quand on regarde le... le libellé, la rédaction de certains articles,
là, par exemple l'article 18, quand on parle de... de bien qui est présumé
être un produit d'activités illégales et qu'on parle d'une somme d'argent
comptant trouvée à proximité de substances interdites, est-ce que vous trouvez
que c'est flou? Est-ce que le législateur pourrait trouver un terme plus
précis? Est-ce que c'est trop vague? Est-ce que ça pourrait entraîner des abus?
M. Temim (David Robert) : Mais
c'est... ça pourrait entraîner... Vous savez, c'est toujours la même chose,
chaque cas est un cas d'espèce. Je vous dirais que, dans certaines... dans
certains cas, on peut considérer de toute façon, d'ores et déjà qu'une somme
d'argent conditionnée d'une certaine manière, qui serait trouvée à côté de
produits illégaux pourrait provenir des produits de la criminalité, quelque
chose qui existe déjà de toute façon...
M. Temim (David Robert) : ...vous
me parlez de l'article 18, moi, j'attirerais votre attention par
rapport... pour mettre en exergue avec l'article 21, sur
l'article 13, par exemple, qui viendrait remplacer l'article 2, qui
existe aujourd'hui, de la loi sur la confiscation, l'administration et
l'affectation des produits et instruments d'activités criminelles. Nous, on
considère que l'article d'aujourd'hui est convenable et on s'interroge sur la
mouture que représente l'article 13, qui correspondrait à une sorte
d'élargissement, peut-être trop important pour nous, du champ d'application de
la loi, ce serait un élargissement qui, couplé justement avec la possibilité de
confiscation administrative qu'on vient d'évoquer ensemble... bien, ça pourrait
mener à potentiellement des débordements, effectivement.
M. Morin : Parce que ma
compréhension de la procédure, c'est qu'admettons qu'un policier, dans le cadre
d'une enquête, saisisse des biens, le poursuivant n'est pas intéressé
nécessairement de... d'intenter une infraction ou une poursuite pour une
infraction de blanchiment d'argent ou de confisquer des produits, le procureur
général pourrait décider d'envoyer un avis et donc de vouloir saisir ces
biens-là d'une façon administrative sans qu'il n'y ait à peu près pas de
preuves de présentées devant le juge.
M. Temim (David Robert) : C'est
ce que ça dit. C'est ce que ça suggère.
M. Morin : D'accord. Donc, on
a la même... on a la même compréhension des dispositions.
M. Temim (David Robert) : Oui,
oui. La même... peut-être aussi.
M. Morin : Merci. Merci
beaucoup, maître.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député
d'Acadie. M. le député de Saint-Henri-Sainte-Anne, s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup à tous les deux pour votre présentation. Vous avez parlé, en matière
de nomination des juges, encore une fois, on semble coincés face à une machine
fédérale qui ne fonctionne pas. Comment on fait pour régler cette
problématique, alors qu'on semble faire la sourde oreille à Ottawa depuis
longtemps? Quel message ça envoie, là, d'être obligés de mettre autant de
pression juste pour que le Québec puisse gérer efficacement son système de
justice?
M. Sévéno (Louis) : ...bonne
question. Ce que je peux vous dire, c'est que nous, au niveau de l'ABC-Québec,
on met la pression où on le peut. On va, par exemple, siéger sur des comités
pour la nomination des juges. Il y a eu tout de même beaucoup de juges de
nommés en Cour supérieure au cours des dernières années. Ce n'est pas
suffisant. Donc, je ne suis pas ici pour vous dire que c'est suffisant, mais il
y en a tout de même eu beaucoup, si on compare, au niveau statistique, mettons,
les cinq dernières années avec les cinq ou les 10 années d'avant, il y en a
tout de même eu beaucoup. Le travail demeure à faire. Par exemple, tout
simplement pour nommer un juge en chef adjoint à la Cour supérieure, ça a pris
une période de plus... d'un an ou d'un an et demi, si je ne m'abuse. Nous
avions écrit une lettre à cet effet suite au décès de l'ancienne juge en chef
adjointe. Donc, il y a... il y a un travail à faire au niveau du ministère de
la Justice fédéral. Loin de nous, à titre d'association, d'aller dire aux
politiciens comment faire leur travail, mais nous le faisons au moyen de ce que
nous pouvons faire, c'est-à-dire dans des conférences, dans des lettres, dans
des sorties, et nous continuerons à le faire.
M. Cliche-Rivard : Très bien.
Parce que le ministre ne semble pas vouloir aller au bout de sa pensée sur le
fait que le Québec soit seul maître de toutes ses compétences en toutes les
matières, alors qu'on refuse de nous entendre, finalement. Mais, au moins, là,
quand est-ce que le Québec va au moins demander ne serait-ce qu'à rapatrier son
pouvoir de nomination?
M. Sévéno (Louis) : Poser la
question, c'est y répondre, là. C'est une question beaucoup plus politique qui
dépend de nos lois constitutionnelles.
M. Cliche-Rivard : Bon.
Alors, on donne un mandat à notre ministre de la Justice? On donne ce mandat-là
à notre ministre, c'est ce que je comprends?
M. Sévéno (Louis) : Ça
dépasse entièrement le mandat de... qui m'a été conféré aujourd'hui et
certainement celui de Me Temim.
M. Temim (David Robert) : Oui,
absolument.
M. Sévéno (Louis) : Également,
ce sont des questions politiques.
M. Cliche-Rivard : Parce que
c'est un fait, là, vous le dites, là, je veux dire, le ministre le demande
aussi, la classe politique québécoise le demande aussi, puis on n'a pas de
réponse, puis ça fait des années, là, que ces juges-là devraient être nommés.
Alors, je pense qu'il y a une seule conclusion, à un moment donné, qu'il va
falloir tirer, puis il va falloir que le Québec soit maître d'oeuvre dans ce...
ces situations.
La position de conseiller ou le nouveau
poste ou l'ancien poste de conseiller en lois de l'État du Québec, est-ce que
vous avez une position là-dessus?
M. Sévéno (Louis) : Écoutez,
pour être franc, là, on a... j'ai tout simplement lu la position exprimée par
le Barreau aujourd'hui. Ça dépasserait mon mandat que de venir vous donner une
position formelle. Mais la réserve exprimée par le Barreau est tout de même
juste, en ce sens que, si on veut accorder un titre honorifique, ça ne devrait
pas être exactement le même titre que quelque chose que le Barreau offre déjà à
des gens qui veulent desservir des fonctions qui ne sont pas 100 % la
fonction d'avocat. Donc...
M. Sévéno (Louis) : ...je peux
vous dire qu'ayant lu leur position, j'ai... j'ai tendance à l'épouser, mais je
n'ai pas de mandat spécifique à cet effet-là.
M. Cliche-Rivard : Parfait.
Merci. Alors, on va attendre la demande formelle du ministre de la Justice du
Québec de rapatrier les pouvoirs de nomination auprès du fédéral.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Vaudreuil.
Mme Nichols : Merci, M. le
Président. Merci à vous deux de... de votre présence. Vous avez répondu en
partie, j'avais une question relativement... vous vous êtes prononcé sur
l'article 13, puis la députée de l'Acadie l'a abordé, a commencé à
l'aborder. Vous avez dit qu'il s'agissait, entre autres, d'un élargissement
important, là, du champ d'application de la loi puis vous avez... dans votre
mémoire, vous donnez, par exemple, les infractions au Code de la sécurité
routière. Vous parlez aussi que ça peut mener à des débordements. Quand vous
parlez de mener à des débordements, vous faites référence à des débordements
où, des débordements comment, des débordements sur le rôle, des débordements
sur...
M. Temim (David Robert) : Non,
peut-être aller trop loin au niveau des pouvoirs qui vont être donnés, ou du
champ d'application qui est suggéré par l'article. C'est beaucoup plus
circonscrit, beaucoup plus délimité avec l'article 2.
• (17 h 20) •
Mme Nichols : Parfait. Puis
quand vous parlez que la confiscation ne devrait-elle pas se limiter aux
infractions pénales les plus graves, dans le fond, ce que vous nous dites,
c'est que tout ça aurait besoin de précision, c'est juste pas assez précis.
M. Temim (David Robert) : Oui,
entre autres. Entre autres, oui, c'est très large.
Mme Nichols : Puis avez-vous
des exemples de...
M. Temim (David Robert) : Non,
je n'aurais d'exemples à vous soumettre, aujourd'hui.
Mme Nichols : ...ou des cas,
des cas problématiques, là. Comme, quand vous parlez du Code de la sécurité
routière, il doit... il y a quelque chose qui vous vient en tête, c'est sûr,
des cas problématiques, des exemples à nous donner.
M. Temim (David Robert) : Peut-être,
Me Sévéno.
M. Sévéno (Louis) : Mme la...
Mme la députée, si je peux me permettre, c'est... nous, notre position, c'est
que la loi, dans sa mouture actuelle, donc, ce qui est déjà édicté, c'est déjà
assez précis. On précise quelles sont les lois dont l'infraction pourrait mener
à une confiscation. Et là, maintenant, ce qu'on propose comme modifications,
c'est que plutôt que de spécifier ces lois-là, c'est que ce soit à tout acte ou
omission qui constitue une infraction à une loi du Québec, à une loi fédérale,
donc là, c'est... c'est rendu tout et n'importe quoi. Donc, nous avons soulevé
des exemples de lois qui contiennent des infractions qui pourraient paraître peut-être...
je ne veux minimiser aucune infraction, mais il y a certaines infractions qui
sont plus anodines, par exemple, personne ne voudrait se faire confisquer ces
biens parce qu'il a grillé un... un arrêt-stop, par exemple. Donc, je pense que
ça dépasserait l'entendement, c'est à ce genre de débordements là qu'on fait
référence en termes d'abus de pouvoir. La mouture actuelle se réserve à des
infractions graves que nous, en tant que société, en tant qu'avocat, en tant
que législateur, nous considérons comme graves, et donc nous nous posons la
question : Pourquoi rendre ça plus flou, plus large, sans restriction?
Mme Nichols : Puis risquer
que ce soit disproportionné, c'est ce que je comprends?
M. Sévéno (Louis) : Bien oui,
parce que, ce qui risque d'arriver à la fin, c'est que ce sera plutôt les
tribunaux, encore une fois de façon engorgée, qui vont devoir aller décider
qu'est-ce qui est permis, qu'est-ce qui n'est pas permis, qu'est-ce qui est
trop fort, qu'est-ce qui est trop loin, qu'est-ce qui est de l'abus? Alors que
la loi, tel qu'elle existe actuellement, elle est déjà tout à fait appropriée.
Mme Nichols : Parfait. Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Mme la députée
de Vaudreuil. Alors, merci beaucoup à vous deux d'avoir été avec nous en
commission parlementaire, ça a été plus qu'intéressant.
Cela dit, la commission ajourne ses
travaux au jeudi 14 mars... ah, oui, j'oubliais, je procède au dépôt
des mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus lors
des auditions publiques.
Et cela dit, la commission ajourne ses
travaux au jeudi 14 mars à 13 heures où elle va se réunir en
séance de travail. Merci beaucoup. À plus tard.
(Fin de la séance à 17 h 22)