(Onze heures quarante minutes)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît!
Bonjour, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la
Commission des institutions ouverte.
La commission est réunie afin de poursuivre
l'étude détaillée du projet de loi n° 12, Loi portant sur la réforme du
droit de la famille en matière de filiation et visant la protection des enfants
nés à la suite d'une agression sexuelle et des personnes victimes de cette
agression ainsi que les droits des mères porteuses et des enfants issus d'un
projet de grossesse pour autrui.
Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il
des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé par M. Cliche-Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne).
Étude détaillée (suite)
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Lors de
l'ajournement de nos travaux, hier, nous avions amorcé l'étude du
bloc IV, intitulé Mesures concernant l'enfant issu d'une agression
sexuelle. De façon plus précise, nos discussions
portaient sur l'article 542.22 inséré par l'article 19 du projet de
loi. Interventions? M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Alors, merci, M. le
Président. Effectivement, hier, on a eu une discussion à propos de cet article,
et j'ai proposé, M. le Président, à M. le ministre la
possibilité de trouver un moyen qui ferait en sorte que, lors d'une contestation de filiation, et
donc, puisqu'il y a une filiation, bon, les parents sont là, sont reconnus, il y
ait la possibilité d'entamer ou
d'avoir une présomption de déchéance de l'autorité parentale pour éviter, pour
éviter que, pendant l'action, évidemment, le père puisse exercer une
autorité qui serait indue ou qui viserait à mettre de la pression sur la mère
qui a déjà été victime, donc, d'une
agression sexuelle ou encore sur l'enfant qui veut procéder, et je parlais
d'une présomption parce que, bon, je
suis aussi conscient que l'autorité parentale, c'est un élément qui est
hyperimportant dans le cadre d'une famille,
donc ça serait possible de la rejeter ou de la combattre, mais, enfin, bref, de
mettre en place un mécanisme qui ferait en sorte que la mère et l'enfant
n'aient pas à subir cette pression-là. Et j'étais heureux de constater que M.
le ministre comprenait ce que je voulais
faire. J'ai même perçu une certaine ouverture, et on s'est laissés là-dessus à
la fin de la séance.
J'aimerais, ce matin, voir si... et j'aimerais
proposer un amendement pour qu'on puisse traiter de la question et essayer de
faire en sorte que, dorénavant, les femmes qui ont été victimes d'un viol,
l'enfant qui est issu d'une agression sexuelle n'aient pas à vivre en plus
cette situation-là. Donc, c'est l'étape où j'en suis ce matin. Et on a un
projet d'amendement que j'aimerais déposer, M. le Président, et puis, par la
suite, bien, on pourra en discuter dans le cadre des travaux de cette
commission.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Est-ce que c'est envoyé
à la commission?
M. Morin : Alors,est-ce
qu'on peut vous demander, M. le Président, un temps de suspension?
Le Président (M.
Bachand) : Oui.
M. Morin : Nous allons l'envoyer,
puis après ça, bien, on pourra reprendre.
Le Président (M. Bachand) : Parfait.
Alors, on suspend quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 44)
(Reprise à 11 h 55)
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. À l'ordre,
s'il vous plaît! M. le député de l'Acadie, pour votre amendement.
M. Morin : Merci,
merci, M. le Président. Alors, on va peut-être attendre qu'il soit à l'écran.
Le Président
(M. Bachand) : Vous pouvez en faire
la lecture.
M. Morin : Je vais en faire une
lecture. D'accord.
Donc, l'amendement se lirait comme suit :
L'article 542.22, tel que proposé par
l'article 19 du projet de loi, est modifié par l'insertion, après le
premier alinéa, de l'alinéa suivant :
«Dans le cadre de la contestation de la
filiation par l'enfant et qu'un jugement reconnaissant la femme victime
d'agression sexuelle, ait été rendu, l'autorité parentale de l'agresseur est
présumée déchue et ce, pendant toute la durée des procédures judiciaires en
contestation de la filiation.»
Et là on le voit maintenant à l'écran. Et
évidemment je ne répéterai pas, M. le Président, tout ce que j'ai dit, mais
c'est en lien évidemment avec tout ce que j'ai démontré ou, en fait, fait
valoir comme argument juste avant.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Donc,
interventions sur l'amendement du député de l'Acadie? M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : J'aimerais
vous entendre sur pourquoi est-ce qu'elle est seulement présumée déchue,
pourquoi n'est-elle pas déchue? C'est une question que j'aurais pour votre amendement.
M. Morin : Bien, c'est parce
que je veux faire en sorte qu'il y ait un message clair qui s'est envoyé
d'abord à ce que, dans un cas comme ça, il y a une présomption que le père ne
gardera pas l'autorité parentale. Cependant, cependant,
je veux laisser au tribunal, comme c'est de coutume dans notre système de
droit, une discrétion et donc une certaine
possibilité d'agir, compte tenu de tous les faits qui auront été déposés. C'est
la raison pour laquelle je suggère ici une présomption et non pas autre
chose qui enlèverait toute discrétion à l'autorité judiciaire.
M. Cliche-Rivard : Merci.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup.
Interventions sur l'amendement, M. le ministre?
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien,
écoutez, on a eu des discussions hier. Je comprends la position de mon collègue, mais je réitère les commentaires que
j'ai faits hier. Notre objectif, c'est un nouveau régime, on vise à faire
en sorte, justement, de permettre le bris de
filiation, qui est une action extrêmement forte. Je comprends votre objectif
de dire : Pendant le processus, il devrait avoir déchéance, mais là c'est
comme si on allait avant le jugement. Si jamais il y a des mesures... S'il y a une situation de violence conjugale, la DPJ
peut déjà être impliquée. Il y a déjà également la garde qui peut être confiée à la mère, que
certains droits sur l'enfant sont retirés déjà aux parents, exemple, par
103.1, notamment, relativement aux services médicaux.
Alors, nous,
on est à l'aise avec le libellé actuel, mais je salue la contribution que vous
voulez faire avec l'amendement.
Le Président
(M. Bachand) : Merci.Est-ce
qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement? Mme la députée de Robert-Baldwin.
Mme Garceau : Je vais juste
soulever le fait suivant, M. le ministre. Comme vous le savez très bien, et
c'est pour ça que vous avez présenté ce
projet de loi au niveau des agressions sexuelles, l'amendement contient un
jugement qui reconnaît que la femme a
été victime d'agression sexuelle. La femme en question, ça prend énormément de
courage de dénoncer et d'aller en procès témoigner au niveau de tous les
événements. C'est quand même assez important de reconnaître ce geste de la
victime. Et donc je tente de comprendre. Je ne pense pas, ici, que c'est la
DPJ, et avec grand respect, s'il va y avoir contestation. L'autorité parentale,
là, après un jugement... Parce qu'on se comprend qu'il pourrait y avoir des
conséquences assez importantes à la victime suite au prononcé d'un jugement,
surtout avec un agresseur, parce que l'agresseur ne va pas arrêter avec le
jugement. Qu'est-ce qu'il va se passer? Ça va être exactement ça, c'est qu'il
va continuer l'agression en toutes ses formes, incluant dans les écrits, dans
les procédures, pour faire en sorte que la victime se recule, retire la
contestation. On le sait, ça se passe dans toutes sortes de dossiers devant les
tribunaux, et on mise beaucoup là-dessus, surtout lorsqu'on a un agresseur qui
est un contrôleur. Ça ne va pas s'arrêter au prononcé d'un jugement. Et donc je
vous demande, dans l'intérêt de ces femmes et des enfants qui vont subir
également les conséquences, de reconsidérer l'amendement.
• (12 heures) •
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Est-ce qu'il y a
d'autres interventions sur l'amendement? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Simplement
souligner, là, au niveau de la filiation, là, le sujet de droit, c'est
l'enfant. L'enjeu qu'il y a aussi, c'est
qu'en matière de jugement criminel ça ne sera pas nécessairement inscrit dans
le jugement criminel que l'agression sexuelle, puis là on s'entend que
l'agression sexuelle doit être... l'agression sexuelle étant un viol, ça ne
sera pas nécessairement indiqué dans le jugement en matière criminelle, qu'il y
a un enfant qui est issu de ça, aussi. Donc, il y a une question de preuve
aussi à faire ça. Mais on permet d'utiliser le jugement pour le verser en
preuve.
Donc,
l'autre élément, c'est que l'enfant peut avoir vécu plusieurs années avec le
parent dans cette situation-là, dans
la situation de l'article qu'on est. Parce que, dans le fond, le certificat de
naissance fait état que c'est le père. Donc, il peut avoir été la figure
d'autorité parentale pendant plusieurs années. Puis là, comme je l'expliquais
hier, dans le fond, là, vous êtes dans le cas où il y a une instance criminelle
qui a été entreprise par la victime.
L'autre point : ça ne veut pas dire, parce
que l'accusé a été acquitté, que ça ne s'est pas produit non plus, aussi, donc
c'est pour ça qu'on met le volet civil aussi dans le cadre d'un procès civil,
aussi.
Donc, vous savez, avec toutes les démarches que
j'ai faites pour mieux accompagner, mieux soutenir la victime, je suis
extrêmement sensible à ça. Bien là, en termes de droit, en termes de rupture du
lien de filiation, qui est une situation nouvelle et inusitée, on vient
encadrer, puis les victimes seront accompagnées, parce que, surtout s'il a été
condamné au criminel, il va y avoir des conditions aussi, en lien avec la
sentence, rattachées. Donc, je salue le souhait que vous... où vous voulez
aller, cependant, moi, je suis à l'aise avec le texte qu'on a présentement.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Pour bien
comprendre, M. le ministre : Qu'est-ce qui vous inquiète dans la
formulation, dans la proposition? Qu'est-ce qui ne vous permet pas de
l'adopter? Pour bien vous comprendre.
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait,
on va déjà sur le fond du dossier avant d'être rendu au fond du dossier.
M. Cliche-Rivard : ...comme vous
l'avez énoncé dans des mesures de sauvegarde.
M. Jolin-Barrette : Oui. Et les
conséquences sur l'enfant pourraient être graves aussi, le fait qu'il n'ait
plus d'autorité parentale aussi. Puis, comme
on le dit, c'est du cas par cas, là. Donc, bien entendu, dans certains cas, il
n'y a même pas de question qui se pose, mais, comme je vous ai expliqué,
cet article-là vient faire une rupture du lien de filiation, d'un lien qui a été préétabli, puis peut-être que le parent
est une figure parentale pour l'enfant depuis plusieurs années. Donc,
c'est pour ça qu'on laisse ça à l'appréciation du tribunal. Le critère, c'est
l'intérêt de l'enfant.
M. Cliche-Rivard : ...une
présomption, ça n'irait pas nécessairement à l'encontre du critère de l'intérêt
supérieur de l'enfant.
M. Jolin-Barrette : Bien, comme je
dis, nous, on est à l'aise avec le libellé qu'on a.
M. Cliche-Rivard : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député d'Acadie.
M. Morin : Oui. Je voudrais
simplement, pour ma part, apporter un élément. On parle ici d'une présomption.
Donc, pour moi, ça laisse le fond du dossier intact. Le tribunal pourrait
toujours le rejeter. Il y a une preuve qui pourrait
être faite à l'encontre de cette présomption. Donc, pour moi, on ne va pas
directement dans le fond du dossier, mais
on donne une indication claire à la cour de ce qui pourrait être fait.
Maintenant, on en a discuté, voilà, j'ai compris la position de M. le
ministre. Alors, est-ce qu'on est rendus au point où on vote?
Le Président (M.
Bachand) : Merci. S'il n'y a pas d'autre
intervention, alors on va procéder à la mise aux voix. Est-ce que l'amendement
est adopté?
Une voix : Rejeté.
M. Morin : Par appel nominal, M. le
Président.
Le Président (M.
Bachand) : Oui. Mme la secrétaire, s'il
vous plaît.
La Secrétaire : Pour, contre,
abstention. M. Morin (Acadie)?
M. Morin : Pour.
La Secrétaire : Mme Garceau
(Robert-Baldwin)?
Mme Garceau : Pour.
La Secrétaire : M. Jolin-Barrette
(Borduas)?
M. Jolin-Barrette : Contre.
La Secrétaire : Mme Bourassa
(Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?
Mme Bourassa :
Contre.
La Secrétaire : Mme Haytayan
(Laval-des-Rapides)?
Mme Haytayan : Contre.
La Secrétaire : Mme Schmaltz
(Vimont)?
Mme Schmaltz : Contre.
La Secrétaire : M. Asselin
(Vanier-Les Rivières)?
M. Asselin : Contre.
La Secrétaire : M. Lemieux
(Saint-Jean)?
M. Lemieux : Contre.
La Secrétaire : M. Cliche-Rivard
(Saint-Henri—Sainte-Anne)?
M. Cliche-Rivard : Pour.
La Secrétaire : M. Bachand
(Richmond)?
Le
Président (M. Bachand) :
Abstention. Donc, l'amendement
est rejeté. Est-ce qu'il y a d'autres interventions à 542.22? M. le
député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M.
Cliche-Rivard : Dans le deuxième alinéa, M. le ministre,
j'aimerais ça vous entendre sur le cas de scénarios où est-ce que ça
veut dire un rétablissement définitif du lien de filiation. «Définitif»,
qu'est-ce que ça signifie?
M. Jolin-Barrette : Bien, dans le
fond, l'enfant avait la filiation. La tutrice mère de l'enfant demande la rupture du lien de filiation, supposons, après un
an ou deux, et l'enfant, par la suite, décide de redemander
l'établissement de la filiation. Donc, il peut la redemander, mais il n'y aura
pas de retour en arrière, là. C'est pour éviter le yoyo avec la filiation.
M.
Cliche-Rivard : Donc, une fois, là, rétabli, c'est terminé. Ça
fait que l'enfant qui a exercé ce recours-là de retrouver ou de recréer
le lien de filiation ne pourra pas, jamais, cinq ans, 10 ans plus tard,
décider : finalement, non?
M. Jolin-Barrette : Non. Exactement.
M. Cliche-Rivard : O.K. On a aussi
plusieurs groupes, avocats et autres, qui nous ont parlé des inférences
négatives qui étaient tirées, souvent, de l'exercice de ces recours-là par la
mère au nom de l'enfant. Ils nous ont parlé d'aliénation parentale, là. Est-ce
que vous seriez sensible ou ouvert à l'idée qu'on apporte, là, un message clair
aux tribunaux qu'on ne peut pas tirer
d'inférence négative de par l'exercice de ce recours-là, de par l'information
ou le fait d'informer l'enfant qu'il est issu d'une agression? Est-ce
que vous seriez ouvert à ce qu'on le précise dans le texte de loi, qu'on ne
peut pas tirer d'inférence négative de l'exercice du recours?
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait,
on a eu ce débat-là dans le cadre du projet de loi n° 2, notamment, on en
a longuement discuté avec votre collègue, notamment, la députée de Sherbrooke,
et c'est pour ça qu'on a modifié l'article 33,
donc, en incluant les violences familiales, y compris la violence conjugale.
Puis là je vous ai annoncé également, hier, qu'on allait faire un autre
pas pour y inclure la violence sexuelle.
Donc,
justement, le tribunal, maintenant, dans le cadre de l'intérêt de l'enfant, son
spectre d'analyse le comprend aussi.
Ça fait qu'il y a une question aussi de formation des juges, qui appartient
d'ailleurs au Conseil de la magistrature, et donc... La députée de
Robert-Baldwin est d'accord avec moi.
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Ah bien, là,
je... Là, mettez-moi pas dans le même bateau que vous, là, faites-moi pas dire des choses. Alors, tout ça pour vous dire que
la cour, ils sont à même d'analyser les dossiers en fonction d'eux, puis
moi, je leur fais confiance sur l'objectivité du magistrat qui est sur le banc,
qui est saisi du dossier.
Le législateur, ce
qu'on fait, c'est qu'on est venu, avec le projet de loi n° 2, dire :
Écoutez, si vous confiez, supposons, la
garde d'un enfant... Puis moi aussi, j'ai entendu ces histoires-là pour
dire : Bien, ah! monsieur est violent, monsieur fait de la violence
conjugale mais n'est pas violent avec l'enfant. On les a, tous, entendues, ces
histoires-là. C'est pour ça qu'on est venu
corriger l'article 33 en disant : Bien, dans le cadre de, supposons,
l'évaluation de la garde, vous regardez le critère cardinal, le critère central, c'est l'intérêt
de l'enfant. Que comprend l'intérêt de l'enfant? La violence familiale,
y compris la violence conjugale, puis là on va rajouter la violence sexuelle,
par voie d'amendement. Donc, ça fait le tour aussi, mais il faut faire
confiance aussi aux tribunaux puis aux juges.
M.
Cliche-Rivard : Tout à fait. Cela dit, sans miner ou sans questionner
la confiance, il y a des choses qui nous ont
été rapportées. Moi, ce que... J'entends, là, la modification de
l'article 33, je la salue, mais il n'y a rien qui nous empêche, en
même temps, d'ajouter une interdiction d'inférence négative sur l'exercice d'un
recours pour protéger cette femme-là, éventuellement, d'un argument
d'aliénation.
M.
Jolin-Barrette : Bien, si, là, on commençait à faire ça à chaque fois
qu'il y aurait un recours qui est exercé...
En fait, les citoyens ont le droit d'exercer tout type de recours. On ne peut
pas commencer à dire : Vous prenez tel recours... bien là, le tribunal va dire : Le citoyen prend tel
recours, ça fait que je vais avoir un préjugé avant de l'avoir entendu.
Dans le fond, tous les recours qui sont à la disponibilité des citoyens dans le
cadre du Code de procédure civile ou dans le cadre du Code civil
sont à la disposition de tous les justiciables. La cour les accueille avec
cette, comment dire ça... avec cette neutralité-là. Les citoyens ont le
droit de présenter tous les recours qu'ils souhaitent, sous réserve de leur
quérulence.
M. Cliche-Rivard : Bien, je vais quand même,
M. le Président, demander une suspension. Notre amendement est prêt,
puis on va le déposer, puis le ministre pourra prendre sa décision sur le vote
de l'amendement.
Le
Président (M. Bachand) : Ça va? M. le
député d'Acadie, on va attendre l'amendement ou vous voulez intervenir
immédiatement? Allez-y.
M. Morin : Non,
en fait, c'est pour un peu plus tard, donc on peut attendre l'amendement, M. le
Président.
Le
Président (M. Bachand) : Alors, on va
suspendre quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à
12 h 10)
(Reprise à 12 h 15)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission reprend ses travaux. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne,
s'il vous plaît.
M.
Cliche-Rivard : Oui. Alors, je lis l'amendement proposé : Ajouter
un troisième alinéa :
«Le
fait pour un parent d'exercer ce recours au nom de l'enfant, de révéler à
l'enfant qu'il est issu d'une agression sexuelle ou qu'il a droit à ce
recours, ou d'encourager l'enfant à exercer ce recours ne peut constituer une
preuve de manquement aux capacités
parentales ou d'échec à répondre aux besoins de l'enfant, et ce, même si le
recours échoue.»
Le
Président (M. Bachand) : Est-ce qu'on l'a
reçu, l'amendement? O.K.
Des voix :
...
Le
Président (M. Bachand) : Ce ne sera pas tellement long, on va
le mettre... le temps de le mettre sur les tableaux. Et voilà. Merci. Donc,
interventions sur l'amendement du député de Saint-Henri—Sainte-Anne?
M.
Cliche-Rivard : Je pense que je l'ai expliqué. Suivant ce que les
groupes nous ont dit, l'objectif serait d'éviter des inférences négatives
suivant l'usage de ce recours.
Le
Président (M. Bachand) : Merci.
Interventions? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, M. le Président,
comme je l'ai dit à mon collègue, il faut faire confiance aux tribunaux
aussi. Les tribunaux accueillent les requêtes et traitent au mérite les
requêtes. Donc, on ne donnera pas suite, pour les arguments que j'ai invoqués
par la... tout à l'heure.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. M. le
député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M.
Cliche-Rivard : Devinant l'issue du vote, mais aussi l'importance de
l'intention du législateur, nous confirmez-vous, M. le ministre, que vous
envoyez ce message-là : qu'aucune inférence ne devrait être tirée de par
l'usage du recours?
M.
Jolin-Barrette : Bien, tout à fait.
M. Cliche-Rivard : Parfait.
M. Jolin-Barrette : Et
que ce soit pour tous les recours, puis on peut être clair, pour... dans le
cadre des débats parlementaires, que,
lorsqu'une personne exerce un droit, elle le fait en fonction de ses propres
droits, et la cause doit être entendue
en toute objectivité, sans préjugé, sans avoir des idées préconçues. Et, comme
tous les dossiers qui sont présentés devant le juge, c'est ce qu'on
demande aux juges : l'ouverture, l'impartialité, et de décider en toute
indépendance.
Le
Président (M. Bachand) : ...
M.
Cliche-Rivard : ...le rejet de l'amendement. J'en vois les tribunaux
informés.
M.
Morin :
...M. le
Président.
Le Président (M. Bachand) : Oui. Avant, juste voir : Est-ce qu'il y a d'autres interventions
sur l'amendement? S'il n'y a pas d'intervention, est-ce que l'amendement
est adopté?
Des voix : ...
M.
Cliche-Rivard : ...vote par appel nominal.
Le
Président (M. Bachand) : Oui, bien, on m'a
demandé un vote. On vient de... là, vous demandez un vote par appel nominal. On
fait le vote par appel nominal. Mme la secrétaire.
La
Secrétaire : Pour, contre, abstention. M. Cliche-Rivard
(Saint-Henri—Sainte-Anne)?
M.
Cliche-Rivard : Pour.
La
Secrétaire : M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M.
Jolin-Barrette : Contre.
La Secrétaire :
Mme Bourassa (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?
Mme
Bourassa : Contre.
La Secrétaire :
Mme Haytayan (Laval-des-Rapides)?
Mme
Haytayan : Contre.
La Secrétaire :
Mme Schmaltz (Vimont)?
Mme
Schmaltz : Contre.
La Secrétaire :
M. Asselin (Vanier-Les Rivières)?
M. Asselin :
Contre.
La Secrétaire :
M. Lemieux (Saint-Jean)?
M. Lemieux :
Contre.
La Secrétaire :
M. Morin (Acadie)?
M. Morin :
Pour.
La Secrétaire :
Mme Garceau (Robert-Baldwin)?
Mme Garceau :
Pour.
La Secrétaire :
M. Bachand (Richmond)?
Le
Président (M. Bachand) : Abstention. Donc,
l'amendement est rejeté. Donc, on revient à 542.22. Y a-t-il d'autres
interventions? M. le député d'Acadie.
M. Morin : Merci,
M. le Président. À quelques reprises, M. le ministre nous a mentionné qu'il
allait modifier l'article 33 du Code civil pour inclure les violences
sexuelles, si j'ai bien compris ses mots. Est-ce que le ministre peut nous
indiquer si cet ajout s'en vient rapidement?
Le Président (M. Bachand) : M.
le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Bien, on peut le faire tout de suite si vous voulez.
On avait l'intention de le faire à la fin du bloc parce que, dans le fond...
Une voix : ...
M.
Jolin-Barrette : Oui. Dans le fond, c'est un nouvel article, vu que 33
n'est pas visé par les dispositions qu'on a
actuellement, ça fait qu'on voulait l'insérer à la suite du bloc, mais on peut
le faire tout de suite si vous le souhaitez.
M. Morin : Parfait.
Bien, écoutez, si M. le ministre est d'accord, on pourrait procéder, on
pourrait procéder immédiatement, tout à fait.
Le
Président (M. Bachand) : Donc, ce serait
quel article? Ce serait...
M. Jolin-Barrette : Puis, l'autre point aussi,
on va faire une modification corrélative... bien, de concordance à 606.
M. Morin : À
606.
M.
Jolin-Barrette : C'est ça. Également.
• (12 h 20) •
M. Morin : Et,
à ce niveau-là, mon deuxième élément, puisque, M. le Président, M. le ministre
est ouvert à ce qu'on procède maintenant, à 542.22, on parle de l'enfant...
Le
Président (M. Bachand) : Juste parce que
la présidence est mêlée — ça
arrive, ça arrive, ça arrive — là, on
est sur quoi, là? Parce qu'on a... Est-ce qu'on a terminé? Juste pour la
façon... la suite des travaux. On était sur 542.22. Le député d'Acadie
pose une question sur l'ajout de...
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, je pense
que le député de l'Acadie a encore une question sur 542.22. Donc, on va
continuer encore un petit deux minutes là-dessus puis ensuite on va peut-être
changer d'article, M. le Président. C'est ça? O.K.
Des voix : ...
M. Morin : ...tout
à fait.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député
d'Acadie.
M. Morin : Merci,
M. le Président. Donc, à 542.22, c'est l'enfant qui conteste sa filiation alors
que sa mère a été victime d'une agression sexuelle. Et là on parlait évidemment
de l'autorité parentale. Cependant, 542.22 traite du cas de la filiation et ne
vise pas le cas où le père aurait ou la mère aurait agressé sexuellement
l'enfant. Donc, si l'enfant, lui, est victime d'une agression sexuelle et que
le parent veut intenter une action en décharge de l'autorité parentale, il y a
aussi complexité, il y a aussi des contestations qui sont difficiles, et ça
fait en sorte que, dans le cadre du litige,
ça crée énormément de tensions. D'ailleurs, il y a des cas qui ont été
rapportés dans les journaux à ce sujet-là et il y a aussi une décision
de la Cour supérieure, du 10 janvier 2022, à cet effet.
Donc,
mon questionnement était le suivant : Puisqu'on aborde toutes ces
questions-là, ne serait-il pas possible, dans ce cas de figure, également de légiférer pour empêcher toute cette
tension, ces pressions qui peuvent être exercées alors que l'enfant a été victime d'agression sexuelle et
qu'un des deux parents veut enlever l'autorité parentale à l'autre
parent?
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Alors, oui, je suis ouvert à cette proposition-là.
C'est notamment le cas de l'histoire d'Isabelle, qu'on a vue dans les journaux.
Alors, oui, je suis ouvert à ça, et d'ailleurs j'aurais des amendements pour
aller dans ce sens-là aussi. Alors, je suis ouvert à votre suggestion.
M. Morin : Parfait.
Et là on parle toujours d'amendements dans le cadre de ce projet-là, projet de
loi qu'on étudie maintenant, là... on pourrait le faire, là... n° 12,
là, dans le p.l. n° 12, là.
M.
Jolin-Barrette : Tout de go.
M. Morin : Parfait.
Excellent. Alors, pour employer une expression qui est chère à M. le ministre, M.
le Président, on pourrait faire : Un, deux, trois.
M.
Jolin-Barrette : Ah bien, là, écoutez, si le député de l'Acadie le
propose, moi, je... Mais, vous savez, M. le député de l'Acadie, vous allez devoir convaincre le député de Saint-Henri—Sainte-Anne. J'ai essayé puis... mais vous êtes plus persuasif que moi.
M. Morin : Je vous parlais du p.l.
n° 12, mais ceci... alors... parce que j'avais également des amendements à
proposer dans ce sens-là. Maintenant, si M.
le ministre, avec son équipe de légistes, peut, évidemment, nous aider et
si ça peut nous permettre d'activer en ce
sens, j'apprécierais grandement l'apport, évidemment, des légistes du
gouvernement pour aller de l'avant avec, bien, les amendements que j'aurais
éventuellement proposés.
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, je
vous proposerais une courte suspension.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Alors, on va suspendre
quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 24)
(Reprise à 12 h 34)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux. Donc, il y a eu des discussions hors caméra. Alors, M. le
ministre, si je comprends bien, on suspendrait l'article 19 pour aller à
deux amendements que vous aimeriez présenter, un à la fois, bien sûr.
M. Jolin-Barrette : Oui, exactement,
M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Alors, est-ce qu'il y a
consentement pour suspendre 19? Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Alors, suite à
nos discussions, M. le Président, je proposerais d'introduire un premier
amendement après l'article 23. Donc, ça serait un article 23.1.
Alors, l'article 606 de ce code est
modifié :
1° par l'insertion, dans le premier alinéa et
après «y compris conjugale», de «, ou de violence sexuelle»;
2° par l'ajout, après le premier alinéa, du
suivant :
«La déchéance est cependant prononcée à l'égard
d'une personne lorsqu'un jugement passé en force de chose jugée reconnaît sa culpabilité pour une infraction criminelle à
caractère sexuel impliquant un enfant ou reconnaît sa responsabilité
pour un préjudice résultant d'un acte pouvant constituer une telle infraction,
à moins qu'il ne soit démontré qu'une telle mesure irait à l'encontre de
l'intérêt de l'enfant de cette personne.»
Commentaire : cet amendement vise à établir
que la violence sexuelle constitue un motif grave permettant au tribunal de prononcer la déchéance de l'autorité
parentale. Il vise également à faciliter le fardeau de preuve permettant
de déchoir de son autorité parentale celui qui a été reconnu coupable ou
responsable par jugement d'avoir commis un acte à caractère sexuel impliquant
un enfant.
Et, comme commentaire également, M. le
Président, là, je peux vous dire que, comme tout le monde, on a été touché par l'histoire d'Isabelle, qui est parue
dans La Presse. Donc, c'était une mère courageuse qui s'est battue coûte que
coûte pour ses enfants, et on ne peut que souligner son courage et notre
admiration envers tout. Alors, ce qu'on souhaite lui dire, c'est d'avoir...
c'est de lui dire merci d'avoir fait les différentes démarches. Puis, trop
souvent, les personnes victimes n'osent pas
parler. Elles se disent : À quoi bon, ça ne donne rien. Or, au contraire,
moi, je peux leur dire que de parler, de dénoncer et de raconter... On
est à l'écoute ici, à l'Assemblée nationale, au gouvernement, pour faire en
sorte d'adapter nos lois à leur réalité. Donc, l'amendement va pouvoir venir
répondre à la situation difficile qui a été vécue par Isabelle.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de l'Acadie.
M. Morin : Merci, M. le Président.
Alors, écoutez, je remercie M. le ministre pour le dépôt de cette modification-là et je veux ajouter...
Effectivement, on a tous été touchés par le cas d'Isabelle. Pour en avoir
parlé, pour avoir été aussi
interviewé là-dessus, effectivement, dans ma carrière avant d'être député, et
pendant des années, comme procureur
de la couronne, j'ai eu à accompagner ou à plaider des dossiers d'agression
sexuelle, c'est souvent très difficile, pour les femmes, de dénoncer.
Puis évidemment on les invite à le faire parce que c'est excessivement
important que le système de justice puisse
les accueillir pour qu'elles puissent témoigner sans aucune... sans aucune
difficulté, parce que c'est toujours un enjeu de taille et c'est
toujours excessivement stressant.
Alors, ça, c'est un
élément qui est hyperimportant. D'ailleurs, quand on lit la décision, le juge
de la Cour supérieure ne s'est pas gêné, et
à juste titre, pour parler des manquements du père dans ce cas-là. Et donc
c'est important, et là-dessus je rejoins M. le ministre, justement, que
des parlementaires... ou que le législateur soit à l'écoute de situations
dramatiques qui ont été vécues par, ici, une victime. Je pense que c'est
hyperimportant. Ce que je vous demanderais cependant, M.
le Président, c'est de suspendre pour qu'on puisse analyser cette
disposition-là, et, quand on continuera l'analyse article par article, on
pourra à ce moment-là revenir dans le cadre de nos travaux. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Justeavant
de suspendre, je ne sais pas s'il y aurait d'autres interventions... M. le
député de Saint-Henri—Sainte-Anne,
oui.
M.
Cliche-Rivard : M. le ministre, pour bien comprendre la nature de
l'amendement, donc, les motifs graves du premier alinéa, dans le fond, on les
qualifie, là. On comprend que c'est un motif grave que d'avoir été condamné pour agression sexuelle. C'est comme...
Là, il n'y a plus de présomption. C'est juste... C'est dit légalement,
par le code : Ça, ça constitue un motif grave. Essentiellement, c'est
comme si on le détaille.
M.
Jolin-Barrette : La violence sexuelle, effectivement.
M.
Cliche-Rivard : Donc là, il n'y a pas de discrétion sur le fait que,
oui ou non, ça constituerait le motif grave.
On vient le qualifier, c'est un motif grave. Et là il n'y a pas de discrétion,
parce qu'au premier alinéa c'est «peut».
M. Jolin-Barrette : Oui. Donc, oui, c'est un
motif grave, et la présomption que c'est dans l'intérêt de l'enfant.
Donc, c'est les deux critères que nous mettons...
M. Cliche-Rivard : ...quand même, le critère
de l'intérêt supérieur de l'enfant, on l'a au premier alinéa aussi.
M. Jolin-Barrette : Oui, parce que, dans le
premier alinéa, là, «y compris conjugale ou de violence sexuelle», on
vient ajouter la violence sexuelle.
M.
Cliche-Rivard : Donc, la portée, ou la signification, ou l'impact du
deuxième alinéa, c'est vraiment de qualifier l'agression ou la violence
sexuelle comme étant un motif grave.
M.
Jolin-Barrette : Effectivement. Puis, dans le fond, c'est un
renversement du fardeau également, donc : «La déchéance est cependant
prononcée à l'égard d'une personne lorsqu'un jugement passé en force de chose
jugée reconnaît sa culpabilité pour une
infraction criminelle à caractère sexuel impliquant un enfant ou reconnaît sa
responsabilité pour un préjudice résultant d'un acte pouvant constituer une
telle infraction, à moins qu'il ne soit démontré qu'une telle mesure irait à
l'encontre de l'intérêt de l'enfant de cette personne.»
M.
Cliche-Rivard : Donc, au premier alinéa, le fardeau appartient à celui
qui la demande, au deuxième, le fardeau est renversé. Ce sera à lui de
démontrer qu'il peut le maintenir...
M.
Jolin-Barrette : Exactement, il peut le maintenir dans...
M.
Cliche-Rivard : ...sur l'intérêt supérieur de l'enfant.
M.
Jolin-Barrette : Oui, dans l'intérêt de l'enfant.
M.
Cliche-Rivard : Parfait.
Le
Président (M. Bachand) : Donc, je
comprends qu'il y a une entente pour suspendre l'amendement créant le nouvel
article 23.1. Consentement? Merci. M. le ministre, pour la suite des
choses.
• (12 h 40) •
M. Jolin-Barrette :
Et donc on insérerait un nouvel article, M. le Président, donc, à
l'article 33 du Code civil. Donc, ça serait l'article 0.1 dans le
cadre du projet de loi.
Le
Président (M. Bachand) : ...faire la
lecture, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Ajouter, avant l'article 1 du projet de loi, le
suivant :
0.1.
L'article 33 du Code civil est modifié par l'insertion, dans le deuxième
alinéa et après «conjugale», de «, ou de violence sexuelle».
Commentaire :
cet amendement vise à établir expressément que la présence de violence sexuelle
doit être considérée lors de la prise d'une décision concernant un enfant.
Donc, vous vous
souviendrez, dans le projet de loi n° 2, pour la question de l'intérêt de
l'enfant, on avait mis la notion de violence familiale et on avait rajouté «y
compris conjugale», et là on vient rajouter un ajout : «ou de violence sexuelle». Donc, le juge, quand il va
analyser, exemple, les décisions à prendre en fonction de l'intérêt de
l'enfant, notamment la garde, il va devoir
également tenir en considération la notion de violence sexuelle dans
l'environnement de l'enfant ou envers l'enfant.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Interventions?
M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne,
s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Qu'est-ce
qui... Puis comprenez-moi bien, on va être en faveur, là, mais qu'est-ce qui
amène aujourd'hui cet amendement, comparativement à la loi n° 2?
M.
Jolin-Barrette : Bien, c'est notamment le cas d'une situation où il y
aurait présence de violence sexuelle mais
qui ne serait pas dans le cadre d'une relation conjugale ou de violence
familiale. C'est exactement le cas d'Océane, qu'on a eu, où elle a été agressée par un colocataire. Donc, il ne
s'agissait pas de violence familiale parce que ce n'était pas une
famille. Ce n'était pas dans le cadre d'une relation conjugale. Donc, le père
de l'enfant, bien, l'agresseur, n'était pas
le conjoint d'Océane. Donc, on vise des cas pour assurer que le tribunal,
lorsqu'il analyse l'intérêt de l'enfant, il prenne en compte la violence
sexuelle même si elle n'est pas comprise dans le cadre de la violence
familiale, parce qu'il faut comprendre
qu'uniquement... «violence familiale», ça comprenait déjà «violence sexuelle»,
sauf qu'il aurait pu être interprété que ça ne comprenait pas la
violence sexuelle autre.
M.
Cliche-Rivard : Parfait pour moi.
Le
Président (M. Bachand) : Merci.
Interventions sur l'amendement? M. le député d'Acadie.
M. Morin : Oui. Alors, merci, M. le Président. Donc, alors,
je comprends qu'avec cet amendement on viendrait couvrir tous les cas,
tous les types de violence sexuelle que l'on pourrait retrouver dans le cadre,
par exemple, de... bon, avec un enfant, dans
une relation. Et ça ferait en sorte que, quand on regarde l'article 33, ça
va inviter, quand le tribunal aura à prendre une décision dans l'intérêt
de l'enfant, de tenir compte s'il y a ou pas de violence sexuelle.
M. Jolin-Barrette :
Oui, le tribunal va devoir en tenir compte. On envoie un message clair à
cet effet-là.
M. Morin : O.K.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M.
Cliche-Rivard : Et là on pourrait considérer, donc, une violence
sexuelle qui est extérieure ou non en lien avec l'enfant.
M.
Jolin-Barrette : Non, mais...
M.
Cliche-Rivard : Mettons, monsieur est condamné, dans sa vie, à
d'autres choses...
M.
Jolin-Barrette : Le tribunal regarde, quand il apprécie l'intérêt de
l'enfant... «Les décisions concernant l'enfant
doivent être prises dans son intérêt et dans le respect de ses droits. Sont
pris en considération, outre les besoins moraux, intellectuels, affectifs et physiques de l'enfant, son âge, sa
santé, son caractère, son milieu familial, incluant la présence de violence familiale, y compris
conjugale, ou de violence sexuelle, ainsi que les autres aspects de cette
situation.» Donc, c'est tous les
aspects qui touchent l'enfant, l'intérêt de l'enfant, mais le législateur vient
dire : Lorsqu'il y a présence de violence sexuelle, vous devez le
prendre en compte comme analyse dans le critère de l'intérêt de l'enfant.
M.
Cliche-Rivard : ...dans son contexte, de l'enfant, et non pas dans une
situation extérieure, si ça se peut?
M.
Jolin-Barrette : Bien, je vous donne un exemple. Il y aurait de la
violence sexuelle sur la mère, dans la grille d'analyse du tribunal, quand
j'analyse l'intérêt de l'enfant, si je suis juge, je dois évaluer et je dois
prendre ça en considération pour mon cadre d'analyse quand je vais regarder
quel est l'intérêt de l'enfant.
M.
Cliche-Rivard : Ça ne tiendrait pas compte de monsieur qui est
condamné d'une agression sur une collègue de travail, par exemple, ou ça
pourrait aussi tenir compte de ça? Je pose la question.
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : La réponse à cette question-là... Si ça a un impact
sur l'enfant, la réponse, c'est : Oui, ça pourrait être pris en
considération.
Le
Président (M. Bachand) : M. le député
d'Acadie.
M. Morin : Oui,
parce qu'en fait je comprends qu'à l'article 33 on vise, en fait,
n'importe quelle situation, ou décision, ou n'importe quel type de recours,
mais toujours dans le cadre qui touche à l'enfant et dans son intérêt, et donc pas... et pas autre chose. Donc, on se
ramène toujours à l'enfant, ce qu'il vit, puis, tout dépendant du recours,
du litige, quand l'enfant est au coeur de ce litige-là ou qu'il est partie,
bien, à ce moment-là, quand un juge a à prendre une décision, un ou une juge,
dans son intérêt, bien là, évidemment, on établit certains critères et on
viendrait ajouter celui-là, parce qu'évidemment il y a aussi de la
jurisprudence à l'effet que, comme...
En fait, comme expression, «l'intérêt de
l'enfant», c'est quand même vague. Alors, au fur et à mesure que les années passent, le législateur vient qualifier ce
que c'est. Et donc, là, on ajouterait un contexte de violence sexuelle,
et donc ça permet au
tribunal d'apprécier, évidemment, cet état de fait là, mais toujours en lien
avec l'enfant lui-même. Donc, ça dépend des circonstances, et le
tribunal aura toujours cette discrétion-là de juger. Alors, ça pourrait être
différents types de violence sexuelle, mais il faut toujours que ça soit ramené
à l'enfant et à son intérêt.
M.
Jolin-Barrette : Oui, bien, vous avez raison. M. le Président, le
député de l'Acadie a raison, c'est lorsqu'il y a une décision à prendre
par rapport à l'enfant. Donc, comment est-ce qu'on se positionne? Dans le fond,
c'est tout type de décision. C'est le critère de l'analyse. Le Code civil nous
dit : Quel est votre cadre d'analyse? C'est l'intérêt de l'enfant. Le législateur est venu dire :
Bien, quand vous prenez une décision, qu'est-ce qui doit être pris,
notamment, en considération quand c'est l'intérêt de l'enfant? C'est ce que
j'ai énoncé tout à l'heure. Puis là on vient rajouter, notamment, la présence de violence sexuelle aussi. On dit au
tribunal : Dans votre cadre d'analyse, vous devez prendre ça en
considération, mais le critère de base, c'est qu'il doit y avoir une décision
sur l'enfant. Il faut que ça soit rapporté par rapport à une décision qu'on va
prendre sur l'enfant.
M. Morin : Exact. Donc, que ce soit
la garde de l'enfant ou n'importe quel recours face à l'enfant, bien, à ce moment-là, le tribunal va tenir compte de
l'ensemble des facteurs qui sont énoncés, et on rajoute «ou de violence
sexuelle».
Le Président (M.
Bachand) : Merci. J'aurais le député de
Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Le terme
«présence», là, j'imagine, vous en avez peut-être déjà parlé, mais, «présence de violence sexuelle», on comprend qu'un seul
événement constitue une présence de... ou si ça prend un cumul ou... une
ambiance ou un cumul de faits?
M. Jolin-Barrette : Non, ça peut
n'être qu'un seul événement.
M. Cliche-Rivard : Un seul
événement? Parfait, ça répond à ma question.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Autres interventions sur
l'amendement?
Une voix : ...
Le Président (M.
Bachand) : Rapidement, s'il vous plaît.
Merci. On va suspendre quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 49)
(Reprise à 12 h 54
)
Le Président (M.
Bachand) : Alors, à l'ordre, s'il vous
plaît! La commission reprend ses travaux. Donc, interventions? M. le député d'Acadie.
M. Morin : Merci, M. le Président.
Alors, je vais vous faire la demande suivante. Compte tenu de l'impact de l'article 33, et des questions que je
posais à M. le ministre, puis des réponses de M. le ministre, je vous
demanderais si c'était possible également de mettre cette modification-là en
suspens, de toute façon on pourra y revenir quand on va continuer l'étude du
projet de loi, parce que l'article 33 vise, en fait, toutes les situations
dans les lois québécoises où il en va de l'intérêt de l'enfant. Donc, c'est la
demande que je vous fais.
Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : ...suspension.
Le Président (M.
Bachand) : Suspension. Donc, on a
consentement? Alors, l'amendement est suspendu. Donc, on continue, M. le
ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, avec
votre permission, on peut retourner à l'article 19, à
l'article 542.24.
Le Président (M. Bachand) : Alors,
si on est d'accord pour 542.22, on passerait à 542.24. Ça va? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. «L'enfant
issu d'une agression sexuelle peut s'opposer à ce qu'un lien de filiation soit
établi entre lui et la personne qui a commis l'agression.
«Son opposition ne l'empêche pas de réclamer un
tel lien de filiation.»
Commentaire : l'article 542.24
introduit une nouvelle règle permettant à un enfant issu d'une agression
sexuelle de s'opposer à ce qu'un lien de filiation soit établi entre lui et la
personne qui a commis l'agression.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Interventions?
M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard :
Donc, à 542.22, on a le droit de contestation et, à 542.24, on a le droit
d'opposition? Ce sont deux droits différents?
M. Jolin-Barrette : Oui, c'est ça,
oui, effectivement. Dans le fond, à 542.22, c'est dans le cas où la filiation
était déjà établie.
M. Cliche-Rivard : Déjà établie?
M. Jolin-Barrette : Donc, on veut
faire un bris de filiation. Ici, à 542.24, c'est que la filiation n'a pas
encore été établie, puis il y a
une requête en filiation de la part du géniteur. Donc, c'est pour empêcher la
filiation d'être établie.
M. Cliche-Rivard : Donc, deux
scénarios bien différents?
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député?
M. Morin : Je n'ai pas d'autre
commentaire.
Le Président (M.
Bachand) : Donc, on continue, M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : 542.29.
L'article 542
de ce code est remplacé par ce qui suit : «542.29. Pour l'application des articles 542.22
et 542.24, l'agression sexuelle peut notamment être prouvée par la
production d'un jugement qui en reconnaît l'existence.»
Commentaire : l'article 542.29 permet
la preuve de l'agression sexuelle par la production d'un jugement pour l'application
des articles 542.22 et 542.24 du Code civil, introduits par
l'article 19 du projet de loi.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Interventions?
M. le député d'Acadie.
M. Morin : Alors, je n'ai pas de
commentaire spécifique sur cet article-là, M. le Président. Cependant, je vois le temps qui avance et j'aurais une
proposition à faire à M. le ministre, avant la fin de la séance, sur un autre
article.
Le Président (M.
Bachand) : Oui, M. le député de
Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Donc là, dans ce
cas de figure, on comprend que ça peut être un jugement criminel ou un jugement
civil. Les deux scénarios sont possibles?
M. Jolin-Barrette : Effectivement,
les deux scénarios sont possibles.
M. Cliche-Rivard : Et
l'agression sexuelle, elle est au sens large, donc, différents types de
scénarios d'infraction d'ordre sexuel.
M. Jolin-Barrette : Non, mais en
fait il faut que l'enfant soit issu de l'agression sexuelle.
M. Cliche-Rivard : Il faut qu'il
soit issu, donc, d'un viol. Il faut qu'il y ait...
M.
Jolin-Barrette : Il faut que... Dans le fond, l'opposition au lien
de filiation doit s'établir parce que l'enfant est issu d'une agression
sexuelle.
M. Cliche-Rivard : Puis, ça, le lien
causal, on l'a a 542.22?
M. Jolin-Barrette : Oui.
M. Cliche-Rivard : Donc, les enfants
issus d'une agression...
M. Jolin-Barrette : À caractère
sexuel.
M. Cliche-Rivard : ...à caractère
sexuel. Donc, ça ne peut pas être autre chose qu'un viol?
M. Jolin-Barrette : Exactement.
M. Cliche-Rivard : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député d'Acadie, oui, sur
le sujet que vous vouliez mentionner.
M. Morin : Oui,
sur le sujet, en fait, je voulais partager une préoccupation que j'ai avec M.
le ministre avant la pause, et ça vise spécifiquement l'article 542.33, et
donc... Oui?
M. Jolin-Barrette : ...que 542.29,
il est terminé, là?
M. Morin : Adopté.
Le Président (M.
Bachand) : On ne l'a pas adopté, mais
c'est juste pour le fil... peut-être faire la lecture de 542.33, M. le
ministre, parce que je sais que... mais peut-être sur le concept général, M. le
député, allez-y.
M. Morin : C'est plus le concept
général, avant la pause... Et on en a parlé, M. le Président, puis il y a
plusieurs groupes... Quand on a été... On a reçu des groupes, en commission
parlementaire, qui nous ont fait état... Je salue l'initiative et je pense que
c'est un pas en avant, mais le régime qui est prévu en l'absence d'un lien de
filiation, c'est de permettre le paiement d'une indemnité. Et, ma compréhension
de l'article tel qu'il est rédigé présentement, donc, c'est la mère qui va
devoir intenter l'action pour éventuellement obtenir une indemnité. Elle devra
également convaincre le tribunal du montant de l'indemnité. Puis, comme on l'a
vu en commission parlementaire, ça va... on va avoir... elle va avoir recours à, donc, des experts. Ça va être long, ça
va être coûteux. Si la mère est dans une situation précaire, bien, elle n'aura pas l'action... elle
n'aura pas l'argent pour intenter l'action, et, si l'homme n'est pas
nécessairement fortuné, il n'aura pas d'argent pour payer l'indemnité. Alors,
ce que je voulais voir, c'est si le ministre
avait une ouverture, M. le Président, pour que l'indemnité, finalement, elle
soit fixée et éventuellement versée par l'État, quitte à ce que l'État
puisse aller recouvrir la somme auprès du père.
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : ...rapidement,
puis on va s'en parler la semaine prochaine, dans le fond, je vais faire...
Le Président (M.
Bachand) : Non, pas la semaine prochaine.
M. Jolin-Barrette : Pardon?
Le Président (M. Bachand) : Pas la semaine prochaine.
M. Jolin-Barrette : L'autre...
Le Président (M.
Bachand) : Éventuellement.
M. Jolin-Barrette : Éventuellement.
Dans le fond, j'ai entendu les consultations, moi aussi, puis on a travaillé
sur différents scénarios. Donc, je vais déposer les amendements sur Greffier
pour faire en sorte de simplifier et, surtout, pour protéger les indemnités,
qui vont se retrouver davantage comme une forme d'aliment pour ne pas que ça
pénalise la victime. On va avoir différentes mesures, avec des balises claires,
par voie réglementaire, pour dire : Voici le montant minimal, supposons,
que le tribunal doit accorder. Je vais vous les déposer sur Greffier.
Le Président (M.
Bachand) : Parfait.
M. Morin : ...donc on pourrait le
déposer tout de suite, puis on pourra continuer à en discuter.
• (13 heures) •
Le Président (M.
Bachand) : Parfait, merveilleux.
M. Morin : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Et, compte tenu de l'heure, la
commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures, où elle va
entreprendre... elle va poursuivre un autre mandat. Merci.
(Fin de la séance à 13 h 01)