Journal des débats de la Commission des institutions
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)
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Le
mercredi 29 mars 2023
-
Vol. 47 N° 8
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet n° 12, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et visant la protection des enfants nés à la suite d’une agression sexuelle et des personnes victimes de cette agression ainsi que les droits des mères porteuses et des enfants issus d’un projet de grossesse pour autrui
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11 h (version non révisée)
(Onze heures vingt minutes)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît!
Bonjour à tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la
Commission des institutions ouverte.
La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi n° 12, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de
filiation et visant à la protection des enfants nés à la suite d'une agression
sexuelle et des personnes victimes de cette agression, ainsi que les droits des
mères porteuses et des enfants issus d'un projet de grossesse par autrui.
Avant de débuter, Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements...
La Secrétaire : ...Oui, M. le
Président. Monsieur Zanetti est remplacé par... Monsieur Zanetti, Jean-Lesage
est remplacé par Monsieur Cliche-Rivard, Saint-Henri-Sainte-Anne.
Le Président (M.
Bachand) :Et on le souhaite la bienvenue.
Merci beaucoup.
Alors nous allons entendre ce matin deux
groupes, deux... oui, la professeure Isabel Côté, mais d'abord des gens qu'on
connaît bien à la Commission des institutions, alors les représentants de la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
Alors, merci beaucoup, Me Tessier. Alors,
je vous laisse présenter les gens qui vous accompagnent. Et, comme vous savez,
vous avez 10 minutes de présentation. Merci beaucoup.
M. Tessier (Philippe-André) : Merci,
M. le Président. M. le ministre, Mesdames et Messieurs les députés, alors donc,
Philippe-André Tessier, Président de la Commission. Je suis accompagné de
Madame Myrlande Pierre, vice-présidente responsable du mandat Charte, de Me
Karina Montminy et Monsieur Samuel Blouin, tous deux à la direction de la
recherche de la Commission.
Le projet de loi sous étude interpelle
hautement la Commission à deux titres. D'abord en tant que défenseur des droits
des enfants, la Commission assure la protection de l'intérêt de l'enfant ainsi
que le respect et la promotion des droits qui lui sont reconnus tant par la
Charte des droits et libertés de la personne que par la Loi sur la protection
de la jeunesse. Le projet de loi suscite également un très grand intérêt pour
la Commission dans son rôle de promotion et de défense des droits des femmes
qui leur sont accordés également par la Charte.
Rappelons que la Commission avait formulé
des recommandations dans son mémoire sur le projet de loi numéro deux sur la
grossesse pour autrui, adopté et rendu public en janvier 2022. Faute de temps,
celui-ci n'avait pu être déposé au moment des consultations particulières.
Parce que plusieurs éléments de notre analyse demeurent applicables aux
nouvelles dispositions et pour faciliter le travail des députés, nous avons
reproduit les extraits pertinents de notre précédent mémoire en annexe des
présentes notes de présentation qui vous ont été transmises.
D'entrée de jeu, nous tenons à rappeler
que nous demeurons convaincus de la pertinence des modifications proposées au
Code civil qui visent à reconnaître la GPA au Québec et hors Québec, ainsi que
celles proposées aux autres lois pour donner plein effet à cette
reconnaissance. Celles-ci constitueraient un puissant moyen d'accroître la
protection des droits et de l'intérêt de l'enfant qui en est issu ainsi que des
droits de la femme ou de la personne qui a accepté de lui donner naissance.
Or, pour qu'il en soit vraiment ainsi, le
projet de loi doit proposer un régime qui respecte intégralement les principes
qui légitiment la GPA. le premier principe a trait à l'interdiction de la
commercialisation de la GPA. Celui-ci sous-tend l'interdiction de la vente
d'enfants et la non-instrumentalisation du corps des femmes. Le deuxième
principe concerne la sauvegarde de l'autonomie procréative des femmes. Et le
troisième est à l'effet que l'enfant né de la GPA a droit à l'établissement
d'une filiation qui soit respectueuse de son intérêt et de l'ensemble de ses
droits. Ces principes reconnus en droit international s'inscrivent dans le
prolongement de plusieurs droits garantis par la Charte.
La Commission identifie certaines failles
dans le projet de loi qui, selon elle, risqueraient de mener à des pratiques de
GPA qui dérogeraient à ces principes et ces... et, par conséquent, qui
contreviendraient aux droits consacrés par la Charte. Et c'est dans cette
perspective que nous formulons quelques recommandations afin de bonifier le
projet.
Selon nous... Selon ce projet, les normes
entourant le remboursement ou le paiement de certains frais à la femme qui a
accepté de donner naissance à un enfant seraient déterminées par règlements du
gouvernement. Or, la disposition habilitante du Code civil ne prévoirait aucun
critère permettant de baliser ces normes. Compte tenu du caractère impératif
voulant que la GPA ne doive en aucun cas équivaloir à une vente d'enfant ni à
l'instrumentalisation du corps de la femme à des fins commerciales, le
législateur peut envoyer un message très clair aux parties impliquées au sujet
des frais remboursables. Ce message doit inévitablement cibler les
intermédiaires qui peuvent, par exemple, être des agences de procréation
assistée, des professionnels du droit ou des professionnels de la santé.
Leur rôle dans le processus de GPA,
souvent central, a été jugé problématique, est dénoncé ailleurs dans le monde,
mais aussi ici, au Québec et au Canada. Ainsi, afin d'éviter la marchandisation
des pratiques de GPA, la Commission recommande de modifier l'article 541.3
du Code civil qui serait introduit par le projet de loi afin de préciser que seuls
les remboursements ou paiements des frais raisonnables et détaillés de la femme
qui a accepté de donner naissance à un enfant seraient admissibles.
Elle l'invite de même à modifier le projet
de loi pour y ajouter un mécanisme de contrôle indépendant en cas de désaccord
des parties sur les frais remboursables. Un tel changement répondrait aussi aux
recommandations de la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la vente et
l'exploitation sexuelle des enfants. Les mêmes considérations s'appliqueraient
au remboursement ou paiement des frais destinés aux intermédiaires.
Je cède maintenant la parole à ma
collègue.
Mme Pierre (Myrlande) : Alors,
bonjour. Toujours dans l'objectif d'éviter l'exploitation et
l'instrumentalisation du corps des femmes, la Commission ne peut qu'insister
sur l'importance du rôle du gouvernement en regard des pratiques
transfrontalières de la GPA. La Commission recommande à cet effet au
gouvernement de prendre tous les moyens appropriés pour encadrer les pratiques
des acteurs qui seraient appelés à intervenir dans le processus d'autorisation
préalable de projets parentaux impliquant des parties...
Mme Pierre (Myrlande) : ...domiciliées
hors du Québec.
Ceux-ci devraient prendre en considération
les écarts qui peuvent exister entre les conditions de vie des parties
concernées. De tels écarts peuvent notamment être constatés lorsqu'il existe
des risques d'exploitation de femmes porteuses se trouvant dans des pays aux
économies émergentes. Bien que des inégalités économiques, de classe sociale,
de race et de genre puissent être observées au Québec, ces disparités peuvent
être d'autant plus grandes dans le cas de la GPA transnationale. En présence de
telles disparités, il y a un risque d'atteintes au droit à l'égalité réelle des
femmes porteuses domiciliées hors du Québec. À l'instar du Barreau du Québec,
la commission se préoccupe du respect de leurs droits au niveau international.
Les écarts dans les conditions de vie peuvent aussi être constatés dans des
pays où les droits reproductifs ne sont pas respectés. Alors, dans ces
circonstances, d'importants risques d'atteintes aux droits de la femme qui a
accepté de donner naissance à l'enfant existent et sont bien documentés.
Soucieuse de l'importance d'assurer la
protection de la femme contre l'instrumentalisation de son corps pourrait faire
l'objet et les atteintes à son autonomie procréative, la commission veut
également attirer votre attention sur la qualité du consentement requis de la
femme afin qu'aucune filiation de l'enfant ne soit établie à son égard. Alors,
son consentement doit être libre et éclairé et donné à chaque étape du projet
parental. Or, cela ne sera possible que si elle reçoit préalablement toute
l'information pertinente lui permettant de connaître et de comprendre les
éventualités qui peuvent survenir lors de la GPA. Et, en définitive, il faut
que la femme soit en mesure de les accepter en toute connaissance de cause et
sans compromis de ses droits.
La commission considère par ailleurs qu'il
est nécessaire d'uniformiser le type d'information à fournir aux parties lors
des rencontres préalables à l'élaboration de la convention de grossesse.
Insistons particulièrement sur les
informations qui devraient être données en matière de santé, incluant celles
relatives à une interruption de grossesse. Et, à ce propos, la récente étude
produite par le Conseil du statut de la femme met clairement en lumière que les
femmes porteuses et des donneuses d'ovules du Canada considèrent avoir été
suffisamment informées des risques pour leur santé associés aux procédures
médicales.
La commission recommande par conséquent de
modifier l'article 541.11 du Code civil qui serait introduit par
l'article 18 du projet de loi afin de prévoir la nature des informations
qui devraient être abordées lors des rencontres préalables à l'élaboration de
la convention de grossesse pour autrui. Cela devrait notamment comprendre des
informations de nature juridique, c'est-à-dire les droits reconnus aux parties,
incluant ceux protégés par la charte.
M. Tessier (Philippe-André) : Une
dernière considération en lien avec la question de la GPA. Compte tenu de
l'importance des enjeux que soulève la GPA, la commission estime qu'il serait
nécessaire, pour le gouvernement, d'évaluer l'impact de la mise en œuvre des
dispositions visant à l'encadrer qui seraient introduites dans la législation
québécoise. Donc, elle recommande que le projet de loi soit modifié pour
prévoir une telle évaluation afin de mesurer la portée de la loi advenant son
adoption.
En dernier lieu, on souhaite aborder
brièvement les dispositions du projet de loi concernant l'enfant issu d'une
agression sexuelle. La commission salue l'intention du gouvernement d'accroître
la protection du droit des femmes... qui a donné naissance à un enfant suite à
une agression sexuelle. Il en va de même de la protection qui serait accordée à
l'enfant qui en serait issu.
Nous sommes conscients de la nécessité
d'agir pour répondre à certaines situations spécifiques pour lesquelles
l'établissement de la paternité a été jugé problématique. Compte tenu des
courts délais, malheureusement, nous ne pouvons que vous soumettre
quelques-unes de nos interrogations.
Selon l'état des connaissances, les
agressions sexuelles ont fréquemment lieu en contexte conjugal. Cela étant, en
cas de contestation de la filiation à l'égard du père, on peut se demander
comment seraient équilibrés les droits de la charte susceptible de s'appliquer.
D'un côté, il pourrait y avoir les droits de la femme qui a donné naissance à
l'enfant à la suite d'une agression sexuelle, par exemple, son droit à
l'intégrité, à la liberté. De l'autre côté, il pourrait y avoir le droit des
conjoints qui ont les mêmes droits, obligations et responsabilités et qui
doivent assumer ensemble la direction morale et matérielle de la famille et
l'éducation des enfants communs. Puis, en plus de ça, s'ajouterait les droits
de l'enfant à la protection, à la sécurité, à l'attention que ses parents qui
en tiennent... ou que ses parents qui y tiennent lieu peuvent lui donner.
• (11 h 30) •
D'ailleurs, on peut se demander comment
serait évalué l'intérêt de l'enfant...
11 h 30 (version non révisée)
M. Tessier (Philippe-André) : ...par
exemple, dans un cas où un enfant se retrouve avec une filiation différente de
ses frères ou de ses sœurs, tout en ayant les mêmes géniteurs. Plus largement,
la commission se demande quel sera l'effet de l'entrée en vigueur prochaine du
droit à la connaissance de ses origines, à l'article 39.1 de la charte,
sur la mise en œuvre des droits qui seraient reconnus spécifiquement à l'enfant
issu d'une agression sexuelle. Considérant que l'enfant serait titulaire de
droits en matière de filiation et de succession, quel serait l'effet pour la
mère de l'exercice de ce droit pour... par l'enfant? Autrement dit, quelles
seraient les obligations de la mère quant à la mise en œuvre de ce droit de l'enfant?
Voilà quelques questions que nous nous posons.
Nous vous remercions de votre attention et
nous sommes maintenant disponibles pour répondre à vos questions.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui, merci,
M. le Président. Me Tessier, Mme Pierre, Me Montminy, Monsieur Blouin, bonjour,
merci de participer aux travaux de la commission. Vous me permettrez également
de saluer le nouveau député de Saint-Henri–Sainte-Anne qui se joint à nous pour
nos travaux. Alors, vous allez voir, c'est un pur plaisir de travailler avec
nous. Peut-être que vous aviez eu un petit peu moins de plaisir dans le passé,
mais là c'est nouveau, vous allez voir, comme parlementaire, ça va être très
agréable, je n'en doute pas. Alors, vous êtes le bienvenu.
Alors, Me Tessier, sur la question du viol
et d'un enfant issu de l'agression sexuelle, vous dites : Écoutez, on a
plus de questions que de réponses, dans votre mémoire. Cependant, vous dites
quand même : Il faut faire la pondération entre les droits de la femme qui
a été victime du viol et celui de l'agresseur, un peu. Vous dites : Il
faut prendre ça en considération. Moi, je vous dirais que la démarche juridique
qui a été entreprise dans le cadre du projet de loi n° 12, c'est assez
clair, c'est qu'on trouve que ce comportement-là n'est pas acceptable. Puis,
très clairement, le législateur s'exprime pour dire : Le choix que nous
faisons, c'est que les femmes qui ont été violées, puis qu'il y a un enfant qui
est issu de l'agression sexuelle, on leur laisse le choix, soit d'établir la
filiation, si elles le souhaitent, mais surtout de pouvoir s'opposer à la
filiation puis d'avoir des mécanismes pour le faire et facilitant en matière de
déchéance de l'autorité parentale. La commission est d'accord avec ça?
M. Tessier (Philippe-André) : Oui,
tout à fait. Puis, juste pour bien clarifier. Ici, il s'agit d'une question
qui... dans sa mise en application, et je pense qu'il y a trop d'intervenants
qui sont venus en commission parlementaire pour le souligner. Ici, c'est aussi
l'entrée en vigueur prochaine de 39.1, la charte qui prévoit un droit à la
connaissance des origines, dans p.l. 2 et dans p.l. 12, ces
éléments-là sont là. Donc, il y a aussi des questions en lien avec le droit de
l'enfant, les droits de la mère. Parce qu'évidemment, ici, il n'y a personne
qui remet en cause la volonté du gouvernement, et certainement pas la
commission, de protéger les mères qui auraient subi une telle agression. Mais
ici il faut comprendre aussi que les droits de l'enfant pourraient être
différents des droits consentis à la mère. Et c'est ces éléments-là qui
manquent quand même un peu d'analyse qui, malheureusement, nous n'avons pas pu
faire avec toute la... avec tout le temps que nous avons... donc, dont nous
avons disposé.
M. Jolin-Barrette : Mais vous
conviendrez avec moi qu'on ne veut pas forcer une mère qui a été violée... on
ne veut pas lui conférer d'obligation légale, nécessairement, de dire à son
enfant qu'elle a été violée. C'est un choix, je vous dirais, familiale, un
choix intime qui appartient à la victime de violence conjugale.
M. Tessier (Philippe-André) : Comme
on peut vous répéter, on comprend la nécessité d'agir pour répondre à
certaines... à certains cas, à certaines préoccupations qui sont tout à fait
légitimes. On fait juste faire remarquer, en tout respect, là, au législateur
qu'il y a certains éléments là-dedans, dans l'application concrète de ces
dispositions-là, les voies de recours. Mais je vous invite et j'invite la
commission à référer aux autres acteurs qui ont témoigné devant elle, qui ont
analysé ça beaucoup plus en détail. Je vous avoue, honnêtement, que je n'ai pas
d'autre question pour vous aujourd'hui, M. le ministre, avec tout le respect
que je vous dois.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être juste une question sur... vous soulevez la question de l'intérêt de l'enfant,
là, sur ce sujet-là, là. Dans le fond, l'objectif d'insérer le critère de l'intérêt
de l'enfant lorsqu'une filiation a déjà été établie, donc, exemple, madame est
victime de violence conjugale, de violence sexuelle dans le cadre d'une
relation conjugale, de vie commune, un enfant est issu d'une agression sexuelle
durant cette période de vie commune là. Et Madame réussit à s'extirper de la relation
toxique après deux, trois, quatre, cinq, six ans. Là, la filiation avait été
établie à l'égard de Monsieur. Monsieur s'était occupé de l'enfant, faisait vie
commune avec Madame. Donc, on établit ce critère-là de «intérêt de l'enfant»
pour le tribunal. Donc, ce n'est pas... ce n'est pas un droit absolu en faveur
de l'enfant, exercé par madame en tant que tutrice de l'enfant, de briser la
filiation. Il faut que ça soit entériné par le tribunal. Ça, sur ce point-là,
est-ce que vous avez des précisions à nous apporter sur la façon dont on
devrait cerner l'intérêt de l'enfant...
M. Tessier (Philippe-André) : ...Toujours
en lien avec cette partie-là du projet de loi, nous, sur la mécanique, comme...
Comme... comme je l'ai indiqué précédemment, là, outre le fait de dire
qu'évidemment d'assujettir le tout au contrôle du tribunal, c'est une... c'est
une... une bonne chose. On n'a pas d'autres observations à ce moment-ci.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Sur... Je pense que vous vous êtes prononcés sur les... dans le cadre de la
grossesse pour autrui, là, sur les séances d'information préalables, là, je
pense que vous aviez des commentaires sur la nature des informations qui
devraient être transmises dans le cadre de ces deux rencontres de séance
d'information là, à la fois pour les parents d'intention, à la fois pour les
mères porteuses. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre point de vue à cet
effet-là?
M. Tessier (Philippe-André) : Oui.
Bien, évidemment, ici, encore une fois, il s'agit d'un équilibre des droits.
Puis, bon, là, on protège les droits de la femme. Bien, le consentement libre
et éclairé de la femme qui consent à participer, donc, à une GPA , sont
déterminants, et donc c'est pour ça que la Commission encourage et recommande
au législateur de prévoir de façon explicite le type d'information qui devrait
être fourni aux parties lors de rencontres préalables. Ça ne veut pas dire de
prévoir un script détaillé, on se comprend bien, il faut laisser un espace,
lors de ces rencontres-là, à des échanges et des discussions, mais à tout le
moins qu'il y ait des éléments minimaux qui soient prévus : en matière de
santé, donc l'interruption de grossesse, les droits reconnus aux parties en...
justement, notamment en matière de la charte. Parce qu'il faut comprendre, ce
sont des enjeux juridiques complexes qui ne sont pas à la portée de tous, et
c'est important d'avoir quelqu'un qui vient le préciser et le baliser, et, ce
quelqu'un là, bien, c'est le législateur dans le cadre du présent projet de
loi.
M. Jolin-Barrette : O.K. Vous
avez eu un commentaire également sur les balises relativement au remboursement
des dépenses. C'est très clair que ça ne peut pas être de la rémunération.
Nous, on va le préciser, notamment, par règlements, les modalités. Mais est-ce
que vous avez des craintes relativement au remboursement des dépenses dans le
cadre d'un contrat de grossesse pour autrui?
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
la principale préoccupation de la Commission, c'est la question des
intermédiaires. Le projet de loi, selon nous, devrait viser également les
intermédiaires parce que, ça, des frais raisonnables et détaillés pourraient
leur être payés. Il faut comprendre que... toujours la même chose, les
principes qui guident la Commission dans son analyse, tant le p.l. no 2
que le p.l. no 12, la non-commercialisation de la GPA, la sauvegarde de
l'autonomie procréative de la femme et le droit à l'enfant d'une...
l'établissement d'une filiation. Donc, lorsqu'on regarde ces éléments-là et on
remarque que les intermédiaires ne sont pas assujettis, bien, elle se pose,
cette question-là, en lien avec la question de la commercialisation et
l'autonomie procréative de la femme. Et donc cet élément de préoccupation là,
on tenait à le... à le resoumettre en termes de recommandations, qui était
présent dans p.l. no 2 et qui est présent également dans p.l. no 12.
M. Jolin-Barrette : Puis
vous, juste pour qu'on comprenne bien, lorsque vous abordez la question de
l'intermédiaire, faites-vous référence à une notion d'agence ou à tout autre
intermédiaire de service dans le cadre d'une convention de gestation pour
autrui?
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
il faut savoir qu'il y a différentes façons de procéder. Et c'est pour ça
que... Puis d'ailleurs, on l'a souligné, ça peut être effectivement, comme vous
le dites, une agence, ça peut être également un professionnel du droit ou de la
santé qui pourrait être appelé à jouer un rôle d'intermédiaire. On ne veut pas,
donc, présumer des formes ou des parties qui vont jouer, qui vont vouloir jouer
ce genre de rôle là, d'intermédiaire. Il y en a que c'est à travers des
agences, il y en a d'autres que ça pourrait être à travers des professionnels
soit du droit ou de la santé. Quant à nous, il faudrait couvrir l'ensemble de
ces intermédiaires-là, encore une fois, protéger les droits de la femme qui
participent à une GPA et empêcher la commercialisation de la GPA.
M. Jolin-Barrette : Et donc,
nous, on confie ce rôle-là au notaire, notamment, en faisant en sorte que le
notaire va être responsable de gérer les dépenses par le biais de son compte en
fidéicommis. Donc, ça va être lui qui va administrer, dans le fond, les
dépenses admissibles, justement, pour faire en sorte que la mère porteuse
puisse avoir accès aux sommes qui lui sont dues dans le cadre de sa grossesse.
• (11 h 40) •
Je voulais vous demander, sur une question
plus large, là, avant de céder la parole à mes collègues, on a eu des groupes
qui sont venus nous dire qu'on devrait avoir un encadrement encore plus
restrictif dans le cadre du projet de loi. Il y en a d'autres qui nous
disaient : un peu plus de souplesse. Qu'est-ce que vous pensez,
relativement au projet de loi, est-ce qu'on devrait resserrer les critères? Notamment,
sur la question des grossesses pour autrui à l'étranger, je serais curieux
d'entendre la commission à cet effet-là...
Mme Pierre (Myrlande) : ...et
si vous permettez, M. le ministre, M. le Président, alors, oui, effectivement,
la commission a des préoccupations particulières ou concrètes qui reposent sur
des pratiques qui sont documentées, là, de la grossesse pour autrui dans
d'autres pays. Donc, il faut prendre en considération les disparités qui
existent entre différents États, notamment les disparités entre les pays du
Nord et du Sud, les écarts qui peuvent exister... bien, au sein des sociétés,
au sein même de la société québécoise, mais tout particulièrement en ce qui
concerne les pratiques de la GPA, donc, transfrontalières, prendre en considération
les disparités socioéconomiques qui existent pour éviter justement qu'il y ait
commercialisation ou instrumentalisation du corps des femmes, mais surtout pour
assurer l'égalité réelle dans ces pratiques-là.
M. Jolin-Barrette : Et êtes-vous
d'accord avec moi que... le mécanisme qu'on a mis dans le cadre du projet de
loi en faisant en sorte que c'est l'État québécois qui va avoir une liste
d'États désignés avec des règles comparatives, qu'on ne peut pas vraiment aller
plus loin que ça, que nous... Dans le fond, le ministre va accréditer en
disant : Bien, écoutez, c'est un système qui répond aux bonnes pratiques
ou aux normes d'équivalence québécoises. Est-ce que vous considérez qu'on
devrait faire... Bien, en fait, est-ce qu'il y a une façon de faire plus que ce
qu'on fait dans le projet de loi?
M. Blouin (Samuel) : Oui. En
complément, oui, on a noté que, notamment, à l'article 541.31 qui serait
ajouté au Code civil, il y aurait des considérations d'ordre public et
d'intérêt et de droits des parties qui seraient prises en considération dans le
processus de désignation des États. Mais c'est plutôt... Notre préoccupation
est au niveau de la mise en œuvre. Donc, on comprend que le gouvernement compte
se donner des moyens d'assurer cette surveillance-là, mais on a des
préoccupations avec les États qui autorisent une GPA commerciale, les États où
les droits reproductifs des femmes ne seraient pas respectés, ou encore les
États qui ont une économie émergente, où... dans la disparité économique, pourrait
être très importante. Donc, on voudrait s'assurer que ces considérations-là
soient présentes, par exemple, à l'étape de la...
M. Jolin-Barrette : Mais je
vous rassure, si ce n'est pas équivalent, ils ne seront pas sur la liste des
États désignés, c'est clair, ça.
M. Blouin (Samuel) : Oui,
c'est...
M. Jolin-Barrette : C'est
clair, ça, c'est clair. O.K. Bien, je vous remercie. Je vais céder la parole à
mes collègues. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Je vous rappelle qu'il
reste 4 min 35 s du côté gouvernemental. Mme la députée de
Charlevoix-Côte-de-Beaupré.
Mme Bourassa : Merci. Vous
avez déjà répondu à quelques-unes de mes questions avec M. le ministre, mais
j'aimerais vous entendre sur la reconnaissance du droit à la connaissance des
origines de l'enfant. Je sais que vous, vous aviez parlé de cet aspect-là.
Quelle est votre position face à ça, dans une GPA?
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
pour ce qui est du droit à la connaissance des origines, donc, pour ce qui est
de la commission, on accueille positivement de cet élargissement parce
qu'encore une fois, c'est la même chose, il va assurer la réalisation de
plusieurs droits garantis par notre charte. Donc, il faut reconnaître le droit
à l'enfant, peu importe la structure familiale et les circonstances qui
entourent sa naissance, à la connaissance de ses origines. Ça participe
également... j'y faisais référence tout à l'heure, du nouvel article 39.1
qui a été ajouté à la charte par p.l. n 2, mais qui n'est pas encore entré
en vigueur.
Mme Bourassa : Parfait. Et
vous parliez aussi du délai durant lequel la mère, après la naissance, peut
transférer l'autorité parentale, bon, vous parliez de l'importance d'accorder
un délai. Selon vous, sept jours à 30 jours qui est prévu présentement,
est-ce que c'est assez, est-ce que c'est comptable?
Mme Montminy (Karina) : Oui.
À l'occasion du projet de loi n° 2, nous avions estimé que ça offrait des
garanties, là, qui étaient nécessaires ou qui permettaient de respecter le...
toujours, l'autonomie de la mère, son consentement, d'aller s'assurer que
cette... pendant cette période-là. Donc, oui, on pourrait vous dire, là, qu'on
n'avait pas émis de commentaire, là, qui allait à l'encontre de cette proposition.
Mme Bourassa : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Laval-des-Rapides.
Mme Haytayan : Merci, M. le
Président. Bonjour à vous quatre, merci pour votre temps. Question rapide sur
les agences. Vous l'avez abordé rapidement. Est-ce que vous seriez d'avis qu'il
faudrait les interdire?
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
écoutez, la chose qui est importante, c'est qu'il faut comprendre que les
données probantes que l'on dispose... donc on dispose. Et notamment il y a un
rapport de la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la vente,
l'exploitation sexuelle des enfants. Elle-même a réclamé que les pratiques...
M. Tessier (Philippe-André) :
...le Congrès a recommandé aux États qui pratiquent la GPA que les frais
soient raisonnables et détaillés parce que sinon ils peuvent être considérés
comme des paiements déguisés. Et donc, nous, c'est là-dessus qu'on attire la
vigilance du législateur en ce qui a trait aux intermédiaires parce
qu'évidemment le message clair doit être, à notre avis, indiqué dans la
législation que ces éléments-là s'appliquent également aux agences.
O.K. Donc, il faut vraiment, encore une
fois, donner plus de robustesse, peut-être répondre aussi à un élément de
discrétion, tout à l'heure, auquel je n'ai pas répondu. Vous avez compris
l'intention de notre mémoire d'ajouter des éléments de robustesse, d'ajouter
des éléments législatifs très clairs, des indices législatifs très clairs et
demander à la Commission d'être favorable à ces indices-là. Et donc, un de ces
indices-là, c'est justement de viser explicitement les agences ou les autres
types d'intermédiaires qui pourraient agir.
Une voix : Merci.
Le Président
(M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le
député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Alors, merci.
Merci, M. le Président. Permettez-moi à mon tour de saluer mon collègue de
Saint-Henri-Sainte-Anne qui en est à sa première commission. Alors, M. le
député, ça me fait plaisir. Merci beaucoup, Me Tessier pour votre participation
aux travaux de la commission ainsi que Mme Pierre, Me Montminy et
M. Blouin. J'ai lu avec attention votre mémoire.
J'aurai quelques questions pour vous. La
première, c'est en lien avec l'article 523 du projet, en fait du Code
civil. C'est l'article 8 du projet de loi qui va modifier
l'article 523. L'article 523 actuel dans le Code civil, pour la
preuve de la filiation. On parle de filiation tant paternelle que maternelle
qui se prouve par l'acte de naissance. Ce qu'on veut maintenant, ce que législateur
veut faire, c'est la filiation de l'enfant, c'est-à-dire à l'égard de la mère
ou du parent par le fait de lui avoir donné naissance. Donc, on semble... En
fait, on semble préférer ou mettre de l'emphase sur le fait que la femme
porteuse pourrait évidemment être reconnue par la filiation. Est-ce que c'est
quelque chose qu'on devrait enlever? Le laisser comme ça, est-ce que ça pose un
problème, selon vous, au niveau de la filiation?
Mme Montminy (Karina) : Bien,
on ne s'est pas positionné directement sur cette disposition-là, mais c'est sur
l'ensemble des garanties qui doivent être offertes à toutes les étapes. Je
pense que c'est vraiment l'essence de notre message. Là, c'est vraiment le
consentement. Est-ce qu'il y a des... D'autres y ont peut-être vu, là, des
risques. Nous, on a offert, là, des... L'ensemble des garanties en fonction,
autant de nos dispositions dans notre dans le droit interne, avec la Charte des
droits et libertés de la personne, que les prescriptions du droit
international. Donc, c'est... Il faut toujours s'assurer qu'à toutes les
étapes, parce que, ça, c'est une... c'est un risque potentiel de la femme qui
pourrait exister à l'égard de son consentement et à ce que, finalement, la
filiation soit établie contre sa volonté.
C'est pour s'assurer qu'ailleurs dans le
projet de loi qu'on prévoit les garanties nécessaires, là, pour qu'elle ne se
retrouve pas dans une telle situation ni pour l'enfant, donc de se retrouver
dans une filiation qui est pour l'enfant, qui n'est pas respectueuse de ses
droits ni de son intérêt, si ce n'est pas le désir de la femme qui a porté
l'enfant d'en être la mère légale.
• (11 h 50) •
M. Morin : Je vous
remercie. Au niveau... Au niveau de la convention de grossesse pour la femme
porteuse, vous l'avez mentionné, il faut préserver les droits de la femme. Ça
m'apparaît évident. Maintenant, évidemment, c'est complexe. Vous le
reconnaissez également. Certaines associations ou personnes qui sont venues en
commission nous ont suggéré que ça pouvait être important d'avoir ou de
demander un avis juridique avant aux différentes parties, en plus du fait que
la convention serait un acte notarié, pour s'assurer que toutes les personnes
comprennent bien les obligations, leurs droits, ce dans quoi ils vont s'engager.
D'autres nous ont dit que le notaire pouvait être la personne qui allait
informer tout le monde.
J'aimerais vous entendre là-dessus parce
qu'évidemment, on veut préserver les droits de tout le monde dans le cadre de
ce processus-là. Est-ce que vous avez une position? Pouvez-vous nous éclairer à
ce sujet?
M. Tessier
(Philippe-André) : Oui. Juste pour, encore une fois, préciser que nous
avons...
M. Tessier (Philippe-André) : ...on
a... pris connaissance, là, de certains des mémoires qui ont été déposés... de
la comparution de la commission. Et évidemment, sans se prononcer directement
sur ces questions-là, il faut encore une fois se ramener à quel est le rôle de
la Commission. Et le rôle de la Commission, c'est de s'assurer de la conformité
et de conseiller le législateur sur la conformité avec la Charte.
Maintenant, ce qu'on vous dit, et on
revient au message général : ...encadrement qui vient donner plus de
robustesse, qui vient bonifier et assure des protections et des garanties, tant
à la mère porteuse qu'aux différentes parties impliquées, sont de nature à
assurer justement le plein respect des droits. Et donc c'est sûr et certain
que, lorsqu'on parle de dispositions qui viennent encadrer... Mieux encadrer,
vous aurez compris que, nous, on parle d'avoir des éléments plus clairs dans la
loi sur le type d'information fournie, et tout. Donc, ces genres d'éléments là,
évidemment, peuvent être lus en conjonction avec ces éléments-là, mais nous ne
nous sommes pas prononcés spécifiquement sur la nécessité d'avoir un avis
juridique. Mais c'est des éléments que je peux... comme réponse...
M. Morin : Je vous remercie.
Le projet de loi, et on l'a évoqué un peu plus tôt, permet qu'il y ait une
convention de grossesse et qu'il y ait une femme porteuse qui soit à
l'extérieur du Québec, dans d'autres pays, et le ministre nous dit : Bien,
écoutez, il va y avoir des règlements, on va faire une évaluation, et,
évidemment, il faudrait que les droits de la femme porteuse soient respectés
dans l'autre pays.
Cependant, quand on regarde l'étendue des
droits et la situation juridique au Québec, que ce soit au niveau, par exemple,
d'une interruption volontaire de grossesse ou même du type de congés qui
peuvent être accordés à une personne, il y a à peu près peu ou pas de pays qui
offre le même type de garantie et de protection.
Alors, pour protéger les droits des
femmes, est-ce que c'est quelque chose qu'on devrait interdire ou restreindre
vraiment davantage? Parce que je ne vois pas comment, sincèrement, le gouvernement
va être capable de trouver un équivalent ailleurs.
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
peut-être... Juste pour fournir certains éléments de réponse, puis peut-être ma
collègue pourra compléter, c'est vraiment pour vous dire : Encore une
fois, la position de la commission eu égard à ces genres de convention là,
c'est encore une fois d'assurer des garanties minimales.
Maintenant, dans l'application ou dans
l'effectivité, il ne faut pas non plus présumer de l'état du droit ou de
l'évolution de d'autres sociétés ou de conditions. Donc, effectivement,
l'important, c'est de prévoir au Québec des règles très claires, très
explicites, qui viennent donner des garanties que l'État avec lequel il y a
convention, bien, il respecte ces éléments-là, sans en faire une interdiction
formelle, comme il existe dans d'autres juridictions. C'est ce qu'on comprend
de l'intention du législateur.
Et donc, pour la Commission, tant et aussi
longtemps que ces éléments-là et ces garanties-là sont respectés et que l'on a
cette robustesse-là, réglementaire, comme prévu dans le projet de loi actuel,
bien, nous, on s'est déclarés en accord avec ces éléments-là, toujours en
assurant cet équilibre-là. Puis peut-être ma collègue peut compléter.
Mme Pierre (Myrlande) : Bien,
pour compléter, je dirais, tout en restant à l'affût de tout type d'écarts qui
peuvent exister, donc particulièrement dans les situations suivantes, je vais
en énumérer quelques-unes : par exemple, les États autorisant la GPA
commerciale, par exemple, auquel cas le gouvernement devrait être en mesure de
s'assurer de pouvoir faire respecter et de surveiller l'application de son
cadre légal prévoyant une GPA à titre gratuit, par exemple, les États qui ne
respectent pas le droit à l'autonomie procréative des femmes, auquel cas les
femmes ou, bien, les personnes porteuses pourraient se voir contraintes
d'accepter des risques inacceptables pour leur santé sans pouvoir obtenir des
soins appropriés ou prendre les décisions qu'elles estiment nécessaires, dont
l'interruption, par exemple, volontaire de grossesse. Un autre élément qui
devrait aussi être une préoccupation, prenons, par exemple, les États dont
l'économie est émergente, je l'ai mentionné précédemment, auquel cas les
inégalités économiques importantes pouvant exister entre les parties sont
susceptibles de placer la femme ou la personne en situation de vulnérabilité et
de l'exposer à des pressions financières...
Mme Pierre (Myrlande) : ...au
mépris de ses droits. Donc, nous, on voudrait vraiment porter ces éléments à
votre attention dans le cadre de cet exercice, ce qui nous apparaît évidemment
fondamental pour assurer l'égalité réelle pour ces femmes. Parce qu'il peut y
avoir un déséquilibre en termes de pouvoir économique et situation
particulièrement vulnérable pour des femmes qui se retrouvent, justement, dans
des économies émergentes. Alors, voilà.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Merci beaucoup,
M. le député. M. le député de Saint-Henri–Sainte-Anne, pour une période de 3
min 18 s.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. D'abord, merci de l'accueil, chers collègues. J'avais davantage
l'habitude d'être à l'autre bout de la table. Donc, ça va être très différent
cette fois-ci, mais merci de votre accueil, merci à la commission. Merci, Me
Tessier, madame Pierre, Me Montminy et M. Blouin, merci de votre présentation.
J'aurais une question à la suite de votre
mémoire. En fait, dans le mémoire, vous parlez, dans le cadre d'une GPA,
évidemment, d'une convention préalable de GPA telle qu'on la connaît, telle que
proposée. Vous vous proposez d'avoir un mécanisme indépendant en cas de
contrôle... en fait, en cas de désaccord sur les indemnités remboursables.
Comment on assure le consentement complet et permanent de la mère dans la
convention si, finalement,il y a une décision qui est imposée par un mécanisme
indépendant? Je me demande comment on va balancer ça. Et, si... Finalement,
s'il y a un désaccord, est-ce qu'il n'y a pas perte de consentement? Et donc
quel est l'impact de cette potentielle discorde?
M. Tessier (Philippe-André) : C'était
une excellente question pour une... donc, bienvenue, effectivement, vous aussi
en commission parlementaire, M. le député. Donc, essentiellement, ce qu'on...
on juste remettre en lumière. On s'entend que, dans la convention, la
résiliation unilatérale est toujours possible également. Donc, il y a des
éléments. Cela dit, il faut aussi prévoir les cas de désaccord. Et ce qu'on
constate, c'est que, généralement, lorsqu'il y a... on regarde un peu les différents
mécanismes qui existent à... quand on fait l'exercice, comparer. On voit qu'il
y a souvent, peut-être, des fois, des éléments ou des mécanismes de contrôle
qui sont mis en place pour régir ces potentiels désaccords, sur les frais, pas
sur le consentement ou sur la participation, hein? Mais vraiment, encore une
fois, nous, on revient sur les frais... ce sur quoi la Rapporteuse spéciale des
Nations-Unies s'est prononcée en faisant ses constats à travers le monde. Et
donc, c'est là-dessus qu'on attire l'attention du législateur. Comme on le
sait, malheureusement, des fois, des meilleures parties du monde, les
meilleures conventions du monde entraînent malheureusement des litiges. Il faut
prévoir, potentiellement, ces cas-là, en ce qui a trait aux frais.
M. Cliche-Rivard : Et,
j'imagine, vous avez une idée, vous parlez d'arbitrage, vous parlez d'envoyer
ça à la Cour supérieure? Qu'est-ce que vous avez comme idée à ce niveau-là?
M. Tessier (Philippe-André) : Encore
une fois, ce n'est pas le rôle de la commission de recommander des mécanismes.
Ce qu'on dit, c'est qu'effectivement il en existe différents. L'idée, encore
une fois, on veut que ces mécanismes-là soit simples, souples et accessibles
aux parties.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :...Mme la députée de Vaudreuil,
s'il vous plaît.
Mme Nichols : Oui. Merci, M.
le Président. Bienvenue parmi nous à notre nouveau collègue. Je lui assure que
le bout de la table est quand même très agréable, bien qu'on a moins de temps
pour intervenir. Mais bon.
Une voix : ...
Mme Nichols : Oui, oui, il
n'en tient qu'à moi de me... Enfin, bon, c'est un autre sujet. Je n'ai pas
beaucoup de temps, je vais faire ça rapidement, ça pourrait être plus long.
Juste, par rapport à la recommandation numéro un, le droit à la connaissance, à
la connaissance des origines de l'enfant né d'un projet parental, là, d'une
GPA, je n'étais pas certaine d'avoir compris quelle était la recommandation,
parce qu'hier on a Me Browns, là, qui nous a parlé qu'elle avait fait vraiment,
là, beaucoup, des milliers, des milliers de conventions. Vous, comment vous
voyez ça? Où pourrait... Où on pourrait contenir ces informations-là? Parce
qu'évidemment il y a beaucoup de données qui restent... qui restent
confidentielle.
• (12 heures) •
M. Tessier (Philippe-André) : Peut-être,
je vais céder la parole à ma collègue, mais simplement pour vous dire qu'il
n'est pas de la prétention de la commission d'agir ici en tant qu'expert en droit
familial. Notre expertise, c'est la conformité avec la Charte des droits et
libertés de la personne. Cela dit, je passe la parole à ma collègue.
Mme Montminy (Karina) : Si je
comprends bien, peut-être que vous référez à ce moment-là à notre première
recommandation qui était dans le projet de loi n° 2, et il nous semble que
nous ne sommes pas revenus sur cette recommandation précisément, puisqu'elle
nous semble avoir été répondue. On semble y avoir répondu dans le projet de loi
n° 12. Donc, pour nous, il y avait une... un des scénarios qui n'était pas
couvert, là, par le projet de loi n° 2 et on estime que, là, avec la
nouvelle formulation et l'ajout qui a été fait par le projet... dans le projet
de loi n° 12...
12 h (version non révisée)
Mme Montminy (Karina) : ...cette
recommandation-là, là, n'était plus... n'était plus... avait été suivie, si on
peut dire.
Mme Nichols : Bien, c'est un
sujet qui est revenu quand même hier, là, quand on parlait des informations qui
pourraient être contenues dans la convention, de rendre les conventions
accessibles parce qu'il y a beaucoup d'information. Ça fait que je comprends
que votre position reste... Oui. Là, j'ai coupé, hein?
Mme Montminy (Karina) : Ah! O.K.,
je viens de... Oui, c'est sur la confidentialité des informations qui
pourraient être transmises à ce moment-là au directeur de l'état civil, par
exemple, je pense, qu'est-ce qui a été question. Sur cette question-là
précisément, on ne s'était pas prononcé, toutefois, sur... mais on peut
rappeler, toutefois, rapidement qu'il y a toujours l'article 5 de la
charte qui doit prévaloir, c'est-à-dire s'assurer du respect au droit de la vie
privée de toute personne et de faire... de s'assurer qu'en conséquence, il y
ait toujours des mécanismes et des règles d'encadrement pour éviter toute
situation où il pourrait il y avoir des atteintes.
Mme Nichols : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Alors, merci
beaucoup d'avoir été avec nous. C'est très très très apprécié. Puis on se dit à
bientôt, bien sûr.
Alors, cela dit, je suppose les travaux
quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 02)
(Reprise à 12 h 04)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir de recevoir la
professeure Isabel Côté, Chaire de recherche du Canada sur la procréation pour
autrui et liens familiaux, Département de travail social, Université du Québec
en Outaouais. Alors, merci beaucoup. Donc, la parole est à vous pour 10 minutes.
Après ça, on aura une période d'échange avec les membres. La parole est à vous,
maître... professeur.
Mme Côté (Isabel) : Parfait.
Je vous remercie beaucoup. Je remercie beaucoup de l'invitation qui nous a été
faite à mon collègue et moi de venir partager nos réflexions, là, sur le p.l.
12. Je dis mon collègue et moi, comme vous constatez, il n'est pas là parce
que, malheureusement, nos collègues de l'Université Laval sont toujours en
grève. Néanmoins, les réflexions que je présente aujourd'hui sont le fruit du
travail que l'on conduit ensemble depuis une dizaine d'années maintenant, des
publications que nous avons en commun. Puis c'est la même chose pour le mémoire
qui a été déposé, là, c'est le fruit, vraiment, de nos travaux communs.
Donc, aujourd'hui, pour situer juste
brièvement nos expertises, le professeur Lavoie et moi, conduisons des travaux
sur... qui visent, en fait, à documenter l'expérience des personnes dont les
enfants sont issus de la procréation pour autrui. Dans le cadre de nos travaux,
on s'intéresse à l'ensemble des parties concernées, à savoir les donneurs et
les donneuses de gamètes, évidemment les femmes porteuses, on s'intéresse aussi
aux parents d'intention, mais aussi on s'intéresse aux enfants, ce qui est
particulièrement novateur, là, puisqu'il y a très peu d'études qui sont
conduites sur ces enfants-là actuellement.
Donc, aujourd'hui, je vais attirer votre
attention sur cinq éléments particuliers, au moment de ma présentation, outre
ce qu'il y a dans mon rapport, tout d'abord sur les conditions préalables à l'établissement
de la filiation, ensuite, sur l'habilitation des professionnels qui vont
intervenir dans ce champ, sur l'importance de circonscrire le rôle des agences,
sur la question des origines aussi, et finalement sur l'importance de soutenir
la recherche.
Donc, tout d'abord, concernant les
conditions préalables, nous saluons le fait que le projet de loi n° 12
propose un processus formalisé qui oblige les parties à rencontrer un
professionnel du domaine psychosocial préalablement à la mise en œuvre d'une
grossesse pour autrui...
Mme Côté (Isabel) : ...Néanmoins,
nous pensons qu'une simple rencontre d'information telle que libellée actuellement
s'avère insuffisante pour créer les conditions nécessaires pour bien
accompagner les personnes impliquées dans un projet de GPA. En effet, une
simple rencontre d'information risque de conduire à la mise en place d'une
pratique standardisée qui propose un modèle générique visant à cocher une liste
d'éléments à couvrir avec la femme porteuse et les parents d'intention, et ce,
sans égard aux besoins spécifiques de chacune des parties, lesquelles vont
différer évidemment en fonction des contextes. Il importe donc que les
conventions ne soient pas formatées sur un modèle unique. Ici, nous saluons le
fait que chaque partie soit vue séparément. Nous pensons qu'il importe de
compléter le processus par une mise en commun des discussions qui vont avoir
été tenues de part et d'autre. En effet, nos recherches et les recherches
conduites sur le sujet de la GPA indiquent que c'est le développement d'une
vision commune qui constitue la meilleure façon d'éviter les malentendus,
désaccords ou déceptions. Enfin, plus qu'une simple... plutôt qu'une simple
attestation, nous proposons que les professionnels doivent fournir un rapport
qui va détailler les aspects éthiques, relationnels et sociaux qui auront été
négociés et qui pourront ensuite être enchâssés dans la convention.
Ça me conduit au deuxième élément, soit
l'habilitation des professionnels qui vont intervenir dans ce champ-là. Nous
recommandons que seuls les membres de l'Ordre des psychologues et l'Ordre des
travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec soient
habilités à faire ces rencontres-là. Et ça, c'est tout à fait conforme... en
conformité, en fait, avec l'article 10.2 de la Loi sur les activités
cliniques de recherche en matière de procréation assistée, qui stipule déjà,
là, que seuls les membres de ces deux ordres-là peuvent évaluer les personnes,
là, en vue des rencontres psychosociales préalablement au don de gamètes.
Actuellement, par contre, il faut savoir
qu'aucun cursus universitaire en travail social ou en psychologie n'offre de
formation approfondie sur les enjeux liés à la procréation pour autrui. C'est
pourquoi nous jugeons essentiel pour les professionnels du domaine psychosocial
de détenir une certification pour éviter évidemment que n'importe qui
s'improvise spécialiste de la GPA, ce qui irait évidemment à l'encontre de
l'objectif visé.
Par ailleurs, il importe à notre avis que
les professionnels qui vont intervenir et les notaires soient dans l'obligation
d'exercer de manière indépendante et autonome des agences de GPA ou des
cliniques de fertilité. Et cette mesure va permettre, à notre avis, d'assurer
l'expression du consentement libre et éclairé de la femme porteuse et d'éviter
que les parents d'intention, qui vont être évidemment considérés comme les
clients de ces cliniques ou agences-là, soient favorisés à son détriment.
Et donc ça me conduit au troisième
élément, l'importance de circonscrire le rôle des agences privées oeuvrant dans
le domaine de la GPA. Le laisser-faire qu'on observe ailleurs au pays, notamment
en Ontario, n'est absolument pas le modèle à suivre. D'ailleurs, depuis le
dépôt du PL 2, on a constaté la mise en œuvre, le développement d'offres
de services pour faciliter ou pour mettre... faciliter, en fait, les ententes
de GPA, offres de services qui sont conduites... qui sont mises en plan, par
exemple, par des personnes concernées. C'est-à-dire, moi, j'ai déjà eu des
enfants par GPA, donc j'ouvre une agence, là, pour aider les gens qui veulent
avoir des enfants par GPA. Donc, on peut présumer que les compétences
professionnelles de ces personnes-là sont sujettes à caution.
• (12 h 10) •
Donc, il faut savoir aussi que, dans le
champ des professions en santé mentale, le Québec s'est doté, à la fin des
années 2000, d'une loi visant à encadrer l'exercice de la psychothérapie
en réaction à ce qui était jugé à l'époque comme le Far West de la
psychothérapie, où n'importe qui pouvait s'improviser psychothérapeute, avec
les conséquences, évidemment, qu'on sait pour les personnes qui les
consultaient. Donc, on pense que de manière autonome... pardon, de manière
analogue, Québec doit réfléchir au rôle des intermédiaires privés et encadrer
leurs services pour s'assurer de la qualité des services offerts et ainsi,
évidemment, mieux protéger le public.
Concernant la question des origines, il
importe de faire la différence entre l'anonymat et le secret lorsqu'il est
question des origines. Pour que l'enfant conçu par don puisse se saisir de son
droit à connaître ses origines, il faut deux éléments. Le premier, qu'il sache
qu'il soit né par un don de gamètes, et, ensuite, que les informations
concernant le donneur ou la donneuse soient disponibles lorsqu'il les demande.
Donc, si nous nous réjouissons que l'article 542.2 donne la pleine
latitude aux parents quant à la divulgation, il importe néanmoins que des
mécanismes soient mis en place pour les soutenir. Actuellement, les parents qui
veulent avoir des enfants grâce à un don de gamètes doivent rencontrer une
personne préalablement au don. Et, au moment de cette rencontre-là, c'est bien
avant que l'enfant soit conçu. Donc, les parents reçoivent des informations,
lesquelles varient en fonction des intervenants consultés. Et là, bien, une
fois que l'enfant est né, c'est là que toutes les craintes et les questionnements
concernant la divulgation émergent. Et on sait déjà que plus on a des craintes
par rapport au...
Mme Côté (Isabel) : ...moins
il y a de chances qu'on dévoile rapidement. Et, plus on dévoile tardivement,
plus ça a un impact négatif sur les enfants, évidemment. Un autre élément qu'on
sait aussi, c'est que, quand on ne sait pas comment faire, bien... puis qu'on
retarde le dévoilement, on reste pris dans ce secret-là, et là on ne sait pas
trop comment s'en sortir.
Donc, c'est pourquoi on propose que les
parents puissent avoir jusqu'à trois rencontres gratuites offertes par une
personne habilitée suite à la naissance de l'enfant, pour les aider à discuter
de la question des origines si les parents rencontrent, évidemment, des enjeux
par rapport à ça. J'en profite, encore une fois, pour réitérer l'importance
d'avoir des intervenants habilités et certifiés à intervenir dans ce champ-là
pour éviter, encore une fois, que n'importe qui s'improvise spécialiste de ces
enjeux qui sont très délicats.
En ce qui concerne, plus spécifiquement,
l'accès aux origines, en fait, le fait de ne pas avoir accès à des informations
nominatives concernant le tiers donneur, malgré le droit de connaître les
origines, est perçu comme étant particulièrement frustrant et douloureux pour
les personnes concernées. Actuellement, on a un projet en cours, là, qui porte
sur les personnes qui ont appris à l'âge adulte avoir été issues d'un don de
gamètes et qui cherchent les informations concernant leur donneur et qui n'ont
pas accès à ces informations-là, même dans un contexte où, par exemple, ils
viennent d'un pays qui a aboli... bien, en fait, qui a donné un droit aux
origines. Pourquoi? Parce que, dans certaines juridictions comme la nôtre, ici,
bien, on fait... devant l'absence de donneurs locaux, on doit importer du
sperme des banques étasuniennes. Et, quand on importe le sperme des banques
étasuniennes, bien, on a le choix d'avoir des donneurs à identité ouverte ou
des donneurs à identité fermée.
Or, certaines juridictions qui ont donné
un droit aux origines, notamment, par exemple, l'Angleterre, et qui doivent
importer du sperme des États-Unis, interdit absolument l'importation de
donneurs à identité fermée, donc seulement le donneur à identité ouverte est
permis. Et c'est pourquoi nous recommandons que, pour avoir... donner un réel
droit aux origines aux personnes conçues par don, que seuls les dons à donneur
à identité ouverte soient permis. De toute façon, c'est illusoire de penser que
l'anonymat est viable à long terme, là, considérant la multiplication des tests
d'ADN ou les sites de généalogie en ligne.
Enfin, le dernier aspect que je veux
porter à votre attention est l'importance de soutenir la recherche sur ces
enjeux-là. Dans notre mémoire, nous avons identifié certaines pistes de
recherche qui ont en commun de mieux documenter les réalités des personnes
concernées, notamment les enfants sur lesquels il y a très peu de recherche
actuellement, d'évaluer la pertinence des mesures mises en place de sorte à
améliorer les pratiques d'intervention, les programmes de formation et les
politiques publiques. Le soutien à la recherche s'avère fondamental pour que
cela puisse s'appuyer sur des bases scientifiques solides dans un souci de
favoriser le mieux-être des enfants, des femmes porteuses, des donneurs,
donneuses de gamètes et des parents d'intention. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci infiniment, Pre Côté. M.
le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
bonjour, madame Côté, heureux de vous retrouver en commission parlementaire. On
se voit une fois par année, alors, bienvenue. J'aimerais ça qu'on continue sur
votre propos relativement à l'identité du donneur, identité ouverte, identité
fermée. Nous, ce qu'on prévoit, dans le projet de loi, c'est que, lorsque
l'information est disponible, on doit la rendre disponible pour l'enfant qui
est nu... et qui est né par la procréation assistée. Puis, corrigez-moi, si je
comprends bien votre propos, là. Vous, vous dites : Ça devrait être
uniquement des donneurs ouverts. Il y a beaucoup de gens au Québec qui ont
recours à des banques américaines. Et là notre législation... la portée de
notre législation, elle est limitée, extraterritorialement. Comment on va faire
ça? Est-ce que ça ne va pas faire en sorte que les Québécois n'auront plus
vraiment accès à cette... à ces banques de sperme là ou à ces banques d'ovules,
si on exige que ça soit uniquement des donneurs avec des données ouvertes?
Mme Côté (Isabel) : Pas
nécessairement, parce qu'en fait l'ensemble des banques offrent des dons, que
ce soit... On a le choix, hein? On peut choisir un donneur à identité fermée,
un donneur à identité ouverte. Une recherche que je conduis sur
36 familles, on constate que c'est les parents, en fait hétérosexuels, qui
sont beaucoup plus réticents aux donneés... aux donneurs à identité ouverte,
là. Alors, aucun d'entre eux n'avait choisi un donneur à identité ouverte. Et,
si les mères le regrettaient maintenant, les pères étaient très contents que ça
reste à identité fermée, alors que les couples lesboparentaux ou les femmes
soloparentales avaient, elles, choisi majoritairement des donneurs à identité
ouverte. Donc, on peut importer des banques étasuniennes, des donneurs qui
acceptent que des données nominatives les concernant soient disponibles, là, à
partir de l'âge de 18 ans, comme on peut même laisser à la discrétion de
la clinique, ce que plusieurs des parents hétérosexuels qu'on a rencontrés ont
fait, là, la liberté de choisir à leur place le donneur et d'exiger un donneur à
identité fermée, ou, en tout cas, avec le moins d'informations possible le
concernant. Donc, par exemple, si on prend l'Angleterre...
Mme Côté (Isabel) : ...qu'ils
ont fait en Angleterre. Bon, c'est sûr que, là, c'est régi, là, au point de vue
fédéral, sauf que quand, par exemple, des parents utilisent un donneur d'une
banque étasunienne, bien, seuls des donneurs à identité ouverte sont mis à la
disponibilité des parents.
M. Jolin-Barrette : O.K..
Puis il n'y a pas d'enjeu que les banques se vident.
Mme Côté (Isabel) : Bien, en
fait...
M. Jolin-Barrette : Dans le
fond, je dirais, est-ce que la disponibilité de la ressource va être garantie?
Je vais dire ça comme ça.
Mme Côté (Isabel) : Malheureusement,
c'est en dehors de ma sphère de compétence.
M. Jolin-Barrette : Non, mais
on fait des blagues, là, mais au Québec puis au Canada, les banques sont peu
garnies parce que... la vérité, parce que ce n'est pas rémunéré. Auparavant,
c'était rémunéré, il y avait plus de gens qui fournissaient du matériel
génétique, qui contribuait. Il y a fort probablement un lien là-dedans. Aux
États-Unis, ça peut être rémunéré. Donc...
Mme Côté (Isabel) : En fait,
c'est une excellente question. Il y a certaines études qui ont été conduites au
Danemark, par exemple, où on s'est aperçu qu'il y avait une très grande baisse
de dons de sperme de personnes danoises et donc on importait du sperme
étasunien. Et là les Danois ont décidé de riposter en publicisant, si on veut, l'importance
de donner puis de rendre ça un petit peu plus, comment je pourrais dire, je ne
veux pas dire de banal, en fait, de banaliser le don, et tout ça, le recours au
don, ce qui a fait en sorte que les banques ont pu se rétablir beaucoup en
misant, c'est vrai, sur l'identité danoise, là. Ça avait... ça été fait avec
beaucoup d'humour et on a vu une augmentation des dons.
Est-ce que c'est parce que les donneurs ne
sont pas rémunérés qu'il y a une baisse? Bon, il y a plusieurs... il y en a qui
disent oui, il y en a qui disent non. Considérant l'offre non négligeable de
don de sperme qui se transige sur les réseaux sociaux, on peut se demander
pourquoi ces hommes-là préfèrent les réseaux sociaux plutôt que d'aller en
clinique. Bien, une des hypothèses qu'on a, c'est parce qu'ils ne correspondent
pas aux profils. Ils sont, par exemple, un peu trop vieux, ou des trucs comme
ça, ou les cliniques sont trop loin de leur résidence, ou encore parce que,
justement, c'est anonyme et ça ne leur convient pas. Des petites études à petit
échantillon, justement, que Kévin et moi on a conduit, bien, ça démontrait que
l'idée pourquoi on passait par le biais des réseaux sociaux, c'était entre
autres pour ça. Donc, est-ce que ça va avoir pour effet de diminuer l'offre, la
disponibilité des donneurs à identité ouverte, si tout le monde veut ça? Je ne
sais pas. Mais peut-être aussi que ça va inciter les banques à beaucoup plus,
comment je pourrais dire, informer les donneurs de l'importance eux-mêmes
d'être à identité ouverte. D'ailleurs, une autre recherche que je conduis
actuellement avec une stagiaire postdoctorale sur des donneurs qui avaient
donné à identité fermée voilà 20, 30 ans et qui ont été retrouvées
actuellement par des personnes issues de leurs dons grâce au site de généalogie
en ligne, bien, ces hommes-là, ce qu'ils nous disent, c'est qu'il regrette
d'avoir fait des dons à identité fermée, en fait, et que maintenant qu'ils sont
père, maintenant qu'ils ont vieilli, maintenant qu'ils qui ont été sensibilisés
à ces enjeux-là, bien, avoir su, ils auraient donné à identité ouverte, là,
davantage.
M. Jolin-Barrette : Vous avez
dit tout à l'heure : Chez les couples hétérosexuels, beaucoup d'hommes
préfèrent avoir un donneur à identité fermée. Pouvez-vous expliquer le
phénomène? Pourquoi?
• (12 h 20) •
Mme Côté (Isabel) : Bien,
pour plusieurs raisons. Je vous dirais parce qu'évidemment la question de la
stérilité masculine, ça reste un enjeu important. Ça reste un enjeu qui est
très stigmatisant aussi. Puis je pense que les hommes ont peu d'espace pour
discuter de ça, même entre eux, l'infertilité. Les femmes en parlent beaucoup.
Sur les groupes de soutien, on voit beaucoup de femmes qui vont là même pour
parler de leur conjoint, alors qu'eux-mêmes sont très peu présents. Alors, les
hommes que j'ai rencontrés, qui, eux, dédramatisaient effectivement leur
stérilité, étaient beaucoup plus à même d'avoir choisi... d'avoir voulu choisir
un donneur à identité ouverte, mais cette fois-là, dans cette situation-là,
c'est la conjointe qui avait fait obstacle à ça. Ça, c'est une des raisons.
L'autre raison, c'est parce qu'on ne sait pas trop comment s'y prendre. Est-ce
que cette personne-là va venir prendre ma place, en fait? Est-ce que cette
personne-là va être valorisée plus que moi dans la vie de mon enfant? La
question des mots aussi. Ces hommes-là sont souvent mêlés parce que, souvent,
on va utiliser le mot «père» pour parler d'un donneur, alors que, bon, ce n'est
pas un père, évidemment. Donc, c'est assez complexe, je vous dirais, mais je
pense que c'est entre autres parce que ces blessures-là sont importantes.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Vous,
vous recommandez qu'une mère porteuse ait déjà eu des grossesses préalables.
Pourquoi?
Mme Côté (Isabel) : Bien,
tout simplement parce que les données disponibles que nous avons actuellement
semblent démontrer que, bien que ce soit un phénomène très rare, il peut quand
même y avoir des enjeux liés, par exemple à l'accouchement, des enjeux qui
peuvent avoir des impacts futurs sur...
Mme Côté (Isabel) : ...la
fertilité de la femme, bon, dont une... une méta-analyse, là, que j'ai citée
dans le mémoire. Donc, par mesure de prudence, je... on propose, là, que les
femmes aient pu avoir une expérience de grossesse préalable. Aussi souvent, les
grossesses, on peut présumer que ça va être quelque chose d'idyllique, de
vraiment... qu'on va être contente... Tu sais, les images qu'on nous envoie des
femmes enceintes, c'est toujours ça, hein, des femmes heureuses qui se frottent
la bedaine avec des belles images d'Épinal. Puis il y a des femmes qui
découvrent qu'une fois enceinte, bien, c'est plus difficile qu'elle pensait,
c'est moins agréable qu'elle pensait aussi. Donc, par mesure de prudence, c'est
la raison pour laquelle, là, on préconise une grossesse préalable.
M. Jolin-Barrette : Une
sous-question. Mais, d'un autre côté, si l'État fait ça, on vient enlever un
peu une autonomie à la femme, de dire : Qu'est-ce que je fais avec mon
corps? J'ai le droit de disposer de mon corps comme je le veux aussi. Donc,
l'État, vient, en quelque sorte, contrôler. Qu'est-ce que vous faites avec cet
argument-là?
Mme Côté (Isabel) : C'est un
excellent argument. Effectivement, il y a une incongruence avec ça puis un peu
ce que je parle un peu plus loin sur l'importance de respecter l'autonomie
reproductive des femmes. J'en suis consciente. Toutefois, je me dis :
Bien, si, par exemple, suite à un accouchement pour autrui, ça résulte à... le
fait qu'on ne puisse plus porter un enfant pour soi par la suite, c'est par
mesure de prudence, là, de préconiser cette mesure-là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je
vous remercie pour votre présence en commission.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Charlevoix–Côte-de-Beaupré.
Mme Bourassa : Oui. Merci
beaucoup. J'aimerais vous entendre sur le règlement sur le remboursement que
pourrait recevoir une femme porteuse. Vous parliez également du fait qu'elle
n'a pas à prendre ses propres congés pour le projet des parents d'intention.
Puis on ne veut pas non plus que ce soit en fonction de la générosité des
parents d'intention qu'elle soit rémunérée. C'est quoi, votre position? Qu'est-ce
qui serait le mieux, selon vous?
Mme Côté (Isabel) : Bien.
Tout d'abord, elle ne sera pas rémunérée. Ça, c'est certain. Donc, c'est
quelque chose qui est clair. Nous, ce qu'on propose, c'est qu'on s'enligne sur
les règlements fédéraux, là, sur... en matière de procréation assistée, pour
déterminer les dépenses, mais qu'il y ait aussi des maximums, des minimums
prévus, là, par règlement pour, justement, éviter, là, qu'il y ait une
disparité très grande entre différents parents et différentes femmes porteuses.
Pour les congés, je vais vous expliquer
pourquoi. C'est tout simplement parce que... et puis il va falloir amender,
c'est plus complexe que ça. Je donnais, justement, une conférence là-dessus à
des groupes syndicaux, les... Il va falloir amender probablement d'autres lois,
parce que, quand on est conventionnés, nos congés de maladie, il faut qu'on les
prenne avant d'exiger du sans solde. Donc, ça fait en sorte que, des fois,
bien, s'il faut aller à des rendez-vous, par exemple, moi, je suis en Outaouais.
Donc, si on a une femme porteuse de l'Outaouais, elle doit se rendre à
Montréal. Bon, l'aller-retour, plus le suivi, on a une journée de travail de
perdue, puis que la petite dernière manque une semaine d'école parce qu'elle a
une grosse gastro carabinée, bien, à la fin, on se ramasse qu'on a pris des
congés pour ça puis qu'on n'en a plus, donc. Pour moi, c'est important que tous
les jours qui doivent être pris en vue du projet soient rémunérés par... bien,
soient remboursés, compensés à côté, de telle sorte à ne pas qu'elle ait à
piger dans sa propre banque, là, à elle de congés.
Mme Bourassa : Encore une
fois, j'aimerais vous entendre sur le fait que la mère porteuse doit être... la
femme porteuse doit être la seule à pouvoir décider pendant la grossesse de son
alimentation, de son style de vie, du sport qu'elle va faire. Vous, vous
aimeriez que ça soit plus réglementé, plus encadré?
Mme Côté (Isabel) : Oui,
exactement, que ce soit clairement identifié dans les conventions. Pourquoi?
Parce qu'actuellement on constate que ce ne l'est pas. Et d'ailleurs les
agences qui remettent des contrats formatés, nous, on en a vu, plusieurs, que
des parents d'intention nous remettaient ou des femmes porteuses nous
remettaient. Premièrement, ces contrats-là, les parents d'intention ne les
comprenaient pas. Et ils se retrouvaient avec toutes sortes d'impératifs, comme
dans une situation, par exemple, la femme porteuse n'avait pas le droit de
boire des boissons gazeuses sucrées. Puis là j'ai demandé aux parents
d'intention : Mais pourquoi? Mais je ne sais pas, c'était dedans, là, tu
sais. Être obligé de ne pas pouvoir manger de fast food, ne pas faire de moto,
ne pas prendre ses enfants dans ses bras pour ne pas risquer de fausse couche,
je veux dire, à un moment donné.
Donc, dans ce... Puis ces contrats-là ont
été quand même effectués par des personnes du milieu juridique, là. Donc, il
faut quand même que ça soit clairement mentionné en termes d'autonomie dans les
actes conventionnés, là, qu'il n'y a rien qu'on peut dire, pendant la grossesse
de la femme, ne serait-ce aussi, en termes de ses propres soins de santé, ou
même son désir de mettre fin à la GPA. Donc, les parents, dans les rencontres
préalables qu'on va avoir avec des intervenants certifiés, j'en suis certaine,
vont pouvoir discuter préalablement de ça, que le... si on a un besoin de
contrôle absolu sur la grossesse de quelqu'un d'autre, peut-être que ce type de
projet là, ce n'est pas pour nous.
Mme Bourassa : J'ai-tu encore
un peu de temps? Merci, parce que c'est vrai que ça nous éclaire votre
expérience, il y a certains détails qui sont assez intéressants. J'aimerais
parler de la communication, parce que c'est sûr que, si c'est nouveau, il faut
vulgariser. Vous parliez, justement, qu'il faut mettre les informations
disponibles à l'intention des parents...
Mme Bourassa : ...des
deux parties. Il a un projet de recherche qui serait prévu pour documenter
justement ce phénomène qui est encore un peu souterrain pour l'instant. Mais qu'est
ce que vous voyez dans cette campagne de promotion là? Dans ces outils,
qu'est-ce qu'il... où est-ce qu'il faudrait afficher l'information? À qui?
Mme Côté (Isabel) : Bien,
déjà, Éducaloi, je pense qu'il fait un très bon travail, là, de vulgarisation
juridique, mais qu'il y ait aussi des campagnes qui soient plus ciblées sur les
réseaux, sur les différents sites, actuellement, qui existent sur les réseaux
sociaux, en lien avec la procréation pour autrui. Parce que même à l'égard de
la loi no 84, il y a les donneurs connus, par exemple, il y a énormément
de fausses... de fausses informations qui circulent. Les gens comprennent peu
leurs droits et responsabilités par rapport à ça. Donc, à mon avis, je pense
que ça mérite, là, d'avoir plus de... c'est ça, de publicité là-dessus, là.
Mme Bourassa : Merci.
Le Président
(M. Bachand) :Merci. Mme la députée
de Laval-des-Rapides.
Mme Haytayan : Merci, M.
le Président. Bonjour. Merci pour votre présence. Sur les agences, vous parliez
de votre... d'une... de votre position. Vous avez abordé un certain
encadrement. Pouvez-vous développer davantage sur votre position des agences?
Mme Côté (Isabel) : Oui. En
fait, les agences sont là, nécessairement, souvent pour mettre... pour discuter
justement de ces... de ces situations-là avec les parents d'intention, avec les
femmes porteuses. Ce que les intervenants en psychosocial vont faire, ils sont
là pour faire des conventions, ce que les notaires vont faire. Donc, il va
arriver un intermédiaire supplémentaire qui, à notre avis, à ce stade-ci, n'est
peut-être pas si important que ça. Il va rester quoi comme rôle? Bien, il va
rester le rôle d'un peu... d'entremetteur, ce qui est interdit aussi par la loi
fédérale.
Donc, à notre avis, c'est important
vraiment d'encadrer ça parce que ce qu'on constate, c'est qu'il y a une très
grande disparité dans les différentes agences. Il y a Me Brown, hier, qui en
parlait. Bon, il y a certaines agences qui fonctionnent d'une certaine façon.
Il y en a d'autres qui fonctionnent n'importe comment. Et actuellement, comme
je vous disais, on voit déjà une offre de services très chère qui est
disponible sur les réseaux sociaux. Bien, en tout cas, qui est offert, là,
alors que la loi n'est même pas encore en place, pour justement soutenir les
parents qui veulent avoir des enfants par GPA, alors qu'on peut se
demander : Mais c'est quoi les qualités professionnelles de ces
personnes-là?
Donc, pour nous, évidemment, les agences
méritent d'être très circonscrites, même si les femmes porteuses, il y en a qui
apprécient avoir des agences. Pourquoi? Notamment pour la question financière
du remboursement des dépenses, parce qu'il y a quelqu'un qui va médier ça.
Donc, on n'a pas besoin d'avoir ces discussions-là avec les parents
d'intention, et donc juste avoir avec eux les aspects relationnels, ce qui les
intéresse davantage d'ailleurs, ces femmes-là.
Donc, là, il y a le notaire qui va faire
cette... ce travail-là. Donc, c'est la raison pour laquelle, nous, on propose,
là, de les encadrer très strictement, là, au niveau de ce qu'ils peuvent offrir
comme services.
Mme Haytayan : Merci.
Le Président
(M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le
député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci. Merci,
M. le Président. Bonjour, Me Côté. Merci. Merci d'être là. Pour continuer sur
le même sujet de l'encadrement parce qu'évidemment il y a des parents
d'intention, il y a la femme porteuse. On veut respecter les droits de tout le
monde mais les parents d'intention ont un projet. Ils vont avoir à travailler,
évidemment, à avoir un contrat, une convention avec la femme porteuse. Si
jamais il y a des conditions et que... dans la convention puis que la femme
porteuse ne les respecte pas, qu'il arrive quelque chose, par exemple pendant
la grossesse, pour vous, les parents d'intention, à ce moment-là, est ce qu'ils
auraient un recours? Comment... Comment ça va se régler? Est-ce qu'on va aller
en médiation? Ça pose un problème, visiblement. On ne peut pas tout interdire à
la femme porteuse. Donc, avez-vous... Avez-vous réfléchi à ça? Est-ce qu'il y a
des suggestions que vous pouvez avoir pour nous, dans un cas comme ça?
Mme Côté (Isabel) : Elle ne
respecte pas les ententes qui seraient, par exemple...
• (12 h 30) •
M. Morin : Bien, par
exemple, je ne sais pas, moi, il y a des... Dans la convention, on dit que la
femme porteuse ne peut pas faire tel, ou tel, ou tel sport. Ça peut représenter
un danger. Elle en fait pareil. Et là, il arrive... Ou bien l'enfant a une
malformation ou il y a une interruption, là, de la grossesse. Donc, dans des
cas comme ça, dans vos études, c'est-tu des choses que vous avez rencontrées?
Qu'est-ce qui arrive dans ces cas-là?
Mme Côté (Isabel) : Bien, en
fait, ça devrait être complètement interdit d'avoir ça dans une convention.
Tout d'abord, nous, c'est ce qu'on propose, là, que ça ne soit pas du tout
mentionné. Cela dit, il faut savoir que les femmes porteuses qu'on a
rencontrées, souvent, elles vont dire : Bien, tu sais, c'est leur enfant,
mais c'est ma grossesse. Elles ont eu des enfants préalablement. Elles sont
très soucieuses, évidemment, de prendre soin... de prendre soin d'elles pendant
la grossesse pour s'assurer, évidemment, que le bébé se développe bien. Mais
elles sont critiques par rapport à ces questions-là, quand elles ont ce type de
demande là.
D'ailleurs, les projets de gestation pour
autrui qui se déroulent moins bien et qui ne persistent pas à long terme, les
recherches démontrent, notamment les nôtres aussi, c'est quand les parents sont
trop contrôlants pendant la grossesse, d'où l'importance d'agir en amont.
Maintenant, s'il y avait des conflits
pendant la grossesse, par exemple, ce qu'on peut constater, ce qu'on a...
12 h 30 (version non révisée)
Mme Côté (Isabel) : ...a
constaté dans nos recherches, il y a un pairage qui se fait. Les femmes
porteuses s'entendent super bien avec les parents d'intention puis, en cours de
route pour une raison qu'on ne sait pas trop quoi, la relation semble en tout
cas se détériorer légèrement. Je pense que la personne qui était là au départ,
la personne habilitée, qui les a rencontrées de part et d'autre, qui a fait une
mise en commun, devrait pouvoir les rerencontrer à nouveau pour dire :
Bien, au début, on avait discuté de ça, qu'est-ce qui ne va pas, dans une
optique de médiation pour assurer effectivement que ça aille mieux.
Par contre, une recherche dans laquelle je
participe avec des collègues canadiennes auprès de 174 femmes porteuses
démontre que 90 ou 92 % d'entre elles disent avoir des relations
excellentes, très bonnes, bonnes, après la naissance de l'enfant, là.
M. Morin : Bien. Puis dans
les conventions... parce qu'il y a plusieurs personnes ou groupes qui nous en
ont parlé, évidemment. Seriez-vous en faveur, en termes d'encadrement, qu'on
prévoit, par exemple, des assurances pour la femme porteuse...
Mme Côté (Isabel) : Bien sûr.
M. Morin : ...ou qu'on évite
une relation, par exemple, employeur-employé avec la femme porteuse pour que
son consentement soit évidemment éclairé puis qu'elle ne sente pas de pression?
On sait que ça peut même être plus grave si, par exemple, des gens ont des
employés chez eux qui ont un statut précaire, que ce soit en immigration ou
autrement. Donc, vos suggestions là-dessus?
Mme Côté (Isabel) : C'est une
excellente question. Oui, pour les assurances évidemment, là, assurances
invalidité, assurances vie, c'est nécessaire, évidemment aux frais des parents
d'intention.
Pour la question de l'employeur, je serais
un petit peu plus mitigée par rapport à ça. Évidemment, quand on parle d'aide à
domicile, là, on est au-delà de l'employeur, hein? La personne, elle a l'emprise
totale, hein? L'aide à domicile habite là, travaille là, je veux dire. Là, on
est complètement ailleurs, et la personne n'est pas non plus tout le temps
citoyenne canadienne. Donc, évidemment, pour moi, ça serait tout à fait
inapropos, là, d'avoir... inapproprié d'avoir une femme porteuse de cette...
dans ce contexte-là.
Par contre, dans le sens
employeur-employé, nous, on en a rencontré dans des contextes syndiqués, où,
par exemple, il travaille pour le gouvernement fédéral, où une personne est...
bon, et ça ne pose pas nécessairement d'enjeux comme tels. On a même rencontré
l'inverse aussi, où une employeuse... en fait, une personne en situation
hiérarchique supérieure a agi comme femme porteuse.
Donc, dans un contexte où là, on aurait
des... la médiation au départ, je pense que le rôle de l'intervenant habileté,
je tape toujours sur le clou, puisse déterminer effectivement si on est dans un
contexte de consentement vicié, là.
M.
Morin :Bien. Puis... Puis, vous l'avez mentionné dans votre
témoignage, c'est quand même un projet qui est complexe. Il y a une foule,
évidemment, de choses dont on doit prendre en considération. Des intervenants
nous ont dit que ce ne serait pas une mauvaise chose que les parents d'intention
ou la femme porteuse obtiennent même un avis juridique indépendant avant de s'engager
dans la convention puis le processus de gestation. Quelle est votre opinion
là-dessus?
Mme Côté (Isabel) : Moi, je
pense que la multiplication des personnes qui sont susceptibles d'intervenir
dans le cadre de la mise en place d'un projet risque d'être plus problématique
qu'autre chose, si vous voulez mon opinion. Dans les cas de séparation, on a
déjà mis en place des processus de médiation, où on travaille avec deux parties
qui sont en séparation, en conflit, et, pourtant, le processus fonctionne bien
pour beaucoup de personnes. Et là on n'est pas dans un contexte de conflit.
Donc, je pense que les personnes qui seraient, justement, aptes à faire ce
genre de rencontre là, le notaire qui est là pour les deux parties aussi
équitablement est suffisant.
Cela dit, je doute fort que les personnes
qui s'engageraient là-dedans n'aient pas eux-mêmes le réflexe d'aller avoir un
avis juridique, mais ça, ça sera à leur discrétion, si on veut.
M. Morin : Écoutez, je vous
remercie. Parce qu'en fait, ce qu'on a entendu, c'est que les gens n'ont pas
nécessairement ce réflexe-là non plus, donc ce n'est pas évident. Qu'est-ce que
vous pensez de l'idée, par exemple, d'avoir de la part de l'État, après trois
ans ou cinq ans d'adoption de la loi, parce que, compte tenu de la majorité du
gouvernement, on peut penser que la loi va être éventuellement adoptée - on va
essayer de la corriger le mieux possible, mais quand même, le résultat est un
peu connu - qu'il y ait dans la loi véritablement un protocole ou un processus
d'évaluation pour voir ce que ça fait, puis que là on ait vraiment des
chiffres, des statistiques? Est-ce qu'une période de trois ans ou cinq ans ou l'idée
même de ce que j'énonce, est-ce que, pour vous, c'est quelque chose qui serait
important pour la société québécoise?
Mme Côté (Isabel) : Bien,
tout à fait. C'est ce qu'on a écrit d'ailleurs dans le mémoire, là, l'importance
de financer la recherche là-dessus, notamment sur ce processus-là, pour savoir
si ça convient aux parties, si, effectivement, par la suite, les femmes sont
plus outillées pour connaître leurs droits, si, à long terme, on s'aperçoit que
ça a créé une plus grande satisfaction à l'égard du processus, si le maintien
des relations sont... sont maintenues...
Mme Côté (Isabel) : ...parce
que, comme je vous le disais, c'est là qu'on sait si... c'est quand la relation
harmonieuse que les relations se maintiennent à long terme et que les enfants,
même 20 ans plus tard, une recherche, là, qui vient de sortir en mars
2023, sur une étude longitudinale, les enfants sont rendus à 20 ans et il
y en a encore une grande partie d'entre eux qui ont des contacts avec leur
femme porteuse.
M. Beauchemin : Parfait.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Saint-Henri-Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, Pre Côté. Salutations au Pr Lavoie. Je lui partage maa solidarité.
Dans votre mémoire, vous parlez de... vous vous désolez, en fait, tous les deux
de l'absence du concept de pluriparenté dans le projet de loi, mais vous n'en
avez pas parlé aujourd'hui. Donc, j'aurais peut-être voulu vous entendre sur la
question.
Mme Côté (Isabel) : Bien, à
mon avis, c'est une occasion manquée, de ne pas avoir ajouté la pluriparenté
dans le projet de loi alors qu'on réforme le droit de la famille. Je pense
qu'il y a des obstacles qui... bien, en fait, je pense que la société est quand
même rendue à ce... rendu là. Il y a un article qui va sortir sous peu dans la
Revue de droit de l'Université de Sherbrooke, conduit par une professeure de l'Université
de UBC, RégineTremblay, sur l'analyse, justement, des différentes provinces qui
ont permis la pluriparenté et qui déconstruit, en fait, les a priori qu'on a,
les mythes qu'on a, à savoir que ça risque de causer, par exemple, plus de
conflits, etc. Sur les... il y a aucun conflit actuellement qui est enregistré,
là, au Canada qui implique plusieurs parents. Lors du p.l. 2, il y a
14 mémoires qui ont été déposés, hein, sur la plus... qui abordaient la
question de la pluriparenté, dont un qui était complètement consacré à ça, et,
sur les 14 mémoires, un seul était contre, hein? Les 13 autres
avaient été en faveur de ça. Donc je pense qu'on est rendu là et je pense
surtout qu'on peut choisir d'encadrer la pluriparenté selon un modèle qui va
nous convenir, en tirant profit de ce qui a été fait dans les trois autres
provinces, un peu comme on fait, là, avec la GPA, en fait, hein? La façon dont
on encadre la GPA, c'est complètement différent de ce qui se fait au Canada,
et, à mon avis, on a quelque chose de vraiment super intéressant. Et, dans
cette optique-là, la pluriparenté, on aurait pu faire ça, on aurait pu y
réfléchir ensemble, on aurait pu créer un projet qui nous ressemble ici...
M. Cliche-Rivard : Merci.
Le Président (M. Bachand) :Pas d'autre question? Merci. Mme la députée de Vaudreuil.
Mme Nichols : Oui, merci, M.
le Président. Merci, Pre Côté, d'être parmi nous. Je voulais profiter de votre
expertise. Dans les... vous nous avez parlé, là, des cinq points sur lesquels vous
mettez l'accent dans votre mémoire. Dans le résumé des conditions préalables
pour établir la filiation, vous recommandez, entre autres, là, qu'un tuteur ou
une tutrice soit désigné dans la convention notariée. Est-ce que c'est des cas
où ça a déjà posé problème?
Mme Côté (Isabel) : Bien non,
mais, en fait, c'est parce qu'en lisant le libellé, on s'est dit : Bien,
ce serait très dommage qu'un enfant dont les parents décèdent pendant le
processus soit confié à la protection de la jeunesse. Et d'ailleurs, dans
certaines pratiques, c'est déjà le cas. Par exemple, une femme seule qui veut
avoir un enfant par donneur de sperme dans les cliniques, les cliniques vont
les inciter très fortement à avoir déjà un tuteur à l'enfant, si jamais il leur
arrivait quelque chose au moment de quand l'enfant est très jeune, là, vu qu'il
n'y a pas d'autres parents pour suppléer. Alors, à mon sens, c'est assez
simple, compte tenu que les notaires font déjà, bon, ça dans le cadre des
testaments, de pouvoir ajouter une personne tutrice à l'enfant.
Mme Nichols : Oui. Bien, je
trouvais que c'était une excellente recommandation, puis, oui, étant donné que
ça risque d'être un document notarié. Donc, merci beaucoup pour votre mémoire.
M. Cliche-Rivard : Sur ce, professeur
Côté, merci beaucoup d'avoir été avec nous. L'Outaouais, c'est une très belle
région, pour y avoir résidé quelques années.
Alors, sur ce, la commission suspend ses
travaux jusqu'à 15 heures. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 40)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 05)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Bon
après-midi. Et ceux qui ont eu la chance, à l'extérieur, à Québec, il fait un
très beau soleil. Cela dit, nous poursuivons les consultations particulières et
auditions publiques sur le projet de loi n° 12, Loi portant sur la réforme
du droit de la famille en matière de filiation et visant la protection des
enfants nés à la suite d'une agression sexuelle et des personnes victimes de
cette agression, ainsi que les droits des mères porteuses et des enfants issus
d'un projet de grossesse pour autrui.
Cet après-midi, nous allons débuter avec Mme
Andréane Letendre. Très content de vous avoir avec nous. Alors, comme vous le
savez, 10 minutes de présentation, après ça on a un échange avec les
membres de la commission. La parole est à vous. Merci.
Mme Letendre (Andréane) : Merci.
Merci de me recevoir. Donc, je me présente. Je m'appelle Andréane Letendre. Je
suis née en 1983 dans une famille avec des parents hétérosexuels qui ont fait
appel à un don de gamètes pour me concevoir. J'ai été informée de ce fait à l'âge
de 12 ans et, à ce jour, je ne connais toujours pas mes origines
biologiques. Être conçue par don de gamètes a eu un impact considérable sur ma
manière de voir la vie et fait partie de mon identité.
Le projet de loi n° 12 a suscité chez
moi et chez beaucoup de personnes conçues par don de gamètes un grand intérêt.
Mon intervention aujourd'hui vise à apporter un éclairage sur le vécu concret
des personnes issues de la procréation assistée, de même qu'apporter certains
commentaires sur le projet de loi n° 12...
Mme Letendre (Andréane) : ...on
voit souvent l'enfant né d'une procréation assistée comme un bébé qui comble
ses parents d'intention de joie après avoir été ardemment désiré. On ne pense
pas que ce bébé est une personne à part entière qui a ses intérêts, ses besoins
et qui grandira très rapidement. À travers les enjeux soulevés par les
différentes procédures de procréation assistée, on oublie souvent que les
intérêts de l'enfant peuvent différer de ceux des adultes qui contribuent à le
mettre au monde.
À l'heure actuelle, il est impossible de
savoir combien il y a de personnes conçues avec l'apport d'une tierce partie.
Au Québec, la majorité de ces personnes ignorent totalement qu'un tiers a
participé à leur conception, beaucoup l'apprennent de manière fortuite, par
exemple lors de résultats de tests médicaux, ou se le voient révélé dans un
contexte difficile comme une séparation ou un décès.
Bien qu'on suggère aux parents de
divulguer les informations au sujet de leur conception aux enfants, beaucoup de
parents d'intention ne le disent tout simplement pas à leur enfant, surtout
chez les couples hétérosexuels. Il y a tout un tabou associé à l'infertilité et
aux moyens de pallier celles-ci, ainsi qu'une peur du rejet qui peut
s'installer d'un côté comme de l'autre. Il en résulte beaucoup de conflits de
loyauté et de questionnements existentiels qui causent de la détresse
psychologique chez les descendants de la procréation assistée.
L'anonymat, c'est une pratique inutile et
dépassée. Lorsqu'on a instauré l'insémination artificielle avec tiers-donneur,
on a calqué le modèle de l'adoption qui avait cours à l'époque : un
processus caché, entouré de secrets et de mystères qui devait servir à protéger
l'enfant d'un abandon risqué, voire d'un infanticide, dans une société où la
maternité en dehors des normes n'était pas acceptée. Le contexte a évolué
depuis, mais il me semble qu'on ne se soit pas préoccupé du fait que jamais le
secret entourant la conception avec un tiers donneur n'a servi les intérêts des
enfants.
La pratique du don de gamète anonyme nous
prive de renseignements d'une valeur cruciale. On ne peut justifier de nous
priver d'information médicale exacte et à jour, de savoir si nous sommes
génétiquement liés à des frères et des sœurs ou à des cousins au premier degré.
On ne peut justifier de retenir une information qui constitue l'un des
fondements de notre identité.
L'anonymat des donneurs permet à
l'industrie de la fertilité de nier nos intérêts tout en appliquant une logique
marchande à la procréation. L'anonymat permet de couvrir les erreurs et les
abus médicaux qui surviennent inévitablement, par exemple, les «donneurs en
série» ou l'utilisation de matériel génétique différent de ce qui était demandé
par les parents d'intention, comme on a pu le voir dans certains cas médiatisés
et même judiciarisés récemment.
Le don de gamètes au Québec. À l'heure
actuelle, il n'y a pas de banque de sperme ou d'ovules québécoise. Les parents
d'intention qui souhaitent utiliser les gamètes d'une tierce partie sont
invités à choisir un donneur ou une donneuse dans les catalogues des
principales banques, majoritairement, en provenance des États-Unis. Une fois le
produit sélectionné, un nombre de doses défini est commandé ou réservé en
fonction du projet parental et des chances de succès de l'intervention. Il n'y
a aucune limite absolue par rapport au nombre de descendants que peuvent
engendrer les donneurs; seulement des barèmes en fonction de territoires
desservis, lesquels peuvent être terriblement étendus. Le respect de ces
barèmes n'est d'ailleurs pas contrôlé par un organisme indépendant. Les
paillettes peuvent être stockées dans l'azote liquide pour une durée quasi
illimitée et voyagent comme lettre à la poste.
La plupart des juridictions d'où
proviennent les gamètes utilisés dans le système de santé québécois offrent
soit l'anonymat complet des donneurs, soit des donneurs identifiables lorsque
le descendant atteint l'âge de 18 ans. Bien que la deuxième option soit
nettement meilleure que la première, je suis d'avis qu'afin de contrer les nombreux
effets pervers de l'anonymat des donneurs de gamètes, nous devrions avoir accès
à des donneurs identifiables dès la naissance de l'enfant, tel que le propose
le projet de loi n° 12.
On pourrait croire qu'il est difficile de
vraiment contrôler quelque paramètre que ce soit dans le don de gamètes sur
notre territoire. Malgré la diversité d'arrangements possibles en procréation
amicalement assistée, je crois que la majorité des procréations assistées sont
réalisées via le système de santé québécois, remboursées en tout ou en partie
par la RAMQ. Au-delà d'une nécessaire réforme du droit de la famille qui prend
en compte le bien de l'enfant dans les nouvelles réalités en matière de
procréation assistée, c'est par là, je pense, que le législateur devrait passer
pour établir ce qui est conforme aux valeurs de la société québécoise dans ce
domaine.
• (15 h 10) •
En lisant le projet de loi n° 12, je
comprends bien que l'intention du législateur, c'est de placer les intérêts de
l'enfant comme point central devant guider nos choix et nos décisions. C'est
dans cette optique qu'il a intégré, avec le projet de loi n° 2 adopté l'an
dernier, à la Charte des droits et libertés de la personne le droit de
connaître ses origines. Je vois, dans le projet de loi n° 12, la
concrétisation de ce choix et je m'en réjouis. Toutefois, j'aimerais apporter
quelques commentaires pour éviter que le projet de loi ne rate sa cible,
notamment en ce qui concerne la divulgation de ses origines à l'enfant issu
d'une procréation assistée, à l'utilisation du matériel génétique provenant de
l'extérieur du Québec puis les modalités de refus de contact qui peut être
exprimé.
Au niveau de la divulgation, comme je l'ai
mentionné plus haut, la majorité des personnes conçues avec l'apport d'une
tierce partie n'est pas au courant de ce fait...
Mme Letendre (Andréane) : ...bien
qu'une majorité de parents d'intention soient sensibilisés à l'importance de
révéler à leur enfant les circonstances de sa conception, une trop grande
proportion évite d'aborder le sujet ou annonce la nouvelle trop tardivement. Le
premier alinéa de l'article 542.2, qui serait ajouté au Code civil du Québec,
avec le projet de loi douze, se lirait ainsi: «Il appartient aux parents de
l'enfant de l'informer du fait qu'il est issu d'une procréation impliquant la
contribution d'un tiers.»
Je suis d'accord que le fait de
transmettre cette information est un acte très intime et délicat qui doit se
faire au sein de chaque famille, selon les valeurs et les convictions de
chacun. Il est difficile de contraindre les parents à révéler à leur enfant
qu'il est issu d'une procréation assistée impliquant le matériel génétique d'un
tiers. Selon la plupart des experts, la meilleure pratique serait de dire tôt,
souvent, et dans un contexte émotionnellement sécuritaire, ce qui va dans le
sens d'une révélation familiale, idéalement. Cependant, afin de donner accès à
leurs origines aux personnes conçues par don de gamètes, il est essentiel
qu'elles soient informées de ce fait.
Le législateur devrait donc prévoir un
mécanisme qui assure que l'information sera transmise dans les cas où la
trajectoire de vie de l'enfant ne lui permettra pas d'être informé dans les
meilleures conditions qui soient, par exemple, en cas de décès des parents, si
l'enfant est confié à la protection de la jeunesse, quelque chose comme ça. De
plus, je suis d'avis que cette révélation est du devoir du parent ou du tuteur,
beaucoup plus qu'un simple choix. Si la manière de l'annoncer peut être laissée
à la discrétion du parent, il doit, néanmoins, donner l'information afin de
respecter le droit de son enfant à connaître ses origines. En réalité, il n'y a
aucun recours qui va être possible pour un enfant à qui les parents n'auraient
pas révélé la vérité sur ses origines. Je crois tout de même qu'il est
important que la loi soit claire à ce sujet. Ce n'est pas acceptable de garder
un pareil secret de son enfant.
En ce qui concerne le matériel génétique
provenant d'autres juridictions, selon moi, c'est le problème le plus
important. Comme je l'ai mentionné plus haut, la majorité du matériel génétique
utilisé en procréation assistée au Québec est importé de juridictions qui
n'offrent pas nécessairement de donneur à identité ouverte dès la naissance de
l'enfant. Or, à la fin du premier alinéa de l'article 542.15, on mentionne que,
dans le cas d'un projet parental impliquant l'utilisation de matériel
reproductif provenant de l'extérieur du Québec, les parents d'intention
seraient responsables de transmettre l'information qu'ils détiennent au
directeur de l'état civil s'ils détiennent une quelconque information. Ce
passage permettrait aux cliniques de fertilité et aux agences de continuer
d'opérer en utilisant du matériel génétique qui ne respecte pas le droit de
connaître ses origines, qui sera inscrit à la charte québécoise dès juin 2024.
On ne peut évidemment pas forcer les
parents d'intention à transmettre une information qu'ils ne peuvent pas avoir.
On peut en revanche obliger les cliniques de fertilité québécoises à utiliser
du matériel génétique qui respecte notre cadre législatif et nos valeurs. Au niveau
des cliniques et des agences, on n'en parle pas beaucoup, je trouve, dans le
projet de loi, en matière de conception avec la part d'une tierce partie, ce
sont elles qui détiennent le plus d'informations sur les conceptions qui ont
déjà eu lieu par le passé. L'accès à ces informations nous est toujours refusé,
car elle fait partie du dossier médical de nos parents. De plus, beaucoup de
ces dossiers sont déjà détruits. Si c'est dans l'intention du législateur, nous
donner accès à nos origines, peu importe le moment où on a été conçu, il
faudrait obliger les cliniques à conserver et à transmettre l'information
qu'elles détiennent déjà au registre qui sera créé,
Au niveau du refus de contact, bien, je
suis totalement en faveur de la possibilité pour un donneur ou une donneuse
d'émettre un refus de contact avec la descendance qu'il ou elle a engendré.
Comme je l'ai mentionné à plusieurs reprises, ce que nous souhaitons avoir
avant tout, c'est une information et non une relation. Je suis toutefois d'avis
qu'on devrait donner l'information complète aux donneurs lorsqu'ils doivent
choisir d'émettre ou non un refus de contact. Ils doivent savoir combien de
descendants sont nés grâce à leur don. Accepter de rencontrer trois personnes,
ce n'est pas la même décision qu'accepter d'en rencontrer 350. La taille de la
cohorte issue d'un même donneur devrait également être divulguée aux
descendants après l'identification du donneur. C'est l'une des informations les
plus importantes que nous souhaiterions avoir pour des raisons évidentes.
En conclusion, j'aimerais exprimer combien
l'adoption de ce projet de loi représente beaucoup pour moi, ainsi que pour
plusieurs personnes conçues par don de gamètes. Je vous remercie d'avoir pris
le temps d'entendre un point de vue qui est peu représenté dans la sphère
publique.
Le Président (M.
Bachand) :Merci infiniment, Mme Letendre.
Monsieur le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bonjour, monsieur le Président. Bonjour, madame Letendre. Merci beaucoup de
participer aux travaux de la commission parlementaire et puis de venir nous
donner votre point de vue sur le projet de loi douze. Je voulais vous entendre
davantage sur les agences. Vous nous dites, elles sont absentes du projet de
loi, et je vous dirais que c'est d'une façon consciente. On ne souhaite pas
favoriser le recours aux agences. On vient vraiment mettre un encadrement pour
indiquer quelle est la voie légale, quelle est la voie judiciaire au processus
de grossesse pour autrui.
Donc, on ne souhaite pas encourager le
recours aux agences, mais j'aimerais vous entendre davantage, votre opinion en
lien avec les agences...
Mme Letendre (Andréane) : ...Bien,
au niveau des agences puis des cliniques, souvent, ça va être des... ce que
j'entends ce qui se fait à l'extérieur du Québec, puis ce qui risque d'arriver
aussi ici, c'est que ça va être des projets un peu comme clé en main, on va
aller... parce que ça... ça devient comme un peu compliqué de respecter toutes
les petits détails qu'il y a au niveau de la loi, puis tout ça, puis c'est
quand même un projet très important, je pense, pour les familles qui veulent
avoir des enfants, donc on risque d'avoir énormément de ces cliniques et de ces
agences-là.
Moi, ce que j'ai comme expérience, comme
personne conçue par don de gamètes, c'est que je ne suis pas la cliente de ces
agences-là. Donc, quand je veux avoir des... des informations, ou quoi que ce
soit, je me suis toujours fait répondre avec condescendance au niveau des
cliniques de fertilité. Puis ces agences-là ont toujours une logique marchande,
c'est un... c'est une business, même si ça crée des familles puis que c'est
quelque chose... même si c'est payé par le gouvernement, ça reste que ces
agences-là ont comme objectif de faire de l'argent, puis le produit, en quelque
sorte, ça se trouve à être nous, c'est les personnes conçues par don de
gamètes. Ça fait qu'à quelque part, je pense qu'il faut nous protéger aussi, en
tant que descendant de la procréation assistée, de cet appétit, je dirais,
mercantile, là, des agences puis des cliniques, parce qu'ils vont toujours
trouver une façon de réaliser la procréation assistée de la manière la plus
rentable possible et en oubliant un peu, je pense, l'intérêt de l'enfant
là-dedans, parce qu'eux autres, leur intérêt, c'est que leurs clients, qui se
trouvent à être les parents d'intention, soient satisfaits.
M. Jolin-Barrette : Puis vous
dites, dans votre mémoire, que vous avez peur qu'ils deviennent comme des gros
lobbies aussi, là, les...
Mme Letendre (Andréane) : Bien
oui, parce que c'est un peu ça qui se passe dans les autres juridictions, par
exemple aux États-Unis, et tout ça. Ils ont quand même un gros... ils ont quand
même assez de pouvoir au niveau de la procréation assistée. Souvent, on ne
réussit pas, nous, les personnes conçues par don de gamètes à s'exprimer dans
les... dans différentes consultations, ça fait que, tu sais, j'ai l'impression qu'ils
attendent juste de pouvoir, comme, se lancer au Québec, là, de manière plus
ouverte, là, avec... tu sais, avec comme la légalisation de la gestation pour
autrui, il y a quand même des risques que ça devienne quand même un marché
particulier, là.
M. Jolin-Barrette : De votre
point de vue, là, que... qu'est-ce que vous nous suggérez en lien avec les
agences?
Mme Letendre (Andréane) : Bien,
c'est que... En fait, le projet de loi est bien construit en soi. Tu sais, de
vraiment y aller avec qu'est-ce qu'on voudrait que ce soit. Sauf qu'ils vont
toujours trouver la petite faille qui va permettre... Par exemple, comme moi,
mon intérêt, c'est que les personnes conçues par don de gamètes aient accès à
leurs origines. Et puis comme j'ai mentionné dans mon... dans mon mémoire, il y
a une possibilité que... tu sais, en ce moment, il... il n'y a pas de banque de
sperme au Québec, là, donc si les gens veulent avoir... veulent impliquer un
tiers dans leur projet... dans leur projet parental, ils vont aller à
l'extérieur du Québec, aux États-Unis, ou dans d'autres juridictions qui, eux,
n'offrent pas des donneurs à identité ouverte dès la naissance, ce qui est
comme dans le projet de loi n° 12. Puis à... en fait, c'est au niveau de
l'article, je pense, c'est 542.15 qui permet, dans le fond, tu sais, pour...
dans le fond, c'est un article, je pense qu'il y a comme qui permet de... de
contourner pour les gens qui font la procréation amicalement assistée de
donner, dans le fond, l'information qu'ils ont. Puis aussi les parents qui vont
aller acheter, mettons, des paillettes à l'extérieur du Québec, bien, ils
n'auront pas nécessairement toute cette information-là. En soi, je ne pense pas
qu'on puisse empêcher tout, tout, tout ce qui va se faire dans toutes les sphères,
mais au niveau de la procréation amicalement assistée, ou bien d'acheter...
aller acheter à l'extérieur du Québec. Sauf que ce qui est fait au Québec dans
nos cliniques québécoises, il faudrait que ça respecte notre cadre législatif.
Puis, avec le... tu sais, c'est à la fin, dans le fond, de... tu sais, c'est
quand même un très, très gros paragraphe, là, à la fin, ils disent que,
finalement, les parents vont être responsables de transmettre cette
information-là s'ils l'ont, mais, tu sais, ils ne l'auront pas, ils vont
l'avoir acheté aux États-Unis, puis aux États-Unis, la... ce que la clinique
prévoit, c'est que c'est à 18 ans qu'ils peuvent avoir l'identification du
donneur. Nous, ce qu'on veut, c'est que ce soit dès la naissance qu'on puisse savoir
l'identification du donneur pour plusieurs raisons. Tus sais, 18 ans,
c'est très, très tard, là.
• (15 h 20) •
M. Jolin-Barrette : Mais il y
a certaines banques qui sont à informations ouvertes, par contre.
Mme Letendre (Andréane) : Je
ne le sais pas si c'est quelque chose qui est possible d'avoir. La plupart du
temps, ils vont dire : Le donneur est ouvert, mais à partir de
18 ans. Il y a comme toujours le 18 ans qui est là. Puis, tu sais, le
18 ans, là, quand on pense que le sperme peut être congelé dans l'azote
liquide pour une durée indéterminée, quand l'enfant est rendu à 18 ans, il
est comme trop tard parce que ça peut faire très longtemps que le don a eu
lieu. Puis, en même temps, bien, ça permet... si on découvre, par exemple, des
erreurs médicales ou des problèmes...
Mme Letendre (Andréane) : ...bien,
si on attend à 18 ans pour se rendre compte qu'il y avait
500 descendants, dans cette cohorte-là, il est trop tard pour radier le
médecin. Il a probablement déjà pris sa retraite, tu sais, c'est ça.
M. Jolin-Barrette : Puis,
dans le fond, vous disiez : Un des enjeux, c'est qu'il y a peu de banques
de sperme, supposons, au Québec, notamment.
Mme Letendre (Andréane) : On
n'en a pas. On n'a pas de banque de sperme. Tu sais, on va utiliser...
M. Jolin-Barrette : Mais je
pense qu'il y en a deux, seulement.
Mme Letendre (Andréane) : Oui.
On va utiliser... Dans le fond, ils vont acheter du sperme qui provient de
l'extérieur du pays, puis ils vont le conserver ici, dans... tu sais, dans,
mettons... dans des banques ici. Mais il n'y a pas vraiment de donneurs
québécois ou, en tout cas, c'est très rare, s'il y en a. Récemment, dans les
recherches que j'avais faites, ce n'était pas des banques, là, qui recrutent au
Québec puis qui sont actives au Québec, là.
M. Jolin-Barrette : Puis,
moi, ce qu'on me dit, c'est qu'il y a 50 donneurs dans deux banques au
Québec, ce qui n'est pas beaucoup.
Mme Letendre (Andréane) : O.K.,
mais, tu sais, c'est très peu par rapport à ce qui est réellement... ce qui est
réellement fait, là, comme procréation assistée au Québec, là. La majorité du
temps, on se fait... tu sais, quand on va dans une clinique de fertilité, on se
fait transmettre les catalogues des grandes banques de sperme qui sont à
l'extérieur de la province.
M. Jolin-Barrette : O.K. Puis
vous, de ce que je saisis de votre propos, le point le plus important, c'est
que les gens qui sont issus de la grossesse pour autrui et de la procréation
assistée, c'est qu'ils puissent connaître leurs origines, c'est l'élément le
plus fondamental pour vous?
Mme Letendre (Andréane) : Oui,
qu'ils puissent connaître leurs origines et qu'ils soient informés de ce
fait-là, parce que c'est quelque chose que, tu sais, si on considère qu'il faut
que les personnes conçues par don de gamètes aient accès à leurs origines, si
c'est dans la Charte québécoise, bien, à ce moment-là, si on n'est pas au
courant de ce fait-là, on ne peut pas avoir accès à nos origines. Donc, on ne
l'a pas, ce droit-là. C'est important qu'on soit informés de ça.
C'est pour ça que, tu sais...
J'expliquais, c'est un peu difficile, tu sais, de forcer les parents à le dire
à leur enfant. Par contre, si ça relève du devoir du parent, à un moment donné,
il faut que ça rentre dans les mœurs puis que ça devienne naturel qu'il faut
avertir... Il faut le dire à son enfant parce qu'il a le droit d'avoir accès à
cette information-là.
M. Jolin-Barrette : Puis,
oui, ça sera dans la charte. C'est prévu dans les limites prévues par la loi,
par le Code civil du Québec. Vous, dans le monde idéal, là, vous souhaiteriez
que chaque famille qui a recours, justement, à un don de force génétique le
dise à son enfant. Je vous pose la question : Est-ce que vous croyez qu'on
devrait forcer les parents à le faire? Parce que c'est...
Mme Letendre (Andréane) : Je
ne sais pas comment on pourrait le faire.
M. Jolin-Barrette : C'est
délicat, là, tout ça, là, puis, tu sais, chaque histoire familiale est...
Mme Letendre (Andréane) : C'est
très délicat, puis c'est des discussions que j'ai eues vraiment avec
différentes personnes conçues par don de gamètes. Puis les avis sont comme un
peu partagés entre ceux qui ont été informés jeunes et ceux qui ne l'ont pas
été. Ceux qui ne l'ont pas été disent, la plupart du temps : Bien, nous,
on aimerait ça que ce soit inscrit sur... tu sais, je ne sais pas, inscrit sur
le certificat de naissance. Je trouve que c'est une information qui est
peut-être très personnelle à mettre sur un certificat de naissance. Quoique
c'est quand même un document personnel aussi, tu sais. Tu sais, on se
questionnait : Est-ce que on envoie une lettre alors que... quand l'enfant
atteint 14 ans pour pour qu'il reçoit cette... qu'il reçoive cette
information-là. Je ne sais pas c'est quoi, ça.
M. Jolin-Barrette : Mais ça
pourrait être un choc aussi pour l'enfant de juste recevoir : Vous avez
14 ans...
Mme Letendre (Andréane) : Exactement.
M. Jolin-Barrette : Vous
recevez une lettre. Ah! finalement, l'ovule puis le sperme...
Mme Letendre (Andréane) : La
personne que vous avez cru qui était votre parent biologique ne l'est pas. Si
les parents l'ont informé par... auparavant, c'est une lettre qui va arriver,
puis ils vont faire, comme : Bien, je le savais déjà, tu sais, il n'y a
rien là. S'ils n'ont pas été informés, bien oui, ça peut être un choc. Est-ce
que c'est mieux de l'apprendre avec un choc ou c'est mieux de ne pas
l'apprendre pantoute? C'est ça aussi qui est une question. Moi, je pense que
c'est mieux de l'apprendre avec un choc que de ne pas le savoir, mais c'est mon
opinion personnelle. Je ne le sais pas si elle est partagée partout, mais je
pense que c'est... Pour que le droit aux origines existe, il faut que la
personne soit informée de ça. De dire : Il appartient aux parents, bien,
moi, je dirais plus : Il est du devoir du parent de la... tu sais, parce
qu'en soit, tu sais, si on veut faire un recours par après, contre nos parents,
parce qu'ils ne l'ont pas dit. Bien, tu sais, c'est un peu impossible.
Je veux dire, tu n'auras pas la capacité
avant l'âge de 18 ans, puis, à ce moment-là, tu sais, il va être comme
trop tard pour être capable de poursuivre tes parents. On n'enverra pas la DPJ
chez les familles qui ne l'annoncent pas. Tu sais, à quelque part, il y a comme
pas vraiment de pogne quelque part, à part juste de dire que c'est moralement
quelque chose qui...
Mme Letendre (Andréane) : ...doit
être fait.
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, je vous remercie, Mme Letendre. Je vais céder la parole à mes
collègues. Bien, je vous remercie pour votre témoignage, parce que ça illustre
très bien, je pense, ce que les gens, dans votre situation, ont vécu comme
mélange d'émotions aussi, puis comme désir aussi de connaître leurs origines. Donc,
je pense que vous éclairez la commission. C'est vraiment un témoignage
apprécié. Je vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Donc, il reste
cinq minutes 18 secondes, Mme la députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré,
s'il vous plaît.
Mme Bourassa : Bonjour. Merci
beaucoup. Merci beaucoup. Merci pour votre témoignage. J'aimerais aborder la
question des donneurs et des banques, effectivement, qui sont majoritairement à
l'étranger. Est- ce que vous croyez que, si on force un donneur à devoir
éventuellement fournir des informations sur lui, ça ne diminue la possibilité
de donneur? Parce que, pour l'instant, au Québec, il y a une pénurie de
donneurs blonds aux yeux bleus. Il semble que ce soit populaire. Est-ce que
vous croyez effectivement que ça pourrait avoir un impact là-dessus?
Mme Letendre (Andréane) : Ce
qui a été fait dans les juridictions, qui ont levé l'anonymat... On parle de
l'Angleterre, la Suède, l'Australie aussi, certaines régions de l'Australie. Je
pense même maintenant, c'est dans toute l'Australie. Mais il n'y a pas eu de
baisse de donneurs. Il n'y a pas eu moins de donneurs qui ont fait des dons. Il
y a eu peut-être un changement au niveau des profils de donneurs. Donc on
prend... on pense qu'on a plus de donneurs qui le font pour des raisons qui
sont plus louables, des gens qui ont vraiment l'intention de contribuer au
projet parental d'autrui, que des gens qui le font un peu comme, soit pour...
Bien, dans d'autres juridictions, on s'entend que les donneurs peuvent être
rémunérés, ce qui n'est pas le cas au Canada. Je ne pense pas que le fait de
savoir qu'on peut... que nos informations puissent être transmises... d'autant
plus qu'il y a la possibilité d'un refus de contact qui existe, je ne pense pas
que ça va faire baisser le nombre de donneurs. Je pense que, ce qui joue plus
là-dessus, c'est au niveau de la rémunération des donneurs, puis, à ce
moment-là, là on entre dans la juridiction au niveau du fédéral, puis c'est
interdit de toute façon au Canada, mais le fait de lever l'anonymat, ça ne va
pas faire ça.
Et la deuxième affaire que j'ai à dire
là-dessus, c'est qu'on ne peut pas gérer cette question-là comme si c'était une
question d'offre et de demande. On ne peut pas se mettre à faire de la
procréation assistée, justement, dans une logique marchande en disant : On
a besoin... On a une pénurie. Il y a un manque de donneurs, ça fait qu'on va
comme élastifier notre morale pour être capable d'en avoir plus. Je pense que,
si on fait de la procréation assistée, il faut le faire en respectant nos
valeurs puis en faisant en sorte qu'on respecte l'intérêt de l'enfant avant
tout.
Mme Bourassa : J'ai une
question délicate. Vous répondez seulement si vous voulez. Est-ce que vous avez
des frères et des sœurs?
Mme Letendre (Andréane) : J'ai
un frère.
Mme Bourassa : Qu'est-ce que
vous pensez du fait qu'un parent... des parents qui ont eu des enfants de
manière naturelle et qui désirent un autre enfant, et que ça ne fonctionne pas,
et que cet enfant-là décide... les parents décident d'avoir recours
effectivement à des dons, soit de gamètes, soit d'ovules. Révéler la naissance
d'un enfant fait différemment que la manière que son frère a été fait, vous ne
croyez pas que ça pourrait mettre une dynamique dans la famille ou peut-être
que l'enfant issu d'un donneur se sentirait moins légitime, moins aimé,
peut-être mis de côté? Qu'est-ce que vous faites avec ces situations-là?
Mme Letendre (Andréane) : Ce
qui est problématique, je pense, c'est quand il y a un secret. Tu sais, il y a
toujours une possibilité... Moi, je l'ai toujours ressenti avant de le savoir
qu'il y avait quelque chose qui clochait chez nous. Je n'étais pas capable de
dire : Bien, j'ai-tu adopté. Ah non! J'ai des photos de ma mère enceinte,
tu sais. Mais, tu sais, on le ressent. Puis, quand il y a un secret ou un
tabou, c'est malsain dans une famille. Ça fait que je pense que, quand les
parents prennent la décision d'utiliser la procréation assistée pour avoir un
enfant, bien, ça fait partie des choses qu'ils doivent considérer avant de le
faire. Puis, tu sais, étant donné que... puis en sachant qu'ils sont obligés...
qu'ils devraient le dire à l'enfant, bien, tu sais, si tu n'es pas capable de
dealer avec ce que ça risque de provoquer, peut-être qu'il y a un problème un
peu plus important, ce n'est peut être pas une bonne idée de le faire, tu sais.
Moi, je suis bien contente d'être vivante, là, aujourd'hui. C'est ça, je dis,
tu sais. Je ne suis comme pas en train de dire que je n'ai pas demandé à venir
au monde, mais c'est un peu ça, mais je suis bien heureuse d'être là, là.
• (15 h 30) •
Mme Bourassa : Parfait. Et
dernière question très rapide. Concernant l'information... Tu sais, je vous
confirme que présentement, quand les gens, les familles fréquentent les
cliniques, il n'y a pas de «tutorial» ou de manuel sur comment éventuellement
annoncer que son enfant a été conçu d'une manière unique. J'aime mieux le mot
unique que spécial. Où est-ce que cette information là, selon vous, devrait arriver?
Est-ce que c'est lorsque... dans les cliniques, par exemple, comme Procréa,
Fertilys, où ils donnent des services? Est-ce que c'est sur internet en amont?
Est-ce que c'est lors de la convention avec le notaire? Quand est-ce que cette
information-là devrait arriver pour aider? Et est-ce qu'on a besoin...
15 h 30 (version non révisée)
Mme Bourassa : ...pour
soutenir les parents dans cette annonce-là éventuelle.
Le Président (M.
Bachand) :Rapidement, parce que le temps
passe vite, s'il vous plaît. Merci.
Mme Letendre (Andréane) : Je
n'ai pas... je n'ai pas d'endroit particulier où est-ce que ça, ça devrait être
fait. Par contre, je pense que c'est un peu partout dans le processus, il faut
que ce soit répété. Comme on dit, il faut le dire aux enfants tôt et souvent,
bien, il va falloir le dire aux parents tôt et souvent aussi.
Mme Bourassa : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci, merci, M.
le Président. Bonjour, Madame Letendre. Merci pour votre témoignage. En fait,
votre témoignage est très important parce que c'est un projet de loi qui
soulève, effectivement, différentes... différentes questions, alors... alors j'apprécie.
Je comprends que, pour vous, l'idée, c'est que c'est superimportant pour l'enfant
de connaître, de savoir qu'il est, par exemple, issu de la procréation
assistée. Maintenant, vous avez eu déjà des questions là-dessus. Ce n'est pas
toujours facile pour les familles d'en parler.
Donc, est-ce que vous pensez que ce serait
important d'avoir un soutien, par exemple, psychologique à l'enfant? Parce que
je comprends que l'enfant veut le savoir ou, en fait, vous, vous vouliez le
savoir, mais il y a peut-être un impact après. Donc, pensez-vous que c'est
quelque chose qui pourrait être utile pour l'enfant, au moins de lui offrir ce
service-là?
Mme Letendre (Andréane) : Oui,
oui, absolument. Tu sais, moi, les contacts que j'ai avec des personnes conçues
par don de gamètes, c'est souvent des gens qui traversent une espèce de crise,
puis on se rend compte qu'on a tous passé par là. Puis je ne sais pas comment c'est
aujourd'hui, l'offre à ce niveau-là, mais ça prend quand même des intervenants
qui sont formés à la situation particulière des personnes conçues par don de
gamètes. Alors, je vois maintenant, ça va mieux. Je ne vous voyais pas dans l'écran.
Donc, oui, c'est ça. Donc, c'est ça, c'est
d'avoir des personnes qui sont spécialisées là-dedans, parce qu'il y a beaucoup
de faux pas, je dirais, ou d'erreurs que des intervenants peuvent commettre en
nous disant : Bien, arrête d'y penser. Tu as été tellement désirée, tu
sais, tu devrais être reconnaissante envers tes parents. Tu sais ça, je les ai
entendus en boucle, tu sais, vraiment. Tes parents ont tellement travaillé fort
pour t'avoir, tu sais. C'est sûr, tu sais, c'est sûr qu'il y a... Ça fait qu'à
quelque part, tu sais, il faut qu'on soit entendus. Je pense que, souvent, ce
qu'on a besoin... on a besoin d'en parler à quelqu'un, puis on a besoin d'en
parler à quelqu'un pour qui c'est correct qu'on n'ait peut-être pas les
émotions que nos parents souhaitaient qu'on ait par rapport à ça.
Ça fait que ça prend, oui, des...
peut-être des intervenants, que ce soit des psychologues, ou peu importe, qui
sont formés à ce niveau-là. Parce que la plupart des gens que je connais, en
tout cas, ceux qui m'ont contactée, j'en ai beaucoup qui ont eu des problèmes
assez importants tout au long de leur vie, en fonction de différents... de
différents événements dans des décès, les séparations des parents, ça revient souvent.
Puis c'est comme un complexe qui reste comme ancré un peu en nous parce que c'est
quelque chose qui reste toujours un peu fragile.
M. Morin : Oui, je vous
comprends. Évidemment, on peut toujours suggérer des modifications au
gouvernement dans le cadre de nos travaux. Je vous entends puis je perçois que,
pour vous, c'était vraiment un besoin important de le savoir. Maintenant, pour
nous aider dans notre travail, puis on en a un peu parlé un peu plutôt, mais ça
serait quand, la meilleure façon, puis comment? Parce que je comprends, vous
nous avez dit que, dans le cadre d'un, par exemple, d'une situation
conflictuelle, ce n'est sûrement pas l'idéal, là, par exemple, des parents qui
séparent. Puis, en plus, en passant, bien, bingo, vous avez été conçu...
Mme Letendre (Andréane) : Ça
peut être une arme. C'est ça.
M. Morin : ...ça fait que
là... Bon. Mais comment on ferait... Puis, à ce moment-là, l'obligation, on l'impose
au gouvernement ou sur les parents, au directeur de l'état civil qui est le
gouvernement? Est-ce que vous avez des idées là-dessus pour nous aider dans
notre travail de législateur?
Mme Letendre (Andréane) : Bien,
je pense que ça doit d'abord et avant tout... Tu sais, comme je disais, il n'y
a pas vraiment possibilité d'avoir un recours d'une manière ou d'une autre si
on n'est pas informé. C'est bien malaisant de poursuivre ses parents à cause de
ça, là, tu sais, ça ne marche pas, là, tu sais. Donc, tu sais, c'est sûr que l'information
soit disponible au niveau du registre, si l'enfant se pose des questions, bien,
il peut avoir accès au niveau du registre pour voir qu'est-ce qu'il en est.
Ensuite, au niveau de l'information des
parents avant, quand ils sont au moment de... au niveau du projet parental,
mais aussi en postnatal. Les parents qui ont un enfant, dans les premières
années de vie de l'enfant, il faudrait qu'il y ait quelque chose qui puisse les
appuyer, qui puisse, au niveau, je ne sais pas, peut-être du suivi, tu sais, se
faire...
Mme Letendre (Andréane) : ...accompagné
pour que ce soit quelque chose de normal de dire à son enfant. C'est quelque
chose qui doit être normal, qui doit pouvoir sortir devant... à l'école, devant
la famille, devant les amis. Il faut que ce soit quelque chose de connu et
qu'on soit comme que ce ne soit pas quelque chose qui soit honteux parce que,
quand c'est caché, bien, nous, on le ressent comme si c'était une honte. Puis,
tu sais, c'est notre conception, là, qu'on parle, ça fait que c'est un peu
«touchy» de ce côté-là.
C'est sûr que si, au niveau de la loi, ça
fait partie du devoir et que ça n'est pas seulement laissé à la discrétion des
parents, même s'il n'y a pas de recours, je pense que c'est au niveau de la
d'inciter quelque chose que ça devienne au niveau de la morale de la société,
là. Je ne sais pas trop comment formuler ça, que ce soit quelque chose qui
doive être fait, que ce ne soit pas quelque chose qui soit laissé au choix du
parent. Souvent, tu sais, les gens... Je ne sais pas si quelqu'un se présente pour
faire un projet parental dans le système de santé aujourd'hui, s'il dit :
Moi, j'ai l'intention que ça paraisse le moins possible, je n'ai pas
l'intention d'avertir mon enfant. Je ne sais pas si cette personne-là ne
devrait pas avoir minimalement, tu sais, quelqu'un qui lui dit : Bien là,
peut-être que votre projet parental, vous devriez y repenser à deux fois, là,
tu sais.
M.
Morin :Oui, je comprends. Donc, est-ce que c'est quelque chose
qu'on pourrait mettre, par exemple, dans la convention de grossesse, donc le
contrat que les parents ont avec la femme porteuse, de dire : Bien, à un
moment donné, vous allez devoir le dire après la naissance de l'enfant, quand
il va être en mesure de comprendre évidemment? Est-ce que ça pourrait être une
option?
Mme Letendre (Andréane) : Ça
pourrait être une option au niveau de la convention de grossesse, mais il faut
penser aussi au don de sperme parce que ça se fait énormément aussi, ça fait
que... puis là, le don de sperme, là, ce n'est pas très encadré, là, par
rapport... versus la convention de grossesse pour autrui puis, à ce niveau-là,
ça peut être beaucoup plus caché qu'une convention de grossesse pour autrui. Tu
sais, si... C'est certain que dans le cas d'un couple homosexuel qui a des
enfants à quelque part, il n'y aura pas le choix de l'annoncer parce qu'il y a
comme des évidences un jour qu'il va être obligé de dire à son enfant. Par
contre, dans le cas des parents hétérosexuels, avec le tabou de l'infertilité,
c'est très, très difficile pour les parents de l'annoncer à leur enfant, puis
ça, ça prend dans l'offre de services au niveau de l'infertilité. Je pense
qu'il doit y avoir quelque chose.
M.
Morin :Parfait. Bien, je vous remercie beaucoup. Je ne sais pas
si ma collègue de Robert-Baldwin a une question. Non. Ça va.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de
Saint-Henri-Sainte-Anne, s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, Mme Letendre, pour votre présentation. Dans votre mémoire, vers la
fin, vous dites : «Après l'identification du donneur, la taille de la
cohorte est une des informations les plus importantes que nous souhaitons
avoir», puis là, vous dites «pour des raisons évidentes», là. Mais éclairez-moi
un peu. Quelles sont ces raisons évidentes?
Mme Letendre (Andréane) : Oui.
Bien, on se demande toujours :Est-ce que j'ai 500 frères et soeurs
qui se baladent dans la nature, moi? C'est quelque chose qu'on ne sait pas.
Puis on s'en rend compte quand... tu sais, c'est parce qu'on pense, bien,
autrefois, les familles avaient des très grands... un très grand nombre
d'enfants, mais ces enfants-là se connaissaient entre eux. Donc, on se retrouve
avec... Tu sais, si j'ai 500 frères et soeurs qui se baladent dans la
nature, les risques d'inceste accidentels sont là. Les risques de rencontre que
mes enfants rencontrent un cousin au premier degré qui s'ignore totalement sont
là, tu sais. Puis en même temps, bien, c'est vraiment... Tu sais, la plupart du
temps, on veut savoir, un, c'est qui qui a contribué à ma naissance. Deux,
combien j'ai de demi-frères et de demi-soeurs qui se baladent dans la nature?
C'est très difficile de savoir ça. Je comprends que, tu sais d'agir d'un point
de vue légal là-dessus, c'est... d'autant plus que la plupart des donneurs sont
de l'extérieur du pays, bien, tu sais... puis qu'il n'y a pas de norme qui
existe aux niveaux national puis international. Des donneurs en série, il y en
a toujours eu puis il y en aura toujours. Ça fait que si minimalement on est
capable de savoir la taille de la cohorte, tu sais, c'est déjà quelque chose.
Je pense qu'entre nous, des fois, on aimerait ça se connaître aussi entre
demi-frères, demi-sœurs. Mais... mais pour l'instant, juste le fait d'annoncer
combien d'enfants...Tu sais, s'il y a un donneur québécois hypothétiquement
a... sait qu'il y a une descendance qui veut le contacter, bien, il doit savoir
s'il impose un refus de contact ou non, est-ce que j'impose un refus de contact
à trois personnes ou à 350 personnes. C'est sûr que s'il y en a 350, ça ne
lui tentera peut-être pas de rencontrer tous, là, et ça en fait pas mal.
• (15 h 40) •
M. Cliche-Rivard : Puis je
sais que vous dites qu'il faut absolument savoir. J'aimerais ça quel, pour
vous... tu sais, détaillez-moi, vraiment, pour vous, le plus grand préjudice de
ne pas le savoir, c'est quoi? En quoi ça affecte? Des fois, on dit qu'est ce
qu'on ne sait pas, ne nous fait pas mal nécessairement. Je pense que vous, vous
dites absolument le contraire. Ça fait que c'est quoi le gros, le gros dilemme
ou le gros problème que vous voyez de ne pas savoir?
Mme Letendre (Andréane) : La
première chose, c'est que c'est au niveau médical. Je pense que c'est la chose
qui parle au plus, au plus grand nombre. Au niveau médical, moi, je connais...
Mme Letendre (Andréane) : ...ce
n'est pas la... Même si, tu sais, on dit que les donneurs ont été testés, puis
tout ça, puis qu'on leur a posé un questionnaire exhaustif, moi, quand j'ai été
conçue, il n'y avait aucun test qui existait pour le VIH sida. Fait que tu
sais, comme il n'a pas été testé, mon donneur, pour ça. C'est déjà une chose
que... Tu sais, éventuellement, la science évolue. Puis un dossier médical, là,
c'est quelque chose qui évolue en continu. Ton historique médical n'est pas le
même quand tu as 20 ans que quand tu as 45 ans puis que quand tu en
as 65. Ça fait que, tu sais, de savoir si éventuellement une maladie se
développe, puis de savoir qu'il faudrait que je passe des tests régulièrement
pour ce genre de maladie là, je trouve que c'est important.
Il y a aussi au niveau de... Bien, pour
savoir, tu sais, ce qui est l'inceste accidentel, de savoir à qui je suis
relié. Est-ce que quand, moi, je me suis mariée, est ce que je me mariais avec
quelqu'un qui était parent avec moi, puis je ne le savais pas? Je n'en ai
aucune idée. Puis au-delà de tout ça, il y a le fait de savoir qu'on est des
êtres humains, puis qu'on est plus que juste le produit d'une industrie, puis
que notre bien-être est plus important que des considérations financières ou mercantiles
au niveau de l'industrie de la fertilité, tu sais.
De pouvoir se rattacher à quelque chose de
profondément humain, de savoir d'où on vient, de s'inscrire dans une lignée,
dans une génération, au niveau biologique, c'est quelque chose qui... ça vient
nous chercher dans les tripes. C'est difficile de l'expliquer de manière
rationnelle, mais c'est quelque chose qui est vraiment important pour nous
autres.
M. Cliche-Rivard : Donc,
c'est vraiment indissociable pour vous, un, de le savoir, mais de savoir c'est
qui, en même temps, là. Pour vous d'avoir juste l'obligation de divulgation
sans savoir qui est la personne en question, ça ne vous amènera pas
grand-chose. Donc, vous dites, vraiment, les deux doivent être indissociables
sinon ça ne sert à rien.
Mme Letendre (Andréane) : Ça
va le faire.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup.
Mme Letendre (Andréane) : Oui,
c'est ça. Ça prend les deux.
Le Président
(M. Bachand) :Sur ce,
Mme Letendre, merci beaucoup d'avoir été avec nous. Ça a été plus
qu'intéressant. Alors, sur ce, je suspends les travaux quelques instants.
Merci. À bientôt...
(Suspension de la séance à 15 h 43)
(Reprise à 15 h 48)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir madame Mona
Greenbaum de la Coalition des familles LGT... LGBT+, je ne sais pas s'il y a un
chiffre à la fin, là, je ne veux pas être... je ne veux pas être en portfolio
avec vous, là, mais merci beaucoup d'être avec nous après-midi.
Alors, comme vous le savez, vous avez 10
minutes de présentation, puis après ça on aura un échange avec les membres. La
parole est à vous.
Mme Greenbaum (Mona) : Merci
beaucoup. M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires.
Merci de votre invitation à venir présenter notre mémoire. Je m'appelle Mona
Greenbaum. Je suis la directrice générale de la Coalition des familles LGBT+,
qui est un organisme qui représente les futurs parents ainsi que les parents
lesbiennes, gays, bisexuels, trans et leurs enfants depuis maintenant 25 ans.
La coalition félicite le gouvernement d'avoir déposé un deuxième projet de loi
sur la réforme de droit familial. Les lois en place ne s'appliquent que
difficilement à certaines nouvelles réalités familiales. Légiférer afin de
baliser les constellations familiales actuelles et ainsi mieux protéger les
familles et surtout les enfants est tout à fait approprié.
Nous sommes d'accord avec la majorité des
articles proposés sur la grossesse pour autrui ainsi que sur l'accès aux
origines dans le projet de loi 12. Comme expliqué dans notre mémoire et à
l'occasion de consultations pour le projet de loi deux, nous n'avons que
quelques demandes de modifications concernant la grossesse pour autrui. Nous
souhaiterions que les personnes porteuses soient dans l'obligation d'avoir déjà
vécu une grossesse avant d'en vivre une pour autrui. Nous pensons aussi que la
filiation des parents d'intention devrait être accordée dès la naissance de
l'enfant, comme c'est le cas en Colombie-Britannique. Cela diminuerait le
stress des parents et de la personne porteuse et servirait l'intérêt de toutes
les parties impliquées, dont les enfants. Nos arguments se trouvent dans notre
mémoire.
• (15 h 50) •
Aujourd'hui, nous souhaitons vous parler
de notre grande déception de constater que la plurifiliation est absente de
cette réforme, laissant dans l'oubli les familles pluriparentales, malgré
qu'elles existent déjà au Québec. Plusieurs mythes et arguments ont été
soulevés pour justifier cette lacune, examinons-les ensemble. Dans le mémoire
déposé par Schirm et Tremblay Avocats pour le projet de loi deux, il est
affirmé que la pluriparenté ne devrait pas être reconnue puisqu'elle poserait
trop de problèmes en cas de conflit, plus particulièrement en cas de rupture.
La complexité du sujet ne devrait pas être une raison jugée valable pour
ignorer la pluriparenté. Il s'agit de donner à des enfants la reconnaissance
légale de leur famille existante. Si nous jugeons des conflits possibles, c'est
exactement ce qui devrait nous motiver à protéger les enfants des répercussions
néfastes qu'ils pourraient subir. Ces familles existent et vont continuer
d'exister avec ou sans encadrement légal.
Fait intéressant, le 18 mars dernier, la
Colombie-Britannique a fêté le 10ᵉ anniversaire de son Family Law Act, qui
reconnaît et encadre les familles pluriparentales à l'extérieur du paradigme
conjugal. Depuis 2013, cette loi a inspiré l'Ontario et la Saskatchewan à
inclure les familles pluriparentales dans leurs législations...
Mme Greenbaum (Mona) : ...en
10 ans, aucune décision n'a été répertoriée où il était question d'un
conflit entre les parents... entre les parents au sujet du temps parental ou
des responsabilités parentales. Aucun cas de jurisprudence n'expose un litige
acrimonieux mettant en péril le meilleur intérêt l'enfant.
Cependant, si un problème surgissait pour
ces familles, les tribunaux sauraient le régler. De plus, malgré la possibilité
que les parents en couple vivent des divorces extrêmement acrimonieux, personne
ne suggère que les familles biparentales ne devraient plus être encadrées
juridiquement. Au contraire, un cadre juridique est en place pour les soutenir
et des lois existent pour gérer les conflits et protéger les plus vulnérables.
Pour en revenir aux familles
pluriparentales, une de leurs caractéristiques principales, c'est le degré de
planification, de négociation et de communication des attentes entre les
parents d'intention. Le partage des rôles, le partage des temps de garde, les
méthodes éducatives, etc. sont réfléchis d'emblée. C'est normal puisque la
prémisse du projet parental exige qu'il y ait une organisation familiale en
dehors du modèle de la famille nucléaire traditionnelle. Souvent, des accords
sont même prévus en cas de séparation ou de déménagement, afin d'assurer la
pérennité de la famille. Nous sommes loin des cas de divorce que les médiations
ne... apaiser et qui doivent passer par les tribunaux.
Un deuxième argument qui a été avancé est
que reconnaître les familles pluriparentales serait dans l'intérêt des parents,
mais pas dans celui de l'enfant. Comment serait-ce possible? Le modèle familial
pluriparental est composé de parents et d'enfants. Nécessairement, le bien-être
des eux dépend du bien-être des autres, et vice versa. Prenons comme hypothèse
que les deux parents légaux d'un enfant déménagent à l'étranger sans prévenir
l'autre parent qui n'a aucun droit quant à cet enfant aux yeux de la loi.
Est-ce que c'est vraiment dans l'intérêt de l'enfant de perdre le soutien
moral, physique et économique d'un de ses parents? Nous croyons qu'il est
absolument dans l'intérêt de tout... de l'intérêt de l'enfant que tous ses
parents soient reconnus. C'est exactement pour cela qu'un encadrement légal est
essentiel.
Un troisième argument qui a été mis de
l'avant est que la société a fait le choix de reconnaître uniquement les
familles biparentales. Commençons par dire que les droits humains et les droits
de l'enfant ne devraient jamais être une question de choix populaire. Ensuite,
pour le public, ce qu'est une famille pluriparentale n'est pas clair. Il faut
éduquer la population avant de dire qu'elle a fait un choix. Lorsque les
familles pluriparentales seront connues, les Québécoises et les Québécois seront
plus à l'aise avec celles-ci. Ce fut le cas pour les familles homoparentales.
En 2002, quand les familles homoparentales ont été légalement reconnues,
seulement 10 % de la population était à l'aise avec l'idée qu'un enfant
soit élevé par deux femmes ou deux hommes. En 2014, déjà, ce chiffre était
monté à 85 %. Attendre que la majorité fasse un choix en faveur des
minorités n'est pas possible parce que les inégalités subies par les minorités
demeurent dans les angles morts de la majorité. En tant que société
démocratique, nous nous attendons à ce que notre gouvernement tienne compte de
chacun des individus qui composent notre société. Ce serait une erreur de
penser que le droit et le Code civil ne doivent répondre qu'aux intérêts de la
majorité. D'ailleurs, ne serait-ce pas incohérent avec l'énergie investie pour
inclure des règles sur la grossesse pour autrui, une autre configuration
familiale minoritaire?
Un dernier argument mis l'avant pour
exclure les familles pluriparentales du présent projet de loi est qu'aucune
recherche ne démontre qu'il est dans l'intérêt de l'enfant d'avoir plus que
deux parents. On attend toujours que le ministre nous trouve une étude qui dit
que ce type de famille est préjudiciable aux intérêts des enfants. Mais, même
si c'était le cas, serait-ce une raison pour les abandonner?
La question n'est pas de savoir si nous
devons ou non permettre à ces familles d'exister. Elles existent. La question
est de savoir si les enfants de ces familles doivent ou non bénéficier, comme
les autres enfants, de la protection qu'apporterait la reconnaissance légale de
tous leurs parents. Actuellement, au Québec, un enfant dans une famille
pluriparentale risque de perdre contact avec un de ses parents en cas de
litige.
Imaginons le cas d'un couple de femmes
lesbiennes qui fondent une famille avec leur meilleur ami. L'enfant est élevé
par ses deux mères et son père, mais seules les mères possèdent la filiation
légale. Si elles le souhaitent, les mères peuvent décider de couper les liens
entre le père et l'enfant. Le père aura très peu de recours et soit impliqué...
Mme Greenbaum (Mona) : ...et
de... qu'il soit impliqué depuis trois mois ou 13 ans auprès de son
enfant. Est-ce que, dans l'intérêt de l'enfant, qu'il soit possible de couper
les ponts entre lui et un de ses parents, c'est exactement pour cela qu'un
encadrement légal est essentiel?
Ayant vécu les changements sociaux
apportés par la reconnaissance de l'homoparentalité, nous soulignons la portée
symbolique et sociale d'avoir un modèle familial reconnu légalement. Le
bien-être des familles homoparentales s'est considérablement amélioré en
20 ans. Il est essentiel pour les enfants de sentir que leur famille est
acceptée et respectée, car leur identité et leur estime de soi sont étroitement
liées à leurs parents. En nommant la pluriparentalité, en donnant des mots et
des concepts juridiques à une réalité familiale, nous pourrions donner aux gens
des outils leur permettant de s'identifier et de se faire respecter, comme ce
fut le cas pour les familles homoparentales.
Les lois doivent refléter et encadrer ce
qui existe et non prescrire ce qui devrait exister en matière de filiation. Si
l'enfant est réellement au centre des préoccupations québécoises, le Québec
doit encadrer les familles qui existent et non seulement les familles
traditionnelles. En 2002, le Québec était un leader lorsqu'il est devenu l'une
des premières juridictions au monde à reconnaître les familles homoparentales.
Il doit retrouver ce courage et reconnaître les familles pluriparentales. Merci
de votre écoute.
Le Président
(M. Bachand) :Merci infiniment. M.
le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Mme Greenbaum, bonjour. Merci d'être présente en
commission parlementaire pour le projet de loi no 12. On s'est vu sur le
projet de loi no 2, notamment. Écoutez, quelques questions. Débutons
par... pour la grossesse pour autrui. Vous dites : Nous, on souhaite qu'il
y ait une expérience préalable de grossesse. Pourquoi?
Mme Greenbaum (Mona) : Oui.
Mais ayant vécu deux grossesses, je pense que c'est... L'expérience de
grossesse, c'est quelque chose qu'on ne peut pas comprendre si on ne l'avait
pas déjà vécu. Donc, pour nous, c'est important que... Si on veut que la
gestatrice prenne une décision qui est vraiment éclairée, qu'elle a cette
expérience pour être capable de vraiment décider, comme, consciemment qu'est ce
qu'elle fait?
M. Jolin-Barrette : Puis
il y a un groupe avant vous qui nous a dit la même chose également. Puis je
leur ai posé la question suivante que je vais vous poser à vous aussi.
Mme Greenbaum (Mona) : O.K.
M. Jolin-Barrette : L'État
viendrait dire à une femme : Vous ne pouvez pas exercer certaines
activités reproductives. Alors, nous, on viendrait dire aux femmes : Vous
n'avez pas l'entière autonomie sur votre corps. Je comprends que c'est motivé
par des questions d'intérêt d'avoir vécu une expérience... Mais supposons que
c'est un choix, là. Une femme, supposons, qui ne veut pas avoir d'enfant mais
qui, elle, veut le faire à titre altruiste pour sa sœur ou pour toute autre
personne. Alors, nous, on lui interdirait?
Mme Greenbaum (Mona) : Oui.
Mais, en fait, on n'interdit pas qu'elle fait un enfant pour elle-même, mais on
met certaines balises pour la protéger, comme... comme, dans le projet de loi,
vous avez mis que la femme doit avoir 21 ans. Donc, j'imagine que l'idée
derrière ça, c'est qu'elle a une certaine maturité pour être capable de prendre
la décision. Donc, je trouve que c'est un peu dans la même lignée.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Mais je retiens votre suggestion. Sur la question de la filiation dès la
naissance. Donc, dans le fond, nous, ce qu'on a prévu, c'est que la mère
porteuse peut à tout moment décider de conserver l'enfant ou d'interrompre le
projet parental. Suite à l'accouchement, elle ne peut pas donner son
consentement à... au fait de... Bien, enfin, l'enfant peut être remis dès la
naissance, mais la tutelle légale... pas la tutelle, pardon, le lien de
filiation doit s'opérer simplement sept jours après l'accouchement. Vous, vous
dites : Ça devrait se faire dès que l'enfant voit le jour, dès sa
naissance.
• (16 heures) •
Mme Greenbaum (Mona) : Oui.
Mais en toujours donnant un 30 jours pour que la gestatrice conteste.
Donc, ça, c'est... Je pense que ça donne une opportunité. C'est juste que ça
enlève le fardeau du dos de la gestatrice et puis aussi toute l'anxiété autour
des parents. Donc, c'est ce qu'on fait en Colombie-Britannique, en fait. Donc,
l'idée, c'est que dès la naissance, c'est automatique, les parents d'intention,
ils ont toujours voulu l'enfant, ils ont eu le projet parental, et puis sont
face au plan. Et puis, pendant la grossesse, la personne qui porte l'enfant est
toujours sur le même côté. Donc, c'est juste comme à l'accouchement, quand
c'est une période tellement importante pour les parents de s'attacher à
l'enfant, qu'il n'y aura pas cette mini anxiété autour, dans les...
16 h (version non révisée)
Mme Greenbaum (Mona) : ...premiers
sept jours. Et puis, si la gestratrice veut contester, rien ne l'empêche. Donc,
elle peut le faire dans cette période, mais ce n'est pas... le fardeau ne sera
pas sur elle de dire qu'elle donne le consentement parce qu'elle l'a déjà fait
contractuellement.
M. Jolin-Barrette : Il y a
des accouchements qui se passent bien, mais d'autres qui sont plus difficiles.
Comment, à ce moment-là, si on ne laisse pas de période tampon, on peut s'assurer
que le consentement est vraiment éclairé?
Mme Greenbaum (Mona) : Mais
je pense qu'elle a toute cette grossesse, elle n'a jamais eu de projet
parental, donc encore là, même si la grossesse a été difficile, je ne vois pas
ce qui l'empêcherait comme dans les premiers jours de 30 jours, à dire :
Je veux contester. Et en même temps, si on pense que cette grossesse... cet
accouchement a été difficile, donc ça va encore plus augmenter l'anxiété des
parents. Est-ce qu'elle va être capable de consentir parce qu'elle est malade,
supposons, après l'accouchement? Donc, c'est sûr que c'est comme... Ce n'est
pas qu'on enlève les droits, on juste... on transfère l'automatisme. Donc, tout
de suite quand l'enfant est né, les parents d'intention, qui un des deux et
souvent aussi un parent biologique, peut comme avoir cette filiation tout de
suite, mais rien n'empêche... Là, je sais ce qu'est la réalité, c'est que la
recherche au Canada nous dit qu'il n'y a pas eu des contestations par la
gestatrice. Donc, c'est un peu.
M. Jolin-Barrette : J'en suis
conscient. Il y a peu de cas qui font état que la mère porteuse ne donne pas
suite aux proches et au projet parental. Mais je trouve qu'on est dans une
situation... On devrait tout de même prévoir le cas, comme on le fait dans le
projet de loi, où on laisse une marge de manœuvre à la femme qui vient d'accoucher
pour pouvoir donner un consentement libre et éclairé.
Mme Greenbaum (Mona) : Est-ce
que ça, c'est quelque chose que les gestatrices ont demandé?
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, on n'a pas entendu de gestatrice ici, en commission parlementaire.
Mais il faut prévoir l'encadrement pour maintenant et pour le futur aussi.
Donc, au niveau des règles d'ordre public déjà, l'enfant est remis. Les choix
relativement, supposons, aux soins de l'enfant sont transférés dès le moment de
la naissance.
Mme Greenbaum (Mona) : Donc l'autorité
parentale, O.K.
M. Jolin-Barrette : L'autorité
parentale. Sauf que ça m'apparaît plus prudent quand même de donner un certain
délai. Exemple en Ontario, c'est de cette façon-là qu'ils fonctionnent.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui,
oui. Mais en fait, comme peut-être, c'est le plus prudent pour nous, on pense
que ça va créer de l'anxiété chez les parents d'intention et même chez la gestatrice.
Comme on trouve que comme les premières semaines de la vie de l'enfant sont
des... c'est une période très précieuse et ça sera comme une bonne idée de pas
comme créer une anxiété qui, dans tous les cas, en tout cas, ce n'est pas comme
quelque chose réel qui existe. On ne voit pas de cas des gestatrice qui veulent
garder le bébé. Donc, que ça, c'est notre idée. Mais je pense que c'est la
meilleure façon de réagir, de se demander si ça, c'est un souhait des
gestatrices. Mais ce n'est pas ça. Moi, je n'ai pas fait une consultation rigoureuse
non plus, mais les trois ou quatre gestatrices à qui j'ai parlé n'ont pas
exprimé ce besoin.
M. Jolin-Barrette : Mais vous
ne trouvez pas que si on donnait suite à votre proposition, c'est comme si ça forçait
l'équivalent à la mère porteuse de se sentir obligée? Parce que dans le fond,
là, elle serait mise devant le fait accompli parce que, dès le moment où à la
couche, le bébé, il s'en va. C'est à ça que ça revient là tout de suite.
Mme Greenbaum (Mona) : Mais...
M. Jolin-Barrette : Je
comprends pour les parents d'intention que durant... puis avec le cadre légal
que nous avons, qu'on est en train de développer, il n'y a pas de certitude
pour les parents d'intention. Je comprends que pour les parents d'intention, de
leur point de vue, si j'étais leur représentant, c'est ce que je dirais. Je
dirais : Bie, écoutez, il y a un projet parental, on attend l'enfant
pendant neuf mois, plus les démarches préalables avant ça. O a investi beaucoup
d'énergie. Je veux avoir mon enfant. Là, le législateur, ce qu'il est en train
de dire : Oui, mais la mère porteuse a toujours priorité. Ça fait que je
comprends que ça génère une zone d'anxiété. Ça fait partie du risque d'avoir
recours à un projet parental. Mais, d'un autre côté, si on prend le point de
vue de la mère porteuse, si on lui dit : Bien dès qu'on accouche, le bébé
s'en va. Elle aussi, ça peut lui... même dans son psychologique, durant la
grossesse, ça peut l'affecter aussi. On essaie de trouver un...
M. Jolin-Barrette : ...un
équilibre.
Mme Greenbaum (Mona) : Bien,
je comprends. Et puis peut-être ça, c'est où est l'équilibre. Moi, j'exprime le
point de vue des parents d'intention. Puis c'est sûr, avec tout ce que vous
mettez en place en termes de consentement éclairé, avec le suivi psychosocial,
et tout, comme, je pense que ça ne mettrait pas de la pression sur la
gestatrice parce que le projet est déjà clair. Donc, c'est plutôt... comme,
elle a toute cette période quand elle prend cette décision pendant la
grossesse. Donc là, s'il n'y a aucune expression de regret dans cette
période-là, donc, je ne trouve pas que ça va mettre un fardeau sur la
gestatrice que le plan est exécuté dès la naissance de l'enfant, mais, comme,
c'est un point de vue.
M. Jolin-Barrette : Peut-être
une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Vous indiquez
que vous souhaitez empêcher la grossesse pour autrui à l'international?
Mme Greenbaum (Mona) : Oui.
M. Jolin-Barrette : Pourquoi?
Mme Greenbaum (Mona) : Bien,
c'est parce que nous, on veut que la grossesse pour autrui soit, vraiment une
pratique très éthique, et c'est impossible pour nous au Canada de savoir
qu'est-ce qui se passe dans les autres pays. Donc, on pense qu'ici, au Canada,
ça peut être bien encadré, ce qu'on essaie de faire maintenant ici au Québec,
et que ça soit dans l'intérêt de toutes les parties. Ailleurs, on n'a aucune
idée. C'est une boîte noire, donc... et puis on a tous entendu des histoires
d'horreur dans, comme, des pays comme l'Inde ou d'autres pays. Mais il y a des
pays intermédiaires où c'est plus flou. Donc nous, comme organisme, on pense
que c'est un risque et puis on veut que toutes les parties soient respectées
dans la pratique de GPA.
M. Jolin-Barrette : Dernière
sous-question : Faites-vous une différence entre l'international, mais
l'international au Canada, donc...
Mme Greenbaum (Mona) : Moi,
non.
M. Jolin-Barrette : ...entre
l'Ontario puis le Québec?
Mme Greenbaum (Mona) : Non.
M. Jolin-Barrette : Non. O.K.
Mme Greenbaum (Mona) : Je
pense qu'on est O.K. au Canada.
M. Jolin-Barrette : C'est
pour faire plaisir à mon nouveau collègue de Saint-Henri-Sainte-Anne.
Mme Greenbaum (Mona) : Donc,
non...
M. Jolin-Barrette : O.K.
Vous, c'est au Canada, là.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui,
c'est ça pour tout le Canada. Je pense que, comme, on a un cadre éthique déjà
dans les autres provinces canadiennes, donc c'est correct.
M. Jolin-Barrette : Je vous remercie.
Mme Greenbaum (Mona) : O.K.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.
Mme Haytayan : Merci, M. le
Président. Bonjour. Merci pour votre temps. Merci d'être ici. Deux questions.
Sur la GPA, vous avez parlé du préGPA pour la personne porteuse, comme quoi
vous considérez qu'une grossesse avant un projet de GPA, c'est idéal, à votre
avis. Est-ce que... Au-delà de ça, est-ce que, pour vous, à votre avis, il y
aurait un maximum de projets de GPA pour une personne porteuse aussi?
Mme Greenbaum (Mona) : Bien,
notre suggestion n'est pas qu'il y ait une autre GPA avant, mais qu'il y ait
une grossesse.
Mme Haytayan : ...oui, oui,
bien compris, oui.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui. O.K..
Donc, la question est : Est-ce qu'on suggère qu'il y ait un maximum de
projets GPA par gestatrice? Ouf! Moi je pense que c'est... Je ne sais pas. Je
n'ai jamais réfléchi à ça, mais j'imagine que c'est plutôt une question
individuelle que les cliniques de fertilité peuvent déterminer si ça serait une
grossesse à risque après, comme, cinq, six GPA. Comme, ça dépend si ça va bien
psychologiquement, il y aura, comme, les rencontres psychosociales aussi. Donc,
si ça va bien physiquement et psychologiquement, donc, je ne vois pas de
limite, mais c'est cas par cas.
Mme Haytayan : O.K. Merci.
Est-ce que j'ai le temps, M. le Président pour une autre question?
Le Président (M.
Bachand) :...
Mme Haytayan : À la lumière
de votre mémoire, le meilleur intérêt de l'enfant... Est-ce que vous pouvez
nous en dire plus sur votre définition du meilleur intérêt de l'enfant en lien
avec les droits des parents d'intention et des droits de la personne porteuse?
• (16 h 10) •
Mme Greenbaum (Mona) : Oui.
Bien, en fait, comme, pour nous, comme pour vous, comme dans ce projet de loi,
c'est l'enfant... l'intérêt de l'enfant qui prime, ça, c'est... qui est le plus
important. Et puis, donc, ça veut dire que cet enfant, c'est... tous les soins
autour de cet enfant sont pris en compte, que ses parents sont légalement
reconnus, que ses parents sont soutenus pour être capables de prendre soin de
l'enfant, qu'on répond à tous ces besoins, que ça soit physique, psychologique,
financier, émotionnel, etc.
Mme Haytayan : D'accord.
Mme Greenbaum (Mona) : Est-ce
que c'est ça que vous cherchez comme question? Je ne suis pas certaine de
comprendre.
Mme Haytayan : Oui, oui. Oui.
Mme Greenbaum (Mona) : O.K.
Mme Haytayan : Donc, sans
nécessairement mettre l'emphase ni privilégier uniquement les droits des
parents d'intention.
Mme Greenbaum (Mona) : Non,
c'est... Pour nous, l'enfant est le plus important, mais c'est sûr que.
Mme Greenbaum (Mona) : ...le
bien-être de l'enfant est très lié au bien être des parents. Donc, si les
parents ne vont pas bien, ça va affecter l'enfant, donc. Ça, c'est une des
raisons qu'on parle de... comme cette période d'une semaine où la filiation
n'est pas comme garantie tout de suite, qui peut créer un stress chez les
parents d'intention.
Mme Haytayan : Et l'importance
aussi des droits de la personne porteuse, évidemment
Mme Greenbaum (Mona) : Oui.
Mme Haytayan : O.K. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Bonjour, madame Greenbaum, merci pour votre témoignage et puis pour
votre mémoire. J'aurais quelques questions pour vous. Dans le projet de loi,
actuellement, la femme porteuse peut décider, et M. le ministre y faisait
référence tout à l'heure, entre sept jours et 30 jours, d'évidemment
garder ou remettre l'enfant. Vous suggérez plutôt de le remettre immédiatement
aux parents, mais de laisser une période de 30 jours. Puis vous dites :
Ça pourrait être une période où la personne, la femme porteuse pourrait
contester, finalement.
Vous ne trouvez pas que ça peut générer
quand même pas mal de stress chez les parents qui ont conçu le projet? Parce
que, même s'ils ont l'enfant dès la naissance, ils vont quand même regarder,
là, leur calendrier pendant 30 jours pour savoir si la femme porteuse va
intenter une poursuite pour conserver la filiation ou pas. Donc, trouvez-vous
que le délai de 30 jours, c'est trop long, est-ce qu'on devrait le raccourcir?
Parce qu'au départ, si c'est prévu dans la convention, il me semble que ça
devrait être clair entre les parties.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui,
mais, en fait, à ma compréhension, si on met les 30 jours ou non dans la
loi, comme, rien n'empêche cette personne porteuse à aller devant les
tribunaux, même après un an. Donc, je sais que c'est plutôt symbolique. Et
puis, pour nous, ce qui est important, c'est que les droits des parents, la
filiation est établie tout de suite.
M. Morin : O.K. Parfait.
Quand on regarde le projet de loi comme tel, notamment à l'article 541.11,
le législateur veut que les conjoints qui forment le projet parental
rencontrent un professionnel pour l'informer sur les implications
psychosociales. Et, au fond, c'est le ministre qui va décider quel
professionnel va être éventuellement désigné pour être capable de rencontrer
les conjoints qui ont formé le projet. Est-ce que vous trouvez que c'est trop
large? Est-ce que ça devrait être plus précis? Est-ce qu'on devrait en dire plus?
Est-ce qu'on devrait identifier des ordres professionnels particuliers qui sont
spécialisés là-dedans, ou si on laisse l'article 541.11 comme il est
présentement?
Mme Greenbaum (Mona) : Mais
j'imagine que... Moi, je n'ai pas une opinion très précise sur ça, honnêtement,
sur quel type de professionnels. Et puis j'imagine que ça va être quelque chose
qui va être bien réfléchi au ministère de la santé et services sociaux. Donc,
personnellement, je suis à l'aise avec ça.
M. Morin : Vous avez... Vous
nous avez dit clairement que, pour vous et votre organisme, l'intérêt de
l'enfant était ce qui primait. Moi, je voulais... J'aimerais ça avoir votre
commentaire sur 541.14. Parce que, dans le projet de loi, on dit que
"après sa naissance, l'enfant est confié, sauf s'il y a opposition de la
femme ou de la personne qui a donné naissance, à la seule personne ou au
conjoint qui ont formé le projet parental. En cas de décès ou d'impossibilité
d'agir de cette personne, là, c'est le conjoint, l'enfant est confié au
directeur de la protection de la jeunesse. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu,
plutôt que de décider qu'il va être nécessairement confier au Directeur de la
protection de la jeunesse, dans l'article, faire en sorte qu'il pourrait y
avoir d'autres personnes qui pourraient s'occuper de l'enfant et non pas
nécessairement la DPJ?
Mme Greenbaum (Mona) : Non,
je pense que c'est très important que ce soit la DPJ, en fait, parce que,
comme, si les parents d'intention ne sont pas là, ça sera qui? Si ce n'est pas
décidé d'avance, il faut regarder qu'est-ce qui est dans l'intérêt de l'enfant.
M.
Morin :Effectivement. Donc, la convention de grossesse pourrait
prévoir, par exemple, un tuteur ou une tutrice, et non pas nécessairement la
DPJ.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui,
mais peut-être, si une chose dramatique comme ça survient, et puis une chose
dramatique comme ça arrive, donc ce sera comme que la DPJ va regarder ce qui
était dans la convention, qui était notariée, pour voir, mais juste comme... Je
ne sais pas comment on peut...
Mme Greenbaum (Mona) :
...comme juste faire un transfert, comme ça, dans une situation dramatique,
comme ça, sans que la DPJ ait un certain contrôle, je ne sais pas, car c'est
des circonstances vraiment, vraiment exceptionnelles. Mais, encore là, je suis
à l'aise avec cette idée-là.
M.
Morin :Parfait. Dernière question. Ce n'est pas en lien
spécifiquement avec la convention de grossesse, mais dans le projet de loi, et
peut-être que vous n'avez pas regardé cette question-là, mais on parle de la
responsabilité financière visant les besoins d'un enfant issu d'une agression
sexuelle à 542.33 et, finalement, on fait reposer sur les épaules de la mère le
fait d'éventuellement s'adresser aux tribunaux pour obtenir une indemnité de la
personne qui aurait commis l'agression. Est-ce que vous pensez que c'est
correct qu'on impose ça à la mère ou si l'État ne devrait pas pallier à cette
situation-là en donnant une indemnité?
Mme Greenbaum (Mona) : Honnêtement,
je n'ai pas de commentaires sur ça. On a regardé les choses qui affectent
spécifiquement à la communauté LGBT dans ça. Donc, il y a certaines portions de
la loi... Même si, en principe, je suis très d'accord avec ce qui est mis de
l'avant pour les enfants qui sont produits après un viol, mais, ici, je n'ai
pas d'opinion, honnêtement. Si vous voulez me poser des questions sur la
pluriparentalité, par contre, je suis là.
M. Morin : Oui, mais
ça... Ça, je vous... Je vous remercie, mais... mais je vous dirais qu'à ce
niveau-là votre position est très claire. Vous avez très bien répondu aux
questions. Et d'ailleurs, la position que vous prenez dans votre mémoire est
aussi très claire. Alors, je vous remercie, M. le Président. Je ne sais pas si
ma collègue, la députée de Baldwin... Non, c'est clair, hein? Parfait. Merci.
Le Président
(M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le
député de Saint-Henri-Sainte-Anne, s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci.
Et moi, je vais vous la poser, ma question.
Mme Greenbaum (Mona) : C'est...
C'est le député de ma circonscription.
M. Cliche-Rivard : Alors,
bienvenue à l'Assemblée nationale. Dites-moi! Et ce serait quoi le grand
préjudice de maintenir le statu quo, et de ne pas légiférer, et de ne pas
reconnaître la pluriparentalité?
Mme Greenbaum (Mona) : Oui.
Bien, comme mentionné, c'est sûr que quand un parent qui n'est pas légalement
reconnu, il y a... il peut y avoir toutes sortes de problèmes. Donc, l'enfant
peut perdre le soutien de ce parent. Il peut perdre l'accès au parent aussi.
Mais aussi, comme je l'ai mentionné à la fin, c'est très important
symboliquement aussi. Puis on a vu ça il y a 20 ans, plus que 20 ans
avec la reconnaissance des familles homoparentales, ça a fait une énorme différence
pour nos familles quand l'État a reconnu nos familles. Donc, on veut la même
chose pour les familles pluriparentales parce que ces familles existent. Ce
n'est pas une question de comme est-ce qu'on décide qu'on va donner permission
à ces familles d'exister ou non. Ces familles sont déjà là. Donc, nous, on
pense que cette reconnaissance légale va aussi mener à une reconnaissance
sociale.
M. Cliche-Rivard : Il y
a des intervenants avant vous qui ont parlé de mettre une obligation pour que
l'enfant sache qu'il est issu d'un projet GPA. Est-ce que vous avez une
position là-dessus? Est-ce qu'on devrait obliger les parents à divulguer à
l'enfant son origine?
Mme Greenbaum (Mona) : Bien,
c'est sûr que, dans la communauté LGBT, c'est très rare qu'on peut cacher cette
information, même si on le veut. Mais, en général, nous, comme organisme, on
est très... on est très... Notre politique, en fait notre... pas notre
politique, mais notre vision, c'est que les enfants doivent avoir toutes les
informations possibles sur leurs origines et qu'on ne cache rien. C'est très
important parce qu'en fait ce qu'on voit, que ce soit avec la procréation
assistée, la GPA, c'est que ce n'est pas comme ces processus qui font des
problèmes pour les enfants ou les dysfonctions dans les familles, c'est les
secrets.
M. Cliche-Rivard : Est-ce
que vous avez une position sur l'âge minimum de 21 ans pour participer au
projet ou... Vous pensez que c'est raisonnable?
Mme Greenbaum (Mona) : Je
pense que c'est raisonnable, oui.
M. Cliche-Rivard : Parfait.
Merci.
Le Président
(M. Bachand) :Merci beaucoup.
Mme Greenbaum, ç'a été un grand plaisir de vous avoir avec nous. Très
instructif. Merci infiniment. Sur ce sujet, je suspends les travaux quelques
instants. Merci. À bientôt.
(Suspension de la séance à 16 h 20)
(Reprise à 16 h 23)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Ça fait plaisir d'accueillir Mme Manon
Monastesse, la directrice générale à la Fédération des maisons d'hébergement
pour femmes. Merci, encore une fois, d'être avec nous cet après-midi. Vous
connaissez les règles, un petit 10 minutes de présentation... une période
d'échange avec les membres. Alors, la parole est à vous.
Mme Monastesse (Manon) : Merci.
Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes les députées, MM. les députés,
merci beaucoup de nous donner l'occasion de pouvoir témoigner devant la
commission.
Alors, tout d'abord, nous voulons
souligner, encore une fois, la suite de la loi sur l'implantation des tribunaux
spécialisés. L'engagement politique et la volonté législative du gouvernement
québécois quant à la réforme en profondeur de la loi portant sur la réforme du
droit de la famille en matière de filiation et visant la protection des enfants
nés à la suite d'une agression sexuelle et des personnes victimes de cette
agression, ainsi que le droit des mères porteuses et des enfants issus du
projet de grossesse pour autrui, le projet de loi n° 12. Nous saluons, de
ce fait, la volonté de changement social et d'amélioration des conditions de
vie, de liberté, de sécurité des femmes violentées, de leurs enfants dans un
contexte de violence familiale, conjugale et sexuelle, tels que stipulés par
l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Alors, bien des changements importants ont
été effectués depuis la mise en chantier de la politique gouvernementale
d'intervention en matière de violence conjugale, en 1995, ainsi que les
différents plans d'action et politiques en matière d'agression et
d'exploitation sexuelle. Nous sommes à la croisée des chemins. La réforme en
profondeur du droit de la famille du Code civil, longtemps attendue, propose
certains amendements en termes d'une prise en compte de la violence familiale
dans l'évaluation de l'intérêt de l'enfant, en lien avec la détermination des
droits de garde, entre autres. Ces changements structurants amélioreront de
façon notable la prise en compte de la violence familiale, conjugale et
sexuelle par les tribunaux via le projet de loi n° 12 et le projet de loi
n° 2.
Rappelons que ce n'est que depuis 1983 que
le viol au sein du mariage est considéré comme un crime au Canada. Le projet de
loi n° 12 va encore plus loin et propose de retirer à l'agresseur toute
emprise sur sa victime et l'enfant provenant de l'agression sexuelle, tout en
le responsabilisant financièrement pour ce viol. Le projet de loi n° 12
marque une fois de plus cette volonté du gouvernement de protéger les femmes
violentées et leurs enfants en... en introduisant, pardon, des dispositions
concernant la possibilité de s'opposer à l'établissement de la filiation en...
Mme Monastesse (Manon) : ...de
violences sexuelles. Cependant, le projet de loi n° 12
semble avoir été réfléchi dans un contexte spécifique d'agression sexuelle,
faisant référence à l'agression sexuelle vécue par Océane et la demande
ultérieure de l'agresseur de faire valoir ses droits sur l'enfant. Nous saluons
le courage dont a fait preuve Océane afin que le législateur légifère dans le
but d'empêcher de tels recours injustifiables. Toutefois, la situation d'Océane
ne représente qu'un cas de figure et le projet de loi devrait prendre en compte
toutes les formes d'agressions sexuelles, notamment celles perpétrées dans un
contexte de violence conjugale et familiale qui sont plus complexes en termes
de démonstration de la preuve. Ce que nous explorons dans ce mémoire très
largement inspiré du mémoire de Me Michaël Lessard, qui a témoigné hier, avec
qui nous avons partagé nos réflexions qu'il a judicieusement rendues en langage
juridique. Voilà.
Le Président (M.
Bachand) :Vous êtes très efficace, c'est
bien, ça. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président, Mme Monastesse, bonjour, toujours un plaisir de vous
retrouver.
Mme Monastesse (Manon) : Bonjour,
et le plaisir est partagé.
M. Jolin-Barrette : Bon. Donc
je comprends que vous voudriez qu'on soit plus large pour les cas d'agression
sexuelle. Pouvez-vous m'expliquer ce que... qu'est ce que vous voulez dire
toutes les formes d'agression sexuelle dans le cadre du contexte conjugal, pour
la filiation?
Mme Monastesse (Manon) : Oui,
tout à fait. Alors, c'est important de comprendre que, et c'est un des et une
des recommandations, que les relations sexuelles en contexte où il y a de la
violence conjugale et souvent familiale, ce sont... À proprement parler, selon
la définition de l'agression sexuelle. Ce sont des agressions sexuelles car
elles ne sont pas consentantes et souvent ce sont également une des formes du
contrôle coercitif qui va s'exercer via l'agression sexuelle qui est la
relation sexuelle dans un dans un contexte de violence conjugale.
M. Jolin-Barrette : Donc, ce
que vous voulez me... Dites-moi, si je comprends bien ce que vous me dites,
c'est que, s'il y a présence de violence conjugale, supposons, durant une
période, là, d'une année complète, bien, tous les rapports sexuels durant cette
année-là, même si la femme qui est victime de violence conjugale pense que les
relations sexuelles qu'elle a sont volontaires, au fond, ils ne le sont pas
parce qu'elle est victime de violence conjugale. Donc, ce n'est pas parce que — je
vais faire ça cru, là — ce n'est pas parce qu'un soir monsieur ne la
bat pas puis qu'elle a une relation sexuelle avec lui, que cette relation
sexuelle-là, elle est consentante p parce que, ce que vous dites, c'est qu'elle
est viciée à la base. C'est ça?
Mme Monastesse (Manon) : Tout
à fait, tout à fait. Et la définition du contrôle coercitif, qui s'exerce
effectivement souvent dans un contexte de violence conjugale, une des formes de
contrôle coercitif sévissant les relations sexuelles qui semblent être
consentantes, mais qui ne le sont pas, qui sont vraiment un outil également de
contrôle coercitif.
• (16 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Donc, si
on suit votre raisonnement, vous nous dites : Il faudrait étendre, non pas à la
relation sexuelle qui est génératrice de la naissance de l'enfant, même si madame
ne la considère pas comme étant un viol parce qu'elle était consentante,
supposons, sur cette relation-là. Mais vous dites : Il faut regarder le
continuum pour dire si l'enfant a été conçu, supposons, entre le 1ᵉʳ janvier puis le
31 décembre de cette année-là où il y avait de la violence conjugale
constante, donc peu importe que monsieur pouvait penser qu'il y avait un
consentement libre et éclairé à l'acte sexuel, à ce moment-là, ça devrait être
considéré comme un viol, et donc la disposition qu'on insère dans le projet de
loi devrait donner suite au bris de filiation. Est-ce que je comprends?
Mme Monastesse (Manon) : Tout
à fait, que la présomption d'agression sexuelle...
16 h 30 (version non révisée)
Mme Monastesse (Manon) : ...en
contexte de violence conjugale est tout à fait plausible. De considérer la
relation sexuelle comme une présomption d'agression sexuelle, en contexte de
violence conjugale, et c'est documenté dans la littérature, et c'est ce que les
femmes... les milliers de femmes que nous soutenons, que nous hébergeons, nous
relatent également.
M. Jolin-Barrette : Je serais
curieux de savoir. Est-ce que, dans votre expérience, parmi les femmes que vous
hébergez, des cas comme celui d'Océane, vous en vivez fréquemment, des femmes
qui donnent naissance à un enfant à la suite d'agressions sexuelles?
Mme Monastesse (Manon) : Ah!
tout à fait. Ou c'est aussi toute la question de la grossesse forcée, où un
conjoint dans le cadre d'un contrôle... d'une situation de contrôle coercitif,
de violence conjugale et familiale va forcer la grossesse, donc il n'y a pas de
consentement. Toute la notion de consentement est très importante dans un
contexte de violence conjugale, et c'est pour ça qu'on parle, que c'est un
levier. C'est une expression du contrôle coercitif, donc il n'y a pas de
consentement. Et effectivement ce sont des situations que l'on rencontre. Et
puis aussi on peut avoir en tête le jugement de la Cour suprême du Canada dans
l'affaire de Chantal Daigle aussi. Alors, c'est un cas très explicite du
pourquoi madame Daigle demandait un avortement. Parce qu'elle voulait se
protéger elle-même et elle voulait protéger un futur enfant à naître,
constatant que monsieur exerçait beaucoup de violence conjugale, et qu'elle ne
voulait pas exposer l'enfant à naître à un père qui serait violent.
M. Jolin-Barrette : Êtes-vous
en mesure de quantifier le nombre de femmes que vous aidez, supposons,
annuellement qui donnent naissance à un enfant suite à une agression sexuelle?
Mme Monastesse (Manon) : Non.
On ne... C'est une question qui est délicate, vous conviendrez, mais on peut...
Dans toutes les femmes... les milliers de femmes qu'on accueille et qu'on
reçoit également en service externe, c'est quand même 36 % d'entre elles
qui vont parler des violences sexuelles qu'elles ont vécues et, entre autres,
cette question, justement, de la conception, de la grossesse forcée en
situation de violence conjugale et de contrôle coercitif.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je
vais vous poser une dernière question avant de céder la parole à mes collègues.
Je veux juste qu'on revienne sur votre intervention précédente, sur la notion
des agressions sexuelles dans le cadre de la relation conjugale. Vous savez
que, bon... En fait, je voudrais vous demander : Comment est-ce qu'on
réconcilie ça, supposons, avec le droit, avec le Code criminel, qui fait en
sorte qu'une agression sexuelle, bien, c'est... dans le fond, c'est un toucher
non désiré à connotation sexuelle, là. Je le résume, là. Me Morin serait
meilleur que moi pour exprimer le détail de la disposition du code criminel,
mais grosso modo, je ne me trompe pas trop. Alors, comment est-ce qu'on
réconcilie ça sur l'agression sexuelle, Code criminel versus ce qui est vécu,
là, par les femmes, avec ce que vous nous décrivez.
Mme Monastesse (Manon) : Bien,
au cœur de l'encadrement de l'agression sexuelle, il y a toute la notion de
consentement. Et nous ce que nous amenons, c'est que la question du
consentement dans un contexte de violence conjugale, c'est un consentement qui
est totalement vicié et qui va s'exercer sous l'emprise du conjoint violent et
sous l'emprise du contrôle coercitif qu'il va exercer. Donc, le consentement
est tout à fait vicié et il est très questionnable... contexte. Et toutes les
études démontrent que, quand on parle de contrôle coercitif, où un conjoint va
exercer un contrôle total sur toutes les sphères de la vie, bien, l'agression
sexuelle, la relation...
Mme Monastesse (Manon) : ...relation
sexuelle non consentante est une des formes majeures de l'exercice de ce
contrôle coercitif.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je
vous remercie, Mme Monastesse.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Il vous
reste...
Mme Monastesse (Manon) : Bien,
merci à vous.
Le Président (M.
Bachand) :Du côté gouvernemental, il
reste un peu plus de sept minutes. Mme la députée de
Charlevoix-Côte-de-Beaupré.
Mme Bourassa : Bonjour. Je
vais rester dans le même angle que M. le ministre. J'aimerais vraiment
clarifier. Donc, si... Parce qu'on le sait, la violence conjugale, ce sont des
petits cycles, donc il y a la phase de la lune de miel également. Donc, le
couple ne vaut pas 100 % du temps pas bien, peu importe la violence. Et si
les deux parents ont le projet d'avoir un enfant, il y a... il y a de la
violence conjugale là-dedans, sans nécessairement avoir de viol, là, tu sais,
que l'homme bat la femme, et tout ça, vous, votre point serait que la mère peut
quand même demander la désaffiliation du père là-dessus?
Mme Monastesse (Manon) : Oui,
tout à fait. Parce que, même, on sait que, comme vous le dites si bien, le
cycle de la violence, la période de lune de miel, plus la violence va
s'exercer, va... et va s'amplifier, la lune de miel va durer de moins en moins
longtemps. Alors, ça, c'est prouvé. Et, même s'il y a une lune de miel, on est
toujours... Et c'est très important, vous en conviendrez, de voir la violence
conjugale non pas comme des infractions au Code criminel qu'on voit de façon
ponctuelle, mais il faut toujours voir le contexte de violence conjugale.
Alors, c'est dans ce contexte-là qu'on peut vraiment parler du fait que le
consentement soit vicié. C'est souvent : oui, les femmes vont avoir des
relations sexuelles pour atténuer ou pour tenter de compenser le contexte de
violence, de faire tomber la tension, mais on ne peut pas penser que c'est un
consentement libre et éclairé. On n'est déjà pas... Quand on parle du contrôle
coercitif, bien, c'est une privation de la liberté, c'est une privation de
toutes les libertés. Donc, on ne peut pas concevoir que la relation sexuelle
est libre et consentie. Et, quand même, on a quand même des leviers dans le
Code criminel. Quand je parle du viol en contexte conjugal, il existe depuis
1983. Et on sait, en cour criminelle, c'est rarement invoqué et rarement
utilisé, alors...
Mme Bourassa : Bien,
justement, contrairement à mes collègues, je ne suis pas juriste, je ne suis
pas avocate, mais je crains que ça soit difficile à prouver. S'il n'y a pas de
violence au moment de l'acte sexuel, comment est-ce qu'on peut prouver soit
devant une cour ou prouver, justement, qu'il y a eu... au final, que l'enfant
est issu d'une relation toxique, violente?
Mme Monastesse (Manon) : Bien,
justement, c'est ce qu'il faut... il faut démontrer le contexte, le contexte de
la violence conjugale et utiliser les outils que nous donne l'évaluation du
contrôle coercitif. C'est documenté, les grands spécialistes de l'explication
de l'utilisation du contrôle coercitif vont parler, justement, d'une des formes
les plus sévères, c'est justement l'utilisation des relations sexuelles afin
d'augmenter ou de mieux contrôler une conjointe, là. Alors, il faut documenter
la situation, c'est évident.
• (16 h 40) •
Mme Bourassa : Et j'ai une
dernière question concernant l'indemnité ou, du moins, le montant que la
personne violée qui est tombée enceinte pourrait recevoir. Selon vous, est-ce
que c'est important que ce soit un montant une fois pour éviter, justement, le
contact avec l'agresseur? Quelles peuvent être les conséquences psychologiques
que la victime reste en contact avec l'agresseur?
Mme Monastesse (Manon) : Bien,
on le voit quand c'est la question des aliments pour les enfants, la question
de la perception automatique, ce n'est pas... oui, ça a été réfléchi afin qu'il
y ait le moins possible de contact, mais nous, de notre expérience et de
l'expérience des femmes, ce n'est pas un contexte idéal parce qu'il reste
toujours des contacts. Et souvent un conjoint va revenir à la charge en
démontrant que, oui, il pourvoit aux besoins d'un enfant, et ça maintient
certains liens, et il y a de nombreux obstacles, justement, à la perception
automatique avec des conjoints qui ont des comportements violents.
Pour nous, la meilleure voie, c'est
vraiment...
Mme Monastesse (Manon) : ...via
la LAPVIC, parce que là, il n'y a plus d'intermédiaire et c'est... Et il y a
des dispositions aussi pour des... justement, des enfants qui sont nés d'une...
dans un contexte d'agression sexuelle, il y a déjà des dispositions dans la
LAPVIC, et le ministre est subrogé aussi. Alors, le ministère lui-même peut
revenir contre l'agresseur et pour les remboursements. Donc, pour nous, la
meilleure solution c'est de demander une indemnisation via la LAPVIC.
Mme Bourassa : Merci beaucoup
pour les réponses.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Il reste un peu moins de
deux minutes. Mme la députée de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.
Mme Haytayan : Merci, M. le
Président. Bonjour. Merci de votre présence.
Est-ce qu'à votre avis on devrait
renforcer l'article 606 du CCQ, du Code civil du Québec, donc, sur la
déchéance de l'autorité parentale?
Mme Monastesse (Manon) : Bien,
pour nous, quand on parle d'agressions sexuelles, ça serait vraiment de...
de... de... L'établissement, là, de... de refuser, de pouvoir vraiment couper
la filiation. Parce que, ce qu'on voit dans la pratique, c'est que même dans
des situations très graves où il y a violence conjugale, où il y a violence
familiale, l'utilisation de la déchéance parentale est extrêmement difficile,
est extrêmement difficile, même si elle est invoquée dans des situations très
graves, là, où il y a des agressions, des agressions, de la violence familiale
envers les enfants. Ce sont des situations où est-ce que c'est encore
malheureusement très difficile d'évoquer la déchéance parentale. Et nous savons
par expérience qu'il y a des juges que, pour quelle que soit la situation, ne
vont pas utiliser la... ne vont pas... Ne vont pas être d'accord avec
l'utilisation de la déchéance, de prononcer la déchéance parentale.
Mme Haytayan : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. M. le député de
l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Bonjour, Madame Monastesse. Heureux de vous revoir en commission
parlementaire. Si j'ai bien compris, M. le ministre a posé des questions, au
fond, quand vous parlez du contrôle coercitif dans un contexte de violences
conjugales, c'est que, pour vous, et puis pour le concept, ça vient attaquer,
donc vicier le consentement que la personne peut donner. Donc, ça va faire en
sorte que s'il se passe des agressions sexuelles pendant que la personne vit
cette période-là, elle ne donne pas un consentement éclairé, donc elle est
victime d'agression sexuelle. C'est bien ça?
Mme Monastesse (Manon) : Oui,
parce que la nature même du contrôle coercitif, c'est d'enlever toute liberté
fondamentale à la victime. Donc, de par ce fait, il n'y a pas de consentement,
il n'y a même pas de consentement. Alors, c'est clair, c'est comme ça, et c'est
tout à fait ce que les femmes nous relatent. Et c'est tout ce que... Dans notre
pratique, au quotidien, c'est ce qu'on voit.
M. Morin : Et je comprends de
votre mémoire, et je vous en remercie, que, pour vous, l'aide financière qui
serait donnée par l'État ou un organisme de l'État, vous mentionnez LAPVIC, par
exemple, à la page sept de votre mémoire, ce serait beaucoup plus efficace que
ce qui est proposé à 542.33 du projet de loi, OÙ là, on demande à la victime de
l'agression sexuelle, qui a gardé l'enfant, finalement, de s'adresser aux
tribunaux pour obtenir une indemnité. Esr-ce que je vous comprends bien?
Mme Monastesse (Manon) : Tout
à fait, tout à fait. Et c'est la façon, c'est la... de cette façon aussi, c'est
qu'il n'y ait aucun... Justement, d'avoir à... à justifier et... justifier la
demande et de n'avoir aucun contact avec l'agresseur. Et, comme on le dit, il y
a toujours moyen, pour le gouvernement, pour le ministre, de revenir et de
pouvoir demander à l'agresseur de rembourser les sommes. C'est ce qui se fait
d'ailleurs avec l'aide sociale. Quand des femmes violentées quittent un
conjoint qui les a parrainées, elles ont droit à l'aide sociale, et l'aide
sociale, de leur côté, vont demander que les sommes versées soient remboursées
par le...
Mme Monastesse (Manon) : ...conjoint
violent.
M. Morin : Oui, cependant...
Et votre position, en fait, vous l'exprimez très clairement. Sauf que,
cependant, il faudrait... En fait, je présume, parce qu'on parle de la loi
visant à aider des personnes victimes d'infractions criminelles. Donc, il
faudrait quand même qu'à un moment donné, même avec le système gouvernemental, la
victime soit capable de démontrer qu'elle a, donc, vécu dans un tel climat et
que, si elle a eu des relations sexuelles, bien, à ce moment-là, le
consentement était vicié. Donc, elle a... Donc, elle a été agressée
sexuellement. Il faut quand même que la victime soit capable de démontrer
quelque chose. Êtes-vous d'accord avec moi là -dessus?
Mme Monastesse (Manon) : Bien
oui, tout à fait. Et le fait qu'elle ait recouru à des services, que ce soit
via des organismes comme les maisons d'hébergement ou les CALACS, elle peut
documenter ce fait même... ce faisant, le fait, la position à l'effet qu'elle a
été victime d'agression sexuelle, le fait d'avoir recours à des services
spécialisés.
M. Morin : Parfait. Et donc,
ça permettrait... bon, parce qu'on a utilisé son nom, je comprends que c'est un
nom fictif. Ça permettrait de régler la situation dramatique qu'a vécue Océane,
mais de le faire d'une façon étatique.
Moi, j'aimerais attirer votre attention
sur une autre... une autre problématique dont on a parlé beaucoup cette
semaine, et c'est... c'est un nom fictif aussi, c'est la situation ou le cas
d'Isabelle. Et là on parle de déchéance d'autorité parentale. Vous avez
parlé... vous l'avez évoqué, tantôt, vous avez dit que c'était excessivement
difficile. Est-ce qu'il serait approprié, selon vous, dans ces cas-là, de
prévoir ou de rédiger une présomption qui ferait en sorte que ce serait
beaucoup plus facile pour le tribunal d'enlever l'autorité parentale à un
parent qui aurait, par exemple, commis une agression sexuelle?
Mme Monastesse (Manon) : Oui,
c'est une avenue qui est possible, mais, à ma compréhension du droit, une
déchéance parentale n'est pas illimitée dans le temps. Elle peut être... elle
peut être à nouveau possible... je veux dire, le lien... réhabiliter le lien
parental, dans un cas de déchéance parentale, c'est possible aussi, là, ce
n'est pas indéfini dans le temps. En tout cas, moi, je n'ai jamais vu des
situations de déchéance parentale qui perduraient pendant des années dans le temps,
là.
M. Morin : Mais ça serait
quelque chose qui aiderait, évidemment, les victimes qui se ramassent dans
cette situation-là.
Mme Monastesse (Manon) : Oui.
Pour nous, la question de pouvoir, justement, couper, de façon permanente, le
lien de filiation est une avenue qui nous semble plus en phase avec les besoins
des victimes. Mais disons que oui, on pourrait convenir à une possibilité d'une
déchéance parentale, mais il ne faudrait pas que ça soit juste pour six mois ou
pour un an, comme j'ai eu l'occasion, au cours de mes 30 dernières années,
de le voir. Là, ça serait vraiment très problématique, mais on espère, avec
les nouvelles dispositions de la loi 2, qui vient encadrer l'intérêt de
l'enfant de façon très précise, avec des critères très précis dans le cadre,
c'est ça, de l'intérêt de l'enfant en contexte de violence familiale. On
pourrait espérer que l'évaluation, là, de... justement, de la déchéance
parentale soit plus efficace qu'elle l'est présentement.
• (16 h 50) •
M.
Morin :Parfait. Je vous remercie beaucoup, madame. Je ne sais
pas si ma collègue a des questions? Oui, oui.
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de
Robert-Baldwin, s'il vous plaît.
Mme Garceau : Juste une
question, compte tenu du temps. Bonjour, Mme Monastesse. Je pense qu'il y a un
point est très important dans votre mémoire que vous n'avez pas discuté avec
nous, et j'aimerais que vous ayez la possibilité de le faire. Je trouve que
c'est un point important, et je sais que vous avez eu des échanges avec Me
Lessard au niveau de l'inférence négative, et que vous voulez prévoir, dans la
loi, quelque chose spécifique, compte tenu que... et nous savons très bien
qu'il y a plusieurs victimes qui ne dénoncent pas, l'agression sexuelle, pour
différentes raisons. Et nous savons pourquoi et...
Mme Garceau : ...certains
tribunaux associent la dénonciation à l'aliénation parentale, et donc
j'aimerais vous entendre là-dessus au niveau de qu'est-ce que vous souhaiter de
prévoir dans la loi concernant l'inférence négative.
Mme Monastesse (Manon) : Oui.
Merci beaucoup, Mme Garceau de poser la question. Effectivement, c'est un
point tout à fait central. Et effectivement, ce qu'on voit, vous l'avez vu dans
votre pratique, on le voit à tous les jours, le fait même souvent devant les
tribunaux de la famille et on a... on vous a soumis une étude... un rapport de
recherche sur cette question. Le fait d'invoquer la violence familiale, qu'il
n'y ait pas eu, entre autres, de condamnation au criminel, ou quoi que ce soit,
déjà, en partant, le fait d'invoquer la violence conjugale, il y a des
conséquences négatives où effectivement on voit... au lieu de voir la volonté
de protection de la mère, on voit la volonté de mettre un terme entre les liens
entre l'enfant et le père et... et, de ce fait, le fait de vouloir invoquer une
agression sexuelle en contexte de violence conjugale, on anticipe fortement
qu'il va y avoir une inférence négative de la volonté de la mère de protéger...
de se protéger et de protéger l'enfant. Et effectivement, on demande une
disposition qui va tenir compte de ces inférences négatives.
Mme Garceau : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. M. le député de
Saint-Henri Sainte-Anne, s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci.
Merci beaucoup pour votre présentation. Je me demandais comment vous pensez, ou
comment ça va fonctionner l'établissement ou la démonstration de la violence
conjugale ou de l'agression sexuelle dans un contexte d'absence de procès ou de
jugement criminel ou même d'un acquittement au criminel, comment on va
conjuguer tout ça, selon vous?
Mme Monastesse (Manon) : Mais
je crois qu'avec les travaux qui ont été faits sur la démonstration du contrôle
coercitif, il va falloir faire effectivement la preuve que la violence
conjugale a un impact sur la question du consentement libre et éclairé. C'est
déjà bien commenté dans la littérature et il va faire... il va falloir faire
appel à une démonstration dans ce sens, ce qui est quand même... pour nous qui
sommes sur le terrain, et quand on entend les femmes nous parler de leur
expérience, c'est quand même quelque chose que l'on peut documenter, là,
facilement. Et le fait qu'une femme soit suivie par nos services ou les
services des CALACS, des services spécialisés, bien, ça permet aussi de...
de... d'effectivement de... d'amener une preuve en ce sens. Et là, bien sûr, on
n'est pas... on n'est pas au criminel, donc c'est la prépondérance aussi de la
preuve qui n'est pas celle... qui n'est pas celle du tribunal... du tribunal
criminel et pénal, mais il y a quand même une disposition, comme je le... je le
rappelle, que, dans le Code criminel, on... quand même depuis 83, on parle du
viol conjugal. Donc, il y a une reconnaissance législative à cet effet.
M. Cliche-Rivard : On sait à
quel point il y a peu de dénonciations, finalement, on sait à quel point
beaucoup de femmes décident, finalement, de ne pas porter plainte dans
plusieurs séries de contexte, pensez-vous qu'elles vont aller de l'avant avec
cette démarche-là pour exercer ces droits-là, ou vous pensez qu'on va se
retrouver dans le même problème qu'en matière criminelle?
Mme Monastesse (Manon) : Bien,
écoutez, je trouve que, nous, on est toujours très positives, sinon je pense
que je changerais d'emploi, mais je crois qu'avec quand même les nombreuses
modifications à la loi n° 2, avec la loi n° 12, j'ai quand même bon
espoir que ça donne des leviers qui puissent permette de prouver, de justifier
d'inférer l'intérêt de l'enfant. Là, on parle aussi de l'intérêt de l'enfant et
de l'intérêt de l'enfant en contexte de violence familiale, mais le tout,
disons, toutes les modifications qui sont prévues vont nous permettre de
soutenir le fait de démontrer le contraire...
Mme Monastesse (Manon) : ...de
violences conjugales, de violences familiales et de violences sexuelles,
beaucoup plus facilement parce qu'on va avoir reconnu, entre autres, des
impacts de la violence conjugale sur les femmes et les enfants.
M. Cliche-Rivard : Et à
votre avis, là, suivant la sanction de la loi telle qu'elle est présentement,
est-ce que vous pensez qu'il y a beaucoup de femmes qui vont s'en saisir a
posteriori, là, qu'il y a beaucoup de dossiers que vous avez en tête ou les
gens autour de vous qui attendent ça de manière pressante pour mettre en marche
des démarches?
Mme Monastesse (Manon) : Oui,
je pense que, quand même, il y a plusieurs femmes qui vont vouloir invoquer
cette disposition-là parce que c'est leur réalité, effectivement.
M. Cliche-Rivard : Merci.
Mme Monastesse (Manon) : Et
on se rappelle quand même de la situation de Mme Daigle aussi. Bien sûr,
il y a eu un avortement, mais je veux dire, ce qui a été démontré devant la
Cour suprême, c'est justement l'impact de la violence conjugale sur l'enfant à
naître... l'enfant à naître, qui a été quand même démontré dans ce jugement.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Merci beaucoup pour votre travail aussi. Merci.
Le Président
(M. Bachand) :Oui, effectivement.
Mme Monastesse, merci beaucoup d'avoir été avec nous, mais surtout, comme
disait le député de Saint-Henri-Sainte-Anne, merci pour tout le travail que
vous faites. Cela dit, la commission va suspendre ses travaux quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 58)
17 h (version non révisée)
(Reprise à 17 h 23)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir Monsieur...
Maître Houle et Maître Martineau de l'Association professionnelle des notaires
du Québec. C'est eux, les responsables de publicité que vous avez vue à la
télévision, là, avec le... Alors, c'est vous autres, les responsables de ça.
Bravo! Alors, la parole est à vous. Comme vous savez, 10 minutes de
présentation, après ça, on aura un échange avec les membres de la commission.
Maître, à vous la parole.
M. Houle (Kevin) : Donc,
merci. Mmes et MM. les députés, bonjour. Merci pour cette invitation. Donc,
nous voudrions... Bien, d'abord, permettez-moi de me présenter. Donc, je suis
Kevin Houle, président de l'Association professionnelle des notaires du Québec,
donc l'APNQ. Je suis accompagné de maître Tania Marineau, notaire en pratique
privée.
Donc, nous voudrions tout d'abord
remercier la Commission des institutions de nous avoir invités à partager notre
point de vue sur le projet de loi n° 12, qui vise notamment à réformer le
droit de la famille en matière de filiation, la protection des enfants nés d'une
agression sexuelle et les droits des mères porteuses et les enfants issus d'un
projet de grossesse pour autrui.
D'emblée, nous voudrions exprimer notre
soutien au projet de loi n° 12, qui, à nos yeux, constitue une réforme
significative du droit de la famille. En tant que juristes de proximité, nous
connaissons bien les préoccupations entourant le droit de la famille et les
moyens pour lesquels on peut réformer celui-ci. L'APNQ est un organisme à but
non lucratif national, donc, fondé en 1997 et dédié à la défense des intérêts
socioéconomiques de ses membres, des notaires. Regroupant quelque 1 550 notaires
répartis sur l'ensemble du territoire québécois, soit près de 50 % des
membres de la profession notariale, l'APNQ œuvre au rayonnement du notariat et
prône l'implication et les atouts des notaires, ces juristes polyvalents, à la
fois officiers publics impartiaux et conseillers juridiques.
Selon l'APNQ, la modification des
dispositions légales quant aux conventions de grossesse pour autrui est plus
que nécessaire en droit actuel. En modifiant l'article du Code civil qui
prévoit la nullité de ces conventions et en balisant de façon claire les
ententes permises, cela viendrait élargir l'inégalité qui existe actuellement
pour les enfants nés suivant une telle convention et qui se voyaient refuser
leur filiation d'intention pour seul motif que les étapes prévues dans la
jurisprudence n'étaient pas toutes respectées.
Donc, d'abord, permettez-nous de vous dire
que l'APNQ appuie la précision apportée quant à l'impossibilité de dissocier la
fratrie lorsque plusieurs enfants naissent d'un tel projet parental. L'APNQ ne
peut que saluer et approuver ce remplacement.
Maintenant, en ce qui concerne la
prépondérance de l'acte notarié et autres formes de document afin de bien
protéger les parties au contrat de grossesse pour autrui, incluant implicitement
l'enfant à naître, et d'assurer le respect des formalités requises, l'APNQ
salue le choix du législateur de privilégier l'acte notarié en minutes,
obligeant ainsi l'intervention d'un officier public. Selon nous, les conditions
de fond et de forme imposées pour une telle convention permettent d'éviter des
abus envers la femme ou la personne qui portera l'enfant, mais surtout pour
assurer la filiation de l'enfant à naître dans un contexte totalement
déjudiciarisée. C'est le point principal.
Donc, d'abord, les avantages de l'acte
notarié en minutes : conseil juridique indépendant et impartial et
vérification du consentement. Effectivement...
M. Houle (Kevin) : ...l'acte
notarié en minute permet d'assurer que toutes les parties reçoivent obligatoirement
des conseils juridiques impartiaux, et ce, nonobstant, qui paiera les
honoraires du notaire. En tant qu'officier public, le notaire est tenu
obligatoirement de conseiller toutes les parties à l'acte, de vérifier leur
capacité et leur consentement. En un mot, le notaire a un devoir de conseil
très large et important. Cette vérification obligatoire réduit le risque qu'une
des parties à l'acte l'ait signé sous contrainte ou sans en avoir compris la
portée.
D'autres intervenants ont mentionné ici
qu'il serait nécessaire, pour les parties, un tel contrat d'avoir recours à un
conseiller juridique impartial avant de signer une telle entente. Au Québec, on
appelle ça un notaire. Rappelons aussi que, même si un tel contrat est fait
sous forme notariée, rien n'empêche une partie de consulter un avocat ou un
autre notaire si le besoin y est.
Maintenant. Au-delà de la sémantique,
permettez-moi de vous expliquer en quoi consiste le devoir de conseil du
notaire dans un tel dossier. En somme, il va expliquer les droits et les
obligations des deux parties, mère porteuse, parent d'intention, il ira même,
lui-même, jusqu'à leur exposé, avant même qu'on lui pose la question, ce qu'il
adviendra, par exemple, si la mère porteuse décidait de garder l'enfant suite à
l'accouchement, qu'adviendra-t-il si l'enfant est malheureusement... souffre
d'un handicap, qu'adviendra-t-il si les parents décident de ne pas donner suite
au contrat. Ce que nous voulons vous dire, c'est que le notaire est habitué, il
est formé pour faire face à des questions pouvant être malaisantes, et ce, même
en présence de l'autre partie.
Le notariat existe depuis des siècles, il
a fait ses preuves. Le notaire doit expliquer le droit en faisant fi des
intérêts, et les gens le savent lorsqu'ils consultent un notaire. C'est ce
qu'on appelle un conseil juridique impartial. Nous ne voyons aucun problème
avec cela, c'est même rassurant de voir que le législateur désire imposer la
forme notariée.
Au niveau de la vérification des
formalités requises, le notaire vérifiera le respect des formalités requises,
surtout en ce qui concerne l'attestation de consultation psychologique, entre
autres... psychosociale, laquelle pouvant être même annexée à l'acte notarié
afin d'en assurer la conservation. De plus, selon les termes actuels du projet
de loi, la femme ou la personne qui portera l'enfant doit avoir au moins
21 ans et les parents d'intention doivent rester au Québec depuis au moins
12 mois. C'est le genre d'éléments que les notaires pourront confirmer
D'autres intervenants ont amené l'idée que
le contrat de grossesse pour autrui soit fait sur la base d'un simple
formulaire. Comme vous le savez, le but, pour le législateur, est de
déjudiciariser le processus. Une des principales conditions est que le contrat
soit signé avant le début de la grossesse. Tentons d'imaginer une seule seconde
comment traiterions-nous un tel contrat si finalement une des parties signe le
formulaire après l'autre, c'est-à-dire, donc, pas à la même date, mais une fois
la grossesse commencée. Bien que les témoins soient requis, leur signature n'a
pas du tout la même que celle d'un notaire. Et, puisque les témoins ne sont pas
des notaires formés, il se pourrait que ces témoins signent un formulaire sans
pour autant confirmer ou valider la date. Ces le genre de choses n'arriverait
pas dans le cadre d'un contrat sous forme notariée en minute. Il serait
catastrophique, pour l'enfant à naître, de penser que le contrat sous forme de
formulaire puisse être contesté après coup, après la naissance, sur simple
fait, par exemple, que les conditions n'avaient pas été respectées. Rappelons
que c'est une forme, une méthode administrative et que l'officier public...
l'intervention de l'officier public s'avère très nécessaire.
Au niveau du droit de la preuve,
maintenant, l'acte notarié en minute est un acte authentique et fait preuve de
son contenu, et le document qui bénéficie du plus grand avantage en ce qui
concerne le droit de la preuve. Sous réserve de l'inscription en feu... en
faux, pardon, procédure rare et ayant des conditions strictes, le contenu et
les énoncés dans l'acte seront à l'abri des contestations.
L'acte notarié apparaît donc ici comme
étant l'acte par excellence pour assurer le respect des conditions, dont la
date du contrat antérieure à la grossesse, et d'en faire preuve à l'égard...
devant tous.
Au niveau de la conservation, maintenant,
c'est un avantage, les actes notariés sont conservés dans le greffe du notaire,
et le greffe est régi par une stricte réglementation protégeant ainsi les
minutes, les originaux de pertes, ou de destructions, ou altérations. De plus,
le notaire peut aussi émettre des copies authentiques longues ou sous forme
d'extraits. Rappelons, effectivement, que la copie a la même force légale que
l'original.
• (17 h 30) •
Ces copies peuvent aussi prendre la forme
d'extraits. Effectivement, ces extraits permettraient d'assurer la remise d'une
copie authentique sous forme d'extrait de la convention de grossesse pour
autrui à qui de droit, tout en retirant de ces copies les sections
confidentielles qui pourraient ne pas être obligatoires, par exemple, lors de
l'envoi de la copie au directeur de l'état civil.
Maintenant, au niveau de l'acte sous
serment plutôt qu'un simple document reçu devant témoins. En ce qui concerne
l'article 541.9, nous savons, ce sont des dates de rigueur, soit entre le
septième, le 30 ᵉ jour depuis la naissance de l'accouchement de la mère
porteuse. L'APNQ suggère de remplacer la mention «devant témoins» par la
mention «sous serment», et il en serait de même pour le troisième alinéa de
541.14.
Ces éléments sont sur la base
uniquement... ou sont plutôt... ces... Ces suggestions, pardon, sont émises sur
la base que le contrat lui-même de mère porteuse ait été fait sous la forme
notariée avec toutes les explications qui auraient été reçues par la mère
porteuse en amont, bien évidemment.
Au niveau du secret professionnel, attendu
au secret professionnel auquel est tenu le notaire, il est primordial d'établir
clairement les conditions entourant la demande d'émission d'une copie
authentique de convention de grossesse pour autrui notariée, par le Directeur
de l'état civil. Nous considérons que le législateur a été avisé de faire
prévoir à l'article...
17 h 30 (version non révisée)
M. Houle (Kevin) : ...16,
paragraphe 3° du Code civil, que le directeur l'état civil est une
autorité ayant un intérêt pour demander une copie au dépositaire du greffe.
Mais nous nous interrogeons cependant sur la confidentialité devant entourer un
tel document. Le dépôt d'une copie conforme intégrale de la convention de
grossesse pour autrui. Est-il réellement nécessaire versus un extrait, comme je
vous disais ou expliquais un petit peu plus tôt? Nous doutons que l'ensemble
des informations dans le contrat soit nécessaire pour répondre aux
questionnements de l'enfant, notamment quant à la connaissance de ses origines.
Il faudrait aussi établir les éléments qui devraient se retrouver dans l'extrait
à remettre au Directeur de l'état civil si cette méthode est choisie.
Au niveau, maintenant, du compte en
fidéicommis des notaires, afin d'éviter les conflits qui pourraient survenir
concernant les sommes détenues en fidéicommis, l'APNQ souhaite que le
législateur consigne clairement les sommes à débourser, la fréquence, les
autorisations nécessaires et les pièces justificatives requises, exemple une
facture, bref, dans un règlement à venir ou si ce règlement devrait être arrimé
avec le règlement actuel sur la comptabilité en fidéicommis des notaires.
Au niveau de la médiation familiale, l'APNQ
pense qu'il serait nécessaire de permettre aux parties impliquées dans un
projet parental impliquant une grossesse pour autrui de bénéficier d'heures de
médiation familiale subventionnées comme les dossiers d'adoption. À cette fin,
le Règlement sur la médiation familiale pourrait être amendé afin d'élargir la
portée des heures payées par le ministère pour inclure les conflits en matière
de grossesse pour autrui.
En ce qui concerne, avant la conclusion,
la langue donc du contrat, bien que l'APNQ salue l'importance accordée à la
langue française dans le projet de loi, nous suggérons que les parties
puissent, d'un commun accord expresse, demander que la convention de grossesse
pour autrui soit rédigée en anglais puisqu'il s'agit d'une convention entre
particuliers qui n'est pas destinée à être publiée et lue sur un registre
consultable par toute la population. Nous ne pensons toutefois pas qu'une
version française doive être remise au préalable advenant qu'elle soit rédigée
en anglais, la raison étant qu'il ne s'agit pas d'un contrat d'adhésion. Cette
règle vise principalement les contrats d'adhésion, comme on l'a vu dans le projet
de loi n° 96, la modification en ce qui concerne la Charte de langue
française.
En conclusion, l'APNQ tient à exprimer sa
satisfaction face à la démarche du gouvernement de procéder à la présente
consultation particulière visant à débuter le titanesque chantier de la réforme
du droit de la famille au Québec. Les notaires québécois constatent régulièrement,
depuis plusieurs années, que les règles du droit de la famille ne répondent
plus aux attentes et aux modes de vie des familles du Québec. L'APNQ a donc
soumis ses analyses et recommandations en lien avec la présente consultation
particulière dans le but de l'atteinte des protections maximales recherchées
pour les citoyens et en plaçant l'intérêt de l'enfant au cœur de ses
préoccupations. Le notaire est déjà déjà au cœur de la vie des justiciables
depuis des siècles et le droit de la famille faisant partie du quotidien des
notaires, l'APNQ tient à exprimer aux membres de la Commission des institutions
son désir de collaborer à la mise en œuvre du projet de loi n° 12
et de ses règlements d'application et des recommandations proposées dans le
présent mémoire. Je vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Me Houle. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Me Houle, Me Marino, bonjour, merci d'être
présents, à l'Assemblée nationale, sur les consultations du projet de loi n° 12.
M. Houle (Kevin) : ...plaisir.
M. Jolin-Barrette : Bien, d'entrée
de jeu, vous avez parlé du compte en fidéicommis et puis des sommes qui doivent
y être présentes afin de garantir, dans le fond, les déboursés pour la mère
porteuse. Vous nous invitez à développer un règlement qui détermine de quelle
façon les sommes doivent être déboursées. Je voudrais vous demander : Est-ce
que ce serait préférable, selon vous, uniquement que ce soit un dépôt de
garantie? Donc, exemple, il y a une convention de grossesse pour autrui. Donc,
les parties prévoient que, je ne sais pas, il y a 10 000 $, 15 000 $,
20 000 $ qui sont versés dans le compte en fidéicommis du notaire
pour garantir l'obligation. Les parties conviennent entre elles de quelle façon
les paiements de déboursés pour les vitamines, les vêtements de maternité, les
remboursements de taxi, les vêtements, sont octroyés entre eux, premier
scénario ou deuxième scénario, les sommes sont versées dans le compte en
fidéicommis du notaire, mais c'est le notaire qui administre les dépenses.
Donc, c'est-à-dire que la mère porteuse s'adresse au notaire instrumentant de
la convention. Elle dit : Bien, cher maître, aujourd'hui, ou une fois par semaine,
ou une fois par mois, envoie le relevé de ses factures, et dit : Bien,
veuillez me rembourser, voici... Et vous, vous décaissez l'argent du compte en
fidéicommis. Comment vous voyez ça?
M. Houle (Kevin) : Les deux
options peuvent être possibles, mais il faut comprendre que la première option
effectivement, vous comprenez, ce serait un dépôt de garantie. Donc, on
comprend qu'à la base, si c'est cette option-là, ça veut dire que les deux
parties se sont entendues que les déboursements se feraient entre elles,
admettons et que, si jamais ça n'avait pas lieu, le notaire devrait intervenir,
pourrait être peut-être même autorisé pour procéder au paiement de ce que l'autre
partie n'a pas payé. Donc, ce serait peut être la meilleure méthode afin de
limiter l'intervention du notaire en ce qui concerne l'implication au quotidien
ou mensuellement, ou à chaque semaine. Mais ce que je suis porté à vous dire, c'est
que les deux méthodes peuvent être réalistes. Ça dépend toujours de l'intention
du législateur à savoir de quelle manière est-ce qu'il veut que le notaire
intervienne systématiquement dans le paiement...
M. Houle (Kevin) : ...le
résultat, c'est qu'en bout de piste il faut que la mère porteuse soit protégée
en ce qui concerne les sommes disponibles. D'une manière ou d'une autre, elle
sera protégée parce que les sommes seront dans le... du notaire.
M. Jolin-Barrette : O.K. J'ai
une question opérationnelle pour le notaire dans l'éventualité où c'est un
dépôt de garantie qui est dans le compte du notaire. Dans le fond, le notaire,
là, la mère porteuse lui dit : Écoutez, je n'ai pas été remboursée, les
parents d'intention ne veulent pas me rembourser. Le notaire, comment il
procède généralement dans une situation comme celle-là? Bien, je sais que ce
n'est pas une situation avérée, mais supposons, là, que la situation
surviendrait. Alors, comment survenait... Comment est-ce que... Le notaire
valide avec les parents d'intention? Comment... Ça serait quoi, la mécanique?
M. Houle (Kevin) : Bien, si
on fait le parallèle... Oui, si on fait le parallèle avec les autres retenues
qu'on peut faire dans d'autres secteurs du droit, à la base, s'il y a une
retenue, c'est parce qu'il y a eu une convention de retenue. Donc, le notaire
va préparer une convention dans laquelle les parties, bien, signent la
convention avec le notaire à titre de dépositaire... des commissaires. Et, dans
cette convention de retenue là, on indique de quelle manière les déboursés
seront faits, de quelle manière le notaire sera automatiquement autorisé
d'avance pour faire les paiements x, y, z. Donc, à partir de là, dans cette
situation-là, on irait voir la convention ou le règlement, là, s'il y avait un
règlement, ou sinon une convention qui serait nécessairement écrite, signée par
les parties avec le notaire pour dire : Notaire, tel déboursé était déjà
autorisé, je n'ai pas reçu le paiement, payez-moi.
C'est certain qu'à partir de là le
problème, justement, dans le cadre où il n'y a pas un règlement, c'est que, si
jamais l'autre partie dit : Bien, oui, je l'ai payé, mais je n'ai pas la
preuve, admettons, ou : Bien, je n'ai pas payé parce que je ne suis pas
d'accord. Ça fait que c'est pour éviter ces interprétations-là. Si un règlement
pouvait être balisé avec des termes clairs, à savoir qu'est-ce qui est payé ou
non, de manière à enlever d'une certaine manière la discrétion des parties de
dire : Moi, je ne suis plus d'accord ou je n'interprète pas ce mot-là
comme étant cette dépense-là... Donc, à partir de là, on ne peut pas arriver dans
cette situation-là, quant à travailler sur un nouveau modèle, là, de droit.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question du fait que tous les consentements devraient être donnés par acte
notarié, vous dites : On devrait exclure, dans le fond, le consentement
sous seing privé devant deux témoins. Je donne un exemple : une mère
porteuse qui veut faire une interruption volontaire de grossesse. Vous ne
trouvez pas ça un peu lourd de devoir aller chez le notaire, supposant que
c'est une situation d'urgence, le fait de l'obliger à voir... à aller voir son
notaire?
M. Houle (Kevin) : Je peux
rectifier simplement que la convention de mère porteuse devrait être... devrait
être sous forme notariée, mais on ne demande pas à ce que toutes les
conventions soient notariées. La différence, c'est qu'on a demandé à ce qu'il
n'y ait pas... ce ne soit pas uniquement devant tes deux témoins mais devant un
commissaire au minimum assermentation pour confirmer la date et l'identité de
la personne, point.
M. Jolin-Barrette : Donc,
exemple, pour mettre fin à la convention.
M. Houle (Kevin) : Pour
mettre fin à la convention, encore là, il y a deux choses. C'est que, si la
convention doit être modifiée, bien, les termes actuels du Code civil
mentionnent que, s'il y a des conditions de forme pour un acte, par exemple
notarié en minutes, toute modification devra suivre la même forme, donc
notariée. Donc, le Code civil est déjà de cette manière-là ainsi. Donc, si on
peut... si on considère que cette cessation-là est une modification du contrat
lui-même notarié, il faudra se questionner à savoir si lui-même doit être sous
forme notariée. Donc, ça serait peut-être à établir aujourd'hui au lieu de
faire jurisprudence ou tenter de...
M. Jolin-Barrette : Non, mais
ce n'est pas l'intention. Parce que, dans le projet de loi, on prévoit
clairement qu'ils peuvent le faire sous seing privé.
M. Houle (Kevin) : Oui, mais,
à partir de là, c'est sous seing privé, on revient avec le fait que ça devrait
être au minimum avec un commissaire pour être certain qu'on identifie la
personne correctement.
M. Jolin-Barrette : Qu'on
identifie la personne correctement?
M. Houle (Kevin) : Qui signe
le document, effectivement.
M. Jolin-Barrette : Vous
voulez dire les témoins ou...
Mme Marineau (Tania) : ...on
dirait que je ne suis pas certaine lequel que vous parlez. Pour le
consentement, on autorise sous seing privé pour être certain... sous serment
pour être certain que le consentement a été donné à telle date, telle heure et
que c'est la bonne personne qui a signé. Pour la modification au contrat, dans
le projet de loi, ce n'est pas prévu sous seing privé, vous avez seulement
enlevé la modification par acte notarié, mais le Code civil prévoit déjà qu'on
devra continuer sous forme notariée si le contrat initial est notarié.
• (17 h 40) •
M. Jolin-Barrette : O.K. Je
vous suis. Sur la question des heures de médiation payées lors de conflits en
matière de grossesse pour autrui, ça, c'est préalablement à la naissance?
M. Houle (Kevin) : Bien, ce
qu'on suggère, nous autres, en ce qui concerne cet élément-là, ce serait
préalablement dans le sens où, effectivement, s'il y avait un problème, une
discorde ou un différend quelconque, bref, que les règles s'appliquent
actuellement pour l'adoption puissent applicables mutatis mutandis en ce qui
concerne les conventions de mère porteuse.
M. Jolin-Barrette : O.K.,
mais suite à la naissance.
M. Houle (Kevin) : Bien, ici,
actuellement, les règles d'adoption, c'est suite... Parce qu'il y a deux
choses. Les règles d'adoption, je vous avoue que je ne connais pas
particulièrement les règles d'adoption, c'est... je ne me suis pas penché sur
cette question-là, mais ce qui est important, c'est que les gens qui participent
à un projet de convention...
M. Houle (Kevin) : ...porteuses
puissent bénéficier des mêmes droits en ce qui concerne le processus de
médiation. Donc, rendu là, est-ce que c'est après la naissance ou avant? Je
pense que c'est un choix du... En ce qui nous concerne, je pense que ce devrait
être tout le long du processus.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Avez-vous une opinion sur le volet sur les agressions sexuelles puis le lien de
filiation qu'on a inclus dans le cadre du projet de loi?
M. Houle (Kevin) : Oui. On
est d'accord avec ce que la Chambre des notaires a appuyé en ce qui concerne
tous les questionnements. Par exemple, est-ce qu'on y va plutôt selon
l'intention du législateur à couper le lien de filiation ou plutôt une
déchéance de l'autorité parentale? S'il y a déchéance, ça signifie que dans le
futur, il pourrait y avoir l'annulation, entre guillemets, de cette déchéance
de l'autorité parentale.
Donc, à partir de là, nous, ce qui nous
chicote le plus, ou avec quoi qu'on est d'accord aussi, c'est que dans le... on
comprend que l'intention du législateur, c'est qu'il y ait une déchéance avec
une compensation, par exemple, potentielle, mais que cette compensation-là,
effectivement, que les mères, ou du moins les personnes... les premières
personnes ne fassent pas jurisprudence ou doivent faire jurisprudence, qu'on se
colle effectivement sur...
M. Jolin-Barrette : Qu'il y
ait des lignes directrices.
M. Houle (Kevin) : ...les
lignes directrices, là, en ce qui concerne les pensions, oui.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Parce que, dans le fond, c'est l'un ou l'autre. Parce que s'il y a déchéance de
l'autorité parentale, il n'y aura pas rupture du lien de filiation, mais ça va
quand même donner ouverture aux tables de pension alimentaire. Si là, il y a
rupture du lien de filiation, à ce moment-là, ça ouvre le recours à
l'indemnité.
M. Houle (Kevin) : ...
M. Jolin-Barrette : Excellent.
Écoutez, je vous remercie grandement pour votre présence. J'ai des collègues
qui veulent vous poser des questions. Merci pour votre participation.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Charlevoix-Côte-de-Beaupré.
Mme Bourassa : Bonjour. Merci
de votre présence. J'aimerais juste vous entendre sur la question de la
succession. Si, effectivement, il y a rupture du lien, c'est quoi votre opinion
par rapport à ce que l'enfant pourrait quand même avoir accès à la succession
d'un père qu'il n'a pas côtoyé ni connu?
M. Houle (Kevin) : Bien,
d'abord, on part avec la prémisse qu'au Québec il y a toujours eu une liberté
de tester. Donc, à partir de là, il faut comprendre qu'advenant le cas où
l'intention du législateur est réellement que l'enfant conserve un lien de
filiation avec le père agresseur, appelons-le comme ça, là, le père agresseur,
bien, nécessairement, si les règles générales de droit s'appliqueraient, donc
le père agresseur pourrait déshériter cet enfant-là. Donc, si c'est ça
l'intention du législateur, on n'y arrive pas autrement que s'il y a une
compensation qui est permise quand même. Ça fait qu'on ne parlerait pas
nécessairement d'un héritier en ce sens, là, à moins qu'on veuille changer la
règle générale.
Mme Bourassa : Puis, selon
vous, qu'est-ce qui ferait le plus de sens?
M. Houle (Kevin) : On va
laisser les législateurs se questionner.
Mme Bourassa : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Laval-des-Rapides.
Mme Haytayan : Merci, M. le
Président. Bonjour à vous deux. Merci d'être ici avec nous. Pouvez-vous nous
parler de votre rôle dans les projets de GPA, notamment les conventions?
M. Houle (Kevin) : Notre
rôle? Bien, notre rôle...
Mme Haytayan : Le rôle des
notaires, oui.
M. Houle (Kevin) : Comme
notaire. Bien, d'abord, c'est un peu ce que je disais d'entrée de jeu, c'est
que notre rôle... D'abord, on est des conseillers juridiques, donc impartiaux
et officiers publics. Donc, notre rôle, ça va être nécessairement d'être un
partenaire du projet de A à Z. Donc, nécessairement, quand les parties, quelles
qu'elles soient, nous contactent, on est déjà au courant du dossier, on est au
courant des intentions, on est au courant du type de personnes qui est devant
nous. Donc, on va être le conseiller juridique d'une part et d'autres. Et notre
rôle de notaire nous permet de donner des conseils à l'un et à l'autre. Oui, on
peut penser qu'ils peuvent avoir des intérêts opposés, mais c'est comme ça que
nous sommes formés. C'est de cette manière-là que le notariat existe, c'est de
pouvoir donner des conseils de manière impartiale à l'un et à l'autre. Donc,
c'est d'agir comme conseiller juridique, et, encore une fois, je le répète, peu
importe qui paie nos honoraires. Donc, c'est d'agir comme conseiller juridique,
mais surtout un partenaire du projet, parce qu'effectivement on donne une
réponse à l'autre partie tout en sachant les interrogations de l'autre partie.
On va pouvoir lui répondre aussi à cette partie-là.
Mme Marineau (Tania) : ...déjà
les clients dans leur contrat de mère porteuse. C'est sûr que pour l'instant,
ils ne peuvent pas être signés notarié étant donné la nullité de ces contrats,
mais ces contrats-là finissent en adoption pour qu'on puisse réaliser les
contrats de mère porteuse qui existent présentement. Et les notaires,
justement, peuvent faire de l'adoption, donc on est déjà habitués, là, dans ce
genre de processus-là de... pour accompagner les clients et s'assurer que les
conventions respectent, en ce moment, les principes de la jurisprudence, et
plus tard, ce sera pour respecter tous les principes, là, que le législateur
mettra en place.
M. Houle (Kevin) : ...déjà
toutes les parties au projet d'adoption. C'est déjà le cas actuellement, là.
Mme Haytayan : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de Saint-Jean,
s'il vous plaît.
M. Lemieux : Pour combien de
temps, M. le Président?
Le Président (M.
Bachand) :Quatre minutes grosso modo.
M. Lemieux : Vous êtes trop
bon pour moi.
Le Président (M.
Bachand) :Ça me fait plaisir.
M. Lemieux : Bonjour.
M. Houle (Kevin) : Bonjour.
M. Lemieux : Vous avez dit
pendant votre présentation, à deux moments, presque trois... il y en avait un,
c'était sous-entendu un petit peu : D'autres ont dit ici... Effectivement,
c'est un peu le jour de la marmotte, pas parce qu'on avait parlé de ça avec le
projet de loi n° 2, quoiqu'effectivement... Bien, je ne sais pas ce qu'il a le
ministre dans ses projets de loi, mais les notaires gagnent à tout coup, et
c'est un peu...
M. Houle (Kevin) : La société
gagne à tout coup.
M. Lemieux : Ah! d'accord...
M. Lemieux : ...mais... ce
n'est pas l'éléphant dans la pièce, mais c'est clair que vous répondiez par la
bande à ce qui avait été dit avant. Mais, disons-le carrément, les avocats ne
sont pas très... les avocats, attention, pas tous les avocats, pas tout le
monde, mais les représentations de la part des avocats, c'est : Bien là,
attendez un pe, là, on est capables de faire ça, nous autres aussi. Alors,
allons-y carrément, hein, ouvrons l'éléphant dans la pièce, puis... Est-ce que
ça marcherait si les deux pouvaient, ou ça peut seulement marcher si c'est
oubedon les notaires oubedon les avocats?
Mme Marineau (Tania) : Si on
y va avec le projet de loi n° 8, qui vient de passer, c'est vraiment de
désengorger les tribunaux. Donc, on a une façon administrative devant notaire
avec un officier public compétent, conseiller juridique. Donc, c'est pour...
toute la société que ça viendrait avantager, que le notaire s'en occupe et que
ça ne finisse pas devant la cour, justement. Donc, c'est l'avantage du notaire
qu'on a au Québec, c'est qu'on peut faire les choses de façon administrative.
M. Lemieux : Mais le
p.l. 8, je comprenais... Dans le fond, ce n'est pas le jour de la marmotte
là, mais c'est deux fois des notaires. Mais, dans ce cas-ci, est-ce que ça peut
être l'un ou l'autre, ou ça pourrait être l'un et l'autre?
M. Houle (Kevin) : Bien, dans
ce cas-ci, ce qui... en lien avec ça, c'est parce que, considérant que c'est
une méthode dite administrative, qu'on ne veut pas aller devant les tribunaux,
et considérant que c'est une méthode dite administrative qui implique ou impose
ou amène une filiation, qui est un nouveau... tout ça est quand même de droit
nouveau, c'est important d'avoir un officier public, qui est quand même l'État
dans le milieu privé, aux termes juridiques, et où l'officier public sera le
responsable du dossier, de s'assurer que toutes les conditions aient été
respectées, et non pas à un moment donné, si un jour je décide d'appeler mon
conseiller juridique, lui, il va faire ce que je lui demande parce que mon
mandat sera le suivant. Dans ce cas-ci, le notaire aura un mandat implicite.
C'est toujours comme ça qu'on fonctionne comme officier public. Ce n'est pas
nécessairement... Par exemple, là, l'exemple classique : j'achète une
maison. Le client ne va pas me dire : Là, notaire, il faut que tu fasses
l'examen de titre, assure-toi qu'il y a de l'argent dans le compte in trust,
là, par le vendeur... Non, je sais comment ça fonctionne. Donc, nécessairement,
à partir du moment où j'agis comme officier public, il y a un mandat implicite
qui m'est accordé. Et c'est de cette façon-là que le notaire agit comme
officier public, et c'est de cette façon-là qu'on assure que cette procédure-là
soit complètement déjudiciarisée, que tout le monde soit protégé et que les
conditions aient été respectées et qu'on ne le voit pas, s'il y avait
non-respect des conditions, après coup.
M. Lemieux : Parlons-en, des
conditions. Celle qui est probablement la plus interpellante pour Monsieur et
madame Tout-le-Monde, c'est-à-dire qu'on a une femme porteuse qui se rend à
terme, puis qui décide, entre le septième et le 30 jours, de garder
l'enfant, est-ce que vous pensez que ce que vous allez avoir fait en amont avec
les deux parties va vous permettre de dénouer ça? On nous dit qu'il n'y en a
pas tant que ça, en fait, c'est rarissime, mais ça fait partie, pour le grand
public, de la dernière frontière à franchir, éventuellement, dans la manière
d'aborder ce sujet.
M. Houle (Kevin) : Bien, à
partir du moment où les gens signent un contrat, à partir du moment où le
notaire, parce qu'il en a l'obligation, aura expliqué tous les tenants et
aboutissants, qu'est-ce qui va advenir si telle situation arrive, qu'est-ce qui
va advenir si telle situation arrive, bien, il n'y a personne qui peut
dire : Je ne le savais pas, ou il n'y a personne qui va pouvoir
dire : Bien, pourquoi tu fais ça? Tu n'avais pas le droit. Bien, moi je
pensais que tu pouvais. Ah! bien, moi... Il n'y aura pas de ouï-dire. Donc, la
personne qui porte l'enfant puis qui décide... qui prend cette décision-là,
bien, elle va le savoir, qu'elle a le droit, et les parents d'intention vont
savoir que ça peut arriver. Et ça ne sera pas nécessairement une cause qui va
faire en sorte qu'ils vont vouloir réclamer quelque chose à la mère, à moins
qu'il y ait une question de dol, parce que c'était un contrat à moitié, à moins
qu'il y ait une question de fraude, entre guillemets, mais au-delà de ça, le
notaire aura tout expliqué, clairement établi les risques, entre guillemets,
d'une part, et d'autre.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
monsieur, dame. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le député de Saint-Jean. M. le député
d'Acadie, s'il vous plaît.
• (17 h 50) •
M.
Morin :Merci. Merci, M. le Président. Merci, Maître Houle
maître Marineau d'être avec nous aujourd'hui. Écoutez, j'ai trouvé la question
de mon collègue le député de Saint-Jean très intéressante. Puis j'aimerais
qu'on continue à parler de l'éléphant dans la pièce un peu, si vous permettez.
Dans votre pratique, est-ce que vous en rédigez, des conventions pour les mères
porteuses?
Mme Marineau (Tania) : Ça
m'est arrivé, oui. Moi, je suis spécialisée en droit de la famille et adoption,
filiation.
M.
Morin :D'accord. Donc, vous avez une expérience là-dedans.
Excellent. Dans le projet de loi, on dit que la convention pour grossesse doit
être notariée, mais, à 541.9, on dit que le consentement peut être donné par
acte notarié en minutes ou sous sein privé. Donc, est-ce que vous voyez là une
incohérence entre les deux dispositions du projet de loi?
M. Houle (Kevin) : Bien,
c'est un peu ce que je disais tantôt, c'est-à-dire que nous... que ça devrait
être sous forme notariée ou avec un commissaire à l'assermentation...
M. Houle (Kevin) : ...Le fait
que ce ne soit pas obligatoirement notarié, c'est parce que la prémisse, c'est
que le contrat lui-même aura été fait sous forme notariée. Donc, les
explications et ce qui va s'en venir, à ce moment-là, auraient été déjà
expliqués, vous comprenez? Donc, ce qu'il reste à baliser, c'est l'identité de
la personne.
M. Morin : O.K. Maintenant,
si on revient à la convention de grossesse, on a entendu aussi en commission
des avocats. Et une avocate en particulier, qui a pratiqué dans ce domaine-là,
qui en a rédigé des milliers et qui, finalement, a consacré sa vie à rédiger ce
genre de convention-là. Je comprends que, bien, on peut reconnaître qu'elle a
quand même une expérience là-dedans. Donc, si le projet de loi est adopté tel
qu'il est, bon, évidemment, elle va probablement être obligée de former...
Fermer sa pratique. Puis en quoi... Puis elle nous a dit qu'il n'y avait pas de
problème avec les conventions qu'elle rédigeait. Donc, en quoi ça devient si
important, d'avoir une convention de grossesse uniquement par acte notarié
puisque la réalité actuelle au Québec fait en sorte que ce n'est pas le cas
puis que ça fonctionne bien?
M. Houle (Kevin) : Bien,
d'abord, il ne faut pas oublier que même si le contrat est sous forme notariée,
les parties peuvent quand même consulter un avocat ou un notaire, donc sa
pratique va être quand même... le conseil va demeurer là, là, la révision ou
quoi que ce soit va demeurer là à titre de conseiller juridique à part entière.
Mais je ne parlerai pas pour elle, là. Mais, ce qui est important, c'est qu'à
partir du moment où la raison pour laquelle le législateur déciderait... a
décidé d'avoir un acte ou un contrat sous forme notariée, ce n'est pas
nécessairement pour faire en sorte... Ou c'est plutôt, je reprends ma réponse,
c'est plutôt pour s'assurer qu'aucun élément ne puisse survenir, un défaut ne
puisse survenir. Parce qu'on parle de nécessairement de ne pas commercialiser
l'enfant à naître, de faire en sorte que toutes les conditions soient
respectées, mais aussi de faire en sorte que le lien de filiation ne soit
quasiment pas contestable, vous comprenez? Donc, ce sont ces éléments-là qui
sont pris en compte lorsque le législateur demande à ce qu'un document soit
notarié.
Si on prend le pendant, par exemple, le
testament. Un testament sous forme notariée, pourquoi que c'est tant important
et intéressant, c'est... je n'ai pas, je vous avoue, je n'ai pas les chiffres
parfaitement, là, avec moi, mais c'est des milliers de dossiers qui seraient
présentés à la cour pour fins d'homologation des testaments, s'il n'y avait pas
de testament notarié, qui, lui, est exécutoire dès le moment où la personne
décède.
Pourquoi je fais le parallèle, c'est
simplement pour vous dire qu'il y a des... Pourquoi le testament notarié est
important, alors qu'il y a d'autres méthodes qui sont possibles, bien, c'est
parce que les gens favorisent cette méthode-là parce que ce n'est pas
contestable, tout est expliqué, et c'est le patrimoine complet. Alors, pourquoi
qu'on ne ferait pas la même chose pour un lien de filiation avec un enfant à
naître, de vouloir s'assurer que ça soit béton en ce qui concerne le document,
le consentement, les risques. On parle d'argent, on parle... il y a de l'aspect
social là-dedans, donc, comme je vous le disais tantôt, le notaire va être le
chef d'orchestre du dossier, s'assurer que toutes les conditions ont été
respectées. Le mandat est implicite au notaire.
Mme Marineau (Tania) : C'est
des milliers de dossiers qui ne seront pas présentés à la cour, dans le cas de
cette collègue-là, parce qu'ils vont être réglés chez le notaire, directement
avec le directeur de l'état civil. Donc, c'est vraiment... La cour va être
désengorgée en... Parce qu'autrement ça doit finir en adoption, et l'adoption
se fait devant un juge. Donc, tous les milliers de dossiers que la collègue a
faits, elle a été devant la cour par la suite pour faire reconnaître l'entente,
la filiation entre les parties. Donc, de cette façon-là, on va éliminer de
devoir aller à la cour pour faire reconnaître la filiation.
M. Houle (Kevin) : Et, au
niveau des honoraires aussi, les parties vont bénéficier d'un seul conseiller
juridique qui va lui donner tous les... qui doit lui donner tous les conseils
juridiques. Le notaire doit le faire. Donc, à partir de là, même s'il y a une
partie qui est peut-être moins fortunée que l'autre, elle aura automatiquement
droit aux conseils juridiques du notaire.
M.
Morin :Bien. Vous avez fait référence au projet de loi huit.
Puis l'argument qu'on nous a dit pour nous permettre... Pour permettre aux
notaires d'accéder à la profession, c'est qu'il y avait justement un grand
nombre d'avocats qui ne plaident pas nécessairement. Donc, ils étaient habitués
de conseiller différentes parties, de rédiger des contrats, et cetera. et le
notaire, au fond, les notaires font à peu près la même chose. Donc, c'est un argument
en faveur de la possibilité pour les notaires d'accéder à la magistrature.
Si on transpose ça avec quelques
adaptations dans le PL 12, vous avez des avocats qui font des contrats
dans leur bureau, qui conseillent les parties, on nous a même dit que ce
n'était pas contesté à la cour, ça allait très bien. Donc, pourquoi est-ce que
vous tenez tant à ce que ça soit fait par acte notarié?
M. Houle (Kevin) : C'est
d'abord, ici, il faut se questionner, à savoir quel est l'intention du
législateur, est-ce que c'est de s'assurer un contrat qui est au... au plus
haut de la force probante, au niveau de la preuve, de s'assurer que les parties
reçoivent un conseil juridique impartial. L'intention du législalteur, si
l'intention du législateur est de s'assurer que le document ne soit quasiment
pas contestable et que les... qu'on s'assure qui... Justement, que les
questions soient posées au bon moment aux parties et... Parce que vous savez
que les éléments pour contester un contrat, ça peut être un vice de consentement,
l'objet est illégal, il y a plein d'éléments qu'on apprend, là, à l'université.
Bon. Puis à partir de là, le notaire revoit indirectement ces éléments-là et
s'assure de crever l'abcès...
M. Houle (Kevin) : ...pour
être certain qu'il n'y aura plus d'éléments potentiels, en bout de piste, si
jamais ça arrive. Donc, ici, je pense qu'il faut que tous se questionner à
savoir : Est-ce que le législateur a comme intention principale de
protéger les citoyens et citoyennes dans ce type de contrat là où un enfant est
en jeu, principalement, et une femme qui portera un enfant?
M. Morin : D'accord. J'ai
également d'autres questions pour vous au niveau de la convention puis de
l'encadrement des agences. Est-ce que vous avez des suggestions à faire à ce
sujet-là au législateur pour s'assurer qu'évidemment l'intérêt de tout le monde
va être bien... va être protégé? Et est-ce qu'il y a des clauses que vous êtes
prêts à suggérer qui devraient apparaître dans les conventions pour protéger la
femme porteuse?
M. Houle (Kevin) : On n'a pas
vraiment étudié ce dossier-là.
M. Morin : Ce dossier-là.
M. Houle (Kevin) : Non.
M.
Morin :D'accord. Bien. Pour les grossesses à l'étranger, le
projet de loi le permet, il y a plusieurs groupes qui nous ont dit que ce
n'était pas souhaitable, parce qu'évidemment on ne contrôle pas le droit à
l'étranger. Il y a un risque d'exploitation des femmes porteuses là-bas. Est-ce
que vous avez des suggestions ou une opinion là-dessus? Est-ce qu'on devrait le
permettre ou ne pas le permettre, puis se concentrer sur des conventions ou des
femmes porteuses qui sont uniquement, par exemple, au Canada ou au Québec?
M. Houle (Kevin) : Me
Marineau pourra compléter, si nécessaire, mais je veux juste dire, d'entrée de
jeu, qu'en ce qui nous concerne, on a rappelé à la commission qu'il existe une
union du notariat latin où les... nécessairement, il y a du notariat à travers
le monde, puis que, nécessairement, il pourrait y avoir des ententes entre les
différents États. Et on laisserait nécessairement au ministère responsable à
savoir quel État ou quel pays, là, est autorisé, entre guillemets, pour
permettre ce genre de transaction là.
Mais je reviens à la base où le notaire
doit s'assurer de la capacité, la qualité, l'identité des personnes, donner les
conseils légaux. Donc, dans un cas comme celui-ci, nécessairement, le notaire,
avant de signer un tel acte, si jamais il y avait une personne à l'étranger,
devra obtenir d'un avocat ou notaire là-bas, à l'étranger, une confirmation que
cette personne-là est légalement capable de signer un contrat comme celui-là,
selon les lois de l'État où elle est, vous comprenez? Donc, ça aussi, ça fait
partie du mandat implicite dont on parle depuis le début, d'un notaire, ce
n'est pas écrit nulle part, mais ça l'est indirectement, mais ce que je vous
dis, c'est que le notaire a tous ces éléments-là en tête systématiquement à
partir du moment où on fait un acte notarié.
M. Morin : O.K. Puis un
avocat ne les aurait pas?
M. Houle (Kevin) : Bien, je
ne suis pas avocat.
M. Morin : Donc, il n'y a pas
d'avocat à l'étranger qui pourrait le conseiller, l'avocat qui fait la
convention sous seing privé au Québec, ça n'existe pas, ça?
M. Houle (Kevin) : Bien, ça
existe, mais est-ce que l'avocat a nécessairement le mandat implicite de
s'assurer de cet élément-là versus moi, comme notaire, qui fait un acte
authentique? Vous poserez la question à l'avocat.
M. Morin : D'accord. Au
niveau de la section V, l'article 542.33, la responsabilité financière
visant les besoins d'un enfant issu d'une agression sexuelle. Le projet de loi
prévoit une indemnité, mais évidemment fait reposer sur la victime de
l'agression sexuelle, le fait de le prouver, de le démontrer. On dit, dans le projet
de loi, que l'agression sexuelle peut être prouvée par la production d'un
jugement, qui en reconnaît l'existence, évidemment, mais ce n'est pas toutes
les femmes qui vont dénoncer l'agression. Est-ce que vous pensez que ce
régime-là ne fait... n'est pas trop lourd sur les épaules de la victime et si
un régime étatique qui viendrait compenser ne serait pas préférable?
Mme Marineau (Tania) : Bien
oui, on trouvait que le fardeau était lourd sur la victime de devoir prouver
son agression pour pouvoir faire valoir ses droits. Mais, comme solution, on
laisserait le législateur peut-être revoir cette... ce fardeau de preuve.
M. Houle (Kevin) : Parce
qu'effectivement on comprend que d'avoir un jugement au criminel... Mais,
encore là, il faut se questionner : est-ce que le jugement au criminel
peut faire effet au niveau du droit civil? Puis... mais, effectivement, ce
qu'on ne veut pas, c'est que la femme doive avoir ce fardeau-là, tout en
sachant que les femmes ne dénoncent pas ça en dedans de quatre jours, là, donc.
• (18 heures) •
M. Morin : D'accord. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de
Robert-Baldwin, deux minutes.
Mme Garceau : Deux minutes.
Vous êtes experts dans ce domaine, donc je suis très intéressée au niveau de
quel genre de clause est-ce que vous mettez dans ce genre de convention? Est-ce
que, dans le projet de loi, on devrait préciser certaines clauses qu'on devrait
avoir dans la convention?
Mme Marineau (Tania) : Évidemment,
présentement, les conventions ressemblent un peu à la loi fédérale. C'est
surtout ces clauses-là qui sont prévues concernant, justement, comment qu'on
peut compenser et non rémunérer une mère porteuse. Justement, il faut... c'est
surtout rétablir le droit dans le contrat pour que les parties comprennent bien
que, si l'enfant... comme que mon collègue disait, si l'enfant est malade, la
famille doit le prendre quand même. S'il y a plusieurs enfants, la famille doit
prendre tous les enfants. Donc, c'est plusieurs clauses comme ça, qu'on ne peut
pas séparer la fratrie, justement, comme que le...
18 h (version non révisée)
Mme Marineau (Tania) : ...le
législateur a déjà pensé. Sinon des clauses qui n'ont pas... bien, l'âge, la
capacité, tout ça, ça a déjà été pensé, mais ça serait surtout par rapport au
point de qu'est-ce qui peut être remboursé pour ne pas que ça tourne en
rémunération qui serait bien encadrée dans les contrats.
Mme Garceau : Je veux
préciser au niveau de... en cas de décès des parents d'intention, est-ce qu'il
y a une clause qui prévoit qu'un tuteur, tutrice serait nommé en cas de...
Mme Marineau (Tania) : Bien,
pour que... en ce moment, comment que ça fonctionne, les contrats de mère
porteuse, c'est que le père, habituellement, le... lui peut être père au
certificat de naissance. Donc, par la suite, si la mère d'intention décède...
pas... excusez, si la mère porteuse décède, lui peut signer le consentement d'adoption
en faveur de sa conjointe. Donc, puisqu'avec le processus d'adoption
présentement, on fonctionne par consentement entre... en faveur de la conjointe
d'intention, même s'il y a un décès, il faut que le père soit au certificat de
naissance pour qu'on puisse procéder, dans tous les cas.
Mme Garceau : Là, juste
préciser, je vais vous dire l'article 541.14, et donc c'est très
spécifique parce que là ça serait dans un cas où les deux conjoints ou la
personne seule... là je ne parle pas de la de la femme porteuse, son décès, je
parle des... des parents d'intention, que les deux décèdent, il y a la
naissance de l'enfant, est-ce que vous prévoyez dans vos conventions, en cas de
décès des parents d'intention, un genre de clause de testament que l'enfant, au
lieu d'être confié à la DPJ, serait confié à... au tuteur, tutrice nommé par
les conjoints dans la convention, est-ce que ça vous le prévoyez?
Mme Marineau (Tania) : C'est...
bien, ce n'est pas possible dans la loi présentement. C'est la mère biologique
qui va devoir conserver l'enfant et le confier à la DPJ parce qu'autrement, on
ne peut pas prévoir d'avance à qui va un l'enfant. C'est elle, elle est
toujours en vie, c'est son enfant, elle est au certificat de naissance, c'est
elle qui a l'autorité parentale seule.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Saint-Henri Saint-Jacques... Saint-Jacques? Sainte-Anne, pardon.
M. Cliche-Rivard : Merci.
Merci pour votre présentation. Vous parliez qu'au niveau des versements,
remboursements de la somme en dépôt de garantie, là, vous vouliez que ce soit
plus clair, ou vous parliez de dicter un règlement, est-ce que ça ne pourrait
pas simplement être tout fait clairement dans la convention préalable plutôt qu'aller
par règlement?
M. Houle (Kevin) : Oui, oui,
mais ce que... l'élément que je voulais apporter... aborder tantôt, c'est
surtout le fait qu'on veut être certain que le notaire soit lié... Il faut...
il ne faut pas oublier que le notaire agit comme officier public, donc d'une
manière impartiale. Si une partie dit O.K. puis... malgré que ce soit écrit, qu'après
ça on vient dire, l'autre dit : Oui, bien, finalement, je ne suis pas d'accord
pour des raisons xy, regarde, il y a tels, tels éléments. Là, le notaire est
quand même au milieu... n'est pas le juge, il ne peut pas trancher : Bien,
toi, ce que tu me dis, ça ne m'intéresse pas, je vais pencher pour elle. En
faisant ça, je prends parti, vous comprenez, donc le règlement ferait en sorte
que, nécessairement, c'est l'État, c'est le législateur qui vient dire aux
parties que le notaire va faire ça. Donc, si dans cinq jours, six mois, tu es
moins d'accord ou tu interprètes différemment tout d'un coup ce mot-là, le fait
que tu dises non au notaire, ne va pas nécessairement emporter un différend. C'est
surtout cet aspect-là. On veut être certain que ça puisse être déboursé
fluidement, excusez-moi l'expression.
M. Cliche-Rivard : Donc, ce
serait privilégié par règlement plutôt que par la convention.
M. Houle (Kevin) : Oui.
M. Cliche-Rivard : O.K. Vous
parlez aussi de déposer... de ne pas déposer la copie intégrale de la convention,
mais plutôt un extrait, quels seraient les éléments minimums qui devraient être
dans l'extrait?
M. Houle (Kevin) : Bien, on
comprend qu'ici, l'intérêt, c'est s'assurer... l'aspect génétique, là, donc
toutes les maladies ou quoi que ce soit qui pourraient... que l'enfant devrait
consulter. Donc, c'est minimalement cet élément-là qu'on va y retrouver, j'imagine,
dans cet extrait-là, mais ce qu'on suggère, parce qu'il ne faut pas oublier que
l'extrait ferait en sorte que le Directeur de l'état civil va l'avoir, mais l'enfant
pourrait le consulter aussi. Donc, les aspects financiers, monétaires, mais
on... je ne pense pas que ça soit nécessaire que ça se rende au Directeur de l'état
civil, vous comprenez, mais il reste que... Voilà.
M. Cliche-Rivard : C'est
important quand même qu'il y a l'extrait, par contre, pour vous... il faut qu'il
y ait un document, il faut...
M. Houle (Kevin) : Oui, puis
l'extrait est une... est un document authentique, est une copie authentique qui
fait preuve de son contenu, mais on vient... on enlèverait au minimum les
éléments monétaires, financiers. Puis, encore là, rien n'empêche que le
législateur, ou par un règlement, ou peu importe pourrait nous indiquer qu'est-ce
que le Directeur de l'état civil désire voir dans cet extrait, au minimum.
M. Cliche-Rivard : Vous
parlez aussi de modifier le règlement pour des heures de médiation familiale.
Quand il y a un conflit, on parle aussi que, dans toute la réalisation du
projet, il doit y avoir un consentement constant de la mère porteuse, comment
on va régir ça si, finalement, il n'y a plus de consentement puis s'il y a...
finalement, il doit aller à l'arbitrage, ou comment on va gérer le conflit à l'intérieur?
M. Houle (Kevin) : Oui, bien,
rendu là, il faut se...
M. Houle (Kevin) : ...questionné
à savoir pour quelle raison est ce que la mère porteuse ne veut plus non plus,
tu sais, ce n'est peut-être pas nécessairement qu'elle ne veut plus. Ça fait
qu'il faut vraiment aller en amont. C'est un peu ça, la médiation aussi, voir
derrière quelle est la raison réelle, mais si, en bout de ligne, elle ne veut
plus, bien, elle ne veut plus. C'est un peu ça aussi, là, l'aspect de l'acte
notarié fait en sorte que les parties vont être au courant que, nécessairement,
il y a des risques dans ce projet-là. Risque entre guillemets, O.K. il faut
s'entendre, là. Mais c'est... Il faut comprendre que ce n'est pas une promesse
d'achat d'un immeuble où tu t'en vas en action en passation de titre, vous
comprenez? Ce n'est pas ça qui va arriver, là.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup.
Le Président
(M. Bachand) :Sur ce, Me Marineau et
Me Houle, merci beaucoup d'avoir été avec nous. C'est très apprécié. Donc,
avant de conclure les auditions, je procède au dépôt des mémoires des personnes
et organismes qui n'ont pas été entendues lors des audiences publiques. Cela
dit, la commission ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux au
mardi 4 avril à 9 h 45, où elle va entreprendre un nouveau mandat.
Belle soirée. À bientôt.
(Fin de la séance à 18 h 07)