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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mercredi 22 mars 2023 - Vol. 47 N° 6

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet n° 12, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et visant la protection des enfants nés à la suite d’une agression sexuelle et des personnes victimes de cette agression ainsi que les droits des mères porteuses et des enfants issus d’un projet de grossesse pour autrui


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Journal des débats

11 h (version non révisée)

(Onze heures quatorze minutes)

Le Président (M. Bachand) :Bonjour à tous et à toutes. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je vous souhaite encore une fois la bienvenue.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi numéro 12, loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et visant la protection des enfants nés à la suite d'une agression sexuelle et des personnes victimes de cette agression ainsi que les droits des mères porteuses et des enfants issus d'un projet de grossesse pour autrui.

Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Boivin Roy (Anjou—Louis-Riel) est remplacée par Mme Gendron (Châteauguay); M. Lemieux (Saint-Jean), par Mme Picard (Soulanges).

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Ce matin, nous allons débuter par les remarques préliminaires, puis après nous entendrons, par la suite, les organismes suivants : le Réseau des centres d'aide aux victimes d'actes criminels et le Conseil du statut de la femme.

Avant de débuter, je pense qu'il est important de le dire, permettez-moi de commencer nos auditions afin d'apporter des précisions étant donné la nature des propos discutés dans le cadre de ces consultations. Dans ce contexte, je vous invite à la prudence lorsque vous êtes amenés à évoquer un cas en particulier et afin d'éviter de dévoiler des renseignements personnels ou confidentiels concernant des personnes impliquées. En conséquence, je vous invite donc à amorcer une discussion sur le projet de loi tout en faisant preuve de prudence. Sur ce, pour les remarques préliminaires, M. le ministre, pour six minutes.

M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, chers collègues, c'est avec enthousiasme que nous entamons aujourd'hui les consultations particulières sur le projet de loi 12 portant sur la réforme du droit de la famille en...

M. Jolin-Barrette : ...matière de filiation et visant la protection des enfants nés à la suite d'une agression sexuelle et des personnes victimes de cette agression ainsi que les droits des mères porteuses et des enfants issus d'un projet de grossesse pour autrui.

Le droit de la famille concerne et touche directement chacun d'entre nous à différents niveaux. Nous avons toutes et tous été l'enfant de quelqu'un et peut-être songeons nous aujourd'hui à fonder une famille, ou bien, pour plusieurs d'entre nous, nous sommes déjà parents. Nous voulons tous ce qu'il y a de mieux pour nos enfants. C'est à eux que nous pensons quand nous partons travailler le matin, c'est leur bien-être, leur sécurité et leur avenir que nous avons en tête lorsque nous prenons des décisions. Et c'est ce que nous devons avoir en tête tout au long de nos travaux sur cette réforme.

Nous aborderons, au cours des prochains jours, des sujets délicats mais essentiels. Avec le projet de loi 12, nous donnons suite au projet de loi deux qui posait les premiers jalons d'une importante réforme du droit de la famille lors du précédent mandat. En plus de reprendre les mesures du projet de loi numéro deux qui n'ont pu être étudiées, notamment la question de la grossesse pour autrui et la connaissance des origines en matière de procréation assistée, le projet de loi 12 vient corriger une aberration. L'été dernier, une situation ignoble a été mise en lumière grâce au témoignage d'une courageuse jeune femme. C'est le cri du cœur d'Océane, cette jeune femme qui a donné naissance à un enfant à la suite d'un viol et qui n'a pu empêcher l'agresseur d'établir sa paternité, qui a permis de lever le voile sur une importante faille dans la loi. Grâce à Océane, nous venons corriger cela et nous assurer qu'aucune mère n'ait à vivre avec la peur au ventre, qu'un jour leur agresseur cherche à avoir des droits sur leur enfant. Avec le projet de loi 12, il sera possible pour une mère dont l'enfant est issu d'un viol, de refuser à l'agresseur l'établissement de sa paternité. Celle-ci pourra également être retirée si la filiation est déjà établie.

Par ailleurs, nous ne voulons surtout pas que l'enfant et la mère soient pénalisées financièrement par cette décision. L'agresseur pourra ainsi être tenu, même en l'absence de liens de filiation, à verser à la mère une indemnité pour l'aider à subvenir aux besoins de l'enfant.

D'autre part, le projet de loi propose un important rattrapage en ce qui concerne la grossesse pour autrui. Malgré que des enfants naissent d'une grossesse pour autrui chaque année au Québec, ce processus n'était ni reconnu ni encadré légalement, contrairement à la majorité des autres États fédérés du Canada. Le projet de loi institue donc un processus clair, prévisible et sécuritaire.

En résumé, la femme qui porte l'enfant conserve l'entière autonomie de disposer de son corps comme elle l'entend. La femme qui porte l'enfant peut résilier la convention de grossesse pour autrui unilatéralement en tout temps. La rémunération est interdite, mais le remboursement de certaines dépenses est admissible, et les parents d'intention qui changeraient d'idée en cours de route ne peuvent pas abandonner l'enfant. Les parents d'intention et la femme qui prévoit porter l'enfant devront participer à une séance d'information préalable dans le but de permettre à tous de prendre une décision éclairée. Ainsi, une convention, dont le contenu sera balisé par règlement, devra être conclue devant un notaire. Le cadre que nous mettons en place permet de protéger à la fois le droit des enfants à naître et ceux de la mère porteuse.

Le troisième et dernier volet principal du projet de loi concerne la connaissance des origines en matière de procréation assistée. L'accès à la connaissance de ses origines est un besoin fondamental des enfants. Les experts s'entendent pour dire que celui-ci peut être déterminant pour le cheminement et le développement de l'identité de chacun. Rappelons que le projet de loi numéro deux, sanctionné en juin dernier, est venu élargir les règles sur la connaissance d'origine en matière d'adoption. Soulignons aussi que le droit à la connaissance des origines est devenu un droit fondamental inscrit à la Charte des droits et libertés de la personne, la charte québécoise. Dans le projet de loi no 12, nous légiférons pour assurer que les enfants qui naîtront d'un don de gamètes ou d'une grossesse pour autrui puissent eux aussi avoir accès à la connaissance de leurs origines. En somme, nous voulons que tous les enfants puissent connaître leurs origines et leur histoire, peu importe la façon dont ils ont été conçus.

En terminant, nous pourrons entendre au cours des prochains jours différents experts et groupes se prononcer, nous partager leur savoir sur les grands volets de la réforme. Nous entamons ces consultations avec ouverture et en ayant toujours en tête l'intérêt de nos enfants. Je le réitère, les enfants sont ce que nous avons de plus précieux, et c'est leur intérêt qui doit primer dans toutes les décisions. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député d'Acadie pour trois minutes 36 secondes, s'il vous plaît.

M. Morin : Merci. Merci, M. le Président. Avec ma collègue la députée de Robert-Baldwin, on est heureux de pouvoir participer à nouveau aux travaux de la Commission sur les institutions dans le cadre d'un projet de loi qui est, effectivement, très, très important et qui vise à régulariser, finalement, une situation. Parce que, comme vous le savez, dans le Code civil actuel, toutes les conventions en matière de grossesse pour autrui, évidemment, sont nulles. Donc, M. le ministre le soulignait, c'est une réalité qui existe dans les autres provinces du Canada, et on est d'avis qu'il faut effectivement que le législateur québécois s'intéresse à cette question.

• (11 h 20) •

Je tiens à souligner la présence du professeur Roy, ancien collègue, distingué chercheur dans le domaine du droit de la...

M. Morin : ...alors ça me fait plaisir de le revoir. Et je vous dirais que ce projet de loi est un pas dans la bonne direction. Vous l'avez mentionné d'emblée, M. le Président, on va travailler avec des concepts qui sont très importants et qui, je pense, qu'il ne faut pas mettre en opposition, c'est-à-dire le droit des femmes à disposer de leur corps et l'intérêt supérieur de l'enfant. Je pense qu'il faut travailler puis y voir une interrelation et non pas une opposition.

Donc, ce projet de loi va tenter, évidemment, de régler ces situations-là. Cependant, il y a des questions qui se posent, et c'est la raison pour laquelle, compte tenu du contexte et des textes même, et de l'objet du projet de loi, on est heureux de voir qu'on va entendre plusieurs groupes, en commission parlementaire, pour augmenter, accroître, finalement, non seulement notre connaissance, mais s'assurer que le projet de loi sera le meilleur pour l'ensemble des Québécoises et des Québécois. Il y a des questions qui restent cependant un peu en suspens, puis on aura probablement la chance ou l'opportunité d'en débattre. Par exemple, est-ce que, dans le cas d'une convention de grossesse pour autrui, on devrait le permettre, lors d'une première grossesse, ou pas? Quel sera tout le soutien, les conseils psychologiques qui viendront éclairer toutes les personnes qui voudront se lancer évidemment dans un tel projet?

Je suis aussi conscient qu'il faudra s'assurer, et ça, ça m'apparaît hyperimportant, de bien informer la population quand, éventuellement, il y aura des modifications au Code civil en ce sens. Pourquoi? Bien, parce qu'il y a sûrement des gens qui vont tenter de se lancer seuls, sans conseil juridique, à tout le moins, dans cette aventure, dans ce projet. Et donc il faudrait s'assurer que tout soit fait conformément et que les gens, dans la population, soient bien conscients de ça, en quoi ils s'engagent. Et, à ce moment-là, on peut s'interroger. On sait que la convention de grossesse sera faite... ou, en fait, selon le projet de loi, par acte notarié.

Est-ce que ça devrait être uniquement un acte notarié, est-ce qu'il pourrait y avoir d'autres véhicules juridiques? Est-ce qu'il serait important, pour bien renseigner la population, de demander aux couples, aux gens qui qui veulent avoir ce projet-là d'obtenir, par exemple, un avis juridique avant, pour être bien conscient de toutes les implications que cela implique? C'est autant, je pense, de questions de débat que nous pourrons avoir dans le cadre des travaux de la commission. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le député. Mme la députée... Mme la députée de Vaudreuil, pardon.

Mme Nichols : Merci, merci, M. le Président. Alors, bien contente de participer au projet de loi n° 12, le droit de la famille, c'est un droit... c'est un droit superimportant. C'est un droit qui est délicat. C'est un droit qui, disons-le, est humain, très humain et, évidemment, un droit qui est souvent très émotif. Donc j'imagine qu'il y aura beaucoup d'émotion, là, durant les travaux du projet de loi n° 12, mais c'est, du moins, un projet de loi qui, je pense, est essentiel parce que le droit de la famille est aussi un droit qui évolue. Et je pense qu'il y a certaines... certaines notions, là, qui se doivent d'être d'être mises à jour, comme le disait M. le ministre, là, des situations, comme le cas de la jeune Océane, je pense que ça mérite, ça mérite qu'on s'y attarde puis qu'on mette nos lois à jour.

Comme la plupart des collègues ici et comme les groupes, là, qui participeront, qu'on entendra lors des auditions, bien, ça me fera plaisir... Je suis avocate en droit familial, comme ma collègue de Robert-Baldwin. Donc, il me fera plaisir à moi aussi de pouvoir apporter une certaine... une certaine expertise. Puis je suis certaine que, tous ensemble, bien, on va trouver le droit chemin ou, en fait, une façon d'améliorer le bien-être de notre population.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Et voilà maintenant le député de Jean-Lesage. M. le député, très heureux de vous voir ce matin. Alors, la parole est à vous. Je sais que c'est un petit peu à la dernière seconde, mais je vous laisse faire vos remarques préliminaires, M. le député. 

M. Zanetti : Merci, M. le Président. Je ne ferai pas de remarques préliminaires.

Le Président (M. Bachand) :Mais je voulais vous donner la chance, M. le député de Jean-Lesage. Alors, merci beaucoup.

Alors, nous allons maintenant débuter avec notre premier... nos premiers témoins. Alors, je souhaite la bienvenue, bien sûr, aux représentants, représentantes du Réseau de centres d'aide aux victimes d'actes criminels. Encore une fois, merci beaucoup d'être avec nous ce matin. Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, après ça, on aura une période d'échange avec les membres. Donc, je vous invite d'abord à vous présenter et à débuter votre exposé. Merci.

Mme Villeneuve (Marie-Christine) : Bien, bonjour, tout le monde. Mesdames, messieurs, merci de me donner l'opportunité de prendre la parole aujourd'hui puis de se faire entendre au sujet du projet de loi n° 12...

Mme Villeneuve (Marie-Christine) : ...je me nomme Marie-Christine Villeneuve, je suis coordonnatrice aux communications et aux relations publiques du réseau des CAVAC.

D'entrée de jeu, peu- être vous dresser un bref portrait de ce qu'est le réseau des CAVAC. Donc, le réseau est composé de 17 centres d'aide aux victimes d'actes criminels, qui sont situés un peu partout au Québec, qui offrent des services gratuits et confidentiels, d'abord, évidemment, aux personnes qui sont victimes directement d'un crime, ensuite, à leurs proches, mais aussi aux témoins d'infractions criminelles qui peuvent vivre beaucoup de conséquences. Donc, ces services-là sont disponibles, peu importe l'âge, peu importe le sexe, l'identité de genre des personnes, peu importe le moment où le crime a lieu et peu importe si la personne a porté plainte ou non à la police, qu'il y ait un suspect qui ait été identifié ou non. On offre un très large éventail de services, donc l'intervention post-traumatique, l'intervention psychosociale, on offre également tout l'accompagnement dans le processus judiciaire, la préparation à un témoignage, l'information sur les droits et recours. On va aussi pouvoir assister les personnes victimes pour ce qui est de remplir les différents formulaires, par exemple, pour une indemnisation à l'IVAC. On offre également, dans le cas où on juge qu'il y a un besoin, une orientation vers une ressource qui sera plus spécialisée ou encore complémentaire à ce qu'on peut offrir.

L'an dernier, nos équipes ont offert, là, environ... des services à environ un peu plus de 66 300 personnes, et ces services-là sont offerts par des équipes d'intervention qui sont composées principalement de sexologues, de criminologues, de travailleurs et travailleuses sociaux, de psychoéducatrices, également, qui sont membres de leurs ordres professionnels. Et ces équipes-là sont en place dans les sièges sociaux, évidemment, mais aussi dans les palais de justice, dans les postes de police, donc sont là de façon permanente, ce qui permet vraiment une proximité avec nos partenaires puis de faire en sorte qu'il y ait une excellente collaboration, une proximité avec ces partenaires-là. Ça constitue donc, chacun de ces endroits-là, là, 185 portes d'entrée pour les personnes qui ont accès à nos services.

Donc, comme plusieurs, il faut dire que le réseau des CAVAC est très ébranlé par la situation d'Océane, mentionnée un petit peu plus tôt, qui a été exposée dans les médias l'été dernier, particulièrement par cette incongruité dans la loi qui permet ce genre de situation là, qui ouvre la porte à cette souffrance-là et même, voire à la continuité de l'agression. Donc, en raison de notre mission, en raison de la mission du réseau des CAVAC, on a été interpellés par les conséquences pour les personnes victimes qui se voient de cette façon-là imposer la présence de leurs agresseurs dans leur vie et dans celle de leurs enfants. Et on a été interpellés par les enjeux qui ont donc été mis en lumière par cette prise de parole là.

Donc, c'est vraiment relativement aux mesures proposées spécifiquement à cet égard-là dans le projet de loi n° 12 qu'on va prendre la parole aujourd'hui et non pas sur les autres dispositions, là, qui sont prévues au projet de loi. On va s'attarder plus précisément à la filiation, puis à la responsabilité financière, là, relative à un enfant qui est issu d'une agression sexuelle. Au réseau des CAVAC, on est d'avis que le droit à l'établissement de la filiation devrait être la volonté unique de la personne victime ou encore de l'enfant qui est issu de l'agression et que ça ne devrait jamais être un droit pour la personne qui a commis l'agression, étant donné l'ampleur des impacts pour les personnes victimes, les impacts de ce crime-là. Par contre, on ne voudrait pas que l'enfant soit privé des droits qui accompagnent la filiation puis on juge donc nécessaire qu'il puisse se prévaloir de ses droits s'il le désire, et ce, sans prescription quant au moment d'en faire la demande.

Finalement, tant que la personne... en fait, tant pour la personne victime que pour l'enfant qui est issu de l'agression sexuelle, bien, ces gens-là devraient pouvoir bénéficier de tout soutien nécessaire, notamment au niveau légal, au niveau psychosocial, en lien avec les enjeux puis les répercussions que l'exercice des droits qui sont prévus dans le projet de loi n° 12 pourrait générer.

Donc, pour analyser plus en profondeur les mesures de filiation et de responsabilité financière, je vais tout de suite passer la parole à mes collègues. Je suis accompagnée aujourd'hui, j'ai oublié de le dire, mais de Dave Lysight, qui est directeur général du CAVAC Mauricie, et de Jenny Charest, directrice générale du CAVAC Montréal. Donc, je passe la parole à mon collègue, Dave Lysight.

• (11 h 30) •

M. Lysight (Dave) : Concernant la filiation, notre souhait serait qu'une personne ayant commis une agression sexuelle ne puisse en aucun cas requérir à l'établissement de sa filiation auprès d'un enfant issu de cette agression. Nous comprenons évidemment que cette agression doit tout d'abord être prouvée afin de contrer une telle requête. Dans l'éventualité où une personne ayant commis l'agression a été reconnue coupable, celle-ci... devant un tribunal.


 
 

11 h 30 (version non révisée)

M. Lysight (Dave) :  ...n'y aurait-il pas la possibilité de créer un automatisme afin de faire en sorte qu'il ne soit tout simplement pas possible pour cette personne de requérir à l'établissement de la filiation, de prévoir la création d'une passerelle entre les différentes instances judiciaires afin de bloquer ces types de demande?

Nous sommes en faveur de la mesure permettant de contester la filiation initialement établie entre une personne ayant commis une agression sexuelle et l'enfant issu de cette agression. Il n'est pas rare qu'une personne victime prenne plusieurs années avant de dévoiler ce qu'elle a vécu. Il est donc important et essentiel de tenir en compte tous les aspects sensibles à cette problématique qui sont observables dans notre pratique et documentés abondamment en littérature, notamment dans le délai relatif qui est possible entre l'agression et l'apparition des symptômes, des conséquences, la force nécessaire également de dévoiler ainsi que dans un contexte, et la nature de l'agression. Cette mesure est donc encore en cohérence avec la réalité des personnes victimes et aux mesures permettant leur rétablissement. Dans le même sens, l'imprescriptibilité en matière d'actions relatives à la filiation nous semble alors tout à fait approprié. Cette disposition fait d'ailleurs écho aux modifications des dernières années relatives à l'abolition de la prescription en matière de recours civil ou encore en matière d'indemnisation des personnes victimes d'infractions criminelles d'ordre sexuel.

Nous considérons important et pertinent que les mesures relatives à la filiation ne soient pas tributaires que simplement d'une condamnation de la personne ayant commis l'agression sexuelle par un tribunal d'instance criminelle. En effet, il est bien connu et documenté que plusieurs victimes d'agression sexuelle ne dénoncent pas ce qu'elles ont vécu aux autorités. Il nous semble ainsi approprié que les dispositions législatives proposées mentionnent explicitement qu'un jugement reconnaissant l'existence d'une agression sexuelle pourra faire faciliter la preuve devant une instance civile. Cependant, et nous soulignons que nous ne sommes pas juristes. Nous avons des préoccupations quant à l'évaluation ou au traitement qui serait fait devant un tribunal civil d'un acquittement en matière criminelle. Nous comprenons que le fardeau de la preuve est différent des deux instances. Un acquittement devant une instance criminelle ne signifie pas nécessairement qu'une agression n'a pas eu lieu. Il sera donc important et primordial d'en tenir compte. Nous comprenons que la survenance de cette agression sexuelle devra être démontrée, soit par prépondérance de preuve selon les mêmes principes qu'une personne victime qui pourrait... qui poursuivrait la personne l'ayant agressée devant un tribunal civil. Ces enjeux de preuves nous préoccupent dans un contexte où ce type d'agression se produit, dans presque tous les cas, dans l'intimité, à l'abri des regards de témoins qui pourraient corroborer les faits.

Finalement, nous comprenons la prise en compte de l'intérêt de l'enfant à l'article 142.22. Mais il me semble que, dans le cas particulier de naissance à la suite d'une agression sexuelle, l'intérêt de la personne victime devrait également être pris en compte, encore plus dans la situation où la personne victime est titulaire de l'autorité parentale et qu'elle a la garde de l'enfant, particulièrement lorsque l'enfant est en bas âge et n'a jamais eu de contact avec l'auteur du crime.

En raison du contexte si particulier de la naissance de cet enfant, le bien être de cette personne victime qui est central et l'intérêt de l'enfant devraient être nécessairement pris en compte et en considération. Il est également essentiel que la personne victime ou l'enfant issu d'une agression sexuelle soient informés de la possibilité que le jugement sur la filiation autorise le changement de nom auprès de la direction de l'état civil. Le fait de porter le nom de l'agresseur peut être très dommageable, voire un élément de revictimisation au quotidien, autant pour la personne victime que pour l'enfant né des suites de l'agression. Il nous semblerait approprié de prévoir des mesures visant les mêmes objectifs que les articles 542.2, 542.9 al.1, en matière de procréation assistée pour l'enfant issu d'une agression sexuelle dont la filiation est établie. Nous comprenons bien qu'il n'y a ici pas d'enjeu d'informations détenues par une tierce organisation qui pourrait ... dont l'information pourrait être malencontreusement divulguée à l'enfant. Cependant, nous avons le souci que, lorsque l'information sera transmise à l'enfant, si elle l'est, qu'elle le soit en réponse à ses besoins, de façon adéquate, toujours en respect de son âge, de ses étapes de développement, mais surtout avec le soutien nécessaire pour la personne victime, mais aussi pour l'enfant...

M. Lysight (Dave) : ...Il nous semble impératif, et ce, même si ça ne fait pas l'objet du projet de loi actuel qui est en étude, que cet enfant soit considéré comme une personne victime au sens de la loi visant à aider les personnes victimes d'infractions criminelles et à favoriser leur établissement.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Très bon timing. Honnêtement, vous êtes... vous avez bien fait ça. M. le ministre, une période d'échanges pour une période de 16 minutes 30 secondes.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mme Charest, M. Lysight, Mme Villeneuve, merci de votre présentation et de vous rendre disponibles. Que le Réseau des centres d'aide aux victimes d'actes criminels vienne présenter son point de vue en commission parlementaire, d'entrée de jeu, je vous remercie, parce que vous allez apporter un éclairage et votre expertise, relativement au soutien aux personnes qui sont victimes, avec le réseau dans toutes les régions du Québec. Puis je peux dire que vos intervenants, je le constate depuis que je suis ministre de la Justice, ils font un très bon travail d'accompagnement, de soutien, et je pense qu'il faut le saluer. Vous êtes une référence auprès des personnes victimes, vous les aider notamment à ce qu'à la cour, ça se passe bien aussi, puis votre présence est extrêmement sécurisante pour les personnes victimes. Alors, je tiens à vous remercier.

Dans le cadre du projet de loi n° 12, ce qu'on souhaite faire, c'est vraiment donner le choix à la personne qui est victime du viol de déterminer, en sa qualité de tutrice de l'enfant, quelle est la meilleure option pour sa situation familiale, ce qu'elle souhaite. C'est pour ça que dans le projet de loi, il y a différents scénarios qui peuvent être envisagés par la personne victime de viol.

Je donne un exemple. Il pourrait... arriver que la personne victime elle-même décide de vouloir établir la filiation de son enfant avec monsieur. Mais, par contre, on est venu faciliter le recours à la déchéance de l'autorité parentale automatiquement pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de lien de garde et d'autorité parentale sur l'enfant, ce qui voudrait dire que, dans ce cas-ci, la victime pourrait demander une pension alimentaire régulière à monsieur, ça pourrait être un choix qui est envisagé par la victime. Dans l'éventualité où madame ne veut pas avoir... qu'un lien de filiation soit établi entre son enfant et l'auteur de l'infraction criminelle, bien là, à ce moment-là, c'est là que le mécanisme d'indemnité s'applique. Donc, objection à la filiation mécanique d'indemnité, mais également sur les droits successoraux de l'enfant, où est-ce qu'on voulait s'assurer que l'enfant ne perde pas ses droits successoraux.

J'aurais une question pour vous, où on est dans le scénario sur le critère de l'intérêt de l'enfant. Parce que vous avez dit, dans vos propos, le critère s'ajoute lorsqu'il y a déjà établissement de filiation. Exemple, en matière de violence conjugale, où il y a un viol conjugal, puis que les parties sont ensemble depuis un certain temps, puis que madame ne réussit pas à s'extirper de la relation toxique depuis plusieurs années, mais supposons qu'elle réussit à le faire après trois ans. À ce moment-là, l'enfant connaît son père, a établi des liens, vit... font vie commune, supposons, et c'est pour ça qu'on est venu mettre le critère de l'intérêt de l'enfant pour briser la filiation. Mais vous, ce que vous nous dites, c'est que l'intérêt de la victime devrait être pris en considération, même si la filiation, elle était déjà établie. C'est bien ça que j'ai compris?

M. Lysight (Dave) : Tout à fait.

M. Jolin-Barrette : O.K.

Mme Charest (Jenny) : Oui, tout à fait. Si vous me permettez, en fait, l'intérêt de la personne victime... En fait, la personne victime, c'est aussi dans l'intérêt de l'enfant, parce que, plus la personne victime va arriver à favoriser son rétablissement, plus elle va être en mesure aussi de soutenir l'enfant. Et une personne victime qui est directement en lien avec un agresseur, on peut parler que ça peut limiter ses compétences parentales aussi et ça peut limiter la capacité d'offrir à son enfant l'environnement le plus facile et le plus optimal pour son développement.

M. Jolin-Barrette : O.K.

Mme Charest (Jenny) : Alors, oui, c'est clair... Si je peux me permettre, justement, un des éléments qui nous est apparu et dont on n'a pas eu le temps de parler au niveau du financement, hein, des mesures financières, qui nous apparaissaient quand même très, très pertinentes, mais un des éléments qu'on voyait qui manquait, justement, c'était le bout de... on parle de l'intérêt de l'enfant. La personne victime n'a pas de prescription pour faire différentes actions en lien avec sa victimisation. Quand on parle de l'enfant issu d'une agression sexuelle, il y a une prescription liée au fait qu'il est mineur.

• (11 h 40) •

Donc, la personne adulte qui serait issue d'une agression sexuelle n'a pas les mêmes droits dans le projet de loi actuel que si elle était mineure, que sa mère, en fait, parce que cette personne-là, un des éléments qu'on se...

Mme Charest (Jenny) : ...c'est qu'elle n'est pas actuellement, en tout cas, selon notre compréhension, reconnue comme une personne victime au sens de la... donc elle n'a pas droit à toutes les indemnisations de l'IVAC. Donc, on pense à une situation, par exemple, où l'agression sexuelle devient connue seulement à l'âge adulte, donc un jeune homme, une jeune femme qui apprend que, finalement, sa naissance est issue d'un viol. Et ça, on le voit régulièrement chez une personne victime qui ne nomme pas. Ça peut être dans un contexte conjugal, comme aussi dans un contexte où c'est un lien autre, je dirais, que ce qui ne s'est pas poursuivi, mais cette personne-là, nous, on le constate, va avoir beaucoup d'impacts, va avoir exactement les mêmes réactions, les mêmes conséquences qu'une personne victime.

Alors, je pense que dans les éléments, les mesures qui ont été choisies, qui ont été identifiées sont très novatrices et pertinentes, mais je pense qu'il faut aussi avoir une attention particulière par rapport à cette situation-là, dans la perspective de reconnaissance de personnes victimes.

Mme Villeneuve (Marie-Christine) : Oui, Jenny, puis peut-être juste pour rajouter, parce que, dans le cas où, effectivement, la personne adulte l'apprend à l'âge adulte, non seulement elle n'a pas de recours au niveau du projet de loi qui est prévu présentement, mais elle n'est pas reconnue comme une personne victime, donc elle se retrouve un peu, là, sans sans aide à ce moment-là. Puis, comme Jenny l'a indiqué, les conséquences peuvent être très importantes pour cette personne-là qui apprend une nouvelle qui peut complètement chambouler sa vie, on le comprend.

M. Jolin-Barrette : Peut-être juste pour apporter certaines précisions, sous la Loi sur l'indemnisation des personnes victimes, dans le fond, l'enfant peut présenter une demande de qualification en tant qu'enfant de la personne victime. Donc, il y a des offres de soutien psychologique, notamment, psychothérapique, puis certaines aides financières qui sont offertes en tant que soutien de la personne qui est victime, donc qui est au niveau de sa cellule familiale. Ce n'est pas lui qui est victime de l'infraction criminelle, mais je comprends ce que vous demandez, vous voudriez qu'on le considère comme personne victime, directement?

L'autre point...

Mme Charest (Jenny) : Oui, parce que...

M. Jolin-Barrette : Oui, allez-y, allez-y.

Mme Charest (Jenny) : Oui, oui, tout à fait, vous avez raison, on ne dit pas du tout qu'il n'y a pas de soutien, mais on pense que cette personne-là devrait être considérée de la même façon, que le fait d'être issu d'une agression sexuelle devrait être considéré comme une victimisation directe.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur l'autre point, quand vous disiez : Il y a une prescription relativement au fait que, exemple, l'indemnité, elle est prescrite, en fait, il y a un délai de prescription de trois ans en haut de 18 ans, mais, en fait, jusqu'à 18 ans, le titulaire de l'autorité parentale, c'est lui qui présente la demande. Au-delà de 18 ans, bien, en fait, c'est si la personne, elle est à charge. Donc, il peut aller avec trois ans de rétroactivité, ça fait que, exemple, supposons que l'enfant a 21 ans et là présente sa demande à ce moment-là, bien, il va couvrir sa période antérieure quand même, de 18, 19, 20 ans, 21 ans et plus, pour le futur, également, jusqu'à son 25e anniversaire, supposons, qui est à charge aussi. Ça fait que je tiens à vous rassurer sur ce volet-là également.

Je serais curieux de savoir, est-ce que, selon votre expérience, vous, vous avez vécu, dans vos réseaux, ce genre de situation là qui a été vécu par Océane? Sur le terrain, là, des victimes comme ça, des enfants issus puis des gens qui tentaient d'établir leur filiation qui avaient agressé sexuellement une femme.

M. Lysight (Dave) : De notre côté, je vous dirais que c'est... comme ma consœur Jenny le mentionnait, effectivement, c'est des situations qui nous arrivent quand même assez fréquemment, mais, comment je pourrais vous dire, on ne... les personnes victimes qui ont... comment je pourrais dire, qui ont eu ce type de situation, en fait, ça prend vraiment énormément de courage, énormément de détermination avant de pouvoir frapper à la porte, dans le fond, parce que, justement, c'est... Comme je le nommais tout à l'heure, tu sais, c'est tout le caractère intime, hein, de tout ça. Puis je ne sais pas si Jenny voudrait rajouter quelque chose.

Mme Charest (Jenny) : Oui. En fait, j'ai envie de vous dire qu'il y a toutes sortes de situations, et ce qu'on constate beaucoup dans nos services, ce sont des personnes qui réalisent avoir été victimes d'une agression, la personne ne l'a pas réalisé tout de suite. On le voit beaucoup, dans les dernières années, avec le phénomène de moiaussi où les gens mettent des mots sur des situations, alors que ces personnes-là vivaient des conséquences depuis plusieurs années, mais n'avaient pas été en mesure d'identifier que c'était en lien avec ça. Et ça, on le constate régulièrement.

Vous avez parlé de violence conjugale, donc de violence sexuelle à l'intérieur de situations de violence conjugale. Ça, on l'a de manière presque quotidienne, où les gens doivent.

Mme Charest (Jenny) : ...vivre avec les impacts de soi. Une fois que la personne, comme vous l'avez dit, est sortie de la relation, le fait de voir et d'identifier la violence sexuelle comme étant au cœur du couple, et des conséquences qui ont été vécues, je pense que c'est hyper important de s'assurer en fait que ces personnes-là, lorsqu'elles décident, les femmes victimes de poursuivre et d'aller chercher les éléments. Quand on parlait tantôt de passerelle, de s'assurer aussi qu'on facilite le parcours de cette personne-là qui réalise qu'elle a été victime et qui veut faire valoir ses droits. Donc, oui, on constate régulièrement. Comme Océane, une situation comme celle-là, on ne l'a pas constatée, nous, à Montréal. C'est quand même assez rare. Mais, en même temps, combien de personnes ne sont pas venues nous voir et l'ont vécu et n'osaient pas aller sur la place publique ou aller consulter, ne connaissant pas leurs droits en fait? Donc, j'ai envie de vous dire que le fait de proposer un projet de loi comme celui-là, ça va faire en sorte que ces personnes-là vont venir consulter.

M. Jolin-Barrette : Excellent! Écoutez, je vous remercie. Je sais que mes collègues souhaitent vous poser des questions, alors un grand merci pour votre présence en commission parlementaire.

Le Président (M. Bachand) :Merci, M. le ministre. Mme la députée de Charlevoix- Côte-de-Beaupré.

Mme Bourassa : Oui, merci beaucoup. Merci beaucoup de votre temps pour un sujet aussi sensible. Bon, vous avez dit que c'est malheureusement fréquent qu'il y a des grossesses qui sont issues d'actes criminels, d'actes sexuels. Le Québec n'en fait pas exception, mais ça, ce doit se voir ailleurs. Alors, j'aimerais savoir, est-ce qu'il y a d'autres États ou d'autres endroits où on a utilisé une gestion financière pour limiter le contact entre les victimes et les agresseurs? Est- ce que ça a été... Comment c'était structuré? Est-ce que ça a été un succès? Est-ce que vous avez des références extérieures?

Mme Villeneuve (Marie-Christine) : Je ne sais pas si mes collègues ont une réponse. Jenny? Je ne crois pas qu'on ait fait cet exercice-là.

Mme Charest (Jenny) :  Non. J'ai envie de vous dire qu'on n'est pas allé fouiller si ça existait ailleurs puis on est plus allés, nous, dans la perspective de comment faire pour mettre en place différentes modalités, pour faciliter les choses parce que ce qu'on constate parfois, c'est quand un droit est là, mais trop compliqué à faire valoir ou trop compliqué dans le quotidien de la personne, mais ça va arriver fréquemment que la personne va finalement décider de ne pas tenter de le faire valoir, ce droit-là. Et ce qu'on constate, c'est que ça ne va pas répondre non plus au droit ou rétablissement.

La loi sur l'aide aux personnes victimes d'infractions criminelles vise à favoriser le rétablissement. Alors, on se dit que si des droits sont mis en place, mais qu'on ne facilite pas les choses, ça va être plus complexe. Mais on pourrait certainement aller voir si ça existe ailleurs pour trouver des façons, parce qu'on pense que c'est vraiment un élément qui pourrait vous faire en sorte que les personnes utiliseraient ces mécanismes-là et iraient plus se faire valoir leurs droits, et ça, ça redonnerait un certain pouvoir aux personnes victimes.

Rappelons- nous que, quand on parle de violence sexuelle, on parle quand même de pouvoir, on parle d'abus. Donc, il faut aussi tenir compte de ça dans notre façon de mettre en place, là, tout ce qui est possible pour soutenir.

Mme Bourassa : Il reste quelques minutes. J'aimerais vous entendre sur la proposition que ça soit un montant unique et non un genre de pension alimentaire pour éviter justement le contact victime agresseur. À quel point c'est important de limiter dans le temps les contacts entre la victime et l'agresseur?

• (11 h 50) •

Mme Charest (Jenny) : Je peux, je peux y aller encore. En fait, on a envie de vous dire que ce qu'on constate, c'est qu'il y a toutes sortes de situations. On l'a vu justement IVAC ou, parfois, c'est des forfaits où, parfois, c'est justement... c'était une rente auparavant et tout. J'aurais envie de dire que ça dépend de la situation, qu'un montant pourrait ne pas répondre à tous les besoins d'un enfant. Ça pourrait faire en sorte que la personne va l'utiliser, et ensuite l'enfant... Si on pense à l'intérêt de l'enfant pendant 18 ans, est-ce qu'il va avoir accès à cet argent-là ou va pouvoir être soutenu de manière plus concrète pendant plus longtemps? Mais, dans certaines situations, il vaut mieux que ce soit un montant unique, et la personne, à ce moment-là, pourra le gérer. Mais c'est pour ça qu'on s'enlignait, nous, plus vers une façon de faire qui favoriserait de limiter le lien entre la personne, le père et la personne victime, mais qui pourrait continuer de répondre aux besoins de l'enfant...

Mme Charest (Jenny) : ...un enfant peut vivre toutes sortes de choses aussi dans sa vie, peut se retrouver avec une maladie. Un enfant qui est issu d'une agression sexuelle, on peut penser qu'il n'est pas nécessairement toujours dans les meilleures conditions, donc d'aller à une fois plus tôt que sur une longue période pour assurer de répondre aux besoins de cet enfant-là n'est pas toujours la bonne façon, mais c'est une façon pour limiter le lien. C'est clair.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Le temps est très... passe très rapidement. Mme la députée Laval-des-Rapides pour une 1 min 30 s.

Mme Schmaltz : Vimont.

Le Président (M. Bachand) :Mme la députée de Vimont. Non, mais c'est parce que j'avais...

Mme Schmaltz : O.K. Parfait. En fait, vous savez, souvent, quand un enfant est adopté, on lui... on lui dit très rapidement, quand un enfant est issu d'une insémination, la même chose, au même titre qu'un enfant dont le père est décédé, on lui apprend très rapidement, là, les... ce genre d'événement-là, pensez-vous qu'un enfant... un enfant issu, on va dire, par un viol, devrait être rapidement mis au courant de cet état de fait? Justement, peut-être pour... je sais que c'est votre deuxième préoccupation par rapport à l'âge, là, notamment, est-ce que ça fera en sorte que ce serait peut-être plus facile de... d'évoluer là-dedans, là, pour le reste...

Le Président (M. Bachand) :En 30 secondes, s'il vous plaît. Merci. Désolé.

Mme Villeneuve (Marie-Christine) : Je ne sais pas si je peux peut-être débuter rapidement, là, puis mes collègues compléteront, mais je pense qu'il faut, dans cette situation-là, prendre compte aussi la position de la personne victime. Dans les exemples que vous donnez, ce sont des personnes qui... qui n'ont pas été victimes d'un crime, donc qui sont dans une situation autre où le traumatisme qui a été suscité par le crime ne vient pas jouer dans la situation. Donc, oui, il faut prendre en compte est-ce que l'enfant est prêt, est-ce que ce serait bénéfique pour lui d'apprendre cette nouvelle-là, mais il faut aussi considérer que la personne qui est victime, elle aussi vit toutes sortes d'émotions et toutes sortes de conséquences en lien avec le crime, donc, l'origine finalement de... du problème, si je peux dire ça comme ça, donc, c'est une situation qui est différente et, à ce moment-là, je pense qu'il faut quand même prendre en compte la personne victime et ce qu'elle ressent.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député d'Acadie pour 9 min 54 s.

M. Morin : Merci, M. le Président. Merci d'être là et de nous aider dans notre réflexion en ce qui a trait à ce projet de loi. J'aimerais... j'aimerais comprendre, mais enfin, j'espère que vous allez pouvoir m'éclairer, une personne est victime d'une agression sexuelle, dans ce cas-ci, une femme, donc elle peut déposer une demande pour être indemnisée en vertu de la loi, c'est exact? Et ça, ça peut s'échelonner sur plusieurs années, tout dépendant de son traumatisme et de ce qui peut être fait pour l'aider à survivre à cet événement, c'est exact? Son...

Mme Charest (Jenny) : Oui.

M. Morin : Merci.

Mme Charest (Jenny) : C'est exact pour le régime d'indemnisation. Oui.

M. Morin : Parfait. Si cette femme victime d'agression sexuelle a un enfant, est-ce que l'enfant, lui, se qualifie, selon la loi, pour être aussi indemnisé?

Mme Charest (Jenny) : Ce qu'on comprend actuellement, c'est que cet enfant, il peut obtenir un soutien psychologique, il y a certains éléments, mais il est perçu comme un proche, donc une victime indirecte, et peut recevoir, mais pas la même chose que la personne victime qui est à ce moment-là sa mère.

M. Morin : Je comprends que, donc, dans le régime législatif, il ne pourrait pas recevoir, par exemple, les mêmes indemnités ou montants que la victime elle-même, c'est exact?

Mme Charest (Jenny) : C'est notre compréhension de la loi, en fait.

M. Morin : Et si la personne, si l'enfant, on lui apprend qu'il a été victime d'un crime, mais une fois rendu à l'âge adulte, et qu'il a des séquelles, est-ce qu'il peut être indemnisé en vertu de la loi?

Mme Charest (Jenny) : Ce serait probablement, puis vous pourrez me corriger, là, si je me trompe, ce serait probablement à titre de proche et non pas de victime directe. Et c'est exactement ce qu'on soulignait, nous, en fait, la distinction qui crée pour nous une différence entre la personne victime et l'enfant. Donc, pour s'assurer que cette personne-là puisse recevoir le même... les mêmes prestations, les mêmes services, qu'il ait les mêmes droits, en fait, pour aider à son rétablissement.

Mme Villeneuve (Marie-Christine) : On est conscient, c'est ça, que ça ne fait pas nécessairement partie du sujet en tant que tel du projet de loi, mais, en révisant tout ça, on trouve qu'effectivement il faudrait que cette personne-là soit aussi considérée comme une personne victime directement du crime, là...

M. Morin : ...c'est un excellent point, parce que, quand on regarde le projet de loi... et peut-être que je comprends mal la mécanique du projet de loi, mais quand on regarde l'article 19, notamment à l'article 542.33 et qu'on parle de la responsabilité financière visant les besoins d'un enfant issu d'une agression sexuelle, donc je comprends que l'enfant qui naît suite à une agression sexuelle, et dont, par exemple, la mère a des besoins pour élever cet enfant-là, cet enfant-là a des besoins. Donc, l'option qui est prévue dans le projet de loi, en fait, c'est de... qu'il ait éventuellement une indemnité, mais ça ne sera pas en vertu de votre loi. Donc, ils vont devoir s'adresser aux tribunaux de droit commun.

Mme Charest (Jenny) : Oui. Bien, en fait, c'était notre compréhension et c'était justement les articles 542.33 et 542.34 qui nous ont interpellés, parce qu'en fait le projet de loi, on le trouve très, très pertinent et complet. Et nous, on s'est attardés sur certains éléments qui, dans notre pratique et notre expérience, nous sont apparus comme étant peut-être moins... répondant moins aux besoins. Parce qu'on peut quand même penser qu'une personne va l'apprendre... là, on comprend que ça peut aller jusqu'à 25 ans. Mais de voir quelqu'un qui apprend qu'il est issu d'un... qu'elle est issue d'un viol, même si c'est à 35 ans, où on peut penser que cette personne-là ne sera plus en mesure de travailler pendant une période, peut avoir exactement les mêmes symptômes, peut être en stress post-traumatique, donc on trouvait qu'il y avait une petite limite à ce niveau-là dans le projet de loi, qu'on aimerait voir changer pour s'assurer qu'on réponde entièrement à ce qu'on disait. Et, oui, on parle de l'intérêt de l'enfant, mais de l'enfant devenu adulte, qui finalement ne pouvait pas savoir. Mais, en fait, dans notre réalité, ce qu'on dit, c'est que les gens vont nous nommer : Je savais qu'il y avait quelque chose, mais je ne savais pas quoi. Et ça, on le constate régulièrement.

M. Morin : Exact. Et donc dans le cas, par exemple, d'un enfant qui serait adulte, qui a des séquelles, bon, vous avez dit, par exemple, qu'il ne peut pas travailler, donc cette personne-là ne peut pas être indemnisée en vertu de votre loi. Donc, il faut absolument qu'elle s'en remette aux tribunaux de droit commun. Et on dit dans la loi, ou dans le projet de loi, jusqu'à l'atteinte de son autonomie et, évidemment, on parle de contribuer en parlant d'une indemnité. Et là ma compréhension du projet de loi, c'est qu'il y aura un débat judiciaire pour déterminer quelle est l'indemnité. Si la mère, par exemple, vit dans la précarité ou n'a pas d'argent, on espère que le régime d'aide juridique va pouvoir l'aider, parce que sinon, elle ne sera pas indemnisée par vous, en fait, pas l'enfant. Elle, comme victime, oui, mais l'enfant pas nécessairement. Puis, si elle n'a pas d'argent puis l'aide juridique ne l'aide pas, bien, il n'y aura pas d'indemnités. Est-ce que je comprends... vous comprenez ça comme moi ou s'il y a quelque chose que j'échappe?

Mme Villeneuve (Marie-Christine) : Bien, en fait, quand vous parlez d'indemnités pour l'enfant qui est issu du viol, comme on  mentionnait, il ne sera pas perçu comme une personne directe, mais il va quand même pouvoir avoir accès à un certain soutien, avoir accès à une certaine indemnité, mais comme proche de la personne victime, donc comme proche de la personne qui a été agressée sexuellement, qui a été victime du viol, mais effectivement pas à la hauteur puis de l'ampleur que la personne victime, ce à quoi elle pourrait avoir accès.

M. Morin :Parfait. Je vous remercie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Oui. Merci, M. le Président. Merci à vous d'être présents pour nous faire part de votre avis et votre expérience sur tout ce qui se passe.

J'ai deux questions pour vous. J'ai combien de temps, M. le Président, hein?

Le Président (M. Bachand) :Un peu plus de trois minutes.

M. Zanetti : Trois minutes. Parfait. La première, ça porte sur ce que vous dites à la page cinq de votre mémoire dans le paragraphe du milieu de la conclusion. Attendez, pas cinq, sept, vous dites : «Cet enfant ne devrait toutefois d'aucune façon être privé des droits auxquels il aurait autrement droit si la filiation était établie, s'il le désire, et ce, sans prescription quant au moment d'en faire la demande.» Quel droit de plus, là, est-ce qu'il aurait si la filiation est établie puis dans quel genre de circonstances vous pensez que l'enfant pourrait vouloir ça?

• (12 heures) •

Mme Villeneuve (Marie-Christine) : Bien, je pense que ça fait référence vraiment à l'aspect financier de la chose, c'est-à-dire que, quand la filiation est établie, il peut y avoir un certain accès, comme pour son parent, en termes de pension alimentaire. Donc, à ce moment-là, on ne voudrait pas que de... avec ce projet...


 
 

12 h (version non révisée)

Mme Villeneuve (Marie-Christine) : ...de loi là quand on permet, en fait, à la personne victime, à l'enfant de ne pas vouloir aller de l'avant avec la filiation, qu'elle soit privée de cet aspect financier là, donc... droit à cette ressource financière. Donc, à ce moment-là, ça devrait être vraiment par rapport aux désirs de la personne victime et de l'enfant. Puis on précise, sans prescription, encore une fois, de pouvoir avoir accès à cette... Je donne comme exemple pension alimentaire ou autre droit qui pourrait venir avec la filiation, mais peut-être que mes collègues veulent compléter, là.

Mme Charest (Jenny) : Oui, mais c'est exactement ça qu'on parlait, de non-prescription, donc de voir le projet de loi dans une perspective où on ne doit pas limiter l'enfant, peu importe son âge, peu importe qu'il y ait filiation ou non, dans la perspective d'assurer qu'il a un certain droit. Parce qu'on constate que des personnes peuvent se retrouver avec toutes sortes d'autres problématiques et ne pas être si autonomes, finalement, ou avoir des problèmes de santé mentale. C'est des choses qu'on constate, là, on parle d'expérience, on n'est pas allé voir dans la littérature, mais, spontanément, je penserais que ça ressort aussi, où il y a d'autres situations précaires où les gens se retrouvent, là, et une personne issue d'un viol dans un milieu plus difficile pourrait avoir besoin d'un soutien autre, peu importe son âge.

M. Zanetti : Merci. J'ai 30 secondes, je vous pose ma... question super vite. Vous parlez d'un automatisme, un mécanisme automatique qui pourrait être utilisé pour empêcher la possibilité, là, que l'auteur de l'agression demande la filiation. Comment ça s'opérationnaliserait puis à partir de quels critères cet automatisme-là serait déclenché?

M. Lysight (Dave) : Je pense que la voie des tribunaux spécialisés est déjà une voie. Déjà, en partant, là par rapport à ce qui pourra se faire, parce que c'est en construit, comme vous le savez, actuellement, avec les projets pilotes qui sont en place, mais effectivement, je pense que ça pourrait être une voie, là, qui pourrait être exploitée davantage, là.

Mme Charest (Jenny) : ...

M. Zanetti : Je pense que oui. Ah bon, bien, continuez si vous avez d'autres choses.

Mme Charest (Jenny) : Oui, bien, en fait, on se disait, à partir du moment où les choses sont prouvées, à partir du moment où les éléments sont clairs, est-ce qu'il n'y aurait pas une façon de faire, quand une personne fait la demande, pour avoir un registre qui fait en sorte que déjà cette demande est bloquée, à partir du moment où on a l'information? Je pense qu'il y aurait une réflexion à faire pour voir quels sont les mécanismes qui pourraient être mis en place pour assurer que l'information circule d'un ministère à l'autre quand il y a déjà une accusation, quand les choses sont prouvées. C'est clair que, pour nous, on comprend bien que ça doit se faire dans le cadre légal, mais on sait que ça existe, donc cette personne-là pourrait être bloquée dès le départ et ne pas apporter la situation à la personne victime et lui faire vivre d'autres choses, une revictimisation ou une victimisation secondaire. Parce que ce qu'on entend souvent, ce type de choses là va faire en sorte que les gens n'ont plus très confiance dans le système de justice, et c'est ça qu'on veut éviter.

Mme Villeneuve (Marie-Christine) : Je pense que, par l'automatisme, c'est ce qu'on veut éviter, c'est que la personne victime ait cette démarche-là aussi qui s'ajoute, là, sur ses épaules, parce que ça peut être lourd à porter aussi. Donc, par un automatisme, lorsque, comme Jenny l'a dit, les choses sont déjà constatées, sont déjà établies, si on peut aller de l'avant tout de suite et en bloquant cette demande-là, ça peut peut-être enlever un petit poids, là, sur les épaules de la personne victime.

M. Zanetti : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Mme la députée de Vaudreuil, pour 4 minutes 48 s.

Mme Nichols : Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. le Président. Bien, d'abord, je tiens à vous remercier. Merci de votre participation aux consultations particulières, ça apporte évidemment un éclairage.

J'ai compris votre position sur la notion... bien, sur l'intérêt de la personne victime qui devait être évidemment pris en compte. Ça, ça va. Ça, j'ai compris votre position. Là où j'avais une question, puis vous l'avez abordé, là, avec le ministre, puis, peut-être, si vous pouviez me résumer, c'est en lien avec la prescription... dans la partie où vous parlez de la responsabilité financière, là, vous vous interrogez entre autres à savoir pourquoi les recours prévus aux articles 542.33, 542.34 sont imprescriptibles. J'aimerais ça que vous puissiez nous résumer votre position.

Mme Charest (Jenny) : Oui. Bon, en fait, c'est que justement...

Mme Charest (Jenny) : ...on parle de... la prescription s'arrête jusqu'à l'autonomie de l'enfant issu du viol. Donc, pour nous, la notion d'autonomie est très large, qu'est ce que ça veut dire. Et on trouvait que ça limitait l'accès à un droit, du fait que cette personne-là n'est pas reconnue comme une personne victime, alors que, finalement, le fait d'être issu d'une agression sexuelle, c'est pour nous une victimisation. Donc, c'est vraiment cet élément là qui fait qu'on pense que certaines personnes pourraient se retrouver à ne pas avoir de droit et à avoir les mêmes conséquences que la personne victime ou qu'un autre enfant qui aurait appris la situation, mais à l'intérieur des délais. Donc, cette prescription-là pour nous pourrait causer un préjudice et cause aussi une iniquité pour les personnes victimes du même crime, en fait.

Mme Nichols : Puis vous suggérez le retrait de cette prescription-là ou de lui donner plus de... de l'encadrer autrement.

Mme Villeneuve (Marie-Christine) : En fait, comme c'est le cas pour la personne victime, il n'y a pas de période de prescription. Donc, ce qu'on souhaitait, nous, c'est qu'il n'y ait pas de période de prescription non plus pour l'enfant qui est issu du viol.

Mme Charest (Jenny) : Et, en fait, qu'on se concentre plus sur les conséquences et les besoins de cette personne victime là, qui sont liées à l'agression sexuelle. Donc, c'est ça, le cadre, pour nous, qui devrait primer.

Mme Nichols : Et que, vu qu'on est dans la section de responsabilité financière, quand vous parlez des conséquences, c'est-à-dire que les conséquences soient financièrement... qu'il y ait un montant associé à ces conséquences-là. C'est ce qu'on comprend?

Mme Charest (Jenny) : Associé aux conséquences, mais, oui, en fait, associé à la réalité de la personne, si elle n'est plus autonome, si elle n'est plus en mesure de vaquer à ses occupations ou si elle a eu besoin d'arrêter ses études. Parce que, ça, on le voit aussi. Donc, d'aller en fonction de répondre et s'assurer du rétablissement de la personne. Donc, oui, on parle d'un volet financier, mais financier dans une perspective d'aider la personne à se rétablir et de le faire en fonction de la filiation. Donc, c'est un droit. Un enfant peut avoir le droit d'être soutenu par son parent. Donc, le fait de mettre une prescription, pour nous, ça limitait.

Mme Nichols : Très bien. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Alors, écoutez, merci beaucoup d'avoir été avec nous. Ça a été extrêmement intéressant. Puis comme le disait le ministre, d'entrée de jeu, vous faites un travail absolument remarquable sur le terrain. Alors, continuez puis, encore une fois, on se dit : À bientôt. Merci, au revoir. Alors, je suspends les travaux quelques instants. Merci.

Mme Charest (Jenny) : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 09)

(Reprise à 12 h 13)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir les représentants du Conseil du statut de la femme, dont Me Louise Cordeau et Mme Mélanie Julien. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Alors, vous connaissez les règles? Un petit 10 minutes de présentation de votre part et après ça nous aurons une période d'échange avec les membres de la commission. Alors, je vous cède la parole, Me Cordeau.

Mme Cordeau (Louise) :Bonjour. Alors, merci. Je suis accompagnée de Mme Mélanie Julien qui est directrice de la recherche et de l'analyse au conseil.

Alors, il nous fait plaisir aujourd'hui de vous présenter notre mémoire sur le projet de loi n° 12. Évidemment, il concentre son analyse sur deux sujets qui soulèvent des enjeux majeurs pour les femmes les grossesses pour autrui et les enfants nés suite à la suite d'une agression sexuelle.

En premier lieu, le projet de loi vise à reconnaître les grossesses pour autrui et à les encadrer. Le conseil salue cette intention qui donne suite à la recommandation qu'il formule depuis 2016. Des couples gais, des couples infertiles et des personnes seules ont recours à des femmes porteuses. Il faut donc baliser les pratiques pour s'assurer qu'elles respectent la dignité et l'intégrité des femmes, de même que l'intérêt des enfants qui sont issus de ces grossesses.

Encadrer le recours à une femme porteuse comporte plusieurs enjeux. Je me permets d'évoquer quelques faits pour mieux contextualiser le sujet et en souligner son importance. Nous savons que les grossesses pour autrui se concrétisent par procréation assistée, par insémination artisanale ou par relation sexuelle. Dans six des neuf centres de procréation assistée au Québec, près de 150 cycles de fécondation in vitro ont été entrepris auprès de femmes porteuses entre 2013 et 2020. Des messages incitant les femmes à porter un enfant pour autrui circulent sur Internet. Selon un sondage réalisé dans l'ensemble du Canada auprès de 184 femmes porteuses, la moitié d'entre elles avaient complété deux, trois, quatre, voire cinq grossesses pour autrui, et 40 % de ces grossesses avaient été entreprises pour des parents d'intention étrangers.

Bien que la majorité des expériences de grossesse pour autrui rapportées soient positives, les difficultés rencontrées dans certains cas entraînent des conséquences délétères pour les femmes concernées. Et finalement, certaines femmes porteuses considèrent avoir été insuffisamment informées des risques associés aux traitements de fécondation in vitro. C'est donc...

Mme Cordeau (Louise) :...donc avec de tels faits en tête que le conseil a analysé les dispositions prévues au projet de loi n° 12. Bien que le conseil soit en faveur de plusieurs d'entre elles, il fait valoir aujourd'hui aux membres de cette commission que certaines améliorations méritent d'être apportées afin de mieux assurer le respect, la dignité et la santé des femmes qui acceptent de porter un enfant pour autrui.

Le projet de loi énonce des dispositions générales qui doivent être respectées pour tout projet parental impliquant une grossesse pour autrui, et pour mémoire. La femme porteuse doit avoir au moins 21 ans, les parents d'intention doivent être domiciliés au Québec, et une entente doit être conclue entre les parties. L'acte doit être gratuit, bien que la femme porteuse puisse recevoir une indemnisation pour ses pertes de revenus et un remboursement pour les dépenses liées à la grossesse. Si ces dispositions générales ne sont pas respectées, la filiation de l'enfant ne pourrait pas être établie à l'égard des parents d'intention. La femme porteuse serait donc reconnue comme la mère légale de l'enfant, même si ce n'est pas sa volonté. Une situation, vous en conviendrez, lourde de conséquences pour elle.

Cette situation surviendrait notamment si une femme donnait naissance à un enfant en vue de le remettre à des personnes qui ne sont pas domiciliées au Québec. Cette condition relative au domicile des parents d'intention vise à dissuader des personnes étrangères à se tourner vers le Québec pour trouver une femme porteuse. L'intention du législateur est louable, car dans les faits, des personnes étrangères recourent à des femmes résidant au Canada pour porter leur enfant. Je vous le rappelle, 40 % des grossesses pour autrui au Canada sont réalisées pour des parents d'intention étrangers.

L'enjeu avec le projet de loi est complexe. Il faut s'assurer du respect des dispositions générales sans pénaliser indûment des femmes qui, pour toutes sortes de raisons, ont porté un enfant pour autrui alors que l'une ou l'autre des dispositions générales n'aurait pas été respectée. Dans ce contexte, il nous apparaît nécessaire de prévenir de tels projets en amont, par exemple de l'information claire et vulgarisée sur ce qui est permis au Québec et sur ce qui ne l'est pas, devrait être rendu public. De plus, les médecins devraient s'assurer de la conformité du projet parental avant de prodiguer des traitements de procréation assistée à la femme porteuse. Le conseil recommande d'ajouter cette responsabilité à la Loi sur les activités cliniques en matière de procréation assistée. Il nous apparaît de plus impératif que les femmes qui ont porté un enfant pour autrui sans qu'ait été respectée l'une ou l'autre des dispositions générales puissent demander au tribunal de modifier la filiation de l'enfant. Le projet de loi n° 12 devrait donc être amendé en ce sens.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit des dispositions visant à informer les femmes qui envisagent de porter un enfant pour autrui et à s'assurer de leur consentement éclairé. Le conseil le disait pour le projet de loi n° 2, il le réitère pour le projet de loi n° 12, cette démarche devrait être enrichie. Nous considérons que les professionnels doivent jouer un rôle plus grand que celui d'informer. Ces personnes doivent pouvoir soutenir chacune des parties dans les nombreuses décisions qu'elles ont à prendre et les conseiller dans leur réflexion. Le conseil recommande donc d'étoffer le rôle des professionnels tel qu'il est écrit au projet de loi.

• (12 h 20) •

Une autre étape est déterminante pour s'assurer du consentement éclairé des femmes porteuses, la consultation en procréation assistée. En effet, les centres de procréation assistée ont une responsabilité majeure en matière d'information transmise aux femmes qui se présentent à eux pour concevoir un enfant en vue de le remettre à des parents d'intention. Cette information doit porter sur les procédures auxquelles elles devront se soumettre et sur les risques qu'elles comportent pour leur santé physique et psychologique. Or, des femmes porteuses, interrogées dans de récentes études empiriques, disent avoir été insuffisamment informées des risques associés aux traitements de fécondation in vitro qui leur ont été prodigués.

Actuellement, il n'y a pas au Québec de lignes directrices pour encadrer les décisions des médecins de prodiguer ou non des traitements de fécondation in vitro à une femme porteuse, des lignes directrices qui puissent couvrir à la fois les aspects médicaux, mais aussi...

Mme Cordeau (Louise) :...les dimensions éthiques et psychosociales. Pourtant, le Collège des médecins le réclame depuis 2015. Le Comité central d'éthique en matière de procréation médicalement assistée, qui a été institué en 2021, a l'expertise et l'autorité d'élaborer et de diffuser de telles lignes directrices en matière de grossesses pour autrui. Le Conseil recommande donc au ministre de la Santé et des Services sociaux de lui en confier le mandat.

Enfin, l'état de situation sur les grossesses pour autrui au Québec repose sur des données parcellaires. On ne sait pas, par exemple, combien de projets sont réalisés, et aucune étude n'a été menée sur la santé à long terme des femmes porteuses. Nous considérons qu'il ne faut pas seulement permettre l'accès à des données anonymisées à des fins de recherche, comme le prévoit le projet de loi. Il faut aussi s'engager à rendre de telles données accessibles afin de veiller à la production des connaissances nécessaires au suivi de nos encadrements législatifs. Le Conseil recommande d'en confier la responsabilité au ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale.

En second lieu, le projet de loi prévoit des dispositions dans le cas où un enfant naît d'une agression sexuelle. Il offre la possibilité aux mères concernées de refuser l'établissement de la filiation de leur enfant envers l'agresseur ou de la faire retirer. Il oblige aussi l'agresseur à assumer une responsabilité financière envers l'enfant, et ce, malgré l'absence de lien de filiation. Le Conseil salue ces dispositions. Il s'interroge toutefois sur la manière dont elles seront mises en œuvre. D'abord, quelle forme prendra l'indemnité? Est-ce une somme récurrente versée à la mère chaque mois, chaque année? Comment le montant sera-t-il établi? De quelle façon ces sommes seront transférées et remises à la mère et comment l'enfant pourra-t-il se prévaloir de son droit de succession envers l'agresseur?

En conclusion, vous comprendrez que le Conseil est préoccupé par toutes ces questions parce qu'il souhaite éviter que la mise en œuvre de ces dispositions offre une brèche à l'agresseur pour exercer une emprise sur la femme qu'il a agressée. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. Mme Cordeau, Mme Julien, bonjour. C'est un plaisir de vous retrouver en commission parlementaire à presque un an d'intervalle. Bien, en fait, je tiens à vous rassurer. Commençons tout d'abord par les... en fait, l'opposition au lien de filiation pour l'agresseur notamment. Vous avez soulevé la question des successions. L'objectif étant, lorsqu'on a créé, en fait, la proposition législative qu'on met de l'avant, c'est de faire en sorte de laisser l'autonomie à la femme qui a été violée de décider, est-ce que oui ou non, elle veut établir la filiation pour son enfant? Ça pourrait arriver, certaines situations que oui, mais avec déchéance de l'autorité parentale. C'est pour ça qu'on fait en sorte que le mécanisme de la déchéance de l'autorité parentale soit facilité à l'intérieur du même recours pour, supposons, établir une pension alimentaire, mais avec déchéance de l'autorité parentale, que ce soit régulier. Premier cas de figure.

On voulait aussi éviter que l'enfant perde des droits successoraux. La mécanique des droits successoraux, elle est celle qui est applicable au Code civil du Québec. Donc, bien entendu, il va falloir que l'enfant soit informé qu'il est issu... Mais là la question à laquelle nous avons réfléchi, et on ne voulait pas créer une obligation sur la femme qui a été victime de l'agression sexuelle de devoir le dévoiler. On... bien, je considérais que ça rentrait dans la sphère d'autonomie de la mère, de raconter ou non son histoire à l'enfant, et on ne voulait pas mettre une obligation légale à la mère de dévoiler ce fait-là envers son enfant. Je pense que c'est extrêmement intime et que dans chaque famille, bien, il faut laisser l'autonomie à la femme de décider. Mais si l'enfant l'apprend ou le sait ou sa mère décide de lui transmettre cette information-là, la mécanique des droits successoraux normaux s'applique. Bien entendu, la question de la dévolution légale aussi dans le testament est écrite, à tous mes enfants. Donc il y a différents cas de figure qui sont présents pour que les droits successoraux s'appliquent.

Pour ce qui est du montant d'indemnités, alors, bien entendu, c'est pour répondre aux besoins de l'enfant. Il faut déjà dire que, dans le régime d'indemnisation de la loi de l'IVAC...

M. Jolin-Barrette : ...il y a une pension alimentaire qui est nommément prévue pour la femme qui est violée, dont un enfant est issu du viol. Donc, déjà, l'État assume ses responsabilités. C'est un montant de plusieurs centaines de dollars par mois qui est versé en surplus de l'indemnité qu'elle reçoit en tant que victime. Donc, tout le long de la vie durant de l'enfant, elle reçoit une indemnité, mais c'est en supplément, dans le fond, qu'on vient créer cette indemnité-là. Mais je serais intéressé à vous entendre. Croyez-vous qu'on devrait venir définir clairement quel est le montant? Parce que, là, on a l'opportunité au tribunal d'analyser en fonction de la situation, cette indemnité-là. Mais est ce que vous souhaitez... est-ce que le conseil souhaite qu'on vienne préciser dans le code ou par voie réglementaire quel doit être le montant de l'indemnité dans un cas comme ça?

Mme Cordeau (Louise) : En fait, le conseil n'a pas réfléchi de façon spécifique au montant ou à la mécanique autour du montant. Mais de façon logique de définir une indemnité, la façon dont c'est écrit dans la loi, c'est assez large, c'est assez vaste comment le tribunal va interpréter cette notion d'indemnité. Alors, on n'a pas pris position à savoir quel montant, de quelle façon. Est-ce qu'il faut que le revenu, par exemple, de l'agresseur, soit évalué, comme on le fait en matière de pension alimentaire? Tu sais, quand on commence à poser ces questions-là, on en a plusieurs lorsqu'on parle d'indemnités de nature alimentaire pour répondre aux besoins d'un intérêt d'un enfant. On ne s'est pas arrêté sur le montant ni sur le mécanisme, mais on trouve ça important qu'on y réfléchisse pour faire en sorte que la mère n'ait pas un fardeau de preuves immenses dans ce domaine-là, de savoir où il travaille, combien il gagne. Bon, on sait comment ça se passe, là.

M. Jolin-Barrette : L'autre enjeu que nous avions en développant la solution législative, c'est le fait aussi que, à partir du moment où il y a rupture du lien de filiation, il y a une non-reconnaissance du lien de filiation, on ne souhaite pas non plus faire en sorte qu'il y ait des contacts fréquents, supposons aux deux semaines, avec l'indemnité qui serait payée par l'agresseur, comme si c'était une pension alimentaire. Parce que ce que les victimes nous disent, c'est, justement, on ne veut plus rien avoir à faire avec l'agresseur. Donc, d'où l'objectif d'avoir un montant forfaitaire à un événement, à un moment donné, qui est révisable si jamais il y avait une situation particulière dans la vie de l'enfant, supposons une maladie se développait pour l'enfant, un handicap survenait aussi. Donc, l'idée, ce n'est pas de maintenir le lien entre l'agresseur et la victime. Ça fait que, ça partie des réflexions que nous avons. Mais je comprends que vous nous dites : Il faut que ça soit un petit peu plus défini.

Mme Cordeau (Louise) :Je pense que oui, parce que même si on parle d'indemnités, c'est en fonction aussi des capacités de payer de l'agresseur. Là, je n'entrerai pas dans les détails, mais, ça aussi, est-ce qu'on va en tenir compte? Est-ce que ça va être un montant forfaitaire? Je pense qu'il faut donner quelques balises de plus. Mais je suis d'accord pour qu'on évite de maintenir un lien entre la femme qui a été violée et son agresseur qui, comme on vient de le dire, pourrait maintenir l'emprise aussi sur la femme qui a été agressée.

• (12 h 30) •

M. Jolin-Barrette : O.K. Je passe sur le volet de la grossesse pour autrui, puis ensuite je vais essayer de la parole à mes collègues. Entre le projet de loi n° 2 puis celui-ci, la réflexion du conseil a évolué aussi. Là, désormais, vous ne recommandez plus d'avoir une grossesse préalable. Malgré le fait, vous dites, dans notre étude quand on a obtenu, la majorité des mères porteuses l'ont fait à plusieurs reprises. Là, vous nous dites : Ça ne devrait plus être une exigence légale d'avoir une grossesse préalable avant d'être mère porteuse.

Mme Cordeau (Louise) :En fait, lorsqu'on s'est présenté devant la commission pour le projet de loi no8 2, on se souvient que le projet de loi était quand même assez volumineux et on a, pour la première expérience d'accouchement, on avait regardé des informations qui venaient des comités d'éthique — Mme Julien pourra vous en parler plus en détail — qui venaient aussi de femmes qui avaient porté des enfants pour autrui, qui le recommandaient. Suite au dépôt de notre étude sur les grossesses pour autrui, qui est très, très récente, où on a approfondi le sujet, comme je vous ai donné, d'entrée de jeu, il y a certains faits qui nous sont apparus, on a dû constater que les informations que l'on possède, que les données que l'on possède sont très fragmentaires, sont très parcellaires. Et dans ce contexte-là, ce qu'on dit, c'est qu'on préfère laisser la liberté de choix à la femme qui désire porter un enfant pour autrui, à condition qu'elle soit bien informée, à condition que toutes les conditions générales soient respectées, et qu'on préfère...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

Mme Cordeau (Louise) :...à des comités d'éthique qui sont formés, qui ont la compétence pour évaluer les impacts sur la santé à la fois physique et psychologique des femmes à moyen et à long terme, de poursuivre leurs études dans ce domaine et peut-être de modifier éventuellement la législation, si on s'apercevait qu'effectivement une première expérience d'accouchement est nettement préférable. Mais, à ce stade-ci, les données sont assez minces pour qu'on puisse continuer de demander ou d'affirmer le besoin d'avoir une première expérience d'accouchement.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie beaucoup pour votre passage en commission. Je vais laisser la parole à mes collègues. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.

Mme Haytayan : Oui. Merci, M. le Président. Merci à vous deux pour votre temps. Vous disiez... vous mentionniez tout à l'heure qu'il y a un grand nombre de GPA où les parents d'intention se retrouvent à l'étranger, à l'extérieur du Québec. Est-ce que vous avez une idée de ce pourcentage? Puis aussi quelles seraient vos recommandations pour protéger tant la personne porteuse que l'enfant issu de la GPA en question?

Mme Cordeau (Louise) :Madame Julien est bien outillée pour répondre à votre question.

Mme Julien (Mélanie) : En fait, les données, comme le disait madame Cordeau, sont très parcellaires en matière de grossesses pour autrui. Il n'y a pas d'études qui sont spécifiquement réalisées en contexte québécois. Les données qu'on a réussi à trouver... concernent davantage l'ensemble du Canada. Le sondage le plus macro qui a été réalisé a été mené dans l'ensemble du Canada, donc auprès de près de 200 femmes porteuses. Et c'est dans ce sondage-là qu'ils montrent que près de la moitié de ces femmes-là ont porté un enfant pour des parents d'intention hors Canada. Alors, c'est dans ce contexte-là qu'effectivement il y a une certaine attractivité. Il y a d'ailleurs plusieurs spécialistes qui notent le fait que le Canada suscite quand même un certain attrait pour des parents d'intention étrangers qui souhaitent trouver une femme porteuse. Alors, on comprend que le législateur, avec le projet de loi, de par l'inscription du domicile des parents d'intention au Québec, vise à restreindre ce genre de cas de figure là. La préoccupation du Conseil, c'est de dire : Il faudrait les prévenir en amont, informer les femmes adéquatement... de ce qui va advenir si jamais elle porte un enfant pour des parents d'intention non domiciliés au Québec, pour éviter qu'elle se retrouve à être forcée d'être reconnue comme étant la mère légale de l'enfant, si ce n'est pas sa volonté.

Mme Haytayan : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Vimont.

Mme Schmaltz : Merci. Bonjour, mesdames. Très intéressant d'ailleurs votre mémoire, là, toutes les questions que vous soulevez. J'ai plusieurs questions, mais je vais juste en poser une, ça concerne les risques qui sont liés, donc, aux GPA. Vous parlez justement... Vous venez juste de soulever le fait qu'une première grossesse pourrait ne pas être un facteur pour les parents désireux d'avoir un enfant. Sauf que je me questionne à savoir, en faisant ça, est-ce qu'on ouvre davantage la porte au marché noir. Parce que je pense que vous êtes au courant que ça existe de la vente, que ça soit des ovules ou, bon... ou des jeunes étudiantes des fois qui vont porter un enfant puis qui ne seront peut-être pas nécessairement encadrées par la loi. Est-ce qu'on devrait être beaucoup plus... Je ne sais pas, je ne veux pas employer le mot «sévère», mais comment qu'on peut encadrer cette portion-là qui est existante? Parce que là, ce qu'on parle, c'est quelque chose qui est encadré, mais il y a aussi tout le revers, là, tout le côté noir, là, de la chose, là.

Mme Cordeau (Louise) :Lorsqu'on parle de fécondation in vitro, on l'a évoqué tantôt... je l'ai évoqué dans mes quelques remarques préliminaires, il y a des cliniques, il y a des médecins qui procèdent aux actes. Et nous croyons qu'une des façons de contrer ou, en tout cas, d'amoindrir le risque, serait de confier aux médecins la responsabilité de s'assurer que ces règles, ces règles éthiques, que ces règles en matière de santé et de sécurité des femmes que même les... à partir du moment où une législation sera adoptée, que les conditions relatives à la législation seraient respectées. Alors, il y a un acte médical, soit, mais il y a aussi une responsabilité professionnelle des médecins que l'on envisage pour contrer ces gestes-là, qui ne seraient pas souhaités et pas conformes à la loi non plus.

Mme Julien (Mélanie) : En complément, peut-être, qu'est ce que j'ajouterais, c'est que, Mme Cordeau le disait, il y a beaucoup d'informations qui circulent sur Internet, des informations qui sont plus ou moins applicables au contexte québécois. Ce qu'on souhaite, c'est qu'en dotant le Québec de balises, d'encadrement en matière de grossesse pour autrui, on souhaite qu'il y ait de l'information vulgarisée, qui soit très claire, qui soit fournit à l'ensemble des femmes pour savoir qu'est-ce qui est permis, qu'est ce qui est...

Mme Julien (Mélanie) : ...autorisé en contexte québécois et qu'est-ce qui ne l'est pas pour faire contrepoids à ces informations parfois erronées, là, qui circulent sur Internet puis essayer de tempérer le genre de situations, là, auxquelles vous faites référence.

Mme Schmaltz : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Est-ce qu'il y a d'autres questions du côté gouvernemental? Ça va? Merci. M. le député de l'Acadie.

M. Morin : Merci. Merci, M. le Président. On a vu, dans le projet de loi, que la convention de grossesse va être faite par acte notarié, la convention comme telle. Est-ce que vous pensez... Parce que vous parlez de l'information et de toutes les conséquences. Est-ce que vous pensez qu'en plus de la convention obtenir un avis juridique sur l'ensemble des conséquences possibles pour les personnes concernées par le projet serait un avantage?

Mme Cordeau (Louise) :On ne l'a pas évalué de cette façon-là. On a évalué les dispositions qui sont présentes dans le projet de loi. Je pense que, déjà, d'avoir un acte notarié, d'avoir une procédure qui est formelle pour les parties et d'avoir en amont de l'information et peut-être le soutien accru de professionnels, comme on l'a mentionné, nous semble souhaitable pour le moment.

Mme Julien (Mélanie) : En complément, j'ajouterais que, dans le mémoire, on insiste beaucoup aussi sur la formation de ces professionnels-là qui auront à intervenir auprès de femmes porteuses ou de femmes qui envisagent, en fait, de porter un enfant pour autrui et aussi des différents juristes, là, qui sont appelés à intervenir dans ces contextes-là. Il y a des questions éthiques et des questions psychosociales qui sont vraiment, vraiment sérieuses. Alors, il va falloir doter, là, les professionnels en question, là, de la formation nécessaire pour intervenir adéquatement dans ces situations-là.

M. Morin : Je vous remercie, c'est un excellent point que vous soulevez, mais on parle beaucoup d'informations. Pour nous aider dans notre réflexion, cette information-là, elle devrait être donnée, selon vous, par qui? Le ministère de la Justice, le Conseil du statut de la femme, les ordres professionnels? Avez-vous des suggestions? Tout ce monde-là?

Mme Julien (Mélanie) : En fait, dans le mémoire, ce qu'on demande, c'est aux autres professionnels et aux universités, aux unités d'enseignement et de recherche qui forment les... qui ont à offrir de la formation initiale et formation continue de ces professionnels-là, qui développent des contenus qui sont appropriés, là, qui sont vraiment en lien avec les enjeux liés aux grossesses pour autrui.

M. Morin : Oui, puis ça, je vous suis très bien pour les étudiants, étudiantes qui vont devenir membre d'un ordre professionnel, mais, quand on parle, par exemple, de la mère, de celle qui va porter l'enfant ou des personnes qui veulent se lancer dans ce projet-là, eux aussi doivent être avisés. Parce que, je pense, la collègue, la députée de Vimont, faisait référence au... tu sais, il y a un marché autre. Donc, est-ce que vous avez des suggestions à faire pour qui, comment devraient informer les gens? Est-ce que vous, au conseil, vous avez une responsabilité, un programme qui ferait en sorte que vous pourriez rendre cette information-là disponible ou pas?

• (12 h 40) •

Mme Cordeau (Louise) :On aimerait bien le faire, ce n'est cependant pas dans notre mandat, mais je pense que... Évidemment, une fois la loi adoptée, le ministère de la Justice va avoir une responsabilité. Je pense aussi que l'information doit circuler dans toutes les cliniques qui offrent de la fécondation in vitro. L'information doit être aussi auprès des professionnels qui auront, en amont, à rencontrer les parties. Donc, je pense, même si on veut tout éviter, tout baliser, tout encadrer, c'est difficile, mais il faut que ça passe par une information vulgarisée. De quelle façon? Plusieurs moyens. Est-ce que c'est une grande campagne d'information publique? Est-ce que c'est à travers, je ne sais pas, moi, les cégeps, les universités? Je pense qu'il faut réfléchir à un mode de communication qui soit massif puis qui soit aussi ciblé en fonction des lieux où ces personnes-là pourraient se retrouver en vue d'une grossesse pour autrui.

M. Morin : Je vous remercie. Maintenant, est-ce que vous pensez qu'on devrait limiter le nombre de grossesses pour autrui qu'une mère porteuse pourrait avoir?

Mme Cordeau (Louise) :On ne s'est pas penché sur ces éléments-là.

Mme Julien (Mélanie) : Ce le genre de questions auxquelles pourrait réfléchir le Comité central d'éthique en matière de procréation médicalement assistée, par exemple, quels enjeux pourraient survenir. Alors, je pense que cette instance-là serait tout à fait habilitée, là, à établir des... à réfléchir à ces questions-là et, s'il y aurait lieu, de baliser.

M. Morin : Mais, compte tenu de votre mandat, de votre mission puis de l'éclairage que vous nous donnez, vous...

M. Morin : ...pensez que cette question-là mérite, à tout le moins, une réflexion?

Mme Cordeau (Louise) :...plusieurs questions qui méritent réflexion, on est au début d'une réflexion. On vise un encadrement. Mais nous, ce qu'on... ce dont on est conscients, c'est qu'il faut continuer à approfondir les connaissances, qui sont très, très, très minces actuellement dans ce domaine.

M. Morin : Merci, merci beaucoup. Vous avez parlé de personnes qui veulent se lancer dans ce projet mais qui sont domiciliées hors Canada. Ça peut arriver. Est-ce que, pour vous, c'est quelque chose qu'on devrait encadrer davantage ou même interdire?

Mme Cordeau (Louise) :Bien, c'est-à-dire que les dispositions générales du projet de loi ne le permettent pas puisqu'il faut être domicilié au Québec depuis au moins un mois... un an, excusez-moi, pas un mois, mais un an. Donc, la loi, la loi en soi, l'interdit. Maintenant, nous, notre préoccupation, c'est une préoccupation quant à la femme qui va porter un enfant pour autrui. Si l'ensemble des règles et des conditions ne sont pas respectées, la filiation ne sera pas reconnue à l'égard des parents d'intention, et ça, ça nous préoccupe. Donc, la femme qui aurait porté un enfant pour autrui deviendrait la mère légale de l'enfant, même si ce n'est pas son souhait. Et, c'est... On prévoit les dispositions dans le projet de loi pour des parents... une femme qui porte un enfant pour des parents d'intention domiciliés au Québec, une femme non domiciliée au Québec qui porterait un enfant pour des parents d'intention au Québec, mais il n'y a pas de disposition pour une femme domiciliée au Québec qui porterait un enfant pour des parents non domiciliés au Québec.

M. Morin : ...je vous remercie. Et dernière question. Dans le projet de loi, l'article 13, dans l'article 538, on parle de la procréation assistée, on parle d'insémination artisanale ou par relation sexuelle, et... En fait, je dois vous dire que je comprends très bien, je conçois bien les trois cas de figure, mais moi, je suis un petit peu arrêté sur la terminologie «insémination artisanale». Est-ce que ce ne serait pas préférable de parler de procréation artisanale ou, si le mot «insémination», avec votre expérience, vos connaissances, ça ne pose pas de problème?

Mme Cordeau (Louise) :Ce n'est pas un élément qu'on a... qu'on a... qui nous a paru problématique.

M. Morin : O.K. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. D'autres questions du côté de l'opposition? Est-ce qu'il y a d'autres questions? Sinon, madame... M. le député Jean-Lesage.

M. Zanetti : Oui, j'ai un peu plus trois minutes, c'est ça?

Le Président (M. Bachand) :On ajuste le temps, vous avez du temps.

M. Zanetti : O.K., parfait.

Le Président (M. Bachand) :...

M. Zanetti : Justement, sur cette question-là, la question de qu'est-ce qui arrive si le contrat, en quelque sorte, n'est pas respecté. Bon, on suppose que ce qui a été dit, c'est-à-dire, si le contrat n'est respecté, eh bien, dans ce temps-là, les parents d'intention ne seront pas reconnus comme tels, c'est un peu comme un encadrement pour avoir un incitatif à respecter le contrat. Mais vous dites, il y a un effet pervers à ça parce qu'on peut créer plus de problèmes à la mère porteuse. Bon. Comment est-ce qu'on pourrait encadrer autrement? Puis qu'est-ce que vous proposeriez qui arrive... Dans le fond, c'est que, si le contrat n'est pas respecté, il faudrait que peu importe, que le contrat soit respecté ou pas, les parents d'intention seront toujours reconnus comme tels. Non? O.K. Bien... Je vous laisse développer là-dessus.

Mme Julien (Mélanie) : Bien, en fait, on fait plutôt référence non pas au respect du contrat, on fait plutôt référence aux dispositions générales à tout projet impliquant une grossesse pour autrui, ce sont les dispositions qui sont énumérées, là, au début de la section sur les grossesses pour autrui dans le projet de loi n° 12. Alors, si l'une ou l'autre de ces dispositions générales là ne sont pas respectées... n'est pas respecté, le projet parental impliquant une grossesse pour autrui ne serait pas reconnu, auquel cas, nous, notre interprétation du projet de loi, c'est qu'automatiquement ce serait la femme porteuse qui serait reconnue comme étant la mère légale de l'enfant.

On ne dit pas qu'automatiquement, dans ces cas-là, il devrait toujours y avoir filiation reconnue envers les parents d'intention, mais on dit, d'une part, prévenons, en amont, de s'assurer du respect des dispositions générales puis, en aval, offrons la possibilité à une femme porteuse, qui aurait été une femme qui a porté un enfant pour autrui, alors que l'une ou l'autre des dispositions générales n'aient pas été respectées, qu'elle puisse se tourner vers un tribunal pour demander de faire modifier la filiation, porte de sortie qu'on n'a pas trouvée dans le projet de loi n° 12, donc pour éviter que le fardeau, qu'il soit trop lourd sur la femme porteuse...

Mme Julien (Mélanie) : ...ce qui aurait été dans cette situation-là.

M. Zanetti : Dans le fond, l'idée, c'est de lui permettre de... je ne suis pas sûr de bien saisir, là, lui permettre de faire modifier la filiation pour se désigner comme mère si elle le veut, mais pas que ce soit fait d'office, c'est ça?

Mme Julien (Mélanie) : Nous, ce qu'on comprend, c'est que d'office, ce serait elle qui serait reconnue comme étant la mère légale. Alors, on demande à ce qu'elle puisse faire modifier cette filiation-là pour qu'elle soit établie à l'égard de... et peut-être effectivement les parents d'intention, ou autre, ce serait au tribunal, là, d'établir quelle serait la meilleure... la meilleure façon de reconnaître cet enfant-là.

M. Zanetti : O.K., parce que c'est ça, il ne faut pas que l'enfant tombe sans filiation, mais, dans le fond, ce serait... on remettrait ça entre les mains du tribunal au lieu de le prévoir dans la loi à l'avance.

Mme Julien (Mélanie) : Parce que ce qu'on comprend, c'est que la femme, dans ces cas de figure là, elle pourrait toujours se tourner vers l'adoption générale, elle pourrait vouloir confier l'enfant en adoption générale, sauf que s'il y a un parent, il y a un père d'intention dont le nom figure à l'acte de naissance, il pourrait s'opposer à ce que la femme porteuse confie cet enfant-là à l'adoption générale, alors ça peut créer des... certaines situations délicates, de sorte que ce qu'on souhaite, c'est que la femme puisse se tourner, dans ce cas de figure là, vers un tribunal pour exposer la situation puis qu'il y ait une meilleure décision qui soit prise, plutôt qu'il y ait un automatisme, puis qu'on ne puisse pas changer cette filiation-là.

M. Zanetti : O.K. Parce que... est-ce que ça... ça arrive, par exemple... bien, je comprends aussi que ces choses-là sont peu documentées, surtout quand ce n'est pas encadré, puis tout ça, mais est-ce qu'on pense que... Est-ce que, par exemple, là, le fait de, pour une mère qui décide finalement : O.K., non, ça ne marche plus avec les parents d'intention, là, je vais donner l'enfant en adoption. Est-ce que ça c'est quelque chose qui est un... un scénario qui arrive, puis est-ce que c'est comme une situation dans laquelle on ne veut pas obliger les femmes à se retrouver, finalement?

Mme Cordeau (Louise) :Mais, il ne faudrait pas que la filiation soit reconnue à l'égard du père. Pour qu'elle... pour qu'elle... qu'elle puisse dire : Je souhaite que mon enfant soit adopté, que je n'aie pas de filiation à son égard. Il ne faut pas non plus qu'il y ait une filiation à l'égard d'un des parents d'intention, et c'est là que ça devient extrêmement délicat.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Merci beaucoup. Mme la députée de Vaudreuil.

Mme Nichols : Merci, M. le Président. J'ai seulement une petite question à aborder avec vous, on en a parlé quand même... C'est ça quand on est la dernière, là, on a déjà abordé plusieurs des sujets. Vous parlez... on parlait de rendre disponibles les données, les données anonymes, là, sur les GPA pour les fins de recherche, entre autres, vous voyez ça comment, un registre ou...

Mme Julien (Mélanie) : En fait, avec le projet de loi, dans le projet de loi n° 12, il y a déjà une responsabilité qui est confiée au ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale de tenir un registre sur ces projets-là qui impliquent la contribution d'une tierce personne. Il est également prévu au projet de loi de permettre à un tribunal de rendre accessibles les données anonymisées issues de ce registre-là à des fins de recherche. Nous, ce que le Conseil on dit, c'est qu'il ne faut pas juste permettre à un tribunal d'autoriser l'accès à ces données-là, il faut qu'il y ait un engagement qui soit pris pour qu'on ait accès à de telles données, pour pouvoir suivre l'évolution de la situation. Par ailleurs, on sait que le ministère... le ministre de la Santé et des Services sociaux doit rendre publiques des données issues des centres de procréation assistée dans son rapport annuel de gestion, données qu'on est toujours en attente, on devrait éventuellement les voir figurer dans le rapport annuel du ministère de la Santé et des Services sociaux, mais ces données-là sont uniquement liées aux centres de procréation assistée, alors qu'on sait qu'il y a des grossesses pour autrui qui ne passent pas... des enfants qui sont conçus sans passer par la fécondation in vitro. Alors, le registre serait beaucoup plus complet. Alors, on se dit que ces données-là devraient être accessibles à des fins de recherche, et qu'on soutienne la recherche, en fait, sur ce phénomène-là pour en suivre l'évolution au Québec, puis qu'on puisse ajuster aux besoins nos législations.

Mme Nichols : Donc, on comprend qu'on devrait définir qui aurait accès... on croit, c'est pour les fins de recherche, là, évidemment, là, mais de mieux définir qui aurait accès.

Mme Julien (Mélanie) : De s'engager, en fait, à les rendre accessibles à des fins de recherche.

Mme Nichols : Parfait. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Me Cordeau, Mme Julien, merci beaucoup d'avoir été avec nous aujourd'hui, très, très, très apprécié. Sur ce, je suspends les travaux jusqu'à 15 heures. Bon lunch. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 50)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 02)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques par la loi numéro 12, loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et visant la protection des enfants nés à la suite d'une agression sexuelle et des personnes victimes de cette agression ainsi que les droits des mères porteuses et des enfants issus d'un projet de grossesse pour autrui.

Cet après-midi, nous entendrons le Barreau du Québec, le Regroupement québécois des centres d'aide, de lutte contre les agressions à caractère sexuel, la Chambre des notaires, mais il nous fait plaisir à commencer avec maître Sylvie Schirm, accompagnée de Maître Tremblay. Alors, bienvenue à la commission. On est très contents de vous avoir avec nous. Alors, je vous laisse la parole pour votre présentation. Après ça, on aura un échange avec les membres. Merci beaucoup.

Mme Schirm (Sylvie) : Alors, bonjour, tout le monde. M. le ministre, membres de la Commission, tout d'abord, nous vous remercions sincèrement pour l'invitation. C'est toujours un honneur de venir à cette institution qu'est l'Assemblée nationale, là où les lois sont conçues, et on espère pouvoir humblement aider à l'accouchement de ce projet de loi numéro 12. On a déjà exposé notre position sur la question des mères porteuses dans notre mémoire qui a été produit en décembre 2021. Alors, aujourd'hui, on voudrait vraiment porter des commentaires sur ce qu'on appelle la loi Océane.

Les juristes qu'on est, on a souvent tendance de rester un peu ancrés dans le cadre législatif existant, d'essayer d'interpréter et de travailler avec qu'est-ce qui est sur la table. Mais il faut quand même rester ouvert aux réalités de notre société qui est en mouvance constante. Personne ne conteste que la législation ne suit pas toujours la société à la même vitesse, mais nous ne devons pas craindre d'entamer des changements et des modifications à notre loi, car le droit doit être au service des justiciables et non pas l'inverse. Ici, dans cette enceinte qui est l'Assemblée nationale, nous devrons être plus que jamais à l'affût des besoins des justiciables et ne jamais oublier ce devoir. Cela nous amène donc à faire des changements dans notre loi, des changements qui peuvent être considérés comme avant-gardistes, innovateurs, mais qui peuvent aussi causer des remous.

Nul ne peut contester le fait que le Québec entier a été outré de la situation d'Océane, outré du fait qu'une victime de viol doit composer pour le reste de sa vie avec son agresseur, outré que cet agresseur puisse demander des droits à l'égard de l'enfant né de ce geste odieux, outré que notre code civil ne prévoyait pas la protection pour une telle situation. Et qui est la victime? Outre la mère qui a subi le viol, l'enfant est aussi victime de cette situation. Comment ne pas considérer l'impact que cela peut avoir que cette relation peut avoir sur l'enfant? Obliger la mère de mettre de côté la violence qu'elle a subie afin de permettre une relation père-fils dans une telle circonstance est inacceptable. Ce projet de loi protégera d'abord et avant tout l'enfant de cette situation et lui donnera également les pouvoirs.

Je désire souligner le fait que notre intervention ici se fait à titre de praticiennes sur le terrain. Ce sont les avocats en droit de la famille qui traitent toutes ces questions devant les tribunaux et en conseillant nos clients et clientes. C'est nous qui voyons la réalité dans la vie quotidienne des justiciables. À première vue, l'un pourrait conclure que le recours en déchéance d'autorité parentale serait une solution disponible à la mère d'un enfant issu d'une agression sexuelle, surtout suite à la modification qu'on a eu de l'article où on a ajouté la question de la violence...

Mme Schirm (Sylvie) : ...mais ce n'est pas nécessairement la solution appropriée à un tel cas. Un recours en déchéance maintient le lien de filiation entre l'enfant et l'agresseur, mais surtout préserve à l'agresseur le pouvoir de demander la révision du jugement en cas de déchéance de l'autorité parentale. Donc, la femme victime aura ainsi à, encore une fois, faire face à son agresseur dans le cadre d'un litige qui peut s'avérer fort acrimonieux et même répétitif, car l'agresseur a comme but de contrôler sa victime et continuer d'exercer ce contrôle.

De plus, nous comprenons également qu'en l'absence du lien de filiation, seul celui qui commet une agression sexuelle aura une obligation alimentaire. On parle ici de l'indemnité envers l'enfant, mais non l'inverse. En matière de déchéance de l'autorité parentale, la situation sera différente puisque le tribunal a le pouvoir d'en décider autrement. Et cette dispense pour l'enfant envers son père pourrait être levée après sa majorité. Nous croyons donc que la protection du nouveau recours prévu au projet de loi 12 est meilleure pour l'enfant issu d'une agression sexuelle pour ainsi éviter que l'agresseur puisse demander des aliments à l'enfant issu de son crime.

Enfin, en tant qu'avocate œuvrant exclusivement en droit de la famille, nous désirons attirer votre attention sur le fait que le nouveau recours permettant de contester la filiation puisse être utilisé à mauvais escient. En effet, devant le peu et sinon l'absence de balises législatives quant au fardeau de preuve de la partie demanderesse, le contexte du litige familial découlant d'une séparation est propice à l'utilisation de ce recours par une mère désirant s'approprier de l'enfant comme un des moyens pour ostraciser le père de sa vie. Nous sommes réalistes que cette possibilité existe, mais c'est exact que cette possibilité existe aussi par le biais de la déchéance de l'autorité parentale. Mais nous croyons pertinent de soulever cette possibilité. Évidemment, il s'agira d'une question de preuve, et nous sommes rassurés que le tribunal doit trancher dans l'intérêt de l'enfant.

• (15 h 10) •

En ce qui a trait à la responsabilité financière visant les besoins d'un enfant issu d'une agression sexuelle, nous saluons la décision du ministre de la Justice de mettre en place des mesures pour minimiser les interactions entre la femme ayant été victime d'une agression sexuelle et son agresseur. En effet, le paiement d'un montant forfaitaire permettra de limiter au minimum les interactions concernant les aliments dus à un enfant. Et on sait très bien que, dans le cas de déchéance, l'obligation alimentaire est toujours là. Donc la porte est ouverte à des modifications ou des retours à la cour, des demandes de changement, des demandes d'annulation des demandes de non-paiement qui donc va faire en sorte que le litige va se maintenir et que les relations entre l'agresseur et sa victime vont forcément être toujours là, devant les tribunaux. Cependant, en tant que praticienne, parce que la première chose qu'on fait quand on regarde une loi ou une disposition, c'est de dire : Et comment est-ce qu'on va faire ça? Qu'est-ce qu'on va plaider?

Nous constatons l'absence de critère, ou de facteur, ou de balise permettant de déterminer l'indemnité ainsi payable, alors on comprend qu'on parle d'une indemnité non pas d'une pension alimentaire. Mais ceci laisse présager des litiges sur les questions, à savoir : Dans quelle mesure les moyens financiers de la mère seront considérés? Dans quelle mesure l'indemnité, est ce qu'elle est liée ou non à la capacité de payer du débiteur? Le cas échéant, est-ce qu'on pourrait tenir compte, et si oui, dans quelle mesure, des contributions que le débiteur aurait effectuées au besoin de l'enfant antérieurement à la demande? Comment évaluer les besoins d'un enfant jusqu'à l'atteinte de son autonomie? Et on sait que c'est fini, le temps de 18 ans pour l'autonomie d'un enfant. Et, si c'était le cas il y a 25 ou 30 ans, aujourd'hui, on sait très bien que l'autonomie d'un enfant peut aller jusqu'à au moins, minimalement, le premier bac. Donc on parle d'une période qui est quand même assez longue. Est-ce qu'une preuve d'expert sera nécessaire ou une preuve actuarielle, ce qui, évidemment, va alourdir le processus pour arriver à à établir l'indemnité?

Alors, nous craignons qu'en l'absence de barème législatif s'instaurera une importante disparité dans les indemnités accordées...

Mme Schirm (Sylvie) : ...dans les différents dossiers. Alors, nous recommandons l'adoption par le législateur d'un règlement d'application prévoyant des barèmes de... quantums, pardon, d'indemnités -- que nous présumons être sans impact fiscal -- mais lesquels ne tiendraient pas compte des revenus ni du parent créancier ni de ceux du débiteur.

Et je veux rappeler, c'est en 1997 qu'on a modifié la loi parce qu'auparavant, malheureusement, je suis assez vieille pour m'en rappeler, auparavant on a plaidé la pension alimentaire des enfants avec des budgets, on faisait un budget de l'enfant. Alors, il y avait des jugements qui variaient énormément et c'est pour ça qu'on a instauré les tables, ce qui permettait d'avoir une certaine égalité selon les revenus des parents. Alors, il ne faut pas oublier ce phénomène-là, et il faut éviter que cela se reproduise dans le cas de l'indemnité.

D'autre part, on comprend que le projet de loi prévoit la possibilité de modifier l'indemnité, mais uniquement en cas de changement important dans l'état de santé de l'enfant en raison des circonstances inconnues ou imprévisibles lors de son établissement initial. Alors, nous soumettons qu'il existe plusieurs facteurs, outre ceux reliés à la santé de l'enfant, qui risquent de survenir de manière imprévue et influer sur ses besoins. Nous ne croyons pas qu'il faille limiter la possibilité de révision de l'indemnité uniquement à des cas découlant des soucis de santé de l'enfant. Nous recommandons de prévoir plutôt de manière générale que, s'il survient un changement important en raison de circonstances inconnues, imprévues ou imprévisibles au moment du jugement, il sera possible pour l'enfant de demander au tribunal d'ordonner le paiement d'une indemnité supplémentaire.

Finalement, l'indemnité qui est prévue ici est clairement prévue au bénéfice de l'enfant issu d'une agression sexuelle, mais est payable à sa tutrice légale, soit à la victime de l'agression. Pour éviter tout conflit quant au véritable créancier de l'indemnité, nous recommandons de mentionner dans le texte des articles 542.33 et 542.34 qu'il s'agit d'un recours exercé pour l'enfant mineur par la victime d'agression sexuelle à titre de tutrice légale, de la même façon qu'on le fait dans 586 C.c.Q.    Alors, nous espérons que nos commentaires et suggestions peuvent aider le législateur à adopter la législation actuelle, le tout dans le meilleur intérêt des enfants du Québec. Merci.

Le Président (M. Bachand) :...M. le ministre, vous avez la parole.

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Bon après-midi, Me Schirm. Me Tremblay, merci beaucoup d'être présent à nouveau en commission parlementaire. Vous êtes assidu sur le droit de la famille, alors c'est toujours un plaisir de vous recevoir.

Bien, parlons-en justement de cette indemnité-là. Je comprends que vous souhaiteriez qu'on vienne donner un pouvoir habilitant au règlement pour déterminer par voie réglementaire quelles devraient être les modalités financières associées à cette indemnité-là pour répondre aux besoins de l'enfant.

Mme Schirm (Sylvie) : Je crois que peut-être, qu'est-ce qu'on devrait avoir, c'est un genre de barème, et là je ne suis pas actuaire, mais peut-être qu'il y aura lieu de regarder un peu qu'est-ce qu'on fait au niveau des accidents du travail, qu'est-ce qu'on fait ailleurs dans notre législation pour établir les montants d'indemnité. Mais le but, c'est d'éviter non seulement la disparité dans les jugements, là, mais aussi d'éviter le retour à la cour de façon incessante et d'éviter également qu'on puisse avoir une situation d'inégalité face à des parents qui ont des moyens différents. Et donc le barème va aussi éviter surtout la nécessité d'une preuve d'expert, parce que sinon, comment est-ce que je vais venir à la cour puis dire : Voici combien coûte mon enfant et voici qu'est-ce que je prévois que le coût de l'enfant peut avoir pour les prochains 20 ans ou 25 ans, peu importe?

C'est vraiment dans cet aspect-là qu'il faudra regarder peut-être un barème selon les revenus. Est-ce qu'on tient compte des revenus? Est-ce qu'on tient compte de la situation de l'enfant? C'est toujours un risque en faisant ça, parce que l'indemnité ne signifie pas des aliments, l'indemnité, c'est payer pour compenser un geste. Alors...

M. Jolin-Barrette : Oui, parce que c'est tout le défi que nous avions de faire en sorte d'indemniser adéquatement, mais puisque... En fait, cette mécanique-là va rentrer en vigueur à partir du moment où il n'y a pas de lien de filiation qui s'établit. Puis là, nous, ce qu'on souhaitait faire, ce n'était pas de pénaliser financièrement la mère de l'enfant rattachée à ça, mais on ne veut certainement pas qu'il y ait une relation continue entre l'agresseur et la mère. Donc, on souhaitait que ça soit un montant unique, forfaitaire, révisable, si jamais il arrivait quelque chose dans la vie de l'enfant, mais pas à chaque année...

M. Jolin-Barrette : ...chaque deux ans. L'idée, c'est de faire en sorte qu'on règle les affaires une fois, au moment où madame s'oppose à l'établissement de la filiation. Dans les scénarios alternatifs qui sont à la... en matière de disponibilité des scénarios, il y a toujours la possibilité pour madame aussi d'établir la filiation, mais d'avoir le recours en déchéance de l'autorité parentale qui est facilité dans le cadre du projet de loi qu'on met. Mais ce n'est pas simple de trouver une solution pour répondre à cette problématique-là. J'étais curieux de savoir est-ce que, dans votre pratique, vous avez déjà été confronté à une situation similaire?

Mme Schirm (Sylvie) : Non, mais des sommes globales pour enfants qui sont très rares, qui sont très rares, on en a déjà plaidées. Il y a une réticence des tribunaux, je dirais, parce qu'il y a en place un régime de pension alimentaire. Alors, sommes globales pour un enfant, ça existe, mais il faut quand même l'évaluer. Il faut tenir compte... De toute façon, la pension alimentaire des enfants est non imposable, ça fait que ça ne change pas rien au niveau fiscal, mais c'est difficile pour les tribunaux de pouvoir évaluer un montant en remplacement d'une pension alimentaire. Alors, des sommes globales pour enfants, la jurisprudence est très pauvre à ce niveau-là.

Et c'est sûr que, dans ce cas-là, parce que c'est une question alimentaire pour l'enfant, on va certainement évaluer les capacités de payer des deux parents et les besoins de... et le niveau de vie, là, si vous voulez, de l'enfant chez les deux parents. Alors, c'est pour ça que la première question qui nous est soulevée, c'est : O.K., l'indemnité, qui va le décider? Comment? Est-ce qu'on va laisser les tribunaux arriver à des principes ou établir un certain principe? Peut-être. Ça va prendre du temps, puis il risque d'y avoir une disparité. Donc, je pense qu'on a besoin, peut-être, un peu plus autour...

M. Jolin-Barrette : ...de règlement.

Mme Schirm (Sylvie) : Oui, oui, oui, pour pouvoir guider les tribunaux dans ce sens-là.

M. Jolin-Barrette : Parce que vous le dites bien aussi, la difficulté avec ça, c'est de prévoir l'avenir. Parce que, dans l'éventualité où, supposons, c'était lié au revenu des parents, bien, le revenu qui est au jour un n'est pas le même qu'au jour 10, mais l'indemnité va être donnée au jour un l'année, supposons, où le recours va être entrepris devant le tribunal, puis il n'est pas révisable, il serait révisable uniquement pour une question de santé de l'enfant ou pour un motif important. Donc, c'est tout le défi, mais je retiens votre suggestion de donner un pouvoir habilitaire au ministre pour établir des lignes directrices pour guider, je pense que c'est sage, c'est une suggestion qui est sage.

Je voulais vous demander, lorsqu'on parle de grossesse pour autrui, puis le sujet va venir dans le cadre des consultations, je voudrais savoir ce que vous pensez de la pluriparenté... Le fait qu'il y ait... Dans le projet de loi, on limite à uniquement deux parents. Qu'est-ce que vous pensez des situations où il y a certains groupes qui vont nous demander d'élargir et d'avoir plus de deux parents? Donc, ça veut dire l'autorité parentale qui est détenue par plus de deux parents, trois, quatre, cinq, six.

• (15 h 20) •

Mme Schirm (Sylvie) : Écoutez, c'est... pour les praticiens en droit de la famille, pour nous, là, c'est inquiétant, inquiétant parce qu'on voit la situation, évidemment, quand ça ne va pas bien. Moi, je n'ai pas des gens qui vont très bien puis ils sont heureux dans mon bureau. J'ai des gens où le litige, le conflit de garde existe. Et c'est les conflits les plus difficiles, les plus pénibles, souvent très dispendieux, très déchirants et émotivement difficiles pour tout le monde. Moi, je trouve qu'on demande déjà beaucoup à nos enfants avec la question de la garde partagée, par exemple, entre deux parents. Et je ne suis pas contre la garde partagée, mais je pense que nos enfants ont de la résilience, mais il y a une limite aussi à qu'est-ce qu'on peut faire.

La situation de la pluriparenté, la triparenté, c'est qu'on fait quoi quand il y a un litige et quand le couple, ou les trois personnes, ou les quatre personnes ne sont plus ensemble et ne vivent plus en harmonie? Alors, on va partager cet enfant-là de quelle façon? Et, quand je parle de partager, ce n'est pas juste le temps ou le calendrier, je parle aussi de comment on va partager les décisions, comment on va partager l'autorité parentale. Qui va choisir le médecin? Qui va choisir l'école? Qui va décider quelles sont les activités que cet enfant va faire? Tout ça, déjà, quand il y a deux parents séparés, c'est un défi. Il y a des gens qui réussissent à s'entendre, tant mieux, mais cet enfant-là est déjà demandé de s'adapter à deux environnements différents, avec souvent des règles différentes, avec les familles recomposées, avec les nouveaux conjoints, nouvelles conjointes, et là on va ajouter une troisième personne qui va participer à la décision. Et c'est qui qui va décider? C'est deux vont voter contre un? Un contre... Qui va prendre la décision importante dans la vie de cet enfant-là...

Mme Schirm (Sylvie) : ...on va le partager comment? On va faire quoi avec Noël? On va faire quoi avec l'été? C'est ça la réalité que nous, on voit. Puis je comprends que quelqu'un peut dire : Bien, moi, j'agis comme parent et je veux être sur le certificat de naissance. Mais, si on veut être sur un certificat de naissance, c'est parce qu'on veut exercer des droits. Et, si on veut exercer des droits, dans ce cas-là, c'est parce qu'on prévoit que peut-être un jour il y aura une rupture et que peut-être un jour la famille heureuse sous le même toit n'existera plus.

Alors, il faut vraiment regarder ça du point de vue de l'enfant. Et je vous dirai que je mettrai quiconque au défi de voir comment cela pourrait être géré. Je ne sais pas comment un tribunal pourrait en juger, à partager entre trois ou entre quatre des décisions de tous les jours. Et cet enfant-là va vivre à combien d'adresses? Puis le litige, quand il est là... Si tout va bien et même si on se sépare en harmonie, on n'a pas besoin d'un jugement puis on n'a pas besoin d'un certificat de naissance. Et, si ça ne se passe pas comme ça, bien, il faut penser à l'enfant qui va vivre au centre de ce litige-là. C'est le plus difficile. C'est le plus dommageable, pour l'enfant, de vivre cette situation-là de conflit parental. Alors, imaginez un troisième qui s'ajoute à ça. Je vous dirai que je ne crois pas que c'est dans l'intérêt de l'enfant de permettre cette situation-là.

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Et, si vous me permettez, ce qu'on entend beaucoup, c'est : Mais, si effectivement il y a un projet parental, disons que c'est trois, là, parce qu'on peut se poser la question, on arrête à combien, mais présumons que c'est trois, le troisième parent qui ne serait pas sur le certificat, ce qu'on entend, c'est : Oui, mais, s'il y a rupture de ce milieu familial là, l'enfant va perdre contact avec moi. Alors que, dans les faits, ce qu'on sait, c'est qu'il existe des recours. Si effectivement il n'y a pas d'entente puis qu'une personne serait évacuée parce qu'elle n'est pas sur le certificat de naissance, il existe des recours, des droits d'accès pour des tiers. Ça existe déjà. On n'a pas besoin de rajouter un parent sur un certificat de naissance pour pouvoir permettre ça.

Mme Schirm (Sylvie) : Et cette personne-là ne fera pas partie aux décisions, et donc, au moins, on va limiter le conflit le plus possible.

M. Jolin-Barrette : Excellent. Écoutez, je vous remercie pour votre présence en commission. Je sais que j'ai des collègues qui veulent vous poser des questions. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Alors, il reste un peu plus de six minutes. Mme la députée de Laval-des-Rapides.

Mme Haytayan : Merci, M. le Président. Merci à vous deux pour votre temps, très intéressant. Une question par rapport à l'autonomie décisionnelle de la femme. Donc, la personne porteuse pendant la grossesse, pendant le projet de GPA, à votre avis, est-ce que vous croyez que cette personne est protégée à toute étape de la GPA? Est-ce que c'est suffisamment encadré, selon vous?

Mme Schirm (Sylvie) : Nous, on avait recommandé qu'il y ait des consultations avec des avocats, mais, justement, avant, avant la conception, avant, justement, pour permettre à tout le monde dans ce projet-là, d'avoir une opinion, d'avoir une consultation privée sur la question. Parce que peut être qu'il y a des questions qu'on veut poser qu'on n'osera pas poser devant... en présence de la mère porteuse, parce que justement on est dans une situation où on ne veut surtout pas du conflit puis on veut amener tout ça à terme.

Moi, je trouve qu'où est-ce qu'elle est protégée, c'est le fait de pouvoir mettre fin à la grossesse en tout moment, entièrement. Ça, je trouve que c'est important puis je trouve qu'on ne devra certainement pas changer ça. Nous, on avait suggéré que, vu toutes les étapes de cette démarche-là qui doivent être faites même avant la conception, on considérait qu'il y avait suffisamment de temps pour la mère de donner son consentement à ce projet-là et on considérait que le fait qu'elle puisse le retirer dans les sept à 30 jours... pas avant sept jours puis dans les 30 jours, on considérait que cela n'était pas nécessaire à cette étape-là, vu qu'on pense, bon, bien,  on a l'idée de le faire, on a les rencontres, on a la rencontre avec le notaire, on a... si c'est un cas d'insémination, tout qu'est-ce que... Cela prend du temps. Alors qu'on trouvait que le temps était suffisant pour que la mère porteuse ait le temps de réfléchir à ça, qu'elle n'avait pas besoin d'un autre délai. Mais c'était ça, notre opinion, à l'époque, et ça l'est encore aujourd'hui, mais je crois que... le fait qu'elle puisse, elle, décider de mettre fin à la grossesse, on n'a absolument rien contre cette démarche-là.

Mme Haytayan : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci, Mme la députée de Vimont, s'il vous plaît.

Mme Schmaltz :  Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. J'ai une question concernant le laps de temps qu'on accorde dans une dénonciation. Je m'explique. Souvent, des femmes vont prendre quelques années, ça peut arriver qu'elles ne vont pas dénoncer immédiatement leur agresseur, pour toutes sortes de raisons, parce que...

Mme Schmaltz : ...que ça peut être un viol conjugal parce que ça pourrait être une agression qui est arrivée, puis pour toutes sortes de raisons, elles ne vont pas le dénoncer. Est-ce que vous pensez qu'il y a un laps de temps qu'on doit encadrer avant qu'une dénonciation puisse se faire? Jje pense que la loi l'autorise, il n'y a pas de date.

Mme Schirm (Sylvie) : Il n'y a pas de date. Je pense que non. Je pense que, de toute façon, il faut considérer que tout ça est relié à un enfant, hein? Alors, le laps de temps, à mon avis, ne devrait pas exister pour faire ce recours- là justement, dans le contexte dans lequel on sait que les femmes ne portent pas toujours plainte, que ce n'est pas tous les viols qui sont dénoncés, que ce n'est pas toutes les agressions qui sont dénoncées.

C'est certain qu'au niveau de praticiens sur le terrain, c'est une question de preuve, hein, puis c'est une question de la parole de l'un contre la parole de l'autre, un peu comme la violence conjugale. Sauf qu'un cas de violence conjugale, quand c'est répétitif, etc., parfois on a des témoignages, des témoins ou on a des dossiers médicaux, ou on a d'autres choses. Ça se peut qu'on ait un dossier médical ou ça se peut qu'on n'en ait pas. Alors, à mon avis, on ne devrait pas avoir un laps de temps pour faire cette démarche-là, mais ça va jusqu'à la majorité de l'enfant de toute façon.

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Et ça va jouer, je présume, aussi dans l'appréciation de ce qui est dans l'intérêt de l'enfant ou de ce qui ne l'est pas. Si, par exemple, c'est dénoncé alors que l'enfant a 14 ans, bien, de toute évidence, ça va avoir des répercussions sur sa vie si lui a été en contact avec son père.

Mme Schmaltz : Donc, est-ce qu'on peut envisager qu'à partir d'un certain âge, ce n'est pas conseillé justement? Parce qu'il y a le lien qui a été établi déjà à la base.

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Mais ce sera au tribunal d'évaluer ce qui est dans l'intérêt de l'enfant.

Mme Schmaltz : O.K. Parfait. Merci.

Une voix : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :M. le député de l'Acadie.

M. Morin : Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour d'abord votre mémoire, puis le fait que vous puissiez partager avec nous votre expérience pratique de ce dont on parle. C'est déjà un projet de loi q en fait qui est complexe. Il y a de multiples facettes, donc votre expertise est d'autant plus louable et valable. Alors, je tiens à vous remercier beaucoup.

J'aurais quelques questions pour vous. Dans le projet de loi, à l'article 1, un en fait qui réfère à l'article 113 du Code civil. Quand on parle du projet parental impliquant une grossesse pour autrui, on dit que la convention de grossesse pour autrui doit être notariée. Cependant, plus loin dans le projet de loi, quand on parle de la filiation à 541.9 ou le renoncement à la filiation, là, on parle d'un cas, d'un document notarié ou d'un document seing privé. Dans les deux cas, est-ce que vous pensez qu'il y en a un qui mérite plus d'être notarié que l'autre? Est-ce que c'est un manque de cohérence? Est-ce que les deux devraient être notariés ou pas notarié? Est-ce qu'on devrait donner l'option dans les deux cas, puis quels sont les avantages ou les inconvénients?

Mme Schirm (Sylvie) : Si je comprends bien, c'est le consentement qui... Le 541.9, le consentement n'est pas nécessairement notarié.

M. Morin : Exact.

Mme Schirm (Sylvie) : O.K. Tandis que le projet doit être notarié.

M. Morin : Exact. C'est ma compréhesion.

• (15 h 30) •

Mme Schirm (Sylvie) : Et à mon avis, il y a une nuance à faire effectivement parce que, le projet notarié, c'est une question de preuve, hein?

M. Morin : Oui.

Mme Schirm (Sylvie) : Un acte notarié au Québec, là, fait preuve de soi. Mais, en tout cas,  c'est certain que, nous, comme comme praticiens, si quelqu'un vient avec un contrat notarié, j'ai un fardeau de moins de la preuve à faire que si je n'en ai pas. Alors, je trouve qu'il y a une nuance. Mais le consentement, est-ce que c'est nécessaire d'être notarié? Je ne crois pas que c'est vraiment si grave que ça, que ce soit notarié ou sous seing privé.

M. Morin : O.K. Prfait, je vous remercie. Maintenant, si on revient à l'article 542.33, ça c'est l'article 19, je pense, du projet de loi, si je ne me trompe pas, oui, c'est ça ou on parle de la responsabilité financière visant les besoins d'un enfant issu d'une agression sexuelle. Vous l'avez évoqué puis dans, votre dans votre mémoire, vous vous en parlez. Mais moi, ce qui m'intéresse, c'est vraiment le côté pratico-pratique parce que, si le projet de loi est adopté, et compte tenu de la composition du gouvernement actuel, il a de fortes chances d'être adopté avec 90 députés, n'est-ce pas? Ceci étant, après ça, évidemment, ce qu'on veut comme législateur, c'est de s'assurer que ça va avoir une application, mais que les gens vont s'y retrouver puis que ça va être utile pour les gens aussi. Je comprends l'idée, mais corrigez-moi si je fais erreur, mais dans le le projet tel qu'il est là., si, admettons, la victime du viol qui a eu l'enfant...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

M. Morin : ...veut aller chercher une indemnité de la personne qui l'a violée, elle va devoir s'adresser à la cour. Ce n'est pas automatique. 

Mme Schirm (Sylvie) : Non, non.

M. Morin : Et donc, admettons, prenons le cas de figure, la personne a dénoncé, la personne... ‘agresseur a été accusé, il a été condamné au criminel, la personne a un jugement, une condamnation. Bon, donc là, c'est clair que le viol a été établi, mais ça, ça ne donne pas une indemnité. Donc, là, la mère, en fait, qui a été victime, est obligée de s'adresser à nouveau à la cour. Puis là, évidemment, le défendeur, ça va être l'agresseur, et donc de refaire une preuve devant le tribunal civil, n'est-ce pas?

Mme Schirm (Sylvie) :  Oui, mais de toute façon, elle va pouvoir s'adresser à la cour pour contester la filiation si la filiation est déjà établie.

M. Morin : O.K.

Mme Schirm (Sylvie) : Donc, le recours est... Est-ce qu'on va le faire en deux étapes? Ça se peut qu'un juge va d'abord décider : est-ce qu'il y a lieu de rompre le lien de filiation? Parce qu'il doit quand même décider dans l'intérêt de l'enfant, puis il va y avoir une preuve à faire, évidemment. Et il peut décider dans un deuxième temps : Bon, si oui, quel est le montant de l'indemnité? Est-ce qu'on fera une audience en deux étapes? C'est possible, mais c'est sûr que, de toute façon, si le nom est sur le certificat de naissance, ce recours-là doit être entamé. Alors, on peut l'entamer et demander en même temps, dans la procédure, je verrai très bien ça, de demander l'indemnité à ce moment-là.

M. Morin : Au même moment.

Mme Schirm (Sylvie) : Oui.

M. Morin : Et quand on parle, dans le projet de loi, d'une indemnité, puis je pense que vous y avez fait référence, ce n'est pas comme une pension alimentaire, ce n'est pas un montant qui est versé à tous les mois. Donc, c'est un montant.

Mme Schirm (Sylvie) : C'est un montant. Il est possible... Moi, je l'apparente un peu à ce qu'on appelle une somme globale ou une somme forfaitaire. Il est possible, peut-être, pour la cour de décider que l'indemnité sera versée en deux versements, par exemple, mais pas rien qui s'approche, là, d'une pension alimentaire qui sera périodique, etc., sur 18 ans ou dans le temps. Alors, c'est sûr que, quand on a la notion d'indemnité, on sort un peu, là, de qu'est ce qui est la pension alimentaire pour enfants.

M. Morin : Et, évidemment, le projet de loi ne parle pas de 18 ans ou 21 ans, parle de l'autonomie.

Mme Schirm (Sylvie) : Eh voilà.

M. Morin : Et ça, vous y avez fait référence aussi. Donc, ça, ça peut être 17, 18, 20, 21, 22, quelqu'un qui va à l'école, à l'université, ça peut être un peu plus.

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Bien, normalement... ce n'est jamais en bas de 18 ans, là, pour les barèmes de la pension alimentaire.

M. Morin : Exact.

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Mais si après la majorité, un enfant n'est pas indépendant financièrement pour cause de maladie, parce qu'il est aux études à temps plein, là, à ce moment-là, techniquement, il est encore à charge. Donc l'autonomie, ça fait référence à ça.

M. Morin : Exact, mais ce n'est pas très précis.

Mme Schirm (Sylvie) : Pardon?

M. Morin : Ce n'est pas très précis, cependant.

Mme Schirm (Sylvie) : Non, mais la jurisprudence de nos jours... puis c'est pour ça que j'ai parlé tantôt qu'il y a 20 ans... au-dessus de18 ans puis bonjour. Ou des fois, il y a des gens qui nous appellent : Mon fils à 18 ans, est-ce que je peux arrêter de payer la pension? Ce n'est pas le chiffre magique, nécessairement, on voudrait, mais ce n'est pas le cas. Alors, il y a tout cet aspect-là. Donc, la jurisprudence est quand même pas mal établie sur c'est quoi l'autonomie et, d'habitude, puis là, c'est un peu mon interprétation, hein, un premier bac, là, c'est... on donne la chance à l'enfant d'obtenir un premier bac et on va tenir compte, par exemple, dans ce cas là, de certains de ses revenus. Mais là, ici, on ne parle pas de ça, on parle vraiment de l'indemnité.

M. Morin : Puis, évidemment, ce montant-là, vous y avez fait référence, il va falloir à un moment donné des experts, je veux dire, la demanderesse ne peut pas juste dire à la cour : Moi, ça me prend 300 000 $, puis on s'en va avec ça.

Mme Schirm (Sylvie) : C'est pour ça qu'on a besoin de barèmes ou de...

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Il faut faire la preuve autrement, c'est difficile.

M. Morin : Tout à fait, absolument. Et là, si le défendeur, qui est l'agresseur sexuel, vous y avez fait référence, n'a pas sa capacité de payer ou n'a pas de capacité de payer, il n'en a pas bien, bien, la demanderesse va avoir un beau jugement puis ça va l'encadrer, puis ça va finir là.

Mme Schirm (Sylvie) : C'est le sort qui arrive dans certains cas, même avec les pensions alimentaires. Mais si on ne tient pas compte... puis, à mon avis, l'indemnité ne doit pas tenir compte nécessairement de la capacité de payer, mais le jugement est là pour longtemps. Alors, un jugement est aussi inscrit dans les registres de crédits, etc., donc il y a un impact sur la vie de cette personne-là, puis il y a des recours quand même pour pouvoir recouvrir le montant du jugement. Mais c'est certain qu'il peut y avoir des cas où est ce qu'on a encore des jugements.

M. Morin : ...la demanderesse, dans un cas comme ça, n'aura pas nécessairement recours à l'aide juridique, donc ça va être autant de frais pour elle?

Mme Schirm (Sylvie) : Pas nécessairement. Moi, je ne vois pas pourquoi elle n'aura pas recours à l'aide juridique.

M. Morin : Mais ça dépend de ses revenus.

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Ça dépend de sa situation...

Mme Schirm (Sylvie) : Oui, certainement, mais si la personne est admissible à l'aide juridique, ça, c'est sûr qu'à mon avis elle peut exercer le recours. Est-ce que le fait d'aller chercher une indemnité empêcherait l'utilisation...

Mme Schirm (Sylvie) : ...je ne suis pas certaine.

M. Morin : O.K. Mais sauf que pour la majorité des Québécoises qui ont un revenu souvent qui est un peu en haut de l'aide juridique, pas tout le temps, mais qui ne sont pas dans les 400 000 $, 700 000 $, 1 million, là, bien, ça va générer des frais...

Mme Schirm (Sylvie) : C'est sûr.

M. Morin : ...un temps de cours parce qu'on sait que nos tribunaux sont assez débordés par les temps qui courent. Donc, ce n'est pas simple. Aucun recours n'est simple.

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Savez-vous ce qui est intéressant dans ce que vous dites, parce que la Cour d'appel nous interdit, en tant qu'avocat en droit de la famille, de prendre un dossier a pourcentage lorsqu'il est question d'aliments. On ne pourrait pas, par exemple, dire je vais prendre 20 % de la pension alimentaire que tu vas aller chercher. Par contre, quand c'est une indemnité, peut-être que ce serait possible, là. Parce que techniquement, la Cour d'appel parle d'aliments. Si ce ne sont pas des aliments, un avocat pourrait très bien dire : On va t'obtenir une indemnité puis aller te chercher un pourcentage. Alors là dépendamment de ce qui est souhaité, soit qu'on empêche ça ou qu'on le permet.

Mme Schirm (Sylvie) : On ne peut pas le faire sur le patrimoine familial non plus, mais on peut très bien, dans un cas comme... Comme si un avocat peut négocier un mandat sur une question de pourcentage.

M. Morin : Exact, ça ne serait pas interdit...

Mme Schirm (Sylvie) : À mon avis, non.

M. Morin : ...de faire ça comme ça. Et là il n'y a rien qui empêche ça présentement.

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Pas à ma connaissance, non.

M. Morin : O.K. Parfait. Et je vous remercie.

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Et juste... Vous avez posé tantôt la question. Il va falloir faire la preuve du viol.

M. Zanetti : Oui, oui.

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Il y a quand même 542.29 qui dit qu'on pourra faire la preuve par le dépôt. Dans votre exemple, il y avait déjà un jugement en Chambre criminelle. 549.29 prévoit que le dépôt pourra faire la preuve du viol. Donc, on présume que toute cette étape-là, tout ce pan-là de la preuve, pourra être évité, là. Ce n'est pas... On n'aura pas à le faire deux fois, là.

M. Morin : Non. Ça, vous avez tout à fait raison. Je vous remercie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Oui, merci, M. le Président. Sur la question de l'indemnité, là, au fond, si je comprends bien, dans votre interprétation, le projet de loi, en parlant d'indemnité, il exclut la formule récurrente qui s'assimile à une pension alimentaire. Est-ce que vous estimez que ça devrait être changé? C'est-à-dire que ça devrait être une pension alimentaire, ou vous estimez que c'est mieux que ça soit une indemnité?

Mme Schirm (Sylvie) : Non, non, non parce que, justement, le but, c'est de couper les liens. Si on veut enlever la filiation, là, si on permet d'enlever la filiation, si une victime veut ne plus avoir de lien, et on va à ce point-là de demander que la filiation n'existe plus, c'est certain qu'on ne veut pas être devant les tribunaux aux deux ans ou avant avec l'agresseur qui va venir demander non seulement une modification de la... si c'était le cas de pension, la pension, mais de demander les revenus de madame, combien est-ce qu'elle gagne, envoyer des citations à comparaître à son employeur, demander copie de sa carte de crédit, toute l'invasion de la vie privée qui existe dans ce cas-là, c'est justement qu'est-ce qu'on veut éviter.

M. Zanetti : O.K. Et est-ce que... C'est sûr que si, mettons, le montant d'indemnité est fixé à un niveau qui dépasse la capacité de payer du défendeur, bien là, les liens ne seront pas rompus parce qu'à un moment donné, ça va comme une...

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Ça va forcer les discussions pendant des années peut-être.

M. Zanetti : C'est ça, forcer... Bon. Mais c'est comme un moindre... C'est le moins pire des maux, finalement.

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Exact.

M. Zanetti : O.K. Une autre question c'est : Est-ce qu'il existe quelque chose? Parce que... Est-ce qu'il y aurait une façon d'éviter de s'en remettre aux tribunaux pour fixer ce montant-là? Y a-t-il une formule qui existe sur laquelle le projet de loi pourrait arrimer l'indemnité qui est prévue au projet de loi? Y a-t-il comme : Oui, oui, on n'a pas le choix, il va falloir que ça se fasse cas par cas?

Mme Schirm (Sylvie) : Bien, à mon avis, on n'a pas le choix parce qu'on veut éviter le contact entre ces deux personnes là. Alors, ce n'est certainement pas le cas de médiation.

M. Zanetti : Oui?

Mme Schirm (Sylvie) : Ce n'est pas un cas non plus du service qui existe, là, où est-ce qu'on peut demander de réviser la pension alimentaire quand on est tous les deux d'accord, etc. Ça ne se prête pas à ça.

M. Zanetti : O.K. Donc, la nécessité, l'impératif, l'objectif de couper les liens nous dirigent vers une solution comme celle-là. Puis pas le choix, les tribunaux, même avec les coûts que ça entraîne, là. Je comprends.

Mme Schirm (Sylvie) : Parce que l'autre choix, c'est de rester dans le cadre qui existe, qui est la déchéance de l'autorité parentale dont j'ai parlé tantôt. Et avec la pension alimentaire, bien là, on n'a pas rien vraiment réglé à ce niveau-là.

• (15 h 40) •

M. Zanetti : Pouvez-vous m'expliquer ça? Je ne crois pas comprendre.

Mme Schirm (Sylvie) : C'est à dire, si on fait une déchéance d'autorité parentale, le lien de filiation continue d'exister. On peut demander la révision. Le parent, le père avec ça peut demander des aliments à l'enfant issu de l'agression. Le lien au niveau de l'obligation alimentaire est encore là. Alors, tout est encore en place.

M. Zanetti : On ne coupe pas.

Mme Schirm (Sylvie) : Donc, on ne coupe pas le lien.

M. Zanetti : Je comprends.

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Puis on peut présumer que la victime pourra choisir son recours.

Mme Schirm (Sylvie) : Voilà!

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Si c'est une personne fortunée, avec un jugement qui pourrait être exécutable, bien, on va peut-être choisir ce recours-là. Si, par exemple, la personne est incarcérée, n'a pas de moyens financiers, bien, peut-être qu'on va y aller avec la déchéance puis on va revenir pour les aliments. Ce sera à son choix.

M. Zanetti : Parce que le jugement peut arriver plusieurs années après la naissance, là.

Mme Schirm (Sylvie) : Oui.

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Oui. Et de là la question de savoir, pour déterminer l'indemnité, comme disait Me Schirm plus tôt, est ce qu'on considère qu'il a contribué. Disons que l'enfant a quatre ans. Est-ce qu'il a contribué, les quatre premières années...

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : ...financièrement. Est-ce qu'on le déduit de l'indemnité? Parce que ça peut être fait aussi... ça peut se négocier entre avocats, ça peut être fait volontairement aussi, là.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Merci beaucoup, M. le député. Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Merci, M. le Président. Deux questions. Ma première, c'est en lien avec le changement. Puis la deuxième, c'est la prescription... en tout cas, la façon que ce n'est...

Une voix : ...

Mme Nichols : Exactement ça. Mais autant pour la personne victime, contrairement, là, à l'enfant, ça fait que je pourrai peut-être compléter avec ça. Mais le changement, c'est parce que, dans les pensions alimentaires pour enfants, dès qu'il y a un changement, puis là on sait qu'on peut y aller...

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Significatif.

Mme Nichols : Significatif, soit un changement de garde ou soit un changement important dans les revenus des parents.

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Ou dans la vie de l'enfant, dans l'état de l'enfant aussi. À l'heure actuelle, une pension, c'est ça.

Mme Nichols : C'est ça. Là, on peut demander un changement, tu sais, un changement, mais dans... Je regardais dans votre mémoire, vous recommandez de prévoir plutôt, de manière générale, que, s'il survient un changement important en raison de circonstances inconnues, imprévues, imprévisibles... Ces changements-là, vous faites référence à l'enfant, pas nécessairement à la situation...

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Exact.

Mme Schirm (Sylvie) : Exactement. C'est aux besoins de l'enfant.

Mme Nichols : C'est ça, au besoin de l'enfant, mais, s'il y avait un changement important dans la situation du... on va dire du paternel, il gagne à la loterie, je ne sais pas, il...

Mme Schirm (Sylvie) : À mon avis, bien, il va y avoir une interprétation à faire par rapport à ça, mais, à mon avis, le but, c'est de limiter les interactions. Alors, ça prend... C'est pour ça qu'on a parlé d'un changement très imprévisible, là, quelque chose qu'on n'aurait pu jamais penser quand l'indemnité avait été fixée, mais c'est par rapport à l'enfant, parce que l'indemnité, c'est pour les besoins de l'enfant.

Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Ou, par exemple, s'il y a des barèmes qui sont établis qui ne prennent pas en considération les moyens des parents, mais bien qu'on détermine le coût de base d'un enfant, par exemple, pour les 18 premières années, puis là on va établir un certain barème selon l'âge de l'enfant. L'indemnité correspondra à ce barème-là, mais, si jamais, finalement, l'enfant a des problèmes de santé majeurs, mais ça peut être d'autres sortes de problèmes aussi, qui font en sorte que l'indemnité, de toute évidence, n'est pas suffisante, bien là, on pourra demander une indemnité additionnelle qui, là, devra se faire l'objet d'une preuve d'expertise.

Mme Schirm (Sylvie) : Mais qui sera quand même assez restreint, là, ce n'est pas quelque chose qui va...

Mme Nichols : Mais pas nécessairement de prévoir une ouverture s'il y a un changement dans la situation financière...

Mme Schirm (Sylvie) : Non, non, non, parce qu'on parle d'indemnité et non pas de pension alimentaire.

Mme Nichols : O.K., parfait. C'est sûr que, tu sais, comme les pensions alimentaires, là, ça sera difficile, là, d'avoir un recours pour aller chercher ces montants-là, qu'on s'assoit une fois, deux fois ou... Ça sera quelque chose qu'on passera par un percepteur des pensions alimentaires, on verra, là, évidemment ça des discussions qui auront lieu ici.

Relativement à la prescription, je m'interrogeais, entre autres, puis il y a eu d'autres groupes aussi avant, là, 542.33 puis 542.34, pourquoi les recours qui sont prévus à ces nouveaux articles là sont imprescriptibles pour la personne victime contrairement à l'enfant issu de l'agression sexuelle. Est-ce que vous le voyez comme ça ou vous l'interprétez?

Mme Schirm (Sylvie) : Excusez-moi, c'est 542.33.

Mme Nichols : Oui, puis 542.34. Je me demandais est-ce que c'est des... Tu sais, est-ce que ça préoccupe, entre autres, la limite du recours pour que...

Mme Schirm (Sylvie) : Non.

Mme Nichols : Non, on ne le voit pas...

Mme Schirm (Sylvie) : Non, non, non... Non, puis d'ailleurs on donne l'opportunité à l'enfant, si jamais la mère décide de ne pas exercer ce recours-là... Ce qui est possible, parce que quelqu'un qui a vécu ça veut peut-être dire : Je ne veux même pas faire une demande. Je peux faire une demande de rompre le lien de filiation, mais je ne veux pas faire de demande d'indemnité, c'est très... c'est possible, ça. À ce moment-là, l'enfant a le recours qu'il peut faire à la majorité.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Le temps passe rapidement en agréable compagnie. Alors, merci beaucoup.

Et puis on suspend quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 45)

(Reprise à 15 h 49)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir les représentants de la Chambre des notaires du Québec. Donc, Me Potvin et Me Boily, merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation. Alors, je vous laisse débuter immédiatement. À vous la parole.

Mme Potvin (Hélène) : Alors, merci beaucoup. Bonjour à tous! Alors, M. le Président, M. le ministre de la Justice et notaire général, Mmes, MM. les députés, au nom de la Chambre des Notaires, je vous remercie pour votre invitation à cette consultation particulière qui porte sur le projet de loi n° 12.

• (15 h 50) •

Après l'adoption d'une partie du projet de loi n° 2 l'automne dernier, le présent projet de loi représente une autre étape dans la réforme du Droit de la famille au Québec, tant réclamée par la Chambre, et ce, depuis bon nombre d'années. Je tiens donc à remercier le ministre pour son travail continu dans ce dossier et son engagement à faire avancer cette réforme bien nécessaire.

Tout d'abord, la Chambre tient à saluer l'importance qu'accorde le législateur aux principes dans l'intérêt de l'enfant, le plaçant ainsi au coeur des préoccupations. C'est également ce qui a guidé les travaux de la Chambre et la rédaction des différentes propositions et recommandations faites dans notre mémoire. Ce principe est tellement important aux yeux de la Chambre qu'il devrait être enchâssé dans la Charte des droits et libertés de la personne afin de guider toutes les décisions qui les concernent. On élève donc au rang de valeur juridique et sociale, pour notre société, les droits des enfants, qui sont ainsi garantis. Alors, nous faisons ainsi écho à la proposition du notaire et professeur Alain Roy, expert en droit de la famille, que je salue aujourd'hui, que je remercie pour son travail engagé dans ce domaine.

La Chambre félicite le législateur qui innove en permettant l'établissement légal du lien de filiation en faveur des parents d'intention...

Mme Potvin (Hélène) : ...un processus simple et complètement judiciarisé qui prévoit dorénavant la validité d'une convention de grossesse pour autrui, une avancée concrète pour l'intérêt de l'enfant issu d'un tel projet parental. La filiation a beaucoup d'impacts sociaux, humains, civils et juridiques, c'est pour cette raison que nous appuyons les nouvelles dispositions législatives qui visent à ne pas restreindre à un délai fixe le droit pour un enfant de réclamer ou de contester sa filiation. Ainsi, chaque personne vivant une situation où sa filiation représente un enjeu au cours de sa vie pourra dorénavant la vivre sans discrimination quant à son âge.

La chambre salue également le fait qu'un enfant issu d'une agression sexuelle puisse dorénavant contester sa filiation avec l'agresseur ou s'opposer à ce qu'une telle filiation soit établie. Ici aussi, on place l'intérêt supérieur de l'enfant avant tout. Il en est de même de la protection financière de l'enfant dans le cas où il est issu de la violence. Nous comprenons qu'un des objectifs des nouvelles dispositions législatives proposées consiste à éviter qu'une filiation puisse être établie entre l'agresseur et l'enfant. Pour cette raison, nous croyons qu'il serait plus cohérent avec les dispositions actuelles du Code civil du Québec en matière de succession de ne pas considérer cet enfant comme un descendant au premier degré. La dévolution légale d'une succession repose sur les liens de parenté, qui, eux, reposent sur la filiation.

Toutefois, l'enfant issu d'une agression sexuelle ne doit pas être laissé sans ressources pour autant. C'est pour cette raison que la Chambre des notaires propose des alternatives aux dispositions proposées dans le projet de loi. Si l'objectif du législateur est de veiller à ce que l'enfant ne soit pas laissé dans le besoin, il serait envisageable d'ajouter l'enfant parmi les créanciers alimentaires de l'agresseur, tant de son vivant qu'à son décès. En revanche, si l'objectif du législateur est plutôt de s'assurer que l'enfant reçoive une portion du patrimoine de l'agresseur à son décès, nous croyons que l'enfant devrait avoir la possibilité d'obtenir une portion déterminée de la succession à titre d'indemnité, laquelle pourrait être fixée, d'ailleurs, par la loi. Cette indemnité pourrait être d'ordre public, ce qui ferait en sorte que l'agresseur ne pourrait pas la contourner grâce à des dispositions testamentaires.

Le projet de loi n° 12 vient reconnaître les projets parentaux qui ont recours à la grossesse pour autrui. Étant donné les risques et les enjeux, tant juridiques qu'éthiques, qui peuvent être associés à ces projets, la chambre appuie sans réserve l'adoption des dispositions législatives et réglementaires visant à les encadrer. Cet encadrement est bien nécessaire afin d'assurer la sécurité juridique des parties et plus particulièrement celle de la personne donnant naissance et à l'enfant à naître. Pour parvenir à établir ce cadre, le législateur fait appel aux notaires, officiers publics impartiaux, conseillers juridiques et experts en droit de la famille, obtenir la garantie que la date de la convention est antérieure à la conception de l'enfant à naître, et ce, de façon certaine, est crucial. Elle permet ainsi à l'État d'assurer la primauté des intérêts supérieurs de l'enfant et éviter la marchandisation de l'enfant déjà conçu en tout respect de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant. La convention de grossesse pour autrui par acte notarié en minutes fera preuve de son contenu, dont la date certaine de l'écrit, de l'identité des parties, de la validité d'un consentement libre et éclairé et de la véracité des éléments qui y sont contenus. L'acte notarié est inattaquable dans son essence que si les formalités imposées à sa confection n'ont pas été respectées. Aucune protection équivalente n'existe pour les... peu importe qu'on en multiplie les témoins à sa signature.

L'acte notarié est plus qu'un simple contrat, il est le résultat d'un accompagnement. Le notaire pourra vulgariser aux parties l'encadrement juridique imposé à ce type de convention et pourra bien les conseiller. Ceci représente le gage de cet encadrement recherché par le législateur. Le notaire, juriste de proximité, près des personnes et des familles, est donc le professionnel tout indiqué pour assumer la responsabilité que le législateur entend lui confier. Un récent sondage est d'ailleurs venu affirmer que 84 % des Québécois et des Québécois considèrent que la convention de grossesse pour autrui devrait être faite sous la forme notariée afin de mieux protéger les parties à la convention ainsi que l'enfant à naître.

D'ailleurs, et en ce qui concerne la convention grossesse pour autrui, notre mémoire expose plus précisément les clauses qui pourraient s'y retrouver. On y propose plusieurs éléments qui feront de cette...

Mme Potvin (Hélène) : ...un document précis, personnalisé, sécuritaire, alors je vous y réfère. Par ailleurs, et une fois signé, les parties pourraient vouloir y apporter des modifications, et ce, pour différentes raisons. Alors, il nous apparaît essentiel de prévoir cette éventualité. En conséquence, la Chambre recommande au législateur de prévoir expressément une disposition légale qui vient permettre la modification de la convention de grossesse pour autrui par acte notarié en minute.

De plus, et en guise de complément à la convention de grossesse pour autrui, nous croyons que les dispositions relatives au dépôt en fidéicommis qui étaient prévues dans l'ancien projet de loi deux devraient être reprises dans le présent projet de loi. Ce dépôt ajoute une garantie supplémentaire à cette démarche. De cette manière, la femme ou la personne qui a accepté de donner naissance aura la garantie qu'elle obtiendra, ce qui lui est dû et, pour les parents d'intention, l'assurance qu'ils pourront respecter leurs obligations financières, bref, se libérer l'esprit des considérations monétaires afin de se concentrer sur le côté humain du projet.

Autre situation, il nous apparaît essentiel que l'intérêt de l'enfant soit placé au-dessus de toute autre considération, c'est le consentement de soins du nouveau-né dans le cadre d'une grossesse pour autrui. La Chambre est d'avis que le législateur doit éliminer toute ambiguïté quant à la personne ou aux personnes qui doivent consentir ou refuser les soins de santé au nouveau-né. Or, le fait de confier l'enfant emporte de plein droit la délégation de l'exercice de l'autorité parentale, et ce... et la tutelle aux parents d'intention, sauf s'il y a opposition de la femme ou de la personne qui lui a donné naissance. Cette situation de fait, difficile à déterminer dans certains cas, peut entraîner des conséquences graves et importantes pour l'enfant. Alors, la Chambre recommande ainsi au législateur de préciser qui sera le détenteur de l'autorité parentale pendant la période entre la naissance et la signature du consentement de cette personne, parce que son lien de filiation soit réputé n'avoir jamais existé et que ce lien soit établi à l'égard des parents d'intention.

À l'instar de l'encadrement rigoureux qui est exigé lors d'un projet parental se déroulant au Québec, il est essentiel que l'État encadre le projet parental hors du Québec, de manière à lui fournir des garanties similaires. À cet effet, pour éviter tout contournement facile de la loi, la Chambre recommande que les parents d'intention soient obligés de signer une déclaration solennelle par acte notarié en minutes, à l'effet qu'ils s'engagent à conclure une convention de grossesse avec la femme ou la personne qui acceptera de donner naissance à l'enfant avant la grossesse projetée. Cette déclaration serait ainsi transmise au ministre avec la demande pour autorisation prévue au projet de loi. Cette déclaration solennelle par acte notarié donnera ainsi une garantie fiable aux analystes de l'État qui auront à traiter ces dossiers.

En terminant, la Chambre remercie le ministre de la Justice et notaire général pour sa confiance envers les notaires, confirmant ainsi sa vision d'un système de justice plus humain qui tend à se déjudiciariser. En privilégiant l'acte notarié, il fait ainsi profiter pleinement à la population des avantages que prévoit le droit civil, spécificité propre au Québec, rappelons-le, et la Chambre des notaires du Québec, donc, demeure disponible pour la mise en œuvre du projet de loi. Et on va... Soyez assurés que nous allons nous assurer de la formation et de l'encadrement des notaires qui exerceront en cette matière. Alors, je vous remercie pour votre attention, et nous sommes disponibles pour vos questions.

• (16 heures) •

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Me Potvin. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Me Potvin, Me Boily, merci de participer à nos travaux. C'est toujours un plaisir de vous retrouver. D'entrée de jeu, allons-y sur l'acte notarié. En fait, il y a certains groupes qui nous disent : Vous devriez obliger avant... Bien, en fait, première chose, je reviens. Il y en a qui nous disent : Il ne devrait pas y avoir d'acte notarié. Ça fait qu'un, pourquoi c'est important d'avoir un acte notarié? Deuxième question. Certains nous disent : Vous devriez obliger les parties avant d'aller chez le notaire ou, s'il n'y a pas de notaire, d'avoir uniquement un formulaire, d'avoir recours à un conseiller juridique indépendant, que ce soit avocat ou notaire. Donc, qu'est-ce que vous pensez de ces deux éléments-là?

Mme Potvin (Hélène) : Alors, dans un premier temps, c'est ça qu'il faut... On sait qu'une naissance d'un enfant qui est issu d'un projet parental, donc qui fait appel à une grossesse, donc qui est faite par une personne tierce, c'est un événement hors de l'ordinaire, on en convient tous. Alors, c'est une situation, comme je le disais, qui a beaucoup d'impact humain, sociaux, financier, juridique. Alors, c'est sûr qu'on doit encadrer cette démarche-là puis on doit offrir aux personnes qui sont...


 
 

16 h (version non révisée)

Mme Potvin (Hélène) : ...avec, ainsi qu'à l'enfant à naître, bien sûr, les meilleures conditions possibles pour sa réalisation. Alors, notre droit civil offre la possibilité pour la population de bénéficier d'un document qui est de la plus haute sécurité juridique qui soit, donc l'acte notarié. Alors, pourquoi nos citoyens ne peuvent pas bénéficier de cette protection-là? Alors, l'acte authentique, le contrat notarié est vraiment soumis à des normes rigoureuses. Alors, il fait foi de son contenu, entre autres, de l'exactitude de la date. Et ici on le sait, c'est important, il faut s'assurer que le projet parental est antérieur à la grossesse. Alors, cette date-là, elle est vraiment importante, et c'est une façon, l'acte notarié, de venir la prouver hors de tout doute.

Alors, c'est sûr aussi que ce qu'on veut... Ce que ce que je disais tout à l'heure aussi, c'est que l'acte notarié, c'est le résultat d'un accompagnement. Alors, on va s'assurer que les parties qui signent ont vraiment compris l'étendue de leurs droits, l'étendue de leurs responsabilités. Alors, nous, on pense que c'est vraiment le meilleur gage pour assurer la sécurité de cette transaction-là. Oui, je te laisserais.

Mme Boily (Catherine) : Si je peux peut-être ajouter. Donc, finalement, pour résumer, l'acte notarié, d'une part, il est authentique, hein, oublions-le pas. C'est le seul acte privé, donc de droit privé, qui est authentique, donc que son contenu vaut à l'égard de tous. Et, comme disait maître Potvin, la date, ici, c'est primordial de donner à l'État les garanties que cette date-là soit... soit, je dirais... qu'on puisse la prouver hors de tout doute. Vous savez, quand le notaire signe son acte, on est certain que la date, là, c'est la date à laquelle ça a été signé. Elle ne... L'acte ne sera pas antidaté, on va avoir la garantie qu'elle est signée telle date. On comprend l'importance. Ici, vous avez une dame, une femme ou une personne qui accepte de participer à ce projet-là. Imaginez si la conception a lieu avant la signature de la convention, et par la suite les parents d'intention décident de ne pas signer pour x raison. Voyez-vous la difficulté? Donc, il faut absolument que cette date-là ait... l'État obtienne les certitudes. Donc, ça, c'est très important de le comprendre.

Puis, en même temps, bien, le notaire, comme disait maître Potvin, c'est le conseiller juridique, c'est le conseiller juridique qui va être là. Puis, pour répondre à la question du ministre au niveau du conseil juridique indépendant, bien, écoutez, au départ, le conseil juridique indépendant, c'est un peu un concept de common law, si je pourrais dire. C'est un concept qui existe dans des situations où on a une partie qui est représentée, et on veut s'assurer que les deux parties, ils ont... ils obtiennent des conseils, je vous dirais, là, objectifs et non biaisés. Et, au Québec, en droit civil, on a le notaire. Et le notaire, il est impartial. Le notaire, il va donner des conseils juridiques aux deux parties, c'est son obligation. Donc, il n'y a pas d'inquiétude à avoir de ce côté-là, le notaire va pouvoir jouer le rôle auprès des deux parties concernées.

M. Jolin-Barrette : O.K. J'aimerais ça vous entendre, vous l'avez abordé un petit peu tout à l'heure, sur la question en matière de viol, là, pour les droits successoraux. Pouvez-vous me réexpliquer votre proposition en lien avec le fait... Parce que vous savez, ce qu'on a... ce qu'on tente de faire comme solution, c'est, lorsqu'il n'y a pas de filiation, normalement ça emporte les droits successoraux, on souhaite maintenir, dans le fond, les droits de l'enfant qui est issu du viol. Votre proposition est à l'effet de? Juste pour qu'on comprenne bien.

Mme Boily (Catherine) : Bien, écoutez, d'une part, vous comprenez qu'on est tout à fait d'accord à ce qu'il y ait un dédommagement, qu'il y ait une indemnité qui soit accordée à la personne, à l'enfant qui est issu d'une agression ou d'une violence sexuelle...

M. Jolin-Barrette : ...là-dessus. Est-ce que vous croyez qu'on doit venir donner un pouvoir habilitant pour qu'on vienne spécifier les modalités de l'indemnité?

Mme Boily (Catherine) : Bien, écoutez, c'est ça, donc l'affaire, ça dépend de l'objectif du législateur. Parce que, si l'objectif du législateur, c'est de combler les besoins de l'enfant, à ce moment-là, bien, nous, ce qu'on vous dit d'avoir une obligation alimentaire... Et non une indemnité, là, parce que là le projet de loi prévoit une indemnité. Ça...

M. Jolin-Barrette : C'est une indemnité pour répondre aux besoins.

Mme Boily (Catherine) : Exactement. Donc...

Mme Boily (Catherine) : ...Donc, si vous voulez... si le législateur veut accorder... veut s'assurer que l'enfant, c'est ses besoins qui sont...

Mme Potvin (Hélène) : ...

Mme Boily (Catherine) : ...qui sont répondus, merci, donc, à ce moment-là, nous autres, on vous dit : Bien, aller... Au lieu d'aller avec une indemnité, allez-y avec toute la mécanique actuelle d'obligations alimentaires qui existe. Donc on n'aurait à ce moment-là pas besoin d'inventer une nouvelle indemnité.

Cela étant dit, si l'objectif du législateur, c'est d'indemniser la personne en fonction des circonstances de sa naissance et non pas uniquement en fonction de ses besoins, hein, donc c'est en fonction du fait qu'elle est née dans des circonstances particulières, si c'est ça, ce qu'on vous dit, bien, à ce moment-là, allez-y avec un pourcentage, puis, oui, balisé avec un pourcentage qui pourrait même être une disposition d'ordre public. Donc, de cette façon-là, bien, c'est certain qu'on s'assure qu'il n'y a pas de possibilité, exemple, par testament ou... que l'enfant n'obtienne pas cette indemnité-là. Parce qu'actuellement...

M. Jolin-Barrette : Mais juste pour...

Mme Boily (Catherine) : Oui, allez-y.

M. Jolin-Barrette : ...séparer les deux, là...

Mme Boily (Catherine) : Oui.

M. Jolin-Barrette : ...l'indemnité c'est une chose, c'est une créance envers l'auteur du viol.

Mme Boily (Catherine) : Oui.

M. Jolin-Barrette : Moi, je veux vous entendre sur les dispositions testamentaires. Dans le fond, dans le projet de loi, ce qu'on fait, on dit : L'enfant qui est issu du viol devient un successible, dans le fond, même s'il n'y a pas de lien de filiation.

Mme Boily (Catherine) : Oui.

M. Jolin-Barrette : Vous, votre proposition par rapport à ça, c'est de lui réserver un montant. C'est ça?

Mme Boily (Catherine) : Bien, c'est de dire...

M. Jolin-Barrette : En pourcentage.

Mme Boily (Catherine) : Bien, dans le fond, nous autres, ce qu'on vous dit, c'est qu'actuellement, si vous considérez qu'il est un enfant au premier degré, hein, un descendant au premier degré, on met toutes les règles de la succession applicables. Donc, en dévolution légale, vous le savez, donc, si lui, il est déjà décédé, à ce moment-là, ses enfants pourraient venir en représentation. Est-ce que c'est ça qu'on veut? Si ce n'est pas ça qu'on veut, nous, on vous dit : Allez-y au plus simple.

M. Jolin-Barrette : C'est ça qui s'applique. Dans le fond, les règles de dévolution légale s'appliquent.

Mme Boily (Catherine) : Exactement. Donc, nous, on vous dit que pour pouvoir protéger l'entièreté de ces enfants-là, peu importe les... Peu importe qu'il y ait un testament ou pas de testament, moi, ce qu'on vous dit, c'est que privilégier une indemnité avec un pourcentage x de la succession. Donc, à ce moment-là, l'enfant, l'enfant issu d'une agression à ce moment-là, s'il y a un testament par l'agresseur qui donnerait tout à son frère, par exemple, bien, à ce moment-là, cet enfant-là va quand même avoir un pourcentage de la succession. Mais, comme c'est mentionné actuellement, il n'aurait pas accès à un pourcentage de la succession.

M. Jolin-Barrette : Oui, mais, comme dans n'importe quelle succession, tout le monde est habilité à laisser ses biens à qui il le veut. Ça fait que là ça serait une contravention à la liberté de tester.

Mme Boily (Catherine) : Bien, ça serait...

M. Jolin-Barrette : Ce n'est pas ça qu'on voulait. On voulait faire en sorte que tous les enfants, dans le fond... Supposons qu'il n'y a pas de testament, bien, c'est séparé entre tous les enfants ou tous ses héritiers, ou que si dans son testament, il dit : Bien à mes enfants Gérard et Gertrude et à tous les enfants à naître, bien, qu'ils soient couverts par ça aussi. Bien, parce que ce n'est pas le concept d'indemnité, c'est le... L'indemnité, elle est là pour le parent, bien, pour la mère, pour les besoins de l'enfant. La succession, c'est juste pour qu'il ait droit à ces droits successoraux.

Mme Boily (Catherine) : Oui, sauf que la... Oui, je suis d'accord avec vous, mais, comme on vous dit, c'est que l'indemnité permet à ce moment-là d'accorder un pourcentage de la succession, peu importe la situation successorale du défunt. C'est ce qu'on vous dit.

M. Jolin-Barrette : Est-ce que... Juste une question avant de céder la parole parce que mes collègues veulent vous poser des questions. Donc, juste rapidement, est-ce que dans le code c'est prévu... il y a d'autres cas d'exemple où les successions viennent préciser des cas d'indemnités en matière successorale?

Mme Boily (Catherine) : Pas à ma connaissance, là.

M. Jolin-Barrette : O.K.

Mme Boily (Catherine) : Je ne sais pas. Je ne suis pas... Peut-être que Me Roy serait meilleur pour répondre que nous, là, à ce niveau-là, n'étant pas une experte en droit successoral. Désolée.

• (16 h 10) •

M. Jolin-Barrette : O.K. Excellent. Bien, écoutez, je vous remercie beaucoup pour votre présence en commission parlementaire.

Mme Boily (Catherine) : Merci.

Mme Potvin (Hélène) : Merci.

M. Jolin-Barrette : Je sais que mes collègues veulent vous poser des questions.

Le Président (M. Bachand) :...M. le ministre. Mme la députée de Vimont, s'il vous plaît.

Mme Schmaltz : ...M. le Président. Bonjour, mesdames.

Une voix : Bonjour.

Mme Schmaltz : Vous parlez de... Vous recommander que les parents d'intention signent une déclaration officielle avant la grossesse. J'imagine que dans cette déclaration officielle, vous allez élaborer tous les droits et obligations du parent d'intention. Mais je me demandais, est-ce que la femme a le devoir aussi d'avoir une...

Mme Schmaltz : ...déclarations aurait peut être le devoir aussi d'avoir une déclaration officielle. Est-ce que des deux côtés, c'est envisagé ou c'est juste uniquement les parents d'intention qui doivent avoir ce genre de formulaire?

Mme Potvin (Hélène) : Dans la grossesse hors Québec, hein? C'est dans la grossesse pour autrui hors Québec?

Mme Schmaltz : Oui.

Mme Potvin (Hélène) : Aurais-tu un...

Mme Boily (Catherine) : Bien, écoutez, nous, notre... on comprend... ici, on a la femme ou la personne qui accepte de donner naissance est située hors Québec, donc c'est certain que c'est difficile d'obliger à signer une déclaration notariée si elle est située hors Québec. Par contre, pour les parents d'intention,  hein, qui sont ici, qui sont domiciliés ici, nous, ce qu'on dit au législateur : Bien, donnons encore une fois, une certitude à l'État, la meilleure preuve à l'état quant à la conception de l'enfant va avoir lieu éventuellement après la signature de la convention, parce que là, la Convention hors Québec n'étant pas encadrée de la même façon et donnant finalement beaucoup de responsabilités sur les épaules finalement des analystes de l'État qui auront à analyser les projets, nous, on vous dit bien, en ayant cette déclaration-là par les parents d'intention, on vient à tout le moins garantir que la que la conception aura lieu par la suite de la signature de la convention.

Le Président (M. Bachand) :Mme la députée de Laval-des-Rapides.

Mme Haytayan : Merci. M. le Président. Bonjour, mesdames, merci pour votre temps. Comment voyez-vous le fait qu'on permette aux notaires de gérer les comptes en fidéicommis pour des projets de GPA puis est-ce que ce rôle-là... pourquoi ce rôle-là attribué aux notaires est important à votre avis?

Mme Potvin (Hélène) : Mais d'abord, le dépôt est un dépôt en garantie. Donc, on comprend que c'est pour garantir l'exécution des obligations. Alors, ce n'est pas un montant qui va servir nécessairement à payer la personne qui va donner naissance. Alors, c'est certain que cette... les notaires sont habitués d'avoir des montants en garantie comme ça. Donc, c'est sûr que ça vient assurer... comme je le disais dans mon allocution, ça vient assurer l'exécution des obligations.

Ce qui nous préoccupe c'est que ça semble être maintenant... ne plus être obligatoire, d'être donc facultatif. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faudrait que ça soit obligatoire parce qu'on ne veut pas que les conditions financières viennent jouer dans ce projet-là. Alors, c'est là pour garantir. Le processus va se dérouler, on ne sait pas sur combien de temps un an, deux ans, trois ans, alors on veut être certain qu'à la fin du processus la personne qui doit recevoir des montants, les a, et donc le montant va servir,  va être là, vraiment en garantie, là. Ça va?

Mme Boily (Catherine) : Vous savez, il faut empêcher les parties à avoir des inquiétudes qu'ils pourraient ne pas avoir. Donc, les considérations financières, si on peut avoir une liberté d'esprit, si on peut avoir un confort, un réconfort qu'on n'a pas à se préoccuper de ce côté-là, bien, c'est ça que le dépôt en garantie donne. Il donne ce confort-là, il donne cette garantie-là finalement. Écoutez, il y a assez le stress, aussi beaucoup d'impacts émotifs, d'impacts humains dans ces projets-là, donc le côté financier, bien, va être garanti, donc on n'aura pas de préoccupation autant pour la mère de ne pas avoir... la femme ou la personne qui porte l'enfant n'aura pas à avoir à s'inquiéter qu'elle saura ou non payée parce que même de bonne foi les parents d'intention, il pourrait arriver qu'il y ait eu un problème financier, qu'il y  aurait de la difficulté. Donc, ça donne aussi le confort aux parents d'intention que finalement ils vont être capables d'avoir leur... de pouvoir payer et respecter leur engagement, là.

Mme Haytayan : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de l'Acadie.

M. Morin :Merci M. le Président. Alors, bon après-midi, maîtres, je suis content de vous revoir en commission parlementaire. Première question, le gouvernement, avec son projet de loi, a pris la décision d'appliquer ces dispositions-là en prenant pour acquis qu'on est dans la parentalité. Il y a des groupes, des associations qui parlent de pluriparentalité, et cela présentement ce n'est pas permis. Mais j'aimerais, avec votre expérience, vous entendre là-dessus. Est-ce que c'est quelque chose qu'on devrait étendre à la pluriparentalité ou pas? Quels sont les avantages ou les inconvénients? Ça m'éclairerait. Je vous remercie.

Mme Potvin (Hélène) : Alors, c'est une question existentielle que nous n'avons pas traitée, M. Morin. Alors, nous, on n'a pas fait...

Mme Potvin (Hélène) : ...de travaux, on ne s'est pas... on n'a pas formé le groupe d'experts, on n'a pas analysé la question.

M. Morin :Parfait. Je vous remercie. Autre chose, vous avez parlé du rôle du notaire, la convention de grossesse pourrait être notariée. Je vous entends très bien. Maintenant, bon, êtes-vous d'accord avec moi que c'est... ça répond à un besoin, ce projet de loi là, mais c'est quand même un peu technique. Donc, qu'est-ce que vous suggérez en tant qu'ordre professionnel pour qu'éventuellement les notaires puissent informer les parties qui vont avoir à travailler avec un notaire puis de la population en général, pour que les gens comprennent bien les tenants et aboutissants de ces modifications-là?

Mme Potvin (Hélène) : Alors, c'est certain que c'est du droit nouveau. Alors, pour nous, la Chambre des notaires, les notaires, on est quand même familiers avec le droit nouveau, donc ça nous est arrivé dans le passé. Alors, c'est certain qu'il doit y avoir des formations de base, un encadrement, bien entendu, de l'accompagnement de la Chambre auprès de nos membres. Alors, il y a beaucoup de notaires, hein, des centaines de notaires, voire des milliers de notaires qui travaillent en droit de la famille, alors qui sont familiers avec, par exemple, qui font de l'adoption. Alors, on peut comprendre que c'est... on peut penser que ces notaires-là vont venir aussi travailler dans ce droit nouveau là. Alors, pour nous, c'est certain qu'on doit travailler justement à faire des formations. Notre rôle... nous sommes en protection du public, alors c'est notre rôle aussi d'informer le public sur ces nouveautés, sur les risques de... de telles situations, des risques, sur le non-respect des conditions, des lois. Alors, pour nous, c'est vraiment dans notre... dans notre mission, vraiment, c'est d'accompagner le public dans tous... dans la connaissance, une meilleure connaissance de leurs droits et leurs obligations.

M. Morin : Puis je comprends que, pour les notaires, c'est important, mais est-ce que vous voyez aussi un rôle pour informer le public en général? Parce que j'ai vu, au même moment où on a étudié le projet de loi n° 8, la Chambre a publié finalement à la télé des annonces qui étaient fort originales, là, alors campagne de publicité, est-ce que c'est quelque chose que vous... que vous prévoyez faire aussi si ce projet de loi là devient une loi?

Mme Potvin (Hélène) : La campagne, ce n'était pas la... initiée par la Chambre des notaires, mais...

M. Morin : Ah, O.K. C'est une association de notaires?

Mme Potvin (Hélène) : C'est une association de notaires.

M. Morin : On a fini par s'y perdre. Je suis désolé.

Mme Potvin (Hélène) : Alors, donc, nous, c'est ça, nous.

M. Morin : Elle était très bonne. J'avoue que ça, je suis d'accord, elle était très bonne.

Mme Potvin (Hélène) : Alors, ils vont être contents d'entendre ça. Nous, c'est ça, nous, notre publicité, nos communications grand public, alors c'est toujours dans notre mission de protection du public, meilleure connaissance des droits, accessibilité. Alors, nous, nos orientations, c'est toujours là-dedans. Alors, c'est sûr que ça fait partie de notre mission de suivre l'évolution du droit et de venir informer nos concitoyens, effectivement, de leur... de ces possibilités-là, maintenant, de conclure un tel genre de convention.

M. Morin : Je vous remercie. J'aimerais... j'aimerais avoir votre opinion sur une disposition du projet de loi, quand on regarde l'article 18, et c'est 541.14 qui dit : «Après sa naissance, l'enfant est confié, sauf s'il y a opposition de la femme ou de la personne qui lui a donné naissance à la personne seule ou au conjoint ayant formé le projet parental. En cas de décès ou d'impossibilité d'agir de cette personne ou de ses conjoints, l'enfant est confié au Directeur de la protection de la jeunesse.» Est-ce que vous ne trouvez pas que c'est trop restrictif? À moins qu'il y ait quelque chose que je ne comprends pas, ne pourrait-on pas confier l'enfant à des parents autres qu'au... qu'à la DPJ?

• (16 h 20) •

Mme Potvin (Hélène) : Est-ce qu'on avait...

Mme Boily (Catherine) : Bien, écoutez, on ne s'est pas posé la question à ce niveau-là, est-ce que c'est trop lourd ou pas lourd, hein? Les dispositions doivent être là pour l'intérêt de l'enfant. Nous, on croit que de confier l'enfant, à ce moment-là, au directeur de la protection de la jeunesse, bien, c'est tout à fait adéquat dans l'intérêt de l'enfant. Il faut qu'il y ait... il faut que quelqu'un prenne soin de l'enfant, hein, c'est certain. Mais dans... en parlant du consentement des soins ou consentement aux soins, devrais-je dire, on avait quand même une préoccupation à cet effet-là, on l'a écrit dans notre mémoire. Parce que le fait de confier l'enfant, surtout le fait de pouvoir contester, c'est certain que ça amène une évaluation de faits, une évaluation de situations que le personnel médical pourrait avoir à être confrontée. Donc, pour nous, c'est important que la disposition...

Mme Boily (Catherine) : ...soit très clair et sans ambiguïté pour aider le personnel médical à savoir à qui se retourner pour obtenir le consentement, là.

M. Morin : Puis, selon vous, est-ce que c'est un élément qu'on pourrait prévoir dans la convention, s'il y a des parents dans la plus grande famille qui sont là, puis éviter la DPJ?

Mme Boily (Catherine) : Bien, écoutez, on ne s'est pas posé la question, mais il faut faire attention aussi de ne pas élargir les personnes impliquées non plus dans une convention qui ne seraient pas parties, hein, la convention, elle est entre une mère et... une femme, une personne, là, qui décide de se prêter à la situation et les parents d'intention. Donc, là, ça veut dire qu'on... tu sais, je ne sais pas, mais il me semble que j'aurais une réserve à cet effet-là, là.

M. Morin :Bien. Il me reste combien de temps, M. le Président? Deux minutes? Parfait. J'attire votre attention sur la page 21 sur 32 de votre mémoire, en ce qui a trait à la langue de l'acte notarié. Les notaires, quand ils rédigent des actes notariés, est-ce qu'ils sont obligés de les rédiger en français?

Mme Potvin (Hélène) : Non. Non. Alors, c'est ça, l'acte, pour être authentique, a deux...peut être écrit en deux langues, donc le français et l'anglais, qui donnent l'authenticité de l'acte. Mais non, si les deux parties le souhaitent, ils peuvent être... l'acte pourrait être réduit dans une langue autre que le français, mais, par contre, il y a des restrictions, donc, où on ne peut pas publier l'acte, donc l'inscrire au registre dans une langue autre que...

M. Morin : Ça, je le comprends.

Mme Boily (Catherine) : ...

M. Morin : Oui, je vous en prie.

Mme Boily (Catherine) : C'est ça. Donc, ce qu'il faut comprendre, ici, c'est que l'acte est authentique, doit être écrit en anglais ou en français, O.K.? Ça, c'est clair. Cela étant dit, notre recommandation qu'on fait ici, pour nous, ce qui est important, c'est que la disposition ou l'alinéa de la disposition, là, du projet de loi soit en lien avec ce que la Charte de la langue française mentionne.

Actuellement, le paragraphe qui est mentionné ici, qu'il faut qu'une version en français soit remise aux parties avant, bien, ce que ça fait, c'est que, dans la Charte de la langue française, cette disposition-là n'est utilisée que pour les contrats d'adhésion, donc on comprend, les contrats d'adhésion, c'est lorsqu'une partie, tu sais... une partie va obliger des stipulations et qu'il n'y a pas de possibilité de négociation. Donc, à ce moment-là, ici, on n'est pas du tout en termes de contrat d'adhésion, aucunement, donc on se dit, bien, pourquoi, dans la charte, cette demande-là, elle n'est faite que pour les contrats d'adhésion, tandis qu'ici on vient, dans un contrat de gré à gré, prévoir la même disposition? On se dit, bien, qu'on fasse comme dans la charte, dans la Charte de la langue française, avec le projet de loi n° 96. C'est que, pour certains contrats de gré à gré, on demande qu'il y ait une disposition expresse, donc une volonté expresse qui soit par écrit pour que les parties choisissent une autre langue que le français.

Donc, dans le cas qui nous occupe ici, bien, ce que le notaire ferait, à ce moment-là, c'est d'ajouter une clause que, pour obtenir le consentement exprès des parties comme quoi il acquiesce, que l'acte soit en anglais. Donc, c'est ce qu'on demande, dans le fond, c'est que ça soit les mêmes dispositions qu'il y a dans la Charte de la langue française.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Merci, M. le député. M. le député de Jean-Lesage, s'il vous plaît.

M. Zanetti : Oui, merci. J'aimerais beaucoup si vous pouviez, bon, d'abord, donner peut-être un exemple concret de problème qui pourrait survenir si ce n'était pas des actes notariés, les différentes conventions ou contrats. Si on n'allait pas de l'avant avec votre recommandation, qu'est-ce qu'on pourrait concrètement, là... à quoi on pourrait taire face comme problème?

Mme Boily (Catherine) : Bien, la date, je l'ai dit tout à l'heure, on le répète, la date. L'acte notarié confirme que l'acte est situé, exemple, 1ᵉʳ avril, O.K.? Donc, si l'acte n'est pas notarié, qu'il y ait 15, 20 témoins, mettez-en, il n'a pas la force probante comme l'acte notarié, il ne donne pas les mêmes garanties à l'État, l'acte n'est pas authentique. Donc, à ce moment-là, on n'a aucune garantie que le...

Mme Boily (Catherine) : ...contrat ne serait pas antidaté à une date, vous comprenez? Bien, c'est parce que si mon contrat est antidaté, ça veut dire que la personne serait déjà enceinte. O.K., c'est ça. Donc. La personne serait déjà enceinte au moment où on signe le contrat. Mais parce que la loi mentionne, puis avec raison, qu'il faut que la convention soit signée avant de débuter le projet et les démarches de procréation, bien, ce que ça veut dire,  ça veut dire que là la femme serait déjà enceinte, mais là, on décide nous autres d'antidater notre contrat pour respecter finalement la loi. Sauf qu'on comprend que, là, on ne veut pas être dans une circonstance où on est plutôt dans un contexte d'adoption, où là, la femme enceinte chercherait, par exemple, à trouver des parents à un enfant. Donc ça, c'est très, très, très important, là.

M. Zanetti : Alors, pourquoi quelqu'un aurait avantage à procéder comme ça plutôt que par l'adoption si elle est déjà enceinte?

Mme Boily (Catherine) : Bien, c'est parce qu'on comprend qu'ici c'est un processus judiciarisé qui n'a pas besoin, à ce moment-là, des tribunaux, qui est beaucoup plus simple, qui est moins complexe, et avec raison, et ça, on est tout à fait... on salue justement, là, la mise en place d'un procédé qui est très... qui est déjudiciarisé finalement, là. Donc, oui, il y aurait avantage, donc on veut absolument éviter ça, là. Donc...

M. Zanetti : Adoption, mais mettons que je me mets... Pourquoi la personne qui est enceinte dirait : Ah! plutôt que de donner mon enfant en adoption, je vais plutôt faire un contrat de GPA antidaté?

Mme Boily (Catherine) : Bien, écoutez, il peut avoir plusieurs raisons. C'est qu'elle a trouvé des parents d'intention. Elle, elle ne veut pas avoir son lien de filiation avec l'enfant. Il peut y avoir différentes circonstances, là, qui amènent cette personne...

M. Zanetti : Puis est-ce qu'il me reste du temps?

Le Président (M. Bachand) :10 secondes.

M. Zanetti : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Mme la députée de Vaudreuil.

Mme Nichols : Merci, M. le Président. Par rapport aux droits successoraux, les différentes dispositions testamentaires, là, qu'on parlait un peu plus tôt, vous aviez répondu au ministre, là, peut être priviléger une indemnité puis même un pourcentage de la succession. Étant donné, que quand on fait un testament, ça représente les volontés, là, de la personne, est ce qu'on pourrait dire que privilégier l'indemnité puis le pourcentage de succession, ça pourrait s'appliquer dans un cas où c'est la dévolution légale, c'est-à-dire dans un cas où il n'y a pas de testament?

Mme Boily (Catherine) : Dans les deux cas.

Mme Potvin (Hélène) : Oui.

Mme Boily (Catherine) : Oui.

Mme Nichols : C'est pour cette partie-là qu'il y avait cette suggestion-là. Parfait.

Une autre question, puis je ne le sais pas, peut-être que je me trompe, là. Mais est-ce qu'il y avait une certaine... est-ce qu'il y a une certaine réticence quand on parle de... Parce qu'on l'a vu, là, que le pourcentage... Il y a un groupe, ce matin, qui nous disait qu'il y avait 40 %, là, des parents d'intention étaient souvent étrangers. Est- ce qu'il y a une certaine réticence ou est-ce qu'il y aurait des recommandations pour peut-être un peu plus réglementer ça? Puis je vous partage, c'est peut-être moi qui l'a cette inquiétude-là puis je suis en train de vous en donner le fardeau. Bien, c'est parce qu'on le voit, là, un peu partout à travers le monde. Des fois, tu sais, on lit des histoires d'horreur à l'effet qu'il y a même des catalogues qui circulent, que c'est plus facile dans d'autres pays. Ça fait qu'est-ce que c'est une inquiétude que vous partagez puis est-ce qu'il y a des recommandations pour mieux encadrer ça? 

Mme Potvin (Hélène) : Bien, c'est sûr que pour nous, à la lecture du projet de loi, on voyait que les parents d'intention doivent être domiciliés au Québec alors au moins depuis un an.

Mme Boily (Catherine) : Oui.

Mme Potvin (Hélène) : C'est ça. Alors, veux-tu continuer?

• (16 h 30) •

Mme Boily (Catherine) : Bien, dans le fond, c'est qu'on ne s'est pas penché sur cette question. Est-ce qu'on partage cette préoccupation-là? Oui, je crois qu'on partage cette préoccupation-là. On ne s'est pas penché sur la situation étant donné que le projet de loi, comme disait Me Potvin, on est dans une circonstance où les parents d'intention doivent être domiciliés au Québec. Donc, est-ce qu'on voudrait élargir le projet de loi? Est-ce qu'on voudrait aller là? Nous, on ne s'est pas penché sur mais est-ce qu'on partage la préoccupation? C'est certain que, quand... oui, c'est certain qu'on la partage. 

Mme Potvin (Hélène) : Par ce que domicilié au Québec depuis un an, c'est-à-dire avoir une adresse au Québec depuis un an. Mais est ce que ça ne devrait pas être d'avoir un statut de résidence permanente parce que ça, est-ce que ça ne devrait pas être un domicile?

Mme Potvin (Hélène) : Bien, un domicile, il y a quand même des balises sûres qu'est ce qu'est un domicile, vous le savez. Alors, il faut voir si effectivement, c'est assez fort, ça. Je pense que ça fait plus partie de votre travail de voir justement est-ce ce qu'on peut bonifier...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

Mme Potvin (Hélène) : ...unifié. Est-ce qu'on doit ajouter des critères aux parents d'intention pour être certain que le projet a vraiment lieu au Québec? Et c'est pour les bonnes raisons qu'on le fait ici au Québec? Alors, effectivement, c'est des préoccupations qui méritent d'être analysées en profondeur.

Une voix : Merci.

Mme Potvin (Hélène) : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Sur ce. Me Potvin, Me Boily, merci d'avoir été avec nous cet après-midi. Très intéressant. Sur ce, je suspends les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 32)

(Reprise à 16 h 36)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, il me fait plaisir d'accueillir les représentantes du Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel. Donc, mesdames, merci beaucoup d'être avec nous. D'emblée...

Le Président (M. Bachand) :...je vous invite à vous présenter, puis après à débuter votre exposé. Merci beaucoup. La parole est à vous.

Mme Chénier (Justine) : Est-ce que vous m'entendez bien? Super! Bien, mon nom est Justine Chénier? Je suis responsable aux communications, porte-parole officiel et coordonnatrice au sein de notre regroupement. Gabrielle.

Mme Comtois (Gabrielle) : Mon nom est Gabrielle Comtois. Je suis analyste des enjeux politiques et juridiques au sein du regroupement. Je suis également co-coordonnatrice et juriste de profession.

Mme Chénier (Justine) : Merci. Bonjour à toutes et à tous. Au nom du Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, le RQCALACS, et ses membres, les CALACS, nous tenons d'abord à vous remercier de votre invitation d'aujourd'hui à prendre part aux consultations concernant le projet de loi no 12. Ça fait plus de 40 ans que le RQCALACS et ses CALACS luttent contre les violences faites aux femmes et aux filles, plus spécifiquement contre les violences sexuelles par le biais de la prévention, de la défense de droits et de l'aide aux victimes et survivantes d'agressions à caractère sexuel via des services d'intervention féministes, intersectionnels pour toutes les femmes et les filles du Québec.

Chaque année, les CALACS font plus de 30 000 interventions auprès des femmes et des filles ayant vécu des violences sexuelles à travers la province. Nous vivons encore et malheureusement dans une société où la plupart des femmes et des filles feront l'expérience de la violence sexuelle au cours de leur vie. Les violences faites aux femmes et aux filles doivent être comprises sous la forme d'un continuum. Leur analyse et compréhension doivent être liées non seulement entre elles et ne plus être appréhendées en vase clos au niveau des politiques publiques. Mais surtout et surtout, les violences de genre et les violences sexistes doivent être dénoncées et combattues. Toutes ces violences sont graves et ont des effets importants sur la vie des femmes et des filles qui les subissent.

Au Québec, il existe une aberration dans le Code civil, celle de permettre à des hommes ayant agressé sexuellement une femme qui tombe enceinte à la suite de l'agression et qui décide de poursuivre sa grossesse, de demander la filiation et des droits parentaux sur cet enfant né du viol. Comme groupe national féministe en violences sexuelles, nous croyons qu'il s'agit, ici, d'une situation d'une violence inouïe pouvant ultimement mettre en péril la sécurité et l'intégrité psychologique et physique des femmes survivantes. Les membres élus ont la responsabilité d'assurer le respect et la protection des droits des femmes au Québec en 2023 ainsi que ceux de leurs enfants.

Aujourd'hui, nous tenons donc à saluer le projet de loi no 12 et ses articles concernant le droit de filiation dans les cas d'agressions sexuelles, ainsi que ceux qui concernent les indemnités financières pour les enfants. On souhaite cependant que plus de considération soit accordée dans le projet de loi aux femmes victimes de violence.

Aujourd'hui, nous souhaitons d'abord amplifier la voix des personnes survivantes. C'est un principe qui guide notre travail quotidien. Nous allons porter la voix de celles qui ne sont pas là aujourd'hui, celles qui ont encore trop peur de parler, celles qui tombent entre les craques du système et qui ont demandé à être entendues. Des femmes qui fréquentent nos centres ont accepté de raconter leurs histoires. À des fins de confidentialité, nous ne répondrons à aucune question permettant de les identifier.

• (16 h 40) •

Martine, 60 ans, souhaitait qu'on raconte son histoire aujourd'hui. Martine a été agressée sexuellement par une connaissance dans sa vingtaine. Elle est tombée enceinte à la suite de cette agression. Elle a décidé de garder l'enfant. Elle a gardé le secret pendant plusieurs années sur l'identité du père. Plus tard dans la vie, l'agresseur a revu l'enfant devenu adolescent par hasard, et il a immédiatement constaté une ressemblance. Martine a dû reconnaître qu'il était le père. Il a demandé des liens avec l'enfant. Martine a été obligée de dévoiler les circonstances de la conception à son enfant, un viol. Quelques semaines plus tard, il s'est enlevé la vie. Il avait moins de 16 ans. Pour Martine, elle pense que son enfant ne pouvait pas vivre avec le fait qu'il était né d'un viol. Cette réalité lui était insurmontable. Est-ce que cette situation aurait pu être évitée?

Lily, début vingtaine, est une jeune maman d'un enfant d'un an et demi. Elle était dans une relation de violence conjugale avec le père de son enfant. Son enfant est le résultat des agressions sexuelles répétées commises à son égard. La relation a pris fin à l'annonce de sa grossesse. Au moment de son accouchement, elle n'avait plus aucun contact avec lui. Il n'est pas identifié comme le père sur le certificat de naissance. Il a appris cette naissance via des connaissances communes. Quand son enfant a eu un an, elle a reçu une demande de l'avocat de monsieur pour demander qu'il soit reconnu comme père et qu'il obtienne un droit de visite un week-end sur deux. À la suite d'une situation particulière, elle a décidé à ce moment de porter plainte contre lui pour l'ensemble de la relation de violence conjugale. Elle vous a écrit ces mots : «Chère commission, je me sens seule dans...

Mme Chénier (Justine) : ...le système de justice actuel puisque cet homme peut être dangereux avec une femme, mais il n'est pas considéré comme un danger pour mon enfant. Mon avocate et d'autres gens du système me disent que ça me concerne et pas mon enfant. Je vis avec un sentiment d'injustice. S'il est déclaré non coupable, l'homme qui m'a agressée et détruite peut s'en sortir sans aucune conséquence et avoir des droits sur mon enfant, et moi, je devrais juste accepter sans rien dire parce que c'était son spermatozoïde. Rien n'est garanti, jamais. Même si je dis la vérité, j'ai l'impression que ça ne veut rien dire. Les lois sont les lois. Il y a une énorme faille dans le système. J'ai manqué de ne pas porter plainte et de poursuivre les procédures quand le procureur m'a dit : Je veux simplement avertir que ça se peut que tout le monde te croie, que tout le monde sait que tu dis vrai, mais ça se peut qu'il soit quand même déclaré non coupable. Et après? Je vis dans la peur parce que mon agresseur sait que je l'ai dénoncé. J'ai automatiquement l'étiquette de la mère qui va empêcher un père de voir son enfant, mais cela n'est pas le cas. Je veux simplement vivre ma vie heureuse et en paix, mais j'ai l'impression que cet homme ne me laissera jamais tranquille.

Mme Comtois (Gabrielle) : Merci à ma collègue Justine Chénier pour ces témoignages percutants, bien que notre regroupement soit favorable au projet de loi n° 12 on désire cependant porter à votre attention certains enjeux juridiques qu'on a identifiés dans le but de vous permettre de peut être la bonifier.

Donc, premièrement, dans le cas des violences sexuelles qui sont commises en contexte de violence conjugale, le fait de devoir identifier spécifiquement la relation sexuelle non consentie ayant mené à la conception d'un enfant représente un obstacle important pour les personnes en situation de violence conjugale qui désireraient entreprendre les démarches associées au projet de loi n° 12. Il ne faut pas laisser ces cas-là passer entre les mailles du filet. On propose donc d'amender le projet de loi pour permettre à la magistrature de prendre en compte la notion de contrôle coercitif comme facteur de violence conjugale dans le cadre de leur jugement. Pourquoi? Une dynamique de violence conjugale... Dans une dynamique de violence conjugale, les comportements violents sont utilisés dans le but de créer une relation de contrôle, d'emprise et de domination sur l'autre. Ce climat-là prend souvent une dimension sexuelle. La coercition reproductive, c'est des comportements de contrôle qui visent à interférer avec la trajectoire reproductive ou contraceptive du partenaire. Plus encore, il est crucial, selon nous, qu'une définition du contrôle coercitif soit inscrite dans le Code civil du Québec. Les juges doivent être formés par rapport à cette réalité-là, puis il faut que les personnes survivantes soient en mesure de démontrer qu'il existait un contexte général de violence dans lequel le consentement des victimes ne pouvait pas être exercé librement au moment des faits.

De plus, on considère que la relation de pouvoir qui est exercée par les agresseurs envers les femmes victimes, au travers de la relation avec les enfants, devrait être considérée comme entrant dans la définition de contrôle coercitif. De la même façon, la coercition reproductive en milieu familial devrait être assimilée à de la violence conjugale. On propose donc un amendement au projet de loi, comme par exemple l'ajout d'un article 33.1 où les législateurs viendraient définir et prendre en compte les notions de contrôle coercitif et de coercition reproductive. Bien que le projet de loi n° 2 ait récemment permis de prendre en compte le contexte des violences conjugales dans l'analyse de l'intérêt de l'enfant, il y a certaines lacunes qui persistent concrètement sur le terrain qu'on a pu constater. Donc, en ce moment même, il y a certaines mères qui sont séparées de leurs enfants dont la garde est souvent confiée à leur agresseur sous prétexte de protéger les jeunes contre l'aliénation parentale, un concept dont la validité scientifique est contestée. Ce que le RQCALACS propose comme piste de solution aujourd'hui, c'est de rouvrir la Loi sur la protection de la jeunesse pour éviter que les femmes soient séparées de leurs enfants dans des contextes où il y a de la violence conjugale et sexuelle. En d'autres termes, il faut promouvoir un alignement des actions et des approches de la DPJ avec le nouveau projet de loi n° 12.

Finalement, les procédures liées au projet de loi n° 12 impliquent nécessairement que la mère doit dévoiler à son enfant qu'il est le produit d'une agression à caractère sexuel. Comme le soulignait ma collègue Justine Chénier dans les témoignages livrés plus tôt, il s'agit d'une discussion extrêmement difficile à avoir, puis il est important de prévoir un accompagnement psychosocial ou un financement, comme c'est prévu dans les dispositions sur les mères porteuses, pour accompagner les mères qui vont devoir entreprendre ces démarches-là, puis de s'assurer du bien être psychologique de leurs enfants.

Pour finir, nos recommandations aujourd'hui visaient à partager certaines inquiétudes et certains questionnements face à la forme actuelle du projet de loi n° 12. Mais on tient quand même à souligner l'importance d'un tel projet de loi pour la protection des personnes survivantes et de leurs enfants. Aujourd'hui, les voix des survivantes investissent les espaces de pouvoir. L'écho de leurs voix doit avoir un impact. La balle est dans votre camp. Merci, ce sera tout.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui, merci...

M. Jolin-Barrette : ...Merci, M. le Président. Mme Chénier, Mme Comtois, merci d'être présentes en commission parlementaire aujourd'hui pour nous faire partager votre expertise dans ce domaine-là parce que vous êtes... Les CALACS sont répartis à la grandeur du Québec puis vous l'avez bien dit, je pense, tout à l'heure, vous avez dit que vous faites 30 000 interventions par année avec des victimes de violences sexuelles. Alors, je pense que c'est important de souligner le travail que vous faites dans l'accompagnement. Puis c'est intéressant de vous avoir aussi parce que, souvent, je le dis, en matière de violences sexuelles, il y a peu de cas qui sont dénoncés et qui, par ailleurs, se retrouvent dans le système de justice. Donc, nous, ce qu'on essaie de faire depuis quelques années, c'est justement de donner l'accompagnement requis, mais aussi de faire en sorte d'adapter le système de justice à la réalité des personnes victimes et de prendre en compte les besoins particuliers de chacune des victimes.

Dans le cadre du projet de loi no 12... Bien, en fait, vous nous avez indiqué deux exemples, deux situations d'exemple. Le premier très, très malheureux, avec le décès de la personne. Dans le deuxième cas que vous avez souligné, vous avez dit, dans le fond, la dame était dans une relation de violence conjugale, viol. Puis vous avez dit, bon, dans ce cas là, Monsieur n'était pas sur le certificat de naissance. Donc, dans ces cas-là, il y a deux situations au projet de loi auxquelles on répond.

La première, un peu celle d'Océane de cet été, puis un peu le cas auquel vous faisiez référence, à l'effet que lorsque la filiation n'est pas établie, si jamais il y a demande, requête en filiation, de la part de l'agresseur sexuel, à ce moment-là, dès ce moment-là, où madame reçoit signification de la requête, elle peut s'objecter. Puis, dans le fond, sa preuve, on a décidé de le faire, que ce soit dans le cadre d'un tribunal criminel, donc hors de tout doute raisonnable, mais aussi en matière civile pour diminuer le fardeau de preuve relativement à la démonstration d'agression sexuelle. Puis, parallèlement à ça, à partir de ce moment-là, où ça s'enclenche, bien là, la victime, elle a le choix. Elle a le choix. Est-ce que je m'oppose à la filiation ou non? Si je m'oppose à la filiation, elle tombe sur le régime de : j'ai le droit à une indemnité pour les besoins de l'enfant puis on protège les droits successoraux de mon enfant.

Si elle dit : Bien, écoutez. Moi, c'est correct que monsieur, la filiation, soit là, mais dans le même recours, maintenant, on vient faciliter le recours à la déchéance de l'autorité parentale. Puis là ça donne ouverture à une pension alimentaire régulière. Mais à cause de la déchéance parentale, il n'y a pas de droit de garde, il n'y aura pas de droit de visite puis tout ça. Ça fait qu'on vient simplifier le processus pour madame. À l'inverse, c'est possible, elle-même, si elle s'est fait violer, d'elle-même saisir le tribunal pour dire : Je veux établir la paternité puis de requérir ces différentes modalités-là. Ou elle-même peut saisir le tribunal pour dire : J'ai été violée. Mon enfant est né de cette agression-là. Je ne veux pas de filiation, mais je veux l'indemnité puis je veux que les droits successoraux s'appliquent.

• (16 h 50) •

Ça fait que premier cas de figure qui répond à votre deuxième situation d'exemple. Dans l'autre cas, supposons que vous êtes dans une situation où il y a violences conjugales. Le père... Bien, l'agresseur contrôle madame jusque dans la chambre d'hôpital, supposons, puis que c'est lui qui a rempli la déclaration de naissance puis il fait signer Madame, puis là la filiation est établie, puis dans l'année suivante, dans les deux ans, dans les trois ans, Madame réussit à s'extirper de la relation. Là, elle peut venir briser le lien de filiation qu'elle a été obligée de consentir, justement. Donc... Puis il n'y a pas de délai pour briser ce lien de filiation là. Ça fait que si vous seriez dans une situation où ça fait huit, neuf ans, là, il y a une filiation. Elle va devoir être examinée par le tribunal, par contre, en fonction de l'intérêt de l'enfant. Mais on vient donner cette flexibilité-là, justement, à la victime pour faire en sorte d'avoir ces différentes possibilités-là.

Est-ce que, parmi les scénarios que je vous ai évoqués, selon vous, il y a des aspects qui ne sont pas couverts dans les réalités que, vous, vous voyez avec les victimes, là, dans vos centres?

Mme Chénier (Justine) : Bien, en fait, je pense que l'objectif d'un peu de l'argumentaire de ma collègue, c'était aussi qu'en fait, dans la réalité du terrain, c'est sûr que nos CALACS voient, en fait que nos intervenantes voient quotidiennement sur le terrain, c'est qu'il y a beaucoup de femmes victimes, qu'on appelle les survivantes, qui sont dans des situations, justement, des relations de pouvoir, des relations de contrôle. Donc, en inscrivant la question du contrôle coercitif en complément du projet de loi, c'est que ça obligerait nécessairement les juges à en tenir compte. Puis le définir, ça permettrait d'encadrer la compréhension. Tu sais, on s'est positionné un peu plus tôt...

Mme Chénier (Justine) : ...on salue le projet de loi, mais on avait quand même quelques suggestions. Je vais laisser ma collègue poursuivre sur le contrôle coercitif.

Mme Comtois (Gabrielle) : Oui, exactement. Donc, en 2023, au Québec, je pense que ça pourrait être une avancée majeure pour les droits des femmes d'avoir le contrôle coercitif inscrit parce que ça permet de prendre en compte des éléments de contexte global lors de l'analyse de la magistrature face à ce type d'événement, pet puis, c'est vrai que c'est des cas qu'on voit malheureusement quand même fréquemment sur le terrain dans nos centres au travers du Québec. Je pense que le projet de loi est bien conçu. Comme on a dit de nos propositions, des des aspects de bonification, mais je pense qu'en effet, là, ça permet de couvrir plusieurs, plusieurs scénarios.

M. Jolin-Barrette : Je serais curieux de savoir dans les centres, selon votre expérience, combien de cas par année vous avez, est-ce que c'est documenté, de femmes qui ont un enfant suite à une agression sexuelle.

Mme Chénier (Justine) : On n'est pas autorisées à le divulguer aujourd'hui? Malheureusement, les CALACS ont des politiques très très claires au niveau de la confidentialité. La tenue des dossiers n'est pas autorisée à être diffusée, puis de façon... Dans le fond, les seules statistiques qu'on est autorisées à diffuser, c'est sur notre volume de clientèle pour nos bailleurs de fonds simplement.

M. Jolin-Barrette : O.K. Mais je comprends que vous avez des cas?

Mme Chénier (Justine) : Oui, beaucoup... Bien, beaucoup... quelques-uns.

Mme Comtois (Gabrielle) : De toute façon on ne pourrait pas. Ça ne se fait pas concrètement, là, que de demander à une femme un suivi. Tu sais, on n'a pas de questionnaire à leur donner, puis leur demander...

M. Jolin-Barrette : Non, non, ce n'est pas un questionnaire, mais c'est pour informer les parlementaires que ce n'est pas qu'un cas, le cas d'Océane qui a été médiatisé, puis ce n'est pas un phénomène qui est beaucoup dans l'actualité.

Mme Comtois (Gabrielle) : Non.

M. Jolin-Barrette : Mais je pense que c'est important de sensibiliser les parlementaires au fait que ce n'est pas uniquement qu'une seule situation, puis que la législation va avoir un impact sur plusieurs femmes.

Mme Chénier (Justine) : Absolument. Bien, écoutez, même si ça peut être aidant, il faut quand même remonter. Ça fait plusieurs années que les CALACS demandent des projets de loi pour davantage de protection pour les femmes victimes de violence sexuelle et conjugale, tout comme d'autres regroupements. Ça fait quand même, c'est ça, un certain moment que c'est des choses qu'on demande. Je pense que nos premières demandes en ce sens remontaient au début des années 2000. Donc il y a quand même une façon de retracer tout ça. Tu sais, ça serait un peu dans votre cour.

M. Jolin-Barrette : Sur la question... parce que les groupes avant vous sont venus nous parler de la question de l'indemnité.

Une voix : Oui.

M. Jolin-Barrette : Avez-vous des commentaires sur la question de l'indemnité pour répondre aux besoins, là, de l'enfant?

Mme Comtois (Gabrielle) : Mais en fait, moi, j'aurais plus des questions pour vous que des commentaires en fait à cet égard-là. En fait, on voulait savoir : est-ce que ça va être versé en une somme, en une fois? Est-ce que ça va être des versements comme la pension alimentaire? Parce qu'on sait que dans les faits, actuellement, pour tout ce qui est pension alimentaire, les femmes ont de la difficulté à avoir réellement accès à cette ces sommes-là, parce que les pères et les autres parents ne payent pas ou trouvent toutes sortes de manières en fait de ne pas payer au final. Donc, on veut juste s'assurer que, dans les faits, s'il s'agit de versements, qu'il va y avoir réellement un suivi, puis que les femmes vont réellement... les personnes survivantes vont réellement toucher à cet argent-là.

M. Jolin-Barrette : Bien, pour répondre à votre question, l'objectif de la disposition, c'est d'avoir un montant à qu'une seule prise parce que ce qu'on m'a... lorsqu'on raconte les groupes, ce que je retiens beaucoup, c'est qu'on veut briser le lien entre l'agresseur et la victime, puis on ne veut pas que la victime à avoir un lien de dépendance avec l'agresseur. Donc c'est pour ça qu'on a fait ça avec un seul versement sur l'indemnité.

Mme Comtois (Gabrielle) : Mais j'ai juste comme une autre question par rapport à ça, parce qu'on parle quand même d'une somme... d'une très large somme, là, si c'est pour couvrir les besoins d'un enfant jusqu'à ses 18 ans, là, quand même. Je ne pense pas que tout le monde, dans la réalité,  a dans son compte en banque une somme aussi large à verser en un versement. Donc, de toute façon, il va falloir qu'il y ait des versements qui soient faits.

M. Jolin-Barrette : En fait, chaque cas est un cas d'espèce, je vous dirais. Donc, ça dépend vraiment de la réalité de la personne. Mais les groupes avant vous nous ont suggéré d'adopter des lignes directrices plus précises avec un montant minimal, ça fait que c'est quelque chose qu'on va évaluer.

Écoutez, mes collègues souhaitent vous poser des questions, alors je vous remercie grandement de votre présence en commission parlementaire. Merci pour vos commentaires.

Le Président (M. Bachand) :Merci, M. le ministre, là. Donc, du côté gouvernemental, madame la députée de Vimont.

Mme Schmaltz : Bonjour, mesdames...

Mme Schmaltz : ...Merci, mesdames, d'être présente. Tantôt vous avez parlé d'accompagnement des victimes et vous avez souligné qu'il manquait peut-être de ressources. C'est à quel niveau quand vous parlez d'accompagnement? C'est un accompagnement juridique, c'est un accompagnement psychologique? C'est à quel niveau, l'accompagnement finalement?

Mme Comtois (Gabrielle) : Les CALACS, c'est un accompagnement psychosocial des victimes d'agressions à caractère sexuel. Donc, elles vont y... Elles vont aller vers le juridique seulement et seulement si les victimes en font elles-mêmes la demande. Elles vont respecter le parcours des survivantes, leur narratif puis leur processus de guérison. Donc, on ne veut pas faire nécessairement de l'accompagnement juridique. On se situe au niveau du psychosocial en premier lieu.

Mme Chénier (Justine) : On va aller dans la... On ne fait pas... Actuellement, on ne fait pas de défense individuelle, on fait de la défense collective de droits. C'est très, très rare qu'on fait de l'individuel. Et puis, ce qui est plus précisément au projet de loi, c'est que dans la partie sur les conventions sur les mères porteuses, il est prévu des formes d'accompagnement psychosocial pour, par exemple, les enfants dans cette situation-là. Mais nous, ce qu'on demande, c'est qu'il y ait l'équivalent pour les enfants issus d'agressions sexuelles parce qu'on le sait que ça peut mener à des conséquences extrêmement graves. Et il faut quand même ramener au fait que les ressources pour femmes, oui, et enfants, là, ont la capacité de faire ce type d'intervention là, mais nos ressources sont extrêmement occupées. Donc, en fait, il faudrait prévoir dans la loi l'équivalent de ce qui est prévu pour les mères porteuses et leurs enfants, pour les enfants issus du viol en matière d'accompagnement et de ressources disponibles.

Mme Schmaltz : Je ne sais pas si j'ai des collègues qui ont d'autres questions. Sinon, j'en aurais une autre.

Une voix : ...

Mme Schmaltz : Oui. O.K. J'ai entendu tantôt le mot «aliénation parentale». Pourriez-vous juste développer? Parce que j'essaie de trouver le lien par rapport à l'agression sexuelle versus l'aliénation parentale. Je n'ai pas saisi

Mme Chénier (Justine) : Bien, en fait, c'est ce qu'on souhaite éviter à tout prix parce que c'est une situation qui est observée sur le terrain. Puis nos collègues en violence dans les maisons d'hébergement pourront, évidemment, aborder dans le même sens que nous. C'est qu'on veut éviter les situations où, par exemple, une femme a un enfant avec un agresseur, avec un agresseur, quoi, que ce soit un conjoint violent ou un agresseur, et que, par exemple, qu'il y a une implication de la Direction de la protection de la jeunesse, que le concept d'aliénation parentale et qu'elle soit considérée comme étant une mère aliénante dans le fond puis qu'il y ait une révocation, par exemple, de la DPJ ou des intervenantes jeunesse, par exemple, des demandes de la mère relatives à sa relation avec le père, au nom du fait qu'elle pourrait être considérée comme une mère aliénante.

Nous, c'est une situation qu'on a observé dans nos centres, que c'est déjà arrivé par le passé, et c'est un passé pas très lointain, que des mères, par exemple, victimes de violence, pourraient... vont perdre la garde de leur enfant avec la DPJ sous prétexte que ce sont des mères qui font de l'aliénation parentale. Au niveau de la littérature scientifique et des études féministes, également appelées «gender studies», le concept d'aliénation parentale, dans les dernières années, ça a été prouvé que c'est un concept qui est sur utilisé envers les femmes victimes de violence. Donc nous, en fait, on veut éviter que ça arrive que ce soit avec, notamment, avec le p. l. no 12. Donc c'était un drapeau rouge qu'on souhaitait lever avec vous aujourd'hui.

Le Président (M. Bachand) :Mme la députée de Laval-des-Rapides, s'il vous plaît.

Mme Haytayan : Merci, M. le Président. Merci à vous deux. Merci pour votre temps et d'être ici avec nous. Pourquoi permettre de retirer la filiation après plusieurs années à votre avis?

Mme Chénier (Justine) : C'est une grande question. Je ne sais pas si tu voulais répondre.

• (17 heures) •

Mme Comtois (Gabrielle) : Bien, je pense que si c'est vraiment après plusieurs, plusieurs années, ça va être à l'enfant de faire ce choix-là pour pour lui ou elle-même. Je pense que d'avoir un lien de filiation avec une personne violente, une personne qui commet des agressions, de la violence conjugale, ça peut avoir des impacts extrêmement néfastes sur la vie et le développement des enfants et des adolescents. Puis je pense qu'il y a amplement de raisons pour quoi ces personnes-là voudraient rompre le lien de parenté avec leur parent violent.

Mme Haytayan : À votre avis, c'est toujours le critère de l'intérêt de l'enfant qui prévaut dans ce cas-ci?

Mme Comtois (Gabrielle) : Le critère de l'intérêt de l'enfant prévaut, mais il faut que, dans l'analyse de l'intérêt de l'enfant, comme le prévoit le p. l. no 12, le contexte de violence conjugale soit pris en compte à tout prix.

Mme Chénier (Justine) : Le contexte, de façon générale, de violences commises envers la mère parce qu'il y a beaucoup d'études qui existent, qui démontrent que des enfants ou des adolescents qui évoluent dans des contextes de violences intrafamiliales, ou conjugales, ou de violence générale envers la mère, leur développement est impacté. Donc, en fait, il y a une simple lunette d'analyse à ajouter. Bien, une simple? Une lunette d'analyse à ajouter...


 
 

17 h (version non révisée)

Mme Haytayan : ...merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. M. le député de l'Acadie.

M. Morin :Merci beaucoup, Mmes Chénier et Comtois, pour le partage d'informations, pour les témoignages aussi que vous avez livrés. Je sais que vous faites un travail qui est excessivement important, fondamental, mais aussi très difficile. Alors, écoutez, bravo, bravo pour ça.

Moi, il y a un élément que vous avez souligné et qui m'intéresse au plus haut point, et j'aimerais savoir comment on peut d'une façon logique l'intégrer dans le projet de loi, puis c'est quand vous avez parlé de contrôle coercitif. Je comprends très bien le concept, là, mais, si on veut l'insérer, quelle serait votre meilleure recommandation pour que ce projet de loi là soit bonifié dans ce sens-là?

Mme Comtois (Gabrielle) : Dans le fond, en ce moment, l'Institut de santé publique du Québec a une définition du contrôle coercitif déjà de prête et d'établie. Moi, à mon sens, c'est une définition qui correspond bien aux standards, là, puis à la réalité qu'on voit dans les narratifs des personnes survivantes. Donc, moi, ça serait tout à fait une définition que je serais à l'aise. Donc, c'est ça. Le contrôle coercitif, là, comme je l'ai dit tout à l'heure, là, c'est vraiment de prendre en compte le contexte global et les techniques de manipulation, les techniques d'établir des relations de pouvoir, un climat de peur. Donc, moi, ça serait vraiment d'aller regarder cette définition-là pour l'ajouter directement dans le projet de loi, non seulement une définition, mais d'expliquer que ça doit faire partie du contexte qui est apprécié par la magistrature.

M. Morin :Puis je comprends que cette définition là, au fond, si on regarde le projet de loi, l'article 19, particulièrement 542.33, ça pourrait permettre de définir, au sens de la loi, ce que c'est qu'une agression sexuelle. Est-ce qu'on peut aller dans ce sens-là ou pas? Ou quel serait un autre moyen qui permettrait d'envoyer un message clair puis d'en même temps, bien, évidemment, sensibiliser les parties puis éventuellement la magistrature, comme vous le soulignez?

Mme Comtois (Gabrielle) : Ça pourrait être une opportunité incroyable de mettre une définition d'agression à caractère sexuel, mais ça pourrait être également un terrain extrêmement glissant et dangereux d'essayer de définir hermétiquement c'est quoi, une agression à caractère sexuel. Puis, si jamais vous décidez d'aller de l'avant avec ce type de définition là, je vous invite à aller chercher l'expertise des groupes de femmes, justement, en lutte contre les agressions à caractère sexuel pour le faire.

M. Morin :Et vous, vous avez cette expertise-là aussi, ou il y a d'autres groupes que vous pouvez nous suggérer qu'on pourrait éventuellement entendre ou contacter pour parfaire... finalement, pour avoir une bonne compréhension globale?

Mme Chénier (Justine) : Bien, en fait, le RQCALACS et les CALACS. En fait, nous, on est un regroupement, on représente plus d'une vingtaine de CALACS à travers le Québec, on est le seul groupe national en violence sexuelle au Québec. Mais, idéalement, la compétence est partout dans les groupes de femmes. Au niveau, par exemple, des autres groupes de femmes qu'on peut vous suggérer, il y a la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence, le Regroupement des maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale, l'Alliance des maisons d'hébergement de deuxième étape et la Fédération des femmes du Québec. Nous avons aussi, plus près de vous, le Conseil du statut de la femme; pour de l'expertise davantage juridique, mais avec la lunette d'analyse féministe, Juripop. Il y a énormément d'organisations très, très actives au Québec, et c'est une grande chance que nous avons.

M. Morin :Je vous remercie. D'ailleurs, on a entendu le Conseil du statut de la femme un peu plus tôt aujourd'hui, ça a été très, très, très bénéfique. Écoutez, ça... je vous remercie, je vous remercie infiniment.

J'aurais une autre question, parce que, vous l'avez évoqué, vous faites un travail hyperimportant : votre financement. Est-ce qu'il vous manque de l'argent pour remplir votre mission?

Mme Chénier (Justine) : Absolument. La question du financement est un des chevaux de bataille de tous les organismes communautaires à travers la province. On est également membres de la campagne de sociofinancement appelée Cash, comme beaucoup d'autres groupes de femmes. Depuis la pandémie, on a observé effectivement une augmentation des demandes d'aide qui fait en sorte que, dans nos centres, dans nos CALACS, si une femme souhaite obtenir une rencontre avec une intervenante, il y a certains CALACS qui ont des délais d'attente de deux ans. Deux ans, c'est long quand t'as besoin d'aide, mais...

Mme Chénier (Justine) : ...Maintenant. Pourquoi ces délais sont aussi longs? Effectivement, il y a les enjeux des financements, mais il y a aussi l'enjeu d'un volume qui ne cesse d'augmenter parce que les femmes et les personnes survivantes parlent davantage.

Est-ce que tu voulais compléter?

Mme Comtois (Gabrielle) : Tout a été dit.

M. Morin : Et j'aurais une dernière question. Hier, c'était jour de budget au Québec, ça vous a aidé ou pas du tout?

Mme Comtois (Gabrielle) : Malheureusement, on n'a pas encore eu l'occasion de se pencher sur le récent budget adopté hier.

M. Morin : O.K. Je vous remercie.

Je ne sais pas si ma collègue a des questions? Non. Merci.

Le Président (M. Bachand) :...Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci. J'ai combien de temps?

Le Président (M. Bachand) :On va ajuster le temps, là, autour de quatre minutes et demie.

M. Zanetti : Merci. Merci beaucoup pour votre présentation.

Ma première question : est-ce que vous comptez déposer un mémoire écrit?

Mme Chénier (Justine) : Non. Malheureusement, on a des limites de temps, actuellement. On est seulement deux personnes qui s'occupent du volet Plaidoyer, communication, défense de droits individuels et collectifs pour l'ensemble du regroupement et ses membres.

M. Zanetti : Je comprends pleinement votre situation. Peut-être qu'on pourra, si on veut avoir des détails sur la formulation de certaines recommandations que vous avez faites, on pourra vous contacter par courriel puis...

Mme Chénier (Justine) : Vous pouvez nous contacter, absolument, absolument, courriel, téléphone, on est très disponibles.

M. Zanetti : Bon, plus simple. Parfait.

Sur la question... Vous avez soulevé l'enjeu du montant de l'indemnité plus tôt. Ça a été soulevé auprès de d'autres intervenantes plus tôt ce matin. Puis on nous dit : dans le fond, l'indemnité ne doit pas prendre la forme d'une pension alimentaire régulière sur toute la vie, bien, pas «toute la vie», mais plusieurs années, parce que, l'objectif, ici, c'est de rompre le lien avec l'agresseur, puis on ne veut pas avoir un mécanisme qui maintient le lien avec l'agresseur. Donc, il faut que ça soit un peu un montant d'un coup, une fois. Mais, en même temps, vous soulevez la difficulté que, comment est-ce qu'un montant d'un... qui a les moyens de payer un montant d'un coût, qui couvre les besoins d'un enfant jusqu'à ses 18 ans? Il y a un enjeu là. Mais, en fait, dans le fond, je fais juste poser la même question que vous, vous avez posée : est-ce que vous, vous avez des pistes de solution à ça ou est-ce qu'il y a des choses que vous auriez à proposer comme mécanisme?

Mme Chénier (Justine) : Bien, en termes de mécanisme, par exemple, de protection, dans l'objectif où on se retrouve face à une situation qui... dans l'impossibilité, en fait, que la somme soit versée d'un coup, qu'il faut que ça se fasse à travers plusieurs versements, il faudrait qu'idéalement, pour assurer la sécurité de la mère et de son enfant à tout prix, il faudrait que les transferts se fassent via le tribunal, avec vraiment aucun contact entre les deux. Ça, ça pourrait être une piste à considérer.

Sinon, idéalement, effectivement, il pourrait y avoir, dans le cas où est-ce qu'on a des personnes, par exemple, agresseurs qui ne sont pas en moyens financiers de subvenir à des sommes importantes, ce qui pourrait être intéressant, ça serait, par exemple, que ces personnes-là obtiennent de la bonification sous forme de crédits, par exemple, d'une instance gouvernementale, comme ça, la somme serait versée, tu sais, d'un seul coup à la mère et à l'enfant. Mais la personne agresseur devrait payer, par exemple, sur plusieurs versements.

C'est ce qui me vient en tête en ce moment. Je ne sais pas, si, Gabrielle, tu avais... non.

M. Zanetti : Donc, un...

Mme Chénier (Justine) : Par un tribunal, par exemple, s'il faut faire plusieurs versements, ou, sinon, par un mécanisme de bonification, par exemple, gouvernementale, mais avec un crédit pour les personnes agresseurs qui doivent rembourser, par exemple, avec des ententes de paiement.

M. Zanetti : Avec une... comme si, dans le fond, le gouvernement paye ce que l'agresseur doit d'un coup, puis après ça, l'agresseur doit rembourser une dette au gouvernement sur le temps qui... auquel, bien, il s'entend, en fonction de sa situation, pour que ça marche.

Mme Chénier (Justine) : Exactement, exactement. Aussi, si une personne, par exemple, qui est en moyens de payer sur plusieurs années et non pas sur... d'une seule... La somme d'un seul coup, vraiment d'avoir une entente avec les tribunaux pour que les transferts monétaires se fassent via un système lié au tribunal, qu'il n'y ait pas de contact entre la mère, l'enfant et l'agresseur.

• (17 h 10) •

M. Zanetti : O.K.

Mme Chénier (Justine) : Ce serait une disposition à réfléchir, à peaufiner, mais c'est une des pistes qu'on avait identifiées.

Mme Comtois (Gabrielle) : Puis ça serait un bon moyen d'assurer que la femme survivante ait, obtienne l'aide dont elle a besoin immédiatement.

M. Zanetti : Oui, c'est ça.

Mme Chénier (Justine) : Parce qu'avoir un enfant vient avec des coûts, particulièrement, puis certaines femmes en situation de violence ou qui sortent de relations violentes, elles peuvent se retrouver dans des grandes situations de précarité et de vulnérabilité financière. Et c'est sûr que, nous, à titre de groupe qui travaille par et pour les personnes survivantes, c'est des situations qu'on cherche absolument à éviter.

M. Zanetti : Parfait. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Alors, merci beaucoup d'avoir été avec nous aujourd'hui, très apprécié. Puis, encore une fois, vous faites un très bon travail, les CALACS. Merci.

Alors, on suspend quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 11)

(Reprise à 17 h 17)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'avoir avec nous le Barreau du Québec, les représentantes, les représentants. Bien sûr, Maître Claveau, merci beaucoup d'être ici. Grand plaisir de vous recevoir. J'aimerais... Avant de débuter, présentez les gens qui sont avec vous et après ça débutez votre exposé de 10 minutes. Merci beaucoup...

Mme Claveau (Catherine) : Parfait. Alors, merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je suis Catherine Claveau, Bâtonnière du Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui de Maître Nicolas Le Grand Alary à ma gauche, qui est avocat au secrétariat de l'ordre et affaires juridiques, et de maître Valérie Laberge, qui est membre de notre groupe d'experts en droit de la famille au Barreau du Québec.

Alors, le Barreau du Québec vous remercie de l'avoir invité à participer aux consultations entourant le projet de loi n° 12, qui constitue un jalon important de la réforme du droit de la famille au Québec. De prime abord, le Barreau du Québec salue le dépôt de ce projet de loi. Nous formulons cependant certains commentaires afin de bonifier et d'offrir... de le bonifier et d'offrir au législateur de meilleurs outils pour assurer la protection du public, en particulier les personnes vulnérables.

Le Barreau du Québec soumet d'abord que le style de rédaction de ce projet de loi ne s'harmonise pas avec celui du Code civil du Québec. En effet, les dispositions du Code civil sont normalement formulées en termes généraux et offrent des orientations quant aux règles applicables en droit civil. Le projet de loi est quant à lui complexe et certaines dispositions peuvent porter à confusion. À titre d'exemple, en matière de filiation, on y retrouve à deux reprises la même définition de la possession d'état.

Poursuivons sur le thème de filiation. Le projet de loi comprend des modifications intéressantes qui témoignent de l'intention du législateur de moderniser le droit de la famille, notamment en revoyant les critères applicables en matière de procréation assistée.

Par ailleurs, le projet de loi propose une règle particulière lorsque l'un des parents d'intention est décédé au moment de la réalisation d'une procréation assistée. Sans se prononcer sur le bien fondé de la règle, le Barreau du Québec tient à souligner qu'il existe un conflit potentiel entre la Loi sur la procréation assistée adoptée par le fédéral et les modifications apportées au Code civil du Québec par ce projet de loi qui concerne la procréation assistée faite de façon posthume. En effet, le libellé proposé nous laisse croire que des situations permises, en vertu de la loi québécoise, seraient interdites par la loi fédérale réglementant la procréation assistée. Afin d'éviter toute ambiguïté, nous suggérons donc de revoir ces dispositions à la lumière des exigences prévues par la loi fédérale.

Le Barreau du Québec appuie la reconnaissance juridique de grossesse pour autrui, afin de s'assurer de la stabilité juridique relative aux droits et obligations concernant les enfants qui en sont issus. Ce faisant, nous reconnaissons la pertinence pour le législateur d'imposer la conclusion d'une convention entre les parties. En effet, nous sommes d'avis que l'imposition d'une convention écrite permet aux parties de mieux connaître leurs droits et obligations. Nous estimons cependant que le législateur devrait aller plus loin et nous soumettons qu'un avis juridique d'un juriste indépendant devrait être obtenu par chacune des parties à la convention avant sa signature.

• (17 h 20) •

Nous sommes en effet d'avis que la rédaction actuelle du projet de loi laisse présumer qu'il ne peut y avoir d'intérêts opposés des parties à la convention du fait que celles-ci partagent une intention commune de mener à terme le projet parental. En assimilant ainsi les droits et intérêts de la personne qui donnera naissance à l'enfant à ceux des parents d'intention, le projet de loi semble faire fi des besoins particuliers de cette dernière qui peuvent différer des autres parties.

Nous proposons également que la convention de grossesse pour autrui soit un formulaire établi par le gouvernement qui détaillerait les droits et obligations des parents d'intention et de la femme qui donnera naissance à l'enfant. La forme de ce formulaire pourrait s'apparenter à celle d'un bail de logement.

Ainsi, afin de mieux protéger le public, ce formulaire devrait expliciter les clauses qui sont contraires à l'ordre public et ainsi non exécutoires. Le Barreau du Québec est d'avis que l'utilisation d'un tel formulaire signé devant deux témoins indépendants pourrait réduire les coûts et la complexité inhérents à la conclusion d'un acte authentique. Cependant, les parties qui le souhaitent pourraient toujours utiliser la possibilité de conclure cette convention par acte notarié si c'est vraiment leur volonté...

Mme Claveau (Catherine) : ...en proposant d'utiliser ce formulaire et en requérant que chacune des parties obtienne un avis juridique indépendant, le Barreau du Québec a pour objectif de protéger les personnes potentiellement vulnérables, soit la personne donnant naissance à l'enfant, mais également les parents d'intention eux-mêmes et l'enfant à naître.

Quant au remboursement des frais, le projet de loi prévoit le paiement de certains frais déterminés par règlement et à l'indemnisation, le cas échéant, de la perte de revenus de travail. Nous sommes favorables à une réglementation la plus complète possible des frais pouvant être payés ou remboursés, et ce, dans un souci de clarté et de prévisibilité.

Le projet de loi prévoit également la prise en compte du droit de l'État où est domiciliée la personne qui donnera naissance lorsque cette dernière est domiciliée hors du Québec. Avec le Règlement sur le remboursement relatif à la procréation assistée, il coexistera des régimes d'encadrement des frais et d'indemnisation à l'international et à l'intérieur du Canada. Par souci de clarté, nous invitons le législateur à prendre en compte cette situation dans l'édiction dans l'édiction de la future réglementation québécoise.

Le Barreau du Québec appuie l'objectif du projet de loi qui vise à protéger les enfants nés à la suite d'une agression sexuelle. Nous formulons toutefois certains commentaires pour le bonifier, afin de nous assurer que celui-ci réponde aux attentes formulées par la population québécoise ainsi qu'aux enjeux vécus par les personnes victimes d'agressions sexuelles. Par exemple, les nouveaux articles du Code civil du Québec proposent de permettre à l'enfant né à la suite d'une agression sexuelle de contester l'établissement d'un lien de filiation entre lui et la personne qui a commis l'agression.

Le Barreau du Québec soumet qu'une autre façon de procéder serait de modifier le mécanisme de déchéance de l'autorité parentale, afin de clarifier qu'il s'applique aux enfants issus d'une agression sexuelle.

En effet, le Code civil du Québec permet actuellement la déchéance de l'autorité parentale, qui est, et j'ouvre les guillemets, "peut être prononcée par le tribunal... si des motifs graves et l'intérêt de l'enfant justifient une telle mesure, notamment en raison de la présence de violence familiale, y compris conjugale."

Cette déchéance a pour effet de retirer aux parents les droits qu'il a envers l'enfant, notamment en ce qui a trait à la garde, à la surveillance et à l'éducation. Le parent doit toutefois encore assumer ses obligations envers l'enfant. En clair, il doit contribuer à ses besoins et continuer à payer une pension alimentaire.

Le régime de la déchéance de l'autorité parentale est prévu au Code civil du Québec depuis de nombreuses années et les critères jurisprudentiels applicables sont bien établis et stables.

Le projet de loi modifie aussi le Code civil du Québec en prévoyant le droit, pour un enfant né à la suite d'une agression sexuelle, de recevoir une indemnité de la part du parent agresseur. Le Barreau du Québec salue l'ajout de cette mesure. Mais notre lecture du Code civil du Québec nous laisse croire que cette indemnité correspondra à un montant forfaitaire et que la victime sera responsable de procéder à l'exécution du jugement afin d'être payée par l'agresseur.

Nous proposons plutôt que les règles applicables à la fixation des pensions alimentaires s'appliquent à la détermination du montant de cette indemnité. En procédant de cette façon, les montants d'indemnités seront payés par versements et seront prévisibles, car établis selon un barème préexistant. De plus, les règles applicables à sa révision seront prévues et connues, ce qui aurait le potentiel de réduire les litiges.

Enfin, le Programme de perception des pensions alimentaires de Revenu Québec pourrait s'appliquer également, ce qui permettra à la victime de ne pas avoir à faire exécuter le jugement par elle-même, donc aussi d'éviter les contacts avec l'agresseur.

En terminant, le Barreau du Québec tient à réitérer qu'il accueille favorablement le projet de loi, bien qu'il ne constitue qu'une partie de la réforme du droit de la famille. En effet, ce projet de loi n'a pas traité de toute la question des protections accordées aux conjoints de fait, alors que cette question continue d'avoir un impact important sur les familles québécoises. Nous estimons également que la réflexion reliée à la notion de pluriparentalité doit se poursuivre, compte tenu des nouvelles formes de familles québécoises, notamment, celles issues des couples de même sexe.

Pour le Barreau du Québec, il est essentiel, donc, que l'important chantier législatif sur la réforme du droit de la famille soit un véritable projet sociétal pour le Québec, ses familles et ses enfants.

D'autres commentaires, évidemment, se trouvent dans notre mémoire. Nous vous remercions pour votre attention et nous sommes maintenant disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Me Claveau. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bonjour, Me Claveau, Mme la bâtonnière, Me Laberge, Me Le Grand Alary. Merci pour votre présence ici, en commission parlementaire.

J'ai quelques questions, notamment, celle relativement à la déchéance de l'autorité parentale. Pour être bien sûr, là, de comprendre ce que vous proposez, est-ce que vous souhaitez qu'on inscrive comme motif, à 606, de déchéance...

M. Jolin-Barrette : ...Parentale, le fait que le viol est un motif de décharge d'autorité parentale, le fait que l'enfant est issu d'un viol?

Mme Claveau (Catherine) : Je vais laisser Me Laberge répondre à ça.

Mme Laberge (Valérie) : Je peux la prendre.

Donc, oui, nous, on est tout à fait favorables à ce que vous souhaitez faire, là, c'est-à-dire d'empêcher le parent d'un enfant qui est conçu dans le cadre d'une agression sexuelle, d'exercer des droits parentaux. Donc, pour nous, c'est simplement que ça passe par la déchéance.

Alors, nous, ce qu'on vous encourage à faire, c'est modifier l'article existant, qui ouvre déjà une porte. Mais on pourrait y aller encore plus clairement, si c'est ça, l'intention du législateur, et d'ajouter, nous, on n'est pas fermées, là, à cette idée que, notamment, le jugement en soi fasse la preuve de l'agression pour éviter à la victime d'avoir à répéter ça. Mais, pour nous, le mécanisme approprié, c'est vraiment plus la déchéance, qui va permettre à la personne victime de l'agression de bénéficier, puis à l'enfant aussi, là, de bénéficier de toutes les protections que lui offre le code civil, notamment, au niveau alimentaire, avec les pensions alimentaires qu'on connaît pour enfants, qui sont tellement faciles à appliquer, C'est une des plus belles choses de notre système juridique actuel, là, donc pourquoi en priver cet enfant-là, et également tout le statut d'héritier, et cetera. Donc, ça... Pour nous, ça répond aux besoins, de faire cette modification-là.

M. Jolin-Barrette : Donc, juste pour bien comprendre, la position du barreau est à l'effet que, dans le fond, vous dites : vous ne devriez pas donner l'option de la rupture du lien de filiation, mais simplement mentionner, dans le fond, précisément sur la déchéance d'autorité parentale, que ça peut entraîner la déchéance de l'autorité parentale, le fait d'avoir été agressé sexuellement, puis qu'il a un enfant qui est issu de l'agression sexuelle. Donc, ça deviendrait un motif de, motif nommé de déchéance d'autorité parentale.

Mme Laberge (Valérie) : Oui. Puis avec ce que vous mettez aussi, que ça se prouve par jugement. Puis, à ce moment-là, si on est presque certains qu'il va y avoir une déchéance d'autorité parentale au bout de ça, pourquoi, à ce moment-là, est-ce qu'on voudrait faire reconnaître la filiation?

M. Jolin-Barrette : L'enjeu, dans le fond, rattaché à ça, puis on réfléchit aux scénarios que vous proposez, c'est notamment le fait que la déchéance d'autorité parentale n'est pas permanente. Donc, ça fait en sorte que, théoriquement, ça pourrait revenir.

Après ça, sur le... Beaucoup de victimes nous disent : écoutez, moi, je ne veux même pas avoir le nom de l'agresseur sur le certificat de naissance, je veux éliminer ça, complètement, puis je ne veux pas être, à chaque fois que je retourne à l'école puis je présente le certificat de naissance ou l'acte de naissance, que le nom de monsieur soit là.

Mme Laberge (Valérie) : Spéficier ça.

M. Jolin-Barrette : C'est ça. Ça, avec ces arguments-là, qu'est-ce que vous...

Mme Laberge (Valérie) : Qu'est-ce qu'on a répondu là-dessus?

M. Jolin-Barrette : Oui?

Mme Laberge (Valérie) : Bien, on y a pensé, nous aussi. Ça va bien, on pense aux mêmes choses.

M. Jolin-Barrette : Bon, une communauté d'esprits.

Mme Laberge (Valérie) : Exact. Non, mais, pour nous, en fait... Puis vous êtes le législateur, là, il n'y a rien qui vous empêche de donner une petite twist, là, à la déchéance d'autorité parentale dans un contexte particulier comme celui-ci pour faire en sorte que ce sera permanent. Et, si on dit qu'à ce moment-là il y aura déchéance, non, mais, mettons qu'on dit ça, mais on peut se poser la question : quel parent va avoir intérêt à faire reconnaître son lien de filiation? Nous, on pense que ça se produira en pratique presque jamais parce que l'intérêt de faire reconnaître ta paternité ou ta parentalité, c'est de pouvoir exercer tes droits parentaux, au final. Bien là, si on dit : même si tu la fais reconnaître, tu ne pourras pas les exercer, à ce moment-là, pour nous, c'est clair que c'est dissuasif. Et là, c'est donc la victime qui va faire le choix, est -ce que, oui ou non, je déclare la paternité de cette personne-là puis je fais bénéficier des protections.

• (17 h 30) •

M. Jolin-Barrette : O.K. Poursuivons la discussion. Dans le fond, avec l'approche que vous amenez, c'est dans une logique, supposons, du fait que le parent veule exercer des droits. Mais, sur l'approche, supposons, identitaire, tu sais, qui est moins légale, mais qui est identitaire, ça, qu'est-ce que vous faites avec ça? Parce que ça pourrait arriver, on a eu le cas d'Océane cet été, mais on pourrait avoir le cas d'autres agresseurs qui disent : bien, moi, je veux avoir la filiation établie, je ne veux pas nécessairement que... aller le voir la fin de semaine ou le prendre ou le garder, mais c'est mon enfant, puis, tu sais, c'est une forme de contrôle aussi. C'est ça que, dans le fond, dans le cas d'Océane, l'agresseur voulait faire. Puis on pourrait se retrouver dans une situation avec des... qui reviennent tout le temps.

Puis, tu sais, l'autre élément, c'est la pension alimentaire. Le fait d'avoir une pension alimentaire, le lien aussi, qui est révisable, c'est ça que ça amène aussi. C'est comme s'il y avait encore un lien entre la victime, son agresseur, alors que, nous, on nous dit : Bien, les victimes ne veulent plus du tout avoir de lien avec l'agresseur.

Mme Laberge (Valérie) : Mais le lien, en pratique... Tu sais, on en fait, là, des déchéances d'autorité parentale quand même plus souvent qu'on voudrait, là, malheureusement, ça reste qu'il y a des...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

Mme Laberge (Valérie) : ...pratique, là, c'est des jugements qui vont juste subsister puis des pensions alimentaires qui vont être perçues ou pas parce que l'argent ne rentrera pas, puis c'est le ministère qui va exécuter, puis des fois ils vont recevoir des chèques, puis d'autres fois non. Bien là, après ça, si on a une situation de quérulence, bien, on a des dispositions dans notre code qui protègent les gens contre la quérulence, puis ça reste que c'est... Pour nous, c'est assez théorique, là, comme risque, puis ça... C'est que votre indemnité forfaitaire, aussi, elle empêche l'enfant de bénéficier de l'augmentation du niveau de vie de ce parent-là. Tu sais, on dit : Là, on prend la photo aujourd'hui, on fait un forfait. Mais, tout d'un coup que la personne, elle a plus de sous à un moment donné, là ça n'en tient pas compte.

Puis, également, il y a toute la question de l'exécution, mais il y a surtout la question litigieuse. Puis ça, c'est important, parce que les barèmes, ce qu'ils font... Ils sont arrivés en vigueur en même temps que la médiation familiale. Puis la raison pour laquelle on les a pris, c'est parce qu'ils objectivent la norme puis ils rendent ça très, très facile d'application, ce qui fait qu'on a rarement besoin de plaider ça, alors que là, une somme forfaitaire comme celle-ci, dans des cas rares, quand même, il faut se le dire - le cas d'Océane, c'est un cas terrible, mais c'est un cas qui est quand même assez rare - bien, tu sais, moi, je trouve que c'est mettre sur le dos des femmes qui sont victimes de ces agressions-là de développer de la jurisprudence là-dessus, puis c'est quasiment une audition garantie pendant... parce qu'on ne sait pas, on ne sait pas ça va être quoi, les barèmes.

M. Jolin-Barrette : Donc, je comprends que vous nous invitez à être plus précis puis à adopter un règlement...

Mme Laberge (Valérie) : Qui... Bien...

M. Jolin-Barrette : ...pour indiquer aux juges quels paramètres on souhaite avoir.

Mme Laberge (Valérie) : Bien, je pense que les barèmes de fixation ont fait leurs preuves, puis, à un moment donné, réinventer la roue, je ne suis pas certaine de l'à-propos. Donc, nous, ce qu'on vous invite à faire, ce qui est indiqué dans le mémoire, c'est que, si vous rejetiez notre suggestion, qui est celle de passer par le mécanisme de déchéance, qui pour nous répond bien à la situation, bien, nous, on vous invite à travailler avec les barèmes puis à les importer au lieu de travailler avec l'indemnité forfaitaire, qui pour nous va créer plus de litiges, d'incertitude puis, à la limite, d'injustice.

M. Jolin-Barrette : O.K. Bien, écoutez, j'accueille votre suggestion. Mais, par contre, je vais demeurer sur ma position pour laisser le choix aux femmes qui ont été agressées de faire le choix, parce qu'actuellement, avec la proposition législative que nous avons, bien, les femmes qui ont été agressées sexuellement peuvent décider de ne pas s'opposer à la filiation, mais d'avoir la déchéance, peuvent décider aussi de s'opposer à la filiation, d'avoir le montant forfaitaire. J'aime mieux leur laisser le choix, en fonction de la réalité qu'elles vivent, puis... de décider du chemin qu'elles veulent avoir. Puis même, tu sais, dans le futur, supposons que madame s'est objectée à la filiation, quand l'enfant va avoir 10 ans, il pourrait dire : Bien, moi, je veux que mon lien soit établi aussi, puis il va pouvoir le faire, parce que maintenant la filiation est imprescriptible, ou plus tard que le 30 ans. O.K.

Je voulais vous entendre, là, sur la pluriparenté. Nous, on a fait le choix très clairement que ça soit deux parents. Donc... Il y a eu des dossiers devant la Cour d'appel aussi. La position du Barreau, là, très clairement, quelle est-elle?

Mme Claveau (Catherine) : Bien, on n'a pas pris position sur ce sujet-là, compte tenu du fait, là, que... Notre avis est à l'effet que cette notion-là risque d'évoluer avec la société. On a bien compris qu'à ce stade-ci, le législateur n'était pas prêt à ouvrir à plus que deux parents. Donc, on n'a pas de position, là, à donner par rapport à ça.

M. Jolin-Barrette : O.K. Parce qu'on a des collègues membres du Barreau qui sont venus avant vous un peu plus tôt cet après-midi puis qui nous disaient : Écoutez - bien, je paraphrase, là - mais on ne considère pas nécessairement l'intérêt de l'enfant lorsqu'on milite avec plus de deux parents avec l'autorité parentale. Nous... Puis c'étaient des familialistes qui étaient là, qui étaient à la cour fréquemment, puis ils nous indiquaient que, clairement, quand la chicane est prise, déjà c'est pas mal compliqué avec deux parents. Je ne sais pas si vous voulez commenter.

Mme Claveau (Catherine) : Bien, nous, on a entendu ça comme vous aussi. Je vais laisser mon collègue...

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Oui. Rapidement, en fait, pour compléter ce que Mme la bâtonnière a dit, c'est qu'on invite vraiment le législateur à faire cette réflexion, parce qu'il y a des enjeux, notamment au niveau des familles issues de couples de parents de même sexe, ou d'autres enjeux qui ont été soulevés, et là il y a un choix qui a été fait de ne pas modifier... Mais on invite le législateur à poursuivre la réflexion et à réfléchir vraiment à l'ensemble de la notion de la différence entre la parenté, la filiation, la parentalité, notamment, là, ce qui avait été soulevé dans la décision de la Cour d'appel, là, du juge Kasirer, qui avait soulevé, là, l'ensemble de ces enjeux-là. C'est donc de faire une réflexion vraiment globale sur les facettes de l'autorité parentale, la filiation et l'exercice des attributs de l'autorité.

M. Jolin-Barrette : O.K. Une question sur.... Avant de céder la parole à mes collègues, une question sur l'établissement, là, de recours à des conseils juridiques indépendants. Donc, vous, vous proposez que les parties puissent... en fait, auraient un formulaire, doivent...

M. Jolin-Barrette : ...Auparavant, des juristes se font conseiller, ensuite, complètent le formulaire. Est-ce que, dans les... puis, ma Question, elle est plus générale, là, peu importe que ce soit une convention notariée ou un formulaire, est-ce qu'il y a des conditions impératives? En fait, je vais reposer ma question d'une autre façon : est-ce qu'il manque des conditions impératives dans la convention de grossesse pour autrui que le législateur établit présentement? Est-ce que... Ou dans le formulaire? Supposons qu'on... formulaire, ou l'acte notarié, là. Mais, tu sais, quand on impose, supposons, 21 ans, le fait de suivre une formation préalable séparée pour les parents d'intention, pour la mère porteuse, est-ce qu'il y a d'autres modalités que vous dites : pour l'ordre public, il manque des modalités impératives, que les parties ne peuvent pas déroger?

M. Le Grand Alary (Nicolas) : Bien, je vais y aller rapidement puis je laisserai Me Laberge compléter.

Je pense qu'on peut prendre la question dans l'autre sens. C'est plus qu'est-ce qu'on doit prévoir qui doit être interdit dans une telle convention. Donc, on les liste, spécifiquement, là, dans notre mémoire, notamment, toutes les interdictions de voyager, d'avoir des relations sexuelles, exigences alimentaires disproportionnées, le consentement anticipé, qui est d'ailleurs, là, prévu, qui est interdit, la délégation du consentement à des fins médicales, par exemple, ou d'autres clauses punitives, là, qui seraient imposées à la femme qui portera l'enfant.

M. Jolin-Barrette : O.K. Merci. C'est précis.

Mme Laberge (Valérie) : Mais, de notre côté, bien, de mon côté, moi, ce que j'aurais peut-être à vous apporter, c'est que, nous, la convention standardisée, puis pourquoi on pense que c'est tellement un bon véhicule, c'est qu'on pense que c'est le meilleur moyen d'assurer un contrôle de l'ordre public. Puis, dans le fond, qu'est-ce qu'il y a de plus proche de l'ordre public que les mères porteuses, qui sont en ce moment contraires à l'ordre public, selon notre Code civil? Donc, pour nous, c'est un mécanisme de contrôle d'ordre public important, que le législateur fasse un contrat type. L'analogie est très boiteuse, mais le bail du logement, il a fait ses preuves, là, ce contrat type là avec lequel on doit travailler quand on veut louer.

M. Jolin-Barrette : ...F, par exemple.

Mme Laberge (Valérie) : Comment?

M. Jolin-Barrette : Moins la clause F.

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Laberge (Valérie) : Mais, ceci étant, tu sais... Puis là, nous, de la façon dont on le voit, c'est que ce contrat-là, il comporterait certaines attestations au début, là, donc : oui, on a rencontré le travailleur social telle date, on a rencontré tel conseiller juridique telle date, la grossesse est arrivée telle date. Puis là, ensuite, bien, on irait avec : Bien, voici, maintenant qu'elle est notre entente, voici quel est le mode de procréation assistée qu'on a choisi. Parce que, ça, c'est superimportant, que les gens soient bien informés, autant la mère, la femme qui porte l'enfant, que les parents d'intention, de savoir : Bien là, si j'ai le... si j'ai... si la mère qui porte l'enfant n'utilise pas le matériel génétique des parents d'intention et que, finalement, elle change d'idée, bien, là, il n'y a pas de lien de filiation possible avec les parents d'intention. Oups! C'est un petit peu différent, si on y va avec du matériel génétique du père. Mais, ça, c'est important que la mère, la mère qui porte l'enfant sache ça. Et là, si... Puis, si on y va avec le matériel génétique de la mère, bien que... de la mère d'intention, bien, que celle-ci ne pourra pas avoir de lien de filiation avec l'enfant, même s'il y a un retrait de consentement, alors que, si c'est le père, oui.

Donc, pour nous, c'est le genre de chose qui pourrait très bien s'inscrire à l'intérieur de ce contrat type là. On en profite aussi pour être sûrs qu'on passe l'information comme il faut, que c'est clair, que c'est bien compris, que les frais sont définis, tu sais, que tout est pas mal prédéfini et cadré. Donc, puis, en plus, là, si les gens ont eu des conseils juridiques indépendants, pour nous, c'est ça, la véritable garantie d'un consentement éclairé, comme on le voit, là, dans notre pratique, souvent. Ça n'a rien à voir avec la convention notariée, ça. Tu sais, je veux dire, moi, je suis avocate conjointe régulièrement, dans une grande partie de ma pratique, puis je suis prise, quand je dois conseiller deux clients en même temps, il y a des choses que je ne peux pas dire, ou comme je pourrais dire, si j'en conseillais juste un, à cause du conflit d'intérêts. Donc, on n'a pas le même chapeau. Puis c'est important que... Puis, les gens, ils ne nous posent pas les mêmes questions, quand ils viennent nous voir à deux, que quand ils viennent nous voir seuls. Donc, je pense que c'est primordial, ce volet-là. Puis ce ce n'est pas pour rien que, les avocats, on a ce réflexe rapide là, ça n'a rien à voir avec du chauvinisme, là, c'est parce qu'on voit bien les effets que ça a. Puis, un conseiller juridique, c'est aussi un notaire, donc, pour nous, il n'y a pas de problème, mais tant que les conseils sont là. Ça fait que voilà.

• (17 h 40) •

M. Jolin-Barrette : Excellent. Je vous remercie pour votre présence en commission parlementaire. Mes collègues.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Vimont, il reste une minute 30 secondes pour votre question et la réponse.

Mme Schmaltz : ...Alors, j'ai une question et je vais oser une remarque aussi.

Point de vue question, vous parlez qu'au niveau du montant forfaitaire vous le voyez plutôt que ça soit payé par versements, sous forme de pension alimentaire. Et là, je vois qu'il y a un lien avec Revenu. Je voudrais juste développer un petit peu là-dessus parce que je ne suis pas sûre de bien saisir.

Et, en... ma remarque. Je vais oser aussi, si vous permettez...

Mme Schmaltz : ...J'ai lu tantôt, bien, en fait, dans le... dans votre mémoire, justement, au point des indemnités, vous parlez, à un moment donné, vous saluez l'ajout de la nouvelle mesure, mais vous parlez du «père» de l'enfant né de l'agression sexuelle. Pour moi, le «père», c'est... je ne sais pas, je trouve que c'est un terme qui donne une filiation, là, qu'on ne voudrait peut-être pas. Je ne sais pas, j'ai eu un petit... Je ne veux pas dire «malaise», là, quand même, le mot est trop fort, mais j'ai trouvé que d'employer le «père», je ne sais pas. Ou on parle d'un «parent agresseur». Moi, je pense qu'on devrait peut-être enlever ces termes-là, «parent» ou «père», là, parce que c'est donner trop... Ils ne méritent pas ça, disons, ce terme-là.

Voilà, c'était ma petite remarque. On n'a pas le temps?

Le Président (M. Bachand) :...en 30 secondes.

Des voix : ...

Mme Laberge (Valérie) : Donc, sur la...

Le Président (M. Bachand) :...

Mme Claveau (Catherine) : ...que c'est un processus qui existe actuellement, et c'est la pension alimentaire. Puis, c'est ça, pourquoi on propose ça, c'est que c'est tout déjà réglé avec... Il y a une direction chez Revenu Québec qui s'occupe de la perception, la distribution. La mère va recevoir deux fois par mois, le premier puis le 16 de chaque mois, un chèque bleu du gouvernement transmis par Revenu Québec. Puis il va tout s'occuper d'aller, de les saisir, chercher l'argent chez le débiteur. Donc, c'est un processus qui existe actuellement puis qui a fait ses preuves. C'est pour ça qu'on se dit : pourquoi ne pas embarquer?

Une voix : ...

Mme Claveau (Catherine) : Oui. Puis c'est... Puis ça... Il y a vraiment une distance entre la victime et l'agresseur avec ce processus-là. Donc, ça a fait ses preuves, puis on suggère de l'utiliser pour ce genre de dossier là.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député, s'il vous plaît.

M. Morin : Merci. Merci, M. le Président. Alors, bonjour. Merci, merci d'être là. Merci pour votre mémoire.

Ma première remarque est la suivante. J'ai trouvé ça très intéressant, ce que vous avez écrit à la page deux en ce qui a trait au type de rédaction. Est-ce qu'on pourrait même soutenir que ça ressemble à la rédaction de «common law»?

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Le Grand Alary (Nicolas) : On n'ira pas jusque là, mais, effectivement, je pense qu'il y a un esprit, avec le Code civil, de rédaction de dispositions simples. On peut penser à l'autorité parentale, je pense, de mémoire, il y a quatre, cinq articles sur l'autorité parentale. Là, on se ramasse avec des sections entières de... qui peuvent être lourdes à comprendre. Puis on essaie d'avoir des lois qui puissent être comprises par les justiciables ou dont l'esprit va être clair. Donc, c'est toujours un... une volonté, pour le Barreau, là, de s'assurer de la clarté des dispositions. Puis, si les avocats ou les notaires les lisent et ils ne sont pas capables de comprendre le fond, bien, les justiciables non plus.

M. Morin : Je vous remercie. Puis évidemment, on veut préserver la rédaction de notre code civil, qui est une loi qui nous distingue et dont on est très fiers, alors merci pour votre remarque. J'avais constaté la même chose, je trouvais ça un peu inquiétant. Puis effectivement, ce n'est pas toujours simple à lire, j'en conviens avec vous.

J'ai quelques questions, parce que, ça, on en a parlé beaucoup pendant toute la journée. Puis j'attire votre attention dans le projet de loi, c'est l'article 19, aux articles 542.33 et suivants, en ce qui a trait à la responsabilité financière visant les besoins d'un enfant issu d'une agression sexuelle. Et ma compréhension, c'est que, de cette façon-là, c'est la victime de l'agression qui va être obligée d'intenter une action et qui va donc viser à obtenir une indemnité, puis, ça, bien, jusqu'à ce que le temps que l'enfant atteigne son autonomie. Donc, ça, son autonomie, évidemment, ce n'est pas nécessairement de 18 ans, là, ça peut être plus. Et donc ça fait en sorte qu'on impose finalement à la victime d'entrer dans un processus judiciaire qui pourrait nécessairement être long et coûteux. Et puis, il n'y a pas beaucoup de barèmes. Est-ce que vous avez la même compréhension que moi? Et ou si je n'ai pas très bien compris 542.33?

Mme Laberge (Valérie) : Nous avons la même compréhension.

M. Morin : D'accord. Donc, à ce moment-là, et il y a d'autres groupes qui nous ont suggéré d'autres avenues, mais j'aimerais ça avoir votre opinion là-dessus : est-ce qu'il ne serait pas plus simple, par exemple, pour l'État, une fois, évidemment, que, bon, l'agression sexuelle est prouvée, de, l'État, d'immédiatement compenser la victime et son enfant et de faire en sorte qu'éventuellement cette somme-là pourrait être récupérée de l'agresseur, mais ce serait l'État qui le ferait plutôt que de laisser la victime de l'agression sexuelle...

M. Morin :...le faire devant la cour?

Mme Claveau (Catherine) : Bien, c'est certain que ça serait plus sain, mais ce n'est pas une option à laquelle on a... qu'on a imaginée dans nos solutions. C'est pour ça qu'on est allés plus vers le processus de perception de pension alimentaire. Mais, effectivement, si l'État est prêt à avancer les sommes puis, après ça, aller chez l'agresseur pour se faire rembourser, on ne peut pas être contre la vertu. Si l'État est volontaire pour faire ça, ça serait effectivement très bien.

M. Morin :Parfait. Et contre l'efficacité aussi?

Mme Claveau (Catherine) : Effectivement.

M. Morin :O.K. Parfait. Je vous remercie. Moi, je n'ai pas d'autre question, M. le Président. Je ne sais pas si ma collègue a des questions.

Le Président (M. Bachand) :Ça va? M. le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : J'avais des questions, mais elles ont trouvé leur réponse. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Bachand) :C'est beau?

M. Zanetti : Je n'en ai pas plus.

Le Président (M. Bachand) :O.K. Bon, bien, parlant d'efficacité, on est efficaces. Merci beaucoup d'avoir été avec nous, c'est très apprécié.

Cela dit, je suspends les travaux jusqu'à mardi 28 mars 2023, à 10 heures. Merci. Belle soirée!

(Fin de la séance à 17 h 47)


 
 

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