Journal des débats de la Commission des institutions
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)
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Le
jeudi 16 février 2023
-
Vol. 47 N° 3
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 8, Loi visant à améliorer l’efficacité et l’accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et l’arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec
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11 h 30 (version non révisée)
(Onze heures trente-trois minutes)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît!
Bonjour à tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la
Commission des institutions ouverte.
La Commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet
de loi n° 8, Loi visant à améliorer l'efficacité et l'accessibilité de la
justice, notamment en favorisant la médiation et l'arbitrage et en simplifiant
la procédure civile à la Cour du Québec.
Avant de débuter, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président, M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé par Mme Labrie
(Sherbrooke).
Le Président (M. Bachand) :Donc, merci beaucoup. Ce matin, nous allons entendre le
Barreau du Québec. Mais, d'abord, il nous fait plaisir d'accueillir Me Gagnon
de Juripop. Alors, Me Gagnon, merci beaucoup d'être avec nous. Comme vous
savez, vous avez dix minutes de présentation, et après on aura une période d'échange
avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous, Me Gagnon.
Mme Gagnon (Sophie) : Je vous
remercie. M. le Président, MM. et Mmes les députés, bonjour. Merci beaucoup
pour l'invitation à partager les observations de Juripop ce matin. J'aurais
beaucoup aimé pouvoir me déplacer et être avec vous, mais, à défaut, je suis donc
en visioconférence à vos côtés.
Avant de commencer, quelques mots pour
contextualiser l'intervention de Juripop sur le projet de loi n° 8. Comme vous
le savez sans doute, Juripop est un organisme à but non lucratif dont la
mission est d'améliorer l'accès à la justice. Notre intervention aujourd'hui s'inscrit
dans le cadre de la mission historique de Juripop, qui est d'offrir des
services juridiques abordables aux personnes qui sont en situation financière
précaire, donc qui ne sont pas en mesure de faire valoir leurs droits au côté d'avocats
ou notaires et qui ne sont pas admissibles à l'aide juridique.
Donc, ça fait près de quinze ans, chez,
Juripop qu'on offre des services juridiques abordables à des milliers de
citoyens qui, autrement, seraient contraints de se représenter seuls ou de ne
pas faire valoir leurs droits. C'est donc avec cette lunette, là, qu'on a
analysé le projet de loi n° 8. Et certaines de nos observations sont également
basées sur notre expertise en matière d'accompagnement des personnes victimes
de violences à caractère sexuel ou de violence conjugale. Notre intervention
porte sur quatre des thèmes du projet de loi, donc quatre sections. Et, avant
de conclure, on va également vous communiquer une recommandation plus globale qui,
à notre avis, est nécessaire pour assurer la mise en œuvre du projet de loi.
Le premier thème de notre intervention
concerne les dispositions qui visent à rendre la médiation obligatoire, ou, du
moins, qui visent à offrir des avantages aux parties qui se prévalent d'une
médiation et qui obtiennent une attestation délivrée par un médiateur ou une
médiatrice accrédité. Le principe cardinal... Deux des principes cardinaux de
la médiation consistent d'abord en le caractère volontaire de la médiation, et,
d'autre part, en une égalité des pouvoirs entre les personnes ou les parties
qui participent à la médiation. Cette égalité-là est nécessaire pour assurer le
caractère libre et volontaire du consentement à la médiation et à une
éventuelle entente, mais aussi pour faire valoir sa position librement.
Évidemment, on se questionne sur la
compatibilité entre les dispositions du projet de loi qui visent à rendre la
médiation obligatoire et le caractère volontaire de la médiation. Dans certains
cas, on serait... on se questionne sur...
Mme Gagnon (Sophie) : ...L'efficacité
d'une médiation qui serait imposée aux parties, qui pourrait résulter non pas
en une accélération de la procédure, mais plutôt en l'ajout d'une étape qui
serait, dans tous les cas, vouée à l'échec.
Mais les deux considérations qu'on voulait
vous partager concernent plus spécifiquement les personnes qui sont non
représentées ou qui sont à faible revenu et qui ont déjà tendance à être dans
l'angle mort du système de justice. Plusieurs des personnes se tournent vers
les tribunaux et vers la procédure adversariale non pas par choix, mais plutôt
parce que c'est le seul moyen qui est financé par l'État afin de résoudre leurs
différends. Et, bien qu'on salue l'intention du législateur de favoriser les
modes alternatifs de règlement des différends, dans la mesure où l'accès à la
médiation ou à l'arbitrage demeure conditionnel à la capacité de pouvoir
défrayer les honoraires des médiateurs et des arbitres, ce sont encore une fois
les personnes qui, à la base, sont déjà incapables de rémunérer un avocat, qui
seraient également incapables de rémunérer les honoraires d'un médiateur ou
d'un arbitre, et qui seraient donc dans l'incapacité d'obtenir l'attestation de
médiation et qui pourraient voir l'instruction de leur dossier retardée en
comparaison aux parties qui, elles, seraient en mesure, qui auraient non
seulement la volonté d'aller en médiation, mais qui auraient aussi la capacité
de payer pour la médiation.
Donc, notre recommandation pour la
Commission, c'est qu'il y a un motif d'exonération pour l'instruction plus
rapide, le motif d'exonération devrait être, à notre avis, l'incapacité de
défrayer les coûts de la médiation. Une autre alternative serait de limiter la
rapidité de l'instruction aux personnes morales. Dans certains districts,
notamment Montréal, il existe déjà un rôle qui est réservé aux personnes
physiques et un autre qui est appliqué lorsqu'il y a une partie qui est une
personne morale. Donc, l'incitatif pourrait être limité aux personnes morales
seulement et non pas aux individus qui, dans la forte majorité des cas,
n'auront pas les moyens de payer pour les honoraires d'un médiateur.
Évidemment, on ne peut pas passer sous
silence le caractère particulier des personnes qui se trouvent en situation de
violence conjugale. Chez Juripop, on décommande systématiquement l'appel à la
médiation, quand il y a une situation de contrôle coercitif ou de violence
conjugale, pour des raisons que je pourrais détailler en questions, mais que je
présume que vous connaissez bien, vu les travaux qui vous ont occupés dans les
dernières années. On considère qu'il est vraiment essentiel que la simple
allégation d'une situation de violence conjugale soit un motif d'exonération à
la médiation obligatoire aux petites créances ou encore à l'instruction en
priorité à la Cour du Québec.
Puis j'insiste vraiment sur la nécessité
que la simple allégation d'une violence conjugale soit suffisante pour ne pas
être assujettie aux dispositions prévues par le projet de loi. Dans notre
expérience, chez Juripop, de manière hebdomadaire, malheureusement, notre
constat, c'est qu'à l'heure actuelle malgré les bonnes intentions, les
tribunaux ne sont pas outillés pour dépister la violence conjugale, et qu'il y
a plusieurs dossiers où, à notre avis, la violence conjugale, les risques
homicidaires sont bien présents, mais qui ne sont pas considérés comme tels par
le système de justice. Donc, on vous met en garde, là, quant à la tentation de
laisser à la discrétion du tribunal le pouvoir de déterminer s'il y a de la
violence conjugale ou non dans un dossier aux fins de la médiation.
• (11 h 40) •
Le deuxième thème concerne la procédure
simplifiée aux demandes en matière civile. Alors, le projet de loi propose
notamment, là, la mise en place de délais statutaires au lieu de l'habituel
protocole de l'Instance, propose également que certaines procédures soient
assujetties à l'autorisation du tribunal, et le projet de loi propose également
que certains actes de procédure soient limités, que ce soit dans leur longueur
ou dans leur nombre. Puis, sans énumérer ces dispositions-là, chez Juripop,
évidemment, tout ce qui contribue à l'enflure des procédures, à l'enflure des
délais constitue, à notre avis, des obstacles d'accès à la justice qui doivent
être éliminés ou amoindris. Donc, on salue les dispositions du projet de loi
qui visent à introduire une procédure simplifiée aux demandes en matière
civile, et puis on invite la Commission à les conserver tels quels ou à les
bonifier, mais définitivement à poursuivre sur cette lancée.
On salue également, troisièmement, les
modifications qui concernent la division des petites créances. La division des
petites créances est un véhicule d'accès à la justice très efficace pour les
personnes qui n'ont pas les moyens de faire valoir leurs droits. Alors, Juripop
accueille favorablement tout ce qui favorise l'accès aux petites créances ou
encore qui est de nature à accélérer le traitement des dossiers. Vous le savez
sans doute, mais il y a quelques années seulement, on recommandait aux parties
de se tourner vers les petites créances non seulement parce que c'était moins
onéreux, mais aussi parce que c'était plus...
Mme Gagnon (Sophie) : ...malheureusement,
depuis quelques années, ce n'est plus le cas, c'est parfois plus long de faire
des demandes aux petites créances qu'à la Cour du Québec ou à la Cour
supérieure.
Et la disposition qu'on salue tout
particulièrement mais pour laquelle on souhaiterait des précisions, est celle
qui prévoit que certaines décisions peuvent être prises sur le vu du dossier on
en déduit que ce qui est souhaité, c'est qu'un greffier ou un juge puisse
notamment prononcer le rejet partiel ou total d'une demande au simple vu du
dossier, donc sans entendre les parties. Et, dans notre expérience, il y a
plusieurs... ce n'est pas anormal que des demandes aux petites créances soient
évidemment mal fondées en droit ou en fait. Or, à l'heure actuelle, il est
impossible pour une partie de faire une demande en rejet, impossible pour une
partie de faire une demande en précision. Donc, il y a des parties qui se
voient contraintes à déployer des ressources en temps, en énergie pour
contester des demandes qui sont vouées à l'échec et qui embourbent les petites
créances de manière inutile.
Donc, on salue la disposition, mais on
recommande qu'elle soit précisée pour rendre sa portée plus claire. Donc, la
disposition pourrait se lire : Certaines décisions peuvent être prises sur
le vu du dossier, notamment le rejet partiel ou total d'une demande. On salue
également l'indexation de la compétence et la revendication d'un bien qui est
permise, accessoire à une demande.
Le temps file, donc, très rapidement,
Juripop appuie également les modifications au Conseil de la magistrature qui
permettraient la nomination d'un non-juriste qui serait nommé après
consultation des organismes qui œuvrent auprès des victimes.
Et, avant de conclure, on souhaite porter
à votre attention que, pour que le projet de loi atteigne véritablement ses
objectifs, il est à notre avis essentiel que le projet de loi soit accompagné
soit d'un investissement auprès des cliniques juridiques ou des organismes à
but non lucratif qui offrent des conseils juridiques ou de la représentation,
ou encore que le projet de loi mette à profit deux fonds qui existent déjà, à
savoir le Fonds d'étude notariale et le Fonds d'études juridiques, dont
l'administration est confiée par la Loi sur le notariat et la Loi sur le
barreau, à la Chambre des notaires et au Barreau du Québec.
En ce moment, les deux lois précitées
restreignent l'utilisation du Fonds d'études notariales et du Fonds d'études
juridiques au financement de services d'information et d'éducation juridique.
On vous soumet que, dans la foulée du projet de loi no 34 de la session dernière
et du projet de loi n° 8 de cette session, on sent que le législateur
reconnaît l'importance d'accompagner et de représenter de manière gratuite ou à
coût modique les personnes qui sont en situation financière précaire. Or, au
Québec, il n'existe aucune source de financement pour de tels programmes, alors
que ce soit par le Fonds Accès Justice ou encore par une modification de ses
lois pour permettre au Barreau ou à la Chambre de financer des services de
représentation ou de conseils juridiques, ça permettrait non seulement d'avoir
une loi efficace en théorie, mais aussi efficace en pratique, en donnant aux
cliniques juridiques les outils pour la mettre en œuvre.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Me Gagnon. On
est rendu à la période d'échange. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Bonjour,
M. le Président. Merci. Bonjour, chers collègues. Bonjour, Me Gagnon, merci
beaucoup de participer aux travaux du projet de loi n° 8.
Merci de votre présence.
D'entrée de jeu, Me Gagnon, relativement
aux interventions que vous avez faites, je tiens à vous rassurer sur deux
éléments, là, premier élément, relativement à l'obligation de médiation en
matière de violence conjugale, on a pris bien note de vos commentaires, puis
c'était déjà notre intention, par voie réglementaire, de prévoir certaines
exceptions, notamment celles relativement à la violence conjugale. Donc, on
prend bien en note vos commentaires. Vous, vous dites : Lorsqu'il y a
allégation de violence conjugale aussi. Donc, on le prend et on va s'assurer de
bien prévoir les dispositions par voie réglementaire, parce que, bien entendu,
on ne veut pas mettre en péril la sécurité de l'individu puis on veut aussi que
la médiation, ça soit un endroit où les gens se sentent à l'aise, donc vous
comprendrez l'objectif de la médiation.
Deuxième élément sur lequel je tiens à
vous rassurer, le dossier, en fait, la gestion du dossier, la décision sur vu
du dossier. Donc, dans le cadre de la disposition, il faut que les deux parties
soient en accord pour que le juge puisse se prononcer uniquement sur le vu du
dossier. C'est une demande notamment qui a été faite afin de réduire les coûts
pour les justiciables. Ça limite le nombre de vacations de représentation pour
des petits dossiers jusqu'à 3 000 $. Mais je tiens à vous rassurer, ça
prend véritablement le consentement des deux parties. Donc, si une partie n'est
pas d'accord, bien, ça ne se retrouvera pas sans être entendu devant le juge en
présence physique. Donc, il faut que les deux parties acceptent de le faire.
Relativement au financement, je vous
entends bien, sur le...
M. Jolin-Barrette : ...sur le
Fonds d'études notariales, le fonds également du Barreau. Il y a déjà le Fonds
Accès Justice qui permet de financer certains projets. Puis vous le dites bien,
le gouvernement a été ambitieux en faisant en sorte de permettre aux organismes
à but non lucratif de donner des conseils et des avis juridiques. Le règlement
devrait entrer en vigueur dans les prochains mois, suite à l'adoption du projet
de loi n° 34, et on est très fier de cela, justement, parce qu'on est pas mal
en retard, au Québec, notamment pour les cliniques juridiques universitaires,
qu'on avait fait adopter préalablement. Donc, maintenant, dans les cliniques
juridiques universitaires, les étudiants peuvent donner du conseil et des avis
juridiques. Les organismes à but non lucratif vont pouvoir faire de la
représentation aussi, on va mettre à contribution les avocats à la retraite,
donc, toujours dans des mesures d'accès à la justice. Je comprends que vous
dites : Il faut le financer, alors on va travailler avec mon collègue des
Finances pour vous entendre à ce niveau-là.
Je voudrais vous entendre, Me Gagnon, sur
la place qu'on fait au Conseil de la magistrature, dans le fond, pour les
personnes victimes, pour qu'elles aient une voix au chapitre. Qu'est-ce que
vous en pensez, de ça, le fait qu'il y ait un poste qui soit réservé à une
personne qui œuvre auprès des personnes victimes?
Mme Gagnon (Sophie) : C'est
une modification qu'on salue et qu'on appuie. C'est une modification qui est de
nature, ne serait-ce que symboliquement, à contribuer à renforcer la confiance
des personnes victimes envers le système de justice. Bien évidemment, puis je
suis convaincue que vous le savez, ce qui va réellement rebâtir la confiance,
ça va être la formation et la réelle compréhension des juges quant aux réalités
des personnes victimes. Par contre, on ne peut pas être contre une telle
modification, là... considère que c'est une belle exposition.
M. Jolin-Barrette : Puis je
ne vous apprends rien en vous disant que le Conseil de la magistrature est
responsable de la formation des juges aussi, là.
Mme Gagnon (Sophie) : Évidemment.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Donc, justement, la personne qui siégera désormais au Conseil de la
magistrature pourra sensibiliser l'ensemble du Conseil de la magistrature par
son expertise, par son expérience, également, puis ça va permettre justement
aussi de développer des programmes de formation qui sont en lien aussi avec la
réalité des personnes victimes. Parce que c'est pour ça justement qu'on fait
ça, pour faire en sorte que, bien, tout le monde soit outillé d'une façon
adéquate avec la réalité terrain telle que vous, vous la connaissez lorsque
vous représentez des personnes victimes puis cette différente réalité là. Donc,
vous êtes à l'aise avec ça, avec cette approche-là?
Mme Gagnon (Sophie) : Oui,
absolument. Parce que l'écart entre les connaissances de la magistrature et la
réalité des personnes victimes de violences sexuelles, violence conjugale
demeure beaucoup trop grand et nuit, en ce moment, là, pas juste à la
confiance, mais aussi à la sécurité des personnes victimes qui font valoir
leurs droits devant les tribunaux.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je
vous emmènerais, Me Gagnon, sur la question de la médiation. Vous avez dit,
dans votre document puis dans votre allocution, tout à l'heure : Bien, la
médiation doit être volontaire. C'est un des principes généralement qui est
invoqué, mais là ce qu'on fait, c'est qu'on la rend obligatoire aux petites
créances, justement pour faire en sorte que les parties aient un endroit où se
parler, qu'il y ait une première étape puis qu'on n'attende pas en bout de
course, rendu devant le juge, pour, là, être assis dans la salle d'audience. Je
comprends que vous nous dites, bon, bien, ça ne devrait peut-être pas être
obligatoire, mais, d'une autre façon, si on veut asseoir les parties ensemble
lorsque les circonstances s'y prêtent... Dans les cas des projets pilotes, on a
près de 60 % des dossiers qui se règlent en médiation, beaucoup aux
petites créances. Les gens, ils veulent que l'autre partie entende ce qu'elles
ont à dire aussi.
Dans cette optique-là, ne croyez-vous pas
que c'est une approche qui permettra justement de réduire les délais, de
désengorger les tribunaux puis de faire en sorte que peut-être les parties vont
davantage apprécier leur expérience dans le système judiciaire parce qu'elles
auront contribué à la solution de leur litige?
• (11 h 50) •
Mme Gagnon (Sophie) : C'est
une intuition qui est sensée. Ce que les études sur la médiation indiquent,
c'est que pour qu'un... bien sur la médiation, sur les programmes de règlement
des différends, c'est que, pour qu'une médiation ou une négociation fonctionne,
les parties doivent être disposées à régler leurs différends autrement que
devant un juge ou une juge. Normalement, lorsque les parties décident de se
tourner vers les tribunaux pour faire valoir leurs droits, c'est qu'elles ne
sont plus disposées à négocier, parce qu'elles ont tenté de régler leurs
différends à l'amiable et que ça a échoué. D'où généralement le principe
voulant que c'est aux parties de décider si elles souhaitent entreprendre une
médiation ou non et d'où le taux de succès élevé des médiations qui résultent
de la volonté des parties. Donc, à notre avis, il faudra évaluer, là, la mise
en œuvre, le taux de succès des médiations qui résultent de l'opposition, puis
le comparer au taux de succès...
Mme Gagnon (Sophie) : ...qui
prévalait lorsque les médiations résultaient de la volonté des parties.
M. Jolin-Barrette : O.K., je
vous entends bien. Un autre élément dans la simplification de la procédure.
Vous disiez : Bien, il y a beaucoup de parties non représentées,
souvent... ou si vous les conseillez. Un des objectifs, également, de la
procédure simplifiée à la Cour du Québec, c'est que ce soit le plus simple
possible, puis qu'il n'y ait pas de nombreuses vacations à la cour, puis de
faire en sorte que ça soit simple aussi. On réduit la demande à cinq pages, on
réduit la défense à deux pages. Il n'y aura plus d'interrogatoire préalable en
bas de 50 000. On fait en sorte également qu'il y a une conférence de règlement
à l'amiable, justement, pour que ça soit le plus simple possible et à moindre
coût pour les citoyens. Qu'est-ce que vous pensez de la conférence de règlement
à l'amiable?
Mme Gagnon (Sophie) : C'est
une bonne disposition qui est... Les conférences de règlement à l'amiable sont
aussi très efficaces. Donc, c'est une mesure qu'on appuie, puis, non seulement
pour les personnes qui se représentent seules, mais également pour les
personnes qui sont représentées par avocats, ça va aussi contribuer à réduire
les honoraires.
M. Jolin-Barrette : O.K. En
termes... Tu sais, vous faites de l'information, mais vous faites également du
conseil des avis juridiques. On a reçu Éducaloi hier. Ils nous disaient grosso
modo qu'on a beaucoup de travail à faire en termes d'information au niveau des
droits des citoyens. C'est quoi, votre son de cloche sur le terrain en matière
de connaissance des droits, des obligations des citoyens quand vous accompagnez
les gens dans les différents domaines, que ce soit en matière civile, mais que
ce soit dans les domaines où vous avez une spécialisation en matière
d'agressions sexuelles. C'est quoi, votre son de cloche à vous, là, sur le
terrain?
Mme Gagnon (Sophie) : Alors,
Juripop, Éducaloi, on est des organisations aux missions très complémentaires
parce qu'on intervient dans des moments différents, là, dans la vie des
différends — des différends avec un d. Normalement, les gens vont se
tourner vers l'information juridique quand ils cherchent à anticiper ou à
régler un litige. Et puis, les gens vont cogner à la porte de Juripop lorsque
les tentatives de comprendre leurs droits ou de les exercer par eux-mêmes ou
elles-mêmes ont échouées. Et nous, notre constat sur le terrain, c'est que,
passé un certain seuil de complexité ou un certain seuil de conflit, les citoyens
ont besoin de professionnels qui vont leur expliquer leurs droits, et surtout
qui vont rendre un avis quant à l'application du droit à leur situation
particulière, et qui vont les aider à les faire valoir.
Je porterais à votre attention les recherches
qui ont été faites par la Pre Emmanuelle Bernheim dans le cadre du projet ADAJ,
accès au droit et à la justice. La professeure Bernheim a fait de la recherche
empirique sur la clinique juridique du Mile End, puis que sa conclusion,
c'était que les personnes dont le différend était judiciarisé, même les
personnes qui s'étaient tournées vers des ressources d'information juridique,
étaient incapables de faire valoir leurs droits et se sentaient désemparées
face aux tribunaux. Puis, ce qui faisait une différence pour ces personnes-là,
c'était vraiment la présence d'un accompagnateur, donc d'un professionnel du
droit qui rendait des conseils juridiques et qui faisait de l'accompagnement.
Et puis donc ce qui s'ensuit, d'où notre dernière recommandation, là, à l'effet
qu'il est nécessaire, vraiment, que l'État investisse des ressources pour qu'il
y ait des services de conseil juridique et de services juridiques à coût
modique qui soient accessibles aux citoyens, parce qu'en ce moment ce ne sont
que des services d'information juridique qui sont mis à leur disposition.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je
vous remercie grandement, Me Gagnon, pour votre présence en commission
parlementaire. Je vais céder la parole à mes collègues. Un grand merci.
Mme Gagnon (Sophie) : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Charlevoix-Côte-de-Beaupré. Non? Mme la députée d'Anjou-Louis-Riel.
Mme Boivin Roy : M. le
Président, bon matin à vous! Merci pour la présentation, maître Gagnon. Question
pour vous. On entend que vous êtes favorable à ce qu'il y ait l'insertion d'une
personne issue d'un organisme communautaire qui aide les victimes au Conseil de
la magistrature. Vous y voyez là une collaboration constructive, une façon de
pouvoir créer des ponts entre les organismes qui sont sur le terrain, qui
oeuvrent à tous les jours, une façon aussi, là, de peut-être de rebâtir la
confiance dans le système judiciaire. Qu'est-ce que vous pensez des
réfractaires qui disent qu'on vient jouer là dans la présomption d'innocence et
le devoir d'impartialité, qu'il y aurait une incompatibilité?
Mme Gagnon (Sophie) : La
présomption d'innocence, c'est un droit prévu à la charte qui s'incarne quand
une personne est accusée puis qu'elle cherche à faire valoir ses droits ou à se
défendre dans le cadre d'un dossier. À mon avis, la présence d'un représentant
d'organisme au sein du Conseil de la magistrature n'est pas de nature à faire
échec à la présomption d'innocence. Par contre, je peux comprendre les préoccupations
par rapport à l'indépendance judiciaire qui sont soulevées par par certains
organismes, mais on considère néanmoins que les avantages dépassent les
inconvénients et que, vu l'écart qu'on constate entre...
Mme Gagnon (Sophie) : ...La
formation puis la compréhension des juges puis les réalités des personnes
victimes. C'est une action qui peut être de nature à améliorer l'accès à la
justice pour les personnes victimes.
Mme Boivin Roy : Je vous
remercie.
Le Président (M. Bachand) :D'autres Questions du côté gouvernemental? M. le député de
Saint-Jean, s'il vous plaît.
M. Lemieux : Merci. Merci, M.
le Président. Bonjour Maître. Ça fait deux fois qu'on en parle, mais toujours
par la bande, et je me souviens que, dans la dernière législature, pour l'étude
du PL no 92, on avait beaucoup parlé de la formation des juges. Mais, à ce
moment-là, on était vraiment dans le tribunal spécialisé, les questions
d'agression et de crimes sexuels et conjugaux. Quand on repense à ça aujourd'hui
puis qu'on se replace dans le contexte qu'on est en train d'étudier,
c'est-à-dire de simplifier ça, de nommer des notaires juges, est-ce que ça vous
allume des spécificités par rapport à où on s'en va avec ce qu'on s'est dit la
dernière fois au sujet de la formation des juges?
Mme Gagnon (Sophie) : Je ne
suis pas certaine de comprendre la question exacte.
M. Lemieux : Bien, c'est que,
quand il est question d'avoir quelqu'un au Conseil de la magistrature, un
représentant, c'est pour être capable d'influencer en partie la formation des
juges. En fait, on est toujours en train de marcher sur des oeufs, on veut de
la formation, mais il ne faut pas leur dire exactement quoi, comment quand,
c'est un peu ça, le problème, là. Alors, dans le contexte de ce qu'on est en
train d'étudier, comment vous voyez ça, vous, là... Est-ce que c'est assez, de
juste nommer quelqu'un au Conseil de la magistrature?
Mme Gagnon (Sophie) : Bien,
la réponse, c'est non, c'est sûr que ce n'est pas la nomination d'un membre
issu d'une consultation des organismes qui sera suffisante. Par contre, ce
qu'on avait mentionné lors de l'étude du projet de loi no 92, c'est le
fait que les matières civiles étaient dans l'angle mort des réformes qui
étaient faites pour le bénéfice des personnes victimes. Puis, nous, chez
Juripop, notre expertise, c'est de représenter les personnes victimes en
matière civile, puis on constate que, vraiment, les tribunaux maîtrisent très
mal, là, les situations de violences sexuelles, violences conjugales. Puis,
quand je dis «les maîtrisent mal», c'est qu'ils ne sont pas outillés pour les
dépister, et que, trop souvent, on se fait débouter dans nos arguments
lorsqu'on tente de convaincre le tribunal qu'il y a non seulement une présence
de violence conjugale... Cette semaine, c'est arrivé où, à notre avis, il y a
un risque homicide dans un dossier, puis ça a tout simplement été écarté, là,
de la part de la juge qui nous a entendus. Donc, c'est essentiel qu'en matière
civile les tribunaux soient aussi formés et sensibilisés à ces enjeux-là. Puis
je salue les efforts ont été faits, notamment de la part de la magistrature,
mais on constate qu'il y a encore du chemin à faire.
M. Lemieux : Merci beaucoup.
La question n'était pas bonne, mais c'est la réponse que je cherchais.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Laval-des-Rapides. Il reste deux minutes pour questions et réponses.
Mme Haytayan : Parfait.
Merci, M. le Président. Merci, Maître Gagnon, pour votre temps, pour votre
présence.
Question sur la formation des juges :
Sur quoi pourrait porter justement la formation des juges en matière de
violence conjugale, de violence sexuelle?
Mme Gagnon (Sophie) : Bien,
d'abord, savoir la reconnaître, ensuite, une fois qu'elle est reconnue, de
rendre des ordonnances qui sont de nature... Évidemment, tout en respectant les
droits des parties, mais qui sont de nature à assurer la protection des
personnes victimes. Ce qu'on demandait, par exemple, cette semaine, c'était de
permettre à une intervenante d'une maison d'hébergement de témoigner à visage
couvert pour assurer sa sécurité, ce qui n'a pas été permis par le tribunal et
qui, notre avis, met en péril tout le filet de sécurité autour de la personne
victime. Donc, vraiment, de les sensibiliser à reconnaître la violence puis
ensuite à rendre des ordonnances qui sont de nature à diminuer les risques de
violence puis à assurer la sécurité des parties.
Mme Haytayan : Parfait.
Merci.
Le Président (M. Bachand) :...M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.
• (16 heures) •
M. Morin : Voilà. Alors,
merci. Merci, M. le Président, M. le ministre, distingués collègues. Bonjour,
Maître Gagnon, merci, merci d'être là avec nous.
Ma première question pour vous, elle est
large : compte tenu de votre expérience et du mandat de la mission de
Juripop, on a devant nous un projet de loi qui vise à améliorer l'accessibilité
de la justice, donc, basée sur votre expérience, c'est quoi le plus grand enjeu
pour l'accès de la justice?
Mme Gagnon (Sophie) : Impossible
de poser la question au singulier, il faudrait la poser au pluriel parce qu'il
y a des enjeux d'accès à la justice, il y en a beaucoup plus qu'un. Donc, je
vais répondre dans le contexte de l'expertise de Juripop. Puis, à notre avis,
c'est vraiment le manque de ressources en matière de conseil juridique et
d'accompagnement devant les tribunaux. Les personnes qui se représentent seules
en ce moment sont laissées à elles-mêmes, puis ce que les études, encore, du
projet Accès au droit et à la justice démontrent, c'est que les personnes qui
font valoir leurs droits seuls réussissent moins bien que les personnes qui
sont représentées par avocats, leurs arguments sont rejetés...
12 h (version non révisée)
Mme Gagnon (Sophie) : ...plus
fréquemment que les personnes représentées. Leur sentiment de justice en est
diminué, et ils sont plus nombreux à penser que les moyens financiers d'une
partie est de nature à influencer le résultat d'une délibération.
Donc, vraiment d'investir... oui, de
simplifier les procédures, mais aussi d'investir dans des ressources pour
conseiller et accompagner les personnes devant les tribunaux.
M. Morin : Merci. Donc, je
comprends que c'est aussi le mandat de Juripop et plein d'autres organismes.
Mme Gagnon (Sophie) : Oui.
Absolument.
M. Morin : On a dans ce
projet de loi plusieurs initiatives innovantes. Mais moi, j'aimerais ça qu'on
parle du financement des organismes comme le vôtre, parce que, si ce projet de
loi est adopté, et il y a de bonnes chances qu'il le soit, à un moment donné,
le problème va se déplacer ailleurs, donc vous risquez d'avoir plus de
demandes. Est-ce que vous allez être capable de répondre à cette demande? Parce
qu'on aura beau adopter toutes les lois de la planète, si les justiciables ne
sont pas plus capables de se rendre là, ça ne va pas aider personne et ça ne va
pas diminuer le cynisme.
Alors, j'aimerais ça vous entendre
là-dessus, s'il vous plaît?
Mme Gagnon (Sophie) : Oui,
vous avez tout à fait raison Maître Morin. Puis un premier obstacle qu'on avait
auparavant, c'était un obstacle législatif, à savoir les OBNL ne pouvait pas
offrir de conseil juridique, ça a été résolu. Par contre, en ce moment, puis je
le répète, il n'existe aucun... pas peu, mais aucun programme de financement
pour les organismes qui font du conseil ou de la représentation. Ce n'est que l'information
juridique ou la médiation qui est financée. Les sources de financement
existent, il y a le fonds Accès Justice. Mais là où on voulait porter votre
attention aujourd'hui, c'est vraiment le fonds d'étude juridique et le fonds d'étude
notariale qui sont administrés par le Barreau du Québec et par la Chambre, mais
qui, à l'heure actuelle, ne peuvent servir qu'à financer de l'information et de
l'éducation juridique. Donc, le projet de loi pourrait modifier la Loi sur le
notariat et la loi sur le barreau pour permettre au Barreau et à la Chambre,
via les fonds qu'ils administrent, de financer les cliniques juridiques.
Donc, chez Juripop, on reçoit de l'argent
de ces fonds-là, mais on ne peut pas les utiliser pour financer nos activités
de conseil et de représentation. Donc, vous avez tout à fait raison que ça va
être un obstacle à la mise en œuvre du projet de loi, cette absence de
financement là.
M. Morin : Et je comprends...
Êtes-vous d'accord avec moi qu'éventuellement une disposition dans le projet de
loi qui permettra un financement différent pourrait vous aider à remplir votre
mission?
Mme Gagnon (Sophie) : Bien,
oui. Tout à fait. Puis il y a des précédents au Québec, là. Je pense entre
autres au... au programme de financement qui finance les organismes en matière
de santé et d'éducation. L'État québécois reconnaît la pertinence du filet
communautaire en matière de justice sociale. Mais malheureusement, quand les
réformes ont eu lieu au début des années 2000, il n'existait pas de
clinique juridique.
Donc, les cliniques juridiques n'ont pas
été incluses dans la volonté de l'État de financer les organismes
communautaires. La conséquence, c'est qu'on a un réseau de cliniques juridiques
qui est très pauvre comparé aux autres domaines de la justice sociale, et c'est
directement lié, là, au manque de financement à la mission, là.
M. Morin : Merci. Dans le
projet de loi, on parle beaucoup de médiation, d'arbitrage. Avec votre
expérience, ces services-là, présentement, ils sont gratuits ou il faut payer
pour? Puis, s'il faut payer pour, comment des gens vont pouvoir avoir accès à
la justice s'ils n'ont pas les moyens? Est-ce que l'État ne devrait pas prendre
en charge ces services-là compte tenu de ce que le gouvernement veut faire avec
le projet de loi?
Mme Gagnon (Sophie) : Certains
programmes de médiation sont gratuits, notamment ceux aux petites créances. Il
y a également un programme en matière de droit de la famille pour les personnes
initialement qui avaient des enfants, ensuite, un projet pilote, même pour les
couples sans enfants. Ces programmes de médiation là, dans notre expérience,
sont très appréciés de la clientèle puis fonctionnent dans la majorité des cas.
Par contre, pour le programme de médiation
familiale, le nombre d'heures n'est pas toujours suffisant, puis, parfois, par
faute de moyens, les parties vont tout simplement aller devant un juge, pas
parce qu'ils souhaitent régler leurs différends de manière adversariale, mais
tout simplement parce que c'est le seul mode de règlement qui est financé
gratuitement par l'État.
Donc, oui, il y a... plus de médiation
gratuite dans d'autres domaines de droits serait de nature à favoriser la mise
en œuvre du projet de loi.
M.
Morin :Parfait. Je vous remercie beaucoup. J'aimerais
maintenant vous poser une question et vous entendre sur... parce qu'on parle
encore une fois de la médiation. M. le ministre nous disait qu'en ce qui a
trait évidemment à l'impossibilité... Parce que ce n'est absolument pas
approprié de demander à des personnes qui ont été victimes de violence
conjugale ou de violence ou d'agression sexuelle d'aller en médiation, le
gouvernement semble privilégier la voie réglementaire. Ne serait-il pas plus
approprié de l'indiquer clairement dans le projet de loi pour que ce soit bien
clair pour tout le monde? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Mme Gagnon (Sophie) : Bien, ce
serait... c'est certain que cette protection-là ou que cette exemption-là, le
fait qu'elle soit enchâssée dans la loi, serait une garantie plus sécuritaire
que si ce l'était par voie réglementaire, pour les raisons que vous connaissez.
Donc, évidemment, là, pour les questions de
violence sexuelle...
Mme Gagnon (Sophie) : ...conjugale.
L'important, à notre avis, c'est que ce soit reconnu, mais ce serait
effectivement plus efficace, là, par voie législative que réglementaire.
M.
Morin :Je vous remercie. La composition du Conseil de la
magistrature serait changée, c'est ce qui est écrit dans le projet de loi, pour
avoir un représentant des victimes, ce qui est ce qui est une très bonne chose,
on le reconnaît d'emblée. Cependant, avez-vous des suggestions quant aux
critères qui pourraient être utilisés pour éventuellement nommer quelqu'un au
Conseil de la magistrature dans ce domaine-là précis?
Mme Gagnon (Sophie) : On n'a
pas eu cette cette réflexion-là. Donc, à ce stade-ci, non. On voit que le
projet de loi suggère que ce ne soit pas un avocat ou un notaire. À notre avis,
il existe des juristes, là, qui travaillent dans des organismes qui...
L'important, ce n'est pas tant la formation professionnelle de la personne que
son expertise auprès des personnes victimes et des survivantes. Mais, ce qu'on
salut, c'est le fait qu'il soit nommé après la consultation des organismes.
Puis il existe des tables de concertation. C'est un réseau qui est bien maillé,
qui serait en mesure de se concerter pour faire une recommandation.
M.
Morin :Et quand vient le temps pour le gouvernement de nommer
les membres au Conseil de la magistrature, avec votre expérience, est-ce que
vous trouvez que c'est assez publicisé, ou c'est un processus qui reste un peu
obscur?
Mme Gagnon (Sophie) : On n'a
pas d'expertise sur cette question-là. Je ne serais pas en mesure de répondre à
votre question.
M.
Morin :Parfait. Je vous remercie. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Bonjour, madame Gagnon. Ça fait plaisir de vous retrouver pour ce
projet de loi. Vous avez dit que vous aviez besoin de précisions par rapport
aux décisions qui peuvent être prises à la vue du dossier. Le ministre me
semble avoir partiellement répondu à votre préoccupation là-dessus, parce qu'il
a fait allusion au fait que, bon, il faudrait que les deux parties acceptent de
le faire. Vous, vous nous parliez plutôt de la question de pouvoir rejeter une
demande. J'aimerais ça que vous expliquiez un petit peu plus votre pensée puis
que vous nous disiez si le ministre a répondu, à votre sens, là.
Mme Gagnon (Sophie) : Oui.
Bien, en fait, il a clarifié. Le ministre a répondu partiellement, mais c'est
parce que notre intervention découlait d'une mauvaise compréhension du projet
de loi. On a eu très peu de temps pour en prendre connaissance. Donc, après
avoir entendu la réponse du ministre, notre recommandation serait que la
disposition soit élargie pour les dossiers dont la demande est supérieure à
3 000 $, là. Peu importe la valeur de la créance, à notre avis, la
disposition qui est prévue par le projet de loi est de nature à accélérer puis
à rendre les petites créances plus efficaces, et ça devrait donc être ouvert
aux parties dont la créance est supérieure à 3 000 $.
Mme Labrie : Et vous voudriez
qu'on ajoute aussi la possibilité de rejeter une demande. Parce que ça ne me
semblait pas clair que le ministre allait dans ce sens-là, moi, dans sa
réponse.
Mme Gagnon (Sophie) : Oui, à
notre avis, ce serait une avancée, là, pour accélérer le traitement des
dossiers de créances.
Mme Labrie : O.K. Puis j'ai
une autre question pour vous. Bon, les notaires qui sont venus nous ont dit
que... Bon, ils vont se joindre potentiellement au Conseil de la magistrature,
puis certains ont dit que, pour avoir le même poids que les avocats, ils
recommandaient qu'ils soient deux au Conseil de la magistrature. Je ne sais pas
si le ministre va aller dans ce sens-là, mais j'aimerais savoir ce que vous en
pensez par rapport aux représentants d'organismes communautaires qui
représentent les victimes. Est-ce que vous pensez qu'ils devraient également
avoir deux membres au Conseil de la magistrature?
Mme Gagnon (Sophie) : Bien
franchement, on ne s'est pas posé cette question-là. On est aussi soucieux de
l'indépendance judiciaire puis on reconnaît que ce ne sont pas tous les
dossiers qui aboutissent devant les tribunaux qui ont des composantes en
matière sexuelle ou conjugale. Donc, voilà, on n'a pas de position ferme sur
cette question. On salue tout simplement l'initiative de vouloir leur faire une
place, qu'elle soit-elle, au sein du Conseil de la magistrature.
Mme Labrie : Je vous
remercie.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Vaudreuil, s'il vous plaît.
• (12 h 10) •
Mme Nichols : Merci, M. le
Président. Bonjour, Me Gagnon. Merci de votre présence parmi nous. Deux petites
questions. Vous avez commencé le début de votre exposé en parlant de la
médiation obligatoire. Je sentais, là, une certaine, là, une certaine
réticence. Mais vous avez fait référence à l'angle mort de ne pas oublier les
personnes à plus faibles revenus. Ça fait que, là, je comprends que`, dans le
fond, vous l'avez déjà vécu, là, je suis chez Juripop, ou, en fait, il y a
certainement des personnes qui ont refusé d'aller plus loin parce qu'il y avait
un coût associé à ça. Est-ce que vous pouvez peut-être préciser un peu cet
angle mort là afin qu'on ne l'oublie pas puis qu'on le soulève, justement, dans
l'élaboration de ce projet de loi?
Mme Gagnon (Sophie) : Oui,
tout à fait. Donc, chez Juripop, une partie de mon service consiste à
représenter les personnes qui sont en situation financière précaire, mais qui
ne sont pas admissibles à l'aide juridique. Donc, c'est des gens qui vont
gagner un 25 000 $, 30 000 $ par année ou qui ont de
l'argent de côté pour leurs enfants, donc qui n'ont pas de revenus mais qui ne
sont pas admissibles à l'aide juridique. Puis on les représente à raison de
65 $ de l'heure en matière civile, en matière...
Mme Gagnon (Sophie) : ...puis
déjà 65 $ de l'heure, même si c'est le tiers, le quart, le cinquième des
honoraires qu'on trouve normalement sur le marché, c'est astronomique pour ces
personnes-là. Puis, à ma connaissance, je vais m'avancer, là, mais je ne pense
pas qu'aucun de nos clients n'ait jamais retenu les services d'un médiateur,
pas parce qu'ils ne le souhaitent pas, mais tout simplement parce que les
honoraires des médiateurs, c'est des centaines de dollars de l'heure, alors
c'est vraiment... c'est inaccessible d'un point de vue financier pour ces
personnes-là.
Puis ce que le projet de loi propose, puis
là je ne parle pas des petites créances mais vraiment de l'instruction
accélérée, c'est que ces personnes-là verraient leurs dossiers instruits en
second temps, donc elles seraient... C'est des personnes qui ont déjà une
confiance fragile envers le système, qui ont déjà de la difficulté à faire
valoir leurs droits. Et là les délais pour faire valoir leurs droits seraient
prolongés, là, de leur incapacité financière à faire appel à la médiation.
Donc, ce serait un effet pervers, qui est sans doute non souhaité par le
législateur, là, mais qu'on considère bien tangible.
Mme Nichols : Oui, en effet,
je pense que ça ne va pas dans le même sens que la volonté du ministre. Vous
parliez aussi d'un incitatif pour les personnes morales, parce que j'imagine
que Juripop aussi voit que les personnes morales se disent : On s'en va
tout de suite devant le juge, on ne veut pas nécessairement passer par la
médiation.
Mme Gagnon (Sophie) : Donc,
ce qu'on voulait dire par là, c'est qu'une des raisons pour lesquelles les...
Les tribunaux sont, depuis les années 80, de plus en plus monopolisés par
l'État et par les personnes morales. Et puis le projet de loi ne fait pas la
distinction entre les personnes morales et les personnes physiques dans la
disposition qui propose d'instruire en priorité les dossiers qui bénéficient
d'une attestation délivrée par un médiateur ou par une médiatrice.
Donc, notre première recommandation, ce
serait de faire une exonération pour les personnes en situation financière
précaire ou, de manière alternative, de faire en sorte que, quand il y a une
personne physique au dossier, l'instruction n'est pas accélérée ou ralentie de
par la présence ou l'absence d'une attestation, mais que ce soit seulement
quand il y a une personne morale qui est partie au dossier que là il y a un
incitatif à faire appel à la médiation.
Mme Nichols : Merci. Dernière
question. On a parlé beaucoup hier, puis vous l'avait abordé un peu, au niveau
de l'accompagnement, souvent, justement, c'est gros, là, pour les personnes qui
s'en vont en médiation. Qu'est-ce que vous suggérez au niveau de
l'accompagnement?
Mme Gagnon (Sophie) : Il
existe des organismes sur le terrain. Il y a Juripop, mais il y en a plusieurs
autres. Je sais que les centres de justice de proximité sont venus devant vous
ou viendront devant vous. Donc, il existe des organismes qui n'ont pas
suffisamment de ressources pour offrir de l'accompagnement.
Donc, ce qu'on veut dire par
accompagnement, c'est, sans aller jusqu'à être l'avocat ou l'avocate ad litem
au dossier, sans comparaître au dossier, il y a moyen pour des professionnels
du droit d'établir une relation avocat-client, de prendre connaissance du
dossier, de rendre des avis juridiques et d'accompagner la personne,
c'est-à-dire de la conseiller à travers le temps sur ses droits, sur ses
recours, de l'aider à préparer son allocution d'ouverture avant une médiation,
d'être disponible sur appel pendant une médiation ou d'être présent pendant la
médiation. On le fait beaucoup, nous, pour des dossiers de harcèlement au
travail.
Puis on le voit, quand on accompagne,
quand il y a un professionnel du droit qui est présent, soit dans la salle ou
par téléphone, les médiations sont plus efficaces, se règlent davantage, et
surtout les personnes sont plus satisfaites du règlement parce qu'elles ont le
sentiment d'avoir compris ce qui se passait puis d'avoir vraiment pu mettre de
l'avant une proposition qui reflète leurs besoins. Autrement, elles sont dépassées,
là, par le langage juridique puis par les possibilités qui s'ouvrent à elles,
là.
Mme Nichols : Donc, un
accompagnement, là, parallèle à la médiation puis qui servirait à vulgariser
aussi un peu le tout, là, pour le citoyen. Merci.
Mme Gagnon (Sophie) : Oui,
parce qu'il y a une limite à ce que les médiateurs peuvent faire, oui.
Mme Nichols : Exactement.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Sur ce, Me Gagnon, merci
beaucoup. Très, très, très agréable de vous avoir eue avec nous aujourd'hui. Je
suis convaincu que, durant le mandat, on va avoir la chance de vous revoir en
commission parlementaire. Alors, sur ce, merci beaucoup.
Mme Gagnon (Sophie) : Ça me
fait plaisir. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. À bientôt.
Et il nous fait plaisir d'accueillir
immédiatement notre prochain groupe, le Barreau du Québec, alors, entre autres,
avec Me Claveau, bâtonnière. Alors, merci beaucoup d'être ici. Alors, Me
Claveau, je vous laisse la parole, mais d'abord peut-être présenter les gens
qui vous accompagnent, après ça faire votre présentation de dix minutes, et on
procédera à la période d'échange. Mais avant, j'aurais besoin d'un consentement
pour ajouter cinq minutes à la séance.
Des voix : Consentement.
Le Président (M.
Bachand) :Consentement. Merci beaucoup.
Me Claveau, s'il vous plaît.
Mme Claveau (Catherine) : Merci,
M. le Président. Alors, M. le ministre de la Justice, Mesdames et Messieurs les
députés. Je suis, évidemment, Catherine Claveau, bâtonnière du Québec. Je suis
accompagnée aujourd'hui de Me Réa Hawi, à ma gauche, avocate aux affaires
juridiques au Barreau du Québec, et de Me Emmanuelle Poupart, qui est membre de
notre groupe d'experts en procédure civile au Barreau. Alors, nous vous remercions
d'avoir invité le Barreau du Québec à participer aux consultations
particulières entourant ce projet de loi important.
Le Barreau du Québec joue un rôle de
premier plan dans la protection du public, la promotion de la primauté du droit
et la saine administration de la justice. La réalisation de cet objectif passe,
entre autres, par la...
Mme Claveau (Catherine) : ...la
promotion et le maintien des tribunaux accessibles, efficaces et qui assurent
aux citoyens une justice de qualité. Ainsi, le Barreau du Québec est un
partenaire naturel du gouvernement et de la magistrature dans la recherche de
solutions pour améliorer l'accès et l'administration de la justice. Plusieurs
réformes importantes ont été mises en oeuvre et le Barreau du Québec y a
toujours participé activement afin de fournir un éclairage pratique sur les
impacts anticipés ou potentiels, ou pour formuler des recommandations visant à
mieux atteindre les objectifs.
Le Barreau du Québec salue donc le projet
de loi audacieux et accueille favorablement les initiatives proposées visant à
améliorer l'accès à la justice, dont plusieurs font suite aux demandes qu'il a
formulées.
Alors, tout d'abord, le projet de loi N° 8
propose une compétence concurrente entre la Cour du Québec et la Cour
supérieure, tout en instaurant une procédure simplifiée à la Cour du Québec. Le
Barreau est favorable à l'établissement d'une compétence concurrente entre la
Cour du Québec et la Cour supérieure. La Cour du Québec revêt une importance
dans l'administration de la justice au Québec et possède, comme la Cour
supérieure, les caractéristiques essentielles à la protection du public. Le
Barreau du Québec félicite l'introduction des dispositions au Code de procédure
civile visant à encourager le recours au mode privé de prévention et de
règlement des différends, entre autres, en permettant aux dossiers ayant fait
l'objet d'une médiation ou d'un protocole préjudiciaire d'être entendus en priorité.
Ces mesures permettront de donner des effets concrets à l'élaboration d'une
telle entente par les parties ainsi qu'un incitatif fort important puisque
leurs demandes pourront être instruites plus rapidement. Ces nouvelles mesures
prônées par le Barreau du Québec contribueront sans aucun doute à améliorer
l'efficacité de la justice.
Malgré tout, le Barreau du Québec réitère
sa proposition d'aller plus loin et d'introduire au Code de procédure civile
l'obligation de convenir d'un protocole préjudiciaire dans certains domaines,
par exemple la responsabilité civile ou médicale et les recours pour vices
cachés, avant de pouvoir saisir le tribunal. Cette proposition n'a pas été
retenue dans le cadre de ce projet de loi, ceci fait en sorte que les parties
devront, sans avoir pu bénéficier d'un forum d'échange et de divulgation de la
preuve, procéder dans des délais plus serrés pour mettre en état leur dossier.
Nous sommes d'avis que de telles mesures auraient contribué à la mise en oeuvre
d'un réel changement de culture de règlement des différends.
Le Barreau du Québec salue la proposition
d'une voie procédurale simplifiée pour les demandes en matière civile
introduite à la Cour du Québec, mais recommande certaines modifications. Tout
d'abord, le Barreau accueille favorablement l'absence de protocole de
l'instance, l'encadrement de la demande introductive d'instance et la tenue
d'une conférence de gestion dans les cas où l'une des parties ne serait pas
représentée, ainsi que la possibilité qu'elle soit tenue en présence des
parties. Cependant, le Barreau du Québec est d'avis que le délai accordé au
défendeur afin d'exposer ses moyens de défense et de déposer ces pièces est
insuffisant et le Barreau recommande de prévoir un délai de 120 jours à
compter de la signification de l'avis d'assignation. Bien que nous soyons en
faveur de raccourcir les délais de mise en état du dossier, il faut également
permettre, et ce, de façon équitable, à chacune des parties de bénéficier d'un
temps nécessaire pour faire valoir ses droits. En tenant compte du fait que le
demandeur a 30 jours pour compléter sa demande, le défendeur ne dispose
que de 55 jours pour exposer les éléments de sa contestation et déposer
ses pièces, cela irait à l'encontre de l'objectif d'accessibilité du projet de
loi.
• (12 h 20) •
Le projet de loi propose également
l'interdiction des interrogatoires oraux préalables dans les affaires de moins
de 50 000 $. Le barreau est d'avis que les limites actuelles qui sont
prévues au code de procédure civile sont amplement suffisantes et devraient
être maintenues. En effet, ces interrogatoires sont interdits dans les affaires
pour lesquels la valeur en litige est considérée comme peu élevée et une limite
de temps à l'interrogatoire est également en place. Ces restrictions permettent
déjà un contrôle des coûts liés à une demande en justice. Il est aussi
important de rappeler que ces interrogatoires ne consomment aucun temps
judiciaire et lorsqu'ils ne mènent pas au règlement du dossier, ils permettent
tout de même de circonscrire les questions en litige et ainsi d'écourter le
temps d'audition. Il serait donc contre-productif de limiter les moyens
disponibles aux parties, alors que nous visons à rendre la justice efficace et
accessible.
Le projet de loi propose la production
d'une déclaration écrite pour tenir lieu du témoignage d'une partie, le Barreau
est en accord avec cette mesure, à condition de prévoir un délai pour la
notification aux autres parties et la possibilité de contre-interroger le
déclarant.
Maintenant, les petites créances. Le
Barreau du Québec salue l'ajout des dispositions visant à favoriser la
médiation et l'arbitrage...
Mme Claveau (Catherine) : ...aux
petites créances. Les délais pour obtenir une audition à la division des
petites créances s'allongent de façon inquiétante. Les mesures proposées
répondent d'ailleurs à la recommandation du Barreau de rendre la médiation
obligatoire. Le nombre de dossiers ayant fait l'objet d'une médiation demeure
faible, alors que les avantages de la médiation sont indéniables et qu'elle
connaît un taux de réussite intéressant. Le Barreau du Québec attend avec grand
intérêt les précisions quant aux dossiers qui seront assujettis à ces nouvelles
mesures et offre sa collaboration pour l'élaboration des dispositions
réglementaires à venir.
Dans le même ordre d'idées, l'offre
d'arbitrage à la division des petites créances sans frais additionnels est une
mesure très prometteuse qui répond également à l'objectif du projet de loi. Le
Barreau du Québec salue cette nouveauté qui va certainement avoir un effet
considérable sur les délais et, ultimement, l'accès à la justice. Nous
demandons que cette option soit offerte de manière automatique, mais que les
parties puissent bénéficier d'un droit de retrait. Il s'agit d'un point
essentiel puisque l'arbitrage devra être consensuel. L'accès aux tribunaux doit
bien entendu être maintenu pour les parties qui le souhaitent, et il faut
éviter qu'une telle mesure ne brime de quelque manière que ce soit ce droit qui
est fondamental. Afin que ces mesures atteignent leur objectif, il faudra
toutefois s'assurer que la rémunération des médiateurs et des arbitres soit
adéquate et à la hauteur des services qu'ils seront appelés à rendre. Il est
essentiel de s'assurer que la rémunération ne devienne pas un facteur dissuasif
pour ces professionnels de la justice qui seraient disposés à rendre leurs
services aux petites créances. Les arbitres jouent un rôle de décideur et
doivent trancher un litige. Ils sont ainsi appelés à effectuer des tâches
différentes de celles des médiateurs. Ils doivent également suivre une
formation particulière et adaptée à leur fonction. Ainsi, le Barreau du Québec
est d'avis que seuls les avocats membres du Barreau devraient agir à titre
d'arbitre parce qu'ils sont les seuls à avoir les compétences requises en
matière de litiges devant les tribunaux judiciaires. Rappelons que les
décisions arbitrales sont finales et sans appel. Une justice accessible doit
aussi être une justice de qualité.
Le projet de loi propose également
plusieurs modifications afin de permettre la nomination de notaires à la
magistrature. Ainsi, un notaire pourrait être nommé juge à la Cour du Québec,
juge de paix magistrat ou même juge municipal. Il pourrait donc agir en matière
civile, pénale et criminelle et en protection de la jeunesse. Le Barreau du
Québec est très étonné de voir une telle mesure et s'y oppose. Il y a lieu de
s'interroger sur les objectifs de cette proposition. Non seulement elle ne vise
pas l'amélioration du système de justice, mais elle est complètement étrangère
aux objectifs du projet de loi. Au surplus, il n'existe actuellement aucun
enjeu de candidature ni de problématique particulière sur la qualité des juges
au Québec. Nous estimons que cette question revêt un caractère fondamental
compte tenu de la place unique de la magistrature dans notre société et de son
rôle dans la saine administration de la justice. En effet, une magistrature
forte et indépendante est essentielle à la confiance du public dans l'administration
de la justice. C'est pourquoi nous sommes d'avis que seuls les avocats ont les
compétences et l'expérience nécessaires pour maintenir cette confiance. En
effet, bien que les avocats et les notaires aient le même diplôme universitaire
de premier cycle, leur choix de cours universitaire leur reste leur formation,
les actes qu'ils peuvent poser, leurs parcours, leurs pratiques et leur
expérience diverge grandement par la suite. Les compétences et les habiletés
acquises en 10 ans ne sont tout simplement pas comparables. Il est
également très surprenant de considérer que des professionnels qui ne sont ni
habilités ni autorisés à agir en matière litigieuse puissent accéder à la
magistrature.
Au demeurant, cette mesure, qui
s'appliquerait seulement à la magistrature de nomination provinciale, est aussi
hautement paradoxale, car elle crée deux catégories de juges. En effet, les
juges de la Cour supérieure et de la Cour d'appel y échapperaient. Couplée à la
juridiction concurrente de la Cour du Québec et de la Cour supérieure, nous
jugeons que cette situation comporte un risque élevé de miner la confiance du
public qui aurait l'impression qu'il existe deux catégories de juges. Nous
réitérons donc que cette mesure ne répond aucunement à l'objectif d'améliorer l'efficacité
et l'accessibilité à la justice et qu'elle risque de miner la confiance des
justiciables en notre système de justice.
En conclusion, le Barreau du Québec salue
le dépôt du projet de loi n° 8 et se réjouit des
efforts soutenus du ministère de la Justice pour l'amélioration de l'accès à la
justice au Québec bien que certaines bonifications soient nécessaires afin de
s'assurer qu'elles répondent à son objectif. Nous vous remercions et nous
sommes maintenant prêts à recevoir vos questions.
Le Président (M.
Bachand) :Merci infiniment. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Mme la bâtonnière, Me Claveau, un plaisir de vous
retrouver. Me Hawi, Me Poupart, merci beaucoup de vous être déplacés
à Québec pour venir en commission parlementaire sur le projet....
M. Jolin-Barrette : ...loi n°
8. D'entrée de jeu, sur la question de l'arbitrage, vous aviez des
préoccupations. L'objectif que nous avons, bon, c'est de rendre la médiation
obligatoire aux petites créances. Par la suite, si jamais le dossier ne se
règle pas au stade de la médiation, on offrirait l'arbitrage d'une façon qui
serait automatique, avec une présomption, dans les 30 jours, que les
parties consentent à aller en arbitrage. Mais, bien entendu, la partie pourra
toujours se retirer, parce qu'on ne peut pas les obliger complètement à aller
en arbitrage. Le recours au tribunal sera toujours possible. Cependant, notre
objectif est, justement, de favoriser les modes alternatifs de règlement des
différends et enlever un volume de dossiers à la cour, pour que les parties
puissent contribuer à la solution de leur litige.
Donc, sur la question de la médiation, le
Barreau est en accord, puis vous trouvez que c'est une formule qui va permettre
aux justiciables, je dirais, d'être mieux servis par la justice, peut-être?
Mme Claveau (Catherine) : Oui,
parce que le fait, pour les deux parties, de se rencontrer, au moins une fois,
en présence d'un tiers neutre, soit un avocat ou un notaire, qui peut, avec des
techniques bien reconnues, les amener à régler leur différend, bien, pour nous,
si leur problème est résolu, c'est l'objectif qu'il vise lorsqu'on décide
d'intenter un recours judiciaire. Donc, on veut que notre problème se règle. Si
on est capables, à deux, aidés d'un médiateur, de régler le problème, tant
mieux. Et le double avantage de ça, c'est qu'en même temps ça enlève un dossier
de la pile des dossiers de la Cour du Québec, division des petites créances,
qui... Malheureusement, on sait que c'est une division, surtout dans certains
districts, où est-ce que les délais sont devenus très longs, et donc stress
pour le justiciable, qui est en attente de tout... Donc, pour nous, c'est une
mesure vraiment très avantageuse.
M. Jolin-Barrette : O.K. Au
niveau du nombre de médiateurs, on en a environ 500 qui sont accrédités
actuellement. Au Barreau du Québec, vous donner une formation pour accréditer
les membres du Barreau en tant que médiateurs. Vous avez souligné tout à l'heure
un point sur la question du tarif. Actuellement, c'est 114 $ dollars de
l'heure. Je comprends que vous nous dites : Vous devriez augmenter le
tarif pour que ça soit plus attractif. Donc, j'entends votre commentaire Est-ce
que vous pensez que le fait de rendre la médiation obligatoire, il y a plus
d'avocats qui vont s'intéresser puis qui vont vouloir accréditer? Nonobstant,
là, la question du tarif, on isole la question du tarif, mais, sur cette
mesure-là, pensez-vous qu'on va encore augmenter notre bassin de médiateurs
puis ça va intéresser des gens?
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
nous l'espérons. Puis c'est certain que le Barreau va offrir sa collaboration
au ministère de la Justice pour promouvoir davantage à nos membres, là,
d'accéder à cette façon-là, là, d'aider les citoyens à un meilleur accès à la
justice et à trouver une solution. Mais évidemment, comme je l'ai dit, pour ça,
il faut qu'on soit quand même attractif au niveau des honoraires, que ce soit
assez compétitif pour en avoir le plus possible.
M. Jolin-Barrette : O.K. Vous
avez souligné tout à l'heure, sur la question de délais pour la défense, donc,
vous souhaiteriez avoir un délai de 120 jours. Ce qu'on souhaite faire
avec la procédure simplifiée à la Cour du Québec, c'est, justement, de
permettre de réduire les coûts, de permettre de réduire les délais aussi. Ça
fait part notamment qu'il n'y aura plus d'interrogatoires en bas de
50 000 $. Vous vous dites : Bien, on devrait quand même
maintenir ça à 30 000 $. Souvent, les gens ont tendance, dans la
procédure civile, à se dire : Coudonc, mon dossier, il ne chemine pas, mon
dossier, c'est long. C'est notamment un des objectifs pourquoi on compresse un
peu les délais, pour que les dossiers soient entendus plus rapidement et soient
un état plus rapidement, notamment le fait que la demande, maintenant, c'est
uniquement cinq pages, la défense, deux pages, question de coût, question
d'accessibilité, question d'efficacité. Mais je voudrais vous entendre
davantage sur le nombre de jours supplémentaires pour la défense.
Mme Claveau (Catherine) : Et
ça, je vais laisser Maître Poupart répondre à cette question.
• (12 h 30) •
Mme Poupart (Emmanuelle) : Je
pense qu'il y a des réalités sur le terrain qui font en sorte qu'il y a des
documents, par exemple, qui prennent du temps à obtenir, qui sont essentiels à
la défense. Donc, le délai de 55 jours est extrêmement court, surtout si
certains éléments de preuve sont entre les mains de tiers. Je peux prendre un
exemple très concret. Dans la responsabilité professionnelle, par exemple, si
on a besoin des dossiers médicaux qui sont à la base des recours en
responsabilité médicale, actuellement, au niveau des archives de nos hôpitaux
qui sont bien occupés à beaucoup de choses, comme vous le savez, il y a des
délais substantiels à obtenir les dossiers médicaux. Donc, c'est juste pour
s'arrimer avec une réalité du terrain qui fait en sorte qu'il y a des délais à
obtenir des documents qui sont essentiels à l'exercice d'une défense pleine et
entière.
M. Jolin-Barrette : O.K. Puis
vous croyez qu'on n'y arrivera pas avec le délai de 55 jours? Parce que
je...
12 h 30 (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : ...je
vous proposerais l'idée suivante, là : Est-ce que tous les dossiers...
supposons qu'on prend le délai que vous proposez, là, est-ce que la
problématique que vous me présentez, elle est réglée nécessairement par ce délai-là
ou ça arrive aussi que, des fois, les gens n'ont pas leurs documents dans ces
délais-là? Parce que, voyez-vous, on est comme un peu...
Mme Poupart (Emmanuelle) : Oui.
Bien, je pense que c'est un délai qui est plus réaliste. Est-ce que, dans tous
les cas, ça va rencontrer ces exigences-là? Peut-être pas. Mais je pense que c'est
plus réaliste de penser qu'on va y arriver dans ces délais-là. Puis je pense
que l'expérience, vous savez, quand, initialement, le Code de procédure civile
a été changé, puis qu'on visait de mettre les dossiers en état dans les six
mois, on a vu ce que ça a donné, ça a été une multiplication de requêtes en
prolongation de délais, puis on se rend compte que c'était déjà difficile.
Alors, le fait qu'on soit dans une procédure simplifiée, avec un nombre de
pages limité, et tout ça, je pense que ça, ça peut être réaliste, mais, 55 jours,
c'est vraiment, vraiment court, là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question du jugement sur le vu du dossier, donc dans le cadre du projet de
loi, on prévoit les dossiers de 3 000 $ du consentement des parties. Je
comprends que si, de votre avis, si les parties consentaient, on pourrait
amener ça jusqu'à 15 000 $, et qu'il n'y aurait pas d'enjeu pour que le
juge puisse rendre jugement sur le vu du dossier, si ce n'est pas complexe,
même si la créance, elle est plus haute?
Mme Hawi (Réa) :On n'a pas de position là-dessus, malheureusement, sur
cette question-là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Vous
n'avez pas de position. O.K. Puis, bien, d'abord, je vous pose la question :
sur le 3 000 $, êtes-vous à l'aise avec ça ou vous n'avez pas de...
Mme Hawi (Réa) :Ça, même réponse. Malheureusement, on n'a pas de position
là-dessus.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question des conférences de règlement à l'amiable, vous accueillez
favorablement le fait que les parties doivent, avant d'aller à procès, s'asseoir,
conférence de règlement à l'amiable.
Mme Claveau (Catherine) : Oui.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Est-ce que... Tout à l'heure, on avait Juripop qui nous parlait beaucoup des
gens qui étaient non représentés. Comment est-ce, dans le système... Parce que
ça va en augmentation, comment est-ce que, dans le système de justice, on peut
faire en sorte que les gens se renseignent davantage ou aillent chercher
davantage l'avis d'un professionnel comme un avocat ou qu'ils soient mieux
accompagnés? Ça serait quoi les pistes de solution? Vous diriez : Il
faudrait agir sur ce niveau-là. Parce que, bon, on a fait les cliniques universitaires,
vous, à la clinique du Barreau que vous avez lancée comme projet pilote, puis
ne pas rentrer permanent à partir de la prochaine rentrée... rentrée, bien, j'allais
dire scolaire, là, mais rentrer à l'École du Barreau, la plus grosse clinique
juridique. Qu'est-ce que ce qu'on pourrait faire, selon vous? Aussi?
Mme Claveau (Catherine) : Les
centres de justice de proximité.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme Claveau (Catherine) : Encore
une fois, peut être, essayer d'être le plus imaginatif possible dans des
campagnes de promotion de ces services-là. Évidement, grâce au projet de loi n° 34,
ça permet à de plus en plus de justiciables à être... pouvoir être accompagnés
d'un avocat ou d'un notaire, conseiller juridique soit à moindre coût ou à peu
de frais. Je pense qu'effectivement, il faut aller davantage dans la promotion
de ces services- là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Et
puis Juripop, tout à l'heure, nous disait : Écoutez, vous devriez modifier
la loi sur le Fonds d'études notariales ou sur le Fonds du Barreau pour pouvoir
financer pas uniquement de l'information juridique, mais également des
conseils, avis juridiques, représentations aussi.
Mme Claveau (Catherine) : Mais
j'avoue qu'on ne s'est pas penché sur cette question-là. Je l'ai entendue comme
vous. C'est très... c'est original. Je pense que ça mériterait effectivement d'y
réfléchir de manière plus approfondie parce qu'effectivement nos fonds
respectifs d'études juridiques sont très encadrés, et on ne peut pas les
utiliser pour ce genre de dossier là, à moins d'extensionner la règle, là, à
son plus haut niveau. Mais effectivement, si c'était peut être plus souple, ça
nous permettrait davantage, là, d'utiliser ces fonds pour accompagner le
justiciable sans capacité financière que.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question de l'accession à la magistrature par les notaires. Tout à l'heure,
vous avez souligné, puis c'est dans votre mémoire que nous avons besoin d'une
magistrature qui est forte, qui est indépendante. Je suis d'accord avec vous. J'aimerais
mieux comprendre en quoi le fait que les notaires soient admissibles à la
profession de juge va faire en sorte que la magistrature soit moins forte,
moins indépendante, considérant, supposons, déjà le devoir d'impartialité du
notaire dans le cadre de ses fonctions ou son rôle d'officier public.
Mme Claveau (Catherine) : Je
vous remercie pour... que vous me posiez de cette question-là. Quand on parle d'une
magistrature forte, c'est en lien avec le droit du justiciable, du public qui
choisit de se présenter devant un tribunal, d'avoir devant lui le juriste le...
Mme Claveau (Catherine) : ...mieux
former le plus... puis je le dis vraiment entre guillemets, là, parce que, tu
sais, on ne remet pas en question du tout les compétences des notaires à titre
de conseiller juridique, conseiller en loi. Mais toutes les compétences pour
les débats contradictoires devant un tribunal, toutes les règles particulières
de l'administration de la preuve, interrogatoire, contre-interrogatoire, tout
ça, mais on l'apprend déjà à la fin du bac si on choisit des cours, genre,
Tribunal-école. À l'École du Barreau, c'est enseigné, il y a des... En
formation continue, c'est enseigné. C'est toute des façons pour le juriste qui,
un jour, aspire à devenir membre de la magistrature à acquérir toutes les
compétences au niveau de la formation, en formation continue également. Puis,
en plus, il choisit, la majorité du temps, de travailler dans un milieu de
travail qui lui permet d'expérimenter le débat contradictoire, donc de se
présenter devant les tribunaux à titre de représentant d'une partie.
Donc, selon nous, pour la protection du
public, pour la confiance, pour avoir une magistrature forte, bien, ça milite
pour que ce soient les juristes les mieux formés et les plus expérimentés dans
le domaine pour être admissibles à ce poste-là.
15 359
M. Jolin-Barrette :
Je comprends votre point. Je vous soumettrais, par contre, qu'il arrive
qu'il y ait à la magistrature des avocats qui n'ont pas eu l'expérience des
débats contradictoires, que ce soit à la Cour du Québec, à la Cour supérieure,
à la Cour d'appel ou à la Cour suprême du Canada aussi. Donc, il y en a des cas
puis je ne pense pas que c'est nécessairement des mauvais juges parce qu'ils
n'ont pas eu l'expérience de représenter dans le cadre d'un litige
contradictoire des justiciables. Ça aussi, on vit déjà avec ça, des avocats qui
n'ont pas plaidé devant les tribunaux, ça arrive.
Mme Claveau (Catherine) : Effectivement,
ça arrive. Mais, à la Cour du Québec, il n'y en a... Par exemple, des
professeurs d'université, il n'y en a que trois. Sur l'ensemble des juges, nous
sommes 29 000 avocats... 29 500 avocats membres du Barreau, un
bassin de... à peu près 4 500 notaires. Il y a quand même... Tu sais,
au niveau de la proportion et du nombre d'avocats qui vont passer à travers le
concours, répondre à la grille de la meilleure façon pour vérifier les
compétences, on a un plus grand bassin et un plus grand choix. Puis aussi il
faut penser que, dans certaines régions, petites régions... je vais donner, par
exemple, au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Lorsqu'on nomme un juge à la Cour du
Québec, la plupart du temps, il va falloir qu'il se prépare à aller entendre
des dossiers en protection de la jeunesse et en droit criminel, et le lendemain
il peut aller en droit civil. Donc, toute l'expérience du débat en chambre
criminelle, pénale et en chambre de la jeunesse, bien, malheureusement, les
membres de la Chambre de notaires ne l'ont pas, cette expérience-là, pour,
encore une fois, être, peut-être... d'apprentissage plus court à être plus à
l'aise rapidement pour entendre ces causes.
15 359
M. Jolin-Barrette :
Mais je vous soumettrais que dans le cadre de multichambres, il arrive
qu'il y ait des membres du Barreau qui sont nommés à la magistrature, qui ne
pratiquaient pas dans ces domaines de droit là. Même à la Cour supérieure, où
est-ce qu'ils font du droit familial, il y a beaucoup de gens de grands bureaux
qui sont nommés, qui n'ont jamais touché un litige en matière familiale aussi.
Mais on pourrait échanger longtemps là-dessus, mais je comprends très bien.
Mme Claveau (Catherine) : Non,
mais ils ont fait du litige. Ils ont administré de la preuve.
15 359
M. Jolin-Barrette :
Pas toujours.
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
dans les exemples que vous venez de me donner, on peut s'entendre que c'est la
majorité, la grande majorité.
• (12 h 40) •
15 359
M. Jolin-Barrette :
Et juste pour terminer sur ce point-là, vous avez dit tout à l'heure, on vient...
Si on permet aux notaires d'accéder à la magistrature, on vient créer deux
catégories de juges, notamment sur le fait de pouvoir être nommés aux tribunaux
supérieurs, si vous êtes à la Cour du Québec, l'accessibilité à la Cour d'appel
ou à la Cour supérieure. Sauf que, depuis l'arrêt Nadon, qui a été rendu par la
Cour suprême... Prenez mon exemple. Moi, demain matin, si M. Lametti me
faisait cet honneur, je pourrais être nommé directement à la Cour suprême. Je
suis un avocat de 10 ans de pratique directe. Par contre, un juge de la
Cour du Québec qui a plus de 10 ans de pratique, qui a été nommé par le
gouvernement du Québec à la magistrature, qui est juge, supposons, depuis
15 ans à la Cour du Québec, ne peut pas accéder à la Cour suprême du
Canada. Donc, on a déjà deux catégories de juges aussi. Dans le fond, si vous
voulez accéder à la Cour suprême du Canada puis que vous êtes un avocat, vous
êtes mieux de ne pas être nommé juge à la Cour du Québec, à moins d'être nommé
par la suite à la Cour supérieure ou à la Cour d'appel. Il y a déjà une
incongruité actuellement dans notre système pour les juges de nomination
québécoise.
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
je ne crois pas qu'on en ait besoin d'une de plus. Et aussi, bien, j'ajouterais
que je... Revenons à l'objectif de cette loi-ci qui est d'améliorer
l'efficacité...
Mme Claveau (Catherine) : ...de
la justice, de la rendre plus accessible. Donc, on pense... on s'adresse ici à
des juges du Québec qui ont une compétence et le savoir-être, le savoir-faire
pour entendre la population, souvent des plus vulnérables, là, en cour des
petites créances. Alors, selon nous, encore une fois, les membres du public qui
font partie de cette catégorie-là, qui ont des dossiers à faire entendre devant
la Cour du Québec, méritent d'avoir les juristes les plus formés et les plus
expérimentés en débat contradictoire.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Bien, écoutez, je crois qu'on s'entend qu'on ne s'entendra pas sur ce point-là,
mais je respecte votre opinion. Puis je pense que vous exprimez clairement la
position du Barreau. Puis c'est très clair également.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. le ministre. Alors
donc, on va passer maintenant au député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M.
Morin :Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, Mme la
bâtonnière. Bonjour, Maître Hawi, Maître Poupart. Dans votre exposé, vous avez
parlé qu'il pourrait être avantageux d'avoir un protocole préjudiciaire. Est-ce
que vous pouvez élaborer davantage sur ce concept-là, s'il vous plaît?
Mme Poupart (Emmanuelle) : Alors,
le protocole préjudiciaire, c'est essentiellement un protocole, une entente
entre les parties où on favorise la communication d'information de façon assez
rapide. Donc, on va prévoir la communication des pièces, on peut même prévoir
certains interrogatoires hors cour, la communication et les expertises, pour
que l'ensemble des informations qui permettent à des parties de prendre
position sur un litige se fassent rapidement, dans un processus un peu plus
informel et surtout qui permette de déterminer rapidement qu'est-ce qu'on fait
avec ce dossier-là. Est-ce qu'on le dirige vers le judiciaire, ou plutôt on se
dirige vers une discussion pour en arriver à une entente hors cour? Alors, ça,
c'est le concept du protocole préjudiciaire.
Et l'avantage, donc, c'est vraiment la
communication rapide d'information qui permet aux deux parties, bien
franchement, de prendre position plus facilement sur leur litige, puis de les
catégoriser. Alors, c'est ça, le phénomène du protocole préjudiciaire. Et si
tant est qu'on se rende compte qu'on n'est pas en mesure de faire un règlement
et qu'on doit judiciariser, bien, à ce moment-là, on transfère ce qui a déjà
été fait à l'extérieur du processus judiciaire dans le processus judiciaire, et
donc c'est encore une fois plus rapide. Et là, évidemment, les délais sont très
courts pour la mise en état du dossier parce qu'essentiellement tout est prêt.
M.
Morin :Donc, je comprends qu'on parle, dans le projet de loi,
beaucoup d'arbitrage, de médiation. Mais, si cet élément-là était ajouté, ça
favoriserait également non pas uniquement la rapidité, mais l'accès à la
justice en général.
Mme Poupart (Emmanuelle) : Absolument.
Et je pense que ça favoriserait beaucoup les règlements également, parce que
c'est sûr que la médiation, l'arbitrage, il y a... je dirais, la médiation, là,
les taux de réussite sont quand même élevés, on voit la même chose aussi dans
les conférences de règlement à l'amiable, mais le simple fait de pouvoir
échanger dans un forum sur les éléments cruciaux d'un litige, puis même juste
de déterminer c'est quoi, les vraies questions en litige... Parce que ça, ça
fait une différence énorme, on peut avoir une action qui commence avec 5
questions en litige, mais on se rend compte finalement que le nœud de
l'affaire, c'est une question en litige. Donc, par définition, on identifie
cette question-là et on va faire en sorte que le débat éventuel, si tant est
qu'il soit nécessaire, va être beaucoup plus court.
M.
Morin :Donc. En fait, c'est une étape qui pourrait arriver
avant même la conférence de gestion et donc qui permettrait de mieux cerner,
finalement, les points les plus litigieux dans le conflit qui oppose deux
parties.
Mme Poupart (Emmanuelle) : Exact.
1mor Merci.On parle beaucoup de médiation,
d'arbitrage également dans le projet de loi. Vous avez parlé des tarifs pour
les arbitres. Il y a certains forums où, évidemment, ces services-là sont payés
par l'État, mais ce n'est pas le cas partout. Alors, si on augmente les tarifs,
par exemple, pour avoir accès aux arbitres, est-ce que vous pensez que ça
n'aurait pas un effet dissuasif sur les gens qui veulent avoir recours à
l'arbitrage, et donc ça va permettre à moins de gens d'avoir accès à ces
services-là? Est-ce que l'État ne devrait pas financer davantage ces
services-là, compte tenu de l'option et de l'idée maîtresse, finalement, du
projet de loi?
Mme Claveau (Catherine) : Oui.
Il faut comprendre, lorsqu'on parle de majoration de tarif, on comprend que
c'est... à l'instar des tarifs pour la médiation aux petites créances, on
s'attend à ce que ce soit offert par le ministère de la Justice, ce ne soit pas
aux parties à payer le tarif de l'arbitre, mais que ça fasse partie aussi des
tarifs...
Mme Claveau (Catherine) : ...offerts
par l'État. Ça, c'est... Je pensais que c'était clair, mais c'est dans ce
sens-là qu'on fait la demande.
M.
Morin :Parfait. Je vous remercie. Vous avez parlé aussi du
délai pour déposer une défense, et, effectivement, le demandeur, lui, à un
moment donné, a même un 30 jours pour envoyer ses documents, ce qui
réduirait le temps à peu près à 55 jours. Je comprends qu'avec le projet
de loi le gouvernement veut agir vite. Selon votre expérience, présentement,
là, pour avoir un dossier complet, ça prend combien de temps à la cour, 150,
200, 250 jours?
Mme Poupart (Emmanuelle) :
Bien,
je vous dirais que, réalistement, le plus rapide... puis encore, ça dépend
vraiment de la complexité du dossier, ça, ça va de soi, c'est très variable.
Mais moi, je peux vous dire que depuis qu'on a tenté de raccourcir les délais à
la Cour supérieure dans l'espoir d'arriver dans les six mois, je n'ai eu aucun
dossier qui a pu être mis en état dans les six mois. Je vais être bien
transparente sur ce point-là. La réalité puis, je dirais, le plus rapide, c'est
un an, mais tout dépend encore une fois de la complexité. Puis je sais que la
complexité ne va pas toujours avec la valeur en litige, ça dépend toujours des
questions, mais, dans certains dossiers, quand même, avec des expertises de
responsabilités, tout ça, on réussit à le faire en un an. Mais déjà six mois,
là, c'est tout un défi.
M. Morin : Donc si on
augmentait le délai un peu... un peu plus que 120 jours, on gagne quand
même sur la réalité sur le terrain maintenant.
Mme Poupart (Emmanuelle) : Exactement.
Puis, du point de vue de la défense, qu'il faut garder également en tête, c'est
que le demandeur, à partir du moment où il sait qu'il y a un litige, il n'a pas
juste 30 jours pour préparer son dossier, il y a plusieurs années, même, à
la rigueur, parce que le délai de prescription étant de trois ans, il y a comme
un certain déséquilibre ici entre la demande et la défense.
M.
Morin :Bien. On a entendu hier beaucoup d'associations de
notaires. Je ne vous le cacherai pas qu'ils voient d'un très bon oeil la
possibilité qu'ils puissent accéder à la magistrature. Mais j'aimerais vous
entendre là-dessus, parce qu'il y a des associations de notaires qui ont dit
qu'ils n'étaient pas surpris que le Barreau ne soit pas en faveur, parce que le
Barreau est là pour protéger ses membres. Et pouvez-vous éclairer davantage les
membres de la commission sur le mandat du Barreau?
Mme Claveau (Catherine) : Alors,
évidemment, nous sommes... je suis tout à fait en désaccord avec cet énoncé-là.
Le Barreau, c'est un ordre professionnel. La mission d'un ordre professionnel,
c'est de protéger le public. Et nous au barreau, c'est ce qu'on a à cœur. Et je
l'ai dit tout à l'heure et je le répète, c'est dans cette optique-là que nous
estimons que, pour avoir la confiance du public en la magistrature, bien, il
faut viser une magistrature qui a été... de gens qui ont été formés pour des
débats contradictoires, qui en ont une compétence, formation et expérience.
M. Morin : Je comprends qu'à
la Cour du Québec il y a des comités qui sont formés pour des concours, pour
éventuellement soumettre des candidatures au ministre de la Justice. Je
comprends que le Barreau participe à ces comités-là. Avec... De votre
expérience, est-ce que, quand il y a des concours qui sont lancés, il manque
des candidats juges? Est-ce qu'il y a des régions où ils sont obligés d'annuler
des concours parce qu'il n'y a pas assez de personnes? Donc, évidemment,
l'ajout de notaires aiderait à faire fonctionner les concours rapidement.
Est-ce que c'est ce que vous vivez dans votre expérience?
Mme Claveau (Catherine) : Pas
du tout. On a fait nos vérifications, et, à notre connaissance, il n'y a aucun
concours qui a été annulé par manque de candidats.
M.
Morin :Parfait. Est-ce qu'il me reste encore un peu de temps,
M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :...
M. Morin : Deux minutes. Dans
le projet de loi, on parle beaucoup de médiation, accès à la justice. C'est
très bien, le principe est excellent. Mais, dans votre pratique, à votre
connaissance, est-ce qu'il y a suffisamment présentement d'employés dans les
palais de justice pour être capable de mettre en œuvre ce projet-là ou si on ne
va pas simplement déplacer le problème d'un côté vers l'autre?
• (12 h 50) •
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
malheureusement, à l'heure où on se parle, puis ça fait l'objet, là, de sorties
dans les médias de divers acteurs du système judiciaire, il y a un manque de
personnel au niveau du greffe de la cour, des constables spéciaux ou même un
manque de juges. Donc, c'est certain que cette problématique-là, elle existe.
Donc, l'ajout de mesures comme ça doit
aussi s'accompagner d'ajouts de mesures d'attraction, je dirais, pour aller
chercher le plus de membres de personnel possible et de rétention, donc
améliorer les conditions de travail des gens qui sont déjà en place pour les
garder dans nos palais de justice.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Je me suis inspirée de vos propos. J'ai tenté de cerner le nœud du
litige, et il me semble que c'est l'accès à la magistrature, donc je vais
revenir là-dessus avec vous. Je présume que...
Mme Labrie : ...avez confiance
quand même dans le processus actuel de nomination des juges?
Mme Claveau (Catherine) : Oui,
parce qu'il est quand même, tu sais, il y a quand même... Il est très
réglementé et il y a un processus... d'abord, les membres qui font partie du
comité de sélection, ce ne sont pas n'importe qui, il y a toujours un juge en
chef adjoint, des avocats qui connaissent le domaine puis il y a une grille de
questions aussi qui sont propres à la... tu sais, à la spécialité du juge, par
exemple, recherché. Donc, si on a un juge en protection de la jeunesse, on va
avoir des questions sur la pratique en protection de la jeunesse, si c'est
quelqu'un qui va venir faire du civil général, il va y avoir des questions en
ce sens-là. Donc, pour nous, au moment où on se parle, le processus est très
bien organisé, très étanche.
Mme Labrie : Parfait. Donc,
j'entends votre confiance réitérée envers le système de nomination des juges. À
ce moment-là, j'avoue que j'ai du mal à comprendre votre inquiétude par rapport
au fait qu'on créerait la possibilité théorique, là, qu'un notaire ait accès à
la magistrature dans la mesure où si, de votre point de vue, les plus
expérimentés et ceux qui ont la meilleure formation, ceux qui répondent le
plus, finalement, aux exigences pour être juges, ce sont les avocats, et puis que,
comme vous venez de le dire à mon collègue, il n'y a jamais eu de pénurie de
candidatures du côté des avocats, et il semble que ça devrait pas changer à
court terme, à ce moment-là, qu'est-ce qui vous inquiète? Le processus, si on
lui fait confiance, devrait permettre de sélectionner les personnes les plus
expérimentées, celles qui ont le meilleur bagage finalement, et puis on verra à
la fin qui est sélectionné, mais si on fait confiance au processus, c'est ça
qui protège le public, au fond.
Mme Claveau (Catherine) : Oui,
mais, tu sais, j'aurais le goût de... tu sais, je pense, la question qui va se
poser, bien, c'est pourquoi? Tu sais, il n'y en a pas besoin, puis il y a un
nombre... tu sais, on est 29 500 avocats, parmi nos
29 500 membres, on a plusieurs membres qui souhaitent devenir membres
de la magistrature et estiment qu'ils ont la compétence pour, puis comme je
l'ai dit, on n'a pas d'exemple de concours où est-ce qu'il n'y a pas eu
suffisamment de juges. Si on enchâsse cette disposition-là, et qu'on la met en
vigueur, et qu'au final, il n'y en aura pas de notaires qui vont être nommés, à
quoi bon? Tu sais ce que je veux dire, pourquoi on l'a fait cette mesure-là si,
au final, étant donné les règles de sélection, il n'y en a pas? Mais, tu sais, c'est
comme faire une mesure pour faire... Ajouter une disposition pour ajouter une
disposition. Ça n'aura pas d'utilité, là.
Mme Poupart (Emmanuelle) : Puis
si je peux me permettre de rajouter un point, c'est que ce qu'on vise avec le
projet de loi, c'est de faire en sorte que ça roule bien, que les procès soient
plus courts, alors toute l'expertise dans l'administration de la preuve, la
décision d'objections qui est soulevée au fur et à mesure, il y a un monde de
différence entre quelqu'un qui l'a fait pendant 10 ans puis quelqu'un qui
n'a jamais pratiqué, qui n'a pas été formé, et tout ça. Donc, moi, je pense que
ça va faire une différence sur l'administration et la durée des procès par
définition.
Mme Labrie : Mais le
processus en lui-même devrait être suffisant pour permettre de choisir des
candidatures qui ont ce bagage, cette expertise pour qu'on ne ralentisse pas la
cour.
Mme Poupart (Emmanuelle) : Bine,
c'est-à-dire, je pense que, comme dit Me Claveau, sans... ça va revenir à faire
ça pour finalement ne pas atteindre l'objectif parce que, si on regarde les
compétences, l'expertise dans le processus de sélection, c'est difficile de
faire la comparaison entre quelqu'un qui a fait 10 ans de procès...
Mme Labrie : Vous vous pensez
qu'il y aura peu de notaires nominés, en fait.
Mme Poupart (Emmanuelle) : Bien,
effectivement, je me questionne. Je me questionne sur cet objectif-là.
Mme Labrie : O.K. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de Vaudreuil, s'il
vous plaît.
Mme Nichols : Merci, M. le
Président. Merci de votre présence. Pour faire du pouce sur la question de ma
collègue, qui peut changer les règles, les règles de sélection?
Mme Claveau (Catherine) : Écoutez,
c'est déterminé dans un règlement que j'oublie le nom. Malheureusement, je ne
peux pas vous répondre en détail, là, à cette question-là, à moins que Me Hawi
soit en mesure d'y répondre.
Mme Hawi (Réa) :C'est prévu par règlement, en fait. Je suis en train
d'essayer de voir si j'ai le règlement, là.
Mme Claveau (Catherine) : Oui,
c'est ça, c'est prévu par règlement, donc le législateur...
Mme Hawi (Réa) :On a toute la procédure, les critères de sélection, c'est
le règlement sur la procédure de sélection des candidats à la fonction de juge
à la Cour du Québec. Donc, c'est réglementé.
Mme Claveau (Catherine) : Donc,
pour changer les critères, c'est au gouvernement de les changer.
Mme Nichols : Oui, c'est
réglementé, mais un règlement, ça se change puis...
Mme Claveau (Catherine) : Oui,
ça se modifie.
Mme Nichols : Oui, puis ça se
modifie plus facilement que la loi. J'ai deux petites questions, vous avez
parlé de la compétence concurrente, vous dites que le Barreau du Québec est
favorable à l'établissement de la compétence concurrente, là, entre la Cour du
Québec puis la Cour supérieure, je me demandais s'il y a un lien à faire avec
les deux catégories parce qu'on parle de... vous avez parlé un peu de création
de deux catégories de juges, est-ce qu'il y a un lien à faire en...
Mme Nichols : ...que les
notaires auront la possibilité... voyons, que ça soit accessible à la
magistrature. Est-ce qu'il y a un lien à faire entre les deux?
Mme Claveau (Catherine) : Bien
oui, c'est... Le lien à faire, il est vraiment avec la proportion concurrente.
Comment le projet de loi est fait, c'est que les créances, jusqu'à
75 000 $, c'est la Cour du Québec, mais, entre 75 000 $ et
100 000 $, le justiciable peut choisir s'il prend le chemin plus
raccourci pour aller à la Cour du Québec ou suivre les règles qui ne sont pas
prévues à ce projet de loi là puis aller en Cour supérieure.
Mme Nichols : Ça fait qu'à
votre avis, le fait que les notaires soient admissibles ou qu'il y ait un
notaire, quelqu'un pourrait décider de choisir justement en fonction de ce
critère-là?
Mme Claveau (Catherine) : Ça
pourrait être un critère aussi, si...
Mme Nichols : Bien, c'est ça,
je me demandais si vous faisiez un lien entre les deux, entre la compétence
concurrente puis la...
Mme Claveau (Catherine) : Bien...
le lien ne se fait pas jusque là, mais, tu sais, on trouve quand même que ça
crée quand même une certaine incohérence parce que c'est le même litige, c'est
le même dossier. Puis, s'il choisit d'aller en Cour supérieure, il est certain
qu'il n'y aura pas un notaire qui va l'entendre, puis, s'il va à la Cour du
Québec, il y a un risque que ça va être un notaire.
Mme Hawi (Réa) :Si vous le permettez, si je peux juste ajouter, la
compétence concurrente, avec laquelle on n'est pas en désaccord, là, ça va
quand même venir créer de la confusion auprès du public, qui vont devoir
choisir entre : Est-ce que je mène mon recours à la Cour supérieure ou à
la Cour du Québec pour un même montant? Donc, ça va déjà être un certain
questionnement qu'ils vont avoir à faire, un certain cheminement. Mais là ils
vont aussi devoir considérer, bien, pourquoi est-ce que ça sera aussi, en plus
de ça... En plus que ce soit une procédure différente, bien, le juge pourrait
être différent aussi. Alors, pourquoi avoir ce questionnement-là auprès de la
population, qui pourrait venir, en fait, miner, là, la confiance qu'ils ont
dans une cour qu'on veut rendre essentiellement plus efficace?
Mme Nichols : En terminant,
peut-être, rapidement... très rapidement, la reconfiguration du Conseil de la
magistrature par rapport à l'indépendance judiciaire, est-ce que, pour vous, il
y avait un problème?
Mme Claveau (Catherine) : Bien,
pour nous... Nous ne nous prononcerons pas là-dessus. Nous estimons que nous ne
sommes pas les meilleurs interlocuteurs pour vous en parler. Alors, nous vous
invitons à rencontrer les gens du Conseil de la magistrature, qui pourraient
vous en dire davantage.
Mme Nichols : Très bien. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Alors, merci
d'avoir été avec nous aujourd'hui. C'est très, très, très apprécié.
Et je suspends les travaux jusqu'à
14 h. Donc, bon lunch rapide. On recommence à 14 h. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 58)
14 h (version non révisée)
(Reprise à 14 h 2)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît!
Alors, bonjour à tout le monde. La Commission des institutions reprend ses
travaux.
Des voix : ...
Le Président (M.
Bachand) :Merci. S'il vous plaît, je sais
que vous avez hâte de discuter entre vous. Nous poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi numéro huit...
M. Jolin-Barrette : ...
Le Président (M. Bachand) :M. le ministre, s'il vous plaît. Loi visant à améliorer l'efficacité
et l'accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et l'arbitrage
et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec.
Cet après-midi, nous entendons les
organismes suivants : la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes,
la Chambre des notaires du Québec. Mais on a le privilège de commencer avec les
représentants de l'Association du Barreau canadien, division du Québec.
Bienvenue à vous deux. Alors, comme vous
savez, vous avez dix minutes de présentation. Alors, je vous inviterais à vous
présenter puis à débuter votre exposé. Et par après on aura un échange avec les
membres. Merci encore d'être ici avec nous.
Mme Burelle (Martine) : Merci.
Alors, mon nom est Martine Burrel. Je suis la présidente de l'Association du
Barreau canadien, division du Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui de maître
Jérémy Boulanger Bonnelly, qui est le président du comité législation et
réforme du droit de l'ABC.
Alors, l'ABC est la seule association à
regrouper sous une même bannière tous les juristes du Québec, c'est-à-dire les
étudiants en droit, les professeurs d'université, les juges... des juges, en
fait, pas tous les juges, de même que des avocats et des notaires. Nous avons
donc des avocats et des notaires dans notre association. L'ABC compte 37 000
membres à travers tout le Canada. Parallèlement à la présidence, je pratique en
droit municipal et en droit immobilier public dans le district de Longueuil.
Selon les statistiques du ministère de la Justice, il s'agit du district où les
justiciables attendent le plus longtemps pour l'audition de leurs dossiers aux
petites créances, soit plus de 1 000 jours.
Je me réjouis donc des mesures présentées
par le ministre de la Justice qui auront certainement pour effet d'amener une
solution concrète et rapide à ce problème. J'insiste sur le mot rapide, car le
délai entre l'adoption du principe et la présentation d'aujourd'hui fut assez
court. Étant moi-même toutefois d'une nature très enthousiaste, j'admire l'empressement
à aller de l'avant avec la mise en place de cette réforme.
Relativement à l'accession des notaires à
la magistrature, l'ABC est toutefois d'opinion qu'une réflexion plus profonde
devrait être faite au préalable. L'ABC comprend par ailleurs qu'un important
réinvestissement dans le système de justice devrait accompagner la mise en
place de plusieurs des mesures annoncées et en profite pour suggérer la
modification à la hausse du nombre de juges à la Cour supérieure et à la Cour
du Québec, la modification proposée dans le projet de loi huit se limitant au
nombre de juges à la Cour d'appel.
Je laisse la parole à maître Boulanger
Bonnelly, corédacteur du mémoire avec Maître Bundaru, qui malheureusement n'a
pu se présenter aujourd'hui puisqu'il est retenu... Il a tenté de régler ce
matin, mais il est toujours retenu à la Cour supérieure au moment où on se
parle.
Donc, je laisse la parole à Maître
Boulanger qui vous présentera notre mémoire et pourra répondre à vos questions.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Bonjour,
M. le Président, M. le ministre, Mesdames et Messieurs les Députés. Donc,
effectivement, je suis Président du Comité Législation et Réforme du Droit de l'ABC
Québec. Je suis également... J'enseigne à l'Université McGill, à la Faculté de droit,
et mes recherches portent sur l'accès à la justice. C'est donc un projet qui me
tient personnellement à cœur.
Pour commencer, je voulais moi aussi
souligner que c'est surtout Maître Bundaru, qui est le président sortant de l'ABC
Québec, qui a piloté vraiment la rédaction de ce mémoire. Donc,
malheureusement, il n'a pas pu être avec nous, mais le crédit lui revient
également.
Je ne vais pas répéter toutes les
recommandations que nous avons exposées en détail dans notre mémoire, mais je
voulais attirer votre attention sur quelques points qui nous semblent
particulièrement importants.
Premièrement, en ce qui concerne le
protocole préjudiciaire. C'est évidemment un outil qui est très important et
qui est en fait de plus en plus utilisé par les justiciables et leurs avocats,
avocates, au Québec. Et donc, selon nous, c'est louable de vouloir lui faire
une plus grande place dans le système de justice québécois.
Par contre, il faut, selon nous, que le
Code de procédure civile définisse un peu mieux la notion de protocole
préjudiciaire, et ça, pour deux raisons. Premièrement, c'est important d'un
point de vue pédagogique. On a entendu les...
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : ...représentant,
représentante d'Éducaloi entre autres nous parler de l'importance d'avoir des
lois qui peuvent être comprises par les citoyens. Et donc notre suggestion
s'inscrit en ce sens-là, de mieux définir le protocole préjudiciaire pour que
les citoyens et citoyennes puissent le comprendre.
Mais d'un point de vue pratique, c'est
aussi important de le définir, parce que, désormais, en fonction du projet de
loi, le fait de convenir un protocole préjudiciaire permettra d'avoir accès à
une instruction par priorité. Donc, il faut savoir à l'avance quel contenu
devrait avoir ce protocole pour que le dossier bénéficie de la nouvelle
priorité qui est proposée. Du même souffle, on souligne qu'il ne faut pas que
la définition soit toutefois trop restrictive parce qu'un des avantages du
protocole préjudiciaire, c'est justement sa flexibilité pour les parties.
Notre deuxième point, c'est concernant
l'instruction par priorité, justement. Donc, nous sommes entièrement favorables
à cette idée d'instruire en priorité les dossiers qui ont passé par une
médiation ou par un protocole préjudiciaire. Par contre, comme ma consœur le
mentionnait, les ressources accordées aux tribunaux doivent être suffisantes
pour que la réforme fonctionne, parce que, si on donne priorité à ces
dossiers-là sans qu'aucune ressource additionnelle soit investie dans le
système, les autres dossiers vont forcément être retardés, incluant certains
dossiers qui ont déjà une priorité en fonction du Code de procédure civile,
comme les dossiers en matière d'intégrité des personnes, par exemple, ou les
contrôles judiciaires. Donc, à notre avis, il faut ajouter de nouveaux juges et
du personnel pour les soutenir, pour que cette instruction en priorité
fonctionne réellement, ce que le projet de loi ne fait pas actuellement. Dans
le même ordre d'idée, la médiation obligatoire aux petites créances est une
bonne réforme, mais elle doit s'accompagner de ressources suffisantes pour
éviter qu'elle ne tombe à l'eau.
Dans un troisième temps, on est aussi
favorable à l'adoption d'une procédure simplifiée en Cour du Québec. Vous aurez
peut-être noté par contre dans notre mémoire qu'on a identifié plusieurs
incohérences ou certains défauts de rédaction dans les articles proposés, et
donc on croit que c'est pertinent d'amender le projet de loi pour rectifier ces
quelques points-là. Vous allez peut-être croire que ces points sont plus
techniques, mais, à notre avis, ils sont quand même essentiels pour que les
nouveaux articles qui sont proposés s'intègrent de façon harmonieuse dans le
Code de procédure civile et que le tout soit clair également. Donc, on a fait
des recommandations en ce sens dans notre mémoire.
Quatrièmement, l'idée d'un arbitrage
gratuit aux petites créances doit être révisée, selon nous, pour protéger la
publicité des débats judiciaires. On a entendu beaucoup d'interventions en
commission parlementaire sur le sujet de l'arbitrage gratuit, et nous sommes
tout à fait d'accord qu'il faut désengorger les petites créances, et on salue
l'initiative du ministre en ce sens. Par contre, ce que le projet de loi
propose, dans les faits, c'est essentiellement de privatiser aux frais de
l'État un certain nombre de litiges qui vont devenir assujettis aux règles de
l'arbitrage et qui vont donc demeurer confidentiels. Selon nous, il y a
d'autres solutions qui doivent être envisagées et qui peuvent être envisagées
par le législateur. Donc, si on prend un seul exemple qu'on a mentionné dans
notre mémoire, c'est l'Ontario qui a recours à des avocates et à des avocats
qui agissent à temps partiel comme juges suppléants aux petites créances. Et
donc cette solution-là s'apparente à l'arbitrage parce qu'elle utilise la force
des avocates et des avocats qui sont des juristes chevronnés et qui sont
accrédités, effectivement, pour mettre l'épaule à la roue et désengorger les
petites créances. Mais ce que cette solution-là ne fait pas, comparativement à
l'arbitrage, c'est de privatiser tout un pan de notre système de justice. Donc,
on croit qu'on peut atteindre l'objectif que le projet de loi poursuit en ce
sens, sans pour autant avoir les effets négatifs de la mesure proposée.
Cinquièmement, sur l'éligibilité des
notaires à la magistrature, nous sommes ouverts à ce qu'une réflexion sur le
sujet soit amorcée, comme ma collègue l'a mentionné, mais nous sommes d'avis
que l'amendement proposé est un peu trop précipité. Il y a des arguments en
faveur de l'éligibilité des notaires, puis vous en avez entendu beaucoup en
commission parlementaire, mais aussi certaines préoccupations qui peuvent être
légitimes. Donc, vu l'importance de l'enjeu de préserver une magistrature de
qualité, une telle réforme, selon nous, devrait être adoptée seulement après
avoir consulté sérieusement toutes les parties prenantes. Et ce qu'on vous
demande, donc, c'est de retirer cette portion du projet de loi pour l'étudier
ultérieurement.
• (14 h 10) •
Dans notre mémoire, on aborde également
les modifications qui touchent le Conseil de la magistrature, notamment en ce
qui concerne l'accès à l'information. Et puis, l'élément le plus important à
mentionner, c'est que c'est essentiel, avant d'aller de l'avant avec de telles
modifications, de consulter la présidente du Conseil de la magistrature, donc
la juge en chef de la Cour du Québec, ce qui, selon ce qu'on comprend, n'a pas
été encore fait.
Et puis, dernier point, en terminant, on
note dans notre mémoire, mais c'est essentiel de mesurer de façon empirique
l'impact des réformes proposées. L'Ontario l'a fait, par exemple, après avoir
adopté le programme de médiation obligatoire il y a déjà plusieurs années. Et,
selon nous, c'est essentiel que le Québec aussi fasse...
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : ...cette
mesure... ce pas là en fait pour après l'adoption du projet de loi n° 8,
vérifier que les réformes fonctionnent et les ajuster au besoin en se basant
sur des données solides et sur de la recherche empirique.
Donc, en conclusion, nous accueillons de
façon très favorable la plupart des mesures proposées par le projet de loi et
son impact sur l'accès à la justice, mais nous vous invitons à tenir compte des
quelques recommandations qu'on a formulées dans notre mémoire pour bonifier le
projet de loi et s'assurer qu'il ait l'impact souhaité.
Donc, je vous remercie au nom de l'ABC
Québec, et évidemment ça nous fera plaisir de discuter avec vous et de répondre
à vos questions.
Le Président (M.
Bachand) :Merci infiniment. Donc, M. le
ministre, vous avez la parole, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Me Burelle, Me Boulanger-Bonelli, bonjour, merci de
participer aux travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 8.
Écoutez, d'entrée de jeu, allons-y sur
l'accession des notaires à la magistrature. Vous avez dit... Vous avez
dit : C'est important de maintenir une magistrature de qualité. Donc, par
vos propos, est-ce dire que, si un notaire accède à la magistrature, la
magistrature ne sera plus de qualité?
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Pas
du tout, dont je faisais référence à certains arguments qui ont été mentionnés
de part et d'autre. Et puis, comme Me Burelle l'a mentionné, nous avons des
notaires, des avocats, des avocats dans notre membrariat, et donc je pense que
c'est important d'entendre toutes les parties en cause avant de faire cette
réforme-là. Mais je relatais des propos, là, de part et d'autre sans prendre
position sur ce point-là.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Parce que...
Mme Burelle (Martine) : Si je
peux compléter?
M. Jolin-Barrette : Oui,
allez-y.
Mme Burelle (Martine) : M. le
ministre, en fait, puisque nous côtoyons des notaires dans notre organisation,
et bien entendu que l'on connaît leurs forces et leurs faiblesses. Au niveau
des forces, il est évident que plusieurs détiennent une formation qui serait
très utile. Si je pense en Cour du Québec, puisque je pratique en droit
municipal, il y a énormément de dossiers, de contestations de droits de
mutation, leur formation est faite pour entendre ces dossiers-là, c'est
évident. Il y a une chambre... toute la division administrative, les appels en
provenance des décisions de Revenu Québec, c'est sûr qu'on peut voir un atout
dans le fait d'avoir des notaires qui siégeraient dans cette division-là. Mais,
puisqu'on les connaît aussi et qu'ils font partie de nos membres, on peut aussi
voir d'autres faiblesses, comme par exemple le manque d'expérience en matière
criminelle et pénale. Toutefois, c'est aussi quelque chose que les... pas tous
les avocats n'ont cette expérience-là.
Donc, je pense qu'une réflexion est requise à ce
sujet-là. On n'est pas du tout contre l'idée. En fait, de notre côté, nous
sommes ouverts. On voit les forces que les notaires pourraient apporter à la
magistrature, mais, au niveau des faiblesses... mais, bien entendu, c'est les
10 ans de formation. Dans le fond, l'administration de la preuve et tout
le côté procédural, il y a une grosse partie qui est quand même apprise dans la
salle de cour au cours des 10 dernières années.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Donc, je comprends que vous n'êtes pas fermés, vous êtes ouverts, mais vous
nous dites : Écoutez, il y a peut-être certains enjeux, tout ça. Puis on a
entendu beaucoup d'arguments, de part et d'autre, puis je vous résume ça
ainsi : les notaires sont en faveur puis les avocats sont contre. C'est à
peu près ça. Grosso modo, si on remet ça, là, d'une façon dichotomatique, ça
ressemble pas mal à ça. Mais, en tout cas.
Mme Burelle (Martine) : Hier,
j'ai entendu quelqu'un... j'ai pu entendre une partie, là, j'étais en déplacement
le reste de la journée, j'ai entendu quelqu'un, dans les remarques
préliminaires, qui disait : Je suis avocate, mon frère est notaire et nous
avons eu beaucoup de discussions en famille pendant la fin de semaine. Eh bien,
nous sommes cette famille, l'ABC, nous avons beaucoup de discussions en
famille.
M. Jolin-Barrette : Excellent.
Bien, j'espère qu'il n'y a pas de chicane de famille chez vous. C'est important
de discuter, mais de ne pas rester choquer, hein, ça, c'est bien important.
Cela étant, vous m'avez dit Me Burelle : Bien, écoutez, en matière
criminelle et pénale, bien là, c'est une faiblesse pour les notaires. Mais il y
a plein d'avocats qui n'ont jamais pratiqué la matière criminelle et pénale. Je
donne un exemple. Mon estimé confrère est un spécialiste en matière criminelle
et pénale; pas moi. Donc, il serait davantage compétent que moi pour siéger en
chambre criminelle et pénale. Par contre, quand on prend la magistrature en
général, bien, ça arrive qu'il a multichambre, ça arrive qu'il y a des
civilistes qui sont nommés pour siéger en chambre de la jeunesse puis en
chambre criminelle et pénale ou qu'il y a des postes qui sont ouverts criminel
et jeunesse. Alors, il y a différentes variétés. Puis il y a même des avocats
qui sont nommés qui ne plaidaient pas. Il y a des profs d'université, il y a
des gens qui travaillent en contentieux municipaux qui ont été nommés puis qui
ne faisaient pas de litige, qui étaient greffiers dans des municipalités.
Alors, je comprends que, pour vous, ça
mérite...
M. Jolin-Barrette : ...Alors,
je retiens votre commentaire. Peut-être des éléments plus techniques, là, par
rapport au projet de loi. L'article sur le fait de pouvoir rendre jugement sur
le vu du dossier et à 3 000 $, vous, vous êtes ouvert à élargir ça d'une
façon plus large?
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Exactement.
Et puis, en fait, je pense que les discussions ont déjà eu lieu à ce niveau-là
en commission parlementaire, mais dans la mesure où le consentement des parties
est obtenu de part et d'autre, à notre avis, il n'y a aucun obstacle à ce qu'un
dossier soit décidé sur le vu du dossier. Et puis le montant en litige,
finalement, est parfois un bien mauvais indicateur de la complexité d'un litige
ou de la possibilité de le résoudre sur dossier. On peut penser à des actions
sur compte qui vaudraient 15 000 $, mais qui demeureraient, somme toute,
simples. Donc on est d'avis effectivement que ça pourrait être étendu tant que
le consentement demeure une exigence.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Bien, je retiens bien votre suggestion. Sur la question de la médiation, là,
dans le modèle qu'on propose, on propose une médiation obligatoire, arbitrage
automatique, mais une partie va pouvoir se retirer. Vous, vous avez un enjeu avec
le fait que, pour l'arbitrage, vous dites, bon, c'est un rapport de nature
privée entre les parties, ça ne serait pas assujetti à la publicité des débats.
Là, je comprends qu'en est en Ontario ils créent un système avec des
avocats-juges, si on veut un peu. Nous, notre souhait, c'est véritablement de
désengorger le système de justice, mais aussi que les dossiers se règlent plus
rapidement pour les justiciables et qu'ils participent à la solution de leur
litige. Donc, sur la question de la médiation comme telle, là, puis même sur la
procédure civile, je fais le deuxième volet du projet de loi également,
procédure civile simplifiée, le fait de fixer par priorité les dossiers qui
auront eu recours à un mode alternatif de règlement des différends. Ça, vous êtes
à l'aise avec ça?
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Bien,
il y a plusieurs éléments dans votre question. En ce qui concerne l'arbitrage,
je pense que c'est quand même un élément distinct de la médiation dans le sens
où les parties ne vont pas régler leurs différends en participant vraiment
comme la médiation. C'est beaucoup plus similaire à la résolution des
différends par les tribunaux. Donc, à notre avis, c'est là qu'il faut repenser
un peu la réforme proposée. La médiation obligatoire, à notre avis, c'est une
excellente réforme. Puis on a vu en fait en Ontario que malgré le fait qu'on
déroge au principe du consensualisme, hein, de la volonté des parties de se
soumettre à la médiation, le taux de succès a été immense. Et la réforme est là
depuis plusieurs années. Donc, on ne voit pas pourquoi ça serait différent au
Québec.
Puis sur l'instruction en priorité, c'est
sûr qu'il peut survenir certains problèmes. On a entendu certains de nos
membres dire : Certaines compagnies, peut-être, vont décider de ne pas
aller en médiation dans les cas où ce n'est pas obligatoire pour finalement
causer des délais dans le dossier, hein, reporter le moment de l'instruction,
en disant : Bien non, on n'ira pas en médiation et donc comme ça on ne
passera pas en priorité. Donc, on ne voudrait pas que ça soit utilisé comme
étant un moyen finalement de... un moyen dilatoire par certaines parties. Mais
ceci dit, on veut encourager la médiation. Et donc, en ce sens-là, c'est une
bonne mesure tout de même.
M. Jolin-Barrette : Sur votre
dernier commentaire, là, vous pensez vraiment qu'il y a des parties qui
utiliseraient des moyens dilatoires de cette façon-là, vous voyez un enjeu
là-dessus? Je pensais que la bonne foi se présumait.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Ah!
tout à fait. Puis on ne dit pas que ça va être finalement, dans tous les cas,
que ça va survenir, mais certaines parties qui ont intérêt à ce qu'un litige
dure plus longtemps pourraient peut-être vouloir utiliser cette mesure-là pour
causer des délais. Donc, il faut juste faire attention de bien cerner cette
mesure-là, bien la circonscrire pour s'assurer qu'elle ait l'effet voulu.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je
voudrais vous entendre peut-être... Il n'y a personne qui nous a parlé à date
des plafonds, donc compétence exclusive jusqu'à 75 000, Cour du Québec,
compétence concurrente, 75 000, 100 000, qu'est-ce que vous en
pensez, de ça?
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Bien,
en fait, on est favorables, là, dans le sens que, dans le mémoire, je pense
qu'on l'a expliqué, on prend acte de cette réforme-là puis ça ne pose pas de
problème particulier, à notre avis. Puis on comprend que ça répond aussi aux
exigences, là, de l'arrêt de la Cour suprême, sans prendre avis... sans prendre
position sur la constitutionnalité de la réforme, là, mais on comprend que
c'est une réponse à cet arrêt-là.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Certains groupes sont venus nous dire : bon, médiation obligatoire, ça va.
Vous, vous nous dites : Bien, écoutez, oui, normalement, c'est la forme
d'un consensualisme, mais, en Ontario, ce n'est pas le cas, puis ils ont bien
réussi. Donc, oui, normalement, la médiation, il faut que les deux parties y
aillent, mais, avec une petite tape dans le dos pour dire : allez-y, en médiation,
ça va peut-être vous aider, vous êtes d'accord avec ça.
Sur la question du volume de dossiers, vos
membres, j'imagine, il y en a beaucoup qui sont médiateurs, également.
Pensez-vous qu'il va y avoir une attractivité du fait qu'on rende ça
obligatoire, que de vos membres, ils vont être intéressés à devenir médiateurs
ou à prendre davantage de dossiers?
• (14 h 20) •
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Je
pense qu'il faut quand même que le tarif soit attirant pour ces personnes-là,
parce que les avocats, avocates ont quand même... Ou les notaires ont une
pratique, là, qui peut être intéressante ailleurs et donc pour...
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : ...convaincre
d'aller en médiation, il faut quand même avoir des tarifs intéressants. Donc,
ça, c'est un élément. Mais je pense effectivement qu'avec un changement de
culture comme ça, qui rend la médiation beaucoup plus présente, ça pourrait
avoir un effet et convaincre des gens de devenir, là, effectivement,
médiateurs, médiatrices.
M. Jolin-Barrette : O.K.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Martine,
je ne sais pas si tu voulais compléter?
Mme Burelle (Martine) : Mais,
en fait, il existe déjà un tarif au niveau des avocats et des notaires qui
travaillent à l'externe. On l'appelle le décret, le tarif du décret. Je ne sais
pas si c'est à ce tarif-là que vous pensiez pour les médiateurs. Mais moi, je
pense que, pour répondre à la question, tout va dépendre du tarif.
M. Jolin-Barrette : O.K. Me
Burelle, Me Boulanger-Bonnelly, merci beaucoup. Je vais céder la parole à mes
collègues. Alors, merci beaucoup pour votre passage en commission
parlementaire.
Mme Burelle (Martine) : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Charlevoix-Côte-de-Beaupré, s'il vous plaît.
Mme Bourassa : Bonjour. Je
vais me limiter à une question pour laisser à mes collègues la chance de vous
parler aussi. Alors, je voudrais parler de la proposition portant sur une plus
grande représentativité des personnes victimes au sein du Conseil de la
magistrature. On n'a pas entendu beaucoup de commentaires à ce sujet-là.
J'aimerais savoir si, selon vous, c'est susceptible d'avoir un impact, là, sur
le système de justice, notamment sur la sensibilité requise dans le cheminement
des dossiers, la formation, peut-être, continue qui est également offerte aux
juges. Comment vous voyez, là, cette modification?
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : On
se positionne favorablement sur cette modification-là parce que ça permet
justement une plus grande représentativité, puis que ça permet d'apporter un
éclairage nouveau au sein des activités du Conseil de la magistrature,
notamment au niveau de la formation. Puis on pense que c'est un équilibre
adéquat, là, qui a été atteint avec la réforme qui est proposée. Puis il y a
d'autres exemples, si je peux me permettre, ailleurs dans le monde. Par
exemple, en Angleterre, hein, il y a certains modèles de réglementation
professionnelle qui incluent des personnes de la communauté, qui incluent des
citoyens, citoyennes. Donc, ce n'est pas non plus inusité, là, d'inclure des
citoyens, citoyennes sur ce genre d'organisme là.
Mme Bourassa : Parfait.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée
d'Anjou-Louis-Riel, s'il vous plaît.
Mme Boivin Roy : Merci, M. le
Président. Alors, merci à vous pour la présentation. Je comprends que vous nous
avez suivis hier, dans les travaux, et vous avez relevé certains commentaires
de nos membres. Peut-être avez-vous eu la chance de prendre connaissance des
documents, entre autres, ceux de la Chambre des notaires, qui nous disent que
51 % des gens ne connaissent pas, à toutes fins pratiques, là, les modes
alternatifs de résolution de conflit, comme la médiation. Alors, comment
voyez-vous votre rôle, à ce niveau-là, pour sensibiliser le public à ces autres
offres qui se présentent à eux?
Mme Burelle (Martine) : Bien,
c'est sûr que l'ABC a un rôle... C'est une situation qui pourrait être comparée
à un syndicat, dans le fond, au niveau... elle représente ses membres. Elle n'a
pas un rôle spécifique au niveau de la protection du public. Elle a, toutefois,
des programmes. Donc, on a un programme, qui est très intéressant, dans les
écoles, où on se déplace d'école en école pour expliquer qu'est-ce qu'est un
procès, de quelle façon ça fonctionne, et on a des juges qui participent à ça
avec nous, des bénévoles, qui y mettent des centaines d'heures par année, qui
sont très, très, très impliqués. Donc, c'est sûr qu'un volet par rapport à la
médiation pourrait être ajouté à nos programmes, à ce sujet-là, au niveau de la
sensibilisation dans les écoles, de notre côté.
Mme Boivin Roy : Merci
beaucoup.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Puis,
si je peux me permettre aussi, l'ABC-Québec et l'ABC nationale, aussi, ont
beaucoup de formation, hein, auprès des membres, c'est un des rôles de
l'association. Donc, évidemment, des formations sur la médiation, par exemple,
pourraient être envisagées, là, pour renforcer les capacités, finalement, des
membres de l'ABC-Québec.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Laval-des-Rapides. Non? Alors, M. le député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Oui, merci, M.
le Président. Il nous reste combien de temps?
Le Président (M.
Bachand) :Trois minutes.
M. Lemieux : C'est bon.
Alors, avant d'aller à ma dernière question, j'en avais une, au cas où que
j'aie un peu de temps. C'est au sujet de votre recommandation et de votre
remarque au sujet de l'arbitrage sans frais, qui pourrait avoir des effets
pervers. Gardez-moi une petite minute ou deux pour finir, après ça, sur les
notaires juges. Mais parlez-moi de ça, parce que j'avoue que vous m'avez
surpris avec celle-là. Il y a un effet pervers à plein de choses, là, mais
celle-là, expliquez-moi ça.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Oui,
bien, en fait, le principe fondamental de notre système de justice, un des
principes fondamentaux, c'est la publicité des débats judiciaires, puis ça, ça
existe pour s'assurer que la justice est transparente, qu'elle soit accessible,
que les gens puissent la regarder et s'assurer qu'elle soit bien faite. En
matière de petites créances, même si les dossiers sont peut-être un peu moins
importants, c'est un principe qui est quand même fondamental et qui existe,
tout de même, dans notre système de justice, c'est un principe constitutionnel,
à certains égards, même. Et donc selon nous, de permettre à l'État, finalement,
de financer l'arbitrage, ça va un pas peut-être trop loin. En utilisant les
ressources de l'État pour financer un système qui déroge à ce principe de
publicité là...
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : ...et
qui privatise à toutes fins pratiques un certain nombre de litiges. L'arbitrage
est très utile. On n'était pas en train de critiquer l'arbitrage de façon
générale, mais on se dit : Si l'État est pour financer des avocats,
avocates, d'autres arbitres pour faire ce genre d'arbitrages là, bien,
peut-être qu'on est mieux de le faire à même le système de justice pour garder
la publicité des débats.
M. Lemieux : Très
intéressant. Merci d'avoir réexpliqué ce que vous aviez dit tout à l'heure.
Mme Burelle (Martine) : Je
peux peut-être vous donner un exemple concret.
M. Lemieux : Oui. Oui.
Mme Burelle (Martine) : Dans
le fond, il arrive souvent que les gens, avant de faire affaire avec un
entrepreneur quelconque... Maintenant, les gens connaissent CanLII. Donc, ils
vont sur CanLII et tapent le nom pour s'assurer que la personne n'a pas 25
jugements pour vice, par exemple, dans les travaux. Maintenant, si cet
entrepreneur-là décidait de toujours avoir accès à l'arbitrage, eh bien, dans
le fond, il n'y aurait pas la publicité par rapport à tout cet historique-là de
mauvais services. Donc, c'est une des utilités de la publicité des jugements,
là, en tant que tels, c'est un exemple, puis il y en aurait sûrement des
meilleurs, là, mais c'est le seul auquel je pense pour le moment.
M. Lemieux : Mais je veux
vous parler des notaires à la magistrature, parce que le temps court, il me
reste une minute. Tous les avocats ne deviennent pas, ils ne veulent pas
nécessairement devenir juges. C'est vrai aussi probablement pour les notaires,
lorsqu'on leur en donnera la capacité. Je note votre ouverture, grande
ouverture, mais à la fin vous dites : «Dans l'éventualité où le
législateur décidait de rendre les notaires éligibles à la magistrature
provinciale, l'ABC-Québec souligne l'importance de préserver la robustesse du
processus.» Il n'est jamais question d'alléger le processus, là. Pourquoi vous
prenez le temps de dire : Il va falloir que vous gardiez les règles où
elles sont? Il n'est pas question de les réduire, là.
Le Président (M.
Bachand) :Rapidement, parce qu'il reste
très peu de temps.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Oui.
Bien, effectivement, le processus est robuste, et on pense qu'il doit le
demeurer. C'est simplement un mot peut-être pour s'assurer que ça ne soit pas
quelque chose qui est envisagé par le législateur. Mais c'est là qu'à notre
avis, là, ça se situe, la robustesse du processus de sélection.
M. Lemieux : Merci, madame...
Le Président (M.
Bachand) :Merci. M. le député de
l'Acadie, s'il vous plaît.
M.
Morin :Merci, M. le Président. Bonjour, Me Burelle et Me
Boulanger-Bonnelly, vous transmettrez mes salutations à Me Bundaru également,
merci d'être là. Je trouve les informations que vous nous donnez
particulièrement pertinentes, très crédibles, parce qu'effectivement, au sein
de votre association, il y a des magistrats, des juges, des notaires et des
avocats. Donc, évidemment, vous êtes capables de parler au nom de tous ces
gens-là.
J'ai quelques questions pour vous. Ce
projet-là, évidemment, en principe, il est... on ne peut pas être contre. On ne
peut pas être contre l'accès à la justice, on ne peut pas être contre le fait
que la justice veuille aller plus vite. Mais, vous l'avez évoqué un peu en
entrée de jeu, ça ne fonctionnera pas, je pense, s'il n'y a pas les ressources
suffisantes qui viennent avec. Donc, on parle beaucoup de médiation,
d'arbitrage. S'il n'y a pas plus de personnel dans les greffes, s'il n'y a pas
plus de personnel dans les palais de justice, est-ce que la justice va aller
plus vite, même avec le projet de loi, ou s'il n'aura pas d'impact positif,
d'après vous?
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Il
y a certaines parties du projet de loi qui permettront de simplifier la
procédure, par exemple en Cour du Québec. Évidemment, ça, ça va être utile,
qu'il y ait des ressources ou non additionnelles qui soient investies. Mais,
pour la grande majorité, je pense, des mesures qui sont dans le projet de loi,
ça prend des ressources additionnelles pour permettre au système de justice de
mettre en œuvre ces réformes-là et s'assurer qu'elles aient l'impact voulu,
parce que sinon, on va se ramasser avec peut-être des délais dans certains
dossiers qu'on ne voudrait pas avoir non plus ou, finalement, une médiation qui
est en théorie accessible, mais qui en pratique ne l'est pas réellement.
M.
Morin :C'est ça. Alors, si je vous comprends bien, si ce projet
de loi là fonctionne et va rondement au Parlement, on l'adopte, mais que le
restant de l'appareil judiciaire ou le personnel des palais de justice ne suit
pas, finalement, on n'ira pas plus vite.
Et, si je vous comprends bien, Me Burelle,
vous avez souligné, si j'ai bien compris, que le délai pour les Petites
créances à Longueuil, c'est 1000 jours. Est-ce que j'ai bien compris?
• (14 h 30) •
Mme Burelle (Martine) : C'est
les données de statistiques... C'est les statistiques du ministère de la
Justice, mais celles de l'année dernière. Donc, je ne peux pas vous dire, pour
cette année, où est-ce qu'on en était.
M.
Morin :O.K. Très bien.
Mme Burelle (Martine) : Toutefois,
à Longueuil, c'est particulièrement long.
M.
Morin :Très bien. Je vous remercie. J'aimerais attirer votre
attention sur des dispositions du projet de loi comme tel, parce qu'on en a
parlé avec d'autres témoignages. C'est l'article 7, qui va modifier l'article
535.6, et on parle d'un délai de 85 jours pour le défendeur pour composer
finalement son dossier. Si on regarde le délai qui est alloué au demandeur, il
doit envoyer...
14 h 30 (version non révisée)
M. Morin : ...un avis au
défendeur dès qu'il va intenter son action, il peut par la suite parfaire son
dossier dans les 30 jours. Le défendeur, lui, n'a que 85 jours, donc
théoriquement dès qu'il reçoit l'avis. Donc, théoriquement, s'il reçoit de la
documentation du demandeur 29 jours après, bien, ça ne fait plus... ça ne
lui fait plus 85 jours, ça lui en fait 56 pour préparer son dossier.
Est-ce que vous pensez que c'est suffisant ou s'il n'y aurait pas lieu d'augmenter
ce délai-là pour permettre au défendeur de bien préparer son dossier et d'assurer
une défense, évidemment, pleine et entière, si... Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Bien,
effectivement, il y a plusieurs considérations ici. Ça dépend de la complexité des
dossiers, hein? Il n'y a aucun dossier qui est identique. Donc, on essaie de
fixer une durée qui, dans certains cas, va être adéquate, dans d'autres, ne le
sera pas. Puis il y a aussi un impact, peut-être, auquel on ne pense pas
toujours, mais qui risque d'arriver, c'est-à-dire que, si la durée n'est pas
adéquate, il y aura des demandes qui seront faites au tribunal de prolonger ces
délais-là ou peut-être de relever des parties du défaut de ne pas avoir
respecté les délais. Donc, on va engorger le système aussi avec ces demandes-là
de prolonger les durées qui sont prévues dans la procédure simplifiée. Donc, il
faut effectivement y réfléchir. Honnêtement, on n'a pas... on ne sait pas si la
durée précise est adéquate ou non, mais c'est des considérations qu'il faut
prendre en compte pour établir cette durée.
M. Morin : Je vous
remercie... Oui.
Mme Burelle (Martine) : On
peut noter que, dans la pratique, on remplit un protocole de l'instance, et
après l'interrogatoire hors cour, s'il n'y a pas d'autre moyen préliminaire.
Habituellement, c'est rare que la défense va être produite plus tard que 90 jours.
Donc, c'est sûr qu'ici le fait qu'on a un système qui n'aura pas d'interrogatoire
hors cour va faire en sorte qu'il y aura... le défendeur devrait avoir besoin
de moins de temps pour préparer sa défense.
M. Morin : Parfait, je vous
remercie. Donc, c'est très, très utile. J'attire votre attention sur la page 4
de votre mémoire quand vous parlez de la publicité ou de la possibilité pour
les justiciables d'avoir accès aux conférences de gestion, les conférences
préparatoires. Est-ce que vous parlez des parties ou du public en général?
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Non,
le commentaire se situe vraiment au niveau des parties en tant que telles.
Notre commentaire, en fait, est à l'effet que ce n'est pas clair, dans ces dispositions-là,
si ce sont les parties elles-mêmes ou leurs avocats, là, qui vont être... qui
vont devoir se présenter. Puis il y a un avantage, selon nous, à ces étapes-là
du dossier, à ce que les justiciables eux-mêmes soient présents à la conférence
de gestion ou à la conférence préparatoire à l'audition pour être bien
conscients, là, des enjeux du dossier puis de ce que ça implique. Donc, selon
nous, on pourrait préciser ces articles-là pour que les parties doivent...
soient présentes à ces événements-là, un peu comme l'article 163 du Code
de procédure civile, qui parle à la fois des parties et de leurs avocats.
M. Morin : Donc, pour vous,
évidemment, ce serait important que non seulement les avocats, mais les
personnes, donc les parties comme telles, soient présentes à cette étape-là et
il y aurait lieu de clarifier le projet de loi à cet effet-là.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Exact.
Puis, en fait, c'est utile à ces étapes-là que les parties soient présentes. L'article
prévoit, pour la conférence de gestion, que ce soit si le tribunal l'exige, là.
Donc, c'est simplement de clarifier que les parties, c'est vraiment les
justiciables eux-mêmes à ce niveau-là.
M. Morin : Parfait, je vous
remercie. On a peu parlé des dispositions qui portent sur le Conseil de la
magistrature, mais, si ma compréhension est bonne, le projet de loi diminuerait
le nombre de juges qui... en fait, les juges adjoints qui pourraient être
présents lors des audiences du conseil. Vous suggérez de garder le même nombre
de juges. Pouvez-vous nous en dire davantage là-dessus?
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Oui,
bien, en fait, cette recommandation-là vient du fait qu'on se demande pourquoi,
en ajoutant des nouveaux membres du Conseil de la magistrature, qu'on doive
nécessairement en retrancher d'autres. Selon nous, le Conseil de la
magistrature a beaucoup de travail à accomplir. On connaît les défis en matière
de formation, par exemple, des juges, les dossiers disciplinaires évidemment.
Donc, selon nous, il n'y aura pas trop de personnes, là, pour s'occuper de ces
dossiers-là. Donc, on est favorables aux ajouts qui sont proposés par le projet
de loi, mais on juge qu'on pourrait conserver les noms de juges qui siègent sur
le conseil actuellement.
M. Morin : Parfait. Je vous
ai bien entendu également sur votre position relativement à la possibilité pour
les notaires d'accéder à la magistrature. Le projet de loi vise l'accessibilité
de la justice en favorisant une procédure simplifiée, notamment. Est-ce que, d'après
vous, nommer des notaires juges va diminuer les délais dans le domaine de la
justice...
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : ...bien,
c'est une bonne question, en fait. C'est sûr que, comme plusieurs personnes
l'ont mentionné, il n'y a pas de pénurie de candidats à la magistrature
actuellement, donc le débat ne se situe pas nécessairement au niveau de l'accès
à la justice pour ce qui est de ce pan-là du projet de loi. Mais il y a
évidemment d'autres considérations qu'on a mentionnées qui doivent être prises
en compte, mais pas au niveau de l'accès à la justice en tant que telle, non.
M.
Morin :Très bien. Je vous remercie. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Je veux revenir sur la question de l'arbitrage parce qu'à moins que
j'ai échappé quelque chose, je pense que vous êtes les premiers à nous parler
de cet enjeu-là. Puis j'avoue que, quand on parle de privatisation du système
de justice, ça m'inquiète. Vous m'apprenez que, quand c'est un arbitrage, le
dossier reste confidentiel, donc, si je comprends bien, ça veut dire que ça ne
s'ajoute pas non plus à la jurisprudence, là, la façon dont ce dossier-là a été
traité. Est-ce qu'il y a des manières de privilégier l'arbitrage puis quand
même de faire en sorte que, ces dossiers-là, l'issue puisse en être public?
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Oui,
on pourrait prévoir que l'arbitrage, qui est financé par l'État dans les
petits... En matière de petites créances, soit assujetti à la publicité des
débats. Donc, les arbitres devraient à ce moment-là, par exemple, fournir leurs
sentences arbitrales, les rendre publiques. Donc, ça atténuerait les impacts du
projet de loi. Mais, à cet égard-là, on se demande pourquoi ne pas tout
simplement intégrer ces arbitres-là en tant que juges suppléants à la Cour,
comme le fait l'Ontario? Donc, ça nous semblerait plus simple que d'assujettir
l'arbitrage aux petites créances à la publicité des débats judiciaires.
Mme Labrie : O.K. Mais les
deux...
Mme Burelle (Martine) : Je
vous donne un autre exemple, si vous voulez. Au niveau du Tribunal administratif
du Québec, il y a des séances de conciliation. Donc, tout ce qui se dit pendant
la séance de conciliation, c'est confidentiel, mais, au terme de celle-ci, il y
a une entente de conciliation qui est signée et celle-ci équivaut à jugement en
vertu de la Loi sur la justice administrative, elle est déposée au greffe et
elle est publique, toute personne peut y accéder.
Mme Labrie : Et donc ce
serait possible de prévoir une disposition comme celle-là, Il faudrait
l'ajouter dans la loi pour que, si l'arbitrage est financé par l'État, que ça
soit aussi assujetti à la publicité des débats.
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Exact.
Parce que, sinon, l'article quatre du code de procédure civile prévoit la
confidentialité des modes privés de règlement des différends.
Mme Labrie : Donc, il
faudrait prévoir une exclusion, là, pour ces types de cas là. Merci. J'ai une
autre question pour vous. Vous avez dit, bon, que vous vous... voyons, que vous
n'alliez pas vous positionner sur le Conseil de la magistrature, l'ajout des
notaires. Vous nous avez invités à faire une plus grande consultation pour
entendre toutes les parties. À mon sens, on entend quand même plusieurs parties
concernées, là, en ce moment dans les auditions. Est-ce qu'il y a des gens
qu'on n'a pas entendus, que vous estimez qu'on devrait entendre et qui ne se
sont pas exprimés, là, sur le sujet?
Mme Burelle (Martine) : En
fait, je pense que c'est plus le temps qui nous a été alloué pour réfléchir à
la question, de notre côté.
Mme Labrie : O.K., donc c'est
le délai trop rapide depuis l'adoption du projet de loi qui fait que vous
n'avez pas eu le temps de vous positionner, d'accord.
Mme Burelle (Martine) : Bien,
c'est difficile de consulter même nos propres membres notaires au sein de
l'association pour savoir ce qu'ils en pensent en sept jours, là.
Mme Labrie : Je comprends.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Vaudreuil.
Mme Nichols : Merci, M. le
Président. Merci beaucoup de votre présence. Merci de votre mémoire, c'est
technique, je trouve que vous allez dans des précisions qui seront fort utiles,
rendu à l'étude détaillée.
Je veux juste vous entendre sur les
articles, là, puis je ne me souviens pas par coeur des numéros, mais en lien
avec la notification. Vous avez apporté des précisions en lien avec la
notification, pouvez-vous nous expliquer, dans le fond, là, le point de vue que
vous apportez au niveau juridique sur la notification, l'importance de la
notification?
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Oui,
tout à fait. En fait, les articles 535.4, 535.6 et 535.7, ils prévoient le
dépôt de certains avis au greffe du tribunal. Mais normalement, dans la
pratique, on a besoin également de notifier ces avis-là à l'autre partie avant
de les déposer, puis, ça, c'est pour que l'autre partie soit au courant
finalement de ce qu'on allègue contre elle ou de ce qu'on dépose au tribunal,
parce que le tribunal ne va pas envoyer lui-même les avis à la partie de l'autre
côté. Donc, selon nous, c'est un petit ajustement qui n'est pas très compliqué
mais qui permettrait aux parties d'être au courant de ce qui est déposé au
greffe et, à notre avis, il faudrait l'ajouter, là, à ces articles-là.
Mme Nichols : Parfait. Puis
est-ce que la notification ici avait un lien avec quand on commence à compter,
là, le nombre de jours pour produire tel ou tel... pour produire, soit la
défense, est-ce qu'il y avait un lien avec des délais ou c'était simplement
pour en aviser les autres parties?
• (14 h 40) •
M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : C'est
vraiment une exigence pour aviser les autres parties. Il n'y a pas
nécessairement d'impact sur les délais, si on les calcule à partir du moment du
dépôt, oui.
Mme Nichols : Parfait. Moi,
je n'avais pas d'autres questions, à moins que vous ayez autre chose à ajouter.
Il doit bien me rester un une minute.
Le Président (M.
Bachand) :Deux minutes.
Mme Nichols : Deux minutes,
quand même.
Le Président (M. Bachand) :Et je vous rappelle que la députée de Vaudreuil...
Le Président (M.
Bachand) :...la députée qui elle-même est
avocate et son frère est notaire. Alors donc...
Mme Nichols : Oui, je suis
contente, je suis contente d'élargir ma famille avec vous.
Le Président (M.
Bachand) :Exact.
Mme Nichols : Les débats...
Mme Burelle (Martine) : On
vous comprend.
Mme Nichols : On prendra une
plus grande salle pour en débattre.
Le Président (M.
Bachand) :Oui. Alors, Maître Burelle,
maître Boulanger-Bonnelly, merci beaucoup d'avoir été avec nous. C'était un
grand plaisir, puis on se dit à très bientôt. Merci beaucoup.
Des voix : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Et je suspends les travaux
quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 14 h 41)
(Reprise à 14 h 46)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux.
Alors, il me fait plaisir d'accueillir les
représentantes de la Chambre des notaires du Québec, donc maître Hélène Potvin,
présidente, et Maître Boily, conseillère, Relations institutionnelles. Alors,
merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi, c'est très apprécié. Alors,
comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, et par après on
aura un échange avec les membres. Donc, la parole est à vous pour
10 minutes. Merci.
Mme Potvin (Hélène) : ...Parfait.
Merci beaucoup. Bonjour à tous. Alors, M. le Président, M. le ministre de la
Justice, Mesdames et Messieurs les Députés, alors je vous remercie de nous
accueillir dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 8. Alors, c'est avec
beaucoup d'enthousiasme que nous avons accueilli le dépôt de ce projet de loi
qui s'inscrit, comme vous le savez, et selon nous, en parfaite continuité avec
le grand chantier lancé il y a quelques années, qui vise à améliorer le système
de justice par l'adoption de mesures innovantes et plus... efficientes, pardon,
au bénéfice de tous les citoyens.
Lors du dépôt du projet de loi, le ministre
affirmait : Les Québécois ont droit à des services de justice efficaces,
accessibles, plus rapides et moins coûteux. Alors, nous y croyons aussi. Le
p.l. n 8 cherche à favoriser la médiation et l'arbitrage et vise aussi à
simplifier la procédure civile à la Cour du Québec. La chambre a toujours
milité pour que les citoyens bénéficient d'un meilleur accès à la justice. Il
faut vraiment simplifier les procédures et trouver les méthodes alternatives
efficaces pour résoudre des conflits. Et c'est ce que fait le p.l. n 8.
Selon nous, l'une des plus grandes forces
de ce projet réside dans le recours à la médiation en introduisant des mesures
phares au Code de procédure civile. Le p.l. n 8 prévoit la médiation
obligatoire en certaines circonstances pour le recouvrement des petites
créances. Nous savons, et plusieurs études le démontrent, que la médiation est
appréciée du public et que son taux de réussite est élevé. En impliquant
activement les parties dans la recherche d'une solution à leur litige, on
favorise ainsi le règlement d'un conflit à l'amiable. Cependant, et à ce
propos, la chambre, dans sa mission de protection du public, recommande
d'accorder au médiateur un pouvoir discrétionnaire lui permettant de considérer
qu'un dossier n'est pas propice à la médiation. En d'autres mots, le médiateur
doit aider le tribunal à détecter des situations qui seraient non adaptées à la
médiation. Par exemple, le médiateur pourrait détecter des signes laissant
croire à une captation ou à de l'intimidation qui rendrait impossible une
discussion par des parties de force égale.
Aussi, le projet de loi reconnaît la
primauté de la volonté des parties et de leur engagement mutuel en permettant
au tribunal de renvoyer les parties à la médiation en présence d'une convention
de médiation. Alors, nous croyons que l'introduction de ces mesures signifie
que la médiation et les autres modes privés de règlement de différends ne sont
plus considérés seulement comme une alternative qu'on invite à prendre en
compte, mais comme le moyen prioritaire qui permet vraiment la résolution de
différends. Alors, ça, c'est un changement de culture significatif et positif.
• (14 h 50) •
Autre mesure à souligner du projet de loi
consiste à permettre aux notaires d'accéder à la magistrature à la Cour du
Québec. Il y a déjà des notaires juges dans les tribunaux administratifs et
cette mesure s'inscrit dans une continuité de la reconnaissance de son
expertise. C'est une très bonne nouvelle pour les tribunaux de droit commun. Le
p.l. n 8 reconnaît l'apport des notaires au système judiciaire du Québec, et
ce, pour le mieux-être de la société.
Rappelons... rappelons, pardon, que les
notaires ont une solide formation tant au niveau du baccalauréat en droit qu'à
la maîtrise en droit notarial, donc diplôme de deuxième cycle. Par la suite,
son parcours professionnel l'amène à perfectionner ses connaissances et ses
compétences dans différents champs de pratique. Les notaires connaissent bien
le Code de procédure civile. Et à ce propos, soulignons que la Chambre des
notaires a imposé une formation obligatoire à tous ses membres en 2016 lors de
la réforme du Code de procédure civile. Ceci illustre bien l'importance des
règles de procédure pour les notaires qui l'utilisent dans leur pratique
quotidienne.
Depuis toujours, les notaires sont des
juristes qui bénéficient d'un niveau de confiance très élevé auprès de la
population. On parle ici d'environ 90 %. Alors, ce n'est pas surprenant,
étant donné que le notaire est un juriste rigoureux, intègre et assujetti à des
règles...
Mme Potvin (Hélène) : ...de
déontologie et de pratique. De plus, c'est connu, le notaire est le juriste de
l'Entente. Il est le juriste de proximité qui fait preuve d'une grande écoute,
d'empathie et de bienveillance. Alors, ce sont toutes des qualités qui
permettront au notaire qui accédera à la magistrature d'être un excellent juge.
Pour terminer ce point, rappelons que le
notaire, à titre d'officier public, doit agir avec impartialité et comme
conseiller désintéressé de toutes les parties. Ceci aussi le rapproche de la
mission du juge qui, lui, doit disposer des litiges de façon impartiale. La
Chambre est convaincue que plusieurs notaires possèdent déjà toutes les
aptitudes et les connaissances pour être d'excellents juges et permettre à la
Cour du Québec de s'adjoindre des juristes provenant d'une diversité plus
grande, tant de milieux que de spécialités. La chambre fait entièrement
confiance au comité de sélection pour analyser les candidatures et proposer les
candidats le plus apte à être nommés juges.
Nous tenons maintenant à porter à votre
attention une préoccupation concernant le financement de la justice et son
accessibilité. Comme nous l'indiquons dans notre mémoire, la mise en œuvre du
PL no huit devra nécessairement être accompagnée d'un financement adéquat pour
promouvoir et mieux faire connaître les différents moyens de régler un
différend de nature juridique sans avoir recours aux tribunaux.
Alors, des études révèlent qu'un Québécois
sur deux ne connaît pas ces autres modes alternatifs au tribunal. Alors, nous
pensons qu'il sera nécessaire de mettre en place une stratégie ministérielle de
promotion et de développement des modes de prévention et de règlement des
différends pour bien informer les citoyens et ainsi permettre d'atteindre les
objectifs souhaités.
Nous croyons donc que le gouvernement se
doit d'augmenter le budget consacré à la justice pour favoriser la mise en
œuvre des différentes mesures introduites par le PL no 8.
En terminant, la Chambre des notaires est
d'avis que l'adoption du PL no 8 sera un pas de plus vers l'objectif que
le gouvernement s'est donné, soit de mettre la justice au service des citoyens.
La Chambre ne peut qu'appuyer cette mesure plus humaine et elle sera là pour la
mise en œuvre de ce projet de loi. Alors, je vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) :Merci infiniment. M. le
ministre, s'il vous plaît, vous avez la parole.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Me Potvin, bonjour, merci d'être présent aujourd'hui, Me Boily,
également. Ça me fait plaisir de vous recevoir en commission parlementaire.
Écoutez, d'entrée de jeu, commençons avec
l'élément qui, je crois, a suscité le plus de commentaires et le plus
d'enthousiasme dans le cadre du projet de loi no huit, le fait que les notaires
pourraient accéder à la fonction de juge. On a entendu le Barreau avant vous
qui disait : Écoutez, on est contre parce qu'il faut maintenir une magistrature
forte et indépendante et il y a seulement les avocats qui ont l'expérience et
la compétence pour devenir juges.
Autre élément, écoutez, l'Association
professionnelle des avocats, puis vous me permettrez de les citer, je vais
citer la présidente, là, elle disait, là : «le notaire, qui n'a pour ainsi
dire jamais mis les pieds dans un palais de justice, devra être en mesure de
faire ce travail et de rendre des décisions conformes à la jurisprudence, et
ce, bien souvent face à des avocats aguerris qui, eux, maîtrisent les règles de
preuve et de procédure, règles, qui, doit-on le souligner, servent à s'assurer
que les auditions soient équitables et que les décisions soient rendues sur la
base de preuves crédibles et que la justice serve les justiciables et ne
compromette pas leur confiance dans le système. Selon le ministre, moi, en
l'occurrence, ce que je n'ai pas dit, mais les notaires peuvent apprendre. Une
fois sur le banc, mais aux frais et sur le compte de qui? Encore une fois, ce
sera sur le compte du justiciable et du système qui deviendront des cobayes.
Notre société est en droit d'exiger une justice de grande qualité avec des
juges d'expérience et de grande compétence dès leur nomination. Ces exigences
sont garantes de l'efficacité du système et de la satisfaction des citoyens.»
Alors, ma question pour vous : est-ce
que les notaires ont si peu de compétences qu'ils vont nuire à une justice de
qualité, comme le prétend l'association professionnelle des avocats?
Mme Potvin (Hélène) : Alors,
j'aurais le goût de m'insulter, mais je ne le ferai pas. Je pense que, et ça,
on vous l'a dit hier, on vous l'a démontré, je pense que les notaires possèdent
une formation en droit solide...
Mme Potvin (Hélène) : ...leur
parcours professionnel les amène à acquérir des connaissances, des compétences.
On a, je crois, démontré que les notaires connaissent la procédure, sont déjà
dans les palais de justice. Il ne faut pas oublier que les notaires
représentent déjà des clients. Alors, à cet effet-là, on a des notaires aussi
qui ont des expertises très pointues. Nous avons des notaires qui travaillent
en droit de l'environnement, nous avons des notaires qui travaillent dans les
municipalités, dans les villes. Alors donc, la compétence, la formation
initiale, tout est là pour donner toutes... tous les éléments sont là pour que
les notaires puissent accéder à la magistrature sans problème.
Il ne faut pas oublier aussi que les
notaires, peu importe dans quel domaine ils travaillent, sont soumis à un code
de déontologie, le code de déontologie qui les oblige, justement, à faire
preuve de rigueur. Ils sont des conseillers... et c'est écrit comme ça, des
conseillers désintéressés, francs et honnêtes de ses clients ou des parties.
Alors, la Loi sur le notariat prévoit aussi un devoir d'impartialité, que le
notaire, qui est officier public, se doit de faire preuve, alors ça le
rapproche vraiment beaucoup du rôle du juge, M. le ministre. Alors, pour ça, il
n'y a aucun souci.
Peut-être, Catherine, je te laisserais
continuer?
Mme Boily (Catherine) : Oui.
Je pourrais ajouter que la Chambre des notaires fait entièrement confiance au
système, aux processus en place des comités de sélection, des meilleurs
candidats, des juges. C'est un système, comme le disait le Barreau un peu plus
tôt aujourd'hui, qui est un système strict, qui est un système fiable, qui est
un système qui a fait ses preuves. Donc, nous, nous considérons que les comités
de sélection sont bien placés pour trouver les meilleurs candidats et faire les
recommandations sur les meilleurs candidats, selon les postes qui seront
ouverts.
M. Jolin-Barrette : C'est
clair.
Mme Potvin (Hélène) : Excusez-moi,
je vais peut-être juste rajouter que, quand on revoit, on relit les critères
qui sont dans le règlement, on note qu'on n'a pas besoin de connaître les
litiges. On n'a pas besoin de plaider pour être nommé juge. Ça ne fait pas
partie des critères, donc, de sélection des juges. Alors, pour nous, il n'y a
aucune problématique à ce niveau-là.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une dernière question sur ce sujet-là avant de passer à un
autre : Qu'est-ce qui explique, selon vous, autant de réticences, de la
part d'autres intervenants, à permettre aux notaires d'accéder à la fonction de
juge? Parce que ça se peut qu'il y en ait, des notaires, mais ça se peut qu'il
n'y en ait pas, non plus, qui soient recommandés. Dans le fond, c'est en
fonction de qui sont les candidats, puis le comité de sélection fait son choix.
Qu'est-ce qui explique cette peur, cette... c'est ça, cette peur-là?
Mme Potvin (Hélène) : Bien,
dans un premier temps, je dirais qu'effectivement on va élargir le bassin de
candidatures partout au Québec. On sait que, bon, il y a des notaires partout
au Québec, alors on va élargir le bassin de candidatures. Et, effectivement, le
comité de sélection va avoir peut-être, dans certains cas, plusieurs
candidatures, et là, oui, on va choisir le meilleur candidat. Est-ce qu'il va
être notaire? Est-ce qu'il sera avocat? On ne le sait pas. Là n'est pas la question.
C'est qu'on veut travailler pour le meilleur de la société. Et on sait que
c'est le gouvernement qui nomme, au final, les juges, donc on fait confiance
aussi au gouvernement pour choisir les meilleurs juges.
• (15 heures) •
À savoir quelles sont les raisons
d'opposition, moi, je crois que, des fois, de changer les choses, ça perturbe
peut-être aussi certaines notions, certaines bases où on a l'impression que,
pour être juge, il faut connaître le litige, donc. Mais qui, qui a dit qu'on
avait besoin de connaître le litige pour être capable de trancher un différend
entre deux personnes? Alors, c'est la base de notre système, je pense qu'on est
habitués à penser avec cette conception-là. Mais, sinon, je pense qu'on peut
aller de l'avant et penser la justice autrement, pour qu'elle soit, encore une
fois, plus humaine, et où le justiciable va y gagner.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Parlant que le justiciable puisse y gagner dans le système de justice, au
niveau de la médiation, il y a déjà des notaires qui sont des médiateurs.
Qu'est-ce que vous pensez...
15 h (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : ...que ça
va apporter dans le système de justice, le fait de rendre la médiation
obligatoire aux petites créances et le fait également de fixer par priorité les
dossiers avec la procédure simplifiée, ceux qui auront eu recours, notamment, à
un mode de règlement incluant la médiation?
Mme Potvin (Hélène) : Mais on
le sait, que les litiges aux petites créances, ça pourrit la vie à plusieurs de
nos citoyens, ça les empêche d'avoir une vie agréable, de par leurs chicanes de
clôtures avec leurs voisins, de par des chiens qui jappent, qui les dérangent.
Alors, les citoyens veulent que ces conflits-là se règlent. Ils veulent être
tranquilles, ils veulent voir leurs conflits vraiment réglés. Alors, moi, je
pense que ça va vraiment... Nous pensons que la médiation obligatoire va
vraiment améliorer ça et ça va améliorer les délais. Et, pour le citoyen, il va
voir une fin, une fin à sa problématique, une fin à son conflit. Alors, je
pense que ça, toute la société va être vraiment... va bénéficier de ça, si on
veut travailler sur une société aussi qui est plus pacifique qui est plus
juste, alors... qui est plus... qui vient régler les conflits autrement. Alors,
pour nous, c'est une bonne nouvelle.
M. Jolin-Barrette : O.K. Le
fait qu'on amène une diversité sur le Conseil de la magistrature, dans le fond,
qu'un notaire y siégera, mais aussi qu'un représentant... En fait, quelqu'un
qui travaille auprès des victimes d'infractions criminelles, l'accompagnement,
comment vous recevez ça, cette modification-là au Conseil de la magistrature?
Mme Potvin (Hélène) : Écoutez,
pour nous, on ne s'est pas vraiment penchés sur cette question-là, mais je
pense que le fait, effectivement, d'apporter une diversité, un côté humain
aussi, une vision, une vision autre du litige, de la conception de la justice,
alors je pense que, ça, ça amène vraiment un plus aussi pour pour la société,
pour le citoyen.
M. Jolin-Barrette : O.K. Un
dernier point avant de céder la parole à mes collègues. Vous dites : le
médiateur, on devrait lui donner un pouvoir discrétionnaire de dire : ce
dossier-là, non, il ne devrait pas venir en médiation. Est-ce que vous pensiez,
exemple, aux dossiers de violence, présence de violence conjugale, tout ça?
Parce que, nous, on pensait le mettre par voie réglementaire, d'en exclure
nommément certains, mais, au-delà de ça, est-ce qu'il y a d'autres types d'exclusion
qu'on devrait prévoir?
Mme Potvin (Hélène) : Mais,
vous savez que, la médiation, c'est vraiment un processus où, pour réussir, les
parties doivent être impliquées, doivent être capables de s'impliquer, doivent
avoir... Doivent être disposées à le faire. Donc, on peut être dans une période
émotivement difficile, donc on peut avoir une vulnérabilité qui est temporaire
ou qui est permanente, et est-ce que c'est... Est-ce que ça entre
nécessairement dans ce qui sera dans les critères qui sont déjà établis dans le
règlement? C'est pour ça que, nous, on le voyait plus avec une discrétion qui
est accordée au médiateur pour que, lui, avec sa formation, avec son senti,
pourra détecter des choses qui ne sont pas nommément inscrites dans le
règlement. Alors, pour nous, je pense que c'était mieux comme ça.
Mme Boily (Catherine) : Peut-être
ajouter sur ce point-là, si je peux me permettre. Le règlement, oui, pourrait
lister une série de situations, et c'est à privilégier, je crois, il faudrait
peut-être prévoir aussi un motif sérieux, donc d'une façon un peu plus large,
justement, pour aller chercher des situations particulières, hein, qui ne
peuvent pas être nommées. Difficile de mettre un nom sur une situation, hein,
bien sûr, de qualifier une situation donnée. Mais au-delà du règlement, au-delà
de cette liste, là, qui pourrait avoir... Être mise dans un règlement, nous
croyons, et je répète ce que Maître Potvin mentionnait, nous croyons que le
médiateur doit être les yeux et les oreilles du tribunal. Il doit être capable
d'avoir la discrétion qui lui permet de revenir au tribunal et de dire :
non, cette situation-là n'était pas dans les critères mentionnés au règlement,
mais, pour moi, selon ma lecture, on est dans une situation d'intimidation, par
exemple, on est dans une situation où le rapport de force n'est pas équilibré
et qui... La médiation ne pourra pas être faite de manière correcte. Donc, c'est
de là notre recommandation du pouvoir discrétionnaire pour le médiateur.
M. Jolin-Barrette : Excellent.
Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Charlevoix-Côte-de-Beaupré, s'il vous plaît.
Mme Bourassa : Bonjour.
Contrairement à plusieurs collègues, je ne suis pas notaire, je ne suis pas
avocate non plus, moi, ce qui m'intéresse, c'est surtout l'intérêt du public...
Mme Bourassa : ...Les gens du
barreau dire que, si les notaires accèdent à la magistrature, ça pourrait créer
deux catégories de juge, ça pourrait miner la confiance du public. Pourtant,
quand on regarde un sondage, là, qui a été fait par Léger, on voit que les gens
ont confiance en votre profession à la hauteur de 85 %, versus 49 %
pour les avocats. Alors, je me dis : est-ce qu'au contraire vous croyez
que ça ne pourrait pas peut-être renforcer la confiance envers le système de
justice? Comment vous voyez ça?
Mme Potvin (Hélène) : Bien,
en fait, pour revenir à ce qu'on disait tout à l'heure, on fait confiance au
comité de sélection, alors je ne crois pas que... une fois qu'on est nommé
juge, on n'est ni avocat ni notaire. Ce qu'il faut lancer comme message, c'est
que le gouvernement se soucie d'offrir à la population le meilleur des
candidats qui sont là. Alors, je pense que c'est ça, le message, c'est ça
qui... que je pense que nos citoyens doivent comprendre, que nous tous,
ensemble, on travaille dans leur intérêt puis dans le meilleur de ce qu'on a à
offrir.
Mme Bourassa : Et je me
permets une petite question rapide.
Le Président (M.
Bachand) :Allez-y, allez-y.
Mme Bourassa : Qu'est-ce que
vous pourriez apporter avec un oeil de notaire qui pourrait être bénéfique pour
le justiciable?
Mme Potvin (Hélène) : Bien,
vous savez, c'est dans... encore une fois, je fais référence aux critères,
parce que le notaire a une approche vraiment qui est particulière. Donc, nous,
on est toujours en prévention, les notaires sont en prévention, ils sont
vraiment dans une approche non conflictuelle et, ça, ça teinte, ça teinte les
discours, ça teinte les situations, alors je pense que c'est ça, c'est ça qu'on
amène, je pense, comme notaires.
Mme Bourassa : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée
d'Anjou-Louis-Riel, s'il vous plaît.
Mme Boivin Roy : Merci, M. le
Président. Bon, je vais prendre la balle au bond sur les derniers propos qu'on
vient d'échanger avec le collègue. En passant, merci pour la présentation. Le
comité de sélection, vous nous avez dit que, finalement, vous faites confiance
au processus et puis aux comités qui sont mis en place, pourtant, dans votre
recommandation six, vous demandez à ce qu'il y ait deux notaires qui fassent
partie des comités de sélection. Est-ce que vous pouvez développer davantage
là-dessus?
Mme Boily (Catherine) : Bien,
c'est une simple question qu'actuellement il y a deux personnes nommées par le
Barreau à ces comités de sélection là. Donc, le fait d'ajouter les notaires à
la magistrature, bien sûr, la chambre des notaires devrait avoir, oui,
également le droit d'avoir des représentants, dont un notaire et une personne
qui n'est pas notaire, comme c'est le cas actuellement, là, dans le règlement
pour la sélection des membres du comité.
Mme Boivin Roy : Parfait.
Merci beaucoup. De manière générale, on sent votre enthousiasme sur le projet
de loi no huit et puis comme quoi ça s'inscrit finalement dans le changement de
culture depuis 2016 avec le nouveau code de procédure. Est-ce que vous pensez,
au niveau de la stratégie ministérielle, est-ce que vous aviez des choses
précises en tête dans votre recommandation trois quand vous dites qu'on doit
davantage sensibiliser la population, avec le pourcentage que vous nous avez
donné à l'effet qu'un Québécois sur deux ne serait pas au courant des modes
alternatifs de résolution de conflits?
Mme Potvin (Hélène) : Oui, si
on veut, informer la population que leur dossier sera priorisé, s'ils font...
s'ils utilisent d'autres modes de règlement de conflits, il faut qu'ils le
sachent. Alors, ça, je pense que c'est un défi. Il y a beaucoup d'informations
qui circulent, il y a beaucoup d'organismes aussi qui offrent différents
services, et je pense que c'est compliqué pour le citoyen de savoir à quelle
porte on frappe pour répondre à mon besoin. Alors, ça, je pense qu'il y aurait
aussi quelque chose à développer... vraiment démontrer où le citoyen peut-il
s'adresser pour avoir la bonne ressource rapidement. Alors, ça, je pense, il y
a de l'information, puis de diriger aussi le citoyen.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie, s'il vous plaît.
• (15 h 10) •
M. Morin : Merci. Merci, M.
le Président. Merci d'être là, d'être là avec nous pour nous aider évidemment à
bonifier ce projet de loi.
Le code de procédure civile fait de la
médiation un aspect important, mais un aspect volontaire, dans le projet de
loi, on veut en faire un aspect obligatoire. D'après vous, est-ce qu'il y a des
enjeux particuliers qu'un médiateur pourrait rencontrer si on force les parties
à aller en médiation? Quelles sont les chances de succès? Est-ce que ça
représente des défis?
Mme Potvin (Hélène) : Mais on
sait, donc on avait répertorié quand même que la médiation obligatoire avait
fait sa trace dans d'autres provinces canadiennes, et les résultats étaient
vraiment concluants, donc on peut aussi aller voir là-bas qu'est-ce qui se fait
puis comment on peut améliorer ou venir colliger certaines...
Mme Potvin (Hélène) : ...dans
la médiation obligatoire. C'est pour ça aussi qu'on fait la recommandation,
aussi, de laisser une certaine discrétion au médiateur.
Est-ce que tu veux continuer?
Mme Boily (Catherine) : Bien,
écoutez, la médiation, qu'elle soit obligatoire ou qu'elle soit volontaire, ça
demeure de la médiation, donc les critères et le processus de médiation avec le
médiateur restent les mêmes. C'est certain que nous, en faisant la recommandation
du pouvoir discrétionnaire, là, de la discrétion, devrais-je dire, là, pour le
médiateur, bien, c'est sûr que, pour nous, c'est très important, justement,
pour aller cerner les situations qui pourraient ne pas être propices, étant
donné que les personnes, au départ, on leur a imposé d'aller s'asseoir, tu
sais, à tout le moins, pour une rencontre. Donc, de ce côté-là...
Mais pour nous, la médiation, qu'elle soit
obligatoire ou volontaire, reste de la médiation. Et la médiation, elle a un
taux de succès important. On l'a vu avec la médiation volontaire aux petites
créances, hein? Il y a quand même un taux de succès jusqu'à 60 % dans les
dernières années, donc c'est une belle statistique sur laquelle on doit se
reposer, là, pour la suite, là.
Mme Potvin (Hélène) : Il ne
faut pas oublier aussi que le médiateur est formé pour ça, donc de prendre des
parties qui sont un peu réfractaires, qui sont en conflit, hein, il ne faut pas
l'oublier. Alors, c'est le rôle du médiateur aussi d'amener les parties à voir
autrement, donc à s'impliquer dans ce processus-là. Alors, je pense, aussi, le
rôle du médiateur, sur le terrain, fait toute la différence, là, bien entendu.
M.
Morin :Puisqu'on parle de médiation obligatoire, il y a des
parties, il y a des situations qui font en sorte que ce n'est pas approprié.
Vous avez évoqué des cas de harcèlement, des poursuites entre ex-conjoints,
avec, en fait, de la violence conjugale. M. le ministre suggérait de mettre
certains critères dans le règlement. Ne serait-il pas préférable de le mettre
directement dans la loi? Comme ça, ça enverrait un message très clair, et une
loi se change moins facilement qu'un règlement. Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Boily (Catherine) : Bien,
écoutez, pour nous, tel qu'on l'a mentionné précédemment, que ce soit dans un
règlement ou dans une loi, pour nous, l'important c'est que l'exception soit
là, et que le pouvoir... et qu'on donne le pouvoir au médiateur. Donc, à partir
de là, on laisse le soin au législateur de faire les recommandations qu'il
souhaite, là, à cet effet-là.
M.
Morin :Je vous remercie. J'attire votre attention sur l'article
2 du projet de loi, qui va modifier l'article 7 du code, où on parle que, si
une des parties a une attestation délivrée par un médiateur accrédité, et qui
répond aux conditions prévues par règlement, son dossier pourrait être instruit
en priorité. Donc, je comprends que, dans un cas comme celui-ci, un organisme
offrant la médiation ou un médiateur accrédité, évidemment, il y a des frais, là,
ce n'est pas gratuit. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a un danger que des
gens plus fortunés se ramassent avec un meilleur service de justice, plus vite
que les gens moins fortunés, qui n'auront pas cette opportunité-là puis qui
vont attendre la décision ou d'être entendus par le tribunal?
Mme Potvin (Hélène) : Bien,
je crois qu'il y a beaucoup d'organismes, présentement, qui offrent des
services à moindre coût, ils sont très, très accessibles. Alors, je pense qu'il
y a une façon d'aborder cette problématique-là en utilisant les organismes qui
travaillent sur le terrain avec des gens, justement, moins fortunés, alors,
justement, pour qu'ils puissent rencontrer un médiateur et avoir, dans ce
cas-là, l'attestation ou la rencontre.
M.
Morin :On a entendu plusieurs associations de notaires, donc
pas la chambre, mais d'autres organismes, et, quand on a parlé de la
composition du Conseil de la magistrature, il y en a qui suggéraient deux
notaires, plutôt qu'un. On suggère un dans le projet de loi. Est-ce que vous
avez une position là-dessus? Deux, un, est-ce que ça fait une différence?
Mme Boily (Catherine) : Bien,
écoutez, nous, comme on disait précédemment, on y allait selon ce que c'est,
actuellement, dans le règlement, qu'il est prévu qu'il y ait deux personnes
nommées par le Barreau. Actuellement, c'est ça, donc, pour nous, bien, deux
personnes nommées par la Chambre des notaires, dont un notaire. Est-ce qu'on
reviendrait à dire, une personne, à ce moment-là, nommée par le Barreau et une
personne nommée par la chambre? Ça pourrait être une option également, là.
M.
Morin :On a entendu le Barreau...
M. Morin : ...associations
d'avocats, de notaires, et la question de la nomination possible de notaires à
la magistrature nous amène sur un terrain qui est assez, je dirais, polarisé,
divisé. Le projet de loi s'appelle la Loi visant à améliorer l'efficacité et
l'accessibilité de la justice. En quoi nommer des notaires juges va améliorer
l'accessibilité de la justice? Ça va améliorer l'accessibilité de la
magistrature aux notaires, ça, c'est sûr. Mais, pour le public en général, où
est le bénéfice?
Mme Potvin (Hélène) : Bien,
écoutez, je pense que le fait que le gouvernement veut offrir à la population
une plus grande diversité dans les milieux, dans les spécialités, je pense que,
ça, c'est gagnant. Le fait... Vous savez, on peut prendre un exemple que tout
le monde connaît : on sait que les notaires travaillent en immobilier.
Alors, on peut penser qu'un notaire juge qui aurait à traiter des causes de
vices cachés, on s'entend aussi qu'il serait très efficace, il comprend les
situations, il en a vécu plusieurs. Alors donc, moi, je pense que c'est relié à
l'accès aussi à une meilleure administration de la justice. Et le fait aussi
que, dans certains cas, il peut y avoir des... un peu moins de candidatures,
donc, ça aussi, ça permet d'avoir un meilleur bassin et d'avoir... de s'assurer
qu'il y ait des juges qui soient disponibles puis que les citoyens aient accès
à ces juges-là. Alors, c'est... dans ce sens-là, ça fait du sens.
M. Morin : Je vous remercie.
Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Bien, d'abord, je veux vous remercier pour la suggestion de prévoir
un pouvoir discrétionnaire pour le médiateur, parce qu'on s'est questionnés
là-dessus, puis c'était clair qu'il était pour y avoir des exceptions, des fois
que ce n'est pas approprié d'aller en médiation, puis c'est impossible, là, de
faire une liste exhaustive de toutes ces situations-là, puis vous êtes les
premiers à nous suggérer cette avenue-là. Donc, je vous remercie, et j'espère
que le ministre était à l'écoute de ça, puis je me permets de vous suggérer
peut-être, si vous avez une suggestion de formulation, là, pour un amendement
qui va dans ce sens-là, peut-être de nous de le faire suivre, parce que ça
m'apparaît une avenue vraiment intéressante.
Moi, la question que je veux vous poser,
c'est sur l'arbitrage. Nos invités précédents ont porté à notre attention que,
quand le dossier se règle avec un arbitre, l'issue n'est pas publique, et puis
je l'ai appris donc aujourd'hui. Est-ce que, vous, vous seriez favorables à ce
qu'on prévoie dans la loi que, quand c'est l'État qui défraie les frais pour
l'arbitre, que le dossier soit assujetti à la publicité des débats?
Mme Boily (Catherine) : Écoutez,
on ne s'est pas penchés sur cette question-là, donc c'est difficile pour nous
d'y répondre, là.
Mme Labrie : Mais est-ce que
c'est quelque chose qui vous achalait aussi, le fait qu'on risque de multiplier
quand même, là, en grande quantité le nombre de dossiers qui vont se régler par
arbitrage? Puis le fait que ce ne soit pas soumis à la publicité des débats,
est-ce que c'est quelque chose qui vous achale un peu?
Mme Boily (Catherine) : Bien,
écoutez, je pense que l'important, au départ, c'est d'assurer une solution, une
résolution du litige entre les parties. À partir du moment, ensuite, où il y a
un intérêt à ce que ces litiges-là deviennent... ou ces débats-là deviennent
publics, bien, écoutez, encore une fois, je pense qu'il y a une façon de le
faire et il y a une façon d'obtenir aussi le consentement des parties, étant
donné, bon, comme vous dites, que c'est défrayé en partie par... oui, c'est
défrayé par l'État, là, en matière de petites créances, là.
Mme Potvin (Hélène) : Et,
sans avoir peut-être toute l'entente de publique, peut-être aussi qu'on peut
travailler avec un avis. Donc, il y a peut-être d'autres façons. Mais c'est sûr
que, quand on parle des modes... des différents modes de règlement de conflits,
on dit «privés», parce que dans certains cas, vous savez, ça peut être
avantageux, ça peut être un élément qui va faire que la partie va s'impliquer
aussi dans tout ce processus-là. Donc, de garder les ententes privées...
Mme Labrie : Bien, je pose la
question parce que l'exemple qui nous avait été apporté était quand même très
pertinent, tu sais, le cas par exemple d'un entrepreneur, là, qui multiplie,
là, les dossiers qui finissent en litige puis qui choisit l'arbitrage à chaque
fois pour que finalement il n'apparaisse jamais nulle part, là, publiquement
qu'il a beaucoup de problèmes à livrer ses engagements. Là, actuellement, ça va
en cour. Bon, bien, c'est possible pour un citoyen de savoir que cet
entrepreneur-là, ça ne va pas toujours bien. Dans l'intérêt de la protection du
public, ça me semble peut-être pertinent de réfléchir à ça, là.
• (15 h 20) •
Mme Boily (Catherine) : C'est
une bonne question. Comme on vous a dit, on ne s'est pas penchés sur la
question. Il faudrait y penser.
Mme Labrie : O.K. Bien, vous
nous reviendrez si jamais vous réfléchissez. Merci beaucoup.
Mme Boily (Catherine) : O.K.
Mme Potvin (Hélène) : Parfait.
D'accord, merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Vaudreuil, s'il vous plaît.
Mme Nichols : Merci. Merci,
M. le Président. Merci beaucoup, merci de votre présence, merci de votre
mémoire. Moi aussi, je trouve intéressante, là, la partie sur le pouvoir...
Mme Nichols : ...de
recommander ou pas, là, la médiation en fonction de... Ils ont quand même une
expertise, là, les notaires. D'ailleurs, je tiens à souligner, là, je pense que
tout le monde ici, autour de la table, est d'accord pour reconnaître
l'expertise des notaires, reconnaître les qualités des notaires aussi, là, moi,
la première, j'en ai dans ma famille, je le dis, ça fait deux jours. Donc, tu
sais, on reconnaît, là, on reconnaît qu'ils ont une bonne formation, on
reconnaît qu'ils sont rigoureux, bienveillants, qu'ils ont plein de qualités,
qu'ils sont même plus populaires que les avocats, donc, ça, définitivement, on
le reconnaît puis...
Une voix : ...
Mme Nichols : c'est du bon
monde, je ne peux pas dire le contraire, là, ma mère ne serait pas contente. Ça
fait que, tu sais, c'est du bien bon monde. Je trouve, par exemple, dommage
qu'on entretienne ici, là, la confrontation entre les notaires puis les
avocats. Puis c'est ma mère qui m'a envoyé un texto, qui a dit : Dis au
ministre qu'il lâche la confrontation entre notaires, avocats...
Une voix : ...
Mme Nichols : Ça fait que,
mais je trouve ça dommage qu'on entretienne ça ici. La question, tu sais, la
question, puis la question que moi je me pose relativement aux notaires,
accéder à la magistrature, tu sais, c'est plutôt rare qu'on apporte un
changement quand il n'y a pas nécessairement de besoins qui sont soulevés.
Puis, présentement, tous les groupes à qui on demande est-ce qu'il y a un
besoin, est-ce qu'il manque de juges au Québec, est-ce que la banque de juges
est vide, est-ce qu'il n'y a pas de juges, est-ce que les juges appliquent
quand... est-ce que les avocats appliquent quand un poste est ouvert, tu sais,
la réponse, c'est oui, là. Ça fait qu'il n'y a pas... On n'a pas de problème à
combler cette partie-là. Donc, ce n'est pas envers vous, chers notaires, mais
c'est plutôt, tu sais, c'est plutôt cette question-là qui nous revient en tête,
là, tu sais : pourquoi apporter ce changement-là? Le ministre pourra y
répondre ou pourra nous expliquer du moins son intérêt ou sa volonté ou sa
motivation à apporter ce changement-là, quand le besoin ne s'est pas fait
sentir. Je comprends que c'est une belle surprise pour l'ensemble des notaires
du Québec, mais, bon. Est-ce que c'est nécessaire maintenant d'entretenir la
confrontation? À mon avis, je pense que non.
Maintenant que, ça, c'est dit, j'avais une
petite question. Vous avez parlé d'offrir à la population une plus grande
diversité, je n'étais juste pas certaine de comprendre. Qu'est-ce que vous
voulez dire par offrir une plus grande diversité?
Mme Boily (Catherine) : Une
plus grande diversité des parcours professionnels, une plus grande diversité de
l'expertise, également. Donc...
Mme Nichols : O.K. C'est bon.
Merci. Pour le reste, on a le mémoire. Merci beaucoup. Merci. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :sur ce, maître Potvin, Me
Boily, merci beaucoup d'avoir été avec nous cet après-midi, c'est très
apprécié.
Et, sur ça, je suis suspends les travaux
quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 24)
(Reprise à 15 h 27)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Alors, il me fait plaisir maintenant de
recevoir madame Manon Monastesse, directrice générale de la Fédération des
maisons d'hébergement pour femmes. Merci beaucoup d'être avec nous cet
après-midi, c'est un grand plaisir. Alors, comme vous savez, vous avez dix
minutes de présentation, puis, après, on aura un échange avec les membres.
Alors, la parole est à vous. Merci encore d'être ici.
Mme Monastesse (Manon) : D'accord.
Alors, merci beaucoup, M. le ministre, Mesdames les députées, Messieurs les
députés, de m'accueillir au sein de cette commission des institutions sur le
projet de loi numéro huit.
Alors, la Fédération des maisons
d'hébergement pour femmes accueille avec enthousiasme le dépôt du projet de loi
no 8 qui propose une modification importante à l'article 248, soit
l'ajout, au sein du Conseil de la magistrature, d'une personne qui n'est ni
juge ni avocat ni notaire et qui œuvre dans un organisme qui a pour effet
d'aider les personnes victimes d'infractions criminelles et qui sera nommée
après consultation de tels organismes. La FMHF et ses membres espèrent que
cette modification aura un véritable impact sur les femmes victimes de violence
et leurs enfants. Depuis plusieurs années déjà, nous demandons au Conseil de la
magistrature une collaboration constructive avec les groupes terrain qui
interviennent quotidiennement auprès des femmes violentées et leurs enfants
dans le cadre de leur programme de perfectionnement ou tout autre lieu de
collaboration possible.
En effet, créer des ponts entre les
organismes représentant les victimes et la magistrature est pour nous un
élément central dans le processus de prise en compte des besoins afin de
rebâtir la confiance des victimes envers notre système de justice.
Actuellement, les maisons d'hébergement membres de la fédération hébergent en
moyenne près de 3000 femmes, 1500 enfants chaque année, cependant, un
tiers de ces femmes ont refusé de porter plainte à la police en 2021-2022, une
tendance qui se maintient d'année en année. Par conséquent, le traitement
judiciaire et l'accompagnement des victimes par des équipes spécialisées sont
extrêmement importants pour rebâtir leur confiance envers le système de justice.
Ainsi, une plus grande représentativité
des personnes victimes au sein du Conseil de la magistrature est essentielle
afin de prendre en compte les réalités de toutes les femmes violentées. La
concrétisation et l'application des mesures recommandées à la fois dans le
rapport Rebâtir la confiance émis par le Conseil... Le comité d'experts sur
l'accompagnement des victimes d'agressions sexuelles, de violence conjugale,
ainsi que les rapports du coroner en chef sont nécessaires, entre autres, sont
nécessaires afin d'améliorer la réponse du système de justice.
• (15 h 30) •
La FMHF travaille en continu pour garantir
un meilleur accompagnement des femmes violentées et salue la volonté affirmée
du ministre de restaurer la confiance des victimes envers notre système de
justice, entre autres via la modification de l'article 248. En plus de la
création des tribunaux spécialisés en matière...
15 h 30 (version non révisée)
Mme Monastesse (Manon) : ...de
violence sexuelle et conjugale, la formation des juges en ces matières est
primordiale. Plusieurs tribunaux aux États-Unis et en Australie démontrent l'importance
de la formation des juges, comme indiqué dans notre mémoire de la FMHF, qui
avait été déposé dans le cadre de la loi 96, pour l'instauration des tribunaux
spécialisés.
Nous considérons qu'en complémentarité à
la formation de la magistrature une représentativité des personnes victimes au
sein du conseil est un élément charnière, afin de prendre en compte les
réalités de toutes les femmes violentées. La personne experte de l'intervention
auprès des victimes apportera un éclairage indéniable quant à l'analyse et aux
décisions qui seront prises par le conseil.
Nous souhaitons aborder la question qui
est au cœur de la résistance dans l'implantation des tribunaux spécialisés et d'une
collaboration plus étroite entre la magistrature et les organismes oeuvrant
auprès des victimes. D'emblée, plusieurs études menées sur les tribunaux
spécialisés à travers le monde ont démontré que, même si ces tribunaux adoptent
une approche qui est centrée sur la victime, qu'ils contribuent à une
augmentation des taux de condamnation, et que l'appellation «spécialisés» est
perçue comme une certaine menace au concept de présomption d'innocence et à l'impartialité
et l'indépendance des acteurs du système judiciaire. Il n'en demeure pas moins
que, dans les faits, le processus de détermination de la peine est appliqué de
la même façon que dans un tribunal criminel traditionnel, et que le principe de
fardeau de la preuve reste inchangé. En ce sens, il incombe toujours, entre
autres, aux procureurs de la Couronne de prouver la culpabilité de l'accusé
hors de tout doute raisonnable.
De nombreuses expériences terrain s'entendent
pour affirmer, preuves à l'appui, que les tribunaux spécialisés permettent aux
professionnels du système de justice pénale, en particulier aux juges, de
situer les principes juridiques dans le cadre de connaissances contextualisées
pertinentes pour la question en jeu, et de les appliquer à ces connaissances.
Par exemple, au sein du tribunal
spécialisé de Southport, en Australie, le rôle des magistrats spécialisés a été
essentiel pour faciliter le processus de changement collaboratif dans l'établissement
du tribunal spécialisé. Les entretiens et les discussions de groupe au sein du
tribunal spécialisé ont clairement révélé un fort consensus sur le fait que le
rôle des magistrats spécialisés était vital pour le fonctionnement du tribunal,
notamment pour assurer la cohérence du processus et des résultats. Les
magistrats ont été perçus comme ayant une approche axée sur la sécurité et ont
fait preuve d'un fort sentiment d'appropriation des causes dont ils étaient
saisis. Les discussions de groupe ont révélé que cette expertise et cette
compréhension étaient perceptibles dans le comportement des magistrats. Ainsi,
les magistrats ont été décrits comme étant proactifs à plusieurs égards, par
exemple, en cherchant à obtenir plus d'information des parties et de d'autres
personnes dans la salle d'audience, en étant prêts à suspendre les causes pour
solliciter des informations auprès d'autres tribunaux et agences, et en gérant
la salle d'audience de manière à alléger le stress des parties. Grâce à l'expertise
et à la formation, les magistrats de la cour spécialisée ont été, selon les
personnes interrogées, en mesure d'obtenir une cohérence dans le processus et
le résultat du tribunal.
D'autre part, les magistrats et les
procureurs du tribunal spécialisé ont reconnu que le potentiel de partialité
pouvait exister, mais ont également souligné que différents types de tribunaux
spécialisés fonctionnent dans tout le pays - on parle toujours, en Australie -
sans que des accusations de partialité soient lancées. Plusieurs ont indiqué
que les magistrats étaient très conscients de ce problème potentiel, et qu'ils
répondaient de manière appropriée. Finalement, il a été mis en évidence que le
magistrat ou juge spécialisé était considéré comme un leader important pour
faciliter l'amélioration du traitement des affaires de violence conjugale et
familiale.
En conclusion, nous constatons les...
Mme Monastesse (Manon) : ...Structurant
identifié en Australie dans le fonctionnement des tribunaux spécialisés qui ont
été générés, entre autres, par la formation des magistrats et le développement
de liens plus collaboratifs avec les intervenants sociaux judiciaires. En
tenant compte de cet état de fait, nous considérons que la nouvelle disposition
à l'effet d'inclure une personne oeuvrant auprès des victimes au sein du
Conseil est un élément fondamental qui favorisera une pratique renouvelée des
juges au sein des tribunaux, entre autres, spécialisés. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup pour votre
présentation. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bonjour, Mme Monastesse, merci beaucoup de votre présence ici, en
commission parlementaire pour les consultations du projet de loi huit.
Je vais débuter par la fin de votre
intervention relativement au fait qu'on ajoute une personne qui n'est ni juge
ni avocat ni notaire et oeuvrant dans un organisme qui a pour objet d'aider les
personnes victimes d'infractions criminelles, nommée après consultation de tels
organismes, dans le fond, pour siéger sur le Conseil de la magistrature. Le
Conseil de la magistrature agit notamment en matière de déontologie judiciaire,
donc ils prennent des décisions, également, en matière de formation des juges
ou de perfectionnement des juges. J'aimerais vous entendre là-dessus, quelle va
être la plus-value de la nomination de cette personne-là, puis j'aimerais vous
entendre sur la formation ou le perfectionnement des juges relativement aux
violences sexuelles puis relativement à la violence conjugale. Quelle est votre
opinion relativement à ça?
Mme Monastesse (Manon) : Bien,
je crois que c'est un élément vraiment fondamental, parce que cette personne
qui sera choisie est quand même une experte du terrain et sûrement qu'elle sera
choisie parce que son expérience est significative. Et elle fera en sorte
vraiment de pouvoir éclairer la magistrature sur plusieurs points, sur quels
seront... Quelles seraient possibles les formations les plus indiquées, de par
son expérience, puisqu'elle amène le point de vue des victimes, et en ayant une
longue expérience, même sur le terrain, d'avoir été en cour, d'avoir soutenu
des victimes tout au long du processus judiciaire, elle sera à même de pouvoir
identifier des formations qui seraient, entre autres, les plus pertinentes
possible pour soutenir le juge au niveau de l'analyse des dossiers, il y a des
enjeux, et le fait d'émettre des jugements ou un encadrement, entre autres,
dans la question du suivi des contrevenants, alors de par son expérience et de
par sa vision globale et intégrée, elle va être à même de pouvoir soumettre des
formations possibles, d'envisager aussi le mode de formation qui serait le plus
approprié de par son expérience.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Pensez-vous que le point de vue d'une personne oeuvrant auprès des victimes
aussi va apporter un éclairage puis un cadre d'analyse différent quand ça va
être d'aborder les questions de déontologie judiciaire? Parce qu'actuellement
le processus fait en sorte que lorsque la plainte, elle est déposée, bien, elle
est entendue en plénière, donc avec tous les membres du Conseil de la
magistrature, pour déterminer est-ce qu'on l'envoie en enquête, est-ce que
c'est justifié. Pensez-vous que le fait d'avoir une personne qui oeuvre auprès
des personnes victimes sur le comité pour évaluer, ça, est-ce qu'on l'envoie en
enquête, la plainte en matière déontologique, ça va avoir une incidence?
• (15 h 40) •
Mme Monastesse (Manon) : Tout
à fait. De par son expérience et de son analyse du cas qui va être soumis, de
la plainte qui va être soumise, ça va permettre d'avoir un éclairage, en termes
d'expertise sociale, de l'impact que le jugement a eu sur les victimes, de
l'impact, justement, quand on parle de rebâtir la confiance, de l'impact que ça
peut avoir sur la confiance des victimes dans notre système de justice. Donc,
de par sa formation, bien, elle va être à même de dire, d'un point de vue
social, d'un point de vue des victimes, oui ou non, ça devrait... Le cas
devrait être vraiment analysé en déontologie. On a vu dernièrement certains
jugements qui nous semblent, d'un point de vue de représentants des victimes,
hautement questionnables, alors, où est-ce qu'on se demande comment le juge a
analysé la situation. Oui, il y a les...
Mme Monastesse (Manon) : ...les
points de vue juridiques, mais quand même comme agents de changement dans notre
système de système de justice et de par la volonté du gouvernement à faire en
sorte... dans un point de vue d'humaniser la justice et de rendre de meilleurs
jugements. Il y a beaucoup de... même au fédéral, mais il y a beaucoup de
jugements, dans le court terme ou dans le long terme, il y a beaucoup de cas
qu'on pourrait soumettre, qui nous semblent très problématiques au niveau de la
décision qui a été rendue.
M. Jolin-Barrette : O.K.
J'aimerais ça qu'on aborde la question, là, de la formation des juges. Parce
que, bon, c'est le Conseil de la magistrature qui est chargé de la formation
des juges. Les magistrats, eux, ils ne parlent pas de formation, ils parlent de
perfectionnement. J'aimerais ça avoir votre point de vue, là, parce que vous,
vous oeuvrez quotidiennement avec des femmes victimes de violence conjugale, de
violence sexuelle également. On a mis en place... on est en train de déployer
le tribunal spécialisé également pour faire en sorte que tout le monde ait de
la formation. On a confié au Conseil de la magistrature l'obligation également
de faire de la formation en matière de violence sexuelle, de violence conjugale
pour les juges qui siègent au tribunal spécialisé.
C'est quoi, votre perception, votre
analyse par rapport à la réalité que les femmes victimes de violence sexuelle
et conjugale vivent lorsqu'elles vont à la cour par rapport aux différents
jugements, que ça soit en matière criminelle, mais que ça soit également en
matière familiale, en matière civile? J'aimerais ça avoir votre point de vue,
ce que les gens que vous aidez vivent, là, quand ils vont dans nos tribunaux.
Mme Monastesse (Manon) : Malheureusement,
souvent, elles se sentent vraiment, de par le fait même, de par la procédure,
de par l'analyse qui est faite de leur situation, elles se sentent vraiment
lésées par l'analyse qui est faite, que ça soit au criminel, que ça soit au
civil, où la fédération a produit un rapport de recherche en collaboration avec
une professeure en sciences juridiques, où on a vraiment épluché 250 jugements
papier et où on a voulu voir à quel point la prise en compte de la violence
conjugale était actualisée au niveau du tribunal de la famille. Parce que, dans
la réalité, on s'est aperçu qu'il y avait vraiment une mécompréhension des
enjeux de pouvoir, de rapports de domination, de contrôle coercitif qui étaient
mal perçus et mal analysés par les juges et que ça, ça avait des impacts directs
au niveau de la sécurité des femmes et des enfants. Alors, on a vu dans le
rapport où... et même on cite des jugements où on faisait... le juge faisait fi
de l'impact des violences sur la mère et sur les enfants, où est-ce que, pour
lui... parce que monsieur a peut-être été un mauvais conjoint, il est toujours
un bon père, ce qui pourtant, dans les 50 dernières années, a été documenté
scientifiquement que ce n'était pas possible. Donc, on arrive à des jugements
qui mettent en danger les femmes et les enfants.
Et là je parle du civil, je ne parle pas
du tribunal de la jeunesse et du criminel, où est-ce qu'on se retrouve encore
plus où la... je veux dire, l'application de la loi peut être même en silo, où
est-ce que le criminel va reconnaître que monsieur est très dangereux, qu'il
faut mettre en place des mesures restrictives, mais, au civil, on dit :
Ah! bien, pour ce qui concerne les enfants, Monsieur a un accès illimité, sans
surveillance, et, même au tribunal de la jeunesse, on arrive avec une autre forme
de jugement. C'est tout à fait anxiogène et infernal pour une mère d'avoir à
jauger avec ces différents jugements qui, dans la réalité, de son point de vue,
sont totalement contradictoires. Et il y a eu un rapport pancanadien, fédéral,
territorial, provincial à cet effet qui faisait état justement de manque de
coordination des différents tribunaux.
M. Jolin-Barrette : Puis là
c'est pour ça qu'on met en place le coordonnateur judiciaire puis qu'on a
modifié dans le droit... la première phase du droit de la famille le fait
d'inclure, dans l'intérêt de l'enfant, la notion de violence familiale,
incluant la violence conjugale. On avait eu des...
M. Jolin-Barrette : ...députée
de Sherbrooke. Juste avant de céder la parole à mes collègues, j'aurais
peut-être une dernière question, qui est quand même d'actualité, puis je
voulais avoir votre opinion là-dessus. Le projet de loi C-5, qui est rendu une
loi, au fédéral, qui fait en sorte qu'en matière d'agressions sexuelles,
désormais, le gouvernement libéral fédéral a permis maintenant que des
agresseurs sexuels purgent leur peine dans la collectivité. Qu'est-ce que vous
en pensez?
Mme Monastesse (Manon) : Bien,
pour nous, c'est insultant, il n'y a pas d'autre mot. Comment un contrevenant,
un accusé peut, dans des crimes aussi graves... puisse être assigné à domicile?
Ça envoie un message, ça, ça va à l'encontre de... moi, ça fait plus de 30 ans
que je suis dans ce domaine, ça va à l'encontre de tous les efforts qui ont été
faits pour qu'on ait vraiment un engagement clair de notre système judiciaire
envers les victimes puis envers aussi qu'on parle souvent de tolérance zéro
envers les violences faites aux femmes. Il faut que notre système de justice
envoie un message clair à cet effet.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie pour votre présence en commission.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Charlevoix-Côte-de-Beaupré, s'il vous plaît.
Mme Bourassa : J'aimerais
savoir, parce que dans le mémoire, vous posez... bon, on comprend que vous êtes
en accord avec l'ajout d'une personne au Conseil de la magistrature, mais vous
posez la question comment va-t-on choisir cette personne-là? Et je veux vous
entendre parce que vous avez brièvement abordé ça lors de votre présentation,
quels seraient les critères qui seraient les plus importants à considérer pour
choisir la bonne personne qui représente le bon organisme?
Mme Monastesse (Manon) : C'est
une bonne question. On en aimerait plusieurs, mais là on en est à un, mais je
crois que cette personne-là devrait être choisie en fonction de son expérience
terrain, de ses connaissances aussi sur plusieurs années, là. Ça prend une
expérience sur plusieurs années, qui a des expériences aussi auprès des
différents tribunaux. Moi, je pense qu'il faut y aller beaucoup sur l'expertise
qu'elle a et sur sa vision aussi de la collaboration avec la magistrature,
comment elle perçoit, comment elle envisage la collaboration et en quoi cette
personne peut amener un éclairage nouveau et un éclairage plus pertinent de la
réalité des victimes du vécu des victimes.
Mme Bourassa : Et donc une
personne aussi qui y a de bonnes compétences en matière juridique, qui est
capable de...
Mme Monastesse (Manon) : Pas
nécessairement.
Mme Bourassa : Non?
Mme Monastesse (Manon) : Pas
nécessairement, parce que, là, on parle vraiment d'une représentante des
victimes. Alors, oui, qui connaît bien le domaine du juridique, mais surtout de
son expérience auprès des victimes et auprès du... dans l'accompagnement des
victimes dans le système de justice, et dans les différents liens qu'elle a eu
aussi avec des partenaires, avec les juges, avec les services de police, avec
les procureurs, donc, mais pas... Notre domaine, ce n'est pas la gestion
juridique, nous ne sommes pas des avocats, mais nous avons une vision sociale
de l'intervention sociale qui devrait être privilégiée auprès des victimes.
Mme Bourassa : Merci
beaucoup.
Le Président (M. Bachand) :Merci. Autre question du côté gouvernemental?
M. Lemieux : Ça dépend
combien de temps il reste, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Je vous donne 3 min 22 s, M. le
député de Saint-Jean. Allez-y.
M. Lemieux : Vous êtes
beaucoup trop bon pour moi. Mme Monastesse, c'est toujours une joie de vous
entendre, vous êtes tellement inspirante que j'aimerais parfois que vous
restiez parmi nous quand on entre dans la partie article par article de ces
lois qu'on est en train de faire.
• (15 h 50) •
Mme Monastesse (Manon) : Merci.
M. Lemieux : Parce que votre
terre-à-terre fait toute la différence par rapport à ce qu'on peut envisager.
De toute évidence, même si je vous parlais notaires, avocats, ça, ça ne
changera pas grand-chose dans votre discours et dans votre perception, mais,
dans le reste de la loi, parce que je comprends, là, la partie pour le Conseil
de la magistrature, avoir un représentant, pour vous, ça change tout, mais on a
quand même fait beaucoup de chemin, depuis quatre ans, là, la législature
précédente, avec tout ce qu'on a fait, on a intégré plein de choses. Et je me
demandais dans quelle mesure vous considérez que si vous vous êtes donné la
peine de venir ici aujourd'hui, c'est parce qu'on est en train de placer,
équilibrer ce qu'on est en train de faire? C'est-u un peu ça que vous vivez sur
le terrain?
Mme Monastesse (Manon) : Bien
oui, dans...
Mme Monastesse (Manon) : ...la
perspective de l'implantation des tribunaux spécialisés, c'est comme un élément
du casse-tête qu'il faut mettre en place pour rebâtir la confiance. Et, de par
mon expérience aussi à l'international, que ça soit à l'ONU ou que ça soit avec
nos consoeurs d'à travers le monde, c'est pour ça qu'on regarde beaucoup
l'Australie parce que c'est notre même système de droits, c'est les mêmes...
Ils ont aussi des enjeux au niveau des populations aborigènes, comment mieux
intervenir avec... C'est le même enjeu qu'on a ici, au Québec. Donc, moi, je
parle par l'expérience que je regarde ailleurs. Je regarde aussi à l'ONU où, de
plus en plus, il y a des guides aussi à l'attention des juges pour qu'ils
prennent mieux en compte le vécu des victimes. Donc, on...
M. Lemieux : Je vous
interromps là-dessus parce que mon temps est fini, mais c'est justement
là-dessus que je vais vous entendre. M. le ministre l'a dit, les juges, ils
n'appellent même pas ça de la formation, ils appellent ça du perfectionnement.
Il en reste-tu beaucoup à faire?
Mme Monastesse (Manon) : Bien,
je pense qu'il y a des juges qui ont vraiment une analyse très appropriée et
qui, vraiment, vont tenir compte... Quand on parle de violences faites aux
femmes, là, que ce soit violence sexuelle, que ce soit violence conjugale, puis
il ne faut pas oublier que c'est une même femme qui peut vivre ces
violences-là, et c'est notre spécialité à la fédération, ce qui est important,
là, je suis en train de faire mon idée, mais, au niveau des juges, on voit la
sensibilité. Il y a des juges qui, vraiment, vont prendre en compte tout ce qui
est la question du contrôle coercitif, des rapports de domination, qui,
pourtant, est la définition qui est inscrite dans notre politique
d'intervention, mais qui n'est pas nécessairement suivie par bon nombre
d'intervenants sociojudiciaires, qui ne vont pas prendre en compte toute la
question des rapports de force, de domination et de contrôle coercitif. Parce
que, dès qu'on fait fi de ces rapports-là, on entre dans une analyse qui,
malheureusement, ne va pas protéger les victimes, et, c'est ça, qui ne va...
M. Lemieux : Merci. Merci,
madame...
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Je dois céder
la parole au député d'Acadie, s'il vous plaît.
M.
Morin :Merci. Merci, M. le Président. J'aimerais un peu
reprendre un peu où ma collègue députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré... parce
qu'elle vous a posé une question que j'ai trouvé très pertinente. Vous
accueillez favorablement la modification à l'article 248 qui compose le
Conseil de la magistrature, c'est l'article 34 du projet de loi. Et ma
collègue vous demandait c'est quoi, les critères pour, justement, aller trouver
la bonne personne qui va siéger au Conseil de la magistrature. On a parlé
beaucoup de formation. Parce qu'évidemment le Conseil a un volet disciplinaire,
ça, c'est une chose, mais il y a aussi toute la formation. Personnellement, je
préfère appeler ça de la formation ou du perfectionnement, mais, enfin, on se
comprend. Avez-vous des critères plus précis de la personne qui devrait... ou
des critères qui devraient être dans la loi pour s'assurer que le gouvernement
va aller choisir la bonne personne?
Mme Monastesse (Manon) : Bien,
comme je le disais, ça dépend énormément. C'est évident que ça prend quelqu'un
qui a minimalement comme 20 ans d'expérience, qui a traversé toutes les
modifications qui ont été faites en matière législative et au niveau du droit,
parce que, quand même, on a fait un très grand bout de chemin. Il faut se
rappeler qu'il y a 50 ans la question de la violence conjugale, c'était
quelque chose du privé. Ce n'était même pas criminalisé. Donc, ça prend
quelqu'un qui a suivi cette évolution du droit, qui a suivi l'évolution aussi
de la prise en compte, de la prise en charge des victimes, qui a une solide
expérience, comme je le disais, auprès des victimes, qui a entretenu, tout au
long de sa carrière professionnelle, aussi des liens avec la magistrature, avec
les intervenants sociojudiciaires. Qu'est-ce que je pourrais vous dire de plus?
Comme je disais, ce n'est pas nécessairement quelqu'un qui a un background en
droit ou quoi que ce soit. Ça, le droit, c'est une chose, mais ce n'est pas ce
qui intéresse la personne qui va représenter les victimes. Mais je vous vois
aussi les sourcils. Je ne sais pas si...
M.
Morin :Non, c'est parce que je vous écoute avec beaucoup,
beaucoup d'attention. Et puis effectivement, d'ailleurs, c'est ce que c'est ce
que la disposition dit. La personne ne peut pas...
M. Morin : ...avocat
parce que ce n'est pas ce qui est recherché. Alors ça, c'est... Ce que vous
dites, c'est hyper important, là?
Mme Monastesse (Manon) : Bien,
tout à fait. Ça prend une sensibilité, mais ça prend quelqu'un qui a beaucoup
côtoyé le système de justice, comme je le dis, tant au niveau du suivi, de
l'accompagnement, de toutes sortes de dossiers, je veux dire, qui est en lien
avec toutes sortes de tables au niveau de l'amélioration des lois. Il y a
aussi, il faut, on en parle très peu, mais le comité d'experts que réunit le
coroner en chef, c'est notre deuxième rapport, qu'il y ait toutes sortes de
liens comme ça, de différentes perspectives, du soutien des victimes, je crois
que ça devrait faire partie des critères d'évaluation pour le choix de la
personne.
M. Morin : Je vous
remercie. Puis M. le ministre y faisait référence quand on parlait de
formation, on a parlé évidemment des victimes d'agressions sexuelles, de
violences conjugales, ce sont tous des crimes terribles, mais il y a aussi
toutes les victimes de violences sexuelles, des gens qui sont victimes de proxénètes,
il y a aussi toute la question de la violence chez les peuples autochtones,
dans les familles. Donc, est-ce que vous pensez qu'il y aurait aussi des
modules ou une amélioration de la formation à donner éventuellement et que
cette personne devrait apporter cet éclairage-là au sein du conseil?
Mme Monastesse (Manon) : Tout
à fait. Comme nous, on travaille beaucoup dans la... On n'accueille des femmes
pas seulement pour un motif de violences conjugales. Alors une femme que nous
accueillons, qui est victime de violences de son proxénète, elle est à la fois
victime de violence conjugale, d'exploitation sexuelle et d'agression sexuelle.
Il faut avoir une formation qui va, ou un éclairage, ou un perfectionnement qui
va bien faire comprendre ces différentes intersections des violences que vivent
les femmes. Nous, nous accueillons des femmes, c'est impossible qu'elles ne
vivent qu'une seule forme de violence. Elles ont vécu de multiples formes de
violence et des... C'est pour ça que, moi non plus, je n'aime pas tellement le
terme formation parce que c'est plus comme une... une perspective réflexive sur
les pratiques.
Toutes nos formations sont axées sur le
savoir-être, et je crois que les juges, dans l'exercice de leurs fonctions,
dans le cadre juridique, peuvent bénéficier d'une formation réflexive sur le
savoir-être. Ça, c'est un peu comme aussi notre... une de nos spécialisations,
c'est toute la question de la prise en compte de l'intervention auprès des
femmes immigrantes. Mais ce n'est pas parce que vous parlez 10 langues
que... L'intervention auprès des femmes immigrantes, il faut la voir
globalement, d'une façon intégrale, et ça ne vous demande pas de parler
10 langues, de connaître toutes les cultures et tout. Ce n'est pas ça qui
est l'enjeu principal. C'est... L'enjeu principal, c'est de comprendre les
enjeux qu'elles vivent. Et on le sait, elles dénoncent très peu, elles ne sont
pas... Elles ne sont pas prises en compte dans notre système de justice parce
que, pour toutes sortes de raisons, qu'elles ne veulent pas porter plainte,
qu'elles ne veulent pas passer à travers le système de justice, alors... Alors,
la question est... C'est de comprendre les enjeux, de comprendre qu'est-ce qui
les motive et de mieux les soutenir dans les besoins qu'elles ont pour porter
plainte et traverser le système judiciaire.
• (16 heures) •
Donc, c'est ça qu'il faut comprendre. Et
ça, c'est seulement dans une approche qui est réflexive et qui est dans la...
dans l'amélioration du savoir être et de toujours avoir, quand on parle de
violences faites aux femmes, de toujours avoir une vision intégrée de tous les
enjeux, de tous les aspects que vivent les femmes, qui n'est pas seulement un
aspect où il y a les victimes de violence. On accueille des femmes qui ont été
parrainées par leur conjoint, qui sont victimes de violence conjugale, que leur
conjoint les force à être exploitées sexuellement, des enjeux qui sont
multiples, multiples, et il faut... Et pour nous, il serait important que les
juges comprennent vraiment l'ampleur et toutes les facettes des enjeux... des
enjeux...
16 h (version non révisée)
Mme Monastesse (Manon) : ...qui
touche les victimes qui sont devant eux parce que, souvent, on parle de
résistance, la victime ne veut pas collaborer, mais il faut comprendre le
pourquoi de la situation pour mieux l'accompagner, et c'est pour ça qu'avec des
tribunaux spécialisés, on a un grand espoir qu'on puisse arriver à une vision
globale intégrée afin que, et on l'a vu en Australie, je veux dire, les
sentences, je veux dire, ça a grandement amélioré, un, la confiance des
victimes, et un, tout ce qui est de la poursuite et très peu d'abandons en cour
dans le processus judiciaire.
M.
Morin :Merci. J'aurais une autre question rapide. Dans le
projet de loi, on parle beaucoup de médiation obligatoire, il y a des... avec
certaines personnes, à mon avis, ce n'est pas approprié, des gens justement qui
auraient vécu des cas de harcèlement ou de violences sexuelles intrafamiliales.
M. le ministre disait qu'il voulait exclure ces cas-là par règlement, est-ce
que vous pensez que, par règlement, c'est suffisant, ou on ne serait pas mieux
de le dire carrément dans la loi pour que ça aille plus de poids?
Mme Monastesse (Manon) : Mais
, je pense que, par expérience, et avoir témoigné il y a, je ne sais plus
combien d'années, là, quand la médiation a été mise en place, le fait que ça
devrait être dans la loi parce que ce n'est pas toujours clair, et même
certains organismes qui présentent la médiation, ou quoi que ce soit, font très
peu état du fait que, quand on est victimes de violences conjugales ou de
multiples formes de violences familiales et autres, on a le droit d'être
exempté de ce processus.
M.
Morin :Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Bien, merci de vous être déplacée pour nous rencontrer aujourd'hui.
Votre position sur le projet de loi est très claire, ça fait que je vais me
permettre de faire un peu comme le ministre puis de déborder du contenu du projet
de loi, vous avez parlé de rebâtir la confiance, de tout ce qui restait à
faire, même en dehors de ce projet de loi ci, puis j'ai le goût de vous
demander, la reconnaissance du contrôle coercitif dans le Code criminel, c'est
quelque chose qui contribuerait à rebâtir la confiance, est-ce que vous
aimeriez voir l'Assemblée nationale envoyer un message clair, comme on l'a fait
dans les derniers jours par rapport aux peines de prison à domicile, est-ce que
vous aimeriez nous voir ici à l'Assemblée nous positionner clairement, demander
au gouvernement fédéral d'inclure le contrôle coercitif au Code criminel?
Mme Monastesse (Manon) : Tout
à fait. Il y a eu des projets de loi à cet effet qui ont été déposés, il y a eu
des projets de loi fédéraux à cet effet, et, tout à fait, je crois que ça
envoie aussi un message, un message très important, et on voit les bénéfices d'avoir
intégré, dans le Code criminel, la question du contrôle coercitif, on le voit
dans des juridictions comme en Angleterre et en Écosse où ça a eu un effet
important parce qu'on sait qu'en matière de contrôle, de violence faite aux
femmes souvent... et le contrôle coercitif, c'est l'élément qui nous permet
justement de démontrer qu'il y a violence parce qu'il y a contrôle. Et souvent
il y a très peu de violence physique, qui est la violence qui est
malheureusement la seule violence qui est criminalisable, mais il y a
souvent... c'est vraiment des situations où il y a très peu de violence
physique, mais un contrôle absolu, absolu à tous les points de vue, là, même
psychologique.
Nous, on a des femmes qui arrivent en
maison d'hébergement, puis on leur demande ce qu'elles veulent porter, ce qu'elles
veulent manger, elles sont incapables de nous répondre parce que, toute leur
vie, toute... elles ont vécu qu'à travers les volontés et les directives de
leur conjoint violent, alors c'est un effet dévastateur. Et en Angleterre et en
Écosse, il y a eu justement une amélioration et une augmentation des plaintes
avec cet effet de pouvoir mieux prouver le contrôle et la violence avec le fait
de reconnaître le contrôle coercitif.
Le Président (M.
Bachand) :45 secondes, Mme la députée de
Sherbrooke.
Mme Labrie : Donc, ça
favoriserait la confiance envers le système de justice puis également l'accès
au système de justice aussi, parce que ça permettrait à des gens qui, en ce
moment, ne sont pas capables de porter plainte au criminel de le faire, si on
faisait ce changement-là. Je pense, votre message est très clair à l'intention
de mes collègues et du ministre notamment, que vous souhaiteriez nous voir
prendre cette position envers le gouvernement fédéral.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Madame la députée de
Vaudreuil, s'il vous plaît.
Mme Nichols : Merci...
Mme Nichols : ...merci
beaucoup, monsieur le Président. Merci beaucoup de votre présence. Et c'est
quand même bouleversant d'entendre une personne aussi proche nous parler des
réalités comme ça, ce n'est pas... en fait, ça vient beaucoup nous chercher.
Vous parlez beaucoup, là, d'établir la confiance avec le système de justice.
C'est sûr que donner une formation aux juges, ça va peut-être plus, là je ne
veux pas dire un côté plus humain, mais leur apporter la réalité, là, qu'on
entend, même, nous, ici. Mais c'est juste à quel point ça peut changer, ça peut
ramener le lien de confiance, il va falloir, je pense, aller même plus loin que
ça pour savoir...
Puis je regardais, ce qui est intéressant,
vous avez mis des références, vous parlez beaucoup de l'Australie puis vous
avez mis aussi les références. Ça fait qu'on va sûrement pouvoir aller
consulter ces documents-là pour voir qu'est-ce qu'ils font de plus, tu sais,
qu'est-ce qu'on peut apporter de plus justement pour leur permettre d'être...
en fait de rétablir cette confiance-là en elle-même aussi, là, pas juste envers
tout ça. Mais vous avez, en partie, là, répondu à l'ensemble des questions en
lien avec avec le projet de loi huit, mais si jamais il y a une suggestion
qu'on voit ailleurs, qu'on pourrait apporter ici.
Mme Monastesse (Manon) : Mais,
comme je le disais, en ce moment, c'est beaucoup pour les juges des formations
qui sont didactiques et certains juges même m'ont dit: On les a toutes faites,
là, les formations en violence conjugale, on le sait, là, on le sait. Mais
qu'est-ce qu'ils savent exactement? C'est pour ça que, quand on parle, nous, on
mise beaucoup sur des formations qui soient réflexives. Tout est dans la
question du savoir-être et du savoir interpréter les agissements ou les paroles
de victimes qui semblent contradictoires. Quand on attaque la crédibilité d'une
victime, on va l'attaquer sur des éléments qui, en fait, et c'est prouvé
scientifiquement, n'ont pas force de preuve. Quelqu'un qui a été... qui vit des
traumatismes récurrents, qui vit un stress post-traumatique, un stress
post-traumatique chronique. C'est évident que, quand elle va venir témoigner en
cour, elle a les flash-back. Elle va avoir une amnésie sélective, et on va
l'attaquer là-dessus pour attaquer sa crédibilité. Quand ce sont des éléments
qui ne sont pas scientifiquement basés, on ne peut pas l'attaquer là-dessus, le
fait qu'elle ne se souvienne pas.
Moi, j'ai vu, en cour, un avocat de la
défense demander dix fois de quel côté de la porte du frigo s'ouvrait pour
attaquer la crédibilité de la victime. Alors, si ce sont ces éléments-là qu'on
peut faire part aux juges et que, quand ils vont être sur le banc, ils vont
pouvoir avoir cette analyse-là et mieux évaluer la situation et les agissements
ou les réactions des victimes. Puis que ça soit au criminel, que ça soit devant
les tribunaux de la famille, où est-ce que souvent on va taxer les maires de
vouloir empêcher les liens avec le parent, il y a des éléments à tenir compte,
là. Ce n'est pas... C'est faux de dire que les mères veulent empêcher les
contacts. Toute la documentation scientifique, même les femmes qui sont
victimes de violence conjugale ne veulent pas empêcher les contacts, parce
qu'ils disent, c'est...
Alors, c'est toute cette question-là
d'avoir des formations qui soient beaucoup plus axées sur le savoir-être et le
savoir-faire que sur les savoirs. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Ça fait un
grand plaisir de vous avoir avec nous cet après-midi.
Avant de conclure les auditions, je
procède au dépôt des mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été
entendus lors des auditions publiques. Sur ce, la commission ayant accompli son
mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup. Bon week-end.
(Fin de la séance à 16 h 10)