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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le jeudi 16 février 2023 - Vol. 47 N° 3

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 8, Loi visant à améliorer l’efficacité et l’accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et l’arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec


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Journal des débats

11 h 30 (version non révisée)

(Onze heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour à tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte.

La Commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 8, Loi visant à améliorer l'efficacité et l'accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et l'arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec.

Avant de débuter, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président, M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé par Mme Labrie (Sherbrooke).

Le Président (M. Bachand) :Donc, merci beaucoup. Ce matin, nous allons entendre le Barreau du Québec. Mais, d'abord, il nous fait plaisir d'accueillir Me Gagnon de Juripop. Alors, Me Gagnon, merci beaucoup d'être avec nous. Comme vous savez, vous avez dix minutes de présentation, et après on aura une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous, Me Gagnon.

Mme Gagnon (Sophie) : Je vous remercie. M. le Président, MM. et Mmes les députés, bonjour. Merci beaucoup pour l'invitation à partager les observations de Juripop ce matin. J'aurais beaucoup aimé pouvoir me déplacer et être avec vous, mais, à défaut, je suis donc en visioconférence à vos côtés.

Avant de commencer, quelques mots pour contextualiser l'intervention de Juripop sur le projet de loi n° 8. Comme vous le savez sans doute, Juripop est un organisme à but non lucratif dont la mission est d'améliorer l'accès à la justice. Notre intervention aujourd'hui s'inscrit dans le cadre de la mission historique de Juripop, qui est d'offrir des services juridiques abordables aux personnes qui sont en situation financière précaire, donc qui ne sont pas en mesure de faire valoir leurs droits au côté d'avocats ou notaires et qui ne sont pas admissibles à l'aide juridique.

Donc, ça fait près de quinze ans, chez, Juripop qu'on offre des services juridiques abordables à des milliers de citoyens qui, autrement, seraient contraints de se représenter seuls ou de ne pas faire valoir leurs droits. C'est donc avec cette lunette, là, qu'on a analysé le projet de loi n° 8. Et certaines de nos observations sont également basées sur notre expertise en matière d'accompagnement des personnes victimes de violences à caractère sexuel ou de violence conjugale. Notre intervention porte sur quatre des thèmes du projet de loi, donc quatre sections. Et, avant de conclure, on va également vous communiquer une recommandation plus globale qui, à notre avis, est nécessaire pour assurer la mise en œuvre du projet de loi.

Le premier thème de notre intervention concerne les dispositions qui visent à rendre la médiation obligatoire, ou, du moins, qui visent à offrir des avantages aux parties qui se prévalent d'une médiation et qui obtiennent une attestation délivrée par un médiateur ou une médiatrice accrédité. Le principe cardinal... Deux des principes cardinaux de la médiation consistent d'abord en le caractère volontaire de la médiation, et, d'autre part, en une égalité des pouvoirs entre les personnes ou les parties qui participent à la médiation. Cette égalité-là est nécessaire pour assurer le caractère libre et volontaire du consentement à la médiation et à une éventuelle entente, mais aussi pour faire valoir sa position librement.

Évidemment, on se questionne sur la compatibilité entre les dispositions du projet de loi qui visent à rendre la médiation obligatoire et le caractère volontaire de la médiation. Dans certains cas, on serait... on se questionne sur...

Mme Gagnon (Sophie) : ...L'efficacité d'une médiation qui serait imposée aux parties, qui pourrait résulter non pas en une accélération de la procédure, mais plutôt en l'ajout d'une étape qui serait, dans tous les cas, vouée à l'échec.

Mais les deux considérations qu'on voulait vous partager concernent plus spécifiquement les personnes qui sont non représentées ou qui sont à faible revenu et qui ont déjà tendance à être dans l'angle mort du système de justice. Plusieurs des personnes se tournent vers les tribunaux et vers la procédure adversariale non pas par choix, mais plutôt parce que c'est le seul moyen qui est financé par l'État afin de résoudre leurs différends. Et, bien qu'on salue l'intention du législateur de favoriser les modes alternatifs de règlement des différends, dans la mesure où l'accès à la médiation ou à l'arbitrage demeure conditionnel à la capacité de pouvoir défrayer les honoraires des médiateurs et des arbitres, ce sont encore une fois les personnes qui, à la base, sont déjà incapables de rémunérer un avocat, qui seraient également incapables de rémunérer les honoraires d'un médiateur ou d'un arbitre, et qui seraient donc dans l'incapacité d'obtenir l'attestation de médiation et qui pourraient voir l'instruction de leur dossier retardée en comparaison aux parties qui, elles, seraient en mesure, qui auraient non seulement la volonté d'aller en médiation, mais qui auraient aussi la capacité de payer pour la médiation.

Donc, notre recommandation pour la Commission, c'est qu'il y a un motif d'exonération pour l'instruction plus rapide, le motif d'exonération devrait être, à notre avis, l'incapacité de défrayer les coûts de la médiation. Une autre alternative serait de limiter la rapidité de l'instruction aux personnes morales. Dans certains districts, notamment Montréal, il existe déjà un rôle qui est réservé aux personnes physiques et un autre qui est appliqué lorsqu'il y a une partie qui est une personne morale. Donc, l'incitatif pourrait être limité aux personnes morales seulement et non pas aux individus qui, dans la forte majorité des cas, n'auront pas les moyens de payer pour les honoraires d'un médiateur.

Évidemment, on ne peut pas passer sous silence le caractère particulier des personnes qui se trouvent en situation de violence conjugale. Chez Juripop, on décommande systématiquement l'appel à la médiation, quand il y a une situation de contrôle coercitif ou de violence conjugale, pour des raisons que je pourrais détailler en questions, mais que je présume que vous connaissez bien, vu les travaux qui vous ont occupés dans les dernières années. On considère qu'il est vraiment essentiel que la simple allégation d'une situation de violence conjugale soit un motif d'exonération à la médiation obligatoire aux petites créances ou encore à l'instruction en priorité à la Cour du Québec.

Puis j'insiste vraiment sur la nécessité que la simple allégation d'une violence conjugale soit suffisante pour ne pas être assujettie aux dispositions prévues par le projet de loi. Dans notre expérience, chez Juripop, de manière hebdomadaire, malheureusement, notre constat, c'est qu'à l'heure actuelle malgré les bonnes intentions, les tribunaux ne sont pas outillés pour dépister la violence conjugale, et qu'il y a plusieurs dossiers où, à notre avis, la violence conjugale, les risques homicidaires sont bien présents, mais qui ne sont pas considérés comme tels par le système de justice. Donc, on vous met en garde, là, quant à la tentation de laisser à la discrétion du tribunal le pouvoir de déterminer s'il y a de la violence conjugale ou non dans un dossier aux fins de la médiation.

• (11 h 40) •

Le deuxième thème concerne la procédure simplifiée aux demandes en matière civile. Alors, le projet de loi propose notamment, là, la mise en place de délais statutaires au lieu de l'habituel protocole de l'Instance, propose également que certaines procédures soient assujetties à l'autorisation du tribunal, et le projet de loi propose également que certains actes de procédure soient limités, que ce soit dans leur longueur ou dans leur nombre. Puis, sans énumérer ces dispositions-là, chez Juripop, évidemment, tout ce qui contribue à l'enflure des procédures, à l'enflure des délais constitue, à notre avis, des obstacles d'accès à la justice qui doivent être éliminés ou amoindris. Donc, on salue les dispositions du projet de loi qui visent à introduire une procédure simplifiée aux demandes en matière civile, et puis on invite la Commission à les conserver tels quels ou à les bonifier, mais définitivement à poursuivre sur cette lancée.

On salue également, troisièmement, les modifications qui concernent la division des petites créances. La division des petites créances est un véhicule d'accès à la justice très efficace pour les personnes qui n'ont pas les moyens de faire valoir leurs droits. Alors, Juripop accueille favorablement tout ce qui favorise l'accès aux petites créances ou encore qui est de nature à accélérer le traitement des dossiers. Vous le savez sans doute, mais il y a quelques années seulement, on recommandait aux parties de se tourner vers les petites créances non seulement parce que c'était moins onéreux, mais aussi parce que c'était plus...

Mme Gagnon (Sophie) : ...malheureusement, depuis quelques années, ce n'est plus le cas, c'est parfois plus long de faire des demandes aux petites créances qu'à la Cour du Québec ou à la Cour supérieure.

Et la disposition qu'on salue tout particulièrement mais pour laquelle on souhaiterait des précisions, est celle qui prévoit que certaines décisions peuvent être prises sur le vu du dossier on en déduit que ce qui est souhaité, c'est qu'un greffier ou un juge puisse notamment prononcer le rejet partiel ou total d'une demande au simple vu du dossier, donc sans entendre les parties. Et, dans notre expérience, il y a plusieurs... ce n'est pas anormal que des demandes aux petites créances soient évidemment mal fondées en droit ou en fait. Or, à l'heure actuelle, il est impossible pour une partie de faire une demande en rejet, impossible pour une partie de faire une demande en précision. Donc, il y a des parties qui se voient contraintes à déployer des ressources en temps, en énergie pour contester des demandes qui sont vouées à l'échec et qui embourbent les petites créances de manière inutile.

Donc, on salue la disposition, mais on recommande qu'elle soit précisée pour rendre sa portée plus claire. Donc, la disposition pourrait se lire : Certaines décisions peuvent être prises sur le vu du dossier, notamment le rejet partiel ou total d'une demande. On salue également l'indexation de la compétence et la revendication d'un bien qui est permise, accessoire à une demande.

Le temps file, donc, très rapidement, Juripop appuie également les modifications au Conseil de la magistrature qui permettraient la nomination d'un non-juriste qui serait nommé après consultation des organismes qui œuvrent auprès des victimes.

Et, avant de conclure, on souhaite porter à votre attention que, pour que le projet de loi atteigne véritablement ses objectifs, il est à notre avis essentiel que le projet de loi soit accompagné soit d'un investissement auprès des cliniques juridiques ou des organismes à but non lucratif qui offrent des conseils juridiques ou de la représentation, ou encore que le projet de loi mette à profit deux fonds qui existent déjà, à savoir le Fonds d'étude notariale et le Fonds d'études juridiques, dont l'administration est confiée par la Loi sur le notariat et la Loi sur le barreau, à la Chambre des notaires et au Barreau du Québec.

En ce moment, les deux lois précitées restreignent l'utilisation du Fonds d'études notariales et du Fonds d'études juridiques au financement de services d'information et d'éducation juridique. On vous soumet que, dans la foulée du projet de loi no 34 de la session dernière et du projet de loi n° 8 de cette session, on sent que le législateur reconnaît l'importance d'accompagner et de représenter de manière gratuite ou à coût modique les personnes qui sont en situation financière précaire. Or, au Québec, il n'existe aucune source de financement pour de tels programmes, alors que ce soit par le Fonds Accès Justice ou encore par une modification de ses lois pour permettre au Barreau ou à la Chambre de financer des services de représentation ou de conseils juridiques, ça permettrait non seulement d'avoir une loi efficace en théorie, mais aussi efficace en pratique, en donnant aux cliniques juridiques les outils pour la mettre en œuvre.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Me Gagnon. On est rendu à la période d'échange. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bonjour, M. le Président. Merci. Bonjour, chers collègues. Bonjour, Me Gagnon, merci beaucoup de participer aux travaux du projet de loi n° 8. Merci de votre présence.

D'entrée de jeu, Me Gagnon, relativement aux interventions que vous avez faites, je tiens à vous rassurer sur deux éléments, là, premier élément, relativement à l'obligation de médiation en matière de violence conjugale, on a pris bien note de vos commentaires, puis c'était déjà notre intention, par voie réglementaire, de prévoir certaines exceptions, notamment celles relativement à la violence conjugale. Donc, on prend bien en note vos commentaires. Vous, vous dites : Lorsqu'il y a allégation de violence conjugale aussi. Donc, on le prend et on va s'assurer de bien prévoir les dispositions par voie réglementaire, parce que, bien entendu, on ne veut pas mettre en péril la sécurité de l'individu puis on veut aussi que la médiation, ça soit un endroit où les gens se sentent à l'aise, donc vous comprendrez l'objectif de la médiation.

Deuxième élément sur lequel je tiens à vous rassurer, le dossier, en fait, la gestion du dossier, la décision sur vu du dossier. Donc, dans le cadre de la disposition, il faut que les deux parties soient en accord pour que le juge puisse se prononcer uniquement sur le vu du dossier. C'est une demande notamment qui a été faite afin de réduire les coûts pour les justiciables. Ça limite le nombre de vacations de représentation pour des petits dossiers jusqu'à 3 000 $. Mais je tiens à vous rassurer, ça prend véritablement le consentement des deux parties. Donc, si une partie n'est pas d'accord, bien, ça ne se retrouvera pas sans être entendu devant le juge en présence physique. Donc, il faut que les deux parties acceptent de le faire.

Relativement au financement, je vous entends bien, sur le...

M. Jolin-Barrette : ...sur le Fonds d'études notariales, le fonds également du Barreau. Il y a déjà le Fonds Accès Justice qui permet de financer certains projets. Puis vous le dites bien, le gouvernement a été ambitieux en faisant en sorte de permettre aux organismes à but non lucratif de donner des conseils et des avis juridiques. Le règlement devrait entrer en vigueur dans les prochains mois, suite à l'adoption du projet de loi n° 34, et on est très fier de cela, justement, parce qu'on est pas mal en retard, au Québec, notamment pour les cliniques juridiques universitaires, qu'on avait fait adopter préalablement. Donc, maintenant, dans les cliniques juridiques universitaires, les étudiants peuvent donner du conseil et des avis juridiques. Les organismes à but non lucratif vont pouvoir faire de la représentation aussi, on va mettre à contribution les avocats à la retraite, donc, toujours dans des mesures d'accès à la justice. Je comprends que vous dites : Il faut le financer, alors on va travailler avec mon collègue des Finances pour vous entendre à ce niveau-là.

Je voudrais vous entendre, Me Gagnon, sur la place qu'on fait au Conseil de la magistrature, dans le fond, pour les personnes victimes, pour qu'elles aient une voix au chapitre. Qu'est-ce que vous en pensez, de ça, le fait qu'il y ait un poste qui soit réservé à une personne qui œuvre auprès des personnes victimes?

Mme Gagnon (Sophie) : C'est une modification qu'on salue et qu'on appuie. C'est une modification qui est de nature, ne serait-ce que symboliquement, à contribuer à renforcer la confiance des personnes victimes envers le système de justice. Bien évidemment, puis je suis convaincue que vous le savez, ce qui va réellement rebâtir la confiance, ça va être la formation et la réelle compréhension des juges quant aux réalités des personnes victimes. Par contre, on ne peut pas être contre une telle modification, là... considère que c'est une belle exposition.

M. Jolin-Barrette :  Puis je ne vous apprends rien en vous disant que le Conseil de la magistrature est responsable de la formation des juges aussi, là.

Mme Gagnon (Sophie) : Évidemment.

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, justement, la personne qui siégera désormais au Conseil de la magistrature pourra sensibiliser l'ensemble du Conseil de la magistrature par son expertise, par son expérience, également, puis ça va permettre justement aussi de développer des programmes de formation qui sont en lien aussi avec la réalité des personnes victimes. Parce que c'est pour ça justement qu'on fait ça, pour faire en sorte que, bien, tout le monde soit outillé d'une façon adéquate avec la réalité terrain telle que vous, vous la connaissez lorsque vous représentez des personnes victimes puis cette différente réalité là. Donc, vous êtes à l'aise avec ça, avec cette approche-là?

Mme Gagnon (Sophie) : Oui, absolument. Parce que l'écart entre les connaissances de la magistrature et la réalité des personnes victimes de violences sexuelles, violence conjugale demeure beaucoup trop grand et nuit, en ce moment, là, pas juste à la confiance, mais aussi à la sécurité des personnes victimes qui font valoir leurs droits devant les tribunaux.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je vous emmènerais, Me Gagnon, sur la question de la médiation. Vous avez dit, dans votre document puis dans votre allocution, tout à l'heure : Bien, la médiation doit être volontaire. C'est un des principes généralement qui est invoqué, mais là ce qu'on fait, c'est qu'on la rend obligatoire aux petites créances, justement pour faire en sorte que les parties aient un endroit où se parler, qu'il y ait une première étape puis qu'on n'attende pas en bout de course, rendu devant le juge, pour, là, être assis dans la salle d'audience. Je comprends que vous nous dites, bon, bien, ça ne devrait peut-être pas être obligatoire, mais, d'une autre façon, si on veut asseoir les parties ensemble lorsque les circonstances s'y prêtent... Dans les cas des projets pilotes, on a près de 60 % des dossiers qui se règlent en médiation, beaucoup aux petites créances. Les gens, ils veulent que l'autre partie entende ce qu'elles ont à dire aussi.

Dans cette optique-là, ne croyez-vous pas que c'est une approche qui permettra justement de réduire les délais, de désengorger les tribunaux puis de faire en sorte que peut-être les parties vont davantage apprécier leur expérience dans le système judiciaire parce qu'elles auront contribué à la solution de leur litige?

• (11 h 50) •

Mme Gagnon (Sophie) : C'est une intuition qui est sensée. Ce que les études sur la médiation indiquent, c'est que pour qu'un... bien sur la médiation, sur les programmes de règlement des différends, c'est que, pour qu'une médiation ou une négociation fonctionne, les parties doivent être disposées à régler leurs différends autrement que devant un juge ou une juge. Normalement, lorsque les parties décident de se tourner vers les tribunaux pour faire valoir leurs droits, c'est qu'elles ne sont plus disposées à négocier, parce qu'elles ont tenté de régler leurs différends à l'amiable et que ça a échoué. D'où généralement le principe voulant que c'est aux parties de décider si elles souhaitent entreprendre une médiation ou non et d'où le taux de succès élevé des médiations qui résultent de la volonté des parties. Donc, à notre avis, il faudra évaluer, là, la mise en œuvre, le taux de succès des médiations qui résultent de l'opposition, puis le comparer au taux de succès...

Mme Gagnon (Sophie) : ...qui prévalait lorsque les médiations résultaient de la volonté des parties.

M. Jolin-Barrette : O.K., je vous entends bien. Un autre élément dans la simplification de la procédure. Vous disiez : Bien, il y a beaucoup de parties non représentées, souvent... ou si vous les conseillez. Un des objectifs, également, de la procédure simplifiée à la Cour du Québec, c'est que ce soit le plus simple possible, puis qu'il n'y ait pas de nombreuses vacations à la cour, puis de faire en sorte que ça soit simple aussi. On réduit la demande à cinq pages, on réduit la défense à deux pages. Il n'y aura plus d'interrogatoire préalable en bas de 50 000. On fait en sorte également qu'il y a une conférence de règlement à l'amiable, justement, pour que ça soit le plus simple possible et à moindre coût pour les citoyens. Qu'est-ce que vous pensez de la conférence de règlement à l'amiable?

Mme Gagnon (Sophie) :  C'est une bonne disposition qui est... Les conférences de règlement à l'amiable sont aussi très efficaces. Donc, c'est une mesure qu'on appuie, puis, non seulement pour les personnes qui se représentent seules, mais également pour les personnes qui sont représentées par avocats, ça va aussi contribuer à réduire les honoraires.

M. Jolin-Barrette : O.K. En termes... Tu sais, vous faites de l'information, mais vous faites également du conseil des avis juridiques. On a reçu Éducaloi hier. Ils nous disaient grosso modo qu'on a beaucoup de travail à faire en termes d'information au niveau des droits des citoyens. C'est quoi, votre son de cloche sur le terrain en matière de connaissance des droits, des obligations des citoyens quand vous accompagnez les gens dans les différents domaines, que ce soit en matière civile, mais que ce soit dans les domaines où vous avez une spécialisation en matière d'agressions sexuelles. C'est quoi, votre son de cloche à vous, là, sur le terrain?

Mme Gagnon (Sophie) : Alors, Juripop, Éducaloi, on est des organisations aux missions très complémentaires parce qu'on intervient dans des moments différents, là, dans la vie des différends — des différends avec un d. Normalement, les gens vont se tourner vers l'information juridique quand ils cherchent à anticiper ou à régler un litige. Et puis, les gens vont cogner à la porte de Juripop lorsque les tentatives de comprendre leurs droits ou de les exercer par eux-mêmes ou elles-mêmes ont échouées. Et nous, notre constat sur le terrain, c'est que, passé un certain seuil de complexité ou un certain seuil de conflit, les citoyens ont besoin de professionnels qui vont leur expliquer leurs droits, et surtout qui vont rendre un avis quant à l'application du droit à leur situation particulière, et qui vont les aider à les faire valoir.

Je porterais à votre attention les recherches qui ont été faites par la Pre Emmanuelle Bernheim dans le cadre du projet ADAJ, accès au droit et à la justice. La professeure Bernheim a fait de la recherche empirique sur la clinique juridique du Mile End, puis que sa conclusion, c'était que les personnes dont le différend était judiciarisé, même les personnes qui s'étaient tournées vers des ressources d'information juridique, étaient incapables de faire valoir leurs droits et se sentaient désemparées face aux tribunaux. Puis, ce qui faisait une différence pour ces personnes-là, c'était vraiment la présence d'un accompagnateur, donc d'un professionnel du droit qui rendait des conseils juridiques et qui faisait de l'accompagnement. Et puis donc ce qui s'ensuit, d'où notre dernière recommandation, là, à l'effet qu'il est nécessaire, vraiment, que l'État investisse des ressources pour qu'il y ait des services de conseil juridique et de services juridiques à coût modique qui soient accessibles aux citoyens, parce qu'en ce moment ce ne sont que des services d'information juridique qui sont mis à leur disposition.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je vous remercie grandement, Me Gagnon, pour votre présence en commission parlementaire. Je vais céder la parole à mes collègues. Un grand merci.

Mme Gagnon (Sophie) : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré. Non? Mme la députée d'Anjou-Louis-Riel.

Mme Boivin Roy : M. le Président, bon matin à vous! Merci pour la présentation, maître Gagnon. Question pour vous. On entend que vous êtes favorable à ce qu'il y ait l'insertion d'une personne issue d'un organisme communautaire qui aide les victimes au Conseil de la magistrature. Vous y voyez là une collaboration constructive, une façon de pouvoir créer des ponts entre les organismes qui sont sur le terrain, qui oeuvrent à tous les jours, une façon aussi, là, de peut-être de rebâtir la confiance dans le système judiciaire. Qu'est-ce que vous pensez des réfractaires qui disent qu'on vient jouer là dans la présomption d'innocence et le devoir d'impartialité, qu'il y aurait une incompatibilité?

Mme Gagnon (Sophie) : La présomption d'innocence, c'est un droit prévu à la charte qui s'incarne quand une personne est accusée puis qu'elle cherche à faire valoir ses droits ou à se défendre dans le cadre d'un dossier. À mon avis, la présence d'un représentant d'organisme au sein du Conseil de la magistrature n'est pas de nature à faire échec à la présomption d'innocence. Par contre, je peux comprendre les préoccupations par rapport à l'indépendance judiciaire qui sont soulevées par par certains organismes, mais on considère néanmoins que les avantages dépassent les inconvénients et que, vu l'écart qu'on constate entre...

Mme Gagnon (Sophie) : ...La formation puis la compréhension des juges puis les réalités des personnes victimes. C'est une action qui peut être de nature à améliorer l'accès à la justice pour les personnes victimes.

Mme Boivin Roy : Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand) :D'autres Questions du côté gouvernemental? M. le député de Saint-Jean, s'il vous plaît.

M. Lemieux : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour Maître. Ça fait deux fois qu'on en parle, mais toujours par la bande, et je me souviens que, dans la dernière législature, pour l'étude du PL no 92, on avait beaucoup parlé de la formation des juges. Mais, à ce moment-là, on était vraiment dans le tribunal spécialisé, les questions d'agression et de crimes sexuels et conjugaux. Quand on repense à ça aujourd'hui puis qu'on se replace dans le contexte qu'on est en train d'étudier, c'est-à-dire de simplifier ça, de nommer des notaires juges, est-ce que ça vous allume des spécificités par rapport à où on s'en va avec ce qu'on s'est dit la dernière fois au sujet de la formation des juges?

Mme Gagnon (Sophie) : Je ne suis pas certaine de comprendre la question exacte.

M. Lemieux : Bien, c'est que, quand il est question d'avoir quelqu'un au Conseil de la magistrature, un représentant, c'est pour être capable d'influencer en partie la formation des juges. En fait, on est toujours en train de marcher sur des oeufs, on veut de la formation, mais il ne faut pas leur dire exactement quoi, comment quand, c'est un peu ça, le problème, là. Alors, dans le contexte de ce qu'on est en train d'étudier, comment vous voyez ça, vous, là... Est-ce que c'est assez, de juste nommer quelqu'un au Conseil de la magistrature?

Mme Gagnon (Sophie) : Bien, la réponse, c'est non, c'est sûr que ce n'est pas la nomination d'un membre issu d'une consultation des organismes qui sera suffisante. Par contre, ce qu'on avait mentionné lors de l'étude du projet de loi no 92, c'est le fait que les matières civiles étaient dans l'angle mort des réformes qui étaient faites pour le bénéfice des personnes victimes. Puis, nous, chez Juripop, notre expertise, c'est de représenter les personnes victimes en matière civile, puis on constate que, vraiment, les tribunaux maîtrisent très mal, là, les situations de violences sexuelles, violences conjugales. Puis, quand je dis «les maîtrisent mal», c'est qu'ils ne sont pas outillés pour les dépister, et que, trop souvent, on se fait débouter dans nos arguments lorsqu'on tente de convaincre le tribunal qu'il y a non seulement une présence de violence conjugale... Cette semaine, c'est arrivé où, à notre avis, il y a un risque homicide dans un dossier, puis ça a tout simplement été écarté, là, de la part de la juge qui nous a entendus. Donc, c'est essentiel qu'en matière civile les tribunaux soient aussi formés et sensibilisés à ces enjeux-là. Puis je salue les efforts ont été faits, notamment de la part de la magistrature, mais on constate qu'il y a encore du chemin à faire.

M. Lemieux : Merci beaucoup. La question n'était pas bonne, mais c'est la réponse que je cherchais.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Laval-des-Rapides. Il reste deux minutes pour questions et réponses.

Mme Haytayan : Parfait. Merci, M. le Président. Merci, Maître Gagnon, pour votre temps, pour votre présence.

Question sur la formation des juges : Sur quoi pourrait porter justement la formation des juges en matière de violence conjugale, de violence sexuelle?

Mme Gagnon (Sophie) : Bien, d'abord, savoir la reconnaître, ensuite, une fois qu'elle est reconnue, de rendre des ordonnances qui sont de nature... Évidemment, tout en respectant les droits des parties, mais qui sont de nature à assurer la protection des personnes victimes. Ce qu'on demandait, par exemple, cette semaine, c'était de permettre à une intervenante d'une maison d'hébergement de témoigner à visage couvert pour assurer sa sécurité, ce qui n'a pas été permis par le tribunal et qui, notre avis, met en péril tout le filet de sécurité autour de la personne victime. Donc, vraiment, de les sensibiliser à reconnaître la violence puis ensuite à rendre des ordonnances qui sont de nature à diminuer les risques de violence puis à assurer la sécurité des parties.

Mme Haytayan : Parfait. Merci.

Le Président (M. Bachand) :...M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.

• (16 heures) •

M. Morin : Voilà. Alors, merci. Merci, M. le Président, M. le ministre, distingués collègues. Bonjour, Maître Gagnon, merci, merci d'être là avec nous.

Ma première question pour vous, elle est large : compte tenu de votre expérience et du mandat de la mission de Juripop, on a devant nous un projet de loi qui vise à améliorer l'accessibilité de la justice, donc, basée sur votre expérience, c'est quoi le plus grand enjeu pour l'accès de la justice?

Mme Gagnon (Sophie) : Impossible de poser la question au singulier, il faudrait la poser au pluriel parce qu'il y a des enjeux d'accès à la justice, il y en a beaucoup plus qu'un. Donc, je vais répondre dans le contexte de l'expertise de Juripop. Puis, à notre avis, c'est vraiment le manque de ressources en matière de conseil juridique et d'accompagnement devant les tribunaux. Les personnes qui se représentent seules en ce moment sont laissées à elles-mêmes, puis ce que les études, encore, du projet Accès au droit et à la justice démontrent, c'est que les personnes qui font valoir leurs droits seuls réussissent moins bien que les personnes qui sont représentées par avocats, leurs arguments sont rejetés...


 
 

12 h (version non révisée)

Mme Gagnon (Sophie) : ...plus fréquemment que les personnes représentées. Leur sentiment de justice en est diminué, et ils sont plus nombreux à penser que les moyens financiers d'une partie est de nature à influencer le résultat d'une délibération.

Donc, vraiment d'investir... oui, de simplifier les procédures, mais aussi d'investir dans des ressources pour conseiller et accompagner les personnes devant les tribunaux.

M. Morin : Merci. Donc, je comprends que c'est aussi le mandat de Juripop et plein d'autres organismes.

Mme Gagnon (Sophie) : Oui. Absolument.

M. Morin : On a dans ce projet de loi plusieurs initiatives innovantes. Mais moi, j'aimerais ça qu'on parle du financement des organismes comme le vôtre, parce que, si ce projet de loi est adopté, et il y a de bonnes chances qu'il le soit, à un moment donné, le problème va se déplacer ailleurs, donc vous risquez d'avoir plus de demandes. Est-ce que vous allez être capable de répondre à cette demande? Parce qu'on aura beau adopter toutes les lois de la planète, si les justiciables ne sont pas plus capables de se rendre là, ça ne va pas aider personne et ça ne va pas diminuer le cynisme.

Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, s'il vous plaît?

Mme Gagnon (Sophie) : Oui, vous avez tout à fait raison Maître Morin. Puis un premier obstacle qu'on avait auparavant, c'était un obstacle législatif, à savoir les OBNL ne pouvait pas offrir de conseil juridique, ça a été résolu. Par contre, en ce moment, puis je le répète, il n'existe aucun... pas peu, mais aucun programme de financement pour les organismes qui font du conseil ou de la représentation. Ce n'est que l'information juridique ou la médiation qui est financée. Les sources de financement existent, il y a le fonds Accès Justice. Mais là où on voulait porter votre attention aujourd'hui, c'est vraiment le fonds d'étude juridique et le fonds d'étude notariale qui sont administrés par le Barreau du Québec et par la Chambre, mais qui, à l'heure actuelle, ne peuvent servir qu'à financer de l'information et de l'éducation juridique. Donc, le projet de loi pourrait modifier la Loi sur le notariat et la loi sur le barreau pour permettre au Barreau et à la Chambre, via les fonds qu'ils administrent, de financer les cliniques juridiques.

Donc, chez Juripop, on reçoit de l'argent de ces fonds-là, mais on ne peut pas les utiliser pour financer nos activités de conseil et de représentation. Donc, vous avez tout à fait raison que ça va être un obstacle à la mise en œuvre du projet de loi, cette absence de financement là.

M. Morin : Et je comprends... Êtes-vous d'accord avec moi qu'éventuellement une disposition dans le projet de loi qui permettra un financement différent pourrait vous aider à remplir votre mission?

Mme Gagnon (Sophie) : Bien, oui. Tout à fait. Puis il y a des précédents au Québec, là. Je pense entre autres au... au programme de financement qui finance les organismes en matière de santé et d'éducation. L'État québécois reconnaît la pertinence du filet communautaire en matière de justice sociale. Mais malheureusement, quand les réformes ont eu lieu au début des années 2000, il n'existait pas de clinique juridique.

Donc, les cliniques juridiques n'ont pas été incluses dans la volonté de l'État de financer les organismes communautaires. La conséquence, c'est qu'on a un réseau de cliniques juridiques qui est très pauvre comparé aux autres domaines de la justice sociale, et c'est directement lié, là, au manque de financement à la mission, là.

M. Morin : Merci. Dans le projet de loi, on parle beaucoup de médiation, d'arbitrage. Avec votre expérience, ces services-là, présentement, ils sont gratuits ou il faut payer pour? Puis, s'il faut payer pour, comment des gens vont pouvoir avoir accès à la justice s'ils n'ont pas les moyens? Est-ce que l'État ne devrait pas prendre en charge ces services-là compte tenu de ce que le gouvernement veut faire avec le projet de loi?

Mme Gagnon (Sophie) : Certains programmes de médiation sont gratuits, notamment ceux aux petites créances. Il y a également un programme en matière de droit de la famille pour les personnes initialement qui avaient des enfants, ensuite, un projet pilote, même pour les couples sans enfants. Ces programmes de médiation là, dans notre expérience, sont très appréciés de la clientèle puis fonctionnent dans la majorité des cas.

Par contre, pour le programme de médiation familiale, le nombre d'heures n'est pas toujours suffisant, puis, parfois, par faute de moyens, les parties vont tout simplement aller devant un juge, pas parce qu'ils souhaitent régler leurs différends de manière adversariale, mais tout simplement parce que c'est le seul mode de règlement qui est financé gratuitement par l'État.

Donc, oui, il y a... plus de médiation gratuite dans d'autres domaines de droits serait de nature à favoriser la mise en œuvre du projet de loi.

M. Morin :Parfait. Je vous remercie beaucoup. J'aimerais maintenant vous poser une question et vous entendre sur... parce qu'on parle encore une fois de la médiation. M. le ministre nous disait qu'en ce qui a trait évidemment à l'impossibilité... Parce que ce n'est absolument pas approprié de demander à des personnes qui ont été victimes de violence conjugale ou de violence ou d'agression sexuelle d'aller en médiation, le gouvernement semble privilégier la voie réglementaire. Ne serait-il pas plus approprié de l'indiquer clairement dans le projet de loi pour que ce soit bien clair pour tout le monde? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Mme Gagnon (Sophie) : Bien, ce serait... c'est certain que cette protection-là ou que cette exemption-là, le fait qu'elle soit enchâssée dans la loi, serait une garantie plus sécuritaire que si ce l'était par voie réglementaire, pour les raisons que vous connaissez.

Donc, évidemment, là, pour les questions de violence sexuelle...

Mme Gagnon (Sophie) : ...conjugale. L'important, à notre avis, c'est que ce soit reconnu, mais ce serait effectivement plus efficace, là, par voie législative que réglementaire.

M. Morin :Je vous remercie. La composition du Conseil de la magistrature serait changée, c'est ce qui est écrit dans le projet de loi, pour avoir un représentant des victimes, ce qui est ce qui est une très bonne chose, on le reconnaît d'emblée. Cependant, avez-vous des suggestions quant aux critères qui pourraient être utilisés pour éventuellement nommer quelqu'un au Conseil de la magistrature dans ce domaine-là précis?

Mme Gagnon (Sophie) : On n'a pas eu cette cette réflexion-là. Donc, à ce stade-ci, non. On voit que le projet de loi suggère que ce ne soit pas un avocat ou un notaire. À notre avis, il existe des juristes, là, qui travaillent dans des organismes qui... L'important, ce n'est pas tant la formation professionnelle de la personne que son expertise auprès des personnes victimes et des survivantes. Mais, ce qu'on salut, c'est le fait qu'il soit nommé après la consultation des organismes. Puis il existe des tables de concertation. C'est un réseau qui est bien maillé, qui serait en mesure de se concerter pour faire une recommandation.

M. Morin :Et quand vient le temps pour le gouvernement de nommer les membres au Conseil de la magistrature, avec votre expérience, est-ce que vous trouvez que c'est assez publicisé, ou c'est un processus qui reste un peu obscur?

Mme Gagnon (Sophie) : On n'a pas d'expertise sur cette question-là. Je ne serais pas en mesure de répondre à votre question.

M. Morin :Parfait. Je vous remercie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.

Mme Labrie : Merci, M. le Président. Bonjour, madame Gagnon. Ça fait plaisir de vous retrouver pour ce projet de loi. Vous avez dit que vous aviez besoin de précisions par rapport aux décisions qui peuvent être prises à la vue du dossier. Le ministre me semble avoir partiellement répondu à votre préoccupation là-dessus, parce qu'il a fait allusion au fait que, bon, il faudrait que les deux parties acceptent de le faire. Vous, vous nous parliez plutôt de la question de pouvoir rejeter une demande. J'aimerais ça que vous expliquiez un petit peu plus votre pensée puis que vous nous disiez si le ministre a répondu, à votre sens, là. 

Mme Gagnon (Sophie) : Oui. Bien, en fait, il a clarifié. Le ministre a répondu partiellement, mais c'est parce que notre intervention découlait d'une mauvaise compréhension du projet de loi. On a eu très peu de temps pour en prendre connaissance. Donc, après avoir entendu la réponse du ministre, notre recommandation serait que la disposition soit élargie pour les dossiers dont la demande est supérieure à 3 000 $, là. Peu importe la valeur de la créance, à notre avis, la disposition qui est prévue par le projet de loi est de nature à accélérer puis à rendre les petites créances plus efficaces, et ça devrait donc être ouvert aux parties dont la créance est supérieure à 3 000 $.

Mme Labrie : Et vous voudriez qu'on ajoute aussi la possibilité de rejeter une demande. Parce que ça ne me semblait pas clair que le ministre allait dans ce sens-là, moi, dans sa réponse.

Mme Gagnon (Sophie) : Oui, à notre avis, ce serait une avancée, là, pour accélérer le traitement des dossiers de créances.

Mme Labrie : O.K. Puis j'ai une autre question pour vous. Bon, les notaires qui sont venus nous ont dit que... Bon, ils vont se joindre potentiellement au Conseil de la magistrature, puis certains ont dit que, pour avoir le même poids que les avocats, ils recommandaient qu'ils soient deux au Conseil de la magistrature. Je ne sais pas si le ministre va aller dans ce sens-là, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez par rapport aux représentants d'organismes communautaires qui représentent les victimes. Est-ce que vous pensez qu'ils devraient également avoir deux membres au Conseil de la magistrature?

Mme Gagnon (Sophie) : Bien franchement, on ne s'est pas posé cette question-là. On est aussi soucieux de l'indépendance judiciaire puis on reconnaît que ce ne sont pas tous les dossiers qui aboutissent devant les tribunaux qui ont des composantes en matière sexuelle ou conjugale. Donc, voilà, on n'a pas de position ferme sur cette question. On salue tout simplement l'initiative de vouloir leur faire une place, qu'elle soit-elle, au sein du Conseil de la magistrature.

Mme Labrie : Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.

• (12 h 10) •

Mme Nichols : Merci, M. le Président. Bonjour, Me Gagnon. Merci de votre présence parmi nous. Deux petites questions. Vous avez commencé le début de votre exposé en parlant de la médiation obligatoire. Je sentais, là, une certaine, là, une certaine réticence. Mais vous avez fait référence à l'angle mort de ne pas oublier les personnes à plus faibles revenus. Ça fait que, là, je comprends que`, dans le fond, vous l'avez déjà vécu, là, je suis chez Juripop, ou, en fait, il y a certainement des personnes qui ont refusé d'aller plus loin parce qu'il y avait un coût associé à ça. Est-ce que vous pouvez peut-être préciser un peu cet angle mort là afin qu'on ne l'oublie pas puis qu'on le soulève, justement, dans l'élaboration de ce projet de loi?

Mme Gagnon (Sophie) : Oui, tout à fait. Donc, chez Juripop, une partie de mon service consiste à représenter les personnes qui sont en situation financière précaire, mais qui ne sont pas admissibles à l'aide juridique. Donc, c'est des gens qui vont gagner un 25 000 $, 30 000 $ par année ou qui ont de l'argent de côté pour leurs enfants, donc qui n'ont pas de revenus mais qui ne sont pas admissibles à l'aide juridique. Puis on les représente à raison de 65 $ de l'heure en matière civile, en matière...

Mme Gagnon (Sophie) : ...puis déjà 65 $ de l'heure, même si c'est le tiers, le quart, le cinquième des honoraires qu'on trouve normalement sur le marché, c'est astronomique pour ces personnes-là. Puis, à ma connaissance, je vais m'avancer, là, mais je ne pense pas qu'aucun de nos clients n'ait jamais retenu les services d'un médiateur, pas parce qu'ils ne le souhaitent pas, mais tout simplement parce que les honoraires des médiateurs, c'est des centaines de dollars de l'heure, alors c'est vraiment... c'est inaccessible d'un point de vue financier pour ces personnes-là.

Puis ce que le projet de loi propose, puis là je ne parle pas des petites créances mais vraiment de l'instruction accélérée, c'est que ces personnes-là verraient leurs dossiers instruits en second temps, donc elles seraient... C'est des personnes qui ont déjà une confiance fragile envers le système, qui ont déjà de la difficulté à faire valoir leurs droits. Et là les délais pour faire valoir leurs droits seraient prolongés, là, de leur incapacité financière à faire appel à la médiation. Donc, ce serait un effet pervers, qui est sans doute non souhaité par le législateur, là, mais qu'on considère bien tangible.

Mme Nichols : Oui, en effet, je pense que ça ne va pas dans le même sens que la volonté du ministre. Vous parliez aussi d'un incitatif pour les personnes morales, parce que j'imagine que Juripop aussi voit que les personnes morales se disent : On s'en va tout de suite devant le juge, on ne veut pas nécessairement passer par la médiation.

Mme Gagnon (Sophie) : Donc, ce qu'on voulait dire par là, c'est qu'une des raisons pour lesquelles les... Les tribunaux sont, depuis les années 80, de plus en plus monopolisés par l'État et par les personnes morales. Et puis le projet de loi ne fait pas la distinction entre les personnes morales et les personnes physiques dans la disposition qui propose d'instruire en priorité les dossiers qui bénéficient d'une attestation délivrée par un médiateur ou par une médiatrice.

Donc, notre première recommandation, ce serait de faire une exonération pour les personnes en situation financière précaire ou, de manière alternative, de faire en sorte que, quand il y a une personne physique au dossier, l'instruction n'est pas accélérée ou ralentie de par la présence ou l'absence d'une attestation, mais que ce soit seulement quand il y a une personne morale qui est partie au dossier que là il y a un incitatif à faire appel à la médiation.

Mme Nichols : Merci. Dernière question. On a parlé beaucoup hier, puis vous l'avait abordé un peu, au niveau de l'accompagnement, souvent, justement, c'est gros, là, pour les personnes qui s'en vont en médiation. Qu'est-ce que vous suggérez au niveau de l'accompagnement?

Mme Gagnon (Sophie) : Il existe des organismes sur le terrain. Il y a Juripop, mais il y en a plusieurs autres. Je sais que les centres de justice de proximité sont venus devant vous ou viendront devant vous. Donc, il existe des organismes qui n'ont pas suffisamment de ressources pour offrir de l'accompagnement.

Donc, ce qu'on veut dire par accompagnement, c'est, sans aller jusqu'à être l'avocat ou l'avocate ad litem au dossier, sans comparaître au dossier, il y a moyen pour des professionnels du droit d'établir une relation avocat-client, de prendre connaissance du dossier, de rendre des avis juridiques et d'accompagner la personne, c'est-à-dire de la conseiller à travers le temps sur ses droits, sur ses recours, de l'aider à préparer son allocution d'ouverture avant une médiation, d'être disponible sur appel pendant une médiation ou d'être présent pendant la médiation. On le fait beaucoup, nous, pour des dossiers de harcèlement au travail.

Puis on le voit, quand on accompagne, quand il y a un professionnel du droit qui est présent, soit dans la salle ou par téléphone, les médiations sont plus efficaces, se règlent davantage, et surtout les personnes sont plus satisfaites du règlement parce qu'elles ont le sentiment d'avoir compris ce qui se passait puis d'avoir vraiment pu mettre de l'avant une proposition qui reflète leurs besoins. Autrement, elles sont dépassées, là, par le langage juridique puis par les possibilités qui s'ouvrent à elles, là.

Mme Nichols : Donc, un accompagnement, là, parallèle à la médiation puis qui servirait à vulgariser aussi un peu le tout, là, pour le citoyen. Merci.

Mme Gagnon (Sophie) : Oui, parce qu'il y a une limite à ce que les médiateurs peuvent faire, oui.

Mme Nichols : Exactement. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Sur ce, Me Gagnon, merci beaucoup. Très, très, très agréable de vous avoir eue avec nous aujourd'hui. Je suis convaincu que, durant le mandat, on va avoir la chance de vous revoir en commission parlementaire. Alors, sur ce, merci beaucoup.

Mme Gagnon (Sophie) : Ça me fait plaisir. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. À bientôt.

Et il nous fait plaisir d'accueillir immédiatement notre prochain groupe, le Barreau du Québec, alors, entre autres, avec Me Claveau, bâtonnière. Alors, merci beaucoup d'être ici. Alors, Me Claveau, je vous laisse la parole, mais d'abord peut-être présenter les gens qui vous accompagnent, après ça faire votre présentation de dix minutes, et on procédera à la période d'échange. Mais avant, j'aurais besoin d'un consentement pour ajouter cinq minutes à la séance.

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Bachand) :Consentement. Merci beaucoup. Me Claveau, s'il vous plaît.

Mme Claveau (Catherine) : Merci, M. le Président. Alors, M. le ministre de la Justice, Mesdames et Messieurs les députés. Je suis, évidemment, Catherine Claveau, bâtonnière du Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui de Me Réa Hawi, à ma gauche, avocate aux affaires juridiques au Barreau du Québec, et de Me Emmanuelle Poupart, qui est membre de notre groupe d'experts en procédure civile au Barreau. Alors, nous vous remercions d'avoir invité le Barreau du Québec à participer aux consultations particulières entourant ce projet de loi important.

Le Barreau du Québec joue un rôle de premier plan dans la protection du public, la promotion de la primauté du droit et la saine administration de la justice. La réalisation de cet objectif passe, entre autres, par la...

Mme Claveau (Catherine) : ...la promotion et le maintien des tribunaux accessibles, efficaces et qui assurent aux citoyens une justice de qualité. Ainsi, le Barreau du Québec est un partenaire naturel du gouvernement et de la magistrature dans la recherche de solutions pour améliorer l'accès et l'administration de la justice. Plusieurs réformes importantes ont été mises en oeuvre et le Barreau du Québec y a toujours participé activement afin de fournir un éclairage pratique sur les impacts anticipés ou potentiels, ou pour formuler des recommandations visant à mieux atteindre les objectifs.

Le Barreau du Québec salue donc le projet de loi audacieux et accueille favorablement les initiatives proposées visant à améliorer l'accès à la justice, dont plusieurs font suite aux demandes qu'il a formulées.

Alors, tout d'abord, le projet de loi N° 8 propose une compétence concurrente entre la Cour du Québec et la Cour supérieure, tout en instaurant une procédure simplifiée à la Cour du Québec. Le Barreau est favorable à l'établissement d'une compétence concurrente entre la Cour du Québec et la Cour supérieure. La Cour du Québec revêt une importance dans l'administration de la justice au Québec et possède, comme la Cour supérieure, les caractéristiques essentielles à la protection du public. Le Barreau du Québec félicite l'introduction des dispositions au Code de procédure civile visant à encourager le recours au mode privé de prévention et de règlement des différends, entre autres, en permettant aux dossiers ayant fait l'objet d'une médiation ou d'un protocole préjudiciaire d'être entendus en priorité. Ces mesures permettront de donner des effets concrets à l'élaboration d'une telle entente par les parties ainsi qu'un incitatif fort important puisque leurs demandes pourront être instruites plus rapidement. Ces nouvelles mesures prônées par le Barreau du Québec contribueront sans aucun doute à améliorer l'efficacité de la justice.

Malgré tout, le Barreau du Québec réitère sa proposition d'aller plus loin et d'introduire au Code de procédure civile l'obligation de convenir d'un protocole préjudiciaire dans certains domaines, par exemple la responsabilité civile ou médicale et les recours pour vices cachés, avant de pouvoir saisir le tribunal. Cette proposition n'a pas été retenue dans le cadre de ce projet de loi, ceci fait en sorte que les parties devront, sans avoir pu bénéficier d'un forum d'échange et de divulgation de la preuve, procéder dans des délais plus serrés pour mettre en état leur dossier. Nous sommes d'avis que de telles mesures auraient contribué à la mise en oeuvre d'un réel changement de culture de règlement des différends.

Le Barreau du Québec salue la proposition d'une voie procédurale simplifiée pour les demandes en matière civile introduite à la Cour du Québec, mais recommande certaines modifications. Tout d'abord, le Barreau accueille favorablement l'absence de protocole de l'instance, l'encadrement de la demande introductive d'instance et la tenue d'une conférence de gestion dans les cas où l'une des parties ne serait pas représentée, ainsi que la possibilité qu'elle soit tenue en présence des parties. Cependant, le Barreau du Québec est d'avis que le délai accordé au défendeur afin d'exposer ses moyens de défense et de déposer ces pièces est insuffisant et le Barreau recommande de prévoir un délai de 120 jours à compter de la signification de l'avis d'assignation. Bien que nous soyons en faveur de raccourcir les délais de mise en état du dossier, il faut également permettre, et ce, de façon équitable, à chacune des parties de bénéficier d'un temps nécessaire pour faire valoir ses droits. En tenant compte du fait que le demandeur a 30 jours pour compléter sa demande, le défendeur ne dispose que de 55 jours pour exposer les éléments de sa contestation et déposer ses pièces, cela irait à l'encontre de l'objectif d'accessibilité du projet de loi.

• (12 h 20) •

Le projet de loi propose également l'interdiction des interrogatoires oraux préalables dans les affaires de moins de 50 000 $. Le barreau est d'avis que les limites actuelles qui sont prévues au code de procédure civile sont amplement suffisantes et devraient être maintenues. En effet, ces interrogatoires sont interdits dans les affaires pour lesquels la valeur en litige est considérée comme peu élevée et une limite de temps à l'interrogatoire est également en place. Ces restrictions permettent déjà un contrôle des coûts liés à une demande en justice. Il est aussi important de rappeler que ces interrogatoires ne consomment aucun temps judiciaire et lorsqu'ils ne mènent pas au règlement du dossier, ils permettent tout de même de circonscrire les questions en litige et ainsi d'écourter le temps d'audition. Il serait donc contre-productif de limiter les moyens disponibles aux parties, alors que nous visons à rendre la justice efficace et accessible.

Le projet de loi propose la production d'une déclaration écrite pour tenir lieu du témoignage d'une partie, le Barreau est en accord avec cette mesure, à condition de prévoir un délai pour la notification aux autres parties et la possibilité de contre-interroger le déclarant.

Maintenant, les petites créances. Le Barreau du Québec salue l'ajout des dispositions visant à favoriser la médiation et l'arbitrage...

Mme Claveau (Catherine) : ...aux petites créances. Les délais pour obtenir une audition à la division des petites créances s'allongent de façon inquiétante. Les mesures proposées répondent d'ailleurs à la recommandation du Barreau de rendre la médiation obligatoire. Le nombre de dossiers ayant fait l'objet d'une médiation demeure faible, alors que les avantages de la médiation sont indéniables et qu'elle connaît un taux de réussite intéressant. Le Barreau du Québec attend avec grand intérêt les précisions quant aux dossiers qui seront assujettis à ces nouvelles mesures et offre sa collaboration pour l'élaboration des dispositions réglementaires à venir.

Dans le même ordre d'idées, l'offre d'arbitrage à la division des petites créances sans frais additionnels est une mesure très prometteuse qui répond également à l'objectif du projet de loi. Le Barreau du Québec salue cette nouveauté qui va certainement avoir un effet considérable sur les délais et, ultimement, l'accès à la justice. Nous demandons que cette option soit offerte de manière automatique, mais que les parties puissent bénéficier d'un droit de retrait. Il s'agit d'un point essentiel puisque l'arbitrage devra être consensuel. L'accès aux tribunaux doit bien entendu être maintenu pour les parties qui le souhaitent, et il faut éviter qu'une telle mesure ne brime de quelque manière que ce soit ce droit qui est fondamental. Afin que ces mesures atteignent leur objectif, il faudra toutefois s'assurer que la rémunération des médiateurs et des arbitres soit adéquate et à la hauteur des services qu'ils seront appelés à rendre. Il est essentiel de s'assurer que la rémunération ne devienne pas un facteur dissuasif pour ces professionnels de la justice qui seraient disposés à rendre leurs services aux petites créances. Les arbitres jouent un rôle de décideur et doivent trancher un litige. Ils sont ainsi appelés à effectuer des tâches différentes de celles des médiateurs. Ils doivent également suivre une formation particulière et adaptée à leur fonction. Ainsi, le Barreau du Québec est d'avis que seuls les avocats membres du Barreau devraient agir à titre d'arbitre parce qu'ils sont les seuls à avoir les compétences requises en matière de litiges devant les tribunaux judiciaires. Rappelons que les décisions arbitrales sont finales et sans appel. Une justice accessible doit aussi être une justice de qualité.

Le projet de loi propose également plusieurs modifications afin de permettre la nomination de notaires à la magistrature. Ainsi, un notaire pourrait être nommé juge à la Cour du Québec, juge de paix magistrat ou même juge municipal. Il pourrait donc agir en matière civile, pénale et criminelle et en protection de la jeunesse. Le Barreau du Québec est très étonné de voir une telle mesure et s'y oppose. Il y a lieu de s'interroger sur les objectifs de cette proposition. Non seulement elle ne vise pas l'amélioration du système de justice, mais elle est complètement étrangère aux objectifs du projet de loi. Au surplus, il n'existe actuellement aucun enjeu de candidature ni de problématique particulière sur la qualité des juges au Québec. Nous estimons que cette question revêt un caractère fondamental compte tenu de la place unique de la magistrature dans notre société et de son rôle dans la saine administration de la justice. En effet, une magistrature forte et indépendante est essentielle à la confiance du public dans l'administration de la justice. C'est pourquoi nous sommes d'avis que seuls les avocats ont les compétences et l'expérience nécessaires pour maintenir cette confiance. En effet, bien que les avocats et les notaires aient le même diplôme universitaire de premier cycle, leur choix de cours universitaire leur reste leur formation, les actes qu'ils peuvent poser, leurs parcours, leurs pratiques et leur expérience diverge grandement par la suite. Les compétences et les habiletés acquises en 10 ans ne sont tout simplement pas comparables. Il est également très surprenant de considérer que des professionnels qui ne sont ni habilités ni autorisés à agir en matière litigieuse puissent accéder à la magistrature.

Au demeurant, cette mesure, qui s'appliquerait seulement à la magistrature de nomination provinciale, est aussi hautement paradoxale, car elle crée deux catégories de juges. En effet, les juges de la Cour supérieure et de la Cour d'appel y échapperaient. Couplée à la juridiction concurrente de la Cour du Québec et de la Cour supérieure, nous jugeons que cette situation comporte un risque élevé de miner la confiance du public qui aurait l'impression qu'il existe deux catégories de juges. Nous réitérons donc que cette mesure ne répond aucunement à l'objectif d'améliorer l'efficacité et l'accessibilité à la justice et qu'elle risque de miner la confiance des justiciables en notre système de justice.

En conclusion, le Barreau du Québec salue le dépôt du projet de loi n° 8 et se réjouit des efforts soutenus du ministère de la Justice pour l'amélioration de l'accès à la justice au Québec bien que certaines bonifications soient nécessaires afin de s'assurer qu'elles répondent à son objectif. Nous vous remercions et nous sommes maintenant prêts à recevoir vos questions.

Le Président (M. Bachand) :Merci infiniment. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Mme la bâtonnière, Me Claveau, un plaisir de vous retrouver. Me Hawi, Me Poupart, merci beaucoup de vous être déplacés à Québec pour venir en commission parlementaire sur le projet....

M. Jolin-Barrette : ...loi n° 8. D'entrée de jeu, sur la question de l'arbitrage, vous aviez des préoccupations. L'objectif que nous avons, bon, c'est de rendre la médiation obligatoire aux petites créances. Par la suite, si jamais le dossier ne se règle pas au stade de la médiation, on offrirait l'arbitrage d'une façon qui serait automatique, avec une présomption, dans les 30 jours, que les parties consentent à aller en arbitrage. Mais, bien entendu, la partie pourra toujours se retirer, parce qu'on ne peut pas les obliger complètement à aller en arbitrage. Le recours au tribunal sera toujours possible. Cependant, notre objectif est, justement, de favoriser les modes alternatifs de règlement des différends et enlever un volume de dossiers à la cour, pour que les parties puissent contribuer à la solution de leur litige.

Donc, sur la question de la médiation, le Barreau est en accord, puis vous trouvez que c'est une formule qui va permettre aux justiciables, je dirais, d'être mieux servis par la justice, peut-être?

Mme Claveau (Catherine) : Oui, parce que le fait, pour les deux parties, de se rencontrer, au moins une fois, en présence d'un tiers neutre, soit un avocat ou un notaire, qui peut, avec des techniques bien reconnues, les amener à régler leur différend, bien, pour nous, si leur problème est résolu, c'est l'objectif qu'il vise lorsqu'on décide d'intenter un recours judiciaire. Donc, on veut que notre problème se règle. Si on est capables, à deux, aidés d'un médiateur, de régler le problème, tant mieux. Et le double avantage de ça, c'est qu'en même temps ça enlève un dossier de la pile des dossiers de la Cour du Québec, division des petites créances, qui... Malheureusement, on sait que c'est une division, surtout dans certains districts, où est-ce que les délais sont devenus très longs, et donc stress pour le justiciable, qui est en attente de tout... Donc, pour nous, c'est une mesure vraiment très avantageuse.

M. Jolin-Barrette : O.K. Au niveau du nombre de médiateurs, on en a environ 500 qui sont accrédités actuellement. Au Barreau du Québec, vous donner une formation pour accréditer les membres du Barreau en tant que médiateurs. Vous avez souligné tout à l'heure un point sur la question du tarif. Actuellement, c'est 114 $ dollars de l'heure. Je comprends que vous nous dites : Vous devriez augmenter le tarif pour que ça soit plus attractif. Donc, j'entends votre commentaire Est-ce que vous pensez que le fait de rendre la médiation obligatoire, il y a plus d'avocats qui vont s'intéresser puis qui vont vouloir accréditer? Nonobstant, là, la question du tarif, on isole la question du tarif, mais, sur cette mesure-là, pensez-vous qu'on va encore augmenter notre bassin de médiateurs puis ça va intéresser des gens?

Mme Claveau (Catherine) : Bien, nous l'espérons. Puis c'est certain que le Barreau va offrir sa collaboration au ministère de la Justice pour promouvoir davantage à nos membres, là, d'accéder à cette façon-là, là, d'aider les citoyens à un meilleur accès à la justice et à trouver une solution. Mais évidemment, comme je l'ai dit, pour ça, il faut qu'on soit quand même attractif au niveau des honoraires, que ce soit assez compétitif pour en avoir le plus possible.

M. Jolin-Barrette : O.K. Vous avez souligné tout à l'heure, sur la question de délais pour la défense, donc, vous souhaiteriez avoir un délai de 120 jours. Ce qu'on souhaite faire avec la procédure simplifiée à la Cour du Québec, c'est, justement, de permettre de réduire les coûts, de permettre de réduire les délais aussi. Ça fait part notamment qu'il n'y aura plus d'interrogatoires en bas de 50 000 $. Vous vous dites : Bien, on devrait quand même maintenir ça à 30 000 $. Souvent, les gens ont tendance, dans la procédure civile, à se dire : Coudonc, mon dossier, il ne chemine pas, mon dossier, c'est long. C'est notamment un des objectifs pourquoi on compresse un peu les délais, pour que les dossiers soient entendus plus rapidement et soient un état plus rapidement, notamment le fait que la demande, maintenant, c'est uniquement cinq pages, la défense, deux pages, question de coût, question d'accessibilité, question d'efficacité. Mais je voudrais vous entendre davantage sur le nombre de jours supplémentaires pour la défense.

Mme Claveau (Catherine) : Et ça, je vais laisser Maître Poupart répondre à cette question.

• (12 h 30) •

Mme Poupart (Emmanuelle) : Je pense qu'il y a des réalités sur le terrain qui font en sorte qu'il y a des documents, par exemple, qui prennent du temps à obtenir, qui sont essentiels à la défense. Donc, le délai de 55 jours est extrêmement court, surtout si certains éléments de preuve sont entre les mains de tiers. Je peux prendre un exemple très concret. Dans la responsabilité professionnelle, par exemple, si on a besoin des dossiers médicaux qui sont à la base des recours en responsabilité médicale, actuellement, au niveau des archives de nos hôpitaux qui sont bien occupés à beaucoup de choses, comme vous le savez, il y a des délais substantiels à obtenir les dossiers médicaux. Donc, c'est juste pour s'arrimer avec une réalité du terrain qui fait en sorte qu'il y a des délais à obtenir des documents qui sont essentiels à l'exercice d'une défense pleine et entière.

M. Jolin-Barrette : O.K. Puis vous croyez qu'on n'y arrivera pas avec le délai de 55 jours? Parce que je...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

M. Jolin-Barrette : ...je vous proposerais l'idée suivante, là : Est-ce que tous les dossiers... supposons qu'on prend le délai que vous proposez, là, est-ce que la problématique que vous me présentez, elle est réglée nécessairement par ce délai-là ou ça arrive aussi que, des fois, les gens n'ont pas leurs documents dans ces délais-là? Parce que, voyez-vous, on est comme un peu...

Mme Poupart (Emmanuelle) : Oui. Bien, je pense que c'est un délai qui est plus réaliste. Est-ce que, dans tous les cas, ça va rencontrer ces exigences-là? Peut-être pas. Mais je pense que c'est plus réaliste de penser qu'on va y arriver dans ces délais-là. Puis je pense que l'expérience, vous savez, quand, initialement, le Code de procédure civile a été changé, puis qu'on visait de mettre les dossiers en état dans les six mois, on a vu ce que ça a donné, ça a été une multiplication de requêtes en prolongation de délais, puis on se rend compte que c'était déjà difficile. Alors, le fait qu'on soit dans une procédure simplifiée, avec un nombre de pages limité, et tout ça, je pense que ça, ça peut être réaliste, mais, 55 jours, c'est vraiment, vraiment court, là.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la question du jugement sur le vu du dossier, donc dans le cadre du projet de loi, on prévoit les dossiers de 3 000 $ du consentement des parties. Je comprends que si, de votre avis, si les parties consentaient, on pourrait amener ça jusqu'à 15 000 $, et qu'il n'y aurait pas d'enjeu pour que le juge puisse rendre jugement sur le vu du dossier, si ce n'est pas complexe, même si la créance, elle est plus haute?

Mme Hawi (Réa) :On n'a pas de position là-dessus, malheureusement, sur cette question-là.

M. Jolin-Barrette : O.K. Vous n'avez pas de position. O.K. Puis, bien, d'abord, je vous pose la question : sur le 3 000 $, êtes-vous à l'aise avec ça ou vous n'avez pas de...

Mme Hawi (Réa) :Ça, même réponse. Malheureusement, on n'a pas de position là-dessus.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la question des conférences de règlement à l'amiable, vous accueillez favorablement le fait que les parties doivent, avant d'aller à procès, s'asseoir, conférence de règlement à l'amiable.

Mme Claveau (Catherine) : Oui.

M. Jolin-Barrette : O.K. Est-ce que... Tout à l'heure, on avait Juripop qui nous parlait beaucoup des gens qui étaient non représentés. Comment est-ce, dans le système... Parce que ça va en augmentation, comment est-ce que, dans le système de justice, on peut faire en sorte que les gens se renseignent davantage ou aillent chercher davantage l'avis d'un professionnel comme un avocat ou qu'ils soient mieux accompagnés? Ça serait quoi les pistes de solution? Vous diriez : Il faudrait agir sur ce niveau-là. Parce que, bon, on a fait les cliniques universitaires, vous, à la clinique du Barreau que vous avez lancée comme projet pilote, puis ne pas rentrer permanent à partir de la prochaine rentrée... rentrée, bien, j'allais dire scolaire, là, mais rentrer à l'École du Barreau, la plus grosse clinique juridique. Qu'est-ce que ce qu'on pourrait faire, selon vous? Aussi?

Mme Claveau (Catherine) : Les centres de justice de proximité.

M. Jolin-Barrette : Oui.

Mme Claveau (Catherine) : Encore une fois, peut être, essayer d'être le plus imaginatif possible dans des campagnes de promotion de ces services-là. Évidement, grâce au projet de loi n° 34, ça permet à de plus en plus de justiciables à être... pouvoir être accompagnés d'un avocat ou d'un notaire, conseiller juridique soit à moindre coût ou à peu de frais. Je pense qu'effectivement, il faut aller davantage dans la promotion de ces services- là.

M. Jolin-Barrette : O.K. Et puis Juripop, tout à l'heure, nous disait : Écoutez, vous devriez modifier la loi sur le Fonds d'études notariales ou sur le Fonds du Barreau pour pouvoir financer pas uniquement de l'information juridique, mais également des conseils, avis juridiques, représentations aussi.

Mme Claveau (Catherine) : Mais j'avoue qu'on ne s'est pas penché sur cette question-là. Je l'ai entendue comme vous. C'est très... c'est original. Je pense que ça mériterait effectivement d'y réfléchir de manière plus approfondie parce qu'effectivement nos fonds respectifs d'études juridiques sont très encadrés, et on ne peut pas les utiliser pour ce genre de dossier là, à moins d'extensionner la règle, là, à son plus haut niveau. Mais effectivement, si c'était peut être plus souple, ça nous permettrait davantage, là, d'utiliser ces fonds pour accompagner le justiciable sans capacité financière que.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la question de l'accession à la magistrature par les notaires. Tout à l'heure, vous avez souligné, puis c'est dans votre mémoire que nous avons besoin d'une magistrature qui est forte, qui est indépendante. Je suis d'accord avec vous. J'aimerais mieux comprendre en quoi le fait que les notaires soient admissibles à la profession de juge va faire en sorte que la magistrature soit moins forte, moins indépendante, considérant, supposons, déjà le devoir d'impartialité du notaire dans le cadre de ses fonctions ou son rôle d'officier public.

Mme Claveau (Catherine) : Je vous remercie pour... que vous me posiez de cette question-là. Quand on parle d'une magistrature forte, c'est en lien avec le droit du justiciable, du public qui choisit de se présenter devant un tribunal, d'avoir devant lui le juriste le...

Mme Claveau (Catherine) : ...mieux former le plus... puis je le dis vraiment entre guillemets, là, parce que, tu sais, on ne remet pas en question du tout les compétences des notaires à titre de conseiller juridique, conseiller en loi. Mais toutes les compétences pour les débats contradictoires devant un tribunal, toutes les règles particulières de l'administration de la preuve, interrogatoire, contre-interrogatoire, tout ça, mais on l'apprend déjà à la fin du bac si on choisit des cours, genre, Tribunal-école. À l'École du Barreau, c'est enseigné, il y a des... En formation continue, c'est enseigné. C'est toute des façons pour le juriste qui, un jour, aspire à devenir membre de la magistrature à acquérir toutes les compétences au niveau de la formation, en formation continue également. Puis, en plus, il choisit, la majorité du temps, de travailler dans un milieu de travail qui lui permet d'expérimenter le débat contradictoire, donc de se présenter devant les tribunaux à titre de représentant d'une partie.

Donc, selon nous, pour la protection du public, pour la confiance, pour avoir une magistrature forte, bien, ça milite pour que ce soient les juristes les mieux formés et les plus expérimentés dans le domaine pour être admissibles à ce poste-là.

15 359 M. Jolin-Barrette : Je comprends votre point. Je vous soumettrais, par contre, qu'il arrive qu'il y ait à la magistrature des avocats qui n'ont pas eu l'expérience des débats contradictoires, que ce soit à la Cour du Québec, à la Cour supérieure, à la Cour d'appel ou à la Cour suprême du Canada aussi. Donc, il y en a des cas puis je ne pense pas que c'est nécessairement des mauvais juges parce qu'ils n'ont pas eu l'expérience de représenter dans le cadre d'un litige contradictoire des justiciables. Ça aussi, on vit déjà avec ça, des avocats qui n'ont pas plaidé devant les tribunaux, ça arrive.

Mme Claveau (Catherine) : Effectivement, ça arrive. Mais, à la Cour du Québec, il n'y en a... Par exemple, des professeurs d'université, il n'y en a que trois. Sur l'ensemble des juges, nous sommes 29 000 avocats... 29 500 avocats membres du Barreau, un bassin de... à peu près 4 500 notaires. Il y a quand même... Tu sais, au niveau de la proportion et du nombre d'avocats qui vont passer à travers le concours, répondre à la grille de la meilleure façon pour vérifier les compétences, on a un plus grand bassin et un plus grand choix. Puis aussi il faut penser que, dans certaines régions, petites régions... je vais donner, par exemple, au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Lorsqu'on nomme un juge à la Cour du Québec, la plupart du temps, il va falloir qu'il se prépare à aller entendre des dossiers en protection de la jeunesse et en droit criminel, et le lendemain il peut aller en droit civil. Donc, toute l'expérience du débat en chambre criminelle, pénale et en chambre de la jeunesse, bien, malheureusement, les membres de la Chambre de notaires ne l'ont pas, cette expérience-là, pour, encore une fois, être, peut-être... d'apprentissage plus court à être plus à l'aise rapidement pour entendre ces causes.

15 359 M. Jolin-Barrette : Mais je vous soumettrais que dans le cadre de multichambres, il arrive qu'il y ait des membres du Barreau qui sont nommés à la magistrature, qui ne pratiquaient pas dans ces domaines de droit là. Même à la Cour supérieure, où est-ce qu'ils font du droit familial, il y a beaucoup de gens de grands bureaux qui sont nommés, qui n'ont jamais touché un litige en matière familiale aussi. Mais on pourrait échanger longtemps là-dessus, mais je comprends très bien.

Mme Claveau (Catherine) : Non, mais ils ont fait du litige. Ils ont administré de la preuve.

15 359 M. Jolin-Barrette : Pas toujours.

Mme Claveau (Catherine) : Bien, dans les exemples que vous venez de me donner, on peut s'entendre que c'est la majorité, la grande majorité.

• (12 h 40) •

15 359 M. Jolin-Barrette : Et juste pour terminer sur ce point-là, vous avez dit tout à l'heure, on vient... Si on permet aux notaires d'accéder à la magistrature, on vient créer deux catégories de juges, notamment sur le fait de pouvoir être nommés aux tribunaux supérieurs, si vous êtes à la Cour du Québec, l'accessibilité à la Cour d'appel ou à la Cour supérieure. Sauf que, depuis l'arrêt Nadon, qui a été rendu par la Cour suprême... Prenez mon exemple. Moi, demain matin, si M. Lametti me faisait cet honneur, je pourrais être nommé directement à la Cour suprême. Je suis un avocat de 10 ans de pratique directe. Par contre, un juge de la Cour du Québec qui a plus de 10 ans de pratique, qui a été nommé par le gouvernement du Québec à la magistrature, qui est juge, supposons, depuis 15 ans à la Cour du Québec, ne peut pas accéder à la Cour suprême du Canada. Donc, on a déjà deux catégories de juges aussi. Dans le fond, si vous voulez accéder à la Cour suprême du Canada puis que vous êtes un avocat, vous êtes mieux de ne pas être nommé juge à la Cour du Québec, à moins d'être nommé par la suite à la Cour supérieure ou à la Cour d'appel. Il y a déjà une incongruité actuellement dans notre système pour les juges de nomination québécoise.

Mme Claveau (Catherine) : Bien, je ne crois pas qu'on en ait besoin d'une de plus. Et aussi, bien, j'ajouterais que je... Revenons à l'objectif de cette loi-ci qui est d'améliorer l'efficacité...

Mme Claveau (Catherine) : ...de la justice, de la rendre plus accessible. Donc, on pense... on s'adresse ici à des juges du Québec qui ont une compétence et le savoir-être, le savoir-faire pour entendre la population, souvent des plus vulnérables, là, en cour des petites créances. Alors, selon nous, encore une fois, les membres du public qui font partie de cette catégorie-là, qui ont des dossiers à faire entendre devant la Cour du Québec, méritent d'avoir les juristes les plus formés et les plus expérimentés en débat contradictoire.

M. Jolin-Barrette : O.K. Bien, écoutez, je crois qu'on s'entend qu'on ne s'entendra pas sur ce point-là, mais je respecte votre opinion. Puis je pense que vous exprimez clairement la position du Barreau. Puis c'est très clair également.

Le Président (M. Bachand) :Merci, M. le ministre. Alors donc, on va passer maintenant au député de l'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin :Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, Mme la bâtonnière. Bonjour, Maître Hawi, Maître Poupart. Dans votre exposé, vous avez parlé qu'il pourrait être avantageux d'avoir un protocole préjudiciaire. Est-ce que vous pouvez élaborer davantage sur ce concept-là, s'il vous plaît?

Mme Poupart (Emmanuelle) : Alors, le protocole préjudiciaire, c'est essentiellement un protocole, une entente entre les parties où on favorise la communication d'information de façon assez rapide. Donc, on va prévoir la communication des pièces, on peut même prévoir certains interrogatoires hors cour, la communication et les expertises, pour que l'ensemble des informations qui permettent à des parties de prendre position sur un litige se fassent rapidement, dans un processus un peu plus informel et surtout qui permette de déterminer rapidement qu'est-ce qu'on fait avec ce dossier-là. Est-ce qu'on le dirige vers le judiciaire, ou plutôt on se dirige vers une discussion pour en arriver à une entente hors cour? Alors, ça, c'est le concept du protocole préjudiciaire.

Et l'avantage, donc, c'est vraiment la communication rapide d'information qui permet aux deux parties, bien franchement, de prendre position plus facilement sur leur litige, puis de les catégoriser. Alors, c'est ça, le phénomène du protocole préjudiciaire. Et si tant est qu'on se rende compte qu'on n'est pas en mesure de faire un règlement et qu'on doit judiciariser, bien, à ce moment-là, on transfère ce qui a déjà été fait à l'extérieur du processus judiciaire dans le processus judiciaire, et donc c'est encore une fois plus rapide. Et là, évidemment, les délais sont très courts pour la mise en état du dossier parce qu'essentiellement tout est prêt.

M. Morin :Donc, je comprends qu'on parle, dans le projet de loi, beaucoup d'arbitrage, de médiation. Mais, si cet élément-là était ajouté, ça favoriserait également non pas uniquement la rapidité, mais l'accès à la justice en général.

Mme Poupart (Emmanuelle) : Absolument. Et je pense que ça favoriserait beaucoup les règlements également, parce que c'est sûr que la médiation, l'arbitrage, il y a... je dirais, la médiation, là, les taux de réussite sont quand même élevés, on voit la même chose aussi dans les conférences de règlement à l'amiable, mais le simple fait de pouvoir échanger dans un forum sur les éléments cruciaux d'un litige, puis même juste de déterminer c'est quoi, les vraies questions en litige... Parce que ça, ça fait une différence énorme, on peut avoir une action qui commence avec 5 questions en litige, mais on se rend compte finalement que le nœud de l'affaire, c'est une question en litige. Donc, par définition, on identifie cette question-là et on va faire en sorte que le débat éventuel, si tant est qu'il soit nécessaire, va être beaucoup plus court.

M. Morin :Donc. En fait, c'est une étape qui pourrait arriver avant même la conférence de gestion et donc qui permettrait de mieux cerner, finalement, les points les plus litigieux dans le conflit qui oppose deux parties.

Mme Poupart (Emmanuelle) : Exact.

1mor Merci.On parle beaucoup de médiation, d'arbitrage également dans le projet de loi. Vous avez parlé des tarifs pour les arbitres. Il y a certains forums où, évidemment, ces services-là sont payés par l'État, mais ce n'est pas le cas partout. Alors, si on augmente les tarifs, par exemple, pour avoir accès aux arbitres, est-ce que vous pensez que ça n'aurait pas un effet dissuasif sur les gens qui veulent avoir recours à l'arbitrage, et donc ça va permettre à moins de gens d'avoir accès à ces services-là? Est-ce que l'État ne devrait pas financer davantage ces services-là, compte tenu de l'option et de l'idée maîtresse, finalement, du projet de loi?

Mme Claveau (Catherine) : Oui. Il faut comprendre, lorsqu'on parle de majoration de tarif, on comprend que c'est... à l'instar des tarifs pour la médiation aux petites créances, on s'attend à ce que ce soit offert par le ministère de la Justice, ce ne soit pas aux parties à payer le tarif de l'arbitre, mais que ça fasse partie aussi des tarifs...

Mme Claveau (Catherine) : ...offerts par l'État. Ça, c'est... Je pensais que c'était clair, mais c'est dans ce sens-là qu'on fait la demande.

M. Morin :Parfait. Je vous remercie. Vous avez parlé aussi du délai pour déposer une défense, et, effectivement, le demandeur, lui, à un moment donné, a même un 30 jours pour envoyer ses documents, ce qui réduirait le temps à peu près à 55 jours. Je comprends qu'avec le projet de loi le gouvernement veut agir vite. Selon votre expérience, présentement, là, pour avoir un dossier complet, ça prend combien de temps à la cour, 150, 200, 250 jours?

Mme Poupart (Emmanuelle) :  Bien, je vous dirais que, réalistement, le plus rapide... puis encore, ça dépend vraiment de la complexité du dossier, ça, ça va de soi, c'est très variable. Mais moi, je peux vous dire que depuis qu'on a tenté de raccourcir les délais à la Cour supérieure dans l'espoir d'arriver dans les six mois, je n'ai eu aucun dossier qui a pu être mis en état dans les six mois. Je vais être bien transparente sur ce point-là. La réalité puis, je dirais, le plus rapide, c'est un an, mais tout dépend encore une fois de la complexité. Puis je sais que la complexité ne va pas toujours avec la valeur en litige, ça dépend toujours des questions, mais, dans certains dossiers, quand même, avec des expertises de responsabilités, tout ça, on réussit à le faire en un an. Mais déjà six mois, là, c'est tout un défi.

M. Morin : Donc si on augmentait le délai un peu... un peu plus que 120 jours, on gagne quand même sur la réalité sur le terrain maintenant.

Mme Poupart (Emmanuelle) : Exactement. Puis, du point de vue de la défense, qu'il faut garder également en tête, c'est que le demandeur, à partir du moment où il sait qu'il y a un litige, il n'a pas juste 30 jours pour préparer son dossier, il y a plusieurs années, même, à la rigueur, parce que le délai de prescription étant de trois ans, il y a comme un certain déséquilibre ici entre la demande et la défense.

M. Morin :Bien. On a entendu hier beaucoup d'associations de notaires. Je ne vous le cacherai pas qu'ils voient d'un très bon oeil la possibilité qu'ils puissent accéder à la magistrature. Mais j'aimerais vous entendre là-dessus, parce qu'il y a des associations de notaires qui ont dit qu'ils n'étaient pas surpris que le Barreau ne soit pas en faveur, parce que le Barreau est là pour protéger ses membres. Et pouvez-vous éclairer davantage les membres de la commission sur le mandat du Barreau?

Mme Claveau (Catherine) : Alors, évidemment, nous sommes... je suis tout à fait en désaccord avec cet énoncé-là. Le Barreau, c'est un ordre professionnel. La mission d'un ordre professionnel, c'est de protéger le public. Et nous au barreau, c'est ce qu'on a à cœur. Et je l'ai dit tout à l'heure et je le répète, c'est dans cette optique-là que nous estimons que, pour avoir la confiance du public en la magistrature, bien, il faut viser une magistrature qui a été... de gens qui ont été formés pour des débats contradictoires, qui en ont une compétence, formation et expérience.

M. Morin : Je comprends qu'à la Cour du Québec il y a des comités qui sont formés pour des concours, pour éventuellement soumettre des candidatures au ministre de la Justice. Je comprends que le Barreau participe à ces comités-là. Avec... De votre expérience, est-ce que, quand il y a des concours qui sont lancés, il manque des candidats juges? Est-ce qu'il y a des régions où ils sont obligés d'annuler des concours parce qu'il n'y a pas assez de personnes? Donc, évidemment, l'ajout de notaires aiderait à faire fonctionner les concours rapidement. Est-ce que c'est ce que vous vivez dans votre expérience?

Mme Claveau (Catherine) : Pas du tout. On a fait nos vérifications, et, à notre connaissance, il n'y a aucun concours qui a été annulé par manque de candidats.

M. Morin :Parfait. Est-ce qu'il me reste encore un peu de temps, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :...

M. Morin : Deux minutes. Dans le projet de loi, on parle beaucoup de médiation, accès à la justice. C'est très bien, le principe est excellent. Mais, dans votre pratique, à votre connaissance, est-ce qu'il y a suffisamment présentement d'employés dans les palais de justice pour être capable de mettre en œuvre ce projet-là ou si on ne va pas simplement déplacer le problème d'un côté vers l'autre?

• (12 h 50) •

Mme Claveau (Catherine) : Bien, malheureusement, à l'heure où on se parle, puis ça fait l'objet, là, de sorties dans les médias de divers acteurs du système judiciaire, il y a un manque de personnel au niveau du greffe de la cour, des constables spéciaux ou même un manque de juges. Donc, c'est certain que cette problématique-là, elle existe.

Donc, l'ajout de mesures comme ça doit aussi s'accompagner d'ajouts de mesures d'attraction, je dirais, pour aller chercher le plus de membres de personnel possible et de rétention, donc améliorer les conditions de travail des gens qui sont déjà en place pour les garder dans nos palais de justice.

M. Morin : Parfait. Je vous remercie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.

Mme Labrie : Merci, M. le Président. Je me suis inspirée de vos propos. J'ai tenté de cerner le nœud du litige, et il me semble que c'est l'accès à la magistrature, donc je vais revenir là-dessus avec vous. Je présume que...

Mme Labrie : ...avez confiance quand même dans le processus actuel de nomination des juges?

Mme Claveau (Catherine) : Oui, parce qu'il est quand même, tu sais, il y a quand même... Il est très réglementé et il y a un processus... d'abord, les membres qui font partie du comité de sélection, ce ne sont pas n'importe qui, il y a toujours un juge en chef adjoint, des avocats qui connaissent le domaine puis il y a une grille de questions aussi qui sont propres à la... tu sais, à la spécialité du juge, par exemple, recherché. Donc, si on a un juge en protection de la jeunesse, on va avoir des questions sur la pratique en protection de la jeunesse, si c'est quelqu'un qui va venir faire du civil général, il va y avoir des questions en ce sens-là. Donc, pour nous, au moment où on se parle, le processus est très bien organisé, très étanche.

Mme Labrie : Parfait. Donc, j'entends votre confiance réitérée envers le système de nomination des juges. À ce moment-là, j'avoue que j'ai du mal à comprendre votre inquiétude par rapport au fait qu'on créerait la possibilité théorique, là, qu'un notaire ait accès à la magistrature dans la mesure où si, de votre point de vue, les plus expérimentés et ceux qui ont la meilleure formation, ceux qui répondent le plus, finalement, aux exigences pour être juges, ce sont les avocats, et puis que, comme vous venez de le dire à mon collègue, il n'y a jamais eu de pénurie de candidatures du côté des avocats, et il semble que ça devrait pas changer à court terme, à ce moment-là, qu'est-ce qui vous inquiète? Le processus, si on lui fait confiance, devrait permettre de sélectionner les personnes les plus expérimentées, celles qui ont le meilleur bagage finalement, et puis on verra à la fin qui est sélectionné, mais si on fait confiance au processus, c'est ça qui protège le public, au fond.

Mme Claveau (Catherine) : Oui, mais, tu sais, j'aurais le goût de... tu sais, je pense, la question qui va se poser, bien, c'est pourquoi? Tu sais, il n'y en a pas besoin, puis il y a un nombre... tu sais, on est 29 500 avocats, parmi nos 29 500 membres, on a plusieurs membres qui souhaitent devenir membres de la magistrature et estiment qu'ils ont la compétence pour, puis comme je l'ai dit, on n'a pas d'exemple de concours où est-ce qu'il n'y a pas eu suffisamment de juges. Si on enchâsse cette disposition-là, et qu'on la met en vigueur, et qu'au final, il n'y en aura pas de notaires qui vont être nommés, à quoi bon? Tu sais ce que je veux dire, pourquoi on l'a fait cette mesure-là si, au final, étant donné les règles de sélection, il n'y en a pas? Mais, tu sais, c'est comme faire une mesure pour faire... Ajouter une disposition pour ajouter une disposition. Ça n'aura pas d'utilité, là.

Mme Poupart (Emmanuelle) : Puis si je peux me permettre de rajouter un point, c'est que ce qu'on vise avec le projet de loi, c'est de faire en sorte que ça roule bien, que les procès soient plus courts, alors toute l'expertise dans l'administration de la preuve, la décision d'objections qui est soulevée au fur et à mesure, il y a un monde de différence entre quelqu'un qui l'a fait pendant 10 ans puis quelqu'un qui n'a jamais pratiqué, qui n'a pas été formé, et tout ça. Donc, moi, je pense que ça va faire une différence sur l'administration et la durée des procès par définition.

Mme Labrie : Mais le processus en lui-même devrait être suffisant pour permettre de choisir des candidatures qui ont ce bagage, cette expertise pour qu'on ne ralentisse pas la cour.

Mme Poupart (Emmanuelle) : Bine, c'est-à-dire, je pense que, comme dit Me Claveau, sans... ça va revenir à faire ça pour finalement ne pas atteindre l'objectif parce que, si on regarde les compétences, l'expertise dans le processus de sélection, c'est difficile de faire la comparaison entre quelqu'un qui a fait 10 ans de procès...

Mme Labrie : Vous vous pensez qu'il y aura peu de notaires nominés, en fait.

Mme Poupart (Emmanuelle) : Bien, effectivement, je me questionne. Je me questionne sur cet objectif-là.

Mme Labrie : O.K. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Merci, M. le Président. Merci de votre présence. Pour faire du pouce sur la question de ma collègue, qui peut changer les règles, les règles de sélection?

Mme Claveau (Catherine) : Écoutez, c'est déterminé dans un règlement que j'oublie le nom. Malheureusement, je ne peux pas vous répondre en détail, là, à cette question-là, à moins que Me Hawi soit en mesure d'y répondre.

Mme Hawi (Réa) :C'est prévu par règlement, en fait. Je suis en train d'essayer de voir si j'ai le règlement, là.

Mme Claveau (Catherine) : Oui, c'est ça, c'est prévu par règlement, donc le législateur...

Mme Hawi (Réa) :On a toute la procédure, les critères de sélection, c'est le règlement sur la procédure de sélection des candidats à la fonction de juge à la Cour du Québec. Donc, c'est réglementé.

Mme Claveau (Catherine) : Donc, pour changer les critères, c'est au gouvernement de les changer.

Mme Nichols : Oui, c'est réglementé, mais un règlement, ça se change puis...

Mme Claveau (Catherine) : Oui, ça se modifie.

Mme Nichols : Oui, puis ça se modifie plus facilement que la loi. J'ai deux petites questions, vous avez parlé de la compétence concurrente, vous dites que le Barreau du Québec est favorable à l'établissement de la compétence concurrente, là, entre la Cour du Québec puis la Cour supérieure, je me demandais s'il y a un lien à faire avec les deux catégories parce qu'on parle de... vous avez parlé un peu de création de deux catégories de juges, est-ce qu'il y a un lien à faire en...

Mme Nichols : ...que les notaires auront la possibilité... voyons, que ça soit accessible à la magistrature. Est-ce qu'il y a un lien à faire entre les deux?

Mme Claveau (Catherine) : Bien oui, c'est... Le lien à faire, il est vraiment avec la proportion concurrente. Comment le projet de loi est fait, c'est que les créances, jusqu'à 75 000 $, c'est la Cour du Québec, mais, entre 75 000 $ et 100 000 $, le justiciable peut choisir s'il prend le chemin plus raccourci pour aller à la Cour du Québec ou suivre les règles qui ne sont pas prévues à ce projet de loi là puis aller en Cour supérieure.

Mme Nichols : Ça fait qu'à votre avis, le fait que les notaires soient admissibles ou qu'il y ait un notaire, quelqu'un pourrait décider de choisir justement en fonction de ce critère-là?

Mme Claveau (Catherine) : Ça pourrait être un critère aussi, si...

Mme Nichols : Bien, c'est ça, je me demandais si vous faisiez un lien entre les deux, entre la compétence concurrente puis la...

Mme Claveau (Catherine) : Bien... le lien ne se fait pas jusque là, mais, tu sais, on trouve quand même que ça crée quand même une certaine incohérence parce que c'est le même litige, c'est le même dossier. Puis, s'il choisit d'aller en Cour supérieure, il est certain qu'il n'y aura pas un notaire qui va l'entendre, puis, s'il va à la Cour du Québec, il y a un risque que ça va être un notaire.

Mme Hawi (Réa) :Si vous le permettez, si je peux juste ajouter, la compétence concurrente, avec laquelle on n'est pas en désaccord, là, ça va quand même venir créer de la confusion auprès du public, qui vont devoir choisir entre : Est-ce que je mène mon recours à la Cour supérieure ou à la Cour du Québec pour un même montant? Donc, ça va déjà être un certain questionnement qu'ils vont avoir à faire, un certain cheminement. Mais là ils vont aussi devoir considérer, bien, pourquoi est-ce que ça sera aussi, en plus de ça... En plus que ce soit une procédure différente, bien, le juge pourrait être différent aussi. Alors, pourquoi avoir ce questionnement-là auprès de la population, qui pourrait venir, en fait, miner, là, la confiance qu'ils ont dans une cour qu'on veut rendre essentiellement plus efficace?

Mme Nichols : En terminant, peut-être, rapidement... très rapidement, la reconfiguration du Conseil de la magistrature par rapport à l'indépendance judiciaire, est-ce que, pour vous, il y avait un problème?

Mme Claveau (Catherine) : Bien, pour nous... Nous ne nous prononcerons pas là-dessus. Nous estimons que nous ne sommes pas les meilleurs interlocuteurs pour vous en parler. Alors, nous vous invitons à rencontrer les gens du Conseil de la magistrature, qui pourraient vous en dire davantage.

Mme Nichols : Très bien. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Alors, merci d'avoir été avec nous aujourd'hui. C'est très, très, très apprécié.

Et je suspends les travaux jusqu'à 14 h. Donc, bon lunch rapide. On recommence à 14 h. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 58)


 
 

14 h (version non révisée)

(Reprise à 14 h 2)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, bonjour à tout le monde. La Commission des institutions reprend ses travaux.

Des voix : ...

Le Président (M. Bachand) :Merci. S'il vous plaît, je sais que vous avez hâte de discuter entre vous. Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi numéro huit...

M. Jolin-Barrette : ...

Le Président (M. Bachand) :M. le ministre, s'il vous plaît. Loi visant à améliorer l'efficacité et l'accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et l'arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec.

Cet après-midi, nous entendons les organismes suivants : la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes, la Chambre des notaires du Québec. Mais on a le privilège de commencer avec les représentants de l'Association du Barreau canadien, division du Québec.

Bienvenue à vous deux. Alors, comme vous savez, vous avez dix minutes de présentation. Alors, je vous inviterais à vous présenter puis à débuter votre exposé. Et par après on aura un échange avec les membres. Merci encore d'être ici avec nous.

Mme Burelle (Martine) : Merci. Alors, mon nom est Martine Burrel. Je suis la présidente de l'Association du Barreau canadien, division du Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui de maître Jérémy Boulanger Bonnelly, qui est le président du comité législation et réforme du droit de l'ABC.

Alors, l'ABC est la seule association à regrouper sous une même bannière tous les juristes du Québec, c'est-à-dire les étudiants en droit, les professeurs d'université, les juges... des juges, en fait, pas tous les juges, de même que des avocats et des notaires. Nous avons donc des avocats et des notaires dans notre association. L'ABC compte 37 000 membres à travers tout le Canada. Parallèlement à la présidence, je pratique en droit municipal et en droit immobilier public dans le district de Longueuil. Selon les statistiques du ministère de la Justice, il s'agit du district où les justiciables attendent le plus longtemps pour l'audition de leurs dossiers aux petites créances, soit plus de 1 000 jours.

Je me réjouis donc des mesures présentées par le ministre de la Justice qui auront certainement pour effet d'amener une solution concrète et rapide à ce problème. J'insiste sur le mot rapide, car le délai entre l'adoption du principe et la présentation d'aujourd'hui fut assez court. Étant moi-même toutefois d'une nature très enthousiaste, j'admire l'empressement à aller de l'avant avec la mise en place de cette réforme.

Relativement à l'accession des notaires à la magistrature, l'ABC est toutefois d'opinion qu'une réflexion plus profonde devrait être faite au préalable. L'ABC comprend par ailleurs qu'un important réinvestissement dans le système de justice devrait accompagner la mise en place de plusieurs des mesures annoncées et en profite pour suggérer la modification à la hausse du nombre de juges à la Cour supérieure et à la Cour du Québec, la modification proposée dans le projet de loi huit se limitant au nombre de juges à la Cour d'appel.

Je laisse la parole à maître Boulanger Bonnelly, corédacteur du mémoire avec Maître Bundaru, qui malheureusement n'a pu se présenter aujourd'hui puisqu'il est retenu... Il a tenté de régler ce matin, mais il est toujours retenu à la Cour supérieure au moment où on se parle.

Donc, je laisse la parole à Maître Boulanger qui vous présentera notre mémoire et pourra répondre à vos questions.

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Bonjour, M. le Président, M. le ministre, Mesdames et Messieurs les Députés. Donc, effectivement, je suis Président du Comité Législation et Réforme du Droit de l'ABC Québec. Je suis également... J'enseigne à l'Université McGill, à la Faculté de droit, et mes recherches portent sur l'accès à la justice. C'est donc un projet qui me tient personnellement à cœur.

Pour commencer, je voulais moi aussi souligner que c'est surtout Maître Bundaru, qui est le président sortant de l'ABC Québec, qui a piloté vraiment la rédaction de ce mémoire. Donc, malheureusement, il n'a pas pu être avec nous, mais le crédit lui revient également.

Je ne vais pas répéter toutes les recommandations que nous avons exposées en détail dans notre mémoire, mais je voulais attirer votre attention sur quelques points qui nous semblent particulièrement importants.

Premièrement, en ce qui concerne le protocole préjudiciaire. C'est évidemment un outil qui est très important et qui est en fait de plus en plus utilisé par les justiciables et leurs avocats, avocates, au Québec. Et donc, selon nous, c'est louable de vouloir lui faire une plus grande place dans le système de justice québécois.

Par contre, il faut, selon nous, que le Code de procédure civile définisse un peu mieux la notion de protocole préjudiciaire, et ça, pour deux raisons. Premièrement, c'est important d'un point de vue pédagogique. On a entendu les...

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : ...représentant, représentante d'Éducaloi entre autres nous parler de l'importance d'avoir des lois qui peuvent être comprises par les citoyens. Et donc notre suggestion s'inscrit en ce sens-là, de mieux définir le protocole préjudiciaire pour que les citoyens et citoyennes puissent le comprendre.

Mais d'un point de vue pratique, c'est aussi important de le définir, parce que, désormais, en fonction du projet de loi, le fait de convenir un protocole préjudiciaire permettra d'avoir accès à une instruction par priorité. Donc, il faut savoir à l'avance quel contenu devrait avoir ce protocole pour que le dossier bénéficie de la nouvelle priorité qui est proposée. Du même souffle, on souligne qu'il ne faut pas que la définition soit toutefois trop restrictive parce qu'un des avantages du protocole préjudiciaire, c'est justement sa flexibilité pour les parties.

Notre deuxième point, c'est concernant l'instruction par priorité, justement. Donc, nous sommes entièrement favorables à cette idée d'instruire en priorité les dossiers qui ont passé par une médiation ou par un protocole préjudiciaire. Par contre, comme ma consœur le mentionnait, les ressources accordées aux tribunaux doivent être suffisantes pour que la réforme fonctionne, parce que, si on donne priorité à ces dossiers-là sans qu'aucune ressource additionnelle soit investie dans le système, les autres dossiers vont forcément être retardés, incluant certains dossiers qui ont déjà une priorité en fonction du Code de procédure civile, comme les dossiers en matière d'intégrité des personnes, par exemple, ou les contrôles judiciaires. Donc, à notre avis, il faut ajouter de nouveaux juges et du personnel pour les soutenir, pour que cette instruction en priorité fonctionne réellement, ce que le projet de loi ne fait pas actuellement. Dans le même ordre d'idée, la médiation obligatoire aux petites créances est une bonne réforme, mais elle doit s'accompagner de ressources suffisantes pour éviter qu'elle ne tombe à l'eau.

Dans un troisième temps, on est aussi favorable à l'adoption d'une procédure simplifiée en Cour du Québec. Vous aurez peut-être noté par contre dans notre mémoire qu'on a identifié plusieurs incohérences ou certains défauts de rédaction dans les articles proposés, et donc on croit que c'est pertinent d'amender le projet de loi pour rectifier ces quelques points-là. Vous allez peut-être croire que ces points sont plus techniques, mais, à notre avis, ils sont quand même essentiels pour que les nouveaux articles qui sont proposés s'intègrent de façon harmonieuse dans le Code de procédure civile et que le tout soit clair également. Donc, on a fait des recommandations en ce sens dans notre mémoire.

Quatrièmement, l'idée d'un arbitrage gratuit aux petites créances doit être révisée, selon nous, pour protéger la publicité des débats judiciaires. On a entendu beaucoup d'interventions en commission parlementaire sur le sujet de l'arbitrage gratuit, et nous sommes tout à fait d'accord qu'il faut désengorger les petites créances, et on salue l'initiative du ministre en ce sens. Par contre, ce que le projet de loi propose, dans les faits, c'est essentiellement de privatiser aux frais de l'État un certain nombre de litiges qui vont devenir assujettis aux règles de l'arbitrage et qui vont donc demeurer confidentiels. Selon nous, il y a d'autres solutions qui doivent être envisagées et qui peuvent être envisagées par le législateur. Donc, si on prend un seul exemple qu'on a mentionné dans notre mémoire, c'est l'Ontario qui a recours à des avocates et à des avocats qui agissent à temps partiel comme juges suppléants aux petites créances. Et donc cette solution-là s'apparente à l'arbitrage parce qu'elle utilise la force des avocates et des avocats qui sont des juristes chevronnés et qui sont accrédités, effectivement, pour mettre l'épaule à la roue et désengorger les petites créances. Mais ce que cette solution-là ne fait pas, comparativement à l'arbitrage, c'est de privatiser tout un pan de notre système de justice. Donc, on croit qu'on peut atteindre l'objectif que le projet de loi poursuit en ce sens, sans pour autant avoir les effets négatifs de la mesure proposée.

Cinquièmement, sur l'éligibilité des notaires à la magistrature, nous sommes ouverts à ce qu'une réflexion sur le sujet soit amorcée, comme ma collègue l'a mentionné, mais nous sommes d'avis que l'amendement proposé est un peu trop précipité. Il y a des arguments en faveur de l'éligibilité des notaires, puis vous en avez entendu beaucoup en commission parlementaire, mais aussi certaines préoccupations qui peuvent être légitimes. Donc, vu l'importance de l'enjeu de préserver une magistrature de qualité, une telle réforme, selon nous, devrait être adoptée seulement après avoir consulté sérieusement toutes les parties prenantes. Et ce qu'on vous demande, donc, c'est de retirer cette portion du projet de loi pour l'étudier ultérieurement.

• (14 h 10) •

Dans notre mémoire, on aborde également les modifications qui touchent le Conseil de la magistrature, notamment en ce qui concerne l'accès à l'information. Et puis, l'élément le plus important à mentionner, c'est que c'est essentiel, avant d'aller de l'avant avec de telles modifications, de consulter la présidente du Conseil de la magistrature, donc la juge en chef de la Cour du Québec, ce qui, selon ce qu'on comprend, n'a pas été encore fait.

Et puis, dernier point, en terminant, on note dans notre mémoire, mais c'est essentiel de mesurer de façon empirique l'impact des réformes proposées. L'Ontario l'a fait, par exemple, après avoir adopté le programme de médiation obligatoire il y a déjà plusieurs années. Et, selon nous, c'est essentiel que le Québec aussi fasse...

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : ...cette mesure... ce pas là en fait pour après l'adoption du projet de loi n° 8, vérifier que les réformes fonctionnent et les ajuster au besoin en se basant sur des données solides et sur de la recherche empirique.

Donc, en conclusion, nous accueillons de façon très favorable la plupart des mesures proposées par le projet de loi et son impact sur l'accès à la justice, mais nous vous invitons à tenir compte des quelques recommandations qu'on a formulées dans notre mémoire pour bonifier le projet de loi et s'assurer qu'il ait l'impact souhaité.

Donc, je vous remercie au nom de l'ABC Québec, et évidemment ça nous fera plaisir de discuter avec vous et de répondre à vos questions.

Le Président (M. Bachand) :Merci infiniment. Donc, M. le ministre, vous avez la parole, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Me Burelle, Me Boulanger-Bonelli, bonjour, merci de participer aux travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 8.

Écoutez, d'entrée de jeu, allons-y sur l'accession des notaires à la magistrature. Vous avez dit... Vous avez dit : C'est important de maintenir une magistrature de qualité. Donc, par vos propos, est-ce dire que, si un notaire accède à la magistrature, la magistrature ne sera plus de qualité?

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Pas du tout, dont je faisais référence à certains arguments qui ont été mentionnés de part et d'autre. Et puis, comme Me Burelle l'a mentionné, nous avons des notaires, des avocats, des avocats dans notre membrariat, et donc je pense que c'est important d'entendre toutes les parties en cause avant de faire cette réforme-là. Mais je relatais des propos, là, de part et d'autre sans prendre position sur ce point-là.

M. Jolin-Barrette : O.K. Parce que...

Mme Burelle (Martine) : Si je peux compléter?

M. Jolin-Barrette : Oui, allez-y.

Mme Burelle (Martine) : M. le ministre, en fait, puisque nous côtoyons des notaires dans notre organisation, et bien entendu que l'on connaît leurs forces et leurs faiblesses. Au niveau des forces, il est évident que plusieurs détiennent une formation qui serait très utile. Si je pense en Cour du Québec, puisque je pratique en droit municipal, il y a énormément de dossiers, de contestations de droits de mutation, leur formation est faite pour entendre ces dossiers-là, c'est évident. Il y a une chambre... toute la division administrative, les appels en provenance des décisions de Revenu Québec, c'est sûr qu'on peut voir un atout dans le fait d'avoir des notaires qui siégeraient dans cette division-là. Mais, puisqu'on les connaît aussi et qu'ils font partie de nos membres, on peut aussi voir d'autres faiblesses, comme par exemple le manque d'expérience en matière criminelle et pénale. Toutefois, c'est aussi quelque chose que les... pas tous les avocats n'ont cette expérience-là.

Donc, je pense qu'une réflexion est requise à ce sujet-là. On n'est pas du tout contre l'idée. En fait, de notre côté, nous sommes ouverts. On voit les forces que les notaires pourraient apporter à la magistrature, mais, au niveau des faiblesses... mais, bien entendu, c'est les 10 ans de formation. Dans le fond, l'administration de la preuve et tout le côté procédural, il y a une grosse partie qui est quand même apprise dans la salle de cour au cours des 10 dernières années.

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, je comprends que vous n'êtes pas fermés, vous êtes ouverts, mais vous nous dites : Écoutez, il y a peut-être certains enjeux, tout ça. Puis on a entendu beaucoup d'arguments, de part et d'autre, puis je vous résume ça ainsi : les notaires sont en faveur puis les avocats sont contre. C'est à peu près ça. Grosso modo, si on remet ça, là, d'une façon dichotomatique, ça ressemble pas mal à ça. Mais, en tout cas.

Mme Burelle (Martine) : Hier, j'ai entendu quelqu'un... j'ai pu entendre une partie, là, j'étais en déplacement le reste de la journée, j'ai entendu quelqu'un, dans les remarques préliminaires, qui disait : Je suis avocate, mon frère est notaire et nous avons eu beaucoup de discussions en famille pendant la fin de semaine. Eh bien, nous sommes cette famille, l'ABC, nous avons beaucoup de discussions en famille.

M. Jolin-Barrette : Excellent. Bien, j'espère qu'il n'y a pas de chicane de famille chez vous. C'est important de discuter, mais de ne pas rester choquer, hein, ça, c'est bien important. Cela étant, vous m'avez dit Me Burelle : Bien, écoutez, en matière criminelle et pénale, bien là, c'est une faiblesse pour les notaires. Mais il y a plein d'avocats qui n'ont jamais pratiqué la matière criminelle et pénale. Je donne un exemple. Mon estimé confrère est un spécialiste en matière criminelle et pénale; pas moi. Donc, il serait davantage compétent que moi pour siéger en chambre criminelle et pénale. Par contre, quand on prend la magistrature en général, bien, ça arrive qu'il a multichambre, ça arrive qu'il y a des civilistes qui sont nommés pour siéger en chambre de la jeunesse puis en chambre criminelle et pénale ou qu'il y a des postes qui sont ouverts criminel et jeunesse. Alors, il y a différentes variétés. Puis il y a même des avocats qui sont nommés qui ne plaidaient pas. Il y a des profs d'université, il y a des gens qui travaillent en contentieux municipaux qui ont été nommés puis qui ne faisaient pas de litige, qui étaient greffiers dans des municipalités.

Alors, je comprends que, pour vous, ça mérite...

M. Jolin-Barrette : ...Alors, je retiens votre commentaire. Peut-être des éléments plus techniques, là, par rapport au projet de loi. L'article sur le fait de pouvoir rendre jugement sur le vu du dossier et à 3 000 $, vous, vous êtes ouvert à élargir ça d'une façon plus large?

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Exactement. Et puis, en fait, je pense que les discussions ont déjà eu lieu à ce niveau-là en commission parlementaire, mais dans la mesure où le consentement des parties est obtenu de part et d'autre, à notre avis, il n'y a aucun obstacle à ce qu'un dossier soit décidé sur le vu du dossier. Et puis le montant en litige, finalement, est parfois un bien mauvais indicateur de la complexité d'un litige ou de la possibilité de le résoudre sur dossier. On peut penser à des actions sur compte qui vaudraient 15 000 $, mais qui demeureraient, somme toute, simples. Donc on est d'avis effectivement que ça pourrait être étendu tant que le consentement demeure une exigence.

M. Jolin-Barrette : O.K. Bien, je retiens bien votre suggestion. Sur la question de la médiation, là, dans le modèle qu'on propose, on propose une médiation obligatoire, arbitrage automatique, mais une partie va pouvoir se retirer. Vous, vous avez un enjeu avec le fait que, pour l'arbitrage, vous dites, bon, c'est un rapport de nature privée entre les parties, ça ne serait pas assujetti à la publicité des débats. Là, je comprends qu'en est en Ontario ils créent un système avec des avocats-juges, si on veut un peu. Nous, notre souhait, c'est véritablement de désengorger le système de justice, mais aussi que les dossiers se règlent plus rapidement pour les justiciables et qu'ils participent à la solution de leur litige. Donc, sur la question de la médiation comme telle, là, puis même sur la procédure civile, je fais le deuxième volet du projet de loi également, procédure civile simplifiée, le fait de fixer par priorité les dossiers qui auront eu recours à un mode alternatif de règlement des différends. Ça, vous êtes à l'aise avec ça?

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Bien, il y a plusieurs éléments dans votre question. En ce qui concerne l'arbitrage, je pense que c'est quand même un élément distinct de la médiation dans le sens où les parties ne vont pas régler leurs différends en participant vraiment comme la médiation. C'est beaucoup plus similaire à la résolution des différends par les tribunaux. Donc, à notre avis, c'est là qu'il faut repenser un peu la réforme proposée. La médiation obligatoire, à notre avis, c'est une excellente réforme. Puis on a vu en fait en Ontario que malgré le fait qu'on déroge au principe du consensualisme, hein, de la volonté des parties de se soumettre à la médiation, le taux de succès a été immense. Et la réforme est là depuis plusieurs années. Donc, on ne voit pas pourquoi ça serait différent au Québec.

Puis sur l'instruction en priorité, c'est sûr qu'il peut survenir certains problèmes. On a entendu certains de nos membres dire : Certaines compagnies, peut-être, vont décider de ne pas aller en médiation dans les cas où ce n'est pas obligatoire pour finalement causer des délais dans le dossier, hein, reporter le moment de l'instruction, en disant : Bien non, on n'ira pas en médiation et donc comme ça on ne passera pas en priorité. Donc, on ne voudrait pas que ça soit utilisé comme étant un moyen finalement de... un moyen dilatoire par certaines parties. Mais ceci dit, on veut encourager la médiation. Et donc, en ce sens-là, c'est une bonne mesure tout de même.

M. Jolin-Barrette : Sur votre dernier commentaire, là, vous pensez vraiment qu'il y a des parties qui utiliseraient des moyens dilatoires de cette façon-là, vous voyez un enjeu là-dessus? Je pensais que la bonne foi se présumait.

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Ah! tout à fait. Puis on ne dit pas que ça va être finalement, dans tous les cas, que ça va survenir, mais certaines parties qui ont intérêt à ce qu'un litige dure plus longtemps pourraient peut-être vouloir utiliser cette mesure-là pour causer des délais. Donc, il faut juste faire attention de bien cerner cette mesure-là, bien la circonscrire pour s'assurer qu'elle ait l'effet voulu.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je voudrais vous entendre peut-être... Il n'y a personne qui nous a parlé à date des plafonds, donc compétence exclusive jusqu'à 75 000, Cour du Québec, compétence concurrente, 75 000, 100 000, qu'est-ce que vous en pensez, de ça?

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Bien, en fait, on est favorables, là, dans le sens que, dans le mémoire, je pense qu'on l'a expliqué, on prend acte de cette réforme-là puis ça ne pose pas de problème particulier, à notre avis. Puis on comprend que ça répond aussi aux exigences, là, de l'arrêt de la Cour suprême, sans prendre avis... sans prendre position sur la constitutionnalité de la réforme, là, mais on comprend que c'est une réponse à cet arrêt-là.

M. Jolin-Barrette : O.K. Certains groupes sont venus nous dire : bon, médiation obligatoire, ça va. Vous, vous nous dites : Bien, écoutez, oui, normalement, c'est la forme d'un consensualisme, mais, en Ontario, ce n'est pas le cas, puis ils ont bien réussi. Donc, oui, normalement, la médiation, il faut que les deux parties y aillent, mais, avec une petite tape dans le dos pour dire : allez-y, en médiation, ça va peut-être vous aider, vous êtes d'accord avec ça.

Sur la question du volume de dossiers, vos membres, j'imagine, il y en a beaucoup qui sont médiateurs, également. Pensez-vous qu'il va y avoir une attractivité du fait qu'on rende ça obligatoire, que de vos membres, ils vont être intéressés à devenir médiateurs ou à prendre davantage de dossiers?

• (14 h 20) •

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Je pense qu'il faut quand même que le tarif soit attirant pour ces personnes-là, parce que les avocats, avocates ont quand même... Ou les notaires ont une pratique, là, qui peut être intéressante ailleurs et donc pour...

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : ...convaincre d'aller en médiation, il faut quand même avoir des tarifs intéressants. Donc, ça, c'est un élément. Mais je pense effectivement qu'avec un changement de culture comme ça, qui rend la médiation beaucoup plus présente, ça pourrait avoir un effet et convaincre des gens de devenir, là, effectivement, médiateurs, médiatrices.

M. Jolin-Barrette : O.K.

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Martine, je ne sais pas si tu voulais compléter?

Mme Burelle (Martine) : Mais, en fait, il existe déjà un tarif au niveau des avocats et des notaires qui travaillent à l'externe. On l'appelle le décret, le tarif du décret. Je ne sais pas si c'est à ce tarif-là que vous pensiez pour les médiateurs. Mais moi, je pense que, pour répondre à la question, tout va dépendre du tarif.

M. Jolin-Barrette : O.K. Me Burelle, Me Boulanger-Bonnelly, merci beaucoup. Je vais céder la parole à mes collègues. Alors, merci beaucoup pour votre passage en commission parlementaire.

Mme Burelle (Martine) : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré, s'il vous plaît.

Mme Bourassa : Bonjour. Je vais me limiter à une question pour laisser à mes collègues la chance de vous parler aussi. Alors, je voudrais parler de la proposition portant sur une plus grande représentativité des personnes victimes au sein du Conseil de la magistrature. On n'a pas entendu beaucoup de commentaires à ce sujet-là. J'aimerais savoir si, selon vous, c'est susceptible d'avoir un impact, là, sur le système de justice, notamment sur la sensibilité requise dans le cheminement des dossiers, la formation, peut-être, continue qui est également offerte aux juges. Comment vous voyez, là, cette modification?

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : On se positionne favorablement sur cette modification-là parce que ça permet justement une plus grande représentativité, puis que ça permet d'apporter un éclairage nouveau au sein des activités du Conseil de la magistrature, notamment au niveau de la formation. Puis on pense que c'est un équilibre adéquat, là, qui a été atteint avec la réforme qui est proposée. Puis il y a d'autres exemples, si je peux me permettre, ailleurs dans le monde. Par exemple, en Angleterre, hein, il y a certains modèles de réglementation professionnelle qui incluent des personnes de la communauté, qui incluent des citoyens, citoyennes. Donc, ce n'est pas non plus inusité, là, d'inclure des citoyens, citoyennes sur ce genre d'organisme là.

Mme Bourassa : Parfait. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée d'Anjou-Louis-Riel, s'il vous plaît.

Mme Boivin Roy : Merci, M. le Président. Alors, merci à vous pour la présentation. Je comprends que vous nous avez suivis hier, dans les travaux, et vous avez relevé certains commentaires de nos membres. Peut-être avez-vous eu la chance de prendre connaissance des documents, entre autres, ceux de la Chambre des notaires, qui nous disent que 51 % des gens ne connaissent pas, à toutes fins pratiques, là, les modes alternatifs de résolution de conflit, comme la médiation. Alors, comment voyez-vous votre rôle, à ce niveau-là, pour sensibiliser le public à ces autres offres qui se présentent à eux?

Mme Burelle (Martine) : Bien, c'est sûr que l'ABC a un rôle... C'est une situation qui pourrait être comparée à un syndicat, dans le fond, au niveau... elle représente ses membres. Elle n'a pas un rôle spécifique au niveau de la protection du public. Elle a, toutefois, des programmes. Donc, on a un programme, qui est très intéressant, dans les écoles, où on se déplace d'école en école pour expliquer qu'est-ce qu'est un procès, de quelle façon ça fonctionne, et on a des juges qui participent à ça avec nous, des bénévoles, qui y mettent des centaines d'heures par année, qui sont très, très, très impliqués. Donc, c'est sûr qu'un volet par rapport à la médiation pourrait être ajouté à nos programmes, à ce sujet-là, au niveau de la sensibilisation dans les écoles, de notre côté.

Mme Boivin Roy : Merci beaucoup.

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Puis, si je peux me permettre aussi, l'ABC-Québec et l'ABC nationale, aussi, ont beaucoup de formation, hein, auprès des membres, c'est un des rôles de l'association. Donc, évidemment, des formations sur la médiation, par exemple, pourraient être envisagées, là, pour renforcer les capacités, finalement, des membres de l'ABC-Québec.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Laval-des-Rapides. Non? Alors, M. le député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Oui, merci, M. le Président. Il nous reste combien de temps?

Le Président (M. Bachand) :Trois minutes.

M. Lemieux : C'est bon. Alors, avant d'aller à ma dernière question, j'en avais une, au cas où que j'aie un peu de temps. C'est au sujet de votre recommandation et de votre remarque au sujet de l'arbitrage sans frais, qui pourrait avoir des effets pervers. Gardez-moi une petite minute ou deux pour finir, après ça, sur les notaires juges. Mais parlez-moi de ça, parce que j'avoue que vous m'avez surpris avec celle-là. Il y a un effet pervers à plein de choses, là, mais celle-là, expliquez-moi ça.

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Oui, bien, en fait, le principe fondamental de notre système de justice, un des principes fondamentaux, c'est la publicité des débats judiciaires, puis ça, ça existe pour s'assurer que la justice est transparente, qu'elle soit accessible, que les gens puissent la regarder et s'assurer qu'elle soit bien faite. En matière de petites créances, même si les dossiers sont peut-être un peu moins importants, c'est un principe qui est quand même fondamental et qui existe, tout de même, dans notre système de justice, c'est un principe constitutionnel, à certains égards, même. Et donc selon nous, de permettre à l'État, finalement, de financer l'arbitrage, ça va un pas peut-être trop loin. En utilisant les ressources de l'État pour financer un système qui déroge à ce principe de publicité là...

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : ...et qui privatise à toutes fins pratiques un certain nombre de litiges. L'arbitrage est très utile. On n'était pas en train de critiquer l'arbitrage de façon générale, mais on se dit : Si l'État est pour financer des avocats, avocates, d'autres arbitres pour faire ce genre d'arbitrages là, bien, peut-être qu'on est mieux de le faire à même le système de justice pour garder la publicité des débats.

M. Lemieux : Très intéressant. Merci d'avoir réexpliqué ce que vous aviez dit tout à l'heure.

Mme Burelle (Martine) : Je peux peut-être vous donner un exemple concret.

M. Lemieux : Oui. Oui.

Mme Burelle (Martine) : Dans le fond, il arrive souvent que les gens, avant de faire affaire avec un entrepreneur quelconque... Maintenant, les gens connaissent CanLII. Donc, ils vont sur CanLII et tapent le nom pour s'assurer que la personne n'a pas 25 jugements pour vice, par exemple, dans les travaux. Maintenant, si cet entrepreneur-là décidait de toujours avoir accès à l'arbitrage, eh bien, dans le fond, il n'y aurait pas la publicité par rapport à tout cet historique-là de mauvais services. Donc, c'est une des utilités de la publicité des jugements, là, en tant que tels, c'est un exemple, puis il y en aurait sûrement des meilleurs, là, mais c'est le seul auquel je pense pour le moment.

M. Lemieux : Mais je veux vous parler des notaires à la magistrature, parce que le temps court, il me reste une minute. Tous les avocats ne deviennent pas, ils ne veulent pas nécessairement devenir juges. C'est vrai aussi probablement pour les notaires, lorsqu'on leur en donnera la capacité. Je note votre ouverture, grande ouverture, mais à la fin vous dites : «Dans l'éventualité où le législateur décidait de rendre les notaires éligibles à la magistrature provinciale, l'ABC-Québec souligne l'importance de préserver la robustesse du processus.» Il n'est jamais question d'alléger le processus, là. Pourquoi vous prenez le temps de dire : Il va falloir que vous gardiez les règles où elles sont? Il n'est pas question de les réduire, là.

Le Président (M. Bachand) :Rapidement, parce qu'il reste très peu de temps.

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Oui. Bien, effectivement, le processus est robuste, et on pense qu'il doit le demeurer. C'est simplement un mot peut-être pour s'assurer que ça ne soit pas quelque chose qui est envisagé par le législateur. Mais c'est là qu'à notre avis, là, ça se situe, la robustesse du processus de sélection.

M. Lemieux : Merci, madame...

Le Président (M. Bachand) :Merci. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin :Merci, M. le Président. Bonjour, Me Burelle et Me Boulanger-Bonnelly, vous transmettrez mes salutations à Me Bundaru également, merci d'être là. Je trouve les informations que vous nous donnez particulièrement pertinentes, très crédibles, parce qu'effectivement, au sein de votre association, il y a des magistrats, des juges, des notaires et des avocats. Donc, évidemment, vous êtes capables de parler au nom de tous ces gens-là.

J'ai quelques questions pour vous. Ce projet-là, évidemment, en principe, il est... on ne peut pas être contre. On ne peut pas être contre l'accès à la justice, on ne peut pas être contre le fait que la justice veuille aller plus vite. Mais, vous l'avez évoqué un peu en entrée de jeu, ça ne fonctionnera pas, je pense, s'il n'y a pas les ressources suffisantes qui viennent avec. Donc, on parle beaucoup de médiation, d'arbitrage. S'il n'y a pas plus de personnel dans les greffes, s'il n'y a pas plus de personnel dans les palais de justice, est-ce que la justice va aller plus vite, même avec le projet de loi, ou s'il n'aura pas d'impact positif, d'après vous?

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Il y a certaines parties du projet de loi qui permettront de simplifier la procédure, par exemple en Cour du Québec. Évidemment, ça, ça va être utile, qu'il y ait des ressources ou non additionnelles qui soient investies. Mais, pour la grande majorité, je pense, des mesures qui sont dans le projet de loi, ça prend des ressources additionnelles pour permettre au système de justice de mettre en œuvre ces réformes-là et s'assurer qu'elles aient l'impact voulu, parce que sinon, on va se ramasser avec peut-être des délais dans certains dossiers qu'on ne voudrait pas avoir non plus ou, finalement, une médiation qui est en théorie accessible, mais qui en pratique ne l'est pas réellement.

M. Morin :C'est ça. Alors, si je vous comprends bien, si ce projet de loi là fonctionne et va rondement au Parlement, on l'adopte, mais que le restant de l'appareil judiciaire ou le personnel des palais de justice ne suit pas, finalement, on n'ira pas plus vite.

Et, si je vous comprends bien, Me Burelle, vous avez souligné, si j'ai bien compris, que le délai pour les Petites créances à Longueuil, c'est 1000 jours. Est-ce que j'ai bien compris?

• (14 h 30) •

Mme Burelle (Martine) : C'est les données de statistiques... C'est les statistiques du ministère de la Justice, mais celles de l'année dernière. Donc, je ne peux pas vous dire, pour cette année, où est-ce qu'on en était.

M. Morin :O.K. Très bien.

Mme Burelle (Martine) : Toutefois, à Longueuil, c'est particulièrement long.

M. Morin :Très bien. Je vous remercie. J'aimerais attirer votre attention sur des dispositions du projet de loi comme tel, parce qu'on en a parlé avec d'autres témoignages. C'est l'article 7, qui va modifier l'article 535.6, et on parle d'un délai de 85 jours pour le défendeur pour composer finalement son dossier. Si on regarde le délai qui est alloué au demandeur, il doit envoyer...


 
 

14 h 30 (version non révisée)

M. Morin : ...un avis au défendeur dès qu'il va intenter son action, il peut par la suite parfaire son dossier dans les 30 jours. Le défendeur, lui, n'a que 85 jours, donc théoriquement dès qu'il reçoit l'avis. Donc, théoriquement, s'il reçoit de la documentation du demandeur 29 jours après, bien, ça ne fait plus... ça ne lui fait plus 85 jours, ça lui en fait 56 pour préparer son dossier. Est-ce que vous pensez que c'est suffisant ou s'il n'y aurait pas lieu d'augmenter ce délai-là pour permettre au défendeur de bien préparer son dossier et d'assurer une défense, évidemment, pleine et entière, si... Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Bien, effectivement, il y a plusieurs considérations ici. Ça dépend de la complexité des dossiers, hein? Il n'y a aucun dossier qui est identique. Donc, on essaie de fixer une durée qui, dans certains cas, va être adéquate, dans d'autres, ne le sera pas. Puis il y a aussi un impact, peut-être, auquel on ne pense pas toujours, mais qui risque d'arriver, c'est-à-dire que, si la durée n'est pas adéquate, il y aura des demandes qui seront faites au tribunal de prolonger ces délais-là ou peut-être de relever des parties du défaut de ne pas avoir respecté les délais. Donc, on va engorger le système aussi avec ces demandes-là de prolonger les durées qui sont prévues dans la procédure simplifiée. Donc, il faut effectivement y réfléchir. Honnêtement, on n'a pas... on ne sait pas si la durée précise est adéquate ou non, mais c'est des considérations qu'il faut prendre en compte pour établir cette durée.

M. Morin : Je vous remercie... Oui.

Mme Burelle (Martine) : On peut noter que, dans la pratique, on remplit un protocole de l'instance, et après l'interrogatoire hors cour, s'il n'y a pas d'autre moyen préliminaire. Habituellement, c'est rare que la défense va être produite plus tard que 90 jours. Donc, c'est sûr qu'ici le fait qu'on a un système qui n'aura pas d'interrogatoire hors cour va faire en sorte qu'il y aura... le défendeur devrait avoir besoin de moins de temps pour préparer sa défense.

M. Morin : Parfait, je vous remercie. Donc, c'est très, très utile. J'attire votre attention sur la page 4 de votre mémoire quand vous parlez de la publicité ou de la possibilité pour les justiciables d'avoir accès aux conférences de gestion, les conférences préparatoires. Est-ce que vous parlez des parties ou du public en général?

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Non, le commentaire se situe vraiment au niveau des parties en tant que telles. Notre commentaire, en fait, est à l'effet que ce n'est pas clair, dans ces dispositions-là, si ce sont les parties elles-mêmes ou leurs avocats, là, qui vont être... qui vont devoir se présenter. Puis il y a un avantage, selon nous, à ces étapes-là du dossier, à ce que les justiciables eux-mêmes soient présents à la conférence de gestion ou à la conférence préparatoire à l'audition pour être bien conscients, là, des enjeux du dossier puis de ce que ça implique. Donc, selon nous, on pourrait préciser ces articles-là pour que les parties doivent... soient présentes à ces événements-là, un peu comme l'article 163 du Code de procédure civile, qui parle à la fois des parties et de leurs avocats.

M. Morin : Donc, pour vous, évidemment, ce serait important que non seulement les avocats, mais les personnes, donc les parties comme telles, soient présentes à cette étape-là et il y aurait lieu de clarifier le projet de loi à cet effet-là.

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Exact. Puis, en fait, c'est utile à ces étapes-là que les parties soient présentes. L'article prévoit, pour la conférence de gestion, que ce soit si le tribunal l'exige, là. Donc, c'est simplement de clarifier que les parties, c'est vraiment les justiciables eux-mêmes à ce niveau-là.

M. Morin : Parfait, je vous remercie. On a peu parlé des dispositions qui portent sur le Conseil de la magistrature, mais, si ma compréhension est bonne, le projet de loi diminuerait le nombre de juges qui... en fait, les juges adjoints qui pourraient être présents lors des audiences du conseil. Vous suggérez de garder le même nombre de juges. Pouvez-vous nous en dire davantage là-dessus?

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Oui, bien, en fait, cette recommandation-là vient du fait qu'on se demande pourquoi, en ajoutant des nouveaux membres du Conseil de la magistrature, qu'on doive nécessairement en retrancher d'autres. Selon nous, le Conseil de la magistrature a beaucoup de travail à accomplir. On connaît les défis en matière de formation, par exemple, des juges, les dossiers disciplinaires évidemment. Donc, selon nous, il n'y aura pas trop de personnes, là, pour s'occuper de ces dossiers-là. Donc, on est favorables aux ajouts qui sont proposés par le projet de loi, mais on juge qu'on pourrait conserver les noms de juges qui siègent sur le conseil actuellement.

M. Morin : Parfait. Je vous ai bien entendu également sur votre position relativement à la possibilité pour les notaires d'accéder à la magistrature. Le projet de loi vise l'accessibilité de la justice en favorisant une procédure simplifiée, notamment. Est-ce que, d'après vous, nommer des notaires juges va diminuer les délais dans le domaine de la justice...

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : ...bien, c'est une bonne question, en fait. C'est sûr que, comme plusieurs personnes l'ont mentionné, il n'y a pas de pénurie de candidats à la magistrature actuellement, donc le débat ne se situe pas nécessairement au niveau de l'accès à la justice pour ce qui est de ce pan-là du projet de loi. Mais il y a évidemment d'autres considérations qu'on a mentionnées qui doivent être prises en compte, mais pas au niveau de l'accès à la justice en tant que telle, non.

M. Morin :Très bien. Je vous remercie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.

Mme Labrie : Merci, M. le Président. Je veux revenir sur la question de l'arbitrage parce qu'à moins que j'ai échappé quelque chose, je pense que vous êtes les premiers à nous parler de cet enjeu-là. Puis j'avoue que, quand on parle de privatisation du système de justice, ça m'inquiète. Vous m'apprenez que, quand c'est un arbitrage, le dossier reste confidentiel, donc, si je comprends bien, ça veut dire que ça ne s'ajoute pas non plus à la jurisprudence, là, la façon dont ce dossier-là a été traité. Est-ce qu'il y a des manières de privilégier l'arbitrage puis quand même de faire en sorte que, ces dossiers-là, l'issue puisse en être public?

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Oui, on pourrait prévoir que l'arbitrage, qui est financé par l'État dans les petits... En matière de petites créances, soit assujetti à la publicité des débats. Donc, les arbitres devraient à ce moment-là, par exemple, fournir leurs sentences arbitrales, les rendre publiques. Donc, ça atténuerait les impacts du projet de loi. Mais, à cet égard-là, on se demande pourquoi ne pas tout simplement intégrer ces arbitres-là en tant que juges suppléants à la Cour, comme le fait l'Ontario? Donc, ça nous semblerait plus simple que d'assujettir l'arbitrage aux petites créances à la publicité des débats judiciaires.

Mme Labrie : O.K. Mais les deux...

Mme Burelle (Martine) : Je vous donne un autre exemple, si vous voulez. Au niveau du Tribunal administratif du Québec, il y a des séances de conciliation. Donc, tout ce qui se dit pendant la séance de conciliation, c'est confidentiel, mais, au terme de celle-ci, il y a une entente de conciliation qui est signée et celle-ci équivaut à jugement en vertu de la Loi sur la justice administrative, elle est déposée au greffe et elle est publique, toute personne peut y accéder.

Mme Labrie : Et donc ce serait possible de prévoir une disposition comme celle-là, Il faudrait l'ajouter dans la loi pour que, si l'arbitrage est financé par l'État, que ça soit aussi assujetti à la publicité des débats.

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Exact. Parce que, sinon, l'article quatre du code de procédure civile prévoit la confidentialité des modes privés de règlement des différends.

Mme Labrie : Donc, il faudrait prévoir une exclusion, là, pour ces types de cas là. Merci. J'ai une autre question pour vous. Vous avez dit, bon, que vous vous... voyons, que vous n'alliez pas vous positionner sur le Conseil de la magistrature, l'ajout des notaires. Vous nous avez invités à faire une plus grande consultation pour entendre toutes les parties. À mon sens, on entend quand même plusieurs parties concernées, là, en ce moment dans les auditions. Est-ce qu'il y a des gens qu'on n'a pas entendus, que vous estimez qu'on devrait entendre et qui ne se sont pas exprimés, là, sur le sujet?

Mme Burelle (Martine) : En fait, je pense que c'est plus le temps qui nous a été alloué pour réfléchir à la question, de notre côté.

Mme Labrie : O.K., donc c'est le délai trop rapide depuis l'adoption du projet de loi qui fait que vous n'avez pas eu le temps de vous positionner, d'accord.

Mme Burelle (Martine) : Bien, c'est difficile de consulter même nos propres membres notaires au sein de l'association pour savoir ce qu'ils en pensent en sept jours, là.

Mme Labrie : Je comprends. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Vaudreuil.

Mme Nichols : Merci, M. le Président. Merci beaucoup de votre présence. Merci de votre mémoire, c'est technique, je trouve que vous allez dans des précisions qui seront fort utiles, rendu à l'étude détaillée.

Je veux juste vous entendre sur les articles, là, puis je ne me souviens pas par coeur des numéros, mais en lien avec la notification. Vous avez apporté des précisions en lien avec la notification, pouvez-vous nous expliquer, dans le fond, là, le point de vue que vous apportez au niveau juridique sur la notification, l'importance de la notification?

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : Oui, tout à fait. En fait, les articles 535.4, 535.6 et 535.7, ils prévoient le dépôt de certains avis au greffe du tribunal. Mais normalement, dans la pratique, on a besoin également de notifier ces avis-là à l'autre partie avant de les déposer, puis, ça, c'est pour que l'autre partie soit au courant finalement de ce qu'on allègue contre elle ou de ce qu'on dépose au tribunal, parce que le tribunal ne va pas envoyer lui-même les avis à la partie de l'autre côté. Donc, selon nous, c'est un petit ajustement qui n'est pas très compliqué mais qui permettrait aux parties d'être au courant de ce qui est déposé au greffe et, à notre avis, il faudrait l'ajouter, là, à ces articles-là.

Mme Nichols : Parfait. Puis est-ce que la notification ici avait un lien avec quand on commence à compter, là, le nombre de jours pour produire tel ou tel... pour produire, soit la défense, est-ce qu'il y avait un lien avec des délais ou c'était simplement pour en aviser les autres parties?

• (14 h 40) •

M. Boulanger-Bonnelly (Jérémy) : C'est vraiment une exigence pour aviser les autres parties. Il n'y a pas nécessairement d'impact sur les délais, si on les calcule à partir du moment du dépôt, oui.

Mme Nichols : Parfait. Moi, je n'avais pas d'autres questions, à moins que vous ayez autre chose à ajouter. Il doit bien me rester un une minute.

Le Président (M. Bachand) :Deux minutes.

Mme Nichols : Deux minutes, quand même.

Le Président (M. Bachand) :Et je vous rappelle que la députée de Vaudreuil...

Le Président (M. Bachand) :...la députée qui elle-même est avocate et son frère est notaire. Alors donc...

Mme Nichols : Oui, je suis contente, je suis contente d'élargir ma famille avec vous.

Le Président (M. Bachand) :Exact.

Mme Nichols : Les débats...

Mme Burelle (Martine) : On vous comprend.

Mme Nichols : On prendra une plus grande salle pour en débattre.

Le Président (M. Bachand) :Oui. Alors, Maître Burelle, maître Boulanger-Bonnelly, merci beaucoup d'avoir été avec nous. C'était un grand plaisir, puis on se dit à très bientôt. Merci beaucoup.

Des voix : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Et je suspends les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 14 h 41)

(Reprise à 14 h 46)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.

Alors, il me fait plaisir d'accueillir les représentantes de la Chambre des notaires du Québec, donc maître Hélène Potvin, présidente, et Maître Boily, conseillère, Relations institutionnelles. Alors, merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi, c'est très apprécié. Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, et par après on aura un échange avec les membres. Donc, la parole est à vous pour 10 minutes. Merci.

Mme Potvin (Hélène) : ...Parfait. Merci beaucoup. Bonjour à tous. Alors, M. le Président, M. le ministre de la Justice, Mesdames et Messieurs les Députés, alors je vous remercie de nous accueillir dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 8. Alors, c'est avec beaucoup d'enthousiasme que nous avons accueilli le dépôt de ce projet de loi qui s'inscrit, comme vous le savez, et selon nous, en parfaite continuité avec le grand chantier lancé il y a quelques années, qui vise à améliorer le système de justice par l'adoption de mesures innovantes et plus... efficientes, pardon, au bénéfice de tous les citoyens.

Lors du dépôt du projet de loi, le ministre affirmait : Les Québécois ont droit à des services de justice efficaces, accessibles, plus rapides et moins coûteux. Alors, nous y croyons aussi. Le p.l. n 8 cherche à favoriser la médiation et l'arbitrage et vise aussi à simplifier la procédure civile à la Cour du Québec. La chambre a toujours milité pour que les citoyens bénéficient d'un meilleur accès à la justice. Il faut vraiment simplifier les procédures et trouver les méthodes alternatives efficaces pour résoudre des conflits. Et c'est ce que fait le p.l. n 8.

Selon nous, l'une des plus grandes forces de ce projet réside dans le recours à la médiation en introduisant des mesures phares au Code de procédure civile. Le p.l. n 8 prévoit la médiation obligatoire en certaines circonstances pour le recouvrement des petites créances. Nous savons, et plusieurs études le démontrent, que la médiation est appréciée du public et que son taux de réussite est élevé. En impliquant activement les parties dans la recherche d'une solution à leur litige, on favorise ainsi le règlement d'un conflit à l'amiable. Cependant, et à ce propos, la chambre, dans sa mission de protection du public, recommande d'accorder au médiateur un pouvoir discrétionnaire lui permettant de considérer qu'un dossier n'est pas propice à la médiation. En d'autres mots, le médiateur doit aider le tribunal à détecter des situations qui seraient non adaptées à la médiation. Par exemple, le médiateur pourrait détecter des signes laissant croire à une captation ou à de l'intimidation qui rendrait impossible une discussion par des parties de force égale.

Aussi, le projet de loi reconnaît la primauté de la volonté des parties et de leur engagement mutuel en permettant au tribunal de renvoyer les parties à la médiation en présence d'une convention de médiation. Alors, nous croyons que l'introduction de ces mesures signifie que la médiation et les autres modes privés de règlement de différends ne sont plus considérés seulement comme une alternative qu'on invite à prendre en compte, mais comme le moyen prioritaire qui permet vraiment la résolution de différends. Alors, ça, c'est un changement de culture significatif et positif.

• (14 h 50) •

Autre mesure à souligner du projet de loi consiste à permettre aux notaires d'accéder à la magistrature à la Cour du Québec. Il y a déjà des notaires juges dans les tribunaux administratifs et cette mesure s'inscrit dans une continuité de la reconnaissance de son expertise. C'est une très bonne nouvelle pour les tribunaux de droit commun. Le p.l. n 8 reconnaît l'apport des notaires au système judiciaire du Québec, et ce, pour le mieux-être de la société.

Rappelons... rappelons, pardon, que les notaires ont une solide formation tant au niveau du baccalauréat en droit qu'à la maîtrise en droit notarial, donc diplôme de deuxième cycle. Par la suite, son parcours professionnel l'amène à perfectionner ses connaissances et ses compétences dans différents champs de pratique. Les notaires connaissent bien le Code de procédure civile. Et à ce propos, soulignons que la Chambre des notaires a imposé une formation obligatoire à tous ses membres en 2016 lors de la réforme du Code de procédure civile. Ceci illustre bien l'importance des règles de procédure pour les notaires qui l'utilisent dans leur pratique quotidienne.

Depuis toujours, les notaires sont des juristes qui bénéficient d'un niveau de confiance très élevé auprès de la population. On parle ici d'environ 90 %. Alors, ce n'est pas surprenant, étant donné que le notaire est un juriste rigoureux, intègre et assujetti à des règles...

Mme Potvin (Hélène) : ...de déontologie et de pratique. De plus, c'est connu, le notaire est le juriste de l'Entente. Il est le juriste de proximité qui fait preuve d'une grande écoute, d'empathie et de bienveillance. Alors, ce sont toutes des qualités qui permettront au notaire qui accédera à la magistrature d'être un excellent juge.

Pour terminer ce point, rappelons que le notaire, à titre d'officier public, doit agir avec impartialité et comme conseiller désintéressé de toutes les parties. Ceci aussi le rapproche de la mission du juge qui, lui, doit disposer des litiges de façon impartiale. La Chambre est convaincue que plusieurs notaires possèdent déjà toutes les aptitudes et les connaissances pour être d'excellents juges et permettre à la Cour du Québec de s'adjoindre des juristes provenant d'une diversité plus grande, tant de milieux que de spécialités. La chambre fait entièrement confiance au comité de sélection pour analyser les candidatures et proposer les candidats le plus apte à être nommés juges.

Nous tenons maintenant à porter à votre attention une préoccupation concernant le financement de la justice et son accessibilité. Comme nous l'indiquons dans notre mémoire, la mise en œuvre du PL no huit devra nécessairement être accompagnée d'un financement adéquat pour promouvoir et mieux faire connaître les différents moyens de régler un différend de nature juridique sans avoir recours aux tribunaux.

Alors, des études révèlent qu'un Québécois sur deux ne connaît pas ces autres modes alternatifs au tribunal. Alors, nous pensons qu'il sera nécessaire de mettre en place une stratégie ministérielle de promotion et de développement des modes de prévention et de règlement des différends pour bien informer les citoyens et ainsi permettre d'atteindre les objectifs souhaités.

Nous croyons donc que le gouvernement se doit d'augmenter le budget consacré à la justice pour favoriser la mise en œuvre des différentes mesures introduites par le PL no 8.

En terminant, la Chambre des notaires est d'avis que l'adoption du PL no 8 sera un pas de plus vers l'objectif que le gouvernement s'est donné, soit de mettre la justice au service des citoyens. La Chambre ne peut qu'appuyer cette mesure plus humaine et elle sera là pour la mise en œuvre de ce projet de loi. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Bachand) :Merci infiniment. M. le ministre, s'il vous plaît, vous avez la parole.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Me Potvin, bonjour, merci d'être présent aujourd'hui, Me Boily, également. Ça me fait plaisir de vous recevoir en commission parlementaire.

Écoutez, d'entrée de jeu, commençons avec l'élément qui, je crois, a suscité le plus de commentaires et le plus d'enthousiasme dans le cadre du projet de loi no huit, le fait que les notaires pourraient accéder à la fonction de juge. On a entendu le Barreau avant vous qui disait : Écoutez, on est contre parce qu'il faut maintenir une magistrature forte et indépendante et il y a seulement les avocats qui ont l'expérience et la compétence pour devenir juges.

Autre élément, écoutez, l'Association professionnelle des avocats, puis vous me permettrez de les citer, je vais citer la présidente, là, elle disait, là : «le notaire, qui n'a pour ainsi dire jamais mis les pieds dans un palais de justice, devra être en mesure de faire ce travail et de rendre des décisions conformes à la jurisprudence, et ce, bien souvent face à des avocats aguerris qui, eux, maîtrisent les règles de preuve et de procédure, règles, qui, doit-on le souligner, servent à s'assurer que les auditions soient équitables et que les décisions soient rendues sur la base de preuves crédibles et que la justice serve les justiciables et ne compromette pas leur confiance dans le système. Selon le ministre, moi, en l'occurrence, ce que je n'ai pas dit, mais les notaires peuvent apprendre. Une fois sur le banc, mais aux frais et sur le compte de qui? Encore une fois, ce sera sur le compte du justiciable et du système qui deviendront des cobayes. Notre société est en droit d'exiger une justice de grande qualité avec des juges d'expérience et de grande compétence dès leur nomination. Ces exigences sont garantes de l'efficacité du système et de la satisfaction des citoyens.»

Alors, ma question pour vous : est-ce que les notaires ont si peu de compétences qu'ils vont nuire à une justice de qualité, comme le prétend l'association professionnelle des avocats?

Mme Potvin (Hélène) : Alors, j'aurais le goût de m'insulter, mais je ne le ferai pas. Je pense que, et ça, on vous l'a dit hier, on vous l'a démontré, je pense que les notaires possèdent une formation en droit solide...

Mme Potvin (Hélène) : ...leur parcours professionnel les amène à acquérir des connaissances, des compétences. On a, je crois, démontré que les notaires connaissent la procédure, sont déjà dans les palais de justice. Il ne faut pas oublier que les notaires représentent déjà des clients. Alors, à cet effet-là, on a des notaires aussi qui ont des expertises très pointues. Nous avons des notaires qui travaillent en droit de l'environnement, nous avons des notaires qui travaillent dans les municipalités, dans les villes. Alors donc, la compétence, la formation initiale, tout est là pour donner toutes... tous les éléments sont là pour que les notaires puissent accéder à la magistrature sans problème.

Il ne faut pas oublier aussi que les notaires, peu importe dans quel domaine ils travaillent, sont soumis à un code de déontologie, le code de déontologie qui les oblige, justement, à faire preuve de rigueur. Ils sont des conseillers... et c'est écrit comme ça, des conseillers désintéressés, francs et honnêtes de ses clients ou des parties. Alors, la Loi sur le notariat prévoit aussi un devoir d'impartialité, que le notaire, qui est officier public, se doit de faire preuve, alors ça le rapproche vraiment beaucoup du rôle du juge, M. le ministre. Alors, pour ça, il n'y a aucun souci.

Peut-être, Catherine, je te laisserais continuer?

Mme Boily (Catherine) : Oui. Je pourrais ajouter que la Chambre des notaires fait entièrement confiance au système, aux processus en place des comités de sélection, des meilleurs candidats, des juges. C'est un système, comme le disait le Barreau un peu plus tôt aujourd'hui, qui est un système strict, qui est un système fiable, qui est un système qui a fait ses preuves. Donc, nous, nous considérons que les comités de sélection sont bien placés pour trouver les meilleurs candidats et faire les recommandations sur les meilleurs candidats, selon les postes qui seront ouverts.

M. Jolin-Barrette : C'est clair.

Mme Potvin (Hélène) : Excusez-moi, je vais peut-être juste rajouter que, quand on revoit, on relit les critères qui sont dans le règlement, on note qu'on n'a pas besoin de connaître les litiges. On n'a pas besoin de plaider pour être nommé juge. Ça ne fait pas partie des critères, donc, de sélection des juges. Alors, pour nous, il n'y a aucune problématique à ce niveau-là.

M. Jolin-Barrette : O.K. Peut-être une dernière question sur ce sujet-là avant de passer à un autre : Qu'est-ce qui explique, selon vous, autant de réticences, de la part d'autres intervenants, à permettre aux notaires d'accéder à la fonction de juge? Parce que ça se peut qu'il y en ait, des notaires, mais ça se peut qu'il n'y en ait pas, non plus, qui soient recommandés. Dans le fond, c'est en fonction de qui sont les candidats, puis le comité de sélection fait son choix. Qu'est-ce qui explique cette peur, cette... c'est ça, cette peur-là?

Mme Potvin (Hélène) : Bien, dans un premier temps, je dirais qu'effectivement on va élargir le bassin de candidatures partout au Québec. On sait que, bon, il y a des notaires partout au Québec, alors on va élargir le bassin de candidatures. Et, effectivement, le comité de sélection va avoir peut-être, dans certains cas, plusieurs candidatures, et là, oui, on va choisir le meilleur candidat. Est-ce qu'il va être notaire? Est-ce qu'il sera avocat? On ne le sait pas. Là n'est pas la question. C'est qu'on veut travailler pour le meilleur de la société. Et on sait que c'est le gouvernement qui nomme, au final, les juges, donc on fait confiance aussi au gouvernement pour choisir les meilleurs juges.

• (15 heures) •

À savoir quelles sont les raisons d'opposition, moi, je crois que, des fois, de changer les choses, ça perturbe peut-être aussi certaines notions, certaines bases où on a l'impression que, pour être juge, il faut connaître le litige, donc. Mais qui, qui a dit qu'on avait besoin de connaître le litige pour être capable de trancher un différend entre deux personnes? Alors, c'est la base de notre système, je pense qu'on est habitués à penser avec cette conception-là. Mais, sinon, je pense qu'on peut aller de l'avant et penser la justice autrement, pour qu'elle soit, encore une fois, plus humaine, et où le justiciable va y gagner.

M. Jolin-Barrette : O.K. Parlant que le justiciable puisse y gagner dans le système de justice, au niveau de la médiation, il y a déjà des notaires qui sont des médiateurs. Qu'est-ce que vous pensez...


 
 

15 h (version non révisée)

M. Jolin-Barrette : ...que ça va apporter dans le système de justice, le fait de rendre la médiation obligatoire aux petites créances et le fait également de fixer par priorité les dossiers avec la procédure simplifiée, ceux qui auront eu recours, notamment, à un mode de règlement incluant la médiation?

Mme Potvin (Hélène) : Mais on le sait, que les litiges aux petites créances, ça pourrit la vie à plusieurs de nos citoyens, ça les empêche d'avoir une vie agréable, de par leurs chicanes de clôtures avec leurs voisins, de par des chiens qui jappent, qui les dérangent. Alors, les citoyens veulent que ces conflits-là se règlent. Ils veulent être tranquilles, ils veulent voir leurs conflits vraiment réglés. Alors, moi, je pense que ça va vraiment... Nous pensons que la médiation obligatoire va vraiment améliorer ça et ça va améliorer les délais. Et, pour le citoyen, il va voir une fin, une fin à sa problématique, une fin à son conflit. Alors, je pense que ça, toute la société va être vraiment... va bénéficier de ça, si on veut travailler sur une société aussi qui est plus pacifique qui est plus juste, alors... qui est plus... qui vient régler les conflits autrement. Alors, pour nous, c'est une bonne nouvelle.

M. Jolin-Barrette : O.K. Le fait qu'on amène une diversité sur le Conseil de la magistrature, dans le fond, qu'un notaire y siégera, mais aussi qu'un représentant... En fait, quelqu'un qui travaille auprès des victimes d'infractions criminelles, l'accompagnement, comment vous recevez ça, cette modification-là au Conseil de la magistrature?

Mme Potvin (Hélène) : Écoutez, pour nous, on ne s'est pas vraiment penchés sur cette question-là, mais je pense que le fait, effectivement, d'apporter une diversité, un côté humain aussi, une vision, une vision autre du litige, de la conception de la justice, alors je pense que, ça, ça amène vraiment un plus aussi pour pour la société, pour le citoyen.

M. Jolin-Barrette : O.K. Un dernier point avant de céder la parole à mes collègues. Vous dites : le médiateur, on devrait lui donner un pouvoir discrétionnaire de dire : ce dossier-là, non, il ne devrait pas venir en médiation. Est-ce que vous pensiez, exemple, aux dossiers de violence, présence de violence conjugale, tout ça? Parce que, nous, on pensait le mettre par voie réglementaire, d'en exclure nommément certains, mais, au-delà de ça, est-ce qu'il y a d'autres types d'exclusion qu'on devrait prévoir?

Mme Potvin (Hélène) : Mais, vous savez que, la médiation, c'est vraiment un processus où, pour réussir, les parties doivent être impliquées, doivent être capables de s'impliquer, doivent avoir... Doivent être disposées à le faire. Donc, on peut être dans une période émotivement difficile, donc on peut avoir une vulnérabilité qui est temporaire ou qui est permanente, et est-ce que c'est... Est-ce que ça entre nécessairement dans ce qui sera dans les critères qui sont déjà établis dans le règlement? C'est pour ça que, nous, on le voyait plus avec une discrétion qui est accordée au médiateur pour que, lui, avec sa formation, avec son senti, pourra détecter des choses qui ne sont pas nommément inscrites dans le règlement. Alors, pour nous, je pense que c'était mieux comme ça.

Mme Boily (Catherine) : Peut-être ajouter sur ce point-là, si je peux me permettre. Le règlement, oui, pourrait lister une série de situations, et c'est à privilégier, je crois, il faudrait peut-être prévoir aussi un motif sérieux, donc d'une façon un peu plus large, justement, pour aller chercher des situations particulières, hein, qui ne peuvent pas être nommées. Difficile de mettre un nom sur une situation, hein, bien sûr, de qualifier une situation donnée. Mais au-delà du règlement, au-delà de cette liste, là, qui pourrait avoir... Être mise dans un règlement, nous croyons, et je répète ce que Maître Potvin mentionnait, nous croyons que le médiateur doit être les yeux et les oreilles du tribunal. Il doit être capable d'avoir la discrétion qui lui permet de revenir au tribunal et de dire : non, cette situation-là n'était pas dans les critères mentionnés au règlement, mais, pour moi, selon ma lecture, on est dans une situation d'intimidation, par exemple, on est dans une situation où le rapport de force n'est pas équilibré et qui... La médiation ne pourra pas être faite de manière correcte. Donc, c'est de là notre recommandation du pouvoir discrétionnaire pour le médiateur.

M. Jolin-Barrette : Excellent. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré, s'il vous plaît.

Mme Bourassa : Bonjour. Contrairement à plusieurs collègues, je ne suis pas notaire, je ne suis pas avocate non plus, moi, ce qui m'intéresse, c'est surtout l'intérêt du public...

Mme Bourassa : ...Les gens du barreau dire que, si les notaires accèdent à la magistrature, ça pourrait créer deux catégories de juge, ça pourrait miner la confiance du public. Pourtant, quand on regarde un sondage, là, qui a été fait par Léger, on voit que les gens ont confiance en votre profession à la hauteur de 85 %, versus 49 % pour les avocats. Alors, je me dis : est-ce qu'au contraire vous croyez que ça ne pourrait pas peut-être renforcer la confiance envers le système de justice? Comment vous voyez ça?

Mme Potvin (Hélène) : Bien, en fait, pour revenir à ce qu'on disait tout à l'heure, on fait confiance au comité de sélection, alors je ne crois pas que... une fois qu'on est nommé juge, on n'est ni avocat ni notaire. Ce qu'il faut lancer comme message, c'est que le gouvernement se soucie d'offrir à la population le meilleur des candidats qui sont là. Alors, je pense que c'est ça, le message, c'est ça qui... que je pense que nos citoyens doivent comprendre, que nous tous, ensemble, on travaille dans leur intérêt puis dans le meilleur de ce qu'on a à offrir.

Mme Bourassa : Et je me permets une petite question rapide.

Le Président (M. Bachand) :Allez-y, allez-y.

Mme Bourassa : Qu'est-ce que vous pourriez apporter avec un oeil de notaire qui pourrait être bénéfique pour le justiciable?

Mme Potvin (Hélène) : Bien, vous savez, c'est dans... encore une fois, je fais référence aux critères, parce que le notaire a une approche vraiment qui est particulière. Donc, nous, on est toujours en prévention, les notaires sont en prévention, ils sont vraiment dans une approche non conflictuelle et, ça, ça teinte, ça teinte les discours, ça teinte les situations, alors je pense que c'est ça, c'est ça qu'on amène, je pense, comme notaires.

Mme Bourassa : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée d'Anjou-Louis-Riel, s'il vous plaît.

Mme Boivin Roy : Merci, M. le Président. Bon, je vais prendre la balle au bond sur les derniers propos qu'on vient d'échanger avec le collègue. En passant, merci pour la présentation. Le comité de sélection, vous nous avez dit que, finalement, vous faites confiance au processus et puis aux comités qui sont mis en place, pourtant, dans votre recommandation six, vous demandez à ce qu'il y ait deux notaires qui fassent partie des comités de sélection. Est-ce que vous pouvez développer davantage là-dessus?

Mme Boily (Catherine) : Bien, c'est une simple question qu'actuellement il y a deux personnes nommées par le Barreau à ces comités de sélection là. Donc, le fait d'ajouter les notaires à la magistrature, bien sûr, la chambre des notaires devrait avoir, oui, également le droit d'avoir des représentants, dont un notaire et une personne qui n'est pas notaire, comme c'est le cas actuellement, là, dans le règlement pour la sélection des membres du comité.

Mme Boivin Roy : Parfait. Merci beaucoup. De manière générale, on sent votre enthousiasme sur le projet de loi no huit et puis comme quoi ça s'inscrit finalement dans le changement de culture depuis 2016 avec le nouveau code de procédure. Est-ce que vous pensez, au niveau de la stratégie ministérielle, est-ce que vous aviez des choses précises en tête dans votre recommandation trois quand vous dites qu'on doit davantage sensibiliser la population, avec le pourcentage que vous nous avez donné à l'effet qu'un Québécois sur deux ne serait pas au courant des modes alternatifs de résolution de conflits?

Mme Potvin (Hélène) : Oui, si on veut, informer la population que leur dossier sera priorisé, s'ils font... s'ils utilisent d'autres modes de règlement de conflits, il faut qu'ils le sachent. Alors, ça, je pense que c'est un défi. Il y a beaucoup d'informations qui circulent, il y a beaucoup d'organismes aussi qui offrent différents services, et je pense que c'est compliqué pour le citoyen de savoir à quelle porte on frappe pour répondre à mon besoin. Alors, ça, je pense qu'il y aurait aussi quelque chose à développer... vraiment démontrer où le citoyen peut-il s'adresser pour avoir la bonne ressource rapidement. Alors, ça, je pense, il y a de l'information, puis de diriger aussi le citoyen.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.

• (15 h 10) •

M. Morin : Merci. Merci, M. le Président. Merci d'être là, d'être là avec nous pour nous aider évidemment à bonifier ce projet de loi.

Le code de procédure civile fait de la médiation un aspect important, mais un aspect volontaire, dans le projet de loi, on veut en faire un aspect obligatoire. D'après vous, est-ce qu'il y a des enjeux particuliers qu'un médiateur pourrait rencontrer si on force les parties à aller en médiation? Quelles sont les chances de succès? Est-ce que ça représente des défis?

Mme Potvin (Hélène) : Mais on sait, donc on avait répertorié quand même que la médiation obligatoire avait fait sa trace dans d'autres provinces canadiennes, et les résultats étaient vraiment concluants, donc on peut aussi aller voir là-bas qu'est-ce qui se fait puis comment on peut améliorer ou venir colliger certaines...

Mme Potvin (Hélène) : ...dans la médiation obligatoire. C'est pour ça aussi qu'on fait la recommandation, aussi, de laisser une certaine discrétion au médiateur.

Est-ce que tu veux continuer?

Mme Boily (Catherine) : Bien, écoutez, la médiation, qu'elle soit obligatoire ou qu'elle soit volontaire, ça demeure de la médiation, donc les critères et le processus de médiation avec le médiateur restent les mêmes. C'est certain que nous, en faisant la recommandation du pouvoir discrétionnaire, là, de la discrétion, devrais-je dire, là, pour le médiateur, bien, c'est sûr que, pour nous, c'est très important, justement, pour aller cerner les situations qui pourraient ne pas être propices, étant donné que les personnes, au départ, on leur a imposé d'aller s'asseoir, tu sais, à tout le moins, pour une rencontre. Donc, de ce côté-là...

Mais pour nous, la médiation, qu'elle soit obligatoire ou volontaire, reste de la médiation. Et la médiation, elle a un taux de succès important. On l'a vu avec la médiation volontaire aux petites créances, hein? Il y a quand même un taux de succès jusqu'à 60 % dans les dernières années, donc c'est une belle statistique sur laquelle on doit se reposer, là, pour la suite, là.

Mme Potvin (Hélène) : Il ne faut pas oublier aussi que le médiateur est formé pour ça, donc de prendre des parties qui sont un peu réfractaires, qui sont en conflit, hein, il ne faut pas l'oublier. Alors, c'est le rôle du médiateur aussi d'amener les parties à voir autrement, donc à s'impliquer dans ce processus-là. Alors, je pense, aussi, le rôle du médiateur, sur le terrain, fait toute la différence, là, bien entendu.

M. Morin :Puisqu'on parle de médiation obligatoire, il y a des parties, il y a des situations qui font en sorte que ce n'est pas approprié. Vous avez évoqué des cas de harcèlement, des poursuites entre ex-conjoints, avec, en fait, de la violence conjugale. M. le ministre suggérait de mettre certains critères dans le règlement. Ne serait-il pas préférable de le mettre directement dans la loi? Comme ça, ça enverrait un message très clair, et une loi se change moins facilement qu'un règlement. Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Boily (Catherine) : Bien, écoutez, pour nous, tel qu'on l'a mentionné précédemment, que ce soit dans un règlement ou dans une loi, pour nous, l'important c'est que l'exception soit là, et que le pouvoir... et qu'on donne le pouvoir au médiateur. Donc, à partir de là, on laisse le soin au législateur de faire les recommandations qu'il souhaite, là, à cet effet-là.

M. Morin :Je vous remercie. J'attire votre attention sur l'article 2 du projet de loi, qui va modifier l'article 7 du code, où on parle que, si une des parties a une attestation délivrée par un médiateur accrédité, et qui répond aux conditions prévues par règlement, son dossier pourrait être instruit en priorité. Donc, je comprends que, dans un cas comme celui-ci, un organisme offrant la médiation ou un médiateur accrédité, évidemment, il y a des frais, là, ce n'est pas gratuit. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a un danger que des gens plus fortunés se ramassent avec un meilleur service de justice, plus vite que les gens moins fortunés, qui n'auront pas cette opportunité-là puis qui vont attendre la décision ou d'être entendus par le tribunal?

Mme Potvin (Hélène) : Bien, je crois qu'il y a beaucoup d'organismes, présentement, qui offrent des services à moindre coût, ils sont très, très accessibles. Alors, je pense qu'il y a une façon d'aborder cette problématique-là en utilisant les organismes qui travaillent sur le terrain avec des gens, justement, moins fortunés, alors, justement, pour qu'ils puissent rencontrer un médiateur et avoir, dans ce cas-là, l'attestation ou la rencontre.

M. Morin :On a entendu plusieurs associations de notaires, donc pas la chambre, mais d'autres organismes, et, quand on a parlé de la composition du Conseil de la magistrature, il y en a qui suggéraient deux notaires, plutôt qu'un. On suggère un dans le projet de loi. Est-ce que vous avez une position là-dessus? Deux, un, est-ce que ça fait une différence?

Mme Boily (Catherine) : Bien, écoutez, nous, comme on disait précédemment, on y allait selon ce que c'est, actuellement, dans le règlement, qu'il est prévu qu'il y ait deux personnes nommées par le Barreau. Actuellement, c'est ça, donc, pour nous, bien, deux personnes nommées par la Chambre des notaires, dont un notaire. Est-ce qu'on reviendrait à dire, une personne, à ce moment-là, nommée par le Barreau et une personne nommée par la chambre? Ça pourrait être une option également, là.

M. Morin :On a entendu le Barreau...

M. Morin : ...associations d'avocats, de notaires, et la question de la nomination possible de notaires à la magistrature nous amène sur un terrain qui est assez, je dirais, polarisé, divisé. Le projet de loi s'appelle la Loi visant à améliorer l'efficacité et l'accessibilité de la justice. En quoi nommer des notaires juges va améliorer l'accessibilité de la justice? Ça va améliorer l'accessibilité de la magistrature aux notaires, ça, c'est sûr. Mais, pour le public en général, où est le bénéfice?

Mme Potvin (Hélène) : Bien, écoutez, je pense que le fait que le gouvernement veut offrir à la population une plus grande diversité dans les milieux, dans les spécialités, je pense que, ça, c'est gagnant. Le fait... Vous savez, on peut prendre un exemple que tout le monde connaît : on sait que les notaires travaillent en immobilier. Alors, on peut penser qu'un notaire juge qui aurait à traiter des causes de vices cachés, on s'entend aussi qu'il serait très efficace, il comprend les situations, il en a vécu plusieurs. Alors donc, moi, je pense que c'est relié à l'accès aussi à une meilleure administration de la justice. Et le fait aussi que, dans certains cas, il peut y avoir des... un peu moins de candidatures, donc, ça aussi, ça permet d'avoir un meilleur bassin et d'avoir... de s'assurer qu'il y ait des juges qui soient disponibles puis que les citoyens aient accès à ces juges-là. Alors, c'est... dans ce sens-là, ça fait du sens.

M. Morin : Je vous remercie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.

Mme Labrie : Merci, M. le Président. Bien, d'abord, je veux vous remercier pour la suggestion de prévoir un pouvoir discrétionnaire pour le médiateur, parce qu'on s'est questionnés là-dessus, puis c'était clair qu'il était pour y avoir des exceptions, des fois que ce n'est pas approprié d'aller en médiation, puis c'est impossible, là, de faire une liste exhaustive de toutes ces situations-là, puis vous êtes les premiers à nous suggérer cette avenue-là. Donc, je vous remercie, et j'espère que le ministre était à l'écoute de ça, puis je me permets de vous suggérer peut-être, si vous avez une suggestion de formulation, là, pour un amendement qui va dans ce sens-là, peut-être de nous de le faire suivre, parce que ça m'apparaît une avenue vraiment intéressante.

Moi, la question que je veux vous poser, c'est sur l'arbitrage. Nos invités précédents ont porté à notre attention que, quand le dossier se règle avec un arbitre, l'issue n'est pas publique, et puis je l'ai appris donc aujourd'hui. Est-ce que, vous, vous seriez favorables à ce qu'on prévoie dans la loi que, quand c'est l'État qui défraie les frais pour l'arbitre, que le dossier soit assujetti à la publicité des débats?

Mme Boily (Catherine) : Écoutez, on ne s'est pas penchés sur cette question-là, donc c'est difficile pour nous d'y répondre, là.

Mme Labrie : Mais est-ce que c'est quelque chose qui vous achalait aussi, le fait qu'on risque de multiplier quand même, là, en grande quantité le nombre de dossiers qui vont se régler par arbitrage? Puis le fait que ce ne soit pas soumis à la publicité des débats, est-ce que c'est quelque chose qui vous achale un peu?

Mme Boily (Catherine) : Bien, écoutez, je pense que l'important, au départ, c'est d'assurer une solution, une résolution du litige entre les parties. À partir du moment, ensuite, où il y a un intérêt à ce que ces litiges-là deviennent... ou ces débats-là deviennent publics, bien, écoutez, encore une fois, je pense qu'il y a une façon de le faire et il y a une façon d'obtenir aussi le consentement des parties, étant donné, bon, comme vous dites, que c'est défrayé en partie par... oui, c'est défrayé par l'État, là, en matière de petites créances, là.

Mme Potvin (Hélène) : Et, sans avoir peut-être toute l'entente de publique, peut-être aussi qu'on peut travailler avec un avis. Donc, il y a peut-être d'autres façons. Mais c'est sûr que, quand on parle des modes... des différents modes de règlement de conflits, on dit «privés», parce que dans certains cas, vous savez, ça peut être avantageux, ça peut être un élément qui va faire que la partie va s'impliquer aussi dans tout ce processus-là. Donc, de garder les ententes privées...

Mme Labrie : Bien, je pose la question parce que l'exemple qui nous avait été apporté était quand même très pertinent, tu sais, le cas par exemple d'un entrepreneur, là, qui multiplie, là, les dossiers qui finissent en litige puis qui choisit l'arbitrage à chaque fois pour que finalement il n'apparaisse jamais nulle part, là, publiquement qu'il a beaucoup de problèmes à livrer ses engagements. Là, actuellement, ça va en cour. Bon, bien, c'est possible pour un citoyen de savoir que cet entrepreneur-là, ça ne va pas toujours bien. Dans l'intérêt de la protection du public, ça me semble peut-être pertinent de réfléchir à ça, là.

• (15 h 20) •

Mme Boily (Catherine) : C'est une bonne question. Comme on vous a dit, on ne s'est pas penchés sur la question. Il faudrait y penser.

Mme Labrie : O.K. Bien, vous nous reviendrez si jamais vous réfléchissez. Merci beaucoup.

Mme Boily (Catherine) : O.K.

Mme Potvin (Hélène) : Parfait. D'accord, merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Merci. Merci, M. le Président. Merci beaucoup, merci de votre présence, merci de votre mémoire. Moi aussi, je trouve intéressante, là, la partie sur le pouvoir...

Mme Nichols : ...de recommander ou pas, là, la médiation en fonction de... Ils ont quand même une expertise, là, les notaires. D'ailleurs, je tiens à souligner, là, je pense que tout le monde ici, autour de la table, est d'accord pour reconnaître l'expertise des notaires, reconnaître les qualités des notaires aussi, là, moi, la première, j'en ai dans ma famille, je le dis, ça fait deux jours. Donc, tu sais, on reconnaît, là, on reconnaît qu'ils ont une bonne formation, on reconnaît qu'ils sont rigoureux, bienveillants, qu'ils ont plein de qualités, qu'ils sont même plus populaires que les avocats, donc, ça, définitivement, on le reconnaît puis...

Une voix : ...

Mme Nichols : c'est du bon monde, je ne peux pas dire le contraire, là, ma mère ne serait pas contente. Ça fait que, tu sais, c'est du bien bon monde. Je trouve, par exemple, dommage qu'on entretienne ici, là, la confrontation entre les notaires puis les avocats. Puis c'est ma mère qui m'a envoyé un texto, qui a dit : Dis au ministre qu'il lâche la confrontation entre notaires, avocats...

Une voix : ...

Mme Nichols : Ça fait que, mais je trouve ça dommage qu'on entretienne ça ici. La question, tu sais, la question, puis la question que moi je me pose relativement aux notaires, accéder à la magistrature, tu sais, c'est plutôt rare qu'on apporte un changement quand il n'y a pas nécessairement de besoins qui sont soulevés. Puis, présentement, tous les groupes à qui on demande est-ce qu'il y a un besoin, est-ce qu'il manque de juges au Québec, est-ce que la banque de juges est vide, est-ce qu'il n'y a pas de juges, est-ce que les juges appliquent quand... est-ce que les avocats appliquent quand un poste est ouvert, tu sais, la réponse, c'est oui, là. Ça fait qu'il n'y a pas... On n'a pas de problème à combler cette partie-là. Donc, ce n'est pas envers vous, chers notaires, mais c'est plutôt, tu sais, c'est plutôt cette question-là qui nous revient en tête, là, tu sais : pourquoi apporter ce changement-là? Le ministre pourra y répondre ou pourra nous expliquer du moins son intérêt ou sa volonté ou sa motivation à apporter ce changement-là, quand le besoin ne s'est pas fait sentir. Je comprends que c'est une belle surprise pour l'ensemble des notaires du Québec, mais, bon. Est-ce que c'est nécessaire maintenant d'entretenir la confrontation? À mon avis, je pense que non.

Maintenant que, ça, c'est dit, j'avais une petite question. Vous avez parlé d'offrir à la population une plus grande diversité, je n'étais juste pas certaine de comprendre. Qu'est-ce que vous voulez dire par offrir une plus grande diversité?

Mme Boily (Catherine) : Une plus grande diversité des parcours professionnels, une plus grande diversité de l'expertise, également. Donc...

Mme Nichols : O.K. C'est bon. Merci. Pour le reste, on a le mémoire. Merci beaucoup. Merci. Merci.

Le Président (M. Bachand) :sur ce, maître Potvin, Me Boily, merci beaucoup d'avoir été avec nous cet après-midi, c'est très apprécié.

Et, sur ça, je suis suspends les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 24)

(Reprise à 15 h 27)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, il me fait plaisir maintenant de recevoir madame Manon Monastesse, directrice générale de la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes. Merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi, c'est un grand plaisir. Alors, comme vous savez, vous avez dix minutes de présentation, puis, après, on aura un échange avec les membres. Alors, la parole est à vous. Merci encore d'être ici.

Mme Monastesse (Manon) : D'accord. Alors, merci beaucoup, M. le ministre, Mesdames les députées, Messieurs les députés, de m'accueillir au sein de cette commission des institutions sur le projet de loi numéro huit.

Alors, la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes accueille avec enthousiasme le dépôt du projet de loi no 8 qui propose une modification importante à l'article 248, soit l'ajout, au sein du Conseil de la magistrature, d'une personne qui n'est ni juge ni avocat ni notaire et qui œuvre dans un organisme qui a pour effet d'aider les personnes victimes d'infractions criminelles et qui sera nommée après consultation de tels organismes. La FMHF et ses membres espèrent que cette modification aura un véritable impact sur les femmes victimes de violence et leurs enfants. Depuis plusieurs années déjà, nous demandons au Conseil de la magistrature une collaboration constructive avec les groupes terrain qui interviennent quotidiennement auprès des femmes violentées et leurs enfants dans le cadre de leur programme de perfectionnement ou tout autre lieu de collaboration possible.

En effet, créer des ponts entre les organismes représentant les victimes et la magistrature est pour nous un élément central dans le processus de prise en compte des besoins afin de rebâtir la confiance des victimes envers notre système de justice. Actuellement, les maisons d'hébergement membres de la fédération hébergent en moyenne près de 3000 femmes, 1500 enfants chaque année, cependant, un tiers de ces femmes ont refusé de porter plainte à la police en 2021-2022, une tendance qui se maintient d'année en année. Par conséquent, le traitement judiciaire et l'accompagnement des victimes par des équipes spécialisées sont extrêmement importants pour rebâtir leur confiance envers le système de justice.

Ainsi, une plus grande représentativité des personnes victimes au sein du Conseil de la magistrature est essentielle afin de prendre en compte les réalités de toutes les femmes violentées. La concrétisation et l'application des mesures recommandées à la fois dans le rapport Rebâtir la confiance émis par le Conseil... Le comité d'experts sur l'accompagnement des victimes d'agressions sexuelles, de violence conjugale, ainsi que les rapports du coroner en chef sont nécessaires, entre autres, sont nécessaires afin d'améliorer la réponse du système de justice.

• (15 h 30) •

La FMHF travaille en continu pour garantir un meilleur accompagnement des femmes violentées et salue la volonté affirmée du ministre de restaurer la confiance des victimes envers notre système de justice, entre autres via la modification de l'article 248. En plus de la création des tribunaux spécialisés en matière...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

Mme Monastesse (Manon) : ...de violence sexuelle et conjugale, la formation des juges en ces matières est primordiale. Plusieurs tribunaux aux États-Unis et en Australie démontrent l'importance de la formation des juges, comme indiqué dans notre mémoire de la FMHF, qui avait été déposé dans le cadre de la loi 96, pour l'instauration des tribunaux spécialisés.

Nous considérons qu'en complémentarité à la formation de la magistrature une représentativité des personnes victimes au sein du conseil est un élément charnière, afin de prendre en compte les réalités de toutes les femmes violentées. La personne experte de l'intervention auprès des victimes apportera un éclairage indéniable quant à l'analyse et aux décisions qui seront prises par le conseil.

Nous souhaitons aborder la question qui est au cœur de la résistance dans l'implantation des tribunaux spécialisés et d'une collaboration plus étroite entre la magistrature et les organismes oeuvrant auprès des victimes. D'emblée, plusieurs études menées sur les tribunaux spécialisés à travers le monde ont démontré que, même si ces tribunaux adoptent une approche qui est centrée sur la victime, qu'ils contribuent à une augmentation des taux de condamnation, et que l'appellation «spécialisés» est perçue comme une certaine menace au concept de présomption d'innocence et à l'impartialité et l'indépendance des acteurs du système judiciaire. Il n'en demeure pas moins que, dans les faits, le processus de détermination de la peine est appliqué de la même façon que dans un tribunal criminel traditionnel, et que le principe de fardeau de la preuve reste inchangé. En ce sens, il incombe toujours, entre autres, aux procureurs de la Couronne de prouver la culpabilité de l'accusé hors de tout doute raisonnable.

De nombreuses expériences terrain s'entendent pour affirmer, preuves à l'appui, que les tribunaux spécialisés permettent aux professionnels du système de justice pénale, en particulier aux juges, de situer les principes juridiques dans le cadre de connaissances contextualisées pertinentes pour la question en jeu, et de les appliquer à ces connaissances.

Par exemple, au sein du tribunal spécialisé de Southport, en Australie, le rôle des magistrats spécialisés a été essentiel pour faciliter le processus de changement collaboratif dans l'établissement du tribunal spécialisé. Les entretiens et les discussions de groupe au sein du tribunal spécialisé ont clairement révélé un fort consensus sur le fait que le rôle des magistrats spécialisés était vital pour le fonctionnement du tribunal, notamment pour assurer la cohérence du processus et des résultats. Les magistrats ont été perçus comme ayant une approche axée sur la sécurité et ont fait preuve d'un fort sentiment d'appropriation des causes dont ils étaient saisis. Les discussions de groupe ont révélé que cette expertise et cette compréhension étaient perceptibles dans le comportement des magistrats. Ainsi, les magistrats ont été décrits comme étant proactifs à plusieurs égards, par exemple, en cherchant à obtenir plus d'information des parties et de d'autres personnes dans la salle d'audience, en étant prêts à suspendre les causes pour solliciter des informations auprès d'autres tribunaux et agences, et en gérant la salle d'audience de manière à alléger le stress des parties. Grâce à l'expertise et à la formation, les magistrats de la cour spécialisée ont été, selon les personnes interrogées, en mesure d'obtenir une cohérence dans le processus et le résultat du tribunal.

D'autre part, les magistrats et les procureurs du tribunal spécialisé ont reconnu que le potentiel de partialité pouvait exister, mais ont également souligné que différents types de tribunaux spécialisés fonctionnent dans tout le pays - on parle toujours, en Australie - sans que des accusations de partialité soient lancées. Plusieurs ont indiqué que les magistrats étaient très conscients de ce problème potentiel, et qu'ils répondaient de manière appropriée. Finalement, il a été mis en évidence que le magistrat ou juge spécialisé était considéré comme un leader important pour faciliter l'amélioration du traitement des affaires de violence conjugale et familiale.

En conclusion, nous constatons les...

Mme Monastesse (Manon) : ...Structurant identifié en Australie dans le fonctionnement des tribunaux spécialisés qui ont été générés, entre autres, par la formation des magistrats et le développement de liens plus collaboratifs avec les intervenants sociaux judiciaires. En tenant compte de cet état de fait, nous considérons que la nouvelle disposition à l'effet d'inclure une personne oeuvrant auprès des victimes au sein du Conseil est un élément fondamental qui favorisera une pratique renouvelée des juges au sein des tribunaux, entre autres, spécialisés. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup pour votre présentation. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bonjour, Mme Monastesse, merci beaucoup de votre présence ici, en commission parlementaire pour les consultations du projet de loi huit.

Je vais débuter par la fin de votre intervention relativement au fait qu'on ajoute une personne qui n'est ni juge ni avocat ni notaire et oeuvrant dans un organisme qui a pour objet d'aider les personnes victimes d'infractions criminelles, nommée après consultation de tels organismes, dans le fond, pour siéger sur le Conseil de la magistrature. Le Conseil de la magistrature agit notamment en matière de déontologie judiciaire, donc ils prennent des décisions, également, en matière de formation des juges ou de perfectionnement des juges. J'aimerais vous entendre là-dessus, quelle va être la plus-value de la nomination de cette personne-là, puis j'aimerais vous entendre sur la formation ou le perfectionnement des juges relativement aux violences sexuelles puis relativement à la violence conjugale. Quelle est votre opinion relativement à ça?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, je crois que c'est un élément vraiment fondamental, parce que cette personne qui sera choisie est quand même une experte du terrain et sûrement qu'elle sera choisie parce que son expérience est significative. Et elle fera en sorte vraiment de pouvoir éclairer la magistrature sur plusieurs points, sur quels seront... Quelles seraient possibles les formations les plus indiquées, de par son expérience, puisqu'elle amène le point de vue des victimes, et en ayant une longue expérience, même sur le terrain, d'avoir été en cour, d'avoir soutenu des victimes tout au long du processus judiciaire, elle sera à même de pouvoir identifier des formations qui seraient, entre autres, les plus pertinentes possible pour soutenir le juge au niveau de l'analyse des dossiers, il y a des enjeux, et le fait d'émettre des jugements ou un encadrement, entre autres, dans la question du suivi des contrevenants, alors de par son expérience et de par sa vision globale et intégrée, elle va être à même de pouvoir soumettre des formations possibles, d'envisager aussi le mode de formation qui serait le plus approprié de par son expérience.

M. Jolin-Barrette : O.K. Pensez-vous que le point de vue d'une personne oeuvrant auprès des victimes aussi va apporter un éclairage puis un cadre d'analyse différent quand ça va être d'aborder les questions de déontologie judiciaire? Parce qu'actuellement le processus fait en sorte que lorsque la plainte, elle est déposée, bien, elle est entendue en plénière, donc avec tous les membres du Conseil de la magistrature, pour déterminer est-ce qu'on l'envoie en enquête, est-ce que c'est justifié. Pensez-vous que le fait d'avoir une personne qui oeuvre auprès des personnes victimes sur le comité pour évaluer, ça, est-ce qu'on l'envoie en enquête, la plainte en matière déontologique, ça va avoir une incidence?

• (15 h 40) •

Mme Monastesse (Manon) : Tout à fait. De par son expérience et de son analyse du cas qui va être soumis, de la plainte qui va être soumise, ça va permettre d'avoir un éclairage, en termes d'expertise sociale, de l'impact que le jugement a eu sur les victimes, de l'impact, justement, quand on parle de rebâtir la confiance, de l'impact que ça peut avoir sur la confiance des victimes dans notre système de justice. Donc, de par sa formation, bien, elle va être à même de dire, d'un point de vue social, d'un point de vue des victimes, oui ou non, ça devrait... Le cas devrait être vraiment analysé en déontologie. On a vu dernièrement certains jugements qui nous semblent, d'un point de vue de représentants des victimes, hautement questionnables, alors, où est-ce qu'on se demande comment le juge a analysé la situation. Oui, il y a les...

Mme Monastesse (Manon) : ...les points de vue juridiques, mais quand même comme agents de changement dans notre système de système de justice et de par la volonté du gouvernement à faire en sorte... dans un point de vue d'humaniser la justice et de rendre de meilleurs jugements. Il y a beaucoup de... même au fédéral, mais il y a beaucoup de jugements, dans le court terme ou dans le long terme, il y a beaucoup de cas qu'on pourrait soumettre, qui nous semblent très problématiques au niveau de la décision qui a été rendue.

M. Jolin-Barrette : O.K. J'aimerais ça qu'on aborde la question, là, de la formation des juges. Parce que, bon, c'est le Conseil de la magistrature qui est chargé de la formation des juges. Les magistrats, eux, ils ne parlent pas de formation, ils parlent de perfectionnement. J'aimerais ça avoir votre point de vue, là, parce que vous, vous oeuvrez quotidiennement avec des femmes victimes de violence conjugale, de violence sexuelle également. On a mis en place... on est en train de déployer le tribunal spécialisé également pour faire en sorte que tout le monde ait de la formation. On a confié au Conseil de la magistrature l'obligation également de faire de la formation en matière de violence sexuelle, de violence conjugale pour les juges qui siègent au tribunal spécialisé.

C'est quoi, votre perception, votre analyse par rapport à la réalité que les femmes victimes de violence sexuelle et conjugale vivent lorsqu'elles vont à la cour par rapport aux différents jugements, que ça soit en matière criminelle, mais que ça soit également en matière familiale, en matière civile? J'aimerais ça avoir votre point de vue, ce que les gens que vous aidez vivent, là, quand ils vont dans nos tribunaux.

Mme Monastesse (Manon) : Malheureusement, souvent, elles se sentent vraiment, de par le fait même, de par la procédure, de par l'analyse qui est faite de leur situation, elles se sentent vraiment lésées par l'analyse qui est faite, que ça soit au criminel, que ça soit au civil, où la fédération a produit un rapport de recherche en collaboration avec une professeure en sciences juridiques, où on a vraiment épluché 250 jugements papier et où on a voulu voir à quel point la prise en compte de la violence conjugale était actualisée au niveau du tribunal de la famille. Parce que, dans la réalité, on s'est aperçu qu'il y avait vraiment une mécompréhension des enjeux de pouvoir, de rapports de domination, de contrôle coercitif qui étaient mal perçus et mal analysés par les juges et que ça, ça avait des impacts directs au niveau de la sécurité des femmes et des enfants. Alors, on a vu dans le rapport où... et même on cite des jugements où on faisait... le juge faisait fi de l'impact des violences sur la mère et sur les enfants, où est-ce que, pour lui... parce que monsieur a peut-être été un mauvais conjoint, il est toujours un bon père, ce qui pourtant, dans les 50 dernières années, a été documenté scientifiquement que ce n'était pas possible. Donc, on arrive à des jugements qui mettent en danger les femmes et les enfants.

Et là je parle du civil, je ne parle pas du tribunal de la jeunesse et du criminel, où est-ce qu'on se retrouve encore plus où la... je veux dire, l'application de la loi peut être même en silo, où est-ce que le criminel va reconnaître que monsieur est très dangereux, qu'il faut mettre en place des mesures restrictives, mais, au civil, on dit : Ah! bien, pour ce qui concerne les enfants, Monsieur a un accès illimité, sans surveillance, et, même au tribunal de la jeunesse, on arrive avec une autre forme de jugement. C'est tout à fait anxiogène et infernal pour une mère d'avoir à jauger avec ces différents jugements qui, dans la réalité, de son point de vue, sont totalement contradictoires. Et il y a eu un rapport pancanadien, fédéral, territorial, provincial à cet effet qui faisait état justement de manque de coordination des différents tribunaux.

M. Jolin-Barrette : Puis là c'est pour ça qu'on met en place le coordonnateur judiciaire puis qu'on a modifié dans le droit... la première phase du droit de la famille le fait d'inclure, dans l'intérêt de l'enfant, la notion de violence familiale, incluant la violence conjugale. On avait eu des...

M. Jolin-Barrette : ...députée de Sherbrooke. Juste avant de céder la parole à mes collègues, j'aurais peut-être une dernière question, qui est quand même d'actualité, puis je voulais avoir votre opinion là-dessus. Le projet de loi C-5, qui est rendu une loi, au fédéral, qui fait en sorte qu'en matière d'agressions sexuelles, désormais, le gouvernement libéral fédéral a permis maintenant que des agresseurs sexuels purgent leur peine dans la collectivité. Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, pour nous, c'est insultant, il n'y a pas d'autre mot. Comment un contrevenant, un accusé peut, dans des crimes aussi graves... puisse être assigné à domicile? Ça envoie un message, ça, ça va à l'encontre de... moi, ça fait plus de 30 ans que je suis dans ce domaine, ça va à l'encontre de tous les efforts qui ont été faits pour qu'on ait vraiment un engagement clair de notre système judiciaire envers les victimes puis envers aussi qu'on parle souvent de tolérance zéro envers les violences faites aux femmes. Il faut que notre système de justice envoie un message clair à cet effet.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie pour votre présence en commission.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré, s'il vous plaît.

Mme Bourassa : J'aimerais savoir, parce que dans le mémoire, vous posez... bon, on comprend que vous êtes en accord avec l'ajout d'une personne au Conseil de la magistrature, mais vous posez la question comment va-t-on choisir cette personne-là? Et je veux vous entendre parce que vous avez brièvement abordé ça lors de votre présentation, quels seraient les critères qui seraient les plus importants à considérer pour choisir la bonne personne qui représente le bon organisme?

Mme Monastesse (Manon) : C'est une bonne question. On en aimerait plusieurs, mais là on en est à un, mais je crois que cette personne-là devrait être choisie en fonction de son expérience terrain, de ses connaissances aussi sur plusieurs années, là. Ça prend une expérience sur plusieurs années, qui a des expériences aussi auprès des différents tribunaux. Moi, je pense qu'il faut y aller beaucoup sur l'expertise qu'elle a et sur sa vision aussi de la collaboration avec la magistrature, comment elle perçoit, comment elle envisage la collaboration et en quoi cette personne peut amener un éclairage nouveau et un éclairage plus pertinent de la réalité des victimes du vécu des victimes.

Mme Bourassa : Et donc une personne aussi qui y a de bonnes compétences en matière juridique, qui est capable de...

Mme Monastesse (Manon) : Pas nécessairement.

Mme Bourassa : Non?

Mme Monastesse (Manon) : Pas nécessairement, parce que, là, on parle vraiment d'une représentante des victimes. Alors, oui, qui connaît bien le domaine du juridique, mais surtout de son expérience auprès des victimes et auprès du... dans l'accompagnement des victimes dans le système de justice, et dans les différents liens qu'elle a eu aussi avec des partenaires, avec les juges, avec les services de police, avec les procureurs, donc, mais pas... Notre domaine, ce n'est pas la gestion juridique, nous ne sommes pas des avocats, mais nous avons une vision sociale de l'intervention sociale qui devrait être privilégiée auprès des victimes.

Mme Bourassa : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Autre question du côté gouvernemental?

M. Lemieux : Ça dépend combien de temps il reste, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Je vous donne 3 min 22 s, M. le député de Saint-Jean. Allez-y.

M. Lemieux : Vous êtes beaucoup trop bon pour moi. Mme Monastesse, c'est toujours une joie de vous entendre, vous êtes tellement inspirante que j'aimerais parfois que vous restiez parmi nous quand on entre dans la partie article par article de ces lois qu'on est en train de faire.

• (15 h 50) •

Mme Monastesse (Manon) : Merci.

M. Lemieux : Parce que votre terre-à-terre fait toute la différence par rapport à ce qu'on peut envisager. De toute évidence, même si je vous parlais notaires, avocats, ça, ça ne changera pas grand-chose dans votre discours et dans votre perception, mais, dans le reste de la loi, parce que je comprends, là, la partie pour le Conseil de la magistrature, avoir un représentant, pour vous, ça change tout, mais on a quand même fait beaucoup de chemin, depuis quatre ans, là, la législature précédente, avec tout ce qu'on a fait, on a intégré plein de choses. Et je me demandais dans quelle mesure vous considérez que si vous vous êtes donné la peine de venir ici aujourd'hui, c'est parce qu'on est en train de placer, équilibrer ce qu'on est en train de faire? C'est-u un peu ça que vous vivez sur le terrain?

Mme Monastesse (Manon) : Bien oui, dans...

Mme Monastesse (Manon) : ...la perspective de l'implantation des tribunaux spécialisés, c'est comme un élément du casse-tête qu'il faut mettre en place pour rebâtir la confiance. Et, de par mon expérience aussi à l'international, que ça soit à l'ONU ou que ça soit avec nos consoeurs d'à travers le monde, c'est pour ça qu'on regarde beaucoup l'Australie parce que c'est notre même système de droits, c'est les mêmes... Ils ont aussi des enjeux au niveau des populations aborigènes, comment mieux intervenir avec... C'est le même enjeu qu'on a ici, au Québec. Donc, moi, je parle par l'expérience que je regarde ailleurs. Je regarde aussi à l'ONU où, de plus en plus, il y a des guides aussi à l'attention des juges pour qu'ils prennent mieux en compte le vécu des victimes. Donc, on...

M. Lemieux : Je vous interromps là-dessus parce que mon temps est fini, mais c'est justement là-dessus que je vais vous entendre. M. le ministre l'a dit, les juges, ils n'appellent même pas ça de la formation, ils appellent ça du perfectionnement. Il en reste-tu beaucoup à faire?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, je pense qu'il y a des juges qui ont vraiment une analyse très appropriée et qui, vraiment, vont tenir compte... Quand on parle de violences faites aux femmes, là, que ce soit violence sexuelle, que ce soit violence conjugale, puis il ne faut pas oublier que c'est une même femme qui peut vivre ces violences-là, et c'est notre spécialité à la fédération, ce qui est important, là, je suis en train de faire mon idée, mais, au niveau des juges, on voit la sensibilité. Il y a des juges qui, vraiment, vont prendre en compte tout ce qui est la question du contrôle coercitif, des rapports de domination, qui, pourtant, est la définition qui est inscrite dans notre politique d'intervention, mais qui n'est pas nécessairement suivie par bon nombre d'intervenants sociojudiciaires, qui ne vont pas prendre en compte toute la question des rapports de force, de domination et de contrôle coercitif. Parce que, dès qu'on fait fi de ces rapports-là, on entre dans une analyse qui, malheureusement, ne va pas protéger les victimes, et, c'est ça, qui ne va...

M. Lemieux : Merci. Merci, madame...

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Je dois céder la parole au député d'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin :Merci. Merci, M. le Président. J'aimerais un peu reprendre un peu où ma collègue députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré... parce qu'elle vous a posé une question que j'ai trouvé très pertinente. Vous accueillez favorablement la modification à l'article 248 qui compose le Conseil de la magistrature, c'est l'article 34 du projet de loi. Et ma collègue vous demandait c'est quoi, les critères pour, justement, aller trouver la bonne personne qui va siéger au Conseil de la magistrature. On a parlé beaucoup de formation. Parce qu'évidemment le Conseil a un volet disciplinaire, ça, c'est une chose, mais il y a aussi toute la formation. Personnellement, je préfère appeler ça de la formation ou du perfectionnement, mais, enfin, on se comprend. Avez-vous des critères plus précis de la personne qui devrait... ou des critères qui devraient être dans la loi pour s'assurer que le gouvernement va aller choisir la bonne personne?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, comme je le disais, ça dépend énormément. C'est évident que ça prend quelqu'un qui a minimalement comme 20 ans d'expérience, qui a traversé toutes les modifications qui ont été faites en matière législative et au niveau du droit, parce que, quand même, on a fait un très grand bout de chemin. Il faut se rappeler qu'il y a 50 ans la question de la violence conjugale, c'était quelque chose du privé. Ce n'était même pas criminalisé. Donc, ça prend quelqu'un qui a suivi cette évolution du droit, qui a suivi l'évolution aussi de la prise en compte, de la prise en charge des victimes, qui a une solide expérience, comme je le disais, auprès des victimes, qui a entretenu, tout au long de sa carrière professionnelle, aussi des liens avec la magistrature, avec les intervenants sociojudiciaires. Qu'est-ce que je pourrais vous dire de plus? Comme je disais, ce n'est pas nécessairement quelqu'un qui a un background en droit ou quoi que ce soit. Ça, le droit, c'est une chose, mais ce n'est pas ce qui intéresse la personne qui va représenter les victimes. Mais je vous vois aussi les sourcils. Je ne sais pas si...

M. Morin :Non, c'est parce que je vous écoute avec beaucoup, beaucoup d'attention. Et puis effectivement, d'ailleurs, c'est ce que c'est ce que la disposition dit. La personne ne peut pas...

M. Morin : ...avocat parce que ce n'est pas ce qui est recherché. Alors ça, c'est... Ce que vous dites, c'est hyper important, là?

Mme Monastesse (Manon) : Bien, tout à fait. Ça prend une sensibilité, mais ça prend quelqu'un qui a beaucoup côtoyé le système de justice, comme je le dis, tant au niveau du suivi, de l'accompagnement, de toutes sortes de dossiers, je veux dire, qui est en lien avec toutes sortes de tables au niveau de l'amélioration des lois. Il y a aussi, il faut, on en parle très peu, mais le comité d'experts que réunit le coroner en chef, c'est notre deuxième rapport, qu'il y ait toutes sortes de liens comme ça, de différentes perspectives, du soutien des victimes, je crois que ça devrait faire partie des critères d'évaluation pour le choix de la personne.

M. Morin : Je vous remercie. Puis M. le ministre y faisait référence quand on parlait de formation, on a parlé évidemment des victimes d'agressions sexuelles, de violences conjugales, ce sont tous des crimes terribles, mais il y a aussi toutes les victimes de violences sexuelles, des gens qui sont victimes de proxénètes, il y a aussi toute la question de la violence chez les peuples autochtones, dans les familles. Donc, est-ce que vous pensez qu'il y aurait aussi des modules ou une amélioration de la formation à donner éventuellement et que cette personne devrait apporter cet éclairage-là au sein du conseil?

Mme Monastesse (Manon) : Tout à fait. Comme nous, on travaille beaucoup dans la... On n'accueille des femmes pas seulement pour un motif de violences conjugales. Alors une femme que nous accueillons, qui est victime de violences de son proxénète, elle est à la fois victime de violence conjugale, d'exploitation sexuelle et d'agression sexuelle. Il faut avoir une formation qui va, ou un éclairage, ou un perfectionnement qui va bien faire comprendre ces différentes intersections des violences que vivent les femmes. Nous, nous accueillons des femmes, c'est impossible qu'elles ne vivent qu'une seule forme de violence. Elles ont vécu de multiples formes de violence et des... C'est pour ça que, moi non plus, je n'aime pas tellement le terme formation parce que c'est plus comme une... une perspective réflexive sur les pratiques.

Toutes nos formations sont axées sur le savoir-être, et je crois que les juges, dans l'exercice de leurs fonctions, dans le cadre juridique, peuvent bénéficier d'une formation réflexive sur le savoir-être. Ça, c'est un peu comme aussi notre... une de nos spécialisations, c'est toute la question de la prise en compte de l'intervention auprès des femmes immigrantes. Mais ce n'est pas parce que vous parlez 10 langues que... L'intervention auprès des femmes immigrantes, il faut la voir globalement, d'une façon intégrale, et ça ne vous demande pas de parler 10 langues, de connaître toutes les cultures et tout. Ce n'est pas ça qui est l'enjeu principal. C'est...  L'enjeu principal, c'est de comprendre les enjeux qu'elles vivent. Et on le sait, elles dénoncent très peu, elles ne sont pas... Elles ne sont pas prises en compte dans notre système de justice parce que, pour toutes sortes de raisons, qu'elles ne veulent pas porter plainte, qu'elles ne veulent pas passer à travers le système de justice, alors... Alors, la question est... C'est de comprendre les enjeux, de comprendre qu'est-ce qui les motive et de mieux les soutenir dans les besoins qu'elles ont pour porter plainte et traverser le système judiciaire.

• (16 heures) •

Donc, c'est ça qu'il faut comprendre. Et ça, c'est seulement dans une approche qui est réflexive et qui est dans la... dans l'amélioration du savoir être et de toujours avoir, quand on parle de violences faites aux femmes, de toujours avoir une vision intégrée de tous les enjeux, de tous les aspects que vivent les femmes, qui n'est pas seulement un aspect où il y a les victimes de violence. On accueille des femmes qui ont été parrainées par leur conjoint, qui sont victimes de violence conjugale, que leur conjoint les force à être exploitées sexuellement, des enjeux qui sont multiples, multiples, et il faut... Et pour nous, il serait important que les juges comprennent vraiment l'ampleur et toutes les facettes des enjeux... des enjeux...


 
 

16 h (version non révisée)

Mme Monastesse (Manon) : ...qui touche les victimes qui sont devant eux parce que, souvent, on parle de résistance, la victime ne veut pas collaborer, mais il faut comprendre le pourquoi de la situation pour mieux l'accompagner, et c'est pour ça qu'avec des tribunaux spécialisés, on a un grand espoir qu'on puisse arriver à une vision globale intégrée afin que, et on l'a vu en Australie, je veux dire, les sentences, je veux dire, ça a grandement amélioré, un, la confiance des victimes, et un, tout ce qui est de la poursuite et très peu d'abandons en cour dans le processus judiciaire.

M. Morin :Merci. J'aurais une autre question rapide. Dans le projet de loi, on parle beaucoup de médiation obligatoire, il y a des... avec certaines personnes, à mon avis, ce n'est pas approprié, des gens justement qui auraient vécu des cas de harcèlement ou de violences sexuelles intrafamiliales. M. le ministre disait qu'il voulait exclure ces cas-là par règlement, est-ce que vous pensez que, par règlement, c'est suffisant, ou on ne serait pas mieux de le dire carrément dans la loi pour que ça aille plus de poids?

Mme Monastesse (Manon) : Mais , je pense que, par expérience, et avoir témoigné il y a, je ne sais plus combien d'années, là, quand la médiation a été mise en place, le fait que ça devrait être dans la loi parce que ce n'est pas toujours clair, et même certains organismes qui présentent la médiation, ou quoi que ce soit, font très peu état du fait que, quand on est victimes de violences conjugales ou de multiples formes de violences familiales et autres, on a le droit d'être exempté de ce processus.

M. Morin :Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.

Mme Labrie : Merci, M. le Président. Bien, merci de vous être déplacée pour nous rencontrer aujourd'hui. Votre position sur le projet de loi est très claire, ça fait que je vais me permettre de faire un peu comme le ministre puis de déborder du contenu du projet de loi, vous avez parlé de rebâtir la confiance, de tout ce qui restait à faire, même en dehors de ce projet de loi ci, puis j'ai le goût de vous demander, la reconnaissance du contrôle coercitif dans le Code criminel, c'est quelque chose qui contribuerait à rebâtir la confiance, est-ce que vous aimeriez voir l'Assemblée nationale envoyer un message clair, comme on l'a fait dans les derniers jours par rapport aux peines de prison à domicile, est-ce que vous aimeriez nous voir ici à l'Assemblée nous positionner clairement, demander au gouvernement fédéral d'inclure le contrôle coercitif au Code criminel?

Mme Monastesse (Manon) : Tout à fait. Il y a eu des projets de loi à cet effet qui ont été déposés, il y a eu des projets de loi fédéraux à cet effet, et, tout à fait, je crois que ça envoie aussi un message, un message très important, et on voit les bénéfices d'avoir intégré, dans le Code criminel, la question du contrôle coercitif, on le voit dans des juridictions comme en Angleterre et en Écosse où ça a eu un effet important parce qu'on sait qu'en matière de contrôle, de violence faite aux femmes souvent... et le contrôle coercitif, c'est l'élément qui nous permet justement de démontrer qu'il y a violence parce qu'il y a contrôle. Et souvent il y a très peu de violence physique, qui est la violence qui est malheureusement la seule violence qui est criminalisable, mais il y a souvent... c'est vraiment des situations où il y a très peu de violence physique, mais un contrôle absolu, absolu à tous les points de vue, là, même psychologique.

Nous, on a des femmes qui arrivent en maison d'hébergement, puis on leur demande ce qu'elles veulent porter, ce qu'elles veulent manger, elles sont incapables de nous répondre parce que, toute leur vie, toute... elles ont vécu qu'à travers les volontés et les directives de leur conjoint violent, alors c'est un effet dévastateur. Et en Angleterre et en Écosse, il y a eu justement une amélioration et une augmentation des plaintes avec cet effet de pouvoir mieux prouver le contrôle et la violence avec le fait de reconnaître le contrôle coercitif.

Le Président (M. Bachand) :45 secondes, Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Labrie : Donc, ça favoriserait la confiance envers le système de justice puis également l'accès au système de justice aussi, parce que ça permettrait à des gens qui, en ce moment, ne sont pas capables de porter plainte au criminel de le faire, si on faisait ce changement-là. Je pense, votre message est très clair à l'intention de mes collègues et du ministre notamment, que vous souhaiteriez nous voir prendre cette position envers le gouvernement fédéral.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Madame la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Merci...

Mme Nichols : ...merci beaucoup, monsieur le Président. Merci beaucoup de votre présence. Et c'est quand même bouleversant d'entendre une personne aussi proche nous parler des réalités comme ça, ce n'est pas... en fait, ça vient beaucoup nous chercher. Vous parlez beaucoup, là, d'établir la confiance avec le système de justice. C'est sûr que donner une formation aux juges, ça va peut-être plus, là je ne veux pas dire un côté plus humain, mais leur apporter la réalité, là, qu'on entend, même, nous, ici. Mais c'est juste à quel point ça peut changer, ça peut ramener le lien de confiance, il va falloir, je pense, aller même plus loin que ça pour savoir...

Puis je regardais, ce qui est intéressant, vous avez mis des références, vous parlez beaucoup de l'Australie puis vous avez mis aussi les références. Ça fait qu'on va sûrement pouvoir aller consulter ces documents-là pour voir qu'est-ce qu'ils font de plus, tu sais, qu'est-ce qu'on peut apporter de plus justement pour leur permettre d'être... en fait de rétablir cette confiance-là en elle-même aussi, là, pas juste envers tout ça. Mais vous avez, en partie, là, répondu à l'ensemble des questions en lien avec avec le projet de loi huit, mais si jamais il y a une suggestion qu'on voit ailleurs, qu'on pourrait apporter ici.

Mme Monastesse (Manon) : Mais, comme je le disais, en ce moment, c'est beaucoup pour les juges des formations qui sont didactiques et certains juges même m'ont dit: On les a toutes faites, là, les formations en violence conjugale, on le sait, là, on le sait. Mais qu'est-ce qu'ils savent exactement? C'est pour ça que, quand on parle, nous, on mise beaucoup sur des formations qui soient réflexives. Tout est dans la question du savoir-être et du savoir interpréter les agissements ou les paroles de victimes qui semblent contradictoires. Quand on attaque la crédibilité d'une victime, on va l'attaquer sur des éléments qui, en fait, et c'est prouvé scientifiquement, n'ont pas force de preuve. Quelqu'un qui a été... qui vit des traumatismes récurrents, qui vit un stress post-traumatique, un stress post-traumatique chronique. C'est évident que, quand elle va venir témoigner en cour, elle a les flash-back. Elle va avoir une amnésie sélective, et on va l'attaquer là-dessus pour attaquer sa crédibilité. Quand ce sont des éléments qui ne sont pas scientifiquement basés, on ne peut pas l'attaquer là-dessus, le fait qu'elle ne se souvienne pas.

Moi, j'ai vu, en cour, un avocat de la défense demander dix fois de quel côté de la porte du frigo s'ouvrait pour attaquer la crédibilité de la victime. Alors, si ce sont ces éléments-là qu'on peut faire part aux juges et que, quand ils vont être sur le banc, ils vont pouvoir avoir cette analyse-là et mieux évaluer la situation et les agissements ou les réactions des victimes. Puis que ça soit au criminel, que ça soit devant les tribunaux de la famille, où est-ce que souvent on va taxer les maires de vouloir empêcher les liens avec le parent, il y a des éléments à tenir compte, là. Ce n'est pas... C'est faux de dire que les mères veulent empêcher les contacts. Toute la documentation scientifique, même les femmes qui sont victimes de violence conjugale ne veulent pas empêcher les contacts, parce qu'ils disent, c'est...

Alors, c'est toute cette question-là d'avoir des formations qui soient beaucoup plus axées sur le savoir-être et le savoir-faire que sur les savoirs. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Ça fait un grand plaisir de vous avoir avec nous cet après-midi.

Avant de conclure les auditions, je procède au dépôt des mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques. Sur ce, la commission ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup. Bon week-end.

(Fin de la séance à 16 h 10)


 
 

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