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(Douze heures treize minutes)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission… Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte la séance de la Commission
des institutions.
La commission est réunie afin de procéder
à des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet
de loi n° 24, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel du Québec
afin d'y prévoir le pouvoir d'exiger qu'une personne contrevenante soit liée à
un dispositif permettant de savoir où elle se trouve.
Avant de débuter, Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire
: Oui, M.
le Président. M. Lévesque (Chapleau) est remplacé par Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac);
M. Barrette (La Pinière) est remplacé par Mme Melançon (Verdun);
et M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé par M. Fontecilla
(Laurier-Dorion).
Auditions (suite)
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Aujourd'hui, il
nous fait plaisir d'accueillir les représentantes du Regroupement des maisons
pour femmes victimes de violence conjugale.
Alors, mesdames, merci beaucoup d'être
avec nous. Comme vous le savez, vous avez 10 minutes de présentation, et
après ça on procédera à la période d'échange. Donc, la parole est à vous.
Merci.
Regroupement des maisons pour femmes victimes de
violence conjugale (RMFVVC)
Mme Arseneault (Chantal) : Alors,
bonjour. Je vous remercie, d'entrée de jeu, de nous entendre aujourd'hui. Donc,
le regroupement, vous le savez, c'est un vaste réseau de maisons d'aide et d'hébergement.
On est 44 maisons réparties à travers le Québec. Nos intervenantes
spécialisées en matière de violence conjugale accompagnent les femmes à fuir la
violence. Donc, c'est vraiment ce que nos maisons font.
Dans l'année 2021, on a hébergé
quelque 2 250 femmes et 1 900 enfants, on a accompagné,
dans des services à l'externe, 17 900 personnes et, finalement, on a
répondu à plus de 94 950 demandes de proches de victimes, mais aussi
de professionnels. Je vais laisser la parole à ma collègue.
Mme Riendeau (Louise) : Bonjour.
Écoutez, comme vous le savez, le regroupement a salué les différents moyens qui
ont été mis en place dernièrement pour mettre un filet de sécurité autour des
victimes de violence conjugale, femmes et enfants. Pour nous, l'introduction
des bracelets antirapprochement constitue un outil de plus pour y participer.
Le projet de loi n° 24 prévoit les
circonstances où les services correctionnels ou la Commission des libérations
conditionnelles vont pouvoir imposer le port d'un bracelet antirapprochement.
On pense que ce dispositif-là va pouvoir amener un sentiment de sécurité à
certaines victimes qui, à l'heure actuelle, constatent que leur conjoint peut continuer
de les harceler, de les menacer en toute impunité.
On voit, on constate sur le <terrain...
Mme Riendeau (Louise) :
...de
les menacer en toute impunité.
On voit, on constate sur le >terrain
chaque jour qu'il est très difficile pour des femmes d'arriver à porter plainte
quand il y a un bris de condition, malgré des interdits de contact, à
différentes étapes, là, du processus judiciaire. Souvent, les policiers n'enregistrent
pas ces plaintes, et les femmes se sentent très menacées. On sait que plusieurs
ex-conjoints tentent de maintenir leur emprise sur leur ex-partenaire et que c'est
d'ailleurs au moment de la séparation ou autour de ce moment-là que les risques
de létalité pour les femmes, pour les enfants sont les plus grands. Ces situations-là
nous montrent la nécessité de dissuader les conjoints de contrevenir aux
conditions qui leur sont imposées et, s'ils le font, de collecter la preuve
pour être capable de les traduire devant les tribunaux.
Donc, ces deux éléments-là, pour nous,
militent en faveur de l'utilisation des bracelets antirapprochement. Comme on l'a
dit, on y voit vraiment un outil supplémentaire pour assurer la sécurité des
femmes.
Le regroupement est satisfait des
modalités qui ont été proposées, c'est-à-dire, d'une part, que les frais de l'utilisation
du bracelet soient assumés par le gouvernement, ce qui évite des impacts
financiers pour les victimes. On pense aussi que c'est une excellente idée, que
c'était nécessaire, même, que la victime soit volontaire pour qu'il soit
utilisé.
Le choix d'imposer un double périmètre
nous semble des plus judicieux dans la mesure où un contrevenant qui sera
averti qu'il rentre dans le premier périmètre pourra décider de rebrousser
chemin et que la victime ne sera pas inquiétée, à moins qu'il entre dans le
deuxième périmètre où, là, la police devrait aller la protéger.
Cela étant dit, l'utilisation des
bracelets soulève un certain nombre de questions pour lesquelles on n'a pas
encore de réponse. Dans plusieurs régions du Québec, la desserte cellulaire est
déficiente. Alors, on se demande : Est-ce que les victimes partout au
Québec pourront se prévaloir de ce mécanisme-là?
On sait aussi que, dans certains
territoires ruraux, le nombre de policiers... les effectifs policiers sont
limités. Et on s'inquiète donc à savoir : Est-ce que les policiers
pourront intervenir assez rapidement si un conjoint rentre dans le deuxième
périmètre et devient menaçant?
Autre question pour nous, c'est :
Est-ce que les centrales qui vont être chargées de s'assurer du bon
fonctionnement de tout ça agiront avec diligence pour informer le service de
police dès qu'un contrevenant entre dans le deuxième périmètre?
Autre question : Comment on va gérer
les situations où une victime, on pense à des milieux plus ruraux, où une
victime pourrait s'approcher du lieu où se trouve le contrevenant, lieu qu'elle
ignore probablement, sans que ça mette nécessairement monsieur en bris de
condition et sans qu'on restreigne la liberté de mouvement de la victime?
Enfin, quels seront les moyens qui vont
être mis en place pour détecter des situations où un contrevenant déciderait d'altérer
le dispositif, de l'enlever, de ne pas le recharger et donc de le rendre
inopérant? Dans quels délais pourra-t-on intervenir à ce moment-là?
Et enfin, dernière question qui touche la
cohérence entre les décisions des différents tribunaux, comment va-t-on gérer d'éventuels
droits d'accès aux enfants en présence du bracelet? Est-ce qu'on va demander
aux tribunaux d'imposer la supervision de droit d'accès dans des organismes
dont c'est la mission?
• (12 h 20) •
Il y a beaucoup de questions. Il y a aussi
des conditions qui, pour nous, sont essentielles si on veut que le tout
fonctionne bien. On sait que certains contrevenants pourraient contester l'utilisation
du bracelet. Ou on peut penser qu'il y a des situations où on aurait autrement
gardé quelqu'un en détention, mais, avec le bracelet, on va dire :
Peut-être qu'on peut le remettre en liberté.
Nous, on pense qu'il faut absolument,
avant de prendre la décision d'utiliser un bracelet antirapprochement, qu'il y
ait une évaluation des risques spécifiques à la violence conjugale. Il existe
des outils qui ont été validés pour ce faire, plusieurs personnes aux services
correctionnels y ont été formées, mais, pour s'assurer que le bracelet
antirapprochement est utilisé dans les bonnes situations, avec les bonnes
personnes, pour nous, c'est essentiel qu'il y ait une évaluation des risques
faite avec des outils spécifiques.
On pense aussi que ça va augmenter le
sentiment de sécurité des femmes, mais on a vu des expériences ailleurs où les
femmes avaient été assez désillusionnées du <fonctionnement...
Mme Riendeau (Louise) :
...expériences
ailleurs où les femmes avaient été assez désillusionnées du >fonctionnement
parce qu'elles n'avaient peut-être pas bien compris, parce que des risques ont
persisté. Donc, on pense qu'il est nécessaire de réseauter les victimes qui
vont bénéficier de ce mécanisme-là avec des intervenantes spécialisées qui
pourront les informer, les accompagner, faire une évaluation des risques en
continu et, au besoin, signaler la situation aux autorités.
Par ailleurs, si on souhaite que les
données de géolocalisation des contrevenants puissent servir à démontrer les
manquements, pour nous, il est impératif que les données qui concernent les
victimes, qui seront donc détenues par une tierce partie, c'est-à-dire la
centrale de système d'alarme, ne soient pas collectées et ne soient pas
transmises. On peut facilement penser que des compagnies d'assurance pourraient
être friandes pour avoir ce genre d'information là. Donc, pour nous, on a
besoin de garanties à ce niveau-là.
Pour ce qui est du deuxième périmètre, à l'heure
actuelle dans les interdictions de contact, on parle souvent de
500 mètres. Bien, 500 mètres, en terrain dégagé, on voit facilement
une voiture qui nous surveille. Donc, on pense qu'il va falloir adapter le
périmètre autour de la femme.
Et enfin la ministre a indiqué que le
bracelet serait testé à Québec. Nous, on pense qu'il serait aussi important qu'il
soit traité dans une région moins densément peuplée.
Ce qui fait qu'on a huit recommandations.
D'abord, que, dans tous les cas, il y ait une évaluation des risques liés à la
violence conjugale avant de prendre une décision d'utiliser le bracelet.
Ensuite, qu'on poursuive la promotion du service d'évaluation des conjoints
violents au stade de la remise en liberté provisoire dans les cas où des juges
pourraient vouloir l'imposer à cette étape-là. On sait que, pour le moment,
cette évaluation-là est volontaire. Donc, il faut continuer du travail pour que
la poursuite et la défense la demandent. On souhaite aussi que le ministère de
la Justice s'adresse à son homologue fédéral pour qu'on permette justement aux
juges d'imposer ces évaluations-là. Enfin, on recommande, comme on l'a dit, que
les victimes qui vont bénéficier du bracelet soient réseautées avec des
organismes spécialisés en matière de violence conjugale, qu'aucune donnée
personnelle sur les victimes ne soit conservée par la centrale d'alarme et qu'en
aucune situation ces données ne puissent être transmises à quelque institution
que ce soit, sauf évidemment pour prouver un manquement aux conditions, que le
périmètre de sécurité soit adapté à la géographie des lieux où vit, ou
travaille, ou étudie la victime, qu'il y ait un projet pilote aussi en région
moins densément peuplée que Québec et que des groupes de défense des droits,
comme les associations de maisons, fassent partie du comité d'encadrement et d'évaluation
des projets pilotes. Je laisserais le mot de la fin à notre présidente.
Mme Arseneault (Chantal) : Donc,
en conclusion, vous avez bien compris qu'on est favorables au bracelet
antirapprochement. Ceci étant dit, ça ne remplacera jamais la vigilance et la digilence
importante des intervenants. Il faut absolument que les intervenants, là on
parle de policiers, mais les intervenants de première ligne soient bien formés
à la problématique de la violence conjugale, parce que, si on ne la dépiste pas
puis on ne la détecte pas, on ne pourra pas ni recommander, hein, le bracelet
antirapprochement ni déclencher des cellules de crise, comme on a vu, qui
existent un peu partout maintenant au Québec, là, grâce à un financement
vraiment intéressant. Donc, la formation est importante.
Et aussi il y a eu un deuxième rapport du
Comité d'examen des décès qui dit que, dans la grande majorité, et les victimes
et les auteurs étaient connus du service de police ou d'autres intervenants.
Donc, nous, on croit vraiment que ça, c'est vraiment une voie de passage au
niveau de la formation, de dépister, et c'est eux qui doivent être aussi formés
à l'évaluation des risques. Ma collègue vous le disait tantôt, pour nous, c'est
comme une condition obligatoire au bracelet antirapprochement au niveau de l'évaluation
des risques.
Et, pour terminer, un petit dernier mot, la
technologie vient ici augmenter nos possibilités d'assurer une sécurité aux
femmes victimes de violence conjugale et, par ricochet, à leurs enfants. C'est
bien utile, mais ça ne remplacera jamais l'analyse humaine des situations de
violence conjugale. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup de votre
intervention. Mme la ministre, s'il vous plaît. Vous avez la parole.
Mme Guilbault :Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, mesdames. Très
heureuse de vous retrouver aujourd'hui ici pour une autre occasion constructive
dans le combat qu'on mène tous ensemble, toutes ensemble, mais tous ensemble
contre la violence qui est faite aux femmes. Merci beaucoup de prendre le temps
de nous rencontrer aujourd'hui.
J'ai lu votre document, votre mémoire, vos
recommandations. C'est très bien fait, comme d'habitude, c'est pertinent. On
voit que vous savez de quoi vous parlez. C'est normal, vous êtes des <expertes...
Mme Guilbault :
...On voit que vous savez de quoi vous parlez, c'est
normal, vous êtes des >expertes. Hier, on avait d'ailleurs Mme Fedida
avec sa directrice aussi des maisons d'hébergement de 2e étape qui sont
venues nous dire ce qu'elles pensaient du bracelet. Puis, en fait, j'ai envie
de commencer par la même question que j'ai posée hier à Mme Fedida parce
que vous, vous traitez avec tellement de femmes, tu sais, nous, on parle à des
femmes dans le cadre de nos travaux de législateurs, comme ministre, mais vous,
vous avez parlé à d'innombrables victimes de violence conjugale, vous côtoyez
leurs enfants aussi. Et la raison pour laquelle on fait ça, ce qu'on fait, le
bracelet... qu'on fait tout ce qu'on fait, d'ailleurs, mais le bracelet,
notamment... Parce que moi, je suis très fière, je trouve que ça nous place à l'avant-garde.
Je trouve que, tu sais, on va être la septième nation, septième juridiction
dans le monde à faire ça, donc... mais il faut le faire comme il faut, mais je
pense qu'on est rendus là, mais on le fait pour que les femmes retrouvent la
paix d'esprit.
Je parle souvent de ça, la paix d'esprit
des femmes. C'est quelque chose qu'elles perdent, irréversiblement dans
plusieurs cas, malheureusement, mais qu'on a peut-être une chance de leur
redonner, en partie, du moins, avec cet outil-là, avec quelque chose de
technologique, comme vous dites, qui ne remplacera jamais la vigilance humaine,
l'empathie, la nécessité de faire une évaluation puis de prendre en compte des
choses qu'une technologie ne pourra jamais prendre en compte, mais qui,
néanmoins, est très efficace. Tu sais, c'est de la géolocalisation.
Ça fait que, sur la base de ce que vous
savez des femmes que vous côtoyez, est-ce que vous pensez qu'effectivement un
nombre important de ces femmes-là pourraient être soulagées et fonder de l'espoir
sur la possibilité d'avoir accès à ce bracelet-là?
Mme Arseneault (Chantal) : Je
vais y aller, Louise, c'est correct? Donc, en fait, je pense que oui,
certainement. Je ne sais pas si... Vous n'avez probablement pas eu l'occasion d'écouter
Pas une de plus, hier, là, c'était la cellule de crise, et, entre
autres, on parlait des bracelets plus électroniques plutôt qu'antirapprochement.
Mais, je vous dirais, pour l'avoir vécu avec une femme dernièrement, il reste
qu'elle, son souhait, avec le niveau de dangerosité que cet homme-là
représentait, la solution idéale aurait été quand même qu'il soit détenu. Donc,
oui, certes, mais, présentement, elle n'a pas la paix d'esprit complète parce
qu'à ce qu'on connaît encore aujourd'hui, c'est qu'il y a des délais dans la
réponse, le temps que l'appel... que le signal soit envoyé à la centrale, que
la centrale rejoigne les policiers, que les policiers aient l'information pour
aller rejoindre les victimes. Il y a quand même un délai.
Et c'est une de nos questions, en fait, à
quel point le délai va être important. Présentement, ça peut aller jusqu'à 20 minutes.
Ça fait qu'on ose croire qu'avec la nouvelle centrale ou l'organisation qui
sera choisie, les délais vont être moindres que ça, parce que, 20 minutes,
il y a beaucoup de choses qui ont le temps d'arriver en 20 minutes.
Donc, oui, je pense que ça peut apporter
un sentiment de sécurité, mais il faut s'assurer d'avoir tout mis en œuvre pour
que ce soit un réel sentiment de sécurité. En fait, c'est un peu ma réponse.
Mme Riendeau (Louise) : Puis
j'ajouterais qu'il faut vraiment qu'on ait une vision globale. Dans la
situation dont parle Chantal, c'est un homme qui est influent dans sa
communauté. C'est un homme qui est capable de mobiliser d'autres personnes pour
continuer d'envoyer des messages à la victime et de la harceler. Ça fait que,
oui, certes, peut-être qu'elle aura une sécurité physique face à lui, mais peut-être
que sa paix d'esprit ne sera pas complète. Ça fait qu'on doit vraiment avoir
des visions puis des analyses globales des situations à risque pour être
capable d'avoir un filet de sécurité dont les mailles sont les plus serrées
possible.
• (12 h 30) •
Mme Guilbault :Oui, bien, c'est vrai, puis ça, je ne l'ai pas dit, mais je
l'ai dit hier avec un autre groupe, là, il n'y a personne qui pense que ça va
être miraculeux, puis que ça va tout régler, puis que, tu sais, ça va régler
tous les problèmes. Puis, de toute façon, on parle bien ici de gens qui sont
judiciarisés pour avoir le bracelet. Ça fait qu'il y a encore tout le bassin
des gens qui... pour qui on ne porte pas plainte, pour toutes sortes de
raisons, qui est un autre défi auquel on doit s'attaquer par d'autres moyens.
Mais au moins, pour ceux qui sont judiciarisés, qu'ils soient détenus ou non,
parce qu'on peut l'avoir quand même au stade de la mise en liberté provisoire…
Puis d'ailleurs je vais en profiter pour
insérer… parce que c'était un de vos points aussi, de s'assurer d'avoir le
service d'évaluation au stade de la mise en liberté provisoire. Vous savez
probablement qu'on a étendu ce service-là à la grandeur des régions du Québec
maintenant, et hier on l'a dit ici aussi, là, dans un autre groupe, mais on a
augmenté l'utilisation de 700 % depuis un an, à peu près, un an et demi.
Ça fait que ça, c'est une excellente nouvelle, là, parce que ça éclaire les
juges. Puis on pourrait penser que ça pourrait favoriser l'imposition d'un
bracelet. Évidemment, personne ne peut se substituer aux décisions d'un juge, ce
sont eux qui décideront, mais je pense que plus on utilise ce service-là d'évaluation,
plus on a de chances de sensibiliser puis <d'éclairer les juges...
>
<
Mme Guilbault :
...utilise ce service-là, d'évaluation, plus on a de
chances de sensibiliser puis >d'éclairer les juges, puis de les
convaincre d'utiliser le bracelet.
Même chose, d'ailleurs, pour votre
recommandation n° 1 : avoir une évaluation du
risque avec un outil spécifique à la violence conjugale, ça aussi, on est en
train de le faire, puis c'est exactement ce qui va se produire. Il existe déjà
une grille d'analyse, de toute façon, tant pour les agents de services correctionnels
que pour les agents de probation qui font cette évaluation-là. Mais on aurait
effectivement cet outil-là, spécifique.
Puis, là-dessus... C'est parce que vos
recommandations sont vraiment bonnes. Je suis supposée vous poser des questions,
mais j'ai plus envie de renforcer ce que vous nous dites parce que... Là, c'est
la 1 et la 2 que je viens d'aborder, de mémoire, là. C'est ça. Mais donc la n° 3, là, le fédéral, c'est très important, ça aussi, parce
que ce qu'on fait ici... Nous, on a juste juridiction sur les peines de deux
ans moins un jour. C'est déjà un bon début, mais il y a des peines importantes
qui se donnent au fédéral, et là, nous, il faut, je pense, multiplier les voix,
là, auprès du gouvernement fédéral pour les convaincre d'essayer de faire la
même... pas d'essayer, mais... c'est-à-dire essayer de les convaincre de faire
la même chose à leur niveau. Ça fait que, si vous voulez ajouter votre voix à
la nôtre... Et j'invite mes collègues des oppositions aussi à le faire. Je sais
que l'opposition officielle est assez proche du parti qui forme actuellement le
gouvernement au fédéral, ça fait que peut-être utiliser ces liens-là,
privilégiés, pour les convaincre d'emboîter le pas au Québec, parce que c'est
sûr que, là, bon, c'est une partie des peines, mais ce n'est pas tout, mais c'est
un excellent début.
Et il y a d'autres recommandations... En
tout cas, je ne veux pas faire le tour pour ne pas prendre trop de temps parce
que j'aurais une autre question, qui est peut-être un angle un peu bizarre, puis
sentez-vous bien à l'aise de ne pas répondre, mais, en même temps, vous voyez
tellement passer de gens, vous êtes là-dedans depuis tellement longtemps que...
Quand on regarde ce qui s'est fait dans les autres pays, un des avantages qui a
découlé, quand je regarde le rapport des chercheurs, c'est la réduction de la
récidive puis la réduction du nombre de bris de conditions par les auteurs de
violence conjugale. Ça fait que je sais que vous ne traitez pas directement
avec les contrevenants, mais, si ça a bien fonctionné dans d'autres pays, moi,
je me dis aussi ici... parce que vous dites : Ça prend un périmètre
adapté, des fois, il peut y avoir des délais, et tout ça, mais moi, je fonde
aussi de l'espoir sur le fait que... sachant qu'il risque d'avoir un bracelet,
puis après ça, au moment où il s'est fait effectivement imposer le bracelet, l'homme
lui-même va peut-être moins oser commettre le geste. Est-ce que vous pensez qu'il
est raisonnable de croire que ça pourrait se produire ici aussi comme ça s'est
produit ailleurs? Compte tenu de ce que vous savez, parce que, c'est sûr, vous,
vous avez les récits, là, personnels de chaque femme, l'homme qui revient tout
le temps, puis tout ça, qui les pourchasse, pensez-vous que ça peut fonctionner
puis que ça peut en dissuader, des hommes?
Mme Riendeau (Louise) : Je
peux commencer, puis tu pourras y aller, Chantal. Bien, écoutez, c'est l'espoir
qu'on fonde, nous aussi. Mais, quand on travaille en évaluation des risques,
là, il y a... comme on l'a dit, il y a différents modèles au Québec. Un des
facteurs de risque qu'on évalue, c'est : Est-ce que ce contrevenant-là a,
jusqu'à maintenant, respecté les interdictions qui ont pu lui être imposées par
la conjointe, mais aussi par les tribunaux? Et évidemment un certain nombre d'entre
eux ne les ont pas respectées, et ça fait souvent d'eux des conjoints qui sont
plus dangereux qu'un autre conjoint. Donc, il faudra voir comment le mécanisme...
quel effet il a.
Il faut voir que dans d'autres pays où on
a eu des beaux succès avec les bracelets antirapprochements, ce n'est pas la
seule mesure. Si on regarde en Espagne, chaque victime, et je ne pense pas qu'on
aille vers ça ici, là, mais chaque victime qui bénéficie de ce mécanisme de
protection là est pairée avec un policier qui la connaît bien, qui sait s'il y
a des changements dans sa vie qui peuvent augmenter les risques, un nouveau
conjoint, si le conjoint lui-même vit des changements qui pourraient augmenter
les risques. Donc, cette personne-là peut exercer aussi une vigilance en plus
de la technologie et proposer d'autres moyens de protection.
Donc, il faudra voir si le bracelet lui-même
nous amènera le succès qu'on espère ou s'il faudra, avec les cellules d'intervention
rapide et avec d'autres mécanismes, ajouter des moyens. Je ne sais pas si,
Chantal, tu veux ajouter autre chose.
Mme Arseneault (Chantal) : Bien,
effectivement, je pense qu'une mesure seule, c'est bon, mais ce n'est pas
excellent. Puis je pense qu'en matière de violence conjugale il faut viser l'excellence
parce que c'est la sécurité des femmes et des enfants qui sont en jeu. Donc,
effectivement, le bracelet, c'est important. C'est important de réseauter les
femmes. Ça a un effet certainement dissuasif, moi, ça, j'y crois, là, sur les
auteurs.
En même temps, ce n'est pas la seule voie.
On a des situations de femmes où les conjoints sont très fortunés, hein — la
violence conjugale n'a pas de préjugé par rapport à la pauvreté — et
qui paient d'autres personnes pour aller faire les actes criminels ou atteindre
à la sécurité de la <femme...
Mme Arseneault (Chantal) :
...qui paient d'autres personnes pour aller faire les actes criminels ou
atteindre à la sécurité de la >femme. Donc, il faut avoir une vision
plus large. Mais est-ce que ce serait un effet dissuasif? Moi, j'en suis
certaine.
Mme Guilbault :
Puis... Oui, puis vous dites... vous donnez l'exemple où ils sont pairés avec
des policiers. Nous, ce qu'on se propose de faire ici, c'est d'avoir vraiment
cet accompagnement-là, des victimes, par nos services correctionnels. L'argent
qu'on a annoncé quand on a fait l'annonce, le 41 millions, ça sert, entre
autres, à embaucher 27 personnes aux services correctionnels, dont 24 agents
de probation, puis ces gens-là vont avoir, entre autres, le mandat, évidemment...
coordonner, puis déployer, puis mettre en œuvre l'implantation du bracelet,
mais, entre autres, d'accompagner les victimes.
Puis ça amène le point de la formation que
vous avez soulevé, qui est très pertinent, tu sais. Puis on est en train d'installer
ça ici, ça fait que ça va être nouveau pour tout le monde. Ça va être nouveau
pour la magistrature, ça va être nouveau pour la commission des libérations, ça
va être nouveau pour les services correctionnels, ça va être nouveau pour les
établissements de détention, ça fait que ça va être une formation qui va être
nécessaire. Puis on est en train, en ce moment — je vous dis ça parce
que ça répond aussi à des points que vous avez soulevés — d'élaborer
les protocoles entre tous ces intervenants-là pour s'assurer, justement, qu'on
soutient adéquatement les victimes, que tout le monde comprend, évidemment,
comment ça fonctionne, qu'est-ce qu'il y a à faire, et tout ça, que tout le
monde... que les gens sont capables de rassurer puis d'expliquer adéquatement
aux victimes comment ça va fonctionner, quels sont leurs recours, puis toute la
question de la couverture policière, les délais d'intervention.
Là, on est en appel d'offres pour le choix
du fournisseur. C'est sûr que, quand le fournisseur va être déterminé, on aura
des réponses aux questions plus d'intendance que vous avez soulevées, là, sur
qui va appeler puis comment ça va fonctionner. Donc, ça, on aura ces
réponses-là. Mais tout ça est en train de s'élaborer, de s'arrimer. Et d'ailleurs
vous allez être consultées éventuellement, là, le moment venu, quand on va être
à fixer ces protocoles-là, parce que vous avez une expertise, assurément. On
avait Femmes autochtones du Québec hier aussi, puis c'est certain qu'on va les
consulter, parce que... évidemment pour les communautés autochtones. Donc, ça,
très intéressant, sur la formation.
Est-ce que vous considérez... Puis vous
avez parlé des cellules d'intervention rapide. Ça, c'est très, très important
aussi, là. On avait fait une annonce sur les cellules d'intervention rapide l'an
dernier. On a ajouté de l'argent pour en avoir dans plus de régions parce qu'on
en avait juste huit. Là, je ne sais pas si on... Ma collègue... C'est ma
collègue de la Condition féminine. Mais... Je ne sais pas on est rendus à
combien, mais ça, ça fonctionne très bien. Est-ce que, justement, si on prend
une région où on a une cellule d'intervention rapide fonctionnelle, où on a...
Puis on a mis de l'argent aussi pour avoir des ressources dédiées dans nos
corps de police.
Ça fait que prenons Québec. Justement, ça
va commencer à Québec, tu sais. Avec une cellule, avec des projets en violence
conjugale dans notre corps de police, avec nos services correctionnels qui vont
être adéquatement formés, et tout ça, est-ce que vous pensez que les conditions
gagnantes, du moins en théorie, dans notre planification, nous semblent réunies
pour que ça fonctionne, notamment en termes de soutien des victimes puis d'accompagnement
adéquat des victimes?
Mme Riendeau (Louise) : Moi,
je vous dirais que ce qu'il faut qu'on regarde, si on veut que ça marche, c'est
effectivement de former les gens. Et c'est un défi dans le système judiciaire
et correctionnel parce qu'on travaille d'habitude avec des événements, avec des
actes criminels. En violence conjugale, on peut avoir des conjoints qui sont
très dangereux et qui n'ont jamais commis d'acte criminel. Donc, il faut
dépister ces situations-là. Il faut avoir les yeux grands ouverts pour être
capable de dire : Ah! il y a toutes sortes de tactiques de contrôle dans
cette situation-là. Il n'y a peut-être pas matière à porter plainte, mais il
peut y avoir du danger. Parce que si personne ne les signale, ces
situations-là, bien, les cellules d'intervention rapide, elles ne servent à
rien. Ça se met en branle quand un intervenant a levé la main et a dit :
Eh! ici, j'ai une situation qui est dangereuse, je n'arriverai pas à sécuriser
la situation tout seul. Pouvons-nous se mettre ensemble pour le faire? Ça fait
que ça, je pense que c'est important.
• (12 h 40) •
L'autre chose, vous parlez de la formation
des agents de probation, c'est aussi essentiel. Le meilleur filet de sécurité,
le meilleur scénario de protection pour une femme, c'est celui avec lequel elle
est confortable. On peut faire toutes sortes de magnifiques plans, si la femme
n'est pas prête à les mettre en application, on n'aura pas de succès. Donc, ces
éléments-là, je pense, au niveau de la formation, d'une meilleure connaissance
de la dynamique de la violence conjugale, d'une meilleure connaissance des
impacts que la violence a eus sur les femmes au fil du temps — on
sait que ça s'étire sur longtemps dans le temps, que c'est plusieurs événements
qui amènent les femmes à douter d'elles-mêmes, à se sentir responsables — donc,
tout ça, il faut que les intervenants en soient conscients.
Le Président (M.
Bachand) : Une minute, Mme la ministre.
Mme Guilbault :
Il me reste une minute? Bien, je vais aborder un dernier point que vous avez
dit aussi : les intervenants pourraient contester le bracelet... les
contrevenants, enfin, les gens qui se le font imposer pourraient contester le
bracelet. Bien, simplement pour répondre à ça, c'est exactement pour ça qu'on a
le projet de loi, le microprojet de loi qu'on a en ce <moment...
Mme Guilbault :
...simplement pour répondre à ça, c'est exactement
pour ça qu'on a le projet de loi, le microprojet de loi qu'on a, en ce >moment,
les trois articles, pour venir prévoir expressément qu'on a le droit d'imposer
des bracelets aux gens. Donc, s'il y a des gens qui nous écoutent, qui se
demandent encore pourquoi on fait ce projet de loi là, on en a besoin pour
diminuer les risques de contestation puis avoir les coudées parfaitement
franches pour enfin pouvoir imposer le bracelet aux auteurs de violence
conjugale. Jamais aux victimes, évidemment. Ça va toujours prendre le
consentement. Merci beaucoup, mesdames. Merci.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Vimont, s'il vous plaît.
M. Rousselle : Bonjour. Merci
beaucoup, mesdames, d'être là. Merci. D'ailleurs, j'ai lu votre mémoire, puis
merci de la rapidité, parce qu'on ne vous a pas laissé beaucoup de temps non
plus. Donc, merci de votre... Vous avez... Vous êtes vraiment opérationnelles.
Je vous écoutais tantôt, vous parlez de
vision globale, justement, puis d'excellence. Effectivement, je pense que c'est
ça qu'il faut viser si on veut que ça fonctionne.
Je remarque aussi que le bracelet
antirapprochement, c'est la 84e recommandation de Rebâtir la confiance.
Et, quand que je regarde ça, toutes les autres avant, je me pose la question,
puis c'est... vous allez me répondre. Une femme qui va porter plainte, qui va
aller vous voir, donc, je veux dire, il y a un cheminement, parce que ça fait
peut-être deux, cinq ans et même 10 ans qu'elle vit dans la violence. On s'entend,
elle est brisée, elle a été contrôlée par quelqu'un, totalement, donc il faut
vraiment lui donner un soutien, un support. Il faut vraiment lui donner quelqu'un.
Dites-moi donc : Est ce que vous avez
les... Puis j'aimerais ça que vous me donniez les services qu'ils ont. Est-ce
qu'ils ont un service au niveau d'aide psychologique? Est-ce qu'il y a un
service au niveau d'aide... au niveau familial? Parce que vous l'avez
mentionné, je l'ai vu dans votre rapport, d'ailleurs, qu'il y a des enfants là-dedans.
J'aimerais ça, parce que... entre la plainte, que ça a pris du temps pour le
faire, parce que le courage qu'elle a pris... et le moment qu'elle va passer à
la cour, il se passe quoi là-dedans? Parce que, bien souvent, il faut qu'ils
sortent de la maison. C'est eux... Remarquez bien, aïe! c'est eux autres, les
victimes, puis il faut qu'elles sortent de la maison. Tu sais, c'est comme
incompréhensible, mais «anyway». J'aimerais ça, vous entendre là-dessus, voir,
ces femmes-là, elles ont quoi comme soutien, elles ont quoi comme support pour
justement... Parce qu'on veut toujours qu'elles s'en aillent vers la cour puis
qu'elles s'en aillent vers... pour le bracelet. Moi, pour arriver au bracelet,
je pense qu'il y a bien des étapes avant. Donc, je voudrais vous entendre
là-dessus.
Mme Arseneault (Chantal) : Bien,
en fait, je peux peut-être y aller avec les services. Quand les femmes nous
appellent... puis, bon, effectivement que certaines ont porté plainte, d'autres
pas, mais nous, on offre des services à toutes les femmes, bien, effectivement,
il y a de l'accompagnement dans toutes les démarches. On prépare les femmes à
porter plainte. On les accompagne. C'est générateur de beaucoup de stress. C'est
de l'imprévu. C'est de l'inconnu. Donc, on y va avec elles pas à pas là-dedans.
On a des intervenants tant en hébergement que sans hébergement. Donc, même si
une femme n'a pas besoin d'hébergement et qu'elle veut être accompagnée comme
ça, on va le faire aussi.
Comme vous le dites, effectivement, là, il
y a un moment entre les deux où, s'il elle quitte le conjoint violent,
effectivement, elle a besoin de se relocaliser aussi, donc il y a toutes les
démarches de logement. Nous, on voit les femmes dans leur globalité, donc on
les accompagne aussi au tribunal de la famille, les divorces, les séparations,
garde d'enfant. Si la DPJ est dans leur vie, les mamans et les enfants, on les
accompagne aussi, on les informe. Donc... Puis on a une intervention vraiment
tout adaptée pour les enfants à l'intérieur de nos maisons, que ce soit dans
les maisons ou en service externe. Ça fait qu'on la prend, on la prend par la
main, puis on l'accompagne jusqu'à la toute fin de l'ensemble des procédures.
Donc, on l'accompagne aussi au moment des rencontres avec les procureurs. Des
fois, on ne rentre pas avec les procureurs, mais on est là, alentour d'elle. On
la prépare à ces rencontres-là. On lui explique comment ça se passe à la cour
aussi, et on facilite aussi les liens avec les différents acteurs, là, les
policiers, les procureurs du DPCP, et tout ça. Donc...
Puis je pense que ce qui est important qu'on
ait à la vue d'un bracelet électronique antirapprochement dans les conditions
qui seront imposées, c'est justement de ne jamais oublier de réseauter les
femmes avec nos maisons d'aide et d'hébergement, parce que de porter un
dispositif aussi sur elle peut générer une certaine hypervigilance, surtout au
début. Donc, plus elle va être réseautée, accompagnée, entendue, écoutée, on
est des services 24/7, donc plus, je pense, elle va sentir la paix d'esprit,
effectivement.
Mme Riendeau (Louise) : J'ajouterais....
Vous avez parlé de Rebâtir la confiance, qui a donné lieu, justement, à
l'adoption du projet de loi n° 92 qui va créer le tribunal spécialisé. Et nous,
on pense que c'est l'occasion pour encore plus réseauter les victimes avec des
ressources comme les nôtres, qui sont là, comme Chantal l'a dit, 24 heures
par jour, sept jours par semaine, qui peuvent accueillir les femmes à n'importe
quel moment, qui peuvent aussi utiliser le fait qu'on voit beaucoup de femmes,
et, entre elles, ces femmes-là peuvent s'aider. Ça leur permet de <voir...
Mme Riendeau (Louise) :
...qui
peuvent aussi utiliser le fait qu'on voit beaucoup de femmes, et, entre elles,
ces femmes-là peuvent s'aider. Ça leur permet de >voir qu'elles ne sont
pas seules à avoir vécu ça et qu'elles ne sont pas responsables de la violence
qu'elles ont vécue.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de Vimont.
M. Rousselle : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de Verdun, s'il
vous plaît.
Mme Melançon : Merci
beaucoup, M. le Président. Mme Riendeau, Mme Arseneault, ça me fait
plaisir de vous revoir. Vous posez d'excellentes questions à l'intérieur du
mémoire, et c'est le genre de questions et de réponses qu'on va tenter d'obtenir,
bien sûr, lorsqu'on sera rendus dans l'article par article.
Il y a deux choses qui m'ont frappée. Mme Arseneault,
vous avez dit tout à l'heure : Les policiers n'enregistrent pas toujours
toutes les plaintes, des plaintes qui peuvent être déposées préalablement avant
la judiciarisation, donc, de l'individu. Pouvez-vous nous en parler juste un
peu plus? Parce que, moi, la... Puis vous le savez, là, quand on a travaillé
ensemble sur Rebâtir la confiance, notamment, on a parlé beaucoup,
beaucoup de la formation, formation des policiers qui va être nécessaire, et d'autant
plus nécessaire dans ce cadre-là.
Et je fais une parenthèse à ma propre
question, M. le Président, à ce moment-ci. Moi, j'ai habité sur la Côte-Nord. Je
le sais, à quel point le territoire est vaste, il est grand, et c'est la Sûreté
du Québec qui dessert le territoire. Et, à partir du moment où il y a un
véhicule autopatrouille sur un très, très grand territoire, la journée où ça va
sonner, la femme, il ne faut pas, justement... Vous parlez du faux sentiment de
sécurité, là. Moi, ça, je le partage avec vous. Puis je trouve ça intéressant
que nous puissions mettre... que votre demande de dire : On doit tester ça
aussi sur des territoires où il y a de grands territoires qui sont vastes et où
la couverture policière n'est pas toujours... n'est pas toujours en grand
nombre, là, en fait de voitures. Alors, je veux juste que vous puissiez m'éclairer,
Mme Arseneault, sur les policiers qui n'enregistrent pas toujours les
plaintes, s'il vous plaît.
Mme Arseneault (Chantal) : Bien,
en fait, ce que je mentionnais, c'est pour... la violence conjugale, ce n'est
pas si simple. On peut mélanger ça avec des conflits, des chicanes, et tout ça.
Donc, pour bien savoir... Les policiers arrivent dans des situations où c'est...
où il y a une... Je m'excuse, c'est qu'il y a beaucoup d'échos en arrière de
moi. Ah! merci. Je m'entendais difficilement. Désolée.
C'est ça, les policiers, quand ils
arrivent sur une situation de violence conjugale, c'est souvent une situation
où c'est critique. On sait, les conjoints, les auteurs de violences ont aussi
beaucoup de stratégies pour maintenir le contrôle et souvent bien paraître
auprès des policiers. Donc, c'est des fois difficile pour les policiers de bien
cibler qui est l'agresseur, qui est la victime avec tous les propos qui lui
sont soutenus, d'où l'importance de bien être capable de distinguer c'est quoi,
une chicane de couple, puis c'est quoi, de la violence conjugale. Il y a des
critères qu'on a établis dans les maisons d'aide et d'hébergement, qu'on peut
former les policiers. C'est assez simple, mais... Et c'est de là, je pense, que
vient la base de la difficulté, des fois au niveau des femmes, à porter
plainte.
Il y a aussi... Tu sais, on parle beaucoup
de contrôle coercitif. Il y a beaucoup de choses qui sont du contrôle qui ne
sont pas matière à acte criminel. Mais, quand je faisais appel, tantôt, à la
vigilance des intervenants, même s'il n'y a pas acte criminel, je pense qu'il
ne faut jamais oublier qu'il faut réseauter ces femmes-là, parce que ça ne veut
pas dire que le niveau de danger n'est pas important, que le niveau de risque n'est
pas important. Donc, c'est pour ça qu'effectivement la formation est très
importante.
• (12 h 50) •
Mme Melançon : Et le
bracelet, vous le disiez tout à l'heure, là, ne doit pas remplacer, justement,
la vigilance des professionnels, mais elle ne doit pas remplacer non plus la
détention, hein, qui demeure, je pense, le meilleur outil pour la femme à
pouvoir se déposer un peu la nuit pour pouvoir dormir un peu, là, après des
gestes violents.
J'ai beaucoup aimé votre
recommandation 8 aussi, que vous puissiez faire partie de l'évaluation
projet pilote. Moi, j'ai un souci avec les projets pilotes. Vous m'avez déjà
entendue sur le sujet, notamment avec les tribunaux spécialisés, à savoir...
parce que, malheureusement, il y a beaucoup de projets pilotes, actuellement,
avec l'actuel gouvernement. Je ne suis pas toujours contre, au contraire, mais,
à partir du moment où il y aura des projets pilotes pour les tribunaux
spécialisés et il y aura des projets pilotes pour l'insertion du bracelet, je
trouve que les victimes de violence conjugale, selon là où elles sont
agressées, n'auront pas le droit au même accompagnement, au même support, à la
même paix d'esprit, je vais aller jusque-là. J'aimerais vous entendre là-dessus
et j'aimerais vous entendre sur le fait qu'il n'y aura que 500 bracelets
mis en circulation.
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
<écoutez...
Mme Melançon : ...vous
entendre là-dessus et j'aimerais vous entendre sur le fait qu'il n'y aura que
500 bracelets mis en circulation.
Mme Riendeau (Louise) :
Bien, >écoutez, sur la question du projet pilote, nous, notre souci est
toujours de... Il faut faire des choses, certes, mais il faut les faire bien
pour atteindre les objectifs qu'on a. Donc, des fois, à vouloir aller trop
vite, on escamote des problèmes et on escamote des besoins des victimes. Alors,
ça ne veut pas dire que ça prend des projets pilotes qui durent cinq ans, mais
il faut se donner les moyens d'évaluer ce qu'on fait, de voir : Est-ce qu'il
y a des angles morts? Est-ce qu'il faut faire les choses différemment? Alors, c'est
pour ça que nous, on disait : Il faut... Tu sais, là, ça commence à Québec.
C'est une région urbaine. Il y a toutes sortes de conditions gagnantes qui sont
là. Est-ce que ces conditions-là sont là ailleurs aussi? Et sinon, que faut-il
faire pour que toutes les citoyennes du Québec aient la même protection?
Alors, c'est dans ce sens-là où on en est
puis c'est la même logique qu'on avait par rapport au tribunal spécialisé. Bon,
je pense qu'on a trouvé un moyen terme, les projets pilotes ne vont pas s'étirer
dans le temps. Et moi, je vous dirais qu'à l'heure actuelle, pour être au
comité, à la table nationale, pour la mise en place des projets pilotes, ça va
vite, et, des fois, on a l'impression que ça va trop vite. Alors, il faut s'assurer,
vraiment, qu'on fait les choses bien. On joue avec la vie des gens dans des
situations de violence conjugale.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Laurier-Dorion, s'il vous plaît.
M. Fontecilla : Merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour, mesdames. On sait qu'il y a plusieurs
victimes de violence conjugale qui peuvent être réticentes, pour différentes
raisons, à tort ou à raison, pour l'utilisation des bracelets
antirapprochement, là. Comment pourriez-vous... Quelle stratégie pourrait-on
utiliser pour favoriser le consentement des victimes, là, pour l'utilisation du
bracelet antirapprochement?
Mme Arseneault (Chantal) : Bien,
je pense qu'il faut procéder avec les femmes victimes comme... leur permettre d'avoir
toutes les informations en main. Elles ne savent pas c'est quoi, hein? Puis
même nous, des fois, on se questionne puis on... Pour l'avoir vécu à Laval, on
a posé beaucoup de questions à l'organisation qui déployait... c'était un
bracelet électronique. Mais la victime, elle, il n'y a pas personne qui l'a
appelée pour lui dire : Voici c'est quoi, voici comment ça va se passer, voici
ce qu'on te donne comme possibilité. Puis moi, je me dis : À partir du
moment où on donne toutes les informations à la femme, bien, c'est elle qui est
la mieux placée, au bout de la ligne, pour faire son choix.
Donc, effectivement, si elle ne va pas en
ce sens-là, qu'est-ce qu'on peut faire avec elle autrement pour trouver d'autres
scénarios de sécurité et toujours continuer de l'accompagner? Si on l'accompagne
toujours puis qu'il y a des récidives de l'auteur de violence, peut-être qu'à
la prochaine étape, si on ne l'a pas échappée, elle l'acceptera, le bracelet
antirapprochement.
Donc, l'important, c'est d'accompagner les
victimes et de ne pas les contraindre à des mesures, tout en restant présentes
pour assurer le plus de sécurité possible. Si elle ne fait pas partie de la
solution, si ce n'est pas elle qui choisit, bien, je pense qu'on fait
sincèrement fausse route.
M. Fontecilla : Vous
mentionnez et vous mettez beaucoup d'emphase sur l'utilisation d'outils d'évaluation
spécifique à la violence conjugale, là. Est-ce que vous croyez que la parole
des victimes est bien représentée, est bien utilisée dans ces évaluations-là?
Le Président (M.
Bachand) : Mme Riendeau ou Mme Arseneault?
Mme Riendeau (Louise) : Je
peux y aller. Je peux y aller. Écoutez, oui, c'est essentiel. En fait, l'expérience
qu'on a dans les maisons d'hébergement, c'est souvent par les victimes qu'on va
apprendre les informations nécessaires pour vérifier les indicateurs de risque.
On le sait, les contrevenants ne vont pas nécessairement dévoiler tout ce qu'ils
ont fait, dans quel état d'esprit ils sont, mais la victime peut nous en
apprendre beaucoup. Et donc c'est pour ça que c'est essentiel que des
intervenants qui travaillent avec les victimes puissent être entendus, puissent
aider les femmes à se faire entendre dans ces processus-là pour que les
évaluations soient justes et tiennent compte de l'ensemble de l'histoire. Parce
que ce qui est important en violence conjugale, c'est de regarder l'histoire de
violence dans ce couple-là. On ne peut pas s'arrêter à un événement ou à deux
événements.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme Riendeau,
Mme Arseneault, merci beaucoup d'avoir été avec nous. On se dit à la
prochaine, et vous faites un travail exceptionnel. Merci beaucoup.
Sur ce, la commission, ayant accompli son
mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup. À bientôt.
(Fin de la séance à 12 h 56)