Journal des débats de la Commission des institutions
Version préliminaire
42e législature, 2e session
(19 octobre 2021 au 28 août 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Le
jeudi 2 décembre 2021
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Vol. 46 N° 12
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 2, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et modifiant le Code civil en matière de droits de la personnalité et d’état civil
Aller directement au contenu du Journal des débats
Intervenants par tranches d'heure
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Lemieux, Louis
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Maccarone, Jennifer
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Maccarone, Jennifer
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Bachand, André
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Massé, Manon
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Hivon, Véronique
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Bachand, André
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Lévesque, Mathieu
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Tanguay, Marc
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Leduc, Alexandre
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Hivon, Véronique
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Bachand, André
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Tanguay, Marc
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Leduc, Alexandre
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Hivon, Véronique
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Lévesque, Mathieu
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Tanguay, Marc
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Bachand, André
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Leduc, Alexandre
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Hivon, Véronique
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Bachand, André
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Lemieux, Louis
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Maccarone, Jennifer
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Leduc, Alexandre
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Hivon, Véronique
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Lévesque, Mathieu
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Tanguay, Marc
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Tanguay, Marc
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Bachand, André
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Leduc, Alexandre
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Hivon, Véronique
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Lévesque, Mathieu
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Maccarone, Jennifer
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Massé, Manon
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Hivon, Véronique
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Hivon, Véronique
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Bachand, André
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Tanguay, Marc
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Leduc, Alexandre
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Hivon, Véronique
11 h (version révisée)
(Onze heures vingt-cinq minutes)
Le Président (M.
Bachand) :Bonjour à tout le monde. À l'ordre,
s'il vous plaît!
La commission est réunie afin de
poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 2, Loi portant
sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et modifiant le
Code civil en matière de droits de la personnalité et d'état civil.
Avant de débuter, M. le secrétaire, y a-t-il
des remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce) est remplacée par Mme Maccarone
<(Westmount—Saint-Louis…
Le Secrétaire :
...M.
le Président.
Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce) est remplacée par
Mme Maccarone
>(Westmount—Saint-Louis, et M. Zanetti (Jean Lesage) est remplacé
par M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve).
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Merci. Avant de continuer, y a-t-il
consentement pour permettre à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques de
participer à nos travaux?
Des voix : Consentement.
Auditions (suite)
Le Président (M.
Bachand) : Consentement. Merci beaucoup. Ce matin, nous
entendrons le Mouvement Retrouvailles conjointement avec Les Oubliés-es de la
loi 113.
Mais d'abord, nous commençons avec
Florence Ashley, juriste et biotechnicienne transféminine. Alors, merci
beaucoup d'être avec nous ce matin, c'est très apprécié. Alors, vous connaissez
la procédure, donc, 10 minutes de présentation, après ça un échange avec
les membres de la commission. Donc, la parole est à vous. Encore une fois,
merci beaucoup d'être avec nous ce matin.
Florence Ashley
Ashley (Florence) : Merci.
Donc, cher ministre et membres de la Commission des institutions, je m'affirme être
vraiment en plein accord avec les présentations et les mémoires des organismes
LGBTQ+ et je vais concentrer ma présentation sur les aspects légaux du projet
de loi n° 2.
Donc, lors de ma présentation, je veux
vraiment attirer votre attention sur les problèmes liés à quatre aspects du
projet de loi, soit, premièrement, le système à double mention sexe-genre; deux,
la mention de sexe indéterminé; trois, les restrictions et les objections à la
mention parentale; et, quatre, la mention d'altération. Je n'aurai pas le temps
de vous parler des frais de changement et je vous invite à consulter la
page 9 de mon mémoire à ce sujet.
Je vous invite à me poser des questions au
sujet de ma présentation ou de mon mémoire et ainsi que toutes autres questions
d'ordre juridique ou éthique que vous pourriez avoir
Donc, dans ces quatre aspects, le projet
de loi se démontre incompatible avec les droits de la personne qui est...
garantis aux communautés trans, non binaires et intersexes par la charte
québécoise et la Constitution. Je reconnais l'intention bénéfique derrière le
projet de loi n° 2, mais, néanmoins, son
opérationnalisation a pour effet de violer le droit à l'égalité, à la dignité,
à la vie privée et à l'intégrité corporelle de nos communautés. Les droits de
la personne, et en particulier le droit à l'égalité, il faut se le rappeler, ne
sont pas formels mais sont bien basés sur une conception substantive et
matérielle de la vie humaine. Il ne faut donc pas regarder l'intention ou la
théorie abstraite, mais avant tout regarder l'impact tangible des propositions
d'une loi sur les communautés. Et, sur ce plan, nous pouvons aisément voir ses
effets néfastes et contraires à la charte.
De plus, le projet de loi n° 2
est malheureusement incompatible avec le jugement Moore de la Cour supérieure
et en particulier avec son raisonnement, ses conclusions et ses ordonnances.
Je vous dirige maintenant à la page 1
à 3 de mon mémoire, sur le système à double mention. Le système à double
mention sexe/genre est contraire aux droits de la personne, tant par ses
critères médicaux que parce qu'il distingue les personnes trans des personnes
qui ne sont pas trans et donc révèle leur transitude. La jurisprudence
canadienne, les travaux de la Commission des droits de la personne et les
principes internationaux de Jogjakarta confirment que toutes exigences
médicales, qu'elles soient chirurgicales ou non, au changement de mention de
sexe sont contraires à l'intégrité corporelle. Également, tout système qui
révèle directement ou indirectement le fait qu'une personne est trans viole son
droit à la vie privée et à l'égalité, ce qui est fait par le projet de loi avec
son système à double mention.
Le système proposé n'est pas étayé par le
jugement Moore. Les propos du juge Moore sur la distinction en sexe et genre se
veulent un sujet amené et utilisent les termes dans un sens vernaculaire, qui
est en soi partiellement contesté, et non pas dans un sens légal. Il est
absolument crucial de comprendre qu'au Québec, sur le plan légal, le sexe
inclut l'identité de genre, en droit de la personne, depuis 1998 et à l'état
civil depuis 2013. Au contraire, le jugement Moore explique justement que les
personnes trans et non binaires ont droit au plein et égal respect de leur
identité de genre, dont dans la mention de sexe, ainsi que le droit de garder leur
transitude privée.
Le juge ordonne au gouvernement de faire
deux choses, soit, premièrement, de créer des mentions de sexe qui reflètent
l'identité de genre des personnes non binaires et, deuxièmement, de préserver
l'option d'avoir des documents sans mention pour toutes personnes qui le
désirent. Pour respecter les droits de nos communautés, le gouvernement devrait
garder une seule mention dite «sexe», mais ajouter des options pour les
personnes non binaires et pour les personnes qui ne veulent pas révéler leur
identité de genre.
• (11 h 30) •
Je passe maintenant aux pages 4 à 5
de mon mémoire sur la mention indéterminée. Le projet de loi crée une mention
de sexe dite indéterminée pour les nouveau-nés intersexes qui naissent avec des
traits sexués qui n'entrent pas dans le cadre sociomédical binaire homme/femme.
Le projet, de plus, crée une obligation de changer cette mention dès que le
sexe devient, entre guillemets, déterminable. Or, le sexe devient déterminable
à cause de traitements chirurgicaux et hormonaux, généralement en bas âge, et
ce, même si ceux-ci sont néfastes, stérilisants, non <urgents...
>
11 h 30 (version révisée)
< Ashley (Florence) :
...stérilisants, non >urgents et non consentis par l'enfant. Ces
chirurgies ne sont pas nécessaires à la santé, mais visent plutôt à normaliser
l'apparence sexuée. Les communautés intersexes sont, on le comprend bien,
fortement opposées à ces aspects du projet de loi qui violent le droit à l'intégrité
corporelle des jeunes intersexes ainsi que leur droit à l'égalité et à la vie
privée. Les parents d'enfants intersexes voudront éviter cette mention
stigmatisante, «indéterminé», ce qui les encouragera, donc, davantage à
consentir à des interventions qui visent à normaliser l'apparence sexuée. Ces
interventions devraient plutôt être laissées au choix autonome de l'enfant plus
tard dans sa vie.
On parle ici d'un enjeu qui n'est pas théorique,
mais bien concret. Les études démontrent amplement les pressions à consentir
que vivent les parents d'enfants intersexes, et ces interventions ne sont pas
rares au Québec. Entre 2015 et 2020, on a compté plus de 838 chirurgies
sur les enfants intersexes de moins de deux ans et 547 sur les enfants de 3 à
14 ans, et ces chiffres pourraient être plus élevés selon comment ils sont
comptés.
Le projet de loi va clairement à l'encontre
de l'obligation internationale qui se retrouve dans les Principes de Jogjakarta
à ce sujet. Dans les principes, le gouvernement, on a une obligation de prendre
toute mesure possible pour garantir l'absence de telles interventions qui
visent à imposer une identité de genre sans le consentement total, libre et
averti de l'enfant. Or, c'est précisément ce que le projet de loi fera en
pratique même si ce n'en est pas nécessairement l'intention. Cette mention de
sexe indéterminé n'a pas sa place au Québec et, tel que le demande la déclaration
de Malte des communautés intersexes, tout enfant intersexe devrait avoir droit
d'avoir une mention de sexe masculin ou féminin sans procédure médicale
quelconque.
Je passe maintenant aux pages 5 à 7
de mon mémoire, sur la mention parentale. Le projet de loi n° 2 crée une
nouvelle mention «parent» en plus de celle de «père» et «mère». C'est là une
mention importante et très bénéfique, mais, malheureusement, son application
dans le projet de loi pose problème à deux niveaux. Premièrement, elle est
imposée aux pères et mères trans dont l'enfant rejette l'identité et,
deuxièmement, elle n'est, autrement, une option qui n'est permise qu'aux
personnes non binaires.
Le droit de rejet par l'enfant transforme
les mères et pères trans en parents de deuxième classe, parce que, peu importent
les sentiments de l'enfant, les parents qui ne sont pas trans voient leur
identité de genre respectée dans les documents d'état civil, mais, lorsque le
parent est trans, le projet de loi donnerait à un enfant qui pourrait être très
transphobe le droit de rejeter l'identité parentale. Ça revient à dire que les
pères et mères trans méritent moins le respect de leur identité de genre que
les parents qui ne le sont pas, en plus de révéler leur transitude. Le simple
fait que le certificat de naissance est celui de l'enfant n'empêche pas du tout
le changement de la mention parentale puisque, sujet aux droits de la personne,
l'état civil n'est pas un droit de la personne, mais bien de l'État, et c'est
là la source du principe d'indisponibilité de l'état civil.
Question connexe, le fait de limiter la
catégorie «parent» aux seules personnes non binaires est contraire au droit à
la vie privée, qui est reconnu par le jugement Moore, et ce qu'on peut bien
voir par raisonnement analogique. Selon le juge Moore, un acte d'état civil
sans mention de sexe préserve la vie privée des personnes qui désirent
contrôler avec qui elles partagent leur identité de genre. Permettre un acte
sans mention est obligatoire, dans le jugement, et non facultatif, puisqu'il
est contenu dans les ordonnances du juge. Mais, puisque le projet de loi
réserve la mention «parent» seulement aux parents trans et non binaires, il n'y
a donc aucune option analogue qui est offerte justement pour ces parents qui
voudraient garder privée leur identité parentale. Pour respecter les droits de
la personne au Québec, le gouvernement doit permettre à toute personne d'avoir
la mention «parent» ainsi que d'assurer le respect de la mention parentale qui
est désirée par les pères ou mères trans.
Je me tourne pour mon dernier point... Je
vous dirige à la page 8 de mon mémoire, sur la mention de l'altération ou
de modification. Le projet de loi n° 2 crée une nouvelle indication qui
indiquera, donc, si l'état civil a été précédemment changé, par exemple, par un
changement de nom ou une mention de sexe. L'effet sera soit de révéler
directement que la personne est trans, notamment si la nature du changement est
indiquée, ou, dans l'alternative, au moins de révéler indirectement ce fait en
encourageant la curiosité et les examens minutieux envers celle-ci puisqu'il y
aura une marque indiquant un changement. Même si l'ajout peut paraître neutre,
le changement de mention a un lien si puissant avec le fait d'être trans qu'il
est <impossible...
Ashley (Florence) :
...le
fait d'être trans qu'il est >impossible de nier l'impact singulier qu'il
aura sur les communautés trans, qui rentre dans la définition de «discrimination».
Et, contrairement à ce que la demande de la charte canadienne... l'impact n'est
ni proportionné ni restreint, puisqu'on sait bien que les communautés trans
sont un des groupes les plus marginalisés en société, alors que l'absence d'une
indication de changement n'a pas posé problème en plus de 44 ans de
changements de mention de sexe. J'invite donc le gouvernement à simplement
retirer cet ajout proposé au Code civil.
Je vous remercie de votre attention et
j'attends vos questions avec grand intérêt.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup de votre
présentation. Donc, M. le ministre, vous avez la parole.
M. Jolin-Barrette : Bonjour,
Florence Ashley. Merci de participer aux travaux de la commission. On s'était
vus dans le cadre du projet de loi n° 70, également, que vous aviez
commenté, sur les thérapies de conversion. Et d'ailleurs, M. le Président, vous
me permettrez de souligner que le Parlement fédéral a adopté, une année après
nous, l'interdiction sur les thérapies de conversion. Alors, je pense que ça
démontre qu'on était des précurseurs au Québec encore une fois dans la
protection des droits des minorités, et notamment sur cette question-là, qui
est fort importante, au niveau des thérapies de conversion, pour dire que,
nous, dans la société québécoise, c'est complètement inacceptable et
intolérable. Alors, on avait pris les moyens rapidement pour le faire.
Bon, d'entrée de jeu, vous m'avez sûrement
entendu, quand j'ai déposé le projet de loi, on visait à trouver une voie de
passage justement pour faire en sorte de concilier les recommandations... bien,
en fait, les conclusions du jugement Moore. J'ai bien entendu les membres de la
communauté relativement à l'obligation de chirurgie. J'ai annoncé que j'allais
le retirer du projet de loi. Même chose pour la perception relativement au «coming
out» forcé, ça aussi, on va modifier les dispositions législatives.
Je vais avoir quelques questions pour
vous. Je n'aborderai pas la question du jugement Moore parce que je n'ai pas la
même interprétation que vous relativement aux impératifs puis à ce qui est dit.
Donc, ce que vous dites dans votre mémoire, je ne partage pas nécessairement
votre analyse du jugement puis de certaines modalités, mais parlons plus du projet
de loi n° 2 et de ce qui est souhaité par les membres de la communauté.
Bon, dans un premier temps, sur
l'identification par le sexe versus l'identification de genre, si je vous suis
bien, ce qui est demandé par la communauté, c'est notamment de ne pas avoir
cette identification de genre là et que l'utilisation de la rubrique «sexe»
soit... dans le fond, l'identification de genre soit assimilée à l'identité de
sexe et que les gens puissent, lorsqu'ils décident de changer de sexe, dans le
fond, sans avoir d'opération, à être identifiés par «masculin» ou «féminin», et
d'inclure une troisième voie pour les personnes non binaires au niveau du sexe,
donc, exemple, permettre d'inscrire «F», «M» ou «X» sous la rubrique «sexe».
Ashley (Florence) : Oui,
donc, absolument. Donc, c'est là, vraiment, ce qui est désiré, au niveau
d'avoir... d'étendre les rubriques. Je pense qu'il est important aussi de
comprendre que, dans le contexte québécois, cette distinction entre sexe et
genre n'est pas faite en droit et est aussi, elle-même, en partie contestée
dans le niveau... au niveau, plutôt, par exemple, académique, où on y voit une
division qui est idiosyncrasique, puisque plusieurs personnes viendraient dire
que, par exemple, le sexe d'une femme trans est féminin.
• (11 h 40) •
Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'outre
la question de nos concepts dans la société, il faut comprendre que le sexe est
interprété comme ça en droit québécois. Les tribunaux des droits de la personne,
en 1998, ont expliqué que, justement, la notion de sexe est une notion complexe
et à plusieurs facettes, qui inclut une perspective psychosociale, donc, la
perspective de l'identité de genre. Et c'est quelque chose qui est justement
répété dans la jurisprudence, mais aussi dans la possibilité de faire le
changement de mention de sexe depuis 2013 au Québec.
Et donc ce n'est pas là... Donc, il n'y a
pas de désir de voir de distinctions faites à ce niveau-là entre sexe et genre,
mais bien d'assurer que, sur le plan concret, il n'y ait qu'une seule mention
qui puisse refléter l'identité de genre de toute personne au Québec, dont les
personnes non binaires, donc, ce qui amènerait à ajouter des options... avoir
une <option...
Ashley (Florence) : ...
avoir
une >option, par exemple, non binaire, donc un «X», mais aussi en
préservant ce que le gouvernement a offert pendant... il y a... je crois que ça
fait maintenant deux ans, l'option de retirer la mention de sexe des documents
pour les personnes qui voudraient garder cette information privée, et ça, peu
importe si la personne est homme, femme, non binaire ou s'identifie autrement.
M. Jolin-Barrette : Une
question là-dessus. Vous, je crois que vous êtes à l'Université de Toronto. Vous
faites de la recherche au niveau pancanadien. Qu'en est-il des autres
juridictions canadiennes, des provinces, des territoires? Est-ce qu'ils font
disparaître la mention de sexe des documents de l'état civil?
Ashley (Florence) : Donc, il
y a plusieurs approches qui sont faites. À travers le Canada, dans certaines
provinces, dans la... Donc, disons, dans la plupart des provinces, il y a une
option «X» qui est créée pour les personnes non binaires, encore là, assimilées
à la notion de sexe. Donc, il n'y a pas de distinction entre sexe et genre qui
est faite. Et, dans certaines provinces, on a des mouvements vers enlever les
mentions de sexe sur tous les documents. Donc, je pense, notamment, en Ontario,
depuis 2016, les cartes d'assurance maladie ne contiennent aucune mention de
sexe ou genre en Ontario, donc, depuis 2016, n'a pas posé problème.
Il y a aussi les précédents, à ce
niveau-là, aux Pays-Bas, où, en 2020, il y a eu le retrait de toute mention de
sexe et/ou genre au niveau des papiers d'identité. Et la Belgique considère
aussi une option similaire en ce moment. Donc, il y a quand même certains
précédents à ce niveau-là. Il y a aussi un parallèle, au niveau de la mention
parentale, avec des provinces comme la Colombie-Britannique et la Saskatchewan,
qui appellent tout le monde «parent» sur les certificats de naissance, peu
importe le cas. Donc, en Colombie-Britannique, c'est le cas depuis... à la
suite d'un jugement, en 2001, qui visait l'égalité des couples de même sexe.
M. Jolin-Barrette : Donc, au
Canada, ce n'est pas uniforme. Ce n'est pas toutes les juridictions canadiennes
qui permettent d'enlever la notion de sexe sur les documents d'état civil.
Une question. On a reçu Janik Bastien
Charlebois hier ou avant-hier, je pense — c'est hier — relativement
à la notion des enfants nés intersexes. L'objectif que nous avons avec le
projet de loi, c'est de faire en sorte de ne pas mettre de pression pour que l'enfant
subisse une opération rapidement, pas faire en sorte, supposons, que le corps
médical décide rapidement : Bien, on va conserver les organes féminins,
puis, finalement, l'enfant, c'est un petit garçon en se développant. Et là ce
qu'on voulait faire, c'est de laisser le temps, et c'est le sens de l'article
aussi, pour dire : Écoutez, laissons l'enfant se développer puis lui-même
s'affirmer pour savoir, dans le fond, quelle est son identité. Ça, c'est l'objectif
de la disposition.
Janik Bastien Charlebois, hier, nous a
dit, en gros : On comprend, sauf que ce n'est pas ça que je vous recommande,
je vous recommande, dans le fond, de laisser une assignation temporaire de sexe,
dans le fond, que les parents, avec le corps médical, disent : Bon, bien,
on va assigner un sexe à la naissance, assignation qui sera peut-être ou non
temporaire. Et là, au fur et à mesure que le développement de l'enfant... à ce
moment-là, s'il y a nécessité de changer son identification, de changer de
sexe, alors, on le fera à ce moment-là.
Qu'est-ce que vous pensez de cette
approche-là? Pensez-vous qu'on est mieux de conserver dans le droit le fait d'avoir
la mention «indéterminé» ou, déjà, tout de suite, de dire : Bien, non,
laissons ça comme ça, sur l'assignation temporaire, puis, par la suite, on fera
le changement? Janik Bastien Charlebois nous disait : Écoutez, il y a un
facteur important là-dedans, c'est sur l'acceptation des parents, le
cheminement aussi, tout ça. Qu'est-ce que vous en pensez, vous?
Ashley (Florence) : Donc, je
suis en plein accord avec Janik Bastien Charlebois, qui est vraiment une des
plus grandes expertes dans le domaine au monde entier. On a vraiment beaucoup
de chance, au Québec, d'avoir quelqu'un qui a tant d'expertise sur les enjeux
intersexes et sur les pratiques médicales à ce niveau-là. Je suis en plein
accord avec sa compréhension. Et aussi ce qu'elle dit est vraiment... vraiment,
<s'enligne très bien avec...
Ashley (Florence) :
...vraiment...
vraiment, >s'enligne très bien avec les
compréhensions en droit, donc, en droit tant à travers les différents pays et
aussi sur le plan international, et je pense notamment aux documents de la déclaration
de Malte, aux Principes de Jogjakarta. Donc, oui, donc, je suis en plein
accord.
Donc, le problème qui... c'est que les parents
vont vivre une pression dès qu'il y a une façon de distinguer, d'une façon ou d'une
autre, sur l'état civil, que l'enfant est intersexe. Donc, en laissant la
liberté, sans aucun critère médical, de mettre «garçon» ou «fille», ça réduit
cette pression-là et permet, donc, justement, de donner plus d'autonomie à ce
niveau-là et plus de capacité à, disons, refuser les pressions que certaines
personnes dans le domaine médical pourraient essayer de faire pour avoir
consentement des parents à ces chirurgies-là. Donc, à ce niveau-là, je suis en
plein accord avec ce que dit Janik.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Vous
l'avez abordé rapidement tout à l'heure, là, sur la question de la modification
de l'acte de naissance de l'enfant dont son parent modifierait son sexe. Dans
le fond, là, on parle d'un document de l'état civil qui appartient à l'enfant,
supposons, de plus de 14 ans, là. Dans ce cas-là, je pense que c'est 73...
la modification 73 qu'on souhaite faire. Donc là, on a deux documents
officiels de l'État. Il y a celui du parent, qui change son identification. Donc,
lui, il n'y a pas d'enjeu. Il va venir changer, donc, supposons, «masculin»
pour «féminin», donc, le fait sur son propre acte de naissance et certificat de
naissance. L'enfant, l'enfant de 14 ans et plus, lui, ce qu'on prévoit, c'est
qu'à ce moment-là la mention va venir indiquer «parent».
Donc, pour le changement, vous, vous dites :
Écoutez, non, ça ne devrait pas être ça, parce que, vous dites, ça vient créer
une distinction par rapport aux parents. De l'autre côté, l'acte de naissance
appartient à l'enfant aussi. Donc, c'est son document à lui. Comment est-ce que
vous vous réconciliez ça, là, entre les deux? J'aimerais ça vous entendre là-dessus,
parce que ça inclut des personnes distinctes puis, dans le fond, le changement
de l'un impacte le document de l'autre.
Ashley (Florence) : Absolument.
Donc, sur le premier plan, je remarque que, déjà, le projet de loi, tel que
rédigé actuellement, prévoit un impact sur le certificat de naissance de l'enfant,
dans la mesure où même l'enfant d'en haut de 14 ans aura, s'il y a refus,
un changement de, par exemple, «mère» à «parent». Donc, il y a déjà... Là, on
voit la volonté du gouvernement à faire des changements. Donc, ce n'est pas, en
soi, donc, quelque chose qui peut se poser simplement par volonté de l'enfant.
Ce qu'il faut comprendre, c'est que l'acte
de naissance n'appartient pas à la personne. L'acte de naissance, bon, oui, le
papier est à la personne, mais la question de l'état civil n'appartient pas à
la personne. C'est un droit de l'État, d'où la notion de ce qu'on appelle l'indisponibilité
de l'état civil, qui dit, en gros, ce principe qui est considéré comme
fondamental, et qu'à la base, s'il n'y a... La volonté elle-même n'est pas
suffisante pour changer l'état civil, sauf s'il y a des principes d'ordre
public ou de droits de la personne. Donc, sujet à l'ordre public et aux droits
de la personne, l'état civil appartient à l'État et non pas à la volonté de la
personne, et c'est ça qui... c'est là, vraiment, la distinction qui est
importante.
• (11 h 50) •
Il y a plusieurs changements qui se font
sur les certificats de naissance. Donc, par exemple, des enfants... Par
exemple, si les parents font des changements de nom ou, comme dans le projet de
loi n° 2, s'il y a un refus, il y aura un changement qui est fait à «parent»
pour refléter l'interrelation entre différents documents d'état civil et entre
l'état civil de différentes personnes. Après, il y a, bien sûr, la question
pratique de savoir, bon, s'il y a un document qui n'est pas... Donc, les
personnes qui reviennent avec leurs documents, etc., on comprend que ce n'est
pas un enjeu qui... si c'est un enjeu qui se pose généralement à l'état civil,
parce que, bien qu'il y a une <obligation... Par exemple...
Ashley (Florence) :
...une >obligation... Par exemple, une personne qui fait un changement,
on lui demande de ramener ses certificats de naissance, mais, si tu en oublies
un dans ton tiroir, bon, ça veut dire qu'il va exister certains certificats qui
ne seront pas tout absolument concordants, et, en soi, ça ne pose pas
nécessairement de problème, notamment parce que le Code civil prévoit que,
lorsqu'il y a changement, tout document précédent est présumé avoir été fait
sous, par exemple, le nouveau nom. Donc, ça ne pose pas, en soi, de problème
sur le plan juridique.
M. Jolin-Barrette : O.K. Un
grand merci pour votre présence en commission parlementaire. C'est fort
apprécié.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Saint-Jean, pour répondre, d'emblée,
à votre question, une minute.
M. Lemieux : «Oh boy»! Merci,
M. le Président. Bonjour. Le mémoire est passionnant, et la beauté de votre
présentation qui débute notre troisième grosse journée, c'est que ça va dans le
très légal. Alors, permettez-moi de reculer, malgré vos connaissances, hier, on
a eu, avec Séré Beauchesne Lévesque et Daphne Barile, on a eu une conversation
qui a fini par mener à l'idée que peut-être qu'un marqueur de genre, ce n'est
même pas nécessaire, peut-être qu'il ne devrait pas y en avoir, ni de sexe ni
de marqueur de genre, merci, bonsoir. C'est quoi, ça, c'est de la
science-fiction ou c'est un idéal?
Le Président (M.
Bachand) : Rapidement, Florence Ashley, parce que le temps s'écoule.
Merci.
Ashley (Florence) : Oui.
Donc, je crois que, donc, mon avis n'est pas l'avis de toutes les personnes
dans les communautés trans à ce sujet. Personnellement, bien que je sois, sur
le plan personnel, d'accord avec l'idée d'enlever les marqueurs, ce qui est,
justement, considéré en Belgique et aux Pays-Bas, je crois qu'il y a une
nécessité d'avoir des consultations communautaires qui sont spécifiques à ce
sujet si on veut envisager ce changement-là, parce que, notamment, il y a
plusieurs enjeux à considérer, parce qu'il y a, notamment, peu d'éducation sur
le droit à l'inclusion des personnes trans dans la société civile. Et donc
avoir ce marqueur-là peut partiellement servir à, dans le fond, aider une
personne à faire respecter son droit, donc...
M. Lemieux : Je comprends,
mais, malheureusement, le président nous regarde de travers. Alors, je vais
céder mon droit de parole. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Jamais, jamais je ne ferais ça, M. le député de
Saint-Jean, mais le temps va rapidement. Alors, je cède la parole maintenant à
la députée de Westmount—Saint-Louis, s'il vous plaît.
Mme Maccarone : Merci, M. le
Président. Bonjour, Florence Ashley, un plaisir de vous avoir avec nous aujourd'hui,
encore une fois, en commission pour discuter des enjeux qui auront un impact
sur la communauté LGBT. Je reflète aussi... Je suis très heureuse, comme le
ministre a dit, que, maintenant, le gouvernement fédéral ira vers l'avant avec
une interdiction des pratiques de conversion. Puis, c'est sûr, je salue
évidemment le ministre d'avoir fait suite au dépôt de mon projet de loi, qui
faisait, dans le fond, le premier geste en ce qui concerne l'interdiction des
pratiques de conversion.
Première question pour vous. Vous avez dit
dans vos remarques préliminaires : Au Québec, le sexe inclut l'identité de
genre. Y a-t-il quelque chose dans la loi québécoise qui nous empêcherait d'avoir
un marqueur de sexe non binaire?
Ashley (Florence) :
Absolument pas. Donc, le droit québécois est très bien adapté à cette
possibilité-là, notamment, parce qu'il considère que le sexe inclut la
perspective psychosociale. Il faut comprendre que, lorsque l'identité de genre
et l'expression de genre ont été ajoutées à la charte québécoise, c'était...
dans le fond, le but était de rendre plus explicite le fait que les personnes
trans et non binaires étaient déjà protégées sous la notion de sexe. Donc, on
devrait y voir moins une distinction entre sexe et identité de genre, dans le
fond, qu'une spécification qui nous dit le sexe, incluant l'identité et l'expression
de genre. Donc, il n'y a vraiment rien, en droit québécois, qui empêcherait cela.
Mme Maccarone : Ça soulève la
question... Je pense que, pour beaucoup de gens, ils ont un peu de la misère à
comprendre. Si, mettons, on aurait une mention, on aurait «M», on aurait «F»,
on aurait... On a entendu hier que la mention de «X», ce n'est pas souhaitable.
On devrait avoir peut-être un «N-B», par exemple. N'est-ce pas un «coming out»,
à quelque part, si les gens choisissent le «N-B» comme identification?
Ashley (Florence) : C'est sûr
qu'il y a cet enjeu-là. Et je crois que c'est particulièrement important ici de
mettre l'accent sur le fait que le gouvernement permet et doit permettre à
toute personne de ne pas avoir de mention car plusieurs personnes qui sont non
binaires ne voudraient pas indiquer cette information, par exemple, parce qu'elles
veulent naviguer différents contextes sociaux dans différents rôles de genre
pour, par exemple, se protéger. Et, pour que cette option soit efficace, il <faut...
Ashley (Florence) :
...il
>faut qu'elle soit ouverte à toute personne, incluant toutes les
personnes qui ne sont pas trans, parce que, si cette option est réservée aux
personnes trans, ça ne fonctionne plus. Donc, oui, il peut y avoir un enjeu.
Certaines personnes vont être très
confortables avec l'idée d'avoir des documents qui indiquent le fait qu'elles
sont non binaires, mais, d'autres personnes, ça ne sera pas le cas. Il faut
donc avoir des options qui sont adaptées à la diversité à l'intérieur des
communautés trans et non binaires car on ne parle pas ici de communautés
homogènes, mais bien de communautés qui sont très diverses.
Mme Maccarone : Ça me fait
penser... Dans votre réponse, je présume que vous êtes d'avis que la mention de
«parent», aussi, qui est très restrictive dans le projet de loi n° 2 parce
que c'est réservé uniquement pour les personnes trans, devrait avoir un sens
plus large.
Ashley (Florence) : Absolument.
Donc, toute personne devrait pouvoir être parent, et ce, peu importe si la
personne est trans ou non-binaire.
Mme Maccarone : Parfait.
Expliquez-nous votre vision. Quel est le lien... Vous êtes experte. Quel est le
lien entre l'identité de genre et les droits humains? Je pense que c'est une
question qui est très large, mais très pertinente.
Ashley (Florence) : Oui. Donc,
souvent, il y a un peu de mécompréhension dans la société quant au lien entre
le marqueur de genre et le respect des droits de la personne et du droit à l'égalité,
notamment dans l'inclusion dans les espaces genrés. Beaucoup de personnes
semblent croire que les documents d'état civil et le marqueur de genre est la
base du droit d'accès à certains espaces.
Et donc, par exemple, si une personne n'a
pas de «F» sur sa carte d'assurance maladie, elle n'a pas droit à accéder, par
exemple, à certaines toilettes, ou équipes sportives, ou autres. Or, ce n'est
pas le cas du tout, parce que l'accès à ces espaces-là fait partie, dans le
fond, du droit de la personne et non pas du droit d'état civil, et c'est
reconnu. C'est très bien reconnu depuis 1998‑1999, et le Québec était vraiment
en tête de file à ce niveau-là, que l'état civil ne dicte pas l'accès. C'est l'identité
de genre qui dicte l'accès sous le droit à l'égalité.
Mais, malgré ça, et malgré qu'on répète
très souvent dans les médias et on corrige les... plusieurs groupes qui
militent contre les personnes trans, qui continuent de répéter que l'état civil
pose des risques à ce niveau-là, malgré le fait qu'on corrige toujours en
disant : Ça n'a rien à voir avec l'état civil, ça tout à voir avec les
droits de la personne, on continue à avoir des personnes qui ne comprennent pas
ça. Et je crois que ce serait très important pour le gouvernement de faire de l'éducation
du public à ce niveau-là, parce que ça demeure un problème.
Mme Maccarone : Le ministre a
dit qu'il n'était pas de même d'avis que vous selon l'interprétation du
jugement du juge Moore qui a été déposé le 28 janvier. Pouvez-vous nous
expliquer un peu votre vision là-dessus pour qu'on comprenne mieux votre
interprétation, s'il vous plaît?
Ashley (Florence) : Absolument.
Donc, quand on lit le jugement Moore, il faut vraiment... Il faut vraiment
faire attention de distinguer les divers usages des termes. «Sexe» et «genre»
sont utilisés dans le jugement, et je comprends que ça peut devenir un petit
peu difficile à certains points, et, bon, il pourrait y avoir certaines...
parfois, un petit peu plus de clarté terminologique.
Toutefois, lorsqu'on regarde vraiment,
particulièrement, la conclusion, donc, ou le point où il va vraiment nous dire
c'est quoi qui est décidé dans le jugement ainsi que c'est quoi, les
ordonnances, on remarque vraiment qu'il n'y a là aucun désir de créer cette
double mention qui distinguerait l'identité et le sexe des personnes trans.
Donc, on regarde au paragraphe 339 où on déclare l'article 71,
paragraphe 1°, invalide. Il nous dit que cette déclaration est faite parce
qu'il ne permet pas aux personnes non binaires de changer la mention de sexe
sur leur acte de naissance pour correspondre à leur identité de genre. Donc, c'est
très clair que c'est en lien avec la mention de sexe.
• (12 heures) •
Et il y a aussi, bien sûr, une ordonnance
qui est par rapport à l'obligation d'avoir une mention de sexe à toute personne,
puisque, au paragraphe 334, le juge prend acte de l'engagement du Directeur
de l'état civil de délivrer sur demande des certificats d'état civil qui ne
contiennent pas de mention de sexe. Et ce paragraphe-là est immédiatement
précédé par une invalidation de l'article 146 du Code civil justement
parce qu'il exige une mention de sexe sur les certificats <d'état civil...
>
12 h (version révisée)
< Ashley (Florence) : ...d'avoir
une mention de sexe à toute personne, puisque, au paragraphe 334, le juge
prend acte de l'engagement du Directeur de l'état civil de délivrer sur demande
des certificats d'état civil qui ne contiennent pas de mention de sexe. Et ce
paragraphe-là est immédiatement précédé par une invalidation de l'article 146
du Code civil justement parce qu'il exige une mention de sexe sur les
certificats >d'état civil.
Mme Maccarone : Le temps file,
j'ai plusieurs questions, il va falloir que je fasse des choix. Vous avez dit
dans vos remarques préliminaires que vous n'aurez pas eu la chance de parler
des frais de changement, peut-être vous pouvez expliquer un peu votre point de
vue là-dessus puis vos recommandations.
Ashley (Florence) : Oui,
donc, il faut comprendre que les frais de changement existent parce que le
gouvernement a créé un régime qui impose une mention de sexe à la naissance.
Et, bon, il y a diverses opinions quant à savoir si c'est nécessaire. Mais ce
qu'il est important de comprendre, c'est que ça demeure... le fait que le prix
que les personnes trans ont à donner au gouvernement pour faire le changement
est imposé justement à cause des politiques du gouvernement préalables. Et le
problème, c'est que ça a donc l'effet d'agir comme une taxe globale sur toutes
les communautés trans. Donc, presque toute personne trans aura à payer cette
taxe-là pour pouvoir avoir le respect de leur identité.
Donc, en soi, il y a une question d'égalité
globale, justement, parce que c'est en effet une taxe sur une seule population
marginalisée ou, du moins, très disproportionnée sur cette population
marginalisée là. Mais en plus, on sait qu'à cause de la pauvreté des
communautés trans, il y a tellement de personnes trans qui sont immensément
pauvres, on parle de... donc, plus récemment, on parle d'environ le tiers des
personnes trans de plus... de 25 ans et plus au Québec qui ont un revenu
annuel de moins de 15 000 $. Et donc, si on vit avec moins de 15 000 $,
comment est-ce qu'on peut payer un changement qui est indexé à 144 $? On a
de la misère à payer son loyer. Et il y a plusieurs personnes... et, en fait,
je connais plusieurs personnes qui ont dû attendre plusieurs années avant de
pouvoir changer leur certificat justement par manque de fonds.
Donc, il y a vraiment un impact très
disproportionné à ce niveau-là sur les communautés trans. Et je note que le
projet de loi, justement, reconnaît, par exemple, une exception aux frais
lorsque c'est en lien avec l'identité autochtone de la personne, et je crois
que c'est une idée superbe et qui devrait justement être étendue aux personnes
trans à cause de cette inégalité-là, qui pourrait très bien être jugée
discriminatoire.
Le Président (M.
Bachand) :Il vous reste 50 secondes,
Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : CDPDJ, ils
ont dit qu'eux ne sont pas d'accord quand, mettons, quelqu'un de 14 ans
fait une demande de faire un changement, ça prend le papier, un accompagnement
d'un papier du médecin. Êtes-vous d'accord avec eux? Un professionnel désigné attestant
un changement est approprié. Est-ce que ça, c'est important? Puis devons-nous
mettre fin à tout ça? Puis devons-nous aussi se craindre... On a dit qu'on s'attend,
après des amendements, qu'il n'y aura plus besoin de changement chirurgical
pour avoir accès à un changement de sexe. Mais devons-nous se craindre des
autres choses, mettons, des critères qui seront exigés, comme la thérapie
hormonale, etc.?
Le Président (M.
Bachand) :Quelques secondes, parce que le
temps est écoulé.
Ashley (Florence) : Oui. Donc,
déjà, tout critère médical quelconque est contraire à la jurisprudence qui
existe. Ce n'est pas quelque chose qui est acceptable et c'est quelque chose
qui... il faut enlever toutes les barrières, tout au contraire, à ce changement-là.
Je suis parfaitement d'accord que le prérequis d'avoir une lettre pour
confirmer pour les jeunes de... pour les jeunes n'est pas... ne devrait pas
être demandé simplement par le fait que... je sais bien, je travaille
justement... une de mes spécialités, c'est les soins pour les jeunes trans. Je
suis très... donc, c'est un enjeu duquel je travaille beaucoup. Et la recherche
démontre que les jeunes trans, de un, se connaissent, mais, plus important, se
connaissent mieux que toute autre personne. Donc, il n'y a vraiment aucune base
pour faire ce jugement-là.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Sainte-Marie—Saint-Jacques, s'il vous plaît.
Mme Massé : Oui. Bonjour,
Florence. Contente de vous retrouver. Merci d'être là avec nous. Dans le fond,
je veux être certaine de bien... d'avoir bien entendu. Concernant les papiers
de l'état civil, le papier n'appartient pas à la personne, mais il appartient à
l'État. Donc, par conséquent, ce que vous dites, c'est : Concernant le
changement du marqueur parental, la possibilité pour les enfants de 14 ans
et plus, ça n'a pas de bon sens parce que, dans les faits, ça n'appartient pas
à l'enfant, ça appartient à l'État.
Je vais vous poser tout de suite ma
deuxième question, parce que j'ai juste deux minutes. Alors, l'autre, c'est...
je veux être aussi bien certaine d'avoir compris que, pour vous, et vous n'êtes
pas la seule, la question de la <possibilité...
Mme Massé :
...que,
pour vous, et vous n'êtes pas la seule, la
question de la >possibilité
d'inscrire «parent» ne devrait pas être réservée aux personnes... en fait, je
vais le dire à la positive, devrait être possible pour tout le monde, même
chose pour la case «non binaire», devrait être possible pour tout le monde,
bien, tout le monde qui se reconnaît comme non binaire, et, finalement, de
pouvoir retirer les mentions de sexe sur les certificats de l'État, et
éventuellement ça découle sur les papiers sociaux, devrait aussi être possible
pour tout le monde.
Ashley (Florence) : Oui.
Donc, je confirme qu'au niveau de la deuxième, slash, troisième question, la
mention «parent» et le retrait de toute mention de sexe devraient être permis
pour absolument tout le monde. C'est même là la base même du principe de
préserver la vie privée. Si c'est réservé seulement à des communautés
marginalisées, il y a forcément une indication du fait que la personne est
trans. On ne peut pas avoir ça. Il faut donc ouvrir cette option à tout le
monde.
Par rapport à l'état civil, bon, je peux
faire une petite distinction entre papier d'état civil et état civil lui-même,
parce que, bon, c'est le concept d'état civil qui appartient... donc, c'est l'état
civil de la personne qui appartient à l'État et non à la personne. Le papier,
bon, techniquement, c'est son papier physiquement, mais ce qui est écrit dessus
et le fait que ça correspond à son état civil, ça appartient à l'État, bon,
avec l'addendum très important, sujet aux droits de la personne et aux
politiques d'ordre public, ce qui est justement la raison pourquoi on doit y
avoir un respect de la personne trans parce que, justement, c'est sujet aux
droits de la personne.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, s'il
vous plaît.
Mme Hivon : Oui. Bonjour.
Merci de votre présentation. À la page 7 de votre mémoire, quand vous
parlez de la possibilité de n'avoir aucune mention de sexe, vous dites que c'est
une ordonnance du jugement Moore. Donc, juste pour être très claire, sur la
base du droit, vous estimez que, si on veut suivre le jugement Moore, il faut
absolument permettre la possibilité de ne pas avoir de mention de sexe. Pour
vous, il n'y a aucune ambiguïté par rapport à ça.
Ashley (Florence) : Oui.
Donc, c'est très clair dans les termes que le jugement Moore utilise,
particulièrement dans l'ordonnance, donc aux paragraphes 343 et 344, où il
y a justement le fait que l'article 146 du Code civil, parce qu'il exige
une mention de sexe sur les certificats d'état civil, est non valide, et 344
qui prend acte de l'engagement d'offrir des certificats qui ne contiennent pas
de mention de sexe. Donc, oui, c'est très clair dans le jugement.
Mme Hivon : O.K. Parfait,
merci. À la page 13, vous nous parlez, à la toute fin, dans le dernier
paragraphe, là, qu'il faut «faciliter au maximum la possibilité de changer la
mention de sexe en permettant, donc, aux personnes intersexes de faire les
changements qui leur sont nécessaires si et quand elles le souhaitent». Dans la
réalité, est-ce que ces changements-là peuvent être, je vous dirais, successifs
et fréquents? Et quelles sont les implications de ça? Qu'est-ce qu'on devrait
tenir en compte, là, pour les personnes intersexes, quand on considère la
possibilité d'avoir quelques changements de mention?
Ashley (Florence) : Oui.
Donc, en général, non, ce n'est pas, donc, ce n'est pas fréquent. Donc, en
général, les personnes ne vont pas changer leur certificat, bon, à... tu sais,
un an ci, un an ça. En même temps, il faut aussi comprendre que plusieurs
personnes vivent des réalités très complexes et naviguent aussi... des systèmes
sociaux très complexes, et il ne faut pas, donc, créer de barrières à des
changements, même si ceux-ci seraient fréquents, parce que ça ne veut pas
dire... un changement fréquent ne veut pas dire que ce n'est pas sérieux, c'est
un reflet non pas du manque de sérieux de la personne, mais de la complexité
sociale qui est naviguée à ce niveau-là par la personne, parce que nos
contextes sociaux peuvent évoluer très rapidement dans différents contextes.
Donc, je dirais, non, ce n'est pas fréquent. Malgré cela, il ne faut pas rendre
ça plus difficile, si c'est le cas.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Alors, sur ce, Florence Ashley,
merci beaucoup d'avoir encore été une fois avec nous ce matin. C'est très
apprécié.
Sur ce, je suspends les travaux pour
accueillir nos prochains invités. Merci beaucoup. À bientôt.
(Suspension de la séance à 12 h 10)
(Reprise à 12 h 13)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend
ses travaux.
Alors, il nous fait plaisir d'accueillir
les représentantes du Mouvement Retrouvailles, de même que Les Oubliés-es
de la loi 113. Donc, bienvenue, merci d'être avec nous. Alors, je vous
demanderais peut-être, dans un premier temps, de vous identifier et, après ça,
débuter votre exposé. Comme vous savez, après nous aurons une période d'échange
avec les membres de la commission. Donc, encore une fois, merci d'être avec
nous. Alors, je vous cède la parole.
Mouvement Retrouvailles, Adopté-e-s, non
adopté-e-s, parents
Mme Fortin (Caroline) :
Alors, bonjour à tous. J'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent.
Donc, nous avons Mme Lisette Gobeil, qui est vice-présidente, Mouvement
Retrouvailles, qui est une personne adoptée qui est à la recherche de son père
et de sa fratrie. Et nous avons Mme Sylvie Carole Picard, qui est
représentante du groupe Les Oubliés-es de la loi 113. Elle est la
fille d'un père adopté décédé. Quant à moi, Caroline Fortin, je suis la
présidente et la coordonnatrice provinciale du Mouvement Retrouvailles. Je suis
aussi une personne adoptée. J'ai retrouvé mes origines maternelles en 1996 et
paternelles en 2019.
Alors, premièrement, nous aimerions
remercier les membres de la commission de nous recevoir aujourd'hui dans le
cadre de ces consultations particulières qui nous interpellent directement,
ainsi que tous ceux et celles qui ont contribué à l'élaboration du projet de
loi n° 2.
En lisant notre mémoire, vous aurez
constaté que nous sommes heureux que le Québec ait enfin décidé de reconnaître
officiellement le droit aux origines pour tous. Le p.l. n° 2
vient compléter les manques aux dispositions adoptées à l'unanimité en juin 2017
sous le projet de loi n° 113. Les recommandations dont nous vous avons
fait part au fil des ans sont finalement introduites dans ce projet de loi. C'est
donc qu'elles ont suscité un grand intérêt au sein du gouvernement. En fait, c'est
ce que nous aimons croire.
Aujourd'hui, nous sommes ici pour vous
faire part de notre grande satisfaction et pour soulever certains enjeux à
considérer. Nous ne reprendrons donc pas l'intégralité de notre mémoire. Vous
aurez compris que nous vous présenterons notre point de vue en ce qui a trait
au droit aux origines seulement ou majoritairement, devrais-je dire.
Nous constatons que le Québec est prêt
pour une avancée majeure en ce qui a trait aux droits égaux de tous et chacun.
Le fait d'ajouter le droit aux origines à la Charte des droits et libertés est
un très grand pas. La personne adoptée sera enfin reconnue au même titre que
tout être humain.
En ce qui concerne les nouvelles dispositions
proposées, en résumé, il est prévu que l'acte de naissance indique s'il y a eu
une modification à l'acte d'origine, que le certificat de naissance d'origine
et le jugement d'adoption seront disponibles, que la fratrie soit mise en
contact, que les descendants au premier degré d'une personne adoptée décédée
aient accès aux informations, que le refus sur la divulgation de l'identité du
parent est levé dès que l'adopté atteint 18 ans ou un an après le décès, seul
le refus de <contact...
Mme Fortin (Caroline) :
...du parent est levé dès que l'adopté atteint 18 ans ou un an après le
décès, seul le refus de >contact peut être retenu ou ajouté, que la
divulgation de l'identité de l'adopté est permise lorsqu'il atteint ses 18 ans,
qu'un tiers ne peut pas placer ou retirer un veto pour un bénéficiaire, que les
données médicales d'un parent soient accessibles par le médecin traitant de l'adopté
sur consentement, et des informations médicales à jour faciliteront les
diagnostics et traitements médicaux pour l'adopté et ses descendants, et qu'il
y ait plus de services offerts par les CISSS, CIUSSS, notamment au niveau des
services psychosociaux. Nous ne pouvons qu'applaudir ces modifications. Un plus
grand nombre de personnes auront maintenant accès aux renseignements contenus
au dossier d'adoption, donc à leurs origines, leurs racines, leur vérité. Le
droit à l'égalité et à la dignité est un droit pour tout être humain, qu'il
soit adopté ou non.
Alors, actuellement, la personne concernée
par l'adoption a droit, sous certaines conditions très restrictives, d'avoir
son identité et celle de ses parents d'origine s'il y a un document officiel
reconnu par le gouvernement au dossier. Cette dernière restriction est levée
sous le p.l. n° 2, ce qui est très juste et équitable
envers tous. La personne qui recevra l'identité de ses parents d'origine pourra
en faire la vérification elle-même, comme par exemple via l'ADN, comme
plusieurs le font déjà pour obtenir des réponses. L'adopté saura désormais d'où
il vient, qui lui a donné la vie, où sont ses racines, quels sont ses
antécédents médicaux familiaux, qui sont ses frères et sœurs d'origine. Le
casse-tête sera désormais résolu si les modifications suggérées sont adoptées
rapidement.
Jadis, confier un enfant à l'adoption n'était
pas nécessairement un acte intentionnel, mais plutôt un acte pour satisfaire la
religion, la société et la famille. On ne voulait pas ternir l'image avec un
enfant né hors mariage. Aujourd'hui, quoique les raisons pour procéder à une
adoption ne soient pas les mêmes, il n'en demeure pas moins qu'il est très
difficile pour le parent d'origine de vivre une telle séparation, et pour l'enfant
de perdre son lien d'attachement avec celle qui l'a porté neuf mois, avec ses
racines.
Ceci nous mène à penser qu'un mode d'adoption
additionnel au mode déjà existant pourrait être offert à certaines occasions,
soit un type d'adoption complétive, une adoption sans rupture du lien de
filiation. Ceci permettrait de conserver le lien filial entre l'adopté et les
parents d'origine, tout en transférant l'exercice de l'autorité parentale à des
parents adoptifs. Un parent pourrait consentir à ce type d'adoption, conserver
son titre de mère ou de père, mais n'ayant pas les responsabilités légales qui
s'y rattachent. Nous pouvons penser à une telle solution, par exemple, pour un
enfant qui est plus vieux, qui est en famille d'accueil.
Avant que l'adoption ne soit envisagée, il
est donc primordial que le consentement des parents d'origine ait été obtenu en
toute connaissance de cause et lorsqu'ils étaient aptes à en décider ainsi. Il
est également des plus importants que la famille immédiate de l'enfant soit
prise en considération lors d'un tel projet de vie. En effet, le lien qui unit
cet enfant avec ses grands- parents, ses tantes et ses oncles, ses frères, ses
sœurs ou tout autre membre en lien direct avec la famille est un lien d'origine
très important. La décision définitive d'opter pour un type d'adoption ou un
autre devra être prise en considérant ce lien d'appartenance significatif qui
relie l'enfant à ses origines si ceci est dans le meilleur intérêt de l'enfant,
bien naturellement.
Les raisons menant à cette décision n'étant
plus les mêmes que celles d'antan, il faut évoluer avec notre temps et offrir
le meilleur des mondes à nos enfants. Adopter un enfant était, est et sera
toujours un projet de vie tant pour l'adopté que pour l'adoptant. Dans tous les
cas, l'enfant doit être au cœur de la décision. Il doit en être le sujet et non
l'objet. Ses droits et ses intérêts doivent être respectés, ce qui semble avoir
été bien entendu, d'où l'importance d'offrir une plus large palette de
possibilités pour un projet de vie sain et équilibré.
La connaissance de ses origines est un
besoin fondamental de la personnalité humaine. On doit être en mesure de
pouvoir s'identifier pour aller de l'avant. En permettant... (panne de son) ...de
la personne adoptée décédée d'avoir accès aux informations qui les concernent
par filiation, et à la fratrie d'être informée et mise en contact, le Québec
fait preuve d'une très belle et grande ouverture.
• (12 h 20) •
Même si nous sommes en accord avec les
modifications suggérées, nous trouverions intéressant d'ajouter l'accès complet
aux documents inclus dans les dossiers de naissance et d'adoption, ce qui
éviterait bien des interprétations dans plusieurs cas, de ramener à 18 ans
l'âge auquel une personne peut faire une demande d'antécédents et retrouvailles
sans le consentement... sur le consentement de son parent adoptif.
De plus, comme nous ne connaissons pas les
procédures se rattachant aux diverses modalités énoncées dans le projet de loi,
nous nous permettons de recommander, entre autres, que le budget nécessaire au
bon fonctionnement des services d'adoption, d'antécédents et de retrouvailles
des CISSS et des CIUSSS soit <augmenté...
Mme Fortin (Caroline) :
...bon
fonctionnement des services d'adoption, d'antécédents et de
retrouvailles des CISSS et des CIUSSS soit >augmenté, que les effectifs
nécessaires à un excellent fonctionnement, efficace et efficient, soient mis en
place, que le personnel rattaché à ces dossiers ait une formation adéquate et
une expérience dans le domaine.
Disons que l'expérience vécue avec la mise
en place de la centrale Info-adoption, en juin 2018, nous a laissé un goût
amer. Plusieurs situations malheureuses ont été relevées. Les délais de
traitement de dossiers étaient interminables, des résultats erronés ont été
transmis, des manques à l'éthique ont été relevés, des interventions très
rigides, et nous en passons. Heureusement, depuis la fermeture de ce service,
les demandes ont été retournées dans les services antécédents-retrouvailles des
CISSS et des CIUSSS concernées, et plusieurs de ces situations ont été
corrigées, mais n'empêche que les délais pour traiter un dossier demeurent
encore beaucoup trop longs, soit entre 18 et 24 mois, voire plus, selon
les régions. Les procédures administratives trop lourdes nuisent au bon
déroulement du traitement des dossiers. N'oublions pas ici que l'on traite avec
des gens en quête de réponses importantes pour eux, parfois fragiles, qui
cherchent et espèrent depuis longtemps. Le côté humain de l'approche est très
important.
Les services d'adoption, d'antécédents et
retrouvailles doivent devenir une priorité en santé et services sociaux afin
que les intervenants et intervenantes puissent exercer leur travail, libres de
barrières administratives, avec compassion et humanisme, ce qui facilitera leur
travail et leurs relations avec les usagers. Le ministère de la Santé et des
Services sociaux doit s'assurer du bon fonctionnement de tous ses services de
façon juste et équitable. Pour ce faire, il est important que les gens qui
travaillent sur le terrain soient écoutés, entendus et respectés. Tous s'en
porteront mieux.
Je me répète, mais, en modifiant les lois
actuelles, le ministre de la Justice donne enfin la vérité à plusieurs
personnes confiées à l'adoption. Il se peut que certaines personnes ne soient
pas entièrement satisfaites des modifications suggérées et qu'il restera des
cas plus délicats ou problématiques, mais il sera possible de gérer le tout de
façon particulière, comme dans tout autre domaine.
À notre avis, le p.l. n° 113
était basé sur des cas d'exception. Les procédures à appliquer pour respecter
les mesures adoptées ne reflétaient pas la teneur originale dudit projet de
loi. Le p.l. n° 2, quant à lui, semble beaucoup plus
axé sur la généralité et non sur l'exception, ce qui en fait un projet de loi
des plus respectables en matière de droit aux origines.
Le fait de connaître son statut d'adopté,
son identité et celle des autres membres de sa famille d'origine ne mèneront
pas automatiquement à des retrouvailles. De plus, le fait de se retrouver ne
redonne aucun droit et/ou responsabilité légale aux parties concernées.
Cependant, le fait de restreindre la divulgation d'informations sous prétexte
de conserver le secret du passé ne tient plus en 2021.
Adopter les modifications suggérées est
une façon de mettre un baume sur les erreurs du passé et d'en corriger le tir.
Est-ce que le Québec est enfin prêt? Nous le pensons vraiment. Nous vous
remercions donc de l'attention portée et espérons sincèrement que le
gouvernement du Québec adoptera rapidement les nouvelles mesures suggérées,
lesquelles sont plus adéquates aux valeurs d'aujourd'hui et surtout au respect
du droit à l'identité pour tous et chacun. Voilà. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Mme Fortin.
M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Mme Fortin, Mme Gobeil, Mme Picard, bonjour. Merci
d'être parmi nous. À votre dernière question, sur la rapidité de l'adoption du
projet de loi, bien, écoutez, ça ne dépend pas juste de moi, ça dépend de mes
collègues autour de la table. Mais, moi, c'est très clair que je souhaite que
ce projet de loi puisse être adopté dans les meilleurs délais.
Écoutez, je tiens à vous remercier et à
remercier le Mouvement Retrouvailles. Depuis 1983, vous accompagnez les
personnes qui ont été confiées à l'adoption, les parents d'origine également.
Vous avez été impliqués notamment sur le projet de loi n° 113. Vous avez
suivi, je me souviens, on était en commission parlementaire, vous avez suivi
toutes les étapes dans la salle de la commission parlementaire. Vous avez
présenté des points qui sont justes et légitimes, et c'est pour ça qu'on donne
suite notamment aux recommandations, bien, à plusieurs recommandations que vous
nous aviez fait part à l'époque.
Puis honnêtement je suis très fier des
dispositions que le gouvernement a décidé de mettre en oeuvre parce que je
crois que les personnes qui ont été confiées à l'adoption ont droit à la
connaissance de leurs origines aussi. Et ça m'apparaît fondamental parce que,
lorsqu'on constate ça, les gens qui naissent dans leur famille biologique,
généralement, ont une connaissance de qui sont leurs parents biologiques, ce
qui n'est pas le cas pour les personnes confiées à l'adoption parfois. Et,
lorsque l'État a ces informations-là, bien, est-ce qu'on peut justement aider
les personnes confiées à l'adoption à connaître leurs origines?
Je vous demanderais... Vous dites dans
votre <mémoire...
M. Jolin-Barrette :
...aider
les personnes confiées à
l'adoption à connaître leurs origines?
Je vous demanderais... Vous dites dans
votre >mémoire, là : «L'enfant est enfin le sujet dans le monde de
l'adoption et non l'objet, comme il l'a été trop longtemps. Ses droits sont
reconnus et respectés.» Pouvez-vous nous dire c'est quoi, l'importance de ce
droit-là? Puis qu'est-ce que vous voulez dire en parlant que l'enfant, c'était
l'objet avant?
Mme Fortin (Caroline) : Bien,
en fait, c'est que, par le passé, je vous dirais qu'on ne considérait pas l'adoption
comme, justement, le meilleur intérêt... bien, le meilleur intérêt de l'enfant.
L'enfant était confié à l'adoption pour sauver la face au niveau de la
religion, de la société, de la famille, on le confiait à l'adoption, et des
parents allaient adopter. Bon, oui, je ne dis pas que c'est tout le monde, là,
qui a fait en sorte que l'enfant était l'objet de l'adoption, mais, à quelque
part, il y en a qui se sont dit : Bon, bien, tu sais... ils ont fait des
promesses à Sainte-Anne ou Sainte je ne sais pas qui, et ils ont adopté des
enfants juste pour la forme, pour la promesse qui a été faite pour... Bon, mais
plusieurs ont adopté pour leurs besoins à eux, parce qu'ils n'étaient pas
capables d'avoir d'enfants, et tout ça, et aussi étant bien conscients d'offrir
un foyer beaucoup plus adéquat à l'enfant. Sauf que ça n'a pas toujours été,
là, dans toutes les situations, le sujet, donc c'était vraiment un objet. C'est
une image, là, vous allez me dire, mais je pense que c'est important, là, de
faire la différence entre le besoin de l'enfant, qu'il soit le coeur de la
décision et non un objet. Est-ce que ça répond à votre question?
M. Jolin-Barrette : Oui.
Pourquoi c'est important d'inscrire, dans la Charte des droits et libertés de
la personne, le droit à la connaissance de ses origines? Pouvez-vous nous
expliquer, là, la quête identitaire, là, d'une personne qui a été confiée à l'adoption,
pourquoi on doit y répondre?
Mme Fortin (Caroline) : Bien,
en fait, une personne qui a été confiée à l'adoption ne connaît... bon, connaît
ses parents adoptifs, et ça n'enlève rien... Le fait de vouloir connaître ses
origines n'enlève rien aux parents adoptants, ça, je tiens à le préciser, mais
c'est un besoin viscéral de savoir d'où on vient, qui on est, qui est la
personne qui nous a mis au monde, qu'est-ce qu'elle nous a transmis. Puis je
parle de la personne qui nous a mis au monde, mais aussi il y a un père dans
tout ça, là, je veux dire, ça ne s'est pas fait tout seul. Donc, c'est des
informations qu'en tant qu'être humain une personne adoptée n'avait pas accès.
Et ça vient tout au long de la vie, à différents degrés, et selon les
personnes, il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier, mais on se
pose des questions. On a des comportements, des fois, on ne sait pas d'où ça
vient. On a des goûts, on a des... Bon, en tout cas, il y a plein de choses
dans notre vie, c'est viscéral, c'est difficile à expliquer, mais, moi, je le
compare souvent à... Là, les gens vont trouver... les gens vont trouver ça peut-être
drôle, mais je pense que c'est la meilleure image. Lorsqu'on va adopter ou on
va prendre un animal à quelque part, souvent, on a le pedigree complet. On a
une tranche de steak dans notre assiette puis on est capable d'avoir la
traçabilité de ce morceau de viande là. Nous, en tant que personnes adoptées,
il y a encore des restrictions à savoir d'où on vient. Mais on est des êtres
humains. Je veux dire, à quelque part, que, moi, je sois adoptée, que l'autre
personne ne le soit pas, pourquoi il y a une différence à ce niveau-là. Et
aussi, bien, naturellement, au niveau des données médicales, quand on va chez
le médecin, c'est des antécédents médicaux qu'on n'a pas. Le projet de loi n° 2
ouvre encore sur cette... ce bien-là d'avoir nos données médicales, mais c'est
vraiment... Il faut savoir qui on est, à un moment donné, dans la vie.
Puis j'entends déjà des gens dire :
Ah! bien oui, mais moi, ça ne m'a pas dérangé. Non, peut-être qu'actuellement,
ça ne dérange pas, mais peut-être que dans 10 ans, dans 15 ans, il va
arriver des choses puis on ne sait pas d'où ça vient. Ces gens-là ont des
enfants. Qu'est-ce qu'on a transmis à nos enfants? Ça aussi, c'est important.
Donc, c'est vraiment... On est comme un arbre sans racine, à quelque part, là,
tu sais, on branle au vent, là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Qu'est-ce
que vous pensez justement, là, de la disposition qui fait qu'on va pouvoir
permettre dorénavant au descendant au premier degré d'un adopté d'accéder, lui
aussi, à la connaissance des origines? Donc, ça ne sera pas uniquement la
personne qui a été confiée à l'adoption, mais également son descendant au
premier degré qui, lui, va pouvoir avoir accès également à la connaissance des
origines.
• (12 h 30) •
Mme Fortin (Caroline) : Bien,
je vais laisser Mme Picard répondre à cette <question...
>
12 h 30 (version révisée)
< Mme Fortin (Caroline) :
...Picard répondre à cette >question, elle est elle-même une personne
touchée par cette mesure.
Les Oubliés-es de la loi 113
Mme Picard (Sylvie Carole) : Bonjour,
M. le ministre. Merci. En tant que descendante directe d'une personne qui a été
adoptée et qui est décédée en bas âge... À 48 ans, mon père est décédé. Vers
la fin de sa vie, il avait amorcé sa demande, là, sa recherche d'origines.
Pendant longtemps, il disait que ce n'était pas un besoin, puis, vers la fin de
la vie, quand il a commencé à être malade, bien, c'est devenu de plus en plus
important pour lui. Il l'a fait, il aurait aimé avoir la réponse avant de
partir. Mais c'était aussi important que moi, j'aie la réponse pour moi, et mes
enfants, et tous les descendants.
Maintenant, je suis grand-maman. Mon père
est décédé jeune, mon frère est malade, mon fils est malade, et puis, bien, c'est
ça, j'aimerais bien savoir si c'est génétique. Quand moi, quand je réussis à
avoir un médecin, on me demande : Bon, vos parents, vos grands-parents? Bien,
moi, j'ai juste un côté de mon arbre généalogique, c'est le côté de ma mère,
parce que mon père a été adopté, puis on n'a jamais eu de réponse, même si mon
père avait signé un document à l'effet que j'étais au courant de ses démarches,
que j'étais avec lui pour l'accompagner dans ces démarches-là. Je crois qu'il
serait vraiment heureux de savoir qu'aujourd'hui au Québec, en 2020, bien,
peut-être qu'on va avoir droit, en tant que descendants, d'avoir ces
informations-là qui sont dans le dossier.
Donc, il y a plein de gens qui sont
décédés ou qui sont en fin de vie, présentement, et qui avaient peur, avec la
loi n° 113, vu que les dossiers, ça prenait beaucoup
de temps avant d'avoir des réponses, ils avaient peur de décéder avant d'avoir
la réponse, parce qu'en tant que descendants on se faisait fermer la porte à
toute information concernant notre parent qui était adopté, décédé. Donc ça, c'est
une grande chose qu'on ait accès à ces informations-là pour retrouver la
famille d'origine, puis avoir des informations médicales importantes dans nos
vies, et de savoir... bien, de connaître un peu plus, là, les origines. C'est
superimportant, là. Mon père est décédé, ça fait plus de 25 ans, puis ça
reste que j'ai encore besoin, moi, de connaître cette partie-là qui venait de
mon père, tu sais? Donc, je pense que ça va être le même constat pour toutes
les personnes adoptées ou adoptables.
M. Jolin-Barrette : Bien, je
pense que c'est très important, ce que vous nous dites, parce que vous venez
illustrer concrètement ce qu'elle veut faire, la disposition législative puis
pourquoi on le fait. Donc, votre témoignage est très pertinent à cet effet-là.
Vous avez abordé également, en même temps,
l'aspect médical. Là, on vient modifier l'article sur... on vient enlever le
risque de préjudice pour permettre aux médecins d'y aller un petit peu plus
largement pour vérifier les antécédents. Parce que l'enjeu avec le risque de
préjudice, bien, c'est souvent quand la personne confiée à l'adoption, elle
était rendue dans le bureau du médecin, là, tu sais, puis là, bien : Je
suis malade, là. Donc là, on va en amont pour faire en sorte que, bien, le
médecin pourra accéder à certaines informations du dossier médical, justement,
pour prescrire aux personnes qui ont été confiées à l'adoption : Bien, je
regarde l'historique et donc, bien, peut-être qu'il y a des maladies
héréditaires, peut-être tout ça, pour prévenir, justement.
Parce qu'encore une fois, bien que le
dossier médical soit confidentiel, de tout le monde, au niveau... dans les
familles biologiques puis dans les familles confiées à l'adoption, bien
souvent, dans les familles biologiques, quand vous grandissez dans votre
famille biologique, bien, vous savez que maman, papa, grand-papa, grand-maman,
bien, ils ont eu le cancer, ils ont tel type de maladie, tout ça. Donc, c'est
un peu ça qu'on cherche à faire, justement, en élargissant ça, tout en
préservant la confidentialité. Parce que ça va être dans les mains du médecin,
mais ça donne la possibilité au médecin traitant de le faire. Donc, je
comprends que, ça aussi, vous appuyez ça?
Mme Picard (Sylvie Carole) : Non,
tout à fait, tout à fait, c'est superimportant.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être pouvez-vous nous décrire comment ça fonctionne, actuellement, avec
les règles du code relativement à la fratrie, pour retrouver quelqu'un de la
fratrie quand quelqu'un a été confié à l'adoption, le mécanisme, comment ça
fonctionne?
Mme Fortin (Caroline) : Actuellement,
avant... (panne de son). Alors, ça prend ce qu'on appelle une concordance, donc
il faut qu'il y ait une demande des deux parties. Donc, une personne adoptée
qui a, par exemple, deux... un frère, une soeur aînés qui ont été adoptés, il
faut qu'une ou ces personnes-là fassent également la demande. Alors, si elle l'ignore,
bien, ils ne pourront pas faire la demande là-dessus. Peut-être que Mme Gobeil
pourra parler de <l'importance de...
Mme Fortin (Caroline) :
...fassent
également la demande. Alors, si elle l'ignore, bien, ils ne pourront pas faire
la demande là-dessus. Peut-être que Mme Gobeil pourra parler de >l'importance
de tout ça, elle est elle-même à la recherche, là, d'un frère et d'une soeur qui
sont... qui ont été adoptés. Donc, si vous le permettez, je vais lui laisser la
parole.
M. Jolin-Barrette : Bonjour.
Mme Gobeil (Lisette) : Bonjour,
M. le ministre. Moi, c'est ça, j'ai un frère et une soeur qui sont plus âgés
que moi, ça fait qu'avec la... J'ai su qu'eux ont déjà fait des demandes, sauf
qu'eux ils ont fait des demandes dans les années 80, ça fait que dans ce
temps-là, comme on dit, les papiers ne... il n'y avait pas... pour cocher la
fratrie. Ça fait que, vu qu'ils n'ont pas cette coche-là dans le dossier, ça
fait que je ne peux pas avoir... je ne peux pas faire de concordance, je ne
peux pas savoir s'ils sont au courant qu'ils ont eu d'autres enfants, parce que
les premiers... c'est tout en descendant, comme moi, je sais qu'il y en a deux
puis je ne savais pas qu'il y en avait après, ça fait que ça... Puis le
gouvernement... pas le gouvernement, mais les centres jeunesse ne font pas non
plus de mises à jour de leurs dossiers, même si je leur ai offert, là, de les
aider, ils ne font pas de mises à jour. Ça fait que c'est... tant qu'eux ne
modifieront pas leurs papiers dans... pour les centres jeunesse, je ne serai
pas au courant.
Puis ce qui est... avec la loi n° 113, bien, ce qui m'a permis de savoir que j'avais une
autre soeur, c'est parce qu'elle est née après moi, ça fait que, là, on a eu le
droit de faire une concordante. Parce que moi, j'avais coché cette partie-là
pour la fratrie. Ça fait que, ça, j'étais bien contente d'apprendre que j'avais
une soeur, parce que, sinon, s'il n'y aurait pas eu ce projet de loi là pour
modifier ça, je ne l'aurais jamais su.
Ça fait que c'est pour ça qu'avec le
p.l. n° 2, ce qui va être intéressant, c'est que
les deux plus vieux que moi, j'ai... je sais qu'ils sont au dossier. Dans mon
dossier, je vais pouvoir les connaître... bien, s'ils veulent, là. Mais, je veux
dire, au moins, ça me permettrait un peu de clore ce dossier-là. Mais aussi, je
suis à la recherche de mon père. Ça non plus, ce n'est pas terminé non plus,
là. Mais, au moins, je me dis : Dans notre vie, là... On ne peut pas
passer une vie... Là, je passe ma vie à chercher, mais, tu sais, je me dis :
À l'âge que je suis rendue... Mon conjoint, il est décédé, mais, dans le temps,
il m'a aidée beaucoup. Lui, malheureusement, il est décédé, ça fait que lui, il
ne saura jamais la suite, mais moi, je ne veux pas que ça m'arrive que je
décède avant de savoir mon dossier. Moi, dans ma vie, je vais avoir toutes mes
réponses que je me demande depuis... Ça fait 40 ans que je cherche, là, ça
fait que, tu sais, j'ai hâte d'avoir des réponses puis être capable... puis je
mets beaucoup de temps là-dedans.
Puis là, ce qui nous aide, nous autres,
dans ce temps-ci, c'est beaucoup l'ADN. C'est comme ça, moi, que j'ai retrouvé
ma mère. Parce que je l'ai retrouvée avant le p.l. n° 113.
Mais je me dis : Il faut donc se battre pour avoir nos antécédents
sociobiologiques puis pour avoir, comme on dit, nos racines. Puis ça fait que c'est
pour ça, moi, je trouve ça vraiment important pour... Puis je pense que ça va
permettre aux adoptés, aussi, d'enlever cette pression qu'on a toujours, quand
on va chez le médecin. C'est quoi, vos antécédents? Bien, je ne peux pas vous
répondre, je ne connais pas mes antécédents sociobiologiques. Ça fait que ça
aussi, ça devient beaucoup pesant sur nos épaules, cette partie-là de notre
dossier qu'on ne connaît pas. Ça fait que je vous remercie de m'avoir écoutée.
M. Jolin-Barrette : Bien,
merci pour votre réponse. Et justement la disposition dans le projet de
loi n° 2, ce qu'elle fait, c'est que... pour
bien expliquer aux gens, c'est que, désormais, qu'un seul enfant confié à l'adoption,
lui, il va dire : Bien, moi, je recherche mon frère ou ma sœur, et là, si...
La deuxième personne, le frère, la soeur qui a été confié à l'adoption, avant,
s'il n'avait pas dit qu'il recherchait lui aussi, bien, ça bloquait là.
Désormais, le contact va pouvoir être fait vers la fratrie.
Écoutez, je vous remercie beaucoup pour
votre présentation. Je vais céder la parole à mes collègues. Mais un grand
merci pour votre présence.
Le Président (M.
Bachand) :55 secondes, M. le député
de Chapleau. Mais avant de continuer, j'aurais besoin d'un consentement pour
ajouter 5 minutes à la séance, afin de respecter le droit de parole. M. le
député, s'il vous plaît.
Des voix : ...
M. Lévesque (Chapleau) : Consentement.
Merci beaucoup. Bonjour, mesdames. On vous le souhaite, madame, que vous
puissiez avoir toutes ces informations-là. Puis le projet de loi va d'ailleurs
le permettre. Rapidement, le veto de contact, le refus de contact, on en a
parlé, vous en avez parlé au début. On a eu une agricultrice, hier, qui est
venue nous en parler, son besoin était davantage informationnel que
relationnel. Est-ce que c'est la même chose pour vous? Et, deuxième question,
rapidement, le département de retrouvailles, dans les CIUSSS et les CISSS, vous
avez dit que c'était mieux, ça s'est amélioré. Il y aurait-tu des points à
améliorer également? Donc voilà.
Le Président (M.
Bachand) :Il reste quelques secondes
seulement, s'il vous plaît, désolé.
• (12 h 40) •
Mme Fortin (Caroline) : O.K. En
fait, pour répondre à la première question, pour le veto de contact, on a
toujours été en accord, parce qu'on peut comprendre qu'on ne peut pas obliger
deux personnages à se rencontrer. Par contre, au niveau de l'identité, c'est
très différent, parce que, là, c'est vraiment nos origines et notre identité.
Alors, c'est la <différence entre les deux. C'est certain qu'on...
Mme Fortin (Caroline) :
...très
différent, parce que, là, c'est vraiment nos origines et notre identité. Alors,
c'est la >différence entre les deux. C'est certain qu'on... s'il n'y a
pas de veto de contact, on va être des plus heureux, mais, si jamais il y en a
un, on comprend très bien. Il y en a déjà un, puis les gens vivent bien avec
ça. Et la deuxième question, c'était...
M. Lévesque (Chapleau) : Le
département de retrouvailles.
Mme Fortin (Caroline) : Oui,
département de retrouvailles, c'est au niveau des CISSS et des CIUSSS, depuis...
bien, ça fonctionnait bien, les délais étaient longs, avec la centrale info-adoption,
qui est venue mettre... excusez-moi le mot, je vais le mettre entre guillemets,
mais le bordel...
Le Président (M.
Bachand) :Parfait.
Mme Fortin (Caroline) : ...ça
n'a pas été...
Le Président (M.
Bachand) :Alors, sur ce mot, sur ce mot, Mme Fortin,
je dois céder la parole... il n'y a pas de lien, en passant, là, mais je dois
passer la parole au député de LaFontaine. M. le député de LaFontaine.
Mme Fortin (Caroline) : Mais
je pense qu'il a bien compris.
Le Président (M. Bachand) :
Oui, oui.
M. Tanguay : Mais,
faites-vous-en pas, je ne vais pas vous laisser terminer votre réponse sur ce
mot-là, je vais vous inviter à poursuivre. Mais d'abord, permettez-moi de vous
saluer, Mmes Fortin, Gobeil, Picard. Et, je vous en prie, complétez votre
réponse, pour ne pas finir sur ce mot-là. Comment c'est, aujourd'hui?
Mme Fortin (Caroline) : O.K.
Je vais faire vite. Alors, c'est beaucoup mieux, parce que c'est revenu dans
les services où les gens connaissaient la situation, connaissent les gens avec
qui ils font affaire, connaissent leurs dossiers, ont accès beaucoup plus
rapidement aux informations. Alors, tout ça mis ensemble fait que les services
d'antécédents retrouvailles étaient et sont les mieux placés pour pour répondre
aux mesures qui vont être mises en place. De grâce, ne revenez pas avec une
autre centrale ou un autre mécanisme qui va faire en sorte d'alourdir le tout.
M. Tanguay : Donc, si je
comprends bien, c'est dorénavant géré au niveau des CISSS et des CIUSSS, c'est
ça? Il y a des personnes responsables? O.K.
Mme Fortin (Caroline) : Oui,
ils ont un service d'adoption antécédents retrouvailles dans plusieurs CIUSSS.
M. Tanguay : Est-ce que j'ai
bien compris, mais, ceci dit, c'est quand même 18-24 mois, les délais dont
on parle aujourd'hui? Est-ce que c'est toujours ça, les délais? Je pense qu'il
y aurait peut-être lieu de voir si on peut les réduire, parce que c'est les
délais, normalement, pour le gouvernement, de créer une place en service de
garde, là.
Mme Fortin (Caroline) : Bien,
effectivement, c'est très long. Mais ça s'explique parce qu'ils ont eu
énormément de demandes, mais ils ont peu de personnel, il y a peu de fonds qui
ont été attribués à ces services-là, donc ce n'est pas une priorité. Alors, c'est
pourquoi dans mon intervention tout à l'heure je disais qu'il faudrait vraiment
prioriser ces services-là pour activer le tout.
M. Tanguay : Et il y a un
aspect important que vous avez dit, moi, que j'ai noté, le côté humain,
important de parler, compassion, humanisme. Ça, je pense que la première règle,
je pense que vous l'avez dit un peu plus tôt, elle est rencontrée, il y a une
personne en charge de faire le lien. Donc vous n'êtes pas... vous ne sautez pas
d'une personne à l'autre, ça, je pense que, déjà là, c'est un premier facteur.
Puis vous pourrez me confirmer si j'ai bien compris, que, normalement, quand
quelqu'un prend en charge de l'appel, bien, va vous suivre tout au long du
processus. Et vous le rencontrez ça, ce côté-là humain, humaniste?
Mme Fortin (Caroline) : Bien
oui, effectivement. C'est que, lorsque lorsqu'un usager fait une demande et,
bon, va faire affaire avec un intervenant ou une intervenante, c'est important
que ce soit toujours la même personne, là, qui continue le dossier. Je peux
comprendre, si c'est une autre personne qui va faire le sommaire d'antécédents
puis qui va aller chercher les informations. Mais pour l'interaction avec l'usager,
c'est important que ce soit le même... le même ou la même intervenante — parce
que c'est souvent des femmes, là — justement, pour développer cette
relation-là de confiance et de... Il faut comprendre l'autre personne.
Avec la centrale, c'était tout simplement :
on donne des informations, on ne se casse pas la tête, et les informations
venaient de gauche ou de droite, avec des erreurs, avec des délais et, bon,
etc. Donc, le fait de ramener ça comme c'était, ça fonctionne beaucoup mieux.
Et je dois dire que les intervenantes qui sont là aujourd'hui, je ne sais pas s'il
y en a qui nous écoutent, mais je suis certaine qu'elles seront d'accord avec
ce qu'on avance. C'est important qu'elles soient écoutées, qu'elles soient
entendues. C'est ces personnes-là qui travaillent avec les usagers, alors, en
haut, ils doivent savoir ce qui se passe en bas, là. Donc, c'est vraiment
important leur donner tout ce qu'ils peuvent pour améliorer les services, et
tout le monde va être beaucoup plus heureux pour ça.
M. Tanguay : Et ceci dit, à
la page 11 de votre mémoire, vous recommandez d'élargir les services d'accompagnement.
J'aimerais vous demander... Vous considérez notamment que la direction de la
protection de la jeunesse devrait «s'outiller davantage pour offrir des
services adéquats à toute la clientèle touchée dans ces secteurs fragiles.» Pensons
entre autres aux personnes âgées de moins de 18 ans. Donc, vous avez eu
des témoignages à cet effet là qu'il faudrait étayer l'offre de services, l'humanisme
et le contact pour cette catégorie de demandeurs?
• (12 h 50) •
Mme Fortin (Caroline) : Bien,
en fait, cette catégorie-là, particulièrement, c'est une catégorie qui est très
fragile parce que, souvent, les enfants ont été confiés à l'adoption pour des
raisons qui étaient différentes de celles d'antan, donc pour des problèmes de
violence, des problèmes de drogues, des problèmes de maladie <mentale ou,
bon, etc...
Mme Fortin (Caroline) :
...pour des raisons qui étaient différentes de celles d'antan, donc pour des
problèmes de violence, des problèmes de drogues, des problèmes de maladie >mentale
ou, bon, etc. Alors, c'est certain qu'entre 14 et 18 ans entreprendre une
quête comme... une démarche comme celle-là, ce n'est pas évident. Déjà, même si
on n'est pas adopté, on est en quête d'identité, à cet âge-là, donc ce n'est
pas évident d'en rajouter une couche, là, le fait de ne pas savoir.
Je comprends que, oui, ils veulent savoir,
mais il faut vraiment aider et accompagner adéquatement ces gens-là sans mettre
trop de pression, sans faire trop vite. Mais je pense qu'il n'y en a pas tant
que ça. Puis je crois qu'ils sont quand même suivis. Mais ce serait important,
vraiment, là, qu'il y ait une emphase là-dessus et aussi sur les services
post-retrouvailles. Parce qu'un coup que les retrouvailles sont en faites, le
dossier est fermé, on s'en lave les mains, allez voir ailleurs. Donc, c'est un
peu... ça fait que, ça aussi, il y a peut-être des gens qui auraient besoin,
là, de services post-retrouvailles que nous, en tant qu'organisme, on ne peut
pas offrir, donc...
M. Tanguay : Et ce n'est pas offert
du tout, à l'heure où on se parle, des services post-retrouvailles? Parce qu'effectivement
il y a peut-être un besoin psychologique peut-être, à ce niveau-là.
Mme Fortin (Caroline) : Bien,
c'est ça, c'est à ce niveau-là. Nous, en tant qu'organisme, on va les
accompagner, on va les écouter, et tout ça. Mais, quand on entre dans une
situation qui est plus problématique, qui a besoin de services, notamment en
psychologique ou... on n'est pas en mesure de les offrir parce qu'on n'a pas
ces intervenants-là. Mais, dans les services sociaux, je pense que ce serait
bien d'avoir un suivi, dans certains dossiers, après les retrouvailles...
M. Tanguay : Et à l'heure où
on se parle, ce n'est pas offert...
Mme Fortin (Caroline) : ...ne
pas se faire dire que le dossier est fermé, là.
M. Tanguay
: Oui, c'est
ça. Puis, à l'heure où on se parle, ce n'est pas offert par le réseau public,
là?
Mme Fortin (Caroline) : Très
peu.
M. Tanguay : Très peu? Un peu
où?
Mme Fortin (Caroline) : Bien,
je crois qu'il y a des intervenants qui ont le coeur à la bonne place et qui
vont le faire dans certaines situations. Mais c'est vraiment des services, là,
minimes, là, puis ils n'ont pas le temps de le faire, là.
M. Tanguay : O.K. J'ai une
question qui... puis je le sais que ça déborde un peu de ce que vous venez
témoigner aujourd'hui, mais j'ai une question que je trouve intéressante. Vous
avez vu que le projet de loi, également, parle de gestation pour autrui, parle
de connaissance des origines dans un contexte de procréation assistée. Ce que
vous avez vu là, quant à la connaissance des origines, parce que vous venez
témoigner aujourd'hui d'un besoin viscéral de connaître ses origines et ses
racines, dans le contexte... Puis je sais, vous pourriez me dire : Écoutez,
on n'a pas lu, on n'a pas fait l'analyse... pas que vous n'avez pas lu, mais qu'on
n'a pas fait l'analyse ou on ne peut pas commenter là-dessus. Mais que
pensez-vous, justement, des niveaux d'accès à la connaissance des origines
quant au régime de procréation assistée et gestation pour autrui? Je ne sais
pas si vous avez une réflexion là-dessus.
Mme Fortin (Caroline) : Bien,
en fait, pour répondre à votre question, oui, j'ai lu le projet de loi de a à
z.
M. Tanguay
: Oui, oui,
je... je...
Mme Fortin (Caroline) : Je n'en
ai pas fait l'analyse profonde, dans tous les coins, mais, à quelque part, oui,
au niveau de la gestation pour autrui ou procréation assistée, l'enfant qui va
naître, c'est un être humain, donc c'est très important pour lui qu'il ait
accès à ses origines, tout comme nous.
M. Tanguay : O.K. Parfait. À
la page 5, vous parlez d'adoption... complétif... Ah! excusez-moi, oui,
oui, je vous en prie. Je ne vous avais pas vue. Oui.
Mme Picard (Sylvie Carole) : Excusez-moi...
M. Tanguay
: Je vous en
prie.
Mme Picard (Sylvie Carole) : Parce
que mon petit-fils a été conçu par don de sperme. Donc, je peux vous dire que c'est
sûr que, ma fille, qui est la mère de cet enfant-là, on est parfaitement d'accord
à ce que mon petit-fils ait accès à toute l'information qui le concerne. Parce
que, bon, ils appellent ça un bébé catalogue, là, il y a des pères qui donnent
leur identité puis il y en a d'autres qui ne la donnent pas. Mais nous, c'est
sûr qu'on sait qu'on va obtenir une réponse, par défaut, par l'ADN, mais ça
serait beaucoup mieux s'il pouvait avoir droit à son identité, à ses origines,
à 18 ans, puis que ça soit dans la charte, puis qu'il soit égal comme tout
le monde à connaître l'origine de ses parents puis sont origine à lui.
M. Tanguay : Autrement dit,
comme législateurs, vous nous invitez à regarder le régime qui vous est offert
dans le contexte d'adoption puis peut-être de transposer les mêmes accès dans
les régimes de procréation assistée puis de gestation pour autrui, de s'assurer,
comme législateurs, qu'un enfant, justement, qu'il soit né, comme vous parlez,
de votre petite-fille, je pense, vous dites...
Mme Picard (Sylvie Carole) :
Mon petit-fils.
M. Tanguay : Votre
petit-fils, c'est ça, ou vous, dans des contextes différents, bien que,
justement, il n'y ait pas une iniquité, parce qu'un enfant qui naît doit avoir
les mêmes droits qu'un autre.
Mme Picard (Sylvie Carole) : Tout
à fait. Puis moi, en tant que descendante, là, je veux dire, de ne pas
connaître son identité, d'avoir le droit à ses origines, c'est une souffrance qui
est transmise de génération en génération. Donc, moi, j'ai connu ça beaucoup à
cause de mon père, mes enfants, bon, beaucoup parce qu'on ne savait pas, sur le
côté de mon père. Puis là, bien, mon petit-fils, il a été conçu comme un bébé
catalogue, bien, lui aussi, il va avoir... vivre cette souffrance-là, à un
moment donné, à l'adolescence ou à 18 ans, qu'il va rechercher ses <origines,
c'est...
Mme Picard (Sylvie Carole) :
...bébé catalogue, bien, lui aussi, il va avoir... vivre cette souffrance-là, à
un moment donné, à l'adolescence ou à 18 ans, qu'il va rechercher ses >origines.
C'est important qu'il le sache, sinon ça amène comme d'autres problèmes, cette
souffrance-là, là.
M. Tanguay : Et puis
corrigez-moi si j'ai mal analysé, mais, semble-t-il... Que pensez-vous de l'obligation
d'attendre que l'adopté soit décédé avant que le descendant au premier degré
puisse faire des démarches?
Mme Picard (Sylvie Carole) :
Bien, qu'il soit décédé, je trouve ça un peu malheureux. Parce qu'il y a des personnes
adoptées qui ne veulent pas savoir. Pour eux, c'est comme plus ou moins
important. Beaucoup d'hommes se retrouvent dans cette catégorie-là, parce qu'ils
ne veulent pas continuer leurs démarches pour avoir... parce qu'ils ont peur d'être
rejetés une deuxième fois. Mais souvent ces hommes-là, ces personnes adoptées
là ont eu des enfants qui, eux, veulent le savoir. Quand je vais chez le
médecin, je me fais poser des questions puis je ne les ai pas, les réponses.
Donc, c'est important qu'on sache... Et d'attendre que la personne adoptée ou
adoptante soit décédée, bien, écoutez, si on n'a pas le choix, c'est mieux que
rien, mais c'est sûr que, si on avait la possibilité à ce que même un
descendant au premier degré, direct, fasse la demande, que la personne adoptée
soit décédée ou non, ça serait un plus, c'est sûr.
Le Président (M. Bachand) :
20 secondes.
M. Tanguay : 20 secondes.
Adoption, complétif, c'est important. Pourquoi?
Mme Fortin (Caroline) : Bien,
en fait, c'est que la... ça viendrait ouvrir... ça viendrait donner une
opportunité, un choix additionnel aux parents pour un autre type d'adoption.
Actuellement, on a juste l'adoption plénière et on a, bon, l'adoption avec
maintien des liens, ce qui est quand même différent, et la tutelle supplétive.
En ajoutant ce type d'adoption là, bien, je crois qu'il y a plusieurs enfants
plus âgés qui sont en... par exemple, en famille d'accueil et qui font de cette
famille d'accueil là leurs parents, leur maman d'accueil, leur papa d'accueil.
Alors, ça pourrait permettre, autant pour le parent adoptant que pour le parent
biologique, de faciliter l'adoption en tant que telle. Alors, je pense que...
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Merci Beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve,
s'il vous plaît.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Bonjour. Bonjour à vous trois. Peut-être, d'abord, sur la question
de l'adoption rapide du projet de loi, vous pouvez évidemment compter sur la
collaboration, je pense, des différents partis d'opposition.
C'est certain que c'est une grosse pièce,
hein, plus de 300 quelque chose articles. Vous avez vu, peut-être, les
autres groupes qui vous ont précédés. Il y a des enjeux plus délicats, moins
consensuels, toute la question trans, intersexe, la question GPA, aussi,
gestation pour autrui, ce n'est pas simple. Des amendements ont été annoncés
par le ministre, il y aura certainement des amendements aussi du côté des
différentes oppositions. Mais je pense qu'au final, même si c'est un peu tard
dans la législature, il nous reste quand même, quoi, quatre ou cinq mois de
travaux devant nous avant la fin de la législature, en juin prochain, moi, je
pense qu'on est capables de traverser à temps avant que ça se termine ici,
avant les élections.
Ma question, elle va être assez large,
ouverte, puis elle va porter sur l'avenir. Parce que ce que je comprends de
votre mémoire, même s'il y a des ajustements que vous nous suggérez, ce que je
comprends, c'est que vous êtes, grosso modo, assez satisfaites de ce que
contient le projet de loi. Ça fait que j'ai envie de vous poser la question :
C'est quoi, l'avenir de vos mouvements respectifs, si, finalement, on rencontre
la plupart de vos revendications peut-être historiques, que je pourrais dire? C'est
quoi, la suite pour vos mouvements, une fois que ça va être adopté, ce projet
de loi là? Qu'est-ce qu'il va rester à faire? Qu'est-ce qu'il va rester à
accomplir?
Mme Fortin (Caroline) : En
fait, j'ai envie de vous dire, comme dans un des commerciaux : Le but du
Mouvement Retrouvailles, c'est de fermer un jour, quand tout le monde va avoir
retrouvé. Mais actuellement c'est sûr qu'on en a encore pour plusieurs années
parce que les adoptions du passé ne sont pas toutes réglées. Les adoptions
récentes ou actuelles et futures, c'est sûr qu'il va toujours continuer d'en
avoir. Mais éventuellement, écoutez, j'espère qu'un jour on pourra dire : Bien,
mission accomplie sur toute la ligne, et les gens n'auront plus besoin de ce
service-là, ce qui me surprendrait, là, soyons sincères. Mais ce n'est pas à
court ni à moyen terme, là, qu'on voit la fin d'un organisme comme le nôtre,
là, parce que les gens auront toujours besoin d'accompagnement, que ce soit
avant, pendant ou après, des gens pour... Parce que, nous, le Mouvement
Retrouvailles, ce sont des bénévoles et des bénévoles qui sont concernés, donc
des personnes adoptées, des personnes... des parents biologiques, on a aussi
des parents adoptants. Et les gens qui viennent nous voir ont besoin de parler
à des gens pour se reconnaître. Alors, je pense que ce n'est pas demain qu'on
va fermer.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup.
M. Leduc : Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Joliette, s'il vous plaît.
Mme Hivon : Oui. Bonjour à
vous trois. Heureuse de vous revoir, de retrouver le Mouvement Retrouvailles.
Donc, j'aimerais ça savoir, après quelques <années...
Mme Hivon :
...Bonjour
à vous trois. Heureuse de vous revoir, de retrouver le Mouvement Retrouvailles.
Donc, j'aimerais ça savoir, après quelques >années d'entrée en vigueur
du projet de loi n° 113, pour ce qui est de la
question des antécédents médicaux, si ça fonctionne bien. Et puis la question
que j'avais, c'est : Si le parent biologique est toujours vivant et qu'il
y a des changements dans sa condition médicale, on découvre des nouvelles
réalités, comment les enfants ont cette information-là? Est-ce que... comment
vous êtes comme tenus au courant de l'évolution de la réalité médicale du
parent biologique?
Mme Fortin (Caroline) : En
fait, je vais être franche avec vous, au Mouvement Retrouvailles, en tout cas,
moi, personnellement, je n'ai eu aucune personne qui m'a dit qu'il avait fait
une demande au niveau médical. En fait, j'en ai... il y en a qui ont fait des
demandes auprès des médecins, et les médecins leur ont répondu : Ah! tu
sais, il y a trop de procédures, ou : Bon, on va procéder autrement. Donc,
je pense que ça... C'est super d'enlever... bon, un, d'avoir enlevé le
préjudice grave, pour devenir un préjudice puis là d'enlever carrément le
préjudice. Mais ma question, je l'ai mise dans mon mémoire, puis elle est
sincère : Est-ce que, vraiment, des médecins vont vouloir s'embarquer dans
une telle procédure? Elle est là, mon interrogation. Mais parce que... c'est ça.
Mais sinon les gens qui ont eu la joie de rencontrer soit la fratrie soit les
parents, peu importe, bon, ils ont eu leurs antécédents médicaux de vive voix
de la famille, mais au niveau des médecins, je ne suis pas certaine que, d'emblée,
ils vont participer à ça.
Mme Hivon : Donc, quand
il y a un veto de contact, dans les faits, parce qu'il n'y a pas de rencontre
comme telle ou il n'y a pas de divulgation, je dirais, en temps réel avec les
personnes... Est-ce que, dans les faits, vous diriez qu'avoir accès à tout le
bagage médical c'est un peu une vue de l'esprit?
Mme Fortin (Caroline) : Non,
je ne dirais pas ça comme ça. Je dirais que c'est un plus puis c'est une très,
très belle possibilité, O.K., et il faudrait faciliter la tâche aux médecins
pour avoir accès aux informations.
Mme Hivon : O.K. Puis
justement, sur le veto de contact, certaines personnes disent qu'à l'ère des
réseaux sociaux puis de toute l'information qui circule librement, qu'une fois
qu'on a, dans le fond, l'information, le veto de contact peut être difficile à
respecter. Quelle est l'expérience, à cet égard-là, des dernières années?
Le Président (M.
Bachand) :Très rapidement, parce que le
temps est dévolu.
Mme Fortin (Caroline) : O.K.
Bien, je vous dirais qu'effectivement ceux qui passent par, bon... par le
mouvement, on est très, très respectueux de tout ça. Par contre, on ne peut pas
empêcher une personne de passer, justement, par les réseaux sociaux, et il y en
a qui arrivent avec leurs gros sabots, et la démarche n'est pas géniale. Mais
les cas où j'ai eu connaissance qu'il y a des personnes qui se sont adressées à
quelqu'un, même avec un véto de contacts, il n'y a pas eu de dégâts, là. Je n'ai
pas...
Le Président (M.
Bachand) :Sur ce, Mme Fortin,
Mme Gobeil, Mme Picard, merci infiniment d'avoir été avec nous
aujourd'hui. C'est très apprécié, très constructif.
Sur ce, la commission suspend ses travaux
jusqu'à 15 heures. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
15 h (version révisée)
(Reprise à 15 h 03)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bon après-midi. La
Commission des institutions reprend ses travaux. Nous poursuivons les auditions
publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 2, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en
matière de filiation et modifiant le Code civil en matière de droits de la
personnalité et d'état civil.
Cet après-midi, nous entendrons la
Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du
Québec, Me Sylvie Schirm, mais d'abord nous commençons avec les représentants
de l'Association des avocats et avocates en droit familial. Merci beaucoup d'être
avec nous. C'est très apprécié.
Donc, d'emblée, je vous demanderais de
vous présenter officiellement, débuter votre exposé de 10 minutes, après
ça nous aurons une période d'échange avec les membres de la commission. Donc,
la parole est à vous. Merci d'être ici.
Association des avocats et avocates en droit
familial du Québec (AAADFQ)
Mme Battaglia (Maria Rita) : Merci.
Bonjour à tous et à toutes. Je me présente, je suis Me Maria Battaglia. Je suis
devant vous aujourd'hui en tant que présidente de l'Association des avocats et
avocates en droit de la famille. Et je suis accompagnée par Me Marie Christine
Kirouack, qui est également membre du C.A. de notre association, ainsi que l'ancienne...
une de nos anciennes présidentes. Je prends cette opportunité pour vous dire
que, de ma part, de la part de Me Kirouack, nous avons une connaissance
approfondie du droit matrimonial et du droit de la famille. Alors, c'est avec
beaucoup de plaisir que nous sommes avec vous aujourd'hui et on vous remercie
pour l'invitation.
L'Association des avocats et avocates en
droit de la famille est un organisme à but sans lucratif, non subventionné par
le gouvernement, qui regroupe près de 500 avocats et avocates du Québec.
Nous sommes les spécialistes du droit de la famille et nous avons l'expérience
de première ligne en matière familiale. Il n'y a aucune autre corporation
professionnelle qui possède les mêmes formations et connaissances que nous
avons dans le champ de cette pratique qui est très complexe et des fois très,
très difficile. Notre association a pour but d'informer ses membres des derniers
développements jurisprudentiels, d'offrir de la formation continue, d'intervenir
devant les tribunaux pour faire valoir les intérêts généraux des avocats qui
oeuvrent en droit de la famille, et même, dans certains cas, pas souvent, mais
de défendre les intérêts des justiciables sur des questions qui affectent l'ensemble
de la population. Finalement, comme c'est le cas en l'espèce, elle a également
comme rôle de soumettre aux différents ministères des mémoires sur les
politiques avant le projet de loi et projet de loi qui touche le droit de la
famille.
Je suis très ravie aujourd'hui de vous
déposer, au nom de l'association, notre mémoire. Je vous souligne que vous avez,
en annexe 3, un <tableau comparatif du Code civil...
Mme Battaglia (Maria Rita) :
...elle a également comme rôle de soumettre aux différents ministères des
mémoires sur les politiques avant le projet de loi et projet de loi qui touche
le droit de la famille.
Je suis très ravie aujourd'hui de vous
déposer au nom de l'association notre mémoire. Je vous souligne que vous avez,
en annexe 3, un >tableau comparatif du Code civil, du projet de loi
et du Code civil tel qu'il serait amendé, et c'est quelque chose qui peut
vraiment vous aider pour comparer les différences, et ça va également vous
aider dans notre présentation. Vous avez également un extrait d'un article de
droit comparé sur les droits successoraux des enfants conçus post mortem.
Alors, vu l'ampleur de la réforme proposée
et vu le temps restreint que nous avons, nous avons l'intention de vous
présenter en bref le résumé, c'est important, et la position de notre
association. Nous vous demandons, par contre, à vous, les membres de la
commission, de bien vouloir prendre connaissance de l'ensemble de notre mémoire
pour que vous ayez une vision complète de notre position. À ce moment, je vais
céder la parole à Me Kirouack pour qu'on puisse commencer notre présentation.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Alors, écoutez, dans un premier temps, et pas nécessairement en ordre d'importance,
mais l'association félicite le législateur pour son inclusion de la notion de
violence familiale dans les facteurs à être soupesés à l'article 33, de
même qu'à l'article 606 en matière de déchéance d'autorité parentale, sous
réserve des petits commentaires, là, quant à la rédaction de 606, que vous
trouverez dans notre mémoire.
Ceci étant, nous sommes d'opinion que le
législateur devrait aller encore plus loin, et qu'on devrait s'inspirer
fortement des articles 2 et de l'article 16.1 de la récente réforme
de la Loi sur le divorce. L'article 2, notamment, comporte une définition
extrêmement étoffée de ce que constitue la violence familiale, y compris le
fait pour un enfant d'être exposé à celle-ci, bien que, par ailleurs, il n'ait
pas subi lui-même de sévices corporels ou de sévices psychologiques.
Deuxième commentaire, l'Association est
profondément surprise de trouver, à l'article 34.1, une définition selon
laquelle, pour être conçu, l'enfant, n'est-ce pas, doit... effectivement sa
mère, O.K., ou la personne qui lui donnera naissance doit être enceinte de cet
enfant. Je dois vous dire qu'on a été profondément inquiétés parce que, d'une
part, cet article-là se retrouverait au chapitre du respect des droits de l'enfant,
et, avec égard, on pense que c'est un grand risque de remettre Morgentaler et l'arrêt
Daigle contre Tremblay en question. Si par ailleurs l'objectif poursuivi par le
législateur est qu'il y ait une question de certitudes en termes de qualité d'héritier
ou de légataire des enfants qui naissent de procréation assistée post mortem de
l'un de leurs parents, bien, à ce moment-là, il nous semble et on vous suggère
qu'il serait plus simple de modifier l'article 617 pour pouvoir y prévoir
soit une prescription ou, en tout cas, un choix du législateur par rapport à
ça. Et c'est une des raisons, en termes de droit comparé des différentes
commissions qui ont réfléchi sur cette question, qu'on vous a inclus l'annexe 1.
Troisième sujet, la modification de
mention de sexe à l'acte de naissance. Vous comprendrez que l'Association est
opposée de façon véhémente au nouveau libellé de l'article 71, qui
rendrait effectivement obligatoire les chirurgies et autres traitements
médicaux de même nature avant qu'une personne puisse modifier la mention de son
sexe à son acte de naissance, d'autant que cela aurait pour effet de faire
disparaître la garantie qu'on trouve présentement au deuxième alinéa de l'article 71
au Code civil, qui est une modification qui existe depuis 2013 et,
effectivement, qui indique que les modifications à l'acte de naissance ne
peuvent en aucun cas être subordonnées à l'exigence que la personne ait subi
quelque traitement médical ou intervention chirurgicale que ce soit. Nous
comprenons par ailleurs des déclarations du 9 novembre dernier du ministre
de la Justice que celui-ci entendait faire marche arrière sur cette question,
et c'est notre espérance que tel sera effectivement le cas.
• (15 h 10) •
Dans la même ligne d'idée, l'association a
été profondément interrogée de la modification de l'article 145 et 146 — vous
retrouverez ça à l'article 42 du projet de loi — qui fait en
sorte que désormais, tant l'acte de naissance que le certificat d'état civil
devraient faire état de toutes modifications qui y ont été apportées. Nous
pensons que c'est étiqueter les personnes qui ne sont pas cisgenres, qui seront
<prises...
Mme Kirouack (Marie Christine) :
...de l'article 145 et 146, vous retrouverez ça à l'article 42
du projet de loi, qui fait en sorte que désormais, tant l'acte de naissance que
le certificat d'état civil devraient faire état de toutes modifications qui y
ont été apportées. Nous pensons que c'est étiqueter les personnes qui ne sont
pas cisgenres, qui seront >prises, quand elles ont à exhiber leur acte
de naissance, d'avoir à dévoiler une partie de leur vie privée. Il en est de
même pour ce qui est par exemple des gens qui ont eu un changement de nom, et j'avoue
qu'on s'interroge sur l'objectif poursuivi par cette modification. En outre, et
si je puis me permettre, une telle modification ferait que, dans certains pays,
on mettrait en péril la sécurité des personnes, effectivement, qui ont eu une
modification à la mention de leur sexe à l'acte de naissance.
Quant aux règles d'établissement de la
filiation, écoutez, avec égard puis le plus grand respect, là, mais... il est
faux de dire qu'on ne peut pas établir la possession constante d'état dans le
cas où elle est exercée par plus d'une personne simultanément, et je vous
réfère spécifiquement à 524, alinéa 2 tel qu'il serait modifié. Les
tribunaux font ça en tout temps, et, notamment, si on regarde dans les
périodes, qu'on soit du 16 au 24 mois, qui est le... je vous dirais, le
critère jurisprudentiel actuel, qui serait modifié à 24 mois, ou qu'on
serait a posteriori, la question de possession d'état est une question que nos
tribunaux évaluent en tout temps.
La gestation pour autrui. Écoutez, d'entrée
de jeu, l'association pense que les mères porteuses ne seront pas assez protégées.
Vous pourrez voir au mémoire la question des statistiques, en termes de... Les
taux de mortalité périnatale chez les femmes, les personnes qui accouchent, est
en hausse au Canada et est incompressible. Non seulement il n'a pas baissé
depuis une vingtaine d'années, mais il augmente légèrement. On parle d'à peu
près 8,3, 8,5 femmes sur 100 000 accouchements qui vont décéder.
Si vous regardez les statistiques qu'on a
aussi dans notre mémoire en regard du taux de dépression, du taux de psychoses
et du taux de problèmes de santé — vous savez, être mère porteuse, ce
n'est pas comme être donneur de sperme — elles sont dans le fond les
seules qui doivent assumer les risques liés à la natalité et à la périnatalité,
et on pense que, par rapport à ça, il y a un déséquilibre flagrant au niveau
des parties respectives au contrat. Je pense qu'à titre d'exemple, il devrait y
avoir une obligation qu'il y ait une assurance-vie, puis ce qui est par
ailleurs prévu à la loi fédérale, O.K. Et que se passe-t-il si, effectivement,
suite à l'accouchement, la mère porteuse, O.K., devient invalide pour une
période de temps, soit temporaire, soit de façon plus longue? Et, si on regarde
que ces contrats-là doivent être à titre gratuit, sauf en regard du
remboursement des dépenses, on pense que les mères porteuses sont peu
protégées.
Le Président (M.
Bachand) : Excusez-moi, Me Kirouack, le 10 minutes est
déjà passé, ça va extrêmement vite. Mais je regarde du côté du ministre. Si
peut-être vous voulez conclure, O.K., bien, peut-être conclure rapidement, s'il
vous plaît. Oui.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
O.K. Alors, l'association est aussi contre que la convention soit faite en
forme notariée et qu'elle soit en forme... en langue française obligatoirement,
sauf possibilité, mais surtout, je dois vous dire, au chapitre de la mère
porteuse, de ce qu'on a compris, M. le ministre, c'est que l'objectif du
législateur était que la mère porteuse était seule à décider, elle peut mettre
fin unilatéralement au contrat, O.K., mais il y a une incongruité, c'est-à-dire
que 541.4 indique clairement que le tribunal, effectivement, pourra décréter
une filiation différente dans les cas où elle ne consentira pas au le fait que
son lien filial, rétroactivement, soit présumé ne jamais avoir existé, et on
pourra en parler peut-être un peu plus longuement. Alors, je vais clore
là-dessus.
Le Président (M.
Bachand) : Oui. Si vous êtes d'accord, Me Kirouack, on va
débuter...
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Non, non, non, je clos! Je clos.
Le Président (M.
Bachand) : ...je vais débuter la période d'échange avec le...
La parole est au ministre, s'il vous plaît. Merci. Désolé.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Me Battaglia, Me Kirouack, bonjour, merci de participer
aux travaux de la commission parlementaire.
Revenons tout d'abord sur la question, là,
de l'avortement, là. Je veux juste être très, très clair, là, il n'est pas
question, en aucun temps, jamais, de remettre en question l'arrêt Morgentaler
ou Daigle contre Tremblay, qui a eu lieu au Québec fin 80. Ce n'est pas que
ça fait, là, la disposition à 34.1, là. 34.1 fait référence au fait qu'on vient
amener une disposition pour prévoir, dans le cas de décès, pour préserver les
droits de l'enfant né vivant est viable. Il n'est aucunement question de ça.
Puis vous, vous le dites, je pense. À la page 20, 21 de votre mémoire,
vous dites : «Le Code civil ne reconnaît <généralement...
M. Jolin-Barrette :
...la disposition à 34.1. 34.1 fait référence au fait qu'on vient amener une
disposition pour prévoir, dans le cas de décès, pour préserver les droits de l'enfant
né vivant est viable. Il n'est aucunement question de ça. Puis vous, vous le
dites, je pense. À la page 20, 21 de votre mémoire, vous dites : «Le
Code civil ne reconnaît >généralement pas au foetus la personnalité
juridique. Celui-ci n'est traité comme une personne que dans les cas où il est
nécessaire de le faire pour protéger ses intérêts après sa naissance.» Nous, on
ne va pas là du tout. C'est la même chose qui est prévue dans le Code civil,
là, avec différents articles, là, où il y a le même concept, dans le fond,
où...
Mme Kirouack (Marie-Christine) :
En matière successorale...
M. Jolin-Barrette : ...oui,
soit l'enfant conçu non né. Donc, ce concept -là, il est déjà retrouvé aux
articles 192, 617, 1814, 2373, 2374, 2447 du Code civil du Québec. Donc,
je tiens à vous rassurer. Dans le fond, l'objectif est de faire en sorte que
cet enfant-là, s'il naît vivant et viable, puisse protéger ses droits
successoraux. Mais il n'est aucunement question...
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Avec égard, M. le ministre, je comprends ça, et c'est pour ça qu'on est
intervenu de cette façon-là. Mais à partir du moment où vous voulez insérer cet
article-là au chapitre du respect des droits de l'enfant par rapport à,
effectivement, un fœtus qui n'a pas de personnalité juridique au code, on
trouve ça terriblement dangereux. Si vous voulez l'insérer, allez le mettre
ailleurs dans le code, mais pas sous ce titre-là.
M. Jolin-Barrette : Je
comprends votre suggestion. Je comprends votre suggestion. On va l'analyser,
mais, à la base, même s'il se retrouve à un autre endroit du code, ce n'est pas
une réouverture de l'avortement. Il faut être très, très clair. Ça fait
référence au...
Mme Kirouack (Marie Christine) :
On avait compris ça, M. le ministre. On veut juste s'assurer que ça ne donne
pas des idées à certaines personnes à cause du chapitre où il est.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une question, Me Kirouack, là. Le 17 octobre dernier, vous avez
collaboré à un article relativement à la pluriparentalité. C'est quoi votre
opinion relativement à la pluriparentalité?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Le 17 octobre? Non...
M. Jolin-Barrette : Oui, qui
a été publié.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Non. Je m'excuse, j'ai déjà effectivement commis des articles sur la
pluriparentalité, mais pas le 17 octobre.
M. Jolin-Barrette : Pas le
17 octobre, je n'ai pas la bonne date ici.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Non, parce que je n'ai rien fait cette année là-dessus. Je suis désolée, là,
mais...
M. Jolin-Barrette : O.K.
Bien, c'est quoi votre opinion sur la pluriparentalité?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Sur la pluriparentalité, je vais vous dire, puis quand je l'enseigne à mes
étudiants, c'est comme : Quant à moi, la parentalité devrait demeurer
biparentales, O.K.? Si on en rajoute trois, pourquoi on n'en rajoute pas huit?
Où est-ce qu'on s'arrête, M. le ministre, à partir du moment où on fait sauter
ce paradigme-là? Puis, vous savez, quand ils sont deux, et la jurisprudence et
les études sont vraiment, je vous dirais, constantes là-dessus, quand la
chicane est prise, ça ne va vraiment pas bien pour les enfants. Ça fait qu'est-ce
qui est vraiment nécessaire qu'en matière d'autorité parentale, on en ait
trois, on en ait quatre, on en ait cinq? Puis l'autre question que ça
sous-tend, c'est qu'à partir du moment où on reconnaîtrait, comme législateur,
la pluriparentalité, qu'est-ce qui fait qu'à ce moment-là, on peut encore
soutenir qu'il ne devrait pas y avoir de bigamie?
M. Jolin-Barrette : De...
Pardon, je n'ai pas entendu?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
De bigamie.
M. Jolin-Barrette : De
bigamie. O.K. Ça fait que vous vous dites : Ça ouvre la porte à toutes
sortes de situations. Juste une question praticopratique, là. Vous, votre
association vous représentez notamment des avocats praticiens, là, donc qui
sont à tous les jours au palais, dans les salles de cour, qui conseillent des
justiciables, tout ça. Donc, je comprends que de votre commentaire, le fait d'ouvrir
à plus de deux parents, vous êtes dans les salles de cour, vous voyez les
chicanes, puis tout ça, vous dites : Feu rouge, attention, ça peut amener
des conséquences, puis même vers la bigamie.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Définitivement.
Mme Battaglia (Maria Rita) :
Imaginez-vous, M. le ministre, d'avoir une question de garde avec six...
parents qui se chicanent, qui va avoir la garde des enfants? Déjà, c'est
difficile quand nous en avons deux.
M. Jolin-Barrette : Puis
là-dessus, là, un des objectifs qu'on a avec la réforme du droit de la famille,
notamment en modifiant l'intérêt de l'enfant, en ajoutant la violence familiale
aussi, c'est de faire en sorte vraiment de placer l'enfant au centre du
processus. Puis c'est ce que mon collègue Carmant... pardon, le ministre
délégué à la Santé et Services sociaux, avec son projet loi sur la DPJ, on
souhaite placer l'enfant vraiment au centre, tout ça. Parlons de la question de
la violence familiale qu'on vient insérer à 33. Vous avez dit tantôt :
Nous, on aime mieux la définition du Code criminel. Le Code criminel...
Mme Kirouack (Marie-Christine) :
Non, ce n'est pas ce qu'on a dit. Je m'excuse. Donc, la récente réforme de la
Loi sur le divorce, qui, à l'article 2...
• (15 h 20) •
M. Jolin-Barrette : Le
divorce. Excusez. Divorce, la Loi sur le divorce. Cette rédaction-là, c'est
plus une rédaction de type common law. Nous, on a l'approche civiliste, le
faire dans le Code civil, puis violence familiale, ça inclut notamment
violences conjugales et les différents types de violences. Et on veut que ça
soit interprété largement. À partir du moment où je vous dis ça, qu'est-ce que
vous en <pensez...
M. Jolin-Barrette :
...le faire dans le Code civil, puis violence familiale, ça inclut notamment
violences conjugales et les différents types de violences. Et on veut que ça
soit interprété largement. À partir du moment où je vous dis ça, qu'est-ce que
vous en >pensez?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Ce que j'en pense, c'est que... Parce que j'ai 29 ans de pratique, M. le
ministre, si vous saviez le nombre de fois où j'ai été confrontée au tribunal,
qui m'a dit : Monsieur est peut-être un conjoint brutal, mais que je
sache, vous n'avez pas de preuve qu'il a tapé sur les enfants. O.K.? La réforme
de la Loi sur le divorce, entre autres, reconnaît l'impact, et je peux vous
dire, pour avoir commis un article là-dessus, O.K., que le fait pour des
enfants d'être confrontés à de la violence familiale, même si eux n'ont pas été
l'objet de sévices, ça amène jusqu'à des modifications épigénétiques. Donc,
oui.
Et par ailleurs, je vais vous dire, au
Québec, nos tribunaux commencent à dire : Bien, écoutez, là, moi, j'ai des
enfants puis je vais avoir un dossier 12, qui est un dossier de
juridiction de la Loi sur le divorce, et un 04 dans une heure et je suis
supposé appliquer deux critères. Et nos tribunaux commencent déjà, je vous
dirais, par assimilation, à appliquer les critères de la Loi sur le divorce,
bien que, au sens strict, ça ne s'applique pas, parce que pour nos tribunaux au
Québec, ça prend une espèce d'uniformité de ce que constitue le critère du
meilleur enfant. Il faut comprendre que, juste avant la réforme de la Loi sur
le divorce, si vous regardiez le critère du meilleur intérêt de l'enfant au
Québec, que ça soit dans un 12 ou un 04, c'était interprété de la même façon.
Mme Battaglia (Maria Rita) : M.
le ministre, je ne suis pas d'accord avec vous que c'est vraiment du common law
qu'est-ce qui ressort des modifications de la Loi sur le divorce. C'est
vraiment détaillé. Chose qui, pour moi, est très nécessaire pour que les juges
savent qu'il faut qu'on réalise qu'il y a toutes sortes de types de violence
puis qu'on ne peut pas juste le limiter en le laissant large. C'est mieux qu'on
définit les différents types et qu'on reconnaît les types de violence qui sont
possibles dans des familles. Alors je pense que c'est important que vous
regardiez ça pour vérifier si, effectivement, ça a plus de bon sens qu'on soit
constant avec la Loi sur le divorce et notre Code civil.
M. Jolin-Barrette : Mais,
avec égards, c'est exactement l'argument que je vous fais, c'est exactement l'argument
que, dans la Loi sur le divorce, la technique légistique employée, c'est la
technique en matière de common law, où on vient nommément prévoir chacune des
situations. Dans le fond, ça, c'est l'approche de common law.
Mme Battaglia (Maria Rita) :
Non.
M. Jolin-Barrette : Bien oui.
Mme Battaglia (Maria Rita) :
Avec respect, je ne suis pas d'accord...
M. Jolin-Barrette : En
matière civile, dans le Code civil, vous n'avez pas le détail de chacune des
modalités. C'est un principe général qui couvre les situations. Alors, à ce
moment-là, la violence familiale vient couvrir ce qui est déjà énoncé,
supposons, dans les types de violences, parce qu'on veut faire en sorte que ça
puisse être évolutif également dans le Code civil. Donc, si ce n'est pas
mentionné spécifiquement, on veut que ça puisse être évolutif dans le temps et
que la violence familiale soit plus large. Mais bref, là-dessus, j'ai bien pris
note de vos commentaires. Vous souhaiteriez qu'on incorpore la définition de la
Loi sur le divorce. On va réfléchir à tout ça dans le cadre de l'étude
détaillée qu'on va avoir.
Bon, sur la question des victimes de
violences, le fait que, désormais, le contre-interrogatoire, il y a un avocat
qui va pouvoir être assigné, les enfants également, DPJ, ça, vous êtes à l'aise
avec ça, vous êtes d'accord?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Bien, si vous regardez dans notre mémoire, d'ailleurs on félicite le
législateur, là, sur cette modification-là au Code de procédure civile.
M. Jolin-Barrette : O.K. La
connaissance des origines, le fait, là, qu'on vienne élargir ça, là, dans la
pratique en droit familial, là, est-ce que... Parce que, là, sur la question
des mères porteuses, de la gestation pour autrui, on vient ouvrir cela pour
faire en sorte que l'enfant puisse avoir accès à leurs origines. Première
question là-dessus : Qu'est-ce que vous en pensez? Puis ensuite, j'aimerais
ça qu'on discute, là, de la convention notariée, parce que tout à l'heure vous
émettiez certaines réserves.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Dans l'ordre et dans le désordre, O.K., d'une part sur la question de... On
comprend que c'est la volonté ferme du législateur que ça devienne presque un
droit enchâssé, là, le droit à la connaissance de notre origine. Et comme on
vous l'a écrit dans le mémoire, une des questions qu'on se pose, c'est la
sagesse de permettre à compter de 14 ans, alors qu'on est en pleine crise
d'adolescence. Est-ce qu'il ne serait pas plus sage d'attendre 18 ans? Où
est l'urgence? C'est un premier commentaire général, là. À un âge où,
effectivement, les enfants sont souvent, parce qu'ils sont en crise d'adolescence,
en conflit avec leurs parents, ce n'est peut-être pas le meilleur moment, je
vous dirais. Et je ne suis pas sûre que ça ne serait pas plus sage d'attendre
qu'ils aient 18 ans sur cette question-là.
Sur l'autre question, je comprends que
pour ce qui est des donneurs, en matière de procréation, ce qu'on appelle
présentement, au code, la procréation assistée, bien, la disposition
transitoire fait que ça serait valide juste pour le futur. C'est sûr qu'une des
questions qui se posent, c'est : Est-ce qu'on va avoir une baisse
significative du nombre de donneurs? C'est une chose d'être donneur, c'en est
une autre de savoir que le code prévoit qu'à 14 ans ou à 18 ans on va
vous appeler en disant : Je veux vous rencontrer parce que vous êtes mon parent
génétique. <Écoutez, tout ça...
Mme Kirouack (Marie Christine) :
...ça serait valide juste pour le futur. C'est sûr qu'une des questions qui se
posent, c'est : Est-ce qu'on va avoir une baisse significative du nombre
de donneurs? C'est une chose d'être donneur, c'en est une autre de savoir que
le code prévoit qu'à 14 ans ou à 18 ans on va vous appeler en disant :
Je veux vous rencontrer parce que vous êtes mon parent génétique. >Écoutez,
tout ça bouge très vite à travers le monde, donc ça demeure des questions...
M. Jolin-Barrette : Sur la
question de la convention notariée, la convention de gestation pour autrui, ça,
vous avez certaines réserves.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Bien oui. Écoutez, ça fait 20 ans que je rédige des conventions en cette
matière-là. Me Brown, qui est une des plus connues au Québec et au Canada,
hein, la première qu'elle a rédigée, c'était en 84. Alors, on a déjà l'expertise.
Je ne vois pas pourquoi ça devrait être un acte notarié. Et, si c'est la question
de la date, avec égard, on a juste à s'inscrire en faux, on l'a fait au moment
de l'article 42. Et l'application des dispositions transitoires en vertu
de l'article 42 pour les renonciations au patrimoine familial, je l'ai
fait, moi, pour mettre de côté des régimes matrimoniaux qui avaient été signés
des contrats de mariage avant qu'on puisse modifier les conventions ou signer
une convention de mariage après, a posteriori des noces. Puis je veux dire,
effectivement, les conventions sont tombées sur une question de dates parce que
ça pouvait se faire pour un contrat de mariage juste avant la célébration du
mariage à une certaine époque.
Je ne vois pas où est la valeur ajoutée, M.
le ministre. Et je trouve que, ce faisant, le Code civil déclarait qu'alors que
c'est notre champ de compétence depuis plus que deux décennies, tout à coup, en
vertu de quoi est-ce qu'on ne serait plus compétents?
M. Jolin-Barrette : Donc,
vous, vous en avez sur le fait que ça soit confié uniquement aux notaires.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Absolument.
Mme Battaglia (Maria Rita) :
Puis c'est nous qui avons la connaissance juridique. C'est nous qui allons
devant la cour pour les plaider. C'est nous, jusqu'à aujourd'hui, qui avons
préparé ces contrats. Ça change vraiment la pratique ici, au Québec. Et je n'ai
pas d'autre chose à ajouter, parce que Me Kirouack vous l'a déjà dit, et, dans
notre mémoire, on expose les raisons.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Question. Vous dites : On en faisait beaucoup, de contrats là-dedans, là.
C'était fréquent, d'avoir des conventions de gestation pour autrui,
présentement, supposons, au cours des 20 dernières années?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Non, non, non. Ce qui était fréquent, M. le ministre, c'était les dons de gamètes.
N'oubliez pas, là, 540, nul de nullité absolue, donc, mais ce qu'on faisait
beaucoup, c'était des dons de gamètes, avec toutes les discussions
préliminaires que ça implique, O.K., parce que vous avez A et B dans le champ
gauche, les parents prospectifs, qui vous avez un donneur dans le champ droit
ou deux donneurs. Bien, à ce moment-là, effectivement, ça implique toute une
série de discussions avec les parties, et que les gens soient... effectivement
comprennent, là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Une
autre question : Qu'est-ce que vous faites des recommandations du rapport
sur le Comité consultatif sur la réforme du droit de la famille qui, eux,
recommandaient qu'on aille par convention notariée?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Je ne suis pas d'accord. L'association n'est pas d'accord.
Mme Battaglia (Maria Rita) :
On n'est pas d'accord.
M. Jolin-Barrette : Ça a le
mérite d'être clair, ça a le mérite d'être clair.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
C'est ça.
M. Jolin-Barrette : Autre
élément. Bon, vous êtes les premiers à nous apporter, là, la limite sur le
prénom usuel, bien, sur le nombre de prénoms puis le prénom usuel. J'aimerais
vous entendre là-dessus.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Écoutez, sur la question du nouveau régime de prénoms usuels, avec respect, là,
M. le ministre, un, j'essaie de voir c'est quoi, le problème qu'on essaye de
régler. Deux, je trouve que c'est une réforme qui va être particulièrement
coûteuse pour les parties. Trois, ça veut dire que... Et je vais me prendre
comme exemple, O.K.? Mon prénom usuel, au sens de si je regarde le code actuel,
O.K., ça doit être Christine, O.K.? Et, en première année, alors que ma mère à
la maison m'appelait toujours Marie, j'ai dit à ma professeure, ce n'est pas
ça, mon nom, c'est Marie Christine, et depuis ce temps-là que moi, j'agis
effectivement sous Marie Christine. Bien, si je regarde, là, ça veut dire qu'il
faudrait aller effectivement faire une demande au directeur de l'état civil,
payer le tarif et tout ça pour régler je ne suis pas certaine quel problème, M.
le ministre.
Mme Battaglia (Maria Rita) :
Même chose avec moi, M. le ministre. J'ai deux noms et, depuis que je suis
avocate, ça fait plus de 30 ans, je ne n'utilise pas le Maria Rita, j'utilise
le Maria avec le R comme initiale. Est-ce que ça vaut la peine d'aller dépenser
des sous pour changer quoi que ce soit? Ce n'est pas nécessaire, quant à nous.
Il y a d'autres choses à régler, ce n'est pas quelque chose qu'il faut qu'on
fasse, c'est...
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Non. Si je peux me permettre, M. le ministre, tu sais, on a beaucoup, beaucoup
d'enfants nés durant les années 90 qui ont ce qu'une de mes amies appelle
des noms à pentures, c'est-à-dire un nom de famille composé de deux noms, O.K.?
Moi, la majorité de ceux que je...
M. Jolin-Barrette : Je
connais ça, je connais ça.
• (15 h 30) •
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Oui, mais la majorité que moi, je connais en ont laissé tomber un des deux...
M. Jolin-Barrette : Oui,
bien, écoutez, moi...
Mme Kirouack (Marie Christine) :
...autour de 22, 23, 24...
M. Jolin-Barrette : ...ma
mère puis mon père seraient bien fâchés que je laisse tomber l'un ou <l'autre,
là...
>
15 h 30 (version révisée)
<15359
M.
Jolin-Barrette :
...oui, bien, écoutez, moi...
Mme Kirouack (Marie Christine) :
...autour de 22, 23, 24.
M. Jolin-Barrette :
...ma mère puis mon père seraient bien fâchés que je laisse tomber l'un ou >l'autre,
là.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Oui,
mais ça, regardez, ça, c'est une question plus intrafamiliale.
M. Jolin-Barrette : J'aurais
un conflit de loyauté. J'aurais un conflit de loyauté. Bien, écoutez, je vous
remercie grandement pour votre passage en commission.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Je cède la
parole maintenant au député de Lafontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay :
Oui. Merci beaucoup, Me Battaglia et Me Kirouack, merci
beaucoup pour le temps excessivement considérable que vous avez dû investir
pour remettre le mémoire qui nous a été acheminé hier. Puis ce n'est pas un
reproche, là, vous m'entendez bien, là, ce n'est pas un reproche à vous,
mémoire excessivement étoffé qui participe de votre expertise. 85 , si j'ajoute
les annexes, et vous avez fait de superbes tableaux de compréhension, 321 pages.
Alors, je n'aurai pas la prétention de vous dire qu'en 24 heures, avec les
auditions hier qui ont fini à 22 heures, puis je ne suis pas en train de
me plaindre, puis je ne suis pas en train de vouloir blâmer, je n'aurai pas la
prétention de vous dire : Bien, j'ai six questions dans mon 10 minutes.
Je vous donne mon 10 minutes, je m'engage à vous lire durant le temps des
Fêtes, et je suis certain qu'à la fin, là, vous allez dire, de l'audition :
Ah! on n'a pas parlé de ça, on n'a pas parlé de ça. Parlez-nous de ce que vous
ne voulez pas qu'on manque. Je vous écoute.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Écoutez,
un, je peux juste me permettre un commentaire liminaire, puis ce n'est pas
envers le gouvernement actuel et ce n'est pas envers le ministre de la Justice,
mais, de mon expérience en 25 ans, on reçoit toujours l'appel ou le
courriel, quand on est chanceux, six jours avant, ce qui fait... ce qui fut le
cas, O.K.? Donc, j'ai rédigé en quatre jours, 16 heures par jour, O.K., ce
qui implique qu'on n'a pas pu vous l'envoyer plus vite que ça.
M. Tanguay : Puis ce n'était
pas un reproche. Vous m'avez compris, hein?
Mme Kirouack (Marie Christine) : O.K.
Mais, non, je vais vous dire, moi, une des grandes inquiétudes qu'on a à l'association,
c'est 541.20, en matière de gestation pour autrui, où il semble clair que jusqu'au
jour de la naissance, si je regarde le régime qui est proposé, O.K., la mère
porteuse, O.K., ou la personne, là, qui est effectivement partie peut changer d'idée
en tout temps, O.K., et sans avoir à se justifier. Elle a juste à notifier,
O.K. : Unilatéralement, je mets fin. Mais, à partir du moment où,
effectivement, l'accouchement a lieu et qu'on demande qu'elle signe le
consentement à ce que son lien d'origine filial n'ait jamais été établi, bien,
dans les cas où elle ne le signe pas, quand on regarde 541.20, le tribunal
aurait le pouvoir de passer outre, O.K., et sur la base de : Pourquoi refusez-vous?,
et du meilleur intérêt de l'enfant.
Si je fais un parallèle avec... en matière
d'adoption, O.K., je suis désolée, là, mais quelqu'un qui effectivement va
signer un consentement général à l'adoption de son enfant peut même changer d'idée
a posteriori. Or, ici, de ce qu'on comprend, c'est qu'en autant qu'elle a
envoyé l'avis la veille de l'accouchement, tout va bien pour elle. On respecte
son choix. La minute qu'elle a accouché, si vous regardez 541.20, qui ne peut s'appliquer,
d'ailleurs, qu'à un seul cas, je me permets, O.K., 541.20, O.K., ne s'applique
pas. On n'est pas dans un cas où elle est décédée, on n'est pas dans un cas où
elle a disparu, O.K., on n'est pas non plus dans le cas de son incapacité. Donc,
il n'en reste qu'un seul, c'est qu'elle refuse. Elle ne veut pas consentir. Et,
dans ces cas-là, si vous regardez, bien, à ce moment-là, le tribunal peut
modifier la filiation selon ce qu'il jugera opportun, selon son évaluation de l'intérêt
de l'enfant.
Et je vous rappelle que, désormais, si,
effectivement, les dispositions en matière de la personne qui accouche est
présumée, effectivement, le parent de cet enfant-là, c'est-à-dire même mettre
ça de côté, ça nous semble très problématique. On ose espérer que ce n'était
pas le désir du législateur, O.K., parce qu'il reste que c'est une très grosse
réforme, là, O.K., mais on pense que c'est plus qu'une incongruité, là. Ça
devrait être modifié.
M. Tanguay :
O.K. Noté. Avez-vous d'autres
éléments, je vous en prie?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Écoutez,
toute la question de la procréation assistée à l'égard d'une personne, O.K., ou
d'une mère porteuse, au sens classique du terme, qui n'est pas domiciliée au
Québec, on comprend la logique, O.K., de rédaction du législateur. Notre difficulté,
parce qu'on s'est vraiment copié-collé sur les dispositions en matière d'adoption
internationale, O.K., la convention, O.K., de La Haye, la loi habilitante
québécoise, la difficulté, c'est qu'en matière de gestation pour autrui il n'y
a pas de convention internationale, O.K., il n'y a pas d'autorité centrale, de
sorte que ce sont les règles habituelles en matière de droit privé
international qui s'appliquent. Le Québec n'a pas une juridiction
extraterritoriale pour ce qui est d'un contrat qui est complètement conclu à l'étranger,
si vous regardez les dispositions puis la section au mémoire, O.K., et il ne
peut pas non plus... Puis c'est forcer les gens qui vont revenir à les <faire...
Mme Kirouack (Marie Christine) :
...c'est forcer les gens qui vont revenir à les >faire, n'est-ce pas,
certifier l'acte de naissance de l'enfant devant les tribunaux, d'une part,
puis c'est dit le plus gentiment possible. Je vois mal comment on va pouvoir
trouver des actes de naissance des enfants qui sont nés de gestation pour
autrui étrangers, là. C'est un acte semi-authentique, O.K., qui indique, tu
sais : Nous avons parent A et parent B et un enfant. Il n'y a pas une
annotation : Ceci est suite à une gestation pour autrui.
Donc, dans les cas où, effectivement, on a
une gestation pour autrui qui était légale à l'étranger, qui a été concrétisée,
O.K., auquel on a donné effet, et donc l'acte de naissance a été émis, on voit
mal, à partir du moment où il n'y a pas des conventions, comme en matière d'adoption
internationale, où chacune des juridictions parties à la convention, dans le
fond, décline compétences selon certains scénarios factuels pour faire en sorte
que toutes les situations peuvent être prises soit dans l'une, soit dans l'autre.
Je vous dirais, avec respect, c'est comme si cette section-là était comme 20 ans
trop vite.
M. Tanguay : Donc, pour le...
Détrompez-moi. Deux choses. La première, c'est qu'il n'y a pas exigence,
lorsque la mère porteuse est à l'étranger, il n'y a pas exigence qu'il y ait
une convention préalable. Est-ce qu'il y a exigence?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Bien,
non. Non. En fait, le projet de loi dit que ça en prend une. Moi, ce que je
vous dis, c'est qu'à partir du moment où elle est domiciliée puis quand on
regarde le droit privé international en matière contractuelle, c'est la loi de
cet endroit-là qui s'applique, ce n'est pas la nôtre.
M. Tanguay : Tout à fait. Et
donc je crois que c'est par règlement que le gouvernement pourra déterminer les
États avec lesquels il reconnaîtra la possibilité de le faire pour les mères
porteuses qui y résideraient, dans ces États-là. Alors, vous jugez que, dans le
contexte d'un règlement qui dirait tel État, tel État, tel État, puis on parle
des États souverains, et les États américains, puis les autres provinces, là, c'est
nettement insuffisant. Ça ne pourra jamais répondre à votre appréhension.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
En fait, ça ne règle pas le problème, vous comprenez?
M. Tanguay
: Non. C'est
ça.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Même si le Québec décrète... Par exemple, on va prendre n'importe quel pays, ce
n'est pas important, ne me citez pas, O.K., la France, O.K.? Bien, à moins que
la France signe une convention avec le Québec comme quoi... similaire en
matière d'adoption, les tribunaux français vont dire : Mais je suis
désolé, là, mais nous avons compétence, ça s'est passé sur notre territoire, ce
sont, tu sais, là, nos conventions, nos ordonnances. C'est là qu'est le
problème, là. Parce que je comprends qu'on veuille empêcher le tourisme
procréatif, ça, je comprends tout à fait, mais je ne pense pas que c'est la
façon d'y arriver.
M. Tanguay : O.K. Bien, bien
noté. D'autres éléments?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Les informations personnelles. On est vraiment... Écoutez, si on regarde en
matière de... le nouveau titre, là, en tout cas, l'équivalent de ce qu'on
appelle la procréation assistée, présentement, et en matière de gestation, les
informations seront au ministère de l'Emploi et de la Solidarité, au ministère
de la Santé, au Directeur de l'état civil. On a des craintes, parce que c'est
des informations extrêmement sensibles, des informations qui sont aussi
confidentielles, et on a des craintes, effectivement, qu'à se promener d'un
endroit à l'autre, qu'à un moment donné... Est-ce nécessaire?
Et, par rapport à ça, je vais vous dire,
je vais aller plus loin, pourquoi est-ce que la convention de gestation pour
autrui doit être versée au Directeur de l'état civil, d'autant qu'on demande qu'il
y ait des informations personnelles à la personne qui va se trouver à accoucher?
On saura juste, par règlement, jusqu'où iront ces informations-là, mais je vois
mal en vertu de quoi... surtout qu'il y aura la signature d'un consentement qui
attestera qu'il y a eu une convention et qu'il y a renonciation de la part de
la mère porteuse à son lien filial, je ne vois pas pourquoi ces informations
très personnelles, en termes de ses antécédents médicaux, seraient là.
M. Tanguay : Deux questions
rapides. Tarif, j'aimerais ça, que vous m'en parliez — «pas le bar
ouvert» — j'aimerais ça, vous entendre là-dessus, de un, et de deux,
l'importance de ne pas exiger l'usage unique du français.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Ah! je vais le prendre dans l'autre sens. Écoutez, on est quand même dans un
pays où il y a deux langues officielles, le français et l'anglais, et je
comprends d'autant moins que, dans les cas où les parties, parce qu'elles le
sont, elles seraient autorisées, en vertu de la réforme, de le faire rédiger,
par exemple, en anglais, elles devraient d'abord, effectivement, déclarer et
avoir pris connaissance d'une version française. Un, on parle d'accès à la
justice depuis 20 ans. Deux, on va se trouver dans les dossiers où, par
exemple, les parties sont anglophones, elles vont devoir payer pour la
rédaction de deux contrats. Un, ça crée des problèmes importants en matière d'interprétation
subséquente, s'il y a une chicane. Deux, je vais vous dire, on était comme un
peu surpris, O.K.? N'oubliez pas, là, qu'en matière de contrat un consentement
éclairé, ça implique qu'on a compris, effectivement, les termes de ce à quoi on
s'engage. C'est important que les parties puissent choisir la langue, surtout
dans ces matières-là.
M. Tanguay : Parfait. Et,
dans la minute qui reste ou à peu près, les tarifs?
Mme Battaglia (Maria Rita) : Oui,
pour qu'ils puissent donner un consentement éclairé.
• (15 h 40) •
M. Tanguay : Oui,
consentement <éclairé...
M. Tanguay :
...oui,
consentement >éclairé.
Mme Battaglia (Maria Rita) : Oui,
un consentement éclairé pour qu'ils comprennent que c'est... on ne peut pas le
faire quand on a deux consentements qu'il faut font qu'on passe en deux langues
différentes. Et souvent les anglophones ne comprennent pas le français, et vice
versa. Alors, c'est sûr que c'est très important que la personne ait le choix
de langue, comme on l'a toujours fait.
M. Tanguay : Parfait. Et
contre certains tarifs également? Page 12.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Ah!
bien, écoutez, notamment, la question qu'on s'est posée... puis je vais vous
dire, là, sur la question des personnes autochtones, quant à nous, là, le tarif
devrait être suspendu pour toujours et non pas pour une période de cinq ans. C'est
la moindre des choses qu'on leur doit. Ça, comme association, là, on a une
position très claire là-dessus. Pourquoi cinq ans? On comprend que, par le
passé, il y a eu des dispositions transitoires, l'article 140, entre
autres, quand la réforme de 2002 est rentrée en vigueur, il y avait comme une période
tampon. Vu le lourd héritage des gestes qui ont été posés envers les peuples
autochtones, moi, je pense qu'il devrait... Ça ne devrait jamais rien coûter.
Le tarif devrait être suspendu de façon permanente.
M. Tanguay : Merci à vous
deux. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député de
LaFontaine.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Merci.
Le Président (M. Bachand) :M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous plaît.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Tantôt, vous avez... Bonjour à vous deux.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Bonjour.
M. Leduc : Tantôt, vous avez
utilisé un terme, là, on parlait... vous parliez de la gestation pour autrui,
vous avez dit c'est 20 ans trop vite. Voulez-vous expliciter un peu?
Mme Kirouack (Marie Christine) : O.K.
Ce que je veux dire par là, c'est que je m'attends à ce que, dans 10 ans,
ou dans 15 ans, ou dans 20 ans, il va y avoir une convention
internationale en matière de gestation pour autrui et qu'à ce moment-là, effectivement,
chaque État va désigner une autorité centrale qui va s'occuper d'appliquer la
convention internationale de la même façon qu'on en a une en matière d'adoption
internationale. C'était ça, l'objet de notre propos.
C'est juste que, présentement, ce n'est
pas ça. Et en matière scientifique et en matière de procréation assistée, c'est
un peu le far west à travers le monde, là.
M. Leduc : Mais, avant que se
détermine une convention internationale, il faut nécessairement que ça ait
commencé en quelque part, j'imagine, avant que les gens qui ont déjà quelque
chose s'assoient puis en fassent une convention?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Bien,
c'est parce que, des fois, ce que vous avez, c'est que vous allez avoir des
conventions entre deux pays, par exemple, O.K., qui, des fois, se trouvent à
comme faire, je dirais, les débuts de racines de ce qui devient subséquemment
la convention. Des fois, c'est dans l'autre sens aussi. Vous savez, La Haye, la
convention, des fois, on en a qui sont juste... ont fait un constat qu'il y a
un problème important à travers le monde et qu'il faut le régler.
M. Leduc : Puis dites-moi si
j'interprète mal vos propos, mais vous dites : En attendant une convention
internationale, il faudrait garder la loi actuelle, c'est-à-dire la nullité
absolue dans le Code civil?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Je
ne sais pas... Ce n'est pas ça qu'on a...
M. Leduc : Non? O.K. J'ai
mal...
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Ce n'est pas ça que j'ai dit, ça fait que je me suis peut-être mal exprimée. Moi,
ce que je dis...
M. Leduc : Voulez-vous
clarifier?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Oui,
je vais clarifier le propos. Ce que je dis, c'est qu'en matière de gestation
pour autrui, O.K., la réforme propose, dans le fond, je vous dirais, deux
grands chapitres, O.K.? Lorsque les parties sont ici, sont au Québec, elles
sont soumises au droit québécois, et lorsqu'effectivement la mère porteuse est
domiciliée à l'étranger, ce qui implique aussi que son enfant, en vertu des
dispositions de droit privé à... de droit privé international, je m'excuse,
O.K., son acte de naissance est régi par le lieu de son domicile à sa
naissance. Notre code est clair par rapport à ça. Ce qu'on dit, c'est qu'en matière...
la section sur la gestation pour autrui à l'étranger, elle est très
problématique parce qu'on tente de donner une portée extraterritoriale à la loi
québécoise, puis on n'est pas certaines que c'est possible.
M. Leduc : Je comprends. Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon : Oui. Bonjour. Merci
énormément pour tout le travail que vous avez fait à un compte de 16 heures
par jour. Donc, merci, c'est très apprécié. Moi aussi, je vais digérer chaque
article et je vais regarder tout le travail que vous avez fait.
Hier, une intervenante nous a dit qu'elle
restait dubitative face à la possibilité de vraiment pouvoir encadrer
correctement la gestation pour autrui, c'est-à-dire, que va-t-il arriver, dans
la mesure où ce qu'on veut toujours, c'est protéger l'enfant, si, par exemple,
on ne respecte pas les règles, que ce soit dans la gestation pour autrui
transfrontalière, vous venez de parler des problèmes, mais même ici? Mettons qu'on
met 21 ans. La femme qui porte l'enfant aurait 19 ans. On dit qu'il
ne doit pas avoir rétribution. On découvre qu'il y a eu rétribution. Quelles
peuvent être les conséquences de ça dans une société où, de toute façon, on va
toujours vouloir protéger l'enfant? Est-ce que vous voyez le type de sanctions?
Comment tout ça peut atterrir concrètement sur le plancher?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
O.K. Dans l'ordre et dans le désordre, en matière de ce que je vais vous
appeler les «parents prospectifs», O.K., c'est-à-dire ceux qui contractent
pour obtenir une gestation pour autrui, vous verrez au mémoire que, dans le cas
où ces personnes-là, elles décident qu'elles ne donnent pas suite, et on a des
exemples, là, au <Québec...
Mme Kirouack (Marie Christine) :
...et on a des exemples, là, au >Québec, O.K., où, tout
à coup, c'est, tu sais, bon... parce que... parce que... je pense à un cas où madame,
dans le couple, effectivement, qui avait contracté avec une mère porteuse,
s'est retrouvée, quatre semaines après la conception des enfants, en vertu du
contrat de gestation pour autrui, enceinte de jumeaux, puis là on a fait :
Bien, non, merci. O.K. De la même façon que je peux penser à des scénarios où...
si l'enfant naît, par exemple, souffrant de spina-bifida, les parents
prospectifs fassent : Savez-vous, on va oublier ça. Dans... La position de
l'association par rapport à ça, puis vous regarderez au mémoire, c'est qu'il
devrait y avoir des dispositions pénales, des dispositions de... Si les parents
prospectifs décident qu'ils ne donnent pas suite, effectivement, bien, qu'à ce
moment-là ils soient redevables de toutes les sommes que l'État pourrait payer
pour cet enfant-là, qu'il puisse y avoir des dommages punitifs dans ces situations-là.
Mme Hivon : O.K.
Le Président (M. Bachand) :
...
Mme
Hivon
: Oui.
J'ai tellement de questions. Et puis, si c'était l'encadrement, je dirais,
général, là, par exemple, l'âge n'est pas respecté, il y a eu rétribution, on
n'a pas respecté la convention, c'est quoi, la suite des choses?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Bien,
en fait, je vais vous dire, je pense que vous mettez le doigt, là, sur le noeud
gordien. Parce que, si on veut être totalement limpides et transparents, là,
vous avez juste à aller regarder sur Internet, sur Facebook et autrement, hein,
il y a présentement un marché de mères porteuses, il y a présentement un marché
de vente d'ovules, O.K.? Et ça, je peux vous dire que c'est parce que, moi,
j'ai eu des dossiers a posteriori, O.K., que j'ai comme... Donc, je peux vous
dire qu'une mère porteuse, c'est 35 000 $ à 40 000 $, dans
ce que moi, j'ai vu, O.K., et qu'un ovule, ça tourne autour de 10 000 $,
15 000 $. Allez voir.
D'ailleurs, il y avait un article dans...
un éditorial ou quelque chose dans LaPresse dans la
dernière semaine, là, là-dessus. Donc... O.K. Mais qu'est-ce qu'on fait? C'est
effectivement... c'est un grave problème. Et il va falloir prévoir,
effectivement, des dispositions sur cette question-là, à savoir, bien : Est-ce
que... puis je suis d'accord avec vous, Mme Hivon, dans les cas, par
exemple, O.K., où vous avez une convention et la mère aurait 20 ans,
est-ce qu'on va décider qu'on n'y fait pas droit? Le problème, c'est que ou on
a une approche très stricte, O.K., parce qu'on va considérer que c'est des
règles publiques et qui visent à protéger, O.K., la mère porteuse, mais parce
que, tu sais, une fois qu'on décide qu'on ouvre la barrière, bien, est-ce que
17 ans, c'est correct? Est-ce que 16, c'est correct? Où est-ce qu'on
s'arrête?
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. C'est tout le temps qu'on a.
Mme Hivon : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, encore une
fois, d'avoir été avec nous. C'est très, très, très apprécié. On se dit à
bientôt.
Et je suspends les travaux quelques
instants afin d'accueillir notre prochain invité. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 15 h 48)
(Reprise à 15 h 55)
Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.
Merci. Alors, il nous fait plaisir... d'accueillir, pardon, Me Sylvie Schirm
et Me Marie-Elaine Tremblay aux travaux de la commission. Merci beaucoup d'être
avec nous aujourd'hui, surtout en présentiel, d'ailleurs, c'est très agréable. Alors,
vous connaissez les règles, 10 minutes de présentation puis, après ça, une
période d'échange. La parole est à vous. Merci, encore une fois, d'être ici avec
nous.
Mmes Sylvie Schirm
et Marie-Elaine Tremblay
Mme Schirm (Sylvie) : Merci.
Alors, M. le ministre, les membres de la commission, je veux d'abord vous
remercier d'avoir tenu votre promesse de procéder avec la réforme du droit de
la famille si longtemps attendue, et nous sommes vraiment honorées d'être ici
aujourd'hui et nous vous remercions pour l'invitation. Nous sommes également
très conscientes que c'est dans cette bâtisse que les lois se forgent et se
forment, et qu'on finit par en accoucher.
Schirm & Tremblay Avocats est un
cabinet composé de spécialistes chevronnés qui pratiquent uniquement en droit
de la famille. Je pratique depuis 33 ans dans ce domaine, Me Tremblay
pratique depuis 14 ans, et depuis 10 ans en droit de la famille. Nous
avons une expertise dans tous les domaines qui touchent le droit de la famille.
Notre mémoire s'intitule Dans le meilleur intérêt de nos enfants, et c'est
dans ce contexte, et toujours étant guidé par ce principe, que nous soumettons
nos commentaires concernant le projet de loi n° 2.
Notre mémoire met de l'avant nos
commentaires sur les sujets suivants qui sont contenus dans le projet de loi,
et nous n'avons pas de commentaires sur les autres aspects de la réforme. En
résumé, on discute de la mère porteuse, le retrait du consentement de la mère
porteuse, la consultation juridique, le remboursement des frais. Nous avons
soulevé aussi la nécessité d'incorporer la définition de la violence familiale
de la Loi sur le divorce dans notre Code civil du Québec pour des raisons que
nous expliquerons et nous avons également soutenu la position du gouvernement
de ne pas reconnaître la pluriparenté pour les raisons que nous allons vous
expliquer.
En ce qui a trait au consentement de la
mère porteuse, nous considérons qu'il n'est pas dans l'intérêt de l'enfant de
permettre à la mère porteuse de retirer son consentement à quelque moment que
ce soit. En cas de refus de la mère porteuse de renoncer à sa filiation
maternelle, l'enfant aura donc la mère porteuse comme mère, peu importe la
provenance des ovules et l'autre parent d'intention à l'égard duquel allait
être établi le lien paternel ou le second lien parental. Il est donc à parier
que le père ou le parent d'intention qui est sur le certificat de naissance va
vouloir exercer ses droits parentaux et avoir accès à cet enfant tant attendu
et si désiré, et avec qui il ou elle peut avoir un lien biologique. «Il», dans
le cas de «il», si son sperme a été utilisé pour la fécondation. L'exercice de
ses droits parentaux permettra à sa conjointe ou son conjoint, c'est-à-dire l'autre
parent d'intention qui est déchu face à cette situation-là, de jouer un rôle
dans la vie de l'enfant, mais il ou elle demeurera également un tiers à son
égard, même si, par exemple, les ovules ont été utilisés pour sa création. Il
est à prévoir, donc, que cette personne sera intervenant ou mise en cause dans
une procédure de garde d'enfant.
Voilà donc un litige de garde d'enfant qui
va débuter entre deux personnes qui ne sont pas partenaires, qui n'ont jamais
planifié être parents ensemble, au contraire, et dont un vit une énorme
déception pouvant donner lieu à une guérilla judiciaire. Donc, nous croyons qu'il
est dans l'intérêt de l'enfant de ne pas donner à la mère porteuse... l'opportunité,
pardon, de retirer son consentement.
En ce qui a trait à la consultation
juridique, nous ne pouvons pas assez insister pour la nécessité d'avoir une consultation
juridique indépendante par avocat pour toutes les parties à la convention de
GPA. On a déjà vu qu'est-ce qui est arrivé avec la loi sur le patrimoine
familial, qui ne prévoyait pas de consultations juridiques indépendantes, et
plusieurs des renonciations furent annulées par les tribunaux par manque de
consentement, surtout parce que l'épouse, dans ce cas-là, n'avait pas consulté
un conseiller indépendant. Et le notaire, en 1990, avait le même rôle qu'aujourd'hui.
De plus, dans un contexte si délicat comme une convention de GPA, il n'est pas
toujours évident qu'une partie oserait poser certaines questions en présence de
l'autre.
• (16 heures) •
Cette possibilité de consultation
indépendante fermera également la porte à toute prétention de la mère porteuse
à l'effet qu'elle n'a pas compris les conséquences de ses gestes dans la
convention de GPA. Vous direz peut-être que je prêche pour ma paroisse. C'est
vrai, mais ce n'est pas sans fondement, car les avocats qui pratiquent le droit
de la famille sont sur le terrain. Nous connaissons les embûches. Nous sommes
devant les tribunaux. Notre rôle est justement d'évaluer les risques et de
conseiller le client ou la cliente en lui faisant voir qu'est-ce qui est le
pire scénario. Notre pratique sur le terrain nous permet de donner des conseils
<judicieux...
>
16 h (version révisée)
< Mme Schirm (Sylvie) :
...mais ce n'est pas sans fondement, car les avocats qui pratiquent le droit de
la famille sont sur le terrain. Nous connaissons les embûches. Nous sommes
devant les tribunaux. Notre rôle est justement d'évaluer les risques et de conseiller
le client ou la cliente en lui faisant voir qu'est-ce qui est le pire scénario.
Notre pratique sur le terrain nous permet de donner des conseils >judicieux
et selon les besoins spécifiques de la situation. Le notaire, lui, qui rédige
le contrat n'a pas ce rôle ni peut-il jouer ce rôle, car il conseille les deux
parties. De plus, le notaire n'a pas l'expérience de litige des avocats de
terrain pratiquant le droit de la famille, qui connaissent bien le système
judiciaire et ses exigences en litige familial et qui peuvent aussi prévoir le
litige et la prévention de celui-ci.
Les parties à une convention de GPA
doivent comprendre les règles juridiques applicables et les implications
particulières pour chacune d'elles, et leurs droits et obligations doivent leur
être expliqués dans un contexte de possibles litiges éventuels et en toute
confidentialité dans un endroit spécifiquement établi pour eux, dont le bureau
d'un avocat ou cette personne est seule et peut poser toutes les questions. Il
faut s'imaginer que peut-être, on n'osera pas poser certaines questions en
présence de la mère porteuse et les parents d'intention. Alors, ceci permettra
aux parties de vraiment pouvoir avoir toutes les informations nécessaires. Nous
croyons que parler des possibilités de litige constitue un moyen de prévenir
que ces litiges surviennent et que des questions peuvent être posées sans
crainte de la réaction de l'autre partie.
En ce qui a trait à la question de la
violence familiale, nous comprenons... vous avez constaté que la loi sur le
divorce a récemment été modifiée pour inclure des dispositions pour protéger l'enfant
vivant cette violence. De plus, une définition détaillée fut incorporée dans la
loi, forçant les tribunaux d'analyser tous les aspects de la vie de l'enfant et
également les impacts sur lui de cette violence. On croit que cette définition
ainsi que l'analyse que les juges doivent faire de la violence familiale
devraient être incluse dans le Code civil du Québec. Les valeurs d'une société
sont inscrites dans sa législation. Cette valeur, protéger les enfants de la
violence familiale, doit absolument s'y trouver par le biais de cette
définition détaillée ainsi que l'obligation des juges de faire l'analyse de
tous ces facteurs qui doivent être considérés. Nous ne devons pas permettre qu'un
juge analysant un dossier de violence familiale ait plus d'outils à sa
disposition, quand les parents sont mariés, que ceux dont les parents sont
conjoints de fait, ce qui représente d'ailleurs, comme vous le savez, la majorité
des couples au Québec. Le traitement égal de tous par la loi est un droit
fondamental et surtout pour les enfants.
Maintenant, en ce qui a trait à la
triparenté ou pluriparenté, la seule fois où je me suis exprimée sur la
pluriparenté, en disant que je n'étais pas d'accord avec ce principe, on m'avait
dit que j'avais une façon hétéronormative de penser. J'ai dû consulter un
dictionnaire pour comprendre ce mot et je ne savais pas, à ce moment-là, que je
me faisais insulter. Parce qu'hétéronormatif est un adjectif qui qualifie une
personne qui pense que l'hétérosexualité est la seule et unique orientation
sexuelle possible. En d'autres termes, une personne hétéronormative est
convaincue qu'une femme ne peut vivre une relation amoureuse qu'avec un homme et
vice versa. Croyez-moi que ce n'est pas du tout mon cas ni non plus celle du
cabinet. Je n'ai pas honte ni crainte d'exprimer notre point de vue en tant que
praticien en droit de la famille. Il faut cesser de croire que la
pluriparentalité est gage de succès. Il est illusoire et utopique de penser
que, si plus de deux personnes décident de participer ensemble à l'élaboration
d'un projet parental, elles seront nécessairement immunisées à la possibilité
de rupture, la survenance d'un conflit ou d'un litige qui impliquerait cet
enfant. Une rupture et un litige concernant un enfant peuvent survenir, peu
importe qu'on ait eu deux, trois ou quatre parents. Peu importe que les parents
sont hétérosexuels ou issus de la communauté LGBTQ, peu importe qu'ils aient conçu
l'enfant par relation sexuelle ou ils aient eu recours à l'adoption ou la
procréation assistée, il n'y a aucun litige plus blessant, plus difficile, plus
pénible et plus laid qu'un procès pour la garde d'un enfant. Voilà qu'avec
trois ou quatre parents le litige sera encore plus difficile, plus long, plus
pénible pour les parties, le système judiciaire, mais surtout pour l'enfant. Et
l'enfant, avec trois parents, on fait quoi? On les divise en combien? Combien
de jours de la semaine, il faut partager cet enfant-là, deux, trois, quatre?
Que faire lorsqu'il y a une prise de décision pour l'école, les sports, le
vaccin de la COVID? Quel effet est-ce que cela aura sur la prise de décision en
général, alors que l'enfant sera mis, malgré lui, au milieu d'un conflit
important? Comment gérer, du point de vue de l'enfant, les trois ou quatre
parents en conflit qui se présentent en même temps chez le dentiste, à l'école
ou aux activités sportives? Qui va prendre les décisions importantes dans la
vie de cet enfant, deux parents contre un? Un juge de la Cour supérieure? Ces
situations, alors que seulement deux parents sont présents, sont déjà souvent
problématiques et anxiogènes pour l'enfant. Il est difficile d'imaginer qu'un
tel scénario serait dans le meilleur intérêt de l'enfant. En effet, nous
croyons qu'un tel scénario reviendrait plutôt à faire prévaloir l'intérêt des <parents
au détriment...
Mme Schirm (Sylvie) :
...Ces situations, alors que seulement deux parents sont présents, sont déjà
souvent problématiques et anxiogènes pour l'enfant. Il est difficile d'imaginer
qu'un tel scénario serait dans le meilleur intérêt de l'enfant. En effet, nous
croyons qu'un tel scénario reviendrait plutôt à faire prévaloir l'intérêt des >parents
au détriment de l'intérêt de l'enfant. C'est pour cette raison que nous croyons
que la pluriparenté n'est pas dans l'intérêt des enfants québécois. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci pour votre présentation, maître. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Me
Schirm, Me Tremblay, merci beaucoup d'être présentes à Québec, ici, pour nous
livrer vos commentaires sur le projet de loi. Je dois comprendre que vous
accueillez tout de même favorablement le projet de loi.
On va commencer par la fin de votre
intervention relativement à la pluriparentalité. Nous, on a fait le choix de
demeurer à deux parents. C'est le choix du gouvernement. Je voudrais juste qu'on
élabore un petit peu plus cette question-là, parce que vous avez donné des
exemples quand même précis sur le fait de quelles pourraient être les
conséquences potentielles, et ça, vous nous illustrez ces conséquences-là par
le fait de votre vécu, actuellement, comme avocate praticienne. Alors, ça me
fait penser également pour les lieux de résidence. Quand les enfants sont
séparés, souvent quand il y a des gardes partagées, bien, ça arrive parfois que
les parents conservent une résidence puis que c'est les parents qui changent,
qui vont habiter dans la résidence, puis les enfants restent là. Mais vous me
corrigez, je pense que c'est une minorité...
Mme Schirm (Sylvie) : C'est
une minorité et c'est pour de très courtes périodes de temps. Ça, c'est le
«nesting» qu'on appelle. Donc, c'est les parents qui changent de maison, mais c'est
toujours fait pour une très courte période de temps.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Bien,
en fait, dans les dossiers litigieux, là.
Mme Schirm (Sylvie) : C'est
ça.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Parce
que sans doute qu'il y a des gens qui s'arrangent comme ça sans que ce soit
litigieux, mais le «nesting», c'est temporaire, c'est souvent durant l'instance.
M. Jolin-Barrette : O.K. Et
puis, c'est quoi l'impact de la garde partagée sur les enfants? Tu sais, les
enfants, quand ils ont des parents séparés, qui doivent changer de résidence,
tout ça, avec votre longue expérience, là, je suis sûr que dans certains cas,
ça se passe très bien, mais, quand même, l'enfant qui se retrouve avec deux
maisons, deux chambres, deux kits de vêtements, des jouets différents, tout le
kit, là, dans votre expérience comment ça se passe? Puis là, dans le fond, la
pluriparenté, ce que ça fait, c'est que ça pourrait nous amener à avoir trois
maisons, quatre maisons, cinq maisons pour l'enfant. Là, c'est sûr que de ce
que je comprends, quand tout va bien, il n'y en a pas, de problème, mais ça
arrive que les couples au Québec, ils se séparent plus souvent que dans le
temps, mettons.
Mme Schirm (Sylvie) :
50 %, un sur deux. Ça, c'est encore les statistiques qui sont là. La garde
partagée peut fonctionner très bien, comme peut-être très difficile pour les
enfants. On demande beaucoup à nos enfants quand on fait une garde partagée.
Puis la réalité est qu'on demande de s'ajuster justement à deux milieux,
parfois avec des valeurs différentes, avec des règles différentes, avec les
nouvelles ou nouveaux conjoints, avec la famille recomposée, avec les enfants
du nouveau ou nouvelle conjointe. Alors, on leur demande énormément déjà dans
le contexte de la garde partagée, toujours dans principe aussi que c'est
important pour les enfants d'avoir accès à leurs deux parents, parce que c'est
vraiment ça, cette... Ça, c'est une valeur importante, qu'ils puissent avoir
accès aux deux parents. Mais, quand on regarde qu'est-ce qu'on demande aux
enfants qui vivent la garde partagée et surtout si on ajoute à ça un conflit
parental, c'est certain que qu'est-ce qui est le plus dommageable pour les
enfants, ce n'est même pas le une semaine sur deux, c'est le conflit. Alors,
quand on a un conflit entre trois parents, par exemple, on a vu la cause devant
la Cour d'appel en 2019 où c'était un couple de lesbiennes qui ont recours à un
homme pour avoir une fécondation. Ils ont signé un contrat, tout le monde était
très bien, contrat pour faire venir un enfant au monde. Tout le monde était de
bonne foi. Alors, à un moment donné, un du couple des femmes change de sexe.
Ils se divorcent par la suite. Et là, le parent, le père biologique, est
maintenu à l'extérieur de cette démarche-là. Il réclame d'être reconnu sur le
certificat de naissance. Il y a un immense litige qui s'en va jusqu'à la Cour d'appel.
Alors ça, c'était trois personnes qui voulaient élever un enfant ensemble, qu'ils
ont réglé cet aspect-là entre eux avec une entente de bonne foi, et voilà qu'est-ce
qui est arrivé. Alors, on peut très bien imaginer comment... Et cette
enfant-là, elle a maintenant... elle voit son père biologique qui n'est pas sur
le certificat de naissance, mais vous pouvez imaginer qu'elle est déchirée
entre trois personnes qui sont en conflit.
• (16 h 10) •
Alors ça, c'est qu'est-ce que nous
craignons. Comment on va faire ça? Imaginez vous, on va être quoi, trois,
quatre avocats à la cour en train de débattre une garde d'enfant. Et je crois
que si ça fonctionne bien, la triparenté, si ça marche, pour quoi est-ce qu'on
a besoin d'être reconnu, si ça fonctionne? Ça, c'est une exigence d'une adulte
et ce n'est pas l'exigence... ce n'est pas le meilleur intérêt de l'enfant qui
est vu dans ce contexte-là, c'est l'adulte qui veut être reconnu. Reconnu
pourquoi? Parce qu'il veut exercer des droits. Et l'exercice des droits, ça va
être quand? Quand il va y avoir un <conflit de...
Mme Schirm (Sylvie) :
...n'est pas l'exigence, ce n'est pas le meilleur intérêt de l'enfant qui est
vu dans ce contexte-là, c'est l'adulte qui veut être reconnu. Reconnu pourquoi?
Parce qu'il veut exercer des droits. Et l'exercice des droits, ça va être
quand? Quand il va y avoir un >conflit de garde. Alors, nous croyons
que, sur le terrain de notre vie quotidienne, je peux vous dire, qu'un procès
de garde, c'est la pire expérience que quelqu'un peut vivre et c'est très
difficile pour les procureurs aussi et encore plus pour le juge qui doit
trancher. Alors, on va le soumettre encore dans cette démarche-là.
M. Jolin-Barrette : Donc,
vous, ce que vous dites, quand c'est revendiqué, la pluriparentalité, c'est
plus l'adulte qui, lui, souhaite avoir ses droits plutôt que du point de vue de
l'enfant. Nous, on a construit le projet de loi, que ce soit pour la gestation
pour autrui — puis j'aurais une question là-dessus aussi sur une
question de vocabulaire, après — on a construit le projet de loi centrer
l'intérêt de l'enfant puis que ça soit vraiment clair que ça soit ça. Je vais
revenir sur la question de vocabulaire, mais avant ça, dans votre mémoire, vous
ne parliez pas des modifications à l'article 611 relativement aux
beaux-parents. On vient permettre de maintenir des liens avec l'ex-beau-parent,
si on veut, si jamais c'est dans l'intérêt de l'enfant. Qu'est-ce que vous
pensez de ça?
Mme Schirm (Sylvie) : Ça, c'est,
à mon avis, excellent. Je n'ai pas... Parce que c'est des contacts, ce n'est
pas dans le contexte d'une garde, ce n'est pas dans le contexte de diviser l'enfant
en quatre morceaux, mais c'est de permettre à l'enfant de maintenir un lien qui
sera probablement le lien qu'on peut voir dans certains cas où est-ce que des
tiers qui ont obtenu des accès, que ça a été des contacts, ça été pour des
courtes périodes, ce n'était pas une fin de semaine sur deux, ce n'était pas
une semaine sur deux, ce n'était pas deux semaines à Noël, alors... mais c'est
quand même pour permettre le contact. Alors, nous n'avons pas d'objection à ça
parce que c'est un lien qui est important à l'enfant, qu'il a établi avec cette
personne-là. Alors, à mon avis, ça, ça pourrait... c'est très bien. C'est pour
ça que vous n'avez pas de commentaire dans notre mémoire.
M. Jolin-Barrette : O.K. Me Tremblay.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
La distinction, je pense, qui est importante ici, c'est aussi l'autorité
parentale, parce que la triparenté, c'est ça aussi. Puis, pour un peu reprendre
ce que Me Schirm disait tout à l'heure, ce qu'on voit, nous, quand il y a des
expertises psycholégales, c'est des différentes modalités de garde, il n'y a
aucun problème tant que tout le monde est d'accord. Où ça commence à être
problématique avec des répercussions sérieuses pour l'enfant, c'est quand il y
a un conflit. Alors, bien évidemment, nous, on pense... on prévoit le conflit,
puis on dit : Si trop de parties peuvent... ont leur mot à dire, c'est
trop d'intervenants pour l'enfant.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
le même article, mais le libellé actuel, là, par rapport... c'est un article
qui touche principalement les grands-parents actuellement. Dans votre pratique,
là, les droits d'accès aux grands-parents, si vous aviez un portrait à nous
faire, est-ce que c'est un enjeu? Parce que de ce qu'on m'explique notamment, c'est
que, parfois, ça crée des conflits intrafamiliaux, les grands-parents donnent
un accès, la façon que c'est interprété, c'est en faveur des grands-parents
notamment. Comment c'est vécu, sur le terrain, là, l'utilisation de cet
article-là?
Mme Schirm (Sylvie) : Je peux
vous dire que les juges sont extrêmement généreux envers les grands-parents et
je peux vous dire que mon analyse à moi, selon la jurisprudence, c'est qu'à
moins qu'il y a une altercation physique, physique, qu'on arrive aux coups
entre les grands-parents et les parents en présence de l'enfant, on va tout
faire pour permettre aux grands-parents d'avoir un contact. Et le conflit entre
le grand-parent et son enfant qui est l'adulte, évidemment, là, qui est le
parent de l'enfant, du petit-fils ou petite-fille, est mis de côté. Il faut que
le conflit soit vraiment intense et, comme je vous dis, très, très axé, là, sur
un sérieux problème psychologique suite à une expertise, etc.
Les tribunaux sont très généreux envers
les grands-parents et tient compte que c'est important pour les enfants d'avoir
un contact. Ça fait que même quand il y a un... parce que c'est sûr que ces
cas-là, il y a un conflit, hein, parce qu'il y a quelqu'un qui refuse aux
grands-parents d'avoir accès à leurs petits-enfants. Alors, c'est évident qu'il
y a un conflit familial, mais le conflit doit être extrêmement sérieux pour que
le tribunal décide de ne pas accorder aux grands-parents ou de ne pas permettre
aux enfants de voir leurs grands-parents.
M. Jolin-Barrette : Et, selon
vous, vous dites : Bon, l'approche, elle est extrêmement généreuse de la
part des tribunaux. Est-ce que c'est une bonne approche ou...
Mme Schirm (Sylvie) : Moi, je
trouve que, oui, je trouve que oui.
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Puis on voit même... en fait, c'est souvent dans une situation où il peut y
avoir des conflits, où un parent est décédé, et là le grand-parent du parent
décédé veut avoir accès, il y a eu un conflit familial, dans ces cas-là, même
les accès vont être un petit peu plus généreux pour permettre à l'enfant d'avoir
le côté maternel ou paternel qui, malheureusement, n'est plus dans sa vie, là.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Présomption de paternité, en faveur d'un conjoint de fait?
Mme Schirm (Sylvie) : Pas de
problème. Pas de problème avec ça, au contraire.
M. Jolin-Barrette : L'autorité
parentale qui s'exerce sans violence aucune.
Mme Schirm (Sylvie) : Ça, on
est entièrement d'accord avec ce principe-là. Le fait de pouvoir faire une
déchéance pour violence familiale, là, comme on a vu les jugements qui ont été
rendus récemment, 100 % d'accord avec ça.
M. Jolin-Barrette : O.K. Bon,
sur la gestation pour autrui. Tout à l'heure, on a eu Me Kirouack, qui disait :
Bien, ça ne devrait pas être juste confié aux notaires. Vous, votre position
par rapport à ça, là?
Mme Schirm (Sylvie) :
Écoutez, notre <position, ce n'est pas la question...
M. Jolin-Barrette :
...on a eu Me Kirouack, qui disait : Bien, ça ne devrait pas être juste
confié aux notaires. Vous, votre position par rapport à ça, là?
Mme Schirm (Sylvie) :
Écoutez, notre >position, ce n'est pas la question de qui fait le
contrat, vraiment, c'est la question de la consultation juridique. Et c'est ça qui
nous inquiète parce qu'on le voit dans nos bureaux, qu'est-ce qui arrive. La
question, là, du patrimoine familial, quand on voit le nombre de causes, ils
sont cités dans notre mémoire, qui ont renversé... les juges ont renversé ces
renonciations-là.
On peut juste imaginer combien de femmes n'avaient
pas les moyens financiers de pouvoir aller de l'avant et faire une telle
demande. Et combien de femmes aussi... Parce qu'il faut quand même... Écoutez,
la loi s'applique pour l'égalité économique des époux, c'était ça, le but de l'exercice.
Et, malheureusement, il y a de nombreuses épouses, c'est sûr qu'on est dans les
années... fin des années... début 90, où la situation économique des
femmes n'était pas pareille qu'aujourd'hui. Et ils étaient en séparation de
biens puis ils s'en vont chez le notaire pour renoncer à la maison, les REER,
les meubles, etc., chose qu'aujourd'hui est inconcevable, on ne peut même pas
imaginer ça, mais c'est ça qui est arrivé. Et pourquoi? Parce que,
malheureusement, le notaire avait un rôle qui n'était pas nécessairement le
rôle du conseiller indépendant ou que cette femme-là n'osait pas poser des
questions en présence de son conjoint, c'était ça, aussi, la réalité, et n'osait
pas dire : Bien, c'est quoi? Est-ce que... Ça veut dire quoi? S'il me
laisse demain matin, qu'est-ce qui arrive? Alors, tout ça... Et les tribunaux,
qu'est-ce qu'ils ont fait quand ils ont annulé ces renonciations-là? Ils l'ont
annulé à cause du fait qu'il manquait un conseil juridique indépendant, c'était
la raison principale.
Alors, nous, qu'est-ce qu'on suggère... puis
je sais que ça alourdit le processus, je comprends, parce qu'il y a déjà la
question psychosociale, mais c'est trop important. C'est trop important. Là, ce
n'est pas juste un contrat hypothécaire qu'on signe, là, c'est la vie d'un
enfant qui est en jeu. Alors, je pense qu'une consultation pour les deux,
indépendante, une, ça va donner l'information à tout le monde, un genre d'attestation
qu'ils ont eu la consultation, et le notaire va peut-être aussi être rassuré en
sachant que tout le monde a posé leurs propres questions de cette façon-là.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Ce n'est pas seulement non plus... juste pour renchérir sur le point de Me
Schirm, ce n'est pas juste le patrimoine familial à l'époque où ça a été
instauré. On le voit encore aujourd'hui, des gens qui signent des contrats de
mariage... Je ne le savais pas que j'étais en séparation de biens, je pensais
que c'était pour protéger la maison s'il y avait une faillite, je pensais que
tout était... Les gens... Et ce n'est pas la faute du notaire, là, les gens...
Le notaire, son travail, c'est : Bon, bien, parfait, tout le monde est d'accord,
on signe. Puis c'est vrai dans une réalité de mariage où les gens n'osent pas
poser ces questions-là. C'est difficile d'avoir ces conversations-là dans un
couple, là.
M. Jolin-Barrette : Mais le
notaire a quand même la responsabilité d'informer adéquatement les deux parties
sur l'état de ce qu'ils signent.
Mme Schirm (Sylvie) : Oui. Ce
n'est pas la même chose qu'une consultation où nous, on dirait à la personne :
O.K., réalisez-vous... voici les conséquences de qu'est-ce que vous faites,
voici le scénario, le pire qui peut arriver, voici toutes les étapes, voici sur
quoi vous vous engagez, réalisez-vous que... C'est ça, notre travail. Alors...
Et la personne, après, prend sa décision. Mais elle va peut-être aussi poser
les questions, que ça soit à la mère porteuse ou les parents d'intention, poser
les questions qu'ils n'oseront pas parce que je suis parent d'intention, je
veux que cette femme-là accouche d'un enfant, donc finalement je vais en avoir,
et est-ce que je vais oser poser certaines questions en sa présence? Peut-être
pas. Mère porteuse, la même chose.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je
vais céder la parole à mes collègues. Dernière question. Pour la gestation pour
autrui, on met une obligation d'une séance d'information préalable. Certains
nous disent : Ça devrait être une séance... bien, une évaluation des
parents d'intention, de la mère porteuse, comme ça se fait, supposons, en
matière d'adoption. Votre opinion là-dessus?
Mme Schirm (Sylvie) : Des
fois, je me demande si ce n'est pas tous les parents qui devront subir ça avant
d'avoir un enfant. Et ça, c'est à cause de qu'est-ce que je vois dans mon
bureau. Alors, une licence... Non, mais parfois on se le demande. Mais je vous
dirais que probablement, ça ne sera pas une mauvaise idée à cause de qu'est-ce
que cela représente. L'adoption, il y a déjà un enfant qui est venu au monde.
Ici, là, ce n'est pas le même processus...
M. Jolin-Barrette : Mais,
pour bien comprendre, seulement séance d'information ou évaluation?
Mme Schirm (Sylvie) :
Évaluation. Je crois que je ne dirai pas non à une évaluation. Je pense que ça
ne sera pas un tort étant donné la façon que tout cela se fait et la
délicatesse de cette situation-là. Puis c'est certain qu'il n'y a rien parfait,
hein, dans... essayer de protéger tout le monde, là, dans un cas de gestation
pour autrui, c'est déjà difficile. Est-ce que l'évaluation sera une autre étape
à faire? Moi, personnellement ou en tant qu'avocat, je ne dirai pas non à ça,
parce que ça sera une preuve de plus, une étape de plus pour franchir, là...
Mais on ne s'est pas nécessairement prononcé sur la nécessité non plus de cette
évaluation.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Chapleau, moins de deux minutes,
questions, réponses.
• (16 h 20) •
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup. Merci, M. le Président. Bonjour, Me Schirm, Me Tremblay,
vraiment un plaisir de vous voir en vrai cette fois-ci, vraiment.
J'aimerais revenir sur la pluriparenté,
dont vous avez fait mention, notamment les enjeux de garde partagée, l'autorité
parentale, mais sous l'angle d'autres provinces canadiennes. J'imagine que vous
avez certains contacts avec des <confrères, consoeurs où... dans
certaines provinces...
M. Lévesque (Chapleau) :
...vraiment.
J'aimerais revenir sur la pluriparenté, dont vous avez fait mention, notamment
les enjeux de garde partagée, l'autorité parentale, mais sous l'angle d'autres
provinces canadiennes. J'imagine que vous avez certains contacts avec des >confrères,
consoeurs où... dans certaines provinces où il y a cette possibilité-là.
Comment ça fonctionne avec tous ces enjeux-là?
Mme Schirm (Sylvie) : Il y a
d'autres... Je ne suis pas une spécialiste sur qu'est-ce qui s'est passé dans
les autres provinces, mais je sais qu'il y a au moins deux, trois provinces qui
ont établi la législation. Je vais vous donner l'exemple, par exemple, de qu'est-ce
qui se passe, puis ça aussi, c'est un autre argument pour la consultation
juridique. Il y a un jugement en Colombie-Britannique où les parents d'intention
et la mère porteuse ont signé un contrat et ils ont convenu dans le contrat, et
ça, c'est une autre question que je sais qu'on n'a pas touchée ici, que la mère
porteuse peut avoir des contacts avec l'enfant, parce que ça, c'est l'autre
réalité. Il y a des gens qui vont vouloir quand même maintenir un certain
contact. Alors elle va avoir des contacts avec l'enfant. À un moment donné, les
parents d'intention ne sont plus contents pour toutes sortes de raisons et
coupent le contact avec l'enfant. Alors, elle, elle est devant les tribunaux
parce qu'elle demande, un, d'être reconnue parent, parce que la triparenté
existe en Colombie-Britannique, et, deuxièmement, elle demande des droits d'accès
à l'enfant.
M. Lévesque (Chapleau) : L'enfant
a quatre ans, c'est bien ça? C'est... Oui, on a eu...
Mme Schirm (Sylvie) : Bon,
voilà. Mais ça... puis là il y a un procès de 14 jours, 14 jours en
janvier... Alors, vous voyez, ça, c'est un exemple typique de qu'est-ce qui
peut arriver. Et ça, c'est aussi une raison pour la consultation juridique.
Parce que si les parents d'intention et la mère porteuse décident d'inclure...
M. Lévesque (Chapleau) : Puis,
dans ce cas-là, il n'y a même pas de droits pour la mère porteuse, alors que s'il
y avait des droits, ça pourrait créer d'autres enjeux beaucoup plus importants.
Mme Schirm (Sylvie) : Définitivement.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Merci beaucoup. Et on
continue avec le député de Lafontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Merci beaucoup.
Merci, Me Schirm, Me Tremblay. Merci d'être... J'aimerais ça repartir de ce que
vous venez de dire. Dans le projet de loi, il y a — évidemment, si ça
ne fonctionne pas, si on n'a pas respecté les conditions, tant lorsque toutes
les parties sont domiciliées au Québec ou dans le contexte où il y a mère
porteuse à l'étranger — il y a l'établissement judiciaire de la
filiation. Trouvez vous que ça, qui est un peu la voie de secours si jamais ça
ne fonctionne pas, trouvez vous que, par rapport à l'accès à la justice, parce
que vous l'avez dit, vous le voyez, là, de tels procès, de telles auditions, c'est
ardu émotivement, financièrement puis les délais, puis il y a un enfant au
milieu de ça, trouvez-vous que cette voie-là que le législateur dit : Bon,
bien, si, si, si... s'il y a un problème, il y aura établissement judiciaire
dans le tribunal, là, de la filiation, trouvez-vous qu'il y aurait lieu d'encadrer
ça, je ne sais pas, par l'aide juridique, ou avoir une mesure facilitatrice, ou
accélérer, ou... Peut-être, plus globalement, accès à la justice, là?
Mme Schirm (Sylvie) : Écoutez,
en théorie, toutes les procédures en droit de la famille doivent être entendues
d'urgence. Ça, c'est écrit.
M. Tanguay
: En
théorie.
Mme Schirm (Sylvie) : En
théorie. Ça s'est écrit notre Code de procédure civile, O.K.? Alors, en tout
cas, la notion d'urgence, là, est toujours... est souvent relative. Puis c'est
sûr que... est-ce qu'on peut créer une «fast track», si vous voulez, ou un
moyen plus rapide? Je vous dirais que non. Je pense que toutes les questions de
filiation sont urgentes. Toutes les questions reliées au droit de la famille
sont, quelque part, urgentes. La médiation existe. Il n'y a rien qui empêche
aux gens de se rendre à la médiation. Les moyens alternatifs aussi. Les
négociations entre avocats existent. Alors, habituellement, quand on est devant
le tribunal, c'est parce qu'on a tout évacué ces possibilités-là, on a tout
tenté et puis on est rendus là parce qu'il n'y a pas d'autre choix. Alors, je
ne crois pas qu'on pourrait vraiment, pour ces raisons-là, faire un accès plus
rapide. Mais il y a des délais, par exemple, la question du délai, par exemple,
dans... on doit saisir le tribunal dans les 60 jours. Alors, c'est sûr que
ça va être un peu comme l'injonction de nos jours ou les mesures de sauvegarde
en droit de la famille, où il y a une salle d'urgence, là, qui va tenter d'aller
de l'avant. Mais je ne vois pas pourquoi on créerait un autre moyen de qu'est-ce
qui existe déjà dans notre loi.
M. Tanguay : Et dans... Puis,
précisément, je suis un peu à côté du projet de loi, mais précisément par
rapport à ce qui existe déjà quant à l'accès à la justice en matière familiale,
les consultations, le cinq heures, et tout ça, en séparation, est-ce qu'il y a
un tour de roue à donner là-dessus? Il y a-tu des petits ajustements qu'on
pourrait faire — parce que la loi est ouverte devant nous — ou
vous dites : Non, ça va bien, on va laisser continuer les choses?
Mme Schirm (Sylvie) : Bien,
écoutez, le problème, ce n'est pas dans la loi, le problème, c'est dans l'administration
de la justice : le nombre de juges, la quantité de juges qui sont
disponibles, les délais qu'on a devant les tribunaux, le manque de personnel.
Alors, les délais, dans mon livre à moi, ce n'est pas au niveau de la loi, si
vous voulez. Les problématiques qui existent, par exemple pour attendre pour
une audition de deux jours à Montréal, on doit être rendus, quoi, à quatre,
cinq mois facilement. Et donc, qu'est-ce qu'on fait? Bien, c'est comme un peu
le système de santé, on se ramasse à l'urgence. Alors, on fait une demande de
sauvegarde parce qu'on ne peut pas attendre quatre, cinq mois pour un incident.
Puis là c'est un peu comme ça qu'on fonctionne.
M. Tanguay : O.K. J'ai bien
compris. Donc, vous, plein droit pour la mère porteuse de son corps, de ses
décisions, au moment où elle accouche de facto il y aurait établissement, elle
n'aurait pas le droit de l'«opting out», là...
Mme Schirm (Sylvie) : Exactement,
ni avant ni dans les 7 jours parce qu'elle peut retirer... sauf pour la
question de l'avortement.
M. Tanguay : Oui, tout à
fait.
Mme Schirm (Sylvie) : Ça, on
ne <conteste pas ça, son droit de mettre fin à la...
M. Tanguay :
...établissement, elle n'aurait pas le droit de l'«opting out», là...
Mme Schirm (Sylvie) :
Exactement,
ni avant ni dans les 7 jours parce qu'elle peut retirer... sauf pour la
question de l'avortement.
M. Tanguay :
Oui,
tout à fait.
Mme Schirm (Sylvie) :
Ça,
on ne >conteste pas ça, son droit de mettre fin à la grossesse.
M. Tanguay : O.K., et dans l'intérêt
de l'enfant. Vous ne faites pas dans votre logique une distinction si la mère
porteuse apporte ou pas son ovule?
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : On
y a pensé. On a discuté beaucoup. En fait, nous, on le voyait un peu en deux
étapes, on pense que la convention de GPA devrait aussi prévoir un peu comme
une donation d'ovules, puis ensuite, le transfert de la filiation, là, tu sais.
On devrait le traiter en deux. Mais non, on ne fait pas de distinction,
finalement.
M. Tanguay : Ça fait que...
Mais il faudrait, par contre, qu'au départ, si c'est le contexte qu'elle donne
l'ovule, à ce moment-là, le fait de le traduire dans un document juridique
aurait impliqué, puis je reviens sur votre consultation, qu'il y aurait eu une
consultation là-dessus.
Une voix : Bien, absolument.
Exactement. Oui, définitivement.
M. Tanguay : Vous savez, madame,
là, il y a des mères porteuses qui n'apportent aucun bagage génétique. Vous,
vous apportez un bagage génétique. La rencontre va durer une heure de plus,
peut-être, parce qu'on va vous expliquer... Et la rencontre psychosociale aussi,
parce qu'on parle des actes notariés, rencontre avec des avocates et avocats, psychosociale
aussi, il y aurait peut-être... — distinction que la loi ne fait pas,
que la mère porteuse apporte ou pas son bagage génétique.
Mme Schirm (Sylvie) : Non, il
n'y a pas de distinction...
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Mais
essentiellement on ne la fait pas non plus.
M. Tanguay : Non, c'est ça.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Mais
évidemment, il faut qu'elle soit informée.
M. Tanguay : Dans la
convention, vous en feriez écho.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Ou
on prévoit qu'il y a une espèce de grille de sujets à toucher avec la mère
porteuse lors de la rencontre juridique. Puis, il faut que ce soit abordé avec
elle, à savoir est-ce que c'est son ovule ou non parce qu'effectivement, son
matériel génétique, elle doit savoir la différence. Elle doit connaître les
possibilités. Mais je ne pense pas... on ne pense pas qu'il devrait y avoir de
distinction aux yeux de la loi.
M. Tanguay : Donc, vous ne
remettez pas en question le fait que ça se fasse par acte notarié?
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Non.
M. Tanguay : Non. Dans la
séquence, quelle serait donc la séquence idéale, là?
Mme Schirm (Sylvie) : C'est-à-dire
en même temps que la rencontre psychosociale, peut-être dans ce timing-là, on
devra avoir la rencontre avec l'avocat et, sans violer notre secret
professionnel, on est d'accord pour émettre une attestation en disant :
Nous avons couvert tous les sujets concernant la loi, etc. Et permettre de
donner au notaire, par exemple, l'attestation...
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Et,
en fait, que le notaire ne puisse pas recevoir la convention, à moins d'avoir
ces attestations-là.
Mme Schirm (Sylvie) : Voilà.
M. Tanguay : Ces deux
attestations-là.
Mme Schirm (Sylvie) : C'est
ça.
M. Tanguay : O.K. Qui paie à
ce moment-là? C'est les parents d'intention?
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Parents
d'intention.
Mme Schirm (Sylvie) : Ça
pourrait être les parents d'intention. Écoutez, une consultation, là, ce n'est
pas si cher que ça. C'est un investissement, mais... et puis ça dépend
évidemment des années de pratique des avocats, là. Mais ça pourrait être les
parents d'intention qui assument ce frais-là.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Et
c'est pour ça, peut-être... parce qu'on n'en a pas parlé, mais c'est pour ça qu'on
dit : Si jamais le projet de loi n'est pas modifié et que la mère porteuse
peut toujours retirer son consentement, bien, alors, elle devrait assumer les
frais que les parents d'intention ont déboursés parce que là l'intention de
tout le monde change.
M. Tanguay : O.K. Justement à
la page 4, on parle de remboursement, vous parlez du remboursement des
frais, au bas, à la page 4. Je vous donne un commentaire, là, c'est un
commentaire, je ne veux pas être désinvolte, mais vous dites : «Le
remboursement des frais est un incitatif, entre autres, au respect de la
convention.» Autrement dit, vous dites... Bien, je vous dis, quand c'est rendu
là, ce n'est pas un gros... Comprenez-vous, là?
Mme Schirm (Sylvie) : Non, je
suis d'accord, mais je trouve que dans le contexte, là, de réaliser c'est quoi,
nos obligations, il y a un risque. Si vous ne respectez pas votre obligation,
votre consentement, votre convention, le contrat que vous avez signé ou la
convention, à ce moment-là, vous allez avoir un impact financier aussi parce
que...
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : C'est
plus un incitatif au début, là, avant de s'engager dans le processus.
M. Tanguay : À y réfléchir,
oui.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : On
ne fait pas ça en disant : On change d'idée. C'est plus dans ce sens-là.
M. Tanguay : Et ce serait
donc le remboursement de tous les frais, même ceux qui auraient été encourus...
Donc tout, tout, tout...
Mme Schirm (Sylvie) : Tous
les frais assumés par les parents d'intention, oui. Et ça, ça peut être prévu
évidemment dans la loi, mais ça peut être aussi prévu dans la convention.
M. Tanguay : O.K. Parfait.
Est-ce qu'il y a d'autres aspects sur lesquels... parce que vous êtes des
praticiennes, vous rencontrez des clients, clientes, vous plaidez, vous
voyez... puis ça me touche, ce que vous dites, parce que vous êtes des
professionnelles, des avocates, mais il y a de l'humain là-dedans, hein, puis
je vois le drapeau rouge que vous levez. Attention! Puis de tels litiges, vous
le voyez dans des contextes qui ne sont pas des contextes... c'est très, très,
très particuliers, c'est de droit nouveau, là, selon ce qu'on va, puis j'imagine...
puis j'aimerais vous laisser les quelques minutes qui restent pour... j'aimerais
vous entendre là-dessus. Si on va de l'avant, essentiellement, tel que rédigé,
je pense que ça va prendre des retours, là, des retours d'application. Ça va
prendre des analyses. On a vu des chercheurs, chercheuses qui nous ont dit...
bien, qui nous ont aidés à comprendre, comme législateurs, quelles sont, par
exemple, les intentions des mères porteuses. Les intentions sont multiples au
départ. Des fois il y a de l'altruisme, beaucoup, puis ainsi de suite, qui se
valorisent par la grossesse, et les parents d'intention, le sérieux... Alors,
je pense que ça va prendre, je pense, des retours sur comment ce sera vécu, ça,
sur le terrain parce que vous, vous allez être... j'allais dire sur la ligne de
front. Vous allez être aux premières lignes, là.
• (16 h 30) •
Mme Schirm (Sylvie) : Oui,
oui. Et puis on ne s'ennuie jamais en droit de la famille parce qu'il y a toujours
<quelque chose...
>
16 h 30 (version révisée)
< Mme Schirm (Sylvie) :
...en droit de la famille,
parce qu'il y a
toujours >quelque
chose de nouveau qui arrive, mais c'est certain que c'est un défi, puis c'est
un défi parce qu'il n'y a rien de parfait là-dedans. C'est difficile, là, d'être...
d'avoir une législation qui va être parfaite, qui va protéger tout le monde au
même niveau, mais je pense qu'il ne faut pas perdre la notion du meilleur
intérêt de l'enfant.
Puis je voudrais juste, à la fin, revenir
sur une autre question, qui est la notion de la violence familiale. Et je sais,
je vous ai entendu, M. le ministre, les échanges que vous avez eus avec Me
Kirouack par rapport au common law, mais je veux juste vous dire qu'est-ce qui
se passe dans la vraie vie. Et les juges qui entendent les causes, évidemment,
ils entendent des gens qui sont mariés, qui sont en instance de divorce, puis
ils entendent des conjoints de fait. Alors, une des juges de la Cour supérieure
avait fait le commentaire suivant, a dit : Quand je prends un dossier «12» — «12»,
c'est un divorce — versus un «04» — puis ça, c'est partout
au Québec, c'est les deux chiffres, là, qu'on sait que c'est un divorce ou c'est
un conjoint de fait — je ne peux pas, moi, prendre le «12», analyser
la violence familiale en vertu de la Loi sur le divorce et appliquer les
critères tels que prévus dans la Loi sur le divorce, là, la cause suivante, je
mets ça de côté, je prends un «04», puis là je ne fais plus ça.
Alors, qu'est-ce qu'ils font présentement?
La jurisprudence qui est sortie, qui a commencé à sortir, sur la notion de la
violence familiale puis de l'analyse qui doit être faite, a été justement
exprimée par les juges, que, dans le fond, peu importe, là, peu importe, marié
ou pas, ce n'est pas les enfants qui vont être discriminés, ils appliquent les
mêmes critères. Mais ce que je pense, c'est qu'on devrait quand même l'inclure
et non pas juste laisser «violence familiale».
Puis je vais vous dire encore quelque
chose de plus important. Depuis le tout début de ma pratique, j'ai représenté,
au tout début, surtout des femmes victimes de violence conjugale. Puis les
réactions du juge, à l'époque, puis là je vous parle de fin années 80,
début 90, c'était : Est-ce qu'il a frappé l'enfant? Puis, si la
réponse est non, on n'en parlait plus. On a évolué, normalement, hein, puis on
réalise maintenant que l'enfant n'a pas besoin d'être présent pour avoir un
impact à cause de la violence familiale. Il n'a pas besoin d'être le témoin de
la violence physique pour savoir qu'il y en a. Mais le fait que, dans la Loi
sur le divorce, on pousse les magistrats à analyser ça, on les force à le faire...
Parce que ce n'est pas facile non plus, c'est sûr que... Est-ce qu'on veut
entendre ça? Est-ce que, comme êtres humains, on veut entendre cette
violence-là? Pas nécessairement.
Alors, le fait que la Loi sur le divorce
les oblige à le faire fait en sorte que, maintenant, un, les avocats, on doit
faire notre preuve sur ces sujets-là. On doit être plus vigilants qu'on a mis
de l'avant la preuve. Et, deuxièmement, les juges aussi sont forcés de faire
une analyse, et c'est ça qui est tellement important, et non pas de l'écarter
parce qu'on pense que l'enfant ne l'a pas vécu ou parce que, mon Dieu! c'est
horrible d'entendre ça.
Alors, je pense qu'on devrait quand même
trouver un mécanisme dans le code... Puis toute la question du contre-interrogatoire,
c'est fantastique. Ça, c'est un gros problème qu'on avait dans nos dossiers en
droit de la famille, et encore moins dans les autres dossiers, mais je pense
que vraiment... Je trouve qu'on devra vraiment le mettre beaucoup plus clair
dans le Code civil pour obliger tout le monde à ramer dans le même sens et dans
tous les dossiers.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Et je cède maintenant la
parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve. Je vous rappelle que vous avez 2 min 43 s,
c'est très court, pour questions-réponses.
M. Leduc : Les trois secondes
de la fin sont très importantes. Merci.
Mme Schirm (Sylvie) :
2 min 43 s, vous êtes précis.
M. Leduc : Merci beaucoup. Le
débat sur la pluriparentalité est intéressant, puis c'est intéressant parce qu'il
n'est pas dans le projet de loi, mais tout le monde en parle quand même. Vous
avez évoqué le fait que vous aviez comme des craintes à savoir que ça pourrait
peut-être générer davantage de litiges ou c'étaient des situations qui
pouvaient être litigieuses. Mais j'essaie toujours de prendre un pas de recul
puis de me dire : Bien... Puis vous l'avez un peu évoqué vous-même, les
couples réguliers ont déjà un bon lot de litiges en soi. Est-ce que c'est
vraiment le risque du litige qui est un problème? Est-ce que ce n'est pas...
Mme Schirm (Sylvie) : Ce n'est
pas le risque du litige, c'est le fait qu'il y a combien de personnes dans le
litige. C'est-à-dire, un litige de garde d'enfant, qu'un parent veut la garde
et l'autre veut la garde partagée, je vous donne cet exemple-là, ou que quelqu'un
a déjà une garde partagée puis ça ne marche pas parce que les enfants ne
fonctionnent pas d'une maison à l'autre, c'est déjà difficile. C'est déjà
difficile, c'est onéreux, c'est long. Et les parents s'accusent de toutes
sortes de choses, et l'enfant est pris dans ce conflit-là parce qu'il le vit.
Même s'il n'est pas à la cour, là, il va le vivre, ce conflit-là. Alors, on
ajoute maintenant deux, trois autres joueurs. C'est ça qui est...
M. Leduc : Je comprends puis
je ne veux pas remettre en question les craintes que vous basez sur votre
pratique.
Mme Schirm (Sylvie) : Non, je
comprends.
M. Leduc : J'essaie juste de
prendre un pas de recul et je me dis : Est-ce que, dans les autres
législations, à votre connaissance, qui ont appliqué ou qui ont ouvert un peu à
la pluriparentalité, ils ont observé statistiquement, en quelque sorte...
Mme Schirm (Sylvie) : Ça ne
fait pas assez longtemps.
M. Leduc : Ça ne fait pas
assez longtemps?
Mme Schirm (Sylvie) : Ça ne
fait pas assez longtemps. Comme le dossier qu'on vient de parler, de la
Colombie-Britannique, c'est là, là... Alors, quand la législation... Ça prend,
là, facilement quatre, cinq ans avant qu'on aille un corpus de <jurisprudence,
là...
Mme Schirm (Sylvie) :
...corpus de >jurisprudence, là.
M. Leduc : Bien, je vous
renverse la question. Alors, si, dans quelques années, l'Ontario, par exemple,
fait un bilan puis dit : Bien, finalement, oui, il y a des problèmes, mais
pas vraiment plus ou moins qu'avec les couples réguliers, est-ce que, devant
cet état de fait là, vous modifieriez votre approche?
Mme Schirm (Sylvie) :
Moi, là, je n'aime pas comparer le Québec aux autres provinces, et on est
vraiment... Regardez au niveau des conjoints de fait, O.K., on est vraiment une
société distincte. Alors, la common law... Je vous donne un exemple. En
Ontario, les gens, avant de se marier, ils s'en vont voir un avocat chacun pour
signer un... avant de signer un contrat de mariage. Ils consultent et négocient
un contrat de mariage. Je vous mets au défi de trouver deux Québécois qui vont
aller faire ça, O.K.? Alors, pourquoi? Parce qu'on a des valeurs différentes. On
a une autre approche. En tout cas, ça, c'est tout le débat de conjoints de fait
que j'espère qu'on va faire l'année prochaine, alors, que j'attends
impatiemment, alors, mais c'est pour ça que... Puis la législation n'est pas
rédigée de la même façon. Les approches sont différentes. Alors, j'hésite quand
je veux comparer, mais ce qu'on peut dire, c'est que la jurisprudence n'est pas
à ce niveau-là non plus.
M. Leduc : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de Joliette,
aussi pour 2 min 43 s.
Mme Hivon : Oui, merci
beaucoup. J'aurais des tonnes de questions. Je vais revenir sur la question de
la violence familiale et conjugale. J'ai entendu votre argument sur la
définition. Je vais peut-être y revenir. Beaucoup de groupes nous ont dit qu'il
faudrait, au-delà de la question de la définition, inscrire «violence familiale
et conjugale» pour être certain... Vous ne vous êtes pas prononcée. Donc, j'aimerais
vous entendre là-dessus.
Mme Schirm (Sylvie) :
Bon, ça, je suis un peu déchirée avec ça, parce que, violence conjugale, je
comprends, je comprends le débat. Je suis au courant de ce débat-là, mais le
problème qu'on a eu devant les tribunaux, c'est que, quand on utilise les
termes «violence conjugale», dans la tête d'un juge, souvent, c'est le couple,
ça, c'est le problème... La violence conjugale, c'est le problème du couple. Ce
n'est pas le problème du couple, c'est un problème de la famille, et,
justement, avec la notion de violence familiale, on vient d'élargir ça, on
vient de forcer, là, à analyser le fait que ce n'est pas juste le couple qui
est le problème. Ce n'est pas juste monsieur et madame qui ont le problème, c'est
que, là, ça s'étend à tout le monde dans cette famille-là.
Mme Hivon : Mais leur
argument, justement, que je trouve assez intéressant, c'est de dire : Pour
être certain que les juges vont considérer que la violence conjugale, ça a un
impact sur l'enfant, on devrait le dire, parce que certains pourraient
interpréter «violence familiale» comme quelque chose qui doit être présent dans
l'ensemble de la famille et toucher directement l'enfant. C'est comme s'ils le
prennent un peu a contrario en disant : Si on met nommément que la
violence conjugale a un impact sur l'enfant, il n'y aura pas d'ambiguïté. Donc,
les juges ne pourront pas dire : C'est conjugal, ça ne touche pas l'enfant.
Ce qui touche l'enfant, c'est quand on appelle ça «familial», où il y a une
réalité qui serait différente, alors que ce qu'on veut dire, c'est qu'importe
que ça soit vu comme conjugal, entre les conjoints, ça a un impact sur l'enfant.
Mme Schirm (Sylvie) : Oui.
Moi, je pense qu'au-delà de cette terminologie, moi, je suis plus inquiète par
la définition et par l'application, l'analyse, que les critères du meilleur
intérêt de l'enfant, honnêtement. Et «familial», pour moi, ça force le juge à
voir que ça a un impact sur tout le monde et non pas juste sur, par exemple, le
cas typique, juste sur madame.
Mme Hivon : Puis je vais
juste me faire... Oui?
Mme Schirm (Sylvie) :
Mais je comprends le débat aussi, par exemple, là.
Mme Hivon : Puis, pour
me faire l'avocate du diable, parce que vous venez de faire un très beau
plaidoyer pour dire que le Québec avait son Code civil, c'était différent, nos
valeurs étaient différentes, et c'est ce qui fait en sorte que c'est si
difficile d'importer une définition de la Loi sur le divorce dans la common
law... de la common law dans le Code civil, moi, j'ai une solution pour ça, c'est
de rapatrier tous ces pouvoirs-là au Québec. Mais c'est un autre débat, mais
vous comprenez l'enjeu. Notre Code civil n'est pas bâti d'une manière à... Donc,
comment on compose avec ça, avec l'économie du Code civil, une définition qui
vient de la Loi sur le divorce?
Mme Schirm (Sylvie) : À
mon avis, on peut très bien l'adapter. On peut inclure que le juge... comme
quand le juge doit tenir compte du meilleur intérêt de l'enfant, quand on l'indique
dans notre code, bien, voici les critères détaillés de ça. Je ne vois pas
quelle est la difficulté de le faire. Je comprends que peut-être qu'on ne veut
pas... Puis, si on utilise le mot «notamment», qui est le mot préféré de tous
les avocats parce qu'on peut mettre n'importe quoi dans «notamment», à mon
avis, ça va régler le problème. Mais je pense que, d'une façon quelconque, il
faut aller au-delà de qu'est-ce qui est dans le projet de loi et vraiment
travailler cet aspect-là.
• (16 h 40) •
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Peut-être pour revenir...
Le Président (M.
Bachand) : En terminant, Mme Tremblay.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Oui, très, très rapidement. Le juge est toujours confronté à deux versions :
oui, il y a eu violence, non, il n'y en a pas. Alors, l'absence de critères,
vraiment, à évaluer, c'est ça qui est problématique. C'est ça qui fait que les
tribunaux, même s'ils sont très sensibles à cette réalité-là, des fois, ils ont
de la misère à convenir que, oui, parfait, il y en a eu, de la violence, puis
on va agir en conséquence. Difficile à prouver, de la violence conjugale, là.
Le Président (M.
Bachand) : Sur ce, merci beaucoup d'avoir été avec nous. Ça a
été très agréable et très constructif. Alors, merci beaucoup.
Je suspends les travaux quelques instants
pour accueillir les prochains invités. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 41)
(Reprise à 16 h 46)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
Commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir les
représentants de la Fédération des associations de familles monoparentales et
recomposées du Québec. Donc, Mme Sylvie Lévesque, qui est directrice
générale, et Mme Lorraine Desjardins, agente de recherche et de
communication, merci d'être avec nous. Alors, vous connaissez la procédure, 10 minutes
de présentation et période d'échange. Donc, la parole est à vous. Merci.
Fédération des associations de familles
monoparentales et recomposées du Québec (FAFMRQ)
Mme Lévesque (Sylvie) : Merci
beaucoup, M. le Président. Donc vous nous avez déjà nommées. Alors, je vais
éviter... pour gagner du temps, je ne répéterai pas. Donc, je m'appelle Sylvie
Lévesque, directrice générale.
D'abord, la fédération aimerait remercier
les membres de la Commission des institutions de nous permettre d'être entendus
dans le cadre de la présente consultation. Cependant, nous déplorons les délais
extrêmement courts, délais qui ne nous ont pas permis de nous approprier l'ensemble
des éléments contenus dans le projet de loi n° 2 autant que nous l'aurions
voulu.
La fédération déplore également le fait
que les volets qui touchent la parentalité, la conjugalité de la réforme du
droit de la famille ne fassent pas partie de la présente consultation. Bien que
nous comprenions que les enjeux soient nombreux, complexes, il n'en demeure pas
moins urgent de corriger les iniquités actuelles, notamment en ce qui concerne
les droits des conjoints de fait et des enfants nés hors mariage. Cette réforme
est d'autant plus urgente puisque plus du tiers des couples québécois sont en
union libre et 60 % des enfants naissent hors mariage. Rappelons que la
position principale de la fédération est d'étendre les protections actuelles du
mariage aux couples avec enfants, qu'ils soient mariés ou non, incluant l'obligation
alimentaire entre conjoints, le partage du patrimoine familial et la protection
de la résidence familiale.
Toutefois, le projet de loi n° 2
introduit plusieurs avancées importantes. En ce qui concerne les pratiques en
matière de filiation et d'adoption, la fédération s'était déjà prononcée en
faveur d'une adoption sans rupture de lien préadoptif en 2009, dans le cadre de
l'avant-projet de loi sur la réforme de l'adoption. Nous saluons donc la
volonté de permettre le maintien d'échanges et de relations avec la famille d'origine
pour les enfants adoptés. Les avantages sont évidents pour les enfants, mais
également pour les parents biologiques. Dans le cas d'une mère qui, pour toutes
sortes de raisons, aura dû donner son enfant en adoption, cette partie
importante de son vécu personnel, la grossesse et l'accouchement, demeure
inscrite dans son histoire de vie. Rompre radicalement avec toute trace de
cette histoire revient à nier une réalité pourtant fondamentale et toujours
déchirante dans l'histoire de la vie de ces femmes.
La fédération recommande cependant que les
nouvelles règles permettant à un enfant adopté de maintenir des relations et
des échanges avec sa famille d'origine prévoient également des services d'accompagnement
tant pour l'enfant lui-même que pour les membres de sa famille d'origine et de
sa famille adoptive.
La prise en compte de la violence exercée
dans un contexte familial, dans les décisions qui concernent l'enfant,
représente une avancée majeure pour la fédération. D'une part, cette mesure
vient faire écho aux nouvelles dispositions de la Loi sur le divorce qui
incluent l'existence de violence familiale comme un facteur important pour
déterminer l'intérêt de l'enfant. Cependant, comme la Loi sur le divorce ne
touche que les enfants nés de parents mariés, il est nécessaire d'inscrire
cette réalité dans le Code civil du Québec de façon à mieux protéger des
enfants nés hors mariage.
Toutefois, il sera très important d'inclure
dans le Code civil du Québec une définition claire de ce qu'on entend par
violence exercée dans un contexte familial. À ce titre, la fédération appuie la
définition proposée par le Regroupement des maisons pour femmes victimes de
violence conjugale. Cette nouvelle obligation de considérer la violence
familiale doit aussi être accompagnée de moyens concrets pour qu'elle soit
identifiée et reconnue.
Or, la violence conjugale est souvent
confondue à tort avec les conflits sévères de séparation par certains
intervenants, ce qui empêche d'assurer une véritable sécurité aux femmes
victimes et à leurs enfants, et, même lorsqu'elle est reconnue, la violence
conjugale est parfois banalisée par les tribunaux. Il faut questionner la
prémisse qui veut qu'il est toujours dans l'intérêt de l'enfant d'avoir accès à
ses deux parents après une rupture.
On doit aussi se demander dans quelle
mesure un père qui a violenté la mère de son enfant peut encore être considéré
comme un bon père et obtenir la garde de son enfant. Le recours trop fréquent à
de fausses accusations d'aliénation parentale par certains parents violents
nous apparaît également très préoccupant.
• (16 h 50) •
Aussi, la fédération recommande que l'ensemble
des professionnels juridiques et psychosociaux appelés à intervenir en matière
familiale reçoivent une formation de niveau avancé afin d'être mieux outillés
pour identifier et comprendre la violence conjugale, notamment dans un contexte
postséparation. Cette formation devrait également inclure un volet permettant
d'identifier les <dérives...
Mme Lévesque (Sylvie) :
...les
>dérives possibles concernant l'aliénation parentale et comment ce
concept peut être instrumentalisé par un ex-conjoint violent.
Lorraine, c'est à ton tour.
Mme Desjardins (Lorraine) : Merci.
Alors, présentement, comme on le disait, certains auteurs de violence conjugale
se voient encore octroyer des droits d'accès et de garde par les tribunaux. Or,
il existe présentement trop peu de ressources visant à encadrer de façon
sécuritaire les droits de visite et les échanges de garde pour les familles
dont l'un des parents a été reconnu coupable de victime... de violence
conjugale.
Dans certains cas, ces échanges doivent se
faire sans supervision dans un lieu public, comme un stationnement, par
exemple, et ce, même lorsque les violences sont avérées et que l'auteur a fait
l'objet d'une ordonnance visant à limiter les contacts avec son ex-conjointe et
ses enfants. Il est inacceptable que les femmes et des enfants continuent à
être exposés à de tels dangers. Il faut donc s'assurer qu'il existe des
ressources de supervision des droits d'accès en quantité suffisante et dans
toutes les régions du Québec.
La possibilité qu'un parent puisse, sans l'accord
de l'autre parent, prendre certaines décisions relatives aux soins et à l'accompagnement
d'un enfant victime de violence sexuelle ou familiale est également une grande
avancée. Il faut aussi que cette disposition s'étende aux enfants qui ont été
témoins de violence conjugale entre leurs deux parents puisqu'ils sont
également des victimes et en gardent des séquelles importantes.
Nous saluons également la possibilité pour
le tribunal d'empêcher qu'un auteur de violence familiale ou sexuelle qui se
représente seul puisse interroger ou contre-interroger l'autre partie ou un
enfant dans le cadre d'un procès pour la garde ou en matière de protection de
la jeunesse.
La fédération accueille aussi très
favorablement la possibilité pour un conjoint de fait décédé pendant la
grossesse de sa conjointe d'être reconnu comme parent sans nécessiter d'obtenir
un jugement du tribunal au même titre qu'un conjoint marié. Malheureusement,
cette modification au Code civil ne permettrait pas de régler l'ensemble des
iniquités auxquelles sont exposés les enfants nés hors mariage. Au risque de
nous répéter, la façon la plus sûre de mettre fin à ces iniquités est d'étendre
l'ensemble des protections actuelles du mariage aux conjoints de fait avec
enfants.
L'accès facilité aux comptes conjoints
pour le parent survivant en cas de décès de l'autre parent est également une
amélioration importante. Le fait de perdre un proche est déjà bien assez
éprouvant sans que de lourdes procédures soient exigées pour avoir accès à des
revenus qui sont pourtant vitaux pour fonctionner au quotidien.
L'admissibilité universelle à l'aide
juridique pour tous les enfants qui font l'objet d'une intervention en
protection de la jeunesse est une mesure véritablement essentielle. Pour la
fédération, il est primordial que la parole des enfants puisse véritablement
être entendue et défendue, notamment en présence de violence familiale et
conjugale.
Enfin, nous saluons l'introduction, à l'article 611
du Code civil, de la possibilité pour un enfant de maintenir des relations avec
l'ex-conjoint de son parent quand cela est dans son intérêt. En effet, pour certains
enfants qui auront vécu plusieurs années avec un beau-parent, il est parfois
difficile de voir ce lien rompu définitivement suite à une rupture de couple
entre les adultes.
À ce titre, la fédération recommande qu'un
accompagnement soit disponible pour les familles recomposées qui vivent une
rupture afin de favoriser le maintien de relations entre l'enfant et son
beau-parent si cela est dans son intérêt. En cas de désaccord entre les
adultes, il faut que la parole de l'enfant, peu importe son âge, soit
véritablement prise en compte et qu'il puisse recevoir le soutien dont il a
besoin.
En terminant, la fédération tient à
appuyer certaines des positions de la Coalition des familles LGBT+, notamment
en ce qui concerne la reconnaissance de la filiation des enfants nés d'une
gestation pour autrui, un meilleur accès au Régime québécois d'assurance
parentale pour la gestatrice et les parents d'intention, l'accès aux origines
pour les enfants issus de la procréation assistée ou de la gestation pour
autrui et l'adaptation des textes législatifs pour mieux refléter la diversité
familiale.
En ce qui concerne les enjeux entourant la
pluriparentalité, bien que nous n'ayons pas encore eu le temps de compléter
notre réflexion, nous sommes d'avis que la société ne peut plus nier cette
réalité qui est de plus en plus répandue et qu'il faut réfléchir à des moyens
de mieux encadrer ces nouveaux types de familles.
En conclusion, comme en témoignent les
modifications apportées par le projet de loi n° 2, les modèles familiaux
sont de plus en plus diversifiés au Québec. Si ce premier volet de la réforme
vient corriger une partie des iniquités ou des incohérences entre le droit de
la famille et la réalité, il reste encore un grand pan du droit familial qu'il
faut urgemment mettre à jour. La fédération réitère l'extrême importance de s'attaquer
dans les meilleurs délais au volet parentalité et conjugalité de la réforme du
droit de la famille. Il est plus qu'urgent de corriger les iniquités <actuelles...
Mme Desjardins (Lorraine) :
...de corriger les iniquités >actuelles, notamment en ce qui concerne
les conjoints de fait et les enfants nés hors mariage. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup de votre présentation. Je cède
maintenant la parole à M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Mme Lévesque, Mme Desjardins, bonjour. Merci pour votre
présence ici. Écoutez, on sait à quel point vous avez un intérêt pour le droit
de la famille. Vous avez participé notamment aux consultations citoyennes en
2019. Je tiens à vous remercier pour votre apport aujourd'hui.
Bien entendu, il y aura une phase II
à la réforme du droit de la famille, au niveau de la conjugalité. On a décidé
de segmenter le tout parce que... pour être en mesure, déjà, d'avancer. Alors,
on touche filiation, gestation pour autrui, connaissance des origines et, déjà,
on apporte certaines... Également, on vient diminuer les différences entre les
enfants qui sont nés en mariage et hors mariage, notamment sur l'établissement
de la filiation, dans le cadre de ce projet loi là, la possibilité également de
faire reconnaître le conjoint de fait décédé, donc, la filiation avec le
conjoint de fait décédé.
Ça, on a, je crois, une dizaine ou une
vingtaine de cas par année de femmes qui sont enceintes, qui... que monsieur décède
pendant la grossesse, puis qui n'était pas marié. Là, à ce moment-là, bien,
madame ne pouvait pas déclarer la naissance de l'enfant de facto, devait
prendre la procédure judiciaire. Puis, moi, mon plus grand enjeu avec ça, c'était
le fait que, si jamais ce n'était pas fait, bien, pour l'enfant, ça vient le
pénaliser, parce que, quand on parle de rente de conjoint... de rente d'orphelin
ou, supposons, avec les fonds de pension, puis ça, c'est extrêmement nécessaire
d'avoir une voie simplifiée, donc, la présomption de paternité va s'appliquer
désormais.
Écoutez, bon, vous représentez les
familles monoparentales recomposées. Sur la question du fait qu'on vient
désormais permettre à un conjoint, en matière de violence familiale, de
consentir à des soins pour l'enfant d'une façon unilatérale, ça, je pense que
vous considérez ça comme une bonne chose. J'imagine, vous le vivez, là, dans
votre association avec les familles, où est-ce qu'il doit y avoir parfois des
difficultés.
Mme Desjardins (Lorraine) : Tout
à fait. Tout à fait, c'est quelque chose qu'on a déjà vu sur le terrain. Comme
on l'a dit abondamment dans notre mémoire, la violence conjugale est parfois,
même si elle est avérée, est parfois un peu traitée... banalisée par certains
tribunaux. C'est-à-dire que, notamment, ça fait en sorte qu'il y a des pères
violents qui ont la garde de leurs enfants, mais aussi il y a des soins...
Par exemple, quand on se retrouve devant
un père qui va faire appel à l'aliénation parentale pour maintenir son emprise,
puis utiliser les tribunaux, et tout ça, puis qu'il y a des enfants qui sont...
qui ont peur de leur père, qui disent qu'ils ont peur de leur père, qui ne veulent
pas le voir, puis qui ont besoin d'être accompagnés, mettons, dans... Ils ont
été témoins de scènes assez violentes, là. On peut imaginer, mettons, une mère
qui se fait tirer par les cheveux sur le plancher, que l'enfant ait été témoin
de ça. Il a besoin d'aide puis il a besoin d'être pris en charge par des
services psychosociaux, et, si madame veut offrir ça à son enfant, mais que monsieur
s'y oppose, bien, ce n'est pas possible.
Alors, dans le cas où, là, on peut avoir l'autorisation
de seulement un des deux parents, c'est vraiment très, très... une grande
avancée, là, c'est vraiment quelque chose de très, très bien.
Mme Lévesque (Sylvie) : Si je
peux me permettre...
M. Jolin-Barrette : Oui?
Mme Lévesque (Sylvie) : ...aussi,
ce qu'on voit souvent, c'est justement que les... En tout cas, la tendance
lourde des dernières années, bien qu'il n'y a pas nécessairement de garde
partagée automatique, on a vu que, bien, même dans des cas comme ceux-là,
souvent, les tribunaux disent : Bien, c'est important, voir leur père,
etc. Donc, ça fait en sorte qu'effectivement, comme dit Lorraine, ça cause des
situations... Puis il y a des jugements, des fois, qu'on voit aussi sur terrain,
que nos couples nous disent que le père peut quand même continuer à avoir des
enfants. Donc, on a beaucoup tendance à dire : Il faut absolument que les
enfants aient deux parents, peu importe la condition, peu importe la situation,
ce qui fait que, pour les enfants, bien, ça a des effets, quand même, à long
terme très importants. Donc, je pense, c'est important, effectivement, ce que
vous proposez, actuellement, dans le projet de loi.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une question sur l'article 111, là, qu'on vient modifier pour
maintenir des contacts avec l'ancien conjoint qui n'est pas le parent de l'enfant.
Qu'est-ce que vous pensez de ça, qu'on vienne pouvoir introduire des contacts,
si c'est dans l'intérêt de l'enfant, avec l'ex-conjoint?
• (17 heures) •
Mme Lévesque (Sylvie) : Bien,
nous, dans le contexte de la réforme, lors de la consultation, on avait dit qu'on
trouvait ça intéressant. C'est toujours... En même temps, il faut <toujours...
>
17 h (version révisée)
< Mme Lévesque (Sylvie) :
...en même temps, il faut >toujours voir... C'est sûr que c'est dans l'intérêt
de l'enfant, là, mais, en même temps, il faut voir... je pense qu'il faudrait
aussi baliser la chose, dans le sens... Parce que, sinon, ça fait en sorte que
la mère doit... puis, en tout cas, on le sait, avec les enfants, doit quand
même continuer à avoir des liens avec l'ex-conjoint ou, en tout cas, le nouveau
beau-parent. Donc, ça fait... des fois, ce n'est pas toujours heureux.
Donc, je pense que, dépendamment... De
toute façon, ça se fait dans le quotidien, actuellement, sans nécessairement
que les gens... que ça soit écrit dans un projet de loi, il y a des liens qui
se font de plus en plus avec les beaux-parents ou les belles-mères, parce que
les gens se recomposent de plus en plus rapidement, de toute façon. Donc, il y
en a déjà, des liens, donc c'est intéressant de pouvoir le permettre. Mais
effectivement il faudra voir comment ça peut... sans que ça soit une
obligation, mais que ça puisse, effectivement, le permettre. Parce que, pour
des enfants, des fois, ça peut être plus significatif, un beau-parent, que son
père biologique, aussi. Ça fait que c'est important de continuer des relations
à ce moment-là.
Mme Desjardins (Lorraine) : Oui,
justement, j'allais dire que, dans le cas... c'est d'autant plus important dans
le cas où il y a un des deux parents qui est soit décédé ou carrément pas
engagé, là, auprès de l'enfant. Donc, le rôle du beau-parent est vraiment
central dans sa vie, à cet enfant-là. C'est sûr qu'il y a toutes sortes de cas
de figure, là, c'est... Quelqu'un qui a été en couple pendant seulement une
année ou deux, ce n'est pas la même chose qu'un engagement, mettons, qu'un
beau-parent qui a été là de l'âge de 2 ans à l'âge de 14 ans, par
exemple, là, c'est sûr. Mais on trouvait ça quand même intéressant que ça soit
dans la loi, que ça puisse apparaître dans la loi, là.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues sur... — excusez-moi,
là, j'ai perdu mon idée — oui, sur la question de l'aliénation
parentale. Bon, qu'est-ce que vous pensez de ça, bon, familles recomposées,
familles monoparentales? Puis ça se peut qu'il y ait eu des litiges chez des
gens séparés puis que par la suite ils se sont remis en couple, là. Quelle est
votre opinion, là, de l'aliénation parentale? Parce qu'on a mis «violence
familiale» dans le projet loi pour que ça soit pris en considération, pour
éviter... que les gens n'hésitent pas à dire qu'il y a présence de violence
familiale quand vient le temps de parler de la garde d'enfants. On me parle
beaucoup d'aliénation parentale aussi pour dire : Ah! ça, c'est de l'aliénation
parentale, si c'est allégué, ça. C'est quoi, votre vision, là, par rapport à
tout ça?
Mme Desjardins (Lorraine) : Bien,
en fait, ce n'est pas tant notre vision à nous. Comme, il y a plusieurs
chercheurs qui remettent beaucoup, beaucoup en doute et en cause ce concept-là,
le concept du syndrome d'aliénation parentale. L'origine, là, les fondements
scientifiques de ça sont très, très discutables, selon plusieurs chercheurs, en
ce moment. Ce qui est... on doit préférablement parler de comportements
aliénants.
C'est sûr qu'il y a des parents qui vont
avoir des comportements plus ou moins corrects envers l'autre parent. Mais,
quand on réfère systématiquement à de l'aliénation parentale, il faut vraiment
faire attention. C'est sûr que l'aliénation parentale a... fait beaucoup parler
d'elle en ce moment, là, puis on a aussi des intervenants psychosociaux qui y
réfèrent un petit peu trop facilement. On a eu des mères, on a eu des cas de
mères qui se ramassaient à la DPJ suite à, justement, de la violence conjugale,
des cas de violence conjugale, et qui reçoivent une espèce de double injonction
de protéger leur enfant d'un ex-conjoint violent, de leur père violent, mais
que, quand ils essaient de le protéger, en même temps, ils reçoivent aussi le
mandat de conserver les liens de leur enfant avec ce parent-là.
Alors, quand tu as un enfant qui dit :
Je ne veux pas voir mon père parce que j'en ai peur, puis que ça, c'est
interprété par soit les intervenants de la DPJ soit par les tribunaux comme de
l'aliénation parentale, bien là, il y a un problème. En situation de violence
conjugale, je pense qu'il faut vraiment y aller très, très... de façon plus
éclairée, là, ne pas avoir recours à ça, là. Écoutez, il y a plein d'écrits,
là, qui existent là-dessus qui sont de plus en plus étoffés, qui mettent en cause
le recours à ce concept-là, là, qui est dangereux, en fait, parce qu'on se
retrouve avec des parents violents qui continuent à avoir une emprise et qui
utilisent les tribunaux pour conserver leur emprise, là.
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, je vous remercie beaucoup pour votre passage en commission
parlementaire. Je vais céder la parole à mes collègues. Un grand merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre.
M. le député de Saint-Jean, pour 6 min 30 s.
M. Lemieux : Merci, M. le <Président...
Le Président (M.
Bachand) :
...Merci beaucoup, M. le
ministre. M. le député de Saint-Jean, pour 6 min 30 s.
M. Lemieux :
Merci,
M. le >Président. Je pense que le député de Chapleau va avoir des questions
aussi, mais je vais commencer. Bonjour, mesdames.
Des voix : Bonjour.
M. Lemieux : Je note au
passage, d'entrée de jeu, que ça fait deux fois en moins d'une demi-heure qu'on
parle de ce qui s'en vient, parentalité et conjugalité, dans une autre étape.
Je le souligne, d'abord, parce que ça met de la pression sur le ministre, mais
je le souligne surtout pour parler de la vastitude, si je peux m'exprimer
ainsi, de ce qu'on a devant nous.
Le projet de loi n° 2
n'est quand même pas simple, déjà, là, de là la sagesse d'avoir divisé en deux,
mais on a intégré aussi une autre partie. Et, si je vous en parle, c'est parce
que, dans les consultations, quand il y a presque deux thèmes à un projet de
loi, comme c'est le cas du projet de loi n° 2, vieux
journaliste, moi, je suis toujours curieux de voir ce que les gens très
impliqués dans une partie pensent de l'autre, même si ce n'est pas leur sphère
d'expertise ou si ce n'est pas leur intérêt premier.
Vous me voyez venir, mais je vous donne le
temps d'y penser. Parce que vous, vous représentez la Fédération des
associations de familles monoparentales et recomposées du Québec, mais, pour
tout le reste de ce qui n'est pas votre sphère d'expertise, je suis quand même
intéressé de prendre une petite minute pour voir ce que vous pensez du reste du
projet de loi. Parce que nous, ici, on est bombardés d'un groupe à l'autre, à
passer de l'avis et de l'état civil des trans à des questions plus proches de
vos intérêts. Curieux, j'ai le droit : Vous en pensez quoi, vous, du reste
de ce qui n'est pas dans votre mémoire?
Mme Desjardins (Lorraine) :
Bien, premièrement, comme les délais étaient archicourts, on n'a pas eu le
temps de se faire une tête, parce qu'on s'entend, là, c'était très court, comme
délai, d'autant plus qu'on venait, nous, de présenter un mémoire sur les
services de garde. Ça fait coup sur... paf, paf, là, en deux semaines. On n'a
pas eu le temps de tout s'approprier ça. Et on a par ailleurs, comme on disait...
on a parmi nos membres la Coalition des familles LGBT+ qui a des positions. On
appuie certaines de leurs positions, mais on n'a pas pu... on ne peut pas
être... On est généralistes, hein, on a beau être familles monoparentales et
recomposées, on est quand même ouvertes à ces préoccupations-là, mais on n'a
pas eu le temps de se faire une tête ou d'avoir une position démocratique de
groupe là-dessus, sur ces sujets-là.
Mme Lévesque (Sylvie) : Bien,
écoutez, c'est des débats sociaux, hein, c'est un débat social, ces choses-là, c'est
dans le sens qu'effectivement c'est des sujets qu'on parle depuis longtemps,
mais, en même temps, il faut, comment je dirais... C'est un peu un projet de
loi où on peut prendre à la carte, finalement, les sujets, à laquelle on peut...
Puis, en même temps, nous, on est une fédération, on regroupe des gens, donc il
faut prendre le temps aussi de faire des débats puis des débats sociaux. Puis
nos membres font aussi partie de la population, ils ne sont pas désincarnés.
Donc, on voulait juste aller dans les valeurs sûres. Puis, en même temps, je
pense que, dans l'ensemble, le projet de loi, nous, à la fédération, on n'est
pas totalement en désaccord non plus sur l'ensemble. Mais, en même temps, c'est
assez gros comme morceau, aussi, à ramasser, là.
M. Lemieux : C'est parfait, mesdames,
ne vous en faites pas. Comme mon ancien boss disait : C'est toujours l'invité
qui a raison, pas l'intervieweur. Alors, on a le droit à une mauvaise question
par jour.
Je veux revenir au droit... pas au droit
des beaux-parents, mais à ce dont vous discutiez avec le ministre, un peu plus
tôt, sur le lien que les enfants peuvent maintenir avec leurs anciens
beaux-parents. Et j'ai déjà été confronté à ça. Inquiétez-vous pas, je ne vous
raconterai pas ma vie, là, mais ça m'a interpellé, à l'époque, et là,
maintenant qu'on en parle, ça m'interpelle encore plus. Parce que, dans le
fond, on ne parle pas du droit du beau-parent, on parle du droit et du besoin
de l'enfant, ensuite... et j'ai bien compris votre nuance quand vous parliez de
la mère ou du père, et ensuite le beau-parent. On se fout pas mal, dans le
fond, de ce qu'il peut vouloir, rendu là, c'est s'il peut être utile, dans le
fond, là?
• (17 h 10) •
Mme Lévesque (Sylvie) : Bien,
ce n'est pas : On s'en fout, dans le sens qu'on le sait qu'aujourd'hui,
comme je le disais tantôt, que les gens ne restent pas longtemps monoparental,
les gens se recomposent assez rapidement. Donc, il y a quand même, dans la vie
des enfants, aujourd'hui... Un enfant de 10 ans va connaître énormément,
tu sais, de recompositions, donc il va y avoir beaucoup d'adultes dans sa vie.
Donc, en quelque part, ce n'est pas anodin. Et il peut y avoir des relations,
effectivement, très significatives qui se développent avec un beau-parent, des
fois, encore plus qu'un parent, comme je disais, de base. Donc, dans ce
sens-là, on dit : Il ne faut pas nier la réalité.
Et à ce moment-là, par contre,
effectivement, c'est tout à fait juste, ce que vous dites, ce n'est pas
nécessairement des droits juridiques, mais, en même temps, ça permet aussi à l'enfant,
des fois, de se confier aussi à un beau-parent. Peut-être qu'il ne se
confierait pas non plus à son parent d'origine, biologique. Donc, dans ce
sens-là, on dit : C'est important, un peu comme un grand-parent,
finalement, donc, d'avoir la possibilité aussi de développer des <relations.
Mais...
Mme Lévesque (Sylvie) :
...dans
ce sens-là, on dit : C'est important, un peu comme un grand-parent,
finalement, donc, d'avoir la possibilité aussi de développer des >relations.
Mais encore faut-il, comme je le disais tantôt, que l'enfant le veuille aussi,
mais qu'aussi ça soit harmonieux, là, que ça soit une situation qui ne soit pas
conflictuelle non plus, puis que ça permet aussi à la mère de ne pas être
obligée toujours d'avoir des relations, non plus, avec son ex à laquelle elle s'est
séparée aussi, là, parce que... à cause des enfants. Donc, c'est pour ça qu'on
dit : Il faut baliser.
En même temps, une relation significative,
ça veut dire quoi? Est-ce que c'est après un an, est-ce que c'est après deux
ans, presque deux, trois ans? En même temps, un enfant peut avoir une relation
significative avec un beau-parent, six mois, puis ça peut être plus
significatif qu'une vie entière. Donc, tout est relatif. On parle de relations
ici, hein, ça fait que ce n'est comme pas évident de baliser ça non plus dans
les projets de loi.
Mme Desjardins (Lorraine) : En
même temps, dans notre mémoire, on insiste aussi sur la parole de l'enfant dans
cette situation-là, c'est-à-dire que c'est lui, finalement, qui a le fin mot de
l'histoire. Si, lui, il a envie de conserver des liens avec l'ex-conjoint de
son parent, parce que les liens sont significatifs puis que c'est bon pour lui
aussi de le faire, bon, ça peut être intéressant, là.
M. Lemieux : Merci,
mesdames. Et M. le Président, j'en dois une au député de Chapleau.
Le Président (M.
Bachand) :Mais malheureusement il n'y a
plus de temps.
M. Lemieux : Mais c'est
ça, je lui en dois une.
Le Président (M.
Bachand) :Alors, vous en devez... Vous lui
devez six minutes, M. le député de St-Jean. Blagues à part, la parole est
maintenant à la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci
beaucoup, M. le Président. Bonsoir, mesdames. Bonsoir, bon après-midi, je ne
sais pas, on est dans un sous-sol, chez nous, ici, ça fait que je ne sais pas c'est
quoi, l'heure.
Mme Lévesque (Sylvie) : Bien,
il fait noir, il fait noir partout.
Mme Maccarone : Il fait
noir, c'est ça.
Mme Desjardins (Lorraine) : Nous,
à Montréal, il fait noir en tout cas.
Mme Maccarone : Merci
beaucoup pour votre témoignage. Merci beaucoup aussi pour votre mémoire, qui
est fort intéressant, puis merci beaucoup aussi pour ce que vous faites auprès
de nos familles monoparentales et recomposées. Je pense que c'est très
important. Alors, merci en leur nom.
Je veux revenir sur la violence familiale,
violence conjugale. Devons-nous se méfier que violence familiale va faire de l'ombre
à la violence conjugale?
Mme Lévesque (Sylvie) : C'est
une des inquiétudes, une des inquiétudes qu'on a eues, par exemple, quand on a
vu débarquer la loi fédérale sur le divorce, où on parlait de violences
familiales, violences familiales dans le sens où... C'est sûr que nous, on
préfère parler de violences conjugales, mais, en même temps, la violence
familiale est plus large, elle englobe plus de choses. Et ce qui est important,
le point vraiment central de l'argument, puis on ne sera pas les seuls à le dire,
je suis sûre... Je ne sais pas si le regroupement des maisons d'hébergement est
déjà passé devant la commission, mais vous avez vu à quel point c'est important
de définir. Dans la Loi sur le divorce, il y a une définition claire de ce que
ça veut dire, «violence familiale». Dans le Code civil, il faut qu'il y ait une
définition claire. D'ailleurs, on propose de prendre celle que le regroupement vous
a proposée, puis le regroupement, de toute façon, s'inspirait beaucoup aussi de
celle qui est dans la Loi sur le divorce.
Donc, si c'est clairement défini, ce qu'on
entend par violence familiale, ça devrait, bien... ça devrait... il ne devrait
pas y avoir de problème. C'est sûr que nous, au quotidien, quand on parle entre
nous, on préfère parler de violence conjugale.
Mme Maccarone : Étant
donné que la violence est un indicateur archi-important dans toute la
détermination devant le magistrat, etc. On a entendu Me Schirm et Me Tremblay,
qui viennent de passer juste avant vous, puis eux, ce qu'ils ont fait dans leur
exposé, c'est de parler un peu de l'absence de violence mais dans la preuve. Parce
que, souvent, c'est difficile de faire preuve de la violence, puis la violence,
c'est un sens large, ce n'est pas tout le temps ce qu'on pense, physique, ça
peut être psychique, ça peut être un impact sur l'enfant. Que pensez-vous que
nous devrons prendre en considération pour s'assurer que les parents qui
passent peut-être devant un juge puissent témoigner pour s'assurer que le juge
comprend puis que le juge prend en considération leur réalité? Un genre de
formation? Je ne sais pas, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Lévesque (Sylvie) : Oui,
c'est ça. C'est une de nos recommandations, d'ailleurs, dans notre mémoire, que
l'ensemble des intervenants psychosociaux et juridiques reçoivent une formation,
mais vraiment une formation avancée en violence conjugale, et que cette
formation-là aussi porte sur l'aliénation parentale ou, en tout cas, les
allégations d'aliénation parentale.
Présentement, on l'a vu, il y a... une
recherche a été faite par la Fédération des maisons d'hébergement sur... qui
ont épluché 250 jugements de la cour, des jugements de garde, et il y
avait vraiment des extraits, des fois, là, un juge qui dit : Bon, monsieur
est violent envers son ex-conjointe, il a vraiment eu des comportements
inacceptables, mais c'est quand même... il n'a <jamais...
Mme Desjardins (Lorraine) :
...monsieur
est violent envers son ex-conjointe, il a vraiment eu des comportements
inacceptables, mais c'est quand même... il n'a >jamais été violent
envers son enfant, donc on pense qu'il peut avoir la garde de son enfant. Nous,
ce qu'on dit, c'est : Est-ce qu'un père violent, qui a été violent devant
ses enfants avec la mère de ses enfants, peut être considéré comme un bon père?
D'autant plus que, ce que vous dites aussi, ce n'est pas toujours de la
violence physique. On parle de contrôle coercitif, aussi. Le contrôle coercitif
est quelque chose d'extrêmement violent, même si ce n'est pas physique. Donc,
ça aussi, ça a des effets et ça a des...
Puis on parle, là... quand je parle de
banalisation par les tribunaux, on parle de violence avérée, là, de gens qui,
aujourd'hui, auraient à porter le bracelet, là, le fameux bracelet qui a été
annoncé hier. Mais ils ont quand même la garde de leurs enfants, donc ça veut
dire qu'ils sont obligés... la mère est obligée de garder des contacts avec cet
homme-là. Donc, il faut vraiment une formation en profondeur des intervenants
juridiques, psychosociaux, de la DPJ, et tout ça.
Il y a vraiment... il y avait un article
de Mylène Moisan, récemment, dans le... des articles de Mylène Moisan,
récemment, dans La Presse, qui... dans Le Soleil, pardon, qui
mettaient très, très bien en lumière, justement, les... deux intervenantes de
la DPJ qui intervenaient complètement différemment : une qui croyait ce
que la mère et l'enfant lui racontaient puis une qui ne croyait pas. Puis pourtant,
c'est la même histoire, là.
Mme Maccarone : C'est qui,
qui devrait donner cette formation? Et vous, est-ce que vous devez faire partie
de la liste des personnes qui offrent cette formation?
Mme Desjardins (Lorraine) :
Non, parce que nous, on n'est pas des spécialistes. Je pense que la Fédération
des maisons d'hébergement, l'alliance des maisons de deuxième étape, le regroupement
des maisons d'hébergement, les groupes qui interviennent directement en
violence conjugale et familiale devraient faire partie de ces personnes-là.
Nous, c'est sûr, nos associations... d'ailleurs, on a fait un récent sondage
auprès de nos associations et on se rend compte que nos associations
accueillent de plus en plus de familles qui ont des problématiques de violence
conjugale post-séparation, bien sûr, parce qu'ils sont monoparentales. Donc, c'est
ça, c'est présent. On n'est pas des intervenantes, on ne fait pas d'hébergement,
mais on fait partie... nos associations font partie du filet préventif et du filet
de sécurité qu'on veut offrir à ces familles-là.
Mme Maccarone : Parlez-nous
un peu de... Dans votre mémoire, vous parlez d'un double standard : «En
plus de se faire imposer des demandes contradictoires, les mères sont
désavantagées par les doubles standards qui sont appliqués dans les procédures
en matière de garde des enfants et de protection de la jeunesse.» Pouvez-vous
parler un peu de ça, s'il vous plaît?
Mme Desjardins (Lorraine) :
Bien, on donne des exemples qui avaient été donnés par des chercheurs qui ont
épluché 17 études de cas. On demande, par exemple, aux mères des
comportements sans tache, puis le père, finalement, on lui dit : Bien, tu
as juste à être sincère dans ce que tu fais. Je n'ai pas... évidemment, je n'ai
pas en mémoire toutes les citations que je vous ai données, mais effectivement
il y avait plusieurs critères, puis c'était clairement ça qui ressortait, c'est
qu'on était beaucoup moins exigeant envers les pères qu'envers les mères. Puis
ça, c'est vraiment flagrant, là, quand on regarde cette étude-là, c'est
vraiment très, très flagrant. Vous irez faire un tour, d'ailleurs, on a mis
toutes nos références en bas de page, là, vous irez voir ces études-là, c'est
vraiment...
Mme Maccarone : Tout à fait.
Le but, c'est de vous donner une occasion de mettre en évidence les cas qui
sont très importants. Aussi, dans votre mémoire, vous parlez de la supervision
des droits d'accès. Ça fait partie de votre témoignage ce matin... cet
après-midi. Pouvez-vous aussi expliquer ce que devons-nous faire de mieux pour
s'assurer que ce processus s'améliore?
• (17 h 20) •
Mme Lévesque (Sylvie) : Ce qu'on
dit depuis plusieurs années, c'est que le problème des services de supervision
de droits d'accès, il n'y en a pas dans toutes les régions du Québec. C'est des
ressources dédiées qui sont financées en partie en entente de services par le
ministère Santé et Services sociaux, par les CISSS et les CIUSSS dans les
régions, et c'est beaucoup par des organismes communautaires. C'est correct que
ça soit aussi par des groupes communautaires, sauf que c'est des groupes... Évidemment,
vous savez comme moi que les organismes communautaires sont sous-financés par
rapport à ce qu'on fait comme travail. De plus en plus, les exigences sont
importantes, de plus en plus, on demande au communautaire de faire beaucoup de
choses, au niveau du filet social, pour les familles, la prévention, et tout
ça, et ça fait en sorte que ces organismes-là font ce qu'ils peuvent avec les
ressources qu'ils ont. Donc, ce qu'on dit, c'est que c'est quand même... c'est
quasiment un travail qui devrait être fait par le réseau public, d'une certaine
façon, en tout cas... parce que c'est des situations conflictuelles. C'est des
parents qui ont des difficultés puis des conflits <sévères, et, à ce
moment-là, bien, il faut avoir des lieux...
Mme Lévesque (Sylvie) :
…parce
que c'est des situations conflictuelles. C'est des parents qui ont des
difficultés puis des conflits >sévères, et, à ce moment-là, bien, il
faut avoir des lieux sécuritaire pour que ces parents-là puissent... puis les
enfants puissent voir leurs parents dans des conditions sécuritaires.
Et on a vu des situations... C'est sûr que
ça s'est amélioré avec les années, sauf que ce qu'on dit, c'est qu'il faut,
évidemment, augmenter le financement, la formation et aussi qu'il y en ait dans
toutes les régions du Québec. Parce que les familles habitent dans toutes les
régions du Québec, et à ce moment-là, ça fait en sorte que, si tu n'as pas de
ressources, bien, à proximité de chez vous... Nous autres, on a entendu parler
des situations où il y a un père qui part d'une région en autobus, parce qu'il
n'a pas de voiture, pour aller visiter son enfant dans une autre région. Il
prend quasiment une journée complète ou deux jours pour pouvoir le faire, pour
voir son enfant une heure, donc, parce qu'il n'y a pas de ressources dans sa
région. Donc, ce qui fait que ça...
Donc, c'est ça, la réalité qui se passe
actuellement, au niveau des ressources de supervision de droits d'accès, et on
pense qu'il faudrait que ça soit, comment dire, plus considéré. C'est comme si
c'étaient des dossiers qui sont comme moins prioritaires, sauf que c'est un
travail quand même important de prévention et aussi qui permet aux enfants,
justement, de mieux... en tout cas, d'avoir de meilleures conditions de vie, là,
et qu'il devrait y avoir des ressources beaucoup plus substantielles et
beaucoup plus importantes. On devrait le considérer davantage, ce dossier-là
qui date de plus de 20 ans mais qui n'est jamais sur le dessus de la pile,
comme on dit, à moins de catastrophe qui s'est déjà passée, là. Il y a des
situations où des enfants ou des mères ont vécu vraiment de la violence mais
aussi, même, des morts, déjà, dans des situations. Donc, on attend souvent dans
des cas comme ça pour réagir, malheureusement.
Mme Desjardins (Lorraine) : Oui,
puis il faudrait aussi questionner, justement, le bien-fondé pour un enfant de
continuer à voir un père qui est à ce point-là violent, qui a été à ce point-là
violent envers sa mère.
Le Président (M.
Bachand) :Merci...
Mme Desjardins (Lorraine) : Puis
on parle d'enfants... on parle de femmes victimes de violences conjugales, mais
on parle d'enfants victimes de violences conjugales parce qu'ils en ont été
témoins. Le père n'a peut-être jamais frappé leur enfant, mais leur enfant l'a
vu. Ça fait qu'ils ont été victimisés.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Bonjour, bonjour à vous deux. Pour avoir déjà été, dans mon ancienne
vie, responsable d'écrire les mémoires dans un service de recherche syndical,
je réalise tout le défi que ça constitue d'écrire quelque chose de substantiel,
d'intelligible, de pertinent en si peu de temps. Mais bravo! Moi, je pense que
vous l'avez relevé, le défi, haut la main. Donc, tout à fait solidaire avec la
situation dans laquelle vous étiez.
J'aimerais vous entendre, puis, encore une
fois, je sais que vous n'avez pas eu le temps de l'étudier en fond et en comble,
ce vaste projet de loi, mais tout le débat alentour de la pluriparentalité, qui
n'est pas dans le projet de loi, mais qui est un débat entourant le projet de
loi, qu'on a quand même beaucoup, aussi. Je ne sais pas si vous avez entendu
les intervenantes, les deux avocates qui vous ont précédées, là, qui étaient
plutôt inquiètes, plutôt en défaveur d'aborder ce sujet-là. Si j'ai bien
compris votre introduction, vous, vous auriez été plutôt, à l'inverse, ouvertes
à ce qu'on explore la pluriparentalité. Voulez-vous m'en dire davantage à ce
sujet?
Mme Lévesque (Sylvie) : Bien,
en fait, ce qu'on disait...
Mme Desjardins (Lorraine) : Bien,
en fait...
Mme Lévesque (Sylvie) : Bien,
en fait, c'est... en fait, ce qu'on... oui, dans le sens que ce qu'on dit, c'est
que, finalement, ça existe, ça fait qu'on ne peut pas se mettre la tête dans le
sable puis dire : Ça n'existe pas. Donc, nous, ce qu'on... Puis comme on
disait, on n'a pas eu le temps de faire les débats, dans notre organisme, parce
que, comme je vous disais, à cause des délais, bien, des fois, on y va dans les
valeurs sûres, puis je pense que c'est quelque chose... C'est pour ça qu'on dit,
dans notre mémoire : Il faudrait peut-être revenir là-dessus, quand on va
discuter de la réforme sur la parentalité et la conjugalité, parce que peut-être
que ce serait... ça devrait rentrer aussi, peut-être, dans ces sujets-là.
Et donc, comme ça existe déjà puis ça
existe aussi dans d'autres provinces du Canada, il faudrait voir les balises,
tout ça, on se dit : Bien, il faudrait peut-être au moins réfléchir
là-dessus, est-ce c'est quelque chose... Oui, c'est vrai que ça peut ne pas
être évident, déjà, d'avoir... quand il y a des séparations, il y a déjà deux
parents, puis, bon, il y a déjà bien du monde dedans, puis, bon, qui a le
droit, qui n'a pas le droit. C'est parce que, si on donne des droits, il faut
aussi donner des responsabilités. Est-ce que ces parents-là, éventuellement,
sûrement que les avocates en ont parlé... est-ce qu'aussi ils vont être obligés
de payer une pension alimentaire, si éventuellement ils sont reconnus comme... Bon,
c'est un peu tout...
En même temps, pas parce que ça, ça existe
qu'il ne faut pas être ouverts à cette réalité-là. Donc, c'est pour ça qu'on n'a
pas nécessairement une position tranchée là-dessus. On pense qu'il faut faire
un débat social à ce niveau-là. Je pense qu'on pourrait le mettre au jeu, aussi,
à la population, ça pourrait être intéressant, puis voir éventuellement... puis
laisser aussi le temps à tout le monde de réfléchir qu'est-ce qui serait le
mieux, dans ce sens-là, et pour les enfants et pour les familles. Donc, c'est
pour ça qu'on n'a pas nécessairement de position précise <là-dessus...
Mme Lévesque (Sylvie) :
...qu'est-ce
qui serait le mieux, dans ce sens-là, et pour les enfants et pour les familles.
Donc, c'est pour ça qu'on n'a pas nécessairement de position précise >là-dessus,
mais en même temps, on n'est pas complètement fermés non plus à cette
réalité-là qui existe déjà.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon : Mme Lévesque,
Mme Desjardins, bonjour. Heureuse de vous entendre. Moi, je veux aller sur...
il y a beaucoup de choses qui ont été couvertes, je voudrais vous entendre sur
votre recommandation 5 sur l'offre de soutien. Vous parlez notamment, là,
des situations où il pourrait y avoir une difficulté avec un conflit avec l'ex-beau-parent,
pour l'enfant qui est pris au coeur de tout ça. Puis là vous nous dites : Ce
serait bien qu'on entende vraiment la parole de l'enfant puis qu'il puisse
recevoir le soutien dont il a besoin. Je veux comprendre concrètement ce que
vous avez en tête comme type de soutien et, deuxièmement, comme type de
situation. Parce que, là, vous avez l'air de nous l'amener dans le contexte d'une
séparation avec le beau-parent, mais, si c'est un couple qui se sépare, est-ce
que c'est la même logique? Est-ce que c'est différent? Donc, je veux comprendre
un peu plus en détail.
Mme Desjardins (Lorraine) : Bien,
écoutez, honnêtement, on était plus sur le... cette recommandation-là s'adressait
plus à l'article 611, au fait des parents. Parce que c'est une situation
un peu particulière, qui n'est pas encadrée légalement mais qui, comme on l'a
dit tantôt... qui est réelle. C'est-à-dire qu'il y a des familles recomposées
qui se décomposent, qui se séparent, et, après qu'il y a eu une période assez
longue de plusieurs années de contacts, et l'ex-conjoint du... le conjoint du
parent a joué un rôle de beau-parent, a joué un rôle central, bien, je pense
que le type accompagnement auquel on pensait... pas, je pense, là, le type d'accompagnement
auquel on pensait, c'était justement d'avoir... que l'enfant soit entendu, qu'il
y ait une espèce... je ne sais pas, ça peut être des intervenants
psychosociaux, ça peut être de la médiation familiale, je ne sais pas, mais
pour que la parole de l'enfant soit entendue dans ce contexte-là.
En fait, en même temps, c'est un sujet un
peu particulier parce que, comme disait Sylvie tout à l'heure, il peut arriver,
mettons, que le parent de l'enfant n'a pas nécessairement envie de garder
contact avec son ex-conjoint, même s'il a joué un rôle de beau-parent. À ce
moment-là, c'est ça, c'est les adultes, le point de vue des adultes contre
celui des enfants. Donc, évidemment, c'est pour ça que l'aspect intérêt de l'enfant
est important là-dedans. Mais on n'avait pas...
Mme Hivon : O.K. Excusez-moi.
Vous voudriez qu'on consacre une plus grande place, dans cette recomposition-là
où ce changement de situation là, à l'enfant...
Mme Desjardins (Lorraine) :
Exactement.
Mme Hivon : ...plutôt que de
juste le voir comme une relation d'ex-conjoints, là, avec des droits potentiels.
O.K. Parfait. Puis, rapidement, vous avez dit, au début, là, rapidement, vous
aussi, que l'adoption sans rupture du lien de filiation, vous estimiez qu'on
devait le considérer à nouveau. Vous jugez que l'adoption qui permet le
maintien de contacts et avec entente de communication, ce n'est pas suffisant?
Le Président (M.
Bachand) : Le temps est écoulé, alors je vous demanderai de
répondre en quelques secondes. Je suis désolé. Allez-y.
Mme Desjardins (Lorraine) : Bien,
écoutez, c'est juste qu'en 2009 on trouvait que c'était intéressant, comme
avenue, d'avoir cette possibilité d'une adoption sans rupture de lien. C'est
quand même bien qu'il y ait cette possibilité-là de garder des contacts, là.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Merci, Mme Lévesque, Mme Desjardins,
merci infiniment d'avoir été avec nous aujourd'hui, c'est très apprécié.
Sur ce, je suspends les travaux jusqu'à 19 h 30.
Merci. Bon appétit.
(Suspension de la séance à 17 h 30)
19 h 30 (version révisée)
(Reprise à 19 h 31)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît!
Bonsoir à tout le monde. La Commission des institutions reprend ses travaux.
Nous poursuivons donc les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 2, Loi portant
sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et modifiant le
Code civil en matière de droits de la personnalité et d'état civil.
Ce soir, nous entendrons le Barreau du
Québec, la Coalition des familles LGBT+ conjointement avec le Conseil québécois
LGBT.
Mais d'abord nous avons le plaisir d'accueillir
Me Dominique Goubau, professeur titulaire à la Faculté de droit de l'Université
Laval. Merci beaucoup d'être ici ce soir, surtout à présentiel. C'est très
apprécié. Donc, vous connaissez les règles, un 10 minutes de présentation,
et, par après, on aura un échange avec les membres de la commission. Donc, la
parole est à vous. Merci beaucoup, maître.
M. Dominique Goubau
M. Goubau (Dominique) : Alors,
merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les députés. D'abord,
évidemment, je vous remercie infiniment de m'avoir invité à participer à vos
travaux. C'est un honneur. Je vous remercie donc infiniment. Je m'excuse. Je
sais que la norme, la coutume veut qu'on présente un mémoire. Je n'ai présenté
qu'une lettre de trois pages parce que j'ai été pris au dépourvu. Je n'ai pas
eu le temps de préparer un mémoire. J'espère que les échanges qu'on va pouvoir
avoir aujourd'hui vont pouvoir pallier le fait que je n'ai pas pu faire ce
texte-là.
Je ne sais pas si j'ai besoin de faire
deux mots de présentation. Donc, je suis professeur à l'Université Laval. J'enseigne
et je fais de la recherche en droit de la famille depuis presque 40 ans. J'ai
été vice-président de l'Association internationale de droit de la famille et,
pendant une vingtaine d'années, président du comité permanent du droit de la
famille du Barreau du Québec. Voilà. Ceci pour vous dire que je suis un
observateur très attentif du droit de la famille et de son évolution depuis 35 ans,
et même un petit peu plus, alors je suis donc très, très honoré de pouvoir
participer avec vous à vos réflexions.
La première chose que je voudrais vous
dire, c'est que j'entends, depuis quelque temps, plusieurs intervenants
souligner le fait que ça fait 40 ans qu'on n'a pas réformé le droit de la
famille, et plus particulièrement ce qui nous occupe aujourd'hui, le droit de
la filiation, les effets de la filiation, et qu'il est donc grand temps et qu'il
faut donc absolument changer les choses, puisque ça fait si longtemps. Je pense
que, quand on fait l'étude d'un chapitre du Code civil aussi important, il est
nécessaire de faire une toute petite mise au point là-dessus. Le Québec est en
fait un État qui, depuis plusieurs décennies, procède très régulièrement à la
réforme de son droit de la filiation et des effets de la filiation. On parle de
1980, évidemment, ça, ça fait 40 ans, mais, 1991, on a réécrit la
disposition très importante, l'article 33 sur l'intérêt de l'enfant que le
projet de loi bonifie encore; en 1997, certains s'en souviennent, l'importante réforme
des règles de fixation aux pensions alimentaires pour enfant, donc un effet de
la filiation encore; et puis surtout, en 2002, cette réforme fondamentale des
droits de la filiation par laquelle le Code civil reconnaît la possibilité pour
des personnes de même sexe d'être parent d'un enfant et introduit des
mécanismes qui étaient, à l'époque, tout à fait révolutionnaires et tout à fait
uniques, je dirais, au monde. Par exemple, la présomption de comaternité :
je peux vous dire qu'ailleurs on a regardé ça avec beaucoup d'intérêt, et de
nombreuses juridictions ont imité le Québec depuis, donc ceci pour vous dire
que le Québec a longtemps — et il n'y a pas si longtemps, au fond — été
à l'avant-garde en matière de droit de la filiation et des effets de la
filiation. 2004, on a introduit les effets de la convention, les règles de la convention
internationale en matière d'adoption internationale dans une loi particulière
ici mais également dans le Code civil, et finalement, en 2017, ça, c'est hier,
c'est avant-hier, l'adoption de la tutelle supplétive, on en reparle encore
dans le projet de loi aussi, le projet de loi n° 2,
l'adoption coutumière qui est reconnue depuis 2017 dans le Code civil, de même
que l'adoption avec la reconnaissance de la préexistence d'un lien de filiation,
et donc cette idée d'ouverture en matière d'adoption qui est très présente dans
le Code civil. Donc, ceci pour rectifier cette idée selon laquelle il n'y a pas
eu, pendant 40 ans, de réforme. Je pense qu'aujourd'hui les travaux que
vous faites s'inscrivent dans la continuité d'un processus de réforme, donc,
qui est très réel au Québec.
Évidemment, c'est une très bonne chose de
continuer, et il y a, dans le projet de loi, que j'applaudis, un certain nombre
de principes que je trouve excellents et qu'il faut effectivement introduire
dans le Code civil. Je pense, en particulier, à un encadrement plus resserré de
ce qui existe, mais qui est mal encadré, c'est-à-dire de la gestation pour
autrui, et surtout, ce qui va avoir une incidence très importante, peut-être
plus qu'on pense, c'est la reconnaissance, dans la charte québécoise, du droit
aux origines.
Personnellement, j'aurais mis également
une disposition au chapitre du Code civil concernant les droits de la
personnalité, car c'est, ni plus ni moins, un nouveau droit de la personnalité.
Est-ce que c'est un droit qu'on peut rattacher à la vie privée? Peut-être. Est-ce
que c'est un droit autonome qui <mériterait sa place dans le...
M. Goubau (Dominique) :
...c'est un droit autonome qui >mériterait sa place dans le Code civil, puisque
c'est notre loi fondamentale? Donc, je pense que, dans la charte, bien sûr. Mais,
comme la plupart des droits de la personnalité sont dans la charte, ils sont
aussi dans le Code civil, ce serait, je pense, une bonne idée de l'inscrire
également dans le Code civil.
Alors, évidemment, ce projet s'inscrit
dans le cadre d'une plus vaste réforme du droit de la famille. Je ne peux pas m'empêcher
de souligner que l'urgence nationale, en termes de réforme du droit de la
famille, ce n'est pas dans le chapitre de la filiation, ce n'est pas dans le
chapitre des effets de la filiation aujourd'hui. Bien sûr, il y a des choses à
modifier, à parfaire, à... mais l'urgence nationale à modifier le Droit de
la famille, c'est évidemment le deuxième volet de cette réforme, que tout
le monde attend, c'est sur le plan de la conjugalité. Le Code civil du Québec,
aujourd'hui, pour quelqu'un qui le lit pour la première fois, il ne reconnaît
pas la famille québécoise. On n'y parle pas de monoparentalité, on n'y parle
pas de reconstitution familiale. On ne tient pas compte du fait non plus que
près de 70 % des enfants en 2021 naissent hors mariage. Or, le modèle,
évidemment, dominant dans le Code civil, c'est celui en mariage.
Il y a un symbole de ce décalage entre ce
qu'on lit dans le Code civil et les familles au quotidien, dans la vraie vie,
et c'est la toute première disposition du livre sur la famille. Vous savez,
chaque livre du Code civil commence par une disposition qui est vraiment le
principe de base, l'article premier aux droits des personnes : Tout être
humain a la personnalité juridique, et tout le monde exerce et a la capacité
pour exercer ses droits. C'est le grand principe qui fonde aussi l'égalité
entre les personnes dans le cadre du Code civil.
Si on prend le chapitre des obligations, l'article 1371,
qui est le premier article de ce grand chapitre sur les obligations, qui
commence en disant : Il est de l'essence des obligations qu'il y ait deux
parties, un objet, une cause», etc., voilà, posés au premier article, les
principes les plus importants du droit et obligations.
En droit de la famille, la première
disposition, celle qu'on lit en premier quand on veut savoir ce que dit le Code
civil, c'est : Le mariage doit être célébré par un célébrant compétent. Aujourd'hui,
pour la plupart des gens, c'est insignifiant comme entrée en matière du Code
civil. C'est en décalage complet avec ce que les gens vivent au quotidien.
Or, il y a une disposition qui est citée
dans le projet de loi n° 2, et qui est l'article 522,
qui ouvre le chapitre de la filiation et qui dit : «Tous les enfants dont
la filiation est établie ont les mêmes droits et les mêmes obligations, quelles
que soient les circonstances de leur naissance.» En d'autres mots, cette
disposition, elle existe, elle n'est pas modifiée par le projet de loi, mais
elle exprime, à mon avis, très, très bien l'esprit de la réforme, c'est-à-dire :
tous les enfants sont égaux, et on reconnaît la diversité des familles. C'est
ça que dit l'article 522. Je suggère que cette disposition devrait
désormais être l'article d'entrée du livre II de la famille, et que lorsqu'un
citoyen ouvre le Code civil au chapitre de la famille, la première chose qu'on
lui dit, c'est que les enfants vivent dans des familles très différentes, mais
ils ont tous les mêmes droits, ils ont tous les mêmes obligations. On reconnaît
le principe d'égalité, on reconnaît le principe de la diversité. Il me semble
que ce serait une façon assez solennelle et juste d'entamer le livre II du
droit de la famille.
Alors, cet article 522 exprime donc l'idée
d'égalité. Et je constate avec plaisir que le projet de loi tend à instaurer
plus d'égalité entre les enfants, et donc à appliquer concrètement ce principe
d'égalité, quelles que soient les circonstances de la naissance. Par exemple,
je vois qu'on tente d'harmoniser les règles concernant le droit de connaître
ses origines et qui est déjà, depuis de nombreuses années, accordé aux enfants
adoptés. Eh bien, on fait le parallèle avec les enfants issus de la procréation
assistée pour leur permettre également ce droit de retrouver, éventuellement, les
personnes dont ils sont issus.
• (19 h 40) •
Alors, un autre exemple que je salue aussi
et qui est une conséquence de ce principe d'égalité, c'est l'élargissement de
la présomption de paternité en dehors du cadre du mariage. C'est un peu
symbolique, mais c'est important. On reconnaît, comme d'ailleurs c'est le cas
dans toutes les provinces canadiennes sauf au Québec, on reconnaît que cette
présomption de paternité en mariage, eh bien, ça doit s'appliquer aussi hors
mariage. C'est tout à fait bienvenu. J'applaudis cette réforme puisque, comme
je vous ai dit, la plupart des enfants, maintenant, naissent hors mariage, et
ils échappaient au bénéfice de cette règle. Désormais, ils vont l'avoir.
Ceci dit, c'est plutôt symbolique parce
que la présomption de paternité n'a évidemment plus du tout la même force et la
même utilité qu'elle avait avant 1980. La présomption de paternité a beaucoup
moins d'impact, en termes d'établissement de la filiation ou de preuve de la
filiation. C'est devenu un mode très accessoire, mais bon, sur le plan
symbolique, c'est peut-être important de le <souligner...
M. Goubau (Dominique) :
...mais
bon, sur le plan symbolique, c'était important de le >souligner.
Ceci dit, et c'est peut-être l'utilité... M.
le Président, vous allez m'interrompre. Je n'ai pas regardé l'heure, donc je ne
sais pas... mais il y a, je pense, des dispositions dans le code qui seraient
tellement faciles à modifier et qui vont directement dans le sens de ce
principe d'égalité des enfants. J'en cite un, l'article 410. Je sais qu'il est
dans le chapitre de la conjugalité, mais il ne devrait pas se retrouver dans le
chapitre de la conjugalité. C'est une disposition qui dit que lorsque les
parents se séparent — les parents mariés, parce que c'est en mariage — eh
bien, le parent qui a la garde des enfants, il peut bénéficier d'un droit d'usage
de la résidence familiale où les enfants habitent, et résidence familiale qui
est la propriété de l'autre parent, c'est-à-dire du non-gardien. Eh bien, quand
j'explique aux étudiants que cette règle, dans une société où 70 % des
enfants naissent hors mariage, ne s'applique pas hors mariage, les étudiants
sont absolument abasourdis, ils ne comprennent pas.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, maître. Vous aviez malheureusement raison, je
dois vous interrompre parce qu'on passe à la période d'échange. Alors, M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Me Goubau, bonjour.
M. Goubau (Dominique) :
Bonjour.
M. Jolin-Barrette : Merci
beaucoup d'être avec nous ce soir. Je devrais dire bonsoir. Écoutez, bien, dans
un premier temps, je tiens à souligner que vous avez contribué au rapport du comité
consultatif sur la réforme du droit de la famille qui a été paru en 2015. On s'est
beaucoup inspirés du rapport, notamment. Puis vous disiez : Bien, écoutez,
ce n'est pas vrai que, depuis 40 ans, il n'y a pas eu de réforme. Je suis
d'accord avec vous. Il y a des éléments, il y a des jalons qui ont été
apportés, mais d'une façon aussi substantielle, je pense qu'il était temps que
l'on bouge. On y va en deux volets. Je comprends que vous avez un intérêt
marqué aussi pour la conjugalité, mais ça va s'en venir au cours des prochains
mois. Donc, on y va par bouchées, comme on dit, pour démarrer.
Une question. Vous n'avez pas abordé la
question de l'article 611 dans votre allocution préliminaire,
relativement... On vient le transformer un peu, donc on... relativement aux
droits des grands-parents. On vient inclure le beau-parent, les beaux-parents, donc,
dans le fond, dans l'intérêt de l'enfant, l'accès aux beaux-parents. Et, sur la
question des grands-parents, vous êtes moins à l'aise là-dessus. Pouvez-vous
nous expliquer votre point de vue?
M. Goubau (Dominique) : Oui.
Alors, oui. Et puis même je suis un petit peu en conflit d'intérêts parce que
je suis un sextuple grand-père et donc j'ai un intérêt particulier que je dois
dénoncer. Mais, non, je pense que cet article constitue un recul par rapport à
la disposition qu'on a aujourd'hui. D'abord, ce n'est pas un droit des
grands-parents, c'est un droit des enfants, des petits-enfants de maintenir des
relations personnelles, particulièrement dans des contextes de séparation ou de
décès, avec leurs grands-parents.
La spécificité de cette disposition,
lorsqu'elle a été adoptée dans le Code civil, c'est qu'on a reconnu la place
tout à fait particulière des grands-parents dans la famille québécoise et dans
le Code civil. Et il y a toutes sortes de personnes, aujourd'hui, qui gravitent
autour des enfants, particulièrement dans des contextes de transitions
familiales et de recomposition familiale. Alors, le nouvel article 611
désigne le beau-parent, qui, en cas de nouvelle séparation, pourrait, via cette
disposition, maintenir contact. Ça ne change pas grand-chose. Les tribunaux
reconnaissent déjà ce droit. Et, si un beau-parent peut faire la preuve que c'est
dans l'intérêt des enfants et qu'il constitue, qu'il représente une personne
significative pour cet enfant, il n'y aura aucun juge qui va refuser de
permettre le maintien d'une forme de relation. Mais la particularité de l'article 611
jusqu'à aujourd'hui, c'est que, pour les grands-parents, il y a une présomption
et qu'ils n'ont pas à faire la preuve. C'est aux autres à faire la preuve que
ce ne serait pas dans l'intérêt de l'enfant de maintenir ces relations. Et les
parents ne peuvent faire obstacle à ce lien tout à fait privilégié que s'il y a
des motifs sérieux de le faire.
Et donc le droit reconnaissait que, parmi
toutes les personnes qui gravitent autour des enfants — je trouve que
c'est assez sympathique comme approche — les grands-parents ont une
place particulière. Et aujourd'hui la reformulation dans le projet de loi d'aujourd'hui,
au fond, ramène les grands-parents sur le même pied que le beau-parent. Ils ne
peuvent demander le maintien d'une relation personnelle, voire même, peut-être,
éventuellement d'un droit de contact que s'ils peuvent faire la démonstration
que c'est dans l'intérêt de l'enfant. On comprend aussi qu'une des conditions,
désormais, c'est qu'il soit déjà une personne significative. Or, aujourd'hui,
ce n'est pas nécessaire. Si vous avez, par exemple, un couple qui se sépare à
la naissance de l'enfant et que la mère quitte avec les enfants, avec l'enfant
qui est encore très jeune et avec lequel les beaux-parents, donc les
grands-parents paternels, n'ont pas de contact, dans la nouvelle mouture de
611, ils ne se qualifient pas, alors qu'aujourd'hui ils ont cette présomption.
M. Jolin-Barrette : Oui. Juste
une question là-dessus, parce que c'était une des recommandations du comité
consultatif de reformuler, hein, il était recommandé «de reformuler la
présomption de l'article 611 dont bénéficient actuellement les <grands-parents...
M. Jolin-Barrette :
...la
présomption de l'article 611 dont bénéficient actuellement les >grands-parents
de manière à en faire un droit de l'enfant subordonné au principe de l'intérêt
de l'enfant». Alors, actuellement, dans le code actuel, vous le dites bien, il
y a la présomption en faveur des grands-parents, mais cette présomption-là ne
rentre en conflit avec le critère principal qui devrait être au niveau de l'intérêt
de l'enfant? Parce que...
Puis, tout à l'heure, on a eu la
discussion avec d'autres intervenants qui disaient : Mais, écoutez,
parfois, c'est le droit des parents, on regarde comment c'était construit, c'est
le droit des parents ou le droit des tierces parties, dans ce cas-ci, les
grands-parents, qui semblait primer un peu sur le droit de l'enfant aussi. C'est
sûr qu'en matière de grands-parents c'est un contexte particulier, sauf que ça
peut arriver aussi parfois que ce n'était pas nécessairement dans l'intérêt de
l'enfant d'avoir le lien avec les grands-parents. Puis il y a toutes sortes d'histoires
aussi qui se retrouvent à la cour, tout ça, mais c'était une des
recommandations de reformuler.
M. Goubau (Dominique) : Alors,
deux choses là-dessus. D'abord, je ne serais pas trop inquiet. Aujourd'hui,
quand on regarde la jurisprudence concernant les relations personnelles entre
grands-parents et les petits-enfants, les tribunaux rappellent constamment que
c'est un droit de l'enfant. Et la notion d'intérêt de l'enfant n'est pas exclue
du processus décisionnel. Les tribunaux l'ont bien compris et appliquent l'article 33.
Quand il s'agit de décider de maintenir ou non ou de créer une forme de
relation, de permettre à des grands-parents d'avoir l'occasion de connaître
leur petit-enfant, ils vont aussi appliquer l'article 33 et se demander si
c'est, dans ce cas particulier, dans l'intérêt de l'enfant. Donc, c'est déjà le
cas. Ça, c'est la première chose.
Deuxième chose, sur le fait, et vous avez
raison de me rappeler le rapport du comité consultatif, et je regarde le
président de ce comité-là en arrière de vous, j'ai été dissident sur une très
importante question, celle de la conjugalité et de l'encadrement de la
conjugalité hors mariage dans ses effets patrimoniaux. Je ne pouvais pas être
dissident sur tout, hein? Et donc il fallait être efficace.
M. Jolin-Barrette : Est-ce
que c'était votre souhait d'être dissident sur tout?
M. Goubau (Dominique) : Non,
non.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Mais, en matière de filiation, vous étiez d'accord avec le rapport?
M. Goubau (Dominique) : Oui,
oui, tout à fait, tout à fait. Mais il y a beaucoup dans ce rapport.
Évidemment, quand on est dans un petit groupe de 10 personnes, on ne fait
pas la guerre sur tous les points.
Le Président (M.
Bachand) :Est-ce que c'est une leçon pour
la commission?
M. Goubau (Dominique) : Comme
on dit : À bon entendeur, salut!
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Une autre
question. Bon, dans le rapport sur le comité consultatif qui recommandait
également de limiter à deux parents et de ne pas élargir, êtes-vous toujours d'accord
avec ça, le fait de limiter à deux parents?
M. Goubau (Dominique) : Sur
la question de la... est-ce qu'on devrait permettre deux parents, trois
parents, quatre parents, cinq parents, mon opinion personnelle...
M. Jolin-Barrette : Six?
M. Goubau (Dominique) : ...elle
n'a pas plus de poids, je pense, que l'opinion de n'importe qui. C'est une
question, à la limite, très personnelle, très, bon, sociale. Certainement pas
une question juridique. Mais ce que je peux vous dire, c'est que, dans le
projet de loi tel qu'il est, je vois et je comprends qu'on s'en tient à deux
parents, maximum, mais je vois tout de même une disposition qui ouvre la porte
à la reconnaissance de la multiparenté. Et je parle bien la multiparenté. Pas
la multiparentalité. J'imagine que plusieurs intervenants ont dû vous faire la
distinction entre les deux, multiparentalité qui traite du rôle parental. Un
beau-parent peut jouer un rôle à l'égard des enfants, on dira qu'il assume un
rôle de parentalité, il est dans le registre de la parentalité. Quand on parle
de la parenté, on vise la filiation.
C'est bien ce que réclament plusieurs
groupes, hein, qui, regardant ce qui se passe en Ontario, en
Colombie-Britannique, en Alberta... on constate que, lorsqu'on commence à
encadrer la gestation pour autrui ou la procréation assistée, qu'elle soit médicalement
assistée ou non, eh bien, la suite logique, c'est de reconnaître que trois,
quatre, cinq, six personnes peuvent être impliquées et que, dès lors, il faut
les reconnaître au registre de la filiation. Le comité consultatif a estimé qu'il
n'y avait pas assez de demandes actuellement dans la société québécoise, que,
peut-être, un jour, ça arriverait, mais nous avons conclu que ce n'était pas
quelque chose qu'on voulait recommander.
• (19 h 50) •
Ceci dit, je vois dans le projet de loi
une disposition qui est la réécriture de la notion de possession constante d'état.
Ça peut paraître un petit peu technique. En réalité, cette notion de possession
constante d'état, elle est fondamentale en droit de la filiation. C'est une... Pour
faire très bref, c'est une... c'est le deuxième mode d'établissement de la
filiation. Lorsque le nom du père — c'est généralement le père — n'est
pas à l'acte de naissance, la filiation peut être également établie en faisant
la démonstration que, dans l'entourage, cette personne est généralement
considérée comme le père d'un enfant. Et le droit actuel dit : C'est
une... Il faut un certain nombre de faits qui démontrent qu'il y a un
comportement parental mais également qu'il y a un lien <entre...
M. Goubau (Dominique) :
...qu'il
y a un comportement parental, mais également qu'il y a un lien >entre cet
enfant et la personne dont on le dit issu. En d'autres mots, il faut que l'entourage
soit convaincu — généralement, il peut y avoir des exceptions,
généralement convaincu — que ce père qui se comporte à l'égard de cet
enfant comme un père, qu'en réalité c'est son père, sous-entendu biologique. C'est
ça, la possession constante d'état.
Or, aujourd'hui, on redéfinit, dans le
projet de loi, la notion de possession constante d'état en disant :
Désormais, la possession constante d'état, c'est quoi? C'est un... Ce sont des
faits qui permettent de constater qu'une personne a agi comme père ou comme
mère à l'égard d'un enfant. On passe donc du registre de la parentalité, et du
rôle parental, et la... comment dire, l'image que l'entourage a d'une personne
qui joue un rôle parental, on passe de ce registre-là à celui de la filiation
en disant : Si vous avez un comportement parental depuis la naissance et
pendant 24 mois, la jurisprudence a dit quelque part entre 18 et 24 mois,
le projet de loi retient 24 mois, eh bien, vous êtes considéré comme le
père de l'enfant.
M. Jolin-Barrette : Mais
cela, c'est le verrou de filiation.
M. Goubau (Dominique) : Pardon?
M. Jolin-Barrette : C'est le
verrou de filiation.
M. Goubau (Dominique) : Je n'ai
pas entendu.
M. Jolin-Barrette : C'est le
verrou de filiation qui vient être inséré. Mais par contre, si jamais ce n'était
pas lui, le père biologique, il y a un mécanisme de sortie aussi. Mais c'est
toujours dans un contexte de deux parents.
Mais, si je reviens à la pluriparentalité,
là, par rapport à la gestation pour autrui, là, supposons que la porte était
ouverte à ça, là, on se retrouve avec potentiellement la mère porteuse, le
conjoint de la mère porteuse, parent 1 d'intention, parent 2 d'intention,
donneur de sperme, donneur d'ovules, ça fait que, là, on est rendus à 6,
minimum, puis ça pourrait être ça. Moi, avec ce que j'ai entendu, je trouve qu'on
est dans une situation où, dans l'intérêt des enfants, c'est préférable d'avoir
deux parents et du potentiel associé à tous les impacts et les conséquences
juridiques qu'il peut y avoir.
M. Goubau (Dominique) : Personnellement,
je vous suis là-dessus. Mais, quand vous dites : C'est limiter la
possession constante d'état à deux personnes, et le projet de loi inscrit un
principe jurisprudentiel... La Cour d'appel a dit, il n'y a pas longtemps, qu'il
ne peut pas y avoir de possession constante d'état à l'égard de deux pères
simultanément, et vous l'inscrivez très justement dans la loi, sauf que la Cour
d'appel a dit ça pourquoi? Parce que la possession constante d'état, c'est le
lien entre un enfant et un adulte dont on le dit issu. Et, par conséquent, de
façon très logique, la Cour d'appel a dit : Il ne peut pas y en avoir
deux, ça ne se peut pas que tu aies deux pères. Donc, c'est la raison pour
laquelle la Cour d'appel a dit : Il ne peut pas y avoir de possession
constante d'état simultanée.
Mais là, ce que vous faites, enfin, ce que
fait le projet de loi n° 2, on vient dire :
La possession constante d'État, c'est le comportement parental. Or, il peut y
avoir plusieurs personnes qui ont un comportement parental. Et je peux vous
dire ceci : Si j'étais, demain matin... si cette définition passe dans la
loi et que j'étais consulté, je ne vous dis pas que c'est bien ou pas bien,
mais, si j'étais consulté par un trio dans le cadre d'un contrat de mère
porteuse, dont, depuis le début de la naissance, les deux pères se sont
comportés comme des pères, et sont connus dans l'entourage comme des personnes
qui se comportent comme des pères, et que la mère est dans le décor aussi, donc,
et qu'il y a une revendication de triparenté, je n'aurais pas beaucoup d'hésitation
à défendre, devant un tribunal, que les deux se qualifient au sens de la
possession constante d'état, qui est désormais un mécanisme qui réfère au
comportement parental, et que la seule raison pour laquelle le deuxième père ne
peut pas être inscrit à l'acte de naissance, c'est parce qu'il y a cette
interdiction, dans les dispositions sur l'acte d'état civil, dans les règles d'état
civil. Et donc je pense que cette disposition est fragile en termes de respect
de l'article 15 de la charte canadienne et le principe d'égalité.
M. Jolin-Barrette : O.K.,
mais... Je vous remercie beaucoup pour votre témoignage. Je vais céder la
parole à mes collègues. Mais je tiens à dire que ce n'est pas l'intention du législateur,
et on va apporter des clarifications, relativement, pour que ça ne soit pas
cette interprétation-là qui soit retenue et que vous n'ayez pas à faire une
opinion juridique en ce sens-là.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Chapleau, s'il vous plaît.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup, M. le Président. Pr Goubau, merci. Donc, un débat sur la
constitutionnalité ce soir, ça serait quand même intéressant, mais j'aimerais
vous ramener sur le droit aux origines. Vous avez mentionné ça d'entrée de jeu,
vous avez mentionné la connaissance des origines. Vous avez également parlé de
l'inscription à la charte, mais aussi au Code civil, puis je voulais savoir un
peu, là, votre position par rapport à ça. Donc, vous êtes, j'imagine, favorable
à ce qui est présenté par rapport au projet de loi. Puis peut-être nous parler
de l'inscription puis de la façon dont vous voyez ça, là, autant à la charte
qu'au Code civil.
M. Goubau (Dominique) : Alors
moi, je suis tout à fait favorable à l'inscription dans la charte et même, au
chapitre des droits de la personnalité, du droit de tout individu de connaître
ses origines, dans le respect des dispositions de la loi, dans les conditions <prévues...
M. Goubau (Dominique) :
...dans le respect des dispositions de la loi, dans les conditions >prévues
dans la loi. Mais je veux indiquer que le projet de loi n° 2
apporte tout de même certaines différences selon la situation dans laquelle l'enfant
se trouve. Un exemple : en matière d'adoption, il peut y avoir un droit de
veto non seulement sur le contact, mais également sur l'identité, alors que
lorsqu'on parle de procréation assistée, le projet de loi n° 2
met en place un système de veto, donc, sur le contact, mais pas sur l'identité.
Et donc je m'interroge sur le traitement différent du droit de connaître ses
origines de l'enfant issu de la procréation assistée et de l'enfant adopté. Je
pense qu'il faut... s'il y a un droit de veto... s'il n'y a pas de droit de
veto pour l'enfant en procréation assistée pour ce qui est de l'identité, alors
il ne devrait pas y avoir de droit de veto en droit d'adoption. On affirme le
principe de l'égalité des enfants, il faut en tirer les conclusions, et, lorsqu'on
organise ce principe excellent du droit aux origines, il faut l'appliquer
également, quelles que soient les circonstances de la naissance de l'enfant, et
ne pas faire des distinctions là-dessus.
Il y a un autre élément qui est en lien indirect
avec la question que vous posez, c'est la difficulté que certains enfants
pourraient avoir en procréation assistée à retrouver la personne dont ils sont
issus. Et, lorsqu'on parle de GPA, le projet de loi, et je pense c'est une très
bonne chose, organise de façon très détaillée le formalisme autour de l'entente
à plusieurs étapes. Il y a donc une trace, non seulement une trace, mais une
trace notariée. Donc, il n'est pas très compliqué pour un enfant qui veut
retrouver ses origines de faire appel au registre et au greffe...
M. Lévesque (Chapleau) : Mais
vous, vous questionnez même les formalités qui entourent la procréation
assistée. Mais êtes-vous en faveur des formalités ou non? Pas nécessairement?
M. Goubau (Dominique) : Non,
je pense que c'est une très bonne idée en GPA. Mais je m'étonne que, pour la
gestation... pas pour la gestation, pour la procréation assistée dite
artisanale ou par relations sexuelles, qu'il n'y ait aucune formalité. Déjà,
dans le droit actuel, c'est un problème. Aujourd'hui, vous savez, quand deux
personnes ont un projet parental avec l'apport... ou une personne seule, avec l'apport
des forces génétiques d'un tiers, il peut y avoir une discussion, à mon avis,
insignifiante, devant les tribunaux pour savoir : Est-ce que, oui ou non,
ça s'est fait par procréation assistée? Est-ce que, oui ou non, il y a eu
projet parental au sens de l'article 538?
Le Président (M. Bachand) :
Merci...
M. Goubau (Dominique) : Il n'y
aurait plus de discussion possible.
M. Lévesque (Chapleau) :
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, maître. Je dois passer de la parole au député
de Lafontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Merci beaucoup.
Bonne soirée. Merci beaucoup d'être avec nous, Pr Goubau. Je pense que je
vous ai eu comme professeur en 1997...
M. Goubau (Dominique) : Merci
de me rajeunir.
M. Tanguay : ...à l'Université
Laval. Alors, ça ne se veut pas un coup bas, non, mais merci beaucoup. Puis
vous avez gardé cette passion, cet intérêt. Et je me rappelle du cours Droit de
la famille. C'était... C'était très, très enrichissant et très dynamique, la
façon dont vous enseigniez. Alors je le retrouve, ça, ce soir. Puis souvent les
cours étaient de soir également, alors c'est comme un retour vers l'arrière.
Puis je ne sais pas quand sera l'examen, mais je vais bien travailler.
Écoutez, j'aimerais vous entendre. Vous
avez parlé beaucoup de l'article 611, il semble donc aussi s'y ajouter,
mais peut-être que vous allez me dire que ça, ça s'est développé avec les
années, avec la jurisprudence, la possibilité pour l'enfant âgé de 10 ans
et plus d'y consentir. Ça, j'imagine que ça s'est créé? C'est un... On récupère
ce qui s'est développé dans la jurisprudence, ici?
M. Goubau (Dominique) : Non.
Je trouve que c'est une très bonne chose de l'ajouter, même si ça rejoint la
jurisprudence qui, depuis plusieurs années maintenant, a déterminé que,
normalement, lorsqu'un enfant donne son avis, à partir de 10 ans, ça
devient pas mal le critère déterminant, pas seulement pour les grands-parents, mais
aussi en matière de garde. Lorsqu'un enfant refuse de voir un parent ou veut
être en garde partagée, la Cour d'appel, au Québec, est vraiment très claire
là-dessus, à partir de 10 ans, c'est un élément extrêmement important, à
partir de 12 ans, c'est quasiment le critère déterminant. Donc, le nouvel
article 611 reprend cette règle-là, et je trouve que c'est une très bonne
chose.
• (20 heures) •
M. Tanguay : Et vous avez mis
en garde le législateur un peu plus tôt lorsque vous avez dit : Bien, dans
le cas des <parents, le fait...
>
20 h (version révisée)
< M. Goubau (Dominique) :
...la Cour d'appel, au Québec, est vraiment très claire là-dessus, à partir de
10 ans, c'est un élément extrêmement important, à partir de 12 ans,
c'est quasiment le critère déterminant. Donc, le nouvel article 611
reprend cette règle-là, et je trouve que c'est une très bonne chose.
M. Tanguay :
Et
vous avez mis en garde le législateur un peu plus tôt lorsque vous avez dit :
Bien, dans le cas des >parents, le fait d'ajouter le critère d'avoir une
relation significative pour pouvoir prétendre avoir un lien ou pouvoir faire
reconnaître un lien, évidemment, si l'enfant avant 10 ans n'a pas de lien
significatif et qu'à 10 ans, il peut dire : Est-ce que j'ai l'intention
d'avoir une relation avec les beaux-parents, s'il n'y a pas eu de lien
significatif? La réponse risque d'être, à 99,9 % des cas, non, j'imagine.
M. Goubau (Dominique) : C'est
ça.
M. Tanguay : Alors, c'est
comme si, couplés ensemble, ces deux critères-là viennent, sur votre point,
encore plus diminuer l'accès des grands-parents, le cas échéant, à l'enfant.
M. Goubau (Dominique) : Oui,
c'est surtout que l'article 611 tel qu'il est proposé ici vient mettre et
organiser un obstacle à l'organisation de relations personnelles entre des
grands-parents et leurs petits-enfants, particulièrement dans des contextes où
il y aurait une séparation précoce qui n'aurait pas permis, dans ce cas
particulier, aux grands-parents, de faire la preuve d'un lien significatif avec
l'enfant. Jusqu'à présent la loi prévoyait que, même s'il n'y a pas encore de
contacts, ça vaut la peine de préserver ce potentiel de contacts parce que les
grands-parents représentent des personnes particulières dans la vie de chacun.
M. Tanguay : Dans le document
que vous avez envoyé, vous parlez... entre autres, le lien... vous vouliez
aborder le lien entre le droit de la preuve en matière de filiation et le fait
de la naissance comme mode d'établissement de la filiation maternelle. Est-ce
que vous avez développé... Voulez-vous développer davantage là-dessus, s'il
vous plaît?
M. Goubau (Dominique) : Oui.
En fait, il faut faire le lien entre cet article 523 qui dit, dans le
projet de loi, hein... enfin, ce qui deviendrait l'article 523 du Code
civil qui dirait que c'est la naissance qui établit la maternité et c'est la
déclaration au Directeur de l'état civil qui établirait la paternité, et l'article 114,
au chapitre de l'état civil, le nouvel article 114, tel que modifie le
projet de loi, dirait : Le père a l'obligation de déclarer. C'est ce que
dit le nouvel article 114 dans le projet de loi. J'ai mis à côté... Ah! excusez,
la mère a l'obligation de déclarer, puisque sa maternité est établie par la
naissance. Elle a donc l'obligation de déclarer cette naissance. J'ai mis à
côté de cette disposition-là : Et pourquoi pas le père? La mère aurait l'obligation
de déclarer; le père n'aurait pas cette obligation.
Moi, je soutiens que, s'il est acceptable
que c'est la maternité qui établit... que c'est l'accouchement qui établit le
lien de maternité, je pense que ce qui établit au fond la paternité, c'est le
lien génétique, et que les deux ont une obligation de déclaration. Et, par
conséquent, à mon avis, l'article 523 devrait être formulé de manière à
refléter ce principe selon lequel, effectivement, l'accouchement établit la
maternité, mais le lien génétique établit la paternité, et les deux ont donc l'obligation
de déclarer. C'est tellement vrai que c'est le lien génétique qui établit la
paternité que, même si un père déclare sa paternité au Directeur de l'état
civil, et donc, selon le projet de loi, sa paternité serait établie pas
seulement prouvée, mais établie par cette déclaration. Eh bien, s'il n'y a pas
possession constante d'état conforme à cette déclaration, sa paternité peut
être contestée. Par qui? Par celui qui vient avec un test génétique. C'est donc
bien la preuve que ce qui fonde la paternité, c'est la génétique et ce n'est
pas la déclaration. De même que ce qui fonde la maternité, c'est l'accouchement
de la mère et non pas sa déclaration.
La déclaration au Directeur de l'état
civil, dans cette logique, deviendrait une obligation pour qu'on constitue une
preuve, à l'égard de tous, de qui est la mère et qui est le père, c'est-à-dire
une déclaration permettant d'établir l'acte de naissance qui constitue la
preuve, à l'égard de tous, de la paternité et de la maternité.
Ce serait beaucoup plus logique parce que
ça éviterait d'arriver avec un double standard, c'est-à-dire que, pour la mère,
c'est le fait biologique qui établit la maternité, alors que, pour le père,
lui, il n'a même pas l'obligation de déclarer. Ce qui établit sa paternité, c'est
sa volonté de déclarer, son geste de déclarer. Ce sont deux, comment dire,
traitements complètement différents que je trouve illogiques. Et voilà.
M. Tanguay : Au chapitre de l'article 96
du projet de loi, donc tout le chapitre sur la gestation pour autrui, quel
drapeau rouge ou jaune vous voudriez, de façon plus spécifique, nous agiter
quant à cette... Parce que c'est un régime en soi, là. Il y a 38 articles
qui vont s'ajouter du jour au lendemain, à la mise en vigueur, dans le Code
civil. C'est un régime en soi. Et il y a une logique interne, il y a des choix
qui sont faits, et, des fois, on ne pense pas toujours aux conséquences. J'aimerais
vous entendre là-dessus.
M. Goubau (Dominique) : Quand
je l'ai lu, je n'ai pas tout compris. J'ai dû le lire quelquefois et je me suis
dit : C'est écrit comme une loi ontarienne où on veut tout prévoir et tout
mettre dans la loi. C'est une loi... c'est une façon de faire à qui manque le
génie du droit civil. Et je pense qu'il y a moyen de dire les choses de façon
beaucoup plus simple avec les mêmes garanties, quitte à donner du détail dans
une loi particulière. Ça c'est déjà fait. On l'a fait en adoption, on l'a
fait... Ça se fait. Et l'adoption internationale, tout n'est pas dans le Code
civil, il y a une loi sur l'adoption internationale. Même chose pour
l'enlèvement. Et donc, ça, ça a été ma première réaction. Ensuite, j'ai tout lu
et je me suis réjoui de voir qu'il y a un véritable souci d'éviter l'écueil le
plus dangereux, c'est-à-dire l'exploitation des <femmes..
M. Goubau (Dominique) :
...et l'adoption internationale, tout n'est pas dans le Code civil, il y a une
loi sur l'adoption internationale. Même chose pour l'enlèvement. Et donc, ça,
ça a été ma première réaction. Ensuite, j'ai tout lu et je me suis réjoui de
voir qu'il y a un véritable souci d'éviter l'écueil le plus dangereux, c'est-à-dire
l'exploitation des >femmes et le trafic d'enfants, l'enfant objet d'un
contrat. Et donc, ça, c'est la bonne nouvelle, mais je trouve que, dans la
forme, c'est trop compliqué.
Et puis, il y a une dernière chose que je
voudrais dire, c'est que ce n'est pas conforme non plus à la tradition du droit
civil. Le Code civil veut donner, dans son livre II, une image de la
famille du Québec. Là, vous avez un certain nombre de dispositions, mais qui
sont écrasées par la multitude de dispositions concernant un mode de filiation,
qui est important, mais qui, on s'entend, ne concerne pas des millions de
personnes. Et donc, ça prend formellement, géographiquement, j'allais dire, une
place qui ne répond pas à la réalité de la vie.
Et c'est pour ça que ça me dérange de voir
autant de détails, autant d'explications sur une forme. Si vous donnez ce texte
tel qu'il est à quelqu'un à l'étranger, et qui lit ça, il dit : Tiens, au
Québec, c'est incroyable, vraiment, la gestation pour autrui, ça marche. Et ce
n'est pas juste, ce n'est pas exact, hein? Et ça ne veut pas dire que ce n'est
pas important comme sujet, mais peut-être qu'il pourrait être traité soit de
façon plus simple, soit alors dans un texte parallèle. On pourrait garder le
principe dans le code et dire : Voici les grands principes de la gestation
pour autrui. Si vous voulez le détail, vous regardez la petite loi sur la
gestation pour autrui. Ce serait plus élégant, à mon avis.
M. Tanguay : Est-ce que...
Trouvez-vous que dans ces dispositions là, dans les 38 articles, on
protège suffisamment l'intérêt de l'enfant? Trouvez-vous qu'il est suffisamment
au centre du début à la fin? Et y voyez-vous peut-être des écueils qui
pourraient survenir quant à la protection de l'intérêt de l'enfant?
Le Président (M.
Bachand) :En 1 min 20 s.
M. Goubau (Dominique) : Oui.
Je pense que c'est un effort louable, mais je ne suis pas très rassuré.
M. Tanguay : Ah non?
Pourquoi?
M. Goubau (Dominique) : Bien,
c'est à dire, pas par le texte, mais j'entends évidemment ici et là des gens
expliquer que la gestation pour autrui, finalement, ça se passe très bien et
que c'est un projet commun de trois, quatre personnes. Et je suis sûr que ça
existe, mais je suis tout aussi persuadé, et je n'ai pas une connaissance par
la recherche que j'en ai faite, mais par les décisions que j'en ai lu et j'en
ai lu énormément. Les tribunaux nous ramènent des scénarios dans le champ de l'adoption
qui nous racontent des histoires qu'on veut à tout prix éviter, et je pense que
ce ne sont pas les dispositions, telles que prévues dans le projet de loi, qui
vont complètement régler ces questions- là.
Je pense que le fédéral a son rôle à jouer
et qu'il faut rendre la Loi sur la procréation assistée au fédéral plus
effective dans son application, et que lorsqu'il y a des infractions, eh bien,
ça s'appelle des infractions pénales. Il doit y avoir des poursuites. Et quand
on... Il n'y en a pas actuellement. À toutes fins pratiques, cette loi n'est
pas appliquée. Et là, ce n'est pas la responsabilité du Québec.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Et je vous rappelle que pour les deux prochains intervenants, le temps de
questions et de réponses est assez court. Donc, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve,
2 min 43 s, s'il vous plaît.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Bonsoir, Me Goubau. Hier, votre collègue Me Louise Langevin, à la
même heure, était ici devant nous et elle tenait les propos suivants quant aux
concepts qu'on entend parfois du droit à l'enfant, et non pas le droit de l'homme,
mais le droit à l'enfant, puis elle disait : Ça n'existe pas, le droit à l'enfant.
Il ne faut pas le mélanger avec le désir d'avoir un enfant, un désir de l'enfant.
Est-ce que vous... Comment vous vous situez, vous, par rapport à cette
affirmation?
M. Goubau (Dominique) : Bien,
je pense que c'est une évidence quand on dit qu'il n'y a pas de droit à l'enfant.
C'est une façon d'exprimer l'idée selon laquelle les règles de la filiation
doivent être au service des enfants et non pas des adultes. On a vu dans l'histoire,
par exemple, de l'adoption au Québec, comme partout au monde, que, bien
souvent, ce mécanisme de filiation est au service d'adultes et non pas au
service des enfants. Et donc, il faut rappeler régulièrement qu'il n'y a pas ce
droit aux enfants et qu'il faut que... les règles de filiation sont là pour
donner un lien de filiation à un enfant dont il est le bénéficiaire. Et donc,
voilà. Donc... Et je pense que c'est ce que tente de faire le projet de loi n° 2
en encadrant une activité qui, aujourd'hui, souffre d'une absence totale d'encadrement,
pratiquement oui, vraiment, puisque l'entente elle-même est considérée comme
nulle. Aujourd'hui, au moins, elle bénéficiera de cet encadrement-là
M. Leduc : Et ça ne remet pas
en question le concept qu'il n'existerait pas de droit à l'enfant?
• (20 h 10) •
M. Goubau (Dominique) :
Alors, vous faites bien de poser la question. Il ne s'agit pas d'un contrat
dont l'enfant est l'objet. C'est une entente sur un projet de filiation et de
parenté. Alors, certains vont dire : Oui, ce sont des nuances de juriste,
mais c'est quand même très important comme nuance. On n'est pas dans le
chapitre sur droits et obligations. L'enfant n'est pas un objet de cette
entente, de ce contrat. Les règles sont là pour encadrer une entente entre des <adultes,
mais dans l'intérêt des enfants et dans un cadre...
M. Goubau (Dominique) :
...un projet de filiation et de parenté. Alors, certains vont dire : Oui,
ce sont des nuances de juriste, mais c'est quand même très important comme
nuance. On n'est pas dans le chapitre sur droits et obligations. L'enfant n'est
pas un objet de cette entente, de ce contrat. Les règles sont là pour encadrer
une entente entre des >adultes, mais dans l'intérêt des enfants et dans
un cadre juridique qui essaie, et j'espère qu'il y arrivera, d'éviter les
écueils.
M. Leduc : Merci
beaucoup.
M. Goubau (Dominique) :
Vous savez, sur les écueils, juste une dernière chose...
Le Président (M. Bachand) :
Oui, allez-y.
M. Goubau (Dominique) :
On dit : On ne peut pas rémunérer, mais on peut compenser. Bien, regardez
ce qui se passe en matière de recherche pharmaceutique. On a la même règle.
Moi, j'ai plusieurs étudiants qui ont financé leurs études en acceptant d'être
cobayes, alors qu'ils ne l'auraient pas fait, n'eût été de leurs besoins
financiers. Donc, je pense que le même problème se pose en matière de GPA.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme Hivon : Oui, merci.
Bonsoir, M. Goubau. Vous dites, un des éléments, là, dans votre lettre :
«Les formalités entourant la procréation assistée. Est-il logique de traiter
différemment la GPA et les autres modes de procréation assistée?» Tantôt, vous
l'avez effleuré, mais là ça a bifurqué. Qu'est-ce que vous voulez dire
précisément?
M. Goubau (Dominique) :
Je voulais essentiellement indiquer que la GPA hors procréation médicalement
assistée, où, évidemment, il y a un dossier médical, il y a des traces, et hors
GPA, eh bien, il n'y a pas de formalisme qui permet d'écarter tout débat sur l'existence
ou non du projet parental. Et je pense que ce ne serait pas très compliqué d'exiger...
ça ne doit pas être notarié, mais d'exiger un document dans lequel l'accord des
parties est acté. D'autant plus que le projet de loi insiste, et je pense qu'il
a raison de le faire, sur le fait que tout le monde doit être bien au courant.
La cour... c'est la Cour d'appel qui a établi qu'il ne peut pas y avoir de
projet parental au sens de l'article 538 si toutes les parties ne sont pas
au courant préalablement. Alors, comment le prouver? La meilleure preuve, c'est
l'écrit. Donc, je pense que pour éviter ça, ce serait du bon droit, hein,
"good law", éviter les conflits, eh bien, ce serait très intéressant
de prévoir dans le projet de loi qu'une entente écrite doit être faite entre le
donneur, celui qui apporte ses fonds génétiques, et ceux qui sont dans le
projet parental.
Ceci dit, il y a juste une petite, petite
anomalie dans cette réécriture de l'article 538, que je peux peut-être
signaler en passant, si je peux la trouver, y aller... Voilà, 538. On nous dit,
à 538.2, alinéa 2, on indique : «Toutefois, une réclamation de
filiation est possible si le tiers qui a fourni son matériel reproductif par
relation sexuelle ou par insémination artisanale n'a pas été informé au
préalable de la nature de son apport à ce projet.» C'est l'arrêt de la Cour d'appel,
mais moi, je soumets que, puisque vous avez justement redéfini le projet
parental à l'article précédent, c'est-à-dire que le projet parental implique
que le donneur des forces génétiques soit au courant, alors cet
article 538.2, alinéa 2, n'a pas de sens, parce qu'il n'y a pas de
projet parental si l'on n'est pas au courant. Donc, 538, alinéa 2, n'a pas
sa raison d'être.
Et, dernière chose, la distinction dans la
loi... dans le projet de loi, entre procréation médicalement assistée,
artisanale ou par relation sexuelle n'a au fond de sens que sur une question de
preuve. C'est parce qu'on doit pouvoir le prouver. Or, médicalement, on peut le
prouver, on a le dossier médical. Pour les autres, on ne peut pas le prouver.
Donc, la loi le distingue en disant : Attention, si ce n'est pas médical,
alors il faut qu'il soit au courant, etc., mais s'il y a un document, il n'y
aura aucun problème.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, c'est tout le temps... Le temps file
très, très, très rapidement. Merci beaucoup d'avoir été avec nous ce soir,
maître.
M. Goubau (Dominique) : C'est
moi qui vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) : Cela dit, je suspends les travaux quelques instants
pour accueillir nos prochaines invitées. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 20 h 15)
(Reprise à 20 h 20)
Le Président (M.
Bachand) :Alors, bonsoir à tout le monde.
À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, il nous
fait plaisir — s'il vous plaît, veuillez prendre siège, merci — alors
il nous fait plaisir d'accueillir les représentantes de la Coalition des
familles LGBT+, également du Conseil québécois LGBT, je fais très attention de
bien prononcer. Alors, je vous invite... Premièrement, bienvenue, très heureux de
vous avoir ce soir avec nous. Donc, je vous inviterais à vous présenter, à
débuter l'exposé et, après ça, on aura l'échange avec les membres de la
commission. Et, si vous voulez enlever vos masques durant la présentation, il n'y
a aucun souci. C'est plus confortable. Alors la parole est à vous. Merci
beaucoup.
Conseil québécois LGBT
Mme Marchand-Labelle (Ariane) : Merci.
M. le Président, M. le ministre, vous, les parlementaires, merci beaucoup de
votre invitation aujourd'hui. Je suis directrice au Conseil québécois LGBT, le
regroupement des quelque 65 organisations LGBTQ+ au Québec.
Le Québec a, par le passé, été une figure
de proue en matière de respect et d'inclusion concrète des communautés
LGBTQIA+. Depuis le dépôt du projet de loi n° 2, notamment via des lettres
ouvertes et des publications sur les réseaux sociaux, le peuple québécois
démontre non seulement son ouverture et sa compréhension des enjeux, mais aussi
son souci de maintenir le climat actuel d'acceptation et de respect que notre
société a travaillé fort à créer.
D'ailleurs, notre mémoire, que vous avez
reçu, est accompagné de plus de 60 lettres d'appui provenant d'organisations
communautaires, d'organisations féministes, de grands syndicats, d'entreprises,
et ce, de partout au Québec. Grâce à une campagne d'information, c'est plus de
35 000 courriels de solidarité envoyés par des citoyens à des députés
de l'Assemblée nationale qui ont été reçus. Et la pétition rédigée par le
Centre de lutte contre l'oppression des genres et soumise par la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques
a amassé plus de 12 000 signatures. Nous souhaitons que le Québec
redevienne un leader dans la défense des droits de toute personne à la vie, à
la dignité, à la disposition de son corps et à la vie privée.
Vu le temps restreint que j'ai, je vous
invite à regarder notre mémoire concernant les enjeux touchant les personnes
trans et non binaires. Sur ces enjeux-là, je tiens à réaffirmer, là, notre
appui aux experts que vous avez vus et que vous verrez, là, soit Florence
Ashley, TransEstrie, ASTTEQ, l'ATQ, la Coalition des familles, avec qui je
suis. Une des choses qui pourrait être intéressante de discuter, c'est
peut-être la question de la mention d'altération sur les certificats de
naissance. Donc, si jamais vous voulez m'en parler, ça me ferait plaisir.
Moi, je vais m'attarder un peu sur notre
recommandation concernant les personnes intersexes. Dans le fond, la première
revendication des groupes intersexes, c'est, et depuis de nombreuses années,
que cessent les interventions non consenties que les enfants intersexes
subissent. Toute action gouvernementale qui est faite concernant les personnes intersexes
doit partir de ce postulat de base, de ce besoin essentiel. Ces
interventions-là sont irréversibles, sont non urgentes pour la santé des
enfants. Elles sont motivées par un souci cosmétique de normalisation. Elles
peuvent avoir des effets secondaires, des conséquences dommageables pour la
santé physique et mentale. Elles constituent dans tous les cas une agression
puisqu'elles sont faites sans le consentement de la personne qui les subit.
Au Québec, ces interventions-là ont lieu,
elles sont enseignées dans nos écoles de médecine. D'après l'enquête d'Édith
Paré-Roy parue cette année, entre 2015 et 2020, c'est 1 385 chirurgies
qui ont été pratiquées sur des enfants intersexes de 0 à 14 ans. Ces
jeunes-là, bien, ils ont été privés de la possibilité de pouvoir donner leur
consentement libre et éclairé sur le fait de subir une opération ou non.
Pourtant, c'est eux qui vont vivre avec les conséquences de ces opérations-là,
puis pour toute leur vie. Ces interventions-là sont condamnées par plusieurs
institutions à l'international, à commencer par les Nations unies, le Conseil
de l'Europe, et sont interdites à Malte, au Portugal, en Allemagne pour motif
de violation des droits humains, parce que ce sont des mutilations vues par
plusieurs institutions comme de la torture.
Dans le projet de loi n° 2, il y a
trois mesures qui vont à l'encontre des droits des enfants intersexes à la vie,
à la sûreté, à l'intégrité et à la liberté. D'abord, il y a l'ajout de la
mention de sexe dit indéterminé sur l'acte de naissance, l'exigence de changer
cette mention une fois que le sexe est déterminé et la conditionnalité à des
modifications corporelles pour accéder au changement de mention de sexe,
disposition qui... le ministre nous a déjà annoncé, là, qu'elle serait amendée.
Il faut savoir qu'il y a très peu de
parents, là, qui seraient en mesure d'accepter que la mention du sexe de leur
enfant reste indéterminée, puisque cette mention distingue leur enfant
intersexe des enfants dits normaux. Elle serait visible sur des documents
officiels, ce qui expose à des risques inutiles de discrimination. Évidemment,
bien, il n'y a aucun parent qui souhaite que leur enfant soit discriminé. Donc,
ça pousserait à accepter des interventions dites normalisantes.
Le statut indéterminé, selon le projet de
loi, est aussi appelé à être corrigé dès que possible. Ça, ça renforce l'idée
que c'est temporaire et qu'en fait, comme la mention, le corps devrait être
corrigé. Il faut savoir que les personnes intersexes sont nombreuses à se
satisfaire de l'attribution de genre... de sexe binaire, soit M ou F, et ce,
peu importe leurs caractéristiques sexuelles. En fait, cette nouvelle mention
là, ce n'est pas une demande des principales personnes concernées.
Je peux rappeler... je voudrais rappeler
aussi que, comme pour les personnes trans et non binaires, pour les personnes intersexes,
avoir recours à des interventions médicales ou à l'hormonothérapie, c'est
vraiment un choix personnel pour son bien-être et non pas un besoin universel.
Bref, dans sa présente mouture, le projet de loi ne répond pas aux besoins des
personnes intersexes, et, malheureusement, il nuit à l'avancée de leurs droits plutôt
que d'y contribuer comme c'était l'intention au départ.
Pour la suite, je vais laisser la parole à
ma collègue, Mona Greenbaum, qui est directrice à la Coalition des familles
LGBT et qui va davantage vous parler des enjeux touchant les <familles...
Mme Marchand-Labelle (Ariane) :
...plutôt que d'y contribuer comme c'était l'intention au départ.
Pour la suite, je vais laisser la
parole à ma collègue, Mona Greenbaum, qui est directrice à la Coalition des
familles LGBT et qui va davantage vous parler des enjeux touchant les >familles.
Coalition des familles LGBT+
Mme Greenbaum (Mona) : Merci.
Donc, je vous remercie beaucoup pour votre invitation pour venir présenter nos
mémoires. Je n'ai que cinq minutes pour vous parler de droit de la famille, et
donc je vais parler de certains points clés de notre mémoire, que vous avez
reçu.
En fait, il y a trois éléments principaux
dans le projet de loi qui nous inquiètent. Le premier concerne la gestation
pour autrui. Nous nous réjouissons que l'État propose de mettre en place une
procédure administrative relativement facile afin que les parents d'intention
soient légalement reconnus sans l'obligation d'aller devant les tribunaux. Nous
sommes en accord avec l'essentiel du processus administratif recommandé.
Par contre, nous nous opposons aux
articles qui donnent à la gestatrice la possibilité de devenir le parent légal
de l'enfant dans les 7 à 30 jours suivant la naissance de l'enfant. Nous
sommes évidemment d'accord avec le principe d'autonomie corporelle. Tout au
long de la grossesse, la femme porteuse doit avoir le droit unique et autonome
de prendre ou de refuser des traitements médicaux. Elle doit avoir aussi le
droit de mettre fin à la grossesse. Nous estimons par contre que si la femme
porteuse n'a pas fait des démarches pendant sa grossesse pour terminer le
projet de la GPA, il n'est pas dans l'intérêt de l'enfant qu'elle dispose d'un
autre 30 jours après sa naissance pour changer d'idée.
En mettant l'emphase sur la personne qui
porte l'enfant, nous croyons que le projet de loi se fixe sur des notions
essentialistes où la vision d'une femme enceinte est tellement puissante qu'elle
obstrue ce qui est dans le meilleur l'intérêt de l'enfant. Selon nous, c'est le
meilleur intérêt de l'enfant qui doit toujours primer. Il est donc impensable
qu'une personne qui n'avait pas un projet parental et qui, de plus, n'est
souvent même pas liée génétiquement à l'enfant puisse avoir le droit de décider
du futur de ce dernier. Si on pense aux impacts réels de cette recommandation,
on ne peut qu'imaginer le stress immense que les parents d'intention vont vivre
pendant ces 30 jours, moment qui est censé d'être de joie et d'attachement
avec le nouveau-né. Cette période de 30 jours va aussi, sans aucun doute,
créer beaucoup d'anxiété autour de la relation entre parents et femmes
porteuses. Est-ce vraiment dans l'intérêt de l'enfant de freiner cette
harmonie?
Notre deuxième inquiétude concerne la
pluriparenté. Les familles pluriparentales sont déjà légalement reconnues dans
plusieurs provinces canadiennes. Colombie-Britannique, Ontario et la
Saskatchewan reconnaissent les familles pluriparentales comme étant
fonctionnelles, socialement valides et valables et capables de répondre aux
besoins des enfants. Dans la situation actuelle au Québec, un enfant dans une
famille pluriparentale risque de perdre contact avec un de ses parents s'il y a
des problèmes, car un troisième ou quatrième parent n'a aucun droit ni
responsabilité. Est-ce vraiment dans l'intérêt de l'enfant de perdre l'accès à
un parent ou de perdre son soutien? C'est exactement pour cela que l'encadrement
légal est essentiel. Si on met l'enfant au centre de nos préoccupations, nous
croyons que, comme dans les autres provinces canadiennes, nous devons encadrer
toutes les familles qui existent et non seulement les familles traditionnelles.
• (20 h 30) •
La troisième inquiétude concerne les
parents trans et non binaires. Nous avons demandé, tel que prévu dans le
jugement de la Cour supérieure, qu'un troisième rôle parental soit créé, celui
de parent, pour correspondre aux besoins des parents qui ne s'identifiaient pas
avec les rôles traditionnels, mère et père. C'est avec consternation que nous
avons constaté que le gouvernement a décidé de mettre en place la catégorie
parent pour refléter la réalité des parents non binaires, sans toutefois offrir
ce choix à tous les parents québécois. En créant une catégorie distincte, la
catégorie parent, accessible uniquement aux parents non binaires et trans, le
gouvernement nie les droits à la confidentialité, la vie privée et la sécurité,
des droits fondamentaux inscrits dans la charte des droits et libertés du
Québec. La solution est simple. Nous croyons que toute <personne...
>
20 h 30 (version révisée)
< Mme Greenbaum (Mona) : ...dans
la charte des droits et libertés du
Québec. La solution est simple. Nous
croyons que toute >personne, qu'elle soit trans ou non, pourrait faire
bon usage de cette catégorie. Les Québécois et Québécoises auraient donc la
possibilité d'être désignés comme «mère», ou «père», ou «parent» de leur enfant.
Un tel changement permettrait de prendre en considération la réalité des rôles
parentaux contemporains. Merci pour votre écoute.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup pour votre présentation. M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Merci,
M. le Président. Mme Greenbaum, Mme Marchand-Labelle, merci beaucoup
pour votre présence ici, en commission parlementaire ce soir.
Si vous voulez, débutons par la gestation
pour autrui, relativement aux mères porteuses. Vous dites dans votre mémoire
que... Bien, en fait, revenons à la base, de la façon qu'on a construit le
projet de loi. Moi, ce qui m'a guidé, en construisant le projet de loi, c'est
de faire en sorte, dans un premier temps, de protéger l'intérêt de l'enfant à
naître. Parce que, bon, ça existe, la gestation pour autrui au Québec, certains
vont en Ontario ou d'autres gens le font ici, au Québec, mais ce n'est pas encadré,
puis l'enfant peut se retrouver dans un flou juridique, ce qu'on ne veut pas.
Puis on veut lui assurer une famille, on veut assurer une filiation, des
obligations alimentaires. C'est engageant, lorsqu'on décide d'avoir un enfant,
puis il faut que l'enfant soit protégé.
Deuxièmement, également, on voulait s'assurer
qu'il n'y ait pas de marchandisation du corps de la femme, que la mère
porteuse, ses droits soient garantis, qu'en tout temps elle ait toujours l'autonomie
sur son corps. Et ce qu'on a fait notamment, c'est que le contrat, dans le
fond, il est exécutoire d'une façon unilatérale, il est exécutoire uniquement
en faveur de la mère porteuse, que ça soit notamment au niveau du remboursement
des frais, que ça soit également au niveau de la remise de l'enfant.
Là, vous, vous nous dites : Écoutez,
suite à l'accouchement, ça ne devrait pas être permis pour la mère de revenir
sur sa décision dans le cadre du projet parental. Donc, vous, vous dites :
Le contrat, il devrait être exécutoire en faveur des parents d'intention. Donc,
à partir du moment où la mère porteuse accouche, il y a délivrance de l'enfant,
si je peux dire, il y a remise de l'enfant, si je peux dire ça comme ça, et la
mère porteuse n'a plus rien à dire. C'est bien ça?
Mme Greenbaum (Mona) : C'est
ça, exactement. Nous, on pense que comme... tout au long du processus, pendant
la grossesse, et tout ça, c'est vraiment la femme porteuse qui a tout le
contrat. Puis ça fait sens pour nous qu'elle peut terminer le contrat, qu'elle
peut décider d'avorter, c'est son choix, c'est son corps. Donc, on est
absolument d'accord avec ça. Mais, après l'accouchement, pour nous, c'est le
meilleur intérêt de l'enfant qui doit primer. Donc, c'est très important que
les personnes qui ont eu le projet parental, les personnes qui ont souvent des
liens génétiques aussi avec l'enfant doivent avoir comme l'accès à la filiation
tout de suite.
Puis, en tout cas, dans les autres
provinces canadiennes, rien n'empêche la femme porteuse d'aller devant les
tribunaux si elle veut le faire. Mais pourquoi mettre le fardeau sur elle puis
toute la pression sur les parents dans cette période qui est tellement
importante pour l'attachement avec l'enfant, pour aussi, comme, la création des
liens entre les parents d'intention et la gestatrice? Donc, on trouve que,
comme, ça va mettre beaucoup de stress et anxiété dans cette période. Donc, à
ce moment-là, après l'accouchement, pour nous, c'est les parents d'intention
qui doivent avoir le contrat.
M. Jolin-Barrette : Une
sous-question par rapport à ça : Supposons que dans l'éventualité où la
mère porteuse a également son propre rapport de force génétique, est-ce que
votre réponse, elle change ou elle ne change pas?
Mme Greenbaum (Mona) : Non,
ça ne change pas parce que, pour nous, mais depuis des années au Québec, si je
comprends bien, comme, ce qui est dans le Code civil, c'est le projet parental
qui est le plus important. Donc, quand on a parlé de ça en 2002, quand on a
parlé des familles homoparentales, le fait que, comme, ce n'est pas comme... on
ne fait pas une distinction, dans un couple lesbien, entre le parent biologique
et puis le parent qui est sa conjointe aussi, mais l'important, c'est que ces
personnes ont décidé de fonder une famille ensemble. Donc, ça, c'est vraiment,
pour nous, le plus important.
Mais c'est sûr que la société met une
valeur sur la biologie aussi. Donc, c'est... on pense que, comme, c'est sûr
que, comme, ça peut avoir une influence aussi. Puis souvent, dans le cas des
couples hétéros, le côté génétique vient des deux parents d'intention, donc ça
peut être le sperme de monsieur puis l'ovule de sa conjointe et puis l'embryon
qui est implanté dans la femme porteuse. Donc, cette personne, on ne comprend
pas pourquoi, si c'est le projet parental... et puis de plus, c'est, comme,
dans la grande majorité des cas, elle n'a pas de lien génétique avec l'enfant.
Donc, pourquoi est-ce que ça... C'est, comme, on va donner tout le pouvoir à
cette personne qui a comme tout le temps pendant sa grossesse de changer d'idée,
mais elle ne l'a pas fait. Donc, soudainement, comme, elle a tout le pouvoir.
M. Jolin-Barrette : Bien,
moi, je n'ai jamais accouché. Mais, lorsqu'une personne accouche, au moment où
elle vit ce moment-là aussi, tu sais, peut-être que c'était son intention avant
de remettre l'enfant, puis elle a fait la convention notariée, et tout le kit,
mais on veut laisser la possibilité aussi à la personne qui a porté cet
enfant-là de déterminer. Puis là, si en plus on ajoute son bagage génétique,
elle-même, là, elle se retrouve tout de même...
Mme Greenbaum (Mona) : Oui, mais
elle n'avait pas de projet parental. Et puis pendant, comme, elle a été coachée
par les intervenantes psychosociales, elle a signé une entente, elle avait tout
le temps pendant la grossesse de changer d'idée. Donc, à ce moment-là, si elle
change d'idée soudainement, d'accord, elle peut aller devant les <tribunaux...
Mme Greenbaum (Mona) :
...tout le temps pendant la grossesse de changer idée, donc,
à ce
moment-là, si elle change idée soudainement,
d'accord, elle peut aller
devant les >tribunaux.
M. Jolin-Barrette : Mais donc
vous, vous dites : Bien, mettons le fardeau sur la femme qui vient d'accoucher.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui,
exactement, parce que, pour nous, ce n'est pas dans l'intérêt de l'enfant qu'une
personne qui décide spontanément comme ça va avoir tout le pouvoir. Elle n'avait
pas de projet parental, puis c'est ça qui doit vraiment primer, pour nous.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Juste une question. L'Ontario, eux, ils ont la même disposition que nous, là, sauf
qu'ils ne peuvent pas donner le consentement avant le septième jour. Selon
votre expérience, en Ontario, est-ce que c'est fréquent que les mères porteuses
refusent de donner leur consentement?
Mme Greenbaum (Mona) : Mais c'est
sûr que, comme, la recherche nous dit que, comme, ça arrive très, très, très
rarement qu'une gestatrice va décider de garder l'enfant. C'est vraiment, je
pense, qu'il y a eu... Il n'y a pas eu des cas comme ça au Canada. Mais, écoute,
on pense que ça va créer beaucoup, comme j'ai mentionné tantôt, ça va créer de
l'anxiété, puis je ne vois pas pourquoi on doit, comme, mettre cette situation
où on encourage la chicane, l'anxiété, le stress, quand ce n'est pas, comme,
quelque chose qui existe dans la vraie vie, ce n'est pas, comme... on ne voit
pas beaucoup de cas comme ça, c'est vraiment, vraiment rare que les gestatrices
vont décider de garder l'enfant. Donc, pourquoi mettre tout le pouvoir sur une
personne qui n'a pas le projet parental?
M. Jolin-Barrette : Je
voulais juste vous reposer une question là-dessus parce que c'est vraiment
sensible comme sujet : Vous ne trouvez pas que... Supposons qu'on ne
permet pas, là, à la mère porteuse de garder l'enfant, ça fait vraiment plus
une... comme si le corps de la femme n'était vraiment qu'un véhicule, qu'un
incubateur pour l'enfant. Parce que, tu sais, il y a l'intention, tu sais, du
projet parental, au départ, tout ça, il y a le développement aussi, mais c'est
comme si c'était plus une livraison, là, c'est un peu dans ce sens-là, là,
que...
Mme Greenbaum (Mona) : Mais,
moi, je ne le dirais pas comme ça, mais c'est sûr que c'est une femme qui a
décidé d'utiliser son corps pour aider une personne ou un couple pour fonder
une famille.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question de la rémunération, vous nous invitez à faire pression sur le
gouvernement fédéral pour permettre la rémunération. Or, vous ne pensez pas que
si on permet la rémunération, ça irait justement à l'encontre de ce qu'on ne
souhaite pas, que des personnes utilisent ça, qui seraient peut-être dans une
situation de vulnérabilité pour dire : Bien, ça va me permettre de tirer
des revenus, puis que ça soit un mode de vie?
Mme Greenbaum (Mona) : Pardon,
je n'ai pas... excusez, je n'ai pas compris votre question.
M. Jolin-Barrette : J'ai dit :
Si jamais, là, ça devenait rémunéré, là, vous ne pensez pas que ça ferait en
sorte qu'une certaine clientèle vulnérable pourrait se servir de ça, justement,
pour utiliser leur corps pour tirer des revenus, puis que ça ferait en sorte
que ça ne serait pas nécessairement fait par altruisme?
Mme Greenbaum (Mona) : Mais c'est...
de ce que j'ai compris, en termes de la recherche, c'est... il y a une
combinaison des facteurs ou des motivations pour les gestatrices. Donc, on
n'est pas comme d'emblée complètement contre cette idée de rémunération, parce
qu'en fait il y a beaucoup de personnes dans la société qui utilisent leur
corps pour gagner de l'argent. Donc, tous les travailleurs de construction
utilisent leur corps aussi. Puis, si c'est un souhait, comme, je ne dis pas que
c'est nécessaire. Pour nous, notre position, c'est que les dépenses de la
gestatrice doivent être couvertes, et puis la gestatrice ne doit pas se trouver
dans une position où elle est plus pauvre qu'elle était, comme, avant le début
du projet de GPA.
Donc, on ne veut pas qu'elle perde l'argent,
mais comme si, à un moment, les législateurs au fédéral, je sais qu'actuellement
c'est un crime, donc dans l'acte criminel, dans le Code criminel, mais si, à un
moment, ils décident que, oui, on peut payer une gestatrice, donc là, si ça, c'est
ce que les gestatrices veulent, donc peut-être ce ne sera pas une mauvaise
chose. Je ne sais pas, mais, pour le moment, comme, on a écouté le témoignage
de Mme Picard, il y a un ou deux jours, puis elle dit : Ce n'était
pas ça qu'elle cherchait, c'était comme : la motivation principale est un
acte altruiste, et puis elle voulait juste être couverte pour ses dépenses.
Donc, je crois que ça, c'est le point de vue de la majorité des gestatrices.
• (20 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Mais ça, je
suis d'accord, mais le projet de loi fait déjà ça, fait déjà couvrir les
dépenses, puis, exemple, le... si jamais il y a une perte de revenus associée,
ça peut être compensé <également...
M. Jolin-Barrette :
...si
jamais
il y a une perte de revenus associée, ça peut être
compensé >également. Mais, si c'était ouvert à rémunération, là, il
pourrait y avoir des dérapages, puis ce n'est pas la même chose que de
travailler sur la construction, là. Tu sais, je comprends que vous me dites :
C'est l'utilisation du corps, là, puis eux autres, c'est un marteau, puis c'est
des couvreurs, puis...
Mme Greenbaum (Mona) : Mais,
dans certains pays, le travail du sexe est rémunéré, et puis ça fait partie de
leur législation, donc je vois un parallèle là. Mais ce n'est pas ça qu'on
suggère dans notre mémoire. Ce que nous, on a suggéré était vraiment que, comme,
la couverture des dépenses soit élargie, que ça couvre aussi la période
postnatale. Donc, c'est comme si, pour une raison ou une autre, il y a une
maladie ou la personne qui a accouché doit comme cesser de travailler, donc, ça
va être couvert. Parce qu'actuellement, je pense — et je ne suis pas
experte dans ça, mais... — je pense que les ententes couvrent
seulement juste la période jusqu'à l'accouchement, et puis après ça, s'il y a
des problèmes, bien, tant pis pour la personne qui a accouché.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Vous,
vous êtes en faveur d'une grossesse préalable avant un projet de gestation pour
autrui.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui.
M. Jolin-Barrette : Pourquoi?
Mme Greenbaum (Mona) : Mais
pour la raison que je pense que c'est comme... c'est vraiment... une gestatrice
entre dans un projet qui est compliqué. Et puis c'est une chose de penser à qu'est-ce
que ça veut dire d'être enceinte, d'accoucher, tout ça, en théorie, mais de vivre
actuellement l'expérience... Comme moi, je sais, comme, j'ai vécu cette
expérience deux fois, oui, je sais que, pour moi, je ne peux jamais être une
gestatrice, mais comme ma belle-soeur, par exemple, elle a eu trois enfants, et
puis elle a dit : Oui, je peux être gestatrice. Donc, elle sait ce que ça
veut dire. Mais une personne qui n'a jamais vécu ça, je ne sais pas, comme, ça
va être trop théorique, et puis la personne peut avoir, comme... ça peut être
trop bouleversant, on croit.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je
vous remercie grandement pour votre présence en commission.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. le ministre. M. le
député de Chapleau, pour 3 min 30 s.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui,
merci beaucoup, M. le Président. Peut-être M. le député de Saint-Jean aura
peut-être une question par la suite, là. Mais, Mme Marchand-Labelle,
Mme Greenbaum, un plaisir de vous revoir, on avait eu l'occasion d'échanger,
là.
J'aimerais vous amener sur la question de
la pluriparenté, vous en aviez parlé, là. Il y a plusieurs intervenants, je ne
sais pas si vous avez eu l'occasion de les écouter, ils nous ont fait part de
certaines craintes, certains risques, notamment en lien avec l'intérêt de l'enfant,
notamment s'il y avait de la discorde, puis, bon, il y a trois, quatre parents
qui tirent un peu sur la couverte. J'aimerais peut-être vous entendre. D'abord,
votre position par rapport à ça, puis sur ces enjeux-là spécifiquement, donc,
tout l'enjeu de la garde partagée, l'enjeu de l'exercice de l'autorité
parentale aussi, comment ça se fait, même lorsque ça va bien, il y en a, ça va
moins bien, face au tribunal. On a aussi le cas, là, actuellement, en Colombie-Britannique,
où est-ce qu'il y a une mère porteuse qui n'est même pas reconnue avec des
droits, mais qui... l'enfant a actuellement quatre ans, mais demande d'avoir
accès ou d'avoir un certain... certains droits. Donc, j'aimerais peut-être
voir, là, par rapport... où vous vous situez par rapport à tout ça.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui,
elle voulait que sa filiation soit ajoutée après, oui.
M. Lévesque (Chapleau) : ...pas
spécifiquement sur ça, là, mais plus sur les autres points aussi.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui,
mais en général, comme j'ai entendu cet argument qu'il y aurait trop de
chicane, et puis que ça serait trop compliqué aussi... mais la réalité, c'est
que ces familles existent, donc ce n'est pas une question est-ce qu'on va
les permettre ou non. Ces familles sont déjà là.
Je dirais que les personnes qui ont témoigné,
comme, notamment, cet après-midi, c'est des personnes qui travaillent, je
pense, exclusivement avec des familles biparentales, donc des familles avec
deux parents. Donc, leur expérience, c'est une expérience avec des couples qui
se chicanent puis qu'il y a des divorces, des séparations puis des
recompositions. Donc, ça, c'est comme des situations qui sont vraiment
différentes d'une famille pluriparentale.
D'abord, les trois ou quatre personnes qui
sont dans ces familles ne sont pas dans une relation conjugale, ils sont dans
une relation parentale avec l'enfant. Donc, ce n'est pas, comme, le même niveau
émotif de la relation. Et puis, de plus, ces personnes discutent beaucoup,
beaucoup, beaucoup avant de, comme, fonder leur famille parce qu'ils savent
déjà que ça va être compliqué. Mais je sais que cet après-midi Me Schirm a
été posée la question sur, comme : Mais qu'est-ce qui est arrivé dans les
autres provinces? Est-ce qu'il y a des chicanes? Mais là...
Une voix : ...
Mme Greenbaum (Mona) : Oui, c'est
ça. En Colombie-Britannique, cette loi existe depuis 2013, donc ça fait comme
déjà huit ans. Puis on n'a pas beaucoup de cas où il y a eu des problèmes avec
ces familles-là, beaucoup moins qu'avec les familles biparentales. Mais la
question, comme, de base, c'est vraiment : Est-ce que ces enfants méritent
d'être protégés comme les autres enfants au Québec ou non? Puis, pour moi, je
vois beaucoup de parallèles dans cette situation qu'avec la situation qu'on a
vécue en 2002 avec les familles homoparentales. En 2002, on a dit : Une
famille, c'est une mère et un père. Et ça, c'est ce qu'on a entendu assez <fréquemment...
Mme Greenbaum (Mona) :
...avec
les familles homoparentales. En 2002, on a dit : Une famille, c'est une
mère et un père. Et ça, c'est ce qu'on a entendu assez >fréquemment dans
cette période-là. Et puis... mais nos familles étaient déjà là, puis là on dit :
Là, une famille, c'est deux parents. Mais ces familles sont là déjà, au Québec,
ça existe. Mais ces enfants, ils risquent de perdre, un enfant, l'accès à un
parent ou le soutien financier d'un parent aussi, donc c'est important que ces
enfants sont protégés. Parce qu'on dit, comme, j'ai entendu : On peut
donner les mêmes genres de droits que des grands-parents qui ont, comme, un
certain accès. Mais imagine que si ce parent est le parent principal dans la
vie de l'enfant, mais qu'il n'est pas légalement reconnu, cet enfant risque de
perdre, comme... on va le voir peut-être une fin de semaine chaque deux
semaines. Ce n'est pas suffisant. C'est important que ces familles soient
protégées. Et puis ça se fait dans d'autres provinces, donc je ne vois pas
pourquoi pas ici aussi. Si on veut...
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Merci. Mme la
députée de Westmount—Saint-Louis, s'il vous plaît.
Mme Maccarone : Merci, M. le
Président. Bonsoir, mesdames. Un plaisir de vous avoir avec nous ce soir. Je
veux continuer un peu avec le sujet de pluriparentalité parce que, Ariane, j'ai
aussi des questions pour toi, gêne-toi pas. On a entendu... Vous l'avez
adressé, Mona, un peu, avec Me Schirm qui est venue, puis elle a dit :
Mon Dieu, ça peut être compliqué, ça peut être trois maisons, quatre maisons.
Le ministre a fait un exposé de... ça peut être six personnes : la femme
porteuse, son mari, les parents d'intention et le donateur de gènes
biologiques. C'est-tu trop compliqué, une famille pluriparentale?
Mme Greenbaum (Mona) : Mais d'abord,
ce n'est pas ça qu'on voit sur le terrain, car moi, je connais plusieurs
familles pluriparentales. Ce n'est pas des familles à six personnes, et puis
des... comme un exponentiel nombre de parents, c'est des familles de trois ou
quatre parents, comme on voit dans d'autres provinces canadiennes. Et c'est sûr
que ces familles peuvent vivre des problèmes. C'est sûr qu'ils pensent beaucoup
avant de fonder leur famille, mais ils peuvent quand même vivre des problèmes,
et puis c'est exactement pour cette raison qu'on doit mettre un encadrement
légal autour de ces familles. Ce n'est pas comme... On dit : Mais c'est
compliqué, donc on ne va pas légiférer. C'est exactement pour ça qu'on a besoin
d'un encadrement.
Mme Maccarone : Ça me fait
penser qu'avant le changement des lois, en 2002, les enfants avec les familles
homoparentales étaient discriminés. Alors, n'ayant pas de la filiation avec le
deuxième parent, ces enfants, parfois, perdaient l'accès à leur parent non
biologique et aussi le soutien financier de ces parents dans le cas de
séparation et de rupture difficile. Alors, dans la situation des familles pluriparentales,
pensez-vous que la même chose peut arriver à un enfant? Et est-ce que c'est
dans l'intérêt de l'enfant de ne pas reconnaître légalement les parents
concernés?
Mme Greenbaum (Mona) : Mais,
pour nous, évidemment, c'est essentiel que les parents, les personnes sont
reconnues complètement. Parce qu'on ne voit pas beaucoup de chicanes dans cette
communauté-là, parce que, comme j'ai mentionné, il y a beaucoup de
planification, c'est... Il y a énormément de planification avant de fonder ces
familles-là. Mais, quand même, des problèmes peuvent arriver, puis c'est
important, si on veut vraiment considérer l'enfant, c'est superimportant que
les parents soient reconnus.
Mme Maccarone : Comment
est-ce que c'est vu par la communauté, vos membres, d'entendre le ministre dire
que, pour lui : Moi, ce que je reconnais, c'est les familles... c'est deux
parents, puis c'est ça? C'est vu comment, ça?
Mme Greenbaum (Mona) : Mais c'est
comme... ces familles se sentaient invisibilisées, c'est sûr. Et puis je me
souviens de ce «feeling», en 2002, pour les familles homoparentales, quand on
nous disait qu'une famille avec deux mères ou deux pères, ce n'est pas une
famille. Donc, c'était difficile, parce que c'est complètement invisibilisant
et un peu péjoratif, parce qu'eux autres c'est sûr qu'ils se considèrent comme
familles.
Mme Maccarone : Ariane, vous
avez mentionné un peu dans vos remarques la notion de parent. Peut-être vous
pouvez renchérir un peu, parce qu'on sait que dans le projet de loi n° 2,
actuellement, «parent» est maintenant accessible, mais uniquement pour la
communauté des personnes trans et non binaires. Ça fait que pouvez-vous
élaborer un peu sur l'impact de ceci?
• (20 h 50) •
Mme Marchand-Labelle (Ariane) : Certainement.
Bien, en fait, c'est simple, là, quand on crée une nouvelle catégorie qui n'est
réservée qu'à un type de population, bien, nécessairement, ça crée un coming out
non volontaire. Donc, pour nous, c'est sûr que c'est... le ministre a déjà dit
que ce n'était pas son intention de faire des coming out, mais garder
cette situation-là, bien, c'est obliger un coming out, au final, parce que
tout le monde le saura très bien que, si ce n'est pas écrit «père» ou «mère»,
bien, c'est parce que c'est une personne trans qui l'a demandé, c'est une
personne non binaire qui l'a demandé.
Puis on pense aussi qu'il y a des
personnes qui ne sont pas trans qui voudraient avoir la mention de «parent», par
souci d'équité dans un couple hétérosexuel, parce qu'un parent est féministe et
trouve que d'être... ou parce qu'une mère trouve que le titre de mère a une
certaine <lourdeur...
Mme Marchand-Labelle (Ariane) :
...hétérosexuel,
parce qu'un parent est féministe et trouve que
d'être... ou parce qu'une mère trouve que le titre de mère a une certaine >lourdeur
dans notre société. Donc, on pense vraiment que le... être parent, bien, c'est
pour tout le monde, ça doit juste être une option. Puis je ne vois pas non plus
de grande complication, là, pour offrir cette option-là. Si on peut déjà
choisir «père», «mère», pourquoi on ne peut pas choisir «parent»? Puis pourquoi
il faudrait qu'il y ait des conditions à ça, en fait?
Mme Maccarone : Vous
mentionnez, dans votre mémoire, le numéro 5, «la timidité des nouvelles
dispositions concernant la reconnaissance des liens de filiation». Puis je sais
qu'on discute... on dispute, dans le fond, beaucoup de pluriparentalité, mais
vous mentionnez aussi les mentions parentales, gestation pour autrui. Peut-être
vous pouvez renchérir un peu là-dessus.
Mme Greenbaum (Mona) : Mais
sur, comme, la timidité de ça?
Mme Maccarone : C'est dans le
mémoire du conseil québécois, c'est le point n° 5, «la
timidité des nouvelles dispositions».
Mme Greenbaum (Mona) : Parce
qu'on a deux mémoires.
Mme Marchand-Labelle (Ariane) :
Oui, c'est ça.
Mme Maccarone : Oui, tout à
fait. Honnêtement, c'était injuste de mettre ces deux groupes ensemble, ils
auraient dû avoir chacun leur temps. On n'a pas assez de temps entre nous, 10 minutes,
cinq chaque, c'est... écoute, c'est impardonnable, pour vrai.
Mme Marchand-Labelle (Ariane) :
Mais grosso modo, en fait, nous, on pense, puis c'est ça que je disais au
début, qu'on est dans une société, on a une population au Québec ouverte,
tolérante qui veut qu'on soit des leaders puis qui veut qu'on aille de l'avant
avec des idées innovantes dans les dossiers LGBT, puis, à notre avis, c'est
très minimal, tu sais, ce qu'on nous offre. Je pense qu'on peut aller plus loin
que ça. Je pense qu'il n'y a pas d'opposition, en fait, à aller plus loin que
ça. Puis je pense que les populations qu'on représente, dans le fond, elles ont
droit aux mêmes droits que tout le monde, là. Puis je pense que c'est des
valeurs communes au Québec, en fait, là, je ne pense même pas que c'est sujet à
débat, en fait. Puis que ce soit pour la pluriparentalité, ou pour la gestation
pour autrui, ou pour reconnaître les personnes trans, les personnes intersexes,
je veux dire, on n'arrête pas de parler de l'autonomie des femmes qui portent
des enfants. Bien, l'autonomie des personnes trans, l'autonomie des personnes
non binaires, l'autonomie des personnes intersexes aussi, c'est tout aussi
important. Puis je ne comprends pas vraiment pourquoi il y a autant de cerceaux
dans lesquels il faut passer lorsqu'on est une personne trans, une personne non
binaire, une personne intersexe, puisqu'on reconnaît, tout le monde, l'autonomie
au corps de la femme.
Mme Maccarone : Parce qu'il y
a déjà assez de barrières, on le sait...
Mme Marchand-Labelle (Ariane) :
Absolument.
Mme Maccarone : ...pour les
gens dans la communauté. Parlons-nous un peu de l'impact sur vos deux
organismes suite au dépôt du projet de loi n° 2. Parce que je présume que,
un, vous avez... déjà vous avez des défis, puis ils ont dû exploser.
Mme Greenbaum (Mona) : Mais,
pour nous, c'est sûr que tout le côté de l'encadrement légal de la GPA, c'est
une très bonne nouvelle. Donc, on est très, très, très... On attend ça depuis
beaucoup d'années, donc c'est une excellente nouvelle. Et puis, pour nous, on
voit ça comme une opportunité, comme on a mentionné à plusieurs reprises, une
réforme du droit familial, ça ne vient pas fréquemment. Puis moi, je suis
comme... je suis vieille, je suis une vieille militante, j'étais là en 2002,
comme quand on a eu les droits pour les familles homoparentales, et puis à ce
moment-là le Québec était la place la plus avancée au monde pour les familles
LGBT. Puis je vois ici comme une opportunité, puis les membres de mon organisme
voient cette opportunité qu'on peut être plus progressiste que d'autres places
dans le monde et puis qu'on n'est pas comme... on redevient leaders dans ça. Donc,
c'est exactement ça, c'est notre souhait que, comme... oui, comme, il y a déjà
d'autres... Je ne veux pas, comme, comparer tout le temps avec d'autres
provinces, mais il y en a, d'autres provinces, qui font des choses qui sont
plus progressistes, et puis je pense que, ça, c'est notre opportunité, puis j'espère
qu'on peut la prendre.
Mme Maccarone : On a entendu
la CDPDJ en commission, qui a parlé des personnes mineures de 14 ans et
plus, puis l'exigence de fournir une lettre d'une personne appartenant à une
profession désignée attestant que le changement était approprié, puis ils
dénoncent ceci parce que... Maintenant, la loi est ouverte, alors devons-nous
enlever ce critère?
Mme Marchand-Labelle (Ariane) :
Selon nous, oui. On pense que les enfants du même âge qui ne sont pas des
personnes trans, qui font d'autres choix, hein, pour leur santé, on leur donne
cette possibilité-là de le faire sans le consentement parental, ou d'autres
choix, là, médicaux, et tout ça, prendre la pilule, des choses comme ça. Donc,
nous, on ne comprend pas pourquoi c'est bon pour les autres enfants, mais les
personnes trans, elles, on remet en doute leur propre jugement sur elles-mêmes.
Donc, finalement, on les infantilise ou on considère qu'elles n'ont pas de
libre arbitre comme les autres. Est-ce que c'est positif de pouvoir compter... Bien
sûr, encore faut-il qu'elles soient disponibles, ce qui n'est pas le cas
partout au Québec. C'est très difficile d'avoir accès à des soins avec des
personnes qui connaissent ces enjeux-là, c'est vraiment difficile, surtout si
on n'est pas à Montréal, là, c'est vraiment <compliqué...
Mme Marchand-Labelle (Ariane) :
...c'est
vraiment difficile, surtout si on n'est pas à
Montréal,
là, c'est
vraiment >compliqué. Et, je pense, Séré vous en a parlé
hier, mais c'est vrai dans toutes les régions du Québec.
Mme Maccarone : On a entendu Janik
Bastien Charlebois aussi en commission, elle a parlé de beaucoup de discussions
en ce qui concerne les personnes intersexes. Puis elle, elle a dit que son
souhait sur, mettons, les pièces d'identité ou l'acte de naissance, c'est que
les parents choisissent un sexe, parce que la mention «d'indéterminé», ce n'est
pas ça qu'il faut. Êtes-vous d'avis que c'est une bonne recommandation? Vous
supportez cette décision de dire aux parents de faire un choix? Puis est-ce que
c'est aux parents de faire ce choix de M ou F, jusqu'à tant que l'enfant est à
l'âge où on peut déterminer un sexe qui est plus approprié?
Mme Marchand-Labelle (Ariane) :
Oui, tout à fait. Je pense que c'est aux... les parents peuvent faire le choix,
évidemment, en discutant avec le personnel médical. Je pense aussi qu'il y a
une réalité, c'est qu'il manque de soutien pour ces parents-là. Ils ont un
docteur à qui ils peuvent parler, docteur qui n'est pas nécessairement un grand
expert non plus du sujet. Il manque du soutien pour comprendre vraiment cette
réalité-là dans son ensemble, pour faire ce choix-là mais aussi pour
accompagner l'enfant par la suite. Parce que l'important, c'est de garder l'ouverture,
en fait, que son enfant peut évoluer d'une façon qu'on n'a pas nécessairement
prévue. C'est ça qui est le plus important. La réalité, c'est que, bon, ce qui
va être mis sur l'acte de naissance, c'est d'une importance un peu secondaire,
comparé à comment le parent va être capable par la suite d'accueillir son
enfant tel qu'il est. C'est ça qui va avoir le plus d'impact, tu sais, puis,
évidemment, le fait que son enfant n'ait pas subi de chirurgie non consentie,
bébé, là.
Mais effectivement, sur l'acte de
naissance, sur le certificat de naissance, le parent peut choisir en
concertation avec le docteur. On pense qu'il n'y a pas de problème, en autant
que les parents peuvent être bien outillés avec ça et qu'ils ne soient pas
seuls ou dans une dynamique de pouvoir avec un docteur qui veut pousser
beaucoup pour une idée, tu sais, il faut qu'il y ait... c'est pour ça qu'il
faut qu'il y ait un soutien aussi, là.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques,
s'il vous plaît.
Mme Massé : Merci, M. le
Président. Bonsoir, mesdames. Je n'ai que deux minutes «ish». Alors, allons
droit au but. Ariane, tu as parlé de la question de l'altération, la mention de
l'altération. Si tu pouvais prendre 15 secondes pour dire pourquoi c'est
si important de ne pas aller de ce côté-là. Et Mona, tu as dit : C'est une
opportunité d'être les plus progressistes au monde, comme nous l'avions été en
2002. Est-ce que, pour toi, ça veut dire qu'il faut absolument inclure la
pluriparentalité dans ce projet-là? Alors, divisez-vous ça dans la minute «ish»
qu'il reste.
Mme Marchand-Labelle (Ariane) :
C'est bon. Merci. Oui, donc, en fait, le fait que sur des papiers comme le
certificat de naissance, on mentionne qu'il y a eu altération, c'est en quelque
sorte une forme, encore une fois, de coming out non consenti, puisque,
bien, les gens, ils vont bien voir, il y a eu altération, ça veut dire qu'il y
a eu un changement de nom ou de sexe. Puis aussi, ça signifie, là, que ce
certificat-là est de moins grande valeur, là, d'un point de vue juridique,
légal. En 15 secondes.
Mme Greenbaum (Mona) : Mais
évidemment que, pour nous, on veut comme encore être le leader mondial, parce
que le Québec a vraiment... on a avancé beaucoup à travers les années, puis on
veut continuer à être leader dans ça. Puis l'inclusion des familles
pluriparentales, c'est nécessaire. On a dit qu'on veut comme une réforme du
droit familial qui reflète la réalité de ce qu'on vit au Québec, et puis ces
familles sont là, donc il ne faut pas les oublier.
Le Président (M.
Bachand) :Il vous reste du temps, Mme la
députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme Massé : Merci. Bien, en
fait, peut-être juste dire qu'effectivement, quand on n'existe pas dans la loi,
et d'ailleurs, quand on dit la mention M, F, parent, mère, père, il y a
maintenant mère-mère, père-père. Alors, voilà.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui. Mais
c'est important pour les protections, mais, en effet, c'est très important
symboliquement aussi. Comme ça a changé tellement pour nous à travers les
années, le fait que, oui, on a eu des droits, des responsabilités avec ça
aussi, mais, comme, nos familles sont beaucoup moins discriminées aussi
maintenant parce qu'elles sont comme reconnues dans le Code civil. Ça, c'est
très important.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, s'il
vous plaît.
• (21 heures) •
Mme Hivon : Oui. Bonjour à
vous deux. Merci beaucoup de vos présentations. Puis depuis tantôt vous parlez
de 2002, donc je veux juste saluer Paul Bégin, parce que je dois dire que
comme ministre de la Justice, à l'époque, il était extrêmement progressiste,
l'union civile entre conjoints de même sexe, puis tout ça. Donc, petite minute
chauvine, j'ai eu la chance de le côtoyer, donc je veux juste lui rendre
hommage, parce que c'est vrai qu'on a franchi des pas de géant. J'espère qu'on
va en franchir d'autres avec cette réforme.
Je veux continuer sur la <pluriparentalité...
>
21 h (version révisée)
<27
Mme
Hivon :
...je veux continuer sur la >pluriparentalité.
J'aimerais ça que vous nous donniez des exemples les plus concrets, les cas les
plus concrets qui font que c'est en train de se normaliser, donc, ce que vous
avez en tête quand vous dites : Si on comprenait bien les cas concrets, on
ne serait pas dans tous ces questionnements-là.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui, c'est
intéressant parce qu'en fait beaucoup de gens associent la pluriparentalité
avec la communauté LGBT, mais ça existe dans le monde hétérosexuel, ces gens,
aussi, donc, il y en a.
Mais il y a une famille qui était dans les
journaux il y a quelques semaines. C'est un couple hétéro dont la femme a eu
une chimiothérapie quand elle était dans sa vingtaine, et donc qui l'a rendue infertile.
Et puis donc c'est un couple hétéro, puis leur meilleure amie qui est aussi
hétéro, qui est rendue à 37, 38 ans, puis elle venait juste de, comme,
casser avec son chum, puis c'est des amis, donc, et puis ils ont décidé :
O.K., ça, c'est notre chance, donc on va fonder une famille ensemble. Et puis
donc c'était le sperme de l'homme et puis l'amie, leur meilleure amie, qui a
porté l'enfant avec ses propres ovules. Et cette famille-là a décidé de mettre
les deux femmes sur l'acte de naissance.
Donc, le père biologique, qui est aussi le
parent social, qui est très impliqué dans la vie de l'enfant, n'est pas reconnu
légalement. Donc, si jamais il y a un problème, supposons, entre ce couple-là,
puis ce couple se sépare, et puis les deux amies femmes décident : Non, on
ne veut pas l'avoir dans notre vie... Donc, il va couper complètement... il
va... à côté complètement. L'enfant va perdre son parent social, mais aussi son
parent biologique.
Mme Hivon : Bien, en tout
cas, il n'y aurait pas d'entente puis que...
Mme Greenbaum (Mona) : Oui,
mais il n'est pas, actuellement, reconnu légalement. Mais c'est sûr, dans la
communauté LGBT, aussi, ça existe. Il y a comme des cas, des couples de lesbiennes,
par exemple, avec un donneur connu qui n'est pas juste un donneur. Parfois, c'est
juste un donneur, mais, dans d'autres situations, c'est un père. Et puis,
souvent, c'est le couple lesbien qui met leur nom sur l'acte de naissance, puis
le père n'a aucun droit ni responsabilité.
Mme Hivon : Puis, quand on
entend comme d'avoir cinq parents, six parents, huit parents, je comprends que
ce n'est pas la réalité, mais est-ce que vous dites : De toute façon, on
mettrait une limite? Est-ce que c'est quelque chose qui est encadré?
Mme Greenbaum (Mona) : Oui, mais,
je pense, en Saskatchewan et puis en Ontario, on met la limite à quatre
parents. Et puis, sur le... J'ai inclus ça à la fin de notre mémoire en annexe,
mais, dans le formulaire pour la déclaration de «live birth», il y a, comme,
place pour, comme, «mère», «père», «parent» quatre fois. Alors, ça, ça marche.
Je pense que, plus que ça, peut-être, on peut avoir des parents sociaux, mais
ce n'est pas... On ne voit pas beaucoup... Moi, je n'ai jamais rencontré un cas
de cinq parents.
Mme
Hivon
: O.K.,
merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Sur ce, merci beaucoup d'avoir
été avec nous en cette belle soirée.
Alors, je suspends les travaux quelques
instants pour accueillir nos autres invités. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 21 h 04)
(Reprise à 21 h 12)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir les
représentantes du Barreau du Québec. Alors, merci beaucoup d'être... de passer
un bout de veillée avec nous. C'est très apprécié. On apprécie votre
générosité. Alors, je vous demanderais, d'abord, Mme la bâtonnière, de vous
présenter et de présenter les gens qui vous accompagnent. Après ça, vous avez 10 minutes
de présentation. Et, comme vous le savez, on aura un échange après ça avec les
membres de la commission. Donc, Me Claveau, s'il vous plaît.
Barreau du Québec
Mme Claveau (Catherine) : Merci,
M. le Président. Alors, je me présente. Je suis Catherine Claveau, bâtonnière
du Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui de Me Marie-Hélène Dubé, Me Régine
Tremblay et Me Ana Victoria Aguerre, qui sont toutes des avocates et membres de
notre groupe de travail sur le projet de loi n° 2.
Alors, le Barreau du Québec vous remercie
de nous avoir invitées à participer aux consultations particulières entourant
ce projet de loi tout aussi important qu'attendu par la société québécoise. C'est
avec beaucoup d'enthousiasme que nous vous présentons notre mémoire qui couvre
la quasi-totalité des sujets abordés par le projet de loi.
Cependant, compte tenu des délais impartis
pour mener à terme l'étude des modifications proposées, nous nous réservons l'opportunité
d'émettre des commentaires supplémentaires en lien avec les sujets qui nous
amènent devant vous aujourd'hui. Quant à la question de la conjugalité qui a
été évacuée de la présente réforme, nous comprenons qu'un second projet de loi
traitant de cette importante question sera présenté dans les prochains mois, du
moins, nous l'espérons.
Le projet de loi n° 2 comprend tout
de même des modifications qui témoignent de l'intention du législateur de
vouloir moderniser le droit québécois de la famille en faveur des parents
conjoints de fait. Nous saluons également l'intention louable visant à rendre
plus inclusive la rédaction de plusieurs textes de loi afin de tenir compte des
différentes réalités de sexe, de genre, ainsi qu'une meilleure représentation
des femmes et des personnes non binaires dans les textes législatifs.
Le Barreau tient toutefois à attirer votre
attention sur certains enjeux soulevés par ce projet de loi. Compte tenu de l'heure
tardive, je m'en tiendrai aux éléments qui nous semblent les plus
problématiques.
Tout d'abord, en matière d'autorité
parentale, nous sommes d'avis que le législateur aurait pu aller plus loin que
de simplement reconnaître la possibilité, pour un enfant et son beau-parent, de
maintenir des liens significatifs. Nous estimons que le projet de loi aurait dû
reconnaître à cette personne des droits et des obligations à l'égard de l'enfant,
dont une obligation alimentaire à son endroit, à l'instar du régime in loco
parentis, qui est déjà prévu dans la Loi sur le divorce. Ce régime s'inscrit
davantage dans une optique de protection de l'enfant et de ses intérêts. Nous
suggérons donc de prévoir une disposition dans le projet de loi à cet effet.
Nous remettons également en question la
proposition de créer un mécanisme parallèle à la voie judiciaire qui
permettrait de constater la présence de violence conjugale, ce qui accorderait
à un seul parent l'exercice de l'autorité parentale à l'égard de son enfant
afin qu'il reçoive des soins de santé ou des services sociaux. Nous comprenons
très bien les objectifs poursuivis par cette modification.
Cependant, nous nous interrogeons sur l'encadrement
de ce nouveau pouvoir accordé à un fonctionnaire désigné, sur l'usage qui
pourra être fait de cette déclaration, sur sa valeur probante et sur la
possibilité de s'y opposer, si cette possibilité existe. À notre avis, l'ajout
d'un pouvoir permettant aux juges de retirer un ou des attributs de <l'autorité...
Mme Claveau (Catherine) :
...un
ou des attributs de >l'autorité parentale, dans les cas où la violence
familiale est constatée, est suffisant pour pallier la problématique que le
législateur cherche à régler. Nous suggérons donc de retirer l'article 603.1
du Code civil proposé par le projet de loi.
En matière de filiation, le Barreau est
préoccupé par l'ajout dans le Code civil de la définition de l'enfant conçu
mais non encore né, qui a été intégrée dans un chapitre intitulé «Du respect
des droits de l'enfant», lui-même inclus dans un titre qui s'intitule «De
certains droits de la personnalité».
La définition proposée crée une fiction
juridique qui se distancie de la décision de la Cour suprême dans Tremblay c.
Daigle. Dans cet arrêt, la cour établit que seul l'enfant né vivant et viable,
c'est-à-dire celui qui a une vie totalement indépendante de celle de sa mère,
peut avoir une personnalité juridique. Si la définition de l'enfant conçu mais
non encore né ne change pas le fait que seul l'enfant né vivant et viable est
sujet de droit, la définition proposée vient concrétiser qu'il est, à tout le
moins, objet de droit. En outre, ce statut repose exclusivement sur le fait que
la personne qui le porte est enceinte, impliquant de facto le corps de cette
dernière et, ultimement, des enjeux relatifs à la liberté de sa personne et de
son intégrité physique.
Nous suggérons donc de retirer l'article 34.1
du Code civil du Québec proposé par le projet de loi. Nous nous inquiétons,
donc, des impacts découlant de l'application d'une telle définition, a fortiori
dans un contexte où celle-ci est introduite conjointement aux nouvelles règles
applicables à la gestation pour autrui. Ainsi, une convention pourrait-elle
avoir pour effet... pour objet l'enfant conçu mais non encore né, et donc
imposer des obligations ou restrictions contraignantes à la personne qui est
enceinte, et ce, contrairement à son droit à la liberté de sa personne? À ce
chapitre, nous avons également quelques préoccupations en lien avec le nouveau
régime de gestation pour autrui proposé par le projet de loi.
D'abord, nous saluons l'introduction d'un
régime juridique encadrant la gestion pour autrui par voie conventionnelle.
Toutefois, nous croyons que, si la convention de gestation pour autrui est une
excellente mesure de sauvegarde pour la protection des parties, elle ne doit
toutefois pas constituer un passage obligatoire à l'application d'un droit en
cette matière, auquel cas les parties et enfants nés de contrats verbaux ne
pourraient pas bénéficier des protections qui sont prévues dans le projet de
loi.
Or, on peut présumer que, justement, ce
sont les personnes les plus vulnérables de la société qui, pour des raisons
financières, notamment, refuseront d'officialiser le projet de gestation pour
autrui par convention écrite. Ainsi, la convention deviendrait
essentiellement... devrait essentiellement se résumer à un document émis par l'État
détaillant les droits et obligations des parties, tel que prévu au Code civil
et à la Charte des droits et libertés de la personne. Ce document inclurait
également une liste de clauses interdites dans une telle convention.
De plus, nous croyons que la meilleure
façon de pallier à la marchandisation de l'enfant et à la commercialisation du
corps de la femme est de s'assurer que toutes les parties soient bien informées
de leurs droits et obligations respectifs. Ainsi, si la voie contractuelle doit
être favorisée, nous suggérons également que le projet de loi prévoit l'exigence
d'un avis juridique indépendant. Actuellement, le projet de loi n'exige pas une
telle mesure et propose simplement que les parties fassent la convention
ensemble par acte notarié. Ce faisant, le projet de loi semble conclure à l'absence
de contentieux du fait que ces parties partagent une intention commune de mener
à terme le projet parental établi par les parents d'intention.
Nous sommes d'avis qu'en assimilant ainsi
les droits et intérêts de la personne qui donnera naissance à l'enfant à ceux
des parents d'intention le projet de loi escamote les besoins spécifiques et
même souvent opposés de la personne qui donnera naissance à l'enfant. Cela nous
semble discutable, particulièrement dans les cas où cette personne est
susceptible de se retrouver dans une situation de vulnérabilité. C'est pourquoi
nous proposons que l'obtention de conseils prodigués par des conseillers
juridiques indépendants pour chacune des parties à la convention est le
meilleur, sinon le seul moyen de protéger chacune des personnes impliquées.
• (21 h 20) •
Dans le même ordre d'idées, je tiens à
souligner le rôle plutôt discret que la réforme accorde aux avocats en ce qui
concerne la convention de gestation pour autrui. J'invite le législateur à <reconsidérer
ce rôle...
Mme Claveau (Catherine) :
...à
>reconsidérer ce rôle, particulièrement pour ce qui est des règles
prévues au projet de loi relatives à l'obtention du consentement de la personne
qui portera l'enfant, l'avis de retrait de ce consentement, la conservation des
sommes d'argent liées à la gestation pour autrui dans un compte en fidéicommis
et autres procédures actuellement dévolues au notaire.
Les membres du Barreau sont non seulement
outillés pour éclairer les parties dans une convention de gestation pour
autrui, mais ils sont aussi formés pour déceler en temps opportun les litiges
potentiels entre les parties avant même qu'ils ne se cristallisent. Les avocats
doivent être considérés comme des véritables partenaires du législateur dans la
mise en oeuvre de la réforme proposée et pourraient, à notre avis, être
davantage mis à contribution au niveau des opérations juridiques liées au
nouveau régime de gestation pour autrui.
Ainsi, s'il est un message qu'il faut
retenir aujourd'hui, c'est le suivant. Nous croyons que l'avocat doit avoir un
rôle plus important que celui prévu dans le projet de loi actuel sur les trois
aspects suivants du projet de gestation pour autrui.
Premièrement, à titre de conseiller
juridique, l'avocat a un rôle à jouer dans l'établissement du contrat de
gestation pour autrui afin de protéger les personnes les plus vulnérables.
Deuxièmement, grâce à sa formation professionnelle, il est, lui aussi, bien
placé pour conseiller les parties, soit les parents d'intention et la mère porteuse,
dont les intérêts sont parfois divergents lors de l'établissement de la
convention de gestation. Enfin, son expérience pratique, notamment en litige,
lui permet de jouer un rôle dans les différentes étapes du projet afin d'aviser
les parties des enjeux potentiels et ainsi réduire les risques de complications
futures.
Je termine en vous invitant à prendre
connaissance de notre rapport, si ce n'est déjà fait, qui contient plusieurs
autres commentaires et réflexions, notamment en matière de filiation, de droit
aux origines, de reconnaissance d'identité de genre et de respect du droit à la
vie privée à l'égard de cette identité. Je vous remercie encore une fois pour
votre invitation, et nous sommes maintenant prêts à recevoir vos questions.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, maître. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Mme la bâtonnière, Me Claveau, Me Aguerre, Me Tremblay,
Me Dubé, bonjour. Merci d'être là. Je n'ai oublié personne? Non, O.K., parfait.
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est
ça, parce que nous, on voit le duplex, puis je suis à l'écran aussi, puis il
est tard, donc.
Bon, parlons, si vous voulez bien, de
34.1, relativement, là, à l'enfant conçu. L'objectif de la disposition, ce
n'est vraiment pas de rouvrir le débat de Daigle contre Tremblay, ce n'est
vraiment pas de remettre en question le droit à l'avortement, tout ça, loin de
là, je vous en assure. Et on a eu la discussion tout à l'heure, là, avec l'association
des avocats en droit familial. Donc, à l'article 3 du projet de loi, 34.1,la
disposition, elle est là pour faire en sorte qu'en matière de gestation pour
autrui l'embryon qui est congelé puis qui est placé dans la voûte, si je peux
dire, et que madame... monsieur décède et madame, 10 ans plus tard, décide
de se faire inséminer, et un enfant naît de ce don de gamètes, de ce don de
sperme là, qui était devenu la propriété de madame... C'est au niveau,
notamment, de la stabilité des successions aussi. Donc, il ne deviendrait pas
un héritier 10 ans plus tard, alors que la succession, elle est fermée
depuis plusieurs années.
Donc, ce que ça fait, c'est que, si madame
était enceinte au moment du décès de monsieur, dans le fond, l'enfant pourra
hériter suite à la grossesse, mais il faut trouver un mécanisme, au niveau de
la stabilité des successions, rattaché au fait que, scientifiquement,
désormais... Et, quand j'ai visité les cliniques de fertilité, là, on me disait,
même, il y a... Dans certains endroits au Canada, il y a du sperme de conservé
depuis 50 ans. Alors, les nouvelles technologies nous amènent là. Alors je
comprends que, tout à l'heure, on nous a dit : Il n'est peut-être pas
placé au bon endroit dans le bon livre. Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Claveau (Catherine) : Je
vais laisser Me Dubé répondre à votre question.
Mme Dubé (Marie-Hélène) : En
fait, j'en pense, M. le ministre, qu'effectivement il serait préférable d'exprimer
ces préoccupations dans le cadre de l'article <617...
Mme Dubé (Marie-Hélène) :
...de
l'article >617. Comme on l'a indiqué dans notre mémoire, le
fait que cette disposition se trouve là où elle se trouve suscite des
préoccupations. Puis merci de nous avoir éclairées quant à vos intentions. Ça
nous rassure, mais une chose est certaine, c'est que l'article 617, s'il
doit être modifié, devrait prendre également en considération le moment où une
personne devient enceinte, et j'aimerais que Me Tremblay vous fasse part de ses
réflexions à ce sujet.
Mme Tremblay (Régine) :
Merci. En fait, du moment où une personne peut être enceinte, il y a un certain
flou au niveau de, d'abord, est-ce que ce sera l'intention ou le fait
biologique? Puis on peut aussi soulever que, dépendamment des manières de
procréer, le moment où une femme sera enceinte sera différent. En effet, dans l'hypothèse
d'une relation sexuelle, le moment sera le premier jour suivant les dernières
règles. Si c'est une insémination intra-utérine, donc, une insémination par le
sperme, le moment sera la journée de la procédure, la journée de l'implantation.
Par contre, si on fait un transfert d'embryon, une fécondation in vitro, l'embryon
pourra être transféré à trois ou cinq jours de vie. Donc, ne serait ce qu'à ce
moment-là il y a des... peut-être d'ajustements ou des réflexions à avoir sur
qu'est-ce que ça veut dire, «enceinte», selon les différents scénarios, puis
au... Merci.
M. Jolin-Barrette : Mais vous
êtes d'accord avec moi que ça prend une solution pour couvrir, dans le fond,
les embryons qui sont congelés durant plusieurs années, là.
Mme Tremblay (Régine) : Je
pense que le Barreau est d'accord avec vous sur cette question. En matière de
droit comparé, on peut aussi explorer d'autres avenues, puis on pourra vous
faire parvenir des détails à ce sujet, mais certaines juridictions vont
favoriser un avis à la succession. Donc, ça permet une certitude au niveau de l'établissement
de la succession. Évidemment...
M. Jolin-Barrette : Mais,
juste là-dessus, l'avis à la succession, là, c'est parce que, tu sais, exemple,
là, quand ils font congeler du sperme, là, ou des embryons, là, il y en a pas
mal, là. Ça fait que ce que je veux dire, c'est que, tu sais, s'il y a eu
plusieurs prélèvements, ils m'expliquaient ça, là, ils peuvent en congeler
beaucoup. Donc, s'il y a différentes implantations, ils vont-tu faire un avis à
la succession à chaque fois? Tu sais, ce que je veux dire, c'est que ça peut s'étirer
sur vraiment plusieurs années.
Mme Tremblay (Régine) : Je
pense qu'on pourrait vous revenir si vous voulez une réponse plus détaillée en
droit comparé sur les avis de succession, mais je pense que l'idée est d'annoncer,
pour que la succession sache dans un certain délai, qu'il pourrait y avoir des
enfants qui vont hériter qui sont présentement non conçus. Merci.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une question sur l'encadrement de la gestation pour autrui. Relativement
aux huit... 30 jours, là, qu'on a prévus relativement au consentement de
la mère porteuse, dans le fond, de consentir à l'exécution du projet parental,
nous, on a construit le projet de loi pour... de façon à faire en sorte de
protéger les intérêts de l'enfant, mais également ceux de la mère porteuse. Là,
le Barreau dit : 30 jours, c'est un peu long. C'est ce que je
comprends?
Mme Claveau (Catherine) :
Effectivement. Me Tremblay va pouvoir vous donner d'autres détails par rapport
à ça.
Mme Tremblay (Régine) : Donc,
le Barreau, d'abord, aimerait maintenir le principe de sept jours par
précaution, mais, comme vous l'avez dit, en effet, trouve que le 30 jours
peut être long. On comprend que les parties ont des intérêts qui pourraient
être divergents, que ça amène de l'insécurité pour les parents d'intention et
aussi peut-être des remises en question pour la femme ou la personne qui
portera l'enfant. On aimerait inviter le législateur à pousser davantage la
réflexion. À notre connaissance, et nous aimerions vous référer à l'annexe 2 de
notre mémoire, nous sommes les seuls au Canada à imposer dans le texte de la
loi principale un délai de 30 jours, ce qui pourrait envoyer des messages
contradictoires sur des enjeux qui sont réglés ailleurs.
Par ailleurs, nous aimerions attirer à
votre attention qu'il pourrait y avoir un problème pratique, donc, je suis à la
page 19 de notre mémoire, donc, un problème pratique de cohérence avec le
délai de déclaration au Code civil du Québec en vertu de l'article 113,
qui est un délai de 30 jours. Donc, c'est pour ça. Donc, il y a un aspect
pratique, puis un aspect plus complexe, puis on invite le législateur à pousser
davantage la réflexion sur l'exigence d'un délai de 30 jours.
• (21 h 30) •
M. Jolin-Barrette : O.K. Une
question relativement, là, à 603,1. Vous soulevez des questionnements sur la
mécanique relativement... 603.1, là, c'est pour faire en sorte que, <désormais...
>
21 h 30 (version révisée)
<15359
M.
Jolin-Barrette :
...faire en sorte que, >désormais, qu'un
seul parent puisse consentir à des soins pour l'enfant lorsqu'il y a présence
de violence familiale. Pour ce faire, on s'est inspirés de la même façon,
supposons, pour résilier le bail de logement, qu'un officier public, dans le
fond, désigné puisse constater qu'effectivement il y a violence familiale. Puis,
dans ces cas-là, les règles du code s'appliquent, là, je pense, c'est 1974.1, pour
résilier le bail, pour que, souvent, madame puisse quitter le bail... en fait,
puisse casser son bail puis quitter. Vous dites : Écoutez, nous, on a
peut-être des enjeux avec ça, là, au niveau de la mécanique, là. J'aimerais ça
savoir que sont les enjeux puis qu'est-ce que vous proposez.
Mme Claveau (Catherine) : Certainement.
Me Dubé va pouvoir répondre à cette question.
Mme Dubé (Marie-Hélène) : À
notre avis, on ne peut pas comparer la procédure de résiliation de bail locatif
avec le retrait d'un attribut de l'autorité parentale pour un enfant. Le
problème provient tout particulièrement du fait que, dans l'appréciation faite
par les tribunaux de l'intérêt de l'enfant, menant ultimement au retrait d'un
attribut de l'autorité parentale ou même à la déchéance complète de l'autorité
parentale, on prendrait en considération la violence familiale.
Nous craignons que l'attestation prévue à
603.1 soit utilisée, dans la pratique, pour se substituer à la réflexion que le
tribunal devra avoir en lien avec l'exercice de l'autorité parentale. Cette
déclaration, qui est prévue à 603.1, constituerait un commencement de preuve
qui pourrait avoir des conséquences beaucoup plus importantes que la
résiliation d'un bail à long terme dans la vie de l'enfant et dans la vie de
ses parents. De là l'idée de laisser cette analyse délicate de l'existence de
la violence conjugale au tribunal et plutôt de laisser la discrétion judiciaire
déterminer de manière plus juste si, oui ou non, il est adéquat de retirer un
attribut de l'autorité parentale.
Un autre aspect, c'est que le projet de
loi prévoit ce retrait dans le cas des soins, mais il y a d'autres décisions
qui ressortent de l'autorité parentale, envers lesquelles le même processus de
réflexion, la même discrétion judiciaire pourrait être approprié. Alors, nous
croyons que c'est aussi dommage de restreindre cette possibilité uniquement aux
soins de nature psychosociale.
M. Jolin-Barrette : Mais
juste pratico-pratique, là, parce que, là, vous, ce que vous dites, vous dites :
Bien, écoutez... Bon, vous êtes d'accord sur le fond que, désormais, on devrait
pouvoir faire en sorte qu'en présence de violence familiale un des deux parents
puisse avoir la possibilité de... exemple, que l'enfant puisse aller voir un...
Pratico-pratique, revenons à la base, là. Quand
qu'il y a de la violence familiale, ça arrive qu'il y a un des deux parents qui
dit : Non, je ne veux pas que tu amènes l'enfant voir le psychologue,
parce que c'est une mesure de contrôle puis c'est une mesure pour empêcher. Les
psychologues, dans le fond, s'ils n'ont pas le consentement des deux parents,
là, ils disent : Bien, je suis désolé, je ne peux pas voir votre enfant
parce que mon code de déontologie m'y empêche puis que ça me prend le
consentement des deux. Ça fait qu'on veut éviter ce genre de situation là, pour
qu'il y ait des soins qui soient offerts aux enfants.
Le rapport Rebâtir la confiance, il
en faisait une recommandation puis il disait : Idéalement, le processus
devrait être déjudiciarisé pour que ça soit plus simple. Parce que, là, dans la
proposition que vous nous faites, ça voudrait dire qu'il faudrait prendre
requête au tribunal pour faire autoriser le tout. Vous ne trouvez pas que ça va
alourdir le tout, dans le cadre de ces situations-là, alors qu'on veut
simplifier les choses, justement, pour que les enfants aient des services
lorsqu'il y a présence de violence familiale?
Mme Dubé (Marie-Hélène) : Premièrement,
M. le ministre, c'est une situation qui se produit très fréquemment, et il y a
déjà cette solution de se présenter devant les tribunaux, et c'est... Quotidiennement,
ce problème se retrouve devant les tribunaux, et le juge exerce son pouvoir de
décision comme prévu à l'article 604. Donc, c'est un problème qui a déjà
une solution.
Maintenant, je vous entends quant au fait
que ça requiert que les parents se présentent devant le tribunal. Et c'est sûr
que, si c'est le seul enjeu, ça peut paraître comme étant un obstacle pour
certains <parents. Par ailleurs la réalité est que c'est souvent une
problématique qui existe parmi un dossier où...
Mme Dubé (Marie-Hélène) :
...obstacle
pour certains >parents. Par ailleurs la réalité est que c'est souvent
une problématique qui existe parmi un dossier où plusieurs autres questions
doivent, de toute façon, être débattues devant le tribunal. C'est rarement un
enjeu qui existe de manière isolée. Souvent, les parents, dans le cadre de leur
séparation, doivent débattre de la garde ou du temps parental, dépendant de la
Loi sur le divorce ou du Code civil, on utilise des termes différents, mais le
débat au sujet des enfants, il est souvent beaucoup plus vaste qu'uniquement
cette question-là. Et de toute façon, on est devant le tribunal.
M. Jolin-Barrette : Bien, ça,
je comprends ça. Mais, tu sais, nous, on a reçu le rapport Rebâtir la
confiance, puis c'est une des recommandations qui est présente dans le
rapport Rebâtir la confiance. Peut-être que j'ai certains collègues qui
vont pouvoir mieux nous renseigner sur pourquoi ils sont arrivés à cette
recommandation-là. Mais, notamment, les maisons d'hébergement étaient
là-dessus, puis ils nous disaient : Bien, écoutez, c'est important parce
que, notamment, ça fait partie du maintien de contrôle, également, par rapport
aux enfants. Donc, c'est sûr qu'à la cour moi, j'aime ça quand... Je parle
souvent d'accessibilité et d'efficacité du système de justice, ça fait que je
veux que ce soit efficace, mais je ne contrôle pas tout, comme ministre de la
Justice, en termes d'efficacité, puis il y a l'indépendance des tribunaux, que
vous connaissez, et donc ils vont à leur rythme.
Et tout à l'heure on avait Me Schirm qui
était là puis qui nous disait : Bien, écoutez, avant d'avoir une date à
Montréal, là, même si c'est supposé être jugé en urgence, en familial, ce n'est
pas si urgent que ça en termes de délais. Alors, si on oblige... on continue d'utiliser
la même procédure, actuellement, d'aller devant le tribunal, attendre que ce
soit traité, puis tout ça, puis les coûts, aussi, associés à ça... Ça fait que
je suis sensible à l'argument que vous me dites, avant d'enlever un attribut de
l'autorité parentale, sauf que c'est une demande, également, des femmes qui
vivent ce type de violence là puis c'est surtout dans l'intérêt des enfants d'avoir
du soutien psychologique. Ça fait que c'est ça qu'on essaie de réconcilier. Je
comprends vos préoccupations, mais d'un autre côté, il faut trouver une voie
qui est plus simple pour, justement, permettre à ces enfants-là d'avoir des
soins.
Peut-être une autre question sur la... oui,
les conjoints de fait décédés pendant la grossesse, la présomption de paternité
qui va être étendue aux conjoints de fait. Est-ce que vous êtes à l'aise?
Mme Tremblay (Régine) : Oui.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Autre point, une dernière question avant de céder la parole à mes collègues, relativement
à l'admissibilité universelle à l'aide juridique pour les enfants qui font face
à une intervention de la DPJ, ça aussi, vous êtes en faveur, en ce qui concerne
la représentation?
Mme Tremblay (Régine) : Oui,
effectivement. Certainement, oui.
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Écoutez, un grand merci au Barreau, ce soir, pour votre présentation. On va
prendre acte avec intérêt de votre mémoire. Merci.
Mme Tremblay (Régine) : Merci,
M. le ministre.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, je vais céder
la parole au député de LaFontaine. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Merci beaucoup, M.
le Président. Alors, à mon tour de vous saluer, Mmes Claveau, Aguerre,
Tremblay et Dubé. Merci de répondre à nos questions. Comme vous l'avez dit, il
y aurait... il faut compléter notre analyse du mémoire, que l'on a reçu hier,
puis ce n'est pas un reproche que je vous fais, loin de là. C'est un projet de
loi qui fait 360 articles, vous soulevez plusieurs éléments très
importants, pointus, qui requièrent, donc, une analyse, que je m'engage à
compléter.
Ce soir, j'aurais l'intention de vous
poser des questions sur le volet, là, gestation pour autrui, le volet
international, où la mère porteuse ou la personne qui donnera naissance n'est
pas domiciliée au Québec, est à l'étranger. Avez-vous des données, avez-vous
fait l'analyse, est-ce que ça, ce volet-là international, on le retrouve,
notamment, dans les législations, les autres législations provinciales? Est-ce
qu'il y a ce... de facto, est-ce que ça vient, ce volet-là, ou est-ce que nous
aurions... Puis ce n'est pas un jugement que je fais, là, je fais juste poser
une question. Est-ce qu'on aurait pu dire : Bien, au Québec, la mère
porteuse ou la personne devra obligatoirement résider au Québec?
Mme Tremblay (Régine) : À
notre connaissance, dans les lois provinciales qui encadrent la gestation pour
autrui, il n'y a aucune mention du volet international. En fait de données, les
seules données sur lesquelles je suis tombée dans le cadre de mes recherches
portent sur la Colombie-Britannique, pour l'année 2015. Pour l'année 2015,
en Colombie-Britannique, nous savons qu'il y a eu 48 naissances de projets
de gestation pour autrui, et, de ce nombre, un tiers proviendrait de parents
étrangers. Ces données sont évaluées par une autrice qui s'appelle Pamela White,
puis ça me ferait plaisir de vous en fournir davantage dans les prochaines
communications.
Le Président (M.
Bachand) : ...
• (21 h 40) •
M. Tanguay : Ah oui! c'est
juste parce qu'il n'était pas <allumé. C'est pour ça qu'on...
M. Tanguay :
...juste parce qu'il n'était pas >allumé. C'est pour ça qu'on ne m'entendait
pas, là. Ça fait que... beau être comme ça, au plus haut... Ça aide, quand il
est allumé. Mais donc il y a le volet international où ça s'est fait sans qu'il
y ait le volet international?
Mme Tremblay (Régine) :
Le volet international n'est pas prévu dans les lois provinciales. Donc, ça a
lieu...
M. Tanguay : Vous dites
que ça... Ça a eu lieu pareil en 2015, 38 cas? Ça a eu lieu?
Mme Tremblay (Régine) : 48
cas et le tiers, exactement.
M. Tanguay : Et le
tiers. Comment est-ce possible?
Mme Tremblay (Régine) :
C'est juste qu'il n'y a pas de règle...
M. Tanguay : Qui l'interdit.
O.K.
Mme Tremblay (Régine) :
...qui impose aux parents d'intention ou qui l'interdit d'être résident de la
Colombie-Britannique. À cet effet, d'ailleurs, un des cas de jurisprudence qu'il
y a concerne des parents québécois, des parents québécois qui sont allés en
Colombie-Britannique pour leur projet de gestation...
M. Tanguay : O.K. Et
donc, tels que rédigés, les articles qui nous concernent, là, sur le volet
international, article 541.27 et suivants, est-ce que vous y voyez...
Parce qu'évidemment, quand on parle du volet international, il y a toujours une
emprise qui est beaucoup plus difficile, ne serait-ce que la convention qui,
telle que proposée, ne serait pas notariée. La mère d'intention, la mère
porteuse ou la personne qui va donner naissance n'aurait pas nécessairement la
rencontre psychosociale. Après ça, bien, c'est du droit international privé, il
faut faire reconnaître l'acte de naissance, ici. Y voyez-vous des écueils tout
à fait particuliers quant à de potentiels risques de l'échapper, dans ce
cas-là?
Mme Tremblay (Régine) :
Pour être absolument honnêtes avec vous, M. le député, on n'a pas eu ces
réflexions-là.
M. Tanguay
: O.K., O.K.,
bien, merci...
Mme Tremblay (Régine) : C'est
un projet complexe, puis on se réserve, si vous voulez, la possibilité de vous
transmettre d'autres commentaires.
M. Tanguay : Merci à
vous. Parfait. Vous proposez... «Finalement, nous suggérons de modifier le
projet de loi pour conférer aux juges la discrétion nécessaire afin d'évaluer
si l'enfant est en mesure de manifester sa volonté indépendamment de son âge».
Ici, nous en sommes, le maintien des liens significatifs entre l'enfant et l'ex-conjoint
du parent ou des grands-parents. Donc, faire en sorte... le juge, la discrétion,
au-delà de l'âge de 10 ans, ça, est-ce que... ça se fait comment, ça,
pratico-pratique, par le juge?
Une voix : Me Dubé va
répondre à la question.
Mme Dubé (Marie-Hélène) :
Pratico-pratique, lorsqu'il y a un enjeu, que ce soit au niveau de la garde, ou
au niveau des droits d'accès, ou les demandes d'accès de grands-parents, la
question du désir des enfants peut être soulevée par les autres parties,
lorsque l'une ou l'autre des parties le souhaite, et l'enfant peut présenter
son désir à l'une ou l'autre de ces parties. Il peut lui-même être représenté
par un avocat. Et donc la question de ses volontés est exprimée soit par la voix
des parties au litige ou directement par l'enfant qui est représenté par son
avocat. Pratico-pratique, c'est comme ça que ça se passe.
M. Tanguay : Et est-ce
que ça, ça participe d'une évolution jurisprudentielle ou peut-être même
législative où on prend davantage puis on le met dans les lois? Puis là vous,
vous suggérez que, même au-delà d'une limite d'âge, le juge pourrait en juger,
par exemple, d'un enfant de neuf ans. Trouvez-vous que ça participe d'une trame
de fond où on donne davantage, justement, la parole aux enfants? Parce qu'on
parle de leur intérêt, alors on pourrait peut-être les entendre.
Mme Dubé (Marie-Hélène) :
Le droit de l'enfant à être entendu est certainement une considération qui
existe, et depuis déjà assez longtemps. La Cour d'appel s'est déjà penchée sur
cette question-là, et il y a un arrêt-phare sur la question, qui remonte déjà
presque 20 ans, où, justement, c'était le cas d'un enfant de neuf ans, et son
avocat souhaitait présenter au tribunal sa propre perception du meilleur
intérêt de l'enfant, et la Cour d'appel a dit : Non, vous devez agir en
fonction du mandat que votre client, l'enfant, vous donne. Il s'agissait d'un
enfant de neuf ans. Alors, je pense que ça illustre le fait qu'ici encore la
discrétion judiciaire a sa place, pour que l'on puisse évaluer au cas par cas
la maturité de l'enfant et les circonstances particulières dans lesquelles il
se trouve.
M. Tanguay : Oui. Et c'est
pour ça que, si je vous comprends bien, à 611, vous proposez de mettre cette
évaluation-là du cas par cas plutôt que la règle du 10 ans?
Mme Dubé (Marie-Hélène) : Exactement.
M. Tanguay : D'accord. J'aimerais
vous <entendre...
M. Tanguay :
...règle
du 10 ans?
Mme Dubé (Marie-Hélène) :
Exactement.
M. Tanguay :
D'accord. J'aimerais vous >entendre. C'est important, l'impact de l'ajout
de la violence familiale, dans le Code civil, sur les communautés autochtones.
Vous faites référence à la Loi sur les foyers familiaux situés dans les
réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux et qui prévoit une définition
de «violence familiale», et... «Nous nous interrogeons sur les impacts de cette
définition sur les dispositions prévues au projet de loi.» J'aimerais vous
entendre davantage pour bien comprendre votre point, s'il vous plaît.
Mme Claveau (Catherine) :
Oui, maître Aguerre va répondre.
Mme Aguerre (Ana Victoria) :
Oui, merci. Donc, écoutez, c'est une très, très bonne question. A priori,
je voudrais quand même commencer en soulignant que le Code civil... en fait le
projet de loi ne propose pas une définition de la violence familiale, et c'est
ce qui s'oppose, en fait, à la situation de la loi fédérale dont vous venez de
faire mention, qui, elle, définit la violence familiale. Et comme on le sait,
en vertu du nouveau régime qui est prévu par le projet de loi, une fois que la
violence familiale est constatée, elle peut mener soit au retrait d'un attribut
d'autorité parentale ou encore à la déchéance de l'autorité parentale au grand
complet.
Donc, on s'interrogeait... on n'a pas
ciblé de problématique spécifique, mais on s'interrogeait sur l'impact, l'interaction
de ces deux lois-là, de ces deux régimes-là, particulièrement dans le contexte
qu'on connaît en milieu autochtone, où, malheureusement, les situations peut-être
de violence ont une connotation beaucoup plus importante, disons, des impacts
très importants. Qu'est-ce que ça pourrait vouloir dire pour les parents en
milieu autochtone? Est-ce que... et là je vais faire ça très, très gros, est-ce
qu'on va arriver à plusieurs décisions de déchéance d'autorité parentale, à
cause de cet arrimage-là qu'il y a à faire? Est-ce qu'on va avoir plus de
décisions en matière de retrait d'attributs de l'autorité parentale?
Bref, je pense que le problème vient du
fait que la loi fédérale prévoit une définition, la loi provinciale ne prévoit
pas de définition. Est-ce que c'est une définition qui va être similaire,
contraire, ça reste à voir. Mais, à toutes fins pratiques, nous, ce qu'on
voulait, c'est présenter cette problématique-là, cette problématique
potentielle là au législateur pour qu'il réfléchisse.
M. Tanguay : Et je pense qu'il
va sans dire qu'il y aurait lieu que la définition ne soit pas différente, j'imagine?
Il va sans dire, n'est-ce pas?
Mme Aguerre (Ana Victoria) :
Il y aurait effectivement un intérêt à ce que les définitions soient à tout le
moins complémentaires ou en harmonie, effectivement.
M. Tanguay :
Tout à
fait. Tout à fait. Vous parlez... il y a bien un passage dans votre mémoire ou
vous parlez de l'importance d'arrimer les frais... — je reviens,
excusez-moi — gestation pour autrui, les frais admissibles au
remboursement. Vous soulignez l'importance d'avoir un certain arrimage. J'aimerais
vous entendre là-dessus.
Mme Tremblay (Régine) :
Merci. Ça va dans la même logique de qu'est-ce qu'on vient juste de dire. Donc,
on est au courant d'une coexistence des régimes puis on voudrait juste s'assurer
qu'il y a une harmonisation entre les régimes qui sont présents, notamment, au
Canada.
M. Tanguay :
Bon, et
au niveau des agences, avez-vous une réflexion là-dessus? Les permettre? Ne pas
les permettre?
Mme Tremblay (Régine) : Notre
remarque sur les agences, c'est qu'on pense qu'on devrait pousser la réflexion.
Puis, dans une optique d'accès à la justice, on aimerait aussi souligner au
législateur la nécessité de ne pas créer un marché où tout le monde va être
rémunéré, sauf la femme ou la personne qui porte.
L'autre chose, par rapport aux agences, qu'on
aimerait souligner à l'attention du législateur, c'est que, si les agences se
voient confier des sommes d'argent, ils n'ont pas nécessairement de code de
déontologie puis ils n'ont pas non plus d'assurance responsabilité
professionnelle. Donc, il faut être conscient de la création d'un marché de
services qui entoure la reproduction et aussi des dangers que cela pourrait
représenter pour le public.
M. Tanguay :
Je
comprends, très bon point. Merci beaucoup à vous quatre.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine. M. le
député d'Hochelaga-Maisonneuve, vous avez la parole.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Bonsoir. Plus tôt dans la soirée, vous a précédé un professeur de l'Université
Laval, Me Goubau, et il faisait référence à une inquiétude par rapport à ce qu'il
percevait, je pense, comme un recul par rapport aux grands-parents, droits des
grands-parents. Est-ce que vous partagez sa lecture de la situation?
Mme Dubé (Marie-Hélène) :
Malheureusement,
je n'ai pas entendu les commentaires précis du professeur Goubau, mais
définitivement le Barreau constate que la modification proposée à l'article 611
mènerait à un recul des droits des grands-parents. On est arrivés au même
constat. Et voilà, je ne sais pas si vous souhaitez poser une autre question,
mais définitivement on partage le constat.
M. Leduc : Pouvez-vous
expliquer, donc, votre lecture de ce constat-là?
• (21 h 50) •
Mme Dubé (Marie-Hélène) : C'est-à-dire
que, selon l'article 611 actuel, il y a une présomption que les contacts
entre les enfants, les petits-enfants et les grands-parents sont dans le <meilleur...
Mme Dubé (Marie-Hélène) :
...présomption
que les contacts entre les enfants, les petits-enfants et les grands-parents
sont dans le >meilleur intérêt des enfants, alors que, si la
modification va de l'avant, cette présomption va disparaître.
M. Leduc : Bon, c'est à
peu près les propos que le professeur tenait. Peut-être sur une question plus
de priorisation. Il y a beaucoup de contenu, bien sûr, dans votre mémoire; si
vous aviez à sortir, là, un ou deux, peut-être trois éléments qu'il faudrait
absolument ne pas échapper dans les multiples amendements que nous allons
préparer, ce seraient lesquels?
Mme Claveau (Catherine) :
Me Aguerre va répondre.
M. Leduc : ...votre
micro.
Mme Aguerre (Ana Victoria) :
Excusez-moi, un grand classique. Écoutez, je vais commencer, puis j'espère que
mes collègues vont avoir les mêmes priorités que moi. Je suis convaincue que
oui. Je céderais peut-être après la parole à Me Claveau sur le rôle important
des avocats dans la mise en oeuvre de la réforme en droit de la famille,
particulièrement en ce qui concerne le rôle à jouer dans les conventions de
gestation pour autrui. Je vous dirais qu'en termes de priorités, écoutez, il y
en a plusieurs, je pense que les questions relatives à l'autorité parentale et
à la reconsidération par le législateur de l'inclusion d'un régime similaire au
in loco parentis en droit civil québécois seraient extrêmement importantes. Je
vais céder la parole, maintenant, à Me Claveau pour parler du rôle des
avocats dans la réforme du droit de la famille.
Le Président (M.
Bachand) : ...Me Claveau, il reste très, très, très peu de
temps. En quelques secondes. Désolé.
Mme Claveau (Catherine) :
Oui. Bien, écoutez, nous, nos membres sont formés en droit de la famille, on
est... on est... on a tout ce qu'il faut pour bien l'accompagner puis bien
conseiller les gens. Puis ça nous paraît vraiment important, entre autres dans
le cadre de la convention de gestation pour autrui, pour nous, il est
primordial que chacune des parties ait son propre avis juridique avant de faire
ces conventions-là. Pour nous, c'est essentiel, plutôt que d'avoir une
convention commune notariée, il faut vraiment que chacune des parties ait son
propre conseil juridique. Un consentement éclairé, ça, c'est vraiment la base,
pour nous, ça, c'est une des choses que je pense qui seraient vraiment
importantes. Et quand je dis «conseil juridique»... Oui? Excusez-moi.
Le Président (M.
Bachand) : Excusez-moi, parce que je dois passer de la parole à
la députée de Joliette.
Mme Claveau (Catherine) :
Oui, bien sûr.
M. Leduc : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon : Merci, M. le
Président. Bonjour à vous quatre. Merci pour votre présentation. Je vais être
exactement sur ce point-là qui a été peu abordé. En fait, vous allez me dire...
Je vais essayer de résumer ce que vous nous dites sur le formalisme de la
convention. Moi, j'y vois une certaine contradiction, ça fait que je vous
invite à m'éclairer davantage.
En fait, si j'ai bien compris, vous dites
que vous ne souhaitez pas qu'il y ait une obligation de convention écrite
notariée, parce que, vous dites, ça pourrait peut-être être une convention
verbale, on peut risquer de nuire à des personnes qui ont moins de moyens,
moins d'organisation, qui pourraient être plus vulnérables. Mais par ailleurs,
quelques paragraphes plus bas, puis vous venez de le dire, vous dites qu'il
faudrait avoir un avis juridique pour chacune des parties, ce qui est du
formalisme, ce qui est des frais. Donc, je veux juste que vous me réconciliiez
tout ça, là.
Mme Claveau (Catherine) :
Bien, dans le fond, je pense qu'on peut pousser un peu plus, puis ça paraît à
notre page 18 du mémoire, ce qu'on dit, c'est que ça n'est... Si on...
Évidemment, ça serait toujours mieux qu'il y ait une convention. Puis, quand on
parle de frais, nous, ce qu'on prévoit, c'est que ça ne serait pas nécessaire
que ça soit une convention notariée. On pense à un document qui serait émis par
l'État, qui détaillerait les droits et les obligations des parties dans la
gestation pour autrui, c'est-à-dire les parents d'intention, la personne qui va
donner naissance, et dans lesquels on trouverait aussi des clauses à ne pas...
tu sais, des interdictions de conditions qui seraient illégales. Alors, ce
serait un document, tout simplement qui pourrait être reçu devant deux témoins,
et donc il n'y aurait pas de... ça ne serait pas obligé d'être une convention
devant notaire. Je répète que, pour nous, ce qui est important, et ça, ça... c'est
qu'on n'ait pas un document où est-ce que chacune des parties a nécessairement
le même conseiller juridique qui va attester cette convention-là. Pour nous, je
répète, c'est important qu'ils aient chacun leur opinion juridique
indépendante.
Mme Hivon : Mais en ce
moment c'est déjà prévu qu'il y a des rencontres, pas purement juridiques, mais
des rencontres avec chacune des parties. Vous, je comprends, là... je veux bien
comprendre, votre conception, c'est d'avoir un peu plus un contrat d'adhésion,
en quelque sorte, où la base sera toute là, on vient signer, mais, avant de
signer, il faut avoir un avis juridique. J'essaie juste de comprendre en quoi c'est
différent que d'avoir une convention écrite avec des rencontres individualisées
pour les personnes.
Mme Claveau (Catherine) :
Bien, nous, notre compréhension de la convention de notariée, c'est un notaire
qui fait la convention pour les deux personnes. En principe, si c'est un <professionnel
de droit pour une demande... C'est un peu le...
Mme Claveau (Catherine) :
...notaire qui fait la convention pour les deux personnes. En principe, si
c'est un >professionnel de droit pour une demande... C'est un peu le parallèle
d'une demande conjointe, une convention conjointe, tu sais? On le fait, on le
fait entre autres en médiation, on fait souvent des divorces conjoints. Bien,
le professionnel ne prend pas parti, fait la convention qui répond aux intérêts
des deux, puis l'avocat qui, notamment, fait la médiation recommande toujours
aux gens devant lui d'aller se chercher quand même une opinion indépendante
pour voir vraiment si ses propres droits sont respectés puis qu'il y ait un
consentement libre et éclairé.
Mme Hivon : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Me Claveau, maîtres Aguerre,
Tremblay, Dubé, merci beaucoup d'avoir été avec nous ce soir. C'est très, très,
très apprécié.
Cela dit, la commission ajourne ses
travaux au vendredi 3 décembre, après les affaires courantes. Merci
beaucoup.
(Fin de la séance à 21 h 57)