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Version préliminaire

42e législature, 2e session
(19 octobre 2021 au 28 août 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mardi 30 novembre 2021 - Vol. 46 N° 10

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 2, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et modifiant le Code civil en matière de droits de la personnalité et d’état civil


Aller directement au contenu du Journal des débats

Intervenants par tranches d'heure

  • 10 h

    • Bachand, André
    • Jolin-Barrette, Simon
    • Tanguay, Marc
    • Leduc, Alexandre
    • Hivon, Véronique
  • 10 h 30

    • Jolin-Barrette, Simon
    • Bachand, André
    • Lévesque, Mathieu
    • Tanguay, Marc
    • Leduc, Alexandre
    • Hivon, Véronique
  • 11 h

    • Bachand, André
    • Jolin-Barrette, Simon
    • D'Amours, Sylvie
    • Tanguay, Marc
  • 11 h 30

    • Bachand, André
    • Maccarone, Jennifer
    • Leduc, Alexandre
    • Hivon, Véronique
  • 15 h

    • Bachand, André
  • 15 h 30

    • Bachand, André
    • Jolin-Barrette, Simon
    • Lévesque, Mathieu
    • Tanguay, Marc
  • 16 h

    • Tanguay, Marc
    • Bachand, André
    • Leduc, Alexandre
    • Hivon, Véronique
    • Jolin-Barrette, Simon
  • 16 h 30

    • Jolin-Barrette, Simon
    • Bachand, André
    • Lemieux, Louis
    • Maccarone, Jennifer
    • Massé, Manon
    • Hivon, Véronique
  • 17 h

    • Hivon, Véronique
    • Bachand, André
    • Jolin-Barrette, Simon
  • 17 h 30

    • Jolin-Barrette, Simon
    • Bachand, André
    • Lévesque, Mathieu
    • Tanguay, Marc
    • Leduc, Alexandre
    • Hivon, Véronique
  • 19 h 30

    • Bachand, André
    • Jolin-Barrette, Simon
    • D'Amours, Sylvie
    • Maccarone, Jennifer
  • 20 h

    • Maccarone, Jennifer
    • Bachand, André
    • Leduc, Alexandre
    • Hivon, Véronique
  • 20 h 30

    • Bachand, André
    • Jolin-Barrette, Simon
    • Lemieux, Louis
    • Tanguay, Marc
    • Leduc, Alexandre
  • 21 h

    • Bachand, André
    • Hivon, Véronique

 

Journal des débats

10 h (version révisée)

(Dix heures)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Bon matin. Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte la séance de la Commission des institutions.

Avant d'aller plus loin, je suis bien content de vous revoir, surtout de vous voir. Et j'aimerais profiter de l'occasion aussi pour remercier le vice-président de la commission, le député de Viau, pour sa grande disponibilité lors de mon absence.

Donc, la commission est réunie afin de procéder à des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 2, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et modifiant le Code civil en matière de droits de la personnalité et d'état civil.

Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Rousselle (Vimont) est remplacé par Mme Nichols (Vaudreuil); Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce) est remplacée par Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis); et M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé par M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve).

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Ce matin, nous allons débuter par les remarques préliminaires puis nous entendrons les groupes suivants, soit l'Association professionnelle des notaires du Québec et, par après, le Conseil du statut de la femme.

Remarques préliminaires

Nous en sommes donc maintenant aux remarques préliminaires, et je cède la parole au ministre de la Justice pour une période de 5 min 34 s. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président. Bonjour, chers collègues. Heureux de vous retrouver pour le début des consultations du projet de loi n° 2.

La dernière réforme majeure du droit de la famille, que nous devons à feu Marc-André Bédard, remonte à 1980. À l'époque, cette réforme avait été salutaire pour les familles québécoises, mais, 40 ans plus tard, les besoins et les réalités des familles ont considérablement changé. Une nouvelle réforme du droit de la famille se fait donc attendre depuis de nombreuses années.

Le 21 octobre dernier, le gouvernement du Québec présentait le projet de loi n° 2 qui constitue le premier jalon de la réforme du droit de la famille, et aujourd'hui, nous entamons l'étape importante des consultations particulières. Nous entendrons, au cours des prochains jours, plusieurs citoyens, experts, organismes et groupes, et nous sommes très heureux de pouvoir bénéficier de leur contribution pour offrir aux familles québécoises un projet de loi qui répondra à leurs besoins.

Le principe fondamental qui a guidé toutes nos décisions durant l'élaboration de ce projet de loi est : les enfants d'abord. En effet, le meilleur intérêt de l'enfant était au cœur de notre action tout au long de nos travaux. L'un des piliers de la réforme que nous proposons est la connaissance des origines. Il s'agit d'un besoin essentiel pour de nombreux enfants, qu'ils soient adoptés ou nés à la suite d'un don de gamètes. Tout enfant qui le souhaite devrait avoir accès à ses origines et pouvoir s'approprier son identité, son histoire. C'est l'objectif du projet de loi n° 2. Nous proposons même d'en faire un droit fondamental inscrit à la Charte des droits et libertés de la personne.

Une attention particulière a aussi été accordée à la violence familiale dans la réforme. Ainsi, il sera désormais obligatoire de prendre en considération la présence de violence familiale dans toutes les décisions qui concernent l'enfant. Au moment du dépôt, plusieurs se sont dits surpris que cela ne soit pas déjà le cas. C'est en effet une lacune qui aurait dû être corrigée il y a fort longtemps.

Nous venons par ailleurs garantir à tous les enfants qui font l'objet d'une intervention en protection de la jeunesse l'admissibilité universelle à l'aide juridique puis des mesures visant à empêcher une personne qui se représente seule de contre-interroger une personne victime de violence familiale ou de violence sexuelle sont aussi prévues au projet de loi.

En outre, des solutions sont déployées pour mieux soutenir les familles lors du décès d'un conjoint. Désormais, si un conjoint de fait décède pendant la grossesse de sa conjointe, il pourra être reconnu comme parent sans avoir à passer par les tribunaux, ce qui n'est actuellement possible que lorsque le couple était marié. Il s'agit d'une situation injuste qui cause préjudice à l'enfant et à laquelle nous mettons fin une fois pour toutes. Et ici, nous avons aussi envie de dire : Il était plus que temps d'agir.

Le projet de loi n° 2 mettra également fin au gel du compte conjoint, ce qui permettait à l'autre conjoint de continuer à subvenir... ce qui permettra à l'autre conjoint de continuer de subvenir aux besoins de sa famille.

Le projet de loi vise aussi à encadrer les nouvelles façons de fonder une famille, soit par le recours à la gestation pour autrui. Le Code civil actuel en nie l'existence, mais le fait est que des enfants naissent de gestation pour autrui au Québec. Nous proposons donc un processus clair, prévisible et surtout sécuritaire qui assure à la fois le meilleur intérêt de l'enfant à naître et la protection des droits de la femme qui l'a porté. Un rattrapage s'impose, au Québec, sur cette question, alors que déjà huit provinces et territoires canadiens ont agi en encadrant cette pratique depuis 2007.

Le Code civil doit également être revu et modernisé en ce qui a trait aux règles en matière de filiation, d'adoption et de tutelle supplétive. De nouvelles mesures permettant à un enfant adopté de maintenir des échanges ou des relations avec certains membres de sa famille d'origine qui peuvent lui être significatifs sont notamment proposées. Nous élargissons et valorisons le concept de la tutelle supplétive, encore une fois, lorsque c'est dans le meilleur intérêt de l'enfant.

En ce qui concerne les mesures sur le sexe et l'identité de genre proposées en réponse au jugement dans la cause qui implique le Centre de lutte contre l'oppression des genres, vous avez pu constater, au cours des dernières semaines, que des <inquiétudes...

M. Jolin-Barrette : ...le Centre de lutte contre l'oppression des genres, vous avez pu constater, au cours des dernières semaines, que des >inquiétudes ont été soulevées. Nous sommes très sensibles aux préoccupations qui ont été partagées par la communauté LGBTQ et avons déjà annoncé que des changements seraient effectués. L'exigence d'une opération pour modifier la mention de sexe sera éliminée, et nous nous assurerons que la solution qui sera développée ne puisse pas être perçue comme étant un coming out forcé pour qui que ce soit.

Nous le réitérons, notre objectif a toujours été de mieux répondre aux jugements et de mieux refléter les réalités des familles LGBTQ. Notre démarche n'a jamais visé à compliquer le processus d'affirmation des personnes trans.

Le projet de loi n° 2 aborde des sujets délicats qui ont été évités trop longtemps, au Québec, par l'Assemblée nationale, mais dont il est nécessaire de discuter. Nous vous sommes reconnaissants d'être parmi nous aujourd'hui pour nous partager votre point de vue. La collaboration de tous les groupes est essentielle pour le gouvernement et pour les familles québécoises, et ce projet de loi permettra une nette avancée significative pour l'intérêt des enfants et les familles québécoises. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, j'invite donc maintenant le porte-parole de l'opposition officielle et député de Lafontaine à faire ses remarques primaires pour 3 min 43 s.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Parfait. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour de vous saluer. Très heureux, très heureux, honnêtement, M. le Président, de vous retrouver à présider nos travaux. Vous avez toute notre confiance, et je pense qu'on a su développer une belle façon de fonctionner. Alors, chapeau à vous, c'est tout à votre crédit. J'aimerais saluer le ministre, les collègues de la banquette ministérielle, celles et ceux qui accompagnent le ministre, également, et les collègues des autres oppositions.

Un salut tout particulier à ma collègue députée de Westmount—Saint-Louis, qui est entre autres porte-parole pour la communauté LGBTQ2, LGBTQ2 qui sera une ressource, une participante très active et importante dans ce dossier, réforme du droit de la famille. Il y a déjà... avant même que les auditions aient commencé, il y a déjà un combat qui a eu lieu, semble-t-il. Il y aura des avancées qui seront constatées dans les amendements, mais ça dénote tout la vigilance... toute la vigilance dont a fait preuve ma collègue de Westmount—Saint-Louis, notamment, avec les autres collègues également. Puis on va s'assurer que le travail soit fait.

En 3 min 40 s, j'aurais tellement de choses à dire. Je vais également, M. le Président, prendre le temps de saluer... prendre le temps de saluer ma collègue de Vaudreuil qui participera aussi à nos travaux, qui a une formation en droit et qui sera excessivement efficace dans les questionnements à y avoir.

Le ministre dit : une réforme qui a attendu trop longtemps. Le rapport Roy, juin 2015, et on se retrouve aujourd'hui, en 2021, fin 2021. Donc, il y a plus de six ans, six ans et demi du rapport Roy, presque.

On nous a annoncé, parce qu'il y a beaucoup d'éléments, qu'il y aura un second projet de loi. Celui-ci, le projet de loi n° 2, est sur, essentiellement, comme on le sait, là, la filiation, mère porteuse, donc gestation pour autrui. Il y a également présomption de paternité en termes de filiation, possession d'état, connaissance d'origines, relations avec les beaux-parents, grands-parents. Il y a énormément de sujets qui seront touchés, mais notamment, évidemment, les amendements annoncés quant à la mention du sexe.

Donc, pour atteindre notre objectif, collectivement, d'effectuer un rattrapage de la réforme du droit par une réforme du droit de la famille, nous déplorons, puis le mot est tout à fait réglementaire et se dit, le fait qu'il y ait eu un projet de loi déposé mais à la toute dernière minute. Et nous, si nous travaillons de façon excessivement efficace, notre ambition, c'est de faire en sorte qu'il soit adopté avant la dernière session parlementaire, qui finit en juin prochain. 360 articles, ça arrive un petit peu tard, et là on nous promet un deuxième projet de loi. Ça, c'est un élément que l'on ne peut que déplorer.

Autre chose également, M. le Président, je l'avais dit au ministre dans les crédits, ne mettez pas, dans ce projet de loi là, le jugement Moore, le jugement Moore qui faisait en sorte que vous pouvez... vous pouviez faire en sorte que «parent» soit ajouté à la possibilité des cases «mère», «père», «parent». Ça, c'était dû, par un jugement, pour le 31 décembre. Ça ne se fera pas. Il y a une demande de prolongation qui a été donnée, je pense, jusqu'en juin. Il aurait fallu sortir ça pour faire avancer le Québec dès cet automne là-dessus, même chose pour «identité de genre» et «mention de sexe», faire ce débat-là de façon distincte. Ça ne se fera pas de cette façon-là.

Notre collaboration vous est acquise pour les familles du Québec. Je tiens à dire qu'il y a des questions excessivement délicates qui sont devant nous, puis on va prendre le temps de les analyser avec tout le sérieux requis.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le député. Maintenant, j'invite le porte-parole du deuxième groupe d'opposition et député d'Hochelaga-Maisonneuve à faire ses remarques préliminaires pour un petit 56 secondes. M. le député, s'il vous plaît.

M. Alexandre Leduc

M. Leduc : Très rapidement. Bonjour, tout le monde, bien <heureux d'être ici...

Le Président (M. Bachand) : ...beaucoup, M. le député. Maintenant, j'invite le porte-parole du deuxième groupe d'opposition et député d'Hochelaga-Maisonneuve à faire ses remarques préliminaires pour un petit 56 secondes. M. le député, s'il vous plaît.

M. Leduc : Très rapidement. Bonjour, tout le monde, bien >heureux d'être ici, avec ces travaux. Vous annoncer que je vais, moi aussi, céder ma place, de temps à autre, à ma collègue de Sainte-Marie—Saint-Jacques qui va venir me remplacer en particulier sur les enjeux trans et intersexes.

Moi, j'ai deux... de déception, aujourd'hui. La première, c'est le nombre d'intervenants que nous allons entendre dans les prochains jours. Encore une fois, comme c'est le cas dans plusieurs autres projets de loi, la liste est particulièrement courte, alors que c'est un projet de loi substantiel, 360 articles, comme on disait tantôt. Donc, c'est bien en deçà de mes attentes. Mais on va, évidemment, vous écouter et vous poser des questions avec tout le sérieux qui est le nôtre.

Finalement, ma deuxième déception, M. le Président, c'est que le ministre a annoncé qu'il y avait des amendements, qu'il allait réagir, et, pour avoir été assis dans la chaise de ceux qui vont venir présenter aujourd'hui, dans mon ancien emploi, préparer un mémoire sur des amendements sur lesquels on ne connaît ni la nature ni l'intention, c'est vraiment un exercice qui est désagréable. Le ministre aurait pu éviter cette situation-là, mais, bon, il les déposera plus tard. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup,M. le député. Avant de poursuivre, je comprends qu'il y a un consentement pour permettre à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques de participer à cette séance?

Des voix : Consentement.

• (10 h 10) •

Le Président (M. Bachand) :Consentement.Merci beaucoup. Donc, j'invite maintenant la porte-parole du troisième groupe d'opposition et députée de Joliette à faire ses remarques préliminaires, pour aussi un petit 56 secondes.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. Très heureuse, moi aussi, de vous retrouver, de retrouver les collègues, le ministre, toute son équipe et les collègues de l'opposition.

Donc, très rapidement, on amorce aujourd'hui des travaux extrêmement importants. Ce n'est pas tous les jours, ça fait 40 ans qu'on n'a pas modifié notre droit de la famille. On se réjouit qu'on le fasse enfin. Je veux souligner, d'ailleurs, mon... bien, un de mes anciens collègues, un des prédécesseurs du ministre actuel, Bertrand St-Arnaud, qui, lorsqu'on était au gouvernement, avait commandé le rapport, donc, du comité consultatif présidé par Me Alain Roy, qui a jeté les bases d'une discussion plus large dans la société.

Je souhaite que, cette discussion-là, on la prenne avec beaucoup d'ouverture avec tous les groupes. Le droit de la famille doit refléter ce qui nous est amené de la société, et donc, ce dialogue-là, il doit être ouvert. J'aurais souhaité aussi qu'il soit plus ouvert et plus étendu. On va faire le maximum pour être à l'écoute et arriver avec le meilleur projet de loi. Merci, M. le Président.

Auditions

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Nous allons maintenant débuter avec les auditions. Donc, je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association professionnelle des notaires du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à débuter votre exposé. Encore une fois, merci d'être avec nous ce matin. La parole est à vous.

Association professionnelle des notaires du Québec (APNQ)

M. Houle (Kevin) : Merci. Donc, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, membres de la Commission des institutions, d'abord, permettez-moi de saluer tous les efforts ayant permis la mise en place de cet énorme chantier législatif.

Je vous présente la collègue qui m'accompagne, Me Tania Marineau, notaire praticienne spécialisée en droit de la famille et en adoption intrafamiliale. Elle est l'une des rédactrices du mémoire que nous avons déposé hier, au nom de l'Association professionnelle des notaires du Québec, donc l'APNQ. Me Marineau a également pratiqué dans le cadre d'un dossier de mères porteuses, où elle a accompagné un jeune couple à compléter des étapes judiciaires obligatoires, soit la procédure d'adoption par consentement spécial suivant la signature de contrat de substitution entre ses clients et une mère porteuse pour la fécondation in vitro, permettant ainsi, donc, à la femme, qui ne pouvait être enceinte, d'adopter l'enfant qu'elle avait conçu avec son conjoint. Et pour ma part, eh bien, je suis président de l'Association professionnelle des notaires du Québec.

Donc, en ce qui concerne l'APNQ, il s'agit d'un organisme à but non lucratif fondé depuis plus de 25 ans et dédié à la défense des intérêts socioéconomiques de ses membres, donc des notaires. L'association regroupe quelque 1 750 notaires répartis sur l'ensemble du territoire québécois, soit près de 50 % des membres de la profession notariale. L'APNQ œuvre au rayonnement du notariat et prône l'implication et les atouts des notaires, ces juristes polyvalents, à la fois officiers publics impartiaux et conseillers juridiques. Nous rappelons que les notaires sont dans toutes les régions du Québec et offrent donc des services à toute la population québécoise.

En plus de sa mission première, l'APNQ est concernée par la protection des droits et des intérêts des Québécois. Au cours de son existence, l'APNQ a étudié de nombreux projets de lois ou de règlements ayant eu le potentiel d'avoir un impact favorable sur nos concitoyens.

L'APNQ est donc, par conséquent, heureuse de participer aux présentes consultations particulières sur le projet de loi n° 2 afin de faire part à la commission de ses observations sur le sujet, car ce projet de loi aura bien certainement un impact sur la pratique des notaires, notamment en droit des successions et bien certainement en droit de la famille. Les notaires sont parmi les mieux placés pour constater qu'effectivement le droit, dans son état actuel, ne représente plus les réalités des familles d'aujourd'hui.

Les notaires québécois étant présents auprès des familles depuis plus de trois siècles, un lien de confiance particulièrement étroit s'est développé avec les Québécois. Année après année, les notaires peuvent compter sur une place très enviable dans le palmarès des professions en lesquelles la population a le plus confiance.

Maintenant, sur le point de vue international, nous rappelons que le notariat québécois est membre de l'Union internationale du notariat latin. Ce regroupement procure aux notaires du Québec un réseau exceptionnel de notaires dans plus de 89 pays à travers le monde. Ainsi, il est possible pour un notaire québécois d'établir des coopérations avec des notaires de ces pays afin de collaborer pour recevoir la <signature d'une...

M. Houle (Kevin) : ...Québec un réseau exceptionnel de notaires dans plus de 89 pays à travers le monde. Ainsi, il est possible pour un notaire québécois d'établir des coopérations avec des notaires de ces pays afin de collaborer pour recevoir la >signature d'une personne domiciliée dans ces pays. C'est le cas, entre autres, depuis 2019, avec la convention de coopération entre les notaires de France et du Québec.

Bien que notre mémoire porte sur plusieurs dispositions du projet de loi, ce sont surtout celles concernant les conventions notariées de gestation pour autrui, donc, connues comme étant des conventions de mères porteuses, qui ont attiré notre attention. À cet effet, le législateur a simplifié le processus, pour les parents d'intention, avec des dispositions actuelles du projet de loi permettant, donc, une voie administrative, par opposition à une voie judiciaire, aux parents... aux parties, pardon, désirant concrétiser un projet parental. Cela étant, il se doit, dans cette procédure déjudiciarisée, d'assurer la protection de tous les signataires de l'entente, impliquant effectivement l'enfant à naître, bien évidemment.

Afin de bien protéger les parties au contrat de gestation pour autrui ainsi que l'enfant à naître et d'assurer le respect des formalités requises, l'APNQ salue le choix du législateur de privilégier l'acte notarié en minute, obligeant ainsi l'intervention d'un officier public qu'est le notaire. Les conditions de fond et de forme imposées pour une telle convention visent, selon nous, notamment, à éviter les abus envers la femme ou la personne qui portera l'enfant mais surtout pour assurer l'affiliation à l'acte dans un contexte totalement déjudiciarisé.

L'APNQ rappelle que les notaires agissent déjà depuis des décennies à titre d'auxiliaires de justice dans le cadre de procédures non contentieuses telles que l'homologation de testaments non notariés et de mandats de protection et l'ouverture d'un régime de protection. Les notaires sont donc déjà... ont donc déjà les compétences requises pour conseiller plusieurs parties tout en protégeant les intérêts d'une personne concernée ou plus vulnérable. On peut penser ici à l'enfant à naître, par exemple.

Bien que l'acte notarié soit très répandu dans les pays de droit latin, comme je vous le disais un peu plus haut, tout près de 89 pays, dont la France, la Belgique, Italie, l'Espagne et le Mexique, pour ne nommer que ceux-là, il s'agit d'un outil dont seul le législateur québécois dispose en Amérique du Nord. D'ailleurs, à plusieurs occasions, le législateur a su tirer profit de cet avantageux moyen mis à sa disposition afin de sécuriser les parties pouvant être en situation de vulnérabilité dans le cadre de la conclusion d'un contrat ou encore pour donner le caractère authentique au document en question. Les exemples en droit québécois sont nombreux. On peut penser au contrat de mariage, l'acte de renonciation à une succession, la déclaration de copropriété divise, l'acte d'hypothèque immobilière, etc.

Permettez-moi maintenant de vous énumérer les principaux avantages exclusifs à l'acte notarié en minute. Donc, d'abord, le notaire est un officier... un officier public, pardon, qui collabore à l'administration de la justice. L'acte notarié en minute permet d'assurer que toutes les parties reçoivent des conseils juridiques impartiaux, et ce, nonobstant que les honoraires du notaire soient acquittés que par une seule des parties. C'est un fait important. Le notaire, en tant qu'officier public, est tenu de conseiller toutes les parties à l'acte. Il a un devoir de conseil très large. Il doit vérifier leur capacité ainsi que leur consentement. Cette vérification obligatoire réduit donc le risque qu'une des parties à l'acte l'ait signé sous contrainte.

Au niveau de la vérification des formalités requises, l'acte notarié en minute permet qu'un juriste impartial vérifie le respect des formalités requises, notamment en ce qui concerne l'attestation de consultation psychosociale requise, selon les termes du projet de loi actuel, laquelle attestation pourrait être annexée à l'acte notarié en minute afin d'en assurer sa conservation. Voici d'autres exemples. Selon les termes actuels du projet de loi, la femme ou la personne qui portera l'enfant doit avoir au moins 21 ans, et les parents d'intention doivent résider au Québec depuis au moins 12 mois. Ce sont d'autres éléments que le notaire pourra vérifier, évidemment.

Au niveau du droit de la preuve, l'acte notarié en minute est un acte authentique qui fait preuve de son contenu, bénéficie également d'un grand avantage en ce qui concerne le droit de la preuve. Sous réserve de l'inscription en faux, procédure qui est tout de même rare et ayant des conditions strictes, le contenu et les énoncés dans l'acte seront à l'abri des contestations. L'une des obligations du notaire, officier public, est de confirmer la date de signature de l'acte notarié. Encore une fois, selon les termes actuels du projet de loi, une telle convention doit être signée antérieurement à la grossesse, dans le cadre de la procédure dite administrative. Donc, l'acte notarié apparaît donc ici comme étant l'acte par excellence pour assurer le respect de cette condition et sa preuve devant tous.

Aussi, les actes notariés en minute sont conservés dans le greffe des notaires, et lequel greffe fait l'objet d'une stricte réglementation protégeant les minutes, donc l'acte original, de pertes, de destructions ou d'altérations.

Et également le notaire pourrait émettre plusieurs copies certifiées conformes de la convention. Chaque copie ayant la même valeur que l'original, ce sont des copies dites authentiques. Ces copies peuvent aussi prend la forme d'extraits authentiques. Cette méthode permettrait ainsi d'assurer la remise d'une copie authentique de la convention de gestation pour autrui à qui de droit, dont le Directeur de l'état civil, tout en retirant de ces copies les sections confidentielles qui pourraient ne pas être obligatoires selon la loi et les règlements.

Pour toutes ces raisons, l'APNQ tient à souligner la grande vigilance du législateur, qui intègre dans ce projet de loi la forme notariée comme choix privilégié de forme de contrat. Ainsi, nous reconnaissons que le législateur québécois assume pleinement ses responsabilités en garantissant une sécurité juridique aux Québécois et Québécoises, tout en désengorgeant les tribunaux en tirant profit positivement des compétences des notaires, officiers publics.

• (10 h 20) •

Il y a également un autre point, <maintenant...

M. Houle (Kevin) : ...Québécois et Québécoises, tout en désengorgeant les tribunaux en tirant profit positivement des compétences des notaires, officiers publics.

Il y a également un autre point, >maintenant. Au-delà de la convention de gestation pour autrui, eh bien, l'APNQ salue aussi plusieurs autres dispositions, dont celle visant les nouvelles règles concernant le traitement des sommes détenues dans un compte conjoint au moment du décès de l'un des deux conjoints ou ex-conjoints. Cela va permettre de dénouer beaucoup d'impasses lors de règlements de succession.

Plusieurs notaires constatent que bien souvent, au lendemain d'un décès, le conjoint survivant se précipite au guichet automatique pour retirer les sommes d'argent nécessaires pour continuer à subvenir à ses besoins, par peur que ce compte soit gelé, comme on dit, donc, par les questions financières. Ce faisant, il risque, sans le vouloir, d'accepter, de façon tacite, la succession. Heureusement, les dispositions actuelles du projet de loi font en sorte que, sur simple demande, l'institution financière devra remettre au cotitulaire survivant, au liquidateur... ou bien au liquidateur de la succession du cotitulaire décédé, sa juste part du compte conjoint détenu par eux dans cette institution.

De ce fait, on évitera beaucoup de discussions, de tergiversations et d'incertitudes quant à la détermination de l'actif successoral. Et surtout, le législateur a au passage réglé l'impasse pouvant conduire à une acceptation de succession involontaire, en précisant que, si la remise d'une part d'un compte conjoint au cotitulaire survivant est supérieure à celle à laquelle il aurait droit, cela ne sera pas automatiquement considéré comme une acceptation par ce cotitulaire de la succession du conjoint ou ex-conjoint cotitulaire défunt. Cette précision est majeure et importante dans le cadre d'un règlement d'une succession afin de bien sécuriser les parties en cause.

En conclusion, l'APNQ tient à réitérer sa satisfaction et son enthousiasme face à la démarche du gouvernement de procéder à la présente consultation particulière visant à débuter le titanesque chantier de la réforme du droit de la famille au Québec. En ce sens, l'Association professionnelle des notaires du Québec croit qu'il est important d'agir collectivement afin de bien démarrer ce processus visant à adopter le projet de loi n° 2, lequel sera nécessairement suivi d'autres pièces législatives, afin de faire le tour des nombreuses recommandations du Comité consultatif sur le droit de la famille, mieux connu comme étant le rapport Roy.

L'APNQ a donc soumis ses analyses et recommandations en lien avec la présente consultation particulière dans le but de l'atteinte des protections maximales recherchées pour les citoyens et en plaçant l'intérêt de l'enfant au centre de ses préoccupations. Le notaire étant déjà au coeur de la vie des justiciables depuis des siècles et le droit de la famille faisant partie du quotidien des notaires, l'APNQ tient à exprimer aux membres de la Commission des institutions son désir de collaborer à la mise en oeuvre du projet de loi n° 2, de ses règlements d'application et des recommandations proposées dans le présent mémoire.

M. le Président, ma présentation orale est étant faite, nous sommes maintenant disposés, ma consoeur et moi, à répondre aux questions des membres de la commission.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Me Houle. Alors, nous allons débuter la période d'échange. M. le ministre, pour une période de 16 min 15 s.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Me Houle, Me Marineau, bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission. Donc, on débute avec l'Association professionnelle des notaires du Québec. On lance les consultations avec vous, donc vous êtes les premiers à commenter le projet de loi.

Donc, je dois comprendre de vos propos que vous recevez assez positivement le projet de loi puis que vous notez que c'est une nette avancée pour le droit de la famille au Québec. D'entrée de jeu... (interruption). Excusez-moi, il y a un petit retour de son. D'entrée de jeu, je voudrais discuter avec vous, là, de la gestation pour autrui.

À l'époque, en 2019, ma collègue la présidente du Conseil du trésor ainsi que le député de Chapleau avaient fait une tournée sur... de consultation. Puis vous avez déposé un mémoire à l'époque, également, qui visait à faire en sorte que la gestation pour autrui soit encadrée par le notaire par une convention notariée.

Donc, avec ce que nous proposons... vous êtes à l'aise avec ce que nous proposons, qu'un contrat de gestation pour autrui ça passe devant le notaire. Je vous dirais : Pourquoi est-ce que c'est important que ça passe devant le notaire puis, comme... quel est le rôle du notaire dans ces circonstances-là?

M. Houle (Kevin) : Bien, effectivement, donc, merci pour la question. Bien, pourquoi c'est important que ça passe devant le notaire et qu'est-ce que le notaire fera dans un contexte comme celui-là? Pourquoi? D'abord, bien, c'est parce que l'acte sera notarié, donc authentique, et surtout les parties qui auront signé l'acte de contrat auront reçu tous les conseils juridiques d'un notaire, donc d'un conseiller juridique impartial, et ce, peu importe qui acquittera les honoraires du notaire. Donc, par exemple, la mère porteuse ou la personne qui portera l'enfant ne pourra pas considérer que le contrat a été rédigé à l'avantage des parents d'intention, par exemple, ou vice versa. De toute manière, le notaire, étant un conseiller juridique impartial, devra donner toutes les explications à toutes les parties. Donc, j'y réponds... Allez-y.

M. Jolin-Barrette : Qu'est-ce qui arriverait dans une situation où, avec le projet de loi qui est adopté, le notaire réalise que, supposons, du côté de la mère porteuse, le consentement, il n'est pas nécessairement libre et éclairé? C'est quoi, le rôle du notaire lorsqu'une situation comme celle-ci se présenterait?

M. Houle (Kevin) : Oui. L'ultime option d'un notaire, dans un cas semblable, est de refuser la signature, donc refuser d'instrumenter l'acte. Donc, dans un cas comme celui-là, on met fin à la séance et évidemment, là, on <refixe une autre...

M. Houle (Kevin) : L'ultime option d'un notaire, dans un cas semblable, est de refuser la signature, donc refuser d'instrumenter l'acte. Donc, dans un cas comme celui-là, on met fin à la séance et évidemment, là, on >refixe une autre séance, par exemple, avec l'une des parties, pour lui expliquer et revoir effectivement, dans ce cas-ci, si la mère a toujours l'intention, par exemple, la mère porteuse, ici Chantal, a toujours d'intention de signer un contrat comme celui-là.

M. Jolin-Barrette : Qu'est-ce que le notaire fait pour évaluer si le consentement est libre et éclairé de la part de la mère porteuse?

M. Houle (Kevin) : D'abord, on parle de, par exemple, au moment de la signature... c'est un seul moment, mais, en amont, le notaire a pu communiquer avec la porteuse, a discuté avec elle, va lui a expliquer les tenants et aboutissants du contrat à être rédigé, discute avec elle, donc, effectivement... Et, dans ce cas-ci, ce que je comprends, il y aura eu également une attestation psychosociale — le terme exact, peut-être que je l'oublie — donc le notaire aura parlé et discuté avec la mère porteuse des effets potentiels, au lendemain de la signature du contrat, et même encore, après coup, devra évidemment lui expliquer, avec les dispositions actuelles, que, même suite à l'accouchement, elle aura encore un dernier mot à dire malgré tout. Donc, on va aller jusqu'à là.

Donc, le but d'un acte notarié est effectivement d'anticiper les cas potentiels et, dans ce cas-ci, suite à l'accouchement, donc, les choix, encore, qui seront disposés, là... disponibles pour la mère.

M. Jolin-Barrette : Donc, pour vous, ce qui est important, c'est que, pour les justiciables qui vont décider de faire un projet parental... c'est qu'ils vont être accompagnés par le notaire tout au long du processus. Ce n'est pas uniquement au moment de la signature de la convention notariée, mais c'est en amont et c'est même après, pour se référer, si jamais il y a des questions. Probablement que vous l'avez vu également dans le projet de loi, le notaire va recevoir en fidéicommis, dans le fond, un dépôt relativement aux sommes qui pourront être remboursées à la mère porteuse.

Comment est-ce que l'association perçoit ça, le fait qu'on vient confier une sorte de rôle de fiduciaire au notaire relativement aux déboursés, pour ne pas faire en sorte que la mère porteuse se retrouve à ne pas pouvoir se faire rembourser ses dépenses?

M. Houle (Kevin) : Bien, effectivement, on est d'accord avec ça puis on salue cette nouveauté-là, dans le sens où les notaires, déjà, par les différentes transactions immobilières qu'on peut faire, on est déjà très à l'aise à s'occuper des fonds des justiciables. Donc, dans un cas comme celui-là, effectivement, on ne peut pas non plus signer un contrat et qu'en bout de ligne il soit difficilement applicable, au niveau des compensations, si la mère porteuse ne peut pas avoir accès aux fonds. Donc, pour nous, ça paraît très bien et logique que le notaire détienne les fonds.

Le seul élément qu'on a apporté au niveau du mémoire, c'est qu'effectivement il va falloir faire en sorte que le règlement à être établi plus tard concorde avec le règlement actuel des notaires, là, visant les comptabilités en fidéicommis, pour être certains, bref, que la mère porteuse puisse réellement recevoir les fonds, même si, après coup, les parents d'intention disent au notaire : Bien, écoute, on a changé d'idée, finalement, tel montant d'argent, je ne veux pas que tu lui donnes, etc. Donc, notre mémoire mentionne cet élément-là. Mais effectivement, si le règlement précise clairement le rôle et l'obligation que le notaire aura de remettre les fonds, de quelle manière et sur quelles preuves, bien, effectivement, je pense que... nous pensons que la mère porteuse sera protégée davantage dans un contexte comme celui-là.

M. Jolin-Barrette : Je veux qu'on revienne sur la question d'impartialité du notaire, là, parce que, dans le projet de loi, ce qui est proposé, c'est de faire en sorte que, lorsqu'il y a un contrat de gestation pour autrui, les frais rattachés à la convention notariée soient assumés par les parents d'intention. Du fait que le notaire va être rémunéré par les parents d'intention, est-ce que ça amène une problématique relativement à l'impartialité du notaire dans son rôle pour conseiller les parties relativement à la mère porteuse, relativement aux parents d'intention? Comment vous voyez ça?

M. Houle (Kevin) : Non, il n'y a aucun problème. Et même, j'irais jusqu'à qu'à mentionner que j'ai lu, au niveau du projet de loi, que c'est même la mère qui pourrait avoir le choix du notaire mais qu'effectivement ce seraient les parents d'intension qui paieraient le notaire. Actuellement, la loi prévoit ça, par exemple, au niveau d'une transaction immobilière. C'est le cas le plus facile. Tout le monde, principalement, du moins, plusieurs personnes ont eu à avoir eu à acheter une propriété immobilière. Donc, on prend le même principe, l'acheteur est payé par... le notaire est payé par l'acheteur, mais le notaire est quand même tenu à donner des conseils juridiques au vendeur, dans l'intérêt de toutes les parties, des institutions financières, de l'acheteur et du vendeur. Donc, c'est déjà... comme c'est là actuellement, le notaire est payé par une des parties, rien... et ça ne diminue en aucune façon son obligation de devoir de conseil envers toutes les parties à l'acte, peu importe qui paie les honoraires du notaire. C'est déjà comme ça actuellement.

• (10 h 30) •

M. Jolin-Barrette : Donc, ça ne pose pas de problème, puis les garanties d'impartialité sont là.

Une question relativement à votre recommandation 4 et 5, donc les articles 5.51... excusez-moi, 3 et 4, 541.4 et 541.13 du projet de loi, le fait de transformer le consentement devant deux témoins. Vous nous proposez de le modifier pour que le consentement soit fait sous serment. Donc, pourquoi proposer cette modification-là? Donc là, on parle de la remise de l'enfant dans les 8-30 jours, notamment, et la délégation de l'autorité parentale notamment, également la <tutelle...

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10 h 30 (version révisée)

<15359 M. Jolin-Barrette : ...consentement devant deux témoins, vous nous proposez de le modifier pour que le consentement soit fait sous serment. Donc, pourquoi proposer cette modification-là? Donc là, on parle de la remise de l'enfant dans les 8-30 jours notamment, et la délégation de l'autorité parentale, notamment également la >tutelle, d'y aller sous serment. Alors, pourquoi vous proposez le fait de passer devant deux témoins vers le sous serment?

M. Houle (Kevin) : Bien, pour la remise de l'enfant, là, pour reprendre vos termes, cet acte-là, bien, quant à nous, considérant qu'on part en amont, en amont, ce serait le contrat notarié qui aurait été signé. Et après coup, les dispositions actuelles du projet de loi mentionnent que la mère pourrait ou devra prendre ce choix, faire ce choix du huitième jour, si je ne me trompe pas, entre le huitième et le 30e jour suite à l'accouchement.

Donc, nous, quant à avoir une protection des parties en amont, on aimerait effectivement que la mère, rendu à la huitième journée, neuvième journée, n'ait pas reçu une pression quelconque dans la chambre d'hôpital, ou chez elle, ou peu importe, de la part de personnes ou des parents d'intention eux-mêmes, à signer ce consentement-là ou bien, par exemple, que ce n'est peut-être pas la mère qui l'ait signé, par exemple. Donc, le commissaire, au minimum, le commissaire pourrait au moins vérifier l'identité de la personne. Effectivement, on mentionne que ça pourrait être notarié aussi ou, au minimum, sous forme assermentée de manière à ce que... évidemment, l'acte notarié, je vous ai expliqué les bienfaits, mais, au minimum, s'assurer que la mère ait pleinement conscience, là.

M. Jolin-Barrette : O.K. Et pour bien expliquer aux membres de la commission, là, votre proposition, dans le fond, quand vous dites que la déclaration soit assermentée sous serment, donc c'est assermenté, ça veut dire par un commissaire à l'assermentation, ou par un avocat qui assermente, ou par un notaire. Mais vous ne proposez pas que ça soit sous minute, là. Dans le fond, ça n'a pas besoin d'être devant notaire. Ce que vous dites, c'est minimum un commissaire à l'assermentation, plutôt que ça soit devant deux témoins.

M. Houle (Kevin) : Au minimum, effectivement, au minimum, parce qu'effectivement... Évidemment, on n'a pas voulu non plus imposer aux justiciables l'acte notarié qui impose un déplacement chez le notaire, etc., pour cette étape finale qui aura déjà au moins été régularisée par le notaire lui-même, l'officier public en amont. Mais effectivement, au minimum, assermenté.

M. Jolin-Barrette : Peut-être une question, avant de céder la parole à mes collègues, relativement aux comptes bancaires gelés. Il y a une disposition dans le projet de loi qui fait en sorte de permettre, en cas de succession, que le copropriétaire, le conjoint de la personne qui décède puisse avoir accès à sa partie des sommes qui sont dans le compte conjoint. Est-ce qu'en pratique, pour les membres de votre organisation, là, les notaires qui font des successions, ça représente une problématique, actuellement?

M. Houle (Kevin) : Oui, effectivement, là, entre nous, les notaires, on le voit également. Puis combien de notaires nous ont déjà fait part de ce genre d'exemple là que j'ai mentionné, effectivement, où madame décède et monsieur s'empresse ou les enfants s'empressent, là, par exemple, d'aller au compte ou au guichet pour sortir de l'argent, sans nécessairement mentionner à l'institution financière que, la personne, elle est décédée, sachant très bien que, si on dit ça à l'institution financière, bien, le compte va être gelé. Et même si c'est un compte conjoint, c'est gelé. Donc, le conjoint qui avait de l'argent là-dedans, et souvent pour payer son loyer, son hypothèque, etc... même récemment j'ai eu un cas où, effectivement, c'était une personne qui était en CHSLD, le conjoint, bien, ne pouvait plus payer sa chambre, considérant que sa conjointe était décédée.

Donc, effectivement, c'est du vécu, et ce qui arrive, pour vrai, c'est qu'en bout de ligne les gens ne le disent pas rapidement à l'institution financière, donc il y a risque de vol potentiel. Quand je dis vol, c'est un risque que les enfants ou quelqu'un d'autre qui a accès au compte aille chercher l'argent pour d'autres fins.

M. Jolin-Barrette : Mais la conséquence inverse de ça, c'est lorsque tout le monde le fait dans les règles, tout ça... monsieur est avec madame, monsieur décède, son mari depuis 40 ans, supposons, ils n'ont qu'un seul compte, un compte conjoint, la rente de monsieur et la rente de madame est versée dans le compte. Madame se retrouve avec le décès de son conjoint, et là l'institution financière est informée, alors madame, si c'était son seul compte, se retrouve, pendant quelques mois, à ne pas avoir accès à son propre argent à elle, à ses liquidités. Donc, ça peut entraîner des conséquences financières difficiles pour elle de se retrouver... si elle n'a pas de marge de crédit ou si elle n'a pas d'autre compte. Elle n'a pas de rentrée d'argent durant le temps que la succession est réglée.

M. Houle (Kevin) : Effectivement, et j'ai vu un cas où, dans ce cas-ci, cette dame-là, pour prendre cet exemple-là, c'était une dame, elle n'avait pas d'enfant non plus, donc elle n'avait personne d'autre qui pouvait avancer les fonds pour son appartement, par exemple, ou pour manger, faire l'épicerie.

M. Jolin-Barrette : Écoutez, je vous remercie pour votre présentation, Me Houle, Me Marineau. Donc, je cède la parole à mes collègues. Je crois que le député de Chapleau veut intervenir.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de Chapleau, il reste un peu plus de quatre minutes.

M. Lévesque (Chapleau) : Parfait. Merci beaucoup, M. le Président. Moi aussi, là, permettez-moi de vous saluer. Bien heureux de vous retrouver. Également saluer le ministre, les collègues et l'ensemble de la banquette de l'opposition également. Me Houle, Me Marineau, merci de votre témoignage.

J'aimerais poursuivre sur la lancée du ministre quant à la notion des comptes bancaires. Vous aviez, dans votre présentation, d'entrée de jeu, vous aviez dit : Il y aurait une acceptation de la succession de facto, entraînant certains risques lorsque ça se produit, également la question de la juste part. Peut-être nous éclairer sur ces deux notions, là, puis les conséquences que ça pourrait avoir, si ce n'était pas modifié, justement.

M. Houle (Kevin) : Pour prendre un exemple facile, si, dans un compte, il y a <...

M. Houle (Kevin) : ...>5 000 $, 2 500 $ à monsieur, 2 500 $ à madame, si jamais... et madame décède, donc monsieur prend dans le compte 3 500 $, donc 1 000 $ de trop, le fait de prendre ce 1 000 $ de trop là, qui appartient à la succession de madame, pourrait actuellement être considéré comme étant une acceptation tacite de la succession. Tu as pris les biens de la succession, alors tu es présumé avoir accepté. Et là j'y vais rapidement, hein, mais, c'est ça, donc tu es présumé avoir accepté la succession.

Donc, si cette succession-là était insolvable ou avait des dettes au-delà de l'actif, donc, bien, le monsieur, donc le conjoint survivant, qui est présumé avoir accepté, pourrait être tenu aux dettes de la succession, alors qu'il n'y a pas eu de bilan, il n'y a pas eu les étapes, il n'a pas pu consulter son notaire, il n'a pas... voilà, les conditions et les étapes préalables n'auront pas été appliquées, et cette présomption-là pourrait s'appliquer.

M. Lévesque (Chapleau) : Et donc le changement proposé vient un petit peu réduire ce risque-là, en quelque sorte, là.

M. Houle (Kevin) : Effectivement, parce que la nouvelle disposition vient mentionner ce cas précis qui ne serait pas considéré comme étant être une acceptation présumée ou tacite, là, de la succession.

M. Lévesque (Chapleau) : Vous aviez également, là, parlé de la réputation des notaires, en début de présentation, puis vous avez... J'aimerais peut-être que vous nous disiez quels autres avantages vous voyez dans le fait que le justiciable pourrait être accompagné par un notaire dans le cas d'une gestation pour autrui. Vous avez parlé de réputation, mais il y a peut-être d'autres éléments qui seraient intéressants à mentionner.

M. Houle (Kevin) : Bien, le fait que le notaire, on ne l'oublie pas, mais c'est un conseiller juridique. Donc, à partir de là, c'est d'avoir des conseillers juridiques, mais des conseillers juridiques impartiaux, et les notaires, dont ma collègue Marineau, par exemple, pratiquent déjà dans certains secteurs du droit, dont le droit de la famille, filiation, adoption, etc. Donc, il y a une spécialité qui est déjà actuelle dans la communauté notariale.

M. Lévesque (Chapleau) : D'accord, mais Me Marineau, justement, là, je vais peut-être m'adresser à vous, là, vous avez travaillé, justement, dans l'accompagnement, là, des personnes qui souhaiteraient recourir, justement, à la gestation pour autrui. J'aimerais peut-être vous entendre sur votre expérience puis qu'est-ce que... quels sont, dans le fond, les points à retenir par rapport à ça.

Mme Marineau (Tania) : Pour mon expérience, les parties avaient fait affaire avec une clinique, justement, pour les aider avec le in vitro, et, par la suite, la convention avait été faite avec une avocate que je ne connais pas. Et, de mon expertise en adoption, c'est là qu'ils m'ont trouvée par la suite, parce que présentement, lorsqu'on a une convention de mère porteuse, pour la faire appliquer, on doit procéder par adoption.

Donc, avec la nouvelle façon qui est dans le projet de loi n° 2, on vient enlever, justement, tout le judiciaire, donc le juge à la fin. Mais présentement, c'est comme ça qu'il faut fonctionner et d'autres étapes, là, avec le certificat de naissance, que la mère porteuse doit être la mère au certificat de naissance. Et habituellement, le conjoint, là, qui aurait... l'homme qui aurait fourni sa semence pourrait être père au certificat de naissance, et de là il peut donner un consentement spécial en faveur de sa conjointe.

Donc, c'est présentement l'article 555 qui régit les adoptions intrafamiliales et c'est de cette façon-là qu'on peut, avec un contrat de mère porteuse, procéder à l'adoption. Mais le contrat doit prévoir, là, comme il avait été dit dans la loi, seulement le remboursement des dépenses et ne pas prévoir de rémunération, évidemment, là, puisqu'on ne veut pas marchandiser le corps de la femme.

M. Lévesque (Chapleau) : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Alors, je cède maintenant la parole au député de LaFontaine pour une période de 10 min 50 s. M. le député, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour de vous saluer, Me Houle et Me Marineau. Merci beaucoup pour vos réponses à nos questions. Je vais essayer d'y aller en rafale. J'ai plusieurs petits points que j'aimerais vérifier avec vous puis je vais commencer par mon dernier point, comme ça je ne l'oublierai pas, parce que je n'ai pas eu le temps de le noter.

Alors, le point 8 de votre mémoire, page 16, lorsque vous parlez de mettre de côté l'obligation d'avoir une traduction vidimée... autrement dit, vidimée, corrigez-moi si j'ai tort, mais c'est fait par un traducteur officiel, et ça, il y a des coûts, il y a des délais, qui fait partie de l'Ordre des traducteurs. Vous dites... faites la distinction entre le français et l'anglais, parce que le Code civil le fait déjà pour un acte, une convention de gestation pour autrui faite à l'extérieur du Québec, faites une distinction entre le français et l'anglais et les autres langues. Si je vous comprends, c'est ça, votre recommandation, n'est-ce pas?

M. Houle (Kevin) : Oui, mais la recommandation, c'est surtout le fait que... Que ce soit une rédaction en français ou en anglais ne cause pas de problème, si c'est la volonté des parties, d'autant plus qu'on parle ici d'un contrat notarié qui aurait été expliqué en long et en large aux parties. Mais effectivement, si jamais c'était un contrat en une autre langue, on s'entend que la traduction serait nécessaire. Mais ici, c'est surtout au niveau du français et de l'anglais.

• (10 h 40) •

M. Tanguay : C'est ça. Et vous faites référence aux articles 3006 et 140 du Code civil du Québec, qui le fait déjà, «une autre langue que le français ou l'anglais doivent être accompagnés d'une traduction vidimée au Québec». Ça fait que vous dites... appliquez miroir, là, sur <...

M. Tanguay : ...>cet élément-là.

M. Houle (Kevin) : Effectivement, et le raisonnement derrière ça, c'est nécessairement le fait que, si jamais il y a une... Le contrat de mère porteuse, effectivement, ne sera pas publié ni public dans le sens où ce n'est pas nécessairement consulté par les gens. Donc, on ne voyait pas l'intérêt de devoir le traduire, là, même s'il est en langue anglaise.

M. Tanguay : On va faire un lien avec ce que vous venez tout juste de dire. À la page 11, et ça, c'est appliqué à votre point 2.4, là, à l'article 541.4, suggère de remplacer «devant témoins» par «sous serment». Vous dites un peu plus bas, dans le haut de la page 11, puis j'aimerais vous entendre là-dessus, sur votre réalité technologique et pratico-pratique, là, de notaire : «L'APNQ souligne que les notaires, ayant la possibilité actuellement de recevoir des actes notariés en minute technologique — par visioconférence et signatures numériques — l'acte authentique est devenu beaucoup plus accessible pour le public.» Quand vous dites «pour le public», dans quel contexte le public aurait accès à un acte notarié?

M. Houle (Kevin) : Bien, actuellement, c'est le public... Ce qu'on veut dire ici, c'est qu'à compter du moment où une personne a un besoin juridique et doit consulter un notaire, et que l'acte qui en ressort, de cette consultation-là, doit être notarié, le public, c'est le terme général, fait en sorte que la personne qui nous consulte n'aura pas à se déplacer, pour le moment, depuis la pandémie, à nos bureaux pour signer l'acte notarié. Ça peut se faire à distance.

Donc, c'est dans ce sens-là où les gens, avec le déplacement... moi, je suis dans la communauté de Montréal, donc, avec le trafic, etc., donc c'est de là le «plus accessible».

M. Tanguay : C'est ça. Je voulais juste comprendre, parce que je ne suis pas notaire, mais «public», c'est ceux qui ont un intérêt juridique, évidemment, pour le consulter, là. Il faut le lire comme ça.

M. Houle (Kevin) : C'est les justiciables, les justiciables, là, tout le monde.

M. Tanguay : Tout le monde?

M. Houle (Kevin) : Tout le monde qui a besoin d'un... tout le monde, actuellement, que ce soit pour un testament, que ce soit pour un mandat de protection, une transaction immobilière, une vente de compagnie ou quoi que ce soit, dès qu'on parle d'un acte notarié, on peut le faire, depuis le début de la pandémie, sous forme numérique, à distance, contrairement à l'acte notarié présentiel.

M. Tanguay : Et c'est comme le registre foncier, c'est accessible à tous.

M. Houle (Kevin) : Le registre foncier demeure, quant à lui, numérique depuis déjà un certain nombre d'années. Ça, ça n'a pas changé. Mais on parle ici que... quand on parle d'un acte notarié, ça demeure un acte confidentiel, un contrat. Si jamais c'est une vente d'immeuble, on va le publier au registre foncier, comme c'est le cas depuis longtemps. Mais, si jamais c'est un testament, par exemple, le testament est confidentiel. Le notaire conservera l'original sous version numérique, c'est ça, la distinction, et la personne qui aura signé le testament l'aura signé à distance. Elle peut être de chez elle, dans son salon, et l'acte demeurera notarié parce qu'il aura été signé sur une plateforme qui a été approuvée par la Chambre des notaires du Québec. Donc, c'est vraiment le support de l'acte qui est changé.

M. Tanguay : Question, puis peut-être Me Marineau... La convention de gestation pour autrui, est-ce qu'elle va être accessible au public, oui ou non?

Mme Marineau (Tania) : Non, c'est un contrat privé, évidemment. Mais si, exemple, la mère porteuse, elle est aux États-Unis, les consultations pourraient se faire à distance, et l'acte pourrait être même signé à distance sans que la mère porteuse ait à venir au Canada. Donc là, on évite en plus plusieurs frais, là, pour les personnes impliquées.

M. Tanguay : Mais ça va être confidentiel, ça ne sera pas public. C'était juste ça, ma question.

Mme Marineau (Tania) : Tout à fait.

M. Houle (Kevin) : Oui, effectivement. C'est le terme «public», je comprends. Le terme «public» ne veut pas dire publicisé, hein, ou rendu public, ce n'est pas ça.

M. Tanguay : O.K. Modifications de la convention de gestation pour autrui, au bas de l'article 541.11 : «La convention peut être modifiée avec le consentement de chacune des parties par acte notarié.» Ici, vous dites, vous demandez plus de précisions, j'aimerais vous entendre là-dessus : «Cette modification peut-elle être effectuée en cours de grossesse?» C'est le point d'interrogation que vous soulevez, hein, ici.

M. Houle (Kevin) : Bien, c'est parce que pour l'instant, considérant qu'on n'a pas encore, c'est tout à fait normal, là, la connaissance des règlements d'application de la loi, on ne sait pas encore quel sera le contenu de la convention de gestation pour autrui. Donc, notre questionnement était autour du fait que, si jamais on doit modifier ce contrat-là, j'imagine que la modification devra être notariée aussi, si l'acte lui-même est notarié. Mais quelles seront les modifications possibles? Est-ce qu'on va pouvoir revenir sur le montant compensatoire à la mère? Vous comprenez? Donc, c'est tout ça, là. C'était un point général qui était soulevé pour discussions futures, évidemment.

M. Tanguay : Et c'est un point excessivement important. Puis, je veux dire, on peut bien avoir, puis vous y participez, puis c'est excellent, une nomenclature juridique stricte, très claire puis rigide dans le bon sens du terme, parce que c'est des questions excessivement importantes, mais la loi est silencieuse. Qu'en est-il si la mère porteuse décide de dire : Bien, écoutez, finalement, je veux modifier tels, tels, tels aspects, sachant qu'elle aussi elle pourra toujours retirer son consentement à tout moment? Alors, qu'est-ce qui pourrait être permissible ou pas? Si ce n'est pas clair, il risque d'y avoir des litiges là-dessus. Puis probablement que vous le vivez dans vos pratiques régulièrement, quand la loi n'est pas claire, bien, c'est là source d'interprétations puis de litiges aussi, là.

M. Houle (Kevin) : Mais également ici, l'élément qui <...

M. Houle (Kevin) : ...>est important, quand même, à retenir, c'est que la modification notariée va faire en sorte qu'il y ait un notaire, donc un officier public. Donc, si une modification est possible et doit être faite, on va s'assurer de l'intention des parties à accepter cette modification-là, en comprendre la teneur, les tenants et aboutissants. Donc, c'est encore la même protection qui va être quand même rattachée à cette modification-là.

M. Tanguay : ...ça se peut. Avez-vous des exemples où le législateur dit : Après tel acte notarié, les parties ne peuvent pas modifier... Est-ce que... Avez-vous des exemples, notamment en droit de la famille, que les parties ne peuvent pas modifier un acte authentique initial ou c'est les règles générales des contrats, puis, si les parties s'entendent, bien, elles peuvent modifier ça comme elles le veulent?

M. Houle (Kevin) : Je pourrais laisser Me Marineau répondre après coup, mais, pour ma part, vite fait comme ça, je n'ai pas d'exemple outre le fait que, par exemple, il peut y avoir une obligation, des conditions devant être dans un contrat, par exemple, donc, une hypothèque, le montant doit être inscrit en dollars canadiens sur un immeuble au Québec, etc. Donc, il y a des conditions qui sont là, une fois que les points 1, 2, 3, 4, 5 sont là, le reste autour, bien, c'est les dispositions générales, là, des contrats qui s'appliquent.

Mais effectivement c'est pour ça, donc, si jamais les règlements d'application ou les termes de la loi mentionnent que les éléments devant être dans le contrat de convention de mère porteuse, de gestation pour autrui sont les suivants et ne pourront être modifiés ou ne pourront être que les suivants, donc, ça signifie qu'on ne pourrait pas mettre autre chose, vous comprenez. Donc, c'est à voir au niveau du règlement d'application, mais je n'ai pas d'exemple personnellement, malheureusement. Je ne sais pas si Me Marineau en a.

Mme Marineau (Tania) : Bien, en fait, il y a le contrat de mariage que, si on veut modifier de régime, on ne peut pas exactement... on peut modifier le régime, mais ça reviendrait à dire qu'on doit dissoudre, exemple, la société d'acquêts ou le régime de séparation de biens avant de pouvoir retourner vers un des autres régimes. Donc, c'est une des situations que la modification en tant que telle n'est pas aussi simple de dire : On modifie, s'il y a des grandes conséquences à. C'est plutôt une dissolution avant de pouvoir repartir sous un nouveau régime.

M. Tanguay : Je suis heureux de voir que vous avez déjà des liens avec des notaires dans d'autres États. Ce sera une possibilité, par règlement, de dire : Bien, voici les États qui offrent un cadre général similaire à celui du Québec, le respect des règles d'ordre public, et ainsi de suite. J'imagine que vous, vous allez avoir peut-être une réflexion là-dessus. Ce ne sera pas chose simple et ce sera chose excessivement importante de dire : Bien, le Québec accepte, oui, que de telles conventions se fassent à l'international, mais avec tel, tel État et pas tel, tel État.

Selon vous, qu'est-ce qui devrait guider le législateur? Parce que ça va se faire par règlement.

M. Houle (Kevin) : Oui, mais déjà notre mémoire, ce qu'on mentionne, c'est que même une procédure de mère porteuse, là, où la mère réside hors du Québec, on mentionne que ça pourrait... ça devrait être notarié également de manière à ce que le notaire, toujours officier public, conseiller juridique, puisse conseiller toutes les parties. Mais... (panne de son). Par exemple, la mère porteuse, effectivement, avant de conclure le contrat, le père devra s'assurer avec un notaire, ou conseiller, ou un avocat de l'État où elle demeure que la loi là-bas permet à une femme de signer un tel contrat. Effectivement, il y aura des vérifications en amont que le notaire devra faire, si on y va avec un acte notarié pour la convention de gestation pour autrui où la mère demeure à l'extérieur de l'État.

M. Tanguay : Et ça, je vous avoue que ça m'a surpris, que c'est notarié ici, mais que ce n'est pas notarié là-bas, parce qu'il y a tout un encadrement puis une assurance que l'information, les vérifications, l'âge, tout ça, la capacité de contracter...

J'aimerais vous entendre rapidement, parce que c'est important, sur la fin de l'union de fait. Il va falloir apporter des précisions là-dessus. Je m'excuse, on manque de temps, mais un élément excessivement important, donc, point 4, présomption de paternité étendue de l'union de fait. Il va falloir préciser ça parce que ça peut être très difficile.

Le Président (M. Bachand) : En quelques secondes.

M. Houle (Kevin) : Effectivement.

M. Tanguay : Effectivement. Bravo. Merci à vous.

Le Président (M. Bachand) :Alors donc, je cède la parole, maintenant, au député d'Hochelaga-Maisonneuve pour une période de 2 min 43 s. M. le député, s'il vous plaît.

M. Leduc : Merci, M. le Président. Peut-être une question de nombre. Est-ce que vous avez un estimé de cette nouvelle procédure, là, qui nous est proposée aussi, toujours sur la gestation pour autrui? Est-ce que vous vous attendez à une explosion du nombre de personnes qui pourraient se présenter devant des notaires pour enregistrer un tel contrat? Est-ce que vous avez une évaluation de qu'est-ce que ça va produire comme mouvement?

M. Houle (Kevin) : Me Marineau, je ne sais pas si...

• (10 h 50) •

Mme Marineau (Tania) : Je dois avouer que je n'ai pas de nombre, mais je sais que certains dossiers qui sont retombés dans ma cour ont été justement... tu sais, on voit <...

Mme Marineau (Tania) : ...>que les gens ont tenté de contourner la loi par rapport que c'est un contrat illégal, puis que, là, tu leur poses des questions, puis c'est clairement ça, mais ils disent que, non, non, c'était une histoire, le conjoint a eu une aventure, puis finalement, là, elle veut l'adopter, l'enfant, tu sais, comme... Je crois que ça va vraiment faciliter la vie du Québécois de pouvoir adopter, bien, procéder de cette façon-là sans avoir, justement, à contourner la loi. Et, oui, je crois que c'est... je n'ai pas de nombre, mais c'est vraiment un avancement qui va aider les Québécois et Québécoises à unir leurs familles.

M. Leduc : Et le scénario que vous évoquiez, là, où les personnes essaient un peu de contourner, à quel point c'est fréquent dans le travail d'un ou une notaire?

Mme Marineau (Tania) : Bien, c'est quand même fréquent, mais, tu sais, c'est sûr que des dossiers d'adoption, ce n'est pas... ou de contrats de mère porteuse, ce n'est pas... Présentement, j'en ai plusieurs à mon actif, mais je dois avouer que je ne fais pas ça tous les jours. Donc, malheureusement, je n'ai vraiment pas de nombre, mais ça arrive. Et heureusement, il y a eu le jugement en 2014 qui a permis, justement, de contourner la loi elle-même, mais des fois les gens ne sont pas au courant. Donc, s'ils avaient consulté le notaire plus tôt ou s'ils avaient... bien, s'il y avait eu plus de médiatisation de ce jugement-là, bien, ils sauraient qu'il y a une façon quand même de procéder sans trop se casser la tête.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, pour 2 min 43 s, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Merci, M. le Président. Je vais continuer exactement sur la même voie, Me Marineau. Vous comprenez que vous êtes notre premier groupe et vous avez une expérience très concrète sur le terrain.

Donc, juste pour les gens qui auraient un peu du mal à suivre... parce que, dans le Code civil, ça dit bel et bien que les conventions pour gestation pour autrui sont nulles, de nullité absolue, mais depuis tantôt vous dites : la reconnaissance des conventions... Donc, juste nous expliquer l'effet qu'a eu ce jugement-là. Est-ce que ça veut dire maintenant que de telles conventions peuvent se faire malgré qu'il y a une nullité dans le Code civil à l'égard de ces conventions-là?

Mme Marineau (Tania) : Oui. Depuis 2014, le jugement Adoption — 1445 a permis de procéder à l'adoption en disant que c'était la façon la moins insatisfaisante. Donc, j'ai justement présenté un dossier dans le district de Joliette et je n'ai pas eu à justifier. J'avais fait des... j'étais prête à argumenter à la juge que cette jurisprudence-là le permettait, et non, justement, les juges sont rendus habitués depuis 2014 que, tant que la convention... tu sais, on voit vraiment qu'il n'y a pas de rémunération, mais que c'est les dépenses qui sont bien établies, que les parties sont toutes d'accord, bien, que la mère porteuse a bien consenti, qu'elle a bien été au certificat de naissance, que toute la procédure qui a été mise dans le jugement est respectée, c'est accepté.

Donc, on a cette façon-là, maintenant, de procéder depuis 2014, mais je crois que la façon proposée est beaucoup plus simple. Et pourquoi également que je crois que le consentement... qu'on croit, à l'APNQ, que ça doit être sous serment... parce qu'autrefois, là, avec la procédure actuelle, on a un consentement et on a un juge à la fin qui vient dire : bien, oui, le consentement a bien été donné, les parties ont bien été signifiées, notifiées, donc on accepte l'adoption. Donc, c'est pour ça que, le consentement, ça serait important qu'il soit vraiment sous serment ou devant notaire, parce que c'est ce consentement-là qui vient consentir la filiation.

Mme Hivon : O.K, merci. Puis, très rapidement, vous parlez, au point 7, page 15 de votre mémoire, d'inclure les conflits qui pourraient découler de la convention de gestation pour autrui pour la médiation familiale. Est-ce que vous pouvez nous dire ce que vous avez en tête?

M. Houle (Kevin) : Bien, effectivement, donc, c'est parce que considérant qu'on a des jugements des fois qui eux-mêmes peuvent être... vont en appel, vous comprenez? Donc, à partir du moment où des personnes s'entendent sur quelque chose, il y a quand même un risque, en quelque part, qu'une partie considère que finalement, l'intention, c'était peut-être autre chose ou qu'on veuille déterminer autre chose qui a été déterminé dans le contrat, vous comprenez? Donc, il peut y avoir une mésentente ou un différend quelconque.

Donc, à partir de là, on préférerait effectivement, quant à pouvoir bénéficier de ce programme-là, entre guillemets, là, au niveau de l'adoption, que ça soit applicable également pour la convention de gestation pour autrui.

Mme Hivon : Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Mme la députée. Me Houle, Me Marineau, merci beaucoup d'avoir été avec nous ce matin. Vous avez brisé la glace des auditions publiques. Alors, merci beaucoup de votre courage, et on se dit à très bientôt. Merci.

Alors, je suspends les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 55)

> (Reprise à 10 h 58)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir maintenant d'accueillir les représentantes du Conseil du statut de la femme. Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation au total. Alors, je vous inviterais à vous présenter puis à débuter votre exposé. Puis, encore une fois, merci beaucoup d'être avec nous ce matin. La parole est à vous.

Conseil du statut de la femme (CSF)

Mme Cordeau (Louise) Merci, M. le Président. Alors, M. le ministre, chers membres de la commission, Louise Cordeau. Je suis présidente du Conseil du statut de la femme. Je suis accompagnée de Mme Mélanie Julien, qui est directrice de la recherche et de l'analyse et qui a passé, avec son équipe, de nombreuses heures, vous vous en doutez bien, à analyser le projet de loi.

Alors, vous vous doutez bien qu'au nom du Conseil du statut de la femme, je suis heureuse de vous faire part aujourd'hui des réflexions et des recommandations du conseil sur cet imposant projet de loi qui vise notamment à réformer les dispositions du droit de la famille relatives à la filiation. Considérant l'importance du projet de loi n° 2 et le peu de temps imparti à son étude, le Conseil du statut de la femme, en cohérence avec sa mission, a choisi de se concentrer sur deux sujets qui soulèvent des enjeux majeurs pour les femmes : la maternité pour autrui et la violence.

• (11 heures) •

D'abord, la maternité pour autrui. Permettez-moi d'entrée de jeu d'indiquer que le conseil n'est pas en accord avec l'expression «gestation pour autrui» qui est utilisée dans le projet de loi. Selon l'Office québécois de la langue française, la gestation réfère au monde animal. Elle définit l'état d'une femelle vivipare qui porte son petit dans son utérus, de la conception à l'accouchement. Le vocabulaire est lourd de sens. Bien que le choix d'un terme soit épineux, le conseil privilégie la notion de maternité pour désigner <l'expérience humaine...

>


 
 

11 h (version révisée)

<       Mme Cordeau (Louise) : ...langue française, la gestation réfère au monde animal. Elle définit l'état d'une femelle vivipare qui porte son petit dans son utérus, de la conception à l'accouchement. Le vocabulaire est lourd de sens. Bien que le choix d'un terme soit épineux, le conseil privilégie la notion de maternité pour désigner >l'expérience humaine de la procréation, de la grossesse et de l'accouchement.

De façon plus générale, le conseil salue la volonté du gouvernement d'encadrer les projets de maternité pour autrui. Le conseil l'affirmait en 2016 et il le réaffirme aujourd'hui. Considérant que le phénomène existe au Québec, le gouvernement doit donc baliser les pratiques afin de respecter la dignité, l'intégrité, la santé et la sécurité des femmes, de même que l'intérêt des enfants. Il doit aussi s'assurer de la non-instrumentalisation du corps de la femme. Le projet de loi contient d'ailleurs plusieurs dispositions pertinentes à cet effet. Je pense notamment à celles qui visent à s'assurer que la femme qui accepte de porter un enfant pour autrui soit âgée d'au moins 21 ans, que cet acte soit fait par altruisme, donc gratuitement, qu'un délai de réflexion soit alloué à la femme porteuse pour donner son consentement.

Le conseil estime cependant que l'encadrement des projets de maternité pour autrui devrait être renforcé. Je m'attarderai ici sur trois propositions. Premièrement, le conseil recommande d'exiger que seules les femmes qui ont une expérience d'accouchement puissent porter un enfant pour autrui. Une telle expérience est nécessaire pour qu'une femme puisse donner un consentement éclairé. Ce critère figure d'ailleurs parmi ceux énoncés par plusieurs comités d'éthique dans le monde. Le conseil est convaincu que le Québec doit s'en inspirer.

Deuxièmement, le conseil formule des recommandations en vue de mieux accompagner la femme qui accepte de porter un enfant pour autrui, de même que les parents d'intention. Le projet de loi prévoit que les deux parties doivent rencontrer séparément une ou un professionnel habilité à les informer sur les implications psychologiques et les questions éthiques de la maternité pour autrui. Elles doivent obtenir une attestation signée avant d'entreprendre une convention notariée. Aux yeux du conseil, cette démarche est minimaliste. Entreprendre un projet de maternité pour autrui comporte de nombreuses implications physiques, psychologiques et éthiques. Les parties doivent prendre une panoplie de décisions fort délicates. Par exemple, comment l'enfant sera-t-il conçu? De qui proviendront les gamètes? Quelles seront les relations entre la femme porteuse et les parents d'intention au long de la grossesse et après la naissance de l'enfant? Les professionnels doivent donc jouer un plus grand rôle que simplement d'informer. Elles et ils doivent pouvoir discuter avec chacune des parties et les conseiller dans l'important projet dans lequel elles souhaitent s'engager.

C'est pourquoi le conseil propose d'étoffer le rôle attendu des professionnels. Dans la même veine, il est impératif que des lignes directrices guident les professionnels, de même que les femmes qui comptent porter un enfant pour autrui et les parents d'intention. Le gouvernement vient d'instituer un comité central d'éthique en matière de procréation médicalement assistée à la suite de demandes formulées en ce sens par plusieurs groupes, dont le conseil. Ce comité, de par sa composition multidisciplinaire, dispose de l'expertise requise pour élaborer de telles lignes directrices pour tout projet de maternité pour autrui. Le conseil propose de lui en donner le mandat.

Troisièmement, le conseil souhaite que le projet de loi soit l'occasion de documenter le phénomène de la maternité pour autrui, phénomène qui demeure encore peu connu. En instituant le droit à la connaissance des origines, réclamé par le conseil depuis 1987, le projet de loi confie au ministre du Travail la responsabilité de créer un registre contenant des renseignements sur le profil des tierces personnes qui contribuent à la procréation d'un enfant. La création de ce registre représente, aux yeux du conseil, une occasion unique de disposer de données globales sur la maternité pour autrui et de les rendre accessibles à des fins de recherche.

Par ailleurs, le conseil se montre préoccupé par certaines dispositions du projet de loi et de leur éventuelle interprétation. Je m'attarderai ici à deux d'entre elles. D'une part, si les conditions générales à tout projet de maternité pour autrui ne sont pas respectées, le projet parental serait déclaré nul. Une femme porteuse pourrait alors être reconnue comme mère légale de l'enfant, même si ce n'est pas sa volonté, et sans possibilité de modifier la filiation. S'il importe certainement d'encourager le respect des conditions générales, le conseil estime que la conséquence prévue au projet de loi serait très lourde pour les femmes porteuses. Le conseil estime nécessaire que la volonté des femmes porteuses soit, dans tous les cas, prise en considération.

D'autre part, dans le cas où la femme porteuse n'est pas domiciliée au Québec, l'acte de naissance obtenu à l'étranger pourrait être reconnu par un tribunal québécois, dans la mesure où les conditions générales à tout projet de maternité pour autrui ont été respectées. Dans <l'éventualité...

Mme Cordeau (Louise) : ...ont été respectées. Dans >l'éventualité où ces conditions ne sont pas respectées, le tribunal pourrait ne pas reconnaître l'acte de naissance étranger ou la décision étrangère. Cette possibilité interpelle le conseil quant à ses conséquences.

Passons maintenant au sujet de la violence. Le projet de loi introduit des éléments devant être considérés par le tribunal dans des contextes de violence familiale. Par exemple, il prévoit un mécanisme permettant à un parent de requérir seul des soins pour son enfant mineur dans une situation de violence familiale ou sexuelle causée par l'autre parent. Il doit aussi tenir compte de la présence de violence familiale lors d'une demande de déchéance de l'autorité parentale. Le conseil salue cette volonté du gouvernement de considérer la violence en contexte familial, et ce, dans l'intérêt de l'enfant. Il souhaite toutefois s'assurer que toutes les formes de violences seront ainsi prises en considération, notamment la violence conjugale qui afflige tant de femmes et leurs familles. C'est dans cette optique que le conseil recommande à la Commission des institutions de modifier, dans le projet de loi, l'expression «violences familiales» et de la remplacer par «violences familiales, conjugales, sexuelles, physiques et psychologiques».

En conclusion, le projet de loi n° 2 modifie significativement le droit de la famille près de 40 ans après l'établissement de ses fondements. Le conseil souhaite vivement que les discussions et les réflexions à son sujet se poursuivent. Nous demeurons évidemment disposés à y prendre part, considérant les conséquences majeures que cette réforme aura sur les femmes, sur les familles, sur les enfants et sur l'ensemble des prochaines générations. Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Me Cordeau. Donc, nous allons débuter la période d'échange. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. Me Cordeau, Mme Mélanie Julien, bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission. C'est un plaisir de vous retrouver. Je tiens à vous remercier pour votre présentation, pour votre mémoire, mais également pour avoir contribué à notre réflexion pour le projet de loi, parce qu'en 2016, déjà, le Conseil du statut de la femme avait émis un avis relativement à l'encadrement des mères porteuses, qu'il fallait protéger les mères porteuses et les enfants, et vous formuliez une série de recommandations qui ont inspiré notamment, entre autres, la rédaction du projet de loi. Et je crois que vous reconnaissez, dans votre mémoire, également que le souci du projet de loi, c'est de faire en sorte, notamment en matière de gestation pour autrui ou de maternité pour autrui, là, vous proposez cela, de faire en sorte de protéger les femmes qui décident de porter les enfants pour autrui et également l'intérêt de l'enfant.

Bon, dans un premier temps... Bien, commençons par le vocabulaire. Vous dites... écoutez, gestation pour autrui, vous dites, je paraphrase, ça fait un peu animal. Nous, on préfère le fait que ça soit «maternité pour autrui». Moi, je vous dirais, l'autre volet, ça fait en sorte que le terme maternité n'est pas non binaire aussi. Alors, j'essaie d'avoir un vocabulaire qui est le plus inclusif possible. Qu'est-ce que vous pensez, là, de tout ça, là? Pour vous, c'est important qu'il soit écrit «maternité de substitution»?

Mme Cordeau (Louise) : On en est conscients, M. le ministre, de la difficulté que représente une ouverture, l'exclusion de toutes les personnes qui pourraient vouloir former une famille. Nous avons, dans notre mémoire, utilisé le terme «femme porteuse». Dans le projet de loi, on dit «femme ou personne qui». Bon, nous, on pense que le...

Et là-dessus le conseil a fait un pas, parce qu'on parlait de mères porteuses. Donc, on parle de femmes porteuses et non plus de mères porteuses. Pourquoi? Parce que les femmes qui portent un enfant ne s'identifient pas nécessairement comme les mères de cet enfant-là, parce que la notion de mère peut être assimilée à un rôle social. Donc, les formes.... les femmes qui portent l'enfant pourraient ne pas vouloir jouer ce rôle social là, et l'objectif de la loi est justement de définir quelle personne va être désignée comme parent.

Alors, nous, on fait le pas, passant de mère porteuse à femme ou personne, mais nous, on a privilégié femme. Et le mot «maternité», lorsqu'on le regarde simplement dans sa définition, là, on ne cherche pas trop loin de là, la maternité est définie comme le fait de porter et de mettre au monde un enfant. C'est exactement ce que représente l'acte de porter et de mettre au monde un enfant pour autrui et c'est pour ces raisons que nous avons choisi le terme «maternité».

• (11 h 10) •

M. Jolin-Barrette : C'est bien noté. Bon, sur la question du projet de loi en général, <là...

M. Jolin-Barrette : ...en général, >là, nous, on a essayé d'avoir un processus clair, prévisible et sécuritaire qui vise à protéger l'enfant, également la mère porteuse. Au niveau des balises générales, est-ce que le Conseil du statut de la femme est satisfait de la façon dont on vient encadrer la maternité pour autrui ou la gestation pour autrui?

Mme Cordeau (Louise) :  ...on est très satisfaits. On réclamait depuis longtemps d'avoir des balises et de faire en sorte que ces balises-là protègent toute la démarche parentale. Les balises font en sorte qu'on prévoit ce qui va arriver avant la grossesse. Donc, on travaille en amont... les mères porteuses puissent être conscientes des impacts de leur choix.

Cependant, ce qu'on vous mentionne, c'est qu'on souhaiterait... Puis c'est la question qu'on s'est posée à travers tout ce processus-là. On a une obligation d'informer. Qu'est-ce qui arrive si, en cours de processus, un ou une professionnelle s'aperçoit qu'il y a des risques pour la santé physique ou psychologique de la femme qui portera un enfant, que les parents d'intention ne sont peut-être pas outillés ou que ce n'est peut-être pas la meilleure décision d'avoir ce projet parental là?

On sait, M. le ministre, que, dans le cas des projets de procréation assistée, lorsque les couples se rendent en clinique, ces évaluations-là sont faites. Les évaluations sont faites par un médecin du Collège des médecins. S'il n'est pas certain, il doit demander... il doit demander à quelqu'un d'un ordre professionnel, comme un psychologue ou une psychologue, d'attester que le projet parental remplit toutes les règles, à la fois médicales, éthiques et... bon. Donc, c'est pour ça qu'on se dit : Le professionnel ou la professionnelle qui rencontrent les parents, au lieu de simplement avoir la responsabilité d'informer, pourrait-il avoir une autre responsabilité, de conseiller, d'évaluer? Bon, est-ce qu'on pourrait aller jusqu'à dire : Il pourrait ne pas recommander? Mais là c'est... qu'est-ce qui arrive après qu'il n'ait pas recommandé? Plusieurs questions sont ouvertes là-dessus, et c'est pour ça qu'on...

M. Jolin-Barrette : Mais peut-être, si vous me permettez, juste là-dessus, je vous fais le parallèle. En matière d'adoption, là, c'est une évaluation qui est effectuée par un professionnel relativement au fait de confier un enfant à un parent adoptant. Nous, ce qu'on a mis dans le projet de loi relativement à la gestation pour autrui ou la maternité pour autrui, c'est une séance d'information, un peu comme vous le recommandiez dans le mémoire en 2016. Mais là je dois comprendre que vous nous invitez peut-être à même... à mettre le même formalisme, d'avoir une évaluation pour un projet parental à la fois pour la femme qui décide de porter l'enfant, mais à la fois pour les parents d'intention. Vous nous dites : Ça ne devrait pas être juste une séance d'information, ça devrait être une évaluation des parents.

Mme Cordeau (Louise) : Est-ce que... Est-ce qu'on doit se rendre à l'évaluation? Ce n'est pas une recommandation formelle qu'on vous fait. Mais ce qu'on vous dit, c'est que le rôle du professionnel ou de la professionnelle devrait être plus grand que simplement... que simplement informer. Est-ce qu'il peut conseiller? Est-ce qu'il peut dissuader? Est-ce qu'il peut dire : Avez-vous pensé à ça? Est-ce qu'il y a des conséquences de cette nature-là? Je pense qu'on peut se poser des questions. Si on arrive, à un moment donné, dans la...

On sait que les notaires, s'il n'y a pas de consentement éclairé, vont pouvoir agir. C'est leur responsabilité d'agir et de s'assurer d'un consentement éclairé de toutes les parties, particulièrement la femme qui a le projet de porter l'enfant. Mais, si quelqu'un voit que ce n'est pas une bonne idée, de façon médicale, psychologique ou autre, qu'est-ce qui arrive dans ce cas-là?

Et c'est pour ça aussi qu'on vous recommande, par le biais d'un comité d'éthique, de déterminer certaines balises, certaines balises chez les professionnels qui font les séances d'information et qui pourraient conseiller, qu'ils pourraient utiliser à des fins de s'assurer que le projet parental est un projet qui est viable et surtout, comme vous l'avez dit, M. le ministre, d'entrée de jeu, dans l'intérêt de l'enfant. Et ça...

M. Jolin-Barrette : O.K. Autre question relativement... durant la grossesse, nous, on est venus dire, dans le fond : La femme conserve l'entière discrétion par rapport aux soins médicaux qu'elle reçoit. Donc, ça veut dire, si, en cours de grossesse, elle souhaite se faire avorter, elle peut le faire à tout moment. La convention ne peut pas s'y opposer. Même chose au moment de l'accouchement. La femme qui a accouché, elle peut décider de conserver l'enfant. Ça, vous êtes à l'aise avec <ça...

M. Jolin-Barrette : ... l'aise avec >ça, avec ce délai de huit, 30 jours là, qui fait en sorte qu'on laisse l'autonomie de la femme en place?

Mme Cordeau (Louise) : En fait, dans tous les cas, ce qui est important pour nous, c'est de s'assurer que la volonté de la femme soit respectée, que son consentement soit respecté, et on n'entrera pas dans nécessairement toutes les dispositions légales. Je sais que Me Langevin va être devant vous, va peut-être entrer dans des considérations de nature plus juridique. Mais ce qui est important pour le Conseil du statut de la femme de retenir, c'est que le consentement de la femme qui accepte de porter un enfant pour autrui soit... que la volonté de cette femme-là soit respectée dans tous les cas, autant si elle refuse son consentement pour redonner l'enfant aux parents d'intention.

Et l'autre hypothèse qu'on a évoquée tantôt, c'est : Est-ce qu'elle pourrait être obligée de devenir la mère légale de l'enfant, si ce n'est pas son consentement? C'est un élément, je pense, que la commission devra évaluer et analyser de façon à respecter la volonté... de toujours respecter la volonté de la femme qui porte un enfant pour autrui.

M. Jolin-Barrette : O.K. Peut-être un commentaire puis une question avant de céder la parole à mes collègues. Sur la notion de violence, je vous entends bien, vous dites : Bien, écoutez, c'est une violence qui est... La définition de violence familiale, c'est... il faut que ça soit extensif. Bien entendu, ça inclut les différentes formes de violence, et on l'a libellé de cette façon-là pour ne pas être limitatif, pour ne pas faire en sorte... parce que, si on vient la décrire, éventuellement, il pourrait y avoir, dans le futur, d'autres types de violence qui ne sont pas identifiés, exemple, violence conjugale, violence psychologique, puis auxquels on ne pense pas aujourd'hui. Ça fait qu'on veut permettre au juge de toujours considérer la violence familiale dans un sens large lorsqu'il va statuer, notamment sur la garde des enfants. Ça fait que je souhaitais vous le mentionner puis vous rassurer à cet effet-là.

Et ma dernière question, relativement à la connaissance des origines, vous l'avez dit, depuis 1987, là, le conseil milite en faveur. Pourquoi c'est important pour les enfants issus de l'adoption ou même, désormais, avec la gestation pour autrui, de connaître leurs origines?

Mme Cordeau (Louise) : Je pense que c'est fondamental dans la vie d'un individu. Il y a plusieurs impacts. On s'entend qu'il y a plusieurs impacts à la connaissance de ses origines. On voit aussi que l'acceptabilité sociale au Québec par rapport à la connaissance de ses origines, eu égard à l'adoption, à tout le cheminement qui a été fait par rapport aux enfants adoptés qui souhaitent connaître leurs origines... Certains souhaitent rencontrer ou non leurs parents. Et, lorsqu'on parle de maternité pour autrui, bien, je pense qu'il est évident que la connaissance des origines est fondamentale, considérant qu'une tierce personne est impliquée dans le processus.

M. Jolin-Barrette : Parfait. Bien, écoutez, un grand merci pour votre présence en commission parlementaire. Je crois que la députée de Mirabel veut intervenir.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre. Effectivement, Mme la députée de Mirabel, et, pour votre information, il vous reste un petit peu moins que cinq minutes. Mme la députée.

Mme D'Amours : Merci, M. le Président. Mes salutations. Salutations à tous mes collègues aussi. Merci, Mme Cordeau et Mme Julien, d'être présentes ce matin avec nous pour ce projet de loi. J'aurais deux questions, en fait, là. Ma première serait... bon, à partir de votre mémoire, au chapitre 1.1, vous parlez de l'expérience d'accouchement et vous semblez dire qu'il serait préférable que la femme qui souhaite porter un enfant soit à sa deuxième expérience de grossesse et non à la première. J'aimerais vraiment ça que vous me clarifiiez ça, parce que, pour moi...

Je vous donne comme exemple une femme qui, d'un grand altruisme, de bonté, de bienveillance, va accepter de porter un enfant pour quelqu'un qu'elle connaît puis que, pour elle, elle ne veut pas d'enfant dans sa vie, mais qu'elle va faire ce geste-là pour une personne qu'elle considère que ce sera des bons parents. Vous semblez dire qu'on ne peut pas lui donner ce droit-là parce que... À vous entendre depuis tout à l'heure, là... j'écoute tout ce que vous nous dites, et vous dites que la volonté des femmes doit être respectée dans tous les cas. Et, si c'était sa volonté à elle, pourquoi vous nous proposez une deuxième grossesse?

• (11 h 20) •

Mme Cordeau (Louise) :Bien, nous, on se réfère quand même à certaines études, à des comités d'éthique. Et même, dans le mémoire, on réfère aussi à des femmes qui ont porté des enfants pour autrui, et c'est leur recommandation de faire en sorte qu'il y ait eu une première grossesse, un premier accouchement. Et, <dans...

Mme Cordeau (Louise) : ...accouchement. Et, >dans l'ensemble, ça permet de mieux anticiper les impacts d'une grossesse et d'un accouchement. La capacité de mieux anticiper les étapes de la grossesse et de l'accouchement, ça veut dire aussi mieux connaître le processus d'attachement au foetus, au bébé et à l'enfant qui naît. Ça peut aussi faciliter puis diminuer les risques de complications lors de l'accouchement quant à la santé des femmes, et on peut se dire aussi que ça facilite le consentement éclairé. Et je vais laisser Mme Julien compléter parce que le Québec ne serait pas le seul endroit dans le monde à exiger une première expérience de maternité.

Mme Julien (Mélanie) : Effectivement, en complément, ce que je peux ajouter, c'est que les comités d'éthique de par le monde exigent généralement ce critère-là pour dire que, pour qu'une femme puisse agir comme... pour porter un enfant pour autrui, elle doit avoir une expérience antérieure d'accouchement.

En Ontario, c'est permis d'agir comme... pour porter un enfant pour autrui. Et, en Ontario, ce qu'on exige pour établir la... pour qu'un enfant né d'une maternité pour autrui, pour qu'on établisse la filiation de l'enfant par la voie administrative, la femme doit avoir utilisé des traitements de procréation assistée. Alors, elle doit se présenter en clinique de procréation assistée et elle doit... et, en clinique, c'est le critère obligatoire, pour qu'une femme puisse porter un enfant pour autrui grâce à des traitements de procréation assistée, elle doit avoir une expérience antérieure d'accouchement.

Alors, sur la base de ces critères-là qui prévalent parmi les différents comités d'éthique et qui prévalent dans d'autres régions du monde, il nous semble que c'est un critère qui est incontournable pour s'assurer du consentement éclairé des femmes en question.

Mme D'Amours : Mais vous allez être d'accord avec moi qu'un accouchement... on n'est jamais certains, même si c'est la première, la deuxième ou la troisième, qu'elle soit semblable à la première. On peut très bien avoir une très belle grossesse, une première grossesse, et une deuxième avec une expérience qui n'est pas... qui n'est vraiment pas le fun, là. Mais il reste quand même que le droit de la femme qui désire ne faire qu'une seule grossesse dans sa vie, elle serait mise à l'écart, si on dit vraiment que c'est seulement à la deuxième grossesse. Et il y a une entente qui pourrait se faire avec les parents facilement, là. La femme qui décide d'avoir... pour sa première grossesse, décide de faire l'expérience, mais qui, au bout du compte, garde l'enfant parce que... son attachement, le projet de loi lui donne cette possibilité-là.

Donc, je trouve ça un petit peu spécial parce qu'on... la nature fait en sorte qu'il n'y a pas un accouchement qui est pareil. Je comprends qu'il y a peut-être eu des études sur ça, mais peut-être qu'on aurait eu droit à une étude où il y a des femmes qui auraient aimé être légales et d'avoir une seule expérience, un seul accouchement pour être bienveillantes envers des gens qu'elle connaît qui ne peuvent pas avoir d'enfant. Je trouve ça... C'est un dilemme.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la députée. M. le député de Lafontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Pour 10 minutes, M. le Président?

Le Président (M. Bachand) :Et 50 secondes, oui.

M. Tanguay : Écoutez, je veux laisser absolument du temps à ma collègue de Westmount—Saint-Louis. D'abord, à mon tour de vous saluer, Me Cordeau et Mme Julien. Merci beaucoup. On pourrait en parler toute la journée puis on n'aurait pas fait le tour de questions excessivement délicates. Puis savez-vous quoi? Je réalise à lire votre mémoire puis je réalise à lire le papier écrit par Maria De Koninck, la rechercheuse... la chercheure, pardon, hier, dans LaPresse, qui posait des questions excessivement importantes... je suis conscient du fait que moi, je suis un homme, je n'ai jamais apporté la vie, le ministre non plus. On est pères, mais ce n'est pas l'expérience maternelle, bien évidemment. C'est des questions, donc, qui touchent fondamentalement aussi aux droits de la femme.

Je lance la réflexion, puis c'est un commentaire, réflexion, question : Qu'en est-il des obligations, durant la grossesse, de la mère porteuse? Est-ce qu'il y aurait un droit de regard sur les parents d'intention de dire : Bien là, là, tu es tout à fait déraisonnable de prendre un verre de vin une fois de temps en temps? Ou semble-t-il qu'on a vu sur Facebook une photo, tu fumais la cigarette? Je vous dis ça, c'est éminemment pratico-pratique, ce que je vous dis là, mais ce sont des questions de droits fondamentaux délicats, puis j'aimerais vous entendre là-dessus.

Donc, sur l'expérience d'accouchement, on vous a <entendues...

M. Tanguay : ...on vous a >entendues. Je souscris à votre réflexion, qui est celle de dire, je pense, oui, d'abord, c'est une bonne chose que d'encadrer cela, je pense que, sur le fond, vous êtes d'accord à un encadrement versus pas d'encadrement, mais vous parlez d'un comité d'éthique, et ainsi de suite. Honnêtement, là, puis j'entends qu'on va commencer dans quelques semaines, l'autre bord des fêtes, l'article par article, croyez-vous qu'on a fait, socialement, tout le débat nécessaire? Moi, comme législateur, là, quand on va écrire avec le ministre là, puis les autres collègues aussi, collègues féminines, mais... on va avoir le crayon, nous aussi, sur des droits des femmes. C'est particulier. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Cordeau (Louise) :Je pense que... Vous parlez d'un débat social. Déjà, d'avoir un projet de loi devant nous, d'avoir les contours du projet de loi et le fait d'en discuter, c'est un pas en avant. Est-ce qu'on aurait pu prendre plus de temps? On pourrait toujours prendre plus de temps. Nous, on veut se concentrer sur le projet de loi qui est devant nous et faire en sorte que l'intérêt des femmes et des enfants soit préservé.

M. Tanguay : Et avez-vous une réflexion, des données quant à l'attachement mère-enfant après l'accouchement? Qu'en est-il? Pour moi, là, je suis dans le noir. Je peux présumer qu'un enfant... puis, après ça, il y a le... trouver ses origines par la suite. Il pourrait, puis corrigez-moi si j'ai tort, n'être pas possible pour un enfant de savoir qui était la mère porteuse. Mais l'attachement envers ma mère biologique et/ou envers ma mère porteuse, est-ce qu'on a suffisamment de données d'analyse?

Et je souscris encore une fois à votre demande qu'il y ait des conseils avec les professionnels qui seraient beaucoup plus étayés que la loi, là. Il n'y a jamais de rencontre non plus entre les deux, devant un professionnel, entre les parents de... Vous voyez, je vous lance ça, là, puis vous voyez mon état d'esprit comme législateur, là. J'ai plein de points d'interrogation puis je me demande si on va faire la bonne chose. On va faire le travail, il n'y a pas de problème, comme vous le dites bien, mais qu'en est-il de l'attachement? Qu'est-ce qu'on est en train de faire, là? Et je pense que c'est important, oui, de l'encadrer, mais est-ce qu'on a toutes les réponses pour bien l'encadrer, suffisamment? Je vous laisse mon temps, là.

Mme Cordeau (Louise) :Je vous dirais qu'en 2016 le Conseil du statut de la femme a fait un avis très imposant sur le sujet. Je ne l'ai pas sous les yeux, mais plusieurs des éléments que vous évoquez, M. le député, étaient étayés quant à l'attachement de l'enfant, quant à l'impact psychologique sur les mères qui ont porté un enfant pour autrui, quant à l'impact aussi des autres enfants d'une femme qui aurait choisi de faire un enfant pour les autres, pour autrui. Alors, ces éléments ont été étayés.

Cependant, on doit se rendre à une conclusion, c'est un phénomène qui est très peu documenté, donc... Et c'est pour ça qu'on est satisfaits qu'il y ait un registre, que le ministre du Travail, de la Sécurité et de l'Emploi ait des responsabilités de tenir le registre à cet effet, parce que, malgré toute la bonne volonté du monde et malgré tous les croisés qu'on voudrait faire, malgré tout le travail de recherche, ce phénomène-là est un phénomène qui n'est pas documenté, qui se passe bien souvent entre quelques personnes et qui va nous permettre, à partir de l'adoption de ce projet de loi là, avec évidemment les bonifications qui seraient nécessaires, d'évaluer l'ensemble des concepts, d'évaluer l'ensemble des conséquences et peut-être de prendre des décisions qui seraient plus nuancées ou qu'on pourrait voir... être dirigé d'une autre façon. Mais... Et je ne sais pas si Mme Julien a des commentaires, mais vous répondre de façon scientifique sur l'ensemble de vos préoccupations, qui sont aussi les nôtres, on en convient, c'est extrêmement difficile.

• (11 h 30) •

Mme Julien (Mélanie) : Oui, je peux peut-être ajouter. Au regard des recherches, effectivement, vos questions sont tout à fait légitimes, et les recherches qui sont menées sur le sujet sont très embryonnaires, et tout particulièrement au Québec. Bien sûr qu'il y a quelques études empiriques qui sont réalisées, mais les échantillons sont, bien sûr, de très petite taille.

Alors, dans quelle mesure on peut généraliser sur la base de ces études-là? C'est vraiment... Il faut <vraiment agir avec...

>


 
 

11 h 30 (version révisée)

<       Mme Julien (Mélanie) : ...>vraiment agir avec... et on peut aussi avoir à l'esprit que les personnes qui acceptent de témoigner dans le cadre de telles études empiriques qualitatives, c'est potentiellement des personnes pour qui les expériences ont peut-être été un petit peu plus heureuses. Les personnes pour qui la situation s'est mal conclue sont peut-être un peu plus réticentes à pouvoir en témoigner dans le cadre d'études.

Alors, c'est pour ça que le conseil, dans sa recommandation, là, on souhaite vraiment que les données soient colligées dans le cadre du registre, puissent être utilisées à des fins de recherche pour qu'on puisse approfondir notre connaissance du sujet, notre connaissance de ces conséquences-là, puis ajuster le tir aussi pour s'assurer que les balises permettent véritablement de protéger les femmes puis les enfants qui sont à naître.

Le Président (M. Bachand) :Mme la députée de Westmount—Saint-Louis, il vous reste un peu plus que trois minutes.

Mme Maccarone : Bien, questions en rafale... D'abord, bonjour, mesdames.

Je veux revenir un peu sur l'expérience que... la recommandation que vous faites, d'avoir une expérience antérieure d'accouchement, que je trouve très intéressante comme recommandation. Suite à un accouchement, avez-vous autres recommandations dont nous devons prendre en considération, comme des soins psychologiques? Ce serait la question n° 1. Puis, quand on parle de... quand on... Pour consentir à la... renonce à son lien de filiation avec l'enfant, on ne dit pas : avant sept jours suivant sa naissance. Est-ce que cette période de temps est assez longue, trop courte? Votre avis là-dessus.

Mme Cordeau (Louise) :Évidemment, l'expérience de maternité est un des critères. La loi donne d'autres balises, que nous saluons, qui sont très importantes. L'ajout qu'on fait quant à l'accompagnement des parents d'intention et de la personne ou de la femme qui souhaite porter un enfant pour autrui, c'est fondamental. Le consentement libre et éclairé... Là, je vous repasse les étapes, mais tout ça est fondamental, et l'étape du contrat notarié est très importante aussi.

Alors, je vous dirais que toutes ces étapes-là d'accompagnement... et je rajouterais peut être un élément, ce sera éventuellement la connaissance de toutes ces dispositions-là, auprès de la population québécoise ou des populations concernées par ces projets-là. Donc, d'en prendre... de prendre la mesure de la démarche et des règles afférentes au Québec, et qui s'imposent, serait... va être éminemment important dans le contexte.

Mme Julien (Mélanie) : Si vous permettez, j'ajouterais peut-être un élément, parce qu'effectivement, dans les recommandations du conseil, il y a un certain nombre de balises ou de dispositions que l'on souhaite voir renforcées dans le projet de loi, mais on est bien conscientes que le projet de loi n° 2 ne pourra pas, à lui seul, régler toutes les questions éthiques que suscite le phénomène de la maternité pour autrui. Et c'est pour ça qu'on souhaite qu'il y ait un comité d'éthique qui puisse établir des balises, des lignes directrices pour pouvoir éclairer l'ensemble des parties et l'ensemble des professionnels aussi qui auront à intervenir auprès des femmes qui souhaitent porter un enfant pour autrui puis aussi informer des parents d'intention.

Alors, oui, c'est important de renforcer les dispositions du projet de loi, mais aussi c'est important de confier le mandat à un comité d'éthique d'établir des lignes directrices pour aller beaucoup plus en profondeur, pour élucider différentes situations que ne peut pas aborder, forcément, un projet de loi.

Le Président (M. Bachand) :Moins d'une minute.

Mme Maccarone : Ça m'amène une question, puis, c'est sûr, on ne pourra pas l'aborder. Comme mon collègue a dit, on pourra avoir un débat toute la journée, mais, mettons... On parle d'un âge minimum, mais on ne parle pas d'un âge maximum. Mettons, à mon âge, j'ai une fille qui a 21 ans, puis, pour des raisons médicales, elle ne peut pas porter un enfant, selon vous, votre recommandation, est-ce que je devrais avoir la possibilité, à l'intérieur de la loi, de porter un enfant pour ma fille?

Mme Julien (Mélanie) : Bien, notre recommandation, c'est que ce genre de question là puisse être examinée par un comité d'éthique qui soit multidisciplinaire, que ce comité-là se penche sur ces cas de figure là et donne des balises claires pour élucider ces situations-là.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous plaît.

M. Leduc : Merci. Bonjour. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Moi aussi, j'aurais plusieurs questions, mais évidemment, le temps étant réduit, on va y aller à quelques-unes.

La première, c'est : Est-ce qu'il n'y a pas une forme d'hypocrisie entre le cadre législatif, là, qu'on veut mettre de l'avant, qui permet des remboursements de dépenses, même des remplacements d'un revenu, et, d'autre part, le Code criminel qui dit que c'est absolument interdit de rémunérer une personne? Est-ce que, le remplacement de revenu, on n'est pas loin de la rémunération? Il n'y a pas une forme d'hypocrisie?

Mme Cordeau (Louise) :Bien, je pense que l'intention...

Le Président (M. Bachand) :...juste un petit moment. Je sais que vous n'attaquez pas personne en <disant...

Le Président (M. Bachand) : ...en >disant le mot «hypocrisie», juste faire attention de ne pas porter d'intention au législateur, oui?

M. Leduc : Ah mon Dieu! Bien, O.K., d'accord.

Le Président (M. Bachand) : Non, mais je sais que ce n'était pas ce que vous vouliez faire, mais juste faire attention. Oui, Me Cordeau.

Mme Cordeau (Louise) : De mon humble point de vue, je pense que l'intention du législateur est de combler les pertes que pourrait avoir une femme suite à son acceptation de porter un enfant pour autrui. Il y a, je pense, une différence entre une rétribution et combler des pertes de revenu ou des coûts afférents associés au choix de la femme qui accepte de porter un enfant pour autrui. C'est mon premier réflexe.

M. Leduc : Pour vous, la distinction est claire entre les deux?

Mme Cordeau (Louise) : On le souhaite.

M. Leduc : Parfait, autre question. Vous proposez une série de mesures pour resserrer l'encadrement. Avez-vous une crainte que plus on resserre l'encadrement, plus les contournements... les voies de contournement qui sont utilisées actuellement vont continuer d'être utilisées?

Mme Cordeau (Louise) : C'est difficile de le savoir. Cependant, j'ajouterais que les voies de contournement sont passablement balisées par le projet de loi aussi. Si, par exemple, des parents d'intention avaient... choisissaient une femme pour porter l'enfant... une femme qui n'habiterait pas au Québec, il y a des dispositions dans le projet de loi qui encadrent aussi cette démarche-là, et la reconnaissance ou non qui pourrait être faite par les tribunaux fait en sorte, je dirais, de ne pas faciliter les démarches.

M. Leduc : Le temps... Il me reste un peu de temps. Peut-être pouvez-vous nous parler de vos propositions sur le RQAP?

Mme Cordeau (Louise) : Bien, le RQAP, nous saluons le fait que les parents d'intention et que la femme qui souhaite porter un enfant pour autrui puisse bénéficier de ces mesures comme l'ensemble des parents du Québec peuvent le faire actuellement.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Oui, bonjour à vous deux. Merci beaucoup pour votre mémoire. Je l'ai parcouru avec beaucoup d'intérêt. J'aurais des tonnes de questions pour vous. J'ai 2 min 50 s. Donc, je vous les donne en rafale, puis vous irez avec ce que vous jugez le plus important ou ce sur quoi vous avez des réponses.

Vous avez parlé... Pour l'expérience d'accouchement qui était dans les lignes directrices en Ontario, est-ce que vous avez d'autres exemples de pays qui exigent ça? Si vous ne l'avez pas aujourd'hui, si vous voulez nous l'envoyer... Ensuite de ça, est-ce que vous avez une idée... En ce moment, au Québec, sans encadrement, il peut y avoir combien de gestations de maternité pour autrui dans une année? Et est-ce que, dans les juridictions où on est venus encadrer, il y a eu une hausse du recours à la maternité pour autrui? Et puis, votre comité d'éthique, vous le voyez national et intervenant concrètement ou uniquement une fois pour énoncer les grandes lignes directrices?

Mme Cordeau (Louise) : Je vais laisser Mme Julien répondre. Elle acquiesçait à plusieurs de vos questions.

Mme Julien (Mélanie) : Par où commencer? Ce que l'on sait, c'est qu'il y a eu quand même, en Colombie-Britannique et en Ontario, des législations qui ont été passées récemment pour, effectivement, baliser le recours à la maternité pour autrui. Et puis les données témoignent quand même, là, qu'il y a un certain nombre de... Il y a quand même des cas assez significatifs. Il y a un nombre assez significatif de femmes, dans ces régions, en Ontario et en Colombie-Britannique, qui agissent comme mères porteuses.

On n'a pas de données semblables au Québec, malheureusement. On compte... On espère, en fait, que les données, là, qui vont être colligées dans le registre vont justement nous permettre de suivre l'évolution au Québec, parce qu'actuellement on n'en a aucune idée. Mais on sait quand même qu'il y a un certain nombre de femmes, en Colombie-Britannique et en Ontario, qui agissent comme mères porteuses. Et puis, selon des données dont on dispose, là, c'est quand même dans le tiers... entre 30 % et 40 % de ces femmes-là agissent comme mères porteuses pour des parents d'intention en dehors du Canada, alors d'où l'importance du projet de loi, d'avoir des dispositions qui permettent d'éviter les risques de dérives au regard de la maternité entre régions du monde, mais on n'a pas de cas au Québec.

Et, en ce qui touche les expériences d'accouchement antérieures, je le disais tout à l'heure, effectivement, que la société américaine de la médecine reproductive et la société européenne de la reproduction humaine ont des comités d'éthique qui exigent ce critère-là d'accouchement antérieur pour autoriser un projet de maternité pour autrui.

Le Président (M. Bachand) :Merci <beaucoup...

Le Président (M. Bachand) : Merci >beaucoup. C'est tout le temps qu'on a, Mme Julien et Me Cordeau. Merci beaucoup d'avoir participé avec nous à nos auditions.

Cela dit, je suspends les travaux jusqu'après les affaires courantes. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 11 h 40)


 
 

15 h (version révisée)

(Reprise à 15 h 24)

Le Président (M. Bachand) :Bon après-midi. À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des institutions reprend ses travaux.

Nous poursuivons donc les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 2, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et modifiant le Code civil en matière des droits de la personnalité et d'état civil.

Cet après-midi, nous allons entendre le Pr Martin Blais, titulaire de la chaire de recherche de la diversité sexuelle, de même que Gabriel James Galantino. Et nous allons entendre également la Pre Isabel Côté et le Pr Kévin Lavoie.

Mais d'abord, nous débutons avec les représentants de la Chambre des notaires du Québec, que je salue. Merci beaucoup d'être avec nous. Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation. Après, nous aurons un échange avec les membres de la commission. Donc, je vous cède la parole immédiatement, et vous pouvez débuter votre exposé en vous présentant, bien sûr. Merci.

Chambre des notaires du Québec (CNQ)

Mme Potvin (Hélène) : Alors, bonjour à tous. Merci. Alors, permettez-moi, donc, de vous présenter Me Jean Lambert, qui m'accompagne aujourd'hui, notaire émérite, ancien président de la Chambre des notaires, donc Me Lambert a été membre du Comité consultatif sur le droit de la famille, et moi-même, donc, Hélène Potvin, notaire et présidente de la Chambre des notaires du Québec.

Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, au nom de la Chambre des notaires du Québec, je vous remercie pour votre invitation à cette consultation particulière sur <le...

Mme Potvin (Hélène) : …sur >le projet de loi n° 2, ce projet de loi qui constitue le premier jalon de la réforme du droit de la famille au Québec, qui vise à moderniser notre système juridique en tenant compte des nouvelles réalités familiales, psychologiques et humaines des Québécoises et des Québécois. La chambre... (panne de son) …la détermination du ministre de la Justice, qui a fait de ce dossier l'une de ses priorités absolues, permettant ainsi à notre société de faire un grand pas vers l'avant.

Vous me permettrez aussi de souligner le travail colossal qui a été mené depuis plusieurs années par notre confrère, le notaire et professeur Alain Roy. Me Roy a été le président du Comité consultatif sur le droit de la famille et auteur d'un rapport étoffé remis au ministre de la Justice en juin 2015, rapport dont le projet de loi s'est grandement inspiré.

 Le dossier de la réforme du droit de la famille est d'une importance capitale pour les notaires et pour la chambre. Agissant comme les conseillers juridiques de proximité des familles québécoises, et ce, à chaque étape de leur vie, les notaires, présents aux quatre coins du Québec, sont depuis longtemps témoins du décalage entre le régime juridique actuel et les réalités vécues par les citoyens et leurs familles. C'est pourquoi l'ordre réclame, depuis plusieurs années déjà, une modernisation globale du droit de la famille, qui en a bien besoin, la dernière grande réforme datant plus de 40 ans. La chambre a toujours fait preuve d'un grand leadership dans cette question, notamment en mettant sur pied la Commission citoyenne sur le droit de la famille en 2018, qui a permis de sonder les besoins des citoyens, mettant en lumière l'urgence d'agir.

Puisque la chambre accueille très favorablement ce projet de loi, c'est donc avec grand plaisir que nous venons témoigner aujourd'hui devant vous afin d'exposer certains de nos commentaires et recommandations sur ce dernier. Le mémoire que la chambre soumet à la Commission des institutions se fonde sur trois grands principes : l'intérêt de l'enfant, le rôle du notaire comme juriste des familles et grand collaborateur de l'État dans cette réforme, et l'impact des mesures projetées sur la pratique notariale et, incidemment, sur les Québécoises et Québécois, lors de leurs interactions avec les notaires.

Tout d'abord, la chambre salue l'importance qu'accorde le législateur au principe de l'intérêt de l'enfant, principe qui se doit d'être la pierre d'assise de la réforme globale du droit de la famille au Québec. En ce sens, le p.l. n° 2 comporte des mesures concrètes qui placent l'intérêt de l'enfant au coeur des préoccupations. Nous pensons ici à l'ajout de la violence familiale comme critère à considérer par le tribunal lorsqu'il rend une décision concernant l'enfant ou encore l'octroi d'une aide juridique gratuite à tout enfant mineur pour tous les services couverts dont il pourrait avoir besoin. Il s'agit d'avancées très positives pour la protection des enfants.

Par ailleurs, la chambre profite de sa présence aujourd'hui pour suggérer au législateur de poursuivre sur sa lancée, même d'aller plus loin, pour consacrer la reconnaissance des droits fondamentaux des enfants comme principe absolu dans notre droit en l'incluant dans la charte québécoise.

Une autre avancée quant à la modernité de notre système juridique en matière familiale est l'encadrement par le projet de loi de la gestation pour autrui afin d'assurer la sécurité juridique des parties. Nous savons tous que ces situations existent actuellement sans aucun encadrement, sans aucune protection ni pour la personne donnant naissance ni pour l'enfant à naître. Ces situations comportent des risques importants. Et la chambre est favorable à l'imposition d'un cadre afin de baliser cette réalité et félicite le ministre d'avoir agi en ce sens. Trop de risques sont possibles en ce moment. Parmi ceux-ci, notons le trafic de bébés nés ou à naître, la scission de la fratrie ou encore le refus d'un enfant avec un handicap sérieux.

• (15 h 30) •

Pour parvenir à établir ce cadre, le législateur fait appel aux notaires, officiers publics, gardiens de l'ordre social dans la sphère privée et accompagnant des familles depuis toujours. La chambre est heureuse pour les citoyens québécois de la reconnaissance du rôle du notaire que lui confie l'État québécois, qui, aux termes du présent projet de loi, vient imposer la forme notariée en minute à la convention de gestation pour autrui. En effet, cette exigence témoigne ainsi de manière absolue que la date de la convention est antérieure à la conception de l'enfant. Il s'agit là d'un gage important et indéniable de protection pour chaque personne prenant part à un <projet parental...

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15 h 30 (version révisée)

<      Mme Potvin (Hélène) : ...>projet parental. Certains prendront la parole, sans aucun doute, pour décrier cette mesure. Cependant, je tiens à vous le préciser, les notaires, en tant qu'officiers publics, seront le prolongement de l'État dans le cadre de cette mission sociale et assureront l'équilibre dans les rapports de force entre les parties ainsi que leur compréhension des engagements souscrits dans ce contrat innovant.

Il ne faut pas voir dans ce contrat qu'un simple rapport contractuel. Il s'agit de bien plus pour les parties impliquées. Les émotions, les doutes, les questionnements feront partie de la démarche dont les obligations doivent être clairement comprises pour chacune des parties grâce à un tiers totalement impartial. C'est ce dernier qui devra partager, avec rigueur et humanisme, toute l'information en accompagnant chaque partie afin que chacune y souscrive en pleine connaissance de cause. Là est la mission du notaire, et il la réalisera avec la justesse qu'on lui connaît. En plus des vérifications d'usage, le notaire pourra valider de la pleine capacité des parties tout en s'assurant pleinement de l'existence du projet parental, et ce, avant même la conception.

Toujours en matière de gestation pour autrui, les avantages qu'offrent l'acte notarié et l'intervention du notaire pour la conclusion de la convention de gestation pour autrui peuvent fort bien s'inscrire lorsque le projet parental fait appel à une personne acceptant de donner naissance qui est domiciliée hors du Québec. La chambre est d'avis que tous les enfants doivent avoir les mêmes droits et la même protection juridique, que la personne donnant naissance soit domiciliée au Québec ou non.

Ainsi, la Loi sur le notariat permet la conclusion d'un acte notarié lorsque des parties sont domiciliées hors Québec. De plus, l'expérience des notaires en matière de vérification de la validité et de la conformité de documents étrangers ainsi que de l'identité des comparants étrangers représentés à l'acte n'est plus à faire.

Il est également possible, depuis quelques mois, de conclure des actes notariés dématérialisés où plusieurs parties sont présentes par des moyens électroniques. Cette nouvelle façon de faire préserve la valeur d'authenticité de l'acte tout en évitant aux parties éloignées des déplacements coûteux. La chambre est convaincue que, dans de telles situations, le notaire sera un facilitateur pour le ministre, qui aura à donner son autorisation et même à être un accompagnateur dans les différentes étapes à suivre.

84 % des Québécoises et des Québécois considèrent déjà que la réalisation de la convention de gestation pour autrui par acte notarié est un gage de sécurité juridique pour l'ensemble des parties. Le ministre, par ce projet de loi, vient donc corroborer ce lien de proximité et de confiance qui existe entre la population et le professionnel à qui l'État délègue une partie de son pouvoir, c'est-à-dire le notaire.

La chambre prendra son rôle à coeur également quant à l'encadrement des notaires dans ce nouveau pan du droit de la famille. Il est certain que notre ordre professionnel est disposé à participer activement dans l'élaboration du règlement d'application, qui aura des conséquences importantes sur ses membres et leurs pratiques.

Enfin, les dispositions du projet de loi qui permettent d'étendre la présomption de paternité aux conjoints de fait représentent également un grand pas vers un droit de la famille plus actuel. Il s'agit peut-être même du début d'une reconnaissance de l'union de fait dans notre droit commun, soit un pas de plus vers une modernisation des modes de conjugalité au Québec. Ceci dit, la chambre suivra avec intérêt les travaux du deuxième volet de la réforme globale du droit de la famille et qui touchera particulièrement la conjugalité. Par ailleurs, et avant de conclure, je tiens à préciser que nous laisserons le soin à d'autres regroupements de débattre d'aspects du projet pour lesquels ils ont pleine compétence à le faire. Je pense ici, entre autres, de l'identité de genre, mais nous souhaitons que le législateur favorise l'inclusion des personnes concernées avec le moins de contraintes ou d'étapes possible.

En terminant, la chambre rappelle qu'elle demeure disponible afin de travailler étroitement avec l'ensemble des parties prenantes engagées dans cette réforme très importante pour les familles, leur protection et le Québec de demain. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Me Potvin. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Me Potvin, Me Lambert, bonjour. Heureux de vous retrouver en commission parlementaire. Je tiens à remercier la chambre d'avoir accepté l'invitation. Écoutez, c'est un <dossier...

M. Jolin-Barrette : ...c'est un >dossier que vous connaissez bien à la Chambre des notaires. Déjà, depuis 2013 à 2015, il y a eu le rapport du comité consultatif qui a été rendu, notamment... que les travaux se sont déroulés. Me Lambert, vous étiez d'ailleurs membre du comité consultatif en compagnie de Me Roy, qui nous accompagne également.

Je tiens d'ailleurs à remercier également la chambre pour, bon, le fait que des membres aient participé à la rédaction de ce rapport, mais également la commission citoyenne que vous avez mise en place également en 2017‑2018 aussi, où vous avez fait une tournée du Québec, au niveau de la chambre. Je pense que le fait d'aller voir les gens, d'expliquer, d'entendre les différents points de vue, ça a contribué notamment à la réflexion qu'on a eue au sein du ministère de la Justice pour la rédaction de ce projet de loi.

Alors, je tiens à vous remercier de tout le travail que la Chambre des notaires a fait par rapport à la réforme du droit de la famille. C'est un enjeu qui est important. Et surtout il était nécessaire d'actualiser le droit de la famille au Québec, qui n'avait pas été fait depuis une bonne quarantaine d'années. Alors, je tiens à vous dire merci. Puis je comprends, à la lecture de votre mémoire, aussi que, globalement, la chambre est satisfaite des propositions que nous faisons. Dans l'aspect global des choses, vous notez que c'est une avancée significative.

Mme Potvin (Hélène) : Oui, tout à fait. Alors, essentiellement, comme je le mentionnais, plusieurs des recommandations du rapport ont été reprises dans le projet de loi. Alors, je vais laisser quand même Me Lambert, qui a participé étroitement, là, à tous les travaux dans les dernières années, donc, compléter ma réponse.

M. Lambert (Jean) : Alors, M. le ministre, M. le Président, permettez à mon tour de saluer vos collègues parlementaires. Alors, M. le ministre, on va se concentrer parce qu'on a hâte de recevoir vos questions. Alors, bien évidemment, c'est avec plaisir que nous participons à cet exercice, et, comme membres du comité ministériel qui a travaillé et qui a produit ce rapport en 2015, eh bien, on est très heureux, et je suis très heureux de voir que l'État va y donner suite.

M. Jolin-Barrette : Vous faisiez référence à un sondage tout à l'heure, notamment, puis je pense qu'on l'a vu dans les journaux également, relativement à l'encadrement de la gestation pour autrui. Comment est-ce que la chambre trouve les modalités, l'encadrement qu'on a mis relativement à la gestation pour autrui? Le fait d'y aller par convention notariée avec un acte notarié en minutes, comment est-ce que vous percevez ça?

Mme Potvin (Hélène) : Alors, c'est certain que le projet parental, c'est un projet qui est qui implique beaucoup d'émotivité, beaucoup... Donc, cet encadrement-là était nécessaire, quant à nous. Alors, je vous rappelle que le notaire est avant tout, donc, un professionnel qui accompagne les familles depuis de nombreuses années. Donc, ce sont des hommes, des femmes avec des qualités humaines, qui sont vraiment au service de leurs clients, qui ont développé des relations de confiance, qui sont, donc, des notaires de famille depuis des... de génération en génération. Alors, le notaire accompagne, conseille de façon impartiale, non conflictuelle. Alors, c'est vraiment, pour nous, un gage de confiance, un gage de sécurité juridique que de faire appel au notaire, donc, pour jouer ce rôle-là. Alors...

M. Jolin-Barrette : Je crois que Me Lambert a des problèmes techniques. Est-ce que, Me Lambert, vous nous entendez?

M. Lambert (Jean) : Moi, je vous entends très bien. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bon, parfait.

M. Lambert (Jean) : Je ne sais pas si mon micro a été branché, là.

M. Jolin-Barrette : Oui, on vous entend très bien.

M. Lambert (Jean) : M. le ministre, si vous me permettez, 30 secondes...

M. Jolin-Barrette : Oui, allez-y.

M. Lambert (Jean) : ...d'ajouter qu'effectivement le projet de loi retient l'essentiel de ce que le comité Roy, appelons-le de même pour les fins de la discussion, a produit dans son rapport, et c'était le fruit de discussions très précises. Et la raison pour laquelle on a retenu l'acte notarié, c'est qu'on avait en tête la convention que le Canada a signée contre... pour la protection de l'enfant, et donc contre le trafic des enfants. On a, au Québec, ce bijou, vous me permettrez d'être un peu biaisé, qu'est l'acte notarié, qui établit la date certaine, ce qui n'existe pas dans les pays de droit de common law. Alors, que l'État décide de se servir de cet instrument qu'il possède et de... sur la loyauté que le notaire doit à l'État, qui lui a délégué son pouvoir, je ne peux que me réjouir.

• (15 h 40) •

M. Jolin-Barrette : Une question. Bon, on vient encadrer ça avec la convention <notariée...

M. Jolin-Barrette : ...la convention >notariée. Il y a l'acte en minute, on peut établir le moment où ça se produit. Qu'est-ce que la chambre va faire? Parce que maintenant, là, ça existe, la gestation pour autrui ou la maternité pour autrui, au Québec, mais les contrats n'étaient pas valides, s'annulent de nullité absolue. Là, ça va devenir une nouvelle pratique. Là, on vient confier ce mandat-là aux notaires.

Donc, qu'est-ce que la Chambre des notaires va faire pour s'assurer que les notaires qui vont recevoir des parents d'intention, des mères porteuses... Comment est-ce qu'on va s'assurer que les notaires soient bien outillés pour réaliser cette convention-là puis qu'ils vont être en mesure de bien informer les justiciables, les citoyens qui vont venir dans leur bureau?

Mme Potvin (Hélène) : Alors, c'est certain que, comme régulateur, donc, c'est la chambre qui encadre les professionnels, le travail des professionnels. Alors, c'est certain, comme tout nouveau domaine de droit nouveau, donc, nous allons nous assurer que les notaires ont les compétences pour le faire. Donc, nous allons nous assurer qu'ils reçoivent la formation adéquate. Nous allons également faire profiter le gouvernement de notre expérience pour le contenu des contrats. Donc, nous souhaitons, naturellement, là, participer aux travaux pour définir avec vous quelles seront les clauses importantes à inclure dans les contrats.

M. Jolin-Barrette : O.K. Voyez-vous... J'ai posé la question à l'Association professionnelle des notaires tout à l'heure. Voyez-vous un enjeu au fait qu'il n'y ait qu'une seule partie... bien, en fait, les parents d'intention qui rémunèrent le notaire et que la... dans le fond, que le notaire également reçoive le dépôt pour les remboursements associés aux dépenses de la mère porteuse, et que le fait que, bon, le notaire soit celui qui évalue le consentement libre et éclairé des parents d'intention, puis que ça soit lui qui valide : Est-ce que les parents et la mère porteuse ont suivi la formation avant de pouvoir conclure la convention notariée sur la gestation pour autrui?

Mme Potvin (Hélène) : Comme dans les autres domaines, notre législation, notre réglementation, notre code de déontologie font que le notaire est impartial. Donc, même si le choix appartient à une partie, même si le paiement des honoraires se fait uniquement par une seule des parties, donc, le notaire doit être impartial. Alors donc, ça, il n'y a pas de souci, ça se fait déjà, actuellement, comme ça. Alors donc, voilà pour le... Je laisserais maintenant Me Lambert compléter sur les autres points. Me Lambert?

M. Lambert (Jean) : Alors,M. le ministre, ce n'est pas la première fois que l'État confiera aux notaires une responsabilité de cet ordre. Ça s'est fait il y a quelques années avec les procédures devant notaire, donc, où il est question, par exemple, de statuer sur l'attitude d'une personne et, comme conséquence, de lui retirer l'exercice de ses droits.

De tout temps, les notaires ont eu devant eux des parties, et il a toujours... Il s'est toujours acquitté avec beaucoup de rigueur de son devoir d'impartialité, et ce devoir d'impartialité prend particulièrement son sens dans son devoir de conseil, et, dans ce cas-ci, c'est l'aspect qui devient intéressant. J'ai coutume de dire que, généralement, dans nos bureaux, on fait de 20 % à 30 % de droit. Le reste, c'est la relation humaine, c'est la convivialité, c'est les échanges d'information, c'est le devoir de conseil. Alors, il n'en sera pas autrement dans ce domaine-là.

Et, comme le disait la présidente Potvin, dans le passé, les notaires ont toujours répondu à la formation. Lorsque les procédures devant notaire... et il y a beaucoup de rapprochements à faire. Il y avait un aspect psychologique et psychiatrique important, et les notaires suivaient deux jours avec un... de formation avec un psychiatre pour être bien certains de bien comprendre le contexte de personnes vulnérables, des personnes, donc, qu'on approchait pour faire un interrogatoire, alors que l'exercice de leurs droits était en jeu. Alors, je pense que, là-dessus, la preuve est faite. Ce n'est pas parce qu'une partie paie nos honoraires que, pour autant, le notaire ne sera pas impartial.

M. Jolin-Barrette : O.K. Peut-être une ou deux dernières questions avant de céder la parole à mes collègues, là. Un des constats de la commission citoyenne était que le besoin des enfants adoptés ou issus de la procréation assistée de connaître leurs origines ne peut plus être nié. Le droit doit y faire écho de manière claire et limpide. Dans votre mémoire, vous indiquez que <la chambre...

M. Jolin-Barrette : ...que >la chambre espérait le jour où le Québec instituerait un droit inconditionnel à la connaissance des origines dans la charte. Alors, je vais vous demander : Qu'est-ce que vous pensez du nouveau droit à la connaissance des origines qu'on est venus inscrire dans le projet de loi n° 2?

Mme Potvin (Hélène) : Alors, je pense que Me Lambert va être heureux de répondre à cette question.

M. Lambert (Jean) : M. le ministre, le droit de l'enfant à la connaissance de ses origines crée peut-être certaines appréhensions chez certaines personnes, mais il faut bien comprendre qu'il s'agit de connaître les origines et non pas de donner un droit de contact. Donc, déjà là, il y a une garantie que les gens qui ne voudraient pas avoir de communications avec une personne dont ils ont été... qui ont participé à la conception.

Par ailleurs, il est difficile de nier à l'enfant un droit aussi fondamental. Lorsque, par exemple, au cours de sa vie, il rencontrera un problème génétique au niveau médical, eh bien, ça va permettre aux soignants, au personnel médical, de pouvoir contacter les personnes sans que l'enfant lui-même établisse ce contact. Le mur va demeurer là, mais, à l'intérieur du secret professionnel médical, ceux-ci pourront s'informer, aller chercher une information qui va être précieuse pour la santé de l'enfant en cause.

M. Jolin-Barrette : Parfait. Je vous remercie grandement pour votre présence en commission parlementaire. Je crois que le député de Chapleau souhaite vous poser des questions. Un grand merci.

Mme Potvin (Hélène) : Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Bachand) :M. le député de Chapleau.

M. Lévesque (Chapleau) : ...Me Lambert également. J'aimerais peut-être revenir sur une portion, là, que vous avez abordée avec le ministre, notamment en lien avec la surveillance des notaires puis les soutenir dans les nouveaux mandats qu'il va y avoir, notamment, particulièrement en lien avec les conventions de gestation pour autrui.

Ce matin, puis j'aimerais ça peut-être faire un parallèle avec ce matin, nous avions reçu un groupe, une notaire, Me Marineau, qui avait ce type de mandat actuellement, mais, bon, elle passait par une procédure un peu plus complexe, notamment en lien avec l'adoption. Puis je me demandais si vous, à la Chambre des notaires, vous aviez eu l'occasion d'aborder ce type de dossier là ou d'offrir, justement, de l'accompagnement, et est-ce que ça va rassembler un peu à ça? Et comment que vous voyez, là, cette transition-là pour ces notaires-là que vous... si vous les accompagnez, actuellement, ou vous donnez un certain encadrement?

M. Lambert (Jean) : Je pense que, la Chambre des notaires, elle n'est pas sur le terrain. Donc, ce n'est pas la chambre elle-même qui aura à échanger et discuter sur un cas aussi concret qui a été soulevé ce matin par notre consoeur Marineau. Alors, la chambre, le support qu'elle offre aux notaires, c'est d'abord de la formation. Et ensuite on a un service, depuis des années, ici, de soutien juridique aux notaires lorsqu'ils rencontrent des difficultés. On a une banque d'information tirée des dossiers, depuis une cinquantaine d'années, où les difficultés ont été solutionnées, et les notaires, via notre service d'information, que je qualifierais de bibliothèque notariale, ont accès à ceci. Ils ont accès aussi à des spécialistes, des experts. Les notaires... La chambre peut leur indiquer des confrères ou consoeurs qui ont cette expertise. On est assez bien organisés à ce niveau-là. Donc, les notaires qui vont agir dans ce domaine ne sont pas seuls, si vous me permettez l'expression, dans le champ.

M. Lévesque (Chapleau) : ...c'est le cas également. Donc, ils ne sont pas seuls. Ils sont accompagnés avec les services dont vous faites mention. C'est bien ça?

M. Lambert (Jean) : C'est bien ça.

M. Lévesque (Chapleau) : Excellent. On a parlé également, ce matin, là, rapidement, là, de la question des successions puis des comptes bancaires qui sont gelés lorsqu'ils sont... des comptes conjoints, en quelque sorte, et ça crée une problématique. J'aimerais peut-être vous entendre et si vous partagez également l'opinion de vos confrères, consoeurs à cet effet.

Mme Potvin (Hélène) : Nous n'avons pas fait de recherche exhaustive, là, de... mais c'est sûr que ce qu'on a salué, c'est vraiment de ne pas assimiler cette acceptation-là ou cette réception-là de certaines sommes à une acceptation d'une succession. Alors, pour nous, c'était important. On pense qu'effectivement, quand il y a un décès, il y a tout un volet également qui est émotif. Alors, on pense que ça va faciliter, effectivement, là, certaines situations délicates actuellement.

• (15 h 50) •

M. Lévesque (Chapleau) : O.K., excellent. Est-ce qu'il me reste encore un petit peu de temps? Oui, deux minutes? Excellent. Et peut-être, donc, au niveau de la loi, dans le fond, sur la remise des dépôts d'argent au cotiseur d'un compte, qui sont conjoints ou des ex-conjoints, est-ce que voyez quand même d'un bon oeil les changements qui sont apportés, même au-delà de la succession, le fait qu'une personne puisse avoir accès à ces fonds durant <cette période-là...

M. Lévesque (Chapleau) : ...durant >cette période-là?

Mme Potvin (Hélène) : Je pense qu'il va devoir y avoir un travail, de concert avec les institutions financières, effectivement, pour qu'on voit que l'application, la mise en oeuvre de cette disposition-là se fasse adéquatement et avec la protection aussi qui est nécessaire, là, pour encadrer quand même des transferts d'argent.

M. Lévesque (Chapleau) : O.K., excellent.

M. Lambert (Jean) : Si vous me permettez, en fait, c'est une difficulté qui est très, très réelle lorsqu'on règle des successions, et ce qui est visé, et ce qui est salué, c'est que, dans le projet de loi, on élimine la difficulté qu'une personne peut rencontrer lorsqu'une remise de sommes excédera la portion qui lui revient. Et ainsi le droit actuel fait qu'il y aura, à ce moment-là, acceptation de succession, avec toutes les conséquences que ça peut comporter, alors que la personne, de toute bonne foi, a besoin de sommes, de liquidités, et, selon les apparences, elle aurait droit, par exemple, à 50 % du compte de banque, alors que peut-être que ses droits réels sont de 10 % ou 20 % dans le compte. Donc, l'excédent ne sera pas considéré comme une acceptation de succession. Et, par ailleurs, je pense que le projet vient...

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Me Lambert. Le temps va très rapidement. M. le député de LaFontaire, vous avez la parole.

M. Tanguay : Oui, bonjour. Bonjour, Me Potvin, Me Lambert.

Mme Potvin (Hélène) : Bonjour.

M. Tanguay : Bonjour. Je vous en prie, Me Lambert, finissez donc votre idée, s'il vous plaît.

M. Lambert (Jean) : Vous êtes bien gentil. Je disais simplement que ce qui est aussi noté avec bonheur, c'est que, pour la première fois dans une législation, il est indiqué qu'à défaut d'information c'est 50-50, les droits.

M. Tanguay : O.K., parfait. J'ai 10 minutes ou à peu près, donc je vais y aller en rafale.

Première des choses, est-ce que vous, vous détenez... puis c'est sûrement informel, là. Aujourd'hui, il n'y a pas de cadre juridique. On dit que ça peut se faire par adoption, par consentement spécial. Avez-vous vent des données, de l'ampleur de ce qui se fait à ce chapitre-là, aujourd'hui, sans encadrement?

Mme Potvin (Hélène) : Malheureusement, comme vous le dites, ce n'est pas encadré. Donc, il est difficile de savoir exactement le nombre de dossiers. Alors, nous n'avons pas de ces données-là. Mais, comme vous disiez, là, il serait possible de regarder, dans chacune des juridictions, le nombre de dossiers comme ça, mais ce serait plus difficile à colliger. Mais ça serait possible de connaître ce nombre-là.

M. Tanguay : Oui. Puis je vais sauter tout de suite à une autre recommandation que vous faites. Je pense que... puis je fais référence ici à l'article 541.33. Dans un contexte où la femme ou la personne qui va donner naissance et n'est pas domiciliée au Québec, vous proposez donc d'ajouter que ça se fasse aussi à l'étranger par acte notarié, n'est-ce pas? Pourquoi ça serait important?

Mme Potvin (Hélène) : Tout à fait. Me Lambert va pouvoir compléter ma réponse, mais simplement, on souhaite que le notaire puisse agir aussi dans ces cadres-là parce que nous avons les outils. Nous avons la possibilité de le faire. Alors donc, je vais laisser Me Lambert compléter sur cette question-là qu'il a regardée.

M. Lambert (Jean) : Alors, si on reconnaît les qualités de l'acte notarié, de l'intervention du notaire, lorsque toutes les parties sont domiciliées au Québec, ces qualités-là ne disparaissent pas parce que la mère porteuse sera située hors Québec. Et l'expertise que nous avons de transiger avec des personnes situées à l'étranger...

On a tous les moyens de s'assurer, d'abord, de l'identité. On a le moyen de savoir auprès de juristes étrangers quel est l'état du droit pour savoir si on est dans un cadre de respect de l'ordre... Ce sont des choses qui sont courantes, et je pense qu'à ce moment-là la qualité du travail que le notaire pourra faire, tout d'abord, en amont, c'est-à-dire de préparer le dossier pour la première autorisation préalable... On a mentionné ici, dans le projet, que cette demande d'autorisation préalable devra être accompagnée d'une attestation de la rencontre psychologique.

Donc, déjà là, on voit qu'il y a une démarche qui est entreprise. Les gens vont savoir que le notaire agit dans le cadre de... lorsque toutes les parties sont au Québec, et donc ça va être su. Alors, des gens qui vont avoir un projet même avec une personne, mère porteuse éventuelle, située hors Québec, pourront s'adresser au notaire, qui va les guider, les conseiller, préparer le dossier pour aller chercher l'autorisation préalable, probablement même d'obtenir un état du droit d'un juriste reconnu à <l'étranger...

M. Lambert (Jean) : ...reconnu à >l'étranger, tout ça, donc, pour faciliter la démarche du ministre qui aura à donner cette autorisation préalable.

M. Tanguay : Et vous, la Chambre des notaires et les notaires, vos collègues, avez-vous une expertise toute particulière, justement, pour aider le législateur qui va le faire par règlement, pour dire : Bien, tels États sont sérieux? Puis quand je dis sérieux, là, c'est réducteur, là, dans le sens où ils offrent un cadre de protection juridique d'ordre public assimilable à celui au Québec. Avez-vous... J'imagine que vous avez une expertise. Vous savez ce qui se passe de par le monde puis vous dites : Eux autres, ils sont sérieux, puis eux autres, moins, non, on ne devrait pas les mettre dans le règlement.

M. Lambert (Jean) : Pour répondre à votre question, il est évident que le ministère des Relations intergouvernementales et internationales a des outils pour savoir quel est l'État à l'étranger... Cependant, nous en avons également, et, c'est ce que je mentionnais tantôt, on sera des facilitateurs. D'abord, il y a deux types de droit qui dominent le monde. Le droit civil, 89 pays membres de l'Union internationale du notariat latin, et qui a mis sur... au point un sceau notarial de sécurité...

Donc, on peut s'adresser, là, dans des pays, je pense, par exemple, à l'Amérique latine, le Japon, la Chine, où il y a un notariat de type latin pour nous dire quel est l'état du droit et être capable de répondre à des questions, pour dire : Est-ce que ça se fait chez vous? Est-ce que c'est accepté? Est-ce que c'est contre l'ordre public? Est-ce qu'il y a un encadrement? Avez-vous connaissance de trafic d'enfants, par exemple, chez vous?

Alors, déjà là, on peut faire une première démarche qui va aider le ministère à faire sa recherche. Et donc je pense qu'en ce sens on va aider à la fois les parents d'intention, mais on va aider également les autorités, l'État québécois, de pouvoir aider ces gens-là rapidement à réaliser leur projet.

M. Tanguay : Quelle serait la réelle valeur ajoutée? Puis vous pouvez me dire : Bien, M. le député, ce serait la même réponse pour l'article 50.1 de la charte québécoise des droits et libertés. Auquel cas je vous poserais la même question : Quelle aura été son véritable impact réel d'ajouter à 50.2 — donc un nouveau 50.2 — «garantit aux enfants les droits et libertés énoncés par la présente charte»? C'est déjà inscrit dans la loi. Quels seraient les effets tangibles de mettre la ceinture avec les bretelles, là, si vous me permettez l'expression?

Mme Potvin (Hélène) : C'est une excellente question, et on a une excellente réponse. Me Lambert.

M. Lambert (Jean) : D'abord, on peut dire que les hommes et les femmes, ce sont des personnes, et la charte vise les personnes, mais, en 2008, on a senti le besoin de dire que c'était également hommes et femmes. Alors, il y avait quelqu'un... Dans le fond, on avait une idée claire en arrière de la tête, pourquoi on l'a fait. Alors, on a la même idée en arrivant, puis dire : Oui, l'enfant aussi, on aimerait que ce soit nommément... Pourquoi? Parce qu'il s'agit d'une personne qui vit dans un environnement très particulier. Jusqu'à sa majorité, c'est une personne qui n'a pas un exercice complet de ses droits. C'est une personne qui est vulnérable. C'est une personne qui pourrait être abusée, etc. Donc, on pense qu'on doit attirer l'attention d'une façon particulière, lorsqu'il y aura des législations ou des décisions qui se prendront, en cristallisant cette protection à l'enfant dans notre Charte des droits et libertés.

M. Tanguay : Très bien. Vous dites d'ajouter «gestation pour autrui», finalement, dans un contexte où la mère ou la personne qui va donner naissance décide de ne pas donner suite, pour x raisons, il n'y aura pas de remboursement des frais, si elle l'a fait de bonne foi... d'ajouter la notion de bonne foi. Là aussi, la dernière fois que j'ai regardé le Code civil, il y a toujours trois articles qui vont ensemble, là, 6, 7, 13 puis 75, l'importance de préciser ici «de bonne foi», alors qu'on pourrait l'inférer.

M. Lambert (Jean) : C'est que, si on regarde la rédaction actuelle, elle ne souffre pas de tempérament, c'est très clair, aucune réclamation, aucun remboursement, point. On pense que ce n'est pas inutile ici de dire que la bonne foi doit être au rendez-vous, simplement. Et, dans notre mémoire, on a dit que la chambre faisait entièrement confiance à la magistrature, et les juges se sont toujours acquittés avec beaucoup de compétence de juger de ces questions-là.

• (16 heures) •

M. Tanguay : Et la confiance que la chambre et ses élus, incluant le ministre de la Justice, ont en la magistrature leur est acquise. Ça, vous le savez, M. le Président, il va sans dire, mais c'est bien de... Comme disait Talleyrand, ça va aller mieux en le disant.

541.11 : «Cette <convention...

>


 
 

16 h (version révisée)

<11789 M. Tanguay : ...541.11 : «Cette >convention — puis là je ne veux pas que le ministre perde son sourire — est rédigée en français.» Elle peut être rédigée dans une autre langue que le français, si telle est la volonté expresse des parties. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus, l'importance de préserver cette porte ouverte.

Mme Potvin (Hélène) : Bien, vous savez, au Québec, pour être authentique, l'acte notarié doit être rédigé soit en français soit en anglais. Ça existe depuis le début de la colonie. Alors donc, on veut garder cette possibilité-là que les parties choisissent, puisqu'il s'agit d'un contrat privé, donc, ils peuvent choisir... les parties puissent choisir la langue dans laquelle ils souhaitent que le contrat soit rédigé.

M. Tanguay : Ce matin, je pense que c'est avec l'Association professionnelle des notaires du Québec, ils précisaient également aussi... ils demandaient à ce que ça ne soit pas obligatoire d'avoir une traduction vidimée pour une version anglaise. J'imagine que c'est votre souhait également, aussi?

Mme Potvin (Hélène) : Oui, tout à fait. Me Lambert, voulez-vous rajouter autre chose?

M. Lambert (Jean) : C'est que, d'abord, premièrement, on ne croit pas qu'il va y avoir des milliers de cas, hein? Ça va être quelques-uns seulement. On pense que, s'agissant d'une affaire qui était vraiment très intime, très personnelle... que les gens puissent la conclure dans une langue dans laquelle ils sont parfaitement à l'aise. Par ailleurs, que je sache, le Directeur de l'état civil reçoit des déclarations de naissance ou autres de l'état civil, qui sont en anglais, qui sont acceptables, alors... Que le notaire, par contre, lorsqu'il aura à transiger avec les autorités de l'État, les ministères, etc., qu'il produise ces documents accessoires qui entoureront, qu'il les produise en français, nous, ça, ça va. Ça, ça ne cause pas de problème.

M. Tanguay : Merci à vous.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous plaît.

M. Leduc : ...M. le Président. Me Potvin, Me Lambert, bonjour et merci d'être là. J'ai beaucoup moins de temps que mes collègues pour poser des questions, donc on va y aller directement.

J'ai posé la question similaire à vos collègues qui sont passés ce matin, là, de l'Association professionnelle des notaires : Est-ce qu'à votre avis l'encadrement qui est proposé ici, dans le projet de loi, va, dans le fond, garder tel quel ce qui existe déjà et maintenant l'encadrer ou va avoir un effet démultiplicateur? Est-ce qu'il y a davantage de personnes qui vont avoir recours à ce phénomène, donc, de la gestation pour autrui, maintenant que c'est permis et encadré, que dans le cas actuel?

Mme Potvin (Hélène) : Allez-y, Me Lambert.

M. Lambert (Jean) : Oui. Je vais vous répondre... je vais vous répondre de la façon suivante. Lorsque la loi sur les soins de fin de vie faisant droit à l'aide médicale à mourir a été adoptée, tous ceux qui étaient impliqués se disaient : Bon, on va peut-être en avoir 50 ou 100 par année. Là, on est rendus à 400 par mois. Alors donc, c'est difficile à prédire.

C'est certain que d'encadrer... mais surtout pour voir qu'il y a aussi un accompagnement de devoir de conseil. Les fameuses attestations psychologiques, psychosociales, ça, quand le comité, que j'appelle le comité Roy, en a décidé, c'est qu'on voulait s'assurer que les gens voient venir, aient un échange très sérieux et profond sur des aspects qui sont autres que le droit. Et le notaire est là pour s'assurer que ce sera fait. Donc, on voit qu'on vient d'ajouter une valeur, avec le projet de loi, qui est non négligeable, loin de là. C'est justement de mettre les parents d'intention en contact avec des conseils psychosociaux mais aussi des conseils du notaire sur plusieurs aspects juridiques.

M. Leduc : Il y a un groupe qui vous a précédé qui proposait de majorer l'âge légal à 21 ans pour pouvoir procéder à ça. Est-ce que vous avez une opinion à ce sujet?

M. Lambert (Jean) : Je serais porté à vous dire que, là-dessus, on suit la législation fédérale. Alors, que la mère soit âgée de 21 ans, je pense que ça va. Est-ce que les parents d'intention, par contre, devront avoir 21 ans? Pour le moment, c'est difficile de dire qu'une personne qui a atteint la majorité ne l'ait pas complètement. Dire : Savez-vous, là, attendez donc trois ans, on pense que vous n'avez pas la maturité, ça aurait un aspect paternaliste difficilement défendable.

M. Leduc : Merci.

Le Président (M. Bachand) : ...s'il vous plaît.

Mme Hivon : Oui, M. le Président. Bonjour à vous deux. Donc, vous, vous avez fait un petit commentaire sur la question de l'aide médicale à mourir. Je veux juste dire que cette évaluation-là qui avait été faite n'avait pas été faite par la personne qui avait écrit et déposé la loi. Juste pour qu'on soit clair, parce qu'on avait <plutôt dit...

Mme Hivon : ...commentaire sur la question de l'aide médicale à mourir. Je veux juste dire que cette évaluation-là qui avait été faite n'avait pas été faite par la personne qui avait écrit et déposé la loi. Juste pour qu'on soit clair, parce qu'on avait >plutôt dit que ça risquait de ressembler au taux des pays où ça existait, et c'est ce qui s'est confirmé. Mais d'autres, effectivement, avaient dit que ça pourrait être très peu.

Bonjour à vous deux. Très bon mémoire. Je voulais vous entendre sur deux points précis. Le premier, c'est ce qui est écrit à la page 19 de votre mémoire, vous demandez, là, vraiment, d'inscrire nommément dans la liste des procédures non contentieuses la question de la filiation, la demande ayant trait à la filiation d'un enfant issu d'un projet parental impliquant les contributions d'un tiers. Donc, vous croyez que l'article, tel qu'il existe en ce moment, ne serait pas clair, malgré le fait qu'il n'énumère pas l'ensemble de ces matières-là?

M. Lambert (Jean) : Si vous me permettez, la réponse : c'est une longue expérience. Mme la députée de Joliette, à l'âge que je suis rendu, à 77 ans et demi plus, et dont une cinquantaine d'années bien impliqué dans le monde professionnel au Québec, il n'y a rien comme de dire les choses clairement pour éviter des chicanes au prétoire, comme j'en ai déjà vues, particulièrement dans le passé, en matière d'adoption.

Mme Hivon : Je vous remercie. Dans un autre projet de loi, on a fait cette bataille-là avec le ministre, d'inscrire des choses précises pour qu'il n'y ait pas de doute. Finalement, le ministre a été tout à fait d'accord avec nous. Donc, on verra la suite.

Ce matin, l'association des notaires nous disait qu'on devrait aussi prévoir, pour être clair, que, s'il y avait un contentieux issu d'une entente en lien avec la gestation pour autrui, on devrait pouvoir la régler par médiation dans le programme de médiation familiale. Est-ce que vous partagez cet avis? Est-ce que vous pensez de votre côté que c'est déjà clair que ça pourrait être compris?

Une voix : Allez-y, Me Lambert.

M. Lambert (Jean) : Je veux juste voir... Alors, on ne peut pas être contre... On a vraiment un retour de son, excusez-moi.

On ne peut pas être contre de soutenir les citoyens dans un projet semblable, alors qu'un début de litige peut naître, et on comprend, et l'expérience nous enseigne que le plus vite qu'on peut intervenir en médiation, les résultats sont meilleurs. Alors, je pense que le principe de la médiation, pour un litige en cours de projet, c'est tout à fait indiqué. Maintenant, si l'État a les moyens d'aider comme il le fait en matière de litige familial lorsqu'il s'agit de séparation, bien, mon Dieu, c'est souhaitable.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. C'est tout le temps qu'on a, malheureusement. Alors, merci beaucoup, Me Potvin, Me Lambert. Ce fut très intéressant.

Là-dessus, je suspends les travaux quelques instants afin d'accueillir nos prochains témoins. Merci. À tantôt.

(Suspension de la séance à 16 h 09)

> (Reprise à 16 h 18)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, nous avons le plaisir maintenant d'accueillir le professeur Martin Blais, titulaire de la Chaire de recherche sur la diversité sexuelle et de la pluralité des genres, en compagnie du coordonnateur Gabriel James Galantino.

Alors, merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi, c'est un grand plaisir. Donc, je vous cède la parole pour 10 minutes, et, après ça, on aura un échange avec les membres de la commission. S'il vous plaît.

M. Martin Blais

M. Blais (Martin) : Merci de nous recevoir. Alors, mon nom est Martin Blais. Donc, je suis titulaire de la Chaire de recherche sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres, que plusieurs connaissent sous son ancien nom, qui est la Chaire de recherche sur l'homophobie, à l'Université du Québec à Montréal. Je vais laisser mon collègue se présenter.

Galantino (Gabriel James) : Bonjour. Je suis Gabriel James Galantino, coordonnateur de la chaire. J'ai une maîtrise en sexologie clinique et j'ai accompagné des personnes trans et non binaires au Centre de santé Meraki. J'ai également donné des formations dans les milieux communautaires et dans le réseau de l'éducation, pour l'inclusion des personnes lesbiennes, gays, bisexuels, trans, queer, qu'on va décrire par l'acronyme LGBTQ+ pour la suite. Merci.

M. Blais (Martin) : Alors, les travaux de la chaire portent principalement sur les facteurs d'inclusion et d'exclusion sociale des personnes LGBTQ+ et leur bien-être. Alors, on souhaite discuter principalement de quatre changements proposés par le projet de loi n° 2, des changements qu'on pense susceptibles d'avoir des effets négatifs. Ces changements sont en partie une réponse au jugement Moore, et on va donc reprendre ici certaines des recommandations qu'on avait transmises au Bureau de lutte contre l'homophobie et la transphobie sur les façons possibles d'en tenir compte.

Alors, ces quatre changements sont les suivants. Le premier, vous les connaissez aussi bien que moi, le premier dont on veut parler, c'est l'obligation de traitements médicaux, c'est-à-dire hormonothérapie et chirurgie génitale, pour pouvoir changer sa mention de sexe. Le deuxième, c'est la création d'une nouvelle mention d'identité de genre, distincte de la mention de sexe. Le troisième changement dont on veut parler, c'est l'ajout d'une mention «parent» qui serait uniquement disponible aux personnes trans et non binaires et aux personnes de sexe indéterminé. Et le quatrième changement, c'est la création, justement, de cette mention de sexe indéterminé.

• (16 h 20) •

Alors, évidemment, pour les sous-groupes concernés directement par ces changements, il y a des enjeux spécifiques dont vous allez entendre parler dans les prochains jours, mais ils ont aussi un point commun, ils placent les personnes LGBTQ+ est les personnes intersexuées dans des catégories d'exceptions. Ils les désignent par le fait même comme différentes, marginales, et c'est aussi le message qui pourrait être entendu par la population québécoise.

Alors, avant d'arriver à nos recommandations plus précises, voici quelques éléments de contexte. Revenons sur le premier <changement...

M. Blais (Martin) : ...et c'est aussi le message qui pourrait être entendu par la population québécoise.

Alors, avant d'arriver à nos recommandations plus précises, voici quelques éléments de contexte. Revenons sur le premier >changement, donc, la réintroduction de l'obligation de chirurgie génitale pour changer sa mention de sexe. Alors, c'est un recul inquiétant, et vous avez déjà annoncé que vous n'alliez pas aller de l'avant avec cette proposition. Alors, évidemment, on s'en réjouit, parce que le retrait de cette exigence, en 2015, avait fait consensus. Alors, il faut dire que le retour de cette exigence-là aurait empêché au moins deux personnes trans et non binaires sur trois de changer sa mention de sexe, au Québec, puisqu'une seule sur trois a entrepris une transition médicale, soit comprenant l'hormonothérapie et des modifications de son corps, notamment des chirurgies génitales, ou ont l'intention de le faire. Alors, des données américaines suggèrent même, en fait, qu'une personne sur 10 seulement voudrait une chirurgie génitale, alors ça veut dire que beaucoup de gens seraient exclus de cette possibilité.

Cette mention, cette exigence, en fait, viendrait remettre une pression importante sur les personnes qui préfèrent avoir, comme tout le monde, une mention de sexe qui reflète leur identité de genre, sans passer par une transition médicale non nécessaire et non désirée. Il faut rappeler qu'une transition chirurgicale, c'est aussi une stérilisation, une stérilisation que plusieurs organismes, supranational, national ou provincial, par exemple, se sont prononcés en défaveur parce qu'en fait ce serait un peu comme exiger des personnes trans et non binaires des changements corporels en échange de leur reconnaissance légale. Alors, ces organisations considèrent que cette stérilisation forcée, c'est une atteinte à leurs droits fondamentaux.

Un deuxième changement du projet de loi, c'est la création d'une mention de genre réservée à un sous-groupe particulier. Et cette mention revient à poser une étiquette trans sur les papiers d'identité, une étiquette qui place les personnes trans et non binaires dans des situations de dévoilement forcé.

Un troisième changement en découle : l'ajout d'une mention «parent», qui est réservée aux personnes qui auraient une mention de genre plutôt qu'une mention de sexe ou qui auraient une mention de sexe indéterminé. Cette mention particulière a le même effet, encore une fois, elle étiquette des personnes et force leur dévoilement. Pourquoi ne pas simplement offrir trois choix à toute la population : père, mère ou parent?

C'est la même chose pour la mention de sexe indéterminé chez les personnes intersexuées. Ce changement les étiquette et rend visible une différence qui concerne leur vie privée. Et, en plus, elle met une pression sur les parents pour régler l'indétermination de sexe par des chirurgies sur des enfants qui ne peuvent consentir pour eux-mêmes, mais qui vont devoir vivre avec leurs conséquences toute leur vie. Les chirurgies non vitales sur les bébés intersexués sont d'ailleurs considérées par les Nations unies comme une forme de torture dans la même catégorie que les mutilations génitales.

Alors, je vais céder maintenant la parole à mon collègue Gabriel James.

Galantino (Gabriel James) : Alors, ces changements imposent aux personnes trans, non binaires, intersexuées des étiquettes à part sur leur carte d'identité. Cette étiquette leur retire le droit de choisir par elles-mêmes et pour elles, même si... quand et à qui elles dévoilent leur identité parmi les personnes qui doivent avoir accès à leurs papiers d'identité.

C'est pratiquement tous les jours qu'on doit montrer un document d'identification, souvent à plusieurs personnes différentes. Ça fait beaucoup de monde qui a accès à des informations extrêmement privées. Il faut prendre conscience qu'il y a un prix à payer pour cette étiquette sur les papiers d'identité, le prix d'une visibilité que les personnes ne peuvent pas refuser et qu'elles ne peuvent pas contrôler, même quand leur sûreté et leur intégrité est en jeu.

J'ai montré aujourd'hui mon permis de conduire, sur lequel on peut lire ma mention de sexe, à au moins trois personnes différentes pour valider mon passeport vaccinal, et la journée n'est pas encore terminée. Imaginez devoir affronter chaque jour le regard de plusieurs personnes appelées à consulter un document d'identification sans savoir si elles remarqueront ou pas et de quelle nature sera leur réaction, si jamais elles le remarquent.

Ça ne signifie pas que certaines personnes ne veulent pas avoir cette information sur leurs papiers d'identité, mais c'est à elles de choisir si elles le souhaitent ou non. On ne peut pas l'imposer à tout le monde, comme le ferait ce projet de loi. Non seulement c'est une atteinte à leur vie privée, mais c'est aussi une exposition excessive et forcée à des risques de violence et de discrimination dont elles sont déjà trop victimes, comme on le constate étude après étude.

Les données de recherche montrent qu'on peut déjà réduire significativement la discrimination et la violence quand la mention de sexe sur les papiers d'identité reflète l'identité de genre, comme c'est actuellement prévu dans la loi. Ça protège les personnes trans de la discrimination dans de nombreuses sphères de leur vie comme l'emploi, le logement, l'école, les services de santé et les services sociaux.

Malheureusement, le projet de loi n° 2 n'offre aucune alternative satisfaisante aux personnes sur ces aspects. Il les force à choisir le moindre des trois maux : soit elles peuvent avoir une mention de sexe qui concorde avec leur identité, mais au prix de procédures médicalement nécessaires et non désirées; soit elles peuvent avoir une mention de genre qui concorde avec leur identité, mais au prix du dévoilement systématique et forcé de leur identité trans ou non binaire; soit elles doivent conserver une mention qui ne reflète pas leur identité, en renonçant à leur reconnaissance légale et à leur dignité. Alors, on peut légitimement se demander comment une personne peut consentir de manière libre et éclairée à l'une ou l'autre de ces options quand son intégrité, sa dignité, sa sûreté, autrement dit son existence est en jeu.

Les écrits scientifiques nous montrent que ces <changements...

Galantino (Gabriel James) : ...comment une personne peut consentir de manière libre et éclairée à l'une ou l'autre de ces options quand son intégrité, sa dignité, sa sûreté, autrement dit son existence est en jeu.

Les écrits scientifiques nous montrent que ces >changements proposés par le projet de loi n° 2 entraîneront des conséquences néfastes sur la santé physique et mentale des personnes qui sont touchées comme sur leur capacité à répondre à leurs besoins de base en raison de la discrimination à laquelle ils les exposent. Considérant ces risques concrets, il est préférable d'intégrer les personnes concernées dans le système de mentions actuel, en permettant de choisir une mention de sexe qui reflète leur identité de genre. Chaque personne pourra ainsi choisir par elle-même, de manière libre et éclairée, s'il elle souhaite ce dévoilement systématique sans la mention d'une stérilisation forcée... non, pardon, sans la menace, en fait, d'une stérilisation forcée, de la discrimination ou de la violence.

Des amendements inclusifs au projet de loi peuvent éviter ces répercussions dommageables et favoriser l'inclusion sociale de toutes les personnes au Québec. On reconnaît qu'il y a une volonté, dans le projet de loi n° 2, de reconnaître les personnes concernées, mais il faut aussi analyser sous l'angle de ces effets inattendus.

Pour toutes ces raisons, et on va s'arrêter là-dessus, on propose six modifications au projet de loi. D'abord, de ne pas créer de mention de genre, pour que seule la mention de sexe demeure sur les actes de l'état civil pour l'ensemble de la population. Deuxièmement, retirer la mention d'altération à l'acte de naissance, qui étiquetterait les personnes ayant effectué une transition légale. Troisièmement, retirer la subordination du changement de la mention de sexe à une transition hormonale et chirurgicale, autrement dit ne rien changer à la loi actuelle sur ce point précis. Quatrièmement, permettre aux personnes non binaires de changer leur mention de sexe à l'état civil afin de refléter leur identité de genre, non binaire, par la lettre X. Cinquièmement, élargir à la population dans son ensemble l'usage des trois désignations parentales : mère, père et parent, peu importe leur mention de sexe. Enfin, supprimer la mention de sexe indéterminé, pour éviter d'étiqueter les personnes intersexuées contre leur gré et mettre une pression sur les parents en faveur de chirurgies non nécessaires.

Merci pour votre écoute.

Le Président (M. Bachand) :Merci infiniment. M. le ministre, s'il vous plaît, vous avez la parole.

M. Jolin-Barrette : Oui. Pr Blais, Gabriel James Galantino, bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission. On va démystifier un petit peu les choses pour les gens qui nous écoutent — c'est les consultations — parce que les différentes notions, parfois, sont quand même complexes à comprendre, et je pense que c'est important, notamment, de faire un petit peu de pédagogie puis de démystifier tout ça.

Premier élément... par contre, je vais commencer par la fin, relativement aux enfants intersexes, pour que j'aie l'opportunité de bien expliquer la disposition. Ça peut avoir été perçu comme étant une obligation de chirurgie pour les enfants, mais au contraire, parce que ce qui arrive présentement, c'est qu'à toutes les années il y a des enfants, des bébés qui naissent et qui ont les organes génitaux féminins et masculins, et autrefois on appelait ça les enfants hermaphrodites et désormais on dit «intersexe».

Alors, partant de là... et on avait eu la discussion, dans le cadre du projet de loi n° 75, la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques va sûrement s'en souvenir, à l'effet qu'il y avait des représentations à l'effet que le corps médical, parfois rapidement, faisait le choix, avec les parents, d'une chirurgie, pour dire : Bien, écoutez, si c'est... peut-être qu'on va transformer avec un organe sexuel féminin ou on va transformer un organe sexuel masculin. Parce que, bon, l'enfant, on regarde tout ça sans savoir si son développement, le petit gars ou la petite fille, allait être un petit gars ou une petite fille en fonction de l'adéquation avec son orientation sexuelle. Alors, l'article, il est là pour ça, pour faire en sorte de laisser le temps aux parents, dans un cas d'un enfant qui est intersexué, justement, de s'assurer d'avoir une cohérence avec comment l'enfant, il s'identifie, comment il est. Alors, ça, c'est important de le dire, sur cet article-là du projet de loi qui, parfois, a été un petit peu mal compris.

• (16 h 30) •

Mais revenons à la base sur la notion de sexe, la notion de genre. Alors, bon, vous savez, il y a eu le jugement de la Cour supérieure. Nous, ce qu'on a tenté de faire, c'est de faire de la place, notamment, aux personnes non binaires et surtout, avec la solution qu'on a proposée, de venir inscrire l'identité de genre. J'ai déjà annoncé, puis vous l'avez mentionné, je crois, à l'effet qu'on allait revenir sur notre position, pour éviter qu'il y ait une chirurgie et que ça soit perçu comme ça, pour une personne qui souhaite changer de sexe, qu'elle doive subir l'opération. Donc, les personnes qui vont vouloir changer de sexe pourront le faire sans opération, on va retirer ça du projet de loi. Même chose également au niveau des modalités, relativement au fait que certaines personnes ont perçu que ça pourrait être considéré comme un «coming out» forcé, une identification, tel que vous l'avez dit. Alors, ça aussi on va modifier ça.

Mais j'étais curieux de vous entendre sur le concept d'identité de genre par rapport au sexe, pour bien établir, là, comment vous le percevez, les deux, puis pour que les gens qui nous écoutent comprennent bien... concept on <parle.

>


 
 

16 h 30 (version révisée)

<15359 M. Jolin-Barrette : ...concept on >parle.

M. Blais (Martin) : Merci pour votre question. Alors, la relation entre le sexe et le genre, en fait, a été conçue de différentes manières. Les Instituts de recherche en santé du Canada décrivent le sexe comme référant à toutes les dimensions biologiques, anatomiques, chromosomiques, par exemple, et le genre comme référant davantage aux caractéristiques psychosociales que la société vient, en fait, un peu forger sur ce que l'on perçoit comme être une anatomie qui devrait être assez déterminante dans notre manière de concevoir le monde. Et cette idée, en fait, c'est que le genre vient se greffer par-dessus, parfois, dans un modèle.

Ensuite, cette vision, elle n'est pas toujours... pas toujours endossée, en fait. Puis il y a beaucoup... il y a trop de modèles, je pense, pour qu'on fasse le tour maintenant. Mais le problème dans cette identification d'une mention de genre séparée, c'est que l'on fait quand même prédéterminer le sexe comme une mention qui devrait prévaloir, qui devrait nous identifier, alors que, dans les faits, ce n'est pas la manière dont les gens se perçoivent. On se perçoit davantage à travers notre genre, à travers la prise de la... de la manière dont on se présente, à travers les rôles que l'on occupe. Et ça n'a pas grand-chose à voir avec nos chromosomes, ça n'a pas grand-chose avec... à voir avec le sexe anatomique ou ce qu'on peut avoir sous les vêtements, en fait.

Donc, cette idée que l'on devrait faire prédominer le genre, elle repose simplement sur cette idée très simple que c'est comme ça qu'on se présente. Donc, on ne se présente pas en fonction de nos organes génitaux, on se présente à travers des rôles, à travers un habillement, des vêtements, une manière de se présenter, et donc il n'y a aucune raison d'accorder tant d'importance aux organes génitaux.

Galantino (Gabriel James) : Pour compléter, en fait, lorsque... dans les revendications des personnes trans, non binaires, lorsqu'on dit que le sexe et le genre n'est pas la même chose, la principale chose, en fait, qu'on veut dire, c'est que, dans le fond, on veut mettre fin aux... l'association d'organes génitaux spécifiques à un genre spécifique. Grosso modo, ce qu'on veut dire, encore plus vulgarisé, c'est qu'on veut mettre fin à l'association que pénis égale homme, vulve égale femme, parce que cette association-là et cette affirmation-là, en fait, c'est ce qui, en fait, renie l'existence des personnes trans. Ils nous considèrent, en fait, que soit qu'on n'existe pas, qu'on est anormaux, qu'on est marginaux, tout simplement, en fait. Donc, le sexe, ce n'est pas juste, juste, juste des caractéristiques biologiques. En fait, là, on peut le déballer avec vous, mais généralement on parle de corps sexué qui fait référence, oui, à la génétique, mais également aux hormones et, oui, aux caractéristiques sexuelles primaires et secondaires, dont les organes génitaux. Ça en fait partie.

Après, la dichotomie qui existe du sexe qu'on a entre hommes et femmes ne reflète pas non plus la réalité biologique, et ça, on le sait. En fait, la réalité biologique, elle est beaucoup plus large que dichotomique. Et cette idée-là qu'on a créée, de sexe dichotomique, en fait, s'est en soi un peu socialement construite, alors que le genre, bien, ça, oui, fait référence, en effet, plus à notre identité, donc au fait que... bien, le nom que j'utilise, les pronoms que j'utilise, la façon dont je me présente, donc, qui, elle, en fait, va généralement tirer plus vers le masculin, le féminin, soit aucun des deux, soit entre les deux, ce qui aussi représente, dans le fond, les réalités des personnes non binaires qui, des fois, ne s'identifient même pas sur ce «spectrum»-là, masculin, féminin.

M. Jolin-Barrette : O.K. Dans l'éventualité où on... Dans le fond, le statut actuel des choses, c'est : On peut changer de sexe sans qu'on ait subi d'opération. Et la notion d'identité de genre n'existe pas dans le corpus. Dans les lois québécoises, ça n'existe pas.

Je vous donne un exemple. Le fédéral, lui, ce qu'il fait relativement au passeport canadien, c'est qu'il fait en sorte qu'on s'identifie sur le passeport canadien par M, F ou X pour les personnes non binaires. Qu'est-ce que vous pensez de cette position-là?

M. Blais (Martin) : C'est la position qui est la nôtre. C'est la position qui est largement partagée.

M. Jolin-Barrette : Donc, à ce moment-là, on se retrouve dans une situation où c'est uniquement le sexe qui change. Donc, le processus d'identification, la personne va choisir le sexe sur laquelle elle souhaite être identifiée, mais, à ce moment-là, il n'y a pas d'identité de genre qui est incluse dans la législation.

M. Blais (Martin) : Effectivement, mais je pense, en fait, qu'il faut distinguer le sexe de la mention de sexe. Alors, je pense que, quand on dit le sexe, si on parle de la mention de sexe comme étant un facteur d'identification sur des papiers d'identité, on ne parle pas de l'anatomie, on ne parle pas des organes génitaux. Alors, à cet égard-là, je pense que...

M. Jolin-Barrette : Mais ça, le point que vous faites actuellement, c'est un point qui est important, là, ouis je pense qu'il faut l'expliquer. C'est que vous dites : Écoutez, ça, ce ne sera pas en <cohérence...

M. Jolin-Barrette : Écoutez, ça, ce ne sera pas en >cohérence, supposons, à ce que vous avez dans vos pantalons, nécessairement, mais c'est ce que... dans le document officiel que je vais présenter, mais, à ce moment-là, mon processus d'identification, on va dire, même si j'ai un organe masculin, un organe génital masculin, il va pouvoir être identifié comme de sexe féminin sur le document officiel. Donc, ça, c'est une avenue que vous proposez.

M. Blais (Martin) : Exact.

M. Jolin-Barrette : Mais, à ce moment-là, on évacue la notion d'identité de genre.

M. Blais (Martin) : C'est-à-dire qu'on ne l'évacue pas, on remplace la mention. C'est-à-dire que la mention de sexe reflète l'identité de genre de la personne, ce qui est le meilleur compromis possible pour assurer son autodétermination, pour assurer sa vie privée.

M. Jolin-Barrette : Donc, c'est comme si on venait assimiler l'identité de genre au sexe. On vient un peu fusionner les concepts, là.

M. Blais (Martin) : Bien, je ne suis pas juriste, mais je pense que c'est déjà le cas depuis la fin des années 90, peut-être même un peu avant, où déjà les plaintes, par exemple, basées sur l'identité de genre passaient déjà dans la question du sexe. Alors, il n'y a pas de... apparemment pas de préjudice, enfin, à considérer les choses de cette manière. Il n'y a que des gains, que des gains en termes de respect de la vie privée, notamment.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la question, là, des personnes non binaires, là, dans votre mémoire, vous dites : «Environ quatre personnes non binaires sur 10 au Canada préféreraient le retrait complet de tout marqueur de sexe ou de genre pour tout le monde, notamment pour des raisons de sécurité.» Donc, ça, c'est la proposition de 40 %.

Est-ce qu'on doit déduire que la majorité, 60 %, eux, ils préfèrent conserver la mention de sexe, mais de pouvoir l'identifier, supposons, avec un X, donc avec un terme qui n'est pas H ou M... F, pardon, pour homme... bien, pardon, c'est ça, d'avoir un marqueur distinct?

Galantino (Gabriel James) : ...ça dépend des... En fait, ça peut varier. Ça dépend des personnes, puis c'est souvent une question de sécurité, en fait. C'est de gager qu'est-ce que je peux mettre qui, de un... bien, je veux être reconnu, je veux avoir les papiers qui correspondent à mon identité de genre, de un. Mais, des fois, pour certaines personnes, bien, c'est trop risqué, dépendamment des milieux dans lesquels tu vis, où tu travailles, qui est ta famille. Certaines personnes, mettons, qui vont avoir une apparence plutôt masculine ou plutôt féminine vont peut-être préférer garder une mention de sexe qui ne correspond peut-être pas à leur identité de genre, mais, pour des raisons de sécurité, voudraient garder un M ou un F. Après, certaines personnes se sentiraient très à l'aise d'avoir un X parce que c'est ce qui représenterait vraiment leur identité. Et d'autres personnes préféreraient peut-être, en effet, ne juste pas avoir de marqueur de genre parce que, des fois, c'est peut-être plus facile que ce ne soit juste pas écrit, ça évite moins d'être confronté à ça constamment. Donc, les gens n'ont peut-être pas remarqué que ce n'est pas là, tout simplement.

Donc, tous ces choix-là, en fait, c'est, au final, une question de : Je veux être reconnu également, je veux que mon droit à la dignité puis à l'égalité soit reconnu, mais je veux aussi, en fait, être en sécurité. Puis les choix qu'on fait sont en fonction de ça aussi.

M. Jolin-Barrette : O.K. Une autre de vos propositions que vous faites, c'est relativement à la notion de parent sur l'acte de naissance. Dans le fond, vous dites : On devrait offrir à tout le monde de pouvoir inscrire la notion de parent, donc pas uniquement, supposons, mère-mère, père-mère, père-père. Parce que là, nous, ce qu'on développait, c'est pour faire en sorte que les personnes non binaires puissent s'identifier comme parents, puisqu'ils ne s'identifient pas comme... soit comme père, soit comme mère. Vous, vous dites : O.K., sauf que... offrez cette possibilité-là également aux pères et aux mères qui voudraient s'identifier également comme parents. Pourquoi faire cette proposition-là?

M. Blais (Martin) : D'abord, parce qu'on souhaite éviter que la mention «parent» identifie un sous-groupe. Donc, vraiment, cette question du dévoilement forcé, elle est centrale dans toutes nos propositions, et c'est ce qu'on essaie d'éviter par toutes les propositions. Si on a une mention «parent» qui est réservée à un sous-groupe spécifique, il n'y a pas de différence entre avoir une étiquette sur soi et la mention. Donc, l'idée, c'est vraiment toujours d'éviter le dévoilement forcé dans toutes les situations.

Et évidemment ça ne veut pas dire que des gens ne choisiraient pas de mettre un X comme mention de sexe. Ça ne veut pas dire que des gens ne choisiraient pas la mention parent. Mais l'idée, c'est que, quand elles vont le faire, elles vont choisir, dans le cas de la mention X, par exemple, ce dévoilement et elles vont choisir pour elles-mêmes. Personne ne va leur imposer.

Pour la mention «parent», en fait, on va simplement dissocier cette association systématique, et donc ce ne sera plus un dévoilement.

• (16 h 40) •

M. Jolin-Barrette : Donc, vous dites : Puisqu'on l'offre à tout le monde, il n'y a pas de mécanisme qui va faire en sorte de <dire...

M. Jolin-Barrette : ...qui va faire en sorte de >dire : Bien, on va cibler, puis on sait que vous vous êtes une personne non binaire, spécifiquement. Mais, à l'inverse, ça ne veut pas dire que les gens qui s'identifient comme père et mère vont utiliser l'expression «parent», mais ils pourraient décider de le faire pour dire : Bien, écoute, moi, sur l'acte de naissance, je veux qu'ils soient identifiés «parent». C'est un peu ça?

M. Blais (Martin) : Exact.

M. Jolin-Barrette : O.K. Parfait. Sur la question... Bon, on a abordé la question de l'identité de genre, le sexe, de la façon dont c'est perçu par... bien, en fait, le processus d'identification. Les craintes, là, de la communauté, là, moi, je souhaite les rassurer puis dire qu'on prend en considération vraiment leurs arguments. Puis c'est pour ça qu'on dit, dès le départ : On ajuste le projet de loi puis on va travailler là-dessus.

Est-ce qu'il y a d'autres enjeux particuliers que vous voudriez porter à l'attention de la commission pour dire : Écoutez, ça, c'est vraiment important pour s'assurer que les personnes issues de la communauté, qu'ils soient trans ou non binaires... ça, c'est vraiment important, là, pour la communauté, de dire : Soyez sensibles à ces... à ces différentes modalités là?

Galantino (Gabriel James) : Est-ce qu'on parle de modalités, là, qui n'ont pas... en lien avec le projet de loi présentement?

M. Jolin-Barrette : Bien oui, en lien avec le projet de loi.

Galantino (Gabriel James) : Je pense que la chose la plus importante, en effet, c'est que l'accès au changement de la mention de sexe ne soit vraiment comme subordonné à aucun traitements chirurgicaux ou médicaux. Donc, ça inclut également hormones, donc tout changement, là, qui implique vraiment le corps. Donc, ça, il faut vraiment que ce soit facile et accessible. Le but, c'est d'enlever le plus d'obstacles possible. Au-delà de ça et ce qu'on a discuté dans le mémoire, je n'aurais pas nécessairement d'autres choses à apporter. Je ne sais pas si mon collègue voudrait compléter.

M. Blais (Martin) : En fait, on a choisi d'aborder ces quatre points-là spécifiquement. D'autres organisations, d'autres organismes aborderont des points plus spécifiquement dans le cours des prochains jours.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je vous remercie.

M. Blais (Martin) : Merci à vous.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je crois que j'ai des collègues qui...

Le Président (M. Bachand) : Il reste une minute.

M. Jolin-Barrette : Merci pour votre présence.

Le Président (M. Bachand) :M. le député de Saint-Jean, question et réponse, s'il vous plaît.

M. Lemieux : Merci beaucoup, M. le Président. Le ministre, au lendemain du dépôt du projet de loi, a fait face à une certaine... un certain ressac, disons-le comme ça. Il a commencé aujourd'hui... il l'avait déjà dit, mais il a commencé, aujourd'hui, en disant : Inquiétez-vous pas, autant pour le dévoilement que pour l'opération, on va régler ça. Qu'est-ce que ça vous dit, la réaction qu'il y a eu du public en général, pas de la communauté, mais du public en général? Le débat qu'il y a eu, comment vous l'avez vu, vous? Moi, comme journaliste de 40 ans, je l'ai regardé avec beaucoup d'intérêt parce que je trouvais que ça parlait beaucoup. Vous, vous avez compris quoi?

M. Blais (Martin) : Bien, en fait, je pense que tout le monde s'est réjoui de cette annonce, donc... mais tout le monde attend de voir les amendements, en fait. Donc, on veut aussi voir comment ça va se concrétiser sur papier, mais je pense que, de manière générale, on est heureux d'entendre ça.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Westmount—Saint-Louis, s'il vous plaît.

Mme Maccarone : ...je veux retourner à l'aspect de... je sais que le ministre l'a adressé, par rapport à l'impact d'une chirurgie qui serait nécessaire. Il a dit que ce ne serait plus le cas. Puis on attend après un amendement en ce qui concerne ce qui est écrit actuellement en noir et blanc dans le projet de loi.

Avez-vous autre inquiétude en ce qui concerne des exigences qui ne sont peut-être pas identifiées dans le projet de loi, dont nous devons se méfier, peut-être en ce qui concerne un aspect hormonal ou... Pouvez-vous partager un peu votre point de vue là-dessus?

M. Blais (Martin) : Bien, évidemment, Gabriel James en a parlé, il faut vraiment rappeler que ces chirurgies ne sont pas souhaitées par tout le monde. Les modalités de transition, qu'elles soient sociales, légales, médicales, en fait, ne sont pas nécessairement les mêmes, hein? Ces modalités de transition, en fait, elles sont choisies pour améliorer le bien-être, pour réduire la dysphorie chez les personnes concernées, donc pour augmenter leur bien-être. Donc, ça ne devrait pas être une condition pour la reconnaissance. Donc, elles doivent les choisir sans que, dans la balance, pèse une atteinte à d'autres droits. Donc, le seul objectif de ces modalités de transition doit être leur <bien-être...

M. Blais (Martin) : ...doit être leur >bien-être et rien d'autre.

Et il faut vraiment se rappeler, en fait, que, parmi ces... parmi les modalités de transition médicale, il y a certaines chirurgies qui sont irréversibles, qui ne sont pas nécessaires à leur bien-être, et qui ne sont pas souhaitées non plus, et qui ne sont pas toujours urgentes pour confirmer le genre, là, de la manière dont ils besoin qu'il soit confirmé. Et il ne faut pas oublier aussi que les gens évoluent. Donc, ce n'est pas...

Donc, il faut laisser, en fait, le processus de transition s'installer pour chaque personne. Donc, les rythmes sont différents, les parcours de transition sont différents. Il faut vraiment garder en tête cette hétérogénéité, en fait, parmi les personnes trans et non binaires, et donc aussi l'hétérogénéité de leurs besoins et des manières d'y répondre.

Mme Maccarone : Parce qu'on parle quand même de la stérilisation des personnes.

M. Blais (Martin) : Bien sûr.

Mme Maccarone : Puis je pense qu'on est rendus... 2021, on peut imaginer un homme trans peut être... même être enceinte. C'est... On est rendus là, d'où l'importance d'avoir un projet de loi qui est adopté qui prend en considération tous les besoins de la population, qu'ils soient M, F ou X.

Je veux... Pouvez-vous parler un peu des statistiques? Je sais que c'est peut-être aussi très peu connu, le nombre de, peut-être, personnes trans qui décident de poursuivre avec une chirurgie ou bien, même, avec une thérapie d'hormones, parce que ce n'est pas tout le monde non plus qui fait ça. Alors, pouvez-vous partager ça aussi avec les membres de la commission, s'il vous plaît?

M. Blais (Martin) : Oui. Bien, en fait, les données dont je vous parle viennent de deux enquêtes, alors une enquête québécoise auprès de près de 5 000 personnes LGBTQ+, dont environ 800 personnes trans et non binaires, et des données donc chez des adultes, et des données chez des jeunes de 15 à 29 ans à travers le Canada, donc environ 600 jeunes, 600, 700 jeunes trans et non binaires.

Alors, vous demandez des statistiques très précises, alors je vais devoir aller voir mes tableaux. Alors, de manière générale... donc, je l'ai déjà dit, en fait, ce deux tiers-un tiers... donc, le projet de loi, tel que formulé présentement, exclurait au moins les deux tiers, au moins les deux tiers parce qu'il force la combinaison d'hormonothérapie et de chirurgie génitale. Or, dans le projet SAVIE, par exemple, donc chez les adultes au Québec, il y avait 20 % de personnes qui prenaient actuellement des hormones, parmi les personnes trans et non binaires, et qui n'avaient pas de procédures chirurgicales. Il y avait 12 % de personnes qui prenaient des hormones et qui avaient entamé des procédures chirurgicales. Donc, c'est ce qui nous amène, à peu près, au 20 %, là, de personnes... un 20 % de personnes qui pourraient peut-être se qualifier actuellement, en vertu de ce que suggère le projet de loi, mais donc il y a à peu près 80 % des personnes qui en seraient exclues. Évidemment, il faut faire la distinction entre les personnes trans et les personnes non binaires, là. Donc, Gabriel, je ne sais pas si tu veux en parler.

Galantino (Gabriel James) : Oui. Dans le fond, dans l'échantillon que nous, on a, là, donc les deux grandes enquêtes qu'on a, québécoises et pancanadiennes, en fait, il y a beaucoup de personnes non binaires qui ont répondu à ces enquêtes-là. Donc, c'est dans ces enquêtes-là, en effet, que, quand on inclut les personnes trans et non binaires ensemble... qu'on voit qu'en effet il y a seulement un tiers des personnes qui veulent avoir accès à une transition médicale, donc soit hormones, chirurgie génitale. Dans tous les cas, c'est très, très peu élevé. Comme on a dit, c'est plus comme un 10 % des personnes, tu sais, trans et non binaires qui veulent avoir des chirurgies génitales.

En ce qui concerne l'hormonothérapie spécifiquement, c'est plus que la moitié des personnes, dans le fond, les femmes trans et les hommes trans. Donc, c'est quand même beaucoup plus populaire chez les hommes trans et les femmes trans de prendre de l'hormonothérapie. Donc, on est plus dans le 60 %. Mais c'est le fait que les personnes non binaires... en fait, c'est plus comme un 20 % qui vont prendre de l'hormonothérapie. Donc, les personnes non binaires en prennent moins. Donc, c'est un peu ce qui donne les résultats que Martin a présentés.

Mme Maccarone : Quel serait l'impact? Pouvez-vous vous exprimer un peu sur l'impact sur la communauté en question, si, mettons, on ne corrige pas les dispositions discriminatoires dans le projet de loi? Je pense que c'est très important de s'exprimer en ce qui concerne l'élément émotionnel, psychosocial, parce que, tu sais, on parle beaucoup de... le physique, on parle beaucoup des organes génitaux, mais on ne parle pas de, tu sais, l'impact sur la personne... actuel.

• (16 h 50) •

Galantino (Gabriel James) : En fait, les impacts sont assez nombreux, en effet. Mais donc, principalement, là, donc là, quand on parle d'être obligés de subir un traitement hormonal ou chirurgical et de changer son <corps...

Galantino (Gabriel James) : ...et de changer son >corps de manière irréversible, alors qu'on n'en a pas envie, ça peut être assez traumatisant. Déjà, juste le fait de vivre dans une société où est-ce qu'on a l'impression qu'on est obligés de passer à travers un processus de stérilisation, donc, c'est quelque chose qui est quand même assez violent, donc, au-delà des... tu sais, l'impact corporel aussi. Mais en ce qui concerne, tu sais, la mention de genre qui peut amener à des dévoilements forcés, bien, la complication avec ça, en fait, principale, c'est que, bien, ça met les gens en danger, tout simplement. Il y a des situations où est ce qu'on ne peut juste pas, en fait, tu sais, dévoiler son identité trans, en fait, sans être à risque de vivre de la violence. C'est, par exemple, quelque chose que moi, je vis, personnellement, étant une personne trans. En fait, quand je voyage, il y a des endroits spécifiques où je ne dévoile pas que je suis un homme trans, parce que, bien, ça peut me mettre en danger. Et ça, c'est important.

Mme Maccarone : Ça m'a surprise, puis peut-être c'est juste parce que je ne l'ai pas vu dans le mémoire, mais vous n'avez pas fait mention de retirer la mention d'altercations à l'acte de naissance qui viendrait identifier, à même leur acte, les personnes ayant effectué une transition légale. Je présume que c'est quelque chose que vous souhaitez aussi.

Galantino (Gabriel James) : À ma connaissance, on l'avait mis. D'ailleurs, si... je l'ai nommé à la fin. Donc, oui, en effet, dans la même logique d'idée de tout ce qui a été nommé, en effet, c'est à retirer. On est d'accord.

Mme Maccarone : Tout à fait. Puis que pensez-vous de aussi... Il y a quand même des tarifs administratifs quand on parle de tous ces changements. Puis pensez-vous que ça... Ça reste que c'est une barrière institutionnelle pour plusieurs personnes de la communauté. Est-ce que ça, c'est quelque chose que vous souhaitez, soit qui soit adressé, peut-être par règlement ou autre, mais pour s'assurer qu'il y a quand même un accès pour ces personnes qui se retrouvent souvent en situation de vulnérabilité? Je pense que le portrait que les gens n'ont pas souvent des personnes de la communauté trans, de la communauté LGBT, c'est que, souvent, ils se retrouvent en situation défavorisée, et c'est souvent... ils se retrouvent souvent en situation d'itinérance. Alors, je présume que ça, c'est aussi quelque chose que vous souhaite voir.

Galantino (Gabriel James) : Mais c'est sûr que, là, on parle peut-être d'une barrière aussi qui est financière. Comme ce n'est pas sans coût, en fait, de changer la mention de sexe et de prénom... donc, il y a des coûts qui sont associés à ça.

On sait, en effet, que les personnes trans... si on se réfère, en fait, à Trans Pulse, on sait que la majorité des personnes trans sont un peu plus éduquées, donc ils ont plus de diplômes postsecondaires que la moyenne, mais ont des revenus, en fait, comme extrêmement bas... pas de la statistique exacte, là, mais on parle d'un nombre assez étonnant de personnes éduquées qui font 15 000 $ par année et moins. Donc, c'est sûr que, dans un contexte comme ça, 150 $, 200 $, c'est quand même de l'argent qui peut être une barrière. Je pense d'ailleurs que vous allez en entendre parler de la part d'autres groupes, là. Il y a des groupes, en fait, qui offrent un service de payer ces frais-là et qui offrent des services d'aide juridique, d'encadrement, genre, pour aider les gens à remplir les papiers, tout ça. Donc, oui, ça, c'est sûr que c'est une barrière qui existe, oui.

Mme Maccarone : Une dernière question pour moi. Je veux que ça soit vraiment clair, parce que je pense que, pour plusieurs personnes, c'est très difficile quand on parle, mettons, de la communauté des personnes intersexes puis ce qui est proposé maintenant lors de la naissance de l'enfant.

Que souhaitez-vous? Les parents donnent naissance à un enfant intersexe, puis on veut... je pense que, la bonne volonté, on veut respecter le chemin de cet enfant, on ne veut rien imposer. Que proposez-vous en ce qui concerne l'acte de naissance pour cet enfant?

Galantino (Gabriel James) : Je pense qu'à ce propos là, en fait, c'est un peu en dehors de notre champ d'expertise. Tout ce qu'on peut faire, c'est faire du pouce sur la littérature scientifique et les experts, en fait, qui en parlent. Et ce qu'on sait, en fait, c'est que, bien, finalement, c'est moins dommageable d'assigner un sexe. On doit avoir une mention de sexe à la naissance, plutôt que la mention de sexe indéterminée. C'est ce qui a été rapporté, entre autres, par Janik Bastien-Charlebois, là, qui est professeure à l'UQAM également.

Mais je pense que l'urgence, c'est de mettre fin aux chirurgies génitales non consenties, qui, elles, ont des impacts autant physiques que mentaux, là, sur le long terme. Donc, c'est sûr que c'est... ce qui est le plus urgent et le plus important, c'est d'arrêter ces chirurgies-là. Au-delà de ça, l'assignation du sexe, c'est moins dommageable que la façon dont présentement l'article est formulé, avec la mention de sexe indéterminé, qui pourrait mettre pression, en fait, à justement, finalement, faire ces chirurgies-là ou accepter ces chirurgies-là. Donc, ce serait...

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Je vais céder maintenant la parole à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques pour une période de 2 min 43 s.

Mme Massé : Bonjour. Merci d'être là. Moi, j'aimerais revenir sur la case X. Si je comprends bien votre mémoire, l'idée de la case X serait réservée aux personnes non binaires. Donc, est-il pensable que la case X pourrait être comme la case parent, c'est-à-dire que les gens s'autodéterminent et donc décident s'ils veulent un M, un F ou un X? Parce que, sinon, si c'est réservé aux non binaires, il me semble qu'on ne règle pas le problème de la <divulgation...

Mme Massé : ...de la >divulgation... du dévoilement sans consentement. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Blais (Martin) : En fait, peut-être le premier point, c'est qu'à la différence, c'est que les personnes peuvent le choisir. Et donc, quand on le choisit, on choisit aussi que ce soit sur nos papiers d'identité. Et donc, quand on le montre, on sait ce que ça veut dire. Donc, ça, déjà, qu'il y ait ce choix, c'est une partie du problème de réglée.

Maintenant, est-ce que cette mention devrait être ouverte à tout le monde? Bien, c'est une question d'autodétermination, hein? Je veux dire, tout le monde, à un moment au cours de sa vie, peut faire une transition, peut affirmer une identité de genre différente de celle qui lui a été assignée. Donc, il n'y a pas... A priori, il n'y a effectivement pas de raison de l'exclure, hein? Ce n'est pas comme s'il n'y a pas une évolution ou une fluidité dans la question du genre. Donc, si une personne, au courant de sa vie, voulait changer sa mention de sexe pour un X, a priori, il n'y a pas de raison de remettre en question ce besoin ou ce désir chez elle.

Mme Massé : O.K. Merci. Vous avez dit clairement que, dans le fond, le sexe réfère, dans notre pensée collective, aux organes génitaux, hein? C'est comme l'espèce de... et le genre réfère à ce qu'on... notre identité de genre. Pourquoi vous avez choisi de maintenir la mention de sexe et ne pas péter le câble jusqu'à dire : On n'emploie plus ça, ce vieux terme là, et on va parler maintenant de mention de genre mais pour tout le monde? 

M. Blais (Martin) : Ce serait aussi une option.

Mme Massé : C'est aussi une option.

M. Blais (Martin) : Bien, c'est aussi une option. On peut aussi juste... mention, si vous voulez péter le câble, mais ça dépend si on opère dans les paramètres qui sont ceux actuellement ou bien on opère complètement à l'extérieur.

Mme Massé : O.K. Donc, ce n'est pas un choix, dans le sens que vous avez choisi de maintenir ce langage-là, de sexe, mention de sexe, parce que vous pensez que, politiquement, ça allait mieux être accepté? Parce que vous croyez que c'est mieux, ça? C'est un peu le sens de ma question.

M. Blais (Martin) : Parce que c'est la mention que tout le monde connaît, parce que c'est plus... c'est plus simple à faire passer, parce que ça soulève moins de questionnements qu'un système de double mention. Mais après, quand on remplace la mention, tout le monde... mention de genre... Je pense que, vraiment, l'important, c'est de ne pas isoler des sous-groupes qui auraient accès à des mentions spécifiques.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup.

M. Blais (Martin) : Mais après, si on change la mention pour tout le monde...

Le Président (M. Bachand) :Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Merci. Bonjour à vous deux. Exactement dans la même veine, vous avez dit : Tant qu'à péter le câble, pourquoi est-ce qu'on garde une mention, que ce soit une mention de sexe ou une mention de genre? Il y a des gens qui se posent cette question-là. C'est quoi, votre position là-dessus? Est-ce qu'on devrait faire une réflexion, à savoir : Est-ce qu'on devrait juste carrément enlever ces mentions-là ou est-ce qu'elles sont toujours pertinentes? Et, si oui, pourquoi? On fait le débat, hein, puis on ne changera pas le Code civil dans deux, trois ans. Donc, tant qu'à le faire, faisons-le...

Galantino (Gabriel James) : Bien, pourquoi? En fait, je pense qu'une des options qui pourrait être à explorer, c'est le fait d'offrir la possibilité de l'enlever aux personnes qui veulent ne pas l'avoir. Après, à l'inverse, pour certaines personnes trans...

Par exemple, moi, j'ai le privilège de passer, dans le sens où... comme j'ai un M sur ma carte d'identité, mais c'est rare qu'on m'appelle «madame» dans la rue. Mais peut-être qu'il y a certaines personnes qui n'ont pas ce privilège-là, de passer, donc.

À l'inverse, le M ou le F peut, sur la carte d'identité, bien, peut servir, finalement, à éviter de se faire mégenrer et à permettre de s'affirmer aussi. Donc, pour certaines personnes, ça peut être important dans ce sens-là.

Après, au niveau médical, je ne pense pas que c'est quelque chose qui est nécessairement pertinent parce que, peu importe la lettre qu'on a, si... et on a tous des corps qui sont différents, donc c'est à discuter avec notre médecin, et j'espère que le médecin pose les questions qu'il faut dans ce sens-là.

Mais, à part de ça, c'est vrai que pour... ce n'est pas la mention la plus utile, mais je pense que, pour certaines personnes, en effet, ça peut... Mais c'est aussi une question que... je pense que c'est quelque chose qui est là depuis, en effet, comme vous l'avez dit, depuis très longtemps. Ça fait un peu partie du système qu'on a. Mais, au-delà de ça, comme il n'y a pas de critique sur le système de mention de sexe, dans le sens où, comme... Tu sais, nous, on en a discuté avec les groupes, puis présentement, c'est quand même un système qu'on considère que... bien, une mention de sexe qui reflète l'identité de genre, ça fonctionne. Après, s'il y a d'autres propositions, bien, il faudrait qu'on en discute, en effet, avec les groupes, parce que c'est eux qu'on représente.

• (17 heures) •

Mme Hivon : Puis vous, ce que vous nous dites, dans le fond, c'est : Que ce soit mention de sexe ou mention de genre, vous n'avez pas vraiment de préférence. J'imagine que mention de sexe, c'est aussi beaucoup parce que c'est à la naissance qu'on inscrit ça pour la première fois. Puis, à ce moment-là, l'enfant ne s'autodétermine pas encore, d'où l'idée qu'on est allés avec «sexe». Mais, pour vous, il n'y a pas vraiment d'enjeu.

Est-ce qu'il y a un modèle, qui existe dans le monde, qui vous apparaît particulièrement <inspirant par rapport à toute cette question-là...

>


 
 

17 h (version révisée)

<27 Mme Hivon : ...qui vous apparaît particulièrement >inspirant par rapport à toute cette question-là qui fait...

M. Blais (Martin) : Le modèle dont on a discuté, et qui semblait quand même rallier pas mal de monde, c'est l'ajout d'une mention de sexe X.

Mme Hivon : O.K. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Alors, à moi de vous remercier d'avoir participé aux travaux de la commission. C'est très, très, très apprécié.

Cela dit, je suspends les travaux quelques instants pour accueillir nos autres témoins. Merci beaucoup, à bientôt.

(Suspension de la séance à 17 h 01)

> (Reprise à 17 h 08)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir la Pre Isabel Côté et le Pr Kévin Lavoie. Alors, merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi. Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, et, après ça, on aura une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous invite à vous identifier de nouveau avec vos titres et à débuter votre exposé. La parole est à vous.

Mme Isabel Côté et M. Kévin Lavoie

Mme Côté (Isabel) : Oui, bonjour. Je m'appelle Isabel Côté. Je suis professeure au Département de travail social de l'Université du Québec en Outaouais et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la procréation pour autrui et les liens familiaux. Et mon collègue...

M. Lavoie (Kévin) : Et je m'appelle Kévin Lavoie. Je suis professeur adjoint à l'École de travail social et de criminologie à l'Université Laval.

Mme Côté (Isabel) :  Donc, je vous remercie beaucoup de nous avoir invités à partager nos réflexions concernant le projet de loi n° 2. Pour situer brièvement nos expertises, nos travaux visent à explorer la nature et la signification des liens induits par le recours à une tierce partie pour la conception ou la gestation d'un enfant, qu'il s'agisse d'un donneur ou d'une donneuse de gamètes, ou encore d'une mère porteuse. Nous avons développé une compréhension globale et intégrative des expériences de ces familles à partir du point de vue des personnes concernées, à savoir les parents, les enfants et les tiers de procréation.

Donc, notre mémoire traite de façon exhaustive la gestation pour autrui et de la question des origines, de façon un peu plus marginale de la pluriparenté, mais, pour les biens de la présentation, on va se concentrer sur deux éléments, de la gestation pour autrui et de la question des origines.

Donc, concernant la GPA, nous voulons, en premier lieu, discuter des conditions préalables à l'établissement de la filiation. D'abord, il faut savoir que la GPA est un processus de procréation éminemment relationnel. En effet, les travaux empiriques démontrent que la relation qui unit les adultes concernés est la base d'un processus de GPA harmonieux. C'est également ce qui assure la pérennité des liens après la naissance de l'enfant.

Nous saluons donc le fait que le projet de loi n° 2 propose un processus formalisé, obligeant les parties à rencontrer un professionnel du domaine psychosocial habilité à pouvoir discuter des tenants et aboutissants d'un projet de GPA avant même le début de la grossesse. À notre avis, cela s'inscrit dans une perspective résolument préventive, permettant de réduire les risques de mésentente et de discorde, et ce, non seulement dans l'intérêt supérieur de l'enfant, mais également de celui de la femme porteuse et des parents d'intention. Le fait que chaque partie soit vue séparément pour avoir l'opportunité de discuter librement et sans contrainte de ses attentes et appréhensions quant au processus de GPA est également salué.

• (17 h 10) •

Par contre, nous proposons quatre modifications pour que le processus soit plus efficient. Premièrement, qu'une troisième rencontre soit ajoutée au processus pour la mise en commun des discussions entre les parties. Des recherches démontrent effectivement que c'est le développement d'une vision commune qui constitue la meilleure façon d'éviter les <malentendus...

Mme Côté (Isabel) : ...d'éviter les >malentendus, les désaccords ou encore les déceptions.

Deuxièmement, l'obligation, pour les professionnels du domaine psychosocial, de détenir une certification qui les habilite à effectuer les rencontres pour remplir les conditions préalables à l'établissement de la filiation d'un enfant né par GPA selon la voie administrative. Actuellement, aucun cursus universitaire en travail social ou en psychologie, qui sont les deux professions qui sont habilitées à intervenir dans ce champ de travail, n'offre une formation approfondie sur les enjeux liés à la procréation assistée pour autrui. Et l'objectif, évidemment, de la formation qualifiante est d'éviter que n'importe qui s'improvise spécialiste de ces enjeux si fondamentaux.

Troisièmement, plutôt qu'une simple attestation, qu'un rapport soit rédigé par les professionnels du domaine psychosocial à la fin des rencontres afin que les aspects éthiques, relationnels et sociaux qui auront été négociés soient reproduits dans la convention notariée.

Et enfin, l'obligation, pour les professionnels et les notaires qui seront impliqués, d'exercer de manière indépendante et autonome des cliniques de fertilité ou des agences de gestation pour autrui qui vont s'implanter, évidemment, là, sur le territoire. Cette mesure permettra d'assurer l'expression du consentement libre et éclairé de la femme porteuse et d'éviter que les parents d'intention, qui seront considérés comme les clients de ces services, soient favorisés à son détriment. Cette recommandation est d'ailleurs en conformité avec les Principes de Vérone pour la protection des enfants nés par GPA, qui ont été publiés, là, plus tôt cette année. Ces principes sont destinés à inspirer et orienter les réformes législatives, politiques et pratiques sur le respect des droits des enfants nés par GPA.

Je cède maintenant la parole à mon collègue.

M. Lavoie (Kévin) : Pour ma part, je vais mettre de l'avant les enjeux et rappeler nos recommandations concernant deux aspects de l'encadrement de la gestation pour autrui, la dimension transfrontalière et le rôle des intermédiaires privés dans l'écosystème de la procréation assistée au Québec.

Alors, premièrement, il nous apparaît judicieux que le projet de loi propose d'encadrer les processus des GPA se déroulant hors Québec. Nous accueillons favorablement le fait que le projet de loi stipule qu'une GPA se déroulant en dehors du territoire québécois doit avoir lieu dans une juridiction respectant les droits des femmes porteuses et des enfants à naître. L'exercice de statuer si une province canadienne ou si un État encadre la GPA de façon éthique implique une réflexion approfondie et éclairée sur les tenants et aboutissants du processus et de son contexte sociopolitique.

Nous proposons que ce mandat soit confié au Secrétariat à l'adoption internationale, le SAI, qui a déjà une expertise transférable en matière de parenté transnationale et de mobilité des enfants. Dans cette éventualité, seuls les projets ayant reçu l'approbation du SAI se verraient alors reconnus par l'État québécois.

Dans le but de mettre en place un nouveau volet, le SAI devra néanmoins développer une expertise à l'interne spécifiquement sur la GPA puisque les enjeux psychosociaux et éthiques rencontrés, la question des origines et l'intérêt de l'enfant dans un tel contexte recèlent des particularités très différentes de ce qui est connu et documenté en matière d'adoption internationale. Autrement dit, il serait contre-indiqué de simplement copier-coller les constats liés au vécu des familles adoptives et des personnes ayant été adoptées à l'international pour guider l'élaboration de protocoles et de trajectoires de services en matière de GPA.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le Canada et le Québec sont des lieux où s'actualisent déjà des ententes de GPA transnationales. Il y a déjà, d'ailleurs, une proportion importante de projets de GPA qui sont formulés par des parents d'intention internationaux. Du fait du système de santé public et universel, il est, en effet, moins onéreux pour des couples étrangers de faire appel à une femme porteuse québécoise ou canadienne que d'aller aux États-Unis, par exemple, où les frais liés à une GPA sont beaucoup plus élevés. À notre avis, cette situation pose plusieurs enjeux éthiques importants.

D'une part, dans le cas où une entente de GPA ne serait pas respectée, il pourrait être vraiment compliqué, voire impossible d'obliger les parents établis dans un autre pays de donner suite au projet ou encore d'assumer la responsabilité à l'endroit de la femme porteuse et de l'enfant. Nous avons d'ailleurs documenté une situation où des parents européens ne sont jamais venus récupérer leur nouveau-né, laissant la femme porteuse avoir la responsabilité de planifier le projet de vie de l'enfant, en ce cas-ci, en le confiant aux services d'adoption. On doit faire en sorte de prévenir qu'une telle situation se répète.

D'autre part, considérant la pénurie de ressources que l'on constate actuellement dans le réseau de la santé, alors que certains hôpitaux arrivent difficilement à maintenir l'ouverture et la disponibilité des salles d'accouchement, il apparaît injuste que ces ressources soient mobilisées pour la concrétisation de projets parentaux de personnes ne résidant pas au Québec. Bien que l'article 541.7 du projet de loi stipule explicitement que les parents d'intention doivent être domiciliés au Québec depuis au moins un an, nous suggérons que cette période doit avoir eu cours avant le début de la grossesse. De plus, nous proposons que soit explicitement interdit tout processus de GPA impliquant un ou des parents d'intention résidant en dehors du territoire <canadien...

M. Lavoie (Kévin) : ... résidant en dehors du territoire >canadien.

Deuxièmement, il conviendrait de profiter de l'occasion pour circonscrire le rôle des intermédiaires privés oeuvrant dans le domaine de la GPA. Des agences vont probablement s'implanter au Québec dès l'adoption de la loi. Or, leur rôle dans l'écosystème de la procréation assistée au Québec n'est toujours pas régulé à l'échelle canadienne. Le laissez-faire qu'on observe ailleurs au pays, notamment en Ontario, ouvre la porte à différentes manières de faire qui ne font l'objet, en ce moment, d'aucune évaluation ni d'un quelconque suivi. Il serait judicieux de se doter, au Québec, d'un cadre qui délimiterait le champ d'activité de ces intermédiaires pour ainsi éviter les dérives possibles, comme c'est documenté dans certaines recherches empiriques.

Je redonne maintenant la parole à ma collègue Isabel pour discuter de la question des origines.

Mme Côté (Isabel) : Donc, nous accueillons favorablement que le projet de loi institue un droit à la connaissance des origines en faveur des personnes nées par don. Toutefois, il importe de faire la distinction entre l'anonymat et le secret lorsqu'il est question des origines.

En effet, pour qu'une personne conçue par don puisse se saisir de son droit à connaître ses origines, il faut que l'information liée à son mode de conception lui ait été préalablement, évidemment, transmise par ses parents. Or, nos recherches démontrent que la divulgation à son enfant de la conception par don de gamètes reste un sujet difficile, particulièrement pour les parents hétérosexuels. C'est pourquoi certains pays, l'Australie, par exemple, ont mis en place des modalités de divulgation obligatoire par le biais d'une information qui est automatiquement transmise par l'état civil à toute personne conçue par don lorsqu'elle atteint sa majorité. Évidemment, nous nous réjouissons que cela ne soit pas l'avenue préconisée par le projet de loi n° 2 et que la responsabilité de la divulgation soit laissée aux parents.

En revanche, il faut qu'ils soient mieux soutenus dans cette démarche. Nos recherches et toutes celles conduites sur le sujet démontrent que c'est une fois l'enfant né que toutes les craintes liées à la divulgation surgissent, de même que les questionnements sur la façon de procéder. Ça fait en sorte que, même si les parents ont envie de divulguer l'information, ils retardent le moment de le faire, faute de savoir comment le faire, et plus on retarde, plus on est pris dans le secret, moins on sait comment s'en dégager. C'est pourquoi nous recommandons que les parents qui conçoivent leurs enfants à l'aide d'un don puissent avoir accès à un professionnel du domaine psychosocial habilité à les outiller quant aux enjeux de la divulgation, mais ce une fois l'enfant né.

En ce qui concerne la démarche qui consiste à demander des informations sur les tiers de procréation, nous croyons qu'une rencontre avec un professionnel habilité devrait également être préalable et obligatoire à toute demande, en vertu de l'article 542.3, et non pas seulement proposé, là, comme le mentionne l'article 542.9. Cette proposition est d'ailleurs inspirée des mesures mises en place depuis plusieurs années en Australie. Cette rencontre pourrait être l'occasion de discuter de l'ensemble des implications qui découlent de cette demande d'information, à savoir les motivations qui sous-tendent la demande, les émotions qui peuvent en résulter, les attentes, etc. Et nous savons déjà que l'expérience des personnes a plus de chances d'être bénéfique quand l'ensemble des parties est bien préparé et que cette quête d'information mène... que cette quête d'information mène à des contacts ou non.

Alors, nous vous remercions de votre attention.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Mme Côté, M. Lavoie, bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission. Je suis heureux de pouvoir vous entendre puis de compter sur deux chercheurs spécialisés dans le domaine.

Écoutez, vous dites, dans votre mémoire : «En proposant d'encadrer la gestation pour autrui et en instituant un nouveau droit à la connaissance des origines, le législateur propose plusieurs avancées significatives qui soutiendront le mieux-être des familles concernées par ces enjeux.» Je pense que vous résumez bien, dans cette phrase, ce qu'on souhaite faire, notamment l'actualisation du droit à la réalité des familles.

Je vais avoir plusieurs questions sur différents sujets. Vous avez abordé plusieurs choses, notamment la question des agences. Je comprends que, là, nous, on est en retard par rapport aux autres juridictions canadiennes relativement à l'encadrement de la gestation pour autrui. Ça existe au Québec. Ça se fait, mais, comme on dit, ça, ça se fait un peu en dessous de la couverte. Ailleurs, ils ont déjà mis un cadre relativement à ça. Mais là vous dites : Écoutez, faites attention aux agences. Il y aurait lieu, dans le projet de loi, aussi de prévoir des modalités pour éviter ou encadrer le recours aux agences.

Donc, deux questions : Pourquoi, et, si on ne le fait pas, c'est quoi, les enjeux potentiels?

• (17 h 20) •

M. Lavoie (Kévin) : Oui. Bien, merci pour la question, M. le ministre.

En ce moment, en fait, peut-être... Vous avez dit que le Québec est un peu en retard, mais je pense que, tant que, maintenant, on a l'occasion de le faire, aussi bien de bien le faire puis bien s'occuper pour pouvoir encadrer, parce qu'en ce moment quelqu'un peut se partir une PME où il y a une certaine expérience ou développer une agence, comme ça, qui va être privée, établir des liens avec des cliniques de fertilité, par exemple, des notaires, des juristes, des avocats, avocates, et là pouvoir proposer d'orchestrer le processus, parce que les agences, c'est ça, leur rôle, en fait, elles vont trouver... ça va être la prise de contact entre les parents d'intention et les femmes porteuses.

Donc, c'est une prise de contact. C'est un peu... Ils vont jouer un rôle d'entremetteur, dans le contexte d'un processus de GPA, puis ensuite s'assurer de mettre en lien tous les intermédiaires qui sont concernés, donc, dans le <domaine...

M. Lavoie (Kévin) : ...dans le >domaine médical et dans le domaine juridique, pour éventuellement mener à la naissance de l'enfant. Il y a des beaux avantages d'une agence. En termes de soutien social pour les femmes porteuses, par exemple, il y a des agences qui vont déployer différentes mesures de retraite, de recours, tout ça. Bref, il y a quand même une forme de soutien qui peut être chouette.

Mais, d'un autre côté, c'est qu'on ne sait pas ce que les agences font, finalement, au quotidien, leurs pratiques, leurs façons de faire. Il y a des bonnes agences qui sont connues, qui sont implantées depuis plusieurs années. Puis on a simplement vu, dans les cinq dernières années, il y en a plusieurs qui se sont établies, qui se sont implantées, principalement en Ontario, puis, en fait, c'est qu'on voudrait alerter le législateur. En fait, c'est de savoir : Bien, il y a un peu de tout et n'importe quoi qui peut être fait dans ce contexte-là, est-ce que c'est bien soutenu, est-ce qu'il y a des bonnes mesures?

Et une des préoccupations qu'on soulève également, c'est que les clients, clientes vont être les parents d'intention, et non pas les femmes porteuses. Donc là, il y a peut-être un enjeu par rapport à faire... bien, qui va représenter les droits et les responsabilités des femmes porteuses, parce qu'à l'heure actuelle, à ma connaissance, il n'y a pas d'association de défense des droits. Donc, qui va porter la voix des femmes porteuses dans un contexte où il pourrait y avoir, par exemple, un conflit, une méconnaissance, une... Peu importe le contexte, bien, comment on va faire la médiation? Ça va être quoi, les recours possibles? Où se trouve la bonne information?

Donc, pour les agences, je pense qu'il y aurait un peu un ménage pour pouvoir mieux encadrer, puis circonscrire leur rôle, puis où est-ce qu'ils peuvent aller, et où est-ce qu'ils ne peuvent pas aller non plus.

Mme Côté (Isabel) : ...si vous permettez, le rôle des agences, c'est... Bien, en fait, une agence, le but premier, c'est de faire de l'argent. Ça, il faut comprendre ça. Donc, les services qui sont là-dedans, c'est des services qui sont aussi monnayés. C'est une des raisons pour laquelle nous, on préconise que les intervenants du domaine psychosocial et les notaires soient autonomes de ces pratiques-là, tout simplement aussi parce qu'une fois qu'on a le pied dans la porte c'est difficile, pour une femme porteuse, de reculer. On a déjà rencontré une agence. On a déjà engagé des frais, parce qu'il y a des frais pour ça. On a déjà fait tout ça. Donc, c'est plus difficile, pour elle, après ça, de reculer, et ça nous permet d'assurer une meilleure autonomie pour elle.

M. Jolin-Barrette : Donc, ce que vous nous dites, c'est : si on permet les agences, que ça soit strictement encadré, sauf que je déduis de votre propos aussi qu'il pourrait ne pas y avoir d'agence aussi, que ça soit interdit.

M. Lavoie (Kévin) : Si on souhaite ne pas, bien, en fait, interdire les agences, ce qui risque de se passer, selon moi, c'est qu'il va y avoir encore la mobilité interprovinciale qu'on observe déjà. Il y a déjà des femmes porteuses québécoises qui vont se tourner vers l'Ontario parce qu'elles préfèrent avoir l'encadrement. Ça les sécurise, elles ont des recours possibles. Ça leur permet également de briser l'isolement parce qu'elles vont rencontrer d'autres femmes qui vivent quelque chose de similaire.

Donc, ce besoin-là est essentiel, puis je pense qu'il faut être à l'écoute de cette préoccupation-là, parce que les femmes qu'on a rencontrées, c'est ce qu'elles mentionnent, c'est qu'il y en a certaines qui préfèrent, au contraire, ne pas être avec une agence, pour plusieurs raisons. Mais, pour celles qui souhaitent avoir une forme de soutien, avoir également un choix éclairé, pouvoir être guidées dans le processus, avoir des mentors, parfois, avoir... bref, pour tout ça, je pense, ça pourrait être intéressant pour...

Mais, après ça, il faut le circonscrire, justement, l'enjeu et l'accréditation, par exemple, des agences. Donc, vous voulez démarrer, par exemple, une agence privée, bien, voici les critères à rencontrer, voici les mandats qu'on pourrait vous confier pour bien faire votre boulot, votre travail auprès des femmes porteuses et des parents d'intention. Donc, on pourrait... Je pense que cette discussion-là pourrait être amenée dans le projet de loi, discutée pour pouvoir couvrir cet aspect-là qui, en ce moment, ne l'est pas.

M. Jolin-Barrette : Une autre question. Sur les conventions notariées, on a mis, dans le projet de loi, un pouvoir réglementaire qui vise à venir définir ce qu'il peut y avoir dans une convention notariée. Pourquoi, selon vous, c'est important de venir stipuler les clauses qui peuvent être présentes? Et qu'est-ce qui doit être interdit également? Parce que, dans le cadre de vos recherches, j'imagine que vous avez constaté que, parfois, il y a certaines choses qui étaient exigées des mères porteuses dans des contrats.

Selon votre expérience, là, qu'est-ce qui était déraisonnable dans les contrats que vous avez analysés ou dans la littérature que vous avez constatée, qu'il y a des choses qu'on a demandées à des mères porteuses puis elles ne devraient pas se retrouver dans des conventions notariées, là? Parce que, dans le fond, on souhaite établir un cadre avec un ordre public pour que ça soit très clair, pour protéger la mère porteuse, mais où vous nous invitez à aller pour dire : Bien, ça, ça ne doit pas être dedans, puis on doit le prévoir nommément que ça ne doit pas être dedans?

Mme Côté (Isabel) : En fait, ce qu'on veut éviter, avec les conventions notariées, c'est que ça soit un modèle prédéfini qui est pour tout le monde. En fait, c'est pour ça qu'on recommande que la troisième rencontre vise à faire un rapport des intervenants du domaine psychosocial, qui pourrait être ensuite retransmis dans la convention notariée, parce que chaque entente peut différer.

Par exemple, je donne un exemple de négociation qui a lieu, c'est savoir... Actuellement, notamment dans le cadre de la COVID, là, on a rencontré... On a un groupe fermé, Facebook, de femmes porteuses, puis il y a beaucoup de discussions là-dessus qui ont lieu actuellement, sur qui va être là au moment de l'accouchement : Moi, j'aimerais que ça soit mon conjoint qui soit là pour l'accouchement, mais les parents veulent être là, mais il y a juste une personne de disponible, donc ça serait qui, des deux personnes, lequel des deux parents ou... versus <mon...

Mme Côté (Isabel) : ...parents versus >mon conjoint... Donc, des discussions comme ça, qui diffèrent d'une femme porteuse à l'autre, qui doivent discuter préalablement puis qui doivent être reproduites dans la convention.

Ce qu'on a constaté avec les contrats, c'est que les femmes porteuses ne comprennent pas les contrats, ni les parents d'intention. On a vu plusieurs contrats, des contrats très lourds, très longs, dans lesquels est stipulé toutes sortes de trucs qu'ils ne comprennent pas ou qui ne sont pas nécessairement facilement applicables, notamment, par exemple, d'être discrète sur ta grossesse pour autrui pour... par confidentialité pour le parent. Mais, tu sais, quand on est enceinte, on ne peut pas cacher ça, là. On ne peut pas dire qu'on n'est pas enceinte puis on ne peut pas dire que c'est pour autrui parce qu'il n'y aura pas de bébé après. Donc, des éléments comme ça...

Et finalement, toute la question de l'autonomie reproductive, ne pas manger de noix, ne pas prendre tes enfants, ne pas faire d'exercice physique intense, bon, tous les enjeux qui vont réguler le corps des femmes ou qui vont réduire sa latitude devraient être formellement interdits. Ça, c'est clair. Puis les conventions, les rencontres préalables, c'est ce qu'elles visent, en fait, c'est aussi de rencontrer les parents pour dire : Voyez-vous, une grossesse pour autrui, c'est une grossesse dans laquelle tu n'as pas de contrôle, ce n'est pas comme si c'était ta propre grossesse, dans laquelle tu vas t'astreindre à ci ou à ça en fonction de ta grossesse, mais celle-là, ça n'en est pas une. Il faut que tu en sois consciente, et, si tu n'es pas consciente de ça, bien, ce n'est peut-être pas un projet pour toi actuellement.

Et ça, souvent, les parents qui comprennent ça, bon, bien, pour eux, c'est plus facile de rentrer dans le processus, mais il y en a qui ne comprennent pas. Puis, dans le cadre des agences, bien, les agences disent : Bien, on peut demander ça, on peut faire en sorte que ça soit ça, puis eux, ils vont là-dedans sans nécessairement se questionner plus avant.

M. Lavoie (Kévin) : ...peut-être d'autres aspects concernant les conventions signées. Quand j'ai rencontré des femmes porteuses dans le cadre de mes recherches puis je leur demandais : Il y a-tu des clauses qui t'ont rendue inconfortable, qui t'ont... que tu as voulu enlever?, il y en a plusieurs, justement, qui étaient soulevées par rapport à leur liberté, par rapport à qu'est-ce qu'elles mangeaient, la quantité de café qu'elles pouvaient consommer, tout ça. Ça, c'est une chose.

Mais également, il y a des clauses un peu plus subtiles et pernicieuses. Par exemple, en cas de litige, on va se référer au médecin, qui va trancher, mais il y a quand même quelque chose à se questionner en termes de préoccupations. C'est que, là, on confie puis on dévolue nos pouvoirs décisionnels. Donc, le pouvoir des femmes sur leur corps, on le confie à des experts dans le domaine médical. Et ça, vous voyez qu'il y a beaucoup de juristes qui le mettaient par habitude, comme ça, donc, un format comme ça, juste... On va s'assurer qu'il y ait le moins de risque possible, mais, encore là, la liberté d'agir des femmes... Je pense que les brimer... Dans ce contexte-là, donc, on devrait interdire... Puis ça, ça peut se faire dans les contrats de gré à gré, bien, dire : Regarde, il y a tous ces univers-là qu'on ne peut pas en mettre... on ne peut pas le mettre... coucher sur papier.

Il y a également d'autres facettes. Par exemple, les médias sociaux, O.K., bien, la femme porteuse ne peut pas mettre de... afficher sa grossesse pour autrui. Par contre, une grossesse, c'est public. Donc, ça restreint énormément le pouvoir d'agir, l'utilisation des médias sociaux des femmes porteuses. Dans ce contexte-ci, bien, vous voyez, des petites choses comme ça, d'apparence anodine, bien, finalement, au quotidien, peuvent venir vraiment brimer le pouvoir d'agir des femmes.

Donc, ça, c'est le genre de clause, également, à vraiment venir se questionner... de voir leur pertinence, puis, en bout de ligne, c'est souvent ces clauses-là qui sont sur le fardeau des épaules des femmes porteuses et non pas des parents d'intention.

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, je suis d'accord avec vous. C'est très, très clair pour moi qu'un des objectifs de venir encadrer la gestation pour autrui, c'est de préserver l'autonomie de la mère porteuse en toutes circonstances, puis, tu sais, ça, je l'ai dit dès le départ, là. Vous amenez des points précis, notamment, supposons, avec un tiers, avec un médecin ou quelqu'un... un membre du corps médical, mais, pour moi, pour le gouvernement, c'est très clair que l'autonomie, en tout temps, de la femme sur son corps, c'est ce qui va guider nos travaux, notamment le recours à l'avortement, peu importe au moment où la femme décide de procéder. C'est pour ça que le contrat, de la façon dont il est fait, il n'est exécutoire que d'un seul côté, donc, en faveur de la mère porteuse.

Donc, exemple, sur l'avortement, une femme va toujours pouvoir conserver la possibilité de se faire avorter dans le cadre de son processus, dans le cadre de son cheminement. Ça, c'est indéniable, puis je l'ai dit dès le départ, puis il n'y a rien dans le projet de loi qui pourrait remettre en question la notion d'avortement. Ça, c'était fondamental, puis c'est ce qui a guidé notamment nos travaux aussi pour dire : L'autonomie de la femme, en tout temps, doit demeurer, même s'il y a des contrats de gestation. Puis justement, le contrat est là pour protéger la mère porteuse et l'enfant à naître également.

Avant de céder la parole à mes collègues, j'aurais une question sur la pluriparentalité, parce que vous l'avez abordée. Vous, vous dites : Bien, écoutez, on devrait ouvrir... Nous, le choix qu'on a fait, c'est de ne pas ouvrir là-dessus, notamment. Il y a peu d'études. Je pense que vous êtes d'accord avec ça. Je voudrais vous entendre, là, sur votre proposition, vous, de dire : On souhaiterait avoir la pluriparentalité.

• (17 h 30) •

Mme Côté (Isabel) : Oui, tout à fait. En fait, <effectivement, sur les enfants qui grandissent avec plusieurs parents, des processus formalisés d'études, il y en a peu. Pourquoi? Parce qu'il y a peu de...

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17 h 30 (version révisée)

<15359 M. Jolin-Barrette : ...même s'il y a des contrats de gestation. Puis justement le contrat est là pour protéger la mère porteuse et l'enfant à naître également.

Avant de céder la parole à mes collègues, j'aurais une question sur la pluriparentalité, parce que vous l'avez abordée. Vous, vous dites : Bien, écoutez, on devrait ouvrir. Nous, le choix qu'on a fait, c'est de ne pas ouvrir là-dessus, n otamment. Il y a peu d'études. Je pense que vous êtes d'accord avec ça. Je voudrais vous entendre, là, sur votre proposition à vous, de dire : On souhaiterait avoir la pluriparentalité.

Mme Côté (Isabel) : Oui, tout à fait. En fait, >effectivement, sur les enfants qui grandissent avec plusieurs parents, des processus formalisés d'études, il y en a peu. Pourquoi? Parce qu'il y a peu de, comment je pourrais dire, de législations qui légifèrent ça pour l'instant. Donc, évidemment, pour pouvoir faire des études, il faut encore qu'on puisse avoir les mécanismes en place pour étudier.

Par contre, dans le cadre de mes recherches, moi, j'ai étudié les enfants qui naissent de couples lesbiens avec des donneurs connus, donc des hommes dans l'entourage des femmes, qui agissent comme donneurs et qui, dans certains cas, agissent comme des pères, dans d'autres cas, pas du tout, là, ce sont des amis, des parents. Et là je comparais les discours de l'ensemble de ces enfants-là. Et des enfants qui ont deux mamans puis un papa, et des enfants qui ont deux mamans et un donneur, ils font la nette... tous ces groupes d'enfants là font une nette différence. Donc, les enfants qui ont... qui grandissent avec deux mamans puis un papa, bien, évidemment, ce que ça fait en sorte, c'est que ces enfants-là ne sont pas protégés en cas de conflit ou ce n'est pas reconnu... en fait, leur modèle familial n'est pas reconnu, puis ils ne sont pas protégés, si jamais, pour une raison ou pour une autre, un des parents allait à s'en aller.

Donc, c'est sûr que, pour nous, le meilleur intérêt de l'enfant consiste à ce que son modèle familial soit reconnu. Et, en 2002, on avait dit un peu ça, en fait : C'est un peu compliqué de réguler les familles de même sexe. Puis pourtant, on l'a fait et puis on a été des précurseurs, à travers la planète, de l'avoir régulé de cette façon-là. Personne n'était allé aussi loin qu'on a eu à ce moment-là. 20 ans plus tard, force est de constater que tout va bien, là, qu'il n'y a pas eu de problème et, au contraire, ça s'est très bien passé. Et je pense que là, on a une opportunité, avec la pluriparenté, d'ouvrir la porte pour le meilleur intérêt de ces enfants-là, des enfants concernés, ça ne sera pas beaucoup d'enfants, mais les enfants concernés.

Ce qu'on fait en faisant ça, c'est qu'on vient sécuriser leurs liens avec tous les adultes qui sont considérés comme des parents. Parce que ce que ça fait, c'est que, des fois, les parents sont obligés d'utiliser la filiation de façon créative. Par exemple, dans un contexte où j'ai rencontré dans... c'était la même mère qui avait porté les deux enfants. Donc, pour le plus vieux, c'est une mère qui était la... qui avait la filiation, puis, pour l'autre, c'était le donneur qui avait la filiation. La mère me disait en blague : On en a chacun un, en parlant du donneur et elle, en se disant : Bien, de cette façon-là, on se protège tous les trois, tu sais. Mais ça n'a pas de bon sens d'être obligé de jouer un peu comme ça pour pouvoir faire reconnaître son milieu, son modèle familial.

M. Jolin-Barrette : Dernière, dernière question, pour ma part. Sur la connaissance des origines, notamment en gestation pour autrui, mais également pour les personnes confiées à l'adoption, vous êtes d'accord avec ça.

Mme Côté (Isabel) : Oui, oui. Tout à fait, oui.

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, je vais céder la parole, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Chapleau, il reste moins de deux minutes.

M. Lévesque (Chapleau) : Excellent. Merci, M. le Président. Bonjour, Pre Côté, Pr Lavoie, vraiment un plaisir de vous revoir, dans votre cas, et bien heureux que vous soyez dans notre belle région de l'Outaouais, à l'UQO, là, c'est un plaisir. On a eu l'occasion d'échanger par le passé.

Sur la connaissance des origines, notamment en lien avec l'article 116, où il y a des obligations, là, en lien avec des obligations de la clinique de fertilité, de communiquer ces renseignements-là, vous dites que, bon, c'est un bon pas, c'est intéressant, mais vous préconisez peut-être des bonifications. Ce serait quoi, dans ce sens-là?

Mme Côté (Isabel) : Bien, en fait, actuellement, les parents qui deviennent... qui utilisent du don de sperme doivent retourner à la clinique pour dire quand il y a une grossesse effective, O.K., pour que la banque puisse documenter le nombre de naissances vivantes avec un tel donneur, et très peu de parents le font. Dans le cadre d'une étude que j'ai en cours actuellement, là, sur 36 familles, une seule avait averti la banque par la suite. Donc, pourquoi ils ne le font pas? Pour différentes raisons, mais généralement, ils ne se sentent pas obligés de faire ça.

Et donc, moi, je préconise plutôt... bien, mon collègue et moi, on préconise plutôt que la RAMQ, en fait, soit liée avec la femme qui reçoit un don de sperme, ce qui fait en sorte que, quand elle aura accouché, bien, nécessairement, on pourra, à ce moment-là, là, savoir qu'elle a eu un enfant par don de sperme. Parce que sinon, en l'état, tout ce que ça fait, c'est que ça identifie les couples lesbiens qui, nécessairement, devant l'état civil, devront dire qu'ils ont eu un donneur. Mais les femmes célibataires pourraient très bien dire : Non, non, j'ai rencontré quelqu'un comme ça, puis ça n'a pas marché, puis je ne sais pas c'est qui. Puis les couples hétérosexuels pourront dire évidemment que ça a fonctionné de façon naturelle entre les traitements.

Donc, en ayant... dès qu'il y a un don de sperme, en liant ça, en fait, à la femme qui le reçoit, ça fait en sorte qu'il y a plus de chances, là, qu'on puisse avoir le mécanisme, là, à la fin, pour la déclaration.

M. Lévesque (Chapleau) : O.K. Vous avez également parlé...

Le Président (M. Bachand) :Merci.

M. Lévesque (Chapleau) : Oh! c'est tout. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Ça va très, très rapidement, désolé. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Pre Côté, Pr Lavoie, merci d'être avec nous. J'ai des questions peut-être en rafale pour compléter les échanges.

Donc, l'importance... Puis effectivement, on le voyait qu'il y avait des rencontres... je vais trouver le terme, là, c'est «implications psychosociales», il y avait des rencontres chacun de son côté. Là, vous dites que ça en prendrait une troisième pour que les gens puissent se parler puis se comprendre. Ça, vous l'avez vu, vous l'avez noté. Est-ce que ça se fait ailleurs, cette troisième rencontre là? Est-ce que c'est bénéfique?

Mme Côté (Isabel) : Oui, effectivement. Actuellement, en Australie, c'est comme ça qu'on organise aussi la question de la gestation pour autrui, comme la question, en fait, du don de gamètes. L'Australie est allée assez loin dans cette question-là du domaine psychosocial, de la réflexion psychosociale, justement pour forcer les parties à se parler pour, justement, favoriser, en fait, les meilleures discussions et, donc, diminuer les risques de conflit. Parce que ce qu'on s'aperçoit, c'est que c'est <...

Mme Côté (Isabel) : ...>souvent des mésententes, ou des discussions qui n'ont pas eu lieu, ou des façons de dire les choses qui n'ont pas été clairement dites. Parce qu'au début, quand on commence un projet de convention de gestation pour autrui, on est content, on a des liens ensemble, ça va bien, on s'est trouvé puis, bon, on est tout emballé par le processus. Mais c'est en cours de route que ça peut venir ou c'est des réflexions qu'on n'a pas eues préalablement. Donc, l'intervenant du domaine psychosocial pourrait amener les personnes à réfléchir à ces questions-là plutôt que juste les rencontrer pour discuter des enjeux éthiques, là, tel que proposé dans le projet de loi.

Comme je le disais, c'est un processus très relationnel, la GPA, et c'est ça qui est important de préserver, la relation. Et c'est de cette façon-là, en fait, que la relation se poursuit, parce que la plupart des recherches et les nôtres aussi démontrent que, suite à la remise de l'enfant, quand l'enfant est né, les relations se poursuivent des années plus tard. D'ailleurs, il y a une étude longitudinale en Angleterre, là, les enfants sont rendus à 17 ans, et 80 % d'entre eux ont des contacts avec la femme porteuse au moins une fois par année. Donc, on peut voir que, de façon longitudinale, les liens sont là, mais encore faut-il que ça soit bien établi dès le départ.

M. Tanguay : Oui, puis c'est intéressant aussi, puis ça fait écho à donner suite de façon tangible à l'intérêt de l'enfant, s'il a le goût. Puis on fait comme une dichotomie entre le projet parental et femme, personne qui va porter l'enfant, mais c'est un projet qui est pas mal commun en ce sens-là aussi, là. Il l'est de façon très tangible durant la grossesse et à l'accouchement, mais, par la suite, ça pourrait faire partie justement... Parce que, comme législateur, moi, ce qui me préoccupe, c'est qu'est-ce qu'on est en train de faire là puis les décisions qu'on prend de donner accès ou pas à telle information, de l'encadrer de telle, telle façon, mais de ne pas prévoir tel, tel encadrement, comme cette fameuse troisième rencontre là. On donne, vous allez me permettre l'expression, on donne le ton pour la suite des choses également. Alors, je trouvais ça intéressant.

Vous proposez, je pense, à titre principal, d'enlever le délai de sept jours, mais, à titre subsidiaire, vous avez un plan B, puis j'aimerais vous entendre là-dessus, sur la réflexion que vous avez.

Mme Côté (Isabel) : Oui. En fait, ça, c'est... le fait de laisser sept jours à la femme porteuse, c'est basé sur l'idée que les femmes porteuses pourraient changer d'avis et puis le regretter. Or, c'est... au niveau même international, c'est de l'épiphénomène. Au Canada, ce n'est jamais arrivé, sauf en 2005. Ce n'est pas allé en cour, ça s'est réglé hors cour à l'avantage des... bien, des parents d'intention, en fait.

Mais il y a une juriste de l'Université d'Ottawa qui a documenté auprès d'avocats, en fait, les... qu'est-ce qui pouvait arriver, là, dans des conditions de GPA où il y avait des conflits. Et ce qu'on s'est aperçu, ce qu'elle a documenté, c'étaient souvent des éléments qui étaient plus liés à la relation, en fait, qui causaient des insatisfactions. Et c'est pour ça que les femmes porteuses retournaient vers les avocats, par exemple, mais que généralement ça se passait très bien. Et les avocats, ce qu'ils ont remarqué et ce que nous, on a documenté aussi, c'est que c'était plutôt l'inverse qui arrivait, c'étaient des parents d'intention qui ne remplissaient pas leurs obligations, davantage que l'inverse. Donc, eux-mêmes disaient : Nous, on n'a pas rencontré de femme porteuse qui disait : Je ne veux pas. On a rencontré des femmes porteuses qui disent : On s'est entendu sur telle affaire, mais ça ne se passe pas actuellement, comment que je peux faire en sorte pour que ça, ça soit respecté?

D'où la convention notariée, de dire : Bien, si on a déjà prévu, par exemple, qu'une fois par année, il y avait des photos, qu'on se voyait deux fois par année ou qu'on avait quand même des appels vidéo une fois par mois, par exemple, quoi que ce soit, bon, ça peut favoriser ça. Mais l'inverse, par exemple, que des parents d'intention ne prennent pas l'enfant, bien, oui, ça, c'est documenté au Canada. Donc...

M. Tanguay : J'aimerais vous entendre... puis merci beaucoup pour vos éclairages, la troisième rencontre, donc, par des professionnels qualifiés, puis vous demandez qu'ils soient qualifiés, donc avoir une certification. Quelles pourraient être, au point de vue éthique, les conséquences pour un professionnel qui se rend compte puis dit : «Oh my God!», ça ne marchera pas, là. Quelles pourraient être les conséquences?

Mme Côté (Isabel) : Vous voulez dire est-ce qu'un professionnel pourrait...

M. Tanguay : Un professionnel qui se rend compte que, finalement, là, je rencontre... il y a une dichotomie, là, ils ne sont pas à la même place. Ça part... excusez mon expression, ça part un peu tout croche, là, je ne suis pas sûr, je suis... professionnellement, là, puis j'ai suivi la certification, puis tout ça, il me semble qu'ils sont mal... Quelle pourrait être la capacité ou pas d'un professionnel de lever la main, à qui, comment? On le veut, on ne le veut pas. Qu'est-ce que... Quelle est votre réflexion là-dessus?

Mme Côté (Isabel) : Bien, c'est une excellente question, à savoir est-ce que le professionnel pourrait avoir un droit de veto, par exemple, sur la régulation.

M. Tanguay : ...mais se poser la question.

• (17 h 40) •

Mme Côté (Isabel) : Moi, je pense que ça pourrait arriver, par exemple, qu'une troisième rencontre ne soit pas suffisante dans un contexte de médiation puis qu'on puisse favoriser une quatrième rencontre. En fait, ces professionnels-là devraient être habilités à dire : Bien là, vous, vous voulez ça, vous, vous voulez ça, il y a comme une disparité très grande entre les deux. Bon, on pourrait continuer à discuter, mais, si on ne peut pas se rejoindre, bien, ça va être son travail de dire : On ne pourra pas se rejoindre. On ne peut pas se rejoindre, vous êtes tellement loin l'un de l'autre que ça ne sera pas agréable ni pour vous ni pour elle. Donc, de pouvoir <...

Mme Côté (Isabel) : ...>permettre à chacune des parties de réfléchir son propre projet, ce qui n'est pas le cas actuellement. Je ne sais pas si tu veux peut-être ajouter, Kévin.

M. Lavoie (Kévin) : Oui, puis justement ces rencontres-là préalables, ça permet de révéler des tensions qu'il y a peut-être de façon sous-jacente, des sujets qu'ils veulent mettre de côté, puis on ne veut pas aborder, on veut le cacher, tout ça. Gardons en tête également que les femmes porteuses... là, on parle de la femme porteuse, mais cette femme-là est dans une communauté, est entourée. Les rencontres, là, moi, les femmes que j'ai rencontrées, les situations familiales... en fait, souvent, le conjoint ou la conjointe de la femme porteuse est impliqué également dans la discussion. Et les enfants des femmes porteuses aussi font partie de l'équation, font partie de la discussion.

Puis je pense que, des fois, il peut y avoir peut-être des tensions en termes de, bien, qu'est-ce qui peut être fait, qu'est-ce qu'on veut arrimer. Puis ces rencontres-là de, nous, ce qu'on appelle médiation procréative, pourraient avoir objet, justement, de mettre... révéler des tensions qu'il pourrait y avoir, quatrième, cinquième rencontre, en disant : Regarde, je mets sur la table des tensions que vous avez là, qu'est-ce que vous allez faire? Puis après ça, je pense, on peut aussi faire confiance aux gens pour aller de l'avant dans les projets pour dire : Bien, regarde, prenez les décisions. Puis, en fait, l'objectif de tout ça, c'est qu'il y ait un consentement libre et éclairé. Éclairé, ça implique de l'information juste, information également de nos droits et responsabilités, des impacts que ça peut avoir à moyen, long terme.

Et, après ça, je pense que, là, on peut éventuellement... là, ce serait de voir où est-ce que le législateur pourrait aller en termes de s'immiscer dans l'entente des personnes impliquées. Mais je pense, après ça, quand tout est mis sur la table, le travail est fait pour avoir un... après ça, exprimer un consentement libre et éclairé, même si... Peut-être qu'il y a des enjeux que le professionnel est peut-être moins confortable, mais au moins ça va être nommé puis ça va être par écrit. Il y a des traces et il y aura des recours possibles.

M. Tanguay : Et ça, puis le ministre me corrigera si j'ai tort, je ne pense pas qu'il est prévu, vers la fin du projet de loi, le dépôt statutaire d'un rapport de mise en application dans les trois ans ou dans les cinq ans. On pourra peut-être faire un amendement là-dessus.

Puis on parlait ce matin d'une chaire de recherche. Ça va être important de voir les implications de ce qu'on fait, parce que nous, législateurs, on peut bien jouer sur la mécanique des choses, passer go, entente notariée, minute, papi, papa, mais dans la vraie vie, comment ça va se vivre? Je pense qu'il va falloir revenir puis dire : Bon, bien, ça fait trois ans ou cinq ans que la loi est appliquée, et ça, c'est important, on n'a pas mis la troisième rencontre, on aurait dû, et ainsi de suite. Excessivement important.

Aussi, au niveau international, la mère porteuse ou la personne qui va porter l'enfant est à l'extérieur du Québec, que les parents d'intention seulement auraient cette rencontre, quant aux implications psychosociales, y voyez-vous là une carence, un manque? Il faudrait peut-être s'assurer... je sais que c'est à l'étranger, mais s'assurer que la personne, la mère porteuse à l'étranger aussi va être vue, et rencontrée, et aussi, là, à la troisième rencontre.

Mme Côté (Isabel) : Bien, en fait, ça pourrait être un peu... excuse-moi, Kévin, ça pourrait être un peu difficile dans un contexte, là, international. On pourrait effectivement le valoriser et puis le mettre dans le projet de loi pour que ça puisse avoir lieu.

Toutefois, juste pour revenir au début, quand vous parliez, bon, d'avoir les implications, moi, j'ai une chaire de recherche sur la procréation pour autrui, c'est exactement ce que j'étudie, là, depuis plusieurs années. Donc, dans le cadre de mes recherches, j'ai rencontré des enfants et j'en rencontre actuellement, des enfants nés par GPA, des enfants de femmes porteuses, l'ensemble des parties concernées par les projets de GPA. Je fais ça depuis plusieurs années. Kévin a fait sa thèse là-dessus, rencontre actuellement les conjoints de femmes porteuses. Et les recherches qu'on a et les recherches qui sont démontrées à l'international démontrent que c'est des projets qui vont bien. En général, là, ça va bien. Il faut quand même partir de ça, là, plutôt que d'aller de façon défensive en disant : Les risques que ça aille mal sont très grands. C'est plutôt le contraire, ça va très bien, puis c'est des processus qui font en sorte que les gens sont valorisés là-dedans, les femmes porteuses sont valorisées dans ce projet-là. Donc, ça, c'est un des éléments.

Par contre, je vous rejoins sur l'idée qu'il manque des données de recherche, qu'il faudrait avoir plus de données de recherche et qu'effectivement on pourrait financer des projets de recherche plus spécifiques pour savoir, au Québec, dans une modalité où on va implanter quelque chose de nouveau, comment, à long terme, ça va se développer. Ça, effectivement, ça pourrait être pertinent.

M. Tanguay : Et pour les quelques secondes qu'il me reste, autrement dit, on vous voit là, aux auditions, on ne vous verra plus à l'article par article, puis on ne vous verra probablement pas dans la mise en application. Il ne faudrait pas socialement, vous, chercheurs, vous perdre de vue, puis vous garder près, justement, de l'évaluation en continu de ce processus-là, là. Je ne suis pas en train de vous allouer un budget de recherche, mais il ne faudrait pas que vous... Ça doit être de la musique à vos oreilles, mais il ne faudrait pas perdre cette expertise-là, là.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup.

M. Lavoie (Kévin) : Si je peux me permettre de répondre à votre question sur le côté transnational.

Le Président (M. Bachand) : Quelques secondes.

M. Lavoie (Kévin) : Mais je pense que. si on confie, par exemple, là... moi, j'avais nommé le Secrétariat à l'adoption internationale. On pourrait penser à des modalités, justement, des ententes transnationales avec des agences ou des cliniques, là, dans d'autres pays pour avoir, par exemple, des interventions en ligne à distance. Maintenant, avec les modalités, là, de Zoom, et autres, il y aurait possibilité de faire preuve d'innovation pour pouvoir arrimer quelque chose. Puis ça va peut-être être prévu dans les règlements, et tout ça, mais on... je pense, ce n'est pas une limite. Le côté transnational, si... comme on confie un mandat, puis on pourrait déployer des pratiques, comme la médiation conjugale <...

M. Lavoie (Kévin) :  ...>et familiale, on le fait déjà, transnational, on pourrait s'en inspirer pour établir quelque chose de novateur.

Le Président (M. Bachand) :Merci, M. Lavoie. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous plaît.

M. Leduc : Merci, M. le Président. M. Lavoie, Mme Côté, bienvenue. Il y en a, des personnes, parfois, qui vont s'opposer à la GPA en craignant que, si on ouvre les portes, ça devienne les fameuses usines à bébé, là, qui sont utilisées comme image. Je comprends de votre présentation qu'on n'est pas du tout dans un... on n'a pas à craindre ce scénario-là ici, au Québec, là.

Mme Côté (Isabel) : Non, puis on n'a pas à le craindre... C'est une question qu'on pose souvent, ça, cette question-là. À partir du moment où on va permettre ça, est-ce qu'il va y avoir une augmentation des chiffres? En Angleterre, ils sont en train de réfléchir actuellement, justement, sur la refonte de la GPA. Eux, ils ont la GPA régulier depuis 1985, mais ils veulent rechanger des choses, notamment de faire en sorte que la femme porteuse, dès la naissance, puisse laisser aller ses droits, alors que, pour l'instant, elle a quelques semaines, six, sept semaines, et les femmes porteuses s'en plaignent beaucoup, là, là-bas. Donc, en revenant là-dessus, on s'est inquiété en disant : Dès qu'on va faire ça, on va ouvrir les portes, davantage de gens qui viennent. Et là il y a des chercheurs, dont l'équipe de Susan Golombok, qui est une chercheure très reconnue là-dedans, qui s'est mise à documenter la GPA et qui s'est aperçue que non, ça n'augmente pas à partir du moment où c'est régulier.

Ici, on a peu de chiffres sur combien de GPA ont lieu par année, et puis le projet de loi va nous permettre d'avoir des chiffres très précis au Québec. Ça, c'est vraiment l'avantage principal, c'est que la façon dont c'est fait, on va savoir combien de projets qu'il y a par année. Au Canada, en 2017, on a estimé 950 projets de GPA dans tout le Canada pour l'ensemble des naissances, ce qui n'est pas beaucoup. Mais c'est difficile d'avoir un chiffre précis, parce que ça, ça dépend de l'obligation des cliniques de divulguer les actes volontairement au registre national sur la procréation assistée, donc toutes les procédures d'in vitro. Bon, sur ces procédures-là, il y en aurait 950 qui soient liés aux femmes porteuses, mais ça laisse de côté toutes les GPA génétiques, donc, qui se font à la maison, en dehors des cliniques. Celles-là, on ne peut pas les documenter. Mais avec le projet de loi, effectivement, on va le savoir nécessairement puisque tous les... la façon dont la filiation est organisée, on va pouvoir comptabiliser ça, et ça, c'est vraiment un plus.

M. Leduc : À la recommandation 17, vous proposez qu'il y ait déjà eu une grossesse préalable de la personne. Puis le Conseil du statut de la femme, qui est passé plus tôt aujourd'hui, avait une recommandation similaire. Pourquoi vous faites cette recommandation?

M. Lavoie (Kévin) : Pour la situation... en fait, parce qu'une grossesse, il y a beaucoup de choses qui sont chamboulées, le corps, santé physique, santé mentale. Sans avoir eu une connaissance fine de sa propre expérience liée à l'enfantement, à la grossesse et à l'accouchement, il peut y avoir des risques, sans être prévus, il peut y avoir des complications également. Donc, ça peut être quand même un... ça peut rassurer tout le processus également puis guider également les actions que la femme porteuse va poser pour son propre corps, pour le bien-être de l'enfant à naître aussi. Donc, ça nous semble une mesure quand même possible puis, je pense, pour sécuriser tout l'ensemble des personnes impliquées dans une entente.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Merci beaucoup à vous deux. Si on se fie à l'Ontario ou à d'autres endroits dans le monde qui ont une expérience où il y a des agences, par exemple, est-ce qu'on est capable de savoir combien de GPA se font par, je dirais, rencontre naturelle entre des gens qui se connaissent déjà versus des gens qui ont besoin d'avoir recours à une agence ou à un tiers pour pouvoir faire ce jumelage-là?

M. Lavoie (Kévin) : Il y a quelques données canadiennes qui sont disposées... en fait, c'est des échantillons de convenance, qui ont été souvent des enquêtes en ligne, qu'on a distribués à travers les femmes porteuses des agences, des parents d'intention des agences ou parfois sur les médias sociaux, groupes Facebook, par exemple. Parce qu'il y a trois filières, hein, d'avoir accès à la gestation pour autrui. On peut connaître les gens, hein, c'est une amie, une cousine, hein, qu'on... donc, il y a déjà une relation préexistante. Ça peut être les agences, mais également ça peut être les groupes Facebook, donc c'est des par et pour, des groupes qui vont se rassembler pour plein de raisons qui amènent la trajectoire vers une prise de contact. Et, à l'heure actuelle, c'est très, très, très difficile, avec ce que ma collègue Isabel a évoqué, puis on a déjà eu l'occasion d'en parler, les données manquent. Donc, les gens qui vont s'avancer sur des proportions, tout ça, en fait, ce n'est pas... c'est un terrain hasardeux parce qu'on ne peut pas vraiment circonscrire.

Moi, dans mes travaux de recherche, là, concernant... dans ma thèse, par exemple, j'ai rencontré de toutes les configurations possibles, différentes trajectoires, agences, amis, relations familiales ou relations amicales, puis également des gens rencontrés sur Facebook. Et il y a... Ce n'est pas tant la trajectoire, la filière d'accès qui va faire que c'est une belle expérience ou une moins belle expérience, c'est davantage : Est-ce que les gens se sont parlé du projet? Est-ce qu'ils ont mis cartes sur table? Est-ce qu'ils ont confiance l'un en l'autre? Est-ce qu'ils se sont projetés dans l'avenir également? C'est ça, les facteurs qui vont venir influencer beaucoup. Mais après ça, ça existe, au sein de la famille, au sein des relations familiales. C'est possible, c'est juste qu'on n'a pas de mesure pour pouvoir capter ces expériences-là, parce qu'elles ne sont pas nécessairement dans les cliniques de fertilité, parce que ça peut être, par exemple, avec <...

M. Lavoie (Kévin) : ...>une insémination artisanale à la maison. Donc là, on n'a pas nécessairement de trace, de voir un peu la proportion, le nombre de situations que ça concerne.

• (17 h 50) •

Mme Hivon : O.K. Puis parce que souvent, les gens vont avoir cette image-là de gens qui se connaissent, donc il y a un côté altruiste, et tout ça. Puis là, dès qu'on tombe dans des gens qui ne se connaissent pas, ils vont dire : Oui, mais là, c'est quoi, la motivation derrière ça? Puis donc, si vous pouvez nous éclairer, parce que vous êtes vraiment les grands experts, ces motivations-là, est-ce qu'il y a un aspect de dédommagement plus-plus ou... On sait qu'on n'est pas supposé rémunérer, mais est-ce qu'on voit des enjeux par rapport à ça?

M. Lavoie (Kévin) : La question des motivations est centrale. Puis les femmes se font tout le temps poser la question, hein, je leur demandais, moi... dans nos travaux, on leur demande aussi aux gens : Bien, qu'est-ce qui t'a amené à vouloir fonder ta famille comme ça ou d'y voir... le faire pour un couple ou un parent? Et les différents... les motivations sont multiples et peuvent cohabiter, hein? Ce n'est pas parce que j'ai seulement une motivation...

Les femmes, en général, vont avoir plusieurs motivations qui sont nommées, qui sont exprimées. En général, ça va être de... les femmes sont particulièrement sensibles à l'infertilité ou également aux situations des couples de même sexe. Donc, en disant : Bien, regarde, moi, j'ai des enfants, c'est la plus belle chose de ma vie, je veux pouvoir offrir le cadeau de la maternité à d'autres femmes qui ne peuvent pas le vivre ou également des couples de même sexe que je trouve ça effrayant qu'ils n'ont pas accès, donc moi, je peux contribuer. Mais après ça, la question de l'argent, la rémunération...

Le Président (M. Bachand) :Merci, M. Lavoie. En terminant, cinq secondes.

M. Lavoie (Kévin) : Une des préoccupations, c'est qu'elle dise : Non, je ne suis pas rémunérée, je ne le fais pas pour l'argent. Parce que, si on y va avec le taux horaire, ce n'est pas du tout payant. Par contre, elles ne veulent pas s'appauvrir, elles ne veulent pas non plus prendre sur elles les responsabilités financières d'un processus de GPA.

Le Président (M. Bachand) :Pr Lavoie, Pre Côté, merci infiniment d'avoir été avec nous aujourd'hui, c'est très apprécié.

Donc, je suspends les travaux jusqu'à 19 h 30. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 52)


 
 

19 h 30 (version révisée)

(Reprise à 19 h 32)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bon début de soirée à tous et à toutes. La Commission des institutions reprend ses travaux.

Nous poursuivons les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 2, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et modifiant le Code civil en matière de droits de la personnalité et d'état civil.

Ce soir, nous allons entendre Mme Andréane Letendre, mais, d'abord, il nous fait plaisir d'accueillir les représentantes de la Fédération des parents adoptants du Québec, conjointement avec l'Association des parents pour l'adoption québécoise. Alors, merci beaucoup d'être avec nous ce soir. Comme vous le savez, vous avez 10 minutes total, et, après ça, on aura un échange avec les membres de la commission. Donc, bienvenue, et la parole est à vous.

Fédération des parents adoptants du Québec (FPAQ) et Association des parents pour l'adoption québécoise (APAQ)

Mme Morel (Anne-Marie) : Parfait. Donc, on ne s'était pas... On n'avait pas déterminé entre nous qui commençait, mais je vais faire un cinq minutes, Carolyne, et je te laisse la parole après. Ça te va?

Donc, bonjour. Je suis la présidente de la Fédération des parents adoptants du Québec. Je suis Anne-Marie Morel. Je suis accompagnée de ma collègue Marielle Tardif, qui est la vice-présidente de la fédération. Ceux qui ne nous connaissez pas, on est un organisme qui, depuis 1986, outille, soutient, défend les intérêts des parents adoptants du Québec. On a des parents autant de l'international que du Québec, là, parmi nos membres, puis on en compte 550.

Donc, on a déposé le mémoire à la dernière minute. On s'excuse, c'était un projet de loi colossal pour nous. Donc, on a dû ramer. Nous sommes entièrement bénévoles. Donc, on a dû travailler aussi fort que vous l'avez fait toute la journée. On sait que vous avez des longues journées ces temps-ci. Donc, notre mémoire va toucher deux éléments principaux.

Le premier est vraiment l'enjeu de la filiation adoptive. On a vu, quand même, dans le projet de loi, plusieurs points positifs. On voit que la tutelle supplétive ajoute des modalités qui sont intéressantes. Ça ne rupture plus... La DPJ ne se retire plus des services lorsqu'on va avoir recours à ce nouveau mécanisme-là. Donc, on trouvait ça très intéressant.

En revanche, c'est certain que, pour nous, alors qu'on est un des groupes qui a toujours été les plus critiques par rapport à instaurer un nouveau modèle d'adoption qui reconnaîtrait la multiparentalité, bien là on pense qu'on serait rendus là, au Québec, d'aller vraiment étudier davantage l'idée d'une adoption sans rupture de filiation.

Donc, c'est ce qu'on présente. Pour nous, l'adoption, c'est le modèle qui est le plus stable en termes de projet de vie alternatif pour les enfants. Donc, on croit vraiment qu'il y aurait intérêt à étudier un tel outil pour ajouter cet élément dans le coffre à outils des experts des services sociaux. On sait très bien que les enfants qui sont très jeunes vont souvent être adoptés par l'adoption plénière. Mais les enfants un petit peu plus âgés, là, à partir de deux ans, les études nous montrent que c'est beaucoup plus rare qu'on va se diriger vers ce projet de vie là, alors que, pour ces enfants-là, des fois, ils ont une appartenance à deux familles, puis ça représenterait très bien leur réalité.

Donc, c'est un des volets qu'on instaurerait. Par contre, on sait que c'est extrêmement complexe. Donc, on soulevait différentes conditions qui, pour nous, rendraient ces modalités acceptables. On sait que vous aurez, dans les prochains jours, des chercheurs, des experts qui vous déposeront également les mêmes requêtes. On a parlé à des groupes comme le Cocon Adoption Québec, qui est le comité de concertation en adoption au Québec, les groupes de recherche en placement et adoption. Dans le contexte de la protection de la jeunesse, ce sont tous des groupes qui vont vous envoyer des mémoires, même s'ils n'ont pas l'occasion de se faire entendre, parce qu'ils considèrent que 113... le projet de loi n° 113 n'a pas apporté toutes les réponses pour les différents enfants.

Donc, on a besoin de différents outils, différents projets de vie parce qu'on a différents enfants, différents parents d'origine puis différentes histoires de vie. Donc, on veut vraiment garnir le coffre à outils de ces enfants-là pour favoriser, le plus souvent possible, l'adoption. Donc, ça, c'était notre <premier volet...

Mme Morel (Anne-Marie) : ... notre >premier volet.

Le deuxième volet, c'est tout l'enjeu de l'accès aux origines, qui est très bien couvert dans ce projet de loi. On a été heureux de nombreuses modalités. On a vu... Pour nous, c'est un droit inaliénable de l'enfant, bien, de la personne adoptée, d'avoir accès à ses origines. Donc, on a vu l'ouverture sur la fratrie, sur les grands-parents. C'est toutes des choses qui nous ont ravies.

Le seul point qui, pour nous... on aurait aimé voir un changement dans cette loi, c'est le fait que les enfants, les personnes adoptées, dès 18 ans, même ceux qui sont à travers le système de la protection de la jeunesse et qui ont passé par un signalement, bien, on va dévoiler leurs informations à leurs parents d'origine dès leur majorité et non pas attendre qu'ils y consentent.

Donc, nous, on aurait aimé renverser ce pouvoir-là et faire en sorte que ce soit vraiment le consentement qui déclenche le partage de l'information identitaire aux parents d'origine dans les cas de signalement, tout simplement parce qu'on sait que ça peut réactiver ou raviver des traumatismes du passé. Donc, c'était quelque chose qu'on aurait aimé revoir. On sait qu'aujourd'hui, même si on ne donne pas les informations de contact, les gens peuvent facilement être retrouvés dans les médias sociaux. Il y a de plus en plus de recherches sur l'adoption qui touchent cette réalité-là. Donc, pour nous, ça, c'était un enjeu qu'on voulait soulever.

Les autres éléments.... Il y a un élément qui est à l'article 119, où on parle de l'accès aux documents auxquels l'adopté a droit dans le cas d'une adoption internationale. Pour nous, c'est important de lister les fameux documents auxquels il aura droit parce que ce ne sont pas les mêmes qu'au Québec. Puis on arrive avec des documents de voyage, on arrive avec différents consentements, mais aux couleurs du pays d'origine. Donc, c'est des documents qui valent beaucoup, là, pour l'enfant.

Puis la dernière chose, c'était... On voit que le projet de loi rajoute de l'accompagnement psychosocial, entre autres, là, pour la procréation avec un tiers, ce qui est parfait. Mais, dans notre cas, on se disait que ça serait bien aussi qu'on pense aux adoptants dans les contextes de retrouvailles, parce que 113 donnait l'accompagnement à l'adopté, aux parents d'origine, mais pas à l'adoptant. Puis souvent c'est l'adoptant qui va devoir soutenir l'adopté puis qui va vivre lui-même aussi des situations, des fois, qui sont difficiles.

Donc, voilà, Carolyne, je te cède la parole pour l'autre...

Mme Belso (Carolyne) : Bonjour. Donc, merci, Anne-Marie. Mon nom est Carolyne Belso. Je suis présidente de l'association des parents adoptants du Québec... non, j'ai dit ça parce que j'ai une entente de la fédération... l'association des parents pour l'adoption au Québec.

Donc, nous, on est fondés en 1996 dans le but de favoriser l'adoption des enfants d'ici. Notre objectif est de faire connaître les besoins particuliers des enfants du Québec et de soutenir des parents qui tentent d'y répondre. L'association s'adresse aux postulants en adoption, ensuite, parents adoptants et parents en post-adoption, afin de leur offrir de partager leurs ressources, leurs expériences, les défis, les craintes et les joies avec des familles qui vivent la même réalité. Alors, moi, je vais avoir pas mal de lecture. Je suis désolée, je suis très stressée, je ne suis pas habituée à faire des présentations comme ça.

Alors, je vais commencer en disant... Je voudrais remercier la commission d'avoir le privilège de m'y adresser aux audiences de ce soir au nom de l'APAQ. Ensuite, on voulait mentionner que notre expertise est avec des parents d'adoption québécoise et de leur vécu, pas de la science ni du langage juridique. Alors, on essaie de vous laisser savoir qu'est-ce qu'on pense de notre coeur plus que de manière...

Les parents qu'on représente sont des parents de l'adoption québécoise et de la banque mixte. On voulait mentionner que les parents ont besoin de stabilité pour eux-mêmes, mais aussi pour leurs enfants, de soutien, de formation et de mieux connaître les enjeux de l'adoption pour permettre les meilleures chances de succès du placement. Évidemment, on parle toujours d'avoir l'enfant à coeur de toutes les décisions qu'on prend et qu'on veut avoir le succès de la famille, finalement.

• (19 h 40) •

On voulait aussi mentionner que les parents en banque mixte, en particulier, rencontrent beaucoup d'enjeux et vivent de l'instabilité et des défis au niveau de la famille dans l'attente du jugement, des visites, de l'adoption et de l'enfant. Alors, c'est aussi de reconnaître que les instabilités, c'est des deux côtés. Alors, il y a l'enfant qui vit des défis, mais les parents adoptants aussi.

On a déposé notre mémoire hier aussi. Ça a été rapide. On espère qu'on a été capables de vraiment être capable de transmettre ce qu'on voulait <vous partager...

Mme Belso (Carolyne) : ...voulait >vous partager. Les recommandations qu'on a mentionnées, je vais juste vous les lire ici puis un petit peu les regarder.

Donc, le droit au congé parental pour tout parent, qu'importe la voie à la parentalité, que ce soit l'adoption au Québec, l'adoption hors Québec, comme à l'international, les mères porteuses ou de gestation pour autrui. Alors, l'adaptation de l'enfant requiert un congé parental, quelle que soit la façon de devenir parent. Alors, selon nous, le projet de loi n° 2 reflète bien notre position. On est vraiment d'accord avec ce qu'on a vu.

L'accompagnement à l'adoptant... l'adopté et aux membres de la famille d'origine avant l'ordonnance de placement dans le but de soutenir l'échange de renseignements ou de développer des relations personnelles. Les parents adoptants se disent ouverts à une entente quand on parle de maintenir les liens de parenté biologique significative car il en est de l'intérêt de l'enfant, bien sûr. Le directeur de la DPJ doit également connaître et partager les informations disponibles sur les ressources qui accueillent les parents en adoption, et ceci est aussi important dans tous les contextes d'adoption.

Alors, finalement, on est partenaires en termes de vouloir le mieux qu'on peut pour les parents adoptants et les familles. Et puis, effectivement, quand on est capables de travailler ensemble, c'est le meilleur des deux mondes.

L'APAQ demande de majorer à 18 ans l'âge de retrouvailles et 16 ans avec consentement des parents, qui seront aptes à juger s'il en est de l'intérêt de l'enfant et qu'il pourra faire face aux conséquences négatives possibles lors d'une démarche de retrouvailles. Peut-être, on est les seuls qui l'ont mentionné à très haute voix, même avec le projet de loi n° 113, selon nous, 14 ans et 16 ans avec le consentement des parents est beaucoup trop jeune, vu que l'âge émotionnel des enfants adoptés ne correspond pas toujours à son âge physiologique.

Alors, il y a un autre enjeu là-dedans, c'est que, quand les enfants de 14 ans peuvent commencer une démarche sans le soutien des parents adoptants, bien, les parents adoptants, ils n'ont pas les moyens de les soutenir sans ne pas être au courant, et puis ça laisse l'enfant à lui-même, à ce moment-là, pour toutes les retombées émotionnelles.

Le Président (M. Bachand) : Mme Belso...

Mme Belso (Carolyne) : On reconnaît aussi de maintenir le droit à la confidentialité...

Le Président (M. Bachand) : Mme Belso, je m'excuse.

Mme Belso (Carolyne) : Oui?

Le Président (M. Bachand) : Votre 10 minutes total est passé, mais le ministre me fait signe qu'on va prendre... On va continuer avec votre témoignage sur le temps du côté gouvernemental. Donc, continuez, s'il vous plaît, merci. Votre micro, Mme Belso? Parfait.

Mme Belso (Carolyne) : Ah bon! Alors, maintenir le droit à la confidentialité des informations de l'adopté à 18 ans même lors d'un refus de communication. Le droit ne peut cesser d'avoir effet au 18e anniversaire de l'adopté. On considère qu'un contact doit obligatoirement faire suite à un consentement puisqu'il pourrait y avoir des risques associés aux retrouvailles pour l'enfant.

Ensuite, standardiser qui est parent. On a remarqué, dans le projet de loi, que c'était partout pareil, sauf dans un endroit. On l'a mentionné dans notre mémoire.

Et finalement, nous promouvons la permanence pour tout enfant au Québec. Les placements à majorité ne répondent pas aux besoins des enfants à maintenir des liens affectifs durables et un sentiment d'appartenance avec les personnes qui prennent soin d'eux. Les parents en banque mixte ne devraient pas devoir subir... substituer les familles d'accueil régulières, selon nous.

Finalement, je voulais juste remercier la commission d'avoir eu le privilège d'être entendue. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, beaucoup. Alors donc, nous allons commencer l'échange avec les membres de la commission. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Mme Morel, Mme Tardif, Mme Belso, bonsoir. Merci d'être présentes ce soir pour les travaux de la commission. Et puis vous avez très bien fait ça, Mme Belso. C'est très clair, puis félicitations pour votre exposé. Puis on apprécie beaucoup que vous nous partagiez le point de vue de vos deux organisations. Puis je pense que c'est important de vous entendre, parce qu'il y a un volet important du projet de loi qui touche notamment l'adoption.

D'entrée de jeu, là, j'aimerais qu'on discute de la question de la connaissance des origines. Donc, dans le projet de loi, on est venus élargir... on va plus loin que le projet de loi n° 113, à l'époque, notamment, également, en gestation pour autrui. Bon, ça ne vise pas les familles adoptantes, mais on vient, au niveau de la connaissance des origines, mettre ça très clair qu'on permet la connaissance des origines. Qu'est-ce que vous pensez de, justement, l'élargissement de la connaissance des origines qu'on met pour les enfants qui ont été confiés à l'adoption?

Mme Morel (Anne-Marie) : Je l'ai déjà mentionné <tout à l'heure...

Mme Morel (Anne-Marie) : ...mentionné >tout à l'heure, donc, peut-être que, Carolyne, tu voudras donner ton avis, mais, pour nous, c'est important, en fait, cette connaissance des origines là, puis c'est même très important. Puis c'est pour ça qu'on est allés spécifier aussi, par rapport aux enfants qui viennent de l'international, qu'au-delà d'avoir juste les renseignements sociobiologiques retranscrits dans un document, d'obtenir vraiment la copie conforme avec laquelle... on a eu entre les mains, là... que le symbole : J'ai le passeport de mon fils avec un aigle. Les armoiries du Québec sont aussi belles, mais le symbole ou le document qui est passé entre les mains des personnes de son pays, ça peut vraiment être un objet supplémentaire.

Donc, pour nous, tous les aspects... Comme je vous l'ai mentionné déjà, on est en faveur de tous les changements qui sont là, mais on aurait protégé davantage les enfants du signalement. Donc, pour eux, on n'aurait pas fait... On aurait exigé qu'il y ait un consentement avant que leurs informations, à leur majorité, soient transmises aux parents d'origine. Donc, c'était aussi un point commun avec Carolyne. Je te laisse continuer.

Mme Belso (Carolyne) : Effectivement, on pensait la même chose dans ce contexte-là. On est tout à fait d'accord avec le plus d'information possible que les enfants adoptés puissent recevoir par la suite. Finalement, c'est des informations qui leur appartiennent. Alors, le plus qu'on est capables de leur donner, le mieux...

C'est sûr que, quand on parle d'au-delà des informations pour retrouvailles, c'est important, pour nous, qu'il y ait un accompagnement, parce qu'effectivement ça va au-delà... Quand on parlait de risques, c'est... Un enfant qui a été adopté, ça veut dire qu'il y a eu quand même un sentiment de rejet du parent, et puis il pourrait avoir un deuxième rejet si, le parent, il décide de ne pas avoir de... s'il décide d'avoir un refus de contact. Il faut accompagner l'enfant là-dedans si les retrouvailles ne se posent pas comme il aurait voulu, s'il y aurait des attentes de la famille biologique que, l'enfant, il ne s'attendait pas...

Alors, c'est tout des risques que nous... D'après nous, l'enfant doit vraiment être soutenu, et puis il n'y a pas de meilleure personne, pour nous, que la famille adoptive. Alors, voilà.

M. Jolin-Barrette : Une question. Mme Morel, vous avez dit : On est d'accord, mais on apporterait une nuance, par contre, pour les gens en placement. Dans le fond, vous faites référence à la DPJ, notamment. Pourquoi vous faites cette nuance-là?

Mme Morel (Anne-Marie) : C'est vraiment, bien, parce que les enfants qui ont été adoptés, donc, par la plénière... On le sait, c'étaient des familles qui étaient, au départ, donc, plus dysfonctionnelles. On a des parents qui vont peut-être avoir changé, évidemment, dans le temps. Puis, même un parent qui aurait abusé de son enfant, l'enfant peut désirer avoir contact et tout ça. Mais on a aussi des enfants qui vont avoir des troubles du spectre de l'alcoolisation foetale qui vont découler de leurs origines, donc, une maturité différente. Un enfant, on disait... Un enfant qui a été abusé sexuellement, puis il reçoit une invitation Facebook de son père d'origine, on voulait juste faire en sorte que, vraiment, ça soit clair, pour lui, ce que ça engage, donc, de transmettre ses informations, pour ne pas que ces enfants-là replongent dans un traumatisme.

Je vous donne l'exemple des abus sexuels, mais, de la négligence, ça peut être tout aussi terrible, là, comme trauma, pour ces enfants-là. Ils peuvent avoir vu et entendu des choses... En fait, on se fait exposer des histoires, parfois, là, puis c'est surréaliste, ça ne se passe pas, ces choses-là, mais il y a des enfants qui vont être dans le milieu... bébés, dans le milieu de la prostitution, puis qui vont assister à toutes sortes de choses. Donc, l'enfant n'a pas été abusé, mais il a été témoin de différentes choses. Ça fait que ça se prépare. On doit s'assurer, selon nous, qu'il n'oublie pas, là, à 18 ans moins un jour, d'enregistrer un refus pour ne pas avoir de mauvaise surprise. Donc, on aurait juste inversé la protection pour qu'ils disent oui ou ils disent... ou elles disent non, de son côté, tout simplement.

M. Jolin-Barrette : O.K., je comprends. C'est bien noté. Dans le projet de loi n° 2, on vient modifier la règle de communication des renseignements médicaux afin de remplacer le risque de préjudice à la santé par le fait que, de l'avis du médecin, la santé de la personne le justifie. Qu'est-ce que vous en pensez, vous qui avez adopté des enfants? Donc, dans le fond, on passe du critère où est-ce que... Dans le fond, on élargit le critère pour avoir accès aux antécédents biologiques de la famille d'origine.

Mme Morel (Anne-Marie) : C'était la même chose de notre côté... Ah! tu allais parler, Marielle? Vas-y, je te laisse...

Mme Tardif (Marielle) : Ah! bien, en fait, c'est la même chose que... j'allais dire la même chose, mais on est tout à fait d'accord avec ce point-là, qui est dans l'intérêt de l'enfant, en fait, au niveau médical.

• (19 h 50) •

M. Jolin-Barrette : O.K. Relativement aux retrouvailles par rapport à la fratrie, donc, on vient élargir également lorsqu'il y a seulement qu'un.... Supposons, prenons le cas où il y aurait eu deux enfants puis il y en a un qui est confié à l'adoption ou même les deux ont été confiés à l'adoption, désormais, on va <permettre...

M. Jolin-Barrette : ...on va >permettre à un seul enfant de faire la demande puis l'autre enfant va être interpelé. Auparavant, la règle, c'était : Il faut que les deux fassent la demande, mais, s'il y en a un qui ne savait pas qu'il avait été confié à l'adoption, à ce moment-là, la demande restait lettre morte. Qu'est-ce que vous pensez de cela?

Mme Morel (Anne-Marie) : Ça nous convenait également, parce qu'on a entendu beaucoup de témoignages d'adoptés où ça a fait une grande différence dans leur vie d'avoir ce contact-là. Donc, nous, on n'est pas à mettre des barrières pour tout ce qui peut réconcilier leur histoire puis faire en sorte que nos enfants aillent mieux dans leur coeur, dans leur tête, dans leur vie. Donc, on était tout à fait en faveur aussi.

M. Jolin-Barrette : O.K. On vient réduire le délai d'un an à 30 jours, relativement au délai pour inscrire la confidentialité. Vous êtes en accord avec cette proposition-là, là, je crois, Mme Belso.

Mme Belso (Carolyne) : Oui. Pour nous, ça n'avait pas une grosse différence, puisque les parents, ils ont, de toute façon, 30 jours, une fois que l'accouchement a eu lieu, pour revenir sur leur décision. Donc, ça nous paraissait absolument normal et puis on n'avait pas de problème avec ça du tout.

M. Jolin-Barrette : O.K. Peut-être une question, là, sur l'âge, là. Tout à l'heure, vous l'avez abordé, vous avez dit : Écoutez, nous, on trouve ça très jeune, à 14 ans ou même à 10 ans. J'imagine, vous parlez par expérience. Vous dites : Dans le fond, les jeunes, à cet âge-là, ils n'ont pas la maturité pour le faire, émotivement, c'est trop difficile. C'est quoi, le vécu que vous pouvez nous partager par rapport à ça?

Mme Belso (Carolyne) : Bien, effectivement, on a différentes... Chaque cas est différent puis chaque enfant est différent. Il y a un spectrum de capacité des enfants, mais il y a des enfants que, carrément, ils ne sont pas rendus au même endroit que les autres. Alors, finalement, quand on regarde un enfant qui a vécu des traumatismes, on ne peut pas s'attendre qu'il arrive en deuxième année puis qu'il est au même niveau à tout le monde. Alors, il y a des délais au niveau scolaire, il y a des délais au niveau de l'attachement, il y a des délais au niveau émotionnel.

Et puis, quand on arrive à un enfant de 10 ans, sur papier, légalement, 10 ans, c'est 10 ans, mais finalement, quand on regarde ces enfants-là, quand on parle des enfants qui ont vécu plusieurs années, par exemple, de... soit de l'abus ou bien qui n'ont pas eu des... trois ou quatre projets de... ils ont été déplacés dans les familles d'accueil avant de se rendre à leur place où est-ce qu'ils sont, ils ne sont pas rendus au même endroit, puis c'est à ce moment-là que... C'est là qu'on veut vraiment avoir le point de vue des parents adoptants, au moins les parents qui sont... qui ont la charge de l'enfant, pour être capables de juger d'eux-mêmes : Est-ce qu'il est prêt, est-ce que c'est une bonne affaire pour lui? Dans certains cas, oui.

Quand on parle de certains contextes... Surtout quand on parle de fratrie, les droits de la fratrie, ça n'existe pas encore. Les enfants qui sont séparés après un placement, bien, ils n'ont pas le droit, eux, de se voir même si eux autres... mais le parent adoptant ou le parent qui est en charge, bien là, lui, il peut voir : Écoute, là, ça... vraiment besoin... Alors, à ce moment-là, c'est correct, ça va avec l'intérêt de l'enfant. Mais on ne peut pas juste prendre 10 ans comme étant un nombre pour tout le monde.

C'est pour ça que, nous autres, on disait : Bien, si on pourrait le mettre un peu plus haut, bien, à 16 ans, bien oui, O.K., à ce moment-là, il n'y a pas le... Si le parent, il n'est pas tenu au courant du tout, il a plus de chances qu'à 16 ans il est capable de le vivre un peu mieux. C'est juste pour ça.

M. Jolin-Barrette : Je comprends.

Mme Tardif (Marielle) : J'ajouterais qu'au niveau, si je peux me permettre, là, de l'identité des personnes adoptées, le défi est double pour une personne adoptée, particulièrement à l'adolescence, qui... Selon les spécialistes, comme Johanne Lemieux, comme le Dr Chicoine, c'est le pire moment, pour un enfant, pour faire ces démarches-là, de façon générale. Alors, je ne dis pas que ce n'est pas pertinent pour certains, mais ça reste un enjeu de taille pour ces enfants-là qui sont en recherche d'identité, qui sont en construction d'identité, puis ça peut être difficile s'ils se retrouvent seuls à faire ces démarches-là sans être accompagnés par leur famille adoptive.

Alors, nous, on n'est pas contre le fait que ça se fasse. Ça pourrait se faire avec le consentement des adoptants qui, là, seront préparés à accompagner leur enfant, mais le problème, c'est qu'on a la crainte que ces jeunes-là se retrouvent seuls dans cette démarche-là, qui peut être périlleuse pour la construction de leur identité puis avoir des conséquences à long terme, là, sur... au niveau émotif, au niveau psychologique aussi.

Mme Morel (Anne-Marie) : Puis j'ajoute une dernière chose. Dans la loi n° 113, on était plusieurs organismes à être contre l'âge de 14 ans et à demander que ce soit reporté, et puis ce qu'on nous dit, au niveau du terrain, c'est qu'en réalité c'est très peu utilisé chez les jeunes. Donc, même les intervenants le découragent pour les mêmes raisons qui ont été mentionnées, parce que ça peut faire... Les enfants peuvent idéaliser leurs parents. Il peut y avoir des problématiques, là, dans la protection de la jeunesse, des problématiques de manipulation de l'enfant, de mensonges, de <triangulation...

Mme Morel (Anne-Marie) : ... mensonges, de >triangulation. Donc, les enfants, ils peuvent être positionnés dans des situations pas faciles. Il y a de l'accompagnement psychosocial, mais même des intervenants, des fois, vont discuter avec le jeune et tenter de reporter autant que possible cette chose-là.

Donc, on n'a pas les données de recherche qui nous disent à quel point c'est utilisé, pas utilisé, et tout ça, puis nos chercheurs nous disent combien c'est très difficile de faire de la recherche sur nos interventions. Donc, c'était un des éléments de notre mémoire, là, que je n'avais pas soulevé, mais ça serait important de documenter aussi cet élément-là. Mais on est tous en faveur, là, et de nombreux organismes l'avaient été, à 113, de reporter, si c'est quelque chose qui est possible.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je vous remercie. Je vais céder la parole à mes collègues. Merci beaucoup, mesdames.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre. Mme la députée de Mirabel, s'il vous plaît. Il reste un peu plus que trois minutes.

Mme D'Amours : Merci, M. le Président. Bonsoir, mesdames. Merci beaucoup. J'ai lu attentivement votre mémoire et, bon, j'accroche avec le titre, Une famille pour la vie, et je vais vous parler directement de la page 6 et de la page 8. En fait, il y a un paragraphe où vous parlez de la tutelle, et vous dites que «telle que proposée dans la loi, peut être une option intéressante pour certains enfants». Et ça me faisait penser, là, bon, à la lecture, que c'est un peu comme un modèle... le modèle autochtone de Constant Awashish, qui fait aussi, là, allusion à ça, donc, et je vois aussi, à la page 8 : «L'adoption additive ou complétive : un modèle à envisager.»

Alors, est-ce que je comprends bien que votre mémoire nous dit de ne pas faire quelque chose mur à mur? Est-ce que votre mémoire nous dit qu'on est prêts à passer à un autre modèle ou à d'autres modèles? Et dites-moi combien d'enfants, au Québec, pourraient avoir une famille à vie dans un contexte où on n'enlève pas la filiation avec sa propre famille? Moi, je dois vous dire, quand j'étais plus jeune, j'avais mes deux filles, j'aurais voulu adopter un enfant, et, si ça avait été possible, j'aurais accepté, comme parent adoptant, d'avoir une filiation avec la famille, mais je n'aurais pas accepté d'être juste tuteur, parce que ça aurait été déchirant, si l'enfant quitte. Alors, il y a combien de parents, comme moi, qui auraient aimé ou qui aimeraient faire ça et combien d'enfants pourraient avoir une famille à vie?

Mme Morel (Anne-Marie) : Je vais la prendre, celle-là. Donc, nous, on... Il y avait plusieurs questions.

Donc, oui, la tutelle, il y a des inspirations autochtones. En fait, ce qu'on dit, c'est qu'il y a plusieurs types d'enfants, actuellement, puis on l'a entendu beaucoup dans les auditions de la commission Laurent. Donc, on lui a emprunté un bout de son titre, hein, vous l'aurez vu. Donc, il y a plein de modèles qui ont besoin de plein d'outils différents, puis l'idée de l'adoption complétive, c'en est un, la tutelle, c'en est un, mais ça ne répond pas aux mêmes enfants.

Donc, dans toutes les situations, l'adoption plénière demeure pertinente. Nos enfants qui sont adoptés en adoption plénière demeureraient en adoption plénière et ont besoin de ça. C'est extrêmement important. Mais il y a des enfants à qui on ne répond pas et qui se ramassent, donc, en placement à majorité, en famille d'accueil, et puis ces enfants-là, c'est leur maman d'accueil, c'est leur papa d'accueil puis leurs parents d'origine. Nos enfants, pour eux, ils n'en ont pas un, parent, ils n'en ont pas deux, ils en ont quatre ou trois, dépendant s'il y a un parent adoptant, mais c'est très naturel, pour eux, de parler du parent d'origine, d'avoir plusieurs parents.

Donc, pour permettre, favoriser l'adoption d'enfants, des fois, qui sont un peu plus âgés, qui ont un peu plus de souvenirs, qui ont un peu plus eu des liens, des fois... pas avec le parent d'origine, qui était inadéquat, là... Dans le cas de la protection, des fois, c'était avec les grands-parents, des fois, c'était avec les frères et soeurs, les cousins. Donc, de ne pas tout perdre ces liens de filiation, il y a un nombre d'enfants à qui ça correspond.

Puis, si je reviens à votre question sur le nombre d'enfants, j'ai essayé d'appeler toutes les chaires de recherche, personne n'est capable de me le dire. Et une des raisons pour laquelle on n'est pas capables de le faire aujourd'hui, c'est la façon dont sont collectées les données dans les différents CIUSSS et CISSS. Au Québec, c'est différent d'une place à l'autre, et, souvent, on va amalgamer les familles d'accueil et les familles d'accueil banque mixte dans un même peloton. Donc, on ne sait pas, les enfants qu'on aurait orientés dans un segment ou dans l'autre, leur projet de vie, ça va être quoi.

Donc, on a vraiment besoin de réfléchir à la façon dont sont collectées les données. On a des chercheurs, là, qui vont faire de la belle recherche en adoption québécoise, là, avec le ministère de la Santé, mais ils auront besoin que, pour le futur, on pense à comment on collecte nos données pour pouvoir déterminer les projets de vie correctement. Merci.

Le Président (M. Bachand) :Merci, Mme Morel. Je me tourne maintenant vers l'opposition officielle, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis, s'il vous plaît.

• (20 heures) •

Mme Maccarone : Merci, M. le Président. Bonsoir, mesdames, un plaisir de vous avoir avec nous ce soir.

Je veux revenir un peu à votre mémoire, un peu le même angle que ma collègue vient d'aborder avec vous, puis je vais vous donner l'exemple, évidemment, des familles LGBT. Je ne sais pas si vous en... qui font <partie...

>


 
 

20 h (version révisée)

<17911 Mme Maccarone : ...qui font >partie de vos deux organismes. Mais je reçois de plus en plus des témoignages très, très, très touchants des familles, entre autres, un dont... c'est deux mamans et un papa, et elle s'appelle Sophie, puis le témoignage est vraiment touchant. Si vous me permettez, je vais juste lire deux petits paragraphes :

«Merci de nous permettre de présenter notre famille. Elliott a deux mamans et un papa, un beau-papa et deux belles-mamans, des grands-parents, des tantes, des oncles, des cousins et des cousines à profusion. Mais, si vous voulez bien, nous allons aujourd'hui nous tenir en simplement que trois parents, mais trois parents qui ne sont pas tous connus comme parents et reconnus comme parents.» Évidemment, on parle de la pluriparentalité, mais aussi les droits en ce qui concerne l'adoption.

Alors, ils disent aussi : «Quand est venu le temps de réfléchir à comment nous allions nous protéger tous, nous avons choisi d'inscrire dans les cases, entre guillemets, le nom de mère et père biologique et ainsi que de s'assurer que l'autre mère se sente en sécurité.» Ils ont toujours promis. C'était un contrat moral qu'ils ont eu avec le troisième parent pour s'assurer qu'elle était au courant que ses droits, puis ses biens, puis ses désirs, puis son amour aussi étaient reconnus. Puis je sens en vous que ça, ce serait un modèle adoptif que... vous dirait : C'est le temps de reconnaître les droits des trois parents, surtout si on dit qu'on veut mettre l'enfant au centre de ce que nous devons faire. Parce qu'en reconnaissant la pluriparentalité puis l'adoption aussi d'un deuxième ou troisième parent, tout dépendamment tout ce qu'on peut voir dans ces familles, les enfants ne perdront jamais le contact avec l'un des parents. Tous les parents auront toujours des obligations, tous les parents pourront toujours s'impliquer dans les décisions médicales ou choisir un dossier médical, tous les parents pourront facilement voyager solo avec les enfants, chaque parent aura le droit, mettons, d'aller chercher le bulletin scolaire. Bref, ça facilite la vie.

Est-ce qu'il y a des propos à l'intérieur de ceux-ci dont vous êtes préoccupés, dont nous devons prendre en considération quand on pense aux droits des parents en ce qui concerne les adoptions?

Mme Morel (Anne-Marie) : Bien, quand je regarde ce que vous me racontez, pour moi, ça peut faire sens. Je ne vous dis pas que ça fait sens nécessairement pour tous les adoptés, mais... et adoptants, mais on en a plusieurs, là, de la communauté. Puis les enfants ne sont pas nonos, donc, lorsqu'ils ont deux papas ou deux mamans, ils savent qu'il y a une autre personne qui est impliquée. Quand nos enfants sont asiatiques et ils nous voient, ils savent qu'il y a des personnes impliquées. Donc, ça fait partie d'eux déjà, et ils ont une pluriparentalité. Puis, si c'est dans l'intérêt de l'enfant, bien là, c'est de voir avec les experts qu'est-ce qui est dans l'intérêt de l'enfant, avec différents critères, mais, s'il y a une séparation, s'il y a un décès... puis le projet de loi n° 2 le fait bien, il essaie de penser à toutes les éventualités. Puis c'est un peu pour ça aussi où on disait : Bien, la tutelle, ce n'est pas tout à fait... c'est révocable, ce n'est pas tout à fait la même stabilité qu'une adoption. Donc, c'était dans le même sens, là, que ce que vous dites. Donc, nous, on n'est pas fermés.

C'est sûr que ça peut impliquer différentes gestions, là. Le couple se sépare, décide de déménager aux États-Unis. Comment on gère avec l'autre parent? Il y a peut-être des enjeux, là, que les notaires doivent étudier, que d'autres personnes doivent étudier, puis nous, on est juste des parents. On ne pensera pas à tout, mais on voulait amener notre contribution, là, avec... de notre point de vue humble, à ces réflexions-là. Mais on n'est pas fermés.

Mme Maccarone : On n'est jamais juste des parents. C'est un rôle très important, le rôle probablement le plus important que nous avons. Je pense que votre point de vue est très pertinent, très intéressant. Puis merci beaucoup de porter la voix des parents, parce que je pense que c'est très important qu'on prend en considération votre point de vue.

Vous avez parlé un peu de comment que ça peut être complexe, mettons, quand on parle d'une situation adoptive, mettons, s'il y a une séparation, qui m'amène aussi à des questions par rapport... Vous avez dit, exemple, à votre page 11, si vous voulez, suivez avec moi : «L'exercice de l'autorité parentale serait détenu entièrement par les parents avec lesquels l'enfant réside.» Pouvez-vous renchérir un peu là-dessus, si, mettons, on parle des parents qui sont séparés ou si, mettons, on parle d'un cas de pluriparentalité?

Mme Morel (Anne-Marie) : Bien, en fait, peut-être qu'on s'est mal exprimés, là. On voulait dire ceux qui ont la garde. Donc, si c'est une garde partagée, ils devront gérer l'autorité parentale à deux ou trois, dépendant jusqu'où ira le projet de loi, là. Mais c'est parce qu'en fait, pour nous, au départ, la fédération, historiquement, on a toujours été extrêmement fermés à d'autres projets que l'adoption plénière parce qu'on trouvait que ce n'était <pas...

Mme Morel (Anne-Marie) : ...parce qu'on trouvait que ce n'était >pas gérable au quotidien. Donc, c'est pour ça qu'on mentionne, on dit : Bien, tu sais, dans un cas où, effectivement, une adoption différente donnerait quand même les pouvoirs...

Parce qu'on peut se... on peut avoir des valeurs différentes, surtout quand la famille.... Là, vous avez un trio qui s'est fait ensemble, dans votre exemple, mais, si ce n'était pas un projet parental collectif puis que c'était avec une autre famille d'origine, ce qui est plus souvent notre cas, les valeurs peuvent être différentes, la religion, le choix d'école, la façon de penser sur le perçage d'oreilles. Donc, il y a plein, plein d'enjeux qui peuvent accrocher au quotidien. Mais, dans un projet parental qui a été construit à trois comme ce que vous exposez — puis la Coalition des familles LGBTQ aurait peut-être encore beaucoup plus d'exemples que ce que je peux vous donner, même si on a plusieurs membres de cette communauté, là — je pense que c'est plus facile à gérer de cette façon-là.

Mme Maccarone : O.K. Vous avez parlé beaucoup, dans votre mémoire, par rapport aux documents auxquels l'adopté à l'internationale aura droit. Pouvez-vous expliquer un peu vos craintes en ce qui concerne ce point?

Mme Morel (Anne-Marie) : Bien, en fait, c'est qu'aujourd'hui on voit une disparité. Moi, je suis revenue des Philippines avec mon fils, là, en pleine pandémie, et je suis chanceuse, le juge a décidé de redonner tous les documents d'origine, là. Donc, j'ai entre mes mains, je peux même vous le montrer, tu sais, son petit passeport d'origine puis avec ses... Tu sais, ça, c'est des bijoux précieux pour lui. Il a sa date qu'il est arrivé au Canada à l'intérieur. J'ai le consentement du parent avec l'empreinte digitale, ce n'est pas comme le nom du parent... c'est une copie conforme, mais avec les armoiries du pays.

Donc, c'est tous des documents qu'on ne voit pas en adoption québécoise, évidemment, puis qu'ils vont confier à l'adoptant dans le voyage, parce qu'on doit traverser des douanes, on doit passer au travers toutes sortes de processus. Si on est arrêtés avec un enfant qui est en crise, qui pleure, qui n'est pas notre origine, deux parents d'autres origines, bien, on a besoin de toutes ces paperasses-là. Donc, on les voit passer, ces paperasses-là. On les a entre les mains, on les remet au juge. Puis il y a des familles qui ne retrouvent plus aucun de ces documents-là après, donc des enfants qui les perdent à jamais. Puis, selon les juges, bien, des fois, ils vont être redonnés puis, des fois, ils vont être sous scellé.

Donc, on voudrait juste que ça soit uniformisé pour que, nos enfants, le plus possible de documents leur reviennent, tout simplement.

Mme Tardif (Marielle) : Puis j'ajoute aussi que, présentement, le jugement d'adoption est... peut être réclamé par les adoptants mais pas par les adoptés. Alors...

Mme Morel (Anne-Marie) : Puis ça, la loi le change, puis on est était supercontents. Oui.

Mme Tardif (Marielle) : La loi le change, puis c'est une bonne chose, oui.

Mme Maccarone : O.K., c'est très intéressant. Mesdames, je veux vous remercier beaucoup pour votre mémoire, que j'ai trouvé très équilibré. Souvent, je dirais, entre parlementaires, on est toujours là pour prévoir le pire puis pour s'assurer qu'il y a des mesures de protection en place pour s'assurer... des personnes vulnérables sont protégées, mais vous avez quand même donné un aperçu de l'amour, puis comment protéger un peu l'amour, ce que j'ai vraiment apprécié de votre mémoire et votre témoignage.

M. le Président, il me reste combien de temps? Avec le consentement des collègues, je céderais la balance de mon temps à la députée de Joliette.

Le Président (M. Bachand) : Donc, si vous êtes d'accord, on pourrait partager le temps entre les deux députés d'opposition?

Mme Maccarone : La raison pour la demande, c'est parce qu'elle a quand même une expertise particulière.

Le Président (M. Bachand) : Ah! moi... Non, mais j'essaie de voir... d'atteindre un équilibre, mais... parce que je regarde le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Ça va? Est-ce qu'il y aurait consentement?

Une voix : Il y a consentement.

Le Président (M. Bachand) : Consentement. Alors, merci beaucoup, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis. Donc, je cède la parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve. Merci.

M. Leduc : Merci, M. le Président. Je pense qu'on s'était vus aux audiences sur la réforme du RQAP l'année passée. Rebonjour, alors. Peut-être commencer par ça : Les modifications au RQAP du projet de loi, ça vous convient? C'est à peu près ce que vous attendiez?

Mme Morel (Anne-Marie) : Je te la laisse, Marielle.

Mme Tardif (Marielle) : Bien, ça, c'est merveilleux pour nous. C'est une grande reconnaissance de l'importance des familles adoptantes, de l'importance des enfants adoptés qui ont les mêmes droits, maintenant, que les enfants biologiques. Alors, ça, c'est une grande avancée pour nous, et nous sommes vraiment fiers et vraiment heureux de ça.

Mme Morel (Anne-Marie) : Et c'est un anniversaire qu'on célèbre demain, la première année d'équité. Donc, merci à tous les parlementaires qui sont là et qui y ont joué un rôle.

M. Leduc : Parfait. Vous faites référence... Je n'ai pas... Il y a comme deux mémoires, là... FPAQ, pardon. Une des dernières recommandations, vous dites : «s'assurer d'évaluer les impacts des modifications au droit de la famille et, au besoin, ajuster la collecte d'informations pour être davantage en mesure de tirer des leçons quant au projet de vie alternatif des enfants en Protection de la jeunesse pour éclairer les décisions futures.» Mais je veux me concentrer sur le premier bout, «s'assurer d'évaluer les impacts des modifications au droit de la famille».

Ça a été évoqué plus tôt, je pense, par mon collègue de LaFontaine, à savoir que c'est assez fréquent, dans des projets de loi, de préciser qu'après un certain nombre de temps il y aura un rapport qui sera déposé aux parlementaires, un rapport d'application. J'ai négocié le même genre de clause dans un autre projet de loi sur la réforme de la santé et sécurité récemment. Est-ce que ce serait quelque <chose...

M. Leduc : Est-ce que ce serait quelque >chose qui répondrait à votre demande, que, dans les clauses connexes, là, du projet de loi, lorsqu'on sera rendu à l'étude détaillée, on mette qu'un rapport soit déposé d'ici trois, quatre ou cinq ans, un rapport d'application, pour voir comment ça évolue?

• (20 h 10) •

Mme Morel (Anne-Marie) : C'est ce qu'on recommandait avec beaucoup d'autres organismes d'adoption, qui font maintenant partie du Comité de concertation adoption Québec, au moins aux cinq ans. Puis, dans le fond, le 14 ans dont on parlait tout à l'heure pour l'âge des retrouvailles puis que, nous, on voit trop jeune, bien, on ne sait même pas si c'est utilisé vraiment, concrètement sur le terrain, les projets de vie, lesquels seront les plus pertinents pour éclairer les décisions des experts, puis je pense que c'est une danse qui va se faire beaucoup avec ceux de vos collègues qui vont modifier la Loi de la protection de la jeunesse également.

Donc, eux, ils auront besoin des outils. Est-ce que ça répond à leurs besoins? Donc, pour nous, c'est essentiel de documenter pour prendre les décisions les plus éclairées possible parce que c'est des décisions qui transforment des vies, là, quand on choisit la filiation. Donc, pour nous, c'est essentiel.

M. Leduc : Bon, alors, on va se mettre à la rédaction d'amendements très bientôt. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Ça me donne combien de temps, cette grande...

Le Président (M. Bachand) : 4 min 5 s.

Mme Hivon : Merci beaucoup. Merci beaucoup à la députée. Bonjour à vous trois. Merci beaucoup de vos présentations. J'aurais des tonnes de questions. La première, là, vous faites bien de vraiment spécifier que la tutelle supplétive, évidemment, c'est toujours révocable, donc qu'il n'y a pas une stabilité qui vient avec ça. Vous expliquez que vous avez évolué, vraiment, puis c'est tout à votre honneur d'expliquer votre raisonnement d'avoir évolué et de maintenant penser que l'adoption sans rupture du premier lien de filiation ou complétive, comme vous dites, pourrait être une bonne idée. Mais je me souviens qu'à l'époque ça avait fait l'objet d'un grand débat et finalement ça n'avait pas été maintenu, parce que, vous le dites vous-mêmes, même si on reconnaissait ça, on ne donnerait pas des droits, nécessairement, parentaux à la famille d'origine. Puis il me semble que le consensus avait été qu'avec entente de communication, mais rupture du lien, on pourrait arriver au même objectif. Donc, je veux comprendre votre cheminement.

Puis, ça, c'est ma technique habituelle, vu que j'ai peu de temps, je vais vous dire mes autres objets, puis ça concerne aussi l'autre association. Le 18 ans, là, vous dites puis, les deux, vous êtes d'accord là-dessus, que, pour les enfants qui auraient été l'objet d'un signalement, ça ne devrait pas être un consentement de facto, il faudrait vraiment que la personne se manifeste. Pourquoi, dans les autres cas où ce n'est pas une adoption qui a suivi un signalement par la DPJ, pourquoi alors, là, il ne faudrait pas un consentement express?

Puis finalement, le 14 ans, à l'époque, vous n'étiez pas favorables. Je veux juste savoir où vous en êtes aujourd'hui.

Mme Morel (Anne-Marie) : Je vais répondre... Je vais essayer de répondre au premier bout de la question, mais c'est difficile, hein, quand on les a en rafale. Mais rapidement, notre cheminement, en fait, il a changé parce que les pratiques sur le terrain ont changé. Donc, on a plus d'enfants qui sont placés, en majorité, dans des familles Banque-mixte. Alors, c'est des familles... on a envie d'adopter les enfants, on s'engage dans ce processus-là pour la vie. Ce n'est pas des familles qui veulent 10 enfants en placement qui peuvent partir, aller, revenir. On souhaite donner une famille permanente à des enfants, et ces familles-là se ramassent avec d'autres projets de vie que l'adoption. Et, dans beaucoup de ces cas-là, on nous dit... Puis je lisais les mémoires d'Alain Roy qui viennent après, là, la loi n° 113, où il présente que, finalement, on n'a pas créé ce modèle-là. Donc, il manque un modèle. Mais, des fois, c'est pour donner des droits aux grands-parents, donner des droits d'avoir des... de filiation, et tout ça.

Donc, j'avoue que je n'ai pas tous les exemples, là, il faudrait que je vous en donne d'autres, mais il y a des choses qui ne sont pas comblées. Et puis plusieurs chercheurs, là, qui déposeront des mémoires cette semaine risquent de vous les exprimer encore mieux que ce que je peux faire, là. Je voulais laisser le temps à mes collègues de s'exprimer sur vos autres questions.

Mme Hivon : Oui. Il y avait la question du 18 ans. Pourquoi seulement dans les cas où c'est une adoption qui suit un signalement?

Mme Belso (Carolyne) : Bien, moi, je pense qu'on ne le voyait pas de cette manière-là. Nous autres, on voyait, tous, 18 ans, parce que les enfants qui sont confiés à des parents adoptants... et ce n'est pas nécessairement des familles biologiques où est-ce que c'est tout rose, là. Il y a des cas où est ce que c'est un peu rock-and-roll, et puis on ne sait jamais qu'est-ce qui va se passer aux retrouvailles.

Par exemple, on pourrait avoir de la fratrie plus âgée, qu'il y en a un en prison, ou quelque chose d'autre, puis qui manipule le jeune qui a juste 16, 17, 18 ans. Bien, même à 18 ans, l'idée, c'est que... est-ce que la personne, l'adopté, il va être en mesure de prendre un recul puis de dire : O.K. Bien, ce n'était pas ça que je m'attendais? Moi, je voulais avoir une relation avec une personne, mais ça ne veut pas dire que moi, j'avais des parents qui avaient des meilleurs besoins, que je suis obligé de donner du cash à d'autres personnes de ma famille. Ça, c'est un exemple, mais il y en a plein.

Alors, ce ne serait pas juste dans des cas d'abus, c'est vraiment laisser le jeune décider pour <lui-même...

Mme Belso (Carolyne) : ...jeune décider pour >lui-même quand il est prêt à faire face à ça. Même quand il n'y a pas eu d'abus, il pourrait y avoir juste le fait que le lien d'attachement a été long à faire, le cheminement de l'enfant, il a été ardu. Puis, à 18 ans, il est peut-être juste, juste à la bonne place. Il n'est peut-être pas prêt encore de tout chambouler ça avec des retrouvailles. Il faut lui laisser le temps. Il y en a qui attendent à 30 ans pour faire ça.

Alors, il faudrait juste leur laisser le temps. C'est pour ça que c'est... le 18 ans, pour nous, c'est le minimum.

Mme Morel (Anne-Marie) : Parce que nous, on avait mis vraiment notre préoccupation principale, donc, qui était les signalements. Mais effectivement, si c'est quelque chose qui est envisageable, de l'élargir, on serait d'accord avec les propos de Mme Belso.

Le Président (M. Bachand) :10 secondes, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui. Je pense que le questionnement qu'il y a, c'est : Est-ce que c'est dans l'intérêt de l'enfant ou plutôt du parent de faire ça de facto? Puis, vu que notre intérêt doit être sur l'enfant, je pense que votre commentaire est très pertinent.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Sur ce, Mme Morel, Mme Tardif, Mme Belso, merci infiniment d'avoir été avec nous en ce début de soirée. C'est très apprécié. Et puis, bien, on se dit à bientôt.

Et puis, sur ce, je suspends les travaux pour quelques instants. Merci beaucoup. Merci encore d'avoir été avec nous.

(Suspension de la séance à 20 h 17)

> (Reprise à 20 h 22)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plait! La commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir de recevoir Mme Andréane Letendre, agricultrice. Et je pense que c'est un titre qui est important et qu'on apprécie beaucoup.

Alors, merci d'être avec nous en cette belle soirée. Alors comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, et, par après, on va faire un échange avec les membres de la commission. Donc, je vous invite immédiatement à débuter votre exposé, puis, encore une fois, merci d'être là ce soir.

Mme Andréane Letendre

Mme Letendre (Andréane) : Bien, merci de me permettre de prendre la parole. Je m'appelle Andréane Letendre. J'ai 37 ans et je suis une personne conçue avec l'apport d'une tierce partie. Dans les années 80, mes parents, face à l'impossibilité de procréer de manière conventionnelle, se sont tournés vers l'insémination artificielle avec un donneur de sperme anonyme. Ce n'est que beaucoup plus tard que j'ai appris et compris ce que ça signifiait.

Mon mode de conception fait partie de mon identité. La majorité de mes concitoyens a le privilège de connaître ses origines biologiques. Moi, je n'ai pas cette chance-là. Au fil des années, j'ai ressenti un sentiment d'injustice profond par rapport à ce manque d'information. C'est ce qui m'a amenée à m'engager et à militer pour la reconnaissance des droits des personnes conçues par procréation assistée. J'ai choisi de prendre la parole publiquement pour parler de mon vécu et j'ai rapidement été en contact avec plusieurs personnes ayant des expériences de vie similaires.

Je crois que les lois actuelles ne répondent pas à nos besoins et créent de grandes injustices. Avec l'évolution rapide des technologies de procréation médicalement assistée et l'ouverture de plus en plus grande face aux familles moins conventionnelles, il est urgent de prendre en compte les droits et le point de vue des personnes conçues par procréation assistée dans l'élaboration des lois.

Lorsque j'ai pris connaissance du projet de loi n° 2, j'ai été à même de constater que le législateur souhaitait enfin mettre en place des mesures permettant de répondre, dans la mesure du possible, aux personnes... aux besoins des personnes conçues par don de gamètes. Mon intervention visera donc à éclairer la commission sur le vécu des descendants de la procréation assistée et à démontrer comment cette réforme du droit de la famille pourrait nous affecter.

À l'heure actuelle, il est impossible de savoir combien il y a de personnes conçues avec l'apport d'une tierce partie au Québec. Il s'agit d'un phénomène peu ou pas étudié, de notre point de vue. Certains ont avancé des chiffres approximatifs, mais la procréation assistée étant somme toute très peu réglementée et protégée par le secret médical, il n'y a aucun moyen de savoir exactement combien nous sommes. La majorité des personnes conçues par don de gamètes n'est d'ailleurs pas au courant de son mode de conception.

L'insémination artificielle avec tiers donneur serait pratiquée dans le système de santé québécois depuis les années 70. Ailleurs dans le monde, ça pourrait avoir débuté autour du XXe siècle... au début du XXe siècle. L'idée qu'il s'agit d'un phénomène nouveau et que nous ne sommes que des jeunes adultes, voire des adolescents en pleine crise identitaire, est erronée. On nous décrit souvent comme des enfants de donneurs, mais la majorité d'entre nous a atteint l'âge adulte depuis longtemps. Peu de personnes conçues par don de gamètes prennent la parole publiquement. La peur du rejet, de blesser ses proches, d'être jugés ingrats ou même la crainte de représailles juridiques repoussent plusieurs d'entre nous.

Comme je le mentionnais plus tôt, une grande majorité des personnes conçues par don de gamètes n'est pas au courant de ce fait et ne peut donc pas en témoigner. L'opinion publique en général nous est aussi peu favorable. On nous attribue parfois une dette existentielle supérieure aux gens conçus conventionnellement. De plus, certaines personnes ou organisations ont tendance à opposer nos droits à ceux des couples infertiles, des couples homosexuels ou des parents solos. Enfin, parler de son mode de conception au grand jour crée des grandes tensions familiales et demande une grande force morale. Nous vivons souvent des périodes de détresse psychologique en lien avec notre mode de conception, et notre douleur n'est pas reconnue comme légitime par plusieurs.

Les personnes conçues par procréation assistée sont donc sous-représentées dans les différentes consultations publiques, dans les médias et dans la recherche. La plupart des personnes conçues par don de gamètes souhaitent connaître l'identité de leur géniteur anonyme à un moment ou un autre de leur vie. Nous souhaitons avoir un accès continu aux antécédents médicaux de notre géniteur, de même que <pouvoir...

Mme Letendre (Andréane) : ...notre géniteur, de même que >pouvoir s'assurer que nous ou nos enfants ne vivrons pas de relations amoureuses incestueuses à leur insu. Il en va de notre droit à faire des choix éclairés en matière de santé, de sexualité et de reproduction.

Le désir de connaître nos origines dépasse largement les aspects pratiques. Il s'agit de quelque chose de viscéral, d'un besoin de s'ancrer dans une réalité humaine universelle. J'ai connu plusieurs personnes comme moi qui ont investi des sommes considérables, beaucoup de temps et d'énergie dans leur recherche. Cela nous mène parfois jusqu'à l'obsession ou l'épuisement.

Malgré l'ampleur de la recherche, il nous arrive de plus en plus de trouver des membres de notre famille biologique. La disponibilité des tests d'ADN maison et l'expansion constante des banques de données permettent à plusieurs de découvrir leurs origines biologiques. Désormais, il est illusoire de penser que l'on peut garantir l'anonymat des donneurs ni celle de leur famille. Même si le géniteur recherché n'effectue aucun test d'ADN, il pourrait être possible de découvrir son identité par déduction avec l'aide de la généalogie génétique.

Bien que plusieurs parents d'intention affirment avoir l'intention de divulguer le mode de conception à leurs éventuels enfants, une majorité ne le fera pas avant l'âge adulte, voire jamais. Les familles manquent cruellement de support dans cette délicate opération, et les supposés spécialistes se contredisent. Il n'y a aucune marche à suivre ni guide des meilleures pratiques, si bien que les parents remettent souvent à plus tard. Cela donne lieu à des révélations tardives ou à des découvertes fortuites qui nuisent énormément aux relations familiales.

Le projet de loi n° 2 enchâsse le droit aux origines de toutes les personnes dans la charte québécoise des droits et libertés. Cette recommandation est, pour moi, essentielle et viendrait légitimer le vécu des personnes conçues par don de gamètes. Elle permettrait également de prendre en compte les besoins des descendants en priorité lors de l'élaboration future de lois qui toucheraient la procréation assistée, notamment en santé.

Les raisons habituellement invoquées pour justifier le maintien de l'anonymat des donneurs sont généralement calquées sur le modèle de l'adoption plénière qui avait cours au Québec autrefois. Dans le cas de l'adoption, l'anonymat absolu des parties servait à protéger les enfants de l'abandon ou même de l'infanticide dans une société où la maternité hors norme pouvait causer de graves problèmes à la mère. Or, cela ne s'applique pas du tout aux personnes conçues avec l'apport d'une tierce partie, et la société québécoise a énormément évolué depuis ce temps-là. D'ailleurs, le droit aux origines des personnes adoptées a été reconnu en juin 2017 avec l'adoption du projet de loi n° 113. Il est donc injuste de refuser ce même droit aux personnes conçues avec l'apport d'une tierce partie.

Je souligne également ici l'importance d'abolir toute forme de secret et d'anonymat dans le don de gamètes, et ce, même de manière rétroactive. Les personnes conçues avant l'adoption de la loi méritent qu'on leur donne toute l'information nécessaire pour identifier leurs géniteurs, même si ces derniers se sont fait promettre l'anonymat au moment de leur contribution. Tel que mentionné plus haut, les tests d'ADN maison rendent futile toute promesse d'anonymat, passée ou future. La loi doit en tenir compte et encadrer ces contacts qui se feront, qu'on le veuille ou non, de manière à ce que l'intérêt supérieur des descendants prime avant tout. D'ailleurs, le projet de loi n° 2 permet aussi aux descendants directs d'obtenir les informations sur les géniteurs de leur parent décédé s'il a été conçu avec l'apport d'une tierce partie. Ce passage est important pour moi, car je souhaite que mes enfants puissent connaître leurs origines et nouer des relations amoureuses sans craindre un inceste accidentel.

Le projet de loi n° 2 consacre également un article à l'importance de la divulgation du mode de conception de l'enfant par les parents. Cela m'apparaît important de mettre en place une certaine obligation, puisque les parents d'intention, surtout les couples hétérosexuels infertiles, omettent majoritairement d'informer leurs enfants de leur mode de conception, et ce, malgré une intention qui était présente au moment de la conception.

Bien que je déplore le caractère non coercitif de cet article, j'en salue tout de même l'intention, car la non-divulgation du mode de conception est un facteur prépondérant dans la détresse psychologique des personnes conçues par don de gamètes qui l'apprennent plus tard dans leur vie. La plupart des intervenants sérieux recommandent, en effet, que cette information soit donnée aux enfants tôt et souvent.

• (20 h 30) •

Afin de protéger toutes les parties en cause, tout en garantissant le respect des droits des personnes conçues avec l'apport d'une tierce partie, il importe de développer des voies légales accessibles à tous en matière de procréation assistée. Il devrait être facile de signer une entente devant notaire, si nécessaire, qui nomme les devoirs et les droits de chacun.

Le projet de loi n° 2 satisfait cette exigence de retirer aux médecins et aux cliniques de fertilité le soin de gérer l'aspect juridique de la procréation assistée. Il concrétise le sérieux d'une démarche de projet parental et promet une moindre marchandisation de la fertilité et de la reproduction.

Le projet de loi n° 2 prévoit la création d'un registre à l'intention des personnes conçues avec un tiers apport. Par contre, il ne permet pas aux personnes conçues par procréation assistée de connaître la taille de leur cohorte de frères et <sœurs biologiques...

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20 h 30 (version révisée)

<       Mme Letendre (Andréane) : ...des personnes conçues par don de gamètes qui l'apprennent plus tard dans leur vie. La plupart des intervenants sérieux recommandent en effet que cette information soit donnée aux enfants tôt et souvent. Afin de protéger toutes les parties en cause tout en garantissant le respect des droits des personnes conçues avec l'apport d'une tierce partie, il importe de développer des voies légales accessibles à tous en matière de procréation assistée. Il devrait être facile de signer une entente, devant notaire si nécessaire, qui nomme les devoirs et les droits de chacun.

Le projet de loi n° 2 satisfait cette exigence de retirer aux médecins et aux cliniques de fertilité le soin de gérer l'aspect juridique de la procréation assistée. Il concrétise le sérieux d'une démarche de projet parental et promet une moindre marchandisation de la fertilité et de la reproduction.

Le projet de loi n° 2 prévoit la création d'un registre à l'intention des personnes conçues avec un tiers apport. Par contre, il ne permet pas aux personnes conçues par procréation assistée de connaître la taille de leur cohorte de frères et >soeurs biologiques. À la différence de l'adoption, les techniques de procréation assistée, qu'elles soient médicales ou artisanales, peuvent mener à la conception de grandes cohortes de descendants. La mondialisation de l'industrie de la fertilité rend très complexes l'élaboration et l'application de politiques limitant le nombre de descendants biologiques qu'une personne peut créer. Je suis d'avis qu'un nombre maximal absolu raisonnable de descendants par donneur devrait être établi dans la loi malgré les défis que poserait l'application d'une telle loi. À tout le moins, il serait important de pouvoir obtenir l'information sur le nombre de demi-frères, sœurs qui ont été conçus avec le même donneur ou la même donneuse.

À l'heure actuelle, il n'existe aucun organisme indépendant qui surveille les cliniques de procréation assistée. Chacune a ses propres politiques qui changent au gré des propriétaires. Personne ne vérifie l'intégrité des registres, l'accessibilité est arbitraire. On ne sait pas s'il y a des erreurs de manipulation. On ne connaît pas l'ampleur des banques de sperme ou d'embryons congelés. Il y a des cas avérés de négligence médicale. Lorsque cela se produit, les descendants affectés ont très peu de moyens de réaliser l'erreur, et ils la réalisent souvent beaucoup trop tard pour que des recours pertinents puissent avoir lieu. L'abolition de l'anonymat permettrait de réduire les accidents de ce genre. Il importe que les activités de procréation assistée soient régies par des instances extérieures à l'industrie de la fertilité.

On sait qu'une majorité du matériel reproductif utilisé au Québec provient de l'extérieur de la province, souvent de l'extérieur du Canada. Le sperme congelé voyageant désormais comme lettre à la poste, il est excessivement difficile de tracer le chemin parcouru par les paillettes.

Encadrer la procréation assistée dans ce contexte est une tâche très complexe, bien qu'essentielle. En adoptant le projet de loi n° 2, le Québec se doterait d'une des lois les plus progressistes en matière de droits des personnes conçues avec l'apport d'une tierce partie et ferait figure de précurseur en Amérique du Nord et dans le monde. Merci de m'avoir écoutée un peu.

Le Président (M. Bachand) :C'était très bien. Vous êtes sur la «target», comme on dit. Alors, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. Mme Letendre, bonsoir. Merci beaucoup d'être parmi nous aujourd'hui. Je crois que votre témoignage, ça amène vraiment un visage humain sur ce de quoi on discute puis surtout relativement à la gestation pour autrui. Procréation assistée, ça va souvent avec la gestation pour autrui. Puis je suis très heureux, puis je tiens à vous remercier, puis à vous féliciter pour votre témoignage de ce soir, parce que ça va permettre d'outiller les parlementaires puis vraiment de comprendre comment une personne vit cette situation-là, lorsqu'on est issu, justement, de la procréation ou avec recours avec un tiers, relativement à la contribution par rapport à la connaissance des origines.

Donc, je comprends que vous accueillez favorablement le projet de loi, justement, du fait qu'on va venir faire en sorte que la connaissance des origines va être valorisée, puis on va permettre aux gens issus de gamètes, notamment, d'avoir accès au bagage génétique, d'avoir accès à leurs origines. Donc, ça, vous êtes à l'aise avec ça, vous êtes satisfaite.

Mme Letendre (Andréane) : Bien, c'est quelque chose qu'on espère depuis très longtemps. C'est sûr que moi, tu sais, de pouvoir connaître mes origines ou, du moins, que ce droit-là soit reconnu dans la loi, ça me permettrait d'abord, c'est sûr, pour des questions très pratiques, d'avoir mon information de mes antécédents médicaux, de pouvoir prendre des décisions éclairées sur ma santé, celle de mes enfants, que mes enfants puissent aussi prendre des décisions éclairées sur leur santé, d'arrêter de sentir que je mens quand je prends une assurance vie puis que je ne suis pas certaine de savoir vraiment qu'est-ce que j'ai eu comme antécédents familiaux, puis tout ça.

Mais, au-delà de ça, ça répond à un besoin qui est viscéral. Je pense que, comme être humain, on a tous besoin de savoir d'où on vient, de s'ancrer dans une réalité qui est humaine, qui est universelle, d'être un humain conçu par des humains, pas le produit d'une industrie ou le résultat d'une transaction, d'être un miracle de la science conçu en labo. Ça a pris des humains pour me faire, puis ce matériel génétique là, le matériel génétique de ces humains-là coule dans mes veines à moi, dans chacune de mes cellules. Donc, d'avoir, moi, accès à cette information-là, je pense que c'est nécessaire.

Parce que c'est également une promesse que j'ai faite un jour à moi, quand j'avais 12 ans, qui commençais à avoir de la difficulté un peu à figurer mon identité. Puis je trouvais que les adultes n'avaient peut-être pas assez pris en compte ce que je pourrais devenir ou ce que je pourrais avoir comme désir de connaître mes origines. Ça fait que je me suis dit que... moi, c'est une des raisons pourquoi je me suis engagée là-dedans. Je me suis dit que j'allais permettre de changer des choses puis que, dans le fond, quand j'ai pris conscience du projet de loi n° 2, bien, ça m'a permis de réaliser qu'enfin on <prenait ça au sérieux...

Mme Letendre (Andréane) : ...réaliser qu'enfin on >prenait ça au sérieux.

M. Jolin-Barrette : Bien, je dois vous dire que votre témoignage est éloquent. Puis c'est justement en pensant à des gens comme vous qu'on fait en sorte de pouvoir, justement, modifier la législation.

Vous avez abordé deux points. Le premier, bon, sur la connaissance des origines, vous l'avez bien couvert. Vous avez été rapidement aussi sur les antécédents médicaux, biologiques aussi. Ça, pour vous, c'est important, parce que vous avez dit : Moi-même, mes enfants, je veux pouvoir leur indiquer, oui, la connaissance des origines, mais aussi s'il y a des maladies héréditaires ou quoi que ce soit. Donc, l'aspect antécédents médicaux, biologiques, c'est important aussi pour les gens qui ont été conçus avec la procréation assistée notamment ou avec la contribution d'un tiers.

Mme Letendre (Andréane) : Oui, c'est superimportant parce qu'il y a aussi quelque chose au niveau de nouer des relations intimes. Mes enfants, s'ils nouent des relations intimes avec des enfants d'une autre personne conçue par don de gamètes, bien, ça se trouve à... qui seraient, mettons, mes demi-frères, tu sais, qui seraient comme des cousins, ça serait des cousins au premier degré, tu sais. C'est quelque chose qu'on n'a comme pas pensé. On a dit : Bien, il ne faudrait comme pas que des demi-frères, demi-soeurs se rencontrent. Mais ça va au-delà de la première génération, là, ça va aussi après, là.

M. Jolin-Barrette : Sur la question de l'obligation désormais de divulguer à l'enfant qu'il a été conçu notamment par la contribution d'un tiers, ou par gestation pour autrui, ou par procréation assistée, qu'est-ce que vous en pensez du fait que les parents devront le dire à l'enfant à un moment? Parce que tantôt, vous parliez de la culture du secret un peu, à une certaine époque, tout ça. Là, on souhaite élargir au niveau de la connaissance des origines, mais justement, là, de dire, là, la contribution, comment vous voyez ça, le fait... parce que tout à l'heure, vous avez dit : Je l'ai appris, je crois, à l'âge de 12 ans. Comment voyez-vous cette obligation-là désormais pour les parents?

Mme Letendre (Andréane) : Bien, c'est important que l'obligation soit nommée dans la loi parce que la plupart des parents se font dire : C'est mieux de le dire, mais, par contre, ils ne sont comme pas accompagnés. Puis étant donné qu'il n'y a comme pas d'obligation, bien, souvent, c'est quelque chose d'assez difficile à faire, puis ils le reportent à plus tard. Puis de l'apprendre sur le tard, bien, c'est comme pour un enfant qui ne l'a pas appris jeune.

Moi, ce que je peux dire, c'est que j'avais l'impression que les premières personnes à qui j'ai fait confiance dans la vie m'avaient menti sur la nature même du lien qui m'unissait à eux. Puis ça, c'est quelque chose qui vient ébranler la confiance qu'on a dans le monde, puis c'est assez fondamental, tu sais, comme réalisation. Même si on l'a appris... même, tu sais, il y a comme toujours... on a toujours comme un moment d'éveil, à un moment donné, comme personne conçue par don de gamètes, quand on se rend compte que : O.K., oui, c'est vrai, tu sais, dans le fond, il y a quelqu'un d'autre que je ne connais pas qui a participé, tu sais, à ça. Puis ce moment-là, tu sais, c'est comme un point de non-retour. Ça peut être le moment où tu l'as appris. Puis, tu sais, si tu l'apprends de façon fortuite... Tu sais, il y a toutes sortes de façons pas adéquates d'apprendre qu'on est conçu par don de gamètes. Tu sais, ça peut être un parent qui est au courant, qui s'échappe à un moment donné. Ça peut être aussi, dans le cadre d'une séparation, ça peut être utilisé comme arme de négociation. Ça, c'est excessivement malsain. Je pense que si l'enfant le sait dès le départ, bien, ça risque d'éviter ces mauvaises situations là, là.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la question de l'accessibilité, pour un descendant au premier degré, d'accéder aux renseignements identitaires, donc là, désormais, dans le fond, il n'y a pas juste la personne conçue par les gamètes, mais également ses descendants. Le fait de donner, supposons, à vos enfants l'accès aux informations, comment vous percevez ça?

• (20 h 40) •

Mme Letendre (Andréane) : Bien, je trouve ça important. Justement, comme j'ai dit déjà, la première génération, tu sais, c'est important qu'ils soient au courant de ça, parce que, s'ils rencontraient quelqu'un dans la... tu sais, s'ils nouaient une relation avec un cousin au premier degré, écoute, ça serait quand même minimalement qu'il puisse le faire en toute connaissance de cause, là, tu sais. Et puis c'est aussi parce que le risque est plus grand de rencontrer des collatéraux dans la vie de tous les jours parce que les cohortes sont grandes.

Tu sais, je veux dire, au Québec, on a déjà eu des très, très grandes familles, là, mais ces gens-là se connaissaient tous. Ça fait que, quand il rencontrait d'autres gens, il savait qu'il était le frère de 10 autres personnes, mettons. Mais moi, tu sais, je ne sais pas combien j'en ai, des frères et soeurs qui se baladent dans la nature, tu sais. Ça s'est vu, des cohortes de 50, 100 descendants. Quand on utilise la procréation assistée, même si ce n'est pas médical, là, les cohortes sont très grandes. Puis ça, ça transfère, tu sais, ça transfère le risque d'inceste involontaire à la <génération suivante...

Mme Letendre (Andréane) : ...à la >génération suivante. Ça fait que l'importance que les enfants puissent le savoir, je pense que c'est crucial, d'autant plus que je pourrais... j'aurais pu mourir sans le savoir, tu sais, j'aurais pu ne jamais l'apprendre. Puis c'est quand même important que mes enfants l'apprennent, je pense. Mettons que je décède un jour, ce serait important qu'eux autres aient cette information-là, s'ils le désirent, qu'ils puissent comme faire des recherches puis connaître ça.

M. Jolin-Barrette : O.K. Une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Vous avez, tout à l'heure, dans votre déclaration préliminaire, insisté sur l'encadrement des cliniques de fertilité, notamment. Vous avez dit, dans le fond : Bien, écoutez, il n'y a pas tant d'encadrement, ça devrait être... ça devrait être revu, là, tout ça.

Mme Letendre (Andréane) : Oui. Bien, en fait, l'encadrement qui est fait au niveau des cliniques de fertilité, c'est assez minimal, dans le sens qu'on s'assure que les gamètes utilisés sont sains, que les enfants vont naître en santé, exempts de problèmes physiques, tu sais. Par contre, moi, quand j'ai fait des recherches puis que j'ai fait... que j'ai contacté des hôpitaux, je me suis butée à beaucoup de condescendance puis beaucoup de réticence à me donner des informations.

Les cliniques de fertilité, là, c'est des entreprises, puis, tu sais, d'aider des couples infertiles ou des familles à fonder, à avoir des enfants, c'est leur business. Ils font de l'argent avec ça. Puis moi, en tant qu'enfant de la procréation assistée, je ne suis pas leur client, donc ils n'ont absolument aucun compte à me rendre. Puis, dans le fond, ils rendent des comptes à leurs clients, puis après ça, bien, il n'y a comme pas vraiment de contrôle sur... Si un médecin, il fait une erreur, bien, on va s'en rendre compte beaucoup, beaucoup, beaucoup plus tard, puis il n'y aura plus vraiment la possibilité d'avoir un recours quelconque.

Tu sais, un médecin qui se fait radier à 80 ans, sa vie est faite, puis, tu sais, il n'y a comme pas rien qui... ça ne dérange presque pas, là, tu sais. Tandis que s'il est surveillé, si on sait qu'il a utilisé tel gamète à telle place... Tu sais, moi, je suis agricultrice, j'insémine mes vaches avec de la... tu sais, je fais de l'insémination artificielle, là, puis je peux vous dire que mes vaches, leur pedigree est suivi de façon beaucoup plus sérieuse que moi, comme être humain qui a été conçu par insémination artificielle. Puis ça, ça me dérange beaucoup, tu sais. Ça fait que c'est important d'avoir un certain encadrement au niveau des cliniques de fertilité. C'est comme dérangeant, je trouve, que ce soient des médecins qui décident de comment l'accès aux origines va avoir lieu, alors que ça devrait être des juristes qui le font. Ça devrait être des... tu sais, ça devrait être des papiers qui sont comme notariés, qui sont enregistrés quelque part parce que ça concerne quand même notre vie, tu sais. Faire de la... tu sais, faire de la généalogie, tu sais, moi, ça ne m'est pas vraiment accessible, là, tu sais, puis je ne trouve pas ça correct. Tu sais, je pense que ça devrait être... ça devrait être accessible à tous, là.

M. Jolin-Barrette : Bien, je vous remercie pour votre témoignage. C'est fort instructif. Un grand merci pour votre présence en commission.

Le Président (M. Bachand) :Merci. Pour un peu moins de cinq minutes, M. le député de Saint-Jean, s'il vous plaît.

M. Lemieux : Merci beaucoup, M. le Président. Mme Letendre, vous venez juste de rejoindre une idée avec laquelle je jonglais depuis le début. Je ne suis pas sûr que vous allez la trouver drôle, alors je vais commencer par vous dire que votre passion, votre courage, votre sang-froid font effectivement, comme le disait le ministre, de votre témoignage quelque chose de très touchant puis d'éclairant. Quand je disais que vous ne la trouveriez pas drôle, c'est que je vous écoutais, puis là vous venez de parler des vaches que vous inséminez, évidemment, moi, j'ai pensé tout de suite à Starbuck. Sauf que vous, effectivement, c'est la vie que vous vivez, là. Je ne veux pas faire un amalgame ridicule, mais il y a beaucoup de ça, là. Vous venez de le faire vous-même en parlant de vos vaches, là.

Mme Letendre (Andréane) : Oui, exactement. Bien, tu sais, moi, tu sais, Starbuck, j'en ai entendu parler ça fait longtemps, puis, tu sais, c'est sûr que quand je suivais mes cours d'insémination, tu sais, au niveau des vaches, ça me travaillait, là. Tu sais, c'est certain que j'y pensais énormément. Mais oui, tu sais, c'est comme... Je trouve que, tu sais, bien, on est peu à prendre la parole, là, comme personnes conçues par don de gamètes. Puis, tu sais, c'est justement un peu ça aussi, tu sais, c'est que ce n'est comme pas vu sérieusement dans la société en général, tu sais, les... c'est ça, tu sais, bien... puis tu sais, je veux dire, on tient des registres au niveau de l'insémination des animaux parce qu'on connaît, justement, l'importance au niveau du suivi des maladies génétiques, du suivi de la traçabilité de tout ça.

Puis, tu sais, quand c'est pour des humains, ah, là, tu sais... Je ne comprends pas pourquoi qu'on ne s'est pas dit : Aïe! Ça serait important, tu sais, d'avoir un certain cadre, tu sais, une certaine... tu sais, des règles à <respecter...

Mme Letendre (Andréane) : ...une certaine... tu sais, des règles à >respecter, là. Tu sais, on parle de personnes humaines, là.

M. Lemieux : Vous avez parlé de votre histoire et vous avez évoqué, à 12 ans, la promesse que vous vous êtes faite. Je voudrais savoir, sans aller dans le trop personnel, mais qu'est-ce que vous avez trouvé le plus dur : vous poser les questions, à l'époque, que vous étiez trop jeune quand vous l'avez su ou plus vous vieillissez, plus ça fait mal?

Mme Letendre (Andréane) : C'est difficile à dire. En fait, ce qui arrive, c'est qu'on a des moments dans notre vie où ça devient très important, puis il y a d'autres moments où on devient capable de juste balayer ça sous le tapis puis faire notre vie normalement, tu sais, mais ça nous rattrape, tu sais. Quand j'ai voulu avoir des enfants, bien, ça m'a rattrapée, tu sais. Quand... je ne sais pas, tu sais... C'est sûr que moi, je l'ai appris, mes parents étaient en instance de séparation, ça fait que c'est sûr que ça a été un peu difficile. Mais, tu sais, on a toujours, tu sais, des petits moments de la vie qui font que, ah, tu sais, ça revient sur le tapis puis, tu sais, ça devient important, tu sais. Ça fait qu'à chacun de mes enfants que j'ai eus, ça m'a travaillée. Je me suis dit : Ah! tu sais, comme... je ne le sais pas, moi, tu sais, comme, c'est qui, quelque part, tu sais. Puis à chaque moment important, chaque moment charnière de la vie, on dirait que ça vient nous travailler. Tu sais, la douleur, tu sais, c'est sûr que c'est vif. Quand on l'apprend puis quand on fait cette réalisation-là, il y a comme un point de non-retour en arrière, puis il y a un deuil à vivre puis, tu sais, à revivre aussi, généralement.

Mais, tu sais, il faut faire aussi attention puis il faut comme se parler, parce que moi, c'est très facile, là, d'en venir à, tu sais, je suis, dans le fond, là parce que mes parents ont voulu que je sois là. Mes parents ont comme payé pour m'avoir, puis ils avaient besoin d'un bébé, tu sais. Maintenant que je suis rendue une adulte, tu sais, c'est quoi, mon sens, c'est quoi, dans... qu'est-ce que je fais au monde, tu sais? Puis il y a aussi le fait de se dire, tu sais, le fait de dire, tu sais : Moi, je n'ai pas demandé à venir au monde, c'est clair, je suis vraiment contente d'être ici, mais je n'ai pas demandé à venir au monde. Puis si je n'étais pas née, mes parents, c'est eux autres qui auraient eu le plus de peine, tu sais. Ça fait que, à quelque part, quand on réalise ça, des fois, la ligne est mince entre tomber dans une crise suicidaire... tu sais, ça devient très, très difficile de dire : Oui, mais, dans le fond, qu'est-ce que je fais au monde, là, tu sais? Ça fait que oui, c'est ça.

M. Lemieux : Vous avez parlé, à quelques reprises depuis le début, d'autres personnes comme vous qui sont nées de gamètes. Est-ce que vous sentez le... je n'ose pas dire le positif, mais l'énergie qui vient du projet de loi n° 2? Puis il n'est pas seulement pour vous en particulier, il y a un paquet de monde qui vont être affectés par ça. Mais, pour vous, c'est comme une bouée de sauvetage, là, qui vient d'arriver, là?

Mme Letendre (Andréane) : Bien, en fait, c'est comme si le père Noël...

Le Président (M. Bachand) :Mme Letendre, excusez-moi, sur cette question-là, il vous reste 20 secondes avant de passer à un autre collègue.

Mme Letendre (Andréane) : O.K. Pour moi, c'est comme si le père Noël avait répondu à une lettre que j'ai écrite quand j'avais 12 ans, là. C'est vraiment comme... je ne pensais pas vivre pour voir vraiment le fait qu'on adopte... qu'on abolisse ça, là.

M. Lemieux : Merci beaucoup. Je ne suis pas sûr que le ministre a apprécié la comparaison au père Noël, mais bon. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) :Juste vous rappeler que, plus tôt dans la journée, on parlait de l'esprit du temps des fêtes. Alors, M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Bien, merci beaucoup, Mme Letendre, pour votre témoignage. Effectivement, c'est très éclairant, et ça nous aide dans notre réflexion à nous donner une perspective sur ce qu'on fait, comme législateurs, puis ça a un impact direct dans la vie des gens. Ça a un impact et ça aura un impact dans la vôtre également. Témoignage qui est trop peu souvent entendu, soit dit en passant.

Dans la loi, et j'aimerais vous entendre là-dessus, puis on aura l'occasion, lorsque l'on va rédiger les articles de loi... souvent, le diable est dans les détails, puis là il y aura beaucoup de questions de compréhension, puis on va prendre le temps de bien comprendre, mais à sa face même, je lis, dans un des articles de loi : «Il appartient au parent de l'enfant de l'informer du fait qu'il est issu d'une procréation impliquant la contribution d'un tiers.» J'aimerais vous entendre là-dessus, sur «il appartient au parent de».

On va faire le débat. Je ne ferai pas le débat avec le ministre ce soir, là, sur ce que ça veut dire puis quelle est l'intention du législateur, mais prenant pour acquis la signification que je lui accorde, là, est-ce que c'est bien rédigé, comme ça, ou est-ce qu'il ne devrait pas, au-delà de l'appartenance ou du droit qui est donné au parent, y avoir un droit, justement, pour l'enfant de connaître ses origines? Mais là, si le parent, évidemment, si le parent ne le dit pas, l'enfant ne pourra pas le deviner. Puis est-ce que vous impliquez que ça prendrait donc l'action, peut-être, d'un tiers ou pas? J'aimerais vous entendre là-dessus, sur des concepts qui pourraient peut-être, moi, <m'échapper...

M. Tanguay : ...qui pourraient peut-être, moi, >m'échapper, mais qui, vous, ne vous échappent pas du tout, ça, c'est clair.

• (20 h 50) •

Mme Letendre (Andréane) : Bon, moi, personnellement, j'ai déjà mentionné, j'avais participé à la commission citoyenne de la Chambre des notaires, il y a quelques années, et puis moi, ce que j'aurais proposé, c'était une mention au certificat de naissance, juste pour que ce soit tellement comme... tu sais, que le parent sache que, regarde, si tu ne lui dis pas, il va le voir, quand il va commander son certificat de naissance, ce à quoi on m'avait répondu que ce n'est pas une information qui concerne les gens qui vont avoir à voir un certificat de naissance un jour, par exemple, l'école, puis tout ça. Bon, on pourrait débattre là-dessus certainement pendant un certain temps.

Je pense que, tu sais, c'est vrai que ça appartient au parent de le dire à l'enfant, sauf qu'il y a beaucoup de circonstances où est-ce que le parent va avoir besoin d'aide pour le dire à son enfant puis parce que, bien, c'est ça, pour l'instant, il n'y a à peu près aucun support qui se fait pour les familles de ce côté-là. Puis, en même temps, il y a beaucoup de circonstances aussi où, par exemple, si mes parents, admettons, décédaient, ou devenaient inaptes, ou quelque chose comme ça, bien, ils ne pourraient pas me le dire peut-être, tu sais, en bon temps.

Ça fait que, tu sais, pour moi, il devrait y avoir... C'est sûr qu'au niveau de la loi il va y avoir le registre qui va être créé puis que quelqu'un, mettons, une personne qui voudrait savoir s'il est conçu par don de gamètes, il peut s'adresser au registre puis demander : Est-ce que moi, vous avez un dossier à mon nom, tu sais? Ça fait qu'à ce moment-là ça permet de le savoir. Mais il faut quand même que la personne ait eu un doute à la base pour s'adresser au registre. Ça fait que... Puis, tu sais, je pense que la plupart des personnes conçues par don de gamètes ne sont pas au courant de ça à l'heure actuelle.

Ça fait que, tu sais, c'est sûr que, tu sais, comme je dis dans mon texte que j'ai lu tantôt, tu sais, je salue ça, parce que je pense que c'est important que ce soit dans la loi puis que ce soit comme dit que c'est quelque chose... ça ne se fait pas, de ne pas le dire à son enfant, tôt et souvent, tu sais. Mais il faudrait qu'il y ait quelque chose de plus coercitif. Comment est-ce qu'on peut faire ça? Je ne le sais pas, tu sais, mais c'est ça.

M. Tanguay : La solution mitoyenne entre la coercition et le simple choix du parent, sans aucun autre aspect, il y a peut-être l'entre-deux.

On parle beaucoup... on parlait, un peu plus tôt, là, de gestation pour autrui, de l'importance d'avoir des séances psychosociales. Peut-être que pour l'avenir, ce serait important que les parents qui ont recours au don de gamètes, qu'il y ait une formation sur l'impact de l'enfant aussi, qu'il y ait une sorte d'éveil qui soit fait aussi, peut-être en amont, pour les parents, de dire : Bien, peut-être que le... écoutez, ça demeurera votre choix, votre option, mais sachez que ça ne serait pas mauvais, pour des raisons... légalement, voici vos devoirs et responsabilités, mais pour des raisons que vous invoquez, qui sont tout à fait objectives, santé et consanguinité, là, ce serait important, donc, qu'il y ait une formation, peut-être, ou une rencontre minimale avec un professionnel pour les parents qui le désireraient.

Mme Letendre (Andréane) : Bien, je pense que les intervenants, à date, ne sont pas très outillés sur ce que nous, on vit. En fait, ça arrive souvent, là, qu'on... Tu sais, moi, quand j'étais jeune, ça m'est arrivé de demander de l'aide psychologique, puis que les gens ne soient vraiment pas au courant de ce que je vivais, puis qu'ils me servent, là : Ah! bien, tu sais, tes parents ont tellement voulu t'avoir, là, tu sais, comme, c'est correct, sois... tu sais, aie de la gratitude, puis ça va être correct, tu sais. Puis, tu sais, ce n'est pas connaître... c'est mal connaître la situation.

Et aussi, je pense que les parents, à l'heure actuelle, qui font une démarche en fertilité doivent rencontrer des intervenants psychosociaux. Le problème, c'est que ces intervenants psychosociaux là ne sont peut-être pas vraiment outillés du point de vue de la personne conçue par don de gamètes. Eux autres, ils rencontrent des couples infertiles, ou des familles homoparentales, ou des familles, bien, solos, qu'on appelle, là, régulièrement. Puis, tu sais, ils n'ont pas nécessairement notre point de vue, comme, dans leur bagage. Ça fait que, tu sais, j'ai l'impression qu'ils peuvent dire un peu des énormités, des fois, là, sans le savoir puis sans vouloir faire de mal, tu sais. Ça serait important qu'il y ait vraiment, comme, au moins un certain... tu sais, le point de vue des personnes issues de la procréation assistée soit comme intégré au niveau de la démarche d'intervention avec les parents qui vont avoir des enfants plus tard de cette manière-là.

M. Tanguay : Là, on a vu les parents de l'enfant né par don de gamètes. Maintenant, le donneur de gamètes peut, en vertu de la loi telle que rédigée, puis on fera le débat... Toute personne issue d'une procréation impliquant la contribution d'un tiers peut avoir le nom du tiers, les renseignements concernant son profil, sauf un refus de contact qui y fait <obstacle...

M. Tanguay : ...de contact qui y fait >obstacle, par le donneur. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

Mme Letendre (Andréane) : Bien, je pense que le refus de contact, ça rassure tout le monde, en quelque sorte. Je pense, la plupart des personnes conçues par don de gamètes, là, moi... tu sais, souvent, ce qu'ils vont rechercher, c'est plus l'information que la relation. Maintenant, si, entre adultes consentants, si une relation peut se développer, tu sais, c'est à eux de le faire. Mais je pense que, tu sais, de pouvoir avoir un refus de contact, c'est comme une protection de base qui me permet, moi, au moins, d'avoir l'information, tu sais. Ça se peut que je n'aie pas... tu sais, je n'ai pas vraiment à contacter, tu sais, mon géniteur pour avoir les informations dont j'ai besoin. Puis, tu sais, à la limite, mon médecin pourrait faire les démarches auprès de son médecin pour avoir les informations médicales. Moi, si je connais son nom, déjà, ça limite les risques d'inceste involontaire dans plusieurs... même pour la génération suivante, tu sais, ça m'inscrit déjà dans quelque chose de profondément humain, là, tu sais.

M. Tanguay : Et c'est important, ce que vous nous dites, Mme Letendre, parce que moi, je n'aurais jamais pu le deviner, ça, puis c'est important, puis c'est majeur, ce que vous témoignez, dans votre cas, en tout cas. Puis j'aimerais ça savoir jusqu'à quel point, peut-être, pour avoir rencontré ou avoir été à l'affût d'autres témoignages de personnes dans votre cas... ce que vous venez dire, je n'aurais jamais pu le deviner, que votre désir est davantage d'information que de relation. J'aurais peut-être pu faussement présumer que vous aviez une envie de relation, mais vous me dites non.

Est-ce que ça, c'est représentatif de ce que vous avez peut-être pu avoir comme autres témoignages de personnes, dans votre cas aussi, que c'est l'information avant la relation?

Mme Letendre (Andréane) : Oui, c'est l'information avant la relation, je pense, qui compte. C'est certain que certaines personnes vont vouloir savoir : Est-ce que, tu sais, mettons, est-ce que mon parent biologique, il aime la musique comme j'aime la musique, tu sais? Est-ce que c'est de lui que je tiens tel, tel trait, tu sais? Ça fait que c'est sûr que, pour ça, on aimerait ça pouvoir le rencontrer, puis tout ça. Mais normalement, nous, on a quand même des familles qui sont complètes et saines, là, la plupart du temps. C'est sûr que ça arrive, comme dans toutes les... on a des familles normales, mettons, tu sais. Ça fait que, tu sais, moi, j'ai un père, j'ai une mère, puis, tu sais, c'est eux autres qui m'ont élevée. Puis, tu sais, je n'ai pas l'intérêt de rajouter quelqu'un dans ma famille nécessairement, tu sais. Ça fait que, tu sais, je ne pense pas que je sois une menace, là, pour mon parent biologique.

Par contre, tu sais, c'est sûr que le fait de pouvoir mettre un veto de contact, ça vient comme rassurer peut-être un donneur qui aurait, à sa connaissance, été très prolifique. Tu sais, peut-être qu'il a peur d'avoir 50 demandes du jour au lendemain, là, qui arrivent à sa porte, là. Ça peut peut-être faire beaucoup, tu sais.

M. Tanguay : Et votre témoignage me force, puis je prends l'engagement devant vous, d'aller relire la Loi sur les activités cliniques et de recherche en matière de procréation assistée, qui encadre le tout. Vous dites : Il n'existe aucun organisme indépendant qui surveille les cliniques de procréation assistée... ses propres politiques. On ne sait pas si des erreurs de manipulation... ainsi de suite.

Selon vous, puis je vais faire mes devoirs, là, je ne l'ai pas fait ce soir, je vais aller relire ça, mais, selon vous, ça, cette loi-là est insuffisante par rapport à ce que vous demandez?

Mme Letendre (Andréane) : Bien, au niveau de la loi fédérale, il y a eu une loi fédérale qui a été faite, la Loi sur la procréation assistée, que Québec a contestée étant donné que ça empiétait sur des compétences provinciales. Et, à ce moment-là, dans cette loi-là, ils créaient l'agence de la procréation assistée du Canada. Étant donné que ça a été comme... là, je ne connais pas les termes juridiques, mais finalement, l'agence de la procréation assistée n'a jamais vu le jour parce que ce n'était pas une compétence fédérale.

Pourquoi est-ce qu'il n'y a rien qui a été fait au Québec à ce niveau-là? Je ne sais pas. Au niveau... Ce qui encadre au Québec, là, c'est vraiment un côté très technique, là, très, très médical, là, tu sais, mais ce n'est pas au niveau des descendants. Il n'y a pas grand-chose à notre sujet, là.

M. Tanguay : Bien, je vous remercie beaucoup, Mme Letendre. Merci.

Mme Letendre (Andréane) : Ça me fait plaisir.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le député. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous plaît.

M. Leduc : Merci, M. le Président. Bonsoir, Mme Letendre. Merci beaucoup de votre présentation très, très inspirante, très, très intéressante. On a le même âge, puis je réalise qu'en effet, comme vous le mentionnez au début, c'est un... il y a un privilège qu'on n'a peut-être pas conscience, de savoir d'où on vient avec nos deux parents. Il y a tout un débat ici avec les différents volets du projet de loi sur l'âge.

Est-ce que... Par exemple, dans la gestation pour autrui, il y en a qui disent qu'il faut que ça soit à 21 ans plutôt que 18 ans. Tantôt, on parlait de l'adoption, pour savoir... de nos parents, 14 ans ou 18 ans, il y a un débat, là aussi. Est-ce que vous, vous avez une proposition par rapport à la situation que vous avez connue, par rapport à l'âge? Vous avez mentionné qu'à partir de 12 ans, ça commençait à être plus présent dans votre esprit. Est-ce qu'on devrait...

Mme Letendre (Andréane) : L'âge d'accès?

• (21 heures) •

M. Leduc : Oui, c'est ça.

Mme Letendre (Andréane) : O.K. Bien, moi, je pense que l'accès devrait être... l'accès à l'identité devrait être dès la naissance, pour les parents en tant que tuteurs de l'enfant, et, à partir de l'âge de 14 ans, l'enfant puisse avoir accès par lui-même à ces informations-là pour... <bonne raison...


 
 

21 h (version révisée)

<       Mme Letendre (Andréane) : ...>bonne raison qu'on peut avoir à prendre des décisions d'ordre médical à n'importe quel âge de notre vie, puis nos antécédents médicaux, c'est important de les connaître, toujours. C'est sûr que, dans certaines situations, par exemple dans le cas d'une adoption, peu importe, ça se pourrait que les antécédents médicaux ne soient pas connus, mais c'est par la force des choses. Nous, c'est quelque chose qu'on peut nous fournir, nos antécédents médicaux, ouis c'est quelque chose d'important d'avoir en continu, parce que, exemple, si le donneur... Bien, je vais donner comme exemple, moi, là, après que j'ai été conçue, on a découvert qu'il y avait quelque chose qui s'appelait le VIH, qui causait le sida, puis moi, quand j'ai été conçue, bien, le sida, c'était comme une maladie qu'on ne connaissait pas vraiment. Il n'y avait pas de test, le virus n'avait pas été identifié encore. Ça fait que, tu sais, la science évolue. Mais moi, ma mère, quand elle est retournée après ça demander : Le donneur que j'ai utilisé, est-ce qu'il a été testé? Il a-tu testé pour le sida, quelque chose?, parce que moi, j'aimerais ça savoir, bien, c'était impossible de lui donner cette information-là.

Tu sais, éventuellement, la science va évoluer, on va découvrir des maladies héréditaires. Mais, quand un donneur va faire un don de sperme ou une donneuse va faire un don d'ovules, je pense que, tu sais, ses informations médicales, c'est une photo à un moment de sa vie. Si, dans les mois qui suivent son don, il développe un cancer qui a des composantes très héréditaires, il faut qu'on soit capable de retourner chercher tous les descendants qui sont issus de ce don-là puis leur dire : Écoutez, ça serait bon que vous vous fassiez tester pour x, y, z, que vous sachiez que vous êtes peut-être porteur de tel ou tel gène, tu sais. Déjà, ça, je pense que... puis c'est ça, c'est quelque chose qu'il faut savoir dès la naissance, pour pouvoir prendre des décisions éclairées au niveau de sa santé, pour avoir une certaine autonomie.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme Letendre. Je dois céder la parole à la députée de Joliette, maintenant. Merci beaucoup. Le temps passe très rapidement. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Oui. Merci beaucoup, Mme Letendre. C'est très éclairant de vous entendre, donc, ça met vraiment une réalité sur des concepts juridiques avec lesquels on travaille.

À la toute fin de votre mémoire, vous mentionnez, là, évidemment, que beaucoup, beaucoup de dons de gamètes proviennent de l'étranger, hein? C'est vraiment un marché international. Avec le projet de loi actuel, est-ce que vous estimez que, malgré le fait que beaucoup de dons de gamètes proviennent de l'étranger, on va être capables de répondre aux besoins de tous ceux qui ont été conçus, par exemple, par insémination artificielle avec des donneurs étrangers?

Mme Letendre (Andréane) : Je pense que ça va être difficile. Honnêtement, tu sais, je ne me fais pas d'illusion. Je le sais qu'étant donné qu'il y a beaucoup de donneurs qui proviennent de l'étranger ce ne sera pas évident d'avoir ces informations-là. Les autres juridictions, bien, ils sont dépendants de qu'est-ce que chaque clinique a décidé. Ça fait que ça se peut qu'il y ait des gens qui aient accès seulement à l'âge de 18 ans. Ça se peut qu'il y ait des gens que ce soit à 16 ans, puis ça dépend d'où proviennent les gamètes.

Je pense que c'est important qu'on l'adopte, au Québec, de la manière qu'on voudrait que ça se passe. Parce que, tu sais, si le Québec adopte cette loi-là, on va être comme une des premières juridictions en Amérique du Nord à abolir l'anonymat des donneurs de gamètes de manière légale. Puis ça, selon moi, c'est un signal très fort. Il y a d'autres juridictions, ailleurs dans le monde, qui l'ont fait, puis, tu sais, je pense que celle qui est le plus avancé, ce serait l'État de Victoria, en Australie, où est-ce qu'ils l'ont aboli aussi de façon rétroactive. Puis, tu sais, je pense que, si on fait ça au Québec, on vient comme envoyer un signal fort que c'est correct d'utiliser la procréation assistée, mais il faut le faire de manière éthique, en respectant le descendant en priorité. Tu sais, je dis «le descendant», dans le fond, c'est l'enfant, mais c'est juste parce que, des fois, je trouve ça un peu condescendant de me faire traiter d'enfant, mais «enfant» au sens de «descendant», là.

Je pense que, tu sais, c'est ça, c'est important qu'on adopte un projet de loi comme ça qui permettrait de répondre aux besoins de l'enfant en priorité. Parce que, tu sais, ce n'est pas ça qui se fait ailleurs, là. Tu sais, quand on met des balises au niveau de l'âge de 18 ans, de je ne sais pas quel âge, tu sais, bien, tu sais, ça vient comme... tu sais, ça vient comme limiter la protection de l'enfant, finalement, parce que, quand on fait ça, on ne protège pas l'enfant. On protège la clinique de fertilité, on protège le médecin, on protège peut-être le donneur, tu sais, mais on ne protège pas l'enfant. Puis, si on veut faire un droit de la famille qui protège les enfants, bien, je pense qu'il faut y aller de cette manière-là, en abolissant l'anonymat. Puis après ça, bien, ça donnera peut-être le coup d'envoi aux autres juridictions de faire pareil, tu sais.

Mme Hivon : Merci.

Le Président (M. Bachand) : Mme Letendre, ça a été un grand plaisir de passer un bout de soirée avec vous. Très intéressant. Alors, je vous dis encore une fois merci.

Et, sur ce, la <commission...

Le Président (M. Bachand) : ...ça a été un grand plaisir de passer un bout de soirée avec vous. Très intéressant. Alors, je vous dis encore une fois merci.

Et, sur ce, la >commission ajourne ses travaux jusqu'au mercredi 1er décembre après les affaires courantes. Encore merci beaucoup, Mme Letendre. Très apprécié.

(Fin de la séance à 21 h 06)


 
 

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