Journal des débats de la Commission des institutions
Version préliminaire
42e législature, 2e session
(19 octobre 2021 au 28 août 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Le
mardi 30 novembre 2021
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Vol. 46 N° 10
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 2, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et modifiant le Code civil en matière de droits de la personnalité et d’état civil
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Intervenants par tranches d'heure
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Tanguay, Marc
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Leduc, Alexandre
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Hivon, Véronique
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Jolin-Barrette, Simon
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Bachand, André
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Lévesque, Mathieu
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Tanguay, Marc
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Leduc, Alexandre
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Hivon, Véronique
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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D'Amours, Sylvie
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Tanguay, Marc
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Bachand, André
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Maccarone, Jennifer
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Leduc, Alexandre
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Hivon, Véronique
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Lévesque, Mathieu
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Tanguay, Marc
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Tanguay, Marc
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Bachand, André
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Leduc, Alexandre
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Hivon, Véronique
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Bachand, André
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Lemieux, Louis
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Maccarone, Jennifer
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Massé, Manon
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Hivon, Véronique
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Hivon, Véronique
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Bachand, André
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Lévesque, Mathieu
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Tanguay, Marc
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Leduc, Alexandre
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Hivon, Véronique
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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D'Amours, Sylvie
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Maccarone, Jennifer
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Maccarone, Jennifer
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Bachand, André
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Leduc, Alexandre
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Hivon, Véronique
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Bachand, André
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Jolin-Barrette, Simon
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Lemieux, Louis
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Tanguay, Marc
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Leduc, Alexandre
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Bachand, André
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Hivon, Véronique
10 h (version révisée)
(Dix heures)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Bon
matin. Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte la séance de la Commission
des institutions.
Avant d'aller plus loin, je suis bien
content de vous revoir, surtout de vous voir. Et j'aimerais profiter de l'occasion
aussi pour remercier le vice-président de la commission, le député de Viau,
pour sa grande disponibilité lors de mon absence.
Donc, la commission est réunie afin de
procéder à des auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 2, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de
filiation et modifiant le Code civil en matière de droits de la personnalité et
d'état civil.
Avant de débuter, Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Rousselle (Vimont) est remplacé par Mme Nichols (Vaudreuil);
Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce) est remplacée par Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis);
et M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé par M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve).
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Ce matin, nous
allons débuter par les remarques préliminaires puis nous entendrons les groupes
suivants, soit l'Association professionnelle des notaires du Québec et, par
après, le Conseil du statut de la femme.
Remarques préliminaires
Nous en sommes donc maintenant aux
remarques préliminaires, et je cède la parole au ministre de la Justice pour
une période de 5 min 34 s. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Simon Jolin-Barrette
M. Jolin-Barrette : Oui,
M. le Président. Bonjour, chers collègues. Heureux de vous retrouver pour le
début des consultations du projet de loi n° 2.
La dernière réforme majeure du droit de la
famille, que nous devons à feu Marc-André Bédard, remonte à 1980. À l'époque,
cette réforme avait été salutaire pour les familles québécoises, mais, 40 ans
plus tard, les besoins et les réalités des familles ont considérablement
changé. Une nouvelle réforme du droit de la famille se fait donc attendre
depuis de nombreuses années.
Le 21 octobre dernier, le
gouvernement du Québec présentait le projet de loi n° 2
qui constitue le premier jalon de la réforme du droit de la famille, et aujourd'hui,
nous entamons l'étape importante des consultations particulières. Nous entendrons,
au cours des prochains jours, plusieurs citoyens, experts, organismes et
groupes, et nous sommes très heureux de pouvoir bénéficier de leur contribution
pour offrir aux familles québécoises un projet de loi qui répondra à leurs
besoins.
Le principe fondamental qui a guidé toutes
nos décisions durant l'élaboration de ce projet de loi est : les enfants d'abord.
En effet, le meilleur intérêt de l'enfant était au cœur de notre action tout au
long de nos travaux. L'un des piliers de la réforme que nous proposons est la
connaissance des origines. Il s'agit d'un besoin essentiel pour de nombreux
enfants, qu'ils soient adoptés ou nés à la suite d'un don de gamètes. Tout
enfant qui le souhaite devrait avoir accès à ses origines et pouvoir s'approprier
son identité, son histoire. C'est l'objectif du projet de loi n° 2.
Nous proposons même d'en faire un droit fondamental inscrit à la Charte des
droits et libertés de la personne.
Une attention particulière a aussi été
accordée à la violence familiale dans la réforme. Ainsi, il sera désormais
obligatoire de prendre en considération la présence de violence familiale dans
toutes les décisions qui concernent l'enfant. Au moment du dépôt, plusieurs se
sont dits surpris que cela ne soit pas déjà le cas. C'est en effet une lacune
qui aurait dû être corrigée il y a fort longtemps.
Nous venons par ailleurs garantir à tous
les enfants qui font l'objet d'une intervention en protection de la jeunesse l'admissibilité
universelle à l'aide juridique puis des mesures visant à empêcher une personne
qui se représente seule de contre-interroger une personne victime de violence
familiale ou de violence sexuelle sont aussi prévues au projet de loi.
En outre, des solutions sont déployées
pour mieux soutenir les familles lors du décès d'un conjoint. Désormais, si un
conjoint de fait décède pendant la grossesse de sa conjointe, il pourra être
reconnu comme parent sans avoir à passer par les tribunaux, ce qui n'est
actuellement possible que lorsque le couple était marié. Il s'agit d'une
situation injuste qui cause préjudice à l'enfant et à laquelle nous mettons fin
une fois pour toutes. Et ici, nous avons aussi envie de dire : Il était
plus que temps d'agir.
Le projet de loi n° 2
mettra également fin au gel du compte conjoint, ce qui permettait à l'autre
conjoint de continuer à subvenir... ce qui permettra à l'autre conjoint de
continuer de subvenir aux besoins de sa famille.
Le projet de loi vise aussi à encadrer les
nouvelles façons de fonder une famille, soit par le recours à la gestation pour
autrui. Le Code civil actuel en nie l'existence, mais le fait est que des
enfants naissent de gestation pour autrui au Québec. Nous proposons donc un
processus clair, prévisible et surtout sécuritaire qui assure à la fois le
meilleur intérêt de l'enfant à naître et la protection des droits de la femme
qui l'a porté. Un rattrapage s'impose, au Québec, sur cette question, alors que
déjà huit provinces et territoires canadiens ont agi en encadrant cette
pratique depuis 2007.
Le Code civil doit également être revu et
modernisé en ce qui a trait aux règles en matière de filiation, d'adoption et
de tutelle supplétive. De nouvelles mesures permettant à un enfant adopté de
maintenir des échanges ou des relations avec certains membres de sa famille d'origine
qui peuvent lui être significatifs sont notamment proposées. Nous élargissons
et valorisons le concept de la tutelle supplétive, encore une fois, lorsque c'est
dans le meilleur intérêt de l'enfant.
En ce qui concerne les mesures sur le sexe
et l'identité de genre proposées en réponse au jugement dans la cause qui
implique le Centre de lutte contre l'oppression des genres, vous avez pu
constater, au cours des dernières semaines, que des <inquiétudes...
M. Jolin-Barrette :
...le
Centre de lutte contre l'oppression des genres, vous avez pu constater, au
cours des dernières semaines, que des >inquiétudes ont été soulevées.
Nous sommes très sensibles aux préoccupations qui ont été partagées par la
communauté LGBTQ et avons déjà annoncé que des changements seraient effectués.
L'exigence d'une opération pour modifier la mention de sexe sera éliminée, et
nous nous assurerons que la solution qui sera développée ne puisse pas être
perçue comme étant un coming out forcé pour qui que ce soit.
Nous le réitérons, notre objectif a
toujours été de mieux répondre aux jugements et de mieux refléter les réalités
des familles LGBTQ. Notre démarche n'a jamais visé à compliquer le processus d'affirmation
des personnes trans.
Le projet de loi n° 2
aborde des sujets délicats qui ont été évités trop longtemps, au Québec, par l'Assemblée
nationale, mais dont il est nécessaire de discuter. Nous vous sommes reconnaissants
d'être parmi nous aujourd'hui pour nous partager votre point de vue. La
collaboration de tous les groupes est essentielle pour le gouvernement et pour
les familles québécoises, et ce projet de loi permettra une nette avancée
significative pour l'intérêt des enfants et les familles québécoises. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre.
Alors, j'invite donc maintenant le porte-parole de l'opposition officielle et
député de Lafontaine à faire ses remarques primaires pour 3 min 43 s.
M. Marc Tanguay
M. Tanguay : Parfait.
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour de vous saluer. Très
heureux, très heureux, honnêtement, M. le Président, de vous retrouver à
présider nos travaux. Vous avez toute notre confiance, et je pense qu'on a su
développer une belle façon de fonctionner. Alors, chapeau à vous, c'est tout à
votre crédit. J'aimerais saluer le ministre, les collègues de la banquette
ministérielle, celles et ceux qui accompagnent le ministre, également, et les
collègues des autres oppositions.
Un salut tout particulier à ma collègue
députée de Westmount—Saint-Louis, qui est entre autres porte-parole pour la
communauté LGBTQ2, LGBTQ2 qui sera une ressource, une participante très active
et importante dans ce dossier, réforme du droit de la famille. Il y a déjà...
avant même que les auditions aient commencé, il y a déjà un combat qui a eu
lieu, semble-t-il. Il y aura des avancées qui seront constatées dans les
amendements, mais ça dénote tout la vigilance... toute la vigilance dont a fait
preuve ma collègue de Westmount—Saint-Louis, notamment, avec les autres
collègues également. Puis on va s'assurer que le travail soit fait.
En 3 min 40 s, j'aurais
tellement de choses à dire. Je vais également, M. le Président, prendre le
temps de saluer... prendre le temps de saluer ma collègue de Vaudreuil qui
participera aussi à nos travaux, qui a une formation en droit et qui sera
excessivement efficace dans les questionnements à y avoir.
Le ministre dit : une réforme qui a
attendu trop longtemps. Le rapport Roy, juin 2015, et on se retrouve aujourd'hui,
en 2021, fin 2021. Donc, il y a plus de six ans, six ans et demi du
rapport Roy, presque.
On nous a annoncé, parce qu'il y a
beaucoup d'éléments, qu'il y aura un second projet de loi. Celui-ci, le projet
de loi n° 2, est sur, essentiellement, comme on le
sait, là, la filiation, mère porteuse, donc gestation pour autrui. Il y a
également présomption de paternité en termes de filiation, possession d'état,
connaissance d'origines, relations avec les beaux-parents, grands-parents. Il y
a énormément de sujets qui seront touchés, mais notamment, évidemment, les
amendements annoncés quant à la mention du sexe.
Donc, pour atteindre notre objectif,
collectivement, d'effectuer un rattrapage de la réforme du droit par une
réforme du droit de la famille, nous déplorons, puis le mot est tout à fait
réglementaire et se dit, le fait qu'il y ait eu un projet de loi déposé mais à
la toute dernière minute. Et nous, si nous travaillons de façon excessivement
efficace, notre ambition, c'est de faire en sorte qu'il soit adopté avant la
dernière session parlementaire, qui finit en juin prochain. 360 articles,
ça arrive un petit peu tard, et là on nous promet un deuxième projet de loi.
Ça, c'est un élément que l'on ne peut que déplorer.
Autre chose également, M. le Président, je
l'avais dit au ministre dans les crédits, ne mettez pas, dans ce projet de loi
là, le jugement Moore, le jugement Moore qui faisait en sorte que vous
pouvez... vous pouviez faire en sorte que «parent» soit ajouté à la possibilité
des cases «mère», «père», «parent». Ça, c'était dû, par un jugement, pour le 31 décembre.
Ça ne se fera pas. Il y a une demande de prolongation qui a été donnée, je
pense, jusqu'en juin. Il aurait fallu sortir ça pour faire avancer le Québec
dès cet automne là-dessus, même chose pour «identité de genre» et «mention de
sexe», faire ce débat-là de façon distincte. Ça ne se fera pas de cette
façon-là.
Notre collaboration vous est acquise pour
les familles du Québec. Je tiens à dire qu'il y a des questions excessivement
délicates qui sont devant nous, puis on va prendre le temps de les analyser
avec tout le sérieux requis.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député.
Maintenant, j'invite le porte-parole du deuxième groupe d'opposition et député
d'Hochelaga-Maisonneuve à faire ses remarques préliminaires pour un petit 56 secondes.
M. le député, s'il vous plaît.
M. Alexandre Leduc
M. Leduc : Très
rapidement. Bonjour, tout le monde, bien <heureux d'être ici...
Le Président (M.
Bachand) :
...beaucoup, M. le député. Maintenant,
j'invite le porte-parole du deuxième groupe d'opposition et député
d'Hochelaga-Maisonneuve à faire ses remarques préliminaires pour un petit 56 secondes.
M. le député, s'il vous plaît.
M. Leduc :
Très
rapidement. Bonjour, tout le monde, bien >heureux d'être ici, avec ces
travaux. Vous annoncer que je vais, moi aussi, céder ma place, de temps à autre,
à ma collègue de Sainte-Marie—Saint-Jacques qui va venir me remplacer en
particulier sur les enjeux trans et intersexes.
Moi, j'ai deux... de déception, aujourd'hui.
La première, c'est le nombre d'intervenants que nous allons entendre dans les
prochains jours. Encore une fois, comme c'est le cas dans plusieurs autres
projets de loi, la liste est particulièrement courte, alors que c'est un projet
de loi substantiel, 360 articles, comme on disait tantôt. Donc, c'est bien
en deçà de mes attentes. Mais on va, évidemment, vous écouter et vous poser des
questions avec tout le sérieux qui est le nôtre.
Finalement, ma deuxième déception, M. le
Président, c'est que le ministre a annoncé qu'il y avait des amendements, qu'il
allait réagir, et, pour avoir été assis dans la chaise de ceux qui vont venir
présenter aujourd'hui, dans mon ancien emploi, préparer un mémoire sur des
amendements sur lesquels on ne connaît ni la nature ni l'intention, c'est
vraiment un exercice qui est désagréable. Le ministre aurait pu éviter cette
situation-là, mais, bon, il les déposera plus tard. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup,M. le
député. Avant de poursuivre, je comprends qu'il y a un consentement pour
permettre à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques de participer à cette
séance?
Des voix : Consentement.
• (10 h 10) •
Le Président (M.
Bachand) :Consentement.Merci
beaucoup. Donc, j'invite maintenant la porte-parole du troisième groupe d'opposition
et députée de Joliette à faire ses remarques préliminaires, pour aussi un petit
56 secondes.
Mme Véronique Hivon
Mme Hivon : Merci
beaucoup, M. le Président. Très heureuse, moi aussi, de vous retrouver, de
retrouver les collègues, le ministre, toute son équipe et les collègues de l'opposition.
Donc, très rapidement, on amorce aujourd'hui
des travaux extrêmement importants. Ce n'est pas tous les jours, ça fait 40 ans
qu'on n'a pas modifié notre droit de la famille. On se réjouit qu'on le fasse
enfin. Je veux souligner, d'ailleurs, mon... bien, un de mes anciens collègues,
un des prédécesseurs du ministre actuel, Bertrand St-Arnaud, qui, lorsqu'on
était au gouvernement, avait commandé le rapport, donc, du comité consultatif
présidé par Me Alain Roy, qui a jeté les bases d'une discussion plus large dans
la société.
Je souhaite que, cette discussion-là, on
la prenne avec beaucoup d'ouverture avec tous les groupes. Le droit de la
famille doit refléter ce qui nous est amené de la société, et donc, ce
dialogue-là, il doit être ouvert. J'aurais souhaité aussi qu'il soit plus
ouvert et plus étendu. On va faire le maximum pour être à l'écoute et arriver
avec le meilleur projet de loi. Merci, M. le Président.
Auditions
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Nous allons
maintenant débuter avec les auditions. Donc, je souhaite la bienvenue aux
représentants de l'Association professionnelle des notaires du Québec. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi
nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je
vous invite donc à vous présenter et à débuter votre exposé. Encore une fois,
merci d'être avec nous ce matin. La parole est à vous.
Association professionnelle des notaires du Québec
(APNQ)
M. Houle (Kevin) : Merci.
Donc, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, membres de la
Commission des institutions, d'abord, permettez-moi de saluer tous les efforts
ayant permis la mise en place de cet énorme chantier législatif.
Je vous présente la collègue qui m'accompagne,
Me Tania Marineau, notaire praticienne spécialisée en droit de la famille et en
adoption intrafamiliale. Elle est l'une des rédactrices du mémoire que nous
avons déposé hier, au nom de l'Association professionnelle des notaires du
Québec, donc l'APNQ. Me Marineau a également pratiqué dans le cadre d'un
dossier de mères porteuses, où elle a accompagné un jeune couple à compléter
des étapes judiciaires obligatoires, soit la procédure d'adoption par
consentement spécial suivant la signature de contrat de substitution entre ses
clients et une mère porteuse pour la fécondation in vitro, permettant ainsi,
donc, à la femme, qui ne pouvait être enceinte, d'adopter l'enfant qu'elle
avait conçu avec son conjoint. Et pour ma part, eh bien, je suis président de l'Association
professionnelle des notaires du Québec.
Donc, en ce qui concerne l'APNQ, il s'agit
d'un organisme à but non lucratif fondé depuis plus de 25 ans et dédié à
la défense des intérêts socioéconomiques de ses membres, donc des notaires. L'association
regroupe quelque 1 750 notaires répartis sur l'ensemble du territoire
québécois, soit près de 50 % des membres de la profession notariale. L'APNQ
œuvre au rayonnement du notariat et prône l'implication et les atouts des
notaires, ces juristes polyvalents, à la fois officiers publics impartiaux et
conseillers juridiques. Nous rappelons que les notaires sont dans toutes les
régions du Québec et offrent donc des services à toute la population
québécoise.
En plus de sa mission première, l'APNQ est
concernée par la protection des droits et des intérêts des Québécois. Au cours
de son existence, l'APNQ a étudié de nombreux projets de lois ou de règlements
ayant eu le potentiel d'avoir un impact favorable sur nos concitoyens.
L'APNQ est donc, par conséquent, heureuse
de participer aux présentes consultations particulières sur le projet de loi n° 2 afin de faire part à la commission de ses observations
sur le sujet, car ce projet de loi aura bien certainement un impact sur la
pratique des notaires, notamment en droit des successions et bien certainement
en droit de la famille. Les notaires sont parmi les mieux placés pour constater
qu'effectivement le droit, dans son état actuel, ne représente plus les
réalités des familles d'aujourd'hui.
Les notaires québécois étant présents
auprès des familles depuis plus de trois siècles, un lien de confiance
particulièrement étroit s'est développé avec les Québécois. Année après année,
les notaires peuvent compter sur une place très enviable dans le palmarès des
professions en lesquelles la population a le plus confiance.
Maintenant, sur le point de vue
international, nous rappelons que le notariat québécois est membre de l'Union
internationale du notariat latin. Ce regroupement procure aux notaires du
Québec un réseau exceptionnel de notaires dans plus de 89 pays à travers
le monde. Ainsi, il est possible pour un notaire québécois d'établir des
coopérations avec des notaires de ces pays afin de collaborer pour recevoir la <signature
d'une...
M. Houle (Kevin) :
...Québec un réseau exceptionnel de notaires dans plus de 89 pays à
travers le monde. Ainsi, il est possible pour un notaire québécois d'établir
des coopérations avec des notaires de ces pays afin de collaborer pour recevoir
la >signature d'une personne domiciliée dans ces pays. C'est le cas,
entre autres, depuis 2019, avec la convention de coopération entre les notaires
de France et du Québec.
Bien que notre mémoire porte sur plusieurs
dispositions du projet de loi, ce sont surtout celles concernant les
conventions notariées de gestation pour autrui, donc, connues comme étant des
conventions de mères porteuses, qui ont attiré notre attention. À cet effet, le
législateur a simplifié le processus, pour les parents d'intention, avec des
dispositions actuelles du projet de loi permettant, donc, une voie
administrative, par opposition à une voie judiciaire, aux parents... aux
parties, pardon, désirant concrétiser un projet parental. Cela étant, il se
doit, dans cette procédure déjudiciarisée, d'assurer la protection de tous les
signataires de l'entente, impliquant effectivement l'enfant à naître, bien
évidemment.
Afin de bien protéger les parties au
contrat de gestation pour autrui ainsi que l'enfant à naître et d'assurer le
respect des formalités requises, l'APNQ salue le choix du législateur de
privilégier l'acte notarié en minute, obligeant ainsi l'intervention d'un
officier public qu'est le notaire. Les conditions de fond et de forme imposées
pour une telle convention visent, selon nous, notamment, à éviter les abus
envers la femme ou la personne qui portera l'enfant mais surtout pour assurer l'affiliation
à l'acte dans un contexte totalement déjudiciarisé.
L'APNQ rappelle que les notaires agissent
déjà depuis des décennies à titre d'auxiliaires de justice dans le cadre de
procédures non contentieuses telles que l'homologation de testaments non notariés
et de mandats de protection et l'ouverture d'un régime de protection. Les
notaires sont donc déjà... ont donc déjà les compétences requises pour
conseiller plusieurs parties tout en protégeant les intérêts d'une personne
concernée ou plus vulnérable. On peut penser ici à l'enfant à naître, par
exemple.
Bien que l'acte notarié soit très répandu
dans les pays de droit latin, comme je vous le disais un peu plus haut, tout
près de 89 pays, dont la France, la Belgique, Italie, l'Espagne et le
Mexique, pour ne nommer que ceux-là, il s'agit d'un outil dont seul le
législateur québécois dispose en Amérique du Nord. D'ailleurs, à plusieurs
occasions, le législateur a su tirer profit de cet avantageux moyen mis à sa
disposition afin de sécuriser les parties pouvant être en situation de
vulnérabilité dans le cadre de la conclusion d'un contrat ou encore pour donner
le caractère authentique au document en question. Les exemples en droit
québécois sont nombreux. On peut penser au contrat de mariage, l'acte de
renonciation à une succession, la déclaration de copropriété divise, l'acte d'hypothèque
immobilière, etc.
Permettez-moi maintenant de vous énumérer
les principaux avantages exclusifs à l'acte notarié en minute. Donc, d'abord,
le notaire est un officier... un officier public, pardon, qui collabore à l'administration
de la justice. L'acte notarié en minute permet d'assurer que toutes les parties
reçoivent des conseils juridiques impartiaux, et ce, nonobstant que les
honoraires du notaire soient acquittés que par une seule des parties. C'est un
fait important. Le notaire, en tant qu'officier public, est tenu de conseiller
toutes les parties à l'acte. Il a un devoir de conseil très large. Il doit
vérifier leur capacité ainsi que leur consentement. Cette vérification
obligatoire réduit donc le risque qu'une des parties à l'acte l'ait signé sous
contrainte.
Au niveau de la vérification des
formalités requises, l'acte notarié en minute permet qu'un juriste impartial
vérifie le respect des formalités requises, notamment en ce qui concerne l'attestation
de consultation psychosociale requise, selon les termes du projet de loi
actuel, laquelle attestation pourrait être annexée à l'acte notarié en minute
afin d'en assurer sa conservation. Voici d'autres exemples. Selon les termes
actuels du projet de loi, la femme ou la personne qui portera l'enfant doit
avoir au moins 21 ans, et les parents d'intention doivent résider au
Québec depuis au moins 12 mois. Ce sont d'autres éléments que le notaire
pourra vérifier, évidemment.
Au niveau du droit de la preuve, l'acte
notarié en minute est un acte authentique qui fait preuve de son contenu,
bénéficie également d'un grand avantage en ce qui concerne le droit de la
preuve. Sous réserve de l'inscription en faux, procédure qui est tout de même
rare et ayant des conditions strictes, le contenu et les énoncés dans l'acte
seront à l'abri des contestations. L'une des obligations du notaire, officier
public, est de confirmer la date de signature de l'acte notarié. Encore une
fois, selon les termes actuels du projet de loi, une telle convention doit être
signée antérieurement à la grossesse, dans le cadre de la procédure dite
administrative. Donc, l'acte notarié apparaît donc ici comme étant l'acte par
excellence pour assurer le respect de cette condition et sa preuve devant tous.
Aussi, les actes notariés en minute sont
conservés dans le greffe des notaires, et lequel greffe fait l'objet d'une
stricte réglementation protégeant les minutes, donc l'acte original, de pertes,
de destructions ou d'altérations.
Et également le notaire pourrait émettre
plusieurs copies certifiées conformes de la convention. Chaque copie ayant la
même valeur que l'original, ce sont des copies dites authentiques. Ces copies
peuvent aussi prend la forme d'extraits authentiques. Cette méthode permettrait
ainsi d'assurer la remise d'une copie authentique de la convention de gestation
pour autrui à qui de droit, dont le Directeur de l'état civil, tout en retirant
de ces copies les sections confidentielles qui pourraient ne pas être
obligatoires selon la loi et les règlements.
Pour toutes ces raisons, l'APNQ tient à
souligner la grande vigilance du législateur, qui intègre dans ce projet de loi
la forme notariée comme choix privilégié de forme de contrat. Ainsi, nous
reconnaissons que le législateur québécois assume pleinement ses
responsabilités en garantissant une sécurité juridique aux Québécois et
Québécoises, tout en désengorgeant les tribunaux en tirant profit positivement
des compétences des notaires, officiers publics.
• (10 h 20) •
Il y a également un autre point, <maintenant...
M. Houle (Kevin) :
...Québécois
et Québécoises, tout en désengorgeant les tribunaux en tirant profit
positivement des compétences des notaires, officiers publics.
Il y a également un autre point, >maintenant.
Au-delà de la convention de gestation pour autrui, eh bien, l'APNQ salue aussi
plusieurs autres dispositions, dont celle visant les nouvelles règles
concernant le traitement des sommes détenues dans un compte conjoint au moment
du décès de l'un des deux conjoints ou ex-conjoints. Cela va permettre de
dénouer beaucoup d'impasses lors de règlements de succession.
Plusieurs notaires constatent que bien
souvent, au lendemain d'un décès, le conjoint survivant se précipite au guichet
automatique pour retirer les sommes d'argent nécessaires pour continuer à
subvenir à ses besoins, par peur que ce compte soit gelé, comme on dit, donc,
par les questions financières. Ce faisant, il risque, sans le vouloir, d'accepter,
de façon tacite, la succession. Heureusement, les dispositions actuelles du
projet de loi font en sorte que, sur simple demande, l'institution financière
devra remettre au cotitulaire survivant, au liquidateur... ou bien au
liquidateur de la succession du cotitulaire décédé, sa juste part du compte
conjoint détenu par eux dans cette institution.
De ce fait, on évitera beaucoup de
discussions, de tergiversations et d'incertitudes quant à la détermination de l'actif
successoral. Et surtout, le législateur a au passage réglé l'impasse pouvant
conduire à une acceptation de succession involontaire, en précisant que, si la
remise d'une part d'un compte conjoint au cotitulaire survivant est supérieure
à celle à laquelle il aurait droit, cela ne sera pas automatiquement considéré
comme une acceptation par ce cotitulaire de la succession du conjoint ou
ex-conjoint cotitulaire défunt. Cette précision est majeure et importante dans
le cadre d'un règlement d'une succession afin de bien sécuriser les parties en
cause.
En conclusion, l'APNQ tient à réitérer sa
satisfaction et son enthousiasme face à la démarche du gouvernement de procéder
à la présente consultation particulière visant à débuter le titanesque chantier
de la réforme du droit de la famille au Québec. En ce sens, l'Association
professionnelle des notaires du Québec croit qu'il est important d'agir
collectivement afin de bien démarrer ce processus visant à adopter le projet de
loi n° 2, lequel sera nécessairement suivi d'autres
pièces législatives, afin de faire le tour des nombreuses recommandations du
Comité consultatif sur le droit de la famille, mieux connu comme étant le
rapport Roy.
L'APNQ a donc soumis ses analyses et
recommandations en lien avec la présente consultation particulière dans le but
de l'atteinte des protections maximales recherchées pour les citoyens et en
plaçant l'intérêt de l'enfant au centre de ses préoccupations. Le notaire étant
déjà au coeur de la vie des justiciables depuis des siècles et le droit de la
famille faisant partie du quotidien des notaires, l'APNQ tient à exprimer aux
membres de la Commission des institutions son désir de collaborer à la mise en
oeuvre du projet de loi n° 2, de ses règlements d'application
et des recommandations proposées dans le présent mémoire.
M. le Président, ma présentation orale est
étant faite, nous sommes maintenant disposés, ma consoeur et moi, à répondre
aux questions des membres de la commission.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Me Houle.
Alors, nous allons débuter la période d'échange. M. le ministre, pour une
période de 16 min 15 s.
M. Jolin-Barrette : Merci,
M. le Président. Me Houle, Me Marineau, bonjour. Merci de participer aux
travaux de la commission. Donc, on débute avec l'Association professionnelle
des notaires du Québec. On lance les consultations avec vous, donc vous êtes
les premiers à commenter le projet de loi.
Donc, je dois comprendre de vos propos que
vous recevez assez positivement le projet de loi puis que vous notez que c'est
une nette avancée pour le droit de la famille au Québec. D'entrée de jeu... (interruption).
Excusez-moi, il y a un petit retour de son. D'entrée de jeu, je voudrais
discuter avec vous, là, de la gestation pour autrui.
À l'époque, en 2019, ma collègue la
présidente du Conseil du trésor ainsi que le député de Chapleau avaient fait
une tournée sur... de consultation. Puis vous avez déposé un mémoire à l'époque,
également, qui visait à faire en sorte que la gestation pour autrui soit
encadrée par le notaire par une convention notariée.
Donc, avec ce que nous proposons... vous
êtes à l'aise avec ce que nous proposons, qu'un contrat de gestation pour
autrui ça passe devant le notaire. Je vous dirais : Pourquoi est-ce que c'est
important que ça passe devant le notaire puis, comme... quel est le rôle du
notaire dans ces circonstances-là?
M. Houle (Kevin) : Bien,
effectivement, donc, merci pour la question. Bien, pourquoi c'est important que
ça passe devant le notaire et qu'est-ce que le notaire fera dans un contexte
comme celui-là? Pourquoi? D'abord, bien, c'est parce que l'acte sera notarié,
donc authentique, et surtout les parties qui auront signé l'acte de contrat
auront reçu tous les conseils juridiques d'un notaire, donc d'un conseiller
juridique impartial, et ce, peu importe qui acquittera les honoraires du
notaire. Donc, par exemple, la mère porteuse ou la personne qui portera l'enfant
ne pourra pas considérer que le contrat a été rédigé à l'avantage des parents d'intention,
par exemple, ou vice versa. De toute manière, le notaire, étant un conseiller
juridique impartial, devra donner toutes les explications à toutes les parties.
Donc, j'y réponds... Allez-y.
M. Jolin-Barrette : Qu'est-ce
qui arriverait dans une situation où, avec le projet de loi qui est adopté, le
notaire réalise que, supposons, du côté de la mère porteuse, le consentement, il
n'est pas nécessairement libre et éclairé? C'est quoi, le rôle du notaire
lorsqu'une situation comme celle-ci se présenterait?
M. Houle (Kevin) : Oui.
L'ultime option d'un notaire, dans un cas semblable, est de refuser la
signature, donc refuser d'instrumenter l'acte. Donc, dans un cas comme
celui-là, on met fin à la séance et évidemment, là, on <refixe une
autre...
M. Houle (Kevin) :
L'ultime option d'un notaire, dans un cas semblable, est de refuser la
signature, donc refuser d'instrumenter l'acte. Donc, dans un cas comme
celui-là, on met fin à la séance et évidemment, là, on >refixe une autre
séance, par exemple, avec l'une des parties, pour lui expliquer et revoir
effectivement, dans ce cas-ci, si la mère a toujours l'intention, par exemple,
la mère porteuse, ici Chantal, a toujours d'intention de signer un contrat
comme celui-là.
M. Jolin-Barrette : Qu'est-ce
que le notaire fait pour évaluer si le consentement est libre et éclairé de la
part de la mère porteuse?
M. Houle (Kevin) : D'abord,
on parle de, par exemple, au moment de la signature... c'est un seul moment, mais,
en amont, le notaire a pu communiquer avec la porteuse, a discuté avec elle, va
lui a expliquer les tenants et aboutissants du contrat à être rédigé, discute
avec elle, donc, effectivement... Et, dans ce cas-ci, ce que je comprends, il y
aura eu également une attestation psychosociale — le terme exact,
peut-être que je l'oublie — donc le notaire aura parlé et discuté
avec la mère porteuse des effets potentiels, au lendemain de la signature du
contrat, et même encore, après coup, devra évidemment lui expliquer, avec les
dispositions actuelles, que, même suite à l'accouchement, elle aura encore un
dernier mot à dire malgré tout. Donc, on va aller jusqu'à là.
Donc, le but d'un acte notarié est
effectivement d'anticiper les cas potentiels et, dans ce cas-ci, suite à l'accouchement,
donc, les choix, encore, qui seront disposés, là... disponibles pour la mère.
M. Jolin-Barrette : Donc,
pour vous, ce qui est important, c'est que, pour les justiciables qui vont
décider de faire un projet parental... c'est qu'ils vont être accompagnés par
le notaire tout au long du processus. Ce n'est pas uniquement au moment de la
signature de la convention notariée, mais c'est en amont et c'est même après,
pour se référer, si jamais il y a des questions. Probablement que vous l'avez
vu également dans le projet de loi, le notaire va recevoir en fidéicommis, dans
le fond, un dépôt relativement aux sommes qui pourront être remboursées à la
mère porteuse.
Comment est-ce que l'association perçoit
ça, le fait qu'on vient confier une sorte de rôle de fiduciaire au notaire
relativement aux déboursés, pour ne pas faire en sorte que la mère porteuse se
retrouve à ne pas pouvoir se faire rembourser ses dépenses?
M. Houle (Kevin) : Bien,
effectivement, on est d'accord avec ça puis on salue cette nouveauté-là, dans
le sens où les notaires, déjà, par les différentes transactions immobilières qu'on
peut faire, on est déjà très à l'aise à s'occuper des fonds des justiciables.
Donc, dans un cas comme celui-là, effectivement, on ne peut pas non plus signer
un contrat et qu'en bout de ligne il soit difficilement applicable, au niveau
des compensations, si la mère porteuse ne peut pas avoir accès aux fonds. Donc,
pour nous, ça paraît très bien et logique que le notaire détienne les fonds.
Le seul élément qu'on a apporté au niveau
du mémoire, c'est qu'effectivement il va falloir faire en sorte que le
règlement à être établi plus tard concorde avec le règlement actuel des
notaires, là, visant les comptabilités en fidéicommis, pour être certains,
bref, que la mère porteuse puisse réellement recevoir les fonds, même si, après
coup, les parents d'intention disent au notaire : Bien, écoute, on a
changé d'idée, finalement, tel montant d'argent, je ne veux pas que tu lui
donnes, etc. Donc, notre mémoire mentionne cet élément-là. Mais effectivement,
si le règlement précise clairement le rôle et l'obligation que le notaire aura
de remettre les fonds, de quelle manière et sur quelles preuves, bien, effectivement,
je pense que... nous pensons que la mère porteuse sera protégée davantage dans
un contexte comme celui-là.
M. Jolin-Barrette : Je veux
qu'on revienne sur la question d'impartialité du notaire, là, parce que, dans
le projet de loi, ce qui est proposé, c'est de faire en sorte que, lorsqu'il y
a un contrat de gestation pour autrui, les frais rattachés à la convention
notariée soient assumés par les parents d'intention. Du fait que le notaire va
être rémunéré par les parents d'intention, est-ce que ça amène une
problématique relativement à l'impartialité du notaire dans son rôle pour
conseiller les parties relativement à la mère porteuse, relativement aux
parents d'intention? Comment vous voyez ça?
M. Houle (Kevin) : Non, il n'y
a aucun problème. Et même, j'irais jusqu'à qu'à mentionner que j'ai lu, au
niveau du projet de loi, que c'est même la mère qui pourrait avoir le choix du
notaire mais qu'effectivement ce seraient les parents d'intension qui
paieraient le notaire. Actuellement, la loi prévoit ça, par exemple, au niveau
d'une transaction immobilière. C'est le cas le plus facile. Tout le monde,
principalement, du moins, plusieurs personnes ont eu à avoir eu à acheter une
propriété immobilière. Donc, on prend le même principe, l'acheteur est payé
par... le notaire est payé par l'acheteur, mais le notaire est quand même tenu
à donner des conseils juridiques au vendeur, dans l'intérêt de toutes les
parties, des institutions financières, de l'acheteur et du vendeur. Donc, c'est
déjà... comme c'est là actuellement, le notaire est payé par une des parties,
rien... et ça ne diminue en aucune façon son obligation de devoir de conseil
envers toutes les parties à l'acte, peu importe qui paie les honoraires du
notaire. C'est déjà comme ça actuellement.
• (10 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Donc, ça
ne pose pas de problème, puis les garanties d'impartialité sont là.
Une question relativement à votre
recommandation 4 et 5, donc les articles 5.51... excusez-moi, 3 et 4,
541.4 et 541.13 du projet de loi, le fait de transformer le consentement devant
deux témoins. Vous nous proposez de le modifier pour que le consentement soit
fait sous serment. Donc, pourquoi proposer cette modification-là? Donc là, on
parle de la remise de l'enfant dans les 8-30 jours, notamment, et la
délégation de l'autorité parentale notamment, également la <tutelle...
>
10 h 30 (version révisée)
<15359
M.
Jolin-Barrette :
...consentement devant deux témoins, vous nous
proposez de le modifier pour que le
consentement soit fait sous serment.
Donc,
pourquoi proposer cette
modification-là? Donc là, on parle
de la remise de l'enfant dans les 8-30 jours
notamment, et la délégation
de l'autorité parentale,
notamment
également la >tutelle,
d'y aller sous serment. Alors, pourquoi vous proposez le fait de passer devant
deux témoins vers le sous serment?
M. Houle (Kevin) : Bien, pour
la remise de l'enfant, là, pour reprendre vos termes, cet acte-là, bien, quant
à nous, considérant qu'on part en amont, en amont, ce serait le contrat notarié
qui aurait été signé. Et après coup, les dispositions actuelles du projet de
loi mentionnent que la mère pourrait ou devra prendre ce choix, faire ce choix
du huitième jour, si je ne me trompe pas, entre le huitième et le 30e jour
suite à l'accouchement.
Donc, nous, quant à avoir une protection
des parties en amont, on aimerait effectivement que la mère, rendu à la huitième
journée, neuvième journée, n'ait pas reçu une pression quelconque dans la
chambre d'hôpital, ou chez elle, ou peu importe, de la part de personnes ou des
parents d'intention eux-mêmes, à signer ce consentement-là ou bien, par
exemple, que ce n'est peut-être pas la mère qui l'ait signé, par exemple. Donc,
le commissaire, au minimum, le commissaire pourrait au moins vérifier l'identité
de la personne. Effectivement, on mentionne que ça pourrait être notarié aussi
ou, au minimum, sous forme assermentée de manière à ce que... évidemment, l'acte
notarié, je vous ai expliqué les bienfaits, mais, au minimum, s'assurer que la
mère ait pleinement conscience, là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Et
pour bien expliquer aux membres de la commission, là, votre proposition, dans
le fond, quand vous dites que la déclaration soit assermentée sous serment,
donc c'est assermenté, ça veut dire par un commissaire à l'assermentation, ou
par un avocat qui assermente, ou par un notaire. Mais vous ne proposez pas que
ça soit sous minute, là. Dans le fond, ça n'a pas besoin d'être devant notaire.
Ce que vous dites, c'est minimum un commissaire à l'assermentation, plutôt que
ça soit devant deux témoins.
M. Houle (Kevin) : Au
minimum, effectivement, au minimum, parce qu'effectivement... Évidemment, on n'a
pas voulu non plus imposer aux justiciables l'acte notarié qui impose un
déplacement chez le notaire, etc., pour cette étape finale qui aura déjà au
moins été régularisée par le notaire lui-même, l'officier public en amont. Mais
effectivement, au minimum, assermenté.
M. Jolin-Barrette : Peut-être
une question, avant de céder la parole à mes collègues, relativement aux
comptes bancaires gelés. Il y a une disposition dans le projet de loi qui fait
en sorte de permettre, en cas de succession, que le copropriétaire, le conjoint
de la personne qui décède puisse avoir accès à sa partie des sommes qui sont
dans le compte conjoint. Est-ce qu'en pratique, pour les membres de votre
organisation, là, les notaires qui font des successions, ça représente une
problématique, actuellement?
M. Houle (Kevin) : Oui,
effectivement, là, entre nous, les notaires, on le voit également. Puis combien
de notaires nous ont déjà fait part de ce genre d'exemple là que j'ai
mentionné, effectivement, où madame décède et monsieur s'empresse ou les
enfants s'empressent, là, par exemple, d'aller au compte ou au guichet pour
sortir de l'argent, sans nécessairement mentionner à l'institution financière
que, la personne, elle est décédée, sachant très bien que, si on dit ça à l'institution
financière, bien, le compte va être gelé. Et même si c'est un compte conjoint,
c'est gelé. Donc, le conjoint qui avait de l'argent là-dedans, et souvent pour
payer son loyer, son hypothèque, etc... même récemment j'ai eu un cas où,
effectivement, c'était une personne qui était en CHSLD, le conjoint, bien, ne
pouvait plus payer sa chambre, considérant que sa conjointe était décédée.
Donc, effectivement, c'est du vécu, et ce
qui arrive, pour vrai, c'est qu'en bout de ligne les gens ne le disent pas
rapidement à l'institution financière, donc il y a risque de vol potentiel.
Quand je dis vol, c'est un risque que les enfants ou quelqu'un d'autre qui a
accès au compte aille chercher l'argent pour d'autres fins.
M. Jolin-Barrette : Mais la
conséquence inverse de ça, c'est lorsque tout le monde le fait dans les règles,
tout ça... monsieur est avec madame, monsieur décède, son mari depuis 40 ans,
supposons, ils n'ont qu'un seul compte, un compte conjoint, la rente de monsieur
et la rente de madame est versée dans le compte. Madame se retrouve avec le
décès de son conjoint, et là l'institution financière est informée, alors madame,
si c'était son seul compte, se retrouve, pendant quelques mois, à ne pas avoir
accès à son propre argent à elle, à ses liquidités. Donc, ça peut entraîner des
conséquences financières difficiles pour elle de se retrouver... si elle n'a
pas de marge de crédit ou si elle n'a pas d'autre compte. Elle n'a pas de
rentrée d'argent durant le temps que la succession est réglée.
M. Houle (Kevin) : Effectivement,
et j'ai vu un cas où, dans ce cas-ci, cette dame-là, pour prendre cet exemple-là,
c'était une dame, elle n'avait pas d'enfant non plus, donc elle n'avait
personne d'autre qui pouvait avancer les fonds pour son appartement, par
exemple, ou pour manger, faire l'épicerie.
M. Jolin-Barrette : Écoutez,
je vous remercie pour votre présentation, Me Houle, Me Marineau.
Donc, je cède la parole à mes collègues. Je crois que le député de Chapleau
veut intervenir.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre.
M. le député de Chapleau, il reste un peu plus de quatre minutes.
M. Lévesque (Chapleau) : Parfait.
Merci beaucoup, M. le Président. Moi aussi, là, permettez-moi de vous saluer.
Bien heureux de vous retrouver. Également saluer le ministre, les collègues et
l'ensemble de la banquette de l'opposition également. Me Houle, Me Marineau,
merci de votre témoignage.
J'aimerais poursuivre sur la lancée du
ministre quant à la notion des comptes bancaires. Vous aviez, dans votre
présentation, d'entrée de jeu, vous aviez dit : Il y aurait une
acceptation de la succession de facto, entraînant certains risques lorsque
ça se produit, également la question de la juste part. Peut-être nous éclairer
sur ces deux notions, là, puis les conséquences que ça pourrait avoir, si ce n'était
pas modifié, justement.
M. Houle (Kevin) : Pour
prendre un exemple facile, si, dans un compte, il y a <...
M. Houle (Kevin) :
...>5 000 $,
2 500 $ à monsieur, 2 500 $ à madame, si jamais... et madame
décède, donc monsieur prend dans le compte 3 500 $, donc 1 000 $
de trop, le fait de prendre ce 1 000 $ de trop là, qui appartient à
la succession de madame, pourrait actuellement être considéré comme étant une
acceptation tacite de la succession. Tu as pris les biens de la succession,
alors tu es présumé avoir accepté. Et là j'y vais rapidement, hein, mais, c'est
ça, donc tu es présumé avoir accepté la succession.
Donc, si cette succession-là était
insolvable ou avait des dettes au-delà de l'actif, donc, bien, le monsieur, donc
le conjoint survivant, qui est présumé avoir accepté, pourrait être tenu aux
dettes de la succession, alors qu'il n'y a pas eu de bilan, il n'y a pas eu les
étapes, il n'a pas pu consulter son notaire, il n'a pas... voilà, les
conditions et les étapes préalables n'auront pas été appliquées, et cette
présomption-là pourrait s'appliquer.
M. Lévesque (Chapleau) : Et
donc le changement proposé vient un petit peu réduire ce risque-là, en quelque
sorte, là.
M. Houle (Kevin) : Effectivement,
parce que la nouvelle disposition vient mentionner ce cas précis qui ne serait
pas considéré comme étant être une acceptation présumée ou tacite, là, de la
succession.
M. Lévesque (Chapleau) : Vous
aviez également, là, parlé de la réputation des notaires, en début de
présentation, puis vous avez... J'aimerais peut-être que vous nous disiez quels
autres avantages vous voyez dans le fait que le justiciable pourrait être
accompagné par un notaire dans le cas d'une gestation pour autrui. Vous avez
parlé de réputation, mais il y a peut-être d'autres éléments qui seraient
intéressants à mentionner.
M. Houle (Kevin) : Bien, le
fait que le notaire, on ne l'oublie pas, mais c'est un conseiller juridique.
Donc, à partir de là, c'est d'avoir des conseillers juridiques, mais des
conseillers juridiques impartiaux, et les notaires, dont ma collègue Marineau,
par exemple, pratiquent déjà dans certains secteurs du droit, dont le droit de
la famille, filiation, adoption, etc. Donc, il y a une spécialité qui est déjà
actuelle dans la communauté notariale.
M. Lévesque (Chapleau) : D'accord,
mais Me Marineau, justement, là, je vais peut-être m'adresser à vous, là,
vous avez travaillé, justement, dans l'accompagnement, là, des personnes qui
souhaiteraient recourir, justement, à la gestation pour autrui. J'aimerais
peut-être vous entendre sur votre expérience puis qu'est-ce que... quels sont,
dans le fond, les points à retenir par rapport à ça.
Mme Marineau (Tania) : Pour
mon expérience, les parties avaient fait affaire avec une clinique, justement,
pour les aider avec le in vitro, et, par la suite, la convention avait été
faite avec une avocate que je ne connais pas. Et, de mon expertise en adoption,
c'est là qu'ils m'ont trouvée par la suite, parce que présentement, lorsqu'on a
une convention de mère porteuse, pour la faire appliquer, on doit procéder par
adoption.
Donc, avec la nouvelle façon qui est dans
le projet de loi n° 2, on vient enlever, justement, tout le judiciaire,
donc le juge à la fin. Mais présentement, c'est comme ça qu'il faut fonctionner
et d'autres étapes, là, avec le certificat de naissance, que la mère porteuse
doit être la mère au certificat de naissance. Et habituellement, le conjoint,
là, qui aurait... l'homme qui aurait fourni sa semence pourrait être père au
certificat de naissance, et de là il peut donner un consentement spécial en
faveur de sa conjointe.
Donc, c'est présentement l'article 555
qui régit les adoptions intrafamiliales et c'est de cette façon-là qu'on peut,
avec un contrat de mère porteuse, procéder à l'adoption. Mais le contrat doit
prévoir, là, comme il avait été dit dans la loi, seulement le remboursement des
dépenses et ne pas prévoir de rémunération, évidemment, là, puisqu'on ne veut
pas marchandiser le corps de la femme.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Alors, je cède maintenant la
parole au député de LaFontaine pour une période de 10 min 50 s.
M. le député, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Merci beaucoup, M.
le Président. Alors, à mon tour de vous saluer, Me Houle et Me Marineau.
Merci beaucoup pour vos réponses à nos questions. Je vais essayer d'y aller en
rafale. J'ai plusieurs petits points que j'aimerais vérifier avec vous puis je
vais commencer par mon dernier point, comme ça je ne l'oublierai pas, parce que
je n'ai pas eu le temps de le noter.
Alors, le point 8 de votre mémoire,
page 16, lorsque vous parlez de mettre de côté l'obligation d'avoir une traduction
vidimée... autrement dit, vidimée, corrigez-moi si j'ai tort, mais c'est fait
par un traducteur officiel, et ça, il y a des coûts, il y a des délais, qui
fait partie de l'Ordre des traducteurs. Vous dites... faites la distinction
entre le français et l'anglais, parce que le Code civil le fait déjà pour un
acte, une convention de gestation pour autrui faite à l'extérieur du Québec,
faites une distinction entre le français et l'anglais et les autres langues. Si
je vous comprends, c'est ça, votre recommandation, n'est-ce pas?
M. Houle (Kevin) : Oui, mais
la recommandation, c'est surtout le fait que... Que ce soit une rédaction en
français ou en anglais ne cause pas de problème, si c'est la volonté des
parties, d'autant plus qu'on parle ici d'un contrat notarié qui aurait été
expliqué en long et en large aux parties. Mais effectivement, si jamais c'était
un contrat en une autre langue, on s'entend que la traduction serait
nécessaire. Mais ici, c'est surtout au niveau du français et de l'anglais.
• (10 h 40) •
M. Tanguay : C'est ça. Et
vous faites référence aux articles 3006 et 140 du Code civil du Québec,
qui le fait déjà, «une autre langue que le français ou l'anglais doivent être
accompagnés d'une traduction vidimée au Québec». Ça fait que vous dites... appliquez
miroir, là, sur <...
M. Tanguay :
...>cet élément-là.
M. Houle (Kevin) :
Effectivement, et le raisonnement derrière ça, c'est nécessairement le fait que,
si jamais il y a une... Le contrat de mère porteuse, effectivement, ne sera pas
publié ni public dans le sens où ce n'est pas nécessairement consulté par les
gens. Donc, on ne voyait pas l'intérêt de devoir le traduire, là, même s'il est
en langue anglaise.
M. Tanguay : On va faire un
lien avec ce que vous venez tout juste de dire. À la page 11, et ça, c'est
appliqué à votre point 2.4, là, à l'article 541.4, suggère de
remplacer «devant témoins» par «sous serment». Vous dites un peu plus bas, dans
le haut de la page 11, puis j'aimerais vous entendre là-dessus, sur votre
réalité technologique et pratico-pratique, là, de notaire : «L'APNQ
souligne que les notaires, ayant la possibilité actuellement de recevoir des
actes notariés en minute technologique — par visioconférence et
signatures numériques — l'acte authentique est devenu beaucoup plus
accessible pour le public.» Quand vous dites «pour le public», dans quel
contexte le public aurait accès à un acte notarié?
M. Houle (Kevin) : Bien,
actuellement, c'est le public... Ce qu'on veut dire ici, c'est qu'à compter du
moment où une personne a un besoin juridique et doit consulter un notaire, et que
l'acte qui en ressort, de cette consultation-là, doit être notarié, le public,
c'est le terme général, fait en sorte que la personne qui nous consulte n'aura
pas à se déplacer, pour le moment, depuis la pandémie, à nos bureaux pour
signer l'acte notarié. Ça peut se faire à distance.
Donc, c'est dans ce sens-là où les gens,
avec le déplacement... moi, je suis dans la communauté de Montréal, donc, avec
le trafic, etc., donc c'est de là le «plus accessible».
M. Tanguay : C'est ça. Je
voulais juste comprendre, parce que je ne suis pas notaire, mais «public», c'est
ceux qui ont un intérêt juridique, évidemment, pour le consulter, là. Il faut
le lire comme ça.
M. Houle (Kevin) : C'est les
justiciables, les justiciables, là, tout le monde.
M. Tanguay : Tout le monde?
M. Houle (Kevin) : Tout le
monde qui a besoin d'un... tout le monde, actuellement, que ce soit pour un
testament, que ce soit pour un mandat de protection, une transaction
immobilière, une vente de compagnie ou quoi que ce soit, dès qu'on parle d'un
acte notarié, on peut le faire, depuis le début de la pandémie, sous forme
numérique, à distance, contrairement à l'acte notarié présentiel.
M. Tanguay : Et c'est comme
le registre foncier, c'est accessible à tous.
M. Houle (Kevin) : Le
registre foncier demeure, quant à lui, numérique depuis déjà un certain nombre
d'années. Ça, ça n'a pas changé. Mais on parle ici que... quand on parle d'un
acte notarié, ça demeure un acte confidentiel, un contrat. Si jamais c'est une
vente d'immeuble, on va le publier au registre foncier, comme c'est le cas
depuis longtemps. Mais, si jamais c'est un testament, par exemple, le testament
est confidentiel. Le notaire conservera l'original sous version numérique, c'est
ça, la distinction, et la personne qui aura signé le testament l'aura signé à
distance. Elle peut être de chez elle, dans son salon, et l'acte demeurera
notarié parce qu'il aura été signé sur une plateforme qui a été approuvée par
la Chambre des notaires du Québec. Donc, c'est vraiment le support de l'acte
qui est changé.
M. Tanguay : Question, puis
peut-être Me Marineau... La convention de gestation pour autrui, est-ce qu'elle
va être accessible au public, oui ou non?
Mme Marineau (Tania) : Non, c'est
un contrat privé, évidemment. Mais si, exemple, la mère porteuse, elle est aux
États-Unis, les consultations pourraient se faire à distance, et l'acte
pourrait être même signé à distance sans que la mère porteuse ait à venir au
Canada. Donc là, on évite en plus plusieurs frais, là, pour les personnes
impliquées.
M. Tanguay : Mais ça va être
confidentiel, ça ne sera pas public. C'était juste ça, ma question.
Mme Marineau (Tania) : Tout à
fait.
M. Houle (Kevin) : Oui, effectivement.
C'est le terme «public», je comprends. Le terme «public» ne veut pas dire
publicisé, hein, ou rendu public, ce n'est pas ça.
M. Tanguay : O.K.
Modifications de la convention de gestation pour autrui, au bas de l'article 541.11 :
«La convention peut être modifiée avec le consentement de chacune des parties
par acte notarié.» Ici, vous dites, vous demandez plus de précisions, j'aimerais
vous entendre là-dessus : «Cette modification peut-elle être effectuée en
cours de grossesse?» C'est le point d'interrogation que vous soulevez, hein,
ici.
M. Houle (Kevin) : Bien, c'est
parce que pour l'instant, considérant qu'on n'a pas encore, c'est tout à fait
normal, là, la connaissance des règlements d'application de la loi, on ne sait
pas encore quel sera le contenu de la convention de gestation pour autrui.
Donc, notre questionnement était autour du fait que, si jamais on doit modifier
ce contrat-là, j'imagine que la modification devra être notariée aussi, si l'acte
lui-même est notarié. Mais quelles seront les modifications possibles? Est-ce
qu'on va pouvoir revenir sur le montant compensatoire à la mère? Vous comprenez?
Donc, c'est tout ça, là. C'était un point général qui était soulevé pour
discussions futures, évidemment.
M. Tanguay : Et c'est un
point excessivement important. Puis, je veux dire, on peut bien avoir, puis
vous y participez, puis c'est excellent, une nomenclature juridique stricte,
très claire puis rigide dans le bon sens du terme, parce que c'est des
questions excessivement importantes, mais la loi est silencieuse. Qu'en est-il
si la mère porteuse décide de dire : Bien, écoutez, finalement, je veux
modifier tels, tels, tels aspects, sachant qu'elle aussi elle pourra toujours
retirer son consentement à tout moment? Alors, qu'est-ce qui pourrait être
permissible ou pas? Si ce n'est pas clair, il risque d'y avoir des litiges
là-dessus. Puis probablement que vous le vivez dans vos pratiques
régulièrement, quand la loi n'est pas claire, bien, c'est là source d'interprétations
puis de litiges aussi, là.
M. Houle (Kevin) : Mais
également ici, l'élément qui <...
M. Houle (Kevin) :
...>est
important, quand même, à retenir, c'est que la modification notariée va faire
en sorte qu'il y ait un notaire, donc un officier public. Donc, si une
modification est possible et doit être faite, on va s'assurer de l'intention
des parties à accepter cette modification-là, en comprendre la teneur, les
tenants et aboutissants. Donc, c'est encore la même protection qui va être
quand même rattachée à cette modification-là.
M. Tanguay : ...ça se peut. Avez-vous
des exemples où le législateur dit : Après tel acte notarié, les parties
ne peuvent pas modifier... Est-ce que... Avez-vous des exemples, notamment en
droit de la famille, que les parties ne peuvent pas modifier un acte
authentique initial ou c'est les règles générales des contrats, puis, si les parties
s'entendent, bien, elles peuvent modifier ça comme elles le veulent?
M. Houle (Kevin) : Je
pourrais laisser Me Marineau répondre après coup, mais, pour ma part, vite
fait comme ça, je n'ai pas d'exemple outre le fait que, par exemple, il peut y
avoir une obligation, des conditions devant être dans un contrat, par exemple,
donc, une hypothèque, le montant doit être inscrit en dollars canadiens sur un
immeuble au Québec, etc. Donc, il y a des conditions qui sont là, une fois que
les points 1, 2, 3, 4, 5 sont là, le reste autour, bien, c'est les dispositions
générales, là, des contrats qui s'appliquent.
Mais effectivement c'est pour ça, donc, si
jamais les règlements d'application ou les termes de la loi mentionnent que les
éléments devant être dans le contrat de convention de mère porteuse, de
gestation pour autrui sont les suivants et ne pourront être modifiés ou ne
pourront être que les suivants, donc, ça signifie qu'on ne pourrait pas mettre
autre chose, vous comprenez. Donc, c'est à voir au niveau du règlement
d'application, mais je n'ai pas d'exemple personnellement, malheureusement. Je
ne sais pas si Me Marineau en a.
Mme Marineau (Tania) : Bien,
en fait, il y a le contrat de mariage que, si on veut modifier de régime, on ne
peut pas exactement... on peut modifier le régime, mais ça reviendrait à dire
qu'on doit dissoudre, exemple, la société d'acquêts ou le régime de séparation
de biens avant de pouvoir retourner vers un des autres régimes. Donc, c'est une
des situations que la modification en tant que telle n'est pas aussi simple de
dire : On modifie, s'il y a des grandes conséquences à. C'est plutôt une
dissolution avant de pouvoir repartir sous un nouveau régime.
M. Tanguay : Je suis heureux
de voir que vous avez déjà des liens avec des notaires dans d'autres États. Ce
sera une possibilité, par règlement, de dire : Bien, voici les États qui
offrent un cadre général similaire à celui du Québec, le respect des règles
d'ordre public, et ainsi de suite. J'imagine que vous, vous allez avoir
peut-être une réflexion là-dessus. Ce ne sera pas chose simple et ce sera chose
excessivement importante de dire : Bien, le Québec accepte, oui, que de
telles conventions se fassent à l'international, mais avec tel, tel État et pas
tel, tel État.
Selon vous, qu'est-ce qui devrait guider
le législateur? Parce que ça va se faire par règlement.
M. Houle (Kevin) : Oui, mais
déjà notre mémoire, ce qu'on mentionne, c'est que même une procédure de mère
porteuse, là, où la mère réside hors du Québec, on mentionne que ça pourrait...
ça devrait être notarié également de manière à ce que le notaire, toujours
officier public, conseiller juridique, puisse conseiller toutes les parties.
Mais... (panne de son). Par exemple, la mère porteuse, effectivement, avant de
conclure le contrat, le père devra s'assurer avec un notaire, ou conseiller, ou
un avocat de l'État où elle demeure que la loi là-bas permet à une femme de
signer un tel contrat. Effectivement, il y aura des vérifications en amont que
le notaire devra faire, si on y va avec un acte notarié pour la convention de
gestation pour autrui où la mère demeure à l'extérieur de l'État.
M. Tanguay : Et ça, je vous
avoue que ça m'a surpris, que c'est notarié ici, mais que ce n'est pas notarié
là-bas, parce qu'il y a tout un encadrement puis une assurance que
l'information, les vérifications, l'âge, tout ça, la capacité de contracter...
J'aimerais vous entendre rapidement, parce
que c'est important, sur la fin de l'union de fait. Il va falloir apporter des
précisions là-dessus. Je m'excuse, on manque de temps, mais un élément
excessivement important, donc, point 4, présomption de paternité étendue
de l'union de fait. Il va falloir préciser ça parce que ça peut être très
difficile.
Le Président (M.
Bachand) : En quelques secondes.
M. Houle (Kevin) :
Effectivement.
M. Tanguay : Effectivement. Bravo.
Merci à vous.
Le Président (M.
Bachand) :Alors donc, je cède la parole,
maintenant, au député d'Hochelaga-Maisonneuve pour une période de 2 min 43 s.
M. le député, s'il vous plaît.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Peut-être une question de nombre. Est-ce que vous avez un estimé de
cette nouvelle procédure, là, qui nous est proposée aussi, toujours sur la
gestation pour autrui? Est-ce que vous vous attendez à une explosion du nombre
de personnes qui pourraient se présenter devant des notaires pour enregistrer
un tel contrat? Est-ce que vous avez une évaluation de qu'est-ce que ça va
produire comme mouvement?
M. Houle (Kevin) : Me Marineau,
je ne sais pas si...
• (10 h 50) •
Mme Marineau (Tania) : Je
dois avouer que je n'ai pas de nombre, mais je sais que certains dossiers qui
sont retombés dans ma cour ont été justement... tu sais, on voit <...
Mme Marineau (Tania) :
...>que les gens ont tenté de contourner la loi par rapport
que c'est un contrat illégal, puis que, là, tu leur poses des questions, puis c'est
clairement ça, mais ils disent que, non, non, c'était une histoire, le conjoint
a eu une aventure, puis finalement, là, elle veut l'adopter, l'enfant, tu sais,
comme... Je crois que ça va vraiment faciliter la vie du Québécois de pouvoir
adopter, bien, procéder de cette façon-là sans avoir, justement, à contourner
la loi. Et, oui, je crois que c'est... je n'ai pas de nombre, mais c'est
vraiment un avancement qui va aider les Québécois et Québécoises à unir leurs
familles.
M. Leduc : Et le scénario que
vous évoquiez, là, où les personnes essaient un peu de contourner, à quel point
c'est fréquent dans le travail d'un ou une notaire?
Mme Marineau (Tania) :
Bien,
c'est quand même fréquent, mais, tu sais, c'est sûr que des dossiers d'adoption,
ce n'est pas... ou de contrats de mère porteuse, ce n'est pas... Présentement,
j'en ai plusieurs à mon actif, mais je dois avouer que je ne fais pas ça tous
les jours. Donc, malheureusement, je n'ai vraiment pas de nombre, mais ça
arrive. Et heureusement, il y a eu le jugement en 2014 qui a permis, justement,
de contourner la loi elle-même, mais des fois les gens ne sont pas au courant.
Donc, s'ils avaient consulté le notaire plus tôt ou s'ils avaient... bien, s'il
y avait eu plus de médiatisation de ce jugement-là, bien, ils sauraient qu'il y
a une façon quand même de procéder sans trop se casser la tête.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Joliette, pour 2 min 43 s, s'il vous plaît.
Mme Hivon : Merci, M. le
Président. Je vais continuer exactement sur la même voie, Me Marineau.
Vous comprenez que vous êtes notre premier groupe et vous avez une expérience
très concrète sur le terrain.
Donc, juste pour les gens qui auraient un
peu du mal à suivre... parce que, dans le Code civil, ça dit bel et bien que
les conventions pour gestation pour autrui sont nulles, de nullité absolue, mais
depuis tantôt vous dites : la reconnaissance des conventions... Donc,
juste nous expliquer l'effet qu'a eu ce jugement-là. Est-ce que ça veut dire
maintenant que de telles conventions peuvent se faire malgré qu'il y a une
nullité dans le Code civil à l'égard de ces conventions-là?
Mme Marineau (Tania) :
Oui.
Depuis 2014, le jugement Adoption — 1445 a permis de procéder à l'adoption
en disant que c'était la façon la moins insatisfaisante. Donc, j'ai justement
présenté un dossier dans le district de Joliette et je n'ai pas eu à justifier.
J'avais fait des... j'étais prête à argumenter à la juge que cette jurisprudence-là
le permettait, et non, justement, les juges sont rendus habitués depuis 2014
que, tant que la convention... tu sais, on voit vraiment qu'il n'y a pas de
rémunération, mais que c'est les dépenses qui sont bien établies, que les
parties sont toutes d'accord, bien, que la mère porteuse a bien consenti, qu'elle
a bien été au certificat de naissance, que toute la procédure qui a été mise
dans le jugement est respectée, c'est accepté.
Donc, on a cette façon-là, maintenant, de
procéder depuis 2014, mais je crois que la façon proposée est beaucoup plus
simple. Et pourquoi également que je crois que le consentement... qu'on croit,
à l'APNQ, que ça doit être sous serment... parce qu'autrefois, là, avec la
procédure actuelle, on a un consentement et on a un juge à la fin qui vient dire :
bien, oui, le consentement a bien été donné, les parties ont bien été
signifiées, notifiées, donc on accepte l'adoption. Donc, c'est pour ça que, le
consentement, ça serait important qu'il soit vraiment sous serment ou devant
notaire, parce que c'est ce consentement-là qui vient consentir la filiation.
Mme Hivon : O.K, merci. Puis,
très rapidement, vous parlez, au point 7, page 15 de votre mémoire, d'inclure
les conflits qui pourraient découler de la convention de gestation pour autrui
pour la médiation familiale. Est-ce que vous pouvez nous dire ce que vous avez
en tête?
M. Houle (Kevin) : Bien,
effectivement, donc, c'est parce que considérant qu'on a des jugements des fois
qui eux-mêmes peuvent être... vont en appel, vous comprenez? Donc, à partir du
moment où des personnes s'entendent sur quelque chose, il y a quand même un
risque, en quelque part, qu'une partie considère que finalement, l'intention, c'était
peut-être autre chose ou qu'on veuille déterminer autre chose qui a été
déterminé dans le contrat, vous comprenez? Donc, il peut y avoir une mésentente
ou un différend quelconque.
Donc, à partir de là, on préférerait
effectivement, quant à pouvoir bénéficier de ce programme-là, entre guillemets,
là, au niveau de l'adoption, que ça soit applicable également pour la
convention de gestation pour autrui.
Mme Hivon : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Mme la députée.
Me Houle, Me Marineau, merci beaucoup d'avoir été avec nous ce matin.
Vous avez brisé la glace des auditions publiques. Alors, merci beaucoup de
votre courage, et on se dit à très bientôt. Merci.
Alors, je suspends les travaux quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 55)
>
(Reprise à 10 h 58)
Le Président (M.
Bachand) :
À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir
maintenant d'accueillir les représentantes du Conseil du statut de la femme.
Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation au total.
Alors, je vous inviterais à vous présenter puis à débuter votre exposé. Puis,
encore une fois, merci beaucoup d'être avec nous ce matin. La parole est à
vous.
Conseil du statut de la
femme (CSF)
Mme Cordeau (Louise) Merci, M. le
Président. Alors, M. le ministre, chers membres de la commission, Louise Cordeau.
Je suis présidente du Conseil du statut de la femme. Je suis accompagnée de Mme Mélanie
Julien, qui est directrice de la recherche et de l'analyse et qui a passé, avec
son équipe, de nombreuses heures, vous vous en doutez bien, à analyser le
projet de loi.
Alors, vous vous doutez bien qu'au nom du
Conseil du statut de la femme, je suis heureuse de vous faire part aujourd'hui
des réflexions et des recommandations du conseil sur cet imposant projet de loi
qui vise notamment à réformer les dispositions du droit de la famille relatives
à la filiation. Considérant l'importance du projet de loi n° 2
et le peu de temps imparti à son étude, le Conseil du statut de la femme, en
cohérence avec sa mission, a choisi de se concentrer sur deux sujets qui
soulèvent des enjeux majeurs pour les femmes : la maternité pour autrui et
la violence.
• (11 heures) •
D'abord, la maternité pour autrui.
Permettez-moi d'entrée de jeu d'indiquer que le conseil n'est pas en accord
avec l'expression «gestation pour autrui» qui est utilisée dans le projet de
loi. Selon l'Office québécois de la langue française, la gestation réfère au
monde animal. Elle définit l'état d'une femelle vivipare qui porte son petit
dans son utérus, de la conception à l'accouchement. Le vocabulaire est lourd de
sens. Bien que le choix d'un terme soit épineux, le conseil privilégie la
notion de maternité pour désigner <l'expérience humaine...
>
11 h (version révisée)
< Mme Cordeau (Louise) :
...langue française, la gestation réfère au monde
animal. Elle définit l'état d'une femelle vivipare qui porte son petit dans son
utérus, de la conception à l'accouchement. Le vocabulaire est lourd de sens.
Bien que le choix d'un terme soit épineux, le conseil privilégie la notion de
maternité pour désigner >l'expérience humaine de la procréation, de la
grossesse et de l'accouchement.
De façon plus générale, le conseil salue
la volonté du gouvernement d'encadrer les projets de maternité pour autrui. Le
conseil l'affirmait en 2016 et il le réaffirme aujourd'hui. Considérant que le
phénomène existe au Québec, le gouvernement doit donc baliser les pratiques
afin de respecter la dignité, l'intégrité, la santé et la sécurité des femmes,
de même que l'intérêt des enfants. Il doit aussi s'assurer de la non-instrumentalisation
du corps de la femme. Le projet de loi contient d'ailleurs plusieurs
dispositions pertinentes à cet effet. Je pense notamment à celles qui visent à
s'assurer que la femme qui accepte de porter un enfant pour autrui soit âgée d'au
moins 21 ans, que cet acte soit fait par altruisme, donc gratuitement, qu'un
délai de réflexion soit alloué à la femme porteuse pour donner son
consentement.
Le conseil estime cependant que l'encadrement
des projets de maternité pour autrui devrait être renforcé. Je m'attarderai ici
sur trois propositions. Premièrement, le conseil recommande d'exiger que seules
les femmes qui ont une expérience d'accouchement puissent porter un enfant pour
autrui. Une telle expérience est nécessaire pour qu'une femme puisse donner un
consentement éclairé. Ce critère figure d'ailleurs parmi ceux énoncés par
plusieurs comités d'éthique dans le monde. Le conseil est convaincu que le
Québec doit s'en inspirer.
Deuxièmement, le conseil formule des
recommandations en vue de mieux accompagner la femme qui accepte de porter un
enfant pour autrui, de même que les parents d'intention. Le projet de loi
prévoit que les deux parties doivent rencontrer séparément une ou un
professionnel habilité à les informer sur les implications psychologiques et
les questions éthiques de la maternité pour autrui. Elles doivent obtenir une
attestation signée avant d'entreprendre une convention notariée. Aux yeux du
conseil, cette démarche est minimaliste. Entreprendre un projet de maternité
pour autrui comporte de nombreuses implications physiques, psychologiques et
éthiques. Les parties doivent prendre une panoplie de décisions fort délicates.
Par exemple, comment l'enfant sera-t-il conçu? De qui proviendront les gamètes?
Quelles seront les relations entre la femme porteuse et les parents d'intention
au long de la grossesse et après la naissance de l'enfant? Les professionnels
doivent donc jouer un plus grand rôle que simplement d'informer. Elles et ils
doivent pouvoir discuter avec chacune des parties et les conseiller dans l'important
projet dans lequel elles souhaitent s'engager.
C'est pourquoi le conseil propose d'étoffer
le rôle attendu des professionnels. Dans la même veine, il est impératif que
des lignes directrices guident les professionnels, de même que les femmes qui
comptent porter un enfant pour autrui et les parents d'intention. Le
gouvernement vient d'instituer un comité central d'éthique en matière de
procréation médicalement assistée à la suite de demandes formulées en ce sens
par plusieurs groupes, dont le conseil. Ce comité, de par sa composition
multidisciplinaire, dispose de l'expertise requise pour élaborer de telles
lignes directrices pour tout projet de maternité pour autrui. Le conseil
propose de lui en donner le mandat.
Troisièmement, le conseil souhaite que le
projet de loi soit l'occasion de documenter le phénomène de la maternité pour
autrui, phénomène qui demeure encore peu connu. En instituant le droit à la
connaissance des origines, réclamé par le conseil depuis 1987, le projet de loi
confie au ministre du Travail la responsabilité de créer un registre contenant
des renseignements sur le profil des tierces personnes qui contribuent à la
procréation d'un enfant. La création de ce registre représente, aux yeux du
conseil, une occasion unique de disposer de données globales sur la maternité
pour autrui et de les rendre accessibles à des fins de recherche.
Par ailleurs, le conseil se montre
préoccupé par certaines dispositions du projet de loi et de leur éventuelle
interprétation. Je m'attarderai ici à deux d'entre elles. D'une part, si les
conditions générales à tout projet de maternité pour autrui ne sont pas
respectées, le projet parental serait déclaré nul. Une femme porteuse pourrait
alors être reconnue comme mère légale de l'enfant, même si ce n'est pas sa
volonté, et sans possibilité de modifier la filiation. S'il importe
certainement d'encourager le respect des conditions générales, le conseil
estime que la conséquence prévue au projet de loi serait très lourde pour les
femmes porteuses. Le conseil estime nécessaire que la volonté des femmes
porteuses soit, dans tous les cas, prise en considération.
D'autre part, dans le cas où la femme
porteuse n'est pas domiciliée au Québec, l'acte de naissance obtenu à l'étranger
pourrait être reconnu par un tribunal québécois, dans la mesure où les
conditions générales à tout projet de maternité pour autrui ont été respectées.
Dans <l'éventualité...
Mme Cordeau
(Louise) :
...ont été respectées. Dans >l'éventualité
où ces conditions ne sont pas respectées, le tribunal pourrait ne pas
reconnaître l'acte de naissance étranger ou la décision étrangère. Cette
possibilité interpelle le conseil quant à ses conséquences.
Passons maintenant au sujet de la
violence. Le projet de loi introduit des éléments devant être considérés par le
tribunal dans des contextes de violence familiale. Par exemple, il prévoit un
mécanisme permettant à un parent de requérir seul des soins pour son enfant
mineur dans une situation de violence familiale ou sexuelle causée par l'autre
parent. Il doit aussi tenir compte de la présence de violence familiale lors d'une
demande de déchéance de l'autorité parentale. Le conseil salue cette volonté du
gouvernement de considérer la violence en contexte familial, et ce, dans l'intérêt
de l'enfant. Il souhaite toutefois s'assurer que toutes les formes de violences
seront ainsi prises en considération, notamment la violence conjugale qui
afflige tant de femmes et leurs familles. C'est dans cette optique que le
conseil recommande à la Commission des institutions de modifier, dans le projet
de loi, l'expression «violences familiales» et de la remplacer par «violences
familiales, conjugales, sexuelles, physiques et psychologiques».
En conclusion, le projet de loi n° 2 modifie significativement le droit de la famille près
de 40 ans après l'établissement de ses fondements. Le conseil souhaite
vivement que les discussions et les réflexions à son sujet se poursuivent. Nous
demeurons évidemment disposés à y prendre part, considérant les conséquences
majeures que cette réforme aura sur les femmes, sur les familles, sur les
enfants et sur l'ensemble des prochaines générations. Je vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Me Cordeau. Donc, nous allons
débuter la période d'échange. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Me Cordeau, Mme Mélanie Julien, bonjour. Merci de
participer aux travaux de la commission. C'est un plaisir de vous retrouver. Je
tiens à vous remercier pour votre présentation, pour votre mémoire, mais
également pour avoir contribué à notre réflexion pour le projet de loi, parce
qu'en 2016, déjà, le Conseil du statut de la femme avait émis un avis
relativement à l'encadrement des mères porteuses, qu'il fallait protéger les
mères porteuses et les enfants, et vous formuliez une série de recommandations
qui ont inspiré notamment, entre autres, la rédaction du projet de loi. Et je
crois que vous reconnaissez, dans votre mémoire, également que le souci du
projet de loi, c'est de faire en sorte, notamment en matière de gestation pour
autrui ou de maternité pour autrui, là, vous proposez cela, de faire en sorte
de protéger les femmes qui décident de porter les enfants pour autrui et
également l'intérêt de l'enfant.
Bon, dans un premier temps... Bien,
commençons par le vocabulaire. Vous dites... écoutez, gestation pour autrui,
vous dites, je paraphrase, ça fait un peu animal. Nous, on préfère le fait que
ça soit «maternité pour autrui». Moi, je vous dirais, l'autre volet, ça fait en
sorte que le terme maternité n'est pas non binaire aussi. Alors, j'essaie d'avoir
un vocabulaire qui est le plus inclusif possible. Qu'est-ce que vous pensez,
là, de tout ça, là? Pour vous, c'est important qu'il soit écrit «maternité de
substitution»?
Mme Cordeau
(Louise) : On en est conscients, M. le ministre, de la
difficulté que représente une ouverture, l'exclusion de toutes les personnes
qui pourraient vouloir former une famille. Nous avons, dans notre mémoire,
utilisé le terme «femme porteuse». Dans le projet de loi, on dit «femme ou
personne qui». Bon, nous, on pense que le...
Et là-dessus le conseil a fait un pas,
parce qu'on parlait de mères porteuses. Donc, on parle de femmes porteuses et
non plus de mères porteuses. Pourquoi? Parce que les femmes qui portent un
enfant ne s'identifient pas nécessairement comme les mères de cet enfant-là,
parce que la notion de mère peut être assimilée à un rôle social. Donc, les
formes.... les femmes qui portent l'enfant pourraient ne pas vouloir jouer ce
rôle social là, et l'objectif de la loi est justement de définir quelle
personne va être désignée comme parent.
Alors, nous, on fait le pas, passant de
mère porteuse à femme ou personne, mais nous, on a privilégié femme. Et le mot «maternité»,
lorsqu'on le regarde simplement dans sa définition, là, on ne cherche pas trop
loin de là, la maternité est définie comme le fait de porter et de mettre au
monde un enfant. C'est exactement ce que représente l'acte de porter et de
mettre au monde un enfant pour autrui et c'est pour ces raisons que nous avons
choisi le terme «maternité».
• (11 h 10) •
M. Jolin-Barrette : C'est
bien noté. Bon, sur la question du projet de loi en général, <là...
M. Jolin-Barrette :
...en général, >là, nous, on a essayé d'avoir un processus clair,
prévisible et sécuritaire qui vise à protéger l'enfant, également la mère
porteuse. Au niveau des balises générales, est-ce que le Conseil du statut de
la femme est satisfait de la façon dont on vient encadrer la maternité pour
autrui ou la gestation pour autrui?
Mme Cordeau (Louise) :
...on est très satisfaits. On
réclamait depuis longtemps d'avoir des balises et de faire en sorte que ces
balises-là protègent toute la démarche parentale. Les balises font en sorte qu'on
prévoit ce qui va arriver avant la grossesse. Donc, on travaille en amont... les
mères porteuses puissent être conscientes des impacts de leur choix.
Cependant, ce qu'on vous mentionne, c'est
qu'on souhaiterait... Puis c'est la question qu'on s'est posée à travers tout
ce processus-là. On a une obligation d'informer. Qu'est-ce qui arrive si, en
cours de processus, un ou une professionnelle s'aperçoit qu'il y a des risques
pour la santé physique ou psychologique de la femme qui portera un enfant, que
les parents d'intention ne sont peut-être pas outillés ou que ce n'est peut-être
pas la meilleure décision d'avoir ce projet parental là?
On sait, M. le ministre, que, dans le cas
des projets de procréation assistée, lorsque les couples se rendent en
clinique, ces évaluations-là sont faites. Les évaluations sont faites par un
médecin du Collège des médecins. S'il n'est pas certain, il doit demander... il
doit demander à quelqu'un d'un ordre professionnel, comme un psychologue ou une
psychologue, d'attester que le projet parental remplit toutes les règles, à la
fois médicales, éthiques et... bon. Donc, c'est pour ça qu'on se dit : Le
professionnel ou la professionnelle qui rencontrent les parents, au lieu de
simplement avoir la responsabilité d'informer, pourrait-il avoir une autre
responsabilité, de conseiller, d'évaluer? Bon, est-ce qu'on pourrait aller
jusqu'à dire : Il pourrait ne pas recommander? Mais là c'est... qu'est-ce
qui arrive après qu'il n'ait pas recommandé? Plusieurs questions sont ouvertes
là-dessus, et c'est pour ça qu'on...
M. Jolin-Barrette : Mais peut-être,
si vous me permettez, juste là-dessus, je vous fais le parallèle. En matière d'adoption,
là, c'est une évaluation qui est effectuée par un professionnel relativement au
fait de confier un enfant à un parent adoptant. Nous, ce qu'on a mis dans le
projet de loi relativement à la gestation pour autrui ou la maternité pour
autrui, c'est une séance d'information, un peu comme vous le recommandiez dans
le mémoire en 2016. Mais là je dois comprendre que vous nous invitez peut-être
à même... à mettre le même formalisme, d'avoir une évaluation pour un projet
parental à la fois pour la femme qui décide de porter l'enfant, mais à la fois
pour les parents d'intention. Vous nous dites : Ça ne devrait pas être
juste une séance d'information, ça devrait être une évaluation des parents.
Mme Cordeau (Louise) :
Est-ce que... Est-ce qu'on doit se rendre à l'évaluation? Ce n'est pas une
recommandation formelle qu'on vous fait. Mais ce qu'on vous dit, c'est que le
rôle du professionnel ou de la professionnelle devrait être plus grand que
simplement... que simplement informer. Est-ce qu'il peut conseiller? Est-ce qu'il
peut dissuader? Est-ce qu'il peut dire : Avez-vous pensé à ça? Est-ce qu'il
y a des conséquences de cette nature-là? Je pense qu'on peut se poser des
questions. Si on arrive, à un moment donné, dans la...
On sait que les notaires, s'il n'y a pas
de consentement éclairé, vont pouvoir agir. C'est leur responsabilité d'agir et
de s'assurer d'un consentement éclairé de toutes les parties, particulièrement
la femme qui a le projet de porter l'enfant. Mais, si quelqu'un voit que ce n'est
pas une bonne idée, de façon médicale, psychologique ou autre, qu'est-ce qui
arrive dans ce cas-là?
Et c'est pour ça aussi qu'on vous
recommande, par le biais d'un comité d'éthique, de déterminer certaines balises,
certaines balises chez les professionnels qui font les séances d'information et
qui pourraient conseiller, qu'ils pourraient utiliser à des fins de s'assurer
que le projet parental est un projet qui est viable et surtout, comme vous l'avez
dit, M. le ministre, d'entrée de jeu, dans l'intérêt de l'enfant. Et ça...
M. Jolin-Barrette : O.K.
Autre question relativement... durant la grossesse, nous, on est venus dire,
dans le fond : La femme conserve l'entière discrétion par rapport aux
soins médicaux qu'elle reçoit. Donc, ça veut dire, si, en cours de grossesse,
elle souhaite se faire avorter, elle peut le faire à tout moment. La convention
ne peut pas s'y opposer. Même chose au moment de l'accouchement. La femme qui a
accouché, elle peut décider de conserver l'enfant. Ça, vous êtes à l'aise avec <ça...
M. Jolin-Barrette :
... l'aise avec >ça, avec ce
délai de huit, 30 jours là, qui fait en sorte qu'on laisse l'autonomie de
la femme en place?
Mme Cordeau
(Louise) : En fait, dans tous les cas, ce qui est important
pour nous, c'est de s'assurer que la volonté de la femme soit respectée, que
son consentement soit respecté, et on n'entrera pas dans nécessairement toutes
les dispositions légales. Je sais que Me Langevin va être devant vous, va
peut-être entrer dans des considérations de nature plus juridique. Mais ce qui
est important pour le Conseil du statut de la femme de retenir, c'est que le
consentement de la femme qui accepte de porter un enfant pour autrui soit...
que la volonté de cette femme-là soit respectée dans tous les cas, autant si
elle refuse son consentement pour redonner l'enfant aux parents d'intention.
Et l'autre hypothèse qu'on a évoquée
tantôt, c'est : Est-ce qu'elle pourrait être obligée de devenir la mère
légale de l'enfant, si ce n'est pas son consentement? C'est un élément, je
pense, que la commission devra évaluer et analyser de façon à respecter la
volonté... de toujours respecter la volonté de la femme qui porte un enfant
pour autrui.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être un commentaire puis une question avant de céder la parole à mes
collègues. Sur la notion de violence, je vous entends bien, vous dites :
Bien, écoutez, c'est une violence qui est... La définition de violence
familiale, c'est... il faut que ça soit extensif. Bien entendu, ça inclut les
différentes formes de violence, et on l'a libellé de cette façon-là pour ne pas
être limitatif, pour ne pas faire en sorte... parce que, si on vient la
décrire, éventuellement, il pourrait y avoir, dans le futur, d'autres types de
violence qui ne sont pas identifiés, exemple, violence conjugale, violence
psychologique, puis auxquels on ne pense pas aujourd'hui. Ça fait qu'on veut
permettre au juge de toujours considérer la violence familiale dans un sens
large lorsqu'il va statuer, notamment sur la garde des enfants. Ça fait que je
souhaitais vous le mentionner puis vous rassurer à cet effet-là.
Et ma dernière question, relativement à la
connaissance des origines, vous l'avez dit, depuis 1987, là, le conseil milite
en faveur. Pourquoi c'est important pour les enfants issus de l'adoption ou
même, désormais, avec la gestation pour autrui, de connaître leurs origines?
Mme Cordeau
(Louise) : Je pense que c'est fondamental dans la vie d'un
individu. Il y a plusieurs impacts. On s'entend qu'il y a plusieurs impacts à
la connaissance de ses origines. On voit aussi que l'acceptabilité sociale au
Québec par rapport à la connaissance de ses origines, eu égard à l'adoption, à
tout le cheminement qui a été fait par rapport aux enfants adoptés qui
souhaitent connaître leurs origines... Certains souhaitent rencontrer ou non
leurs parents. Et, lorsqu'on parle de maternité pour autrui, bien, je pense qu'il
est évident que la connaissance des origines est fondamentale, considérant qu'une
tierce personne est impliquée dans le processus.
M. Jolin-Barrette :
Parfait. Bien, écoutez, un grand merci pour votre présence en commission
parlementaire. Je crois que la députée de Mirabel veut intervenir.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre. Effectivement, Mme
la députée de Mirabel, et, pour votre information, il vous reste un petit peu
moins que cinq minutes. Mme la députée.
Mme D'Amours : Merci, M.
le Président. Mes salutations. Salutations à tous mes collègues aussi. Merci, Mme
Cordeau et Mme Julien, d'être présentes ce matin avec nous pour ce projet
de loi. J'aurais deux questions, en fait, là. Ma première serait... bon, à
partir de votre mémoire, au chapitre 1.1, vous parlez de l'expérience d'accouchement
et vous semblez dire qu'il serait préférable que la femme qui souhaite porter
un enfant soit à sa deuxième expérience de grossesse et non à la première. J'aimerais
vraiment ça que vous me clarifiiez ça, parce que, pour moi...
Je vous donne comme exemple une femme qui,
d'un grand altruisme, de bonté, de bienveillance, va accepter de porter un
enfant pour quelqu'un qu'elle connaît puis que, pour elle, elle ne veut pas d'enfant
dans sa vie, mais qu'elle va faire ce geste-là pour une personne qu'elle
considère que ce sera des bons parents. Vous semblez dire qu'on ne peut pas lui
donner ce droit-là parce que... À vous entendre depuis tout à l'heure, là... j'écoute
tout ce que vous nous dites, et vous dites que la volonté des femmes doit être
respectée dans tous les cas. Et, si c'était sa volonté à elle, pourquoi vous
nous proposez une deuxième grossesse?
• (11 h 20) •
Mme Cordeau
(Louise) :Bien, nous, on se réfère quand
même à certaines études, à des comités d'éthique. Et même, dans le mémoire, on
réfère aussi à des femmes qui ont porté des enfants pour autrui, et c'est leur recommandation
de faire en sorte qu'il y ait eu une première grossesse, un premier
accouchement. Et, <dans...
Mme Cordeau (Louise) :
...accouchement. Et, >dans l'ensemble, ça permet de mieux anticiper les
impacts d'une grossesse et d'un accouchement. La capacité de mieux anticiper
les étapes de la grossesse et de l'accouchement, ça veut dire aussi mieux
connaître le processus d'attachement au foetus, au bébé et à l'enfant qui naît.
Ça peut aussi faciliter puis diminuer les risques de complications lors de
l'accouchement quant à la santé des femmes, et on peut se dire aussi que ça
facilite le consentement éclairé. Et je vais laisser Mme Julien compléter parce
que le Québec ne serait pas le seul endroit dans le monde à exiger une première
expérience de maternité.
Mme Julien (Mélanie) : Effectivement,
en complément, ce que je peux ajouter, c'est que les comités d'éthique de par
le monde exigent généralement ce critère-là pour dire que, pour qu'une femme
puisse agir comme... pour porter un enfant pour autrui, elle doit avoir une
expérience antérieure d'accouchement.
En Ontario, c'est permis d'agir comme...
pour porter un enfant pour autrui. Et, en Ontario, ce qu'on exige pour établir
la... pour qu'un enfant né d'une maternité pour autrui, pour qu'on établisse la
filiation de l'enfant par la voie administrative, la femme doit avoir utilisé
des traitements de procréation assistée. Alors, elle doit se présenter en
clinique de procréation assistée et elle doit... et, en clinique, c'est le
critère obligatoire, pour qu'une femme puisse porter un enfant pour autrui
grâce à des traitements de procréation assistée, elle doit avoir une expérience
antérieure d'accouchement.
Alors, sur la base de ces critères-là qui
prévalent parmi les différents comités d'éthique et qui prévalent dans d'autres
régions du monde, il nous semble que c'est un critère qui est incontournable
pour s'assurer du consentement éclairé des femmes en question.
Mme D'Amours : Mais vous
allez être d'accord avec moi qu'un accouchement... on n'est jamais certains,
même si c'est la première, la deuxième ou la troisième, qu'elle soit semblable
à la première. On peut très bien avoir une très belle grossesse, une première
grossesse, et une deuxième avec une expérience qui n'est pas... qui n'est vraiment
pas le fun, là. Mais il reste quand même que le droit de la femme qui désire ne
faire qu'une seule grossesse dans sa vie, elle serait mise à l'écart, si on dit
vraiment que c'est seulement à la deuxième grossesse. Et il y a une entente qui
pourrait se faire avec les parents facilement, là. La femme qui décide
d'avoir... pour sa première grossesse, décide de faire l'expérience, mais qui,
au bout du compte, garde l'enfant parce que... son attachement, le projet de
loi lui donne cette possibilité-là.
Donc, je trouve ça un petit peu spécial
parce qu'on... la nature fait en sorte qu'il n'y a pas un accouchement qui est
pareil. Je comprends qu'il y a peut-être eu des études sur ça, mais peut-être
qu'on aurait eu droit à une étude où il y a des femmes qui auraient aimé être
légales et d'avoir une seule expérience, un seul accouchement pour être
bienveillantes envers des gens qu'elle connaît qui ne peuvent pas avoir
d'enfant. Je trouve ça... C'est un dilemme.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme la députée. M. le député de
Lafontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Pour 10 minutes,
M. le Président?
Le Président (M.
Bachand) :Et 50 secondes, oui.
M. Tanguay : Écoutez, je veux
laisser absolument du temps à ma collègue de Westmount—Saint-Louis. D'abord, à
mon tour de vous saluer, Me Cordeau et Mme Julien. Merci beaucoup. On
pourrait en parler toute la journée puis on n'aurait pas fait le tour de
questions excessivement délicates. Puis savez-vous quoi? Je réalise à lire
votre mémoire puis je réalise à lire le papier écrit par Maria De Koninck, la
rechercheuse... la chercheure, pardon, hier, dans LaPresse,
qui posait des questions excessivement importantes... je suis conscient du fait
que moi, je suis un homme, je n'ai jamais apporté la vie, le ministre non plus.
On est pères, mais ce n'est pas l'expérience maternelle, bien évidemment. C'est
des questions, donc, qui touchent fondamentalement aussi aux droits de la
femme.
Je lance la réflexion, puis c'est un
commentaire, réflexion, question : Qu'en est-il des obligations, durant la
grossesse, de la mère porteuse? Est-ce qu'il y aurait un droit de regard sur
les parents d'intention de dire : Bien là, là, tu es tout à fait
déraisonnable de prendre un verre de vin une fois de temps en temps? Ou
semble-t-il qu'on a vu sur Facebook une photo, tu fumais la cigarette? Je vous
dis ça, c'est éminemment pratico-pratique, ce que je vous dis là, mais ce sont
des questions de droits fondamentaux délicats, puis j'aimerais vous entendre
là-dessus.
Donc, sur l'expérience d'accouchement, on
vous a <entendues...
M. Tanguay :
...on
vous a >entendues. Je souscris à votre réflexion, qui est celle de dire,
je pense, oui, d'abord, c'est une bonne chose que d'encadrer cela, je pense
que, sur le fond, vous êtes d'accord à un encadrement versus pas d'encadrement,
mais vous parlez d'un comité d'éthique, et ainsi de suite. Honnêtement, là,
puis j'entends qu'on va commencer dans quelques semaines, l'autre bord des
fêtes, l'article par article, croyez-vous qu'on a fait, socialement, tout le
débat nécessaire? Moi, comme législateur, là, quand on va écrire avec le
ministre là, puis les autres collègues aussi, collègues féminines, mais... on
va avoir le crayon, nous aussi, sur des droits des femmes. C'est particulier. J'aimerais
vous entendre là-dessus.
Mme Cordeau (Louise) :Je pense que... Vous parlez d'un débat social. Déjà, d'avoir
un projet de loi devant nous, d'avoir les contours du projet de loi et le fait
d'en discuter, c'est un pas en avant. Est-ce qu'on aurait pu prendre plus de
temps? On pourrait toujours prendre plus de temps. Nous, on veut se concentrer
sur le projet de loi qui est devant nous et faire en sorte que l'intérêt des
femmes et des enfants soit préservé.
M. Tanguay : Et avez-vous une
réflexion, des données quant à l'attachement mère-enfant après l'accouchement?
Qu'en est-il? Pour moi, là, je suis dans le noir. Je peux présumer qu'un
enfant... puis, après ça, il y a le... trouver ses origines par la suite. Il
pourrait, puis corrigez-moi si j'ai tort, n'être pas possible pour un enfant de
savoir qui était la mère porteuse. Mais l'attachement envers ma mère biologique
et/ou envers ma mère porteuse, est-ce qu'on a suffisamment de données d'analyse?
Et je souscris encore une fois à votre
demande qu'il y ait des conseils avec les professionnels qui seraient beaucoup
plus étayés que la loi, là. Il n'y a jamais de rencontre non plus entre les
deux, devant un professionnel, entre les parents de... Vous voyez, je vous
lance ça, là, puis vous voyez mon état d'esprit comme législateur, là. J'ai
plein de points d'interrogation puis je me demande si on va faire la bonne
chose. On va faire le travail, il n'y a pas de problème, comme vous le dites
bien, mais qu'en est-il de l'attachement? Qu'est-ce qu'on est en train de
faire, là? Et je pense que c'est important, oui, de l'encadrer, mais est-ce qu'on
a toutes les réponses pour bien l'encadrer, suffisamment? Je vous laisse mon
temps, là.
Mme Cordeau (Louise) :Je vous dirais qu'en 2016 le Conseil du statut de la femme
a fait un avis très imposant sur le sujet. Je ne l'ai pas sous les yeux, mais
plusieurs des éléments que vous évoquez, M. le député, étaient étayés quant à l'attachement
de l'enfant, quant à l'impact psychologique sur les mères qui ont porté un
enfant pour autrui, quant à l'impact aussi des autres enfants d'une femme qui
aurait choisi de faire un enfant pour les autres, pour autrui. Alors, ces
éléments ont été étayés.
Cependant, on doit se rendre à une
conclusion, c'est un phénomène qui est très peu documenté, donc... Et c'est
pour ça qu'on est satisfaits qu'il y ait un registre, que le ministre du
Travail, de la Sécurité et de l'Emploi ait des responsabilités de tenir le
registre à cet effet, parce que, malgré toute la bonne volonté du monde et
malgré tous les croisés qu'on voudrait faire, malgré tout le travail de
recherche, ce phénomène-là est un phénomène qui n'est pas documenté, qui se
passe bien souvent entre quelques personnes et qui va nous permettre, à partir
de l'adoption de ce projet de loi là, avec évidemment les bonifications qui
seraient nécessaires, d'évaluer l'ensemble des concepts, d'évaluer l'ensemble
des conséquences et peut-être de prendre des décisions qui seraient plus
nuancées ou qu'on pourrait voir... être dirigé d'une autre façon. Mais... Et je
ne sais pas si Mme Julien a des commentaires, mais vous répondre de façon
scientifique sur l'ensemble de vos préoccupations, qui sont aussi les nôtres,
on en convient, c'est extrêmement difficile.
• (11 h 30) •
Mme Julien (Mélanie) : Oui,
je peux peut-être ajouter. Au regard des recherches, effectivement, vos
questions sont tout à fait légitimes, et les recherches qui sont menées sur le
sujet sont très embryonnaires, et tout particulièrement au Québec. Bien sûr qu'il
y a quelques études empiriques qui sont réalisées, mais les échantillons sont,
bien sûr, de très petite taille.
Alors, dans quelle mesure on peut
généraliser sur la base de ces études-là? C'est vraiment... Il faut <vraiment
agir avec...
>
11 h 30 (version révisée)
< Mme Julien (Mélanie) :
...>vraiment
agir avec... et on peut aussi avoir à l'esprit que les personnes qui acceptent
de témoigner dans le cadre de telles études empiriques qualitatives, c'est
potentiellement des personnes pour qui les expériences ont peut-être été un
petit peu plus heureuses. Les personnes pour qui la situation s'est mal conclue
sont peut-être un peu plus réticentes à pouvoir en témoigner dans le cadre d'études.
Alors, c'est pour ça que le conseil, dans
sa recommandation, là, on souhaite vraiment que les données soient colligées
dans le cadre du registre, puissent être utilisées à des fins de recherche pour
qu'on puisse approfondir notre connaissance du sujet, notre connaissance de ces
conséquences-là, puis ajuster le tir aussi pour s'assurer que les balises
permettent véritablement de protéger les femmes puis les enfants qui sont à
naître.
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de Westmount—Saint-Louis,
il vous reste un peu plus que trois minutes.
Mme Maccarone : Bien, questions
en rafale... D'abord, bonjour, mesdames.
Je veux revenir un peu sur l'expérience
que... la recommandation que vous faites, d'avoir une expérience antérieure d'accouchement,
que je trouve très intéressante comme recommandation. Suite à un accouchement,
avez-vous autres recommandations dont nous devons prendre en considération,
comme des soins psychologiques? Ce serait la question n° 1.
Puis, quand on parle de... quand on... Pour consentir à la... renonce à son
lien de filiation avec l'enfant, on ne dit pas : avant sept jours
suivant sa naissance. Est-ce que cette période de temps est assez longue, trop
courte? Votre avis là-dessus.
Mme Cordeau (Louise) :Évidemment, l'expérience de maternité est un des critères.
La loi donne d'autres balises, que nous saluons, qui sont très importantes. L'ajout
qu'on fait quant à l'accompagnement des parents d'intention et de la personne
ou de la femme qui souhaite porter un enfant pour autrui, c'est fondamental. Le
consentement libre et éclairé... Là, je vous repasse les étapes, mais tout ça
est fondamental, et l'étape du contrat notarié est très importante aussi.
Alors, je vous dirais que toutes ces
étapes-là d'accompagnement... et je rajouterais peut être un élément, ce sera
éventuellement la connaissance de toutes ces dispositions-là, auprès de la
population québécoise ou des populations concernées par ces projets-là. Donc, d'en
prendre... de prendre la mesure de la démarche et des règles afférentes au
Québec, et qui s'imposent, serait... va être éminemment important dans le
contexte.
Mme Julien (Mélanie) : Si
vous permettez, j'ajouterais peut-être un élément, parce qu'effectivement, dans
les recommandations du conseil, il y a un certain nombre de balises ou de
dispositions que l'on souhaite voir renforcées dans le projet de loi, mais on
est bien conscientes que le projet de loi n° 2 ne
pourra pas, à lui seul, régler toutes les questions éthiques que suscite le
phénomène de la maternité pour autrui. Et c'est pour ça qu'on souhaite qu'il y
ait un comité d'éthique qui puisse établir des balises, des lignes directrices
pour pouvoir éclairer l'ensemble des parties et l'ensemble des professionnels
aussi qui auront à intervenir auprès des femmes qui souhaitent porter un enfant
pour autrui puis aussi informer des parents d'intention.
Alors, oui, c'est important de renforcer
les dispositions du projet de loi, mais aussi c'est important de confier le
mandat à un comité d'éthique d'établir des lignes directrices pour aller
beaucoup plus en profondeur, pour élucider différentes situations que ne peut
pas aborder, forcément, un projet de loi.
Le Président (M.
Bachand) :Moins d'une minute.
Mme Maccarone : Ça m'amène
une question, puis, c'est sûr, on ne pourra pas l'aborder. Comme mon collègue a
dit, on pourra avoir un débat toute la journée, mais, mettons... On parle d'un
âge minimum, mais on ne parle pas d'un âge maximum. Mettons, à mon âge, j'ai
une fille qui a 21 ans, puis, pour des raisons médicales, elle ne peut pas
porter un enfant, selon vous, votre recommandation, est-ce que je devrais avoir
la possibilité, à l'intérieur de la loi, de porter un enfant pour ma fille?
Mme Julien (Mélanie) : Bien,
notre recommandation, c'est que ce genre de question là puisse être examinée
par un comité d'éthique qui soit multidisciplinaire, que ce comité-là se penche
sur ces cas de figure là et donne des balises claires pour élucider ces
situations-là.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve,
s'il vous plaît.
M. Leduc : Merci. Bonjour. Merci
d'être avec nous aujourd'hui. Moi aussi, j'aurais plusieurs questions, mais
évidemment, le temps étant réduit, on va y aller à quelques-unes.
La première, c'est : Est-ce qu'il n'y
a pas une forme d'hypocrisie entre le cadre législatif, là, qu'on veut mettre
de l'avant, qui permet des remboursements de dépenses, même des remplacements d'un
revenu, et, d'autre part, le Code criminel qui dit que c'est absolument
interdit de rémunérer une personne? Est-ce que, le remplacement de revenu, on n'est
pas loin de la rémunération? Il n'y a pas une forme d'hypocrisie?
Mme Cordeau (Louise) :Bien, je pense que l'intention...
Le Président (M.
Bachand) :...juste un petit moment. Je
sais que vous n'attaquez pas personne en <disant...
Le Président (M.
Bachand) :
...en >disant le mot «hypocrisie»,
juste faire attention de ne pas porter d'intention au législateur, oui?
M. Leduc : Ah mon Dieu! Bien,
O.K., d'accord.
Le Président (M.
Bachand) : Non, mais je sais que ce n'était pas ce que vous
vouliez faire, mais juste faire attention. Oui, Me Cordeau.
Mme Cordeau
(Louise) :
De mon humble point de
vue, je pense que l'intention du législateur est de combler les pertes que
pourrait avoir une femme suite à son acceptation de porter un enfant pour
autrui. Il y a, je pense, une différence entre une rétribution et combler des
pertes de revenu ou des coûts afférents associés au choix de la femme qui accepte
de porter un enfant pour autrui. C'est mon premier réflexe.
M. Leduc : Pour vous, la
distinction est claire entre les deux?
Mme Cordeau
(Louise) : On le souhaite.
M. Leduc : Parfait, autre
question. Vous proposez une série de mesures pour resserrer l'encadrement.
Avez-vous une crainte que plus on resserre l'encadrement, plus les
contournements... les voies de contournement qui sont utilisées actuellement
vont continuer d'être utilisées?
Mme Cordeau
(Louise) : C'est difficile de le savoir. Cependant, j'ajouterais
que les voies de contournement sont passablement balisées par le projet de loi
aussi. Si, par exemple, des parents d'intention avaient... choisissaient une
femme pour porter l'enfant... une femme qui n'habiterait pas au Québec, il y a
des dispositions dans le projet de loi qui encadrent aussi cette démarche-là,
et la reconnaissance ou non qui pourrait être faite par les tribunaux fait en
sorte, je dirais, de ne pas faciliter les démarches.
M. Leduc : Le temps... Il
me reste un peu de temps. Peut-être pouvez-vous nous parler de vos propositions
sur le RQAP?
Mme Cordeau
(Louise) : Bien, le RQAP, nous saluons le fait que les parents
d'intention et que la femme qui souhaite porter un enfant pour autrui puisse
bénéficier de ces mesures comme l'ensemble des parents du Québec peuvent le
faire actuellement.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Merci. Mme la députée de Joliette, s'il
vous plaît.
Mme Hivon : Oui, bonjour
à vous deux. Merci beaucoup pour votre mémoire. Je l'ai parcouru avec beaucoup
d'intérêt. J'aurais des tonnes de questions pour vous. J'ai 2 min 50 s.
Donc, je vous les donne en rafale, puis vous irez avec ce que vous jugez le
plus important ou ce sur quoi vous avez des réponses.
Vous avez parlé... Pour l'expérience d'accouchement
qui était dans les lignes directrices en Ontario, est-ce que vous avez d'autres
exemples de pays qui exigent ça? Si vous ne l'avez pas aujourd'hui, si vous
voulez nous l'envoyer... Ensuite de ça, est-ce que vous avez une idée... En ce
moment, au Québec, sans encadrement, il peut y avoir combien de gestations de
maternité pour autrui dans une année? Et est-ce que, dans les juridictions où
on est venus encadrer, il y a eu une hausse du recours à la maternité pour
autrui? Et puis, votre comité d'éthique, vous le voyez national et intervenant
concrètement ou uniquement une fois pour énoncer les grandes lignes
directrices?
Mme Cordeau
(Louise) : Je vais laisser Mme Julien répondre. Elle
acquiesçait à plusieurs de vos questions.
Mme Julien (Mélanie) :
Par où commencer? Ce que l'on sait, c'est qu'il y a eu quand même, en
Colombie-Britannique et en Ontario, des législations qui ont été passées
récemment pour, effectivement, baliser le recours à la maternité pour autrui.
Et puis les données témoignent quand même, là, qu'il y a un certain nombre
de... Il y a quand même des cas assez significatifs. Il y a un nombre assez
significatif de femmes, dans ces régions, en Ontario et en
Colombie-Britannique, qui agissent comme mères porteuses.
On n'a pas de données semblables au
Québec, malheureusement. On compte... On espère, en fait, que les données, là,
qui vont être colligées dans le registre vont justement nous permettre de
suivre l'évolution au Québec, parce qu'actuellement on n'en a aucune idée. Mais
on sait quand même qu'il y a un certain nombre de femmes, en
Colombie-Britannique et en Ontario, qui agissent comme mères porteuses. Et puis,
selon des données dont on dispose, là, c'est quand même dans le tiers... entre
30 % et 40 % de ces femmes-là agissent comme mères porteuses pour des
parents d'intention en dehors du Canada, alors d'où l'importance du projet de
loi, d'avoir des dispositions qui permettent d'éviter les risques de dérives au
regard de la maternité entre régions du monde, mais on n'a pas de cas au Québec.
Et, en ce qui touche les expériences d'accouchement
antérieures, je le disais tout à l'heure, effectivement, que la société
américaine de la médecine reproductive et la société européenne de la
reproduction humaine ont des comités d'éthique qui exigent ce critère-là d'accouchement
antérieur pour autoriser un projet de maternité pour autrui.
Le Président (M. Bachand) :Merci <beaucoup...
Le Président (M.
Bachand) :
Merci >beaucoup.
C'est tout le temps qu'on a, Mme Julien et Me Cordeau. Merci beaucoup d'avoir
participé avec nous à nos auditions.
Cela dit, je suspends les travaux jusqu'après
les affaires courantes. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 11 h 40)
15 h (version révisée)
(Reprise à 15 h 24)
Le Président (M.
Bachand) :Bon après-midi. À l'ordre, s'il
vous plaît! La Commission des institutions reprend ses travaux.
Nous poursuivons donc les auditions
publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 2, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en
matière de filiation et modifiant le Code civil en matière des droits de la
personnalité et d'état civil.
Cet après-midi, nous allons entendre le Pr
Martin Blais, titulaire de la chaire de recherche de la diversité sexuelle, de
même que Gabriel James Galantino. Et nous allons entendre également la Pre
Isabel Côté et le Pr Kévin Lavoie.
Mais d'abord, nous débutons avec les
représentants de la Chambre des notaires du Québec, que je salue. Merci
beaucoup d'être avec nous. Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes
de présentation. Après, nous aurons un échange avec les membres de la commission.
Donc, je vous cède la parole immédiatement, et vous pouvez débuter votre exposé
en vous présentant, bien sûr. Merci.
Chambre des notaires du Québec (CNQ)
Mme Potvin (Hélène) : Alors,
bonjour à tous. Merci. Alors, permettez-moi, donc, de vous présenter Me Jean
Lambert, qui m'accompagne aujourd'hui, notaire émérite, ancien président de la
Chambre des notaires, donc Me Lambert a été membre du Comité consultatif sur le
droit de la famille, et moi-même, donc, Hélène Potvin, notaire et présidente de
la Chambre des notaires du Québec.
Alors, M. le Président, M. le ministre,
Mmes, MM. les députés, au nom de la Chambre des notaires du Québec, je vous
remercie pour votre invitation à cette consultation particulière sur <le...
Mme Potvin (Hélène) :
…sur
>le projet de loi n° 2, ce projet de loi qui constitue le premier jalon
de la réforme du droit de la famille au Québec, qui vise à moderniser notre
système juridique en tenant compte des nouvelles réalités familiales,
psychologiques et humaines des Québécoises et des Québécois. La chambre... (panne
de son) …la détermination du ministre de la Justice, qui a fait de ce dossier l'une
de ses priorités absolues, permettant ainsi à notre société de faire un grand
pas vers l'avant.
Vous me permettrez aussi de souligner le
travail colossal qui a été mené depuis plusieurs années par notre confrère, le
notaire et professeur Alain Roy. Me Roy a été le président du Comité
consultatif sur le droit de la famille et auteur d'un rapport étoffé remis au
ministre de la Justice en juin 2015, rapport dont le projet de loi s'est
grandement inspiré.
Le dossier de la réforme du droit de la
famille est d'une importance capitale pour les notaires et pour la chambre.
Agissant comme les conseillers juridiques de proximité des familles québécoises,
et ce, à chaque étape de leur vie, les notaires, présents aux quatre coins du
Québec, sont depuis longtemps témoins du décalage entre le régime juridique
actuel et les réalités vécues par les citoyens et leurs familles. C'est
pourquoi l'ordre réclame, depuis plusieurs années déjà, une modernisation
globale du droit de la famille, qui en a bien besoin, la dernière grande
réforme datant plus de 40 ans. La chambre a toujours fait preuve d'un
grand leadership dans cette question, notamment en mettant sur pied la
Commission citoyenne sur le droit de la famille en 2018, qui a permis de sonder
les besoins des citoyens, mettant en lumière l'urgence d'agir.
Puisque la chambre accueille très
favorablement ce projet de loi, c'est donc avec grand plaisir que nous venons
témoigner aujourd'hui devant vous afin d'exposer certains de nos commentaires
et recommandations sur ce dernier. Le mémoire que la chambre soumet à la
Commission des institutions se fonde sur trois grands principes : l'intérêt
de l'enfant, le rôle du notaire comme juriste des familles et grand
collaborateur de l'État dans cette réforme, et l'impact des mesures projetées
sur la pratique notariale et, incidemment, sur les Québécoises et Québécois,
lors de leurs interactions avec les notaires.
Tout d'abord, la chambre salue l'importance
qu'accorde le législateur au principe de l'intérêt de l'enfant, principe qui se
doit d'être la pierre d'assise de la réforme globale du droit de la famille au
Québec. En ce sens, le p.l. n° 2 comporte des mesures
concrètes qui placent l'intérêt de l'enfant au coeur des préoccupations. Nous
pensons ici à l'ajout de la violence familiale comme critère à considérer par
le tribunal lorsqu'il rend une décision concernant l'enfant ou encore l'octroi
d'une aide juridique gratuite à tout enfant mineur pour tous les services
couverts dont il pourrait avoir besoin. Il s'agit d'avancées très positives
pour la protection des enfants.
Par ailleurs, la chambre profite de sa
présence aujourd'hui pour suggérer au législateur de poursuivre sur sa lancée,
même d'aller plus loin, pour consacrer la reconnaissance des droits
fondamentaux des enfants comme principe absolu dans notre droit en l'incluant
dans la charte québécoise.
Une autre avancée quant à la modernité de
notre système juridique en matière familiale est l'encadrement par le projet de
loi de la gestation pour autrui afin d'assurer la sécurité juridique des
parties. Nous savons tous que ces situations existent actuellement sans aucun
encadrement, sans aucune protection ni pour la personne donnant naissance ni
pour l'enfant à naître. Ces situations comportent des risques importants. Et la
chambre est favorable à l'imposition d'un cadre afin de baliser cette réalité
et félicite le ministre d'avoir agi en ce sens. Trop de risques sont possibles
en ce moment. Parmi ceux-ci, notons le trafic de bébés nés ou à naître, la
scission de la fratrie ou encore le refus d'un enfant avec un handicap sérieux.
• (15 h 30) •
Pour parvenir à établir ce cadre, le
législateur fait appel aux notaires, officiers publics, gardiens de l'ordre
social dans la sphère privée et accompagnant des familles depuis toujours. La
chambre est heureuse pour les citoyens québécois de la reconnaissance du rôle
du notaire que lui confie l'État québécois, qui, aux termes du présent projet
de loi, vient imposer la forme notariée en minute à la convention de gestation
pour autrui. En effet, cette exigence témoigne ainsi de manière absolue que la
date de la convention est antérieure à la conception de l'enfant. Il s'agit là
d'un gage important et indéniable de protection pour chaque personne prenant
part à un <projet parental...
>
15 h 30 (version révisée)
< Mme Potvin (Hélène) : ...>projet
parental. Certains prendront la parole, sans aucun doute, pour décrier cette
mesure. Cependant, je tiens à vous le préciser, les notaires, en tant qu'officiers
publics, seront le prolongement de l'État dans le cadre de cette mission
sociale et assureront l'équilibre dans les rapports de force entre les parties
ainsi que leur compréhension des engagements souscrits dans ce contrat
innovant.
Il ne faut pas voir dans ce contrat qu'un
simple rapport contractuel. Il s'agit de bien plus pour les parties impliquées.
Les émotions, les doutes, les questionnements feront partie de la démarche dont
les obligations doivent être clairement comprises pour chacune des parties
grâce à un tiers totalement impartial. C'est ce dernier qui devra partager,
avec rigueur et humanisme, toute l'information en accompagnant chaque partie
afin que chacune y souscrive en pleine connaissance de cause. Là est la mission
du notaire, et il la réalisera avec la justesse qu'on lui connaît. En plus des
vérifications d'usage, le notaire pourra valider de la pleine capacité des
parties tout en s'assurant pleinement de l'existence du projet parental, et ce,
avant même la conception.
Toujours en matière de gestation pour
autrui, les avantages qu'offrent l'acte notarié et l'intervention du notaire
pour la conclusion de la convention de gestation pour autrui peuvent fort bien
s'inscrire lorsque le projet parental fait appel à une personne acceptant de
donner naissance qui est domiciliée hors du Québec. La chambre est d'avis que
tous les enfants doivent avoir les mêmes droits et la même protection
juridique, que la personne donnant naissance soit domiciliée au Québec ou non.
Ainsi, la Loi sur le notariat permet la
conclusion d'un acte notarié lorsque des parties sont domiciliées hors Québec.
De plus, l'expérience des notaires en matière de vérification de la validité et
de la conformité de documents étrangers ainsi que de l'identité des comparants
étrangers représentés à l'acte n'est plus à faire.
Il est également possible, depuis quelques
mois, de conclure des actes notariés dématérialisés où plusieurs parties sont
présentes par des moyens électroniques. Cette nouvelle façon de faire préserve
la valeur d'authenticité de l'acte tout en évitant aux parties éloignées des
déplacements coûteux. La chambre est convaincue que, dans de telles situations,
le notaire sera un facilitateur pour le ministre, qui aura à donner son
autorisation et même à être un accompagnateur dans les différentes étapes à
suivre.
84 % des Québécoises et des Québécois
considèrent déjà que la réalisation de la convention de gestation pour autrui
par acte notarié est un gage de sécurité juridique pour l'ensemble des parties.
Le ministre, par ce projet de loi, vient donc corroborer ce lien de proximité
et de confiance qui existe entre la population et le professionnel à qui l'État
délègue une partie de son pouvoir, c'est-à-dire le notaire.
La chambre prendra son rôle à coeur
également quant à l'encadrement des notaires dans ce nouveau pan du droit de la
famille. Il est certain que notre ordre professionnel est disposé à participer
activement dans l'élaboration du règlement d'application, qui aura des
conséquences importantes sur ses membres et leurs pratiques.
Enfin, les dispositions du projet de loi
qui permettent d'étendre la présomption de paternité aux conjoints de fait
représentent également un grand pas vers un droit de la famille plus actuel. Il
s'agit peut-être même du début d'une reconnaissance de l'union de fait dans
notre droit commun, soit un pas de plus vers une modernisation des modes de
conjugalité au Québec. Ceci dit, la chambre suivra avec intérêt les travaux du
deuxième volet de la réforme globale du droit de la famille et qui touchera
particulièrement la conjugalité. Par ailleurs, et avant de conclure, je
tiens à préciser que nous laisserons le soin à d'autres regroupements de
débattre d'aspects du projet pour lesquels ils ont pleine compétence à le
faire. Je pense ici, entre autres, de l'identité de genre, mais nous souhaitons
que le législateur favorise l'inclusion des personnes concernées avec le moins
de contraintes ou d'étapes possible.
En terminant, la chambre rappelle qu'elle
demeure disponible afin de travailler étroitement avec l'ensemble des parties
prenantes engagées dans cette réforme très importante pour les familles, leur
protection et le Québec de demain. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Me Potvin. M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Me Potvin, Me Lambert, bonjour. Heureux de vous
retrouver en commission parlementaire. Je tiens à remercier la chambre d'avoir
accepté l'invitation. Écoutez, c'est un <dossier...
M. Jolin-Barrette :
...c'est un >dossier que vous connaissez bien à la Chambre des notaires.
Déjà, depuis 2013 à 2015, il y a eu le rapport du comité consultatif qui a été
rendu, notamment... que les travaux se sont déroulés. Me Lambert, vous étiez d'ailleurs
membre du comité consultatif en compagnie de Me Roy, qui nous accompagne
également.
Je tiens d'ailleurs à remercier également
la chambre pour, bon, le fait que des membres aient participé à la rédaction de
ce rapport, mais également la commission citoyenne que vous avez mise en place
également en 2017‑2018 aussi, où vous avez fait une tournée du Québec, au
niveau de la chambre. Je pense que le fait d'aller voir les gens, d'expliquer,
d'entendre les différents points de vue, ça a contribué notamment à la
réflexion qu'on a eue au sein du ministère de la Justice pour la rédaction de
ce projet de loi.
Alors, je tiens à vous remercier de tout
le travail que la Chambre des notaires a fait par rapport à la réforme du droit
de la famille. C'est un enjeu qui est important. Et surtout il était nécessaire
d'actualiser le droit de la famille au Québec, qui n'avait pas été fait depuis
une bonne quarantaine d'années. Alors, je tiens à vous dire merci. Puis je
comprends, à la lecture de votre mémoire, aussi que, globalement, la chambre
est satisfaite des propositions que nous faisons. Dans l'aspect global des
choses, vous notez que c'est une avancée significative.
Mme Potvin (Hélène) : Oui,
tout à fait. Alors, essentiellement, comme je le mentionnais, plusieurs des
recommandations du rapport ont été reprises dans le projet de loi. Alors, je
vais laisser quand même Me Lambert, qui a participé étroitement, là, à
tous les travaux dans les dernières années, donc, compléter ma réponse.
M. Lambert (Jean) : Alors, M.
le ministre, M. le Président, permettez à mon tour de saluer vos collègues
parlementaires. Alors, M. le ministre, on va se concentrer parce qu'on a hâte
de recevoir vos questions. Alors, bien évidemment, c'est avec plaisir que nous
participons à cet exercice, et, comme membres du comité ministériel qui a
travaillé et qui a produit ce rapport en 2015, eh bien, on est très heureux, et
je suis très heureux de voir que l'État va y donner suite.
M. Jolin-Barrette : Vous
faisiez référence à un sondage tout à l'heure, notamment, puis je pense qu'on l'a
vu dans les journaux également, relativement à l'encadrement de la gestation
pour autrui. Comment est-ce que la chambre trouve les modalités, l'encadrement
qu'on a mis relativement à la gestation pour autrui? Le fait d'y aller par
convention notariée avec un acte notarié en minutes, comment est-ce que vous
percevez ça?
Mme Potvin (Hélène) : Alors,
c'est certain que le projet parental, c'est un projet qui est qui implique
beaucoup d'émotivité, beaucoup... Donc, cet encadrement-là était nécessaire,
quant à nous. Alors, je vous rappelle que le notaire est avant tout, donc, un
professionnel qui accompagne les familles depuis de nombreuses années. Donc, ce
sont des hommes, des femmes avec des qualités humaines, qui sont vraiment au service
de leurs clients, qui ont développé des relations de confiance, qui sont, donc,
des notaires de famille depuis des... de génération en génération. Alors, le
notaire accompagne, conseille de façon impartiale, non conflictuelle. Alors, c'est
vraiment, pour nous, un gage de confiance, un gage de sécurité juridique que de
faire appel au notaire, donc, pour jouer ce rôle-là. Alors...
M. Jolin-Barrette : Je crois
que Me Lambert a des problèmes techniques. Est-ce que, Me Lambert,
vous nous entendez?
M. Lambert (Jean) : Moi, je
vous entends très bien. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bon, parfait.
M. Lambert (Jean) : Je ne
sais pas si mon micro a été branché, là.
M. Jolin-Barrette : Oui, on
vous entend très bien.
M. Lambert (Jean) : M. le
ministre, si vous me permettez, 30 secondes...
M. Jolin-Barrette : Oui,
allez-y.
M. Lambert (Jean) : ...d'ajouter
qu'effectivement le projet de loi retient l'essentiel de ce que le comité Roy,
appelons-le de même pour les fins de la discussion, a produit dans son rapport,
et c'était le fruit de discussions très précises. Et la raison pour laquelle on
a retenu l'acte notarié, c'est qu'on avait en tête la convention que le Canada
a signée contre... pour la protection de l'enfant, et donc contre le trafic des
enfants. On a, au Québec, ce bijou, vous me permettrez d'être un peu biaisé, qu'est
l'acte notarié, qui établit la date certaine, ce qui n'existe pas dans les pays
de droit de common law. Alors, que l'État décide de se servir de cet instrument
qu'il possède et de... sur la loyauté que le notaire doit à l'État, qui lui a
délégué son pouvoir, je ne peux que me réjouir.
• (15 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Une
question. Bon, on vient encadrer ça avec la convention <notariée...
M. Jolin-Barrette :
...la
convention >notariée. Il y a l'acte en minute, on peut établir le moment
où ça se produit. Qu'est-ce que la chambre va faire? Parce que maintenant, là,
ça existe, la gestation pour autrui ou la maternité pour autrui, au Québec, mais
les contrats n'étaient pas valides, s'annulent de nullité absolue. Là, ça va
devenir une nouvelle pratique. Là, on vient confier ce mandat-là aux notaires.
Donc, qu'est-ce que la Chambre des
notaires va faire pour s'assurer que les notaires qui vont recevoir des parents
d'intention, des mères porteuses... Comment est-ce qu'on va s'assurer que les
notaires soient bien outillés pour réaliser cette convention-là puis qu'ils
vont être en mesure de bien informer les justiciables, les citoyens qui vont
venir dans leur bureau?
Mme Potvin (Hélène) : Alors,
c'est certain que, comme régulateur, donc, c'est la chambre qui encadre les
professionnels, le travail des professionnels. Alors, c'est certain, comme tout
nouveau domaine de droit nouveau, donc, nous allons nous assurer que les
notaires ont les compétences pour le faire. Donc, nous allons nous assurer qu'ils
reçoivent la formation adéquate. Nous allons également faire profiter le
gouvernement de notre expérience pour le contenu des contrats. Donc, nous
souhaitons, naturellement, là, participer aux travaux pour définir avec vous
quelles seront les clauses importantes à inclure dans les contrats.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Voyez-vous... J'ai posé la question à l'Association professionnelle des
notaires tout à l'heure. Voyez-vous un enjeu au fait qu'il n'y ait qu'une seule
partie... bien, en fait, les parents d'intention qui rémunèrent le notaire et
que la... dans le fond, que le notaire également reçoive le dépôt pour les
remboursements associés aux dépenses de la mère porteuse, et que le fait que,
bon, le notaire soit celui qui évalue le consentement libre et éclairé des
parents d'intention, puis que ça soit lui qui valide : Est-ce que les
parents et la mère porteuse ont suivi la formation avant de pouvoir conclure la
convention notariée sur la gestation pour autrui?
Mme Potvin (Hélène) : Comme
dans les autres domaines, notre législation, notre réglementation, notre code
de déontologie font que le notaire est impartial. Donc, même si le choix
appartient à une partie, même si le paiement des honoraires se fait uniquement
par une seule des parties, donc, le notaire doit être impartial. Alors donc,
ça, il n'y a pas de souci, ça se fait déjà, actuellement, comme ça. Alors donc,
voilà pour le... Je laisserais maintenant Me Lambert compléter sur les autres
points. Me Lambert?
M. Lambert (Jean) : Alors,M. le ministre, ce n'est pas la première fois que l'État confiera aux notaires
une responsabilité de cet ordre. Ça s'est fait il y a quelques années avec les
procédures devant notaire, donc, où il est question, par exemple, de statuer
sur l'attitude d'une personne et, comme conséquence, de lui retirer l'exercice
de ses droits.
De tout temps, les notaires ont eu devant
eux des parties, et il a toujours... Il s'est toujours acquitté avec beaucoup
de rigueur de son devoir d'impartialité, et ce devoir d'impartialité prend
particulièrement son sens dans son devoir de conseil, et, dans ce cas-ci, c'est
l'aspect qui devient intéressant. J'ai coutume de dire que, généralement, dans
nos bureaux, on fait de 20 % à 30 % de droit. Le reste, c'est la
relation humaine, c'est la convivialité, c'est les échanges d'information, c'est
le devoir de conseil. Alors, il n'en sera pas autrement dans ce domaine-là.
Et, comme le disait la présidente Potvin,
dans le passé, les notaires ont toujours répondu à la formation. Lorsque les
procédures devant notaire... et il y a beaucoup de rapprochements à faire. Il y
avait un aspect psychologique et psychiatrique important, et les notaires
suivaient deux jours avec un... de formation avec un psychiatre pour être bien
certains de bien comprendre le contexte de personnes vulnérables, des personnes,
donc, qu'on approchait pour faire un interrogatoire, alors que l'exercice de
leurs droits était en jeu. Alors, je pense que, là-dessus, la preuve est faite.
Ce n'est pas parce qu'une partie paie nos honoraires que, pour autant, le
notaire ne sera pas impartial.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une ou deux dernières questions avant de céder la parole à mes
collègues, là. Un des constats de la commission citoyenne était que le besoin
des enfants adoptés ou issus de la procréation assistée de connaître leurs
origines ne peut plus être nié. Le droit doit y faire écho de manière claire et
limpide. Dans votre mémoire, vous indiquez que <la chambre...
M. Jolin-Barrette :
...que >la chambre espérait
le jour où le Québec instituerait un droit inconditionnel à la connaissance des
origines dans la charte. Alors, je vais vous demander : Qu'est-ce que vous
pensez du nouveau droit à la connaissance des origines qu'on est venus inscrire
dans le projet de loi n° 2?
Mme Potvin (Hélène) : Alors, je
pense que Me Lambert va être heureux de répondre à cette question.
M. Lambert (Jean) : M. le
ministre, le droit de l'enfant à la connaissance de ses origines crée peut-être
certaines appréhensions chez certaines personnes, mais il faut bien comprendre
qu'il s'agit de connaître les origines et non pas de donner un droit de
contact. Donc, déjà là, il y a une garantie que les gens qui ne voudraient pas
avoir de communications avec une personne dont ils ont été... qui ont participé
à la conception.
Par ailleurs, il est difficile de nier à l'enfant
un droit aussi fondamental. Lorsque, par exemple, au cours de sa vie, il
rencontrera un problème génétique au niveau médical, eh bien, ça va permettre
aux soignants, au personnel médical, de pouvoir contacter les personnes sans
que l'enfant lui-même établisse ce contact. Le mur va demeurer là, mais, à l'intérieur
du secret professionnel médical, ceux-ci pourront s'informer, aller chercher
une information qui va être précieuse pour la santé de l'enfant en cause.
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Je vous remercie grandement pour votre présence en commission parlementaire. Je
crois que le député de Chapleau souhaite vous poser des questions. Un grand
merci.
Mme Potvin (Hélène) : Merci,
M. le ministre.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de Chapleau.
M. Lévesque (Chapleau) :
...Me Lambert également. J'aimerais peut-être revenir sur une portion, là, que
vous avez abordée avec le ministre, notamment en lien avec la surveillance des
notaires puis les soutenir dans les nouveaux mandats qu'il va y avoir,
notamment, particulièrement en lien avec les conventions de gestation pour
autrui.
Ce matin, puis j'aimerais ça peut-être
faire un parallèle avec ce matin, nous avions reçu un groupe, une notaire, Me
Marineau, qui avait ce type de mandat actuellement, mais, bon, elle passait par
une procédure un peu plus complexe, notamment en lien avec l'adoption. Puis je
me demandais si vous, à la Chambre des notaires, vous aviez eu l'occasion d'aborder
ce type de dossier là ou d'offrir, justement, de l'accompagnement, et est-ce
que ça va rassembler un peu à ça? Et comment que vous voyez, là, cette
transition-là pour ces notaires-là que vous... si vous les accompagnez,
actuellement, ou vous donnez un certain encadrement?
M. Lambert (Jean) : Je pense
que, la Chambre des notaires, elle n'est pas sur le terrain. Donc, ce n'est pas
la chambre elle-même qui aura à échanger et discuter sur un cas aussi concret
qui a été soulevé ce matin par notre consoeur Marineau. Alors, la chambre, le
support qu'elle offre aux notaires, c'est d'abord de la formation. Et ensuite
on a un service, depuis des années, ici, de soutien juridique aux notaires
lorsqu'ils rencontrent des difficultés. On a une banque d'information tirée des
dossiers, depuis une cinquantaine d'années, où les difficultés ont été
solutionnées, et les notaires, via notre service d'information, que je
qualifierais de bibliothèque notariale, ont accès à ceci. Ils ont accès aussi à
des spécialistes, des experts. Les notaires... La chambre peut leur indiquer
des confrères ou consoeurs qui ont cette expertise. On est assez bien organisés
à ce niveau-là. Donc, les notaires qui vont agir dans ce domaine ne sont pas
seuls, si vous me permettez l'expression, dans le champ.
M. Lévesque (Chapleau) : ...c'est
le cas également. Donc, ils ne sont pas seuls. Ils sont accompagnés avec les
services dont vous faites mention. C'est bien ça?
M. Lambert (Jean) : C'est
bien ça.
M. Lévesque (Chapleau) :
Excellent. On a parlé également, ce matin, là, rapidement, là, de la question
des successions puis des comptes bancaires qui sont gelés lorsqu'ils sont...
des comptes conjoints, en quelque sorte, et ça crée une problématique. J'aimerais
peut-être vous entendre et si vous partagez également l'opinion de vos
confrères, consoeurs à cet effet.
Mme Potvin (Hélène) : Nous n'avons
pas fait de recherche exhaustive, là, de... mais c'est sûr que ce qu'on a
salué, c'est vraiment de ne pas assimiler cette acceptation-là ou cette
réception-là de certaines sommes à une acceptation d'une succession. Alors,
pour nous, c'était important. On pense qu'effectivement, quand il y a un décès,
il y a tout un volet également qui est émotif. Alors, on pense que ça va
faciliter, effectivement, là, certaines situations délicates actuellement.
• (15 h 50) •
M. Lévesque (Chapleau) : O.K.,
excellent. Est-ce qu'il me reste encore un petit peu de temps? Oui, deux
minutes? Excellent. Et peut-être, donc, au niveau de la loi, dans le fond, sur
la remise des dépôts d'argent au cotiseur d'un compte, qui sont conjoints ou
des ex-conjoints, est-ce que voyez quand même d'un bon oeil les changements qui
sont apportés, même au-delà de la succession, le fait qu'une personne puisse
avoir accès à ces fonds durant <cette période-là...
M. Lévesque (Chapleau) :
...durant
>cette période-là?
Mme Potvin (Hélène) : Je
pense qu'il va devoir y avoir un travail, de concert avec les institutions
financières, effectivement, pour qu'on voit que l'application, la mise en oeuvre
de cette disposition-là se fasse adéquatement et avec la protection aussi qui
est nécessaire, là, pour encadrer quand même des transferts d'argent.
M. Lévesque (Chapleau) : O.K.,
excellent.
M. Lambert (Jean) : Si vous
me permettez, en fait, c'est une difficulté qui est très, très réelle lorsqu'on
règle des successions, et ce qui est visé, et ce qui est salué, c'est que, dans
le projet de loi, on élimine la difficulté qu'une personne peut rencontrer
lorsqu'une remise de sommes excédera la portion qui lui revient. Et ainsi le
droit actuel fait qu'il y aura, à ce moment-là, acceptation de succession, avec
toutes les conséquences que ça peut comporter, alors que la personne, de toute
bonne foi, a besoin de sommes, de liquidités, et, selon les apparences, elle
aurait droit, par exemple, à 50 % du compte de banque, alors que peut-être
que ses droits réels sont de 10 % ou 20 % dans le compte. Donc, l'excédent
ne sera pas considéré comme une acceptation de succession. Et, par ailleurs, je
pense que le projet vient...
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Me Lambert.
Le temps va très rapidement. M. le député de LaFontaire, vous avez la parole.
M. Tanguay : Oui, bonjour.
Bonjour, Me Potvin, Me Lambert.
Mme Potvin (Hélène) : Bonjour.
M. Tanguay : Bonjour. Je vous
en prie, Me Lambert, finissez donc votre idée, s'il vous plaît.
M. Lambert (Jean) : Vous êtes
bien gentil. Je disais simplement que ce qui est aussi noté avec bonheur, c'est
que, pour la première fois dans une législation, il est indiqué qu'à défaut d'information
c'est 50-50, les droits.
M. Tanguay : O.K., parfait. J'ai
10 minutes ou à peu près, donc je vais y aller en rafale.
Première des choses, est-ce que vous, vous
détenez... puis c'est sûrement informel, là. Aujourd'hui, il n'y a pas de cadre
juridique. On dit que ça peut se faire par adoption, par consentement spécial.
Avez-vous vent des données, de l'ampleur de ce qui se fait à ce chapitre-là,
aujourd'hui, sans encadrement?
Mme Potvin (Hélène) : Malheureusement,
comme vous le dites, ce n'est pas encadré. Donc, il est difficile de savoir
exactement le nombre de dossiers. Alors, nous n'avons pas de ces données-là. Mais,
comme vous disiez, là, il serait possible de regarder, dans chacune des
juridictions, le nombre de dossiers comme ça, mais ce serait plus difficile à
colliger. Mais ça serait possible de connaître ce nombre-là.
M. Tanguay : Oui. Puis je
vais sauter tout de suite à une autre recommandation que vous faites. Je pense
que... puis je fais référence ici à l'article 541.33. Dans un contexte où la
femme ou la personne qui va donner naissance et n'est pas domiciliée au Québec,
vous proposez donc d'ajouter que ça se fasse aussi à l'étranger par acte
notarié, n'est-ce pas? Pourquoi ça serait important?
Mme Potvin (Hélène) : Tout à
fait. Me Lambert va pouvoir compléter ma réponse, mais simplement, on souhaite
que le notaire puisse agir aussi dans ces cadres-là parce que nous avons les
outils. Nous avons la possibilité de le faire. Alors donc, je vais laisser Me
Lambert compléter sur cette question-là qu'il a regardée.
M. Lambert (Jean) : Alors, si
on reconnaît les qualités de l'acte notarié, de l'intervention du notaire,
lorsque toutes les parties sont domiciliées au Québec, ces qualités-là ne
disparaissent pas parce que la mère porteuse sera située hors Québec. Et l'expertise
que nous avons de transiger avec des personnes situées à l'étranger...
On a tous les moyens de s'assurer, d'abord,
de l'identité. On a le moyen de savoir auprès de juristes étrangers quel est l'état
du droit pour savoir si on est dans un cadre de respect de l'ordre... Ce sont
des choses qui sont courantes, et je pense qu'à ce moment-là la qualité du
travail que le notaire pourra faire, tout d'abord, en amont, c'est-à-dire de
préparer le dossier pour la première autorisation préalable... On a mentionné
ici, dans le projet, que cette demande d'autorisation préalable devra être
accompagnée d'une attestation de la rencontre psychologique.
Donc, déjà là, on voit qu'il y a une
démarche qui est entreprise. Les gens vont savoir que le notaire agit dans le
cadre de... lorsque toutes les parties sont au Québec, et donc ça va être su.
Alors, des gens qui vont avoir un projet même avec une personne, mère porteuse
éventuelle, située hors Québec, pourront s'adresser au notaire, qui va les
guider, les conseiller, préparer le dossier pour aller chercher l'autorisation
préalable, probablement même d'obtenir un état du droit d'un juriste reconnu à <l'étranger...
M. Lambert (Jean) :
...reconnu
à >l'étranger, tout ça, donc, pour faciliter la démarche du ministre qui
aura à donner cette autorisation préalable.
M. Tanguay : Et vous, la
Chambre des notaires et les notaires, vos collègues, avez-vous une expertise
toute particulière, justement, pour aider le législateur qui va le faire par
règlement, pour dire : Bien, tels États sont sérieux? Puis quand je dis
sérieux, là, c'est réducteur, là, dans le sens où ils offrent un cadre de
protection juridique d'ordre public assimilable à celui au Québec. Avez-vous...
J'imagine que vous avez une expertise. Vous savez ce qui se passe de par le
monde puis vous dites : Eux autres, ils sont sérieux, puis eux autres,
moins, non, on ne devrait pas les mettre dans le règlement.
M. Lambert (Jean) : Pour
répondre à votre question, il est évident que le ministère des Relations
intergouvernementales et internationales a des outils pour savoir quel est l'État
à l'étranger... Cependant, nous en avons également, et, c'est ce que je
mentionnais tantôt, on sera des facilitateurs. D'abord, il y a deux types de
droit qui dominent le monde. Le droit civil, 89 pays membres de l'Union
internationale du notariat latin, et qui a mis sur... au point un sceau
notarial de sécurité...
Donc, on peut s'adresser, là, dans des
pays, je pense, par exemple, à l'Amérique latine, le Japon, la Chine, où il y a
un notariat de type latin pour nous dire quel est l'état du droit et être
capable de répondre à des questions, pour dire : Est-ce que ça se fait
chez vous? Est-ce que c'est accepté? Est-ce que c'est contre l'ordre public?
Est-ce qu'il y a un encadrement? Avez-vous connaissance de trafic d'enfants,
par exemple, chez vous?
Alors, déjà là, on peut faire une première
démarche qui va aider le ministère à faire sa recherche. Et donc je pense qu'en
ce sens on va aider à la fois les parents d'intention, mais on va aider
également les autorités, l'État québécois, de pouvoir aider ces gens-là rapidement
à réaliser leur projet.
M. Tanguay : Quelle serait la
réelle valeur ajoutée? Puis vous pouvez me dire : Bien, M. le député, ce
serait la même réponse pour l'article 50.1 de la charte québécoise des
droits et libertés. Auquel cas je vous poserais la même question : Quelle
aura été son véritable impact réel d'ajouter à 50.2 — donc un
nouveau 50.2 — «garantit aux enfants les droits et libertés
énoncés par la présente charte»? C'est déjà inscrit dans la loi. Quels seraient
les effets tangibles de mettre la ceinture avec les bretelles, là, si vous me
permettez l'expression?
Mme Potvin (Hélène) : C'est
une excellente question, et on a une excellente réponse. Me Lambert.
M. Lambert (Jean) : D'abord,
on peut dire que les hommes et les femmes, ce sont des personnes, et la charte
vise les personnes, mais, en 2008, on a senti le besoin de dire que c'était
également hommes et femmes. Alors, il y avait quelqu'un... Dans le fond, on
avait une idée claire en arrière de la tête, pourquoi on l'a fait. Alors, on a
la même idée en arrivant, puis dire : Oui, l'enfant aussi, on aimerait que
ce soit nommément... Pourquoi? Parce qu'il s'agit d'une personne qui vit dans
un environnement très particulier. Jusqu'à sa majorité, c'est une personne qui
n'a pas un exercice complet de ses droits. C'est une personne qui est
vulnérable. C'est une personne qui pourrait être abusée, etc. Donc, on pense qu'on
doit attirer l'attention d'une façon particulière, lorsqu'il y aura des
législations ou des décisions qui se prendront, en cristallisant cette
protection à l'enfant dans notre Charte des droits et libertés.
M. Tanguay : Très bien. Vous dites
d'ajouter «gestation pour autrui», finalement, dans un contexte où la mère ou
la personne qui va donner naissance décide de ne pas donner suite, pour x
raisons, il n'y aura pas de remboursement des frais, si elle l'a fait de bonne
foi... d'ajouter la notion de bonne foi. Là aussi, la dernière fois que j'ai
regardé le Code civil, il y a toujours trois articles qui vont ensemble, là, 6,
7, 13 puis 75, l'importance de préciser ici «de bonne foi», alors qu'on
pourrait l'inférer.
M. Lambert (Jean) : C'est que,
si on regarde la rédaction actuelle, elle ne souffre pas de tempérament, c'est
très clair, aucune réclamation, aucun remboursement, point. On pense que ce n'est
pas inutile ici de dire que la bonne foi doit être au rendez-vous, simplement.
Et, dans notre mémoire, on a dit que la chambre faisait entièrement confiance à
la magistrature, et les juges se sont toujours acquittés avec beaucoup de
compétence de juger de ces questions-là.
• (16 heures) •
M. Tanguay : Et la confiance
que la chambre et ses élus, incluant le ministre de la Justice, ont en la magistrature
leur est acquise. Ça, vous le savez, M. le Président, il va sans dire, mais c'est
bien de... Comme disait Talleyrand, ça va aller mieux en le disant.
541.11 : «Cette <convention...
>
16 h (version révisée)
<11789
M.
Tanguay
: ...541.11 : «Cette >convention — puis
là je ne veux pas que le ministre perde son sourire — est rédigée en
français.» Elle peut être rédigée dans une autre langue que le français, si
telle est la volonté expresse des parties. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus,
l'importance de préserver cette porte ouverte.
Mme Potvin (Hélène) : Bien,
vous savez, au Québec, pour être authentique, l'acte notarié doit être rédigé
soit en français soit en anglais. Ça existe depuis le début de la colonie.
Alors donc, on veut garder cette possibilité-là que les parties choisissent, puisqu'il
s'agit d'un contrat privé, donc, ils peuvent choisir... les parties puissent choisir
la langue dans laquelle ils souhaitent que le contrat soit rédigé.
M. Tanguay : Ce matin, je
pense que c'est avec l'Association professionnelle des notaires du Québec, ils
précisaient également aussi... ils demandaient à ce que ça ne soit pas
obligatoire d'avoir une traduction vidimée pour une version anglaise. J'imagine
que c'est votre souhait également, aussi?
Mme Potvin (Hélène) : Oui,
tout à fait. Me Lambert, voulez-vous rajouter autre chose?
M. Lambert (Jean) : C'est
que, d'abord, premièrement, on ne croit pas qu'il va y avoir des milliers de
cas, hein? Ça va être quelques-uns seulement. On pense que, s'agissant d'une
affaire qui était vraiment très intime, très personnelle... que les gens
puissent la conclure dans une langue dans laquelle ils sont parfaitement à l'aise.
Par ailleurs, que je sache, le Directeur de l'état civil reçoit des
déclarations de naissance ou autres de l'état civil, qui sont en anglais, qui
sont acceptables, alors... Que le notaire, par contre, lorsqu'il aura à
transiger avec les autorités de l'État, les ministères, etc., qu'il produise
ces documents accessoires qui entoureront, qu'il les produise en français,
nous, ça, ça va. Ça, ça ne cause pas de problème.
M. Tanguay : Merci à vous.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve,
s'il vous plaît.
M. Leduc : ...M. le Président.
Me Potvin, Me Lambert, bonjour et merci d'être là. J'ai beaucoup moins de temps
que mes collègues pour poser des questions, donc on va y aller directement.
J'ai posé la question similaire à vos
collègues qui sont passés ce matin, là, de l'Association professionnelle des
notaires : Est-ce qu'à votre avis l'encadrement qui est proposé ici, dans
le projet de loi, va, dans le fond, garder tel quel ce qui existe déjà et
maintenant l'encadrer ou va avoir un effet démultiplicateur? Est-ce qu'il y a
davantage de personnes qui vont avoir recours à ce phénomène, donc, de la
gestation pour autrui, maintenant que c'est permis et encadré, que dans le cas
actuel?
Mme Potvin (Hélène) : Allez-y,
Me Lambert.
M. Lambert (Jean) : Oui. Je
vais vous répondre... je vais vous répondre de la façon suivante. Lorsque la loi
sur les soins de fin de vie faisant droit à l'aide médicale à mourir a été
adoptée, tous ceux qui étaient impliqués se disaient : Bon, on va
peut-être en avoir 50 ou 100 par année. Là, on est rendus à 400 par mois. Alors
donc, c'est difficile à prédire.
C'est certain que d'encadrer... mais
surtout pour voir qu'il y a aussi un accompagnement de devoir de conseil. Les
fameuses attestations psychologiques, psychosociales, ça, quand le comité, que
j'appelle le comité Roy, en a décidé, c'est qu'on voulait s'assurer que les
gens voient venir, aient un échange très sérieux et profond sur des aspects qui
sont autres que le droit. Et le notaire est là pour s'assurer que ce sera fait.
Donc, on voit qu'on vient d'ajouter une valeur, avec le projet de loi, qui est
non négligeable, loin de là. C'est justement de mettre les parents d'intention
en contact avec des conseils psychosociaux mais aussi des conseils du notaire
sur plusieurs aspects juridiques.
M. Leduc : Il y a un groupe
qui vous a précédé qui proposait de majorer l'âge légal à 21 ans pour
pouvoir procéder à ça. Est-ce que vous avez une opinion à ce sujet?
M. Lambert (Jean) : Je serais
porté à vous dire que, là-dessus, on suit la législation fédérale. Alors, que
la mère soit âgée de 21 ans, je pense que ça va. Est-ce que les parents d'intention,
par contre, devront avoir 21 ans? Pour le moment, c'est difficile de dire
qu'une personne qui a atteint la majorité ne l'ait pas complètement. Dire :
Savez-vous, là, attendez donc trois ans, on pense que vous n'avez pas la
maturité, ça aurait un aspect paternaliste difficilement défendable.
M. Leduc : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : ...s'il vous plaît.
Mme Hivon : Oui, M. le
Président. Bonjour à vous deux. Donc, vous, vous avez fait un petit commentaire
sur la question de l'aide médicale à mourir. Je veux juste dire que cette
évaluation-là qui avait été faite n'avait pas été faite par la personne qui
avait écrit et déposé la loi. Juste pour qu'on soit clair, parce qu'on avait <plutôt
dit...
Mme Hivon :
...commentaire sur la question de
l'aide médicale à mourir. Je veux juste dire que cette évaluation-là qui avait
été faite n'avait pas été faite par la personne qui avait écrit et déposé la
loi. Juste pour qu'on soit clair, parce qu'on avait >plutôt dit que ça
risquait de ressembler au taux des pays où ça existait, et c'est ce qui s'est
confirmé. Mais d'autres, effectivement, avaient dit que ça pourrait être très
peu.
Bonjour à vous deux. Très bon mémoire. Je
voulais vous entendre sur deux points précis. Le premier, c'est ce qui est
écrit à la page 19 de votre mémoire, vous demandez, là, vraiment,
d'inscrire nommément dans la liste des procédures non contentieuses la question
de la filiation, la demande ayant trait à la filiation d'un enfant issu d'un
projet parental impliquant les contributions d'un tiers. Donc, vous croyez que
l'article, tel qu'il existe en ce moment, ne serait pas clair, malgré le fait
qu'il n'énumère pas l'ensemble de ces matières-là?
M. Lambert (Jean) : Si vous
me permettez, la réponse : c'est une longue expérience. Mme la députée de
Joliette, à l'âge que je suis rendu, à 77 ans et demi plus, et dont une
cinquantaine d'années bien impliqué dans le monde professionnel au Québec, il
n'y a rien comme de dire les choses clairement pour éviter des chicanes au
prétoire, comme j'en ai déjà vues, particulièrement dans le passé, en matière
d'adoption.
Mme Hivon : Je vous remercie.
Dans un autre projet de loi, on a fait cette bataille-là avec le ministre,
d'inscrire des choses précises pour qu'il n'y ait pas de doute. Finalement, le
ministre a été tout à fait d'accord avec nous. Donc, on verra la suite.
Ce matin, l'association des notaires nous
disait qu'on devrait aussi prévoir, pour être clair, que, s'il y avait un
contentieux issu d'une entente en lien avec la gestation pour autrui, on
devrait pouvoir la régler par médiation dans le programme de médiation
familiale. Est-ce que vous partagez cet avis? Est-ce que vous pensez de votre
côté que c'est déjà clair que ça pourrait être compris?
Une voix : Allez-y, Me
Lambert.
M. Lambert (Jean) : Je veux
juste voir... Alors, on ne peut pas être contre... On a vraiment un retour de son,
excusez-moi.
On ne peut pas être contre de soutenir les
citoyens dans un projet semblable, alors qu'un début de litige peut naître, et
on comprend, et l'expérience nous enseigne que le plus vite qu'on peut
intervenir en médiation, les résultats sont meilleurs. Alors, je pense que le
principe de la médiation, pour un litige en cours de projet, c'est tout à fait
indiqué. Maintenant, si l'État a les moyens d'aider comme il le fait en matière
de litige familial lorsqu'il s'agit de séparation, bien, mon Dieu, c'est
souhaitable.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. C'est tout le temps qu'on a,
malheureusement. Alors, merci beaucoup, Me Potvin, Me Lambert. Ce fut très
intéressant.
Là-dessus, je suspends les travaux quelques
instants afin d'accueillir nos prochains témoins. Merci. À tantôt.
(Suspension de la séance à 16 h 09)
>
(Reprise à 16 h 18)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend
ses travaux. Alors, nous avons le plaisir maintenant d'accueillir le professeur
Martin Blais, titulaire de la Chaire de recherche sur la diversité sexuelle et
de la pluralité des genres, en compagnie du coordonnateur Gabriel James
Galantino.
Alors, merci beaucoup d'être avec nous cet
après-midi, c'est un grand plaisir. Donc, je vous cède la parole pour 10 minutes,
et, après ça, on aura un échange avec les membres de la commission. S'il vous
plaît.
M. Martin Blais
M. Blais (Martin) : Merci de
nous recevoir. Alors, mon nom est Martin Blais. Donc, je suis titulaire de la
Chaire de recherche sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres, que
plusieurs connaissent sous son ancien nom, qui est la Chaire de recherche sur l'homophobie,
à l'Université du Québec à Montréal. Je vais laisser mon collègue se présenter.
Galantino (Gabriel James) : Bonjour.
Je suis Gabriel James Galantino, coordonnateur de la chaire. J'ai une maîtrise
en sexologie clinique et j'ai accompagné des personnes trans et non binaires au
Centre de santé Meraki. J'ai également donné des formations dans les milieux
communautaires et dans le réseau de l'éducation, pour l'inclusion des personnes
lesbiennes, gays, bisexuels, trans, queer, qu'on va décrire par l'acronyme LGBTQ+
pour la suite. Merci.
M. Blais (Martin) : Alors,
les travaux de la chaire portent principalement sur les facteurs d'inclusion et
d'exclusion sociale des personnes LGBTQ+ et leur bien-être. Alors, on souhaite
discuter principalement de quatre changements proposés par le projet de loi n° 2, des changements qu'on pense susceptibles d'avoir des
effets négatifs. Ces changements sont en partie une réponse au jugement Moore,
et on va donc reprendre ici certaines des recommandations qu'on avait
transmises au Bureau de lutte contre l'homophobie et la transphobie sur les
façons possibles d'en tenir compte.
Alors, ces quatre changements sont les
suivants. Le premier, vous les connaissez aussi bien que moi, le premier dont
on veut parler, c'est l'obligation de traitements médicaux, c'est-à-dire
hormonothérapie et chirurgie génitale, pour pouvoir changer sa mention de sexe.
Le deuxième, c'est la création d'une nouvelle mention d'identité de genre,
distincte de la mention de sexe. Le troisième changement dont on veut parler, c'est
l'ajout d'une mention «parent» qui serait uniquement disponible aux personnes
trans et non binaires et aux personnes de sexe indéterminé. Et le quatrième
changement, c'est la création, justement, de cette mention de sexe indéterminé.
• (16 h 20) •
Alors, évidemment, pour les sous-groupes
concernés directement par ces changements, il y a des enjeux spécifiques dont
vous allez entendre parler dans les prochains jours, mais ils ont aussi un
point commun, ils placent les personnes LGBTQ+ est les personnes intersexuées
dans des catégories d'exceptions. Ils les désignent par le fait même comme
différentes, marginales, et c'est aussi le message qui pourrait être entendu
par la population québécoise.
Alors, avant d'arriver à nos
recommandations plus précises, voici quelques éléments de contexte. Revenons
sur le premier <changement...
M. Blais (Martin) :
...et c'est aussi le message qui pourrait être entendu par la population
québécoise.
Alors, avant d'arriver à nos
recommandations plus précises, voici quelques éléments de contexte. Revenons
sur le premier >changement, donc, la réintroduction de l'obligation de chirurgie
génitale pour changer sa mention de sexe. Alors, c'est un recul inquiétant, et
vous avez déjà annoncé que vous n'alliez pas aller de l'avant avec cette
proposition. Alors, évidemment, on s'en réjouit, parce que le retrait de cette
exigence, en 2015, avait fait consensus. Alors, il faut dire que le retour de
cette exigence-là aurait empêché au moins deux personnes trans et non binaires
sur trois de changer sa mention de sexe, au Québec, puisqu'une seule sur trois
a entrepris une transition médicale, soit comprenant l'hormonothérapie et des
modifications de son corps, notamment des chirurgies génitales, ou ont l'intention
de le faire. Alors, des données américaines suggèrent même, en fait, qu'une
personne sur 10 seulement voudrait une chirurgie génitale, alors ça veut dire
que beaucoup de gens seraient exclus de cette possibilité.
Cette mention, cette exigence, en fait, viendrait
remettre une pression importante sur les personnes qui préfèrent avoir, comme
tout le monde, une mention de sexe qui reflète leur identité de genre, sans
passer par une transition médicale non nécessaire et non désirée. Il faut
rappeler qu'une transition chirurgicale, c'est aussi une stérilisation, une
stérilisation que plusieurs organismes, supranational, national ou provincial,
par exemple, se sont prononcés en défaveur parce qu'en fait ce serait un peu
comme exiger des personnes trans et non binaires des changements corporels en
échange de leur reconnaissance légale. Alors, ces organisations considèrent que
cette stérilisation forcée, c'est une atteinte à leurs droits fondamentaux.
Un deuxième changement du projet de loi, c'est
la création d'une mention de genre réservée à un sous-groupe particulier. Et
cette mention revient à poser une étiquette trans sur les papiers d'identité,
une étiquette qui place les personnes trans et non binaires dans des situations
de dévoilement forcé.
Un troisième changement en découle :
l'ajout d'une mention «parent», qui est réservée aux personnes qui auraient une
mention de genre plutôt qu'une mention de sexe ou qui auraient une mention de
sexe indéterminé. Cette mention particulière a le même effet, encore une fois,
elle étiquette des personnes et force leur dévoilement. Pourquoi ne pas
simplement offrir trois choix à toute la population : père, mère ou
parent?
C'est la même chose pour la mention de
sexe indéterminé chez les personnes intersexuées. Ce changement les étiquette
et rend visible une différence qui concerne leur vie privée. Et, en plus, elle
met une pression sur les parents pour régler l'indétermination de sexe par des
chirurgies sur des enfants qui ne peuvent consentir pour eux-mêmes, mais qui
vont devoir vivre avec leurs conséquences toute leur vie. Les chirurgies non
vitales sur les bébés intersexués sont d'ailleurs considérées par les Nations
unies comme une forme de torture dans la même catégorie que les mutilations
génitales.
Alors, je vais céder maintenant la parole
à mon collègue Gabriel James.
Galantino (Gabriel James) :
Alors, ces changements imposent aux personnes trans, non binaires, intersexuées
des étiquettes à part sur leur carte d'identité. Cette étiquette leur retire le
droit de choisir par elles-mêmes et pour elles, même si... quand et à qui elles
dévoilent leur identité parmi les personnes qui doivent avoir accès à leurs
papiers d'identité.
C'est pratiquement tous les jours qu'on
doit montrer un document d'identification, souvent à plusieurs personnes
différentes. Ça fait beaucoup de monde qui a accès à des informations
extrêmement privées. Il faut prendre conscience qu'il y a un prix à payer pour
cette étiquette sur les papiers d'identité, le prix d'une visibilité que les
personnes ne peuvent pas refuser et qu'elles ne peuvent pas contrôler, même
quand leur sûreté et leur intégrité est en jeu.
J'ai montré aujourd'hui mon permis de
conduire, sur lequel on peut lire ma mention de sexe, à au moins trois
personnes différentes pour valider mon passeport vaccinal, et la journée n'est
pas encore terminée. Imaginez devoir affronter chaque jour le regard de
plusieurs personnes appelées à consulter un document d'identification sans
savoir si elles remarqueront ou pas et de quelle nature sera leur réaction, si
jamais elles le remarquent.
Ça ne signifie pas que certaines personnes
ne veulent pas avoir cette information sur leurs papiers d'identité, mais c'est
à elles de choisir si elles le souhaitent ou non. On ne peut pas l'imposer à
tout le monde, comme le ferait ce projet de loi. Non seulement c'est une
atteinte à leur vie privée, mais c'est aussi une exposition excessive et forcée
à des risques de violence et de discrimination dont elles sont déjà trop
victimes, comme on le constate étude après étude.
Les données de recherche montrent qu'on
peut déjà réduire significativement la discrimination et la violence quand la
mention de sexe sur les papiers d'identité reflète l'identité de genre, comme c'est
actuellement prévu dans la loi. Ça protège les personnes trans de la
discrimination dans de nombreuses sphères de leur vie comme l'emploi, le
logement, l'école, les services de santé et les services sociaux.
Malheureusement, le projet de loi n° 2 n'offre aucune alternative satisfaisante aux personnes
sur ces aspects. Il les force à choisir le moindre des trois maux : soit
elles peuvent avoir une mention de sexe qui concorde avec leur identité, mais
au prix de procédures médicalement nécessaires et non désirées; soit elles
peuvent avoir une mention de genre qui concorde avec leur identité, mais au
prix du dévoilement systématique et forcé de leur identité trans ou non binaire;
soit elles doivent conserver une mention qui ne reflète pas leur identité, en
renonçant à leur reconnaissance légale et à leur dignité. Alors, on peut
légitimement se demander comment une personne peut consentir de manière libre
et éclairée à l'une ou l'autre de ces options quand son intégrité, sa dignité,
sa sûreté, autrement dit son existence est en jeu.
Les écrits scientifiques nous montrent que
ces <changements...
Galantino (Gabriel James) :
...comment
une personne peut consentir de manière libre et éclairée à l'une ou l'autre de
ces options quand son intégrité, sa dignité, sa sûreté, autrement dit son
existence est en jeu.
Les écrits scientifiques nous montrent
que ces >changements proposés par le projet de loi n° 2
entraîneront des conséquences néfastes sur la santé physique et mentale des
personnes qui sont touchées comme sur leur capacité à répondre à leurs besoins
de base en raison de la discrimination à laquelle ils les exposent. Considérant
ces risques concrets, il est préférable d'intégrer les personnes concernées
dans le système de mentions actuel, en permettant de choisir une mention de
sexe qui reflète leur identité de genre. Chaque personne pourra ainsi choisir
par elle-même, de manière libre et éclairée, s'il elle souhaite ce dévoilement
systématique sans la mention d'une stérilisation forcée... non, pardon, sans la
menace, en fait, d'une stérilisation forcée, de la discrimination ou de la
violence.
Des amendements inclusifs au projet de loi
peuvent éviter ces répercussions dommageables et favoriser l'inclusion sociale
de toutes les personnes au Québec. On reconnaît qu'il y a une volonté, dans le
projet de loi n° 2, de reconnaître les personnes
concernées, mais il faut aussi analyser sous l'angle de ces effets inattendus.
Pour toutes ces raisons, et on va s'arrêter
là-dessus, on propose six modifications au projet de loi. D'abord, de ne pas
créer de mention de genre, pour que seule la mention de sexe demeure sur les
actes de l'état civil pour l'ensemble de la population. Deuxièmement, retirer
la mention d'altération à l'acte de naissance, qui étiquetterait les personnes
ayant effectué une transition légale. Troisièmement, retirer la subordination
du changement de la mention de sexe à une transition hormonale et chirurgicale,
autrement dit ne rien changer à la loi actuelle sur ce point précis.
Quatrièmement, permettre aux personnes non binaires de changer leur mention de
sexe à l'état civil afin de refléter leur identité de genre, non binaire, par
la lettre X. Cinquièmement, élargir à la population dans son ensemble l'usage
des trois désignations parentales : mère, père et parent, peu importe leur
mention de sexe. Enfin, supprimer la mention de sexe indéterminé, pour éviter d'étiqueter
les personnes intersexuées contre leur gré et mettre une pression sur les
parents en faveur de chirurgies non nécessaires.
Merci pour votre écoute.
Le Président (M.
Bachand) :Merci infiniment. M. le
ministre, s'il vous plaît, vous avez la parole.
M. Jolin-Barrette : Oui. Pr
Blais, Gabriel James Galantino, bonjour. Merci de participer aux travaux de la
commission. On va démystifier un petit peu les choses pour les gens qui nous
écoutent — c'est les consultations — parce que les
différentes notions, parfois, sont quand même complexes à comprendre, et je
pense que c'est important, notamment, de faire un petit peu de pédagogie puis
de démystifier tout ça.
Premier élément... par contre, je vais
commencer par la fin, relativement aux enfants intersexes, pour que j'aie l'opportunité
de bien expliquer la disposition. Ça peut avoir été perçu comme étant une
obligation de chirurgie pour les enfants, mais au contraire, parce que ce qui
arrive présentement, c'est qu'à toutes les années il y a des enfants, des bébés
qui naissent et qui ont les organes génitaux féminins et masculins, et
autrefois on appelait ça les enfants hermaphrodites et désormais on dit «intersexe».
Alors, partant de là... et on avait eu la
discussion, dans le cadre du projet de loi n° 75, la
députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques va sûrement s'en souvenir, à l'effet qu'il
y avait des représentations à l'effet que le corps médical, parfois rapidement,
faisait le choix, avec les parents, d'une chirurgie, pour dire : Bien,
écoutez, si c'est... peut-être qu'on va transformer avec un organe sexuel
féminin ou on va transformer un organe sexuel masculin. Parce que, bon, l'enfant,
on regarde tout ça sans savoir si son développement, le petit gars ou la petite
fille, allait être un petit gars ou une petite fille en fonction de l'adéquation
avec son orientation sexuelle. Alors, l'article, il est là pour ça, pour faire
en sorte de laisser le temps aux parents, dans un cas d'un enfant qui est
intersexué, justement, de s'assurer d'avoir une cohérence avec comment l'enfant,
il s'identifie, comment il est. Alors, ça, c'est important de le dire, sur cet
article-là du projet de loi qui, parfois, a été un petit peu mal compris.
• (16 h 30) •
Mais revenons à la base sur la notion de
sexe, la notion de genre. Alors, bon, vous savez, il y a eu le jugement de la
Cour supérieure. Nous, ce qu'on a tenté de faire, c'est de faire de la place,
notamment, aux personnes non binaires et surtout, avec la solution qu'on a
proposée, de venir inscrire l'identité de genre. J'ai déjà annoncé, puis vous l'avez
mentionné, je crois, à l'effet qu'on allait revenir sur notre position, pour
éviter qu'il y ait une chirurgie et que ça soit perçu comme ça, pour une
personne qui souhaite changer de sexe, qu'elle doive subir l'opération. Donc,
les personnes qui vont vouloir changer de sexe pourront le faire sans
opération, on va retirer ça du projet de loi. Même chose également au niveau
des modalités, relativement au fait que certaines personnes ont perçu que ça
pourrait être considéré comme un «coming out» forcé, une identification, tel
que vous l'avez dit. Alors, ça aussi on va modifier ça.
Mais j'étais curieux de vous entendre sur
le concept d'identité de genre par rapport au sexe, pour bien établir, là, comment
vous le percevez, les deux, puis pour que les gens qui nous écoutent
comprennent bien... concept on <parle.
>
16 h 30 (version révisée)
<15359
M.
Jolin-Barrette :
...concept on >parle.
M. Blais (Martin) : Merci
pour votre question. Alors, la relation entre le sexe et le genre, en fait, a
été conçue de différentes manières. Les Instituts de recherche en santé du
Canada décrivent le sexe comme référant à toutes les dimensions biologiques,
anatomiques, chromosomiques, par exemple, et le genre comme référant davantage
aux caractéristiques psychosociales que la société vient, en fait, un peu
forger sur ce que l'on perçoit comme être une anatomie qui devrait être assez
déterminante dans notre manière de concevoir le monde. Et cette idée, en fait,
c'est que le genre vient se greffer par-dessus, parfois, dans un modèle.
Ensuite, cette vision, elle n'est pas
toujours... pas toujours endossée, en fait. Puis il y a beaucoup... il y a trop
de modèles, je pense, pour qu'on fasse le tour maintenant. Mais le problème
dans cette identification d'une mention de genre séparée, c'est que l'on fait
quand même prédéterminer le sexe comme une mention qui devrait prévaloir, qui
devrait nous identifier, alors que, dans les faits, ce n'est pas la manière
dont les gens se perçoivent. On se perçoit davantage à travers notre genre, à
travers la prise de la... de la manière dont on se présente, à travers les
rôles que l'on occupe. Et ça n'a pas grand-chose à voir avec nos chromosomes,
ça n'a pas grand-chose avec... à voir avec le sexe anatomique ou ce qu'on peut
avoir sous les vêtements, en fait.
Donc, cette idée que l'on devrait faire
prédominer le genre, elle repose simplement sur cette idée très simple que c'est
comme ça qu'on se présente. Donc, on ne se présente pas en fonction de nos
organes génitaux, on se présente à travers des rôles, à travers un habillement,
des vêtements, une manière de se présenter, et donc il n'y a aucune raison d'accorder
tant d'importance aux organes génitaux.
Galantino (Gabriel James) : Pour
compléter, en fait, lorsque... dans les revendications des personnes trans, non
binaires, lorsqu'on dit que le sexe et le genre n'est pas la même chose, la
principale chose, en fait, qu'on veut dire, c'est que, dans le fond, on veut
mettre fin aux... l'association d'organes génitaux spécifiques à un genre
spécifique. Grosso modo, ce qu'on veut dire, encore plus vulgarisé, c'est qu'on
veut mettre fin à l'association que pénis égale homme, vulve égale femme, parce
que cette association-là et cette affirmation-là, en fait, c'est ce qui, en
fait, renie l'existence des personnes trans. Ils nous considèrent, en fait, que
soit qu'on n'existe pas, qu'on est anormaux, qu'on est marginaux, tout
simplement, en fait. Donc, le sexe, ce n'est pas juste, juste, juste des
caractéristiques biologiques. En fait, là, on peut le déballer avec vous, mais
généralement on parle de corps sexué qui fait référence, oui, à la génétique,
mais également aux hormones et, oui, aux caractéristiques sexuelles primaires
et secondaires, dont les organes génitaux. Ça en fait partie.
Après, la dichotomie qui existe du sexe qu'on
a entre hommes et femmes ne reflète pas non plus la réalité biologique, et ça,
on le sait. En fait, la réalité biologique, elle est beaucoup plus large que
dichotomique. Et cette idée-là qu'on a créée, de sexe dichotomique, en fait, s'est
en soi un peu socialement construite, alors que le genre, bien, ça, oui, fait
référence, en effet, plus à notre identité, donc au fait que... bien, le nom
que j'utilise, les pronoms que j'utilise, la façon dont je me présente, donc,
qui, elle, en fait, va généralement tirer plus vers le masculin, le féminin, soit
aucun des deux, soit entre les deux, ce qui aussi représente, dans le fond, les
réalités des personnes non binaires qui, des fois, ne s'identifient même pas
sur ce «spectrum»-là, masculin, féminin.
M. Jolin-Barrette : O.K. Dans
l'éventualité où on... Dans le fond, le statut actuel des choses, c'est :
On peut changer de sexe sans qu'on ait subi d'opération. Et la notion d'identité
de genre n'existe pas dans le corpus. Dans les lois québécoises, ça n'existe
pas.
Je vous donne un exemple. Le fédéral, lui,
ce qu'il fait relativement au passeport canadien, c'est qu'il fait en sorte qu'on
s'identifie sur le passeport canadien par M, F ou X pour les personnes non
binaires. Qu'est-ce que vous pensez de cette position-là?
M. Blais (Martin) : C'est la
position qui est la nôtre. C'est la position qui est largement partagée.
M. Jolin-Barrette : Donc, à
ce moment-là, on se retrouve dans une situation où c'est uniquement le sexe qui
change. Donc, le processus d'identification, la personne va choisir le sexe sur
laquelle elle souhaite être identifiée, mais, à ce moment-là, il n'y a pas d'identité
de genre qui est incluse dans la législation.
M. Blais (Martin) : Effectivement,
mais je pense, en fait, qu'il faut distinguer le sexe de la mention de sexe.
Alors, je pense que, quand on dit le sexe, si on parle de la mention de sexe
comme étant un facteur d'identification sur des papiers d'identité, on ne parle
pas de l'anatomie, on ne parle pas des organes génitaux. Alors, à cet égard-là,
je pense que...
M. Jolin-Barrette : Mais ça,
le point que vous faites actuellement, c'est un point qui est important, là, ouis
je pense qu'il faut l'expliquer. C'est que vous dites : Écoutez, ça, ce ne
sera pas en <cohérence...
M. Jolin-Barrette :
Écoutez,
ça, ce ne sera pas en >cohérence, supposons, à ce que vous avez dans vos
pantalons, nécessairement, mais c'est ce que... dans le document officiel que
je vais présenter, mais, à ce moment-là, mon processus d'identification, on va dire,
même si j'ai un organe masculin, un organe génital masculin, il va pouvoir être
identifié comme de sexe féminin sur le document officiel. Donc, ça, c'est une
avenue que vous proposez.
M. Blais (Martin) : Exact.
M. Jolin-Barrette : Mais, à ce
moment-là, on évacue la notion d'identité de genre.
M. Blais (Martin) : C'est-à-dire
qu'on ne l'évacue pas, on remplace la mention. C'est-à-dire que la mention de
sexe reflète l'identité de genre de la personne, ce qui est le meilleur
compromis possible pour assurer son autodétermination, pour assurer sa vie
privée.
M. Jolin-Barrette : Donc, c'est
comme si on venait assimiler l'identité de genre au sexe. On vient un peu
fusionner les concepts, là.
M. Blais (Martin) : Bien, je
ne suis pas juriste, mais je pense que c'est déjà le cas depuis la fin des
années 90, peut-être même un peu avant, où déjà les plaintes, par exemple, basées
sur l'identité de genre passaient déjà dans la question du sexe. Alors, il n'y
a pas de... apparemment pas de préjudice, enfin, à considérer les choses de
cette manière. Il n'y a que des gains, que des gains en termes de respect de la
vie privée, notamment.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question, là, des personnes non binaires, là, dans votre mémoire, vous dites :
«Environ quatre personnes non binaires sur 10 au Canada préféreraient le
retrait complet de tout marqueur de sexe ou de genre pour tout le monde,
notamment pour des raisons de sécurité.» Donc, ça, c'est la proposition de 40 %.
Est-ce qu'on doit déduire que la majorité,
60 %, eux, ils préfèrent conserver la mention de sexe, mais de pouvoir l'identifier,
supposons, avec un X, donc avec un terme qui n'est pas H ou M... F, pardon,
pour homme... bien, pardon, c'est ça, d'avoir un marqueur distinct?
Galantino (Gabriel James) :
...ça dépend des... En fait, ça peut varier. Ça dépend des personnes, puis c'est
souvent une question de sécurité, en fait. C'est de gager qu'est-ce que je peux
mettre qui, de un... bien, je veux être reconnu, je veux avoir les papiers qui
correspondent à mon identité de genre, de un. Mais, des fois, pour certaines
personnes, bien, c'est trop risqué, dépendamment des milieux dans lesquels tu
vis, où tu travailles, qui est ta famille. Certaines personnes, mettons, qui
vont avoir une apparence plutôt masculine ou plutôt féminine vont peut-être
préférer garder une mention de sexe qui ne correspond peut-être pas à leur
identité de genre, mais, pour des raisons de sécurité, voudraient garder un M
ou un F. Après, certaines personnes se sentiraient très à l'aise d'avoir un X
parce que c'est ce qui représenterait vraiment leur identité. Et d'autres
personnes préféreraient peut-être, en effet, ne juste pas avoir de marqueur de
genre parce que, des fois, c'est peut-être plus facile que ce ne soit juste pas
écrit, ça évite moins d'être confronté à ça constamment. Donc, les gens n'ont
peut-être pas remarqué que ce n'est pas là, tout simplement.
Donc, tous ces choix-là, en fait, c'est,
au final, une question de : Je veux être reconnu également, je veux que
mon droit à la dignité puis à l'égalité soit reconnu, mais je veux aussi, en
fait, être en sécurité. Puis les choix qu'on fait sont en fonction de ça aussi.
M. Jolin-Barrette : O.K. Une
autre de vos propositions que vous faites, c'est relativement à la notion de
parent sur l'acte de naissance. Dans le fond, vous dites : On devrait
offrir à tout le monde de pouvoir inscrire la notion de parent, donc pas
uniquement, supposons, mère-mère, père-mère, père-père. Parce que là, nous, ce
qu'on développait, c'est pour faire en sorte que les personnes non binaires
puissent s'identifier comme parents, puisqu'ils ne s'identifient pas comme...
soit comme père, soit comme mère. Vous, vous dites : O.K., sauf que... offrez
cette possibilité-là également aux pères et aux mères qui voudraient s'identifier
également comme parents. Pourquoi faire cette proposition-là?
M. Blais (Martin) : D'abord,
parce qu'on souhaite éviter que la mention «parent» identifie un sous-groupe.
Donc, vraiment, cette question du dévoilement forcé, elle est centrale dans
toutes nos propositions, et c'est ce qu'on essaie d'éviter par toutes les
propositions. Si on a une mention «parent» qui est réservée à un sous-groupe
spécifique, il n'y a pas de différence entre avoir une étiquette sur soi et la
mention. Donc, l'idée, c'est vraiment toujours d'éviter le dévoilement forcé
dans toutes les situations.
Et évidemment ça ne veut pas dire que des
gens ne choisiraient pas de mettre un X comme mention de sexe. Ça ne veut pas
dire que des gens ne choisiraient pas la mention parent. Mais l'idée, c'est
que, quand elles vont le faire, elles vont choisir, dans le cas de la mention X,
par exemple, ce dévoilement et elles vont choisir pour elles-mêmes. Personne ne
va leur imposer.
Pour la mention «parent», en fait, on va
simplement dissocier cette association systématique, et donc ce ne sera plus un
dévoilement.
• (16 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Donc,
vous dites : Puisqu'on l'offre à tout le monde, il n'y a pas de mécanisme
qui va faire en sorte de <dire...
M. Jolin-Barrette :
...qui va faire en sorte de >dire : Bien, on va cibler, puis on
sait que vous vous êtes une personne non binaire, spécifiquement. Mais, à l'inverse,
ça ne veut pas dire que les gens qui s'identifient comme père et mère vont
utiliser l'expression «parent», mais ils pourraient décider de le faire pour
dire : Bien, écoute, moi, sur l'acte de naissance, je veux qu'ils soient
identifiés «parent». C'est un peu ça?
M. Blais (Martin) : Exact.
M. Jolin-Barrette : O.K. Parfait.
Sur la question... Bon, on a abordé la question de l'identité de genre, le
sexe, de la façon dont c'est perçu par... bien, en fait, le processus d'identification.
Les craintes, là, de la communauté, là, moi, je souhaite les rassurer puis dire
qu'on prend en considération vraiment leurs arguments. Puis c'est pour ça qu'on
dit, dès le départ : On ajuste le projet de loi puis on va travailler
là-dessus.
Est-ce qu'il y a d'autres enjeux
particuliers que vous voudriez porter à l'attention de la commission pour dire :
Écoutez, ça, c'est vraiment important pour s'assurer que les personnes issues
de la communauté, qu'ils soient trans ou non binaires... ça, c'est vraiment
important, là, pour la communauté, de dire : Soyez sensibles à ces... à
ces différentes modalités là?
Galantino (Gabriel James) :
Est-ce qu'on parle de modalités, là, qui n'ont pas... en lien avec le projet de
loi présentement?
M. Jolin-Barrette : Bien oui,
en lien avec le projet de loi.
Galantino (Gabriel James) :
Je pense que la chose la plus importante, en effet, c'est que l'accès au changement
de la mention de sexe ne soit vraiment comme subordonné à aucun traitements
chirurgicaux ou médicaux. Donc, ça inclut également hormones, donc tout
changement, là, qui implique vraiment le corps. Donc, ça, il faut vraiment que
ce soit facile et accessible. Le but, c'est d'enlever le plus d'obstacles
possible. Au-delà de ça et ce qu'on a discuté dans le mémoire, je n'aurais pas
nécessairement d'autres choses à apporter. Je ne sais pas si mon collègue
voudrait compléter.
M. Blais (Martin) : En fait,
on a choisi d'aborder ces quatre points-là spécifiquement. D'autres
organisations, d'autres organismes aborderont des points plus spécifiquement
dans le cours des prochains jours.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je
vous remercie.
M. Blais (Martin) : Merci à
vous.
M. Jolin-Barrette : M. le
Président, je crois que j'ai des collègues qui...
Le Président (M.
Bachand) : Il reste une minute.
M. Jolin-Barrette : Merci
pour votre présence.
Le Président (M. Bachand) :M. le député de Saint-Jean, question et réponse, s'il vous
plaît.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
M. le Président. Le ministre, au lendemain du dépôt du projet de loi, a fait
face à une certaine... un certain ressac, disons-le comme ça. Il a commencé
aujourd'hui... il l'avait déjà dit, mais il a commencé, aujourd'hui, en disant :
Inquiétez-vous pas, autant pour le dévoilement que pour l'opération, on va
régler ça. Qu'est-ce que ça vous dit, la réaction qu'il y a eu du public en
général, pas de la communauté, mais du public en général? Le débat qu'il y a
eu, comment vous l'avez vu, vous? Moi, comme journaliste de 40 ans, je l'ai
regardé avec beaucoup d'intérêt parce que je trouvais que ça parlait beaucoup.
Vous, vous avez compris quoi?
M. Blais (Martin) : Bien, en
fait, je pense que tout le monde s'est réjoui de cette annonce, donc... mais
tout le monde attend de voir les amendements, en fait. Donc, on veut aussi voir
comment ça va se concrétiser sur papier, mais je pense que, de manière
générale, on est heureux d'entendre ça.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Westmount—Saint-Louis, s'il vous
plaît.
Mme Maccarone : ...je veux
retourner à l'aspect de... je sais que le ministre l'a adressé, par rapport à l'impact
d'une chirurgie qui serait nécessaire. Il a dit que ce ne serait plus le cas.
Puis on attend après un amendement en ce qui concerne ce qui est écrit
actuellement en noir et blanc dans le projet de loi.
Avez-vous autre inquiétude en ce qui
concerne des exigences qui ne sont peut-être pas identifiées dans le projet de
loi, dont nous devons se méfier, peut-être en ce qui concerne un aspect
hormonal ou... Pouvez-vous partager un peu votre point de vue là-dessus?
M. Blais (Martin) : Bien,
évidemment, Gabriel James en a parlé, il faut vraiment rappeler que ces
chirurgies ne sont pas souhaitées par tout le monde. Les modalités de
transition, qu'elles soient sociales, légales, médicales, en fait, ne sont pas
nécessairement les mêmes, hein? Ces modalités de transition, en fait, elles
sont choisies pour améliorer le bien-être, pour réduire la dysphorie chez les
personnes concernées, donc pour augmenter leur bien-être. Donc, ça ne devrait
pas être une condition pour la reconnaissance. Donc, elles doivent les choisir
sans que, dans la balance, pèse une atteinte à d'autres droits. Donc, le seul
objectif de ces modalités de transition doit être leur <bien-être...
M. Blais (Martin) :
...doit
être leur >bien-être et rien d'autre.
Et il faut vraiment se rappeler, en fait, que,
parmi ces... parmi les modalités de transition médicale, il y a certaines
chirurgies qui sont irréversibles, qui ne sont pas nécessaires à leur bien-être,
et qui ne sont pas souhaitées non plus, et qui ne sont pas toujours urgentes
pour confirmer le genre, là, de la manière dont ils besoin qu'il soit confirmé.
Et il ne faut pas oublier aussi que les gens évoluent. Donc, ce n'est pas...
Donc, il faut laisser, en fait, le
processus de transition s'installer pour chaque personne. Donc, les rythmes
sont différents, les parcours de transition sont différents. Il faut vraiment
garder en tête cette hétérogénéité, en fait, parmi les personnes trans et non
binaires, et donc aussi l'hétérogénéité de leurs besoins et des manières d'y
répondre.
Mme Maccarone : Parce qu'on
parle quand même de la stérilisation des personnes.
M. Blais (Martin) : Bien sûr.
Mme Maccarone : Puis je pense
qu'on est rendus... 2021, on peut imaginer un homme trans peut être... même
être enceinte. C'est... On est rendus là, d'où l'importance d'avoir un projet
de loi qui est adopté qui prend en considération tous les besoins de la
population, qu'ils soient M, F ou X.
Je veux... Pouvez-vous parler un peu des
statistiques? Je sais que c'est peut-être aussi très peu connu, le nombre de,
peut-être, personnes trans qui décident de poursuivre avec une chirurgie ou
bien, même, avec une thérapie d'hormones, parce que ce n'est pas tout le monde
non plus qui fait ça. Alors, pouvez-vous partager ça aussi avec les membres de
la commission, s'il vous plaît?
M. Blais (Martin) : Oui.
Bien, en fait, les données dont je vous parle viennent de deux enquêtes, alors
une enquête québécoise auprès de près de 5 000 personnes LGBTQ+, dont
environ 800 personnes trans et non binaires, et des données donc chez des
adultes, et des données chez des jeunes de 15 à 29 ans à travers le
Canada, donc environ 600 jeunes, 600, 700 jeunes trans et non
binaires.
Alors, vous demandez des statistiques très
précises, alors je vais devoir aller voir mes tableaux. Alors, de manière
générale... donc, je l'ai déjà dit, en fait, ce deux tiers-un tiers... donc, le
projet de loi, tel que formulé présentement, exclurait au moins les deux tiers,
au moins les deux tiers parce qu'il force la combinaison d'hormonothérapie et
de chirurgie génitale. Or, dans le projet SAVIE, par exemple, donc chez les
adultes au Québec, il y avait 20 % de personnes qui prenaient actuellement
des hormones, parmi les personnes trans et non binaires, et qui n'avaient pas
de procédures chirurgicales. Il y avait 12 % de personnes qui prenaient
des hormones et qui avaient entamé des procédures chirurgicales. Donc, c'est ce
qui nous amène, à peu près, au 20 %, là, de personnes... un 20 % de
personnes qui pourraient peut-être se qualifier actuellement, en vertu de ce
que suggère le projet de loi, mais donc il y a à peu près 80 % des
personnes qui en seraient exclues. Évidemment, il faut faire la distinction
entre les personnes trans et les personnes non binaires, là. Donc, Gabriel, je
ne sais pas si tu veux en parler.
Galantino (Gabriel James) : Oui.
Dans le fond, dans l'échantillon que nous, on a, là, donc les deux grandes
enquêtes qu'on a, québécoises et pancanadiennes, en fait, il y a beaucoup de
personnes non binaires qui ont répondu à ces enquêtes-là. Donc, c'est dans ces
enquêtes-là, en effet, que, quand on inclut les personnes trans et non binaires
ensemble... qu'on voit qu'en effet il y a seulement un tiers des personnes qui
veulent avoir accès à une transition médicale, donc soit hormones, chirurgie
génitale. Dans tous les cas, c'est très, très peu élevé. Comme on a dit, c'est
plus comme un 10 % des personnes, tu sais, trans et non binaires qui veulent
avoir des chirurgies génitales.
En ce qui concerne l'hormonothérapie
spécifiquement, c'est plus que la moitié des personnes, dans le fond, les
femmes trans et les hommes trans. Donc, c'est quand même beaucoup plus populaire
chez les hommes trans et les femmes trans de prendre de l'hormonothérapie. Donc,
on est plus dans le 60 %. Mais c'est le fait que les personnes non
binaires... en fait, c'est plus comme un 20 % qui vont prendre de l'hormonothérapie.
Donc, les personnes non binaires en prennent moins. Donc, c'est un peu ce qui
donne les résultats que Martin a présentés.
Mme Maccarone : Quel serait l'impact?
Pouvez-vous vous exprimer un peu sur l'impact sur la communauté en question,
si, mettons, on ne corrige pas les dispositions discriminatoires dans le projet
de loi? Je pense que c'est très important de s'exprimer en ce qui concerne l'élément
émotionnel, psychosocial, parce que, tu sais, on parle beaucoup de... le
physique, on parle beaucoup des organes génitaux, mais on ne parle pas de, tu
sais, l'impact sur la personne... actuel.
• (16 h 50) •
Galantino (Gabriel James) : En
fait, les impacts sont assez nombreux, en effet. Mais donc, principalement, là,
donc là, quand on parle d'être obligés de subir un traitement hormonal ou
chirurgical et de changer son <corps...
Galantino (Gabriel James) :
...et
de changer son >corps de manière irréversible, alors qu'on n'en a pas
envie, ça peut être assez traumatisant. Déjà, juste le fait de vivre dans une
société où est-ce qu'on a l'impression qu'on est obligés de passer à travers un
processus de stérilisation, donc, c'est quelque chose qui est quand même assez
violent, donc, au-delà des... tu sais, l'impact corporel aussi. Mais en ce qui
concerne, tu sais, la mention de genre qui peut amener à des dévoilements
forcés, bien, la complication avec ça, en fait, principale, c'est que, bien, ça
met les gens en danger, tout simplement. Il y a des situations où est ce qu'on
ne peut juste pas, en fait, tu sais, dévoiler son identité trans, en fait, sans
être à risque de vivre de la violence. C'est, par exemple, quelque chose que
moi, je vis, personnellement, étant une personne trans. En fait, quand je
voyage, il y a des endroits spécifiques où je ne dévoile pas que je suis un
homme trans, parce que, bien, ça peut me mettre en danger. Et ça, c'est
important.
Mme Maccarone : Ça m'a
surprise, puis peut-être c'est juste parce que je ne l'ai pas vu dans le
mémoire, mais vous n'avez pas fait mention de retirer la mention d'altercations
à l'acte de naissance qui viendrait identifier, à même leur acte, les personnes
ayant effectué une transition légale. Je présume que c'est quelque chose que
vous souhaitez aussi.
Galantino (Gabriel James) : À
ma connaissance, on l'avait mis. D'ailleurs, si... je l'ai nommé à la fin. Donc,
oui, en effet, dans la même logique d'idée de tout ce qui a été nommé, en
effet, c'est à retirer. On est d'accord.
Mme Maccarone : Tout à fait. Puis
que pensez-vous de aussi... Il y a quand même des tarifs administratifs quand
on parle de tous ces changements. Puis pensez-vous que ça... Ça reste que c'est
une barrière institutionnelle pour plusieurs personnes de la communauté. Est-ce
que ça, c'est quelque chose que vous souhaitez, soit qui soit adressé, peut-être
par règlement ou autre, mais pour s'assurer qu'il y a quand même un accès pour
ces personnes qui se retrouvent souvent en situation de vulnérabilité? Je pense
que le portrait que les gens n'ont pas souvent des personnes de la communauté
trans, de la communauté LGBT, c'est que, souvent, ils se retrouvent en
situation défavorisée, et c'est souvent... ils se retrouvent souvent en
situation d'itinérance. Alors, je présume que ça, c'est aussi quelque chose que
vous souhaite voir.
Galantino (Gabriel James) : Mais
c'est sûr que, là, on parle peut-être d'une barrière aussi qui est financière.
Comme ce n'est pas sans coût, en fait, de changer la mention de sexe et de
prénom... donc, il y a des coûts qui sont associés à ça.
On sait, en effet, que les personnes trans...
si on se réfère, en fait, à Trans Pulse, on sait que la majorité des personnes
trans sont un peu plus éduquées, donc ils ont plus de diplômes postsecondaires
que la moyenne, mais ont des revenus, en fait, comme extrêmement bas... pas de
la statistique exacte, là, mais on parle d'un nombre assez étonnant de
personnes éduquées qui font 15 000 $ par année et moins. Donc, c'est
sûr que, dans un contexte comme ça, 150 $, 200 $, c'est quand même de
l'argent qui peut être une barrière. Je pense d'ailleurs que vous allez en
entendre parler de la part d'autres groupes, là. Il y a des groupes, en fait,
qui offrent un service de payer ces frais-là et qui offrent des services d'aide
juridique, d'encadrement, genre, pour aider les gens à remplir les papiers,
tout ça. Donc, oui, ça, c'est sûr que c'est une barrière qui existe, oui.
Mme Maccarone : Une dernière
question pour moi. Je veux que ça soit vraiment clair, parce que je pense que,
pour plusieurs personnes, c'est très difficile quand on parle, mettons, de la
communauté des personnes intersexes puis ce qui est proposé maintenant lors de
la naissance de l'enfant.
Que souhaitez-vous? Les parents donnent
naissance à un enfant intersexe, puis on veut... je pense que, la bonne volonté,
on veut respecter le chemin de cet enfant, on ne veut rien imposer. Que
proposez-vous en ce qui concerne l'acte de naissance pour cet enfant?
Galantino (Gabriel James) : Je
pense qu'à ce propos là, en fait, c'est un peu en dehors de notre champ d'expertise.
Tout ce qu'on peut faire, c'est faire du pouce sur la littérature scientifique
et les experts, en fait, qui en parlent. Et ce qu'on sait, en fait, c'est que,
bien, finalement, c'est moins dommageable d'assigner un sexe. On doit avoir une
mention de sexe à la naissance, plutôt que la mention de sexe indéterminée. C'est
ce qui a été rapporté, entre autres, par Janik Bastien-Charlebois, là, qui est
professeure à l'UQAM également.
Mais je pense que l'urgence, c'est de
mettre fin aux chirurgies génitales non consenties, qui, elles, ont des impacts
autant physiques que mentaux, là, sur le long terme. Donc, c'est sûr que c'est...
ce qui est le plus urgent et le plus important, c'est d'arrêter ces
chirurgies-là. Au-delà de ça, l'assignation du sexe, c'est moins dommageable
que la façon dont présentement l'article est formulé, avec la mention de sexe
indéterminé, qui pourrait mettre pression, en fait, à justement, finalement,
faire ces chirurgies-là ou accepter ces chirurgies-là. Donc, ce serait...
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Je vais céder
maintenant la parole à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques pour une
période de 2 min 43 s.
Mme Massé : Bonjour. Merci d'être
là. Moi, j'aimerais revenir sur la case X. Si je comprends bien votre mémoire,
l'idée de la case X serait réservée aux personnes non binaires. Donc, est-il
pensable que la case X pourrait être comme la case parent, c'est-à-dire que les
gens s'autodéterminent et donc décident s'ils veulent un M, un F ou un X? Parce
que, sinon, si c'est réservé aux non binaires, il me semble qu'on ne règle pas
le problème de la <divulgation...
Mme Massé :
...de la >divulgation... du dévoilement sans consentement. Alors, j'aimerais
vous entendre là-dessus.
M. Blais (Martin) : En
fait, peut-être le premier point, c'est qu'à la différence, c'est que les
personnes peuvent le choisir. Et donc, quand on le choisit, on choisit aussi
que ce soit sur nos papiers d'identité. Et donc, quand on le montre, on sait ce
que ça veut dire. Donc, ça, déjà, qu'il y ait ce choix, c'est une partie du
problème de réglée.
Maintenant, est-ce que cette mention
devrait être ouverte à tout le monde? Bien, c'est une question d'autodétermination,
hein? Je veux dire, tout le monde, à un moment au cours de sa vie, peut faire
une transition, peut affirmer une identité de genre différente de celle qui lui
a été assignée. Donc, il n'y a pas... A priori, il n'y a effectivement pas de
raison de l'exclure, hein? Ce n'est pas comme s'il n'y a pas une évolution ou
une fluidité dans la question du genre. Donc, si une personne, au courant de sa
vie, voulait changer sa mention de sexe pour un X, a priori, il n'y a pas de
raison de remettre en question ce besoin ou ce désir chez elle.
Mme Massé : O.K. Merci. Vous
avez dit clairement que, dans le fond, le sexe réfère, dans notre pensée
collective, aux organes génitaux, hein? C'est comme l'espèce de... et le genre
réfère à ce qu'on... notre identité de genre. Pourquoi vous avez choisi de
maintenir la mention de sexe et ne pas péter le câble jusqu'à dire : On n'emploie
plus ça, ce vieux terme là, et on va parler maintenant de mention de genre mais
pour tout le monde?
M. Blais (Martin) : Ce
serait aussi une option.
Mme Massé : C'est aussi
une option.
M. Blais (Martin) :
Bien, c'est aussi une option. On peut aussi juste... mention, si vous voulez
péter le câble, mais ça dépend si on opère dans les paramètres qui sont ceux
actuellement ou bien on opère complètement à l'extérieur.
Mme Massé : O.K. Donc,
ce n'est pas un choix, dans le sens que vous avez choisi de maintenir ce
langage-là, de sexe, mention de sexe, parce que vous pensez que, politiquement,
ça allait mieux être accepté? Parce que vous croyez que c'est mieux, ça? C'est
un peu le sens de ma question.
M. Blais (Martin) :
Parce que c'est la mention que tout le monde connaît, parce que c'est plus... c'est
plus simple à faire passer, parce que ça soulève moins de questionnements qu'un
système de double mention. Mais après, quand on remplace la mention, tout le
monde... mention de genre... Je pense que, vraiment, l'important, c'est de ne
pas isoler des sous-groupes qui auraient accès à des mentions spécifiques.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup.
M. Blais (Martin) : Mais
après, si on change la mention pour tout le monde...
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de Joliette, s'il
vous plaît.
Mme Hivon : Merci. Bonjour
à vous deux. Exactement dans la même veine, vous avez dit : Tant qu'à
péter le câble, pourquoi est-ce qu'on garde une mention, que ce soit une
mention de sexe ou une mention de genre? Il y a des gens qui se posent cette
question-là. C'est quoi, votre position là-dessus? Est-ce qu'on devrait faire
une réflexion, à savoir : Est-ce qu'on devrait juste carrément enlever ces
mentions-là ou est-ce qu'elles sont toujours pertinentes? Et, si oui, pourquoi?
On fait le débat, hein, puis on ne changera pas le Code civil dans deux, trois
ans. Donc, tant qu'à le faire, faisons-le...
Galantino (Gabriel James) :
Bien, pourquoi? En fait, je pense qu'une des options qui pourrait être à
explorer, c'est le fait d'offrir la possibilité de l'enlever aux personnes qui
veulent ne pas l'avoir. Après, à l'inverse, pour certaines personnes trans...
Par exemple, moi, j'ai le privilège de
passer, dans le sens où... comme j'ai un M sur ma carte d'identité, mais c'est
rare qu'on m'appelle «madame» dans la rue. Mais peut-être qu'il y a certaines
personnes qui n'ont pas ce privilège-là, de passer, donc.
À l'inverse, le M ou le F peut, sur la
carte d'identité, bien, peut servir, finalement, à éviter de se faire mégenrer
et à permettre de s'affirmer aussi. Donc, pour certaines personnes, ça peut
être important dans ce sens-là.
Après, au niveau médical, je ne pense pas
que c'est quelque chose qui est nécessairement pertinent parce que, peu importe
la lettre qu'on a, si... et on a tous des corps qui sont différents, donc c'est
à discuter avec notre médecin, et j'espère que le médecin pose les questions qu'il
faut dans ce sens-là.
Mais, à part de ça, c'est vrai que pour...
ce n'est pas la mention la plus utile, mais je pense que, pour certaines
personnes, en effet, ça peut... Mais c'est aussi une question que... je pense
que c'est quelque chose qui est là depuis, en effet, comme vous l'avez dit,
depuis très longtemps. Ça fait un peu partie du système qu'on a. Mais, au-delà
de ça, comme il n'y a pas de critique sur le système de mention de sexe, dans
le sens où, comme... Tu sais, nous, on en a discuté avec les groupes, puis
présentement, c'est quand même un système qu'on considère que... bien, une
mention de sexe qui reflète l'identité de genre, ça fonctionne. Après, s'il y a
d'autres propositions, bien, il faudrait qu'on en discute, en effet, avec les
groupes, parce que c'est eux qu'on représente.
• (17 heures) •
Mme Hivon : Puis vous,
ce que vous nous dites, dans le fond, c'est : Que ce soit mention de sexe
ou mention de genre, vous n'avez pas vraiment de préférence. J'imagine que
mention de sexe, c'est aussi beaucoup parce que c'est à la naissance qu'on
inscrit ça pour la première fois. Puis, à ce moment-là, l'enfant ne s'autodétermine
pas encore, d'où l'idée qu'on est allés avec «sexe». Mais, pour vous, il n'y a
pas vraiment d'enjeu.
Est-ce qu'il y a un modèle, qui existe
dans le monde, qui vous apparaît particulièrement <inspirant par rapport
à toute cette question-là...
>
17 h (version révisée)
<27
Mme
Hivon :
...qui vous apparaît particulièrement >inspirant
par rapport à toute cette question-là qui fait...
M. Blais (Martin) :
Le modèle dont on a discuté, et qui
semblait quand même rallier pas mal de monde, c'est l'ajout d'une mention de sexe
X.
Mme Hivon : O.K. Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Alors, à moi de vous remercier
d'avoir participé aux travaux de la commission. C'est très, très, très
apprécié.
Cela dit, je suspends les travaux quelques
instants pour accueillir nos autres témoins. Merci beaucoup, à bientôt.
(Suspension de la séance à 17 h 01)
>
(Reprise à 17 h 08)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend
ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir la Pre Isabel Côté
et le Pr Kévin Lavoie. Alors, merci beaucoup d'être avec nous cet
après-midi. Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation,
et, après ça, on aura une période d'échange avec les membres de la commission.
Donc, je vous invite à vous identifier de nouveau avec vos titres et à débuter
votre exposé. La parole est à vous.
Mme Isabel Côté et M. Kévin Lavoie
Mme Côté (Isabel) : Oui,
bonjour. Je m'appelle Isabel Côté. Je suis professeure au Département de
travail social de l'Université du Québec en Outaouais et titulaire de la Chaire
de recherche du Canada sur la procréation pour autrui et les liens familiaux.
Et mon collègue...
M. Lavoie (Kévin) : Et je m'appelle
Kévin Lavoie. Je suis professeur adjoint à l'École de travail social et de criminologie
à l'Université Laval.
Mme Côté (Isabel) : Donc, je
vous remercie beaucoup de nous avoir invités à partager nos réflexions
concernant le projet de loi n° 2. Pour situer brièvement nos expertises, nos
travaux visent à explorer la nature et la signification des liens induits par
le recours à une tierce partie pour la conception ou la gestation d'un enfant,
qu'il s'agisse d'un donneur ou d'une donneuse de gamètes, ou encore d'une mère
porteuse. Nous avons développé une compréhension globale et intégrative des
expériences de ces familles à partir du point de vue des personnes concernées,
à savoir les parents, les enfants et les tiers de procréation.
Donc, notre mémoire traite de façon
exhaustive la gestation pour autrui et de la question des origines, de façon un
peu plus marginale de la pluriparenté, mais, pour les biens de la présentation,
on va se concentrer sur deux éléments, de la gestation pour autrui et de la
question des origines.
Donc, concernant la GPA, nous voulons, en
premier lieu, discuter des conditions préalables à l'établissement de la
filiation. D'abord, il faut savoir que la GPA est un processus de procréation
éminemment relationnel. En effet, les travaux empiriques démontrent que la
relation qui unit les adultes concernés est la base d'un processus de GPA
harmonieux. C'est également ce qui assure la pérennité des liens après la
naissance de l'enfant.
Nous saluons donc le fait que le projet de
loi n° 2 propose un processus formalisé, obligeant les parties à rencontrer un
professionnel du domaine psychosocial habilité à pouvoir discuter des tenants
et aboutissants d'un projet de GPA avant même le début de la grossesse. À notre
avis, cela s'inscrit dans une perspective résolument préventive, permettant de
réduire les risques de mésentente et de discorde, et ce, non seulement dans l'intérêt
supérieur de l'enfant, mais également de celui de la femme porteuse et des
parents d'intention. Le fait que chaque partie soit vue séparément pour avoir l'opportunité
de discuter librement et sans contrainte de ses attentes et appréhensions quant
au processus de GPA est également salué.
• (17 h 10) •
Par contre, nous proposons quatre
modifications pour que le processus soit plus efficient. Premièrement, qu'une
troisième rencontre soit ajoutée au processus pour la mise en commun des
discussions entre les parties. Des recherches démontrent effectivement que c'est
le développement d'une vision commune qui constitue la meilleure façon d'éviter
les <malentendus...
Mme Côté (Isabel) :
...d'éviter
les >malentendus, les désaccords ou encore les déceptions.
Deuxièmement, l'obligation, pour les
professionnels du domaine psychosocial, de détenir une certification qui les
habilite à effectuer les rencontres pour remplir les conditions préalables à l'établissement
de la filiation d'un enfant né par GPA selon la voie administrative.
Actuellement, aucun cursus universitaire en travail social ou en psychologie,
qui sont les deux professions qui sont habilitées à intervenir dans ce champ de
travail, n'offre une formation approfondie sur les enjeux liés à la procréation
assistée pour autrui. Et l'objectif, évidemment, de la formation qualifiante est
d'éviter que n'importe qui s'improvise spécialiste de ces enjeux si
fondamentaux.
Troisièmement, plutôt qu'une simple
attestation, qu'un rapport soit rédigé par les professionnels du domaine
psychosocial à la fin des rencontres afin que les aspects éthiques,
relationnels et sociaux qui auront été négociés soient reproduits dans la
convention notariée.
Et enfin, l'obligation, pour les
professionnels et les notaires qui seront impliqués, d'exercer de manière
indépendante et autonome des cliniques de fertilité ou des agences de gestation
pour autrui qui vont s'implanter, évidemment, là, sur le territoire. Cette
mesure permettra d'assurer l'expression du consentement libre et éclairé de la
femme porteuse et d'éviter que les parents d'intention, qui seront considérés
comme les clients de ces services, soient favorisés à son détriment. Cette
recommandation est d'ailleurs en conformité avec les Principes de Vérone pour
la protection des enfants nés par GPA, qui ont été publiés, là, plus tôt cette
année. Ces principes sont destinés à inspirer et orienter les réformes
législatives, politiques et pratiques sur le respect des droits des enfants nés
par GPA.
Je cède maintenant la parole à mon
collègue.
M. Lavoie (Kévin) : Pour ma
part, je vais mettre de l'avant les enjeux et rappeler nos recommandations
concernant deux aspects de l'encadrement de la gestation pour autrui, la
dimension transfrontalière et le rôle des intermédiaires privés dans l'écosystème
de la procréation assistée au Québec.
Alors, premièrement, il nous apparaît
judicieux que le projet de loi propose d'encadrer les processus des GPA se
déroulant hors Québec. Nous accueillons favorablement le fait que le projet de
loi stipule qu'une GPA se déroulant en dehors du territoire québécois doit avoir
lieu dans une juridiction respectant les droits des femmes porteuses et des
enfants à naître. L'exercice de statuer si une province canadienne ou si un État
encadre la GPA de façon éthique implique une réflexion approfondie et éclairée
sur les tenants et aboutissants du processus et de son contexte sociopolitique.
Nous proposons que ce mandat soit confié
au Secrétariat à l'adoption internationale, le SAI, qui a déjà une expertise
transférable en matière de parenté transnationale et de mobilité des enfants. Dans
cette éventualité, seuls les projets ayant reçu l'approbation du SAI se
verraient alors reconnus par l'État québécois.
Dans le but de mettre en place un nouveau
volet, le SAI devra néanmoins développer une expertise à l'interne
spécifiquement sur la GPA puisque les enjeux psychosociaux et éthiques
rencontrés, la question des origines et l'intérêt de l'enfant dans un tel
contexte recèlent des particularités très différentes de ce qui est connu et
documenté en matière d'adoption internationale. Autrement dit, il serait
contre-indiqué de simplement copier-coller les constats liés au vécu des
familles adoptives et des personnes ayant été adoptées à l'international pour
guider l'élaboration de protocoles et de trajectoires de services en matière de
GPA.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que
le Canada et le Québec sont des lieux où s'actualisent déjà des ententes de GPA
transnationales. Il y a déjà, d'ailleurs, une proportion importante de projets
de GPA qui sont formulés par des parents d'intention internationaux. Du fait du
système de santé public et universel, il est, en effet, moins onéreux pour des
couples étrangers de faire appel à une femme porteuse québécoise ou canadienne
que d'aller aux États-Unis, par exemple, où les frais liés à une GPA sont
beaucoup plus élevés. À notre avis, cette situation pose plusieurs enjeux
éthiques importants.
D'une part, dans le cas où une entente de
GPA ne serait pas respectée, il pourrait être vraiment compliqué, voire
impossible d'obliger les parents établis dans un autre pays de donner suite au
projet ou encore d'assumer la responsabilité à l'endroit de la femme porteuse
et de l'enfant. Nous avons d'ailleurs documenté une situation où des parents
européens ne sont jamais venus récupérer leur nouveau-né, laissant la femme
porteuse avoir la responsabilité de planifier le projet de vie de l'enfant, en
ce cas-ci, en le confiant aux services d'adoption. On doit faire en sorte de
prévenir qu'une telle situation se répète.
D'autre part, considérant la pénurie de
ressources que l'on constate actuellement dans le réseau de la santé, alors que
certains hôpitaux arrivent difficilement à maintenir l'ouverture et la
disponibilité des salles d'accouchement, il apparaît injuste que ces ressources
soient mobilisées pour la concrétisation de projets parentaux de personnes ne
résidant pas au Québec. Bien que l'article 541.7 du projet de loi stipule
explicitement que les parents d'intention doivent être domiciliés au Québec
depuis au moins un an, nous suggérons que cette période doit avoir eu cours
avant le début de la grossesse. De plus, nous proposons que soit explicitement
interdit tout processus de GPA impliquant un ou des parents d'intention
résidant en dehors du territoire <canadien...
M. Lavoie (Kévin) :
...
résidant en dehors du territoire >canadien.
Deuxièmement, il conviendrait de profiter
de l'occasion pour circonscrire le rôle des intermédiaires privés oeuvrant dans
le domaine de la GPA. Des agences vont probablement s'implanter au Québec dès l'adoption
de la loi. Or, leur rôle dans l'écosystème de la procréation assistée au Québec
n'est toujours pas régulé à l'échelle canadienne. Le laissez-faire qu'on
observe ailleurs au pays, notamment en Ontario, ouvre la porte à différentes
manières de faire qui ne font l'objet, en ce moment, d'aucune évaluation ni d'un
quelconque suivi. Il serait judicieux de se doter, au Québec, d'un cadre qui
délimiterait le champ d'activité de ces intermédiaires pour ainsi éviter les
dérives possibles, comme c'est documenté dans certaines recherches empiriques.
Je redonne maintenant la parole à ma
collègue Isabel pour discuter de la question des origines.
Mme Côté (Isabel) : Donc,
nous accueillons favorablement que le projet de loi institue un droit à la
connaissance des origines en faveur des personnes nées par don. Toutefois, il
importe de faire la distinction entre l'anonymat et le secret lorsqu'il est
question des origines.
En effet, pour qu'une personne conçue par
don puisse se saisir de son droit à connaître ses origines, il faut que l'information
liée à son mode de conception lui ait été préalablement, évidemment, transmise
par ses parents. Or, nos recherches démontrent que la divulgation à son enfant
de la conception par don de gamètes reste un sujet difficile, particulièrement
pour les parents hétérosexuels. C'est pourquoi certains pays, l'Australie, par
exemple, ont mis en place des modalités de divulgation obligatoire par le biais
d'une information qui est automatiquement transmise par l'état civil à toute
personne conçue par don lorsqu'elle atteint sa majorité. Évidemment, nous nous
réjouissons que cela ne soit pas l'avenue préconisée par le projet de loi n° 2
et que la responsabilité de la divulgation soit laissée aux parents.
En revanche, il faut qu'ils soient mieux
soutenus dans cette démarche. Nos recherches et toutes celles conduites sur le
sujet démontrent que c'est une fois l'enfant né que toutes les craintes liées à
la divulgation surgissent, de même que les questionnements sur la façon de
procéder. Ça fait en sorte que, même si les parents ont envie de divulguer l'information,
ils retardent le moment de le faire, faute de savoir comment le faire, et plus
on retarde, plus on est pris dans le secret, moins on sait comment s'en
dégager. C'est pourquoi nous recommandons que les parents qui conçoivent leurs
enfants à l'aide d'un don puissent avoir accès à un professionnel du domaine
psychosocial habilité à les outiller quant aux enjeux de la divulgation, mais
ce une fois l'enfant né.
En ce qui concerne la démarche qui consiste
à demander des informations sur les tiers de procréation, nous croyons qu'une
rencontre avec un professionnel habilité devrait également être préalable et
obligatoire à toute demande, en vertu de l'article 542.3, et non pas seulement
proposé, là, comme le mentionne l'article 542.9. Cette proposition est d'ailleurs
inspirée des mesures mises en place depuis plusieurs années en Australie. Cette
rencontre pourrait être l'occasion de discuter de l'ensemble des implications
qui découlent de cette demande d'information, à savoir les motivations qui
sous-tendent la demande, les émotions qui peuvent en résulter, les attentes,
etc. Et nous savons déjà que l'expérience des personnes a plus de chances d'être
bénéfique quand l'ensemble des parties est bien préparé et que cette quête d'information
mène... que cette quête d'information mène à des contacts ou non.
Alors, nous vous remercions de votre
attention.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Mme
Côté, M. Lavoie, bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission. Je
suis heureux de pouvoir vous entendre puis de compter sur deux chercheurs
spécialisés dans le domaine.
Écoutez, vous dites, dans votre mémoire :
«En proposant d'encadrer la gestation pour autrui et en instituant un nouveau
droit à la connaissance des origines, le législateur propose plusieurs avancées
significatives qui soutiendront le mieux-être des familles concernées par ces
enjeux.» Je pense que vous résumez bien, dans cette phrase, ce qu'on souhaite
faire, notamment l'actualisation du droit à la réalité des familles.
Je vais avoir plusieurs questions sur
différents sujets. Vous avez abordé plusieurs choses, notamment la question des
agences. Je comprends que, là, nous, on est en retard par rapport aux autres
juridictions canadiennes relativement à l'encadrement de la gestation pour
autrui. Ça existe au Québec. Ça se fait, mais, comme on dit, ça, ça se fait un
peu en dessous de la couverte. Ailleurs, ils ont déjà mis un cadre relativement
à ça. Mais là vous dites : Écoutez, faites attention aux agences. Il y
aurait lieu, dans le projet de loi, aussi de prévoir des modalités pour éviter
ou encadrer le recours aux agences.
Donc, deux questions : Pourquoi, et,
si on ne le fait pas, c'est quoi, les enjeux potentiels?
• (17 h 20) •
M. Lavoie (Kévin) : Oui.
Bien, merci pour la question, M. le ministre.
En ce moment, en fait, peut-être... Vous
avez dit que le Québec est un peu en retard, mais je pense que, tant que, maintenant,
on a l'occasion de le faire, aussi bien de bien le faire puis bien s'occuper
pour pouvoir encadrer, parce qu'en ce moment quelqu'un peut se partir une PME où
il y a une certaine expérience ou développer une agence, comme ça, qui va être
privée, établir des liens avec des cliniques de fertilité, par exemple, des
notaires, des juristes, des avocats, avocates, et là pouvoir proposer d'orchestrer
le processus, parce que les agences, c'est ça, leur rôle, en fait, elles vont
trouver... ça va être la prise de contact entre les parents d'intention et les
femmes porteuses.
Donc, c'est une prise de contact. C'est un
peu... Ils vont jouer un rôle d'entremetteur, dans le contexte d'un processus
de GPA, puis ensuite s'assurer de mettre en lien tous les intermédiaires qui
sont concernés, donc, dans le <domaine...
M. Lavoie (Kévin) :
...dans le >domaine médical
et dans le domaine juridique, pour éventuellement mener à la naissance de l'enfant.
Il y a des beaux avantages d'une agence. En termes de soutien social pour les
femmes porteuses, par exemple, il y a des agences qui vont déployer différentes
mesures de retraite, de recours, tout ça. Bref, il y a quand même une forme de
soutien qui peut être chouette.
Mais, d'un autre côté, c'est qu'on ne sait
pas ce que les agences font, finalement, au quotidien, leurs pratiques, leurs
façons de faire. Il y a des bonnes agences qui sont connues, qui sont
implantées depuis plusieurs années. Puis on a simplement vu, dans les cinq
dernières années, il y en a plusieurs qui se sont établies, qui se sont
implantées, principalement en Ontario, puis, en fait, c'est qu'on voudrait
alerter le législateur. En fait, c'est de savoir : Bien, il y a un peu de
tout et n'importe quoi qui peut être fait dans ce contexte-là, est-ce que c'est
bien soutenu, est-ce qu'il y a des bonnes mesures?
Et une des préoccupations qu'on soulève
également, c'est que les clients, clientes vont être les parents d'intention,
et non pas les femmes porteuses. Donc là, il y a peut-être un enjeu par rapport
à faire... bien, qui va représenter les droits et les responsabilités des
femmes porteuses, parce qu'à l'heure actuelle, à ma connaissance, il n'y a pas
d'association de défense des droits. Donc, qui va porter la voix des femmes
porteuses dans un contexte où il pourrait y avoir, par exemple, un conflit, une
méconnaissance, une... Peu importe le contexte, bien, comment on va faire la
médiation? Ça va être quoi, les recours possibles? Où se trouve la bonne
information?
Donc, pour les agences, je pense qu'il y
aurait un peu un ménage pour pouvoir mieux encadrer, puis circonscrire leur
rôle, puis où est-ce qu'ils peuvent aller, et où est-ce qu'ils ne peuvent pas
aller non plus.
Mme Côté (Isabel) : ...si
vous permettez, le rôle des agences, c'est... Bien, en fait, une agence, le but
premier, c'est de faire de l'argent. Ça, il faut comprendre ça. Donc, les
services qui sont là-dedans, c'est des services qui sont aussi monnayés. C'est
une des raisons pour laquelle nous, on préconise que les intervenants du
domaine psychosocial et les notaires soient autonomes de ces pratiques-là, tout
simplement aussi parce qu'une fois qu'on a le pied dans la porte c'est
difficile, pour une femme porteuse, de reculer. On a déjà rencontré une agence.
On a déjà engagé des frais, parce qu'il y a des frais pour ça. On a déjà fait
tout ça. Donc, c'est plus difficile, pour elle, après ça, de reculer, et ça
nous permet d'assurer une meilleure autonomie pour elle.
M. Jolin-Barrette : Donc, ce
que vous nous dites, c'est : si on permet les agences, que ça soit
strictement encadré, sauf que je déduis de votre propos aussi qu'il pourrait ne
pas y avoir d'agence aussi, que ça soit interdit.
M. Lavoie (Kévin) : Si on
souhaite ne pas, bien, en fait, interdire les agences, ce qui risque de se
passer, selon moi, c'est qu'il va y avoir encore la mobilité interprovinciale
qu'on observe déjà. Il y a déjà des femmes porteuses québécoises qui vont se
tourner vers l'Ontario parce qu'elles préfèrent avoir l'encadrement. Ça les
sécurise, elles ont des recours possibles. Ça leur permet également de briser l'isolement
parce qu'elles vont rencontrer d'autres femmes qui vivent quelque chose de
similaire.
Donc, ce besoin-là est essentiel, puis je
pense qu'il faut être à l'écoute de cette préoccupation-là, parce que les
femmes qu'on a rencontrées, c'est ce qu'elles mentionnent, c'est qu'il y en a
certaines qui préfèrent, au contraire, ne pas être avec une agence, pour
plusieurs raisons. Mais, pour celles qui souhaitent avoir une forme de soutien,
avoir également un choix éclairé, pouvoir être guidées dans le processus, avoir
des mentors, parfois, avoir... bref, pour tout ça, je pense, ça pourrait être
intéressant pour...
Mais, après ça, il faut le circonscrire,
justement, l'enjeu et l'accréditation, par exemple, des agences. Donc, vous
voulez démarrer, par exemple, une agence privée, bien, voici les critères à
rencontrer, voici les mandats qu'on pourrait vous confier pour bien faire votre
boulot, votre travail auprès des femmes porteuses et des parents d'intention.
Donc, on pourrait... Je pense que cette discussion-là pourrait être amenée dans
le projet de loi, discutée pour pouvoir couvrir cet aspect-là qui, en ce
moment, ne l'est pas.
M. Jolin-Barrette : Une autre
question. Sur les conventions notariées, on a mis, dans le projet de loi, un
pouvoir réglementaire qui vise à venir définir ce qu'il peut y avoir dans une
convention notariée. Pourquoi, selon vous, c'est important de venir stipuler
les clauses qui peuvent être présentes? Et qu'est-ce qui doit être interdit
également? Parce que, dans le cadre de vos recherches, j'imagine que vous avez
constaté que, parfois, il y a certaines choses qui étaient exigées des mères
porteuses dans des contrats.
Selon votre expérience, là, qu'est-ce qui
était déraisonnable dans les contrats que vous avez analysés ou dans la
littérature que vous avez constatée, qu'il y a des choses qu'on a demandées à
des mères porteuses puis elles ne devraient pas se retrouver dans des
conventions notariées, là? Parce que, dans le fond, on souhaite établir un
cadre avec un ordre public pour que ça soit très clair, pour protéger la mère
porteuse, mais où vous nous invitez à aller pour dire : Bien, ça, ça ne
doit pas être dedans, puis on doit le prévoir nommément que ça ne doit pas être
dedans?
Mme Côté (Isabel) : En fait,
ce qu'on veut éviter, avec les conventions notariées, c'est que ça soit un
modèle prédéfini qui est pour tout le monde. En fait, c'est pour ça qu'on
recommande que la troisième rencontre vise à faire un rapport des intervenants
du domaine psychosocial, qui pourrait être ensuite retransmis dans la
convention notariée, parce que chaque entente peut différer.
Par exemple, je donne un exemple de négociation
qui a lieu, c'est savoir... Actuellement, notamment dans le cadre de la COVID,
là, on a rencontré... On a un groupe fermé, Facebook, de femmes porteuses, puis
il y a beaucoup de discussions là-dessus qui ont lieu actuellement, sur qui va
être là au moment de l'accouchement : Moi, j'aimerais que ça soit mon
conjoint qui soit là pour l'accouchement, mais les parents veulent être là,
mais il y a juste une personne de disponible, donc ça serait qui, des deux
personnes, lequel des deux parents ou... versus <mon...
Mme Côté (Isabel) :
...parents
versus >mon conjoint... Donc, des discussions comme ça, qui diffèrent d'une
femme porteuse à l'autre, qui doivent discuter préalablement puis qui doivent
être reproduites dans la convention.
Ce qu'on a constaté avec les contrats, c'est
que les femmes porteuses ne comprennent pas les contrats, ni les parents d'intention.
On a vu plusieurs contrats, des contrats très lourds, très longs, dans lesquels
est stipulé toutes sortes de trucs qu'ils ne comprennent pas ou qui ne sont pas
nécessairement facilement applicables, notamment, par exemple, d'être discrète
sur ta grossesse pour autrui pour... par confidentialité pour le parent. Mais,
tu sais, quand on est enceinte, on ne peut pas cacher ça, là. On ne peut pas
dire qu'on n'est pas enceinte puis on ne peut pas dire que c'est pour autrui
parce qu'il n'y aura pas de bébé après. Donc, des éléments comme ça...
Et finalement, toute la question de l'autonomie
reproductive, ne pas manger de noix, ne pas prendre tes enfants, ne pas faire d'exercice
physique intense, bon, tous les enjeux qui vont réguler le corps des femmes ou
qui vont réduire sa latitude devraient être formellement interdits. Ça, c'est
clair. Puis les conventions, les rencontres préalables, c'est ce qu'elles
visent, en fait, c'est aussi de rencontrer les parents pour dire :
Voyez-vous, une grossesse pour autrui, c'est une grossesse dans laquelle tu n'as
pas de contrôle, ce n'est pas comme si c'était ta propre grossesse, dans laquelle
tu vas t'astreindre à ci ou à ça en fonction de ta grossesse, mais celle-là, ça
n'en est pas une. Il faut que tu en sois consciente, et, si tu n'es pas
consciente de ça, bien, ce n'est peut-être pas un projet pour toi actuellement.
Et ça, souvent, les parents qui
comprennent ça, bon, bien, pour eux, c'est plus facile de rentrer dans le
processus, mais il y en a qui ne comprennent pas. Puis, dans le cadre des
agences, bien, les agences disent : Bien, on peut demander ça, on peut
faire en sorte que ça soit ça, puis eux, ils vont là-dedans sans nécessairement
se questionner plus avant.
M. Lavoie (Kévin) : ...peut-être
d'autres aspects concernant les conventions signées. Quand j'ai rencontré des
femmes porteuses dans le cadre de mes recherches puis je leur demandais :
Il y a-tu des clauses qui t'ont rendue inconfortable, qui t'ont... que tu as
voulu enlever?, il y en a plusieurs, justement, qui étaient soulevées par
rapport à leur liberté, par rapport à qu'est-ce qu'elles mangeaient, la
quantité de café qu'elles pouvaient consommer, tout ça. Ça, c'est une chose.
Mais également, il y a des clauses un peu
plus subtiles et pernicieuses. Par exemple, en cas de litige, on va se référer
au médecin, qui va trancher, mais il y a quand même quelque chose à se questionner
en termes de préoccupations. C'est que, là, on confie puis on dévolue nos
pouvoirs décisionnels. Donc, le pouvoir des femmes sur leur corps, on le confie
à des experts dans le domaine médical. Et ça, vous voyez qu'il y a beaucoup de
juristes qui le mettaient par habitude, comme ça, donc, un format comme ça, juste...
On va s'assurer qu'il y ait le moins de risque possible, mais, encore là, la
liberté d'agir des femmes... Je pense que les brimer... Dans ce contexte-là,
donc, on devrait interdire... Puis ça, ça peut se faire dans les contrats de
gré à gré, bien, dire : Regarde, il y a tous ces univers-là qu'on ne peut
pas en mettre... on ne peut pas le mettre... coucher sur papier.
Il y a également d'autres facettes. Par
exemple, les médias sociaux, O.K., bien, la femme porteuse ne peut pas mettre
de... afficher sa grossesse pour autrui. Par contre, une grossesse, c'est
public. Donc, ça restreint énormément le pouvoir d'agir, l'utilisation des
médias sociaux des femmes porteuses. Dans ce contexte-ci, bien, vous voyez, des
petites choses comme ça, d'apparence anodine, bien, finalement, au quotidien,
peuvent venir vraiment brimer le pouvoir d'agir des femmes.
Donc, ça, c'est le genre de clause,
également, à vraiment venir se questionner... de voir leur pertinence, puis, en
bout de ligne, c'est souvent ces clauses-là qui sont sur le fardeau des épaules
des femmes porteuses et non pas des parents d'intention.
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, je suis d'accord avec vous. C'est très, très clair pour moi qu'un des
objectifs de venir encadrer la gestation pour autrui, c'est de préserver l'autonomie
de la mère porteuse en toutes circonstances, puis, tu sais, ça, je l'ai dit dès
le départ, là. Vous amenez des points précis, notamment, supposons, avec un
tiers, avec un médecin ou quelqu'un... un membre du corps médical, mais, pour
moi, pour le gouvernement, c'est très clair que l'autonomie, en tout temps, de
la femme sur son corps, c'est ce qui va guider nos travaux, notamment le
recours à l'avortement, peu importe au moment où la femme décide de procéder. C'est
pour ça que le contrat, de la façon dont il est fait, il n'est exécutoire que d'un
seul côté, donc, en faveur de la mère porteuse.
Donc, exemple, sur l'avortement, une femme
va toujours pouvoir conserver la possibilité de se faire avorter dans le cadre
de son processus, dans le cadre de son cheminement. Ça, c'est indéniable, puis
je l'ai dit dès le départ, puis il n'y a rien dans le projet de loi qui
pourrait remettre en question la notion d'avortement. Ça, c'était fondamental,
puis c'est ce qui a guidé notamment nos travaux aussi pour dire : L'autonomie
de la femme, en tout temps, doit demeurer, même s'il y a des contrats de
gestation. Puis justement, le contrat est là pour protéger la mère porteuse et
l'enfant à naître également.
Avant de céder la parole à mes collègues,
j'aurais une question sur la pluriparentalité, parce que vous l'avez abordée.
Vous, vous dites : Bien, écoutez, on devrait ouvrir... Nous, le choix qu'on
a fait, c'est de ne pas ouvrir là-dessus, notamment. Il y a peu d'études. Je
pense que vous êtes d'accord avec ça. Je voudrais vous entendre, là, sur votre
proposition, vous, de dire : On souhaiterait avoir la pluriparentalité.
• (17 h 30) •
Mme Côté (Isabel) : Oui, tout
à fait. En fait, <effectivement, sur les enfants qui grandissent avec
plusieurs parents, des processus formalisés d'études, il y en a peu. Pourquoi?
Parce qu'il y a peu de...
>
17 h 30 (version révisée)
<15359
M.
Jolin-Barrette :
...même
s'il y a des contrats de
gestation. Puis justement le contrat est là pour protéger la mère porteuse et
l'enfant à naître
également.
Avant de céder la parole à mes
collègues,
j'aurais une
question sur la pluriparentalité,
parce que vous
l'avez abordée. Vous, vous dites : Bien,
écoutez, on devrait
ouvrir. Nous, le choix qu'on a fait, c'est de ne pas ouvrir
là-dessus, n
otamment.
Il y a peu d'études.
Je pense que vous êtes
d'accord avec
ça. Je voudrais vous entendre, là, sur votre
proposition à vous, de
dire : On souhaiterait avoir la pluriparentalité.
Mme Côté (Isabel) :
Oui,
tout à fait. En fait, >effectivement, sur les enfants qui
grandissent avec plusieurs parents, des processus formalisés d'études, il y en
a peu. Pourquoi? Parce qu'il y a peu de, comment je pourrais dire, de
législations qui légifèrent ça pour l'instant. Donc, évidemment, pour pouvoir
faire des études, il faut encore qu'on puisse avoir les mécanismes en place
pour étudier.
Par contre, dans le cadre de mes
recherches, moi, j'ai étudié les enfants qui naissent de couples lesbiens avec
des donneurs connus, donc des hommes dans l'entourage des femmes, qui agissent
comme donneurs et qui, dans certains cas, agissent comme des pères, dans d'autres
cas, pas du tout, là, ce sont des amis, des parents. Et là je comparais les
discours de l'ensemble de ces enfants-là. Et des enfants qui ont deux mamans
puis un papa, et des enfants qui ont deux mamans et un donneur, ils font la
nette... tous ces groupes d'enfants là font une nette différence. Donc, les
enfants qui ont... qui grandissent avec deux mamans puis un papa, bien,
évidemment, ce que ça fait en sorte, c'est que ces enfants-là ne sont pas
protégés en cas de conflit ou ce n'est pas reconnu... en fait, leur modèle
familial n'est pas reconnu, puis ils ne sont pas protégés, si jamais, pour une
raison ou pour une autre, un des parents allait à s'en aller.
Donc, c'est sûr que, pour nous, le
meilleur intérêt de l'enfant consiste à ce que son modèle familial soit
reconnu. Et, en 2002, on avait dit un peu ça, en fait : C'est un peu
compliqué de réguler les familles de même sexe. Puis pourtant, on l'a fait et
puis on a été des précurseurs, à travers la planète, de l'avoir régulé de cette
façon-là. Personne n'était allé aussi loin qu'on a eu à ce moment-là. 20 ans
plus tard, force est de constater que tout va bien, là, qu'il n'y a pas eu de
problème et, au contraire, ça s'est très bien passé. Et je pense que là, on a
une opportunité, avec la pluriparenté, d'ouvrir la porte pour le meilleur
intérêt de ces enfants-là, des enfants concernés, ça ne sera pas beaucoup d'enfants,
mais les enfants concernés.
Ce qu'on fait en faisant ça, c'est qu'on
vient sécuriser leurs liens avec tous les adultes qui sont considérés comme des
parents. Parce que ce que ça fait, c'est que, des fois, les parents sont
obligés d'utiliser la filiation de façon créative. Par exemple, dans un
contexte où j'ai rencontré dans... c'était la même mère qui avait porté les
deux enfants. Donc, pour le plus vieux, c'est une mère qui était la... qui
avait la filiation, puis, pour l'autre, c'était le donneur qui avait la
filiation. La mère me disait en blague : On en a chacun un, en parlant du
donneur et elle, en se disant : Bien, de cette façon-là, on se protège
tous les trois, tu sais. Mais ça n'a pas de bon sens d'être obligé de jouer un
peu comme ça pour pouvoir faire reconnaître son milieu, son modèle familial.
M. Jolin-Barrette : Dernière,
dernière question, pour ma part. Sur la connaissance des origines, notamment en
gestation pour autrui, mais également pour les personnes confiées à l'adoption,
vous êtes d'accord avec ça.
Mme Côté (Isabel) : Oui, oui.
Tout à fait, oui.
M. Jolin-Barrette : O.K. Donc,
je vais céder la parole, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Chapleau, il reste moins de deux minutes.
M. Lévesque (Chapleau) : Excellent.
Merci, M. le Président. Bonjour, Pre Côté, Pr Lavoie, vraiment un
plaisir de vous revoir, dans votre cas, et bien heureux que vous soyez dans
notre belle région de l'Outaouais, à l'UQO, là, c'est un plaisir. On a eu l'occasion
d'échanger par le passé.
Sur la connaissance des origines,
notamment en lien avec l'article 116, où il y a des obligations, là, en
lien avec des obligations de la clinique de fertilité, de communiquer ces
renseignements-là, vous dites que, bon, c'est un bon pas, c'est intéressant,
mais vous préconisez peut-être des bonifications. Ce serait quoi, dans ce
sens-là?
Mme Côté (Isabel) : Bien, en
fait, actuellement, les parents qui deviennent... qui utilisent du don de
sperme doivent retourner à la clinique pour dire quand il y a une grossesse
effective, O.K., pour que la banque puisse documenter le nombre de naissances
vivantes avec un tel donneur, et très peu de parents le font. Dans le cadre d'une
étude que j'ai en cours actuellement, là, sur 36 familles, une seule avait
averti la banque par la suite. Donc, pourquoi ils ne le font pas? Pour
différentes raisons, mais généralement, ils ne se sentent pas obligés de faire
ça.
Et donc, moi, je préconise plutôt... bien,
mon collègue et moi, on préconise plutôt que la RAMQ, en fait, soit liée avec
la femme qui reçoit un don de sperme, ce qui fait en sorte que, quand elle aura
accouché, bien, nécessairement, on pourra, à ce moment-là, là, savoir qu'elle a
eu un enfant par don de sperme. Parce que sinon, en l'état, tout ce que ça
fait, c'est que ça identifie les couples lesbiens qui, nécessairement, devant l'état
civil, devront dire qu'ils ont eu un donneur. Mais les femmes célibataires
pourraient très bien dire : Non, non, j'ai rencontré quelqu'un comme ça,
puis ça n'a pas marché, puis je ne sais pas c'est qui. Puis les couples
hétérosexuels pourront dire évidemment que ça a fonctionné de façon naturelle
entre les traitements.
Donc, en ayant... dès qu'il y a un don de
sperme, en liant ça, en fait, à la femme qui le reçoit, ça fait en sorte qu'il
y a plus de chances, là, qu'on puisse avoir le mécanisme, là, à la fin, pour la
déclaration.
M. Lévesque (Chapleau) : O.K.
Vous avez également parlé...
Le Président (M.
Bachand) :Merci.
M. Lévesque (Chapleau) : Oh!
c'est tout. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Ça va très,
très rapidement, désolé. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Merci beaucoup,
M. le Président. Alors, Pre Côté, Pr Lavoie, merci d'être avec nous.
J'ai des questions peut-être en rafale pour compléter les échanges.
Donc, l'importance... Puis effectivement,
on le voyait qu'il y avait des rencontres... je vais trouver le terme, là, c'est
«implications psychosociales», il y avait des rencontres chacun de son côté.
Là, vous dites que ça en prendrait une troisième pour que les gens puissent se
parler puis se comprendre. Ça, vous l'avez vu, vous l'avez noté. Est-ce que ça
se fait ailleurs, cette troisième rencontre là? Est-ce que c'est bénéfique?
Mme Côté (Isabel) : Oui,
effectivement. Actuellement, en Australie, c'est comme ça qu'on organise aussi
la question de la gestation pour autrui, comme la question, en fait, du don de
gamètes. L'Australie est allée assez loin dans cette question-là du domaine
psychosocial, de la réflexion psychosociale, justement pour forcer les parties
à se parler pour, justement, favoriser, en fait, les meilleures discussions et,
donc, diminuer les risques de conflit. Parce que ce qu'on s'aperçoit, c'est que
c'est <...
Mme Côté (Isabel) :
...>souvent des mésententes, ou des discussions qui n'ont pas eu lieu,
ou des façons de dire les choses qui n'ont pas été clairement dites. Parce qu'au
début, quand on commence un projet de convention de gestation pour autrui, on
est content, on a des liens ensemble, ça va bien, on s'est trouvé puis, bon, on
est tout emballé par le processus. Mais c'est en cours de route que ça peut
venir ou c'est des réflexions qu'on n'a pas eues préalablement. Donc, l'intervenant
du domaine psychosocial pourrait amener les personnes à réfléchir à ces
questions-là plutôt que juste les rencontrer pour discuter des enjeux éthiques,
là, tel que proposé dans le projet de loi.
Comme je le disais, c'est un processus
très relationnel, la GPA, et c'est ça qui est important de préserver, la relation.
Et c'est de cette façon-là, en fait, que la relation se poursuit, parce que la
plupart des recherches et les nôtres aussi démontrent que, suite à la remise de
l'enfant, quand l'enfant est né, les relations se poursuivent des années plus
tard. D'ailleurs, il y a une étude longitudinale en Angleterre, là, les enfants
sont rendus à 17 ans, et 80 % d'entre eux ont des contacts avec la
femme porteuse au moins une fois par année. Donc, on peut voir que, de façon
longitudinale, les liens sont là, mais encore faut-il que ça soit bien établi
dès le départ.
M. Tanguay : Oui, puis c'est
intéressant aussi, puis ça fait écho à donner suite de façon tangible à l'intérêt
de l'enfant, s'il a le goût. Puis on fait comme une dichotomie entre le projet
parental et femme, personne qui va porter l'enfant, mais c'est un projet qui
est pas mal commun en ce sens-là aussi, là. Il l'est de façon très tangible
durant la grossesse et à l'accouchement, mais, par la suite, ça pourrait faire
partie justement... Parce que, comme législateur, moi, ce qui me préoccupe, c'est
qu'est-ce qu'on est en train de faire là puis les décisions qu'on prend de
donner accès ou pas à telle information, de l'encadrer de telle, telle façon,
mais de ne pas prévoir tel, tel encadrement, comme cette fameuse troisième rencontre
là. On donne, vous allez me permettre l'expression, on donne le ton pour la
suite des choses également. Alors, je trouvais ça intéressant.
Vous proposez, je pense, à titre
principal, d'enlever le délai de sept jours, mais, à titre subsidiaire, vous
avez un plan B, puis j'aimerais vous entendre là-dessus, sur la réflexion
que vous avez.
Mme Côté (Isabel) : Oui. En
fait, ça, c'est... le fait de laisser sept jours à la femme porteuse, c'est
basé sur l'idée que les femmes porteuses pourraient changer d'avis et puis le
regretter. Or, c'est... au niveau même international, c'est de l'épiphénomène.
Au Canada, ce n'est jamais arrivé, sauf en 2005. Ce n'est pas allé en cour, ça
s'est réglé hors cour à l'avantage des... bien, des parents d'intention, en
fait.
Mais il y a une juriste de l'Université d'Ottawa
qui a documenté auprès d'avocats, en fait, les... qu'est-ce qui pouvait
arriver, là, dans des conditions de GPA où il y avait des conflits. Et ce qu'on
s'est aperçu, ce qu'elle a documenté, c'étaient souvent des éléments qui
étaient plus liés à la relation, en fait, qui causaient des insatisfactions. Et
c'est pour ça que les femmes porteuses retournaient vers les avocats, par
exemple, mais que généralement ça se passait très bien. Et les avocats, ce
qu'ils ont remarqué et ce que nous, on a documenté aussi, c'est que c'était
plutôt l'inverse qui arrivait, c'étaient des parents d'intention qui ne
remplissaient pas leurs obligations, davantage que l'inverse. Donc, eux-mêmes
disaient : Nous, on n'a pas rencontré de femme porteuse qui disait :
Je ne veux pas. On a rencontré des femmes porteuses qui disent : On s'est
entendu sur telle affaire, mais ça ne se passe pas actuellement, comment que je
peux faire en sorte pour que ça, ça soit respecté?
D'où la convention notariée, de dire :
Bien, si on a déjà prévu, par exemple, qu'une fois par année, il y avait des
photos, qu'on se voyait deux fois par année ou qu'on avait quand même des
appels vidéo une fois par mois, par exemple, quoi que ce soit, bon, ça peut
favoriser ça. Mais l'inverse, par exemple, que des parents d'intention ne
prennent pas l'enfant, bien, oui, ça, c'est documenté au Canada. Donc...
M. Tanguay : J'aimerais vous
entendre... puis merci beaucoup pour vos éclairages, la troisième rencontre,
donc, par des professionnels qualifiés, puis vous demandez qu'ils soient
qualifiés, donc avoir une certification. Quelles pourraient être, au point de
vue éthique, les conséquences pour un professionnel qui se rend compte puis dit :
«Oh my God!», ça ne marchera pas, là. Quelles pourraient être les conséquences?
Mme Côté (Isabel) : Vous
voulez dire est-ce qu'un professionnel pourrait...
M. Tanguay : Un professionnel
qui se rend compte que, finalement, là, je rencontre... il y a une dichotomie,
là, ils ne sont pas à la même place. Ça part... excusez mon expression, ça part
un peu tout croche, là, je ne suis pas sûr, je suis... professionnellement, là,
puis j'ai suivi la certification, puis tout ça, il me semble qu'ils sont mal...
Quelle pourrait être la capacité ou pas d'un professionnel de lever la main, à
qui, comment? On le veut, on ne le veut pas. Qu'est-ce que... Quelle est votre
réflexion là-dessus?
Mme Côté (Isabel) : Bien, c'est
une excellente question, à savoir est-ce que le professionnel pourrait avoir un
droit de veto, par exemple, sur la régulation.
M. Tanguay : ...mais se poser
la question.
• (17 h 40) •
Mme Côté (Isabel) : Moi, je
pense que ça pourrait arriver, par exemple, qu'une troisième rencontre ne soit
pas suffisante dans un contexte de médiation puis qu'on puisse favoriser une
quatrième rencontre. En fait, ces professionnels-là devraient être habilités à
dire : Bien là, vous, vous voulez ça, vous, vous voulez ça, il y a comme
une disparité très grande entre les deux. Bon, on pourrait continuer à
discuter, mais, si on ne peut pas se rejoindre, bien, ça va être son travail de
dire : On ne pourra pas se rejoindre. On ne peut pas se rejoindre, vous
êtes tellement loin l'un de l'autre que ça ne sera pas agréable ni pour vous ni
pour elle. Donc, de pouvoir <...
Mme Côté (Isabel) :
...>permettre à chacune des parties de réfléchir son propre projet, ce
qui n'est pas le cas actuellement. Je ne sais pas si tu veux peut-être ajouter,
Kévin.
M. Lavoie (Kévin) : Oui, puis
justement ces rencontres-là préalables, ça permet de révéler des tensions qu'il
y a peut-être de façon sous-jacente, des sujets qu'ils veulent mettre de côté,
puis on ne veut pas aborder, on veut le cacher, tout ça. Gardons en tête
également que les femmes porteuses... là, on parle de la femme porteuse, mais
cette femme-là est dans une communauté, est entourée. Les rencontres, là, moi,
les femmes que j'ai rencontrées, les situations familiales... en fait, souvent,
le conjoint ou la conjointe de la femme porteuse est impliqué également dans la
discussion. Et les enfants des femmes porteuses aussi font partie de l'équation,
font partie de la discussion.
Puis je pense que, des fois, il peut y
avoir peut-être des tensions en termes de, bien, qu'est-ce qui peut être fait,
qu'est-ce qu'on veut arrimer. Puis ces rencontres-là de, nous, ce qu'on appelle
médiation procréative, pourraient avoir objet, justement, de mettre... révéler
des tensions qu'il pourrait y avoir, quatrième, cinquième rencontre, en disant :
Regarde, je mets sur la table des tensions que vous avez là, qu'est-ce que vous
allez faire? Puis après ça, je pense, on peut aussi faire confiance aux gens
pour aller de l'avant dans les projets pour dire : Bien, regarde, prenez
les décisions. Puis, en fait, l'objectif de tout ça, c'est qu'il y ait un
consentement libre et éclairé. Éclairé, ça implique de l'information juste,
information également de nos droits et responsabilités, des impacts que ça peut
avoir à moyen, long terme.
Et, après ça, je pense que, là, on peut
éventuellement... là, ce serait de voir où est-ce que le législateur pourrait
aller en termes de s'immiscer dans l'entente des personnes impliquées. Mais je
pense, après ça, quand tout est mis sur la table, le travail est fait pour
avoir un... après ça, exprimer un consentement libre et éclairé, même si... Peut-être
qu'il y a des enjeux que le professionnel est peut-être moins confortable, mais
au moins ça va être nommé puis ça va être par écrit. Il y a des traces et il y
aura des recours possibles.
M. Tanguay : Et ça, puis le
ministre me corrigera si j'ai tort, je ne pense pas qu'il est prévu, vers la
fin du projet de loi, le dépôt statutaire d'un rapport de mise en application
dans les trois ans ou dans les cinq ans. On pourra peut-être faire un
amendement là-dessus.
Puis on parlait ce matin d'une chaire de
recherche. Ça va être important de voir les implications de ce qu'on fait, parce
que nous, législateurs, on peut bien jouer sur la mécanique des choses, passer
go, entente notariée, minute, papi, papa, mais dans la vraie vie, comment ça va
se vivre? Je pense qu'il va falloir revenir puis dire : Bon, bien, ça fait
trois ans ou cinq ans que la loi est appliquée, et ça, c'est important, on n'a
pas mis la troisième rencontre, on aurait dû, et ainsi de suite. Excessivement
important.
Aussi, au niveau international, la mère
porteuse ou la personne qui va porter l'enfant est à l'extérieur du Québec, que
les parents d'intention seulement auraient cette rencontre, quant aux
implications psychosociales, y voyez-vous là une carence, un manque? Il
faudrait peut-être s'assurer... je sais que c'est à l'étranger, mais s'assurer
que la personne, la mère porteuse à l'étranger aussi va être vue, et
rencontrée, et aussi, là, à la troisième rencontre.
Mme Côté (Isabel) : Bien, en
fait, ça pourrait être un peu... excuse-moi, Kévin, ça pourrait être un peu
difficile dans un contexte, là, international. On pourrait effectivement le
valoriser et puis le mettre dans le projet de loi pour que ça puisse avoir
lieu.
Toutefois, juste pour revenir au début,
quand vous parliez, bon, d'avoir les implications, moi, j'ai une chaire de
recherche sur la procréation pour autrui, c'est exactement ce que j'étudie, là,
depuis plusieurs années. Donc, dans le cadre de mes recherches, j'ai rencontré
des enfants et j'en rencontre actuellement, des enfants nés par GPA, des
enfants de femmes porteuses, l'ensemble des parties concernées par les projets
de GPA. Je fais ça depuis plusieurs années. Kévin a fait sa thèse là-dessus,
rencontre actuellement les conjoints de femmes porteuses. Et les recherches qu'on
a et les recherches qui sont démontrées à l'international démontrent que c'est
des projets qui vont bien. En général, là, ça va bien. Il faut quand même
partir de ça, là, plutôt que d'aller de façon défensive en disant : Les
risques que ça aille mal sont très grands. C'est plutôt le contraire, ça va
très bien, puis c'est des processus qui font en sorte que les gens sont
valorisés là-dedans, les femmes porteuses sont valorisées dans ce projet-là.
Donc, ça, c'est un des éléments.
Par contre, je vous rejoins sur l'idée qu'il
manque des données de recherche, qu'il faudrait avoir plus de données de
recherche et qu'effectivement on pourrait financer des projets de recherche
plus spécifiques pour savoir, au Québec, dans une modalité où on va implanter
quelque chose de nouveau, comment, à long terme, ça va se développer. Ça,
effectivement, ça pourrait être pertinent.
M. Tanguay : Et pour les
quelques secondes qu'il me reste, autrement dit, on vous voit là, aux
auditions, on ne vous verra plus à l'article par article, puis on ne vous verra
probablement pas dans la mise en application. Il ne faudrait pas socialement,
vous, chercheurs, vous perdre de vue, puis vous garder près, justement, de l'évaluation
en continu de ce processus-là, là. Je ne suis pas en train de vous allouer un
budget de recherche, mais il ne faudrait pas que vous... Ça doit être de la
musique à vos oreilles, mais il ne faudrait pas perdre cette expertise-là, là.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup.
M. Lavoie (Kévin) : Si je
peux me permettre de répondre à votre question sur le côté transnational.
Le Président (M.
Bachand) : Quelques secondes.
M. Lavoie (Kévin) : Mais je
pense que. si on confie, par exemple, là... moi, j'avais nommé le Secrétariat à
l'adoption internationale. On pourrait penser à des modalités, justement, des
ententes transnationales avec des agences ou des cliniques, là, dans d'autres
pays pour avoir, par exemple, des interventions en ligne à distance.
Maintenant, avec les modalités, là, de Zoom, et autres, il y aurait possibilité
de faire preuve d'innovation pour pouvoir arrimer quelque chose. Puis ça va
peut-être être prévu dans les règlements, et tout ça, mais on... je pense, ce n'est
pas une limite. Le côté transnational, si... comme on confie un mandat, puis on
pourrait déployer des pratiques, comme la médiation conjugale <...
M. Lavoie (Kévin) :
...>et
familiale, on le fait déjà, transnational, on pourrait s'en inspirer pour
établir quelque chose de novateur.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. Lavoie. M. le
député d'Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous plaît.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. M. Lavoie, Mme Côté, bienvenue. Il y en a, des personnes,
parfois, qui vont s'opposer à la GPA en craignant que, si on ouvre les portes,
ça devienne les fameuses usines à bébé, là, qui sont utilisées comme image. Je
comprends de votre présentation qu'on n'est pas du tout dans un... on n'a pas à
craindre ce scénario-là ici, au Québec, là.
Mme Côté (Isabel) : Non, puis
on n'a pas à le craindre... C'est une question qu'on pose souvent, ça, cette
question-là. À partir du moment où on va permettre ça, est-ce qu'il va y avoir
une augmentation des chiffres? En Angleterre, ils sont en train de réfléchir
actuellement, justement, sur la refonte de la GPA. Eux, ils ont la GPA régulier
depuis 1985, mais ils veulent rechanger des choses, notamment de faire en sorte
que la femme porteuse, dès la naissance, puisse laisser aller ses droits, alors
que, pour l'instant, elle a quelques semaines, six, sept semaines, et les
femmes porteuses s'en plaignent beaucoup, là, là-bas. Donc, en revenant là-dessus,
on s'est inquiété en disant : Dès qu'on va faire ça, on va ouvrir les
portes, davantage de gens qui viennent. Et là il y a des chercheurs, dont l'équipe
de Susan Golombok, qui est une chercheure très reconnue là-dedans, qui s'est
mise à documenter la GPA et qui s'est aperçue que non, ça n'augmente pas à
partir du moment où c'est régulier.
Ici, on a peu de chiffres sur combien de
GPA ont lieu par année, et puis le projet de loi va nous permettre d'avoir des
chiffres très précis au Québec. Ça, c'est vraiment l'avantage principal, c'est
que la façon dont c'est fait, on va savoir combien de projets qu'il y a par
année. Au Canada, en 2017, on a estimé 950 projets de GPA dans tout le
Canada pour l'ensemble des naissances, ce qui n'est pas beaucoup. Mais c'est
difficile d'avoir un chiffre précis, parce que ça, ça dépend de l'obligation
des cliniques de divulguer les actes volontairement au registre national sur la
procréation assistée, donc toutes les procédures d'in vitro. Bon, sur ces
procédures-là, il y en aurait 950 qui soient liés aux femmes porteuses, mais ça
laisse de côté toutes les GPA génétiques, donc, qui se font à la maison, en
dehors des cliniques. Celles-là, on ne peut pas les documenter. Mais avec le
projet de loi, effectivement, on va le savoir nécessairement puisque tous
les... la façon dont la filiation est organisée, on va pouvoir comptabiliser
ça, et ça, c'est vraiment un plus.
M. Leduc : À la
recommandation 17, vous proposez qu'il y ait déjà eu une grossesse
préalable de la personne. Puis le Conseil du statut de la femme, qui est passé
plus tôt aujourd'hui, avait une recommandation similaire. Pourquoi vous faites
cette recommandation?
M. Lavoie (Kévin) : Pour la
situation... en fait, parce qu'une grossesse, il y a beaucoup de choses qui
sont chamboulées, le corps, santé physique, santé mentale. Sans avoir eu une
connaissance fine de sa propre expérience liée à l'enfantement, à la grossesse
et à l'accouchement, il peut y avoir des risques, sans être prévus, il peut y avoir
des complications également. Donc, ça peut être quand même un... ça peut rassurer
tout le processus également puis guider également les actions que la femme
porteuse va poser pour son propre corps, pour le bien-être de l'enfant à naître
aussi. Donc, ça nous semble une mesure quand même possible puis, je pense, pour
sécuriser tout l'ensemble des personnes impliquées dans une entente.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Joliette, s'il vous plaît.
Mme Hivon : Merci beaucoup à
vous deux. Si on se fie à l'Ontario ou à d'autres endroits dans le monde qui
ont une expérience où il y a des agences, par exemple, est-ce qu'on est capable
de savoir combien de GPA se font par, je dirais, rencontre naturelle entre des
gens qui se connaissent déjà versus des gens qui ont besoin d'avoir recours à
une agence ou à un tiers pour pouvoir faire ce jumelage-là?
M. Lavoie (Kévin) : Il y a
quelques données canadiennes qui sont disposées... en fait, c'est des
échantillons de convenance, qui ont été souvent des enquêtes en ligne, qu'on a
distribués à travers les femmes porteuses des agences, des parents d'intention
des agences ou parfois sur les médias sociaux, groupes Facebook, par exemple.
Parce qu'il y a trois filières, hein, d'avoir accès à la gestation pour autrui.
On peut connaître les gens, hein, c'est une amie, une cousine, hein, qu'on... donc,
il y a déjà une relation préexistante. Ça peut être les agences, mais également
ça peut être les groupes Facebook, donc c'est des par et pour, des groupes qui
vont se rassembler pour plein de raisons qui amènent la trajectoire vers une
prise de contact. Et, à l'heure actuelle, c'est très, très, très difficile,
avec ce que ma collègue Isabel a évoqué, puis on a déjà eu l'occasion d'en
parler, les données manquent. Donc, les gens qui vont s'avancer sur des
proportions, tout ça, en fait, ce n'est pas... c'est un terrain hasardeux parce
qu'on ne peut pas vraiment circonscrire.
Moi, dans mes travaux de recherche, là,
concernant... dans ma thèse, par exemple, j'ai rencontré de toutes les
configurations possibles, différentes trajectoires, agences, amis, relations
familiales ou relations amicales, puis également des gens rencontrés sur
Facebook. Et il y a... Ce n'est pas tant la trajectoire, la filière d'accès qui
va faire que c'est une belle expérience ou une moins belle expérience, c'est
davantage : Est-ce que les gens se sont parlé du projet? Est-ce qu'ils ont
mis cartes sur table? Est-ce qu'ils ont confiance l'un en l'autre? Est-ce qu'ils
se sont projetés dans l'avenir également? C'est ça, les facteurs qui vont venir
influencer beaucoup. Mais après ça, ça existe, au sein de la famille, au sein
des relations familiales. C'est possible, c'est juste qu'on n'a pas de mesure
pour pouvoir capter ces expériences-là, parce qu'elles ne sont pas
nécessairement dans les cliniques de fertilité, parce que ça peut être, par
exemple, avec <...
M. Lavoie (Kévin) :
...>une
insémination artisanale à la maison. Donc là, on n'a pas nécessairement de
trace, de voir un peu la proportion, le nombre de situations que ça concerne.
• (17 h 50) •
Mme Hivon : O.K. Puis parce
que souvent, les gens vont avoir cette image-là de gens qui se connaissent, donc
il y a un côté altruiste, et tout ça. Puis là, dès qu'on tombe dans des gens
qui ne se connaissent pas, ils vont dire : Oui, mais là, c'est quoi, la
motivation derrière ça? Puis donc, si vous pouvez nous éclairer, parce que vous
êtes vraiment les grands experts, ces motivations-là, est-ce qu'il y a un
aspect de dédommagement plus-plus ou... On sait qu'on n'est pas supposé
rémunérer, mais est-ce qu'on voit des enjeux par rapport à ça?
M. Lavoie (Kévin) : La
question des motivations est centrale. Puis les femmes se font tout le temps
poser la question, hein, je leur demandais, moi... dans nos travaux, on leur
demande aussi aux gens : Bien, qu'est-ce qui t'a amené à vouloir fonder ta
famille comme ça ou d'y voir... le faire pour un couple ou un parent? Et les
différents... les motivations sont multiples et peuvent cohabiter, hein? Ce n'est
pas parce que j'ai seulement une motivation...
Les femmes, en général, vont avoir
plusieurs motivations qui sont nommées, qui sont exprimées. En général, ça va
être de... les femmes sont particulièrement sensibles à l'infertilité ou
également aux situations des couples de même sexe. Donc, en disant : Bien,
regarde, moi, j'ai des enfants, c'est la plus belle chose de ma vie, je veux
pouvoir offrir le cadeau de la maternité à d'autres femmes qui ne peuvent pas
le vivre ou également des couples de même sexe que je trouve ça effrayant qu'ils
n'ont pas accès, donc moi, je peux contribuer. Mais après ça, la question de l'argent,
la rémunération...
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. Lavoie. En
terminant, cinq secondes.
M. Lavoie (Kévin) : Une des
préoccupations, c'est qu'elle dise : Non, je ne suis pas rémunérée, je ne
le fais pas pour l'argent. Parce que, si on y va avec le taux horaire, ce n'est
pas du tout payant. Par contre, elles ne veulent pas s'appauvrir, elles ne
veulent pas non plus prendre sur elles les responsabilités financières d'un
processus de GPA.
Le Président (M.
Bachand) :Pr Lavoie, Pre Côté,
merci infiniment d'avoir été avec nous aujourd'hui, c'est très apprécié.
Donc, je suspends les travaux jusqu'à 19 h 30.
Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 52)
19 h 30 (version révisée)
(Reprise à 19 h 32)
Le Président (M.
Bachand) :
À
l'ordre, s'il vous plaît! Bon début de soirée à tous et à toutes. La Commission
des institutions reprend ses travaux.
Nous poursuivons les auditions publiques
dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 2, Loi
portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et
modifiant le Code civil en matière de droits de la personnalité et d'état
civil.
Ce soir, nous allons entendre Mme Andréane
Letendre, mais, d'abord, il nous fait plaisir d'accueillir les représentantes
de la Fédération des parents adoptants du Québec, conjointement avec l'Association
des parents pour l'adoption québécoise. Alors, merci beaucoup d'être avec nous
ce soir. Comme vous le savez, vous avez 10 minutes total, et, après ça, on
aura un échange avec les membres de la commission. Donc, bienvenue, et la
parole est à vous.
Fédération des parents adoptants du Québec (FPAQ)
et Association des parents pour l'adoption québécoise (APAQ)
Mme Morel (Anne-Marie) : Parfait.
Donc, on ne s'était pas... On n'avait pas déterminé entre nous qui commençait,
mais je vais faire un cinq minutes, Carolyne, et je te laisse la parole après. Ça
te va?
Donc, bonjour. Je suis la présidente de la
Fédération des parents adoptants du Québec. Je suis Anne-Marie Morel. Je suis
accompagnée de ma collègue Marielle Tardif, qui est la vice-présidente de la
fédération. Ceux qui ne nous connaissez pas, on est un organisme qui, depuis
1986, outille, soutient, défend les intérêts des parents adoptants du Québec.
On a des parents autant de l'international que du Québec, là, parmi nos
membres, puis on en compte 550.
Donc, on a déposé le mémoire à la dernière
minute. On s'excuse, c'était un projet de loi colossal pour nous. Donc, on a dû
ramer. Nous sommes entièrement bénévoles. Donc, on a dû travailler aussi fort
que vous l'avez fait toute la journée. On sait que vous avez des longues
journées ces temps-ci. Donc, notre mémoire va toucher deux éléments principaux.
Le premier est vraiment l'enjeu de la
filiation adoptive. On a vu, quand même, dans le projet de loi, plusieurs
points positifs. On voit que la tutelle supplétive ajoute des modalités qui
sont intéressantes. Ça ne rupture plus... La DPJ ne se retire plus des services
lorsqu'on va avoir recours à ce nouveau mécanisme-là. Donc, on trouvait ça très
intéressant.
En revanche, c'est certain que, pour nous,
alors qu'on est un des groupes qui a toujours été les plus critiques par
rapport à instaurer un nouveau modèle d'adoption qui reconnaîtrait la
multiparentalité, bien là on pense qu'on serait rendus là, au Québec, d'aller
vraiment étudier davantage l'idée d'une adoption sans rupture de filiation.
Donc, c'est ce qu'on présente. Pour nous,
l'adoption, c'est le modèle qui est le plus stable en termes de projet de vie
alternatif pour les enfants. Donc, on croit vraiment qu'il y aurait intérêt à
étudier un tel outil pour ajouter cet élément dans le coffre à outils des
experts des services sociaux. On sait très bien que les enfants qui sont très
jeunes vont souvent être adoptés par l'adoption plénière. Mais les enfants un
petit peu plus âgés, là, à partir de deux ans, les études nous montrent
que c'est beaucoup plus rare qu'on va se diriger vers ce projet de vie là,
alors que, pour ces enfants-là, des fois, ils ont une appartenance à deux
familles, puis ça représenterait très bien leur réalité.
Donc, c'est un des volets qu'on
instaurerait. Par contre, on sait que c'est extrêmement complexe. Donc, on
soulevait différentes conditions qui, pour nous, rendraient ces modalités
acceptables. On sait que vous aurez, dans les prochains jours, des chercheurs,
des experts qui vous déposeront également les mêmes requêtes. On a parlé à des
groupes comme le Cocon Adoption Québec, qui est le comité de concertation en
adoption au Québec, les groupes de recherche en placement et adoption. Dans le
contexte de la protection de la jeunesse, ce sont tous des groupes qui vont
vous envoyer des mémoires, même s'ils n'ont pas l'occasion de se faire entendre,
parce qu'ils considèrent que 113... le projet de loi n° 113 n'a pas
apporté toutes les réponses pour les différents enfants.
Donc, on a besoin de différents outils,
différents projets de vie parce qu'on a différents enfants, différents parents
d'origine puis différentes histoires de vie. Donc, on veut vraiment garnir le
coffre à outils de ces enfants-là pour favoriser, le plus souvent possible, l'adoption.
Donc, ça, c'était notre <premier volet...
Mme Morel (Anne-Marie) :
...
notre >premier volet.
Le deuxième volet, c'est tout l'enjeu de l'accès
aux origines, qui est très bien couvert dans ce projet de loi. On a été heureux
de nombreuses modalités. On a vu... Pour nous, c'est un droit inaliénable de l'enfant,
bien, de la personne adoptée, d'avoir accès à ses origines. Donc, on a vu l'ouverture
sur la fratrie, sur les grands-parents. C'est toutes des choses qui nous ont
ravies.
Le seul point qui, pour nous... on aurait
aimé voir un changement dans cette loi, c'est le fait que les enfants, les
personnes adoptées, dès 18 ans, même ceux qui sont à travers le système de
la protection de la jeunesse et qui ont passé par un signalement, bien, on va
dévoiler leurs informations à leurs parents d'origine dès leur majorité et non
pas attendre qu'ils y consentent.
Donc, nous, on aurait aimé renverser ce
pouvoir-là et faire en sorte que ce soit vraiment le consentement qui déclenche
le partage de l'information identitaire aux parents d'origine dans les cas de
signalement, tout simplement parce qu'on sait que ça peut réactiver ou raviver
des traumatismes du passé. Donc, c'était quelque chose qu'on aurait aimé
revoir. On sait qu'aujourd'hui, même si on ne donne pas les informations de
contact, les gens peuvent facilement être retrouvés dans les médias sociaux. Il
y a de plus en plus de recherches sur l'adoption qui touchent cette réalité-là.
Donc, pour nous, ça, c'était un enjeu qu'on voulait soulever.
Les autres éléments.... Il y a un élément
qui est à l'article 119, où on parle de l'accès aux documents auxquels l'adopté
a droit dans le cas d'une adoption internationale. Pour nous, c'est important
de lister les fameux documents auxquels il aura droit parce que ce ne sont pas
les mêmes qu'au Québec. Puis on arrive avec des documents de voyage, on arrive
avec différents consentements, mais aux couleurs du pays d'origine. Donc, c'est
des documents qui valent beaucoup, là, pour l'enfant.
Puis la dernière chose, c'était... On voit
que le projet de loi rajoute de l'accompagnement psychosocial, entre autres,
là, pour la procréation avec un tiers, ce qui est parfait. Mais, dans notre
cas, on se disait que ça serait bien aussi qu'on pense aux adoptants dans les
contextes de retrouvailles, parce que 113 donnait l'accompagnement à l'adopté,
aux parents d'origine, mais pas à l'adoptant. Puis souvent c'est l'adoptant qui
va devoir soutenir l'adopté puis qui va vivre lui-même aussi des situations,
des fois, qui sont difficiles.
Donc, voilà, Carolyne, je te cède la
parole pour l'autre...
Mme Belso (Carolyne) : Bonjour.
Donc, merci, Anne-Marie. Mon nom est Carolyne Belso. Je suis présidente de l'association
des parents adoptants du Québec... non, j'ai dit ça parce que j'ai une entente
de la fédération... l'association des parents pour l'adoption au Québec.
Donc, nous, on est fondés en 1996 dans le
but de favoriser l'adoption des enfants d'ici. Notre objectif est de faire
connaître les besoins particuliers des enfants du Québec et de soutenir des
parents qui tentent d'y répondre. L'association s'adresse aux postulants en
adoption, ensuite, parents adoptants et parents en post-adoption, afin de leur
offrir de partager leurs ressources, leurs expériences, les défis, les craintes
et les joies avec des familles qui vivent la même réalité. Alors, moi, je vais
avoir pas mal de lecture. Je suis désolée, je suis très stressée, je ne suis
pas habituée à faire des présentations comme ça.
Alors, je vais commencer en disant... Je
voudrais remercier la commission d'avoir le privilège de m'y adresser aux
audiences de ce soir au nom de l'APAQ. Ensuite, on voulait mentionner que notre
expertise est avec des parents d'adoption québécoise et de leur vécu, pas de la
science ni du langage juridique. Alors, on essaie de vous laisser savoir qu'est-ce
qu'on pense de notre coeur plus que de manière...
Les parents qu'on représente sont des
parents de l'adoption québécoise et de la banque mixte. On voulait mentionner
que les parents ont besoin de stabilité pour eux-mêmes, mais aussi pour leurs
enfants, de soutien, de formation et de mieux connaître les enjeux de l'adoption
pour permettre les meilleures chances de succès du placement. Évidemment, on
parle toujours d'avoir l'enfant à coeur de toutes les décisions qu'on prend et
qu'on veut avoir le succès de la famille, finalement.
• (19 h 40) •
On voulait aussi mentionner que les
parents en banque mixte, en particulier, rencontrent beaucoup d'enjeux et
vivent de l'instabilité et des défis au niveau de la famille dans l'attente du
jugement, des visites, de l'adoption et de l'enfant. Alors, c'est aussi de
reconnaître que les instabilités, c'est des deux côtés. Alors, il y a l'enfant
qui vit des défis, mais les parents adoptants aussi.
On a déposé notre mémoire hier aussi. Ça a
été rapide. On espère qu'on a été capables de vraiment être capable de
transmettre ce qu'on voulait <vous partager...
Mme Belso (Carolyne) :
...voulait >vous partager. Les recommandations qu'on a mentionnées, je
vais juste vous les lire ici puis un petit peu les regarder.
Donc, le droit au congé parental pour tout
parent, qu'importe la voie à la parentalité, que ce soit l'adoption au Québec,
l'adoption hors Québec, comme à l'international, les mères porteuses ou de
gestation pour autrui. Alors, l'adaptation de l'enfant requiert un congé
parental, quelle que soit la façon de devenir parent. Alors, selon nous, le projet
de loi n° 2 reflète bien notre position. On est vraiment d'accord avec ce
qu'on a vu.
L'accompagnement à l'adoptant... l'adopté
et aux membres de la famille d'origine avant l'ordonnance de placement dans le
but de soutenir l'échange de renseignements ou de développer des relations
personnelles. Les parents adoptants se disent ouverts à une entente quand on
parle de maintenir les liens de parenté biologique significative car il en est
de l'intérêt de l'enfant, bien sûr. Le directeur de la DPJ doit également
connaître et partager les informations disponibles sur les ressources qui
accueillent les parents en adoption, et ceci est aussi important dans tous les
contextes d'adoption.
Alors, finalement, on est partenaires en
termes de vouloir le mieux qu'on peut pour les parents adoptants et les
familles. Et puis, effectivement, quand on est capables de travailler ensemble,
c'est le meilleur des deux mondes.
L'APAQ demande de majorer à 18 ans l'âge
de retrouvailles et 16 ans avec consentement des parents, qui seront aptes
à juger s'il en est de l'intérêt de l'enfant et qu'il pourra faire face aux
conséquences négatives possibles lors d'une démarche de retrouvailles.
Peut-être, on est les seuls qui l'ont mentionné à très haute voix, même avec le
projet de loi n° 113, selon nous, 14 ans et 16 ans avec le
consentement des parents est beaucoup trop jeune, vu que l'âge émotionnel des enfants
adoptés ne correspond pas toujours à son âge physiologique.
Alors, il y a un autre enjeu là-dedans, c'est
que, quand les enfants de 14 ans peuvent commencer une démarche sans le
soutien des parents adoptants, bien, les parents adoptants, ils n'ont pas les
moyens de les soutenir sans ne pas être au courant, et puis ça laisse l'enfant
à lui-même, à ce moment-là, pour toutes les retombées émotionnelles.
Le Président (M.
Bachand) : Mme Belso...
Mme Belso (Carolyne) : On
reconnaît aussi de maintenir le droit à la confidentialité...
Le Président (M.
Bachand) : Mme Belso, je m'excuse.
Mme Belso (Carolyne) : Oui?
Le Président (M.
Bachand) : Votre 10 minutes total est passé, mais le
ministre me fait signe qu'on va prendre... On va continuer avec votre
témoignage sur le temps du côté gouvernemental. Donc, continuez, s'il vous
plaît, merci. Votre micro, Mme Belso? Parfait.
Mme Belso (Carolyne) : Ah
bon! Alors, maintenir le droit à la confidentialité des informations de l'adopté
à 18 ans même lors d'un refus de communication. Le droit ne peut cesser d'avoir
effet au 18e anniversaire de l'adopté. On considère qu'un contact doit
obligatoirement faire suite à un consentement puisqu'il pourrait y avoir des
risques associés aux retrouvailles pour l'enfant.
Ensuite, standardiser qui est parent. On a
remarqué, dans le projet de loi, que c'était partout pareil, sauf dans un
endroit. On l'a mentionné dans notre mémoire.
Et finalement, nous promouvons la
permanence pour tout enfant au Québec. Les placements à majorité ne répondent
pas aux besoins des enfants à maintenir des liens affectifs durables et un
sentiment d'appartenance avec les personnes qui prennent soin d'eux. Les
parents en banque mixte ne devraient pas devoir subir... substituer les
familles d'accueil régulières, selon nous.
Finalement, je voulais juste remercier la commission
d'avoir eu le privilège d'être entendue. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, beaucoup. Alors donc, nous allons
commencer l'échange avec les membres de la commission. M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Mme Morel, Mme Tardif, Mme Belso, bonsoir. Merci d'être
présentes ce soir pour les travaux de la commission. Et puis vous avez très
bien fait ça, Mme Belso. C'est très clair, puis félicitations pour votre
exposé. Puis on apprécie beaucoup que vous nous partagiez le point de vue de
vos deux organisations. Puis je pense que c'est important de vous entendre,
parce qu'il y a un volet important du projet de loi qui touche notamment l'adoption.
D'entrée de jeu, là, j'aimerais qu'on
discute de la question de la connaissance des origines. Donc, dans le projet de
loi, on est venus élargir... on va plus loin que le projet de loi n° 113,
à l'époque, notamment, également, en gestation pour autrui. Bon, ça ne vise pas
les familles adoptantes, mais on vient, au niveau de la connaissance des
origines, mettre ça très clair qu'on permet la connaissance des origines. Qu'est-ce
que vous pensez de, justement, l'élargissement de la connaissance des origines
qu'on met pour les enfants qui ont été confiés à l'adoption?
Mme Morel (Anne-Marie) : Je
l'ai déjà mentionné <tout à l'heure...
Mme Morel (Anne-Marie) :
...mentionné
>tout à l'heure, donc, peut-être que, Carolyne, tu voudras donner ton
avis, mais, pour nous, c'est important, en fait, cette connaissance des
origines là, puis c'est même très important. Puis c'est pour ça qu'on est allés
spécifier aussi, par rapport aux enfants qui viennent de l'international, qu'au-delà
d'avoir juste les renseignements sociobiologiques retranscrits dans un
document, d'obtenir vraiment la copie conforme avec laquelle... on a eu entre
les mains, là... que le symbole : J'ai le passeport de mon fils avec un
aigle. Les armoiries du Québec sont aussi belles, mais le symbole ou le
document qui est passé entre les mains des personnes de son pays, ça peut
vraiment être un objet supplémentaire.
Donc, pour nous, tous les aspects... Comme
je vous l'ai mentionné déjà, on est en faveur de tous les changements qui sont
là, mais on aurait protégé davantage les enfants du signalement. Donc, pour
eux, on n'aurait pas fait... On aurait exigé qu'il y ait un consentement avant
que leurs informations, à leur majorité, soient transmises aux parents d'origine.
Donc, c'était aussi un point commun avec Carolyne. Je te laisse continuer.
Mme Belso (Carolyne) : Effectivement,
on pensait la même chose dans ce contexte-là. On est tout à fait d'accord avec
le plus d'information possible que les enfants adoptés puissent recevoir par la
suite. Finalement, c'est des informations qui leur appartiennent. Alors, le
plus qu'on est capables de leur donner, le mieux...
C'est sûr que, quand on parle d'au-delà
des informations pour retrouvailles, c'est important, pour nous, qu'il y ait un
accompagnement, parce qu'effectivement ça va au-delà... Quand on parlait de
risques, c'est... Un enfant qui a été adopté, ça veut dire qu'il y a eu quand
même un sentiment de rejet du parent, et puis il pourrait avoir un deuxième
rejet si, le parent, il décide de ne pas avoir de... s'il décide d'avoir un
refus de contact. Il faut accompagner l'enfant là-dedans si les retrouvailles
ne se posent pas comme il aurait voulu, s'il y aurait des attentes de la
famille biologique que, l'enfant, il ne s'attendait pas...
Alors, c'est tout des risques que nous... D'après
nous, l'enfant doit vraiment être soutenu, et puis il n'y a pas de meilleure
personne, pour nous, que la famille adoptive. Alors, voilà.
M. Jolin-Barrette : Une
question. Mme Morel, vous avez dit : On est d'accord, mais on apporterait
une nuance, par contre, pour les gens en placement. Dans le fond, vous faites
référence à la DPJ, notamment. Pourquoi vous faites cette nuance-là?
Mme Morel (Anne-Marie) : C'est
vraiment, bien, parce que les enfants qui ont été adoptés, donc, par la
plénière... On le sait, c'étaient des familles qui étaient, au départ, donc,
plus dysfonctionnelles. On a des parents qui vont peut-être avoir changé,
évidemment, dans le temps. Puis, même un parent qui aurait abusé de son enfant,
l'enfant peut désirer avoir contact et tout ça. Mais on a aussi des enfants qui
vont avoir des troubles du spectre de l'alcoolisation foetale qui vont découler
de leurs origines, donc, une maturité différente. Un enfant, on disait... Un
enfant qui a été abusé sexuellement, puis il reçoit une invitation Facebook de
son père d'origine, on voulait juste faire en sorte que, vraiment, ça soit clair,
pour lui, ce que ça engage, donc, de transmettre ses informations, pour ne pas
que ces enfants-là replongent dans un traumatisme.
Je vous donne l'exemple des abus sexuels,
mais, de la négligence, ça peut être tout aussi terrible, là, comme trauma, pour
ces enfants-là. Ils peuvent avoir vu et entendu des choses... En fait, on se
fait exposer des histoires, parfois, là, puis c'est surréaliste, ça ne se passe
pas, ces choses-là, mais il y a des enfants qui vont être dans le milieu...
bébés, dans le milieu de la prostitution, puis qui vont assister à toutes
sortes de choses. Donc, l'enfant n'a pas été abusé, mais il a été témoin de
différentes choses. Ça fait que ça se prépare. On doit s'assurer, selon nous,
qu'il n'oublie pas, là, à 18 ans moins un jour, d'enregistrer un refus
pour ne pas avoir de mauvaise surprise. Donc, on aurait juste inversé la
protection pour qu'ils disent oui ou ils disent... ou elles disent non, de son
côté, tout simplement.
M. Jolin-Barrette : O.K., je
comprends. C'est bien noté. Dans le projet de loi n° 2, on vient modifier
la règle de communication des renseignements médicaux afin de remplacer le
risque de préjudice à la santé par le fait que, de l'avis du médecin, la santé
de la personne le justifie. Qu'est-ce que vous en pensez, vous qui avez adopté
des enfants? Donc, dans le fond, on passe du critère où est-ce que... Dans le
fond, on élargit le critère pour avoir accès aux antécédents biologiques de la
famille d'origine.
Mme Morel (Anne-Marie) : C'était
la même chose de notre côté... Ah! tu allais parler, Marielle? Vas-y, je te
laisse...
Mme Tardif (Marielle) : Ah!
bien, en fait, c'est la même chose que... j'allais dire la même chose, mais on
est tout à fait d'accord avec ce point-là, qui est dans l'intérêt de l'enfant,
en fait, au niveau médical.
• (19 h 50) •
M. Jolin-Barrette : O.K.
Relativement aux retrouvailles par rapport à la fratrie, donc, on vient élargir
également lorsqu'il y a seulement qu'un.... Supposons, prenons le cas où il y
aurait eu deux enfants puis il y en a un qui est confié à l'adoption ou même
les deux ont été confiés à l'adoption, désormais, on va <permettre...
M. Jolin-Barrette :
...on va >permettre à un seul enfant de faire la demande puis l'autre
enfant va être interpelé. Auparavant, la règle, c'était : Il faut que les
deux fassent la demande, mais, s'il y en a un qui ne savait pas qu'il avait été
confié à l'adoption, à ce moment-là, la demande restait lettre morte. Qu'est-ce
que vous pensez de cela?
Mme Morel (Anne-Marie) : Ça
nous convenait également, parce qu'on a entendu beaucoup de témoignages d'adoptés
où ça a fait une grande différence dans leur vie d'avoir ce contact-là. Donc,
nous, on n'est pas à mettre des barrières pour tout ce qui peut réconcilier leur
histoire puis faire en sorte que nos enfants aillent mieux dans leur coeur,
dans leur tête, dans leur vie. Donc, on était tout à fait en faveur aussi.
M. Jolin-Barrette : O.K. On
vient réduire le délai d'un an à 30 jours, relativement au délai pour
inscrire la confidentialité. Vous êtes en accord avec cette proposition-là, là,
je crois, Mme Belso.
Mme Belso (Carolyne) : Oui.
Pour nous, ça n'avait pas une grosse différence, puisque les parents, ils ont,
de toute façon, 30 jours, une fois que l'accouchement a eu lieu, pour
revenir sur leur décision. Donc, ça nous paraissait absolument normal et puis
on n'avait pas de problème avec ça du tout.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une question, là, sur l'âge, là. Tout à l'heure, vous l'avez abordé,
vous avez dit : Écoutez, nous, on trouve ça très jeune, à 14 ans ou
même à 10 ans. J'imagine, vous parlez par expérience. Vous dites : Dans
le fond, les jeunes, à cet âge-là, ils n'ont pas la maturité pour le faire,
émotivement, c'est trop difficile. C'est quoi, le vécu que vous pouvez nous
partager par rapport à ça?
Mme Belso (Carolyne) : Bien,
effectivement, on a différentes... Chaque cas est différent puis chaque enfant
est différent. Il y a un spectrum de capacité des enfants, mais il y a des
enfants que, carrément, ils ne sont pas rendus au même endroit que les autres.
Alors, finalement, quand on regarde un enfant qui a vécu des traumatismes, on
ne peut pas s'attendre qu'il arrive en deuxième année puis qu'il est au même
niveau à tout le monde. Alors, il y a des délais au niveau scolaire, il y a des
délais au niveau de l'attachement, il y a des délais au niveau émotionnel.
Et puis, quand on arrive à un enfant de 10 ans,
sur papier, légalement, 10 ans, c'est 10 ans, mais finalement, quand
on regarde ces enfants-là, quand on parle des enfants qui ont vécu plusieurs
années, par exemple, de... soit de l'abus ou bien qui n'ont pas eu des... trois
ou quatre projets de... ils ont été déplacés dans les familles d'accueil avant de
se rendre à leur place où est-ce qu'ils sont, ils ne sont pas rendus au même
endroit, puis c'est à ce moment-là que... C'est là qu'on veut vraiment avoir le
point de vue des parents adoptants, au moins les parents qui sont... qui ont la
charge de l'enfant, pour être capables de juger d'eux-mêmes : Est-ce qu'il
est prêt, est-ce que c'est une bonne affaire pour lui? Dans certains cas, oui.
Quand on parle de certains contextes... Surtout
quand on parle de fratrie, les droits de la fratrie, ça n'existe pas encore.
Les enfants qui sont séparés après un placement, bien, ils n'ont pas le droit,
eux, de se voir même si eux autres... mais le parent adoptant ou le parent qui
est en charge, bien là, lui, il peut voir : Écoute, là, ça... vraiment
besoin... Alors, à ce moment-là, c'est correct, ça va avec l'intérêt de l'enfant.
Mais on ne peut pas juste prendre 10 ans comme étant un nombre pour tout
le monde.
C'est pour ça que, nous autres, on disait :
Bien, si on pourrait le mettre un peu plus haut, bien, à 16 ans, bien oui,
O.K., à ce moment-là, il n'y a pas le... Si le parent, il n'est pas tenu au
courant du tout, il a plus de chances qu'à 16 ans il est capable de le
vivre un peu mieux. C'est juste pour ça.
M. Jolin-Barrette : Je
comprends.
Mme Tardif (Marielle) : J'ajouterais
qu'au niveau, si je peux me permettre, là, de l'identité des personnes
adoptées, le défi est double pour une personne adoptée, particulièrement à l'adolescence,
qui... Selon les spécialistes, comme Johanne Lemieux, comme le Dr Chicoine, c'est
le pire moment, pour un enfant, pour faire ces démarches-là, de façon générale.
Alors, je ne dis pas que ce n'est pas pertinent pour certains, mais ça reste un
enjeu de taille pour ces enfants-là qui sont en recherche d'identité, qui sont
en construction d'identité, puis ça peut être difficile s'ils se retrouvent
seuls à faire ces démarches-là sans être accompagnés par leur famille adoptive.
Alors, nous, on n'est pas contre le fait
que ça se fasse. Ça pourrait se faire avec le consentement des adoptants qui,
là, seront préparés à accompagner leur enfant, mais le problème, c'est qu'on a
la crainte que ces jeunes-là se retrouvent seuls dans cette démarche-là, qui
peut être périlleuse pour la construction de leur identité puis avoir des
conséquences à long terme, là, sur... au niveau émotif, au niveau psychologique
aussi.
Mme Morel (Anne-Marie) : Puis
j'ajoute une dernière chose. Dans la loi n° 113, on
était plusieurs organismes à être contre l'âge de 14 ans et à demander que
ce soit reporté, et puis ce qu'on nous dit, au niveau du terrain, c'est qu'en
réalité c'est très peu utilisé chez les jeunes. Donc, même les intervenants le
découragent pour les mêmes raisons qui ont été mentionnées, parce que ça peut
faire... Les enfants peuvent idéaliser leurs parents. Il peut y avoir des
problématiques, là, dans la protection de la jeunesse, des problématiques de
manipulation de l'enfant, de mensonges, de <triangulation...
Mme Morel (Anne-Marie) :
...
mensonges, de >triangulation. Donc, les enfants, ils peuvent être
positionnés dans des situations pas faciles. Il y a de l'accompagnement
psychosocial, mais même des intervenants, des fois, vont discuter avec le jeune
et tenter de reporter autant que possible cette chose-là.
Donc, on n'a pas les données de recherche
qui nous disent à quel point c'est utilisé, pas utilisé, et tout ça, puis nos
chercheurs nous disent combien c'est très difficile de faire de la recherche
sur nos interventions. Donc, c'était un des éléments de notre mémoire, là, que
je n'avais pas soulevé, mais ça serait important de documenter aussi cet
élément-là. Mais on est tous en faveur, là, et de nombreux organismes l'avaient
été, à 113, de reporter, si c'est quelque chose qui est possible.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je
vous remercie. Je vais céder la parole à mes collègues. Merci beaucoup,
mesdames.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre.
Mme la députée de Mirabel, s'il vous plaît. Il reste un peu plus que trois
minutes.
Mme D'Amours : Merci, M.
le Président. Bonsoir, mesdames. Merci beaucoup. J'ai lu attentivement votre
mémoire et, bon, j'accroche avec le titre, Une famille pour la vie, et
je vais vous parler directement de la page 6 et de la page 8. En
fait, il y a un paragraphe où vous parlez de la tutelle, et vous dites que «telle
que proposée dans la loi, peut être une option intéressante pour certains
enfants». Et ça me faisait penser, là, bon, à la lecture, que c'est un peu
comme un modèle... le modèle autochtone de Constant Awashish, qui fait aussi,
là, allusion à ça, donc, et je vois aussi, à la page 8 : «L'adoption
additive ou complétive : un modèle à envisager.»
Alors, est-ce que je comprends bien que
votre mémoire nous dit de ne pas faire quelque chose mur à mur? Est-ce que
votre mémoire nous dit qu'on est prêts à passer à un autre modèle ou à d'autres
modèles? Et dites-moi combien d'enfants, au Québec, pourraient avoir une
famille à vie dans un contexte où on n'enlève pas la filiation avec sa propre
famille? Moi, je dois vous dire, quand j'étais plus jeune, j'avais mes deux
filles, j'aurais voulu adopter un enfant, et, si ça avait été possible, j'aurais
accepté, comme parent adoptant, d'avoir une filiation avec la famille, mais je
n'aurais pas accepté d'être juste tuteur, parce que ça aurait été déchirant, si
l'enfant quitte. Alors, il y a combien de parents, comme moi, qui auraient aimé
ou qui aimeraient faire ça et combien d'enfants pourraient avoir une famille à
vie?
Mme Morel (Anne-Marie) : Je
vais la prendre, celle-là. Donc, nous, on... Il y avait plusieurs questions.
Donc, oui, la tutelle, il y a des
inspirations autochtones. En fait, ce qu'on dit, c'est qu'il y a plusieurs
types d'enfants, actuellement, puis on l'a entendu beaucoup dans les auditions
de la commission Laurent. Donc, on lui a emprunté un bout de son titre, hein, vous
l'aurez vu. Donc, il y a plein de modèles qui ont besoin de plein d'outils
différents, puis l'idée de l'adoption complétive, c'en est un, la tutelle, c'en
est un, mais ça ne répond pas aux mêmes enfants.
Donc, dans toutes les situations, l'adoption
plénière demeure pertinente. Nos enfants qui sont adoptés en adoption plénière
demeureraient en adoption plénière et ont besoin de ça. C'est extrêmement
important. Mais il y a des enfants à qui on ne répond pas et qui se ramassent,
donc, en placement à majorité, en famille d'accueil, et puis ces enfants-là, c'est
leur maman d'accueil, c'est leur papa d'accueil puis leurs parents d'origine.
Nos enfants, pour eux, ils n'en ont pas un, parent, ils n'en ont pas deux, ils
en ont quatre ou trois, dépendant s'il y a un parent adoptant, mais c'est très
naturel, pour eux, de parler du parent d'origine, d'avoir plusieurs parents.
Donc, pour permettre, favoriser l'adoption
d'enfants, des fois, qui sont un peu plus âgés, qui ont un peu plus de
souvenirs, qui ont un peu plus eu des liens, des fois... pas avec le parent d'origine,
qui était inadéquat, là... Dans le cas de la protection, des fois, c'était avec
les grands-parents, des fois, c'était avec les frères et soeurs, les cousins. Donc,
de ne pas tout perdre ces liens de filiation, il y a un nombre d'enfants à qui
ça correspond.
Puis, si je reviens à votre question sur
le nombre d'enfants, j'ai essayé d'appeler toutes les chaires de recherche, personne
n'est capable de me le dire. Et une des raisons pour laquelle on n'est pas
capables de le faire aujourd'hui, c'est la façon dont sont collectées les
données dans les différents CIUSSS et CISSS. Au Québec, c'est différent d'une
place à l'autre, et, souvent, on va amalgamer les familles d'accueil et les
familles d'accueil banque mixte dans un même peloton. Donc, on ne sait pas, les
enfants qu'on aurait orientés dans un segment ou dans l'autre, leur projet de
vie, ça va être quoi.
Donc, on a vraiment besoin de réfléchir à
la façon dont sont collectées les données. On a des chercheurs, là, qui vont
faire de la belle recherche en adoption québécoise, là, avec le ministère de la
Santé, mais ils auront besoin que, pour le futur, on pense à comment on collecte
nos données pour pouvoir déterminer les projets de vie correctement. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, Mme Morel. Je me tourne
maintenant vers l'opposition officielle, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis,
s'il vous plaît.
• (20 heures) •
Mme Maccarone : Merci, M. le
Président. Bonsoir, mesdames, un plaisir de vous avoir avec nous ce soir.
Je veux revenir un peu à votre mémoire, un
peu le même angle que ma collègue vient d'aborder avec vous, puis je vais vous
donner l'exemple, évidemment, des familles LGBT. Je ne sais pas si vous en...
qui font <partie...
>
20 h (version révisée)
<17911
Mme
Maccarone :
...qui font >partie de vos deux organismes.
Mais je reçois de plus en plus des témoignages très, très, très touchants des
familles, entre autres, un dont... c'est deux mamans et un papa, et elle s'appelle
Sophie, puis le témoignage est vraiment touchant. Si vous me permettez, je vais
juste lire deux petits paragraphes :
«Merci de nous permettre de présenter
notre famille. Elliott a deux mamans et un papa, un beau-papa et deux belles-mamans,
des grands-parents, des tantes, des oncles, des cousins et des cousines à
profusion. Mais, si vous voulez bien, nous allons aujourd'hui nous tenir en
simplement que trois parents, mais trois parents qui ne sont pas tous connus
comme parents et reconnus comme parents.» Évidemment, on parle de la pluriparentalité,
mais aussi les droits en ce qui concerne l'adoption.
Alors, ils disent aussi : «Quand est
venu le temps de réfléchir à comment nous allions nous protéger tous, nous
avons choisi d'inscrire dans les cases, entre guillemets, le nom de mère et
père biologique et ainsi que de s'assurer que l'autre mère se sente en
sécurité.» Ils ont toujours promis. C'était un contrat moral qu'ils ont eu avec
le troisième parent pour s'assurer qu'elle était au courant que ses droits,
puis ses biens, puis ses désirs, puis son amour aussi étaient reconnus. Puis je
sens en vous que ça, ce serait un modèle adoptif que... vous dirait : C'est
le temps de reconnaître les droits des trois parents, surtout si on dit qu'on
veut mettre l'enfant au centre de ce que nous devons faire. Parce qu'en
reconnaissant la pluriparentalité puis l'adoption aussi d'un deuxième ou
troisième parent, tout dépendamment tout ce qu'on peut voir dans ces familles,
les enfants ne perdront jamais le contact avec l'un des parents. Tous les parents
auront toujours des obligations, tous les parents pourront toujours s'impliquer
dans les décisions médicales ou choisir un dossier médical, tous les parents
pourront facilement voyager solo avec les enfants, chaque parent aura le droit,
mettons, d'aller chercher le bulletin scolaire. Bref, ça facilite la vie.
Est-ce qu'il y a des propos à l'intérieur
de ceux-ci dont vous êtes préoccupés, dont nous devons prendre en considération
quand on pense aux droits des parents en ce qui concerne les adoptions?
Mme Morel (Anne-Marie) : Bien,
quand je regarde ce que vous me racontez, pour moi, ça peut faire sens. Je ne
vous dis pas que ça fait sens nécessairement pour tous les adoptés, mais... et
adoptants, mais on en a plusieurs, là, de la communauté. Puis les enfants ne
sont pas nonos, donc, lorsqu'ils ont deux papas ou deux mamans, ils savent qu'il
y a une autre personne qui est impliquée. Quand nos enfants sont asiatiques et
ils nous voient, ils savent qu'il y a des personnes impliquées. Donc, ça fait
partie d'eux déjà, et ils ont une pluriparentalité. Puis, si c'est dans l'intérêt
de l'enfant, bien là, c'est de voir avec les experts qu'est-ce qui est dans l'intérêt
de l'enfant, avec différents critères, mais, s'il y a une séparation, s'il y a
un décès... puis le projet de loi n° 2 le fait bien,
il essaie de penser à toutes les éventualités. Puis c'est un peu pour ça aussi
où on disait : Bien, la tutelle, ce n'est pas tout à fait... c'est
révocable, ce n'est pas tout à fait la même stabilité qu'une adoption. Donc, c'était
dans le même sens, là, que ce que vous dites. Donc, nous, on n'est pas fermés.
C'est sûr que ça peut impliquer
différentes gestions, là. Le couple se sépare, décide de déménager aux
États-Unis. Comment on gère avec l'autre parent? Il y a peut-être des enjeux,
là, que les notaires doivent étudier, que d'autres personnes doivent étudier,
puis nous, on est juste des parents. On ne pensera pas à tout, mais on voulait
amener notre contribution, là, avec... de notre point de vue humble, à ces
réflexions-là. Mais on n'est pas fermés.
Mme Maccarone : On n'est
jamais juste des parents. C'est un rôle très important, le rôle probablement le
plus important que nous avons. Je pense que votre point de vue est très
pertinent, très intéressant. Puis merci beaucoup de porter la voix des parents,
parce que je pense que c'est très important qu'on prend en considération votre
point de vue.
Vous avez parlé un peu de comment que ça
peut être complexe, mettons, quand on parle d'une situation adoptive, mettons,
s'il y a une séparation, qui m'amène aussi à des questions par rapport... Vous
avez dit, exemple, à votre page 11, si vous voulez, suivez avec moi :
«L'exercice de l'autorité parentale serait détenu entièrement par les parents
avec lesquels l'enfant réside.» Pouvez-vous renchérir un peu là-dessus, si,
mettons, on parle des parents qui sont séparés ou si, mettons, on parle d'un
cas de pluriparentalité?
Mme Morel (Anne-Marie) : Bien,
en fait, peut-être qu'on s'est mal exprimés, là. On voulait dire ceux qui ont
la garde. Donc, si c'est une garde partagée, ils devront gérer l'autorité
parentale à deux ou trois, dépendant jusqu'où ira le projet de loi, là. Mais c'est
parce qu'en fait, pour nous, au départ, la fédération, historiquement, on a
toujours été extrêmement fermés à d'autres projets que l'adoption plénière
parce qu'on trouvait que ce n'était <pas...
Mme Morel (Anne-Marie) :
...parce qu'on trouvait que ce n'était >pas gérable au quotidien. Donc,
c'est pour ça qu'on mentionne, on dit : Bien, tu sais, dans un cas où,
effectivement, une adoption différente donnerait quand même les pouvoirs...
Parce qu'on peut se... on peut avoir des
valeurs différentes, surtout quand la famille.... Là, vous avez un trio qui s'est
fait ensemble, dans votre exemple, mais, si ce n'était pas un projet parental
collectif puis que c'était avec une autre famille d'origine, ce qui est plus
souvent notre cas, les valeurs peuvent être différentes, la religion, le choix
d'école, la façon de penser sur le perçage d'oreilles. Donc, il y a plein,
plein d'enjeux qui peuvent accrocher au quotidien. Mais, dans un projet
parental qui a été construit à trois comme ce que vous exposez — puis
la Coalition des familles LGBTQ aurait peut-être encore beaucoup plus d'exemples
que ce que je peux vous donner, même si on a plusieurs membres de cette
communauté, là — je pense que c'est plus facile à gérer de cette
façon-là.
Mme Maccarone : O.K. Vous
avez parlé beaucoup, dans votre mémoire, par rapport aux documents auxquels l'adopté
à l'internationale aura droit. Pouvez-vous expliquer un peu vos craintes en ce
qui concerne ce point?
Mme Morel (Anne-Marie) :
Bien, en fait, c'est qu'aujourd'hui on voit une disparité. Moi, je suis revenue
des Philippines avec mon fils, là, en pleine pandémie, et je suis chanceuse, le
juge a décidé de redonner tous les documents d'origine, là. Donc, j'ai entre
mes mains, je peux même vous le montrer, tu sais, son petit passeport d'origine
puis avec ses... Tu sais, ça, c'est des bijoux précieux pour lui. Il a sa date
qu'il est arrivé au Canada à l'intérieur. J'ai le consentement du parent avec l'empreinte
digitale, ce n'est pas comme le nom du parent... c'est une copie conforme, mais
avec les armoiries du pays.
Donc, c'est tous des documents qu'on ne
voit pas en adoption québécoise, évidemment, puis qu'ils vont confier à l'adoptant
dans le voyage, parce qu'on doit traverser des douanes, on doit passer au
travers toutes sortes de processus. Si on est arrêtés avec un enfant qui est en
crise, qui pleure, qui n'est pas notre origine, deux parents d'autres origines,
bien, on a besoin de toutes ces paperasses-là. Donc, on les voit passer, ces
paperasses-là. On les a entre les mains, on les remet au juge. Puis il y a des
familles qui ne retrouvent plus aucun de ces documents-là après, donc des
enfants qui les perdent à jamais. Puis, selon les juges, bien, des fois, ils
vont être redonnés puis, des fois, ils vont être sous scellé.
Donc, on voudrait juste que ça soit
uniformisé pour que, nos enfants, le plus possible de documents leur reviennent,
tout simplement.
Mme Tardif (Marielle) : Puis
j'ajoute aussi que, présentement, le jugement d'adoption est... peut être
réclamé par les adoptants mais pas par les adoptés. Alors...
Mme Morel (Anne-Marie) : Puis
ça, la loi le change, puis on est était supercontents. Oui.
Mme Tardif (Marielle) : La
loi le change, puis c'est une bonne chose, oui.
Mme Maccarone : O.K., c'est
très intéressant. Mesdames, je veux vous remercier beaucoup pour votre mémoire,
que j'ai trouvé très équilibré. Souvent, je dirais, entre parlementaires, on
est toujours là pour prévoir le pire puis pour s'assurer qu'il y a des mesures
de protection en place pour s'assurer... des personnes vulnérables sont
protégées, mais vous avez quand même donné un aperçu de l'amour, puis comment
protéger un peu l'amour, ce que j'ai vraiment apprécié de votre mémoire et
votre témoignage.
M. le Président, il me reste combien de
temps? Avec le consentement des collègues, je céderais la balance de mon temps
à la députée de Joliette.
Le Président (M.
Bachand) : Donc, si vous êtes d'accord, on pourrait partager le
temps entre les deux députés d'opposition?
Mme Maccarone : La raison
pour la demande, c'est parce qu'elle a quand même une expertise particulière.
Le Président (M.
Bachand) : Ah! moi... Non, mais j'essaie de voir... d'atteindre
un équilibre, mais... parce que je regarde le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Ça va? Est-ce qu'il y aurait consentement?
Une voix : Il y a
consentement.
Le Président (M.
Bachand) : Consentement. Alors, merci beaucoup, Mme la députée
de Westmount—Saint-Louis. Donc, je cède la parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve.
Merci.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Je pense qu'on s'était vus aux audiences sur la réforme du RQAP l'année
passée. Rebonjour, alors. Peut-être commencer par ça : Les modifications
au RQAP du projet de loi, ça vous convient? C'est à peu près ce que vous
attendiez?
Mme Morel (Anne-Marie) : Je
te la laisse, Marielle.
Mme Tardif (Marielle) : Bien,
ça, c'est merveilleux pour nous. C'est une grande reconnaissance de l'importance
des familles adoptantes, de l'importance des enfants adoptés qui ont les mêmes
droits, maintenant, que les enfants biologiques. Alors, ça, c'est une grande
avancée pour nous, et nous sommes vraiment fiers et vraiment heureux de ça.
Mme Morel (Anne-Marie) : Et c'est
un anniversaire qu'on célèbre demain, la première année d'équité. Donc, merci à
tous les parlementaires qui sont là et qui y ont joué un rôle.
M. Leduc : Parfait. Vous
faites référence... Je n'ai pas... Il y a comme deux mémoires, là... FPAQ,
pardon. Une des dernières recommandations, vous dites : «s'assurer d'évaluer
les impacts des modifications au droit de la famille et, au besoin, ajuster la
collecte d'informations pour être davantage en mesure de tirer des leçons quant
au projet de vie alternatif des enfants en Protection de la jeunesse pour
éclairer les décisions futures.» Mais je veux me concentrer sur le premier
bout, «s'assurer d'évaluer les impacts des modifications au droit de la
famille».
Ça a été évoqué plus tôt, je pense, par
mon collègue de LaFontaine, à savoir que c'est assez fréquent, dans des projets
de loi, de préciser qu'après un certain nombre de temps il y aura un rapport
qui sera déposé aux parlementaires, un rapport d'application. J'ai négocié le
même genre de clause dans un autre projet de loi sur la réforme de la santé et sécurité
récemment. Est-ce que ce serait quelque <chose...
M. Leduc : Est-ce que ce
serait quelque >chose qui répondrait à votre demande, que, dans les
clauses connexes, là, du projet de loi, lorsqu'on sera rendu à l'étude
détaillée, on mette qu'un rapport soit déposé d'ici trois, quatre ou cinq ans,
un rapport d'application, pour voir comment ça évolue?
• (20 h 10) •
Mme Morel (Anne-Marie) : C'est
ce qu'on recommandait avec beaucoup d'autres organismes d'adoption, qui font
maintenant partie du Comité de concertation adoption Québec, au moins aux cinq
ans. Puis, dans le fond, le 14 ans dont on parlait tout à l'heure pour
l'âge des retrouvailles puis que, nous, on voit trop jeune, bien, on ne sait
même pas si c'est utilisé vraiment, concrètement sur le terrain, les projets de
vie, lesquels seront les plus pertinents pour éclairer les décisions des
experts, puis je pense que c'est une danse qui va se faire beaucoup avec ceux
de vos collègues qui vont modifier la Loi de la protection de la jeunesse
également.
Donc, eux, ils auront besoin des outils.
Est-ce que ça répond à leurs besoins? Donc, pour nous, c'est essentiel de
documenter pour prendre les décisions les plus éclairées possible parce que c'est
des décisions qui transforment des vies, là, quand on choisit la filiation.
Donc, pour nous, c'est essentiel.
M. Leduc : Bon, alors, on va
se mettre à la rédaction d'amendements très bientôt. Merci.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, M. le député. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme
Hivon
: Ça
me donne combien de temps, cette grande...
Le Président (M. Bachand) :
4 min 5 s.
Mme
Hivon
:
Merci beaucoup. Merci beaucoup à la députée. Bonjour à vous trois. Merci
beaucoup de vos présentations. J'aurais des tonnes de questions. La première, là,
vous faites bien de vraiment spécifier que la tutelle supplétive, évidemment, c'est
toujours révocable, donc qu'il n'y a pas une stabilité qui vient avec ça. Vous
expliquez que vous avez évolué, vraiment, puis c'est tout à votre honneur d'expliquer
votre raisonnement d'avoir évolué et de maintenant penser que l'adoption sans
rupture du premier lien de filiation ou complétive, comme vous dites, pourrait
être une bonne idée. Mais je me souviens qu'à l'époque ça avait fait l'objet d'un
grand débat et finalement ça n'avait pas été maintenu, parce que, vous le dites
vous-mêmes, même si on reconnaissait ça, on ne donnerait pas des droits,
nécessairement, parentaux à la famille d'origine. Puis il me semble que le
consensus avait été qu'avec entente de communication, mais rupture du lien, on
pourrait arriver au même objectif. Donc, je veux comprendre votre cheminement.
Puis, ça, c'est ma technique habituelle,
vu que j'ai peu de temps, je vais vous dire mes autres objets, puis ça concerne
aussi l'autre association. Le 18 ans, là, vous dites puis, les deux,
vous êtes d'accord là-dessus, que, pour les enfants qui auraient été l'objet d'un
signalement, ça ne devrait pas être un consentement de facto, il faudrait
vraiment que la personne se manifeste. Pourquoi, dans les autres cas où ce n'est
pas une adoption qui a suivi un signalement par la DPJ, pourquoi alors, là, il
ne faudrait pas un consentement express?
Puis finalement, le 14 ans, à l'époque,
vous n'étiez pas favorables. Je veux juste savoir où vous en êtes aujourd'hui.
Mme Morel (Anne-Marie) : Je
vais répondre... Je vais essayer de répondre au premier bout de la question, mais
c'est difficile, hein, quand on les a en rafale. Mais rapidement, notre
cheminement, en fait, il a changé parce que les pratiques sur le terrain ont
changé. Donc, on a plus d'enfants qui sont placés, en majorité, dans des
familles Banque-mixte. Alors, c'est des familles... on a envie d'adopter les
enfants, on s'engage dans ce processus-là pour la vie. Ce n'est pas des
familles qui veulent 10 enfants en placement qui peuvent partir, aller,
revenir. On souhaite donner une famille permanente à des enfants, et ces
familles-là se ramassent avec d'autres projets de vie que l'adoption. Et, dans
beaucoup de ces cas-là, on nous dit... Puis je lisais les mémoires d'Alain Roy
qui viennent après, là, la loi n° 113, où il présente
que, finalement, on n'a pas créé ce modèle-là. Donc, il manque un modèle. Mais,
des fois, c'est pour donner des droits aux grands-parents, donner des droits d'avoir
des... de filiation, et tout ça.
Donc, j'avoue que je n'ai pas tous les
exemples, là, il faudrait que je vous en donne d'autres, mais il y a des choses
qui ne sont pas comblées. Et puis plusieurs chercheurs, là, qui déposeront des
mémoires cette semaine risquent de vous les exprimer encore mieux que ce que je
peux faire, là. Je voulais laisser le temps à mes collègues de s'exprimer sur
vos autres questions.
Mme
Hivon
: Oui.
Il y avait la question du 18 ans. Pourquoi seulement dans les cas où c'est
une adoption qui suit un signalement?
Mme Belso (Carolyne) : Bien,
moi, je pense qu'on ne le voyait pas de cette manière-là. Nous autres, on
voyait, tous, 18 ans, parce que les enfants qui sont confiés à des parents
adoptants... et ce n'est pas nécessairement des familles biologiques où est-ce
que c'est tout rose, là. Il y a des cas où est ce que c'est un peu
rock-and-roll, et puis on ne sait jamais qu'est-ce qui va se passer aux retrouvailles.
Par exemple, on pourrait avoir de la
fratrie plus âgée, qu'il y en a un en prison, ou quelque chose d'autre, puis
qui manipule le jeune qui a juste 16, 17, 18 ans. Bien, même à 18 ans,
l'idée, c'est que... est-ce que la personne, l'adopté, il va être en mesure de
prendre un recul puis de dire : O.K. Bien, ce n'était pas ça que je m'attendais?
Moi, je voulais avoir une relation avec une personne, mais ça ne veut pas dire
que moi, j'avais des parents qui avaient des meilleurs besoins, que je suis obligé
de donner du cash à d'autres personnes de ma famille. Ça, c'est un exemple,
mais il y en a plein.
Alors, ce ne serait pas juste dans des cas
d'abus, c'est vraiment laisser le jeune décider pour <lui-même...
Mme Belso (Carolyne) :
...jeune
décider pour >lui-même quand il est prêt à faire face à ça. Même quand
il n'y a pas eu d'abus, il pourrait y avoir juste le fait que le lien d'attachement
a été long à faire, le cheminement de l'enfant, il a été ardu. Puis, à 18 ans,
il est peut-être juste, juste à la bonne place. Il n'est peut-être pas prêt
encore de tout chambouler ça avec des retrouvailles. Il faut lui laisser le
temps. Il y en a qui attendent à 30 ans pour faire ça.
Alors, il faudrait juste leur laisser le
temps. C'est pour ça que c'est... le 18 ans, pour nous, c'est le minimum.
Mme Morel (Anne-Marie) : Parce
que nous, on avait mis vraiment notre préoccupation principale, donc, qui était
les signalements. Mais effectivement, si c'est quelque chose qui est
envisageable, de l'élargir, on serait d'accord avec les propos de Mme Belso.
Le Président (M.
Bachand) :10 secondes, Mme la
députée de Joliette.
Mme Hivon : Oui. Je pense que
le questionnement qu'il y a, c'est : Est-ce que c'est dans l'intérêt de l'enfant
ou plutôt du parent de faire ça de facto? Puis, vu que notre intérêt doit être
sur l'enfant, je pense que votre commentaire est très pertinent.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Sur ce, Mme
Morel, Mme Tardif, Mme Belso, merci infiniment d'avoir été avec nous en ce
début de soirée. C'est très apprécié. Et puis, bien, on se dit à bientôt.
Et puis, sur ce, je suspends les travaux
pour quelques instants. Merci beaucoup. Merci encore d'avoir été avec nous.
(Suspension de la séance à 20 h 17)
>
(Reprise à 20 h 22)
Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plait! La commission reprend ses travaux.
Alors, il nous fait plaisir de recevoir Mme Andréane Letendre, agricultrice. Et
je pense que c'est un titre qui est important et qu'on apprécie beaucoup.
Alors, merci d'être avec nous en cette
belle soirée. Alors comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation,
et, par après, on va faire un échange avec les membres de la commission. Donc,
je vous invite immédiatement à débuter votre exposé, puis, encore une fois,
merci d'être là ce soir.
Mme Andréane Letendre
Mme Letendre (Andréane) : Bien,
merci de me permettre de prendre la parole. Je m'appelle Andréane Letendre. J'ai
37 ans et je suis une personne conçue avec l'apport d'une tierce partie.
Dans les années 80, mes parents, face à l'impossibilité de procréer de
manière conventionnelle, se sont tournés vers l'insémination artificielle avec
un donneur de sperme anonyme. Ce n'est que beaucoup plus tard que j'ai appris
et compris ce que ça signifiait.
Mon mode de conception fait partie de mon
identité. La majorité de mes concitoyens a le privilège de connaître ses
origines biologiques. Moi, je n'ai pas cette chance-là. Au fil des années, j'ai
ressenti un sentiment d'injustice profond par rapport à ce manque d'information.
C'est ce qui m'a amenée à m'engager et à militer pour la reconnaissance des
droits des personnes conçues par procréation assistée. J'ai choisi de prendre
la parole publiquement pour parler de mon vécu et j'ai rapidement été en
contact avec plusieurs personnes ayant des expériences de vie similaires.
Je crois que les lois actuelles ne
répondent pas à nos besoins et créent de grandes injustices. Avec l'évolution
rapide des technologies de procréation médicalement assistée et l'ouverture de
plus en plus grande face aux familles moins conventionnelles, il est urgent de
prendre en compte les droits et le point de vue des personnes conçues par
procréation assistée dans l'élaboration des lois.
Lorsque j'ai pris connaissance du projet
de loi n° 2, j'ai été à même de constater que le
législateur souhaitait enfin mettre en place des mesures permettant de
répondre, dans la mesure du possible, aux personnes... aux besoins des
personnes conçues par don de gamètes. Mon intervention visera donc à éclairer
la commission sur le vécu des descendants de la procréation assistée et à
démontrer comment cette réforme du droit de la famille pourrait nous affecter.
À l'heure actuelle, il est impossible de
savoir combien il y a de personnes conçues avec l'apport d'une tierce partie au
Québec. Il s'agit d'un phénomène peu ou pas étudié, de notre point de vue.
Certains ont avancé des chiffres approximatifs, mais la procréation assistée
étant somme toute très peu réglementée et protégée par le secret médical, il n'y
a aucun moyen de savoir exactement combien nous sommes. La majorité des
personnes conçues par don de gamètes n'est d'ailleurs pas au courant de son
mode de conception.
L'insémination artificielle avec tiers
donneur serait pratiquée dans le système de santé québécois depuis les
années 70. Ailleurs dans le monde, ça pourrait avoir débuté autour du XXe siècle...
au début du XXe siècle. L'idée qu'il s'agit d'un phénomène nouveau et que
nous ne sommes que des jeunes adultes, voire des adolescents en pleine crise
identitaire, est erronée. On nous décrit souvent comme des enfants de donneurs,
mais la majorité d'entre nous a atteint l'âge adulte depuis longtemps. Peu de
personnes conçues par don de gamètes prennent la parole publiquement. La peur
du rejet, de blesser ses proches, d'être jugés ingrats ou même la crainte de
représailles juridiques repoussent plusieurs d'entre nous.
Comme je le mentionnais plus tôt, une
grande majorité des personnes conçues par don de gamètes n'est pas au courant
de ce fait et ne peut donc pas en témoigner. L'opinion publique en général nous
est aussi peu favorable. On nous attribue parfois une dette existentielle
supérieure aux gens conçus conventionnellement. De plus, certaines personnes ou
organisations ont tendance à opposer nos droits à ceux des couples infertiles,
des couples homosexuels ou des parents solos. Enfin, parler de son mode de
conception au grand jour crée des grandes tensions familiales et demande une
grande force morale. Nous vivons souvent des périodes de détresse psychologique
en lien avec notre mode de conception, et notre douleur n'est pas reconnue
comme légitime par plusieurs.
Les personnes conçues par procréation
assistée sont donc sous-représentées dans les différentes consultations
publiques, dans les médias et dans la recherche. La plupart des personnes
conçues par don de gamètes souhaitent connaître l'identité de leur géniteur
anonyme à un moment ou un autre de leur vie. Nous souhaitons avoir un accès
continu aux antécédents médicaux de notre géniteur, de même que <pouvoir...
Mme Letendre (Andréane) :
...notre géniteur, de même que >pouvoir s'assurer que nous ou nos
enfants ne vivrons pas de relations amoureuses incestueuses à leur insu. Il en
va de notre droit à faire des choix éclairés en matière de santé, de sexualité
et de reproduction.
Le désir de connaître nos origines dépasse
largement les aspects pratiques. Il s'agit de quelque chose de viscéral, d'un
besoin de s'ancrer dans une réalité humaine universelle. J'ai connu plusieurs
personnes comme moi qui ont investi des sommes considérables, beaucoup de temps
et d'énergie dans leur recherche. Cela nous mène parfois jusqu'à l'obsession ou
l'épuisement.
Malgré l'ampleur de la recherche, il nous
arrive de plus en plus de trouver des membres de notre famille biologique. La
disponibilité des tests d'ADN maison et l'expansion constante des banques de
données permettent à plusieurs de découvrir leurs origines biologiques.
Désormais, il est illusoire de penser que l'on peut garantir l'anonymat des
donneurs ni celle de leur famille. Même si le géniteur recherché n'effectue
aucun test d'ADN, il pourrait être possible de découvrir son identité par
déduction avec l'aide de la généalogie génétique.
Bien que plusieurs parents d'intention
affirment avoir l'intention de divulguer le mode de conception à leurs
éventuels enfants, une majorité ne le fera pas avant l'âge adulte, voire
jamais. Les familles manquent cruellement de support dans cette délicate
opération, et les supposés spécialistes se contredisent. Il n'y a aucune marche
à suivre ni guide des meilleures pratiques, si bien que les parents remettent
souvent à plus tard. Cela donne lieu à des révélations tardives ou à des
découvertes fortuites qui nuisent énormément aux relations familiales.
Le projet de loi n° 2
enchâsse le droit aux origines de toutes les personnes dans la charte
québécoise des droits et libertés. Cette recommandation est, pour moi,
essentielle et viendrait légitimer le vécu des personnes conçues par don de
gamètes. Elle permettrait également de prendre en compte les besoins des
descendants en priorité lors de l'élaboration future de lois qui toucheraient
la procréation assistée, notamment en santé.
Les raisons habituellement invoquées pour
justifier le maintien de l'anonymat des donneurs sont généralement calquées sur
le modèle de l'adoption plénière qui avait cours au Québec autrefois. Dans le
cas de l'adoption, l'anonymat absolu des parties servait à protéger les enfants
de l'abandon ou même de l'infanticide dans une société où la maternité hors
norme pouvait causer de graves problèmes à la mère. Or, cela ne s'applique pas
du tout aux personnes conçues avec l'apport d'une tierce partie, et la société
québécoise a énormément évolué depuis ce temps-là. D'ailleurs, le droit aux
origines des personnes adoptées a été reconnu en juin 2017 avec l'adoption du
projet de loi n° 113. Il est donc injuste de refuser
ce même droit aux personnes conçues avec l'apport d'une tierce partie.
Je souligne également ici l'importance d'abolir
toute forme de secret et d'anonymat dans le don de gamètes, et ce, même de
manière rétroactive. Les personnes conçues avant l'adoption de la loi méritent
qu'on leur donne toute l'information nécessaire pour identifier leurs
géniteurs, même si ces derniers se sont fait promettre l'anonymat au moment de
leur contribution. Tel que mentionné plus haut, les tests d'ADN maison rendent
futile toute promesse d'anonymat, passée ou future. La loi doit en tenir compte
et encadrer ces contacts qui se feront, qu'on le veuille ou non, de manière à
ce que l'intérêt supérieur des descendants prime avant tout. D'ailleurs, le
projet de loi n° 2 permet aussi aux descendants
directs d'obtenir les informations sur les géniteurs de leur parent décédé s'il
a été conçu avec l'apport d'une tierce partie. Ce passage est important pour
moi, car je souhaite que mes enfants puissent connaître leurs origines et nouer
des relations amoureuses sans craindre un inceste accidentel.
Le projet de loi n° 2
consacre également un article à l'importance de la divulgation du mode de
conception de l'enfant par les parents. Cela m'apparaît important de mettre en
place une certaine obligation, puisque les parents d'intention, surtout les
couples hétérosexuels infertiles, omettent majoritairement d'informer leurs
enfants de leur mode de conception, et ce, malgré une intention qui était
présente au moment de la conception.
Bien que je déplore le caractère non coercitif
de cet article, j'en salue tout de même l'intention, car la non-divulgation du
mode de conception est un facteur prépondérant dans la détresse psychologique
des personnes conçues par don de gamètes qui l'apprennent plus tard dans leur
vie. La plupart des intervenants sérieux recommandent, en effet, que cette
information soit donnée aux enfants tôt et souvent.
• (20 h 30) •
Afin de protéger toutes les parties en
cause, tout en garantissant le respect des droits des personnes conçues avec l'apport
d'une tierce partie, il importe de développer des voies légales accessibles à
tous en matière de procréation assistée. Il devrait être facile de signer une
entente devant notaire, si nécessaire, qui nomme les devoirs et les droits de
chacun.
Le projet de loi n° 2
satisfait cette exigence de retirer aux médecins et aux cliniques de fertilité
le soin de gérer l'aspect juridique de la procréation assistée. Il concrétise
le sérieux d'une démarche de projet parental et promet une moindre
marchandisation de la fertilité et de la reproduction.
Le projet de loi n° 2
prévoit la création d'un registre à l'intention des personnes conçues avec un
tiers apport. Par contre, il ne permet pas aux personnes conçues par
procréation assistée de connaître la taille de leur cohorte de frères et <sœurs
biologiques...
>
20 h 30 (version révisée)
< Mme Letendre (Andréane) :
...des
personnes conçues par don de gamètes qui l'apprennent plus tard dans leur vie.
La plupart des intervenants sérieux recommandent en effet que cette information
soit donnée aux enfants tôt et souvent. Afin de protéger toutes les parties en
cause tout en garantissant le respect des droits des personnes conçues avec
l'apport d'une tierce partie, il importe de développer des voies légales
accessibles à tous en matière de procréation assistée. Il devrait être facile
de signer une entente, devant notaire si nécessaire, qui nomme les devoirs et
les droits de chacun.
Le
projet de loi n° 2 satisfait
cette exigence de retirer aux médecins et aux cliniques de fertilité le soin de
gérer l'aspect juridique de la procréation assistée. Il concrétise le sérieux
d'une démarche de projet parental et promet une moindre marchandisation de la
fertilité et de la reproduction.
Le
projet de loi n° 2 prévoit
la création d'un registre à l'intention des personnes conçues avec un tiers
apport. Par contre, il ne permet pas aux personnes conçues par procréation
assistée de connaître la taille de leur cohorte de frères et >soeurs
biologiques. À la différence de l'adoption, les techniques de procréation
assistée, qu'elles soient médicales ou artisanales, peuvent mener à la
conception de grandes cohortes de descendants. La mondialisation de l'industrie
de la fertilité rend très complexes l'élaboration et l'application de
politiques limitant le nombre de descendants biologiques qu'une personne peut
créer. Je suis d'avis qu'un nombre maximal absolu raisonnable de descendants
par donneur devrait être établi dans la loi malgré les défis que poserait
l'application d'une telle loi. À tout le moins, il serait important de pouvoir
obtenir l'information sur le nombre de demi-frères, sœurs qui ont été conçus
avec le même donneur ou la même donneuse.
À l'heure actuelle, il n'existe aucun
organisme indépendant qui surveille les cliniques de procréation assistée.
Chacune a ses propres politiques qui changent au gré des propriétaires.
Personne ne vérifie l'intégrité des registres, l'accessibilité est arbitraire.
On ne sait pas s'il y a des erreurs de manipulation. On ne connaît pas
l'ampleur des banques de sperme ou d'embryons congelés. Il y a des cas avérés
de négligence médicale. Lorsque cela se produit, les descendants affectés ont
très peu de moyens de réaliser l'erreur, et ils la réalisent souvent beaucoup
trop tard pour que des recours pertinents puissent avoir lieu. L'abolition de
l'anonymat permettrait de réduire les accidents de ce genre. Il importe que les
activités de procréation assistée soient régies par des instances extérieures à
l'industrie de la fertilité.
On sait qu'une majorité du matériel
reproductif utilisé au Québec provient de l'extérieur de la province, souvent
de l'extérieur du Canada. Le sperme congelé voyageant désormais comme lettre à
la poste, il est excessivement difficile de tracer le chemin parcouru par les
paillettes.
Encadrer la procréation assistée dans ce
contexte est une tâche très complexe, bien qu'essentielle. En adoptant le projet
de loi n° 2, le Québec se doterait d'une des lois les plus progressistes
en matière de droits des personnes conçues avec l'apport d'une tierce partie et
ferait figure de précurseur en Amérique du Nord et dans le monde. Merci de m'avoir
écoutée un peu.
Le Président (M.
Bachand) :C'était très bien. Vous êtes
sur la «target», comme on dit. Alors, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Mme Letendre, bonsoir. Merci beaucoup d'être parmi
nous aujourd'hui. Je crois que votre témoignage, ça amène vraiment un visage
humain sur ce de quoi on discute puis surtout relativement à la gestation pour
autrui. Procréation assistée, ça va souvent avec la gestation pour autrui. Puis
je suis très heureux, puis je tiens à vous remercier, puis à vous féliciter
pour votre témoignage de ce soir, parce que ça va permettre d'outiller les
parlementaires puis vraiment de comprendre comment une personne vit cette
situation-là, lorsqu'on est issu, justement, de la procréation ou avec recours
avec un tiers, relativement à la contribution par rapport à la connaissance des
origines.
Donc, je comprends que vous accueillez
favorablement le projet de loi, justement, du fait qu'on va venir faire en
sorte que la connaissance des origines va être valorisée, puis on va permettre
aux gens issus de gamètes, notamment, d'avoir accès au bagage génétique, d'avoir
accès à leurs origines. Donc, ça, vous êtes à l'aise avec ça, vous êtes
satisfaite.
Mme Letendre (Andréane) : Bien,
c'est quelque chose qu'on espère depuis très longtemps. C'est sûr que moi, tu
sais, de pouvoir connaître mes origines ou, du moins, que ce droit-là soit
reconnu dans la loi, ça me permettrait d'abord, c'est sûr, pour des questions
très pratiques, d'avoir mon information de mes antécédents médicaux, de pouvoir
prendre des décisions éclairées sur ma santé, celle de mes enfants, que mes
enfants puissent aussi prendre des décisions éclairées sur leur santé, d'arrêter
de sentir que je mens quand je prends une assurance vie puis que je ne suis pas
certaine de savoir vraiment qu'est-ce que j'ai eu comme antécédents familiaux,
puis tout ça.
Mais, au-delà de ça, ça répond à un besoin
qui est viscéral. Je pense que, comme être humain, on a tous besoin de savoir d'où
on vient, de s'ancrer dans une réalité qui est humaine, qui est universelle, d'être
un humain conçu par des humains, pas le produit d'une industrie ou le résultat
d'une transaction, d'être un miracle de la science conçu en labo. Ça a pris des
humains pour me faire, puis ce matériel génétique là, le matériel génétique de
ces humains-là coule dans mes veines à moi, dans chacune de mes cellules. Donc,
d'avoir, moi, accès à cette information-là, je pense que c'est nécessaire.
Parce que c'est également une promesse que
j'ai faite un jour à moi, quand j'avais 12 ans, qui commençais à avoir de
la difficulté un peu à figurer mon identité. Puis je trouvais que les adultes n'avaient
peut-être pas assez pris en compte ce que je pourrais devenir ou ce que je
pourrais avoir comme désir de connaître mes origines. Ça fait que je me suis
dit que... moi, c'est une des raisons pourquoi je me suis engagée là-dedans. Je
me suis dit que j'allais permettre de changer des choses puis que, dans le
fond, quand j'ai pris conscience du projet de loi n° 2,
bien, ça m'a permis de réaliser qu'enfin on <prenait ça au sérieux...
Mme Letendre (Andréane) :
...réaliser qu'enfin on >prenait ça au sérieux.
M. Jolin-Barrette : Bien, je
dois vous dire que votre témoignage est éloquent. Puis c'est justement en
pensant à des gens comme vous qu'on fait en sorte de pouvoir, justement,
modifier la législation.
Vous avez abordé deux points. Le premier,
bon, sur la connaissance des origines, vous l'avez bien couvert. Vous avez été
rapidement aussi sur les antécédents médicaux, biologiques aussi. Ça, pour
vous, c'est important, parce que vous avez dit : Moi-même, mes enfants, je
veux pouvoir leur indiquer, oui, la connaissance des origines, mais aussi s'il
y a des maladies héréditaires ou quoi que ce soit. Donc, l'aspect antécédents
médicaux, biologiques, c'est important aussi pour les gens qui ont été conçus
avec la procréation assistée notamment ou avec la contribution d'un tiers.
Mme Letendre (Andréane) :
Oui, c'est superimportant parce qu'il y a aussi quelque chose au niveau de
nouer des relations intimes. Mes enfants, s'ils nouent des relations intimes
avec des enfants d'une autre personne conçue par don de gamètes, bien, ça se
trouve à... qui seraient, mettons, mes demi-frères, tu sais, qui seraient comme
des cousins, ça serait des cousins au premier degré, tu sais. C'est quelque
chose qu'on n'a comme pas pensé. On a dit : Bien, il ne faudrait comme pas
que des demi-frères, demi-soeurs se rencontrent. Mais ça va au-delà de la
première génération, là, ça va aussi après, là.
M. Jolin-Barrette : Sur la
question de l'obligation désormais de divulguer à l'enfant qu'il a été conçu
notamment par la contribution d'un tiers, ou par gestation pour autrui, ou par
procréation assistée, qu'est-ce que vous en pensez du fait que les parents
devront le dire à l'enfant à un moment? Parce que tantôt, vous parliez de la
culture du secret un peu, à une certaine époque, tout ça. Là, on souhaite
élargir au niveau de la connaissance des origines, mais justement, là, de dire,
là, la contribution, comment vous voyez ça, le fait... parce que tout à l'heure,
vous avez dit : Je l'ai appris, je crois, à l'âge de 12 ans. Comment
voyez-vous cette obligation-là désormais pour les parents?
Mme Letendre (Andréane) :
Bien, c'est important que l'obligation soit nommée dans la loi parce que la
plupart des parents se font dire : C'est mieux de le dire, mais, par
contre, ils ne sont comme pas accompagnés. Puis étant donné qu'il n'y a comme
pas d'obligation, bien, souvent, c'est quelque chose d'assez difficile à faire,
puis ils le reportent à plus tard. Puis de l'apprendre sur le tard, bien, c'est
comme pour un enfant qui ne l'a pas appris jeune.
Moi, ce que je peux dire, c'est que j'avais
l'impression que les premières personnes à qui j'ai fait confiance dans la vie
m'avaient menti sur la nature même du lien qui m'unissait à eux. Puis ça, c'est
quelque chose qui vient ébranler la confiance qu'on a dans le monde, puis c'est
assez fondamental, tu sais, comme réalisation. Même si on l'a appris... même,
tu sais, il y a comme toujours... on a toujours comme un moment d'éveil, à un
moment donné, comme personne conçue par don de gamètes, quand on se rend compte
que : O.K., oui, c'est vrai, tu sais, dans le fond, il y a quelqu'un d'autre
que je ne connais pas qui a participé, tu sais, à ça. Puis ce moment-là, tu
sais, c'est comme un point de non-retour. Ça peut être le moment où tu l'as
appris. Puis, tu sais, si tu l'apprends de façon fortuite... Tu sais, il y a
toutes sortes de façons pas adéquates d'apprendre qu'on est conçu par don de
gamètes. Tu sais, ça peut être un parent qui est au courant, qui s'échappe à un
moment donné. Ça peut être aussi, dans le cadre d'une séparation, ça peut être
utilisé comme arme de négociation. Ça, c'est excessivement malsain. Je pense
que si l'enfant le sait dès le départ, bien, ça risque d'éviter ces mauvaises
situations là, là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
la question de l'accessibilité, pour un descendant au premier degré, d'accéder
aux renseignements identitaires, donc là, désormais, dans le fond, il n'y a pas
juste la personne conçue par les gamètes, mais également ses descendants. Le
fait de donner, supposons, à vos enfants l'accès aux informations, comment vous
percevez ça?
• (20 h 40) •
Mme Letendre (Andréane) : Bien,
je trouve ça important. Justement, comme j'ai dit déjà, la première génération,
tu sais, c'est important qu'ils soient au courant de ça, parce que, s'ils
rencontraient quelqu'un dans la... tu sais, s'ils nouaient une relation avec un
cousin au premier degré, écoute, ça serait quand même minimalement qu'il puisse
le faire en toute connaissance de cause, là, tu sais. Et puis c'est aussi parce
que le risque est plus grand de rencontrer des collatéraux dans la vie de tous
les jours parce que les cohortes sont grandes.
Tu sais, je veux dire, au Québec, on a
déjà eu des très, très grandes familles, là, mais ces gens-là se connaissaient
tous. Ça fait que, quand il rencontrait d'autres gens, il savait qu'il était le
frère de 10 autres personnes, mettons. Mais moi, tu sais, je ne sais pas
combien j'en ai, des frères et soeurs qui se baladent dans la nature, tu sais.
Ça s'est vu, des cohortes de 50, 100 descendants. Quand on utilise la
procréation assistée, même si ce n'est pas médical, là, les cohortes sont très
grandes. Puis ça, ça transfère, tu sais, ça transfère le risque d'inceste
involontaire à la <génération suivante...
Mme Letendre (Andréane) :
...à la >génération suivante. Ça fait que l'importance que les enfants
puissent le savoir, je pense que c'est crucial, d'autant plus que je
pourrais... j'aurais pu mourir sans le savoir, tu sais, j'aurais pu ne jamais l'apprendre.
Puis c'est quand même important que mes enfants l'apprennent, je pense. Mettons
que je décède un jour, ce serait important qu'eux autres aient cette
information-là, s'ils le désirent, qu'ils puissent comme faire des recherches
puis connaître ça.
M. Jolin-Barrette : O.K. Une
dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Vous avez, tout à l'heure,
dans votre déclaration préliminaire, insisté sur l'encadrement des cliniques de
fertilité, notamment. Vous avez dit, dans le fond : Bien, écoutez, il n'y
a pas tant d'encadrement, ça devrait être... ça devrait être revu, là, tout ça.
Mme Letendre (Andréane) :
Oui. Bien, en fait, l'encadrement qui est fait au niveau des cliniques de
fertilité, c'est assez minimal, dans le sens qu'on s'assure que les gamètes
utilisés sont sains, que les enfants vont naître en santé, exempts de problèmes
physiques, tu sais. Par contre, moi, quand j'ai fait des recherches puis que j'ai
fait... que j'ai contacté des hôpitaux, je me suis butée à beaucoup de
condescendance puis beaucoup de réticence à me donner des informations.
Les cliniques de fertilité, là, c'est des
entreprises, puis, tu sais, d'aider des couples infertiles ou des familles à
fonder, à avoir des enfants, c'est leur business. Ils font de l'argent avec ça.
Puis moi, en tant qu'enfant de la procréation assistée, je ne suis pas leur
client, donc ils n'ont absolument aucun compte à me rendre. Puis, dans le fond,
ils rendent des comptes à leurs clients, puis après ça, bien, il n'y a comme
pas vraiment de contrôle sur... Si un médecin, il fait une erreur, bien, on va
s'en rendre compte beaucoup, beaucoup, beaucoup plus tard, puis il n'y aura
plus vraiment la possibilité d'avoir un recours quelconque.
Tu sais, un médecin qui se fait radier à
80 ans, sa vie est faite, puis, tu sais, il n'y a comme pas rien qui... ça
ne dérange presque pas, là, tu sais. Tandis que s'il est surveillé, si on sait
qu'il a utilisé tel gamète à telle place... Tu sais, moi, je suis agricultrice,
j'insémine mes vaches avec de la... tu sais, je fais de l'insémination
artificielle, là, puis je peux vous dire que mes vaches, leur pedigree est
suivi de façon beaucoup plus sérieuse que moi, comme être humain qui a été
conçu par insémination artificielle. Puis ça, ça me dérange beaucoup, tu sais. Ça
fait que c'est important d'avoir un certain encadrement au niveau des cliniques
de fertilité. C'est comme dérangeant, je trouve, que ce soient des médecins qui
décident de comment l'accès aux origines va avoir lieu, alors que ça devrait
être des juristes qui le font. Ça devrait être des... tu sais, ça devrait être
des papiers qui sont comme notariés, qui sont enregistrés quelque part parce
que ça concerne quand même notre vie, tu sais. Faire de la... tu sais, faire de
la généalogie, tu sais, moi, ça ne m'est pas vraiment accessible, là, tu sais, puis
je ne trouve pas ça correct. Tu sais, je pense que ça devrait être... ça
devrait être accessible à tous, là.
M. Jolin-Barrette : Bien, je
vous remercie pour votre témoignage. C'est fort instructif. Un grand merci pour
votre présence en commission.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Pour un peu moins de cinq
minutes, M. le député de Saint-Jean, s'il vous plaît.
M. Lemieux : Merci beaucoup, M.
le Président. Mme Letendre, vous venez juste de rejoindre une idée avec
laquelle je jonglais depuis le début. Je ne suis pas sûr que vous allez la
trouver drôle, alors je vais commencer par vous dire que votre passion, votre
courage, votre sang-froid font effectivement, comme le disait le ministre, de
votre témoignage quelque chose de très touchant puis d'éclairant. Quand je
disais que vous ne la trouveriez pas drôle, c'est que je vous écoutais, puis là
vous venez de parler des vaches que vous inséminez, évidemment, moi, j'ai pensé
tout de suite à Starbuck. Sauf que vous, effectivement, c'est la vie que
vous vivez, là. Je ne veux pas faire un amalgame ridicule, mais il y a beaucoup
de ça, là. Vous venez de le faire vous-même en parlant de vos vaches, là.
Mme Letendre (Andréane) :
Oui, exactement. Bien, tu sais, moi, tu sais, Starbuck, j'en ai entendu
parler ça fait longtemps, puis, tu sais, c'est sûr que quand je suivais mes
cours d'insémination, tu sais, au niveau des vaches, ça me travaillait, là. Tu
sais, c'est certain que j'y pensais énormément. Mais oui, tu sais, c'est
comme... Je trouve que, tu sais, bien, on est peu à prendre la parole, là,
comme personnes conçues par don de gamètes. Puis, tu sais, c'est justement un
peu ça aussi, tu sais, c'est que ce n'est comme pas vu sérieusement dans la
société en général, tu sais, les... c'est ça, tu sais, bien... puis tu sais, je
veux dire, on tient des registres au niveau de l'insémination des animaux parce
qu'on connaît, justement, l'importance au niveau du suivi des maladies
génétiques, du suivi de la traçabilité de tout ça.
Puis, tu sais, quand c'est pour des
humains, ah, là, tu sais... Je ne comprends pas pourquoi qu'on ne s'est pas dit :
Aïe! Ça serait important, tu sais, d'avoir un certain cadre, tu sais, une
certaine... tu sais, des règles à <respecter...
Mme Letendre (Andréane) :
...une
certaine... tu sais, des règles à >respecter, là. Tu sais, on parle de
personnes humaines, là.
M. Lemieux : Vous avez parlé
de votre histoire et vous avez évoqué, à 12 ans, la promesse que vous vous
êtes faite. Je voudrais savoir, sans aller dans le trop personnel, mais qu'est-ce
que vous avez trouvé le plus dur : vous poser les questions, à l'époque,
que vous étiez trop jeune quand vous l'avez su ou plus vous vieillissez, plus
ça fait mal?
Mme Letendre (Andréane) : C'est
difficile à dire. En fait, ce qui arrive, c'est qu'on a des moments dans notre
vie où ça devient très important, puis il y a d'autres moments où on devient
capable de juste balayer ça sous le tapis puis faire notre vie normalement, tu
sais, mais ça nous rattrape, tu sais. Quand j'ai voulu avoir des enfants, bien,
ça m'a rattrapée, tu sais. Quand... je ne sais pas, tu sais... C'est sûr que
moi, je l'ai appris, mes parents étaient en instance de séparation, ça fait que
c'est sûr que ça a été un peu difficile. Mais, tu sais, on a toujours, tu sais,
des petits moments de la vie qui font que, ah, tu sais, ça revient sur le tapis
puis, tu sais, ça devient important, tu sais. Ça fait qu'à chacun de mes
enfants que j'ai eus, ça m'a travaillée. Je me suis dit : Ah! tu sais,
comme... je ne le sais pas, moi, tu sais, comme, c'est qui, quelque part, tu
sais. Puis à chaque moment important, chaque moment charnière de la vie, on
dirait que ça vient nous travailler. Tu sais, la douleur, tu sais, c'est sûr
que c'est vif. Quand on l'apprend puis quand on fait cette réalisation-là, il y
a comme un point de non-retour en arrière, puis il y a un deuil à vivre puis,
tu sais, à revivre aussi, généralement.
Mais, tu sais, il faut faire aussi
attention puis il faut comme se parler, parce que moi, c'est très facile, là, d'en
venir à, tu sais, je suis, dans le fond, là parce que mes parents ont voulu que
je sois là. Mes parents ont comme payé pour m'avoir, puis ils avaient besoin d'un
bébé, tu sais. Maintenant que je suis rendue une adulte, tu sais, c'est quoi,
mon sens, c'est quoi, dans... qu'est-ce que je fais au monde, tu sais? Puis il
y a aussi le fait de se dire, tu sais, le fait de dire, tu sais : Moi, je
n'ai pas demandé à venir au monde, c'est clair, je suis vraiment contente d'être
ici, mais je n'ai pas demandé à venir au monde. Puis si je n'étais pas née, mes
parents, c'est eux autres qui auraient eu le plus de peine, tu sais. Ça fait
que, à quelque part, quand on réalise ça, des fois, la ligne est mince entre
tomber dans une crise suicidaire... tu sais, ça devient très, très difficile de
dire : Oui, mais, dans le fond, qu'est-ce que je fais au monde, là, tu
sais? Ça fait que oui, c'est ça.
M. Lemieux : Vous avez parlé,
à quelques reprises depuis le début, d'autres personnes comme vous qui sont
nées de gamètes. Est-ce que vous sentez le... je n'ose pas dire le positif,
mais l'énergie qui vient du projet de loi n° 2? Puis il n'est pas
seulement pour vous en particulier, il y a un paquet de monde qui vont être
affectés par ça. Mais, pour vous, c'est comme une bouée de sauvetage, là, qui
vient d'arriver, là?
Mme Letendre (Andréane) : Bien,
en fait, c'est comme si le père Noël...
Le Président (M.
Bachand) :Mme Letendre, excusez-moi,
sur cette question-là, il vous reste 20 secondes avant de passer à un
autre collègue.
Mme Letendre (Andréane) : O.K.
Pour moi, c'est comme si le père Noël avait répondu à une lettre que j'ai
écrite quand j'avais 12 ans, là. C'est vraiment comme... je ne pensais pas
vivre pour voir vraiment le fait qu'on adopte... qu'on abolisse ça, là.
M. Lemieux : Merci beaucoup.
Je ne suis pas sûr que le ministre a apprécié la comparaison au père Noël, mais
bon. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Juste vous rappeler que, plus
tôt dans la journée, on parlait de l'esprit du temps des fêtes. Alors, M. le
député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Merci beaucoup, M.
le Président. Bien, merci beaucoup, Mme Letendre, pour votre témoignage.
Effectivement, c'est très éclairant, et ça nous aide dans notre réflexion à
nous donner une perspective sur ce qu'on fait, comme législateurs, puis ça a un
impact direct dans la vie des gens. Ça a un impact et ça aura un impact dans la
vôtre également. Témoignage qui est trop peu souvent entendu, soit dit en
passant.
Dans la loi, et j'aimerais vous entendre
là-dessus, puis on aura l'occasion, lorsque l'on va rédiger les articles de loi...
souvent, le diable est dans les détails, puis là il y aura beaucoup de
questions de compréhension, puis on va prendre le temps de bien comprendre, mais
à sa face même, je lis, dans un des articles de loi : «Il appartient au
parent de l'enfant de l'informer du fait qu'il est issu d'une procréation
impliquant la contribution d'un tiers.» J'aimerais vous entendre là-dessus, sur
«il appartient au parent de».
On va faire le débat. Je ne ferai pas le
débat avec le ministre ce soir, là, sur ce que ça veut dire puis quelle est l'intention
du législateur, mais prenant pour acquis la signification que je lui accorde,
là, est-ce que c'est bien rédigé, comme ça, ou est-ce qu'il ne devrait pas,
au-delà de l'appartenance ou du droit qui est donné au parent, y avoir un
droit, justement, pour l'enfant de connaître ses origines? Mais là, si le
parent, évidemment, si le parent ne le dit pas, l'enfant ne pourra pas le
deviner. Puis est-ce que vous impliquez que ça prendrait donc l'action, peut-être,
d'un tiers ou pas? J'aimerais vous entendre là-dessus, sur des concepts qui
pourraient peut-être, moi, <m'échapper...
M. Tanguay :
...qui
pourraient
peut-être, moi, >m'échapper, mais qui, vous, ne vous
échappent pas du tout, ça, c'est clair.
• (20 h 50) •
Mme Letendre (Andréane) : Bon,
moi, personnellement, j'ai déjà mentionné, j'avais participé à la commission
citoyenne de la Chambre des notaires, il y a quelques années, et puis moi, ce
que j'aurais proposé, c'était une mention au certificat de naissance, juste
pour que ce soit tellement comme... tu sais, que le parent sache que, regarde,
si tu ne lui dis pas, il va le voir, quand il va commander son certificat de
naissance, ce à quoi on m'avait répondu que ce n'est pas une information qui
concerne les gens qui vont avoir à voir un certificat de naissance un jour, par
exemple, l'école, puis tout ça. Bon, on pourrait débattre là-dessus
certainement pendant un certain temps.
Je pense que, tu sais, c'est vrai que ça
appartient au parent de le dire à l'enfant, sauf qu'il y a beaucoup de
circonstances où est-ce que le parent va avoir besoin d'aide pour le dire à son
enfant puis parce que, bien, c'est ça, pour l'instant, il n'y a à peu près
aucun support qui se fait pour les familles de ce côté-là. Puis, en même temps,
il y a beaucoup de circonstances aussi où, par exemple, si mes parents,
admettons, décédaient, ou devenaient inaptes, ou quelque chose comme ça, bien,
ils ne pourraient pas me le dire peut-être, tu sais, en bon temps.
Ça fait que, tu sais, pour moi, il devrait
y avoir... C'est sûr qu'au niveau de la loi il va y avoir le registre qui va
être créé puis que quelqu'un, mettons, une personne qui voudrait savoir s'il
est conçu par don de gamètes, il peut s'adresser au registre puis demander :
Est-ce que moi, vous avez un dossier à mon nom, tu sais? Ça fait qu'à ce
moment-là ça permet de le savoir. Mais il faut quand même que la personne ait
eu un doute à la base pour s'adresser au registre. Ça fait que... Puis, tu
sais, je pense que la plupart des personnes conçues par don de gamètes ne sont
pas au courant de ça à l'heure actuelle.
Ça fait que, tu sais, c'est sûr que, tu
sais, comme je dis dans mon texte que j'ai lu tantôt, tu sais, je salue ça,
parce que je pense que c'est important que ce soit dans la loi puis que ce soit
comme dit que c'est quelque chose... ça ne se fait pas, de ne pas le dire à son
enfant, tôt et souvent, tu sais. Mais il faudrait qu'il y ait quelque chose de
plus coercitif. Comment est-ce qu'on peut faire ça? Je ne le sais pas, tu sais,
mais c'est ça.
M. Tanguay : La solution
mitoyenne entre la coercition et le simple choix du parent, sans aucun autre
aspect, il y a peut-être l'entre-deux.
On parle beaucoup... on parlait, un peu
plus tôt, là, de gestation pour autrui, de l'importance d'avoir des séances
psychosociales. Peut-être que pour l'avenir, ce serait important que les
parents qui ont recours au don de gamètes, qu'il y ait une formation sur l'impact
de l'enfant aussi, qu'il y ait une sorte d'éveil qui soit fait aussi, peut-être
en amont, pour les parents, de dire : Bien, peut-être que le... écoutez,
ça demeurera votre choix, votre option, mais sachez que ça ne serait pas
mauvais, pour des raisons... légalement, voici vos devoirs et responsabilités,
mais pour des raisons que vous invoquez, qui sont tout à fait objectives, santé
et consanguinité, là, ce serait important, donc, qu'il y ait une formation,
peut-être, ou une rencontre minimale avec un professionnel pour les parents qui
le désireraient.
Mme Letendre (Andréane) :
Bien, je pense que les intervenants, à date, ne sont pas très outillés sur ce
que nous, on vit. En fait, ça arrive souvent, là, qu'on... Tu sais, moi, quand
j'étais jeune, ça m'est arrivé de demander de l'aide psychologique, puis que
les gens ne soient vraiment pas au courant de ce que je vivais, puis qu'ils me servent,
là : Ah! bien, tu sais, tes parents ont tellement voulu t'avoir, là, tu
sais, comme, c'est correct, sois... tu sais, aie de la gratitude, puis ça va
être correct, tu sais. Puis, tu sais, ce n'est pas connaître... c'est mal
connaître la situation.
Et aussi, je pense que les parents, à l'heure
actuelle, qui font une démarche en fertilité doivent rencontrer des
intervenants psychosociaux. Le problème, c'est que ces intervenants
psychosociaux là ne sont peut-être pas vraiment outillés du point de vue de la
personne conçue par don de gamètes. Eux autres, ils rencontrent des couples
infertiles, ou des familles homoparentales, ou des familles, bien, solos, qu'on
appelle, là, régulièrement. Puis, tu sais, ils n'ont pas nécessairement notre
point de vue, comme, dans leur bagage. Ça fait que, tu sais, j'ai l'impression
qu'ils peuvent dire un peu des énormités, des fois, là, sans le savoir puis
sans vouloir faire de mal, tu sais. Ça serait important qu'il y ait vraiment,
comme, au moins un certain... tu sais, le point de vue des personnes issues de
la procréation assistée soit comme intégré au niveau de la démarche d'intervention
avec les parents qui vont avoir des enfants plus tard de cette manière-là.
M. Tanguay : Là, on a vu les
parents de l'enfant né par don de gamètes. Maintenant, le donneur de gamètes
peut, en vertu de la loi telle que rédigée, puis on fera le débat... Toute
personne issue d'une procréation impliquant la contribution d'un tiers peut
avoir le nom du tiers, les renseignements concernant son profil, sauf un refus
de contact qui y fait <obstacle...
M. Tanguay :
...de
contact qui y fait >obstacle, par le donneur. Qu'est-ce que vous pensez
de ça?
Mme Letendre (Andréane) : Bien,
je pense que le refus de contact, ça rassure tout le monde, en quelque sorte. Je
pense, la plupart des personnes conçues par don de gamètes, là, moi... tu sais,
souvent, ce qu'ils vont rechercher, c'est plus l'information que la relation.
Maintenant, si, entre adultes consentants, si une relation peut se développer,
tu sais, c'est à eux de le faire. Mais je pense que, tu sais, de pouvoir avoir
un refus de contact, c'est comme une protection de base qui me permet, moi, au
moins, d'avoir l'information, tu sais. Ça se peut que je n'aie pas... tu sais,
je n'ai pas vraiment à contacter, tu sais, mon géniteur pour avoir les
informations dont j'ai besoin. Puis, tu sais, à la limite, mon médecin pourrait
faire les démarches auprès de son médecin pour avoir les informations
médicales. Moi, si je connais son nom, déjà, ça limite les risques d'inceste
involontaire dans plusieurs... même pour la génération suivante, tu sais, ça m'inscrit
déjà dans quelque chose de profondément humain, là, tu sais.
M. Tanguay : Et c'est
important, ce que vous nous dites, Mme Letendre, parce que moi, je n'aurais
jamais pu le deviner, ça, puis c'est important, puis c'est majeur, ce que vous
témoignez, dans votre cas, en tout cas. Puis j'aimerais ça savoir jusqu'à quel
point, peut-être, pour avoir rencontré ou avoir été à l'affût d'autres
témoignages de personnes dans votre cas... ce que vous venez dire, je n'aurais
jamais pu le deviner, que votre désir est davantage d'information que de
relation. J'aurais peut-être pu faussement présumer que vous aviez une envie de
relation, mais vous me dites non.
Est-ce que ça, c'est représentatif de ce
que vous avez peut-être pu avoir comme autres témoignages de personnes, dans
votre cas aussi, que c'est l'information avant la relation?
Mme Letendre (Andréane) : Oui,
c'est l'information avant la relation, je pense, qui compte. C'est certain que
certaines personnes vont vouloir savoir : Est-ce que, tu sais, mettons,
est-ce que mon parent biologique, il aime la musique comme j'aime la musique,
tu sais? Est-ce que c'est de lui que je tiens tel, tel trait, tu sais? Ça fait
que c'est sûr que, pour ça, on aimerait ça pouvoir le rencontrer, puis tout ça.
Mais normalement, nous, on a quand même des familles qui sont complètes et
saines, là, la plupart du temps. C'est sûr que ça arrive, comme dans toutes les...
on a des familles normales, mettons, tu sais. Ça fait que, tu sais, moi, j'ai
un père, j'ai une mère, puis, tu sais, c'est eux autres qui m'ont élevée. Puis,
tu sais, je n'ai pas l'intérêt de rajouter quelqu'un dans ma famille
nécessairement, tu sais. Ça fait que, tu sais, je ne pense pas que je sois une
menace, là, pour mon parent biologique.
Par contre, tu sais, c'est sûr que le fait
de pouvoir mettre un veto de contact, ça vient comme rassurer peut-être un
donneur qui aurait, à sa connaissance, été très prolifique. Tu sais, peut-être
qu'il a peur d'avoir 50 demandes du jour au lendemain, là, qui arrivent à
sa porte, là. Ça peut peut-être faire beaucoup, tu sais.
M. Tanguay : Et votre
témoignage me force, puis je prends l'engagement devant vous, d'aller relire la
Loi sur les activités cliniques et de recherche en matière de procréation
assistée, qui encadre le tout. Vous dites : Il n'existe aucun organisme
indépendant qui surveille les cliniques de procréation assistée... ses propres
politiques. On ne sait pas si des erreurs de manipulation... ainsi de suite.
Selon vous, puis je vais faire mes
devoirs, là, je ne l'ai pas fait ce soir, je vais aller relire ça, mais, selon vous,
ça, cette loi-là est insuffisante par rapport à ce que vous demandez?
Mme Letendre (Andréane) : Bien,
au niveau de la loi fédérale, il y a eu une loi fédérale qui a été faite, la Loi
sur la procréation assistée, que Québec a contestée étant donné que ça
empiétait sur des compétences provinciales. Et, à ce moment-là, dans cette loi-là,
ils créaient l'agence de la procréation assistée du Canada. Étant donné que ça
a été comme... là, je ne connais pas les termes juridiques, mais finalement, l'agence
de la procréation assistée n'a jamais vu le jour parce que ce n'était pas une
compétence fédérale.
Pourquoi est-ce qu'il n'y a rien qui a été
fait au Québec à ce niveau-là? Je ne sais pas. Au niveau... Ce qui encadre au
Québec, là, c'est vraiment un côté très technique, là, très, très médical, là, tu
sais, mais ce n'est pas au niveau des descendants. Il n'y a pas grand-chose à
notre sujet, là.
M. Tanguay : Bien, je vous
remercie beaucoup, Mme Letendre. Merci.
Mme Letendre (Andréane) : Ça
me fait plaisir.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député. M.
le député d'Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous plaît.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Bonsoir, Mme Letendre. Merci beaucoup de votre présentation
très, très inspirante, très, très intéressante. On a le même âge, puis je
réalise qu'en effet, comme vous le mentionnez au début, c'est un... il y a un
privilège qu'on n'a peut-être pas conscience, de savoir d'où on vient avec nos
deux parents. Il y a tout un débat ici avec les différents volets du projet de
loi sur l'âge.
Est-ce que... Par exemple, dans la gestation
pour autrui, il y en a qui disent qu'il faut que ça soit à 21 ans plutôt
que 18 ans. Tantôt, on parlait de l'adoption, pour savoir... de nos
parents, 14 ans ou 18 ans, il y a un débat, là aussi. Est-ce que
vous, vous avez une proposition par rapport à la situation que vous avez
connue, par rapport à l'âge? Vous avez mentionné qu'à partir de 12 ans, ça
commençait à être plus présent dans votre esprit. Est-ce qu'on devrait...
Mme Letendre (Andréane) : L'âge
d'accès?
• (21 heures) •
M. Leduc : Oui, c'est ça.
Mme Letendre (Andréane) : O.K.
Bien, moi, je pense que l'accès devrait être... l'accès à l'identité devrait
être dès la naissance, pour les parents en tant que tuteurs de l'enfant, et, à
partir de l'âge de 14 ans, l'enfant puisse avoir accès par lui-même à ces
informations-là pour... <bonne raison...
21 h (version révisée)
< Mme Letendre (Andréane) :
...>bonne
raison qu'on peut avoir à prendre des décisions d'ordre médical à n'importe
quel âge de notre vie, puis nos antécédents médicaux, c'est important de les
connaître, toujours. C'est sûr que, dans certaines situations, par exemple dans
le cas d'une adoption, peu importe, ça se pourrait que les antécédents médicaux
ne soient pas connus, mais c'est par la force des choses. Nous, c'est quelque
chose qu'on peut nous fournir, nos antécédents médicaux, ouis c'est quelque
chose d'important d'avoir en continu, parce que, exemple, si le donneur...
Bien, je vais donner comme exemple, moi, là, après que j'ai été conçue, on a
découvert qu'il y avait quelque chose qui s'appelait le VIH, qui causait le
sida, puis moi, quand j'ai été conçue, bien, le sida, c'était comme une maladie
qu'on ne connaissait pas vraiment. Il n'y avait pas de test, le virus n'avait
pas été identifié encore. Ça fait que, tu sais, la science évolue. Mais moi, ma
mère, quand elle est retournée après ça demander : Le donneur que j'ai
utilisé, est-ce qu'il a été testé? Il a-tu testé pour le sida, quelque chose?,
parce que moi, j'aimerais ça savoir, bien, c'était impossible de lui donner
cette information-là.
Tu sais, éventuellement, la science va
évoluer, on va découvrir des maladies héréditaires. Mais, quand un donneur va
faire un don de sperme ou une donneuse va faire un don d'ovules, je pense que,
tu sais, ses informations médicales, c'est une photo à un moment de sa vie. Si,
dans les mois qui suivent son don, il développe un cancer qui a des composantes
très héréditaires, il faut qu'on soit capable de retourner chercher tous les
descendants qui sont issus de ce don-là puis leur dire : Écoutez, ça
serait bon que vous vous fassiez tester pour x, y, z, que vous sachiez que vous
êtes peut-être porteur de tel ou tel gène, tu sais. Déjà, ça, je pense que...
puis c'est ça, c'est quelque chose qu'il faut savoir dès la naissance, pour
pouvoir prendre des décisions éclairées au niveau de sa santé, pour avoir une
certaine autonomie.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme Letendre. Je dois céder la
parole à la députée de Joliette, maintenant. Merci beaucoup. Le temps passe
très rapidement. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Hivon : Oui. Merci
beaucoup, Mme Letendre. C'est très éclairant de vous entendre, donc, ça met
vraiment une réalité sur des concepts juridiques avec lesquels on travaille.
À la toute fin de votre mémoire, vous
mentionnez, là, évidemment, que beaucoup, beaucoup de dons de gamètes
proviennent de l'étranger, hein? C'est vraiment un marché international. Avec
le projet de loi actuel, est-ce que vous estimez que, malgré le fait que
beaucoup de dons de gamètes proviennent de l'étranger, on va être capables de
répondre aux besoins de tous ceux qui ont été conçus, par exemple, par
insémination artificielle avec des donneurs étrangers?
Mme Letendre (Andréane) : Je pense
que ça va être difficile. Honnêtement, tu sais, je ne me fais pas d'illusion. Je
le sais qu'étant donné qu'il y a beaucoup de donneurs qui proviennent de l'étranger
ce ne sera pas évident d'avoir ces informations-là. Les autres juridictions,
bien, ils sont dépendants de qu'est-ce que chaque clinique a décidé. Ça fait
que ça se peut qu'il y ait des gens qui aient accès seulement à l'âge de 18 ans.
Ça se peut qu'il y ait des gens que ce soit à 16 ans, puis ça dépend d'où
proviennent les gamètes.
Je pense que c'est important qu'on l'adopte,
au Québec, de la manière qu'on voudrait que ça se passe. Parce que, tu sais, si
le Québec adopte cette loi-là, on va être comme une des premières juridictions
en Amérique du Nord à abolir l'anonymat des donneurs de gamètes de manière
légale. Puis ça, selon moi, c'est un signal très fort. Il y a d'autres
juridictions, ailleurs dans le monde, qui l'ont fait, puis, tu sais, je pense
que celle qui est le plus avancé, ce serait l'État de Victoria, en Australie,
où est-ce qu'ils l'ont aboli aussi de façon rétroactive. Puis, tu sais, je
pense que, si on fait ça au Québec, on vient comme envoyer un signal fort que c'est
correct d'utiliser la procréation assistée, mais il faut le faire de manière
éthique, en respectant le descendant en priorité. Tu sais, je dis «le
descendant», dans le fond, c'est l'enfant, mais c'est juste parce que, des
fois, je trouve ça un peu condescendant de me faire traiter d'enfant, mais «enfant»
au sens de «descendant», là.
Je pense que, tu sais, c'est ça, c'est
important qu'on adopte un projet de loi comme ça qui permettrait de répondre
aux besoins de l'enfant en priorité. Parce que, tu sais, ce n'est pas ça qui se
fait ailleurs, là. Tu sais, quand on met des balises au niveau de l'âge de 18 ans,
de je ne sais pas quel âge, tu sais, bien, tu sais, ça vient comme... tu sais,
ça vient comme limiter la protection de l'enfant, finalement, parce que, quand
on fait ça, on ne protège pas l'enfant. On protège la clinique de fertilité, on
protège le médecin, on protège peut-être le donneur, tu sais, mais on ne
protège pas l'enfant. Puis, si on veut faire un droit de la famille qui protège
les enfants, bien, je pense qu'il faut y aller de cette manière-là, en
abolissant l'anonymat. Puis après ça, bien, ça donnera peut-être le coup d'envoi
aux autres juridictions de faire pareil, tu sais.
Mme Hivon : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Mme Letendre, ça a été un grand plaisir de passer un
bout de soirée avec vous. Très intéressant. Alors, je vous dis encore une fois
merci.
Et, sur ce, la <commission...
Le Président (M.
Bachand) : ...ça a été un grand plaisir de passer un bout de
soirée avec vous. Très intéressant. Alors, je vous dis encore une fois merci.
Et, sur ce, la >commission
ajourne ses travaux jusqu'au mercredi 1er décembre après les affaires
courantes. Encore merci beaucoup, Mme Letendre. Très apprécié.
(Fin de la séance à 21 h 06)