Journal des débats de la Commission des institutions
Version préliminaire
42e législature, 2e session
(19 octobre 2021 au 28 août 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Le
mardi 26 octobre 2021
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Vol. 46 N° 1
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 92, Loi visant la création d’un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale et portant sur la formation des juges en ces matières
Aller directement au contenu du Journal des débats
Intervenants par tranches d'heure
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Benjamin, Frantz
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Jolin-Barrette, Simon
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Melançon, Isabelle
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Melançon, Isabelle
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Benjamin, Frantz
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Labrie, Christine
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Hivon, Véronique
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Ouellette, Guy
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Jolin-Barrette, Simon
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Lévesque, Mathieu
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Lévesque, Mathieu
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Benjamin, Frantz
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Lavallée, Lise
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Melançon, Isabelle
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Labrie, Christine
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Hivon, Véronique
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Ouellette, Guy
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Benjamin, Frantz
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Jolin-Barrette, Simon
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Lecours, Isabelle
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Melançon, Isabelle
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Benjamin, Frantz
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Labrie, Christine
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Hivon, Véronique
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Ouellette, Guy
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Benjamin, Frantz
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Lavallée, Lise
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Melançon, Isabelle
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Labrie, Christine
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Hivon, Véronique
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Benjamin, Frantz
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Ouellette, Guy
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Benjamin, Frantz
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Jolin-Barrette, Simon
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Lemieux, Louis
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Lemieux, Louis
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Benjamin, Frantz
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Lévesque, Mathieu
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Hivon, Véronique
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Melançon, Isabelle
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Labrie, Christine
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Benjamin, Frantz
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Jolin-Barrette, Simon
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Lecours, Isabelle
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Martel, Donald
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Melançon, Isabelle
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Melançon, Isabelle
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Benjamin, Frantz
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Labrie, Christine
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Hivon, Véronique
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Ouellette, Guy
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Benjamin, Frantz
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Jolin-Barrette, Simon
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Lachance, Stéphanie
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Melançon, Isabelle
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Labrie, Christine
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Benjamin, Frantz
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Hivon, Véronique
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Benjamin, Frantz
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Lévesque, Mathieu
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Melançon, Isabelle
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Labrie, Christine
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Hivon, Véronique
9 h 30 (version révisée)
(Neuf heures cinquante-deux minutes)
Le Président (M. Benjamin) :
Votre attention! Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte la séance de la Commission
des institutions. Bonjour à toutes, bonjour à tous.
La commission est réunie afin de procéder
à des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet
de loi n° 92, Loi visant la création d'un tribunal spécialisé en matière
de violence sexuelle et de violence conjugale et portant sur la formation des
juges en ces matières.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire
: Oui, M.
le Président. Mme D'Amours (Mirabel) est remplacée par M. Lefebvre
(Arthabaska); M. Lamothe (Ungava) est remplacé par Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac); M. Rousselle (Vimont) est remplacé par Mme Melançon
(Verdun) et madame... et M. Zanetti, pardon, (Jean-Lesage) est remplacé
par Mme Labrie (Sherbrooke).
Le Président (M. Benjamin) :
Merci. Ce matin, nous allons débuter par les remarques préliminaires puis nous
entendrons les groupes suivants : Mme Louise Riendeau, du
Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale,
Mme Manon Monastesse, de la Fédération des maisons d'hébergement pour
femmes ainsi que madame… Me Elizabeth Corte, conjointement avec
Mme Julie Desrosiers.
Remarques préliminaires
Maintenant, nous en sommes aux remarques
préliminaires. Peut-être simplement, à titre de rappel, vous souligner que le gouvernement…
Il y a… C'est pour une durée totale de 12 minutes. Le gouvernement
disposera de 5 min 34 s, l'opposition officielle, de
3 min 43 s, deuxième groupe d'opposition, de 56 secondes,
troisième groupe d'opposition, de 56 secondes, et le député indépendant, de
51 secondes. Nous en sommes maintenant aux remarques préliminaires. Je
cède maintenant la parole au ministre de la Justice.
M. Simon Jolin-Barrette
M. Jolin-Barrette :
Merci, M. le Président. Salutations également aux collègues députés ainsi
qu'aux membres de nos équipes respectives.
Aujourd'hui marque le début des
consultations particulières du projet de loi n° 92, visant la création
d'un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence
conjugale et portant sur la formation des juges en ces matières. Au cours des
derniers mois, des dernières années, nous avons entendu de nombreux
témoignages. Plusieurs personnes victimes nous disent hésiter à dénoncer,
hésiter à porter plainte, de se retrouver seules à travers le système de
justice <carrément…
M. Jolin-Barrette :
…
violence sexuelle et de violence conjugale et portant sur la formation
des juges en ces matières. Au cours des derniers mois, des dernières années,
nous avons entendu de nombreux témoignages. Plusieurs personnes victimes nous
disent hésiter à dénoncer, hésiter à porter plainte, de se retrouver seules à
travers le système de justice >carrément par manque de confiance envers
le système. Comme ministre de la Justice, je ne peux pas accepter cela. Un
changement de culture s'impose et il faut tout mettre en oeuvre pour que les
personnes victimes se sentent accompagnées convenablement, soutenues, et
surtout en sécurité tout au long de leur parcours.
Nous avons ainsi déposé à l'Assemblée
nationale le projet de loi n° 92, Loi visant la création d'un tribunal
spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale et portant
sur la formation des juges en ces matières. Le tribunal spécialisé vise à
redonner confiance envers le système de justice aux personnes victimes, à
réduire les délais et à mieux répondre aux besoins des personnes victimes avec
des services adaptés et coordonnés.
Comme recommandé par le groupe de travail
sur la mise en place du tribunal spécialisé, nous procéderons d'abord par projets
pilotes. Ces projets pilotes permettront d'élaborer les meilleures pratiques
sur le terrain et de faciliter la transition vers un tribunal permanent à la
grandeur du Québec. Cette phase d'essai est nécessaire pour tester et ajuster
l'ensemble des mesures spécifiques qui seront mises en place pour les personnes
victimes de violence sexuelle ou de violence conjugale. La mise en oeuvre de
ces projets pilotes sera l'occasion de revoir chacune des étapes du parcours
judiciaire des personnes victimes de ces types de violences.
Cela dit, nous le réitérons fermement,
notre volonté, notre objectif est d'étendre, dans les plus brefs délais, le
tribunal spécialisé à la grandeur du Québec. Ce projet de loi donne également
un mandat au Conseil de la magistrature, qui devra mettre en place une
formation en matière de violence sexuelle et de violence conjugale destinée aux
juges. L'ensemble des candidats à la fonction de juge et des juges retraités
désirant exercer de nouveau des fonctions judiciaires devront s'engager à
suivre cette formation pour pouvoir siéger.
Les crimes en matière de violence sexuelle
et de violence conjugale sont généralement commis dans un contexte d'intimité,
et les personnes victimes peuvent se retrouver dans une position de très grande
vulnérabilité au moment de dénoncer, de porter plainte ou de témoigner. Ce sont
des éléments qui doivent être pris en considération par tous les acteurs du système
de justice.
Au cours des derniers mois, nous avons déjà
posé des gestes importants, des gestes concrets, pour mieux accompagner les personnes
victimes. Pensons notamment à la réforme de l'IVAC, qui est maintenant en
vigueur et qui abolit le délai maximal pour faire une demande en cas de violence
sexuelle, de violence conjugale ou de violence subie pendant l'enfance, l'application
du principe de poursuite verticale pour les dossiers de violence conjugale et
de violence sexuelle au Directeur des poursuites criminelles et pénales pour
s'assurer que ce soit le même procureur qui suive une personne victime du début
jusqu'à la fin des procédures, le déploiement du programme d'aide au témoignage
Enfant témoin à travers le Québec en collaboration avec le Réseau des CAVAC et
également le développement de cet outil pour l'ensemble des témoins qui en
auraient de besoin, et, plus récemment, l'accès à quatre heures de
consultation juridique gratuite auprès d'un <avocat de l'aide…
M. Jolin-Barrette :
…jusqu'à la fin des procédures. Le déploiement du p
rogramme d'aide aux
témoignages, enfants témoins à travers le
Québec, en
collaboration
avec le Réseau des CAVAC et
également le
développement de cet
outil pour l'ensemble des témoins qui en auraient besoin et, plus récemment,
l'accès à quatre heures de
consultation juridique gratuite auprès d'un >avocat
de l'aide juridique pour toutes les personnes victimes de violence sexuelle et
de violence conjugale, peu importe le revenu et la situation.
Lorsqu'il est question de rétablir la
confiance dans le système de justice et de mieux répondre aux besoins des
personnes victimes, l'ensemble des acteurs du système de justice a un rôle à
jouer. Dans les dernières semaines, certains se sont opposés à la création d'un
tribunal spécialisé en violence sexuelle et en violence conjugale ainsi qu'à la
formation des juges en ces matières. La possibilité d'une contestation
judiciaire du projet de loi n° 92 devant les tribunaux a même été évoquée.
Les personnes victimes méritent mieux.
Comme cela a été souligné dans une motion
unanime, il existe un consensus à l'Assemblée nationale du Québec sur la
nécessité d'un tel projet de loi. L'adoption du projet de loi n° 92,
encore une fois, à l'unanimité le démontre. Je veux être très clair. Les élus
de la nation québécoise ont non seulement la légitimité pour débattre et pour
légiférer sur le tribunal spécialisé et la formation des juges, mais ils ont
même le devoir de le faire. Nous avons la ferme intention de mener à terme
cette réforme.
Un appel au ralliement a été également
lancé le 9 octobre dernier, réitérant l'importance d'un tribunal
spécialisé pour les personnes victimes et soulignant le courage de tous ceux et
celles qui ont pris la parole ces dernières années pour raconter leur histoire
et éveiller leur conscience à leur réalité. 150 personnes y ont apposé leur
signature initialement. Aujourd'hui, deux semaines plus tard, l'appel au
ralliement continue de résonner et le nombre de signataires a plus que
quadruplé. La pétition de plus de 10 000 noms qui sera déposée par ma
collègue la députée de Joliette en est une autre démonstration. Ces cris du
coeur ne doivent plus être ignorés.
Le projet de loi n° 92, nous en
sommes convaincus, permettra de faire une réelle différence dans l'expérience
judiciaire des personnes victimes de violence sexuelle et de violence conjugale
qui désirent porter plainte contre leur agresseur. Il n'y a pas de temps à
perdre. Les personnes victimes doivent pouvoir avoir confiance envers le
système de justice. Elles doivent pouvoir se sentir soutenues. Elles doivent
pouvoir s'y sentir en sécurité tout au long de leur parcours, et cela passe par
l'instauration d'un tribunal spécialisé. Pensons aujourd'hui à tous les
plaignants et toutes les plaignantes, à toutes les personnes victimes qui ont
demandé l'instauration d'un tribunal spécialisé. Merci, M. le Président.
• (10 heures) •
Le Président (M. Benjamin) :
Merci, M. le ministre. J'invite maintenant la porte-parole du deuxième groupe…
pardon, plutôt, de l'opposition officielle et députée de Verdun à faire ses remarques
préliminaires.
Mme Isabelle Melançon
Mme Melançon : Merci, M.
le Président. Salutations au ministre, aux collègues députés qui sont parmi
nous aujourd'hui.
Bien, on est ici aujourd'hui pour mettre
en oeuvre des recommandations de Rebâtir la confiance, un document sur
lequel j'ai eu le bonheur de travailler avec la collègue, bien sûr, de Sherbrooke,
la collègue de <Joliette et aussi la ministre…
>
10 h (version révisée)
<16779
Mme Melançon :
…mais on est ici,
aujourd'hui, pour mettre en oeuvre des
recommandations
de Rebâtir la confiance, un document sur lequel j'ai eu le bonheur de
travailler avec la
collègue,
bien sûr, de
Sherbrooke, la
collègue de >Joliette et aussi la ministre de la Condition féminine.
Le gouvernement doit, bien sûr,
aujourd'hui, parler de ce tribunal spécialisé, puisque c'est le but du projet
de loi n° 92. Cependant, cependant, on doit aussi mettre en oeuvre le
plus rapidement possible les 190 recommandations de ce même rapport, parce
que ça devient un tout. Et c'est là-dessus que les victimes, aussi, s'attendent
à ce que nous puissions bouger rapidement.
M. le Président, vous savez, le projet de
loi n° 92, on va entendre des groupes, aujourd'hui et demain, mais, quand
même, l'éléphant dans la pièce, c'est l'absence de la juge en chef, qui a aussi
demandé à être entendue. Et, entendez-moi bien, je suis d'accord avec le
tribunal spécialisé, je l'ai dit, j'ai, d'ailleurs, signé une lettre ouverte
avec le ministre à cet effet. Cependant, comme législatrice, j'aurais aimé
pouvoir entendre la juge en chef, qui nous a envoyé aussi un mémoire. Et il
aurait été, je crois… parce que la juge en chef, elle-même, souhaitait être
entendue, elle faisait partie, d'ailleurs, de la liste que nous avions soumise
au gouvernement.
Cela étant dit, ce que je veux éviter, ici
aujourd'hui, c'est que les victimes soient au coeur d'une certaine bataille
entre le ministre de la Justice et la juge en chef. Il faut éviter ça à tout
prix, et je crois que là-dessus nous nous entendons très bien. Il faut que nous
puissions démontrer une ouverture. Parce que, si la juge en chef n'est pas
d'accord, je ne voudrais pas qu'il y ait échec du tribunal spécialisé. Et nous
sommes là, aujourd'hui, pour travailler en ce sens, parce que, d'abord et avant
tout, c'est les victimes qui doivent être au coeur de nos discussions
aujourd'hui.
Il faut assurer l'accompagnement, bien
sûr, des victimes. Il faut un meilleur accompagnement, que ce soit, bien sûr,
avec le tribunal spécialisé, mais je pense aussi aux policiers. Je pense aussi
au soutien des victimes lorsqu'elles veulent, bien sûr, déposer… porter
plainte. Parce qu'actuellement on voit le taux très, très bas de plaintes qui
sont déposées, parce que les victimes ont peur. Il faut rebâtir la confiance, tout
est une question de confiance lorsqu'on parle des violences sexuelles et de la
violence conjugale.
On est ici aujourd'hui, justement, pour
entendre les groupes mais aussi pour bonifier. Et je veux que le ministre
m'entende très clairement, je suis là aujourd'hui pour travailler, pour
améliorer le projet de loi. Je suis persuadée qu'ensemble, comme législateurs…
Et c'est une volonté, je crois, qu'on partage de ce côté-ci puis, j'en suis
persuadée aussi, du côté du ministre, on veut pouvoir penser aux victimes, on
veut le meilleur pour les victimes. Et l'Assemblée nationale, je crois, tout le
monde, veut mettre l'épaule à la roue en ce sens. Et c'est pourquoi on sera là,
M. le Président, pour travailler, aujourd'hui, à écouter, <bien sûr, et
à…
Mme Melançon : ...aussi,
du côté du ministre, on veut pouvoir penser aux victimes, on veut le
meilleur pour les victimes. Et l'Assemblée nationale, je crois, tout le monde,
veut mettre l'épaule à la roue en ce sens. Et c'est pourquoi on sera là, M. le
Président, pour travailler, aujourd'hui, à écouter, >bien sûr, et à
améliorer le projet de loi qui est devant nous.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci, Mme la députée. Au tour maintenant de la porte-parole du deuxième groupe
d'opposition et députée de Sherbrooke à faire ses remarques préliminaires.
Mme Christine Labrie
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Il y a un an, très exactement, on était en train de finaliser le
contenu du rapport Rebâtir la confiance avec plusieurs de mes collègues,
dont plusieurs sont autour de la table aujourd'hui et plusieurs autres vont
être entendus en audition dans les prochains jours.
Et puis, à l'époque, on savait déjà qu'il
y aurait plusieurs écueils, on savait que ce serait difficile, que plusieurs
recommandations qui étaient présentes dans le rapport n'allaient pas être
reçues de manière unanime dans la société. On anticipait notamment des
difficultés pour la mise en place des tribunaux spécialisés. Mais on a décidé
quand même que ça ferait partie du rapport parce que, de toute évidence, au
terme de toute la démarche qui avait mené à la rédaction du rapport, les
consultations qui avaient eu lieu, les témoignages des victimes qui avaient été
reçus, de toute évidence, c'était nécessaire d'implanter des tribunaux
spécialisés.
Et donc, un an plus tard, on se retrouve
avec ce projet de loi, et, moi, tout ce que je peux souhaiter, dans les
dernières secondes qu'il me reste, c'est que tout le monde va se rallier autour
de ce projet-là et qu'on va être capable de travailler ensemble pour y arriver.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci, Mme la députée. J'invite maintenant la porte-parole du troisième groupe
d'opposition et députée de Joliette à faire ses remarques préliminaires.
Mme Véronique Hivon
Mme
Hivon
:
Merci, M. le Président. Salutations à tous. Alors, je me réjouis qu'aujourd'hui
on franchisse une étape de plus vers l'instauration d'une réforme extrêmement
importante pour les victimes de violences sexuelles et conjugales, soit
l'instauration d'un tribunal spécialisé, une idée que je porte depuis plus de
trois ans et demi avec beaucoup de conviction, que mes collègues portent aussi,
que nous avons travaillée au sein du groupe d'experts et dans le rapport Rebâtir
la confiance,dont mes collègues ont parlé, qui est une pierre
centrale, une pierre d'assise de cette réforme-là, de cette mini révolution
pour que les victimes soient au centre du processus judiciaire.
Bien sûr, il va falloir apporter des
bonifications, et j'espère qu'on va pouvoir vraiment bien collaborer autour de
l'élaboration du projet de loi et collaborer aussi avec les acteurs externes
pour que ce projet de loi là donne toutes les visées qu'on s'est données avec
l'instauration d'un tribunal spécialisé, et que ce tribunal-là voie le jour et
qu'il donne tous les résultats auxquels on s'attend. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci, Mme la députée. Et j'invite maintenant le député de Chomedey à faire ses
remarques préliminaires.
M. Guy Ouellette
M. Ouellette : Merci, M.
le Président. Salutations à tous. Après avoir entendu les remarques de mes
collègues, la dernière chose qu'on souhaite, c'est que ce soit un projet de loi
politique. Il faut que ça soit un projet de loi pour les victimes. Et gardons
tous en tête que, pour qu'on ait du succès, ça va prendre la cohésion de tous
les intervenants dans le système. On aura beau avoir le plus beau des
tribunaux, on aura beau avoir des juges formés, on aura beau avoir tout ça,
s'il y a un maillon, dans le système, qui ne fonctionne pas, c'est encore les
victimes qui vont être les premières à en souffrir. Ça <fait que...
M. Ouellette :
…ça va
prendre la cohésion de tous les intervenants dans le système. On
aura beau avoir le plus beau des tribunaux, on aura beau avoir des juges formés,
on aura beau avoir tout ça, s'il y a un maillon, dans le système, qui ne
fonctionne pas, c'est encore les victimes qui vont être les premières à en
souffrir. Ça >fait que j'ai l'ouverture, d'ailleurs, c'est le pourquoi
de ma présence en cette commission, j'ai un petit peu d'expérience là-dedans et
je fais miennes les remarques de mes collègues sur l'absence de la juge en
chef.
Auditions
Le Président (M. Benjamin) :
Merci, M. le député. Maintenant, nous allons débuter nos auditions. Peut-être,
avant même de commencer, rappeler le temps de parole réparti à chacun des
groupes. Donc, une dizaine de minutes pour l'exposé de l'organisme; ensuite
suivra une période d'échange, période d'échange répartie comme suit : une
quinzaine de minutes pour le gouvernement, une dizaine de minutes pour l'opposition
officielle, 2 min 33 s pour le deuxième groupe d'opposition,
2 min 33 s pour le troisième groupe d'opposition et
2 min 21 s pour le député indépendant.
Je souhaite maintenant la bienvenue aux
représentants du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence
conjugale. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, après quoi nous procédons à la période d'échange avec les membres de la
commission. Je vous invite, donc, à vous présenter et à procéder à votre
exposé. La parole est à vous.
Regroupement des maisons pour femmes victimes de
violence conjugale
Mme Riendeau (Louise) :
Bonjour, M. le Président, M. le ministre, membres de la commission. Je suis
Louise Riendeau, je suis coresponsable des dossiers politiques au
regroupement et je suis accompagnée aujourd'hui par Cathy Allen, qui est membre
de notre conseil d'administration et qui est coordonnatrice de la maison
Alternative pour elles à Rouyn-Noranda.
Notre association regroupe 43 maisons
d'aide et d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale. Pour près
de 25 % des femmes que nos membres soutiennent, une plainte est déposée
avant ou pendant qu'elles reçoivent des services. Pour le regroupement, et ce,
depuis ses tout débuts, l'intervention de la justice fait partie de la solution
à la violence conjugale, non seulement individuellement pour chaque femme qui
est victime, mais collectivement pour dénoncer cette violence et aussi pour
éviter que les auteurs de cette violence puissent continuer à l'exercer en
toute impunité.
Le regroupement salue aujourd'hui la
volonté du gouvernement de mettre en oeuvre les recommandations du rapport Rebâtir
la confiance et de donner ainsi un meilleur accès à la justice pour les
victimes de violence conjugale et d'agression sexuelle.
Donc, le regroupement appuie la création
d'une nouvelle division de la Cour du Québec, à la fois par le projet de loi
mais aussi au niveau de celle qui est créée par la cour elle-même. Toutefois,
la dernière chose qu'on voudrait, c'est semer la confusion chez les victimes
qui se disent : Qu'est-ce qu'il arrive? Est-ce qu'il y a
deux divisions, etc.? Donc, on pense qu'il faut profiter à la fois de
l'adoption du projet de loi et de tout le débat qui l'entoure pour clarifier
avec les victimes ce à quoi elles peuvent s'attendre au niveau de la cour mais
au niveau des <autres services…
Mme Riendeau (Louise) :
...confusion
chez les victimes qui se disent : Qu'est-ce qui arrive?
Est-ce qu'il y a deux divisions, etc.? Donc, on pense qu'il faut profiter
à la fois de l'adoption du projet de loi et de tout le débat qui l'entoure pour
clarifier avec les victimes ce à quoi elles peuvent s'attendre au niveau de la
cour mais au niveau des >autres services dont elles ont besoin et qui
sont prévus dans les différents rapports.
Le regroupement invite, donc, le ministre
de la Justice, la Cour du Québec et les autres acteurs à collaborer ensemble
pour trouver une appellation qui puisse à la fois couvrir tout ce dont on
parle, tout ce qu'on veut faire comme nouveau modèle québécois de traitement
judiciaire des infractions commises en contexte conjugal et en contexte sexuel,
mais qui fasse aussi une image bien, bien claire pour les victimes en ce
sens-là.
• (10 h 10) •
Donc, si on va un peu plus loin, pour
nous, il serait fort utile de bonifier, de clarifier les interventions du
gouvernement, et ce, dans le projet de loi. Donc, pour être clair, pour les
victimes, pour les auteurs de violence et pour le public, ce sur quoi ils sont
en droit de s'attendre avec ce qu'on est en train de créer, le regroupement
recommande d'inclure dans le projet de loi, d'une part, les principes
directeurs qui guident ce qu'on est en train de faire maintenant au Québec, les
objectifs qui sont poursuivis, les actions qui sont nécessaires pour mieux
soutenir et accompagner les victimes, la création d'équipes spécifiques, la
création d'un poste de coordonnateur judiciaire, les infractions visées, la
tenue des projets pilotes, leur encadrement et leur évaluation. On pense qu'il
faut déjà marquer le ton et indiquer tout ça. Ça sera beaucoup plus clair que
des arrêtés ministériels ou des règlements dont le commun des mortels est
souvent peu au courant.
On parlait des principes directeurs et des
objectifs. Le regroupement recommande, au fond, que le projet de loi indique
que le changement qui est proposé repose sur les principes directeurs qui
auront été énoncés par le groupe de travail sur la mise en place d'un tribunal
spécialisé, dont le rapport a été rendu public au mois d'août.
Au plan des objectifs, même chose, le
groupe de travail, je pense, a fait un bon travail et énonce les objectifs
qu'on devrait poursuivre. Toutefois, au niveau du regroupement, nous en ajouterions
deux : on pense qu'un des objectifs, et le ministre en a parlé d'entrée de
jeu, est d'augmenter le taux de dénonciation et de condamnation des infractions
commises en contexte conjugal et sexuel; et, d'autre part, si on pense
particulièrement à la violence conjugale, de favoriser l'arrêt d'agir et de
prévenir la récidive, mais ça peut aussi, évidemment, s'appliquer en matière
sexuelle.
Le regroupement recommande aussi que le
projet de loi indique que le gouvernement compte mettre en place, allouer les
ressources nécessaires et coordonner <les actions...
Mme Riendeau (Louise) :
…conjugale,
de favoriser l'arrêt d'agir et de prévenir la récidive, mais
ça peut aussi, évidemment, s'appliquer en matière sexuelle.
Le regroupement recommande aussi que le
projet de loi indique que le gouvernement compte mettre en place, allouer les
ressources nécessaires et coordonner >les actions nécessaires dans la
perspective des recommandations de Rebâtir la confiance.
Dans notre mémoire, nous avons tenté
d'identifier toutes les recommandations de Rebâtir la confiance qui nous
semblent essentielles pour… en amont et en aval de ce tribunal spécialisé là.
Pensons aux victimes qui ne dénoncent pas; il faut déjà agir auprès d'elles. Et,
à l'autre bout du spectre, il faut leur assurer qu'on va assurer une
surveillance adéquate des conditions de remise en liberté, des sentences, etc.
C'est tout ça qui fera qu'on rebâtira leur confiance.
J'ai aussi indiqué tantôt que nous sommes
en faveur de la création d'équipes spécifiques. Les enjeux pour les victimes de
violence conjugale ne sont pas les mêmes que ceux que vivent les victimes
d'agression sexuelle. Les victimes des Premières Nations ont aussi leurs
propres réalités. Donc, le regroupement recommande qu'on ait, au sein de ce qu'on
va créer, des équipes spécifiques en violence conjugale, en violence sexuelle
et aussi des services holistiques pour les Premières Nations.
Au plan des infractions, on pense qu'il
faut aussi être clair là-dessus et indiquer qu'au fond toutes les infractions,
en contexte sexuel ou en contexte conjugal, qui relèvent de la Cour du Québec
devraient être visées par la division qui va être dédiée à cela. Ce n'est pas
tant les chefs d'accusation qui sont importants, mais c'est le contexte. Donc,
on pourrait parler, par exemple, de méfaits, en contexte conjugal, qui peuvent
créer autant de dégâts que des crimes contre la personne, et s'assurer que,
pour toutes ces infractions-là, les victimes auront le soutien nécessaire.
En ce qui concerne les districts
judiciaires, évidemment, nous pensons que toutes les victimes du Québec doivent
avoir accès à la même justice et nous pensons qu'au terme des projets pilotes
tous les districts devraient être visés par la nouvelle… le nouveau
fonctionnement qu'on va créer.
Je vais laisser la parole à ma collègue.
Mme Allen (Cathy) : Oui.
Parfait. Donc, je poursuis en ce qui concerne, là, la formation des juges et la
formation, là, de tous les intervenants. En fait, le regroupement recommande de
modifier le projet de loi n° 92 afin de prévoir que tous les
professionnels qui interviendront auprès des victimes d'infractions commises en
contexte conjugal ou sexuel, dans le cadre du processus judiciaire, soient
formés sur les réalités relatives à ces deux problématiques distinctes. Donc,
on doit étendre la formation aux policiers, aux procureurs puis aux autres
professionnels, là, qui auront à intervenir auprès des victimes. Être mieux
formé n'équivaut pas à être moins objectif. Et, bien évidemment, cette
obligation, là, doit également s'appliquer aux juges.
Concernant les projets pilotes, afin de
s'assurer que le modèle développé pourrait ensuite s'adapter partout au Québec,
afin <d'expérimenter…
Mme Allen (Cathy) :
…qui
auront à intervenir auprès des victimes. Être mieux formé
n'équivaut pas à être moins objectif. Et, bien évidemment, cette obligation,
là, doit également s'appliquer aux juges.
Concernant les projets pilotes, afin de
s'assurer que le modèle développé pourrait ensuite s'adapter partout au Québec,
afin >d'expérimenter les nouvelles façons de faire et rectifier plus
facilement le tir, là, en cas de difficulté ou d'effets pervers non prévus à la
suite des nouvelles pratiques mises en place, aussi afin d'estimer les
ressources nécessaires pour un fonctionnement optimal, le regroupement
recommande au ministre de tenir des projets pilotes d'une durée de 24 mois
à partir de leur mise en oeuvre pour avoir suffisamment de temps, là, pour
évaluer leur succès ou pour identifier les correctifs nécessaires à apporter.
Afin de procéder aussi à la mise en œuvre
des projets pilotes et à leur évaluation, à l'image du comité d'experts, le
regroupement recommande que le ministre de la Justice mette sur pied un comité
multidisciplinaire pour s'assurer qu'il atteint les objectifs fixés et qu'il
adopte les changements jugés nécessaires à sa réussite.
Le regroupement recommande également
d'inclure dans le projet de loi que, dans les six mois suivants la fin des
projets pilotes, le comité d'encadrement fasse rapport au ministre de la
Justice et que celui-ci dépose ce rapport à l'Assemblée nationale dans les
trois mois de sa réception.
Pour conclure, bien, bien que le
regroupement salue la volonté du gouvernement d'agir rapidement, il croit que
le projet de loi n° 92 doit être bonifié pour envoyer un message clair aux
victimes et à la population sur la création d'un processus dont tous les
aspects et toutes les actions participeront à améliorer l'expérience des
personnes victimes de violence conjugale et d'agression sexuelle dans le
système de justice criminelle. Merci.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci. Merci pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période
d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci,
M. le Président. Mme Riendeau, Mme Allen, merci beaucoup de
participer aux travaux de la commission parlementaire. Puis j'accueille votre
mémoire avec une grande ouverture, je trouve que c'est des propositions qui
sont intéressantes. Puis, quand je l'ai lu, ça nous amène à réflexion également
sur les façons de pouvoir bonifier le projet de loi. Puis moi, je le dis à mes collègues,
je vais être très ouvert également, parce que c'est fondamental, pour le gouvernement
et pour moi, que ça se fasse et que ça fonctionne.
Et là je veux vous poser la question, vous
avez abordé, d'entrée de jeu, la question des projets pilotes, vous dites :
Vous devriez établir les projets pilotes pendant 24 mois. Pourquoi est-ce
que vous nous recommandez d'y aller tout d'abord par des projets pilotes?
Mme Riendeau (Louise) :
Bien, je peux y aller, puis Cathy pourra continuer. Écoutez, nous, on veut… Ça
fait longtemps que les victimes attendent ça, et on comprend l'envie d'aller de
l'avant rapidement, mais on veut être certaines que ce qui va être fait va
atteindre les objectifs, qu'on va pouvoir le mesurer. Et il nous semble que c'est
plus simple d'apporter des correctifs à l'issue d'un projet pilote que quand on
a déployé un modèle pour l'ensemble du Québec. Donc, nous, on pense que ça, c'est
un élément important et que…
Je vous donne un exemple. Si on <se
rendait…
Mme Riendeau (Louise) :
…va pouvoir le mesurer. Et il nous semble que c'est plus simple d'apporter des
correctifs à l'issue d'un
projet pilote que quand on a déployé un modèle
pour l'ensemble du
Québec. Donc, nous, on pense que ça, c'est un élément
important et que…
Je vous donne un
exemple. Si on
>se rendait compte, par exemple, à l'issue des projets pilotes, qu'une
grande partie des dénonciations sont abandonnées au profit de l'utilisation de
l'article 810, pour nous, ça ne serait pas un succès. Mais tout le monde
n'a pas la même vision là-dessus. Donc, je pense qu'un projet pilote ça donne
l'occasion aussi de voir qu'est-ce que ça donne, est-ce qu'on semble avoir
rebâti la confiance, quelle est l'issue de ce processus-là. Donc, c'est pour ça
aussi que nous, on demande, à l'instar du comité d'experts, qu'il y ait une
équipe scientifique ou, en tout cas, qu'on appuie le comité d'encadrement pour
qu'on puisse se rendre compte des effets de ce nouveau fonctionnement là et
qu'au besoin on puisse le changer.
C'est aussi une façon... Le groupe de
travail l'a redit, il faut s'assurer qu'on aura les ressources suffisantes pour
le faire. Bien, c'est une façon d'estimer quelles sont les ressources, avec les
projets pilotes. Nous, on ne voudrait pas que des districts judiciaires mieux
nantis aient plus de services, alors que des femmes dans d'autres régions en
aient moins. Donc, un projet pilote, ça nous permet d'estimer les ressources
nécessaires, ça nous permet, comme je l'ai dit, s'il y a des effets pervers non
prévus qu'on constate, de voir comment on peut rectifier le tir.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Bien, en fait, là-dessus, je vous suis complètement, et c'est l'objectif
également d'y aller par projets pilotes dans un premier temps. Mais je veux
juste dire clairement que, dans le projet de loi, également, il y a les outils
législatifs pour le permanentiser également. Donc, à partir du moment où, les
projets pilotes, on va s'être ajustés, on va avoir vu ce qui fonctionne, ce qui
ne fonctionne pas, notre objectif, au gouvernement, c'est de le rendre
permanent à la grandeur du territoire québécois, dans tous les districts. Et
vous avez raison de dire… Moi, mon objectif, c'est que, peu importe où vous
déposez votre plainte au Québec, vous ayez accès aux mêmes services durant tout
le processus judiciaire. Alors, ça, je veux être très clair là-dessus.
• (10 h 20) •
Peut-être une question sur la formation
des juges. Dans le projet de loi, on vient indiquer, bon, que les candidats à
la magistrature devront suivre... s'engager à suivre une formation sur les
violences sexuelles, les violences conjugales, notamment, que les juges en
exercice, bien, c'est le Conseil de la magistrature qui développe la formation,
puis ça leur appartient de la suivre, et pour les juges à la retraite, s'ils
souhaitent être désignés comme juges suppléants... devront l'avoir suivie.
Pourquoi c'est important que tous les acteurs du système de justice soient
formés?
Mme Riendeau (Louise) :
Veux-tu y aller, Cathy?
Mme Allen (Cathy) :
Bien, en fait, c'est important effectivement que tous les acteurs soient
formés, qu'on comprenne mieux la réalité des victimes de violence conjugale,
d'agression sexuelle, qu'on ait des formations qui sont axées sur les mythes et
préjugés, sur les obstacles que vivent les victimes aussi, là, dans le système
de justice. Il nous semble vraiment très important aussi, là, d'informer <et
sensibiliser…
Mme Allen (Cathy) :
…qu'on comprenne mieux la réalité des victimes de violence conjugale,
d'agression sexuelle, qu'on ait des formations qui sont axées sur les mythes et
préjugés, sur les obstacles que vivent les victimes aussi, là, dans le système
de justice. Il nous semble vraiment très important aussi, là, d'informer >et
sensibiliser sur tous les éléments, là, qui peuvent avoir... les impacts des
traumas chez les victimes, donc, la présence de traumatismes crâniens chez des
victimes, l'impact des différents traumas, le stress post-traumatique. On pense
aussi…
M. Jolin-Barrette : Peut-être
une sous-question, Mme Allen.
Mme Allen (Cathy) : Oui.
M. Jolin-Barrette : Parce
que, quand j'ai rédigé le projet de loi, là, puis également, là, depuis que je
l'ai déposé, je me fais beaucoup dire, écoutez… on me dit : Les juges sont
déjà formés, on n'a pas besoin de formation. Vous, là, dans le cadre, là, de
votre pratique de tous les jours, là, dans les maisons d'hébergement, là, c'est
quoi, les témoignages que vous avez des personnes victimes? Parce que vous nous
dites : Tout le monde, il faut qu'ils soient formés, il y a des traumas,
notamment physiques, notamment physiologiques pour les personnes victimes.
C'est quoi, votre expérience terrain en lien la formation de tous les acteurs,
incluant les juges? Pourquoi vous recommandez ça?
Mme Allen (Cathy) :
Bien, en fait, ça fait toute la différence d'être formé, dans l'approche, au niveau
du savoir, au niveau du savoir-être aussi auprès des victimes. Tout le monde
dit être formé, les policiers disent être formés, mais sur le terrain,
concrètement, ce qu'on observe, c'est qu'il y a des lacunes importantes dans la
réception, dans l'accueil qu'on a, aussi, auprès des victimes. Ça se vit aussi
dans les salles de cour, donc, avec les différents acteurs du système de
justice.
On dit vraiment que la formation doit
s'adresser à tout le monde, doit s'adresser aux policiers, aux procureurs, mais
aux juges aussi parce que, bon, les victimes s'adressent à eux directement,
dans le cadre d'un procès, vont les regarder, vont leur parler. Donc, tu sais,
tout le monde a besoin d'être formé. Et, on le sait, ça peut faire toute la
différence, l'accueil qu'un juge peut avoir, là, le fait d'être en relation
avec la victime, la regarder. Avoir la formation, là, ça ne veut pas dire qu'on…
Être mieux formé, ça ne veut pas dire, comme on disait tout à l'heure, là, qu'on
est moins objectif. Donc, c'est majeur que tout le monde reçoive cette
formation-là.
Mme Riendeau (Louise) :
Moi, j'ajouterais aussi, si vous me permettez, que les connaissances évoluent,
et, il y a quelques années, puis au Québec on en entend très peu parler, on ne
savait pas, par exemple, que les victimes d'agression sexuelle ou de violence
conjugale, pour plusieurs, avaient vécu des traumatismes crâniens, ce qui peut
leur donner l'air d'être confuses quand elles témoignent, ce qui peut jouer sur
leur crédibilité. Donc, c'est sûr que c'est au procureur d'amener une preuve
d'expert à ce niveau-là, mais il faut que les gens qui sont là soient capables
d'être sensibles et de comprendre ces éléments-là.
M. Jolin-Barrette :
Est-ce que vous pensez que le fait de suivre de la formation, de la formation
continue, là, pour la magistrature, ça a un effet sur leur indépendance?
Pensez-vous que le fait d'être mieux renseigné sur la réalité des personnes
victimes <qui ont été…
Mme Riendeau (Louise) :
...d'être
sensibles et de comprendre ces éléments-là.
M. Jolin-Barrette :
Est-ce que vous pensez que le fait de suivre de la formation, de la formation
continue, là, pour la magistrature, ça a un effet sur leur indépendance?
Pensez-vous que le fait d'être mieux renseigné sur la réalité des personnes
victimes >qui ont été agressées sexuellement ou qui ont été victimes de
violence conjugale, ça va affecter leur indépendance judiciaire, leur
impartialité? Le fait de savoir ce qu'une victime... les conséquences d'être
battue, les conséquences d'avoir été agressée sexuellement, l'impact que ça a,
pensez-vous que ça affecte l'indépendance d'une personne, le fait de savoir...
de comprendre la réalité d'un individu qui est victime?
Mme Riendeau (Louise) :
Non, nous, on pense que, comme l'a dit ma collègue... qu'être mieux formé, être
mieux sensibilisé ne fait pas qu'on n'est moins objectif. Au contraire, on a
une perspective plus large sur l'ensemble du dossier et on est capable de
balancer les différents éléments. Et moi, je dirais que ça donne aussi des
jugements qui sont souvent mieux étayés, qui sont mieux reçus du public.
M. Jolin-Barrette : Peut-être
juste une dernière question avant de céder la parole à mes collègues qui
souhaitent vous poser des questions, là : Pouvez-vous nous parler de
l'impact du trauma sur les personnes victimes? Parce qu'on a beaucoup entendu
parler de ça, là, mais je veux juste que vous nous expliquiez, là, c'est quoi,
l'impact du trauma dans le témoignage, dans ce que vit la victime, associé à la
violence qu'elle a subie.
Mme Riendeau (Louise) :
Cathy, tu veux-tu y aller?
Mme Allen (Cathy) : Oui,
je vais y aller. Bien, en fait, on le sait, là, un traumatisme, c'est un événement
qui se produit quand une personne est soumise à quelque chose qui est
effrayant, qui est bouleversant, et ça provoque chez une personne un grand
sentiment de perte de contrôle. Donc, les agressions sexuelles, les agressions
en contexte de violence conjugale sont souvent des expériences très
traumatisantes qui peuvent avoir vraiment une incidence, là, neurobiologique, c'est-à-dire
qui va affecter le cerveau mais aussi le système nerveux de la personne
victime. Donc, après un traumatisme, les victimes peuvent fournir des
déclarations qui semblent incomplètes ou incohérentes. C'est ce qui peut se
produire quand tu as le sentiment que ta vie est en danger, quand tu vis un
événement qui bouleverse complètement ta vie.
Et, oui, tu sais, on a des attentes
sociales de se conformer aux stéréotypes d'une victime parfaite, là, on pense
à, tu sais, communiquer clairement son non-consentement, offrir une résistance
verbale pendant une agression, couper le contact avec la personne qui a commis
des agressions, démontrer des souvenirs clairs et précis, des récits cohérents
de l'agression.
Donc, c'est ça, c'est ça, l'impact que
peut avoir un traumatisme chez une victime. Et c'est aussi ça qui explique que,
souvent, les femmes ou les victimes d'agression sexuelle ou de violence
conjugale ne vont pas dénoncer, par peur de ne pas être crues, parce qu'elles
ont des blancs de mémoire, parfois, parce que le récit, il n'est pas parfait. Et
on doit les rassurer à ce niveau-là. Mais, en même temps, <elles se font…
Mme Allen (Cathy) :
…et
c'est aussi ça qui explique que souvent les femmes ou les victimes
d'agression sexuelle ou de violence conjugale ne vont pas dénoncer, par peur de
ne pas être crues, parce qu'elles ont des blancs de mémoire, parfois, parce que
le récit, il n'est pas parfait. Et on doit les rassurer à ce niveau-là. Mais,
en même temps, >elles se font rentrer dedans — excusez-moi, je
cherche un terme plus adéquat, mais... — en salle de cour, et nous,
on doit les rassurer de ça, on doit travailler très, très fort pour leur dire
qu'elles ne se feront pas rabrouer dans une salle de cour, mais ce qui n'est
pas le cas. Donc, c'est ça, accompagner des victimes de traumas importants à
travers le processus judiciaire.
M. Jolin-Barrette : Je
vous remercie, Mme Allen, Mme Riendeau, pour votre présence en
commission parlementaire. Je vais céder la parole à mes collègues. Un grand
merci pour votre présence.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci, M. le ministre. Maintenant, au tour de la députée de…
Une voix
: …
Le Président (M. Benjamin) :
Ah! pardon? Ah! Ah! il vous reste... c'est vrai, il vous reste
4 min 25 s, c'est vrai.
Une voix
: …
Le Président (M. Benjamin) :
M. le député de…
M. Lévesque (Chapleau) : Chapleau.
Le Président (M. Benjamin) :
Allez-y, M. le député de Chapleau.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup, M. le Président. J'en profite pour vous saluer, saluer également les collègues.
Mme Riendeau, Mme Allen, merci beaucoup de votre témoignage, également
votre mémoire. C'est un plaisir de vous revoir, Mme Riendeau. Nous avons
eu l'occasion d'échanger dans le cadre d'autres consultations, là.
Je lisais, justement, là, certaines
portions de votre mémoire, notamment en lien avec la formation des juges. Donc,
l'expérience vécue par de nombreuses femmes révèle que, même lorsque la
violence est rapportée à la cour, en matière familiale, les juges n'en tiennent
pas compte. Les juges, les avocats, les experts minimisent, c'est-à-dire, la
réalité de la violence. Les femmes victimes de violence conjugale sont
particulièrement confrontées à la complexité des lois et au fonctionnement de
l'appareil, dans un contexte où elles cherchent à assurer leur sécurité et
celle de leurs enfants. Évidemment, c'est très, très troublant de lire ces
éléments-là et de les constater.
Selon vous, là, les éléments essentiels
que devrait couvrir le programme de perfectionnement des juges, qu'est-ce que
ce serait, là, si vous en aviez, là, quelques-uns, une liste que vous pourriez
peut-être nous dire, là, de façon à bien nous éclairer?
Mme Riendeau (Louise) :
Bien, je pense que, comme on l'a déjà dit, toute la question de l'impact des
traumatismes sur la capacité à témoigner est centrale.
Toute la question de l'évaluation des
risques. En violence conjugale, ce n'est pas parce qu'on porte plainte qu'on
est en sécurité. Au contraire, ça peut exacerber l'opposition et le contrôle du
conjoint. Donc, il faut qu'à chaque étape des procédures tout le monde soit
conscient de ça pour qu'on s'assure que les mesures qu'on va mettre en place,
que ce soit à l'étape de la remise en liberté, que ce soit à l'étape de la
sentence, vont être adaptées à chacune des situations en l'espèce. Alors, ça,
pour nous, c'est des éléments importants.
• (10 h 30) •
Évidemment, toute la question des mythes
et des préjugés. On voit des victimes qui, parce qu'elles se sont défendues,
sont parfois considérées comme aussi violentes, alors que, si les gens étaient
formés à distinguer qui est l'agresseur principal dans des situations comme ça,
on arriverait à des <visions différentes. On voit...
>
10 h 30 (version révisée)
< Mme Riendeau (Louise) :
...
évidemment, toute la
question de mythes et des préjugés. On
voit des victimes qui,
parce qu'elles se sont défendues, sont parfois
considérées comme aussi violentes, alors que, si les gens étaient formés à
distinguer qui est l'agresseur principal dans des
situations comme ça,
on arriverait à des >visions différentes. On voit aussi des victimes qui
ne correspondent pas au stéréotype de la victime, qui ont l'air rebelles, et,
souvent, on va peut-être leur accorder moins de crédibilité.
Alors, ces éléments-là, mythes et
préjugés, les impacts des traumatismes, l'évaluation des risques, sont, pour
nous, absolument importants. Le fait que la violence se poursuive en matière
conjugale après... pendant et après les procédures est aussi un élément très
important pour nous et pour tous les intervenants.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci.
Mme Allen (Cathy) : Je
pense qu'on pourrait ajouter aussi, si je peux me permettre, le contrôle
coercitif, donc, une meilleure compréhension, là, de tout ce volet-là, en fait.
M. Lévesque (Chapleau) :
Merci de vos lumières. À la page 9 de votre mémoire, vous parlez de l'importance
d'un titre clair pour le tribunal. Pourriez-vous nous en faire mention? Pourquoi
cette importance-là du titre clair?
Mme Riendeau (Louise) :
Bien, écoutez, je pense que tout le monde en a parlé ce matin, il y a un
contentieux sur l'appellation entre la cour et le ministre, d'une part. Et, d'autre
part, il faut absolument envoyer le message que ce qu'on change, ce n'est pas
juste ce qui se passe en cour, c'est avant et c'est après. Donc, il faut qu'on
soit capable d'envoyer ce message-là dès maintenant. Et on pense qu'il y a
assez de créativité au Québec et autour de la commission aussi pour qu'on
arrive, là, à trouver une façon de nommer les choses et à bien le communiquer
aux victimes, aux auteurs de violence et à la population en général.
M. Lévesque (Chapleau) : Ce
semble bien clair. Sans mauvais jeu de mots, M. le Président, je crois que ma collègue
de Repentigny aurait une question s'il reste un peu de temps.
Le Président (M. Benjamin) :
Il reste 40 secondes, allez-y.
Mme Lavallée : En fait, je
lui demande de répondre rapidement. Vous avez parlé du coordonnateur
judiciaire. J'aimerais ça que vous nous donniez des exemples de pourquoi ça
peut être pertinent, puis je suis sûre que vous avez des cas à nous donner.
Mme Riendeau (Louise) :
Bien, on a dit souvent que les décisions du tribunal de la famille sont
incohérentes avec celles de la cour criminelle, même chose en protection de la
jeunesse. Bon, déjà, on a changé le règlement de la Cour supérieure en matière
familiale pour que l'information circule, mais je pense qu'il faut qu'il y ait
quelqu'un qui s'assure qu'on sait ce qui se passe dans les différentes
instances, et que, s'il y a une interdiction de contact au criminel, bien, que
la chambre de la jeunesse le sache aussi, pour qu'on ne se court-circuite pas
et pour que les victimes ne soient pas absolument, d'une part, confuses, et,
d'autre part, en danger à cause de ces incohérences-là.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci. Merci beaucoup. Maintenant au tour de la députée de Verdun.
Mme Melançon : Merci, M.
le Président. Bonjour, Mme Allen, Mme Riendeau. Merci beaucoup d'être
présentes aujourd'hui.
J'ai lu avec attention votre mémoire.
D'abord, j'ai remarqué que <vous souhaitiez, donc...
Le Président (M. Benjamin) :
…merci, merci
beaucoup.
Maintenant au tour de la députée de
Verdun.
Mme Melançon : Merci,
M. le Président. Bonjour, Mme Allen, Mme Riendeau, merci d'être
présentes aujourd'hui.
J'ai lu avec attention votre mémoire.
D'abord, j'ai remarqué que >vous souhaitiez, donc, qu'il y ait une bonne
collaboration pour éviter, justement, ce contentieux, comme vous dites, Mme Riendeau,
mais aussi pour éviter toute contestation judiciaire. Moi, je veux savoir, Mme Riendeau,
est-ce que vous êtes inquiète d'une possibilité de contestation judiciaire?
Mme Riendeau (Louise) :
Écoutez, moi, je dirais que je suis inquiète de tout message qui laisse croire
aux victimes qu'on ne les met pas en premier dans ce débat-là. Je pense que ce
à quoi il faut penser, c'est vraiment quel est l'impact des messages qu'on
envoie à l'heure actuelle. On part de loin pour rebâtir la confiance. Donc, il
faut vraiment aller dans ce sens-là, et, nous, c'est toujours notre premier
souci, quel sera l'impact sur les victimes.
Mme Melançon : Vous
écrivez, d'ailleurs, en page 9 : «Il nous semble que [les différends]
sur l'appellation de cette nouvelle division pourraient être facilement
résolus.» Donc, pour vous, vous ne tenez pas nécessairement au nom «tribunal»,
c'est ce que je comprends bien?
Mme Riendeau (Louise) :
Non. Nous, on pense que, si le mot fait débat, travaillons ensemble à trouver
quelque chose qui pourra correspondre, mais qui pourra aussi englober tout ce
qu'on veut faire, parce que certains ont dit, puis à juste titre : Ce
n'est pas ce dont on parle, ce n'est pas qu'est-ce qui va se passer en cour, c'est
beaucoup plus large. Donc, s'il y a une meilleure appellation pour mieux faire
comprendre ce qu'on fait, cherchons-la.
Mme Melançon : Lorsqu'on
parle de la confiance, Mme Riendeau, puis Mme Allen aussi, bien sûr,
par votre connaissance du terrain, là, lorsqu'on parle des dénonciations, je
pense qu'il faut rappeler ici les pourcentages qui sont faméliques, là. On
parle de 20 % lorsqu'il est question de la violence conjugale et de
5 % seulement dans les cas d'agression sexuelle. Dites-moi, est-ce qu'avec
une confiance rebâtie vous prévoyez qu'on va pouvoir augmenter le nombre de
dénonciations?
Mme Allen (Cathy) :
Bien, je peux y aller. Moi, je souhaite de tout coeur que oui. En fait, on le
sait, hein, souvent, les victimes, en fait, ne vont pas dénoncer, justement,
par peur de ne pas être crues, par peur d'envenimer la situation. Des fois, on
a des acteurs du système de justice qui ont des discours dissuasifs auprès des
victimes, malheureusement, trop souvent même. Donc, si on travaille mieux
ensemble en équipe, si on a de meilleures formations, moi, je pense qu'on va
augmenter le taux de dénonciations. Et, en fait, toute la confiance des
victimes se joue là, parce qu'elles vont recevoir, là, vraiment un
accompagnement bonifié d'un bout à <l'autre…
Mme Allen (Cathy) :
...si on a de meilleures
formations, moi, je pense qu'on va augmenter le
taux de dénonciation. Et en fait, toute la confiance des victimes se joue là
parce
qu'elles vont recevoir, là, vraiment un
accompagnement bonifié d'un bout
à >l'autre, là, du processus judiciaire.
Mme Melançon : Mme Riendeau,
à l'intérieur du mémoire, il est indiqué, à la recommandation 3, donc,
d'ajouter les principes directeurs énoncés, là, justement, pour éviter que ça
se retrouve dans des règlements puis qu'on n'ait pas mainmise, comme législatrices,
justement, ici en commission parlementaire, là… J'aimerais vous entendre sur… Comment
ça se passe lorsqu'il y a des règlements? Est-ce que vous êtes tenue au
courant? Parce que je sens une certaine inquiétude, là, tout de même, de votre
part, de savoir qu'il y a des parties qui vont se retrouver dans des règlements
et non pas à l'intérieur du projet de loi.
Mme Riendeau (Louise) :
Bien, c'est sûr que, quand il y a des nouveaux règlements qui sont publiés dans
la Gazette, on est toujours invitées à se prononcer. Mais je vous dirais
que, pour la population, ce sont des processus qui sont beaucoup moins visibles
que, par exemple, une commission parlementaire, comme on le vit aujourd'hui,
qu'un débat à l'Assemblée nationale. Donc, nous, on disait : Mettons-le
clair dans le projet de loi. Et ça fera que, quand le comité d'encadrement fera
son rapport au ministre qui le déposera à l'Assemblée, on pourra référer à ça
puisque c'est clairement dans la loi, et ça montrera aussi clairement la
volonté du législateur, de l'ensemble des partis d'aller dans ce sens-là. On a
vu qu'il y avait eu une motion unanime de l'Assemblée nationale sur la création
du tribunal. Je pense que, pour les gens, ça parle beaucoup. Donc, c'est pour
ça qu'on se dit que, si on a une loi, au Québec, dans laquelle c'est clairement
énoncé, ça sera aussi très visible et très clair.
Mme Melançon : J'ai une question
qui va venir peut-être du champ gauche un peu, mais, quand même, j'ai besoin de
vous entendre. Comme vous faites... vous êtes sur le terrain avec les femmes
qui sont des victimes, il y a de l'exploitation sexuelle, aussi, dont on a très
peu parlé à l'intérieur, donc, du projet de loi, puis on ne l'a pas beaucoup
incluse, mais les proxénètes sont souvent les conjoints des victimes, hein?
Souvent, on l'a vu, et je vois la députée de Repentigny, là, qui est avec nous aujourd'hui,
qui connaît bien le dossier. Est-ce que, selon vous, l'exploitation sexuelle,
on devrait l'introduire à l'intérieur du présent projet de loi?
Mme Riendeau (Louise) :
Bien, en fait, pour nous, quand on parle d'infractions commises en contexte
sexuel, ça contient l'exploitation sexuelle, très certainement, et, effectivement,
moi, je pense qu'il faut faire entendre cette réalité-là. Vous avez raison de
dire que, pour un certain nombre, le proxénète est le conjoint ou leur fait
croire que c'est le conjoint. Donc, des fois, on a les deux dimensions, là,
violence conjugale et exploitation sexuelle, mais, tout à fait, et, pour nous,
c'est <important...
Mme Riendeau (Louise) :
...
je pense qu'il faut faire entendre cette réalité-là. Vous avez raison
de dire que, pour un certain nombre, le proxénète est le conjoint ou leur fait
croire que c'est le conjoint, donc des fois on a les deux dimensions, là, violence
conjugale et exploitation sexuelle, mais tout à fait, et, pour nous, c'est >important
que ces infractions-là puissent bénéficier des changements qu'on est en train
d'opérer.
Mme Melançon : Je
voudrais vous poser des questions concernant les projets pilotes. Je vous ai
entendue, tout à l'heure, Mme Riendeau, dire que des projets pilotes, ça
en prenait dans tous les districts judiciaires.
• (10 h 40) •
Une voix : ...
Mme Melançon : O.K., parce
que c'est ce que j'avais entendu. Puis, plus loin, pourtant, je voyais dans
votre mémoire, à la page 21, donc, que vous recommandiez, là, certaines
régions, mais, en favorisant, donc, dans certains districts… vous n'avez pas
peur qu'on crée des inégalités? Une fille qui se retrouve... qui est une victime,
sur la Côte-Nord, n'aurait pas nécessairement le même accompagnement que la
fille qui va se retrouver en Estrie, par exemple. J'ai un petit... J'ai un
questionnement, mais j'ai besoin de vous entendre sur ce sujet.
Mme Riendeau (Louise) :
Bien, écoutez, c'est sûr qu'on voudrait que, le plus rapidement possible,
toutes les victimes aient le même accès aux services, au soutien, et etc., mais,
nous, il nous semble que ça vaut la peine, si on veut être sûrs de ne pas se
tromper, de faire les choses correctement, de bien estimer, de faire le test.
Et, en fait, nous, on recommandait trois districts judiciaires ou trois palais,
plus particulièrement, qui avaient des caractéristiques qui pouvaient nous
sembler représentatives d'autres régions et qui pouvaient nous permettre, par
la suite, d'aller de l'avant. Donc, oui, je peux comprendre la déception de
certaines d'attendre, mais, en même temps, moi, je suis très consciente que
c'est beaucoup plus facile d'opérer des changements pendant un projet pilote
que quand on dit : Voici, c'est notre modèle, au Québec. C'est difficile
de revenir, par la suite, et de faire les améliorations nécessaires.
Mme Melançon : Et
pourquoi deux ans?
Mme Riendeau (Louise) :
Parce que, si on prend le temps que les choses cheminent dans le système
judiciaire, si on veut qu'il y ait suffisamment de causes, il faut se donner un
peu de temps. Tu sais, en six mois, bien des causes n'auraient pas procédé.
Donc, deux ans, ça nous semble un délai raisonnable pour, à la fois, avoir vu
des causes du début à la fin puis pour avoir un peu de volume pour être capable
de poser un jugement puis d'avoir un peu, là, un portrait de ce que ça donne, et
ce n'est pas trop long non plus.
Mme Melançon : Parfait.
Moi, j'ai toujours en tête, cependant, cette iniquité, je vais dire ça comme
ça, là, d'une victime selon les régions. Ça me brise le coeur, là, de pouvoir
penser que, selon là où on habite, bien, on n'aura pas le même accompagnement,
mais, ça, on pourra en débattre dans l'article par article au moment convenu.
Je terminerais, parce que j'ai <vu...
Mme Melançon : …selon
les régions, c'est… ça me brise le coeur, là, de pouvoir penser que, selon là
où on habite, bien, on n'aura pas le même accompagnement. Mais, ça, on pourra
en débattre dans
l'
article par article au moment convenu.
Je terminerais,
parce que j'ai >vu
le… On parle de temps, le temps file. Concernant la formation des juges, bien
entendu, sur laquelle je pense qu'on peut faire encore mieux… Mais, aussi, il y
a la formation des policiers, je pense que, Mme Allen, tout à l'heure,
vous en faisiez mention, que ce soit pour les patrouilleurs… On a parlé, bien
sûr, d'enquêteurs spécialisés. Il y a les procureurs. Il y a plein d'autres
recommandations aussi à l'intérieur du rapport Rebâtir la confiance.
Est-ce que vous voyez, comme nous, que c'est un tout, ce rapport?
Mme Riendeau (Louise) :
Bien, tout à fait. En fait, dans la recommandation qu'on a, qui dit qu'il faut
que le ministère soit clair sur les actions qu'il va mettre en branle, qu'il va
financer, qu'il va coordonner, on a recensé plusieurs des recommandations de Rebâtir
la confiance qui sont essentielles aux changements qu'on veut faire, là. On
ne les a pas listées ce matin, mais, dans notre mémoire, c'est clair.
Le Président (M. Benjamin) :
Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Merci. Alors, maintenant,
au tour de la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Bonjour. Vous nous invitez, dans votre mémoire, vos recommandations 3
et 4, à inclure, dans le projet de loi, les principes directeurs et les objectifs
poursuivis dans le projet de loi. J'aimerais ça que vous nous expliquiez c'est
quoi, vos craintes, si ça ne se retrouve pas dans le projet de loi, comme c'est
le cas actuellement.
Mme Riendeau (Louise) :
Bien, pour nous, l'idée de mettre ça dans le projet de loi, d'une part, c'est
de les rendre visibles. Ça envoie un message aux victimes, à la population, à
l'ensemble des intervenants. C'est le premier objectif. Le deuxième objectif,
c'est qu'au moment où on fera l'évaluation de ce qu'on aura fait on pourra clairement
s'y référer et on se dira : Bien, au Québec, on veut, par exemple, que… améliorer
l'expérience des personnes victimes ou répondre aux besoins de la personne par
des services d'accompagnement. Pour nous, c'est si important qu'on l'a enchâssé
dans une loi.
Mme Labrie : …en quelque
sorte, de s'assurer qu'on ne va pas créer une coquille vide qui porte seulement
le bon nom, mais qui va vraiment répondre aux besoins des victimes.
Mme Riendeau (Louise) :
Oui, tout à fait.
Mme Labrie : Parfait. Je
vous remercie.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci, Mme la députée. Donc, au tour de la députée de Joliette.
Mme
Hivon
:
Merci, M. le Président. Merci de votre excellent mémoire. Donc, je l'ai lu avec
beaucoup d'intérêt… très constructif aussi. Je pense que c'est l'état d'esprit
dans lequel on doit être.
Moi, je veux vous amener… Là, ma collègue
a débuté l'échange… a terminé son échange, moi, je veux le débuter avec ça…
c'est la question de l'étendue des intervenants qui devraient être formés et
spécialisés. Donc, je veux juste que vous nous spécifiiez, je pense que,
là-dessus, on est sur la même longueur d'onde, là… mais que, selon vous, le
projet de loi doit parler de la formation, je <dirais, barre oblique…
Mme
Hivon
:
...c'est la
question de l'étendue des
intervenants qui devraient
être formés et spécialisés. Donc, je veux juste que vous nous spécifiez...
je
pense que
là-dessus on est sur la même longueur d'onde, là, mais que,
selon vous, le
projet de loi doit parler de la
formation, je >dirais,
barre oblique, spécialisation des autres intervenants du milieu judiciaire. Donc,
pour vous, ça comprend qui et est-ce que ça doit, nommément, être inscrit dans
le projet de loi?
Mme Allen (Cathy) :
Vas-y, Louise.
Mme Riendeau (Louise) : O.K.
Bien, en fait, pour nous, ça part du début à la fin. Donc, ça peut même inclure
des intervenants psychosociaux qui sont appelés à intervenir auprès des
victimes, qui ne sont pas nécessairement spécialisés en matière de violence
conjugale. Rebâtir la confiance recommandait qu'on ait des policiers,
des procureurs spécialisés, formés. Donc, pour nous, ça comprend ces gens-là, et
ça comprend évidemment les juges, mais ça comprend aussi des gens qui peuvent
être au niveau des services correctionnels, qui auront à gérer les sentences ou
les conditions qui sont imposées. C'est important que ces gens-là aient une vue
globale.
Tantôt, on parlait du contrôle coercitif.
C'est un terme nouveau dans le vocabulaire, mais ce n'est pas une réalité qui
est nouvelle. C'est, en fait, toutes les stratégies qui, souvent, ne sont pas
des actes criminels, qui vont être utilisées par un contrevenant pour
intimider, contrôler sa victime. Si on n'a pas une idée que tout ça existe puis
qu'on regarde juste l'acte criminel qui est là, devant nous, on va échapper des
grands pans de la réalité des victimes. On va mal évaluer les enjeux qu'elles
vivent au niveau de la sécurité. Donc, c'est pour ça que, pour nous, il faut
que tout le monde ait ça. Il faut qu'on ait vraiment une idée claire de
qu'est-ce que vivent les victimes, quels enjeux de sécurité ça pose, quelles
conséquences ça peut avoir sur leur capacité de porter plainte, de témoigner,
comment on peut mieux les soutenir.
Mme
Hivon
:
Puis vous faites allusion à un autre élément, que je trouve important, dans
votre mémoire, c'est un peu l'idée de la formation, oui, mais de la
spécialisation aussi. Si je comprends bien, vous, vous dites : C'est bien,
donner de la formation à tout le monde, mais l'idée d'avoir des équipes
dédiées, d'avoir de la spécialisation, c'est aussi quelque chose qui est
présent. Est-ce que vous nous demandez de l'inscrire dans le projet de loi?
Le Président (M. Benjamin) :
Malheureusement, le temps ne nous permet pas de pouvoir y répondre, donc...
Mme
Hivon
:
Esprit de synthèse.
Le Président (M. Benjamin) :
Voilà. On ira avec... On va aller avec le député de Chomedey.
M. Ouellette : Bien, c'est
tellement important, Mme Riendeau, Mme Allen, ça va être sur mon
temps que vous allez nous donner la réponse, parce que je veux entendre la
réponse à la question de ma collègue de Joliette. Est-ce que vous pouvez me la
donner?
Mme Riendeau (Louise) : La
compétence, ça s'acquiert par de la formation, mais ça s'acquiert aussi par
l'expérience, et c'est en étant chaque jour dans des dossiers, en étant dédié à
ceux-là, en côtoyant des collègues qui le sont, qu'on acquiert aussi de la
compétence. Et des choses comme le <savoir-être...
Mme Riendeau (Louise) :
…ça s'acquiert par de la formation, mais ça s'acquiert aussi par l'expérience.
Et c'est en étant chaque jour dans des dossiers, en étant dédié à ceux-là, en
côtoyant des
collègues qui le sont, qu'on acquiert aussi de la
compétence et des choses comme le >savoir-être, dont parlait ma collègue,
ça ne s'acquiert pas toujours dans de la formation. C'est parfois,
effectivement, là, à exercer ces fonctions-là qu'on le fait. Ça fait que, pour
nous, le fait que les gens soient formés est important, le fait qu'on ait des
gens dédiés qui développent une spécialisation l'est aussi.
M. Ouellette : Je pense
qu'on est tous à la même place. Parce que moi, j'ai moins de temps que tous les
autres, je vais me permettre un commentaire, pour terminer, en vous remerciant.
C'est un projet de loi qui crée beaucoup d'attentes, beaucoup d'attentes chez
les victimes, qui ne va pas assez loin, à mon humble avis. Vous avez mis
20 recommandations dans votre mémoire qui est très, très, très fouillé. Ça
sera notre partie à nous, les législateurs, parce qu'il ne faut pas manquer
notre coup. Il y a des bonnes intentions. Il ne faut pas manquer notre coup
parce qu'on va perdre toute la partie de la population qui est victimisée
là-dedans. C'est une bonne intention, puis je pense qu'il faut être… Dans ce
cas-là, mesdames, il va falloir être plus intelligent qu'orgueilleux dans le
traitement de ce projet de loi là.
Mme Riendeau (Louise) : En
tout cas, on a une obligation de moyens, mais on a certainement une obligation
de résultats dans ce cas-ci.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci beaucoup, Mme Riendeau, Mme Allen. Merci beaucoup pour votre
contribution aux travaux de la commission.
Je suspends les travaux quelques instants
afin d'accueillir les prochains témoins. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 50)
(Reprise à 10 h 54)
Le Président (M. Benjamin) :
Alors, à l'ordre, tout le monde! Nous allons reprendre nos travaux. Donc, nous
allons poursuivre les auditions et, maintenant, nous allons accueillir
Mme Manon Monastesse, de la Fédération des maisons d'hébergement pour
femmes, ainsi que Mme Danielle Mongeau, directrice de la Maison Dalauze.
Bienvenue, mesdames. Vous avez 10 minutes pour votre exposé.
Mmes Manon Monastesse et Danielle Mongeau
Mme Monastesse (Manon) :
Merci. Alors, on remercie la commission de nous avoir invitées pour témoigner.
On remercie également M. le ministre ainsi que les députés qui sont présents de
leur attention. Alors... Et nous voulons souligner, tout d'abord, la volonté
politique et l'engagement du gouvernement dans sa volonté de mettre en place
des tribunaux spécialisés. On sait que c'est une question qui a été discutée
depuis de nombreuses années et on arrive enfin à la croisée des chemins. Alors,
nous remercions tous les efforts qui ont été faits pour que, finalement, l'on puisse
voir, dans un avenir assez rapproché, la mise en place des tribunaux
spécialisés ici, au Québec.
Alors, je passerais la parole à notre
présidente, Mme Mongeau, qui va pouvoir vous expliquer plus amplement
notre position.
Mme Mongeau (Danielle) :
Oui. Bonjour, tout le monde. Nous considérons qu'un projet de loi visant la
création d'un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de
violence conjugale aurait avantage à présenter une description des objectifs à
atteindre afin de le rendre plus rassembleur, de permettre une compréhension
commune et une plus grande adhésion à ses principes.
De façon très résumée, voici quelques
résultats communs à viser : une spécialisation de tous les acteurs clés
impliqués dans le processus; une sensibilisation accrue à la violence faite aux
femmes au sein de la communauté et des organismes qui y répondent; la réduction
de la victimisation secondaire; une augmentation du taux de signalement des
délits de violence; une action policière proactive et de meilleures méthodes
d'enquête sur les infractions de violence; une participation accrue des
victimes; une diminution du taux de retrait des accusations; une augmentation
du taux de poursuite pour les infractions de violence conjugale; un niveau de
sécurité plus élevé pour les victimes de violence et leurs enfants; des
ordonnances de protection plus appropriées et adaptées aux situations des
victimes; une meilleure qualité de la prestation de services; une meilleure
coordination des services; une meilleure coopération entre les différents
acteurs et instances du système judiciaire; le développement d'un sentiment de
responsabilité des tribunaux et de leur personnel envers la communauté et les
prestataires de services; et la satisfaction des victimes à l'égard de la
procédure.
Ainsi, un tribunal spécialisé en <matière...
Mme Mongeau (Danielle) :
…entre les différents acteurs et instances du système judiciaire, le
développement d'un sentiment de responsabilité des tribunaux et de leur personnel
envers la communauté et les prestataires de services, et la satisfaction des
victimes à l'égard de la procédure.
Ainsi, un tribunal spécialisé en >matière
de violence sexuelle, conjugale ou familiale constitue un modèle de bonnes
pratiques et implique idéalement un changement de système ou, tout au moins,
des adaptations majeures. De façon globale, un tribunal spécialisé diffère d'un
tribunal classique du fait qu'il permet, entre autres, de porter une attention
particulière sur la victime et ses besoins; d'assurer que la victime ait accès
à des services de soutien et d'accompagnement appropriés; de sensibiliser tous
les acteurs du droit aux réalités des victimes afin notamment d'éviter toute
victimisation secondaire; d'assurer la sécurité des victimes en mettant en
place ou en consolidant des installations judiciaires appropriées;
d'identifier, de mieux gérer et de traiter de façon accélérée les dossiers des
victimes; de favoriser des pratiques d'enquête policière de haute qualité;
d'encourager les politiques favorisant les inculpations et les poursuites
judiciaires entamées par les victimes; déterminer les ordonnances de protection
qui assurent la sécurité des victimes et de leurs enfants; et, finalement,
d'assurer un suivi des progrès du délinquant et du respect des ordonnances
rendues.
Je vous laisse la parole, Mme Monastesse.
Mme Monastesse (Manon) :
Alors, dans notre mémoire, on vous a présenté vraiment les deux modèles qui,
pour nous, sont les plus prometteurs. Alors, il y a le modèle du tribunal
spécialisé de Moncton, au Nouveau-Brunswick, et surtout celui de Southport,
dans le Queensland, en Australie. Ce qui est intéressant aussi, c'est que ce
sont deux modèles qui ont fait leurs preuves, mais qui ont surtout aussi été évalués.
Alors, on a quand même des données sur l'impact que ces deux modèles ont fait au
niveau de l'amélioration, justement, du traitement de la violence conjugale et
sexuelle.
• (11 heures) •
Alors, en d'autres termes, si on regarde
qu'est-ce qu'on vise avec un modèle de tribunal spécialisé, on veut augmenter
le niveau de coordination et de partage d'informations. On veut avoir un
meilleur retour d'informations sur le processus, une meilleure concertation,
une concentration des… concertation, bien sûr, mais une concentration également
des connaissances spécialisées, que ce soit par les procureurs, les juristes,
le soutien, les magistrats, ce qui n'est pas présent dans un modèle, disons,
classique, plus conventionnel. Et, également, aussi, ce qui est intéressant,
surtout avec le modèle de Southport, c'est que le tribunal aussi est
culturellement adapté à la population. On sait qu'il <dessert une…
>
11 h (version révisée)
< Mme Monastesse (Manon)T :
...disons, classique, plus conventionnelle. Et
également, aussi, ce qui
est
intéressant, surtout avec le modèle de Southport, c'est que le
tribunal aussi est culturellement adapté à la
population. On sait qu'il >dessert
une population importante aborigène.
Alors, quand on regarde en ce qui concerne
le modèle de Southport, ce qu'on constate effectivement, quand on regarde les
résultats de l'évaluation, on a vu qu'il y a eu un renforcement des collaborations
entre le tribunal, le service de lutte contre les violences conjugales, les
procureurs, les policiers, les avocats, ce qui a permis d'améliorer la coordination
des dossiers et des services. Il y a une satisfaction déclarée des victimes, et
leur perception de l'équité procédurale du processus est beaucoup plus élevée
dans un tribunal spécialisé. La disponibilité est accrue, aussi, au niveau des
services-conseils et également au niveau de la disponibilité des formations; la
présence, bien sûr, de tout un encadrement sécuritaire pour les victimes, pour
atténuer le stress que vivent les victimes et assurer leur sécurité dans les
locaux du tribunal; le niveau de compréhension des résultats du tribunal, tant
pour les victimes que pour les auteurs, ce qui est plus mitigé, au niveau des
auteurs, mais, quand même, sont beaucoup plus élevés dans un tribunal
spécialisé que dans un tribunal conventionnel; l'augmentation de la responsabilité,
aussi, des auteurs de crime, il semble que le sentiment que les contrevenants
soient tenus responsables est beaucoup plus élevé dans un tribunal spécialisé
qu'un tribunal conventionnel.
Alors, globalement, on peut dire que le
tribunal spécialisé, à Southport, a amélioré la gestion de la procédure, le
partage des informations et la coordination de l'aide accordée aux victimes et
aux contrevenants. Et ce qu'il est très intéressant de voir, c'est, quand on a
demandé aux victimes et aux contrevenants, comment... dans quelle mesure leur
perception des procédures avait été, pour elles, satisfaisante. On a quand même
un taux de 81 % qui qualifient leur expérience au tribunal d'excellente, alors
c'est un taux qui... c'est quelque chose qu'on vise. Alors, le tribunal de
Southport a démontré que... par son efficacité, a démontré qu'il y a eu un
changement très notable, là, au niveau de l'expérience des victimes au sein du
tribunal. Et on peut comparer à un tribunal conventionnel, qui existe dans une <autre
ville, à...
Mme Monastesse (Manon) :
…qu'il y a eu un changement très notable, là, au niveau de l'expérience des
victimes au sein du tribunal. Et on peut comparer à un tribunal conventionnel,
qui existe dans une >autre ville, à 50 %. Alors, c'est majeur, là,
comme impact positif. Et puis la question, aussi... le niveau de perception
positive de la justice procédurale est également élevé, dans l'échantillon de
Southport, avec plus de 85 % des participants qui sont d'accord ou tout à
fait d'accord pour dire qu'ils ont été traités avec respect, que le processus
judiciaire était juste et que la décision était juste. Alors, je passe la
parole à Mme Mongeau.
Mme Mongeau (Danielle) :
Alors, en conclusion, l'implantation de tribunaux spécialisés se veut un
changement structurant, novateur et prometteur qui deviendra, par suite de son
actualisation, un levier crucial dans la lutte contre les violences sexuelles
et conjugales qui s'inscrivent dans le continuum des violences faites aux
femmes. Nous espérons que l'implantation de ce projet pilote, grâce au projet
de loi, se fera en synergie avec l'actualisation des nombreuses recommandations
du rapport Rebâtir la confiance afin de restaurer la confiance des
victimes envers notre système de justice.
À ce titre, la Fédération des maisons
d'hébergement pour femmes recommande ainsi que l'implantation des tribunaux
spécialisés s'inscrive dans un chantier plus global…
Le Président (M. Benjamin) :
Malheureusement, c'est tout le temps qui nous est imparti...
Une voix : ...
Le Président (M. Benjamin) :
Alors, allez-y, sur le temps du ministre, allez-y, poursuivez.
Mme Mongeau (Danielle) : ... — ah!
O.K. — dans un chantier plus global d'actualisation structurante des
nombreuses mesures inscrites dans le rapport Rebâtir la confiance, afin
d'assurer un filet de sécurité tissé serré autour des victimes et de leurs
enfants. Ce but ultime leur permettra de s'affranchir du contexte de violence
auquel elles sont assujetties et ainsi faciliter la reprise de pouvoir sur leur
vie. Le modèle de tribunaux spécialisés espagnols démontre qu'un changement
global et durable est réalisable en suivant ce principe.
Nous recommandons aussi que le projet de
loi présente une description des objectifs à atteindre afin de le rendre plus
rassembleur et s'assurer d'une plus grande adhésion à ses principes. À ce
titre, nous recommandons que le modèle de tribunal spécialisé de Southport,
dans le Queensland en Australie, soit un des modèles de référence privilégiés
de par son efficacité et sa cohérence avérés, en plus d'être en fonction dans
un système… dans un pays où le système de droit est comparable à celui du
Canada.
En résumé, à l'instar de plusieurs experts
et juristes, nous avons espoir que les tribunaux spécialisés permettront une
augmentation des taux de condamnation, l'amélioration de la qualité des
témoignages, la diminution des délais et de la victimisation secondaire, l'amélioration
de la connaissance de tous les acteurs sociojudiciaires impliqués sur les
réalités vécues par les victimes. Ils représentent, donc, une initiative
prometteuse pour l'amélioration de l'expérience <des victimes et…
Mme Mongeau (Danielle) :
...une augmentation des taux de condamnation, l'amélioration de la qualité des
témoignages, la diminution des délais et de la victimisation secondaire,
l'amélioration de la connaissance de tous les acteurs sociojudiciaires
impliqués sur les réalités vécues par les victimes. Ils représentent donc une
initiative prometteuse pour l'amélioration de l'expérience >des victimes
et, conséquemment, un espoir pour le rétablissement de leur confiance envers
notre système de justice, tout en respectant à la fois les préoccupations de
justice fondamentale et les droits de l'accusé.
Je laisse la parole à
Manon Monastesse pour la dernière recommandation.
Le Président (M. Benjamin) :
Oui, une dernière intervention, parce que le ministre a été assez généreux pour
vous laisser parler, donc... Mais il faudrait terminer, une dernière
conclusion. Allez-y, s'il vous plaît.
Mme Monastesse (Manon) :
Bien, écoutez, je laisse la parole à M. le ministre. On aura l'occasion, dans
les échanges, d'aller plus en profondeur.
Le Président (M. Benjamin) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Merci, M. le Président. Mme Monastesse, Mme Mongeau, merci pour votre
présence en commission parlementaire. C'est très instructif, la présentation de
votre mémoire.
Écoutez, d'entrée de jeu, là, avez fait
référence, là, au modèle dans le Queensland, qui existe, qui est un système de
justice similaire au nôtre, et là-bas, ça se fait puis ça marche, un tribunal
spécialisé. Et je crois même qu'il y a une obligation de formation pour tous
les acteurs du système de justice, incluant les juges. Alors, comment vous
percevez ça, là, le fait qu'on vient encadrer et dire : Écoutez, tous les
acteurs du système de justice doivent être formés, incluant les juges? Comment
vous voyez ça, là, vous, la formation par rapport aux violences sexuelles et
conjugales?
Mme Monastesse (Manon) :
Bien, écoutez, on voit ça de façon très positive, puisqu'on a des modèles qui
prouvent leur efficacité, donc ça fonctionne, la question de... et de la
formation. Et d'autant plus que, quand on regarde le modèle de Southport, le
fait que... et même, dans notre mémoire, on l'a dit, même les juges ont été
consultés, aussi, pour l'évaluation, et eux-mêmes le disent que ça leur permet
de faire un meilleur travail, d'avoir une meilleure connaissance des impacts et
aussi ça leur permet d'être plus efficaces, et puis, ça, ce ne pas seulement
envers les victimes, c'est aussi envers les contrevenants. Ça leur permet aussi
de mieux encadrer, que les contrevenants soient mieux encadrés, de mieux faire
les suivis, alors, même au niveau des juges.
Puis effectivement il faut que tout le
monde, dans la chaîne, dans le processus, soit formé. Mais, au niveau des
juges, c'est extrêmement positif dans l'évaluation du modèle de Southport. Ils
le disent eux-mêmes que ça leur a permis de grandement améliorer... grandement
améliorer leur intervention, tout en préservant leur impartialité,
l'impartialité qui est nécessaire, et l'indépendance de la magistrature. Il y a
quelqu'un qui est, justement... <qui s'assure...
Mme Monastesse (Manon) : ...
améliorer... grandement améliorer leur intervention, tout en préservant leur
impartialité, l'impartialité qui est nécessaire, et l'indépendance de la
magistrature. Il y a quelqu'un qui est, justement... >qui s'assure,
justement, qu'il n'y ait pas des écarts à ce niveau-là. Et il y a une douzaine
de tribunaux spécialisés, en Australie, et il n'y a jamais eu de plaintes, à
date, sur cette question, qu'il y avait un bris au niveau de l'impartialité ou
de l'indépendance de la magistrature.
• (11 h 10) •
M. Jolin-Barrette : C'est
intéressant, ce que vous dites, parce que c'est beaucoup les critiques que je
reçois, pour dire : Ça va affecter l'indépendance, l'impartialité. Or,
comme on dit, lorsqu'on compare les choses qui existent dans le monde, et
l'Australie, ce n'est pas si différent du Canada, il y a la même, un peu,
histoire, la source originelle, si je peux dire... tire sa même source, alors
les principes de droit, tout ça. Je trouve ça intéressant ce que vous dites, de
dire : Bien, écoutez, non, il n'y a pas eu d'atteinte à l'impartialité,
non, il n'y a pas eu d'atteinte à l'indépendance, non, la présomption
d'innocence n'a pas été remise en question, puis ça fonctionne. Puis les juges
sont formées, puis ils disent même que c'est positif d'avoir davantage de
formation. Alors, je trouve ça vraiment pertinent.
Peut-être aborder avec nous, là... Je
crois que la fédération donne déjà de la formation à des acteurs du système de
justice, notamment au Directeur des poursuites criminelles et pénales, hein? Je
pense, c'est le cas.
Mme Monastesse (Manon) :
Tout à fait, tout à fait. Ça fait déjà deux ans que la formation est donnée, et
ça a été très favorablement accueilli. Il y a eu plusieurs cohortes de
procureurs qui ont été formées, alors ça va... Même, on en a... il y a eu des
demandes supplémentaires du DPCP, à cet effet.
M. Jolin-Barrette : Et
relativement, là, au contenu de la formation qui doit être donnée, là, en
violence sexuelle, en violence conjugale, là, selon votre expérience terrain,
là, avec ce que vous vivez au jour le jour, là, avec les femmes qui sont dans
vos maisons d'hébergement, là, qu'est-ce qui devait être mis de l'avant dans
ces formations-là, en fonction de la réalité des femmes qui passent à travers
le processus judiciaire, là? C'est quoi, les commentaires que vous entendez par
les femmes qui sont hébergées chez vous?
Mme Mongeau (Danielle) :
Je peux y aller. Je peux peut-être compléter, M. le ministre. Ce qu'on voit
beaucoup dans les maisons d'hébergement, de la part... ce que les victimes nous
disent, c'est que la compréhension de la violence conjugale n'est pas suffisante
de par l'ensemble du système de justice. Du premier contact avec les policiers
jusque dans le processus, vraiment, elles ne sentent pas que la compréhension
est très bonne de leur situation. Et souvent, même, elles ont l'impression que
la violence conjugale n'est pas prise en compte comme elle le devrait. Donc,
souvent, on va tenir en compte <que le présumé...
Mme Mongeau (Danielle) :
...vraiment,
elles ne sentent pas que la compréhension est très bonne de
leur situation. Et souvent, même, elles ont l'impression que la violence
conjugale n'est pas prise en compte comme elle le devrait. Donc, souvent, on va
tenir en compte >que le présumé accusé va avoir une présentation qui va
être plus soignée, tout ça, alors qu'elles, dans leurs impacts de la violence,
elles ne sont pas reconnues à ce niveau-là. Et le fait qu'elles ne soient pas
reconnues... comme étant des impacts de la violence fait en sorte que leur
propos n'est pas reconnu à leur juste valeur non plus. Alors, c'est beaucoup au
niveau de la sensibilité, de la compréhension, de la compréhension des impacts
du vécu en violence conjugale. Donc, de défaire les mythes, de défaire des
préjugés, souvent, qu'on va retrouver encore aujourd'hui. Donc, c'est beaucoup
à ce niveau-là que ça doit se passer et que la formation doit... l'accent doit
porter là-dessus.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Et une dernière question, avant de céder la parole, là. Lorsque vous avez fait
votre mémoire, vous avez regardé les différents modèles, là, et on s'inspire de
ce qui se fait ailleurs, puis vous nous invitez à dire : Bien, écoutez, il
y a des meilleures pratiques qui se font ailleurs, mais c'est pertinent de le mettre
en place, là. Pour vous, c'est fondamental qu'il y ait ce changement-là, dans
le système de justice, et qu'on puisse mieux accompagner les victimes, tout en
s'assurant que, les accusés, leurs droits sont respectés aussi. Mais ça prend
une plus grande place, maintenant, dans le processus judiciaire, pour les
victimes. Donc, c'est ça, au fond, un tribunal spécialisé : du début de la
dénonciation, de l'accompagnement, jusqu'à la fin, la condamnation, et même
après, pour accompagner la victime, mais le bout dans le milieu, là, avec la
cour, là, ils gèrent leurs choses en toute indépendance, tout ça. On n'est pas
là, mais c'est sur le continuum de services. Ça, vous êtes en accord avec ça,
pour le tribunal spécialisé?
Mme Monastesse (Manon) :
Tout à fait. Tout à fait. Et on voit avec les résultats que ça a donnés, parce
que c'est quand même impressionnant, quand il y a 85 % des victimes qui
disent qu'elles se sont senties crues, qu'elles ont une expérience très
positive du système de justice. Puis il faut le préciser, ça, ce n'est pas dans
des situations où il y a eu nécessairement une condamnation, c'est vraiment
dans leur appréciation globale du traitement qu'elles ont eu dans le système de
justice. Alors, quand on regarde un modèle qui, pour nous, est extrêmement
performant, dans, justement, la perception procédurale des victimes, on trouve
ça vraiment porteur d'espoir pour l'implantation ici, au Québec. Puis il ne
faut pas oublier aussi que même les contrevenants avaient une perception
positive du processus. Alors, bien, on <ne peut que...
Mme Monastesse (Manon) :
…on trouve ça
vraiment porteur d'espoir pour l'implantation ici, au
Québec.
Puis il ne faut pas oublier aussi que même les contrevenants avaient une
perception positive du
processus. Alors, bien, on >ne peut que
dire : Allons-y.
M. Jolin-Barrette : Je
vous remercie grandement, Mme Monastesse, Mme Mongeau, pour votre
présence. Les collègues vont vous poser des questions. Merci beaucoup.
Le Président (M. Benjamin) :
Il reste cinq minutes, donc. Alors, Mme la députée de Lotbinière-Frontenac.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Bonjour, Mme Monastesse, Mme Mongeau. Ça me fait plaisir d'être ici aujourd'hui.
Moi, j'aimerais… Bien, dans le cadre de mon mandat, là, en violence conjugale,
on s'est rencontrées plusieurs fois, j'ai fait la tournée des maisons d'aide et
d'hébergement, j'ai beaucoup entendu toutes sortes d'histoires puis je veux en
revenir, justement, à la formation des juges. Est-ce que vous pouvez nous
donner des exemples de situations où est-ce que les victimes ont été
désavantagées par rapport soit à l'hébergement qu'elles ont eu dans les maisons
d'aide et d'hébergement, justement, à cause de leur sécurité, puis des
conséquences que ça a sur les victimes, puis aussi en rapport avec tout ce qui
a trait avec la garde des enfants, là?
Mme Monastesse (Manon) :
Bien, écoutez, d'emblée, je vous dirais qu'on a… Il y a deux ans, on a
produit une recherche qui, justement, faisait état de l'analyse de plus de
200 jugements, alors, au niveau des tribunaux de la famille, et il y a
quand même une… il y a à peu près 25 jugements, aussi, qui émanaient de la
Cour d'appel, et où est-ce qu'on faisait vraiment état de… le peu de prise en
compte de la violence conjugale, de ses manifestations et de ses impacts
également. Et ça, ça avait une conséquence directe sur la question de
l'évaluation de l'intérêt de l'enfant.
Et on a des citations telles quelles de
jugements. Bien sûr, c'est partiel, mais, quand même, ça donne à quel point, où
il y a beaucoup… ça démontre à quel point il y a beaucoup de travail à faire au
niveau de la formation, bien sûr, des juges, mais également des magistrats et
au niveau des policiers également, là, vraiment, de toute la chaîne
d'intervenants. Et on voit à quel point il y a une méconnaissance et une
incompréhension du contexte de violence conjugale, où est-ce que perdurent,
comme dans les tribunaux de la famille, des préjugés, des stéréotypes <du
genre…
Mme Monastesse (Manon) :
...et
on voit à quel point il y a une méconnaissance et une
incompréhension du contexte de violence conjugale, où est-ce que perdurent,
comme dans les tribunaux de la famille, des préjugés, des stéréotypes >du
genre : si monsieur a été violent avec sa conjointe qui est aussi la mère
des enfants, ça ne veut pas nécessairement dire que c'est un mauvais père. Mais
toutes les études ou l'expérience démontrent que ce n'est pas le cas. On ne
peut pas diviser, au niveau des habilités parentales, le fait que monsieur est extrêmement
violent, et que ça n'a aucun impact sur les enfants, et qu'il ne sera pas...
qu'il n'exercera pas de violence. Et là on ne parle pas juste de violence
physique, mais de plusieurs niveaux de violence envers les enfants.
Alors, souvent, on se retrouve avec des
gardes partagées, des situations qui sont extrêmement... qui mettent en péril
la sécurité des mères et des enfants, et là ça se rajoute avec toute la question
des jugements en silo, quand au criminel on dit que monsieur est extrêmement
dangereux puis qu'il ne devrait pas avoir de contacts, puis qu'on se retrouve
au civil où est-ce que monsieur a des contacts, via la garde des enfants, et on
peut avoir aussi un autre jugement du Tribunal de la jeunesse, quand la
protection de la jeunesse est en jeu. Donc, ça, c'est extrêmement difficile à
vivre pour les victimes, pour leurs enfants, et ça les met dans des situations
où leur sécurité va être compromise. Mais je peux laisser Mme Mongeau
compléter.
Le Président (M. Benjamin) :
Il vous reste 20 secondes.
Mme Monastesse (Manon) :
Ça va.
Le Président (M. Benjamin) :
…
Mme Monastesse (Manon) :
Oui. Merci.
• (11 h 20) •
Le Président (M. Benjamin) :
Merci. Alors, maintenant au tour de la députée de Verdun.
Mme Melançon : Bonjour,
mesdames. Merci. Merci infiniment de votre présence. Merci aussi pour ce
mémoire, dans lequel vous avez fait un travail de recherche formidable qui
permet, justement, d'éclairer les législateurs que nous sommes.
J'imagine que vous avez entendu aussi,
préalablement, là, on a fait une rencontre avec le Regroupement des maisons,
là, pour femmes victimes de violence conjugale. Ma première question, c'était
sur le nom du tribunal. Je sais… tout à l'heure, j'ai demandé à
Mme Riendeau, que vous connaissez bien aussi : Est-ce que le nom…
Parce qu'il faut qu'on finisse par s'entendre. Moi, ce qui me fait peur ici,
là, aujourd'hui, c'est que, justement, il y ait des affrontements puis qu'on
échappe l'idée du tribunal spécialisé. Est-ce que vous, vous êtes d'accord à
une certaine collaboration pour qu'on puisse trouver un <terrain
d'entente…
Mme Melançon :
...est-ce
que le nom… Parce qu'il faut qu'on finisse par s'entendre.
Moi, ce qui me fait peur ici, là, aujourd'hui, c'est que, justement, il y ait
des affrontements puis qu'on échappe l'idée du tribunal spécialisé. Est-ce que,
vous, vous êtes d'accord à une certaine collaboration pour qu'on puisse trouver
un >terrain d'entente pour arriver finalement, au final, là... qui est
d'offrir la meilleure façon possible d'accompagner les femmes victimes de
violence sexuelle et de violence conjugale?
Mme Monastesse (Manon) :
Bien, écoutez, merci pour la question, Mme Melançon. Je pense que... je
crois sincèrement qu'on ne devrait pas... je vais le dire directement, là, qu'on
ne devrait pas s'enfarger dans les fleurs du tapis. Parce que, quand on regarde
à travers le monde, il y a vraiment une dénomination qui est très claire, que
ce soit en Australie, que ce soit dans les pays scandinaves, dont on n'a pas
discuté les structures, que ça soit partout à travers le monde, que ça soit aux
États-Unis, où on a même des lois, on a une Domestic Violence Act, donc partout,
on qualifie et... la structure, on qualifie directement ce sur quoi, les
tribunaux spécialisés, on fonctionne, là. Je veux dire, on qualifie carrément
les tribunaux : que ça soit soit «specialized», ou que ça soit des
tribunaux intégrés, que ça soit des tribunaux spécialisés, bien, on qualifie directement
ce sur quoi les tribunaux travaillent. Alors, je ne vois pas pourquoi ici, au
Québec, carrément, on s'enfargerait dans les fleurs du tapis. Je pense que
Mme Mongeau... Vas-y.
Mme Mongeau (Danielle) :
Bien, si vous permettez, Mme la députée, j'ajouterais que, pour nous, ce n'est
pas tant le nom. Pour nous, le nom, il veut tout dire : «tribunaux
spécialisés», on est à l'aise avec ça. Mais l'important, c'est que, dans le projet
de loi, on puisse y mettre la qualité, le contenu, les objectifs, pour que, dans
le fond, l'accord réel soit sur ça plutôt que sur le nom. Le nom, c'est le
«branding» qui est connu un peu partout. Mais c'est pour ça qu'on tenait, dans
notre recommandation, à ce que les objectifs, le contenu y soient aussi, pour qu'il
y ait vraiment une compréhension commune de ce qu'est un tribunal spécialisé et
que ce soit une adhésion, que ça permette une adhésion plus grande.
Mme Melançon : Merci. Merci
beaucoup. Je lisais votre première, dans le fond, recommandation, en
page 27, vous dites : «...l'implantation des tribunaux spécialisés
s'inscrive dans un chantier plus global d'actualisation structurante des
nombreuses mesures inscrites dans le rapport.» Donc, pour vous, si je comprends
bien, là, vous voulez que ce soit un peu plus large, où on doit aussi parler,
bien sûr, de la formation pas uniquement des juges, c'est ce que j'entendais tout
à l'heure, si j'ai bien compris, tant des patrouilleurs... qu'on devrait
l'inclure <à l'intérieur...
Mme Melançon :
…inscrite
dans le rapport». Donc, pour vous, si
je comprends
bien, là, vous voulez que ce soit
un peu plus large, où on doit aussi
parler, bien sûr, de la
formation pas
uniquement des juges, c'est
ce que j'entendais
tout à l'heure, si j'ai bien compris, tant des
patrouilleurs... qu'on devrait l'inclure >à l'intérieur du projet de loi
n° 92. C'est bien ce que j'ai compris.
Mme Monastesse (Manon) :
Tout à fait, tout à fait, oui.
Mme Mongeau (Danielle) :
Tout à fait. C'est intéressant que vous rameniez vraiment cette
recommandation-là. Moi, comme membre du comité d'experts, de l'ex-comité
d'experts sur Rebâtir la confiance, on tenait beaucoup à ce que les
tribunaux soient spécialisés. Il y a un chapitre là-dessus, mais sur
15 chapitres et sur 190 recommandations. Donc, les tribunaux
spécialisés, c'est quelque chose... auxquels on tenait beaucoup, mais dans un
ensemble. Juste faire ça, il va manquer des morceaux. C'est important que ce
soit vu, effectivement, dans un chantier global. On est quand même très rassuré
de voir qu'il y a plusieurs recommandations qui sont déjà en action, mais on le
voit comme étant vraiment un tout. Et, au niveau de la formation, c'est sûr que
les juges sont touchés mais l'ensemble des acteurs, c'est vraiment important. Dans
notre deuxième recommandation, c'était que tous les acteurs visés... les
acteurs impliqués soient visés par la formation.
Mme Melançon : Et je vous
remercie, vous faites bien de le rappeler. Parce que, souvent, on l'a dit, que
ce soit au salon bleu ou que ce soit dans différentes commissions, l'important,
c'est de mettre en oeuvre les 190 recommandations, parce que ça fait un
tout, et il ne faut pas en laisser une de côté. Je pense que votre voix est
bien entendue en ce sens.
Et, d'ailleurs, il y a les projets
pilotes. Et là, Mme Monastesse, je vous ai lue, là, à quelques reprises
dans les journaux, vous disiez : Bien, pour nous, je pense que c'est
correct qu'on puisse y aller avec des projets pilotes. Je vais redire ce que
j'ai dit tout à l'heure, ça me brise le coeur de penser qu'une victime, qu'elle
soit de la Côte-Nord ou qu'elle soit de l'Estrie, si on privilégie un district
judiciaire versus un autre pour les projets pilotes... que les victimes
n'auront pas droit au même accompagnement. J'imagine que vous partagez avec moi
cette réticence.
Mme Monastesse (Manon) :
Oui, je partage avec vous cette réticence. Mais comme, je dirais, dans l'idéal,
bien sûr, on devrait implanter le plus rapidement possible les tribunaux
spécialisés dans toutes les régions. Mais, quand même, c'est un chantier important
du fait que ce ne sont pas des mesures accessoires, là, on parle d'un
changement de culture organisationnelle, alors ce sont quand même des
changements qui sont très fondamentaux. Alors, le fait, est-ce que... si on a
la capacité d'y aller partout en même <temps, bien…
Mme Monastesse (Manon) :
…on parle d'un changement de culture organisationnelle, alors ce sont
quand
même des changements qui sont très fondamentaux. Alors, le fait,
est-ce
que... si on a la capacité d'y aller partout en même >temps, bien oui,
c'est l'idéal, mais n'empêche que ça va falloir toute une logistique, là, si on
le fait partout en même temps. Alors, c'était pour ça qu'on était favorable à
l'instauration de projets pilotes.
Puis je tiens aussi à souligner que le
ministre a mis en place une table nationale de consultation sur l'implantation
des tribunaux spécialisés, et nous sommes des représentants, nous faisons
partie de cette table et nous sommes avec des représentants de tous les
secteurs, c'est vraiment multidisciplinaire et multisectoriel. Alors, bien sûr
dans l'idéal, on voudrait que le travail se fasse partout en même temps au
Québec, mais, logistiquement parlant et réalistement parlant, est-ce possible?
Le fait de faire le suivi sur différentes régions qui vont implanter des
projets pilotes, bien, ça va nous permettre aussi de rectifier en temps réel
qu'est-ce qui ne fonctionne pas, qu'est-ce qui devra être fait autrement.
Alors…
Mme Melançon : Mais
aidez-moi, là, Mme Monastesse, là, aidez-moi, là. Quand on sera rendus
dans l'article par article pour les projets pilotes... Combien de temps ça doit
durer, un projet pilote? Parce que, moi, ce qui me fait toujours peur, dans un
projet pilote, là, c'est qu'on fasse des démonstrations que ça ne puisse pas
fonctionner puis que finalement, là, après x nombres d'années, là, quand
c'est moins dans l'actualité, le projet pilote s'évanouit. Je vais compter sur
vous, puis vous allez pouvoir compter sur moi pour toujours garder ça bien
frais dans la mémoire des différents élus de l'Assemblée nationale. Cependant,
là, j'ai besoin de savoir par où on commence puis combien de temps, un projet
pilote.
• (11 h 30) •
Mme Monastesse (Manon) :
C'est une question… c'est une grande question. Mais moi, j'y vais toujours par
exemples. Alors, on a des exemples concrets, et il faudrait s'inspirer de la
façon dont le processus a été créé, comme à Southport. Je sais qu'à Southport…
parce que nous sommes en contact aussi, via notre réseau international, avec
des maisons d'hébergement, des associations. Et, quand même, c'est pour ça que
je disais quand même qu'on était enclines aux projets pilotes, parce que ça a
quand même nécessité des investissements majeurs de tous les acteurs. Alors, ça
s'est fait quand même sur une période, et c'est toujours dans une perspective
de renouvellement. Ça existe à Southport depuis <2017…
>
11 h 30 (version révisée)
< Mme Monastesse (Manon)T :
…ça a quand même nécessité des investissements majeurs de tous les acteurs.
Alors, ça s'est fait quand même sur une période et c'est toujours dans une
perspective de renouvellement. Ça existe à Southport depuis >2017, alors,
et ça a quand même pris un certain temps, là, parce qu'on change la structure.
On change la façon de procéder. On veille à ce qu'il y ait vraiment une
synergie à tous les niveaux. Alors, je crois qu'il faut laisser quand même un
certain temps, mais je crois que ça s'est fait quand même relativement… Le
processus de façon relativement complexe s'est fait quand même sur une période
de plus d'un an.
Le Président (M. Benjamin) :
Malheureusement, c'est tout le temps qu'il nous reste pour la députée de
Verdun. La parole revient maintenant à la députée de Sherbrooke pour cette
période d'échange.
Mme Labrie : Merci. Je
vais revenir sur la question du chantier plus global dont vous parliez sur la
mise en oeuvre du rapport Rebâtir la confiance. C'est la première des recommandations
que vous faites. Je sais que vous et moi, on est assez informées sur
l'évolution de la mise en oeuvre de certaines recommandations. Ce n'est pas nécessairement
le cas de toutes les victimes. J'aimerais vous entendre sur ce qui doit être
fait pour que les victimes, justement, aient confiance dans ce qui est en train
d'être fait en ce moment. Est-ce que, d'après vous, les victimes ont vraiment
connaissance des recommandations qui sont en train d'être mises en oeuvre?
Est-ce qu'elles sont rassurées par ce qui se passe en ce moment ou est-ce
qu'elles manquent d'information sur ce qui est en cours?
Mme Monastesse (Manon) :
Bien, il est évident que les victimes que nous, on reçoit via nos maisons
d'hébergement ou nos services externes sont mieux informées. C'est évident que
les maisons, c'est une grande partie de leur travail, de les soutenir quand
elles doivent passer à travers le processus judiciaire. Mais je crois qu'effectivement,
pour toutes celles que l'on ne voit pas, il devrait y avoir une campagne plus
au niveau de présentation de ce qui va venir, ce qui est déjà en place et la
volonté aussi de faire en sorte que l'on puisse réaliser les nombreuses recommandations.
Mais je pense qu'il devrait y avoir un
message plus global qui… pour la population en général, parce que, ce que ça
veut dire, c'est d'envoyer, oui, un message très positif pour les victimes,
mais également pour toutes celles qui gravitent autour des victimes… et la
question aussi par rapport aux agresseurs, aux contrevenants, qu'il y a aussi
quelque chose qui va être fait et… au niveau de l'accompagnement et de
l'encadrement, là. Alors, vraiment, d'envoyer un message général qu'on est
vraiment dans un chantier important, qu'il y a une volonté politique de le
faire, et que ça vise vraiment des changements de culture, alors je pense que
ça va donner un espoir <important…
Mme Monastesse (Manon) :
…l'accompagnement et de
l'encadrement, là. Alors,
vraiment,
d'envoyer un message général qu'on est
vraiment dans un chantier
important
qui a une volonté
politique de le faire et que ça vise
vraiment
des changements de culture. Alors,
je pense que ça va donner un espoir >important.
Mme Mongeau (Danielle) :
Je me permettrais d'ajouter, si vous me permettez, Mme la députée, que l'information,
c'est toujours la base, là. Effectivement, quand elles sont réseautées dans des
ressources, c'est plus facile. L'information, c'est la base, mais surtout la
compréhension de l'information. Donc, on voit que, dans les derniers mois, il y
a eu vraiment un effort soutenu pour réaliser…
Le Président (M. Benjamin) :
En conclusion.
Mme Mongeau (Danielle) :
… plusieurs de ces recommandations-là, mais, ces recommandations-là, il faut
comprendre les liens les unes avec les autres, et ça, ce n'est pas toujours
simple. Alors, c'est plus dans la vulgarisation de l'information qu'elles
pourraient amener vraiment auprès des victimes une meilleure compréhension du
changement qui est en train de se faire.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci. Merci beaucoup. Maintenant, au tour de la députée de Joliette de
poursuivre les échanges.
Mme
Hivon
:
Bonjour. Heureuse de vous revoir en commission parlementaire. Excellent mémoire
très fouillé. Merci beaucoup. Merci de mettre en lumière des exemples très
concluants de tribunaux spécialisés. En fait, que l'on soit en violence
conjugale ou en violence sexuelle, toutes les expériences, jusqu'à ce jour, ont
été très concluantes, et ça devrait vraiment, là, rassurer tout le monde qui
pourrait encore avoir des réserves sur la pertinence de mettre en place au Québec
un tribunal spécialisé.
Je suis parfaitement d'accord avec vous
sur l'idée d'inclure principes et objectifs dans le coeur du projet de loi pour
qu'on sache de quoi il s'agit. Je pense qu'à partir du moment où il y a un
choix de faire un projet de loi, c'est une occasion importante de mettre de la
chair autour de l'os et de bien s'entendre sur vers où on s'en va. Donc, recommandation
très intéressante, à laquelle j'adhère.
L'autre élément, c'est votre recommandation 2.Vous
parlez vraiment, là, de la question de la formation. Je veux que vous me disiez
si vous voulez qu'on inscrive dans la loi l'importance du principe de formation
pour tous les intervenants judiciaires. Et mon autre question, j'ai peu de
temps, c'est l'idée de la spécialisation, donc, la formation, mais vous nous
recommandez de s'inspirer du modèle de Southport, où on est face à des
intervenants spécialisés, formés, oui, mais aussi dédiés, spécialisés. C'est la
recommandation que vous nous faites aujourd'hui? Je veux juste en être bien
certaine.
Mme Monastesse (Manon) : Tout
à fait, tout à fait, c'est important pour nous que ce soit inscrit dans le projet
de loi, et la recommandation se termine aussi dans l'évaluation aussi des
impacts de cette formation-là. Alors, il faut voir, oui, bien sûr, la formation,
mais il faut voir aussi qu'est-ce que ça a donné au niveau des impacts, comment
ça a amélioré la façon de se concerter des <intervenants…
Mme Monastesse (Manon) :
...aussi des impacts de cette formation-là. Alors,
il faut voir, oui,
bien
sûr, la
formation, mais
il faut voir aussi
qu'est-ce que
ça a donné
au niveau des impacts, comment ça a amélioré la façon de se
concerter des >intervenants, la façon d'intervenir. Il faut que ça
aussi, ça soit évalué pour voir s'il y a des changements, s'il y a des
modifications à faire, et où est-ce que la façon, c'est toujours dans la
perspective que ça soit le plus performant possible au niveau de l'impact sur
les victimes et aussi sur les agresseurs.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci. Merci beaucoup. C'est tout le temps dont on dispose pour cette
partie-là. Est-ce que... Je comprends… Est-ce qu'il y a un autre... Le député
de Chomedey souhaite intervenir à ce segment?
M. Ouellette : Bien,
j'aurais juste une question pour Mmes Monastesse et Mongeau, si possible.
Le Président (M. Benjamin) :
Oui, allez-y.
M. Ouellette : Bonjour,
mesdames. Aurions-nous certains avantages dans le projet de loi à retirer de…
ce qui s'est fait à Moncton, au Nouveau-Brunswick? Parce que vous nous avez beaucoup
parlé de l'Australie, mais on a quelque chose qui est très, très près et qui
marche depuis plusieurs années. Est-ce qu'on aurait des choses, à votre connaissance,
à aller rechercher ou à aller retirer, pour ne pas réinventer la roue, là, de l'expérience
de Moncton?
Mme Monastesse (Manon) :
Bien, je veux dire, les deux modèles, on les a... Bien sûr, on n'a pas beaucoup
de temps, mais, je veux dire, les deux modèles ont été présentés dans notre mémoire
et fonctionnent sur le même principe, là, une meilleure... tout à fait, une
meilleure coordination, une meilleure formation, donc, mais, quand même, de
notre expérience, le modèle de Southport va plus loin au niveau... où est-ce
que, vraiment, même à Southport, le… ce qu'on demande, le mandat qu'on demande
aux juges, est encore plus proactif. On leur demande d'être vraiment au centre
de la coordination et d'être vraiment extrêmement impliqués.
Donc, ça va encore plus loin, vraiment,
dans le modèle de Southport. Même les greffiers, là, ça va très loin, dans le
sens que même les greffiers sont formés. Alors, tout le monde est formé. Quand
ça procède, tout le monde est au courant de ce qui doit être fait. On n'a pas
besoin de réexpliquer, de prouver, de justifier que ça soit n'importe quel
aspect. Donc, c'est un modèle qui, pour nous, est encore plus intégrateur et
qui donne des impacts encore plus notables.
Mme Mongeau (Danielle) :
Mais on peut quand même rajouter que le modèle de Moncton, sa principale
qualité est au niveau de la coordination. Donc, ça, c'est vraiment quelque
chose qui est <peut-être à...
Mme Monastesse (Manon) :
…et qui donnent des… qui donnent des impacts encore plus notables.
Mme Mongeau (Danielle) :
Mais on peut quand même rajouter que le modèle de Moncton, sa principale
qualité est au niveau de la coordination. Donc, ça, c'est vraiment quelque
chose qui est >peut-être à retenir, qu'eux autres, ils ont poussé
vraiment très loin au niveau de la coordination. Il y a un poste spécifique au
niveau coordination judiciaire. Alors, ça, ça peut être quelque chose qui est à
retenir quand même dans le modèle.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci beaucoup, Mmes Monastesse et Mongeau, pour votre contribution aux
travaux de la commission.
Je vais suspendre quelques instants les
travaux afin d'accueillir les prochains témoins. Merci. Bonne journée.
(Suspension de la séance à 11 h 40)
(Reprise à 11 h 48)
Le Président (M. Benjamin) :
Alors, nous allons reprendre nos travaux. Donc, je vous souhaite la
bienvenue. Bienvenue à Me Elizabeth Corte, ancienne juge en chef de la
Cour du Québec de 2009 à 2016 et coprésidente du rapport Rebâtir la
confiance, ainsi qu'à Mme Julie Desrosiers, chercheuse et professeure
titulaire à la Faculté de droit de l'Université Laval et coprésidente du
rapport Rebâtir la confiance. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite, donc, à procéder à
votre exposé. La parole est à vous.
Mmes Elizabeth Corte et Julie Desrosiers
Mme Desrosiers (Julie) :
Merci beaucoup, monsieur. Bonjour à tous. D'abord, merci pour cette invitation
à présenter nos observations sur le projet de loi n° 92. C'est un honneur
pour nous. Donc, comme vous le savez, on est ici, Elizabeth Corte et moi-même,
Julie Desrosiers, à titre de coprésidentes du rapport Rebâtir… en fait,
coprésidentes du comité d'experts qui a rendu le rapport Rebâtir la
confiance en décembre dernier. Et, avant de faire des observations sur le
projet de loi en tant que tel, nous aimerions saluer le sérieux avec lequel le
gouvernement a accueilli nos recommandations et les efforts sincères qui ont
été déployés pour les mettre en oeuvre.
Dans le domaine de la justice,
particulièrement, sans entrer dans les détails, je tiens quand même à souligner,
en mon nom personnel et au nom du groupe, que nous saluons le programme de
préparation à la cour, l'aide financière d'urgence, les policiers et les
enquêteurs supplémentaires qui ont été déployés en matière de violence
conjugale, l'instauration de la poursuite verticale en matière de violence
conjugale, d'agression sexuelle et d'exploitation sexuelle, l'offre de
quatre heures de conseils juridiques gratuits pour les victimes. Et donc
je n'entrerai pas dans les détails étant donné le temps qui m'est imparti, mais,
déjà, les choses sont en branle pour une amélioration du traitement des
victimes à l'intérieur de l'appareil judiciaire.
• (11 h 50) •
Le dépôt du projet de loi répond également
à l'une de nos recommandations, recommandation, donc, qui visait l'instauration
d'un tribunal spécialisé et qui aurait pu être mis en oeuvre par le judiciaire
ou par voie législative, et, à cet égard, j'aimerais souligner le fait que
l'adoption d'une loi présente des mérites.
D'abord, elle envoie un message fort à la
population. Elle agit comme une mesure de communication directe auprès de la
population en indiquant que la mise en place d'un tribunal spécialisé ne relève
pas seulement des juges, mais de l'appareil gouvernemental au complet. Ensuite,
elle a le mérite de pérenniser la mise en place d'une division spécialisée au
sein de la Cour du Québec et elle place le ministère de la Justice comme un
acteur de premier plan dans cette mise en place, dans un contexte où, comme on
le sait, un tribunal spécialisé exige plusieurs ressources, et pas seulement
les ressources traditionnelles qui sont déployées dans le cadre d'une… en fait,
qui sont celles d'une cour de justice traditionnelle.
Maintenant, je vais faire certains
commentaires de <nature…
Mme Desrosiers (Julie) :
…plan dans cette mise en place dans un contexte où, comme on le sait, un
tribunal spécialisé exige plusieurs ressources et pas seulement les ressources
traditionnelles qui sont déployées dans le cadre d'une… en fait, qui sont
celles d'une cour de justice traditionnelle.
Maintenant, je vais faire certains
commentaires de >nature à bonifier le projet de loi n° 92 parce
que ce projet de loi là doit envoyer un message clair visant à rassembler les
acteurs pour qu'ils travaillent ensemble, qu'ils arrêtent de travailler en vase
clos. C'est ça, le changement de culture qui est visé, c'est que tous se
mettent ensemble, coordonnent leurs actions de manière à placer la victime au
centre d'une offre de service intégré, tout au long de son parcours judiciaire.
Dans sa forme actuelle, le projet de loi
s'adresse aux juges et à la Cour du Québec. Il modifie la Loi sur les tribunaux
judiciaires, essentiellement. Et ce que nous allons proposer, c'est d'élargir
la portée du projet de loi au-delà des strictes modifications à cette Loi sur
les tribunaux judiciaires pour énoncer clairement quels sont les objectifs
poursuivis par le tribunal, pour affirmer clairement les responsabilités de
chacun des organismes et acteurs impliqués et pour affirmer clairement que la
formation doit viser tous les intervenants. Je vais reprendre chacun de ces
points dans la suite de mon propos.
Alors, d'abord, énoncer clairement les
objectifs poursuivis. Le fait d'énoncer les objectifs poursuivis donne déjà une
couleur et un contenu au projet de loi, là. On a beaucoup réfléchi sur ces
objectifs-là. Ils ont également été repris et énoncés par le groupe de travail
visant la mise en place du tribunal spécialisé, et nous croyons que le projet
de loi doit en faire état. Alors, quels sont-ils?
Il s'agit d'abord de réduire la
victimisation secondaire des personnes victimes, c'est-à-dire le fait qu'elles
subissent une deuxième victimisation, outre l'agression, à cause de leur
passage à travers le système judiciaire. Donc, plusieurs des aspects d'un
tribunal spécialisé visent à réduire cette victimisation secondaire, donc, offre
de services psychosociaux et judiciaires intégrés, espaces physiques
sécuritaires, élimination des mythes et des stéréotypes, approche coordonnée et
intégrée, y compris entre les différentes juridictions, et prise en compte des
réalités culturelles et historiques des personnes autochtones, autant
d'éléments qui doivent être listés, selon nous, à l'intérieur du projet de loi.
Il s'agit également de réduire les taux
d'attrition, donc, réduire les délais, adopter les meilleures pratiques de
gestion des dossiers et une approche centrée sur la victime. Et il s'agit
également, et, je pense, nous pensons que le projet de loi doit être clair à
cet égard-là, d'assurer l'application du droit criminel dans le respect des
droits fondamentaux des personnes accusées. Il n'a jamais été question de faire
autrement.
Dans la mesure où ces objectifs-là sont
annoncés clairement, nous proposons d'instaurer directement le tribunal sans
passer par un projet de loi et de plutôt prévoir une clause à la fin du projet
de loi pour analyser sa <mise en oeuvre…
Mme Desrosiers (Julie) :
…des
personnes accusées. Puis il y en a… Il n'a jamais été
question
de faire autrement.
Dans la mesure où ces objectifs-là sont
annoncés clairement, nous proposons d'instaurer directement le tribunal sans
passer par un
projet de loi et de plutôt prévoir les clauses à la fin du
projet de loi pour analyser sa >mise en oeuvre à l'intérieur d'un
délai de cinq ans. Nous croyons également qu'il faut affirmer clairement,
donc, c'est le deuxième point… affirmer clairement les responsabilités des
différents ministères et des organismes impliqués dans la mise en place du
tribunal spécialisé, de même que d'identifier l'organisme qui sera responsable
de la coordination et de l'intégration des services.
Donc, dans notre rapport et à l'intérieur
de toutes nos discussions, l'intégration et la coordination des services a été
un sujet de préoccupation constant parce que l'approche morcelée et par silo à
laquelle on assiste actuellement est au détriment des intérêts des personnes
victimes. Et on avait suggéré, dans cette optique-là, que la mise en place du
tribunal spécialisé soit chapeautée par une nouvelle instance qu'on avait
appelée, dans notre rapport, un secrétariat à la coordination et à
l'intégration des actions.
Maintenant, on sait que cette recommandation-là
n'a pas été suivie à la lettre et que d'autres mesures ont été mises en place
par le gouvernement. Simplement, lorsqu'il est question d'instaurer un tribunal
spécialisé, il faut identifier clairement l'organisme, le ministère qui aura la
charge d'intégrer et de coordonner la mise en place du tribunal, et l'autorité
pour le faire, et le projet de loi doit être clair à cet égard-là.
Troisième point, il faut affirmer
clairement que la formation de tous les intervenants est nécessaire et non pas
seulement celle des juges.
Alors, ces trois propositions-là, énoncer
les objectifs poursuivis, affirmer les responsabilités des différents ministères
et des organismes impliqués et affirmer que la formation de tous les intervenants
est nécessaire, vont permettre de formuler les principes qui vont marquer
l'esprit du tribunal et identifier les acteurs qui vont participer à sa mise en
oeuvre.
Quelques commentaires également sur
l'indépendance institutionnelle. Je vais céder la parole à ma coprésidente,
Elizabeth Corte.
Mme Corte (Elizabeth) :
Merci, Julie. Alors…
Le Président (M. Benjamin) :
Il vous reste 2 min 40 s, Mme Corte.
Mme Corte (Elizabeth) :
Oui, absolument. Alors, il serait également possible, à notre avis, de bonifier
le projet de loi afin de mieux préserver l'indépendance institutionnelle des
juges et de la cour. Alors, je ne vais pas faire un cours de droit sur l'indépendance
judiciaire. Ce serait beaucoup trop long. Mais je tiens quand même à rappeler
que l'indépendance judiciaire n'est pas au profit des juges, mais qu'elle est
au profit de la société démocratique, de ses citoyens, et de son gouvernement,
et que tout le monde en profite.
Dans cette indépendance institutionnelle,
ça comprend… Je les reprends très rapidement. Ils ont été mis de l'avant et
repris dans une décision de la Cour suprême. Alors, l'indépendance
institutionnelle, dit cette cause de Valente, comprend minimalement
l'assignation des juges, la détermination des séances de la cour, la
détermination du <rôle…
Mme Corte (Elizabeth) :
…très rapidement ils ont été mis de l'avant et repris dans une décision de la
Cour suprême, alors l'indépendance institutionnelle dit cette cause de Valente
comprend minimalement l'assignation des juges, la détermination des séances de
la cour, la détermination du >rôle de la cour, la location des salles
d'audience, la direction du personnel administratif qui travaille à ces
fonctions.
Alors, quand on regarde le projet de loi,
l'article 3 du projet de loi propose de modifier la Loi sur les tribunaux
judiciaires et d'ajouter : «Le gouvernement détermine, par règlement,
quels types de poursuites sont entendues par le Tribunal spécialisé[...]. Ceux-ci
peuvent varier en fonction de toute distinction jugée utile.» Et : «Le
ministre de la Justice peut, par arrêté, déterminer les districts judiciaires
dans lesquels ce tribunal peut siéger.» Alors, il nous semble clair que ces
ajouts à l'article 3 du projet de loi ne sont... (panne de son) ...et
qu'afin d'éviter toute ambiguïté nous suggérons de recentrer cet article sur la
compétence de la cour et pas sur les choses individuellement à faire.
Alors, un mot sur le nom du tribunal.
Remarquez que le comité d'experts ne s'est pas prononcé sur le nom à donner au
tribunal spécialisé. Alors, évidemment, il était clair, pour nous, ma collègue
vous en a parlé tout à l'heure, que sa mise en place se faisait par
concertation, en collaboration, et qu'on avait pensé que cette mise en place en
concertation, en collaboration, ferait en sorte que le nom suivrait. Ce qu'il
est important, pour nous, de dire, c'est que le nom du tribunal doit
communiquer clairement aux personnes victimes que leurs besoins seraient pris
en compte, et nous maintenons cette affirmation, mais nous pensons qu'il y a
moyen de s'entendre sur un nom et…
Le Président (M. Benjamin) :
Merci.
Mme Corte (Elizabeth) :
…l'article 80, juste une petite seconde, pourrait se dire : La chambre
criminelle… se lire plutôt : La chambre criminelle et pénale comporte une
division spécialisée en matière de violence sexuelle et de violence conjugale.
Selon nous, ça réglerait la situation. Merci beaucoup.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci pour votre exposé. Maintenant, nous allons commencer les échanges, et
j'invite le ministre de la Justice à débuter.
• (12 heures) •
M. Jolin-Barrette :
Merci, M. le Président. Me Corte, Mme Desrosiers, c'est un plaisir de vous
revoir à nouveau. On s'était vus sur le projet de loi n° 84.
Je veux vous remercier, dans un premier
temps, pour votre présence aussi, mais tout le travail que vous avez effectué
durant ces dernières années en lien avec la violence conjugale, la violence
sexuelle. Puis, aujourd'hui, moi, je suis fier d'être avec mes collègues pour
la première journée d'auditions publiques, justement, parce qu'on donne suite
aux recommandations du rapport Rebâtir la confiance, puis ça, c'est un
travail collectif, puis c'est un travail de société, puis c'est un changement,
également, de mentalité dans la société. Puis, <Mme Desrosiers, vous
l'avez dit, tout à l'heure…
>
12 h (version révisée)
<15359
M. Jolin-Barrette :
…puis,
aujourd'hui, moi, je suis fier d'être avec mes collègues pour la
première journée d'auditions publiques
justement parce qu'on donne suite
aux
recommandations du rapport Rebâtir la confiance, puis ça,
c'est un travail collectif, puis c'est un travail de
société, puis c'est
un changement
également de mentalité dans la
société. >Puis,
Mme Desrosiers, vous l'avez dit tout à l'heure, depuis que le rapport Rebâtir
la confiance a été déposé, il y a plusieurs actions qui ont été mises de
l'avant par le gouvernement. Et, moi, à titre de ministre de la Justice, c'est important,
pour moi, de mieux accompagner les victimes, puis c'est pour ça que je vais
continuer à aller dans cette direction-là, puis, justement, à déposer des projets
de loi, des changements concrets qui vont avoir une incidence sur la société,
comme c'est demandé par plusieurs acteurs et par vous-même.
Première question. Mme Desrosiers,
vous avez dit : L'Assemblée nationale est tout à fait légitime, par voie
législative, de venir créer un tribunal spécialisé.
Mme Desrosiers (Julie) :
Oui. Alors, bien, vous connaissez la réponse. M. le ministre, vous avez le
pouvoir, en vertu de l'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, d'adopter des lois en matière d'administration de la justice.
Comme l'a évoqué madame… maître, devrais-je dire, Elizabeth Corte, ce
pouvoir-là doit s'arrêter là où commence l'indépendance institutionnelle. À mon
avis, c'est votre seule contrainte dans les circonstances. Vous avez absolument
ce pouvoir législatif et vous devez le faire dans le respect de l'indépendance
institutionnelle des juges, donc, le respect de la séparation des pouvoirs, que
vous connaissez bien à titre d'avocat vous-même.
M. Jolin-Barrette : Effectivement,
et je vous dirais même à titre de leader parlementaire du gouvernement de cette
Assemblée…
Mme Desrosiers (Julie) :
Absolument.
M. Jolin-Barrette : …et
comme membre de l'Assemblée, comme député élu démocratiquement, comme chacun
des collègues qui sont ici, en cette Assemblée, qui sont des législateurs. Et
ça, c'est fondamental, pour notre société, que les députés puissent exercer
leur prérogative de législateurs et de légiférer sur des aspects qui sont importants
pour la société québécoise. Écoutez, moi, mon souhait le plus fondamental, là,
c'est de pouvoir livrer un tribunal spécialisé du début, hein, du dépôt de la
dénonciation avec la personne victime jusqu'à la fin du processus, à la
condamnation et au-delà, pour accompagner la victime.
Alors, dans ce continuum-là de services,
bien entendu, il y a l'aspect judiciaire, et, pour moi, l'aspect judiciaire est
totalement indépendant, totalement. On n'affecte pas l'impartialité. On ne va pas
se mêler… Et vous l'avez bien dit, Me Corte, ce n'est pas au gouvernement à
assigner des juges. Ça relève de la prérogative de la cour. Ce n'est pas au
gouvernement à dire : Ça va être dans telle salle. Ce n'est pas au
gouvernement à gérer ces assignations-là. Et moi, je le comprends très bien, et
ce n'est aucunement notre objectif. Notre objectif est de faire en sorte, dans
le continuum de services, oui, de venir créer une division.
Et vous l'avez bien dit, <Me Corte,
tout à l'heure, vous avez dit : Bon, sur le nom, nous, là, on est ouverts.
Dans la recommandation 156, c'était…
M. Jolin-Barrette :
…ces assignations-là. Et moi, je le comprends très bien, et ce n'est aucunement
notre objectif. Notre objectif est de faire en sorte, dans le continuum de
services, oui, de venir créer une division.
Et vous l'avez bien dit, >Me
Corte, tout à l'heure, vous avez dit : Bon, sur le nom, là, nous, là, on
est ouvert. Dans la recommandation n° 156, c'était : «Instaurer un
tribunal spécialisé en matière d'agressions sexuelles et de violence conjugale
au sein de la Cour du Québec.» Nous, on l'a appelé tribunal spécialisé en
matière de violence sexuelle et de violence conjugale. Vous, vous dites :
Écoutez, vous devriez peut-être… au lieu de dire «tribunal», vous devriez
peut-être dire «une division spécialisée en matière de violence sexuelle et
conjugale».
Écoutez, entre vous puis moi, on n'est pas
loin, mais mon désir le plus sincère est de pouvoir fédérer tous les acteurs du
système de justice pour faire en sorte, justement, d'envoyer un signal positif
à toutes les personnes victimes qui… Et, moi, ça m'a frappé, là, et c'est pour
ça que j'ai insisté, à l'époque où j'étais dans l'opposition… avec l'abolition
de la prescription en matière civile, parce que ça, ça date de 2015 ou 2016.
Écoutez, on me disait : Ce n'est pas possible de le faire, les victimes
qui ont été agressées sexuellement, là, il y a 30 ans, il y a 40 ans,
là, non, on ne peut pas, notre droit ne permet pas ça.
Bien, qu'est-ce qu'on a fait? Ma collègue
la députée de Champlain, ministre et présidente du Conseil du trésor, a repris
ça et a fait le projet de loi n° 55. Après ça, avec l'IVAC, hein, ce n'était
pas normal, là, que des victimes d'agression sexuelle, juste à cause du temps
passé, se faisaient dire par un programme étatique : On le sait, que vous
avez été victimes d'agression sexuelle, on le sait, que vous avez été violées,
mais on ne peut pas vous aider et vous accompagner. Alors, c'est pour ça qu'on
change les choses. Et moi, je pense que, dans l'accompagnement, bien là on
amène le tribunal, avec le continuum de services.
Alors, voyez-vous, Me Corte, quelque chose
dans le projet de loi qui dit : On vient assigner les choses, on vient
avoir un impact sur l'indépendance judiciaire, parce qu'on ne parle pas du tout
d'assignation des juges… Alors, en tout respect, il y a quelques juristes qui
m'accompagnent aussi. Alors, on a fait bien attention de ne pas aller au niveau
de l'indépendance judiciaire.
Mme Corte (Elizabeth) :
Bien, je pense que, quand on dit que c'est le gouvernement qui peut dire à quel
endroit va siéger cette division ou ce tribunal, par la force des choses, il va
y avoir des juges qui vont être là, là. Clairement, vous n'avez pas la… Clairement,
ça ne dit pas que c'est vous qui assignez les juges, là. Clairement, on a fait…
Vous avez quand même fait attention à ça. Mais, en disant, par exemple : Cette
division va siéger à tel endroit, ou à tel endroit, ou à tel autre endroit,
bien, vous forcez, en quelque sorte, une assignation des juges à cet endroit, à
cet endroit ou à cet endroit, et c'est là que je pense que c'est problématique.
Mais, vous savez, dans le fond, je trouve aussi que ce n'est pas grave dans le
sens qu'une fois que la division est instaurée, une fois que la législation <est
là, bien…
Mme Corte (Elizabeth) :
…une assignation des juges à cet endroit, à cet endroit ou à cet endroit, et
c'est là que je pense que c'est problématique. Mais, vous savez,
dans le
fond je trouve aussi que ce n'est pas grave, dans le sens qu'une fois que la
division est instaurée, une fois que la
législation >est là,
bien, l'assignation des juges va suivre, c'est clair.
M. Jolin-Barrette : Mais
vous êtes d'accord avec moi, Me Corte, que, moi, mon objectif, là, c'est de
rendre le tribunal permanent à la grandeur du Québec et d'offrir à l'ensemble
des personnes victimes le soutien à la grandeur du Québec, comme c'est
recommandé dans votre rapport. Là, vous nous dites : Écoutez, vous ne
devriez pas y aller…
Mme Corte (Elizabeth) : Absolument.
M. Jolin-Barrette : …par
projets pilotes dans un premier temps, le mettre par phases, mais moi, je
préfère réussir à l'ajuster puis vraiment, lorsqu'on va être prêt à l'étendre à
la grandeur du Québec, pouvoir l'étendre partout. Mais je veux juste vous
rassurer sur la question de l'indépendance. Depuis le début, ma volonté est de
faire en sorte de respecter les compétences de la cour. Et, vous savez, on n'a
rien à voir là-dedans, là. Nous, le gouvernement, l'État québécois vise à mieux
accompagner et à soutenir les victimes, mais il faut que tout le monde embarque
dans le train à partir du moment où il a quitté la gare. Il faut faire en sorte,
justement, d'amener ces changements-là. On a eu les fédérations de maisons
d'hébergement qui sont venues nous dire : Écoutez, dans d'autres États,
là, ça fonctionne, là, puis c'est positif pour les victimes et c'est même
positif pour les accusés.
Alors, moi, je trouve, là, qu'on est vraiment
rendu à avoir un changement comme vous le proposez dans votre mémoire, surtout parce
que ce qui me dérange le plus, là, comme ministre de la Justice, là, et probablement
que vous l'avez vécu vous aussi comme ancienne juge en chef, là, notre désir le
plus fondamental, là, c'est que les Québécois puis les Québécoises aient accès
dans nos… aient accès, mais aussi aient confiance dans nos institutions, et ça,
là, c'est vraiment primordial. Puis moi, je vais tout faire pour rendre cette
confiance-là, parce que, vous savez, dans la justice, on a des défis à remplir.
Le taux de confiance des gens dans le système de justice, il ne va pas en
s'améliorant.
J'ai vu un sondage, là, c'est pire une
fois qu'ils sont passés dans le système de justice que quand ils sont rentrés.
Vous savez, normalement, dans le système hospitalier, les gens disent… Écoutez,
ça ne va pas bien dans le système hospitalier, mais, un coup qu'ils sont pris
en charge, ils ressortent du système hospitalier, un coup qu'ils ont eu les
services, puis tout ça, ils disent : Aïe! Mon taux d'appréciation est plus
élevé. Dans le système de justice, c'est le contraire. On a un problème, et je
crois que le tribunal spécialisé participe à ça pour faire en sorte d'améliorer
l'expérience. Là, vous… Oui, allez-y, allez-y.
Mme Desrosiers (Julie) :
Sur ce point-là, je voudrais juste… peut-être que je voudrais reprendre, en
fait, à partir de votre intervention sur, tu sais, cette idée d'un projet
pilote, d'indépendance judiciaire ou d'assignation des juges. Tu sais, je pense
qu'à l'heure actuelle il faut faire preuve de souplesse. Vous faites preuve de
souplesse quand vous parlez de débuter… bon, division spécialisée, tu sais, c'est
ça, là… Là, en ce moment, là où on est, il faut éviter les irritants, faire
preuve de souplesse pour assurer la mise en place du tribunal parce que c'est
pour les personnes victimes puis parce que, comme vous, je pense que c'est un
changement nécessaire.
Donc, toutes nos <ressources…
Mme Desrosiers (Julie) :
…division spécialisée, tu sais,
c'est ça, là. Là,
en ce moment,
là où on est, il faut éviter les irritants, faire preuve de souplesse pour
assurer la mise en place du tribunal, parce que c'est pour les personnes
victimes puis parce que, comme vous, je pense que c'est un changement
nécessaire.
Donc, toutes nos >ressources ont
le focus sur cette mise en place, toutes nos ressources intellectuelles,
humaines sont à ce service. Et ce qui est un irritant en ce moment, c'est quels
types de poursuites sont entendues puis la détermination des districts
judiciaires. Puis, si on y va dans une interprétation stricto sensu de
l'indépendance institutionnelle, il y a matière à débat. Alors, on l'enlève et
on recentre sur ce qui est votre préoccupation, la compétence juridictionnelle.
Moi, c'est ce que j'ai compris dans le projet de loi. J'ai compris que vous
vouliez déterminer la compétence juridictionnelle comme on le fait partout à
travers la Loi sur les tribunaux judiciaires.
Alors, c'est pour ça qu'on propose, après
réflexion, Elizabeth et moi, d'enlever ces irritants, recentrer sur la
compétence juridictionnelle et instaurer la division. Ensuite, laissez le
judiciaire l'instaurer. Il a l'obligation de le faire par loi. Il a commencé à
le faire. La loi va préciser ses obligations, préciser cette mise en place.
Voilà, c'est lancé, et vous assurez la coordination et l'intégration des
services, donc, sans déterminer les districts, sans déterminer la façon dont se
déploiera ce tribunal, mais en assurant une révision de l'implantation du
tribunal après cinq ans. À notre avis, cette proposition évite des irritants,
des possibilités de contestation. Merci.
• (12 h 10) •
M. Jolin-Barrette : Vous
êtes d'accord avec moi…
Mme Corte (Elizabeth) :
Surtout, si vous me permettez…
M. Jolin-Barrette :
Allez-y, Me Corte.
Mme Corte (Elizabeth) : …je
voulais juste dire : Surtout qu'on sait que la Cour du Québec est d'accord,
est d'accord avec cette division, est d'accord sur un paquet d'éléments qui
sont parmi les recommandations du rapport. Alors, je voulais juste ajouter
cette petite note là, et je m'excuse de vous avoir interrompu.
M. Jolin-Barrette :
Bien, écoutez, je prends la balle au bond, et l'objectif étant, justement, de
faire en sorte que ça soit étendu à la grandeur du Québec, mais il faut
s'assurer que ça soit permanent dans le temps, d'où l'importance du projet de
loi.
Et, sur la question, là, des dossiers, là,
je vous entends bien, mais c'est fondamental que tous les dossiers de violence
sexuelle, de violence conjugale s'en aillent à ce tribunal-là. Et, tout à
l'heure, la collègue, je crois, de Verdun soulignait : Est-ce que l'exploitation
sexuelle va y être? Alors, oui, l'exploitation sexuelle, aussi, va y être.
Alors… Mais je prends note de vos commentaires.
Je vais réfléchir à tout ça et puis je vous remercie. J'ai certains collègues
qui souhaitent vous poser des questions, mais un grand merci pour votre
présence en commission parlementaire. Puis je peux vous assurer de mon désir
d'être en mesure de livrer un tribunal spécialisé qui va, justement, répondre
aux besoins des victimes. Et, il faut le dire, la présomption d'innocence
demeure, les règles de droit criminel demeurent, et il n'a jamais été question
de remettre en <question cela…
M. Jolin-Barrette :
…
commission parlementaire, puis je vous assurer de mon désire d'être
en
mesure de livrer un tribunal spécialisé qui va
justement répondre aux
besoins des victimes. Et il faut le dire, la présomption d'innocence demeure,
les règles de droit criminel demeurent et il n'a jamais été
question de
remettre en >question cela. Et on l'avait très bien compris, mais il
faut que tout le monde comprenne cela aussi. Je vous remercie.
Une voix
: Merci.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci. Il reste 2 min 30 s. La députée de Repentigny.
Mme Lavallée : Merci
d'être là. Je reviens sur la recommandation 166, où on dit : «Doter
le tribunal spécialisé de postes de coordonnateur judiciaire pour assurer la
circulation de l'information…» Donc, les deux autres groupes avant vous en
ont parlé. J'aimerais ça que vous reveniez là-dessus pour expliquer qu'est-ce
que vous avez pu constater. Pourquoi vous êtes arrivées à ce besoin-là puis qu'est-ce
que vous avez constaté dans la réalité qui fait que vous pensez que ce
coordonnateur-là, il est important?
Mme Desrosiers (Julie) :
Est-ce que…
Mme Corte (Elizabeth) :
Vas-y, Julie, vas-y, Julie.
Mme Desrosiers (Julie) :
Le poste de coordonnateur judiciaire… Est-ce que vous m'entendez? Oui? O.K.,
parfait. Le poste de coordonnateur judiciaire est particulièrement central en
matière… dans les matières de violence conjugale parce que, quand une personne
est victime de violence conjugale, elle peut avoir des litiges devant
différents tribunaux.
Au Québec, la séparation des pouvoirs fait
en sorte que, tu sais, il y aura une histoire en droit criminel, il y aura une
histoire en droit de la famille, il peut y avoir une histoire en protection de
la jeunesse, et ces juridictions ne se parlent pas, rendent des décisions sans
se parler. Donc, ça, c'est un premier travail du poste de coordonnateur judiciaire,
c'est de s'assurer que toutes les juridictions, donc, sont au courant de ce que
les autres juridictions font. Donc, il assure un lien entre… pour un même
dossier entre les juridictions.
Maintenant, le poste de coordonnateur
judiciaire, c'est aussi un poste qu'on peut modeler. C'est un poste qui existe
dans tous les tribunaux judiciaires. Alors, parfois, les coordonnateurs
judiciaires vont également faire des liens avec les services policiers, avec le
DPCP. Le coordonnateur judiciaire peut aussi avoir comme responsabilité, puis
là c'est variable, souvent, les juridictions, d'informer la personne victime,
de s'assurer qu'elle a bien été mise au courant des services
psychosociojudiciaires qui lui sont destinés. Il peut également, ce
coordonnateur judiciaire, lorsque requis par la magistrature, faire un travail
de gestion des dossiers.
Donc, c'est aussi un poste qu'on peut
modeler, et ça, c'est un poste qui est à créer. Donc, c'est là où les ressources
sont ajoutées. Donc, le ministère de la Justice ajoute des ressources pour
créer ce poste de coordonnateur judiciaire au même titre que le ministère de la
Justice paie pour les employés du greffe, par exemple.
Le Président (M. Benjamin) :
Malheureusement, c'est tout le temps qu'il nous restait, Mme la députée de Repentigny.
Maintenant, la parole revient à la députée de Verdun.
Mme Melançon :
Mme Desrosiers, Mme Corte… Me Corte, merci beaucoup d'être avec
nous aujourd'hui. C'est un plaisir, d'abord, de vous revoir et de vous
entendre, parce <qu'aujourd'hui…
Le Président (M. Benjamin) :
...
malheureusement, c'est tout le temps qui nous restait,
Mme la
députée de
Repentigny.
Maintenant, la parole revient à
la
députée de
Verdun.
Mme Melançon :
Mme Desrosiers, Mme Corte... Me Corte, merci
beaucoup d'être
avec nous
aujourd'hui. C'est un plaisir,
d'abord, de vous revoir
et de vous entendre,
parce >qu'aujourd'hui on est là pour un
projet de loi très important. On est là, bien sûr, pour la mise en application
d'une recommandation, en tout cas, du chapitre XII, rappelons-le, là, du
rapport que vous avez piloté avec de nombreux experts, et je tiens encore une
fois à vous remercier pour tout le travail que vous avez fait avec les experts,
et, aujourd'hui, bien, on est là pour espérer, justement, une mise en place.
Mme Desrosiers, rapidement, vous avez
parlé des irritants tout à l'heure, parce que, je vais le redire ici, il y a
une inquiétude, celle de la contestation, puis on l'a lue dans les journaux. On
sent que c'est... On sent qu'il y a une certaine, bien, fébrilité, je vais dire
ça ainsi. Moi, j'aimerais que vous puissiez mieux définir, justement, pour
l'ensemble des législateurs ici, là, quels sont ces irritants dont vous parlez.
Mme Desrosiers (Julie) :
D'accord. Alors, Mme Melançon, je vais d'abord vous dire merci de me
remercier, parce que moi, j'avais 10 minutes, je les comptais. J'étais
superserrée dans le temps puis j'ai raccourci mes remerciements pour ne pas
prendre de temps. Alors, merci à vous et aux autres députés, Véronique Hivon,
Christine Labrie, la ministre de la Justice de l'époque, Sonia LeBel, Hélène
David. Est-ce que j'oublie quelqu'un? Peut-être. En tout cas, merci à vous également,
et, en fait, à ce collectif du comité transpartisan, et à tous les experts.
Donc, bon, alors, maintenant, sur le
temps, j'y vais rapidement. Les irritants sont connus. Le nom du... Il y a...
Moi, évidemment, je me centre sur l'indépendance institutionnelle comme
irritant, je pense que Me Corte l'a clairement exprimé, parce qu'à mon avis c'est
l'irritant qui possède actuellement un fondement, hein? Il y a d'autres
irritants qui, je ne crois pas, ont des fondements juridiques aussi solides,
mais ils existent quand même, hein? Donc, je peux en faire état. Le fait que… Le
nom du tribunal, bon, je pense que c'est un irritant qui va se régler, là.
J'entends le ministre faire preuve d'ouverture à cet égard-là. J'ai
l'impression que ça va se régler.
L'irritant relatif à la présomption
d'innocence, par le fait même, tombe étant donné que, la juge en chef, elle
avait un malaise avec l'appellation «tribunal» comme telle. Elle liait ça avec
la présomption d'innocence. Donc, ça, ça tombe. Là encore, je ne vais pas discuter
du bien-fondé de ça dans la mesure où je pense que ça se règle. Ça se règle
également en nous disant clairement, dans le projet de loi, qu'on entend
procéder en vertu du droit criminel et dans le respect des droits fondamentaux
des accusés. Donc, ça, ça se règle.
Il y a eu un irritant de <manque
de...
Mme Desrosiers (Julie) :
…clairement, dans le
projet de loi, qu'on entend procéder en vertu du
droit criminel et dans le respect des droits fondamentaux des accusés. Donc,
ça, ça se règle.
Il y a eu un irritant de >manque
de communication, hein, dans cette histoire-là, et, ça, je veux dire,
éventuellement, les acteurs concernés se parleront, là. Moi, je ne peux rien
faire pour ça. Le projet de loi ne peut rien faire pour ça. Quand je parle avec
le ministre, le cabinet du ministre, parce que je n'ai jamais parlé directement
avec le ministre, il y a des irritants, de leur part, par rapport aux sorties
publiques de la juge en chef. Quand je parle avec les gens de la juge en chef,
et, là encore, je n'ai pas parlé directement avec la juge en chef, elle s'est
sentie brusquée par le dépôt du projet de loi.
Donc, ça, ce n'est pas des choses sur
lesquelles on peut agir. Ça fait partie du passé. Mais ce qui est clair, c'est
que, dans la mise en oeuvre du tribunal, maintenant, tout le monde doit faire
plaisir à l'autre et travailler ensemble, et c'est pour le bien des personnes
victimes. J'ai l'air moralisatrice, mais c'est ça, la réalité, c'est que ça
nous dépasse. Et, dans une réunion précédente que j'ai eue avec Elizabeth, j'ai
beaucoup aimé, elle a dit : Le tribunal spécialisé, il va se faire, il va
se faire avec nous, il va se faire malgré nous, il va se faire bien, pas bien,
mais il va se faire, parce que le mouvement, il est en branle, et les personnes
victimes le demandent, et la cour va dans ce sens, et le ministère de la
Justice va dans ce sens. Maintenant, ce que je veux, ce que nous voulons, c'est
qu'il se fasse bien, et, pour ça, il faut travailler ensemble et dépasser les
irritants.
• (12 h 20) •
Mme Melançon : Merci beaucoup.
D'ailleurs, je vais me tourner vers Me Corte. Par votre expérience, bien
entendu, comme ancienne juge en chef, là, pour moi, c'est important… Puis je me
rappelle les discussions que nous avons eues à l'époque pour le rapport,
justement, où on savait que l'idée de tribunal spécialisé était pour brasser la
cage un peu aussi, là. On savait ce qu'on faisait. Vous saviez mieux que
quiconque ce qui était en train de se produire. Moi, j'ai besoin de savoir qu'est-ce
qu'on fait à ce moment-ci, là, pour rapprocher les parties, la meilleure façon
de faire. On vous engage comme médiatrice, c'est ça?
Mme Corte (Elizabeth) :
Oui, j'allais dire : Je ne veux pas devenir la médiatrice. Puis, vous
savez, ma collègue Julie et moi-même, on a été interpelées à plusieurs moments
par plusieurs personnes, puis il était extrêmement important pour nous de ne
pas participer à cette tension, polémique, problématique qui existait. Alors,
on a refusé, puis je vais, en quelque sorte, refuser de le faire aujourd'hui
aussi parce que je pense que ce qui est important… Ce qui est important… Julie,
si j'avais pu l'applaudir dans tout ce qu'elle a dit, là… Ce qui est <important…
Mme Corte (Elizabeth) :
...tensions, polémiques,
problématiques qui existaient. Alors, on a
refusé. Puis je vais en quelque sorte refuser de le faire aujourd'hui aussi,
parce que je pense que ce qui est important, ce qui est important, Julie, si
j'avais pu l'applaudir dans tout ce qu'elle a dit, là… Ce qui est >important,
puis il ne faut pas oublier…
Vous savez, la recommandation du tribunal
spécialisé, c'est une recommandation d'un rapport où il y a
190 recommandations, vous le savez. Et je vous dirais que, probablement,
la principale recommandation de tout le rapport, qui transpire de toutes les
recommandations, c'est qu'il faut se parler, il faut communiquer, il faut se
concerter puis il faut collaborer. Il faut arrêter de travailler en vase clos.
Ça ne marche pas. Ça ne marche pas. Ce qui marche, c'est quand on se concerte,
quand on crée des liens, quand on crée des alliances et quand on y va pour le
bien de la population qu'on sert et des besoins d'accompagnement des victimes
qui nous ont guidés jusqu'à maintenant.
Alors, je pense que c'est ça, la clé, ce n'est
pas autre chose que de se recentrer sur ce qu'on veut tous. Le ministre l'a
dit, il veut un tribunal. La Cour du Québec veut une division. Les victimes
veulent être entendues, accompagnées. Tout le monde veut ça. Il s'agit juste de
s'asseoir puis de le faire.
Mme Melançon : Merci.
Merci beaucoup. J'entendais Mme Desrosiers nous dire qu'il fallait
introduire les objectifs poursuivis à l'intérieur du projet de loi, qu'il
fallait aussi, bien sûr, parler de la formation, pas uniquement celle des juges,
mais celles des policiers. On en avait longuement parlé, et je pense que vous
n'êtes pas la seule, là, ce matin, c'est... Justement, les maisons
d'hébergement sont arrivées avec cette même proposition, là, de rentrer toute
la formation à l'intérieur de l'actuel projet de loi. Moi, ce que j'ai envie de
vous demander, c'est qu'à partir du moment où il y a la possibilité de
contestation, vous, une de vos recommandations, puis là on ne l'a pas ajoutée,
là, dans les irritants… mais c'est les projets pilotes. Les projets pilotes,
pour vous, est-ce que vous le voyez aussi comme un irritant?
Mme Corte (Elizabeth) :
Bien, je me demande... Vas-y, Julie, oui, tu peux y aller. Tu peux y aller. Je
vais compléter.
Mme Desrosiers (Julie) :
C'est-à-dire que le... Oui, mais c'est parce que je te voyais hésiter,
Elizabeth. Ça fait que tu reprendras, tu sais.
Mais en fait le projet pilote, ce qui est
un irritant, c'est ce qui participe de l'indépendance institutionnelle. Tu
sais, c'est ça qui fait que ça devient un irritant. Ça fait que c'est les mêmes
irritants que pour l'indépendance institutionnelle. C'est parce qu'à travers le
projet pilote il y a l'assignation… Il y a la détermination des districts
judiciaires, la détermination des causes qui vont là. Ça fait que, tu sais,
finalement, c'est <comme si...
Mme Desrosiers (Julie) :
...ce qui participe de l'indépendance
institutionnelle, tu sais, c'est
ça qui fait que ça devient un irritant.
Ça fait que c'est les mêmes
irritants que pour l'indépendance
institutionnelle. C'est
parce
qu'à travers le projet pilote il y a l'assignation... tu sais, il y a la
détermination des districts judiciaires, la détermination des causes qui vont
là.
Ça fait que, tu sais, finalement, c'est
>comme si, tu sais, on est vraiment dans la rencontre de deux pouvoirs.
Donc, le pouvoir législatif, il a le droit de dire : On va créer une
division. Mais le pouvoir judiciaire, à partir de là, il dit : O.K., à
cette heure que le pouvoir législatif a obligé la création de cette division,
je la mets en oeuvre, je décide dans quel district, je décide qui est assigné,
je... Tu sais, c'est comme ça.
Ça fait que c'est pour ça que,
maintenant... Puis, moi personnellement, là, je m'exprime en mon nom personnel
et en celui d'Elizabeth, tu sais, il y a des choses… Et on n'en a pas discuté
en comité, là, ce n'était pas là, là… Tu sais, en comité, on savait que ça
pouvait se faire loi ou par voie judiciaire, mais, personnellement, quand ça se
fait par voie judiciaire, les projets pilotes sont bienvenus, parce qu'on teste…
C'est le judiciaire qui modèle, tu sais. Mais, quand ça se fait par voie
législative, bien, on l'affirme, puis ça se met en place, puis on n'a pas
besoin de procéder par le biais d'un projet pilote, surtout dans le contexte où
là ça s'avère un irritant.
Elizabeth, veux-tu ajouter...
Mme Melançon :
...poursuite, mesdames, c'est la même chose quant au type de poursuite,
j'imagine?
Le Président (M. Benjamin) :
Malheureusement, c'est tout le temps qui nous est imparti. Donc, le temps est
malheureusement écoulé. Donc, il revient maintenant à Mme la députée de
Sherbrooke de poursuivre.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. D'abord, je suis très contente de vous revoir, de voir votre
enthousiasme envers la mise en oeuvre du rapport. Puis je vous remercie pour la
piste de réconciliation que vous nous proposez aujourd'hui, parce qu'on
l'anticipait, mais là on a tout un conflit, je vais le dire comme ça, là, entre
les mains pour la mise en oeuvre des tribunaux spécialisés. J'aimerais ça vous
entendre davantage moi aussi sur la question des projets pilotes. Vous indiquez
clairement qu'on ne devrait pas en faire, qu'on devrait y aller tout droit
directement puisqu'on passe par le projet de loi. Donc, j'aimerais vraiment
vous entendre plus longuement... (panne de son) …on n'a pas besoin de projet
pilote.
Mme Desrosiers (Julie) :
Elizabeth, vas-y. Je ne veux pas prendre...
Mme Corte (Elizabeth) :
Vous savez, ce n'est pas... Je ne pense pas que c'est un si... Ce qui est
difficile avec les projets pilotes, c'est de décider où il va y avoir un projet
pilote, et que ce soit le gouvernement qui décide à quel endroit il va y avoir
un projet pilote, puis à quel endroit il va y avoir des juges qui vont être
assignés. Et, dans ce sens-là, ça pose cette difficulté-là, en plus évidemment
qu'un projet pilote… Je ne suis pas certaine que, les gens, ils font
particulièrement confiance à ça, un projet pilote. Ça peut marcher un an, deux
ans, puis là qu'est-ce qu'on fait après? Il n'y a rien dans le projet de loi
pour faire l'évaluation des projets pilotes, alors que, dans le fond, ce que
tout le monde veut, c'est qu'à la Cour du Québec il y ait une division qui
s'occupe de tout ce qui touche les dossiers en contexte d'agression sexuelle et
de violence conjugale, et ça, que ce soit partout au Québec.
C'est sûr que c'est une implantation qui
va se <faire...
Mme Corte (Elizabeth) :
...des
projets pilotes, là, alors que,
dans le fond, ce que
tout
le monde veut, c'est qu'à la Cour du
Québec
il y ait une division
qui s'occupe de tout ce qui touche les dossiers en contexte
d'agression
sexuelle et de
violence conjugale, et ça,
que ce soit partout au
Québec.
C'est sûr que c'est une implantation qui
va se >faire progressivement, parce que, clairement, je ne vois pas que,
du jour au lendemain, on soit capable immédiatement, partout, en même temps,
avec les mêmes ressources, d'aller de l'avant, mais, très certainement, je
pense qu'il faut donner les ressources pour que ça puisse se faire, autant que
faire se peut, dans tous les districts aussi puis il faut savoir comment la
Cour du Québec… La Cour du Québec fonctionne avec des coordonnateurs dans
chaque région, les… (panne de son) …qui ont des liens avec les intervenants de
leur district, de leur région, et qui vont mettre en branle cette division-là
chacun chez soi.
Alors, encore que… Bon, dans notre
rapport, on a parlé de projets pilotes parce qu'on pensait, comme disait ma
collègue tantôt, qu'il n'y avait pas de législation, mais, une fois que la
législation dit : La Cour du Québec, dans sa chambre criminelle, a une
division qui entend les dossiers...
Le Président (M. Benjamin) :
Malheureusement...
Mme Corte (Elizabeth) :
...en matière sexuelle et violence conjugale, bien, c'est réglé. Merci.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci, Mme la députée de Sherbrooke. Donc, au tour maintenant de la députée de
Joliette de poursuivre les échanges.
Mme
Hivon
:
Merci, un grand bonheur de vous revoir également pour moi. Alors, du haut de
mon 2 min 33 s, j'aurais beaucoup de questions à vous poser,
mais je vous remercie. Il y a un consensus qui se dégage, du moins, ce matin,
sur l'importance d'énoncer les objectifs poursuivis et de parler de la
formation de l'ensemble des intervenants. Donc, vous êtes très claire à ce
sujet-là.
Vous amenez un autre élément que je trouve
fort intéressant, c'est l'idée de clarifier dans la loi les responsabilités de
chacun des organismes qui est interpelé par la mise en place du tribunal
spécialisé, mais toute cette philosophie d'accompagnement. J'aimerais que vous
m'en disiez davantage sur ce que vous avez en tête. Et également vous faites
vraiment bien ressortir l'importance d'avoir une collaboration, une intégration
des services, de la coordination. Comment vous voyez cela traduit dans le
projet de loi?
Mme Corte (Elizabeth) :
Vas-y, Julie.
• (12 h 30) •
Mme Desrosiers (Julie) :
O.K., alors, plusieurs questions intéressantes qui ont tout trait à
l'intégration des services puis à la nécessité d'intégrer le champ du
psychosocial dans la loi.
La ministre Isabelle Charest, elle est...
elle a été beaucoup à l'avant de plus de services psychosociaux. Elle a été
impliquée également dans le comité transpartisan et elle est également à la
tête du Secrétariat à la condition féminine. Tu sais, moi, je pense que ces
acteurs-là, Secrétariat à la condition féminine, ministère de la Santé et des
Services sociaux, c'est des acteurs incontournables dans la <mise en
place puis...
>
12 h 30 (version révisée)
< Mme Desrosiers (Julie)T :
…également dans le comité transpartisan et elle est également à la tête du
Secrétariat à la condition féminine. Tu sais, moi, je pense que ces acteurs-là,
Secrétariat à la condition féminine,
ministère de la Santé et des
Services sociaux, c'est des acteurs incontournables dans la >mise en
place puis la coordination, l'intégration des services.
Alors, ce qu'on a en tête… Évidemment, on
n'est pas des législatrices, hein? Donc, tu sais, la façon de le dire, de
l'écrire, ce n'est pas notre spécialité, mais ce qui nous apparaît clair, c'est
que le projet de loi doit dire qu'un tribunal spécialisé, c'est différents
acteurs qui se mettent ensemble, parce que, fondamentalement, un tribunal
spécialisé, c'est multidisciplinaire. Ce n'est pas seulement les juges et la
Cour du Québec, c'est des services psychosociaux, c'est de l'information
juridique, c'est un meilleur accompagnement, c'est de la formation de tous pour
éliminer les mythes et les stéréotypes.
Puis, tu sais, le grand, grand défi, puis
là j'avais un bout… j'enverrai mes notes à la commission, je reprenais un bout,
mais, tu sais, avec le 10 minutes, c'est difficile de tout dire… mais, sur
l'importance d'intégrer puis de coordonner, ça prend une personne, un organisme
qui est dédié à ça. On ne peut pas juste faire du collage. Puis, à ce moment,
si… ça manque, dans le projet de loi puis dans l'esprit du tribunal aussi,
cette espèce d'entité qui va permettre d'intégrer puis de coordonner, tu sais :
Toi, tu es responsable, toi, tu es responsable, toi, tu es responsable, moi, je
coordonne et je m'assure que toi, tu le fasses, toi, tu le fasses, toi, tu le
fasses. C'est ça qu'il faut que le projet de loi dise dans les dispositions
liminaires.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci beaucoup. Vous avez tellement raison, en 10 minutes, c'est beaucoup
peu pour tout dire, c'est tout le temps qui nous est imparti. Me Elizabeth
Corte, Mme Julie Desrosiers, merci…
Une voix : …
Le Président (M. Benjamin) :
Excusez-moi, monsieur. J'ai reçu une note. Donc, je pensais… Je m'en tenais à
la note. Alors, le député… Alors, nous n'avons pas encore fini. Le député de
Chomedey souhaite intervenir.
M. Ouellette : Vous
voyez comment ça fonctionne, hein? Bon, je vous ferai juste un commentaire et
je vais faire miennes toutes vos paroles. Ce sont des paroles qui sont très
sages et qui vont nous obliger à nous élever au-dessus de la mêlée, parce qu'on
a une responsabilité tellement grande pour nos victimes. Et j'espère,
Mme Desrosiers… Vos notes, là, on veut les avoir aujourd'hui parce qu'on
commence l'étude détaillée jeudi matin, et on espère que les commentaires que
vous avez faits… parce que vous nous avez candidement confié que vous n'aviez
pas parlé au ministre, mais que vous aviez parlé à son cabinet. On va s'assurer
que, vos préoccupations, on les retrouve. On dit souvent… Les ministres disent
souvent que les projets de loi <sont perfectibles…
M. Ouellette :
…j'espère que les
commentaires que vous avez faits, parce que vous nous
avez candidement confié que vous n'aviez pas parlé au
ministre mais que
vous aviez parlé à son cabinet… On va s'assurer que vos
préoccupations,
on les retrouve. On dit souvent, les
ministres disent souvent que les
projets
de loi >sont perfectibles. Celui-là, il va être perfectible à la fin,
parce que notre responsabilité est grande de ne pas décevoir. Merci.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci. Donc, comme il reste encore une minute, est-ce que vous souhaitez faire
un commentaire, Me Corte ou Mme Desrosiers?
Mme Desrosiers (Julie) :
Bien, je veux dire, s'il reste une minute, à notre tour de vous remercier et de
vous insuffler notre enthousiasme à l'égard de ce projet. Et, voilà, bonne
suite dans vos travaux, et je sais que vous allez réussir, et j'ai confiance en
vous.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci beaucoup. Donc, je suspends les travaux jusqu'après les affaires
courantes. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 34)
15 h 30 (version révisée)
(Reprise à 15 h 38)
Le Président (M. Benjamin) :
La Commission des institutions reprend ses travaux. Nous poursuivons les
auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet
de loi n° 92, Loi visant la création d'un tribunal spécialisé en matière
de violence sexuelle et de violence conjugale et portant sur la formation des
juges en ces matières.
Cet après-midi, nous entendrons le Réseau
des centres d'aide aux victimes d'actes criminels, M. Sylvain Guertin, de
la Sûreté du Québec, conjointement avec le Service de police de la ville de
Montréal et le Service de police de la ville de Québec, Me Roxane Roussel
et le Barreau du Québec.
Alors, je dis merci à nos invités qui sont
avec nous. Je vous souhaite la bienvenue et je vous rappelle que vous disposez
de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite, donc, à vous
présenter et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.
Réseau des centres d'aide aux victimes d'actes
criminels
M. Lysight (Dave) : Merci. Le
Réseau des centres d'aide aux victimes d'actes criminels regroupe 17 CAVAC
pour offrir des services d'aide aux personnes victimes, aux proches ainsi
qu'aux témoins d'actes criminels. Répartis dans toutes les régions du Québec,
ils comptent 185 portes d'entrée qui donnent <accès à…
M. Lysight (Dave) :
...merci. Le Réseau des centres d'aide aux victimes d'actes criminels regroupe
17 CAVAC pour offrir des services d'aide aux personnes victimes, aux
proches ainsi qu'aux témoins d'actes criminels. Répartis dans toutes les
régions du Québec, ils comptent 185 portes d'entrée qui donnent >accès
à des professionnels formés en intervention.
Les services du réseau des CAVAC sont
gratuits et confidentiels, peu importe la nature et la gravité de l'acte criminel,
le moment où l'acte criminel a eu lieu, que l'auteur de l'acte criminel ait été
identifié ou non et que la personne ait porté plainte ou non. Les services des
CAVAC sont offerts à tous, sans égard à l'âge, au sexe, ni à l'identification
de genre. Les CAVAC travaillent en collaboration étroite avec les intervenants
des milieux judiciaires, des corps policiers, du réseau de la santé et des
services sociaux ainsi qu'auprès des organisations communautaires.
Nous allons maintenant vous présenter le
fruit de nos réflexions concernant la mise en oeuvre des tribunaux spécialisés,
nos réflexions qui s'appuient, bien évidemment, sur nos expériences
quotidiennes au sein des services de police et dans les différents palais de
justice.
• (15 h 40) •
M. Bergeron (Sophie) :
Tout d'abord, parlons d'accompagnement et de collaboration. Les personnes
victimes ont besoin d'un accompagnement continu et soutenu du début à la fin
des procédures judiciaires. Dès le dépôt de la plainte à la police et même
parfois avant, les personnes victimes peuvent compter sur l'aide des
intervenants des CAVAC. Cette aide se déploie même au-delà du processus
judiciaire, notamment lors de leurs interactions avec les libérations
conditionnelles provinciales et fédérales. Les intervenants deviennent un
ancrage et une source d'information précieuse, ils démystifient le processus
judiciaire et permettent aux victimes de bien ajuster leurs attentes.
À l'intervention des CAVAC s'ajoutent
celles des policiers, des procureurs aux poursuites criminelles et pénales et
des autres services d'aide aux victimes, formant ainsi une équipe intégrée
autour des personnes victimes. Nous souhaitons que la mise en oeuvre des
tribunaux spécialisés permette de rendre encore plus solide et forte cette
équipe.
De même, les pratiques doivent être
arrimées et harmonisées sur tout le territoire québécois. Les processus de
collaboration sont déjà bien établis et efficaces dans plusieurs régions du
Québec. Il faut s'inspirer des bonnes pratiques actuelles pour les diffuser
partout en province, à l'intérieur du projet de tribunal spécialisé. De même,
il faut s'attarder aux modalités d'accès aux services et sur la manière de les
rendre plus connus et accessibles, tout en respectant le choix des victimes et
leur autodétermination.
Maintenant, parlons intervenants
spécialisés. Dans notre travail quotidien, nous observons, en effet, que les
intervenants judiciaires qui agissent régulièrement dans des dossiers de
violence conjugale et sexuelle se montrent plus sensibilisés aux contextes
particuliers dans lesquels se trouvent ces personnes victimes et offrent une
intervention mieux adaptée à leurs besoins. Toutefois, même si nous croyons en
l'importance d'avoir des intervenants spécialisés, nous nous devons de soulever
une certaine inquiétude à ce que ces derniers finissent par développer de la
désensibilisation face aux problématiques complexes et parfois récurrentes des
situations de violence conjugale et sexuelle. Au même titre, nous nous <questionnons...
M. Bergeron (Sophie) :
...
toutefois,
même si nous croyons en l'importance d'avoir des
intervenants spécialisés, nous nous devons de soulever une certaine inquiétude
à ce que ces derniers finissent par développer de la désensibilisation face aux
problématiques complexes et parfois récurrentes des situations de violence
conjugale et sexuelle. Au même titre, nous nous >questionnons quant aux
impacts que ces intervenants peuvent vivre lors d'exposition répétée aux récits
dramatiques. Nous pensons, entre autres, aux traumas vicariants. Nous proposons
que soit mise en place une rotation des acteurs qui doivent agir dans ces
dossiers, jumelant à de la formation continue.
Maintenant, la sécurité et l'accueil des personnes
victimes. La mise en place des tribunaux spécialisés doit accorder une grande
importance à la sécurité des personnes victimes au sein des palais de justice.
Certaines personnes victimes ont d'importantes raisons de craindre pour leur
sécurité physique. La grande majorité des personnes victimes de violence conjugale
ou sexuelle sont mises à l'épreuve sur le plan de leur sécurité psychologique à
l'idée de pouvoir se trouver en contact avec l'accusé. Ceci affecte souvent
leur capacité de participer pleinement au processus judiciaire qui les concerne,
par les pressions indues ou directes de la part des accusés ou de leurs
proches. Les personnes victimes se présentent souvent nerveuses, craintives et
émotives. La moindre des choses, selon nous, est de leur offrir un lieu calme,
confortable et sécuritaire qui leur permettra de tenir pleinement leur rôle
dans le processus judiciaire. On envoie, donc, un message clair quant à
l'importance de la place qu'elles occupent au sein de ces dossiers délicats.
M. Lysight (Dave) : Nous
considérons également que de bien informer la population sur ce que sont les
tribunaux spécialisés et ce qu'ils ne sont pas est un élément crucial du succès
de leur implantation. Par exemple, réitérer que les infractions en matière de
violence conjugale et sexuelle se retrouvent au Code criminel au même titre que
toutes les autres infractions, qu'elles suivent les mêmes principes
fondamentaux et qu'elles sont soumises aux mêmes règles de procédure.
De plus, bien qu'étant conscients que le
contre-interrogatoire demeure un outil important et incontournable pour
soulever les lacunes lors du témoignage, nous suggérons l'idée d'élargir des
directives plus strictes pour la conduite du contre-interrogatoire, qui
permettraient de rencontrer cet objectif, mais sans nécessairement atteindre la
personne victime dans sa dignité ni dans sa valeur. Notre expérience nous
incite à croire que, même à l'intérieur du cadre légal actuel du droit à un
procès juste et équitable, les directives entourant le contre-interrogatoire,
notamment le rôle que peut jouer le DPCP à cet égard, pourraient être
clarifiées et encadrées.
La justice sur rendez-vous. Bien
évidemment la pandémie de la COVID-19 a vu notre système mettre en place
différentes stratégies. Celle-ci a été mise en place, et rappelons, justement,
que les longs moments d'attente peuvent être des périodes anxiogènes pour les
personnes victimes, particulièrement les personnes plus vulnérables également.
Également, nous avons abordé les mesures
pour faciliter le témoignage. Plusieurs mesures sont présentes au Code criminel,
qui permettent de faciliter le témoignage aux personnes vulnérables. Cependant,
nous observons qu'encore il est complexe pour certaines personnes victimes
adultes d'y avoir accès. Donc, <consentir...
M. Lysight (Dave) :
…également, nous avons abordé les mesures pour faciliter le témoignage.
Plusieurs mesures sont présentes au
Code criminel, qui permettent de
faciliter le témoignage aux personnes vulnérables. Cependant, nous observons
qu'encore il est complexe pour certaines personnes victimes adultes d'y avoir
accès. Donc, >consentir d'emblée que ces personnes puissent y avoir
accès serait une formidable avancée dans le cadre d'un tribunal spécialisé.
Mme Dufour (Kathleen) :
En parlant du témoignage des personnes victimes devant la cour, qui est une
étape vraiment charnière de leur parcours, comme le stipule la recommandation 61
du rapport Rebâtir la confiance, adapter le Programme enfant témoin aux
personnes victimes de violence sexuelle et conjugale permettra de mieux les
soutenir et consolidera leur habileté à témoigner, ce qui contribuera à un
passage devant la cour beaucoup moins anxiogène. Ainsi, nous demandons qu'il
soit prévu, dans le cadre du déploiement des tribunaux spécialisés, que toute
personne victime puisse avoir accès à ce programme.
Aussi, plusieurs CAVAC, tout comme Côté
Cour, offrent déjà des programmes spécialisés en matière de violence conjugale.
Ces programmes sont facilement adaptables en violence sexuelle. Nous sommes à même
de constater que ce type d'accompagnement et de collaboration font une
différence énorme pour les personnes victimes. L'intervention intersectorielle,
policiers-DPCP-CAVAC, dans le cadre des rencontres préparatoires à la cour,
rehausse, de la bouche même des personnes victimes, la qualité de
l'accompagnement et du soutien qui leur est offert. Donc, dans le cadre du
déploiement d'un tribunal ou d'une division spécialisée, nous invitons les
acteurs impliqués à tenir compte de ces bonnes pratiques afin de les intégrer
partout à travers la province.
Mme Bergeron (Sophie) :
La formation. Donc, afin de prévenir les risques de victimisation secondaires
ainsi que les biais inconscients, il est impératif que soient ajoutées à la formation
continue de tous les acteurs du système de justice des connaissances permettant
de briser les mythes et préjugés qui persistent concernant les violences
conjugales et les violences sexuelles.
De plus, afin de permettre une meilleure
compréhension des situations de violence conjugale et sexuelle, nous
considérons que des formations spécifiques devraient être offertes aux acteurs
qui se trouvent au centre des tribunaux spécialisés, soit les policiers, les
procureurs aux poursuites criminelles et pénales, les avocats de défense et les
juges. Ces formations devraient se concentrer sur les réactions et les
conséquences des personnes victimes, sur l'état de stress post-traumatique, sur
les connaissances sur la neurochimie du cerveau à la suite d'un traumatisme et
le trauma vicariant. Cela faciliterait leur compréhension quant aux réactions
de certaines personnes victimes et à la présence nécessaire de soutien pour
celles-ci lors de leur passage à la cour.
Mme Dufour (Kathleen) :
Somme toute, l'implantation de tribunaux spécialisés sera une avancée majeure
pour les personnes victimes. Chose certaine, tribunal spécialisé ou pas, il est
plus que temps que le <système de justice…
M. Bergeron (Sophie) :
...de soutien pour celles-ci lors de leur passage à la cour.
Mme Dufour (Kathleen) :
Somme toute, l'implantation de tribunaux spécialisés sera une avancée majeure
pour les personnes victimes. Chose certaine, tribunal spécialisé ou pas, il est
plus que temps que le >système de justice apporte des changements
importants afin que l'expérience des personnes victimes soit améliorée et
adaptée à leurs besoins.
Rappelons, donc, l'importance de bien
arrimer, harmoniser et consolider les meilleures pratiques actuelles, de ne pas
générer des attentes indues chez les personnes victimes de même que dans la
population en général, de fournir aux personnes victimes des lieux
sécuritaires, calmes et accueillants, de s'assurer que les intervenants soient
bien formés et sensibilisés aux besoins des personnes victimes, de s'assurer
que les acteurs du système, qui sont responsables de la conduite du contre-interrogatoire,
instaurent des pratiques respectueuses envers les personnes victimes. Aucune
personne victime ne devrait se sentir intimidée au moment de son témoignage.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci. Merci pour votre exposé. Donc, nous allons maintenant commencer la
période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette :
Merci, M. le Président. Mme Bergeron, Mme Dufour, M.Lysight,
bonjour. Je suis heureux de vous retrouver à nouveau. Merci pour la
présentation de votre mémoire.
Écoutez, d'entrée de jeu, je souhaite
souligner le bon travail qui est effectué par les intervenants et les
intervenantes des différents CAVAC dans toutes les régions. Depuis que je suis ministre
de la Justice, j'ai eu l'occasion de vous rencontrer à quelques reprises, de
rencontrer également les intervenants et intervenantes sur le terrain, donc
dans les palais de justice et également dans les bureaux, puis je dois dire que
la qualité de l'accompagnement des services est là. Puis il faut dire à la
population de ne pas hésiter, hein, à se tourner vers les CAVAC. Il y a des
gens qui sont là pour les accueillir. Et la mise en place du tribunal
spécialisé va notamment faire en sorte de donner un rôle central, également,
aux CAVAC, à l'intérieur du parcours. Alors, je crois que votre contribution
est utile, nécessaire et extrêmement pertinente.
• (15 h 50) •
Et puis vous avez développé notamment...
Mme Dufour, vous parliez du Programme enfant témoin, qui a été développé
en Outaouais et qui, là, est rendu à la grandeur du Québec. C'est une belle
annonce qu'on a faite. Également, là, la préparation au témoignage, je sais que
vous êtes en train de travailler là-dessus, sur les témoins vulnérables. Donc,
ça, c'est des éléments de Rebâtir la confiance, également, qu'on
souhaite mettre en application.
Et donc vous voyez un peu où on s'en va, c'est
le continuum de services, puis je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit,
notamment la formation des intervenants. Pour quelle raison c'est important que
tous les intervenants soient formés, y compris les membres de la magistrature?
Parce que moi, j'ai reçu certains commentaires pour dire, de la part de la
magistrature : Nous, on est déjà formés, alors on n'a pas besoin de suivre
de formation puis on est déjà des spécialistes. Alors, pourquoi c'est
nécessaire que tous les acteurs aient une formation, y compris les membres de
la magistrature?
M. Bergeron (Sophie) :
Je peux y aller, je peux tenter une réponse. Voyez-vous, on a vraiment fait le
choix de présenter la <question de la...
M. Jolin-Barrette :
…pas besoin de suivre de formation puis on est déjà des spécialistes. Alors,
pourquoi c'est nécessaire que tous les acteurs aient une formation, y compris
les membres de la magistrature?
M. Bergeron (Sophie) :
Je peux y aller, je peux tenter une réponse. Voyez-vous, on a vraiment fait le
choix de présenter la >question de la formation en incluant l'ensemble
des acteurs qui sont au centre d'un tribunal spécialisé. Pourquoi? Parce que
nous, on y voit une différence lorsque l'ensemble des acteurs comprennent dans
quel contexte de vulnérabilité ces personnes-là se trouvent. Et la manière dont
ça se présente, c'est au sens de l'accueil, de l'accueil, de l'écoute qui est
offerte à la personne victime qui entre dans cet univers inconnu.
Alors, je pense, M. le ministre, si je
peux me permettre, qu'il y a assurément, de mon expérience, des juges qui sont
bien formés en la matière. Je pense qu'il y en a, parce que je l'observe dans
les salles d'audience qu'il y a des juges qui ont cette sensibilité-là, qui ont
des attitudes très, très, très propices, très adéquates. Alors, moi, je pense
qu'il doit être sûrement vrai qu'il y a des juges qui sont bien formés. Ce
qu'on souhaite, c'est que ce soit étendu à l'ensemble des acteurs.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Et est-ce que, de votre expérience, lorsque vous allez au tribunal en
accompagnant des victimes, le fait, supposons, de suivre ce genre de formation
là pour comprendre la réalité des victimes qui sont victimes de violence
sexuelle ou de violence conjugale, ça va avoir un effet sur l'impartialité du
décideur, du juge, sur son indépendance, le fait de recevoir de la formation
pour savoir qu'est-ce que la victime vit, pour comprendre ce qu'elle vit?
Mme Dufour (Kathleen) : Écoutez,
je pense que c'est les juges aussi eux-mêmes, hein, qui sont plus en mesure,
là, de vraiment dire si ce type de formation peut influencer ou non, là, leur… Cependant,
ce qu'on peut dire, c'est qu'on observe effectivement, donc, des juges qui ont
une sensibilité particulière, un savoir-être, vraiment, donc, tout particulier,
ce qui fait en sorte que ce que les personnes victimes sentent, c'est tout le
respect qu'elles ont de besoin, justement, pour arriver à jouer leur rôle puis au
niveau de leur passage devant la cour. Donc, oui, effectivement que de
bénéficier de formations…
Par ailleurs, les CAVAC ont déjà, donc,
offert, donc, des formations aux juges sur quelles sont les meilleures
pratiques, quels sont les besoins des personnes victimes au moment de leur
passage en cour. Donc, je pense que c'est ça, cette ouverture est là, en tout
cas, nous, de notre propre expérience, nous la voyons. Mais on répète que,
nous, ce qu'on voit aussi, c'est qu'une formation globale pour l'ensemble des
acteurs va développer ce qu'on appelle un langage commun et des pratiques,
donc, communes et harmonisées.
M. Jolin-Barrette : Et à
l'interne, là, chez vous, dans le réseau des CAVAC, avec vos propres employés,
là, vous-mêmes qui accompagnez à tous les jours, j'imagine qu'il y a de la
formation de la part de… sur votre propre personnel?
Mme Dufour (Kathleen) :
Tout à fait.
M. Jolin-Barrette :
Quelle forme ça prend, ces formations-là?
Mme Dufour (Kathleen) :
Écoutez, donc, c'est des plans de <formation annuels…
M. Jolin-Barrette :
…et à l'interne, là, chez vous, dans le réseau des CAVAC, avec vos propres
employés, là, vous-mêmes qui accompagnez à tous les jours, j'imagine qu'il y a
de la formation de la part de… sur votre propre personnel?
Mme Dufour (Kathleen) :
Tout à fait.
M. Jolin-Barrette :
Quelle forme ça prend, ces formations-là?
Mme Dufour (Kathleen) :
Écoutez, donc, c'est des plans de >formation annuels qui touchent,
évidemment, tant en regard du trauma, tant en regard, donc, de bonnes pratiques
d'intervention, au niveau aussi de la fine connaissance des procédures devant
la cour criminelle. Donc, cette expérience-là aussi s'acquiert par une présence
en salle de cour et par une collaboration. Donc, c'est vraiment, donc, des
plans de formation annuels, nos intervenants sont formés, vraiment, en regard,
donc, des meilleures pratiques, là, qui sont mises de l'avant.
Ce qu'on voit aussi, ce qui est
intéressant, c'est lorsqu'on bénéficie de formations en collaboration avec nos
autres partenaires. Donc, dites-vous qu'on peut aussi... quand on a accès à des
formations où on les suit en présence des policiers, des enquêteurs, donc, qui
oeuvrent au niveau des problématiques de violence sexuelle et conjugale, des
procureurs aux poursuites criminelles et pénales, ça fait en sorte que, je répète,
ça amène ce qu'on appelle un langage commun, une connaissance, aussi, du rôle
de chacun. Et donc, nous, en tout cas, on ne voit que des bénéfices importants,
là, pour les personnes victimes. Donc, maintenant, à savoir si les juges
peuvent se joindre à cette formation commune là, je pense que c'est à eux, là,
de voir, là, si c'est possible.
M. Jolin-Barrette : Mais,
si, dans tous les cas, là, ils considèrent que ce n'est pas possible d'avoir
cette formation commune là avec les autres intervenants, ça ne signifie pas
qu'ils devraient suivre la formation séparément?
Mme Dufour (Kathleen) :
Encore une fois, je pense que c'est ça, c'est à eux à dire, bien, dans quelle
mesure ils peuvent suivre ce type de formation là en collaboration avec les partenaires
ou non. Ce que je peux vous dire, cependant, c'est... on constate, je répète,
leur ouverture, justement, à suivre ce type de formation, à suivre, donc… Nous
avons été, donc, nous-mêmes invités, et on sait que d'autres services d'aide
aux victimes, d'autres chercheurs aussi, là, leur ont offert ce type de
formation là.
M. Jolin-Barrette :
Bien, je vous dirais, tant mieux, c'est vraiment une bonne chose, puis surtout
que vous puissiez offrir ce genre de formation là. On voit encore, l'apport des
CAVAC, à quel point c'est important.
Je voudrais aborder avec vous, là, avant
de céder la parole à mes collègues... Dans votre mémoire, vous avez parlé de
l'importance d'avoir des lieux sécuritaires et adaptés pour les personnes
victimes. Moi, je peux vous dire, lorsque j'ai visité certains palais de
justice, cet été, je suis arrivé dans certains palais, puis la salle d'attente
des accusés était face à la salle où est-ce que les victimes étaient, puis la
salle de cour, juste à côté. Alors, on a fait déplacer tout ça, notamment à Montréal,
notamment à Québec, c'est… Je m'excuse d'avoir déplacé la salle des mariages,
mais, désormais, les personnes victimes, à Québec, sont accueillies dans la
salle des mariages. Mais parlez-nous de ça, l'importance, pour la victime, là,
lorsqu'elle se rend au palais de justice, là... l'importance de son
environnement, là. <Parce que…
M. Jolin-Barrette :
…côté. Alors, on a fait déplacer tout ça, notamment à
Montréal,
notamment à Québec, c'est … Je m'excuse d'avoir déplacé la salle des mariages,
mais désormais les personnes victimes, à Québec, sont accueillies dans la salle
des mariages. Mais parlez-nous de ça, l'importance, pour la victime, là,
lorsqu'elle se rend au palais de justice, là... l'importance de son
environnement, là. >Parce que ça ne doit pas être simple aller témoigner
quand on est une victime d'agression sexuelle, ça doit être quand même
stressant, non?
M. Lysight (Dave) : Non, comme
on l'a mentionné, toute la trajectoire, déjà, la personne victime ou le témoin
doit se présenter à la cour, particulièrement dans des situations de violence
conjugale ou de violence sexuelle, où c'est tellement des situations qui sont
intimes, qui sont personnelles, et tout ça, le fait de croiser l'auteur du
délit ou des proches de cet accusé, dans le fond, ça peut générer, évidemment, beaucoup
d'anxiété, tout ça. Donc, oui, l'environnement physique peut avoir un impact,
là, pour la personne victime, ne serait-ce que pour aller à la salle de bain,
même, toutes les différentes trajectoires, même le service de taxation des
témoins, où, justement, l'accusé doit attendre pour signer différents
documents, et on accompagne la personne victime pour le service de taxation. Donc,
il y a vraiment une logistique, il y a vraiment des… Nos intervenants prennent
soin des personnes pour s'assurer de pallier, dans le fond, aux limitations
physiques, là, qui peuvent être disponibles dans nos palais.
M. Jolin-Barrette : Et…
Mme Bergeron (Sophie) : Si
je peux me permettre...
M. Jolin-Barrette : Oui,
allez-y, allez-y.
Mme Bergeron (Sophie) :
Pardon, M. le ministre, je vais être très brève. Pour nous, là, il est évident,
c'est clair, que de fournir des locaux plus chaleureux, plus accueillants et
même, nous, on a vraiment ajouté le mot «calme», hein, avoir un espace calme,
dans les palais de justice, pour ces personnes victimes là qui doivent parfois
attendre de longues heures, pour nous, c'est un message clair que le système de
justice envoie aux personnes victimes comme quoi elles sont importantes dans ce
processus-là. On connaît bien notre droit, on le sait qu'elles ne sont pas une
partie, par contre, on sait qu'elles sont centrales. Si elles n'existent pas,
il n'y a pas de procès en violence sexuelle, en violence conjugale qui peuvent
se tenir. Donc, de leur offrir cet espace-là, pour nous, c'est très parlant, c'est
très évoquant au sens de la place qu'on veut leur laisser.
M. Jolin-Barrette : Et,
en guise de commentaire, je vous laisse là-dessus puis je cède la parole, mais,
vous avez tout à fait raison, les victimes doivent être considérées au premier
chef, dans les différents palais de justice du Québec. Et ce que je constate, c'est
que peut-être que les palais n'avaient pas été construits en pensant aux
victimes... et ont peut-être été les oubliées, et ça, on est en train de
changer ça et avec votre collaboration. Alors, un grand merci pour votre
présence en commission parlementaire, c'est fort apprécié.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci. Nous poursuivons avec le député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Pour combien
de temps, s'il vous plaît, M. le Président?
Le Président (M. Benjamin) :
Il vous reste 4 min 50 s, M. le député.
• (16 heures) •
M. Lemieux : Merci
beaucoup, M. le Président. D'abord, M. Lysight, Mme Bergeron, Dufour,
bonjour, merci d'être là. Mon collègue de Chapleau aura une question pour vous.
Mais, juste avant, j'étais curieux, parce que j'avais lu votre mémoire et
j'écoutais votre présentation, je me trompe ou il y a une petite gêne ou c'est
comme si vous n'y croyez pas vraiment? Vous avez dit, dans votre conclusion,
mais je l'ai relevé plusieurs fois dans le <mémoire : L'implantation
des tribunaux serait une avancée majeure…
>
16 h (version révisée)
<17879
M. Lemieux :
…j'avais lu votre mémoire et j'écoutais votre présentation, je me trompe ou il
y a une petite gêne ou c'est comme si vous n'y croyez pas vraiment? Vous avez
dit, dans votre conclusion, mais je l'ai relevé plusieurs fois dans le >mémoire :
«L'implantation des tribunaux serait une avancée majeure.» Et, en le lisant,
vous avez dit : Sera. Mais, tout de suite, dans la phrase suivante, c'est :
«Chose certaine, tribunal spécialisé ou pas...» C'est une petite gêne ou c'est
trop beau pour être vrai? C'est une question un peu boboche, là, mais ça
m'intrigue.
Mme Dufour (Kathleen) :
Oui, bien, écoutez…
Une voix
: …bon point.
Mme Dufour (Kathleen) :
Oui. Non, c'est un très bon point. Parce que j'ai dû écourter, là, la fin de ma
présentation, qui aurait peut-être pu expliquer, là, cet aspect-là. C'est clair
que, oui... Ce n'est pas une petite gêne, parce que dites-vous que c'est une
avancée qu'on attend depuis longtemps. Maintenant, on ne vous cachera
pas que nous sommes préoccupés face aux divergences d'opinions dans la mise en
oeuvre d'un tribunal spécialisé, d'une division spécialisée. On sent que tous
les acteurs du système, que tous les membres de la commission sont, évidemment,
prêts à changer les choses, prêts à s'investir, à trouver des solutions. Mais
évidemment, comme tout le monde, nous sommes conscients, donc, qu'il y a
certaines divergences d'opinions entre la Cour du Québec et la mise en oeuvre
des tribunaux spécialisés, telle que prévue au sens du projet de loi. Et c'est
cette incertitude-là, peut-être, qui nous a amenés à écrire notre mémoire de
cette façon-là.
Mais, en même temps, je pense qu'en
constatant, de par nos contacts avec nos partenaires et collaborateurs, tout le
mouvement actuel de changement... Dites-vous que, surtout depuis le dépôt du
rapport Rebâtir la confiance, tous les acteurs du système de justice se
sont mis au travail. Et ça se passe en ce moment. Donc, on y croit, tout à fait.
M. Lemieux : Maintenant
que c'est dit, M. le Président, je vais céder la parole à mon collègue de Chapleau.
Le Président (M. Benjamin) :
M. le député de Chapleau.
M. Lévesque (Chapleau) : ...une
au collègue de Saint-Jean. Bonjour, Mme Bergeron, M. Lysight. Puis
une salutation spéciale pour vous, Mme Dufour, de l'Outaouais. Plaisir de
vous voir, de vous revoir. Effectivement, j'aimerais peut-être joindre ma voix
à celle du ministre pour vous saluer, là, ce que vous faites, votre excellent
travail, l'ensemble des CAVAC. Puis également, en Outaouais, on n'est pas peu
fier, justement, de l'implantation du Programme, là, enfant témoin et autres
témoins vulnérables. Félicitations! J'avais eu l'occasion également de faire
une déclaration de député, j'aurai l'occasion d'aller vous la porter, là, en
main propre très bientôt. Donc, félicitations!
Rapidement, là, une petite question, là,
pour vous. Vous parlez, donc, de nécessaire formation pour l'ensemble des
acteurs. Est-ce que vous faites une distinction pour ces acteurs-là, en termes
de formation? Donc, vous aviez les juges, les avocats... Ou ça serait la même
formation pour tous? Ou il y a des sensibilités qui devraient être abordées
selon le groupe, selon vous?
Puis, deuxième question, rapidement. Donc,
ça devrait être implanté sur l'ensemble du territoire québécois, mais également
vous savez... vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a une volonté de projet
pilote. Êtes-vous <à l'aise…
M. Lévesque (Chapleau) :
…les juges, les avocats... Ou ça serait la même formation pour tous? Ou
il
y a des sensibilités qui devraient être abordées selon le groupe, selon vous?
Puis, deuxième
question,
rapidement.
Donc, ça devrait être implanté sur l'ensemble du
territoire
québécois,
mais
également vous savez... vous n'êtes pas sans savoir qu'
il y
a une volonté de
projet pilote. Êtes-vous >à l'aise avec cette
approche-là? Donc, mes deux questions, là, en bloc. Merci.
Mme Bergeron (Sophie) : Je
vais répondre pour ma formation, puisque je siège actuellement sur un comité où
on est en train de mettre en oeuvre, suite à Rebâtir la confiance, une
formation pour les intervenants judiciaires, et c'est effectivement une
réflexion qu'on se fait. Il est assez facile de mettre en place une formation
conjointe, policiers et procureurs aux poursuites criminelles et pénales.
Le questionnement qu'on a en ce moment,
c'est le fait d'adapter une formation comme celle-là aux avocats de défense qui
souhaiteraient la suivre également. Alors, je vous dirais que c'est un
processus. Il n'y a aucune fermeture. Depuis des années… moi, depuis
18 ans, je travaille dans mon milieu et je côtoie des avocats de défense
qui ont une sensibilité certaine aux personnes victimes de violence sexuelle et
de violence conjugale. Donc, je n'ai pas réponse aujourd'hui, je veux vous dire
qu'on travaille sur cette réflexion-là de façon très pointue à l'heure
actuelle.
Pour ce qui est des projets pilotes,
Kathleen, tu voulais-tu y aller?
Mme Dufour (Kathleen) :
Oui. Bien, écoutez, on comprend que l'idée de vraiment déployer les choses sous
forme de projet pilote, bon, peut amener, donc, certaines problématiques. Nous,
c'est sûr que, l'aspect du projet pilote, ce qu'on trouve intéressant, c'est
qu'on voit que ça va permettre d'expérimenter tout l'arrimage qui doit être mis
en place entre les différents partenaires. Donc, ça, pour ça, c'est
intéressant. Parce qu'à notre humble avis c'est sûr que ce n'est pas tous les
districts, je pense, qui sont prêts à un même niveau pour accueillir un
tribunal spécialisé, donc l'idée d'y aller par expérimentation pilote, je
pense, permettrait vraiment, là, de mettre à niveau tout le monde. Sauf que
notre préoccupation, cependant, c'est qu'on voudrait éviter que ça traîne en
longueur. Dites-vous que les acteurs sur le terrain sont prêts, donc c'est pour
ça que, oui, expérimentation pilote…
Le Président (M. Benjamin) :
Merci beaucoup.
Mme Dufour (Kathleen) :
Merci.
Le Président (M. Benjamin) :
Malheureusement... Donc, alors, suite à l'entente intervenue entre les parties,
donc, la parole revient maintenant à la députée de Joliette.
Mme
Hivon
:
Merci, M. le Président. Merci à tout le monde pour la flexibilité. Alors,
j'ai très, très peu de temps, 2 min 30 s, je vous dis les
principaux points sur lesquels j'aimerais vous entendre.
Vous avez parlé de l'importance que tous
les intervenants soient formés. On est d'accord. Vous avez parlé de
l'importance de la spécialisation mais tout en faisant attention à ce qu'il n'y
ait pas de fatigue compassionnelle, des éléments comme ceux-là.
Est-ce qu'on peut imaginer de la
spécialisation? C'est-à-dire que c'est une chose que tout le monde ait une
formation de base, mais qu'on ait de la spécialisation via des formations
continues dans chacun des secteurs, couronne, policiers, juges, donc une
certaine forme de spécialisation qui ne ferait pas en sorte qu'ils soient
nécessairement dédiés à 100 %, 12 mois par année. Bien, par exemple, comme,
si on avait un oncologue, je ne sais pas, qui est spécialisé pour traiter les
cancers, il en fait six mois par année, il trouve ça très difficile, <donc
il fait…
Mme
Hivon
:
...via des formations continues dans chacun des secteurs, couronne, policiers, juges,
donc une certaine forme de spécialisation qui ne ferait pas en sorte qu'ils
soient nécessairement dédiés à 100 %, 12 mois par année. Bien, par
exemple, comme, si on avait un oncologue, je ne sais pas, qui est spécialisé
pour traiter les cancers, il en fait six mois par année, il trouve ça très
difficile, >donc il fait, six mois, d'autres pratiques médicales. Mais,
au moins, la personne qui a un cancer saurait qu'elle est toujours devant
quelqu'un qui est spécialisé. Donc, j'aimerais avoir votre opinion là-dessus.
Puis l'autre, rapidement, c'est comment...
Vous avez dit, c'est très intéressant, qu'on pourrait mieux encadrer les
directives pour le contre-interrogatoire des avocats de la défense. Vos pistes
seraient bienvenues.
Mme Bergeron (Sophie) : Oui,
tu veux y aller, Kathleen?
Mme Dufour (Kathleen) :
Bien, écoutez, moi, j'irais d'emblée au niveau du contre-interrogatoire des
personnes victimes, qui est vraiment un élément majeur dans la qualité de leur
expérience. Donc, nous croyons fortement qu'il peut y avoir des directives plus
claires au niveau des procureurs aux poursuites criminelles et pénales, au
niveau de l'objection qui peut être émise lorsque des comportements, attitudes
au niveau du contre-interrogatoire, donc, ébranlent une personne victime ou
dépassent les règles par rapport au droit.
Mais je répète aussi qu'une victime qui
est bien préparée, qui est bien soutenue... Et, quand on vous parle d'adapter
le Programme enfant témoin pour les personnes victimes de violence sexuelle et
conjugale, c'est à ça aussi qu'on fait... qu'on veut en venir. Une victime qui
est vraiment... qui développe des habiletés, des compétences à vraiment
témoigner à la cour est vraiment elle-même aussi en mesure à faire face aux
implications du contre-interrogatoire.
Là, maintenant, je sais qu'il nous reste
peu de temps, votre première question était en regard... ah! du fait de
faire... de ce qu'on peut appeler une rotation. Je trouve que votre exemple est
extrêmement parlant. Quand vous dites, donc, qu'un oncologue peut pratiquer et
par la suite, donc, pratiquer dans autre chose, je pense que c'est un exemple
qui peut être tout à fait pertinent. Parce qu'effectivement développer une
pratique de compassion peut amener des comportements qui sont extrêmement
nuisibles pour les personnes victimes. Donc, moi...
Le Président (M. Benjamin) :
Merci beaucoup...
Mme Dufour (Kathleen) :
...je pense que c'est une clé importante.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci. Alors, nous allons poursuivre avec, maintenant, la députée de Verdun.
Mme Melançon : Merci, M.
le Président. Alors, Mmes Bergeron et Dufour, M. Lysight, ça me fait
plaisir de vous retrouver, parce qu'on a parlé des CAVAC à quelques reprises
ensemble, et notamment lors d'une visite en Mauricie, alors, très, très
heureuse de vous retrouver.
Écoutez, je voudrais revenir sur les
projets pilotes, parce que... Et je tiens à vous le dire, là, dans votre
mémoire, on sent toute l'attention pour les victimes. Et je veux vous le dire,
là, on sent plus que de la compassion, je dirais même de l'amour pour les
victimes, à l'intérieur de ce que vous nous avez déposé. Puis <c'est pour
ça...
Mme Melançon : …et
je
tiens à vous le dire, là, dans votre mémoire, on sent toute l'attention pour
les victimes. Et je veux vous le dire, là, on sent plus que de la compassion,
je dirais même de l'amour pour les victimes, à l'intérieur de ce que vous nous
avez déposé. Puis >c'est pour ça que je veux aller un peu creuser sur
les projets pilotes.
Parce que ça doit être excessivement
déchirant de savoir que... Par exemple, je pourrais dire à Mme Dufour, qui
est en Outaouais : Bien, les filles, chez vous, ne seront pas traitées de
la même façon que dans le Centre-du-Québec ou en Mauricie, parce qu'on va
privilégier un district face à un autre. En tout cas, pour moi, là, comme
députée, comme élue, puis je suis persuadée que je le partage avec d'autres ici
aujourd'hui, là, c'est excessivement dérangeant. Et j'aimerais que vous
puissiez me dire comment, si vous étiez à ma place aujourd'hui, là... comment
est-ce que vous seriez capables de vivre avec ça puis, le projet pilote, vous
le voyez sur combien de temps, juste pour qu'on puisse aider le ministre à
bonifier ce projet de loi.
• (16 h 10) •
Mme Bergeron (Sophie) :
Je vais me permettre de répondre à votre question. On est assez à l'aise avec
l'idée des projets pilotes, dans les CAVAC, parce que notre expérience, c'est
que ça nous permet de voir ce qui est à ajuster. Il faut que vous compreniez
que, nous, ça fait plus de 35 ans qu'on est à l'oeuvre avec les personnes
victimes de violence conjugale, violence sexuelle, et déjà il est dans nos
pratiques, même si, pour nous, il n'y a pas de petit crime, d'adapter nos
pratiques lorsqu'on est en présence de ces personnes victimes là. Donc, pour
moi, projet pilote ou non, dans ma région, pour la prochaine année, je vais continuer
à faire mon travail avec autant d'amour et de passion, comme vous l'avez dit,
et mes collègues qui auront des projets pilotes pourront expérimenter des
choses, bonifier la recette pour que, lorsque ça atterrira chez moi, on soit
avec un produit qui soit le plus intéressant possible.
Mais, tout à l'heure, votre collègue nous
a parlé de l'éléphant dans la pièce, et je vais en reparler. Moi… nous, le
réseau des CAVAC, avons davantage une forte inquiétude quant à l'iniquité qui
pourrait prévaloir dans certaines régions où on aurait des tribunaux
spécialisés en projets pilotes, d'autres projets de la Cour du Québec, et qu'on
ne soit pas en mesure d'avoir toutes les ressources disponibles pour offrir les
mêmes services à toute personne victime, partout au Québec. Ça fait que ça, c'est
inquiétant, je vous dirais, et on a peur. Tantôt, votre collègue disait qu'il
sentait une inquiétude, qu'il sentait comme si on n'y croyait pas. Ce n'est pas
qu'on n'y croit pas. Ça fait tellement longtemps qu'on attend pour ce genre
d'initiative là qu'on trouverait ça très triste que les personnes victimes
doivent attendre ou encore puissent… n'aient pas accès à tous ces services-là
qu'on souhaite bonifier dans chacune des régions du Québec.
Mais, pour la question des projets
pilotes, moi, je… en tout cas, nous, on pense que c'est une recette qui…
d'abord, qu'on implique les acteurs dès le départ, et qu'on les écoute, et
qu'on travaille avec.
Mme Melançon : Je veux
juste vous <rassurer, là, ici…
Mme Bergeron (Sophie) :
...n'aient pas accès à tous ces services-là qu'on souhaite bonifier dans
chacune des régions du Québec.
Mais, pour la question des projets
pilotes, moi, je… en tout cas, nous, on pense que c'est une recette qui…
d'abord, qu'on implique les acteurs dès le départ, et qu'on les écoute, et
qu'on travaille avec.
Mme Melançon : Je veux
juste vous >rassurer, là, ici, tout le monde est d'accord, hein, avec
l'idée. Puis vous le savez, là, parce qu'il y a quand même la députée de Sherbrooke,
la députée de Joliette et moi-même qui étions au travail, donc, pour le
rapport, et, je tiens à le mentionner, là, tout à l'heure, elle a été légèrement
oubliée, mais il y a aussi la ministre de la Condition féminine qui faisait
partie du groupe, alors je tiens à le mentionner. Mais nous, on est tout à fait
d'accord avec ça.
Puis là vous le dites à mots couverts,
encore une fois, donc je vais aller encore plus loin que vous, si vous me
permettez, Donc, vous parlez du programme accès, qui a été annoncé à quelque
part... bien, ça avait été annoncé, semble-t-il, au printemps, mais on en a
entendu parler dernièrement un peu plus... je pense, c'est le 21 ou le
28 septembre. C'est de ça dont vous parlez, très clairement, en disant :
Bien, il ne faudrait pas qu'il y ait un programme accès, puis qu'en plus, à
côté, il se développe d'autres choses, puis que, là, il y ait complètement des
iniquités, puis qu'on ne mette pas les énergies, les ressources aux bons
endroits. C'est ce que vous dites?
Mme Bergeron (Sophie) : Tout
à fait. C'est ce qu'on dit exactement. Tout à fait.
Mme Melançon : Parce que je
pense que c'est important aujourd'hui de nommer les choses. Je trouve qu'il y a
plein de choses qui ont souvent été laissées en suspens, là, dans les derniers
temps, donc je pense qu'on doit bien les nommer et je vous remercie de le
faire.
Concernant la formation, moi aussi, je
veux revenir sur la formation, parce que plusieurs intervenants, en avant-midi,
nous ont rappelé l'importance d'introduire, à l'intérieur du projet de loi, la formation,
pas uniquement pour les juges, mais aussi, hein, pour l'ensemble. Est-ce que
vous êtes du même avis, qu'on devrait intégrer à l'intérieur du projet de loi...
Mme Dufour (Kathleen) :
Tout à fait. Parfaitement, oui.
Mme Melançon : Et
dites-moi pourquoi c'est aussi important pour vous.
Mme Dufour (Kathleen) :
Bien, c'est vraiment pour développer, donc, je répète, un langage commun, une intervention,
une trajectoire de services commune. Il faut que l'ensemble des acteurs du système
soient formés à l'égard des besoins, des réactions, des conséquences de ces
types de crime. Et donc c'est là que tous les acteurs doivent développer une
même approche afin que, donc, le tribunal spécialisé, qu'une division
spécialisée réponde bien aux besoins des personnes victimes. Donc, il faut que tout
le monde soit formé et sensible aux réalités des personnes victimes. C'est
majeur.
Mme Melançon : Et ce que
j'entends en même temps, dans vos propos, depuis tout à l'heure, c'est que vous
êtes inquiètes qu'il y ait une contestation, contestation judiciaire de la part
de la juge en chef, là, on va le dire comme ça, donc. Et, pour éviter, donc,
ceci, on a des intervenants qui sont venus, plus tôt ce matin, qui nous ont dit :
Bien, si on enlevait des irritants, peut-être qu'on serait capable d'éviter, <justement,
cette...
Mme Melançon : …
qu'il
y ait une contestation, contestation judiciaire de la part de la juge en chef,
là, on va le dire comme ça, donc. Et pour éviter, donc, ceci, on a des
intervenants
qui sont venus, plus tôt ce matin, qui nous ont dit : Bien, si on enlevait
des irritants,
peut-être qu'on serait capables d'éviter, >justement,
cette contestation-là. Est-ce que, vous, le mot «tribunal», vous y tenez, ou si
on est capable de trouver une voie de passage pour éviter, justement, toute
forme de contestation? On est capable d'aller là?
Mme Dufour (Kathleen) :
Je crois que oui. Écoutez, on ne vous a pas suggéré, dans le cadre de notre
mémoire, un autre terme pour ça. Ce qu'on peut juste vous dire, c'est que, pour
avoir eu des pourparlers, tant au niveau de la cour, avec la Cour du Québec,
avec nos partenaires, on sent tellement des similitudes étroites dans le désir
de changement qu'on pense, bien humblement, qu'on est vraiment tout près
d'arriver à un consensus pour mettre en oeuvre une approche spécialisée. Je
répète, je ne veux pas suggérer d'autres mots que «tribunal spécialisé», parce
qu'il faut quand même nommer que c'est un terme qui est utilisé à travers le
monde, donc je pense que c'est un terme qui est tout à fait… Mais il faut
entendre, donc, les préoccupations pour arriver à trouver un consensus et
mettre en oeuvre, donc, cet important changement qui est attendu depuis longtemps.
Le Président (M. Benjamin) :
...
Mme Melançon : M. le
Président, merci beaucoup. Vous parliez des situations qui étaient anxiogènes, là,
à l'intérieur des… bien, dans tout le processus, hein, on va le dire comme ça,
là. Puis j'imagine une victime... Je veux juste vous dire, puis je vais faire
la parenthèse ici parce que je ne l'ai pas faite ce matin, mais moi, j'ai
écouté le film La parfaite victime et j'ai vu à quel point, bien sûr,
non seulement c'est excessivement dérangeant… Mais je vous remercie d'amener
ici l'encadrement du contre-interrogatoire, parce que, dans le film, là, on le
sent puis on sent le ton, puis, juste dans le ton qu'il y avait dans mon
téléviseur, moi, je devenais anxieuse, je vais le dire comme ça. Qu'est-ce que
vous pensez de l'encadrement? J'aimerais ça vous entendre, là, on va avoir
1 min 30 s, là, à peu près, là, mais j'aimerais ça plus vous
entendre sur ça parce que c'est nouveau aujourd'hui. Allez-y, Mme Bergeron.
Mme Bergeron (Sophie) :
Oui, je vais y aller. Parce que nous, on est très concret, dans le Réseau des
CAVAC, hein, on parle à travers notre expérience terrain. Donc, la semaine
passée, il y a une dame qui témoignait à la cour dans un dossier de violence
sexuelle, et l'avocat de défense tente de la questionner sur ses habitudes
sexuelles antérieures avec son conjoint, à savoir que cette femme-là avait
parfois… elle aimait ça un peu plus «rough», hein, bon, je vais le dire comme
ça. Je suis désolée d'être aussi concrète, mais c'est comme ça qu'il faut le
démontrer.
Mme Melançon : Exact.
Mme Bergeron (Sophie) :
Et le procureur de la poursuite s'est objecté à cette question-là avec rigueur,
je dirais même avec vigueur, et le juge a tranché sur le fait que <ces
questions-là…
Mme Bergeron (Sophie) :
…elle aimait ça un peu plus «rough», hein, bon, je vais le dire comme ça. Je
suis désolée d'être aussi concrète, mais c'est comme ça
qu'il faut le
démontrer.
Mme Melançon : Exact.
Mme Bergeron (Sophie) :
Et le procureur de la poursuite s'est objecté à cette question-là avec rigueur,
je dirais
même avec vigueur, et le juge a tranché sur le fait que >ces
questions-là n'avaient pas lieu d'être... et ont indiqué à la dame qu'elle
n'avait pas à répondre à ces questions-là, et ça a été terminé.
Alors, nous, quand on parle d'encadrement
du contre-interrogatoire, là, c'est de ça qu'on parle. Il y a des acteurs, dans
notre système de justice, qui ont cette responsabilité de mettre des limites,
de cadrer ce qui doit être cadré, et on sait qu'ils sont capables, quand il y a
des classifications à faire, il y a des lignes directrices plus officielles à
rendre, c'est possible. Mais on sait que c'est possible.
Mme Melançon : Merci.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci. Nous allons poursuivre avec, maintenant, la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Je veux revenir sur la question des projets pilotes. Plus tôt, ce
matin, on rencontrait les deux coprésidentes du comité qui a mené au rapport Rebâtir
la confiance, et elles nous expliquaient que, dans le rapport, elles
proposaient des projets pilotes parce qu'elles ne pensaient pas que le ministre
opterait pour la voie législative, mais que, comme il faisait un projet de loi,
elles nous invitaient à y aller partout en même temps, sans faire de projet
pilote, et à commencer l'implantation.
Vous avez dit qu'on avait besoin qu'il y
ait des ajustements en cours de route. Je partage ça. Si on trouvait un
mécanisme qui permettrait des ajustements, est-ce que vous seriez ouvertes à ce
qu'on y aille dans une implantation, là, à l'échelle du Québec, sans passer par
des projets pilotes, en permettant des ajustements en route?
• (16 h 20) •
Mme Bergeron (Sophie) :
Écoutez, on vous répète que nous sommes prêts. Maintenant, c'est ça, c'est le
fait que les régions, chacune des régions a des choses à ajuster, et ce qu'on
veut éviter, c'est qu'il y ait des iniquités trop grandes dans le déploiement
global, donc, de ces tribunaux spécialisés là. Donc, c'est pour ça que, nous,
de prime abord, l'aspect du projet pilote permettrait de bien identifier quels
sont les ajustements qui doivent être faits pour la mise en oeuvre d'un
tribunal spécialisé dans l'ensemble des régions.
Maintenant, ces projets pilotes là, on
s'entend qu'ils ne doivent pas être déployés sur deux ans, là. Je pense qu'on
serait capable, vraiment, de faire une expérimentation pilote rapide, et pour
répondre aussi à la préoccupation du fait que ça pourrait amener certaines
iniquités qu'une personne victime qui serait dans une région où il y aurait un projet
pilote versus une autre personne victime dans une autre région où il n'y a pas
de projet pilote... Ça pourrait être inéquitable.
Moi, je vous répète que les acteurs sur le
terrain se sont déjà mis en marche pour offrir une approche spécialisée. On
manque malheureusement de temps, mais dites-vous que, dans toutes les régions,
il y a des pratiques qui s'instaurent sans qu'un tribunal spécialisé soit
encore déployé, et ça, ça se répand partout au Québec. Donc, moi, je n'ai pas cette
crainte-là qu'il y aurait vraiment de grandes iniquités. Je répète que
l'expérimentation pilote permettrait de très bien cibler où on doit améliorer
les choses, comment on peut <mieux s'arrimer…
Mme Dufour (Kathleen) :
…sans
qu'un tribunal spécialisé soit encore déployé, et ça, ça se répand
partout au Québec. Donc, moi, je n'ai pas cette crainte-là qu'il y aurait
vraiment de grandes iniquités. Je répète que l'expérimentation pilote
permettrait de très bien cibler où on doit améliorer les choses, comment on
peut >mieux s'arrimer, mais ça ne doit pas être sur une trop longue
période, parce que dites-vous que plusieurs acteurs sont prêts déjà à
travailler ensemble.
Mme Labrie : Quelle
période vous semblerait acceptable?
Mme Dufour (Kathleen) :
Ah! écoutez, c'est difficile, pour nous, d'avancer une période. Est-ce que ça
peut être six mois? Est-ce que ça peut être un an? C'est vraiment, vraiment
difficile pour nous, là, de vous dire. Mais effectivement on ne parle pas de
deux ans, cependant. Peut-être que mes collègues ont une meilleure idée
que moi, là.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci...
Une voix
: …
Le Président (M. Benjamin) :
Malheureusement, malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons.
Donc, je comprends aussi que le député de Chomedey... Est-ce que vous souhaitez
intervenir? Non? Merci. Alors, Mme Bergeron, Mme Dufour,
M. Lysight, merci beaucoup pour votre contribution aux travaux de la
commission.
Je suspends les travaux quelques instants
afin d'accueillir les prochains témoins. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 22)
(Reprise à 16 h 28)
Le Président (M. Benjamin) :
Alors, bonjour. Je souhaite la bienvenue aux représentants du Service de police
de la ville de Montréal, du Service de police de la ville de Québec et aussi au
service de police de la Sûreté du Québec.
Alors, je vous rappelle que vous disposez
de 10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite, donc, à vous
présenter et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.
Service
de police de la ville de Montréal (SPVM), Service de police de la ville de
Québec (SPVQ) et Sûreté du Québec
M. Guertin (Sylvain) :
…l'inspecteur Sylvain Guertin, responsable de la Direction des services
spécialisés en enquêtes à la Sûreté du Québec. Je vais agir comme porte-parole
pour l'allocution initiale. Je suis accompagné aujourd'hui de collègues du
Service de police de la ville de Montréal, soit la commandante Isabelle
Schanck, de la Section des agressions sexuelles, la commandante Anouk St-Onge,
de la Section spécialisée en violence conjugale, et du directeur adjoint Gino
Lévesque, de la Direction des enquêtes et des services spécialisés du Service
de police de la ville de Québec. Je suis également accompagné de ma consoeur
Jessica Paradis, qui est conseillère à la Direction des enquêtes criminelles, à
la Sûreté du Québec.
Dans un premier temps, j'aimerais prendre
quelques instants pour remercier la Commission des institutions de nous avoir
invités, mes collègues et moi, à participer aux présentes consultations dans le
cadre de l'étude détaillée du projet de loi n° 92, qui vise la création
d'un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence
conjugale.
Les violences sexuelles et les violences
conjugales sont malheureusement des problématiques qui touchent l'ensemble de
la société québécoise. En tant qu'organisation policière il s'agit d'événements
auxquels sont confrontés nos policiers au quotidien. C'est, donc, avec
attention et avec un grand intérêt que nous avons suivi les travaux entourant
la création de la division du tribunal spécialisé. Et nous sommes heureux aujourd'hui
d'avoir l'opportunité de vous partager quelques-unes des réflexions à l'égard
de cette initiative.
• (16 h 30) •
Dans un premier temps, nous sommes <ravis
de constater…
>
16 h 30 (version révisée)
< M. Guertin (Sylvain)T :
…c'est donc avec attention et avec un grand intérêt que nous avons suivi les
travaux entourant la création de la division du tribunal spécialisé et nous
sommes heureux
aujourd'hui de pouvoir… d'avoir l'opportunité de vous
partager quelques-unes des réflexions à l'égard de cette initiative.
Dans un premier temps, nous sommes >ravis
de constater l'adéquation qu'il y a entre les travaux et les recommandations
formulées par le comité d'experts sur l'accompagnement des personnes victimes
de violence sexuelle et de violence conjugale, dont le rapport, Rebâtir la
confiance, a été déposé le 15 décembre dernier. Le dépôt de ce projet
de loi et la présente consultation… Pardon. Le dépôt de ce projet de loi ainsi
que la présente consultation démontrent l'importance que notre société accorde
à l'accompagnement des personnes victimes. Il s'agit là d'un geste concret qui
répond aux préoccupations et aux attentes citoyennes.
La Sûreté du Québec, le Service de police
de la ville de Montréal ainsi que le Service de police de la ville de Québec
adhèrent aux objectifs et aux principes du projet de loi n° 92. Ce dernier
permettra de faciliter le passage des personnes victimes à travers les
différentes étapes du processus judiciaire, parfois long et complexe, et
d'accroître leur confiance envers le système de justice. La nécessité d'une
approche adaptée, conjuguée à l'implication d'intervenants formés et sensibles
aux particularités que revêt ce type de dossier, est aujourd'hui reconnue.
D'ailleurs, différents modèles
d'intervention adaptée ont su faire leurs preuves et constituent une réelle
valeur ajoutée d'un point de vue policier dans le traitement des plaintes de
violence sexuelle et conjugale. Pensons, par exemple, à des initiatives comme
le programme Côté Cour, à Montréal, qui a su faire ses preuves au cours des
dernières années. Rappelons que ce service offre de l'aide spécialisée à toute
personne victime devant se présenter à la cour criminelle à la suite d'un
événement de violence conjugale ou familiale.
Dans ce contexte, les dispositions prévues
dans le projet de loi n° 92 sont, en quelque sorte, une occasion de
déployer certaines des bonnes pratiques qui ont cours actuellement dans
différentes régions du Québec et d'en assurer une uniformité. L'expérience de
plusieurs initiatives qui ont aujourd'hui fait leurs preuves démontre le
bienfait du travail et de l'expertise d'équipes dédiées à l'intérêt et au
meilleur accompagnement des personnes victimes. Nos trois organisations
seront heureuses de collaborer à la création et au déploiement de tout projet pilote
inhérent à la mise en place du tribunal spécialisé ou de toute forme d'approche
permettant un meilleur accompagnement des victimes.
Soulignons également qu'un aspect
important du projet de loi n° 92 est la mise en place d'un projet pilote
ou de projets pilotes et que des dispositions sont également prévues pour
l'adoption de règlements subséquents. Diverses variantes peuvent être considérées
afin de favoriser une approche adaptée aux réalités et aux besoins des
personnes victimes. Il nous apparaît, donc, important de souligner quelques
questionnements qui subsistent au regard de l'étendue du projet et de son
déploiement à l'échelle provinciale.
De par la <nature…
M. Guertin (Sylvain) :
...de
règlements subséquents. Divers variants peuvent être considérés
afin de favoriser une approche adaptée aux réalités et aux besoins des
personnes victimes. Il nous apparaît donc important de souligner quelques
questionnements qui subsistent au regard de l'étendue du projet et de son
déploiement à l'échelle provinciale.
De par la >nature des services
dispensés par nos organisations respectives, nous avons une préoccupation à
l'effet que chaque victime au Québec puisse bénéficier du même traitement et
qu'elle ait le droit à un accompagnement et à des services adaptés, et ce, peu
importe son lieu de résidence.
Dans le même ordre d'idées, il s'avère
judicieux de mentionner l'importance de la prise en compte des réalités
culturelles et historiques, notamment celles des Premières Nations et des Inuits.
Considérons également l'importance de faciliter l'accompagnement des personnes
victimes issues de diversités sociales ou sexuelles.
Par ailleurs, nous tenons à souligner la
nécessité d'une approche concertée reposant sur la collaboration des intervenants
ayant à coeur l'accompagnement et le bien-être des personnes victimes.
Dans ce contexte, nous accueillons favorablement
l'ajout des dispositions permettant de préciser à l'intérieur d'un règlement
les modalités inhérentes au tribunal spécialisé, à savoir, notamment, sa
définition, son application et son étendue à l'échelle provinciale. Diverses
options intéressantes peuvent être considérées afin d'offrir un service adapté
et d'optimiser l'accompagnement des personnes victimes. Cela peut se traduire, par
exemple, par l'intégration de services judiciaires et psychosociaux, la
concertation et la collaboration multisectorielles, des installations physiques
adaptées ou encore un dispositif d'aide au témoignage.
Pour conclure, la Sûreté du Québec et le Service
de police de la ville de Montréal ainsi que le Service de police de la ville de
Québec sont heureux de collaborer afin de soutenir toute initiative ou approche
ayant pour objectif d'améliorer le traitement des dossiers d'agression sexuelle
et de violence conjugale. Nous sommes également ouverts à prendre part à toute initiative
susceptible d'améliorer l'expérience des personnes victimes et d'accroître leur
confiance envers le système judiciaire. Nous vous remercions de l'attention et
nous demeurons disponibles pour des questions.
Le Président (M. Benjamin) :
Je vous remercie pour votre exposé. Effectivement, nous allons maintenant
passer à la période d'échange, et je cède la parole tout de suite au ministre
de la Justice.
M. Jolin-Barrette : Merci,
M. le Président. M. Guertin, Mme Paradis, bonjour. Content de vous
voir en personne. Mme St-Onge, Mme Schanck et M. Lévesque,
bonjour. On est heureux également de vous avoir à distance. Merci de participer
et merci aux trois organisations policières, à la fois la Sûreté du Québec, le Service
de police de la ville de Montréal ainsi que le Service de police de la ville de
Québec, d'avoir fait une présentation commune.
Et je pense que ça démontre également le
fait que, dans les grandes organisations policières, bien, il y a vraiment un
souci et un désir d'accompagner les victimes, et c'est souvent... En fait, vous
êtes souvent les premiers à rencontrer les personnes victimes, hein, vos
patrouilleurs qui reçoivent des appels ou même lorsque la personne se présente
au <poste de...
M. Jolin-Barrette :
…dans les grandes
organisations policières, bien,
il y a
vraiment
un souci et un désir d'accompagner les victimes, et c'est
souvent… En
fait, vous êtes souvent les premiers à rencontrer les personnes victimes, hein,
vos patrouilleurs qui reçoivent des appels ou même lorsque la
personne
se présente au >poste de police pour faire une dénonciation. Bien souvent,
ça arrive que, la victime, c'est le premier contact également qu'elle a. Donc,
vous êtes à même de voir la réalité des personnes victimes.
Or, je constate que, pour ces trois organisations,
vous accueillez favorablement la création du tribunal spécialisé. Voulez-vous
nous parler de la réalité que vous vivez avec les personnes victimes? C'est
quoi, l'expérience que les corps de police vivent avec les personnes victimes? Qu'est-ce
que vous avez déployé pour accompagner les personnes victimes? Comment
l'accueil se fait?
M. Guertin (Sylvain) : Oui,
tout dépendant du type de crime, il y a des escouades spécialisées qui ont été
formées. Il faut savoir que, pour travailler en enquête au Québec, les
enquêteurs ont une formation de base qui est suivie à l'ENPQ, ce qui assure une
formation qui est égale à la grandeur de la province. C'est un standard, une
fois que le policier est embauché, il a suivi son cours de base pour être
patrouilleur, bien, s'il rentre dans les équipes spécialisées, il va suivre également
une formation qui est approfondie. Effectivement, c'est la formation qui est
dispensée pour les enquêteurs pour l'ensemble du territoire québécois. C'est
une formation qui est reconnue par l'École nationale de police, qui est un
partenaire important pour les organisations policières. Ça établit les
standards et ça dicte les normes qui sont à respecter.
Pour ça, il y a des formations plus
spécialisées qui sont offertes également par l'École nationale de police, soit
des formations en agression sexuelle ou dans d'autres types de crimes. Et les organisations
policières aussi ont le loisir de travailler avec les… en fonction des réalités
qui sont locales à leur organisation et de développer du matériel soit en
concertation avec différents organismes qui sont présents sur leur territoire
soit de bénéficier de l'expertise des autres organisations qui ont su
développer des programmes qui peuvent être adaptés, et c'est ce qui nous permet
d'être plus conscients et plus aptes à accueillir les victimes et pouvoir
travailler avec elles pour être capables de les accompagner tout au long du processus
judiciaire.
C'est sûr que, des fois, on est la
première porte d'entrée. Malheureusement, les policiers sont appelés à
intervenir dans des situations de crise où est-ce que le premier visage ou le
premier intervenant, c'est au niveau du service de police, mais beaucoup de
personnes victimes ont choisi d'autres voies ou sont allées chercher du support
par des organismes, par d'autres intervenants qui sont reliés, qui peuvent, en
relation d'aide, les accompagner pour différentes étapes, parce qu'il faut
comprendre que les personnes victimes ne sont pas obligées de judiciariser
immédiatement un dossier. Il faut être à l'écoute de leurs besoins parce que
chaque personne victime doit manifester quelle décision… sont maîtres de leur
destinée, et c'est à elles de nous… de choisir, dans le fond, la voie qui va
être retenue en fonction du type de dossier qui est fait.
M. Jolin-Barrette : Et,
ça, je pense, c'est important de le <dire…
M. Guertin (Sylvain) :
…parce que chaque personne victime doit manifester quelles décisions sont
maîtres de leur destinée, et c'est à elles de choisir,
dans le fond, la
voie qui va être retenue en fonction du type de dossier qui est fait.
M. Jolin-Barrette :
Et, ça,
je pense, c'est
important de le >dire, que,
surtout en matière criminelle, il n'y a pas de prescription. Donc, la victime, au
moment où elle sera prête, les services de police vont être disponibles pour
accueillir sa dénonciation, mais ça ne veut pas dire… parce que… Vous n'avez
pas à vous presser. Vous n'avez pas à vous dépêcher. Vous pouvez aller chercher
de l'aide, notamment à l'IVAC, notamment dans les CAVAC, notamment dans les
organismes, du soutien financier, du soutien psychologique. Et, par la suite,
la victime pourra faire le processus avec la police, rencontrer les
patrouilleurs, les enquêteurs, tout le processus.
Je voulais vous demander comment est-ce
que vous voyez le tribunal spécialisé, le continuum de services qui va être
offert, l'accompagnement en lien avec le rôle des corps de police à l'intérieur
du tribunal spécialisé. Comment le percevez-vous? Comment vous voyez qu'on va
intégrer les corps de police là-dedans?
• (16 h 40) •
M. Guertin (Sylvain) :
Tout dépendant de la forme qui va être retenue par rapport… Je pense qu'il y a beaucoup
d'arrimage et de concertation qui devront avoir lieu avec les différents
intervenants, peu importe la région où… Il y a déjà des modèles qui sont en
place, et on a à s'inspirer peut-être de ces bonnes pratiques là qui ont déjà
été déployées. Je citais plus tôt l'exemple de Côté Cour à Montréal. Les
services de police ont un rôle à jouer, mais n'ont pas tous les rôles à jouer
dans le continuum. C'est le travail en équipe qui va faire en sorte qu'on va
être capable d'offrir un meilleur service.
Au niveau des services de police, c'est important
de comprendre ce que l'autre fait et de comment on peut travailler en meilleure
collégialité avec ces partenaires-là, parce que le but n'est pas de prendre la
place de quelqu'un, mais bien de travailler en équipe. Malheureusement, au
niveau du système de justice, à l'occasion, il y a des remises ou il y a un
mauvais arrimage qui fait en sorte que les victimes peuvent vivre des
frustrations supplémentaires dans le cadre d'une judiciarisation d'un dossier.
Quand ça fait plusieurs remises ou une mauvaise communication à différentes
étapes, ça crée certaines frustrations.
C'est important de vraiment bien
travailler en équipe pour être capable d'intégrer du début à la fin et de
comprendre ce qui va se poursuivre dans le continuum de la judiciarisation,
pour être capable de mieux diriger, informer, parce que c'est un droit fondamental
des victimes, d'avoir de l'information qui est cohérente, et qui est soutenue,
et qui est valide en fonction de ce qui va se passer pour la suite, parce que
c'est… Souvent, le premier contact qu'une personne victime va avoir avec le système
de justice, c'est l'événement qu'elles sont… vont vivre, et, si on a la
mauvaise information ou un mauvais arrimage, bien, ça peut créer certaines
frustrations qui vont contribuer à la perte de confiance envers le système de
justice.
M. Jolin-Barrette : Je
prends la balle au bond. Vous avez fait référence à Côté Cour à Montréal. Vous
dites : Bon, ce n'est pas le service de police qui s'occupe de tout, on a
une partie… Donnez-nous l'exemple concret, là, de Côté Cour. Côté Cour, c'est
pour les victimes de violence conjugale. Quel est le rôle, là-dedans, du
service de police — je crois que c'est la ville de Montréal — à
l'intérieur de ce programme-là?
M. Guertin (Sylvain) :
Si vous me permettez, je <solliciterais…
M. Jolin-Barrette :
…vous dites, bon, ce n'est pas le service de police qui s'occupe de tout, on a
une partie. Donnez-vous l'exemple concret, là, de Côté Cour, Côté Cour c'est
pour les victimes de violence conjugale, quel est le rôle là-dedans du service
de police, je crois que c'est la ville de
Montréal, à l'intérieur de ce
programme-là?
M. Guertin (Sylvain) :
Si vous me permettez, je >solliciterais l'apport de ma consoeur de la
ville de Montréal, spécialisée en matière de violence conjugale, qui bénéficie
des services de Côté Cour sur son territoire.
Mme St-Onge (Anouk) :
Oui, bonjour. Donc, effectivement, nous, on soumet les dossiers au DPCP. Donc,
on est assurés et on peut aviser la victime qu'elle va recevoir les services de
Côté Cour. Donc, on peut lui dire, déjà, lorsque l'enquêteur rencontre la
victime, qu'il va y avoir un service avec un travailleur social lorsqu'elle va
se présenter à toutes les étapes du système de justice. Donc, c'est vraiment un
partenaire important, qui est complémentaire au travail des policiers. Donc,
nous, notre travail, comme je vous dis, c'est de soumettre le dossier au
procureur, mais on avise la victime que le système… que Côté Cour va être
présent, va les contacter, qu'ils vont être présents avec eux. Ça fait que ça,
ça peut avoir un effet positif sur la victime de sentir qu'elle se sent
accompagnée dans le système judiciaire, qui peut paraître intimidant pour la
victime.
M. Jolin-Barrette : Je
vous remercie. Peut-être une ou deux dernières questions avant de céder la
parole à mes collègues. Tout à l'heure, vous avez fait référence à la formation
à Nicolet, à l'École nationale de police, qui est donnée. Quelle est
l'importance d'avoir une formation spécialisée pour les agents, les enquêteurs
en lien avec les dossiers? Pourquoi est-ce que c'est important d'avoir une
formation telle qu'elle est offerte à Nicolet?
M. Guertin (Sylvain) :
Dans le cadre des enquêtes, c'est important d'avoir de l'information qui est
pertinente et qui va aider l'enquêteur à être plus efficace et de comprendre
certaines choses qui pourraient être vérifiées par les personnes victimes. Il y
a l'aspect, vraiment, de judiciarisation, qui est comment recueillir des
informations, comment s'assurer qu'elles vont être admissibles à la cour, et
autres. Mais il y a un autre volet, au niveau des rencontres, la façon qu'on va
se comporter, la façon qu'on va reconnaître certains signes, certains
comportements qui vont nous aider à être plus empathiques, plus attentifs aux
besoins de la victime puis d'identifier des besoins qui pourraient être… répond
par l'apport de partenaires, le support de partenaires, et autres. La formation
n'est pas spécialisée… Dans le fond, en agression sexuelle, c'est une formation
qui est vraiment pointue pour ce type d'enquête là. Ça vient outiller davantage
les enquêteurs. Ça vient leur donner des outils supplémentaires pour être plus
efficaces dans leur travail, et surtout ça vient s'inscrire dans une démarche
d'uniformisation aussi pour les policiers sur le territoire québécois.
M. Jolin-Barrette : Une
dernière question, et je cède la parole par la suite. Vous dites, dans votre
mémoire : L'article 3 du projet de loi, c'est une bonne chose, parce
qu'il accorde de la flexibilité, notamment, pour ajuster, pour faire les
modalités… J'ai bien compris, vous êtes en accord avec l'article 3?
M. Guertin (Sylvain) : On
est en accord avec… C'est… par rapport au projet pilote, oui, exactement, on
est accord avec ça, de pouvoir évaluer l'impact que ça va avoir lors du
déploiement, et surtout ne pas se <tromper…
M. Jolin-Barrette :
…une bonne chose parce qu'il accorde de la flexibilité, notamment pour ajuster
et pour faire les modalités. Et j'ai bien compris, vous êtes en accord avec
l'article 3.
M Guertin (Sylvain) :
…on est en accord avec… c'est par rapport au projet pilote, oui, exactement, on
est en accord avec ça. De pouvoir évaluer l'impact que ça va avoir lors du
déploiement et surtout ne pas se >tromper, ne pas faire une action qui
pourrait, dans le fond, avoir des impacts sur le processus et d'être capable de
corriger le tir avant de l'implanter partout. Je pense, c'est une approche qui
est sage dans le déploiement. C'est quand même un changement de culture qui est
important, l'apport des tribunaux spécialisés au Québec, et d'être capable de
tenir compte des particularités régionales, de consulter les intervenants qui
sont déjà sur place, les organismes et de s'adapter avec la clientèle, parce
que, dans les régions, il faut savoir que les personnes qui sont là connaissent
déjà leur environnement, connaissent leur territoire, connaissent les
intervenants, les organismes qui peuvent participer à la mise en place efficace
de ça et de travailler en concertation. Je pense, c'est une sage décision, puis
ça nous permet de ne pas répliquer des erreurs, et surtout de ne pas avoir à
faire marche arrière sur certains aspects, ce qui pourrait décourager certaines
victimes ou contribuer au cynisme qui pourrait s'installer.
M. Jolin-Barrette : Un
grand merci pour votre présence en commission parlementaire. Merci à la Sûreté
du Québec, au Service de police de la ville de Québec et au Service de police
de la ville de Montréal. Donc, un grand merci pour votre présentation.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci. Est-ce que j'ai des… Oui? Alors, j'ai Mme la députée de Lotbinière-Frontenac.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
M. le Président, il me reste combien de temps?
Le Président (M. Benjamin) :
Il vous reste 4 min 20 s.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Donc, bonjour à tous. Moi, j'aimerais savoir… Bien, on a parlé, tu sais, du
projet Côté Cour. J'aimerais qu'on parle du centre des Services intégrés en
abus et maltraitance, le SIAM. Et, dans un autre temps, j'aimerais que vous
parliez de l'importance de la prise en compte des réalités culturelles et
historiques des Premières Nations et des Inuits et aussi d'un accompagnement
pour ces personnes-là. J'aimerais savoir de quelle façon vous voyez ça puis si
vous avez des suggestions.
M. Guertin (Sylvain) :
Si vous me permettez, on a plusieurs partenaires dans la région de Québec par
rapport au SIAM, et le partenaire principal, c'est mon confrère du SPVQ, M. Gino
Lévesque. Je lui céderais la parole pour cet aspect-là.
M. Lévesque (Gino) :
Parfait, merci. Effectivement, au niveau du SIAM, on parle d'un service intégré
d'abus, maltraitance. Donc, ça s'adresse à une clientèle mineure. À cet
endroit-là, effectivement, ça fait quelques années que ça se poursuit, ce
projet-là, c'est un endroit où est-ce qu'on amène l'enfant qui est victime
d'abus, et tous les services se déploient autour. Donc, c'est vraiment le
principe d'un centre de services intégrés, que ce soient des services policiers,
où est-ce qu'on va faire… amorcer l'enquête policière, avec des entrevues vidéo,
entre autres, autant les services médicaux qui sont sur place, les services
juridiques, les services psychosociaux pour prendre en charge autant l'enfant
mais également sa famille.
L'objectif de ça, c'est de s'assurer que
tous les services sont déployés autour de l'enfant et s'assurer qu'il n'y ait
pas de revictimisation au niveau de l'enfant également. C'est géré à partir
d'une coordonnatrice qui s'assure que l'intérêt de l'enfant va toujours <avoir…
M. Lévesque (Gino) :
...sur place, les services juridiques, les services psychosociaux pour prendre
en charge autant l'enfant, mais
également sa famille.
L'objectif de ça, c'est de s'assurer
que tous les services sont déployés autour de l'enfant et s'assurer
qu'il
n'y a pas de revictimisation
au niveau de l'enfant
également. C'est
géré
à partir d'une coordonnatrice qui s'assure que l'intérêt de
l'enfant va toujours >avoir le plus haut niveau pour l'ensemble des
partenaires également. Donc, c'est très positif. Et, vous savez, c'est un
événement traumatisant pour un enfant de passer à travers ces étapes-là, et
également sa famille, et de tenter de se reconstruire après, et, à l'heure
actuelle, ça fait déjà quelques années que ça fonctionne, et les gens qui
passent à travers le processus dans cet environnement-là, adapté, en ressortent
satisfaits des services qu'ils ont reçus, malgré l'événement traumatisant qu'ils
ont vécu. Ça fait que c'est vraiment une plus-value. C'est pour cette raison-là
qu'on croit fortement aux orientations du rapport Rebâtir la confiance, avec
les services intégrés...
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
Parfait, merci. Concernant... sur les réalités culturelles et historiques pour
les Premières Nations et Inuits, est-ce que vous avez des suggestions? Comment
on peut bien les accompagner?
M. Guertin (Sylvain) :
Pour implanter un modèle efficace avec les Premières Nations et les Inuits, je
pense, ça va être vraiment important de prendre le temps de travailler avec les
représentants de la communauté, de considérer les besoins et d'être capable...
C'est dangereux de faire du mur-à-mur, sans tenir compte de ces réalités-là. Si
on prend le modèle Côté Cour de Montréal et qu'on tente de l'appliquer
directement dans une région où est-ce qu'il y a des communautés où les Premières
Nations sont présentes sans nécessairement être à l'écoute de leurs besoins, on
risque de faire fausse route.
Je pense qu'ils sont en mesure de
déterminer les correctifs ou les mesures à mettre en place, à déployer pour
être en mesure d'avoir un modèle qui est efficace, en tenant compte de leurs
réalités, en tenant compte du modèle de guérison, et autres. Il y a différents
aspects qui vont devoir faire partie de la réflexion, et on ne pourra pas faire
cette démarche-là, je pense, par un projet de loi unique, sans se poser la
question… sans les inclure dans la démarche et de leur demander ce qu'elles ont
besoin. Je pense, c'est ce qu'il faut prendre en compte aussi comme
particularité pour les Premières Nations et pour les Inuits.
• (16 h 50) •
Le Président (M. Benjamin) :
Il reste 30 secondes, M. le député de Nicolet-Bécancour.
M.
Martel
:
Bonjour. Compte tenu que vous avez une expertise en cour pour accompagner, en
tout cas, comme témoin, j'aurais aimé ça savoir… Dans le syllabus, là, si on
veut former des juges par rapport à ça, qu'est-ce qui serait, à votre avis, des
éléments essentiels qu'on pourrait retrouver là-dedans?
M. Guertin (Sylvain) :
Pour la formation?
M.
Martel
:
Pour les juges, oui, tu sais, quand vous arrivez au bureau, là, puis vous dites :
Le juge... Y a-tu des choses que vous pensez qui devraient être absolument...
faire partie du syllabus de cours pour les juges?
M. Guertin (Sylvain) :
Bien, vous comprendrez que ce n'est pas nécessairement mon domaine d'expertise.
Au niveau de la formation des juges, je ne connais pas nécessairement le cursus
qu'ils ont, de base. Je serais vraiment mal placé pour être capable de répondre
à la question… parler d'un point de vue policier, on n'est pas contre la <formation...
M.
Martel
:
…pour les juges?
M. Guertin (Sylvain) :
Bien, vous comprendrez que ce n'est pas
nécessairement mon domaine
d'expertise.
Au niveau de la formation des juges, je ne connais pas
nécessairement
le cursus qui ont de base, je serais
vraiment mal placé pour être
capable de répondre à la
question. Je peux parler d'un
point de
vue policier, on n'est pas contre la >formation. Au contraire, on est
pour la formation. Je pense, d'outiller vraiment les intervenants, ça va nous
permettre d'être plus efficaces. Je ne crois pas que ça va nuire à notre
impartialité ou à notre façon de faire les choses. Au contraire, ça va nous
permettre d'être plus efficaces, parce qu'au-delà d'un dossier qu'une personne
qui a peut-être mal réagi dans une intervention il y a aussi l'enjeu d'avoir un
dossier qui…
Le Président (M. Benjamin) :
C'est tout le temps dont nous disposions, malheureusement.
M. Guertin (Sylvain) :
Oui, pas de problème.
Le Président (M. Benjamin) :
Alors, maintenant, nous allons poursuivre les échanges avec la députée de
Verdun.
Mme Melançon : Merci, M.
le Président. Bonjour à vous toutes et tous. Merci beaucoup de passer du temps
avec nous cet après-midi. M. Guertin, je vais commencer par vous dire
merci, parce que vous êtes un des membres, justement, du rapport. Vous avez
travaillé comme membre expert dans le rapport Rebâtir la confiance, puis
honnêtement il ne faut pas passer ça sous silence, parce qu'on a pu avoir
l'expertise, justement, des gens des corps de police, et, pour ça, merci.
Et là je ne vous surprendrai pas, parce
que, dans le rapport, il y a différents chapitres auxquels vous êtes habitué déjà,
mais je pense notamment au chapitre VI dans le rapport, où on parle beaucoup
de la formation, justement, des différents corps de police. À l'intérieur de ce
chapitre-là… parce que, là, j'ai l'air de bifurquer, mais, depuis ce matin, tout
le monde semble… Il semble y avoir un certain consensus que la formation pas
uniquement des juges soit inclue dans le projet de loi que nous allons étudier
dans l'article par article bientôt, mais qu'on puisse aussi intégrer la
formation, par exemple, des policiers, policières, des enquêteurs spécialisés.
Moi, ce que j'ai envie… D'abord, est-ce
que vous seriez à l'aise qu'on puisse intégrer à l'intérieur du projet de loi
n° 92, puis là je regarde M. Guertin, mais vous comprenez que la
question est ouverte, bien sûr, aux corps de police de Montréal et de Québec
aussi… qu'on puisse intégrer la formation dans l'actuel projet de loi, parce
que, là, on… Ça devient encore plus important de dire : Oui, tout le monde
doit s'asseoir, tout le monde doit avoir une certaine formation. Est-ce que,
pour les différents corps de police, il y a acceptation qu'on puisse introduire
la formation dans le projet de loi n° 92?
M. Guertin (Sylvain) :
Comme je disais un peu plus tôt, on travaille déjà avec des partenaires
importants au Québec, soit l'École nationale de police, pour assurer une
uniformité sur la formation offerte aux patrouilleurs au premier niveau, une
fois qu'ils sont… qu'ils suivent leur formation de base, et on travaille
également avec l'École nationale de police, selon la loi de police, pour avoir
des standards au niveau des enquêteurs qui suivent le même type de formation en
fonction des créneaux d'enquêtes dans lesquels ils <vont travailler…
M. Guertin (Sylvain) :
…sur la formation offerte aux patrouilleurs, au premier niveau, une fois qu'ils
suivent leur formation de base. Et on travaille également avec l'École
nationale de police, selon la loi de police, pour avoir des standards au niveau
des enquêteurs qui suivent le même type de formation en fonction des créneaux
d'enquête dans lesquels ils >vont travailler.
Les organisations policières ne sont pas
contre la formation. Il faut s'assurer d'avoir la formation qui est adéquate à
ce qu'on va faire comme travail également. On n'est pas là pour se substituer à
des professionnels qui ont étudié dans l'accompagnement de victimes. On n'est
pas des psychologues, malgré qu'à l'occasion on doit faire preuve d'une
certaine souplesse puis d'avoir un très bon coffre à outils, et on demande à
nos premiers intervenants d'être des généralistes dans peu importe la situation
dans laquelle ils vont devoir être confrontés dans le cadre de leur travail. Ça
va des situations les plus complexes, reliées à de la violence, à des
situations dans lesquelles ils doivent faire preuve d'humanisme, de doigté. Ils
doivent être en mesure de répondre aux besoins de la personne victime ou du
citoyen qui a besoin d'assistance.
Ça fait que, pour la formation, les
organisations policières croient tellement que c'est important, c'est même
enchâssé dans nos obligations, comme services de police, d'offrir ces
formations-là à nos membres pour qu'ils puissent se développer. C'est
également, pour la plupart des organisations, tellement important qu'on va se
doter d'équipes qui vont développer du contenu de formation à l'interne qu'on
va être capable de diffuser, et, entre nous, entre organisations policières, on
va être capable de s'échanger ce matériel-là par différentes plateformes. Entre
autres, avec l'École nationale de police, il y a une plateforme où qu'on peut
rendre disponibles des contenus de formation. C'est, d'ailleurs, des
organisations policières qui contribuent avec l'ENPQ à nourrir cette
plateforme-là qui va pouvoir bénéficier à d'autres organisations qui n'auraient
peut-être pas les budgets, les capacités de construire ce matériel-là.
Ce qu'il ne faudrait peut-être pas faire
ou tenter de faire, c'est de former 21 000 policiers au Québec pour
qu'ils soient des spécialistes dans chacun des créneaux, parce qu'à un moment
donné on ne s'en sortira plus non plus, et on ne peut pas avoir le même cursus,
et on ne demande pas à nos policiers d'avoir le même cursus non plus que les
intervenants hyperspécialisés avec qui on va travailler. Je pense que, de
travailler en équipe avec les experts, c'est ce qui va nous permettre d'être
plus efficaces, et on a cette expertise-là dans les différents organismes qui
sont présents sur le terrain, qui viennent nous aider à optimiser notre travail
puis d'être plus efficaces quand on intervient auprès des personnes victimes.
Mme Melançon : Si je peux
simplement me permettre, c'est que, ce matin, on discutait aussi avec des
maisons d'hébergement, qui nous disaient : Bien, probablement qu'on va
pouvoir avoir plus de dénonciations à partir du moment où on aura rebâti la
confiance, d'où le titre du rapport. Et j'imagine… J'aimerais savoir… Actuellement,
là, un patrouilleur, c'est quoi, la durée de la formation à Nicolet sur les
violences sexuelles?
M. Guertin (Sylvain) :
Je ne voudrais pas… Je pense, c'est 25 heures dans le cursus de base puis,
après ça, c'est des formations, mais je ne suis pas… Ça fait…
Mme Melançon : O.K. Non,
mais il n'y a pas d'attrape, hein, loin de là, là.
M. Guertin (Sylvain) :
Je ne voudrais pas me…
Mme Melançon : Ce n'est
pas le but du tout, mais c'est surtout parce qu'à partir du moment <où…
Mme Melançon : …à
Nicolet sur les violences sexuelles?
M. Guertin (Sylvain) :
Je ne voudrais pas… je pense c'est 25 heures dans le cursus de base, puis après
ça, c'est des formations, mais je ne suis pas… ça fait longtemps…
Mme Melançon :
O.K.
Non, mais il n'y a pas d'attrape, hein, loin de là, là.
M. Guertin (Sylvain) :
Je ne voudrais pas me…
Mme Melançon : Ce n'est
pas le but du tout, mais c'est surtout parce qu'à partir du moment >où
on est à 5 % de dénonciations pour les violences sexuelles, s'il y a une
augmentation, ça veut dire que les policiers vont avoir encore plus affaire
finalement avec des victimes, et, pour nous, je pense que c'est là toute l'importance,
justement, qu'on recherchait, bien sûr, avec le rapport, c'était de pouvoir
avoir… Bon, on va en accueillir plus. On va devoir, donc, être encore plus
attentifs. Puis, comme moi, vous avez lu… puis je ne suis pas là pour ne lancer
aucune roche, là, mais, comme moi, vous avez lu des histoires malheureuses,
dans les journaux, où les victimes ne sont pas accueillies, en tout cas, ou on
ne pose pas la question de la façon la plus délicate à une victime qui vient
auprès d'un corps de police.
Donc, pour moi, il est vraiment
primordial d'avoir des patrouilleurs toujours mieux formés, surtout pour
accueillir plus de victimes, parce que le but, c'est qu'on puisse aller encore
plus en dénonciation, dans un premier temps. Et, pour les grands corps de
police, je pense à Québec et à Montréal, je pense que vous avez quand même le personnel.
Je pense beaucoup à la Sûreté du Québec, où c'est plus étendu, hein, sur tout
le territoire. Puis je sais qu'il y a des postes. Bien sûr qu'il y a des
quartiers généraux, mais malheureusement il y a aussi des tout petits postes de
police où, parfois, on va se retrouver avec un véhicule pour un territoire. Ça
va être plus difficile, j'imagine, d'avoir soit des enquêteurs, en tout cas,
destinés directement à la victime ou encore des patrouilleurs.
Donc, c'est pour ça que, pour moi, la
formation, si on était capable de l'introduire directement dans le projet de
loi n° 92, on vient répondre, bien sûr, à une demande et aussi à une
préparation pour la suite des choses. Je ne sais pas si j'ai la bonne lecture,
là.
M. Guertin (Sylvain) :
Bien, au niveau… C'est sûr qu'on a un défi. Bon, chaque territoire à ses défis.
La densité de population peut être un défi, l'étendue du territoire peut en
être un également. Mais on a l'avantage de travailler avec des partenaires qui
sont engagés également dans chacune des régions. Ça fait qu'il y a une
couverture pour des personnes qui ont des spécialités.
C'est sûr que, dans certains services, bien,
ils sont moins présents dans certaines régions. On le conçoit. C'est pour ça
que les modèles de coordination forts et la centralisation de la formation avec
l'École nationale de police permet d'avoir un standard pour les policiers du
Québec, puis, ça, on y croit beaucoup, parce que c'est des outils qui sont
uniformes, parce qu'encore pire que de ne pas avoir de formation, c'est d'avoir
des formations qui ne sont pas égales ou pas de formation du tout, ça fait que
c'est d'avoir un équilibre dans tout ça pour être le plus efficace possible.
• (17 heures) •
Et j'aimerais peut-être juste… Vous avez
mentionné, tantôt, d'augmenter le taux de dénonciation puis de judiciarisation.
Nous, on croit beaucoup qu'en temps et lieu la victime qui va bien être bien
accompagnée va être capable de choisir par elle-même si elle veut aller de ce <côté-là.
Il faut…
>
17 h (version révisée)
< M. Guertin (Sylvain) :
…c'est d'avoir un équilibre dans tout ça pour être le plus efficace possible.
Et j'aimerais
peut-être juste…
Vous avez mentionné tantôt d'augmenter le taux de dénonciation puis de
judiciarisation. Nous, on croit
beaucoup qu'en temps et lieu la victime
qui va être bien accompagnée va être capable de choisir par elle-même si elle
veut aller
de ce >côté-là. Il faut respecter ce choix-là. Nous,
on est là pour offrir un service de qualité au moment où est-ce que la personne
victime va être prête à décider d'aller vers cette voie-là, et, pour plusieurs
raisons, il y en a qui ne prendront jamais cette avenue-là. C'est juste que, si
on n'est pas bien arrimé avec nos partenaires, il y a peut-être des
communications qui vont faire en sorte qu'il y a des frustrations qui vont se
vivre, et une personne qui aurait pu être tentée d'aller vers une
judiciarisation va décider de ne pas y aller.
Mme Melançon : Et
j'entendais tout à l'heure les gens de CAVAC nous dire : Partout sur le
territoire, là, il y a un signal, quand même, qui a été envoyé avec Rebâtir
la confiance, avec le rapport, et les gens sont déjà au travail. J'imagine
que c'est un peu la même chose aussi avec les différents corps de police,
j'imagine qu'on en a entendu parler, on est en préparation. Vous disiez tout à
l'heure : Il y a 21 000 policiers, quand même, là, qui vont être
à former, puis là, bien, pour la formation, ça va nous prendre aussi un certain
temps. J'imagine que les corps de police ont quand même emboîté le pas, déjà.
M. Guertin (Sylvain) :
Je vous confirme que les corps de police sont en mouvement, on s'adapte à la
situation, et présentement il y a des gestes concrets qui ont été posés pour
avoir du personnel supplémentaire, dans la plupart des services de police, pour
développer du matériel de formation. Ça fait que, ça, oui, il y a des équipes
dédiées, mais le matériel de formation, s'il n'est pas disponible, ça vient
difficile de former. Ça fait qu'il y a des gestes concrets.
Sans rentrer dans les détails spécifiques
de chacune des organisations, combien de personnes, ce matériel-là qui est
développé, que ça soit à la Sûreté du Québec, avec l'octroi de ressources
supplémentaires qu'on a eues, ou que ça soit au Service de police de la ville
de Montréal ou avec l'équipe de Québec, qui renforcit son équipe au niveau de
l'intervention en violence conjugale également, c'est des initiatives qui sont
prises localement. Mais vous nous voyez aujourd'hui parler d'une seule voix,
les trois plus grosses organisations policières au Québec, et c'est un signe
clair qu'on veut envoyer aussi. On travaille en concertation puis on travaille
en équipe pour combattre le crime et toutes les formes de crime. Oui, les
manchettes dernièrement, c'est beaucoup le crime organisé qui a fait surface,
mais on travaille également à être meilleurs en échangeant nos bonnes
pratiques, en travaillant en équipe avec les autres organisations policières
pour offrir un service de qualité, et ce, dans toutes les régions du Québec.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci. Merci, Mme la députée de Verdun. Nous allons poursuivre avec la députée
de Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci. Vous
avez abordé tantôt la question de l'efficacité dans l'intervention auprès des
victimes. Un des objectifs des tribunaux spécialisés, c'est de réduire les
délais dans le cheminement des dossiers. Ça m'amène à vous poser la question
sur le délai au moment où le dossier se trouve à la police. Il y a eu une
hausse importante des dénonciations, dans les dernières années, déjà, on en
anticipe de nouvelles, et les victimes souvent nous parlent des délais, nous
parlent des délais après qu'elles ont enregistré leur plainte. Souvent, elles
sont longtemps sans nouvelle, ne savent pas ce qu'il se passe avec leur
dossier. C'est des témoignages qui sont redondants. Est-ce qu'il y a un enjeu
d'effectifs pour réussir à assurer des <meilleurs délais…
Mme Labrie : …on
en
anticipe de nouvelles, et les victimes souvent nous parlent des délais, nous
parlent des délais après qu'elles ont enregistré leur plainte. Souvent, elles
sont longtemps sans nouvelles, ne savent pas ce qui se passe avec leur dossier.
C'est des témoignages qui sont redondants. Est-ce qu'il y a un enjeu
d'effectifs pour réussir à assurer des >meilleurs délais de traitement
des dossiers?
M. Guertin (Sylvain) :
Chaque organisation policière a peut-être des réalités qui sont propres à elle.
Je peux vous dire que, pour la plupart des organisations policières, on a eu effectivement
des défis, dans les dernières années, d'être capable de faire face au nombre de
dossiers supplémentaires, entre autres, suite à #metoo, il y a eu une hausse,
une tendance qui a été observée en agressions sexuelles avec plus de dossiers
enregistrés, bon an, mal an, au fil des années. Ça a tendance à se stabiliser.
Et il faut faire des choix, comme organisation,
après ça, de réattribuer les effectifs pour être capable de réduire ces
délais-là. Et c'est ce que les organisations policières ont fait, au cours des
dernières années, d'être capable de réaffecter des ressources, des ressources
des enquêteurs qui ont le profil et la formation requise. C'est toujours ça qui
est le défi. Ce n'est pas tout de mettre un enquêteur à travailler des
dossiers. Mais, s'il n'a pas le bon profil puis qu'on offre un service de
mauvaise qualité, au moment de rencontrer la victime, je pense qu'aussi on
pourrait être taxés ou on pourrait créer certaines frustrations au niveau de la
satisfaction des victimes.
Il faut savoir, par exemple, que les
victimes ont le droit à de l'information. C'est important qu'elles soient en
tout temps informées de ce qui se passe dans leur dossier. Et on travaille vraiment
d'arrache-pied avec nos partenaires, entre autres avec les CAVAC, qui, dans le
cadre de la référence policière, vont nous donner un support pour nous assister
à transmettre de l'information pertinente à différentes étapes du processus
judiciaire : avant la judiciarisation, pendant et au moment de la sentence
également.
Il y a différentes étapes qui sont
charnières dans les dossiers. Et les procédures, dans les différents services
de police, sont à l'effet qu'il faut être capable de donner cette information-là
lorsqu'elle est demandée. Mais il faut savoir aussi que la victime peut en tout
temps la demander, cette information-là, également. En connaissant c'est qui, l'enquêteur
qui est à son dossier, on est capable de lui répondre, mais c'est aussi à l'enquêteur
ou au service de soutien des CAVAC, qui travaille en référence policière dans
les organisations, de donner cette information-là au temps opportun pour la
victime.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci.
Une voix
: …
Le Président (M. Benjamin) :
Malheureusement, plus. Au tour maintenant de la députée de Joliette.
Mme
Hivon
:
Oui. Merci beaucoup. J'ai très peu de temps, j'aurais plein de questions. Je
veux juste vous dire merci beaucoup, merci de vous être unis ensemble. Nous,
les partis, on a travaillé de manière transpartisane pour le rapport, puis
c'est vraiment rassurant de voir que les corps policiers sont capables aussi
d'être dans la transpartisanerie aujourd'hui.
Écoutez, je veux revenir sur toute la
question de la formation. Je comprends qu'il y a des équipes spécialisées à
Montréal, j'imagine à Québec aussi, vous pourrez me le confirmer, à la SQ.
Comme disait ma collègue, ce n'est pas évident nécessairement partout. D'où ma
question : Est-ce que, selon vous, ce qu'il faut viser… Parce que vous
venez de dire : Si on n'a pas le bon profil, on ne sera pas plus avancés.
Donc, moi, je suis portée à penser que l'idée d'avoir une formation puis une
spécialisation, c'est un plus. Est-ce que, vous, <dans votre…
Mme
Hivon
:
…vous
pourrez me le confirmer, à la SQ. Comme disait ma collègue, ce n'est
pas évident nécessairement partout. D'où ma question : Est-ce que, selon
vous, ce qu'il faut viser… Parce que vous venez de dire : Si on n'a pas le
bon profil, on ne sera pas plus avancés. Donc, moi, je suis portée à penser que
l'idée d'avoir une formation puis une spécialisation, c'est un plus. Est-ce
que, vous, >dans votre optique, c'est une formation de base à tous sur
la question des violences sexuelles et conjugales, plus une spécialisation pour
certains qui vont y être dédiés ou qui vont en faire une partie de leur
pratique? Donc, est-ce que c'est un plus l'autre ou est-ce que c'est un ou
l'autre? Donc, je voudrais vous entendre là-dessus : formation versus
spécialisation.
M. Guertin (Sylvain) :
Il y a des formations qui sont données au moment où est-ce que le policier va
être formé à l'École nationale de police, qui va lui permettre d'avoir des
outils. Ça prend certaines mises à jour... Pardon, je vais changer...
Mme
Hivon
:
...tous les étudiants à la base, là, c'est ça, comme notre cours général en
droit? Parfait.
M. Guertin (Sylvain) :
Oui, exactement, pour lui donner les outils pour qu'il soit capable
d'intervenir sur le terrain au quotidien, étant donné que, dans le cadre de ses
interventions, il va être appelé à faire face à ce type de dossiers là. Et
après ça il y a des spécialités qui sont données aux enquêteurs, qui vont
travailler soit en fonction des crimes contre la personne, les agressions
sexuelles, du crime organisé, peu importe la spécialité qu'il va y avoir dans
les dossiers.
Parce que ce qui est important, aussi,
c'est d'outiller nos gestionnaires. Parce que, ce qu'on a observé avec le
temps, c'est que certains enquêteurs qui étaient très bons, à une certaine
époque, qui repartent chez eux avec le bagage émotionnel à chaque jour du
travail auprès des victimes, bien, ça devient difficile parce qu'à un moment
donné on peut mettre ça dans un coin puis, à un moment donné, cet espace-là
qu'on a en nous, elle déborde, puis, si on ne met pas les bons outils pour
reconnaître ces symptômes-là, si on ne donne pas les débriefings pour les
policiers aussi, bien, ces policiers-là ont tendance à être moins efficaces
avec le temps.
Quand on parle de profils, on parle
d'aptitudes dans des créneaux spécifiques, parce que ce n'est pas donné à tout
le monde d'être empathique au moment de rencontrer une victime, mais ils sont
très performants dans d'autres créneaux d'enquête qui ne nécessitent pas les
mêmes aptitudes. Je pense que ça, c'est important à spécifier. Et je pense
qu'il y avait un autre aspect... Oui?
Mme
Hivon
:
...votre collègue...
Le Président (M. Benjamin) :
Malheureusement, malheureusement, il ne reste plus de temps. Donc,
Mme Anouk St-Onge, Mme Isabelle Shank, monsieur...
Une voix : …
Le Président (M. Benjamin) :
Ah! vous m'avez... M. le député de Chomedey, il va falloir que nous nous
parlions, parce que...
M. Ouellette : Oui.
Le Président (M. Benjamin) :
Alors, allez-y, M. le député de Chomedey.
M. Ouellette : Merci, M.
le Président. Il va falloir que je fasse un petit peu plus de bruit.
Je pense que le... Bien, bonjour à tout le
monde. Merci d'être là. Je pense que notre plus grand défi, puis, quand je dis «notre»,
le défi des législateurs, le défi de vous autres sur le
terrain — c'est un très bel exemple que vous soyez ensemble
aujourd'hui — ça va être l'uniformité puis la cohésion. Les réalités
de Québec, ce n'est pas les réalités de Montréal puis ce n'est pas les réalités
de la Sûreté du Québec, sauf qu'il y a des interventions qui devront être
uniformisées pour que, les gens, on parle tous le <même langage...
M. Ouellette :
…ça va être l'uniformité puis la cohésion. Les réalités de Québec, ce n'est pas
les réalités de Montréal puis ce n'est pas les réalités de la Sûreté du
QuébecT, sauf qu'il y a des interventions qui devront être uniformisées pour
que, les gens, on parle tous le >même langage. Je comprends qu'il y a
une formation de base, je comprends qu'il y a une formation spécialisée, c'est
beau sur papier, on pourra en parler longtemps, puis on va sûrement en reparler
en étude détaillée avec le ministre.
Mais ce que je retiens de votre mémoire,
là, c'est une ligne : Il y a des bonnes pratiques, puis il faut assurer
l'uniformité de ces bonnes pratiques là, c'est le succès. On aura beau avoir un
cursus pour les juges, mais la première des choses, le cursus pour les juges,
il faudrait que ça soit écrit que les policiers doivent dire la vérité. Ça,
c'est la première des choses. Et, après ça, si nos victimes ne sont pas
adéquatement amenées devant les tribunaux ou… «amenées» n'est pas le bon terme,
accompagnées devant les tribunaux, bien, je pense qu'on travaille… tout le
monde, on travaille pour rien, là.
Ça fait que c'est une grande tâche, mais
l'uniformité va être la clé de tous les efforts qu'on va faire à Montréal, à
Québec et au niveau de la Sûreté du Québec.
• (17 h 10) •
Le Président (M. Benjamin) :
Vous disposez de 30 secondes, si vous souhaitez réagir. Non?
M. Guertin (Sylvain) :
…j'aimerais peut-être profiter du 30 secondes qui me reste pour remercier
le député de Chomedey pour… On travaille fort pour arriver à ça. Puis je
remercie l'ensemble des personnes ici présentes aujourd'hui de travailler
également à mettre en pratique certaines des recommandations du rapport Rebâtir
la confiance. Je pense que ça ne peut pas se faire seul, on a besoin de
votre support. Et vous avez démontré par des mesures concrètes, dans les
dernières semaines, derniers mois, que ce rapport-là ne sera pas tabletté. Il
porte un nom, qui est de Rebâtir la confiance, c'est important, c'est
vraiment l'apport de tous les intervenants qui étaient réunis, ça a été une
tâche colossale. Et de voir que vous reprenez certains de ces chapitres-là
aujourd'hui, c'est vraiment très valorisant pour les personnes qui ont
travaillé, de près ou de loin, pour le bien-être des victimes. Merci beaucoup.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci. Merci beaucoup. Alors, Mme Anouk St-Onge, Mme Isabelle
Schanck, M. Gino Lévesque, Mme Jessica Paradis, M.Sylvain
Guertin, merci pour votre contribution à nos travaux.
Je suspends la commission quelques
instants, le temps de recevoir nos autres invités.
(Suspension de la séance à 17 h 11)
(Reprise à 17 h 21)
Le Président (M. Benjamin) :
Alors, voilà, donc, nous allons reprendre nos travaux. Je souhaite à bienvenue
à Me Roxane Roussel, spécialiste en droit familial.
Je vous avise, membres de la commission,
que nous avons reçu les notes de présentation de Me Corte et de
Mme Desrosiers, qui se trouvent sur Greffier. Mais, pour tout de suite,
nous allons recevoir <Me Roussel…
Le Président (M. Benjamin) :
…alors voilà, donc nous allons reprendre nos travaux. Je souhaite à bienvenue à
Me Roxane Roussel, spécialiste en droit familial.
Je vous avise, membres de la
commission,
que nous avons reçu les notes de présentation de Me Corte et de
Mme Desrosiers, qui se trouvent sur Greffier. Mais, pour tout de suite,
nous allons recevoir >Me Roussel. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, après quoi nous procéderons à la période
d'échanges avec les membres de la commission. Je vous invite, donc, à vous
présenter et à procéder à votre exposé.
Mme Roxane Roussel
Mme Roussel (Roxane) :
Merci à tous. Je me présente, je m'appelle Roxane Roussel, je suis une avocate
civiliste spécialiste en droit de la famille. Je pratique depuis déjà 27 ans,
principalement dans le district de Terrebonne, qui s'avère être le deuxième
plus gros district judiciaire au Québec, là, au niveau des volumes de dossiers.
J'accompagne mes clients, mes clientes au cours de leur séparation et je suis
active devant les tribunaux, tant à la Cour supérieure qu'à la Cour du Québec,
chambre de la jeunesse.
C'est entendu que la création d'une
nouvelle division de la Cour du Québec à la chambre criminelle et pénale
m'interpelle et m'apporte aussi, avec cette nouvelle division-là, certains
questionnements. En effet, dans le cours de ma pratique courante, les questions
que je me pose, c'est de quelle façon on va pouvoir arrimer les diverses
instances auxquelles doit faire face une victime, particulièrement en matière
de violence conjugale.
C'est entendu que la nouvelle division va…
et pour les violences sexuelles et les violences conjugales, mais il faut
comprendre, comme je l'explique dans mon mémoire, que ce n'est pas
nécessairement le même type de victime. Une victime de violence sexuelle peut
parfois ne pas connaître son agresseur, ça peut être un événement qui va être
ponctuel, isolé et imprévisible. Dans le cadre d'une victime de violence
conjugale, le terme le dit, hein, c'est que la victime connaît son agresseur
pour être avec lui dans une relation qui, parfois, dure depuis plusieurs années,
et le phénomène de la violence a lieu sur un laps de temps qui est plus long.
L'un et l'autre sont aussi sérieux; par contre, les besoins de l'une et l'autre
des victimes peuvent différer.
La question principale que je me pose,
c'est qu'il y a une multiplication des tribunaux auxquels doit faire face la
victime de violence conjugale, en ce que non seulement elle va faire une
dénonciation auprès des policiers, pour ce qui va être de la facette pénale du
dossier, par contre, s'il y a des enfants qui sont présents, elle va devoir
aussi, probablement, aller devant la Cour du Québec, chambre de la jeunesse,
pour que soient décidées les questions de sécurité et de protection des
enfants, et elle devra également s'adresser à la Cour supérieure pour la
question des aliments, la question <aussi de…
Mme Roussel (Roxane) :
...va devoir aussi, probablement, aller devant la Cour du Québec, chambre de la
jeunesse, pour que soient décidées les questions de sécurité et de protection
des enfants, et elle devra également s'adresser à la Cour supérieure pour la
question des aliments, la question >aussi de l'usage de la résidence
familiale, la question du partage des biens. Chacun de ces tribunaux possède sa
propre législation. Chacun de ces tribunaux possède sa propre juridiction, et
devant chacun de ces tribunaux, là aussi... de ces tribunaux-là, il va falloir
qu'il y ait un fardeau de preuve différent qui soit offert. Ce sont tous des
acteurs différents.
Dans le rapport du groupe de travail sur
la mise en place d'un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de
violence conjugale, qui a été produit en août 2021, j'ai constaté que
beaucoup des recommandations considéraient uniquement le côté pénal et que le
côté civil auquel devait faire face la victime était complètement évacué de la
question.
Il y est question, dans le rapport du
groupe de travail, du modèle espagnol dans lequel un tribunal pouvait
bénéficier de compétences civiles et pénales à la fois. C'est entendu qu'au
Québec, considérant qu'on a une double juridiction quant à nos tribunaux, que
ce soit provincial, pour la Cour du Québec, et fédéral, pour la Cour
supérieure, il va falloir prévoir où il y aurait certaines difficultés qui vont
devoir être aplanies de ce côté-là, si on veut... si on décide de donner des
compétences civiles dans un tribunal qui traiterait de la question globalement.
La création de cette division spéciale ne doit pas avoir pour effet d'alourdir
le processus judiciaire en multipliant les intervenants auprès de la victime.
Un des constats qui a été fait dans ma
pratique, ce sont les délais et le manque de coordination entre les différents
tribunaux. Trop souvent la Cour supérieure serait en mesure de rendre une
décision rapide par une mesure de sauvegarde qui peut être prononcée dans les
48 heures, là, suivant, là, la production de la demande en justice, alors
que la Cour du Québec, à ce moment-là, attend d'être saisie d'une demande par
la directrice de la protection de la jeunesse, parce que les évaluations de
signalement ne sont pas faites. Et même, pire, ça va arriver aussi que les
procès au mérite pourraient être entendus avant même que la cour criminelle ait
pu tenir une audition à savoir si l'agresseur est coupable ou non. Donc, on a
non seulement un problème de délai, mais on a aussi un problème d'assurer un
ordre de priorité entre les tribunaux.
De mon avis, il est essentiel que les <délais
du tribunal...
Mme Roussel (Roxane) :
...à
savoir si l'agresseur est coupable ou non. Donc, on a non seulement
un problème de délai, mais on a aussi un problème d'assurer un ordre de
priorité entre les tribunaux.
De mon avis, il est essentiel que les
>délais du tribunal pénal soient raccourcis, parce que la décision qui
est rendue au pénal est déterminante pour les autres instances. Sinon, la
réalité qu'on a à vivre, en Cour supérieure et devant le Tribunal de la
jeunesse, c'est que le juge doit vivre avec la présomption d'innocence de
l'agresseur et le juge prend un risque en rendant sa décision.
Une des solutions qui est proposée par le
rapport qui est produit par le groupe de travail, c'est l'avènement d'un
coordonnateur judiciaire. De mon avis, c'est le chaînon manquant, actuellement,
parce que ça va prendre vraiment une coordination entre les différents systèmes
de justice auxquels les victimes doivent faire face. Donc, on parle beaucoup
dans le rapport d'avoir des poursuites verticales. Moi, ce que je vois plutôt,
c'est un problème au niveau horizontal, quand on a à faire face à plusieurs
tribunaux en même temps.
Quant à la formation, quant au programme
de formation et le programme de perfectionnement qui est demandé au Conseil de
la magistrature, dans le rapport du groupe de travail, on recommande une formation
spécialisée pour les procureurs. De mon avis, sans une formation pour les
juges, on n'arrivera pas aux effets recherchés en formant uniquement les
procureurs.
Trop souvent, dans les tribunaux que je
fréquente, le juge se trouve dans une situation où il n'y a pas de décision
finale au pénal. Le juge doit se fier à son instinct, à la crédibilité des
parties. C'est entendu qu'en matière de violence, que ce soit de la violence
sexuelle ou même en matière de violence conjugale, chacun a sa propre
perception de ce qu'est la violence. Donc, de mon avis, cette formation-là est
essentielle parce que la notion de violence ne peut pas être une notion personnelle
du décideur. Il faut absolument que les juges puissent aussi comprendre la
réalité de la victime et comprendre aussi sa vision à elle. De mon avis, il
devrait y avoir des formations distinctes en matière de violence sexuelle et en
matière de violence conjugale, pour les motifs que j'ai expliqués au début de
mon exposé, à l'effet que c'étaient deux types de victimes.
• (17 h 30) •
Également, je pense que le programme
devrait prévoir une formation de base, générale, offerte à tous les juges, mais
qu'il y ait aussi une formation spécialisée pour le candidat juge qui va
accepter de siéger à cette nouvelle division. Je pense que c'est important qu'il
y ait des formations spécialisées en matière de <sociologie, que ce
soit...
>
17 h 30 (version révisée)
< Mme Roussel (Roxane) :
…une formation de base générale offerte à tous les juges, mais qu'il y ait
aussi une formation spécialisée pour le candidat juge qui va accepter de siéger
à cette nouvelle division. Je pense que c'est important qu'il y ait des
formations spécialisées en matière de >sociologie, que ce soit de
comprendre le milieu de vie de la victime, de comprendre aussi comment
fonctionnent ses relations avec les pairs, aussi qu'il y ait des notions de psychologie,
l'interaction entre la victime et son agresseur, des notions de santé mentale.
La juge en chef est préoccupée par la
préservation de l'indépendance judiciaire de ces magistrats. Je pense que,
justement, cette indépendance-là, judiciaire, va être préservée à partir du
moment où les juges pourront être instruits quant à ces sujets-là d'actualité.
Comme il s'agit de sujets qui sont sensibles, qui impliquent des émotions et
des perceptions personnelles de la part, là, du décideur, je pense qu'il faut
lui donner le plus d'information possible pour qu'il puisse maintenir son
objectivité. Donc, la formation qui est proposée et qui est prévue dans le
projet de loi est, de mon avis, nécessaire et appropriée. Je vous remercie.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci, Me Roussel, pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter les
échanges, et j'invite le ministre de la Justice à commencer.
M. Jolin-Barrette :
Bonjour, Me Roussel.
Mme Roussel (Roxane) :
Bonjour.
M. Jolin-Barrette : Merci
beaucoup d'être présente aujourd'hui en commission parlementaire. Écoutez, vous
présentez un point de vue qui est très intéressant puis qui n'a pas été abordé
à date dans les consultations parce que vous faites le lien avec les autres
volets du droit, les autres dossiers, les autres chambres, je voudrais dire, donc,
la chambre civile, puis même la chambre de la jeunesse, puis c'est des chambres
spécialisées, hein, civile, jeunesse. Il y a même un tribunal des droits de la
personne, même un tribunal des droits de la profession. En tout cas, ça, c'est
autre chose.
Mais vous soulignez un point important
relativement à la formation. Vous dites : Écoutez, c'est important que
l'ensemble des acteurs soient formés, particulièrement les juges. Moi, ce que
je me suis fait dire, c'est de dire : Bien, écoutez, les seuls, si jamais
il y a une formation pour les juges, qui devraient suivre la formation, ça
devrait être ceux qui sont à la division ou au tribunal spécialisé en matière de
violence sexuelle et conjugale. Mais là vous, ce que vous apportez, vous dites :
Écoutez, attention, parce que des juges qui devront statuer sur la garde à la Cour
du Québec, chambre civile, bien, eux aussi… ou en chambre de la jeunesse, eux
aussi devront avoir une connaissance de la violence sexuelle ou la violence
conjugale afin de pouvoir rendre une décision. Est-ce que j'ai bien compris?
Mme Roussel (Roxane) :
Bien, particulièrement, c'est sûr que les juges qui siègent à la Cour du
Québec, chambre de la jeunesse, font face souvent à des dossiers où il y a de
la violence conjugale d'impliquée. Moi, ce à quoi je faisais référence, c'est
que c'est entendu que le Conseil de la magistrature, dans le projet de <loi,
si…
M. Jolin-Barrette :
…j'ai bien compris?
Mme Roussel (Roxane) :
Bien, particulièrement, c'est sûr que les juges qui siègent à la
Cour du
Québec, chambre de la jeunesse, font face souvent à des dossiers où il y a de
la violence conjugale d'impliquée. Moi, ce à quoi je faisais référence, c'est
que c'est entendu que le Conseil de la magistrature, dans le projet de >loi,
si c'est la division de la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, qui va
avoir une nouvelle chambre particulière pour ça… Ce que je voulais dire, c'est
vraiment qu'il y avait une distinction à faire entre, oui, une formation
générale qui est proposée comme… que ce soit tant en cour municipale, ou tout ça,
parce que je pense aussi que c'est important, parce que ça ne mène pas
nécessairement à des accusations non plus à la chambre criminelle et pénale à
chaque fois.
Donc, au niveau de la Cour du Québec,
c'est pour ça que je fais la distinction entre une formation de base pour tous
les juges… parce que, que ce soit tant en cour municipale ou que ce soit… Des fois,
ça peut arriver que c'est important pour le juge de comprendre exactement et de
savoir… Quand on comprend comment la victime se sent aussi, on est mieux en
mesure aussi d'établir sa crédibilité, de vraiment analyser la situation. Ce
que je disais, moi, c'est que les juges qui vont avoir à siéger en chambre
criminelle, dans la division violence conjugale, devraient avoir quand même une
formation de pointe, parce que, si on crée une chambre particulière, une
chambre spécialisée, bien, je pense qu'il faut peut-être prendre la peine de
former des spécialistes, justement, pour éviter justement… Premièrement, si on
a des juges qui sont formés, spécialisés, je pense qu'on va être capable
d'améliorer aussi la capacité d'analyse, la vitesse d'exécution. Je pense qu'on
est capable aussi de venir… d'enlever, là, certaines contraintes qui existent
actuellement.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Je fais juste un petit peu du coq à l'âne, mais c'est quand même proche aussi,
là, en lien avec un autre projet de loi que j'ai déposé la semaine dernière, on
vient intégrer la notion de violence familiale, désormais, dans le droit
familial. Qu'est-ce que vous pensez de ça? Parce que, dans le fond, ça ne sera
pas devant le même décideur, là, la notion de violence familiale, la prise en
compte de ça. Pensez-vous que c'est une bonne chose? Là, on parle du tribunal
spécialisé, là, ici, mais là, pour faire le pont avec ce que vous disiez, avec
le tour de roue, souvent, dans le cadre des couples qui se séparent, puis la
garde, puis… qu'est-ce que vous pensez de ça, de cette notion-là de l'insérer?
Mme Roussel (Roxane) :
Vous faites référence à la notion qui est insérée dans le projet n° 2
qui a été déposé la semaine passée. Effectivement, j'ai constaté, là, à la
lecture du projet de loi, qu'il y avait insertion, là, de cette notion-là de
violence familiale, et, encore là, on va devoir… Les juges… Ce n'est pas parce
qu'il va y avoir de la violence familiale dans un dossier… Puis, je pense, c'est
important… Qu'est-ce qui est fait, c'est que, particulièrement à l'article où
il est prévu qu'on va pouvoir retirer, là, partiellement, là, des… voyons, des
éléments de l'exercice de l'autorité parentale lorsqu'il y a de la violence
familiale… mais il ne faut pas faire automatiquement l'équation que, parce
qu'il va y avoir de la violence familiale, il va y avoir <nécessairement
dépôt…
Mme Roussel (Roxane) :
...
particulièrement à
l'article où il est prévu qu'on va
pourvoir retirer, là, partiellement, là, des... voyons, des éléments de
l'exercice de l'autorité parentale lorsqu'il y a de la violence familiale. Mais
il ne faut pas faire automatiquement l'équation que parce qu'il va y avoir de la
violence familiale, il va y avoir >nécessairement dépôt d'une plainte au
pénal, qu'il va y avoir dépôt d'une plainte au criminel. Et, souvent, dans les
instances civiles, moi, je fais face à ça avec mes clients, c'est qu'on s'en va
à la Cour supérieure et on est carrément dans des dossiers où est-ce qu'il y a
eu de la violence, qu'il y a de la violence familiale, qu'il y a de la violence
conjugale, mais il n'y a pas nécessairement de plaintes qui ont été déposées au
pénal.
Donc, je pense que, oui, ce qui est fait
dans le projet de loi n° 2, c'est une première approche. Cette approche-là
est importante aussi considérant qu'au fédéral, dans la Loi sur le divorce, ils
ont donné un très, très grand coup de barre concernant comment traiter la
violence familiale. Donc, je pense que, le Québec, on n'avait pas le choix, là,
de commencer aussi à prévoir, pour nos conjoints de fait, qu'aussi ils puissent
bénéficier, là, de certaines protections, là, et de certains, aussi, bénéfices
judiciaires.
M. Jolin-Barrette : Mais
ça, c'est important, ce que vous dites, parce que, pour l'illustrer, ça
signifie que le juge va devoir en prendre compte, va devoir le prendre en
considération, la violence familiale, même si on n'est pas dans une instance
criminelle et pénale. Et ce que ça fait, c'est que, et on l'a entendu quand,
souvent, on rencontre des personnes victimes, elles disent : Bien, on ne
veut pas l'alléguer, on ne veut pas déposer de plainte, parce que je ne veux
pas que ça me nuise sur mon dossier de garde d'enfants dans l'autre juridiction,
d'où l'importance de l'insérer dans le cadre de la réforme du droit de la
famille. Oui?
Mme Roussel (Roxane) :
Mais, je pense, si vous me permettez, ça va au-delà de ça, parce qu'il y a
différentes facettes. Tu sais, comme le programme que vous proposez, au Conseil
de la magistrature, pour la Cour du Québec, même si c'est un dossier en civil,
entre deux conjoints de fait, pour le partage d'une résidence, si cette
notion-là aussi est connue du juge, est connue du décideur, bien, ça peut aussi
aider dans sa décision, parce que, des fois, ça peut être, oui, qu'il y a eu
des éléments au niveau du consentement, au niveau de tout ça. Dans leur
relation, si on veut, comme civile ou leur relation contractuelle, ça peut avoir
aussi des impacts. Donc, je pense, c'est pour ça que c'est important, là,
que... C'est pour ça que je parlais aussi d'une formation de base pour tous les
juges.
M. Jolin-Barrette :
Donc, je comprends que vous mettez en échec l'argument qui dit que seulement
les juges de la chambre criminelle et pénale devraient recevoir ce type de
formation là. Vous dites : Pas mal tout le monde, quand vous accédez à la
magistrature, vous devriez suivre cette formation-là, le fait d'être mieux
renseigné, mieux formé, ça va aider aussi dans des dossiers qui sont connexes.
Peut-être, avant de céder la parole à mes collègues,
une question sur le coordonnateur judiciaire. Nous, on a l'intention de le déployer
avec les projets pilotes. Il n'est pas dans le projet de loi, mais,
administrativement, ça fait partie de tout le bagage, parce que ce qu'il y a
dans le projet de loi, c'est une chose, mais il y a aussi tout le continuum de
services qui va être également présent. Quelle est l'importance, pour vous, du
coordonnateur judiciaire?
Mme Roussel (Roxane) :
Bien, je pense que, comme je vous ai dit, c'est le chaînon <manquant...
M. Jolin-Barrette :
…nous, on a l'intention de le déployer avec les projets-pilotes. Il n'est pas
dans le
projet de loi, mais, administrativement, ça fait partie du… de
bagage, parce que ce qu'il y a dans le
projet de loi, c'est une chose,
mais il y a aussi tout le continuum de services qui va être également présent.
Quelle est l'importance pour vous du coordonnateur judiciaire?
Mme Roussel (Roxane) :
Bien, je pense que, comme je vous ai dit, c'est le chaînon >manquant
actuellement. Je pense qu'un coordonnateur judiciaire qui va être informé… Ça
va vous prendre au moins quelqu'un qui va avoir des notions, minimalement, de
juriste, là, pour comprendre, parce que ça va être comme le lien entre les
tribunaux, entre les juges qui vont siéger dans ces cas-là, là. Ce que j'ai
compris, c'est que le coordonnateur aurait accès comme aux trois juges ou
aux quatre juges, s'il y en a quatre, mais, minimalement, il peut y en
avoir facilement trois. Donc, cette personne-là va y avoir accès.
Donc, moi, je pense que, oui, ça va être
vraiment… Si on arrive à former des coordonnateurs judiciaires puis à avoir des
gens qui sont capables de le faire, je pense que, oui, on serait capable
d'arrimer les trois tribunaux, parce que c'est vraiment important… En tout
cas, moi, en ce qui me concerne, dans le vécu des victimes, c'est vraiment
important d'accélérer, d'avoir la décision au pénal, au fond, et actuellement c'est
le tribunal qui est le plus à la fin du processus.
Donc, si le but de ce projet de loi là, c'est
vraiment d'aider les victimes, de donner un coup de barre en matière de violence
conjugale, bien, je pense que, oui, avec le coordonnateur judiciaire, on va
arriver à ce que tout le monde puise être arrimé puis à ce que les décisions se
rendent dans le bon tribunal, dans un ordre de priorité qui va permettre, là,
une suite, là, logique, là, des décisions par la suite.
• (17 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Un
dernier commentaire, c'est un des objectifs du tribunal spécialisé de réduire
les délais, justement, et les expériences étrangères ont démontré que,
lorsqu'il y a des tribunaux spécialisés, les délais diminuent. Donc, ça va être
plus efficace. Puis, surtout, vous le souligniez tantôt, violence conjugale,
violence sexuelle, ce n'est pas la même chose, puis, surtout en matière de violence
conjugale, le taux d'abandon de plaintes est assez élevé, notamment dû aux
délais.
Alors, je cède la parole à mes collègues,
mais un grand merci pour votre présence. C'était très intéressant.
Mme Roussel (Roxane) :
Merci à vous. Merci.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci. Merci, M. le ministre. Donc, je cède la parole maintenant à la députée…
à Mme la députée de…
Mme Lachance :
Bellechasse.
Le Président (M. Benjamin) :
…Bellechasse.
Mme Lachance : Merci, M.
le Président. Merci, Me Roussel, d'être là. Je vous lisais. C'est un point
de vue différent et puis c'est extrêmement intéressant. Ce que j'ai… Ce qui m'a
touchée, je vous dirais, qu'aux pages 5 et 6, vous faites un peu un cas de
figure, le parcours d'une conjointe de fait lors d'une dénonciation de violence
conjugale, et puis vous nous étayez les étapes, et on voit clairement que ça
peut être laborieux, ça peut être difficile. Dans ce contexte-là, on comprend
pourquoi vous soutenez l'idée d'un coordonnateur judiciaire, mais, dans le
contexte où on accélère, et c'est la volonté… on accélère les délais dans le
type de causes, comment vous voyez le travail, en fait, du coordonnateur
judiciaire? Comment ça peut permettre, si on veut… Parce vous avez <aussi…
Mme Lachance : …
vous
soutenez l'idée d'un coordonnateur judiciaire, mais, dans le contexte où on
accélère, et c'est la volonté… on accélère les délais dans le type de causes,
comment vous voyez le travail, en fait, du coordonnateur judiciaire? Comment ça
peut permettre, si on veut… parce vous avez >aussi dit que, dans un
monde idéal, la décision pénale est importante pour la cause civile. Donc,
j'aimerais vous entendre un peu pour voir comment la coordination, idéalement,
pourrait se faire.
Mme Roussel (Roxane) :
Bien, la coordination, premièrement, va permettre d'assembler et… d'analyser et
d'assembler toutes les informations au dossier, tous les éléments de preuve, de
s'assurer aussi que, selon tous les tribunaux… pour éviter aussi… parce que le problème,
pour la victime, entre autres, de violence conjugale, c'est d'avoir, à
répétition, à refaire et reprononcer sa déclaration initiale qu'elle a faite.
Elle doit le faire au pénal. Elle doit… Elle risque d'être contre-interrogée. On
doit encore la faire répéter quand on est à la Cour du Québec, chambre de la
jeunesse. Et on doit également, là, à la Cour supérieure, faire signer des
déclarations sous serment, et tout ça.
Donc, le coordonnateur judiciaire aussi
pourrait avoir un rôle pour utiliser ces éléments de preuve là selon les trois
tribunaux, alléger aussi la tâche, là, de la victime et permettre, comme je
vous dis, que les tribunaux, là, soient aussi… Parce qu'une des choses que l'on
constate également, c'est que, souvent, la Cour supérieure, ce n'est pas
nécessairement tous les procureurs au pénal qui vont avoir, là, la
disponibilité ou l'amabilité de fournir les éléments de preuve, tu sais. Donc,
il faut, des fois, que la main gauche parle à la main droite, parce que, sinon,
on arrive devant la cour puis on ne sait pas ce qui s'est passé devant le
tribunal pénal. Donc, je pense que le coordonnateur, ça pourrait être aussi une
de ses fonctions, puis ça va faciliter, là, le travail de tous les décideurs et
aussi le travail… Le rôle de la victime va s'en trouver, là, allégé.
Mme Lachance : Donc, dans
le fond, ce que vous dites, c'est que la déposition qui serait faite par la
victime pourrait être transférée d'un tribunal à l'autre systématiquement par
le coordonnateur.
Mme Roussel (Roxane) :
Actuellement, on peut le faire. On peut avoir… On peut produire dans les autres
instances judiciaires la déclaration qui a été faite aux policiers, sauf qu'où
est-ce qu'il y a une complication, c'est quand on commence au niveau des
témoignages, parce qu'on va avoir une protection judiciaire qui va être
demandée, on va s'assurer que la preuve ne pourra pas être versée dans le
dossier pénal, sauf que, quand même, tu sais, c'est de faire répéter, et il
faut que la victime soit vraiment constante, là, à tous les stades, parce que,
des fois, ça arrive aussi qu'on est à la Cour du Québec, chambre de la
jeunesse, avec le même procureur qui va représenter l'agresseur à la Cour du
Québec, chambre pénale, et lui, il l'a entendu, le témoignage. Donc, par la coordination
judiciaire, je pense aussi qu'on pourrait faciliter, là, au niveau de la preuve
qui pourrait être faite, là… d'éviter la multiplication, là, des interventions.
Mme Lachance : Merci. M.
le Président, est-ce qu'il me reste encore une petite minute?
Le Président (M. Benjamin) :
Oui, 1 min 30 s.
Mme Lachance : Merci.
Vous avez parlé de formations <distinctes…
Mme Roussel (Roxane) :
...il a entendu le témoignage. Donc, par la coordination judiciaire, je pense
aussi qu'on pourrait faciliter, là, au niveau de la preuve qui pourra être
faite, là, d'éviter la multiplication, là, des interventions.
Mme Lachance : Merci.
M.
le Président, est-ce qu'il me reste encore une petite minute?
Le Président (M. Benjamin) :
Oui, 1 min 30 s.
Mme Lachance : Merci.
Vous avez parlé de formations >distinctes pour violence conjugale et
violence sexuelle, mais d'un tronc commun. J'aimerais ça vous entendre un petit
peu plus. Qu'est-ce que vous incluriez dans la formation? Est-ce que… parce
qu'on a entendu certains groupes nous parler davantage de savoir-être et de
savoir-faire, et, d'autres, avoir un souci particulier pour comprendre la
réalité, donc, la dynamique de la violence. Je veux vous entendre sur ça,
Mme Roussel.
Mme Roussel (Roxane) :
Bien, au niveau de la formation, comme j'expliquais, je pense qu'il devrait y
avoir un volet formation de base sur... J'ai fait une division parce que je
pense que les deux types de violence... les deux types de victimes de cette
violence-là… parce que, de la violence, c'est de la violence, mais les deux
types de victimes ne sont pas les mêmes, donc, et, ça, je disais : Tu
sais, il pourrait y avoir une formation générale à tous les juges pour
comprendre que, quand on a une victime devant soi, sa façon de penser n'est pas
nécessairement la même que la nôtre, sa perception de la réalité n'est pas nécessairement
la même que la nôtre. Mais je comprends les intervenants qui veulent aussi, tu
sais, avoir peut-être plus une spécialisation pointue. Il faut comprendre que,
dans cette formation-là, moi, ce à quoi j'adresserais aux décideurs, c'est vraiment
qu'ils puissent avoir les outils pour comprendre la dynamique, comment ça
fonctionne. Je ne sais pas si j'ai répondu, là.
Mme Lachance : En vous
remerciant, merci beaucoup.
Mme Roussel (Roxane) :
Merci, madame.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci, Mme la députée de Bellechasse. Maintenant, la parole revient à la
députée de Verdun.
Mme Melançon : Merci, M.
le Président. Merci, Me Roussel, d'être parmi nous aujourd'hui et merci
d'arriver avec... On est ailleurs, hein, avec les autres groupes qu'on a
entendus aujourd'hui. Vous nous amenez dans une autre perspective complètement.
Et ce que je trouve intéressant et inquiétant à la fois, je dois le mentionner,
c'est que, là, on est dans le très concret. Vous, vous accompagnez, donc, des
femmes, des victimes. Et on entendait, tout à l'heure, les CAVAC dire : À
chaque fois qu'on va témoigner, on se met dans une situation d'anxiété à haut
niveau. Et ce que vous venez nous dire, c'est que, dans le fond, les trois
chambres travaillent en silo, et la victime doit venir dire, à plusieurs
reprises… dans des cas spécifiques, bien, doit revenir répéter l'histoire, puis,
parfois, bien, c'est pour une garde d'enfant, parfois, ça peut être pour
séparation de biens ou, parfois, on peut être du côté pénal. Et, pire encore,
vous nous dites que, parfois, le pénal n'a toujours pas été entendu puis qu'on
est rendu...
Donc, il y a un manque de coordination.
Est-ce que ça arrive fréquemment que vous arriviez dans des cas <où...
Mme Melançon :
...parfois, ça peut être pour
séparation de biens, ou parfois, on peut
être
du côté pénal. Et, pire encore, vous nous dites que, parfois, le
pénal n'a toujours pas été entendu, puis qu'on est rendus...
Donc, il y a un manque de coordination.
Est-ce que ça arrive fréquemment que vous arriviez dans des cas >où monsieur
n'a pas nécessairement reçu encore, bien, dans le fond, une décision du juge,
puis qu'on va être appelé avant pour aller à la DPJ? Est-ce que ça arrive
fréquemment?
Mme Roussel (Roxane) :
Oui, c'est un phénomène... En tout cas, en ce qui me concerne, dans ma
pratique, c'est un phénomène que j'ai observé, malheureusement, trop souvent,
si ce n'est pas presque toujours, où il y a l'arrestation. Il a procédé à
l'arrestation de l'agresseur. Il va avoir ses conditions de remise en liberté.
Mais, par la suite, les tribunaux civils vont être en mesure de procéder, eux,
et il n'y a pas de décisions qui sont rendues.
Et, quant aux délais, tu sais, comme
j'expliquais tantôt, la Cour supérieure, avec un préavis de 48 heures, qu'on
fait abréger des délais de signification, on peut avoir... on peut se présenter
devant un juge et obtenir des ordonnances. Et, à la Cour du Québec, bien,
parfois, ça peut être aussi rapide… Ça peut être en une semaine, deux semaines
qu'on va s'adresser, là, à la Cour du Québec aussi pour la question de sécurité
des enfants, et tout ça.
Donc, on se retrouve en amont. Et, par la
suite, ces tribunaux-là, bien, on continue les processus, et, souvent, leur
disponibilité pour entendre les décisions au fond, bien, vont être bien avant
la décision qui va être rendue à la chambre criminelle, malheureusement, là.
Donc, souvent, on se retrouve dans... soit qu'il faut attendre encore plus,
qu'on est dans... ou, parfois, ça va arriver qu'on va procéder, mais c'est
plutôt rare. Donc, on se retrouve... et la victime, elle, elle attend toujours
cette décision-là pour pouvoir aussi, elle, avancer dans les décisions qu'elle
aura à prendre, là, dans sa vie personnelle.
• (17 h 50) •
Mme Melançon : Le rapport
que nous avons déposé en décembre 2020 s'intitulait Rebâtir la confiance.
Est-ce que la lecture que vous avez de vos clientes... Est-ce que les victimes
s'attendent, justement, à ce que ce soit facilité grâce au nouveau projet de
loi qui a été déposé? Est-ce que... Parce qu'on s'est dit un peu plus tôt qu'on
doit vraiment répondre parce que, là, les attentes sont élevées actuellement.
Est-ce que c'est quelque chose que vous avez entendu de la part de vos
clientes, de dire : Bien, enfin, là, là, il va y avoir quelque chose, puis
on va régler cette situation-là? Est-ce que c'est quelque chose que vous
entendez?
Mme Roussel (Roxane) :
Ce n'est pas... Vous savez, hein, mes clientes et mes victimes, elles ont
beaucoup, beaucoup de préoccupations autres que savoir, là, au niveau
politique, qu'est-ce qui va arriver, mais par contre certaines d'entre elles… Honnêtement,
j'ai eu des discussions avec certaines d'entre elles, et, effectivement, elles
fondent beaucoup d'espoir pour que les délais soient raccourcis et pour que les
décisions, là, soient rendues en priorité en matière, là, de violence <conjugale...
Mme Roussel (Roxane) :
…au niveau
politique, qu'est-ce qui va arriver. Mais,
par contre,
certaines d'entre elles,
honnêtement, j'ai eu des discussions avec
certaines d'entre elles et,
effectivement, elles fondent
beaucoup
d'espoir pour que les délais soient raccourcis et pour que les décisions, là,
soient rendues en priorité, en matière, là, de
violence >conjugale
et de violence sexuelle, mais particulièrement en matière de violence conjugale,
parce que, comme j'expliquais aussi tantôt, bien souvent, on arrive devant les
décideurs, en matière civile, et il y a toujours comme le défi de se sentir
crue par la cour, de se sentir comme si on portait vraiment intérêt ou qu'on
accordait de l'importance à ce qui était dit, alors que… Et je peux comprendre
un peu les juges aussi. Tu sais, ils vont être méfiants puis ils vont dire :
Bien, en l'absence d'une décision pénale, je suis pris avec la présomption
d'innocence de l'agresseur.
Mme Melançon : Je vous
entends depuis tout à l'heure, Me Roussel, dire «la chambre spécialisée». Pour
vous, là, qu'on appelle ça un tribunal spécialisé ou une chambre spécialisée,
pour vous, ce n'est pas sur le nom, mais c'est surtout sur l'arrimage des trois
chambres… Si je comprends bien, vous nous invitez à faire une réflexion plus
spécifique.
Mme Roussel (Roxane) : Effectivement,
tu sais, c'est ce que je vous invite à faire bien humblement, tu sais, de faire
une réflexion. C'est facile. Tu sais, c'est sûr qu'au niveau de la
présentation, tu sais, de démontrer uniquement le côté pénal, je comprends que
c'est un message qu'il faut envoyer. Il faut envoyer un message fort actuellement,
là, concernant la violence conjugale, la violence sexuelle. Il faut que le
message soit fort auprès de la société, là. Vraiment, c'est ce qui doit être
envoyé, mais, trop souvent, ce que je constate, c'est, justement, que les
tribunaux… la facette… Toute la facette civile va être enlevée, tu sais, de
cette présentation-là, alors que, dans les faits, cette facette-là, elle est
vécue par les victimes aussi.
Mme Melançon : C'est la même
victime dont il est question devant différents…
Mme Roussel (Roxane) :
C'est la même personne.
Mme Melançon : Je me
rappelle… Puis là je regarde à la fois la députée de Joliette et la députée de Sherbrooke,
je pense que c'est Ingrid Falaise, hein, qui nous avait quand même beaucoup
parlé de cette situation-là où la même victime doit faire face, soit du niveau
pénal ou au niveau civil, en tout cas, devant la DPJ, de la problématique, puis
que ça devient excessivement lourd pour la victime. Puis, justement, c'est quelque
chose qui va la retenir parfois d'aller jusqu'au bout de son processus, parce
qu'elle voit des murs s'ériger devant elle en temps, en coût et en énergie.
Puis souvent les filles n'ont pas nécessairement toute l'énergie pour aller
jusqu'au bout du processus, parce que, parfois, c'est trop lourd.
Donc, je vous ai bien compris, là. Je
pense qu'on est là. Il y a quelque chose qui a attiré mon attention, et
j'aimerais que vous puissiez m'éclairer, s'il vous plaît. Vous parliez de la direction
de la protection de la jeunesse et les contacts avec les <enfants…
Mme Melançon : …donc,
je vous ai bien compris, là, je pense qu'on est là. Il y a quelque chose qui a
attiré mon attention, et j'aimerais que vous puissiez m'éclairer, s'il vous
plaît. Vous parliez de la
direction de la protection de la jeunesse et
les contacts avec les >enfants. Moi, c'est quelque chose que j'ai appris
à la lecture, ici, de votre mémoire. Donc, ce ne sont pas les juges qui
déterminent s'il y aura contact ou non avec les enfants, c'est la DPJ.
Mme Roussel (Roxane) :
Dans plusieurs, plusieurs des conditions de libération quant à l'agresseur, il
est mentionné que les accès et le degré de supervision seront déterminés par la
directrice de la protection de la jeunesse. Donc, comment est-ce que ça
fonctionne, c'est que c'est l'intervenante au dossier qui décide et voit, après
avoir rencontré, là, je mets des guillemets, là, mais… le présumé agresseur, et
qui va faire des recommandations à la Cour du Québec pour… quant aux accès
qu'elle recommande.
Donc, de notre avis, ces décisions-là
devraient être prises par un juge et non pas par la recommandation, là, d'une
intervenante, parce que, devant la Cour du Québec, il faut comprendre que les
intervenants de la DPJ bénéficient d'une immunité quasi absolue dans le cadre
de leurs fonctions, et que, trop souvent, ce à quoi on fait face, c'est qu'on a
des recommandations qui sont faites, et là, encore là, si la victime n'est pas
d'accord avec les recommandations qui sont faites, bien là il faut contester,
il faut expliquer notre position, il faut… trop souvent.
Donc, je pense que ces décisions-là pour
les accès devraient être obligatoirement dans les libérations… être rendues par
un juge et non pas sur des simples recommandations, non pas que les
intervenantes ne font pas bien leur travail. Ce n'est pas ça, la question, mais
c'est que ça donne, quand même, là, à la victime… ça lui donne quand même un
autre fardeau, parce que, si elle n'est pas d'accord, ça entraîne des
discussions avec l'intervenante de la direction de la protection de la
jeunesse, puis là, encore là, bien, c'est, tu sais, comme ne pas vouloir
déplaire ou ces choses-là. Mais, ceci étant, je pense que dans les… que les
conditions de remise en liberté prévoient, là, que ça soit des ordonnances
rendues par un juge.
Mme Melançon : Donc là,
on est, j'imagine, dans le concept aussi de l'aliénation parentale. C'est ça?
Mme Roussel (Roxane) :
Bien, c'est arrivé… Moi, pour l'avoir vécu, c'est arrivé qu'une victime qui
était réfractaire à ce que l'agresseur ait des droits d'accès se fasse dire à
un moment donné : Bien, écoutez, madame, si vous ne collaborez pas, on va
interpréter ça comme de l'aliénation parentale, alors que la personne est
toujours en attente de savoir qu'est-ce qui va se passer au pénal. On est toujours…
de savoir est-ce qu'il va être condamné ou non, et cette personne-là,
l'agresseur, bénéficie d'accès, bénéficie de toute cette, entre guillemets,
liberté-là, alors qu'elle, la victime, bien, elle doit attendre et elle doit
aussi, là, un <peu…
Mme Roussel (Roxane) :
…en attente de savoir
qu'est-ce qui va se passer au pénal, tu sais, on
est toujours... de savoir est-ce qu'il va être condamné ou non. Et cette
personne-là, l'agresseur, bénéficie d'accès, bénéficie de toute cette, entre
guillemets, liberté-là, alors qu'elle, la victime, bien, elle doit attendre et
elle doit aussi, là, un >peu plus, tu sais, se conformer, parce que,
justement, elle se trouve à risque d'être qualifiée comme étant aliénante, et
le fait que la… tu sais, le fait que la…
Le Président (M. Benjamin) :
Merci pour votre intervention.
Mme Roussel (Roxane) :
Excusez-moi. Merci.
Le Président (M. Benjamin) :
Nous allons poursuivre avec, maintenant, la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci. Vous
nous avez mentionné que, pour les décisions de garde, les délais peuvent être
quelques jours, quelques semaines. C'est assez rapide. Même avec un
coordonnateur judiciaire, est-ce que vous pensez que c'est réaliste de faire en
sorte que la cause au criminel soit traitée avant? Parce qu'actuellement on
entend que ça peut prendre des mois et des années. On ne veut quand même pas retarder
les décisions de garde. Qu'est-ce que ça prend d'autre qu'un coordonnateur
judiciaire pour y arriver?
Mme Roussel (Roxane) :
Bien, c'est sûr que la question des délais, là, c'est au centre du débat, et la
question aussi de la priorité. Tu sais, il faut prioriser la décision à être
rendue par le tribunal pénal. Mais je pense que, justement, on ne pourra pas
arriver à aplanir et à enlever tous les délais, là. Je ne pense pas que ça va
être possible, là. Ça serait comme illusoire, là, de penser ça. Mais, dans la
mesure où le coordonnateur, justement, tu sais, serait capable de permettre...
tu sais, d'apporter des informations, de valider qu'est-ce qui s'est fait dans
les autres tribunaux auprès du prochain décideur, auprès du prochain juge. Tu
sais, que les juges qui sont saisis des dossiers concernant ces personnes-là
puissent avoir rapport de ce qui s'est passé dans les autres tribunaux, je
pense que ça, c'est important.
Mme Labrie : Mais les
victimes nous demandent quand même, tu sais, que la cause soit traitée au
criminel en premier. Elles nous disent : On veut que ça soit réglé, là,
avant la garde.
Mme Roussel (Roxane) :
Oui, mais, malheureusement, tu sais, comme je dis, la réalité veut que, quand
même, les enfants, il faut qu'il arrive quelque chose avec eux, là. On ne peut
pas non plus, là, les retirer du milieu. On ne les retirera pas du milieu nécessairement.
Donc, à ce moment-là, il faut qu'il y ait des décisions qui soient rendues. Tu
sais, il faut comprendre, ce n'est pas toujours nécessairement...
L'intervention de la Cour supérieure ne va pas toujours se faire au niveau de
la garde des enfants, parce qu'en vertu de l'article 37 du Code de
procédure civile il y a... Au niveau, là, des sujets liés, quand il y a une
décision qui concerne la garde, s'il y a l'intervention de la directrice de la
protection de la jeunesse, c'est-à-dire, si la Cour du Québec est saisie du
dossier, à ce moment-là, la Cour supérieure voit que sa prérogative en matière
de garde va être déléguée à la Cour du Québec. C'est elle qui va s'occuper de
la garde, mais, quand même, à la Cour supérieure, on va demeurer avec les questions
concernant l'exercice de l'autorité parentale aussi banales que l'inscription
des enfants à l'école.
• (18 heures) •
Donc, tout ça, on ne peut pas attendre
puis on ne peut pas... Ça fait que le coordonnateur judiciaire, lui, va
permettre de… Tu sais, moi, en tout cas, c'est ce que je pense. Dans la <description
que j'ai lue dans le rapport...
>
18 h (version révisée)
< Mme Roussel (Roxane)T :
…avec les questions concernant l'exercice de l'autorité parentale, aussi
banales que l'inscription des enfants à l'école. Donc, tout ça, on ne peut pas
attendre puis on ne peut pas…
Ça fait que le coordonnateur judiciaire,
lui, va permettre de… Tu sais, moi,
en tout cas, c'est ce que je pense.
Dans la >description que j'ai lue dans le rapport, c'était comme quelque
chose qui apporterait vraiment une coercition puis vraiment une aide pour les
victimes, parce que je pense que c'est le but qui est recherché. Merci.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci. Merci pour votre intervention, Mme la députée de Sherbrooke. Maintenant,
nous poursuivons avec la députée de Joliette.
Mme
Hivon
:
Merci beaucoup. Enchantée de vous rencontrer. On est de la même région, même si
on ne se connaît pas à ce jour, donc... Il y a beaucoup d'expertise dans la
région de Lanaudière. Donc, je trouve ça vraiment intéressant que vous
insistiez beaucoup sur le coordonnateur judiciaire. Je pense aussi que c'est
une clé pour mieux accompagner les victimes.
Deux petites questions par rapport à ça. Selon
vous, de qui relèverait le coordonnateur des services judiciaires qui sont,
donc, installés dans les différentes régions du Québec? Donc, ultimement, du ministère
de la Justice? La raison pour laquelle je vous pose cette question-là, c'est
qu'on a entendu certains commentaires à savoir que tout ne pouvait pas relever
de la cour. Donc, je voulais savoir de qui ça relèverait. Et est-ce qu'on
devrait l'inscrire dans la loi, ce principe-là de la coordination judiciaire,
dans la réflexion sur l'accompagnement des victimes?
Mme Roussel (Roxane) :
Bien, pour répondre à votre première question, oui. Considérant, moi, ce que je
pense et ce que je vois comme coordonnateur judiciaire, c'est entendu que ça va
prendre un individu qui va avoir des notions, des connaissances, là, du système
de justice, des connaissances par rapport au droit applicable aussi. Donc, je
pense que, oui, ça devrait être quelqu'un qui va relever du ministère de la Justice,
à être nommé par lui. Maintenant…
Mme
Hivon
:
La deuxième, c'est : Est-ce qu'on devrait inscrire ce principe-là dans la
loi? Ce matin, plusieurs groupes nous ont dit : Il faudrait que les
principes directeurs de l'idée du tribunal spécialisé soient nommément inscrits
dans la loi, et on a plein de suggestions. Est-ce que vous jugez que l'idée de
la coordination judiciaire devrait être inscrite dans la loi?
Mme Roussel (Roxane) :
Je pense qu'à partir du moment où le dossier, si on veut, se classerait ou se
qualifierait pour être suivi par le nouveau tribunal spécialisé, je pense que,
oui, ça devrait être prévu qu'il y ait un coordonnateur judiciaire de nommé
pour traiter ce dossier-là.
Mme
Hivon
:
O.K. Merci beaucoup.
Mme Roussel (Roxane) :
Merci.
Le Président (M. Benjamin) :
Écoutez, merci beaucoup, Mme la députée de Joliette. Donc, merci beaucoup, Me
Roussel, pour votre contribution aux travaux de cette commission.
Nous allons suspendre, le temps
d'accueillir nos prochains invités. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 03)
(Reprise à 18 h 11)
Le Président (M. Benjamin) :
Nous allons maintenant commencer les travaux de… recommencer les travaux de la
commission. Je souhaite la bienvenue aux représentantes du Barreau du Québec,
Me Catherine Claveau, bâtonnière, ainsi que Me Ana Victoria Aguerre. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi
nous procéderons à la période d'échanges avec les membres de la commission. Je
vous invite, donc, à vous présenter et à procéder à votre exposé. La parole est
à vous.
Barreau du Québec
Mme Claveau (Catherine) :
M. le Président de la commission, je me présente, je suis Catherine Claveau,
bâtonnière du Québec. Je suis accompagnée de Me Ana Victoria Aguerre, avocate
au secrétariat de l'ordre et affaires juridiques. Je remercie la Commission des
institutions d'avoir invité le Barreau à participer aux consultations publiques
relativement au projet de loi n° 92.
Le Barreau du Québec s'intéresse depuis
longtemps au parcours des personnes victimes de violence sexuelle et conjugale,
tout particulièrement aux aspects judiciaires de celui-ci. Nous avons formulé,
par le passé, une série de recommandations afin de remédier à certaines
problématiques identifiées par les parties prenantes... (panne de son) ...sexuelle,
tant du milieu judiciaire que policier et communautaire. En outre, nous sommes
heureux de constater qu'il y a un consensus au sein de la société québécoise
sur le besoin de bonifier l'offre des services d'accompagnement et de soutien
aux personnes victimes d'agression sexuelle au Québec. Ainsi, nous accueillons
favorablement toute <mesure visant…
Mme Claveau (Catherine) :
...
en outre, nous sommes heureux de constater qu'il y a un consensus au
sein de la société québécoise sur le besoin de bonifier l'offre des services
d'accompagnement et de soutien aux personnes victimes d'agression sexuelle au
Québec. Ainsi, nous accueillons favorablement toute >mesure visant à
atteindre cet objectif, d'abord, en amont du processus judiciaire et par la
suite lors des poursuites. Le projet de loi n° 92 pose les balises d'un
changement de culture en ce sens, et, ce faisant, nous saluons l'esprit du
projet de loi.
Nous croyons également opportun de
formuler quelques commentaires afin de préciser ou de bonifier certaines
mesures qui y sont prévues. Le projet de loi crée une nouvelle division au sein
de la chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec, appelée tribunal
spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale. Hormis
l'ajout de cette appellation dans la Loi sur les tribunaux judiciaires, le
projet de loi ne prévoit aucune mesure de fond nous permettant d'évaluer si les
objectifs poursuivis par le législateur sont susceptibles d'être atteints. À
titre d'exemple, nous ne retrouvons aucune précision quant aux types de
poursuites qui seront entendues par cette nouvelle division ainsi que le
district judiciaire où celle-ci siégera. Nous sommes, donc, d'avis que des
précisions devraient être apportées dans le projet de loi afin d'être en mesure
de circonscrire la juridiction de cette éventuelle division.
Le projet de loi est également silencieux
quant à la présence d'une offre de services d'accompagnement aux plaignants en
matière de violence sexuelle et conjugale, incluant une offre de services
adaptée au contexte autochtone, alors qu'il s'agit là d'un aspect fondamental
du changement de culture escompté.
Nous sommes également préoccupés par le
fait que la Cour du Québec et la Cour supérieure ont une compétence concurrente
pour entendre les dossiers en matière d'agression sexuelle et de violence
conjugale, ce qui, dans certains cas, pourrait entraîner un bris de services
pour les plaignants ou encore une offre de services inégale selon que le
dossier soit traité par l'une ou l'autre de ces cours. Nous croyons qu'il est
primordial qu'une offre de services continue et uniforme soit prévue dans le
projet de loi, et ce, indépendamment de l'instance devant laquelle le recours
sera porté.
Ainsi, nous vous invitons à considérer la
mise sur pied d'une entité qui chapeauterait les activités des intervenants de
tous milieux confondus en s'inspirant du modèle de l'Entente
multisectorielle relative aux enfants victimes d'abus sexuels, de mauvais
traitements physiques ou d'une absence de soins menaçant leur santé physique.
Par ailleurs, le projet de loi confie au
Conseil de la magistrature la responsabilité d'établir un programme de
perfectionnement sur les réalités relatives à la violence sexuelle et à la
violence conjugale. Il prévoit également que les personnes qui se portent
candidates à une fonction de juge doivent s'engager à suivre ce programme de
perfectionnement, si elles sont nommées, et que les juges de la Cour du Québec
et que les juges de paix magistrats à la retraite doivent avoir suivi ce
programme pour être autorisés à exercer <des fonctions...
Mme Claveau (Catherine) :
...relative
à la violence sexuelle et à la violence conjugale. Il
prévoit également que les personnes qui se portent candidates à une fonction de
juge doivent s'engager à suivre ce programme de perfectionnement, si elles sont
nommées, et que les juges de la Cour du Québec et que les juges de paix
magistrats à la retraite doivent avoir suivi ce programme pour être autorisés à
exercer >des fonctions judiciaires.
Finalement, le projet de loi prévoit qu'à
chaque année le Conseil de la magistrature devra remettre un rapport au
ministre de la Justice sur la mise en oeuvre de ce programme, rapport qui devra,
par la suite, être déposé à l'Assemblée nationale.
Le Barreau partage l'objectif du projet de
loi, lequel est d'assurer que les intervenants du milieu judiciaire soient
adéquatement formés quant aux particularités juridiques et psychosociales des
infractions de nature sexuelle ou conjugale, incluant en contexte autochtone. Nous
estimons toutefois que la façon envisagée pour assurer une telle formation aux
juges serait adéquate dans la mesure où elle ne compromet pas l'indépendance judiciaire.
À ce sujet, nous savons que les juges de la Cour du Québec reçoivent chaque
année l'équivalent de 10 jours complets de formation. Alors, au lieu
d'exiger le dépôt d'un rapport du Conseil de la magistrature à l'Assemblée
nationale par le ministre de la Justice, nous proposons qu'un rapport annuel
sur la formation dispensée aux juges sur ces enjeux soit disponible sur le site
Internet du Conseil de magistrature. Il s'agirait, selon nous, d'une mesure de
transparence susceptible de favoriser la confiance du public dans le traitement
judiciaire de ces violences.
Également, nous croyons que tous les
intervenants psychosociaux et judiciaires doivent être adéquatement formés.
Nous réitérons, donc, notre recommandation formulée devant le comité d'experts
Corte-Desrosiers, soit la mise en place d'une formation obligatoire pour
l'ensemble des professionnels régis par le Code des professions qui joueront un
rôle dans l'accompagnement des personnes victimes et le traitement des dossiers
en contexte de violence sexuelle et conjugale.
Nous savons que l'appellation «tribunal
spécialisé» retenue par le projet de loi n° 92 a fait objet de débat
depuis quelques semaines. Le Barreau du Québec est sensible aux choix
difficiles auxquels sont confrontés les parlementaires eu égard à l'utilisation
de cette appellation. D'une part, les termes «tribunal spécialisé» sont connus
de la population québécoise, ils évoquent à la fois une prise en charge des
personnes plaignantes ainsi qu'un aménagement adapté des ressources qui
existent afin de leur assurer un meilleur accompagnement. Bref, ces mots se
veulent rassurants pour les personnes plaignantes et constituent, donc, une
mesure d'accès à la justice.
D'autre part, ces mots peuvent amener les
personnes accusées d'une infraction sexuelle ou d'une infraction commise dans
un contexte conjugal à remettre en question l'impartialité des juges qui auront
à trancher leurs dossiers et à douter du traitement qui leur sera accordé. Par
exemple, ces personnes peuvent avoir des craintes légitimes quant au respect de
leurs droits ou des règles d'équité procédurale. À <notre avis...
Mme Claveau (Catherine) :
...conjugal
à remettre en question l'impartialité des juges qui auront à
trancher leurs dossiers et à douter du traitement qui leur sera accordé. Par
exemple, ces personnes peuvent avoir des craintes légitimes quant au respect de
leurs droits ou des règles d'équité procédurale. À >notre avis, ces deux
interprétations sont aussi valables l'une que l'autre mais, surtout, elles
témoignent d'un enjeu plus large : Comment assurer la confiance de tous
les justiciables québécois envers notre système judiciaire?
Rappelons que le juge en chef de la Cour
suprême du Canada a récemment souligné l'importance de maintenir la confiance
du public dans le système de justice, parce que celle-ci est la pierre
angulaire de notre démocratie. Dans ce contexte et soucieux de préserver la
confiance du public envers la justice québécoise, nous souhaitons vivement que
l'on puisse clore rapidement le débat sur cette question. La collaboration et
la concertation des acteurs judiciaires sont un gage important de la confiance
du public envers la justice.
En résumé, le Barreau du Québec accueille
très favorablement le projet de loi n° 92. En tant que bâtonnière, je
salue le consensus qui se dessine autour le mise en oeuvre des recommandations
du rapport Rebâtir la confiance et je souhaite souligner l'appui et la
collaboration du Barreau du Québec à cet égard. Nous vous remercions de nous
permettre de participer à cette importante réflexion et nous demeurons
disponibles pour recevoir vos questions et y répondre.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci.
Mme Claveau (Catherine) :
Je crois qu'on a un petit pépin technique. Ma collègue...
Le Président (M. Benjamin) :
Alors, on va suspendre quelques secondes, le temps d'y remédier.
(Suspension de la séance à 18 h 20)
(Reprise à 18 h 24)
Le Président (M. Benjamin) :
Donc, à l'ordre, s'il vous plaît!
Mme Claveau (Catherine) :
Alors, je tiens à nous excuser pour le problème technique. Nous allons le faire
côte à côte en respectant les mesures de distanciation.
Le Président (M. Benjamin) :
Alors, sur ce, merci pour votre exposé. Et je cède la parole tout de suite,
pour les échanges, au ministre de la Justice.
M. Jolin-Barrette :
Merci, M. le Président. Mme la bâtonnière, Me Claveau, Me Aguerre,
bonjour, merci d'être présents avec nous. Très heureux de vous recevoir en commission
parlementaire.
D'entrée de jeu, Me Claveau, à la
page 2 de votre mémoire, vous dites, relativement, là, à l'article 3
et à l'article 11, au troisième alinéa, là, de votre mémoire... vous dites :
«Nous sommes d'avis qu'il aurait été souhaitable que le projet de loi indique
les types de poursuites qui seront entendues par cette nouvelle division, ainsi
que les districts judiciaires où celle-ci siégera.» Donc, vous nous invitez à
vraiment spécifier pour dire tout de suite, dans le projet de loi, le type de
poursuites et également de cibler les districts judiciaires, déjà, dans
lesquels on va mettre les projets pilotes.
Nous, ce qu'on avait comme conception,
c'était de faire en sorte que tout type de… en matière de... poursuite en
matière de violence conjugale, de violence sexuelle, serait dirigée vers le
tribunal spécialisé. Et, bon, pour le projet pilote, bien entendu, il faut
viser certains districts, mais, par la suite, dans le fond, le tribunal
spécialisé va être appelé à siéger dans l'ensemble du Québec, l'ensemble du territoire
québécois. Alors, c'était notre objectif, mais là vous nous invitez à être plus
précis, là, directement dans le texte de la loi?
Mme Claveau (Catherine) :
Oui, mais c'est surtout le principe voulant que, lorsqu'on prévoit quelque
chose dans une loi... (panne de son) ...toujours une plus grande portée qu'un règlement.
Vous savez, le projet de loi n° 92, c'est un projet qui est attendu de
plusieurs personnes qui sont en attente d'un changement rassurant, et on est
d'avis que, s'il y avait un peu plus de précisions dans le projet de loi, bien,
ça pourrait être une reconnaissance de cet aspect-là puis aussi donner peut-être
plus de balises, là, quant aux objectifs visés par le projet de loi. Parce que,
si on se réfère, entre autres, aux rapports, aux deux rapports qui sont
ressortis à la suite, là, du groupe de travail Rebâtir la confiance, il y avait
beaucoup, quand même, de choses qui ont été précisées, puis on peut s'inspirer
de ça, peut-être, pour apporter un peu plus de précisions dans le projet de loi.
M. Jolin-Barrette : Je
note bien votre suggestion. Parce que, tout à l'heure, on a eu un intervenant
qui nous a dit... bien, en fait, je pense, c'est même la députée de Verdun qui
disait : Est-ce que l'exploitation sexuelle, c'est un type de poursuites
qui sont couvertes? Alors, la réponse à ça, c'est oui, parce que, bon, toutes
les infractions de nature sexuelle seront entendues à ce tribunal-là. Alors, on
retient bien votre suggestion, on va l'étudier également.
Sur la question de la concurrence entre la
Cour du Québec et la Cour supérieure, <bien entendu...
M. Jolin-Barrette :
…entendues à ce tribunal-là. Alors, on retient bien votre suggestion, on va
l'étudier également.
Sur la question de la concurrence entre
la Cour du Québec et la Cour supérieure, >bien entendu, les services
judiciaires sont offerts... vont être offerts également à la Cour supérieure,
donc, l'accompagnement des victimes. On a souhaité concentrer nos énergies sur
la Cour du Québec, qui entend près de 99 point... je n'ai pas la décimale
précise, mais pratiquement tous les dossiers en matière de violence sexuelle et
violence conjugale sont entendus à la Cour du Québec, à l'exception, bien
entendu, des procès devant jury, qui là, eux, se retrouvent à la Cour
supérieure, alors... et également des dossiers de meurtres, sauf qu'à ce
moment-là la victime n'est pas présente, mais la famille de la victime est
présente, si ça se fait dans un contexte conjugal.
Donc, moi, ce que je comprends de votre
proposition, c'est que vous souhaiteriez que le panier de services qu'on offre
aux personnes victimes également soit présent à la Cour supérieure. Vous ne
nous invitez pas, par contre, à créer une division également à la Cour
supérieure, là?
Mme Claveau (Catherine) :
Bien non, évidemment pas. Mais, vous avez raison, c'est que, nous, notre souci,
évidemment, c'est que toutes les victimes aient la même protection, le même
accompagnement, que... Mais c'est vrai que vous avez raison aussi de dire qu'il
y a quand même un infime, au moment où on se parle, pourcentage de dossiers, ce
genre de nature de crime là, qui se rendent à la Cour supérieure. Mais
n'empêche que les personnes accusées ont le droit d'opter vers la Cour
supérieure, alors, si jamais c'était le cas, bien, nous, ce qu'on veut, c'est
s'assurer que l'accompagnement des victimes soit le même, qu'on se retrouve en
Cour du Québec ou devant la Cour supérieure.
M. Jolin-Barrette : Vous
avez dit, tout à l'heure, d'une façon plus large, là, sur le fait que le
Barreau appuyait le principe du projet de loi puis les objectifs... Quelle est
l'importance, pour le Barreau du Québec, de ce projet de loi là, considérant
les enjeux sociaux qu'on a connus au cours des dernières années? Il y a eu les
vagues de dénonciations de #moiaussi, les vagues successives, également, au
Québec. Et, par rapport aux témoignages qu'on a entendus, là, de plusieurs
personnes, de plaignantes qui ont été victimes de violence sexuelle, de
violence conjugale, comment est-ce que le Barreau du Québec perçoit et reçoit
ça, ces témoignages-là des gens qui disent : Parfois, on n'a pas confiance
dans le système de justice? Pensez-vous que ça va être une mesure qui va
permettre, le tribunal spécialisé, de ramener de la confiance dans le système
de justice, dans nos institutions?
• (18 h 30) •
Mme Claveau (Catherine) :
Bien, certainement, si... nonobstant l'appellation qu'on lui donnera, si les
victimes, grâce à ce nouveau concept là, ce nouveau projet là, savent qu'ils
vont être accompagnés dès leur dénonciation, qu'ils vont avoir des policiers
qui vont être formés pour bien les recevoir, qu'ils vont être, à toute étape,
accompagnés d'une personne, peut-être, de l'IVAC, d'un CAVAC, qu'ils vont avoir
des procureurs qui vont avoir la bonne formation pour bien les accueillir, pour
qu'ils ne se sentent pas laissés à elles-mêmes, alors c'est certain que, ce
projet de loi là, on le <salue.
Puis je pense qu'il faut... c'est
important...
>
18 h 30 (version révisée)
< Mme Claveau (Catherine)T :
...qu'il va y avoir des policiers qui vont être formés pour bien les recevoir,
qu'ils vont être, à toute étape, accompagnés d'une personne,
peut-être,
de l'IVAC, de la CAVAC. Puis ils vont avoir des procureurs qui vont avoir la
bonne
formation pour bien les accueillir pour qu'elles ne se sentent pas
laissées à
elles-mêmes.
Alors, c'est certain que, ce
projet
de loi là, on le >salue, puis je pense qu'il faut... C'est important de
préciser que le Barreau du Québec a été présent dans plusieurs démarches qui… sociales
et juridiques, là, qui ont mené à améliorer le sort des victimes de ce genre de
crimes là, et ça peut être l'aboutissement, là, de ces démarches-là.
M. Jolin-Barrette : Oui,
et c'est l'objectif, entre autres, là, de tout le projet de loi,
l'accompagnement du début de la dénonciation à la fin, au moment de la
condamnation et postcondamnation, avec la mise en liberté, éventuellement, de
la personne qui a purgé sa peine. Et donc la cour est au centre, et, en tout
respect de l'indépendance aussi, on vient arrimer le tout dans le processus de
la personne victime.
Vous avez abordé également le fait... Bon,
l'accompagnement au niveau de la formation, on a entendu différents
intervenants dire... Et là, je dois le dire, les règles de preuve ne changent
pas. La présomption d'innocence demeure, l'indépendance judiciaire, le droit à
une défense pleine et entière, mais on a entendu beaucoup de gens parler de la formation,
notamment, des différents acteurs. Bon, on a parlé de la formation des juges,
mais ce qu'il m'intéresse de discuter avec vous, c'est notamment la formation
des avocats. Bon, au niveau du Directeur des poursuites criminelles et pénales,
nous, on va s'en occuper, ça relève de l'État. Le DPCP va mettre en place des
formations. Il y a déjà des équipes spécialisées, tout ça. Du point de vue du
côté de la défense également, c'est un peu là où je souhaite vous entendre.
Quelle devrait être la formation des avocats de la défense qui vont interagir
dans le cadre de ce tribunal-là?
Mme Claveau (Catherine) :
Bien, c'est certain que préciser le type de la formation, c'est un peu
difficile pour moi de le préciser. Par contre, je pense que ce qui est
important de savoir, c'est que, nous, ce qu'on souhaiterait, au Barreau du
Québec, c'est de rendre obligatoire une formation pour tous nos membres qui
auront à interagir dans ce genre de dossier là, sur différents enjeux qui
touchent les infractions dans le contexte… sexuel et violence conjugale. Donc,
il y aura une panoplie de formations qui va vraiment, là, leur permettre, là,
de bien jouer leur rôle, à tous ces intervenants-là. Mais, vous savez, on a le
pouvoir, nous, au Barreau, là, d'obliger nos membres à suivre certaines
formations si c'est indiqué, là, pour certaines catégories de procédures ou
certaines catégories d'infractions, comme cela est proposé.
M. Jolin-Barrette :
Donc, je comprends que le Barreau du Québec envisage de rendre, par son
règlement de formation continue, j'imagine, ou tout ça… de dire : Bien,
suite à la mise en place du tribunal spécialisé, si vous traitez ce type de
dossier en matière de violence conjugale ou violence sexuelle, bien, vous
devriez avoir de la formation continue en lien avec votre pratique, avec votre
domaine de pratique. C'est ce que je <comprends...
M. Jolin-Barrette :
…de rendre, par son
règlement, une
formation continue, j'imagine,
ou tout ça, de dire : Bien, si, suite à la
mise en place du
tribunal spécialisé, si vous traitez ce type de dossier, en matière de violence
conjugale ou violence sexuelle, bien, vous devriez avoir de la formation
continue en lien avec votre pratique, avec votre domaine de pratique, c'est ce
que je >comprends?
Mme Claveau (Catherine) :
Effectivement, c'est quelque chose qui pourra être décidé, mais il faut savoir
aussi qu'on en a déjà préparé, là. Actuellement, au Barreau, on en offre déjà,
des formations dans ce domaine-là. On a déjà aussi suivi les recommandations d'un
rapport d'une coroner qui a eu, dans un dossier relié à la violence conjugale… Elle
a fait des recommandations au Barreau par rapport à la formation des avocats
qui auraient à intervenir dans ce genre de dossier là. Alors, on a préparé une formation
puis on va l'offrir à nos membres. Donc, au-delà de l'obligation relevée, dans
notre règlement, de formation continue, on en a déjà préparé, des formations,
puis on va les diffuser.
M. Jolin-Barrette :
Bien, ce qui est une bonne chose. Je salue l'initiative du Barreau à ce
niveau-là, et également le fait… Si vous modifiez le règlement puis vous
obligez… je pense que ça peut donner des outils, notamment, à toute personne
qui se retrouve en salle de cour, notamment, avec une victime, mais, même pour
la personne qui est accusée, également, ça permet également d'avoir cette
formation-là.
Avant de céder la parole à mes collègues,
je voulais aborder avec vous… parce que vous l'avez fait relativement à
l'appellation du tribunal, vous avez dit : Il y a des arguments en faveur.
Vous avez dit : Écoutez, le fait que ce soit indiqué «tribunal
spécialisé», ça peut être rassurant pour les personnes victimes, ça donne
confiance, c'est un signal qui est envoyé. Vous avez dit également : Bien,
écoutez, de l'autre côté, il y a des enjeux également… certains soulèvent des
enjeux avec la présomption d'innocence, ou avec l'impartialité, ou tout ça.
Je vous soumettrais que, dans certaines
autres juridictions dans le monde où il y a des tribunaux spécialisés, on a
fait référence, là, directement… Je donne un exemple. En Afrique du Sud, le nom
de la cour, c'est Sexual Offences Courts. En Nouvelle-Zélande, c'est Sexual
Violence Court. En Espagne, vous me pardonnerez mon espagnol, mais c'est
Juzgados de Violencia sobre la Mujer, donc, tribunaux de — je dois
pratiquer…
Une voix
: …
M. Jolin-Barrette : …c'est
ça, formation continue, alors ça remonte quand même au secondaire III, mes
derniers cours d'espagnol — tribunaux de la violence contre les
femmes, si je traduis, traduction littérale. Et, supposons, à Moncton,
également, Domestic Violence Court. Donc, dans d'autres juridictions dans le
monde, on vient nommer précisément ce que c'est puis ça n'a pas… Il ne semble
pas y avoir d'enjeu spécifique à ce niveau-là. Alors, je voulais voir ce que
vous en pensiez.
Mme Claveau (Catherine) :
Bien, écoutez, qu'on le retienne ou qu'on ne le retienne pas, je pense que
c'est à vous, parlementaires, de décider, là, comment vous allez l'interpréter.
Pour nous, au Barreau, ce qui est important, c'est de… Il faut envoyer un
message fort à l'effet que ça prend un changement de culture. Ce changement de
culture là, il est amorcé. On va… Et les acteurs vont travailler ensemble pour
amener cet objectif-là, et c'est <pour ça…
Mme Claveau (Catherine) :
…que ne leur en tienne pas, je pense que c'est à vous, parlementaires, là, de
décider, là, comment vous allez l'interpréter. Pour nous, au Barreau, ce qui
est important, c'est de… il faut renvoyer un message fort à l'effet que ça
prend un changement de culture. Ce changement de culture là, il est amorcé, on
va… et les acteurs vont travailler ensemble pour amener cet objectif-là. Et
c'est >pour ça…
Si vous me permettez, avant de terminer
notre échange, M. le ministre, vous savez, nous, on recommande de suivre le
modèle de l'entente multisectorielle qui existe déjà en protection de la
jeunesse. C'est un engagement de tous les acteurs. Donc, ministères de la
Justice, Sécurité publique, Santé et Services sociaux, Famille, Enfance,
Condition féminine, les policiers, les organismes communautaires, le DPCP, les
juges, tous ces intervenants-là, à toute étape du processus, s'engagent à
respecter cette entente multisectorielle là.
Alors, ça, ça va être applicable… On aura
tous les acteurs qui vont y adhérer partout à travers le Québec, que la victime
se retrouve dans une région, ou un grand centre, ou que ce soit une victime
autochtone. Dans le fond, nous, ce qui est important, c'est vraiment que tous
les acteurs s'unissent, s'impliquent et se joignent pour qu'il y ait une
communication, qu'on travaille tous dans le même sens, donc, d'offrir un
meilleur accompagnement aux victimes de ces agressions sexuelles là ou violence
conjugale.
M. Jolin-Barrette : Je
vous remercie, Me Claveau, pour la présentation. Je remercie le Barreau de
sa présence. Et j'ai des collègues… des questions. Merci beaucoup.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci, M. le ministre. Il reste 2 min 30 s. M. le député de
Chapleau.
M. Lévesque (Chapleau) : …M.
le Président. Mme la bâtonnière, Me Aguerre, merci beaucoup.
Peut-être une petite question d'entrée de jeu, là. Depuis le dépôt du projet de
loi, il y a plusieurs voix ou quelques voix, du moins, qui se sont élevées, là,
pour… Il y avait certaines craintes quant à la création de ce tribunal-là en
lien, notamment, avec l'impartialité et la neutralité de ce projet de loi là. Ça
pourrait venir, dans le fond, vicier ce processus-là ou donner un avantage indu
aux victimes, d'avoir un parti pris ou une partie favorable pour les victimes. J'aimerais
peut-être savoir ce que le Barreau en pense, de ces critiques-là, ces
inquiétudes-là, du fait de la création de ce tribunal-là, peu importe le nom,
là, qu'il pourrait avoir.
Mme Claveau (Catherine) :
Bien, je pense qu'il y a peut-être une façon de rassurer, justement, la
population par rapport à cette crainte-là. C'est une question de formation et
de ressources, donc, de bien former l'ensemble des, par exemple, procureurs à
la DPCP, l'ensemble des ressources, à cette réalité-là, qu'il y ait une
certaine rotation aussi chez les ressources, que ce ne soient pas toujours les
mêmes qui aient à traiter ces mêmes dossiers là, donc, qu'il n'y ait pas… que
les gens qui ont, par exemple, au DPCP, à entendre ces dossiers-là ne soient
pas teintés comme étant : ils font juste ces dossiers-là, donc c'est sûr
qu'ils vont prendre pour la victime. Non, plus il y a des gens qui sont formés,
plus il y a une rotation, alors plus on avoir de diversité. Puis ça va être
partout à travers le Québec. Puis, aussi, plus on fait ça, moins <les…
Mme Claveau (Catherine) :
…qui ont,
par exemple, au DPCP, à attendre ces dossiers-là ne soient pas
teintés comme étant : Ils font juste ces dossiers-là, donc c'est sûr
qu'ils vont prendre pour la victime. Non, c'est : Plus il y a des gens qui
sont formés, plus il y a une rotation, alors plus on va avoir de diversité,
puis ça va être partout à travers le
Québec. Puis aussi, plus on fait
ça, moins >les gens qui vont entendre ces dossiers-là vont être soit
épuisés ou même, entre guillemets, blasés.
Donc, je pense que l'important, c'est que
c'est une réalité nationale, que tout le monde est sensibilisé à ça, tout le monde
se fait former. On fait une rotation puis on s'assure que tous les gens sont
formés aussi pour… et qu'ils comprennent aussi les enjeux de la personne
accusée autant que la personne victime. Alors, quand je parle de formation, tu
sais, moi, je vise les deux, là. Ça fait que l'important, je pense, c'est
d'avoir le plus de personnes possible qui sont bien formées, puis qui
démontrent qu'il demeure une neutralité, puis que les principes de droits
fondamentaux ne changent pas même si on s'appelle tribunal spécialisé ou non.
La présomption d'innocence, le droit à une défense pleine et entière, ça
continue d'exister.
• (18 h 40) •
M. Lévesque (Chapleau) : Pas,
dans le fond…
Le Président (M. Benjamin) :
Merci.
M. Lévesque (Chapleau) : Ah
bon! Pardon, merci.
Le Président (M. Benjamin) :
Malheureusement, il ne reste plus de temps. Nous allons poursuivre les échanges
avec la députée de Verdun.
Mme Melançon : Merci. Merci
beaucoup, mesdames, d'être présentes, Mme la bâtonnière, Me Aguerre, un grand
plaisir de vous accueillir aujourd'hui. J'ai quelques questions auxquelles
d'autres groupes avant vous… J'ai posé les mêmes questions à d'autres groupes
puis je veux quand même avoir l'éclairage du Barreau quant à ces questions-là.
D'abord, je sens que vous avez la même
préoccupation que plusieurs élus quant à la possible contestation par la juge
en chef si… En tout cas, on l'a senti dans les journaux dernièrement. Est-ce
que vous sentez ce risque de contestation de votre côté aussi face aux
différends qu'il y a actuellement sur la place publique avec la création du
tribunal spécialisé?
Mme Claveau (Catherine) :
Bien, écoutez, c'est sûr que la juge en chef a soulevé cet enjeu. Je pense,
c'est aux parlementaires qui doivent être conscients qu'il y a une possibilité
de contestation judiciaire sur l'appellation, surtout si… peut-être si
l'appellation «tribunal spécialisé» demeure. Je ne vous dirai pas «surtout»,
mais il y a un risque, quand même, de contestation judiciaire. Maintenant, moi,
je rappelle que… Je pense, et la juge en chef et tout le monde, la majorité,
là, des gens qui sont interpelés pour répondre à ces questions-là, on vise tous
le même objectif, donc, c'est de… peut-être de trouver une voie de passage ou
une façon, là, de répondre à l'objectif de ce projet de loi là sans être
obligé, là, de s'attarder sur une dénomination et éviter les risques de
contestation judiciaire. Alors, effectivement, ça existe. Moi, j'ai bien confiance,
là, que tout le monde a la même volonté d'accompagner nos victimes. Et j'espère
évidemment qu'il n'y en ait pas, de contestation judiciaire, mais je pense que,
si on travaille tout le monde <ensemble, là…
Mme Claveau (Catherine) :
…sans être obligé, là, de s'attarder sur une dénomination et, tu sais, éviter
les risques de contestation judiciaire. Alors,
effectivement, ça existe.
Moi, j'ai bien confiance, là, que
tout le monde a la même volonté
d'accompagner nos victimes et j'espère
évidemment qu'il n'y en ait pas,
des contestations judiciaires. Mais
je pense que, si on travaille
tout
le monde >ensemble, là, ce risque-là, il est moins présent.
Mme Melançon : Bien, vous
avez raison de le dire, puis personne ne veut de contestation judiciaire,
d'autant plus que les dernières contestations judiciaires, bien, il y en a une
qui a duré trois ans puis l'autre a duré cinq ans. Et, quand on remet
ça en perspective, on s'éloigne vraiment de ce qu'on a visé lorsqu'on a déposé
le rapport Rebâtir la confiance, c'est-à-dire de penser, d'abord et
avant tout, aux victimes, à l'accompagnement de ces victimes-là et à la
confiance qu'on doit redonner à celles, principalement, là, parce que c'est
très largement des femmes, qui ont besoin, dans le fond, du système de justice.
Alors, Julie Desrosiers, un peu plus tôt, qui est une des coprésidentes du
rapport, parlait de certains irritants, notamment, donc, le nom, «tribunal
spécialisé». Est-ce que vous vous voyez… Est-ce que vous avez une préférence
quant… parce qu'on a entendu différentes choses. On a entendu «chambre»,
notamment. Est-ce que vous avez une préférence quant à l'appellation?
Mme Claveau (Catherine) :
On n'a pas de préférence quant à l'appellation. On ramène vraiment… Comme je
vous dis, l'importance, c'est l'objectif de la loi, c'est un meilleur
accompagnement. Et on ne se prononce pas, là, sur la meilleure appellation
possible. On n'a pas… On ne s'est pas arrêtés à cette réflexion-là, à cette
décision-là, même, de prendre position, là, sur la meilleure appellation.
Mme Melançon : D'accord.
Quant à la formation, on a parlé, tout à l'heure, de la formation, bien sûr,
des juges, des avocats. Vous parliez, tout à l'heure, de la formation des
avocats avec le ministre de la Justice. Est-ce que, pour vous, nous devrions
introduire à l'intérieur du projet de loi n° 92 la formation de tous les
spécialistes?
Mme Claveau (Catherine) :
Bien, ça fait partie de nos recommandations que toutes les personnes, là… Je
vous parlais tout à l'heure, là, de la possibilité d'une table multisectorielle.
Bien, tous les professionnels et spécialistes qui feraient partie de cette
nouvelle division là ou ce nouveau tribunal là, notre recommandation, c'est
qu'ils reçoivent, effectivement, une formation qui réponde, là, à ces
enjeux-là.
Mme Melançon : D'accord.
Tout à l'heure, on a rencontré… On était avec les CAVAC, et Mme Bergeron,
du Centre-du-Québec… Là, j'y vais vraiment de mémoire, pardonnez-moi,
18 h 45, mais Mme Bergeron nous parlait aussi d'une capacité
d'encadrer le contre-interrogatoire par les avocats de la défense. Est-ce que
ça a déjà été… Est-ce qu'il y a quelqu'un qui a <déjà…
Mme Melançon : ...de
mémoire, pardonnez-moi, 18 h 45. Mais Mme Bergeron nous parlait
aussi d'une capacité d'encadrer le contre-interrogatoire par les avocats de la
défense.
Est-ce que ça a déjà été...
Est-ce qu'il y a quelqu'un
qui a >déjà attiré votre attention sur cette possibilité?
Mme Claveau (Catherine) :
Je vais laisser Me Aguerre répondre à cette question.
Mme Aguerre (Ana Victoria) :
Bien, en fait, évidemment, comme vous le savez, tous les avocats sont soumis à
des obligations déontologiques qui les suivent partout, particulièrement dans
l'exercice de leur profession. Et, au niveau du respect des différentes
personnes, incluant des victimes qui pourraient être contre-interrogées, il y a
des obligations à cet égard-là qui s'appliquent.
En termes de formation, évidemment qu'il y
a de la formation qui est disponible. On est en train d'étudier la possibilité
d'avoir une formation élargie. On a déjà une formation de base sur
l'interrogatoire des personnes vulnérables, qui couvre plus large que les
victimes d'agression sexuelle ou de violence conjugale, mais elle existe déjà.
On est en train de la bonifier, de la parfaire, ce qui fait suite un peu aux
différents engagements du Barreau du Québec en termes de formation.
Mais j'ai cru comprendre que la grosse
problématique pouvait survenir aussi par les personnes qui se représentent
seules. Vous le savez peut-être, les personnes qui se représentent seules,
aujourd'hui, le Code criminel prévoit qu'elles doivent être représentées pour
contre-interroger la victime. C'est toutes des mesures qui sont déjà en place.
Il ne faut pas penser qu'on ne part de rien, au Barreau du Québec, et, même au
niveau de l'application du droit, il y a des choses déjà qui existent.
Mais, comme je vous le disais tout à
l'heure et comme Mme la bâtonnière vous le disait, le Barreau du Québec est en
train de penser, justement, à rendre obligatoires certaines formations qui vont
cibler spécifiquement les personnes, les avocats qui sont appelés à évoluer
dans le tribunal spécialisé. Donc, ça pourrait toucher un peu ce que vous
dites.
Mme Melançon : Mme Aguerre,
voulez-vous juste peut-être définir... parce que vous dites : Il y a déjà
une formation. J'ai bien compris que c'est pour les personnes vulnérables. C'est
ce que vous avez dit?
Mme Aguerre (Ana Victoria) :
Oui, en fait, le contre-interrogatoire pour les personnes vulnérables,
exactement. On a... J'ai la liste devant moi. Je ne vous le cacherai pas. On a
des formations déjà... Donc, le Barreau développe actuellement quatre
formations en ligne sur les réalités vécues des personnes victimes d'agression
sexuelle, les droits et recours des victimes d'agression sexuelle, le processus
disciplinaire pour les victimes d'inconduite sexuelle. À ça s'ajoute un
séminaire sur le fait d'interagir avec des victimes d'agression sexuelle ou de
violence conjugale en appliquant une approche intersectionnelle.
Donc, à travers tout ça, la formation des
avocats de la défense en matière de dossiers d'agression sexuelle et de
violence conjugale est traitée. Est-ce que ça peut être bonifié? Assurément, de
là les engagements du Barreau du Québec de rendre une certaine formation
obligatoire pour les membres qui seront appelés à intervenir dans ce genre de
dossier là. Et, comme le ministre de la ministre de la Justice l'a dit tout à
l'heure, la formation relative au DPCP, ça relève du ministère de la Justice. Donc,
il reste les avocats de la défense. Donc, voilà, vous me voyez venir.
Mme Melançon : Oui, très
bien. Merci beaucoup. Bien, vous voyez, hein, tout est dans tout parfois. C'est
pour ça… On <profite...
Mme Aguerre (Ana Victoria) :
…et, comme la
ministre de la Justice l'a dit
tout à l'heure, la
formation, au DPCP, ça relève du
ministère de la JusticeT. Donc, il
reste les avocats de la défense. Donc, voilà, vous me voyez me venir.
Mme Melançon :
Oui,
très bien. Merci beaucoup. Mais, vous voyez, hein, tout est dans tout, parfois,
c'est pour ça, on >profite de votre présence. À la page 3, vous
demandez, dans le fond… bien, vous suggérez qu'un rapport annuel sur la
formation dispensée aux juges sur cet enjeu soit disponible sur le site
Internet plutôt que de le déposer dans un rapport annuel. Est-ce que vous
pouvez juste m'éclairer, à savoir pourquoi vous faites la distinction? Pourquoi
vous séparez les deux possibilités?
Mme Claveau (Catherine) :
Bien, je pense que la distinction, à la base, c'est un peu un principe, là,
qu'il faut savoir, d'abord… Et, on le dit dans l'allocution, c'est que, déjà,
nos juges à la Cour du Québec sont beaucoup formés, et ils en reçoivent, de la formation,
et on sait qu'ils apprécient être formés. Puis, tu sais, on n'a aucune information
à l'effet que les juges seraient réfractaires à en avoir plus, au contraire, pour
avoir une formation spécialisée. Bon, évidemment, ça… Et, nous, ce qu'on dit,
c'est que, vous savez, on trouve que les gens qui sont impliqués dans le
système de justice doivent aussi avoir confiance au pouvoir judiciaire, et, parmi…
dans le pouvoir judiciaire, en principe, les juges en chef ont le pouvoir de
choisir quelle formation donner à leurs juges.
Et, oui, la loi pourrait obliger, disons,
les candidats juges, les juges à la retraite à suivre ces formations-là.
Pourquoi ne pas faire confiance à la juge en chef qui, elle, va préparer ce
rapport-là, va le rendre public sur son site Internet? On recommande que ce
soit au moins une fois par année. Dans le fond, c'est que les gens, les
justiciables, vont se rendre compte que, oui, les juges, pour eux, c'est important
aussi : Voici, ils les forment, les juges, voici le rapport, on vous le
dépose, c'est transparent, vous allez le voir. On pense qu'on peut laisser
cette responsabilité-là à la juge en chef plutôt que de dire : On va faire
un rapport, puis là on va le donner au ministre, puis le ministre va le déposer
à l'Assemblée nationale. C'est plus une question, là, de séparation de pouvoirs
puis de confiance…
• (18 h 50) •
Mme Melançon : Vous êtes simplement
en train d'enlever un irritant. C'est ce que vous êtes en train de nous dire de
façon gentille et polie. Merci.
Le Président (M. Benjamin) :
Alors, merci. Donc, nous allons poursuivre avec, maintenant, la députée de Sherbrooke.
Mme Labrie : Merci, M. le
Président. Les principes derrière les tribunaux spécialisés, vous les avez
nommés à plusieurs reprises dans votre intervention. Pour l'instant, ils ne
sont pas inscrits dans le projet de loi. Il y a différentes personnes qu'on a
rencontrées aujourd'hui, qui nous ont invités à les inscrire formellement.
Est-ce que vous pensez qu'on devrait le faire?
Mme Claveau (Catherine) :
Bien, je pense que ça va dans le même sens de notre allocution. On trouve que,
s'il y a plus de précisions qui sont inscrites dans la loi… La loi, c'est quand
même… Il y a une force importante. Ça a plus d'impact légal, mais, même… tu
sais, je veux dire, même moral, d'ascendant moral, qu'un règlement, ou un
décret, ou une procédure. Donc, oui, effectivement, on recommande qu'il y ait
un petit peu plus de précision <dans…
Mme Claveau (Catherine) :
…on trouve que, s'il y a plus de précisions qui sont inscrites dans la loi… la
loi, c'est
quand même… il y a une force importante, ça a plus d'impact
légal, mais même, tu sais, je veux dire, même moral, d'ascendant moral qu'un
règlement
ou un décret ou une procédure. Donc, oui,
effectivement, on recommande
qu'il y ait
un petit peu plus de précisions >dans la loi… dans le
projet de loi.
Mme Labrie : Parfait.
Puis, sur la question de l'entité qui chapeauterait tout ça en s'inspirant de
l'entente interministérielle, est-ce que ça aussi devrait figurer dans le projet
de loi, à votre avis, la création de cette entité-là?
Mme Claveau (Catherine) :
L'entente multisectorielle? Écoutez, on ne s'est pas penchés sur cette
précision-là, mais, effectivement, ça pourrait se retrouver dans la loi
également.
Mme Labrie : Ça pourrait
se retrouver dans la loi. Puis vous avez quoi en tête en termes d'entité?
Mme Claveau (Catherine) :
Bien, je vais peut-être laisser ma collègue vous donner un petit peu de précision
parce qu'elle a participé à ces enjeux-là, là, depuis plus d'années que moi.
Elle est plus au courant de comment ça fonctionne, ces ententes
multisectorielles.
Mme Aguerre (Ana Victoria) :
En fait, pour revenir un peu sur la première partie de votre question, il faut
savoir que l'entente multisectorielle va, en fait, traiter, je pourrais dire,
de la dénonciation de la victime jusqu'à même après le procès, le suivi de
certaines conditions qui pourraient être établies, comme par exemple le fameux «810».
Donc, la portée est beaucoup plus large que ce que prévoit actuellement le
projet de loi n° 92. Ça, je pense que c'est important à souligner. Mais je
comprends aussi, pour avoir entendu, tout à l'heure, parler le ministre de la
Justice, que c'est ça, l'idée qu'il a en tête, l'idée d'avoir vraiment une
espèce de processus large qui va couvrir toutes les différentes étapes que la
victime doit passer, là, avant d'aboutir à une décision par un tribunal.
Donc, dans ce sens-là, dans la mesure où,
bien, ça pourrait être intégré dans le projet de loi n° 92, ce serait
extrêmement intéressant. La grande distinction avec le tribunal spécialisé puis,
il faut croire, sa grande plus-value, là, de l'entente multi, c'est que, un,
elle va permettre d'identifier les différentes parties prenantes qui sont
impliquées, les différents partenaires qui sont impliqués dans le processus
judiciaire, mais même avant, et après…
Le Président (M. Benjamin) :
Merci…
Mme Aguerre (Ana Victoria) :
Je m'excuse, j'ai entendu quelque chose. Je ne sais pas si c'est un… Ah! O.K.
Le Président (M. Benjamin) :
Merci. Malheureusement, le temps qui nous est imparti, donc, si on veut que
tout le monde puisse s'exprimer… La députée de Joliette, maintenant.
Mme
Hivon
:
Oui, merci. Je sais, c'est très frustrant. Moi aussi, j'ai très peu de temps.
Sur ce, j'aimerais ça que vous nous spécifiiez… Tantôt vous avez dit que le
projet de loi était silencieux sur l'offre d'accompagnement. Donc, juste nous
dire, donc, si vous pensez qu'il faut vraiment, dans le projet de loi lui-même,
préciser ce serait quoi, le cheminement, en termes d'accompagnement.
Par ailleurs, sur la question de la
formation, j'essaie de… Vous avez dit… Si j'ai bien compris, puis vous me
corrigerez, votre position, c'est que la formation, pour ce qui est des
avocats, devrait être donnée à tous ceux et celles qui risquent d'être appelés
à évoluer dans le tribunal spécialisé, et je voudrais juste que vous me fassiez
le parallèle, parce qu'en ce <moment…
Mme
Hivon
:
…j'essaie de… vous avez dit, si j'ai bien compris, puis vous me corrigerez,
votre position, c'est que la formation, pour ce qui est des avocats, devrait
être donnée à tous ceux et celles qui risquent d'être appelés à évoluer dans le
tribunal spécialisé. Et je voudrais juste que vous me fassiez le parallèle,
parce
qu'en ce >moment, dans le projet de loi, pour ce qui concerne les juges,
c'est tous les juges, y compris, par exemple, les juges de paix magistrats,
donc, pas nécessairement juste ceux qui vont aller devant le tribunal
spécialisé. Est-ce que vous pensez qu'on devrait avoir une approche pour tous
les avocats comme pour tous les juges, ou, au contraire, qu'on devrait être
pareils, et donc juste cibler ceux qui risquent d'être devant le tribunal
spécialisé?
Mme Claveau (Catherine) :
Écoutez, bien, pour le moment, la recommandation est vraiment pour ceux qui auront
à soit aller au tribunal spécialisé, mais aussi ça peut être élargi à d'autres…
Par exemple, ça pourrait être pour des avocats en droit de la famille qui ont à
avoir des dossiers avec toute cette problématique-là, en chambre de la jeunesse
aussi. Pour le moment, on ne s'est pas positionnés pour savoir est-ce que ça
devrait être tous les avocats qui… de tous les milieux de pratique. Donc, c'est
difficile pour moi d'avoir une réponse affirmative, mais, au moins, ce que je
peux vous dire, en point de départ, ce serait au moins tous ceux qui sont
appelés, là, à aller devant le tribunal spécialisé, entre guillemets, ou des
instances avec des enjeux du même genre.
Mme
Hivon
:
Puis, pour ce qui est de l'accompagnement, on l'inscrirait dans la loi, le
processus d'accompagnement.
Mme Claveau (Catherine) :
Bien, nous, c'est vraiment la référence au modèle, l'entente multisectorielle,
là, je pense qu'on pourrait le mettre effectivement dans la loi, qui parle
d'accompagnement.
Mme
Hivon
:
Parfait. Est-ce qu'il me reste du temps?
Le Président (M. Benjamin) :
18 secondes.
Mme
Hivon
:
O.K. Évidemment, puisque la formation des juges, elle est inscrite dans la loi,
j'imagine que vous être d'avis que la formation des avocats, des policiers,
comme plusieurs nous l'ont demandé ce matin, devrait être inscrite aussi dans
la loi.
Mme Claveau (Catherine) :
On n'a pas d'objection à ça. On n'en a pas. On ne s'est pas exprimés, là, là-dessus,
mais on n'a pas d'objection.
Mme
Hivon
:
O.K., merci beaucoup.
Le Président (M. Benjamin) :
Alors, merci, Me Claveau, Me Aguerre. Merci beaucoup pour votre
contribution à nos travaux.
La commission ajourne ses travaux jusqu'au
mercredi 27 octobre après les affaires courantes. Merci.
(Fin de la séance à 18 h 56)