(Dix heures vingt minutes)
Le Président (M.
Bachand) : Bon matin. Ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission des institutions ouverte.
La commission est réunie virtuellement afin de
procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet
de loi n° 84, Loi visant à aider les personnes victimes
d'infractions criminelles et à favoriser leur rétablissement.
Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il
des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président, Mme Lavallée
(Repentigny) est remplacée par M. Provençal (Beauce-Nord); M. Fontecilla
(Laurier-Dorion) est remplacé par Mme Labrie (Sherbrooke).
Auditions (suite)
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Ce matin, nous entendrons par
visioconférence les groupes suivants : le Réseau des centres d'aide aux
victimes d'actes criminels et le Regroupement des maisons pour femmes victimes
de violence conjugale.
Et d'ailleurs, nous accueillons les deux
représentantes, que je salue. Mme Allen et Mme Riendeau, merci d'être
avec nous. Vous pouvez ouvrir vos micros.
Une voix : Voilà!
Le Président (M.
Bachand) : Ah! voilà. Merci, alors, sur ce, encore une fois,
d'être avec nous ce matin. Et comme vous le savez, vous avez 10 minutes de
présentation, après ça, nous aurons un échange avec les membres de la
commission. Alors, la parole est à vous pour 10 minutes. Merci encore
d'être avec nous ce matin.
Regroupement des maisons pour femmes victimes
de violence conjugale (RMFVVC)
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
d'abord, merci de nous avoir invitées à vous donner votre point de vue, les
délais étaient assez courts pour faire le tour du projet de loi, mais on va quand
même essayer de faire un petit tour avec vous.
On voudrait d'abord souligner des avancées, dans
le projet de loi, qui... dont on est assez contentes. D'abord, la définition
des victimes où on parle d'atteinte à l'intégrité au sens large et où on
rappelle que l'auteur n'a pas besoin d'être arrêté, identifié, trouvé coupable
pour que les victimes puissent bénéficier de la loi. Donc, pour nous, ça, c'est
important.
Autre élément satisfaisant, les enfants des
femmes victimes de violence conjugale étaient déjà, dans les faits, considérés
comme témoins des actes criminels, maintenant ils vont pouvoir aussi être
considérés, dans un deuxième titre, comme enfants des victimes. Donc, on pense
que ça sera sans doute aidant pour s'adapter aux situations des différents
enfants, on le demandait depuis longtemps.
Autre élément fort satisfaisant pour nous,
l'abandon de l'annexe qui définit les crimes. Beaucoup de femmes victimes de violence
conjugale, victimes de menace ou de harcèlement criminel étaient exclues, donc,
là, en allant sur le Code criminel, tous les crimes contre la personne qui sont
là, ça devrait régler. Par contre, on est inquiètes de voir que cette modification-là ne serait peut-être pas rétroactive.
Donc, une victime aujourd'hui de harcèlement criminel n'aurait peut-être pas accès aux bénéfices de la
loi quand elle sera adoptée. Donc, peut-être qu'on pourra discuter plus tard.
Autre élément
fort satisfaisant, c'est qu'on harmonise les délais pour déposer une demande
aux modifications qui ont été apportées au Code civil, donc les victimes
de violence conjugale pourront déposer une demande, là, en dehors des délais
prescrits par la loi.
Par ailleurs, il y a d'autres éléments qui nous
inquiètent. Tantôt, je disais ma satisfaction de voir que les auteurs n'ont pas
à être arrêtés et trouvés coupables, pourtant on conserve, à l'article 7
de la loi, l'obligation de coopérer pour les victimes, et on parle de coopérer pour
les gens chargés d'appliquer la loi, donc on peut se dire : Est-ce que
c'est une obligation de coopérer si on poursuit le conjoint violent sans que la
femme ait, elle-même, porté plainte? Est-ce que c'est une obligation si le
ministre veut récupérer des sommes qui auraient été versées au niveau de
l'IVAC? Pour nous, c'est problématique. Chaque jour, on encourage les femmes à
dénoncer les crimes qu'elles vivent. Chaque jour, on travaille à essayer
d'améliorer leur parcours dans le système judiciaire, mais force est de
constater, quand on lit le rapport du comité d'experts qui vient d'être déposé
sur l'accompagnement des victimes d'actes... de violence
conjugale et d'agression sexuelle, il y a 190 recommandations, donc on a
encore beaucoup de modifications, de bonifications à faire pour que les femmes
soient moins réticentes, et, si on les oblige à coopérer avec le système de
justice, pour nous, ça pourrait être dissuasif pour beaucoup de femmes qui ne
se prévaudraient pas, à ce moment-là, du régime d'indemnisation. Donc, nous, on
recommandait carrément d'enlever l'article 7 de la loi, les citoyens ne
seront pas obligés de dénoncer les crimes qu'ils vivent, donc on pense que ça
serait facilitant.
Autre élément qui nous inquiète, le pouvoir de
subrogation qui est maintenu. Ce pouvoir-là n'est pratiquement pas utilisé
depuis longtemps, mais, pour une femme victime de violence conjugale, craindre qu'on
va aller récupérer l'argent si son conjoint va la faire craindre qu'il y ait
des... qu'elle vive des représailles... Déjà, de donner son nom et son numéro
de téléphone dans le formulaire de l'IVAC, ça crée une panique pour beaucoup de
femmes. Donc, nous, on dit : Il faut vraiment s'assurer qu'on ne va pas
remettre en fonction des poursuites, là, contre des conjoints violents.
Autre élément aussi qui est inquiétant, en tout
cas, qui pourrait être modifié assez facilement, c'est la question de la faute
lourde. On comprend bien qu'on ne veut pas que les gens du crime organisé
bénéficient du régime. Dans le projet de loi, on a prévu une exception pour des
proches ou des membres de la famille qui auraient contribué à atteindre l'intégrité ou à la perpétration de l'infraction
s'ils sont victimes de violence ou s'ils sont eux-mêmes menacés.
Pourquoi ne pas avoir fait la même chose pour les victimes elles-mêmes? Je
pense particulièrement aux victimes qui
vivent sous l'entreprise d'un conjoint violent, d'un trafiquant d'êtres
humains, d'un proxénète, qui peuvent être
menacées. Donc, nous, vraiment, on recommande d'ajouter l'exclusion aussi pour
ces victimes-là, donc de modifier l'article 16.1 de ça.
Autre élément qui nous a soulevé beaucoup de
questions, c'est qu'on modifie en profondeur tout le système d'indemnité, mais
on ne sait pas trop à quoi ça ressemblera parce que ça va être défini dans un
règlement qu'on ne connaît pas pour l'avenir.
Autre chose, on se dit : Est-ce que les
modifications qui ont été apportées tiennent compte du profil des victimes qui
bénéficient de la loi? Quand on va lire les rapports, on voit que ce sont
beaucoup des femmes et des filles victimes d'agression sexuelle et de violence
conjugale, donc peut-être des personnes moins riches que la moyenne des gens
ou, en tout cas, que des hommes. On ne sait pendant combien de temps, quel type
d'indemnité elles reçoivent, en quoi la structure actuelle répond à leurs
besoins et en quoi la structure proposée dans l'avenir le fera. Donc, pour
nous, ça nous aurait pris une analyse beaucoup plus fine pour être capable de
porter un jugement sur ce qui est proposé et plus d'information sur les
indemnités proposées.
Autre question que ça nous soulève, on avait
demandé l'élargissement du nombre de personnes admissibles, mais on ne sait pas
est-ce que ces personnes-là seront traitées de la même façon. Est-ce qu'on aura
la même enveloppe? Et donc que ça risque de faire une diminution des
prestations pour les victimes directes. Là aussi, beaucoup de questions pour
juger de ce qui est proposé.
Mais un élément qui est présent dans la loi et
qui, pour nous, soulève des problèmes, c'est qu'au niveau de l'aide financière
pour pallier la perte de revenu. On exclut les personnes qui sont à l'extérieur
du marché du travail. Quand on regarde les femmes qui sont hébergées dans nos
maisons, 40 % se définissent comme des femmes à la maison et ont comme
revenu l'aide sociale ou le revenu du conjoint, donc, d'emblée, ces
personnes-là vont être exclues, alors que, pour nombre d'entre elles, si elles
ont quitté le marché du travail, c'est à cause des pressions du conjoint
violent qui voulait les isoler ou parce que leur rendement au travail souffrait
à cause de la violence, et qu'elles ont été exclues du marché par leur
employeur. Il y a... À l'heure actuelle, on est en train de regarder la Loi sur
santé et sécurité au travail qui pourrait apporter des solutions à ça, mais ce
n'est toujours pas fait. Donc, pour nous, c'est problématique qu'on exclue ces
personnes-là et c'est un peu comme si on disait : Si elles ne sont au
marché du travail, on prend pour acquis qu'elles n'y seraient pas retournées.
Donc, pour nous, un problème.
Autre problème, pour les personnes qui y auront
droit, on limite ces prestations-là à trois ans. On comprend qu'on vise le
rétablissement et on est totalement d'accord avec ça, mais on sait qu'il y a
des personnes pour qui les traumatismes sont plus importants, qu'elles auront
besoin de plus de temps et que même certaines ne récupéreront pas totalement.
Donc, limiter à trois ans nous semble problématique.
Pour les autres aides financières, beaucoup de
questions aussi. On ne sait pas si, par exemple, ce qui est admis à l'heure
actuelle, où on paie deux mois de loyer pour les personnes qui doivent résilier
leur bail pour des raisons de sécurité, en vertu de 1974.1 du Code civil,
essentiellement des victimes d'actes de violence conjugale et d'agression
sexuelle, c'est toujours là. Est-ce que les systèmes d'alarme sont toujours là?
On ne sait pas.
• (10 h 30) •
Au niveau des personnes assistées sociales, on
aurait espéré que la loi règle les problèmes actuels parce que, pour ainsi
dire, à l'heure actuelle, les gens qui réussissent à bénéficier de l'IVAC se
font à peu près tout recouper par l'aide sociale ou doivent le dépenser dans le
mois où ils reçoivent, donc on n'a pas de... on ne voit pas de solution dans la
loi pour ça. Et on voit aussi un problème que la loi ajoute, qui ne touche pas
ces personnes-là, mais qui touche les victimes de violence conjugale. Il y a
une modification pour adapter le langage, qui est faite à l'article 417 du
Code de procédure civile, qui pourrait avoir pour effet de le restreindre ou de
sembler le restreindre. C'est un article qui prévoit que les personnes victimes
de violence conjugale peuvent être... ne pas aller aux séances de parentalité
et en médiation familiale, mais là, la proposition qui est faite pourrait nous
laisser croire que c'est seulement les personnes victimes de violence conjugale
qui ont subi une infraction. Je suis sûre que ce n'est pas l'intention du
législateur, mais ça pourrait se régler assez rapidement.
Aussi, on trouve qu'il y a des occasions
manquées. On pense que la question des droits des victimes aurait pu être
bonifiée en fonction de ce qu'il y a, justement, dans le rapport du comité
d'experts sur l'accompagnement des victimes d'agression sexuelle et de violence
conjugale et en fonction de la charte des victimes. On ne voit pas
davantage de recours, donc c'est aussi des éléments qu'on dit : Faudrait
retravailler ça.
Mais là, là-dessus, je vais aussi laisser la
parole à ma collègue, qui, elle, accompagne régulièrement des femmes dans leurs
demandes à l'IVAC et qui peut parler des problèmes concrets qu'elles vivent sur
le terrain. Merci
Le Président (M.
Bachand) : Malheureusement, Mme Riendeau, c'était
10 minutes totales, pour les deux, alors désolé. Alors, ceci étant dit, on
va pouvoir débuter la période d'échange. Alors, M. le ministre, s'il vous
plaît.
M.
Jolin-Barrette : Oui,
bonjour, M. le Président. Bonjour, Mme Allen, Mme Riendeau.
Peut-être, Mme Allen, si vous voulez y aller un petit
deux minutes sur mon temps pour... avant que je pose des questions.
Le Président (M.
Bachand) : Mme Allen, s'il vous plaît.
Mme Allen (Cathy) : Bien oui, en
fait, bien, merci de nous recevoir. J'avais préparé, évidemment, là, toutes les
problématiques qu'on rencontre sur le terrain quand on accompagne les victimes
de violence conjugale, là, pour une demande d'indemnisation à l'IVAC.
Évidemment, là, c'est unanime, le régime est mal adapté à la réalité des
victimes d'actes criminels. C'est un régime, là, qui est extrêmement complexe.
Donc, tu sais, on a un formulaire de demande qui
inclut, là, avec les annexes, 18 pages. Un guide qui est conçu pour le
compléter, là, qui comporte 23 pages. On décide, des fois, de ne pas
remettre le formulaire aux femmes avant de commencer à le remplir, justement,
parce qu'il est tellement complexe qu'il décourage les femmes, là,
d'entreprendre la démarche. Il y a des sections, là, comme Mme Riendeau
l'a nommé, là, qui font extrêmement peur, donc qui sont anxiogène pour les
femmes, quand on demande, notamment, le numéro de téléphone du présumé
responsable de l'acte criminel. Donc, on doit, là, faire beaucoup
d'interventions avec les femmes pendant la démarche,
l'IVAC, là, pour les rassurer, pour... Parce qu'aussi la démarche, en tant que
telle, fait remonter les traumas aux
femmes. Donc, ce n'est pas rare qu'on doit, là... qu'on doive donner deux ou
trois rendez-vous à des femmes pour compléter cette demande-là qui
est extrêmement complexe, qui n'est pas bien adaptée, qui l'est encore moins,
là, pour les victimes de violence conjugale et d'agression sexuelle. C'est
difficile de rejoindre les agents de l'IVAC, les délais sont longs, les retours
d'appels, avant d'en avoir, là, pour les victimes, c'est extrêmement long.
Donc, il y a plusieurs choses à revoir, là, quand... au niveau de la démarche
en tant que telle, comme on le dit, là, qui est extrêmement anxiogène, là, pour les victimes. Donc, je trouve que c'est
anormal, là, même entre nous, les intervenantes, qu'on ait à se valider,
à regarder le formulaire pour s'assurer, là, qu'on n'échappe rien. Alors, on
peut s'imaginer, là, que c'est difficile quand on accompagne les victimes, ça
fait qu'on peut juste s'imaginer celles qui formulent des demandes en étant
seules, en n'étant pas accompagnées, là, comment ça peut être ardu de se lancer
dans cette démarche-là pour recevoir des indemnisations.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Merci,
Mme Allen. Je tiens à vous rassurer dès le départ, là, un des objectifs de
la réforme, aussi, c'est de simplifier le processus pour les victimes, pour
simplifier les formulaires. Notamment aussi, en termes de service à la
clientèle, là, j'ai eu l'occasion de le dire, dans le fond, dans le projet de loi,
il y a une disposition qui fait en sorte qu'on rapatrie, dans le fond, la
gestion du service à la clientèle, si je peux dire, de la direction de
l'indemnisation des victimes d'actes criminels au ministère de la Justice.
Donc, moi, un de mes objectifs, ce sera vraiment de faire en sorte de
s'assurer, dans le processus administratif, dans le traitement des dossiers des
victimes, bien, que ça soit un service à la clientèle qui soit approprié.
D'ailleurs, à cet effet-là, je ne veux pas excuser ni je ne veux pas jeter la
pierre à personne, mais c'est sûr que l'ancienne loi que nous avions, c'est une
loi qui est assez rigide aussi, puis qu'il y avait énormément de contestation,
puis il y avait beaucoup de victimes déçues aussi parce que, justement, la
notion de victime, elle était assez restrictive, et c'est ce qu'on a essayé de
faire avec la proposition législative qu'on a, c'est d'éclater un peu la notion
de victime, qu'il y ait davantage de personnes victimes, le noyau familial
également, pour que ça soit plus simple pour le soutien psychologique. Donc, je
tenais à vous dire ça d'entrée de jeu, là, j'ai bien entendu les critiques dans
l'opérationnalité des choses.
Peut-être, Mme Riendeau, tout à l'heure,
vous parliez de la faute lourde, notamment en matière violence conjugale, agression sexuelle, et ça j'en prends
bonne note. Il y a quelques groupes qui sont venus nous le dire
également. Je ne vous ai pas entendue sur
les mesures d'urgence, le programme de mesures d'urgence qu'on met en place
dans la loi pour faire en sorte que,
justement, là, l'aide au logement, transport, nourriture, on puisse faire en
sorte, dès le départ, qu'une personne qui est en situation d'urgence,
pour sa santé physique ou psychologique, puisse être sortie de son milieu.
Mme Riendeau (Louise) : Bien, en
fait, on n'en a pas parlé parce qu'on sait encore peu de choses là-dessus. On
avait entendu parler de cette mesure-là avant même que le projet de loi soit
déposé. Bien sûr, il y a des besoins d'urgence pour sortir les personnes de la
violence, mais ce qu'on a compris, c'est que ça se passait, par exemple, si on
prend les victimes de violence conjugale, que ça se passait entre le moment où
elles sont chez elles, prises avec un agresseur, et le moment où elles fuient
une ressource. Donc, ça répond à certains besoins, mais on... ce n'est pas
encore défini, qu'est-ce qu'il y aura là-dedans, et il y a déjà des réponses
qui servaient à ça, tu sais, on paie déjà les maisons, le transport des femmes
vers les ressources, des choses comme ça, ça fait que est-ce que ça va apporter
plus? On le souhaite, mais on a peu parlé de ça dans notre mémoire parce que
c'est encore peu défini.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Au niveau de l'abolition de la liste des
infractions, je crois que vous soulignez cet élément-là, justement, nous, ce
qu'on veut faire, c'est couvrir davantage de victimes et nous assurer qu'elles
pourront obtenir le soutien nécessaire, donc je pense que ça répond à une de
vos recommandations.
Mme Riendeau (Louise) : Oui, tout à
fait, nous, ça fait longtemps qu'on le revendique, parce qu'il y avait plusieurs
femmes victimes de violence conjugale, de proxénétisme, de traite qui étaient
exclus parce que les crimes avaient été... étaient entrés dans le Code criminel
après l'adoption de l'annexe. Donc, on est satisfaites de voir que ça sera le
Code criminel. Par ailleurs, on a vu qu'il y avait une petite possibilité
d'exception, là, l'article dit : «À moins d'indication contraire». On se
disait : Bien, est-ce qu'il y a déjà des choses qui sont prévues là?
M.
Jolin-Barrette : Je vous
amène sur quelque chose que vous avez dit au départ, là, l'obligation de
coopérer pour les victimes, à l'article 7, ça, c'était déjà dans la loi
sur l'aide et, dans le fond, ça ne change pas. Là, on a fusionné les deux lois ensemble dans le même régime pour avoir un
tout cohérent, mais l'aide n'est pas conditionnelle, et ça, je veux être
très clair, là, ça demeure la même chose, il n'y a pas d'obligation de porter
plainte à la police pour pouvoir bénéficier de l'indemnisation ou du soutien,
et ça, j'aurai l'occasion de le dire, en commission parlementaire aussi,
lorsqu'on va adopter l'article. On souhaite bien entendu que les victimes
puissent collaborer, mais il n'y aura pas... En fait, je veux être clair, les
victimes vont recevoir toute l'aide nécessaire, et il n'y a pas la nécessité de
porter plainte à la police pour faire en sorte...
Vous avez abordé une autre question, le recours
subrogatoire, par rapport aux femmes victimes de violence conjugale, notamment.
Ça aussi, je veux vous dire, ça va être exercé avec le doigté nécessaire et
discrétion. Bien entendu, on ne veut pas faire revivre à certaines victimes des
situations difficiles pour elles, mais je pense que l'État, dans un régime
comme celui-ci, doit s'assurer, lorsqu'on indemnise les victimes, au moins, que
le... la personne qui commet l'infraction, qui commet le tort, aussi, puisse
contribuer à cela. Donc, il y a des situations particulières en matière, notamment,
de violence conjugale, comme vous le dites, mais je pense que l'État doit quand
même avoir les outils pour faire en sorte
que... Parce que c'est un régime qui est collectif, hein, puis tout le monde coure après l'argent,
ultimement. On est allé chercher beaucoup d'argent, 193 millions de plus,
justement, pour rendre imprescriptible les agressions à caractère sexuel,
notamment la violence conjugale, la violence subie pendant l'enfance, pour
réactiver, aussi, le droit des personnes qui s'étaient fait dire non, en
matière d'agression sexuelle, ils vont pouvoir redéposer une demande à l'IVAC,
d'indemnisation, dans les trois prochaines années, mais on se retrouve dans une
situation où, si on peut aller récupérer certaines sommes auprès des
agresseurs, bien, ils doivent, eux aussi, payer, parce que c'est eux qui ont
causé le préjudice à la victime. Donc, je tenais juste à vous rassurer
là-dessus que ça va être utilisé avec le doigté nécessaire.
Pour ce qui est de la question du remplacement
de revenu, là. Dans le projet de loi, effectivement, pour ceux qui n'ont pas de
revenu, ça ne sera plus couvert. Par contre, pour ceux qui ont un revenu, c'est
trois ans plus deux ans, donc juste jusqu'à une période de
cinq ans pour la réinsertion puis l'indemnité de remplacement de revenu,
je tenais à vous le souligner également.
Je vais céder la parole à mes collègues qui ont
des questions pour vous, mais je tiens à vous remercier pour votre mémoire et
votre passage en commission parlementaire, c'est grandement apprécié.
• (10 h 40) •
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Alors, je cède la parole — je vais essayer de le retrouver — au
député de Chapleau. M. le député, s'il vous plaît.
M.
Lévesque (Chapleau) : Oui, bonjour, M. le Président, merci
beaucoup. Bonjour, Mme Allen, Mme Riendeau. C'est un plaisir
de vous revoir. Nous avions eu l'occasion de nous rencontrer, là, dans un autre
cadre.
Peut-être une petite question, là, selon votre
expérience, j'aimerais peut-être faire appel à ce que... à vos antennes sur le
terrain : Comment vous pensez qu'on pourrait mieux rejoindre les victimes
afin, bon, de les informer de leurs droits puis les ressources qui s'offrent à
elles? Bien, j'imagine que pas toutes les victimes sont au courant, au fait de
ces possibilités qui s'offrent à elles, notamment, pour l'IVAC.
Mme Riendeau (Louise) : Cathy,
veux-tu y aller?
Mme Allen (Cathy) : Oui, je peux y
aller. Bien, effectivement, je pense qu'on peut, en fait, mieux informer les
victimes du régime d'indemnisation, le promouvoir. Il y a plusieurs victimes
qu'on rencontre qui avaient vu des intervenants, là, avant de consulter une
maison d'hébergement, elles avaient déjà été victimes d'actes criminels, et
jamais on ne leur avait parlé de leurs possibilités, là, de déposer une demande
d'IVAC, donc c'est inconnu, aussi, là, de nombreux intervenants. Donc, je pense
qu'on peut mieux faire connaître le régime, là, et, comme je disais tout à
l'heure, le simplifier, évidemment, là, pour que ce soit plus accessible pour
tout le monde.
M. Lévesque (Chapleau) :
Mme Riendeau?
Mme Riendeau (Louise) : Oui, bien,
j'ajouterais aussi, au niveau de la façon de remplir les formulaires, et de
tout ça, nous, on suggère dans le mémoire aussi de mieux outiller les victimes.
Tu sais, une victime qui fait de l'insomnie depuis des années parce qu'elle a
peur de son conjoint, à un moment donné, elle ne le sait plus que c'est une
conséquence du crime, elle est habituée de vivre comme ça. Une victime qui fait
de l'hypervigilance, qui ne s'assoit jamais dos à une
porte, des choses comme ça, elle ne va peut-être pas identifier ça, donc il y a
un outil qui a été fait par les CAVAC qui est fort utile pour ça, mais on pense
que l'IVAC, lui-même, devrait mieux outiller les victimes qui... bon, quand
elles sont accompagnées, on peut les aider, mais beaucoup ne le sont pas.
M. Lévesque (Chapleau) : Vous avez
parlé des formulaires, de la relation avec l'IVAC et ses agents n'est pas
toujours facile, pas toujours simple, bon, il y a de la... un peu de froideur,
un peu de lourdeur, donc, vous l'avez constaté, y a-tu certains éléments qui
vous sautent aux yeux qui pourraient améliorer la situation de façon rapide ou
même sur le long terme? On a eu des propositions de formation, de
sensibilisation. Je ne sais pas si vous, vous vous inscrivez dans cette
ligne-là aussi.
Mme
Riendeau (Louise) : Bien,
peut-être que je dirais, dans la foulée du rapport du comité d'experts,
violence conjugale, agression sexuelle, on a parlé de former beaucoup
d'intervenants, moi, je pense qu'au niveau de l'IVAC, on devrait aussi avoir
des gens dédiés à ces situations-là, qui sont particulières. Ce n'est pas comme
se faire attaquer sur la rue en revenant du travail, là, que ça va arriver une
fois, puis bon... Ces personnes-là ont des grands besoins, mais les victimes de
violence conjugale, d'agression sexuelle peuvent en avoir. Donc, peut-être, des
gens dédiés pour ces problématiques-là et effectivement de la formation, de la
sensibilisation, pour faciliter les choses. Le fait... Nous, on s'est fait
raconter qu'il a des intervenants qui ne veulent pas donner leur numéro de
poste aux victimes, mais juste aux
intervenantes, ça n'a pas de sens, ça, tu sais. Ça fait que je pense qu'il faut
vraiment faire un travail à ce niveau-là.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci...
Mme Allen (Cathy) : Il y a aussi un
travail... oups, pardon, je ne sais pas si je peux ajouter quelque chose.
M. Lévesque (Chapleau) : Allez-y,
oui, oui, tout à fait.
Mme Allen (Cathy) : Mais il y a
vraiment un travail à faire aussi, là, les agents attitrés au dossier changent
régulièrement, ça complique les démarches avec les victimes qui ont à répéter
leurs besoins avec ce qu'elles ont vécu, ou encore la nouvelle agente va devoir
prendre connaissance, là, du dossier, ce qui a vraiment un impact sur les
délais de réponse aux victimes. Donc, je pense qu'il y a quelque chose à avoir,
là, à ce niveau-là. C'est extrêmement difficile, il y a des victimes qui
s'épuisent, complètement, là, dans le processus.
M.
Lévesque (Chapleau) : D'accord. Une petite dernière question, là. Je
sais que mon collègue de Saint-Jean aurait peut-être des questions aussi
par la suite. On a parlé d'actes, de gestes, qui ne seraient pas nécessairement
inscrits au Code criminel ni une infraction
criminelle inscrite au Code criminel, bon, certains intervenants nous
disaient qu'on devrait aussi ajouter ces gestes-là dans la liste qui serait
admissible à l'IVAC. Est-ce que vous, vous abondez dans le même sens, notamment
le harcèlement sexuel, des choses comme ça?
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
normalement... Bien, en fait, quand on regarde la situation de la violence
conjugale, c'est sûr que c'est une multiplication de tactiques, certaines étant
des actes criminels, d'autres ne l'étant pas qui, mises ensemble,
effectivement, minent les victimes, donc peut-être qu'il y a quelque chose à
regarder dans ces situations-là. Nous, on a un peu d'espoir que le Code
criminel finisse peut-être par inclure le contrôle coercitif, qui est reconnu
comme une infraction dans d'autres pays, qui tient mieux compte de l'ensemble
des dimensions de la violence conjugale. Cela étant dit, on n'a pas fait de
proposition, là, à cet effet-là dans notre mémoire, mais c'est sûr que c'est
une très bonne piste de réflexion.
M. Lévesque (Chapleau) : Parfait.
Merci beaucoup. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Merci. M. le député de Saint-Jean, il reste deux petites
minutes.
M. Lemieux : Merci, M. le Président.
Bonjour, Mmes Riendeau et Allen. Je ne sais pas si vous avez suivi les
échanges qu'on a eus avec d'autres témoins en consultation depuis deux jours,
il est normal que chacun, chaque groupe y aille avec ses considérations, et je
le mets entre plusieurs guillemets, sa clientèle, sa vocation, sa mission, mais
je me demandais si vous n'aviez pas une vision par rapport à... philosophie,
c'est un grand mot, là, mais par rapport à l'ensemble de l'oeuvre. Il y a quand
même une cinquantaine d'années d'IVAC, là, derrière nous, et ce que le ministre
essaie de faire, et ce que je comprends du projet de loi, c'est qu'on veut
élargir à un plus grand nombre de victimes, entre guillemets, et je pense qu'il
y en a beaucoup de celles-là qui vont venir, entre guillemets, de votre
clientèle, pour remettre les guillemets. Est-ce que la vision du projet de loi
n° 84, en ce sens-là, non seulement vous rassure, mais vous donne les
pistes? Parce que je comprends les frustrations au quotidien, là, mais, en même
temps, si on regarde génériquement l'ensemble de l'oeuvre, il y a là des pistes
de solution pour vous, je pense, non?
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
effectivement, c'est les avancées qu'on a nommées tantôt, et je pense que pour
d'autres victimes, il y a aussi, là, au niveau de la définition des victimes,
l'article 10, tout ça, des choses qui sont intéressantes, mais, si on
regarde l'ensemble de l'oeuvre, comme on l'a dit, pour nous, ça soulève
beaucoup de questions parce qu'il y a encore beaucoup de choses pas connues,
beaucoup de choses dans le règlement.
On a voulu inclure l'aide
et l'indemnisation dans le même projet de loi, moi, je comprends bien les
objectifs, mais ça crée d'autres problèmes. Est-ce que... puis on se dit, c'est
ça, il faudrait prendre le temps de fignoler nos libellés pour être clair.
Tantôt, le ministre disait : C'est sûr qu'il n'y a pas une obligation de
coopérer pour avoir accès à l'indemnisation. Sauf que comme c'est écrit, ça
peut ne pas être clair pour certaines victimes et personnes qui les
accompagnent. Au niveau du recours subrogatoire, je comprends bien qu'on ne
veut pas créer des problèmes aux victimes, mais peut-être qu'on a intérêt à le
clarifier aussi.
Ça fait que c'est ça, nous, on trouvait que
c'est un projet de loi qui avance, mais sur lequel il faut encore fignoler, et
c'est pour ça qu'on en appelait un peu au ministre, à la commission, pour
dire : On l'attend depuis longtemps, c'est important, faisons... prenons
le temps de faire les choses correctement. On la veut, cette réforme-là, mais
on veut que ça soit efficace.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme Riendeau. Je cède maintenant
la parole au député de LaFontaine, s'il vous plaît. M. le député.
M. Tanguay : Merci beaucoup, M.
le Président. Alors, bonjour, Mme Riendeau, bonjour, Mme Allen, merci
d'être avec nous ce matin pour échanger sur le projet de loi.
Je partage avec vous le sentiment de compression
temporelle dans l'analyse du projet de loi. Moi, j'ai juste 11 minutes,
alors je vais... j'aurais beaucoup, beaucoup d'éléments à discuter à visière
levée en commission parlementaire avec vous, mais je vais y aller de façon la
plus succincte possible, mais merci d'apporter votre éclairage et merci pour le
mémoire.
Point important majeur — parce
que j'ai des choix à faire, je pense qu'on ne pourra pas tout aborder — les
aides, différentes aides financières. Vous dites, dans votre mémoire, à la
page 19, par rapport à la perte de revenu, puis j'aimerais revenir
là-dessus parce que j'y ai vu un exemple très tangible d'un recul avec le
projet de loi : «Dans le régime actuel, les personnes qui ne sont pas en
emploi à la date de l'acte criminel peuvent tout de même être indemnisées si elles démontrent une incapacité à
étudier ou à vaquer à [une] majorité des activités de la vie
quotidienne. Cette possibilité est maintenant éliminée. Cela sera problématique
pour nombre de victimes, mais particulièrement pour les femmes victimes de
violence conjugale.» J'aimerais vous entendre là-dessus parce que c'est majeur,
là.
• (10 h 50) •
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
effectivement. Pour nous, c'est un recul dans le projet de loi, puis, comme je
le disais tantôt, on ne peut pas considérer que, parce que quelqu'un n'est pas
sur le marché du travail, la victimisation qu'elle a vécue ne lui fera pas
perdre des revenus d'emploi plus tard, et que, pour nous, il y a beaucoup de
femmes victimes de violence conjugale qui ne sont pas ou qui ne sont plus sur
le marché du travail parce qu'on les a forcées à s'en retirer au niveau de tout
l'isolement que le conjoint a tenté de faire. Donc, on dit : Il y a des
femmes qui, à l'heure actuelle, pouvaient être indemnisées. À l'heure actuelle,
la base, c'est le salaire minimum. C'est qu'au lieu de prendre un revenu
d'emploi, on va prendre le salaire minimum pour le calculer. Donc, il y a des
personnes qui, à l'heure actuelle, pouvaient être indemnisées qui ne le seront
plus, donc, ça, pour nous, c'est un recul dans les propositions qui sont
faites.
M. Tanguay : Tout à fait.
Autre élément que j'aimerais aborder avec vous, à l'article 7 du projet de
loi, à l'article 7, c'est le devoir de coopérer. La victime doit, dans la
mesure du possible, coopérer en regard de la loi, de l'infraction criminelle,
donc le devoir de coopérer et, à l'article 27, la subrogation. Autrement
dit, vous avez été victime, vous êtes indemnisée, le ministère public peut
poursuivre pour le montant qu'on vous a indemnisé, peut poursuivre la personne
qui a été l'agresseur, puis vous devez, là aussi, coopérer. Le ministre a tenté
de nous rassurer en disant : Bien, l'article 7, devoir de
coopération, rassurez-vous, on ne voudra pas, par là, obliger une personne à
porter plainte à la police. Mais vous, vous dites : Bien, devoir de
coopération, c'est un devoir, une obligation qui est plus large que ça. Puis
vous dites... vous soulevez l'obligation de témoigner en cour dans les deux
cas, coopération et subrogation, et également vous dites : «À l'heure
actuelle — puis
j'aimerais vous entendre là-dessus parce que c'est une réalité tout humaine que
vous, vous vivez — [...]
on demande aux victimes le nom et le numéro de téléphone de l'agresseur. Cette question
soulève chez les femmes victimes de violence conjugale une grande frayeur.
Elles craignent que leur demande et les éléments qu'elles y soulèvent ne soient
vérifiés auprès de l'agresseur.» Donc, vous dites : Gros drapeau rouge,
là, pour ce devoir de coopérer, article 7 et 27, subrogation.
Mme Riendeau (Louise) : Cathy,
veux-tu y aller ou tu veux que j'y aille?
Mme Allen (Cathy) : Tu peux y aller,
Louise.
Mme Riendeau (Louise) : O.K. Bien, effectivement,
quand les victimes arrivent face à ça devant le formulaire, elles se
disent : Ils vont-tu l'appeler? Est-ce qu'ils vont lui demander de
corroborer ce que je dis? Il va savoir que je fais ces démarches-là. Est-ce
qu'il va essayer de me faire des problèmes avec ça? Parce qu'il faut voir que
la violence conjugale, ça se continue même après la séparation et que les conjoints
vont utiliser toutes les prises possibles
pour continuer de contrôler. Donc, ça va être... Tu sais, on parlait qu'on
s'est déjà vus, avec M. Lacombe, dans un... pas
M. Lacombe, mais, en tout cas, dans une autre chose, au niveau du droit de
la famille, on va multiplier les procédures pour ne pas payer de pension, pour
ne pas donner le droit de garde, ça fait que de savoir qu'une femme fait une
demande à l'IVAC peut aussi être une occasion pour un conjoint, là, violent, de
poursuivre son contrôle.
Donc,
toutes ces situations-là sont extrêmement anxiogènes pour les femmes, et il
faut vraiment mettre beaucoup d'énergie pour les rassurer quand elles voient
ça. Donc, si jamais elles peuvent penser qu'elles peuvent être appelées à aller
témoigner parce que le ministère de la Justice récupérerait les sommes versées,
écoutez, des femmes vont dire : Écoutez,
ça ne vaut pas le coup, là, je ne ferai pas de demande d'IVAC si je risque ça.
Et je comprends ce que le ministre dit, mais je pense qu'il faut trouver
d'autres façons de mieux rassurer les gens. Nous, dans notre mémoire, on ne
disait pas : Il faut que le pouvoir de subrogation n'existe pas, mais il
faut avoir quelque chose qui nous rassure sur le fait que ça va être appliqué
de façon à tenir compte des conséquences possibles pour les victimes.
M. Tanguay :
Et à vous écouter, Mme Riendeau et Mme Allen, je me rends compte
qu'avec Me Lessard, hier, on disait : O.K., devoir de coopération, il
y a quand même une coopération minimale, il faudrait quand même, pour éviter ces écueils-là, il faudrait
l'encadrer. Là, on disait : O.K., qui ne nuirait pas. On pourrait ajouter
«coopérer» dans la mesure où ça ne nuit pas au processus de réhabilitation,
mais ça, on ne couvrirait même pas les cas d'espèce que vous soulevez en amont,
qui est le fait de donner, par exemple, le nom de son agresseur, son numéro de téléphone puis de coopérer. Moi, je ne le mets
pas, puis corrigez-moi si j'ai tort, dans un processus de réhabilitation.
Là, on est dans une autre forme de coopération qui est requise, puis on dit beaucoup :
Dénoncez, dénoncez, dénoncez. Mais ça peut, de façon très tangible, être des
éléments qui, justement, font reculer les victimes pour dénoncer. Alors, quand
le ministre nous rassure ou tente de nous rassurer en disant : Bien,
inquiétez-vous pas, ça ne voudra pas dire vous êtes obligé de porter plainte,
bien, il y a beaucoup d'autres choses derrière ça.
J'aimerais vous
entendre sur la notion d'indemnisation, puis ça, je l'ai réalisée hier, le projet
de loi, en substance, met de côté la notion
d'indemnisation. L'indemnisation, là, c'est que vous avez une perte qui pourra
se vérifier sur un an, trois ans,
20 ans, une vie. Le projet de
loi vient changer «indemnisation»
puis vient annuler la rente viagère — vous
allez avoir trois ans, après ça, c'est fini, après ça, vous n'êtes plus
victime, il n'y a plus d'indemnisation — et vient introduire le concept d'aide. «Aide», pour moi,
c'est ponctuel : Je vous donne une aide. Vous avez eu un acte
criminel, vous avez été victime, on vous donne une aide. J'aimerais vous
entendre là-dessus. Puis de là participe beaucoup la philosophie, puis c'est
n'est pas juste de la philosophie à 30 000 pieds d'altitude, de là
découle bien des décisions du projet de loi qui pourraient... qui vont faire
l'objet de vifs débats, là. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Riendeau (Louise) : Bien, nous, on était effectivement surprises de
voir que le mot même, «indemnisation», disparaît, disparaît du titre de
la loi, il disparaît des aides qui sont versées, et alors que ce qu'on
attendait, c'était une réforme de l'indemnisation davantage qu'une réforme de
l'aide, là, quoiqu'on n'est pas contre qu'on regarde aussi l'aide, mais il faut
le bonifier. Et effectivement, il y a... si on peut être pour la récupération
des gens, qu'ils reprennent l'ensemble de leurs activités, c'est sûr que c'est
un objectif fort important.
Il y a aussi une
notion de réparation. Il y a aussi une notion de : Bien, on a failli comme
société à protéger ces victimes-là et il faut tenir compte des conséquences
qu'elles ont vécues. Et, dans ce sens-là, nous, on pense qu'il faut ramener le
mot «indemnisation» pour être clairs, et qu'il faut bien sûr améliorer l'aide
pour récupérer, pour retourner sur le marché du travail, pour se réinsérer
socialement, mais il ne faut pas mettre de côté les autres éléments qui étaient
positifs dans la loi qu'on a actuellement .
M. Tanguay :
Ce matin, avez-vous lu l'article de Rima Elkouri dans La Presse,
sur la non-rétroactivité?
Mme Riendeau
(Louise) : Oui.
M. Tanguay :
J'aimerais vous entendre là-dessus et la non-rétroactivité, dans le cas de
femmes qui font appel à vos services, vous, du Regroupement des maisons pour
femmes victimes de violence conjugale.
Mme Riendeau
(Louise) : Écoutez, c'est un élément qu'on avait perçu mais qui...
finalement, avec le temps, sur lequel on n'est pas intervenues dans notre
mémoire. On avait vu que les personnes, dans les mesures... les dispositions
transitoires, je crois, les personnes qui ont été exclues en fonction des
délais pourraient... puis que la demande avait été... il y avait une réponse
négative, pourraient faire une demande dans les trois prochaines années. On
avait un peu... On s'était questionnées sur... oui, mais si la demande n'a pas
été acceptée en raison du crime qui n'était pas dans l'annexe, est-ce qu'elles,
vu qu'il n'y a plus de délai, vont pouvoir faire une demande ou pas? On n'avait
pas de réponse à ça. Quand j'ai lu l'article ce matin, j'ai compris
qu'effectivement ces femmes-là ne pourraient
pas faire une demande, en tout cas, si l'article interprète bien la situation,
et, pour nous, c'est problématique. Et on proposait, je pense, d'avoir
peut-être une période tampon où on pourrait permettre cette demande-là. Il me
semble que c'est une bonne piste, parce
qu'une femme qui est victime de harcèlement criminel aujourd'hui ne sera pas
traitée de la même façon qu'une femme qui l'aura vécu au moment où la loi va
être adoptée. Pourtant, ces deux personnes-là risquent de vivre des
conséquences très importantes du crime qu'elles ont... Ça fait que, ça, il me
semble que c'est quelque chose pour lequel il faut apporter un soin, là, dans
l'étude du projet de loi.
M. Tanguay :
Autrement dit, là, ce que le ministre va nous répondre, c'est que le projet de
loi prévoit déjà faire écho du Code civil où il y a imprescriptibilité pour
violence subie par son conjoint ou son ex-conjoint. Puis on a vu, ce matin,
dans l'article de Mme Elkouri, que la non-rétroactivité, dans les autres
cas, posera nettement problème, puis on aura l'occasion d'en discuter, mais je
voulais voir si vous aviez fait cette analyse-là, également.
40 % des femmes avec
lesquelles... des personnes avec lesquelles vous interagissez sont exclues du
travail, donc perte de revenus. Il y a un recul là, parce que le régime actuel
donne au moins 90 % du salaire minimum, et là va... sous la nouvelle loi,
donnerait zéro et une barre. Ça, ça ne participe certainement pas de la
réinsertion, là.
Le Président (M.
Bachand) : En quelques secondes, par exemple, quelques
secondes.
Mme Riendeau (Louise) : Non, c'est
sûr que, tu sais, c'est des femmes qui auront moins de moyens pour
effectivement faire ce qu'il faut pour un jour réintégrer le marché du travail.
Beaucoup de femmes avec qui on travaille sont chefs de famille monoparentale,
donc il faut voir que ça peut arriver dans les années qui viennent, donc, pour
nous, c'est un élément important pour ces femmes-là, qu'on voit plus, là, en
hébergement.
M. Tanguay : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Sherbrooke, vous
avez la parole. Merci.
• (11 heures) •
Mme Labrie : Merci, M. le Président.
Merci, Mme Riendeau, Mme Allen, pour votre présentation. Je vais
rester sur le même sujet pour ma question. La question de la limite de temps
pour l'indemnité de revenu de trois ans ou peut-être plus deux ans, selon la
précision du ministre, est-ce que le fait qu'il y ait un «deadline» comme ça,
ça ne nuit pas à l'objectif de rétablissement des victimes, le fait qu'il y ait
une pression sur le fait que ces indemnités-là de revenu vont s'arrêter après
un nombre d'années bien précis?
Mme Riendeau (Louise) : Bien, effectivement,
puis il y a des victimes qui ont des conséquences qui sont très graves, là, tu
sais, si on pense à des... on parle peu de ça encore au Québec, mais il y a
beaucoup de victimes de violence conjugale ou d'agression sexuelle qui ont vécu
des traumatismes crâniens et qui vont avoir besoin de beaucoup de temps, parce
qu'elles en auront vécu plusieurs, pour recouvrer. Donc, c'est sûr que ces
femmes-là, déjà, se sentent fatiguées, épuisées, avec des problèmes de
concentration, etc. Si on leur dit : Bien là, ça s'arrête au bout de
trois ans, ça vient ajouter de la pression sur ces femmes-là. Donc, c'est
pour ça que nous, on se dit : Il faut mieux tenir compte de la réalité que vivent l'ensemble des victimes, et toutes
les victimes ne sont pas au même endroit. Il y a des évaluations pour
regarder la question des traumatismes. Donc, est-ce que ça devrait plutôt être
ça qui fasse la différence que le délai?
Le Président (M. Bachand) :
Mme la députée.
Mme Labrie : Merci beaucoup pour
votre réponse. Donc, on devrait plutôt se fier à l'évaluation médicale, par
exemple, ou psychologique.
Mme Riendeau (Louise) : Oui. Par
ailleurs, nous on se dit qu'il faut vraiment... qu'au niveau des atteintes à
l'intégrité psychologique, il faut former les gens mieux qu'ils ne le sont
actuellement. Ce n'est pas... Un médecin n'a pas toujours toutes les
connaissances fines face aux traumatismes psychiques que vivent les victimes
d'agression sexuelle, de violence conjugale, de proxénétisme.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Joliette, s'il vous
plaît, pour 2 min 45 s.
Mme
Hivon : Oui,
bonjour. Heureuse de vous entendre à nouveau. Toujours très pertinent. Écoutez,
j'aurais beaucoup de questions pour vous, mais vous soulevez la question du
soutien psychologique dans votre mémoire, puis vous dites qu'autant
l'accompagnement juridique, des conseils juridiques sont fondamentaux, que le
soutien psychosocial par des intervenants spécialisés. Vous avez fait
référence, tantôt, au fait que, maintenant, on vient fusionner aide et
indemnisation. Hier, Arlène Gaudreault de Plaidoyer-Victimes nous disait qu'il
n'y a pas beaucoup de définitions claires
des droits des victimes dans le projet de loi. Je voulais savoir si, pour vous,
ça, c'est problématique, parce que
vous y avez fait référence, là, aussi à l'idée de fusionner les deux. Et
l'autre élément, plus précisément, c'est ça, sur le soutien
psychologique et l'accompagnement de consignes juridiques, est-ce que vous
auriez des bonifications à demander à l'occasion de la réforme qui est devant
nous?
Mme Riendeau (Louise) : Bien, sur la
question de l'aide, effectivement, nous ce qu'on dit, c'est : Il faut
remettre cette partie-là sur la planche de travail. Je pense qu'on a fait pas
mal du copier-coller par rapport à ce qui existait dans l'ancienne loi. Il y a
des réflexions qui ont été menées dans les dernières années. Il y a eu la
charte au fédéral. Donc, il faut... il y a de la place, là, pour améliorer ça
et mieux bonifier.
Pour la question du soutien psychologique, une
des choses qu'on voit, c'est que le ministre peut reconnaître des ressources ou
prendre des ententes. On n'a pas beaucoup d'informations là-dessus. On nous
parle, de façon générique, des centres d'aide aux victimes d'infractions
criminelles. Est-ce que ça se limite au CAVAC, est-ce que c'est autre chose? On
n'a pas beaucoup d'informations. Et ce qu'on constate aussi, pas seulement dans
les régions éloignées, c'est vraiment un manque de professionnels, de
psychologues qui vont accompagner les victimes.
Ce qu'on s'est posé comme question, c'est :
Est-ce qu'on vit un peu le même problème qu'on vivait à l'aide juridique,
c'est-à-dire que les conditions offertes à ces professionnels de pratique
privée là sont trop compliquées avec l'IVAC ou pas assez
intéressantes pour qu'ils s'intéressent à ça? On n'a pas la réponse, mais, en
tout cas, pour nous, il faut vraiment
regarder de ce côté-là, parce que si on a le droit à de la réinsertion
psychosociale, qu'on peut avoir de la
thérapie qui est payée pour les femmes, pour les enfants, mais qu'on n'a pas...
sur une liste de 25 professionnels, il n'y en a pas qui nous
retourne notre appel quand on essaie d'en trouver un, c'est particulier, c'est
complexe.
Mme
Hivon : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme Riendeau, Mme Allen.
C'est tout le temps que nous avons, mais merci infiniment, encore une fois,
d'être avec nous ce matin, ça a été très apprécié.
Sur ce, je suspends les travaux quelques
instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 11 h 05)
(Reprise à 11 h 07)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir du Réseau des
centres d'aide aux victimes d'actes criminels, communément appelé les CAVAC. Alors, nous avons M. Dave Lysight et Mme
Karine Gagnon. Bienvenue à vous deux. Merci beaucoup d'être avec nous ce matin. Et d'emblée je vous cède
immédiatement la parole pour votre exposé. Merci d'être avec nous
encore.
Réseau des centres d'aide aux victimes d'actes
criminels (Réseau des CAVAC)
Mme Gagnon
(Karine) : Bonjour. Merci
beaucoup de nous accueillir. Donc, avant de commencer, le Réseau des
CAVAC tient à remercier la Commission des institutions pour son invitation.
Très brièvement, qu'est-ce que le Réseau des
CAVAC? Nous offrons des services aux personnes victimes, aux proches et aux
témoins d'actes criminels qui peuvent venir cogner à nos 185 portes,
partout au Québec, pour recevoir de l'aide. Nous sommes présents dans tous les
palais de justice, dans les postes de police et d'enquêteur, à la cour itinérante
du Québec et dans les sièges sociaux des 17 CAVAC, qui sont tous des
organismes sans but lucratif. Nos services
sont gratuits et confidentiels, peu importe le type de crime et le moment où il
a eu lieu. Que l'acteur de l'acte criminel
ait été identifié ou non est très important, nous insistons sur ce point, que
la personne victime ait porté plainte ou non.
Nous avons une collaboration privilégiée avec
les procureurs aux poursuites criminelles et pénales et aussi avec les
policiers, notamment des protocoles de référence entre des corps policiers et
nos CAVAC qui favorisent un accès proactif et rapide de nos services d'aide
auprès des personnes victimes. En 2019‑2020, ce sont un peu plus de 66 000 personnes qui ont obtenu nos
services. Nos équipes multidisciplinaires sont composées d'intervenants,
membres d'ordres professionnels, tels que
des criminologues, des travailleurs sociaux, des sexologues et des
psychoéducateurs, qui possèdent une expertise en intervention post-traumatique
ainsi qu'une connaissance pointue du processus judiciaire.
Depuis leur création, les CAVAC ont mis en place
une multitude de services permettant de joindre, avec proactivité et célérité,
les personnes victimes, tout en leur donnant une juste information sur l'aide
et des recours dont elles peuvent bénéficier
et auxquels elles ont droit. Notre intervention auprès des personnes victimes
se fait dans le respect de leurs besoins et à leur rythme, et sur leur
capacité de gérer leur propre vie et de prendre des décisions qui les
concernent.
Nous vous présentons ici des observations tirées
de notre expérience terrain, reliées à différents aspects du projet de loi
n° 84, et, plus spécifiquement, en ce qui a trait à l'intervention et à
l'aide auprès des personnes victimes, des proches, et des témoins d'infractions
criminelles. Nous croyons que notre regard sur les nombreux enjeux relatifs aux
besoins des personnes victimes, dans le cadre de ce projet de loi, peut mettre
en lumière différentes pistes de solution et la consolidation de pratiques en
cours qui ont fait, selon nous, leurs preuves.
• (11 h 10) •
Alors, tout d'abord, en commençant, je vous
mentionnerais qu'à notre avis il est très intéressant que le projet de loi n° 84 intègre à la fois l'aspect
indemnisation et l'aspect aide, soutien, accompagnement des personnes
victimes. À notre avis, c'est une bonne idée pour favoriser la cohérence des
actions, la cohérence des solutions qui sont mises en place pour favoriser le
rétablissement des personnes victimes.
Par ailleurs, on est aussi préoccupé par les
nombreuses recommandations qui ont été émises, dans plusieurs rapports, là, de
comités d'experts, qui ont été publiées récemment. Donc, les recommandations
qui seront retenues, suite à publications de ces rapports-là, à notre avis,
devraient être incluses dans le projet de loi, toujours dans le même esprit de
cohérence, là, et d'intégration des services.
Par ailleurs, on constate que le projet de loi,
qui est un projet de loi très costaud, mise beaucoup sur l'indemnisation, et avec raison, parce que c'est
un morceau très important, là, qui... dont on attendait la révision
depuis longtemps, mais, par contre, on considère qu'il y aurait peut-être des
efforts supplémentaires à mettre, là, en ce qui concerne l'aide, le soutien et
l'accompagnement des personnes victimes.
En ce qui
concerne l'indemnisation, les avancées, évidemment, qu'on note,
l'élargissement, là, de la définition de proche, l'ajout, formellement, dans la loi, là, de la notion de témoin,
l'élargissement des crimes admissibles, l'abolition de la prescription, pour ce qui concerne les crimes
de violence sexuelle, violence conjugale, victimisation dans l'ensemble,
la prolongation du délai pour présenter, là, une demande,
une réclamation dans les autres types de victimisation, et aussi on souligne la mise en place, là, d'une aide
rapide dans certains types de victimisation, dont la violence conjugale.
On a, par contre, certaines préoccupations, en
ce qui concerne, entre autres, l'indemnisation pour la rémunération des
personnes victimes, là, qui se limite à trois ans et qui peut être, dans
certaines circonstances, là, étirée jusqu'à cinq ans. On comprend
l'objectif de la loi, qui est la réhabilitation des personnes, là, que ces
gens-là reprennent le contrôle de leur vie, redeviennent des gens actifs dans
la société, et on veut que ça se fasse dans un certain délai. On comprend aussi qu'il y a des enjeux financiers à tout
ça. Par contre, on considère qu'il devrait y avoir une certaine
flexibilité, latitude, dans la loi, pour les personnes victimes qui risquent
d'avoir besoin de plus de temps pour se rétablir, voire certaines personnes qui
ne réussissent jamais à se rétablir. Alors, on considère qu'il devrait peut-être
y avoir une nuance à cet effet-là. Là, quant à savoir comment tout ça s'arrime
avec les autres services... les autres régimes de solidarité sociale, évidemment,
c'est un travail qui devrait être fait à cet égard-là, mais on considère qu'il
y aurait un travail à faire par rapport à ça.
Ensuite de ça, on constate, depuis le dépôt du
rapport du Protecteur du citoyen concernant l'IVAC, on sait qu'il y a beaucoup
d'efforts qui ont été mis à changer les choses, à améliorer les structures,
entre autres, en ce qui concerne, là, les
interactions entre les agents et les personnes victimes, qui ne sont pas toujours
simples. Malheureusement, on considère qu'il y a encore des lacunes à
cet égard-là, et, à notre avis, il devrait y avoir des efforts supplémentaires
consentis, entre autres quant aux exigences qu'on a par rapport au savoir-être
des gens qui interviennent directement auprès des personnes victimes dans le
cadre de l'indemnisation, la formation qui leur est offerte et le soutien aussi
qu'on leur offre, parce qu'il ne faut pas oublier que ces gens-là sont en
contact avec des récits traumatiques, hein, au quotidien, et ça, ce n'est pas
banal. Nous, on le vit avec nos intervenants et on met en place des processus par
rapport à ça, mais il faut penser que les gens qui se retrouvent dans ce genre
de poste là, je pense, entre autres, aux agents à l'admissibilité, c'est
souvent des agents de service à la clientèle, et ils ne s'attendent peut-être
pas, là, à être confrontés à ce genre de réalité là.
L'autre aspect aussi qui nous préoccupe, c'est évidemment
tout ce qui va être l'application comme telle de la loi, comment les gens qui
vont avoir à l'appliquer vont bien l'intégrer, bien la comprendre, bien être
formés pour tout ça, parce qu'on constate actuellement qu'avec la loi qui est actuellement
en place, il y a de la subjectivité dans l'application, des fois, de la
mauvaise connaissance de la loi. Donc, il y a déjà des enjeux, donc de rajouter
une nouvelle loi avec du droit transitoire
dans tout ça, comment on va s'assurer que l'application soit bien claire et
efficace.
Évidemment, on a aussi la préoccupation de toute
la réglementation qui suivra, là, pour l'application de la loi, qu'est-ce qui
sera contenu dans cette réglementation-là. Et le Réseau des CAVAC est tout à
fait ouvert et disposé, là, à travailler en collaboration avec vous, si
nécessaire, pour la mise en place de tout ça et la réflexion.
Et je terminerais en vous disant que, dans notre
mémoire, on soulève, là, quelques préoccupations par rapport à des articles en
particulier, là. Je vais vous référer directement à notre mémoire pour ça, je
n'aborderai pas, là, spécifiquement ces éléments-là dans la présentation. Je
vais passer la parole à mon collègue Dave Lysight.
Le Président (M.
Bachand) : M. Lysight, il reste 2 min 30 s à vos
10 minutes.
M. Lysight (Dave) : O.K., très bien,
donc, je vais essayer de faire ça très succinctement...
Le Président (M.
Bachand) : Je pense qu'on a perdu M. Lysight.
M. Lysight (Dave) : ...déposé. Oui?
Oui, est-ce que vous m'entendez?
Le Président (M.
Bachand) : Oui, ça va bien. Continuez.
M. Lysight (Dave) : O.K. Parfait.
Donc, c'est l'élément qui est le moins présent dans le projet de loi n° 84.
Toutefois, on souhaiterait reconnaître... Nous apprécions le volet que, dans le
libellé, il soit inscrit «personne victime», donc pour permettre justement
cette entité, que la personne n'est pas que, simplement, une victime, elle est
au-delà de ça. Donc, ça, on tenait à vous le souligner.
Là, pour faire rapide aussi, on voulait aussi
vous souligner l'importance d'obtenir la facilité de l'information entre les
différentes organisations juridiques, là, que ce soit au niveau du Tribunal
administratif du Québec pour la Commission d'examen des troubles mentaux du
Québec ou dans le cadre aussi de l'application du programme d'accès justice santé mentale, pour pouvoir
permettre, justement, aux personnes victimes dans le cadre des ces
infractions, où les auteurs de crimes sont à l'intérieur de ce processus, de
pouvoir permettre de rassurer la personne victime.
Je veux juste vérifier... En conclusion, toutes
les avancées en matière d'aide et d'intervention auprès des victimes ne peuvent que contribuer au sentiment de
justice et participer aussi à la confiance envers le système de justice.
En ce sens, mettre de l'avant la réforme de la Loi sur l'aide aux victimes et
celle de l'indemnisation est en cohérence avec
la philosophie du Réseau des CAVAC. Nous sommes confiants, quant à la reconnaissance
par l'État des besoins des personnes victimes, des expertises et des
pratiques terrain qui sont déjà mises en place et qui sous-tendent nos
recommandations.
Je souhaiterais également mentionner
l'importance aussi de promouvoir les services qui sont déjà en place,
l'importance des mots pour une personne victime. Une personne victime qui est à
la maison, qui entend qu'il n'y a pas d'aide, qu'il n'y a pas de service ou que
la justice n'est pas juste, évidemment, peut être un effet qui peut être contraignant
à une dénonciation ou à un dévoilement.
Je vous remercie pour les
minutes que vous avez prises.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci de votre efficacité, M. Lysight. Alors, M. le ministre, vous avez la
parole.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bonjour, M.
Lysight. Bonjour, Mme Gagnon. Merci d'être présent en commission
parlementaire.
Je pense, M. Lysight, que vous venez de dire
quelque chose de très intéressant dans toute la lutte contre les infractions
criminelles, mais dans le soutien aux victimes aussi, de parler beaucoup du
soutien qui est déjà offert, du travail, notamment, du Réseau des CAVAC, mais
aussi, vous savez, dans la sphère publique, on entend beaucoup de critiques à
travers le système de justice, à juste titre, mais il faut dire aussi qu'il y a
énormément d'acteurs, il y a énormément de
gens qui travaillent, notamment dans vos organisations, qui offrent du soutien,
puis c'est des personnes qui sont dévouées, puis je pense que c'est
toujours bon de le rappeler puis de le dire. Il peut y avoir de l'amélioration
partout, mais ce que je veux dire, quand même, il y a beaucoup de gens qui
travaillent au bien-être des victimes, puis, ça, je pense que vous le faites
bien, puis c'est important de le souligner comme vous l'avez fait.
Un des objectifs qu'on a avec le projet de loi,
c'est de faire en sorte d'avoir... d'élargir la notion de personne victime pour
offrir davantage de soutien, pour faire en sorte d'être en mesure, là, qu'il y
aura davantage de personnes qui vont pouvoir bénéficier d'indemnisation, d'aide
également. Comment est-ce que vous voyez ça, au niveau de la définition de
personne victime qu'on a incluse, là, dans le projet de loi, puis son
élargissement?
M. Lysight (Dave) : Karine.
Mme Gagnon (Karine) : Je pensais que
j'avais fermé mon micro. Je suis désolée. Bien, évidemment, nous, on est
favorables à tout élargissement, là, de la notion de personne victime, parce
qu'on réalise qu'une personne victime peut se retrouver dans cette situation-là
dans plusieurs contextes. Je pense, en autres, aux personnes victimes dans le
cadre d'exploitation sexuelle, où on avait un peu tendance à dire : Bien,
elles ont contribué à... donc ce ne sont pas... mais, tu sais, ce sont vraiment
des personnes victimes qui sont exploitées sexuellement et qui sont sous le
contrôle de personnes très, très malfaisantes. Donc, je pense que c'est
important qu'on puisse aller offrir de l'aide à toutes ces personnes-là. Je ne
sais pas si mon collègue veut compléter.
M. Lysight (Dave) : Non, je pense
qu'effectivement l'exercice d'avoir élargi la définition fait en sorte, aussi,
d'avoir une reconnaissance quant au statut de la personne et de la place
qu'elle occupe aussi, là. Parce que, vous savez, le réseau de soutien est
primordial également pour les personnes victimes. Donc, c'est important de
pouvoir, également, avoir cette reconnaissance à leur égard.
• (11 h 20) •
M.
Jolin-Barrette : Une
question, là, sur l'élargissement de la liste, en fait, ou l'abolition de la
liste. Est-ce que ça vous arrivait
fréquemment d'avoir des victimes qui ne pouvaient pas être indemnisées à cause
de la liste d'infractions?
Mme Gagnon (Karine) :
Malheureusement, oui. Malheureusement, oui, puis je vous dirais qu'on... sans
être malhonnête, là, on tricotait pour essayer de faire en sorte que le
crime... parce qu'il y a tellement, on va dire de crimes, de nouveaux types de
crimes qui existent, donc, on essayait de tricoter pour attacher ça avec ou
agression sexuelle ou pour, le plus possible, que les gens soient admissibles,
mais oui, effectivement, c'est quelque chose qui est problématique
actuellement.
M. Lysight (Dave) : Oui, puis
c'était aussi comme...
Une voix : ...
M. Lysight (Dave) : Pardonnez-moi.
Le Président (M.
Bachand) : Allez-y, M. Lysight.
M. Jolin-Barrette : Allez-y,
allez-y.
M. Lysight (Dave) : O.K. C'est aussi
comme une question double standard, aussi, lorsqu'on pense, entre autres, aux
menaces, au harcèlement criminel, lorsqu'on dit l'impact, justement, des crimes
de nature psychologique qui peuvent laisser des traces auprès des personnes
victimes, puis effectivement, qui n'avaient pas accès. Donc, c'était comme...
On a des campagnes promotionnelles qui nous disent : La violence fait...
c'est des mots, mais ça fait mal, et, d'un
autre côté, le régime ne permettait pas cet accès. Donc, évidemment, on ne peut
que saluer, là, cet élément.
Mme Gagnon
(Karine) : Puis juste
peut-être pour ajouter, dans notre philosophie, dans le réseau des
CAVAC, c'est qu'il n'y a pas de petit crime. Donc, nous, on travaille sur les
conséquences que la personne va vivre, hein, parce
que différentes situations vont générer différentes conséquences chez les gens.
Des fois, on a l'impression qu'un crime objectivement plus grave va
nécessairement amener des conséquences très graves chez la personne, mais, des
fois, un crime objectivement moins grave va aussi amener des conséquences très
importantes.
Puis ça m'amène aussi à
vous parler, entre autres, des crimes de fraude. Je pense, entre autres, aux
personnes aînées qui sont victimes de
fraude. Je sais que ce n'est pas couvert, parce que ce n'est pas un crime
contre la personne, mais sans
indemniser l'impact monétaire comme tel, souvent ces gens-là vivent des conséquences
psychologiques excessivement graves et n'ont pas accès à des services.
Il y aurait peut-être quelque chose à regarder à ce niveau-là. Puis je répète,
là, on ne parle pas de venir indemniser... de venir rembourser la personne pour
les sommes qu'elle a perdues, mais, au niveau du soutien, des conséquences
psychologiques, souvent, ils vont être victimes de proches, des gens dans leur
entourage. Ça vient encore... ça complexifie les choses. Les gens ont honte de
ce qu'ils ont vécu. Les fraudes grands-parents,
on parle des fraudes Côte d'Ivoire, c'est sûrement des termes qui vous disent
quelque chose. Il y aurait peut-être quelque chose à regarder à ce
niveau-là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Tout à
l'heure, vous avez abordé, là, un peu la question, là, des employés, qu'ils
soient outillés. Vous avez parlé de savoir-être. Ce qu'on veut faire avec la Direction de l'indemnisation des victimes d'actes criminels,
c'est de la rendre vraiment plus humaine. Bon, je l'ai dit tout à l'heure
aussi, il y avait une difficulté rattachée à
la loi antérieure où il y avait une approche restrictive, puis souvent les
personnes qui administraient le régime se retrouvaient en difficulté par
rapport à l'interprétation de la loi.
Quand vous nous parlez, là, de savoir-être, là,
comment est-ce que vous voyez ça dans les relations, là, entre les CAVAC, avec
la DIVAC? Qu'est-ce qui doit être amélioré? Parce que nous, notre souhait,
c'est vraiment de le rendre... d'avoir un meilleur service à la clientèle et,
justement, de donner les outils pour le faire, et c'est pour ça que je le
rapatrie sous la coupole du ministère de la Justice.
Mme Gagnon (Karine) : Bien, en fait,
ce n'est pas tant entre les CAVAC et la DIVAC, on a déjà, je pense, des bonnes
relations, c'est vraiment au niveau des gens sur le terrain, qu'ils soient
sensibilisés à ce qu'une personne victime peut vivre, aux réactions que ça peut
susciter chez elle, que, non, ça ne prend pas deux mois se rétablir de... ça
peut prendre des années, qu'ils soient vraiment... pas juste sensibilisés,
formés sur la réalité des personnes victimes, puis sur l'importance de leur
rôle auprès de ces personnes-là aussi. Ils ne sont pas juste une courroie de
transmission pour une indemnisation, ils sont des agents qui contribuent au rétablissement
de ces personnes-là. Puis c'est important qu'ils prennent conscience, je pense,
de l'importance de ce rôle-là. Je ne sais pas si je réponds bien à la question,
peut-être que Dave, tu veux compléter.
M. Lysight
(Dave) : Non, je pense que
c'est vraiment dans l'élément, effectivement, relation clientèle, où il y a pu y avoir
des expériences qui nous été rapportées, dans le fond, où est-ce que les gens
ne se sont pas sentis respectés ou ni écoutés. Mais, comme Karine le soulevait tout
à l'heure, je pense qu'il y a aussi un élément... Sans excuser, il faut quand
même reconnaître que ce sont des personnes qui ont accès à des récits
traumatiques au quotidien. Donc, est-ce qu'ils ont le soutien nécessaire pour
offrir, justement, cette relation d'aide avec la personne au-delà de
l'application de la loi, en fait?
M. Jolin-Barrette : O.K. Peut-être
une dernière question avant de céder la parole à mes collègues, là. On a aboli
la prescription pour les infractions à caractère sexuel notamment. Je voulais
savoir, là, selon votre expérience, là, dans les centres, là, les... Puis on
l'a vu, là, 80 % des réclamations à l'IVAC, c'est des infractions de
nature sexuelle, là, est-ce que ça vous arrive souvent que les victimes
d'agression sexuelle viennent vous voir plusieurs années après les infractions?
C'est quoi, votre expérience par rapport à ça?
M. Lysight (Dave) : Je vous dirais
que bon nombre de nos personnes victimes de violence sexuelle, que ce soit
hommes, femmes, vont prendre quand même un certain... voire des années.
D'ailleurs, pour la victimisation masculine en matière de violence sexuelle, la
littérature fait mention que ça peut prendre vraiment, là, de nombreuses
années, même un 30 ans, si ce n'est pas plus, là, avant qu'il y ait une
dénonciation, et tout ça. Donc, oui, c'est quand même monnaie courante, là, à
l'intérieur de la pratique de nos intervenants au sein du réseau, de devoir
intervenir, là, bon nombre d'années après, là, les événements.
Donc, notre rôle, à ce moment-là, lorsqu'on
assiste la personne pour compléter l'IVAC, bien, évidemment, c'est de déceler
quel est le moment où l'apparence... l'apparition, plutôt, de la blessure
psychologique, la survenance, en fait, de la blessure psychologique.
Mme Gagnon (Karine) : Puis je vous
dirais même que ce n'est pas rare qu'il y a des gens qui vont venir nous voir
parce qu'ils ont été victimes d'autre chose dans leur vie adulte, parce que
leur... parce qu'ils se sont construits, hein, sur cette victimisation-là, et
ça les fragilise en partant, et ils se retrouvent victimes d'autre chose. Et
c'est quand ils viennent nous voir pour ça que, là, ils vont dévoiler ce qu'ils
ont vécu dans le passé. Ça fait que ça, ce n'est pas rare non plus, là, que ça
se produit. Ça fait que ça rend les gens plus vulnérables, là, de s'être
construits comme personne, là, sur cette victimisation-là dans le passé.
M.
Jolin-Barrette : Donc, c'est
connexe. Écoutez, un grand merci pour votre passage en commission parlementaire. Je cède la parole
à mes collègues. Merci.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci, M. le ministre. Je cède la parole maintenant à la députée de Les Plaines, s'il vous plaît.
Mme Lecours (Les
Plaines) : Merci, M. le ministre. Merci, M. le Président. Combien
reste-t-il de temps?
Le Président (M.
Bachand) : 6 min 25 s.
Mme Lecours (Les Plaines) : Merci
beaucoup. Écoutez, je tiens à vous souhaiter... pas vous souhaiter, mais vous
remercier, en fait, de votre présence en commission. On s'est vus, il y a
quelque temps, dans une autre commission, alors ça m'a ouvert la porte,
justement, à vous remercier, à nouveau, pour ce que vous faites sur le terrain.
C'est vraiment un travail important auprès de victimes, de gens qui sont un peu
plus vulnérables dans cette société dans laquelle nous vivons.
Le ministre avait les bonnes questions,
humblement, je le souligne, il avait les bonnes questions pour vous, au niveau
de ce que vous faites sur le terrain, puis essayer d'avoir aussi un portrait,
justement, du type de victime, là, qui pourrait justement arriver avec cette
nouvelle loi là lorsqu'elle sera en application.
Vous avez souligné, d'entrée de jeu, que le projet
de loi axe beaucoup sur l'indemnisation, dans un premier temps, on le comprend,
c'est important. Et vous avez mentionné, également, votre souhait de voir, de
façon plus éloquente, si j'en comprends bien, là, les mots que vous avez
utilisés, tout l'aspect aide, soutien et accompagnement. De façon législative,
comment cela pourrait se démontrer, dans un projet de loi, par rapport à vos
demandes, à vous?
M. Lysight
(Dave) : Bien, c'est sûr
qu'on faisait référence à l'ancienne loi sur l'aide où, vraiment,
spécifiquement, étaient nommés, dans le fond, les centres d'aide. Dans la nouvelle
loi, c'est beaucoup plus édulcoré, si on veut, donc il y avait cet élément. Je
pourrais laisser Karine, aussi, poursuivre, là, par rapport à ça, mais... Oui.
• (11 h 30) •
Mme Gagnon (Karine) : Bien, en ce
qui concerne l'aide, peut-être que je vais en profiter pour poursuivre sur ce qu'on n'a pas eu le temps de nommer tout à
l'heure. Mais tout ce qui est, entre autres, dans les palais de justice,
qu'on prévoit d'avoir des locaux adéquats dans les palais de justice. On
comprend qu'actuellement nos locaux ont été rajoutés dans les palais de justice
existants, mais on doit avoir des locaux qui permettent d'assurer la sécurité
tant physique qu'affective des personnes victimes, assurer la confidentialité,
éviter qu'ils aient à croiser les accusés.
On parle, aussi, de tout ce qui est l'accès à
l'information. Pour tous nos services d'information, nous, on a vraiment le
mandat de transmettre l'information, là, entre les procureurs, les policiers.
On est un peu, hein, la liaison entre tous ces gens-là du système judiciaire,
entre eux et les personnes victimes. Donc, tout ce qui est l'accès à l'information de la part du DPCP, des services de police, des services judiciaires. Tous ces organismes-là fonctionnent
un peu en silo, mais avec des systèmes qui se parlent de façon interposée, sans
être intégrés, et nous, on est comme à l'extérieur de ça, et on doit donc... On
faisait référence entre autres à l'article 99 dans la loi, là, qui parle
de la transmission d'informations entre les services de police et les organismes
prestataires de services, et on pense que cet article-là devrait être élargi
pour inclure, là, tous les partenaires avec qui on doit intervenir pour obtenir
de l'information, que ce soit DPCP... Et le service de police est déjà
mentionné. On a parlé tout à l'heure de la Commission d'examen des
troubles mentaux, des PAJ-SM, dans la mesure où ces gens-là deviennent des
patients de services de santé, alors leurs dossiers sont confidentiels. C'est
très difficile d'obtenir de l'information pour pouvoir informer les personnes
victimes, les rassurer, tant au niveau de la sécurité physique qu'affective.
Ils ont besoin de savoir qu'est-ce qui se passe dans le déroulement de ces
dossiers-là, donc, évidemment, c'est complexe parce qu'on parle, là, à ce
moment-là, de passer outre la confidentialité, le secret professionnel, il faut
que ce soit bien balisé, bien encadré. Mais ça serait pertinent, important, en
fait, que, dans la loi, tout ça soit prévu, parce que ça viendrait faciliter
ensuite les mécanismes, là, sur le terrain.
On parlait
aussi de... attendez un petit peu, je vais juste retourner... Oui, en fait, on parlait aussi, parce qu'il y a plusieurs... Les personnes victimes voient leurs
droits reconnus par la charte des personnes victimes, il y a des
déclarations de services aussi qui existent, les gens peuvent porter plainte si
certains droits ne sont pas reconnus, mais ce n'est pas clair, les mécanismes,
c'est des plaintes directement à chacun des organismes. Nous, ce qu'on
souhaiterait qui existe, c'est qu'il existe un protecteur de la personne
victime, quelqu'un vers qui une personne victime pourrait se tourner quand il y
a quelque chose qui ne fonctionne pas, quand il y a un droit qui n'est pas
respecté, et que ce protecteur-là puisse faire enquête, puisse avoir une force
exécutoire pour faire modifier les choses, réellement, sur le terrain.
Et il y a aussi l'aspect... attendez un petit
peu... On a parlé des locaux. Mon Dieu! il y a tellement de choses qu'on
voudrait vous dire.
Mme Lecours (Les Plaines) : Allez-y,
c'est le temps pour ça.
Mme Gagnon (Karine) : On a parlé de
ça, on a parlé de ça, on a... puis... Ah! oui, aussi, que les personnes
victimes puissent avoir accès à des conseils juridiques en lien avec les
sphères de leur vie qui sont touchées par leur victimisation, puis que ce
droit-là puisse aussi être complémentaire à l'accompagnement que les organismes
peuvent faire pour s'assurer qu'il y a une cohérence entre ce qui se passe au
criminel, ce qui se passe dans la vie, on va dire, plus civile de la personne
victime. Donc, il y a cet aspect-là aussi. Je pense que ça fait le tour.
Mme Lecours (Les Plaines) : Parce
que le rétablissement étant au coeur aussi du projet de loi, je pense que vous
le reconnaissez que c'est important qu'il y ait ce continuum de services, là,
en lien aussi avec l'information entre les différents... Parce que tout ne peut
pas se faire par juste l'arrivée d'un nouveau projet de loi, la signature d'un
projet de loi fait par l'ensemble du continuum de services.
Mme Gagnon
(Karine) : Effectivement.
Mme Lecours (Les Plaines) : Merci
beaucoup. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député
de LaFontaine.
M. Tanguay : Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, à
mon tour de vous saluer, Mme Gagnon, M. Lysight. Merci
beaucoup de répondre à nos questions.
J'ai beaucoup de petits points que j'aimerais
toucher avec vous, aborder avec vous et vous donner le temps d'ajouter à la
lecture qu'on peut faire de votre mémoire, donc de nous donner peut-être un peu
plus de précisions. J'en suis donc à la sectionRecommandations de votre
mémoire. Je commencerais par vos inquiétudes. Vous vous dites «inquiets de
l'abolition des rentes viagères sans qu'un mécanisme clair d'attribution de
montants forfaitaires ne soit établi.» Et vous soulignez à cet effet là que «ne
pas leur verser de compensations significatives pourrait contribuer à les placer dans un état de pauvreté».
J'aimerais vous entendre là-dessus, quant à cette inquiétude-là, attribution
aux montants forfaitaires sans balise clairement établie.
Mme Gagnon (Karine) : Bien, en fait,
c'est en ce qui concerne la réglementation d'application, c'est comment les
barèmes vont être déterminés, tandis... attendez, je vais juste retourner...
M. Tanguay : Page 22,
quatrième point.
Mme Gagnon (Karine) : Pardon. Oui,
bon, c'est ça, exactement. Puis l'aspect aussi de verser des sommes
forfaitaires au lieu de verser des rentes viagères, il y a certaines personnes,
hein, qui sont très vulnérables et, quand elles reçoivent des sommes
forfaitaires, elles ne sont pas à même de les gérer adéquatement. Et ça, c'est
problématique. Parce que ça existe déjà, les sommes forfaitaires, et on le
voit, là, je pense, entre autres, aux gens qui ont des problèmes de
consommation. Il n'y a pas seulement ces situations-là, mais ça, c'est une des
situations qui me vient en tête, où là la personne va, malheureusement, plonger
dans sa consommation, dans sa toxicomanie, puis va se retrouver avec plus rien
ensuite, là. Ça fait que c'est une...
M. Tanguay : Ça, je trouve ça
intéressant. Je trouve ça intéressant que vous souleviez cette réalité,
évidemment, triste, là. Effectivement, une somme forfaitaire, il y a toujours
le risque, l'envie, le goût, l'opportunité de ne pas budgéter sur une longue
période, surtout pour des personnes qui ont des défis de consommation, c'est...
Et diriez-vous, donc, c'est une partie substantielle des personnes avec
lesquelles vous collaborez? Puis probablement que, dans tous les cas de
consommation, bien, c'est un risque très, très élevé aussi, là.
Mme Gagnon (Karine) : Oui. Bien, je
ne dirais pas que c'est la majorité des gens, mais c'est quand même une
certaine proportion de la clientèle qu'on a, qui vont avoir des problèmes, là,
qui peuvent... que le fait de... pour qui le fait de recevoir une somme
d'argent pourrait précipiter, là, on va dire, la gravité des problèmes. Par
contre, pour n'importe qui, recevoir une somme d'argent qui est assez
substantielle, souvent on parle de dizaine de milliers de dollars, bien, je
pense que pour n'importe qui, ce n'est pas si simple que ça à gérer.
M. Tanguay : Non, tout à fait...
Mme Gagnon (Karine) : Ça fait que je
pense que c'est à considérer.
M. Tanguay : Ah! tout à fait.
Autre élément... puis excusez-moi, je ne veux pas être impoli puis vous
presser, mais on n'a pas beaucoup de temps puis c'est tellement important ce
que vous avez à nous donner comme éclairage.
Alors, juste le point en dessous, à la page 22, le dernier, là : Nous
sommes préoccupés quant au remplacement salarial. Rien n'est prévu pour
les personnes qui sont sans emploi.
Sous le régime actuel, c'est 90 % comme
plancher, 90 % du revenu minimum, mais vous dites : Les victimes
étudiantes ou les victimes qui ne sont pas sur le marché du travail, de façon
même temporaire, lorsqu'elles ont été victimes, pour prendre, par exemple, soin
des enfants, bien, ça, c'est un drapeau rouge que vous soulevez. Vous vous
dites préoccupés de cela.
Mme Gagnon (Karine) : Oui, bien, en
fait, l'idée c'est de pouvoir... Parce que, déjà, quelqu'un qui ne travaille
pas peut déjà avoir de la difficulté à arriver, dépendamment des situations. Il
y a des gens qui font le choix de ne pas
travailler, mais le fait de s'assurer que la personne n'aura pas à se soucier
de mettre un toit sur sa tête, de manger puis de nourrir ses enfants
pendant, minimalement, un certain temps, au moins, c'est une préoccupation que
cette personne, là, n'a pas dans son rétablissement.
Je peux faire un peu le parallèle, ce n'est pas
une compagnie d'assurance du tout, là, l'indemnisation des victimes d'actes criminels, mais une personne qui
tombe malade au travail et qui doit se soucier de son rétablissement,
mais qui a des démarches à faire auprès de son assureur pour être indemnisée,
c'est déjà une lourdeur de plus. Il me semble... il nous semble, en fait, que
de pouvoir s'assurer qu'on va pouvoir subvenir à nos besoins de base pour
vraiment focusser sur notre rétablissement, c'est un peu la base.
M. Tanguay :
Et...
M. Lysight (Dave) : ...
M. Tanguay : Oui. Je vous en
prie.
M. Lysight (Dave) : Oui, c'est ça,
puis il faut penser également aux étudiants, aux mamans qui sont victimes aussi, puis également, évidemment, pour les
conséquences qui sont graves, reliées à un trauma complexe. Vous
comprenez, une personne, ce n'est pas parce qu'elle ne veut pas travailler ou
quoi que ce soit, c'est qu'elle est dans l'incapacité de le faire, parce qu'évidemment d'autres symptômes sont survenus suite
à la survenance des événements. Donc, il y a ces éléments-là. Au niveau
étudiant, maman, particulièrement, là, que je souhaitais mettre sous le radar.
M. Tanguay : Tout à fait.
J'en suis maintenant à la page 23, votre deuxième point, concernant vos
préoccupations au sens qui sera donné, à l'interprétation qui sera donnée à
certains termes. J'en ai sélectionné quelques-uns, parce que, vite comme ça,
là, vous en avez peut-être huit, 10. Le premier, le titre II de
l'article 2... l'article 2 du titre II, devrais-je dire :
«Les proches, les personnes à charge et les témoins ne semblent pas être
considérés comme des personnes victimes». J'aimerais vous entendre quant à vos
préoccupations, quant au sens qui sera donné à ce terme.
• (11 h 40) •
Mme Gagnon (Karine) : Bien, à
notre... En fait, c'est de dire que ces gens-là peuvent vivre les mêmes
conséquences que la personne victime elle-même, donc devraient avoir droit au
même soutien, aux mêmes services. C'est un peu dans ce sens-là, la
préoccupation.
M. Tanguay : Et, une fois
qu'on a dit ça puis qu'on est d'accord avec vous, bien, comme législateur, on a
l'obligation de le mettre clairement dans la loi. Puis ça, c'est un autre commentaire
que vous faites. C'est une nouvelle loi, c'est costaud, c'est 190 articles.
Il y a des articles excessivement complexes, dont le fameux article 16. Il
y a beaucoup... en toute bonne foi, une méconnaissance, des fois, de la loi,
des intervenants ou, des fois, il y a beaucoup de subjectivité, ça va amener
une application différente, d'où l'importance de la réglementation qui va être
très large, mais qu'il y ait des consultations là-dessus. Et justement vous
nous invitez, sur ces termes-là : Bien, vous rédigez la loi, précisez-le donc, comme ça, ça va éviter des écueils.
Parce que le débat jurisprudentiel devant les tribunaux ne se fera pas
sur le dos d'une victime qui dit : Bien, aïe! je pense que j'ai droit, là.
Alors, ça, c'est message reçu.
Mme Gagnon (Karine) : Bien, puis...
Puis en fait, ce que vous...
M. Tanguay : Je vous en prie.
Mme Gagnon (Karine) : Pardon. Mais,
par rapport, justement, aux témoins, c'est pourquoi on soulève que ça, c'est un
avancement d'avoir vraiment le terme «témoin» dans la loi et non pas seulement
se baser sur ce qui a été interprété par le Tribunal administratif pour dire
que le témoin peut être assimilé à une victime, parce que ce n'est pas
clairement écrit dans la loi. Là, en le mettant clairement dans la loi, c'est
cadré une fois pour toutes, là. Ça ne porte... bien, ça... bon, une loi peut
toujours porter à interprétation, là, mais ça vient clarifier.
M. Tanguay : Voilà, c'est ça,
tout à fait, tout à fait. Le point suivant, en tout bas de la page 23, le
lien intime, donc, à l'article 10 : «Cette section ne semble pas
inclure les personnes sans lien intime», puis vous donnez un exemple très tangible, puis j'aimerais vous
entendre là-dessus, les propriétaires d'un logement locatif, qui
découvrent des scènes de crimes et qui éprouvent par la suite, évidemment, un
trauma important à la suite d'une telle expérience. Ça, mon propriétaire de mon
logement, il n'y a pas de lien intime, bien, c'est une victime collatérale, si
je peux dire. Si socialement on veut le couvrir, bien, il va falloir... il
faudra le mettre. Et c'est une autre réalité à laquelle il faut penser, à
laquelle vous nous invitez à réfléchir puis à le mettre dans la loi.
Mme Gagnon (Karine) : Oui, tout à
fait. Puis, vous savez, ce n'est pas les situations qui se produisent le plus
souvent non plus, là, ça fait qu'en termes de coûts ce n'est peut-être pas ça
qui a le plus gros impact, mais ces gens-là ont besoin de ces services-là. Puis
ça arrive, on l'a vécu, là. Ça a été mis comme exemple parce que c'est un
exemple réel, là, qui est arrivé.
M. Tanguay : Tout à fait,
tout à fait. Puis merci, justement, d'où la pertinence des consultations, d'où
la pertinence de ne pas... de se hâter
lentement, comme disait Boileau, puis la précipitation est mauvaise
conseillère — projet de loi déposé le
10 décembre — d'où
la pertinence de vous entendre puis de continuer à vous entendre. C'est une
réforme majeure, là, puis il ne faut pas manquer le coche parce que, je veux
dire, ça aura pris 50 ans pour une réforme qui est demandée depuis 30 ans.
Je veux dire, quand le chapitre de nos travaux se fermera, on ne le rouvrira
pas de sitôt. Alors, c'est important de prendre le temps de bien travailler.
Autre
réalité sur laquelle j'aimerais vous entendre, le haut de la page 25,
quand on parle des personnes — puis
ça, c'est une autre réalité, d'où la pertinence de votre témoignage — des personnes
victimes de domination conjugale. Alors là,
on est à l'article 81, Programme d'aide en situation d'urgence : «Le
ministre peut établir un programme d'aide...» Vous
dites : «Est-ce que cet article inclut les personnes victimes de
domination conjugale mettant leur vie en danger ou à haut risque...» J'aimerais
vous entendre sur cette autre réalité-là.
Mme Gagnon
(Karine) : Attendez un petit peu. Laissez-moi juste relire la
disposition...
M. Lysight
(Dave) : Je vais revérifier moi aussi.
M. Tanguay :
L'article 81 : «Le ministre peut établir un programme d'aide en
situation d'urgence qui permet aux personnes dont la vie ou la sécurité ou
celle de leur enfant ou toute autre personne qui en est à leur charge est
menacée...» Alors, vous, vous dites : Bien, est-ce que cet article pourra
inclure les personnes victimes de domination conjugale? Vous nous invitez à le
préciser, le cas échéant.
Mme Gagnon (Karine) : Ah oui! Bien... O.K., puis je comprends ce qu'on nomme ici. En fait,
c'est qu'il y a des situations de violence conjugale où les gens ne
pourront pas quitter ou, en tout cas, ne voudront pas quitter pour toutes sortes d'éléments particuliers, entre
autres, l'exemple qu'on nomme... puis mon collègue pourra poursuivre,
mais, entre autres, ça nous arrive quand même assez régulièrement, des femmes
qui ne voudront pas quitter leur domicile parce qu'elles ont des animaux. Ça
peut paraître banal, là, mais c'est des choses auxquelles il faudrait penser.
M. Lysight
(Dave) : Il y a cet élément-là, mais notamment aussi tout l'aspect de
la violence psychologique, là. Le processus de domination, évidemment, oui,
peut être de l'ordre de la violence physique, mais il peut être également dans
un très grand exercice de violence psychologique, morale faisant craindre à la
personne victime ou à son entourage... Donc, tout l'aspect du harcèlement, la
domination, c'est entre autres dans ce contexte, là.
M. Tanguay :
Et j'aimerais souligner... Vous n'aurez pas, malheureusement... Il me reste
20 secondes. J'aimerais souligner votre première recommandation :
«Créer un protecteur des personnes victimes d'infractions criminelles.» Donc,
vous le demandez. C'est important?
Mme Gagnon
(Karine) : À notre sens, oui. Ça prend un endroit où les gens peuvent
se référer de façon facile, directe, claire pour pouvoir faire part de leurs
doléances quand ils en ont.
M. Tanguay :
Merci beaucoup.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Sherbrooke,
s'il vous plaît.
Mme Labrie :
Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation. Je veux revenir sur un
bout de conversation que vous avez eu plus tôt avec une de mes collègues sur la
transmission d'informations. Dans votre mémoire, vous dites que ça devrait faire
l'objet d'une meilleure réglementation. Quand vous vous êtes exprimée tout à
l'heure, vous avez dit que ça devrait être prévu dans la loi. Est-ce que ça
fait une différence, pour vous, que ça soit dans la loi ou dans un règlement?
Puis qu'est-ce qui devrait être inscrit dans la loi pour, justement, faciliter
votre travail, là, puis permettre la transmission d'informations?
Mme Gagnon
(Karine) : Bien, en fait, le libellé de l'article 99, en ce qui
concerne les services de police, qui existe déjà, là, dans le projet de loi,
c'est l'article 99, là, si ma mémoire est bonne, je pense que le même
libellé pourrait être repris, mais pour les différents partenaires avec qui on
travaille. Et je pense que ça faciliterait, parce qu'il serait, par la suite,
légitimé de... il y aurait moins d'embûches au niveau... C'est la protection...
puis c'est correct, là, chacun doit protéger les renseignements personnels de
la clientèle qu'il y a dans son organisation, c'est normal, mais il faut créer
ce... j'appellerais ça ce pont-là facilitant. Puis je pense que, si c'est dans
la législation, ça vient vraiment asseoir la chose. Puis là je ne suis pas en
train de dire qu'on n'a jamais accès à l'information, là, ce n'est pas ça, du
tout, on a déjà des mécanismes prévus, mais il y a des choses qui accrochent,
puis ce n'est pas toujours simple quand on essaie de trouver des solutions.
Puis l'idée, aussi,
c'est que ça ne soit pas tributaire des personnes qui sont en place, hein? Que
ce soit vraiment inscrit dans la loi, à ce moment-là, bien, c'est une
obligation pour tout le monde, dans le même sens pour nous aussi, là. Nous
aussi, on doit communiquer des choses à nos partenaires. Et ça vient faciliter
la fluidité de tout ça, à mon avis. Je ne sais pas si mon collègue veut...
Mme Labrie :
J'entends que le libellé, il en existe un, déjà, qui est adéquat, mais
simplement le reprendre pour d'autres...
Mme Gagnon
(Karine) : Oui. Il faudrait le... Oui, c'est ça.
Mme Labrie :
C'est très clair. Merci...
Le Président
(M. Bachand) : M. Lysight, voulez-vous rajouter quelque
chose?
M. Lysight (Dave) : Non, c'est
correct.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Alors, je cède la parole à la
députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme
Hivon : Oui. Merci
beaucoup. Évidemment, vous amenez des points très, très pertinents. Vous faites
bien ressortir que toutes les situations ne sont pas les mêmes, et que les
personnes qui... bien sûr, après trois ans, ne seront pas rétablies, d'où
le questionnement sur l'abolition complète des rentes viagères. Est-ce que vous
pensez qu'on pourrait imaginer un système où, pour certaines personnes, c'est
du forfaitaire, mais, pour d'autres, on devrait garder les rentes viagères,
parce qu'on le sait, d'emblée, que le rétablissement va prendre beaucoup de
temps?
Mme Gagnon (Karine) : J'imagine que
c'est quelque chose qui pourrait être fait. Maintenant, comment asseoir ça?
Comment expliquer aux gens que, vous, on vous donne une somme forfaitaire,
vous, c'est une rente viagère? Tu sais, il y a quelque chose à réfléchir par
rapport à ça, mais de dire : Est-ce que, sur le terrain, ce serait
pertinent qu'il puisse y avoir les deux en fonction de la situation des gens?
Certainement. Mais, maintenant, après ça, comment attacher tout ça? C'est...
Mme
Hivon :
Effectivement. On est un peu, en fait, dans la même situation que vous parce
qu'on ne sait pas, vu qu'il y a des pouvoirs
réglementaires vraiment énormes, on ne le sait pas, l'ampleur des montants qui sont envisagés, à quel point
ça va être différent. Donc, c'est des hypothèses que je voulais vous soumettre.
L'autre enjeu, c'est que vous aviez dit qu'il y
a encore des efforts à mettre pour la question de l'aide et des droits des
victimes en fusionnant les deux lois dans une seule. Si je résume,
d'autres nous ont dit ça : L'aspect indemnisation a été bien retravaillé,
mais beaucoup moins celui de l'aide. Donc, qu'est ce qu'on devrait... On
devrait préciser, selon vous, tous les mécanismes d'aide pour que les droits
soient bien précisés, c'est ça?
• (11 h 50) •
Mme Gagnon (Karine) : Bien, ça
serait intéressant que ce soit nommé dans la loi. Et ce serait intéressant aussi que la loi prévoie la façon d'informer la
population de l'existence des services qu'il y a déjà. Il y a déjà
énormément de sommes investies, puis, là, on ne parle pas juste de nous, là, de
notre réseau, là, on a un paquet d'organismes partenaires,
là, il y a un paquet d'organismes partout sur le territoire du Québec qui
offrent les services aux personnes victimes. Puis malheureusement, comme
le nommait mon collègue tout à l'heure, on entend encore trop souvent : Il
n'y a pas d'aide, il n'y a pas de...
Évidemment,
les gens qui sortent dans les médias, c'est, malheureusement, les gens qui ont
eu des expériences plus négatives, puis ça existe, là, on n'est pas dans
un monde rose, là, on sait que tout n'est pas parfait, mais ce serait important
que la population, en général, soit au courant des services qui existent déjà
et qui soit au courant avant... bien, «avant», on ne souhaite pas à personne,
là, d'être victime, mais avant de se retrouver dans cette situation-là parce
que, trop souvent encore, on entend de nos gens qui sont dans nos
services : Bien, moi, le CAVAC, je ne savais pas qu'est-ce que c'était avant
que ça m'arrive, moi, je n'avais jamais entendu parler de ça. Puis ça, c'est
récurrent, c'est partout, là, dans notre réseau qu'on entend ça encore. Il y a
du travail à faire, je pense, par rapport à ça, tu sais, des campagnes
nationales pour que les gens soient au courant que ces services-là, ils sont en
place puis ils sont offerts par différents types d'organismes.
Et puis, après ça, bien, on parle plus,
peut-être, de l'application, comme on parlait tout à l'heure des locaux dans
les palais de justice, tu sais, on parle plus des aspects terrain de la chose,
mais est-ce que ça doit être dans la loi, dans la réglementation? Je ne serais
pas en mesure de répondre à cette question-là, mais ça devrait être prévu, à
quelque part, qu'on doit prioriser ça. Exemple : les locaux dans un palais
de justice, la façon dont ça doit être installé dans un palais de justice puis
quelle norme ça doit rencontrer pour répondre aux besoins des personnes
victimes.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, merci beaucoup. Ça conclut notre échange.
Alors, merci beaucoup, Mme Gagnon, M. Lysight, d'avoir été avec nous.
Sur ce, je suspends les travaux jusqu'à
14 heures. Merci infiniment.
(Suspension de la séance à 11 h 51)
(Reprise à 14 heures)
Le Président (M. Bachand) :
Bonjour, tout le monde. Bon après-midi. La Commission des institutions reprend
ses travaux.
Nous
poursuivons donc l'étude des consultations publiques... particulières, pardon,
et auditions publiques sur le projet
de loi n° 84, Loi visant
à aider les personnes victimes d'infractions criminelles et à favoriser leur rétablissement.
Cet après-midi, nous entendrons les personnes et
groupes suivants : Le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, la Concertation des
luttes contre l'exploitation sexuelle, le Centre des ressources et
d'intervention pour hommes abusés sexuellement dans leur enfance,
Me Elizabeth Corte et Mme Julie Desrosiers. Mais nous débutons avec
Mme Stéphanie Tremblay et Mme Laurence Morin, du Regroupement
québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère
sexuel, ce qu'on connaît mieux sous l'acronyme CALACS.
Donc,
mesdames, bienvenue à la commission. C'est très apprécié que vous soyez avec
nous cet après-midi. Alors, sur ce, comme vous savez, vous avez
10 minutes de présentation au total, et, après ça, on aura un échange avec
les membres de la commission. Donc,
je vous laisse la parole. Et, encore une fois, merci de participer aux travaux
de la commission.
Regroupement
québécois des centres d'aide et de lutte contre
les agressions à caractère sexuel (RQCALACS)
Mme Tremblay
(Stéphanie) : Merci beaucoup. Donc, je vais débuter la présentation...
En fait, je vais débuter d'abord, là, c'est certain, en remerciant, là, le
ministre de la Justice, M. Jolin-Barrette, d'avoir déposé cet important
projet de loi là. Ça faisait longtemps qu'on l'attendait.
Et, comme vous savez,
hein, il y a une grande proportion des personnes qui font des demandes IVAC,
donc l'Indemnisation des victimes d'actes criminels. Je pense que je ne vous
apprends rien, là, c'est juste une déformation professionnelle, je pense, de
toujours nommer les acronymes. Donc, il y a une grande proportion, là, des
personnes qui font des demandes IVAC qui sont des victimes d'agression
sexuelle. Alors, je vous dirais, là, que, dans les deux dernières
semaines, je pense qu'il n'y a pas un seul CALACS qui ne nous a pas appelés
pour nous demander si on allait être entendus à cette commission-là et pour
pouvoir, là, jeter un oeil à cet important projet de loi là, là. Donc, c'est
très apprécié d'être convié ici, là, à cet exercice démocratique là, et...
(Interruption)
Mme Tremblay
(Stéphanie) : Oups! mon ordinateur vient de se mettre en veille. Et
donc, voilà, et c'est très apprécié aussi de voir qu'il y a ce dossier-là qui
bouge.
Alors, on va
commencer la présentation, là, vraiment... Bien, je vais vous parler très, très
rapidement du regroupement, de son approche,
et ma collègue Laurence, qui travaille dans un CALACS, en fait, elle est
intervenante au CALACS-Agression Estrie, donc elle vient vous
parler plus en détail, là, de qu'est-ce que les CALACS et qu'est-ce
qu'ils font exactement, notamment, qu'est-ce que leur... qu'est-ce qu'ils font
en termes d'accompagnement, là, judiciaire.
Après ça, là, bien, c'est sûr qu'on a déposé un mémoire, on l'a déposé il y a
comme, je pense, deux heures, là, donc j'imagine que vous n'avez
pas eu le temps de le lire, on va vous faire une présentation très sommaire,
là, des principales recommandations, là, qu'on a à faire. Donc, voilà.
Bien, dans un premier
temps, le Regroupement québécois des CALACS, bien, c'est un organisme sans but lucratif,
communautaire qui... en fait, on relève, là, de l'action communautaire autonome
et on regroupe 26 CALACS, donc les centres d'aide et de lutte
contre les agressions à caractère sexuel. Et notre mission, c'est vraiment de
rassembler, en fait, ces CALACS-là pour favoriser, là, l'échange d'expertise
entre nos membres pour développer, là, des solutions toujours plus adaptées
pour les survivantes de violence sexuelle. Et on a aussi comme mission, là,
finalement, de défendre les droits de l'ensemble des victimes d'agression
sexuelle qui sont... qui résident au Québec. Et, en 2019, eh bien, on
fêtait notre 40e anniversaire. Donc, c'est vraiment 40 ans, là,
d'expertise que les CALACS incarnent, là. Le premier CALACS a vu le jour
en 1975 et le regroupement s'est formé en 1979.
Donc, très
rapidement, je voulais quand même placer notre analyse de la violence sexuelle
parce que c'est quand même important dans le cadre de cette consultation-là.
Là, je vois le temps qui avance. Mon Dieu! on n'aura jamais le temps de tout
traiter. Je vais quand même prendre le temps, puis quitte à ce qu'on échange
plutôt sur nos recommandations, là, par la suite, là, on aura quand même
35 minutes d'échange, là. Donc, voilà, au niveau de l'analyse, je vais
vraiment spécifier qu'on a une analyse sociale qu'on va appeler une analyse
féministe aussi de la violence sexuelle. Donc, on considère vraiment que c'est
un phénomène, là, qui est ancré dans notre société par les rapports inégaux,
là, entre les sexes... j'ai envie de dire «notamment», mais les rapports
inégaux notamment entre les sexes. C'est-à-dire que, de plus en plus, on
considère, là, que tous les types de discrimination vont alimenter les
violences sexuelles, le phénomène des violences sexuelles, l'occurrence de
violence sexuelle, c'est-à-dire que... bon, je pense au colonialisme, au
capacitisme, au racisme, à l'homophobie, à la transphobie également. Donc, ce
sont tous des systèmes de discrimination qui vont favoriser l'occurrence, malheureusement,
de violence sexuelle chez les personnes qui sont visées par ces systèmes de
discrimination là. Donc, c'est une analyse vraiment globale de la violence
sexuelle qu'on fait et qui va transparaître nécessairement, là, dans les recommandations
qu'on va faire.
Laurence, je te
laisserais peut-être parler rapidement des CALACS, qu'est-ce que vous faites
et... qu'est-ce qu'on fait, en fait, et de l'accompagnement judiciaire.
Mme Morin
(Laurence) : Parfait. Bonjour. Merci de nous recevoir. Est-ce que vous
m'entendez bien, tout le monde?
Le
Président (M. Bachand) : Oui, très bien.
Mme Morin
(Laurence) : Parfait. Donc, en gros, nous, on offre... Les CALACS,
c'est des services aux femmes et aux filles de 12 ans et plus et à leurs
proches. On a trois volets par lesquels on va agir : l'aide directe,
donc individuelle et de groupe, redonner du pouvoir aux femmes, les aider à
surmonter les conséquences des violences sexuelles subies, deuxième volet, on
fait de la prévention et de la sensibilisation, donc tout ce qui est atelier, conférence, kiosque, autant grand public,
des écoles secondaires, enseignement supérieur, formation aux personnes
intervenantes dans divers milieux, troisième volet, comme aujourd'hui, lutte et
action politique, lutte et défense de droit, donc on met en oeuvre des actions
pour avoir des changements au niveau politique, social, juridique et on défend
les droits collectifs des femmes qui ont vécu des violences sexuelles.
L'accompagnement
judiciaire, ça fait partie des services qu'on offre, c'est gratuit, c'est
disponible. À chaque étape du processus judiciaire, on va offrir d'accompagner
les femmes et les filles, on va pouvoir les soutenir, les orienter, les
informer, réduire les risques d'être revictimisées dans le processus.
Juste
pour vous donner une idée, messieurs dames, là, en 2019‑2020,
nous, les 26 CALACS du regroupement, on a fait
550 accompagnements dans les procédures de justice criminelle ou civile.
Puis, les demandes IVAC, les fameuses demandes IVAC, on a aidé environ
430 personnes à en remplir en 2019‑2020.
Donc, est-ce que, Stéphanie, je pouvais commencer
avec les recommandations, c'est bon?
Mme Tremblay (Stéphanie) : Oui, je
te laisserais commencer.
Mme Morin (Laurence) : O.K. Alors,
très sommairement, on a d'autres recommandations. Notre première
recommandation : considérant la complexité du projet de loi, compte tenu,
en ce moment, du contexte de pandémie mondiale dans laquelle on est, comment
que ça complexifie nos réalités, autant les femmes que les organismes,
considérant le fait qu'on a eu des délais de révision du projet de loi, qu'on
considère nettement insuffisants, on demande aux parlementaires de reporter le projet
de loi, de réaliser des consultations qui reconnaîtraient l'apport des groupes des personnes qui travaillent à la défense
des droits des victimes en leur laissant le temps nécessaire pour
examiner, là, de manière rigoureuse, approfondie, le projet de loi pour
exprimer leurs recommandations de manière adéquate.
Deuxième recommandation : on recommande de
ralentir le processus d'étude du projet de loi n° 84 pour élaborer une loi
qui serait harmonisée avec la Charte canadienne des droits des victimes. Donc,
vous avez sûrement entendu parler du rapport
Rebâtir la confiance du comité d'expertes et d'experts, là, sur
l'accompagnement des victimes d'agressions sexuelles et de violence conjugale,
il y avait un chapitre complet sur la promotion et l'application de la Charte
canadienne des droits des victimes. Donc, c'est tellement peu fréquent qu'il y
ait une réforme, comme on vit en ce moment,
qu'on se dit qu'il faut absolument tenir compte des plus récentes
recommandations qui ont été publiées au Québec, ici, par rapport à la
Charte canadienne des droits des victimes.
Troisième recommandation : on insiste sur
l'importance que le présent projet de loi adresse adéquatement la
recommandation 176 du rapport du comité, dont je vous parlais tout à
l'heure, d'expertes et d'experts. Donc, c'était aussi présent, puis je vais vous dire c'est quoi rapidement, mais juste
que vous sachiez, dès 1993, cette recommandation-là, elle se
retrouvait dans un rapport, un mémoire de l'Association québécoise
Plaidoyer-Victimes. Et ça dit quoi? C'est la recommandation n° 3, de
mettre en place des mécanismes simples, rapides puis des outils qui vont
permettre d'accueillir et de traiter les plaintes formulées par les personnes
victimes quand elles considèrent que leurs droits à l'information, à la
protection, à la participation puis au dédommagement n'ont pas été respectés.
• (14 h 10) •
La quatrième recommandation. Je ne sais pas si
vous étiez au courant, mais, en 2019, il y a eu 92 demandes à l'IVAC qui ont été refusées à cause du motif
d'exclusion appelé la faute lourde. Ce motif d'exclusion là, dans
certains cas, bien sûr, là, il va être légitime, il va être pertinent. Par
contre, il a été utilisé pour empêcher l'admissibilité au régime de victimes de violence sexuelle, on pense
surtout ici aux victimes de l'exploitation sexuelle, donc, quand il y a
de l'échange de sexualité contre autre chose, donc, le fait que la victime
n'avait pas été démontrée comme une victime innocente. Donc, la Commission
spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs l'a bien expliqué, le fait
d'appliquer le concept de faute lourde de cette manière-là, c'est comme si ça
impose un fardeau à la victime, sans que ce soit prévu par la loi de l'IVAC, et
sachez que le Protecteur du citoyen a fait le même constat : attribuer à
l'IVAC que l'interprétation de la faute lourde était trop large puis que les
décisions faisaient porter à la victime le fardeau de preuve. Donc, notre
recommandation, ici, c'est simplement d'ajouter un article de loi qui
spécifierait que la notion de faute lourde, elle ne s'applique pas aux cas de
violence sexuelle ni de violence conjugale.
Recommandation 5, maintenant, donc...
Le Président (M.
Bachand) : Mme Morin, je dois vous dire qu'il reste très
peu de secondes, puis je sais que... puis je ne veux pas vous interrompre en
plein milieu d'une recommandation, mais...
M. Jolin-Barrette : ...sur mon
temps, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Oui? D'accord. Alors donc, c'est ce que j'allais
dire, donc, sur le temps du ministre, je vous laisse continuer.
Mme Morin (Laurence) : Merci
beaucoup au ministre Jolin-Barrette et à vous.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le ministre.
Mme Morin (Laurence) : Donc, la
recommandation 5. Un peu de la même manière que la faute lourde, qui est
une barrière d'accès au régime de l'IVAC, qui... pour les victimes de violence
sexuelle, le droit à la subrogation que s'octroie le ministre à
l'article 27 du projet de loi a le même résultat. Pourquoi? Alors, on va
être en désaccord, nous, qu'on puisse recourir à la subrogation quand il y a
des agressions sexuelles ou de l'inceste. Nos réserves sont lesquelles? En
fait, c'est surtout quand ça force le maintien d'un lien entre l'agresseur et
la victime contre la volonté de cette dernière. On peut penser, puis c'est...
Dans environ 85 % des cas, l'agresseur est une personne que la victime
connaissait, en qui elle avait confiance. Donc, imaginez, c'est probablement un
proche, c'est peut-être un membre de la famille, un ancien conjoint, un ami. Et
aussi ça fait en sorte que la victime, elle ne veut pas porter plainte à la
police parce qu'elle veut rompre le lien avec cet agresseur-là, elle pourrait
se voir forcée de le confronter au procès à cause d'une réclamation qui serait
intentée par l'IVAC. Cette clause-là, vous pouvez vous l'imaginer, c'est une source de stress incroyable pour les victimes, ça
peut les revictimiser, donc les faire revivre les symptômes, notamment, de
stress post-traumatique qui sont liés à ça. Donc, notre recommandation 5,
d'ajouter un article de loi qui spécifierait
que le droit de subrogation, il ne s'applique aux victimes de violence sexuelle
ni de violence conjugale.
Je termine, pour ma part, avec la
recommandation 6. Donc, je vous dirais que... Je vous la nomme pour
commencer : de réviser l'article 46. Dans quel but? De sorte que le
recrutement et la rémunération des professionnels de la santé soient mieux
encadrés pour les demandes d'IVAC. Il y a tellement de cas, messieurs dames,
autant de réhabilitation ou de cas d'évaluation, où on voit que c'est... qu'on
peine à l'IVAC à recruter suffisamment de professionnels de la santé. Il y a un
nombre énorme de victimes qui nous rapporte avoir de la difficulté à trouver
des personnes psychothérapeutes qui soient compétentes, qui soient surtout
adaptées à leurs besoins et qui acceptent des mandats de l'IVAC.
Je note deux petites choses. Il y a souvent
un enjeu de parité dans la liste de professionnels qui sont désignés par l'IVAC, donc moins de femmes que d'hommes. Ici,
dans les violences sexuelles, c'est un enjeu qui est problématique parce
que la majorité des agresseurs déclarés vont être de sexe masculin. Et la
situation fait que les victimes vont être confrontées à être évaluées dans
toute leur vulnérabilité par des hommes qui n'ont pas nécessairement une
expertise en intervention avec les victimes.
Dernier point, là, ça se peut que des victimes
aient à parcourir des dizaines, voire des centaines de kilomètres pour aller rencontrer une personne psychiatre pour
les évaluer, quand elles sont des régions éloignées, c'est une barrière.
Je vais ici céder la parole à ma collègue
Stéphanie pour continuer les six autres recommandations. Merci de votre
écoute, votre attention.
Mme Tremblay (Stéphanie) : Merci.
Merci, Laurence. Il nous reste combien de temps, environ?
Le Président (M.
Bachand) : Bien, l'idée, c'est qu'il reste à peu près
13 minutes pour la période d'échange avec la partie ministérielle. Ça fait
que je vous inviterais peut-être à accélérer le rythme pour avoir une chance
d'intervenir avec le ministre.
Mme Tremblay (Stéphanie) : Tout à
fait. Donc, je vais aller très rapidement, en fait. Donc, on a deux autres
recommandations qui visent vraiment, là, cette question-là des professionnels
de la santé, là. C'est-à-dire qu'il y a vraiment un enjeu au niveau du choix
pour les victimes de pouvoir, là, faire appel aux professionnels de la santé
qu'ils ont choisis. Donc, il y a vraiment un article de loi, là, qui stipule
que... Bien, en fait, c'est qu'il y a une liste à l'IVAC qui va vraiment
répertorier une certaine quantité de professionnels de la santé qui peuvent
être remboursés. Et ça, pour nous, c'est un enjeu parce que les victimes,
finalement, n'ont pas nécessairement accès aux ressources dont elles ont besoin.
Donc, ça, c'est une chose, au niveau des professionnels de la santé. Puis il y
a vraiment au niveau aussi, là, de la formation des agents, agentes de l'IVAC
qui devraient être mieux formés, qui devraient travailler de pair aussi avec, notamment,
les intervenantes des CALACS, mais toutes les intervenantes qui travaillent,
là, auprès des victimes pour mieux accompagner les victimes, mieux les informer
sur toutes les ressources auxquelles elles pourraient avoir accès. Et c'est
vraiment important parce que c'est tout un processus, là, puis je tiens... je
vais quand même prendre le temps de le mentionner, parce que c'est vraiment...
c'est au coeur de l'approche des CALACS, au niveau de l'intervention, vraiment,
de laisser les victimes faire leurs propres choix pour les... bien, en fait,
faire leurs propres choix dans leur processus de guérison, hein, suite aux
agressions sexuelles. Donc, l'article de loi qui stipule, là, que, finalement,
il y a un règlement qui peut déterminer si une ressource va être remboursée ou
pas, pour nous, c'est un problème, parce que c'est important de laisser les
victimes choisir les ressources auxquelles elles vont avoir accès.
Je vais terminer, dans le fond, on a
deux autres, je dirais, secteurs de recommandations. Il y en a au niveau
des agressions sexuelles qui sont commises à l'extérieur du Québec, je vais y
revenir.
Je veux vraiment mentionner notre recommandation
sur la modification de la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles pour
assurer une exclusion totale et permanente de toutes sommes versées par l'IVAC.
Donc, on voudrait vraiment profiter du projet de loi n° 84 pour apporter
une modification à cette loi-là, qui est complètement injuste et inéquitable.
Donc, je veux vraiment... En fait, je ne vous la décrirai pas en détail, là,
mais je tenais quand même à le spécifier explicitement pour apporter, vraiment,
là, votre regard sur cette recommandation-là. Donc, je le sais qu'on n'est pas
les seuls à l'avoir recommandée. Le projet de loi n° 84, il est vraiment
costaud, complexe, ça vaudrait la peine,
vraiment, d'ajouter à ça, là, une modification de la Loi sur l'aide aux
personnes et aux familles. Il y a l'espace pour ça, c'est un projet de
loi qui est construit, hein, qui permettrait... qui permet la modification
d'autres lois. Donc, on aimerait beaucoup que ce soit fait, parce que c'est
vraiment une injustice incroyable pour les victimes les plus vulnérabilisées.
Puis je vais terminer vraiment avec nos
recommandations sur les infractions commises à l'extérieur du Québec. En fait,
je vais vraiment mettre l'emphase sur le fait qu'on n'a pas eu le temps de
consulter les groupes, nos groupes partenaires qui sont... qui ont une
expertise en immigration. Et, pour nous, il y a des enjeux excessivement
problématiques dans ce chapitre-là, en fait, du projet de loi. Donc, on salue,
évidemment, l'inclusion des crimes qui ont
été commis à l'extérieur du Québec. C'est une avancée incroyable, mais il y a
des enjeux vraiment problématiques, là. Donc, on veut, vraiment, encore
là, freiner l'étude du projet de loi pour être capables de consulter des
ressources qui sont adaptées. Donc, je vais m'arrêter là.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, Mme Tremblay, Mme Morin. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Oui, combien de temps nous reste-t-il, M. le
Président?
Le
Président (M. Bachand) : 9 min 30 s.
M. Jolin-Barrette : Parfait. Mme Tremblay, Mme Morin, merci d'être présentes en
commission parlementaire puis de nous partager votre expertise
relativement au dossier. Je tiens à vous rassurer, si, au cours des prochaines
semaines, vous avez davantage de commentaires relativement à la dernière
section pour les crimes commis à l'étranger, n'hésitez pas à les faire parvenir
au secrétariat de la commission, on va pouvoir en prendre connaissance,
relativement à vos commentaires.
Sur le point de
retarder l'étude du projet de loi, j'explique le processus. Pour tenir les
consultations, il y a eu une entente avec les quatre groupes
parlementaires ici, à l'Assemblée nationale, et c'est pour ça qu'on entend les
groupes cette semaine. Et surtout il faut comprendre que la réforme de l'IVAC,
aussi, pour pouvoir donner les aides supplémentaires, pour pouvoir faire en
sorte, aussi, d'élargir la liste des crimes, parce qu'actuellement il y a
certaines personnes qui se font dire non par l'IVAC parce que le crime n'est
pas couvert ou qui se retrouvent dans des situations où il y a de la
prescription, bien, plus on retardera l'adoption du projet de loi, plus on se
retrouvera dans des situations où certaines victimes qui pourraient être
couvertes par le régime actuel ne le seront pas tant que le projet de loi n'est
pas adopté, aussi. Donc, il y a un enjeu aussi relativement à cela.
Mais j'étais curieux
de vous entendre, bon, sur la question de la faute lourde, vous n'êtes pas le
premier groupe à nous le dire, je vais l'étudier sérieusement en matière,
notamment, de violence sexuelle. Sur la question... Vous avez dit : La
liste des professionnels à la DIVAC... Dans le fond, il y a une liste mais la
victime peut choisir quelqu'un de son choix, mais on va bonifier ça aussi, on
va permettre à des sexologues aussi d'être couverts. On veut s'assurer, là,
d'offrir davantage de soutien aux victimes, davantage également de ressources.
Et surtout, je me
demandais, vous, là, en matière... On met en place un programme d'urgence dans
le cadre du projet de loi. Qu'est-ce que vous en pensez? Pour sortir du milieu,
là, rapidement.
• (14 h 20) •
Mme Tremblay
(Stéphanie) : Au niveau de l'exploitation sexuelle?
M.
Jolin-Barrette : Bien, en fait, tous les types de domaines mais
incluant l'exploitation sexuelle, parce que, oui, bien entendu, ça va couvrir.
D'autant plus que maintenant, ça devient une infraction qui est admissible,
l'exploitation sexuelle.
Mme Tremblay
(Stéphanie) : Oui, bien, en fait, sur ce fonds d'urgence là... Bien,
en fait, c'est ça, moi, je me demandais... Parce qu'il faut dire aussi, puis je
pense qu'on ne l'a pas nommé, là, que c'est un projet de loi qui est
excessivement complexe et qui m'a donné, personnellement, je vais parler en mon
nom personnel, qui m'a donné mal à la tête. Il y a des articles de loi qui sont
vraiment, pour une non-juriste, là... puis ce n'est pas... je veux dire, j'ai
10 ans d'expérience dans le domaine des violences sexuelles, j'ai fait de
l'intervention, je suis aux communications, aux enjeux politiques, là, ce n'est
pas parce que je ne suis pas intelligente, là, mais vraiment il y a des
articles de loi que je trouvais complètement incompréhensibles. Au niveau du
fonds d'urgence, je me demandais s'il n'y avait pas un lien avec le... Il y a
eu une annonce, là, dernièrement, justement, du ministère de la Justice, avant
les fêtes, sur un fonds, là, qui serait géré par SOS Violence conjugale, où les
victimes de violence peuvent téléphoner puis être indemnisées pour des
ressources, là, alimentaires, des ressources d'hébergement, tout ça. Est-ce
qu'on fait référence à ce fonds d'urgence là?
M.
Jolin-Barrette : Effectivement.
Mme Tremblay
(Stéphanie) : Parfait.
M.
Jolin-Barrette : Dans le fond, il va être pérennisé par la réforme de
l'IVAC. Dans le fond, ça tombe dans les attributs financiers de l'IVAC. Donc,
il a été annoncé rapidement pour la première année, mais, par la suite, on
l'inclut dans le projet de loi pour qu'il ait une assise financière, pour
s'assurer qu'on puisse le rendre pérenne et on peut s'assurer d'offrir ce
service-là.
Peut-être, j'aimerais
ça vous entendre sur quand vous recevez une victime de violence sexuelle. On
nous a beaucoup parlé, bon, des formulaires qui étaient compliqués à remplir,
tout ça. Est-ce que ça vous arrive d'avoir des victimes qui se sont fait dire
non parce qu'elles étaient hors délai en matière d'agression sexuelle, par
l'IVAC?
Mme Tremblay
(Stéphanie) : Laurence, est-ce que tu veux y aller ou tu voulais que
j'y aille? Parce que c'est sûr, la réponse
est oui, là, c'est arrivé, donc, c'est sûr... Laurence, est-ce que
tu voulais que je te laisse la parole?
Mme Morin (Laurence) : Je te laisse aller puis je compléterai avec mon
expérience terrain si tu veux aussi, là.
Mme Tremblay
(Stéphanie) : Oui, c'est ça, donc, effectivement, oui, c'est arrivé.
Donc, pour nous, bien, en tout cas, dans notre compréhension, là, le projet de
loi venait vraiment inscrire l'abolition, là, du délai de prescription pour les
victimes d'agression sexuelle. Si je ne me trompe pas, là, je n'ai pas le... je
ne veux pas aller fouiller dans le projet de loi, là, mais ça n'incluait pas
nécessairement les victimes de violence conjugale qui rencontrent des enjeux
similaires à ceux des violences sexuelles, là. Donc, pour nous, il y avait un
enjeu à ce niveau-là, mais sinon...
M.
Jolin-Barrette : Je vous rassure, Mme Tremblay, ça les inclut
également. On a aboli la prescription pour la violence subie pendant l'enfance,
violence sexuelle et violence conjugale.
Mme Tremblay
(Stéphanie) : Parfait. Donc, ça, pour nous, je trouve que c'est un bon
exemple, puis on le nomme dans notre mémoire, c'est un bon exemple d'article de
loi qui va vraiment venir structurer puis faciliter l'accès des victimes à ces
régimes-là, parce qu'au lieu d'un règlement ou d'une directive qui va laisser,
vraiment, là, tu sais, un pouvoir discrétionnaire aux gestionnaires de l'IVAC,
bien, c'est un article de loi qu'on n'a pas le choix de respecter. Donc,
effectivement, ça, c'est une grande avancée, là, pour les femmes qu'on
accompagne, tout à fait, parce que c'est un enjeu qu'on rencontrait.
M.
Jolin-Barrette : Est-ce que vous vouliez rajouter quelque chose,
Mme Morin?
Mme Morin
(Laurence) : Non, merci. C'est bon.
M. Jolin-Barrette :
Ça va? Parfait. Écoutez, je vais céder la parole à mes collègues qui souhaitent
vous poser des questions, mais un grand merci, Mme Tremblay et
Mme Morin, pour votre présence en commission parlementaire ce matin, c'est
apprécié.
Une voix :
Merci à vous.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Merci, M. le ministre. Je cède
la parole au député de Chapleau. Il reste quatre minutes. M. le député.
M. Lévesque
(Chapleau) : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, Mme Morin et
Mme Tremblay, pour votre témoignage aujourd'hui, là, merci d'être avec
nous. Peut-être une petite question en lien avec votre expérience, puis vous
allez peut-être pouvoir nous éclairer, là, à la commission. Souvent, il y avait
des enjeux de rejoindre les victimes pour qu'elles puissent mieux connaître
leurs droits et leurs ressources qui s'offrent à elle. Est-ce que vous avez peut-être
des pistes de solution à nous offrir sur ces questions-là?
Mme Tremblay
(Stéphanie) : C'est une bonne question. Laurence, je ne sais pas si tu
avais une réponse à accorder. C'est sûr que nous, dans les CALACS, d'emblée, on
va toujours en parler. Puis, d'expérience, tu sais, nous autres, dans le fond,
il y a à peu près un délai, là, de 10 ans en moyenne, là, avant que les
victimes viennent nous rencontrer. Donc, souvent... Bien, c'est pour ça aussi
que, souvent, les demandes sont remplies hors délai, là, quand les femmes
viennent nous voir parce que, souvent, ça fait 10 ans, par exemple, que
l'agression a été commise et elles n'ont jamais entendu parler de l'IVAC ni par
les psychologues ni par d'autres ressources, là, communautaires. Laurence,
voudrais-tu compléter?
Mme Morin
(Laurence) : Moi, c'est sûr que je pense à des enjeux de financement.
C'est-à-dire que, si on avait encore des meilleurs financements, on aurait plus
de ressources, par exemple, d'une part, pour faire de l'éducation. Donc, si on
veut être capables de rejoindre rapidement les victimes, on sait qu'il y a
environ 67 % des victimes qui sont mineures au moment des violences
sexuelles... Nous, là, on ne fournit pas. On le fait auprès d'à peu près
11 écoles secondaires en Estrie puis on est obligés de refuser des
demandes d'atelier, dans le fond, de formation. Et ça, ça serait vraiment
aidant, si on avait plus de financement.
Je vous donne cet
exemple-là, mais ça peut être aussi quand on a des listes d'attente. Pour les
femmes, il y a comme un momentum. Par exemple, la femme, ça fait 10 ans,
ça fait 15 ans, elle nous appelle, pour la première fois de sa vie, elle
en parle, c'est comme là que ça se passe. Quand ça prend des semaines ou des
mois à ce qu'elle puisse recevoir de l'aide, il y a vraiment un enjeu à ce
niveau-là aussi.
Puis je terminerais
avec la question des régions éloignées. Dans le fond, là, comme le territoire
de l'Estrie, par exemple, puis il y a d'autres régions où c'est le cas, il y a
des femmes qui n'ont pas les moyens, le temps, que ça va être un frein de se déplacer sur le territoire pour venir nous voir.
Et, si on avait davantage de financement pour avoir des ressources qui
pourraient mieux couvrir cet aspect-là, c'est sûr qu'on arriverait à mieux
rejoindre les victimes.
M. Lévesque
(Chapleau) : O.K. Puis en matière de ressources humaines? Parce que
vous m'avez dit, bon, prévention dans certaines écoles secondaires avec
peut-être un volet de formation puis la possibilité de se déplacer dans les
régions éloignées pour rejoindre les victimes, donc qu'est-ce qu'il en serait,
à ce moment-là, pour les ressources humaines? Est-ce que vous auriez les
équipes qu'il faudrait?
Mme Morin
(Laurence) : ...
Mme Tremblay
(Stéphanie) : Bien, en fait, c'est ça... Oh!
Mme Morin
(Laurence) : Vas-y.
Mme Tremblay (Stéphanie) : Bien, en
fait, c'est ça, effectivement, bien, en fait, j'allais rebondir sur ce que
Laurence a nommé, effectivement, c'est vraiment un manque de ressources
humaines qui nous empêche, hein, de rejoindre l'ensemble
des victimes, en fait, l'ensemble de la population, l'ensemble du territoire
qui sont attitrés à chaque CALACS, là.
Puis il faut savoir aussi, ça, c'est quelque
chose... c'est ça, ça fait 10 ans que je suis dans les CALACS, une chose,
puis je me rends compte, c'est que les CAVAC sont beaucoup plus connus que les
CALACS. Généralement, c'est parce que, bien, c'est ça, ils ont un financement
plus soutenu, là, par le ministère de la Justice. D'ailleurs, hein, on espère
que nos groupes et d'autres groupes, qui travaillent auprès des femmes
violentées, seront reconnus, hein, par cette loi-là. Donc, on parle des centres
pour victimes d'infractions criminelles.
Est-ce qu'on parle uniquement des CAVAC ou, tu
sais, de tous les groupes aussi qui travaillent auprès des victimes, là? Donc,
d'une part, c'est ça, il faut savoir qu'on gagnerait, hein, à faire connaître
davantage les CALACS, parce que ce qu'il
faut savoir, c'est qu'une victime d'agression sexuelle ne se reconnaîtra pas
nécessairement comme une victime d'acte criminel. Ça peut être excessivement
confrontant, pour une femme survivante de violence sexuelle, d'aller dans un
CAVAC, pas parce qu'elles ne sont pas... moins compétentes que nous, pas du
tout, c'est vraiment la terminologie qui va faire en sorte qu'une femme va
s'identifier beaucoup plus à une ressource comme la nôtre, qui ne sera pas dans
un poste de police, par ailleurs, et compagnie, là. Donc...
M. Lévesque (Chapleau) :
Communautaire.
Mme
Tremblay (Stéphanie) :
Exactement. Donc, faire plus de promotion, là, des ressources communautaires
en violence faite aux femmes. Et je pense aussi à d'autres groupes, là, qui ne
travaillent pas spécifiquement sur les violences, mais qui ont développé une
expertise en la matière parce que les communautés auprès desquelles elles
travaillent sont beaucoup victimes de violence, là, je pense à des groupes
auprès de femmes autochtones, auprès de femmes qui vivent des handicaps
physiques...
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme Tremblay.
M. Lévesque (Chapleau) : Bien noté.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au
député de LaFontaine, s'il vous plaît.
• (14 h 30) •
M. Tanguay : Merci beaucoup,
M. le Président. Alors, à mon tour de vous saluer, Mme Tremblay et
Mme Morin. Merci beaucoup d'être ici, avec nous, virtuellement, à midi,
pour discuter du projet de loi.
Beaucoup d'éléments. Vous dites : Wo!
ralentissez, ralentissez, ralentissez, M. le ministre. C'est le message qu'on
a, également, parce que, imaginez-vous donc, on a reçu, donc, votre mémoire.
Merci beaucoup. Alors, pendant que vous parliez, j'ai plein de petits points
sur lesquels... deux paragraphes, des fois, fait naître des questions. Alors,
merci pour votre temps. Puis excusez-moi à l'avance d'être un peu
télégraphique, mais le temps, mon 11 minutes, est excessivement limité.
Mais on a très bien retenu, de notre côté en
tout cas, le fait que, pour des personnes qui sont habituées à de tels projets
de loi, à de telles lois, ça a créé des maux de tête excessivement complexes,
et ça, il ne faut pas manquer le coup. On salue le fait qu'il y a une réforme,
mais il ne faut pas manquer le coup, parce que, des réformes, il y a des
semaines où il n'y en a pas, et, quand la loi sera faite, bien, il faudra vivre
avec la loi, et, vous le voyez, il faudra vivre avec les interprétations tantôt
heureuses, mais trop souvent malheureuses qui font en sorte que, hein, la personne, la fille, la femme n'a pas d'indemnité,
n'est pas reconnue. Wow! Et ça, c'est excessivement malheureux, puis on
ne veut pas créer d'iniquité là-dessus. Alors, ça, c'est... d'autant plus qu'il
y a un immense pouvoir réglementaire, on aura l'occasion de faire des
représentations.
J'aimerais vous entendre... Bon, infractions
hors Québec, vous demandez le retrait du paragraphe 5 de l'article 63...
Mme Tremblay (Stéphanie) : Tout à
fait.
M. Tanguay : ...autrement
dit, infractions hors Québec : «Il nous apparaît complètement insensé
qu'une loi visant à aider les personnes victimes d'infractions [...] oblige
[les] victimes à dénoncer [une infraction] criminelle.» Alors, que ce soit
l'étudiante, par exemple, qui étudie à l'étranger, bien, elle devrait
pouvoir... suite à une violence sexuelle, par exemple, elle aurait dû, pour
être admissible au Québec, avoir dénoncé l'infraction auprès des autorités de
l'État étranger. Pour vous, ça, ça ne passe pas la rampe, tout comme ça ne
passe pas la rampe... de toute façon, ce n'est pas prévu de même, ce n'est pas
prévu de même au Québec, même, là.
Mme Tremblay (Stéphanie) : Bien non,
bien, je veux dire, on trouve ça complètement insensé. Il n'y a aucune charte
des droits pour les victimes ou des droits de la personne, là, qui va endosser
un tel article, là. On s'explique vraiment mal d'où il sort, là. Bon, on
comprend que c'est tout un nouveau chapitre, là, à la Loi sur l'indemnisation
des victimes d'actes criminels, donc on comprend que, peut-être, là, une tentative,
là, de limiter, quand même, les crimes, là, qui seraient admissibles par
l'IVAC. Mais c'est sûr que cet article-là, on demande vraiment, là, qu'il soit
complètement retiré, parce que c'est complètement insensé de demander à des
victimes d'agression sexuelle de porter plainte, là, dans l'état où elles ont
subi leur crime, là, c'est complètement insensé.
M. Tanguay :
Autre élément également : au niveau des femmes, je reprends cet
exemple-là, qui ont le statut de réfugié, qui sont accueillies au Québec et qui
seraient victimes, par exemple, d'une violence sexuelle, d'une agression
sexuelle, bien, vous demandez de reconnaître les personnes victimes qui ont un
statut de réfugié aussi, au même titre, là, puis il en va de droits et libertés
fondamentales.
Mme Tremblay (Stéphanie) : Bien,
tout à fait, puis là, vraiment à ce niveau-là, c'est pour ça que j'ai insisté
beaucoup dans la présentation sur le fait qu'on demande de... qu'il y ait une
expertise vraiment, sur... bien, qu'il y ait vraiment une lecture plus
approfondie par des groupes qui ont l'expertise en immigration, parce que là on
n'avait pas le temps de consulter nos partenaires sur ces questions-là. Ça fait
que c'est sûr que, d'emblée, bon, on demande que soient reconnues les personnes
réfugiées, mais on demande que... Probablement qu'on aurait énormément plus de
recommandations si on avait eu le temps de consulter nos partenaires. Bien, on
a commencé, là, déjà, à les interpeller sur ces questions-là. Donc, je suis
contente de savoir qu'on peut... on va pouvoir apporter d'autres
recommandations, là, rapidement, dans les semaines qui suivent, là.
Donc, c'est, premièrement, une chose qu'on va
faire, mais c'est sûr que d'aller... Vous, comme député, allez consulter
directement des groupes, je pense au Mouvement contre le viol et l'inceste, à
Montréal, qui a une expertise vraiment poussée sur l'intersection, hein, entre
les victimes de violence sexuelle et les femmes issues de l'immigration. Donc,
il faut se poser la question, parce que c'est une communauté qui est davantage
vulnérable aussi, face aux violences sexuelles à cause de la dépendance à
leur... aux personnes qui les ont accueillies, à cause du manque d'information,
la barrière de la langue, etc. Donc, cet article de loi là doit être vraiment,
là, étudié de manière plus approfondie, parce qu'on risque de créer des
iniquités, là.
M. Tanguay : Oui. Et j'ai très
bien noté que vous, l'organisme que vous représentez, le regroupement, vous,
votre clientèle, si je peux dire, entre guillemets, des femmes, des filles de
12 ans et plus, 67 % des victimes d'inconduite sexuelle sont
mineures. On a un nouveau projet de loi très complexe, très lourd. On ne pourra
pas demander à ces personnes de faire avancer le droit québécois pour qu'on
puisse savoir comment on doit interpréter un article de loi qui n'est pas
clair. Alors, ça, ça ne serait non seulement pas une avancée, ce serait un
recul, ce serait sur le dos des victimes.
Rapidement, je veux vous entendre, on aura trop
peu parlé de l'impact des indemnisations, ici, des sommes forfaitaires sur les
personnes qui sont à l'aide sociale. Vous dites une chose qui nous frappe, puis
la façon dont vous le verbalisez — puis je vous laisse du temps, là, je vais
me fermer, là : «Empêcher qu'elles ne soient obligées de dépenser la somme
forfaitaire avant la fin du mois suivant sa réception». Parlez-nous-en.
Mme Tremblay (Stéphanie) : Bien,
c'est un énorme problème, hein, parce qu'en fait, aussi, les personnes qui sont
bénéficiaires de l'aide sociale, c'est encore des clientèles, des communautés
qui sont encore plus vulnérabilisées, hein, face aux violences sexuelles et qui
sont, bien, c'est ça, davantage affectées par les violences sexuelles subies.
Donc, actuellement, comment les règlements sur
l'aide sociale fonctionnent, c'est que, si l'IVAC indemnise avec une rente
mensuelle, eh bien, le chèque de l'aide sociale, finalement, va diminuer en
fonction de l'indemnisation de l'IVAC. Et, si l'IVAC va donner une somme
forfaitaire, bien, en fait, la personne doit — c'est un règlement de l'aide
sociale, encore là — doit
dépenser toute sa somme forfaitaire avant la fin du mois. Donc, ça ne permet
pas aux victimes de vraiment utiliser ces fonds-là pour se rétablir. Et donc le
problème à ce niveau-là, c'est vraiment au niveau de l'aide sociale.
On a fait beaucoup de représentations auprès du
ministère de la Solidarité sociale. On a rencontré le directeur général de
l'aide sociale. On a fait plusieurs démarches. Vous pouvez aller voir les...
voyons, je n'ai pas le terme, là, je ne suis pas une juriste, là, mais il y a
eu des recours au Tribunal administratif du Québec, à la Cour suprême. Donc, il
y a des juges qui se sont penchés aussi sur cette question et ils demandent au
législateur d'agir. Donc, je trouve que c'est une occasion extraordinaire, le
projet de loi n° 84.
M. Tanguay : Tout à fait. Et
une phrase dans le projet de loi pourrait régler ça. Et c'est d'autant plus
injuste que, dans le calcul de l'aide sociale... Puis qu'il n'y a personne qui
a du fun, là, d'être sur l'aide sociale puis qui trouve ça bien le fun, l'aide
sociale, là, c'est le minimum, minimum. Dans ce qu'on donne aux gens sur l'aide
sociale, là, c'est déjà calculé que, bon, une personne, pour vivre ou survivre,
tant pour le logement, tant pour la nourriture, gnagnagna, et de ça, on va
retirer, exemple, une portion qui serait sur logement, nourriture ou autre, en
disant : Bien, ce 100 $ là ou ce 200 $ là, je l'enlève de l'aide
sociale, mais je vais considérer maintenant qu'il va avoir double emploi puis
qui va être indemnisé parce qu'elle a été victime d'une infraction criminelle
puis qu'elle a le droit à ça. Alors, c'est tout à fait, là, inéquitable et, je
vous dirais, c'est inhumain, tout à fait.
Autre élément — le temps presse — «faute
lourde». Vous demandez que le concept qui imposerait un fardeau à la victime,
qui aurait une interprétation malheureuse, vous demandez que «faute lourde»...
Parce qu'on a rencontré, dans notre tourbillon de consultations depuis mardi, 2 heures,
là, on a rencontré 20 groupes, là — je ne me plains pas, mais on
aurait mérité d'avoir plus de temps, surtout vous, les groupes — des
gens qui sont venus dire qu'on parle, entre autres, de proxénétisme, de
manipulation, de participation à un acte criminel... vous faites en sorte
que — vous,
sur le volet — il
faut exclure la faute lourde dans des cas de violence sexuelle et conjugale.
Et également
j'aimerais vous entendre, pour mettre l'emphase là-dessus, sur le droit de
subrogation. Vous demandez à ce que... tel que proposé : «Nous sommes en
désaccord avec le fait de recourir à la subrogation en matière
d'agression sexuelle et d'inceste.» Vous faites référence au «maintien d'un
lien obligé entre l'agresseur et la victime, et ce, contre la volonté de cette
dernière». Ça, c'est votre quotidien. J'aimerais ça que vous nous en parliez.
Mme Tremblay
(Stéphanie) : Je laisserais peut-être Laurence, là, vraiment vous
entretenir sur ce que ça fait vivre aux victimes, hein, quand elles voient
cette clause-là, quand elles doivent cocher cette clause-là dans les
formulaires IVAC. Laurence.
Mme Morin
(Laurence) : Dans le fond, dans le sens où qu'elles pourraient avoir à
être confrontées à leur agresseur dans le processus judiciaire, c'est ça que
vous voulez dire, «qu'est-ce que ça leur fait vivre»?
M. Tanguay :
Oui, exact.
Mme Morin
(Laurence) : Oui. C'est sûr qu'il y a même des victimes que ça va
décourager complètement du processus, au niveau de... Tu sais, la loi... le
projet de loi sur lequel on est, là, le but, là, c'est le rétablissement puis
le mieux-être des victimes, là. On observe, là, la majorité pour qui, là, le
processus judiciaire, là, ça va, au contraire, être nuisible à ce qu'elles
aillent mieux, ces personnes-là, parce que ça va être... Déjà que, si elles
viennent voir, si elles entendent ça, ce n'est pas qu'elles vont bien, puis
tout est stable, là. Ça fait que là, c'est comme si, dans une zone de
vulnérabilité, le fait de revoir l'agresseur, de retourner dans ces
blessures-là, c'est, ni plus ni moins, là... ça
réactive des symptômes de stress post-traumatique. Ça rend le rétablissement
beaucoup plus long. Ça fait qu'on observe que ce n'est pas nécessairement
souhaitable du tout, là, pour les femmes, de faire la démarche, comme ça, là.
M. Tanguay :
Puis je trouve ça intéressant, parce que vous avez un regard très terrain. On a
eu, avec Me Lessard, hier, une discussion où on disait : Bien, on va
laisser ces obligations-là, de subrogation, puis tout ça, mais on pourrait y mettre
une condition, si ça n'atteint pas le processus de rétablissement. Vous, vous
dites : Écoutez, là, dans certains cas, ça sera une décision heureuse,
mais, dans d'autres cas, ça va être des décisions où on va dire : Ça
n'atteint pas le processus de rétablissement, puis ça va l'atteindre... Vous
dites : Gardons ça simple, violence sexuelle et conjugale, excluez-les.
• (14 h 40) •
Mme Morin (Laurence) : Oui. Puis, si je peux me permettre juste de
rebondir sur ce que vous venez de dire...
Le Président
(M. Bachand) : Juste très, très rapidement, parce que le temps
est écoulé. Quelques secondes, s'il vous plaît.
Mme Morin
(Laurence) : Oui. Il y a souvent des femmes qui vont décider de faire
le processus, qui croient que ça va être aidant, et souvent ce qu'elles nous
disent après, c'est que : Si c'était à refaire, je ne le referais pas,
parce que ça m'a traumatisée davantage. Ça fait qu'elles pourraient dire, avec
cette clause-là, que vous proposez : Ah oui, moi, ça va être correct, tout
ça, ça va me faire du bien, mais finalement elles sont plus détruites après,
mais elles ne le savent pas, au départ.
M. Tanguay :
Merci beaucoup.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Sherbrooke,
vous avez la parole.
Mme Labrie :
Merci, M. le Président. Merci, Mme Morin, Mme Tremblay, d'abord, de
nous dire de ne surtout pas nous remettre en cause vos compétences. Il y a
plusieurs juristes qui sont passés devant nous nous dire qu'il y avait
plusieurs articles incompréhensibles dans le projet de loi.
J'ai parcouru votre
mémoire, mais je n'ai pas... À ma connaissance, vous n'abordez pas la question
des indemnités de revenu dans votre mémoire. Comme vous l'avez peut-être
constaté, c'est un maximum de trois ans, dorénavant. Ce n'est pas... Il
n'y en a pas de prévu pour les personnes qui n'avaient pas de revenu au moment
de l'agression. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Tremblay
(Stéphanie) : Ah mon Dieu! Bien je n'aurai pas grand-chose à dire
malheureusement, pas parce que je suis d'accord avec ces nouvelles modalités là
prévues dans la loi, mais c'est juste que, c'est ça, il a fallu se concentrer
sur certains éléments, là. C'est sûr que, tu sais, on est, c'est ça, là, des
organismes communautaires où on fonctionne en sous-effectif. Il faudrait que...
Mme Labrie :
De votre expérience, quand même, est-ce que c'est de nature à favoriser le
rétablissement, comme le veut, techniquement, la loi, d'être aussi limité dans
les indemnités de remplacement de revenu?
Mme Tremblay
(Stéphanie) : Non, pas du tout. Je pense que c'est une mentalité qui
est assez, je dirais, j'oserais dire, paternaliste, là, de penser qu'en
donnant, tu sais, un temps limité de revenu, ça va faire en sorte qu'une
personne va être plus encline à aller... à retourner sur le marché du travail,
des choses comme ça. Je veux dire, toute personne veut, c'est ça, être utile à
la société, là. Ce n'est pas parce qu'on est... Ce n'est pas avec enthousiasme,
là, avec enthousiasme qu'on va bénéficier des indemnités
de l'IVAC, là, de manière récurrente, là. Donc, c'est sûr que, pour nous, cette
question-là, du trois ans maximum, c'était vraiment un problème, parce
qu'on sait qu'il y a des victimes d'agression sexuelle qui deviennent
complètement invalides en raison, là, des conséquences des violences sexuelles.
Donc, c'est sûr que ce n'est pas après trois ans que les conséquences
s'envolent, là.
Donc, c'est,
effectivement, excessivement problématique. Puis je ne pense pas,
effectivement, que ça va aider au rétablissement des femmes, que de leur mettre
une limite de temps, là, pas du tout.
Mme Morin
(Laurence) : Si je peux me permettre d'ajouter un petit quelque chose,
rapidement...
Le
Président (M. Bachand) : Rapidement, oui.
Mme Morin
(Laurence) : ...à ce que ma collègue vient de nommer, là, vous vous en
doutez peut-être, la majorité des victimes
de violence sexuelle, elles ont des symptômes d'anxiété, qui fait partie du
stress post-traumatique. Puis je le vois, quand elles ont des délais,
souvent, là, ça va augmenter leur état d'anxiété. Ça fait que le fait de savoir
que : Ah, merde, j'ai juste comme trois ans pour me rétablir, bien, ça va
faire qu'elle va vivre un tel stress que ça peut nuire, en fait, à son
rétablissement.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette,
s'il vous plaît.
Mme
Hivon :
Oui, bonjour. Merci pour votre excellente présentation. Je suis tout à fait
d'accord avec vous que le temps serait vraiment aidant, de se donner le temps
de respirer un peu pour faire cette réforme-là. J'ai une solution pour le
ministre, là, qui dit qu'il faut l'adopter rapidement pour aider les gens. Il a
juste à le mettre rétroactif à la date du dépôt de son projet de loi, au mois
de décembre, on va tous respirer. Puis sa date d'entrée en vigueur, si elle
était à la date qu'il l'a déposé, ça fait qu'on pourrait se prendre le temps de
vraiment faire une bonne réforme qui répond aux besoins pour vrai, parce qu'on
ne refera pas la réforme à toutes les semaines.
Et aussi je suis
d'accord avec vous qu'entre-temps il y a eu, évidemment, le rapport du comité
d'experts qui a été déposé avec beaucoup de pistes intéressantes, et ça serait
bien de pouvoir en tenir compte dans la réforme. Et vous nous amenez précisément la recommandation 176. Donc, je
voulais vous entendre, parce que vous dites qu'il y a d'autres groupes
avant qui l'ont souligné, là, l'importance de mettre des mécanismes simples et
rapides et des outils permettant de traiter les plaintes qui sont formulées par
rapport à un paquet de droits. Est-ce que vous avez des idées, comment on
pourrait concrétiser ça? Puis est-ce que ça devrait être dans la loi?
Mme Tremblay
(Stéphanie) : Bien, je peux... Je peux me permettre, Laurence?
Le
Président (M. Bachand) : Allez-y, Mme Tremblay.
Mme Tremblay (Stéphanie) : O.K. Je vais y aller. En fait, bien, c'est sûr
que... C'est ça, c'est une recommandation qui date, hein, depuis 1993.
Puis oui, on pense que ça devrait... C'est pour ça qu'on se permet, d'ailleurs,
de le mettre dans nos recommandations, dans notre mémoire, parce qu'on pense
que ça devrait faire partie de la loi. Parce que la loi est beaucoup plus
structurante, hein, c'est-à-dire que quand ça fait partie de la loi, bien,
après ça, on n'a plus le choix de le mettre en application.
Ce qu'on pense qu'il
faudrait avoir, c'est vraiment un... Bien, en fait, on pensait à quelque chose
comme les tribunaux spécialisés, hein, qui sont recommandés aussi par le comité
d'experts et d'expertes, c'est-à-dire vraiment une instance qui serait — voyons,
je n'ai pas le terme que je cherche, là — mais qui serait... qui ne
serait pas partisane, hein, qui ne ferait pas partie du ministère de la Justice
donc, où les victimes pourraient se sentir vraiment en sécurité de faire appel
à leurs droits, là, donc.
Puis on mettait
vraiment l'accent sur cette recommandation-là, parce qu'on trouve que le projet
de loi est vraiment faible au niveau des droits des victimes, hein, c'est comme
si... il y a comme un flou, là. Qu'est-ce qu'on entend par aide aux victimes? Est-ce qu'on parle juste des
indemnisations auxquelles elles ont droit pour la réhabilitation ou est-ce
qu'on parle vraiment de droit en tant que victime d'agression à caractère
sexuel ou de tout acte criminel? Est-ce qu'on a des droits? Et comment on peut
les faire respecter? Il n'y a rien, dans le projet de loi, qui permet ça, et
c'est problématique, là.
Au niveau des idées,
bien là, c'est sûr qu'on en aurait une tonne, là. Mais, encore là, je pense
qu'il faudrait consulter, encore là, tous les groupes, hein, qui travaillent
auprès de femmes marginalisées, qui sont davantage... qui rencontrent encore
plus de barrières, hein, quand vient le temps d'avoir accès, notamment à l'IVAC
ou au système de justice, et tout ça. Mais le tribunal spécialisé pourrait être
un endroit, hein, où il pourrait y avoir, là, une instance qui accueillerait
les plaintes, par exemple.
Le
Président (M. Bachand) : Sur ce, Mme Tremblay,
Mme Morin, merci infiniment d'avoir été avec nous cet après-midi. C'est
très, très, très apprécié.
Sur ce, la commission
suspend ses travaux quelques instants. Merci encore.
(Suspension de la séance à
14 h 46)
(Reprise à 14 h 49)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît. La commission reprend
ses travaux. Ça nous fait plaisir d'accueillir le sénateur Pierre-Hugues
Boisvenu. Sénateur Boisvenu, merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi.
M. Pierre-Hugues Boisvenu
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) : C'est
un plaisir d'être avec vous, et je tiens à vous remercier d'abord.
Le Président (M.
Bachand) : O.K. Alors, comme vous savez, vous avez
10 minutes de présentation, et par après nous aurons un échange avec les
membres de la commission. Donc, la parole est à vous, sénateur.
M.
Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Merci. Alors, M. le Président, je tiens, d'entrée de jeu, à remercier
sincèrement la commission, pour son invitation à vous présenter mon mémoire
relativement au projet de loi 84, lequel vise à aider les personnes
victimes d'infractions criminelles et à favoriser leur rétablissement. Vous
n'êtes pas sans savoir que je suis un fervent défenseur des droits des victimes
d'actes criminels, et sachez, M. le ministre, vous avez ma plus grande
appréciation relativement à votre intention de vouloir mieux et davantage les
soutenir. Ma présentation sera faite avec le profond respect et la grande
considération que j'éprouve envers les victimes d'actes criminels du Québec et
leurs familles.
• (14 h 50) •
Je veux également témoigner mon appréciation
envers le présent gouvernement et vous-même, M. le ministre, avec lequel
j'ai eu, dans le passé et comme tout récemment, l'opportunité de partager mes
préoccupations face aux expériences vécues des victimes d'actes criminels et
leurs familles dans le système de justice ainsi que leurs rapports avec les
programmes gouvernementaux d'aide aux victimes. Il est important pour moi de
souligner que le ministre a toujours fait preuve d'écoute et d'empathie envers
les victimes d'actes criminels et surtout qui... ces victimes-là n'ont pas
choisi de voir leur vie basculer et trop souvent détruite à jamais.
M. le Président, depuis plus de 18 ans
maintenant, suite à l'assassinat de ma fille Julie, le 23 juin 2002,
qui était sous la responsabilité, d'ailleurs, du ministère de la Sécurité
publiquedu Québec, il faut le dire, que je milite pour donner une voix aux
victimes d'actes criminels. Depuis 18 ans, des victimes d'actes criminels
me partagent leurs vécus, leurs drames, leurs quotidiens et surtout leurs
grandes difficultés, et leurs divers combats, dont, parfois, sont injustement vécus avec l'IVAC entre autres.
En 2004, avec trois pères de famille, dont les filles ont été
assassinées ou sont disparues
criminellement, j'ai fondé l'Association des familles de personnes assassinées
et disparues, laquelle vient en aide
aux familles de victimes d'actes criminels et dont la pérennité est assurée
grâce au Fonds d'aide aux victimes.
La collaboration ouverte et positive entre
l'AFPAD et le gouvernement du Québec, les gouvernements du Québec qui se sont
succédé entre 2004 et 2010, a donné lieu à des améliorations parfois
importantes et parfois mineures dans l'aide apportée aux victimes d'actes
criminels et à leurs familles. Toutefois, il est important de se remémorer
l'importance du... l'important rapport d'enquête, Indemnisation des victimes
d'actes criminels : pour une prise en
charge efficace et diligente des personnes vulnérables, publié le 15 septembre 2016 par
l'ancienne Protectrice des citoyens, laquelle est aujourd'hui ma
collègue au Sénat, Mme Raymonde Saint-Germain.
À la lecture du rapport, une citation m'avait
donné espoir qu'un jour le Québec traiterait mieux les victimes d'actes
criminels, alors qu'elle avait qualifié l'IVAC d'organisme d'exclusion, lorsque
ces victimes transigent avec cet organisme. À la lecture du projet de loi 84,
je suis convaincu que le gouvernement s'est largement inspiré du rapport de
Mme Saint-Germain pour sa rédaction, rapport sur lequel je reviendrai plus
tard. Donc, en 2010, j'ai accepté l'invitation de M. Stephen Harper à
siéger au Sénat canadien afin de porter la voix des victimes d'actes criminels
et celle de leurs familles à Ottawa.
Entre 2010 et 2015, les 12 demandes que
l'AFPAD avait adressées à M. Harper en 2005 ont toutes été réalisées à
travers des réformes des institutions fédérales et par l'adoption de plusieurs
projets de loi. Je suis particulièrement
fier de la loi C-44 adoptée en décembre 2012, laquelle constitue la
première mesure d'un gouvernement fédéral visant à apporter
financièrement... supporter financièrement les familles de partout au Canada,
d'un enfant qui a été assassiné ou est criminellement disparu, et évidemment
l'adoption de la première Charte canadienne des droits des victimes d'actes
criminels qui, je crois, est la plus grande victoire de la dernière décennie
pour les victimes d'actes criminels et leurs familles au Canada.
Quant au projet de loi 84, d'entrée de jeu,
je tiens à souligner l'engagement du ministre de la Justice et de son
gouvernement afin d'améliorer le sort des victimes et de leurs familles au
Québec. Dans le projet de loi 84, l'élargissement de l'offre de prestation
et l'inclusion du plus grand nombre de victimes sont louables, mais ne
représentent pas, à mes yeux, une véritable réforme des responsabilités de
l'État du Québec dans sa relation avec les victimes d'actes criminels.
Cependant, j'ai écouté certaines critiques du projet de loi n° 84, qui
m'apparaissent inquiétantes et qui sont en lien avec la décision du
gouvernement d'abandonner la clause... excusez-moi, de rente viagère. Je
comprends que cette décision est importante sur le plan financier, mais il ne
faudrait pas que les victimes en paient le prix. J'invite donc le ministre à
réfléchir sur les impacts de cette modification et d'inclure, dans le projet de
loi actuel, des mesures compensatrices, sous forme de montants forfaitaires,
lesquelles reconnaîtraient aux victimes le sort qui leur a été fait et les
impacts sur leur futur. Si le gouvernement reconnaît, dans le régime
d'assurance automobile du Québec, le principe du «no fault», ce principe
devrait être aussi reconnu pour les victimes d'actes
criminels. Je le répète, les victimes n'ont pas choisi d'être victimes. Dans
bien des cas, elles subissent les conséquences du geste, qui pourraient être...
bien souvent, auraient pu être prévenues.
M. le ministre, quand vous critiquez la rigidité
et l'insensibilité du passé, vous dites juste, mais cela va bien au-delà des
budgets. Une vraie réforme doit également se faire au niveau des rapports entre
l'État et les victimes d'actes criminels. Je qualifie donc le projet de loi
n° 84 davantage d'une bonification budgétaire consacrée à l'aide aux victimes, plutôt qu'une véritable réforme. Il
s'éloigne d'un important objectif réclamé depuis 30 ans, celui
d'harmoniser les régimes d'indemnisation des victimes québécoises. Je constate
que cet article, dans le projet de loi, est un choix politique et que je disais
plus tôt : Il faut éviter que les victimes paient le lourd prix pour ce
réalignement politique.
Il est vrai que le Québec investit, autant que
toutes les provinces canadiennes, dans l'aide aux victimes d'actes criminels.
Malgré cela, c'est entre autres au Québec, que le taux d'insatisfaction des
victimes, dans leur rapport avec l'État, est un des plus élevés. En fait, pour
cette unique raison, une réforme en profondeur s'impose en 2021. Je m'explique.
Le Québec possède de nombreux organismes d'aide aux victimes. Au fil des
années, ces organismes se sont spécialisés dans des créneaux spécifiques, que
ce soit la violence familiale, les agressions sexuelles,
la violence faite aux enfants, les personnes assassinées ou disparues.
D'ailleurs, la plupart de ces organismes sont supportés financièrement
par le Fonds d'aide aux victimes pour qu'ils remplissent adéquatement leur
mission.
Pour les besoins de la cause, je vais m'attarder
à deux de ces organismes qui, à mon avis, devraient être au centre de la réforme que le ministre propose. Les
CAVAC, d'abord. Relevant exclusivement du ministre de la Justice, les
CAVAC sont présents dans toutes les régions administratives du Québec et ils
constituent, pour moi, l'exemple d'une organisation qui s'est très bien adaptée
aux besoins des victimes au cours des dernières années. Les CAVAC sont près des
intervenants locaux en matière judiciaire, que ce soit les policiers ou les
avocats de la couronne. Ils ont bonifié leurs services, comme la disponibilité
de ceux-ci à la réalité des victimes et de leurs familles. Les CAVAC sont
reconnus pour leurs services personnalisés, disponibles et sont d'un humanisme
exemplaire quand l'État doit traiter avec une personne qui n'a pas choisi son
état de victime et qui vit la pire expérience de son existence. Les CAVAC
devraient devenir la porte d'entrée unique pour la prestation de tous les
services qui s'adressent aux victimes d'actes criminels au Québec.
L'IVAC, au contraire, est un organisme
hypercentralisé, lequel est reconnu, depuis des décennies, pour très mal
desservir les victimes d'actes criminels et leurs familles. Le rapport de la
Protectrice du citoyen de septembre 2016 en est la preuve la plus éloquente.
Donc, pour l'IVAC, d'avoir survécu dans l'appareil gouvernemental québécois depuis
toutes ces années avec une telle réputation est en soi un tour de force. La
réforme du bureau d'indemnisation des victimes d'actes criminels est attendue
depuis plus de 30 ans. Il est un organisme bicéphale relevant à la fois du
ministère du Travail et à la fois du ministère de la Justice. En 2021, c'est
une incongruité bureaucratique. L'IVAC n'a pas été qualifié d'organisme
d'exclusion sans raison par la Protectrice du citoyen dans son rapport
d'enquête de 2016. Plutôt que d'être aidant dans le processus de reconstruction
des victimes, il est plutôt nuisible pour plusieurs d'entre elles. L'IVAC, dans
sa forme actuelle, n'est pas un organisme adapté au vécu des victimes d'actes
criminels et leurs familles.
Même après l'adoption du projet de loi
n° 84, les droits des victimes à contester les décisions de l'IVAC seront
toujours un long combat, et elles sortiront le plus souvent perdantes. C'est
une autre contradiction dans le système actuel, la victime porte la
responsabilité du fardeau de la preuve pour démontrer qu'elles sont victimes,
alors que, pour le criminel, c'est à l'État que revient le fardeau de la
preuve. Voilà pourquoi, même après l'adoption de la loi n° 84, les
rapports entre l'État et les victimes d'actes criminels continueront d'être
inégaux.
Pour moi, une véritable réforme devrait reposer
sur quatre prérequis. Premièrement, la création d'une commission
d'indemnisation des victimes d'actes criminels. La création d'une commission
d'indemnisation dédiée aux victimes d'actes criminels serait le premier pas à
faire pour l'atteinte d'une parité dans les relations entre les citoyens et
citoyennes victimes et l'État québécois, qu'elles soient victimes de la route,
du travail ou des accidents, et des actes criminels.
Le Québec pourrait copier le modèle de la
commission ontarienne, dont les membres sont nommés par le gouvernement, dans
laquelle il peut siéger un représentant des victimes pour les victimes. Cette
commission entend les demandes d'arbitrage, ce qui le rend plus sympathique aux
yeux des victimes qu'un tribunal administratif. La création d'une telle
commission confirmerait la responsabilité du dossier des victimes d'actes
criminels à un seul ministre, le ministre de la Justice.
Le deuxième prérequis, la régionalisation...
Le Président (M.
Bachand) : Sénateur Boisvenu, je m'excuse de vous interrompre,
votre temps est malheureusement écoulé.
M. Jolin-Barrette : ...sur mon
temps, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Alors donc, grâce à la générosité du ministre, de
son temps, alors vous pouvez continuer.
• (15 heures) •
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) : Je
vais être rapide. D'abord, la loi n° 84, par rapport à régionalisation, ce
que je dis, c'est qu'il devrait y avoir une porte unique pour les services
d'aide aux victimes. En intégrant l'IVAC et les CAVAC, les victimes ne
vivraient pas la frustration de faire affaire avec des boîtes téléphoniques. Le
parcours d'une victime d'actes criminels, tant dans le système de justice qu'à
travers les organismes d'aide, est un combat où les
abandons font légion, un parcours qui demande force et énergie et endurance qui
sont rarement au rendez-vous suite à un acte criminel. Il faut que la réforme
rapproche les services des victimes, qu'ils soient plus humains, compatissants
et disponibles.
Le troisième prérequis, l'intégration des
structures afin de favoriser le principe du guichet unique. Les victimes doivent faire beaucoup de démarches pour
être aidées au Québec. En 2021, il est plus que temps que le Québec
n'ait qu'un seul ministre responsable des victimes d'actes criminels, donc que
les victimes n'aient qu'une seule porte d'entrée où demander toute l'aide dont
elles ont besoin. Cette porte d'entrée, quant à moi, doit être aux CAVAC.
Dernier point, une charte québécoise des droits
des victimes. Il est très essentiel pour moi d'aborder avec vous le dernier
prérequis, celui de l'adoption d'une charte des droits des victimes. J'espère
que celle-ci pourrait nourrir la réflexion de tous les membres de la commission
afin de faire du projet de loi n° 84 une reconnaissance politique, afin
que les victimes d'actes criminels soient écoutées et comprises par le
gouvernement ainsi que par ses mandataires. C'est l'adoption par le Québec,
comme le fédéral l'a fait, de cette charte.
La plus grande injustice, dans notre système de
justice, c'est l'absence d'équilibre entre les droits des criminels et ceux des
victimes. Au criminel, il y a obligation de leur lire leurs droits, de
respecter leur silence, de leur fournir un avocat. Les victimes, qui n'ont pas
choisi leur sort, doivent se débattre à toutes les étapes du processus
judiciaire, soit pour revendiquer leurs droits, soit pour être supportées, ou
simplement ne pas être oubliées.
À titre d'exemple, les règles de contestation
auxquelles les victimes d'actes criminels sont soumises devant le Tribunal
administratif du Québec. Les contestations des décisions de l'IVAC par les
victimes sont un combat qui démontre l'inégalité, l'injustice et les nombreuses
difficultés devant lesquelles les victimes doivent continuellement composer
dans leurs revendications avec l'administration publique. Rarement les victimes
peuvent faire un appel à un soutien juridique, alors que l'IVAC sera fortement
représenté par ses juristes et ses professionnels, ce qui démontre un
déséquilibre, dès le départ. Une grande partie des victimes abandonnent leur
démarche faute de soutien adéquat. Ces inégalités dans les moyens d'être
représentés condamnent les victimes à l'abandon de leur procédure et à leurs droits, elles condamnent à l'exclusion de
leur propre régime d'indemnisation, comme le constatait la protectrice
des citoyens.
Conclusion, en terminant, le projet de loi doit
réformer d'abord le regard que l'État pose sur les victimes d'actes criminels
et qu'il fasse partie intégrante de sa véritable intention de réformer, qui est
son grand objectif. Une réforme en profondeur de l'IVAC ne sera véritablement
accomplie seulement que lorsque le Québec reconnaîtra, dans une loi, des droits
fondamentaux aux victimes d'actes criminels et à leur famille, lesquels droits
les protégeraient sans qu'elles aient à se battre pour être reconnues et
soutenues, comme les victimes d'actes criminels le souhaitent depuis longtemps,
une vraie réforme de l'IVAC.
Je suis convaincu que le gouvernement tiendra
compte du contenu de ma présentation, et laquelle je vous ai présentée en mon
nom et au nom des nombreuses victimes. Le Québec est chef de file en matière
d'aide aux victimes d'actes criminels, je pense qu'en dotant le Québec d'une
charte des droits des victimes, le Québec maintiendra son titre de chef de
file. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci infiniment, M. le sénateur. Je cède maintenant la parole au ministre.
M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le
Président. Bonjour, M. le sénateur, merci de participer à nos travaux.
Merci également pour votre engagement pour
les victimes depuis toutes ces années, je pense que vous portez bien leurs
voix.
M. le sénateur, d'entrée de jeu, lorsque
vous dites : Écoutez, il faut avoir une charte des droits des victimes, je
ne suis pas en désaccord avec ça. Le fédéral l'a fait au niveau fédéral. Au
niveau du Québec, c'est quelque chose qu'on pourrait peut-être explorer, mais,
avec la réforme que nous faisons, j'ai entendu beaucoup les critiques par rapport
aux contestations, par rapport au Tribunal
administratif du Québec, par rapport à la direction de l'indemnisation des victimes d'actes criminels
également, puis un des objectifs qu'on a, c'est de rapatrier la compétence au
sein du ministère de la Justice, par rapport aux prestataires de services qui
vont être en relation avec les bénéficiaires de l'IVAC. Donc, au niveau du
service à la clientèle, le ministère de la Justice va désormais avoir la
mainmise sur cet élément-là, et on veut améliorer le service en simplifiant les
formulaires, en faisant en sorte que, dès le départ, l'offre de soutien
psychologique soit offerte aux victimes. Donc, on va un peu dans la direction
que vous souhaitez en s'assurant d'avoir un service plus humain, mais surtout
en élargissant la notion de victime. Ce que nous faisons dans le projet de loi,
c'est qu'il n'y a plus de noyau familial maintenant pour être considéré comme
une victime. Donc, la résultante de ça pourrait être beaucoup moins de
contestations parce que la loi actuelle, elle était assez hermétique et un
peu... elle n'était pas très généreuse en termes d'ouverture au niveau de
l'interprétation. Est-ce que ça vous rassure si je vous dis ça?
Le Président (M.
Bachand) : Juste peut-être un élément, sénateur Boisvenu,
il y a un son. Peut-être, juste fermez votre micro et de le réouvrir lorsque
vous prenez la parole pour être sûr qu'on entend bien les... Parfait comme ça.
Et puis, là, lorsque vous prenez la parole, tout simplement le réouvrir.
M.
Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Oui. Je pense, c'était ma tablette qui faisait interférence. Est-ce que
c'est mieux?
Le Président (M.
Bachand) : Ah, merveilleux! Vous êtes un vrai technicien
informatique. O.K., à vous, sénateur.
M. Boisvenu
(Pierre-Hugues) : Oui, mais vu que c'était ma tablette qui était près
de mon ordinateur... Alors, merci beaucoup pour la question, M. le ministre. D'abord,
il faut comprendre que le projet de loi C-84 réforme un programme, il ne
réforme pas une loi, et c'est pour ça que le fédéral s'est donné une charte des
droits, une Charte des droits des victimes et qu'elle inclut cette charte-là
dans une loi, et cette loi elle est supra-constitutionnelle, donc les
organismes fédéraux doivent automatiquement adopter tous leurs règles et
règlements au contenu de la charte.
Ce qui manque au Québec, dans le fond, c'est que
les victimes n'ont pas de loi sur laquelle reposer leurs contestations, elles
contestent des décisions administratives. Et le pire, c'est qu'elles contestent
ces décisions administratives là devant un
tribunal. Donc, c'est comme si les victimes,
lorsqu'elles se présentent au Tribunal administratif, sont des gens qui ne sont pas crus dans le
système. Donc, c'est sûr que ça rend les... Les victimes me disent,
lorsqu'on va au Tribunal administratif, elles ont l'impression de revivre leur
procès lorsqu'elles ont dénoncé l'agresseur. Elles doivent se représenter
devant le Tribunal administratif pour faire la preuve encore qu'elles sont
victimes, alors que si le Québec adoptait des lois fondamentales dans... une
loi fondamentale dans laquelle il y aurait des droits reconnus, les victimes
auraient une base légale pour revendiquer ces droits-là, alors qu'actuellement
elles n'en ont pas.
Donc, je dis : La loi 84 est un pas en
avant. Là-dessus, je l'ai dit, d'entrée de jeu, je l'ai souligné, bravo! Le
gouvernement est très sensible aux victimes. C'était une promesse électorale,
vous réalisez cette promesse-là, très peu de gouvernements ont fait ça dans le
passé, je le répète, donc, mais, par contre, pour une vraie réforme, M. le
ministre, il faut aller plus loin. Il faut
que le regard de l'État sur les victimes d'actes criminels change. Il ne faut
pas que les victimes se représentent
au Tribunal administratif comme n'étant pas des victimes et qu'elles doivent
faire la preuve qu'elles sont
victimes, alors que le criminel, c'est à l'État à faire la preuve qu'il est
criminel, c'est le monde à l'envers.
M. Jolin-Barrette : Puis, peut-être,
si on peut aborder la question des crimes subis à l'extérieur du Québec,
pensez-vous que c'est une bonne explication qu'on élargisse la notion? Et puis
j'aimerais vous entendre par rapport, vous l'avez abordé un petit peu tout à
l'heure, par rapport aux autres provinces canadiennes, par rapport au fait que
le Québec, c'est les plus généreux, mais au niveau de la... Dans l'ensemble
canadien, là, comment vous voyez ça?
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) : Oui.
Vous savez, actuellement, M. le ministre, je travaille sur un gros projet
de loi sur la violence familiale que je devrais déposer au mois de mars, là, au
Sénat, et j'ai eu à consulter tous les ministres des provinces anglophones et
vous-même dans le cadre de ce projet de loi là, et je travaille actuellement
sur une réciprocité entre les provinces, parce que vous savez que si, un
exemple, vous habitez Gatineau et vous êtes victimes d'un acte criminel en
Ontario, vous allez être aidé de façon exceptionnelle et non de façon générale.
Le Québec, l'ouverture que le Québec vient de faire aux victimes québécoises à
l'extérieur du Québec est une première au Canada, je tiens à le dire et je
tiens à dire bravo. Également, ça va s'appliquer aux victimes à l'extérieur du
pays, quoique le ministère des Relations internationales a déjà un programme
d'aide aux victimes pour les familles ou les proches qui sont assassinés ou qui
sont victimes à l'extérieur du pays. Il y a déjà un programme qui existe, au
plan fédéral, mais je pense que les deux peuvent être complémentaires. Mais
effectivement, je pense qu'il est temps qu'au Canada, un Canadien, qu'il soit
victime dans sa province d'origine ou dans une autre province, ait les mêmes
droits et les mêmes services. Et le pas que vous faites, dans ce projet de loi
là, M. le ministre, pour moi, je vais le dire, c'est une très bonne avancée
que, moi, je vais me servir pour parler aux autres provinces pour qu'elles
aient la même approche par rapport à des Ontariens, des Albertains qui viennent
au Québec, qui sont victimes d'actes criminels, et qu'ils ne tombent pas entre
deux planches.
• (15 h 10) •
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie, M. le sénateur. Je vais céder la parole à mes collègues, mais un
grand merci pour votre présentation en commission parlementaire.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) : Merci
encore pour l'invitation.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole
à la députée de Bellechasse. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Lachance : Bonjour, M. le
sénateur.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Mme Lachance, bonjour.
Mme Lachance : Contente de vous
avoir en commission aujourd'hui. Ça va bien, oui?
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) : Oui,
vous aussi?
Mme
Lachance : Très bien, merci.
Écoutez, je suis contente de pouvoir vous questionner puis, évidemment,
je suis heureuse de vous entendre parler
pour les victimes, et j'ai bien compris que vous trouviez extrêmement important
qu'on change davantage notre vision envers
les victimes, et vous l'avez exprimé, entre autres choses, en mentionnant
l'importance de la Charte canadienne des droits
des victimes et même en suggérant qu'une charte québécoise du droit des
victimes soit mise en place. Est-ce que vous êtes capable de, peut-être,
nous donner des exemples un peu concrets dans lesquels la Charte canadienne des
droits des victimes a pu faire une différence?
M.
Boisvenu (Pierre-Hugues) : Vous savez, la Charte canadienne des droits
des victimes comprend quatre droits fondamentaux, le droit à l'information, le
droit à la participation, le droit à la protection et le droit à des
indemnisations. Je fais référence... Durant la pandémie, vous savez que le
gouvernement fédéral a réduit beaucoup, beaucoup ses activités et, entre autres
au niveau de la Commission des libérations conditionnelles, au mois de février
dernier, on a décidé de mettre fin aux audiences en personne, ceux qui
demandaient une libération conditionnelle. Ça a pris huit mois avant que
la commission puisse offrir aux familles et aux victimes une audience via
vidéoconférence et c'est à cause de la
charte qu'on a pressé le ministre, ministre Blair, d'accélérer la mise en
place des audioconférences pour les familles de victimes parce que, dans
cette charte-là, effectivement, il y a un droit à la participation. Et c'est
grâce à la charte qu'on a fait bouger le gouvernement sur cet enjeu-là parce
que, pour les familles, de participer aux audiences de la commission, pour
plusieurs, c'est fondamental. Donc, c'est la charte qui a fait en sorte que les
victimes ont porté plainte de ne pas participer et qui a fait bouger le
gouvernement fédéral pour obliger la commission à faire participer les
victimes. Et il ne faut pas oublier que cette charte-là vient en évaluation
cette année, ça fait déjà cinq ans, et la charte... il y avait dans la charte
la possibilité pour les victimes de déposer des plaintes. Au-delà de
5 000 plaintes ont été déposées depuis cinq ans comme non-respect, et
c'est à partir de ces plaintes-là qu'on va éventuellement déposer un projet de
loi ce printemps pour améliorer la portée de cette charte-là et surtout rendre encore plus contraignant, pour les
ministères, de se dérober à l'application de la charte. Donc, c'est ça que
donne, une charte. Une charte donne le
pouvoir aux victimes de se plaindre que leurs droits ne sont pas respectés, et
quand vient le temps d'évaluer cette
charte-là, bien, on a de la matière à faire en sorte qu'on peut la faire
évoluer, comme la charte des droits
et libertés, qui a évolué depuis 1982 avec les décisions de tribunaux, ce qui
n'existe pas au Québec actuellement, cette progression des droits des
victimes ne peut pas exister, il n'y a pas de fondement légal à ces droits-là.
Mme
Lachance : D'accord. Et puis on convient, là, je pense que vous avez,
lors de votre discussion avec le ministre... le concept élargi de victime, les
victimes hors Québec, ce sont des avancées qui sont très significatives au
niveau de la loi. Dans le fond, le volet qui, à votre avis, pourrait être
amélioré, c'est le volet relationnel, la relation entre l'État et la victime.
M. Boisvenu
(Pierre-Hugues) : Deux volets. D'abord le volet... On sait que la
notion de rente viagère a fait l'objet, dans les dernières années, les
dernières tentatives de réforme... ça a été le point le plus contesté pour
réformer le programme, c'est pour ça que les gouvernements n'ont pas fait de
réforme. De le réformer aujourd'hui, j'admire le courage du ministre de le
faire, mais, une fois qu'on dit : On abolit les rentes viagères, il
ne faut pas faire en sorte que les victimes qui étaient bénéficiaires de ces
rentes-là ou celles qui le seraient dans l'ancien programme, de dire... soient
désavantagées, il ne faut pas que ce soient les victimes qui portent le seul
fardeau financier de l'abandon de cette clause-là. Il faut s'assurer qu'il y
ait des montants forfaitaires qui viendront compenser pour ça et que, dans le
temps, cette rente-là se réduise.
Par rapport aux
victimes hors Québec, ce que je dis : Oui, c'est un pas intéressant pour
que les autres provinces puissent copier le Québec, mais c'est aussi le regard
qu'on porte sur les victimes au Québec qui, à mon avis, n'a pas beaucoup évolué
dans les organismes d'aide, particulièrement les organismes d'aide financière
où on a encore une approche un peu, je dirais, douteuse face à la victime, face
à sa situation. Et moi, je le reviens... Pourquoi on ne fait pas en sorte qu'on
croit la victime, et, s'il y a des problèmes de doute, que l'administration se
corrige après. On n'a même pas cette approche-là par rapport aux criminels,
parce qu'on dit aux criminels : Nous devons faire la preuve que tu es
criminel, et si on ne réussit pas à faire la preuve que tu es criminel, tu es
innocent. Alors, pour les victimes, face à l'État, elles doivent faire la
preuve qu'elles sont victimes. Ça, ce changement de philosophie là, à mon avis,
est essentiel pour la réussite de la réforme du ministre.
Mme
Lachance : Merci, sénateur. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Il reste 40 secondes, M. le
député de Saint-Jean, si vous voulez profiter.
M. Lemieux :
Profiter, dites-vous?
Le
Président (M. Bachand) : D'un commentaire.
M. Lemieux :
Bonjour, M. le sénateur. Oui.
M. Boisvenu
(Pierre-Hugues) : M. Lemieux... bonjour, M. le député.
M. Lemieux :
Content de vous retrouver aussi. C'est une question d'équilibre, tout ça, hein,
quand on regarde le titre de la loi, du projet de loi n° 84, «aider les personnes victimes d'infractions et favoriser leur rétablissement», vous l'avez évoqué tantôt, c'est un réalignement,
vous l'appelez politique, mais il y a un équilibre, là, à préserver, et si on
veut ouvrir, comme le ministre veut le faire, bien, ce n'est pas qu'il faut
fermer ailleurs, mais il y a un équilibre, d'autant plus qu'on rajoute déjà de
l'argent. Votre lecture de cet équilibre-là, on est où, là, dans l'équilibre?
Le
Président (M. Bachand) : Malheureusement, c'est tout le temps qu'on a.
M.
Lemieux : Ah! il va le dire plus tard, il va trouver le moyen de le
dire plus tard. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Alors donc, M. le député de LaFontaine, vous avez la
parole.
M. Tanguay :
Merci beaucoup, M. le Président. Bien, j'aimerais évidemment demander à
monsieur... Bonjour, M. Boisvenu.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) : Oui.
Bonjour.
M. Tanguay : J'aimerais vous
donner l'opportunité, évidemment, par respect élémentaire, de peut-être
répondre à mon collègue sur sa question, si le coeur vous en dit.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
M. Lemieux, c'est un équilibre qui va être, quant à moi, difficile à
atteindre, mais souhaité, c'est évident, parce que le problème, c'est la
proximité des services aux victimes. Je me souviens, en 2002, quand Julie, ma
fille, a été assassinée, les CAVAC n'aidaient pas du tout les familles, elles
n'aidaient que les victimes survivantes, ce qui correspondait à l'ancienne loi.
Malgré les changements qui n'ont pas été faits avec rapidité, les CAVAC ont
adapté leurs services plus rapidement, un exemple, que l'IVAC à cause de cette
proximité qu'elles ont avec les victimes. Ce que je crains de cette loi-là,
c'est qu'elle ne changera pas la mentalité des fonctionnaires de l'IVAC à cause
de leur éloignement physique avec les victimes. On ne peut pas être sensibles
aux victimes si on n'a pas un contact humain avec les victimes.
M. Tanguay : Et là-dessus,
M. Boisvenu, merci pour votre réponse. Je reprends la balle au bond, «ont
su s'adapter», les CAVAC devraient être... et c'est votre recommandation, puis
j'aimerais qu'on puisse insister sur cette recommandation-là, que les CAVAC
soient la porte d'entrée unique, qui ont cette expertise humaine dans tous les sens de l'expression et qui pourraient aussi
participer d'une régionalisation des services également, là, les deux
pourraient aller de pair, là.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) : Je
vous dirais, pour les victimes d'actes criminels, ça serait le plus grand gain.
Vous êtes en Abitibi, vous êtes en Gaspésie, vous êtes loin des services
gouvernementaux, et souvent les services sont moins complets que dans les
grands centres, et de constamment traiter via une ligne téléphonique, et vous
battre via une ligne téléphonique pour avoir des services, moi, je pense qu'en
2021, ce n'est plus acceptable. Et je pense que les CAVAC, avec l'expertise
qu'elles ont développée au cours des 10, 15 dernières années avec les
familles dont un proche a été assassiné, je pense que les CAVAC sont à même,
aujourd'hui, d'assumer un rôle beaucoup plus grand, par rapport à leur rôle
avec les victimes, pour faire en sorte que les victimes ne frappent qu'à une
porte, et, ensuite, sur le plan administratif, que le travail soit fait par les
gens du CAVAC.
Moi, j'ai vu cette évolution-là, là, parce que,
lorsque Julie a été assassinée, on est venu me voir, les CAVAC, trois ans
après. Bien, j'ai dit : C'est un peu tard. Mais ils ont commencé leur
réforme à l'intérieur du Québec à ce moment-là, et je regarde les services
aujourd'hui, dans beaucoup de régions, c'est 24 heures sur 24, sept jours
semaine, les CAVAC sont beaucoup plus près des victimes, et je pense qu'ils
devraient être, à mon avis, pour le ministre, l'outil à privilégier pour
traiter avec les victimes.
M. Tanguay : Et, avec cette
pierre-là, on atteindrait plusieurs coups, donc, le coup... des bons coups, là,
la régionalisation, l'aspect humain. Et également on se cassait la tête, en
discutant avec les intervenants, sur dire : Bon, bien, les fonctionnaires,
les hommes et les femmes qui sont de bonne foi, mais qui sont à Québec, qui ne
sont pas... qui doivent être au courant qu'ils font affaire avec des personnes
qui ont des besoins très spécifiques, là, je n'appelle pas pour renouveler un
permis de conduire, là. Alors, ça prend une approche différenciée pour être au
fait de cela malgré toute la bonne foi que vous pouvez avoir. Bien, ça, c'est
un grief qui est revenu régulièrement, de dire : On peut-tu avoir le moins
d'interlocuteurs possible pour ne pas être obligé de toujours recommencer? On
peut-tu avoir également une approche humaine? Plus là on se disait : Bon,
pourquoi ne pas légiférer? Soyez polis, soyez gentils, soyez humains, on ne
peut pas légiférer ça, mais, avec l'approche des CAVAC, on atteindrait cet
objectif-là. Et ça, avant même de dire : Vous allez être indemnisé. Ça,
c'est la porte d'entrée, ça participe aussi, puis j'aimerais vous entendre
là-dessus, c'est fondamental, ce qu'on dit là, d'un processus aussi de
guérison, un processus de reprendre le contrôle de sa vie, tu sais, c'est tout
l'aspect humain de la chose, c'est d'abord de l'humain dont on parle.
• (15 h 20) •
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) : C'est
fondamental, ce que vous dites. Et vous savez, les victimes se présentent deux
fois devant un tribunal, lorsqu'elles portent accusions puis elles doivent
témoigner, on sait comment c'est difficile pour une victime de témoigner devant
un tribunal judiciaire, et la deuxième occasion, c'est se présenter au tribunal
administratif. Et ça, je pense, le traiter avec uniquement les CAVAC, et que
les CAVAC deviennent aussi pour les victimes une personne-ressource pour
préparer leur témoignage au tribunal administratif, ça serait, M. le ministre,
l'avancée la plus grande pour les victimes.
Les victimes, lorsqu'elles contestent l'IVAC au
tribunal administratif, le plus grand sentiment qu'elles ont, c'est l'abandon
par l'État. Et ça, d'améliorer ce service-là, ce n'est pas un service qui va
coûter des millions au Québec, je pense que les CAVAC pourraient très bien
remplir ce rôle-là, de préparer les victimes qui n'ont plus d'énergie,
qui n'ont plus d'efforts à mettre pour défendre leurs droits. Si les CAVAC
pouvaient élargir leur mandat à ce niveau-là, ça serait une très grande
avancée.
M. Tanguay : J'aimerais vous
entendre... Je ne sais pas si les collègues qui n'ont pas la parole peuvent
fermer leur micro, on entend des bruits de fond. Alors, j'aimerais,
M. Boisvenu, sénateur Boisvenu, vous entendre justement sur une recommandation
du réseau des CAVAC, qui nous disait : Créez un poste de protecteur des personnes victimes d'infractions criminelles, tel
qu'un ombudsman, avec un pouvoir d'enquête et une force exécutoire. Vous
en penseriez quoi, vous, de ça?
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) : Bien, écoutez,
là, l'ombudsman, des victimes de criminels est à Ottawa depuis 2005 et la seule
faiblesse que l'ombudsman du fédéral a, c'est qu'il relève du ministre de la
Justice plutôt que de relever du Parlement. Je pense que si on a une approche
«commission des victimes d'actes criminels», où on va donner les pouvoirs
uniques au ministre, où on aura une commission qui aura aussi des pouvoirs
d'étudier des contestations, je pense que le poste d'ombudsman ne serait pas
nécessairement nécessaire. Le poste d'ombudsman qu'on créerait au Québec, on le
créerait à cause des faiblesses des structures, donc, moi, je me dis : Ce
n'est pas un fonctionnaire de plus que ça nous prend au Québec, ça nous prend
des structures plus efficaces pour venir en aide aux victimes. De remettre un
étage là-dessus, moi, je ne pense pas que c'est l'approche. Les structures sont
là, adaptons les structures aux victimes, et non d'adapter les structures aux
fonctionnaires.
M. Tanguay : Je comprends
bien votre point, c'est tout à fait logique, autrement dit, puis c'est votre
premier prérequis, là, la création d'une commission d'indemnisation des
victimes d'actes criminels où il y aurait justement un représentant ou représentante
des victimes sur la commission, et ainsi de suite. Et le bienfait de ce que
vous nous proposez, si on en discute, serait que ce serait une analyse systématique
pour tout le monde et non pas une aide de dernier recours, de dire : Bien,
moi, je veux contester d'abondant puis je m'en vais à l'ombudsman, puis là il y
a des délais, puis c'est l'exception qui conteste devant l'ombudsman, qui peut
s'en saisir ou ne pas s'en saisir. Il y a là, donc, une complémentarité, des
moyens différents, mais vous vous privilégieriez la commission, je comprends très
bien votre point. J'aimerais vous entendre, vous en avez parlé, sur la rente
viagère.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) : Je
veux juste faire un commentaire, si vous permettez. Ce que les victimes veulent
avoir au Québec, là, c'est un vrai ministre des victimes d'actes criminels. On
a souvent l'impression que le ministre est entre deux chaises, l'IVAC qui
répond du ministère du Travail et là, on a un ministre aujourd'hui, M. Jolin-Barrette,
qui a pris ce dossier-là, je veux dire, à bras le corps, et c'est ce que les
victimes souhaitent maintenant, c'est que le ministre la porte plus loin,
cette... Et les victimes veulent se reconnaître dans une institution qui leur
ressemble, c'est ça que les victimes veulent, ils veulent une institution qui
va les croire lorsqu'elles vont dire : Je n'ai pas été bien traité, mes
droits n'ont pas été... C'est ça que les victimes veulent.
M. Tanguay : Bien, merci beaucoup.
La rente viagère, vous avez vu les échos, les inquiétudes qui ont été soulevées
par l'abandon de la clause de rente viagère. Vous, si je veux bien vous
comprendre, vous dites, donc, votre principal, c'est de dire, je pense, puis
corrigez-moi si j'ai tort parce que des fois, en un paragraphe, on interprète,
là, vous dites «clause de rente viagère»,
vous n'êtes pas nécessairement pour, mais vous dites : Si vous allez là,
assurez-vous que les montants forfaitaires tiennent compte du futur.
C'est ce que vous nous dites.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
L'exemple le plus frappant, c'est lorsque, dans une famille, une personne est
assassinée, si elle est mineure, je pense que l'aide financière est autour de
12 000 $, mais, si elle est majeure, il n'y a aucun montant
forfaitaire, alors qu'en Ontario, dans les cas de meurtre, c'est
50 000 $. Moi, j'ai eu deux filles qui sont décédées, une sur la
route, elle a reçu... la famille a reçu 50 000 $, et une qui a été
assassinée, où l'État avait une responsabilité sur le criminel, puis on a reçu
600 $. Aujourd'hui, c'est 5 000 quelques dollars pour enterrer notre
proche, peut-être 6 000 $, mais, ce que je dis, si on délaisse la
formule des rentes viagères, et là-dessus je n'ai pas de difficulté,
assurons-nous, par contre, s'il y a des montants forfaitaires qui viennent les
remplacer, qu'une personne qui veut, deux, trois ans après, reprendre sa vie
professionnelle, qu'il y ait du support au niveau de la mise à jour de ses
connaissances, un support au niveau d'une formation professionnelle, qu'elles
aient des outils pour revenir sur le marché du travail, parce que je pense que
toutes les victimes, toutes les victimes ne veulent pas rester victimes toute
leur vie, elles veulent reprendre une activité de citoyen, citoyenne impliqué.
Mais, si, après deux, trois ans, il n'y a pas d'outil qui va supporter ces
victimes-là pour reprendre une vie normale, bien, je pense qu'on va appauvrir
leur situation professionnelle et leur situation économique.
M. Tanguay : Lorsque vous
parlez d'harmoniser les régimes d'indemnisation québécois, pouvez-vous...
détrompez-moi, là, les différents régimes d'indemnisation, justement, vous n'y
faites pas référence parce que certains nous invitent à faire des parallèles,
des liens avec les tables d'indemnisation, l'approche, le corpus législatif par
rapport à la Société de l'assurance automobile du Québec, la SAAQ, par rapport
à la CNESST, est-ce que c'est ces régimes-là que vous aimeriez qu'il y ait une
harmonisation?
M. Boisvenu
(Pierre-Hugues) : Je pense que tout le monde qui est victime au
Québec, que ce soit de la route, accident de travail, victime d'acte criminel,
il ne veut pas subir de la discrimination, ce que les victimes d'actes criminels ont subi pendant des années de temps. Je
viens de le dire, moi, j'ai eu affaire à deux régimes, régime d'assurance
automobile, quand Isabelle est morte sur les routes, et le régime de l'IVAC, et
j'ai eu... c'est comme si j'étais dans deux gouvernements totalement
différents. Face à la SAAQ, je n'ai pas eu à faire la preuve de rien. Et la
grande contradiction, c'est que quelqu'un qui est en boisson puis qui a un
accident de la route, puis c'est le principe du «no fault», il va être aidé
sans contestation, alors que la victime des criminels, qui n'a pas choisi son
état, elle devrait faire la preuve qu'elle est victime. C'est un peu
incompréhensible. Donc, quand je parle d'harmonisation, j'essaie... je
dis : Essayons d'avoir une vision uniforme lorsqu'on traite avec un
citoyen qui a un accident de la route, un accident de travail, ou une victime
d'acte criminel, ayons une approche philosophique qui est la même.
M. Tanguay :
M. Boisvenu, merci beaucoup. Avant de vous quitter, une question rapide.
Donc, la charte québécoise des droits des victimes serait quasi
constitutionnelle, donc serait plus forte que les lois, elle pourrait venir
aider l'interprétation des lois. Et une demande, à la fin : S'il vous
plaît, si vous aviez de la documentation supplémentaire quant à la Charte
fédérale des droits des victimes, sa rédaction, et tout ça, s'il vous plaît, je
vous en fais la demande, prière de l'envoyer au secrétaire de la commission, ce
serait très apprécié pour nos travaux, puis je vous remercie beaucoup.
M. Boisvenu
(Pierre-Hugues) : Comme c'est moi qui a écrit la Charte canadienne des
droits des victimes, je peux proposer au ministre de l'assister, si jamais, un
jour, il veut faire une telle charte, mais ce que je veux dire, c'est que la
charte québécoise des droits des victimes, c'est comme la charte des droits et
libertés au Québec, la charte des droits et libertés québécoise, les ministères
sont obligés de respecter, dans leur quotidien, cette charte-là, bon, ça serait
la même chose avec une charte des droits des victimes.
M. Tanguay :
Merci beaucoup.
M. Boisvenu
(Pierre-Hugues) : Mais on va vous envoyer l'information.
M. Tanguay :
Merci.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Sherbrooke,
s'il vous plaît.
Mme Labrie :
Merci beaucoup. Merci, M. Boisvenu, pour votre présentation.
M. Boisvenu
(Pierre-Hugues) : Merci, Mme la députée.
Mme Labrie :
J'apprécie beaucoup votre suggestion par rapport à la commission
d'indemnisation. Il y a plusieurs personnes qui nous ont témoigné du problème
du tribunal, de l'épreuve que ça présentait pour les victimes, mais votre
solution est assez intéressante, je dois dire, ça mérite d'être exploré.
Je voudrais vous
entendre davantage sur la question de la porte d'entrée unique. Vous proposez
les CAVAC, je comprends tout à fait pourquoi vous soutenez qu'ils ont une
approche plus humaine parce qu'ils rencontrent en personne les victimes, donc
ils sont plus à même de s'adapter. Par contre, il y a quand même d'autres types
d'organismes, aussi, qui accompagnent les
victimes et qui le font de près, je pense aux CALACS, par exemple. Quand
vous dites que ça prendrait une porte
d'entrée unique et que ça devrait être les CAVAC, est-ce que vous voulez...
est-ce que vous englobez, là-dedans, les autres types d'organismes qui
sont sur le terrain ou vous pensez que ça devrait vraiment être une seule porte
unique?
• (15 h 30) •
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Écoutez, si j'étais ministre, mais je ne le suis pas, mais j'ai quand même 30 ans d'expérience dans l'administration
québécoise comme haut fonctionnaire, je ferais une réflexion de
rationalisation des organismes d'aide aux victimes. Moi, je pense que tous les
organismes d'aide aux victimes qui traitent d'éléments judiciaires, les CALACS
en sont, les CAVAC en sont, moi, je ferais un exercice de réflexion, à savoir est-ce qu'il n'y a pas lieu de rationaliser,
d'intégrer des structures pour s'assurer que les victimes puissent être à la
même porte, mais à l'intérieur de cette porte-là, on a des spécificités, comme
au ministère de l'Environnement, comme dans d'autres ministères. Le ministère
de l'Environnement, vous avez l'agriculture, vous avez le municipal, vous avez
l'industriel, mais il y a une porte unique. Est-ce qu'on ne pourrait pas y avoir
une approche similaire au Québec au niveau des victimes d'actes criminels? Il y
a un centre de victimes d'actes criminels à l'intérieur desquels il y a des
gens qui s'occupent d'agression sexuelle, d'autres qui s'occupent des gens qui
ont commis... des victimes qui ont été victimes de meurtre. Ça ferait en sorte
qu'on aurait une approche intégrée par rapport aux victimes d'actes criminels. Parce que, souvent, une victime d'actes criminels, d'agression sexuelle va faire
affaire avec la CAVAC et le CALACS. Donc, souvent, il y a une confusion
au niveau des gens. Moi, quand que les gens m'appellent, puis je dis : Je
vais vous référer au CALACS, bien, là, ils
disent : C'est quoi, le CALACS? Pourquoi vous ne me référez pas au
CAVAC? Donc, il y aurait peut-être une forme... une réflexion à faire à ce
niveau-là, pour avoir une meilleure intégration.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée, il reste du temps.
Mme Labrie : Oui. Vous allez tout à
fait dans le sens des recommandations du rapport qui a été déposé en décembre au niveau de l'intégration de ces
services-là, de s'assurer que, dans chacune de ces portes d'entrée là, il y
ait un éventail de services qui répondent aux différents
besoins des victimes. Ça clarifie quand même votre position. Donc, j'entends
que l'idée, pour vous, ce n'est pas nécessairement que les victimes ne puissent
que passer par les CAVAC pour avoir accès à l'IVAC, mais que ça puisse se faire
aussi par d'autres organismes, mais qu'il y ait une meilleure concertation, une
meilleure intégration.
M. Boisvenu (Pierre-Hugues) :
Écoutez, on dépense... on a dépassé le 100 millions par année qu'on
investit au niveau des victimes d'actes criminels au Québec. Moi, je pense
qu'il est temps de voir comment ces argents-là sont dépensés et si on ne peut
pas tirer une meilleure efficacité des structures qui traitent avec les
victimes.
Mme Labrie : Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Sur ce, sénateur Boisvenu, merci beaucoup d'avoir
été avec nous cet après-midi. Grand plaisir de vous retrouver, d'ailleurs.
Et, sur ce, la commission suspend ses travaux
quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 32)
(Reprise à 15 h 38)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux.
Avant d'aller plus loin, je comprends qu'il y a
un consentement entre les groupes parlementaires afin d'annoncer un
remplacement au cours de la séance afin que Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce)
soit remplacée par Mme St-Pierre (Acadie). Consentement? Merci infiniment.
Donc, il nous fait plaisir d'accueillir les
représentantes de la Concertation des luttes contre l'exploitation sexuelle,
dont l'une d'elles est une survivante de l'exploitation sexuelle. Afin de
protéger son identité, elle sera entendue en
audio seulement et sous le pseudonyme de Lau Ga. La vidéo du témoin qui
l'accompagne, Mme Martine B. Côté, sera activée comme à l'habitude.
Donc, mesdames, merci infiniment d'être avec
nous. Et je vous cède la parole pour 10 minutes, et, après ça, on aura un
échange avec les membres de la commission. La parole est à vous. Merci.
Concertation des luttes contre l'exploitation sexuelle
(CLES)
Mme Côté (Martine B.) : Bien le
bonjour. Merci de nous avoir invitées.
On salue évidemment l'abolition de la liste des
crimes indemnisables, et ce que nous espérons être une admission entière et
sans discrimination des personnes exploitées sexuellement au bénéfice de la
loi. Elles le méritent, ces femmes, elles en ont besoin, car les conséquences
de l'exploitation sexuelle sont nombreuses, complexes et nuisent, voire
empêchent le retour à un emploi ou aux études. Les femmes exploitées
sexuellement souffrent de troubles de stress post-traumatique, d'anxiété, de
fibromyalgie, de dépression, et j'en passe, sans parler de leur précarité
financière.
J'aimerais vous sensibiliser à quatre enjeux
qui touchent les femmes qui reçoivent des services chez nous. Premièrement, la
rétroactivité, question de corriger une injustice. En 2005, le crime de
traite a été ajouté au Code criminel. En
lien avec cet ajout au code, les provinces ont ajusté leur liste de crimes indemnisables par leur propre régime de type IVAC. Seul le Québec
ne l'a pas fait. Dans le même ordre d'idées, en 2014, le proxénétisme est
passé de crime contre les moeurs à
crime contre la personne dans le Code
criminel. Encore une fois, le Québec
aurait dû harmoniser son régime
d'indemnisation pour inclure ce nouveau crime, mais ne l'a pas fait. Cette
fameuse liste de crimes non harmonisée avec
le Code criminel a laissé beaucoup, beaucoup de femmes victimes d'exploitation sans ce droit à
la réparation dont le Québec a choisi de se doter. Vous pouvez, MM. et Mmes
les députés, corriger cette erreur du passé. Avec la pandémie,
l'exploitation sexuelle a monté en flèche. Quand ces femmes seront en mesure de
demander de l'aide, disons, l'an prochain, allez-vous vraiment leur dire que
l'exploitation sexuelle n'était pas un crime indemnisable en 2020?
• (15 h 40) •
Parlons maintenant délai. La CLES salue
l'abolition de la prescription dans le cas des violences sexuelles, conjugales
et commises pendant l'enfance. Toutefois, il est impératif d'inclure à cette
imprescriptibilité les crimes liés à
l'exploitation sexuelle, et ce, pour les mêmes raisons. La Cour suprême a reconnu que le préjudice est souvent latent, d'où le principe
de la présomption de conscience élaborée en 1992, soit que le délai de
prescription commence à courir au moment où la victime prend conscience du lien
de causalité entre le préjudice subi et la faute commise par l'agresseur. Ce phénomène-là, il est tout aussi
applicable et documenté chez les personnes victimes d'exploitation
sexuelle. Pour les femmes exploitées, la
prise de conscience du lien entre le crime subi et les séquelles se fait
souvent plusieurs années après la fin de l'exploitation sexuelle. Donc,
en ce sens, on vous recommande d'inscrire à l'article 20 qu'une
demande de qualification puisse être présentée en tout temps, lorsque celle-ci
est en lien avec l'exploitation sexuelle.
Mon troisième point, la faute lourde. Depuis 2017,
le principe de faute lourde ne s'applique pas dans le contexte d'une agression
sexuelle, mais cette précision est trop importante pour ne faire l'objet que
d'une simple directive administrative et doit être inscrite dans la loi. De
même, on vous demande de considérer une indication selon laquelle le contexte
de prostitution ne peut pas être considéré comme une faute lourde.
En 2014, dans l'affaire N.C. c. Procureur général, on a refusé l'IVAC à une femme en situation
de prostitution qui a subi une agression qui l'a privé d'un oeil en invoquant la faute lourde. Cela ne doit plus jamais
se reproduire. La CLES recommande l'inscription dans la loi, à
l'article 16, d'une disposition d'exception à la faute lourde pour les
agressions sexuelles ainsi que les crimes subis dans un contexte de
prostitution, de traite et de proxénétisme.
Je vous parle enfin d'indemnisation. En ce
moment, la majorité des 161 femmes qui ont un suivi chez nous ne vivent
que d'aide sociale, et, parfois, après avoir engrangé beaucoup d'argent, de
l'argent dont elles n'ont pas vu la couleur. Si vous allez de l'avant avec
votre intention de couper l'indemnité aux personnes sans revenu incapables de
vaquer à leurs occupations, ces femmes n'auront aucune aide financière. Se
rétablir des séquelles d'exploitation et pouvoir réintégrer le marché de
l'emploi ou des études, ça prend du temps pour ces femmes aux prises avec des
problèmes de santé importants et une vie à reconsolider. On vous demande donc
de revenir à une forme d'indemnité pour incapacité, même pour les personnes
dites sans revenu.
Je termine ainsi, avant de passer la parole à ma
collègue : on sent que votre gouvernement, M. le ministre, est sensible à
la question de la prévention à l'exploitation sexuelle. On l'a vu avec votre
Commission spéciale sur l'exploitation, vous êtes soucieux, soucieuses du
«avant» de la prévention, mais il faut que la sortie de l'exploitation et le
«après» soient pris en compte, et l'IVAC peut faire une grande différence dans
le rétablissement pour les personnes victimes d'exploitation sexuelle. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme Lau Ga.
Mme Ga (Lau) : Oui. Bonjour. J'ai
choisi de porter plainte. Donc, vu les procédures judiciaires qui suivent leur
cours, mon anxiété et ma peur de représailles de la part de mon agresseur, je
préfère taire mon identité.
Quand tu es dans un poste de police et qu'on te
parle de l'IVAC, ma première réaction fût : C'est quoi ça, pourquoi moi?
Encore dans les premiers instants de cette tragédie qui venait d'être dévoilée,
on me martèle d'informations importantes alors que je ne comprends même pas
comment je me suis rendue là.
J'ai choisi de porter plainte contre mon
agresseur, mon proxénète, mais aussi l'homme dont je suis éperdument amoureuse,
parce que, oui, de l'amour pour notre pimp, on en ressent toujours. On m'a
alors parlé de l'IVAC qui me faciliterait la vie et qui m'aiderait à reprendre
ma vie en main après l'acte criminel. À ce moment-là, ça n'avait pas grand sens
dans ma tête, en fait, rien n'en faisait.
Alors, l'IVAC va attendre que je sois capable de
comprendre ce qui m'arrive, cependant tu te rends compte que l'IVAC n'attend
pas. J'obtiens donc un rendez-vous dans un CALACS pour que l'intervenante
puisse m'aider à remplir les formulaires de l'IVAC. Je me rends de reculons
rencontrer une nouvelle personne et lui conter mon histoire que je n'ai pas
envie de raconter encore et encore. Je ne réalise aucunement, à ce moment-là,
que mon histoire, elle ne m'appartenait plus et que je n'avais pas terminé de
la raconter.
Avec l'arrivée de la pandémie, j'ai dû terminer
de remplir les papiers seule. Dans le formulaire, je dois expliquer les
conséquences de ce que je viens de vivre, mais les conséquences, je ne les
connais pas. Je découvre encore, chaque semaine, de nouvelles conséquences au
fait d'avoir subi de l'exploitation sexuelle et de souffrir d'un trouble de
stress post-traumatique. Seule et perdue, je termine et j'envoie les
formulaires de l'IVAC. En attendant, je fais une demande d'aide sociale, parce
que des revenus, j'en ai besoin maintenant.
Je relance l'IVAC au mois de mai 2020
puisque je n'ai toujours pas de leurs nouvelles. Je parle avec un monsieur qui
me traite comme un numéro et qui m'expédie le plus rapidement possible mon
numéro de dossier de l'IVAC, le nom de mon agente et m'indique que je vais
recevoir une lettre explicative. Ils m'ont préapprouvé deux heures
d'évaluation chez la psychothérapeute ainsi que 10 séances, le temps
qu'ils traitent ma demande. Tu dois trouver une psychothérapeute qui fait
affaire avec l'IVAC, qui est à l'aise avec l'exploitation sexuelle, car, à ce
moment-là, je ne sais pas encore que l'IVAC ne reconnaît pas l'exploitation
sexuelle comme un acte criminel, je l'apprendrai seulement en
juillet 2020.
Je demande à l'IVAC s'ils ont une liste de
psychothérapeutes à me fournir; bien non, ils n'en ont pas. Donc, ils vont
t'approuver ton aide, mais le reste, tu dois te débrouiller seule. «Seule»,
quel mot si simple, mais si lourd de sens en même temps. Parce qu'en ce moment,
même si j'essaie de tout faire ce qu'on me demande, je n'y arrive pas. J'ai
beau essayer de m'accrocher, mais, à travers la tragédie, je me sens seule,
délaissée et jugée. Pourtant, on me répète souvent que je suis une femme forte.
Mais l'IVAC n'est pas mon seul combat. Si je vous énumérais tous les combats
qu'on a lorsqu'on vient de porter plainte... Wow! tout ça pour une même
personne. Mais l'IVAC est la démarche de trop, les papiers de trop, les lettres
de trop. Aucune compassion quand tu leur parles. Pour eux, tu es seulement un
numéro. Quelle aide t'offre-t-il? Celle de te pousser au bout du rouleau afin
que tu ne complètes pas toutes les démarches et tous les papiers qu'ils te
demandent. Donc, si tu en échappes une, eh bien, là, il est trop tard, les
délais sont passés.
Pour moi, l'IVAC ce sont des personnes sans
coeur au bout du téléphone pour qui tu es juste une autre pauvre victime. Des
phrases telles que : Oui, mais, madame, vous étiez prostituée avant. Oui,
mais, madame, vous ne travailliez pas avant. Madame, qu'est-ce que la traite
humaine? Si ces phrases vous surprennent, sachez que moi, ces phrases-là me
sont familières. Je leur envoie des papiers qu'ils perdent et me redemandent
encore et encore. À chaque fois que je dois ressortir pour leur envoyer à
nouveau le papier par fax ou par la poste, après, ma journée est foutue. Sortir
pour une lettre me demande toute mon énergie d'une journée. J'essaie de leur
expliquer, mais, si je ne leur renvoie pas, c'est moi qui suis pénalisée. Faire
affaire avec l'IVAC, c'est très difficile, et ils t'apportent le strict minimum
de soutien. Si tu veux quelque chose, bats-toi. Mais avec quelle énergie
voulez-vous que je me batte? Pourquoi se battre pour faire valoir un droit qui
m'est dû? Pourquoi? «Non» est leur réponse d'emblée.
Je suis retournée à
l'école à distance en octobre 2020, à raison de 20 heures par semaine
au début et ensuite 16, parce que c'est trop difficile. Mais, dans la vie, on
m'a enseigné : Ce n'est pas parce que c'est difficile qu'on abandonne. Le chemin facile, je l'ai choisi
souvent, mais ce n'est que rarement le bon. Pour l'IVAC, si je vais à
l'école, c'est parce que je vais bien, mais
non, avoir une routine, une motivation, de savoir que, quand je vais être
capable, je vais avoir un diplôme et travailler dans un emploi que
j'aime, ce sont des démarches pour aller mieux, éventuellement.
On est rendu en janvier 2021, donc plus de
huit mois plus tard, et je n'ai jamais reçu le remplacement de revenu pour
les mois que j'étais incapable de vaquer à mes occupations. J'ai encore des
dépenses qui sont en traitement. Deux mois d'entreposage qui ont été
refusés puisque cela ne constitue pas une dépense supplémentaire. Une case
postale refusée puisque ce n'est pas justifié avec ce que j'ai vécu.
Déplacements pour rendez-vous en lien avec ma trousse médico-légale, refusés,
ce n'est pas en lien direct avec les actes criminels. J'ai été victime, entre
autres, d'agression sexuelle.
L'IVAC m'a remboursé les frais reliés à mes
déménagements, mes lunettes brisées et un système d'alarme, que mon médecin et
ma psychothérapeute avaient recommandé. Chaque demande fut une bataille. L'IVAC
m'a autorisé 10 séances de massothérapie et il rembourse 47,50 $ par
séance. Pouvez-vous me dire quel massothérapeute charge 47,50 $ par
séance?
J'ai de la difficulté à payer mes factures, mon
épicerie. Je coupe dans mes dépenses pour pouvoir arriver financièrement, je
demande même de l'aide à des organismes pour y arriver. Je me bats contre les
symptômes et les conséquences du trouble de stress post-traumatique contre mon
agresseur devant le tribunal, je me bats contre l'IVAC, et, à travers tout
cela, je dois recommencer à vivre, et à prendre soin de moi, et à mettre de
côté ma tragédie. Ce n'est pas normal d'avoir à se battre avec l'IVAC, mais je
me bats parce que je suis une battante. Je me bats pour celles qui n'ont pas la
force de se battre parce que les crimes contre la personne doivent être
reconnus. N'était-ce pas là la promesse électorale de votre parti, M. le
ministre? J'ai été victime d'exploitation sexuelle en 2020. Allez-vous me
dire que la loi n'est pas rétroactive et que le crime subi n'est pas
indemnisable, l'an passé? Ce n'est pas trop demander. Pour moi et pour toutes
les autres victimes, je vous en prie, aidez-nous.
• (15 h 50) •
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup pour votre exposé. On va débuter la période
d'échanges. M. le ministre, s'il
vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Oui.
Mme Côté, Mme Lau Ga, merci pour votre participation à la commission parlementaire. Merci également
pour votre témoignage, Mme Lau Ga, je pense que c'est un témoignage
courageux de venir dire en commission parlementaire ce que vous avez vécu puis
de témoigner sur les démarches que vous avez eu à faire avec l'IVAC et les
difficultés que vous avez eues avec l'IVAC. Et c'est principalement pour ça
qu'on a déposé le projet de loi n° 84, pour réformer l'IVAC, notamment, au
niveau... au service à la clientèle. Désormais, on va ramener ça sous la responsabilité
du ministère de la Justice pour s'assurer que, le genre de situation que vous
décrivez, ça n'arrive plus et qu'on s'assure que les gens puissent avoir de
l'aide d'urgence dès le départ, puissent avoir des séances de psychothérapie
dès le départ, puissent être soutenus adéquatement, également, pour faire face
aux conséquences des crimes, des infractions criminelles que vous avez subies.
Alors, c'est notre objectif.
Je l'ai dit dès le départ, le projet de loi, il
n'est pas parfait. On tente, le plus possible, de répondre aux demandes des
victimes d'actes criminels depuis les 30 dernières années, notamment au
niveau de l'élargissement de la liste des
crimes. Tout à l'heure, Mme Côté nous disait : En 2005, lorsque
le crime de traite est survenu, a été inscrit dans le Code criminel, ça n'a pas été ajusté par les gouvernements
précédents au Québec. En 2014, même chose, également. Alors, c'est
sûr que je ne peux pas refaire le passé, mais, par contre, une chose qu'on peut
faire en adoptant le projet de loi, c'est de faire en sorte que les crimes qui
n'étaient pas couverts... on parle d'une quarantaine de crimes, qui, désormais,
le seront, dont celui d'exploitation sexuelle. Alors, dans une réforme comme
celle-ci, on tente le plus possible d'offrir du soutien, d'offrir un
élargissement, également, au niveau des personnes victimes pour faire en sorte que, justement, on puisse multiplier... et
je suis conscient des critiques qu'il y a eu au cours des dernières
années, en fait, au cours des 30 dernières années, pour l'ensemble des
individus qui ont subi des infractions criminelles.
Je voudrais peut-être vous demander : À
l'IVAC, directement, lorsque vous faites affaire avec les gens à l'IVAC, vous
considérez qu'ils n'ont pas eu une approche humaine avec vous?
Mme Ga (Lau) : Non. En fait, l'IVAC,
ce n'est pas très humain. Quand on vient de vivre une telle tragédie, on a de
la misère à se lever le matin, à manger, à se brosser les dents, à vivre. En
fait, on n'a plus le goût de vivre. Et là, moi, on m'a relocalisée pour ma
protection, donc tu vis cachée. Tu dois te trouver un nouvel appartement, tu as
besoin de revenus, tu as tellement de choses à faire. Puis, quand j'ai appelé à
l'IVAC, je me suis sentie comme un numéro, comme un numéro de plus sur leur
bureau, comme une charge de plus. Moi, me faire poser une question par une
agente de l'IVAC sur qu'est-ce que la traite humaine, en 2020, je trouve
ça anormal. Ce n'est pas à moi d'éduquer l'IVAC, mais à l'IVAC d'être éduqué
pour nous aider.
M. Jolin-Barrette : Donc, je pense
que votre témoignage rejoint ce que beaucoup de victimes nous ont dit, justement,
d'avoir davantage de formation, d'avoir un meilleur service, aussi,
d'accompagnement auprès des victimes. Et on va simplifier, également, les
formulaires, l'aide, aussi, qui va être apportée.
Sachez qu'on prend le tout en grande
considération. Puis, un de nos objectifs, c'est justement de faire en sorte que
les victimes n'aient plus à, comment je pourrais dire, se débattre pour obtenir
l'aide requise, notamment en matière d'exploitation sexuelle, notamment, aussi,
au niveau du délai de prescription en matière d'agression sexuelle,
pour faire en sorte que les personnes victimes de ce genre de crimes là,
lorsqu'elles seront déterminées à demander de l'aide, à faire leur demande,
bien, elles pourront le faire également.
Alors, je vous remercie grandement pour votre
témoignage. Je pense que j'ai des collègues qui veulent vous poser des
questions, donc je vais leur céder la parole. Un grand merci, Mme Lau Ga,
pour votre témoignage en commission parlementaire.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, M. le ministre. Mme la députée de Les Plaines, s'il vous
plaît.
Mme Lecours (Les Plaines) : Merci,
M. le ministre. Merci beaucoup, M. le Président. En fait, d'entrée de jeu,
Mme Côté, Mme Lau Ga, je veux vous remercier d'être à cette commission
aujourd'hui.
Votre témoignage, Mme Lau Ga, est tout à
fait courageux et démontre effectivement le grand bout de chemin qu'il reste
encore à faire malgré le dépôt de ce projet de loi là. Il y a des avancées sur
le projet de loi, mais le côté humain, vous l'avez très bien mentionné,
Mme Lau Ga, je pense que c'est une des raisons pour laquelle il fallait
travailler sur ce projet de loi là. Parce que, non seulement en abolissant la
liste, donc en ouvrant la porte à ce type de crimes là, l'exploitation sexuelle
des mineurs et l'exploitation sexuelle... la traite des personnes aussi, ça
fait en sorte qu'il faut davantage se pencher sur cette réalité, c'est-à-dire
le rétablissement. C'est pour ça que je louange votre témoignage, Mme Lau
Ga, parce qu'on voit que vous voulez vous sortir de cette torpeur-là. Peut-être
que vous ne le savez pas, mais j'ai également fait partie de la Commission
spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs. Et effectivement on voit que c'est important, le rétablissement, mais il faut
qu'il se fasse de façon structurée et évidemment humaine. Alors, bravo
pour votre témoignage, vos éclairages.
J'aimerais vous entendre sur le fait... parce
qu'on a eu beaucoup... Au cours de ces auditions-ci, là, depuis
deux jours, on entend beaucoup parler aussi de l'importance... je vais
appeler ça un guichet unique parce que je fais référence à ce qu'on a entendu
dans la commission spéciale, bien, l'importance d'avoir un guichet unique, donc
un continuum de services, un endroit où on doit... on peut se référer. Vous
disiez, l'IVAC, vous n'aviez jamais entendu parler de ça avant il y a quelques
mois. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur l'importance que ça revêt
d'avoir un guichet unique.
Mme Ga (Lau) : Ça serait sûrement
plus facile, parce que tu dois chercher de l'aide. L'IVAC a beau t'approuver
ton aide qu'il faut que tu la trouves, puis, quand tu ne sais pas où la
trouver, ça ne sert à rien. Comme, moi, ma psychothérapeute, un coup que l'IVAC
m'ont dit : Bien non, on n'a pas de liste, comment je trouve une
psychothérapeute? Ça fait qu'avec un guichet, ou une liste, ou une banque qui
pourrait t'aider autant au niveau de la psychothérapie que... Là, moi, ils me
suggèrent de la massothérapie, quand tu ne sais pas où chercher puis que tu es
toute seule... C'est sûr que moi, avec l'arrivée de la pandémie, je me suis
ramassée très isolée avec les formulaires, très seule lors de la première
vague. Ça a été l'enfer, tu n'as même plus envie, tu as envie d'abandonner mais
tu as besoin d'aide, tu es pogné... on est prise dans un dilemme assez
incroyable, qu'on n'a pas besoin de rajouter en plus. C'est les démarches, en
plus, qu'on n'a pas besoin de rajouter.
Mme Côté (Martine B.) : Oui, puis,
si je peux compléter la réponse de ma collègue : guichet unique, très
bonne idée. M. le ministre, vous parlez de formation, tout le monde vous en a
parlé, mais je voudrais juste vous donner une petite précision. Chez nous,
malheureusement, il y a une blague un peu cynique, c'est qu'il vaut mieux être
victime de traite en Ontario qu'au Québec. Parce que, quand on fait affaire
avec, notamment, des services en Ontario, les gens ont été formés selon une
approche qui s'appelle «trauma-informed», donc une approche sensible aux
traumatismes. Et puis on voit vraiment toute la différence chez les agents,
chez le degré de compassion, chez... dans l'évitement de certaines questions
retraumatisantes, dans la formulation. Donc, peut-être que d'autres personnes
vous en ont parlé, mais il y a des bonnes pratiques ailleurs, il faut peut-être
s'en inspirer. La Nouvelle-Zélande est, entre autres, précurseur dans ce
domaine-là aussi, l'Ontario, et la Santé publique du Canada a mis en ligne un
guide de bonnes pratiques «trauma-informed». Donc, peut-être que, dans la loi,
on pourrait ajouter que les personnes désignées, qui doivent prendre ou réviser
des décisions, soient formées de telle façon, parce que, de toute façon, une
grande partie de la clientèle de l'IVAC — clientèle n'est pas tellement
le bon mot, là — est
aux prises avec des blessures de type traumatique.
Mme Lecours (Les Plaines) : Vous
avez devancé, Mme Côté, ma question, ma prochaine question, qui était
justement la formation, aussi, des agents de l'IVAC, comme on va entrer des
nouveaux types de victimes. Donc, ce serait plus qu'opportun, ce serait
essentiel.
J'aimerais aussi vous amener sur le terrain de
la faute lourde. Expliquez-moi, et c'est Mme Lau Ga, probablement, qui va
répondre à cette question-là, qu'est-ce que ça implique. Parce que, quand on
est victime d'exploitation, vous l'avez dit d'entrée de jeu, vous êtes encore
ou vous étiez encore en amour avec votre proxénète. Donc, expliquez-moi
l'importance que ça revêt.
Mme Ga (Lau) : Excusez-moi, mais
j'ai mal compris votre question, là. Moi, la faute lourde, je n'en ai jamais
entendu parler dans mes démarches avec l'IVAC.
Mme Lecours (Les Plaines) :
Mme Côté.
• (16 heures) •
Mme
Côté (Martine B.) : Oui. C'est ça, je peux peut-être prendre la relève
de ma collègue, parce qu'effectivement ça n'a pas été soulevé dans le cas de Lau
Ga, et bien heureusement, parce que la faute lourde, là, ça relève d'une
méconnaissance des conditions d'entrée et de maintien dans la prostitution et
de la difficulté d'en sortir parce que, notamment, souvent les femmes en
situation d'exploitation sexuelle vont être en contact avec des groupes dits
criminalisés, des gangs de rue, des personnes qui commettent des infractions
criminelles. Alors, leur refuser une indemnisation en vertu de l'IVAC pour
avoir participé, souvent sous la menace d'ailleurs, à des infractions
criminelles, ça serait vraiment à essayer d'abolir. Puis, comme je le disais,
l'affaire... la dernière décision du TAQ en la matière, quand vous pensez à
cette femme dans un parc à 1 heure du matin, parce qu'on parle d'une
prostitution de rue dans son cas, agression,
voie de fait, elle perd un oeil, IVAC lui refuse lui disant : Vous étiez...
vous n'êtes pas une victime
innocente, vous n'aviez pas d'affaire à solliciter des clients dans un parc.
Que le juge administratif reconduise la décision, c'est scandaleux. Ça
ne doit plus jamais arriver parce que ça relève, de toute façon, de la même
logique que les agressions sexuelles. Si
vous pensez que c'est se mettre en faute lourde que d'être en situation de
prostitution, c'est vraiment mal connaître toute la situation de
l'exploitation sexuelle.
Mme Ga
(Lau) : Si je peux renchérir.
Mme Lecours (Les
Plaines) : Oui.
Mme Ga
(Lau) : Vous ajoutez l'exploitation sexuelle à l'IVAC, mais, en tant
que victime d'exploitation sexuelle, on ne s'enfuit jamais juste de notre
proxénète, on s'enfuit du réseau auquel il est lié. Donc, les enjeux de
sécurité sont d'autant plus importants, et l'anxiété de sortir... tu as peur de
le croiser lui, mais de croiser son réseau aussi parce qu'il n'est pas la seule
personne à te chercher quand tu t'enfuis pour les dénoncer.
Mme Lecours (Les
Plaines) : Oui, effectivement. Et parlez-moi aussi un peu de la façon
dont vous avez décidé de prendre le téléphone puis dire : Je veux m'en
sortir. J'aimerais ça juste que vous m'expliquiez le cheminement pour qu'on
puisse bien comprendre que tout le réseau d'aide doit se consolider et se
parler. Quelles ont été les premières démarches que vous avez faites pour vous
en sortir?
Mme Ga
(Lau) : En fait, je ne peux pas vous parler des faits puisque je suis
en procédure judiciaire, mais ce que je peux vous dire, c'est que, quand
j'étais là-dedans, je n'avais aucune idée qu'il existait des organismes pour
m'aider. Je travaillais particulièrement dans des hôtels. Et, quand j'ai
commencé à vouloir m'en sortir, j'ai composé le 9-1-1, puis j'ai feint être en
danger. Et les policiers sont arrivés de... ils pensaient que j'étais en danger,
donc trop sauvagement. J'ai eu peur, je n'ai pas parlé. Et, par la suite, je me
suis rendue chez des proches à moi pour leur dire... en fait, la première
phrase a été : Je suis escorte et je vais mourir.
Et c'est là qu'on m'a...
que mes proches m'ont prise en charge, et qu'ils m'ont aidée, et que j'ai
cheminé jusque dans un poste de police. Et j'insiste sur le mot «cheminer»,
parce que tu n'as pas envie d'aller dans un poste de police. Ce qu'on m'a
demandé, l'affaire la plus dure à faire, outre l'IVAC, ça a été de porter
plainte contre la personne que j'aime. Et, même s'il nous a fait du... même
s'il m'a fait beaucoup, beaucoup de mal, l'amour, ça ne s'efface pas du jour au
lendemain.
Mme Lecours (Les
Plaines) : On comprend ça.
Mme Côté (Martine
B.) : Oui. Je...
Le
Président (M. Bachand) : Allez-y, Mme Côté.
Mme Lecours (Les
Plaines) : Allez-y.
Mme Côté (Martine
B.) : J'appuie ma collègue. Juste... évidemment, je renforce sur ce
qu'elle vient de dire. Je vous demanderais de faire attention, madame est en
procédure judiciaire, alors...
Mme Lecours (Les
Plaines) : Oui.
Mme Côté (Martine
B.) : Merci.
Mme Lecours (Les
Plaines) : Oui, oui, il n'y a pas de problème. Écoutez, je voulais
juste qu'on puisse expliquer l'importance de... comme je vous dis, là, que les
organismes se parlent. Parce que le projet de loi, la base du projet de loi,
c'est de favoriser le rétablissement des personnes, ça, c'est bien important,
donc d'avoir tous les services qui sont autour, c'est important. Le projet de
loi est doté, également, d'un programme d'urgence. Donc, ça aussi... Et la
grande ouverture, c'était important qu'on puisse abolir cette liste-là, justement,
pour ouvrir grande la porte à ce genre de crime là.
Écoutez, je ne sais
pas s'il reste encore beaucoup de temps pour notre portion, mais j'aurais une
dernière question. Quelle est votre grande priorité dans ce projet de loi là?
C'est quoi, le gros morceau, là, pour vous?
Mme Côté (Martine
B.) : Bien, c'est évidemment la rétroactivité. Je veux dire, votre
réforme de l'IVAC, M. le ministre, elle est majeure, on a l'impression que
c'est la première loi d'indemnisation au Québec, c'est à l'image de 1972,
donc, vous réécrivez tout. Donc, pourquoi ne pas faire comme le législateur,
en 1972, qui initiait quelque chose et qui a accordé une forme de
rétroactivité de six ans? Je veux dire, là, vous changez du tout au tout,
vous acceptez, enfin, des crimes d'exploitation sexuelle, donc essayez de
réfléchir à une forme de rétroactivité.
Moi, je considère que l'organisme que je
représente, ça représenterait, peut-être, une trentaine de dossiers. Mais c'était une injustice, qu'un vieux crime
comme le proxénétisme ne soit pas indemnisable, encore aujourd'hui. Donc, c'est sûr que c'est ça, notre priorité, là, vraiment,
vraiment, pour corriger cette erreur historique des gouvernements précédents de
ne pas avoir harmonisé la loi et de ne pas s'être débarrassé de cette liste-là
en 1993, notamment, quand ça avait été voté par l'Assemblée nationale.
Alors, merci, enfin, de l'enlever, cette liste,
mais, s'il vous plaît, par égard pour toutes les femmes qui se sont fait
dire : Ah! bien non, tu ne peux pas demander pour exploitation sexuelle,
donc choisis un crime connexe que tu as vécu, agression sexuelle, voie de fait,
puis fais ta demande d'IVAC. On a demandé pendant trop longtemps aux femmes de
compartimenter leur expérience d'exploitation sexuelle, de choisir un crime,
alors que ça s'inscrit dans le continuum des violences sexuelles faites aux
femmes.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, merci infiniment. Je passe la parole
à la députée d'Acadie. Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme
St-Pierre : Merci,
M. le Président. Alors, merci pour votre témoignage, Lau Ga. Merci,
Mme Côté, d'être présente aussi à la commission.
Alors, moi, j'ai été vice-présidente de la
commission sur l'exploitation sexuelle des mineurs et je suis heureuse de voir
que la présidente... l'ex-présidente est aussi sur cette commission. Elle a
remplacé le président qui est devenu
ministre et nous avons travaillé pendant 18 mois pour accoucher d'un
rapport qui contient 58 recommandations. Et, dans ces audiences que
nous avons tenues, dans ces travaux que nous avons faits, évidemment, la
question de l'IVAC est arrivée très rapidement, et très rapidement, tout le
monde, tous les membres de la commission se sont dit : Il faut absolument
qu'on en fasse une recommandation. C'est ce que nous avons fait. Mais, dans
l'esprit de tous, je pense, la question de
la recommandation sur l'IVAC en était une aussi qui devait inclure la
rétroactivité. Votre première recommandation, c'est l'inclusion de la
rétroactivité.
Nous avons tenu des audiences, nous avons
entendu des victimes, comme ce témoignage que nous venons d'entendre, nous
avons entendu des parents, nous avons entendu des policiers, des policières,
des intervenants, des intervenantes, des chercheurs, et tout le monde a dit la
même chose, c'est-à-dire qu'il faut aider le plus possible des victimes
d'exploitation sexuelle. Montréal est la plaque tournante de l'exploitation
sexuelle. On se commande une fille ou un garçon comme on peut se commander une
pizza. Ça a été dit sur toutes les tribunes. Notre président s'est promené sur
toutes les tribunes, sur tous... en fait, tous les micros, toutes les
télévisions, toutes les radios, tous les journaux pour dire à quel point il
fallait vraiment, vraiment... il y avait urgence de mettre l'emphase sur les
victimes d'exploitation sexuelle et leur venir en aide.
Le projet de loi, bien sûr, est une bonne chose
puisqu'il vient corriger le fait que «victime d'exploitation sexuelle» n'était
pas inclus dans les indemnisations de l'IVAC. C'était un non-sens, tout le
monde en convient, et maintenant il faut regarder en avant. Et là c'est inclus,
sauf qu'on dit : Bien, il n'y a pas de rétroactivité. On vient d'entendre
un témoignage percutant, percutant, pour nous dire à quel point c'est injuste,
c'est ingrat, c'est inacceptable de ne pas inclure la rétroactivité.
Mme Lau Ga aurait de l'aide, là, et ça lui... ça l'aiderait à pouvoir
regarder l'avenir en face et pouvoir avoir un meilleur avenir. En parlant de
rétroactivité... c'est-à-dire que, puisqu'elle, elle a eu le courage de
dénoncer en 2020 : Bien non, tu n'y auras pas accès parce que tu as
eu le courage de dénoncer en 2020 et non pas en 2022 ou 2021, à la
fin de 2021, lorsque le projet de loi sera accepté. Moi, M. le ministre, je
pense que le gouvernement doit, sur cet aspect-là, vraiment réfléchir.
Et les victimes ont mis leur confiance en nous.
Les victimes sont venues mettre sur la table leurs souffrances, elles ont dit à
quel point elles avaient besoin d'aide. Et là, encore aujourd'hui, on vient
vous le dire : On a besoin d'aide. Et
Mme Côté vient de parler d'une trentaine de cas. Ce n'est pas la fin du
monde, ce n'est pas la fin du monde, et on est capables de faire en
sorte que ce projet de loi là ait une rétroactivité pour les victimes
d'exploitation sexuelle.
J'ai été vice-présidente de la commission sur
l'exploitation sexuelle des mineurs, ils sont tous témoins que nous avons
travaillé au-dessus de la partisanerie pendant ces 18 mois. Le seul parti,
c'était le parti des victimes. Et moi, si je me suis lancée en politique, c'est
pour venir en aide au monde, et je ne lâcherai pas le morceau parce que c'est
très, très, très important.
Mme Lau
Ga, merci pour votre témoignage. Merci, Mme Côté. Puis, Mme Lau Ga,
je vais vous poser une question.
• (16 h 10) •
Mme Ga (Lau) : Oui, allez-y.
Mme St-Pierre : Quel est le mot qui vous vient en tête lorsqu'on
vous dit qu'il n'y a pas de rétroactivité dans ce projet de loi là qui inclut maintenant les victimes d'exploitation sexuelle? Quel est
le premier mot qui vous vient en tête?
Mme Ga (Lau) : Sans coeur. Moi, ce
que... peut-être pouvoir faire une proposition à M. Jolin-Barrette.
C'était une promesse électorale de votre parti, monsieur. Pourquoi ne pas
mettre la rétroactivité en date d'élection de votre parti? C'est une promesse
que vous avez faite, et je crois que ça serait sans trop demander d'y aller en
date d'élection de votre parti. Et même le ministre avant
vous en avait parlé l'année passée, à pareille date, d'une réforme de l'IVAC.
Donc, ça a déjà traîné pendant un an.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre : Mme Côté,
vous avez suivi de très près les travaux sur la question de l'exploitation
sexuelle des mineurs. Vous avez vu que nous avons, dès le départ, parlé de la
question de l'indemnisation. Est-ce que,
dans votre esprit, vous aviez confiance qu'il y aurait d'abord l'inclusion, ce
qui est fait, de l'exploitation sexuelle des mineurs, mais qu'il y ait
une rétroactivité?
Mme Côté (Martine B.) : Et pas
juste des mineurs, hein, si je peux me permettre, Mme St-Pierre.
Mme St-Pierre : ...sur
l'exploitation sexuelle des mineurs, mais de l'exploitation sexuelle.
Mme Côté (Martine B.) : Oui, c'est
ça, en termes d'indemnisation, oui, l'exploitation sexuelle ne fera pas de
distinction majeur-mineur, on en est bien, bien heureuses.
Alors, oui, effectivement, j'ai eu la chance,
moi aussi, de témoigner dans cette commission qui, je trouve, faisait montre d'une belle ouverture d'esprit par
rapport à ces victimes-là, on évacue beaucoup, beaucoup de préjugés,
mais je n'avais pas... On était avant la pandémie, et je ne sais pas si je vous
aurais plaidé une telle rétroactivité aujourd'hui avec la même vigueur, bien
que mon petit statut de juriste me dit que mes arguments tiennent la route,
c'est une loi qui n'a pas été harmonisée avec le Code criminel. Mais, outre ça,
est arrivée la pandémie. L'exploitation sexuelle a monté en flèche, les
proxénètes sont devenus vraiment plus violents parce qu'il y avait moins de
clients. On a vu beaucoup plus de traites de femmes plus jeunes qu'on baladait
comme ça dans certaines provinces parce que, selon les restrictions liées aux
mesures sanitaires, il y a des endroits où c'était plus facile d'aller faire un
peu de sous sur le dos des femmes, donc... Ça va être quelque chose, je pense,
l'année prochaine, quand ces femmes-là vont faire une demande à l'IVAC. Je ne
vois pas comment on va leur dire : Désolé, en 2020, ce n'était pas
indemnisable.
Donc, évidemment, je vous ai parlé de
30 dossiers, ça représente à peu près ceux de l'organisme que je
représente. Il y a des victimes à Québec, il y a des victimes qui ne
fréquentent pas notre organisme et il y aura ces victimes à prendre en compte
de la pandémie. Donc, vraiment, c'est un objectif à garder en tête.
Puis, merci, Mme la députée St-Pierre, de le
porter, parce qu'on leur doit ça. Ce n'était pas normal, cette liste-là. On
pouvait être indemnisé pour avoir été victime d'un détournement d'aéronef
jusqu'à cette année, mais pas de proxénétisme. Ça ne tient pas la route.
Mme
St-Pierre : Je
pense que, lors de la commission sur l'exploitation sexuelle des mineurs, on a
vraiment creusé le sujet, creusé le dossier, et on a dit à ces victimes :
Faites-nous confiance, faites-nous confiance à nous, les députés, à nous, les
élus, nous allons porter votre voix. Alors, je cède la parole à mon collègue,
M. le député de LaFontaine. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de LaFontaine... Merci. Il reste
trois minutes. Merci beaucoup. M. le député.
M. Tanguay : Oui. Merci, M. le Président. Merci,
Mme Côté. Merci beaucoup, Mme Lau Ga, pour votre témoignage.
Il y a quelque chose que je retiens de votre
témoignage, et je vous cite : Je découvre encore l'ampleur des séquelles.
Le projet de loi, et j'aimerais vous entendre là-dessus, Mme Lau Ga ou...
et Mme Côté également, le projet de loi aussi ferme la porte pour le passé
et ferme la porte pour l'avenir. Les rentes viagères qui iraient au-delà de
trois ans, ça existe présentement, ça n'existera plus avec le projet de
loi n° 84. En quoi avez-vous l'assurance que vous n'aurez plus de
séquelles dans un an, deux ans, trois ans, quatre ans? On
vous souhaite de ne pas en avoir, mais on ne peut pas, je crois... Et
j'aimerais vous entendre là-dessus, l'importance de ne pas bloquer l'avenir non
plus si vous avez des besoins aussi.
Mme Ga (Lau) : En fait, le délai en
ce moment... Surtout moi qui essaie de se rétablir en pleine pandémie, donc, je
n'ai jamais rencontré ma psychothérapeute en personne. Depuis le début, je fais
des séances en visioconférence et, pour moi, ça n'a pas le même impact. Ça n'a
pas le même impact de parler à quelqu'un à travers un écran pour aller mieux.
Donc, il n'y a rien qui ne me dit pas que, dans un an, deux ans, je
n'aurai pas encore des besoins et ce n'est pas par manque d'efforts pour m'en
sortir, parce que, des efforts, j'en fais et j'en fais tous les jours pour m'en
sortir. Et je ne peux pas croire qu'un jour on va me dire : Ah! bien non,
nous, on pense que c'est bon, c'est fini. Je n'arrive pas à concevoir cette
partie-là.
M. Tanguay : Et,
Mme Côté, j'aimerais vous entendre sur deux choses. On va toujours
pénaliser en coupant l'aide sociale du montant que vous recevriez d'indemnité,
de un, et, de deux, si vous êtes victime et que vous n'aviez pas de revenu,
vous allez avoir zéro, ce qui est un recul par rapport au système actuel.
J'aimerais vous entendre.
Mme Côté (Martine B.) : Oui, on a
été très, très surprises de lire ça. Évidemment, chez nous, bon, je le disais d'entrée
de jeu, 53 % des femmes qui fréquentent actuellement notre organisme
vivent d'aide sociale. Puis ça, ça correspond vraiment à
la littérature scientifique, là, il y a six, sept études qui ont été
faites au Canada depuis 2006 et puis les pourcentages sont toujours les
mêmes, là : les personnes qui sortent de l'industrie du sexe sont
prestataires d'aide sociale à 50 %, 60 %, voire 70 %.
L'exploitation sexuelle mène à la pauvreté.
C'est parce qu'on a été victime d'un crime qu'on devient pauvre et qu'on
devient prestataire d'aide sociale et souvent avec contraintes, parce que,
quand vous souffrez d'un trouble de stress post-traumatique, le nombre
d'emplois qu'il vous est possible d'accomplir, d'obtenir est très limité. C'est
vraiment difficile, ma collègue pourrait témoigner des symptômes du trouble de
stress post-traumatique.
Alors, pour nous, ça a été une surprise,
effectivement, cette coupe de l'aide sociale, et surtout cette considération du
«sans revenu», parce que la couleur de l'argent qu'elles ont engendré, la
plupart des femmes ne l'ont pas vue ou, au début, un petit peu, des gros
montants, et puis après ça, bien, vous le savez, c'est le proxénète qui garde
tout. Donc, comment on va dire : Ah oui! dans les 12 derniers mois,
tu n'as pas eu de revenu. Donc, c'est... on était vraiment très étonnées de
cette abolition de rente là. Et aussi, il y a quelques femmes qui fréquentent
notre organisme qui sont prestataires d'indemnités, bien, en fait, il y en a
deux sur 161. Oui, c'est juste deux, et puis elles ont eu reconnaissance de
séquelles permanentes parce qu'elles ne pourront jamais, jamais retourner ni au
travail ni aux études. Donc, on ne peut pas abandonner ces femmes-là comme ça.
M. Tanguay : Merci beaucoup
pour votre présence aujourd'hui.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous
plaît.
Mme Labrie : Merci, toutes les deux,
pour votre présentation. On a bien pris en note ce que vous nous avez dit
concernant la faute lourde en matière de prostitution, la formation, la
rétroactivité.
Je voulais y aller... Puis sur la rétroactivité,
j'avoue que j'ai peine à comprendre, comme vous, pourquoi l'actuel ministre de
la Justice aurait moins de pouvoir que n'avait le ministre de la Justice de
l'époque, au moment de l'adoption de la première loi. Il dit qu'il ne peut pas
revoir le passé, mais, pourtant, il y a des ministres de la Justice dans le
passé qui se sont donné ces pouvoirs-là.
Sur la question des indemnités et d'aide
sociale, j'aimerais ça vous entendre, à savoir si ça... de votre point de vue, qui travaillait avec les victimes. Est-ce
que ça ne va pas à l'encontre de l'objectif de favoriser le
rétablissement des victimes, de ne pas leur donner d'indemnités de revenu si
elles n'avaient pas de revenu avant et de le limiter à trois ans, si
jamais elles y ont accès?
• (16 h 20) •
Mme Côté (Martine B.) : Oui, bien,
bien sûr, parce que qui peut vivre sans revenu, dites-le-moi. Déjà que vivre de
l'aide sociale, c'est limite, alors sans revenu, ce n'est pas possible. Et
puis, de toute façon, c'est considéré aussi que, ces personnes-là, comme je le
disais, les revenus ont été accaparés par une autre personne. Certaines personnes, dans l'exploitation sexuelle... les
proxénètes, ce n'est pas des fous à temps plein, comme disait ma grand-mère,
alors ils déclarent... ils demandent aux femmes de déclarer un petit 7 000,
8 000 $ pour des... l'entretien ménager, du travail d'esthétique.
Alors, même celles-là qui ont eu ce genre de revenus là, bien, vont être
indemnisées à une hauteur qui n'est pas représentative, absolument pas, de
l'argent qu'elles ont engendré. De toute façon, cette notion-là d'indemniser
selon les revenus, pour moi, en soi, est une injustice. Est-ce que les
blessures d'un P.D.G. valent plus que les blessures d'une coiffeuse?
Personnellement, je ne le crois pas, donc, toute cette question d'indemnités selon
les revenus pose des sérieuses questions en matière de justice sociale.
Mme Labrie : Puis diriez-vous que ça
contrevient même au rétablissement d'une personne, de la placer dans cette
situation-là où elle obligée de se mettre sur l'aide sociale pour survivre?
Mme Côté (Martine B.) : Ma collègue
pourra vous le dire, mais survivre c'est un emploi à temps plein. On ne peut
pas se rétablir quand on survit, quand on essaie de voir comment on va aller
faire l'épicerie.
Mme Ga (Lau) : Oui, je peux intervenir.
Parce que j'ai dû faire une demande d'aide sociale pour avoir des revenus,
parce que l'IVAC, ça ne débouche pas et ça ne débouche toujours pas
aujourd'hui, et je tombe, quand même, d'un gros revenu à ça, et tu jongles avec
le montant d'aide sociale pour tout payer tes factures. Le stress financier que
ça crée, ça vient te geler parce que tu ne sais même pas comment tu vas manger,
tu ne sais pas comment tu vas payer ton loyer. Regarder dans son frigidaire
puis faire comme : Bon, bien, ce n'est pas aujourd'hui que je vais manger,
ça rajoute à tout ça, puis que ce n'est pas tout le monde qui a la chance
d'avoir un réseau social aussi extraordinaire que le mien, donc... Mais ça
m'est quand même arrivé parce que mon réseau social a une limite financière. On
n'a pas besoin de se rajouter un stress financier à ce qu'on vit déjà.
Mme Labrie : Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Sur ce, Mme Lau Ga,
Mme Côté, merci infiniment d'avoir été avec nous cet après-midi. C'est
très, très, très apprécié.
Sur ce, je suspends les travaux quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 22)
(Reprise à 16 h 25)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux.
Il nous fait plaisir d'accueillir
Mme Martine Poirier, directrice générale du Centre de ressources et d'intervention pour hommes abusés sexuellement
dans leur enfance. Mme Poirier, merci d'être avec nous cet après-midi.
Comme vous savez, vous avez un exposé de 10 minutes, et, après ça, on va
échanger avec les membres de la commission. Sur ce, la parole est à vous.
Merci.
Centre de ressources et d'intervention pour hommes abusés
sexuellement dans leur enfance (CRIPHASE)
Mme Poirier (Martine) : Merci, M. le
Président. M. le ministre, MM., Mmes les députés, c'est avec plaisir que je
vais m'adresser à vous aujourd'hui.
Le CRIPHASE est un organisme communautaire
autonome qui a été fondé à Montréal en 1997 par trois professionnels en
soutien psychosocial qui constataient que les hommes victimes d'agression
sexuelle dans leur enfance ne disposaient d'aucune ressource spécialisée pour
leur venir en aide dans leur processus de reprise en main de leur dignité.
Le CRIPHASE a pour mission d'accompagner ces
hommes dans leur quête pour se réapproprier sainement le pouvoir sur leur vie, par le biais d'interventions
psychosociales, d'information, de sensibilisation, d'activités
favorisant la socialisation, ainsi que par la formation des intervenants du
réseau communautaire et des services sociaux.
Au cours de ces 24 années d'existences,
l'équipe multidisciplinaire formée de psychothérapeutes, de sexologues, de
travailleurs sociaux, criminologues, psychologues a développé une expertise
unique et reconnue afin d'intervenir auprès des HASE. C'est un acronyme que
vous allez entendre un peu, là, c'est dans notre jargon, qui signifie «les
hommes abusés sexuellement dans l'enfance».
Nous offrons différents services en relation
d'aide permettant d'accompagner les HASE tout au long de leur démarche vers le
mieux-être : des rencontres individuelles, des groupes de soutien qu'on
appelle des PHASE, qui vont aller traiter de différents aspects des
conséquences des agressions sexuelles. Bon, il y a la PHASE sexo, la PHASE colère, l'art-thérapie, la pleine
conscience, les phases thématiques et il y a aussi des PHASE de
familiarisation qui s'adressent à la famille des... aux proches des victimes.
Nous avons été mandatés également par le Secrétariat
à la condition féminine pour mettre en place un programme de formation concernant l'intervention auprès des hommes
victimes... d'abus sexuels, je m'excuse. Au cours des
quatre dernières années, nous avons sillonné les routes du Québec afin
d'offrir ces formations à un peu plus de 300 intervenants dans
35 organismes différents, ayant pour objectif de partager notre expertise.
Cette tournée, dans plusieurs régions du Québec, s'est avérée fructueuse et a
permis de mieux outiller des organismes désirant mettre en place des services
pour ces hommes dans leur région.
Le CRIPHASE,
par le biais d'un de ses membres, a participé activement au Comité d'experts
sur l'accompagnement des victimes d'agressions sexuelles et de violence
conjugale.
Nous sommes également un des
trois organismes fondateurs du ROQHAS, qui est le Regroupement des
organismes québécois pour les hommes abusés sexuellement, qui a vu le jour ça
fait un peu moins d'un an. Avec nos collègues de SHASE-Estrie et d'EMPHASE
Mauricie — Centre-du-Québec,
on est très heureux de pouvoir offrir une meilleure représentativité de ces
hommes auprès des instances gouvernementales et de faire connaître cette
réalité encore trop souvent taboue dans notre société.
Le CRIPHASE est le seul organisme dans la grande
région métropolitaine qui a pour mission d'offrir des services aux hommes qui ont vécu des abus sexuels dans l'enfance. Je
peux vous dire qu'on ne manque pas de travail.
On vous remercie beaucoup pour l'invitation, et
on est très heureux qu'il y ait enfin une réforme de cette loi qui, à notre humble
avis, en avait bien besoin. Cependant, nous ne vous cacherons pas que nous
aurions grandement apprécié bénéficier d'un délai raisonnable. Comme plusieurs
l'ont mentionné depuis le début des auditions, ça nous aurait permis de
consulter nos membres, puis ainsi vous présenter des opinions et des
suggestions qui auraient été encore beaucoup plus près des besoins des
victimes. Nous sommes une toute petite équipe de six intervenants et une gestionnaire. Nous ne sommes pas des juristes et
nous ne prétendons pas connaître tous les revers de cette loi. On va
quand même se permettre de vous présenter
les perceptions qu'on a de certains aspects, des suggestions et des
commentaires.
• (16 h 30) •
Il est mentionné à plusieurs reprises qu'il est
possible de présenter une demande de qualification en tout temps si elle est en
lien avec la perpétration d'une infraction criminelle qui implique de la
violence subie pendant l'enfance, une agression à caractère sexuel ou de la
violence conjugale. Cette mesure, à notre avis, rejoint l'esprit de la loi
n° 55 qui abolit le délai de prescription pour les victimes de violence
conjugale et de violence à caractère sexuel. Nous applaudissons ce changement
avec enthousiasme. Mais qu'en est-il de la mention indiquant que les infractions
criminelles doivent avoir été perpétrées après le 1er mars 1972? Parmi
notre clientèle, uniquement masculine, 63 % ont subi un abus sexuel avant
l'âge de 10 ans; 57 % de notre clientèle est âgée de plus de
40 ans lors de son premier contact avec nous. Faites le calcul, si le
premier contact afin de demander de l'aide est lié au premier dévoilement dans
75 % des cas...
Considérant toutes ces données-là qui ont été
accumulées dans les 20 dernières années, les hommes dévoilent leur vécu
d'abus sexuels environ 40 ans après les abus, c'est le portrait de notre
clientèle, considérant le nombre toujours grandissant d'hommes qui dévoilent
les abus sexuels commis par les membres des congrégations religieuses diverses, dont ils ont été victimes, et ce, bien avant 1972,
considérant tous les hommes des nations autochtones qui, à l'enfance, ont été
arrachés à leurs familles pour être placés dans des pensionnats dans lesquels
ils ont subi des abus sexuels, et ce, bien avant 1972, nous vous demandons
qu'une mesure d'exception soit appliquée dans le cas où d'une demande en lien
avec la perpétration d'une infraction criminelle impliquant la violence
sexuelle subie pendant l'enfance, afin que le 1er mars 1972 ne soit pas un
critère pris en compte lors d'une demande auprès de vos instances. Si ce n'est
pas déjà le cas, nous aimerions beaucoup que ça soit appliqué de cette
façon-là.
Nous désirons également porter à votre attention
la confusion que nous observons quant à la reconnaissance des organismes
communautaires qui offrent des services aux personnes qui ont été victimes
d'agression à caractère sexuel. Notre organisme, comme bien d'autres oeuvrant
au sein de cette problématique, est financé et reconnu par le ministère de la
Santé et des Services sociaux. Nous détenons une expertise non négligeable et
avons développé un lien de confiance avec notre clientèle, ce qui fait de nous
un acteur important dans le cheminement des victimes. Actuellement, les
services de relation d'aide que nous offrons ne sont pas reconnus par l'IVAC.
Étant donné l'expertise unique développée au fil des ans par le CRIPHASE,
est-ce que M. le ministre compte nous reconnaître et ajouter les interventions
en relation d'aide effectuées par nos intervenants psychosociaux à la liste de
services reconnus? Nous croyons qu'il est important, même primordial, que les
victimes aient le droit de choisir de qui elles recevront l'aide nécessaire à
leur rétablissement en tout temps, ce qui inclut le soutien octroyé à la suite
de l'acceptation de leur demande auprès de l'IVAC.
Pour terminer, bien que nous n'ayons pas eu la
possibilité de consulter nos membres dans le court délai que nous avons eu,
nous tenons à vous partager les commentaires que nous avons entendus à maintes
reprises au cours des dernières années concernant les difficultés que nos
membres ont rencontrées lors de leur démarche auprès de l'IVAC : une
grande difficulté à obtenir de l'information sur le processus du traitement de
leur demande, sentiment de se perdre dans un jargon d'administration inconnu,
émergence de réminiscences lors de la rédaction du récit de l'agression, grands
inconforts à raconter son histoire d'agression sexuelle à un médecin qu'il ne
connaît pas afin de satisfaire l'exigence d'un rapport médical, traitement
froid, sans bienveillance, sentiment d'incompréhension et d'incompétence devant
le formulaire à remplir, détresse et sentiment d'invalidation de leur vécu
devant un refus d'indemnisation parce que les agressions sexuelles ont été
commises avant 1972.
Dans le projet de loi, il est mentionné que la
personne victime doit être traitée avec compassion, courtoisie, équité et
compréhension et dans le respect de sa dignité et de sa vie privée. Les
commentaires de notre clientèle, à ce sujet, nous laissent croire qu'au niveau
du personnel de l'IVAC, il y aurait une nécessité d'acquisition de
connaissances reliées à la réalité des conséquences vécues par les victimes, notamment
concernant certains symptômes d'état de
stress post-traumatique pouvant être réactivés lors du processus d'une demande
d'indemnisation.
Nous sommes heureux de constater que la
compassion, le respect, l'équité, la compréhension font partie des valeurs
nommées dans cette loi, mais nous nous questionnons sur son application au
quotidien, est-ce que le personnel de l'IVAC reçoit le support et les
formations nécessaires afin d'être outillé suffisamment pour être en mesure de
travailler auprès de cette clientèle, dans le respect de ces nobles valeurs.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, Mme Poirier. Merci. Alors donc,
je cède la parole à M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Bonjour,
Mme Poirier. Merci de venir témoigner en commission parlementaire, de
livrer le témoignage que vous livrez. C'est intéressant de vous entendre, parce
que lorsqu'on parle d'infractions criminelles, relativement aux infractions à
caractère sexuel ou de violence pendant l'enfance, on pense beaucoup à des
personnes qui sont des femmes, qui sont victimes, mais également des hommes.
Bien entendu, il y a beaucoup plus de femmes qui sont agressées sexuellement
selon les statistiques, mais il n'en demeure pas moins que des hommes également
sont victimes d'agression sexuelle ou de violence subie pendant l'enfance. Puis
je pense qu'il faut le souligner, puis votre organisme, à ce niveau-là, le
démontre très bien.
D'entrée de jeu, parlons de l'organisme. J'ai
bien pris note de vos commentaires au niveau de la reconnaissance des
organismes, tout ça. On va regarder ça avec ce qu'on peut faire relativement
aux organismes. Pour ce qui est du projet de loi comme tel, le fait qu'on
élargisse et qu'on abolisse la prescription, ça constitue une avancée, c'est ce
que je comprends de vos propos. Mais, par contre, vous nous dites qu'il y a
beaucoup d'hommes qui ont été agressés avant 1972, donc, si vous pourriez
tenter d'aller au-delà de 1972, pour nous, pour notre clientèle, ça permettrait
à des hommes qui ont un certain âge d'avoir accès.
Mme Poirier (Martine) : Tout à fait,
M. le ministre. Je vous dirais que c'est plus de la moitié de notre clientèle
dont les abus ont été perpétrés avant 1972. C'est un constat qu'on doit faire,
les hommes, encore, qui sont là, dans notre société, prennent beaucoup plus de
temps à venir chercher de l'aide et à dévoiler un vécu là-dedans. Ce qui fait
qu'on commence à voir, là, des dévoilements un petit peu plus jeunes chez les
hommes, mais la majeure partie de notre clientèle ont subi des abus avant 1972
et se font refuser les services de l'IVAC.
M. Jolin-Barrette : Avez-vous, dans
la clientèle que vous desservez, des hommes qui sont victimes d'exploitation
sexuelle?
Mme Poirier (Martine) :
Présentement, non. Ce n'est pas une clientèle qui ont ce profil-là. On n'en a
pas dans notre clientèle actuellement, non.
M.
Jolin-Barrette : Par rapport...
Le
Président (M. Bachand) : M. le ministre, excusez-moi, parce
qu'il y a un petit bruit de fond. Lorsque vous ne parlez pas, si vous pouvez
juste éteindre votre micro, ça serait... O.K. Puis là vous pouvez poser votre
question, mais, lorsque vous ne parlez pas, d'éteindre le micro, s'il te plaît.
M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Parfait, M. le Président. J'ai des petits problèmes
de son. Lorsque vous parlez des services qui sont donnés à l'IVAC, on veut
faire en sorte que le projet de loi fasse en sorte que l'IVAC soit plus humain,
de simplifier les procédures. Il y a beaucoup d'intervenants qui nous ont
dit : Si vous continuez avec la direction de l'indemnisation des victimes
d'actes criminels, vous devez faire de la formation supplémentaire. C'est le
même commentaire que vous formulez? Vous avez des difficultés au niveau du
service à la clientèle à l'IVAC?
Mme Poirier
(Martine) : Absolument. C'est le premier commentaire que les hommes
nous disent, qu'il semble que le sentiment qu'ils ont, c'est qu'ils ne sont pas
compris, et qu'on leur demande de faire des listes de détails et de... liées à
l'agression. C'est excessivement difficile, c'est vraiment... et accompagné
d'un formulaire complexe à remplir. On a un bon pourcentage de notre clientèle
qui, suite aux abus, ont fait du décrochage scolaire, qui sont peu scolarisés,
et pour remplir ce formulaire-là, déjà, c'est problématique. Et donc, quand ils
ont affaire à un agent qui ne semble pas comprendre les conséquences qu'ils
vivent et qu'ils sont traités avec une certaine froideur, avec un manque de
compassion, assurément...
• (16 h 40) •
M.
Jolin-Barrette : C'est un des objectifs qu'on a en rapatriant la
responsabilité sous le ministère de la Justice. On veut s'assurer vraiment, dès
le départ, de donner du soutien aux personnes qui ont été victimes, notamment
en termes de soutien psychologique, et simplifier le processus.
En ce qui concerne...
Dans votre expérience, la clientèle que vous recevez, qu'est-ce qui pousse les
gens... Vous disiez, tout à l'heure, bon, les hommes qui ont été agressés
sexuellement, souvent, ça prend plusieurs, plusieurs années. C'est quoi, le
facteur de déclenchement qui dit... qui fait en sorte que certains hommes sont
prêts à aller chercher de l'aide, à s'adresser chez vous ou à s'adresser à
l'IVAC?
Mme Poirier
(Martine) : Je crois qu'il y a plusieurs facteurs qui peuvent être un
déclencheur. C'est sûr qu'à chaque fois où il y a des dévoilements, des situations
qui sont médiatisées, souvent, ça va avoir un impact sur... on va avoir
beaucoup plus de demandes d'aide. Arrivés à un certain moment de leur vie, ça
devient de plus en plus envahissant, bien que, souvent, ils ont pensé qu'avec
le temps ça s'atténuerait. Non. Quand toutes les conséquences sont de plus en
plus envahissantes, et ils vont consulter, souvent, pour autre chose, bien, ils
aboutissent dans nos organismes, parce que, finalement, la source du problème
est ce vécu d'abus sexuel là vécu à l'enfance.
Beaucoup de tabous,
dans notre société, sont encore très, très, très présents au niveau des
agressions sexuelles que des hommes ont pu subir. Ça fait que, déjà là, c'est
une barrière de plus, là, dans le cheminement des hommes, là, à franchir afin
de venir chercher de l'aide.
M.
Jolin-Barrette : Je vous remercie grandement, Mme Poirier. Je
vais céder la parole à mes collègues qui vont pouvoir vous poser des questions.
Mais un grand merci pour votre passage en commission parlementaire.
Le
Président (M. Bachand) : Merci, M. le ministre. M. le député de
Chapleau, s'il vous plaît.
M. Lévesque
(Chapleau) : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Mme Poirier,
merci pour votre témoignage. Peut-être une petite question, là, en lien avec ce
dont vous discutiez avec le ministre, précédemment, notamment la question de,
bon, du tabou. Vous avez dit, là, que, souvent, certains hommes étaient
agressés à l'âge de 10 ans et prenaient près de
30 ans avant de venir vous consulter ou, du moins, requérir vos services.
Et donc que pourrions-nous faire ou, selon votre expérience, qu'est-ce qui
serait possible de faire pour pouvoir, justement, rejoindre ces victimes-là
peut-être plus tôt, essayer de les informer de leurs droits et des ressources
qui s'offrent à elles, au-delà de tout le
volet de l'IVAC, on sait que la relation peut être difficile avec, disons,
l'appareil administratif, mais pour
les rejoindre, ces personnes-là, pour essayer de briser ce tabou-là ou essayer
de réduire le nombre d'années, parce que j'imagine qu'ils vivent avec ça
longtemps et que ça doit les gruger, là, par en dedans, là, comme on dit?
Mme Poirier
(Martine) : Oui, tout à fait. Bien, je pense qu'il y a beaucoup de
travail à faire au niveau de la sensibilisation grand public, à faire dans nos
écoles secondaires, même au niveau du primaire aussi. Plus vite les garçons
vont se sentir inclus dans le message qu'on veut livrer au niveau de la
prévention des agressions sexuelles, eh bien, plus vite ils risquent de vouloir
le dire quand ça arrive aussi. Il y a un paquet de préjugés, dans la société,
qui empêchent les gars d'aller dévoiler. On
commence à voir un petit changement, mais je vous dis, il est petit, le
changement.
M. Lévesque
(Chapleau) : D'accord. Bien, c'est vrai, il y avait aussi un autre
groupe qui nous disait cet après-midi : Il y a peut-être la formation,
l'intervention au niveau du secondaire, même au primaire, aller, dans le fond,
donner ce type de formation là. C'est quelque chose qui serait pertinent, vous
croyez?
Mme Poirier
(Martine) : Ah! absolument, absolument. Ça fait 17 ans que je
travaille en agression sexuelle. Ça fait trois ans que je travaille uniquement
au niveau des hommes, et puis je peux vous dire que ce n'est pas un message qui est véhiculé beaucoup, là, dans tous les programmes
de prévention et de sensibilisation. C'est beaucoup axé sur la victimisation
auprès des femmes. C'est correct, il ne faut pas enlever un pour donner à
l'autre, ce n'est pas ça, mais il faut
travailler sur les préjugés et les tabous pour aider les gars qui ont ce
vécu-là à venir chercher de l'aide.
M. Lévesque
(Chapleau) : Parfait. Merci. Moi, ça complète, M. le Président. Je
crois que ma collègue de Les Plaines avait peut-être quelques questions.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Les Plaines.
Mme Lecours (Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. le Président. Combien de temps
reste-t-il?
Le
Président (M. Bachand) : Sept minutes.
Mme Lecours (Les
Plaines) : Sept minutes. Merci beaucoup. Bonjour, Me Poirier. Merci
beaucoup de votre présence en commission aujourd'hui, c'est très apprécié. Vous
savez, on... Ce que vous dites, il y a beaucoup de choses, par rapport à la
formation en bas âge aussi, sur les bancs d'école comme
on dit, à la Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs, ça
fait partie des recommandations. C'est en analyse, en réflexion actuellement au
sein du gouvernement. Il y a plusieurs ministères qui ont été interpellés par
ces recommandations-là. Justice aussi a été interpellé. Ils sont en analyse
de plein de choses. Déjà, avec ce projet de loi là, la grande avancée, c'est de
reconnaître les victimes d'exploitation sexuelle, justement, avec l'abolition
de la liste. Donc, je pense que c'est une grande, grande avancée, qu'il faut
faire ces pas-là, on les fait avec ce projet de loi là.
Dans la commission
spéciale aussi, on cherchait à savoir... les victimes d'exploitation sexuelle
hommes, parce qu'évidemment on a féminisé ce fléau-là, mais il y a aussi
plusieurs jeunes hommes. Et est-ce que vous pensez qu'avec le programme d'aide...
Je ne sais pas si vous en avez beaucoup... Je vais mettre des guillemets autour
de «membres», parce que ce n'est pas des membres, c'est plutôt des gens que
vous aidez, mais les gens que vous côtoyez, les jeunes hommes, est-ce que ça,
avec cette autre avancée là, un programme d'urgence qui va les prendre en main
avant même de rentrer dans le réseau, est-ce que c'est quelque chose que voyez
comme étant aussi une belle avancée ou, à tout le moins, est-ce qu'il faudrait
le bonifier, là, selon vous?
Mme Poirier
(Martine) : Écoutez, je ne me suis pas du tout, je vais être très
honnête, je ne me suis pas du tout penchée sur cet aspect-là du projet de loi.
Ce n'est pas une clientèle qu'actuellement on voit, on rencontre à travers nos
services. Je ne voudrais pas vous donner de fausse réponse. Je vais laisser ça
dans les mains des gens qui ont vraiment ces personnes-là dans leurs services,
qui connaissent beaucoup plus leurs besoins que nous.
Mme Lecours (Les
Plaines) : O.K. À ce moment-là, je vais vous amener sur un autre
terrain qui est, justement, une autre grosse partie de l'essence... bien,
l'essence même du projet de loi, qui est aussi de bonifier, de le rendre plus
humain. On l'a dit à plusieurs occasions, là, plusieurs gens qui sont venus
témoigner depuis deux jours expliquent que le côté humain doit être bonifié
davantage, doit être amélioré. Je pense que le ministre l'a bien expliqué, là,
a noté, a expliqué aussi que ça fait partie, évidemment, du projet de loi, donc
toute la formation du côté des personnes qui prennent en main ces victimes-là,
donc ce qu'on appelle les agents sur le terrain. Ça, ça va être important de
travailler là-dessus, mais également tout le consortium... pas le consortium,
mais le continuum de services qui tourne autour.
Bon. Avec le
témoignage précédent, on a parlé d'une espèce de guichet unique. J'aimerais ça
que vous m'en parliez. Vous pourriez même en faire... vous devriez vous-même en
faire partie, je pense, mais comment est-ce que vous voyez cette réalité-là?
Mme Poirier
(Martine) : Je suis tout à fait d'accord avec la vision de... Tout
doit être arrimé alentour de la victime, et non pas la victime qui court
partout pour essayer d'arrimer les services alentour d'elle, que l'on puisse
échanger l'information, que les services soient connus, qu'il y ait... Oui, peut-être
un guichet d'entrée qui faciliterait la personne à aller chercher les services
dont elle a besoin, ça peut juste être aidant. C'est très difficile quand les
gens, déjà, sont très vulnérables et très... ont beaucoup de difficultés à
faire confiance d'aller chercher de l'aide et de savoir même qu'on existe.
Déjà, là, c'est... Je vous dirais que, même dans le réseau Santé et Services
sociaux, il y a... si vous saviez le nombre de fois, dans un mois, qu'on se
fait dire : Vous existez? Il y a des services pour les hommes abusés
sexuellement dans l'enfance? Et pourtant ça fait 25 ans.
Ça fait que c'est sûr
que... Que ce soit une ligne... pas une ligne d'écoute, mais une ligne de
référence, un système quelconque pour le référencement, puis que tout le monde,
on travaille dans le même sens pour aider les victimes, je pense que, oui, ça
serait aidant.
• (16 h 50) •
Mme Lecours (Les
Plaines) : Bien, ça a été un grand constat de la commission spéciale,
c'est de voir le nombre d'organismes au Québec qui existent depuis des années
puis que plusieurs de ces organismes-là ne se connaissent même pas, et ils ont
pourtant la même mission. C'est sûr que c'est dans des régions différentes
aussi. Et, même dans certaines régions, il y en a qui existent et qui ne se
connaissent pas. Oui, c'était effectivement une... pas une surprise, mais un
constat.
Et, si je peux dire, c'est sûr, les questions
que je vous pose ne sont pas législatives, mais je pense... Parce que le projet
de loi, bon, avec les règlements qui vont suivre, et tout ça... mais dans sa
mise en place, je pense que ça va être important de
connaître tous les besoins des organismes et surtout, et surtout, et surtout
des victimes sur le terrain. Donc, c'est pour ça que je vais en dehors du
législatif, parce qu'en gros, si vous avez... Je sais qu'il est quand même
assez long le projet de loi, bien, je pense que vous avez vu l'ensemble. En
gros, le projet de loi a fait des bonnes avancées sur l'abolition de la liste,
le fait qu'on prône, d'abord et avant tout, le rétablissement, parce que je que
c'est ça qui est essentiel ici, le rétablissement des personnes victimes
d'actes criminels, comme celles qui sont déjà reconnues et celles que l'on va
reconnaître maintenant.
Alors donc, en gros, le projet de loi, si je
peux terminer là-dessus avec vous, comment est-ce que vous... Quelles sont,
justement, les grandes lignes que vous retenez puis que vous dites : Oui,
on va dans le bon sens? Et quels seraient les points, peut-être, à retravailler
au niveau du législatif?
Le Président (M.
Bachand) : Il reste quelques secondes seulement,
Mme Poirier. Je m'excuse.
Mme Poirier (Martine) : D'accord.
Non, il n'y a pas de problème. Bien, écoutez, comme je vous l'ai mentionné tout
à l'heure, la date, là, que les infractions ne soient pas nécessairement
après 1972. Dans le cas de notre clientèle, c'est un enjeu majeur que je
crois qui devrait être ajouté à la loi, ou corrigé.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup.
Mme Lecours (Les Plaines) : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour de vous saluer, Mme Poirier.
Merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi.
J'ai été capable, comme les autres collègues, de
mettre la main sur votre mémoire. Merci beaucoup. Comme vous nous parlez, à la
toute fin, là, des très courts délais, alors, on va essayer de faire, là,
contre mauvaise fortune bon coeur. Puis merci d'être là, puis de répondre à nos
questions. Mais il est clair que moi, comme législateur, puis je partage ce qui
a été dit par plusieurs, je me sens pressé, compressé dans un projet de loi
majeur, une réforme majeure qui vient de faire tomber, sur la table,
190 articles nouveaux.
J'aimerais, parce que vous traduisez une réalité
terrain des êtres humains, des hommes... Le CRIPHASE s'occupe des hommes abusés
sexuellement dans leur enfance. Vous parlez d'un concept, puis j'aimerais ça
que vous l'explicitez, parce que, quand on
dit : Bien, faites une demande d'indemnisation, remplissez un formulaire,
vous parlez du concept d'émergence de réminiscence lors de la rédaction
du récit de l'agression sexuelle. J'aimerais ça que vous traduisiez ces... qu'est-ce qu'ils vivent, ces
hommes-là, quand vous nous dites : Réminiscences, émergence de
réminiscences.
Mme Poirier (Martine) : O.K. Dans le
formulaire de demande de l'IVAC, les personnes doivent faire le récit de
l'infraction, donc le récit de l'agression sexuelle qu'ils ont subie. Pour
quelqu'un qui a été victime de ces gestes-là, d'avoir à en refaire le récit
peut être retraumatisant. Souvent... Vous savez qu'en intervention auprès des
victimes d'agression sexuelle, la plupart du temps, là, on n'a pas besoin de
connaître le récit de leur agression, on les croit,
première chose, et puis on travaille sur les conséquences que l'agression a
eues dans leur vie. On n'a pas besoin de connaître à quel moment ça
s'est passé, de quelle façon, où est-ce que c'était, la date, l'endroit
physique, le nom des personnes ou rien
qu'avec une personne, tous ces éléments-là sont des conséquences connues des...
Tous les gens qui ont subi des stress traumatiques, des grands traumas,
comme des agressions sexuelles à l'enfance, en plus, ne peuvent pas revisiter ça comme ça sans l'aide, sans accompagnement. Et ce n'est pas nécessaire, ce récit-là, dans ce contenu-là.
M. Tanguay : Et ça, ce
que vous dites, vous, vous êtes sur le terrain avec ces hommes. Dans le cas qui
nous concerne, ce qui nous concerne, c'est la CRIPHASE, donc c'est des hommes,
abus sexuels enfance, mais quand quelqu'un, en toute bonne foi, établit un
formulaire administratif, il faut que ça soit su, parce que, si c'est un
passage obligé, vous nous dites : Bien, pour bien des hommes, bien des
victimes, ça rajoute, ça rajoute à l'aspect très négatif des séquelles de ce
qu'ils ont vécu, mais ça devient, administrativement, un passage obligé puis
une évaluation même qui est faite à la vue de ce qui est raconté. Parce que
j'imagine qu'il y a une analyse qui est faite : Est-ce que c'est
suffisant, pas suffisant? Encore une fois, les femmes et les hommes qui administrent
le système sont de bonne foi, mais eux se posent des questions puis ils vont
demander des compléments d'information. Alors, ce que vous nous traduisez
démontre beaucoup le... quand on dit l'expression... le «disconnect», des fois,
entre la vraie vie puis ce que l'administration publique exige. Et j'ajoute à
ça, puis j'aimerais vous entendre là-dessus, votre dernière page, vous
dites : Imaginez en bout de piste la détresse et le sentiment
d'invalidation pour ceux qui reçoivent à la fin de ça. C'est une moyenne claque
dans la face.
Mme Poirier (Martine) : Oui,
tout à fait, tout à fait. Chacun d'entre nous, je pense qu'on se retrouverait
dans une situation comme ça, où doit mettre, prêtez-moi l'expression, nos
tripes sur la table, et puis, pour des raisons de date, de délai, désolé, mais
tu n'auras pas d'aide de nous, là.
M. Tanguay : Et
là-dessus, là-dessus, je reprends la balle au bond. C'est un des points que je
voulais aborder avec vous. Donc, vous, vous le dites, vous le dites qu'il y a
l'imprescriptibilité, on le sait, pour des agressions à caractère
sexuel, mais on dit «imprescriptibilité», ici, on parle de cas d'hommes qui...
et vous le dites, là, environ 40 ans après les abus, donc, 1972 est comme
le mur de fond où, avant 1972, même s'il y a imprescriptibilité, la loi ne
vient pas indemniser pour ce qui est au-delà de 1972. Puis, vous dites :
Bien, dans ceux qu'on rencontre, leur moyenne, c'est environ 40 ans.
Alors, de se rendre jusqu'à 49 ans, qui représente 1972, vous le dépassez
dans bien des cas. Alors, c'est pour ça que vous demandez d'enlever carrément
cette règle-là du 1er mars 1972.
Mme Poirier (Martine) : Oui, absolument,
absolument.
M. Tanguay : Dans ce que vous
venez de nous étayer par rapport au sentiment de réminiscence et également au sentiment d'invalidation, c'est des
particularités qu'on vient d'entendre avec vous, aussi, la particularité du
1er mars 1972, on pourrait dire : Bien, voyons donc! au-delà de ça,
ça n'existe pas. Vous dites oui, nommément, parce que des hommes dans
l'enfance, ça existe, c'est votre réalité. Moi, ce que je souligne, en page 2
de votre mémoire, vous avez été mandatés par le Secrétariat à la condition
féminine pour mettre en place un programme de formation concernant
l'intervention auprès des hommes victimes d'abus sexuels. Donc, il y a tout un
aspect sur lequel j'aimerais vous entendre...
ou peut-être que ça peut se mettre dans la loi, moi, je ne
suis pas prêt à dire que ça n'a pas de rapport dans un texte de loi,
mais peut-être qu'il y a des articles qu'on pourrait, le cas échéant, mettre
dans le texte de loi justement pour avoir une obligation de l'État québécois,
des organismes proactifs, pour aller chercher ces informations-là auprès de
vous, parce qu'on parle de reconnaissance d'organismes comme vous, donc d'être
proactifs pour aller chercher ces informations-là, puis que le système s'adapte
à ces cas d'espèce là aussi, dont on entend, je crois, trop peu parler.
• (17 heures) •
Mme Poirier (Martine) : Oui, effectivement,
effectivement, c'est juste pour vous dire, là, dans tout le Québec, là, on est
trois organismes dont la mission est de venir en aide aux hommes abusés
sexuellement dans l'enfance, trois
organismes pour le Québec. Les services qui sont offerts un peu en région
pour cette clientèle-là, c'est des organismes pour hommes qui vont
développer un service, mais ce sont des généralistes qui n'ont pas nécessairement
l'expertise, la spécialité pour les hommes qui ont ce vécu-là. Ça fait que
c'est eux qu'on est allé former. C'est important qu'il y ait des services
partout en région, c'est important que les services soient reconnus par l'IVAC.
Actuellement, les services d'ordre psychosocial
qui sont reconnus, ce sont des services qui sont donnés par des psychologues,
par des psychothérapeutes qui font partie d'ordres professionnels, ce n'est pas
notre réalité. On a des psychologues, on a des psychothérapeutes, mais, chez
nous, tout le monde travaille de façon égale en tant qu'intervenant
psychosocial. Donc, nous, en tant qu'organisme, premièrement, on n'avait pas la
réalité budgétaire de pouvoir avoir tous des gens qui travaillaient en faisant
partie d'un ordre professionnel. Ce n'est pas ce qu'on pouvait développer, ça
fait qu'on développe un service de relation d'aide avec une spécialité qui est
très, très, très développée pour les HASE. Puis, oui, on détient cette
expertise-là, et il faut qu'elle soit partagée partout à travers les régions et
qu'il y ait d'autres organismes qui soient fondés pour répondre à ces besoins-là.
M. Tanguay : Oui. Et vous le
dites : Les services de relation d'aide que nous offrons ne sont pas
reconnus par l'IVAC. Et vous, vous êtes financés par le ministère de la Santé,
il y a ça aussi.
Mme Poirier (Martine) : Oui. Oui,
tout à fait.
M. Tanguay : Alors, ça, ça
traduit bien la réalité ou de... Et je poursuis. Une fois qu'on dit que vous
êtes pertinents sur le terrain, vous répondez à une clientèle, entre
guillemets, des hommes, violence sexuelle, agression sexuelle dans l'enfance,
de façon très spécifique et que force est de constater que, probablement, la
majorité de ceux avec qui vous faites affaire, en tout cas, une partie très
substantielle, ne sont même pas couverts à cause du 1er mars 1972,
lorsqu'on regarde tout ça, vous êtes un organisme, vous pouvez aiguiller,
informer ces victimes, vous faites écho d'une chose qu'on a entendue
ailleurs : C'est le choix de la victime en tout temps de choisir de qui
elles recevront l'aide. Ça, c'est important.
Puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus, sur l'importance que vous y
accordez, aussi, dans le processus de guérison, le lien de confiance qu'au
départ vous devez... parce qu'on a entendu des histoires, là, où il n'y a pas de lien de confiance, qu'on doit avoir
avec la personne avec qui on fait affaire, le thérapeute, le
psychothérapeute, et ainsi de suite, l'importance de...
Mme Poirier (Martine) : Oui, tout à
fait. Les gens qui ont vécu des abus sexuels, la plupart du temps, c'est une
prise de pouvoir, hein, sur l'autre personne. C'est des enfants qui ont été
abusés par des gens en qui ils avaient confiance, dans la majeure partie des
cas, qui étaient supposés les protéger, qui les aimaient. Ils se retrouvent
dans des situations d'abus où tous ces repères-là n'ont plus de sens. Donc, ce
sont des gens qui ont souvent beaucoup de difficultés à faire confiance à
quelqu'un d'autre, que ce soit même leur conjoint, leurs enfants... C'est pour
ça qu'ils ont beaucoup d'autres problèmes dans leur vie qui sont des
conséquences directes des abus.
À partir du moment où ils commencent à faire
confiance à un thérapeute et qu'ils sont en processus d'un cheminement qui va
les amener au rétablissement, on espère, le plus complet possible, et qu'on
leur dit : Bien là, il faut que tu changes d'intervenant, pour eux, là, ça
n'a pas de sens, là. Ça a été long, là. Je vous dis, il y a des fois... Nous,
ce qu'on offre en soutien individuel, c'est 20 rencontres. Il y a des
fois, ça prend 10 rencontres avant d'établir ce lien de confiance là. Ça
fait que comprenez que de toujours recommencer, ça n'a pas de sens, et, nous
autres, on...
M. Tanguay : Merci,
Mme Poirier. Et félicitations pour ce que vous faites.
Mme
Poirier (Martine) : Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme
la députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie :
Merci. Merci, Mme Poirier, pour votre présentation. En Estrie, on a le
privilège d'en avoir un, de ces rares organismes qui soutiennent les hommes
dans leur rétablissement. Ça a été nommé souvent par d'autres organismes qui ne travaillent pas auprès des
hommes que c'est une difficulté majeure d'avoir accès à des psychologues, par exemple, spécialisés de... pour... par
rapport à leur situation.
Je devine que ça doit être le cas aussi pour les hommes agressés
sexuellement, ce n'est pas une expertise qui est nécessairement répandue. Est-ce
que, dans la mesure où le ministre de la Justice veut favoriser le
rétablissement des victimes, il n'y a pas une responsabilité aussi de sa part,
du ministère, de développer une offre de services pour les hommes agressés
sexuellement partout au Québec, dans toutes les régions? Est-ce qu'il n'y
aurait pas lieu, par exemple, de lancer un appel de projets pour développer des
services spécialisés pour les hommes victimes à travers le Québec?
Mme Poirier
(Martine) : Pourquoi pas? C'est sûr que le besoin est partout à
travers les régions. Par contre, je vous dirai, il y a déjà des organismes en
place. Pourquoi ne pas leur offrir les moyens de pouvoir additionner ces
services-là à ce qu'ils font en ayant des intervenants qui vont être... qui
vont détenir l'expertise pour intervenir auprès de ces hommes-là? Mais de...
oui, définitivement, si ça peut être inclus dans un projet de loi, cet
aspect-là, oui, il faut développer ces services-là.
Mme Labrie :
Puis là j'ai bien entendu votre préoccupation que la question du 1972, là, doit
être rayée. Si on parvient à convaincre le ministre de procéder à cette
demande-là, est-ce que vous pensez qu'il y a une offre de services suffisante en
ce moment pour répondre aux demandes qui... Vous, vous offrez des services de
relation d'aide dans votre organisme. Est-ce que vous alliez être en mesure de
répondre à la demande qui serait augmentée?
Mme
Poirier (Martine) : Écoutez,
c'est sûr que notre profil à nous, on dessert la grande région
montréalaise, c'est une grande densité de population. Je dois vous dire que présentement
j'ai près de 60 personnes sur ma liste d'attente. Il y a un contexte de
COVID, bien sûr, mais on n'a pas vraiment diminué la cadence de nos services,
on les offre seulement différemment. Par contre, oui, on a des listes
d'attente.
Oui, on a besoin de
plus. On est en plein développement, il y a quand même certaines subventions
qui sont arrivées très, très, très récemment, qui vont nous permettre de former
et d'engager des nouveaux intervenants pour diminuer
nos listes d'attente, mais, définitivement,
il faut la création de services pour cette clientèle-là. Le Plan
d'action en santé et bien-être des hommes va donner un bon coup de pouce, mais
ce n'est pas suffisant, on a besoin de plus.
Et, oui, on voudrait
bien avoir toutes les ressources pour répondre à la demande adéquatement, parce
que, déjà, ces gars-là, ça a pris tout leur courage pour appeler, pour demander
de l'aide. On sait que, chez la clientèle masculine, de... prêtez-moi
l'expression, mais de faire le «move» d'appeler, là, de prendre le téléphone
puis de dire : J'ai besoin d'aide, on
le sait qu'ils attendent un peu à la dernière minute, quand ça ne va vraiment
pas bien. Ça fait que...
Le
Président (M. Bachand) : O.K. Merci beaucoup, Mme Poirier.
Je dois céder la parole à la députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme
Hivon :
Oui. Bien, je suis là, mais malheureusement je ne suis pas en mesure de me
connecter pour avoir le fond d'écran standard, donc vous ne pouvez pas me voir
à l'écran parce que je suis avec mon iPad, puis on m'a expliqué que je ne
pouvais pas... donc...
Le
Président (M. Bachand) : Aucun souci.
Mme
Hivon :
Aucun souci?
Le
Président (M. Bachand) : Exactement.
Mme
Hivon :
Merci beaucoup de votre indulgence. Donc, désolée pour les problèmes
techniques. Merci beaucoup pour votre présentation. Je note à la fin de votre
mémoire, vraiment, les points, là, que le député de LaFontaine a soulevés, que
vous indiquez à quel point c'est difficile, compte tenu de tout ce que ça
implique pour une personne qui a été traumatisée par une agression dans
l'enfance, de venir tout revivre ça. Et plus j'entends les gens... Et
évidemment le projet de loi ne parle pas beaucoup, puis je dirais de tout ce
qui est relation de service entre l'IVAC et les personnes, mais c'est pourtant
au coeur de ce qui doit être amélioré.
Est-ce que vous
pensez que les agents qui sont là, qui étaient d'abord des agents
d'indemnisation mais qui, là, avec la loi, vont devoir devenir beaucoup plus
des agents d'aide, devraient avoir beaucoup plus une formation de l'ordre du
travail social, de l'accompagnement psychosocial des personnes, pas
nécessairement dès le départ, mais pour savoir qu'ils vont être accompagnés
convenablement dès le début? Parce qu'on passe vraiment d'un régime où c'était
d'abord le focus sur une indemnisation à quelque chose de beaucoup plus large.
Mme Poirier (Martine) : Oui. Je
crois qu'on aurait tout intérêt à avoir du soutien. Et comme j'entendais les
collègues ce matin, là, parler aussi, dans les auditions précédentes, que ce
n'est pas simple pour eux non plus, là, de recevoir tous
ces récits traumatiques là et qui... S'ils ne sont pas correctement formés,
c'est très difficile pour eux aussi. Puis il faut définitivement que leur...
qu'ils connaissent mieux la réalité des victimes d'agression sexuelle, la
réalité des conséquences pour pouvoir mieux être capables de les aider. Et,
oui, ça prendrait des formations de base. Et je pense qu'il y a beaucoup d'organismes
en agression sexuelle qui seraient prêts à mettre l'épaule à la roue pour que
ces gens-là soient mieux formés.
Mme Hivon : Bien,
merci. C'est vraiment quelque chose qui me frappe avec votre témoignage, là, on
progresse tout le monde ensemble, là, depuis mardi, mais je pense qu'avec les
changements que le ministre souhaite apporter
il va falloir avoir une vraie réflexion là-dessus pour que les gens puissent
être accompagnés convenablement dès le départ, parce qu'il y a trop
d'histoires d'horreur, là, qui nous sont racontées. Merci beaucoup.
Mme Poirier (Martine) : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Et, sur ce, Mme Poirier, je
tiens à vous remercier d'avoir été avec nous cet après-midi à la commission.
Et puis, sur ce, la commission va suspendre ses
travaux quelques instants. Merci encore, Mme Poirier.
(Suspension de la séance à 17 h 10)
(Reprise à 17 h 13)
Le Président (M.
Bachand) : Alors, à l'ordre! La commission reprend ses travaux.
Il nous fait plaisir de recevoir les deux coprésidentes du comité sur
l'accompagnement des victimes d'agressions sexuelles et de violence conjugale,
Mme Elizabeth Corte et Mme Julie Desrosiers. Bienvenue à vous
deux en commission. Très content que vous soyez avec nous cet après-midi.
Il semble y avoir eu un petit imbroglio au
niveau de la présentation. Écoutez, on va commencer avec le 10 minutes,
puis on verra après avec les autres membres s'ils vous laissent un petit peu de
temps pour terminer votre présentation, mais je vous laisse immédiatement
commencer votre exposé.
Mmes Elizabeth Corte et Julie Desrosiers
Mme Corte (Elizabeth) : Merci, puis
je pense bien qu'on va y arriver, à entrer dans notre temps. Alors, bonjour, tout
le monde. Ça nous fait superplaisir d'avoir été invitées et d'être ici aujourd'hui,
à cette Commission des institutions, pour parler de votre sujet, l'IVAC, et de
notre sujet, les personnes victimes d'agression sexuelle et de violence
conjugale.
Alors donc, on nous a présentées. Moi, je vais
vous indiquer, rapidement, que le mandat de notre comité était d'évaluer, à la
lumière du parcours des personnes victimes, les mesures actuelles et étudier
celles à développer pour assurer un accompagnement plus soutenu et qui
répondait mieux aux besoins et aux réalités des personnes victimes d'agression
sexuelle et de violence conjugale.
Alors, dans ses grandes lignes, le rapport du
comité, qu'on a appelé Rebâtir la confiance, conclut que la personne
victime doit être accompagnée, que cet accompagnement doit se faire tout au
long du processus, quel que soit le processus qu'elle choisit, bien entendu,
que cette personne doit bénéficier des services qui sont adaptés à ses besoins et que ces services doivent être intégrés
de façon à ce que la victime soit au coeur d'une équipe d'intervention,
de suivi et d'accompagnement. Alors, l'indemnisation des personnes victimes
fait partie de ce processus.
Je pense que c'est important, puis c'est
peut-être un de mes messages importants à vous aujourd'hui, c'est qu'il faut
considérer le processus d'indemnisation des victimes d'actes criminels,
notamment d'agression sexuelle et de violence conjugale, comme une partie de
leur processus de réadaptation, de réhabilitation puis de réintégration dans
leur... au meilleur de leur vie quotidienne. Alors donc, l'indemnisation des
personnes victimes fait partie de ce processus, et je pense qu'il faut considérer
que l'IVAC n'est pas à part, mais que les intervenants de l'IVAC, non
seulement... on ne parle pas, évidemment, seulement du juridique, mais des
personnes qui y travaillent, font partie, à notre avis, de l'équipe qui
accompagne la personne victime dans ses démarches.
Le projet de loi le reconnaît, à son
article 1. Je n'ai pas besoin de vous le citer, mais ça me fait du bien de
le lire parce qu'il y a quand même une belle avancée. Elle établit... À
l'article 1, la loi «établit un régime d'aide leur permettant d'obtenir un
soutien adéquat et cohérent — alors, cohérent — avec
les autres régimes — on
voit que c'est important — répondant
à leurs besoins — je
le mentionnais tantôt — notamment
en favorisant leur accès à des services efficaces, justes et impartiaux et à de
l'aide financière». Alors, clairement, dans la loi, on voit déjà que l'aide
apportée par l'IVAC fait partie du soutien accordé aux personnes victimes.
Donc, je vous rappelle que, vous le savez sans
doute, 75 % des demandes, a-t-on dit... nous rapportons que 75 % des
demandes proviennent de plaignantes victimes d'agression sexuelle, de violence
conjugale et que ces personnes sont majoritairement des femmes, alors... Et
c'est à ce titre que notre rapport traite de l'IVAC. Évidemment, vous comprenez
que ce n'était pas notre mandat d'analyser l'IVAC, mais, au cours des
consultations, les organismes, les mémoires, les consultations Web des
plaignantes victimes, beaucoup, sinon tous, ont fait état des nombreuses
difficultés tant dans la loi que dans l'application de cette loi.
On
savait, bien sûr, comme membres du comité, que d'autres travaillaient sur un
projet de loi. Et vous comprendrez que c'était mis dans notre mandat, puis on n'avait
pas vraiment le temps non plus de faire une analyse exhaustive de la loi en
tant que telle, mais on en a énormément entendu parler. Tout le monde nous en a
parlé. Et donc il était... c'était un incontournable pour nous dans notre rapport,
malgré le fait que ce n'était pas l'objectif principal,
il était important pour nous de nommer les principales difficultés.
Et Me Desrosiers les abordera dans un instant.
Notre
rapport, donc, recommande d'une façon quand
même relativement générale que la
loi de l'indemnisation soit
révisée en profondeur. Bon, évidemment, c'est ce que vous êtes en train de
faire. On demandait particulièrement qu'il y
ait une attention ciblée, hein, puis volontairement ciblée, que la réalité des
plaignants victimes d'agression
sexuelle et de violence conjugale soit prise en compte dans cette révision en
profondeur.
On a recommandé
aussi, dans la même recommandation, que le fonctionnement de l'organisme qui
était chargé... qui est chargé de l'appliquer, soit révisé également. Alors, on
a eu des commentaires au sujet des défis que posait la loi aux personnes
victimes mais aussi sur la façon dont les demandes étaient traitées, dont les
victimes étaient traitées. J'y reviendrai. Je reprendrai la parole un petit peu
après ma collègue et je vais vous parler de cette recommandation, aussi, de
réviser le fonctionnement de l'organisme. Je comprends qu'on est... on dépasse un
petit peu le cadre du projet de loi comme tel, mais je pense que d'autres ont
frôlé les bords de la loi, puis je vais me permettre de la faire quand je vais
vous revenir tout à l'heure. Le mémoire que nous avons soumis, bien, c'est directement
la partie qui concerne l'IVAC dans notre rapport.
Et je cède, sur ce,
la parole à Me Desrosiers.
Mme Desrosiers
(Julie) : Merci beaucoup. Est-ce que tout le monde m'entend bien?
• (17 h 20) •
Le
Président (M. Bachand) : Oui.
Mme Desrosiers
(Julie) : Oui. Est-ce que vous pouvez me dire combien de temps il nous
reste, M. le Président, s'il vous plaît?
Le Président
(M. Bachand) : 3 min 30 s.
Mme Desrosiers
(Julie) : Merci beaucoup. Donc, je vais y aller rapidement. Vous avez
eu le bénéfice du mémoire. On a noté les éléments qui étaient problématiques,
donc la liste des infractions admissibles, ce que vous savez déjà et ce qui est
réglé par l'article 13 du projet de loi actuellement. Je soulève... et
c'est ce que je vais faire tout au long de ma présentation, je vais soulever
des potentiels éléments de réflexion, là, je vais les porter à votre attention
sans nécessairement avoir toutes les réponses, mais je remarque, nous
remarquons que la notion d'infraction criminelle est définie comme étant une
infraction contre la personne. En fait, elle est définie comme étant, «à moins
d'indication contraire, toute infraction prévue au Code criminel perpétrée
après le 1er mars 1972 et qui porte atteinte à l'intégrité physique ou
psychique d'une personne; ainsi n'est pas visée une infraction criminelle
perpétrée contre un bien». Donc, évidemment, c'est un élargissement qui est
salué par le comité, mais la notion d'intégrité psychique, vous savez que ce
n'est pas une notion qui est utilisée au Code criminel, qui renvoie plutôt à la
notion de lésions corporelles comme intégrant des lésions psychologiques. Et, à
ma connaissance, elle n'a pas été définie à travers la jurisprudence non plus.
Et, étant donné qu'on exclut les infractions contre les biens nommément dans le
projet de loi, pensez à la situation où... C'est fréquent en matière de
rupture, quand il y a une situation de violence conjugale, la violence
conjugale n'a pas nécessairement été exprimée de manière physique, mais, au
moment de la rupture, il peut y avoir... par exemple, quelqu'un peut crever les
pneus, défoncer une fenêtre, etc., donc, ça
peut être une infraction contre les biens qui est perpétrée dans un contexte de
violence conjugale sans qu'il
y ait eu une infraction, tels le harcèlement
criminel ou les voies de fait, pendant la relation. Donc, ça, ça peut être
problématique parce que, comme la notion d'intégrité psychique est floue,
que les infractions contre les biens sont exclues, il peut y avoir des
situations de violence conjugale ici qui ne seraient pas couvertes. Donc, je le
porte à votre attention.
La
notion de faute lourde, j'imagine que ça a déjà été abordé dans le cadre
de vos consultations aujourd'hui. On a dû le
porter à votre attention, le fait que la faute lourde, elle a déjà été
opposée pour exclure des victimes de violence conjugale ou d'agression
sexuelle. Et là le projet de loi prévoit certaines exceptions qui nous
apparaissent, en fait, complexes et probablement difficiles d'application pour
les personnes victimes parce que la façon dont c'est rédigé, ça exige une démonstration
de la part de la personne victime. Donc, ce serait peut-être bien de songer à
une rédaction plus claire, plus directe, qui affirmerait que la notion de faute
lourde ne peut pas être opposée en matière de violence conjugale, agression
sexuelle et exploitation sexuelle.
Délai de
prescription, c'est super.
Crimes commis à
l'extérieur du Québec, c'est super. Peut-être prévoir qu'il va y avoir une application
rétroactive pour le crime perpétré à l'extérieur du Québec. Vous êtes au
courant qu'il y a des situations qui ont été problématiques
dans un passé récent. Donc, ce serait bien, pour cette raison-là, de prévoir
nommément une application rétroactive pour ça.
Maintenant, il me
reste deux aspects à aborder avec vous. Je vais y aller rapidement, on
pourra revenir pendant la période de questions. Je sais que le temps file pour
vous, vous êtes à la fin de la journée. Le projet...
Le
Président (M. Bachand) : Oui, juste vous dire,
Me Desrosiers, le 10 minutes est maintenant terminé.
Mme Desrosiers (Julie) : Mais
je suis passionnante.
M.
Jolin-Barrette : ...sur mon temps...
Le Président (M.
Bachand) : Vous êtes extrêmement passionnante. Et le ministre
vient de décider de vous donner du temps. Alors, je vous invite à continuer,
Me Desrosiers.
Mme Desrosiers (Julie) : Excellent.
Il me reste deux éléments, donc, à soulever. Le premier, c'est que le projet
de loi qui est proposé est plus large, ratisse plus large que la loi sur
l'indemnisation qu'il se propose de remplacer, et notamment il inclut ce qui
était auparavant la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels. On va
retrouver différentes dispositions de la Loi sur l'aide aux victimes d'actes
criminels dans le projet de loi actuel. Or, le comité avait recommandé, donc recommandation
182 du comité à la page 198 du rapport, si bien nommé, Rebâtir la confiance, recommandé donc, que la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels soit non pas simplement remplacée, mais bonifiée de manière à
nommément prévoir les droits des victimes et les recours des victimes et de
manière plus claire que ce qui était fait dans la Loi sur l'aide aux victimes,
qui est maintenant abrogée ou qui serait abrogée par le projet de loi, et ça, à
mon avis, ce n'est pas rencontré par le projet de loi actuel. Il y aurait lieu
de réfléchir plus clairement à une meilleure... les affirmer de manière plus
claire, les droits des victimes, les recours des victimes.
Là, en ce moment, ce qu'on a, c'est un
titre II qui est intitulé Soutien aux personnes victimes. Donc, c'est un
peu en marge, finalement, de ce qu'on veut affirmer, qui est vraiment des
droits, des recours. Puis c'est important, dans le contexte législatif actuel,
de les affirmer clairement, parce qu'ils sont énoncés dans une charte qui est
fédérale. Puis, au Québec, c'est embrouillé, puis on sent un besoin de les affirmer
et de nommer clairement pour les victimes les droits et les recours qui peuvent
être exercés. D'ailleurs, nous, on avait recommandé un ombudsman québécois des
victimes d'actes criminels pour clarifier la situation au Québec.
Dernier point, très rapidement. La loi permet la
création d'un fonds d'urgence. Nous aussi... En fait, elle permet que le
ministre établisse un fonds d'urgence. Je veux juste attirer votre attention
sur le fait qu'on en parle aussi, dans notre rapport, de ça puis qu'il y a des
besoins qu'on avait ciblés qui ne sont pas repris, puis pourtant, c'est
«notamment» qui est écrit là en ce moment, donc tout est ouvert. Mais, quand
vous serez à la réflexion autour de ça, on a
des pages, encore une fois, passionnantes dans notre rapport, et on avait,
notamment, soulevé le fait qu'actuellement il y a la possibilité pour
les victimes de résilier leur bail quand il est question de violence conjugale
ou d'agression sexuelle. C'est prévu dans le Code civil, mais il y a un
deux mois de délai qui est imputé à la victime, elle doit payer
deux mois de délai et ça ne lui est pas remboursé par l'IVAC actuellement.
Donc, c'est également à prévoir. Et je vous remercie pour cette extension.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment à vous deux. M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M.
le Président. Me Corte, Mme Desrosiers, merci beaucoup de participer
aux travaux de la commission parlementaire. Mme Desrosiers, vous avez
dit : C'est une bonne chose, le fait qu'on abolisse la liste des
infractions. Je vois que vous avez certaines réserves, par contre, vous
souhaiteriez qu'on soit un petit peu plus large relativement peut-être aux
biens contre la personne. Ça amène certaines difficultés, par contre, parce
que, vous savez, les infractions contre les biens, ça peut être très large. Là,
on se retrouve dans une situation où l'indemnité...
(Interruption)
Le Président (M.
Bachand) : Vous avez des problèmes, M. le ministre, avec votre
micro, je crois, hein? On a de la misère à vous entendre.
M. Jolin-Barrette : Attendez-moi
juste un instant.
Le Président (M.
Bachand) : Ah! Là, on vous entend, là.
M. Jolin-Barrette : Vous m'entendez?
Le Président (M.
Bachand) : Oui.
M. Jolin-Barrette : En fait, je
voulais savoir, principalement, dans vos auditions que vous avez eues, les
victimes qui auraient pu être indemnisées si on avait eu la liste mais qui ne
l'ont pas été, est-ce qu'elles ont été en grand nombre?
Mme Desrosiers (Julie) : Moi, je
n'ai pas fait une étude empirique. Donc, oui, de mon échantillon, il y a beaucoup
de gens qui n'ont pas pu obtenir indemnisation, mais, tu sais, je veux dire,
c'est les gens que j'ai entendus qui sont venus nous parler à nous, donc
forcément c'est des gens qui ont eu des problèmes d'indemnisation aussi. Mais,
pour répondre à... En fait, votre question est un peu en deux volets. Là,
je voyais que vous souleviez un peu votre préoccupation relative aux fonds
publics, infraction contre les biens, c'est large, tout ça, mais moi, ce que je
voyais, c'était un élargissement législatif qui liait cette idée, parce que
vous avez, d'abord, dans une première partie, une idée que ça prend une
atteinte à l'intégrité psychique, ça fait que, tu sais, il y aurait peut-être...
Ça, pour moi, cette notion-là, elle n'est pas claire,
mais il y aurait peut-être moyen de jumeler les deux. Donc, par exemple, une
infraction contre les biens qui porte atteinte à l'intégrité psychique, parce
qu'en fait c'est ça qu'on veut, c'est que, quand c'est en contexte de violence
conjugale, si la terreur, elle vient d'une terreur contre les biens, dans un
contexte de rupture, bien, tu sais, on le
reconnaît, qu'on est dans un contexte de violence conjugale puis que la
personne, il y a une atteinte
à son intégrité psychologique par le biais d'infractions contre les biens, tu
sais. C'est un peu ce que je voyais.
Parce qu'on a eu, par exemple, à notre table,
pour donc vous donner un exemple concret, qui était nommée comme experte, qui représentait
les victimes, il y avait une femme où la violence, elle s'était manifestée
contre les biens au moment de la rupture. Ça l'avait complètement terrorisée.
Mais, pendant la relation, il n'y avait pas eu d'atteinte à son corps, c'était
une violence psychologique qui était exercée, qui est difficilement saisissable
sur le plan d'une infraction. Quand il y a eu infraction criminelle, c'était
infraction contre les biens. Donc là, je vois qu'elle aurait de la difficulté à
obtenir indemnisation. Or, cette femme, que je connais, elle avait vraiment
besoin d'aide.
• (17 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Peut-être une
autre question sur la question des crimes commis hors Québec, vous avez fait
référence, et vous le faites dans votre mémoire, là, à Mme St-Onge, qui
est venue témoigner aussi avec la... Quand vous nous dites : Bon, c'est
bien, il y a certaines situations qu'on a vues, certains demandent une rétroactivité
pour ça... Une rétroactivité pour l'ensemble des crimes commis hors Québec?
Mme Desrosiers (Julie) : Vous me
demandez des questions de législateur, je vais vous dire, là encore, je vois
votre préoccupation relative aux fonds publics. Moi, ce qui m'apparaît clair,
puis je ne vous réponds pas comme présidente du comité, je n'ai pas eu de
consultation avec mes membres là-dessus, je vous réponds comme citoyenne, ce
qui m'apparaît clair, c'est que les enfants devraient être indemnisés, là. Là,
ils ont perdu leur mère, ils sont encore vivants, c'est une affaire de loi, tu
sais, puis là, moi, ça m'apparaît clair, ça.
M. Jolin-Barrette : Mais on se
retrouve dans une situation où il y a des choix à faire aussi, cette situation-là
particulière, il y a plein d'autres cas aussi, plein d'autres crimes que des
Québécois ont subis à l'étranger aussi, donc vous voyez toute la difficulté
d'une réforme du régime de l'indemnisation. On est allés chercher
193 millions supplémentaires pour bonifier l'aide aux victimes en
abolissant la prescription en matière de violence conjugale, violence sexuelle,
mais pour faire en sorte aussi de permettre aux femmes qui s'étaient fait dire
par l'IVAC, bien, vous êtes hors délai, donc on ne peut pas vous indemniser, d'avoir
une période de trois ans pour, justement, du soutien. Alors, on essaie, avec le
projet de loi, vraiment, d'offrir dès le départ le plus d'aide possible, mais
aussi d'élargir la notion de personne victime, parce que, bien qu'une personne
qui subi l'infraction, elle-même, elle est victime, souvent ça a des
conséquences sur le noyau familial, on pense en violence sexuelle ou en
violence conjugale aussi, c'est toute la famille qui est impactée.
Si vous me permettez, j'élargirais un petit peu
la discussion. Je vais vous poser une question avant de céder la parole à mes
collègues, mais je veux vous poser une question sur votre recommandation du
rapport sur le tribunal spécialisé. Et je veux en profiter, du fait que Mme la
juge Corte est là, pour savoir, à l'époque, à la Cour du Québec, est-ce que c'est quelque chose qui avait été
envisagé d'avoir un tribunal spécialisé? Parce qu'aujourd'hui on se
retrouve avec cette suggestion, cette proposition-là, qui fait bien du sens,
mais je me demande, à travers les consultations que vous avez menées avec les
différents acteurs, comment est-ce que l'opérationnalité d'une chose pourrait
se faire?
Mme Corte (Elizabeth) : D'abord, le
premier volet de votre question, je pourrais vous répondre qu'on n'avait pas vraiment
réfléchi la question de mettre sur pied un tribunal spécialisé de la façon dont
on le recommande dans le rapport en matière d'agression sexuelle et de violence
conjugale, mais la réalité, c'est qu'il y avait déjà tous les éléments, ou
presque tous les éléments, qui auraient pu être bonifiés, bien sûr, mais on
avait quand même déjà beaucoup des éléments d'un tribunal spécialisé, sans que
ça ne porte le nom, en matière de violence conjugale. Alors, il y avait, bon, par
exemple, des rôles particuliers, des délais particuliers, des intervenantes
sociales sur place, des salles d'attente réservées, alors, bon, je ne veux pas
rentrer dans toute la longue liste, mais vous comprendrez qu'on faisait déjà,
en matière de violence conjugale... la cour municipale le fait depuis plus de
30 ans déjà, traiter ces dossiers de cette façon-là. Ce qu'on n'avait pas,
c'était le titre, c'était le nom. Alors, dans le fond, tu sais, c'est que ça
prend, nous le croyons, une organisation plus généralisée adaptée aux réalités
régionales, évidemment aux ressources aussi qui peuvent être là, et qui va
encourager les meilleures pratiques et une meilleure collaboration, une meilleure intégration de ces services-là par les
centres. Alors, il y avait déjà une forme, selon moi, qui est celle aussi
qui existe dans d'autres provinces, mais il
n'y en avait pas en agression
sexuelle. En agression sexuelle, ça, c'est vraiment neuf, si vous me permettez de le dire de
cette façon-là. Je ne sais pas si ça répond entièrement à votre question.
M. Jolin-Barrette : Oui, je vous
remercie. Merci pour votre présentation. Je cède la parole à mes collègues. Un
grand merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Jean, s'il
vous plaît.
M. Lemieux : Merci, M. le Président.
Bonjour, mesdames. Vous êtes conscientes, vous l'avez dit tout à l'heure, que
vous êtes nos dernières invitées aujourd'hui et pour cette semaine, et donc ça
me permet de vous demander si vous avez suivi un petit peu ce qui s'est passé.
Aujourd'hui, avec vous et plusieurs autres aujourd'hui, on a été très
pratiques, très proches du terrain et des gens qui y travaillent et des
clientèles particulières, mais on a eu une portion
théorique, et j'aimerais vous entendre sur ce qui a été évoqué, je pense à
Me Gardner par exemple... pas maître, Pr Gardner, de l'Université
Laval, qui nous disait : Vous savez, la SAAQ, c'est les automobilistes qui
paient pour ça et qui se répartissent un peu, ensuite, le risque. La CNESST,
c'est la même chose, mais avec les employeurs qui répartissent le risque. Pour
ce qui est des actes criminels et donc des victimes des actes criminels, c'est
l'État, il faut donc le voir... en tout cas, lui, il nous disait, même, le
concevoir autrement. C'est ce que je me demande, si on est en train de faire...
Quand je vous écoutais, Mme Desrosiers, dire au ministre : Oui, mais
je vois bien que vous pensez aux fonds publics, là, effectivement, et,
d'ailleurs, il en a rajouté, des fonds publics, pour avoir plus de victimes couvertes, et il y a la notion d'aider,
indemniser, si vous voulez, mais il y a surtout la notion de servir parce qu'on se fait beaucoup dire : Plus vite on intervient, plus vite on
est capable de donner l'aide qui est nécessaire sur-le-champ, moins longtemps ça va durer
et plus facile ça va être de s'en sortir. Une fois que j'ai tout répété ça et
que, vous, vous êtes très pratico-pratique, terrain, pouvez-vous revenir à mes
considérations un peu théoriques et me donner une lecture de tout ça pour
équilibrer ça?
Mme Desrosiers (Julie) : Mais,
sur le plan théorique, là, ce que vous me demandez, c'est une justification des
dépenses étatiques, c'est ça?
M. Lemieux : Non.
Mme Desrosiers (Julie) : Non?
M. Lemieux : Non, mais...
Mme Desrosiers (Julie) : Parce
qu'on peut...
M. Lemieux : Mais, considérant
d'où on vient, considérant des 50 ans qu'on vient de passer, et de la
modernisation qui est tellement nécessaire que tout le monde la réclame, et ce
qu'on est en train de faire a été non seulement évoqué, a été écrit dans le rapport
Lemieux d'il y a déjà plus de 10 ans, donc j'essaie de remettre ça
en perspective avec toutes ces
couches-là, pas pour justifier, mais pour comprendre l'impact que ça a sur le
terrain, mais, en même temps, le mettre en relief et en relation avec l'impact que ça a, oui, sur les
fonds publics, mais sur l'ensemble de la théorie de...
Mme Desrosiers (Julie) : Mais,
tu sais, sur les fonds publics, l'impact que ça a sur les fonds publics, il est
payant pour l'État. Tu sais, c'est comme l'assurance maladie, c'est comme... Tu
sais, c'est... Le crime, c'est un risque collectif. Quand tu n'investis pas
dans des programmes sociaux, quand tu n'investis pas dans des programmes d'accompagnement
pour les victimes, quand tu n'investis pas dans l'indemnisation, quand tu
n'investis pas dans le partage des richesses, tu as plus de criminalité, ça
fait que c'est des vases qui communiquent, là. Ça fait que, tu sais, c'est sûr
que si on regarde ça en vase clos puis on fait juste indemnisation, bien, là,
on augmente, mais il faut voir que ça va coûter moins cher ailleurs, tu sais,
les victimes qui ne sont pas accompagnées, qui ne sont pas indemnisées, ça a
des coûts sociaux.
M. Lemieux : Bien, il ne s'agit
pas de ne pas indemniser, il s'agit de prendre le temps, et c'est ce que le projet
de loi nous permet de faire, de voir comment on a toujours indemnisé, par
exemple, la rente viagère qui a des mérites, mais à bien des égards aussi des
effets pervers, et par rapport à la modernité aussi des moyens qu'on a à notre disposition
aujourd'hui, autant en indemnisation qu'en aide. L'aide psychologique, il y a
45 ans, au début, je suis certain que
ça passait sous le tapis, ce n'est pas pour rien qu'on est pris avec le problème
qu'on a aujourd'hui, alors on
en parlait, mais, aujourd'hui, on est capable d'être efficaces comme on ne
l'était pas avant. C'est ce genre d'exercice théorique auquel je vous
demande de vous prêter, sans faire un gains et pertes, là, sans faire un
passif, actif, là.
Mme Desrosiers
(Julie) : Moi, je ne suis
pas certaine que je saisisse bien votre besoin. Je ne sais pas,
Elizabeth, si tu es capable de venir à ma
rescousse parce que je ne suis pas certaine de savoir ce qui
aiderait, là, à cette discussion.
Mme Corte (Elizabeth) : Bien, peut-être
que, moi, je pourrais ajouter en espérant que ça réponde partiellement. Les personnes victimes qu'on a
entendues, parce qu'on a fait... évidemment, dans le cadre de nos travaux, on a
consulté des organismes, bien sûr, on a consulté... on a eu des mémoires, mais
on a mis en place une consultation Web, une consultation en ligne où environ
1 600 personnes victimes ont pris le temps de répondre à un questionnaire. Bon, Mme Desrosiers disait
tantôt : On n'a pas fait de recherche. Puis bon, il n'y a pas
d'échantillonnage, mais ça nous donne quand même... il y avait quand même assez
de réponses.
Vous savez,
le bien-être des gens, le bien-être de ces plaignantes victimes passe par une
compréhension. Est-ce qu'on les comprend? Est-ce qu'on comprend ce par
quoi elles ont passé, ce qu'elles ont vécu et les besoins qu'elles ont, ces
personnes-là, de se refaire, de se remettre en état? Et, bon, évidemment,
certainement, il y a les choses très concrètes, là, on rembourse, on dédommage
pour telle chose, pour telle chose, bien sûr, mais la capacité de l'État de
reconnaître ces blessures, de reconnaître ce besoin, de les traiter comme le
dit l'article, le nouvel article 3 du projet de loi, d'être traité avec
compassion, avec équité, avec compréhension, respect de la dignité. Ça va loin
dans la perception des gens, ça contribue au mieux-être de ces personnes-là, ça
participe à leur accompagnement. Alors, moi, c'est ce que je pourrais ajouter
en réponse. Je ne sais pas si ça répond.
Le Président (M. Bachand) : Merci
beaucoup.
M. Lemieux :
Et je comprends qu'il ne me reste plus de temps, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Exactement, exactement, mais le
député de LaFontaine débute sa présentation... pas sa présentation, sa période
d'échange, pardon.
• (17 h 40) •
M. Tanguay :
Oui, merci beaucoup, M. le Président. Alors, à mon tour de vous saluer,
Me Corte, juge Corte et Mme Desrosiers, merci d'être avec nous et de
répondre à nos questions, merci de nous avoir envoyé le mémoire.
Évidemment, vous
voyez que le projet de loi n° 84, vous l'avez
constaté, 190 nouveaux articles, on pourrait me dire : Oui, mais il y
a beaucoup d'éléments du passé, c'est-à-dire du régime actuel qui sont repris,
mais, quand même, c'est comme... c'est une refonte majeure, alors on est un peu
pressé dans le temps et l'on doit s'assurer que l'on ne manque pas le coche,
que l'on atteigne les objectifs réellement que l'on veut atteindre.
J'aimerais vous
entendre, à la toute fin de votre mémoire, en page 7, vous parlez des
difficultés particulières rencontrées par les personnes qui contestent une
décision de l'IVAC devant le TAQ, et là vous nous invitez, puis j'aimerais vous
entendre, vous nous invitez à considérer... puis j'aimerais peut-être que vous
précisiez la solution que vous suggériez. Oui, donc un processus qui pourrait
être ressenti comme hostile par une personne qui se voit... ou qui désire
contester une décision, donc, effectivement, c'est une personne qui est déjà
atteinte dans son intégrité physique ou psychique qui demande de l'aide, et là
on l'embarque dans une contestation, alors on comprend très bien le ressenti
hostile d'un processus, les témoignages dans un contexte formel, et ainsi de
suite.
Donc, ce que vous
nous suggérez, détrompez-moi si j'ai tort, pour peut-être préciser comment je
reçois ça, davantage d'accompagnement et peut-être essayer de mettre en place
un contexte où il y aurait moins, justement, un processus contradictoire formel
qui met quasiment la personne qui désire contester au banc des accusés, là...
Mme Desrosiers
(Julie) : Oui, c'est ça.
M. Tanguay :
...j'aimerais vous entendre.
Mme Desrosiers
(Julie) : Merci pour la question, ça nous permet de renchérir. En
fait, ça a déjà été dit dans notre mémoire, on en a parlé dans notre rapport également,
mais c'est vraiment un problème parce que... puis Elizabeth pourra compléter,
mais ce que ça fait, là, c'est que la personne, elle se bat contre l'État pour
obtenir une indemnisation, puis ce que l'État fait puis, tu sais, c'est un
drôle de rôle pour l'État de jouer ce rôle-là, alors qu'en même temps il
instaure une loi puis un processus d'indemnisation, il va essayer de montrer
que ce n'est pas une victime, donc toutes les questions vont... Non, mais
ce n'est pas vrai, vous n'avez pas été victime d'agression sexuelle, mais ce
n'est pas comme vous le dites, ce n'est pas aussi pire que vous le dites, ta,
ta, ta. Ça fait qu'elle, elle se sent vraiment comme une accusée, c'est vraiment...
puis c'est un vrai procès, elle est d'un côté, de l'autre côté, c'est le
procureur qui représente l'État, puis il y a un juge, ça fait que, tu sais,
c'est hostile, puis les gens qui sont passés à travers ça, ça dure longtemps,
ça s'étale sur des années, là, les personnes qui passent à travers ça, elles
sont vraiment meurtries, ça fait que, tu sais, je pense que, là, oui, il y a
besoin d'un meilleur accompagnement, mais il
y a aussi besoin peut-être
de revoir le processus parce que ce n'est pas obligé d'être un processus aussi
contradictoire. Tu sais, les questions... Le juge pourrait prendre ça en
charge, cette recherche de preuve là, on pourrait dire que c'est non pas
contradictoire, mais que le juge a un plus grand rôle à jouer ici, dans
l'administration de la preuve. Puis, tu sais, il y a moyen de faire les choses
autrement, de les réfléchir autrement puis d'en fait, traiter plus doucement la
victime. Tu sais, même si on ne va pas l'indemniser, il ne faut pas la faire
sentir comme si c'était une menteuse puis qu'elle voulait tricher puis... C'est
comme ça que c'est ressenti actuellement.
M. Tanguay :
Et si vous me permettez, puis j'aimerais entendre Me Corte, juge Corte,
basée sur votre expérience de juge, on a un... On s'apprête à, le cas échéant...
On va faire le processus législatif, tout ça, là, 190 nouveaux articles,
puis vous avez vu le fameux article 16, là, qui fait une page et deux
tiers, que des expertes et experts du système d'indemnisation, ils ont
dit : Nous, on ne le comprend pas, on a de la misère à le comprendre, au
mieux, on pense avoir la bonne interprétation, mais on n'est pas sûrs. Comme
juge, vous en avez vu passer, des débats de l'intention du législateur, des
nouvelles lois, et l'impact que de nouvelles mesures ont à créer des litiges.
Là, j'aimerais vous entendre là-dessus, basée sur votre expérience. Ça sera
190 nouveaux articles avec probablement beaucoup d'amendements, ça va
prendre un certain nombre de temps, des litiges, pour développer un corpus
jurisprudentiel tout neuf aussi. À quelque part, est-ce qu'on peut y voir un
drapeau jaune ou rouge, à ce niveau-là?
Mme Corte
(Elizabeth) : Bien, écoutez, moi, je pense que cette loi avait un
grand besoin d'être révisée de fond en comble, tout le monde nous l'a dit. Et
bien sûr qu'il y a des... ça va amener son lot de difficultés, c'est sûr que
les experts, bien, ils vont étudier la loi, ils vont y voir des
interprétations, mais ça ne va pas être différent, on a eu un nouveau code de
procédure civile il y a quelques années.
Bien oui, vous avez
raison, ça va engendrer certaines difficultés, mais je pense qu'on ne peut pas
faire autrement que de changer les choses qui doivent être changées, au fond,
et d'avoir confiance que les gens vont faire pour le mieux. Je pense que ce
n'est pas, quand même, tout qui change, il y a beaucoup qui change, mais c'est
un incontournable, là, de faire les modifications, alors je pense que, oui,
vous avez raison, tout ce que vous avez dit, c'est exact, il va falloir s'y
mettre, il va falloir l'analyser, il va falloir le comprendre.
Une chose, maintenant,
qu'on apprend par contre, c'est que toute législation doit été écrite ou
devrait être écrite dans un langage clair. Je ne dois pas être la seule à vous en
avoir parlé. Puis là vous comprenez que nous, toutes
les deux, nous sommes ici à titre de coprésidentes du comité. Moi, je n'ai pas
analysé le projet de loi en fonction
de... est-ce qu'il rencontre les éléments de langage clair et des exigences de
langage clair. C'est sûr que, même moi, à la lecture, je l'ai lu deux, trois fois, c'est sûr que... Ça, est-ce que ça
parle de ça? Ça, est-ce que ça réfère à ça? Ça, qu'est-ce que ça veut vraiment dire? Mais, bon, il y a quand
même des choses, des éléments qui sont repris de l'ancienne législation.
Peut-être une des choses à considérer, je
reviens à la partie à laquelle a répondu Mme Desrosiers tout à l'heure,
vous savez, il y a des processus de médiation qu'il faut regarder, qu'on
pourrait regarder aussi, hein, la médiation a pris une grande, grande
place maintenant. Je parlais du nouveau Code de procédure civile, je ne veux
pas faire une longue histoire avec ça, mais on encourage les gens à aller en
médiation. Et je sais que, quand on parlait... j'étais déjà... quand j'étais
encore à la cour, on parlait sur les litiges selon la Loi de l'impôt, là, puis
on se disait : Ça prendrait aussi un mécanisme
de médiation. Bon, ce n'est peut-être pas la solution à tous les problèmes, la
médiation, ce n'est peut-être pas approprié dans tous les cas, mais certainement,
les processus de médiation avec des médiateurs qui sont accrédités, qui sont formés. On recommande même... là, je
reviens à ma violence conjugale et à mon agression sexuelle, on propose
qu'il y ait des médiateurs formés en agression sexuelle et en violence
conjugale, bien, peut-être que, si on avait des médiateurs formés, des
médiateurs qui sont au fait de la nouvelle loi puis qui sont capables de traiter, on arriverait peut-être
à un meilleur résultat, certainement un processus moins confrontant, moins
contradictoire.
• (17 h 50) •
M. Tanguay : Et vous avez...
Je pense que c'est une très belle suggestion et bonne suggestion que vous nous
faites là, d'autant plus qu'on a — utilisons l'expression imparfaite de
«clientèle» — une
clientèle déjà vulnérable au départ. Puis vous le savez, pour être anciennement
avocat en litige commercial, passer devant le tribunal, là, ce n'est pas drôle
pour personne, alors imaginez une personne vulnérable. On a entendu le groupe
avant vous qui travaille avec des hommes agressés sexuellement en enfance, tout
le processus et l'impact de réminiscence et de rejet que l'on sent comme
victime de se faire rejeter sa demande puis devoir se rebattre puis... Alors,
très belle suggestion que l'on devra analyser, et je fais un lien avec votre recommandation
aussi, ça participe peut-être de ça d'avoir un ombudsman, un ombudsman qui
soutient ressources et qui prendrait la quasi-totalité des cas qui vous
seraient soumis, là, qu'il n'ait pas le problème de choisir qui aura ouverture
du recours devant cette personne, mais j'aimerais vous entendre là-dessus. Ce
serait à propos, là... une clientèle vulnérable.
Mme Corte (Elizabeth) : Oui. Julie?
Le Président (M.
Bachand) : En une minute, Mme Desrosiers.
Mme Desrosiers (Julie) : Sur
l'ombudsman, l'idée derrière la création de cet ombudsman québécois, c'est de
faire la promotion des droits et des recours des victimes. Donc, on propose...
les recours doivent d'abord être offerts par tous les organismes qui sont
chargés de la mise en oeuvre des droits. Puis, si, là, il n'y a pas
satisfaction ou si une personne se pose des questions sur ses droits,
l'ombudsman est une référence. Puis la raison pour laquelle on fait cette suggestion-là,
c'est pour mieux les faire connaître et les structurer au Québec, parce qu'actuellement,
alors que tous les organismes qui offrent des services à l'intérieur du processus
de justice pénale aux victimes devraient avoir des mécanismes de recours, c'est
le cas de manière inégale, et les recours sont différents, difficiles, et ce
n'est pas clair pour les victimes. Donc, l'idée, c'est de structurer tout ça,
d'unifier tout ça, et ça va avec la partie du projet de loi que vous étudiez
qui a trait à l'aide aux victimes. Donc, ce qu'on dit, c'est que la première
partie du projet de loi, je sens la bonne volonté, là, dans cette première
partie-là, là, je ne veux pas, tu sais, qu'on me lise comme étant critique puis
disant que, tu sais, ce n'est pas bien, là, mais...
Le Président (M.
Bachand) : En terminant, le temps s'écoule, Me Desrosiers,
pourriez-vous terminer parce que le temps est écoulé maintenant?
Mme Desrosiers (Julie) : Oui, je
fais ça tout de suite. Donc, cette première... en fait, c'est le titre II,
là, Soutien aux personnes victimes, tout ça doit être plus clairement énoncé,
les droits, les recours, puis, nous, on pense qu'un ombudsman aiderait en ce
sens-là. Et même je dirais que je ne suis pas certaine que ça doit se retrouver
dans une loi sur l'indemnisation parce que les droits puis les recours, ça
excède l'indemnisation. Avant, la loi sur l'aide aux victimes, elle avait son
existence propre, puis peut-être qu'il faut revenir à cette idée.
M. Tanguay : Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée
de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Labrie : Merci, M. le Président.
Bonjour. Mme Desrosiers, Mme Corte, ça fait plaisir de vous revoir aujourd'hui.
Mme Desrosiers (Julie) : Bonjour.
Mme Corte (Elizabeth) : Bonjour,
Mme Labrie.
Mme Labrie :
J'ai trouvé ça intéressant ce que vous nous avez dit sur la question des biens,
l'atteinte aux biens dans certains contextes de violence conjugale. Il y a des personnes
qui nous ont suggéré, je pense à l'Association des juristes progressistes, à
Me Michaël Lessard aussi, ils nous ont suggéré de rajouter à... bien, il
n'y a plus de liste, là, maintenant, de crimes, mais d'inclure quand même, à
cette absence de liste, certains types de... j'appellerais... bon, ce n'est pas
des crimes, mais certains types de gestes qui ne sont pas criminels, mais qu'on
aspire à ce qu'ils le deviennent, je pense à la violence psychologique en
contexte conjugal, qui n'est toujours pas dans le Code criminel, mais qui
pourrait peut-être être ajoutée à la liste des motifs pour avoir
accès à une indemnisation. Est-ce
que vous pensez que ça pourrait être une avenue pour répondre aux besoins des
victimes dans la situation dont vous nous avez parlé?
Mme Desrosiers (Julie) : C'est une
grosse question, c'est la question de la violence coercitive, hein, c'est ça
que le fédéral étudie en ce moment, peut-être faire de la violence coercitive
un crime. Donc, là, la proposition, si je comprends bien, c'est de dire :
Bien, tu sais, s'il y a violence coercitive, même si, actuellement, ce n'est
pas au Code criminel, bien, on pourrait l'inclure. Ça peut être un
choix. Tu sais, moi, ce que je trouve qui est plus facile, peut-être, ou, en tout cas, certainement
qui, moi, me paraît couvrir les situations, c'est de dire, tu sais... de parler
de contexte de violence conjugale, tu sais. Tu sais, une infraction dans un
contexte de violence conjugale, tu sais, peu importe l'infraction, tu sais, là,
je pense qu'en faisant ça, en tout cas, certainement, on couvre les situations
auxquelles je peux penser, tu sais. Maintenant, est-ce que, si on fait ça, on
va échapper des situations où il n'y aurait que violence psychologique? Quand
il y a violence psychologique, on a quand même le harcèlement criminel, à
l'heure actuelle, qui permet de couvrir la majorité des situations. Donc, si
c'était écrit dans un contexte de violence conjugale, moi, je pense que ça
serait peut-être plus facile parce que, tu sais, ce n'est pas nécessaire de
créer une situation hors crime, tu es encore dans l'indemnisation des victimes
d'acte criminel, mais, en disant «dans un contexte de violence conjugale»,
tu sais, tu ratisses suffisamment large pour ne pas exclure, parce que
le problème avec cette proposition-là, pour le moment, c'est que ce
n'est pas un crime. Donc là, on est dans l'indemnisation des victimes d'actes
criminels, n'est-ce pas? Donc, ça serait, c'est ça, ça serait peut-être plus
difficile pour une loi qui se consacre à l'indemnisation des victimes d'actes
criminels de procéder comme ça, mais certainement, je ne vois aucun problème à
dire «dans un contexte de violence conjugale», c'était le sens de ma
proposition.
Mme Labrie : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la
députée de Joliette, s'il vous plaît, pour 2 min 45 s.
Mme
Hivon : Oui,
bonjour, un plaisir pour moi aussi de vous revoir. Merci d'être parmi nous. Et
j'invite tout le monde à lire l'excellent rapport Rebâtir la confiance
du début à la fin.
Donc, juste... je veux revenir sur la question
des droits et du fait qu'on a fusionné les deux lois, donc, l'aide et
l'indemnisation. On se rend compte... en tout cas, beaucoup de groupes nous
disent que c'est comme si la base et la structure est vraiment celle de
l'indemnisation, puis il y a une vraie réflexion qui a été faite pour changer
les choses par rapport à ça puis qu'on est venu coller, un peu, les questions
d'aide et de recours, mais sans vraiment les préciser.
Donc, le député de LaFontaine vous en parlait, je veux juste que vous alliez au
bout de votre réflexion. Est-ce
que vous nous suggérez de continuer à avoir deux lois pour ne pas faire comme
si les droits et les recours sont liés uniquement à l'indemnisation? Ça fait
que si vous pouvez juste nous dire votre recommandation par rapport à ça, et
comment on pourrait préciser puis aller plus loin pour la question de la
reconnaissance de l'accompagnement des droits, parce qu'il y a beaucoup de bons
voeux dans le projet de loi, mais il n'y a pas de moyens, il n'y a pas de
précisions par rapport à ça.
Mme Desrosiers (Julie) : Bien,
nous, ce qu'on a suggéré, le comité, là, je suis vraiment dans mon rôle de
coprésidente du comité, parce qu'on a écrit là-dessus, on a écrit un chapitre
là-dessus, pour répondre, donc, directement à votre question, la réponse pour
nous, c'est oui, il y a lieu de le traiter séparément parce que ça excède la
cadre de l'indemnisation. Tu sais, il y a une loi sur l'indemnisation qui vise
à indemniser les victimes d'actes criminels, donc, je répondais, dans ce
sens-là à votre collègue, Christine Labrie, là, on est dans l'indemnisation des
victimes d'actes criminels, mais les droits de la personne victime puis les
recours de la personne victime, ils excèdent le cadre de l'indemnisation. Une
victime peut avoir des droits, par exemple, par rapport à la poursuite, par
rapport à l'enquête policière, par rapport à son traitement à l'intérieur du
système judiciaire.
D'ailleurs, dans le projet de loi, actuellement,
tout l'article 6, il s'adresse au système de justice criminelle, mais on
n'est pas dans l'indemnisation, tu sais, ça fait que c'est deux thèmes, et le
thème des droits et des recours, il est un thème en lui-même. Puis c'est
important de le structurer parce qu'actuellement au Québec, là, non seulement
les victimes ne connaissent pas leurs droits, mais les intervenantes, les gens
sur le terrain ne connaissent pas bien les droits des personnes victimes
garantis par la charte canadienne des droits des personnes victimes, ça fait
que, pour nous, il y a lieu de les préciser et de les affirmer, dans le
contexte québécois, de manière claire.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Sur ce, Mme Corte et
Mme Desrosiers, merci infiniment d'avoir été avec nous, ça finit vraiment
avec grande qualité et grande crédibilité. Alors, ça, on l'apprécie infiniment.
Donc, merci d'avoir été avec nous.
Une voix :
Merci de nous avoir reçus.
Mémoires déposés
Le Président (M.
Bachand) : Ça fait plaisir. Avant de conclure les auditions, je
procède au dépôt des mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus lors
des auditions publiques.
Je tiens à remercier les femmes et les hommes de
la technique, ici, à l'Assemblée nationale, ce n'est pas évident de faire des conférences virtuelles, alors
merci infiniment de votre collaboration. Merci aux gens du secrétariat aussi.
On forme une équipe, vraiment, absolument exceptionnelle.
Cela étant dit, ayant accompli son mandat, la
commission ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 18 heures)