L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des institutions

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des institutions

Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le jeudi 5 novembre 2020 - Vol. 45 N° 100

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 72, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant principalement des organismes du domaine de la sécurité publique


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Remarques préliminaires

Mme Geneviève Guilbault

M. Jean Rousselle

M. Martin Ouellet

Auditions

Bureau des enquêtes indépendantes

Commissaire à la lutte contre la corruption

Syndicat canadien de la fonction publique

Autres intervenants

M. André Bachand, président

M. Denis Lamothe

Mme Kathleen Weil

*          M. Pierre Goulet, BEI

*          Mme Mélanie Binette, idem

*          M. Frédérick Gaudreau, Commissaire à la lutte contre la corruption

*          M. Pierre-Guy Sylvestre, SCFP

*          Mme Marie-Claude Cadieux, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures dix-huit minutes)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour et bienvenue. Très content de vous retrouver. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande, bien sûr, à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder à des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 72, loi modifiant des dispositions législatives concernant principalement des organismes du domaine de la sécurité publique.

Avant de débuter, M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Rousselle (Vimont) remplace M. Birnbaum (D'Arcy-McGee) et M. Ouellet (René-Lévesque) remplace M. LeBel (Rimouski).

Le Président (M. Bachand) : Merci. Y a-t-il des droits de vote par procuration?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Lachance (Bellechasse) dispose d'un droit de vote par procuration pour Mme Lecours (Les Plaines), M. Lévesque (Chapleau) et M. Martel (Nicolet-Bécancour); M. Rousselle (Vimont) dispose d'un droit de vote par procuration pour M. Tanguay (LaFontaine).

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Cet avant-midi, nous allons d'abord débuter par les remarques préliminaires puis nous entendrons les représentants du Bureau des enquêtes indépendantes ainsi que le Commissaire à la lutte contre la corruption.

Remarques préliminaires

Donc, remarques préliminaires. Je cède maintenant la parole à la ministre de la Sécurité publique pour ses remarques préliminaires. Je vous rappelle, Mme la ministre, que vous disposez de 5 min 34 s. Bienvenue.

Mme Geneviève Guilbault

Mme Guilbault : Merci. Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour à vous. Bonjour à votre équipe. Bonjour à tout le monde qui est ici, dans la salle, avec nous, mon cher collègue député de Vimont — et non mon député, mon collègue député de Vimont — que j'ai le plaisir de retrouver ce matin, entouré, je présume, aussi de membres de son équipe. Alors, grand bonjour à tout le monde, évidemment, mes collègues ici, la députée de Bellechasse, le député d'Ungava, la députée de Repentigny, aussi, qui est des nôtres, des gens qui m'accompagnent aussi du ministère. Alors, il y a toujours aussi le personnel de soutien, personnel du whip, du leader.

• (11 h 20) •

Alors, un grand bonjour à tout le monde. Et bonjour, bien sûr, aux gens du Bureau des enquêtes indépendantes, qui sont avec nous en visioconférence. Je pensais qu'ils seraient en personne, et là je découvre qu'on est en technologie, là, puis c'est tout à fait correct. Alors, on va s'adapter, bien sûr. Donc, grand bonjour, très heureuse de nous retrouver. Il me semble qu'on vient tout juste de quitter la salle pour le projet de loi n° 45, dernièrement, à la Commission des institutions, avec quelques visages qui y étaient aussi, puis là, déjà, on se retrouve pour le projet de loi n° 72.

Donc, c'est toujours un bonheur de pouvoir faire avancer un projet de loi. Celui-là est très différent, là. On était dans le coroner la dernière fois, et là on est dans ce que j'aime appeler une sorte d'omnibus de sécurité publique. Il y a plusieurs éléments, dans ce projet de loi là, qui n'ont pas nécessairement de lien, outre le fait d'être sous ma responsabilité et de toucher la sécurité publique.

Donc, je le sépare en trois grands sujets, le premier qui touche le BEI et l'UPAC, donc, Bureau des enquêtes indépendantes et l'Unité permanente anticorruption, deux organisations distinctes, mais les mesures dans le projet de loi vont rencontrer le même objectif pour les deux organisations, c'est-à-dire la possibilité de pouvoir embaucher leurs propres enquêteurs dans la fonction publique, comme on le fait, par exemple, à la Sûreté du Québec. Actuellement, au BEI, on a des titulaires d'emplois supérieurs. Ça amène des problématiques. Et, à l'UPAC, on a des prêts de services. Ça amène aussi des problématiques différentes, mais des problématiques, dans les deux cas, qu'on se propose de pallier avec ce qui est contenu dans le projet de loi n° 72. Donc, ça, c'est le premier grand volet.

Et, en ce qui concerne l'UPAC, c'est une recommandation qui avait été faite par le comité de surveillance de l'UPAC dans son premier rapport, l'an dernier, qu'il avait déposé, de mémoire, en juin 2019. Et, quand on lisait les recommandations, il y avait des choses très claires, là, sur la nécessité, pour l'UPAC, de pouvoir embaucher ses propres enquêteurs, d'avoir un petit peu plus de contrôle, d'autonomie, de flexibilité dans cette embauche, dans la formation et dans la souhaitable indépendance par rapport aux autres corps de police, parce que, quand on fonctionne avec des prêts de services, par exemple, avec la Sûreté du Québec ou avec le Service de police de la ville de Montréal, bien, c'est sûr que, bon, l'enquêteur continue de fonctionner sous le régime de l'autre, et donc ça amène des défis. Alors, bref, ce premier volet là, qui touche le BEI et l'UPAC, raison pour laquelle ils sont des nôtres, d'ailleurs, ce matin... ce midi... Donc, première chose.

Deuxième chose, aussi, très, très intéressante, puis là je pense que ça va intéresser le député de Vimont parce que je me souviens qu'il l'avait abordé à l'étude des crédits, tout ce qui touche la restauration. Donc, on a plusieurs mesures en rapport avec la régie de l'alcool, des courses et des jeux, un autre organisme indépendant sous ma responsabilité. Et ce sont des amendements qu'on avait, à l'origine, inclus dans le défunt projet de loi n° 61, qui, maintenant, sont repris dans ce projet de loi n° 72, qui font largement consensus. Je m'attends à ce que, tout le monde, on soit tous pas mal sur la même longueur d'onde en ce qui concerne ces éléments-là parce que ça fait longtemps que l'industrie de la restauration le réclame.

Donc, en résumé, la possibilité de pouvoir servir de l'alcool sans nécessairement servir de repas, la possibilité de déléguer la livraison à des tiers comme Uber, Dash et autres, et donc... et quelque chose qui touche aussi la publicité conjointe. Donc, ça, ça va être un gain net pour l'industrie de la restauration, qui, on le sait, subit, comme plusieurs autres secteurs, d'ailleurs, les contrecoups de la pandémie actuellement. Donc, on souhaite pouvoir adopter ce projet de loi là très, très rapidement, le plus rapidement possible, pour, entre autres, le bénéfice de l'industrie de la restauration.

Et dernier petit point... Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Bachand) : Il vous reste 1 min 30 s.

Mme Guilbault : Ah bon! Parfait. Le temps avance vite, hein, quand on parle de sujets aussi intéressants.

Dernier petit point, ça touche la Commission québécoise des libérations conditionnelles, donc, la possibilité, en gros, de pouvoir siéger à un commissaire plutôt que deux, avoir un quorum à un plutôt que deux pour certains types d'audiences, pour certains types de délits. Tout ce qui est crime sexuel et violence conjugale va être... va continuer de siéger à deux commissaires.

Donc, bref, efficacité administrative, autonomie, indépendance de nos organisations, c'est ce qu'on souhaite. Ce sont tous des organismes indépendants, mais qui relèvent du ministre de la Sécurité publique. Alors, c'est le propos de ce projet de loi, et j'espère bien qu'on pourra le faire cheminer aussi rapidement et agréablement que la dernière fois qu'on a tous travaillé ensemble. Donc, sur ce, je souhaite de bons travaux à tout le monde et une belle journée à vous tous.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière de sécurité publique, le député de Vimont, à prendre la parole pour 3 min 43 s. M. le député, s'il vous plaît.

M. Jean Rousselle

M. Rousselle : Merci, M. le Président. Premièrement, je voudrais vous saluer. Merci. Merci au secrétariat. Je voudrais saluer la ministre, justement, et toute son équipe, qui sont ici, les collègues aussi. Moi, je vais être accompagné de la collègue de Notre-Dame-de-Grâce, donc, pour pouvoir avancer dans ce dossier-là.

Effectivement, c'est un dossier qu'on va sûrement travailler. On essaie toujours d'être efficients, donc, toujours dans le même sens. On va essayer d'avancer des choses, parce que c'est toujours la population du Québec qu'il faut qui en gagne. Donc, notre travail, ici, notre exercice qu'on a à faire, nous, en tout cas, comme opposition, c'est d'essayer d'amener des propositions puis d'essayer de peaufiner la loi pour qu'elle soit encore la meilleure. Donc, je voulais saluer aussi les gens du BEI, parce qu'effectivement, par la vidéoconférence, on peut les voir. Donc, bonjour, madame, bonjour, monsieur.

Écoutez, effectivement, c'est un projet de loi qui... C'est un omnibus, tu sais, ce n'est pas comme... ça en est un qui touche neuf lois, six règlements, et contient 66 articles, donc, et séparés en trois chapitres. Donc, un omnibus, comme vous savez, ça touche plusieurs choses. Oui, ça va comporter la nomination des enquêteurs de police spécialisés, donc, BEI et UPAC. Donc, on va en jaser puis on va savoir qu'est-ce que justement... On va commencer par le BEI, savoir qu'est-ce qu'ils ont à dire là-dedans. Mais, aussi, ça comprend aussi, effectivement, les libérations conditionnelles. Donc, les libérations conditionnelles, bien, oui, on va regarder ça, parce qu'à un moment donné il faut que tu améliores des choses.

Et, concernant le permis d'alcool, les boissons alcoolisées, bien, c'est sûr qu'il va falloir regarder... oui, les restaurateurs, il va falloir regarder ça, comment qu'on va le faire, parce qu'il y a toujours aussi... J'écoutais Éduc'alcool, aussi, qui est inquiet aussi sur la livraison, mais ça, c'est toutes des choses qu'on va pouvoir en jaser, mais, effectivement, à un moment donné, est-ce qu'on peut libéraliser un petit peu plus ce côté-là, ce volet-là? Puis on va voir comment qu'on va pouvoir le faire pour ne pas, justement... pour ne pas qu'un volet soit brimé sur un autre volet. Donc, je parle des bars, et des restaurants, et tout. Donc, je pense qu'il va falloir essayer de trouver un juste milieu qui convient à tout le monde, mais qu'encore une fois la population du Québec puisse en profiter pleinement puis correctement.

Donc, nous, sur notre côté, on va contribuer d'une manière positive pour que ce projet de loi là puisse se faire correctement et qu'il soit encore meilleur.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. Je cède maintenant la parole au représentant du troisième groupe d'opposition en matière de sécurité publique et député de René-Lévesque. M. le député, s'il vous plaît, pour 56 secondes.

M. Martin Ouellet

M. Ouellet : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, à mon tour de saluer la commission. C'est ma première présence en sécurité publique. Donc, j'accepte ce mandat-là confié par mon nouveau chef avec beaucoup de plaisir. J'ai bien hâte d'en débattre avec vous pour la suite.

Cela étant dit, le projet de loi en question est un projet de loi que je divise en deux volets. Il y a des mesures qui touchent, assurément, les bars, les restaurants, qui sont attendues, qui avaient été déposées dans le projet de loi n° 61 par amendement, et là on les voit apparaître dans le projet de loi n° 72. On va être assurément favorables à ces mesures-là.

Mais, pour ce qui est de la partie qui touche la sécurité publique, je demeure à être convaincu, à savoir est-ce qu'il est urgent, présentement, de les adopter, considérant qu'il y a des rapports qui seraient déposés incessamment et qui pourraient influencer notre décision ou notre réflexion quant à la justesse des dispositions législatives? Merci.

Auditions

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Bureau des enquêtes indépendantes. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes de présentation, et, par après, nous aurons un échange avec les membres de la commission. Alors, je vous invite d'abord à vous présenter et à débuter votre présentation. Merci beaucoup d'être avec nous ce matin.

(Visioconférence)

Bureau des enquêtes indépendantes

M. Goulet (Pierre) : Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, je vous remercie de nous inviter à partager avec vous les impacts du projet de loi sur le BEI et répondre à vos questions. Je me présente. Mon nom est Pierre Goulet. Je suis avocat et directeur du BEI depuis le 13 janvier 2020. Je suis accompagné de Me Mélanie Binette, qui, habituellement, est conseillère juridique du bureau et qui assume, depuis un certain temps, l'intérim administratif du poste de directeur adjoint qui reste à combler.

Alors, à titre de directeur du bureau, j'accueille favorablement les modifications législatives proposées par ce projet de loi concernant le mode de recrutement et l'embauche des enquêteurs au BEI, ainsi que sa structure organisationnelle. Notons que certaines recommandations formulées au rapport du Bureau des enquêtes indépendantes, rédigé par la première directrice du bureau, Me Madeleine Giauque, et déposé à l'Assemblée nationale du Québec en septembre 2019, allaient dans le même sens que les modifications législatives proposées. Si elles sont adoptées par l'Assemblée nationale, elles auront pour effet de favoriser l'autonomie et l'indépendance du BEI quant au processus de dotation des postes d'enquêteurs. De plus, les modifications proposées à la structure organisationnelle de l'unité d'enquête du BEI permettraient de mieux répondre aux besoins actuels de l'organisation par l'ajout de la fonction de coordonnateur à celle de superviseur déjà existante.

Donc, le projet de loi n° 72 tient, donc, compte de l'évolution du mandat du BEI en tant que corps de police spécialisé et lui offre la latitude pour continuer d'agir avec impartialité et indépendance, tout en ayant l'autonomie et la flexibilité nécessaires à la réalisation de sa mission.

• (11 h 30) •

Alors, au niveau du contenu de la présentation, nous vous avons transmis une présentation PowerPoint en deux volets, premièrement, une brève présentation du BEI, de ce qu'est le BEI, son mandat et son personnel, et, ensuite, en deuxième partie, nos commentaires sur les principales propositions contenues au projet de loi qui concernent le BEI.

Alors, le BEI, en bref, a été créé le 9 mai 2013 suite à des modifications à la Loi sur la police. Je rappelle que c'est un corps de police spécialisé et qui est entré en fonction le 27 juin 2016. Notez que les enquêteurs du BEI sont des agents de la paix au sens de la Loi sur la police. Depuis son entrée en activité, le BEI a vu son mandat évoluer à quelques reprises tant par des modifications législatives que des mandats confiés par le ou la ministre. Donc, l'équipe du BEI s'est agrandie. Sa structure a su s'adapter pour répondre aux différents mandats.

Quant au mandat du BEI, brièvement, le principal mandat du BEI, c'est d'enquêter sur ce qu'on appelle les enquêtes indépendantes. C'était le mandat qui lui avait été confié lors de sa création, mission principale. Et il s'agit de tenir enquête lorsqu'une personne décède, subit une blessure grave ou est blessée par une arme à feu utilisée par un policier lors d'une intervention policière ou lors de sa détention par un corps de police. S'est ajouté, par la suite, un autre mandat qui, cette fois-ci, s'apparente plus à des enquêtes criminelles, donc, enquêter sur des allégations d'infractions à caractère sexuel commises par un policier dans l'exercice de ses fonctions.

En septembre 2018, le mandat du BEI a été élargi pour lui demander d'enquêter toutes les allégations d'infractions criminelles relatives à des infractions criminelles commises par un policier, lorsque le plaignant victime est autochtone, dans l'exercice ou non de ses fonctions. Et, en octobre 2018, le ministre de l'époque a confié au BEI le mandat de faire enquête sur l'ensemble des fuites provenant des projets d'enquête de l'Unité permanente anticorruption, qu'on appelle l'UPAC, ainsi que sa conduite de l'enquête du projet A. Ce volet de... Ce mandat du BEI est connu sous le nom d'enquête Serment.

On vous a mis un tableau pour vous donner une idée des enquêtes indépendantes qui ont été menées par le BEI. À ce jour, nous en avons 197, en fait, à ce jour, au 31 octobre 2020. Au niveau des enquêtes qu'on appelle allégations criminelles, lorsqu'on lui a confié ces mandats, nous avons mené 171 enquêtes criminelles, dont 115 concernaient des plaignants victimes autochtones, ce qui dénote l'importance de ce volet de notre mandat, donc, lorsque le plaignant ou la victime est autochtone. Parmi les dossiers d'allégations d'infractions criminelles, à ce jour, 68 dossiers ont été soumis au DPCP, d'où il a résulté 11 accusations criminelles.

La structure du BEI, pour vous donner une idée, en 2016, contenait 25 ressources, dont 18 enquêteurs superviseurs. En 2020, le bureau s'est agrandi. On compte maintenant 62 ressources, dont un directeur, un directeur adjoint, qui est un poste à pourvoir, 10 employés de l'équipe administrative, 44 enquêteurs, je dois vous dire, 41 actuels avec trois postes vacants, ce qui inclut Serment, cinq superviseurs, un coordonnateur, 21 enquêteurs affectés principalement aux enquêtes indépendantes, huit enquêteurs aux allégations de commission d'infractions criminelles et 12 enquêteurs à l'équipe Serment, qui est composée de six enquêteurs propres au BEI et de six enquêteurs, ex-policiers, contractuels.

Le tableau suivant vous donne une image de notre diversité. Vous constaterez que nous avons dans notre service des ex-policiers de différents corps de police provinciaux et une composition de... je vais les appeler les civils, mais ils sont quand même des agents de la paix, avec des expériences particulières, pertinentes aux fins de démontrer, comme je le disais tantôt, la diversité du bureau.

À ce jour, 19 enquêteurs sont d'ex-policiers, sur 41. Dans les 19 enquêteurs ex-policiers, six occupent des fonctions d'encadrement. Donc, il y a cinq superviseurs, un coordonnateur. Et 22 enquêteurs qui travaillent sur le terrain n'ont jamais eu le statut d'agent de la paix. Pour nous, la présence d'une majorité d'enquêteurs n'ayant jamais été agents de la paix est essentielle à la réalisation du bureau.

Les principales modifications législatives proposées qui concernent le BEI, nous allons les aborder une après l'autre.

La première, c'est la composition de l'unité d'enquête. Actuellement, nous avons, de par la loi, des enquêteurs et des superviseurs. Le projet de loi permettrait la création de la fonction de coordonnateur aux enquêtes. Il est nécessaire, à la direction du BEI, d'ajouter une ressource d'encadrement supplémentaire entre les superviseurs et la direction, comme tout corps de police. Le coordonnateur est l'interlocuteur direct de la direction concernant les activités d'enquête menées par les enquêteurs sous la supervision d'un superviseur.

Au niveau du processus de nomination, actuellement, les enquêteurs, les superviseurs sont nommés par le gouvernement, comme le disait Mme la ministre. Le projet de loi n° 72 nous permettra, s'il est adopté, de procéder à la nomination des enquêteurs et des superviseurs des enquêteurs par le directeur du BEI. Donc, actuellement, tout le personnel de l'unité d'enquête, à part les enquêteurs, pas les membres de... administrative, est nommé par le gouvernement sur recommandation du directeur. Il est titulaire d'un emploi supérieur, avec toutes les implications qui s'ensuivent, y compris des mandats d'une durée maximale de cinq ans. Le statut d'un titulaire d'un emploi supérieur implique aussi l'impossibilité ou une grande difficulté de remplacer un enquêteur qui s'absente à long terme, que ce soit pour une maladie ou un congé de maternité ou de paternité.

Il s'agit, comme je l'ai dit tantôt, de recommandations que Me Giauque avait formulées dans son rapport qui a été déposé en septembre 2019. Elle recommandait aussi que le gouvernement crée un nouveau corps d'emploi qui comprendrait tous les membres de l'unité d'enquête du BEI, indépendamment de leur expérience antérieure, dont les conditions de travail seraient similaires à celles d'autres corps de police. Je crois que le projet de loi réalise cette recommandation.

Au niveau de la sélection et de la nomination des membres de l'unité d'enquête, vous remarquerez facilement que le processus actuel est relativement complexe et long. Le directeur doit procéder à un avis de recrutement et constituer une liste de personnes aptes à exercer la fonction d'enquêteur. Ce travail se fait à partir d'un comité de sélection qui détermine l'aptitude des candidats à occuper la fonction d'enquêteur et de faire rapport à la ministre.

Sans passer en détail la composition du comité, lorsqu'un poste d'enquêteur est à combler, le directeur doit faire une recommandation au gouvernement à partir de la liste à jour des personnes déclarées aptes à exercer la fonction d'enquêteur et évidemment favoriser la parité entre les personnes n'ayant jamais été agent de la paix et celles qui l'ont déjà été.

À date, de mémoire, il y a eu trois campagnes de recrutement, donc, 2015, 2016 et 2018. Si ma mémoire est bonne, cette liste contient actuellement 43 personnes. Il faut savoir qu'après cinq ans les personnes sont retirées de la liste. Il n'en demeure pas moins que, pour combler des postes, actuellement, la liste date de deux ans. Donc, il faut quand même voir à s'assurer de l'intérêt toujours présent des candidats.

Le Président (M. Bachand) : ...de conclure, s'il vous plaît, par exemple, conclure, oui.

M. Goulet (Pierre) : Ah oui, déjà?

Le Président (M. Bachand) : Ça passe vite, 10 minutes.

M. Goulet (Pierre) : Oui, bien, je m'étais même pratiqué, je dois dire. Alors, je m'excuse, je suis avocat. J'y vais rapidement. Donc, le projet de loi va permettre de déposer un avis de recrutement en vue de pourvoir des postes, donc, de façon plus ciblée, des fonctions, des besoins du BEI. Par exemple, on parle souvent de nominations d'enquêteurs autochtones. Ce processus-là pourrait nous permettre d'aller plus rapidement.

Le Président (M. Bachand) : Je dois vous arrêter parce que, maintenant, on est rendus à la période d'échange, mais vous allez pouvoir vous reprendre durant la période de questions. Il n'y a aucun souci.

M. Goulet (Pierre) : Écoutez, je suis désolé. Je m'étais même pratiqué, puis ça rentrait, mais...

Le Président (M. Bachand) : Il n'y a aucun problème. Alors...

M. Goulet (Pierre) : C'est mon défaut d'avocat qui ressort. Excusez-moi.

Le Président (M. Bachand) : O.K. Je cède la parole maintenant à Mme la ministre pour une période d'échange de 16 min 30 s. Mme la ministre, s'il vous plaît.

• (11 h 40) •

Mme Guilbault : Merci beaucoup, M. le Président. Merci encore pour votre présence. Merci pour la présentation, toujours très intéressant pour le bénéfice de ceux qui sont peut-être moins familiers avec votre organisation. On en entend parler régulièrement dans les médias, mais c'est bon d'avoir un... Comme on dit, c'est presque un briefing sur le Bureau des enquêtes indépendantes. Ça fait qu'un gros merci.

Je vais aller directement à mes questions puisqu'évidemment, là, c'est ça, on est tous familiers avec le projet de loi. Je comprends que vous êtes, dans l'ensemble, très favorable au projet de loi, sans surprise, d'ailleurs, puisque vous avez participé à son élaboration, puis on s'est rencontrés. On a discuté à quelques reprises, vous et moi. On avait eu certaines discussions, toujours très, très prudentes et rien à voir avec les enquêtes, mais sur, justement, l'administration, la façon dont je pouvais vous aider à mieux travailler. Puis le fruit de ces discussions-là, bien, c'est ce qu'on retrouve dans le projet de loi aujourd'hui.

Alors, est-ce que vous pensez que... On a déjà dit : Ça va vous simplifier la vie, là, de ne plus avoir des titulaires d'emplois supérieurs, pouvoir embaucher vos enquêteurs, et tout ça. Est-ce que vous considérez, par extension du raisonnement, que ça va avoir un effet favorable sur l'attraction puis la rétention de la main-d'oeuvre chez vous... de la bonne main-d'oeuvre chez vous?

M. Goulet (Pierre) : Oui, on l'espère. Comme je l'ai dit tantôt, une des particularités des emplois supérieurs, ce sont des mandats de cinq ans. Donc, il est facile de comprendre, surtout pour les civils qui se joignent à nous... de faire un acte de foi en quittant leur carrière professionnelle pour venir au bureau, tout en espérant qu'ils seront renouvelés. Évidemment, à date, on n'a eu aucune difficulté à procéder à des renouvellements, mais c'est quand même un processus qui est rigoureux et qui amène certaines anxiétés au niveau des enquêteurs civils quant au fait qu'ils veulent poursuivre une longue carrière au BEI.

Il ne faut pas oublier non plus qu'en ce qui concerne les civils, tout comme les ex-policiers, bien, au niveau des civils, on doit procéder à des formations plus pointues pour que ces gens-là aient les compétences pour réaliser leur mission d'enquête. Ce n'est pas des choses qu'ils faisaient dans leur vie de tous les jours. Donc, on doit les former. Le règlement prévoit qu'ils doivent avoir débuté leur formation dans les 24 mois... dans les 12 mois, d'avoir complété dans les 24 mois. Excusez-moi, je regarde ma conseillère. Et ils peuvent quand même travailler ou oeuvrer au niveau d'enquêtes, mais ils doivent être accompagnés d'un enquêteur qui a suivi la formation.

Donc, l'investissement qu'on fait, parce que ça coûte quand même cher en ressources, nous avons l'aide de l'École nationale de police qui travaille à nous faire un mandat, un programme sur mesure de formation, mais le volet de cinq ans est un facteur important. L'autre volet, aussi, comme vous le mentionnez, c'est le fait de pouvoir uniformiser les conditions de travail, les régimes syndicaux avec la Sûreté du Québec, avec l'UPAC... nous facilitera aussi le recrutement d'ex-policiers, parce qu'il ne faut pas oublier que le directeur doit favoriser la parité. Ça ne veut pas dire qu'on veut avoir plus d'enquêteurs. Oui, excusez?

Mme Guilbault : ...parce qu'on n'a pas beaucoup de temps. C'est pour ça qu'on essaie d'enchaîner, puis je veux laisser du temps pour mon collègue. Mais vous amenez mon prochain point qui était... En ce moment, on favorise la parité entre des ex-agents de la paix et des gens qui ne l'ont jamais été. Puis on a fait le choix, dans le projet de loi, de laisser ça comme ça, c'est-à-dire qu'on ne vient pas modifier ça avec le projet de loi. Est-ce que, pour vous, c'est une bonne chose qu'on continue d'avoir cet esprit-là, de favoriser tout en ne prescrivant rien de trop strict ou de trop précis?

M. Goulet (Pierre) : Bien, je pense qu'à date le bureau se débrouille très bien avec le principe de la parité. Donc, on n'est pas limités à un nombre précis, des paramètres précis qui feraient qu'on devrait avoir tant... Au moment où on se parle, on a 41 enquêteurs. Il y en a 19 qui sont des policiers. Donc, on a plus de civils au bureau qu'on a d'enquêteurs, et, avec le temps, cette mesure-là va augmenter, parce que les enquêteurs civils prennent du galon. Ils deviennent de plus en plus excellents dans leur travail. Mais on verra.

On a fait des représentations au comité consultatif, qui, dans une vision d'ensemble, par rapport aux autres intervenants, décidera peut-être d'autres formulations. Mais je pense que, pour le moment, il était prudent de conserver le régime de parité qui nous donne, dans nos bureaux, plus de latitude au niveau de l'embauche, tout en rassurant les membres de la commission que ce n'est pas dans l'optique, la prévision du BEI d'augmenter la proportion d'enquêteurs ex-policiers pour qu'ils dépassent le nombre de civils. C'est le contraire qu'on veut favoriser avec le temps.

Mme Guilbault : Merci beaucoup. Vous avez mentionné effectivement le comité consultatif, là. Ça, c'est la démarche qui est en cours pour moderniser l'organisation policière au Québec. Je tiens à le mentionner. Je n'en ai pas parlé en ouverture, mais c'est très important, parce que, dans ce projet de loi là, on règle des choses immédiates, mais il reste qu'on a cette réflexion-là, policière, plus large en cours qui, entre autres, touche le BEI.

J'aimerais vous amener... J'ai deux autres questions sur deux points qui sont très, très distincts, un point qui n'est pas dans le projet de loi comme tel, mais qu'on travaille, par ailleurs, dans autre chose, entre autres mes collègues du Groupe d'action contre le racisme, et je voudrais vous entendre, parce que je sais que vous avez déjà une sensibilité à cet enjeu-là, une sensibilité à la représentativité ethnoculturelle. Je sais que vous avez déjà un agent de liaison avec les communautés autochtones au sein du BEI, à moins qu'elle ait quitté, mais, aux dernières nouvelles, elle était là. En tout cas, je l'ai vue la dernière... Ah! elle est partie? Bon, en tout cas...

M. Goulet (Pierre) : Non, non, non!

Mme Guilbault : Ah! non, elle est encore là? Bon, parfait. Donc, j'aimerais vous entendre sur cette sensibilité-là puis cette préoccupation-là que vous avez pour la représentativité ethnoculturelle, qui est travaillée, par ailleurs, dans un autre groupe, là, mais je trouve ça intéressant puis très, très d'actualité d'en parler.

M. Goulet (Pierre) : Oui. D'ailleurs, c'est une initiative de ma prédécesseure, Me Giauque, d'embaucher une agente de liaison autochtone qui est Innue. Cette agente de liaison là n'est pas enquêteure. Donc, elle préserve sa distance par rapport autant les corps de police qui peuvent être impliqués dans les enquêtes indépendantes que les contacts qu'elle a avec les victimes. Son rôle est de faire les ponts avec les enquêteurs du BEI tout en étant sensible aux différences culturelles. Nous avons des formations pour les enquêteurs, mais Mme Mollen Dupuis, quant à elle, est d'une très grande efficacité au niveau de la logistique, mais surtout des contacts qu'elle peut établir avec les différents organismes qui travaillent à assister les victimes d'allégations criminelles, notamment les autochtones.

Et, je le mentionnais, ça fait longtemps, depuis le début, je pense que le bureau devra faire des efforts supplémentaires pour embaucher des gens d'origine autochtone pour qu'ils puissent travailler comme enquêteurs au BEI autant au niveau des allégations criminelles que des enquêtes indépendantes. Et ces gens-là pourraient être d'origine... du milieu civil ou d'ex-policiers. Donc, on a bien hâte de pouvoir, si le projet de loi est adopté, faire une campagne de recrutement ciblée à ce niveau-là pour permettre leur intégration. C'est une question d'image pour le bureau, mais c'est aussi une question d'efficacité et de sensibilité dans nos interventions avec les communautés autochtones.

Mme Guilbault : Parfait, merci. Mon dernier point, un peu plus sensible, peut-être, ou, en tout cas, le genre de question que tout le monde se pose quand on parle d'un corps policier, j'aimerais vous entendre sur les délais d'enquête, et là je parle des délais d'enquête en général. On le disait, là, depuis la formation du BEI... Il faut quand même rappeler que le BEI est une jeune organisation, là, tu sais, à votre décharge, là, juin 2016... a été en fonction en juin 2016. Donc, ça fait quatre ans et demi. Alors, il y a une évolution. Vous le disiez, les civils qui n'avaient jamais été agents de la paix se sont professionnalisés. Bien, c'est-à-dire, ils étaient déjà professionnels, mais ils se sont habitués à travailler, et tout ça, puis, bon, tout ça prend forme tranquillement. Les gens deviennent meilleurs.

Est-ce que, de ce fait, les délais d'enquête sur les enquêtes, soit les allégations, ou les enquêtes indépendantes, ou l'évolution des délais d'enquête, depuis quatre ans et demi... Est-ce que ça s'améliore? Est-ce que ça va mieux? Est-ce que ça va mieux dans une partie que dans l'autre? Puis, sinon, quels sont, selon vous, les problèmes? Puis est-ce que ce projet de loi là va faire en sorte que les délais vont encore être plus réduits? Parce qu'un policier qui se fait enquêter dans le cadre d'une intervention policière, tu sais, c'est toujours délicat pour eux autres, c'est tannant. Ils attendent après le fruit de l'enquête pour pouvoir continuer, parce que personne n'aime ça, avoir une enquête en cours. Donc, bref, ça...

Et évidemment je ne peux pas m'empêcher de penser à l'enquête Serment, qui est sous votre responsabilité aussi. La dernière fois qu'on en a entendu parler, c'était à l'étude des crédits. Vous avanciez vous-même deux ans de plus, et ça, c'était au mois d'août. Donc, théoriquement, on a deux, trois mois de faits là-dessus. Est-ce que vous restez sur les mêmes délais ou... Donc, bref, dans l'ensemble, les délais d'enquête au BEI.

• (11 h 50) •

M. Goulet (Pierre) : Bien, si je réfère au tableau, en ce qui concerne les enquêtes indépendantes, c'est vrai qu'au début les délais étaient énormes. On parle d'un temps moyen de 13 mois et demi. On a vu aussi des cas de 18 mois. C'est certain qu'il y a des enquêtes qui requièrent plus de temps, plus d'énergie, qui requièrent des expertises, c'est comprenable. On ne peut pas dire qu'une enquête doit être terminée dans les trois mois. Mais je dois vous dire, par exemple, qu'en 2018‑2019 le délai moyen des dossiers, entre le déclenchement et la remise au Directeur des poursuites criminelles et pénales, dépassait à 10,25 mois, et, en 2019‑2020, au 30 septembre, notre délai moyen est de 6,94 mois.

Donc, les délais fondent parce qu'on s'attarde à l'essentiel puis nos enquêteurs aussi prennent de l'expérience dans la rédaction des rapports. Il ne faut pas oublier que, lorsqu'on soumet un dossier, toutes les enquêtes indépendantes sont soumises au DPCP. On veut quand même avoir un produit de qualité. On ne veut pas avoir des demandes de compléments régulièrement. Donc, l'expertise qui s'acquiert par les enquêteurs favorise une production de rapports plus rapide.

En ce qui a trait... Est-ce qu'on a les statistiques pour les allégations? Je n'ai pas, ici, les statistiques. En matière d'allégations criminelles, bien, ça aussi, il y a un jeu dangereux de penser à des délais, parce que certaines enquêtes, surtout en matière d'enquêtes à matière sexuelle, tout le monde le sait, souvent, les dévoilements se font des mois, parfois des années... Donc, lorsqu'on a une enquête, une allégation de cette nature-là, bien, il faut remonter dans le temps. Donc, ça implique des délais importants pour retrouver les témoins.

Donc, tout ça fait qu'on ne peut pas juger des délais en matière d'allégations criminelles, mais disons que, de façon générale, nous avons une très bonne collaboration avec le DPCP. Lorsqu'on a une enquête sommaire qui est faite, qui reprend bien les faits, qui sont validés, on va en consultations avec le DPCP, qui, parfois, va nous dire : Bon, bien, poursuivez, vraiment, il y a quelque chose là. Dans d'autres cas, ils vont nous dire : Bien, cette enquête-là est frivole ou sans fondement pour toutes sortes de raisons apparentes au dossier. Donc, tout ça fait qu'on est plus efficaces en matière de traitement des enquêtes, mais il ne faut pas non plus s'attendre à des miracles.

En ce qui concerne Serment, effectivement, il y a plusieurs facteurs qui entrent en ligne de compte. Un, je ne suis pas en train de me réjouir d'un résultat judiciaire d'une enquête, d'un procès, mais on avait beaucoup de travail qui nous était demandé par des procureurs au dossier dans les dossiers qui ne sont pas sous la responsabilité des enquêteurs de Serment, mais ce sont des dossiers qui provenaient de l'UPAC, des dossiers judiciarisés, pour lesquels le travail d'enquête qu'on faisait ou qu'on fait encore sur l'UPAC nous donnait du matériel qu'on devait divulguer, le DPCP devait divulguer. On a travaillé beaucoup là-dessus. Là, il va nous rester plus les volets judiciaires qui concernent notre preuve à nous, qui doit être validée par un juge, concernant les distances ou pas de privilèges.

Donc, on espère que tout va aller rondement, plus vite. Quand je parle de deux ans, il faut comprendre que l'enquête peut se terminer dans un délai beaucoup plus rapide que ça, mais il y aura de l'analyse de données. Il y a des données, en ce moment, auxquelles on n'a pas accès, et un juge pourra nous donner accès ou pas. Il y aura un volet analyse, et ensuite on pourra soumettre un dossier, avec les faits pertinents, bien analysés, au DPCP.

Évidemment, là, on sera toujours en support au DPCP comme ils le sont pour nous. On va être en support au niveau du dossier. Et, s'il y a judiciarisation de dossiers, bien, évidemment, on devra continuer notre assistance, mais évidemment avec un personnel plus réduit. J'espère que ça répond à votre question.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député d'Ungava, il vous reste trois minutes.

M. Lamothe : Trois minutes?

Le Président (M. Bachand) : Oui.

M. Lamothe : Oui. Merci, Mme la ministre, de me donner le temps. Je vais en profiter pour féliciter votre conseiller politique, M. Breault, de... Je suis un gars qui hiérarchisé. Ce n'est pas un défaut, c'est une qualité, je pense, que j'ai acquise avec le temps, avec la Sûreté du Québec... puis me facilite la tâche puis fait en sorte que... C'est ça, le travail qu'il fait me facilite la tâche, puis, pour moi, c'est vraiment important. Merci, M. Breault. Merci de me donner le temps, M. le Président. Je vais être bref. J'ai trois minutes.

Me Goulet, Me Binette, vous avez dit tantôt que le BEI a su s'adapter. À la mi-octobre, puis je ne veux pas être négatif, je veux être constructif, Me Lafontaine a soumis un dossier puis a deux recommandations qu'elle recommande. Entre autres : «...permettre à une victime autochtone [...] d'être accompagnée par une personne de confiance de son choix [sauf un témoin] lors [d'une] entrevue avec les enquêteurs portant sur les faits à l'origine de la plainte.» Deuxième point : «Développer au BEI une stratégie de recrutement [...] auprès des Premières Nations et des Inuit...»

Vous avez 19 policiers retraités dans vos rangs. Suite à la commission Viens, suite aux événements de Val-d'Or, suite à l'enquête d'ENFFADA, c'est quoi qui fait qu'en 2020, quatre ans plus tard... que Me Lafontaine amène ces deux recommandations-là? Il s'est passé quoi pendant quatre ans? Vous me dites que vous avez su s'adapter, mais il y a-tu quelqu'un à quelque part qui n'a pas compris que, sur une période de quatre ans, c'est des choses qui auraient pu être faites auparavant? Première question.

Le Président (M. Bachand) : ...Me Goulet.

M. Lamothe : J'en ai une autre bonne après, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Oui, Me Goulet, rapidement, allez-y.

M. Goulet (Pierre) : Bien, si vous me permettez, Me Binette, sur le dernier volet...

Mme Binette (Mélanie) : Alors, concernant le premier volet, l'accompagnement d'une personne de confiance pour les victimes autochtones, sachez que ça fait partie de nos pratiques, actuellement, que les enquêteurs offrent la possibilité aux victimes autochtones d'être accompagnées d'une personne de confiance. Alors, c'est à leur discrétion de choisir si elles le souhaitent ou pas. Et, au surplus, dans nos pratiques, on voit à les inviter aussi à ce que la rencontre puisse avoir lieu dans un endroit qui est sécurisant. Donc, par conséquent, si elles souhaitent le faire à la maison ou dans un milieu où elles sont à l'aise et en confiance, ça fait partie des propositions qui sont formulées par nos enquêteurs aux victimes.

M. Lamothe : Ça fait que ce que Mme Lafontaine rapporte à la mi-octobre, si je comprends, c'est déjà réglé.

Mme Binette (Mélanie) : Ça fait partie de nos... effectivement.

M. Lamothe : O.K. Je fais une réflexion. J'ai été policier à la Sûreté du Québec. Bon, je ne suis pas plus smatte qu'un autre, loin de là, ça a été mon métier, là, puis j'ai été enquêteur. Sur le terrain, j'ai beaucoup d'informations qui rentrent puis j'ai beaucoup de misère, moi, avec la philosophie de dire qu'il existe un mur entre le politique et le côté volet policier. Je peux comprendre, à un certain point, certaines choses, oui, mais, quand ça vient le temps des enquêtes, j'ai un petit peu de difficulté. Admettons que je sais qu'il y a un dossier que le BEI a mal enquêté, j'ai des faits concrets, admettons que j'ai des faits concrets, moi, ce que je veux savoir, là, si je n'arrive pas à être capable de vous dire : Il me semble qu'il y a des choses qui auraient dû être vérifiées dans votre dossier, il me semble qu'il y a des choses qui auraient dû être faites, étant donné que je fais partie du politique, si moi, je ne peux pas le faire, qui peut le faire?

M. Goulet (Pierre) : Bien, premièrement, comme je l'ai dit tantôt...

Le Président (M. Bachand) : Allez-y, Me Goulet, parce qu'il reste très peu de temps.

M. Goulet (Pierre) : Oui. Alors, comme je l'ai dit tantôt, tous nos dossiers sont soumis au DPCP. Donc, je ne doute pas que vous puissiez avoir des informations qui vous permettent de croire qu'une enquête a été mal faite. Mais le DPCP est là pour nous demander, lorsqu'à la lecture du rapport certains éléments sont manquants, de revoir et de compléter l'enquête. Puis, à ce moment-là, on se conforme à ces demandes-là et on va resoumettre le dossier de façon plus complète. Maintenant, si vous avez des informations particulières sur un dossier... Un dossier n'est jamais terminé, comme vous le savez. S'il y a des faits nouveaux, au niveau d'une enquête, qui font qu'on peut resoumettre quelque chose au DPCP pour étude, on va le faire.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. le député d'Ungava. M. le député de Vimont, pour 13 min 12 s, s'il vous plaît.

M. Rousselle : Merci, M. le Président. Bien, premièrement, bienvenue. Merci d'être là aujourd'hui, madame et monsieur.

Écoutez, je veux continuer dans le même domaine, dans le même sens que mon collègue, concernant, justement, le rapport de Mme Lafontaine, justement, là, qui... On parlait, justement, dans son rapport, que... figurait comme un cancre au Canada. Donc, si j'ai bien compris, vous avez fait déjà un exercice là-dessus. Mais, selon vous, le projet de loi, aujourd'hui, est-ce qu'on aurait pu aller un petit peu plus loin pour pouvoir vous aider? Parce que, là, on parle d'embauche, là, mais, dans le projet de loi... parce qu'on sait bien que vous êtes... En 2013, je me rappelle, j'étais sur la commission pour que le BEI prenne son envol, devienne opérationnel, donc, et puis... mais là, à un moment donné, on veut améliorer. Là, vous avez de la vie... Donc, vous avez une expérience de vie. Est-ce que, selon vous, vous avez... vous pensez qu'on aurait dû aller plus loin dans ce projet de loi là, actuellement, pour vous aider, justement... pour répondre, justement, aux besoins de Mme Lafontaine?

M. Goulet (Pierre) : Bien, le besoin le plus criant, c'est un besoin d'embauche, parce que nous voulons avoir, dans nos rangs, une contribution de membres d'origine autochtone dans nos unités d'enquête, qui va sûrement nous permettre de modifier nos façons de faire. Mais Mme Lafontaine suggère la formation. On en a déjà. On avait une formation prévue en octobre, qui a été reportée à cause de la pandémie. Donc, on est toujours actifs. Il y a des cours dans notre cadre de formation de base. On est toujours actifs pour avoir de nouveaux formateurs pour être en mesure de mieux remplir notre mission auprès des témoins victimes autochtones.

Vous parlez qu'on nous traite de cancres. Je dois, premièrement, juste faire un commentaire. Puis j'ai eu des très bonnes discussions avec Me Lafontaine, puis on a eu des discussions très constructives, mais il faut savoir que Me Lafontaine n'a pas étudié les dossiers du BEI. Son rapport concerne les dossiers du SPVM, se termine... L'étude de ses dossiers se termine au moment où le BEI en a pris en charge. Et je ferai remarquer aussi qu'elle dit, et moi, je vois toujours ça de façon positive, que le BEI a la chance de devenir, au contraire, un leader au Canada dans ses pratiques.

Maintenant, si vous me demandez s'il y a des choses qui auraient pu être changées, les recommandations de Me Lafontaine ne concernent pas nécessairement les modifications à la loi, c'est plus des façons de faire. Par exemple, elle nous reproche un manque de transparence à certains égards, et on le reconnaît, au niveau des allégations criminelles. Donc, c'est des choses sur lesquelles on va travailler.

Elle nous soumettait des pratiques dans d'autres provinces. On les étudie, ces pratiques-là. Il faut savoir que chaque province a un mandat différent. Il y a des provinces qui portent des accusations. Nous, on ne le fait pas. Il faut respecter le cadre de la loi, respecter les victimes. Mais je peux vous assurer que, dans un très bref délai, nous allons nous améliorer, normalement, au niveau des communications, en matière d'allégations criminelles, tout en respectant le privilège d'enquête en cours, puis en respectant aussi les droits de victimes et aussi la présomption d'innocence. Donc, ça, c'est un des volets...

M. Rousselle : Oui, merci.

Le Président (M. Bachand) : Allez-y, M. le député de Vimont, s'il vous plaît.

• (12 heures) •

M. Rousselle : Oui, merci. Écoutez, j'ai juste 13 minutes. Donc, j'essaie de faire le plus possible, hein? Vous allez m'excuser, moi, je ne suis pas avocat et puis j'essaie d'aller plus vite.

Donc, écoutez, on parle toujours de la confiance du public, hein? Votre exercice, vous, là, là, c'est de garder la confiance du public. Donc, on a parlé des délais des enquêtes que... ça, on en a parlé tantôt, mais moi, j'irais plus au niveau des ressources. Vous avez parlé d'aller chercher... de recruter des gens au côté... au niveau autochtone, mais, au niveau de votre personnel, actuellement, on parle de la parité. Moi, j'aimerais ça vous entendre... la parité hommes-femmes, la parité ethnoculturelle, donc, parce qu'encore une fois je vous parle toujours de confiance du public. Est-ce que vous faites un exercice dans ce sens-là?

Et, toujours dans le même alignement, est-ce que... Pour aller recruter, est-ce que la nouvelle manière de faire... Est-ce que les conditions de travail vont être alléchantes pour aller chercher les gens... les meilleurs enquêteurs? On sait bien qu'actuellement il y a bon nombre de bons enquêteurs qui sont dans le côté privé. Donc, si on veut les attirer chez... au niveau public, donc, est-ce que les conditions de travail vont être améliorées? Puis votre... Est-ce que vous allez modifier aussi la facilitation de recrutement, mais, encore une fois, pour avoir une parité, comme, je vous dirais, hommes-femmes, mais côté aussi ethnoculturel?

M. Goulet (Pierre) : Donnez-moi deux secondes. Je n'avais pas sorti ces chiffres-là.

Mme Binette (Mélanie) : Bien, en fait, si vous me permettez, M. le Président...

Le Président (M. Bachand) : ...

Mme Binette (Mélanie) : Oui, merci. Alors, au niveau de la représentativité, là, je ne veux pas prendre trop de votre temps, dans le rapport annuel de gestion du BEI, vous avez les données les plus récentes sur la question. Donc, il y a une sensibilité et une reddition de comptes qui est faite en la matière. Quant aux démarches à faire, et tout, je céderais la parole à Me Goulet, mais je veux vous informer que les données statistiques sont disponibles dans notre rapport annuel de gestion.

M. Goulet (Pierre) : On n'a pas la parité hommes-femmes. On est près de l'avoir. Il faut savoir aussi que la présence d'ex-policiers, souvent, est composée plus d'hommes que de femmes. On a quand même des ex-policières à notre service, là. Je pense qu'on en a trois, quatre. Il faudrait que je vérifie. On a aussi une représentativité culturelle assez importante. On me faisait remarquer, je pense, qu'au bureau on parle neuf langues. Donc, on est capables de rencontrer des gens de différentes ethnies ou de communautés culturelles et pouvoir s'adresser à eux dans leur langue. Donc, ça, c'est un volet qui est représentatif grâce à la présence, surtout, des employés civils.

Maintenant, vous me demandez : Les conditions de travail sont-elles alléchantes? Au moment où je vous parle, je ne le sais pas. Il y a des mesures transitoires qui sont prévues par la loi pour que les conditions de travail des enquêteurs demeurent les mêmes. Maintenant, il faudra voir, par rapport à la structure de la Sûreté du Québec, à quel endroit se situeront nos enquêteurs pour qu'on puisse avoir des conditions de travail intéressantes puis alléchantes pour aider à un recrutement. Là-dessus, malheureusement, je n'ai pas une réponse précise à vous donner, M. le député.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Vimont.

M. Rousselle : Oui, merci. Comme vous savez, comme je vous le disais, justement, si vous voulez aller recruter les meilleurs, hein, je pense qu'il faut avoir des conditions de travail qui sont intéressantes. Vous le savez. Donc, si vous voulez aller chercher que ce soient des retraités ou encore des gens au niveau civil qui vont devenir enquêteurs, bien, si on veut vraiment les attirer chez nous, chez vous, mais, en tout cas, au niveau gouvernemental, bien, je pense que c'est... il faut y penser vraiment. Écoutez, mais est-ce que vous faites l'exercice, vraiment... parce que, là, vous dites : Oui, mais il y a plus d'hommes qui sont retraités comme enquêteurs ou quoi que ce soit. Moi, je sais bien que... Moi aussi, je suis un ancien policier, puis, dans ma génération, il y a beaucoup de femmes qui sont retraitées. Est-ce qu'on fait l'exercice pour aller les chercher? Parce qu'il y a ça aussi à faire. Est-ce qu'on fait l'exercice ou on fait simplement un envoi puis on demande des enquêteurs? Est-ce que vous comprenez, là? Est-ce qu'on met l'effort nécessaire?

M. Goulet (Pierre) : O.K., bon, premièrement, je dois vous dire que, jusqu'à tout récemment, nos postes en enquête étaient comblés. Puis on n'a pas de besoin particulier qui justifierait l'ajout d'un nombre important d'enquêteurs. Je mentionnais tantôt qu'on a trois postes vacants au bureau et je vous mentionnais aussi la lourdeur du processus de recrutement. C'est sûr qu'on pourrait aller dans des listes d'aptitudes, mais je préférerais, quant à moi, pouvoir ouvrir un concours, si la nouvelle loi est adoptée, pour pouvoir aller combler et favoriser cette parité-là, hommes-femmes, et aussi voir des candidatures extrêmement intéressantes qui proviennent de d'autres communautés avec d'autres backgrounds. Je pense, c'est ce qui fait la force du BEI. Je vous avais... On vous avait soumis une...

Une voix : ...

M. Goulet (Pierre) : ...une diapo, excusez-moi, qui vous donnait un petit peu l'idée de la diversité. On n'a pas pensé que c'était pertinent de le faire hommes-femmes, origine ethnique, mais on est conscients de ça. C'est la richesse du BEI.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Vimont.

M. Rousselle : Je regardais dans les médias... Je voulais juste... pour avoir votre opinion. Il y en a qui parlent... Ils ont... Ils semblent... Il y en a qui semblent avoir un problème... Je ne vous dis pas que c'est mon problème, mais, je vous dis, il y en a qui semble avoir un problème avec la double rémunération. Vous, votre opinion à vous, dites-moi donc ça.

Le Président (M. Bachand) : Me Goulet?

M. Goulet (Pierre) : Oui, oui, oui, j'ai compris la question. Je sais qu'en lien avec les emplois supérieurs il y a un projet de loi... pas un projet de loi, excusez-moi, un décret qui avait été adopté en décembre 2019, qui faisait qu'à partir du 1er avril les enquêteurs qui étaient retraités, mais qui ne provenaient pas de la fonction publique, donc, des ex-policiers, voyaient, pour les deux premières années de leur carrière au BEI, leur salaire amputé de la moitié de leur fonds de pension.

Donc, au BEI, ça nous coûtait 50 % de la pension de moins que le salaire qu'on lui aurait versé. Maintenant, à partir du 1er avril, ce décret-là a fait qu'après deux ans ils peuvent toucher leur pleine pension et leur rémunération. À titre d'exemple, ça a eu un impact d'environ 1,2 million, je pense, sur le budget du BEI, cette mesure-là.

Maintenant, qu'est-ce que j'en pense? Moi, là, ce n'est pas moi qui détermine ces conditions-là, mais, si c'est de nature à faciliter le recrutement d'enquêteurs qui sont des professionnels, qui sont efficaces, je n'ai pas d'objection à ça. Il faut qu'il y ait un après pour les gens qui ont une expérience antérieure, qui peuvent venir contribuer au BEI. Mais, encore là, je ne détiens pas les cordons de la bourse.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Vimont.

M. Rousselle : Donc, vous me dites que vous n'avez aucun problème si vous allez chercher les meilleurs avec ça, si j'ai bien compris.

M. Goulet (Pierre) : Exact.

M. Rousselle : Bon, écoutez, au niveau de mandats de cinq ans, parce que, tantôt, vous disiez que les mandats étaient de cinq ans, est-ce que la majorité reviennent après cinq ans ou la... Le niveau de rétention, là, il est comment chez vous?

M. Goulet (Pierre) : Bien, c'est quelque chose que je vis pour la première fois, que le bureau vit pour la première fois, parce que les derniers... les premiers recrutements étaient en 2015. Donc là, en 2020, j'ai procédé à la demande. Donc, j'ai demandé à la ministre de renouveler un certain nombre d'enquêteurs. Je n'ai pas le nombre exact, là, peut-être six ou sept de ceux qui étaient... dont le mandat était terminé. J'ai trois enquêteurs qui... ex-policiers qui ont choisi, eux, de partir à la retraite pour des raisons personnelles, trois ou quatre, là. Donc, à date, la rétention est bonne. Le système des mandats de cinq ans ou de trois ans pour les ex-policiers retraités, c'est peut-être plus acceptable que pour des jeunes qui veulent faire carrière au sein du BEI.

M. Rousselle : Juste une dernière question côté... Est-ce que vous avez des plaintes éthiques et déontologiques chez vous? Parce que, comme je vous disais tantôt, c'est toujours la confiance du public. Est-ce que vous avez des plaintes qui surviennent et combien?

M. Goulet (Pierre) : Bien, je n'ai pas la statistique. Ça me fera plaisir de transmettre le tout à la commission. Bien, justement, hier, on a reçu une décision du commissaire en déontologie, qui ne faisait aucun blâme à trois enquêteurs du BEI. Donc, j'ai lu ça ce matin. Je n'ai pas les chiffres ici, mais on peut s'engager à vous les transmettre, là. À ce que je sache, il n'y en a pas beaucoup. Je ne pense pas qu'il y ait eu de blâme à date, là, Me Binette, du commissaire en déontologie, à votre connaissance.

Mme Binette (Mélanie) : Pas d'enquêteur cité au comité.

M. Goulet (Pierre) : Pas d'enquêteur cité au comité.

M. Rousselle : Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Donc, on compte sur vous pour nous faire parvenir les documents à la commission. Merci beaucoup.

M. Goulet (Pierre) : Certainement qu'on prend l'engagement.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de René-Lévesque, s'il vous plaît.

M. Ouellet : Merci beaucoup. Donc, à mon tour de vous saluer, Me Goulet, Me Binette.

Je veux faire référence au deuxième rapport déposé par Me Lafontaine... plaintes contre les policiers. Le rapport de l'observatrice civile indépendante a été rendu public. Vous avez fait mention tout à l'heure que vous avez eu des discussions avec Me Lafontaine. J'aimerais qu'on discute peut-être ensemble de deux recommandations qui nous intéressent, considérant que, présentement, on va ouvrir la Loi sur la police, et donc il est peut-être opportun aussi de profiter de ce moment-là pour vous donner des outils supplémentaires, au bureau d'enquêtes indépendantes.

J'aimerais vous parler d'une recommandation, la 11, qui est d'«élaborer et [d'offrir], en partenariat avec des organisations et experts autochtones, un programme de formation obligatoire pour tous les enquêteurs du BEI visant à favoriser la sensibilité, la compétence et la sécurisation culturelles, dans le respect de la diversité culturelle des nations autochtones». Ce que j'ai compris des échanges, ultérieurement, avec le député de Vimont, c'est que vous étiez en progression d'instaurer ça, mais ce n'est pas encore complet... pandémie a fait, effectivement, ses effets, mais je veux juste bien comprendre, là. Ça fait partie d'un engagement clair, et vous allez le faire, et ça sera des formations maintenant obligatoires?

• (12 h 10) •

M. Goulet (Pierre) : Les formations qu'on a, il y a certaines formations qui sont obligatoires dans le programme des enquêteurs, mais nous, en plus de ça, on donne d'autres formations, à notre bureau, qui sont données par des personnes de milieux autochtones qui sont reconnues. Je pourrais vous donner la liste des cours qui ont été... des conférences qui ont été données. Ce sont des formations d'une journée. De mémoire, je pense qu'il y en a au moins cinq ou six, jours, déjà, qui ont été donnés aux enquêteurs. Et les nouveaux qui reviennent devront suivre ces formations-là. Puis on est très ouverts à ce qu'on puisse nous soumettre d'autres formateurs qui pourraient être suggérés par Me Lafontaine ou d'autres pour les intégrer à nos cours de formation.

M. Ouellet : Donc, si je comprends bien, c'est obligatoire.

Mme Binette (Mélanie) : Bien, en fait, si vous permettez le changement de parole, c'est bon? O.K. Donc, en fait, au départ, au BEI, les formations faisaient effectivement partie du cursus de formation pour permettre que nos enquêteurs et l'ensemble du personnel puissent être sensibles aux réalités autochtones. Maintenant, on est rendus ailleurs. On est rendus au moment où on doit interagir et qu'on doit s'assurer d'avoir les moyens pour être en action. Donc, par conséquent, la nouvelle formation qui a été développée par l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue devait être dispensée à un certain nombre d'enquêteurs cet automne, et, justement, là, plus sur des aspects de sécurisation culturelle, et leur permettre d'être dans l'action tout en étant conscients de leur réalité, mais qu'ils soient outillés pour agir, dans le fond.

Le Président (M. Bachand) : ...de René-Lévesque.

M. Ouellet : Merci. J'aurais une deuxième recommandation à discuter avec vous. Je veux savoir si vous êtes d'accord avec la modification de «l'article 289.1 de la Loi sur la police afin de formaliser le mandat du BEI concernant les allégations de nature criminelle visant des policiers dans tous les cas où la victime, le plaignant ou la plaignante, est membre des Premières Nations ou Inuit».

M. Goulet (Pierre) : Bien, comme j'ai dit tantôt, c'est un mandat qui nous a été confié en vertu d'une autre disposition par la ministre, mais, dans les faits, c'est notre pratique quotidienne. On n'aurait aucune objection à ce que ça soit intégré à l'article 289.1.2 ou s'appeler 289.3. Dans les faits, ça ne change rien à notre réalité actuelle.

M. Ouellet : Là, on fait juste le rendre légalement dans la loi. Je comprends. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Sur ce, Me Goulet, Me Binette, merci beaucoup d'avoir participé à la commission.

Sur ce, la commission suspend ses travaux quelques instants. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 12)

(Reprise à 12 h 15)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir M. Frédérick Gaudreau, Commissaire à la lutte contre la corruption. Alors, M. Gaudreau, vous connaissez bien les travaux de la commission. Alors, vous avez 10 minutes de présentation et, par après, nous aurons un échange avec les membres de celle-ci. Alors, la parole est à vous pour 10 minutes. Merci d'être avec nous aujourd'hui.

(Visioconférence)

Commissaire à la lutte contre la corruption

M. Gaudreau (Frédérick) : Parfait. Merci à vous. Donc, je me présente. Frédérick Gaudreau, Commissaire à la lutte contre la corruption. M. le Président, Mme la vice-première ministre, ministre de la Sécurité publique, Mmes et MM. les députés, bonjour.

D'entrée de jeu, je tiens à remercier la Commission des institutions de m'inviter aujourd'hui aux consultations particulières relatives au projet de loi n° 72. Ce projet de loi interpelle directement le Commissaire à la lutte contre la corruption, corps de police spécialisé, puisqu'il vise, d'une part, à réformer le mode de nomination de ses enquêteurs et, d'autre part, à prévoir la nomination des agents de la paix nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Je salue donc la volonté de vouloir doter le corps de police spécialisé des ressources nécessaires à l'accomplissement de sa mission.

Par mon allocution, aujourd'hui, j'espère contribuer à la réflexion des membres de la commission en exposant brièvement les enjeux avec lesquels le corps de police spécialisé doit composer pour doter ses postes d'enquêteurs et en partageant mes interrogations sur certains aspects du projet de loi ou du règlement qui en découlera. Je conclurai mon exposé en informant la commission de ma vision, qui a été partagée au Comité consultatif sur la réalité policière, au sujet de la création d'un nouveau statut de policier enquêteur.

Pour débuter, rappelons que le Commissaire à la lutte contre la corruption a été créé en 2011 et qu'il a pour mission d'assurer pour l'État la coordination des actions de prévention et de lutte contre la corruption dans le secteur public, notamment en matière contractuelle. En février 2018, le Commissaire à la lutte contre la corruption devenait un corps de police spécialisé, lequel était notamment assujetti aux exigences de la Loi sur la police. Le corps de police est composé de 170 personnes oeuvrant principalement en prévention, en vérification et en enquête.

Pour réaliser sa mission en enquête, le commissaire dispose de 79 enquêteurs. De ce nombre, 66 sont des policiers dont les services sont prêtés par près de 10 organisations policières du Québec et 13 sont des membres du personnel du commissaire nommant... suivant la Loi sur la fonction publique et ayant le statut d'agent de la paix. Le recours en grande majorité à des policiers dont les services sont prêtés comporte son lot de défis. Entre autres, nous devons composer avec des prêts de service dont la durée est fixée à trois ans, pour lesquels il n'y a pas de garantie de renouvellement, alors que nous menons des enquêtes qui peuvent s'échelonner sur plusieurs années.

En raison de la complexité des crimes à résoudre en matière de corruption, nous consacrons des efforts soutenus à la formation et à la spécialisation des policiers prêtés sans pouvoir nécessairement en bénéficier à long terme puisque ces policiers... ultimement au sein de leur corps de police d'origine. Le fait de recourir à une telle proportion de prêts de service place le corps de police dans une position de dépendance à l'égard des autres organisations policières puisqu'il est tributaire, d'une part, de leur capacité à lui prêter des ressources et, d'autre part, de la capacité des parties à s'entendre sur les modalités d'une entente de prêt de service.

En ce qui concerne les enquêteurs nommés selon la Loi sur la fonction publique, les banques de candidatures peinent à répondre au besoin de main-d'oeuvre du corps de police, notamment en raison de l'expérience demandée en enquête. Comme ces enquêteurs n'ont pas le statut de policier au sens de la Loi sur la police, ils n'ont pas accès à la formation initiale en enquête diffusée par l'École nationale de police ni aux cours de perfectionnement destinés à cette clientèle policière.

Le projet de loi adresse ces différents enjeux puisqu'il prévoit que je puisse nommer, à titre de commissaire, des agents de la paix pour agir au sein du service d'enquête qui relève du commissaire associé aux enquêtes. Le projet de loi prévoit que ces agents de la paix se conforment à un règlement sur la sélection et la formation. Comme l'article 115 de la Loi sur la police ne s'applique pas en intégralité à ces agents de la paix, nous en comprenons qu'ils seraient considérés comme policiers uniquement aux fins de la mission d'enquête du commissaire. Ils n'auraient donc pas la possibilité de servir dans un autre corps de police au Québec en fonction des lois en vigueur.

Le projet de loi prévoit aussi que je puisse nommer des agents de la paix qui remplissent les conditions minimales pour être embauchés comme policiers en vertu de la Loi sur la police. Ces derniers pourraient oeuvrer dans les domaines d'activité du commissaire autres que les enquêtes.

Enfin, le projet de loi maintient la possibilité pour le corps de police de recourir à des prêts de service policier. Évidemment, j'accueille favorablement la possibilité de pouvoir nommer des agents de la paix et de pouvoir continuer à bénéficier de prêts de service. Je tiens toutefois à porter à la connaissance des membres de la commission mes deux principales interrogations.

• (12 h 20) •

La première concerne la mobilité de ces agents de la paix et de ces policiers au sein même du corps de police spécialisé. Pour des raisons d'efficience, d'attraction de la main-d'oeuvre, de rétention et de développement des compétences, je suis d'avis qu'ils devraient pouvoir occuper d'autres fonctions au sein du corps de police. Par exemple, les agents nommés par... les agents de la paix, pardon, nommés par le commissaire pourraient vouloir mettre leur savoir-faire au bénéfice de la mission de renseignement ou de prévention du corps de police.

De la même manière, il pourrait être intéressant pour le service d'enquête de recourir à l'expérience de certains policiers pour agir comme enquêteurs ou gestionnaires d'enquête dans la mesure où ceux-ci détiendraient les qualités minimales requises pour exercer ces fonctions selon le règlement actuel en vigueur. Comme vous le savez, les membres des autres corps de police, comme la Sûreté du Québec et les corps de police municipaux, jouissent d'une telle mobilité au sein de leur organisation.

Ma deuxième interrogation concerne la formation. Bien entendu, je comprends que le contenu du règlement sur la sélection et la formation ne soit pas encore connu puisqu'il fait l'objet de travaux notamment au sein du groupe de travail mis sur pied en réponse à la recommandation n° 2 du Comité de surveillance des activités de l'UPAC. Néanmoins, je tiens à réitérer l'importance que les agents de la paix visés par le règlement aient accès à la formation destinée à la clientèle policière de l'ENPQ, notamment à la formation initiale en enquête et aux cours de perfectionnement.

De cette façon, tant les agents de la paix que les policiers prêtés disposeront du même bagage de connaissances pour mener à terme, en équipe, les différentes enquêtes criminelles et pénales du commissaire. Bien entendu, mon équipe et moi comptons poursuivre notre collaboration avec le groupe de travail pour que nos besoins soient entendus et que le faible volume généré par nos éventuels candidats à l'ENPQ ne constitue pas un frein à leur formation et, ultimement, à la bonne marche des enquêtes au sein du corps de police spécialisé.

Cela dit, de façon à contribuer à la réflexion autour des enjeux de mobilité, de formation, de volume suscités par le projet de loi n° 72, je souhaite partager aux membres de la commission les grandes lignes de la proposition que j'ai soumise le 15 octobre dernier au Comité consultatif sur la réalité policière.

Essentiellement, le mémoire que j'ai déposé propose au comité d'explorer la création d'un nouveau statut de policier enquêteur. Il s'agirait d'un policier spécialisé au sens de la Loi sur la police, dont la mission serait essentiellement axée sur les enquêtes plutôt que d'inclure les autres mandats policiers, comme la gendarmerie et les mesures d'urgence. Un tel statut permettrait non seulement au commissaire, mais aussi à tous les corps de police de recruter des personnes dont la formation, l'expérience de travail et les intérêts professionnels seraient bénéfiques à la lutte contre une criminalité complexe, en plus de favoriser la dotation et la rétention des effectifs au sein des unités d'enquête spécialisées.

C'est, par ailleurs, ce que recommandait le Comité de surveillance des activités de l'UPAC dans son premier rapport d'activité, publié en juin 2019. Il y aurait, alors, pour l'ensemble des corps de police du Québec, trois voies d'accès à la fonction d'enquêteur. Je suis conscient que cette proposition ouvre la porte à des changements importants à la législation en vigueur, mais je suis d'avis que le moment est propice à une réflexion sur des innovations policières qui nous permettraient de combattre les formes les plus complexes et corrosives de la criminalité, qui menacent nos institutions, notre démocratie et le bien-être des citoyens.

Pour conclure, le présent projet de loi représente pour moi un pas important vers l'adoption d'un modèle durable pour le Commissaire à la lutte contre la corruption, lui permettant de poursuivre sa constitution en corps de police spécialisé. Je tiens à remercier les membres de la Commission des institutions de leur écoute et je leur assure mon entière collaboration pour répondre à toutes les questions qui pourraient faire avancer l'étude de ce projet de loi. Merci de votre attention.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le commissaire. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme Guilbault : Merci beaucoup, M. le Président. Bien, merci beaucoup, M. Gaudreau, d'être avec nous aujourd'hui pour témoigner. Évidemment que votre participation est extrêmement pertinente compte tenu qu'un gros volet du projet de loi, c'est de régler un de vos problèmes à l'UPAC, qui est l'embauche de vos propres enquêteurs.

Puis je vais dire ce que j'ai dit avec votre prédécesseur. On s'est rencontrés au moins à deux reprises, vous et moi, depuis votre nomination officielle de Commissaire à la lutte contre la corruption, en ne parlant jamais du contenu des enquêtes, je veux bien le dire au micro, et je crois que vous confirmerez ce que dis, mais en se parlant, justement, là, des défis organisationnels, la gestion, l'administration, des communications, beaucoup, aussi, moi, je reviens toujours avec ce point-là, et donc de quelle façon est-ce que je pouvais vous aider. Puis ce projet de loi là, comme pour le BEI, c'est le fruit de nos discussions et c'est une façon qu'on met sur la table pour aider l'UPAC à connaître de meilleurs jours.

Ce n'est un secret pour personne que l'UPAC fait couler beaucoup d'encre dans les médias depuis plusieurs années, beaucoup d'enquêtes, beaucoup d'histoires qui sont toutes antérieures à vous-même et qui ont commencé sous le règne du précédent commissaire et du précédent gouvernement. Mais aujourd'hui on est en 2020, et il faut se donner toutes les chances que l'UPAC puisse connaître des jours meilleurs, parce que la mission de lutter contre la corruption, puis je veux le dire bien clairement au micro, c'est fondamental dans notre société. Donc, ça, c'était mon introduction.

Et, sur les communications, d'ailleurs, je veux en profiter pour féliciter l'UPAC parce que j'ai vu... Cette semaine, vous avez organisé un briefing technique, avec les journalistes, qui semble avoir été très bien accueilli, et j'ai vu des bonnes choses là-dessus. Puis moi, je trouve ça toujours intéressant d'avoir ce souci de communiquer, d'être transparent, autant qu'on peut l'être dans un corps de police spécialisé, vous me direz. Évidemment qu'il y a bien des choses qu'on ne peut pas dire, mais je pense que c'est sain d'être aussi transparent et proactif que possible sur le plan des communications quand on est une organisation payée par les fonds publics.

Donc, ceci étant dit, je comprends que vous êtes favorable, de prime abord, au projet de loi. Et ça tombe sous le sens puisque, comme je l'ai dit, c'est le fruit de discussions, entre autres, qu'on a eues, vous et moi. Il y a une mesure de transition, dans le projet de loi, qui est prévue. Je ne me souviens pas si vous l'avez abordée comme telle. Mais donc il y a une mesure de transition qui est prévue dans le projet de loi, qui va vous permettre de continuer de fonctionner avec des prêts de service en partie, malgré le fait que vous pourrez embaucher vos propres enquêteurs. Et je voulais simplement préciser que ça aussi, c'est à la suite des discussions qu'on a eues, vous et moi, parce que c'était votre souhait d'avoir cette mesure transitoire pour ne pas perdre tout le monde du jour au lendemain, là, puis de pouvoir continuer de fonctionner avec des prêts de service pour certains volets.

Alors donc, c'est ça, et moi, je m'intéresse beaucoup... Vous l'avez abordé, là, le profil des enquêteurs. Bon, souvent, on se retrouve comme ça dans des projets de loi. Tu donnes un pouvoir habilitant en disant : Ça va être prévu plus tard par règlement. Ça fait que tu n'as pas nécessairement le contenu comme tel, mais ça n'empêche pas qu'on puisse déjà y réfléchir.

Et, comme vous le savez, il y a un comité qui est en place actuellement, piloté par M. Paulin Bureau, qui se penche sur le profil puis les compétences qui seraient souhaitables pour les éventuels enquêteurs qui vont être embauchés à l'UPAC, auxquels vous collaborez, évidemment, et j'aimerais vous entendre... Sans trahir nécessairement les secrets ou la confidentialité à ce stade des discussions que vous avez, est-ce que... Puis je vous entends dire que ce serait le fun de pouvoir s'affranchir de l'obligation d'embaucher des enquêteurs qui seraient des agents de la paix purs, là, avec une formation de patrouille, gendarmerie. C'est, du moins, la recommandation que nous a faite le comité de surveillance de l'UPAC à son premier rapport. On en a reparlé récemment quand il a déposé son deuxième rapport. J'ai jasé avec lui, puis il me disait : C'est incontournable, pour nous, de pouvoir sortir du bassin d'agents de la paix standards, appelons ça comme ça. Ça fait que, donc, comment voyez-vous ça?

Et, encore une fois, je suis consciente que les travaux doivent se faire, puis on va attendre le rapport du comité, mais moi, je vois déjà qu'on puisse élargir le bassin. Il faut juste trouver une manière de le circonscrire, parce que, compte tenu du type d'enquête que vous menez, ça prend des gens qui sont formés pour, tu sais, aimer ça, analyser des choses, avec des compétences spécifiques, de la comptabilité, de l'informatique, tout ça. Moi, je vois vraiment un pool d'expertise, pour prendre l'expression qu'on a prise dans le temps du Bureau du coroner récemment. Alors donc, j'aimerais ça vous entendre élaborer un petit peu plus là-dessus.

Le Président (M. Bachand) : M. Gaudreau.

• (12 h 30) •

M. Gaudreau (Frédérick) : Bon, écoutez... Oui, M. le Président. Donc, évidemment, pour nous, c'est une avancée importante, que le projet de loi n° 72, mais également les travaux qui se font en parallèle, comme vous l'avez bien dit. Notamment, le comité de surveillance, évidemment, a émis certaines recommandations, particulièrement au niveau des compétences et de la formation. Et, à plusieurs reprises, on a eu des discussions ensemble pour, justement, développer une nouvelle façon d'aller chercher des nouveaux profils avec des expériences transversales.

Donc, vous l'avez dit dans votre introduction, moi, je pense que c'est essentiel. On est rendus en 2020. Moi, je suis un militant de la police du futur. Bon, je peux paraître un peu, parfois, obscur pour mes collègues qui sont plus traditionalistes, mais je pense qu'il faut profiter du momentum actuel pour dire : Est-ce qu'on est encore obligés d'aller recruter des policiers ou des agents de la paix qui sont issus, tout comme moi, par ailleurs, du mode traditionnel de police, gendarmerie pour effectuer des enquêtes ultraspécialisées, comme par exemple en ce qui concerne la corruption? Moi, je pense qu'on est à l'aube, là, évidemment, de se questionner là-dessus et de développer un nouveau modèle de policier enquêteur.

Maintenant, il y a quelque chose qui, pour faire du chemin sur cet aspect-là, m'interpelle également. On a parlé de transition, tout à l'heure, pour ne pas se retrouver du jour au lendemain, bon, déculottés et ne plus être capables de faire la mission. Mais il y a également un aspect important en termes d'exigences de formation, je pense, qu'il faut absolument être regardé, notamment en ce qui concerne la compétence individuelle, donc, d'un individu qui dispose de certaines compétences et la compétence collective d'une équipe de travail. Il serait, selon moi, imprudent d'exiger, à la base de l'embauche, que quelqu'un dispose de toutes les compétences nécessaires, alors qu'il va joindre une équipe et qu'il puisse, donc, au fil du temps, aller chercher des compétences transversales, que ce soit par de la formation, par exemple, ou, évidemment, un parrainage par des collègues de travail.

Et, ça, je l'entends non seulement pour des policiers d'expérience, mais également... Je peux donner un exemple un peu, peut-être, facile, là, mais on engagerait... Moi, demain matin, j'aimerais ça engager un ingénieur qui a une facilité avec les contrats, justement, qu'on octroie au gouvernement et qui... Finalement, au jour le jour, avec ces contrats-là, j'aimerais ça avoir quelqu'un qui a cette expertise-là, donc, l'espèce de regard inversé de la chose, pour nous identifier rapidement où sont les failles. Bien, cette personne-là dispose de ces compétences-là, mais peut-être pas nécessairement des compétences complètes en matière d'enquêtes sur la criminalité économique.

Donc, je ne voudrais pas m'empêcher, du jour au lendemain, à embaucher une personne avec ces qualités-là... qu'elle ne puisse pas travailler, donc, à 100 %, parce qu'elle ne dispose pas de x, y cours. Elle devrait avoir une base, donc, un programme de formation en enquête initial, et, par la suite, le règlement pourrait prévoir des formations d'appoint, là, qui pourraient être, évidemment, des formations plus spécialisées, de sorte que, sur un parcours de deux, trois ans, tout en considérant qu'on a une capacité limitée, hein...

On veut inscrire des gens à l'École nationale de police, puis c'est sans rien enlever à l'École nationale de police, là, mais ils ont une capacité limitée. Il y a parfois des listes d'attente d'un an et demi, deux ans, qui peuvent être mises de l'avant, puis pas par mauvaise volonté. Alors, nous, on va s'empêcher, donc, de mettre quelqu'un au travail parce qu'il ne dispose pas de toutes les compétences. J'émets une certaine réserve quant à ça. Cependant, je dois vous dire que ce serait extraordinaire de pouvoir avoir des profils différents.

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

Mme Guilbault : Très bien. Puis je note votre expression, la compétence collective, là. Je l'aime mieux que le pool d'expertise. Je comprends que c'est des synonymes à voir votre... puis c'est plus francophone. Ça fait que je vais vous l'emprunter, possiblement. Et je suis moi aussi une militante de la police du futur. Ça fait que, ça aussi, je vais peut-être vous l'emprunter éventuellement, mais j'aurai dit au micro que c'est vous, le propriétaire intellectuel de l'expression.

Puis, dans cette optique de la police du futur, c'est ça, moi aussi, je voudrais bien qu'on trouve une façon d'élargir, mais sans compromis sur la compétence individuelle, mais tout en étant, justement, lucides, en se disant : As-tu besoin d'avoir quatre personnes spécialisées en cybercomptabilité si tu en as un, dans le groupe, qui peut aider les autres, puis, tu sais, faire la job, puis avoir vraiment le complément, puis à la faveur d'enquêtes, peut-être, mieux menées, puis menées dans des délais plus courts? Puis, bon, toute l'interface aussi avec le DPCP, puis toute la question de l'issue des enquêtes...

Ça fait que, donc, je suis rassurée de vous entendre là-dessus. Et vous avez parlé de l'école de police. Quels sont, en ce moment, vos liens ou est-ce que la collaboration est bonne avec l'école de police? Je sais qu'il y a des listes d'attente puis il y a des défis de ce côté-là, mais... parce que, là aussi, il y a un nouveau directeur depuis quelque temps. On aime tous le précédent, je veux saluer sa contribution, M. Yves Guay, qui a mené une fructueuse carrière, et maintenant c'est Pierre St-Antoine qui en est le directeur.

Donc, est-ce que vous avez eu déjà, dans la foulée, justement, du comité, des discussions sur la façon, peut-être, d'organiser les formations, de faire en sorte que ce soit moins long, plus aisé? Puis le BEI, aussi, a le même problème. Tu sais, des fois, les formations, tu n'as pas assez de monde pour partir une cohorte, tu ne peux pas être dans les cohortes traditionnelles. Ça fait que, donc, par rapport à ça, est-ce que les choses... Est-ce que vous avez un horizon d'amélioration pour la formation de vos enquêteurs?

M. Gaudreau (Frédérick) : Oui, absolument. Bien, d'abord, je tiens à saluer l'ouverture d'esprit de l'École nationale de police, avec qui j'ai des discussions depuis mon entrée en poste. Pour moi, c'était essentiel, parce qu'évidemment la formation, c'est à la base, si on veut, de tout profil de compétence.

Alors, essentiellement, on a non seulement des communications régulières sur, justement, le traitement de nos dossiers pour les inscriptions de nos membres, on a vraiment un bon service à cet égard-là, je tiens à le préciser, mais, également, dans le cadre des travaux du groupe de travail, qui est piloté par M. Bureau actuellement, il y a des membres de l'École nationale de police qui y siègent, tout comme, d'ailleurs, des membres de d'autres organisations, que ce soit le DPCP, un membre de la communauté universitaire, des membres du ministère et nous.

Alors, essentiellement, je pense que, lorsqu'on a des discussions à cette table-là, on est écoutés, on est entendus. Et les professionnels qu'on fait contribuer à l'exercice ont voix au chapitre pour expliquer et exposer notre réalité. Et ça me ramène justement à ce que vous avez dit tout à l'heure sur la notion de compétence individuelle versus la compétence collective. Ce sont des éléments que nous discutons clairement, au niveau de la table de travail, justement, pour, comment dire, éviter de se créer, par une bonne idée, des obstacles dans le futur, parce qu'ils seraient enchâssés, par exemple, dans un règlement. Le but, c'est d'avoir de la flexibilité, d'avoir de la souplesse, et je pense que, là-dessus, on a une bonne oreille de la part des intervenants de l'École nationale de police.

Mme Guilbault : Parfait, merci. Puis c'est ce que j'avais entendu aussi en discutant, parce qu'il y a toute la question de la formation. J'en ai souvent parlé. Chez vous, je pense que c'est un défi. En fait, c'est un défi, la formation, mais aussi, à la source, l'embauche, le type de personne qu'on embauche. Puis je pense qu'en étant capables d'aller chercher des profils plus diversifiés qu'actuellement on va régler, naturellement, une partie de la formation, parce que l'école de police ne se mettra pas à faire des formations en informatique ou des formations en ingénierie, là, tu sais. Ça fait qu'il faut être capable d'aller chercher plus large.

Bon, je veux laisser du temps à mon collègue. Ça fait que, donc, là, je vois l'heure qui avance. J'ai mis mon chronomètre. Je pense que je vais peut-être... Denis, veux-tu... Je vais laisser le temps à mon collègue d'Ungava, pour ne pas trop amputer son temps, contrairement à la précédente fois. Donc, un gros merci, M. Gaudreau.

M. Gaudreau (Frédérick) : Merci à vous.

Le Président (M. Bachand) : M. le député d'Ungava, s'il vous plaît.

M. Lamothe : Combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Bachand) : Cinq minutes.

M. Lamothe : Ah! quand même. M. Gaudreau, c'est la deuxième fois que je vous rencontre — l'année passée, vous veniez d'être nommé — en commission parlementaire. Puis je ne vous connaissais pas. Vous avez été à la Sûreté du Québec. Je l'ai été également. Puis je crois bien que c'est mon côté curieux, mon côté, peu importe, là, personnel, j'ai fait des vérifications, puis, à un moment donné, tout ce que j'entends sur vous... Aujourd'hui, c'est la journée des félicitations, ça fait que je félicite les gens qui sont compétents. Ça fait que tout ce que j'entends sur vous, que ce soit au niveau des retraités, au niveau des policiers plus vieux actifs à la Sûreté, au niveau des moins âgés, si on veut, là, puis les plus jeunes, c'est toujours en bien. Ça fait que vous avez une réputation impeccable, puis je tiens à vous le dire. Ça fait que je ne parle pas pour ne rien dire, habituellement, là. Ça fait que je tiens à vous le dire. Je tiens à vous en faire part puis je vous en félicite.

Moi, je crois à l'UPAC, mais de façon complètement indépendante de tout corps de police. Est-ce que ça va arriver un jour? Je sais qu'on parle d'engager ses propres policiers enquêteurs, mais, quand on parle d'écoute électronique, quand on parle de filature, c'est des besoins que vous avez puis que vous empruntez que ça soit à différents corps de police, dont la Sûreté du Québec. On va-tu voir ça, un jour, un corps complètement indépendant des autres corps de police? Parce que je n'ai rien contre d'emprunter ces services-là, mais, au bout de la ligne, je crois à une indépendance, complètement indépendant, si on veut, là, de ces corps de police là. Voyez-vous ça, vous, à un certain moment donné, là, zéro relation avec les autres corps de police, dans le sens indépendance totale?

M. Gaudreau (Frédérick) : Bien, pour répondre à votre question, je pense qu'elle est très pertinente et elle s'inscrit justement dans les travaux de la réflexion sur la police au Québec. Ma vision là-dessus, évidemment, sous réserve, évidemment, de réalisme, je pense qu'on a besoin, jusqu'à un certain point, de partager des services dans un souci d'économie de coûts d'échelle. Les services ultraspécialisés comme vous avez nommés... L'écoute électronique, entre autres, pour avoir déjà travaillé là dans le passé, c'est extrêmement coûteux pour une organisation policière.

Maintenant, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu plutôt de regrouper ça sous une entité de services de soutien spécialisés, qui serait offerte à l'ensemble des services de police au Québec? Il y a peut-être, donc, là, une avenue intéressante à regarder, mais je ne veux pas non plus me prononcer pour les autres organisations policières et ainsi que les travaux du comité consultatif.

Par contre, ma vision à moi, ça serait de dire : Est-ce qu'on serait capables, dans une mesure, je dirais, quand même importante, d'avoir une autonomie et une indépendance sur notre, par exemple, embauche de policiers, nos embauches de personnes de soutien pour des missions qui sont plus généralistes? Bien que l'enquête sur la corruption reste une enquête de nature complexe, mais ce que je veux dire, c'est que... Est-ce qu'on serait en mesure d'avoir au moins l'autonomie et l'indépendance sur nos enquêtes, et, lorsque vient le temps, par exemple, de faire des demandes ultraspécialisées, d'avoir accès à une entité qui est indépendante?

Vous savez... puis j'ai travaillé aussi dans certains domaines spécialisés lors de ma carrière à la Sûreté du Québec. On parlait... J'ai travaillé dans les premières unités de cybercriminalité, là, en 2002‑2003, c'était au tout début. Il y avait quelques individus qui travaillaient là-dedans. Puis aujourd'hui c'est rendu un phénomène ultra-important pour les organisations policières, pour la société, et donc plus de ressources sont nécessaires.

Maintenant, ça coûte cher, ça. Et moi, je suis toujours dans l'idée de dire : C'est beau d'avoir une totale indépendance, mais, lorsqu'on parle de services qui pourraient être partagés avec une gestion indépendante, avec une gestion, je vous dirais, qui démontre de l'ouverture pour l'ensemble des personnes qui font des demandes d'assistance, ça, je m'inscris plus là-dedans dans un souci d'expertise, d'attraction et de maintien aussi de cette expertise-là.

M. Lamothe : O.K. Juste un dernier point si j'ai le temps, M. le Président? Oui, un dernier point, le prêt de personnel de trois ans. On a tous été transférés à un moment donné, là. On s'entend pour dire que, le premier six mois, on rentre dans le service, puis que, le dernier six mois, on en sort, du service, on ferme les dossiers, puis, bref... Ça fait qu'autrement dit il y a deux ans, vraiment, sur trois, là, où est-ce qu'on peut être... on peut compter, si on veut, là, sur une performance totale. Vous ne trouvez pas ça court un peu, trois ans, vous, pour un prêt de service?

• (12 h 40) •

M. Gaudreau (Frédérick) : Oui, absolument, absolument, c'est court, trois ans, surtout dans le contexte de nos enquêtes à nous. Évidemment, il y a aussi le fait que, lorsqu'on accueille, parfois, des enquêteurs qui proviennent d'autres services de police, ils ne disposent pas de toute la formation de base. Donc, on... six mois pour se mettre en place, mais ça peut prendre même un an, un an et demi, avant que la personne soit formée. Donc, un an et demi, je vous dirais, par la suite, de travail, c'est clair que, pour nous, ça, c'est un... comment dire, ça fait partie des obstacles à la performance.

Bien évidemment, on accueille des gens de qualité. Ça, je tiens juste à le préciser, les gens qui travaillent chez nous présentement, ce sont des gens qui sont engagés dans la mission, qui sont des professionnels, qui veulent vraiment... et qui y croient, mais qui sont, tout de même, liés à des ententes de prêts de service. Donc, c'est normal, comme vous l'avez dit, que, si tu fais trois ans à quelque part, tu envisages de faire autre chose parce que tu es dans une organisation policière qui t'offre de multiples possibilités, bien, c'est clair que nous, bien, on ne peut pas faire plus que ça, profiter plus que ça de la personne, et c'est, je vous dirais, à moyen, long terme, quelque chose qui nous met certains obstacles dans le cadre de nos enquêtes.

M. Lamothe : Moi, j'irais à cinq ans.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. M. le député de Vimont, s'il vous plaît.

M. Rousselle : Merci, M. le Président. Bien, bonjour, M. Gaudreau. Merci d'être là.

Écoutez, premièrement, je peux voir que vous avez tout un défi, un défi important, quand on voit le déficit de crédibilité que l'UPAC vit actuellement. Donc, vous avez de l'ouvrage sur la planche, mais j'ai vu...

Puis félicitations. Quand j'ai vu le briefing technique que vous avez fait, justement, aux journalistes, bien, je pense que vous êtes enclins à vouloir, justement, démontrer comme quoi il y a un changement ou qu'il y a... En montrant le fonctionnement, je pense, vous voulez être transparents là-dessus. En passant, ça aurait été peut-être intéressant aussi que les députés puissent avoir ce briefing-là, parce qu'il y a les journalistes, mais aussi les collègues, des fois, qui se posent des questions, puis, je pense, ça pourrait être intéressant.

Dans... Toujours dans cette... Vous avez parlé, justement, dans... aux médias comme quoi, bien, en tout cas, je suppose, parce que c'est les médias qui ressortent ça, que vous avez une nouvelle manière ou une nouvelle façon de faire des enquêtes, des nouveaux processus. Dites-moi, est-ce que ça, ça va faciliter, justement, le processus? Est-ce que ça va aider, ce projet de loi là, à avoir... ça va être utile pour faciliter au niveau des processus judiciaires?

Le Président (M. Bachand) : M. Gaudreau.

M. Gaudreau (Frédérick) : Oui. Donc, oui, effectivement, les différents changements qu'on a faits, nous, ce n'est pas simplement cosmétique. Je tiens à vous rassurer là-dessus, c'est vraiment pour être plus performants, notamment dans le secteur des enquêtes. On avait, auparavant, deux secteurs séparés d'enquête, parce qu'une des raisons pour lesquelles c'était fait, c'est qu'historiquement... L'UPAC est quand même une jeune organisation, je tiens à le rappeler, là, mais, historiquement, il y avait des enquêteurs qui avaient été engagés, avant même la création de l'UPAC, par l'unité anticollusion, donc, qui étaient engagés sur un profil de professionnels du gouvernement. Et, lorsque l'UPAC a été créée, on a maintenu, jusqu'à un certain point, ces enquêteurs-là dans une équipe qui était, si on veut, distincte de celle des prêts de service, qui était initialement l'escouade Marteau.

Donc, je fais juste un petit historique pour vous mettre dans le contexte. Donc, depuis 2011‑2012, ces deux équipes-là oeuvraient de façon distincte, ce qui faisait en sorte que, pour plusieurs raisons, on avait, je vous dirais, certains enjeux, notamment au niveau de l'uniformisation des pratiques, mais principalement sur le fait que ces gens-là étaient, d'une part, des policiers au sens de la Loi sur la police, donc, pour les prêts de service, et, d'autre part, des employés de la fonction publique. Donc, vous comprendrez qu'avec deux, comment dire, statuts distincts, bien que les gens sont agents de la paix et seront en mesure d'appliquer les différentes infractions, les actes répréhensibles à notre loi, ça entraînait une certaine, comment dire, parfois, mécanique à adresser.

La structure, en la changeant, ça va aider, parce qu'on uniformise nos pratiques, mais, en même temps, on fait en sorte que ces gens-là travaillent ensemble. Et là le projet de loi vient proposer la possibilité d'engager, donc, des policiers avec, comment dire, une accréditation hors fonction publique, ce qui va nous permettre d'avoir des gens qui ont le même, si on veut, statut, à quelques exceptions près, que j'ai soulevées, notamment, dans mes interrogations, d'entrée de jeu, mais, bref, ça va nous permettre de faire travailler ces gens-là ensemble dans les mêmes équipes de travail. Et ils auront, donc, le statut, ultimement, de policier enquêteur du commissaire, qu'ils soient en provenance d'une organisation policière en prêt de service ou même nos propres enquêteurs qui seront engagés en vertu de la loi. Donc, pour moi, c'est une avancée importante.

M. Rousselle : Merci. Dites-moi, pour recruter... Parce que, là, c'est sûr que, là, il va y avoir sûrement moins de prêts de service. Vous allez avoir... Justement, vous allez essayer d'avoir... ce que j'ai compris des questions de la ministre. Et puis vous essayez d'avoir votre propre personnel pour avoir une continuité. Ça, j'ai tout compris ça. Mais, au niveau des conditions de travail... Parce que je ne sais pas si vous avez vu le mémoire de l'association des policiers provinciaux, l'APPQ, que vous connaissez sûrement. Est-ce que vous avez pris considération de leur mémoire, en disant comme quoi... Eux autres, ils semblent dire comme quoi que les gens qui vont aller travailler à l'UPAC vont être moins bien protégés. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça? Est-ce que vous avez eu la chance de le lire?

M. Gaudreau (Frédérick) : Non, écoutez, je n'ai pas pris connaissance du mémoire de l'APPQ. Donc, je ne pourrais pas en parler à ce niveau-là.

M. Rousselle : O.K., parce que, tu sais, on sait bien qu'il faut avoir... À un moment donné, il faut être attractif. Donc, il faut avoir des conditions de travail intéressantes aussi. Comme vous avez dit, justement, si vous amenez du monde qui sont soit retraité ou tout simplement du milieu autre, là, parce qu'effectivement on veut aller autrement... Puis chose que je ne suis pas contre non plus. Je veux dire, plus qu'on devient large dans les connaissances, mieux que c'est. Donc, plus qu'on peut avoir des gens qui viennent de divers horizons, bien, c'est encore mieux pour les enquêtes. Je suis d'accord là-dessus.

Une question, c'est juste pour savoir si vous, vous êtes à l'aise... parce qu'on le sait, que votre organisation, c'est une organisation indépendante totalement. Vous, quand la ministre vous convoque à des réunions, est-ce que vous vous sentez à l'aise avec ça ou pas à l'aise?

M. Gaudreau (Frédérick) : Oui, absolument, moi, je suis très à l'aise, dans le contexte où c'est des réunions, justement, où, écoutez, on m'offre comment on pourrait m'aider, on m'offre des moyens. Donc, comme dirigeant d'organisation, pour moi, j'ai tout avantage, je pense, à communiquer mes besoins à la ministre. Maintenant, on n'a jamais parlé de dossiers opérationnels. Si ça avait été le cas, je me serais tout simplement retiré de cette réunion-là.

M. Rousselle : Parfait. Bien, c'est une question... Il n'y a pas de problème, là. Il n'y avait pas de question piège là-dedans, là. Il y a... Écoutez, au niveau de... À l'intérieur, avec la nouvelle... la venue de gens... qui viennent... qui vont venir, autres que du milieu policier, et tout, vous en avez déjà, au niveau éthique et déontologique... Parce que, là, ces gens-là vont avoir de l'information, et, on le sait, avec les années passées, l'information, bon, ça quittait l'UPAC ou, en tout cas... Est-ce que vous avez mis quelque chose de solide là-dessus pour, vraiment, que les gens puissent s'engager à ne pas sortir de l'information? Est-ce que vous vous servez vraiment d'un code spécial d'éthique et déontologique chez vous?

M. Gaudreau (Frédérick) : Oui. En fait, bien, d'abord et avant tout, hein, vous savez, je crois, que, bon, par votre expérience passée, lorsque vous désirez entrer dans la force policière, vous devez prêter serment. Le prêt du serment, en tant que tel, donne cette confirmation-là à l'effet que vous devez respecter les paramètres de confidentialité et, en aucun temps, sortir de l'information. Donc, à la base, les gens qui sont assermentés comme agents de la paix ont cette directive-là.

Cependant, nous avons mis de l'avant des politiques de gestion à l'interne qui viennent renforcer, encore une fois, tout l'aspect éthique. Donc, évidemment, les déclarations d'intérêt, si c'est le cas, bien, il y a tout un paramètre d'encadrement. On a un conseiller, un répondant en éthique, qui est présent pour aider les gens, donc... mis en place, et également une politique sur la gestion des communications, notamment, avec les médias, qui fait en sorte que les communications avec les médias sont centralisées par notre service des affaires publiques et des communications. Donc, essentiellement, ce sont eux qui peuvent communiquer l'information, tout comme on l'a fait hier, d'ailleurs, au niveau du breffage technique qu'on a offert aux médias.

Donc, oui, il y a des mesures en place. Et, pour moi, je vous le dis, là, c'est une préoccupation majeure. Vous ne pouvez pas savoir jusqu'à quel point on vit aujourd'hui avec des choses du passé, et je ne veux pas que ça se reproduise. Que ce soit pour moi ou quiconque qui va prendre ma place plus tard, je ne veux plus que ça se reproduise. Soyez sans crainte, on est extrêmement vigilants là-dessus.

M. Rousselle : Bien, écoutez, d'ailleurs, c'est pour ça je vous ai dit que vous avez un défi important. Puis, écoutez, je ne voudrais pas être à votre place, en passant, là, mais on est avec vous, parce que je pense que c'est la confiance du public qu'il faut travailler, puis, vous le savez. «Anyway», je n'ai pas à vous le dire, là, vous avez ça sur vos épaules.

Écoutez, dans le projet de loi, parce que vous avez parlé de reconstruction, justement, de l'UPAC, hein, c'est ça qu'on parle depuis tantôt, dans ce projet de loi là, vous, est-ce que vous auriez aimé avoir d'autres articles, d'autres choses, d'autres outils qui auraient pu justement vous aider vraiment à reconstruire l'UPAC d'une manière... du futur, vu qu'on parle des policiers du futur, donc, pour vous amener vers là?

• (12 h 50) •

M. Gaudreau (Frédérick) : Bien, écoutez, je comprends, pour moi, que le projet de loi, c'est une étape importante pour nous, pour nous donner cette autonomie puis cette indépendance-là de pouvoir engager nos propres policiers, nos propres enquêteurs, je vous dirais. J'ai mentionné tout à l'heure quelques interrogations qu'on avait notamment au niveau de la formation, c'est-à-dire l'accès, la formation et également la mobilité à l'interne, donc, de permettre à des gens qu'on engage comme enquêteurs de pouvoir cheminer dans l'organisation policière, donc, de pouvoir occuper des fonctions de prévention ou de renseignement.

Mais évidemment moi, je souhaite quand même que les travaux se poursuivent, notamment la réflexion policière, actuellement, les différents groupes de travail qui... On sent vraiment, comment dire, une... C'est assez... Comment dire, ça bouge en ce moment dans le monde de réflexion policière, puis moi, je m'inscris dans ces changements-là. C'est sûr qu'ultimement, dans un monde idéal, il aurait peut-être fallu pouvoir avoir accès à des policiers, je vous dirais, au sens de l'article 115 de la Loi sur la police actuelle, et ce, sans restreindre nécessairement l'accès à une fonction ou à une autre.

Maintenant, j'en comprends, des travaux qui sont amorcés avec le p.l. n° 72 ou avec la réflexion policière, qu'on aura probablement l'occasion également de s'adresser aux instances pour formuler ces besoins-là. Mais, à court terme, moi, je vous rassure, je m'inscris dans l'évolution qu'on nous offre présentement avec le p.l. n° 72. En fait, je salue ça, d'ailleurs. Ça va nous permettre, à court ou à moyen terme, d'embaucher nos propres enquêteurs. Donc, j'apprécie énormément la démarche qui en est faite.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Vimont.

M. Rousselle : Au niveau de la formation, vous parlez justement de la formation à... J'allais dire l'École nationale de police, là, mais vous pouvez voir que c'est mon âge qui vient dire des choses comme ça, là, l'institut de police. Mais, au niveau de la formation, actuellement, je pense que c'est... avec la COVID-19, je pense qu'il y a un problème à cet endroit-là. Vous, est-ce que vous avez pallié à quelque chose, parce que, là, si vous parlez de reconstruction... Puis là on sait bien que la COVID... On aimerait ça qu'elle arrête demain matin, là, ça, en tout cas, mais on sait tous que ça n'arrivera pas demain matin. Donc, est-ce que vous avez pallié à quelque chose pour, justement, former ou reconstruire, justement, l'UPAC?

M. Gaudreau (Frédérick) : En termes de formation, je vous dirais, ce qu'on... Bien, évidemment, il y a toute une période d'ajustement, là. Au début de la COVID, vous comprendrez qu'un peu comme tout le monde on s'est sentis un peu bousculés, là. Il y a eu, effectivement, des cours qui ont été suspendus, qui ont été reportés. Moi, je vous assure qu'au niveau de l'École nationale de police, encore une fois, je répète, on a une bonne collaboration, et ils sont capables de nous servir à cet égard-là lorsqu'on a des besoins qui sont plus pressants.

Par contre, ça ne nous a pas empêchés, à l'interne, avec un professionnel qu'on avait engagé, justement, pour avoir toutes les compétences puis développer un parcours de formation, d'instaurer certaines formations qu'on appelle maison, donc, pour permettre, lorsqu'arrive un nouvel enquêteur, par exemple, un nouvel employé, d'avoir déjà des éléments à lui communiquer pour que... évidemment, on vise l'autonomie, là, mais, au moins, qu'il ait certains outils pour débuter son travail. Donc, on a, je vous dirais, deux modes, là, un mode interne puis un mode externe, avec l'École nationale de police.

M. Rousselle : Est-ce que vous avez pensé... Parce que je regarde le nombre de personnel que vous avez, j'ai tout écouté, tout à l'heure, 62 ressources, 44 enquêteurs, et tout. Est-ce que vous avez pensé à aller chercher... Puisque l'UPAC, c'est le Québec au complet, donc il y a le côté autochtone. Est-ce que vous avez pensé d'aller chercher justement des gens au niveau autochtone? Est-ce que vous avez des gens aussi qui viennent un peu partout, là, au niveau ethnoculturel? Et puis est-ce que vous essayez aussi d'avoir une parité hommes-femmes chez vous?

M. Gaudreau (Frédérick) : Oui, absolument. Je vous dirais même qu'à ce niveau-là on est quand même... En tout cas, si on parle de la dernière... hommes-femmes, 62 % de nos membres sont féminins. Ça reflète un peu ma vie de famille. À la maison aussi, je suis minoritaire. Alors, là-dessus, je vous dirais qu'on a une très grande présence de personnel féminin. Pour ce qui est des minorités visibles et ethniques, c'est quand même 25 % de notre personnel. Donc, on est très fiers de ça. Et évidemment on fait preuve d'une grande... Il y a plusieurs secteurs d'activité, si on veut, à l'UPAC, donc, que ce soit la prévention, la vérification et l'enquête, et ces chiffres-là, donc, que je vous donne, ce sont des chiffres qui sont partagés à travers les différents secteurs.

Le Président (M. Bachand) : Rapidement, M. le député de Vimont.

M. Rousselle : Bien, écoutez, donc, bien, justement, je vous demanderais, justement, de faire des efforts au niveau... pour qu'il y ait vraiment une représentativité, justement, qui reflète la situation du Québec. Merci, monsieur.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de René-Lévesque, s'il vous plaît.

M. Ouellet : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, à mon tour, M. le commissaire Gaudreau, de vous saluer pour ces travaux de consultation au projet de loi n° 72.

J'aimerais revenir sur un article du Journal de Québec, paru le 8 octobre, qui fait référence à un taux de roulement de 25 % dans votre organisation, qui est un peu plus que du double de la fonction publique. Je comprends que, si on met de côté le fait qu'on pourrait permettre un prêt de personnel de plus de cinq ans, ça pourrait effectivement vous aider à garder votre monde plus longtemps. Mais, au-delà de ça, vous perdez un quart de vos ressources. C'est beaucoup. Est-ce que vous avez besoin de moyens supplémentaires pour arriver à stabiliser votre main-d'oeuvre, de les retenir et, par la suite, être capables d'être attractifs et d'en attirer des nouveaux?

M. Gaudreau (Frédérick) : Merci pour la question. Je pense qu'elle est effectivement très pertinente. D'ailleurs, c'est un point d'inquiétude que j'ai depuis que je suis arrivé à titre de commissaire. Pour moi, je tiens d'abord à me permettre de distinguer deux choses.

Le taux de 25 %, c'est les employés de la fonction publique. Donc, ce ne sont pas les enquêteurs en prêt de service. Les employés de la fonction publique, je dois vous dire que, depuis quelques années, on roulait à un taux avoisinant ça, mais, bon, j'ai quand même une bonne nouvelle à vous annoncer. On est descendus à près de 16 % dans la dernière année. C'est ce qui va figurer, d'ailleurs, dans les chiffres qu'on présentera la semaine prochaine, lors du dépôt public de notre rapport annuel de gestion.

Cependant, ce n'est pas parce qu'on descend à 16 % que je m'en réjouis. Au contraire, je pense que votre question est plus sur qu'est-ce qu'on pourrait faire de mieux pour garder les gens à l'emploi. On a, évidemment, embauché une conseillère en ressources humaines... en gestion de ressources humaines, pardon, qui fait, justement, maintenant des entrevues de départ qui nous permettent de bien cerner les raisons pour lesquelles les gens quittent et d'essayer d'identifier sur quoi on devrait travailler dans le futur pour être plus... comment dire, d'une part, avoir une meilleure rétention, être plus attractifs.

Cependant, je dois vous dire... je me réjouis, parce que les derniers postes qu'on a ouverts, dans les derniers mois, ça va superbien. On a plus de candidats qui appliquent. Ça nous demande, ce qui est intéressant, une logistique, de céduler des entrevues, chose qui n'était pas toujours le cas lorsque je suis arrivé. Donc, c'est très, très, comment dire, encourageant. Et, ces gens-là, on en prend soin. On prend le temps de les écouter. On prend le temps de les rencontrer et de s'assurer que...

Surtout, entre vous et moi, actuellement, avec la COVID, ce n'est vraiment pas évident, là, accueillir des nouveaux employés. Donc, on mise encore plus sur l'accueil des employés, ce qui fait en sorte qu'en ce moment je pense que ce qui pourrait aider, d'une part, pour les employés de la fonction publique, donc, notre personnel qui fait de la vérification, de la prévention et du soutien aux enquêtes, c'est toutes les mesures que je vous ai décrites là, qu'on met de l'avant.

Pour ce qui est des policiers ou des enquêteurs policiers, moi, je suis convaincu qu'en pouvant embaucher nos propres enquêteurs on va être en mesure, notamment, de résoudre une partie du problème de portes tournantes, qui a été longtemps, effectivement, puis je ne nie pas le passé, là, comment dire, un de nos talons d'Achille à l'UPAC, là, faisant en sorte qu'on n'était pas en mesure d'avoir une expertise à long terme. Moi, je pense sincèrement qu'une bonne mixitude va nous permettre de maintenir notre monde.

M. Ouellet : Donc, pouvez-vous nous dire quel a été le constat des entrevues de départ que vous avez faites? Au-delà du fait qu'il y avait des portes tournantes, est-ce que vous êtes capable de me dire qu'est-ce qui fait que les gens quittaient?

M. Gaudreau (Frédérick) : Oui, ce qui ressort un peu, en fait, c'est particulier. On a fait, par exemple, une vingtaine d'entrevues de départ l'année dernière. La plupart d'entre elles, je vous dirais, plus de 50 %, c'est des gens qui ont eu des promotions, donc c'est un peu difficile, là, de... des promotions ou des permanences, là, dans d'autres ministères. La fonction publique québécoise étant ce qu'elle est, bien, finalement, les gens voient des opportunités à gauche, à droite, puis ça leur permet de maintenir, donc, leurs, comment dire, conditions de travail.

Dans certains cas, il y a eu des retraites. Puis, dans d'autres cas, je vous dirais, une minorité, ce sont des gens qui ne s'inscrivaient pas nécessairement... dans le sens où on se disait : Bien, ce n'est pas tout à fait ce à quoi je m'attendais, tu sais, puis je m'attendais à faire un autre type de travail. Mais, moi, en fait, de ceux que j'ai demandé de faire, j'ai été rassuré, parce qu'il n'y a personne qui a dit que c'est parce que ça n'avait pas de bon sens puis parce qu'il y avait un mauvais climat de travail. Au contraire, on a eu des idées constructives qui sont sorties de ces rencontres-là puis on les utilise aujourd'hui justement pour corriger, peut-être, comment dire, des lacunes qu'on avait dans le passé.

Le Président (M. Bachand) : Sur ce, merci beaucoup, M. le député. Commissaire Gaudreau, merci beaucoup d'avoir participé à la commission.

Et la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

(Reprise à 15 h 03)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bon après-midi. La Commission des institutions reprend ses travaux. Nous poursuivons les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières au sujet du projet de loi n° 72, loi modifiant les dispositions législatives concernant principalement des organismes du domaine de la sécurité publique.

Cet après-midi, nous entendrons le Syndicat canadien de la fonction publique, avec ses deux représentants, M. Pierre-Guy Sylvestre, conseiller syndical, bienvenue, et Mme Marie-Claude Cadieux, conseillère syndicale. Donc, la parole est à vous pour 10 minutes, et, après ça, nous aurons un échange avec les membres de la commission. Merci beaucoup de votre participation. La parole est à vous.

(Visioconférence)

Syndicat canadien de la fonction publique

M. Sylvestre (Pierre-Guy) : M. le Président, Mme la ministre, MM. et Mmes les députés, bonjour. Nous remercions la Commission des institutions de nous entendre aujourd'hui sur le projet de loi n° 72. Mon nom est Pierre-Guy Sylvestre. Je suis économiste au service de la recherche du Syndicat canadien de la fonction publique. Et je suis accompagné de ma collègue avocate, Marie-Claude Cadieux, qui est conseillère syndicale de la section locale des 37 enquêteurs du Bureau des enquêtes indépendantes.

Nous représentons les 37 enquêteurs indépendants... enquêteurs du Bureau des enquêtes indépendantes, à l'exception des enquêteurs superviseurs. Le SCFP compte près de 122 000 membres au Québec. C'est le plus grand affilié de la FTQ. Il est présent dans 11 secteurs d'activité, autant publics que privés. Donc, on est dans le municipal, dans l'énergie, dans le transport maritime, dans les universités. Et également on représente la section locale du BEI. Nous avons déposé un mémoire et nous vous proposons de vous en faire la présentation aujourd'hui.

Mise en contexte. Le projet de loi n° 72 a été déposé le 21 octobre dernier. Le SCFP-Québec et sa section locale représentant les enquêteurs du BEI, accréditée le 14 août 2019, en ont pris connaissance. Après analyse, nous avons constaté que l'article 29 du projet de loi aura comme impact de révoquer l'accréditation du syndicat déjà formé puisqu'il y aurait non-respect des dispositions modifiées de la Loi sur le régime syndical applicable à la Sûreté du Québec. De plus, nous constatons que les dispositions transitoires sont insuffisantes pour permettre le maintien d'une association. Des amendements devraient permettre de corriger le tir.

En ce sens, nous demandons que l'article 17 du projet de loi soit modifié afin de permettre aux personnes salariées du BEI de maintenir leur accréditation actuelle au SCFP-Québec. Nous demandons aussi que l'article 29 soit amendé afin de permettre au syndicat récemment créé d'être maintenu pour les négociations, pour que les négociations puissent reprendre le plus rapidement possible. Nous vous donnerons des détails aux sections suivantes. Enfin, la disposition transitoire de l'article 28 du projet de loi devrait également être modifiée pour préciser que les contrats individuels de travail actuels soient respectés jusqu'à leur terme.

Dans le mémoire, vous retrouverez aussi, à la fin du mémoire, sept questions. En fait, on a mis ces questions-là parce que, lors d'une discussion avec une représentante du Conseil du trésor au sujet de la négociation, on avait plusieurs questions, et la représentante du Conseil du trésor nous a tout simplement dit d'amener ces questions-là à la commission parlementaire lors des consultations. Donc, c'est ce que nous avons fait aujourd'hui.

Au sujet de la liberté d'association, l'article 17 du projet de loi remplace l'article 5 de la Loi sur le régime syndical applicable à la SQ. On comprend que cette disposition, telle que rédigée, révoque l'accréditation du SCFP, étant donné que nous représentons quelques salariés qui exercent des fonctions d'agent de la paix. Il est utile de préciser que le SCFP représente seulement 96 policiers, ainsi qu'environ 18 constables spéciaux à Hydro-Québec ayant le statut d'agent de la paix.

Selon les données du ministère de la Sécurité publique, en date de 2015, le Québec compte 15 140 policiers, à l'exclusion de ceux de la GRC. Quant aux agents de la paix qui ne sont pas policiers, ceux-ci se comptent également par milliers. On a 370 constables spéciaux puis on a 2 800 agents des services correctionnels. On s'entend que les 114 agents de la paix représentés par le SCFP représentent très peu en pourcentage d'agents de la paix du Québec. En réalité, c'est 0,6 %.

À notre avis, cet article du projet de loi représente une entrave sérieuse à la liberté d'association, protégée par l'alinéa 2.d de la charte canadienne ainsi que protégée par la charte québécoise. Cet article a pour effet de limiter de façon considérable la possibilité pour les enquêteurs du BEI de choisir l'association de leur choix pour les représenter. La portée même de cet article condamne pratiquement ce petit groupe d'enquêteurs à n'avoir d'autre choix que de se faire représenter par une association indépendante, ainsi ne pas avoir accès aux avantages d'une affiliation. Cette atteinte apparente au droit d'association se doit d'être justifiée par un besoin urgent et réel et de constituer une atteinte minimale et raisonnable dans les circonstances.

Nous sommes d'avis que la nécessaire indépendance du BEI n'est aucunement mise en cause par le seul fait que les enquêteurs du BEI soient syndiqués par le SCFP, que représente une infime partie des agents de la paix du Québec. Le législateur n'a pourtant pas fait la démonstration d'un potentiel conflit d'intérêts, et la révocation de l'accréditation n'est pas justifiée par un besoin réel et urgent.

Donc, notre recommandation 1 se lit comme suit : «Que l'article 17 du projet de loi soit modifié afin de permettre aux enquêteurs du BEI de maintenir leur accréditation actuelle au SCFP-Québec.»

Sur ce, je laisse la parole à ma consoeur, Marie-Claude Cadieux.

• (15 h 10) •

Mme Cadieux (Marie-Claude) : Merci. Pour la recommandation 2 et 3, on va traiter des mesures transitoires. Donc, dans la révocation de l'accréditation prévue dans le projet de loi, le gouvernement, qui se trouve également à être l'employeur dans ce cas-ci, annule, selon nous, tous les efforts qui ont été déployés pour mettre en place les bases de ce nouveau syndicat. Donc, il y a eu évidemment une assemblée de fondation, élection d'un comité exécutif, nomination aussi d'un comité de négociation, consultation des membres pour élaborer un cahier de revendications syndicales. Nous estimons qu'en révoquant simplement l'accréditation en place le rapport de force entre l'employeur et les salariés est déséquilibré, favorisant ainsi injustement, selon nous, la partie patronale.

Nous croyons qu'il serait approprié de modifier le projet de loi pour permettre à l'accréditation existante d'être reconnue comme étant l'association représentant les enquêteurs du BEI au sens de la Loi sur le régime syndical applicable à la Sûreté du Québec. Nous croyons qu'il est possible de trouver une solution pour que les conditions prévues au projet de loi soient respectées tout en évitant une révocation pure et simple. Cette alternative permettrait qu'il n'y ait pas de période d'incertitude quant à l'existence ou pas d'une association représentant les enquêteurs du BEI et éviterait ainsi aussi que l'association ait à reprendre l'ensemble des étapes déjà franchies lors de la création d'un syndicat ou d'une association. De plus, cela permettrait de reprendre la négociation du contrat de travail dans les meilleurs délais et permettrait aux enquêteurs du BEI que leurs conditions de travail soient dûment négociées et non pas imposées.

Donc, en ce sens, voici la recommandation n° 2 : «Que les mesures transitoires prévues [au] projet de loi soient amendées afin de permettre au syndicat récemment créé d'être maintenu dans sa forme actuelle ou autrement et que les négociations puissent reprendre dans les plus brefs délais à la suite de la sanction du projet de loi.»

Donc, concernant la recommandation 3, actuellement, les enquêteurs du BEI sont nommés par le gouvernement avec recommandation du directeur du BEI. Le mandat des enquêteurs est d'une durée fixe de cinq ans maximum, et le gouvernement détermine la rémunération et les avantages sociaux. Par la suite, il y a un décret gouvernemental qui est adopté pour confirmer la nomination. Et, suivant cette nomination-là, il y a un contrat de travail individuel qui est conclu entre le gouvernement et la personne nommée, qui prévoit, entre autres, la durée de l'engagement, la rémunération et les conditions de terminaison du contrat, et spécifie également que les enquêteurs du BEI étaient soumis aux règles concernant les emplois supérieurs. Donc, au moment de l'embauche, les enquêteurs du BEI ont fait le choix éclairé de travailler au BEI en toute connaissance de cause, avec les conditions qui étaient prévues dans ces contrats de travail.

L'article 28 du projet de loi prévoit que les conditions de travail actuelles vont continuer de s'appliquer même après l'adoption du projet de loi, jusqu'à deux éventualités, soit lorsque le directeur du BEI va déterminer les conditions de travail conformément aux conditions définies par le gouvernement ou jusqu'à la conclusion d'un premier contrat de travail entre les parties. Cette disposition, telle qu'elle est rédigée, semble, selon nous, laisser la possibilité, entre autres, au directeur du BEI et au gouvernement de déterminer les conditions de travail dès l'adoption du projet de loi, et ce, même avant que les enquêteurs du BEI aient eu le temps de débuter le processus requis menant à être représentés par une association au sens de la loi du régime syndical de la Sûreté du Québec.

On irait même jusqu'à dire que cet article laisse la possibilité au directeur du BEI et au gouvernement de déterminer les conditions de travail, alors même qu'une association aurait été reconnue pendant la période où il n'y a pas encore eu de conclusion de contrat de travail. De surcroît, il n'existe aucune garantie prévue à ce projet de loi que les conditions de travail dictées par le directeur du BEI respecteront les contrats de travail individuels qui ont été conclus entre les parties pour la durée récente du terme du contrat. En d'autres mots, il serait possible, pour le directeur du BEI et le gouvernement, de déterminer des conditions de travail et une rémunération qui pourrait être inférieure à ce qui est prévu actuellement aux contrats individuels de travail encore en cours tant en l'absence qu'en présence d'une association.

Donc, notre recommandation n° 3, c'est «que les mesures transitoires [...] du projet de loi soient amendées afin de garantir aux enquêteurs actuellement à l'emploi du BEI le respect de leurs contrats de travail jusqu'à leur terme». Et, par la suite, vous retrouverez les questions dont M. Sylvestre a parlé plus tôt. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Vous êtes très, très efficace au niveau du 10 minutes. C'est très apprécié. Merci beaucoup. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme Guilbault : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Bien, effectivement, c'est assez impressionnant, là, de voir votre façon d'avoir une chute à la fois précise dans le temps et habilement prononcée. Donc, bravo! Donc, merci beaucoup d'être ici. Merci, cet après-midi, à vous deux, d'être avec nous pour nous partager ça, un créneau assez spécifique du projet de loi, là.

C'est sûr, ce matin, on avait le BEI puis l'UPAC qui étaient ici pour nous parler d'un tout autre volet. Puis, vous, c'est très spécifique, mais, en même temps, compréhensible, parce qu'il y a effectivement des éléments du projet de loi qui touchent l'affiliation des enquêteurs du BEI à votre syndicat. Évidemment, c'est délicat, parce que, bon, tu sais, il y a des éléments qui pourraient éventuellement, peut-être, être contestés ou, tu sais... Bon, ça fait qu'il faut être prudent. Bien, encore que la loi n'est pas adoptée, là, tu sais, ça fait qu'il ne faut pas être prématuré non plus, mais c'est quand même très intéressant de vous entendre.

Donc, moi, je pense que vous l'avez mentionné, mais, juste pour la base de la discussion, s'assurer qu'on est tous sur la même longueur d'onde pour cette information-là, est-ce que... Je comprends que vous, actuellement, dans votre syndicat, il y a aussi d'autres agents de la paix du Québec qui sont représentés, et donc qui sont susceptibles d'être enquêtés par les enquêteurs du BEI éventuellement s'il devait y avoir une intervention policière qui les concerne et qui mène à un décès ou à une blessure grave. Donc, pourriez-vous simplement nous refaire le portrait des agents de la paix, au Québec, que vous représentez actuellement?

Mme Cadieux (Marie-Claude) : En fait, dans les agents de la paix, on représente environ 18 constables spéciaux d'Hydro-Québec. Donc, ils sont considérés comme des agents de la paix. Et, du côté des policiers, là, on représente cinq corps de police autochtones, là, des petits groupes, là, d'environ 20 policiers ou même moins de 20. Donc, au total, là, ce qu'on avait calculé, c'est qu'on avait 96 policiers qui étaient affiliés au SCFP et environ 18 constables spéciaux d'Hydro-Québec qui sont considérés comme des agents de la paix.

Mme Guilbault : Parfait, merci. Est-ce qu'à votre connaissance vous êtes en démarche... Puis je ne sais même pas si vous pouvez nous partager ça, là, mais est-ce qu'à votre connaissance il y a des démarches actuellement pour, peut-être, vous associer avec d'autres corps de police au Québec ou d'autres agents de la paix au Québec? Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire ça? Peut-être que c'est secret aussi, là. Ça fait que je tente la question, mais sentez-vous très à l'aise de dire si vous ne pouvez pas répondre.

M. Sylvestre (Pierre-Guy) : Bien, écoutez, à notre connaissance, puis on peut répondre... mais, à notre connaissance, il n'y a pas de campagne d'organisation présentement pour aller chercher d'autres corps policiers.

Mme Guilbault : O.K., parfait. Et donc comment est-ce que vous voyez... Parce que, là, vous comprenez, nous, à l'origine, l'idée, c'est d'éviter les conflits d'intérêts ou les apparences de conflits d'intérêts, compte tenu de la mission très, très spécifique du BEI, qui sont, oui, des agents de la paix, mais dont, en plus, la mission est d'enquêter sur les autres agents de la paix au Québec qui sont impliqués dans une intervention policière qui donne lieu à un décès ou à une blessure d'un civil.

Et donc, de ce fait, si on prend les 96 policiers, dont vous nous parliez, au sein des cinq corps de police autochtones, bien, on peut penser que quelqu'un, dans un de ces cinq corps de police autochtones là, pourrait éventuellement faire l'objet d'une enquête par un enquêteur du BEI. Et donc, nous, ça nous amène le malaise de dire : Il y a un enjeu, là, par rapport à la perception de conflits d'intérêts, du fait qu'il serait... Finalement, l'enquêteur qui enquête sur l'enquêté serait comme cosyndiqué au sein du même syndicat. Alors, c'est vraiment dans ce souci de dissiper toute apparence et encore plus existence de conflits d'intérêts qu'on inclut cette clause-là dans le projet de loi.

Donc, j'aimerais ça vous entendre, d'une part, sur... Je tiens pour acquis que vous êtes d'accord avec le fondement même, là, d'importance de dissiper l'apparence de conflits d'intérêts puis la souhaitable entière indépendance des enquêteurs du BEI. Parmi tous les corps de police du Québec, s'il y en a un qui doit être encore plus indépendant des autres, c'est bien le BEI. Et, d'autre part, de quelle façon, vous, est-ce que vous intervenez si jamais il y avait un de vos membres, dans un des cinq corps de police autochtones, qui se retrouverait à être enquêter par un enquêteur du BEI, qui est une autre organisation que vous représenteriez?

Mme Cadieux (Marie-Claude) : Bien, écoutez, nous, on ne considère pas qu'il y a de conflits d'intérêts et même pas d'apparence de conflits d'intérêts. Les enquêteurs du BEI, c'est des gens professionnels. Ils ont été soumis à un processus de sélection rigoureux. Ils sont également soumis au code de déontologie des policiers du Québec et ont déclaré sous serment qu'ils s'engageaient à remplir leurs devoirs. Et on ne voit pas comment le seul fait d'être représenté par la même organisation, en l'occurrence le SCFP, que des agents de la paix ou des policiers qui pourraient éventuellement être enquêtés par eux remet en question ou remet en cause leur sens du devoir et de l'intégrité. Et à votre question de savoir comment le SCFP réagirait, bien, écoutez, on n'interviendrait pas du tout, là. S'il y a un membre du SCFP qui est enquêté par le BEI, on va laisser les enquêteurs du BEI faire leur travail, là. On ne voit pas du tout en quoi le fait d'être syndiqué au SCFP, autant l'enquêté que l'enquêteur, puisse causer un conflit d'intérêts quelconque, là, parce que, nous, jamais on ne va intervenir dans ce genre de situation.

M. Sylvestre (Pierre-Guy) : Si vous me permettez de compléter, ça représenterait... ils représentent 0,05 % de nos membres, là. On a 122 000 membres. Donc, on estime que ce serait très petit. L'autre chose, est-ce qu'il y a des aménagements possibles? Est-ce qu'on pourrait avoir une entente possible? Bien, si on a un conseil, par exemple un conseil d'une nation autochtone, qui est concerné, est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir une entente pour qu'un autre corps policier puisse enquêter afin de dissiper toute apparence de conflit d'intérêts? Ça pourrait être quelque chose qui soit envisageable. C'est sûr qu'on n'a pas une réponse claire. On a certaines alternatives, certaines options avec lesquelles... qu'on pourrait vous transmettre. Ça nous ferait plaisir de collaborer pour améliorer le projet de loi, certainement, mais, pour nous, c'est clair qu'il n'y aurait pas d'ingérence de la part du SCFP, là, dans un cas d'enquête, ça, c'est clair. Puis on croit qu'il y a des aménagements qui pourraient être possibles pour 0,05 % de nos membres.

• (15 h 20) •

Mme Guilbault : O.K. Bien, je saisis l'occasion. De quel genre d'aménagement vous avez en tête...

M. Sylvestre (Pierre-Guy) : Bien, par exemple, est-ce que ça pourrait être un autre corps policier qui enquête sur les corps policiers visés ou sur le policier, sur le cas bien précis? Ça pourrait être un aménagement comme celui-là ou encore... Bien, comme on l'a dit, nos enquêteurs ont un code de déontologie qui est fort. Ça pourrait être... Bon, déjà, nous, on postule, on met comme hypothèse qu'il n'y a pas de conflit d'intérêts. Donc, on comprend, pour ces six conseils de nations là, il pourrait peut-être y avoir une solution. On pourrait trouver un autre corps policier pour pouvoir enquêter. Mais, par exemple, ça pourrait être une possibilité, mais à moins que... Je ne sais pas comment vous voyez les aménagements possibles. Est-ce qu'il y a des alternatives qui pourraient être possibles, à votre avis, ou, à votre avis, ce serait uniquement... c'est vraiment la seule voie qu'on peut aller, où le BEI se retrouverait seul et autonome avec son syndicat pour empêcher toute forme d'apparence de conflit d'intérêts? J'imagine que, de votre côté, vous avez aussi réfléchi à cette question-là.

Mme Guilbault : Oui, bien, c'est ça, puis c'est pour ça aussi que, tout à l'heure, je vous demandais : Est-ce que vous avez, à votre connaissance, des démarches en cours avec d'autres agents de la paix, au Québec, qui pourraient éventuellement aussi joindre votre syndicat? Mais effectivement la réflexion se transpose. Si on avait... Si c'est un autre syndicat qui était... auquel était affilié le BEI, bien, le même enjeu pourrait tout à fait se présenter s'il y avait d'autres corps de police qui étaient coreprésentés par le même syndicat, l'idée étant vraiment de dissiper, tu sais...

Puis on est d'accord sur le fait qu'il n'y a pas forcément l'existence d'un conflit d'intérêts, mais il y a des apparences puis une perception qui, quant à moi, ne sont pas forcément compatibles avec la souhaitable, absolue indépendance du BEI, parce que le BEI a précisément été créé, tout récemment, d'ailleurs, on le soulignait ce matin, en fonction depuis juin 2016, pour enquêter sur les décès, les blessures lors d'autres interventions policières. Donc, de penser de mettre un autre corps de police à la place du BEI, j'ai l'impression que ça irait à l'encontre de ce qu'on vient... de ce dont on vient tout juste de se doter pour pouvoir réaliser ces interventions-là.

Ceci étant dit, je vous entends puis je vois l'ouverture, là, à trouver des portes de sortie, mais je voulais simplement clarifier la raison pour laquelle on a mis ça dans le projet de loi, parce que, tu sais, quant à nous, c'est fondé d'avoir mis ça là. Puis il y a vraiment une intention, qui est objective, derrière ça, d'éviter des problématiques dans les perceptions. Je ne sais pas si vous... Voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Cadieux (Marie-Claude) : Bien, si je peux me permettre, c'est sûr que ce n'est pas le genre de situation qui arriverait aussi fréquemment, compte tenu du peu d'agents de la paix qu'on représente. Mais, ceci étant dit, le libellé de l'article 17 du projet de loi, puis ça réfère à notre question n° 2, est très large et semble même interdire aux enquêteurs du BEI, par exemple, là, on donne un exemple, d'être syndiqué avec le SEPB, qui ne représente pas directement des agents de la paix, mais qui peut être affilié à la FTQ. Et, au sein de la FTQ, évidemment, il y a également le SCFP où on représente des agents de la paix. Donc, une des questions qu'on avait, c'était jusqu'où allait l'interdiction et jusqu'où on doit éviter les apparences de conflits d'intérêts, parce que, dans un exemple comme le SEPB, ça pourrait être un autre syndicat qui ne représente pas directement des agents de la paix. Je vois encore moins la possible apparence de conflit d'intérêts du seul fait que le syndicat serait affilié à la FTQ, par exemple.

Mme Guilbault : Oui, allez-y.

M. Sylvestre (Pierre-Guy) : Bien, c'est un peu ça que... C'est qu'on a des syndicats canadiens, par exemple, qui sont affiliés à notre fédération, à la FTQ. Est-ce que le seul fait qu'ils soient affiliés à la FTQ... parce qu'on peut choisir d'être affilié ou non à la FTQ. Donc, on peut être membre d'un grand syndicat canadien dans le cas... bien, dans ce cas-ci, le SCFP ou le SEPB, mais le SEPB ne représente aucunement directement d'agent de la paix. Il n'y en a aucun, sauf qu'ils sont... Il y a des affiliations à la FTQ. Les enquêteurs du BEI pourraient juste simplement ne pas être affiliés à la FTQ, mais être membres du SEPB. Donc, ça leur permettrait d'être regroupés au sein d'un syndicat sans être affiliés à la fédération, qui, elle, indirectement, représente des agents de la paix. Ça reste... On convient que ça reste quand même complexe, un peu sophistiqué, mais on aurait plusieurs propositions, c'est sûr qu'on va être très ouverts, par rapport... pour collaborer à l'amélioration, là, du projet de loi.

Mme Guilbault : Parfait, merci. Je vais laisser du temps à mon collègue d'Ungava, mais je vous remercie beaucoup tous les deux.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la ministre. M. le député d'Ungava, s'il vous plaît.

M. Lamothe : Peut-être juste pour rajouter, avec Mme la ministre, je pense que... Tu sais, 96 policiers autochtones qui sont affiliés avec vous, 18 agents de la paix d'Hydro-Québec qui sont affiliés avec vous, puis avec les enquêteurs du BEI... Tu sais, comme, Hydro-Québec... Tu sais, je mets tout le temps les situations pires. C'est sûr que ça n'arrivera jamais, là, mais sauf que ce que je veux dire, c'est...

Admettons le cas... Admettons qu'il arrive un événement à Radisson avec un agent d'Hydro-Québec, O.K., puis que, là, à un moment donné, il y a une bavure, tu sais, on peut... Je donne eux autres comme exemple, là, parce que j'aurais pu donner n'importe quel autre corps policier autochtone que vous représentez. Je prends Hydro-Québec, bon, mais il arrive un événement avec Hydro-Québec à Radisson, puis, à un moment donné, tu sais, ça tourne mal, puis là le BEI arrive, puis là le BEI, en fin de compte, à un moment donné, fait son enquête, puis ce n'est pas concluant contre les constables spéciaux. Je pense que, point de vue perception, tu sais, du même syndicat qui enquête quelqu'un du même syndicat, si on peut l'éviter, on devrait l'éviter. C'est juste une question d'indépendance. C'est juste une question aussi de crédibilité, puis, si on peut l'éviter, on devrait l'éviter. Puis, je pense, c'est juste une question de... L'analyse que je fais est peut-être même «basic», excusez mon anglicisme, là, mais, si c'est juste un cas, il faut éviter ce cas-là.

Puis, dans une situation semblable, tu sais, c'est ce que je pense. Puis, à moins que vous me disiez que... à moins que vous me disiez le contraire, dans ma réflexion, je vais l'écouter, je vais le respecter, là, mais, moi, ce que je dis c'est que, si ça arrive une fois, c'est un cas de trop. Puis c'est tout le temps une question de dire : Bien, tu sais, on ne sait pas quel genre d'événement. C'est peut-être bien banal, mais ça peut... Il peut y avoir mort humaine, tu sais. Ça fait qu'à partir de ce moment-là je pense que le BEI se doit d'être indépendant, mais complètement, des enquêteurs, de tout ça, puis c'est ce que je pense. Tu sais, perception, efficacité, crédibilité, tout ça mélangé ensemble, ça fait en sorte qu'il faut le prendre en considération. Puis je respecte ce que vous faites puis je respecte les enquêteurs du BEI qui sont affiliés avec vous, mais, au bout de la ligne, il faut voir un petit peu plus loin, en prévision d'éviter justement un incident semblable ou bien un cas semblable.

M. Sylvestre (Pierre-Guy) : Oui, bien, écoutez, on comprend très bien, mais, comme on disait tout à l'heure, nous, on pense qu'il peut y avoir des alternatives. On aurait les agents de la paix d'Hydro-Québec. On aurait aussi les conseils des nations autochtones.

Cela dit, révoquer une accréditation syndicale, c'est énorme. Il nous faut une alternative, parce qu'il y a des droits fondamentaux, la liberté d'association, qui sont bafoués ici, à notre avis, qui pourraient l'être. Le projet de loi n'est pas encore sanctionné. Mais, bon, on aimerait nuancer, là, un peu. Est-ce qu'il n'y a pas une alternative? Il n'y a aucun autre corps policier qui pourrait aller prendre la relève du BEI dans ce cas-ci? On pense qu'on peut retravailler un peu.

Puis, c'est certain, parfois, dans l'imaginaire collectif... Puis je comprends la perception, puis on est sensibles à ces arguments-là, tout à fait, mais, pour nous, c'est inconcevable qu'un conseiller syndical du SCFP ou un représentant syndical du SCFP appelle un autre représentant syndical du SCFP pour faire pression, pour tenter de faire de l'ingérence dans une enquête. Pour nous, c'est impensable.

Maintenant, pour la perception, on comprend qu'il faut la travailler. Cela dit, on pense qu'il y a des alternatives qui sont possibles, parce que, comme on le disait, révoquer, là, une accréditation syndicale, pour nous, c'est énorme. Il y avait un syndicat en place. Une loi vient révoquer l'accréditation. Les enquêteurs ne se retrouvent avec aucun syndicat. Donc, ça, c'est majeur pour nous, et je pense qu'on peut être capables de naviguer, de nuancer, de trouver un compromis acceptable pour la population. Même pour ce qui est de la perception du conflit d'intérêts, je pense qu'on peut travailler là-dessus.

M. Lamothe : Est-ce que j'ai du temps encore? C'est certain que, si vous avez des solutions, tu sais, apportez-les. Mais, tu sais, je vais aller dans un autre angle. Supposons, les 96 policiers autochtones, à un moment donné, avec les 18 constables d'Hydro-Québec, ça va mal dans les négociations, puis, à un moment donné, ils décident de faire des moyens de pression, ils vont avoir besoin d'un support des enquêteurs du BEI comme solidarité. Ça fait qu'à partir de ce moment-là ça crée une autre perspective qui peut être négative autant au niveau du service du BEI que dans la perception des gens face à tout ça.

M. Sylvestre (Pierre-Guy) : Bien, écoutez, là, dans le fond, je comprends que, s'il y a une grève, les membres, bon, syndiqués seraient solidaires avec la grève ou les moyens de pression, mais, bon, je verrais mal, là, les enquêteurs du BEI faire une grève illégale ou des moyens de pression semblables, là, pour appuyer des constables, là, des agents de la paix d'Hydro-Québec. C'est un scénario hypothétique, bon, intéressant, mais...

• (15 h 30) •

M. Lamothe : Hypothétique, peut-être, mais je peux vous dire que j'ai été dans une association, puis, à un moment donné, si on n'est pas solidaires à notre association, ce n'est pas vraiment «winner» comme solidarité. Ça fait que moi, je vois bien mal les enquêteurs du BEI : On ne supporte pas, dans les moyens de pression, nos confrères dans ce dossier-là. Tu sais, c'est juste... C'est compliqué. Moi, je trouve ça compliqué. Puis, à moins que vous ayez des solutions qui ne sont pas compliquées, qui pourraient faire en sorte que... C'est certain que...

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. Je dois céder la parole à M. le député de Vimont, s'il vous plaît.

M. Rousselle : Merci, M. le Président. Premièrement, merci d'être ici, vraiment, madame et monsieur. Donc, merci. J'apprécie vraiment votre présence.

Effectivement, je ne sais pas si vous avez écouté, aujourd'hui, avant vous, justement, les représentants de l'UPAC et du BEI. Je ne sais pas si vous avez fait ça, mais sûrement que oui, parce que vous aviez sûrement un grand intérêt. Vous avez pu voir, justement, qu'ils veulent devenir vraiment autonomes. Ils veulent embaucher vraiment sur... Ils veulent... Dans le fond, pour faire un résumé vite, ils veulent devenir autonomes, vraiment, sur l'embauche et, à un moment donné, ils veulent projeter pour... comme il y en a un qui parlait... justement, voir la police de l'avenir là-dedans.

Vous, c'est spécifique, hein? On comprend, c'est... Il y a un angle, là, puis je comprends complètement votre angle, là, c'est de protéger les travailleurs, et c'est votre rôle, et puis je pense que vous le faites bien. Donc, il n'y a aucun problème là-dessus, là. J'abonde dans ce sens-là. Je ne peux pas renier, moi, mon passé. Donc, c'est certain que je vous comprends pleinement.

Écoutez, je ne sais pas si vous avez pris possession... vous avez pris le mémoire de l'association... bien, de l'APPQ. Je ne sais pas si vous avez pris le mémoire de l'APPQ que... Lui, il parle, à un moment donné, dans son mémoire, comme quoi que... le fait qu'eux autres, ils disent de soustraire au Code du travail deux catégories de travailleurs. Donc, ils parlent des gens de l'UPAC et du BEI et ils parlaient, justement, de soustraire ces travailleurs-là. Ils enlèvent la... On enlève la possibilité d'un arbitrage de différends exécutoires en cas de litige, en cas de négociation ou de son renouvellement.

Donc, si je vous entendais bien tantôt, c'est un peu ça que vous parliez, dans le sens que, ces gens-là, il faut qu'ils soient représentés correctement. Après ça, je vous parlerai concernant indépendance... la perception de la population, là, mais je voudrais vous entendre là-dessus.

Mme Cadieux (Marie-Claude) : Oui, effectivement, l'impact, aussi, du projet de loi, c'est de soustraire les enquêteurs du BEI à tout le Code du travail, et donc à leur enlever également le droit de grève et d'appliquer le régime syndical de la Sûreté du Québec à eux, alors que c'est une petite organisation, hein? C'est environ 37 personnes. Les restrictions qu'on a mises dans le projet de loi feraient en sorte qu'ils seraient... leurs choix seraient extrêmement limités dans le choix de leur association. Ils n'auraient d'autre choix... pratiquement, d'être un syndicat indépendant, mais un syndicat indépendant de 37 membres, ça ne peut pas vraiment avoir d'aide externe, ça n'a pas les moyens financiers comme l'association de la Sûreté du Québec, qui compte plusieurs membres et qui a les moyens d'être bien représentée.

Donc, ça, c'est une des problématiques qu'on voit de la restriction, et on ne voit pas vraiment la raison pour laquelle, non plus, les enquêteurs du BEI devraient ne plus être considérés comme des personnes salariées. Il y a eu un débat, à l'époque de l'accréditation, à savoir est-ce que c'étaient des salariés au sens du Code du travail, et ça a été reconnu que oui. Il y a eu un débat en bonne et due forme avec les arguments de part et d'autre. Et on enlève le droit de grève, alors qu'on aurait pu avoir, effectivement, un débat sur les services essentiels.

Est-ce que tous les enquêteurs du BEI auraient pu être en grève en même temps? Possiblement que non, mais est-ce que l'entièreté des enquêteurs du BEI devrait être interdite de faire la grève? Ça, c'est un autre débat aussi. Donc, nous, on voit un enjeu également de leur enlever le caractère de salariés et on pense qu'il y a moyen de garder l'accréditation en place, là, sans qu'il y ait de problématique au niveau des apparences de conflit d'intérêts.

M. Rousselle : Si j'ai bien compris, tantôt, vous avez... En tout cas, j'ai senti, puis dites-moi si je fais erreur, là, des fois, je fais des erreurs, ça se peut, je suis un être humain... Est-ce que l'aménagement... Vous avez... J'ai senti tantôt que vous étiez prêts à faire un genre d'aménagement pour que les membres que vous représentez, que ça soit les membres d'Hydro-Québec ou les policiers autochtones, soient dans une sous-section ou quelque part, à un moment donné, qu'il y ait... que le conflit d'intérêts soit... qu'il ne soit plus là, donc.

Et, j'en conviens avec vous, quand tu fais un syndicat de 50 personnes, bien, tu ne peux pas avoir autant de pouvoir que si tu es 10 000. On s'entend, là, le pouvoir est toujours là. Ça, on s'entend, là, j'imagine, que ça soit juste une syndicalisation auprès des gens du BEI et de l'UPAC ensemble, je ne suis pas sûr que ça fait un gros poids, ça, là, surtout que, là, on va parler des gens indépendants. On va parler des gens de provenances différentes. On va parler de retraités là-dedans. Donc, vous, vous êtes prêts, comme ça, à faire un aménagement spécial. Vous êtes prêts à regarder ça et nous faire des suggestions là-dessus, si j'ai bien compris.

M. Sylvestre (Pierre-Guy) : Oui, bien, c'est tout à fait ça. Nous, on est prêts à travailler avec vous pour bonifier, améliorer le projet de loi. Les aménagements, c'est sûr qu'on va en discuter avec les membres de la section locale, mais, tout à fait, c'est l'esprit, là... Vous respectez bien l'esprit de ce qu'on a présenté tout à l'heure dans votre présentation.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.

Mme Weil : Oui. Alors, bonjour, M. Sylvestre, Me Cadieux. Donc, ce qui m'intéresse, ce serait de vous entendre un peu plus profondément, et légalement, et juridiquement sur un enjeu toujours important pour les législateurs, c'est la question de la liberté d'association et comment ce droit a été interprété au fil du temps, là, peut-être l'évolution, parce que vous avez des mots quand même très juridiques, on le voit. Et donc vous vous êtes inspirés, je pense bien, du droit actuel, des précédents, et tout. Pour nous, les députés de l'Assemblée nationale, on porte toujours très attention à cette question-là de respecter, donc, les deux chartes, québécoise et canadienne.

Donc, je n'aimerais pas nécessairement un cours de droit, parce que moi, je n'ai pas fait le... Oui, j'ai fait un cours de droit du travail, mais je n'ai jamais travaillé dans ce domaine, et ça m'intéresserait de vous entendre. Alors, n'hésitez pas à y aller très juridiquement. Ça m'intéresse beaucoup de comprendre comment vous interprétez ça, et, au fil du temps, comment c'est interprété, surtout par la Cour suprême.

Mme Cadieux (Marie-Claude) : Bien, je n'ai pas connaissance qu'il y ait une décision de la Cour suprême sur cette question-là, mais il y a une décision de la Cour d'appel qui existe et qui a été rendue en 2014, là. C'était sur la question de la Commission de la construction du Québec et c'était un enjeu semblable à celui-ci, là, dans le sens que, dans une loi, on révoquait aussi une accréditation et on limitait de façon importante le choix de l'association qui allait représenter les gens pour une question semblable, là, d'apparence de conflit d'intérêts.

La Cour d'appel... Puis je ne suis pas une spécialiste dans le domaine, là, donc, je ne veux pas me tromper, mais la Cour d'appel a reconnu que cet article-là de la loi était une atteinte à la liberté d'association, mais que, dans les circonstances, elle était justifiée. Puis là c'est sûr qu'il y a eu de la preuve qui a été faite sur des situations potentielles de conflit d'intérêts, qui a été démontrée aussi dans le domaine de la construction, là, selon la preuve qui avait été présentée.

Donc, ça revient un peu aussi à notre question qu'on pose. C'est qu'on aimerait savoir les besoins puis est-ce qu'il y a eu des situations particulières qui laissent croire qu'il y a eu des apparences de conflit d'intérêts, parce que nous, on n'en voit pas actuellement. Donc, la justification, pour nous, de limiter ce droit à l'association là en révoquant une accréditation déjà en cours et en limitant de façon très importante le choix de l'association que ces gens-là pourraient choisir dans le futur, bien, pour nous, d'emblée, c'est une atteinte.

Mais, après ça, est-ce qu'elle est justifiée? Bien là, c'est sûr qu'on voulait aussi entendre les raisons, puis c'est pour ça qu'on posait la question, parce que, là, il y a toute une grille d'analyse, évidemment, à faire, entre autres c'est quoi, le besoin, évidemment, puis est-ce que c'est l'atteinte minimale? Est-ce qu'il y aurait d'autres possibilités d'éradiquer, disons, l'apparence de conflit d'intérêts de d'autres façons? C'est aussi quelque chose que la cour va devoir regarder.

Mais nous, on ne vous dit pas qu'on a l'intention nécessairement d'aller en contestation. On essaie juste, d'emblée, d'influencer pour qu'on trouve des solutions alternatives à une révocation pure et simple qui nous semble être l'atteinte maximale. On n'a pas cherché à trouver d'autres solutions avant d'arriver à la conclusion qu'il n'y avait pas d'autre chose à faire que ça.

Mme Weil : Mais, merci, juste ce que vous dites... Donc, vous invoquez un peu cette notion de limite raisonnable et vous êtes ouverts à ce qu'il y ait justement une démonstration. Mais ce sera à nous, en discutant avec la ministre, évidemment... ce qu'il y a derrière ça puis en quoi ce serait raisonnable dans ce cas-là, mais vous, vous dites... D'entrée de jeu, vous ne connaissez pas les arguments qu'ils ont... qui existent et vous, vous n'avez pas d'opinion là-dessus pour l'instant. Vous dites : Ça pourrait, donc, enfreindre les chartes de droits, tout en sachant qu'il peut y avoir des limites, mais, selon vous, il faut faire un examen de cette question-là.

• (15 h 40) •

Mme Cadieux (Marie-Claude) : Bien, la Cour d'appel a clairement dit que, dans un article très, très semblable, c'était une atteinte à la liberté d'association. Là, l'autre partie après, c'est de savoir est-ce que cette atteinte-là est justifiée. Et là, pour nous, on trouve qu'il y a des éléments qui nous laissent croire que, dans les circonstances, ça ne serait pas justifié, mais on est à l'étape de l'examen du projet de loi. On n'a pas reçu de réponse à toutes les questions qu'on avait posées, qui sont, évidemment, aussi en lien avec ça, de connaître les raisons sous-jacentes à cette restriction-là importante, finalement.

Mme Weil : Et, comme vous dites, ce n'est pas parce que vous auriez une intention. Vous voulez tout simplement être rassurés que... Bon, vous allez acceptez que, si... Évidemment, ce sera à nous, législateurs, d'en parler, d'échanger avec la ministre sur cette question et de voir... d'être satisfaits, essentiellement, de ce que... et vous, vous avez besoin d'être satisfaits aussi, à quelque part, que c'est bien justifié dans ce sens-là, mais on va s'attarder... Je ne sais pas si vous avez d'autres commentaires sur cette question.

M. Sylvestre (Pierre-Guy) : Bien, écoutez, juste peut-être un dernier commentaire, c'est clair que, présentement, pour nous, le législateur n'a pas fait la démonstration des potentiels conflits d'intérêts puis que la révocation de l'accréditation était justifiée par un besoin réel et urgent. Ça n'a pas été encore démontré. Donc, nous, c'est clair que, pour être satisfaits, on veut que ce soit très bien démontré, parce que, présentement, il y a eu une atteinte.

Mme Weil : Très bien. Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Vimont.

M. Rousselle : Merci. Bien, comme on a vu, le p.l. n° 72, le projet de loi a été appelé rapidement. Donc, il a fallu que vous vous tourniez, on pourrait dire, sur un 10 cents. En tout cas, il a fallu se retourner rapidement. Merci, parce que, des fois, c'est du travail qu'on fait le soir et la fin de semaine pour en arriver à ça, donc, puis je vous vois dire oui, ça, c'est sûr, ça, c'est certain.

Écoutez, dites-moi, y a-tu des choses que vous auriez à suggérer pour essayer d'améliorer le travail du BEI? Parce que, là, je sais que vous avez été vraiment dans un contexte très syndical, puis, comme je vous ai dit, ce n'est pas moi qui vais vous le reprocher. Au contraire, là, je veux dire, vous êtes là pour représenter les travailleurs puis vous le faites vraiment bien. Mais est-ce que vous avez d'autres aspects que vous n'avez pas eu la chance d'inscrire dans votre mémoire pour dire : Bien, pourquoi vous n'avez pas... pourquoi vous n'allez pas dans ce sens-là ou pourquoi que vous n'avez pas pensé aussi à autre chose pour améliorer la vie du BEI, qui... Comme la ministre le mentionnait tantôt, tout de même, c'est une organisation qui est jeune, hein, comprenez-vous? Ce n'est pas une organisation qui a 50 ans de vie. Donc, il y a des choses sûrement à améliorer. Vous, de votre côté, y a-tu des choses qui vous ont apparu... qui disent : Bien, câline, il me semble que ça aurait été bon de changer ça?

M. Sylvestre (Pierre-Guy) : Écoutez, nous, on a vraiment eu un... On a rédigé un mémoire très précis pour une problématique très précise. Je vous dirais, il y a quand même quelque chose, dans notre mémoire, qu'on a mis, mais il manque un aspect important, ce sont les réponses. On a sept questions à la page... la dernière page, là, de notre mémoire, et ça, vous savez, c'est inquiétant pour nos travailleurs qu'on représente, parce qu'on a posé énormément de questions. Il y a eu des séances de négociation.

Là, loin de moi l'idée ici de reprendre la négociation, là, en commission parlementaire, là, mais il y a... Par exemple, qu'est-ce qui va arriver des contrats individuels de travail qui vont expirer avec l'adoption du projet de loi? On n'a pas de réponse à ça. Donc, vous comprenez pourquoi on est venus en commission parlementaire, c'est pour essayer d'aller chercher le maximum de réponses. Il y a des interrogations. Il y a de l'anxiété qui se développe. C'est quand même préoccupant.

Vous savez, il y a également le fait que la représentante du Conseil du trésor nous annonce qu'elle ne veut pas répondre à nos questions et d'aller en commission parlementaire pour poser nos questions. C'est un peu curieux, mais, bref, on est venus faire notre travail de représentants syndicaux. Par exemple, pour les contrats qui viendront à échéance après l'adoption du projet de loi, est-ce qu'ils vont être respectés même si le directeur du BEI a déterminé les normes et barèmes de rémunération, les avantages sociaux et autres conditions de travail? Ça, on n'a aucune réponse. Donc, on est complètement dans l'obscurité par rapport à ça.

Donc, j'aurais aimé être capable, là, de vous en dire plus un peu sur le fonctionnement du BEI, mais c'est sûr qu'on a consulté nos membres, là, sur le caractère urgent, là, des relations de travail, là, bon, bref, des conditions de travail qui pourraient être modifiées, là.

Mme Cadieux (Marie-Claude) : Ce que je pourrais, par contre, ajouter, c'est... Je pense que c'est bien que le mode de nomination soit plus simple, là, disons, puis que ça entraîne moins de délais, parce que, là, actuellement, il y a des postes qui sont vacants, qui ne sont pas comblés. Ça entraîne une surcharge de travail, parce que le processus était lourd. Donc, de donner un peu plus de pouvoirs au directeur du BEI de procéder aux embauches, ça, je pense que c'est une bonne chose. Avant, les employés du BEI étaient aussi soumis aux emplois supérieurs. Donc là, on comprend qu'ils ne seront plus dans la catégorie des emplois supérieurs. Ça, on pense que c'est aussi de bon augure parce qu'au moins il y a contrat de travail. S'il y en a un, éventuellement, bien, on va avoir la liberté de négocier les conditions de travail qui seraient applicables et on n'aura pas à avoir toutes les conditions déjà établies dans les emplois supérieurs. Donc, ça, on est aussi en accord avec le fait que les enquêteurs du BEI ne fassent plus partie, en tant que tels, des emplois supérieurs.

M. Rousselle : Juste vous dire, parce qu'il reste peu de temps, donc, que je trouve malheureux que le Trésor vous envoie ici. C'est comme se lancer la balle, là, puis, voyez-vous, vous ne finissez avec pas plus de réponses. Donc, je trouve ça très malheureux, mais, écoutez, c'est le choix du Trésor de vous envoyer ici. Mais je trouve malheureux... Donc, merci encore de votre présence et puis suivez-nous. On est là pour essayer de voir à vos représentations. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Sur ce, Me Cadieux, M. Sylvestre, merci beaucoup d'avoir participé à la commission.

Celle-ci suspend ses travaux jusqu'au mardi 10 novembre, à 10 heures. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 15 h 46)

Document(s) associé(s) à la séance