Journal des débats de la Commission des institutions
Version préliminaire
42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Le
jeudi 24 septembre 2020
-
Vol. 45 N° 95
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 64, Loi modernisant des dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnels
Aller directement au contenu du Journal des débats
Intervenants par tranches d'heure
-
-
Bachand, André
-
Jolin-Barrette, Simon
-
-
Jolin-Barrette, Simon
-
Bachand, André
-
Lévesque, Mathieu
-
Tanguay, Marc
-
Weil, Kathleen
-
Nadeau-Dubois, Gabriel
-
-
-
Bachand, André
-
Jolin-Barrette, Simon
-
Lévesque, Mathieu
-
-
Lévesque, Mathieu
-
Bachand, André
-
Weil, Kathleen
-
Nadeau-Dubois, Gabriel
-
-
Bachand, André
-
Jolin-Barrette, Simon
-
Lemieux, Louis
-
Tanguay, Marc
-
-
Tanguay, Marc
-
Auger, Georges-Adélard
-
Bachand, André
-
Nadeau-Dubois, Gabriel
-
Jolin-Barrette, Simon
-
-
Jolin-Barrette, Simon
-
Bachand, André
-
Lévesque, Mathieu
-
Tanguay, Marc
-
Weil, Kathleen
-
-
Weil, Kathleen
-
Bachand, André
-
Tanguay, Marc
12 h (version révisée)
(Douze heures douze minutes)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix : ...
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Merci.
Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des
institutions ouverte. Je vous souhaite bien sûr la bienvenue. Et, comme vous le
savez, je vous demande d'éteindre la sonnerie de votre appareil électronique.
La commission est réunie afin de
poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 64, Loi modernisant
des dispositions <législatives en…
Le Président (M.
Bachand) : ...
s'il vous plaît! S'il vous plaît! Merci.
Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des
institutions ouverte. Je vous souhaite bien sûr la bienvenue. Et, comme vous le
savez, je vous demande d'éteindre la sonnerie de votre appareil électronique.
La commission est réunie afin de
poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 64,
Loi
modernisant des dispositions >législatives en
matière de protection des renseignements personnels.
Avant de débuter, Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire
: Oui, M.
le Président. M. Fontecilla (Laurier-Dorion) sera remplacé par M. Nadeau-Dubois
(Gouin).
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Est-ce qu'il y
a des droits de vote par procuration?
La Secrétaire
: Oui. M. Lévesque
(Chapleau) a un droit de vote pour les députés suivants : M. Lafrenière
(Vachon), Mme Lecours (Les Plaines), M. Lamothe (Ungava); M. Tanguay
(LaFontaine) a un droit de vote pour M. Birnbaum (D'Arcy-McGee).
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup.
Ce midi, nous allons recevoir les
représentants du Conseil du patronat du Québec. Alors, bienvenue. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes de présentation et, par après, nous
aurons un échange avec les membres de la commission.
Donc, je vous invite à débuter, d'abord en
vous présentant, et, après ça, de procéder à votre exposé. Merci.
M. Blackburn (Karl) : Alors,
merci. Je m'appelle Karl Blackburn, je suis président en chef de la direction
du Conseil du patronat du Québec. Je suis accompagné de Me Caroline Gagnon, qui
est vice-présidente, Travail et Affaires juridiques au Conseil du patronat.
D'abord, M. le ministre, Mmes et MM. les
députés, merci de permettre au Conseil du patronat du Québec de venir exprimer
son point de vue de cette réforme importante. Le Conseil du patronat du Québec,
c'est 50 ans de cohésion et de dialogue. Le CPQ incarne la voix des employeurs
du Québec et représente les intérêts de plus de 70 000 employeurs de
toutes tailles et de toutes les régions, issus du secteur privé ou parapublic,
et cela directement ou par l'intermédiaire de 70 associations sectorielles qui
le regroupent
D'emblée, nous saluons la volonté du gouvernement
et son leadership, à l'effet de moderniser l'encadrement qui doit assurer la
protection des renseignements personnels. Nous vivons désormais dans une ère
numérique. Si les transformations ont été graduelles sur plusieurs décennies...
l'évolution, pardon, a été fulgurante au cours des dernières années. Les modes
de collecte, d'utilisation et de conservation des données, on a vu décupler
leur capacité et leur accessibilité. Jamais, dans l'histoire, les rapports
entre citoyens n'ont été transformés aussi rapidement et à aussi grande
échelle. Les gouvernements, les entreprises, les institutions, les individus
ont tous été rapprochés et interconnectés sur pratiquement toutes les facettes
de leurs activités. Avant la pandémie... Avec la pandémie, pardon, l'apport du
numérique dans l'économie et dans nos rapports sociaux a été accentué encore davantage
et de manière exponentielle.
Les échanges commerciaux évoluent également
dans un environnement numérique de plus en plus complexe, obligeant les
gouvernements à mettre leurs efforts en commun afin d'harmoniser et de
renforcer leurs mesures d'encadrement. Car il faut éviter de placer nos
entreprises et nos institutions en situation d'isolement par rapport à leurs
voisins. Dès lors qu'un projet de loi affecte la transmission transfrontalière
de données, un arrimage s'impose pour harmoniser le tout <avec les
autres...
M. Blackburn (Karl) : ...et
de renforcer leurs mesures d'encadrement. Car il faut éviter de placer nos
entreprises et nos institutions en situation d'isolement par rapport à leurs
voisins. Dès lors qu'un projet de loi affecte la transmission transfrontalière
de données, un arrimage s'impose pour harmoniser le tout >avec les
autres provinces, le fédéral et nos partenaires commerciaux. Nous comprenons à
quel point ce défi d'arrimage est grand, mais nous sommes confiants que le gouvernement,
à terme, ne commettra pas l'erreur de faire cavalier seul dans un univers
interconnecté.
C'est donc avec cet oeil que nous avons
analysé ce projet de loi qui modernise la protection des renseignements
personnels dans le secteur privé. Le mémoire que vous avez en main propose
trois angles d'approche : l'importance de la coordination avec les autres
juridictions au Canada et les autres partenaires économiques, l'atteinte des objectifs
et les coûts d'implantation pour les entreprises, et les exigences issues des dispositions
particulières du projet de loi n° 64 et les enjeux
des entreprises.
D'abord, il nous paraît fondamental de
chercher par tous les moyens à coordonner et à harmoniser nos exigences
législatives avec celles de nos voisins et autres marchés économiques. Notre
mémoire rappelle par exemple que votre projet de loi s'inspire en bonne partie
du Règlement général sur la protection des données de l'Union européenne. Ce règlement
comporte des différences significatives par rapport à la loi canadienne sur la
protection des renseignements personnels et les données électroniques. Pour ne
citer que quelques exemples : la notion de consentement explicite, le
droit à la portabilité, le droit à l'effacement ou à l'oubli et la protection
du droit à la vie privée dès la conception. Ce ne sont pas des notions
présentes dans la loi canadienne. Ces différences significatives entre ces deux
régimes de protection risquent de poser un problème de fond.
En effet, comme le projet de loi n° 64 est essentiellement inspiré de la réglementation
européenne, alors que ce dernier n'est pas en adéquation avec la loi
canadienne, le Québec risque de devoir se conformer à un régime différent de
celui de nos voisins et partenaires. Ce faisant, les distinctions majeures qui
existent risquent inévitablement d'isoler et de ralentir plusieurs activités
économiques du Québec. C'est pourquoi nous recommandons d'assurer une action
concertée avec les autres provinces et le fédéral avant l'adoption de la forme
définitive du p.l. n° 64 et d'assurer que l'encadrement
des données personnelles et de leur circulation transfrontalière sont harmonisés
avec les principaux partenaires commerciaux du Québec.
De plus, qu'en est-il du vol des données
personnelles par les fraudeurs? Vous savez que, si une entreprise doit assumer
des pénalités plus importantes lorsqu'elle est victime d'un vol de données, on
ne réglera en rien la situation de l'individu dont les renseignements
personnels sont utilisés par les fraudeurs. De ce fait, ne serait-il pas
important d'évaluer toutes les solutions permettant d'assurer la protection des
données personnelles, par exemple en mettant disponible un processus <automatique...
M. Blackburn (Karl) : ...on
ne réglera en rien la
situation de l'individu dont les
renseignements
personnels sont utilisés par les fraudeurs. De ce fait, ne serait-il pas
important d'évaluer toutes les solutions permettant d'assurer la protection des
données personnelles,
par exemple en mettant disponible un processus >automatique
d'anonymisation lors d'un vol de données? En revanche, le CPQ reconnaît qu'il
est important de prévoir des sanctions pour les organisations délinquantes.
Même le gouvernement n'est pas à l'abri des défis de sécurité que comporte la
cybercriminalité.
Cela étant, l'État doit pouvoir jouer un
rôle d'accompagnateur pour favoriser les meilleures pratiques et établir des
mesures visant à gagner et conserver la confiance du public. C'est pourquoi
nous recommandons d'explorer d'abord les meilleures pratiques pour contrer les
cyberattaques et de s'assurer que les dispositions législatives préconisées se
limitent à ce qui est essentiel pour assurer la protection des renseignements
personnels.
En juillet dernier, un grand nombre
d'associations, des grandes, des moyennes et des petites entreprises du Québec
ont mentionné que l'analyse d'impact réglementaire du projet de loi n° 64,
fait par le gouvernement, sous-estimait, de manière importante, les coûts réels
engendrés par une telle réforme. Notre mémoire démontre que les coûts
d'implantation, des coûts de maintien récurrents et tout le fardeau
administratif, notamment pour les PME, n'est pas suffisamment pris en compte.
C'est pourquoi nous recommandons de procéder à une analyse d'impact
réglementaire en ciblant plus particulièrement les mesures qui ont un impact
réel sur la protection des renseignements personnels, de celles qui n'en ont
pas, afin de diminuer le fardeau réglementaire des entreprises.
• (12 h 20) •
Aussi, le projet de loi n° 64 propose
de modifier l'article 14 de la loi sur le privé qui prévoit déjà que le
consentement doit être manifeste, libre, éclairé et être donné à des fins
spécifiques. Il souhaite y ajouter que ce consentement doit être requis de
nouveau pour chacune des fins des termes simples et clairs, distinctement de
toute autre information communiquée à la personne concernée. En plus d'alourdir
et complexifier les processus, notamment pour le secteur financier et
commercial, et même dans la gestion des dossiers des employés, cette notion de
consentement spécifique est inexistante dans la législation canadienne et
européenne. Conséquemment, nous recommandons de permettre le consentement en
bloc dans la mesure où le consentement vise généralement à accéder aux
informations nécessaires dans un cadre contractuel ou autre.
Quant à la circulation transfrontalière
des renseignements personnels, des changements proposés dans le projet de loi
viennent ajouter un fardeau considérable sur les épaules des entreprises
québécoises qui transigent dans d'autres juridictions. Par exemple, le projet
de loi propose d'obliger les entreprises à effectuer une évaluation
individuelle des équivalences des lois sur la protection des données dans
toutes les juridictions auxquelles elles pourraient être amenées à transférer
des données. C'est pourquoi nous recommandons de procéder à une évaluation
globale de la notion de degré d'équivalence et de coordonner cette disposition
avec celles <des autres...
M. Blackburn (Karl) : ...
évaluation
individuelle des équivalences des lois sur la protection des données dans
toutes les juridictions auxquelles elles pourraient être amenées à transférer
des données. C'est pourquoi nous recommandons de procéder à une évaluation
globale de la notion de degré d'équivalence et de coordonner cette disposition
avec celles >des autres juridictions canadiennes qui n'affecteraient pas
la compétitivité des entreprises québécoises. Et aussi, nous recommandons de
prévoir que des mesures contractuelles puissent être un élément d'office qui
permet d'assurer la protection des renseignements personnels.
Enfin, sur la question des sanctions, nous
reconnaissons qu'un resserrement de l'encadrement doit comporter des
ajustements, des pénalités, afin de... de dissuader, pardon, les contrevenants.
Le projet de loi prévoit une augmentation substantielle des sanctions
administratives pécuniaires et les amendes pénales. Mais vu l'ampleur des
nouveaux concepts introduits par le projet de loi, la moindre interprétation
erronée entraînera d'importantes pénalités. Par ailleurs, le fait que la
transmission des données peut traverser plusieurs juridictions canadiennes et
qu'aucun arrimage n'est encore prévu à cet effet, un seul événement pourrait se
voir sanctionner plusieurs fois et ainsi recevoir une pénalité disproportionnée,
eu égard à la faute. C'est pourquoi nous demandons une certaine souplesse, à
cet égard, afin de donner le temps aux entreprises de s'adapter aux nouvelles
dispositions avant que des sanctions importantes leur soient imposées et que ne
soit incluse dans la loi qu'une seule amende, à la juridiction où la faute a
été commise, puisse être imposée.
M. le ministre, en somme, nous souscrivons
évidemment à l'idée de moderniser les mesures de protection des renseignements
personnels. Nous avons cherché à démontrer toute l'importance de travailler de
pair avec nos voisins et partenaires, et les conséquences négatives pour nos
entreprises et notre économie de faire cavalier seul. Vous devez utiliser le
leadership qui vous caractérise, non pas comme rempart contre les autres, mais
comme tremplin, pour faire en sorte que le Québec assume son rôle de leader
partout sur la planète. Le Conseil du patronat du Québec demeure convaincu que
le meilleur moyen d'arrimer des dispositions législatives plus robustes dans la
société québécoise, tout en s'assurant de leur application, réside, en grande
partie, dans le rôle de l'État de mettre en place des moyens, des guides de
bonnes pratiques, des contrats types, des lignes directrices d'interprétation,
des normes plus complexes, qui assurera le respect des normes et ultimement une
réelle protection des renseignements personnels.
Nos recommandations se veulent
constructives, et nous offrons à nouveau toute notre collaboration au
gouvernement pour s'assurer de la mise en oeuvre de moyens efficaces, réalistes
et adaptés pour que les entreprises puissent poursuivre leurs activités
économiques dans un monde de concurrence interjuridictionnelle, en s'assurant
du respect de la protection des renseignements personnels de tous les citoyens
du Québec. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. Blackburn. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Bonjour, M. Blackburn. Merci d'être <présent...
M. Blackburn (Karl) : …
poursuivre
leurs activités économiques dans un monde de concurrence interjuridictionnelle,
en s'assurant du respect de la protection des renseignements personnels de tous
les citoyens du Québec. Merci.
Le Président
(M. Bachand) :
Merci beaucoup, M. Blackburn. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. Blackburn. Merci d'être >présent en
commission parlementaire. Vous me permettrez de vous féliciter pour votre
nomination à la tête du Conseil du patronat. On n'avait pas eu l'occasion de se
voir ou… bien là, c'est virtuellement. Mais toutes mes félicitations et bonne
continuité aussi dans votre mandat à la tête du Conseil du patronat.
Peut-être, d'entrée de jeu, là, au niveau
des entreprises, la FCEI est venue avant vous, avant-hier, on a eu également la
Fédération des chambres de commerce, et ce qu'on constate, et je le dis, là, de
façon très pondérée, c'est qu'il y a peut-être une petite réticence de la part
du milieu des affaires relativement à la rapidité avec laquelle on devrait
aller de l'avant avec le projet de loi n° 64 ou la protection des
renseignements personnels. Ce que je lis, là, des trois organisations, des
trois mémoires, c'est de dire : Faites attention. Vous devez vous assurer
d'avoir le même cadre d'encadrement, là, si je peux dire, que les autres
juridictions canadiennes et nord-américaines.
Dans la balance, de l'autre côté, par
contre, on a les citoyens qui réclament ardemment un renforcement de la Loi sur
la protection des renseignements personnels. Donc, comment on arrime tout ça?
Puis peut-être, sous-question aussi : Comment vous voyez ça, la détention
des informations personnelles par les tiers?
M. Blackburn (Karl) : Ce que
je peux faire, M. le ministre… D'abord, merci pour vos bons mots, je les prends
avec beaucoup de fierté. Ceci étant, le monde des affaires n'est pas contre, au
contraire, un meilleur encadrement au niveau des renseignements personnels.
Nous sommes tous, à la base, des individus qui… On voit bien, à chaque semaine,
dans les médias, des histoires d'horreur concernant le vol de données
personnelles. Il est clair que, pour nos organisations, on est d'accord avec la
démarche qui vise à encadrer le respect ou la garde de ces données personnelles
pour éviter que des fraudeurs, pour éviter que des groupes mal intentionnés
puissent malheureusement les utiliser et causer des torts extrêmement
importants aux citoyens qui se verraient ainsi floués de leurs données
personnelles.
Maintenant que je vous dis ça,
effectivement, il y a quand même une certaine préoccupation concernant
l'application de telles mesures, parce que, qu'on le veuille ou non, la COVID-19,
la pandémie dans laquelle malheureusement toute l'économie mondiale a été
plongée, je dirais qu'elle nous a plongés dans le XXIe siècle. Si, en
2000, on pensait que tout allait arrêter, bien, tout a continué de fonctionner,
mais, en mars dernier, je pense qu'on a frappé notre bogue de l'an 2000. Et,
depuis ce temps, la vitesse grand V prévaut pour des mesures d'aide, les
programmes mis en place, l'accélération de l'utilisation de la technologie en
termes de capacité de transiger avec nos clients, de capacité de transiger avec
nos fournisseurs et nos partenaires, mais également la capacité de transiger
avec le gouvernement. Qui aurait pensé, il y a quelques mois à peine, qu'on
était rendus à cette étape-là?
<Alors…
M. Blackburn (Karl) :
...les programmes mis en place, l'accélération de l'utilisation de la
technologie en termes de capacité de transiger avec nos clients, de capacité de
transiger avec nos fournisseurs et nos partenaires, mais également la capacité
de transiger avec le gouvernement. Qui aurait pensé, il y a quelques mois à
peine, qu'on était rendus à cette étape-là?> Alors, force est de
constater que la technologie occupe maintenant beaucoup de place dans notre environnement
économique. Et je suis convaincu que, si nous positionnons correctement le
leadership qui vous caractérise, M. le ministre, nous pouvons faire en sorte
que ce tremplin de protection des données personnelles, de la volonté que le
gouvernement, que les citoyens et que les entreprises ont de faire en sorte
qu'on puisse protéger ces données-là de façon efficace et correcte, bien, que
ça ne soit pas un frein à la relance économique pour le Québec, mais au
contraire que ça puisse nous servir de tremplin.
Parce que nos inquiétudes, elles se
retrouvent là. Bien évidemment, on l'a présenté dans notre mémoire, à partir du
moment où, malheureusement, il y aurait des éléments qui feraient en sorte
qu'on deviendrait un peu plus isolés par rapport à nos partenaires d'affaires
des autres provinces ou des autres pays, bien, malheureusement, il y a des
avantages économiques qui, inévitablement, pourraient se traduire par des
conséquences sur notre relance économique, sécuritaire et durable à laquelle
tous nous aspirons.
Alors, ce qu'on dit au gouvernement :
On a quelque chose d'extrêmement solide entre les mains. Vous avez quelque
chose d'extrêmement solide entre les mains. Je pense que ça serait important de
prendre le temps nécessaire de mettre en place chacune des pièces du puzzle
pour nous assurer que ces mesures de protection, qui visent à protéger puis à
rassurer les citoyens, ne soient pas un frein à la relance économique, mais, au
contraire, puissent être un avantage sur les entreprises au Québec, pour le
gouvernement du Québec et pour les citoyens du Québec.
Et pour votre deuxième sous-question, de
la façon de garder, je vous dirais, les données par rapport à la question que
vous souleviez dans le projet de loi, je demanderais à ma collègue, Me Karolyne
Gagnon, de vous donner davantage de concret ou d'explication concernant la
garde spécifique des données. Karolyne.
Mme Gagnon (Karolyne) : Alors,
merci, M. le ministre. Merci, M. Blackburn. Ce qui est important de
savoir, en fait, au niveau de la conservation, de la transposition des données,
surtout dans un système, là, comme le nôtre, c'est bien toutes ces notions
d'équivalence, parce que je crois que c'est un des éléments qu'on a soulevés. Par
rapport aux tests d'équivalence et aux notions qui ont été établies dans le
projet de loi n° 64 on ne retrouve plus la possibilité de façon
contractuelle de s'entendre sur les bonnes pratiques, les bonnes façons de
faire. Puis je pense qu'avant tout, pour protéger les données des citoyens, il
est important que ça soit les entreprises, les tiers entre eux qui prennent les
meilleures dispositions.
• (12 h 30) •
Alors, on n'est pas contre le fait de
protéger, en fait, on a parlé également de la notion de consentement du
citoyen. Mais comme vous l'avez entendu, là, longuement, le 22 et le 23, là,
devant vous, la notion de consentement est un risque aussi pour le citoyen qui
n'a pas toujours toutes les données possibles, là, pour savoir à quoi il doit
être protégé. Alors, nous, dans ces tests-là, les tests d'équivalence qui, en
ce moment, sont très rigides, qui...
12 h 30 (version révisée)
Mme Gagnon (Karolyne) : ...entendu,
là, longuement, le 22 et le 23, là, devant vous, la notion de consentement est
un risque aussi pour le citoyen, qui n'a pas toujours toutes les données
possibles pour savoir à quoi il doit être protégé.
Alors, nous, dans ces tests-là, des tests
d'équivalence qui, en ce moment, sont très rigides, qui, également, là,
demandent aux entreprises, petites, moyennes et grandes… Il faut dire que les
grandes, quelquefois, ont plus de moyens que les petites, mais de faire en
sorte de faire une étude exhaustive, d'envoyer des experts dans les différentes
juridictions, nous croyons que, généralement… Et ça s'est déjà fait, et ça se
fait dans l'économie, et ça s'est toujours fait, que des bons contrats, des
bonnes ententes avec... entre les tiers, entre les différentes parties
prenantes, là, d'un contrat de transfert de données, demeurent importantes et
doivent être ajoutées à la loi.
Là, je ne peux pas vous dire en détail…
Naturellement, je suis la vice-présidente du travail et des affaires juridiques.
Mais ces éléments-là en particulier, je pense, ça vous a été bien présenté, et
c'est une préoccupation, et souvent ce sont les entreprises qui sont les mieux
outillées pour faire en sorte qu'un contrat protège le consommateur, protège
les citoyens, puis ça, c'est un élément qui est très important.
M. Jolin-Barrette : Peut-être
juste une question là-dessus, Me Gagnon. Souvent, le consommateur, ça va être
un contrat d'adhésion où… Même s'il s'engage, par voie contractuelle, au niveau
des données, bien, ce qu'on constate, c'est que le consommateur ne lit pas
nécessairement le contrat ou n'est pas au courant du détail, puis c'est
l'entreprise qui établit le contrat sur le partage d'information ou les
données. Le consommateur va vouloir avoir le produit, lui, ou le service, et
cette notion-là de consentement n'est pas si apparente que ça.
Bien, ce que je veux dire, la personne,
elle signe, elle dit : J'accepte, j'ai compris, et tout ça, mais on a un
défi de pédagogie, d'expliquer en quoi le fait de contracter, le fait de
souscrire… ça va être quoi, les conséquences, puis je ne suis pas sûr que c'est
toujours saisi de la façon appropriée, là. Hier, on a des gens qui sont venus
nous expliquer, là, les contrats, là, qu'il y a sur le Web, là, qui ont des
pages et des pages aussi. Comment est-ce qu'on fait pour encadrer ça puis
s'assurer que les citoyens, réellement, consentent aux conséquences, là, du
partage de leurs informations, là?
Mme Gagnon (Karolyne) : C'est
une bonne question, M. le ministre, et je pense que c'est fondamental, parce
que je suis un citoyen, vous l'êtes aussi, puis la première préoccupation par
rapport à une loi qui origine, en fait, du droit à la vie privée, c'est qu'on
protège les données, c'est qu'on protège les informations, parce que, moi aussi,
je veux, de façon pertinente, efficace, pouvoir faire des achats, pouvoir
contracter et pouvoir, comme on a dit un peu plus tôt, puis vous l'avez bien
entendu, peser rapidement sur le consentement pour avoir accès au produit.
Alors, c'est pour ça qu'on vous dit puis
qu'on dit dans notre mémoire… Ce qui est important, en fait, quand on parle de
problèmes transfrontaliers, j'aimerais ça revenir également sur ça, on ne parle
pas de freiner… parce que M. Blackburn, il a bien, bien répondu : On
ne veut pas freiner la mise en oeuvre de dispositions qui <nous...
Mme Gagnon (Karolyne) : ...
consentement
pour avoir accès au produit.
Alors, c'est pour ça qu'on vous dit
puis qu'on dit dans notre mémoire ce qui est important... En fait, quand on
parle de problèmes transfrontaliers, j'aimerais ça revenir également sur ça, on
ne parle pas de freiner… parce que M. Blackburn, il a bien, bien
répondu : On ne veut pas freiner la mise en oeuvre de dispositions qui >nous
semblent fondamentales. Ce qu'on demande, c'est de discuter avec l'ensemble de
nos partenaires provinciaux.
Alors, c'est important au fédéral. Moi,
j'ai beaucoup de grandes entreprises qui sont de juridiction fédérale, qui ont
leurs places d'affaires ici, au Québec, qui nous disent : Les façons de
faire, on veut les arrimer, on veut avoir le temps de vous parler pour bien
faire les choses. On ne dit pas de changer la loi. On dit simplement :
Écoutez-nous.
On comprend que, cette semaine, on a une
commission parlementaire qui est restreinte, là. On est bien honorés de pouvoir
s'exprimer au nom des entreprises qu'on représente, mais il y a plusieurs grandes
entreprises et il y a même des organismes paragouvernementaux… et, bon, moi,
j'ai eu affaire plus à des entreprises paragouvernementales qui sont soucieuses
de certaines dispositions, naturellement, qui aimeraient vous en parler, qui
ont des experts pour vous en parler, parce que je n'ai aucune prétention d'une
expertise aussi poussée.
On a parlé, par exemple, de la
biotechnologie, là, au niveau du commerce. On a parlé de plusieurs notions qui
étaient... Puis, vous le savez, le monde technologique nous demande une
expertise particulière. Et il y a des gens qui, spécifiquement, se posent les
bonnes questions, et je pense qu'au niveau... puis se servir de tremplins pour
justement parler de ces choses-là et faire en sorte qu'on les expose de manière
précise.
Au niveau du consommateur, parce que ça me
semble être le plus important, quand je vous disais : Oui, il faut
informer le consommateur, on n'est pas dupes, là. Le consommateur espère, puis
je l'espère avant tout, que, lorsqu'il appuie sur un consentement de
30 pages, ou de deux pages, ou de 10 pages, maintenant, l'Internet
n'a plus de limite, là, pour un consentement écrit, bien, oui, que l'État fait
en sorte que ce type de consentement là reflète quelque chose qu'il protège.
Alors, naturellement, ce qui est important
puis ce qui est important dans notre mémoire… Je pense que l'État a un rôle
d'éducation et, surtout, d'accompagnement des entreprises. Quand on vous a
parlé puis quand on vous a suggéré de mettre des guides de bonnes pratiques, de
mettre des contrats types, parce que les contrats types peuvent aider les
entreprises… ça va être un temps énorme, des montants qui sont importants. Alors,
si on va dans la réduction des montants pour l'évaluation de l'analyse
d'impact, ça, c'est des éléments qui sont importants, de faire en sorte... Bien
là, je ne peux pas penser que la Commission d'accès à l'information va tout
faire, mais qu'on pourrait faire en sorte, peut-être, là, de donner des
instruments qui permettent aux entreprises, oui, d'établir des régimes de
protection pour les individus et de faire le meilleur qui soit pour qu'on
protège ces données-là de façon importante.
Alors, vous avez parlé un petit peu plus
tôt, là, dans des conversations avec d'autres, lors des représentations : Est-ce
que ça se fait ici? Moi, je vais vous dire que le CPQ travaille de pair avec la
CNESST, et, déjà, on protège les individus parce qu'on leur donne des
instruments, ne serait-ce que la politique de harcèlement au <travail...
Mme Gagnon (Karolyne) : ...
vous
avez parlé un petit peu plus tôt, là, dans des conversations avec d'autres lors
des représentations : Est-ce que ça se fait ici? Moi, je vais vous dire
que le CPQ travaille de pair avec la CNESST, et, déjà, on protège les individus
parce qu'on leur donne des instruments, ne serait-ce que la politique de
harcèlement au >travail, on met des modèles pour les entreprises. Alors,
c'est important d'accompagner, puis de bien accompagner, et de faire en sorte
que, oui, on va respecter le but premier, qui est la protection des
renseignements personnels.
Et j'irais peut-être même un petit peu
plus loin, parce qu'il faut le souligner, au niveau de ces éléments-là, quand
on parle de mettre des choses en place pour les individus, oui, on se fie à
l'État. On se fie à une loi solide. Mais je vous ai mis également une
expertise, là, qui m'a un peu surprise. Au niveau de l'Europe, même après
plusieurs années… L'Europe est bien organisée, avec ses 27 États, et ils ont
même une possibilité, parce qu'ils sont en commission, ils sont regroupés… C'est
beaucoup plus développé, là, que ça ne l'est ici. Puis on souhaiterait avoir le
même genre de protection, mais qui coûte très cher aussi pour l'État. Alors,
ils ont mis ensemble toutes leurs connaissances pour permettre, là, aux
entreprises de pouvoir réagir très vite et d'en arriver à des résultats, là,
qui sont probants. Et, malgré ça, ce que je lisais, puis vous le lirez dans
notre mémoire, c'est seulement 33 % des entreprises en ce moment qui sont
conformes à la loi.
Alors, malgré tout l'appui puis la bonne
volonté, qu'on veut mettre en place le régime, là, qu'on trouve tout à fait
sérieux, puis probablement le meilleur régime au monde, là, même s'il y a des
distinctions qu'il faudrait avoir ou qu'il faudrait adapter ici, au Québec… Alors,
c'est un régime qui nous permet à ce moment-là de comparer un peu. Qu'est-ce
qu'on veut, tout mettre sur la table ou choisir les meilleures dispositions
pour protéger le citoyen, pour protéger le consommateur, et de permettre aux
entreprises de continuer à pouvoir travailler dans un système où la concurrence
est énorme, la concurrence est mondiale, et de les accompagner, et de
poursuivre, là, en ce sens-là?
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie. J'invite les membres, bien, en fait, s'il y a des partenaires qui
veulent déposer des mémoires à la Commission des institutions, à le faire. Peut-être
que je vais céder la parole, M. le Président, à mes collègues.
Le Président (M. Bachand) :
M. le député de Chapleau, s'il vous plaît.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui,
merci, M. le Président. Bonjour, M. Blackburn, Me Gagnon. Merci de votre
présentation.
Peut-être pour poursuivre un peu sur
l'idée d'arrimage dont vous avez fait mention, là, il y avait des intervenants
qui étaient venus précédemment nous mentionner qu'au niveau... il faudrait un
peu attendre et s'arrimer avec les partenaires provinciaux, au fédéral, puis il
faudrait attendre que le fédéral légifère. J'aimerais vous entendre, pour vous,
qu'est-ce que ce serait, la notion d'arrimage, puis quelles étapes vous voyez.
Est-ce qu'on devrait attendre que le fédéral légifère ou le Québec peut aller
de l'avant, peut, dans le fond, élaborer sa loi puis ensuite s'arrimer? Donc,
juste pour voir un peu, là, où vous vous situez.
M. Blackburn (Karl) : Juste
avant de céder la parole à Karolyne, ce qui nous habite là-dedans, c'est de… certain
que… Nos frontières n'existent plus aujourd'hui. Les frontières n'existent
plus. On est capables, à un clic de souris, d'être en communication avec
n'importe quel État à travers le monde. Donc, il y a quand même, je dirais, une
responsabilité de ce qu'on va <mettre...
M. Blackburn (Karl) :
...
avant de céder la parole à Karolyne, ce qui nous habite là-dedans,
c'est de… certain que… Nos frontières n'existent plus aujourd'hui. Les
frontières n'existent plus. On est capables, à un clic de souris, d'être en
communication avec n'importe quel État à travers le monde. Donc, il y a quand
même, je dirais, une responsabilité de ce qu'on va >mettre en place
puisse bien desservir les objectifs que poursuit le gouvernement en termes de
protection, mais que ça puisse également être conforme et applicable de façon
efficace, en lien avec la volonté du gouvernement de protéger les données personnelles
des citoyens.
Donc, je pense que cet objectif-là nécessite
qu'il y ait une coordination, un arrimage entre nos juridictions voisines justement
pour faire en sorte que ce qui va être mis en place ne fasse pas cavalier seul,
mais, au contraire, soit un vaste réseau de protection où les juridictions
voisines, les juridictions avec lesquelles on a plus de transactions, bien,
soient également au même niveau ou au même diapason. Et, de façon plus concrète,
au niveau légal ou au niveau de quel projet de loi devrait être déposé avant ou
quel règlement devrait être amené avant, je demanderais peut-être à Karolyne de
vous donner exactement le positionnement qu'on chérit en termes d'application
étape par étape.
• (12 h 40) •
Mme Gagnon (Karolyne) :
Alors, merci, M. Blackburn. Je pense que je n'ai pas la prétention de
pouvoir vous fournir les étapes, mais je crois que ce qui est vraiment important…
Donc, moi, je… Le dépôt du projet de loi est sensationnel. Le fait qu'on le
dépose maintenant, au début… Puis, M. Blackburn l'a dit, nos entreprises,
en ce moment, sont prises avec la COVID, avec une reprise économique, avec plusieurs
arrimages à faire, mais c'est un début. Le dépôt nous permet de discuter.
Ce qu'on demande à ce moment-ci, c'est… Oui,
il y a plusieurs préoccupations, il y a plusieurs subtilités. On a entendu le
Pr Gautrais, là, je ne voudrais pas faire erreur sur son nom… mais qui
nous disait : On est une société particulière puis on a un arrimage
particulier aussi, parce qu'on est à l'intérieur d'États qui, eux, font les
choses différemment, bon, naturellement, ne serait-ce qu'au niveau du common
law, si on l'applique au niveau d'une notion de droit civil.
Alors, on ne demande pas d'attendre que le
fédéral adopte… parce qu'on ne l'attendra pas, là. Puis je pense qu'on est
souvent les pionniers dans bien des domaines, puis, naturellement, la
protection des renseignements personnels nous incombe tous, comme société, et
puis nous préoccupe. Alors, je suis autant préoccupée que le citoyen à côté et
je veux que ça se fasse rapidement, mais on veut que ça se fasse bien.
Et, quand on parle de concertation, posons
la question : Quelles sont les problématiques, quand je suis une compagnie
qui a son siège social au Québec et qui est régie, pour envoyer des données,
des données, qui, quelquefois, ne sont pas nécessairement des données
personnelles, qui peuvent se retrouver dans le bottin téléphonique, par exemple?
Alors, une loi qui me dit : Bien là, il faut que je fasse une étude
d'impact en Alberta parce que j'ai une filière à qui je veux transférer des
données… C'est des petits ajustements, et ces ajustements-là…
Le Président (M. Bachand) :
Merci, Me Gagnon. Malheureusement, je dois vous interrompre. Le temps
passe tellement bien en bonne compagnie, tellement vite en bonne compagnie. M.
le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Pour
combien de temps, M. le Président?
Le Président (M. Bachand) :15 m 36 s.
M. Tanguay
:
15 min 36? Merci <beaucoup…
Mme Gagnon (Karolyne) : …
parce que j'ai une filière à qui je veux transférer des données… C'est des
petits ajustements, et ces ajustements-là…
Le Président (M.
Bachand) : Merci, Me Gagnon. Malheureusement, je dois vous
interrompre. Le temps passe tellement bien en bonne compagnie, tellement vite
en bonne compagnie.
M. le député de
LaFontaine,
s'il vous
plaît.
M. Tanguay
: Pour
combien de temps,
M. le Président?
Le Président (M.
Bachand) :15 m 36 s.
M. Tanguay
:
15 min 36 s? Merci >beaucoup. Bien, bonjour,
M. Blackburn. Heureux de vous retrouver, de même que Me Gagnon. Merci
d'être là avec nous aujourd'hui pour répondre à nos questions. Je pense que
votre mémoire puis votre point de vue est assez limpide. On sait où vous…
quelles sont vos préoccupations, qui, je pense, sont des préoccupations tout à
fait légitimes. Et je vais m'assurer, M. le Président, de laisser du temps pour
que ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce puisse également poser des questions.
Dans votre mémoire, bon, on parle… On voit
évidemment des impacts que pourraient avoir, au niveau de la compétitivité, des
frais engendrés, même des pénalités, là, le cas échéant, d'une lourdeur dans
l'application de ce que seraient des éléments quand même assez nouveaux, d'où
l'importance d'avoir, là, des guides de bonnes pratiques, des contrats types,
des lignes directrices. Vous voulez, bref, avoir une assistance, je dirais ça
de même, du gouvernement, peut-être de la Commission d'accès à l'information,
que soient rendus publics, donc, des guides de bonnes pratiques, et tout ça.
Puis j'ai peut-être mal compris puis je
vous inviterais peut-être à me préciser ça, vous avez, par ailleurs, dit… Dans
le contexte de la gestion des risques et tests d'équivalence plus restrictifs
au Québec qu'en Europe, vous dites prévoir, à votre recommandation n° 7, <prévoir >que les mesures contractuelles
puissent être un élément d'office qui permette d'assurer la protection des
renseignements personnels.
Pouvez-vous expliciter en quoi… Moi, quand
je lis ça, puis de ce que je comprends, puis peut-être que je fais fausse route,
vous allez me corriger si j'ai tort, mais je vois une sorte d'autorégulation,
par négociation contractuelle, qui pourrait, par ailleurs, atteindre les
standards requis par la loi québécoise. Mais pouvez-vous expliciter en quoi ça,
ça pourrait être une avenue plus souple, efficace, et qui n'affecterait pas la
compétitivité hors frontière, là, des entreprises québécoises?
M. Blackburn (Karl) : Alors,
merci, M. le député. D'abord, d'entrée de jeu, je vais peut-être faire un peu
un retour sur votre première partie de commentaire, et, par la suite, je
céderai la parole à Karolyne, qui pourra davantage vous donner de détails au
niveau précis…
La volonté qu'on poursuit comme
organisation, c'est clair qu'elle est la même que ce que vous poursuivez comme
parlementaires, que ce que poursuit le gouvernement, c'est de nous mettre dans
une situation où les données personnelles soient sécurisées, et ce, pour le
bien de tout le monde.
Maintenant, on fait un pas de recul et on
se remet dans le contexte de la COVID-19, malheureusement, qui a mis sur pause
l'économie mondiale. On est au coeur probablement de la pire crise économique
des 150 dernières années. On voit bien qu'il y a des secteurs de
l'économie qui se relèvent plus rapidement, qui sont moins affectés que
d'autres, mais, en contrepartie, il y a d'autres secteurs qui sont durement
affectés et qui, probablement, risquent de ne pas être capables de se relever.
Donc, dans le contexte, souvent, vite et
bien, ça ne fait pas toujours… ce n'est pas toujours la meilleure <façon…
M. Blackburn (Karl) :
... de l'économie qui se relèvent plus rapidement, qui sont moins affectés que
d'autres. Mais, en contrepartie, il y a d'autres secteurs qui sont durement
affectés et qui, probablement, risquent de ne pas être capables de se relever.
Donc, dans le contexte, souvent, vite
et bien, ça ne fait pas toujours… ce n'est pas toujours la meilleure >façon
de procéder. Donc, dans ce contexte, les éléments qu'on soulève par rapport à
l'application du mémoire, les objectifs qu'on poursuit comme organisation sont
les mêmes que poursuit le gouvernement, alors ça, c'est clair, la protection
des données et un encadrement des mécanismes régissant cette protection des
données.
Maintenant, le contexte un peu... pas un
peu, le contexte très particulier dans lequel on se retrouve nécessite, je
dirais, d'accorder une importance plus grande à plusieurs points de détails qui
risquent, dans un monde normal, d'être très difficiles, voire impossibles à
appliquer. Et la question que vous soulevez, elle est extrêmement pertinente,
et, à ce moment-ci, je demanderais à Karolyne de vous donner davantage les orientations
par rapport au point précis que vous avez soulevé dans votre commentaire, M. le
député.
Mme Gagnon (Karolyne) : Alors,
merci, M. Blackburn. Bonjour, M. le député de LaFontaine, ça me fait plaisir.
Vos questions sont toujours à point et pertinentes, là, relativement à des dispositions
particulières, et c'en est une principalement très intéressante, puisque
l'article 17... En fait, l'article 17 nous permet de s'assurer que le régime
juridique d'un autre État a suffisamment de protection ou offre suffisamment de
protection lorsque je décide de transmettre des données. Alors, c'est le but
premier de l'article 17.
Quand je parle d'obligations contractuelles,
je me réfère plus au paragraphe 3° où on dit : Il y a différentes façons
de le faire. Alors, une est d'aller voir quel type de régime juridique on a,
quelle est la finalité, quelles sont les protections dont il bénéficie. Alors,
ce qui est important quand j'ai un contrat, c'est que je peux transférer cette obligation-là
à un tiers. Je peux lui dire : Tu dois t'assurer que les données ou que la
façon de les traiter sont sécuritaires selon nos propres critères.
Alors, ça se passe... un peu la même chose
en construction, dans les appels d'offres. Naturellement, je ne peux pas penser
que le sous-traitant, au niveau de l'environnement, va respecter les règles de
l'environnement, puis je ne peux pas toutes les mettre non plus, mais je peux
exiger, de façon contractuelle, qu'il respecte les obligations du Québec, les obligations
de l'environnement ou autres, ce sur quoi je n'aurai pas de prise lorsqu'il
aura les données entre ses mains.
Alors, ça devient une exigence
contractuelle qui supplée puis qui s'ajoute aux autres exigences. C'est
simplement parce que ce n'est pas prévu. Peut-être que le législateur… ou, en
fait, peut-être, quand on a déposé le projet de loi, que c'était une volonté,
parce que ça a toujours existé, mais, quand je parle à différents grands
bureaux d'avocats, des gens qui sont préoccupés de la question, on me dit :
On ne le voit pas apparaître. Et ce serait bon que ce soit également prévu pour
que, justement, quand je transfère des données, j'aie une protection supplémentaire
qui... parce que je peux faire une grande étude par rapport au terrain, je peux
envoyer un expert, puis, l'expert, je ne peux pas savoir si, effectivement, ce
qu'il va me rendre est <concret...
Mme Gagnon (Karolyne) :
...on ne le voit pas apparaître, et ce serait bon que ce soit
également
prévu pour que,
justement, quand je transfère des données, j'aie une
protection
supplémentaire qui... parce que je peux faire une grande
étude par rapport au terrain. Je peux envoyer un expert, puis, l'expert, je ne
peux pas savoir si, effectivement, ce qu'il va me rendre est >concret,
m'assure une protection. Je peux tout faire ça par rapport à l'étude qui est
très exhaustive.
Mais, en plus de ça, si mon partenaire, de
façon contractuelle, s'engage à respecter toutes les données qui sont... ou
tous les moyens qui sont pris ici, au Québec, pour protéger les données personnelles
d'un individu, ça devient un élément supplémentaire. Ce qu'on dit dans notre mémoire :
Est-ce que cet élément-là n'est pas suffisant ici pour se prémunir contre une
étude exhaustive de ces données-là à l'étranger qui ne vont jamais me garantir
que j'ai l'expert qui est approprié? Je crois que oui. Ça c'est toujours fait au
niveau des contrats. Et le bris d'un contrat ou l'irrespect d'une de ses
dispositions, à ce moment-là, peut encourir de graves… bien, de graves
poursuites, là, de part et d'autre.
• (12 h 50) •
Puis je pense qu'on vous avait souligné également
plus tôt que c'est important pour les entreprises, puis on m'a téléphoné ce
matin à ce niveau-là. Vous savez, une entreprise, là, tient à ce que les
données qu'elle transmet, les données qu'elle a en sa possession soient gardées
confidentielles et à respecter les règles. Il en va souvent de sa réputation.
Il en va souvent même de sa pérennité. Et ça, vous l'avez entendu, mais c'est
ce qu'ils nous disent : On veut… on est d'accord… Quand on dit : On
est d'accord, mais on veut tellement bien faire les choses. On veut aider le gouvernement.
On veut qu'il y ait un arrimage et faire en sorte que, quand on aura un système
qui est bien parti… Parce qu'on a un beau projet de loi, là, avec des
dispositions dont la majorité sont intéressantes, mais, quand on aura un projet
de loi qui est un guide, comme le dit Karl, pour l'ensemble de tous les territoires,
et du Québec et d'ailleurs, on sera des pionniers, puis des pionniers qui
seront probablement imités par la suite. Merci.
M. Tanguay
:
...laisser du temps, M. le Président, avec votre permission, à ma collègue de Notre-Dame-de-Grâce.
Dans le fond, si je résume, l'article 17
pourrait, selon cette option-là, se résumer, pour une entreprise, à faire une vérification
diligente du sérieux et de la raisonnabilité de son sous-traitant ou de son
cocontractant. Puis, une fois qu'il a fait cette vérification diligente là que
mon cocontractant est une entreprise sérieuse, m'offre toutes les indications
qu'elle va bien gérer et protéger les renseignements, donc ça simplifie l'évaluation,
l'analyse.
Puis on a toujours, comme cocontractant,
aussi… Quand on a de l'information, par exemple, ou quoi que ce soit, un bien
qui appartient à un tiers ou pour lequel un tiers pourrait réclamer des
dommages et intérêts, bien, on a toujours l'obligation de faire affaire avec
des sous-traitants, des contractants qui sont, à nos yeux, après vérification
qu'on n'a pas commis de faute, <qui sont >dignes de notre
confiance. Donc, ça résumerait l'analyse à cela et la responsabilité à cela
aussi.
Mme Gagnon (Karolyne) :
Bien, vous l'avez bien exprimé, il y aura peut-être des particularités, là, par
rapport à ce qu'on fait, mais vraiment… parce que moi, je dis… Quand on dit :
Les mesures de <protection...
M. Tanguay
: … qui
sont dignes de notre confiance. Donc, ça résumerait
l'analyse à cela et
la
responsabilité à cela aussi.
Mme Gagnon (Karolyne) : Bien,
vous l'avez bien exprimé,
il y aura peut-être des particularités, là,
par rapport à ce qu'on fait, mais, vraiment, parce que moi, je dis… Quand on
dit : Les mesures de >protection dont les renseignements
bénéficiaient, y compris les mesures contractuelles, ça vient, en fait, donner
l'assurance supplémentaire, là, qui est au niveau, là, de la diligence
raisonnable… pourrait être complétée puis favoriser un bon contrat. Merci. Je
vous entends…
Le Président (M. Bachand) :
Merci, maître. Alors, je cède la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce,
s'il vous plaît.
Mme Weil
: Merci
beaucoup. Alors, hier, on a entendu le Pr Gautrais. Et puis je vous dirais que
le point et les arguments apportés par le milieu économique et les acteurs de
l'économie, c'est un peu… beaucoup ce que vous avez dit, mais on a mis beaucoup
l'accent sur les petites et moyennes entreprises, où ils sont démunis pour être
capables de vraiment livrer la marchandise, selon eux.
Alors, on leur posait des questions sur
comment arrimer, donc, d'une part, l'obligation de protéger les renseignements
personnels, et qu'eux soient conformes à la loi, et on est arrivés sur la
question d'accompagnement du gouvernement, et, vous, c'est presque comme… ce
serait une recommandation additionnelle que vous auriez peut-être à expliciter,
parce que lui, qui est très enthousiaste par rapport à l'orientation du projet
de loi, mais, quand on posait cette question, il dit : L'État… Je ne sais
pas s'il a dit en Amérique du Nord, là, mais l'État, souvent, ne fait pas tout
ce qu'ils ont à faire pour aider et accompagner ceux qu'ils ont à accompagner. Et,
dans votre phrase, vous dites ça, vous recommandez un peu ce qu'on a entendu
hier, des guides de bonnes pratiques et une aide qui serait, comment dire, ajustée
au niveau de l'entreprise, les grandes, grandes, dans un premier temps.
Donc, ça c'est une question que j'ai. Je
vais vous poser les deux questions pour que vous ayez le temps de répondre. L'autre,
la réaction, en tout cas, que moi, j'ai eue hier, c'est d'essayer d'arrimer le
fédéral, et toutes les provinces, et les États-Unis, c'est complexe, presque
impossible. Comment proposez-vous, au-delà des discussions, de ne pas constater
éventuellement une certaine inertie et que, souvent, c'est parce qu'il y a un
État en Amérique du Nord… Notamment, nous, on avance, on bouge. Je comprends
tout à fait votre recommandation de consulter, bien consulter et… se donner le
temps de bien consulter, apporter les modifications, consulter le fédéral et
d'autres, mais sans tomber dans l'inertie, sur un enjeu aussi important.
M. Blackburn (Karl) : Je
pourrais peut-être, Mme la députée, prendre la première partie de votre
question concernant la grandeur de l'entreprise et les capacités de cette
entreprise de pouvoir implanter des systèmes qui sont plus onéreux, plus
coûteux, avec les expertises nécessaires, versus, des fois, les plus petites
entreprises, qui n'ont pas nécessairement l'agilité ou les capacités de
s'adapter à une vitesse, je dirais, plus importante.
Mais, en même temps que je vous dis cela,
il y a aussi des petites entreprises qui sont très rapides, très agiles. Ce <matin…
M. Blackburn (Karl) : …
pouvoir
implanter des systèmes qui sont plus onéreux, plus coûteux, avec les expertises
nécessaires, versus, des fois, les plus petites entreprises, qui n'ont pas
nécessairement l'agilité ou les capacités de s'adapter à une vitesse, je
dirais, plus importante.
Mais, en même temps que je vous dis
cela, il y a aussi des petites entreprises qui sont très rapides, très agiles.
Ce >matin, j'avais une rencontre téléphonique avec une petite entreprise
d'ici, du Québec, qui est un fleuron dans son domaine d'activité et qui fait en
sorte que la réalité dans laquelle notre économie se retrouve soit, pour elle,
un tremplin pour être capable d'aller plus vite, plus loin que ses
compétiteurs.
Donc, dans l'accompagnement souhaité par
la part du gouvernement, c'est d'abord et avant tout de s'assurer que tous
soient au même niveau en ce qui a trait à l'application et les mécanismes, ou
les cahiers, ou les guides pratiques d'utilisation de cette façon de protéger
les renseignements personnels, et, encore une fois, c'est la volonté que nous
poursuivons. Mais, entre le fait de le faire seul, dans un univers de juridictions
qui ne sont pas au même endroit, ou de le faire comme étant un leader, avec la majorité…
Il y aura probablement toujours certains États
ou certaines réalités de juridictions qui ne seront pas au même niveau que ce
que nous voudrons bien comme organisation. Mais, dans ce sens-là, au moins, on
aura la capacité d'être capable de mixer les objectifs poursuivis, et de le
faire dans un plus grand espace, et ce, au bénéfice des clients ou des
consommateurs qui vont voir leurs données, de façon plus importante, corrigées,
mais, en même temps, pour les entreprises ou les employeurs, de fonctionner sur
une base qui est essentiellement la même et qui ne vient pas défavoriser
certains secteurs de l'économie versus d'autres secteurs qui n'ont pas les
mêmes critères.
Et peut-être Karolyne pourrait davantage
expliquer un peu plus précisément le deuxième point de votre question, sur si
on fonctionne seuls ou si on ne fonctionne pas nécessairement seuls, où,
malheureusement, certains États pourraient ralentir le pas de façon volontaire.
Le Président (M. Bachand) :
Sur ce, le temps est écoulé. Je dois passer la parole au député de Gouin. M. le
député de Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Merci, M.
le Président. Pour trois minutes…
Le Président (M. Bachand) :
…
M. Nadeau-Dubois : 3 min 24 s?
Vous constatez comme moi… Bonjour, M. Blackburn, Mme Gagnon. J'ai peu de temps.
J'ai deux sujets que j'aimerais aborder avec vous.
D'abord, sur la question de la récolte de
données par les entreprises, il y a plutôt un consensus scientifique, un consensus,
auprès des experts, qu'au moment où on se parle il y a certaines entreprises
qui ont des pratiques de collectes de données qui sont abusives, autrement dit qui
collectent plus de données que ce qui est vraiment nécessaire, notamment parce
qu'elles font le pari que ces données-là ne sont peut-être pas monétisables
aujourd'hui, mais que, l'avancement technologique étant ce qu'il est, elles le
deviendront éventuellement.
Donc, c'est documenté comme pratique, de surtout
les grandes entreprises, de collecter plus que nécessaire en se disant : Bien,
un jour, il y aura peut-être moyen de faire de l'argent avec ça. Donc, on ne
prend pas de chance. On en prend plus que ce qu'on a besoin aujourd'hui. Ce
phénomène-là, il existe. En tout cas, c'est ce que les experts nous disent. C'est
ce qu'ils nous disent depuis au moins deux jours, puis, dans la littérature
aussi, c'est largement admis. Est-ce que vous reconnaissez que ce phénomène-là
existe? Et, si oui, puisque j'imagine que vous le reconnaissez, êtes-vous
d'accord qu'un projet de loi sur la protection des renseignements personnels
devrait, au-delà de la <question…
M. Nadeau-Dubois : ...
phénomène-là, il existe. En tout cas, c'est ce que les experts nous disent.
C'est ce qu'ils nous disent depuis au moins deux jours, puis, dans la
littérature aussi, c'est largement admis. Est-ce que vous reconnaissez que ce
phénomène-là existe? Et, si oui, puisque j'imagine que vous le reconnaissez,
êtes-vous d'accord qu'un projet de loi sur la protection des renseignements
personnels devrait, au-delà de la >question du consentement, venir
imposer des limites sur même ce qui est permis de demander aux citoyens et aux
citoyennes comme données?
M. Blackburn (Karl) : Votre
question me permet d'ouvrir le débat sur une façon très philosophique et très
large de concentrer un certain élément de réponse. Peut-être je vais laisser la
chance à Caroline de finaliser, je dirais, la deuxième question de votre volet.
Mais les données personnelles auxquelles
nous, comme consommateurs, ou comme clients, ou comme citoyens, on est amenés à
donner, c'est, bien sûr, toujours sur une base volontaire. Et je n'ai jamais
senti, moi, de pression, pour mon point de vue personnel, de partager
l'ensemble de mes données personnelles avant de faire une transaction ou de
devenir un membre dans une organisation ou dans une grande entreprise. Et là ça
vient aussi à une certaine responsabilité des consommateurs et des citoyens.
Tout peut se faire, mais tout ne peut pas... obligé de se réaliser également.
Alors, je pense qu'il faut être conscient
de... Effectivement, il y a des réalités, au niveau informatique, au niveau de
données, qui font en sorte qu'on est rentrés dans le XXIe siècle de façon extrêmement
rapide, mais, en même temps, on n'est pas obligés de tout faire et de tout
donner...
M. Nadeau-Dubois : Je suis
désolé d'être cavalier, mais mon temps file très vite. Sur ma deuxième
question, est-ce que, dans le projet de loi, il devrait y avoir des limites
objectives à ce qui est même permis aux entreprises de demander comme données
personnelles?
M. Blackburn (Karl) :
Me Gagnon, je vous laisse la parole.
Mme Gagnon (Karolyne) : Merci,
M. Blackburn.
Le Président (M. Bachand) :
Rapidement, Me Gagnon, s'il vous plaît.
Mme Gagnon (Karolyne) : Oui. Au
niveau des données nécessaires, en fait, pour la loi sur le secteur public et
parapublic, ça a toujours été prévu qu'on ne collecte uniquement que ce qui est
nécessaire à l'entreprise. Naturellement, lors de l'utilisation, si on a une
utilisation autre, qu'est-ce que va changer la loi? On a déjà que c'est bien
circonscrit, la notion de nécessité, et qu'on le définisse ou qu'on l'ait,
parce que tout ça est une question d'éducation… Alors, c'est ce qu'on vous
disait, peut-être, puis je sais que ça se fait en Europe, d'établir qu'est-ce
qui est vraiment nécessaire, quel est le titre, quelle est la définition. Qu'importe
comment je vais pointu dans la loi, ce sera toujours une compréhension générale
de la notion de nécessité qui se retrouvait déjà dans une loi plus grande.
Alors, je vois...
Le Président (M. Bachand) :
Merci. Dernier commentaire, M. le député de Gouin, <dernier commentaire, >rapidement.
M. Nadeau-Dubois : Donc, je
comprends que vous n'êtes pas fermés à cette idée-là.
Mme Gagnon (Karolyne) : Bien,
en fait, ce qu'on vient de décrire, la notion de nécessité, on est certains que
les décisions vont le décrire. Je sais qu'en Europe ce qu'ils faisaient
souvent, c'est… Quand je vous parle de guide de bonnes pratiques, c'est de
définir et interpréter la notion de nécessité et de donner les outils aux
entreprises pour savoir et bien définir leur mandat.
M. Nadeau-Dubois : Merci.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Sur ce, Me Gagnon, M. Blackburn, merci beaucoup
d'avoir participé aux travaux de la commission…
13 h (version révisée)
Le Président (M.
Bachand) :…merci beaucoup. Sur ce,
Me Gagnon, M. Blackburn, merci beaucoup d'avoir participé aux travaux
de la commission.
Et la commission suspend ses travaux jusqu'à
15 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 13 heures)
15 h (version révisée)
(Reprise à 15 h 6)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Bon
après-midi. La Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande bien
sûr à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission est réunie afin de
poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 64, Loi modernisant des dispositions législatives en matière de protection
des renseignements personnels.
Nous avons maintenant la chance et le
plaisir d'accueillir deux avocats de chez la firme Fasken. Alors donc,
comme vous le savez, vous avez 10 minutes de présentation. Merci beaucoup
d'être avec <nous en...
Le Président (M.
Bachand) : …La
commission est réunie afin de poursuivre
les auditions publiques dans le cadre des
consultations particulières
sur le
projet de loi
n° 64,
Loi modernisant des dispositions législatives en matière de protection
des renseignements personnels.
Nous avons
maintenant la chance
et le plaisir d'accueillir deux avocats de chez la firme Fasken. Alors
donc, comme vous le savez, vous 10 minutes de
présentation. Merci beaucoup
d'être avec >nous en visioconférence, et puis je demanderais d'abord de
vous identifier et de débuter votre exposé. La parole est à vous. Merci
beaucoup.
(Visioconférence)
M. Aylwin (Antoine) : Bonjour,
M. le Président, M. le ministre, MM. et Mmes les députés. Mon nom est Antoine
Aylwin, je suis accompagné de mon collègue Karl Delwaide.
M. Delwaide (Karl) : Bonjour.
M. Aylwin (Antoine) : Je vous
remercie pour l'invitation. On est contents de vous revoir à la Commission des
institutions. Depuis juin, quand le projet de loi n° 64 a été déposé, avec
l'équipe, on a eu des réunions à toutes les semaines pour discuter des
différents sujets. C'est un projet de loi qui est costaud, il y a plusieurs
modifications qui sont apportées. On a publié, depuis le mois de juin, à toutes
les semaines, des commentaires, là, au bénéfice de nos clients pour discuter
des enjeux. Comme vous le savez, on est des avocats d'affaires, on conseille
des petites, moyennes, grandes entreprises, des organismes publics, des ordres
professionnels, bref, toute la panoplie d'organisations qui sont touchées par
les lois qui sont visées aujourd'hui.
Je veux remercier, là, les membres de l'équipe,
Jennifer Stoddart, Guillaume Pelegrin, Julie Uzan-Naulin, Aya Barbach et
William Deneault-Rouillard, qui ont travaillé avec nous sur les
représentations, notre mémoire, qui est Moderniser, mais conserver un
équilibre. On applique la loi tous les jours, comme je vous le disais, puis
on essaie aujourd'hui de vous véhiculer quelques préoccupations très pratiques
dans notre quotidien sur l'impact des dispositions qui sont proposées.
Puis je vais céder la parole à mon
collègue Karl Delwaide, qui va commencer avec les premiers sujets.
M. Delwaide (Karl) : Alors,
bonjour à tous. Le premier sujet, c'est la communication des renseignements
personnels à l'extérieur du Québec, les articles 27 et 103 du projet de
loi. Vous me permettrez de me concentrer sur l'article 103 qui traite de l'article 17
de la loi sur le secteur privé, mais vous avez son parallèle dans la Loi sur l'accès,
l'article 70.1 de la Loi sur l'accès, l'article 27 du projet de loi.
Le projet de loi, tel qu'il est rédigé,
prévoit qu'«avant de communiquer à l'extérieur du Québec un renseignement
personnel»… Je veux juste au moins attirer votre attention qu'«à l'extérieur du
Québec»… contrairement à d'autres lois qu'on a au Canada, ça ne dit pas «à l'extérieur
du Canada», ça dit à «l'extérieur du Québec». Donc, vous avez plusieurs
entreprises qui ont des divisions, que ce soit au Québec, en Ontario, en
Alberta, au Nouveau-Brunswick, aux États-Unis, des filiales. Donc, «à l'extérieur
du Québec», ça couvre la réalité même dans les autres provinces, ça couvre la
réalité dans chacun des États des États-Unis.
Pourquoi c'est important? Parce que <vous
exigez… >le projet de loi, s'il est adopté tel qu'il est, exige deux critères
avant de pouvoir transférer des renseignements personnels à l'extérieur du
Québec, même au sein d'une même entreprise. Ça exige une évaluation comparative
et une entente contractuelle, une entente contractuelle qui vise à s'assurer
que la juridiction réceptrice adopte des mesures de protection similaires à
celles du Québec. Vous réalisez que l'évaluation comparative, c'est très
exigeant. Si vous exigez ça au sein de la fonction publique, vous avez
peut-être plein d'avocats qui sont heureux, plein de juristes de l'État qui
vont être heureux de faire du droit <comparé…
M. Delwaide (Karl) : ...la
juridiction réceptrice adopte des mesures de protection similaires à celles du
Québec. Vous réalisez que l'évaluation comparative, c'est très exigeant. Si
vous exigez ça au sein de la fonction publique, vous avez peut-être plein
d'avocats qui sont heureux, plein de juristes de l'État qui vont être heureux
de faire du droit >comparé, mais je vous jure que, pour les entreprises
du Québec, là, petites, moyennes et grandes, de faire l'exercice d'une
évaluation comparative en plus d'une entente contractuelle, c'est un fardeau
extrêmement lourd que vous imposez, selon moi, bien respectueusement. Vous
savez, une évaluation comparative pour chacune des juridictions, ça veut
dire... Au Canada, c'est, quoi, 10 provinces? Bon, neuf si on exclut le
Québec. Donc, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick, Alberta, il faut faire cette
évaluation comparative. Il faudrait faire l'évaluation comparative pour les 51 États
américains. Respectueusement, c'est un fardeau qui est extrêmement lourd.
• (15 h 10) •
Le système actuel fonctionne bien. Le
système... Vous savez, l'article 17 actuel comporte une exigence similaire,
sauf l'évaluation comparative. Et, à date, ce que nous avons toujours fait, ce
sont des ententes contractuelles. Et les ententes contractuelles, ça
fonctionne. Alors, respectueusement, une recommandation qu'on se permet de
faire, c'est d'éliminer la notion d'évaluation comparative. Si le gouvernement,
ou si vous voulez donner le pouvoir à la Commission d'accès de le faire, libre
à vous, vous désirez cibler des juridictions pour lesquelles ce serait
automatique, comme c'est prévu, ou, à l'inverse, si vous désirez vous conférer
le pouvoir de cibler des juridictions pour lesquelles ce serait automatiquement
non autorisé de transférer des renseignements personnels, libre à vous, mais,
respectueusement, je ne pense pas que vous devriez imposer aux entreprises le
fardeau de faire ces évaluations comparatives. À moins que vous vouliez
procurer de l'emploi à la meute de nouveaux avocats qui sortent de l'École du
Barreau. Je vous remercie parce que ça, c'est une job d'avocat, on n'a de cesse
d'avoir des questions des clients, si c'est ce que vous souhaitez. Mais je ne
pense pas que ce soit le but de la chose.
Deuxième commentaire. Je me permets
d'aller rondement. Puis il y a d'autres éléments, vous savez, à ce sujet-là,
sur la communication à l'extérieur du Québec, on le souligne dans notre
mémoire, c'est la définition d'un État. Pourquoi je vous disais tantôt que ça
couvre autant l'Ontario que le Nouveau-Brunswick, que les États américains? Un
État n'est pas défini dans le projet de loi, à l'article 103. Vous savez que le
Québec est un État… et là je ne veux pas faire de politique, Dieu m'en
préserve, ce n'est pas le but, mais, sur le plan constitutionnel, chaque
province canadienne est souveraine dans sa juridiction, même chose pour les
États américains. Alors, il va falloir que ce soit précisé. Qu'est-ce que vous
entendez? Est-ce que vous désirez conserver cette notion d'évaluation
comparative et imposer un fardeau aux entreprises du Québec de faire ce travail
à chaque fois ou si le système, tel qu'on le connaît actuellement, de requérir
une entente contractuelle, est un système qui est efficient, efficace et qui
permet aux entreprises de faire des transferts de données tout en assurant une <protection...
M. Delwaide (Karl) : ...
Québec
de faire ce travail à chaque fois ou si le système, tel qu'on le connaît
actuellement, de requérir une entente contractuelle, est un système qui est
efficient, efficace et qui permet aux entreprises de faire des transferts de
données tout en assurant une >protection légitime?
Vous me permettrez maintenant de passer au
deuxième point, les conséquences du non-respect des lois. Les conséquences du
non-respect des lois, ce sont principalement les articles 150 à 152 du projet
de loi. Je veux vous glisser un mot des pénalités administratives qui sont
prévues au projet de loi et qui prévoient... des pénalités administratives
pouvant aller jusqu'à 10 millions de dollars. J'ai deux commentaires
que je me permets de vous soulever.
Le premier commentaire, c'est : C'est
à la mode, ça, les pénalités administratives. C'est nouveau, ça. Vous savez, on
a vu ça maintenant avec la loi antipourriel au fédéral, là, vous savez, la loi
qui a un nom long comme ça, là, pour empêcher l'envoi de pourriels. Ça existe
aussi en vertu du RGPD, je le reconnais, mais, selon moi, <c'est... >on
s'écarte des principes de base de nos systèmes juridiques. S'il y a des
sanctions à imposer à une entreprise, bien, soit, qu'elle en supporte les
conséquences. Mais le principe pénal a généralement servi à permettre à l'État
ou à un organisme régulateur d'amener des sanctions contre des récalcitrants
mais en préservant des droits, comme préserver contre l'autorécrimination, la
présomption d'innocence, le fardeau de preuve. Tout ça fout le camp, excusez
mon langage familier, avec la notion de pénalité administrative. Puis, vous
savez, je suis persuadé que c'est voulu, ça. C'est voulu parce que ça écarte
les protections fondamentales des chartes des droits. Et, selon moi,
respectueusement, ce n'est pas un bon choix, ce n'est pas un choix avisé. C'est
dangereux de glisser là-dessus, surtout quand vous allez jusqu'à permettre jusqu'à
10 millions de dollars en pénalités administratives.
Mon deuxième commentaire qui se joint à
ça, c'est… vous verrez le processus qui est implanté, n'est-ce pas, par les
articles 150 à 152, et ça, ça réfère… excusez, je vais vous le dire, c'est
les nouveaux articles du projet de loi, ce sont les articles 90.1 et
suivants. La mécanique que vous avez mise en place ou que vous suggérez de
mettre en place, c'est de confier à une personne désignée par la Commission
d'accès à l'information, mais une personne qui ne ferait pas partie ni de la
section surveillance ni de la section juridictionnelle, les fonctions de
décider d'une pénalité administrative… pas de décider, pardon, de décider de
l'envoi d'un avis de non-conformité et d'imposer… oui, de décider d'imposer une
pénalité administrative, sujet au pouvoir de la commission de réviser la
décision de cette personne-là.
Moi, je trouve ça un peu particulier. Vous
avez un organisme administratif, qui est la Commission d'accès. Ou bien vous
lui <faites...
M. Delwaide (Karl) :
...avis de non-conformité et d'imposer… oui, de décider d'imposer une pénalité
administrative, sujet au pouvoir de la commission de réviser la décision de
cette personne-là.
Moi, je trouve ça un peu particulier.
Vous avez un organisme administratif, qui est la Commission d'accès. Ou bien
vous lui >faites confiance ou vous ne lui faites pas confiance. Je
suggère… encore une fois, si vous confiez un tel fardeau à une commission comme
la Commission d'accès, il va falloir qu'elle ait les moyens de les appliquer.
Mais de confier à «une personne désignée»,
qui est-ce? Est-ce que c'est mon confrère Me Aylwin? Est-ce que ça va être
quelqu'un du système des enquêteurs de la Commission d'accès? De confier le
soin à une personne, comme ça, de décider d'exposer mes clients à des pénalités
<de 10... >jusqu'à 10 millions de dollars, en mettant de côté
les garanties habituelles du système judiciaire, je trouve ça dangereux. De
confier le tout à la Commission d'accès en révision, bien, ça ne fait qu'augmenter
les coûts du système.
Et on vous propose, dans notre mémoire, de
tout simplement réserver ces pénalités administratives uniquement pour
certaines sanctions pour des éléments strictement techniques et de réduire de
beaucoup le maximum.
Je laisse mon confrère continuer avec nos
autres recommandations.
M. Aylwin (Antoine) : S'il
y a une question qui n'apparaîtra pas du projet de loi puis qui est
sous-jacente à tous les enjeux de renseignements personnels, ce sont les
ressources de la Commission d'accès à l'information. On est venus vous voir
depuis plusieurs années pour vous dire que c'était une lacune. Rajouter des
pouvoirs à la Commission d'accès à l'information comme on le fait ici, ça ne
réglera pas la question des ressources. Si on veut s'attaquer sur un contrôle
effectif, il va falloir que le gouvernement puisse mettre les ressources,
mettre des spécialistes à la Commission d'accès.
Dans les recommandations... On a fait
21 recommandations, là. Je ne vous les prends pas toutes, mais j'aimerais
attirer votre attention sur la question de renseignements sensibles, qui, pour
nous, est une source de difficulté pour nos clients en l'absence de définition.
On vous propose de se coller aux catégories de renseignements qui sont prévus
par la charte comme étant les renseignements qui ne peuvent pas faire l'objet
de discrimination, qui sont jugés suffisamment sensibles. Donc, ça nous
permettrait d'avoir une définition claire. Parce qu'ici on pourrait avoir le
même renseignement qui est sensible dans certaines circonstances et pas dans d'autres,
ce qui est très difficile d'application.
Au niveau des transactions commerciales,
on vous invite à avoir une définition qui est plus large que celle qui est
suggérée et de se coller… des autres lois pareilles dans le domaine pour que ce
ne soit pas seulement dans le cadre de changement de propriété que cette
exception-là au consentement s'applique.
Le Président (M.
Bachand) : Maître, je dois vous...
M. Aylwin (Antoine) : Puis...
Le Président (M. Bachand) :
Maître, malheureusement, je dois vous arrêter...
M. Aylwin (Antoine) :
Oui, je vais conclure.
Le Président (M.
Bachand) : Je dois vous arrêter parce qu'on est rendus
maintenant à la période d'échange. Je suis désolé.
M. Aylwin (Antoine) :
Parfait.
Le Président (M.
Bachand) : Vous pourrez, durant la période de questions, alors,
monsieur, répondre davantage. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette :
Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci de participer à la commission
parlementaire.
Bon, d'entrée de jeu, sur la notion
d'État, le sens que l'on donnait, c'était effectivement qu'une autre province
constitue un autre État. Alors, on prend bonne note de votre commentaire de
spécifier l'intention du législateur. On le garde en mémoire lorsqu'on fera
l'étude détaillée.
Revenons, si vous le voulez bien, sur la
question des amendes et des sanctions administratives <pécuniaires. Là...
M. Jolin-Barrette :
…
autre province constitue un autre État. Alors, on prend bonne note de
votre commentaire de spécifier l'intention du législateur. On le garde en
mémoire lorsqu'on fera l'étude détaillée.
Revenons, si vous le voulez bien, sur
la question des amendes et des sanctions administratives >pécuniaires.
Là, je comprends que vous dites : Écoutez, ce n'est pas la bonne solution,
ça va être vraiment préjudiciable pour les entreprises, notamment. Ça permet,
avec ce régime-là… bien, en fait, ça donne moins de garanties de protection
juridique associée aux chartes pour les entreprises, donc, si l'État veut
encadrer le tout, ça devrait vraiment être dans le régime pénal et non pas dans
le régime de sanctions administratives pécuniaires comme on voit, supposons, en
matière environnementale maintenant.
M. Delwaide (Karl) : Oui,
essentiellement, c'est ça. Écoutez, même avant l'avènement des chartes, les
protections fondamentales en matière pénale, comme par exemple le fardeau de
preuve ou… ça existait, et il me semble que de transférer ce qui est, en
principe, des pénalités, de transférer ça à un régime strictement
administratif… Vous vous rendez compte? En plus, il y a d'autres dispositions,
dans le projet de loi, qui permettent à la commission d'exiger de fournir de
l'information sans… tout simplement de forcer une entreprise à fournir de l'information.
Alors, vous avez là un outil administratif
qui est très… qui va loin. Je ne vous dis pas que ce n'est pas correct
d'imposer l'obligation, de répondre à une demande de la commission. Ça, c'est
très correct, c'est normal. Mais, lorsque vient le temps de l'étape des
sanctions, il nous semble que le processus pénal donne des garanties plus en
lien avec les fondements de notre système judiciaire.
• (15 h 20) •
M. Aylwin (Antoine) : Je peux peut-être
ajouter une chose sur les sanctions pénales. Maintenant, il va y avoir des
dents, c'est des sanctions qui vont être importantes. On n'a pas fait la
preuve, dans les dernières années, que le système pénal ne fonctionnait pas.
Dans les 26 premières années d'application de la loi, les dispositions
pénales existaient. En 2006, le gouvernement a augmenté certains montants
de plafond de pénalité, là, <dans… >notamment pour la
communication hors Québec, sauf que ces dispositions-là n'ont pas été
appliquées.
Donc, c'est très difficile de vous dire
que les sanctions pénales ne fonctionnent pas, elles n'ont pas été essayées
encore. Donc, on n'a pas encore la démonstration qu'il faut passer à un régime
administratif, selon nous.
M. Jolin-Barrette : Vous
dites : On devrait attendre de voir… d'éprouver le système pénal avant
d'aller au régime administratif, mais le régime administratif est là aussi pour
convaincre, supposons, les entreprises, surtout en matière de protection des renseignements
personnels, de l'importance de se conformer à la législation. C'est un régime
qui est moins lourd aussi et qui peut constituer un facteur, très certainement,
d'adhésion pour les gens… bien, les personnes morales qui détiennent les
données des Québécois, à titre d'exemple.
Donc, je comprends votre point où est-ce
que vous dites : Bien, écoutez, on devrait être prudent là-dessus, mais,
d'un autre côté, quand on fait la balance des inconvénients, bien, on peut se
dire : Bien, il y aurait peut-être lieu de mettre ce régime-là justement
pour diriger l'orientation, pour dire à quel point la protection des
renseignements personnels, c'est <important, là, puis qu'on…
M. Jolin-Barrette :
...les données des Québécois, à titre d'exemple.
Donc, je comprends votre point où
est-ce que vous dites : Bien, écoutez, on devrait être prudent là-dessus,
mais, d'un autre côté, quand qu'on fait la balance des inconvénients, bien, on
peut se dire : Bien, il y aurait peut-être lieu de mettre ce régime-là
justement pour diriger l'orientation, pour dire à quel point la protection des
renseignements personnels, c'est >important, là, puis qu'on doit vraiment
encadrer le tout. Parce qu'on voit, là, il y a des fuites de données, parfois
il y a de la négligence, parfois c'est des attaques, malgré le fait que l'entreprise
ait pris tous les moyens nécessaires et a fait preuve de diligence raisonnable.
Mais comment vous recevez ça, si on retourne la situation de l'autre côté?
M. Delwaide (Karl) : Juste...
bref commentaire de ma part, et Me Aylwin complétera. Vous savez que la
commission a déjà des pouvoirs d'ordonnance. Alors, au niveau, justement, de
cet encadrement que vous souhaitez, bien, la commission peut très bien
l'exercer par ses pouvoirs d'ordonnance. Et, s'il y a un manquement qui est
strictement technique... Vous remarquerez, on dit : Les pénalités
administratives pour des manquements strictement techniques pourraient exister,
quelqu'un qui a manqué, là... son système a fait défaut ou des choses comme ça.
Mais, si quelqu'un est un contrevenant volontaire, bien, allez-y sur le plan
pénal et qu'il en subisse les conséquences, respectueusement.
M. Aylwin (Antoine) : Je pense
que vous avez plusieurs outils. Si vous regardez notre recommandation n° 5, ce n'est pas d'abolir les sanctions administratives
mais plutôt d'avoir un ratio de un pour 20 entre le pénal puis l'administratif,
ce qu'on estimait à 125 000 $ pour une sanction pénale maximum de
25 millions — nos recommandations sont reprises à la fin, là, si
vous les cherchez. Puis je pense que vous avez comme trois étapes. La
commission, avec ses enquêtes puis sa surveillance, a un pouvoir de... ce qu'on
appelle en anglais le «name and shame», c'est-à-dire de nommer une entreprise
qui a eu un comportement qui est inadéquat, qui, au niveau de la réputation,
est néfaste. Les sanctions administratives pourraient être une première étape
dans un... on ne vous dit pas de ne pas en mettre mais de dire qu'il y a un
plafond qui est plus bas que celui de 10 millions, parce que ça devient
excessivement important, presque du pénal rendu là, et d'avoir la troisième
étape qui est pénale. Un peu comme on fait avec sécurité routière, on va avoir
des constats d'infraction pour la vitesse, mais, si on a une conduite
dangereuse, ça va être une infraction criminelle. Donc, c'est juste d'avoir des
étapes puis des niveaux, des paliers qui sont appropriés dans ces
circonstances-là.
M. Jolin-Barrette : O.K., je
comprends. Sur la question des politiques internes que doivent adopter les
entreprises, là, on propose que ça soit rendu public. Là, vous, vous dites dans
votre mémoire : Écoutez, attention, ça pourrait faire le contraire, ça
pourrait mettre plus à risque ces politiques internes là. Pourquoi?
M. Aylwin (Antoine) : Je peux peut-être
commencer en vous disant : Ça dépend du niveau de détail que vous
attendez. Si on attend à un niveau de détail qui est de dire : On a un
système de... Je vais vous donner un exemple pratique, on a un système de
sécurité avec des caméras cachées. Ça, c'est une chose. Si, après ça, je
dis : Mon système de sécurité, mes caméras cachées sont situées là, là et
là, je viens de complètement défaire la sécurité que j'ai, parce que, là, je
vais être exposé aux gens qui voudraient rentrer dans mon système, où est ma
protection. <Donc... >Et, toutes les <tentatives...
M. Aylwin (Antoine) : ...Ça,
c'est une chose. Si, après ça, je dis : Mon système de sécurité, mes
caméras cachées sont situées là, là et là, je viens de complètement défaire la
sécurité que j'ai, parce que, là, je vais être exposé aux gens qui voudraient
rentrer dans mon système, où est ma protection. Donc... Et, toutes les >tentatives
de «phishing», par exemple, sur les personnes qui peuvent être appelées à
intervenir sur des systèmes de sécurité, si on met de l'information publique,
ça peut aider les fraudeurs.
Donc, le niveau d'information qui doit
être transparent risque, si on veut protéger comme il faut les données, <risque
>d'être un peu de la vanille dans tous les cas. C'est qu'on va retrouver
des politiques qui vont se ressembler d'une organisation à l'autre, parce qu'on
ne voudra pas mettre un niveau de détail qui permettrait aux fraudeurs de s'en
servir contre l'organisation.
M. Jolin-Barrette : O.K., je
comprends. Sur la question du consentement implicite, vous dites : Bon,
bien, c'est absent du projet de loi n° 64. Qu'est-ce
que vous voulez dire par «consentement implicite»?
M. Delwaide (Karl) : Bien,
écoutez, il y avait une interprétation de l'article 14 autrefois, là.
L'exigence, c'était qu'il fallait, puisqu'on voulait un consentement clair,
précis, spécifique, que le consentement implicite, donc, le... Je vais vous
donner un exemple. Quelqu'un vient porter son C.V. ici pour être engagé. Donc,
il y a manifestement un consentement. Et, malheureusement, il n'y a pas de
poste aujourd'hui, mais il pourrait y en avoir un dans trois mois. Je
conserve son C.V., et je ne lui ai pas demandé de cocher : Désirez-vous
que je conserve votre C.V. pendant x semaines au cas où une ouverture se
présenterait? Il y a une notion de... C'est un peu implicite que quelqu'un qui
vient me porter son C.V., s'il n'y a pas d'emploi aujourd'hui, bien, il accepte
que je le conserve pour une durée raisonnable au cas où un emploi s'ouvrirait.
On disait que, tel que rédigé, l'article 14 ne permettait pas ces consentements
implicites, il fallait un consentement exprès.
Maintenant, vous avez, dans le projet de
loi, deux ou trois endroits où, clairement, vous dites que, pour tel type
de renseignement sensible, il faut un consentement exprès. Sous-entendu :
le consentement implicite est donc permis. D'ailleurs, je dois avouer… un peu à
ma surprise personnelle, quand j'ai lu le dernier rapport de la Commission
d'accès à l'information, la Commission d'accès reconnaissait qu'il y avait
existence d'un consentement exprès ou implicite possible. Alors, tout
simplement, ce qu'on veut vous souligner, c'est que nous, on comprend que le projet
de loi avalise la notion de consentement implicite par le fait que vous exigez
à certains endroits... je pourrai vous retrouver les articles précis, là, on
les a, où vous exigez le consentement exprès pour certains types de
renseignements.
Donc, vous comprendrez qu'en logique
juridique l'interprétation est que le consentement implicite n'est pas écarté,
il est donc possible de dégager des consentements
implicites. Si c'est ce que vous voulez, parfait, il y a certaines
circonstances qui s'y prêtent bien.
<Alors...>
M. Aylwin (Antoine) : En
d'autres mots, on vous demande d'être un peu plus explicites sur le
consentement implicite pour que ça soit clair, quand est-ce qu'il est permis.
M. Delwaide (Karl) : C'est un
peu ça.
M. Jolin-Barrette : Sur la
question, là, il y a des <intervenants qui vous ont précédés qui...
M. Delwaide (Karl) : …possible
de dégager des consentements implicites. Si c'est ce que vous voulez, parfait,
il y a certaines circonstances qui s'y prêtent bien.
Alors...
M. Aylwin (Antoine) : En
d'autres mots, on vous demande d'être un peu plus explicite sur le
consentement
implicite pour que ça soit
clair, quand est-ce qu'il est permis.
M. Delwaide (Karl) : C'est
un peu ça.
M. Jolin-Barrette :
Sur la question, là,
il y a des >intervenants qui vous ont
précédés qui nous ont dit : Bien, vous devriez également permettre les consentements
en bloc ou ne pas exiger des consentements systématiquement. Qu'est-ce que vous
en pensez, considérant qu'on viendrait exiger trop souvent des consentements… ou
en fonction de la nature de l'information de la donnée personnelle, sa
considération stratégique, là, ou de sa sensibilité?
M. Aylwin (Antoine) : Oui. C'est
le point 4.1 de notre mémoire, l'article 14, pour nous, pose une certaine difficulté
pratique quand on demande le consentement distinct de toute autre information
communiquée. Je peux comprendre, par exemple, quand on parle de renseignements
sensibles, qu'on pourrait demander un consentement distinct comme on fait au
niveau de la loi antipourriel. La loi antipourriel demande un consentement
distinct pour la sollicitation commerciale, donc il y a une fin particulière
pour laquelle on demande un consentement distinct.
Mais, présentement, comment l'article 14
est rédigé, c'est comme si on devait désincarner le consentement du contexte
parce qu'on ne doit pas donner d'information. Dans la mesure où on demande le consentement,
dans la rédaction actuelle, je vous dirais, au niveau pratique, j'ai
l'impression que ça va être très difficile d'application. Mais je peux
concevoir que, dans certains cas, on va vouloir scinder, c'est peut-être là
qu'on devrait intervenir pour dire quand est-ce qu'on va avoir un consentement
spécifique séparé du reste, plutôt que d'instituer un régime général qu'il va
falloir avoir des formulaires ou il va falloir cocher huit fois pour dire
oui, quand ce n'est pas tout à fait nécessaire, quand ça peut être compris
comme un bloc, là, dans la relation entre les parties.
M. Delwaide (Karl) : Il y a
des… par exemple, l'ouverture d'un compte, le traitement du compte, la
fermeture du compte, l'échange d'information, tout ça, ça va de soi. Alors,
est-ce qu'on a besoin de cocher à chacun, ouvrir le compte, l'appliquer, le
fermer, échanger l'information? Ça nous semble un peu de la paperasserie. Je
veux que vous compreniez que, nous, ce qui nous guide, c'est un petit peu une
recherche d'équilibre, hein, entre, oui, il faut protéger les renseignements
personnels, mais, d'un autre côté, on est à une époque où il y a une
globalisation de l'information, on ne veut pas être en porte-à-faux, à un
moment donné, avec <des fonctionnements, >des fonctionnements plus
globaux, là, de la planète économique, là.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Chapleau, s'il vous plaît.
• (15 h 30) •
M. Lévesque (Chapleau) : Merci,
M. le Président. Bonjour, maîtres, j'espère que vous allez bien. Merci beaucoup
pour votre présentation et votre mémoire. J'aurais peut-être deux petites
questions, là, à vous poser. Vous avez parlé, là, des contraintes que l'évaluation
comparative <et que… >combinée avec les ententes contractuelles
pouvaient poser à votre clientèle. J'aimerais peut-être qu'on revienne là-dessus,
puis j'aimerais aussi vous entendre sur… Bon, j'imagine que vous avez eu l'occasion
de parler avec plusieurs de vos clients, aborder le projet de loi n° 64. Est-ce
qu'il y a un autre son de cloche, dont vous aimeriez nous faire part, que vous
avez entendu, là, sur le terrain? Puis vous disiez, d'entrée de jeu, là…
15 h 30 (version révisée)
M. Lévesque (Chapleau) : ...à
votre clientèle. J'aimerais peut-être qu'on revienne là-dessus. Puis j'aimerais
aussi vous entendre sur... Bon. J'imagine que vous avez eu l'occasion de parler
avec plusieurs de vos clients, à aborder le projet de loi n° 64.
Est-ce qu'il y a un autre son de cloche dont vous aimeriez nous faire part, que
vous avez entendu, là, sur le terrain? Puis vous disiez, d'entrée de jeu, là,
que vous desserviez autant des petites, moyennes entreprises que les grandes entreprises,
est-ce que vous faites une distinction entre ces types d'entreprise là?
M. Delwaide (Karl) : Bien, en
fait...
M. Aylwin (Antoine) :
...commencer par la première question.
M. Delwaide (Karl) : Oui, je
vais commencer par la première question. Complément. Quand vous regardez le
RGPD... Moi, là, je vous donne ma lecture personnelle. J'ai vu le projet de loi
n° 64 comme étant une tentative de s'arrimer au RGPD,
à certains de ses grands principes, notamment dans des... dans un but
d'adéquation. Et c'est très correct, là, O.K. En vertu du RGPD, à moins que je ne
me trompe, <il y a... >l'Union européenne peut énoncer des
juridictions qui sont jugées comparables, alors donc, où vous pouvez échanger
des renseignements personnels. Et, à défaut d'avoir ça, il faut un système
contractuel, n'est-ce pas, il faut une entente contractuelle. Il y a une
décision récente, là, cependant, qui vient dire qu'il faudrait faire une évaluation
comparative, malgré ça. Ça, on en reparlera, il y a plusieurs chroniqueurs qui
sont un petit peu interloqués par cette décision-là. Mais donc nous, on pense
que le processus des ententes contractuelles est suffisant.
Vous savez qu'il est reconnu notamment
aussi, entre filiales ou entre divisions d'une même entreprise, ce qu'on
appelle en anglais le «binding corporate rules», là, les règles et les
directives internes. Ça aussi, ça devrait être permis, faire en sorte que la
compagnie X, qui a une filiale en Ontario ou une division en Ontario, s'il y a
une directive d'entreprise qui lie tout le monde, ça devrait être permis, alors...
Et, à moins que je ne me trompe encore, il
y a même eu des décisions du commissariat fédéral à la vie privée, qui a dit
qu'il y a... à un moment donné, les ententes contractuelles, il faut quand même
aussi que ce soit avec une juridiction où le système de justice est signifiant.
Je veux dire, je ne veux pas nommer de pays, là, mais certains pays, vous allez
me dire : Si j'ai une entente contractuelle, c'est peut-être plus
difficile de la faire exécuter, on se comprend. Alors, le gouvernement, vous
pourriez adopter des décrets à cet effet-là, vous pourriez vous donner le
pouvoir de dire : Il y a certaines juridictions où on pense que ça n'a pas
de bon sens. Bon.
L'autre chose, il y a... Il faut faire
attention avec le... Comment je pourrais vous expliquer ça en simple? Vous
exigez une évaluation comparative et un contrat. On fait beaucoup... Vous
savez, les données commerciales avec les États-Unis, c'est immense, l'économie,
les échanges économiques entre le Québec, les États-Unis, le Canada et les
États-Unis. Il y a eu une décision de la cour de justice européenne qui dit que
le système de Privacy Shield américain ne présente pas les garanties
d'adéquation, donc de comparabilité acceptable. Alors, est-ce que ça veut dire
que nous, ici, nos entreprises qui <font affaire avec...
M. Delwaide (Karl) : ...i
l
y a eu une décision de la cour de justice européenne qui dit que le système de
Privacy Shield américain ne présente pas les garanties d'adéquation, donc de
comparabilité acceptable. Alors, est-ce que ça veut dire que nous, ici, nos
entreprises qui >font affaire avec le Maine, le Vermont, le
Massachusetts, la Californie, est-ce qu'elles vont pouvoir arriver et dire que
c'est comparable, et là se mettre en porte-à-faux, si elles font aussi affaire
avec l'Europe, <se mettre en porte-à-faux >avec le RGPD? Je ne
vous dis pas <qu'une évaluation faite ici... >qu'une décision va
lier les évaluations faites ici, mais vous comprenez que c'est un élément qui, il
me semble, pourrait être invoqué pour encore un grain de sable dans l'engrenage
par rapport à une relation d'adéquation avec l'Europe.
M. Aylwin (Antoine) : Pour
répondre à votre deuxième question, deux points rapides. Nos plus gros clients
qui font affaire dans plein de juridictions, leur principale préoccupation,
c'est : Comment est-ce que je vais pouvoir respecter la loi du Québecm en
même temps que les autres lois, d'avoir un système qui est cohérent? O.K. Ce
n'est probablement pas la première personne qui vous dit ça, là. Donc, c'est
d'essayer de pouvoir avoir une conformité qui va fonctionner à l'ensemble de
l'Amérique du Nord ou même à travers le monde.
Les plus petits clients qui, eux,
intègrent de plus en plus la question, puis ce n'est pas encore fait, là, les
questions de consentement, de politique de renseignements personnels,
maintenant, les évaluations de facteurs de la vie privée, ils voient ça comme
un monstre. La loi prévoit présentement que, dans tout système d'information,
bien, c'est à peu près tout le temps qu'il va falloir faire des évaluations des
facteurs de la vie privée, puis la loi ne nous dit pas c'est quoi, une
évaluation des facteurs de la vie privée. Donc, pour eux, ils voient ça comme
excessivement complexe pour le traitement des données, alors que ce n'est
peut-être pas nécessaire, d'être complexe. Mais peut-être que la loi pourrait
être plus précise à l'égard des attentes qu'on va avoir à ce niveau-là.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup. Mme la députée de
Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.
Mme Weil
: Oui.
Bonjour. Merci beaucoup. Vraiment beaucoup, beaucoup de commentaires
préoccupants, évidemment, dans le sens qu'on sent qu'il va falloir vraiment
revoir attentivement les conséquences des modifications autant pénales, mais
punitives généralement, mais aussi les implications pour le Code civil.
Donc, j'aimerais que vous reveniez un peu
sur vos commentaires par rapport à vos craintes des conséquences du non-respect
des lois et le choix de régime à appliquer, comment le régime pénal fonctionne
normalement, que vous, vous voyez vraiment une atteinte dans certains cas. Je
pense que c'est tellement important, j'aimerais vous entendre plus. Mais aussi,
je ne sais pas, il me semble que vous n'avez pas... peut-être que vous avez
glissé dessus, l'introduction d'une nouvelle clause d'action civile. Peut-être
commencer par celui-là, pour bien expliquer la préoccupation que vous avez à
cet égard, parce qu'on n'a pas le Barreau, on ne pourra pas entendre le
Barreau. D'ailleurs, une petite question : Est-ce que vous faites partie
d'un comité du Barreau du Québec, en la matière, sur cette question?
Une voix
: Oui.
Mme Weil
: Oui.
M. Aylwin (Antoine) : Vous
allez voir mon nom dans un autre mémoire qui va vous être <acheminé...
Mme Weil
: ...
pour
bien expliquer la préoccupation que vous avez à cet égard, parce qu'on n'a pas
le Barreau, on ne pourra pas entendre le Barreau. D'ailleurs, une petite
question : Est-ce que vous faites partie d'un comité du Barreau du Québec,
en la matière, sur cette question?
Une voix
: Oui.
Mme Weil
: Oui.
M. Aylwin (Antoine) : Vous
allez voir mon nom dans un autre mémoire qui va vous être >acheminé par
le Barreau du Québec.
Mme Weil
: Qui viendra bientôt.
O.K. Parce qu'on a vraiment besoin de bien comprendre les conséquences
juridiques, puis je pense que le ministre aussi va vouloir bien comprendre pour
être capable d'amener les correctifs au besoin. Alors, peut-être, commençons
avec l'introduction de cette nouvelle cause d'action civile.
M. Aylwin (Antoine) : Merci, Mme
la députée. Je m'excuse, M. le Président, je présume que la parole est à nous,
parce qu'on ne vous voit pas...
Le Président (M.
Bachand) : C'est une commission qui est très ouverte, parce que
les gens sont disciplinés, alors allez-y, il n'y a pas de problème.
M. Aylwin (Antoine) : Merci.
Donc, la nouvelle cause... Vous savez, des dispositions pour des dommages
punitifs, c'est très rare dans les lois québécoises. On a la charte québécoise
des droits et libertés qui en contient, il y a la Loi sur la protection des
arbres, la Loi sur la protection du consommateur, donc... Peut-être que j'en
oublie une, là, mais je pense que je viens de faire le tour. Donc,
premièrement, s'il y avait une atteinte intentionnelle, illicite au droit à la
vie privée en vertu de la charte québécoise, il y aurait eu des recours... ou
il y aurait un endroit, là, pour le prévoir. Donc, le prévoir dans une loi,
même dans le Code civil... C'est extraordinaire, d'avoir des dommages punitifs.
Ce qu'on voit aussi, c'est qu'avec la
protection des renseignements personnels il y a des facteurs multiplicatifs.
Donc, les entreprises ne gèrent pas un renseignement personnel de façon... en
silo. Ils vont avoir une clientèle, ils vont avoir des employés. Donc, ils vont
avoir une base de données. Ce qui fait que, quand on prévoit des dommages
punitifs de l'ordre de 1 000 $ minimum, nous, dans notre tête, ce que
ça nous dit, c'est action collective puis c'est facteur multiplicatif. Donc, on
vient prendre la solution de la Californie qui dit : Moi, je ne mets pas
de sanction pénale importante, je ne mets pas de sanction administrative
importante, mais je mets des dispositions pour que les recours civils puissent
être exercés, donc je privatise le mode de sanction pour le non-respect de la
loi.
Donc, <ici, ce qu'on fait, c'est, >on
fait les trois ici, en amenant cette disposition-là. On a une juridiction où
des actions collectives sont plus présentes que dans d'autres juridictions. Il y
a énormément d'actions collectives présentement. Il y en a en matière de vie
privée, on a été impliqués dans certains de ces recours-là. Donc, on va juste
multiplier les recours. Est-ce que c'est une bonne façon de voir à la mise en
vigueur de la loi? J'en doute. J'ai l'impression que les autres solutions de
sanction pénale sont peut-être plus appropriées et vont plus rejoindre les
objectifs du législateur que de confier ça ou de privatiser ces sanctions-là.
M. Delwaide (Karl) : Et
n'oubliez pas le principe d'escalier dont Me Aylwin parlait tout à l'heure. Vous
savez, ça peut commencer par une ordonnance, ça peut être une pénalité
administrative, si c'est encadré de façon plus raisonnable que, et je le dis
bien respectueusement, 10 millions de dollars, qui nous apparaissent <un
peu, beaucoup...
M. Aylwin (Antoine) :
...
que de confier ça ou de privatiser ces sanctions-là.
M. Delwaide (Karl) : Et
n'oubliez pas le principe d'escalier dont Me Aylwin parlait tout à l'heure.
Vous savez, ça peut commencer par une ordonnance, ça peut être une pénalité
administrative, si c'est encadré de façon plus raisonnable que, et je le dis
bien respectueusement, 10 millions de dollars, qui nous apparaissent >un
peu, beaucoup, et ensuite l'étape pénale si quelqu'un ne veut pas se plier.
• (15 h 40) •
M. Aylwin (Antoine) :
Peut-être pour compléter ma réponse au député de Chapleau. Il y a une chose que
nos clients nous parlent, c'est la sanction pénale de 25 millions. Ça fait
que soyez-en sûrs qu'ils sont sensibilisés et que, même si la disposition
finale nous prévoit une entrée en vigueur 12 mois après l'adoption, ils
sont déjà en train de penser à comment est-ce qu'ils vont être en conformité.
Mme Weil
: Et des
meilleures pratiques que vous avez pu voir peut-être ailleurs au Canada,
peut-être aux États-Unis c'est moins comparable, est-ce que vous avez des
exemples à nous donner en matière de contrôle et de répression, si on veut, de
corrections, de pénalités? Est-ce qu'on ferait vraiment bande à part, le
Québec, avec les approches qui sont proposées?
M. Delwaide (Karl) : Il y
en a deux qui me viennent à l'esprit. Il y a, je pense, en 2019,
British Airways, en vertu du Data Privacy Act du UK, là, du Royaume-Uni, a
été condamnée à je ne sais plus que montant en «pounds» de pénalités
administratives, parce qu'eux, ils suivent le modèle du RGPD. Alors, ça a été
une pénalité administrative, et là le montant m'échappe, mais c'est un montant
substantiel. Et tout récemment, encore, il y a Cathay Pacific, Cathay Airlines,
qui a fait l'objet, je pense, c'est 500 000 «pounds» de pénalités
administratives. Ça, c'est des exemples que, moi, j'ai vu passer, là, dont on
m'a informé, mais c'est le régime du RGPD. 500 000 «pounds», c'est
l'équivalent de quoi? 800 000 $ CAN à peu près, là, écoutez, là,
peut-être un peu plus, un peu moins, là. Mais des exemples, à notre
connaissance, il y a ces deux-là, à ma connaissance à moi. Je ne sais pas si
Antoine en a d'autres. Et c'est assez récent. Mais c'est le modèle RGPD, c'est
le modèle pénalités administratives.
Vous avez des exemples, en vertu de la Loi
canadienne anti-pourriel, là, des pénalités ont commencé à être émises. Mais ça
ne rend pas le système plus acceptable sur le plan des principes, par rapport
aux fondements de leur système juridique québécois, tel qu'on le connaît.
M. Aylwin (Antoine) :
C'est surtout qu'on n'a pas de données qui nous permettraient de conclure que
les gens se conforment davantage dans ces systèmes-là non plus.
Mme Weil
: Vous
parlez de l'exemption lors de transactions commerciales, c'est page 11 de
votre mémoire. Pourriez-vous me donner un exemple de ce que... une illustration
de votre propos ici ou une exception spécifique au principe de consentement
dans un contexte de transaction commerciale, où ça s'applique?
M. Aylwin (Antoine) : Ce
qu'on a en tête principalement, puis c'est couvert par les autres législations
qui ont cette exception-là, le Québec, on est comme à la fin, là, les autres
lois ont déjà des exceptions, c'est une opération <de financement...
Mme Weil
: ...
une
exception spécifique au principe de consentement dans un contexte de
transaction commerciale, où ça s'applique?
M. Aylwin (Antoine) :
Ce qu'on a en tête principalement, puis c'est couvert par les autres
législations qui ont cette exception-là, le Québec, on est comme à la fin, là,
les autres lois ont déjà des exceptions, c'est une opération >de
financement. Donc, une entreprise qui veut aller chercher le financement dans
des marchés privés va devoir, par exemple, donner des renseignements sur ses
hauts dirigeants, donc sur des renseignements sur des employés, des renseignements
personnels pour pouvoir s'assurer que l'entreprise est entre bonnes mains.
En raison du manque d'exception, ça veut
dire, techniquement, qu'il faut aller chercher le consentement de ces gens-là
pour pouvoir faire l'opération de financement. Donc, c'est pour ça qu'on voit
que ça n'implique pas nécessairement un changement de propriétés de
l'entreprise comme c'est défini présentement, mais que ça appartient à la même
logique que l'entreprise a des opérations commerciales à mener sur ses
opérations.
Mme Weil
: Je ne sais
pas combien de temps qu'il... Ah! parfait. Peut-être parler aussi... Vous vous exprimez
sur la section concernant... en matière d'emploi, les défis que vous voyez, le
modèle que vous prônez, peut-être expliquer un peu ce que votre mémoire... C'est
à la page 15 de votre mémoire.
M. Aylwin (Antoine) : Bien, c'est
une question qui est fondamentale, parce que la loi québécoise repose,
contrairement à la loi européenne, par exemple, sur la pierre d'assise unique
du consentement. Donc, soit il y a consentement, soit il y a exception au consentement,
c'est la pierre d'assise. Mais la relation employeur-employé n'est pas une
relation où le consentement s'exprime au niveau de l'utilisation des renseignements
personnels, le consentement s'exprime au niveau de l'embauche. Donc, le fait de
fournir son numéro d'assurance sociale pour être payé, ça va un peu de soi
quand on est embauché, puis les renseignements qui vont avec le fait d'être un employé
d'une entreprise découlent de l'embauche. Donc, de dire qu'il y a vraiment une
opération de consentement distincte, c'est un peu théorique.
Et comme le projet de loi le fait peut-être
timidement, mais met le pied là-dessus, c'est que peut-être qu'on doit penser davantage
à un système de transparence plutôt qu'à un système de consentement. Et c'est
ce que... La relation employeur-employé est encadrée spécifiquement dans les
lois de la Colombie-Britannique et de l'Alberta. Il y a une exception
spécifique qui prévoit que les notions de consentement générales qui
s'appliquent aux clients, etc, ne s'appliquent pas. On a un cadre qui est très
bien défini pour les employés.
Mme Weil
: Et donc,
plus concrètement, quand vous parlez de transparence, dans quel sens?
M. Aylwin (Antoine) : Ce que
le projet de loi dit notamment dans les politiques qui doivent être rendues
connues, bien, c'est d'exprimer aux employés expressément ce qu'on va faire
avec leurs données. Puis c'est la décision d'être à l'emploi qui va faire foi
du consentement à ces pratiques-là, et non pas un consentement distinct que
celui d'être employé.
Mme Weil
: O.K. Donc,
en fournissant l'information, il y a comme une adhésion implicite au fait de
partage de cette information.
M. Aylwin (Antoine) : Exact.
Mme Weil
: Santé,
recherche, vous allez un peu <là-dessus...
M. Aylwin (Antoine) : …p
uis
c'est la décision d'être à l'emploi qui va faire foi du consentement à ces
pratiques-là, et non pas un consentement distinct que celui d'être employé.
Mme Weil
: O.K.
Donc, en fournissant l'information, il y a comme une adhésion implicite au fait
de partage de cette information.
M. Aylwin (Antoine) :
Exact.
Mme Weil
: Santé,
recherche, vous allez un peu >là-dessus. On n'a pas eu le temps… Vous
n'avez pas eu le temps d'en parler, puis, dans mes quelques minutes, c'est un
sujet bien important, on en parle beaucoup ici, au Parlement. Pourriez-vous peut-être
vous adresser à cette question-là, comment vous voyez ça?
M. Aylwin (Antoine) : En fait,
on pourrait prendre une heure là-dessus seulement, là, mais je vais essayer de
résumer au fait que… Bien, nous, ce qu'on constatait, c'est que le système
actuel demande des autorisations dans les cas d'études et de recherche, n'était
pas approprié. Il y a une question de ressources. Au niveau de la Commission d'accès
à l'information, des fois, ça prenait un an, un an et demi d'avoir une réponse,
puis là on arrivait au bout du financement pour faire le programme de
recherche.
Donc, cette modification-là de ne pas
demander une autorisation en amont, c'est très positif pour nous. Puis, même si
ça peut être mis en vigueur avant le 12 mois de l'entrée en vigueur du projet
de loi, ça serait encore mieux. Ceci étant, ça ne veut pas dire qu'on se penche
sur l'ensemble du processus. Ça reste quand même un processus qui est balisé
puis qu'il faut s'assurer qu'il soit cohérent avec les pratiques actuelles en
matière de recherche.
Là, la question qui se pose, c'est les utilisations
en matière de recherche, puis je vais vous parler autant d'intelligence
artificielle que d'études cliniques. Aller chercher un consentement spécifique,
d'entrée de jeu, c'est extrêmement complexe... ou de définir l'utilisation, d'entrée
de jeu, c'est complexe, parce qu'on cherche, on ne sait pas encore l'utilisation
précise qu'on va faire. On a essayé d'illustrer avec l'exemple d'une recherche
sur le cancer du sein, qui pourrait donner des résultats pertinents à une
recherche sur le cancer des ovaires, bien, c'est le genre de chose qui peut
être découverte en cours de recherche. Si les utilisations secondaires des
données ne sont pas permises, bien, on vient se bloquer des possibilités qui
pourraient être très positives au niveau de la recherche parce qu'on a une
règle qui est trop restrictive en matière de l'utilisation des données.
Mme Weil
: Très bien.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci.
M. Delwaide (Karl) : ...
Le Président (M.
Bachand) :Oui, allez-y, maître. Allez-y,
oui.
M. Delwaide (Karl) : …ce qui
n'écarte pas de demander que des mesures de protection des renseignements
soient prises. Comprenez-nous, là, c'est deux choses distinctes. Et nous,
là-dessus, au niveau de la protection, on vous suit…
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Gouin pour 3 min
34 s, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Merci, M.
le Président. Bonjour, messieurs. J'ai peu de temps. Je vais être expéditif
dans mes questions. Merci de me faire le plaisir de réponses assez courtes.
Vous parlez... Vous exposez des réticences à l'idée que les entreprises publient
leurs politiques puis leurs pratiques concernant la protection des
renseignements personnels. Vous avez soulevé un argument tantôt en
disant : Ça pourrait révéler des vulnérabilités qui pourraient être
exploitées par des gens malveillants. Mais il y a un deuxième argument qui
m'intrigue. Dans votre mémoire, vous dites, à la page 14, et je cite :
«Ces renseignements peuvent, par ailleurs, constituer des renseignements
commerciaux privilégiés pour les entreprises.» En quoi une <politique
qui…
M. Nadeau-Dubois : ...ç
a
pourrait révéler des vulnérabilités qui pourraient être exploitées par des gens
malveillants. Mais il y a un deuxième argument qui m'intrigue. Dans votre
mémoire, vous dites, à la page 14, et je cite : «Ces renseignements
peuvent, par ailleurs, constituer des renseignements commerciaux privilégiés
pour les entreprises.» En quoi une >politique qui explique au consommateur
les mesures qui sont prises pour protéger les renseignements — puis
on s'entend que ce ne sera pas des politiques avec «voici le mot de passe pour
rentrer puis voici où est le serveur», c'est des principes généraux,
là — en quoi, ça... Dans quel contexte, dans quelle circonstance, ça
peut être un renseignement commercial privilégié?
M. Aylwin (Antoine) : Je suis
d'accord avec vous, ce n'est pas sur les mesures de sécurité que ce
commentaire-là s'applique, mais sur l'utilisation. Dans la façon dont le niveau
de détail va être donné sur l'utilisation, on peut révéler des méthodes qui
sont propres aux entreprises sur comment est-ce qu'on utilise les données de
façon dérivée, comment est-ce qu'on peut faire de la déduction à partir des
données qu'on a, puis comment est-ce qu'on va nourrir certains algorithmes
qu'on va faire dans l'aide de la recherche à l'interne de l'entreprise. C'était
plus au niveau des utilisations potentielles.
M. Nadeau-Dubois : Mais,
donc... Bien, vous comprenez que ça peut être dérangeant, pour un citoyen,
d'entendre que... Le fait d'expliquer aux gens ce qu'on fait avec leurs données,
ça va déranger certaines entreprises, parce qu'elles veulent pouvoir protéger
pour faire de l'argent, faire du profit avec les données. On est mieux de ne
pas trop expliquer ce qu'on fait avec pour pouvoir protéger notre avantage
concurrentiel. Voyez-vous comment c'est un argument qui peut être dérangeant
pour certaines personnes?
M. Aylwin (Antoine) : Je
comprends, je comprends votre préoccupation. Ce n'est pas qu'est-ce qu'on fait
avec les données, mais c'est plutôt comment on le fait, je pense, qui est la
préoccupation.
• (15 h 50) •
M. Nadeau-Dubois : Mais est-ce
que ce n'est pas justement ça, l'objectif d'une loi, comme le projet de loi
n° 64, d'ajouter de la transparence sur ce que les entreprises font avec
les renseignements personnels des gens? Ce n'est pas ça même l'intention
d'avoir un projet de loi comme ça?
M. Aylwin (Antoine) : Je vais
vous donner un exemple où je fais la distinction. Quand on parle de ciblage de
publicité, O.K., c'est une préoccupation, je pense, qui est de connaître qu'il
y a... que nos données sont utilisées pour faire du ciblage. Ça, c'est une utilisation
qui peut être communiquée puis qui fait partie de l'objectif de transparence
que vous décrivez. Mais quand on rentre dans les outils puis dans le comment ça
fonctionne dans la boîte, là, comment est-ce qu'on fait les maillages, comment
est-ce qu'on fait les arrimages, bien c'est là que ça devient la propriété
intellectuelle de l'entreprise qui développe ses techniques pour être performante
au niveau de son ciblage. Mais, si je vous dis que j'utilise votre nom, votre
résidence, votre revenu pour faire du ciblage sur vous, <j'ai... >je
pense atteindre l'objectif de transparence que vous recherchez.
M. Nadeau-Dubois : Bien, où
est-ce que vous voyez, dans le projet de loi, qu'il y aurait des exigences beaucoup
plus élevées que ce que vous venez de décrire là?
M. Delwaide (Karl) : On ne
veut pas qu'elles soient moins élevées.
M. Nadeau-Dubois : Vous
souhaitez qu'elles soient... Ah! pour vous, <ce serait ...>par
exemple, ce serait mal avisé de demander à des entreprises de révéler que
l'adresse, la date de naissance, le lieu de résidence est utilisé pour faire du
ciblage, pour reprendre notre exemple, là.
M. Aylwin (Antoine) : Non,
c'est parce que ce que vous nous demandez, c'est : Où est-ce que vous
voyez, dans le projet de loi, que ça va aussi loin?
M. Nadeau-Dubois : Oui.
M. Aylwin (Antoine) :
Nous, notre réponse, c'est : On ne voit pas, dans le projet de loi, que ça
ne va pas <aussi loin...
M. Nadeau-Dubois : ...
par exemple, ce serait mal avisé de demander à des entreprises de révéler que
l'adresse, la date de naissance, le lieu de résidence est utilisé pour faire du
ciblage, pour reprendre notre exemple, là.
M. Aylwin (Antoine) :
Non, c'est parce que ce que vous nous demandez, c'est : Où est-ce que vous
voyez, dans le projet de loi, que ça va aussi loin?
M. Nadeau-Dubois :
Oui.
M. Aylwin (Antoine) :
Nous, notre réponse, c'est : On ne voit pas, dans le projet de loi, que ça
ne va pas >aussi loin Il n'y a pas ces... Ce n'est pas défini d'une
façon qui limite l'information qui doit être rendue disponible.
M. Delwaide (Karl) : Ça
n'est pas encadré. <C'est qu'on ne sait pas... >On est devant une
zone grise, on ne sait pas comment le régulateur va l'interpréter, jusqu'à quel
niveau de précision ce sera exigé.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Merci beaucoup.
Sur ce, messieurs, merci beaucoup de votre collaboration aux travaux de la commission.
C'était très apprécié.
Et là-dessus, la commission suspend ses
travaux quelques instants. Merci beaucoup. Très bon après-midi.
(Suspension de la séance à 15 h 52)
<
>
(Reprise à 15 h 54)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux. Alors, il nous d'accueillir Me Daniel Therrien,
commissaire à la protection de la vie privée du Canada. Alors, Me Therrien, encore
une fois, grand plaisir de vous accueillir ici, de façon virtuelle, bien sûr, c'est
la façon de faire dorénavant.
Alors, comme vous savez, vous avez
10 minutes de présentation. Après ça, nous aurons un échange avec les
membres de la commission. Donc, la parole est à vous, Me Therrien. Merci
beaucoup.
M. Therrien (Daniel) : Merci
beaucoup, M. le Président, et, Mmes et MM. les députés, je vous remercie de
votre invitation à discuter du projet de loi n° 64, qui
modernise les lois québécoises sur la protection des renseignements personnels.
Nos sociétés ont terriblement besoin de moderniser leurs lois en la matière,
après plusieurs années de révolution numérique, qui est une force perturbatrice
de nos habitudes, de nos pratiques et de nos droits. Votre projet de loi est
extrêmement opportun.
Les perturbations occasionnées par les
technologies de l'information ne sont pas que négatives. Ces technologies sont
au coeur de la quatrièmerévolution industrielle et elles vont
contribuer à l'amélioration des services publics. La pandémie actuelle fait
d'ailleurs ressortir l'importance des sciences, des données et de la
technologie dans la gestion de la crise. Elle accélère grandement la révolution
numérique, ce qui, selon moi, est une raison de plus pour modifier sans délai
le cadre juridique. Donc, ces technologies de l'information peuvent servir
l'intérêt public.
Cependant, ces technologies posent aussi
des risques importants pour la vie privée. Les fuites de données ont touché,
l'an dernier, 30 millions de Canadiens. On parle de plus en plus de l'existence
d'un capitalisme de surveillance, cela, quelques années après l'affaire Snowden
qui identifiait, bien sûr, la surveillance de l'État. Plus récemment, le
scandale Cambridge Analytica a mis en lumière les risques pour la démocratie.
La télémédecine offerte en temps de pandémie comporte des avantages
indéniables, mais si elle fait appel à des plateformes privées, il y a un
risque pour la confidentialité des renseignements de santé. L'éducation à
distance amène des risques semblables.
Il faut moderniser les lois, entre autres,
parce que la population ne croit pas que les nouvelles technologies sont
utilisées d'une manière qui respecte leur vie privée. Des sondages du
commissariat révèlent qu'environ 90 % des Canadiens sont inquiets. La vie
privée est une valeur fondamentale de nos sociétés démocratiques et un droit
protégé par la charte québécoise des droits et libertés. Selon nous, le point
de départ d'une réforme devrait consister à s'assurer que les lois de
protection des renseignements personnels respectent le caractère fondamental de
ce droit et le mettent en oeuvre de façon moderne et durable. En clair, les
lois devraient autoriser l'innovation responsable, qui est dans <l'intérêt
public...
M. Therrien (Daniel) : …
des
droits et libertés. Selon nous, le point de départ d'une réforme devrait
consister à s'assurer que les lois de protection des renseignements personnels
respectent le caractère fondamental de ce droit et le mettent en oeuvre de
façon moderne et durable. En clair, les lois devraient autoriser l'innovation
responsable, qui est dans >l'intérêt public et propre à susciter la
confiance, mais interdire les utilisations de la technologie qui sont
incompatibles avec nos valeurs et nos droits.
C'est l'approche que j'ai mise de l'avant
dans mon rapport annuel de l'an dernier au Parlement fédéral, qui comprenait
une proposition détaillée de réforme des lois fédérales en matière de vie
privée. Plusieurs des propositions du projet de loi n° 64
vont dans ce sens. Par exemple, le projet de loi prévoit des dispositions
encadrant le profilage et protégeant le droit à la réputation. Il assujettit
les partis politiques aux dispositions de la loi sur le secteur privé. Le
projet de loi n° 64 vise, entre autres, à accroître
le contrôle que les citoyens ont sur leurs renseignements personnels. Les
règles concernant le consentement sont donc bonifiées. Je souscris à ces
améliorations, ayant moi-même rehaussé, il y a deux ans, les exigences prévues
dans les lignes directrices du commissariat en matière de consentement.
Mais il est capital de dire qu'en 2020 la
protection des renseignements personnels ne peut reposer que sur le
consentement. Il n'est tout simplement pas réaliste ou raisonnable de demander
aux individus de consentir à toutes les utilisations possibles de leurs données
dans une économie de l'information aussi complexe que celle d'aujourd'hui :
le rapport de force est trop inégal. En fait, le consentement peut servir à
légitimer des usages qui, objectivement, sont complètement déraisonnables et
contraires à nos droits et valeurs. Et le refus de donner son consentement peut
parfois desservir l'intérêt public.
Le projet de loi n° 64
prévoit certaines exceptions au consentement, par exemple en matière de recherche,
ou lorsque les renseignements personnels sont utilisés à des fins compatibles
aux fins pour lesquelles ils ont été recueillis. Ce sont des pas dans la bonne…
dans la direction du réalisme, mais il faut faire attention. Par exemple,
l'exception, pour les fins compatibles, pourrait être interprétée de façon très
large, permettant toutes sortes d'utilisations. C'est pourquoi il existe
d'autres modèles de protection des données personnelles, qui tiennent compte
des limites du consentement et qui cherchent par d'autres moyens à réaliser à
la fois l'atteinte de l'intérêt public et la protection de la vie privée.
Le modèle européen en est un exemple. En
Europe, on permet l'utilisation des données lorsqu'elle est nécessaire à
l'exécution d'une mission d'intérêt public ou aux fins des intérêts légitimes
poursuivis par une entreprise ou un organisme public dans le respect des droits
fondamentaux. Je note qu'au Québec une entreprise doit avoir un intérêt sérieux
et légitime pour recueillir des renseignements personnels. C'est une notion
proche des intérêts légitimes du droit européen.
• (16 heures) •
À mon avis, l'approche européenne mérite
d'être considérée parmi d'autres. Ce qui compte, c'est que la loi autorise les
utilisations des données personnelles dans l'intérêt public, les fins légitimes,
ou le bien commun, à l'intérieur d'un régime fondé sur le respect des droits…
16 h (version révisée)
M. Therrien (Daniel) :
...proche des intérêts légitimes du droit européen.
À mon avis, l'approche européenne mérite
d'être considérée, parmi d'autres. Ce qui compte, c'est que la loi autorise des
utilisations des données personnelles dans l'intérêt public, les fins légitimes
ou le bien commun, à l'intérieur d'un régime fondé sur le respect des droits.
Ce régime devrait imposer aux entreprises et aux ministères la transparence et
l'obligation d'une responsabilité démontrable à l'organisme de réglementation.
Mon dernier point, si j'ai quelques
secondes, serait de vous dire l'importance de l'interopérabilité des lois. Il
est important que les données puissent voyager, mais évidemment dans le respect
des droits des citoyens... Pardon.
Je mets un point important et capital, en
fait, qui est les pouvoirs de contrôle et de sanction. Alors, évidemment, il
n'est pas suffisant d'avoir des lois qui protègent bien la vie privée. Il faut
assortir ces lois de mécanismes d'application de la loi qui sont rapides et
efficaces. Dans plusieurs pays du monde, cela passe par l'octroi à l'autorité
administrative compétente de pouvoirs d'ordonnance et de sanctions pécuniaires importantes.
Il est important de dire, surtout à la
lumière de certains témoignages que vous avez reçus, que de telles lois ne
visent pas à punir les contrevenants ou à les empêcher d'innover. Elles visent
à assurer une plus grande conformité, condition essentielle à la confiance et
au respect des droits.
Il faut dire que plusieurs entreprises et organismes
prennent au sérieux leurs obligations à l'égard des renseignements personnels,
mais pas toutes. Il est donc important que les lois ne confèrent pas d'avantage
aux contrevenants.
Les sanctions doivent être
proportionnelles aux gains financiers que peuvent réaliser les entreprises qui
font fi de la vie privée. Sans cela, les entreprises ne changeront pas leurs
pratiques; les sanctions dérisoires seront un coût qu'elles seront prêtes à
absorber dans la recherche du profit.
Le caractère proportionnel des sanctions
est aussi un avantage pour les petites entreprises.
Les dispositions prévues, donc, en matière
de contrôle et de sanctions, dans le projet de loi n° 64,
sont, à mon avis, excellentes, et il est important, même primordial qu'elles
soient conservées.
Donc, mon dernier point porte sur
l'interopérabilité des lois. Cette interopérabilité sert à faciliter et à
réguler les échanges de données, elle sert aussi à rassurer les citoyens,
puisque les données sont protégées de semblable façon lorsqu'elles quittent nos
frontières, et enfin elle sert les entreprises en réduisant les coûts reliés à
la conformité.
Plusieurs intervenants vous ont mis en
garde contre l'adoption d'une loi qui serait plus stricte que le règlement
européen ou d'autres lois de notre zone économique. À ce sujet, ma suggestion
serait de ne pas craindre d'utiliser le règlement européen, le RGPD, comme
source d'inspiration, mais d'éviter d'aller au-delà de ce règlement, sauf si
vous le jugez nécessaire, le RGPD n'étant évidemment pas parfait. Si vous le
voulez, il nous fera <plaisir...
M. Therrien (Daniel) :
...À ce sujet, ma suggestion serait de ne pas craindre d'utiliser le règlement
européen, le RGPD, comme source d'inspiration, mais d'éviter d'aller au-delà de
ce règlement, sauf si vous le jugez nécessaire, le RGPD n'étant évidemment pas
parfait. Si vous le voulez, il nous fera >plaisir d'élaborer sur ce
point.
Donc, en conclusion, je salue les efforts
du Québec d'amener ses lois sur la vie privée au XXIe siècle. D'autres juridictions
ont aussi pris des initiatives dans ce sens, entre autres l'Ontario et la Colombie-Britannique,
mais vous montrez la voie. Espérons que d'autres la suivront. En effet, il est
urgent d'agir. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment, M. le commissaire. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Bonjour, M. le commissaire. Merci de participer à nos
travaux de la commission sur le projet de loi n° 64.
Si vous permettez, reprenons sur votre
dernier point, en termes d'interopérabilité des lois. Les témoins qu'on a eus à
date, surtout du milieu des affaires, nous ont dit : Écoutez, faites bien
attention parce qu'il faudrait attendre après le fédéral, il faudrait attendre
les autres juridictions canadiennes pour voir ce qu'elles vont faire pour...
avant d'avancer une réforme ici, au Québec. Vous, de votre propos, vous
dites : Non, montrez la voie, agissez à titre de leaders pour protéger les
renseignements personnels, les données personnelles des Québécois. On ne
devrait pas attendre, dans le fond.
M. Therrien (Daniel) : Tout à
fait. C'est sûr que l'interopérabilité est importante, c'est sûr qu'il faut
vérifier ce que les voisins immédiats font. Mais, franchement, ça fait six ans
que je suis commissaire en fédéral puis ça fait six ans qu'il n'y a pas
d'action à ce niveau-là, d'amélioration des lois. La dame qui m'a précédé,
Mme Stoddart aussi, pendant plusieurs années, plaidait pour la réforme des
lois fédérales. Et jusqu'à présent il n'y a pas eu de telle réforme.
Alors, il faut agir. Et d'ailleurs on voit
certaines juridictions canadiennes, l'Ontario, la Colombie-Britannique, comme
je le mentionnais, qui ont fait des pas. L'Ontario fait des consultations. La Colombie-Britannique
a eu des commissions parlementaires avant que l'élection soit appelée. Et je
crois qu'au gouvernement fédéral aussi on est à la veille d'avoir un projet de
loi. Il y a eu une charte numérique, comme vous le savez sans doute, qui a été
déposée il y a un peu plus d'un an. Alors, je pense qu'il est tout à fait le
temps d'agir.
M. Jolin-Barrette : Et
donc, si on est plus ambitieux rapidement au Québec, ça pourrait amener le gouvernement
fédéral à être plus ambitieux lui aussi sur la protection des ressources personnelles.
M. Therrien (Daniel) :
C'est certainement une possibilité, oui.
M. Jolin-Barrette : O.K.
M. Therrien (Daniel) : Et
votre projet de loi est excellent. De façon générale, c'est un excellent projet
de loi.
M. Jolin-Barrette :
Bien, écoutez, je vais... Je l'apprécie. Merci de vos commentaires. Je vais
redonner à César ce qui est à César, par contre. C'est l'équipe ici, Me Miville-Deschênes,
M. Martin-Philippe Côté et surtout la <ministre...
M. Therrien (Daniel) : ...Et
votre
projet de loi est excellent. De façon générale, c'est un excellent
projet de loi.
M. Jolin-Barrette :
Bien,
écoutez, je vais... Je l'apprécie. Merci de vos commentaires. Je
vais redonner à César ce qui est à César,
par contre. C'est l'équipe
ici, Me Miville-Deschênes, M. Martin-Philippe Côté et
surtout
la >ministre présidente du Conseil du trésor, Mme la députée de
Champlain, que je ne peux pas nommer ici, qui est l'auteure du projet de loi.
Alors, je vais lui partager vos commentaires et vos félicitations.
En ce qui concerne le contexte européen,
donc, oui, on a des échanges avec l'Europe. Cependant, est-ce qu'on est trop
collés sur le volet européen versus le contexte nord-américain en termes de
partage d'information, de données et de protection ou vous nous dites : Ça
va ou ce que vous incorporez de l'Europe, c'est une bonne idée?
M. Therrien (Daniel) : Alors,
le Canada et le Québec, évidemment, ont des transactions commerciales et avec
l'Europe et avec les États-Unis. Les États-Unis sont un partenaire économique extrêmement
important, et on ne peut ignorer ce que les États-Unis et le reste du Canada fait,
mais l'Europe aussi est importante. Et ce que j'ai demandé au gouvernement
fédéral depuis quelque temps et ce qui est très clair depuis quelques années,
Cambridge Analytica, d'autres scandales, les fuites de données, c'est que ce
qui est en jeu avec la protection de la vie privée et des renseignements
personnels, ce sont les droits des citoyens. Quand on regarde Cambridge
Analytica, par exemple, il y avait une utilisation des renseignements
personnels dans le but de changer... d'influencer les gens à voter d'une façon
ou d'une autre.
Alors, c'est des droits fondamentaux qui
sont en cause. Et une des raisons importantes, évidemment, pour laquelle le règlement
européen doit servir d'inspiration, ne pas faire de copier-coller, mais
d'inspiration, c'est que le règlement européen est fondé sur la vie privée
comme droit de la personne. Alors, je pense que... Et au Québec aussi, évidemment,
la vie privée, la protection des renseignements personnels, en vertu de la
charte, en vertu du Code civil, est un droit de la personne. Donc, il y a des
analogies en termes de droit et de régime juridique qui font en sorte que de
s'inspirer du droit européen est important, mais évidemment sans oublier aussi
le contexte nord-américain.
M. Jolin-Barrette : O.K. Vous
avez débuté votre allocution en disant notamment : 30 millions de
Canadiens ont subi des fuites de données l'an passé. Vous avez dit aussi :
On est dans capitalisme de surveillance. Qu'est-ce que vous voulez dire?
M. Therrien (Daniel) : Bien,
quand on regarde l'utilisation par les compagnies, puis surtout, mais pas
exclusivement, les grandes compagnies américaines comme Facebook, Google, par
exemple, on voit que les données personnelles des citoyens de différents pays
sont utilisées pour des fins de publicité, qui fait en <sorte...
M. Therrien (Daniel) : …les
compagnies, puis surtout, mais pas exclusivement, les grandes compagnies
américaines comme Facebook, Google, par exemple, on voit que les données
personnelles des citoyens de différents pays sont utilisées pour des fins de
publicité, qui fait en >sorte que ces contenus-là sont extrêmement
profitables.
Donc, ce sont des compagnies qui sont à
l'avant-garde de ce capitalisme-là qui utilise les renseignements personnels
pour faire des affaires. <Il n'y a pas de… c>Ce n'est pas un
problème que de faire des affaires, mais il faut faire en sorte que le commerce
fonctionne dans le respect des droits et la surveillance des citoyens par
Facebook, par Google, par la géolocalisation, qui est une des questions qui est
traitée dans le projet de loi, doit être extrêmement réglementée.
• (16 h 10) •
M. Jolin-Barrette : O.K. On
prévoit un encadrement des communications de renseignements personnels avec
l'extérieur du Québec. Et ça, ça va être possible qu'avec une analyse de
risques qui inclut une analyse de la législation étrangère et qui doit conclure
que la protection est équivalente. Quelle est votre position par rapport à ça,
si on exige ça dans le projet de loi?
M. Therrien (Daniel) : Alors,
je disais à la fin de mon allocution qu'il y a peut-être certains points où je
vous recommanderais de ne pas aller plus loin que le RGPD, et, à cet égard-là,
il est possible que le projet de loi n° 64 aille plus loin. Alors, c'est
une bonne chose que le projet de loi n° 64 fasse en sorte que les
entreprises québécoises évaluent l'impact du transfert des données des
Québécois à l'extérieur du Québec. Ça, c'est une bonne chose et c'est une chose
qui existe dans le règlement européen. Mais, dans le règlement européen, il y a
différentes façons d'assouplir <ou… >ces règles-là, par exemple,
l'adoption de contrats types ou de codes de conduite, par exemple, qui
n'existent pas dans le projet de loi n° 64 et que je vous encouragerais à
étudier pour, d'une part, s'aligner mais surtout ne pas assujettir les
entreprises québécoises à des règles encore plus strictes que le RGPD.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Saint-Jean, s'il
vous plaît.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
M. le Président. Bonjour, M. le commissaire Therrien.
M. Therrien (Daniel) :
Bonjour.
M. Lemieux : Juste avant vous,
on s'est fait dire que ce serait bien que le projet de loi n° 64 soit plus
explicite par rapport au consentement implicite. On l'a trouvé bien drôle,
mais, en même temps, il y a quelque chose là-dedans de fondamentalement
intéressant dans la mesure où le consentement, dans le contexte actuel… et je
pense que c'est moi qui le disais hier, en tout cas, on en a beaucoup parlé
hier aussi, il faut aider les consommateurs à se protéger d'eux-mêmes, dans le
fond, tellement ça va vite.
Vous, vous êtes où dans le consentement?
Vous êtes où, dans le sens de… est-ce qu'effectivement… Et l'exemple qu'on nous
a servi tout à l'heure, c'est : Je vais déposer un C.V. pour obtenir un
emploi. Il n'y a plus d'emploi de disponible, mais on garde mon C.V. On
conserve mon C.V., parce que c'est <implicite que…
M. Lemieux : …
tellement
ça va vite.
Vous, vous êtes où dans le
consentement? Vous êtes où, dans le sens de… est-ce qu'effectivement… Et
l'exemple qu'on nous a servi tout à l'heure, c'est : Je vais déposer un
C.V. pour obtenir un emploi. Il n'y a plus d'emploi de disponible, mais on
garde mon C.V. On conserve mon C.V., parce que c'est >implicite que, si
j'ai déposé mon C.V., les informations qu'il y a là-dedans, j'étais d'accord
pour les communiquer.
Je n'ai pas eu la chance de poser la question,
mais j'allais la poser, et je vous la pose à vous : On le garde combien de
temps? Il est là, mon problème, moi.
M. Therrien (Daniel) : Alors, il
y a, d'une part, une question sur la conservation des documents, donc les documents
devraient être conservés uniquement pour la durée pour laquelle ils sont utiles
à l'entreprise. Et, s'il n'y a pas plus d'emploi à offrir, l'entreprise ne
devrait pas généralement conserver les renseignements en question. Ça, c'est
pour la conservation.
Pour le consentement, il y a une place
pour le consentement dans nos lois de protection des renseignements personnels,
mais, avec l'économie axée sur l'information qu'on a présentement et les
politiques de vie privée extrêmement longues qu'on voit, la vie privée, la
protection des renseignements personnels ne peut pas reposer que sur le
consentement.
Alors, je suis d'accord avec les
dispositions du projet de loi qui viennent bonifier les conditions du
consentement, mais il faut absolument prévoir d'autres façons de permettre
l'utilisation des renseignements, et c'est dans ce sens-là, entre autres, que
le règlement européen peut être utile.
M. Lemieux : Bien, justement,
je voulais revenir sur le règlement européen, parce que vous venez de dire au
ministre : Attention, c'est bien de s'aligner sur les Européens, mais, un
jour, il va falloir aller plus loin… en tout cas, j'espère, parce que, comme
vous le dites, on est entré, finalement, dans la modernisation de tout ça, mais,
un jour, il va falloir continuer de s'ajuster. Puis vous en parliez avec le
ministre au sens de dire : Vous en demandez plus… pour l'instant, en tout
cas, là, on verra ce que le projet de loi devient, mais vous en demandez plus
dans la mesure où il n'y a pas nécessairement des ententes contractuelles et
les autres possibilités d'aller plus loin, d'aller plus vite que juste de
faire… et c'est beaucoup demandé aux entreprises québécoises de faire l'analyse
des risques.
Donc, comment vous proposez ou comment
vous voyez, vous envisagez la suite des choses, si on fait juste s'aligner avec
les Européens, on est toujours à leur remorque, on s'entend au fur et à mesure
pour, tout le monde, remonter un peu le niveau? Comment ça va fonctionner?
M. Therrien (Daniel) : Comme
je pense l'avoir dit, là, le règlement européen n'est pas parfait évidemment,
et la raison pour laquelle je vous suggère humblement de ne pas aller plus loin
que le règlement européen, puis généralement il pourrait y avoir des
exceptions, c'est que des entreprises québécoises ne devraient probablement pas
être désavantagées par rapport à d'autres entreprises en ayant des exigences,
des obligations plus restrictives que ce qui est déjà… ce qu'on appelle le
Global Standard ou la norme internationale, qui est le règlement <européen…
M. Therrien (Daniel) : …c'est
que des entreprises québécoises ne devraient probablement pas être
désavantagées par rapport à d'autres entreprises en ayant des exigences, des
obligations plus restrictives que ce qui est déjà… ce qu'on appelle le Global
Standard ou la norme internationale, qui est le règlement >européen.
En grande partie, c'est pour des raisons
de compétitivité que je vous suggère de ne pas aller plus loin que le règlement
européen. Et, comme je le dis, le règlement européen n'est pas parfait. Et, par
exemple, il y a un concept très intéressant dans le projet de loi n° 64,
qui est de traiter de la vie privée dès la conception et de faire en sorte que
les entreprises, lorsqu'elles essaient de colliger des renseignements,
utilisent des paramètres qui protègent le mieux possible la vie privée, d'avoir
le plus haut standard possible pour protéger la vie privée dans la collecte des
renseignements. Le règlement européen ne va pas aussi loin que ça.
Sur ce point-là, je vous encouragerais à
aller plus loin que le règlement européen parce qu'il n'y a pas de problème à
demander de façon générale< que>, quand les compagnies colligent
les renseignements, que les paramètres soient à ce niveau-là. Si une compagnie
veut convaincre un consommateur de lui remettre ses renseignements de façon… ou
pour d'autres raisons qui n'atteindraient pas cette règle-là, que la compagnie
convainque le consommateur de le faire, mais à défaut que les paramètres soient
toujours ceux qui protègent le mieux la vie privée, ça me semble une bonne idée
du projet de loi n° 64, qui ne se retrouve pas dans le règlement européen.
M. Lemieux : Est-ce qu'il y a,
quand on regarde… puis ça a été la première question qui vous a été posée, mais
je vais revenir dessus un petit peu, par rapport à la capacité de la loi
québécoise et des autres lois canadiennes et provinciales au Canada,
l'interopérabilité, est-ce qu'il y a un moment où il y a une espèce de… pas un
vide, mais une complication supplémentaire pour, entre autres, les compagnies,
pour qui vous nous dites qu'à l'étranger ça peut devenir lourd? Est-ce qu'il va
y avoir une sorte de flou au début, selon vous, ou c'est tellement proche et on
parle tellement de la même chose, peut-être différemment, qu'au final ça ne
sera pas un problème de l'opérationnaliser? C'est ce que vous avez dit tantôt,
mais je voudrais comprendre plus comment ça va s'opérationnaliser.
M. Therrien (Daniel) : C'est
une question à 6 millions de dollars, probablement, là. Le concept
d'adéquation dans le projet de loi québécois, et ce qui existe déjà en droit
européen, c'est un exercice extrêmement complexe de comparaison des lois.
Alors, non, les lois ne sont pas toutes pareilles et il peut y avoir un régime
qui n'est pas adéquat par rapport à un autre pour des aspects importants des lois.
Par exemple, si, dans un pays, le tribunal administratif a des pouvoirs
d'ordonnance et de sanctions administratives et que, dans un autre, ces
moyens-là n'existent pas, il se peut très bien que le deuxième pays ne sera pas
adéquat par rapport aux lois de la première.
Donc, dans l'état actuel des choses, la <CAI
a des…
M. Therrien (Daniel) : ...a
des pouvoirs d'ordonnance et de sanctions administratives et que, dans un
autre, ces moyens-là n'existent pas, il se peut très bien que le deuxième pays
ne sera pas adéquat par rapport aux lois de la première.
Donc, dans l'état actuel des choses, la
>CAI a des pouvoirs d'ordonnance que je n'ai pas... plusieurs de mes
collègues... n'ont pas. Le projet de loi prévoit que la CAI pourrait imposer
des sanctions administratives, des pouvoirs que je n'ai pas. Ce sont des
différences importantes, mais je ne pense pas que ça devrait vous empêcher
d'adopter un projet de loi qui va plus loin que les autres juridictions
canadiennes, essentiellement parce que, j'espère et je pense, que les autres
juridictions vont vous rejoindre.
M. Lemieux : On revient...
oui... on revient encore au même principe que j'énonçais tout à l'heure. On
fait comment à l'avenir? À partir du moment où on a pris un peu d'avance, les
autres nous rejoignent, comme vous venez de suggérer qu'il va se passer,
pourquoi on règle ça tout le temps en allant le plus loin possible? Est-ce que
vous, vous considérez que ce qu'on a... puis vous avez dit, par rapport à
l'Europe, on est à la limite, là, mais, par rapport au reste du Canada, on est
loin devant? En tout cas, loin devant vous, si j'ai bien compris ce que vous
venez de me dire, là.
M. Therrien (Daniel) : Le
projet de loi n° 64 va certainement beaucoup plus
loin que la loi fédérale actuelle, mais j'ai bon espoir que la loi fédérale va
être modifiée pour rejoindre. Est-ce que ça va rejoindre tout à fait le projet
de loi n° 64? Je l'espère, mais je n'en suis pas
certain.
M. Lemieux : Merci, M.
Therrien.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, M. le commissaire. M. le député de
LaFontaine, s'il vous plaît.
• (16 h 20) •
M. Tanguay
: Pour
combien de temps, M. le Président?
Le Président (M.
Bachand) : 13 minutes... Je vais vous dire ça dans
quelques secondes, sur mon temps. 13 min 36 s.
M. Tanguay
: Parfait.
Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Therrien, merci d'être avec nous
pour discuter du projet de loi n° 64 et de ses enjeux
très importants de protection des renseignements personnels et de la vie
privée. Vous faites bien de mentionner d'entrée de jeu, là, dans votre
intervention, 90 % des Canadiens sont inquiets. Une statistique qui m'a
frappé. 30 millions de Canadiens, l'an dernier, ont été touchés par des
fuites de données, alors c'est nettement substantiel. J'aimerais vous entendre
sur... «Dans mon rapport de l'an dernier — et je vous cite,
page 2 — dans mon rapport de l'an dernier au Parlement, je
recommandais que le caractère fondamental du droit à la vie privée soit reconnu
dans les principes et l'énoncé d'objet des lois fédérales régissant les
secteurs public et privé.» Donc, vous nous suggérez, si je comprends bien,
d'inscrire ça dans <la loi... >le projet de loi n° 64.
Nous recommanderez-vous de l'inscrire ailleurs, dans une autre loi? Et pourquoi
c'est important, cet énoncé de principe?
M. Therrien (Daniel) : Comme
je le disais tantôt, ce que l'histoire des dernières années démontre, Cambridge
<Analytica...
M. Tanguay
:
...ailleurs dans une autre loi? Et pourquoi c'est
important cet énoncé
de principe?
M. Therrien (Daniel) :
Comme je le disais tantôt, ce que l'histoire des dernières années démontre,
Cambridge >Analytica entre autres, mais d'autres scandales dans
l'utilisation des renseignements personnels, c'est que les droits de la
personne et des citoyens, dont la démocratie, le droit à l'égalité est en cause
par l'intelligence artificielle, par exemple. Alors, ce qui est en cause, c'est,
d'une part, les technologies donnent des avantages importants qu'il faut
continuer à privilégier, mais dans le respect des droits.
Les droits ont été violés ces dernières
années par la collecte des renseignements personnels, alors c'est le problème
fondamental. Il faut que ça, ça soit reconnu dans les lois. Le Québec est déjà
en avant par rapport certainement à la loi fédérale dans ce sens-là, en ce que
le droit à la vie privée est déjà reconnu par la charte québécoise. Le Code
civil parle aussi de l'importance de la vie privée.
Alors, certainement dans le contexte
fédéral. Dans le contexte fédéral, la protection des renseignements personnels
présentement, c'est plus une question de régulation économique, d'équilibre
entre la protection de la vie privée, mais aussi de promouvoir l'utilisation
des renseignements pour des fins économiques. Et la question des droits de la
personne n'entre pas vraiment en jeu dans la loi, par exemple, de la vie privée,
pour ce qui est du secteur privé au niveau fédéral. Dans ce contexte-là, il est
particulièrement important d'indiquer dans une nouvelle loi fédérale que la vie
privée est un droit fondamental.
Au Québec, puis, encore une fois, il y a
déjà des actions qui ont été prises, mais je recommanderais, et je crois
d'ailleurs que la commission québécoise des droits de la personne, il y a
quelques années, a recommandé que, dans le préambule des lois québécoises sur
la protection des renseignements personnels, <que >l'importance de
la vie privée, comme droit fondamental, comme droit de la personne, soit
explicitement reconnue, ce qui pourrait avoir comme conséquence d'être utile à
l'interprétation des textes de loi dans le détail.
Alors, c'est un peu pour ça que je
recommande que la vie privée, que la protection des renseignements personnels
soient mentionnées en termes d'objectifs des lois sur la protection des
renseignements personnels.
M. Tanguay
: Et, si
c'était le cas, de façon plus claire aussi, juridiquement, dans un débat
judiciaire, ça permettrait, s'il y avait... si l'on plaidait puis on avait gain
de cause qu'il y a eu infraction ou violation d'un droit ou d'une liberté
fondamentale en vertu de la charte québécoise, il y aurait lieu, à ce
moment-là, de demander, qui plus est, des dommages et intérêts, des dommages
punitifs, ce qui pourrait aussi ajouter aux signaux qui seraient envoyés aux
récalcitrants.
M. Therrien (Daniel) : Vous
vous connaissez mieux dans l'application de cette loi-là que moi. Mon <objectif...
M. Tanguay
: ...d'un
droit ou d'une liberté fondamentale en vertu de la charte québécoise, il y
aurait lieu, à ce moment-là, de demander, qui plus est, des dommages et
intérêts, des dommages punitifs, ce qui pourrait aussi ajouter aux signaux qui
seraient envoyés aux récalcitrants.
M. Therrien (Daniel) : Vous
vous connaissez mieux dans l'application de cette loi-là que moi. Mon >objectif,
ça serait plus dans l'interprétation d'un concept, par exemple, du consentement
éclairé. Alors, la loi parle de consentement éclairé. Si cette notion-là
apparaît dans une loi dont un des objectifs est de reconnaître la vie privée
comme droit de la personne, le concept de consentement éclairé risque d'être
interprété à la lumière de l'importance du droit en question.
M. Tanguay
: Ce qui est
particulièrement intéressant de vous avoir, M. Therrien, c'est votre
regard évidemment pancanadien. On a eu d'entrée de jeu le Directeur général des
élections <qui nous a fait référence... >qui a fait référence à ce
qui se passe en Colombie-Britannique en ce qui concerne l'application du régime
des entreprises privées aux partis politiques. Vous soulignez dans votre document :
«Il assujettit...» Vous soulignez le fait que le projet de loi n° 64
assujettit les partis politiques aux dispositions de loi sur le secteur privé.
Donc, on a le cas de l'exemple de la Colombie-Britannique.
J'aimerais savoir : Au niveau
fédéral, quel régime, s'il y en a un — peut-être pas, je ne le sais
pas, vous allez nous le dire — encadre les partis politiques à ce
chapitre?
M. Therrien (Daniel) : Alors,
les partis politiques fédéraux ne sont pas assujettis aux lois sur la
protection des renseignements personnels. Il y a certaines dispositions que je
qualifierais de basiques sur l'obligation des partis politiques d'avoir des registres
et... des obligations extrêmement minimalistes. Mais de façon... Les partis
politiques, donc, ne sont pas assujettis aux lois sur la protection des
renseignements personnels au fédéral ni d'ailleurs dans aucune province à part
la Colombie-Britannique.
M. Tanguay
: Et quelle
est votre idée de façon un peu plus précise? Vous semblez, donc, saluer
l'approche préconisée par le gouvernement ici, à Québec, dans le projet de loi
n° 64, d'assujettir les partis politiques provinciaux au régime des entreprises
privées. J'aimerais avoir votre idée là-dessus. Ne trouvez-vous pas qu'il y
aurait lieu de faire une distinction entreprise privée à vocation de faire des
profits versus, dans notre démocratie, des partis politiques qui doivent
rejoindre, communiquer, parler à la population, c'est l'objectif central et
ultime d'un parti politique, et, à la limite, faire une analogie en
disant : Bien, écoutez, on a déjà mis des atermoiements pour des
organismes qui exercent pour des fins d'étude, de recherche, de production
statistique? On ne leur a pas... Là, dans ces cas-là, on extensionnait le
consentement. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur l'à propos de
faire copier-coller, entreprise privée, parti politique, dans le contexte
démocratique et de leur mission très particulière.
M. Therrien (Daniel) : Le <copier-coller...
M. Tanguay
: ...Là,
dans ces cas-là, on extensionnait le consentement. Alors, j'aimerais vous
entendre là-dessus, sur l'à propos de faire copier-coller, entreprise privée, parti
politique, dans le contexte démocratique et de leur mission très particulière.
M. Therrien (Daniel) : Le >copier-coller,
je ne suis pas nécessairement... je ne pense pas que c'est nécessairement la
seule solution. Laissez-moi revenir en arrière un peu. Alors, je dirais,
l'utilisation de renseignements personnels pour des fins d'influence des
opinions politiques est certainement un sujet de préoccupation. Cambridge
Analytica en est un exemple. Donc, selon moi, les communications aux fins politiques
devraient faire l'objet d'une réglementation.
Vous avez raison... en tout cas, vous
laissez entendre que le contexte n'est pas le même entre les compagnies privées
et les partis politiques, et, effectivement, le contexte n'est pas le même, et,
dans le contexte de l'utilisation des renseignements par des partis politiques,
il y a une question d'exercice de droits fondamentaux qui est importante.
Alors, je n'ai pas de recommandation
extrêmement pointue sur est-ce que le régime du secteur privé est le meilleur
pour les partis politiques. Ce que je vous suggère, c'est que ça prend une
réglementation des partis politiques pour ce qui est de leur utilisation des
renseignements personnels. Et j'ajouterais, en terminant, que je pense que mon
collègue le directeur fédéral des élections devrait faire des recommandations
sur ces questions-là d'ici peu.
M. Tanguay
: Ah! Ah!
c'est intéressant.
M. Therrien (Daniel) : Alors,
je ne suis pas un expert dans le domaine des élections. Donc, réglementation
des partis politiques, quelle devrait être la réglementation exactement, je ne
prétends pas être un expert là-dessus.
M. Tanguay
: O.K. Bien,
j'en déduis, puis détrompez-moi si j'ai tort, que vous avez probablement été
consultés, dans cette préparation-là, par le directeur... Élections Canada.
M. Therrien (Daniel) : Oui.
M. Tanguay
: J'aimerais,
s'il vous plaît, que vous explicitiez, page 3, le troisième paragraphe de
votre document. Donc, à la page 3, troisième paragraphe, on peut y
lire : «Le projet de loi n° 64 prévoit certaines
exceptions au consentement, par exemple en matière de cherche, ou lorsque les
renseignements personnels sont utilisés à des fins compatibles aux fins pour
lesquelles ils ont été recueillis. Ce sont des pas dans la direction d'un plus
grand réalisme, mais il faut faire attention. Par exemple, l'exception pour les
fins compatibles pourrait être interprétée de façon très large, permettant
toutes sortes d'utilisations.»
Votre mise en garde est claire. Avez-vous
des exemples auxquels vous pensiez peut-être en écrivant cela? Et pouvez-vous
nous dire, donc, quels dangers auxquels... quels dangers faites-vous
référence... à quel danger faites-vous référence? Et< quelle serait>,
dans un deuxième temps, quelle serait la façon d'endiguer ça pour nous?
• (16 h 30) •
M. Therrien (Daniel) : Oui.
Alors, par exemple, il y a une disposition de la loi fédérale dans...
16 h 30 (version révisée)
M. Tanguay
: ...à quel
danger faites-vous référence et quelle serait… Dans un deuxième temps, quelle
serait la façon d'endiguer ça, pour nous?
M. Therrien (Daniel) : Oui.
Alors, par exemple, il y a une disposition de la loi fédérale dans le secteur
public qui utilise cette notion-là de fins compatibles. Et donc un ministère
fédéral peut colliger des renseignements pour la fin a et prétend que la fin b
est compatible. Ce qu'on a vu, c'est que, par exemple, il y a des ministères
qui disaient : Tout ce qui relève de l'application de notre loi est une
fin compatible, tout notre mandat, on collige un renseignement, on fait un x,
ensuite on peut l'utiliser pour toute autre fin qui relève de notre mandat.
Un exemple. Dans le secteur privé, on voit
souvent le concept qu'une compagnie privée va obtenir des renseignements pour
une fin précise x et ensuite va dire : Est-ce que vous nous donnez le
consentement pour que ça soit utilisé pour améliorer le service à la clientèle?
Alors là, on a, encore une fois, une définition extrêmement large d'une fin
secondaire des renseignements, et «fins compatibles» peut être interprété de
façon aussi large que ça.
Alors, le défi, c'est qu'il faut être
capable de permettre une utilisation pour des fins assez larges pour que ça
rejoigne l'intérêt public ou des intérêts légitimes des compagnies ou des ministères.
Donc, c'est nécessaire, dans l'économie et dans l'industrie technologique d'aujourd'hui,
d'avoir des fins assez larges, mais d'une façon qui… où les droits de la vie
privée soient pris en compte, d'où l'intérêt du règlement européen, d'où
l'intérêt de considérer la vie privée comme étant un droit de la personne.
Donc, si vous utilisez les fins
compatibles comme un moyen pour permettre aux entreprises et aux ministères
d'utiliser des renseignements pour des fins autres que celles premières, ce n'est
pas nécessairement une mauvaise chose dans la mesure où la loi oblige la
personne qui veut utiliser les renseignements à tenir compte de l'impact sur la
vie privée. Et, quand on regarde le projet de loi n° 64 tel qu'il est
rédigé présentement, on parle de «fins compatibles» sans qu'il y ait de prise
en compte de la protection des droits de la personne.
M. Tanguay
: Pour les
quelque 30 secondes ou un peu plus qui me restent, j'aimerais vous
entendre… Là, je vais un pas en arrière, là, je suis très, très, très général.
Sans dire — l'affirmation serait trop forte — que,
justement, parce que l'on parle de la vie privée, droits fondamentaux, on ne
devrait pas permettre que soient vus certains types de renseignements très
sensibles, qui participent de la vie privée, comme étant commerciables, ne
trouvez-vous pas qu'il y aurait lieu d'avoir une réflexion <sur...
M. Tanguay
: ... là,
je suis très, très, très général, sans dire, l'affirmation serait trop forte,
que, justement, parce que l'on parle de la vie privée, droits fondamentaux, on
ne devrait pas permettre que soient vus certains types de renseignements très
sensibles, qui participent de la vie privée, comme étant commerciables, ne
trouvez-vous pas qu'il y aurait lieu d'avoir une réflexion >sur retirer
de l'approche mercantiliste certains types de données puis de faire en sorte… Sans
dire, là, qu'elles ne pourraient pas être vendues, comme certains objets de
culte, là, mais ne trouvez-vous pas qu'il y a peut-être une approche
philosophique, un questionnement qu'on devrait avoir collectivement là-dessus?
M. Therrien (Daniel) : Ce qui se
rapproche le plus de ça, probablement, c'est la biométrie, la reconnaissance
faciale, par exemple. Alors, il y a des renseignements extrêmement sensibles
qui ne peuvent pas être changés. On peut changer notre mot de passe quand on
fait affaire avec une entreprise, mais on ne peut pas changer notre iris ou
notre visage. Alors, si ces données-là sont... font l'objet de piratage, par
exemple, alors là, c'est fini, personne ne peut plus vraiment protéger sa vie
privée.
Donc, on parle de renseignements
extrêmement sensibles. Est-ce que certaines de ces données-là devraient être
sorties du champ du commerce? Je n'irais pas nécessairement jusque-là. Je
privilégierais quand même une approche contextuelle qui ferait en sorte que,
dans ces contextes-là où les renseignements sont particulièrement sensibles, la
réglementation devrait être extrêmement pointue. De prohiber complètement,
peut-être, mais, disons, je n'irais pas nécessairement jusque-là.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Bonjour, M.
le commissaire. J'ai envie de prendre la balle de mon collègue de l'opposition
officielle au bond et de poursuivre la réflexion avec vous sur cette
question-là, parce que ce que vous avez dit sur le consentement, vous avez
résumé de manière très élégante quelque chose que j'essaie moi-même de dire
depuis quelques jours, c'est-à-dire que la question du consentement… On ne peut
pas baser l'ensemble de notre approche sur le consentement parce qu'il y a
beaucoup trop de situations où ce consentement est fragile, voire illusoire.
Vous avez parlé de rapport de force inégal. Je pense que c'est une manière très
intéressante de le présenter.
À la page 3 <de votre… >de la
déclaration écrite que vous nous avez fournie, vous concluez, donc, suite...
après nous avoir dit que le consentement, ça ne pouvait pas être l'alpha et
l'oméga de notre approche en matière de protection des renseignements
personnels, qu'en s'inspirant de l'Europe on mériterait de considérer une
approche où on demande aux entreprises de justifier pourquoi elles veulent
collecter certains renseignements, quitte à ce qu'on dise qu'il y a certains
renseignements qui sont... qu'on ne peut pas récolter. Concrètement, dans une
loi comme le projet de loi n° 64, de quoi pourrait
avoir l'air une telle limitation?
M. Therrien (Daniel) : Une
limite qui viendrait carrément interdire certaines pratiques?
M. Nadeau-Dubois : Oui.
M. Therrien (Daniel) : Alors,
ce qui me viendrait en tête, c'est la surveillance. Quelle est l'essence de la
vie privée? C'est de pouvoir vivre et, dans un monde <technologique...
M. Therrien (Daniel) :
...
carrément interdire certaines pratiques?
M. Nadeau-Dubois :
Oui.
M. Therrien (Daniel) :
Alors, ce qui me viendrait en tête, c'est la surveillance. Quelle est l'essence
de la vie privée? C'est de pouvoir vivre et, dans un monde >technologique,
consulter des renseignements, s'informer de façon libre de surveillance de la
part des entreprises ou du gouvernement. Alors, quand on parle de surveillance
pure, on se rapproche pas mal, je pense, d'une pratique qui pourrait être
interdite carrément. Et il y a certaines pratiques commerciales de
reconnaissance faciale, par exemple, qui se rapprochent de très près du type de
pratique qui devrait probablement être interdite complètement.
M. Nadeau-Dubois : Des
applications ou des logiciels, par exemple, qui… à partir du moment où on
l'installe une première fois puis qu'on donne un premier consentement, au
moment où on coche sans lire — c'est ce que les données
disent — le contrat d'utilisation, et qui, suite à ce premier
consentement-là, enregistrent et conservent la totalité de l'activité qu'on
fait sur l'application ou l'appareil en question, est-ce que ça, c'est le genre
de pratique commerciale qui pourrait être interdite puisque c'est une forme de
surveillance? Dans le fond, on consent une fois, puis tout est enregistré, tout
est conservé. Tout ce qui est conservable et tout ce qui peut être enregistré
l'est.
M. Therrien (Daniel) : C'est
difficile de parler d'une interdiction totale dans un monde où le contexte est
important. Alors, une des réalités du monde technologique, y compris de
l'économie numérique, c'est qu'il y a une valeur indubitable qui vient avec les
données personnelles. On est capables...
Prenons un cas patent de recherche médicale.
Alors, l'État et des compagnies, par exemple, pharmaceutiques ou de services
médicaux, vont colliger des renseignements au sujet de patients normalement
pour offrir un traitement précis, mais, dans la collecte de ces
renseignements-là, peuvent mettre ces renseignements-là avec d'autres pour
faciliter une recherche qui va servir le bien commun.
Alors, le fait que des renseignements
soient colligés ou mis ensemble, ça peut, à prime abord, avoir l'air assez
distant de la fin première pour laquelle les renseignements ont été colligés,
mais je ne pense pas que ce serait une bonne idée d'interdire ce genre de mise
en commun de ces renseignements-là dans la mesure où ça sert le bien commun.
M. Nadeau-Dubois : Donc,
il faudrait trouver des critères, puis, selon les contextes… D'accord.
Le Président (M. Bachand) :Malheureusement, sur ce, M. le député de Gouin, je suis <désolé...
M. Therrien (Daniel) : ...
peut, à prime abord, avoir l'air assez distant de la fin première pour laquelle
les renseignements ont été colligés, mais je ne pense pas que ce serait une
bonne idée d'interdire ce genre de mise en commun de ces renseignements-là dans
la mesure où ça sert le bien commun.
M. Nadeau-Dubois : Donc, il
faudrait trouver des critères, puis, selon les contextes…
d'accord.
Le Président (M.
Bachand) :
Malheureusement, sur ce,
M. le député de
Gouin, je suis >désolé...
M. Therrien (Daniel) : Essentiellement,
oui.
Le Président (M. Bachand) :Sur ce, M. le commissaire, je vous remercie infiniment de votre
participation à la commission. Ça a été plus qu'intéressant.
Et la commission suspend ses travaux quelques
instants. Merci, M. le commissaire.
M. Therrien (Daniel) : Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 39)
>
(Reprise à 16 h 45)
Le Président (M. Bachand) :
À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, il nous
fait plaisir d'accueillir le Pr Pierre-Luc Déziel. Alors, comme vous
savez, Pr Déziel, vous avez 10 minutes de présentation, et, par
après, nous aurons un échange avec les membres de la commission. Alors, très
heureux de vous revoir à la Commission des institutions, et la parole est à
vous.
M. Déziel (Pierre-Luc) : Ça
me fait plaisir. Merci beaucoup, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM.
les députés. Alors, bonjour. Laissez-moi d'abord vous remercier de l'invitation.
Je suis très heureux d'être avec vous aujourd'hui. C'est un véritable plaisir
et honneur de venir discuter avec vous du projet de loi n° 64.
Alors, mon nom est Pierre-Luc Déziel.
Je suis professeur à la Faculté de droit de l'Université Laval. Je suis
également coresponsable de l'axe droit, cyberjustice et cybersécurité de l'observatoire
international sur les impacts sociaux de l'IA et du numérique. Et je suis
également impliqué, dans mes activités de recherche, dans un certain nombre de
projets de recherche interdisciplinaires avec différents collègues des facultés
de médecine, en santé publique, en génie informatique, en intelligence
artificielle, donc impliqué dans un certain nombre de projets de recherche qui
nécessitent l'utilisation de différents jeux de données qui comprennent des
renseignements personnels.
Donc, la perspective que je vais adopter aujourd'hui
est vraiment une perspective de recherche. J'entends souligner certains des
aspects du projet de loi n° 64 qui portent plus précisément sur
l'utilisation des renseignements personnels à des fins de recherche. Donc, je
crois qu'une des intentions du législateur qui est très claire à la lecture du projet
de loi n° 64… une de ces intentions-là est de faciliter l'accès et de
faciliter la circulation des renseignements personnels dans un contexte de
recherche.
Alors, dans une perspective où le gouvernement
du Québec amorce un grand projet de transformation numérique et qu'il mise sur
la valorisation des données, je crois que c'est une intention qui est tout à
fait louable et qui mérite d'être saluée. Néanmoins, je crois aussi que le projet
de loi comporte certains éléments qui sont problématiques en termes de
recherche. Il y en a quelques-uns, mais je vais me concentrer sur un de ces
éléments-là.
Nous aurons très certainement l'occasion
de revenir sur d'autres de ces éléments au cours de la période de questions,
mais je veux me concentrer sur un des éléments qui me paraissent
particulièrement importants, et c'est celui de l'attribution des autorisations
de recherche pour l'utilisation des renseignements personnels, donc, à des fins
d'étude, de recherche et de statistiques, donc la manière dont les chercheurs,
dans un écosystème qui favorise la recherche, peuvent avoir accès à des renseignements
personnels pour conduire une recherche de pointe.
Dans le modèle actuel, les chercheurs qui
veulent obtenir des renseignements personnels à des fins de recherche sans
avoir à passer par le consentement individuel, qui peut être difficile à
obtenir ou impraticable, doivent obtenir une autorisation auprès de la Commission
d'accès à l'information. Une fois que cette autorisation-là est obtenue, ils doivent
aller voir les organismes publics ou les entreprises pour obtenir les renseignements
personnels.
Donc, une des critiques principales de ce
modèle-là est celle de la multiplication des autorisations et les <délais…
M. Déziel (Pierre-Luc) :
...une fois que cette autorisation-là est obtenue, ils doivent aller voir les
organismes publics ou les entreprises pour obtenir les
renseignements
personnels.
Donc, une des critiques principales de
ce modèle-là est celle de la multiplication des autorisations et les >délais
importants que ces autorisations-là peuvent encourir pour l'accès aux données
dans des fins de recherche, donc multiplication des autorisations, parce que
les chercheurs vont normalement avoir à aller chercher une autorisation du
comité d'éthique à la recherche de leur institution, vont passer à travers
souvent des processus rigoureux d'évaluation de leur protocole de recherche par
les pairs, vont avoir à aller chercher l'accord des organismes ou des
entreprises aussi pour obtenir ces renseignements personnels là, et donc... et
une autorisation auprès de la CAI. Donc, ça peut engendrer des délais qui sont
particulièrement importants. Il y a une multiplication des procédures qui sont
en place.
Et je tiens à attirer votre attention ou
vraiment souligner que ces délais-là ne sont pas uniquement dans une
perspective d'inconvénient. Il y a un impact réel sur la recherche. C'est-à-dire
que plusieurs des projets de recherche qui sont conduits au Québec et qui sont
subventionnés sont subventionnés pendant trois ou quatre ans, et la première
année de ces projets-là va souvent être consacrée à remplir ces formulaires-là,
ces formulaires d'autorisation, et à attendre d'avoir accès aux données.
Il y a plusieurs étudiants qu'on peut
aller chercher, qu'on peut aller recruter au niveau international. On les amène
au Québec. On les amène dans les universités, dans les facultés. Ils entament
un processus de recherche, de mémoire à la maîtrise ou de doctorat, et ils
passent les premiers temps de leurs études à simplement attendre de pouvoir
recevoir les données. Et donc ce n'est pas juste un inconvénient. Il y a des
enjeux réels pour l'attractivité des étudiants au niveau international, la
diplomation, mais aussi l'avancement et la compétitivité de l'écosystème de
recherche au Québec.
Donc, une des solutions qui est apportée
par le projet de loi n° 64, qui est une solution intéressante, mais qui, à
mon sens, comporte aussi un certain nombre de problèmes, c'est de couper
l'intermédiaire que représente la CAI, donc d'évacuer la CAI de ce processus d'autorisation
là et de favoriser l'échange ou le dialogue entre les chercheurs et les organismes
publics ou les entreprises auprès desquelles ils vont aller chercher les
renseignements personnels.
• (16 h 50) •
Donc, l'objectif derrière tout ça, c'est
d'accélérer les choses, de favoriser le partage, de faire en sorte qu'on aille
plus vite, donc de réduire ces délais-là, et c'est quelque chose de très
important. Donc, on parle, par exemple, de l'article 125 de la loi sur
l'accès qui est supprimé. On le remplace par les articles 65.0.1 à 65.0.3
de la loi sur l'accès. Les articles 12 et 21 de la loi sur le privé, qui
sont modifiés aussi... On ajoute les articles 21.0.1 et 21.0.2 de la loi
sur le privé. Donc, le but est de faciliter l'accès aux données de recherche,
d'accélérer les processus, mais, à mon sens, au final, et c'est, je crois, ce
que le milieu de la recherche craint, c'est qu'on va, en fait, déplacer le problème.
On va déplacer le problème, c'est-à-dire qu'on va imposer d'autres délais, et
ce, pour deux raisons.
La première, c'est qu'il y a une crainte,
en fait, de la multiplication des interprétations des critères qu'on va trouver
dans la loi. Donc, jusqu'à présent, on avait la Commission <d'accès...
M. Déziel (Pierre-Luc) :
…c'est qu'on va, en fait, déplacer le
problème. On va déplacer le
problème,
c'est-à-dire qu'on va imposer d'autres délais, et ce, pour deux raisons.
La première, c'est
qu'il y a une
crainte, en fait, de la multiplication des
interprétations des critères
qu'on va trouver dans la loi. Donc,
jusqu'à présent, on avait la
Commission
>d'accès à l'information qui fournissait l'interprétation unique des
différents critères qu'on trouve dans la loi. Donc, ce qu'on peut craindre
maintenant, c'est qu'en l'évacuant les chercheurs soient amenés à dialoguer
avec différents organismes, différentes entreprises qui, eux, vont interpréter
de manière différente ces critères qu'on va trouver dans la loi.
Donc, il y aura peut-être un problème
d'uniformisation, d'application ou de l'interprétation de la loi, un problème
de prévisibilité aussi des effets de la loi. Et donc les chercheurs vont être
dans une situation où ils vont devoir se familiariser avec ces différentes
interprétations là. Ils ne vont pas savoir, si une demande passe à un endroit,
pourquoi est-ce qu'elle est refusée dans un autre endroit. Donc, ça peut
entraîner des délais qui sont supplémentaires.
Le deuxième point, qui est
particulièrement important, à mon sens, c'est l'idée que les chercheurs seront…
auront maintenant l'obligation de conduire les évaluations sur le facteur
relatif à la vie privée. Ces évaluations-là, elles sont des évaluations qui
sont longues, qui sont fastidieuses, qui sont complexes, qui demandent un haut
niveau de connaissance et d'expertise, qui, dans certains cas, vont peut-être
manquer aux chercheurs. De plus, les trois conseils fédéraux, trois organismes
subventionnaires fédéraux, ont comme ambition d'imposer aux chercheurs de
développer des plans de gestion de leurs données.
Donc, ce qu'on voit à travers tout ça, c'est
qu'en fait on essaie d'accélérer les choses, mais on remplace par d'autres
mécanismes qui vont peut-être encore une fois ralentir les choses. Et, à mon
sens, à mon avis, le problème, en fait, n'est pas la CAI qu'on essaie de… ou la
Commission d'accès à l'information qu'on essaie d'écarter de ce processus-là. Le
problème, à mon sens, c'est le niveau à travers lequel on va exercer le
contrôle. Donc, le contrôle, à quel niveau on va l'exercer?
Et, présentement, dans le modèle actuel,
mais dans le modèle qui est proposé aussi, le contrôle s'exerce à la pièce,
dans une manière très granulaire, c'est-à-dire projet par projet. Donc, un
chercheur qui va avoir cinq, 10, 15 projets de recherche, et c'est des
choses qu'on voit très bien dans les grands centres de recherche ou dans les
grandes chaires de recherche, va devoir faire cinq, 10, 15 fois ces
différentes autorisations là, cinq, 10, 15 fois ces évaluations de
facteurs relatifs à la vie privée.
Donc, à mon sens, la solution idéale <ne
serait pas… >ou une solution qui serait envisageable ne serait pas d'exercer
un contrôle au niveau des projets de recherche, mais d'exercer un contrôle au
niveau des chercheurs en tant que tels, et c'est quelque chose qu'on va
retrouver ailleurs au Québec, au Canada aussi. On pourra en parler un petit peu
plus tard, mais donc l'idée d'exercer ce contrôle au niveau des chercheurs
pourrait se décliner en quatre temps.
Donc, dans un premier temps, ça serait de
ne pas attribuer des autorisations d'utilisation des renseignements personnels
à des fins de recherche seulement pour des projets de recherche, mais
d'habiliter des chercheurs à pouvoir utiliser des renseignements personnels
dans un contexte de recherche, pour une programmation de recherche et non pas
pour un protocole de recherche <particulier…
M. Déziel (Pierre-Luc) :
...donc, dans un premier temps, ça serait de ne pas attribuer des autorisations
d'utilisation des renseignements personnels à des fins de recherche seulement
pour des projets de recherche, mais d'habiliter des chercheurs à pouvoir
utiliser des renseignements personnels dans un contexte de recherche, pour une
programmation de recherche et non pas pour un protocole de recherche >particulier.
Ce serait de rendre ces chercheurs-là imputables, de les former, de les
accompagner. Je crois que mon collègue le Pr Vincent Gautrais vous parlait
d'accompagnement, donc, de les former, de les accompagner, d'auditer leurs
pratiques, d'auditer…
Donc, dans le projet de loi, on parle
d'élaborer des politiques de gestion des données, des plans de gestion des
données, donc d'auditer leurs pratiques et d'auditer leurs politiques sur une
base régulière. La CAI pourrait faire ce travail avec les ressources adéquates…
et d'assurer une traçabilité des données dans un écosystème qui favorise un
mode de gestion collective des données de recherche.
Alors, peut-être, s'il me reste un peu de
temps… Je vous ai dit qu'il y avait certains exemples. Ce n'est pas un modèle
qui est particulièrement ou radicalement novateur. C'est des choses qu'on voit
ailleurs. En Ontario, par exemple, il y a le ICES, donc l'Institute for
Clinical Evaluative Sciences, qui, en fait, fédère différentes banques de
données sur la santé, qui va chercher ces données-là auprès des hôpitaux,
auprès des laboratoires, auprès des cliniques et va, en fait, permettre l'accès
à ces données-là à différents chercheurs.
Les chercheurs doivent obtenir une
autorisation préalable en fonction de leur compétence, de leur programmation de
recherche, ou obtenir une autorisation qui est provisoire, vont être audités
sur une base régulière. Mais, une fois que le chercheur est authentifié, est
jugé comme pouvant... a l'autorisation d'utiliser ces renseignements personnels
là, il a beaucoup plus de flexibilité, beaucoup plus d'agilité pour évoluer
dans l'écosystème. ICES est régulièrement audité au niveau macro par le Commissaire
à l'information et à la protection de la vie privée de l'Ontario, donc le
penchant de la CAI, et attribue ces autorisations à des chercheurs qui sont
compétents.
On a aussi certains exemples, dans une
certaine mesure, ou certains précédents en droit québécois. La Loi concernant
le partage de certains renseignements de santé, par exemple, institue ce genre
de mode de circulation de l'information. C'est-à-dire que la loi va permettre
le regroupement de différentes banques de données, d'actifs informationnels. Il
y aura un processus pour offrir la possibilité d'autoriser certains
intervenants, donc, notamment les médecins, les pharmaciens, les infirmiers et
les infirmières, à consulter ces banques de données là. Donc, à mon sens...
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, M. le professeur. On doit passer maintenant à la période
d'échange, Pr Déziel. Désolé.
M. Déziel (Pierre-Luc) :
Parfait.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup pour votre présentation. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Pr Déziel, bonjour. Merci de participer aux travaux de la
commission parlementaire.
Revenons, là, sur la réalité
pratico-pratique, là, des chercheurs, là. Vous dites, là : Écoutez, on a
des projets de recherche, là, on passe un an à remplir des documents. J'imagine
que ce n'est <pas...
M. Jolin-Barrette :
…
merci,
M. le Président. Pr Déziel, bonjour. Merci de participer aux travaux de la
commission parlementaire.
Revenons, là, sur la réalité
pratico-pratique, là, des chercheurs, là. Vous dites, là : Écoutez, on a
des projets de recherche, là, on passe un an à remplir des documents. J'imagine
que ce n'est >pas l'objectif des chercheurs de remplir de la paperasse
pendant un an aussi. Alors, comment est-ce qu'on fait pour que ça soit plus
efficace tout en s'assurant de protéger les données personnelles des individus?
M. Déziel (Pierre-Luc) :
Bien, c'est un petit peu comme je... Donc, c'est ça, la question est extrêmement
pertinente. Donc, merci beaucoup. Donc, évidemment, comme je le disais, ces
délais-là ont des enjeux considérables au niveau du milieu de la recherche, et,
souvent, il faut qu'on attende un certain temps avant d'avoir accès aux
données. Le problème, à mon avis, justement, c'est pour les chercheurs qui
commencent des projets de recherche… doivent, à chaque projet de recherche,
obtenir ces différents types d'autorisations là.
Les modèles qu'on voit ailleurs, par
exemple en Ontario, ce n'est pas d'autoriser des projets de recherche individuellement,
mais de donner une autorisation qui est beaucoup plus globale à un chercheur en
particulier. On passe à travers un processus rigoureux. On regarde la
compétence de ce chercheur-là. On forme ce chercheur-là. Et, une fois qu'il a
accès aux données, il peut conduire les différents projets de recherche qu'il a
à faire.
Donc, quand il commence un nouveau projet
de recherche, il n'a pas besoin encore une fois de remplir la paperasse. Il a
déjà cette autorisation-là. On fait un audit régulier de ces processus de
recherche là. Les banques de données font ces processus d'audit là aussi
auprès... Par exemple, ici, ça pourrait être de la CAI. Et donc, à partir de ce
moment-là, on donne beaucoup plus de flexibilité, beaucoup plus d'agilité au
chercheur. On contrôle non pas chacun de ses projets de recherche, mais lui
comme personne, sa capacité à assurer la protection de la vie privée.
Donc, dans une perspective de protection
des renseignements personnels, l'objectif est vraiment plus de travailler sur
la confidentialité et les mesures qui sont prises pour assurer le caractère
confidentiel de ces renseignements-là. Donc, les banques de données vont
permettre des accès qui sont contrôlés, des forts processus d'authentification
des personnes. Donc, est-ce que c'est <bien... >bel et bien la
bonne personne qui a accès à ces... qui essaie d'avoir accès aux données? On va
avoir des ententes de partage de données ou des clauses qui sont très
importantes, qui interdisent toute forme de réidentification des données, toute
forme de transfert de l'extérieur des données. Et il y a plusieurs modèles
aussi qui vont, tout simplement d'un point de vue technique, rendre impossible
le fait que le chercheur puisse télécharger ou amener ces données-là ailleurs.
Donc, l'enjeu, ce n'est pas, en matière de
protection de la vie privée, <ce n'est pas >tant de contrôler
chacun des projets de recherche et de faire en sorte qu'on a des politiques
pour un projet, mais vraiment d'assurer la confidentialité beaucoup plus
globale de l'infrastructure de recherche.
• (17 heures) •
M. Jolin-Barrette : Donc, je
comprends aussi qu'il y a des moyens alternatifs comparativement à ce qu'on
fait présentement, et, pour faciliter la recherche, notamment dans ce
domaine-là, qui est assez compétitif, il faut trouver un mécanisme qui va faire
en sorte de s'assurer que les chercheurs puissent se concentrer sur leurs
recherches tout en assurant la confidentialité.
Vous avez abordé un peu, là, le rôle de la
Commission d'accès à l'information. Pour que je comprenne bien, là...
17 h (version révisée)
M. Jolin-Barrette :
...faciliter la recherche, notamment, dans ce domaine-là qui est assez
compétitif, il faut trouver un mécanisme qui va faire en sorte de s'assurer que
les chercheurs puissent se concentrer sur leurs recherches, tout en assurant la
confidentialité.
Vous avez abordé un peu le rôle de la Commission
d'accès à l'information, là. Pour que je comprenne bien, là, les pouvoirs
supplémentaires qu'on veut lui donner, là, est-ce que vous êtes en faveur ou
vous dites : Ce n'est pas nécessaire, parce qu'il y a déjà énormément de
pouvoirs à la Commission d'accès?
M. Déziel (Pierre-Luc) :
Bien, je pense que les pouvoirs supplémentaires qu'on entend donner à la Commission
d'accès à l'information sont nécessaires et sont pertinents. J'ai eu l'occasion
d'écouter plusieurs ou... certaines des présentations qui ont été faites. C'est
vrai que, dans une certaine mesure, le fameux 2 % ou 4 % est <,
dans une certaine mesure, >peut-être, largement inspiré du règlement
européen, et, surtout dans un contexte de sanction administrative, peut être particulièrement
imposant et dissuasif.
Toutefois, je note aussi, dans le
contexte... à la lecture du projet de loi, qu'on ne dit pas que ça va être des
sanctions qui sont automatiquement autour de ces montants-là, hein? On parle de
jusqu'à. Donc, très certainement, il y aura possibilité... il y aura une marge
de manoeuvre pour la Commission d'accès à l'information de pouvoir ajuster les
sanctions à la grosseur ou à la taille d'une entreprise et à la gravité de
l'infraction. Donc, à mon sens, ils sont nécessaires. Je crois que le 2 %
ou 4 %, les 15 ou 25 millions, c'est un plafond, ça ne veut pas dire
que c'est quelque chose qui est automatique, il va falloir que la CAI soit très
claire sur la manière dont elle va attribuer... ou que ce soit prévisible,
comment elle va attribuer ces sanctions-là.
Mais, au-delà de tout ça, je crois qu'il y
a surtout un besoin de renforcer les ressources qui sont mises à la disposition
de la Commission d'accès à l'information. C'est-à-dire que les délais qui sont
imposés, là, on parlait un petit peu de recherche, les délais sont longs, mais
sont justifiables aussi dans la mesure où c'est important, pour la Commission
d'accès à l'information, de s'assurer que le traitement des renseignements
personnels protège bien la vie privée. On travaille beaucoup avec la Commission
d'accès à l'information, on connaît comment ils fonctionnent. Les délais, ce
n'est pas par paresse, c'est parce qu'il y a... il manque, à mon avis, un petit
peu de ressources de ce côté-là. Donc, quelque chose qui pourrait accélérer ou
rendre la recherche plus compétitive.
Si on regarde un modèle comme on l'a
actuellement, ce qui est proposé dans le projet de loi n° 64,
ce n'est pas juste ce pouvoir de sanction, mais c'est vraiment d'augmenter les
ressources qui sont mises à sa disposition.
M. Jolin-Barrette : Je
comprends que ça prend des bras aussi à la Commission d'accès pour faire son
travail.
M. Déziel (Pierre-Luc) :
Exactement, oui.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Est-ce qu'avec le projet de loi vous estimez que la Commission d'accès a tous
les pouvoirs, maintenant, là, pour intervenir avec les entreprises privées puis
les organismes publics? Est-ce que <c'est suffisamment... >c'est
suffisant, ou il manque des choses?
M. Déziel (Pierre-Luc) : Je
vous dirais qu'à mon avis, en tout cas, et ça, c'est mon avis personnel, j'ai
l'impression que c'est un effort considérable et qu'il y a une augmentation
considérable des pouvoirs. Je pense qu'on la dote de pouvoirs beaucoup plus
importants, qu'on lui donne des outils qui sont très pertinents, très
puissants. À savoir si on a tout, tout, tout, peut-être, il faudrait lui
demander, c'est elle <qui est dans...
M. Déziel (Pierre-Luc) :
...
et ça, c'est mon avis personnel, j'ai l'impression que c'est un effort
considérable et qu'il y a une augmentation considérable des pouvoirs. Je pense
qu'on la dote de pouvoirs beaucoup plus importants, qu'on lui donne des outils
qui sont très pertinents, très puissants. À savoir si on a tout, tout, tout,
peut-être, il faudrait lui demander, c'est elle >qui est dans la réalité
des choses. Mais, à mon sens, et je pense qu'il y a consensus là-dessus, c'est
qu'il y a vraiment une augmentation considérable et importante pour lui donner
les outils pour bien protéger la vie privée.
À mon avis, par contre, c'est peut-être...
la Commission d'accès à l'information devrait aussi... On lui reproche souvent
un certain biais en fait, c'est-à-dire qu'elle protège peut-être ou elle surprotège
peut-être les renseignements personnels. Et, à mon sens, en fait, la Commission
d'accès à l'information, elle fait ce que la loi lui demande de faire et ce que
le mandat lui est confié. À mon avis, dans une perspective de recherche, encore
une fois, il devrait y avoir un mandat, à la CAI, ou une section particulière
sur la recherche. On l'a déjà un petit peu avec les autorisations, puis c'est
une protection de la vie privée, mais aussi une valorisation des données dans
une perspective de recherche, d'innovation et de progrès scientifique
finalement. Donc, la CAI a des ressources, mais même avec ses ressources ou
ses nouveaux outils que vous évoquez, qu'on a dans le projet de loi, il y
aurait peut-être quelque chose à travailler. Même sur la mission ou son mandat
qu'on lui donne à a base, de l'élargir, tout ça pour arrimer cet équilibre-là
entre la protection de la vie privée puis la valorisation de la recherche.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de Chapleau, s'il
vous plaît.
M. Déziel (Pierre-Luc) :
Merci à vous.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour, Pr Déziel. Un plaisir de vous
retrouver. Nous avions eu l'occasion d'échanger lors de la commission, là, sur
l'application de traçage à la COVID-19, comme le président l'a si bien
mentionné.
Je sais que vous avez axé votre
présentation sur la notion de recherche, mais j'aimerais peut-être aller également
sur le fond du projet de loi, là, un petit peu plus large, là, comme réflexion.
Puis je sais que vous avez ces capacités-là, on a eu des discussions par
rapport à ça, peut-être en lien avec les fameuses définitions des
renseignements personnels. On a eu, tout à l'heure, là, la notion de
renseignements sensibles qui a été intégrée ou même tout ce qui était, là,
renseignements anonymisés, dépersonnalisés. J'aimerais peut-être vous entendre
sur ces questions-là : Qu'est-ce que vous en pensez? Devrions-nous
définir? Certains disaient qu'il fallait utiliser les notions de la charte, il
y a aussi la notion européenne. Donc, j'aimerais avoir un peu, là, votre son de
cloche par rapport à ça.
M. Déziel (Pierre-Luc) :
Absolument. Bien, c'est une question qui est très importante, et c'est vrai
que... dans une perspective de recherche, mais ça éclaire aussi sur le débat
beaucoup plus large. Donc, moi, une de mes préoccupations, c'est, par exemple,
la définition de renseignements qui sont dépersonnalisés. Donc on veut ajouter
un peu plus de flexibilité, dire : Une fois qu'un renseignement est
dépersonnalisé, c'est-à-dire qu'on a retiré les identifiants directs ou
indirects, on a plus de flexibilité pour pouvoir les utiliser.
Toutefois, la définition actuelle ou celle
qui est proposée de la dépersonnalisation, à mon sens, elle n'est pas assez
précise, c'est-à-dire qu'on va dire qu'un renseignement est dépersonnalisé à
partir du moment où il n'est plus possible d'identifier directement une
personne. Alors, on peut ne plus identifier directement une personne, tout
simplement en enlevant <son nom...
M. Déziel (Pierre-Luc) :
...
proposée de la dépersonnalisation, à mon sens, elle n'est pas assez
précise, c'est-à-dire qu'on va dire qu'un renseignement est dépersonnalisé à
partir du moment où il n'est plus possible d'identifier directement une
personne. Alors, on peut ne plus identifier directement une personne, tout
simplement en enlevant >son nom, mais indirectement, ça peut demeurer
très, très, très facile de réidentifier la personne.
Et donc, ce qu'on n'a pas dans la loi
actuellement ou dans le projet de loi actuellement, c'est une définition plus
rigoureuse ou plus précise de ce qu'est un renseignement dépersonnalisé. Par
exemple, dans le reste du Canada, il y a différentes juridictions... ou, en
fait, presque l'ensemble des provinces, dans leurs lois sur la protection des
renseignements personnels dans le domaine de la santé, qui vont dégager des
seuils <à partir duquel, >beaucoup plus précis, <des seuils
plus précis >à partir duquel qu'on peut dire qu'un renseignement est
dépersonnalisé.
Par exemple, en Ontario, dans la loi de
2004 sur la protection des renseignements personnels dans le domaine de la
santé, on dit : Un renseignement est dépersonnalisé une fois qu'on ne peut
plus identifier directement la personne, mais où il n'y a pas de fortes
probabilités de réindentifier la personne, et ces fortes probalités là sont
évaluées en fonction du contexte. Donc, quel type de renseignement on a? C'est
quoi, les capacités de la personne qui va maîtriser ces renseignements-là? En
Alberta, en Saskatchewan, on autre critère qui va nous dire : Est-ce que ça
va être facile de réindentifier les personnes? Et il y a même de la
jurisprudence au niveau fédéral, la règle Gordon c. santé de 2008 qui va nous
dire : <Est-ce que... >Est-ce que c'est
raisonnablement possible de prévoir qu'il y aura une forme de réindentification?
Donc, à mon sens, la définition, elle
n'est pas assez précise dans le projet de loi. Elle pourrait être plus précise
en s'adaptant d'exemples qui sont canadiens, qui sont... qu'on comprend et
qu'on connaît, finalement. Il n'y aura aucun seuil qui va être parfait, mais ça
va amener un petit plus de précision derrière tout ça. À mon sens, là, on
aurait quelque chose qui serait peut-être imprécis, mais trop large aussi.
Concernant les données anonymisées, donc
le projet de loi n° 64 prévoit qu'une donnée anonymisée est, en quelque
part, une mesure de sécurité qui peut remplacer la destruction des données. Et
ça, c'est assez intéressant, parce que ça veut dire qu'on peut les garder, les
anonymiser et l'utiliser à différentes fins. Toutefois, le projet de loi
propose qu'un renseignement va être anonymisé à partir du moment où on va taire
l'identité de la personne et que ça va être impossible ou... ça va être
irréversible, qu'on va être capable de réidentifier des personnes.
Alors, l'écho que j'ai, c'est quelque
chose qu'on trouve beaucoup dans la doctrine, mais même l'écho que j'ai des
chercheurs qui travaillent sur des techniques d'anonymisation parle beaucoup plus
de pseudo-anonymisation et va nous dire que le risque zéro, le risque de
réidentification est presque... ça peut être réduit à très, très, très bas, finalement.
Mais l'idée de mettre dans la loi quelque chose comme étant irréversible ou
impossible va peut-être, en fait, amener une barrière trop importante et dans
le sens où... en fait, ces données n'existeront pas, puis on ne pourra jamais
utiliser ça, finalement. Donc c'est l'une des craintes qu'on a.
M. Lévesque (Chapleau) : Et
est-ce que la solution à cette crainte-là, c'est la destruction des données
lorsqu'on a fini... l'utilisation qu'on avait à en faire avec le consentement,
bien entendu?
M. Déziel (Pierre-Luc) : Non,
je pense que la solution, ça serait de mieux définir qu'est-ce qu'on entend par
données qui sont anonymes, finalement, ou anonymisées, c'est-à-dire <peut-être
de...
M. Déziel (Pierre-Luc) :
...des craintes qu'on a.
M. Lévesque (Chapleau) : Et
est-ce que la solution à cette crainte-là, c'est la destruction des données
lorsqu'on a fini... joindre l'utilisation qu'on avait à en faire avec le
consentement, bien entendu?
M. Déziel (Pierre-Luc) :
Non, je pense que la solution, ça serait de mieux définir qu'est-ce qu'on
entend par données qui sont anonymes, finalement, ou anonymisées, c'est-à-dire
>peut-être de préciser qu'on peut... c'est possible de, par exemple, de
pseudo-anonymiser un jeu de données, d'enlever tous les identifiants directs et
indirects, de remplacer ça par des codes et de détruire la clé qui nous permet
de réidentifier des personnes. Mais, dans les données, il y aura souvent des
signatures uniques, finalement, c'est-à-dire un historique personnel, un taux
de cholestérol qui est très individuel, ou une évolution... qui est très
individuelle. Mais on va pouvoir identifier les personnes seulement quand on va
joindre à d'autres banques de données, on va croiser avec d'autres banques de
données.
Donc, à mon sens, l'idée ce n'est pas de
se départir de cette notion, elle est excessivement importante <pour un
domaine... >dans le domaine de la recherche, mais de mieux préciser
qu'est-ce qu'on veut dire par là, de dire, par exemple, irréversible ou un
faible risque de réidentification avec les techniques d'anonymisation, finalement.
Donc, c'est plus de travailler ou de préciser cette notion-là.
M. Lévesque (Chapleau) :
<Êtes-vous
à l'aise... >O.K. Merci. Est-ce que vous êtes à l'aise avec le concept
de gradation de sensibilité de certaines données? Parce que certains sont venus
nous parler, bon, plus sensibles, moins sensibles selon certains critères de
gradation. Est-ce que c'est un concept qui vous parle ou ce ne serait pas à intégrer
nécessairement?
M. Déziel (Pierre-Luc) :
Bien, c'est un concept qui est intéressant. Ce qu'on voit, par contre, c'est
que... en fait, une des choses qu'on remarque, notamment dans le milieu de la
recherche, c'est que tous les renseignements, même les plus anodins ou les plus
banals, peuvent devenir particulièrement sensibles à un moment ou à un autre
puis être utilisés pour réidentifier les personnes ou indiquer des choses qui
sont assez intimes auprès de la personne. Donc, par exemple, des données de
géolocalisation ou des achats de carte de crédit, il y a plusieurs études qui
démontrent que les achats de cartes de crédit, qui a l'air assez banal... c'est-à-dire
qu'est-ce qu'on est allé acheter à quelques moments, bien, on peut quand même retracer
des choses assez intimes au sujet des personnes.
Par contre, moi, je trouve que la
définition de renseignements sensibles, qui est proposée dans la loi, dans le projet
de loi, est quand même très intéressante et permettrait quand même justement une
approche qui serait beaucoup plus contextuelle. Donc, pas dire tout le
temps : Ce renseignement-là n'est pas très sensible, celui-là est
sensible, celui-là est très sensible, mais vraiment d'avoir une approche plus
contextuelle. L'expression même des attentes raisonnables, en quelque part, je
ne peux pas m'empêcher de faire un lien avec l'article 8, où la
jurisprudence relative à l'article 8 de la charte canadienne permet une
évaluation qui serait beaucoup plus contextuelle, pas nécessairement uniquement
en fonction de ce renseignement-là, mais dans le contexte au sein duquel il a
été utilisé.
M. Lévesque (Chapleau) :
Parfait. Merci. J'aimerais peut-être vous amener sur la notion de consentement.
On a eu, là... Bon. Il y a des modifications qui sont proposées au projet de
loi. Je ne sais pas si vous êtes en accord avec ces modifications-là, ou vous
auriez peut-être d'autres propositions par rapport au consentement. On a eu des
spécialistes qui sont venus nous dire que, bon, en Europe, par exemple, le
consentement, c'est presque explicite, c'est presque la dernière étape. Puis
les citoyens, les gens qui, bon, naviguent en ligne, souvent, sont bombardés,
là, <de longs textes...
M. Lévesque (Chapleau) : …
ou
vous auriez peut-être d'autres propositions par rapport au consentement. On a
eu des spécialistes qui sont venus nous dire que, bon, en Europe, par exemple,
le consentement, c'est presque explicite, c'est presque la dernière étape. Puis
les citoyens, les gens qui, bon, naviguent en ligne, souvent, sont bombardés,
là, >de longs textes en petit texte, là, in-octavo, puis c'est presque
compliqué de lire. Donc, je ne sais pas ce que vous en pensez, de ce
concept-là.
M. Déziel (Pierre-Luc) :
Bien, pour avoir suivi un petit peu les auditions depuis le début et pour être quand
même au fait de ce que la littérature va dire, c'est vrai que le consentement a
ses limites, a des limites qui sont assez importantes, vous en avez discuté. Le
Pr Gautrais, que vous avez entendu, a l'expression souvent que c'est, à quelque
part, un bouclier, presque, pour les entreprises, c'est-à-dire qu'ils peuvent <déresponsabiliser...
>se déresponsabiliser, mettre la responsabilité sur les individus.
À mon sens… et le consentement demeure un
élément essentiel, une bonne protection des renseignements personnels,
nécessaire mais non suffisante, et il faut que ça soit renfoncé aussi par
d'autres mécanismes. À mon avis, une des choses sur lesquelles on doit jouer ou
on pourrait jouer, c'est quelque chose qui pourrait être développé par la
jurisprudence aussi, c'est : Qu'est-ce qu'on entend par un intérêt sérieux
et légitime de collecter, d'utiliser, ou de divulguer des renseignements
personnels?
Ce qu'il ne faut pas oublier, à mon avis,
nos lois sont structurées pour faire en sorte qu'obtenir le consentement n'est
pas suffisant, même, pour faire un traitement des renseignements personnels. Il
faut que l'entreprise m'informe de la fin pour laquelle il va collecter ces
renseignements-là, et avant même de tout ça, il va falloir que cette fin-là
puisse être considérée comme contribuant à l'atteinte d'un objectif qu'on
considère comme étant sérieux et légitime. Au niveau fédéral, on va parler de
raisonnable et acceptable dans les circonstances.
Donc, à partir de ce moment-là, <c'est
beaucoup plus de… >ça serait beaucoup plus de travailler aussi sur les fins
ou sur les objectifs qu'on peut viser en matière de protection, de traitement
des renseignements personnels, qu'on considère comme étant acceptables et
légitimes dans le contexte québécois, finalement. Donc, ce que je veux dire par
là, c'est que la manière, dont nos lois sont construites, aujourd'hui, même si
on a le consentement de la personne, on ne participe pas à l'atteinte d'un objectif
qu'on considère légitime et raisonnable. Le consentement ne suffit pas, il faut
remplir ce critère-là avant. Et <c'est un article...c'est l'article
4, par exemple, de la loi dans le secteur privé... sont très peu utilisés, finalement.
Le paragraphe 5.3 de la loi fédérale est très peu utilisé, il y a peu de débats
autour de ces notions-là, il y a peu de décisions autour de ces notions-là.
À mon sens, on pourrait agir encore un
petit peu plus tôt, puis régir ou encadrer les utilisations qu'on considère
comme étant acceptables ou pas, finalement, peut-être offrir des «guidelines»
un peu plus... pardon, des lignes directives un peu plus précises à ce sujet-là,
puis jouer sur ce point de vue là.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le professeur. Je me tourne vers l'opposition
officielle pour 17 minutes. M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay
: Bonjour,
Pr Déziel. Bonjour. Merci d'être virtuellement avec nous, mais d'échanger
donc sur le projet de loi n° 64 et sur des enjeux qui, de façon très, très
évidente, je pense, touchent la population, le respect de la <vie
privée....
Le Président
(M. Bachand) : ...je me tourne vers l'
opposition
officielle pour 17 minutes.
M. le député de
LaFontaine.
M. Tanguay
:
Bonjour, Pr Déziel. Bonjour. Merci d'être virtuellement avec nous, mais
d'échanger donc sur le projet de loi n° 64 et sur des enjeux qui, de façon
très, très évidente, je pense, touchent la population, le respect de la >vie
privée Et ce qui est intéressant avec votre intervention, c'est que vous
apportez, sous un chapitre très particulier, la recherche, vous apportez votre
expertise, votre expertise concrète également, pas juste théorique, mais très
concrète.
J'aimerais ça, pour ma gouverne, parce que
je ne suis pas comme vous, loin de là, un expert en la matière, ça semble... D'entrée
de jeu, vous avez fait le commentaire, ou durant votre première intervention,
un parcours du combattant pour se faire reconnaître chercheur. Vous parliez de
la première année, on remplit des formulaires. Juste pour ma gouverne puis
peut-être la gouverne des des collègues, ça prend quoi pour être qualifié de
chercheur, et quelle est l'évolution de cela? Est-ce que c'est plus difficile? Est-ce
que c'est plus souple? Et est-ce qu'on n'aurait pas une réflexion aussi à se
faire, quant à ce processus de qualification là, au-delà de la paperasse, là?
M. Déziel (Pierre-Luc) : Oui,
mais, en fait, c'est ça, c'est qu'en ce moment, présentement, ce n'est pas le
chercheur lui-même qui se qualifie, <c'est son... >il qualifie son
projet de recherche finalement. Donc, il obtient l'autorisation en fonction
d'un projet de recherche. Donc, normalement, pour avoir accès à des fonds
d'aide subventionnaire pour pouvoir conduire ces recherches-là, il va falloir
avoir, par exemple, un poste de professeur ou ce genre de choses là, avoir un
certain nombre de publications, avoir déjà participé à d'autres projets de
recherche dans le cadre des études, par exemple. Mais c'est un parcours
beaucoup plus axé le projet de recherche individuel que sur le chercheur en
tant que tel.
Le modèle qu'on voit en Ontario, le modèle
de ICES par exemple, est beaucoup plus sur le pedigree, si on veut, ou le C.V.
du chercheur en tant que tel, ses compétences. Est-ce qu'il a publié dans des
revues ou des publications qui sont revues par les pairs? Est-ce que c'est un
chercheur qui est reconnu par sa communauté, par ses pairs? Est-ce que c'est un
professeur d'université, par exemple? Est-ce que vous avez déjà contribué à
d'autres projets qui ont participé à l'avancement de la science? Donc, c'est un
petit peu comme ça qu'on évalue tout ça.
Mais sinon, au Québec, on y va pièce par
pièce, projet par projet, finalement, et c'est effectivement beaucoup de
formulaires à remplir, beaucoup de paperasse à remplir. Et, si je peux me
permettre, en fait, un des grands obstacles qu'il y a aussi, ce n'est pas juste
remplir les formulaires, demander les autorisations, c'est d'essayer de faire
cadrer la manière dont la recherche est actuellement conduite au Québec,
notamment dans le contexte de l'intelligence artificielle, et les critères qui
sont demandés par la loi et interprétés par la CAI pour avoir aux
renseignements personnels.
Donc, je vous donne un exemple très
simple. Par exemple, il va falloir, dans un contexte scientifique, respecter un
critère qui est établi par la loi et qui est interprété par la Commission
d'accès à l'information, qui est le critère de nécessité. C'est-à-dire qu'il va
falloir, pour aller faire une recherche, aller chercher que les renseignements
qui sont nécessaires à l'atteinte de notre objectif de recherche. Si un
renseignement est pertinent mais non nécessaire, <on ne pourra pas
avoir...
M. Déziel (Pierre-Luc) :
…qui est établi par la loi et qui est interprété par la Commission d'accès à
l'information, qui est le critère de nécessité. C'est-à-dire qu'il va falloir,
pour aller faire une recherche, aller chercher que les renseignements qui sont
nécessaires à l'atteinte de notre objectif de recherche. Si un renseignement
est pertinent mais non nécessaire, >on ne pourra pas avoir accès à ce renseignement
personnel là.
Alors, beaucoup des techniques qui sont
développées dans le contexte de l'intelligence artificielle vont devoir
fonctionner avec beaucoup des jeux de données très, très, très importants, très
grands. Et un des objectifs de l'intelligence artificielle, c'est justement de
déterminer quels types de renseignement peuvent être nécessaires pour prédire,
par exemple, la patiente a telle maladie, chez telle personne, ou quel type de
personne est plus à risque de développer telle maladie. Donc là, on a vraiment
un achoppement qui est très important, c'est-à-dire qu'on demande aux
chercheurs de nous dire qu'est-ce qui est nécessaire pour ta recherche, et
l'objectif de la recherche, c'est de dire : Bien, j'essaie de savoir,
justement, qu'est-ce qui est nécessaire.
Donc, ce n'est pas la faute de la CAI, en
tant que telle, elle interprète ces critères-là, mais là il y a un achoppement
qui est assez direct, qui est assez frontal, comment est-ce que la recherche
est conduite et quels sont les critères qu'on demande aux chercheurs de remplir
ou… dans le cadre d'un projet en particulier.
M. Tanguay
: Et donc, <vous
nous invitez aussi, >vous ne le retrouvez pas, cet amendement-là, dans
le projet de loi n° 64, vous nous invitez même, j'imagine, à reconsidérer
cela, ce critère-là qui pourrait être quoi — je prends mon crayon de
législateur — «toute nécessité, ce serait pertinent à la recherche»,
j'imagine?
M. Déziel (Pierre-Luc) :
Pertinent, ça pourrait être quelque chose d'intéressant. On pourrait dire<...
on pourrait dire >que, de toute façon, il y a une branche de
l'interprétation du critère de nécessité qui porte justement sur la pertinence.
La pertinence, c'est quelque chose... ou le critère de pertinence…
M. Tanguay
: Ça peut
être plus large.
• (17 h 20) •
M. Déziel (Pierre-Luc) :
…c'est quelque chose qu'on trouve dans le Code civil aussi. Je pense que le
critère de nécessité — vous en avez parlé, c'est le principe de
limitation de la collecte — demeure important dans le contexte, par
exemple, du secteur privé, auprès des organismes publics aussi. Je pense qu'un
des arguments qui est sous-jacent à mon propos aujourd'hui, c'est de dire que
le domaine de la recherche est un petit peu un secteur différent et unique,
dans une certaine mesure, qui ne s'apparente pas à de l'administration
publique, tel qu'il est visé par la loi sur l'accès, qui ne s'apparente pas à
des activités commerciales telles qu'elles sont visées par la loi sur le
secteur privé.
Donc, je pense que ce qui serait
intéressant, ce serait de réfléchir à une manière dont on pourrait jouer sur
les particularités ou l'unicité de ce milieu-là et d'avoir des dispositions, ou
une section, ou quelque chose qui soit un régime d'encadrement qui soit propre
au milieu de la recherche, finalement.
M. Tanguay
: Et
j'imagine — je serais curieux de savoir, je vous posais la question — <j'imagine
>qu'on ne parle pas de compétitivité au point de vue mercantile de
l'expression, mais au niveau de la compétitivité de nos chaires de recherche,
et tout ça. Au point de vue international, est-ce que nous sommes… Puis là vous
avez donné un bel exemple, le critère de nécessité un peu plus limitatif, comment
on se compare à l'international? Puis, pour nous, on n'est pas peu fiers de
savoir que telle université, l'Université Laval, pour reprendre votre… là où
vous êtes professeur, on n'est pas peu fiers, socialement, collectivement, de
dire : Aïe! Nos chercheurs ont fait toute une découverte, et ainsi de
suite. Comment on se compare à ce chapitre-là, accès à l'information, ce dont
on parle, là, avec les autres universités, par exemple?
M. Déziel (Pierre-Luc) :
Bien, à mon sens, on se compare très bien, <mais les échos…
M. Tanguay
: ...
professeur,
on n'est pas peu fiers, socialement, collectivement, de dire : Aïe! Nos
chercheurs ont fait toute une découverte, et ainsi de suite. Comment on se
compare à ce chapitre-là, accès à l'information, ce dont on parle, là, avec les
autres universités, par exemple?
M. Déziel (Pierre-Luc) :
Bien, à mon sens, on se compare très bien, >mais les échos que j'entends
du terrain, surtout dans le domaine de la recherche, c'est qu'on a des
ressources informationnelles, des données de recherche là-dessus — on
est dans le domaine de la santé, pardon — qui sont excessivement
riches, qui sont particulières, qui sont uniques, en quelque part, dans le
monde, et que, même si on est compétitifs, on les sous-exploite dans une
certaine mesure.
Et, par exemple, dans le domaine de la
recherche, ce qui se passe... Je vous donnais l'exemple d'ICES en Ontario, plusieurs
des chercheurs, au Québec, qui font de la recherche dans le domaine de la santé
vont chercher leurs données en Ontario, finalement. Donc, ils sont reconnus par
ICES comme étant des chercheurs, font de la recherche au Québec, mais avec des
données de l'Ontario, parce que c'est trop difficile ou presque impossible pour
eux d'avoir des données québécoises. Donc, les recherches sont faites au
Québec. On essaie de trouver des solutions, dans certains cas, pour des
problématiques québécoises, mais on s'entraîne sur des données qui vont de
l'extérieur.
Donc, on est très compétitifs. On pourrait
probablement être encore... Et compétitifs, comme vous le dites, vous faites
bien de le dire, en tout cas, dans un point de vue mercantile, là, finalement, mais
on est très bons, à mon avis. Mais il y aurait une possibilité peut-être d'être
encore meilleurs, finalement. Et le règlement européen donne beaucoup de marge
de manoeuvre aux scientifiques au niveau de la science. C'est-à-dire qu'une des
conditions de... du traitement de l'information dans le RGPD, il y en a
plusieurs, il n'y a pas juste le consentement, il y a l'intérêt... Il y a des
missions d'intérêt public, et les considérants du RGPD vont nous dire
clairement qu'une recherche scientifique bien balisée, là, évidemment, bien
encadrée, bien structurée, qu'on aura révisée aussi, participe à ces intérêts
publics et communs, finalement.
M. Tanguay
: Est-ce
qu'il y a un aspect — puis vous m'inspirez cette question-là — au
niveau de la conservation des données pour x périodes de temps, suite au dépôt
du résultat, du rapport de recherche, il n'y a pas un aspect aussi de... Donc,
quel est l'état des lieux par rapport à cette capacité de conserver? Y a-t-il
une limite de temps à l'heure où on se parle?
M. Déziel (Pierre-Luc) :
Normalement, le principe... Puis c'est pour ça que je vous dis que le milieu de
la recherche, c'est un principe... assez unique, puis qu'en le soumettant à des
lois qui sont prévues pour d'autres choses il y a certains problèmes. C'est-à-dire
que le principe général, normalement, en protection des renseignements
personnels, si on va chercher des renseignements pour une fin, une fois que
notre fin est atteinte, on détruit les renseignements où, là, comme on le
propose, mais c'est quelque chose qu'on trouve plutôt au niveau fédéral, on les
anonymise.
Donc, comme je le disais un petit peu plus
tard... un peu plus tôt, l'anonymisation, dans la manière dont elle formulée
dans le projet de loi, à mon sens, elle est presque inopératoire, là, ça va
être très difficile de s'en servir. Donc, normalement, le principe général,
c'est de faire en sorte que le chercheur, une fois qu'il a collecté ces données — des
fois, ça peut lui prendre très longtemps — où il a eu accès à ces
renseignements-là, une fois que son projet est fini, que ses objectifs sont
atteints, il doit se départir de ces données-là. Et donc, s'il veut faire une
nouvelle recherche qui serait différente, mais avec ces données-là, il doit
tout repasser par le processus d'autorisation, donc... Et ça, ça peut être une
problématique et ça peut rajouter des délais supplémentaires, encore une fois. Donc,
la conservation, ce serait <quelque chose...
M. Déziel (Pierre-Luc) :
...
départir de ces données-là. Et donc, s'il veut faire une nouvelle
recherche qui serait différente, mais avec ces données-là, il doit tout
repasser par le processus d'autorisation, donc... Et ça, ça peut être une
problématique et ça peut rajouter des délais supplémentaires, encore une fois. Donc,
la conservation, ce serait ><quelque chose de>... ou la
réutilisation, quelque chose d'envisageable.
Peut-être un dernier point sur ça. Les
trois conseils fédéraux vont dans une direction où on considère que les données
qui sont générées par la recherche, en quelque part, sont financées par les
fonds publics et devraient, en quelque part, appartenir à la collectivité
aussi. Et donc, de plus en plus, on va demander aux chercheurs, ça va être de
conserver leurs données, de pouvoir les verser dans des dépôts ou dans des grands
dépôts, qui vont permettre cette réutilisation des données là, publier des
catalogues de métadonnées, savoir quelle donnée est disponible, puis essayer de
faciliter cet accès-là. Donc, le milieu de la recherche essaie d'évoluer dans
cette direction-là.
À l'Université Laval, il y a une
initiative que vous connaissez peut-être, qui s'appelle Pulsar, où on essaie de
faire une centralisation des données de recherche, des lacs de données pour une
réutilisation ou une utilisation secondaire des données, une revalorisation des
données. Mais, encore une fois, comme je vous expliquais, on est confrontés à
plusieurs des contraintes qui sont imposées dans la loi et qui, à mon sens,
sont plus ou moins pertinentes dans un secteur d'activité comme la recherche.
M. Tanguay
: Et au
niveau des technologies qui avancent rapidement, évidemment, là, c'est un
euphémisme, pour les bons motifs puis, des fois, pour les mauvais motifs, le
piratage. Au niveau de nos chaires de recherche, au niveau des chercheurs,
chercheuses au Québec, sommes-nous bien outillés, conscients... Je n'ai pas
d'exemple, peut-être que vous en avez où des chercheurs ont été piratés. Alors,
quel est notre niveau de protection là-dessus? Puis est-ce qu'il n'y aurait
pas, au-delà peut-être de modifications législatives, lieu de se pencher sur
cette question-là ou pas?
M. Déziel (Pierre-Luc) : Moi,
à ma connaissance, en tout cas, je n'ai pas vraiment connaissance d'incidents
majeurs, là, ou même mineurs, au niveau de la protection des renseignements
personnels, par les chercheurs. À mon avis, pour parler avec plusieurs d'entre
eux, bien... Et c'est normal, ce ne sont pas des juristes, donc les concepts de
la loi sont peut-être peu familiers pour eux. Mais, ce que je vous dirais,
c'est que c'est une population qui est... je dirais, c'est des gens qui sont
assez faciles à... peuvent apprendre rapidement, sont sensibilisés très certainement
à ces questions-là et sont... ils sont mus aussi par des intérêts ou des impératifs
qui sont différents... organismes publics ou les entreprises. C'est-à-dire
qu'un chercheur, par exemple, typiquement, ne va pas avoir besoin de l'identité
des personnes, des données anonymisées ou dépersonnalisées, dans la grande majorité
des cas, va pouvoir servir ses fins.
Dans une mesure où il y aurait tentative
de réindentification, il n'a pas besoin d'aller vers les gens pour leur vendre
un produit, pour leur proposer un service, l'identité l'importe plus ou moins,
donc les risques de réidentification sont... Les intérêts qui mèneraient à une
réidentification des personnes, à partir de données dépersonnalisées, ne sont
pas très élevés. Qui plus est, si jamais <il y a un incident...
M. Déziel (Pierre-Luc) :
...
il n'a pas besoin d'aller vers les gens pour leur vendre un produit,
pour leur proposer un service, l'identité l'importe plus ou moins, donc les
risques de réidentification sont... Les intérêts qui mèneraient à une
réidentification des personnes, à partir de données dépersonnalisées, ne sont
pas très élevés. Qui plus est, si jamais >il y a un incident ou il y a
quelque chose qui est problématique, bien, le chercheur n'obtiendra plus ou
aura de la difficulté à obtenir les autorisations auprès de la Commission d'accès
à l'information. Et, sans données, bien, ça veut dire un peu... plus de projet
de recherche, et la carrière est un peu terminée.
Donc, moi, plusieurs des chercheurs, ce
qu'ils me disent, c'est : On n'est pas une entreprise, on n'est pas
Facebook, on n'est pas Google, on n'a pas les mêmes intérêts. Moi, il faut que
je fasse attention aux données, parce que si je n'ai plus accès, ma carrière
est terminée. Donc, je pense que c'est...
M. Tanguay
: Oui. Je ne
vous poserai pas la question, à savoir ce que vous pensez, si on devrait
appliquer la règle applicable aux entreprises privées, aux partis politiques,
je pense qu'on bifurquerait sur un autre domaine à ce niveau-là. Mais ça me
faisait penser, ce que vous avez dit là, effectivement, je veux dire, on n'est
pas Google, on n'est pas... quand vous dites : Nous, les chercheurs, on a
d'autres vocations.
Un concept que je trouvais intéressant,
permettre la programmation de recherche, donc permettre l'accès à des données
pour une programmation de recherche. Pouvez-vous expliciter? Autrement dit,
pour plus... Vous nous l'avez clairement dit, quand on applique, on applique
pour un projet. Là, on pourrait appliquer pour plus d'un projet ou... hein, un parapluie
de projets. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Déziel (Pierre-Luc) : Oui.
Bien, en fait, c'est que le projet de loi, la terminologie qui est utilisée ou
le terme qui est utilisé en matière... pour les évaluations relatives aux
facteurs d'impact sur la vie privée, c'est le terme de protocole de recherche.
Donc, protocole de recherche, ça veut dire quelque chose de très précis,
exactement, mes méthodes de recherche, ma méthodologie de recherche, étape par
étape, qu'est-ce que je vais faire avec les données. Programmation de
recherche, c'est un concept qui est plus large, finalement, c'est-à-dire je
vais mener différents projets de recherche où l'objectif de la recherche, c'est
d'aller faire ça, je risque d'avoir besoin d'à peu près ce type de données là.
Et un des problèmes qu'on a, puis c'est un
petit peu comme je vous expliquais tout à l'heure, c'est le protocole de
recherche, souvent, est tellement précis qu'on va déjà avoir besoin, à quelque
part, des données pour être capable de l'élaborer. Donc, je vous donne un
exemple très rapide, finalement. J'étais dans une rencontre, récemment, entre
un organisme public et des chercheurs en intelligence artificielle. Et les
chercheurs en intelligence artificielle, bien, ils n'avaient pas leur protocole
de recherche encore parce qu'ils ne savaient pas encore quel algorithme ils
allaient utiliser pour traiter les données. Et, pour savoir quel algorithme
utiliser, bien, il fallait déjà qu'ils aient une idée générale des données qui
se trouvaient là. Et l'organisme ne peut pas donner les données tant qu'il n'y
a pas le protocole de recherche. Donc, vous voyez qu'on est un peu dans une
confrontation où on ne peut pas faire le protocole tant qu'on n'a pas les
données puis on ne peut pas donner les données tant qu'on n'a pas le protocole.
Donc, «programmation», ce serait un terme
peut-être plus flexible, peut-être plus général, qui donnerait un peu plus de
marge de manoeuvre aux chercheurs pour l'accès aux données.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de
Notre-Dame-de-Grâce pour deux minutes.
• (17 h 30) •
Mme Weil
: O.K.
D'accord. Donc, pour revenir sur les dispositions du projet de loi qui sont
proposées concernant des renseignements personnels à utiliser, sans le consentement
pour des fins d'études, recherche et production statistique, juste pour
revenir, pour bien comprendre, est-ce que vous avez des recommandations de
modification, ou est-ce que c'est bien libellé, selon vous, la proposition...
17 h 30 (version révisée)
Mme Weil
: ...donc, pour
revenir sur les dispositions du projet de loi qui sont proposées concernant des
renseignements personnels à utiliser sans le consentement pour des fins
d'études, recherche et production statistique, juste pour revenir, pour bien
comprendre, est-ce que vous avez des recommandations de modifications ou est-ce
que c'est bien libellé, selon vous, la proposition?
M. Déziel (Pierre-Luc) : Oui,
non, c'est ça. Bien, ma recommandation ou mes recommandations plus précises,
bien, ça serait de prendre le domaine de la recherche, un peu comme je disais à
votre collègue, de manière comme un secteur différent, mais je vais répondre
très rapidement, j'aurai des recommandations précises, mais je n'ai pas eu le
temps de terminer mon mémoire, donc je vous enverrai mon mémoire. Donc, je suis
désolé, la rentrée a été très occupée, on fait des cours en ligne. Donc,
j'aurai des recommandations précises dans les prochains jours, j'ai presque
terminé la rédaction, mais j'ai préféré attendre de vous envoyer quelque chose
d'exhaustif et de final avant… au lieu de précipiter les choses. Je suis
vraiment désolé pour ça.
Mme Weil
: Mais non,
pas du tout. Et je vous remercie beaucoup, M. Déziel, parce que votre
présentation est très, très riche, très riche. Et donc pour nous, de saisir
tout ça sans avoir un écrit, ce n'est pas évident. On peut aller écouter votre
témoignage, mais vous avez... Je regardais vos recherches, il y a des choses
intéressantes. Vous avez écrit sur le droit à l'oubli, hein? Le droit à
l'oubli.
M. Déziel (Pierre-Luc) : Oui.
Mme Weil
: Est-ce que
vous avez quelque chose à nous dire sur... Vos perspectives sur ce droit à
l'oubli, c'est applicable? L'autre, c'est dans cette époque d'intelligence
artificielle, est-ce qu'il y a des limites du droit à la vie privée dans cette
ère d'intelligence artificielle? C'est les deux autres questions, mais en une
minute, ça va peut-être être impossible, mais peut-être dans…
Le Président (M.
Bachand) : Il reste quelques secondes, Pr Déziel.
Mme Weil
: ...dans votre
mémoire, peut-être vous allez pouvoir y répondre.
M. Déziel (Pierre-Luc) : Peut-être
répondre un peu plus dans le mémoire. Peut-être rapidement sur le droit à
l'oubli, disons, là. Le droit à l'oubli, pour moi, c'est un outil... Il y a beaucoup
de débats, est-ce que c'est vraiment quelque chose qu'on pourrait être capables
d'appliquer? Est-ce que la version européenne est applicable au Québec? Est-ce
que ça ne serait pas trop un impact important sur la liberté d'expression,
l'enjeu de la territorialité? À mon sens, j'aime beaucoup même la façon dont le
commissaire à la protection de la vie privée du Canada aborde cette problématique-là,
c'est-à-dire un déréférencement qui serait local. À mon sens, peut-être que ce
n'est pas nécessairement de la protection de la vie privée, le droit à l'oubli,
mais c'est quelque chose d'intéressant. Moi, je n'ai pas de problème à ce que
ça soit dans une loi sur la protection des renseignements personnels. Et, à mon
avis, sur l'enjeu de la liberté d'expression, je pense que les tribunaux vont
être très bien capables de l'appliquer dans une manière que va respecter la liberté
d'expression au Québec, au Canada même si c'est dans une façon qui est
différente d'en Europe.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Pr Déziel,
très appréciée, votre collaboration à la commission. J'avais le député de LaFontaine
pour une demande de directive.
M. Tanguay
: Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Je ne veux pas allonger notre séance plus que
raisonnablement. Demande de directive, M. le Président, notre secrétaire, que
je salue, très efficace, secrétaire de la commission, nous a envoyé un courriel
cet après-midi spécifiant : «Le Commissaire à la santé et au bien-être
réitère sa demande d'être entendu sur le projet de loi n° 64.» Pour vous
souligner, M. le Président, que nous avons, selon l'horaire, une plage horaire
de disponible la semaine... la semaine prochaine, pardon. Pourrions-nous donner
suite à cet acteur, Commissaire à la santé et au bien-être, qui <réitère...
M. Tanguay
:
...réitère sa demande à être entendu sur le
projet de loi
n° 64 pour vous souligner,
M. le Président, que nous
avons, selon l'horaire, une plage horaire de disponible la semaine... la
semaine prochaine, pardon. Pourrions-nous donner suite à cet acteur
Commissaire
à la santé et au bien-être qu'il >réitère, ce n'est pas peu dire, là, il
veut être entendu, puis on a une place la semaine prochaine. Pouvons-nous, M.
le Président, demande de directive, s'assurer qu'il pourra combler ladite place
libre?
Le Président (M.
Bachand) :M. le ministre... Écoutez, il y
a une place, je vais prendre ça en considération. Effectivement, il y a une
opportunité pour mardi après-midi, alors je prends ça en considération et je
vous reviens très rapidement. Merci beaucoup.
M. Tanguay
: Merci. Merci,
M. le Président.
(Fin de la séance à 17 h 34)