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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mercredi 23 septembre 2020 - Vol. 45 N° 94

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 64, Loi modernisant des dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnels


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Table des matières

Auditions (suite)

Ligue des droits et libertés

M. Steve Waterhouse

Office de la protection du consommateur

M. Vincent Gautrais

Autres intervenants

M. André Bachand, président

M. Simon Jolin-Barrette

M. Ian Lafrenière

M. Louis Lemieux

M. Marc Tanguay

M. Gabriel Nadeau-Dubois

Mme Kathleen Weil

*          Mme Anne Pineau, LDL

*          M. Dominique Peschard, idem

*          Mme Marie-Claude Champoux, OPC

*          Mme Marjorie Théberge, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Douze heures douze minutes)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bienvenue. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je vous souhaite, bien sûr, la bienvenue encore une fois. Et je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les audiences publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 64, Loi modernisant des dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnels.

Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Fontecilla (Laurier-Dorion) sera remplacé par M. Nadeau-Dubois (Gouin) et M. LeBel (Rimouski), par M. Ouellet (René-Lévesque).

Le Président (M. Bachand) : Également, est-ce qu'il y a des droits de vote par procuration?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Lafrenière (Vachon) pourra voter pour Mme Lachance (Bellechasse) et Mme Lecours (Les Plaines).

Auditions (suite)

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Ce midi, nous allons entendre la Ligue des droits et libertés. Alors, je vous souhaite la bienvenue. Un très grand plaisir de vous avoir avec nous ce midi. Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, et après on aura un échange avec les membres. Alors, je vous invite à prendre la parole d'abord en vous identifiant. Merci beaucoup.

Ligue des droits et libertés

Mme Pineau (Anne) : Oui, merci, M. le Président. Anne Pineau, je suis membre la Ligue des droits et libertés, et mon collègue, Dominique Peschard, qui siège au conseil d'administration de la Ligue des droits et libertés. Je peux enchaîner?

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît.

Mme Pineau (Anne) : Donc, merci pour cette invitation à commenter le projet de loi n° 64. Il va sans dire que les lois d'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, qui remontent aux années 80, 90, ont un urgent besoin de mise à jour. Tout le monde en convient. C'est des lois qui ont été adoptées avant l'ère numérique, avant Internet, avant Google, avant Facebook. Donc, une mise à jour, c'est certain, c'est essentiel.

Mais le projet de loi n° 64 introduit plusieurs éléments du Règlement général sur la protection des données, le règlement européen, comme la portabilité, l'effacement, le déréférencement, le profilage, le traitement automatisé de décision. C'est des concepts encore peu ou pas débattus dans le grand public au Québec, alors qu'ils font l'objet de discussions depuis au moins 2012 en Europe.

On modifie tant la loi d'accès que la loi privée. On modifie aussi 19 autres lois, notamment la Loi électorale. Donc, c'est énormément, c'est beaucoup pour un seul projet de loi. Et il nous semble impossible, à nous comme aux parlementaires, d'approfondir l'ensemble de ces questions dans le cadre d'un projet de loi de 60 pages et d'une commission parlementaire d'à peine quelques jours. Il est urgent de réformer les lois, mais il faut le faire correctement, sans précipitation et au terme d'une réflexion impliquant l'ensemble de la société. Et, en même temps que c'est trop, on trouve que c'est trop peu dans la mesure où le projet de loi omet toute la question des enjeux collectifs attachés à l'industrie ou l'économie de données.

Maintenant, j'enchaîne avec le consentement. La ligue rejette l'idée d'un consentement implicite et favorise le modèle du consentement actif, «opt-in». Les lois de protection des données devraient aussi énoncer clairement qu'un renseignement qui n'est pas nécessaire ne peut être recueilli même avec le consentement de la personne concernée. Par son projet de loi, le gouvernement dit vouloir redonner aux citoyens le plein contrôle de leurs renseignements.

Pourtant, il libéralise l'utilisation et la communication des données personnelles sans consentement des personnes, ce que nous déplorons. Il permettra l'utilisation d'un renseignement sans consentement à des fins compatibles avec celles pour lesquelles il a été recueilli, lorsque c'est manifestement au bénéfice de la personne, à des fins d'étude, de recherche si dépersonnalisé.

La communication, elle, sera autorisée sans consentement dans le cadre d'une transaction commerciale, d'un incident de confidentialité, si cette communication est nécessaire à l'exercice d'un mandat ou à l'exécution d'un contrat d'entreprise ou au bénéfice d'un conjoint ou d'un proche parent décédé. Il permet, en outre, l'échange de renseignements sans consentement entre organismes publics. Tous ces changements contredisent l'idée même d'un meilleur contrôle du citoyen sur ses renseignements.

Destruction ou anonymisation. Le consentement est en lien avec une fin précise. Une fois celle-ci réalisée, le renseignement doit être détruit. Le projet de loi altère substantiellement ce principe de base en permettant de conserver indéfiniment un renseignement en l'anonymisant. Nous nous opposons à un tel changement. À quelles nouvelles fins seraient utilisées ces données? Seraient-elles vendues, utilisées par leurs dépositaires ou par des tiers pour des recherches de toutes sortes? Cela apparaît d'autant plus inadmissible que l'anonymisation est un procédé faillible.

Profilage. Le projet de loi introduit quelques éléments de transparence dans l'utilisation de technologies permettant d'identifier, de localiser ou de profiler les individus. C'est bien. On informe les gens. Il faut aller plus loin, selon nous, et s'assurer que ces systèmes seront désactivés par défaut et ne fonctionneront qu'avec le consentement de la personne concernée. Il faut aussi interdire le profilage discriminatoire.

Quant aux décisions fondées sur un traitement automatisé, il était essentiel de pouvoir s'opposer à ce type de traitement là et d'assurer aux gens qui y seront... qui accepteront de s'y prêter un droit de contestation.

Études, recherches et statistiques. Actuellement, la communication de renseignements à des fins d'études est sous contrôle de la CAI. On abolit cette permission-là, ce pouvoir d'autoriser, pour le remplacer par un modèle d'entente entre l'organisme et le chercheur, et, là aussi on s'objecte à cette modification. On veut que le rôle de la CAI soit préservé.

Notification obligatoire d'incident de confidentialité. Il y a beaucoup de très bons éléments là-dedans. On hausse de façon importante les sanctions pénales. On ajoute des sanctions administratives, un pouvoir d'ordonnance provisoire. Mais ça répond quand même en partie seulement au problème dans la mesure où ça laisse sans indemnisation les personnes qui sont victimes de fuites et de vol d'identité. Alors, on suggère qu'on envisage des méthodes d'indemnisation pour les gens qui sont victimes de fuites de renseignements. Dominique.

• (12 h 20) •

M. Peschard (Dominique) : Oui. Une autre préoccupation que l'on a face aux renseignements personnels, c'est la décision récente du gouvernement de faire appel au secteur privé pour la gestion de données d'organismes publics et de ministères. On pense que cela comporte des risques pour des renseignements qui sont très sensibles. Ces risques sont particulièrement élevés si les entreprises en question sont étrangères.

La protection, dans le projet de loi, c'est que ce serait protégé par une entente contractuelle. Or, ces ententes contractuelles n'ont aucune valeur face à des lois nationales d'autres pays, en particulier aux États-Unis, qui seraient, un lieu privilégié, compte tenu des entreprises, pour ce genre d'opération. Avec les lois américaines, le CLOUD Act, le PATRIOT Act, et tout ça, le gouvernement américain peut saisir n'importe quelle donnée que détient une de ces compagnies dans le plus grand secret.

Une autre préoccupation en termes de protection de la vie privée, c'est le développement des technologies biométriques, en particulier de la reconnaissance faciale. C'est une technologie qui est extrêmement abusive, sur laquelle il y a présentement peu de contrôle, comme l'ont démontré l'expérience de Clearview et le fait que les forces policières, malgré des... sont très peu transparentes, par exemple, sur l'utilisation de cette technologie.

Les commissaires à la vie privée du Canada et de plusieurs provinces, d'ailleurs, se penchent là-dessus parce qu'ils jugent que c'est très important. Alors, nous, en attendant d'avoir des balises claires et des... pour contrôler l'usage de cette technologie, nous demandons qu'il y ait un moratoire sur l'utilisation de la reconnaissance faciale.

Le projet de loi aborde aussi la question du déférencement et du droit à l'oubli. C'est une question très... assez complexe, et les délais de ce projet de loi, là, de consultations, ne permettent pas d'aborder correctement cette question. Ce n'est pas juste une question individuelle, des préjudices de l'information que... des informations... des préjudices qu'un individu pourrait avoir face à des informations dans les... publiques. C'est aussi... Ça concerne le droit à l'information en général, la liberté d'expression. Et donc nous n'avons pas de position... Nous n'avons pas eu le temps d'élaborer une position complète sur cette question-là.

Cependant, nous sommes fermement opposés à ce que la décision de retirer des informations du domaine public soit laissée aux entreprises comme Google et Facebook, qui n'ont aucun compte à rendre au public sur la manière dont elles prennent ces décisions. Pour l'instant, on serait prêts à admettre qu'un droit à l'oubli devrait être accordé aux enfants. On pourra revenir là-dessus à la période des questions.

Finalement, et c'est peut-être le point principal, c'est que le projet de loi passe à côté peut-être de ce qui est l'essentiel dans la conjoncture présente. Le problème de la protection des renseignements personnels, vie privée, ce n'est plus un problème de protéger l'individu dans une relation contractuelle avec une entité publique ou privée, comme ça pouvait l'être dans les années 80. On est passés à une société où les entreprises privées ont... des grandes entreprises privées ont établi un système de surveillance des populations et où tous les objets, téléphones, objets connectés, etc., servent à amasser des données sur tous les aspects de notre vie.

Et ces données sont ensuite utilisées dans des algorithmes qui sont tout à fait opaques pour profiler et cibler des populations. Elles sont aussi utilisées dans un... à des fins de contrôle béhavioral comme... et pas seulement dans le domaine de la consommation. On l'a vu, avec l'affaire Cambridge Analytica, comment ce genre de système pouvait être utilisé pour manipuler des électeurs et influencer le résultat d'élections.

Donc, il y a là des enjeux collectifs qui dépassent le cadre des discussions qu'on avait habituellement autour de la vie privée, renseignements personnels, il y a 30 ans. Il y a ici des enjeux collectifs. Il faut discuter des actions de ces grandes corporations par rapport... dans le domaine des données. Il faut exiger de la transparence dans l'utilisation des algorithmes, et qui sont utilisés pour faire ce genre d'opération.

Alors, on pense que, malheureusement, le projet de loi n° 64 puis le cadre de la consultation ne permettent pas d'aborder correctement ces grands enjeux de société et de démocratie qui sont causés présentement par ces pratiques et cet état de fait. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup pour votre exposé. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : ...M. le Président. Madame, monsieur, bonjour. Merci d'être présents en commission parlementaire aujourd'hui.

J'aimerais qu'on revienne sur la question du consentement. Vous, vous souhaitez véritablement, là, un consentement individualisé, si je peux dire. Et puis, à chaque fois qu'on partage une donnée personnelle, il faudrait consentir. Il y a des groupes, hier, qui sont venus nous dire : Bien, on devrait avoir soit des consentements en bloc ou pas nécessairement des consentements sur chacune des données qui sont transmises. On parlait d'un préjudice à la donnée, supposons, à catégoriser l'importance de la donnée. Qu'est-ce que vous pensez, là, de tout ça, là? Parce que, les intervenants qu'on a entendus hier, ils sont à un bout du spectre, et vous, vous êtes à l'autre bout du spectre. Alors, je voudrais vous entendre là-dessus.

Mme Pineau (Anne) : Merci. On comprend, là, que, dans le projet de loi, on ajoute la notion, là, de renseignements sensibles, qui était déjà prévue à la loi, à des fins, là, de sécurité des données. Donc, on avait des obligations éventuellement plus grandes en fonction de la sensibilité du renseignement. Ici, donc, on veut distinguer des types de renseignements, renseignements sensibles puis les autres, mais le problème, c'est qu'on parle d'un consentement qui doit être manifeste, et on vient nous dire que, dans le cas du renseignement sensible, il faut qu'il soit exprès, et, de ça, on peut tirer l'idée qu'il pourrait y avoir des consentements implicites, manifestement implicites ou...

En tout cas, on trouve qu'on ouvre la porte à cette sphère de consentement qui soit plus ou moins démontrable. Et un des exemples qu'on donne ici... Si vous naviguez sur Internet et que vous aboutissez sur un site que vous voulez consulter, on va souvent vous dire, et on le voit de plus en plus : Si vous continuez sur ce site, nous collecterons des données. Et, de plus en plus, ce qu'on voit, c'est «accepter», et sinon c'est écrit en dessous «paramétrer» ou ça va être écrit — encore plus, disons, difficile à comprendre — «en savoir plus». Alors, vous cliquez sur «en savoir plus», et là vous avez la liste de tout ce qui est collecté, et là on va vous demander si vous refusez ou si vous acceptez.

Or, on est dans un système où, si vous n'avez pas fait ça, si vous n'êtes pas allé voir «en savoir plus», vous allez vous ramasser avec plein de données qui vont être collectées. Vous ne serez pas allés voir derrière ça. Et ce qu'on estime nécessaire, c'est d'inverser ce processus-là, c'est de dire : Pour ce qui n'est pas nécessaire, par défaut, si je continue sur ce site, vous ne devriez pas collecter aucune autre donnée, à moins que moi, j'accepte d'aller cocher que, oui, ça, ça va, ça, ça va, profilage ou... C'est dans cette optique-là qu'on parle d'un système où, par défaut... et qui semble rejoindre l'article 9.1 qu'on intégrerait à la loi privée, qui est de concevoir des systèmes qui prévoient une confidentialité par défaut. Alors, je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Jolin-Barrette : Donc, on change le paradigme. Vous êtes en faveur de changer le paradigme pour dire : On ne récolte pas de données, puis, si on en récolte... Le principe général, c'est : On ne récolte pas de données. Ça va en opposition complètement avec ce qu'on nous disait hier, et on nous disait : Bien, écoutez, on va récolter des données puis, lorsque ça sera nécessaire, on va demander le consentement ou on va l'avoir par bloc. Donc, je comprends que c'est à l'opposé.

Restons un peu dans ce domaine-là, là. Vous avez abordé la question du droit à l'oubli, notamment avec les moteurs de recherche importants. Comment est-ce qu'on devrait l'encadrer adéquatement, là, ce droit à l'oubli là, ce droit au déférencement?

M. Peschard (Dominique) : Bien, premièrement, on peut concevoir que... Bon, on distinguerait, premièrement, la situation des enfants et des mineurs... Puis là ça reste à déterminer éventuellement, une limite d'âge où le droit à l'oubli devrait être reconnu de facto. On conçoit que des jeunes sont des personnes en évolution qui n'ont pas la même responsabilité par rapport à des gestes ou des paroles qu'ils ont posés que des adultes, c'est reconnu dans d'autres domaines du droit, donc, qui ne devraient pas... Un individu ne devrait pas traîner toute sa vie le stigmate de choses qu'il aurait pu faire dans sa jeunesse.

Bon, l'autre... Maintenant, pour des personnes adultes, on est... Bon, je répète ce que j'ai dit tantôt. On n'a pas eu le temps, compte tenu des délais, à la Ligue des droits et libertés, de prendre une position globale sur toute cette question-là, qui, comme je l'ai dit tantôt, est très complexe. Ce qu'on peut dire pour l'instant, c'est qu'on trouve... on est... très problématique, c'est le moins qu'on puisse dire, que l'on confie aux entreprises qui accumulent toutes ces données-là et les rendent disponibles le soin de décider qu'est-ce qui va être retiré sur la simple demande d'une personne. Ces entreprises n'ont pas l'intérêt public à coeur, c'est leurs propres intérêts. Elles veulent se faciliter la vie. Le plus simple, c'est de retirer l'information si ça leur pose des difficultés.

Alors, nous, on... S'il y a un mécanisme éventuel pour retirer des informations, il faut qu'il y ait des balises claires et il faut qu'il y ait des instances qui sont habilitées, en fonction de l'intérêt public, à décider ce qui peut être retiré ou pas. Et c'est tout ce débat-là qu'on n'a pas eu le temps de faire dans le cadre du projet de loi qui nous est présenté puis des délais qui sont impartis.

• (12 h 30) •

M. Jolin-Barrette : Je comprends que vous n'avez pas eu le temps de faire le débat, mais je voudrais juste comprendre, là. Sur votre dernière intervention, vous dites : Nous, on a une crainte que, lorsqu'il y a une demande de retrait, de droit à l'oubli qui est formulée par une personne physique... que l'entreprise ou le moteur de recherche dise : Bien, moi, O.K., vous faites une demande, donc j'enlève tout. Donc, vous craignez qu'il y ait une disparition de l'ensemble des informations. Est-ce que c'est bien ça?

M. Peschard (Dominique) : Effectivement, on pense que ces entreprises-là sont devenues les instruments d'information de la population. On voit bien la difficulté qu'ont les médias traditionnels à faire concurrence... Donc, de leur laisser le soin de décider qu'est-ce qui va être retiré ou pas, on trouve cela très problématique.

M. Jolin-Barrette : Le rôle de la Commission d'accès à l'information, comment le voyez-vous?

M. Peschard (Dominique) : Pour...

M. Jolin-Barrette : À la recommandation que vous avez dans votre mémoire, vous souhaitez vraiment, je crois, lui confier davantage de pouvoirs de surveillance. Vous souhaitez véritablement qu'elle soit renforcée.

M. Peschard (Dominique) : Oui.

M. Jolin-Barrette : O.K., de quelle manière? Est-ce que les dispositions qu'on a dans le projet de loi sont à votre satisfaction ou vous voulez qu'on aille encore plus loin?

Mme Pineau (Anne) : Merci. Bien, une chose essentielle pour nous, c'est toute la question de la supervisation des demandes de recherche, études et statistiques. Le pouvoir d'autorisation de la Commission d'accès à l'information, selon nous, doit être conservé. On comprend qu'il y a des critiques qui ont été émises par des chercheurs, notamment, à cause des délais que pouvait prendre la commission à autoriser des demandes de recherche. Et on est très conscients qu'effectivement des délais de plus d'un an, c'est sans doute inadmissible, mais je pense qu'il y a des modifications qu'il est possible d'apporter.

Depuis 2002, déjà, la Commission d'accès avait évoqué l'idée qu'on en vienne à un guichet unique en matière de demandes de recherche, études, statistiques. C'est-à-dire qu'actuellement le procédé consiste à faire une demande d'autorisation à la commission, mais ensuite l'organisme intervient aussi, ce qui allonge de beaucoup les délais, d'autant que l'organisme peut refuser, qu'il bénéficie d'une discrétion. Ensuite, il y a une partie des délais qui sont dus au temps que va prendre l'organisme pour extraire les données. Donc, je pense qu'on peut jouer sur ces variables-là, mettre plus de financement pour assurer qu'il y ait la supervision de la commission, mais... Donc, ça, pour nous, ça demeure un outil important, qu'il y ait une supervision de ce qui est permis comme donner des renseignements personnels nominatifs à des fins de recherche.

Maintenant, pour ce qui est de ce que prévoit le projet de loi, on le dit, on est très contents qu'il y ait des pouvoirs d'ordonnance provisoire qui soient accordés à la commission. Qu'il y ait des pouvoirs, pour la commission, d'entreprendre elle-même des poursuites pénales, c'est un avancement. C'est important aussi qu'on ait aussi les sanctions pénales, qu'on prévoie aussi des sanctions administratives, des pouvoirs aussi d'intervention, là, dans un cas de fuite ou d'incident de confidentialité. Donc, il y a des bons éléments, mais on ne doit pas, selon nous, retirer l'aspect autorisation en matière de recherche.

M. Jolin-Barrette : Bien, je vous remercie. M. le Président, je pense, je vais céder la parole à mes collègues qui veulent intervenir.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Vachon.

M. Lafrenière : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. Je vais vous avouer, je vais faire du pouce sur l'intervention du ministre tout à l'heure, je suis un petit peu surpris pour le déréférencement. Puis là je vais y aller dans le pointu un peu. Présentement, on est sur une commission spéciale sur l'exploitation sexuelle de mineurs. On a traité aussi le volet adulte. Et je dois vous avouer que nous, on voyait ça très positivement, la capacité, pour des victimes, de retirer des vidéos qui ont été référencés, exemple, sur YouTube ou des endroits comme ça.

Alors, je comprends votre position. J'ai bien entendu ce que vous avez dit tout à l'heure. Vous comprenez pourquoi j'étais surpris, cependant, parce que je voyais ça vraiment comme une possibilité incroyable, pour nos victimes, pour faire en sorte que ces vidéos-là qui les hantent longtemps... Tantôt, vous avez fait référence à des mineurs. Je vous dirais qu'il y a même des adultes pour qui ces vidéos-là restent dans le temps, et ça devenait difficile pour elles de les faire retirer.

Ça fait que je sais que vous nous avez dit tout à l'heure que vous n'avez pas vraiment eu la capacité ou le temps de faire votre recherche là-dessus. Je veux vous avouer, bien honnêtement, j'ai été surpris de votre commentaire. Là, je le comprends un peu mieux, mais j'ai été surpris. Mais vous ne trouvez pas que, pour des victimes, même, adultes, c'est une capacité de justement retirer ce qui peut leur nuire pendant très longtemps...

Mme Pineau (Anne) : Si vous me... merci. Écoutez, il faut voir que, justement, ça met en lumière la complexité de la question. Vous avez tout un mouvement qui a eu lieu cet été, de dénonciation d'agressions, #metoo. Ça aussi, il y a des gens qui estiment qui sont victimes d'une atteinte à la réputation dans ce contexte-là, et ils pourraient s'adresser... utiliser ce mécanisme-là pour faire cesser les vagues de dénonciation.

Donc, vous voyez qu'il n'y a pas qu'un seul côté de la médaille. Et c'est ce pour quoi on estime que c'est un débat essentiel. C'est un débat qui porte sur la liberté d'expression et aussi sur le droit à la vie privée et la dignité. Il y a des enjeux énormes. Et on estime qu'il faut entendre tous les points de vue pour se faire une idée correcte de la situation avant de décider qu'on importe totalement ce modèle-là ici. Et c'est ça que ne permet pas actuellement le dépôt d'un projet de loi. Vous avez tellement de matières et des choses complexes, des choses qui sont discutées en Europe depuis au moins 2012, et, tout à coup, on nous dit : Bien, voilà... Puis on est dans un cadre de commission particulière. Ce n'est même pas une commission générale où les gens pourraient tous venir dire : Non, mais voici comment...

Donc, on comprend tout à fait ce que vous dites, et c'est ce pour quoi on ne ferme pas la porte. Nous, on dit : Prenons le temps de faire ce débat-là à fond, d'entendre tous les points de vue, et on se positionnera à ce moment-là. Mais, pour le moment, ce n'était pas possible pour nous, parce qu'il ne faut pas oublier qu'il y en a aussi, de la dénonciation du côté des...

M. Lafrenière : Mais vous comprenez aussi mon point de vue que, dans cette commission-là, on a entendu des gens, on a entendu des choses horribles. Et le déréférencement, c'est une chose. Le droit à l'oubli, du côté européen, c'est une chose complètement différente. On va beaucoup plus loin. Mais, pour ces victimes-là, elles se rattachaient sur cette possibilité-là d'un jour faire cesser l'intimidation qui est faite aussi par les vidéos, parce qu'il faut comprendre que, pour des proxénètes, utiliser ces vidéos-là, de faire chanter les victimes en disant : On va les rendre publics, bien qu'elles soient adultes, ce sont des conséquences qui sont incroyables. Ça fait que j'entends votre point de vue. Je pense que vous comprenez le mien aussi.

Mme Pineau (Anne) : Oui, si je peux me permettre, c'est sûr aussi que, bon, il y a quand même tout un arsenal d'autres actions possibles, là. Il y a des recours au niveau civil. Il y a des recours au niveau même de la rectification de dossiers. Il y a des recours aussi au niveau criminel. Donc, c'est tout ça qu'il faut mettre en balance pour voir quelle est la meilleure solution, et c'est pour ça qu'on n'estimait pas possible de...

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Vachon, oui.

M. Lafrenière : Juste sur ce que vous venez de dire très précisément, j'ai fait des démarches avec YouTube. Après trois ans, je n'ai toujours pas eu de réponse. Ça fait que juste vous dire... Peut-être que ça existe, mais, dans les faits, ça ne s'applique pas beaucoup. Merci beaucoup de votre témoignage aujourd'hui.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Saint-Jean, s'il vous plaît.

M. Lemieux : Merci beaucoup, M. le Président. Pour combien de temps encore?

Le Président (M. Bachand) : Deux petites minutes.

M. Lemieux : Oupelaïe! D'accord, merci. Mme Pineau, vous... Je trouve la formule très belle : C'est trop, et c'est trop peu, mais encore...

Parlons justement de ce qui se passe en Europe, ce qui s'est décidé en Europe et des lois qui ont été adoptées en Europe. Je vous amène à la page 15 de votre mémoire, point 6 : «Communication de renseignements personnels à l'extérieur du Québec.» Je fais la parenthèse pour dire que je comprends très bien vos réserves par rapport à l'hébergement des données au Québec, là, nuagique, éventuellement, mais, nonobstant ce problème-là que vous identifiez, pour ce qui est des communications de renseignements personnels à l'extérieur du Québec, il me semble que ce n'est pas une copie conforme, mais ça va dans le sens et dans l'esprit de ce qui n'est pas juste discuté, mais décidé en Europe aussi. Là-dessus, vous êtes d'accord, sauf, comme je le disais, sur où on héberge quoi, là.

Mme Pineau (Anne) : Bien, si je peux me permettre, effectivement, il faut voir que le modèle du régime juridique équivalent... Quand on sait que les gros joueurs, pour faire du «cloud» ou, tu sais, du stockage nuagique, c'est des entreprises américaines, bien, je veux dire, les craintes qu'on entretient quant au fait qu'on va utiliser des entreprises qui vont être assujetties aux lois américaines... et là l'Europe vient de dire : Bien, le bouclier, oubliez ça, là, ça ne fonctionne plus.

• (12 h 40) •

M. Lemieux : Ce que j'essayais de dire, c'est qu'on est plus du côté européen de la vision et de la façon de faire. Pour le reste, ce n'est pas un autre débat, mais c'est un débat parallèle, disons-le comme ça. Et je voulais vous demander aussi... Par rapport à cette vision de ce tiers pays sûr, appelons-le comme ça, là, par rapport aux données personnelles, c'est une belle analogie que vous faites, d'ailleurs, là-dedans, ce n'est pas évident au départ, là, c'est... Il y a comme un saut dans le vide avec ça, parce qu'une fois qu'on établit ça, c'est à revoir constamment, c'est à réévaluer constamment. C'est un peu se donner de l'ouvrage, dans le fond, et d'en imposer beaucoup à beaucoup de monde, là, mais vous y tenez, à ce bout-là? C'est ça que je voulais savoir.

Le Président (M. Bachand) : S'il vous plaît, oui, M. Peschard, oui.

M. Peschard (Dominique) : Non. Bon, premièrement, on ne sait pas quels seront les pays qui seront jugés tiers pays sûrs dans le cadre du projet... de l'application du projet de loi, mais on juge que c'est très problématique. Je ne vois pas un grand pays sûr présentement, je pense. Notre position, c'est que les données détenues par... les données colligées par les organismes publics et les ministères devraient être gérées au Québec par le gouvernement, point à la ligne.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, pour 13 min 36 s, s'il vous plaît.

M. Tanguay : ...M. le Président. Alors, merci pour votre présence, Mme Pineau, M. Peschard. Merci beaucoup. J'aimerais souligner également...

D'entrée de jeu, Mme Pineau, vous avez dit qu'effectivement ça aurait mérité peut-être plus qu'un projet de loi. Moi, j'ai toujours vu le dossier comme étant trois pans, le public, le privé et la Loi électorale, les partis politiques, un débat essentiel — vous avez dit — un débat complexe. Vous avez même dit, M. Peschard, que vous auriez aimé avoir plus de temps pour aborder des questions de droits et libertés... pour vous mentionner qu'hier on a souligné le fait que... excusez du peu, mais la Protectrice du citoyen, le Barreau du Québec, la commission des droits de la personne et de la jeunesse ont tous trois dû se désister parce qu'ils manquaient de temps pour pouvoir venir nous éclairer. Alors, je tiens à reprendre la balle au bond et à vous souligner effectivement que c'est excessivement préoccupant.

Donc, projet de loi qui aborde énormément d'angles, de sujets, d'impacts, et tout ça en un seul projet de loi, en 165 articles. J'aimerais que vous expliquiez rapidement le danger, sous l'angle perte de contrôle, du CLOUD Act, puis du Foreign Intelligence Surveillance Act, et du PATRIOT Act. Quel est... Si vous avez... À celles et ceux qui nous écoutent à la maison, en quelques... en peu de temps, si vous aviez à exprimer en quoi, de façon tangible, il y a un danger là de perte de contrôle si on envoie nos données se faire stocker aux États-Unis, par exemple...

M. Peschard (Dominique) : Bien, je veux dire, ces lois sont assez explicites. D'ailleurs, ça, c'est de la surenchère d'une loi à l'autre parce qu'elles se démultiplient, mais essentiellement le gouvernement américain s'est doté des pouvoirs de saisir dans la... en anglais, c'est «any tangible thing», toute chose tangible. Donc, ils ont le pouvoir de saisir toute donnée détenue par une entreprise américaine, point à la ligne. Donc, c'est sûr que, pour des individus et des institutions, ça représente un réel problème.

Je veux donner un exemple. Par exemple, Google s'est imposé dans la gestion des données, par exemple, des universités, et l'association canadienne des professeurs d'université a essayé de mettre un frein à ça parce que cela veut dire que les données sur le personnel des universités, les recherches par les universités, tout ça est hébergé par Google et tout ça est accessible au gouvernement américain sans restriction, avec les conséquences que ça peut avoir sur des personnes. On connaît les profilages qui ont eu lieu envers certaines communautés.

Donc, c'est tout ça qui est en jeu. Alors, c'est une menace autant pour les individus, quand ils confient leurs données à Google, que pour les institutions. Alors, à tout le moins, on demande au gouvernement du Québec de prendre les mesures appropriées pour mettre les données qu'il détient sur les Québécois à l'abri de ce genre de saisie.

M. Tanguay : Sur ce débat-là, faisons un pas en avant et allons sur l'angle qui a lancé un débat et a mis, je pense, en face de tout le monde un risque tangible dans ce contexte-là. Oui, on parle de stockage, mais on parle aussi... ultimement, qui dit stockage, perte de contrôle, utilisation...

«...déclaration récente du ministre de l'Économie et de l'Innovation [...] disant vouloir — et vous le citez, ouvrez les guillemets — "attirer quelques pharmas pour venir jouer dans nos platebandes" — fermez les guillemets — a suscité de vives réactions et mis à jour la nécessité et l'urgence d'un large débat de société sur le partage des données et la recherche au service du bien commun.»

Donc, on ne parle pas ici de perte de contrôle non volontaire, ce qui est le risque que vous venez d'étayer, mais, ici, que, carrément, le gouvernement l'envisage sans qu'il n'y ait une réflexion, et vous soulignez et vous proposez : «Un chantier de réflexion s'impose sur cette nouvelle économie des données.» J'aimerais vous entendre là-dessus, sur l'importance, la nécessité de faire ce chantier de réflexion là, de un, et, de deux, si vous pouviez aussi déborder sur les risques de discrimination, s'il vous plaît.

M. Peschard (Dominique) : Bon, bien, effectivement, ça réfère à une intervention qu'Anne a faite. Présentement, on pense que ces données-là, ce sont des données qui sont, en fait, une propriété collective des Québécois, qui... et dont l'utilisation est sensible. Et c'est pour ça qu'on pense qu'elles pourraient être accessibles à la recherche, tout à fait, mais sous contrôle de la Commission d'accès à l'information. Donc, ce n'est pas que l'on exclut l'utilisation de ces données-là, mais elles doivent être... elle doit... L'utilisation doit être faite dans l'intérêt des Québécois, et sous un contrôle d'un organisme qui juge de la validité de l'utilisation qui va en être faite, et qu'elle sera faite conformément à la protection qu'on s'attend.

M. Tanguay : Est-ce qu'il faudrait avoir... Je pose la question pour avoir votre opinion, là. Je ne suis pas en train d'émettre une opinion personnelle, mais est-ce que vous iriez jusqu'à dire que l'on ne devrait pas permettre l'accès à des entreprises qui ont des fins commerciales exclusivement? Est-ce que vous iriez jusqu'à dire qu'on ne devrait carrément pas leur donner accès à ces données-là parce que, par exemple, certains pourraient prétendre qu'une compagnie d'assurance pourrait décider de modifier ses couvertures de risque basées sur des analyses populationnelles ou même des pharmaceutiques pourraient décider, parce que le jeu n'en vaut pas, économiquement, la chandelle, de faire tel type de médicament basé sur des analyses populationnelles? Diriez-vous... Parce que je veux préciser... Je veux connaître votre pensée. Quand vous dites : Sous contrôle du chien de garde de la Commission d'accès à l'information, est-ce que ça irait jusqu'à limiter ou interdire — je veux vous entendre là-dessus — l'accès à des entreprises qui ont vocation de faire du profit?

Mme Pineau (Anne) : Bien, écoutez, nous, là, on reprend notamment ce que M. Quirion, le Scientifique en chef, disait dans le cadre, là, d'une réforme sur comment accélérer l'accès aux données de recherche. Il parlait de changer la culture pour une plus grande ouverture à la recherche publique, encadrée par les comités de pairs et d'éthique. Pour nous, cette recherche-là, en fonction du bien commun, oui, pas une recherche fondée sur le profit et... Donc, effectivement, on parle d'une recherche encadrée éthiquement par des chercheurs financés publiquement. C'est de ça qu'on parle.

M. Tanguay : Et ça, cette balise-là, la retrouvez-vous dans le projet de loi n° 64?

Mme Pineau (Anne) : Non, pas du tout.

M. Tanguay : O.K. Et j'aimerais... Merci. Je fais un pas en arrière, sur les dangers de perte de contrôle de stocker des renseignements à l'extérieur du Québec. Comment jugez-vous... Dans le projet de loi, puis je vais vous en faire la lecture, vous n'avez pas besoin d'y aller si vous n'avez pas le texte sous la main, à la page 19 du projet de loi, l'article 27 qui introduit l'article 70.1 à la loi... accès aux documents, organismes publics, et je cite : «Avant de communiquer à l'extérieur du Québec un renseignement personnel, un organisme public doit procéder à une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée.» Là, il en nomme quatre : sensibilité du renseignement, finalité de son utilisation, mesures de protection dont le renseignement bénéficierait et le régime applicable dans l'État où ces renseignements seraient communiqués. Ça, trouvez-vous suffisant cette autorégulation-là de l'organisme public, qui procéderait à l'évaluation, qui jugerait puis qui le ferait ou qui ne le ferait pas en bout de piste?

Mme Pineau (Anne) : Bien, c'est un peu comme pour la recherche. L'évaluation, là, des facteurs de vie privée, s'il n'y a personne qui contrôle comment c'est fait, dans quel... avec quel souci, avec quel sérieux on fait ces évaluations-là, pour nous, c'est un problème majeur, c'est laisser, au fond, en fonction du sérieux que tel ou tel organisme voudra bien mettre à... et de l'entreprise voudra bien mettre à faire son exercice... Il nous semble qu'il faut prévoir un contrôle extérieur pour s'assurer que ces évaluations-là seront faites, effectivement qu'elles seront faites dans les règles de l'art et que...

Souvent, on peut penser que plusieurs de ces entreprises-là n'ont même pas l'expertise pour faire une évaluation des facteurs de vie privée, parce que ce n'est pas quelque chose qui est nécessairement si simple qu'on le croit. On a ça pour la recherche. On remplace la Commission d'accès par une évaluation des facteurs de vie privée, mais, je veux dire, comment ça sera fait, cette évaluation-là? Qui va s'assurer... On peut penser qu'éventuellement, s'il y a un problème, la commission finira par être avisée, mais il sera trop tard à ce moment-là, parce qu'à ce moment-là les renseignements seront dans la nature.

• (12 h 50) •

M. Tanguay : Et, ici, considérant qu'on parle des organismes publics, trouvez-vous, basé sur votre évaluation du projet de loi n° 64, que l'on serait suffisamment transparents quant à l'organisme concerné, le type d'information dont on parle et son évaluation? Trouvez-vous, de un, que vous adhériez au principe que la plus grande transparence, rendre publics ces éléments-là, devrait être mise de l'avant? Et trouvez-vous que le projet de loi y pourvoie suffisamment?

M. Peschard (Dominique) : Bien, comme Anne a mentionné, ça prend une expertise puis ça prend un regard indépendant. Un organisme a beau être public, on sait, par exemple, qu'il peut y avoir des intérêts de financement de certaines recherches, des choses comme ça, qui font que le recul et, disons, entre guillemets, l'objectivité nécessaire par rapport à l'évaluation de transmettre ces renseignements-là n'est peut-être pas ce qu'elle devrait être. Donc, ça prend absolument un regard indépendant et expert pour juger du caractère approprié du transfert ou non des renseignements. C'est ça qu'on essaie de...

M. Tanguay : Merci. J'aimerais maintenant que l'on parle de la notification obligatoire d'incident de confidentialité des données. Vous dites que vous... «Cela [étant] dit, le projet de loi comporte une réserve importante. Une personne concernée par l'incident n'a pas à être avisée tant que cela [sera] susceptible d'entraver une enquête en vue de détecter ou réprimer le crime[...]. [...]L'enquête sur une fuite ou un vol de renseignements peut s'avérer longue : priver les personnes intéressées du droit d'être informées est difficilement justifiable.»

Ça, c'est une réserve importante, donc, du projet de loi. Vous, voyez-vous des réserves justifiables, quelconques, à la notification obligatoire? Est-ce qu'il peut y avoir des réserves justifiées, selon certains cas que vous pourriez m'identifier ou non, que, dans tous les cas d'espèce, il faudrait notifier obligatoirement dans les cas de fuite?

M. Peschard (Dominique) : Bien, disons qu'on est... La manière dont c'est mis dans le projet de loi, que... nuire à l'enquête, je n'ai pas les mots exacts, là, c'est très vague. Dans toutes sortes de domaines, entre autres, policiers, les informations ne sont pas données sous prétexte que l'enquête est en cours. C'est un argument qui est trop... trop facilement être invoqué pour retarder d'aviser la personne du bris de confidentialité face à ses données. Alors, on peut comprendre qu'il se peut que, dans des cas très spécifiques, ça puisse... on puisse retarder la divulgation de l'information, mais il faut que ce soit l'exception. Puis la manière dont c'est fait dans... dont c'est formulé dans le projet de loi ne nous rassure pas quant au fait que cette disposition puisse ne pas servir de manière un peu abusive, dire : Bon, bien, il y a une enquête en cours, donc on n'a pas divulgué l'information.

M. Tanguay : Et j'ai peut-être deux questions en rafale, vous dites... pour moins que la minute qu'il me reste. «Le législateur devrait songer à établir un mécanisme d'indemnisation des victimes...» Et vous proposez, je pense, à même le fruit des amendes, du côté pénal... Donc, vous plaidez pour un régime public d'indemnisation, le cas échéant, des victimes de fuite de données personnelles, de vol d'identité, ainsi de suite. Je vous ai bien compris?

Le Président (M. Bachand) : ...s'il vous plaît. Merci.

Mme Pineau (Anne) : Oui, effectivement. Écoutez, là encore, on n'a pas eu le temps, là, d'élaborer. On a juste voulu mettre en lumière le fait que, des amendes et des sanctions administratives, ça n'amène pas, pour les victimes, une indemnisation.

M. Tanguay : O.K., merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président. Bonjour, monsieur, madame. Merci d'être ici avec nous en commission aujourd'hui.

Je veux revenir sur la question du déréférencement ou du droit à l'oubli, parce qu'il y a peut-être un... Je crois percevoir, peut-être, une incompréhension ou un malentendu quant à votre position. Si je lis bien votre mémoire, il n'y a aucune opposition, par principe, à la Ligue des droits et libertés, à cette idée qu'il puisse exister, dans certaines circonstances, un droit au déréférencement ou un droit à l'oubli. Ce que je lis, par contre, dans votre mémoire, c'est que vous ne souhaitez pas que ce soient des entreprises privées, notamment Google ou Facebook, par exemple, qui soient les juges de ce qui doit être oublié puis de ce qui ne doit pas l'être, ce qui doit être référencé et ne doit pas l'être.

Moi, ce que je lis dans votre mémoire, c'est une invitation à aller plus loin puis à réfléchir à ce que ce soit un tiers indépendant, par exemple, une cour de justice, qui puisse trancher cette question-là, parce que je comprends l'exemple du député de Vachon, qui nous dit : Une victime d'exploitation sexuelle, il faudrait être capable de lui reconnaître ce droit-là. Moi, je n'ai pas l'impression que c'est ce genre de déréférencement-là que vous souhaitez empêcher, mais plus... Puis je vais prendre un autre exemple hypothétique, un P.D.G. d'une grande multinationale qui serait indisposé par un billet de blogue d'un groupe citoyen qui vient mettre en cause ses pratiques corporatives, on ne voudrait pas qu'un acteur comme celui-là puisse appeler son bon ami chez Google ou Facebook pour dire : Aïe! T'enlèverais-tu ça, ça ne fait pas mon affaire. Ce que vous voulez protéger, c'est la liberté d'expression, la liberté de circulation de l'information puis trouver un équilibre entre cette liberté-là puis le droit à la vie privée. Est-ce que je comprends bien l'essence de votre position?

M. Peschard (Dominique) : C'est exactement ça, mais ce qui reste à discuter, c'est les modalités qui fassent comment... c'est ça, qu'on n'a pas eu le temps de faire adéquatement...

M. Nadeau-Dubois : C'est ce que j'avais compris de votre position. Donc, ce n'est pas une opposition à la notion qu'on puisse faire retirer quelque chose, par exemple, d'une recherche sur le Web, mais plus qui va être le juge de ce qui doit être retiré puis de ce qui ne doit pas être retiré. Puis vous dites : Attention de ne pas donner ce pouvoir-là, qui est un grand pouvoir, hein, à l'ère d'Internet, de décider ce qui circule ou pas comme information. L'avertissement que vous nous faites, c'est attention de ne pas donner ce grand pouvoir, qui est, au fond, pratiquement un pouvoir de censure, là, à des entreprises privées qui ont des intérêts commerciaux. Peut-être qu'il y a d'autres acteurs, dans la société, mieux placés pour faire l'équilibre coût-bénéfice de ce qui doit circuler ou non comme information.

Je veux vous amener sur un autre sujet, parce que vous avez dit : Il y a la question du consentement, mais vous nous invitez à aller au-delà de la question du consentement. Puis c'est madame qui disait : Au-delà de ce qu'on peut consentir ou non à donner... à transmettre comme données personnelles, il faut peut-être réfléchir à mettre des limites objectives à ce que les entreprises peuvent même demander comme données personnelles. Êtes-vous capables d'aller plus loin dans cette idée-là puis de nous donner des exemples concrets de ce dont pourrait avoir l'air une limite comme celle-là qu'on viendrait inscrire dans le projet de loi? Quel type de limite il faudrait mettre à la capacité des entreprises de même récolter des données personnelles?

Le Président (M. Bachand) : ...manquer du temps. Alors, écoutez, je veux juste vous remercier de votre participation en commission.

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Oui, mais c'est ça... mais, rapidement, si vous voulez donner une réponse rapide, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : De consentement pour une réponse brève, oui.

Mme Pineau (Anne) : Bien, merci. Écoutez, nous, ce qu'on réclame, c'est un débat justement, parce qu'est-ce qu'on peut se permettre de tout collecter? Je vous donne un exemple. Il y a eu, là, l'an passé ou l'année d'avant, la question des jouets connectés. Or, on apprenait qu'il y avait des jouets, O.K., qui récoltaient plein d'informations, qui écoutaient les enfants et qui récoltaient tout ça, ces informations-là., et les gens étaient heureux de donner ça sous l'arbre de Noël, mais ils ne savaient pas que, pendant ce temps-là, la poupée Barbie récoltait de l'information qui était envoyée sur les réseaux ou sur les... les gens qui vendent ces produits-là. Et, bon, si vous me dites : On peut les déconnecter, O.K., mais est-ce que c'est suffisant?

Est-ce qu'on devrait permettre ce genre de jouet là, qui, d'une façon ou d'une autre, va permettre de collecter des informations auprès des enfants? On a des lois qui interdisent la publicité aux enfants, mais on permet que des jouets comme ça soient sur le marché pour collecter ce type d'informations là, pour en faire quoi? Et ça pose aussi la question de qu'est-ce qu'on fait ensuite avec ces données-là du côté des entreprises qui utilisent ces données-là. C'est toute la question des algorithmes qui sont utilisés, de la transparence nécessaire, le fait de s'assurer qu'il n'y a pas de biais tendancieux ou discriminatoire dans les algorithmes qui sont utilisés. C'est ça, le genre de débat...

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme Pineau, parce que...

Mme Pineau (Anne) : Ah! excusez-moi.

Le Président (M. Bachand) : Merci infiniment de votre participation.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 02)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci beaucoup et bon début d'après-midi. La Commission des institutions reprend ses travaux. Comme vous le savez, je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 64, loi modernisant des dispositions légales en matière de protection des renseignements personnels.

Cet après-midi, nous allons recevoir l'Office de la protection du consommateur, le Pr Vincent Gautrais, et quelqu'un qui était avec nous il n'y a pas tellement longtemps, au mois d'août, alors, M. Steve Waterhouse, qui était ici pour un autre dossier. Alors, vous connaissez les règles : 10 minutes de présentation; après ça, échange avec les membres de la commission. Merci d'être ici cet après-midi. La parole est à vous. Merci.

M. Steve Waterhouse

M. Waterhouse (Steve) : M. le Président, merci. Membres députés, merci beaucoup de l'invitation.

Le gouvernement du Québec est bel et bien en voie d'accomplir sa mise à niveau technologique, accompagnée des aspects judiciaires plus que maintenant nécessaires. Le présent projet de loi devrait motiver aussi l'entreprise privée à emboîter le pas dans la prévention de fuites de données, devenue un enjeu sérieux au XXIe siècle, comme tout le monde a été témoin récemment.

Le rapport d'IBM sur le coût des brèches de données de 2020 précise que 52 % des brèches sont causées par des attaques malicieuses, 23 % par des erreurs humaines et 25 % par des erreurs système. 80 % des incidents impliquent des compromissions d'informations personnelles nominatives. Le Canada, dans ce rapport, s'affiche au troisième pays qui a eu le plus de brèches déclarées, au moment... au montant de 4,5 millions U.S. par incident à régler en moyenne.

Et, quand je dis, j'emphase là-dessus, «déclarées», il y a beaucoup d'incidents qui ne sont jamais déclarés pour toutes sortes de raisons, ce qui fait en sorte que l'interprétation d'un chiffre de 4,5 millions, c'est vraiment petit, quant à moi et d'autres dans l'industrie. Donc, l'industrie qui est la plus perdante... sont le secteur des soins de la santé, comme qui est... présente situation, présentement, en COVID, envers les chercheurs et les hôpitaux, suivi du secteur de l'énergie, des finances et des pharmas.

Afin d'éviter ces situations, les entreprises, les fonctionnaires et les particuliers seraient avantagés de développer et adopter une culture de la sécurité de l'information qui se veut d'être définie comme suit : un, intégrer une culture d'entreprise plus large composée d'actions quotidiennes encourageant les employés à prendre des décisions réfléchies et conformes aux politiques de sécurité; deux, exiger du personnel qu'il connaisse le risque de sécurité et les processus permettant de l'éviter, là, on peut voir ça dans de la sensibilisation; et, trois, mettre en place et appliquer un processus de fonctionnement des tâches qui assure la sécurité de l'entreprise soit par des rétroactions ou des exercices dirigés d'équipes bleues, d'équipes rouges, appelées, dans le jargon, «blue team, red team».

Cette approche culturelle implique une combinaison de saines connaissances et du suivi des tâches quotidiennes. Découlant d'une solide évaluation des menaces et de risques, qui est souvent la base qui mène justement à sécuriser les organisations correctement, mais qui est souvent négligée, les priorités de travail sont établies par l'importance accordée aux manquements à corriger et sont mises de l'avant tout en gardant en vue les menaces émergentes. Cette façon de faire est certainement plus accessible pour les grandes entreprises et les gouvernements par accès à du personnel dédié, alors que les PME typiques sont... se doivent d'engager des consultants externes, si ce n'est d'improviser un tel support, qui, souvent, laisse plus de vulnérabilité.

J'ai été témoin de cette approche gagnante lors d'une visite en Israël en début de 2020. Quoique ce pays soit constamment sur le qui-vive de menaces terroristes, les autorités ont apporté cette philosophie constante d'anticipation de la menace dans un monde informatique. Bien sûr, le marchand de légumes du coin ne s'en fait pas trop parce qu'il n'accepte pas les paiements en argent... que les paiements en argent, pardon, mais les autres entrepreneurs autour le sont certainement... contre la fraude, mais aussi la perte de données, qui pourraient se retrouver dans les mauvaises mains.

Avec le RGPD, le règlement général de la protection des données personnelles, l'Europe a débuté, depuis deux ans, une intensive promotion de la protection des renseignements personnels avec l'utilisation des technologies afin de protéger les échanges même par courrier électronique en encourageant l'utilisation de courriels chiffrés, comme avec le leader mondial Proton Mail, et donc ça, ça se veut d'utiliser, donc, une ressource extérieure que des ressources gouvernementales... qui sont fiables et éprouvés.

Donc, les exigences du présent projet de loi apporteront des défis importants afin d'adresser la conformité de ces PME, ce qui, selon moi, laissera des vulnérabilités dans la mise en pratique de la loi. Tous les entrepreneurs avec qui j'ai conversé récemment, et je converse sur le sujet de fuites de données, sont unanimes. Tous sont pour une bonne vertu, mais signifient qu'il y a des limites à combien qu'ils dépenseront pour la protection des données personnelles. C'est mon interprétation qu'ils éclipsent l'impact réel des fuites d'information, souvent, en l'absence de connaissance des menaces en cours contre le vol d'informations personnelles versus les dépenses de conformité qu'ils doivent engager et maintenir, sans compter la mise en place d'une possible réserve de fonds en cas d'incident.

Il n'en demeure pas moins que les entreprises et les organismes publics possédant un nombre élevé, qui serait à déterminer comme nombre élevé qu'on veut dire ici, d'informations personnelles qui, selon... qu'il leur soit obligatoirement exigé une journalisation des accès et transferts de données sur les systèmes d'entreposage de données, tel que proposé dans la norme ISO 27001. Avec un système de surveillance en bonne et due forme, cette mesure aidera grandement à prévenir la consultation non autorisée des données et leur exfiltration telle qu'observée en 2019, lors de la fuite massive d'informations client chez une importante institution financière au Québec.

Tous gardent espoir qu'au moment où une inévitable fuite de données frappe les services policiers sauront être disponibles à prêter assistance, documenter le cybercrime et à réussir à traduire en justice les cyberbandits. Comme j'en fais état dans le mémoire, c'est un travail en voie de développement, mais le temps presse et les corps policiers doivent rattraper le temps perdu à reconnaître le cybercrime dans son importance et former rapidement une relève solide de cyberenquêteurs et de patrouilleurs à l'affût de la réponse à apporter aux citoyens et aux entreprises aux prises avec des cyberincidents.

Merci à nouveau pour cette opportunité. Je suis maintenant disponible à répondre à vos questions.

Le Président (M. Bachand) : Merci infiniment. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui, bonjour, M. Waterhouse. Merci d'être présent aujourd'hui pour témoigner devant la commission.

D'entrée de jeu, là, peut-être que j'aimerais qu'on puisse bénéficier de votre expertise, là, pour expliquer un peu aux gens qu'est-ce qui arrive à partir du moment où il y a une fuite d'information, où il y a une brèche dans un système. C'est quoi, les conséquences potentielles? Qu'est-ce que les gens qui récupèrent ces données-là peuvent faire? Qu'est-ce que ça a comme impact concret dans la vie des gens? Puisque vous être un expert dans ce domaine-là, juste expliquer pour la population, savoir qu'est-ce qui arrive, là. À quoi ils sont sujets, potentiellement? Une fuite de données personnelles, à quoi ça peut servir?

• (15 h 10) •

M. Waterhouse (Steve) : Un contexte de fuite de données débute généralement sans que ceux et celles qui possèdent ou entreposent les données le sachent, qu'ils ont été infiltrés. Infiltrer, ça veut dire qu'il y a des gens qui ont accès à un ordinateur, ont pu se connecter, ont pu gagner l'entrée à l'intérieur d'un système ou d'une organisation et ont pu, à ce moment-là, mettre en place des moyens techniques pour être capables de capter l'information et l'extraire à l'extérieur pour l'amener sur le marché noir et potentiellement aller la revendre, cette information-là.

Bien souvent, aussi, sans être possible de la revendre, ça peut être exploité pour créer des fausses identités et aussi peut-être des stratégies ou de la propriété intellectuelle, comme c'est souvent le cas avec des États-nations comme la Chine, qui viennent en pays ici, ramassent l'information colligée ou bien travaillée, documentée par nos chercheurs, et ramènent ça, eux autres, dans leurs économies. Et c'est nous qui en sont perdants, parce que c'est souvent des brevets qui ne sont pas mis en exploitation, et c'est eux qui en ont la récolte.

Et, pour le particulier, bien, c'est, encore une fois, des données personnelles qui sont exploitées. Les vols d'identité, des fois, on en voit. Il y en a... J'en ai eu beaucoup qui sont venus me voir comme clients et qui ont eu de la difficulté. Ils ont une perte de cellulaire, perte d'informations financières, dédoublement d'identité, tout ça dans un avenir assez rapproché... qu'ils vont avoir de la difficulté à pouvoir récupérer de ça, si ce n'est jamais, pour la simple et unique raison que, dans cinq ans, 10 ans d'ici, il y en a toujours un qui va remettre la main sur l'information qui a déjà fui et pouvoir s'en servir à s'identifier au nom d'une autre personne, contracter des services et biens. Et, à ce moment-là, la personne qui en est victime, bien, c'est elle qui a le fardeau à toujours présenter la preuve que c'est toujours bel et bien elle physiquement, la vraie personne, et non pas celle qui a contracté le bien fraudé.

M. Jolin-Barrette : Il y a des gens qui sont venus nous dire hier, surtout des regroupements d'entreprises... qui nous ont dit : Écoutez, il ne faut pas que ça soit trop lourd pour les entreprises, là, l'encadrement, là, nous, on se sert des données, mais il ne faut pas donner un fardeau supplémentaire aux entreprises. À la lumière de ça, les conséquences pour les citoyens sont quand même importantes. Donc, vous nous invitez à faire quoi, à écouter davantage les regroupements d'entreprises nous dire... ne pas rajouter de fardeau supplémentaire ou plutôt de dire : On devrait renforcer la loi pour la protection des données pour s'assurer que, bien, les citoyens soient pleinement protégés?

M. Waterhouse (Steve) : Je dirais, les deux, M. le ministre, parce que c'est une responsabilité autant individuelle que collective. L'individu a toujours le choix de donner de l'information ou pas. Souvent, ça va être : s'il ne donne pas l'information requise pour consommer biens et services, il n'y a pas accès. Ça fait que les gens obtempèrent à l'effet qu'ils n'ont pas de deuxième choix.

Sinon, aussi, l'entreprise, bien, il faut qu'elle... Et les lois sont écrites comme ça, et, surtout, j'espère que le projet de loi n° 64 va emphaser là-dessus, c'est-à-dire de demander qu'un minimum d'information, et non pas de l'information complémentaire, comme on voit souvent le cas... dans un but de faire une collecte et, après ça, s'en servir à d'autres fins, de marketing et, si ce n'est pas... donc, de revente aussi d'informations.

Maintenant, quand on va, après ça, avec les grandes entreprises, les gros «data» de ce monde, bien, eux, ils s'en servent justement pour faire de la modélisation, pour faire, encore une fois, de l'analyse comportementale d'achats, si ce n'est d'aller qu'à l'épicerie du coin avec la carte fidélité, qui, à ce moment-là... est analysé les habitudes de consommation. C'est tout ça que, les gens, il faut qu'ils prennent conscience, donc, comme citoyens, à quoi servent ces cartes fidélité là. Ça sert à vous documenter, premièrement. Et, s'il y a fuite d'information, comme qui est arrivé récemment avec IGA, bien, c'est là que vos informations personnelles, bien, encore une fois, sont compromises. Est-ce que vous aviez le choix de ne pas les déposer et d'utiliser ça? Il y en a qui vont dire : Bien non, je n'avais pas le choix, parce que, sinon, je n'aurais pas la petite surprise, à la fin de la semaine, qui vient avec.

Bien, ça, c'est, encore une fois, un choix, et, souvent, les gens ne sont pas bien éclairés sur les conséquences potentielles en donnant leurs informations personnelles. Mais il revient aussi à l'entreprise de montrer patte blanche et de dire : Avez-vous pris toutes les mesures et les dispositions nécessaires pour protéger cette information-là?, ce qui n'est pas le cas. Et il n'y a pas personne, justement, qui est présentement affecté à venir valider quelles sont les dispositions de sécurité pour protéger cette information personnelle.

M. Jolin-Barrette : Donc, dans chacune des entreprises, oui à l'utilisation de ces données-là s'il y a un libre consentement et un consentement éclairé du consommateur, ce qui, manifestement, n'est pas tout le temps le cas, parce qu'on voit... Il y a beaucoup... En fait, on nous demande tout le temps notre consentement. Puis il y a... bien, en fait, pour la majorité des gens, moi y compris, quand on va sur une page Web ou quoi que ce soit, on ne lit pas tout le contrat. On ne lit pas tous les caractères associés, puis on dit «j'accepte», puis la transaction se poursuit ou l'information se poursuit.

Alors, sur la question du consentement, là, vous, vous êtes dans une approche de dire : Bien, on ne doit pas permettre de récolter les renseignements qui ne sont pas nécessaires. Mais, sur le consentement lui-même, est-ce que vous feriez des consentements en bloc ou un consentement à chaque fois qu'on demande une information de nature personnelle?

M. Waterhouse (Steve) : Les choses telles qu'elles sont présentement, autrement dit, les lois, de la façon qu'elles sont écrites... Je veux dire, on le voit, il y a beaucoup d'études qui l'ont prouvé, les gens ne liront pas avant de se commettre à utiliser un service. On prend une nouvelle application qui sort, un nouveau logiciel. Ils sont... Les gens, ils ont l'engouement de s'en servir, l'installent. Après ça, il y aurait 25 pages de petits caractères à lire pour, justement, comprendre dans quoi ils s'embarquent.

Et c'est là aussi que ça devrait être révisé et exigé des compagnies, et je crois qu'il y a beaucoup de groupes, à travers le monde, à caractère de défense du droit du citoyen, qui en font la demande aux compagnies de réduire ce fardeau-là aux consommateurs, de pouvoir être capables de résumer ça en quelques paragraphes essentiels pour qu'ils comprennent justement qu'est-ce que ça prend et qu'est-ce que ça comporte, se servir du bien ou du service, et, après ça, ça devient l'éclairage nécessaire...

Mais, le citoyen, il ne faut pas qu'il se dédouane en disant : Je n'ai pas eu le temps de lire, ce n'est pas de ma faute, etc., alors qu'il y a une responsabilité que, tous et chacun, on se doit de prendre connaissance dans quoi on s'embarque. Ça fait qu'à votre question, c'est encore une fois un travail des deux parties pour qu'elles soient capables à ce moment-là de... que les deux démontrent que, un, il y a une bonne foi qui est démontrée d'un côté, mais, de l'autre, la personne, à ce moment-là, prend le temps nécessaire de s'éduquer, et je dis bien le mot «s'éduquer», sur la technologie qu'elle va utiliser.

M. Jolin-Barrette : Puis quel devrait être le rôle de la Commission d'accès à l'information là-dedans?

M. Waterhouse (Steve) : Un rôle présent, parce que ça fait 26 ans que la Commission d'accès à l'information, c'est un organisme, quant à moi, qui est fantôme et qui ne fait pas le travail nécessaire pour aviser, si ce n'est pas d'éduquer, la population quant à quoi est la sécurité de l'information. C'est eux qui sont supposés être les gardiens, au Québec, de ce service-là. Au Canada, on a le commissaire à la commission de la vie privée, mais, pour le Québec, c'est le rôle de la CAI. Et la CAI reste renfermée sur ses positions, a un très mauvais site Web pour amener les gens à aller le consulter. Pourtant, il y a beaucoup de ressources très intéressantes, mais le site Web est tellement mal fait que ce n'est pas attrayant d'aller lire l'information là-dedans.

Ça fait que, si la CAI doit être mise à contribution à travers de ça, et j'en répète souvent son rôle à travers mon mémoire, bien, c'est d'en faire un... d'un rôle d'éducateur à la population tant qu'à l'entreprise, et si ce n'est pas aussi de composer des ressources pour être capable de faciliter à l'entreprise à contribuer justement à rapporter les incidents. Je vous mets au défi, M. le ministre, d'aller chercher le formulaire pour faire... pour rapporter un incident de sécurité sur le site de la CAI. Vous allez avoir besoin d'une journée de congé au complet pour juste trouver ça, sérieux.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je vous remercie, M. Waterhouse. Et je sais que j'ai des collègues qui veulent intervenir.

Le Président (M. Bachand) : Le député de Saint-Jean, s'il vous plaît.

M. Lemieux : M. Waterhouse, vous avez utilisé l'exemple de la carte fidélité pour exprimer et illustrer un peu comment, dans le fond, il faut protéger le citoyen ou le consommateur de lui-même plus qu'autre chose. Il y a plein de monde qui voudrait mettre la main sur ces données, mais le consommateur ou le citoyen les laissent aller assez allègrement. On n'a qu'à penser aux concours dans lesquels on s'inscrit. C'est écrit gros comme ça qu'ils vont faire ce qu'ils veulent avec nos données, mais on y va, des fois qu'on gagnerait un chapeau.

Bon, alors, il y a un peu de ça dans la discussion. Et pourtant l'industrie s'ajuste. Pas plus tard que cette semaine, un des gros fournisseurs de services, Apple pour ne pas le nommer, a installé son nouvel IOS, l'IOS 14, puis là on a vu toutes sortes de boutons apparaître. C'est comme s'ils nous aidaient à nous défendre, mais on ne comprend pas nécessairement. La loi va faire ça? Ce que vous voyez, ce que vous lisez, là, on va aider le consommateur, le citoyen à se protéger, d'abord, de lui-même aussi ou, ça, on ne sera jamais capables quoiqu'on fasse?

M. Waterhouse (Steve) : J'ai malheureusement à vous dire que ça n'arrivera pas si les gens ne s'aident pas. Et ça, ça passe encore une fois par le terme «éducation». Dans n'importe quoi... On demande à nos jeunes de faire de l'école, présentement, à distance, à partir de chez eux, mais ils ne savent même... les professeurs ne savent même pas, en général, comment opèrent et quels sont les intrants et tenants de l'interface avec lesquelles ils utilisent... Puis, après ça, on l'a vu, maints exemples qu'il y a des intrus qui s'insèrent là-dedans puis mettent le bordel.

Bien, tout ça pour dire que ça revient justement à être encore une fois informés correctement, c'est quoi, l'outil, comment qu'il fonctionne. Mais, après coup, la loi, de la façon que je la vois, aidante, bien, c'est justement de faire réaliser aux deux parties, parties, encore là, entreprenantes versus consommateurs, qui, à ce moment-là... Les deux ont des responsabilités. Et, les gens, ce n'est pas vrai qu'ils vont toujours s'en sortir en disant : Je m'en sers, mais je m'en sers juste en le prenant et ne considérant pas autre chose.

C'est toujours le choix de la personne de dire : J'accepte les risques et je prends le temps de m'en servir, de telle application ou outil, peu importe. Mais, si jamais les gens prenaient le temps de lire, ils verraient qu'il y a des conséquences au moment où est-ce qu'ils vont dire... ils vont déclarer... Et ils ont le pouvoir, après ça, d'affronter... pas affronter, mais questionner cette entreprise-là et demander le retrait d'informations qui sont cumulées à son insu ou en connaissance de cause. Mais les gens, malheureusement, ne savent pas ces droits qu'ils ont et que ça n'a même pas rapport avec la loi n° 64 encore. Mais j'espère juste que cette loi, le projet de loi n° 64, va amener en avant-plan et emphaser ces droits-là du citoyen.

M. Lemieux : C'est bon d'entendre ça. Revenons-y, au projet de loi n° 64. Il y a un principe derrière ça qui, malheureusement, est en anglais ou en latin, mais je ne suis pas certain, c'est d'être capables de penser qu'on est, par défaut, confidentiels, là, quand... Ils appellent ça «privacy by default».

M. Waterhouse (Steve) : «Privacy by design», oui.

M. Lemieux : Ça, c'est un principe. Est-ce que vous appréciez la façon dont le p.l. n° 64 nous présente la carte avec laquelle on travaille pour protéger les données et protéger la vie privée? Est-ce que les principes sont bons?

• (15 h 20) •

M. Waterhouse (Steve) : Bien, oui, parce qu'il y a sept principes fondamentaux, puis le premier de ces principes-là, c'est être proactif et non réactif. Ça fait que, si, dans tout l'ensemble de la philosophie du «privacy by design», donc, conception par confidentialité... qui est appliquée vraiment dans son essence, bien, ça va être : Wow! Mais il faut que tout le monde embarque, par exemple, dans ce projet-là. Même affaire pour le deuxième, la confidentialité, donc, «privacy», par réglage, par défaut. Si on met tout ça en avant-plan et non pas après coup que tout un projet a été fait et ficelé à 98 % puis il reste un 2 %...

Il faut penser à la sécurité puis à la protection des données. C'est là que ça déraille puis ça ne marche pas, parce que, là, ça devient une composante à part du processus complet et c'est souvent là que se retrouvent les vulnérabilités, alors que programmeurs ou peu importe le... que concepteurs ou bien bâtisseurs de quoi que ce soit, s'ils mettent la sécurité à l'intérieur... Puis parlons-en d'un point de vue construction. Si on pense à des moyens de protéger le bâtiment ou mettre des matériaux qui sont inflammables puis, après ça, on pense juste à ça à la fin, il va falloir déconstruire beaucoup d'étapes dans ce projet de construction là. Donc, dans cette étape-là, je vous le dis, le «privacy by design», il va faire en sorte que ça devrait aller dans la bonne direction par après, oui.

M. Lemieux : Aidez-moi, M. le Président. Il y en a d'autres, oui?

Le Président (M. Bachand) : Oui. M. le député de Vachon, s'il vous plaît.

M. Lafrenière : Merci, M. le Président. Merci, M. Waterhouse, pour votre présentation.

Moi, je vais y aller sur un autre volet qui est les bases de données. De ce que j'ai lu dans votre position au niveau du nuagique, malgré le fait que ce soit hébergé à l'extérieur, vous sembliez favorable à ça. Il y a un groupe, ce matin, qui sont venus nous voir, qui nous ont parlé, selon eux, du danger du PATRIOT Act, par exemple. Je voudrais savoir quelle est votre position, parce que je l'ai lue puis j'ai vu que vous étiez favorable, mais qu'est-ce qui vous amène à être favorable à ça comparativement à ce qui a été fait avant ça, dans les différents ministères, d'avoir ces données-là qui étaient archivées à différents endroits?

M. Waterhouse (Steve) : Bien, premièrement, il faut prendre en considération qu'il n'y a pas beaucoup d'outils de bureautique, aujourd'hui, qui ne vont pas en infonuagique. Je prends en exemple la suite Microsoft O 365. Il y a encore une portion qu'il est possible de garder localement, mais la majorité de la plateforme, elle est désignée pour être en mesure de tout stocker en infonuagique. Basé là-dessus, la façon de travailler, le chiffrement impliqué pour garder l'information confidentielle, elle est telle que ça peut garder l'information, justement, confidentielle pour les besoins de tous les jours de bureautique.

Quand on parle d'informations plus croustillantes, à caractère plus confidentiel, comme secrets d'entreprises, etc., là, on pourrait prendre des moyens plus spécifiques, puis là, à ce moment-là, ça devient un produit à part que de la suite bureautique Office. Gardant ça en esprit, de stocker ça en infonuagique, ça permet justement d'avoir un point central, mais, en même temps, les normes qu'ont les entreposeurs, si je peux utiliser ce terme-là, donc, pour être capables de stocker l'information, ils ont des normes très strictes, internationalement reconnues et qui, eux... Je n'ai aucun doute, de stocker de l'information chez un fournisseur d'infonuagique, que ça va être sécuritaire.

La partie non sécuritaire va être, moi, quand je la mets dedans, est-ce que c'est de l'information que, si jamais elle fuit, parce qu'il faut toujours se garder ce scénario-là en tête... va avoir un préjudice grave pour moi, l'organisation, ma réputation? Et, si c'est le cas, bien, il y a des moyens de chiffrer l'information avant de l'envoyer chez cet hébergeur-là puis garantir que c'est juste moi qui y a accès.

Quand on parle du PATRIOT Act, oui, depuis 2001, les États-Unis se sont donné une loi. Évidemment, on pense aussi que tous les hébergeurs de grosses organisations, on parle de Gmail, Apple, Microsoft, puis tout ça, ils ont tous leurs centres de données principaux aux États-Unis. Donc, sur une... Ce n'est pas, encore là, sur un «figment» imaginaire, que les autorités ont accès à cette information-là. Il faut qu'ils documentent le besoin, et, après ça, oui, avec moins de difficultés judiciaires, ont accès à cette information-là entreposée aux États-Unis. Ça, ça va de soi.

Puis, après ça, le CLOUD Act, aussi, est venu rectifier quelques lignes pour être capable d'amener les autorités à comprendre qu'il y a des informations internationales qui s'y rapprochent, mais ce n'est pas... Encore là, il ne faut pas croire que les autorités vont toujours aussi montrer patte blanche en disant : Regardez, on va vous aviser, demain matin, on s'en va dans votre compte puis on a reçu une demande du FBI pour aller faire une enquête. Ils ne le diront pas. Ça garde certains secrets parce que c'est des secrets d'enquête. Et, à ce moment-là, si jamais c'est les autorités canadiennes qui font la même demande, on ne le saura pas plus.

Ça fait que ce n'est pas nécessairement un problème américain... plus qu'un problème judiciaire de la façon qu'il a été, quant à moi, préparé. Et, en même temps, si les services sont toujours donnés selon l'entente, mais, encore là, il faut lire ces ententes-là, dans quoi on s'embarque, parce que c'est légalement décrit qu'ils peuvent donner, sous mandat, accès au système d'information sans qu'on soit, nous, consommateurs ou clients, avisés de cette demande-là.

M. Lafrenière : Question très courte. Donc, puis sans vous prêter de réponse, si je compare à ce qui se fait présentement dans les différents ministères, est-ce que vous jugez que c'est aussi sécuritaire de le mettre dans le nuagique, de ce que vous connaissez?

M. Waterhouse (Steve) : De l'information de niveau qui peut causer un préjudice grave à la personne, c'est sécuritaire de le faire, mais, aussitôt que ça va tomber dans... Il faut mesurer deux choses. Il faut mesurer justement la sensibilité de l'information qui est mise dans le nuage, mais aussi, après coup, l'impact. Comme je disais, donc, dans le cas d'une fuite d'information, quel est l'impact.

Ça fait que, si on dit qu'on met tout l'ensemble de la liste électorale ou, peu importe, de l'information collective des citoyens dans l'infonuagique, et qu'il y a une fuite d'information, que c'est... évidemment, ce ne sera jamais la faute de personne, mais que, l'information, elle a fui quand même, bien, c'est quoi, l'impact? Est-ce qu'à ce moment-là c'est récupérable ou pas? Les données ne sont pas récupérables. Mais est-ce que les gens vont avoir un impact, encore là, suite à d'autres fuites d'information qu'ils vont vivre, avec ce résultat-là, le restant de leurs jours? C'est là qu'il faut mesurer, donc, est-ce qu'il faut mettre tous nos oeufs dans le même panier ou non. Et, si oui, est-ce qu'on peut rajouter une couche de confidentialité, donc, de sécurité, par de la cryptographie pour protéger cette information-là? La réponse, pour moi, c'est oui. En mettant d'autres mesures comme ça, ça va assurer que l'information n'ira pas dans les mauvaises mains.

M. Lafrenière : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Vous avez du temps, minimum 13 minutes.

Mme Weil : O.K., plusieurs questions. Bonjour, M. Waterhouse, plaisir de vous avoir avec nous.

Alors, le Québec compte 1 131 municipalités qui ont des systèmes informatiques qui contiennent beaucoup d'informations personnelles des citoyens, et, cette année, par exemple, Châteauguay a été victime d'un piratage informatique. Selon vous, est-ce que nos municipalités du Québec sont bien équipées pour protéger les renseignements personnels de leurs citoyens?

M. Waterhouse (Steve) : Mme la députée, moi, j'ai pour dire que n'importe qui... on peut... tant qu'il n'arrive pas d'incident, se croit justement à l'abri de tout... de n'importe quoi qui peut leur arriver. Il y a beaucoup de municipalités, des commissions scolaires, des universités, des cégeps qui en sont victimes sur une base quasi régulière. Ils apprennent avec le temps, et corrigent la situation, et ils espèrent évidemment que ça ne revient pas. Et ça, c'est partout sur la planète. Ce n'est pas juste un cas, comme on sait, là, local, ici. C'est propre, c'est inhérent à la technologie.

À votre question, je me dis : Tant qu'encore une fois il n'y a pas d'incident, les gens ne font pas de vérification. Autrement dit, les municipalités, tout comme les gouvernements, font rarement des exercices pour valider si jamais la sécurité est bonne ou mauvaise. À titre d'exemple, quand on était plus jeunes, à l'école primaire, à chaque mois de septembre ou octobre, il y avait l'exercice d'incendie, d'évacuation, pour savoir, un, c'est quoi, le signal d'alarme, deux, par où sortir, trois, se rassembler dehors, etc.

On ne le fait pas avec l'informatique. Ça fait que, donc, quand il n'y a pas d'exercice pour être capable de déterminer c'est quoi, l'incident, comment ça peut se passer... Comme, souvent, des fois, je donne un type d'exemple, un mandat que j'ai déjà eu, on veut vérifier s'il y a de la redondance... Donc, on va être capables de continuer à travailler, mais avec un lien d'un autre fournisseur de télécommunications. Est-ce qu'on est... Avec le client, j'ai dit : Quand vous êtes prêts, vous me le dites. On a signé les papiers légaux. On est prêts, 3-2-1, j'ai débranché tout simplement les modems, il a dit : Qu'est-ce que vous faites là? Bien, je ne vois pas de batterie de secours. On simule une panne électrique. Plus rien ne marchait.

Donc, c'est dans cet ordre d'idées là que, si on ne simule pas des situations pour être capables de se préparer, ça va arriver.

Mme Weil : Selon vous, est-ce que ça prendrait, donc, comment dire, un genre de programme pour toutes les municipalités qui ont un modèle quand même semblable, hein, pour tout le Québec? Parce que, j'imagine, surtout les petites municipalités, elles seraient vraiment mal équipées, un peu comme les PME, puis ça sera peut-être une autre question si j'ai le temps. Ils demandent de l'aide pour être capables de jouer le rôle qu'ils ont, l'obligation qu'ils ont de protéger les renseignements personnels. Ils sont vraiment mal équipés, mal informés. C'est une course contre la montre, là, pour être capables, de, hein, rester à flot dans ce domaine-là.

Pensez-vous que ça pourrait être utile, donc, pour les municipalités qui... Quand on y pense, bien, c'est un gouvernement, et, partout, ils détiennent des renseignements personnels sensibles, importants, comme le Directeur général des élections nous en a parlé hier. Comme les partis politiques détiennent des informations très personnelles, l'âge et résidence, l'adresse, etc., pensez-vous que ça pourrait... Comment verriez-vous une stratégie pour faciliter la tâche aux municipalités?

M. Waterhouse (Steve) : Bien, ça découle, premièrement, d'une stratégie de cybersécurité au niveau national, donc, comme c'est déjà commencé. Et, après coup, il faut que ça découle dans les organisations subordonnées. Puis je peux faire très facilement la relation que... Lorsque j'étais à la Défense nationale, ça partait évidemment d'une entité du Conseil du trésor et, après ça, à chaque ministère, descendait jusqu'après ça à l'unité de réserve dans chacune des localités qu'il y a ici, au Québec, par exemple, et, après coup, n'ont pas les ressources pour le faire, mais c'est le quartier général supérieur qui s'en occupait.

Donc, je verrais très bien les MRC, qui auraient des ressources nécessaires, parce qu'ils ont des budgets supérieurs aux municipalités, et qui, après ça, pourraient voir les différentes municipalités sous leur chapeau... à venir en aide avec ces problématiques-là... pas problématiques, mais avec la prévention qu'ils peuvent faire, que ça soit de l'éducation pour le personnel, après ça de la vérification de conformité. Et ça, ça pourrait rentrer facilement dans un programme de certification et d'accréditation, permettant, à ce moment-là, à chaque municipalité de montrer patte blanche, qu'elles ont fait le minimum nécessaire.

Et, s'il arrive malencontreusement un incident de sécurité, bien, ça part d'une base commune avec laquelle ils vont pouvoir faire les vérifications, parce que, très souvent, je vais voir de la clientèle et la première affaire que je leur demande à leur documentation : Donnez-moi une topologie de votre réseau, et elle date de voilà 10 ans. Ça fait que, donc, c'est pour faire face justement à connaître qu'est-ce qu'il en est... des choses réelles, et, après ça, ça va être facile... que ça soit aussi, là, les sites Web des municipalités, qui sont souvent hébergés chez l'ami de l'ami, après ça, qu'ils ont eu un bon prix pour le faire, mais que l'architecture en arrière est déficiente, ça fait peur. Bien, c'est de cette façon-là que, s'il y a des normes minimales, oui, ça aiderait les municipalités.

• (15 h 30) •

Mme Weil : Tantôt, vous parliez de l'importance de la Commission d'accès à l'information puis le rôle qu'ils pourraient jouer... et de travailler à éduquer la population sur les enjeux de protection de renseignements personnels. Il y a quelques années, la CAI a mené une tournée sous l'impulsion de notre ex-collègue Rita de Santis, et la tournée s'appelait Ce que tu publies, penses-y, afin de conscientiser les jeunes dans les écoles à la réalité. Il y avait une tournée, dans toutes les écoles, bien, beaucoup d'écoles, sur la réalité et les dangers des médias sociaux. Selon vous, est-ce que l'on devrait y aller de façon beaucoup plus présente et active, avec les moyens qui devront suivre, évidemment, pour que la CAI joue ce rôle beaucoup plus proactif?

M. Waterhouse (Steve) : Vous souvenez-vous de quelle année que cette tournée-là a été faite?

Mme Weil : C'était en 2016, à peu près, 2015‑2016.

M. Waterhouse (Steve) : Bien, c'est drôle. J'étais président d'un comité de parents à l'école secondaire de ma fille. Je n'ai jamais entendu parler d'un tel programme. Ça vous montre à quel point que la CAI travaille en vase clos et n'informe pas de façon grandiose la population. Et c'est ça que je dénonce de plus en plus, c'est que c'est un organisme qui est pourtant mature. Après 26 ans, j'espère qu'ils savent qu'est-ce qu'ils font. Bien, moi, je peux vous dire qu'ils ne l'ont pas, le côté communication. Ça fait qu'il faudrait qu'ils se rééduquent de ce côté-là, qu'ils se rééquipent de ce côté-là, puis, après ça, qu'ils fassent une autre tournée de ce type-là, aller éduquer autant la jeunesse... mais que les parents qui sont en arrière, pour, après ça, répondre aux questions des jeunes, parce qu'il n'y en a pas.

Cependant, ils vont se ruer... Bien, les gens ne se rueront pas à leurs réunions parce que les gens, souvent, pour les rejoindre, bien, ils sont submergés de tâches et ils arrivent le soir : Ah non! Pas une réunion à 7 heures à soir avec la CAI. Ça fait que quand est-ce que serait le bon moment d'aller interpeler le parent? Ça, c'est l'autre question qui serait quand même assez intéressante à débattre, parce qu'il y a le besoin... Le parent veut savoir comment aider son jeune. Le professeur veut en savoir davantage. Mais, en même temps, le jeune, il est capable de figurer bien des affaires. Cependant, il faut l'éduquer aussi sur les conséquences d'aller s'afficher sur une plateforme de média social et comprendre, des fois, qu'il y a des pas fins en arrière, puis voici comment qu'ils se présentent, pour qu'ils réalisent que ça leur arrive au quotidien.

Mme Weil : Donc, vous êtes d'accord qu'une initiative importante, mais beaucoup plus... bien, profonde, et élargie, et constante...

M. Waterhouse (Steve) : Présente, oui.

Mme Weil : ...mais avec les moyens, évidemment, pour le faire... J'imagine que les moyens étaient limités à ce moment-là. C'était un genre de projet pilote pour commencer... mais, comme vous dites, ce n'était pas en continu. Puis, finalement, c'est un projet qui a duré un certain temps, publication d'un petit livre, et puis, après ça, bon, je ne sais pas ce qui s'est produit.

M. Waterhouse (Steve) : Vous apportez un point important, Mme la députée, et c'est... Qu'est-ce qu'on parle aujourd'hui, surtout le projet de loi n° 64, j'espère que tous... est conscient que ce n'est pas quelque chose qui est immuable une fois qu'il sera adopté, c'est quelque chose... La technologie dans laquelle on baigne, les médias sociaux, etc., c'est en mouvement constant. Mais juste cette semaine, là, je pense, tout le monde a réalisé aussi que la plateforme Facebook vient de changer, là. Personne n'a été avisé, par exemple, que ça leur tentait de changer ça.

Ça fait que la journée que les grosses plateformes comme ça changent leur modèle, changent leurs façons de faire, ils n'avisent personne, et c'est qui, encore une fois, qu'il faut qu'ils réapprennent à s'en servir? Bien, c'est tous et chacun, alors qu'on est pris à déjà maîtriser cette base-là. Après ça, il faut aller plus loin et comprendre les changements qui viennent d'être apportés et comprendre, des fois, d'autres nouvelles fonctionnalités, mais qui, souvent, vont ouvrir des brèches. Et c'est là que le problème est toujours répétitif.

Ça fait que c'est pour ça que je vous rejoins en disant : Il faut que la CAI, dans son rôle d'éducation, bien, qu'ils le fassent de façon cyclique. Et, le mois d'octobre, c'est le mois de la cybersécurité. Je n'ai rien vu encore de préparé pour ça.

Mme Weil : Il me reste encore un peu de temps. Hier, on a eu des échanges avec des organismes qui... représenter le milieu des entreprises. Le défi que représente... tous d'accord, évidemment, sur l'importance de protéger les renseignements personnels, mais que les PME, surtout, et une collègue avait parlé de PPME, n'ont vraiment pas les moyens pour s'occuper ou engager un expert en la matière pour qu'ils puissent respecter la loi. Ils ont évoqué les peines qui sont prévues dans la loi, etc.

Donc, ils ont parlé d'accompagnement, et sans donner trop de détails, mais qu'eux auraient besoin d'accompagnement. Moi, il me semble que cette notion d'accompagnement, évidemment, pour aider tous ceux qui devront absolument se conformer à la loi, là, il n'y aura pas de choix. C'est un enjeu tellement sérieux, tellement important, mais on peut comprendre qu'ils n'ont pas les moyens. Connaissez-vous des modèles de ce genre où il y a vraiment un accompagnement d'entrée de jeu ou peut-être même un partage de ressources humaines et technologiques pour faire en sorte que plusieurs puissent bénéficier de cette... sans avoir l'expertise eux-mêmes, mais compter sur quelqu'un qui s'assure que... Oui, il y a des consultants, là, mais je pense que, même pour eux... C'est quel modèle vous verrez pour les aider?

M. Waterhouse (Steve) : Il existe ce que vous mentionnez, des compagnies qui vont être capables d'avoir des ressources humaines, comme moi je le fais, pour être en mesure de venir assister peu importe le type d'organisation, OSBL, entreprise, peu importe le niveau, pour être capables de se débrouiller puis pour comprendre aussi l'aspect de qu'est-ce qu'ils ont à faire, que ce soit un aspect d'installation, de nouvelles façons de faire, de comprendre la suite Office, comment elle fonctionne, etc. Il y a plusieurs compagnies au Québec qui ont l'expertise de le faire, et, tous et chacun, on est débordés tellement qu'on est peu à rencontrer le besoin.

Il y a des gens, là, que... J'ai une liste d'attente avec laquelle, là... je les appelle pour leur dire : Je ne vous ai pas oublié, je vais vous rappeler. Puis ça prend des mois parce qu'on est peu. Et, après ça, les problèmes se multiplient plus vite que se multiplie le nombre d'experts ou de compétents... de gens compétents dans le domaine, et ça... On a les universités qui ont des programmes de... qui, tranquillement, pas vite, sont matures pour former les gens à ce qu'ils aient les connaissances minimales, mais ça n'apporte pas automatiquement l'expérience nécessaire pour être capables de faire le travail, et il y en a besoin. L'expérience joue pour beaucoup justement dans ces interventions-là.

Alors, le modèle qu'on jase ici, bien, ça en est un, oui, de service-conseil, mais il faut qu'il soit, encore là, un service-conseil abordable. Puis, malheureusement, quand je vous dis : De l'expérience et des connaissances, bien, souvent, dans le marché, c'est des connaissances de pointe qui sont quand même relativement dispendieuses. Malheureusement, il faut souvent aller s'exproprier aux États-Unis, dans le sens que... pas s'exproprier, mais s'expatrier, pour être capable d'aller chercher la connaissance, alors que, bien, il y a... l'industrie n'est pas... voulu de l'offrir ici à prix égal. Ça fait que c'est pour ça que c'est malheureux, mais il n'y aura pas de... S'il y a des connaissances à rabais dans ce domaine-là, il faut questionner... parce qu'il y a... Quand c'est trop beau pour être vrai, peut-être que ce n'est pas vrai aussi.

Mme Weil : M. le Président, est-ce que j'ai le temps pour...

Le Président (M. Bachand) : Oui, bien sûr, bien sûr, allez-y.

Mme Weil : Hier, on a beaucoup parlé... Puis vous avez beaucoup de connaissances en la matière. Alors, je pense que vous serez une bonne personne pour répondre à la question. Ils ont aussi amené un dilemme, c'est-à-dire que... bien, un souhait ou une recommandation que le gouvernement attende, que le gouvernement fédéral apporte ses modifications à sa propre loi et aussi que certaines provinces, aussi, amènent des modifications à leurs lois. Ils ont dit que, si on a une panoplie de lois qui vont dans des sens différents, ça va être extrêmement difficile pour nous. Il n'y a pas de frontière dans le travail qu'on fait. Normalement, le Québec n'attend pas. Le système fédéral n'est pas fait comme ça. On s'inspire des uns des autres, mais on n'attend pas que l'autre juridiction aille de l'avant quand on a une obligation, hein, de protéger nos propres citoyens. Qu'est-ce que vous dites par rapport... Je dois vous dire... Je n'ai jamais vraiment trop saisi... Je peux comprendre les complexités, mais, en même temps, il faut avancer. On n'est pas comme l'Europe. Ce n'est pas l'Union européenne, la fédération canadienne. Comment vous voyez ça?

M. Waterhouse (Steve) : Bien, je vois ça... que, les élus, ils ne font pas le travail nécessaire pour donner les pouvoirs qui sont requis par les commissaires à la vie privée. M. Therrien, comme commissaire à la vie privée du Canada, maintes et maintes fois, année après année, demande des pouvoirs et des façons de faire qui vont être, à ce moment-là, plus coercitifs, pour ne pas dire qui vont lui donner le pouvoir nécessaire et surtout l'autonomie nécessaire pour être capable d'enforcer qu'est-ce qui est le respect de la vie privée et surtout d'être capable d'accuser si nécessaire... Moi, c'est de même que je le verrais, son rôle, au même titre qu'ici, au Québec, la CAI pourrait bénéficier de cette même confiance-là de la part des élus pour qu'ils aient un rôle complètement indépendant et qu'ils puissent à ce moment-là faire le travail d'usage, parce que...

Je donne comme exemple toujours l'enquête sur les caméras de reconnaissance faciale. On attend toujours, après deux ans, un rapport du commissaire à la vie privée de l'Alberta et du Canada sur l'utilisation des caméras de reconnaissance faciale en milieu public. Et là ça se multiplie, ça, à une vitesse grand V. On en retrouve partout. Tout le monde veut utiliser cette technologie-là, mais il n'y a pas de ligne directrice. La CAI a émis des lignes directrices ici, au Québec, fantastique, mais les rapports... Elle est inspirée de bonnes pratiques, mais les rapports de l'Alberta et du Canada ne sont toujours pas sortis. Alors, pourquoi, s'ils n'ont pas assez de ressources, ils ne sont pas capables de produire rapidement un résultat d'enquête qu'on a besoin là et non pas dans trois ans d'ici, alors que ça va être étendu partout et ça va être quasi impossible à retirer?

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président. Pouvez-vous me...

Le Président (M. Bachand) : 3 min 24 s

M. Nadeau-Dubois : 3 min 24 s? Bonjour, M. Waterhouse, toujours un plaisir de discuter avec vous en commission parlementaire. J'ai raté votre présentation puis les premiers échanges. Donc, vous m'excuserez si je pose des questions que vous avez abordées. Mais j'ai bien lu votre mémoire puis je trouve intéressant que vous reconnaissez d'entrée de jeu quelque chose que je pense que tout le monde reconnaît ici, c'est-à-dire que, si on modernise, comme on souhaite le faire, le cadre légal qui protège les renseignements personnels, ça va représenter des responsabilités supplémentaires pour les entreprises. Certains disent un fardeau, certains disent de la paperasse. Moi, je préfère dire des responsabilités supplémentaires.

J'aimerais vous entendre en tant qu'expert en matière de sécurité sur un argument qui nous a été présenté hier. Hier, il y a certains représentants qui, on va se le dire, viennent du milieu des affaires, qui nous ont dit, grosso modo : Faites attention, si vous êtes trop sévères, si vous êtes trop exigeants, si vous êtes trop stricts au niveau de la protection de la vie privée, vous allez faire fuir des entreprises dans le domaine de la technologie, vous allez... ou rendre les entreprises québécoises moins compétitives dans ce marché-là. Et on nous a invités, parfois directement, parfois indirectement, à, disons, niveler vers le bas les protections, à rendre... On nous a dit : Il faut rendre les données accessibles, quand même, il faut... mais il faut les rendre accessibles quand même.

Donc, il y avait tout un discours qui nous incitait à peut-être diminuer les exigences pour ne pas, disait-on, brimer l'innovation. Vous êtes dans le domaine depuis longtemps. Vous êtes un expert de la sécurité. Qu'est-ce que vous pensez de ce discours-là? Est-ce que vous êtes d'accord? Êtes-vous pas d'accord? Qu'est-ce que vous pensez de ces arguments-là qu'ils nous ont présentés et qui nous invitent, nous, les législateurs, disons, à baisser les exigences par rapport à l'état actuel du projet de loi?

M. Waterhouse (Steve) : Bien, j'ai pour dire qu'il n'y a pas de demi-mesures en sécurité, parce qu'aussitôt que vous abaissez certaines normes... et, les normes, il faut les établir, et il faut y aller avec les normes les plus strictes, et peut-être les adapter, mais de dire : Il faut réduire... Après ça, il y a des exigences pour satisfaire certains besoins. Ça va être contre-productif et ça va jouer doublement contre les entrepreneurs en province. Pourquoi? Parce que, si, à l'extérieur du pays, les normes sont plus élevées, bien, ici, pour satisfaire une certaine... un certain marché, pardon, certains marchands, il faut les mettre plus basses, bien, ils ne seront pas compétitifs à l'extérieur parce que, là, il va falloir qu'ils redoublent d'efforts lorsqu'ils vont aller à l'extérieur pour faire affaire.

Donc, c'est dans cet ordre... dans cet aspect-là que je ne suis vraiment pas d'accord avec cette évaluation-là, et, pour que ça soit réaliste, bien, il faut qu'on se mette aussi à un niveau mondial. Est-ce qu'on veut juste faire aussi du marché local ou on veut aller à l'extérieur? Si c'est l'extérieur, comme je parle... beaucoup d'entrepreneurs veulent faire, expandre leurs marchés, bien, il faut aller à ce moment-là à parts égales, au même niveau d'échange avec le restant de la communauté et de s'assurer qu'on soit aussi avant-gardistes, parce que, si on est toujours à la remorque du minimum, bien, désolé, il y en a qui vont prendre davantage sur ceux qui sont en avant et qui sont justement avant-gardistes sur le marché, avec leurs nouvelles normes.

• (15 h 40) •

Le Président (M. Bachand) : ...

M. Nadeau-Dubois : Oui, très rapidement, vous parlez de la nécessité de l'accompagnement. Je pense qu'on y est tous. Qu'est-ce que vous pensez des amendes? Vous nous parlez, dans votre mémoire, beaucoup de la carotte, aider les entreprises. Pensez-vous que c'est aussi nécessaire qu'il y ait un fort volet punitif?

M. Waterhouse (Steve) : Malheureusement, l'humain étant l'humain, c'est nécessaire pour être capable de comprendre jusqu'où les gens peuvent aller... utiliser d'une certaine liberté ou d'une certaine latitude. S'ils voient qu'il n'y a aucune conséquence comme c'est le cas présentement... On le voit, il y a des organismes qui ont eu... Ils ont fait fi d'un minimum d'efforts à mettre en place pour protéger l'information personnelle qu'ils avaient dans leurs responsabilités, et, résultat, ils ne sont pas punis, puis «life goes on», la vie continue. Alors, oui, il faut qu'il y ait, à ce moment-là, coercition pour être en mesure de faire respecter ça.

Et, malheureusement, comme on le voit avec le RGPD depuis deux ans, il y a des cas types qui se sont dessinés. Il y a des grosses amendes qui ont été versées pour, souvent, des incidents de fuite d'information qui avaient de l'air bénins. Puis, là-dessus, je pense à British Airways, qui ont eu une amende de 300 millions de dollars pour des centaines de milliers de dossiers de clients. C'est quand même disproportionné. Il y en a qui vont dire : Mais il y a quand même des normes qui commencent à s'établir. Il y en a qui vont dire : Bien, ça va être 1 000 $ du nom, ça va être l'amende ou ça va être un montant global, basé sur les revenus annuels, etc.

Ça fait que, oui, il faut qu'il y ait des paramètres sur lesquels s'aligner, parce que, sinon, s'ils n'ont pas cet acte de droit là sur lequel savoir jusqu'où qu'ils peuvent tasser, bien, tout le monde va pogner le clos à un moment donné.

Le Président (M. Bachand) : M. Waterhouse, merci beaucoup de votre contribution aux travaux. Vous êtes toujours le bienvenu à la Commission des institutions.

Alors, sur ce, je suspends les travaux quelques instants. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 15 h 44)

(Reprise à 15 h 48)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.

Alors, il nous fait plaisir d'accueillir les gens de l'Office de la protection du consommateur. Alors, vous connaissez les règles, un petit 10 minutes de présentation, échange avec les membres par après. Alors, je vous invite à débuter, d'abord, en vous présentant. Puis merci d'être ici cet après-midi.

Office de la protection du consommateur

Mme Champoux (Marie-Claude) : Alors, bonjour. Mon nom est Marie-Claude Champoux. Je suis présidente de l'Office de la protection du consommateur. Et je suis accompagnée de Marjorie Théberge, qui est vice-présidente de l'office. Alors, je vous remercie de me permettre de m'adresser à vous aujourd'hui relativement au projet de loi n° 64.

Tout de suite, avant d'aller plus loin, je tiens à vous rappeler que le rôle de l'Office de la protection du consommateur consiste, entre autres, à veiller à l'application de la Loi sur la protection du consommateur. Cette loi régit les relations consommateurs-commerçants. En tant que présidente de l'organisme, je souhaite préciser que nous ne sommes pas, à l'office, des spécialistes de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, soit l'une des lois que viendrait modifier le projet de loi n° 64. C'est évidemment la CAI qui a la responsabilité de surveiller l'application de cette loi.

Il reste que, malgré tout, plusieurs consommateurs s'adressent à nous en ce qui concerne la protection des renseignements personnels, et même si la question ne relève pas de nos lois. Nous en profitons, donc, pour les guider quand l'occasion se présente, car plusieurs situations de tous les jours, dans la vie d'un consommateur, peuvent l'amener à fournir ses renseignements personnels. Je pense à des choses qui nous semblent aussi banales que s'inscrire à un programme de récompenses ou faire un achat sur Internet.

À l'office, nous agissons en prévention. Nous invitons les consommateurs à faire preuve de prudence. Protéger adéquatement le NIP de sa carte de crédit, se méfier des courriels non sollicités et vérifier son dossier de crédit de temps à autre afin de voir si les renseignements qui s'y trouvent sont exacts et à jour sont des exemples de nos interventions en amont.

• (15 h 50) •

Relativement à la protection des renseignements personnels, nous sommes aussi confrontés à ce que j'appellerais des appels à l'aide. Nous sommes bien au fait qu'une fuite de données peut avoir des répercussions majeures dans la vie d'un consommateur. Nous savons particulièrement quelles peuvent en être les conséquences sur son dossier de crédit. Je peux l'affirmer avec certitude, quand ce dossier comporte une inscription qui ne devrait pas s'y trouver, le consommateur fait face à des difficultés vraiment importantes. J'y reviendrai.

Bref, je tenais à rapidement mettre en lumière ce que nous faisons au quotidien à l'office, parce qu'aujourd'hui, dans le contexte de la consultation, je vais m'en tenir à des commentaires généraux sur des modifications qu'il est proposé d'apporter à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Les différents spécialistes qui ont été invités à participer à cette consultation pourront sans doute y apporter un éclairage plus précis.

Mais, juste avant, j'aimerais revenir sur la participation récente de l'office à la consultation particulière dans le cadre des travaux sur le projet de loi n° 53, projet de loi qui vise notamment à mieux protéger les consommateurs dans un contexte où ils risquent de faire l'objet d'un vol d'identité. La consultation sur le projet de loi n° 53 a été, pour nous, à l'office, l'occasion de démontrer à quel point, dans la vie d'un consommateur, aussi bien de le dire, dans la vie de tous les Québécois, le dossier de crédit est un élément fondamental.

J'ai glissé un mot à ce sujet tout à l'heure et je le répète, une note défavorable au consommateur, une inscription qui se trouve à tort dans son dossier de crédit peut lui nuire énormément. Demander une carte de crédit, emprunter de l'argent ou obtenir du financement pour un achat devient alors plus que compliqué. Le consommateur peut se retrouver avec des conditions moins avantageuses, un prêt à un taux de crédit plus élevé, notamment. Dans le pire des cas, il pourrait aussi faire face à un refus, pas d'accès au financement, ce qui voudrait aussi dire, si nous transposons le tout dans une situation concrète, pas de voiture pour se rendre au travail.

Lors de cette consultation, le 25 août dernier, je me suis permis de faire des suggestions à propos de certaines mesures de protection. Je pense notamment au gel et à l'alerte de sécurité. J'ai mis de l'avant plusieurs propositions qui, à notre avis, à l'office, favoriseraient l'efficacité de ces mesures de protection. L'office a, entre autres, suggéré un accès continu et sans frais au dossier de crédit et l'envoi, aussi, gratuitement de notifications aux consommateurs.

En effet, il demeure primordial, du point de vue de l'office, que le consommateur puisse être informé sans délai quand certains événements se produisent dans son dossier de crédit, comme la baisse de sa cote ou l'inscription d'une nouvelle créance. Ainsi, le consommateur est non seulement en mesure de constater rapidement qu'une anomalie figure dans son dossier de crédit, mais il peut aussi agir rapidement.

Devant la commission, j'ai aussi partagé les préoccupations de l'office à l'égard du fardeau qui pèse sur le consommateur quand vient le temps de contester une note à son dossier de crédit s'il est victime d'un vol d'identité, notamment, une note qui, même contestée, a une incidence sur la cote de crédit d'un consommateur, et ce, jusqu'à ce qu'il fournisse des preuves. Une telle démarche de contestation se révèle ardue pour le consommateur et, j'oserais dire, frustrante, quand nous savons qu'un commerçant, de son côté, peut inscrire une note dans un dossier de crédit sans même avoir à démontrer qu'elle est justifiée.

Je souhaitais revenir brièvement sur tout cela parce que je comprends que le projet de loi n° 64 vient protéger... compléter, pardon, le projet de loi n° 53. Les mesures qu'il contient pourraient contribuer à éviter la survenance d'incidents ayant des conséquences graves sur les consommateurs, comme les fuites que nous avons connues dans la dernière année. Et, dans les cas où ces situations malheureuses auraient tout de même eu lieu, le projet de loi n° 64 viendrait en limiter les conséquences.

Dans le contexte numérique dans lequel nous évoluons aujourd'hui, avec toutes les technologies de l'information que nous connaissons maintenant, et par lesquelles nos renseignements transitent, la protection de ces données est de plus en plus d'actualité. Les différents épisodes que nous avons connus dans les derniers mois démontrent, selon moi, l'importance d'agir pour protéger les renseignements personnels des consommateurs, des renseignements que recueillent, utilisent et communiquent les organismes publics et les entreprises.

Le projet de loi n° 64 propose d'introduire de nouvelles mesures qui responsabiliseraient davantage les entreprises en matière de protection des renseignements personnels, ceux qu'elles détiennent sur les consommateurs. Les mesures concernent, entre autres, les incidents de confidentialité. Elles exigeraient que les personnes concernées par un incident soient avisées quand il présente un risque de préjudice sérieux. Un tel ajout serait sans doute susceptible de contribuer à ce que les consommateurs concernés aient l'information rapidement. Conséquemment, ils pourraient, dans les plus brefs délais, utiliser les mesures de protection relatives à leur dossier de crédit dont il est question dans le projet de loi n° 53.

(Interruption) C'est un chat, ce n'est pas la COVID. Nous notons également que des modifications seraient apportées aux sanctions auxquelles s'exposent les contrevenants. Ces modifications nous paraissent être un incitatif efficace pour amener les entreprises à agir en tout respect des règles.

Nous constations, de plus, que des modifications apportées à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé concernent le consentement. Le consentement est un élément central dans la Loi sur la protection du consommateur. Il l'est tout autant en matière de protection des renseignements personnels. La Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé s'intéresse, en effet, au consentement du consommateur à la cueillette de renseignements personnels, à leur utilisation et à leur communication.

À propos de la cueillette, une entreprise qui recueille des renseignements personnels auprès d'un consommateur doit lui livrer plusieurs informations, dont les raisons pour lesquelles ces renseignements sont recueillis. Ces informations doivent être fournies au moment de la collecte. Ayant à l'esprit l'approche retenue dans la Loi sur la protection du consommateur, nous nous demandons si les informations nécessaires à un consentement éclairé ne devraient pas être fournies au consommateur de façon préalable, soit avant la collecte. Nous nous demandons même si la façon de fournir ces informations de la plus haute importance au consommateur ne devrait pas être davantage encadrée. Nous pourrions ainsi nous assurer qu'elles sont portées expressément à la connaissance du consommateur d'une façon claire, nette et sans équivoque. Elles sont, après tout, indispensables dans sa prise de décision.

Par ailleurs, de nos jours, des renseignements peuvent être recueillis grâce à des moyens technologiques. Le projet de loi prévoit que le consommateur serait, au préalable, informé du recours à une telle technologie, ce qui nous semble tout à fait souhaitable. Toutefois, le consommateur saurait-il, au préalable, quels renseignements à son sujet pourraient être recueillis? Je me permets de poser la question car le projet de loi semble flou à ce propos.

Le projet de loi prévoit également qu'une entreprise pourrait utiliser un renseignement personnel à une fin différente de celle pour laquelle elle l'a recueilli. Une telle utilisation serait admissible dans certains cas en l'absence du consentement du consommateur, notamment si l'entreprise est d'avis que cette autre utilisation est manifestement au bénéfice du consommateur. À l'office, il nous semble que cette exception laisse une grande discrétion à l'entreprise.

J'aborde la communication des renseignements maintenant. La loi actuelle prévoit des exceptions qui permettent à une entreprise de communiquer des renseignements personnels à un tiers sans que le consommateur y ait consenti. Je comprends que le projet de loi vient ajouter d'autres circonstances où un tel partage d'information serait autorisé, par exemple si la communication est nécessaire à l'exécution d'un contrat de services que l'entreprise confie à un tiers. Cette entreprise serait alors tenue de conclure une entente avec ce tiers. Elle préciserait les obligations du tiers relatives à la protection des renseignements personnels qui lui sont communiqués. Une question nous est venue à l'esprit. Quelles seraient les sanctions applicables si l'entreprise, elle, respecte son obligation de conclure une telle entente, mais que le tiers, lui, ne respecte pas les termes de l'entente?

Le projet de loi suggère aussi d'éliminer la possibilité qu'une entreprise utilise sans le consentement des personnes concernées une liste nominative à des fins de prospection commerciale ou qu'elle communique cette liste à un tiers. Je salue cette initiative. La modification nous apparaît être une amélioration des règles actuelles.

Je poursuis, juste avant de terminer, en parlant du fait que certaines décisions des entreprises sont rendues sur la base d'un traitement automatisé des renseignements personnels. Le projet de loi aborde cet aspect. Il est prévu que l'entreprise informe les personnes concernées lorsqu'une décision est fondée exclusivement sur un tel traitement. Cette mesure a suscité quelques questions au sein de notre organisation. Je les partage avec vous.

Nous nous demandons pourquoi cette obligation d'information se limite-t-elle aux cas où la décision est fondée exclusivement sur un traitement automatisé. Le consommateur pourrait être informé dès que ses renseignements personnels sont utilisés pour prendre une décision, peu importe le type de traitement qui en est fait. Le consommateur ne devrait-il pas aussi être informé si l'utilisation de ses renseignements personnels fait en sorte que des conditions moins favorables lui sont proposées? Enfin, selon nous, la façon dont l'information est fournie à la personne concernée aurait avantage à être encadrée afin qu'elle soit portée à sa connaissance de façon appropriée.

J'aborde un dernier point avant de conclure. Nous notons que des modifications ont été apportées à des articles qui s'intéressent à l'accès des personnes à leurs renseignements. Il semble bien que des frais puissent continuer à leur être exigés pour la transmission de leurs renseignements personnels. Nous réitérons donc le commentaire formulé dans le cadre des travaux relatifs au projet de loi n° 53. À notre avis, le consommateur devrait pouvoir accéder à son dossier sans frais et en tout temps. Les renseignements qui s'y trouvent lui appartiennent.

J'espère sincèrement que les commentaires que j'ai partagés et que les questionnements que j'ai soulevés ici contribuent aux travaux de la commission. Des règles en matière de protection des renseignements personnels fondées sur la transparence ne pourront que mieux protéger les consommateurs québécois. Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mme Champoux, Mme Théberge, bonjour. Merci d'être à l'Assemblée nationale aujourd'hui au nom de l'Office de la protection du consommateur pour témoigner. Je pense que vous êtes en terrain connu aussi avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce, aussi, que je crois que vous connaissez.

Alors, bien, écoutez, d'entrée de jeu, je... peut-être vous poser des questions opérationnelles, là, pour l'OPC. Le consommateur, là... Quand il y a des fuites de données, là, j'imagine qu'il y en a beaucoup qui cognent à la porte de l'Office de la protection du consommateur pour dire : J'ai eu un vol de données, qu'est-ce que je fais?, et puis ils doivent s'adresser à vous.

Mme Champoux (Marie-Claude) : Ça arrive, effectivement. C'est sûr que nous ne sommes pas responsables de l'accès à l'information puis la protection des renseignements personnels. Donc, ce n'est pas... Souvent, on peut les référer à la CAI, mais aussi en amont. Comme je le disais un petit peu plus tôt, on essaie de bonifier notre information. On a parlé de sites Web un peu plus tôt. Le site de l'office est très, très, très fréquenté. Alors, souvent, on y va question-réponse puis on essaie, en amont, de donner l'information au consommateur.

• (16 heures) •

M. Jolin-Barrette : Mais, exemple, là, sur le plan gouvernemental, là... parce que, pour connaître tous les rôles, là, de la CAI puis l'OPC, le citoyen, là, pour lui, sa première réaction, ça peut être l'OPC. Comment est-ce que vous pensez qu'on pourrait, comme, au niveau de l'État, là, faire de la pédagogie avec les citoyens pour dire : Si vous avez une problématique, ça va être à la Commission d'accès à l'information puis pas à l'OPC? Et est-ce qu'il y aurait lieu d'avoir des liens à développer entre l'OPC et la Commission d'accès à l'information?

Mme Champoux (Marie-Claude) : Effectivement, il n'y a pas vraiment de lien, puis ça pourrait être tout à fait intéressant de développer des liens. C'est certain que, si, à la suite de l'adoption du projet de loi, il y a des outils d'information qui sont développés par la CAI ou par le secrétariat, ça nous ferait plaisir, nous, d'en faire la promotion, de les mettre sur notre site, puis effectivement de... parce qu'on n'aime pas ça référer, là, les consommateurs. Quand on est capables de leur répondre directement puis de leur donner de l'information, ne pas les envoyer un peu partout au sein de l'appareil, certainement, ces collaborations-là peuvent être développées, là.

M. Jolin-Barrette : ...que, dans le fond, le citoyen qui a des informations dans des entreprises privées, des entreprises commerciales, bien souvent, c'est parce qu'il est un consommateur. Dans le fond, que ça soit dans les institutions financières, que ça soit les données qu'on donne, on va s'acheter un ordinateur, on remplit la garantie, toutes les informations de nature personnelle qu'on donne, bien, c'est intrinsèquement lié aussi un peu en sa qualité de consommateur.

Puis ce n'est pas la même chose que lorsqu'il donne des données à l'État, supposons, où, là, c'est, supposons, des données de nature fiscale ou des données de nature personnelle, relativement à l'entièreté de la donnée que l'État détient sur le citoyen, le chapeau est un petit peu différent aussi. Ça fait que ce serait peut-être intéressant de vous intégrer dans la réflexion avec la Commission d'accès à l'information pour voir comment est-ce qu'on peut faire les ponts entre les deux.

Est-ce que... Puis peut-être vous ne pourrez pas me répondre là-dessus parce que l'accès à l'information, c'est la Commission d'accès, sauf que, dans les pratiques que vous observez au niveau, là, des affaires, des commerces, est-ce que vous voyez que les pratiques commerciales font en sorte de récupérer beaucoup de données, beaucoup plus que ce qui est nécessaire à l'exercice de l'activité commerciale des entreprises?

Mme Champoux (Marie-Claude) : On n'a pas fait d'étude là-dessus. Je n'ai pas de données précises là-dessus. J'aurais tendance à vous dire : Oui, intuitivement, là, on peut penser qu'effectivement il y a beaucoup d'information qui est demandée au consommateur qui n'est peut-être pas toujours nécessaire dans les circonstances. Mais on n'a pas de données là-dessus, là. Je ne peux pas vous donner une opinion éclairée.

M. Jolin-Barrette : Puis, souvent, avec l'OPC, ce qu'on constate, puis je sais... où vous intervenez, c'est quand il y a une pratique abusive, supposons, une pratique commerciale abusive, et où le consommateur se retrouve un peu dans une sorte de contrat d'adhésion, puis les clauses sont là, puis il y a un débalancement, puis là, bon, l'OPC peut intervenir, conseiller, tout ça. Est-ce que vous pensez qu'en matière de protection des renseignements personnels ou de... En fait, le fait de donner ces renseignements, c'est un peu la même pratique, où est-ce que le consommateur, dans le fond, quand il veut acheter son bien ou quand il veut accéder au service qui est offert par l'entreprise... Bien, dans le fond, il ne consent pas vraiment, là. Il clique «oui», il clique «j'accepte», puis ce n'est pas nécessairement un consentement éclairé. Est-ce qu'on peut faire le parallèle entre ça puis le consentement qui est donné en matière de consommation, bien, en fait, le contrat d'adhésion, là, si on peut dire?

Mme Champoux (Marie-Claude) : Je vais demander à Me Théberge de vous répondre si ça vous va.

Mme Théberge (Marjorie) : Si vous me permettez, je ferais peut-être un parallèle. Au dernier projet de loi sur lequel on a eu le privilège de travailler, on avait encadré un peu, par rapport à la capacité de remboursement du consommateur, les informations que le consommateur ou le commerçant devait requérir. Donc, par le biais de notre loi et de notre compétence, on essaie de circonscrire ce que le commerçant peut exiger, des éléments importants et essentiels pour arriver au but qu'il souhaite, et puis, d'un autre côté, par rapport au consommateur, qu'il en soit bien informé et de savoir ce qu'il doit donner et non pas nécessairement qu'il est obligé de le faire. Donc, on croit encore que, oui, un cadre légal peut bien aider, mais la pédagogie, l'éducation demeureront quand même un outil essentiel pour le consommateur.

M. Jolin-Barrette : Puis la notion de consentement, là, avec la LPC, tout ça, là, comment est-ce qu'elle... pouvez-vous nous renseigner sur comment est-ce qu'elle est... elle est abordée comment? Comment est-ce qu'on exprime un consentement valide en matière de droit de la consommation? Peut-être ça pourra nous inspirer pour rendre accès...

Mme Théberge (Marjorie) : On va souhaiter l'obtenir au moment de la conclusion du contrat. Bien entendu, le tout doit être expliqué et déterminé, et le consentement doit être valide, donc, et éclairé. On ne peut pas le déduire. Le consommateur doit l'exprimer de manière... qu'il en soit bien informé et que ce soit... qu'il l'ait bien exprimé au moment où il contracte.

M. Jolin-Barrette : Puis les groupes qui vous ont précédés nous ont dit souvent, là : Bien, tu sais, le consommateur, il ne prend pas le temps de lire les différents éléments puis il coche, là, quand même, là. Dans le fond, c'est un consentement, théoriquement, exprès parce qu'il y a une manifestation positive. Ça, qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Théberge (Marjorie) : Bien, c'est surtout... On essaie... Encore là, il y a un volet, beaucoup, d'éducation. On essaie de mentionner au consommateur : Oui, c'est bien beau, dans un endroit où on arrive pour conclure un contrat... Donc... peut-être quelques domaines. On peut parler de l'automobile, on peut parler de vente itinérante, mais que le consommateur ait le choix de réfléchir, il n'est pas obligé de consentir dans l'immédiat. Donc, c'est important qu'il le sache. Bien entendu, il y a certaines situations où il peut avoir une certaine pression, mais on essaie que le consommateur soit bien au fait de ses droits.

M. Jolin-Barrette : O.K. J'aimerais ça qu'on revienne sur les dossiers de crédit. Dans le fond, vous dites : Bon, bien, l'entreprise qui a pour objet le prêt d'argent, elle, dans le cadre de la loi qu'on a déposée, elle a certaines obligations. Mais vous dites : Il y a plein de gens qui vont ou plein d'entreprises qui vont consulter le dossier de crédit, donc, puis qui vont récolter des renseignements de nature personnelle. Donc, vous dites : Eux aussi devraient être visés par l'article de la loi, là, je pense, l'article 19.

Mme Théberge (Marjorie) : On souhaiterait que, tout comme... Bien, c'est surtout que le consommateur puisse y avoir accès et soit informé immédiatement quand il y a un changement à son dossier de crédit. Souvent, le commerçant peut y ajouter des informations, et le consommateur ne le sait pas nécessairement, et c'est pourtant lui qui aura, après ça, à se débattre et à chercher à faire corriger si l'information qui a été inscrite est inexacte.

M. Jolin-Barrette : O.K., donc, qu'il soit avisé en temps réel de l'inscription à son dossier de crédit, parce que, dans le fond, supposons qu'il arrive un litige avec un commerçant ou quoi que ce soit, le commerçant peut inscrire un message défavorable sur la cote de crédit, sur le dossier de crédit, et là le consommateur, lui, il n'a pas nécessairement de notification. Il l'apprend deux, trois ans plus tard, lorsqu'il fait un prêt, un contrat de crédit ou quelque chose comme ça.

Mme Théberge (Marjorie) : Exactement.

Mme Champoux (Marie-Claude) : Si vous me permettez, plus encore, le consommateur, s'il considère que cette indication-là est injuste, il faut qu'il se batte pour essayer de la faire enlever. Puis, pendant ce temps-là, sa cote de crédit est quand même influencée négativement même s'il conteste l'indication, alors que le commerçant, lui, n'a pas à se justifier. Il l'a tout simplement inscrit. Il n'a pas à se justifier.

M. Jolin-Barrette : Peut-être, M. le Président, que les collègues...

Le Président (M. Bachand) : Merci. Je me tourne vers la banquette... M. le député de Saint-Jean, s'il vous plaît.

M. Lemieux : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, mesdames. On s'est fait dire ce matin qu'avec 60 articles le projet de loi n° 64, c'était trop puis, en même temps, trop peu. Pourtant, on se retrouve, si j'ai bien compris, dans les ligues majeures. C'est-à-dire qu'il y a des règles qui doivent être aussi fortes que ce qu'il y a en Europe pour qu'on soit capables de travailler avec l'Europe et on va s'organiser pour être capables de suivre un peu ce qui se passe sur la planète. Donc, c'est un peu le tiers pays sûr, mais dans le monde des renseignements personnels.

Est-ce que vous avez l'impression que, malgré que le consommateur, vous l'appelez le consommateur, le citoyen soit, au mieux, distrait, le plus souvent, quand il va en ligne puis qu'il fait ses affaires... qu'au lendemain de ce que vous voyez dans le projet de loi on est rendus ailleurs? C'est-à-dire, on a modernisé, mais pas seulement modernisé au sens de refaire la loi, mais au sens de ce qu'on vit tous les jours maintenant. Juste avec des applications qu'on n'avait pas il y a un an, on se rend compte aujourd'hui que ça change tout par rapport à ce qu'on communique à plein de monde sans le savoir. Est-ce que vous avez l'impression qu'avec ça on a au moins une mesure suffisante pour que, même si le consommateur ne s'en occupe pas, il a la protection minimum qu'il devrait avoir?

• (16 h 10) •

Mme Champoux (Marie-Claude) : Nous ne somme pas des spécialistes, à l'office, pour savoir si c'est suffisant ou si... Ce qu'on note, puis c'est vraiment... on le voit comme un... on le reçoit positivement, on note que c'est vraiment une amélioration pour la protection. Effectivement, on parle toujours des consommateurs, mais c'est une déformation. Chez nous, les citoyens sont des consommateurs. Alors, on le reçoit très positivement, mais on n'est pas des spécialistes. Est-ce que c'est... On n'est pas capables de vous dire si, pour nous, c'est assez ou trop. Ça, on... mais on le reçoit positivement.

M. Lemieux : On n'est pas des spécialistes, personne, sauf celui, peut-être, qui vous précédait tout à l'heure et quelques autres. Il y a quand même, dans cette loi-là, des dents. À l'Office de protection du consommateur, vous êtes toujours très près des citoyens qui ont des recours et vous savez jusqu'à quel point le recours qu'ils ont peut-être pris au sérieux par quelqu'un qui aurait des pénalités. Dans ce projet de loi là, il y a des amendes qui sont, je ne sais pas, je voulais vous laisser les qualifier, costaudes, raisonnables, ambitieuses, baveuses?

Mme Champoux (Marie-Claude) : Je ne les qualifierai pas. Je vais vous dire que je trouve, effectivement, intéressant qu'il y ait des conséquences, parce qu'on a aussi, à l'Office de la protection du consommateur, des conséquences quand les gens ne respectent pas... Alors, oui, c'est intéressant, mais est-ce que... Encore là, je ne qualifierai pas le montant.

M. Lemieux : Ce sont des sanctions qui sont à prendre au sérieux, disons-le comme ça.

Mme Champoux (Marie-Claude) : À l'évidence, mais je repose peut-être la question que j'ai posée lors de mon allocution. C'est peut-être la sanction sur les entreprises tiers, là, qu'on n'a pas vue. Je ne sais pas si ça a été prévu.

M. Lemieux : Oui. Il y a les mesures de protection à l'égard des renseignements personnels. Quand on ne le sait pas, comme consommateur, qu'on est en train de donner ses informations, c'est une chose. Quand on est pris dans des fuites, ou dans des banques de données, ou des bases informatiques de compagnies qui ont été violées, où, là, on devient vite inquiets... Vous, vous avez 160 000 appels ou de requêtes par années, de ce que j'ai lu. J'imagine que, depuis une couple d'années, vous avez plus de demandes à cet égard-là. C'est ça qui vous fait dire qu'on a besoin de plus de littératie informatique, plus de programmes qui vont aider les gens à savoir que, quand ils pèsent sur «enter», c'est plus grave qu'ils pensent?

Mme Champoux (Marie-Claude) : Je n'ai pas de statistiques sur l'augmentation du nombre d'appels ou de plaintes chez nous. Ceci dit, à l'office, on a constaté qu'effectivement plus on fait d'information, d'éducation, puis d'ailleurs on a un programme d'information et d'éducation à l'office, c'est toujours à l'avantage des consommateurs. Alors, on a toujours fait la promotion d'une meilleure communication, d'une meilleure information.

Le Président (M. Bachand) : Oui, M. le député de Vachon.

M. Lafrenière : Bonjour, mesdames. Mes collègues de Saint-Jean et de Gouin vont comprendre mon entêtement. Je vais revenir sur une question qui m'apparaît importante dans ce projet de loi, c'est le déréférencement. Je ne sais pas si vous avez eu la chance de regarder ce qu'on appelle, en Europe, le droit à l'oubli, c'est-à-dire de permettre à un citoyen qu'on oublie quelque chose qui aurait pu être posté sur les médias sociaux, qui le concerne, ce qu'on appelle ici le déréférencement.

Je veux vous entendre, parce qu'on a entendu un autre groupe ce matin qui nous amenait... qui nous levait un petit drapeau. Je pense qu'ils nous ont levé un drapeau en disant : Écoutez... faire attention aussi pour ne pas faire en sorte que les personnes soient libres arbitres de ce qui va être retiré des médias sociaux ou non, des plateformes... je devrais dire, des cyberplateformes. Est-ce que vous, vous avez eu la chance d'étudier cette partie-là? Je sais que c'est costaud comme projet de loi. Je sais qu'il y a plusieurs volets. Puis mon but, ce n'est pas de vous mettre en boîte, c'est vraiment de... J'ai un entêtement, parce que, je dois vous avouer, comme président de la Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs, c'est un enjeu qui est important pour nous, on l'a entendu de la part de plusieurs victimes, pour retrouver, vous comprenez, son identité numérique et faire disparaître des choses qui ont laissé des traces. Alors, tout ce grand laïus pour savoir : Est-ce que vous avez regardé ce volet-là?

Mme Champoux (Marie-Claude) : Ce volet-là n'a pas été regardé du côté de l'Office de la protection du consommateur.

M. Lafrenière : Bien, je pense que je vais limiter ma question à celle-là pour vous. Merci beaucoup. Merci de votre présence.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de Vachon. Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.

Mme Weil : Merci, M. le Président. Alors, bonjour. Bienvenue à vous.

Si on recule un peu, comment... Surtout, au fur et à mesure des années, puis qu'on voit à quel point ça devient complexe... Et vous êtes ici parce que la protection du consommateur, c'est au coeur de votre mission. Et, oui, on est tous des consommateurs, et là on est des consommateurs qui sont pris dans un genre d'engrenage que personne ne comprend trop bien, et on est débordés, et on accepte toutes sortes de choses sans bien lire nécessairement les conditions, etc. Il y a la question de cybersécurité en tant que telle. Il y a la question de consentement, toutes sortes d'éléments qui affectent le consommateur, carrément, parfois, dans un contexte de consommateur, littéralement, là, d'acheter un produit quelconque, etc., avec toutes sortes de renseignements personnels qui sont attachés à notre inscription à quelque part.

Maintenant, votre rôle est directement en protection par rapport à une transaction du consommateur, mais est-ce que vous, dans votre réflexion, puisque vous êtes là, vous réfléchissez à comment vous vous inscrivez? C'est sûr qu'il y a le commissaire à la protection de l'information tant au niveau fédéral, provincial, mais comment les agences... puis, si, dans d'autres... parce qu'on voit... Aux États-Unis, on voit l'office de protection du consommateur, au niveau fédéral, qui joue un rôle dans tout ce qui concerne la cybersécurité.

Comment vous voyez, peut-être, dans les prochaines années ou actuellement, votre réflexion par rapport au mandat que vous pourriez vous donner, disons, pour vraiment vous inscrire là-dedans, soit par l'éducation, peut-être, dans un premier temps... et peut-être si vous avez regardé d'autres modèles ailleurs qui jonglent avec ce défi énorme? Là, il y a un projet de loi. Vous venez dire : Ça a l'air vraiment bien et intéressant pour protéger justement ce consommateur. Mais, vous, quel rôle vous... Est-ce que vous avez pensé à ça, réfléchi à tout ça, le rôle que vous pourriez jouer?

Mme Champoux (Marie-Claude) : Je pense que le rôle qu'on peut jouer, c'est encore en information puis en éducation, effectivement, en prévention, étant donné qu'il y a, comme disait M. le député, 150 000 appels par année, chez nous, pour toutes sortes de sujets. Alors, c'est sûr qu'on est une référence. Donc, ça va nous faire plaisir de collaborer avec toute organisation pour pouvoir mieux éduquer et informer les consommateurs. C'est vraiment le rôle que je pense qu'on peut mieux jouer.

Mme Weil : Et est-ce que vous... Avez-vous une perspective... Je sais que, souvent, au fil des années, l'office de protection a ciblé les jeunes, hein, les jeunes de tout âge, finalement, qui peuvent être victimes de quelque chose qui se produit... dans ce qu'il a vu, puis, bon... et des ados et des jeunes adultes, au crédit... c'est pour s'assurer que, comment dire, ils ne sont pas exploités à ce niveau-là. Est-ce que vous verriez... parce que, c'est vrai, il va falloir que vous priorisez, avec le mandat que vous avez, qui est quand même très large, et le nombre d'appels que vous avez... Est-ce que vous avez regardé d'autres modèles ailleurs, là? Et, si oui, quelle serait la tranche de la population que vous considérez, là, peut-être, votre cible, s'il y en avait une?

Mme Champoux (Marie-Claude) : Pour le dossier de la protection des renseignements personnels, non, on n'a pas fait de vérifications avec d'autres organisations ou d'autres juridictions. Au risque de me répéter, comme ce n'est pas dans notre mission, puis nous, on s'intéresse à l'impact que des fuites peuvent avoir, par exemple, sur le dossier de crédit d'un consommateur ou sur la vie du consommateur, mais on n'a pas fait d'études pour voir comment ça se passait ailleurs parce que ce n'est pas notre mandat. Et je réitère que, si on veut... Si on souhaite qu'on collabore avec la Commission d'accès à l'information, nous le ferons avec plaisir et enthousiasme, mais ça va être, encore là, plus en prévention puis en amont, pas... Sinon, ce n'est pas dans notre mission.

Mme Weil : Donc, cette question... Quand vous dites : Bien, justement, des gens qui sont... Quand on est... Quand on achète un produit, justement, puis peut-être qu'on n'a pas tout compris... Est-ce que votre inquiétude, c'est plus au niveau du crédit, ce n'est pas par rapport à l'usage de l'information personnelle qui serait utilisée, comment ces informations pourraient être utilisées à d'autres fins, c'est vraiment la transaction d'achat, d'une relation de consommateur directe?

Mme Champoux (Marie-Claude) : L'impact, évidemment, sur le dossier de crédit, que ça soit un vol d'identité ou de l'information demandée abusivement, là... mais c'est sûr que c'est vraiment l'impact sur le dossier du consommateur qui nous interpelle.

Mme Weil : Très bien. Donc, ce n'est pas... oui, donc, sécurité, dans ce sens-là... vol d'identité, évidemment, c'est un vaste domaine qui a des ramifications un peu partout, mais, dans votre cas, c'est l'impact sur le dossier de crédit, oui. Très bien. Merci.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Gouin, s'il vous plaît.

• (16 h 20) •

M. Nadeau-Dubois : Bonjour. Merci d'être ici. J'ai d'abord une question sur la question de consentement puis je vais en avoir une seconde ensuite. Ça fait qu'on va essayer d'aller rapidement.

Vous parlez de l'importance de bien éduquer, outiller, informer les gens sur ce à quoi ils consentent ou non. Est-ce que vous avez une réflexion sur l'exigence que... le fardeau que ça peut représenter pour les gens de devoir fournir un consentement comme celui-là? Il y a une étude, en 2017, qui a démontré qu'un Américain moyen, là, s'il prenait le temps de lire chacun des contrats de service qu'il signe, c'est l'équivalent de 250 heures par année. Donc, ça, c'est 10 jours, 24 heures par jour, à ne faire que ça. C'est un fardeau, pour les consommateurs, qui est complètement ridicule, et, même le consommateur le plus éduqué et le plus conscientisé au monde, c'est un fardeau qu'il ne pourrait pas rencontrer. Ça fait qu'il y a la question de l'éducation, mais avez-vous des réflexions sur comment pourrait-on encadrer les pratiques commerciales pour faire en sorte que le fardeau du consentement soit le plus réaliste possible?

Mme Champoux (Marie-Claude) : On n'a pas fait d'étude là-dessus. Chose certaine, c'est une préoccupation, je pense, de nous tous quand on encadre les informations qui doivent se retrouver sur un contrat. C'est sûr que, si on dit qu'il y a un déluge d'information, on est bien conscients que les consommateurs ne seront pas capables d'en... de tout... Alors, la question est beaucoup sur la pertinence, l'importance, qu'est-ce qui est essentiel pour s'assurer que la lecture soit relativement facile à faire, même si on sait que ça peut être quand même pesant puis lourd, mais... Alors, c'est vraiment sur la pertinence des informations puis qu'elles soient essentielles.

M. Nadeau-Dubois : Est-ce qu'il y a des législations qui ont encadré ça davantage que nous? Parce que, surtout si c'est consécutif... C'est bien un contrat, mais, s'il y en a quatre dans la journée, ça devient complètement illusoire de penser que les gens, même les plus sensibilisés du monde, vont vraiment se prêter à l'exercice. Il y a-tu des législations qui ont encadré davantage que nous cette question spécifique?

Mme Champoux (Marie-Claude) : Je ne pourrais pas dire... Je n'ai pas... On n'a pas fait cette étude-là. On pourrait probablement le vérifier, mais on ne l'a pas... Je n'ai pas cette information.

M. Nadeau-Dubois : O.K., merci. Maintenant, si on va au-delà de la question du consentement... Vous avez dit tantôt : On essaie parfois de forcer les entreprises à distinguer qu'est-ce qui est un renseignement qu'elles doivent absolument collecter, puis qui est essentiel, puis qu'est-ce qui n'est pas essentiel, qu'est-ce qui est superflu. Comment définir ce qui est essentiel puis comment le distinguer de ce qui est superflu comme renseignement personnel collecté par une entreprise?

Mme Théberge (Marjorie) : ...me permettre certains exemples qu'on a eus par rapport à des projets de loi antérieurs. On a défini, par la loi, ce qui était, pour nous, jugé essentiel. Donc, on vient restreindre l'information qui peut être demandée. Donc, c'est à l'aide d'un cadre législatif ou réglementaire, et, dans le règlement, souvent, on va s'assurer tout à l'heure de se donner un certain formalisme dans lequel on va travailler, de plus en plus, c'est quelque chose que vous êtes au fait puisque vous faites de la législation, avec un langage clair, qui est simple, justement pour que le consommateur ne se retrouve pas dans des dédales et des grands termes qui, malgré une bonne connaissance...

M. Nadeau-Dubois : Seriez-vous en mesure de nous donner un exemple d'un renseignement qui a déjà été défini comme étant superflu?

Mme Théberge (Marjorie) : On y est allés plutôt à l'inverse. On a établi ce qui était exigé et le reste...

M. Nadeau-Dubois : Pouvez-vous nous donner un exemple concret?

Mme Théberge (Marjorie) : Bien, écoutez, comme... pour une capacité de remboursement, on va demander l'actif des gens, donc, puis ça se dépeint... Donc, son actif, ça va être sa maison, ses biens, son passif et puis sa rémunération, mais ça s'arrête là. Donc, on ne va pas... Ils peuvent demander... mais, dans le formulaire qui s'enjoint de ça, c'est limité à ça.

M. Nadeau-Dubois : Est-ce qu'on pourrait demander, par exemple, le statut migratoire d'une personne, le statut de citoyenneté d'une personne?

Mme Théberge (Marjorie) : À mon avis, pour une demande de crédit, ne devrait pas être pertinent... Est-ce qu'elle est demandée? Peut-être. Est-ce que certains outrepassent-ils ce qui est prescrit? Peut-être.

M. Nadeau-Dubois : Puis là on aurait un exemple d'une demande, selon vous, qui serait superflue.

Mme Champoux (Marie-Claude) : Ce ne serait peut-être pas, je dirais, nécessaire pour les fins de la transaction.

M. Nadeau-Dubois : O.K. Est-ce que, oui, on a du temps? Parfait. Est-ce que vous jugez que le projet de loi actuel... Parce qu'on l'a entendu de représentants du milieu économique. Est-ce que c'est un projet de loi qui est trop sévère, selon vous, sur le plan des amendes, sur le plan des mesures punitives? Ça nous a été plaidé par certains représentants du milieu des affaires.

Mme Champoux (Marie-Claude) : Comme j'ai dit tout à l'heure, je ne suis pas en mesure de qualifier la hauteur des amendes. Chose certaine, qu'il y ait des sanctions, ça nous apparaît extrêmement intéressant.

M. Nadeau-Dubois : Sur la transmission à un tiers, vous avez semblé émettre des inquiétudes, c'est-à-dire, une entreprise qui collecte des données d'un consommateur et qui, ensuite, les transmet à une autre entreprise. J'ai cru entendre, tout à l'heure, de votre part, des inquiétudes sur ce qui est dans le projet de loi, à l'heure actuelle, sur cette question-là. C'est quoi, les meilleures pratiques en cette matière-là? Qu'est-ce que devrait faire l'Assemblée nationale pour s'assurer que, quand une entreprise collecte des données, elles sont aussi bien protégées entre ses mains qu'entre les mains de, disons, ses partenaires éventuels?

Mme Champoux (Marie-Claude) : On va revenir au concept de consentement, là. Nous, ce qu'on préconise, c'est que le consommateur donne son consentement le plus largement possible, alors qu'il y ait de moins d'exceptions possibles pour la transmission de ses renseignements personnels.

M. Nadeau-Dubois : Donc, par exemple, que, si je donne mes renseignements à un organisme, une entreprise X, elles doivent me demander mon consentement avant de l'utiliser à d'autres fins... de le transmettre à une autre entreprise, pardon.

Mme Champoux (Marie-Claude) : Bien, dans... Il y a... L'exception, dans le projet de loi, qui parle... qui transmet à un tiers pour... sous-traitant, par exemple, là, l'interrogation qu'on avait, ce n'était pas à l'effet que ce n'est pas une bonne idée de le faire, c'était si le sous-traitant ne respecte pas l'entente... on était d'accord avec l'entente, mais, si le sous-traitant ne respecte pas l'entente, quelles étaient les sanctions, puis ça, c'était vraiment une question qu'on avait. On ne voyait pas...

M. Nadeau-Dubois : O.K. Je vais vous donner un exemple concret. Il a été révélé, dans les médias, récemment, que des compagnies de montres d'exercice, là, donc, qui collectent des données biométriques sur le rythme cardiaque, collectaient ces données-là et les vendaient à des entreprises d'assurance dont on peut imaginer l'intérêt pour ce type de données biométriques. Ça, c'est un exemple qui a été documenté dans les médias récemment. Est-ce qu'on est, là, devant un exemple d'abus où il devrait y avoir une action du législateur pour venir réglementer strictement ce genre de transfert là d'une entreprise à l'autre?

Mme Champoux (Marie-Claude) : Je ne suis pas en mesure de le commenter, là. J'avais l'impression que le transfert de listes, comme ça, à des fins commerciales, était enlevée, la... cette possibilité-là était enlevée dans le projet de loi, mais...

M. Nadeau-Dubois : Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup d'avoir participé à la commission. C'est très apprécié.

On suspend les travaux quelques instants. Merci encore une fois. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 16 h 26)

(Reprise à 16 h 32)

Le Président (M. Bachand) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir le Pr Gautrais. Alors, Pr Gautrais, vous avez 10 minutes de présentation et après vous avez... On aura un échange avec les membres de la commission. Alors, je vous invite formellement à vous présenter et à débuter votre exposé. Merci beaucoup, M. le professeur.

M. Vincent Gautrais

M. Gautrais (Vincent) : Merci beaucoup à vous de cette opportunité. Je suis très honoré d'exercer cet exercice démocratique. Mon nom est Vincent Gautrais et je suis professeur à l'Université de Montréal, où je suis titulaire d'une chaire de recherche en droit du commerce électronique, et je travaille... Ça fait 20 ans, en fait, que je prétends ne pas être un spécialiste de vie privée, en fait, mais ça fait 20 ans que je m'intéresse à comment la vie privée est modifiée par les technologies. Alors, je mets mon minuteur pour respecter mon 10 minutes.

Ce projet de loi n° 64 est une merveilleuse opportunité, me semble-t-il, pour remettre le Québec, en fait, à l'avant-plan sur la question de la vie privée, cette province qui, dans les années 90, vous le savez, a été l'une des toutes premières à avoir un texte applicable, notamment dans le secteur privé. Ce texte, donc, projet de loi n° 64, est vraiment intéressant, très intéressant même, dans la mesure où il prend la protection des renseignements personnels au sérieux. Il densifie les obligations des parties prenantes, augmentant les obligations de la plupart des intervenants dans le processus quant à la gestion de telles données.

Alors, évidemment, un peu comme un médecin, que je ne suis pas, là, mais, les avocats, on fait un peu la même chose, je vais me concentrer sur le pathos, sur peut-être les éléments plus... qui sont peut-être source d'une irritation, même si, encore une fois, de manière générale, le projet est très intéressant. Je ferai cette identification d'éventuelles améliorations possibles au regard de deux approches.

La première, c'est qu'il me semble important de considérer les spécificités culturelles, économiques, juridiques, bien sûr, du Québec. Dans cette noble institution, vous connaissez tous l'adage qui est sur le fronton du parlement de Québec, Je me souviens, cette phrase que l'on associe à l'architecte Eugène-Étienne Taché, qui correspond au fait que je me souviens que né sous le lys, je croîs sous la rose, qui nous rappelle notre biculture, notre biculture juridique, entre droit civil et common law. Ensuite, il est aussi important, et je crois que, sur plusieurs points, c'est déjà le cas... mais de prendre conscience de la révolution numérique que nous subissons et comment cette révolution est en train d'altérer le droit.

Alors, mon presque... mon plus tout à fait 10 minutes, en fait, j'aimerais l'entourer autour de trois points, le premier étant la notion de consentement qui... j'ai écouté une partie des audiences hier, qui a été un élément qui a été souvent rapporté, ce consentement, en fait, qui est le principe quant à l'utilisation des données, son absence étant l'exception. Et on trouve cette solution même surexposée dans des hypothèses comme le traitement automatisé, l'article 20, comme le profilage, l'article 18, à mon avis, où même la capacité d'expliquer ce qu'on fait avec les données est pour le moins hasardeuse.

Alors, même avec les efforts tout à fait louables de renforcer le caractère explicite de consentement, j'ai bien des doutes sur cette capacité véritable que le commun des mortels peut avoir, donc, pour prendre le contrôle de ses données. En effet, ces dispositions sur le consentement impliquent que l'usager s'intéresse, qu'il lise, qu'il comprenne et même que, souvent, l'utilisation des données soit explicable. C'est une chimère, me semble-t-il, d'ailleurs, qui a été... dans lequel le règlement européen, le RGPD, se drape bien volontiers et que, malheureusement, je trouve, le projet n° 64 copie-colle encore avec une déférence un peu dommageable.

Une étude, certes ancienne, montrait que ça prend 20 heures par semaine pour un usager moyen d'Internet de lire toutes les politiques de vie privée. Une étude montre que la politique d'Airbnb est plus compliquée que la Critique de la raison pure, d'Emmanuel Kant. Une étude montre que la capacité de lecture est bien moindre sur un écran que sur du papier. Une étude montre que le fait d'obliger, par exemple, en cochant dans un formulaire... pour s'assurer de la prise de conscience du lecteur, ça augmente le taux de lecture de 0,36 %.

Donc, le consentement est, me semble-t-il, un merveilleux outil de dédouanement tant des entreprises que de l'État. L'État demande, donc, à l'individu de se prendre en charge. Et c'est aussi la solution souhaitée par Facebook, dont le leitmotiv est : Usager, prends le contrôle de tes données. Ça fait 20 ans, 20 ans où... Ça ne fait pas 20 ans que Facebook existe, mais, depuis le tout début, il veut offrir le meilleur contrôle possible aux usagers.

Donc, derrière ces critiques, je pense peut-être qu'il y a trois alternatives que je pourrais vous proposer. Il y en a une que je vais juste citer, parce qu'elle a été notamment traitée par Me Gratton, sur le fait qu'il faut créer des exceptions, notamment dans le domaine du travail. J'ai beaucoup aimé, parce qu'encore une fois c'est une tradition, notamment, de la loi sur l'accès. L'étendue... On a étendu, en fait, les hypothèses d'ententes de partage qui existaient déjà depuis 2006, depuis le dernier changement sur la loi sur l'accès, des ententes de partage, justement, où on peut s'exonérer du consentement au préalable des individus.

Actuellement, donc, il y en a dans le domaine de la collecte et des communications, les articles 66, 67, 68. Et là, avec le projet de loi, on vient l'étendre notamment à deux situations, en matière de recherche et en matière d'information communiquée à l'étranger. Les modalités de ces ententes sont assez simples, en fait, c'est que l'intéressé doit déposer, auprès de la CAI, un cadre de régulation qui explique comment les données seront utilisées, et, après la CAI, il y a la possibilité de faire des... de demander des ajustements, voire, éventuellement, d'interdire. Donc, nous voyons d'un très bon oeil, minimalement, dans ces deux hypothèses-là qui seront ajoutées, où on peut utiliser les données sans consentement. Mais je crois même, en fait, qu'on pourrait étendre cette hypothèse-là dans d'autres situations où le consentement est, pour le moins, difficile à obtenir.

La troisième voie, et j'irai très vite, toujours en matière de consentement, c'est un principe un peu à la mode, mais que je crois intéressant, qu'on aperçoit, qu'on entrevoit vaguement dans le RGPD, mais à peine, qui est le principe d'explicabilité, c'est-à-dire, notamment, quand on parle d'intelligence artificielle, de forcer les concepteurs de réfléchir sur comment les données sont utilisées, parce que, très souvent, les concepteurs n'ont même pas conscience de quelles données ils utilisent et de la manière dont ils le font. Donc, peut-être, pour information, le commissaire fédéral l'a récemment proposé dans le cadre de sa propre réflexion sur sa propre loi sur la PRP.

Ça, c'était mon premier point, sur le consentement. Le deuxième, peut-être un peu plus vite, c'est sur la charge des obligations, en fait, sur la distribution des obligations entre les différents acteurs.

En premier lieu, on voit que, quand on lit que l'entreprise, et le ministère, et organisme, je dirais, paient, si vous me permettez l'expression, avec une multiplication de nouvelles charges, où il faut renforcer sa responsabilité, où il faut renforcer son obligation de... où il faut créer un gestionnaire de vie privée, et bien d'autres... Et c'est très bien. C'est dans la nature du temps. C'est la manière de gérer le numérique, me semble-t-il, qu'il faille, donc, imposer de nouvelles obligations comme ça a été fait.

• (16 h 40) •

La deuxième, c'est l'usager. Comme je vous l'ai dit, via le consentement, notamment, mais aussi par la tonne d'informations qu'il se doit de digérer, l'usager, me semble-t-il, a beaucoup d'efforts sur les épaules, un peu trop, selon moi, du fait de son inexpérience et de son inintérêt à bien des égards.

Le troisième grand joueur, c'est l'État. Et, quand on pense, sur un sujet comme celui-ci, au rôle de l'État, bien, comme disait une autrice étatsunienne, Clare Dalton, dans les années 80, il y a deux grandes fonctions de l'État, c'est soit la sanction... son rôle de sanction et son rôle de guide. Alors, sur le rôle de sanction, il y a des prérogatives nouvelles qui sont offertes à la CAI, qui sont allouées à la CAI, la CAI qui exerce, en effet, un travail remarqué et remarquable sur... et c'est tout à fait normal, en fait, que ce rôle lui soit attribué.

Malgré tout, vous comprendrez bien qu'avec ces nouvelles obligations il y a aussi des ressources augmentées qui devront lui être attribuées au moins pour trois raisons. La première, c'est... On l'a vu, ça a été dit hier aussi, les hypothèses d'intervention sont multipliées. Également, il y a des hypothèses de contrôle a posteriori, notamment les ententes de communication dont je parlais, notamment, puis c'est également le cas pour les données biométriques qui exigent une réactivité, il me semble, tout à fait accrue de sa part, notamment suite à un délai de 30 jours après le dépôt des règles déposées par les entreprises, et les ministères, et organismes.

À titre d'exemple, ce cadre-là a manqué dans le feu projet COVI, personnellement, pour lequel j'avais une certaine attirance, parce qu'en fait ce projet n'a... Si on prend la comparaison qui a eu lieu en France, par exemple, en un mois, l'équivalent de la CAI a rendu trois décisions pour valider le processus qui avait été fait. Actuellement, on n'a pas cette réactivité dans le processus de contrôle et de sanction de la part de la CAI.

Enfin, dans la mesure où les sanctions sont désormais énormes après avoir été... et sont incroyablement faibles, je ne vois pas comment une instance d'un budget, je pense, c'est tombé hier, le budget de la CAI, qui est de 7 690 000 $, pourrait batailler contre une multinationale qui craint de se voir imposer une sanction de 2 % ou 4 % de son chiffre d'affaires mondial.

Ça, c'est sur le premier rôle de... où, encore une fois, la CAI va devoir avoir quelques aides, mais il y a aussi ce rôle d'animation normative, qui, il me semble, sur pas mal de points, dans le projet de loi, manque. C'est-à-dire, que ce soit la CAI ou une autre institution, je ne sais pas, mais il y a véritablement un besoin de préciser les meilleures pratiques généralement reconnues comme le projet de loi le réfère, notamment sur la question d'anonymisation. Et, ça, je pense qu'il y a un réel besoin, de la part de l'industrie, de la part des ministères et organismes, d'avoir... parce que, des normes, il y en a, il y en a beaucoup même, mais il faut savoir faire le tri entre le bon grain et l'ivraie de tous ces éléments-là.

Donc, vous l'avez compris, sur ce second point, et mon troisième sera beaucoup plus rapide, il y a vraiment une question d'argent, de traiter la vie privée de manière XXIe siècle, ça coûte cher. Et je ne dis pas que c'est transposable, mais je veux simplement mettre à la connaissance de cette noble Assemblée qu'il y a un modèle financier qui existe en Grande-Bretagne, où il y a une taxe. Il y a une taxe sur les données, «data protection fee», et ce n'est peut-être pas pour rien que ce soit l'ICO britannique qui a été peut-être l'un des rares, avec le FTC aux États-Unis, de vaincre le... enfin, d'investiguer si le projet de, comment, Cambridge Analytica... toutes des données qui auraient transité par Facebook pour infléchir les comportements des usagers.

Mon temps est écoulé. Il est juste de 10 minutes. Peut-être, dans le cadre des questions... Les deux éléments sur lesquels j'avais quelques doutes, c'étaient les questions de portabilité et de droit à l'oubli, mais... Dans la mesure où je pense qu'il y a pas mal de flous, je ne dis pas que c'est forcément mauvais comme principe, mais je pense que c'est importé d'ailleurs. Et je pense que, sur l'applicabilité de ces notions-là, ça reste encore difficile. Mais peut-être que j'aurai l'occasion de répondre à vos questions dans le cadre de vos interrogations. Merci beaucoup de votre attention.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le professeur. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bonjour, M. Gautrais. Merci d'être présent aujourd'hui à l'Assemblée, de contribuer aux travaux. Bien, justement, parlons de la portabilité de la donnée. Quels sont vos commentaires relativement à ça et à ce qui est présent dans le projet de loi?

M. Gautrais (Vincent) : C'est drôle, parce qu'hier j'écoutais le débat ici, enfin, pas dans cette salle, mais avec d'autres intervenants, et, en même temps, il y avait le Federal Trade Commission qui avait... qui faisait une conférence d'une journée exactement sur ce point-là, parce que, dans la loi californienne, il y a un projet qui... pas de la portabilité, comme les Européens, mais plus un droit d'accès, et on évoquait beaucoup cette question-là, et plusieurs intervenants trouvaient ça intéressant, mais il y avait beaucoup de doutes sur la manière de réaliser ça. Quel format on utilise? Quel type d'information? Est-ce qu'il faut sectoriser des secteurs plutôt qu'un autre?

Il y a un autre aspect qui m'apparaît peut-être, sans doute, problématique, c'est qu'à mon avis c'est une donnée plus de confort que de protection, hein? Quand on parle de PRP, c'est protection des renseignements personnels. Là, on veut offrir la possibilité à l'usager, bien, de transporter ses données pour aller les mettre ailleurs. Ça m'apparaît presque... plus une question de confort et peut-être... et là je vais sur un champ que je maîtrise mal, mais peut-être plus une question de concurrence que de vie privée, ce qui, forcément, nous amène à d'éventuels problèmes applicatifs sur le plan constitutionnel, mais sur lequel je n'ai pas de prétention de bien maîtriser la question. Donc, je trouve que c'est une avenue intéressante, mais j'ai beaucoup de doutes en lisant l'article correspondant sur l'applicabilité d'un tel principe.

M. Jolin-Barrette : Dans le cadre du projet de loi, on s'inspire beaucoup de ce qui est fait en Europe, avec l'Union européenne. Hier, il y a des acteurs qui sont venus nous dire : Bien, écoutez, vous devriez prendre davantage en contexte le contexte nord-américain, ce qui est fait dans les États limitrophes du Québec, au Canada, aux États-Unis également. Comment vous voyez ça? Est-ce que vous pensez qu'on devrait être moins ambitieux que ce que nous présentons présentement ou on devrait maintenir la ligne et dire : Bien, on va être des précurseurs en Amérique du Nord?

M. Gautrais (Vincent) : Je ne pense pas qu'il faut baisser la ligne en termes de l'ambition. Je pense juste qu'il faut s'assurer que notre loi soit conforme à ce que nous sommes. Et puis je me permets de rebondir là-dessus. Moi, je suis un immigrant. Ça fait 30 ans que je suis au Québec. Donc, j'ai la prétention de bien connaître un petit peu les deux côtés, et c'est étonnant comme, à certains égards, on ne fonctionne pas de la même manière. La vie privée est une donnée éminemment culturelle.

Donc, je pense, c'est important d'intégrer ces distinctions, à mon avis, qui se traduisent, par exemple, dans le droit à l'oubli, où on n'a pas... On pourrait très bien avoir exactement le même article que le droit au déréférencement. Je peux vous assurer que, par le biais des politiques internes, par le biais de la jurisprudence, on aura une application qui sera différente parce que notre culture est distincte. Donc, il ne s'agit pas de baisser les ambitions. Il s'agit, je pense, de s'assurer que notre projet de loi, nos lois soient en conformité avec ce que nous sommes.

M. Jolin-Barrette : Juste pour bien vous suivre, là, vous dites : Ça pourrait être la même chose, mais, de toute façon, de la façon dont ça va être interprété par les tribunaux, bien entendu, ça ne sera pas interprété de la même façon eu égard aux cas aussi qui vont être présentés devant eux.

M. Gautrais (Vincent) : Je vais vous donner un exemple, si vous voulez bien, quand la décision européenne... L'affaire Google, en 2014, qui a créé... donc, par... de la cour de justice européenne, qui a créé cette décision qui a amené, ensuite, le RGPD à intégrer le déréférencement, Google a essayé, en fait, de dire : Bien, écoutez, on va prendre les parties prenantes, on va négocier et on va essayer de mettre des politiques pour savoir, par exemple : Un article de Wikipédia qui dit quelque chose sur un homme politique ou une femme politique, est-ce que j'ai le droit de le déréférencer? Et les cours, l'équivalent de la CAI ou l'équivalent des commissaires, ont refusé de parler à Google en disant : On ne négocie pas.

Ça, c'est une différence, assurément, qui serait différente ici. Nous, on négocie. Le commissaire fédéral, avec une loi totalement édentée, une loi Mickey Mouse, que je me plais à dire, a réussi à infléchir certaines manières de faire de Facebook, en 2009 notamment, parce qu'on négocie avec les partenaires. Et négocier, ce n'est pas flancher, ce n'est pas baisser nos ambitions. Donc, ça, c'est une manière de faire qui, encore une fois, ne se traduit pas forcément dans la loi, mais dans les manières de faire, qui, me semble-t-il, sont assez... sensiblement différentes, au moins, de l'Europe continentale. Je ne sais pas si j'ai été clair.

M. Jolin-Barrette : Oui, bien, dans le fond, ce que je comprends, c'est qu'on est beaucoup plus souples dans les moyens, mais on est fermes sur les objectifs ici, tandis qu'en Europe c'est plus rigide. Donc, le cadre est plus rigide et il y a moins de négociations. Est-ce que je comprends?

M. Gautrais (Vincent) : Je ne sais pas si c'est exactement ça. Je crois juste qu'on a un rapport au droit qui est un peu différent. On a un rapport à la vie privée qui est un peu différent. Et tout ça nous amène à des... face à une situation donnée, à des traitements qui sont un peu distincts.

M. Jolin-Barrette : Mais je vous ramène, tout à l'heure, à ce que vous avez dit. L'État a deux rôles, soit un rôle de régulateur ou... quel rôle...

M. Gautrais (Vincent) : De guide.

M. Jolin-Barrette : Pardon?

• (16 h 50) •

M. Gautrais (Vincent) : Un rôle de guide.

M. Jolin-Barrette : De guide, c'est ça. Donc, lequel devrait-on favoriser? Et le projet de loi que nous avons, le projet de loi n° 64, est-ce que vous pensez qu'il fait la part des deux?

M. Gautrais (Vincent) : Avec égards, je crois qu'on pourrait augmenter l'aspect guide. Je pense qu'on pourrait mettre en place, que ce soit par la CAI ou par une autre institution, je ne sais pas... mais un pouvoir d'identifier les normes applicables. Encore une fois, des normes ISO, en matière de gestion des données personnelles, il y en a déjà, mais on pourrait avoir une instance qui va taguer... excusez-moi, vous êtes responsable de la langue française aussi, mais identifier les bonnes pratiques. Comme le dit, d'ailleurs, le projet de loi en matière d'anonymisation, il faut qu'on soit capables d'identifier les meilleures pratiques du... ce n'est peut-être pas du marché, meilleures pratiques qui s'opèrent sur un...

Vous savez, le droit des technologies nécessite, comme vous êtes en train de le faire, en fait, des principes qui apparaissent dans les lois, mais, après, dans la mise en application, très souvent, il faut référer à des normes plus techniques, mais qui ont un rôle. Et, actuellement, que ce soit dans le domaine de la vie privée, que ce soit dans le domaine de la sécurité, malheureusement, ces normes techniques ont trop tendance à passer sous le radar du droit. Elles sont imposées par des ingénieurs, par des informaticiens. Mais je pense qu'il y a un regard qui doit être opéré, et notamment par les représentants des citoyens que vous êtes.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je vous ramène au début, début de votre intervention. Vous disiez : Bon, la longueur des contrats ou, bien, en fait, du consentement, sur le Web, dans le fond, il n'y a pas de limite, là. Les contrats ont des pages, ont des pages, ont des pages. Ça a pour effet, dans le fond, que le citoyen, un, ne lit pas, et consent, et il ne sait pas à quoi il consent. On a eu des intervenants qui nous ont dit : Bien, écoutez, vous devriez demander le consentement à toutes les fois d'une façon expresse. Le milieu des affaires dit : Bien, vous ne devriez pas demander tout le temps le consentement, juste lorsque c'est vraiment nécessaire. D'autres, ils disent : C'est par bloc. Comment on fait, là, pour s'assurer que les citoyens sachent véritablement à quoi ils consentent? Comment est-ce qu'on fait pour changer la structure aussi, de dire : Bien, vous ne devriez pas pouvoir emmagasiner toutes les données des citoyens si ce n'est pas nécessaire de le faire, là? Comment est-ce qu'on trace la ligne, là, à travers ça?

M. Gautrais (Vincent) : Alors, je ne pense pas qu'il y ait une solution universelle. Par exemple, dans le domaine de la santé, parce que ça nous intéresse directement, souvent, les citoyens ont un intérêt véritable à savoir ce à quoi ils consentent. Mais, dans des situations classiques, d'utilisation d'un site classique ou d'une plateforme classique, effectivement, les rajouts que l'on trouve dans les propositions, où on dit : À chaque fois, pour chaque fin, nouvelle fin, il faut un nouveau consentement, je crois que c'est une perte de temps... ah! c'est une perte de temps, c'est-à-dire, c'est une illusion, effectivement, que les personnes vont véritablement lire tout ça.

Alors, effectivement, on peut avoir un peu de souplesse. Et je sais que vous allez l'entendre, je pense, la semaine prochaine. Mon collègue Pierre Trudel, par exemple, considérait qu'on devait reconsidérer la notion de finalité, qui est une base dans les principes de vie privée. Pour lui, on pourrait, en fait, élargir la notion de finalité dès lors que la finalité est conforme aux intérêts de l'individu ou n'est pas contraire, plutôt, à ses intérêts. Il y a des moyens peut-être de moduler. Je ne suis pas tout à fait persuadé, un peu comme Pierre Trudel, que le fait d'identifier fin par fin soit un élément qui va aider à s'assurer...

Donc, il y a ces éléments-là. Et puis, je vous dis, c'est, encore une fois, parce que le Québec a déjà utilisé ces processus... Moi, je pense qu'il faut améliorer... enfin, augmenter, pardon, les hypothèses où le consentement n'est pas requis, comme les ententes de communication l'autorisent déjà. Et le projet de loi rajoute... J'ai identifié deux nouvelles situations, la recherche et les données qui vont à l'étranger, mais je pense qu'il y a d'autres situations où, notamment, quand le consentement est illusoire, on pourrait rajouter cette hypothèse-là. Ça, c'est une solution très concrète.

Peut-être que... Assurément, la CAI sera en mesure de vous répondre, parce que je ne sais pas comment ça se module, comment eux reçoivent ces éléments-là, comment ils gèrent ces éléments-là. Mais, actuellement, dans le droit actuel, les hypothèses, donc, sous ces ententes de communication sont vraiment des éléments qui sont beaucoup trop précis. En fait, c'est des hypothèses qui sont très circonstanciées et qui, dans le fait, ne touchent pas la majorité des fois où les personnes signent de tels contrats. Donc, je pense que les ententes de communication, c'est une voie, en lisant les lois actuelles et en lisant le projet de loi, qu'on pourrait étendre dans un plus grand nombre de situations.

Le Président (M. Bachand) : M. le député...

M. Gautrais (Vincent) : Sinon...

Le Président (M. Bachand) : Allez-y, M. le professeur.

M. Gautrais (Vincent) : Si vous permettez, puis ça peut paraître très farfelu, mais l'Europe, dans les premières versions du RGPD, avait développé l'idée des contrats images ou des contrats sons, donc, de rajouter des images dans des contrats. Et moi, j'ai déjà travaillé sur un projet de recherche pour appliquer ça dans le domaine de la consommation. Personnellement, j'y crois, surtout au regard du taux d'analphabétisme, malheureusement, qui sévit. C'est une idée toute bête. Un auteur américain prétend d'ailleurs que l'écran est un support qui va très bien aux images et beaucoup moins au texte.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Saint-Jean, s'il vous plaît.

M. Lemieux : Oui, avec combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Bachand) : Six minutes.

M. Lemieux : Merci. C'était passionnant, la partie sur le droit de l'informatique, mais je vais rester dans la ligne du ministre, parce que je relisais, avant que vous arriviez, des extraits de ce que vous avez dit aux Affaires, où vous disiez que «le consentement — c'est de ça dont on parlait — représente un mauvais outil de protection des données personnelles, car il suppose que les individus peuvent tous comprendre ce qu'ils acceptent, ce qui est loin d'être le cas». Et, un peu plus loin, vous expliquez que c'est vraiment avec des sanctions importantes pour les entreprises qu'on peut arriver à avoir un équilibre.

Ma question, M. Gautrais. Est-ce qu'on a l'équilibre, dans le projet de loi n° 64, par rapport à ce qu'on demande aux entreprises, pour ce qu'on a de besoin que les individus, les citoyens, les consommateurs puissent obtenir sans même le savoir ou le vouloir?

M. Gautrais (Vincent) : Alors, si vous m'amenez sur la question des sanctions, j'ai trouvé que 2 %, 4 % était un trop grand copier-coller du règlement européen. Mais, en revanche, l'idée de sanctionner davantage, je ne me souviens plus des montants qui existent actuellement, ça, ça m'apparaît évident. Et puis, vous savez, 2 %, 4 % me faisait sourire dans le sens... Je trouvais que c'était vraiment un copier-coller, mais, je pense, c'est 10 millions ou 25 millions. Ça m'apparaît raisonnable.

Encore une fois, ce projet de loi prend la vie privée au sérieux. Et je sais que ça a été un débat, hier, avec certains partenaires de l'industrie, même l'hypothèse d'avoir une sanction de 25 millions n'est pas quelque chose qui va faire partir les entreprises dans d'autres juridictions. Donc, je pense que, sur le plan des sanctions, l'importance qui est mise sur le fait qu'en fait, comme toute loi, qui dit infraction dit punition, ça m'apparaît dans la logique des choses. C'était plus sur le 2 %, 4 % que j'avais quelques doutes, mais, sur les 10 et 25 millions, je n'ai pas... ça m'apparaît très bien.

M. Lemieux : De toute façon, on pourrait probablement dire, si on oublie que, depuis six mois, on est devenus hyperlocal, que, dans le monde global dans lequel on vit, tout ce qu'on fait, c'est qu'on ramène la barre pas mal tout le monde à la même place, là. D'ailleurs, c'est un des principes du projet de loi, où on dit qu'on va avoir une sorte de tiers pays sûrs avec lesquels on va pouvoir avoir de l'échange d'informations, puisqu'ils vont respecter ce que nous, on promet aussi de respecter. Donc, la finalité de l'histoire, c'est quelqu'un qui dirait qu'on en fait trop, ou que ça va trop loin, ou que c'est trop comme sanctions. Bien, dans le fond, on ne sera pas mieux ni pire que le reste de la planète.

M. Gautrais (Vincent) : Si vous permettez, je vais faire une comparaison avec le droit de la consommation, la Loi sur la protection du consommateur, qui est une loi aussi qui vise à protéger un type d'individu. Le processus... Donc, les gros changements qui ont eu lieu dans la LPC, en 2006 et en 2009, ont été le fruit d'une collaboration pancanadienne qui a eu lieu en 2000‑2001. Il y a eu une trame générale qui a été faite, qui a été globalement copiée par toutes les provinces, mais, après, le Québec garde ses spécificités.

Et, par exemple, il y a toujours une interdiction... Je prends cet exemple-là, mais parce que c'est propre au Québec. Il y a une interdiction sur la publicité destinée aux enfants, une spécificité québécoise qu'on ne trouve pas dans les autres provinces. Mais, malgré tout, par exemple, la rétrofacturation, on la trouve dans la plupart des autres provinces parce que, justement, c'est des modalités reliées au paiement, où, là, on touche à l'industrie, où c'est très intégré.

Donc, il y a des éléments qu'on peut... sur lesquels on peut s'accoter, et notamment avec nos partenaires du reste du Canada. Après, je pense qu'il ne faut pas non plus se pervertir et, encore une fois, il faut que... C'est du Montesquieu, hein? Il faut que nos lois nous ressemblent. Il faut qu'une loi soit en conformité avec... L'élément qui me vient toujours en tête, c'est notre culture, la culture prend... prise en sens très, très large. Et donc je pense que le fait qu'on ait quelques distinctions avec le droit européen n'empêchera pas, me semble-t-il, qu'il y ait un avis de conformité qui soit un peu plus explicite que...

Ça a été cité dans le mémoire de Me Gratton. En 2015, il y a eu un avis qui, à mon avis, n'était pas un refus de conformité, mais la Commission européenne avait émis un rapport assez condescendant, à mon avis, vis-à-vis du droit québécois actuel. Et je pense que, même si l'Europe est forcément un partenaire important, même si l'Europe établit un standard... je pense qu'il faut quand même garder un lien avec nos spécificités et, notamment, le fait qu'on est moins sensibles sur certains aspects, qu'on est prêts à fonctionner de manière différente.

Donc, c'est une question un peu entre les deux... dont je vous réponds. Je pense, c'est intéressant. Le droit comparé, assurément, est une voie qu'il faut considérer, mais... Et puis, vous savez, Facebook est capable de distinguer des manières de faire. Vous allez aux États-Unis, c'est possible d'avoir la reconnaissance faciale sur les sites Facebook. Ce n'est pas possible en Europe. Donc, à bien des égards, il est possible aussi de demander à ces plateformes... Puis ce n'est pas compliqué, là, l'idée du monde global, c'est vrai, mais le droit, ça reste une prérogative qui vous appartient. Je pense que c'est important de savoir qui nous sommes et qu'est-ce qu'on veut.

• (17 heures) •

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.

Mme Weil : Merci, M. le Président. Je vais vous amener justement sur cette question puis ensuite... des questions plus générales. Vous dites que la reconnaissance faciale était interdite en Europe, donc, avec les grands du Web. Alors, pouvez-vous nous expliquer... Et, quand vous dites... Ça ne veut pas dire qu'on... C'est-à-dire qu'on pourrait imaginer nous aussi aller dans ce sens-là? C'était ça, votre intervention?

M. Gautrais (Vincent) : Oui, c'est qu'on est... Même une entreprise mondialisée comme Facebook, multinationale qui vaut je ne sais pas combien de centaines de milliards ou de milliers de milliards, on est capables de leur demander d'avoir des traitements qui soient distincts d'une juridiction à une autre. Donc, ça se fait déjà. Puis je ne veux pas rentrer dans le détail, parce que c'est une donnée que j'ai lue il y a quelques semaines ou mois, plutôt mois, mais effectivement les Européens ne veulent pas que, quand on... Quand je... Je n'ai pas de compte Facebook, mais, si je mets une photo d'un ami et de moi, bien, qu'on reconnaisse la photo de l'ami, alors que... Google l'autorise. Moi, j'ai un compte Gmail où il reconnaît la face de mes enfants. Eh bien, il y a des possibilités de dépluguer ça dans des juridictions données... dépluguer, excusez-moi, enfin, débrancher ce type de service.

Mme Weil : Bien, je trouve ça intéressant. Non, j'ai été surprise quand, à un moment donné, soudainement, je voyais mon visage, ils ont tiré ça de partout, et de deux de mes filles, parce qu'ils ont vu la ressemblance, et, sans qu'on demande, c'était juste là. Donc, vous dites qu'ici... Est-ce qu'en Amérique du Nord il y a des juridictions qui l'ont empêché?

M. Gautrais (Vincent) : Je...

Mme Weil : Vous ne le savez pas. Parce que vous êtes, donc, directeur d'un centre de recherche, c'est peut-être intéressant de vous poser des questions plus vastes, un peu... L'applicabilité d'un projet de loi qui est ambitieux, évidemment, comme on l'a toujours été, mais d'avoir l'adhésion et la compréhension de tous les acteurs, qui devront comprendre ce qu'on est en train de faire pour les protéger... Je pense que les consommateurs, déjà, sont... bien, on a parlé de consommateurs... les citoyens et les utilisateurs de l'Internet, etc., les gens sont débordés. On a beaucoup parlé de ça hier, justement, puis... débordés, savent pas trop comment se protéger quand on leur pose des questions, puis, pour aller vite, on accepte, mais on ne sait pas ce que ça veut dire, d'accepter, puis on procède. Et qu'est-ce que ça prend... et qu'est-ce que l'Europe a fait pour essayer d'aller chercher, justement, une compréhension de... parce que c'est complexe, et la volonté... une volonté commune de se protéger, mais ce qui veut dire qu'il faut aussi qu'on soit acteurs dans cette protection. On ne peut pas être passifs.

Donc, il y a un minimum d'efforts qu'il faut faire, j'ai l'impression, pour être capables de se protéger. Est-ce que vous avez réfléchi à tout ça? Parce que c'est très technique, ce qu'on est en train de faire. On comprend... parce qu'il y a eu des vols de données dans des cas, vraiment, de criminalité, essentiellement, et c'est très préoccupant, et les gens qui ont eu leur identité volée, bon, ils savent les conséquences de ça, mais, sinon, c'est complexe et c'est sans cesse en évolution. Alors, c'est comme tellement énorme, ce défi-là, qui sont... Donc, je vous pose la question un peu comme ça. C'est un peu philosophique, mais, au-delà de ça, c'est l'application d'une loi dans ce contexte...

M. Gautrais (Vincent) : Écoutez, je suis directeur d'un centre, mais je suis professeur et, forcément, je crois à l'éducation, l'éducation, d'ailleurs, qui n'est pas au niveau universitaire, qui est, sans doute, au niveau scolaire. Moi, j'ai trois garçons qui ont des approches très, très différentes par rapport aux technologies. Certains sont très prompts, d'autres... Mais je suis étonné qu'au secondaire, où ils sont, il y a très peu d'enseignement, en fait, sur ces éléments-là. Donc, je pense qu'il y a un élément culturel qui est évident.

Je pense qu'il y a une sensibilité, quand même, qui est croissante, et puis le projet de loi y participe. Je crois aussi que... Encore une fois, je disais tout à l'heure que l'usager avait beaucoup d'efforts sur les épaules, mais il fait partie du processus, donc, d'où l'intérêt... Moi, j'origine du domaine du droit de la sécurité, et, dans la sécurité, il y a un élément qui est récurrent, c'est que tout le monde est responsable, tout le monde a un rôle à jouer. En matière de carte de crédit, il y a la banque qui a un rôle à jouer, mais aussi le titulaire de la carte qui a un rôle à jouer. Donc, il y a une répartition des responsabilités qui doit être bien établie. Il y a une sensibilité, par l'éducation, qui m'apparaît très importante. Et puis, bien, les parlementaires ont un rôle à jouer, à mon avis, dans les innovations à proposer.

J'entends parler... Je ne connais pas bien le dossier, mais je sais... Je travaille beaucoup, en ce moment, notamment parce que je représente le Canada, sur un groupe de travail ...(/dt :6718) en matière d'identité numérique. Je pense qu'on est en 2020 et effectivement on a besoin, comme semble... Et, comme le Québec semble avoir un rôle de leader sur ces questions-là, je pense qu'on a besoin de passer à des identifiants un peu plus robustes.

Je suis assez vieux. Moi, j'étais en doctorat à la fin des années 90 et, je me rappelle, c'était Jacques Parizeau, à l'époque, qui avait voulu faire un identifiant unique pour chaque Québécois. Pour des raisons de coût, ça n'a pas été fait, mais je pense que, 25 ans plus tard, quand on parle de vol d'identité... Quand on parle de Desjardins, le problème de Desjardins, c'est qu'on peut ouvrir un compte avec un NAS, qui est un outil éminemment peu sécuritaire.

Donc, je crains que ma réponse était elle aussi très éclatée, mais, assurément, c'est à tous les étages... Donc, toutes les parties prenantes que j'ai évoquées, me semble-t-il, ont un rôle à jouer dans une société plus numérique, parce que je suis... J'adore mon sujet d'étude. C'est un... Malgré toutes les choses mauvaises qui tournent autour de ça, nous vivons une époque formidable. Nos enfants vivent une époque formidable, donc, mais c'est un partage qui doit se faire. Le numérique est transversal. Tous les ministères sont concernés.

Mme Weil : J'aimerais vous poser une question sur... C'est-à-dire, les entreprises qui sont venues, je ne sais pas si vous avez pu suivre les discussions, qui représentaient, je vous dirais, surtout les petites et moyennes entreprises, qui ont réagi aux peines, les sanctions et de... pour dire que, écoutez, premièrement, le défi d'être capable de bien protéger, on n'est pas équipés pour faire ça, on n'a pas la formation, etc., et donc plaidé pour un genre d'accompagnement, d'accompagnement pour mieux comprendre, pour les aider à remplir leur engagement. Est-ce que... Je ne sais pas si vous connaissez d'autres systèmes de... si vous êtes capable de comparer. Comment vous réagissez? Comment vous voyez cette notion d'accompagnement? C'est sûr que la réaction, un peu, ici, c'est que, oui, mais la loi, ce sera la loi, de toute façon, d'une manière ou d'une autre, mais que l'accompagnement pourrait être une idée pour les amener à niveau.

• (17 h 10) •

M. Gautrais (Vincent) : C'est un petit peu la fonction de guide que j'évoquais dans mon deuxième point tout à l'heure. C'est peut-être un aspect que je trouve manquant dans ce projet de loi. Donc, l'aspect sanction est présent, mais l'aspect accompagnement, guide est effectivement moins présent. Alors, comment il se matérialise? Encore une fois, la CAI le fait un peu, mais, du fait de ressources qui ne sont pas infinies... Et donc, régulièrement, la CAI fait des lignes directrices en matière de biométrie, par exemple. Donc, ça pourrait être la CAI, à mon avis, qui pourrait proposer des contrats types, des politiques types, identifier les normes qui seraient possibles à suivre.

Pour avoir travaillé avec plusieurs ministères, et puis c'est complètement apolitique, ce que je vous dis là, depuis 20 ans, les gouvernements sont très frileux à se commettre en disant : Telle norme est bonne, telle... Je pense qu'il faudrait un peu... N'ayez pas peur, comme disait Jean-Paul II. Je pense à... Ce serait bien d'identifier, de se commettre un tout petit peu en disant : Écoutez, cette norme est une norme... quand elle est suivie, est intéressante.

Le problème des normes techniques, si je peux me permettre, aussi, c'est que, souvent, elles sont payantes, mais il y a quand même certaines normes qui sont quand même bien suivies et sur lesquelles on pourrait avoir, associé à la CAI ou pas... mais des instances qui identifieraient des politiques types, le type de politique qu'il faudrait avoir en accès libre, ça pourrait... donc, une sorte de travail... La loi demande aux entreprises de documenter. Bien, pourquoi on n'aurait pas un rôle de création de documentation type qui pourrait être offert, dépendamment de la grosseur des entreprises? Ça m'apparaît...

Et puis, sur les peines, c'est vrai que 2 %, 4 %, c'est énorme, mais faisons confiance à l'intelligence des juges, là. J'aurais une PME, là, ils ne vont pas leur donner 10 millions d'un coup, là. Donc, moi, sur cet aspect-là, le 10, 25 millions, encore une fois, ne m'effraie pas.

Mme Weil : Oui, dernière petite question. Est-ce qu'il y a des modèles en Amérique du Nord qui pourraient nous inspirer par rapport à l'accompagnement sur cet enjeu-là, je ne sais pas, dans vos études soit aux États-Unis, soit au Canada, soit au niveau fédéral?

M. Gautrais (Vincent) : Alors, vous avez beaucoup d'organisations, mais marchandes, généralement, qui offrent des contrats types. Surtout aux États-Unis, il y a des organisations qui offrent des modèles qui sont un peu plus précis, moi, que j'utilise ou j'analyse des fois, mais, c'est ça, il n'y a pas de lien direct ou indirect, au meilleur de ma connaissance, avec l'État.

Mme Weil : Très bien. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : Bonjour. D'abord, un retour sur un truc que vous avez dit plus tôt... Bien, merci d'être avec nous. Un retour sur un truc que vous avez dit plus tôt, qui m'a beaucoup intéressé. Vous avez dit : C'est possible, pour des juridictions, d'imposer même à des entreprises qui nous apparaissent géantes et inflexibles... c'est possible, pour des juridictions, donc, d'imposer certaines normes, certains changements. Et vous avez donné l'exemple de l'Europe et de Facebook. Ces plateformes-là peuvent se plier à certaines modifications légales. Est-ce que vous diriez que c'est possible même pour une juridiction de la taille du Québec?

M. Gautrais (Vincent) : Alors, dès qu'on parle de Facebook, Google, et autres, bien, encore une fois, il y a tout l'aspect constitutionnel, là. Dans la mesure où on est dans l'international, je ne sais pas dans quelle mesure ça peut s'appliquer au Québec au regard d'une simple question constitutionnelle, encore une fois, que je ne maîtrise pas. Ceci dit, en faisant ma préparation, il y a eu, dans le cadre d'unobiter, une décision de la CAI qui affirme que oui... que le Québec a la capacité d'agir sur les entreprises multinationales qui font affaire aussi au Québec.

M. Nadeau-Dubois : Parfait. Merci. Sur la question du consentement, vous avez déroulé une série de statistiques, certaines que je connaissais, d'autres qui... dont vous m'avez appris l'existence, qui sont assez troublantes puis assez claires sur le caractère parfois illusoire du consentement. Puis j'ai trouvé ça intéressant quand vous avez dit : Ça sert un peu de... c'est un peu une stratégie pour se décharger des... Puis il y a plein d'acteurs qui se déchargent de leurs responsabilités sur l'individu en disant : Ah! mais il y a consentement, alors qu'on voit bien que, dans l'effectivité réelle des choses, c'est un consentement qui, en majorité du temps, est purement factice, purement formel, mais qui n'a aucune effectivité.

On a parlé de consentement avec les intervenants précédents qui venaient de l'Office de la protection du consommateur puis qui nous parlaient beaucoup de consentement dans un contexte de transaction commerciale. Or, il y a beaucoup de consentements qui sont accordés dans des contextes qui ne sont pas des contextes de transaction commerciale, notamment les médias sociaux. Notamment, le fait d'aller simplement visiter un site Internet, ce n'est pas une transaction. Pourtant, il y a des consentements qui sont demandés aux utilisateurs et il y a récolte de données personnelles.

Comment on encadre le consentement dans ces contextes spécifiques où on n'est pas dans une situation de transaction commerciale? Par exemple, moi, si je fais une recherche Google, Google collecte des données sur où je suis dans l'espace pendant que je fais cette recherche, sur quel lien je clique, jusqu'où je descends dans la page, etc.

M. Gautrais (Vincent) : Parce que vous avez accepté.

M. Nadeau-Dubois : Parce que, soi-disant, en tout cas, formellement, on dit que j'ai accepté. Comment on encadre par le droit ce type de consentement là?

M. Gautrais (Vincent) : J'ai critiqué le droit européen. En droit français, sur la base des clauses abusives, plusieurs contrats de médias sociaux ont été... ou de fournisseurs d'accès Internet ont été complètement refaits. Donc, le bon vieux Code civil, à mon avis, serait susceptible de s'appliquer en sachant que, puis ça, j'imagine, les gens de l'OPC vous l'ont déjà dit, on a déjà eu des jugements qui considéraient, en fait, que, même si Facebook n'a rien à vendre, ça reste une relation de consommation, et donc les dispositions applicables sont susceptibles de s'appliquer. Donc, il y a... Il peut... On peut contraindre par le droit, par les clauses abusives, par les clauses qui sont incompréhensibles, 1436 du Code civil, mais, dans une certaine mesure, je crois qu'à date les meilleurs résultats ont été faits via des négociations, et comme un petit peu l'a fait le commissariat fédéral, où certaines clauses qui étaient problématiques ont été négociées.

Donc, à certains égards, c'est presque plus une réponse politique, si je puis dire, de négociation des organismes de contrôle avec ces multinationales qui ont des... Le problème, actuellement, c'est qu'avec nos juridictions, puis ce n'est pas uniquement le Québec, mais nos juridictions centrées sur le consentement, eh bien, c'est exactement ce que Facebook veut entendre. Donc, ça impliquerait un changement de paradigme assez conséquent, qui ne devrait évidemment pas être uniquement la voix du Québec. Il faudrait que ce soit quelque chose de pas mal plus... Alors, je dirais, sur le plan juridique, malheureusement, c'est long, c'est des processus qui sont compliqués.

M. Nadeau-Dubois : Et l'idée d'utiliser les incitatifs financiers pour peut-être contraindre certaines pratiques de collecte abusive, si ce n'est pas le droit, la réponse, est-ce que ça peut être par, en fait, des désincitatifs financiers qu'on pourrait restreindre certaines pratiques commerciales abusives... bien, certaines pratiques de collecte de données qui sont abusives ou qui ne sont pas nécessaires?

M. Gautrais (Vincent) : Je ne sais pas, sans doute. Si je peux me permettre, dans les années 80, et c'est une prof de l'Université Laval qui avait négocié, si je puis dire, avec des gens de l'OPC, avec des gens de l'industrie, avec les banques et Mme L'Heureux, on avait négocié... On avait offert des contrats types en matière de cartes de crédit. Les cartes de crédit arrivaient sur le marché. Et, au départ, c'est moins vrai maintenant, mais toutes les clauses... tous les contrats de cartes de crédit, quelles que soient les banques, étaient basés sur cette même structure. On avait un contrat type qui faisait une page et qui était... Il y avait eu une approche collective, en fait, à une relation contractuelle entre une banque et un titulaire de carte. Je ne sais pas dans quelle mesure on serait en mesure de faire ça. Encore une fois, l'internationalité de ces structures rend cette négociation un peu complexe.

M. Nadeau-Dubois : Est-ce que vous... ah!

Le Président (M. Bachand) : Pr Gautrais, malheureusement, c'est tout le temps qu'on a. Pr Gautrais, merci beaucoup d'avoir été avec nous cet après-midi.

Sur ce, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, 24 septembre, à 12 h 10. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 17 h 18)

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