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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le jeudi 27 août 2020 - Vol. 45 N° 89

Consultations particulières et auditons publiques sur le projet de loi n° 45, Loi concernant principalement la nomination et le mandat des coroners et du coroner en chef


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Table des matières

Auditions (suite)

Collège des médecins du Québec (CMQ)

Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ)

Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ)

Intervenants

M. André Bachand, président

Mme Geneviève Guilbault

M. Mathieu Lévesque

M. Jean Rousselle

Mme Marie-Claude Nichols

M. Donald Martel

*          M. Mauril Gaudreault, CMQ

*          M. Guy Morissette, idem

*          M. Bertrand Bolduc, OPQ

*          M. Patrick Boudreault, idem

*          Mme Kathy Baig, OIQ

*          M. François-Xavier Robert, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures cinquante minutes)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bon matin. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte et je demande, bien sûr, à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la petite sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 45, Loi concernant principalement la nomination et le mandat des coroners et du coroner en chef.

Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Lamothe (Ungava) sera remplacé par M. Allaire (Maskinongé); M. Tanguay (LaFontaine), par M. Rousselle (Vimont); et Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), par Mme Nichols (Vaudreuil).

Auditions (suite)

Le Président (M. Bachand) : Ce matin, nous allons recevoir deux groupes, dont l'Ordre des pharmaciens du Québec, mais nous allons débuter avec le Collège des médecins, que je salue. Je leur souhaite la bienvenue, les remerciant de participer à la commission. Donc, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation, après ça nous aurons un échange avec les membres de la commission. Alors, bienvenue, et la parole est à vous. Merci.

Collège des médecins du Québec (CMQ)

M. Gaudreault (Mauril) : Merci, M. le Président. Bonjour. Je suis accompagné aujourd'hui... je suis Mauril Gaudreault, président du collège, et je suis accompagné du Dr Guy Morissette, qui est administrateur au conseil d'administration du collège et président de notre comité sur les activités médicales partageables. Dr Morissette est également médecin de famille et agit comme coroner dans la région de l'Outaouais.

Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les parlementaires, simplement rappeler la mission du Collège des médecins, qui est de promouvoir une médecine de qualité pour protéger le public et contribuer à l'amélioration de la santé des Québécois. Le collège vous remercie de lui permettre de vous présenter ses réflexions concernant le projet de loi n° 45, la Loi concernant principalement la nomination et le mandat des coroners et du coroner en chef. Nous vous avons fait parvenir notre mémoire. J'insisterai, dans cette allocution courte, sur les éléments qui nous apparaissent essentiels.

Nous voulons tout d'abord exprimer notre accord avec les objectifs du projet de loi, qui reconnaît et réaffirme le rôle essentiel des coroners pour la sécurité de la population. Cette démarche permet non seulement de rehausser l'indépendance des coroners, mais également d'améliorer la gestion de leur travail, de réduire certains délais et d'assurer un meilleur suivi des recommandations contenues dans leurs rapports. À plusieurs égards, le travail du coroner et l'expertise médicale sont complémentaires et incontournables pour établir des conclusions sur les causes et circonstances des décès. Estimant qu'un partenariat solide ne pouvait qu'être bénéfique, le Collège des médecins du Québec et le Bureau du coroner se sont engagés dans une collaboration permettant une cohérence dans la réalisation de leur mandat respectif, à savoir la protection du public et de la vie humaine.

Depuis quelques années, des travaux communs ont été amorcés par le collège et le Bureau du coroner afin de permettre le déploiement d'activités pour répondre à l'ensemble des besoins de la population. Pour le collège, ce projet de loi offre l'opportunité non seulement de réaffirmer le rôle des coroners, mais également de permettre l'exploration de solutions permanentes aux principaux enjeux identifiés, notamment en matière de recrutement des coroners, et d'améliorer les moyens disponibles dans l'investigation des causes de décès.

À ce sujet, l'examen du cadavre constitue un élément déterminant dans la recherche des causes de décès. Le collège considère que cet examen est une activité médicale. En vertu des pouvoirs qui lui sont confiés, «le coroner peut procéder ou ordonner qu'il soit procédé à l'examen ou à l'autopsie d'un corps ou à une expertise». Si on considère le libellé de cette disposition, il est logique de croire que l'intention du législateur était ici de circonscrire le pouvoir de procéder à un examen attribué à un coroner médecin ou celui d'ordonner un examen attribué à un coroner non médecin. Or, les effectifs et la pratique des coroners soulèvent actuellement des interrogations quant à l'organisation de leur travail. Selon les informations transmises par le Bureau du coroner, les effectifs sont partagés entre autour de 40 % de coroners médecins et plus de 60 % de coroners juristes. Il peut parfois donc s'avérer délicat de requérir la collaboration des médecins exerçant dans des centres de santé, ce qui veut dire transport du cadavre à l'établissement pour l'examen ou encore de demander à des médecins du territoire de se déplacer pour procéder à l'examen du cadavre.

Dans un contexte de pénurie de ressources, comment s'assurer que cet examen est réalisé dans les règles de l'art et comment mobiliser les ressources compétentes qui sont disponibles, toujours dans le souci de mieux servir la population? Il importe, bien sûr, que la personne qui réalise l'examen du cadavre ait les compétences suffisantes pour identifier les indices qui mèneraient à une poursuite de l'investigation ou à une enquête. Il ne faut pas minimiser, bien sûr, la précision de cette évaluation, compte tenu de l'importance des répercussions pouvant en résulter.

L'une des solutions serait de privilégier l'apport de professionnels de la santé qui ont déjà une formation de base, dont les activités permettent l'évaluation d'une condition physique et qui possèdent les compétences en matière d'examen physique. Deux possibilités s'offrent alors : considérer la nomination à titre de coroner de professionnels autres que les médecins et les juristes — à titre d'exemple, les infirmières, les physiothérapeutes, les ergothérapeutes sont des gens habilités à effectuer certaines conditions médicales; une autre option serait de faire appel aux services de ces mêmes professionnels compétents pour qu'ils procèdent à l'examen du cadavre.

À l'instar de l'ouverture que le collège a manifestée au cours de la dernière année et demie dans le réseau de la santé, nous serions très favorables à la première option. Cette orientation constitue notre principale recommandation. Cela pourrait se faire par une modification du Règlement sur les critères et procédures de sélection des personnes aptes à être nommées coroners, de sorte que certains professionnels de la santé dont les activités réservées permettent l'évaluation de la condition physique d'une personne soient aptes à être nommés coroners.

Notre deuxième recommandation concerne les prélèvements requis pour une expertise ordonnée par un coroner mentionnés à l'article 21 du projet de loi. Si nous saluons l'initiative du législateur de permettre à tout professionnel habilité d'effectuer des prélèvements, nous suggérons d'ajouter les personnes titulaires d'un permis en thanatopraxie, dont l'exercice est visé par des normes et des conditions précisées au Règlement d'application de la Loi sur les activités funéraires. À l'image des professionnels de la santé formés et compétents, ces personnes, à notre avis, possèdent les connaissances nécessaires en matière de prélèvement lors de la prise en charge du cadavre. De plus, la présence de thanatologues sur l'ensemble du territoire du Québec pourrait réduire les délais pour procéder aux prélèvements dans certaines régions.

Troisièmement, dans les conditions devant être signalées au coroner, nous recommandons d'ajouter, à l'instar de l'Ontario, les décès maternels survenus dans le cadre d'une grossesse ou dans les 42 jours suivant l'accouchement. En effet, dans ces situations que nous surveillons étroitement avec nos partenaires, non seulement devons-nous connaître le nombre de décès maternels, mais aussi les facteurs qui les provoquent, pour mieux les prévenir.

Quatrièmement, concernant la disposition des organes ou tissus prélevés à l'article 22, nous suggérons de retirer cet article, dans la mesure où d'autres dispositions légales encadrent cet enjeu et que l'objectif poursuivi ne nous semble pas clair.

Enfin, quant au suivi des recommandations du coroner, nous saluons les dispositions proposées pour vérifier leur application. Toutefois, dans le cas des ordres professionnels, certaines dispositions du Code des professions, notamment la confidentialité du dossier d'enquête du syndic, pourraient être prises en compte en ajoutant les termes «dans le respect des lois applicables» au libellé actuel de l'article 28.

Voilà. En conclusion, le Collège des médecins vous remercie de lui avoir permis de partager ses réflexions. Nous souhaitons également exprimer au Bureau du coroner et à l'ensemble des coroners notre entière collaboration dans la réalisation de leurs mandats essentiels à la protection du public. C'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci infiniment, Dr Gaudreault. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme Guilbault : Oui, merci. J'ai combien de temps?

Le Président (M. Bachand) : 17 minutes.

Mme Guilbault : Oui, bonjour. Merci beaucoup. Merci encore d'être ici, messieurs. Bonjour à tout le monde, d'ailleurs. Rebonjour, pour la plupart, on était ensemble hier. Alors, c'est très, très intéressant, ce que vous venez nous dire, qui reflète le mémoire qu'on avait, les recommandations et qui fait écho à des discussions, comme on se le disait tout à l'heure, de longue date entre le collège et le Bureau du coroner, entre autres, sur toute la question de l'ouverture à d'autres professions.

Quand je parle d'ouverture à d'autres professions, moi, j'ai en tête l'ouverture pour devenir coroner. Donc, je ne sais pas si on parle exactement de la même chose. Vous, vous parliez plus spécifiquement d'ouverture à la possibilité de faire des examens externes et des prélèvements. Est-ce que vous voyez, du même souffle, que ces personnes-là pourraient devenir coroners aussi, comme tel, ou est-ce que ce serait plus juste une expertise, une sous-traitance, finalement, des examens externes ou des prélèvements?

• (11 heures) •

M. Gaudreault (Mauril) : Bien, quand je parlais de deux possibilités qui s'offraient à nous puis que je disais la première possibilité, la première option, pour nous, c'était vraiment de faire en sorte que les professionnels, entre autres, soient nommés coroners, les professionnels mentionnés soient nommés coroners. C'est ça, notre première recommandation, finalement, notre première... cette option que d'autres...

Écoutez, moi, au risque de me répéter, ça fait un an et demi que... ça fait près de deux ans que je suis le président du Collège des médecins du Québec, mais, depuis un an et demi, je pense qu'on a démontré beaucoup, beaucoup d'ouverture à la collaboration avec d'autres professionnels. Pourquoi on a fait ça? À mon avis, le Collège des médecins ne peut pas, seul, participer à l'amélioration du service de santé au Québec, du réseau de la santé, il doit le faire avec les autres professions. Donc, c'est dans la même philosophie, dans la même manifestation d'ouverture. Ce n'est pas juste Mauril Gaudreault qui dit ça, là, c'est le Collège des médecins du Québec et son conseil d'administration, par rapport à s'ouvrir aux autres professionnels pour que tous ensemble, nous puissions contribuer à l'amélioration des services de santé et du réseau, et ça va dans le sens de cette recommandation-là, cette même philosophie.

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

Mme Guilbault : Oui, une ouverture que je salue énormément, d'ailleurs, parce que, moi, c'est dans mon intention. Je l'ai dit hier, en ce moment, dans le... C'est parce que c'est sûr que l'ouverture à l'éligibilité d'autres professions, ça va faire partie d'un règlement, comme vous dites, la modification du règlement sur les personnes aptes, qui n'est pas dans le projet de loi comme tel. Ça fait qu'on en parle quand même ici, même si ça ne touche pas le projet de loi, parce que je pense que c'est d'intérêt public d'avoir ces conversations-là sur les professions qui devraient être éligibles à la profession de coroner. En ce moment, il est dans mon intention — on est en élaboration des modifications réglementaires — d'ajouter trois professions, dont les infirmières, que vous notiez, les pharmaciens, qui vont vous suivre, d'ailleurs, tout à l'heure, et les ingénieurs. En ce moment, c'est mon état d'esprit. Et donc, là, je vois que vous, vous proposez d'autres professions. C'est logique, mais c'est la première fois que j'entends parler... puis peut-être qu'il y a eu des discussions dont je ne faisais pas partie, mais c'est la première fois que j'entends la suggestion pour les thanatologues, pas pour être coroners, mais pour faire des...

M. Gaudreault (Mauril) : C'est ça, pour faire des prélèvements, oui.

Mme Guilbault : Vous, dans le fond, vous proposez qu'ils fassent plus les prélèvements, les examens externes. Parce qu'en fait vous disiez, toujours dans l'idée d'économiser des transports de dépouilles, si on pense surtout avec le constat de décès à distance... comme ça, tu évites un aller-retour à l'hôpital ou dans une morgue et puis tu te fais examiner directement chez la maison funéraire. Je trouve qu'il y a une logique derrière ça. Je vous le dis spontanément, là, je vais devoir y réfléchir. Puis je vois mon ami, des fois, qui sourit quand je me mets, comme ça, à dire : Ah! c'est bon, c'est une bonne idée, on va voir. Mais il faut quand même évaluer les tenants et aboutissants, mais je trouve que c'est une bonne idée. Puis c'est vrai que les connaissances anatomiques, puis tout ça... Ce n'est pas fou, ce n'est pas fou.

Vous savez qu'en ce moment l'idée du Bureau du coroner, c'est justement de faire en sorte qu'on donne la formation à tous les coroners pour pouvoir faire les examens externes et les prélèvements. Les médecins le faisaient, maintenant, ils étaient en train de former les juristes, mais ils vont devoir éventuellement former les autres aussi qui deviendraient éligibles. Donc, vous, je comprends que la position du collège, c'est une aisance totale avec cette ouverture-là de ce qui est un acte médical aux autres professions.

M. Gaudreault (Mauril) : Oui, tout à fait, une aisance totale à regarder ça avec les autres professions en question puis avec vous, là. Mais, oui, notamment pour ce qui est de l'examen, tu sais, je pense que les professionnels mentionnés — puis j'ai parlé des infirmières, ergothérapeutes, physiothérapeutes — peuvent procéder à un examen physique. Donc, je pense que ce serait pertinent, puis approprié, et, à mon avis, utile, pour ce qui est d'une utilisation optimale des ressources au Québec, de les inclure dans la possibilité de faire ce travail.

Mme Guilbault : O.K. Un autre petit point sur lequel j'aimerais vous entendre, c'est l'article... bien, en fait, c'est les articles 24 et 30, sur la modification, là, de l'accès au... ce qu'on appelle les annexes. Et là on inclut... je le cherche en même temps que je vous parle pour vous lire la bonne chose, on inclut maintenant qu'on peut permettre... après consultation du Coroner en chef, on peut permettre que soit consulté, en cours d'investigation, plutôt que d'attendre forcément à la fin du rapport, comme c'est le cas en ce moment pour les annexes... en cours d'investigation, «à un médecin qui établit [...] que ces documents sont nécessaires à des fins de prévention ou de dépistage de maladie auprès d'un membre de la famille de la personne décédée». Ça, je trouve ça très intéressant.

Est-ce qu'à votre connaissance c'est une situation qui s'est vécue souvent ou est-ce que c'est un problème qui s'est vécu souvent, d'une famille qui a été obligée d'attendre trop longtemps alors qu'un médecin soupçonnait qu'il pouvait y avoir quelque chose d'héréditaire, ou de congénital, ou, tu sais, qui pourrait guider à la prévention, peut-être le même problème chez un autre membre de la famille?

M. Gaudreault (Mauril) : Vous aurez compris que moi, je n'ai jamais été coroner, mais ce suis accompagné de quelqu'un qui l'est, donc je vais lui donner la parole.

Le Président (M. Bachand) : Dr Morissette, s'il vous plaît

M. Morissette (Guy) : Merci. Merci, Mme la ministre. Merci, M. le Président. Vous dire que c'est fréquent, non, je ne pourrais dire que... Là, je parle d'expérience personnelle, là, si on veut, ce n'est pas arrivé si souvent que ça, ces situations-là. Je pense que d'avoir ça comme outil dans la boîte à outils, tu sais, du coroner, de pouvoir, justement, tu sais... pour la sécurité de la population, puis tout ça, d'avoir recours à cet élément-là, c'est utile. Mais pour dire que c'est fréquent, non, je ne peux pas dire que c'est fréquent.

Mais je ne vois pas, par ailleurs, d'obstacle à ce que ça puisse être disponible dans la boîte à outils. Je pense que le coroner doit avoir plusieurs outils, O.K., plusieurs mécanismes, plusieurs éléments pour lesquels il peut mieux protéger le public puis, tu sais... Alors, s'il y a une circonstance qui fait que ça doit être utilisé puis il doit avoir recours à ça, bien, bien sûr. Si c'est légiféré puis on est corrects à ce niveau-là, ça serait utile. Mais je vous dirais que ce n'est pas si fréquent que ça dans l'expérience que moi, j'ai et que j'ai pu partager avec des collègues coroners au cours des années.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Guilbault : Oui, merci. Est-ce que vous... Vous parliez aussi de signaler les décès maternels. Est-ce que ça, pour vous, c'est parce que... Parce que, moi, dans ma tête, je me dis, un décès maternel, c'est sûr que ça peut être une cause naturelle, là, par exemple, une infection, un choc septique puis, bon, des choses comme ça, mais est-ce que... même si la cause est naturelle puis diagnosticable facilement d'un point de vue scientifique, est-ce que, selon votre connaissance... puis peut-être encore Dr Morissette, comme vous travaillez aussi dans le milieu de la santé... bien, vous aussi, d'ailleurs, là, mais vous avez été coroner.

M. Morissette (Guy) : Tous les deux, oui.

Mme Guilbault : Est-ce que c'est dans la culture du personnel médical, ou des médecins, ou des infirmières, soignants d'avoir le réflexe, quand même, de signaler au coroner dans le moindre doute? Dans le sens où, oui, on peut dire : La personne avait une infection, elle en est décédée, mais est-ce que c'est normal qu'elle ait eu cette infection-là, qu'on ne l'ait pas venu venir, qu'on ne l'ait pas traitée à temps? Tu sais, quand tu viens d'accoucher, normalement, il y a un suivi, là, qui doit se faire, puis il y a des signaux d'alerte, ça fait que, si tu finis par en décéder, dans ma tête, les motifs de signalement actuellement prévus dans la loi justifieraient un signalement ou, en tout cas, dans le doute, plutôt signaler que ne pas signaler au coroner.

Alors, est-ce que vous, vous avez... Est-ce que vous êtes d'accord que ce réflexe-là est déjà possible par la loi actuelle? Et est-ce que vous avez observé des cas où vous avez eu un malaise de constater qu'il y aurait eu des décès non signalés qui auraient dû être signalés, selon vous, maternels, là?

M. Morissette (Guy) : Merci, Mme la ministre, de la question. Je vous dirais, de base, il n'y a pas le réflexe de la part de la communauté médicale de signaler et de penser au coroner. Quand on parle d'un décès maternel, il y a toujours beaucoup de... C'est très chargé, un décès maternel. Les gens ont souvent l'impression... les gens, je vous dirais, les professionnels, dont les médecins, ont toujours l'impression... C'est particulier, ils marchent... tu sais, c'est précaire, et ils n'auront pas nécessairement... À moins d'une mort violente, là, tu sais, des circonstances, tu sais, qui relèvent, de façon traditionnelle, tu sais, d'un avis au coroner, je vous dirais que ce n'est pas un réflexe. C'est d'ailleurs pour ça qu'il y a des travaux qui sont faits, déjà, depuis que le collège est impliqué, depuis plusieurs années, dans... à voir... parce qu'on juge, on estime que c'est extrêmement important puis que c'est... Tu sais, quand on parle encore de protection du public, protection, tu sais, de la vie humaine, alors on sent qu'il y a un point de jonction à cet égard-là puis on devrait aller plus loin.

Alors, déjà, le bureau du... le Collège des médecins travaille sur une espèce de procédure ou règlement qui nous permettrait de pouvoir avoir des leviers puis regarder dans ces situations-là. Mais je vous dirais que la déclaration au coroner, déclaration obligatoire, comme les morts violentes et les autres, identité inconnue, et tout ça, ferait... ajouterait à cet égard-là. Mais je vous dirais que ce n'est pas dans l'instinct des comités hospitaliers, au Collège des médecins, de penser tout de suite au coroner. On y pense de plus en plus, les gens qui discutent de ça, qui ont mis ça sur la table depuis quelques années, mais d'avoir un avis obligatoire, comme... parce que ça porte... c'est un peu comme les décès en garderie, c'est un peu comme les décès dans les milieux... dans les pénitenciers. Souvent, c'est des morts naturelles, mais c'est tout ce qu'il y a autour, hein? On n'est plus dans la cause de décès, on est dans les circonstances puis on est dans une protection de la vie humaine ou la protection du public, là, quand on parle des deux professions.

Alors, je vous dirais, ce serait très, très aidant d'avoir cet élément-là, puis ça... les gens développeraient des réflexes puis se sentiraient moins challengés, pardonnez-moi l'expression, mais... interpelés, parce que c'est chargé, les décès maternels, tout le temps, il y a toujours beaucoup de charge émotive autour de ça, puis les gens sont toujours un petit peu inquiets, là, quand on traite de ça. Alors, ça nous donnerait le levier de pouvoir... de façon légale, parce que c'est une déclaration obligatoire, de pouvoir traiter de ça.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la ministre.

Mme Guilbault : Quand vous dites «les gens, il y a un malaise», vous parlez de l'équipe soignante?

M. Morissette (Guy) : Je parlerais de la communauté en général, parce que c'est porteur, je veux dire, tu sais, les décès maternels, c'est... il y a des symboles, il y a des symboles par rapport à la famille, par rapport à l'enfant à naître, tout ça. Mais, de façon plus large, je vous dirais que c'est des indicateurs de santé d'une population, tu sais, des décès maternels, tout ça. Alors, c'est très large, la portée de ce qui se passe avec les décès maternels, puis souvent les familles se posent des questions, et tout ça. Alors, quand je dis que les gens... je parle des professionnels et des gens impliqués autour de... disons, le traitement ou l'évaluation des décès maternels. Alors, ce serait, je pense, une belle protection du public à cet égard-là.

• (11 h 10) •

Mme Guilbault : Pour les familles.

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre, oui.

Mme Guilbault : Oui, merci. C'est ça, c'est que, je me disais, pour les familles, c'est un bénéfice, quand il y a un rapport du coroner, parce qu'il y a des gens qui doivent se poser... peut-être pas sur le moment, quand c'est très émotif, mais il peut clairement y avoir des éléments intéressants dans un rapport de coroner pour les survivants à ce type de situation là.

M. Morissette (Guy) : Bien, je suis tout à fait d'accord, comme officier public puis comme... Tu sais, la mission du coroner, tu sais, la protection de la vie humaine, je veux dire, il me semble, c'est quand elle commence, entre autres, je veux dire, tu sais, cette vie humaine là, donc la mère qui porte l'enfant. Alors, je vous dirais, il y a... Nous, on y voit, au Collège des médecins, une grande logique à cet égard-là.

Mme Guilbault : Vous amenez, oui, un bon point, parce qu'on parle du décès de la mère, mais le décès du nouveau-né?

M. Morissette (Guy) : Les décès périnataux sont déjà...

Mme Guilbault : Ils sont déjà signalés.

M. Morissette (Guy) : Il y a déjà des processus qui sont impliqués à cet égard-là, dépendant de la période de gestation où ça s'est produit, puis, disons, autour... tu sais, autour de l'accouchement ou quelques semaines après, alors il y a déjà des mécanismes qui sont très bien développés. Et, contrairement à ce qu'on vous a dit tantôt, qu'il y avait un certain malaise par rapport au décès maternel, par rapport au décès, tu sais... de traiter du décès périnatal, il y a moins d'inconfort, ça se fait... Mais je ne dis pas que, tu sais, ça ne suscite pas des réactions, là, tout ça, mais il y a comme moins d'inconfort à cet égard-là. C'est vraiment au niveau des décès maternels que ça... qu'il y a l'inconfort.

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

M. Morissette (Guy) : Mais les mécanismes sont là, Mme la ministre, à cet égard-là, pour regarder les décès périnataux.

Mme Guilbault : O.K. Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Bachand) : Trois minutes.

Mme Guilbault : Oh mon Dieu! O.K. Juste très, très rapidement, parce que j'aurais un autre point, le 42 jours, il a été fixé sur quelle base, ce nombre-là?

M. Morissette (Guy) : C'est une norme reconnue dans le milieu.

Mme Guilbault : O.K. Et, dernière chose, pourriez-vous éclaircir la recommandation n° 5, en ajoutant «dans le respect des lois applicables»? Qu'est-ce qui, selon vous, est perfectible ou plus difficilement compréhensible? C'est l'article 28.

M. Gaudreault (Mauril) : ...par rapport, je dirais, à certaines particularités du Code des professions, dont, comme je le disais tout à l'heure, la confidentialité du dossier d'enquête du syndic par rapport à cela. Mais ce n'est pas majeur, comme recommandation, là, c'est simplement de faire en sorte que ça soit conforme au Code des professions, puisque nous sommes un ordre professionnel. C'est ça.

Mme Guilbault : Vous voulez dire que le destinataire de recommandation, par exemple, le collège ou autre, doit faire attention à l'information qu'il transmet au Coroner en chef?

M. Gaudreault (Mauril) : C'est ça.

Mme Guilbault : O.K., dans l'optique où ça deviendrait public, cette communication-là.

M. Gaudreault (Mauril) : Oui, c'est ça.

Mme Guilbault : Parfait.

Le Président (M. Bachand) : Il vous reste... Il reste deux minutes, du côté...

Mme Guilbault : Il me reste... Ah! bien oui, parfait. Je vais passer la parole à... Chapleau. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Député de Chapleau, s'il vous plaît. M. le député.

M. Lévesque (Chapleau) : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, Mme la ministre. Bonjour, tout le monde. Peut-être, rapidement... Merci, Dr Morissette, Dr Gaudreault, d'être ici ce matin. Merci d'être venus de l'Outaouais, notre si belle région.

M. Gaudreault (Mauril) : Et moi, je suis venu du Lac-Saint-Jean, moi.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Lévesque (Chapleau) : Du Lac-Saint-Jean. Vous aussi, bon, c'est une bonne route, vous aussi.

J'aimerais peut-être vous entendre sur les délais. On a entendu souvent que ça prenait du temps avant que le coroner, là, livre son rapport. Peut-être que vous, dans votre expérience, Dr Morissette, vous pouvez peut-être nous dire qu'est-ce qui pourrait être fait, qu'est-ce qu'on devrait faire pour améliorer, du moins réduire ces délais-là pour la production d'un tel rapport. Il y a eu différentes propositions, notamment par la Protectrice du citoyen, qui nous disait, peut-être, mettre obligatoire à 180 jours la production de ce rapport-là. Je ne sais pas si vous, par votre expérience, vous avez peut-être une idée pour ça.

M. Morissette (Guy) : Je... pas je pense, j'indique que le Bureau du coroner s'est penché, suite à différents rapports, depuis des années, à trouver comment réduire les délais pour... que ce soit pour les familles... Parce qu'il y a plusieurs conséquences, comme vous le savez tous, à un rapport du coroner, dépendant... que ce soit pour exercer des droits, O.K., je veux dire, pour les familles des gens, tu sais, qui survivent au décès de leur proche ou que ce soit pour toute la compréhension de ce qui s'est vraiment passé puis qu'on veut savoir.

Alors, il y a plusieurs mécanismes. Je me rappelle très bien, tu sais, je vais y aller comme ça, il y a une dizaine d'années, d'un rapport de la Protectrice du citoyen qui disait... Protecteur du citoyen qui disait : Ça n'a pas de sens, puis il faut vraiment qu'on entreprenne des choses. Alors, de dire qu'il y a seulement une solution... et c'est mon avis, là, de dire qu'il y a une seule solution, je pense que c'est réducteur. Je pense qu'il y a plusieurs éléments, il y a plusieurs contraintes dont on n'a pas le contrôle, tu sais, à cet égard-là, mais il y en a d'autres où on a du contrôle. Par exemple, si... là, je vais essayer d'être clair, là, si on attend un rapport de toxicologie, bien, je veux dire, ça, on peut avoir... il y a un levier, à ce niveau-là, je veux dire, qui permet de le faire. Par ailleurs, s'il y a une enquête criminelle, je veux dire, suite à un décès, bien là, il y a un processus à suivre, à cet égard-là, qu'il faut respecter.

Alors, il y a plusieurs, plusieurs idées, il y a plusieurs éléments qui ont été mis sur la table, puis je pense que c'est la somme de chacune de ces... ou, je dirais, de mettre en commun chacune de ces solutions-là. Je pense que c'est plusieurs solutions qui peuvent le faire, mais ça, c'est mon humble avis, là, d'expérience sur le terrain. Puis on l'a vu dans le milieu de la santé aussi, hein? Ces délais-là de rapport d'investigation pour une personne qui n'est pas décédée, là, puis qu'on est obligé d'attendre, c'est terrible pour les familles, c'est terrible pour les personnes, tu sais, dont on a fait... qui a subi l'examen. Alors, il faut travailler à cet égard-là, mais je pense que c'est un processus d'amélioration continue, puis je suis certain que... Je veux dire, je sais qu'il y a des avancées qui ont été faites dans les dernières années à cet égard-là pour réduire les délais, mais c'est une préoccupation majeure, je suis convaincu, là, du Bureau du coroner, du coroner lui-même... tient à ce que ce soit fait.

M. Lévesque (Chapleau) : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Dr Morisette. Merci, M. le député de Chapleau. M. le député de Vimont, vous avez la parole.

M. Rousselle : Merci, M. le Président. Premièrement, bonjour, Mme la ministre, collègues, et merci, toujours, à ma collègue de Vaudreuil de m'accompagner ce matin, Oscar Lescarbeau, qui est notre recherchiste. Des fois, on les oublie, hein, mais ces gens-là qui sont en arrière de nous travaillent très, très, très fort, et on les oublie. Donc, je ne veux pas l'oublier, mais vraiment pas, il nous aide vraiment.

Écoutez, premièrement, merci d'être ici, M. Gaudreault, M. Morissette. Vraiment, merci d'être ici. J'ai regardé vraiment avec attention votre mémoire. Premièrement, félicitations pour votre ouverture, j'ai trouvé ça vraiment intéressant. On en a entendu d'autres qui étaient peut-être moins ouverts que vous, mais mettons que j'ai trouvé ça très rafraîchissant de voir que vous avez une ouverture vraiment marquée. Donc, je voulais juste vous en remercier parce que vous êtes tout de même le Collège des médecins et puis vous êtes tout de même une institution qui est reconnue depuis toujours ou depuis... en tout cas, depuis très longtemps.

M. Gaudreault (Mauril) : En 2022, on va souhaiter... on va fêter notre 150e anniversaire.

M. Rousselle : «My God!» Donc, écoutez, effectivement, ça fait donc très longtemps, mais effectivement vous avez de l'expérience, vous avez de l'expertise, et puis c'est ça qu'on a de besoin ici pour le p.l. n° 45.

Écoutez, je regardais ça, puis toujours dans l'ouverture que vous avez, si on irait... puis, juste, je regarde ça, là, si on permettrait aussi aux détenteurs d'un bac en sciences infirmières de devenir... donc, tous ceux qui ont un bac, parce que ce n'est pas nécessairement... ils ont le bac, mais ils sont peut-être attitrés ailleurs dans les hôpitaux, ou quoi que ce soit, est-ce que vous iriez jusque-là ou vous... Parce que j'ai regardé vraiment, là, vous... Puis, encore une fois, merci d'avoir l'ouverture, là, ce n'est pas ça que je veux challenger, mais pas pantoute, mais je voulais voir jusqu'où vous étiez prêts à aller.

M. Gaudreault (Mauril) : En fait, prêts à aller à l'ouverture à des personnes qui sont compétentes, à des personnes qui sont compétentes pour pratiquer l'examen ou pour pratiquer en tant que coroners. Les professions qu'on a mentionnées à titre d'exemples, là, c'est des personnes qui sont déjà formées pour faire des... pour pratiquer des examens physiques. Donc, je ne dis pas qu'il n'y en a pas d'autres là-dedans, il faudrait regarder ça ensemble, là. Puis nous, on a proposé trois types de professionnels, qui sont les infirmières, les physiothérapeutes et les ergothérapeutes, mais il faudra regarder tous ensemble, là, la possibilité peut-être d'élargir ça à d'autres professionnels. Mais ce que je veux dire par là, c'est qu'on est d'accord pour que ça soit élargi à des professionnels qui sont compétents pour faire tel type de pratique.

M. Rousselle : J'écoutais, tantôt, la ministre parler, justement, qu'elle est prête, aussi, d'élargir jusqu'à l'Ordre des ingénieurs du Québec. Je voulais vous entendre là-dessus, parce que, là, vous parlez des gens... parce que, depuis tantôt, vous parlez des gens qui sont habilités, mais toujours dans le système de la santé, au niveau de regarder les corps, et tout. Donc, un ingénieur n'a peut-être pas cette habilitation-là. Est-ce que... Vous, vous voyez ça comment?

M. Gaudreault (Mauril) : Bien, c'est comme les coroners juristes, qui font appel à des médecins ou d'autres professionnels pour pratiquer l'examen physique du cadavre. Moi, comme Collège des médecins, ce qui me préoccupe, c'est que l'examen du cadavre, qui est une activité médicale et qui le demeurerait, mais quand même que d'autres professionnels pourraient faire, ça soit fait correctement. C'est ça que... Je n'ai aucun problème à ce qu'un ingénieur devienne coroner, mais il va avoir besoin d'un de ces professionnels-là pour pratiquer l'examen physique du cadavre.

• (11 h 20) •

M. Rousselle : Hier, on a reçu l'association, justement, des coroners, là, et ils nous disaient, justement... puis ça, c'est des temps-partiels, là... l'association des temps-partiels, ce n'étaient pas des temps-pleins qui sont regroupés là-dedans, il y a une dame qui semblait à dire comme quoi qu'ils n'ont eu aucune formation, ils apprenaient sur le tas. Vous, est-ce que vous avez réfléchi — puis on a un coroner, ici — peut-être qu'il pourrait y avoir un genre de formation? Parce que c'est sûr que, si on veut être performants puis si on veut vraiment faire des belles... des bonnes recommandations, pensez-vous que... est-ce que vous avez réfléchi là-dessus, que ça serait peut-être intéressant d'avoir une certaine formation qui pourrait être ajoutée, tu sais? Donc, à ce moment-là — là, je vais prendre... parce qu'on va recevoir les ingénieurs tantôt — un ingénieur arrive — je pourrais prendre, justement, un avocat, là, là ça tombe qu'on va recevoir les ingénieurs — est-ce que cette personne-là qui arrive... est-ce que ça serait peut-être bien vu ou ça serait peut-être mieux si cette personne-là aurait une formation adéquate pour vraiment l'aider à faire son travail correctement?

M. Gaudreault (Mauril) : Bien, je reviens avec l'examen physique, c'est ça, la formation, c'est l'examen physique d'un cadavre, et d'autres professionnels de la santé qui peuvent le faire hormis des médecins, donc... Et ce n'est pas une formation sur le tas, là, tu sais, on va s'entendre, là, c'est une formation sérieuse qu'ils ont... acquis les compétences pour faire ce type d'examen physique. Donc, il faudra voir, là, ce n'est pas...

Nous, on émet cette idée, cette proposition, je dirais, d'ouverture à d'autres professionnels de la santé pour faire une activité médicale, mais, pour moi, ça se limite à des professionnels de la santé, la possibilité de faire un tel type d'examen. Je n'ouvrirais pas ça... Puis je ne veux pas du tout, du tout être réducteur par rapport aux ingénieurs, mais ce n'est pas la même chose — comme moi, je n'irais pas faire une partie du travail de l'ingénieur, c'est la même chose — faire une partie du travail du professionnel de la santé. Voilà. Je veux être politiquement correct, là.

M. Rousselle : Oui, il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Bachand) : Dr Morissette, peut-être.

M. Morissette (Guy) : Si vous me permettez, pour compléter, la fonction de coroner, c'est une fonction complexe. Alors, il y a plusieurs éléments dans la fonction de coroner, il y a une expertise, l'examen du cadavre, l'examen de la... ça devient comme une expertise, au même titre, dans ma tête, dans notre tête, que, par exemple, la balistique, que les traces de sang, puis tout ça. Alors, je veux dire, la fonction de coroner, je pense que ce serait... nous, on pense, au collège, que ce serait vraiment très, très positif pour notre société d'élargir les lunettes de regarder l'ensemble d'un décès à autres personnes que des médecins et des juristes. Alors, ça, c'est une partie, il faut distinguer.

Par contre, quand on arrive à l'examen du cadavre, peu importe qui est coroner, je veux dire, quelle est la profession ou ce qu'est la personne qui est coroner, elle doit faire appel à différentes expertises, comme un rapport de... comme une investigation, une enquête policière, bon, tout ça. Alors, nous, on dit... au collège, on dit : C'est un acte médical. Et déjà, depuis quelques années, on sait qu'il y a beaucoup de professionnels de la santé qui ont acquis, que ce soit légalement ou pratico-pratique, de l'expérience à cet égard-là et on pense que... si on élargit le bassin de personnes qui peuvent faire des examens externes, des examens de cadavres à d'autres professionnels de la santé qui ont déjà cette formation-là, bien, je pense qu'on vient de...

Tu sais, je pense que le projet de loi souhaite régler certains problèmes, puis on l'a dit, par rapport au recrutement de coroners, qui est un problème très concret, là, bien sûr. Alors, on pense qu'à cet égard-là, déjà, on aurait une solution. Ce n'est pas empêcher... Il y a des médecins qui sont aussi avocats, ils ont eu une formation puis ils sont capables d'exercer les deux professions, là. Ce n'est pas que les gens ne peuvent pas acquérir des habiletés, mais il y a, déjà là, tout près, un certain nombre de professionnels dans le milieu de la santé qui pourraient exercer déjà puis régler une grosse partie de ce problème-là de recrutement de coroners.

Mais, quand on pense aux coroners en général, qu'on soit médecin ou juriste, je ne peux pas croire, on ne peut pas croire que la seule paire de lunettes pour regarder les problèmes sociaux, pour regarder les impacts... Parce que, là, on est moins dans les causes de décès, on est beaucoup plus... tu sais, c'est un des éléments que doit répondre le coroner, mais il y a de plus en plus de positionnement vis-à-vis la personne qui s'offusque devant un décès, qui dit : Ça n'a pas de sens, qu'est-ce qui se passe. Mais ce n'est pas juste des causes, ce n'est pas juste, tu sais, une trajectoire d'un projectile, ou quelque chose comme ça, c'est beaucoup plus large, maintenant.

Alors, je pense qu'on a besoin de plus de lunettes, maintenant, pour regarder les décès puis pouvoir se positionner, comme société, à améliorer la protection, tu sais, la protection de la vie humaine. Alors, c'est un peu ça qui nous mobilise, beaucoup ça qui nous mobilise, au Collège des médecins, en disant : L'expertise... il ne faut pas faire l'économie de l'examen du cadavre. L'examen du cadavre, il y a des signes, là, pas tout le temps, mais il y a des éléments puis il y a des gens qui sont là pour ça, qui sont déjà formés pour ça, autres que des médecins.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Je vais céder la parole au député de Vimont. M. le député de Vimont, s'il vous plaît.

M. Rousselle : Merci. Écoutez, je vous écoute, puis effectivement je pense que... puis là, je ne sais pas, vous allez pouvoir me dire, par votre expérience de coroner, est-ce que vous avez accès à une équipe multidisciplinaire? Parce que, là, vous parlez, justement... il faut avoir plusieurs lunettes, là, donc... Puis j'abonde dans votre sens, là, je pense que plus il y a des lunettes, plus qu'on va avoir, justement, une meilleure orientation sur les recommandations.

Mais, dans votre équipe actuelle, qu'est-ce qui existe aujourd'hui? Est-ce que vous avez, un exemple, comme des travailleurs sociaux ou est-ce que vous avez, justement, des ingénieurs? Est-ce que vous avez des gens qui... Parce que, je prends un exemple, un accident de la route, sur un tronçon, il y a accident, bien, peut-être que c'est un ingénieur que, lui, va pouvoir venir dire : Bien, la courbe était mal faite, ou peu importe, là. Donc, j'abonde dans le sens des lunettes. Mais actuellement est-ce que vous l'avez, cette opportunité-là, que le coroner peut faire appel à une équipe multidisciplinaire qui fait partie, justement, du Bureau du coroner puis il dit : Bon, bien, O.K., j'ai tel problème, est-ce qu'on peut le regarder en équipe puis en arriver avec une recommandation? Est-ce que ça se fait comme ça ou...

M. Morissette (Guy) : Les ressources existent. Tu sais, il y a certaines ressources qui sont peut-être disponibles, spécifiques à l'activité du coroner lui-même. Tu sais, on parle du laboratoire de... bien là je n'utilise pas le bon terme, mais... Laboratoire de sciences judiciaires, bon, c'est ça, alors, tu sais, il y a des gens qui sont à cet égard-là, mais il y a un accès à différent... les ministères, les différentes instances, institutions qui font des rapports à la demande du coroner ou même de façon spontanée, c'est normal, dans la routine, d'investiguer un accident de voiture, bien, il y a plusieurs enquêtes qui se font puis... à cet égard-là.

Alors, il y a un accès, oui, le coroner a beaucoup, je vous disais tantôt, beaucoup d'éléments dans sa boîte à outils, mais ce qui est... moi, je pense, ce qui est l'essentiel, on parle de vies humaines, l'essentiel revient à la personne décédée. Alors, c'est la preuve, c'est... tout est là, là, dans la preuve. Alors, il faut qu'on conserve... Tu sais, comme je vous disais tantôt, on ne peut pas faire l'économie d'un examen physique, d'un examen du cadavre parce qu'on a des difficultés d'accès à différents professionnels. Je pense qu'il faut élargir... on pense qu'il faut élargir, puis je pense... on pense qu'on a déjà les professions...

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Je passe la parole à la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Merci... pardon, merci, M. le Président. Merci, messieurs, d'être sortis de vos si belles régions pour vous joindre à nous. Je ne veux pas faire de préférence pour une région ou l'autre.

Dans la lignée où mon collègue vous amenait, je me demandais : Avez-vous déjà pensé à la création d'un poste de directeur médical au Bureau du coroner? Est-ce que vous pensez que ça pourrait être quelque chose qui pourrait être utile? Évidemment, là, directeur médical avec les pouvoirs nécessaires autour de ça, mais est-ce que c'est quelque chose qui pourrait peut-être...

M. Gaudreault (Mauril) : Je ne sais pas. Est-ce que ça a déjà été envisagé?

M. Morissette (Guy) : Moi, je ne pourrais pas... je n'ai pas toujours été dans les discussions, là, de corridor ou de réflexion à cet égard-là. Il faudrait voir les fonctions de la personne. Je pense que les gens, actuellement, au Bureau du coroner, tu sais, sont en mesure de voir où sont les besoins, comment les besoins, actuellement, sont moins répondus ou pourraient être mieux répondus. Alors, je pense que les gens au Bureau du coroner pourraient voir ça. Moi... Le titre, c'est intéressant, mais il faut voir c'est quoi, la fonction, puis à quel besoin il répond. Alors, je pense qu'on serait assez mal avisés de dire oui ou non à ce moment-ci.

M. Gaudreault (Mauril) : ...de vous dire puis de vous répéter à nouveau que le Collège des médecins, la communauté médicale, veut participer à l'amélioration de ses services de santé au Québec, mais pas seul, avec d'autres professions, avec d'autres professionnels, avec d'autres partenaires. Donc, si on juge, tous ensemble, qu'il serait approprié, pertinent d'avoir un directeur médical, bien, bien sûr qu'on va être d'accord avec ça.

Mme Nichols : Merci. Écoutez, je posais la question parce qu'un peu plus tôt vous avez dit : On a eu... on a déjà eu des discussions au préalable, on a déjà eu des discussions de corridor, ça fait que je prenais la chance de vous demander si ça avait déjà été envisagé. Je vous salue, d'ailleurs, là, pour la belle ouverture que vous nous présentez, là. Je pense que c'est bénéfique pour tout le monde, cette ouverture-là, ça fait avancer les choses, évidemment.

M. Morissette... Dr Morissette, vous êtes coroner en région. Est-ce qu'il y a un manque de coroners dans les régions?

M. Morissette (Guy) : C'est variable d'une région à l'autre. Il y a des mécanismes qui permettent de couvrir, entre guillemets, des territoires où ils sont moins bien dépourvus. Il y a un accès centralisé, il y a des mesures qui ont justement été prises depuis des années pour permettre une couverture. Ça demeure toujours un défi, les individus qui sont coroners, qui sont nommés coroners, mais, disons, à mon... selon ma lecture, il y a une couverture, tu sais, qui s'organise, qui est organisée, au Québec, qui permet de répondre aux besoins, tu sais, pour ne pas qu'il y ait de régions défavorisées par rapport à l'accès à un coroner. Ça serait, je pense... ça ne serait pas recevable, là, pour une société.

• (11 h 30) •

Mme Nichols : Parfait, merci. Vous parlez... Dans votre mémoire, à la recommandation 4, au niveau de la conservation d'un organe ou de tissus aux fins d'une expertise, vous dites : Bien, écoutez, étant donné le manque de clarté de cette disposition-là, vous laisseriez... cet article-là, l'article 22, dont on parle, là, vous proposez de retirer cet article-là. Vous ne voyez pas nécessaire... ou, en fait, j'aimerais vous entendre sur la procédure, que les proches des victimes soient informés lorsque le pathologiste doit conserver un échantillon du cadavre. Moi, je trouve que c'est important, là, mais il y a... je ne suis pas médecin, donc j'aimerais bien vous entendre, là, sur les... Parce qu'on dit «compte tenu [le] manque de clarté», donc ça doit être qu'il doit y avoir un argument qui pourrait rendre tout ça plus clair ou — vous êtes médecin — peut-être une justification qui pourrait, justement, ramener l'article 22, mais le préciser, là, ou l'encadrer.

M. Gaudreault (Mauril) : Je pense que, de nous deux, la personne la plus pertinente, la plus appropriée pour répondre à la question, c'est mon collègue.

M. Morissette (Guy) : Merci, Dr Gaudreault. Ce n'est pas la finalité, vous avez raison, la finalité est... Ce qu'on veut dire, nous, c'est qu'il y a quand même un règlement de la disposition des déchets biomédicaux qui existe. Nous, dans le fond, ce qu'on dit, c'est : Ce n'est pas la finalité, là. Vous avez tout à fait raison, je pense que les familles ont besoin de savoir si on doit, pour toutes sortes de bonnes raisons, garder, tu sais, un prélèvement et qu'est-ce qu'on doit faire quand on en dispose. Mais on se questionnait, nous, si ça ne pouvait pas faire partie du règlement, tu sais. On ne voulait pas l'imposer, mais dire, dans l'esprit, tu sais, de la recherche, si on veut, de régler la problématique, tu sais, du recrutement, de l'examen des cadavres, tout ça, peut-être que ça pouvait être répondu par ce règlement-là. Mais nous, on ne remet vraiment pas... c'est le mécanisme, dans le fond, mais on ne remet pas du tout en question le fait que, je veux dire, les ayants droit doivent savoir qu'est-ce qui se passe avec... Quand le pathologiste souhaite garder une partie pour différentes raisons, c'est au coroner lui-même à parler, tu sais, à la famille. Alors, ça, on est à l'aise avec ça. C'est le mécanisme, comme je vous dis, puis où ça devrait être inséré, parce qu'il y a ce règlement-là qui existe, on le sait, qui est... mais bon.

Mme Nichols : O.K., ça fait que le commentaire, en fait, la recommandation 4, c'était en lien avec le projet de loi. Dans le fond, vous tenez à... vous accordez de la valeur au fait que le proche de la victime doit être au courant de...

M. Morissette (Guy) : Ah! tout à fait. Ça, ce n'est pas remis en question du tout, du tout, c'est le mécanisme.

Mme Nichols : O.K. Parfait. La même chose quand on dit que le Laboratoire de sciences judiciaires peut garder une partie d'un cadavre pour une identification future, j'imagine que vous êtes pas mal dans la même voie, à cet effet-là...

M. Morissette (Guy) : Bien oui, tout à fait.

Mme Nichols : ...de trouver le bon mécanisme pour...

M. Morissette (Guy) : Oui, c'est le mécanisme.

Mme Nichols : Très bien.

M. Morissette (Guy) : Alors, on n'est pas les experts du mécanisme.

Mme Nichols : Non, c'est bon. On va travailler ça, on s'en occupe.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la députée. Je tiens à vous remercier, Dr Gaudreault, Dr Morissette, de vous être déplacés de vos belles régions et venir nous voir ici, à Québec. Merci infiniment de votre collaboration aux travaux de cette commission.

Je suspends, justement, les travaux pendant quelques instants. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 11 h 33)

(Reprise à 11 h 38)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.

Alors, il nous fait plaisir d'accueillir, maintenant, les représentants de l'Ordre des pharmaciens du Québec. Alors, vous avez vu un peu comment ça fonctionne, 10 minutes de présentation, après ça un échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous. Je vous invite à vous présenter et à débuter votre présentation. Merci d'être ici.

Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ)

M. Bolduc (Bertrand) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, messieurs dames les parlementaires, merci de nous accueillir. Mon nom est Bertrand Bolduc, je suis président de l'Ordre des pharmaciens, et je suis accompagné de notre expert du dossier, M. Patrick Boudreault, qui est directeur des affaires externes à l'ordre aussi.

Alors, nous sommes très heureux de venir vous présenter nos observations sur le projet de loi n° 45. Vous le savez, la mission des ordres professionnels est claire, c'est la protection du public, et ça vaut la peine de le répéter, puisque c'est une mission qui est très complémentaire à celle du Bureau du coroner. Chez nous, à l'Ordre des pharmaciens, notre mission, on l'exerce surtout en encourageant les pratiques pharmaceutiques de qualité et en faisant la promotion de l'usage approprié des médicaments. Parce qu'un médicament qui est mal utilisé non seulement ça peut être dangereux, mais ça peut causer des décès, et, malheureusement, ça arrive trop souvent au Québec. Donc, chaque année, on a des centaines de décès associés au mésusage des médicaments et des autres substances. C'est sans compter les nombreux incidents et les accidents reliés aux médicaments qui ne causent pas de décès, mais qui causent des conséquences fâcheuses. Les chutes et les médicaments qui causent des effets secondaires sérieux sont une des deux principales causes des incidents et accidents dans le réseau de la santé, rappelons-le. Dans ce contexte, il nous est... pour nous, il est évident que nos organisations ont intérêt, maintenant comme dans le futur, à collaborer plus étroitement.

• (11 h 40) •

J'aimerais souligner d'entrée de jeu qu'à l'Ordre des pharmaciens nous prenons les recommandations des coroners très au sérieux. Chaque rapport en lien avec le mésusage des médicaments est analysé à fond. Lorsque des recommandations s'adressent spécifiquement à nous ou à nos membres, un comité composé de pharmaciens oeuvrant dans plusieurs directions de l'ordre a pour mandat de les analyser et d'apporter les suivis appropriés. Le fait de réaliser cet exercice depuis maintenant plusieurs années nous permet de poser un regard sur les rapports que nous recevons et d'apporter ici une critique constructive.

      Les décès liés aux médicaments se divisent essentiellement en deux catégories : ceux en lien avec la mauvaise utilisation des médicaments et ceux qui découlent d'un problème lié à l'organisation de ce que nous appelons le circuit du médicament. Et c'est quoi, le circuit du médicament? Bien, ce sont toutes les étapes qui sont comprises entre la prescription du médicament, la préparation, la distribution et l'administration des médicaments. La littérature abonde quant aux bonnes pratiques dans ces deux domaines. En plus de la documentation scientifique, des organismes tels qu'Agrément Canada ou l'institut pour la sécurité des médicaments publient régulièrement des bulletins au sujet des meilleures pratiques. Or, il est frappant de constater que les coroners en tiennent rarement compte et effectuent une analyse des cas en silo, sans faire mention des cas similaires ailleurs.

      De cette façon de faire découlent essentiellement deux effets négatifs. D'abord, il arrive que les recommandations formulées ne soient pas nécessairement collées à la réalité professionnelle et deviennent difficilement applicables. Ensuite, nous remarquons que plusieurs situations de décès partagent les mêmes causes sous-jacentes. En l'absence d'un processus d'analyse plus macroscopique, le Bureau du coroner perd une opportunité de faire des recommandations qui pourraient s'appliquer à des systèmes entiers plutôt que des milieux de façon isolée. Cela pourrait potentiellement éviter plusieurs décès.

      Pour ces raisons, nous recommandons que le Coroner en chef soit chargé de réaliser une telle analyse macroscopique et puisse faire des recommandations et non pas uniquement des avis, comme le prévoit le projet de loi. Les organisations visées par celles-ci, dont la nôtre, devraient avoir à faire une reddition de comptes concernant leur mise en oeuvre. La recommandation 2 de notre mémoire porte spécifiquement sur cet aspect.

Ensuite, considérant le nombre de dossiers de coroners portant sur le mauvais usage des médicaments et d'autres substances, il nous apparaît incontournable que le Bureau du coroner inclue d'autres professionnels, notamment les pharmaciens. Comme vous le savez, nous avons... nos membres ont les connaissances qui permettraient de faire des recommandations ayant plus d'impact lors de tels décès. Le projet de loi prévoit, avec justesse, que les organisations visées par les recommandations suivent un suivi de leur mise en oeuvre.

      Pour s'assurer d'avoir l'impact recherché, les recommandations doivent être reliées directement aux causes et circonstances du décès. Il importe donc d'adopter une approche multidisciplinaire, comme nous le faisons dans les milieux hospitaliers et même en dehors, et de recourir aux expertises nécessaires, dont celles des pharmaciens, pour les formuler. D'ailleurs, ce ne serait pas un précédent, puisque, dans les années 80, un pharmacien était... de Sorel, M. Romuald Cloutier, qui était vice-président à l'ordre, était coroner. Donc, ce ne serait pas un précédent, de créer cette nouvelle catégorie de coroner.

      Maintenant, j'aimerais aborder le rôle des ordres, dont, évidemment, celui de l'Ordre des pharmaciens, concernant l'encadrement d'exercices professionnels. C'est un peu méconnu, mais les ordres disposent de différents outils afin d'intervenir auprès d'un professionnel dont la pratique est jugée déficiente. En plus du processus disciplinaire, plus largement connu auprès de la population, les ordres peuvent limiter le droit de pratique de l'un de ses membres, par exemple, notamment après une inspection professionnelle ayant démontré des lacunes importantes.

      La mise en place de meilleurs canaux de communication entre l'Ordre des pharmaciens et le Bureau du coroner a permis d'améliorer le suivi des recommandations, mais aussi le partage d'information à l'étape de la rédaction du rapport d'enquête. Nous croyons qu'il faut aller un peu plus loin et se donner les moyens d'agir plus rapidement dans certaines situations. Actuellement, si un coroner soupçonne la conduite d'un professionnel d'être inadéquate, il fait une recommandation à son ordre professionnel après coup, c'est-à-dire lors de la publication du rapport. Dans certains cas vécus, la pratique s'éloignait tellement des standards attendus qu'il devenait urgent d'agir pour prévenir d'autres décès.

      Les mécanismes de protection du public seraient améliorés si un coroner pouvait communiquer les renseignements qu'il juge pertinents au syndic ou au Comité d'inspection professionnelle de l'ordre à tout moment de son enquête. Le nouvel article 90.1 permet à un coroner de transmettre des documents à certaines organisations avant que le rapport officiel soit rédigé. Nous souhaitons que les ordres soient ajoutés aux organisations visées et que les coroners puissent leur transmettre toute information pertinente lorsque la protection du public est en jeu.

      Avant de conclure notre présentation, permettez-moi de glisser un mot sur la durée de mandat des coroners. Le projet de loi actuellement à l'étude prévoit que le mandat du Coroner en chef et celui de son adjointe soient de cinq ans et ne peuvent être renouvelés. Même si nous sommes d'avis qu'il faut limiter la durée des mandats afin d'éviter les risques que nous connaissons tous, nous croyons qu'un équilibre doit être trouvé afin de préserver la continuité et la mémoire institutionnelle. Une organisation telle que le Bureau du coroner mérite que son chef puisse avoir le temps nécessaire pour réaliser les objectifs et mandats qui lui sont confiés. En ce sens, nous croyons que des mandats limités à quatre ans mais renouvelables une seule fois seraient plus justes.

Voilà, il s'agit essentiellement de l'essence de ce que nous désirions vous partager aujourd'hui. J'espère que ces quelques commentaires sauront vous éclairer. Les coroners, pour nous, exercent un rôle sociétal important. Il est temps que le régime s'actualise et qu'ils puissent jouer un rôle encore plus important. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci infiniment. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme Guilbault : Oui, merci beaucoup. Très, très intéressant. Merci, messieurs, d'être ici avec nous. Ce n'est, en quelque sorte, pas complémentaire, mais je trouve que c'est un peu dans la même lignée, là, que le collège avant vous, puis on aura l'Ordre des ingénieurs après, qui va venir cet après-midi, donc on est en plein dans cette notion d'ouverture de la profession, d'ouverture, comment dire, d'osmose des expertises — j'aime ce mot, «osmose», ces temps-ci, je l'utilise souvent, puis là, vous voyez, il est encore approprié ce matin — l'osmose des expertises à la faveur d'une meilleure, justement, pratique générale.

Parce que moi, j'estime... puis je l'ai dit tout à l'heure, vous étiez dans la salle, je pense, en ce moment, mon intention, c'est effectivement de modifier le règlement sur les personnes aptes et d'inclure, entre autres, les pharmaciens dans les personnes. Et puis d'ailleurs, comme vous le savez probablement, ça fait quelques années qu'on a ces discussions-là, «on» étant le Bureau du coroner, avec l'ordre, avec, aussi, les infirmières. Donc, c'est ça, alors, moi, je suis tout à fait favorable à votre recommandation, là, la dernière, je pense, là, oui, c'est ça, alors, la recommandation 4. Donc, c'est ça, alors, est-ce que vous... pour ce que vous en savez, est-ce que vous sentez un grand intérêt ou un appétit chez vos membres pour devenir coroner? Parce que c'est une chose de les rendre éligibles, mais est-ce que vous sentez cet intérêt-là chez vos membres? Parce que l'idée, aussi, c'est de combler nos postes puis de recruter davantage. Donc, est-ce que vous avez l'impression que ce serait bienvenu chez vos membres?

M. Bolduc (Bertrand) : On s'entend qu'on n'en aura pas 150 qui vont devenir coroners demain matin, mais on a des membres qui ont des expertises importantes, notamment qui ont fait des doctorats plus avancés en pharmacologie, incluant la pharmacologie post-mortem, des expertises en circuit, en prévention des accidents, incidents, on a... Et, vous savez, les pharmaciens sont très bien distribués au Québec, il y a des pharmacies partout, ouvertes longtemps, donc tant les pharmaciens d'officine que les pharmaciens hospitaliers pourraient jouer un rôle important, et, oui, il y a un certain intérêt, mais évidemment... et on a des pharmaciens qui combinent des formations en droit également. Donc, on a un bassin, il y a 10 000 pharmaciens et pharmaciennes au Québec, dont 70 % de femmes,mentionnons cette importante donnée là. Ils sont partout au Québec, ils sont disponibles en région. Ils pourraient jouer un rôle important dans certains cas, pas tous les cas, mais dans beaucoup de cas où le médicament est en cause, et, comme vous le savez, il y en a malheureusement beaucoup. Patrick pourra compléter.

M. Boudreault (Patrick) : Bien, écoutez, dans le mémoire, on le mentionne, il y a peut-être deux grandes catégories de décès reliés aux médicaments. Il y a vraiment l'effet où est-ce que le patient, par exemple... c'est une interaction, deux médicaments qui, mis ensemble, ont causé un décès subitement, ou par cause... vraiment à cause des deux médicaments, mais il y a tout le volet de l'analyse du parcours du médicament et de son utilisation, le circuit du médicament, donc tout le processus de prescription, préparation, distribution et administration du patient. Et on a beaucoup de pharmaciens qui s'intéressent à toute cette gestion de risques là et l'analyse logistique du circuit du médicament, et je pense à ces collègues pharmaciens qui pourraient être d'excellents coroners, justement, par ces analyses, oui, d'un côté, d'utilisation des médicaments combinés ensemble, mais aussi de tout le volet de la logistique d'utilisation de médicaments.

Mme Guilbault : Oui, tout à fait. Puis, en ce moment, en fait, il y a des médecins, il y a des juristes, donc, souvent, entre collègues, les juristes vont consulter un coroner médecin, quand ils se retrouvent avec un décès avec une cause médicale complexe, pour interpréter les rapports médicaux, et tout ça. Ça fait que, de la même façon, moi, je vois très bien, éventuellement, un coroner à temps plein, pharmacien, qui pourrait servir de référence pour les collègues pour tout ce qui est interprétation de la toxico, puis tout ça. C'est une expertise, pour moi, qui est évidente, qui serait un ajout, un bénéfice évident pour le Bureau du coroner.

Est-ce que vous savez si — parce que, tantôt, je parlais avec vos prédécesseurs — l'espèce de réflexe et de culture de signalement des décès, entre autres, dans les centres hospitaliers, mais dans le réseau en général... parce que, malgré les nombreux efforts, rappels de comment on signale, pourquoi on signale puis quand il faut signaler, des fois le réflexe n'est pas toujours là, selon les types de décès. Est-ce que vous croyez que vos membres qui sont présents dans le réseau, entre autres au sein des CMDP, tout ça... est-ce que vous pensez qu'eux sont sensibilisés et sont conscients de ce devoir-là de signalement et contribuent à un développement de culture générale de signalement dans le réseau?

• (11 h 50) •

M. Boudreault (Patrick) : Les pharmaciens d'établissement sont très impliqués déjà dans les comités de gestion de risques. Il ne faut pas oublier qu'on a souvent les comités qu'on appelle pharmacie-soins infirmiers, puis, bien entendu, maintenant on l'élargit même avec les médecins et les autres prescripteurs, donc pharmacie-soins infirmiers-médecins, pour lesquels on s'assure d'analyser, qu'on pourrait dire, des événements sentinelles, pas juste des décès, mais des accidents reliés à l'utilisation des médicaments qui ont causé des préjudices aux patients ou des causes qui n'ont peut-être... on pourrait dire que des incidents... je n'aime pas dire ça, là, mais que des incidents... mais pour lesquels il y a une prévalence qui semble être à la hausse, et, dans ces cas-là, c'est important que ces gens-là assurent une vigie et apposent les correctifs auparavant. Parce que, vous savez, dans l'analyse des incidents, accidents, on a l'échapper belle, on a l'accident malheureux, le décès est la conséquence la pire, mais, dans le fond, la cause souche, il faut, des fois, ne pas voir... on espère qu'il n'y a pas de décès, mais, même si c'est un échapper belle, il faut regarder, il faut apporter le correctif, et c'est ça qu'on a besoin de faire.

Et les pharmaciens d'établissement de santé sont impliqués dans les comités de gestion de risques, débriefent les rapports avec les gestionnaires de risques, les médecins, les autres professionnels de la santé, les infirmières sur les cas d'événements sentinelles et sont continuellement dans un processus d'amélioration du circuit du médicament, autant à l'intérieur des pharmacies que sur les unités de soins. Alors, on a beaucoup, beaucoup de pharmaciens d'établissement très impliqués dans ces analyses de logistique, et même, dans un établissement de santé, on a rajouté des gens des services techniques qui ont des expertises en logistique, en logistique d'approvisionnement, en logistique de distribution qui... On a tout à fait à s'inspirer de ces méthodes-là, soit pour apporter de la technologie qui nous permet de sécuriser encore mieux...

Vous savez, quand on a de l'humain, malheureusement, l'humain, ça peut faillir, à un moment donné. Quand on ajoute de la technologie et que ça nous permet d'agir en amont et d'avoir, je pourrais dire, une solution exportable qui gère le risque et qui le gère bien, alors c'est ce qu'on a besoin de faire. Et on a besoin de faire connaître ces solutions efficaces là, et c'est pourquoi on propose que des recommandations, si elles soient efficaces, il faut qu'elles se partagent partout dans le réseau, il faut qu'elles se partagent également et qu'il y ait une reddition de comptes pour s'assurer que ces solutions efficaces soient mises en place.

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme Guilbault : Merci. Je vais vous amener sur un autre point, qui est la page 10, votre recommandation qui touche l'accès aux documents ou, en fait... en tout cas, à l'information, peut-être pas nécessairement un document mais à l'information, là. Quand vous dites «lorsqu'un professionnel est impliqué», aviser le bureau du syndic, donc vous parlez de tout type de professionnel qui appartient à un ordre professionnel? Et est-ce que votre conception de ça, c'est que l'information se fasse de manière proactive et systématique de la part du Bureau du coroner sans qu'il y ait de demande? Parce que, moi, de la façon dont je comprends l'article — là, vous me direz «c'est ton projet de loi, tu es supposée le comprendre», mais, en tout cas, je suis pas mal sûre que je le comprends bien — c'est à la suite d'une demande, donc, un citoyen ou un médecin qui ferait une demande d'information. Mais là, vous, ce que vous proposez d'ajouter, c'est... la charge est sur le Bureau du coroner, finalement, et non sur vous.

M. Bolduc (Bertrand) : Lorsque le coroner s'aperçoit qu'une situation semble découler d'une incompétence ou d'une pratique hors norme, il devrait avertir... nous avertir, soit à l'inspection professionnelle ou carrément au syndic, si c'est vraiment plus grave, pour qu'on puisse agir tout de suite. Parce qu'entre le décès, la publication du rapport, il peut se passer quand même pas mal de temps, notamment, comme vous l'avez dit, là, s'il y a beaucoup d'analyses qui sont demandées. Et, pendant ce temps-là, nous, on a un membre qui continue de pratiquer potentiellement de façon dangereuse sans qu'on le sache. Parce que, oui, on fait de l'inspection assez... de façon assez importante, mais on ne voit pas tout le monde à tous les ans, évidemment. Donc, de le savoir plus tôt, ça nous permet d'agir plus tôt et de vérifier que la pratique, tant la pratique professionnelle que le milieu — que ça soit un hôpital, en résidence pour personnes âgées, à la pharmacie même — est sécuritaire pour les patients. Donc, on pourrait agir plus rapidement, et ça, c'est une information qui est très importante pour nous.

M. Boudreault (Patrick) : Vous savez, l'Ordre des pharmaciens et le Bureau du coroner ont intensifié, dans les dernières années, nos mécanismes de collaboration. On se parle beaucoup plus fréquemment qu'avant, et c'est vraiment très bien, et il se développe un réflexe où, lorsque les coroners sont à l'étape de rédiger leurs rapports d'investigation, ils font un appel à l'ordre, discutent du cas et disent : J'aurais telle ou telle recommandation, est-ce que ça pourrait être intéressant? Et parfois on est tellement surpris de la pratique soit d'un professionnel ou de l'organisation de travail entre des professionnels dans un département de pharmacie ou dans une pharmacie qu'on aurait aimé le savoir même au début. Puis, lorsqu'on questionne les coroners, bien, c'est des éléments qu'ils ont constatés en début d'enquête, et c'est à ce moment-là qu'on aurait voulu avoir l'information, nous, démarrer soit une enquête ou du moins une inspection professionnelle, parce qu'on fait des inspections professionnelles d'un membre, mais on fait parfois des inspections d'un milieu de pratique, également. Alors, ce n'est pas toujours la pratique professionnelle d'un membre seul qui est problématique, parfois c'est l'organisation du travail à l'intérieur d'un département ou à l'intérieur d'une pharmacie. Et je crois que c'est cette collaboration-là, je pourrais dire, intensifiée dans les dernières années avec le Bureau du coroner, qui nous amène aujourd'hui à dire que, si on pouvait se parler même vraiment plus tôt et en début d'enquête, on pourrait prévenir peut-être, si ce n'est pas des décès, des accidents ou des incidents.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la ministre.

Mme Guilbault : Mais en fait ce que je me demande, justement, c'est... du fait de la collaboration accrue des dernières années et des bonnes relations en général, est-ce que ce type de collaboration là ne pourrait pas se faire sans modification législative?

M. Boudreault (Patrick) : Peut-être.

Mme Guilbault : Pour nos représentants du bureau, ici, qui écoutent attentivement, là.

M. Boudreault (Patrick) : Mais parfois de le prévoir et que ça soit noir sur blanc, de démontrer que cette habilité-là, elle est là, de le mettre... et de mettre cette possibilité dans la loi peut être bienvenu. Bien entendu, le fait qu'on améliore nos collaborations avec le Bureau du coroner, ça aide. D'avoir des pharmaciens, peut-être, un jour, au sein du Bureau du coroner, où ce réflexe-là sera fait et pourra contaminer les autres coroners à cette pratique pharmaceutique et aussi à l'environnement... Parce que les... il faut comprendre que les recommandations, elles s'adressent à des personnes et organismes. Les personnes et organismes chez nous, il y a les pharmaciens, mais il y a tout un microcosme qui entoure le pharmacien, que ce soient les fabricants, que ce soient les associations, que ce soient les chaînes, les bannières, l'industrie. C'est important, parfois, que des recommandations qui touchent le circuit du médicament ou l'utilisation du médicament ne soient pas uniquement faites dans le réseau ou le ministère de la Santé, il faut qu'on diversifie et qu'on soit ciblés sur l'ensemble des organismes et personnes qui pourraient être impliqués pour améliorer la recommandation et faire en sorte que ça soit efficace.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la ministre.

Mme Guilbault : Parfait, merci. Je vais y aller très brièvement, un dernier petit point, pour laisser du temps à mes collègues. La recommandation n° 1, sur le mandat, la durée du mandat, là, vous recommandez quatre ans, renouvelable une fois, donc huit ans. Pourquoi juste un renouvellement? Pourquoi quatre ans? Et est-ce que, selon vous, sept ans non renouvelable pourrait compenser le quatre ans renouvelable?

M. Bolduc (Bertrand) : Bien, on a revu le Code des professions récemment, et c'est ce qu'on impose, maintenant, aux administrateurs et aux présidents d'ordre. Donc, moi, je suis dans mon deuxième mandat de quatre ans et je ne pourrai pas renouveler. Ça a de l'air que c'est ce qui se passe aux États-Unis aussi, à la présidence. C'est commun, maintenant, et de bonne pratique de gouvernance de faire des deux fois quatre ou des trois fois trois. Pourquoi? Parce que changer des choses, des pratiques, ça peut prendre un certain temps. C'est sûr que deux fois quatre, c'est assez... c'est quand même pas mal de temps pour réaliser quelques trucs, et je suis sûr que tous les parlementaires seront d'accord pour dire que, s'ils étaient au pouvoir deux fois quatre ans, ils peuvent en faire plus qu'une fois cinq. Alors, c'est un peu le même principe. Je pense que ce n'est pas déraisonnable, dans les circonstances, et, bien, c'est ce qu'on propose parce que c'est ce qu'on voit ailleurs.

Mme Guilbault : Mais une fois sept, ça pourrait être une alternative?

M. Bolduc (Bertrand) : Ça pourrait être une fois sept, mais suffisamment de temps au moins pour réaliser des projets, des changements structurants qui ont une portée, je pense. Tout le monde veut quitter un poste avec des accomplissements significatifs, puis il faut avoir le temps de le faire.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Nicolet-Bécancour, s'il vous plaît.

M. Martel : Merci, M. le Président. À mon tour de vous saluer, saluer la ministre aussi, chers collègues. Et bonjour, messieurs. Deux petites questions, vraiment, c'est en écoutant le Collège des médecins, tantôt, que ça m'a fait penser à ça. Nous, dans le projet de loi, on exprime une volonté d'intégrer les ingénieurs pour être admissibles à être des coroners. Peut-être que vous vous êtes prononcés par rapport à ça, mais ça n'a pas attiré mon attention. Est-ce que vous avez une position à cet égard-là?

• (12 heures) •

M. Bolduc (Bertrand) : Nous, on est absolument favorables à ça. Je pense que, dans de nombreuses causes de décès, l'expertise des ingénieurs est nécessaire. Comme vous le savez, il y a plusieurs années, il y a un viaduc qui est tombé à Laval. Ce n'était pas un problème juridique, ce n'était pas un problème médical, c'était un problème de structure, et ça... il y a eu une commission d'enquête par la suite, là, mais évidemment les coroners de formation en ingénierie pourraient notamment intervenir dans plein de trucs, parce que le génie, c'est très large, il n'y a pas juste le génie civil, le génie mécanique, on a eu des décès ou des accidents, des fois, en ventilation. Donc, il y a toutes sortes de domaines où le génie, l'ingénieur et différents types d'ingénieurs peuvent intervenir de façon très importante. Je pense que c'est des gens, aussi, qui pensent en gestion du risque. Lorsqu'ils conçoivent des outils, des structures, des logiciels ou, peu importe, c'est comme ça qu'ils pensent, donc on pense qu'ils ont leur place, très certainement.

M. Martel : Merci. Monsieur...

M. Boudreault (Patrick) : Excusez-moi...

M. Martel : Oui.

M. Boudreault (Patrick) : Il y a aussi une branche du génie qui prend son essor, c'est tout le volet du génie logistique, et, dans toute l'analyse de nos rapports et causes souches, je crois que d'avoir l'expertise des ingénieurs spécialisés en logistique nous aiderait grandement.

M. Martel : Merci. M. le Président, je vous jure, ce n'était pas une question plantée, mais j'ai l'impression... parce que, cette semaine, quand on a questionné la ministre, c'était exactement... à peu près les mêmes réponses qu'elle nous a données.

L'autre affaire, très rapidement, la ministre vous a questionné par rapport à l'intérêt des pharmaciens à exercer le métier de coroner. Supposons, là, que c'est tout à fait admissible puis c'est souhaitable que les pharmaciens soient là, dans un contexte de pénurie, parce qu'on le voit, là, il y a une pénurie de pharmaciens à beaucoup d'endroits, est-ce qu'on se rend service d'ouvrir, compte tenu, là, de la pénurie de médecins à beaucoup d'endroits au Québec?

M. Bolduc (Bertrand) : Bien, moi, je ne crois pas. Oui, il y a une certaine pénurie de pharmaciens en milieu hospitalier, notamment, mais le nombre de candidats à l'exercice en milieu hospitalier augmente régulièrement, donc on va finir, j'espère, à... Et évidemment les pénuries sont plus en région. Ceci étant dit, on a beaucoup de membres en région aussi, ça pourrait en attirer d'autres.

On a des pharmaciens dans toutes sortes d'autres milieux, aussi, qui pourraient être rapatriés, je pense aux compagnies d'assurance. L'industrie pharmaceutique, entre autres, pourrait contribuer à générer des candidats très intéressants. Donc, je ne pense pas qu'on soit en pénurie de façon si grave qu'on s'empêche de profiter de quelques bons candidats qui pourraient contribuer au Bureau du coroner.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Vimont, s'il vous plaît.

M. Rousselle : Merci, M. le Président. Premièrement, merci, merci d'avoir préparé le document, qu'on a soigneusement lu. Donc, merci à M. Bolduc, M. Boudreault. Très intéressant, qu'est-ce que vous en dites, puis très intéressant de vous écouter aussi. J'ai retenu «circuit des médicaments», parce qu'effectivement vous avez mentionné, tantôt, que les coroners actuels prennent rarement en considération, justement, le côté médicaments. Tout à l'heure, on parlait beaucoup avec le Collège des médecins, justement, de corps, comment le manipuler, puis, bon, ce côté-là, mais je n'ai pas eu la chance puis je n'ai pas pensé de leur poser la question au niveau des médicaments, parce qu'effectivement, vous l'avez mentionné, un médicament peut changer un comportement, un médicament, en tout cas, peut faire plein de choses, et l'accumulation, comme vous l'avez dit tout à l'heure, de médicaments aussi peut faire un cocktail assez explosif. Donc, je ne suis pas pharmacien, mais je vous écoutais, tout à l'heure, puis je pense que j'ai bien compris.

M. Boudreault (Patrick) : C'est pas mal ça, oui.

M. Rousselle : Oui, c'est ça. Dites-moi... parce que, là, tantôt, on parlait... Puis là je pense toujours aux personnes vulnérables dans les CHSLD, mais je pense aussi à ceux dans les résidences personnelles ou dans les résidences... des grosses tours qu'on voit maintenant, ils n'ont pas tous des médecins, ou ceux qui avaient des médecins, malheureusement, ils ont pris leur retraite, donc là ils n'ont plus de médecin, il y a une pénurie de médecins dans ces endroits-là. Et, des fois, bien, veux veux pas, là — puis moi, je vous en parle par connaissance de cause, mes parents demeurent dans une très grosse résidence comme ça — des fois, les gens, bien, ça meurt, puis je ne suis pas sûr qu'on en fait vraiment... on n'avertit pas, je ne pense pas, les coroners dans ce cas-là.

Tantôt, on parlait concernant les enfants, mais concernant les personnes vulnérables ou même, peut-être, les gens qui meurent... comme les démunis dans les rues, vous, là-dedans, est-ce que vous avez réfléchi à ça? Parce qu'effectivement je reviens toujours avec votre... La ministre parlait, tout à l'heure, de réflexe, là, mais, dans le circuit des médicaments, je pense que c'est sûr que vous allez être le bienvenu dans le milieu, parce que vous allez pouvoir peut-être aiguiller d'autres personnes, mais pensez-vous qu'il y aurait... il devrait y avoir une obligation, quand il y a un décès, que ce soit dans un CHSLD ou quoi que ce soit, que vous soyez avisés, je veux dire, les coroners devraient être avisés, là? Là, voyez-vous, je suis rendu déjà à l'étape que je les considère comme coroners, mais, comprenez-vous, dans ma réflexion, là, c'est... Pensez-vous que ce serait logique de le faire?

M. Boudreault (Patrick) : On sait que les incidents et accidents au niveau des résidences pour aînés ou résidences intermédiaires, donc tout ce qui est hors réseau, c'est assez important. Malheureusement, on le documente beaucoup moins que dans le réseau de la santé. On sait, hein, que, dans le réseau de la santé, un établissement doit déclarer obligatoirement ce qu'on appelle un AH-223, donc un formulaire qui déclare un incident ou un accident, qu'il soit relié à une chute, un médicament ou quoi que ce soit. Dans le volet privé, il y a des mécanismes parallèles de déclaration des incidents, mais comment, et à quelle fréquence, et par qui ces rapports d'incident et accident sont analysés, quels sont les plans d'action qui sont mis en place? On n'est pas dans la même structure que le réseau public, où, deux fois par année, les incidents, accidents de chacun des établissements doivent être versés dans la banque nationale et analysés par un groupe, hein? Le coroner Ramsay, en 2014, avait un groupe d'experts pour analyser les incidents, accidents, chutes et médicaments, mais, dans tout le volet privé, c'est un peu plus obscur.

Ça préoccupe l'Ordre des pharmaciens, mais ça préoccupe aussi d'autres ordres professionnels, notamment dans tout ce qui est le volet de la distribution et l'administration des médicaments dans les résidences pour aînés. On sait que, ces endroits-là, la formation des préposés ou la formation du personnel qui ont à distribuer, administrer les médicaments, c'est plus que perfectible. On travaille plusieurs heures ensemble, avec l'Office des professions, pour revoir le règlement sur la formation requise pour les préposés à faire les activités professionnelles.

Alors, c'est très clair qu'en dehors du réseau de la santé il faut regarder ce qui se fait en termes de qu'est-ce qu'on fait, hein, qu'est-ce qu'on attribue à nos préposés ou à nos non-professionnels, qui sont superimportants et qui donnent d'excellents soins, que ce soient des bénévoles, un proche parent, on ne remet pas en question, on ne pourrait pas faire sans eux, mais comment on s'assure qu'il y a de la qualité, que ce soit bien fait, qu'il y ait de la rigueur. Parce qu'il se donne des médicaments, il se donne des médicaments qu'on pourrait dire à hauts risques, que ce soit des opioïdes, des stupéfiants, ou il se donne de l'insuline, alors il faut s'assurer que ce soit bien fait et que les gens qui prodiguent ces soins-là comprennent ce qu'ils font et comprennent le sens de pourquoi on exige, justement, que ce soit le bon médicament à la bonne personne au bon moment, alors, pourquoi on exige tout ça.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Vimont.

M. Rousselle : Merci. Bien, je peux vous dire aussi que, même dans le système CHSLD, quoi que ce soit, ils font un suivi des médicaments à l'intérieur des résidences de personnes âgées et même personnelles. Malheureusement, c'est des gens, des fois, qui n'ont pas nécessairement... vous savez, dans le réseau, on essaie d'avoir les meilleures personnes, mais des fois c'est difficile, donc, des fois, les connaissances sont limitées. Donc, j'abonde dans le même sens que vous.

Écoutez, je regardais, au niveau des recommandations qui sont faites au niveau des coroners... parce que c'est bien beau, les coroners font des études, je veux dire, approfondies pour donner les meilleures recommandations possible... et, bien souvent, bien, ces recommandations-là, comme le Collège des médecins disait, justement, elles sont là, justement, pour promouvoir la santé puis de faire attention. Vous aussi, vous êtes dans la même catégorie. Dites-moi, le fait qu'il n'y a pas une obligation de suivi des recommandations... parce que, malheureusement, les recommandations n'étaient pas suivies, recommandation par-dessus recommandation, il y a des décès puis il y a des malheurs qui se produisent, vous, là-dessus... j'ai lu partiellement, mais vous campez où là-dedans?

M. Boudreault (Patrick) : C'est le point central de notre mémoire. Il faut comprendre que, jusqu'à aujourd'hui, les recommandations sont facultatives. Je vais vous donner un exemple concret, le rapport de Dr Ramsay sur la mort de M. Paul Buisson, sur lequel il se basait déjà, de décès suite aux opioïdes, en 1998... il base son rapport, un rapport étoffé, sur les problèmes d'utilisation, de surveillance des opioïdes. Il fait un rapport exhaustif dans lequel tous les groupes et organismes concernés étaient ciblés pour pouvoir améliorer les choses. Ça a eu un impact énorme dans les établissements de santé, lorsque ce rapport est sorti, parce qu'il était étoffé, les recommandations étaient justes, elles étaient ciblées, et on avait fait le tour des organismes qui pouvaient être en synergie pour appliquer tout ça sur le terrain. Malheureusement, je peux vous apporter un échantillon d'exemples de rapports d'investigation, en 2018, où est-ce qu'on a encore, malheureusement, des erreurs d'administration d'opioïdes. Malgré tout, malgré ce rapport exhaustif, étoffé, avec des recommandations très ciblées, on a encore aujourd'hui, en 2018, en 2020, trop d'accidents ou de décès avec les opioïdes pour lesquels on n'a pas appliqué, malheureusement, la surveillance qui était requise, on n'a pas appliqué les mesures sur les bonnes pratiques sécuritaires de prescription et d'administration d'opioïdes. Alors, ça doit être très frustrant, même pour les coroners en place, de voir qu'année après année on revient avec ces mêmes problèmes, ces mêmes causes souches, qu'on appelle, et de voir que ce n'est pas mis en place.

Alors, pour nous, c'était très clair, et on saluait le projet de loi pour dire : Écoutez, il faut que les organismes qui sont visés par des recommandations doivent, oui, bien signifier qu'ils l'ont lu, mais du moins déposer un plan d'action, et ce sera très important que le bureau des recommandations au sein du Bureau du coroner puisse assurer ces suivis et cette reddition de comptes pour s'assurer que ça soit effectivement mis en place.

• (12 h 10) •

M. Boudreault (Patrick) : Et ce qui est intéressant, c'est que le projet de loi, aussi, permet à la coroner ou au Coroner en chef, lorsqu'il voit qu'il y a plusieurs causes souches apparentées, de pouvoir faire des avis. Alors, pour nous, c'est plus qu'un avis que le coroner... on doit pouvoir faire des avis, mais on doit pouvoir faire des recommandations d'emblée, également, sachant que le projet de loi prévoit que, si c'est des recommandations qui lui sont faites, bien, la reddition de comptes devient obligatoire. Alors, il faut qu'on donne la possibilité au coroner pour les deux.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Vimont, s'il vous plaît.

M. Rousselle : Bien, juste avant de passer la parole à ma collègue, là, c'est-tu possible d'avoir les documents que vous parlez, les exemples qui pourraient peut-être... encore une fois, avoir une réflexion là-dessus? C'est possible, oui?

Le Président (M. Bachand) : Si vous pouvez faire parvenir ça au secrétariat de la commission, s'il vous plaît.

M. Boudreault (Patrick) : Bien sûr, avec grand plaisir, oui.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Vaudreuil.

Mme Nichols : Oui, merci, M. le Président. Superintéressant, comme intervention, parce que, définitivement, on s'en rend compte, puis je pense que c'est un peu l'objectif, aussi, du projet de loi, à moins que je me trompe, mais de pouvoir, tu sais, améliorer la globalité. On l'a dit, ça fait des années qu'on est dus pour une mise à jour.

Le suivi de ces recommandations-là, c'est définitivement un gros problème, puis le problème, aussi, que la main droite ne parle pas à la main gauche, c'est-à-dire que, tu sais, il y a des suivis, il y a des intervenants, ça vient d'un peu partout, mais, à la fin... Puis hier je donnais l'exemple à Dorval, Herron, où, bien, tu sais, malgré tout, on a appris que les permis avaient été renouvelés, malgré les recommandations qui étaient, disons, assez sévères. Donc, je comprends que votre remarque va dans ce sens-là aussi, qu'il y ait de la communication.

M. Boudreault (Patrick) : Tout à fait, tout à fait, il faut que les recommandations... Ce n'est pas seulement de faire un accusé de réception, hein, c'est de déposer un plan d'action, et que ce plan d'action là soit cohérent, puis qu'il veuille dire quelque chose, puis qu'il se traduise par des gestes concrets d'amélioration et de prévention de décès. Par la suite, il faut qu'au sein du Bureau du coroner on soit capable d'analyser et qu'on soit capable de suivre ces redditions de comptes là dans les temps et dans les temps que les... selon le plan d'action que les gens ont déposé.

Cela dit, si on veut cela, il va falloir que les recommandations soient ciblées, percutantes et bien en lien avec la problématique, avec une analyse des causes souches derrière, d'où l'effet de diversifier l'expertise au sein du Bureau du coroner. Ce n'est pas uniquement... On ne propose pas, aujourd'hui, des pharmaciens parce que ça serait le fun, d'avoir des pharmaciens, on croit que, d'ajouter des ingénieurs ou d'ajouter des pharmaciens, on va diversifier l'expertise pour, justement, avoir... et que tout ce monde-là collabore à ce que les recommandations soient ciblées et bien attachées et qu'au sein du bureau, des suivis des recommandations, on soit capables de faire ce suivi-là et que... Vraiment, là, ce n'est pas uniquement des décès qu'il faut prévenir après, il faut prévenir les incidents puis il faut prévenir les accidents. Ce n'est pas parce que quelqu'un est décédé qu'il ne faut pas prévenir d'autre chose ou des accidents, là. Le «near miss» est aussi problématique, d'un point de vue d'analyse de causes souches, que le décès.

Mme Nichols : J'irais même un peu plus loin, je dirais qu'il faudrait que ça devienne des documents de référence. Vous avez parlé d'un document étoffé qui pourrait, justement, devenir... tu sais, c'est une sorte d'expertise, là, vous êtes des professionnels, il y a des experts, on va... les médecins aussi, là, ce que vous...

M. Bolduc (Bertrand) : Le résultat de tout ça, souvent, c'est la mise à jour de normes, des normes communes avec les autres professionnels. Comme disait Patrick, on travaille beaucoup avec l'Ordre des infirmières pour tout ce qui se passe en résidence pour personnes âgées, CHSLD. On sait qu'on a eu, pendant la pandémie, des grands enjeux d'assurer le service pharmaceutique dans ces milieux-là, incluant les sites non traditionnels, hein — on a transformé des hôtels en hôpital — mais de distribuer de façon sécuritaire les médicaments là-dedans, ça nous a préoccupés beaucoup, et on a travaillé très, très fort derrière le rideau pour s'assurer que tout fonctionne très, très bien.

Et, bon, je pense que, dans l'ensemble, ça s'est très bien passé, mais, encore là, est-ce qu'il y a des choses qu'on aurait pu faire mieux? Est-ce qu'on en a échappé une à quelque part? Bien, on le saura probablement suite aux enquêtes en cours et on va s'ajuster pour s'assurer que, si malheureusement on a une deuxième vague, bien, on prévienne ce genre de situation là.

Ce sont tous des exemples pour lesquels le travail en commun. La diversité des expertises et le suivi très serré des recommandations sont nécessaires, et c'est un peu ça, notre message, aujourd'hui.

Mme Nichols : Bien, définitivement, je suis d'accord avec vous, ça peut même servir d'avancement dans notre société. Puis je comprends aussi, dans le fond, que l'Ordre des pharmaciens, vous allez être en faveur ou faire preuve d'ouverture quand... vous allez vous engager à donner suite quand il va y avoir des recommandations auprès de votre membre à faire des mises jour, à faire des suivis.

M. Bolduc (Bertrand) : Tout à fait, tout à fait. Comme on le disait, si on a l'information d'avance, on peut procéder à des inspections, aller en enquête de compétences, restreindre le droit de pratique, faire des... demander des plans d'action à nos membres pour améliorer leurs milieux, que ce soit en établissement ou en officine, on le fait régulièrement. Et nous, on assure le suivi très serré de ça et on ne les laisse pas aller tant que ce n'est pas en place et que ça ne fonctionne pas de façon sécuritaire. Donc, on fait déjà ça. Je pense que la plupart des ordres, notamment le collège, et nous, et l'Ordre des infirmières, on est déjà très proactifs, mais on peut l'être encore plus, puis d'avoir une reddition de comptes, bien, on assure la population que les choses vont être faites.

Mme Nichols : Une façon, peut-être, d'être proactifs, quand vous dites : On aimerait ça le savoir d'avance, bien, c'est justement de ne pas arriver à la fin avec des conclusions, mais de vous impliquer dès le début. Donc, il y aurait peut-être une façon de libeller quelque chose pour que, j'imagine...

M. Bolduc (Bertrand) : Bien, c'est la transmission d'informations au tout début de l'enquête ou au cours de l'enquête, ne pas attendre la publication du rapport. Parce que, lorsqu'on le reçoit, bien, il s'est écoulé quand même pas mal de temps, on aurait peut-être pu agir de façon proactive, et, lorsqu'on aura la recommandation écrite dans le rapport final, que l'action soit déjà avancée, sinon même terminée, pour être sûrs qu'on est déjà en avance sur l'échéancier.

Mme Nichols : Merci. Je vous amène... On a parlé un peu, là, des mandats renouvelables, ou on s'est avancé un peu là-dessus dans le mémoire, donc la porte est ouverte, j'en profite, vous avez parlé du principe des mandats non renouvelables. C'est vrai qu'en 2020, là, on voit ça un peu partout, les mandats non renouvelables, là, de quatre ans, mais il ne faut pas non plus être trop confortable pendant 20 ans, ça, je le comprends. Je me demandais — puis c'est une opinion, puis, comme je vous dis, la porte est ouverte, donc je pose la question, sentez-vous bien à l'aise — la décision de renouveler le mandat du Coroner en chef ou des coroners adjoints, est-ce que ça ne pourrait pas être une décision purement politique. Comment vous voyez ça?

M. Bolduc (Bertrand) : Bien, on espère qu'elle ne le sera pas trop, mais qu'elle soit plutôt basée sur les actions qui ont été entreprises et les résultats obtenus. Nous, dans les ordres, on est élus soit par notre conseil d'administration soit par nos membres et on ne nous donne pas de deuxième mandat si on n'a pas fait avancer les dossiers de la pratique professionnelle, de la sécurité du public. C'est un peu la même chose dans le cas du coroner, qu'est-ce que tu as fait dans les quatre, cinq dernières années? Pourquoi tu veux un deuxième mandat? Qu'est-ce que tu vas faire? Si tu as fait ce que tu avais dit que tu ferais, probablement qu'on va t'en donner un autre, sinon, bien, on passe à quelqu'un d'autre. Est-ce que tu as le goût, aussi, de continuer puis de progresser? C'est un peu ça, la gouvernance, donc s'assurer d'une reddition de comptes de la personne qui assume la fonction du bureau. Si les résultats sont là, je ne vois pas pourquoi on ne renouvellerait pas.

Le Président (M. Bachand) : Il reste quelques secondes, Mme la députée.

Mme Nichols : Non, bien, je pense qu'on a fait le tour. Merci, c'était une réponse qui était quand même assez complète. Merci beaucoup. Merci de votre participation.

Le Président (M. Bachand) : Sur ce, merci infiniment d'avoir été ici ce matin.

Je suspends les travaux jusqu'à 14 heures cet après-midi. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 19)

(Reprise à 14 heures)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bon début d'après-midi. La Commission des institutions reprend ses travaux. Comme vous le savez, je demande, bien sûr, à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Nous poursuivons les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 45, Loi concernant principalement la nomination et le mandat des coroners et du coroner en chef.

Cet après-midi, nous aurons le plaisir d'entendre et de partager des questions avec l'Ordre des ingénieurs du Québec. Donc, comme vous savez, la règle, 10 minutes de présentation, et après ça on a un échange avec les membres de la commission. Alors, je vous invite à débuter, d'abord en vous présentant. Merci beaucoup.

Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ)

Mme Baig (Kathy) : Excellent. Donc, merci, M. le Président. Mme la ministre, membres de la commission, je me présente, je m'appelle Kathy Baig, je suis ingénieure et présidente de l'Ordre des ingénieurs du Québec depuis 2016, et je suis accompagnée aujourd'hui de Me François-Xavier Robert, avocat au secrétariat et affaires juridiques de l'ordre.

Notre ordre a pour principale mission d'assurer la protection du public en encadrant la pratique de près de 65 000 ingénieurs et candidats à la profession. Dans le cadre de sa mission, l'ordre s'assure que les activités d'ingénierie sont réalisées par des personnes compétentes et que les plans et devis sont signés et scellés par des ingénieurs, comme le prévoit la loi. L'usage de plans et devis qui n'ont pas été préparés par des ingénieurs peut avoir et a eu des conséquences mortelles au cours des dernières années. Pensons à l'explosion d'une usine qui a fait trois morts et des dizaines de blessés à Sherbrooke en... 2012, pardon. Pensons aussi à l'effondrement du toit d'un bâtiment agricole sur un travailleur à Saint-Tite, en Mauricie, en 2017. Dans ce dernier cas, un coroner avait été chargé de faire une investigation, à laquelle l'ordre a collaboré, l'ordre a également mené sa propre enquête. Les coroners et l'Ordre des ingénieurs peuvent donc être appelés à se pencher sur un même incident, comme on vient de le constater. Nous remercions donc la commission de nous avoir invités à participer aux consultations sur ce projet de loi.

D'entrée de jeu, nous croyons que le projet de loi renforce l'encadrement législatif applicable à la recherche des causes de décès. Les recommandations et les commentaires que nous formulons dans notre mémoire ont pour objectif d'améliorer l'adéquation entre le principe et le texte du projet de loi. Trois éléments ont retenu notre attention, soit la nomination des coroners, la communication des documents détenus par un coroner et, enfin, le suivi des recommandations faites par les coroners.

Commençons par les conditions d'admission à la fonction de coroner. Le projet de loi bonifie les garanties d'indépendance des coroners, et nous saluons cette bonification, elle permettra de maintenir la confiance du public envers les travaux des coroners. Ceci dit, nous sommes d'avis que l'appartenance d'un coroner à un ordre professionnel est un critère qui devrait demeurer dans le règlement sur la sélection et la nomination des coroners. Nous pensons également que la révision de ce règlement devrait inclure une réflexion sur l'opportunité de permettre à davantage de professions d'avoir accès à la fonction de coroner. Présentement, seuls les médecins, les avocats et les notaires peuvent exercer la fonction de coroner permanent ou à temps partiel. Dans certaines circonstances, les infirmières peuvent, quant à elles, exercer la fonction de coroner auxiliaire.

Or, il est important de souligner qu'un nombre significatif d'investigations et d'enquêtes du coroner concernent les ouvrages d'ingénierie, notamment des infrastructures routières ou des bâtiments. Pour la conduite d'une telle enquête, la connaissance des sciences du génie peut s'avérer utile, voire même essentielle. Je tiens à rappeler que des ingénieurs ont présidé des commissions d'enquête et des commissions scientifiques et techniques qui présentaient de nombreuses similitudes avec les enquêtes menées par les coroners. À première vue, certains ingénieurs auraient donc les compétences requises pour exercer la fonction de coroner au Québec. À ce sujet, je porte à votre attention que, dans au moins trois autres provinces et dans les territoires, un coroner n'est pas nécessairement un médecin. Au Nunavut, la Coroner en chef est une infirmière. Il y a certainement lieu de mener une réflexion sur l'opportunité de permettre à d'autres ordres professionnels de pouvoir exercer la fonction de coroner. Notre deuxième recommandation va donc en ce sens.

J'arrive maintenant à la communication des documents détenus par un coroner. Il arrive qu'un décès soit attribuable à une faute ou à l'incompétence d'un professionnel, comme ce fut le cas lors de l'effondrement du toit du centre commercial en Ontario en 2012. Un décès attribuable à des services rendus par une personne qui exerce illégalement une profession est également possible. Des travaux de construction réalisés sans plans et devis par un architecte ou ingénieur peuvent également entraîner la mort, comme dans le cas du toit du bâtiment agricole qui s'est effondré sur un travailleur à Saint-Tite. Dans de tels cas, un ordre professionnel peut avoir besoin d'un document détenu par un coroner pour assurer ses responsabilités, que ce soit pour mener des enquêtes disciplinaires sur ses membres, les inspecter ou intenter des poursuites pénales visant à faire respecter les lois professionnelles, dont les dispositions relatives aux travaux sans plan d'architecture ou d'ingénieur. À cet égard, le projet de loi prévoit la possibilité qu'un coroner puisse, pendant son enquête, transmettre des documents à trois catégories de personnes et d'organismes. Malheureusement, les ordres professionnels ne sont mentionnés dans aucune de ces trois catégories. Grâce au pouvoir d'enquête à l'article 122 du Code des professions, le syndic d'un ordre pourrait probablement obtenir un document utile à une enquête disciplinaire, mais les autres titulaires des fonctions des ordres professionnels, que ce soit du côté de l'inspection professionnelle ou du côté de la surveillance de la pratique... illégale, je m'excuse, ne détiennent pas un tel pouvoir. Notre troisième recommandation vise donc à ce que les ordres professionnels soient inclus parmi la liste des personnes et organismes auxquels un coroner peut communiquer un document en modifiant les articles 90.1 et 101 de la loi.

Notre dernière préoccupation concerne le suivi des recommandations qui sont formulées par les coroners dans leurs rapports. Ces recommandations visent à éviter qu'une situation ne se reproduise. Elles sont transmises aux personnes, aux organismes concernés. Or, comme l'a démontré une enquête journalistique menée en 2018, ces recommandations ne font pas nécessairement l'objet d'un suivi. L'Ordre des ingénieurs peut d'ailleurs constater cet état des faits. En 2010, un coroner qui avait enquêté sur le décès d'une femme écrasée par un panneau de béton qui s'était détaché du mur d'un édifice a recommandé de réviser la Loi sur les architectes et la Loi sur les ingénieurs afin de rendre obligatoire la surveillance des travaux de construction d'un immeuble. Cette recommandation était adressée au ministère de la Justice et à l'Office des professions du Québec. 10 ans plus tard, le Québec ne prévoit aucune forme de surveillance obligatoire des travaux de construction de bâtiments, contrairement à plusieurs provinces.

Les organismes visés par les recommandations d'un coroner doivent en assurer le suivi, et le projet de loi améliore la loi actuelle à cet égard, mais le législateur pourrait aller plus loin, et voici nos commentaires à ce sujet. Premièrement, aucune sanction ne semble prévue en lien avec les obligations formulées aux personnes ou aux organismes à qui le coroner adresse des recommandations. Une entreprise peut faire fi des recommandations sans craindre quelque conséquence que ce soit. Deuxièmement, il arrive que des suivis soient annoncés, mais la loi ne prévoit aucun mécanisme pour assurer que les recommandations ont réellement été implantées. À ce sujet, notre mémoire suggère que les ministères et les autres organismes puissent être tenus d'indiquer, dans leurs rapports de gestion, le suivi effectué à une recommandation du coroner qui leur est adressée. Nous sommes conscients que l'article 98, tel que bonifié par le projet de loi, apporte des améliorations au suivi des recommandations, mais nous suggérons qu'il pourrait être opportun de vérifier dans cinq ans si ces améliorations se sont effectivement concrétisées.

En conclusion, je réitère que le projet de loi vient renforcer l'encadrement de la recherche des causes de décès. En ce qui concerne l'Ordre des ingénieurs, nous continuerons de collaborer activement aux enquêtes menées par les coroners et à assurer le suivi lorsque des décès sont reliés à l'exercice de notre profession. Nous restons à votre disposition pour fournir toute l'information que vous pourriez juger utile dans le cadre de vos travaux. Merci de votre attention. Nous sommes maintenant prêts à vos questions.

Le Président (M. Bachand) : Merci infiniment. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme Guilbault : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Merci à vous deux d'être ici cet après-midi, très, très intéressant. Aujourd'hui, on a des ordres professionnels, vous êtes le troisième... bien, le collège, et puis l'Ordre des pharmaciens, et vous, puis c'est très, très intéressant parce que... je ne sais pas si vous avez suivi le début des travaux, mais moi, j'ai dit hier, et encore ce matin, que c'est dans mon intention, en ce moment, parce que... toujours en précisant que l'ouverture du règlement sur les personnes aptes à être nommées coroners, c'est une démarche parallèle au projet de loi, donc, ici, on parle, normalement, du projet de loi, mais, depuis le début, c'est quand même en filigrane, cette ouverture à d'autres professions, parce que ça touche un peu l'ensemble de l'exercice. Et moi... actuellement, on est en train d'élaborer ou de modifier ce règlement-là, et il est dans mon intention, actuellement, d'inclure les ingénieurs, avec les infirmiers et les pharmaciens, comme étant éligibles à la profession de coroner. Donc, je comprends de votre mémoire que l'intérêt est réciproque.

Mme Baig (Kathy) : ...donc, on est très heureux d'entendre ça. Effectivement, on avait suivi, on l'avait entendu dans les discussions précédentes, donc on était très heureux d'avoir cette ouverture-là.

• (14 h 10) •

Mme Guilbault : Et moi, j'ai eu connaissance de discussions, depuis quelques années, entre le Bureau du coroner et, plus particulièrement, les pharmaciens et les infirmiers, puis donc ce n'est pas une surprise pour eux, aujourd'hui, j'imagine, ou hier, de m'entendre dire ça, mais, dans votre cas, est-ce que ça fait un certain temps qu'il y a ce genre de démarche là? Avez-vous eu des discussions avec le Bureau du coroner ou est-ce que c'est nouveau, aujourd'hui, d'entendre que vous pourriez devenir éligibles?

Mme Baig (Kathy) : À ma connaissance... moi, je suis à l'ordre depuis 2016, j'ai été impliquée avant, depuis 2013, et je vous dirais que je n'avais jamais vraiment entendu parler de cette ouverture-là ou de cette possibilité-là. C'est vraiment avec le projet de loi n° 45, lorsqu'on l'a étudié, qu'on a entrevu la possibilité. De mon côté... peut-être que Me Robert a un complément d'information, mais, à mon niveau, je n'avais pas entendu, nécessairement.

M. Robert (François-Xavier) : Moi aussi, je suis à l'ordre depuis 2013, et ça n'a jamais, à ma connaissance, été discuté.

Mme Guilbault : O.K. Mais l'idée, moi, derrière ça, c'est vraiment... comme je l'expliquais, c'est de créer une espèce de pool d'expertises au sein des coroners pour qu'il y ait cette osmose d'expertises puis des échanges entre collègues qui se fassent à la faveur d'une expertise globale bonifiée au service des citoyens.

Je donnais l'exemple, ce matin, aux pharmaciens qu'un collègue juriste pourrait les consulter dans un enjeu de toxicologie. Puis, de la même façon, on pense, spontanément, tous les accidents de la route sont signalés au coroner, donc moi, je vois très bien un coroner ingénieur être investigateur dans un décès sur la route ou, à la limite, des accidents de travail, des fois, dans certains cas. Je vois tout à fait, là, la pertinence de vous avoir, que vous soyez le coroner attitré ou, comme je disais, un peu un consultant d'un collègue, mais, bref, ça enrichirait, pour moi, beaucoup le patrimoine d'expertise du Bureau du coroner. Donc, pour ce que vous en... Vouliez-vous intervenir?

Mme Baig (Kathy) : Bien, c'était juste pour faire un écho qu'on est entièrement d'accord. Puis on avait fait la recherche de... certaines enquêtes qui avaient été faites par des coroners sont d'ailleurs étoffées dans notre mémoire, justement. Il y avait un motocycliste qui avait eu un accident sur un chantier, il y avait vraiment une portion ingénierie dans cette analyse-là, donc on aurait très bien vu une expertise d'ingénierie d'un coroner qui aurait pu être pertinente dans ce dossier-là. Donc, c'est un exemple pour seconder ce que vous mentionnez.

Mme Guilbault : Puis, pour ce que vous en savez... Parce que, là, vous me dites que c'est relativement nouveau pour vous d'entendre qu'il y aurait cet intérêt-là pour vous inclure. Donc, de prime abord, est-ce que vous pensez qu'il y aurait un intérêt chez vos membres pour être coroner?

      Mme Baig (Kathy) : C'est une très bonne question. En fait, je l'ai dit d'entrée de jeu, il y a 65 000 ingénieurs. La beauté de notre profession fait en sorte qu'on est formés et on travaille dans plusieurs domaines. Au niveau de l'Ordre des ingénieurs, on a des syndics adjoints, qu'on appelle, qui font des enquêtes, et donc on recrute des ingénieurs pour devenir des syndics adjoints. Je ne dis pas que le poste de syndic adjoint et de coroner, c'est la même chose, mais, quand même, les deux ont des responsabilités de faire enquête. Donc, je pense qu'il pourrait très bien y avoir un intérêt de certains de nos 65 000 ingénieurs pour devenir coroner, je n'ai pas trop de doutes à cet effet.

Mme Guilbault : Puis pour la formation? Parce que, moi, derrière l'idée d'avoir la diversité d'expertises, quand on regarde les professions qui pourraient éventuellement être éligibles, on va avoir médecin, avocat, notaire, pharmacien, infirmière et ingénieur, supposons, ça fait qu'il y a quand même des expertises très différentes, mais le dénominateur commun, c'est l'appartenance à un ordre professionnel, parce qu'on veut comme un minimum, justement, de professionnalisation de la profession d'origine de la personne. Et donc vous avez cet ordre professionnel, quel genre de formations ou d'exigences de formation vos membres ont-ils?

Mme Baig (Kathy) : Au niveau universitaire, vous parlez?

Mme Guilbault : Au niveau de l'ordre professionnel, qu'est-ce que vous exigez de vos membres, en termes de maintien de compétences, pour pouvoir continuer d'être membre de l'ordre, finalement?

Mme Baig (Kathy) : Par la suite. Oui, donc, pour devenir membre... Je m'excuse, je ne voulais pas vous couper. Donc, pour devenir membre de l'ordre, évidemment, il faut avoir fait le quatre ans d'université dans un programme accrédité en génie. Par la suite, ils doivent faire un programme qu'on appelle CPI, candidat à la profession d'ingénieur, qui exige 24 mois de pratique professionnelle avec un superviseur, un mentor qui va le parrainer pendant toute cette période-là, plus un examen professionnel. Une fois qu'il a passé toutes ces étapes-là, il peut devenir ingénieur de plein titre. Et, une fois qu'il est membre de l'ordre, il a une obligation de formation de 30 heures aux deux ans pour maintenir ses compétences à jour. Donc, il y a tout un programme de formation puis de... je m'excuse, continue qui les accompagne par la suite.

Mme Guilbault : O.K., intéressant. Et puis, sur la transmission des documents, vous en avez parlé, vous aimeriez, en fait, pour reprendre, là, votre... je vais reprendre vos termes, là, je ne me souviens plus c'est quel numéro, enfin, vous voudriez être inclus... ah! c'est ça : «Inclure [...] les ordres professionnels dans la liste des personnes et organismes auxquels un coroner peut transmettre un document.»

Mme Baig (Kathy) : En fait, si je peux expliquer un peu la volonté derrière ça, je compare les enquêtes du coroner, encore une fois, comme à celles du syndic adjoint. Parfois, les enquêtes peuvent être longues, et avec raison, parce qu'elles doivent être faites adéquatement, puis il y a des recherches et des analyses à faire, mais il peut s'avérer, peut-être, que, pendant l'enquête, le coroner va être au fait de certains éléments qui pourraient nous toucher en tant qu'ordre professionnel, et de ce qu'on voit dans la liste qui est là, pendant l'enquête, il n'y a pas vraiment lieu de pouvoir échanger des documents, à part via l'article 122 du code, qui dit qu'on peut échanger avec le syndic.

Mais un ordre professionnel a trois mécanismes, entre autres. Il y en a cinq au total, mais trois ici dont je veux vous entretenir. Donc, le syndic, lui qui fait les enquêtes si jamais il y a eu des comportements fautifs par nos membres... Je pense qu'au niveau du syndic il y aura lieu d'échanger, avec votre loi actuelle, entre le coroner et le syndic, mais, si on va en inspection professionnelle ou en pratique illégale, il n'y a rien dans les dispositions légales qui, pendant la durée de l'enquête du coroner, permettrait aux entités d'échanger de l'information. Étant donné que les enquêtes peuvent être longues, à l'occasion, au lieu d'attendre à la fin, il pourrait être utile qu'on puisse recevoir cette information-là pour que nos mécanismes de protection du public soient enclenchés plus tôt dans le processus que tard. Donc, c'est dans cet esprit-là qu'on aurait aimé une ouverture, que les ordres professionnels soient inclus dans la liste des organismes avec lesquels on peut échanger — je ne sais pas si c'est clair — parce que, vraiment, les ordres professionnels, leur fonctionnement, c'est unique, si je peux dire ça ainsi, là. Donc, c'est dans cet esprit-là.

Mme Guilbault : Oui, c'est très clair. Puis en fait, justement je vous demande ça parce que, ce matin, on a reçu les pharmaciens, qui, eux, recommandaient aussi, là, des modifications, recommandaient, eux, d'ajouter, que... après consultation du Coroner en chef, puis tout ça, là, le même article dont il est question, qu'«un coroner peut, lorsqu'un professionnel est impliqué, transmettre au bureau du syndic ou au comité d'inspection professionnelle tout document ou toute information pertinente lorsque des pratiques professionnelles et la protection du public sont en jeu».

Mme Baig (Kathy) : Même chose pour nous.

Mme Guilbault : Donc, je comprends que ça va exactement dans le sens... Là, on ne parlait pas tant de transmission de documents, mais, oui, «tout document ou toute information», c'est dans le sens de dire, même si ce n'est pas un document, pouvoir donner un avis à l'ordre concerné que tel membre serait peut-être en cause dans quelque chose, puis ensuite de ça c'est l'ordre qui prend en charge d'investiguer, puis de creuser, puis de faire le suivi de l'affaire.

Mme Baig (Kathy) : Exactement. Par exemple, si un coroner voyait, pendant son enquête, qu'il y avait peut-être des ingénieurs qui avaient des lacunes au niveau de leurs compétences, puis il le voit pendant, bien, s'il avait la possibilité de transférer l'information au département d'inspection professionnelle de l'ordre concerné, ce département-là pourra enclencher les processus à partir de là au lieu d'attendre à la fin, par exemple, pour obtenir l'information. Donc, on est entièrement en accord avec ce que l'Ordre des pharmaciens disait.

M. Robert (François-Xavier) : Il y aurait peut-être, par contre, une petite nuance importante, je crois, puis je n'en fais pas rigueur aux pharmaciens parce qu'ils ont un contexte d'exercice qui est différent de celui des ingénieurs et des lois différentes aussi, la proposition des pharmaciens, malheureusement, ne couvrirait pas un cas d'exercice illégal parce que ce n'est pas un professionnel, par définition. Donc, supposons que le coroner s'apercevait... par exemple, il s'aperçoit... il y a un effondrement, peut-être, d'un viaduc quelque part, et il s'aperçoit, finalement... dans son investigation ou son enquête, selon le cas, il s'aperçoit, dans le fond, que les plans n'ont pas été faits par un ingénieur, mais par un technicien, par exemple, puis qu'il n'y a pas eu supervision d'un ingénieur, la proposition des pharmaciens, malheureusement, ferait en sorte que le coroner ne pourrait pas envoyer les documents parce que ce n'est pas un professionnel qui est en cause, c'est un non-professionnel.

C'est pour ça que notre proposition à nous, je crois, elle est plus large, puis elle visait aussi un cas qui est très particulier aux lois sur les architectes et lois sur les ingénieurs, c'est qu'il y a une infraction qui est l'usage de documents qui n'ont pas été signés et scellés par un ingénieur, ça n'existe pas dans les autres lois professionnelles, mais, en gros, un constructeur qui construit un bâtiment sans plans de structure, par exemple, qui ont été signés et scellés par un ingénieur commet une infraction. Et c'est un petit peu le cas de la ferme dont on parle, là, à Saint-Tite, c'était vraiment une construction sans plans et devis d'ingénieur. Si on réfère uniquement au cas, à un signalement à cause d'une inconduite d'un professionnel, bien, ça ne couvrirait pas ces cas-là. Ça fait qu'on pense que notre proposition, elle est peut-être un peu plus large puis un petit peu plus adaptée à l'ensemble des circonstances que pourrait constater un coroner.

Mme Guilbault : Est-ce que vous avez déjà eu des expériences comme ça avec le Bureau du coroner, une discussion informelle avec un coroner, ou ne serait-ce qu'après le dépôt d'un rapport, appeler un coroner en disant : Bon, bien là, je viens de lire tel rapport, tu sais? Est-ce que vous avez déjà eu ce genre de collaboration là? Parce que, comme j'ai dit aux pharmaciens ce matin, est-ce que ce n'est pas quelque chose qui pourrait se faire en dehors d'une modification législative? On va évaluer l'opportunité, peut-être, de l'inclure, mais est-ce que c'est des pratiques qui pourraient être mises en place indépendamment des modifications législatives, cette espèce de réflexe de collaboration précoce à partir du moment où on s'aperçoit qu'il y a peut-être quelque chose qui compromet la protection du public?

• (14 h 20) •

Mme Baig (Kathy) : Je vais demander à Me Robert de compléter, mais, moi, de ce que j'en comprends, oui, il y a de la collaboration entre les ordres professionnels puis les coroners, mais ça ne va pas aussi loin que ce qu'on souhaiterait pour mettre à profit tous nos mécanismes de protection du public qu'on a. C'était le cas, d'ailleurs, à Saint-Tite, où on a collaboré à l'investigation et puis, par la suite, on a mené notre propre enquête, mais je pense que ce qui est proposé dans le projet de loi nous permettrait d'aller encore plus loin. Je vais peut-être demander à Me Robert de compléter sur ce dossier-là.

M. Robert (François-Xavier) : Il y a peut-être... Dans les faits, en général, on n'est effectivement pas impliqués dans les enquêtes du coroner, même celles qui touchent les ouvrages d'ingénierie. Des fois, le problème n'est pas nécessairement, aussi, une décision d'ingénierie, ça fait que c'est un peu normal qu'on ne soit pas systématiquement impliqués, là, ce n'est pas du tout une critique du coroner. Mais je pense qu'effectivement l'histoire de la ferme de Saint-Tite, ça a été vraiment un tournant, dans le sens que c'est un cas où c'est le Bureau du coroner qui a cogné à la porte de l'ordre, qui dit : J'aimerais ça que vous m'aidiez, je pense que c'est important. Puis là, effectivement, c'est sûr que, dans un cas de même, il y a une collaboration qui est très étroite. Et d'ailleurs le coroner lui-même en fait état, là, dans son rapport, là, d'investigation, mais ce n'est pas quelque chose qui est nécessairement fréquent.

Puis l'autre chose, des fois, c'est que, peut-être, le coroner, lui, ne le sait pas nécessairement que c'est une situation qui constitue une inconduite, ça fait qu'il ne pense pas nécessairement à appeler l'ordre. Nous, peut-être qu'on peut l'apprendre... puis, à ce moment-là, des fois on va l'apprendre par la suite, des fois on va l'apprendre un peu plus tard, mais peut-être que les documents deviennent utiles pour nos fins à nous, à ce moment-là. Donc, ce n'est pas... c'est sûr que je pense... Même une collaboration accrue — qui est souhaitée, je crois — je ne pense pas que ça réglerait entièrement le problème, là, il va toujours y avoir un cas où on va avoir besoin d'une disposition pour encadrer un petit peu la transmission de documents.

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre.

Mme Guilbault : Oui, merci. J'ai un autre petit point... attendez, là, je viens mêlée dans mes notes, mais je voulais aborder avec vous le suivi des recommandations, parce que vous en avez parlé et vous suggérez ici de... «toutefois, il pourrait être opportun de vérifier dans cinq ans si c'est effectivement le cas», par rapport au suivi des recommandations, là. Donc, vous dites : Peut-être que ça va suffire, parce qu'on a déjà inclus quelque chose dans le projet de loi qui est mieux que ce qui se fait actuellement, mais, bon, là, vous dites : Peut-être que ça va suffire, mais, en même temps, vérifiez dans cinq ans. Donc, pourquoi dans cinq ans? Et de quelle façon... Bien, en fait, je vais vous laisser répondre sur le cinq ans, puis après je compléterai avec ma sous-question.

Mme Baig (Kathy) : En fait, vous avez raison, dans le projet de loi, il est très clair, il y a eu une avancée par rapport au suivi, la personne doit dire qu'elle en a pris conscience et doit mentionner ce qu'elle a l'intention de faire. Mais une fois qu'elle dit ça, est-ce qu'elle va vraiment le faire? Est-ce que ça va se matérialiser? Donc, nous, ce qu'on a jugé, c'est qu'après un certain délai il devrait y avoir un suivi pour être certain que les engagements qui ont été mentionnés étaient réellement accomplis.

Maintenant, pourquoi cinq ans? Je peux peut-être donner la parole à Me Robert. Ça peut être cinq ans, ça peut être quatre ans, ça peut être six ans. Je pense qu'à la fin c'est qu'il faudrait peut-être qu'il y ait un suivi officiel après un certain temps, suite aux informations qui ont été données au coroner. Je ne sais pas, Me Robert, si vous désirez commenter sur le cinq ans, particulièrement.

      M. Robert (François-Xavier) : Le cinq ans, pourquoi on l'a proposé... Puis ce n'est pas, effectivement, un chiffre magique, là, comme disait Mme la présidente, là, personne ne va déchirer sa chemise si c'est quatre ou six ans, là, bon. Pourquoi le cinq ans? En fait, c'est que c'est une pratique qu'on voit souvent. Par exemple, à l'Office des professions, ils vont faire un rapport sur l'assurance responsabilité des professionnels à tous les cinq ans, donc le rapport quinquennal. C'est souvent un délai qu'on voit dans les organismes publics au niveau des redditions de comptes. Ça fait qu'on s'est basés là-dessus en disant : Bien, c'est, dans le fond, quelque chose qui doit assez bien fonctionner, puisqu'il est très répandu, puis ça nous permet quand même d'assurer, évidemment... ça nous permet d'avoir un échantillon aussi, parce que, dans le fond, c'est de voir si l'article est efficace. On ne peut pas... vous ne pourrez pas regarder uniquement un rapport du coroner, regarder le suivi là-dessus, ça va vous prendre un échantillon qui est quand même considérable. En cinq ans, le coroner a le temps d'avoir fait assez d'enquêtes et d'investigations pour le constater. Puis ce n'est pas dans tous les cas où il y a des recommandations, non plus, ça fait qu'on pense que cinq ans, ça lui permet assez de temps pour construire un échantillon qui permettra, à ce moment-là, aux parlementaires de dire : Bien, est-ce qu'on a été assez loin ou on a besoin de mettre plus de dents encore?, parce que ça ne fonctionne pas, les gens ne respectent pas la disposition. Donc, on trouvait que c'est un habile compromis entre agir assez rapidement puis, d'un autre côté, se donner la chance de voir si ça fonctionne correctement.

Mme Guilbault : O.K., merci. Il me reste très peu de temps, donc un dernier petit point, sur, justement, le suivi des recommandations. Vous dites qu'«il serait envisageable que les ministères et [...] organismes publics soient tenus d'indiquer dans leur rapport [annuel]» le suivi des recommandations, mais, pour ceux qui reçoivent des recommandations et qui ne font pas partie de la fonction publique, qu'est-ce que vous voyez comme reddition de comptes? Ça devient difficile de suivre pour une organisation privée, une entreprise, ou autre.

Mme Baig (Kathy) : Bien, la plupart des organisations vont faire quand même un rapport annuel, je ne sais pas si ça peut être un outil par lequel ils peuvent véhiculer l'information, les actions. Il doit y avoir d'autres mécanismes de reddition de comptes de ces organismes-là, ils peuvent utiliser ces outils-là pour communiquer l'information. Je ne sais pas si, Me Robert, vous avez des meilleures idées pour les fonctions...

M. Robert (François-Xavier) : Malheureusement, effectivement, on n'en avait pas beaucoup, parce que c'est très divers, évidemment, là. Un coroner peut faire une recommandation à un ordre professionnel, il peut faire... on a un rapport annuel, à ce moment-là, on pourrait en parler, ça va bien, mais il peut le faire aussi à un dépanneur, en théorie, là. Là, s'il faut trouver le mécanisme, je vous dirais que, si on l'avait trouvé, on l'aurait mis, mais...

Mme Guilbault : Ah! bien, c'est correct. Je me disais peut-être que...

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Me Robert.

Mme Guilbault : Merci beaucoup à vous deux. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Vimont, s'il vous plaît.

M. Rousselle : Merci beaucoup. Bien, merci beaucoup à vous deux, Mme Baig, M. Robert, d'être ici. Merci beaucoup, très intéressant. Écoutez, effectivement, comme vous l'avez mentionné, 65 000 ingénieurs, vous l'avez mentionné, jamais je ne croirai qu'il n'y en a pas qui sont intéressés, là-dedans, là, sur le nombre.

L'affaire qui est... Je trouvais ça intéressant, vous avez parlé comme quoi qu'il y avait plusieurs domaines, et, là-dedans, je voulais vous entendre. C'est que, là, on parle d'avoir comme une équipe multidisciplinaire, parce que, là, je veux dire, il va y avoir de l'information qui va se passer entre les collègues, mais vous, chez vous, en plus de votre formation que vous avez mentionnée tantôt puis une formation obligatoire sur une base régulière, est-ce que vous avez cet échange-là? Est-ce que cet échange-là se fait aussi? Dans le sens... c'est que moi, je suis au niveau de la santé, vous, vous êtes au niveau routier, un exemple, est-ce que cet échange-là se fait pour, à un moment donné, parfaire vos connaissances?

Mme Baig (Kathy) : Je ne suis pas certaine de bien comprendre votre question, mais, par exemple, est-ce que vous parlez des différentes disciplines au sein de la profession puis s'il y a un échange de connaissances qui s'est...

M. Rousselle : Oui.

Mme Baig (Kathy) : Bien, je vous dirais que, tu sais, vous savez, il y a énormément de domaines de génie, donc on a mécanique, électrique, civil, chimique, et tout ça, et, après ça, ça va plus par domaine d'industrie, là. Ça fait que, si on travaille dans l'alimentaire, vous allez retrouver, dans l'alimentaire, des ingénieurs chimiques, mécaniques, électriques qui vont travailler ensemble et, entre eux, vont partager les connaissances requises dans cette industrie-là. Donc, oui, mais c'est complexe, le domaine du génie, là, ça fait que ça peut être par domaine ou par discipline, il va y avoir un partage d'information entre eux, tout à fait.

M. Rousselle : Toujours en restant dans la formation, c'est que, là, si jamais que la loi devient puis que vous êtes considérés comme coroners, considérez-vous que vos membres... Parce que, là, c'est un nouveau mandat, c'est quelque chose de nouveau. Puis c'est sûr que vous avez des compétences utiles, parce que, vous en parliez tantôt, au niveau structures, au niveau... peu importe, là, mais faire le travail de coroner, c'est plus large, c'est vraiment... c'est d'être aux approches de décès, c'est à l'approche... vous savez, on s'en va vraiment dans le plus large. Vous, pensez-vous qu'il serait intéressant peut-être pour vos membres d'avoir une formation pour les aiguiller, je veux dire, premièrement, aiguiller au travail de coroner, mais aussi aiguiller à l'approche, justement, de décès probants? Parce que tu es coroner, fort possible que tu rencontres des décès, là, donc c'est vraiment... c'est pour ça que tu es coroner. Donc, est-ce que vous pensez qu'il y aurait une nécessité de donner une formation à vos membres?

Mme Baig (Kathy) : Oui, bien, en fait, c'est sûr que la formation d'ingénieur, à la base... sa capacité, c'est de résoudre des problèmes, donc c'est quelqu'un de très méthodologique, résolution, il va être très, très fort en ce sens. Et donc je fais encore le parallèle entre nos syndics adjoints et vos coroners, ce sont des gens qui vont faire des enquêtes, mais effectivement il y aura peut-être des formations complémentaires qu'ils auront besoin. Et là je ne sais pas quel est le programme de formation lorsqu'on rentre coroner, mais, au niveau du syndic adjoint, même si ce sont des ingénieurs, il y a tout un programme de formation au rôle de syndic adjoint et des formations complémentaires qui viennent avec. Donc, j'imagine qu'au niveau des coroners c'est la même chose, il doit y avoir... et ce sont des formations qui vont être très bénéfiques à nos ingénieurs pour faire leur rôle de coroners adéquatement. Donc, oui, bien qu'ils ont une très bonne formation, je pense que des formations supplémentaires en fonction du poste de coroner seront requises. Est-ce que ça répond à votre question?

•(14 h 30) •

M. Rousselle : Oui. Bien, justement, parce qu'on a rencontré justement, l'Association des coroners, puis la dame qui était là nous informait comme quoi qu'ils apprenaient sur le tas, donc c'est sûr que... bien, c'est certain qu'ils vont voir leurs collègues, je veux dire, ils ne sont pas laissés à eux-mêmes, là, je pense que les téléphones sont là, puis ils peuvent rencontrer leurs collègues, mais...

Puis moi, j'y vais toujours dans un côté professionnel, un côté qu'on veut être performants, je veux dire, hein, on ne veut pas faire d'erreur. D'ailleurs, c'est pour ça que je pense qu'on veut élargir, justement, les horizons pour avoir un plus grand nombre de gens pour qu'ils ne puissent rien oublier, comme les pharmaciens, et tout. C'est pour ça que je vous posais la question. C'est que, connaissant... Vous, vous êtes des ingénieurs, là, il n'y a pas de problème là-dessus, puis vous avez expliqué la formation, et tout, mais c'est pour ça, tout à l'heure, je vous posais la question s'il y avait des échanges, des fois, pour se parfaire. Mais, encore une fois, comme je vous dis, là, c'est un travail bien particulier, être coroner. Donc, je vous posais la question, si vous, vous voyez ça d'un bon oeil, justement, qu'il y ait une formation qui existe, justement, au niveau professionnel pour devenir coroner.

Mme Baig (Kathy) : Oui, tout à fait. Moi, je ne veux pas m'immiscer dans la gestion au niveau des coroners, mais, pour les ingénieurs, pour arriver à faire la fonction d'ingénieur adéquatement, il serait probablement intéressant qu'il y ait certaines formations complémentaires, puis ça peut être donné à même le Bureau du coroner, comme on fait au syndic adjoint. Là, je ne connais pas assez la fonction de coroner et les compétences qui seraient à aller bonifier, mais, oui, je verrais d'un bon oeil qu'il y ait des formations supplémentaires à cet effet-là.

M. Rousselle : Je regardais la transmission des documents... Vous avez parlé de transmission de documents concernant les ordres professionnels. Je trouvais ça intéressant, parce qu'effectivement... Et, comme la ministre l'a mentionné aussi, les pharmaciens l'ont mentionné aussi, ça va être intéressant d'avoir, justement, avant que le rapport... puis là, je ne sais pas, je ne vous ai pas entendus là-dessus, mais, avant que le rapport... mais je pense que vous l'avez mentionné.

Mme Baig (Kathy) : Oui, tout à fait.

M. Rousselle : Je veux juste me rassurer, là, parce que j'ai pris bien des notes, mais, à un moment donné, tu écris, puis ça va trop vite et puis... Mais, c'est ça, c'est que, je pense, l'importance d'avoir l'information avant... de un, pour corriger, peut-être, la situation... pour vous, dans votre cas, c'est un problème de bâtiment, donc de structure, et tout, mais aussi, vous avez mentionné, puis je pense que c'est la question de la ministre aussi, c'est que, si jamais qu'un de vos membres erre, donc qu'il y ait un problème, donc vous pouvez aussi corriger la situation. C'est bien ça que j'avais compris tantôt?

Mme Baig (Kathy) : Tout à fait. Et Me Robert a amené un complément d'information qui était très intéressant, donc, oui, on a le mécanisme d'inspection professionnelle, donc celui-là, il agit directement sur les membres qui ont des problèmes de compétence, donc plus tôt on a l'information, plus tôt on peut intervenir pour corriger au niveau de sa compétence, mais il y a aussi tout ce qu'on appelle la pratique illégale, donc c'est un département qui agit sur les non-membres, donc ce ne sont pas des ingénieurs, et plus tôt on obtient l'information qu'il y a de la pratique illégale, donc, des non-ingénieurs qui signeraient des plans et devis, plus tôt on peut intervenir.

Il faut savoir que, dans la loi, il y a un délai de prescription. Donc, si le coroner émet son rapport — je dis n'importe quoi — quatre ans ou cinq ans plus tard et que le délai est passé, nous, nous ne pouvons plus intervenir. Et d'ailleurs c'est ce qui est arrivé dans un des cas. Donc, plus tôt on a l'information, autant pour le département d'inspection que pour le département de pratique illégale, plus tôt on peut intervenir.

M. Rousselle : Merci.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Merci, M. le Président. Vous avez piqué ma curiosité avec les syndics adjoints.

Mme Baig (Kathy) : Oui?

Mme Nichols : Bien, vous avez dit qu'il y avait une similitude un peu avec le travail de coroner. Ça fait que, là, j'essayais de faire des parallèles. Je le sais, là, mon collègue en a parlé, là, du syndic adjoint. C'est quoi, exactement, la formation pour votre syndic adjoint?

Mme Baig (Kathy) : Bien, en fait, un syndic adjoint... Au niveau d'un système professionnel, pour être syndic adjoint, donc, il faut être membre de cet ordre professionnel là. Donc, nous, si je me souviens bien, on a 14 syndics adjoints, on a un syndic en chef et 14 syndics adjoints. Et, chez nous, il faut qu'ils soient ingénieurs; dans un autre ordre, bien, il doit être membre de cet ordre-là. Et la formation... il n'y a pas de formation spécifique. À l'université, il n'y a pas de formation pour devenir syndic adjoint. Donc, lorsqu'on les recrute... On a bâti un programme de formation parce que, justement, oui, ils sont bons en résolution de problèmes, ils sont méthodologiques, ils sont structurés, mais faire une enquête suite, par exemple, à Neptune, lorsqu'il y a eu des décès, comprendre les causes de tout ça au niveau déontologique, compétences, ça prend quand même, tu sais, des compétences plus variées. Et donc il y a tout un programme de formation qui a été développé par notre syndic, notre département de syndic, pour rendre nos ingénieurs à un niveau dont on a besoin à titre de syndic adjoint. Là, je ne pourrai pas rentrer dans le détail de la formation qui est faite, mais c'est vraiment une formation qui est faite par l'ordre pour les préparer à devenir syndics adjoints.

Mme Nichols : C'est superintéressant. Puis, dans le fond, c'est... n'importe qui qui serait intéressé peut suivre la formation puis, après, présenter sa candidature pour être syndic adjoint?

Mme Baig (Kathy) : En fait, si je peux me permettre, c'est le contraire, donc on va d'abord faire les entrevues des syndics adjoints, on va voir s'ils ont les compétences, les requis, les «skills», et, si on voit que c'est possible, on va les engager et, par la suite, on va les former à l'interne pour qu'ils puissent devenir syndics adjoints. C'est vraiment une formation, et cette formation-là, si je ne m'abuse, a été développée avec des anciens corps de police. On faisait... on travaillait avec des bureaux des anciens policiers qui ont ouvert des bureaux d'enquête, et tout ça a été développé conjointement avec eux pour les former.

Mme Nichols : Bien, c'est une structure superintéressante, comme, à l'interne, là, mais je trouve ça superintéressant, là, de la façon que c'est développé.

Vous avez dit qu'il y avait un syndic adjoint chef ou un syndic en chef là, si on veut.

Mme Baig (Kathy) : Oui, un syndic, on l'appelle syndic, qui est l'équivalent, je pense, chez vous, de votre coroner en chef, puis ensuite on a des syndics adjoints.

Mme Nichols : Puis lui, il est nommé comment puis il est nommé pour un mandat de combien de temps, pour faire un parallèle avec notre...

Mme Baig (Kathy) : Oui, O.K., très intéressant. Le syndic et nos syndics adjoints sont tous nommés par le conseil d'administration, c'est une durée indéterminée. Donc, ils ont des postes... Puis, si jamais on voulait les retirer de leur fonction, ça doit être aussi par le vote du conseil d'administration. Donc, on ne peut pas retirer un syndic adjoint comme on le souhaite. Est-ce que tu veux compléter?

M. Robert (François-Xavier) : ...en plus que c'est un vote aux deux tiers, dans le fond, ce n'est pas une majorité simple qui... Ce n'est pas une règle de régie interne, c'est dans le Code des professions, justement, pour éviter, autant que possible, qu'une enquête devienne politisée par les pressions du conseil, pour donner vraiment la garantie d'indépendance aux syndics.

Mme Nichols : Je vais aller un peu plus loin, vous pensez quoi d'une nomination purement politique?

Mme Baig (Kathy) : Bien, je pense que ce que vous proposez ici, ce n'était pas purement politique, de ce que je comprends...

Mme Nichols : Non, je voulais avoir...

Mme Baig (Kathy) : ...donc on était très confortables, je pense qu'on l'a dit dans notre mémoire aussi, le fait qu'il y ait un règlement, le fait que les critères sont clairs, le processus qui était proposé ici, puis je pense que ça passe, là, j'y vais de mémoire, par la Sécurité publique, si je me souviens bien. On trouvait que c'était une approche qui permettait d'offrir une plus grande indépendance au niveau du Coroner en chef.

Mme Nichols : Très bien. Merci. J'imagine, là, l'information, là, sur cette structure-là, est-ce qu'on peut l'avoir sur le site de l'ordre ou...

Mme Baig (Kathy) : Au niveau de la formation qu'on a...

Mme Nichols : Non, mais l'information sur la structure des 14...

Mme Baig (Kathy) : Au niveau des... Je ne suis pas certaine que ce niveau de détail là est sur notre site Internet, il faudrait valider, mais ce n'est pas confidentiel, là. Si jamais vous la souhaitiez, on pourrait très bien la partager sans problème, mais, en toute honnêteté, je ne pense pas que ça va à ce niveau-là sur notre site Internet.

Mme Nichols : O.K., très bien. Merci. Vous avez proposé... Vous proposez qu'un document écrit par le coroner puisse être transmis à un ordre professionnel. Moi, je vous le dis d'emblée, là, il me semble que ça va de soi. Mais êtes-vous prêts à donner suite à ces recommandations-là qui sont incluses dans le rapport qui touche votre secteur d'activité? Puis, si oui, là, j'imagine qu'il va être remis aussi à l'ensemble de vos membres?

Mme Baig (Kathy) : Oui, tout à fait. Dans notre mémoire, on demande qu'il y ait des suivis après cinq ans pour s'assurer que les organismes prennent les actions requises suite aux recommandations du coroner. Donc, évidemment, si jamais on avait des recommandations, on en prendrait acte puis on les mettrait en place sans aucun doute.

D'ailleurs, il y a une enquête du coroner qui avait demandé à l'ordre, justement... qui avait fait une recommandation qu'on fasse une enquête et qu'on regarde le dossier, et on lui a donné suite également. Donc, il n'y aurait pas de souci à cet effet-là.

Mme Nichols : Quand... Vous avez fait aussi le parallèle... Vous dites, là, que le coroner doit pouvoir demeurer membre de son ordre professionnel. Donc, j'imagine que vous n'avez pas de problème au niveau, là, de la neutralité, là. Vous ne pensez pas que ça pourrait affecter... tu sais, que le... en fait, qu'il n'y aurait pas de conflit de neutralité entre le membre et... Évidemment, là, je comprends qu'il y a un certain professionnalisme, là...

Mme Baig (Kathy) : Oui, tout à fait.

Mme Nichols : ...mais je comprends que c'était d'emblée dans la déclaration.

Mme Baig (Kathy) : Oui.

Mme Nichols : Vous avez aussi parlé... le cas de Saint-Tite. Vous dites que, dans le fond, c'est le coroner... dans ce cas particulier là, là, c'est que c'est le coroner qui est venu cogner à la porte de l'ordre pour avoir du soutien professionnel ou spécifique à votre domaine. Je comprends aussi que vous avez collaboré, j'imagine, là, sans hésiter. C'est quand même intéressant quand on vient solliciter notre expertise. Mais est-ce que c'est arrivé des cas où vous avez vu des conclusions qui touchaient votre domaine où vous n'avez pas été nécessairement impliqués, mais que vous avez dû intervenir, là, par la suite, pour rectifier ou pour...

• (14 h 40) •

Mme Baig (Kathy) : En fait, ce qu'on a vu, c'est un cas où un coroner a fait une recommandation sur la surveillance obligatoire des travaux qui n'a pas été... qu'on n'a pas donné suite. Donc, nous, on n'avait pas de pouvoir à cet effet-là, et ils avaient donné la recommandation à l'Office des professions, au ministère de la Justice. Donc, on est intervenus plus en disant : Écoutez, il y a une recommandation, auquel on croit, qui vous a été donnée par le coroner, puis on a essayé d'inciter et influencer les deux entités pour aller de l'avant avec la recommandation, mais, encore aujourd'hui, cette recommandation-là n'a pas été mise... n'a pas été appliquée dans un projet de loi. D'ailleurs, c'est un sujet d'actualité dans une autre commission, en ce moment, ça fait que, donc...

Le Président (M. Bachand) : Dans la même commission.

Mme Baig (Kathy) : Ah oui, oui, je m'excuse, dans un autre projet de loi, vous avez bien raison.

Mme Nichols : Oui, c'est un autre projet de loi, mais la même commission, le même président.

Mme Baig (Kathy) : Oui, exactement. Donc, c'est vraiment un sujet, en ce moment. Donc, c'est ce qu'on a eu. C'est une des fois où on a dû intervenir, pas parce qu'on n'était pas d'accord, au contraire, parce qu'on était d'accord, mais qu'ils n'y ont pas donné suite. Sinon, moi, je n'ai pas écho d'autres recommandations pour lesquelles on est intervenus avec lesquelles on n'était pas confortables.

M. Robert (François-Xavier) : Non, puis c'est... Par exemple, quand vous avez souvent des recommandations au niveau des infrastructures routières, c'est très rare — en fait, ça n'arrive jamais — que l'ordre va être nécessairement sollicité, mais ce n'est pas une critique en soi du coroner, c'est normal. Souvent, c'est dû à... ce n'est pas nécessairement dû à une erreur d'ingénieur. Souvent, ce n'est pas ça, le problème, en soi que le coroner note, ça fait que c'est un peu normal.

C'est sûr que, s'il nous avisait à chaque fois qu'il y a un ouvrage d'ingénierie qui était en cause, je pense, on ne finirait plus. Puis, je ne suis pas sûr, il y a des limites aussi à notre intervention. L'idée, c'est de contrôler l'exercice la profession. Ça fait que c'est un peu normal, ça, que... Ce n'est parce que ça touche vraiment un ouvrage de génie que l'ordre soit systématiquement appelé. Je ne pense pas que ce serait réaliste ni de la part du coroner ni pour nous non plus, là.

Mme Nichols : Bien, si vous étiez préalablement informés, vous pourriez... il y aurait peut-être la possibilité de lever le drapeau puis de dire : Bien, je pense qu'on est concernés ou je pense qu'on a compétence pour rendre une une expertise, ou une recommandation, ou...

Mme Baig (Kathy) : Tout à fait. Entièrement d'accord, oui.

Mme Nichols : Merci. Il me reste du temps, M. le Président. On n'a pas abordé les délais, là, mais je comprends que... tu sais, je comprends que vous êtes plus ou moins impliqués, là, pour le moment, là, au niveau des délais, mais j'imagine que vous avez pris connaissance de certains rapports ou... comme dans le dossier... dans Saint-Tite, relativement aux délais.

Mme Baig (Kathy) : Oui. Au niveau des délais, en fait, on n'en a pas parlé dans le mémoire, on ne s'est pas prononcés, mais... Encore une fois, je suis désolée, je vais faire un parallèle avec nos enquêtes. Nos membres... Des fois, le public souhaiterait qu'il y ait des délais, que les enquêtes soient terminées dans un certain délai parce qu'ils veulent avoir les réponses, ils veulent avoir les conclusions. Nous, le cadre légal fait en sorte qu'il n'y a pas de délai maximum. Une enquête, elle a besoin d'être faite adéquatement. Il y a tout un mécanisme de gestion puis de processus autour pour s'assurer qu'il n'y a pas de perte de temps, on a tous une reddition de comptes à l'interne par rapport à ça, mais il n'y a pas de délai pour terminer une enquête, parce que, les enquêtes, à un moment donné, on ne contrôle pas tous les éléments, et elles doivent être bien faites. Néanmoins, le cadre légal autour de ces enquêtes-là oblige le syndic adjoint à donner rapport au demandeur d'enquête à tous les... certains... peut-être que Me Robert le connaît par coeur, je pense que c'est...

M. Robert (François-Xavier) : 90 jours.

Mme Baig (Kathy) : ...90 jours — j'allais à 60. Donc, il n'y a pas de délai maximal, mais il y a une reddition de comptes qui doit être faite au demandeur d'enquête à tous les 90 jours.

Le Président (M. Bachand) : Sur ce, merci beaucoup de votre participation aux travaux de la commission.

La commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux au lundi 27 août 2020, à 14 heures, où elle poursuivra un autre mandat, soit celui de l'étude détaillée du projet de loi n° 29. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 14 h 44)

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