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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le jeudi 20 août 2020 - Vol. 45 N° 85

Ministère de la Justice, volet ordres professionnels et lois professionnelles


Ministère de la Justice, volet lutte contre l'homophobie et la transphobie


Ministère de la Justice


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Table des matières

Lutte contre l'homophobie et la transphobie

Discussion générale

Ordres professionnels et Lois professionnelles

Discussion générale

Justice

Discussion générale

Documents déposés

Intervenants

M. André Bachand, président

M. Simon Jolin-Barrette

Mme Jennifer Maccarone

Mme Manon Massé

Mme Véronique Hivon

Mme Danielle McCann

Mme Kathleen Weil

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Marc Tanguay

M. Guy Ouellette

*          Mme Diane Legault, Office des professions du Québec

*          Mme Annick Murphy, Directrice des poursuites criminelles et pénales

*          M. Philippe-André Tessier, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Note de l'éditeur : La commission a aussi siégé en matinée pour l'étude des crédits du ministère du Conseil exécutif. Le compte rendu en est publié dans un fascicule distinct.

               Les crédits du volet Protection des consommateurs du ministère de la Justice ont été étudiés à la Commission des relations avec les citoyens le 19 août 2020.

Journal des débats

(Onze heures trente minutes)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour. Bienvenue. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande bien sûr, comme vous le savez, à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Lutte contre l'homophobie et la transphobie

La commission est réunie afin de procéder à l'étude du volet Lutte contre l'homophobie et la transphobie des crédits budgétaires du portefeuille Justice pour l'exercice financier 2020-2021. Une enveloppe de 30 minutes a été allouée pour l'étude de ces crédits.

Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Lamothe (Ungava) sera remplacé par M. Bélanger (Orford); M. Lemieux (Saint-Jean), par M. Lefebvre (Arthabaska); M. Martel (Nicolet-Bécancour), par Mme Blais (Abitibi-Ouest); Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé), par Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis); M. Fontecilla (Laurier-Dorion), par Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques); et M. LeBel (Rimouski), par Mme Hivon (Joliette).

Le Président (M. Bachand) : Nous allons donc procéder aux échanges entre les groupes d'opposition et le ministre par blocs d'environ... entre quatre et 19 minutes pour permettre à chaque groupe d'opposition d'écouler graduellement son temps. Le temps d'échange, bien sûr, inclut les questions et les réponses. Je cède maintenant la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis. Mme la députée, s'il vous plaît.

Discussion générale

Mme Maccarone : Merci, M. le Président. Bonjour, collègues. Bonjour, M. le ministre. D'emblée, j'aimerais évidemment parler des personnes transgenres, en particulier les femmes transgenres de couleur, qui sont souvent confrontées à des taux extrêmement élevés des meurtres de sans-abri et de l'incarcération. Selon la communauté LGBTQ2, l'un des plus gros projets actuellement est de favoriser l'inclusion des personnes trans dans les organismes luttant contre les violences sexuelles. L'accès, entre autres, aux refuges pour femmes, et l'intégration dans les centres de femmes, est un problème important pour les personnes trans féminines, surtout si elles sont victimes de violence conjugale, où les femmes trans sont fortement exclues.

Alors, j'aimerais entendre comment le ministre voit le soutien aux victimes de violence sexuelle pour ces personnes qui sont surmarginalisées, puis, s'il peut aussi rajouter dans sa réponse, incluant les femmes trans racisées, par exemple à Montréal-Nord, qui n'ont pas accès à des organismes du tout et, entre autres, qui ont des besoins qui sont criants.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Alors, bonjour, M. le Président. Ça fait plaisir de vous retrouver. Vous me permettrez de saluer les collègues qui nous accompagnent, le député de Chapleau, adjoint parlementaire en matière de justice, le député d'Orford ainsi que la députée d'Abitibi-Ouest, et de souligner la présence également de Me Drouin, sous-ministre à la Justice, de Me Maheux, de Me Daraiche également ainsi que de M. Roger Noël, responsable du bureau de lutte, et de souligner le travail qui a été fait par les fonctionnaires du ministère de la Justice pour préparer ces crédits.

À la réponse de la députée de Westmount—Saint-Louis, je pense que, lorsqu'on se retrouve dans une situation comme la situation qu'elle présente, de personnes trans, de personnes trans racisées, victimes de violence conjugale ou de violence sexuelle, on doit avoir des endroits, des lieux pour s'assurer de l'accompagnement de ces victimes-là. Et, à juste titre, M. le Président, la députée de Westmount—Saint-Louis souligne que parfois ça peut être difficile pour ces personnes d'être dans les mêmes refuges, notamment en raison de cette diversité-là.

Alors, le ministère de la Justice et le bureau de lutte vont prendre les mesures pour faire en sorte de s'assurer de bien accompagner ces personnes qui ont des besoins, parce que, peu importe votre identité de genre, votre orientation sexuelle, l'État est là pour vous accompagner et aussi l'État est là pour faire en sorte de s'assurer de l'égalité de tous les citoyens.

Alors, nous, on est disposés à regarder les différentes possibilités, et, s'il y a des situations concrètes qui sont portées à l'attention de la députée de Westmount—Saint-Louis, moi, je suis très ouvert à collaborer avec elle, puis qu'elle me présente les cas, puis on va regarder ce qui est possible de faire pour ces personnes qui sont victimes de violence sexuelle ou de violence conjugale.

Mme Maccarone : Je salue l'ouverture du ministre, ça fait du bien de l'entendre. Mais est-ce que le ministre a quand même... Est-ce qu'il y a des choses qui ont déjà été faites dans les deux années précédentes ou dans l'année précédente pour aider ces femmes qui sont vraiment exclues de recevoir ces services ou bien qu'est-ce qui est prévu comme services ou comme soutien? Vous avez mentionné Justice. Qu'est-ce qu'il y a de prévu pour aider ces femmes qui sont vraiment surmarginalisées?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, vous le savez, depuis 2016, le ministère de la Justice travaille avec le Secrétariat à la condition féminine sur plusieurs actions dans la Stratégie gouvernementale pour prévenir et contrer les violences sexuelles. Il y a trois mesures, notamment, qui viennent rencontrer les personnes LGBTQ, notamment le financement de cinq projets communautaires visant à contrer les violences sexuelles vécues par les personnes LGBTQ, dans le cadre du programme Lutte contre l'homophobie et la transphobie. Ces initiatives-là ont été financées à la hauteur de 163 000 $. Les intervenants sont formés aux réalités spécifiques des personnes LGBTQ victimes de violence sexuelle, ça fait que ça, également, ça fait partie du plan. Et il y a eu deux projets de consultation et de recherche sur cette problématique qui ont été également financés par le Secrétariat à la condition féminine, et le ministère de la Justice a collaboré aux travaux.

Alors, l'approche qui est prise par l'État québécois, c'est vraiment d'avoir une approche qui est spécifique, et, exemple, la formation des intervenants, ce qui est important, c'est que cette réalité-là, parfois, c'est une réalité qui est méconnue et c'est une réalité que les intervenants doivent être sensibilisés. Même chose au niveau des campagnes de publicité qui sont effectuées par le ministère de la Justice au cours des dernières années. Dans le fond, c'est pour démystifier les choses, vraiment rendre accessibles et expliquer également les choses, parce qu'à l'intérieur de la diversité et de la différence des gens, bien, c'est les personnes, et il faut s'assurer que, comme État, on puisse offrir l'équivalent de tous les services en toute équité à toutes les personnes de la société, peu importe leur identité de genre ou, en fait, ce qu'elles vivent. Parce qu'à partir du moment où une personne... qu'on soit dans n'importe quel domaine, mais particulièrement dans le domaine LGBTQ, il y a des personnes qui souffrent parfois, et elles ont droit au soutien de l'État. Et, nous, notre responsabilité, avec le bureau de lutte et avec le ministère de la Justice, c'est de s'assurer qu'elles puissent retrouver les ressources. Donc, on s'adapte au fur et à mesure.

Et vous noterez aussi l'évolution, au cours des années, de la situation des personnes LGBTQ. Dans le fond, auparavant, on en parlait très peu, puis il y a une lutte, au cours des années, qui s'est faite, puis il y a de plus en plus d'acceptation relativement à ça dans la société en général. Alors, je pense que c'est une bonne chose, mais ça fait suite aux efforts qui ont été effectués par le bureau de lutte, notamment, mais aussi par tous les organismes communautaires qui appuient ces personnes dans leur lutte, dans leurs revendications, puis le ministère de la Justice a toujours été et sera toujours un partenaire pour faire en sorte d'accompagner les personnes vivant cette situation dans leur réalité quotidienne.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée.

Mme Maccarone : Je suis contente d'entendre ceci. Si on ramène un peu la Charte des droits et libertés, qui sont évidemment appliqués aux personnes trans, le droit fondamental de recevoir des services... Nous, quand on rencontre les groupes qui militent pour les droits pour les personnes dans la communauté LGBTQ2, entre autres, surtout pour les personnes trans, on dit que, partout, le problème, c'est toujours là, c'est genré. Les personnes trans sont souvent confrontées avec un manque d'accessibilité à des soins adéquats. Être gai, trans, lesbienne, bisexuel, on constate que ce n'est pas une maladie, mais il y a beaucoup de personnes trans qui n'osent même pas aller chez le médecin parce que l'expérience est dégradante, ils sont toujours confrontés avec un regard hétéronormatif et de la... stigmatisme. Dans mon cas, à Westmount—Saint-Louis, j'ai même eu une jeune femme qui est venue me rencontrer, 32 ans, elle est transgenre et elle avait demandé pour avoir l'aide médicale à mourir tellement qu'elle se sentait délaissée par le système de santé. C'est même documenté que les personnes trans se font refuser des soins de santé au Québec.

Alors, j'aimerais savoir qu'est-ce que le ministre propose pour que le personnel soignant soit plus familier avec les diverses réalités des personnes trans et que les établissements de santé et services sociaux soient mieux adaptés, que ce soit pour l'emploi que... le prénom pour les personnes, ou encore la présence, exemple, de salles de bain qui sont neutres.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Écoutez, l'histoire que raconte la députée de Westmount—Saint-Louis, ça m'attriste beaucoup. De penser qu'une personne qui a 32 ans qui... demande des services de l'État québécois, et qu'on ne lui offre pas, et qu'elle-même pense à avoir l'aide médicale à mourir, dans notre société, c'est totalement inacceptable. Le Québec est une des sociétés les plus ouvertes dans le monde, puis on doit en être fier.

Et notre rôle au ministère de la Justice, notamment, c'est de s'assurer de bien accompagner ces personnes-là, mais aussi au niveau de la formation. Et, vous savez, c'est une évolution que nous vivons, mais ce n'est pas un choix, hein? Il faut se le dire, les gens ont le droit d'être bien, ont le droit d'être heureux dans toutes leurs différences, dans toutes leurs réalités. Alors, à partir de ce moment-là, tous les intervenants du réseau de la santé de l'État québécois ont le devoir d'accompagner ces personnes-là puis de leur offrir du soutien. Je ne vous dis pas, M. le Président, que c'est facile et que... pour certaines personnes, c'est confrontant aussi, la réalité. Parce que, parfois, c'est peut-être la première fois qu'on est en contact avec cette réalité-là d'une personne trans, transsexuelle, ou issue de la communauté. Mais ce que je veux dire, c'est qu'il n'y a pas de raison qui justifie, dans notre société, que ces personnes-là n'aient pas accès à des services.

Alors, très certainement, sur l'ensemble de l'État québécois, bon, il y a du travail à faire. Il y a déjà des grandes avancées qui ont été faites, mais c'est un travail qui est en continu. Et ça, ça touche, dans le fond, l'ensemble des sociétés. À chaque fois qu'il y a une différence, il faut expliquer, il faut faire comprendre. Je crois beaucoup qu'il faut y aller par la pédagogie et s'assurer, dans le fond, par la formation... démystifier la réalité des personnes pour dire : Bien, écoutez, voici, les services doivent être donnés, puis la personne doit être bien accueillie, peu importe son orientation sexuelle, peu importe son identité de genre. Ça, je pense que c'est fondamental. Puis il y a déjà du bon travail qui a été fait, puis on continue, mais je suis d'accord avec vous, ce n'est pas parfait, mais il faut travailler à avoir la pleine égalité.

• (11 h 40) •

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Maccarone : Est-ce qu'il y a des lois que nous devons adopter pour s'assurer que les droits de cette communauté-là qui est surmarginalisée soient respectés? Est-ce qu'il y a quelque chose qui serait étudié actuellement? Je comprends que... et félicitations pour la nomination comme ministre de la Justice. Mais est-ce que le ministre voit peut-être, dans le futur, des enjeux ou des droits qui seront adoptés... des lois qui seront adoptées pour protéger les droits fondamentaux de cette communauté?

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bien, moi, M. le Président, je suis ouvert à étudier les différentes questions. S'il y a des changements législatifs à apporter, faisons-les. Alors, si la députée de Westmount—Saint-Louis a des suggestions, moi je suis preneur.

Vous savez, le 11 juin dernier, on a adopté une motion à l'unanimité, M. le Président, à l'Assemblée nationale, relativement aux thérapies de conversion. Moi, c'est quelque chose qui me préoccupe dû à l'effet qu'il n'y a pas d'interdiction présentement au Québec relativement aux thérapies de conversion. Ce genre de thérapies sont odieuses, considérant le fait que c'est un choix... ce n'est pas un choix, M. le Président, alors on se retrouve dans des situations où il y a des gens qui vendent ou font la promotion de ce genre de thérapies, alors que... Je ne pense pas que, dans notre société, on doit tolérer ce genre de pratique. Alors, ça, c'est peut-être une avenue qui pourrait être intéressante à regarder.

Le gouvernement fédéral a déposé un projet de loi, mais peut-être que, dans notre sphère de juridiction, on devrait réfléchir à interdire certaines thérapies... bien, les thérapies de conversion. Alors, c'est peut-être quelque chose qui pourrait être envisageable. Mais, si la députée de Westmount—Saint-Louis a des suggestions, moi, je suis prêt à les regarder, puis surtout qu'on travaille ensemble sur une voie législative là-dedans. Quand on s'entend en commission parlementaire, ça va encore plus vite pour faire adopter des projets de loi.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Maccarone : En anglais, on dit : «It's music to my ears», M. le Président, alors je suis contente de l'entente. Puis c'est sûr, c'est bien de parler de leadership, j'en suis que le Québec, on est des leaders dans la défense des droits de la communauté LGBTQ2. Alors, parlons un peu de la politique internationale. Dans la politique relations internationales déposée par votre gouvernement, il n'y a plus les mots par rapport au droit de défense... la défense des droits de la communauté LGBTQ2. Puis nous, on a quand même notre rôle à jouer dans le monde, dont on parlait largement dans la précédente version de la politique. Entre autres, le poste de commissaire des droits humains est aboli, ça fait que Mme Julie Miville-Dechêne est allée poursuivre une autre carrière.

Alors, je voulais savoir du ministre, là : Comment le Québec va maintenant défendre les droits de la communauté LGBTQ2 à l'international?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Le gouvernement du Québec sera toujours un partenaire de la communauté LGBTQ2. D'ailleurs, je tiens à souligner, là, que, dans sa sphère de juridiction, le premier ministre Landry, à l'époque, avait fait adopter l'union civile pour faire en sorte que les conjoints de même sexe puissent contracter une union, l'équivalent du mariage, avant que le législateur fédéral décide d'aller en ce sens-là. Et le Québec s'est toujours fait le promoteur, peu importe le gouvernement, la couleur du gouvernement qui était au pouvoir, du droit de la communauté, et ça va demeurer ainsi.

Là, je pense que vous faites référence à la vision internationale du Québec, qui est un ajout à la politique internationale du Québec. Donc, ce n'est pas un remplacement complet, ça ne vient pas écraser la politique, donc la politique demeure, mais c'est un ajout au niveau de la vision internationale, donc c'est complémentaire. Donc, le ministère des Relations internationales est extrêmement sensibilisé.

Puis aussi, vous savez, on accueille, au Québec, des réfugiés, notamment, qui sont ostracisés, dans leurs pays d'origine, en fonction de leur orientation sexuelle. Alors, le Québec s'assure aussi d'ouvrir la voie puis aussi, au niveau international, de s'assurer du respect des droits et libertés des personnes membres de la communauté.

Mme Maccarone : ...excusez-moi, M. le Président, mais, en absence du rôle du commissaire, c'est qui qui va porter cette voix-là au niveau international?

M. Jolin-Barrette : Bien, je vous dirais, là, M. le Président, dans le plan d'action, la mesure 8 dans le Plan d'action gouvernemental de lutte à l'homophobie et à la transphobie 2017-2021, vous me permettrez de la citer, là, c'est : «Mettre en valeur sur la scène internationale les actions du gouvernement [...] en faveur des droits des personnes [LGBTQ afin de] favoriser l'échange des bonnes pratiques gouvernementales et [de] créer des partenariats au sein des réseaux.» Et le budget du ministère des Relations internationales et de la Francophonie, à ce niveau-là, est de 165 000 $ qui est associé.

Donc, il y a déjà du travail qui est fait sur le plan international, mais je pense qu'on peut être également un moteur de changement sur le plan international. Et, comme je le disais tout à l'heure, à l'interne, au Québec, il y a du travail à faire aussi. Je pense qu'on peut avoir des liens de solidarité aussi avec l'étranger, sensibiliser certains États. Vous le savez, dans certains États, le fait d'être homosexuel, c'est criminel. Puis, il y a certains pays qui condamnent les gens à mort. Ça n'a aucun sens. Ça n'a pas de bon sens. Alors, si le Québec peut faire sa part sur le plan international, il doit le faire.

Mais, également à l'interne, comme je vous le disais tout à l'heure, il reste du travail à faire, puis on va s'assurer d'accompagner la communauté.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Maccarone : Il me reste combien de temps, M. le Président? Trois minutes. O.K. Le ministre a parlé des partenariats qui ont été faits. Quels partenariats ont été faits vis-à-vis l'argent qui a été investi, par rapport au plan, à l'international.

M. Jolin-Barrette : Au niveau du ministère des Relations internationales?

Mme Maccarone : Bien, vis-à-vis... pour la communauté LGBTQ, comme vous avez mentionné, qu'il y a quand même des partenariats qui ont été favorisés, lesquels? Ou quelles actions précises ont été mises en vigueur?

M. Jolin-Barrette : Parmi les réalisations — vous me permettrez, là, de me référer — il y a eu la création de la toute première alliance internationale francophone LGBTQ, nommée Égides. Donc, c'est basé à Montréal puis ça a pour objectif, Égides, de favoriser l'avancement des droits des personnes des minorités sexuelles et de genre dans la Francophonie. Il y a également le soutien de plusieurs organismes québécois pour le développement et la poursuite du volet international de leurs actions.

Je tiens à souligner, d'ailleurs, j'ai rencontré la Fondation Émergence aussi, qui ont lancé également la journée. Alors, je pense que c'est important de souligner l'appui du gouvernement du Québec à cette formation... puis surtout au travail qu'ils ont effectué depuis des années dans le monde. On est des précurseurs et l'État québécois est derrière eux pour les appuyer.

Et il y eu récemment aussi le soutien à des initiatives locales, au Sénégal, en lien avec le bien-être des personnes LGBTQ et la création de stages internationaux en lien avec les droits de la personne LGBTQ. Alors, le ministère de la Justice, avec le ministère des Relations internationales, travaille en ce sens-là. Je pense que ce sont de bonnes initiatives, mais, si vous avez des suggestions supplémentaires aussi qui peuvent être mises de l'avant au niveau international, on est preneurs.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Maccarone : J'en suis... Merci beaucoup, M. le ministre. Moi aussi, j'adore, la Fondation Émergence, Interligne, c'est sûr, sont des organismes fondamentaux qui supportent la communauté.

Il ne me reste pas beaucoup de temps. J'ai plein de questions, ça fait que je vais juste parler peut-être un peu par rapport au taux élevé de chômage et le manque de soutien sur le lieu de travail pour les personnes trans, qui sont très préoccupants. L'une des choses qui pourraient aider, c'est d'examiner les règles existantes où la culture et lieux de travail qui... peuvent faire qu'une personne trans se sente mal accueillie.

Est-ce que le ministre s'engage de travailler à la présentation des lignes directrices visant à protéger ces personnes vulnérables et à améliorer leurs chances de se rendre — peut-être pour les gens qui travaillent au sein de ces entreprises — obligatoires les formations antiracistes, anti-LGBT, pour que tous les services publics ainsi que... de faire des vérifications de routine pour s'assurer que ces personnes-là respectent les formations qui ont été mises en place?

Le Président (M. Bachand) : En quelques secondes, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Moi, je suis très ouvert à rendre les milieux de travail plus accueillants. Ça doit se faire en collaboration. Mais c'est surtout aussi de démystifier les choses aussi pour les milieux de travail, pour les collègues, pour les employeurs aussi. Mais je pense que ça progresse, mais il reste du travail à faire. Alors, oui, je suis ouvert à sensibiliser davantage les milieux de travail. Je pense que plus on va parler de la réalité des personnes LGBTQ, plus on va sensibiliser, bien, plus il va y avoir d'ouverture dans notre société.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, s'il vous plaît.

Mme Massé : Pour cinq minutes, hein?

• (11 h 50) •

Le Président (M. Bachand) : 4 min 42 s.

Mme Massé : Aïe! Bonjour, M. le ministre, bonjour, tout le monde, bonjour les gens du secrétariat. Je vais aller droit au but. M. le ministre, vous savez comme moi que, concernant les personnes trans... Bon, je sais qu'il y a eu un certain nombre de questions de posées. En 2013, on a adopté des modifications. Vous et moi, on a travaillé en 2014... en 2015, pardon, pour que la commission se penche sur un projet de règlement, on l'a modifié, on a adopté ça, c'était parfait. Le rapport nous rappelait que les enfants trans et les personnes trans migrantes, il fallait s'y attaquer rapidement parce qu'il y avait des enjeux, là, de survie. On s'est occupés des enfants en 2016. En 2019, c'est la date du dernier recours en justice concernant les questions des personnes trans migrantes. Ma question est somme toute simple. Je sais que vous connaissez le dossier. Je sais, on l'a travaillé ensemble lorsqu'on a déterminé, en 2015, qu'il y avait une urgence d'agir pour les personnes trans migrantes, rapport, d'ailleurs, qu'on a déposé à la Commission des institutions. On était unanimes pour se dire : Il faut faire quelque chose.

Alors, ce que je me demande, c'est : Est-ce que, maintenant que vous avez repris un peu ce dossier-là, vous êtes prêt à amender le Code civil pour permettre aux personnes trans migrantes de modifier leur nom et leur mention de sexe sur leurs documents officiels?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Merci. Je salue la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Quelques précisions.

Moi, j'ai pris le dossier au moment de la modification pour les enfants trans. C'était ma collègue la députée de Montarville qui était là auparavant, dès 2013, à l'époque, et j'ai pris son relais. La façon dont a été modifié le Code civil à l'époque — je crois que c'était le ministre St-Arnaud qui était là — a permis la modification de l'identité de genre en lien avec les citoyens canadiens. Donc, c'est un dossier qui a été porté à mon attention depuis que je suis ministre de la Justice.

Par contre, présentement, il y a un recours qui est devant le tribunal relativement à ce dossier-là, et je crois que c'est en délibéré... C'est en délibéré, donc je ne peux pas commenter la situation précisément. Et on est en attente du jugement.

À partir du moment où le jugement sera rendu, le gouvernement du Québec prendra acte du jugement, et nous nous assurerons de prendre position relativement à la décision qui aura été rendue par le tribunal.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, s'il vous plaît.

Mme Massé : Bien, écoutez, je suis d'accord. Je ne vous demande pas, d'ailleurs, de commenter le cas, etc. Ce que je vous dis juste, c'est : On le sait, dans les droits des personnes trans au Québec, il reste une petite catégorie, qui s'appelle les trans migrants. On le savait avant la judiciarisation, c'est-à-dire le cas dont vous parlez. On le sait maintenant. On le sait après. On le sait tellement qu'en 2015, dans le cadre du rapport, on avait clairement identifié... À l'époque, la ministre n'était pas prête à ouvrir le Code civil. Bon, je sais qu'il y a de ces projets-là dans l'avenir.

Moi, je vous demande juste quelle est votre opinion, comme ministre responsable des droits des LGBT, en matière de reconnaître... C'est une question de reconnaissance juridique, là, c'est une question d'équité. C'est ça, je ne vous demande pas de commenter la cause. Est-ce que vous croyez qu'on est capables, d'ici la fin de votre mandat, de faire en sorte qu'on va amender pour que les personnes, officiellement, puissent modifier leur nom et leur mention de genre?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : J'aimerais bien vous répondre. Cependant, je dois vous dire que, comme Procureur général, puisque le dossier est devant les tribunaux, je dois faire attention à mes commentaires.

Cela étant, je vais prendre connaissance. Il y a une distinction, effectivement, entre quelqu'un qui est citoyen canadien... Parce que c'est le critère, quelqu'un qui est résident permanent au Canada, parce que vous avez plusieurs statuts migratoires. Donc, soit vous êtes citoyen canadien, quand vous êtes résident permanent, vous pouvez être une personne immigrante qui est ici depuis 25 ans mais ne jamais avoir demandé votre citoyenneté, donc vous avez votre résidence permanente. Et vous avez également les personnes en situation temporaire, qui sont sur des permis de travail temporaires, sur des permis d'études, tout ça. Donc, ce n'est pas simple juridiquement au niveau des différents aspects.

Donc, je voudrais bien répondre à votre question, mais, pour l'instant, en raison de l'attente du jugement, je ne peux pas me prononcer puis éventuellement discuter avec vous d'une éventuelle législation qui pourrait être déposée.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Je vais céder la parole à Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Oui, merci, M. le Président. Je veux poursuivre rapidement sur cet enjeu-là. Nous avons pris position, comme formation politique, avec le dépôt d'un projet de loi de notre ex-collègue Carole Poirier, à l'époque, pour les personnes trans, les personnes migrantes trans spécifiquement. Je comprends qu'il y a recours en ce moment, mais, le ministre, ça ne l'empêche aucunement de dire qu'en ce qui le concerne... et il a toute la marge de manoeuvre de ne pas se prononcer sur le détail du recours et de dire : Vous savez quoi, moi, qu'importe, c'est un geste fort que je veux poser comme nouveau ministre de la Justice, et je vais assurément faire en sorte qu'on change le Code civil pour reconnaître cette possibilité-là aux personnes trans. Est-ce que c'est un engagement qu'il est prêt à prendre aujourd'hui?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, comme je l'ai dit à la collègue de Sainte-Marie—Saint-Jacques, je dois garder une réserve dans ma réflexion publique, considérant que le dossier est devant les tribunaux présentement. Ça fait tout juste deux mois que je viens d'être assermenté comme ministre de la Justice. Je vais prendre connaissance du dossier, prendre connaissance du jugement aussi, et j'y donnerai suite. Et je peux assurer mes collègues qu'elles seront les premières à connaître le résultat de ma réflexion lorsqu'elle sera aboutie.

Cela étant dit, je l'ai exposé à la commission, il y a une réalité. Le législateur québécois a choisi, à l'Assemblée au moment d'adopter les nouvelles règles du Code civil, de permettre la modification de l'identité de genre uniquement pour les citoyens canadiens. Alors, moi, je n'étais pas dans cette enceinte, ça s'est fait préalablement à mon arrivée au Parlement. Ça va faire partie de la réflexion, M. le Président, lorsque le jugement sortira. Je m'engage à analyser toutes les options. C'est ce que je peux vous dire aujourd'hui.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Oui. Alors, je l'invite à prendre cette question très, très au sérieux. Je veux continuer sur la question des personnes trans. Vous avez sans doute vu — d'ailleurs, ça a fait l'objet d'un article tout récemment dans LeJournal de Montréal — à quel point il n'y a plus de ressources pour les personnes trans au Québec. On parle évidemment de celles qui veulent subir une chirurgie, uniquement à Montréal, ça, c'est une chose, mais même les organismes pour accompagner et soutenir quand vous êtes en processus de questionnement et de transition. On a le témoignage dans cet article-là notamment de gens de région qui n'ont carrément pas de ressources, qui doivent aller à Montréal juste pour avoir de l'aide et du soutien psychologique. Est-ce que le ministre s'engage à faire en sorte qu'il y ait des montants dédiés pour avoir plus de ressources pour les personnes trans?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bien, je trouve que c'est une excellente suggestion, particulièrement en région. Je pense que... Vous savez, ce n'est pas parce que vous habitez en région et qu'au niveau de votre identité de genre, au niveau de votre orientation sexuelle... que vous n'avez pas le droit d'avoir des services qui sont appropriés puis le même soutien que si vous étiez à Montréal. Puis ça peut amener des questionnements. La personne qui souhaite avoir du soutien a des questions, doit pouvoir avoir accès. Alors, oui, très certainement, je pense qu'en région il devrait y avoir davantage de ressources. Puis je retiens votre suggestion d'envoyer davantage d'argent en région pour soutenir les organismes qui offrent des services en région. Donc, je vais demander à nos équipes d'évaluer cette possibilité-là, comment on peut régionaliser l'argent. Puis vous me connaissez, je suis un régionaliste, et c'est ce que j'ai souhaité faire dans mon ministère précédent, puis je pense qu'on peut le faire aussi ici, à la Justice.

Mme Hivon : C'est bien. Juste pour être claire, l'idée, ce n'est pas de régionaliser l'argent tant que de... c'est plutôt de donner plus d'argent pour qu'il puisse y avoir des services en région plutôt que d'en enlever aux centres pour en envoyer en région. Là, je veux juste qu'on soit clairs. Puis je vous invite à travailler avec Santé et Services sociaux pour qu'il y ait une attribution de fonds pérenne, parce que souvent il y a un programme temporaire, on donne 1 million ou 2 ici et là, ça ne reste pas, donc on ne peut pas développer des services permanents. Donc, j'aimerais ça que le ministre prenne l'engagement, comme responsable de la lutte à l'homophobie, qu'il y aura des nouvelles sommes et que ces sommes-là vont être pérennes.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, rapidement.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, mon idée, ce n'est pas de déshabiller Paul pour habiller Jean, là, comme on dit, l'argent va rester aussi à Montréal. Par contre, on travaille déjà avec le ministère de la Santé et des Services sociaux sur la question d'offrir des services dans les régions, et on a ajouté une personne au Bureau de lutte à l'homophobie et à la transphobie spécifiquement pour s'occuper des régions. Alors, il y a déjà des actions qui ont été prises par le ministère de la Justice. Mais, très certainement, je pense que c'est une bonne idée de bonifier l'enveloppe, donc on va regarder ce qu'il est possible de faire.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. le ministre, merci à toutes et à tous.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 12 h 30, où elle entreprendra l'étude du volet Ordres professionnels et Lois professionnelles des crédits budgétaires du portefeuille Justice. Merci, à tantôt.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 12 h 30)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. S'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande bien sûr à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Ordres professionnels et Lois professionnelles

La commission est réunie afin de procéder à l'étude du volet Ordres professionnels et Lois professionnelles des crédits budgétaires du portefeuille Justice pour l'exercice financier 2020-2021. Une enveloppe de 30 minutes a été allouée pour l'étude de ces crédits.

Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Lamothe (Ungava) sera remplacé par M. Bélanger (Orford); M. Lemieux (Saint-Jean), par M. Lefebvre (Arthabaska); M. Martel (Nicolet-Bécancour), par Mme Blais (Abitibi-Ouest); M. Fontecilla (Laurier-Dorion), par M. Nadeau-Dubois (Gouin); et M. LeBel (Rimouski), par Mme Hivon (Joliette).

Le Président (M. Bachand) : Nous allons procéder aux échanges entre les groupes d'opposition et la ministre par blocs d'environ quatre à 19 minutes pour permettre à chaque groupe d'opposition d'écouler graduellement son temps de parole, et je vous rappelle que le temps d'échange inclut les questions et les réponses. Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, vous avez la parole.

Discussion générale

Mme Weil : Oui. Bonjour, M. le Président, très, très contente de vous revoir. C'est ma troisième journée de retour ici, à l'Assemblée nationale. Je voudrais saluer la ministre et toute son équipe et féliciter la ministre. On aura un gros projet de loi à mener ensemble à partir de la semaine prochaine.

Alors là, on a un sujet complexe, hein, complexe, technique, mais qui touche à l'ensemble de l'activité économique et sociale de la société québécoise, et ça prend donc, je pense, cet intérêt, et beaucoup... On a eu l'occasion d'échanger un peu des aspects techniques de la protection du public, d'une part, mais en même temps un système qui roule bien.

Alors, la première question, parce que ça fait plusieurs années qu'on en parle, et il y a eu des rapports, il y a eu des recommandations, c'est ce qu'on appelle la congestion réglementaire, et il y a... on a eu l'occasion d'en discuter aux crédits de l'année dernière. Je voulais voir avec la ministre sa vision de cette chose-là, peut-être les briefings, essentiellement, qu'elle aurait eus et comment nous amener vers un système plus fluide, plus rapide. Le Conseil interprofessionnel, d'ailleurs, dans le cadre des consultations sur le projet de loi n° 29, en a fait état.

Alors, je voudrais peut-être, dans un premier temps, entendre la ministre, M. le Président, puis ensuite on pourra peut-être avoir des échanges sur ça. J'ai deux autres questions après.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme McCann : Oui, M. le Président, merci. Évidemment, je suis aussi très contente d'être présente aujourd'hui à cette étude de crédits qui touche l'Office des professions, puis permettez-moi aussi de saluer l'ensemble de la députation, là, qui est ici, puis les membres, la présidente de l'ordre... de l'Office des professions, et aussi son équipe, et j'ai des membres du cabinet, évidemment, qui m'accompagnent.

Nous aurons beaucoup d'échanges là-dessus, sur la congestion réglementaire, la présidente de l'office et moi-même, et son équipe. Évidemment, je n'ai pas la prétention à ce moment-ci, après quelques semaines en poste, de connaître bien tous ses dossiers. Donc, oui, je suis très consciente que c'est une problématique. D'ailleurs, j'en avais entendu parler beaucoup. Il y a un chantier, d'ailleurs, qui est en place actuellement, qui a été mis en place par l'office, qu'on appelle l'optimisation réglementaire, et on sait que le Code des professions prévoit cinq processus de traitement réglementaire, puis ça implique beaucoup d'intervenants. Alors, il y a régulièrement des délais de traitement réglementaire, puis on sait que le Conseil interprofessionnel en fait état, et il faut absolument faire des travaux.

Donc, c'est déjà entamé, et je vais suivre ça de près, et il y a une cartographie qui a été faite. Je pense que c'est la première chose à faire, faire un état de situation des problématiques qui existent pour apporter des solutions. Mais il y a déjà des actions qui ont été prises par l'office pour diminuer cette congestion, et, M. le Président, avec le consentement, je pourrais demander à la présidente de s'exprimer là-dessus, présidente de l'office.

Le Président (M. Bachand) : Je vais d'abord céder la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.

Mme Weil : Avant qu'on arrive là, je voulais juste vous donner quelques chiffres. Et, oui, évidemment, on pourra entendre la présidente. Donc, en 2018-2019, il y a eu 51 demandes de modification réglementaire transmises à l'office et, en 2018-2019, 86 règlements qui ont été traités. Donc, on comprend que ces chiffres... il y a un arriéré de projets de règlement à traiter. Donc, moi, j'aimerais savoir quel est-il exactement. Donc, si c'est la présidente qui va répondre, c'est très bien, c'est pour bien comprendre. Et on comprend qu'en 2019-2020 l'office a traité 70 projets de règlement, donc une baisse de 16 projets par rapport à l'année précédente.

Je mets ces chiffres de l'avant pour que la présidente comprenne où je veux en venir. Et la présidente sera bien consciente... On parlait du «right touch», hein, c'est l'expression qui est utilisée par la Grande-Bretagne, une réglementation avec la touche... la bonne touche, mais il y a aussi des références à la France, qui regarde ces questions-là d'une réglementation un peu au service de la société. Et je vous inviterais aussi, Mme la ministre... mais on pourra en parler après. D'abord, on va aller avec des réponses aux questions par la présidente pour bien comprendre le «backlog», en bon français.

Le Président (M. Bachand) : Est-ce qu'il y a consentement pour que Mme Diane Legault, présidente de l'Office des professions, prenne la parole?

Une voix : Consentement.

Le Président (M. Bachand) : Consentement. Mme la présidente, s'il vous plaît.

Mme Legault (Diane) : Oui, merci. Merci, M. le Président. Merci, Mme McCann. Eh bien, voici. L'optimisation du traitement réglementaire, pour l'office, c'est une priorité. D'ailleurs, c'est une priorité qui est, comme l'indiquait Mme McCann, là, bien enchâssée dans notre planification stratégique. Je voulais... Je profite de l'occasion pour vous présenter Mme Marielle Coulombe, la nouvelle vice-présidente de l'office, qui s'est jointe à l'équipe cette semaine, et, entre autres choses, Mme Coulombe a la responsabilité du secrétariat de l'office que nous avons mis en place, et elle porte aussi la responsabilité du grand chantier d'optimisation du traitement réglementaire.

Mme la députée, nous avons, depuis un an et demi, mis en place justement un secrétariat pour être capables de bien centraliser l'ensemble des demandes réglementaires qui nous sont formulées. On est en mesure aujourd'hui, par une réorganisation du travail... c'est-à-dire, on a créé des binômes, c'est-à-dire des professionnels de la Direction de la veille et des orientations combinés à un juriste, qui travaillent ensemble sur l'avancement des dossiers, et toujours est-il que nous sommes en mesure de donner une rétroaction aux ordres dans les 10 jours de la réception du projet de règlement. Au moment où on se parle, il y a 43 règlements qui sont en traitement actif. Il y en a 15 qui ont été complétés depuis le début de la saison, la saison commençant le 1er avril, et il y a 38 règlements pour lesquels nous attendons une rétroaction des ordres professionnels, soit en lien avec des orientations à préciser ou des commentaires résultant de consultations.

Je peux vous dire que tous les projets de règlement que nous avons sont priorisés, traités en fonction justement de certaines échéances que peuvent fixer d'autres lois. Je pense, par exemple, à la nécessité de procéder avec les règlements visant les fonds d'assurance de certains ordres professionnels, puisque la loi imposait une date, une échéance.

Et j'ajouterais que le traitement réglementaire, cette année, puis vous avez cité des chiffres avec justesse... Je dirais qu'il y a eu des activités... l'activité réglementaire, mais il y a eu beaucoup d'activités législatives pour l'office au cours de la dernière année. Comme vous savez, nous avons participé à la rédaction et à la... au soutien de Mme McCann dans les projets de lois professionnelles qui touchaient les infirmières praticiennes spécialisées puis à un autre projet de loi, celui sur la pharmacie, et là, comme vous l'avez mentionné, il y a le p.l. n° 29. Alors...

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Juste un petit rappel, respectueusement : on s'adresse avec des titres, non pas par les noms de famille. Alors donc, c'est «Mme la ministre» et non pas le nom de famille.

Mme Legault (Diane) : Excusez-moi. Je suis vraiment...

Le Président (M. Bachand) : C'était juste... Et je vous dis ça en grande amitié, en grande amitié. Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.

Mme Weil : Oui. Bien, j'aimerais revenir... parce que je sais que Mme la ministre, elle a beaucoup d'expérience dans le domaine de la santé, des services sociaux, qui comprend comment ça fonctionne, et je voudrais avoir un peu sa réaction, si elle a lu... eu l'occasion d'être briefée. Je comprends que peut-être pas encore et je l'implore de se pencher sur cette question et de lire un document vraiment intéressant du Conseil interprofessionnel, c'est vraiment un excellent rapport.

• (12 h 40) •

Et on est... Il y a plusieurs façons de traiter des inventaires, hein? Plus de ressources, mais il y a aussi de changer nos façons de faire. Et je voulais aller chercher, comment dire, l'expérience de la ministre, qui a beaucoup d'expérience, sans peut-être nécessairement connaître tous les détails de ce que l'office travaille, mais sa réaction par rapport à ce que le Conseil interprofessionnel appelle l'hyperréglementation. Les mots sont forts, hein? Ils parlent de «mesures technocratiques et abusives». Pour nous qui sommes ici, au parlement, des fois, on trouve les mots forts. Mais ils sont en train de lancer l'alerte. Et, quand on regarde les ressources qui... et les sources, les façons de faire dans d'autres juridictions, on voit qu'il y a une inspiration à aller chercher.

Donc, moi, mon intérêt, c'est de voir la volonté de la ministre de vraiment aller posséder ce dossier. On en parle depuis longtemps, il y a eu des réformes depuis longtemps. J'ai eu ce dossier aussi. Il y a des étapes, il y a des réformes quand même. C'est de voir si elle est sensible à cette question, si elle va en faire une priorité. On dirait que c'est un cri du coeur d'un peu tout le monde, on l'entend toujours, et c'est sûr que, quand on arrive en poste — je l'ai vécu —on est un peu submergé, hein, puis on comprend mal... Là, c'est sûr qu'au fil du temps on comprend mieux. Mais vous êtes à mi-mandat, il reste deux ans, avec une opportunité vraiment intéressante d'avancer ce gros dossier, un dossier complexe mais intéressant quand même, aussi, et tout le monde le demande. Et donc je voulais voir, avec vos connaissances en général, votre réaction à... et votre expérience en la matière, est-ce que ça sonne des cloches pour vous, cette hyperréglementation, et votre volonté de vraiment vous adresser à cette problématique.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme McCann : Oui, certainement, oui. Puis je suis très contente du commentaire de la députée de Notre-Dame-de-Grâce et, oui, tout à fait, là, je suis de l'autre côté de la clôture, alors évidemment ça me permet d'avoir une influence certaine sur le dossier. Je perçois d'ailleurs la volonté de l'Office des professions du Québec de faire un travail important. L'office a créé un secrétariat qui s'occupe spécifiquement de ces questions et, avec l'arrivée de la vice-présidente de l'office, qui va être à pied d'oeuvre dans ce dossier, que je vais suivre de façon très systématique... parce qu'effectivement il y a de l'impact qu'on peut avoir, vraiment très bénéfique, pour beaucoup d'acteurs de la société.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : Oui. Alors donc, peut-être pour revenir à la présidente, parce qu'évidemment c'est important pour moi d'être assurée que la ministre va être très préoccupée et travailler, donc, c'est sûr, avec l'office, donc, dans les mesures... juste aller peut-être sur les mesures qui seraient peut-être plus de fond, il y a peut-être des mesures de traitement que vous pouvez faire pour accélérer les processus. Mais est-ce que vous entrevoyez des réformes, peut-être, qui vont jusqu'à est-ce que vraiment il faut légiférer dans ce dossier-là, toutes les questions qui sont posées dans d'autres juridictions dans les façons de faire.

Vous avez créé ce comité. J'imagine... Je ne sais pas si c'est dans la même optique que le comité en Grande-Bretagne, Better Regulation Task Force, mais c'est-à-dire un meilleur système de réglementation. Ce n'est pas juste... hein, ça va plus en profondeur. Donc, partager, peut-être, la vision de l'office en la matière.

Le Président (M. Bachand) : Mme la présidente de l'office, s'il vous plaît.

Mme Legault (Diane) : Eh bien, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, vous savez bien qu'actuellement les modalités ou les objets... les finalités pour lesquelles les règlements sont nécessaires sont inscrites au Code des professions vraiment spécifiquement. Il y a des dispositions qui obligent d'une certaine façon tous les ordres à notamment adopter un règlement sur l'inspection professionnelle, hein? Alors, ça, c'est... les dispositions sont claires à ce sujet.

Et les règlements, lorsqu'ils sont approuvés par l'office ou édictés par le gouvernement, doivent aussi être tout à fait conformes, parce qu'il y a des avis de conformité que nous avons à obtenir avec notre direction des affaires juridiques en lien avec la légalité de ces règlements-là, parce qu'ils font, comme vous le savez, partie d'un corpus réglementaire important. Et, à cet égard-là, si... au niveau du fond, des finalités, est-ce que, par exemple, c'est un règlement qui serait... qui devrait être nécessaire ou c'est une résolution adoptée par un conseil d'administration ou autre niveau d'encadrement, selon la... en fait, selon la nature de ce qu'on veut enchâsser? Bien, comme vous l'avez dit... Puis la question est une question de volonté politique d'aller de l'avant avec une réforme du code, puisque c'est ce que ça prendrait, de fait, pour modifier en profondeur les façons de faire qui sont actuellement édictées dans un texte de loi.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Weil : Oui. Alors, peut-être avec la ministre ou la présidente, est-ce que le Conseil interprofessionnel siège aussi sur ce comité de réforme?

Le Président (M. Bachand) : Mme la présidente.

Mme Legault (Diane) : Non. Le chantier que nous avons, d'optimisation de traitement réglementaire, c'est un chantier qui est interne à l'office. Il est entendu que nous exerçons une vigie sur les systèmes de réglementation qui existent au Canada, aux États-Unis, dans le Commonwealth et ailleurs en Europe. Il y a des consultations qui se tiennent actuellement en Colombie-Britannique, il est question là-bas de regrouper les ordres en quelques ordres seulement. Vous savez qu'en Ontario la représentation des membres du public sur les C.A. des ordres est majoritaire. Donc, il y a des... Et, ce que vous avez évoqué tout à l'heure, Right Task Regulation, on a beaucoup de documentation déjà de colligée, à l'office, justement dans le cadre de cette vigie. Mais je peux vous dire, Mme la députée, que nous mettons tout en oeuvre pour procéder rondement et efficacement dans le traitement réglementaire, dans les paramètres qui sont les nôtres aujourd'hui. Et nous enrichissons par des communications personnalisées, annuelles avec les ordres nos communications avec les ordres pour que, justement, les échanges soient plus efficaces et...

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, parce que le temps file rapidement.

Mme Legault (Diane) : Excusez-moi.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Weil : Combien de temps, juste pour...

Le Président (M. Bachand) : Il vous reste 2 min 40 s.

Mme Weil : 2 min 40 s. Donc, je demande... Ça va vite. Mme la ministre, je vous demanderais de bien regarder le rapport du Conseil interprofessionnel, je vous demanderais de réfléchir très sérieusement à une collaboration, ça peut être un sous-comité du comité de l'office, parce qu'ils en ont neuf, mais ça va plus loin que de respecter la loi actuelle, ça va jusqu'à regarder la loi actuelle, regarder les processus, regarder et retourner toutes les pierres. Donc, je pense qu'on se comprend, je pense que vous avez bien compris. Donc, c'est ce que je vous demande, parce qu'ils amènent une perspective importante et pratique.

Je n'aurai pas beaucoup de temps. Reconnaissance des acquis, un dossier que j'ai travaillé très fort pendant des années en tant que ministre de la Justice mais aussi comme ministre de l'Immigration, on n'a pas entendu parler de ce dossier du gouvernement du tout depuis que le nouveau gouvernement est en poste. Je voulais savoir si vous avez des informations, si vous avez été briefée sur les avancements dans ce dossier-là. Parce que, l'année dernière, c'était positif, ce qu'on nous a dit, qu'il y avait des avancées. Mais là c'est technique et, pour moi, c'est une occasion de savoir jusqu'où vous avez pu aller. Puis, je vous dirais, il y a un problème de données. C'était un problème l'année dernière, comment aller chercher des données pour évaluer le progrès qu'on fait en matière de reconnaissance de la formation des acquis, des compétences.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme McCann : Oui. Bien, effectivement, c'est un dossier prioritaire dans mon mandat, là, je vous le confirme, et j'en ai parlé avec l'Office des professions, avec la présidente et son équipe. Je sais qu'il y a déjà des travaux en cours avec l'office, ce qu'on appelle le Pôle de coordination, là, qui travaille très fort dans le dossier.

Mais j'ai vraiment un intérêt particulier, parce qu'effectivement c'est un engagement de notre gouvernement là-dessus, et il faut qu'on ait des résultats probants dans la deuxième partie, là, de ce mandat. Donc, j'ai demandé à l'office de mettre sur pied un comité, même en sachant qu'il y a le Pôle de coordination qui fait un bon travail, mais je veux qu'il y ait un comité qui se penche de façon très pragmatique sur les embûches pour les aplanir.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Quelques secondes.

Mme Weil : Il y a un comité que j'ai mis sur place, interministériel, une série de recommandations. Beaucoup de ces recommandations sont en train d'être implantées. Allez regarder ce grand rapport. Et, quand on entend parler d'immigration actuellement, ce n'est pas le message de «on va tout faire pour intégrer ces personnes au marché du travail, c'est qu'on va sélectionner la personne absolument parfaite qui va être absolument agencée avec le marché du travail». C'est impossible.

• (12 h 50) •

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la députée. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président. Rebonjour à la ministre, à mes collègues députés, aux membres du personnel, aux gens de l'Office des professions. J'ai peu de temps, M. le Président, je vais y aller de questions brèves. Je fais confiance à la ministre pour faire des réponses brèves et, vous, M. le Président, pour s'assurer que tout se passe bien.

Je vais parler d'un sujet qui n'est malheureusement, vraiment très malheureusement, pas nouveau. Le Québec est la province au Canada où les dépenses pour les soins dentaires sont les plus élevées. Les Québécois sont les gens qui paient le plus, le plus cher pour prendre soin de leur santé buccodentaire. Il y a à peu près un Québécois sur quatre — ce n'est pas rien, ça — qui n'a pas accès aux soins dentaires à cause, à cause du coût de ces soins-là.

Une des raisons pour lesquelles ça coûte si cher, c'est que les hygiénistes dentaires exercent l'écrasante majorité de leur tâche sous la tutelle, voire la subordination professionnelle des dentistes, alors que ce sont des gestes qu'elles pourraient... — je le dis au féminin, ce sont des femmes en majorité — qu'elles pourraient faire seules et de manière autonome.

Ce n'est pas un jeune dossier, et la ministre est l'ancienne ministre de la Santé, je présume qu'elle le connaît bien, qu'elle connaît le défi énorme qu'on a en matière de santé buccodentaire au Québec, dans les CHSLD, dans les écoles, dans les hôpitaux, dans la population en général. J'aimerais savoir quelle est son opinion sur cette subordination professionnelle qui limite la capacité des hygiénistes dentaires à exercer leur métier.

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme McCann : Bien, M. le Président, j'ai eu l'occasion effectivement de parler de ce dossier avec l'ex-ministre de la Justice, Mme LeBel à l'époque, et j'en ai aussi... j'ai eu un breffage de la part de l'Office des professions. Et, quand on parle du dossier des hygiénistes dentaires, on parle beaucoup de prévention. Alors, le projet de loi, c'est majeur dans les soins dentaires. Donc, le projet de loi n° 29, je pense, répond à plusieurs des préoccupations du député de Gouin par rapport à de meilleurs soins dentaires, et je pense que ça passe par un élargissement du champ d'activité des hygiénistes dentaires, ce que le projet de loi n° 29 compte faire, là, évidemment, avec l'appui des oppositions.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : Malheureusement, et la ministre le sait puisqu'on va commencer l'étude de ce projet de loi là la semaine prochaine, le projet de loi n° 29 maintient l'obligation d'une ordonnance du dentiste pour plusieurs gestes, y compris ce qu'on appelle communément un simple nettoyage. C'est la raison pour laquelle on ne peut pas envoyer nos hygiénistes dentaires dans les CHSLD faire des nettoyages, c'est pour ça qu'on ne peut pas les envoyer dans les écoles, dans les CLSC faire des nettoyages, parce qu'elles sont sous la tutelle d'un dentiste, et ça, je le dis au masculin.

Est-ce que la ministre peut justifier ce choix qu'elle fait de maintenir les hygiénistes dentaires sous la tutelle des dentistes pour un geste aussi simple et dépourvu de risques médicaux qu'un nettoyage des dents?

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme McCann : Bien, je pense que nous aurons des discussions fort intéressantes lors de l'étude article par article du projet de loi n° 29, parce que l'esprit du projet de loi n° 29, au niveau des soins buccodentaires, c'est justement de permettre aux hygiénistes dentaires d'en faire davantage au niveau des clientèles vulnérables, mais aussi au niveau des clientèles où il faut faire de la prévention, comme dans les écoles, comme dans les CHSLD. Alors, M. le Président, ce que je répondrais au député de Gouin, c'est que j'entrevois des discussions fort intéressantes lors de l'étude article par article.

Le Président (M. Bachand) : Merci.

M. Nadeau-Dubois : Est-ce que la ministre est ouverte à ce qu'il y ait des amendements qui soient discutés pour aller un peu plus loin que ce que le projet de loi n° 29 prévoit en ce moment? Parce que c'est beau de permettre aux hygiénistes dentaires d'aller faire de la prévention, montrer des dessins puis passer des flyers dans les écoles, mais la question, c'est l'autonomie professionnelle de faire des actes sans ordonnance d'un dentiste, notamment des nettoyages. Là-dessus, est-ce que la ministre est ouverte à ce qu'on discute d'amendements pour améliorer son projet de loi?

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme McCann : Bien, écoutez, certainement. L'optique, l'objectif, c'est que les hygiénistes dentaires fassent ces actes-là avec une autonomie dans les écoles et les CHSLD. Alors, encore une fois, j'entrevois des discussions fort intéressantes au niveau, là, de l'étude article par article du projet de loi n° 29. C'est l'optique que nous avons.

Le Président (M. Bachand) : Il vous reste quelques secondes, M. le député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Bien, alors, j'ai bien hâte qu'on en discute, parce que le projet de loi peut être amélioré sur cette question-là. Je le répète, là, il y a encore des gestes que les hygiénistes dentaires jugent qu'elles peuvent faire sans cette tutelle des dentistes, et le projet de loi la maintient, cette tutelle, sur plusieurs questions. Au plaisir d'en rediscuter.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Oui. Merci, M. le Président. Je salue bien sûr la ministre dans ses nouvelles fonctions — on va être appelées à collaborer — et toutes son équipe et mes collègues. Peu de temps aussi de mon côté.

Je voulais aborder d'abord cette question de l'accès direct à la profession des infirmières qui ont vu... se sont vu... les étudiantes infirmières qui se sont vu envoyer, déployer dans les CHSLD, là, en toute urgence ce printemps dans le contexte de la pandémie. Ça avait donné lieu à un article de Marco Bélair-Cirino et Marie-Michèle Sioui, Une formation au rabais pour les futures infirmières? Le lendemain, on disait qu'il n'y aurait pas un accès direct à la profession. Il y avait une grande confusion autour de ça. Il y avait eu une lettre du ministre de l'Éducation qui avait été envoyée, là, dans les cégeps, pour que ce soit transmis à toutes les étudiantes en sciences infirmières, leur disant que, si elles acceptaient d'aller prêter main-forte — évidemment, il les encourageait à le faire — elles... «S'il vous reste au plus l'équivalent d'une session à temps plein pour terminer votre formation, un accès direct à votre profession est possible.» Donc, évidemment, ça avait fait bondir l'ordre, et puis après il y a eu une certaine confusion à savoir est-ce qu'effectivement, dans le contexte de la pandémie, on était en train de ne plus répondre aux mêmes standards de formation.

Donc, j'aimerais ça que la ministre nous dise ce qu'il en est, parce qu'il y avait un décret qui avait été pris par la ministre — parce que vous étiez omnipotente, vous preniez énormément de décrets — et donc qui facilitait cet accès-là. Donc, qu'en est-il? Parce qu'on peut s'imaginer que c'est une situation qui pourrait se reproduire.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme McCann : Merci, M. le Président. Bien, écoutez, j'ai connaissance d'une correspondance qui a été transmise à la présidente du Conseil interprofessionnel du Québec par l'ex-ministre de la Justice et le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur de l'époque, Jean-François Roberge, et demandant que ce dossier-là soit bien analysé. Alors, évidemment, je vais prendre connaissance du développement qu'il y a eu, hein? Vous pouvez vous imaginer que ça m'intéresse beaucoup. Mais ça m'intéresse non seulement pour les infirmières, mais pour d'autres professions qui sont allées aider dans des CHSLD. C'était un contexte extraordinaire et c'est une contribution extraordinaire que ces gens-là ont faite. Alors, oui, je vais m'informer, certainement, du dossier.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Hivon : En fait, c'est que c'est un enjeu réel. D'une part, je pense que tout le monde comprend que c'est une bonne chose que ces personnes-là puissent aller aider. Mais en même temps comment on peut passer outre les conditions d'admission à l'ordre par un décret gouvernemental et de faire en sorte que certaines infirmières n'auraient pas à compléter leur formation et auraient un accès direct?

Donc, dans la préoccupation que c'est quelque chose qui pourrait se reproduire si on avait encore des besoins dans une éventuelle deuxième vague, je voulais m'assurer qu'il y avait une autre solution qui avait été trouvée ou quelque chose qui avait été décidé de concert avec l'ordre, qui à l'époque était inconfortable par rapport à ça, tellement qu'on avait appris que plusieurs cégeps n'avaient même pas communiqué la missive du ministre aux étudiants parce qu'ils estimaient que ça allait à l'encontre de leur mission de s'assurer d'une formation pleine et complète des infirmières.

Donc, je ne sais pas si la ministre peut rassurer, parce qu'on est à l'aube du début d'une autre session : Si une situation comme celle-là se reproduit, est-ce que la formation va devoir se faire au complet, en pouvant prévoir les aménagements pour faciliter la vie des étudiants, mais qu'il n'y ait pas, donc, d'entrée à rabais, entre guillemets, à l'Ordre des infirmières? Ou ça pourrait être le cas pour d'autres professions, évidemment.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme McCann : Bien, c'est sûr que notre position, actuellement, au Québec, par rapport à une deuxième vague, n'est pas la même, là, que ce qu'on a vécu à la première vague, hein, les circonstances sont totalement différentes. En même temps, on pourrait avoir une deuxième vague qui soit exigeante. Donc, certainement, je vais me pencher là-dessus pour vraiment avoir des mesures qui assurent le parcours et puis qui assurent effectivement que c'est fait dans les règles de l'art. On ne vit pas... On ne vivra pas, je l'espère, le même type de situation, parce qu'on n'est pas pris de court, là, donc on peut planifier le tout et s'assurer que ça se passe bien. Donc, ce sera un dossier, certainement, auquel je porterai une attention particulière.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avons. Alors, la commission... Merci à toutes et à tous d'avoir été présents.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 15, où elle va entreprendre l'étude du volet Justice des crédits budgétaires du portefeuille de Justice. Merci beaucoup, à plus tard.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 19 h 15)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bonsoir. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande, bien sûr, comme vous le savez, à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la petite sonnerie de leurs appareils électroniques.

Justice

La commission est réunie afin de procéder à l'étude du volet Justice des crédits budgétaires du portefeuille Justice pour l'exercice financier 2020-2021. Une enveloppe de trois heures a été allouée pour l'étude de ces crédits.

Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Lamothe (Ungava) sera remplacé par M. Lemay (Masson); Mme Lecours (Les Plaines), par M. Lefebvre (Arthabaska); M. Lemieux (Saint-Jean), par Mme Boutin, (Jean-Talon); M. Martel (Nicolet-Bécancour), par Mme Guillemette (Roberval); M. Fontecilla (Laurier-Dorion), par M. Nadeau-Dubois (Gouin); M. LeBel (Rimouski), par Mme Hivon (Joliette).

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Veuillez noter que la séance sera divisée en deux temps et, si possible, sans suspension : une première partie, d'une durée d'une heure, et une seconde avec le Directeur des poursuites criminelles et pénales, après ça, nous aurons la Commission des services juridiques et Commission des droits de la personne. Vous voyez, c'est virtuel, donc ils nous entendent, les techniciens sont prêts, alors aucun souci. L'idée, c'est d'être vraiment le plus efficace possible avec notre soirée. Sur ce, je cède la parole au député de LaFontaine.

Discussion générale

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Je pense que c'est pour un bloc de 16 min 30 s, n'est-ce pas?

Le Président (M. Bachand) : Oui, 37, même.

M. Tanguay : Bon, parfait. Alors, écoutez, je vous remercie. Ma première question vous était adressée, puis vous avez respecté la règle de la proportionnalité, je vous remercie beaucoup. Donc, permettre de vous saluer, M. le Président, heureux de voir que vous allez diriger nos travaux ce soir. Saluer le ministre, qui est là ce soir avec les collègues de la banquette ministérielle, les collègues des oppositions, également, et notre collègue député indépendant qui est avec nous. Saluer les personnes qui accompagnent le ministre, du ministère, de son cabinet, et également celles et ceux qui sont dans la salle, et peut-être dans une autre salle, qui auront peut-être l'occasion de répondre à nos questions, si d'aventure le ministre leur donne l'option, l'opportunité de répondre à nos questions.

J'aimerais, puis ce n'est pas mon habitude de féliciter le ministre, mais j'aimerais prendre le temps, sur une base un peu plus humaine, de le féliciter pour sa nomination de ministre de la Justice. Je pense que c'est... Vous savez, quand on fait de la politique, des fois il y a des dossiers qui nous passionnent particulièrement. Je sais que, pour avoir vu aller le ministre de la Justice, c'est un dossier qui le passionne, qui le passionnait et qui le passionne plus que jamais. Donc, félicitations pour sa nomination, et on aura l'occasion de travailler ensemble. Je crois... Écoutez, j'ai eu les crédits de Famille. Je crois également qu'il a aussi hérité, on me détrompera, du projet de loi n° 64. En étant désormais responsable de l'accès à l'information, je pense qu'il héritera, il pourra le confirmer... Est-ce que c'est bien le cas, M. le ministre? Vous allez être responsable, donc, du p.l. n° 64?

M. Jolin-Barrette : Oui.

M. Tanguay : Bon, alors, des heures de plaisir, M. le Président. On aura l'occasion de travailler ensemble là-dessus. Je présume qu'il a fait pression pour qu'on puisse siéger ensemble sur le n° 64, je n'en serais pas surpris, à toutes fins pratiques.

Une voix : ...

M. Tanguay : C'est bon. M. le Président, j'aimerais attirer l'attention du ministre sur la page 251 des questions particulières posées par l'opposition officielle. J'ai comme référence, là, page 251, je pense que c'est le tableau P.81, ou c'est référence P.81, question 81, sur les délais médians des causes criminelles réglées pour l'année 2019-2020. Alors, je prends pour acquis que le ministre a ça sous la main.

On a vu... puis là on ne fera pas la genèse de ce qui était les délais Jordan, de ce qui a été, je pense, à partir de 2016, une prise de conscience collective qu'il fallait... — collective dans le monde juridique, mais ça impacte également la vie des justiciables — qu'il fallait réduire les délais. Un plan de match, de la concertation avaient été mis sur la table, de l'avant, et les délais ont diminué, avaient diminué. J'ai les chiffres devant moi, pour 2017-2018. On voyait que le délai médian était, à l'époque 2017-2018, de 242. Pour 2018-2019, le délai médian était à 196. Et là ce qui est l'objet du débat à ces crédits-ci, M. le Président, c'est les délais 2019-2020, qui passent donc de 242, 196... mais là ils remontent à 205.

Notamment, M. le Président, il faut voir que ce n'est pas une moyenne. On ne pourra pas nous dire : Ah! bien là, ça ne fait que passer de 196 à 205, on n'augmente que de neuf jours, c'est médian, donc c'est le 50 %, c'est le milieu, 50 % inférieur, 50 % supérieur, où est cette... Donc, ce n'est pas la moyenne. Et, en ce sens-là... Surtout qu'on aurait pu ajouter le nombre de dossiers, tout dépendamment de la grandeur du district. C'est 21 districts sur 36, tout près de 60 %, qui ont augmenté, dont les délais médians pour des causes criminelles réglées ont augmenté. Tout près de 60 % dans les districts, ça a augmenté. Puis je vais vous donner quatre exemples, M. le Président. Le district de Labelle a augmenté de 24 %. Joliette — notre collègue sera particulièrement intéressée — a augmenté de 27 %. Et il y en a deux qui ont augmenté de 33 %, Bonaventure, le district, et Saint-Maurice. J'aimerais savoir comment le ministre explique ça.

• (19 h 20) •

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bonsoir, M. le Président. Je souhaite saluer le député de LaFontaine, le remercier également pour ses félicitations, et saluer les membres de la commission, M. le député de Chomedey, Mme la députée de Joliette, M. le député de Chapleau, adjoints parlementaires également, vous présenter les gens qui m'accompagnent aujourd'hui, donc, à ma droite, Me Line Drouin, sous-ministre à la Justice. Vous avez également, dans l'équipe de sous-ministres associés qui nous accompagne, Me Paquette, Mme Martel, Me Grenier, Me Forgues, M. Jacques Vachon et Me Morin. Et, également avec nous, en visioconférence, je salue l'équipe de la Directrice des poursuites criminelles et pénales, Me Annick Murphy, ainsi que Me Martinbeault, qui est DPCP adjoint. Je crois reconnaître également Me Marceau, procureur-chef, et vous m'excuserez pour la quatrième personne qui est avec nous en visio, on n'a pas eu l'occasion de se rencontrer. Et tout à l'heure nous aurons Me Niquette, président de la Commission des services juridiques, et Me Philippe-André Tessier, qui est président de la Commission des droits de la personne.

Si vous me permettez, M. le Président, avant de répondre à la question du collègue de LaFontaine, je vous adresserais quelques mots, puisqu'il s'agit de mes premiers mots, dans une commission parlementaire, en tant que ministre de la Justice, aux crédits de Justice. Lorsque j'ai été nommé, il y a quelques priorités que j'ai identifiées, notamment le fait de poursuivre le travail de ma prédécesseure pour faire progresser les différents dossiers en matière de justice. La modernisation, la transformation du système de justice se poursuit, et, vous l'aurez constaté — on aura sûrement l'occasion d'en discuter tout à l'heure — avec la crise de la COVID, M. le Président, il a fallu que le système de justice s'adapte à vitesse grand V, et il y a des avancées significatives, en matière technologique, qui ont été faites. L'Assemblée nationale a adopté, cette année, le projet de loi n° 32, le projet de loi n° 55 sur l'abolition de la prescription, qui ont été des avancées significatives pour les victimes et le système de justice.

Et très certainement que j'aurai des questions tout à l'heure de nos collègues, mais je tiens, d'entrée de jeu, M. le Président, à dire, par rapport à la vague de dénonciation... de souligner le courage des victimes d'agression sexuelle, de harcèlement, qui l'ont fait notamment sur les médias sociaux, et, comme j'ai pu le faire dans le passé, je tiens à leur réitérer le soutien de l'État et les inviter à porter plainte aux corps de police, et leur dire que l'ensemble des acteurs du milieu judiciaire, du milieu de la police sont là pour soutenir et accompagner les victimes. Est-ce que c'est parfait? Non, il y a de l'amélioration à avoir. On va travailler en collaboration avec tout le monde pour faire une amélioration. Mais simplement vous dire que l'État offre des ressources pour soutenir les victimes, notamment du soutien financier et du soutien psychologique, et je pense que c'était important de le réitérer et de redonner confiance aux victimes dans la procédure de notre système de justice, qui vise la mise en accusation des gens qui ont un comportement répréhensible à l'endroit des victimes et de la société.

Bon, pour ce qui est des délais, effectivement, le délai a augmenté. Le délai médian a augmenté de neuf jours au cours de la dernière année. Il faut comprendre... et par la suite je laisserai compléter Me Murphy... il faut comprendre comment est calculé le délai en matière criminelle et pénale. Le délai, il est calculé en fonction du moment de l'ouverture du dossier jusqu'à la décision du juge, où elle est rendue, ce qui inclut le délibéré. Donc, il y a une hausse, effectivement, de neuf jours. Au cours des dernières années, dû aux investissements majeurs, il y avait une diminution progressive, jusqu'à 196 jours, lorsque Jordan est arrivé. On comprendra maintenant que les procureurs déposent... bien, en fait, les policiers déposent... les dossiers sont autorisés lorsque le dossier est complet, il y a beaucoup moins de compléments d'enquête qui sont effectués. Mais, effectivement, il y a une hausse de neuf jours médians qui est en cours présentement.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Oui. Et j'invite le ministre à... Ce n'est pas que neuf jours médians, c'est des délais, des augmentations substantielles, là. La moyenne est nettement en hausse. J'ai nommé des cas. Quatre districts, 24 %, 27 %, 33 % et 33 % d'augmentation, c'est beaucoup. Dans ces districts-là, entre autres le district de Bonaventure, on parle de 52 jours, donc on passe de 157 à 209. Donc, 52 jours, c'est 33 %. Et, également, dans le district de Saint-Maurice, on passe de 57 jours de plus, de 169 à 226. Ma question au ministre était : Comment explique-t-il ça? Oui, il a dit qu'il y avait différentes façons de le calculer puis il l'a défini, mais comment on l'explique?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, ça s'explique notamment, en partie, par la diminution du nombre de causes fermées annuellement par rapport au nombre de causes ouvertes. Le nombre de causes ouvertes en matière criminelle, il a diminué de 6 271 en 2018-2019 et 2019-2020, passant ainsi de 107 266 causes à 100 995 causes. Le nombre de causes fermées a, pour sa part, diminué de manière encore plus marquée, passant de 109 471 causes fermées à 97 411, donc il s'agit d'une diminution de près de 12 000 causes. Et cet écart négatif de causes fermées par rapport au nombre de causes ouvertes entraîne une augmentation de causes actives, qui est passée de 87 427, en 2018-2019, à 91 011 causes en 2019-2020. Donc, l'augmentation de 3 584 causes explique. Donc, c'est une question d'ouverture et de fermeture du nombre de causes.

Donc, plus il y a de causes ouvertes par rapport au nombre de causes fermées, ça fait en sorte que le ratio du délai moyen augmente. Donc, le neuf jours de délai médian, oui, il est en augmentation, il faut toujours tendre à diminuer les délais, mais il y a des facteurs qui sont attribuables en fonction du nombre de causes qui sont fermées. Ça fait que, fort probablement, au cours de l'année, cette année, suite aux délibérés des juges, il y a davantage de causes qui vont être fermées, ce qui va faire en sorte que ça va réduire le délai médian.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Merci, M. le Président. Mais, en tout respect, je ne comprends pas la réponse du ministre. Il peut-tu me l'expliquer dans ses mots? Parce qu'il a lu, là, puis il m'a perdu. C'est juste que je ne comprends pas en quoi le nombre de causes ouvertes et fermées a un impact sur les délais. La façon que je comprends... puis il pourra m'aider à faire l'autre bout de chemin, parce que je ne suis pas sûr que c'est ce qu'il m'a dit, je résumerais, puis il me corrigera si j'ai tort, le fait de dire : Bien, plus il y a de causes... Le nombre de juges n'augmente pas au même rythme que le nombre de causes, donc il faut traiter plus de causes avec le même nombre de juges, ce qui augmente les délais. Est-ce que c'est ça?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Non. Dans la mécanique de calcul qu'il y a, dans le fond, il y a les... en fait, vous avez le délai médian, vous avez le délai du nombre de causes, mais, de la façon que c'est calculé aussi, c'est à partir de l'ouverture et de la fermeture du dossier, donc vous allez avoir plus de causes ouvertes cette année par rapport au pourcentage de fermetures. Donc, oui, il peut y avoir une augmentation du délai. Ce n'est pas nécessairement attribuable au nombre de juges qui sont là. Supposons... là, je pense qu'on est à 306 juges de la Cour du Québec. Ce n'est pas nécessairement en fonction du nombre de juges qu'il y a mais aussi en fonction du délibéré. Donc, le nombre de dossiers... À partir du moment où il ferme le dossier, le juge rend sa décision, le dossier ferme, donc le délai est plus court. Mais on n'a pas de contrôle sur la durée du délibéré non plus du juge.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Non, ça, c'est sûr qu'on n'a pas de contrôle. Mais donc je fais du pouce là-dessus : Est-ce à dire que les délibérés, en moyenne, ont allongé, sont plus longs que par l'année précédente?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Ça, je n'ai pas cette information-là. Peut-être, Me Murphy, je ne sais pas si vous avez cette information-là relativement aux délibérés, si on tient cette segmentation-là relativement à l'instruction et, ensuite, la mise en délibéré et les remises?

Le Président (M. Bachand) : ...la question? Consentement? Me Murphy, s'il vous plaît.

Mme Murphy (Annick) : Oui, bonjour. Alors, on m'a dit de me nommer. Je suis donc Annick Murphy.

Il n'y a pas, chez nous, en tout cas, de statistiques relativement aux délibérés que les juges peuvent prendre dans l'exercice de leurs fonctions.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Est-ce que je peux demander, M. le Président, avec la permission de tout le monde, à Me Murphy : Vous, comment l'expliqueriez-vous, cette augmentation-là?

Le Président (M. Bachand) : Me Murphy.

• (19 h 30) •

Mme Murphy (Annick) : Oui. En fait, je pense qu'il est important de dire qu'il y a un tas de facteurs qui peuvent provoquer des changements dans la durée, et il y a toutes sortes de facteurs qui seraient peut-être difficiles à énumérer. À titre d'exemple, dans un district qui a très peu de dossiers comparativement, par exemple, au district de Montréal, lorsque quelques dossiers... lorsque le délai allonge dans quelques dossiers, ça peut avoir un impact important sur la moyenne ensuite, quand on regarde l'ensemble des dossiers.

Mais je pense que ce qu'il est important de mentionner présentement, c'est qu'en ce qui nous concerne les délais qui sont impartis, que la Cour suprême nous a imposés par le jugement Jordan, les délais actuellement sont observés dans l'ensemble du territoire du Québec. Dans la dernière année, il n'y a eu que cinq arrêts de procédure qui concernent des délais déraisonnables.

Donc, pour nous, la situation depuis 2016 s'est complètement corrigée. La culture a changé. Chaque procureur, individuellement, contrôle les délais dans son dossier. Alors, les procureurs sont proactifs pour faire avancer les dossiers afin que le dossier se termine dans le délai imparti par la Cour suprême.

Donc, pour nous, présentement, il n'y a pas de danger en termes de délais. Bien entendu, la COVID amène un défi supplémentaire relativement à cette question de délais, mais, encore là... on aura peut-être l'occasion d'en reparler, mais, encore là, il n'y a pas d'enjeu relativement aux délais.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Oui. Toujours avec vous, Me Murphy, justement, parce que, là, ce sont des chiffres pré-COVID, nous sommes dans le contexte COVID. Quelle est votre... pas nécessairement votre appréhension, mais quelle est votre estimation? Je sais qu'on est en plein milieu, là, de la crise COVID, là, on n'est pas à l'heure des bilans. Mais croyez-vous à une résurgence de débats de type Jordan dans ce contexte-là?

Le Président (M. Bachand) : Me Murphy.

Mme Murphy (Annick) : Oui. Alors, écoutez, comme je le mentionnais il y a quelques instants, pour le moment, notre aperçu des choses dans l'ensemble du Québec ne... nos indicateurs ne nous indiquent pas que nous avons des problèmes de délais. Il est possible que, dans certains dossiers, effectivement, il y ait certaines conséquences, mais les procureurs sont avisés de cette problématique-là. Dans Jordan, évidemment, la possibilité d'invoquer une circonstance exceptionnelle dans l'évaluation du délai... la pandémie est nécessairement une circonstance exceptionnelle que la cour va considérer. Alors, pour nous, évidemment, il y a cette assurance-là.

Par contre, ça ne veut pas dire que les procureurs ne doivent pas être proactifs. Les procureurs le sont, ils le savent. Ils savent que, malgré la pandémie, ils devront démontrer à la cour toutes les mesures qu'on a pu prendre pour accélérer, malgré la pandémie, le processus judiciaire. Nous avons donc donné plusieurs conseils aux procureurs, dans une note que nous leur avons transmise, des interventions qu'ils peuvent faire pour limiter les délais.

Le Président (M. Bachand) : M. le député.

M. Tanguay : Puis, M. le Président, Me Murphy — là, le ministre pourra compléter — en termes de rentrée judiciaire, les tribunaux, on va retourner à la normale, je pense qu'en septembre, puis on me corrigera si j'ai tort, on sera redevenu à la normale. Donc, sera terminé, entre guillemets... je sais que ce n'est pas une excuse, mais sera terminé l'argument du contexte COVID. Pour ce qui est de la reprise, il risque d'y avoir peut-être encombrement des tribunaux. Là, on n'est plus dans l'état d'urgence ou dans un contexte où les tribunaux ne siègent pas, ils siègent. Y voyez-vous l'opportunité, donc, dans un deuxième argument, de dire : Bien, à la reprise, on justifie les délais? Mais, au-delà de justifier les délais, c'est les justiciables, également, qui se doivent d'avoirs justice dans les meilleurs délais. C'est l'essence même de Jordan. Comment voyez-vous... Quels sont les défis que vous avez identifiés et comment comptez-vous y répondre justement pour ne pas qu'on ait un retour à plusieurs rejets Jordan et que les justiciables soient...aient justice dans les meilleurs délais?

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Me Murphy.

Mme Murphy (Annick) : Oui. Alors, la façon dont ça fonctionne... Dans tous les districts judiciaires, les juges coordonnateurs ont établi un plan de continuité, un plan de reprise des activités. Donc, d'un district à l'autre, les plans peuvent différer. Et c'est dans un contexte de grande collaboration où toutes sortes de mesures sont prises pour effectivement faire face à ce qui peut se passer cet automne. Donc, pour le moment, comme je vous le disais à l'instant, on ne sent... il n'y a pas d'enjeu de délai, mais il est effectivement possible, à l'automne, si les dossiers reprennent, qu'il y ait là un enjeu.

Nous avons donc décidé de, par exemple — toutes sortes de mesures que je pourrais vous énumérer — prioriser certaines poursuites, procéder à toute audience dès que possible, dès que le tribunal l'autorise, donc dès maintenant, régler hors cour ce qui ne peut pas être tranché par le tribunal, préparer des plans de poursuite, divulguer le plus rapidement possible, chercher à obtenir des admissions, demander une gestion d'instance afin d'organiser un peu le procès, donc trouver des alternatives au procès, recourir à, bon, tous les processus électroniques virtuels qu'on peut faire pour améliorer le processus, proposer des alternatives au système, utiliser les programmes de mesures de rechange. Enfin, il y a toutes sortes de mesures que nous avons prises pour effectivement tenter d'amoindrir l'impact qu'on pense qu'on vivra peut-être...

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Me Murphy. J'aimerais m'excuser auprès du député de LaFontaine. On a ajouté trois minutes à votre temps de parole, qu'on va redistribuer, bien sûr, autour de la séance de ce soir, alors...

M. Tanguay : ... j'avais 16 puis j'avais fait 19.

Le Président (M. Bachand) : On vous a donné 19...

M. Tanguay : O.K. C'est ça.

Le Président (M. Bachand) : ...mais on va rééquilibrer le tout, là. Merci beaucoup de votre compréhension. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président. Bonjour au ministre, à l'ensemble des députés, à tout le personnel également. J'ai envie de profiter, dans le bon sens, bien sûr, de la présence de Me Murphy pour poser quelques questions sur ce qui se passe au DPCP. J'aurai l'occasion d'échanger plus tard avec le ministre sur une série d'autres enjeux qui interpellent ma formation politique.

Mais, d'entrée de jeu, Me Murphy, j'aimerais vous entendre sur ce qui se passe au Bureau de la grande criminalité. C'est un bureau qui a été créé à l'automne 2015. À l'époque, c'était censé être un fleuron qui nous permettrait de lutter plus efficacement que jamais contre le crime organisé. Or, dans un article du 25 juin dernier, le journaliste Daniel Renaud, de La Presse, un homme bien informé, relate une série de problèmes très inquiétants. Et, si je faisais la liste des problèmes qui sont allégués dans cet article-là, je perdrais au complet mon bloc de huit minutes. Donc, je vais prendre pour acquis que vous l'avez lu, cet article. En fait, j'en suis certain.

Si je résume, là, on parle d'une véritable saignée au Bureau de la grande criminalité, de départs massifs, qu'on a dû recruter des procureurs, et je cite, «peu expérimentés». On nous parle du départ, là, tout récent de la procureure principale, qui s'occupait de l'affaire de vol de données chez Desjardins, affaire dont on a connu d'ailleurs le dénouement ce matin, c'est-à-dire qu'il n'y aura aucune accusation contre personne chez Desjardins, alors qu'on a rendu possible la plus grande fuite de données de l'histoire du Québec. Il n'y a peut-être pas de lien entre ces deux affaires-là, mais, en tout cas, c'est un hasard un peu invraisemblable que ça arrive aujourd'hui, alors que vous témoignez à l'Assemblée nationale.

Me Jean-Claude Boyer, qui est un ancien procureur dans les dossiers de crime organisé, s'indignait du peu... de la faible performance, du caractère inexpérimenté des gens qui ont été récemment embauchés au Bureau de la grande criminalité. Et je le cite, il disait : «Ces procureurs-là font face à des avocats de défense de grande qualité.» L'article dit même qu'on surnomme maintenant le Bureau de la grande criminalité le bureau des portes tournantes — ce serait son petit nom à l'interne — tellement ça ne va pas bien, tellement il y a de roulement de personnel.

Je m'arrête ici, mais vous comprendrez que, pour les parlementaires que nous sommes, c'est des informations très inquiétantes. Je pense que l'exercice de reddition de comptes des crédits, c'est aussi l'occasion de vous poser ces questions dérangeantes là.

Ma première question, donc, est très générale : Dans cet article-là, est-ce qu'il y a des éléments inexacts? Si oui, lesquels? Est-ce qu'il y a des éléments exacts? Si oui, lesquels?

Le Président (M. Bachand) : Merci. Alors, Me Murphy, M. le ministre aimerait prendre la parole. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Avant de céder la parole à Me Murphy, simplement un complément d'information. Tout à l'heure, en matière pénale, aussi, les causes pour le député de LaFontaine ont diminué à 151 jours...

• (19 h 40) •

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : J'y arrive... Oui.

M. Nadeau-Dubois : Oui, c'est que je vais préférer que le ministre réponde à l'opposition officielle sur le temps de l'opposition officielle pour pouvoir profiter de mon temps pour discuter des enjeux que j'ai choisis.

M. Jolin-Barrette : J'y arrive. Bon, pour le Bureau de la grande criminalité, il faut comprendre qu'il y a eu une réforme au cours des dernières années pour mettre ensemble l'expertise des procureurs sur différents dossiers. Et il faut comprendre également que l'ensemble des députés... «des députés», des procureurs qui sont dans l'organisation du DPCP se dévouent aux différents dossiers. Alors, l'idée, c'est de mettre l'expertise en eux, parce qu'avant il y avait trois différents bureaux, mais Me Murphy pourra l'expliquer également, parce que, dans chaque organisation, il y a des gens qui viennent et qui quittent aussi, et il y a un renouvellement aussi de procureurs, notamment, parce que notamment certains partent à la retraite ou font des choix de carrière différents.

Alors, je vais céder la parole à Me Murphy.

Le Président (M. Bachand) : Me Murphy, s'il vous plaît.

Mme Murphy (Annick) : Oui. Alors, écoutez, je... vous avez parlé... puis je ne veux pas m'étendre trop longtemps sur cette question-là, mais vous avez parlé de M. Boyer. Je dois préciser que M. Boyer n'est plus au DPCP depuis 2012. Je trouve qu'il est discutable de lui donner cette visibilité dans un article qui parle du DPCP alors qu'il était lui-même commissaire aux libérations conditionnelles à ce moment-là.

Alors, les procureurs, le... Et d'ailleurs l'information qui est soulignée dans cet article-là est... sont des informations qu'un procureur a données dans le cadre du contexte du Comité sur la rémunération des procureurs. Alors, il témoignait au comité pour exprimer les besoins qu'il ressentait, il témoignait donc pour les procureurs, donc pour l'Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales. Je pense qu'il est important...

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Me Murphy. Le député de Gouin aimerait rajouter... Oui, M. le député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Oui, j'aimerais, s'il vous plaît, que vous m'indiquiez quels faits dans l'article de M. Renaud sont inexacts? Je comprends que vous voulez nous expliquer le contexte, malheureusement le temps va nous manquer si on va trop dans le détail du contexte. Moi, j'aimerais avoir les détails des faits. Quels sont les faits inexacts? Puis je vous en donne un : L'article allègue qu'il y aurait des délais de six à neuf mois au sein du Bureau de la grande criminalité pour ce qui est des enquêtes notamment de fraude... délais de six à neuf mois avant même d'avoir un procureur affecté à une cause. Est-ce que ce délai est réel ou est-ce qu'il est inventé par la personne qui a parlé à M. Renaud?

Le Président (M. Bachand) : Me Murphy, s'il vous plaît.

Mme Murphy (Annick) : Écoutez, ça ne peut pas être, à partir du moment où un dossier est attribué au Bureau de la grande criminalité. Alors, nous avons un comité de départage. Les policiers proposent le dossier au comité de départage. Ce comité-là va décider à quel endroit va aller ce dossier. À partir du moment où le dossier est transféré au Bureau de la grande criminalité, un procureur est assigné immédiatement au dossier, et il y a une équipe, par la suite, qui va se créer en fonction de l'ampleur et de l'envergure du dossier.

Mais je voudrais souligner une chose sur l'expérience. À mon avis, la plus grande erreur... ou correction qui doit être faite ici, par rapport à cet article-là, c'est qu'actuellement, au Bureau de la grande criminalité, il y a 61 procureurs qui... au Bureau de la grande criminalité, 23 de ces procureurs-là ont plus de 15 ans d'expérience, ce qui représente 38 % des effectifs, ou, dit autrement, un procureur sur trois a 15 ans d'expérience. Ce ratio-là est remarquable. Un procureur qui a 10 ans d'expérience aujourd'hui, c'est un procureur extrêmement expérimenté. Alors, dans le...

Le Président (M. Bachand) : Merci, Me Murphy. Parce que le temps file beaucoup. Désolé.

M. Nadeau-Dubois : Le temps file, et j'en ai peu, je suis désolé de devoir vous bousculer, mais, si je veux passer à travers mes questions, je n'ai pas le choix. Les deux autres tiers des procureurs au Bureau de la grande criminalité, quelle est leur ancienneté moyenne?

Le Président (M. Bachand) : Me Murphy.

Mme Murphy (Annick) : L'ancienneté moyenne, écoutez, je ne pourrais pas vraiment vous le dire, là. Il y a énormément de procureurs qui ont 10 ans d'expérience. Il y a des procureurs qui ont cinq ans d'expérience. La moyenne, au grand DPCP, de 15 ans et plus est de 30 %. Donc, au Bureau de la grande criminalité, il y a en moyenne plus de procureurs... c'est-à-dire qu'il y a une plus grande expérience au Bureau de la grande criminalité.

Et il y a un élément important...

M. Nadeau-Dubois : Juste une petite question très rapide, parce que le temps va me manquer, est-ce que vous reconnaissez qu'il y a, pour le dire de manière générale, un défi de rétention de personnel, de manière générale, au sein du DPCP en général et du Bureau de la grande criminalité en particulier?

Mme Murphy (Annick) : Il n'y a aucun défi de rétention. Nous avons une moyenne de 91 % de rétention de nos procureurs. Alors, l'année passée, c'était 90 %, je pense que cette année c'est 91 % et quelque chose. Donc, on n'a aucun défi de rétention.

Vous savez, un procureur en matière criminelle, ça n'existe pas dans... à part dans certains... à l'AMF, à l'Agence du revenu et chez nous. Alors, quand on veut avoir un procureur d'expérience, c'est... il doit avoir été construit chez nous. Alors, c'est important pour nous d'embaucher de jeunes... de les prendre au stage, de les prendre au Barreau et de les former, et ça, c'est important. Et il y en a, au Bureau de la grande criminalité, il y en a évidemment énormément dans le reste du DPCP.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Me Murphy. Je cède la parole à la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Alors, salutations à tout le monde qui est présent ici. J'aurai des salutations plus particulières pour le ministre dans l'autre bloc, parce que j'ai très peu de temps, moi aussi, avec Me Murphy et l'équipe du DPCP.

Le ministre y a fait allusion tantôt, on vit une troisième vague de dénonciations d'agression à caractère sexuel. On entend beaucoup dire, et je pense qu'on peut tous en convenir, qu'il y a une désaffection puis un manque de confiance, de manière générale, à l'égard du système de justice. Et de cela découle notamment ce qu'on voit comme troisième phénomène de dénonciations.

Malheureusement, au cours des derniers mois, on a vu un dossier qui a fait les manchettes, là, dans La Presse, sous le titreLe DPCP échappe un dossier d'agression sexuelle. On pourrait penser que c'est un titre qui veut retenir l'attention, mais, quand on lit l'article de Philippe Teisceira-Lessard, effectivement, dans le cas d'une agression présumée qui se serait passée dans un avion, sur un mineur, donc, d'attouchements sexuels, il y a eu plainte, par la suite le DPCP a jugé, donc, qu'il allait poursuivre, et il y a une démarche qui a été échappée et qui a fait en sorte que le dossier n'a même pas pu faire l'objet d'une poursuite en bonne et due forme. Ça a été confirmé en pleine vague de dénonciations par le tribunal supérieur, en juillet. Et, quand on lit la déclaration du DPCP, quand l'appel est tombé... La décision de l'appel est tombée, ça dit tout simplement : «Le DPCP prend acte de la décision. De plus, il a informé la famille de cette décision. Il ne formulera aucun autre commentaire.»

Je dois vous dire que je comprends que l'erreur est humaine. Je pense par ailleurs qu'on s'attend tous, surtout dans le contexte actuel, d'une vigilance extrême dans les cas d'agression sexuelle, mais surtout on s'attend beaucoup à de la compassion. Donc, je voudrais savoir, quelques semaines après les événements, si le DPCP est prêt à reconnaître publiquement son erreur, à offrir des excuses à la victime, formellement, publiquement, et à compenser la victime pour les torts subis du fait de cette poursuite qui n'aura jamais lieu et de justice qui ne sera jamais rendue?

Le Président (M. Bachand) : Merci. Me Murphy, s'il vous plaît.

Mme Murphy (Annick) : Alors, je vais... est-ce que... je vais rectifier quelques informations. Je tiens d'abord à souligner que ce qui s'est passé dans ce dossier-là, c'est vraiment une situation extrêmement particulière. En droit canadien, il n'existe aucune autre situation, aucun crime particulier qui nécessite une autorisation ou le consentement du Procureur général fédéral. Alors, dans une situation comme celle-ci, c'est-à-dire une infraction ou un crime à caractère sexuel qui s'est produit en vol par un citoyen qui n'est pas un citoyen canadien, bien, effectivement, il y a une disposition, au code, qui exige que nous devons obtenir l'autorisation ou le consentement du Procureur général fédéral et que nous n'avons que huit jours pour le faire. Le procureur qui a traité le dossier, il ne lui est jamais passé à l'esprit qu'il... parce que, dans la vie de tous les jours, tous les dossiers que nous faisons ne nécessitent pas ce genre d'autorisation. Alors, il ne lui est donc jamais passé par l'esprit qu'une autorisation ou un consentement quelconque était nécessaire.

Donc, on a réalisé... ou lorsqu'il a réalisé, comme vous dites, que l'autorisation était nécessaire, nous avons déposé, donc, de nouvelles accusations. Et le lendemain nous avons demandé l'autorisation au... et nous avons obtenu le consentement, à ce moment-là, du Procureur général fédéral...

Le Président (M. Bachand) : Merci, Me Murphy. Le temps bouge, puis la députée de Joliette aimerait peut-être revenir sur sa question.

Mme Hivon : J'ai vraiment très peu de temps, et puis vous savez comment j'aurais plein de questions pour vous. Donc, je veux savoir... Je comprends les faits et que c'était complexe tout ça, mais l'idée est que ça a malheureusement été échappé. Et je veux tout simplement savoir si, par compassion pour la jeune victime mineure, des excuses publiques peuvent être faites, au-delà d'un communiqué ou d'une réponse laconique... et une compensation parce que justice ne sera pas rendue. C'est une manière de redonner confiance aussi, d'admettre ses torts, et de s'excuser, et de compenser.

Le Président (M. Bachand) : Me Murphy.

• (19 h 50) •

Mme Murphy (Annick) : Vous avez raison. Je dois simplement mentionner que nous avons rencontré le père, donc, qui était le plaignant pour nous dans cette affaire-là, et nous l'avons rencontré à plusieurs reprises. Nous lui avons exprimé comment nous étions désolés pour cette situation-là. Et il a été rencontré par les gestionnaires du procureur, et tout lui a été expliqué avec une très grande transparence. Et effectivement nous lui avons exprimé comment nous étions désolés. Et je suis en mesure de le faire aujourd'hui. Parce que, vous savez, quand on est procureur de la Couronne, le sort des victimes nous tient énormément à coeur. Et, quand une situation comme celle-là se produit, bien, les procureurs, je le dirais comme ça, sont les premiers désolés. On est... Et le procureur en question a été extrêmement ébranlé par cette situation-là. C'est un procureur d'expérience, qui fait des dossiers d'agression sexuelle, qui est complètement dévoué à ce travail-là, qui se dévoue à la justice. Et, comme je le disais, cette omission l'a complètement ébranlé. Et je lui réitère ma confiance, bien entendu.

Mais, pour revenir au plaignant, je peux vous dire que nous lui avons parlé à plusieurs reprises pour lui expliquer la situation. Nous lui avons offert de l'accompagner s'il voulait lui-même porter des accusations en France, par exemple.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Me Murphy. Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Hivon : C'est très bien. Pour clore sur ça, j'invite le DPCP et le ministre de la Justice à être particulièrement vigilants sur ce type de crime et d'agression, parce que je ne pense pas qu'on peut se permettre... je comprends que les circonstances étaient particulières, mais aussi que, quand il y a des commentaires qui sont émis, de tout de suite offrir des excuses. Et j'invite les autorités à regarder si une compensation peut être donnée à la victime. C'est une manière de donner une place à la victime dans le processus.

Me Murphy, vous savez qu'on entend souvent parler de vous et des relations, dont on entend dire qu'elles sont si houleuses, entre les corps policiers et le DPCP. Et, en fait, je voulais vous amener sur la question qu'on a lue au printemps, comme quoi la question du fait que M. Prud'homme avait été relevé de ses fonctions était reliée au fait qu'il y aurait eu plainte de la part de la DPCP pour intimidation. Donc, si, par souci de transparence, vous voulez confirmer ou infirmer cette information-là, je pense que ce serait utile.

Mais par ailleurs je voulais comprendre comment ça se fait qu'alors qu'on lit les communiqués du DPCP et que souvent on indique qu'il n'y aura pas, dans tel dossier, d'accusation de portée... pourquoi, dans ce cas-là, il n'y a pas eu de communication de la part du DPCP pour dire qu'il n'y aurait pas d'accusation contre Martin Prud'homme? Pourquoi l'a-t-il appris des Emplois supérieurs et pourquoi c'est la ministre de la Sécurité publique qui a rendu cette information-là publique?

Le Président (M. Bachand) : ...malheureusement, vous avez 40 secondes pour répondre.

Mme Murphy (Annick) : Oui. Écoutez, je ne peux certainement pas commenter cette affaire-là. Il y a, comme vous le savez, une enquête administrative. La ministre de la Sécurité publique l'a annoncée, et elle a également annoncé que, lorsque cette enquête serait terminée, elle serait en mesure d'annoncer une décision.

Pour répondre à votre question relativement aux raisons pour lesquelles on n'a pas annoncé publiquement qu'il n'y aurait pas d'accusation criminelle contre M. Prud'homme, c'est que nous ne le faisons jamais. Nous avons des lignes directrices qui nous guident dans les... sur cette question-là. Et vous pourrez remarquer que nous publions lorsque les faits sont déjà du domaine public. Par exemple, les enquêtes indépendantes, le Bureau d'enquêtes indépendantes publie les circonstances des dossiers. Dans ce contexte-là, nous pouvons ensuite expliquer notre décision. Ça a été la même chose pour L'Isle-Verte, par exemple, ou les dossiers dits Val-d'Or de la phase I...

Le Président (M. Bachand) : Merci.

Mme Murphy (Annick) : ...c'est ce que nous avons fait.

Le Président (M. Bachand) : Je m'excuse, Me Murphy, le temps est... Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : ...M. le Président?

Le Président (M. Bachand) : On est à 13, mais, si vous débordez, on va réajuster le temps.

M. Tanguay : O.K., on est à 13 pour là, parce qu'après on va changer de bloc. Merci, M. le Président.

Me Murphy, dans les questions particulières de l'opposition officielle, à la page 246, à P.78, même question qui revient, là, régulièrement, le nombre de procureurs de la couronne affectés à des dossiers spécialisés en 2019-2020, et, à travers les différentes catégories, il y en a cinq, il y a la catégorie de crimes sexuels, crime organisé, crimes économiques, notamment, et on peut constater, et je pense... puis vous me détromperez si j'ai tort, ma perception était que, oui, nous gagnons collectivement lorsqu'il y a des procureurs qui sont spécialisés dans certaines matières, qui peuvent avoir une certaine sensibilité, notamment quand on parle de crimes sexuels, pour pouvoir gérer, parce qu'il y a une partie de gestion à un dossier, avec cette sensibilité-là et cette expertise-là. Or, on semble aller à contre-courant dans trois matières : crimes sexuels, crime organisé, crimes économiques. Dans ces trois cas-là, quand on compare 2020 avec l'année d'avant, 2019, c'est trois diminutions, puis c'est des diminutions quand même substantielles : cinq procureurs de moins pour le crime sexuel, de 62 à 57, et, crime organisé, on passe de 52 à 39, et, crimes économiques, on passe de 69 à 44.

Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. Comment pouvons-nous justifier ces diminutions-là, alors que, peut-être, je me serais attendu, moi, à ce que ça augmente, parce qu'on veut spécialiser des procureurs dans les types de dossiers pour gagner en efficacité et en qualité des services rendus aux justiciables?

Le Président (M. Bachand) : Me Murphy.

Mme Murphy (Annick) : Écoutez, je n'ai pas de réponse spécifique à vous donner. Par contre, je peux vous expliquer que, la spécialisation des procureurs, on peut la faire lorsque le bureau dans lequel exerce le procureur le permet, c'est-à-dire qu'à Montréal un bureau de 100 procureurs nous permet de spécialiser des procureurs. Mais, dans des endroits où les bureaux, par exemple, ne comptent que deux, ou quatre, ou cinq procureurs, il est extrêmement difficile... bien, c'est-à-dire que les procureurs seront spécialisés, ils seront formés, mais on ne peut pas les dédier à certaines... à des tâches spécifiques.

Le tableau que vous avez n'indique pas nécessairement que les procureurs font cette tâche-là à 100 %. Il y a des procureurs qui ont une... Ce tableau-là indique que les procureurs qui ont une tâche à plus de 50 %... il est possible qu'aujourd'hui, dans un même bureau, au lieu d'avoir un seul procureur qui exerçait une tâche... c'est-à-dire 50 % de sa tâche, par exemple, en matière de crimes sexuels, bien, qu'il y en ait deux présentement qui exercent cette tâche-là. Donc, le nombre ne se retrouve pas dans ce tableau-là.

Alors, moi, il faudrait que je voie, là, chacun des détails. Mais par contre vous avez tout à fait raison, nous tentons le plus possible, lorsque c'est possible de le faire, de spécialiser nos procureurs. Mais, encore une fois, c'est un luxe que nous avons dans les bureaux comme à Québec, comme à Montréal, Longueuil, Saint-Jérôme, mais, sinon, dans les bureaux de plus petite taille, il est difficile... les procureurs font probablement l'ensemble des crimes, traitent l'ensemble des dossiers qui se présentent au bureau, là.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Me Murphy. M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Je comprends la mécanique des choses que l'on ne peut pas... Si on veut dire que nous avons une procureure qui est attitrée à tel type de crime, crime sexuel, par exemple, il doit y avoir un minimum de volume, un minimum de nombre de procureurs. Ça, je comprends la mathématique des choses, et nous aurions à négocier avec cela au jour 1. Mais là on est rendu à l'application d'une telle politique après quelques années et là on voit une diminution de celles et ceux qui, jadis... donc, ce n'est pas par rapport au volume du district ou au volume du bureau, qui ont perdu cette spécialisation-là, alors qu'on ne peut pas dire qu'il y a moins de crimes sexuels dénoncés, de crimes économiques, par exemple, dénoncés.

Alors, vous pourriez me dire : Bien, ils étaient, jadis, à 50 % et plus sur une telle pratique, si vous me permettez l'expression, notamment crimes sexuels, mais la façon d'expliquer cette diminution-là, ce serait de dire, puis corrigez-moi... Je ne pense pas que vous me disiez qu'il y a moins de dossiers de nature sexuelle, peut-être que c'est le cas, ça expliquerait pourquoi ils ont perdu leur pratique de 50 % et plus, mais je me comprends mal... Et donc, premier élément, si vous pouvez préciser la réponse, s'il vous plaît.

Et, deuxième élément, moi, ça m'inquiète, l'expression est peut-être trop forte, mais je trouve qu'on ne pousse pas assez, justement, une expertise, puis on le reconnaît tous, qui fait en sorte que les dossiers sont mieux gérés, entre guillemets, avec cette spécialisation-là. Donc, il faudrait en avoir plus qu'hier, moins que demain.

Le Président (M. Bachand) : Me Murphy.

• (20 heures) •

Mme Murphy (Annick) : Écoutez, il y a... Comme je vous dis, il faudrait que je puisse faire le calcul puis vous revenir, puis ce que je pourrais faire si vous le désirez. Mais nous avons eu... encore une fois, c'est mathématique, mais nous avons eu un apport important de procureurs dans les dernières années. Ces procureurs-là ont été distribués dans l'ensemble du réseau. Alors, quand, dans un bureau, comme je le mentionnais auparavant, dans les années passées, ce procureur-là... bien, il y avait deux procureurs, donc ils se séparaient la tâche à deux, bien, on avait deux procureurs qui pouvaient être indiqués dans ce tableau-là. Si ce bureau-là, aujourd'hui, compte quatre procureurs, bien, vous comprendrez que la charge de travail, elle est divisée entre les quatre procureurs. Donc, comme ce tableau-là ne mentionne que les personnes qui font plus que 50 % de leur tâche, bien, c'est peut-être pour ça qu'il y a...

Par ailleurs, vous... Par ailleurs, je pense qu'il est important de mentionner qu'en matière de violence conjugale, en matière d'agression sexuelle, nous spécialisons nos procureurs, nous faisons le plus possible des équipes dédiées. Nous sommes à réfléchir, par exemple, à la possibilité de mettre des procureurs, ce qu'on pourrait appeler des procureurs volants, qui seraient complètement dédiés à la tâche, par exemple, de violence conjugale ou d'agression sexuelle et qui pourraient aller d'un... pas d'un district à l'autre mais d'un bureau... d'un palais à l'autre pour s'occuper de ces dossiers-là, plutôt que de diviser ces dossiers-là chez l'ensemble des procureurs, justement dans un objectif comme vous l'avez exprimé. C'est effectivement ce qu'on tente de faire.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Me Murphy. M. le député, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Puis, avec le consentement de tout le monde autour de la table, je prends l'offre au bond de Me Murphy. Si vous pouviez, selon votre bon jugement, peut-être étayer votre réponse, vous avez dit que vous pourriez peut-être nous revenir... Et je le prendrais à l'inverse, peut-être, de l'explication. Vous disiez : Ils étaient deux, ils avaient 50 % et plus. Maintenant, ils étaient quatre, c'est peut-être ce qui explique la baisse, ils sont à 25 %. Je dirais : Il faudrait, pour me rassurer, que ça soit totalement l'inverse, qu'ils passent de deux à, peut-être, un à 90 %, puis les trois autres... parce que, sinon, on perd la spécialisation. Si je fais quatre 25 %, je ne suis plus spécialisé. Si je passe de deux à 50 %... de deux à 50 % à un à 90 % ou une à 90 %, là je suis rassuré. Alors, j'espère que c'est... vous comprenez que c'est l'inverse.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre aimerait intervenir. M. le ministre, s'il vous plaît. Désolé, Me Murphy. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, sur le commentaire du député de LaFontaine, il y a un enjeu, aussi, de délai, parce que tout à l'heure... je reviens à votre question, s'il y a uniquement des procureurs spécialisés... Supposons qu'il y a moins de procureurs spécialisés, puis vous dites : Il y en a un qui a une tâche à 90 %, ça va faire en sorte aussi qu'en fonction de ses disponibilités, bien, il va être moins disponible, supposons, pour des jours d'audience, pour rencontrer les victimes puis pour faire les procès que s'il y en a deux aussi. Donc, il y a ça à réfléchir aussi.

Puis, sur votre question relativement aux délais, tout à l'heure, là, je voulais juste vous revenir aussi... La pandémie... Quand, le 13 mars, tout a arrêté, on perd un deux semaines aussi de délai. Je vais laisser compléter Me Murphy aussi, mais ça peut expliquer une partie du délai d'augmentation. Puis, comme je le disais tout à l'heure, aussi, en matière pénale, les délais ont grandement diminué, on s'est ramassé à 151 jours. Donc, ça, c'est une diminution significative en matière pénale.

M. Tanguay : M. le Président, possibilité...

Le Président (M. Bachand) : M. le député.

M. Tanguay : Oui. Est-ce qu'il y aurait possibilité pour le ministre peut-être d'étayer cet élément de réponse potentielle là du deux semaines dues à la COVID qui expliquerait, entre autres, les délais? Je ne sais pas s'il peut produire au secrétariat un complément d'analyse qui pourrait nous démontrer, chiffres à l'appui, que ça peut être le cas. Puis je ne veux pas le mettre en boîte, là. Si c'est le cas, ce sera le cas, puis on pourra se déclarer satisfaits. Sinon, bien, ça pourra confirmer ce qu'il vient de dire. S'il peut juste faire suivre...

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, écoutez, on va...

M. Tanguay : ...faire la vérification.

M. Jolin-Barrette : ...avec les équipes, on va travailler à produire un document. C'est sûr, ce n'est pas uniquement ça qui explique le délai, mais ça fait en partie dire que, durant ces deux semaines-là, il n'y a pas de dossiers qui ont été fermés.

M. Tanguay : Et je reprends au bond le commentaire du ministre. Il a tout à fait raison, on a comme des impératifs. Un impératif fort, oui, il y a les délais. C'est clair que, si j'ai une seule procureure, dans un bureau de quatre, qui, elle, doit prendre 90 % des cas... ou 90 % de sa pratique à titre de cas crimes sexuels, il est clair qu'elle ne sera pas disponible par rapport à deux, trois, quatre dossiers qui pourraient peut-être rebondir une semaine donnée, je suis d'accord avec lui, alors qu'en multipliant le nombre de possibilités on multiplie les agendas, ils sont plus disponibles, mais, à l'inverse, il ne faudrait pas que ça se fasse au prix de la spécialisation. Il ne faudrait pas, effectivement, que l'on ait quatre à 25 %, de dire : Bien, on a une diminution de deux, parce qu'il y en avait deux à 50 %. C'était juste mon élément.

Puis je crois que Me Murphy avait acquiescé à peut-être... je la laisse juge de ce qu'elle jugera pertinent de nous soumettre comme information additionnelle, mais pour peut-être expliquer ces diminutions-là, encore une fois, de chiffres, que l'on pourrait peut-être plus voir augmenter que diminuer, selon moi. Surtout qu'il y a eu, je pense... puis corrigez-moi, Me Murphy, si j'ai tort, mais je pense qu'il y a eu augmentation du nombre de procureurs de façon substantielle.

Et j'imagine que, vous — pour clore là-dessus, parce que je vais avoir une petite question dans les 2 min 30 s qu'il me reste, pour clore là-dessus — ça participe également d'une préoccupation : que vous voulez voir, donc, cette spécialisation-là être pérenne puis même se bonifier?

Le Président (M. Bachand) : Me Murphy.

Mme Murphy (Annick) : ...les procureurs qui sont spécialisés, donc le procureur qui s'occupe du dossier du début à la fin et qui est spécialisé dans un champ d'activité, il est certain que c'est l'idéal. Mais il est extrêmement difficile d'organiser ce genre de chose à l'extérieur des grands centres, et là il nous faudra avoir beaucoup de créativité. Éventuellement, on pourra voir en ce qui concerne les ressources, aussi, disponibles, mais... Parce que de dégager des gens pour s'occuper d'une seule catégorie de crimes, bien, ça fait en sorte que le reste de la charge de travail chez les procureurs, pour le reste des dossiers, bien, elle est d'autant augmentée. Donc, on ne peut pas tout simplement dire comme ça : Je prends un procureur, je lui donne tous les dossiers, par exemple, d'agression sexuelle, et à l'exception des autres. Vous comprenez? À moins, effectivement, d'avoir toute une réorganisation de notre structure, de notre façon de faire et des ressources.

Donc, il y a là beaucoup de choses derrière cette question de spécialisation. Mais, encore une fois, pour nous, je l'ai indiqué, pour nous, d'avoir des procureurs spécialisés dans les matières dont on parle, donc de crimes sexuels, de crimes économiques, de violence conjugale, pour nous, c'est l'idéal.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Oui. Dernière petite question pour Me Murphy. À la page 241, P.75, on note une augmentation, là, pour ne pas dire une miniexplosion des dépenses à l'externe pour tout type de service juridique. Historiquement, dans les trois années qui précèdent, c'était 15 000 $, 20 000 $, 70 000 $, j'arrondis au 1 000 $ près, 15 000 $, 20 000 $, 70 000 $. Là, c'est 251 000 $.

Au-delà de la réponse à laquelle vous pensez tout de suite, à l'effet que les détails en lien avec les services rendus sont de nature confidentielle, qu'est-ce que vous pourriez nous dire, nous, élus, pour regarder... On parle d'un quart de million. Qu'est-ce que vous pourriez nous dire, élus, à cette question-là? Tu sais, c'est un peu préoccupant.

Le Président (M. Bachand) : Très rapidement, Me Murphy, s'il vous plaît. Merci.

Mme Murphy (Annick) : Oui. Bien, cette année, nous avons eu une concentration de dossiers assez particuliers que nous avons dû transmettre à l'extérieur pour l'étude des dossiers. Alors, à titre d'exemple... puis je ne vous dis pas que c'est un des cas, mais, lorsque des procureurs sont poursuivis, parfois, dans certaines circonstances, nous devons avoir des procureurs que nous appelons, nous, des procureurs ad hoc.

Il faut savoir que l'argent que vous mentionnez, c'est l'argent total, aussi, pour les contrats que nous avons donnés, mais ce n'est pas nécessairement la dépense effective que nous avons faite.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Me Murphy. M. le député de Chomedey, s'il vous plaît.

M. Ouellette : Merci, M. le Président. Bien, bonsoir à tout le monde. Effectivement, huit minutes, ça passe terriblement vite, étant le dernier. Me Murphy, merci d'être avec nous ce soir. Ma première question, ça va être une facile. Je veux la régler avec vous tout de suite, ça va probablement vous demander un oui ou un non. Je veux savoir à qui vous allez demander la permission ou avec qui devrez-vous discuter des tenants et des aboutissants avant de procéder avec des accusations criminelles dans le projet Serment, présentement dirigé par le Bureau des enquêtes indépendantes et demandé par le ministère de la Sécurité publique.

Mme Murphy (Annick) : Je m'excuse...

M. Ouellette : Je veux savoir à qui vous allez demander la permission ou à qui devrez-vous discuter avant de procéder avec des accusations criminelles dans le projet Serment, qui est enquêté présentement par le Bureau des enquêtes indépendantes, quand il va arriver sur votre bureau.

Mme Murphy (Annick) : Je pense que...

Le Président (M. Bachand) : Oui, excusez, excusez...

M. Jolin-Barrette : Avant... Oui. Il y a des dossiers qui sont sous enquête présentement. La Directrice des poursuites criminelles et pénales pourra offrir une réponse. Il faut comprendre cependant, aussi, que, lorsqu'un dossier est sous enquête, aussi, la possibilité pour la Directrice des poursuites criminelles et pénales de répondre à certaines questions est limitée. Je fais juste cette mise en garde là.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Chomedey ou madame... Me Murphy? Me Murphy, oui.

Mme Murphy (Annick) : Merci, M. le ministre. Je ne peux que dire que cette question m'apparaît tout à fait prématurée. Au moment où on se parle, il s'agit d'un dossier d'enquête.

• (20 h 10) •

M. Ouellette : Donc, Me Murphy, si jamais ce dossier-là va au bureau... à votre bureau, vous allez avoir toute la latitude de prendre la décision sans influence extérieure.

Le Président (M. Bachand) : Me Murphy.

Mme Murphy (Annick) : Comme dans l'ensemble des dossiers que nous traitons. Alors, nous, c'est une exigence, nous devons prendre toutes les décisions à l'abri de toute influence, quelle qu'elle soit, comme je l'ai déjà souvent mentionné dans cette enceinte-là.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Chomedey.

M. Ouellette : Dernière question. Je remarque que vous avez pris bonne note des remarques que nous avions faites l'an dernier sur les statistiques de Jordan, parce que vous avez une réponse cette année avec cinq dossiers. Je voudrais savoir, Me Murphy, dans combien de dossiers... ou combien d'accusations ont été abandonnées par le DPCP dans les dossiers de l'UPAC?

Le Président (M. Bachand) : Me Murphy.

Mme Murphy (Annick) : Je ne crois pas que nous ayons abandonné. Pour moi, abandonner peut vouloir dire plusieurs choses. Je ne crois pas que nous ayons abandonné des dossiers.

M. Ouellette : O.K. Je vais être plus précis.

Le Président (M. Bachand) : Un complément d'information?

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, si M. le député de Chomedey veut savoir combien de nolle prosequi qu'il y a eu de la part du DPCP pour la dernière année totale, je crois que c'est 12.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Chomedey.

M. Ouellette : Je veux avoir une précision, Me Murphy, pas juste pour la dernière année, parce qu'on avait posé la question : Sur les 186 accusés de l'UPAC, depuis les débuts, combien il a pu y avoir de nolle prosequi en nombre? Cinq, 10, 20, 30?

Mme Murphy (Annick) : ...dernière année...

Le Président (M. Bachand) : Me Murphy.

Mme Murphy (Annick) : Woups! Excusez-moi. Dans la dernière année, nous n'avons eu aucun... nous n'avons présenté aucun nolle dans les dossiers de l'UPAC.

M. Ouellette : Bon. Depuis le début de l'UPAC, est-ce que vous avez les statistiques?

Mme Murphy (Annick) : Depuis le début de l'UPAC, non. L'information que moi, j'ai, mais ça ne concerne pas que l'UPAC : le Bureau de la grande criminalité, depuis 2016, a présenté 23 nolle. Mais ce n'est pas nécessairement dans les dossiers de l'UPAC.

M. Ouellette : Est-ce que vous pourriez faire la recherche, Me Murphy, et me dire, sur les 196... 186 accusés, depuis le début de l'UPAC, combien ont eu de nolle prosequi, et revenir à la commission dans les meilleurs délais, s'il vous plaît?

Mme Murphy (Annick) : Je pourrais certainement, en tout cas, faire mon possible pour obtenir cette information-là.

M. Ouellette : Merci beaucoup. Ma prochaine question, Me Murphy, j'aimerais savoir en quoi consiste le contrat de 572 500 $ qui a été donné à la firme Raymond Chabot Grant Thornton par votre bureau. J'ai été très surpris de prendre connaissance de ces informations-là et de voir que vous aviez... en tout cas, qu'il y a... vous n'aviez pas jugé bon ou pris la peine de prendre connaissance ou de vérifier les deux autres soumissionnaires qui étaient avec Raymond Chabot. Est-ce que vous pourriez nous donner des explications? Comprenez que c'est beaucoup d'argent, et, puisqu'il y a très peu d'explications, j'aimerais ça en avoir un peu plus sur ce contrat de 572 500 $.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Me Murphy, s'il vous plaît.

Mme Murphy (Annick) : Oui. Alors, pour parler de la question des soumissionnaires, il y avait effectivement deux autres soumissionnaires, et ces deux autres soumissionnaires n'ont pas été retenus. Alors, on ne m'a présenté qu'une seule enveloppe qui a été ouverte, et c'était celle de monsieur... c'est-à-dire de l'entreprise Raymond Chabot Grant Thornton. Alors, ce groupe a été retenu dans un contexte de vérification interne, dans le contexte de la transformation de la justice. Alors, nous n'avons pas, au sein du DPCP, de ressources pour procéder à ces dites vérifications, qui sont nécessaires. Alors, c'est dans ce contexte-là que nous avons lancé un appel d'offres pour trouver un fournisseur de services qui est en mesure de donner cette expertise en surveillance continue et en audits.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Chomedey, s'il vous plaît.

M. Ouellette : Normalement, Me Murphy... Là, vous nous dites que les deux autres groupes n'ont pas été retenus. Ce que nous avons dans les cahiers de crédits, à la page 98, c'est «Enveloppes de prix non ouvertes». Je regarde comment ça fonctionne normalement dans les autres contrats : quand ils ne sont pas retenus, on le met, que ce n'est pas retenu; quand ils ne sont pas conformes, on le met, que ce n'est pas conforme; quand ce n'est pas acceptable. Je pense qu'il y a une différence entre «pas retenu» et «enveloppe de prix non ouverte», et c'est pour ça que je voulais avoir les explications que je vous ai demandées.

Je reviens un peu sur la question de mon collègue de Gouin tantôt, sur la grande criminalité et les différents procureurs, et probablement que vous pourriez éclairer aussi les membres de la commission. Vous avez donné au cours de l'année 19 contrats à des retraités. Je pense... C'est des retraités du DPCP ou... Il n'y a pas plus d'explications relativement à ça. Est-ce que vous pourriez être plus explicite sur les contrats qui ont été donnés à ces 19 retraités?

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Me Murphy, rapidement, s'il vous plaît. Merci.

Mme Murphy (Annick) : Excusez. Les contrats que nous donnons à des retraités sont à des employés... c'est-à-dire pour remplacer des employés de la fonction publique ou des postes vacants. Vous savez, dans la dernière année, nous avons, en termes... énormément de difficultés, je pense, à l'instar de plusieurs autres ministères, plusieurs difficultés pour recruter des gens de la fonction publique, et, dans ce contexte-là, on vit plusieurs urgences, et c'est dans ce contexte-là qu'on peut donner des contrats. Donc, ce ne sont pas... on ne parle pas ici de procureurs, vous l'aurez compris, on parle ici d'employés de la fonction publique. À certains endroits, les postes restent vacants de six mois, huit mois, 12 mois, et le travail nécessaire nécessite donc que nous procédions à des contrats à des anciens retraités qui acceptent de venir faire des contrats de courte durée.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Me Murphy. Je tiens à vous remercier d'avoir été avec nous ce soir, et l'ensemble des gens qui vous accompagnent.

Alors, il va y avoir transition à la salle miroir, nous allons... Après ça, nous allons accueillir la Commission des services juridiques, avec M. Yvan Niquette, qui est président, de même que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, avec M. Philippe-André Tessier.

Cela dit, la commission continue ses travaux. Alors, le ministre est présent. Alors... Oui, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : ...que la Commission des droits de la personne ainsi que la Commission des services juridiques sont déjà installés dans la salle.

Le Président (M. Bachand) : Bon, quelle efficacité! Merci beaucoup. Alors donc, sur cette belle efficacité, la parole est au député de LaFontaine. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Oui, Merci beaucoup, M. le Président. On sent bien votre émotion en ce moment. Là, pouvez-vous me dire... C'est-tu 13? C'est-tu 19? Là, c'est...

Le Président (M. Bachand) : C'est 16, c'est 16. Je suis désolé.

M. Tanguay : C'est 16? O.K., bon. Vous êtes médian.

Parlons de médian. On revient cette fois pour chambre civile, division des petites créances. Là, le ministre, je pense qu'il avait déjà sorti sa fiche, il a dit : Il va atterrir là-dessus. Là, je veux dire, c'est un petit peu... Les Petites Créances, là, c'est 15 000 $, c'est M., Mme Tout-le-monde, c'est des gens qui, au-delà du fait que c'est une petite créance par définition... Bien souvent, les gens vont même réduire la somme de leur créance pour entrer dans le 15 000 $. Mais souvent, pas exclusivement, il y a des personnes qui sont bien nanties qui vont aux Petites Créances. C'est des justiciables comme tout le monde. Mais souvent c'est des dossiers où le justiciable aura peut-être moins de moyens. En tout cas, c'est des plus petits dossiers pour lesquels 5 000 $, 10 000 $, 15 000 $, ça fait toute une différence, puis ils y ont le droit, puis ils peuvent aller chercher justice.

On regarde... Il y a eu carrément une explosion des délais. Chambre civile, division des petites créances, l'année d'avant, c'était 19 777 dossiers, c'était 223 jours. Là, l'année de référence 2019-2020, c'est seulement 2,8 % d'augmentation du nombre de dossiers, il y en a 20 000, donc l'équivalent, là, 2,8 %, mais ça a explosé, le délai, M. le Président, est passé de 223 à 433. Donc, de 223, ajoutez 210 jours à 223. Comment le ministre explique-t-il ça?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Vous savez qu'au cours des dernières années il y a eu une augmentation du montant qui pouvait être réclamé à la Cour des petites créances, passant de 7 000 $ à 15 000 $ au cours des dernières années. Semblerait-il que les dossiers se complexifient, notamment, M. le Président, et aussi il faut comprendre, pour le député de LaFontaine, que le nombre de jours d'audience consacrés aux Petites Créances est fixé par la Cour du Québec, la division des petites créances. Donc, la magistrature fixe moins, à ce qu'on me dit, de dossiers dans la même journée, donc ça peut être attribuable aussi... peut-être la complexité de la cause aussi. Mais la Cour du Québec est maître de son rôle à ce niveau-là. Mais, effectivement, c'est une augmentation problématique. Malgré le fait que le nombre de juges-jour est plus grand qu'auparavant, il y a un enjeu au niveau des Petites Créances.

• (20 h 20) •

M. Tanguay : Juste pour le premier point du ministre, c'est passé de 7 000 $ à 15 000 $, est-ce que c'est en janvier 2013 ou janvier 2016? Ou à quel moment?

M. Jolin-Barrette : En 2015.

M. Tanguay : 2015. Alors, ça, on pourra peut-être le mettre de côté quand on dit que, 2018-2019, on est passé de 223 à 433. Première chose.

Deuxième des choses. Effectivement, c'est un enjeu. Puis je ne veux pas faire la genèse, là, je prends ce que le ministre me donne comme réponse. C'est correct. C'est un enjeu, c'est une préoccupation, c'est un drapeau rouge. Qu'est-ce que le ministre va faire avec ça? Est-ce qu'il y aura des conversations avec les personnes en charge?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Ça fait déjà l'objet... Ma prédécesseure avait relancé la Table Justice, et c'est une des discussions qu'il y a présentement, à la Table Justice, pour trouver une solution. Sur la Table Justice, là, il y a les juges en chef des différentes cours, le Barreau est là, le ministère de la Justice est là. Mais, effectivement, à juste titre, le député de LaFontaine pointe une problématique, parce que, les Petites Créances, on le sait, on n'est pas représenté par avocat, puis les gens, souvent, prennent une action, prennent... font une demande aux Petites Créances justement pour que ce soit plus simple, plus facile. Il faut qu'ils obtiennent justice en temps opportun. Donc, on va travailler avec la Cour du Québec notamment pour qu'il y ait davantage de juges qui soient assignés en termes de journées d'audition, de nombre de causes aussi qui soit fixé.

Puis un des éléments... Souvent, quand vous parlez aux justiciables, ce qui est frustrant, supposons aux Petites Créances, c'est que vous êtes fixé pour une journée, et, supposons que vous êtes la troisième cause ou la quatrième cause, puis finalement ça s'étire, les autres causes précédentes, puis vous perdez votre journée de travail parce que vous vous êtes présenté à la cour. Le point intéressant avec la COVID, c'est que maintenant il y a des salles d'audience virtuelles, puis, la magistrature, ce qu'ils ont commencé à faire, c'est de fixer des heures précises pour dire : Bien, votre audition va commencer à telle heure. Donc, ça, ça favorise beaucoup le fait de respecter les délais puis que la personne, le justiciable sait à quel moment sa cause va être entendue. Mais je suis d'accord avec vous, il y a un enjeu, là, sur le nombre de...

Le Président (M. Bachand) : M. le député, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Tout à fait, c'est un enjeu, surtout que, si ça date de 2015, je pense qu'on serait plus ouverts... parce que, je veux dire, il y a l'indexation du coût de la vie, on serait plus ouverts à dire : Bien, on est passé de 7 000 $ à 15 000 $; on va peut-être passer, comme législateurs... Puis peut-être qu'on pourra faire le débat à moyen terme de dire : On va passer... On est passé de 7 000 $ à 15 000 $, on va passer de 15 000 $ à 20 000 $, ou 25 000 $, ou 30 000 $, l'augmentation du coût de la vie. Mais, avec des chiffres comme ça, on s'empêcherait d'élargir, parce qu'on ne ferait qu'encombrer davantage. Alors, je prends note du souhait du ministre de donner suite à cela.

J'aimerais maintenant... Parce qu'on parle... Ça participe de l'accès à la justice. Le ministre ne sera pas surpris de m'entendre lui parler... Voyez-vous ce qui est marqué sur mon post-it, là, «Bloc négos de l'aide juridique»? On est rendus là, là, «Bloc négos de l'aide juridique». Alors, sortez le champagne, parce que le ministre, M. le Président, a une réussite, la voie est pavée. Il va enfoncer une porte ouverte, parce que combien de fois m'a-t-il entendu me lever puis de poser la question à la ministre, sa prédécesseure, de la Justice, pour lui dire : Ça n'a pas de bon sens, il faut les augmenter. Puis je ne veux pas faire les citations, là. On m'a tout sorti ça, là, les citations que lui et moi, on avait faites en campagne électorale. On était tous les deux candidats, on était jeunes et innocents, M. le Président, mais, quand même, l'engagement, on l'avait pris main sur le coeur, et le ministre de la Justice avait dit : «Prône un investissement massif». Alors, pas besoin de citer ça. La collègue qui est députée de Champlain, qui était ministre de la Justice avant lui, je la cite en septembre 2018 : «Il faut revoir la rémunération des avocats. Il faut traiter nos intervenants avec respect, parce que l'accès à la justice, c'est aussi l'accès à des services juridiques de qualité», etc. Parce que, durant la campagne électorale, M. le Président, j'ai débattu contre les deux. Aïe! j'ai débattu, imaginez-vous donc, contre les deux qui allaient être les deux futurs ministres de la Justice du Québec. Je te dis qu'il avait fallu que je me lève de bonne heure puis que je sois prêt. Mais ils étaient prêts, puis c'était clair, leur engagement.

Et, quand je posais la question, pas plus tard qu'en avril 2019, la ministre de la Justice me disait : «Vous [comprenez] aussi bien que moi, M. le député, que, présentement, ces négociations-là ont cours entre le Barreau et la commission, et le Conseil du trésor». Plus tard, elle dit : «Je vais m'arrêter là, parce que ce sont des discussions qui ont cours avec le Conseil du trésor, mais je veux vous assurer que je partage les objectifs qui sont sous-jacents aux inquiétudes que vous nous [mentionnez].» L'actuelle, M. le Président — c'est-y pas beau? — présidente du Conseil du trésor est celle qui disait : Oui, il faut le faire.

Alors, je demande au ministre : Quand dans les prochains jours pourrons-nous annoncer... J'ai de l'air de badiner un peu. Parce que c'est important, il en va de l'accès à la justice. Quand pourrons-nous annoncer cette bonne nouvelle là? L'ancienne ministre de la Justice et présidente du Conseil du trésor, c'est elle qui a le crayon pour signer. Et je ne veux pas faire de... je ne veux pas... je ne veux pas pleuvoir sur ma parade, là, mais, écoutez, le Barreau avait des termes très forts le 11 juillet 2019, quand il disait, et je le cite : «Des offres dérisoires» qui lui avaient été faites. Alors, le ministre, quand pourra-t-il nous annoncer qu'il a réussi à enfoncer la porte ouverte, de convaincre l'actuelle présidente du Conseil du trésor et de régler un dossier qui, depuis bientôt deux ans, est sur la table du gouvernement?

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Juste avant de vous répondre à cette question-là, sur votre précédente question, à savoir les délais pour les Petites Créances, on a mis 13 millions pour faire de la médiation en matière de petites créances. Donc, il y a de l'argent qui a été investi : avant de se rendre à la cour, donc, il y a un programme qui a été mis en place, médiation familiale et médiation de petites créances. Donc, il y a de l'argent qui a été débloqué cette année, pour le budget 2020-2021, à ce niveau-là, qui pourrait aider la réduction des délais, qu'il y ait moins de causes qui soient entendues par les Petites Créances si on peut régler les dossiers avant. Ça fait que ça, c'est une information.

Bon. Pour ce qui est des négociations avec le Barreau, ça, ça date de 2017, l'entente est échue depuis 2017. Il y a eu des négociations qui ont été faites à l'époque sous Mme Vallée, l'ancienne députée de Gatineau et ministre de la Justice, il y a eu pas mal de discussions qui ont été faites avec le Barreau. Chose à noter qui... Dans le cadre de ces négociations-là, vous noterez que... Pour bien comprendre, là, la Commission des services juridiques, l'aide juridique a des procureurs permanents et des procureurs, également, qui sont en fait des avocats qui sont en pratique privée, qui prennent des mandats d'aide juridique, donc les gens, les justiciables peuvent aller voir les avocats en pratique privée et se faire autoriser un mandat. On parle de cette partie-là précisément. Je pense, et Me Niquette pourra me corriger, c'est environ 60 % des dossiers qui sont en pratique privée au niveau des mandats d'aide juridique, 40 % du volume qui est traité au niveau des procureurs permanents, des avocats permanents de l'aide juridique.

Négociations depuis 2017. Lorsque je suis arrivé en poste comme ministre de la Justice, j'ai redonné un mandat de négociation à Me Pilote, le même négociateur qui avait été mandaté par Mme Vallée, la précédente ministre de la Justice, et, depuis que je lui ai donné le mandat, à Me Pilote, de reprendre contact avec le Barreau en vue des négociations, il y a eu deux rencontres avec Me Lucien Bouchard, qui agit à titre de facilitateur pour le Barreau du Québec.

Fait à noter, ce qui est particulier, lorsque j'ai été saisi du dossier... le Barreau du Québec est un ordre professionnel auquel le député de LaFontaine et moi-même sommes membres et contribuons généreusement, et plusieurs personnes ici, dans la salle, et, historiquement, c'est le Barreau qui négociait les tarifs pour les avocats de pratique privée. Et je me questionne et j'entame une réflexion publique à savoir : Est-ce que le Barreau est celui qui devrait négocier des tarifs d'aide juridique pour les procureurs de nature privée? Et le bâtonnier s'est tourné vers Me Lucien Bouchard au cours des derniers mois pour résoudre la situation. Donc, on a repris contact avec Me Bouchard, deux rencontres ont eu lieu, de négociation, et j'ai bon espoir qu'on va réussir à trouver un terrain d'entente prochainement pour régler cette situation-là, qui perdure depuis trop longtemps.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

• (20 h 30) •

M. Tanguay : M. le Président, en anglais, on dit «meeting of great minds». Dans le contexte du projet de loi n° 32, j'avais eu l'outrecuidance de déposer un amendement — soit dit en passant, M. le Président, il était peut-être irrecevable, mais on l'a débattu pareil — qui faisait en sorte de mettre un mécanisme à terme, à échéance à tous les deux ans, trois ans. Je n'étais pas marié avec «trois ans», «quatre ans», je pense que je proposais, dans mon amendement, quatre ans. J'invite le ministre à se le faire sortir, l'amendement, qui le donne... qu'il demande à l'actuelle présidente du Conseil du trésor — elle va lui en donner une copie, je suis certain qu'elle a toujours ça sous la main, il était bien ficelé, M. le Président — un amendement où il y avait justement un comité tripartite qui était nommé par les partis et qui devait, de façon récurrente, aux deux ans, trois ans, négocier, et je vous dirais même... pas négocier, mais remettre un rapport au ministre de la Justice pour que... — puis je vois le collègue de Gouin qui était là, qui avait voté en faveur dudit amendement, mais évidemment on avait perdu le vote, puis on a décidé de ne pas demander de recomptage — alors, qui faisait en sorte que non seulement...

Parce que, là, l'écueil, le point... Puis il a dit : Oui, ça a commencé sous Stéphanie Vallée en 2017, mais il y a eu les élections en automne 2018, 1er octobre 2018. Ça fait un an sous les libéraux, là ça fait deux ans sous le gouvernement de la CAQ, bon, ça fait trois ans. Pendant ce temps-là, il y a des justiciables... puis on a eu des cas très tangibles de femmes et d'hommes qui avaient accès à l'aide juridique mais qui ne se trouvaient pas d'avocat, avocate en pratique privée parce que les tarifs sont trop bas, puis l'avocat, l'avocate a le droit de dire : Non, je ne le prends pas, le mandat, parce que c'est... non seulement ce n'est pas payant, je ne peux pas le prendre financièrement parce qu'il faut que j'investisse du temps. Alors, excessivement important.

Est-ce que je dois comprendre... Donc, j'invite le ministre à aller se faire donner une copie de cela, puis je suis prêt à lui donner la paternité de l'avancement qu'on fera faire au Québec. Est-ce que je crois comprendre que, maintenant... Parce que, là, quand je posais les questions... Puis, quand je vais me lever... j'espère, je ne me lèverai pas, là, en septembre à la période de questions pour poser la question au ministre, mais est-ce que je dois comprendre qu'avant lui c'était au Trésor mais que, là, il a récupéré le leadership pour ce qui est de la négociation?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Vous savez, dans le cadre d'une négociation comme ça, la partie négociatrice est Justice, qui est dans le dossier. Lorsqu'il y a des offres qui sont faites, qui sont présentées aux parties, bien sûr, elles ont été validées par le Conseil du trésor parce que le Conseil du trésor, c'est l'agent payeur.

Mais, moi, ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a des offres sur la table de la part du ministère de la Justice, elles sont généreuses, et il n'y a pas de raison qu'on ne règle pas la situation rapidement. Tout ce que je peux vous dire, je ne peux pas vous rentrer dans le détail des offres qui ont été présentées par le ministère de la Justice, mais elles sont plus que généreuses et, à mon avis, elles permettraient de résoudre cette situation-là à la satisfaction de tous les partis.

M. Tanguay : Question, M. le Président, les engagements de part et d'autre, parce que c'était tel qu'identifié par le Barreau à l'époque de la campagne électorale, puis je sais que le collègue ministre de la Justice l'avait fait sien, il y avait 48 millions pour les avocats de pratique privée. C'était ça, la demande chiffrée. Et il y avait le 3 millions pour une période de référence mensuelle. Il connaît très bien, c'était 51 millions. Il y avait un 3 millions pour que la période de référence pour savoir si vous êtes éligible à l'aide juridique, ce n'était pas sur un an, c'était sur mensuel, parce qu'après six mois, en début d'année, vous pouvez perdre votre emploi, puis votre situation peut changer. Ça, c'était 3 millions parce qu'on pouvait aller chercher encore plus de monde pour les mettre sur l'aide juridique.

Je ne veux pas entrer dans le détail, mais est-ce que ce concept-là fait toujours partie, dans sa tête, au ministre, d'un concept qui a sa raison d'être et sur lequel il voit toujours, comme en campagne électorale, l'importance de le voir se réaliser, ou il s'est dit : Non, non, oubliez ça, ça ne fait pas partie des discussions, la période de référence mensuelle?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bien, sur la question de la réponse mensuelle, vous me rafraîchissez la mémoire. Sur les offres originales, là... bien, pas les offres originales, la demande originale du Barreau, 48 millions, 86 % d'augmentation, 2017, c'est ce qui est demandé. Nous, ce qu'on souhaite, c'est qu'on puisse s'entendre avec les avocats de pratique privée pour qu'ils continuent à offrir...

Il y a plusieurs modalités, dans les négociations, qui sont en cause, notamment, je donne un exemple, là, ce qu'on paie à l'aide juridique, du budget du ministère de la Justice, ça représente plus de 16 % du budget total du ministère de la Justice. Durant la pandémie, la Commission des services juridiques a payé... même, a fait des devancements pour les paiements des avocats qui sont en pratique privée pour qu'ils continuent à vivre puis continuent aussi à offrir du soutien aux justiciables qu'ils représentent.

Sur l'ensemble de la négociation, le point que vous soulevez est un bon point, on va le regarder. Cela étant, il y a d'autres modalités, dans le cadre des négociations, qui doivent être réglées avec le Barreau, notamment le rétro, notamment le fait... la durée de l'entente aussi. Et je peux vous dire qu'on n'est pas loin d'une entente. L'offre du ministère de la Justice est généreuse et réussirait à, je crois, satisfaire les avocats de pratique privée et, surtout, de permettre de leur offrir un service de qualité, aux justiciables.

M. Tanguay : Je veux juste terminer là-dessus, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Rapidement, oui.

M. Tanguay : Pouvez-vous m'amputer de deux, trois secondes, là?

J'insiste là-dessus parce que le ministre, il comprend la distinction. Augmenter les tarifs d'aide juridique pour les avocats de pratique privée, oui, c'est indirectement accès à la justice pour celles et ceux qui vont avoir accès à l'avocat, mais de dire : On va vous calculer pas annuellement mais mensuellement votre revenu pour dire que vous êtes sous l'aide juridique, ça, c'est une mesure directe qui coûte 3 millions, à l'époque, et qui va faire entrer plus de monde à l'aide juridique. C'est une mesure directe pour vous faire entrer à l'aide juridique.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : Merci, M. le Président. Le ministre va devoir attendre un... va devoir être un petit peu plus patient pour que je lui pose mes questions. Je sais qu'il trépigne d'impatience. Je veux profiter de la présence pour poser quelques questions aux gens de la commission des droits de la personne et de la jeunesse, bien sûr avec le consentement des membres de la commission. Et je dois m'excuser d'avance d'interpeler la commission sur des événements qui ont eu lieu aujourd'hui, donc je ne peux pas présumer... Je ne sais pas quel est leur niveau de préparation à répondre à ma question, mais j'aimerais citer des propos tenus par le ministre de l'Économie aujourd'hui en commission parlementaire.

Le ministre de l'Économie disait la chose suivante, et je le cite, là, c'est verbatim : «...le jour où on [va] se rendre confortables de donner accès à nos données de santé aux compagnies pharmas qui vont venir dans les hôpitaux universitaires qui sont très performants puis [on] a Mila, à côté, qui fait l'algorithme, ou Imagia, c'est "winner". Alors, la stratégie du gouvernement, c'est carrément de vouloir attirer les pharmas, quelques pharmas, de venir jouer dans nos platebandes [et] profiter de ça, et je pense qu'on a une chance...»

Peut-être pour mettre en contexte cette citation, le ministre de l'Économie, donc, annonce que la stratégie du gouvernement du Québec, c'est de partager les données de la Régie d'assurance maladie du Québec, la RAMQ, à des entreprises pharmaceutiques pour attirer des investissements de la part de ces entreprises. Plus loin dans la citation, en effet, on peut lire : «Éventuellement, quand on va régler l'accès aux données, on a les données de la RAMQ, [et] les données de la RAMQ, c'est une mine d'or. Je sais que c'est un sujet très controversé [...] je ne rentrerai pas là-dedans tout de suite, j'ai des vues très précises sur ça.»

Je ne sais pas si la commission s'est déjà penchée sur ces enjeux. Je sais que la commission a notamment fourni un mémoire très instructif et intéressant, il y a quelque temps, au sujet des applications de traçage pour lutter contre la COVID-19. C'est un sujet qui n'est pas le même mais qui est connexe. Il s'agit ici du respect du droit à la vie privée, il s'agit là du respect des droits fondamentaux des Québécois et des Québécoises, il s'agit de données extrêmement sensibles, c'est-à-dire leurs données médicales, et le ministre, donc, de l'Économie, aujourd'hui, nous dit : La stratégie du gouvernement — ce sont ses mots — est de partager ces informations avec ce qu'il appelle des compagnies pharmas, donc on peut juger que c'est des grandes compagnies pharmaceutiques, pour attirer des investissements.

Dans l'état actuel du cadre juridique au Québec qui encadre la protection des renseignements personnels, est-ce que la commission juge que ce serait prudent d'aller de l'avant avec une telle stratégie?

Le Président (M. Bachand) : D'abord, le ministre aimerait prendre la parole. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. Ça tombe bien, cette question du député de Gouin, parce que, depuis 15 heures, cet après-midi, je suis également ministre responsable de l'Accès à l'information, donc la loi relativement aux organismes publics, la Loi sur l'accès, mais aussi les renseignements personnels. Donc, bien entendu, toute mesure ou toute initiative gouvernementale qui serait prise ou qui serait mise de l'avant en matière économique devra respecter le cadre législatif actuel, donc devra être approuvée. Donc, lorsque le ministre de l'Économie souhaite développer l'économie du Québec — c'est dans l'intérêt des Québécois d'avoir des retombées économiques — le tout, si jamais il y avait tel projet, serait conforme à la législation en vigueur et à la protection des renseignements et des données personnelles des Québécois et des Québécoises.

D'ailleurs, on a tenu une commission parlementaire, à laquelle vous avez participé, relativement à l'application de traçage pour la COVID pour justement entendre les experts en lien avec les différentes implications rattachées à l'utilisation d'une telle application. Or, je peux vous assurer, je peux rassurer l'ensemble de la population québécoise que tout ce que le gouvernement fait va être en conformité avec les lois actuelles, notamment pour assurer la protection des renseignements personnels.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : J'aimerais... Je relance ma question pour la commission, puisqu'elle porte justement sur le cadre juridique actuel. Je leur demande : Est-ce que, dans le cadre de ce cadre actuel, ce serait prudent pour le gouvernement de partager les données de la RAMQ — ce sont les mots du ministre de l'Économie — à des compagnies pharmas? Ce sont également les mots du ministre de l'Économie.

Le Président (M. Bachand) : Avec le consentement, je céderais la parole à M. Philippe-André Tessier, président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. M. Tessier.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, merci. Bonjour... bonsoir aux parlementaires, M. le Président. Alors, évidemment, vous aurez compris que je n'ai pas pris connaissance des propos rapportés par le député. Cela dit, effectivement, la commission s'est prononcée la semaine dernière dans le cadre des consultations sur l'outil de traçage proposé potentiellement par le gouvernement en lien avec la COVID-19. Et il y a également le projet de loi n° 64, qui est à l'étude à la commission, qui vise à réformer la question des renseignements personnels, la protection des renseignements personnels. Donc, il est évident que ce genre de question là pourrait être traitée dans ce contexte-là.

• (20 h 40) •

Le Président (M. Bachand) : ...s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : En fait, je me doutais bien que la commission entendait parler de ça pour la première fois parce que ça a été le cas aussi des parlementaires québécois. C'est une idée pour le moins saugrenue, pourrait-on dire, dans le contexte actuel.

Je me permets donc juste une invitation, en terminant, peut-être inviter la commission à continuer d'explorer ces enjeux, à poursuivre sa réflexion puisque mon petit doigt me dit qu'on va continuer d'entendre parler des enjeux de protection des données personnelles dans les prochaines années. Merci beaucoup, Me Tessier.

Le ministre de la Justice semble être intéressé par le sujet, je m'en voudrais de ne pas lui donner l'occasion de continuer à discuter avec moi de ça. Est-ce que le ministre peut me dire s'il avait déjà entendu parler de ce projet?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : En fait, je crois que le ministre de l'Économie a fait des commentaires, notamment à RDI économie, pour parler de l'intelligence artificielle, l'expertise en matière d'intelligence que dispose le Québec. On sait qu'on a Mila ici. Alors, je pense que le ministre de l'Économie, dans son souci de développer l'économie du Québec, veut s'assurer de créer des emplois de qualité, veut surtout s'assurer que l'expertise que nous avons ici, au Québec, puisse servir à générer de la richesse pour les Québécois.     Cela étant dit, le tout se fera, si jamais il y avait tel projet qui irait de l'avant, conformément aux lois et aux règlements en vigueur au Québec, et justement pour assurer la sécurité des données des Québécois et des Québécoises.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Gouin, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : Je note que le ministre n'a pas répondu à la question, qui était : Est-ce qu'il en avait déjà entendu parler? Le ministre a eu ces propos en commission parlementaire et non seulement à RDI économie, et il a dit d'ailleurs qu'il en avait parlé, avant même son entrée politique, avec l'actuel ministre de la Santé et ex-président du Conseil du trésor. Donc, c'est une réflexion et des discussions que le ministre de l'Économie entretient avec d'autres membres du gouvernement depuis longtemps. Je déduis de la réponse du ministre de la Justice que lui n'a pas fait partie de ce cercle restreint de confidents.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, vous savez, lorsqu'on prête serment, on ne peut dévoiler le contenu des discussions, notamment, que nous avons au niveau de l'Exécutif.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Gouin, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : C'est un complément d'information intéressant, donc je comprends que c'est son serment qui empêche le ministre de répondre à ma question. Déjà, c'est le début d'une réponse. Je vais...

M. Jolin-Barrette : Il ne faudrait pas tirer des inférences non plus. Ce que je dis, lorsque le député de Gouin dit : Le ministre n'en a jamais entendu parler, il ne peut pas présumer favorablement ou défavorablement du contenu de ma réponse. C'est ce que je lui dis.

M. Nadeau-Dubois : D'accord. Je lui pose donc la question : En avait-il déjà entendu parler?

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je ne peux pas répondre relativement au contenu des discussions de nature privée que j'ai avec mes collègues.

Le Président (M. Bachand) : ...

M. Nadeau-Dubois : Voilà. Oui, bien, alors, étant donné qu'il a les mains ou la langue liées par ses obligations comme membre du Conseil des ministres, on va passer à un autre sujet. Je veux parler d'un sujet important mais différent, la réforme de l'IVAC, et ça, c'est un enjeu important puis sensible aussi.

J'aurais beaucoup de choses à dire, mais je veux commencer d'abord par la question de la prescription. Actuellement, l'IVAC, la loi prévoit un délai de deux ans pour qu'une victime d'acte criminel puisse déposer une demande auprès de l'IVAC. Après ce délai-là, il y a, on peut dire d'une certaine manière, prescription. Il y a donc beaucoup de demandes qui sont rejetées à cause du dépassement de ce délai-là. Je m'en voudrais de ne pas prendre l'exemple d'un acte criminel où ce délai-là peut être un obstacle significatif, la question des violences sexuelles, des agressions sexuelles. Ce n'est pas rare, c'est même fréquent que des victimes de violence sexuelle ne réalisent elles-mêmes qu'elles ont été victimes d'un tel acte seulement plusieurs années après les faits. C'est un phénomène documenté, ça fait partie de ce qui se passe de manière très généralisée dans ces cas-là.

D'ailleurs, on a fait un pas tous ensemble en la matière en abolissant le délai de prescription en matière d'agression sexuelle pour les recours civils. Il n'y a pas de prescription au niveau criminel. Pourtant, il y en a une quand on veut se faire indemniser par l'IVAC. Il me semble y avoir ici, on peut dire, une forme d'incohérence ou, en tout cas, de contradiction, parce qu'on dit aux gens : Il n'y a plus de prescription pour les recours civils, mais, pour bénéficier du soutien de l'IVAC, là, par contre, après deux ans, vous ne pouvez plus porter... déposer une demande.

J'aimerais connaître les réflexions du ministre là-dessus, parce que je sais que c'est un enjeu qui le touche. J'aimerais savoir s'il est ouvert à envisager l'abolition de ce délai-là à l'IVAC.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Dans un premier temps, je tiens à dire au député de Gouin qu'on doit réformer la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. C'est un dossier sur lequel je travaille présentement, et je suis convaincu qu'au cours des prochains mois on aura l'opportunité de travailler ensemble sur ce dossier-là.

Pour ce qui est du délai de prescription relativement aux deux ans, ce qu'il est important de mentionner, c'est que, lorsque vous êtes en impossibilité, en fait, d'agir, donc, lorsque, dans l'exemple précisément donné, là, il y a quelques instants par le député de Gouin, quelqu'un qui aurait été victime d'une agression sexuelle ou de la violence conjugale... et que la personne n'était pas consciente de son préjudice, elle n'a pas pris connaissance, donc elle est en incapacité, en fait, d'agir, le délai ne court pas à l'IVAC. La façon que c'est traité à l'IVAC, c'est à partir du moment de la connaissance de l'infraction, que la personne a réalisé cette infraction-là. Donc, exemple, supposons que vous avez été agressé sexuellement en 2005. Le délai de prescription pour être indemnisé par l'IVAC, c'est deux ans, oui, mais, supposons que vous réalisez seulement cette année ce qui vous est arrivé, l'IVAC va vous indemniser tout de même.

Là où le député de Gouin a un bon point, c'est sur le fait que, supposons, vous aviez été agressé sexuellement en 2005, votre préjudice est matérialisé et avéré, vous n'en avez pas parlé, mais vous avez subi quand même des conséquences, il y a des victimes qui n'ont pas accès, en matière d'agression sexuelle, supposons, à l'indemnisation de l'IVAC. Moi, je trouve que c'est un problème. Je crois qu'il partage mon opinion à ce niveau-là, et vous connaissez ma position par rapport à la prescription en matière d'agression sexuelle. J'avais déposé un projet de loi dans l'opposition en 2016. J'ai mené le combat pendant quelques années et j'ai eu le bonheur de féliciter ma collègue d'avoir fait adopter le projet de loi n° 55. D'ailleurs, je tiens à remercier les membres de l'Assemblée d'avoir fait ça de façon expéditive.

M. Nadeau-Dubois : Merci. Bien, dans le fond, j'ai une réponse, d'ailleurs, satisfaisante à ma question. Je vois qu'il y a de l'ouverture puis je la salue parce que voilà une autre barrière qu'on pourrait faire tomber en travaillant ensemble.

Toujours sur l'IVAC, un autre enjeu qui suscite d'énormes débats depuis malheureusement beaucoup d'années, c'est la définition de la notion de victime. Pendant longtemps l'IVAC exigeait que ce soit... en fait, jugeait que le proche d'une victime directe devait avoir été présent sur place pour se qualifier elle-même à titre de victime. C'était difficile parfois pour les proches de ce qu'on pourrait appeler des victimes, là, immédiates de se faire reconnaître comme victimes d'un acte criminel.

Il semble avoir eu une évolution du côté de l'IVAC. En tout cas, il y a eu deux, notamment, des victimes, appelons ça collatérales, des événements qui se sont déroulés à la mosquée de Québec qui ont été finalement, après deux ans de bataille, finalement reconnues par l'IVAC et indemnisées par l'IVAC. On est contents que ce soit arrivé, mais ça a été un processus long et, on peut le présumer, excessivement douloureux.

Il y a eu d'autres grosses tragédies dans les derniers mois au Québec, malheureusement. Je pense notamment au meurtre de deux jeunes filles cet été, dont la mère, si l'IVAC appliquait ses critères de manière extrêmement stricte, pourrait ne pas se voir reconnaître comme victime et donc ne pas bénéficier de dédommagement de l'IVAC. Est-ce que le ministre peut me parler de ça? Est-ce qu'il peut s'engager à remédier à la situation, notamment en clarifiant la loi, pour que ça soit clair que, dans les deux cas que je viens de nommer, les gens méritent d'être indemnisés par l'IVAC?

Je ne lui demande pas de répondre spécifiquement sur des exemples, il ne le peut sans doute pas. Mais est-ce qu'il est d'accord avec moi qu'il y a un problème là à régler puis qu'il faut élargir la notion de victime, notamment pour permettre à des gens, comme la mère des deux fillettes Carpentier ou les proches des victimes à la mosquée de Québec, d'être reconnus puis d'être soutenus par la société québécoise dans leur processus de guérison?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : À votre réponse, oui. Je fais un léger aparté sur votre question précédente, deux questions précédentes relativement au ministre de l'Économie, qui a eu l'occasion de dire sur les médias sociaux : «Les meilleurs médecins et scientifiques comprennent qu'une utilisation intelligente et bien balisée des données du système de santé va contribuer à des avancées médicales qui va sauver des vies et [à] améliorer la santé des Québécois. On doit agir et faire les choses dans l'ordre.» Donc...

M. Nadeau-Dubois : ...le compte Twitter, j'avais lu le tweet du ministre de l'Économie.

M. Jolin-Barrette : Mais je tenais à le porter à l'attention des membres de la commission et des Québécois qui ne sont pas nécessairement abonnés à votre fil...

M. Nadeau-Dubois : Ah! non, c'est sur celui du ministre que j'ai lu...

M. Jolin-Barrette : ...ou à celui du ministre.

Bon, pour ce qui est de l'IVAC, dans le dernier budget, M. le Président, le ministre des Finances a accordé une augmentation budgétaire de 152 millions de dollars pour l'IVAC. L'objectif est de pouvoir mettre en branle la réforme de l'IVAC pour corriger certaines situations. Le député de Gouin nous dit qu'au cours des années il y a eu des exemples sur la notion de victime où certaines personnes n'étaient pas indemnisées. Moi, je crois que la réforme de l'IVAC que nous allons présenter devra tenir en compte la notion d'élargissement de victime, parce que c'est vrai que la notion de victime directe faisait en sorte que, dans certaines circonstances, certaines personnes qui véritablement étaient des victimes se retrouvaient à ne pas être indemnisées financièrement ou à ne pas recevoir des services de soutien psychologique auxquels manifestement elles devraient avoir droit, considérant le traumatisme subi. Ça, c'est la première des choses.

La deuxième des choses, dans le cas de la mère des fillettes qui ont été assassinées, Romy et Norah, effectivement elle sera indemnisée. Je peux rassurer le député de Gouin à ce niveau-là. Ce qui est important aussi de savoir, c'est que...

• (20 h 50) •

M. Nadeau-Dubois : Peut-être juste...

M. Jolin-Barrette : Oui, allez-y.

Le Président (M. Bachand) : 50 secondes, M. le député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Mon temps file, malheureusement. J'ai cru entendre le ministre dire : La réforme de l'IVAC que nous allons déposer. Est-ce que je peux en conclure qu'il y a un engagement ainsi de la part du ministre de la Justice à déposer une telle réforme d'ici la fin de la législature?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Moi, M. le Président, vous connaissez mon bonheur de travailler avec le député de Gouin en commission parlementaire, alors je souhaite ardemment pouvoir passer de nombreuses heures avec lui au cours des prochains mois en tant que ministre de la Justice.

M. Nadeau-Dubois : Sérieusement, est-ce que c'est un engagement de la part du ministre? C'est un dossier important, je pense.

M. Jolin-Barrette : Bien, je trouve que c'est très important, et c'est pour ça que je vous réponds ce que je vous réponds en vous disant que nous allons avoir sûrement l'opportunité de passer du temps ensemble en commission parlementaire avec une réforme de l'IVAC.

M. Nadeau-Dubois : Je le souhaite aussi. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de Gouin. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais parler avec le ministre de droit de la famille, le droit de la famille. Rappelons que, toujours dans ce même débat là du 19 septembre 2018, durant la campagne électorale, l'actuelle présidente du Conseil du trésor, prédécesseure du ministre de la Justice à la Justice, avait, et je la cite, affirmé : «Sur les principes, nous y sommes, ça doit transcender la partisanerie. C'est un chantier important et monstre, et il faut avoir enfin le courage de le mettre de l'avant. La CAQ avait d'ailleurs déposé un mandat d'initiative à cet effet.» Fin de la citation. Ça, c'est l'engagement clair de tous les partis politiques, d'ailleurs, à la campagne électorale de faire avancer le dossier de réforme du droit de la famille.

On le sait, il y a eu le rapport Roy, qui est sorti, je crois, en 2016, et qui était très étoffé, et qui participe pour beaucoup, là, à la réflexion. On peut être d'accord ou pas d'accord avec certains aspects, mais au moins il avait le mérite de lister les têtes de chapitre. Le 15 mars 2019, communiqué de presse de la ministre de la Justice où elle dit souligner qu'elle lançait à ce moment-là une «consultation publique pour connaître l'opinion de la population en vue de moderniser le droit de la famille. Cette consultation vise à orienter la réflexion gouvernementale sur les changements à apporter pour adapter le droit aux nouvelles réalités familiales.» Et il y a eu, donc, consultation, M. le Président.

Réponses à nos questions, on a reçu le détail desdites consultations. Du 29 avril au 3 juin 2019, donc ça va faire... ça fait plus d'un an, du 29 avril au 3 juin 2019, ça fait plus d'un an, 11 villes du Québec ont été visitées, ça a été une tournée. Au total, 64 groupes, 71 citoyens se sont présentés aux consultations, 100 mémoires ont été transmis, dont 54 provenant de groupes et de citoyens qui ne sont pas représentés à la consultation. Et, à cet effet-là, M. le Président, 37 autres mémoires qui ne se retrouvent pas sur le site Web ont été reçus par le ministère de la Justice puisqu'ils proviennent des citoyens qui avaient inclus des données personnelles. Mais il faut ajouter ces 37 autres mémoires là. Donc, c'est une consultation qui a été tenue rondement d'avril à juin. Ça fait plus d'un an. Et il y a même eu un processus, M. le Président, favorisant des échanges avec le milieu autochtone. Et, dans la réponse à la page 72, P.16, on précise cinq groupes représentant le milieu autochtone qui ont été consultés. Puis je tiens à vous rassurer, là-dessus n'est pas listé le quatrième groupe d'opposition.

Alors, une fois que ces consultations-là sont terminées, une fois que ça fait plus d'un an que les consultations sont terminées, j'aimerais savoir, M. le Président, où en est l'analyse du ministère de la Justice? Ça fait maintenant plus d'un an.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. D'ailleurs, je tiens à souligner que le député de Chapleau a participé, je crois, à l'ensemble de la consultation. Alors, c'est un dossier sur lequel, notamment, le député de Chapleau travaille. La réforme du droit de la famille, elle est primordiale, elle doit être effectuée. Je me souviens à l'époque où j'étais dans la chaise du député de LaFontaine comme porte-parole en matière de justice, où je me levais à l'Assemblée pour demander : Bien, qu'est-ce qui arrive avec le rapport? Quand est-ce qu'il va y avoir une réforme du droit de la famille? Puis le bureau du premier ministre de l'époque, du premier ministre Couillard, disait : On ne sait pas par où le prendre, le rapport. On ne sait pas par où commencer. Alors, je peux vous rassurer...

M. Tanguay : ... réponse, aujourd'hui?

M. Jolin-Barrette : Mais non, pas du tout.

M. Tanguay : Ah! O.K. Rassurez-moi.

M. Jolin-Barrette : Pas du tout, pas du tout. Alors, ce que je veux dire, c'est juste un peu ironique cette situation-là. Je peux vous dire que les travaux avancent bien et je pense qu'on aura l'occasion ensemble d'étudier un projet de loi qui va viser la réforme du droit de la famille, parce qu'on se retrouve dans certaines situations où il y a des enfants qui sont nés hors mariage, hein, qui ne disposent pas des mêmes garanties juridiques et des mêmes protections associées à un enfant qui est né à l'intérieur d'une union maritale. Alors, ça, au Québec, ça n'a pas d'allure de faire des distinctions entre les enfants nés dans le mariage ou hors mariage.

Autre élément qui est fort important, de plus en plus il y a la question de la fécondation in vitro par le biais des mères porteuses, notamment. Il faut s'assurer que les enfants issus de cette procréation bénéficient d'un cadre juridique et d'une filiation qui va s'assurer de leur garantir des droits et surtout s'assurer aussi qu'en cas d'abandon d'un projet parental l'enfant qui naît de cette procréation bénéficie de garanties judiciaires qui vont lui assurer de pouvoir pleinement s'épanouir, et surtout il y a une nécessité d'établir un cadre juridique pour assurer l'intérêt de l'enfant.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de LaFontaine. Oups! Excusez, M. le ministre. Allez-y.

M. Jolin-Barrette : Pour faire simple, oui, on travaille là-dessus présentement, puis j'espère qu'on va pouvoir étudier un projet de loi prochainement.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Oui, M. le Président. Alors, jamais je n'accuserai le ministre de faire simple, mais, pour être efficace, à l'époque, ce qui était le plan de match, communiqué de presse de la ministre de la Justice du 15 mars 2019, elle précisait... et j'aimerais savoir si c'est toujours les orientations de son ministère, elle a souligné que cette consultation portera spécifiquement sur trois thèmes : parentalité, conjugalité, la relation avec le beau-parent, et les questions liées à la filiation, qui font également partie du droit de la famille, seront abordées ultérieurement.

Donc, j'aurai deux questions : Est-ce que les questions liées à la filiation feront l'objet, elles, à leur tour, d'une consultation similaire ou il n'y aura pas de consultation? Puis ça peut être possible, là, que le ministre décide de ne pas faire de consultation sur la filiation.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Bien entendu, le ministère de la Justice consulte. Je n'entrevois pas la nécessité de consulter, de faire une consultation publique, de retourner en consultation, de faire une tournée parce que, vous savez, il y a eu des rapports qui ont été rendus, il y a des consultations qui ont été faites. Il y a plusieurs acteurs. Je pense qu'on est rendu au moment d'agir, et donc, lorsqu'on déposera un projet de loi, il pourra y avoir également des consultations publiques telles qu'elles sont demandées généralement lorsqu'on dépose un projet de loi. Mais je crois qu'il y a urgence d'agir notamment en matière de filiation.

Je vous donne un exemple, là. J'avais déposé d'ailleurs un projet de loi là-dedans, à l'époque où j'étais dans l'opposition, à ce niveau-là, relativement à la présomption de paternité. Vous avez un couple non marié, dont madame est enceinte, prenons cet exemple, et monsieur décède avant l'accouchement. En fait, ils sont non mariés, et il n'y a pas de possibilité de présenter... de signer la déclaration de naissance pour madame. Madame doit s'adresser au tribunal, et, si elle ne le fait pas, l'enfant peut perdre des droits, notamment des indemnités financières relativement à la possibilité d'avoir la rente, là, de la RRQ pour orphelin. Alors, c'est important que la filiation soit établie, et on doit corriger cette distinction-là.

Ce n'est pas normal qu'au Québec, considérant qu'il y a, quoi, je pense, soit... c'est 40 % des couples qui sont non mariés qui ont des enfants et que, dans des situations comme ça, on a vu plusieurs femmes qui devaient s'adresser aux tribunaux pour établir la filiation de leurs enfants. Alors, moi, j'ai une crainte que, dans l'éventualité où il pourrait y avoir des situations où une mère ne s'adresserait pas aux tribunaux pour faire reconnaître la filiation de son enfant, l'enfant soit pénalisé notamment relativement à la succession.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de LaFontaine.

• (21 heures) •

M. Tanguay : Maintenant, la question était sur la consultation potentielle sur la filiation, le ministre a répondu... la ministre, à l'époque, mars 2019, entend déposer à l'Assemblée nationale deux projets de loi, un sur la filiation et l'autre, la conjugalité, afin de mener à bien les réformes qui auront été jugées appropriées. Alors, les têtes de chapitre du ou des projets de loi, est-ce que c'est toujours le plan de match d'avoir deux projets de loi : filiation et conjugalité? Qu'est-ce que peut nous dire aujourd'hui... Que peut nous dire le ministre de la Justice sur les sujets qu'il entend aborder par projets de loi? Et est-ce que ça va se faire en une seule étape ou en étapes successives ou distinctes?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Je vous dirais que ma réflexion n'est pas terminée à ce niveau-là. Ma prédécesseure avait indiqué qu'il y aurait deux projets de loi séparés. On est tout de même avancé dans le mandat. Donc, je suis en train de réfléchir à savoir comment est-ce qu'on peut faire une réforme globale en matière de droit familial d'ici la fin du mandat. C'est une de mes préoccupations, c'est un de mes dossiers prioritaires. Alors, je ne peux pas vous répondre actuellement de quelle façon est-ce qu'on va procéder. Est-ce qu'on va faire un projet de loi ou deux projets de loi? On est en train de travailler avec les équipes.

Je peux vous dire que ce sont des personnes qui sont dévouées, au ministère de la Justice. Mais la réforme au niveau de la famille, ce n'est pas simple. Vous savez, la dernière fois, c'est 1980, la grosse réforme qu'on a eue, avec le livre de la famille. Et ça nécessite quand même beaucoup d'heures. Il y a beaucoup de conséquences aussi à modifier le Code civil. Je pense qu'on est mûrs pour une réforme du droit de la famille. La forme que ça va prendre aujourd'hui, M. le Président, je ne peux pas répondre au député de LaFontaine. Comme on dit, mon lit n'est pas fait actuellement encore.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Oui. Donc, le ministre a parlé, bon, des enfants hors mariage, que, très certainement, peu importe le véhicule et le nombre de véhicules de projet de loi... l'enfant hors mariage, enfant issu de la procréation assistée. Est-ce que le ministre peut nous donner des indications quant aux autres sujets qui, très certainement... sous réserve de voir la lecture du projet de loi, mais sur lequel, très certainement... Parce que les chapitres sont nombreux. Est-ce qu'il y aurait, entre autres, des éléments relatifs aux familles LGBTQ? Est-ce que ça fait partie, très fort probablement, des sujets qui pourraient faire partie de cette mouture législative?

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, c'est sûr qu'à partir du moment où on traite de procréation assistée, de mères porteuses aussi, la question du corpus associé aux familles LGBTQ, qui doit aussi être analysée, est prise en considération. Vous savez, dans d'autres juridictions canadiennes, notamment en Colombie-Britannique, on parle d'un certain nombre de parents supplémentaires, à deux. Il y a certaines juridictions qui ont fait des choix précis en fonction de la réalité de chacun des États. Mais, très certainement, je crois qu'on va prendre tout ça en considération. Et, comme je vous le dis, on travaille présentement avec les équipes.

Mais c'est sûr que la réalité de la famille a beaucoup changé. En 1980, là, quand ils ont fait la réforme du droit de la famille... Puis je me souviens d'un débat qu'on a eu, durant la campagne électorale, avec le député de LaFontaine dans l'auditorium de l'Université de Montréal, et c'était Me Bédard, Marc-André Bédard, qui était là, l'ancien ministre de la Justice, qui justement avait fait la réforme, en 1980, du droit de la famille, qui expliquait ça, et la famille nucléaire a changé. On ne parle plus, là, d'une famille hétérosexuelle, monsieur, madame avec des enfants. La société québécoise a changé, il y a des couples homoparentaux, il y a différents projets familiaux qui existent. Alors, le droit doit répondre à ce que vit la société. Et parfois le droit est en avance sur la réalité sociétale, c'est ce qui provoque des changements de société, mais parfois le droit est en retard, puis, en matière de droit familial, on doit constater qu'on est en retard sur la réalité, la vie quotidienne des gens.

Le Président (M. Bachand) : Merci.

M. Tanguay : M. le Président, le ministre a raison de souligner que Marc-André Bédard était là. Pour vous dire que ça fait longtemps, c'était un ministre du Parti québécois, alors pour vous dire que ça fait longtemps que c'est arrivé.

M. le Président, dernière...

M. Jolin-Barrette : Je vais faire mon ami de la cour pour la collègue de Joliette : ça ne fait pas si longtemps, quand même, pour eux, 2014, donc... C'était un geste de solidarité, M. le Président. Ma solidarité est refusée.

M. Tanguay : Oui, c'est bon. Je pense qu'elle va se défendre seule, et très bien.

Dernière question là-dessus, parce que c'est trop important. Donc, oui, j'entends le ministre, on va avoir le véhicule projet de loi, puis tout ça. Mais est-ce qu'on pourrait s'attendre à quelque chose de... Est-ce que ça pourrait être réaliste d'espérer que, d'ici aux fêtes, il y ait un dépôt de projet de loi ou, raisonnablement, on ne peut pas s'attendre à ça, vous ne pouvez pas vous engager?

M. Jolin-Barrette : Bien, sur l'engagement formel, je ne peux pas le faire. Mon souhait, c'est que ça aille rapidement. Alors, ne m'en tenez pas rigueur si je ne réussissais pas à déposer un projet de loi d'ici les fêtes, d'ici Noël. Cependant, je suis convaincu que d'ici une année nous aurons eu la possibilité d'étudier un projet de loi sur la réforme du droit de la famille.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Je n'en tiendrais pas rigueur, M. le Président, mais ma question de février 2021, à la première séance, est déjà prête. Alors, je trouverai l'occasion de lui dire : Ça n'a pas été fait, contrairement à ce que... Non, non.

J'aimerais revenir, sur les deux minutes qu'il reste, M. le Président... l'IVAC, c'est trop important. L'IVAC, le gouvernement prévoit, dans le cadre du budget 2020-2021, bonifier ses investissements de 165,9 millions de dollars sur six ans pour revoir les modalités d'aide. Le gros de l'argent semble... ne sera, semble-t-il, investi qu'en 2022-2023. Quel est le plan de match là-dessus? Et pourquoi?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, dans un objectif d'élargir notamment la notion de victime admissible, il va falloir modifier la loi, et cet élargissement de victime admissible à un programme d'indemnisation comme celui de l'IVAC va nécessairement nécessiter des ajustements, entre autres législatifs et, probablement, réglementaires, ce qui va nous amener sur plusieurs années pour ajuster les indemnisations du programme d'indemnisation.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : O.K., M. le Président, j'annonce d'entrée de jeu ce qui sera probablement l'une de mes toutes dernières questions lors du dernier bloc, le dernier. Je demanderais au ministre... puis il peut déjà commencer à penser à sa réponse. Là, on vient de parler... Depuis 3 heures, cet après-midi, il est responsable du projet de loi n° 64. On a parlé de la réforme du droit de la famille, peut-être plus d'un projet de loi. On parle de la réforme de l'IVAC, autre projet de loi. J'aurai l'occasion de lui poser la question, puis je l'annonce en toute transparence, quelle priorité aura-t-il à définir... comment va-t-il prioriser tout ça? Parce que, là, on est à mi-mandat pour la CAQ, il leur reste deux ans. Écoutez, je ne veux pas dire qu'on ne sera pas capables de livrer la réforme du droit de la famille, mais le plus tôt sera le mieux, parce que, comme disait la collègue, sa prédécesseure, ministre de la Justice, c'est gros.

Puis je vous dirais même une chose, puis je vais être candide là-dessus, je vais vous surprendre, le droit de la famille, ce n'est pas une question, pour bien des cas, de ligne de parti, droit de la famille, c'est un élément fondamental. Les partis décideront s'ils ont des lignes de parti, puis je ne suis pas en train d'annoncer qu'on n'aura pas de ligne de parti là-dessus, mais ça participe de discussions que, dans chacun des caucus... Puis je me rappelle, puis je ne trahis pas un secret, là, d'une conversation que j'avais eue avec sa prédécesseure, ministre de la Justice, lorsqu'on parlait du dossier du chantier droit de la famille, j'ai dit : Tu vas avoir, c'est nécessaire, là, de bons débats au sein de ton caucus. On va avoir des débats aussi dans notre caucus, puis chaque caucus auront des débats. Il y a juste notre collègue de Chomedey qui risque d'avoir un petit peu moins de colletaillage à faire. Mais je lui demanderai de prioriser...

Le Président (M. Bachand) : Sur ce, merci beaucoup, M. le député de LaFontaine. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, tout à l'heure, ce que je n'avais pas le temps de dire, je vais prendre le temps de le dire maintenant. Je veux saluer le ministre et toute son équipe, mais surtout le féliciter, bien sûr, de ses nouvelles fonctions. Je sais qu'elles le réjouissent sûrement, assurément au plus haut point. J'ai eu la chance pendant plusieurs années d'être dans l'opposition avec lui, juste après avoir été au gouvernement, donc, voilà, dans un passé très proche, et donc je sais à quel point ce sont des enjeux qui lui tiennent à coeur, qui me tiennent à coeur beaucoup. Donc, je suis heureuse de collaborer avec lui.

Ceci dit, pour commencer, je suis un peu perplexe parce que, dans nos questions, la question 56 à la page 148 de notre cahier de renseignements particuliers, nous demandions précisément le nombre de requêtes Jordan au cours de la dernière année, le nombre qui avait été accepté, rejeté, de nolle prosequi. L'année dernière, vous vous souviendrez peut-être que nous avions été plutôt surpris que cette donnée-là ne soit plus colligée. Donc, on apprend, toujours cette année, que le DPCP ne tient plus compte de cette donnée-là, tout simplement. Et on pense que c'est vraiment quelque chose qui est déplorable d'un point de vue de la transparence, surtout que le DPCP collige toutes sortes d'autres statistiques sur le nombre d'accusations portées en vertu de certains articles, ventilées par région, le nombre de chefs d'accusations portées pour chacun des paragraphes de l'article 356.

Bref, tantôt... Je voudrais comprendre, on peut tolérer qu'on n'ait pas cette information-là quand on sait à quel point c'est une donnée fondamentale. Encore, on a, en ce moment, un jugement en délibéré, dans l'affaire Normandeau, qui découle d'une requête Jordan. Donc, pourquoi cette donnée-là n'est pas colligée? Et tantôt le ministre, lui, il avait l'air d'avoir des données. Je ne sais pas pourquoi, nous, on n'a pas le droit d'avoir eu ces données-là, mais, s'il en a, est-ce qu'il peut nous les donner?

• (21 h 10) •

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Il y a une distinction, dans le fond, les données que j'ai données tout à l'heure, c'est le nombre d'arrêts des procédures qu'il y a eu. Un jugement en arrêt des procédures, il y en a eu cinq, au cours de la dernière année, pour...

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Cinq, cinq. En ce qui concerne des retraits d'accusation des nolle prosequi, il y en a eu 12, donc le DPCP qui retire lui-même l'accusation, qu'il demande au tribunal de retirer.

Ce que la députée de Joliette demande, M. le Président, c'est combien de requêtes ont été présentées en matière criminelle. J'ai posé la même question que vous lors de mes rencontres avec le DPCP, et c'est à l'effet que, notamment, lorsqu'il y a des requêtes qui sont présentées, généralement ce n'est pas uniquement des requêtes de type Jordan, il peut en avoir, mais, dans le lot de requêtes qui sont présentées au tribunal, ce n'est pas toutes les requêtes qui procèdent non plus. Donc, parfois, ça arrive que des criminalistes, les avocats de défense, présentent plusieurs requêtes, et ce n'est pas nécessairement une requête de type Jordan ou il y a une Jordan à l'intérieur de plusieurs requêtes. Ce qu'on m'indique actuellement, c'est que le procureur en matière criminelle ne tient pas le compte des requêtes parce qu'il y aurait un fardeau administratif de comptabiliser l'ensemble des requêtes, tout ça, puis ils ne tiennent pas le compte à ce niveau-là. Par contre, où c'est intéressant...

Mme Hivon : Non, ça va, j'ai ma réponse.

M. Jolin-Barrette : Mais un dernier élément d'information, avec la transformation de la justice qu'on est en train de faire ou avec la saisie des requêtes, on va pouvoir le faire automatiquement avec la saisie.

Mme Hivon : C'est formidable, mais je vous encourage à le faire dès maintenant parce que je pense qu'à partir... Quand on regarde, en comparaison, toutes les données qui sont comptabilisées, je pense que ça serait la moindre des choses de les comptabiliser, surtout qu'il y a eu quand même un ajout d'effectif assez important dans la foulée de Jordan. Donc, je vous encourage à refaire cette demande, si c'est possible.

Je voulais vous parler, moi aussi, de l'IVAC, mais en lien avec des demandes très précises. Vous ne serez pas surpris que je revienne sur ce sujet-là. Encore récemment, on a vu le père de Daphné Boudreault avoir à se battre devant les tribunaux pour pouvoir être indemnisé... pas indemnisé, même avoir de l'aide psychologique comme il se doit parce qu'il n'est pas reconnu comme une victime. Il est reconnu simplement comme le proche d'une victime. Et vous savez que c'est une demande notamment de l'AFPAD, mais c'est une demande que nous, on a formulée dans notre parti depuis plusieurs années.

Alors, est-ce que le ministre peut s'engager à ce que les proches des victimes de crime, de meurtre soient reconnus formellement comme des victimes, puissent avoir droit à toute l'aide psychologique, sans plafond, qui soit requise?

Et l'autre demande, c'est qu'on puisse indemniser les parents de victimes québécoises décédées à l'étranger. C'est un très petit nombre de victimes et c'est encore refusé. Et on avait chiffré, et c'est quelques millions de dollars. Est-ce que le ministre peut tout de suite... ne pas attendre la grande réforme de l'IVAC mais tout de suite dire oui à ces deux demandes-là humanitaires?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : J'ai manqué juste un dernier bout, les demandes humanitaires dont vous me parlez, c'est le dossier Boudreault?

Mme Hivon : Bien, la première, c'est les proches des victimes de meurtre. La deuxième, c'est les victimes qui sont victimes à l'étranger. Donc, vous vous souviendrez qu'on a eu des témoignages assez tristes de parents qui sont complètement mis de côté de l'IVAC.

M. Jolin-Barrette : Oui. Je peux assurer la députée de Joliette que c'est de mon intention de m'assurer que ces personnes soient indemnisées. Donc, il y a eu des jugements récents. On est en train d'étudier les jugements. Et je suis en train d'arrimer les orientations que j'ai données au ministère de la Justice en lien avec la réforme de l'IVAC.

Mme Hivon : Moi, ce que je vous demande, là, c'est très précis. C'est que ça n'a plus de sens. Il y a eu un rapport dévastateur de la Protectrice du citoyen. Vous en avez vous-même déjà parlé. Je vous demande de ne pas attendre la grande réforme de l'IVAC. On va tous être heureux de travailler sur la réforme de l'IVAC, mais c'est très, très grand comme réforme. Que ces points-là précis soient réglés dès les prochains mois pour souligner votre entrée en poste, ce serait un beau geste.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Mon souhait, c'est que ça soit réglé le plus rapidement possible. Et vous connaissez ma position là-dessus. C'était ma position dans l'opposition et c'est toujours ma position au gouvernement. Alors, je vais tout faire en sorte, pour les proches, les victimes, qu'elles puissent être indemnisées et qu'elles soient admissibles.

Mme Hivon : Même chose pour les victimes qui sont décédées à l'extérieur du Québec ou du pays?

M. Jolin-Barrette : C'est mon souhait.

Mme Hivon : Parfait. Donc, avant la réforme globale de l'IVAC.

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, ce qui arrive, c'est que, pour réussir à indemniser, il y a un pouvoir de directive qui peut être donné à la direction.

Mme Hivon : Exact.

M. Jolin-Barrette : Il y a un pouvoir de directive, mais ça ne nous permet pas de tout faire ce qu'il est possible de faire qui va être en lien avec la réforme de l'IVAC. Alors, moi, je pense... Tantôt, le député de LaFontaine nous disait : J'espère qu'on va mettre le droit de la famille en premier. Il y a plusieurs priorités, il y a l'IVAC, il y a le droit de la famille. Chose certaine, je crois qu'on va se voir souvent.

Mme Hivon : O.K. C'est ça, je vous encourage à le faire très rapidement pour l'aide psychologique, je pense que c'est une très grande urgence, et ce n'est pas quelque chose qui représente un gros investissement.

Je voulais vous parler de la... Vous avez déposé beaucoup de projets de loi quand vous étiez dans l'opposition, vous étiez en faveur de beaucoup de choses, ça fait que c'est bien, on peut faire les suivis. Donc, pour ce qui est de la justice administrative, vous aviez déposé un projet de loi. Bien sûr, on sait qu'il n'y a pas de balise pour la nomination des juges administratifs. C'est un énorme problème. Il y a eu un rapport il y a plusieurs années sur le sujet. L'année dernière, votre prédécesseure m'avait surprise en disant qu'en fait ce dossier-là ne relevait pas d'elle mais plutôt des Emplois supérieurs, mais je n'ai jamais vu les Emplois supérieurs déposer un projet de loi. Donc, je veux savoir si le ministre, lui, va s'attaquer, finalement, à ce sujet-là et s'il va déposer un projet de loi pour qu'enfin la justice administrative soit parfaitement indépendante et qu'elle ne soit plus soumise aux aléas du politique.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : C'est mon souhait, et encore une fois je suis cohérent avec ce que j'ai dit et ce que j'ai fait lorsque j'étais dans l'opposition. Effectivement, les Emplois supérieurs s'occupent présentement du dossier. Vous savez, je suis en faveur de l'autonomie du Québec, je suis en faveur de l'autonomie du ministère de la Justice sur les dossiers qui les concernent. Alors, très certainement, je pense que ça va revenir à la Justice.

Mme Hivon : Bien. Puis est-ce que vous avez un échéancier pour le dépôt d'un projet de loi?

M. Jolin-Barrette : Là, vous comprendrez que j'ai plusieurs priorités. Alors, comme je vous le disais tout à l'heure, je vais avoir besoin de votre aide, et à la vitesse où on va avancer les travaux... va aller à la vitesse où on pourra adopter des projets de loi sur plusieurs réformes, que ce soit en matière... droit de la famille, l'IVAC puis les emplois supérieurs.

Mme Hivon : Donc, votre première priorité, pour reprendre un pléonasme célèbre, c'est laquelle?

M. Jolin-Barrette : Ma première priorité, c'est celle qui va être prête en premier.

Mme Hivon : Puis vous pensez... Aujourd'hui, vous êtes ministre, donc j'imagine que c'est vous qui donnez les commandes. Donc, laquelle va être prête en premier?

M. Jolin-Barrette : Bien, je ne veux pas mettre personne en compétition au ministère de la Justice, mais moi, je suis preneur. Alors, il y a plusieurs équipes qui travaillent, donc...

Mme Hivon : ...la concurrence à l'intérieur...

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, on dit...

Mme Hivon : Moi, c'est l'idée du ministre qui m'intéresse. Donc, j'imagine qu'il a un certain leadership, c'est quoi, le dossier prioritaire? Est-ce que c'est la justice administrative, le droit de la famille, l'IVAC? Il y en a d'autres aussi, là, il y a les Petites Créances sur lesquelles... l'exécution des jugements, sur lequel il pourrait travailler. Donc, c'est quoi, sa priorité?

M. Jolin-Barrette : Je vous dirais qu'à court terme, moi, ce qui me préoccupe le plus, c'est à la fois la réforme de l'IVAC et la réforme du droit de la famille, considérant que ça a des impacts concrets dans la vie des personnes. Non pas que... Je ne dis pas que la justice administrative n'a pas d'impacts concrets, là, parce qu'il y a des milliers de dossiers, mais je pense qu'on doit prioritairement traiter ces dossiers-là. Lorsque vous êtes une victime, lorsque vous êtes un enfant, vous devez... on doit...

Mme Hivon : ...

Le Président (M. Bachand) : Merci...

Mme Hivon : ...le ministre de se commettre un peu.

Je voulais l'amener sur le dossier de l'adoption, un autre dossier sur lequel on a travaillé ensemble. Il y a beaucoup de frustration et de déception de la part de personnes adoptées parce que le processus est long, parce que les ressources ne semblent pas suffisantes pour répondre aux demandes, parce que les informations pour la fratrie ne sont pas disponibles.

Est-ce que le ministre est prêt à s'engager et à travailler justice, et protection de la jeunesse, et services sociaux pour s'assurer de plus de diligence, et aussi à regarder la question des fratries?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui, c'est un élément que je souhaite regarder. Également, vous vous souviendrez également, M. le Président, dans l'opposition, relativement au dossier médical, également, pour les personnes adoptées... Je pense qu'on doit regarder ça sérieusement parce qu'actuellement le critère qui avait été mis en place par la députée de Gatineau, à l'époque où elle est ministre de la Justice, c'était un préjudice qui était avéré. Or, pour moi, il m'apparaît certaines difficultés parce que, si, supposons, votre préjudice est avéré quand votre médecin vous annonce que vous avez le cancer, vous n'êtes pas plus avancé. Alors, c'est des choses que je souhaite regarder.

Mme Hivon : ... question des fratries?

• (21 h 20) •

M. Jolin-Barrette : La question des fratries également m'intéresse.

Mme Hivon : O.K. Et les ressources qui sont octroyées pour pouvoir répondre aux dossiers de manière diligente.

M. Jolin-Barrette : Oui, ça...

Mme Hivon : Je sais que ça ne relève pas de vous...

M. Jolin-Barrette : C'est ça.

Mme Hivon : ...mais vous allez faire vos représentations auprès de votre collègue.

M. Jolin-Barrette : Très certainement. J'ai été sensibilisé au fait qu'il y a certains délais. Il y a eu énormément de demandes aussi, à ce qu'on me dit, au ministère de la Santé et des Services sociaux, qui traite les dossiers. Alors, vous savez, ça a donné un boom quand on a ouvert ça avec le projet de loi n° 113. Alors, il faut y répondre. Mais je suis sensible aux représentations des personnes adoptées.

Mme Hivon : Parfait. J'étais curieuse de savoir. Dans la pandémie, évidemment, la ministre de la Santé avait des pouvoirs, elle les a toujours, en fait... il les a toujours, ça a changé de ministre, mais les pouvoirs sont toujours aussi imposants. Beaucoup d'infractions, donc, découlant des ordonnances en matière de santé publique ont été créées, et beaucoup de constats d'infraction ont été émis, notamment des constats d'infraction au long, comme on dit, et donc qui relèvent ensuite de l'évaluation du DPCP. J'aurais aimé en discuter tout à l'heure, mais mon temps était très restreint.

Est-ce que le ministre peut nous dire combien de constats ont été émis dans le cadre... dont des infractions liées aux rassemblements, notamment, des trucs comme ça liés à la pandémie? Et combien relèvent donc, parce que ce sont des constats longs, de l'appréciation du DPCP?

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : On m'informe que 3 537 constats ont été signifiés, pour un montant potentiel de 5,2 millions de dollars.

Mme Hivon : O.K. Le ministre est conscient qu'il va y avoir un bon nombre de contestations, j'imagine. Il est conscient aussi qu'il y a ces constats... Je ne sais pas s'il est capable de me faire la part entre les constats courts et les constats longs, qui demandent, donc, une appréciation, une évaluation du DPCP? Et est-ce que ce n'est pas un autre élément qui fait en sorte que les délais vont être encore plus considérables? Est-ce qu'il y a des mesures qui sont réfléchies pour répondre à cet afflux-là de travail?

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Je ne peux pas vous répondre précisément là-dessus parce qu'il y en a qui étaient donnés en vertu, bon, de la Loi sur la santé publique, des ordonnances. Il y en a d'autres aussi, dans certaines municipalités qui ont modifié leurs règlements municipaux, là, je pense justement à...

Mme Hivon : Mascouche.

M. Jolin-Barrette : ...Mascouche, mais même dans mon comté, la Régie intermunicipale Richelieu—Saint-Laurent, là, qui touche une vingtaine de villes...

Mme Hivon : Mais, disons, pour ce qui relève, là, SQ, Cour du Québec.

M. Jolin-Barrette : Je n'ai pas cette information-là avec moi, mais ce que je peux faire, je peux...

Mme Hivon : La transmettre.

M. Jolin-Barrette : ...la transmettre au secrétariat de la commission, on va demander de faire les vérifications à ce niveau-là.

Mme Hivon : O.K. Parce que je porte simplement à votre attention... puis, comme élu, vous devez le savoir aussi, mais il y a eu énormément de discrétion dans l'application et la remise de ces constats, et je pense qu'il devrait y avoir un souci de l'État de s'assurer de l'uniformité dans l'évaluation de ces dossiers-là, on en a entendu parler publiquement aussi. Donc, comme ministre de la Justice, je voulais vous sensibiliser à la chose pour la suite du monde.

Et puis j'aimerais vous entendre, je sais que mon temps est compté, sur la question des Petites Créances, on en a parlé tantôt, les causes augmentent, les délais augmentent. C'est un réel enjeu, mais l'exécution demeure toujours aussi complexe. Là, il y a eu certains petits projets pilotes. Est-ce que le ministre peut nous dire s'il a l'intention d'aller de l'avant avec l'exécution forcée et facilitée donc des jugements des Petites Créances?

M. Jolin-Barrette : Bien, à mon souvenir, je pense que j'ai déposé un projet de loi là-dessus dans l'opposition.

Mme Hivon : Je pense que oui, mais...

M. Jolin-Barrette : Oui, c'est ça, je trouve que c'était une bonne idée. Pour être honnête avec vous, je n'ai pas eu le temps de regarder la question avec les équipes encore, mais, très certainement, ce serait quelque chose, je pense, qui faciliterait la vie des justiciables qui obtiennent un jugement. Alors, on va regarder comment on pourrait matérialiser tout ça.

Mme Hivon : O.K. Puis est-ce qu'il me reste du temps?

Le Président (M. Bachand) : 30 secondes.

Mme Hivon : Il me reste quatre secondes.

Le Président (M. Bachand) : 30.

Mme Hivon : Ah! 30. Alors, vous savez, la fameuse contribution vers les fonds FAVAC, qui est Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, Fonds Accès Justice, qui provient donc des amendes sur les constats d'infraction, il y a un montant, là, il y a 40 % de ces sommes-là qui s'en vont directement au fonds consolidé du revenu, ce qui est en fait une amende détournée, qui ne vise pas les fonds pour lesquels elle est créée quand on lit le constat d'infraction. Est-ce que le ministre entend ramener ça à un montant proportionnel à ce qui doit aller dans les fonds? Est-ce qu'il va s'attaquer à cette question-là?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, très, très, très rapidement, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : En fait, il y a... le 18 $ va au FAVAC, le 14 $ va directement au Fonds Accès Justice. Vous, vous parlez de l'amende. L'amende, à partir d'un certain montant, elle s'en va au fonds consolidé, effectivement.

Mme Hivon : Exact. Il y a 40 % des montants qui sont prélevés qui, dans le fond, ne vont pas à ces deux fonds-là.

M. Jolin-Barrette : Ce qu'il faut dire, par contre, là-dessus, c'est que, exemple, l'indemnisation des victimes d'actes criminels, dans le fond, c'est le fonds consolidé qui paie ça parce qu'il n'y a pas de fonds distinct. Donc, quand vous faites une règle d'application, exemple, dans les crédits du ministère de la Justice, le montant qui est payé en indemnisation est quand même assez élevé, là, 173 millions par année.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. le ministre.

Mme Hivon : Mais le ministre sait que ce n'est pas ça que ça dit, hein, de manière transparente sur...

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la députée de Joliette. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Donc, au niveau des... on a pris bonne note des priorités, réponse à la question, un peu plus tôt, du ministre, en termes de processus de projet de loi, réforme de l'IVAC et réforme droit de la famille. Juste pour lui dire, préciser une chose, là, je n'avais pas dit que, pour moi, c'était le droit de la famille qui passait devant tout, là. Je lui posais la question : Est-ce que...à travers ces différents projets de loi là lesquels étaient sa priorité? Et j'avais soulevé notamment l'importance du droit de la famille. Donc, réforme de l'IVAC et droit de la famille.

Pour rappeler peut-être au ministre aussi qu'il y a le projet de loi n° 64, renseignements personnels. Et il vient de parler de la nomination des juges administratifs. Et je lui rappellerai aussi qu'il y a un dossier qui s'appelle, comme, la Charte de la langue française également. Alors, il sera particulièrement occupé, et la Commission des institutions aussi, M. le Président. J'espère que vous n'avez pas prévu prendre de longues vacances, on va avoir besoin de vous, parce que c'est à la CI que la plupart de ces éléments-là auront lieu.

M. Jolin-Barrette : La réforme parlementaire.

M. Tanguay : La réforme parlementaire, mais qui n'est pas un projet, un, gouvernemental, qui est un projet de quatre groupes parlementaires et deux indépendants, qui ont un droit de veto en théorie, mais ça sera le cas en pratique également parce qu'on va tous faire ça à 125.

M. le Président, j'aimerais parler de justice dans le Nord. Il y a beaucoup de dossiers à la Justice, là, puis justice dans le Nord, il faut en parler parce qu'encore une fois, à la campagne électorale, ça faisait partie des enjeux. Ça, ça avait fait partie du débat au Barreau, à Montréal, et puis c'est la collègue prédécesseure à la Justice du ministre actuel qui était au débat, et puis la collègue de Joliette y était également.

Justice dans le Nord, beaucoup d'inquiétudes. À l'époque, c'était déjà identifié, M. le Président, donc à l'époque de la campagne électorale, automne 2018, comme étant un aspect de notre justice, au Québec, qui n'était pas efficient et qui faisait en sorte que les droits et libertés fondamentales de citoyens résidant dans le Nord, beaucoup, participants des communautés autochtones, étaient bafoués, lésés. Rajoutons à ça, M. le Président, donc, l'urgence, à l'époque, d'agir là-dessus, l'urgence d'améliorer différents aspects.

J'aimerais entendre le ministre... Là où on a tous le bénéfice du rapport Viens, le rapport d'enquête Viens... Et là je ne veux pas le mettre en porte-à-faux avec sa collègue ministre responsable des Affaires autochtones, mais je pense que chacune des recommandations du rapport Viens mérite l'attention de chacun des dépositaires de la responsabilité gouvernementale, et le ministre de la Justice au premier titre est interpelé. Appel à l'action n° 43 : «Réserver aux programmes de justice communautaire autochtone et aux organismes responsables de leur actualisation un budget pérenne, proportionnel aux responsabilités assumé et ajusté annuellement afin d'en assurer la stabilité et tenir compte de l'augmentation normale du coût de fonctionnement de tels programmes.»

Donc, on ne passera pas un à un les recommandations de la commission Viens. Il y avait également la n° 44, l'appel à l'action : «Modifier la Loi sur l'aide juridique pour introduire des tarifs particuliers dans le cas de dossiers impliquant des autochtones...» Donc, tarifs particuliers d'aide juridique. Je voulais en parler là puis je ne voulais pas en parler dans l'autre bloc, où on a parlé de façon générale, parce que, là, il s'agit d'avoir une mesure ciblée, tant en matière civile que pénale.

Et l'appel à l'action n° 45, je nomme ces trois-là : «Investir dans l'aménagement de lieux adéquats à l'exercice de la justice dans chacune des communautés où siège la cour itinérante, et ce, dans les meilleurs délais possible.»

Alors, ça, c'est la commission Viens. Je vous ai nommé trois... Je vous ai lu trois appels à l'action. Encore une fois, je ne veux pas le mettre en porte-à-faux avec l'actuelle ministre des Affaires autochtones qui semble dire : Bien, il va falloir... puis qui me corrigera, parce qu'il peut parler au nom du gouvernement, il me corrigera si mon interprétation des propos de sa collègue est inexacte, mais on a comme l'impression qu'eux, les communautés, devraient choisir à travers tous les appels à l'action celles qu'ils veulent prioriser. Moi, je pense qu'il faut revirer ça de bord. Il est ministre de la Justice, il est parfaitement conscient des défis de justice dans le Nord.

J'en suis à ma première question sur le rapport Viens. Lui, entend-il, contrairement à ma compréhension des propos de la ministre des Affaires autochtones, entend-il donner suite, lui, et ne pas demander à ce que les communautés autochtones fassent un choix, chacun des appels à l'action, et, sinon lesquels, pourrait-il nous indiquer, qu'il a l'intention, de façon plus spécifique, de mettre de l'avant et lesquels il n'a pas l'intention, à ce stade-ci, de donner suite?

• (21 h 30) •

Le Président (M. Bachand) : ...M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui. Vous savez, la justice dans le Nord, ça fait plusieurs, années qu'on parle des différentes problématiques, des différents enjeux, et c'est vrai, il y a des enjeux. Il y a des choses qui ont été améliorées, notamment, vous vous souvenez, le rapport de la Protectrice du citoyen sur Puvirnituq, sur la durée de temps de détention des personnes issues des communautés, où ils devaient faire, excusez-moi l'expression, la run de lait, ils parlaient de la communauté, s'en allaient à Montréal, Montréal—Saint-Jérôme, Saint-Jérôme—Amos. Maintenant, il y a un pont aérien entre les communautés et Amos, donc elles peuvent être dirigées tout de suite en avion vers Amos. Il y a de la visioconférence à Puvirnituq et à Kuujjuaq, il va y en avoir aussi à Kuujjuarapik pour les enquêtes sur remise en liberté.

Au niveau des appels à l'action, oui, on souhaite réaliser les appels à l'action. Cela étant, puis en lien avec ce que la ministre responsable des Affaires autochtones... du Secrétariat aux affaires autochtones, il faut travailler avec les communautés de façon à prioriser et savoir également comment elles souhaitent que ce soit mis en application. Il ne s'agit pas non plus de débarquer avec les gros sabots puis de dire : Bien, ça va se passer comme ça, comme ça, comme ça, parce que l'histoire démontre qu'il faut travailler avec les communautés de façon à mettre en place les mesures aussi. Donc, s'il y a des ajustements en lien avec les appels à l'action du rapport Viens, il faut pouvoir les discuter avec les représentants autochtones et s'assurer de pouvoir... en fait, de pouvoir les mettre en place pour s'assurer que ça fonctionne puis que les communautés adhèrent aussi.

Mais, sur l'enjeu des locaux, je suis d'accord avec le député de LaFontaine aussi. De ce qu'on m'a raconté, c'est qu'il faut s'assurer que les justiciables dans le Nord aient accès à des locaux pour parler à leurs avocats, pour avoir une audience digne de ce nom et qu'aussi, en lien avec la cour itinérante, bien, les dossiers puissent être traités dans le système de justice actuel.

M. Tanguay : M. le Président, je me suis permis d'en lire trois, mais les appels à l'action, c'est le chapitre VIII en matière de services de justice, chapitre VIII, et les appels à l'action... il y en a de 40 à 54, appels à l'action, donc 15. Quel est... Et là j'entends que le ministre dit : Bien, on ne va pas, nous, de Québec, dire aux communautés dans le Nord comment on va marcher puis comment ils vont marcher, on veut collaborer avec eux. Quel est son calendrier de consultations? Quelle sera la nature, par ailleurs, des consultations? Et est-ce que lui prendra le leadership de ce chapitre-là du rapport Viens?

M. Jolin-Barrette : Ça va se faire en collaboration, M. le Président, avec la ministre responsable des Affaires autochtones. Très certainement que mon désir est de répondre aux recommandations du rapport Viens. Il y a déjà de l'argent qui est investi, par le ministère de la Justice, à la Société Makivik. Il y a, présentement, des adjoints judiciaires qui sont en formation aussi, il faut amener davantage de personnel aussi, il y a la question de la traduction aussi. Alors, c'est un travail global qui doit être fait, puis on va travailler ensemble, la ministre des Affaires autochtones et moi.

M. Tanguay : Et est-ce qu'il peut préciser son calendrier par rapport à la Justice? Parce que la ministre des Affaires autochtones, elle chapeaute, en quelque sorte, l'entièreté du rapport. Il y a des aspects de sécurité publique, des aspects de santé, tous les aspects, éducation, et ainsi de suite. Quel est son calendrier à lui? Parce que lui peut faire avancer ce chapitre-là à son rythme, qui pourrait, d'aventure, M. le Président, être plus rapide que d'autres chapitres. Quel est son calendrier, quel est son objectif? Je veux juste tester c'est quoi, son engagement par rapport à la réalisation de cela. Puis j'aimerais ça avoir des balises temporelles par rapport à ça, puis, s'il peut m'en donner, substantielles, par rapport à tel, tel, tel élément. Mais j'aimerais mieux que ce soit lui que sa collègue qui s'en occupe.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Je comprends le souhait du député de LaFontaine.

M. Tanguay : Merci.

M. Jolin-Barrette : Cela étant, la ministre responsable des Affaires autochtones est celle qui est en lien, qui a un lien privilégié avec les communautés.

M. Tanguay : On a vu qu'il était privilégié.

M. Jolin-Barrette : Vous savez, le ministère de la Justice, lui, il est visé par certains appels à l'action, et, dans les meilleurs délais, moi, je souhaite qu'ils soient réalisés.

Cela étant, vous savez, dans le rapport Viens, il y a des éléments qui touchent la justice, mais c'est plus global qu'uniquement la justice parce qu'il y a beaucoup de conséquences, sur le système de justice et la justice dans le Nord, qui sont des conséquences socioéconomiques des populations aussi. Donc, il faut aussi travailler en amont. Il faut offrir une justice de qualité dans le Nord, mais il y a certaines problématiques, certains... Le taux de criminalité, de commissions d'infraction pourrait être diminué notamment par des conditions socioéconomiques plus favorables, qui sont énoncées dans le rapport Viens, alors que... Je pense qu'on doit beaucoup travailler là-dessus aussi.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député.

M. Tanguay : Oui, M. le Président. Et le ministre a eu l'occasion, entre autres, comme leader, de constater l'aspect particulièrement efficace des dispositions qui visent à améliorer la qualité de vie, de façon globale, là, des membres de la communauté autochtone au Québec. Je parle du processus législatif. Il y a même eu des ententes particulières où il y avait eu des papillons dans un projet de loi, on l'a constaté, qui avait été fait assez rapidement. Finalement, au-delà du fait que... est-ce que ça aura été un résultat heureux ou pas, là, certains demanderaient un projet de loi distinct.

Mais il aura pu, qui plus est, constater... Puis ça, quand on parle de priorité dans les projets de loi, il le sait, que les oppositions — en tout cas, l'opposition officielle, je vais parler pour nous — on est particulièrement intéressés à agir avec la plus grande diligence, si d'aventure... Parce qu'il y a des appels à l'action... comme l'appel à l'action 41 qui dit : «Modifier les lois existantes, dont la Loi sur le Directeur des poursuites criminelles et pénales, afin de permettre la conclusion d'ententes sur la création de régimes particuliers d'administration de la justice avec les nations, les communautés ou les organismes autochtones officiant en milieu urbain.» Si, et je lui dis, je l'affirme, il y a des avancées à faire, ce sera évidemment mon collègue en charge du dossier des affaires autochtones qui y sera, lui aussi, associé, mais, si ça touche la justice, on le fera de pair de notre côté.

Et il a pu constater que, lorsqu'on parle d'améliorer le sort des communautés autochtones, on est là, comme, je pense, je peux parler en leur nom, toutes les oppositions. Alors, si, dans certains autres dossiers, il y a des discussions qui peuvent parfois prendre un peu plus de temps, pour d'excellentes raisons, il sait que les discussions aussi importantes ont lieu, mais, à ce moment-là, on est toujours prêts à aménager, donc il a, il le sait, notre entière collaboration, puis je l'invite, donc, à agir dans les meilleurs délais en cette matière.

À moins que mon commentaire lui ait inspiré une réflexion, je passerais, M. le Président, à un autre objet. Oui?

Le Président (M. Bachand) : ...M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Peut-être juste un complément d'information sur votre précédente question, là. Le ministère de la Justice siège sur un forum sociocommunautaire avec 15 organisations gouvernementales et autochtones, puis il y aura une rencontre au mois d'octobre, prochainement, en lien avec les recommandations du rapport Viens. Donc, il y a déjà une rencontre de prévue.

M. Tanguay : Et, excusez-moi, donc c'est le ministère de la Justice Québec et?

M. Jolin-Barrette : Et 15 organismes gouvernementaux et autochtones, de communautés autochtones, aussi.

M. Tanguay : Du Québec? Du Québec? Des organismes...

M. Jolin-Barrette : ...autochtones du Québec.

M. Tanguay : O.K. Parfait. En octobre? O.K. Parfait. Est-ce qu'il y aura... Donc, ce sera... est-ce que ce sera... Ce ne sera pas public, ça, ce sera... Est-ce qu'il y aura une publicité suite à ça? Comment pourrons-nous juger des fruits de cette rencontre-là? Qu'est-ce qui est prévu?

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait...

M. Tanguay : Qu'est-ce qui est à l'ordre du jour? Qu'est-ce qui... rapport Viens.

M. Jolin-Barrette : Bien, entre autres, les recommandations, mais il y a plusieurs discussions qui ont cours pour faire avancer les recommandations du rapport Viens et les autres éléments qui sont portés par les organismes communautaires autochtones.

• (21 h 40) •

M. Tanguay : Parfait. Rapidement, M. le Président, puis c'est mon avant-dernier bloc, je pense qu'il me reste quelque chose comme trois minutes. Puis je le mets là parce que je pense que, somme toute... au niveau de la justice puis des tribunaux judiciaires dans le contexte COVID, et là de la reprise, je pense que, somme toute, on a pu voir que notre administration judiciaire, les palais de justice, les cours de justice, la façon dont... tout le monde a réagi avec, je pense, diligence et, dans les circonstances, avec un minimum de déficience.

Il y avait la levée de la suspension des délais en matière civile et en matière pénale à compter du 1er septembre. Moi, j'aimerais entendre le ministre, là... puis c'est important, mais je n'y vois pas d'écueil particulier, mais s'il peut nous rassurer là-dessus, pour les deux minutes qui restent, à peu près? Levée des délais, suspension en matière civile, matière pénale, ça, c'est le 1er septembre, donc, c'est dans quelques jours. Projet SOS, plumitifs, revendication du droit d'avoir accès à la distance sans frais pour au moins tous les membres du Barreau... Les plumitifs, le gouvernement du Québec n'assume pas ses responsabilités de garantir l'accès gratuit à nos plumitifs, comme le fait le gouvernement du Canada. Donc, dans le contexte COVID, oui, mais peut-être de façon un peu plus large, quelle est son analyse, à ce stade-ci, de ce que je pourrais appeler la reprise, entre guillemets, des tribunaux, du fonctionnement, et quels sont les défis particuliers qu'il a identifiés?

M. Jolin-Barrette : Oui. Alors, les activités judiciaires vont reprendre. C'est sûr que je vous dirais que ça a donné un bon coup, la COVID, relativement à l'utilisation des technologies dans le système de justice. Je tiens d'ailleurs à remercier l'équipe des technologies de l'information du ministère de la Justice, parce que ça a été des avancées significatives. Vous savez, ça a débuté sous votre gouvernement, le 500 millions d'investissement.

Je vous dirais que la COVID, ça a fait en sorte de mettre tout le monde à la page et d'avoir des avancées. Donc, maintenant, il y a plus d'une centaine de salles virtuelles, il y a eu beaucoup d'auditions en virtuel ou semi-virtuel, où le juge de la Cour du Québec est assis en salle d'audience, greffe numérique de la Cour d'appel, l'objectif, également, éventuellement, de numériser l'ensemble des procédures, greffe numérique... greffe de la Cour du Québec, Cour supérieure aussi. Et là, présentement, il y a certaines procédures qui peuvent être déposées en ligne — pas toutes les procédures — qui sont faites aussi, alors, ça, ça simplifie beaucoup les choses. Et on fait un virage technologique, justement, pour améliorer le système de justice, et le fait que les dossiers ont pu continuer à procéder à distance dans certaines situations, bien, ça a amélioré, puis ça a modernisé tout le monde.

M. Tanguay : Est-ce que le ministre a l'indication que les salles virtuelles vont demeurer? Même si ça ne relève pas directement de sa compétence, là, a-t-il indication et va-t-il souhaiter que ça demeure?

M. Jolin-Barrette : Oui, oui, tout à fait. C'est sûr que le fait que les justiciables soient en présence dans le cadre d'une audience, au fond, c'est toujours privilégié par... les juges le privilégient. Cependant, pour les interlocutoires, je ne verrais pas pourquoi ce ne serait pas une mesure, d'autant plus qu'en termes de vacation à la cour pour les avocats, il y a une économie significative, pour les justiciables, que son avocat n'attende pas pendant x temps dans la salle à volume, en attendant d'être référé à un juge qui est disponible puis...

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de Chomedey, s'il vous plaît.

M. Ouellette : Merci, M. le Président. Vous conviendrez comme moi, M. le ministre, que les rouages gouvernementaux sont souvent complexes puis bien difficiles à comprendre. Puis un des sujets qui est mal compris par la population, c'est l'imputabilité des organisations publiques. On l'a vu, on l'a entendu puis on le voit encore, des institutions publiques faire des erreurs monumentales, puis la seule façon pour le simple citoyen de faire valoir ses droits, c'est poursuivre. Mme la députée de Joliette nous a sensibilisés, je pense, encore une fois, à un cas, et, malgré les rencontres de l'équipe de gestion du DPCP, le père de cette victime-là va être obligé de poursuivre s'il veut avoir une réparation ou une compensation financière.

Encore très souvent... La poursuite, c'est rarement dirigé vers les principaux responsables. Me Murphy nous parlait, dans la première partie, qu'il y a souvent des poursuites contre ses procureurs, puis ça amène d'autres procureurs à s'occuper de ces dossiers-là. Et, quand je dis que la poursuite, c'est rarement dirigé vers les principaux responsables, M. le ministre, c'est le cas de l'UPAC, de la Sûreté du Québec, puis du DPCP, puis même dans le cas d'employés de cabinet qui, des fois, s'étirent le cou un peu trop, là — puis je ne vise pas personne — soit en coulant de l'information aux médias ou en ne respectant pas la séparation de pouvoirs. Bref, tout ça pour dire que, quand les organisations dérapent, c'est le Procureur général qui doit gérer les poursuites. On ne peut pas poursuivre l'UPAC puis son commissaire, on ne peut pas poursuivre la Sûreté ou son directeur. Puis le Procureur général, bien, c'est nouveau, mais c'est vous, puis c'est des poursuites causées par des institutions publiques délinquantes, ça coûte cher.

J'ai été surpris, dans les cahiers de crédits, de ne pas retrouver... Dans les documents que vos fonctionnaires nous ont soumis, il y a énormément de choses, puis, on le sait — puis d'ailleurs il faut les remercier — c'est un travail de moine, et on aura peut-être des questions, parce que vous les préparez. Rarement, dans les crédits... ça fait 13 ans que je suis à l'Assemblée nationale, c'est très rare que vous avez à les ouvrir. Puis, quand on pose une question dans une page particulière, vous avez cette fierté-là parce que vous avez préparé l'information.

J'aimerais savoir, M. le ministre, combien est-ce qu'il y a de poursuites que le Procureur général a reçues qui mettent en cause soit l'UPAC, la Sûreté, le DPCP ou du personnel de cabinet politique.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je vais faire les vérifications au sein du ministère, et on va déposer un document à la commission, je n'ai pas cette information avec... là. Simple commentaire : je peux rassurer le député de Chomedey que... Vous savez, les Québécois puis les Québécoises ont besoin d'avoir confiance dans leurs institutions, et moi-même, comme citoyen, comme député et maintenant comme ministre de la Justice, je veux m'assurer que, s'il y a eu des comportements répréhensibles dans n'importe quelle organisation publique, justice soit faite.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Chomedey.

M. Ouellette : Je vous entends, M. le ministre. Dans le document que vous allez nous préparer, je suis sûr, très rapidement, que vous allez faire parvenir à la commission, j'aimerais ça que vous teniez compte de combien de ces poursuites-là sont présentement actives, c'est quoi, la valeur monétaire de tous les montants réclamés au Procureur général pour les erreurs des organisations publiques mentionnées, soit l'UPAC, la SQ, le DPCP ou du personnel politique de cabinet, si ce n'est pas couvert par la loi des renseignements personnels, compte tenu du fait que toutes ces poursuites-là sont publiques, la liste des poursuites qui sont actives et en cours.

Et, ceci étant dit, je présume qu'en tant que Procureur général vous devez faire des provisions ou des prévisions de ce que vous pourriez avoir à débourser pour l'incompétence de certaines institutions. J'aimerais ça savoir aussi : Ça vous prend du personnel à plein temps pour gérer ces poursuites-là ou vous sous-traitez ces poursuites-là par des contrats de gré à gré à des firmes externes?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui, on peut... on va communiquer à la commission, dans le fond, le détail des poursuites qui ont été déposées à l'encontre du Procureur général relativement à des montants. Pour ce qui est des contrats de procureurs à l'externe, est-ce qu'on a l'information? Peut-être M. le député de Chomedey peut poser une autre question, puis je vais vous revenir avec la réponse.

M. Ouellette : Bien, je vais préciser ma question : Vous n'avez pas l'information s'il y en a une, cinq, 10 ou 50? Je peux tout de suite vous dire qu'il y a la mienne, qu'il y en a au moins cinq que je connais, pour une valeur d'au minimum 20 millions. Ce que je veux savoir de la part du ministre, c'est : Est-ce que ça prend du personnel du ministère pour gérer à temps plein ces poursuites-là, ou si c'est sous-traité à des firmes d'avocats externes? Dans le cas où c'est sous-traité, peut-être avoir les informations dans le rapport que M. le ministre pourra nous fournir, ou, s'il a l'information immédiatement, on pourra la prendre. Ça pourrait faire partie d'une réponse globale, M. le Président. Je pense que les parlementaires aimeraient peut-être mieux avoir l'ensemble du portrait en rapport avec les questions que je viens de poser au ministre.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Alors, généralement, c'est les avocats du Procureur général qui ont les dossiers. En termes de représentation externe de contrats qui seraient donnés à des firmes d'avocats privées, aux questions de renseignements de l'opposition officielle, à la question 35, donc, pour représenter des juges qui seraient poursuivis, on parle d'un montant de 26 648,50 $; pour le ministère de la Justice, on parle — c'est au cahier de l'opposition officielle, question 64 — d'un montant de 8 280 $ pour la dernière année, pour un total de 34 298,50 $ en honoraires extrajudiciaires, là, des frais d'avocats.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Chomedey.

M. Jolin-Barrette : Et peut-être juste...

Le Président (M. Bachand) : Allez-y, M. le ministre.

• (21 h 50) •

M. Jolin-Barrette : ...lorsqu'il y a un contrat de représentation qui est donné à l'externe, c'est en fonction d'un tarif fixé par le biais réglementaire, donc c'est en fonction du nombre d'années de Barreau. Exemple, je pense, le maximum, c'est 300 $.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Chomedey.

M. Ouellette : Je vais préciser ma demande, M. le ministre, compte tenu du fait que vous allez nous faire parvenir les informations. J'aimerais savoir, en fonction de l'ensemble des poursuites que le ministère a à gérer touchant l'UPAC, la SQ, le DPCP ou du personnel de cabinet politique... Il y a du personnel du ministère qui les gère, puis je veux savoir spécifiquement... Je comprends que vous nous avez donné des informations, ce qui touche les juges puis ce qui touche les contrats à l'externe, mais je veux savoir spécifiquement s'il y a des contrats à l'externe qui sont donnés, à quelles firmes et quels montants y sont investis pour, strictement, les poursuites contre le Procureur général, touchant l'UPAC, SQ, DPCP ou du personnel de cabinet. C'est très, très, très spécifique. Est-ce que ça peut faire partie de cette réponse écrite que vous allez faire parvenir au secrétariat?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui, et on va vous dire aussi combien on a de procureurs à l'interne qui sont à temps plein sur ces dossiers-là, si c'est le cas.

M. Ouellette : Merci. Bon, on a parlé du droit de la famille et on va aller dans les cahiers de crédits. J'ai juste une remarque, et puis c'est probablement pour les fonctionnaires qui ont rédigé le cahier de crédits, puis j'ai vu une incongruité dans les cahiers de crédits, à la page 1. Et, ça adonne bien, notre collègue de Chapleau est avec nous autres, parce qu'on a parlé du droit de la famille, et M. le ministre nous a grandement vanté son travail d'adjoint parlementaire dans les consultations, et mon collègue de Chapleau, contrairement à moi, ou à mon collègue de LaFontaine, ou mon collègue de Gouin, est tout près de la capitale nationale, qui est Ottawa. À la page 1, on fait la liste des voyages hors Québec, et, pour mon collègue de Chapleau, ça a coûté 1 318, 61 $ pour le faire traverser le pont pour une consultation sur le droit de la famille. Je me pose la question, M. le ministre, si ce n'est pas une coquille ou s'il y a eu quelque chose de particulier relativement à ça.

Et je vous amène à la page 8, je vous amène à la page 8. La page 1 — puis après ça je vais vous amener à la page 8 — on retrouve le même montant... je vous aide, là... on retrouve le même montant sur la réforme du droit de la famille, la même date, mais à Montréal, la ministre et l'adjoint parlementaire, mais pour le même montant. C'est probablement une coquille.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je suis heureux de constater que le député de Chomedey regarde les livres des crédits. On va vérifier le tout puis on va vous revenir au secrétariat, effectivement, mais je doute que le député de Chapleau ait dépensé 1 300 $ pour franchir le pont Macdonald-Cartier.

M. Ouellette : Bien, je ne savais pas que le pont avait un péage, là, mais...

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Chomedey.

M. Ouellette : Puisqu'on est dans les cahiers de crédits, on va aller à la page 2. Tantôt, M. le ministre, vous avez parlé que vous étiez en négociation avec le Barreau du Québec pour l'aide juridique, etc. Je note, dans le cahier de crédits, sur la première ligne, quelque chose qui m'a fait sourciller, une rencontre du directeur de cabinet avec une firme de relations publiques, au sujet du Barreau du Québec, qui s'est faite à Ottawa. Est-ce que je peux avoir plus de détails?

M. Jolin-Barrette : Écoutez...

M. Ouellette : Ça peut faire partie de la même réponse.

M. Jolin-Barrette : ...ça va faire partie de la même réponse. Vous comprendrez que ce n'est plus le même directeur de cabinet, ce n'est plus le même ministre, alors je ne peux pas spéculer sur le 201,22 $, là.

M. Ouellette : O.K. Je me permettrai une suggestion pour les crédits de l'an prochain.

M. Jolin-Barrette : Je tiens juste à vous dire, par contre, que ça relève du SQRC et pas de Justice.

M. Ouellette : Oui, je comprends ça, mais, quand le directeur de cabinet rencontre une agence de relations publiques au sujet du Barreau du Québec, c'est très précis et ça demande une réponse très précise.

M. Jolin-Barrette : On va vous la fournir.

M. Ouellette : O.K. Je me permettrai de vous amener à la page 96. Par déformation professionnelle, très professionnelle, j'ai un petit dada qui touche les contrats. Et, à la page 96, je regarde dans tous les contrats que le ministère a donnés, il n'y en a pas énormément, il y en a de un... il y en a 20... dans la majorité des contrats, pour ne pas dire la totalité des contrats, ça a toujours été le... presque tout le temps, pas toujours, ça a presque tout le temps toujours été le plus bas soumissionnaire, sauf dans deux cas : le premier contrat, qu'on parle de... le premier contrat, là, qui est AO-01, où R3D Conseil est la plus haute soumission, et c'est lui qui l'a eu, et le contrat AO-19, à la page 96, R3D Conseil est le plus bas soumissionnaire, là, mais il ne l'a pas eu, c'est Services conseils EBNA.

Vous conviendrez avec moi, M. le ministre, que, si vous regardez tous les contrats, c'est pas mal les mêmes noms qui reviennent tout le temps. Ça fait que je pense que c'est légitime que nous nous posions ces questions. D'ailleurs, le contrat 17, sur un contrat de 1,5 million, il y a 1 000 $ de différence, là. Pourquoi c'est un par rapport à l'autre? Parce que la règle du plus bas soumissionnaire n'est pas toujours appliquée. Ça fait qu'est-ce qu'on pourra nous fournir, fournir au secrétariat de la commission des explications sur AO-01, AO-17 et AO-19? À moins que vous les ayez immédiatement?

Le Président (M. Bachand) : ...M. le député. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Ce qu'on m'indique, là, c'est qu'il s'agit d'une qualification de profil, donc il n'y a pas une enveloppe de prix distincte. Ceux qui ne l'ont pas eu n'étaient pas conformes.

M. Ouellette : O.K. On remarque, dans la façon, là...

M. Jolin-Barrette : Et peut-être, M. le député de Chomedey, ce qu'on dit aussi, c'est que... la présentation, dans le cahier de crédits, n'est peut-être pas optimale, mais ce que le ministère me dit, c'est qu'on s'assure que les plus bas soumissionnaires conformes ont été retenus. Donc, ceux qui ont eu le contrat, dans ceux que vous voyez, même si le prix est plus haut, c'étaient ceux qui étaient conformes. Donc, exemple, dans le A-001, dans le fond, même s'il est à 917 000 $, puis les autres sont plus bas, ce que je comprends de l'explication, c'est que c'était lui qui était conforme, et les deux autres n'étaient pas conformes.

M. Ouellette : Est-ce qu'il serait de nature profitable pour tous les parlementaires, pour l'étude 2021-2022, que... Parce que, je regarde, dans d'autres contrats, vous mettez «non acceptable» ou «aucune soumission reçue», ou je regardais Mme Murphy, tantôt, nous parler de «non retenu», alors que c'est écrit dans le livre des crédits que l'enveloppe n'a pas été ouverte. Vous comprenez qu'on ne peut pas le deviner, et, puisque... si on ne pose pas, nous, la question, là, bien, ça passe dans le beurre. Puis vous êtes le dernier rempart, vous savez, M. le ministre. Je n'ai pas besoin de vous dire que, les questions des parlementaires aux crédits budgétaires, après ça il n'y a plus rien. Ça fait que je vous suggère grandement, pour les prochains crédits, de nous le mentionner, qu'ils ne sont pas conformes, ça va peut-être éviter certaines questions.

Le Président (M. Bachand) : ...beaucoup, M. le député. M. le député de...

M. Jolin-Barrette : ...fini, déjà?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, vous voulez ajouter, oui? Rapidement.

M. Jolin-Barrette : Bien, juste pour peut-être répondre au député de Chomedey, pour l'année prochaine, je m'engage à ce qu'on uniformise l'ensemble de la présentation puis d'expliquer qu'est-ce qui est retenu, qu'est-ce qui n'est pas retenu et pourquoi ça ne l'est pas.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup.

M. Ouellette : ...trois secondes. La réponse de M. le ministre par rapport aux... c'est les trois contrats que le soumissionnaire... celui qui a eu le contrat, c'est parce que les autres n'étaient pas conformes. Je comprends ça de votre réponse?

M. Jolin-Barrette : C'est ce qu'on m'indique.

Le Président (M. Bachand) : Je cède maintenant la parole au député de LaFontaine, s'il vous plaît. Merci.

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Et je pense que, c'est ça, j'ai 16 minutes...

• (22 heures) •

Le Président (M. Bachand) : Oui.

M. Tanguay : ...très précises pour le dernier bloc. Je vais terminer puis je demande à Me Tessier et à celles et ceux qui sont dans la salle de ne pas commencer à ramasser leurs choses parce que je vais aller les voir, ne vous en faites pas, vous aurez l'occasion... parce que je veux faire le suivi, Me Tessier et celles et ceux qui vous accompagnent, de l'échange que nous avions eu l'an passé, qui faisait suite notamment à votre lettre de l'année qui précédait, du 28 juin 2018, pour vous demander une sorte de bilan. Puis je vais me baser, Me Tessier — puis je vous vois acquiescer — sur votre lettre du 28 juin 2018. Et j'aurai à tester certains éléments de... je pense, du nouveau souffle que vous vouliez insuffler à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, puis je vais vous demander, en substance, comment ça va sous différents tableaux.

Mais, juste avant, M. le Président, sur le 16 minutes qu'il me reste, 16 minutes global qu'il me reste, j'ai deux autres sujets à aborder avec le ministre. Puis là ça va bien avec le ministre, je ne veux pas me chicaner avec. Bien, s'il faut se chicaner, on se chicanera, hein? Ça ne sera pas la première fois ni la dernière, mais ça ne me tente pas, ça ne me tente pas. Puis c'est pour ça que j'ai peut-être gardé un autre petit sujet...

Une voix : ...

M. Tanguay : Hein?

Une voix : ...

M. Tanguay : Vous allez le... On chemine. Lui et moi, on chemine, M. le Président. On consulte. Non, on ne consulte pas. Puis j'aurais un deuxième sujet, moins litigieux, sur lequel nous pourrons chanter à l'unisson. Mon collègue de La Pinière pourrait dire : L'infâme article, parce qu'il avait déjà utilisé cette expression, je vais utiliser l'article 51 du projet de loi... du défunt projet de loi n° 61, l'article 51. Mon point, c'est d'entendre le ministre. Je ne veux pas me chicaner avec, mais c'est de l'entendre.

Le projet de loi n° 61 a été mis de côté. Le gouvernement travaille, et la ministre du Trésor au premier titre, je crois, travaille sur un nouveau projet de loi. Dans la première mouture de la tentative du gouvernement, qui est feu projet de loi n° 61, il y avait l'article 51, qui se lisait comme suit, et qui relève directement, je pense, de la compétence du ministre en termes de ses tenants et aboutissants. Il se lisait comme suit : «51. Le gouvernement, un ministre, un organisme public ou toute autre personne ne peut être poursuivi en justice pour un acte accompli de bonne foi dans l'exercice de pouvoirs prévus par la présente loi ou dans l'exécution de mesures prises en vertu de ceux-ci.» Fin de la citation.

J'avais eu l'occasion de souligner, question en Chambre à sa prédécesseure, que de telles dispositions existaient essentiellement dans deux contextes. Le premier contexte, c'est une clause qui existait pour protéger une personne qui fait des enquêtes, qui fait des vérifications ou qui est nommée administrateur provisoire. On veut la protéger parce qu'elle est dans un contexte très particulier, très ségrégué, très précis, très limité. Et, en ce sens-là, dans les quelques gestes que cette personne-là va poser, on veut la protéger, premier élément. Deuxième élément, l'autre endroit où une telle clause existe, c'est dans la Loi sur la santé publique et dans la Loi sur la sécurité civile, où... dans les deux cas, c'est parce que l'on prend des décisions, pourquoi? Pour protéger la santé de la population, pour protéger la vie, la santé et l'intégrité des personnes.

Ça, ces dispositions-là, quand on fait copier-coller et qu'on met ça dans un projet de loi et on nous annonce qu'on aura une nouvelle mouture du n° 61, j'invite le ministre à ne pas aller en ce sens-là. Et j'aimerais l'entendre sur son niveau d'accord avec moi que c'est dans des contextes très particuliers, ségrégués, que de telles clauses exorbitantes peuvent se justifier, et que, dans un contexte où, de façon générale, sur plusieurs années, on veut réduire des délais, à toutes les sauces, de tous les ministères, tel que, de façon très large, le projet de loi le faisait, et qu'on exonérait d'avance le ministre, organisme, ou toute personne, ça, je conçois, j'affirme que c'était non justifié et que c'était excessivement dangereux pour l'équilibre juridique au sein de notre société, parce que l'État, lorsqu'il agit, il est un acteur juridique, un acteur qui influence sur les droits et les libertés de tout un chacun, et qu'en ce sens-là il faut conserver le poids et le contrepoids de nos tribunaux judiciaires.

J'aimerais entendre le ministre sur une réflexion qu'il a peut-être présentement, ou qu'il me dise qu'il n'a pas, puis qu'on va le retrouver dans la prochaine mouture.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, en fait, je vous dirais que c'est prématuré de parler du contenu du futur projet de loi qui est présentement en développement au Conseil du trésor. Le député de LaFontaine souligne, à juste titre, qu'effectivement c'est une mesure d'exception qui se retrouve dans peu de lois et, à juste titre aussi, il souligne que c'est rare que ça se retrouve dans un projet de loi. Le projet de loi n° 61 était dans un contexte très particulier pour relancer l'économie. C'est une situation, la COVID de cette année, qui a mis sur pause le Québec, alors il y avait nécessité de relancer le plus rapidement possible. Je comprends que les oppositions n'ont pas adhéré au projet de loi. Nous revenons avec une autre proposition cet automne et on va souhaiter avoir l'adhésion rapide des partis d'opposition. Mais je retiens votre commentaire puis je vais étudier la question lorsque le projet de loi me sera présenté.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député.

M. Tanguay : Merci. Dernier point pour le ministre. Après ça, je vais aller chez Me Tessier. Dans les engagements de la CAQ, par rapport à la Cour suprême, le gouvernement prendrait... le gouvernement de la CAQ prendra un engagement clair, il y a deux choses, pour un bilinguisme obligatoire à chaque nomination de juge à la Cour suprême, de un, et... nomination des juges québécois se fasse sur l'approbation de l'Assemblée nationale ou sur proposition de l'Assemblée nationale. Alors, sur ces deux aspects-là, bilinguisme obligatoire, peut-être qu'on a un peu moins, comme État québécois, d'outils, si ce n'est que le dialogue et la discussion, mais, sur les trois juges québécois, face aux propositions de l'Assemblée nationale — je sais qu'il y a eu une nomination de juge avec sa prédécesseure — il y a eu, ce que je crois, on me corrigera si j'ai tort, une entente qui était particulière à cette nomination-là. Quelles sont, si elle est particulière, ses intentions quant à pérenniser, le cas échéant, un tel processus via l'Assemblée nationale?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Et, effectivement, il y a eu une entente entre le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada en lien avec la nomination des juges à la Cour suprême du Canada. Je pense que le Québec gagnerait à développer un mécanisme qui ferait en sorte d'impliquer principalement le gouvernement du Québec ou... le biais de l'Assemblée nationale, parce que vous savez qu'au sein de la fédération canadienne la Cour suprême du Canada occupe une place importante et fondamentale, qui a une évolution extrêmement importante, et la retombée des décisions de ce tribunal sur la vie des Québécois et des Québécoises est extrêmement importante. C'est fondamental que l'ensemble des juges de la Cour suprême soit bilingue, et on ne parle pas d'un bilinguisme fonctionnel.

Alors, j'en appelle au gouvernement fédéral de resserrer ces critères, et, très certainement, on pourra travailler en collaboration, la collègue ministre du Trésor, qui est responsable du secrétariat aux relations canadiennes. Mais le Québec est une nation qui est distincte au sein du Canada, et, lorsqu'un justiciable québécois se retrouve en Cour suprême du Canada, les juges qui sont assis sur le banc doivent pouvoir comprendre ce que le justiciable plaide devant eux, qu'ils comprennent les faits de la cause, et ça doit se faire dans les deux langues officielles du Canada, du pays. Ça m'apparaît le minimum. Et, vous savez, c'est une revendication historique du Québec portée par l'ensemble des formations politiques, et je souhaite profondément que les garanties constitutionnelles consacrées aux Québécois et Québécoises d'être entendus dans leur langue puissent trouver écho au sein de la Cour suprême du Canada.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le député.

M. Tanguay : Et a-t-il l'intention... Parce qu'on faisait référence au fait qu'il était prolifique dans l'opposition, je le réfère à son projet de loi n° 591, Loi affirmant la participation du Québec au processus de nomination des juges de la Cour suprême du Canada pour le Québec. A-t-il l'intention de déposer une pièce législative qui ferait écho à son projet de loi à l'époque où il y avait, en substance, un rôle accru notamment de l'Assemblée nationale quant à la nomination des trois juges du Québec?

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : C'est un projet de loi que je trouve très intéressant. Je pense que, collectivement, on y gagnerait. J'ai plusieurs priorités, mais je compte défendre l'autonomie du Québec et la spécificité du Québec. L'arrêt Nadon a fait en sorte de constitutionnaliser le fait que trois juges doivent venir du Québec. Il m'apparaît légitime que le Québec ait une pleine participation dans la sélection des juges à la Cour suprême, comme c'était prévu dans l'accord du lac Meech. Mais, vous savez, l'autonomie des pouvoirs du Québec et de ses champs de compétence est quelque chose qu'on doit travailler à tous les jours, et vous pouvez être certains, M. le Président, M. le député de LaFontaine, que vous trouverez en moi un défenseur des intérêts du Québec. Et, à chaque moment où je vais pouvoir faire en sorte que le Québec ait davantage d'autonomie et que ça va favoriser les droits des Québécois et Québécoises, je vais lever la main pour défendre cela.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de LaFontaine.

• (22 h 10) •

M. Tanguay : Il réaffirme le principe qui a été mis en application lors de la dernière nomination. Le gouvernement Trudeau avait demandé l'opinion du Québec, avait demandé l'opinion pour cette nomination-là de... à bien du monde, mais entre autres du gouvernement du Québec. La ministre de la Justice avait, à ce moment-là mis, sur pied un processus interne, interne à l'Assemblée nationale, de consultation des partis. J'y avais participé. Et adhère-t-il à ce principe-là, quand le Québec parle pour la nomination des juges, que ce n'est pas juste une affaire du gouvernement mais que les partis de... les autres partis également peuvent y avoir voix au chapitre, comme ça a été le cas dans le dernier épisode.

Le Président (M. Bachand) : M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Je pense qu'on a tout intérêt à travailler ensemble à ce niveau-là et je n'ai pas de... D'ailleurs, mon projet de loi faisait en sorte que l'Assemblée nationale y était mêlée. Il faut s'assurer par contre d'éviter toute partisanerie quant au choix d'un candidat X ou Y, parce que les retombées d'un choix d'un candidat précis doivent bénéficier à l'ensemble des Québécois, des Québécoises. Donc, oui, je suis ouvert à consulter les oppositions.

M. Tanguay : La dernière fois, ça avait très bien été en termes de... Non, c'est vrai, la dernière fois, ça avait très bien été.

Me Tessier, pour... Il nous reste quelque chose comme cinq minutes, mais, je veux dire, c'est... J'aimerais vous entendre, Me Tessier, puis je vous laisse, là, le cinq dernier minutes, M. le Président. Moi, Me Tessier, vous aviez un mandat qui n'était pas facile. Vous récupériez, entre guillemets, dans le sens plus noble de l'expression possible, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Vous aviez une lettre-phare de plusieurs pages, du 28 juin 2018. Vous aviez des enjeux de structure interne, de gouvernance, de gestion des délais. Vous vouliez mettre un plan stratégique, ressources humaines également, développer et conserver des expertises. Je me rappelle, on avait discuté longuement.

Pour les cinq dernières minutes, j'aimerais ça vous entendre : Comment ça va? Et on est à l'étape des crédits. Vous demandiez, à l'époque, des crédits supplémentaires. J'entends que vos crédits ont été augmentés. De mémoire, j'ai vu 16,3 millions à un peu plus de 17 millions. Sous tous ces vocables-là, comment ça va à notre Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, s'il vous plaît?

Le Président (M. Bachand) : Me Tessier.

M. Tessier (Philippe-André) : Merci, M. le Président. Merci, M. le député. Alors, effectivement, ce que je peux indiquer à la commission en suivi des propos que nous avions tenus l'année dernière, que, dans un premier temps, une des premières démarches qui avaient été entreprises lors de mon arrivée en fonction, ça avait été de stabiliser la haute direction. Et évidemment, là, depuis la dernière période de crédits, je suis heureux de souligner que les 13 membres de la commission, sur 13, donc les trois membres à temps plein, moi et les deux vice-présidentes, sont maintenant nommés pour un mandat de cinq ans, ainsi que les 10 membres à temps partiel. C'est la première fois depuis 2016 que la commission, au niveau de la séance de la commission, est complète dans ses attributions.

Pour ce qui est des budgets supplémentaires qui avaient été demandés, effectivement, il y a 1,5 million récurrent qui a été alloué par le Conseil du trésor pour l'année financière en cours, 2020-2021. Ces sommes-là ont été déployées pour répondre aux principaux enjeux en lien avec le service aux citoyens auxquels la commission fait face.

Je peux vous dire que, pour ce qui est de notre plan stratégique, j'avais indiqué qu'un plan stratégique transitoire de deux ans allait être mis en place. Nous avons complété notre première année de ce plan stratégique transitoire là et nous en sommes, avec la collaboration des deux vice-présidentes, à préparer le plan stratégique de la commission pour les années 2021 à 2025, donc 2021-2025, et mettre de l'avant, encore une fois, un plan stratégique qui comporte des cibles. Nous aurons le plaisir de déposer notre rapport annuel de gestion, comme nous l'avons fait l'année dernière, à la reprise des travaux parlementaires, et ça sera le moment pour nous de faire un peu aussi le point sur cette première année de plan stratégique.

Nous avons entrepris également... Au niveau de l'approche, au niveau de la stratégie judiciaire de la commission, nous avons intenté, pour la première fois de l'histoire de la commission, une action collective dans un dossier impliquant l'article 18.1, les questionnaires discriminatoires préembauche. Nous avons également continué à travailler sur la question du climat de travail, effectué un sondage à l'interne au niveau de la satisfaction du personnel, un sondage également à l'externe au niveau de la satisfaction des citoyens qui font affaire avec la commission. Nous avons continué à travailler sur la question des délais, faire en sorte que les délais de la commission soient de plus en plus dans une fourchette que nous appellerions raisonnable, faire en sorte que des dossiers de longue durée ne soient plus l'apanage de la commission mais bel et bien une chose du passé. Et je suis content de vous dire que nous avons continué également à travailler sur la question de notre réflexion sur la présence régionale de la commission, le déploiement de notre commission sur le territoire du Québec pour assurer un service direct à la population, toujours avec la qualité et célérité. C'est peut-être un survol rapide, mais je ne sais pas si vous aviez des questions plus précises.

M. Tanguay : Parfait. Peut-être deux points, il reste 1 min 15 s, à peu près, deux points rapides : le développement et conserver l'expertise à l'interne de la commission, comment ça va de ce côté-là? ...(panne de son)... participé un peu... excusez-moi, on ne s'entend pas, mais ça a participé un peu aussi, périphériquement, de ne pas travailler en silo. Alors, comment ça va, cette synergie-là, là?

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, bien, c'est sûr et certain que, de notre point de vue, la hausse des sommes qui nous ont été consenties ont permis l'embauche de nouveaux membres du personnel. Ça a fait en sorte que les effectifs de la commission sont revenus au niveau que nous étions il y a 10 ans. Je rappelle aux membres de cette commission que le nombre de plaintes traitées par la commission, dans les 10 dernières années, a doublé. Ce qui fait en sorte qu'alors que les effectifs de la commission avaient décru nous en sommes revenus à un effectif à peu près équivalent à ce qu'il y avait une dizaine d'années, et donc, à tout le moins, cela nous permet de voir une certaine lumière au bout du tunnel et aussi, comme y fait référence M. le député, à s'assurer que la formation, et le suivi, se fait à l'interne.

Je suis aussi heureux de constater que, dans les crédits, si vous voulez le constater, nos dépenses de formation à l'interne ont augmenté de façon importante. Nous avons tenu, pas plus tard que cet été, en virtuel bien évidemment, COVID oblige, une journée complète de formation sur les biais conscients et les questions autochtones pour l'ensemble des membres du personnel de la commission, et nous poursuivons ce genre de formation à l'interne pour assurer effectivement le traitement des dossiers.

M. Tanguay : Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci, Me Tessier. Merci à toutes et à tous. Merci à l'équipe technique. C'était ma première expérience avec une salle miroir, ça a très, très bien fonctionné.

Documents déposés

Donc, en terminant, je dépose les réponses aux demandes de renseignements de l'opposition.

Cela dit, la commission ajourne ses travaux au vendredi 21 août 2020, à 9 h 30, où elle va entreprendre l'étude du volet Sécurité publique des crédits budgétaires du portefeuille Sécurité publique. Merci beaucoup. Bonne soirée.

(Fin de la séance à 22 h 17)

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