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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le jeudi 11 juin 2020 - Vol. 45 N° 76

Étude détaillée du projet de loi n° 55, Loi modifiant le Code civil pour notamment rendre imprescriptibles les actions civiles en matière d’agression à caractère sexuel, de violence subie pendant l’enfance et de violence conjugale


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures cinquante minutes)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, bienvenue. Content de vous retrouver. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Comme vous le savez, je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 55, Loi modifiant le Code civil pour notamment rendre imprescriptibles les actions civiles en matière d'agression à caractère sexuel, de violence subie pendant l'enfance et de violence conjugale.

Avant de débuter, M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme David (Marguerite-Bourgeoys) remplace Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne); Mme Nichols (Vaudreuil) remplace Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce); Mme Melançon (Verdun) remplace Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé); Mme Labrie (Sherbrooke) remplace M. Fontecilla (Laurier-Dorion); et Mme Hivon (Joliette) remplace M. LeBel (Rimouski).

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Avant de commencer, je vais vous faire part d'une motion adoptée par l'Assemblée nationale ce matin, qui prévoit ce qui suit :

«Que, lors des séances de la Commission des institutions tenues d'ici le 12 juin 2020 — donc incluant celle d'aujourd'hui — inclusivement au cours desquelles cette commission procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 55, [...]tous les votes se tiennent par appel nominal, étant entendu que lors d'un tel vote, le vote exprimé par le député ministériel désigné par le leader du gouvernement à cette fin vaut pour l'ensemble des députés ministériels membres de la commission et le vote exprimé par le député de l'opposition officielle désigné par le leader de l'opposition officielle à cette fin vaut pour l'ensemble des députés de l'opposition officielle membres de la commission et que, le cas échéant, les noms de ces députés apparaissent au procès-verbal de la séance.»

Nous allons donc procéder ainsi pendant l'étude détaillée du projet de loi aujourd'hui.

Remarques préliminaires

Alors, nous allons débuter maintenant avec les remarques préliminaires. Mme la ministre, vous disposez de 20 minutes.

Mme Sonia LeBel

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Merci à mes collègues de l'opposition, la députée de Marguerite-Bourgeoys, de Vaudreuil, de Sherbrooke et de Joliette. On est ici réunis déjà au lendemain des consultations. Je pense qu'il faut le noter, parce que c'est assez exceptionnel, exceptionnel de façon positive, d'ailleurs. Et, si on est capables de le faire, c'est parce qu'on a la collaboration de toutes les personnes qui sont ici, à la commission parlementaire. Sinon, on ne peut pas le faire et le pousser si rapidement, de façon seule, du côté de la banquette ministérielle. Donc, merci beaucoup, parce que je sais que ça vous tient à coeur.

Et on peut maintenant commencer l'étude détaillée de ce projet de loi qui va rendre notamment imprescriptibles les actions civiles en matière d'agression à caractère sexuel, de violence subie pendant l'enfance et de violence conjugale. Donc, je le disais, il a cheminé rapidement depuis jeudi passé. On a fait les étapes de façon rigoureuse, mais accélérée, quand même. Et on est ici, là, réunis, et j'espère, et je souhaite, et je sais que c'est la volonté partagée de toutes ici qu'on puisse réussir à l'adopter d'ici demain finalement, qui est la fin de notre session parlementaire, la fin de la semaine, et pour ça... pour que les victimes puissent bénéficier de cette nouvelle possibilité, parce qu'on parle d'ouvrir l'éventail des possibilités le plus rapidement possible.

Donc, peut-être un petit rappel, quand même, des principes que le projet de loi n° 55 vise. On souhaite rendre imprescriptible l'action en réparation du préjudice corporel résultant d'un acte qui peut constituer une infraction criminelle lorsque le préjudice résulte d'une agression à caractère sexuel, de violence subie pendant l'enfance ou de violence d'un conjoint ou d'un ancien conjoint. Donc, notre objectif est d'offrir aux victimes l'espace et le temps nécessaires pour cheminer et ne pas se trouver privées d'un outil qui pourrait être essentiel pour elles. D'ailleurs, c'est un choix qu'elles ont, on s'entend, qui serait relié à un compte à rebours et au passage du temps.

Donc, on en a parlé abondamment. On peut en parler encore. Je pense, c'est important pour les gens de comprendre qu'il y a des particularités, une complexité particulière dans ces genres d'infractions là qui sont visées par le projet de loi, qui demandent souvent un cheminement particulier pour ces victimes-là, qui peut... Ce n'est pas inhabituel que ce soit sur un nombre élevé d'années. Des fois, d'avoir même le loisir d'en parler autour de soi et de se l'avouer à voix haute, ça prend du temps. De là à se rendre devant les tribunaux pour exposer son dossier à un juge, on est encore dans des étapes subséquentes qui peuvent prendre beaucoup de temps et de cheminement, et je pense qu'il faut respecter cette particularité-là, et il était temps que le Québec se mette à la bonne page sur cet aspect-là.

Le projet de loi est très ciblé, on l'a dit. Je ne pourrais pas mieux le résumer que par les paroles de ma collègue la députée de Marguerite-Bourgeoys, qui dit qu'on parle de 30 ans à l'infini. C'est vraiment l'objectif du projet de loi, c'est de toucher à la prescription qui existe déjà depuis longtemps au Code civil, depuis 2013, pour 30 ans, mais précédemment à trois ans. On se le dira, c'est un historique très rapide. Et ce ne sont pas les fondements mêmes et les notions mêmes du Code civil qu'on vient toucher, qui existent depuis longtemps, c'est vraiment la prescription elle-même.

Et c'était une demande qui était sur la table et poussée par les groupes de victimes depuis longtemps. Puis je rappellerai qu'en consultations, d'ailleurs, ces groupes-là et les avocats qui les accompagnent se sont déclarés entièrement satisfaits du projet de loi. Et même Me Chagnon, qui est dans le domaine, nous a dit qu'il rencontrait présentement les besoins qui étaient mis de l'avant de par le fait de la levée de la prescription et de par aussi les notions qui sont véhiculées. Elle n'y voyait pas de problème et elle est dans la pratique, il faut se le rappeler.

Donc, on a entendu beaucoup de choses hier, beaucoup de satisfaction, aussi quelques petits éléments. J'aurai peut-être un amendement à vous proposer sur un élément particulier. Au départ, quand on commencera, on pourra le faire circuler. Mais je pense qu'on est toutes et tous ensemble sur une très bonne piste. Je pense ne pas me tromper en disant que, malgré... pas malgré, mais, même parmi les consultations particulières d'hier, le projet de loi faisait l'unanimité dans son ensemble. Donc, j'ai bien hâte de commencer les discussions plus précises avec mes collègues. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci infiniment. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, vous avez la parole.

Mme Hélène David

Mme David : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Alors, rebonjour à courte échéance. On n'a pas le temps de s'ennuyer beaucoup. Et puis, je le répète, on aime beaucoup travailler les quatre ensemble. Ça aura vraiment été l'année des quatre députés autour des violences sexuelles et conjugales. Et je pense que ça méritait bien cette intensité de travail là après tant d'années où les victimes attendent, attendent et attendent, et je pense que, là, il était temps. Le momentum est là.

Et ce projet de loi, justement, sur l'imprescriptibilité arrive à point nommé par rapport aux autres, aussi, démarches qu'on est en train de faire avec le groupe de travail sur les violences conjugales, sur les violences sexuelles, avec toutes sortes de questions autour des victimes. Que ça soit le... pas la table, mais la commission parlementaire sur le proxénétisme et l'exploitation sexuelle, que ça soit la commission d'enquête sur la protection de la jeunesse, on sent une sensibilité très importante de la part de la population et de la part, je pense, des élus aussi, de plus en plus, de parler de ces questions-là.

Puis, justement, ce projet de loi parle, et c'est paradoxal, du silence. Alors, on parle beaucoup du silence, en fait, et ce silence-là peut rester très, très, très longtemps. Et c'est pour ça que j'ai parlé d'infini, parce que ne serait-ce que de savoir si tu es une victime et que tu es dans le silence...

Puis on a eu des exemples touchants hier d'un groupe qui a dit... dans le réseau des organismes et personnalités en faveur de l'abolition du délai de prescription, d'un père, d'un mari qui a dévoilé, évidemment, un abus, une violence sexuelle, quand il était très jeune, à une personne, je me demande si ce n'était pas un des deux messieurs, là, qui travaille pour ce réseau, et il était devant sa femme, et puis il n'avait jamais parlé à sa femme de ça, et ça dit long sur le silence, sur le fait de porter tout seul ce fardeau-là.

Et, ceux qui nous écoutent et qui sont dans ce silence depuis très longtemps, je pense qu'on leur envoie le message non seulement qu'il y aura une imprescriptibilité, donc pouvoir porter plainte au civil, ça, ce qui est quelque chose de concret, de se donner le pouvoir d'avoir une action concrète, mais ça donne aussi, puis ça, ça a été dit aussi hier, la possibilité à la personne, au moins, de se dire : Ils ont compris, le gouvernement a compris, les élus ont compris, le législatif a compris que ce genre de souffrance là n'avait pas de temps prescrit, et juste de savoir ça... Et on nous l'a dit hier, savoir ça, sans aller nécessairement porter plainte, en soi, c'est un soulagement.

Donc, M. le Président, on est vraiment très heureux... En fait, ce n'est pas un bon mot, mais je pense que c'était de notre devoir et responsabilité de regarder en face ce problème-là, cette souffrance et ce silence qui n'a pas de date de péremption, mais qui avait, légalement, une date de péremption, comme si on disait : Après 31 ans, tu n'es plus supposé souffrir de ça, ou alors : Écoute, là, tu as pris un peu trop de temps pour décider à porter plainte. Ça ne se passe pas comme ça dans le temps psychique, dans le temps psychologique... ou alors d'avoir à faire la démonstration que ça t'a pris plus que 30 ans parce que, finalement, tu es allé en thérapie puis que, là, ça a travaillé beaucoup, beaucoup, puis là tu as fait des deuils, puis tu as fait ta colère, puis tu as fait ton angoisse, etc., puis tu as dit : Je pense que je voudrais aller porter plainte. Alors, il faut que tu aies le fardeau de la preuve que... C'est à ce moment-là que les 30 ans peuvent être allongés. On enlève toute cette responsabilité.

• (12 heures) •

Alors, je pense que, pour toutes sortes de groupes, que ce soient, évidemment, les minorités, les minorités racisées, les femmes autochtones, les personnes en situation de handicap, les enfants, des adultes qui ont vécu des choses très difficiles quand ils étaient enfants, la violence conjugale... Ça touche très, très, très large, et, si on avait pu avoir plus de temps, évidemment, pour rencontrer tous ces groupes-là... Il y en a qui ont été déçus de ne pas pouvoir venir et qui seraient bien venus, en nous disant des choses sûrement très touchantes.

Je pense à Femmes autochtones du Québec, par exemple. Il y a le Barreau, aussi, du Québec qui nous a envoyé quelque chose. Il y a la Protectrice du citoyen qui en a sûrement long à dire aussi. On a eu la chance d'avoir la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui est venue hier. Le Réseau des CAVAC est venu justement nous parler de tous les enjeux de ce projet de loi... mais de témoignages très touchants de MM. Lessard et Richard, dont je parlais tout à l'heure, du réseau des organismes et personnalités en faveur de l'abolition du délai de prescription, de la Pre Rachel Chagnon du département de sciences juridiques de l'UQAM.

Donc, ça, ce sont les gens qui se sont manifestés en disant : On vous envoie un mémoire ou on voudrait bien venir, mais c'est à... le délai est trop court, ou d'autres qui sont venus, mais tous ces gens-là participent de la même volonté inébranlable que nous puissions adopter ce projet de loi le plus vite possible. Et je pense qu'on est, d'un commun accord, prêts à travailler aussi longtemps qu'il faudra aujourd'hui, jusqu'à tard ce soir, si jamais... bon, pour passer à travers ces articles-là qui, selon ma compréhension...

Moi, M. le Président, qui ne suis pas juriste... et je sais que c'est un domaine où on peut avoir des longues, longues discussions sur des mots, des virgules, et le poids des mots est important, c'est sûr, mais j'espère qu'on pourra arriver tous ensemble à enfin rendre aux victimes quelque chose qui, d'après moi, leur est dû, c'est-à-dire le pouvoir de libérer leur parole sans contrainte de temps. Même, et je le répète, s'ils ne vont pas directement en recours au civil, ou encore moins au criminel, ils ne veulent pas nécessairement... mais ils savent, en leur for intérieur, quand on adoptera ce projet de loi là, qu'ils ont le temps qu'ils désirent, et ce temps-là n'a pas de temps, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.

Mme Christine Labrie

Mme Labrie : Merci. Écoutez, je vais être assez brève. Je dois dire que je suis contente qu'on soit déjà rendus à l'étude détaillée de ce projet de loi là. J'ai trouvé que ça a pris du temps, malgré un consensus clair, avant que le projet de loi soit enfin déposé, mais maintenant on avance rapidement. Puis, pendant que je trouvais le temps long, j'avoue que j'ai craint qu'on nous arrive finalement avec un projet de loi qui était peut-être un peu dilué ou qui ne répondait pas totalement à ce qui était demandé par les victimes.

Et j'ai été ravie de constater que l'ensemble des groupes nous ont plutôt dit que c'était un projet de loi qui répondait entièrement à leurs demandes et qui les satisfaisait, et, même, plusieurs groupes sont allés plus loin et nous ont recommandé des actions subséquentes qu'on pourrait entreprendre pour faciliter le parcours des victimes, et je trouve ça encourageant pour notre travail déjà qu'on nous émette des pistes de solution comme ça. Je le vois comme un signe qu'ils sentent qu'ils ont une oreille attentive, et que le momentum est bon, le contexte est bon pour qu'on continue d'aller de l'avant pour mieux respecter les victimes dans leur processus de guérison. Donc, j'ai bien pris note de tous les commentaires qui ont été faits non seulement sur le projet de loi, mais aussi sur d'autres avenues qu'on pourrait entreprendre pour mieux respecter les victimes.

Et donc c'est tout ce que j'ai à dire pour l'instant. Je pense qu'on a bien pris connaissance de ce que les groupes nous ont dit et qu'on est prêts à travailler.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, je suis très heureuse également de pouvoir débuter aujourd'hui, de manière rapide et rapprochée dans le temps par rapport au moment du dépôt du projet de loi, l'étude détaillée.

Vous savez, je pense qu'avec ce projet de loi là on a un exemple qu'on peut faire d'énormes changements dans la société avec quelques articles de loi à peine. Et c'est réjouissant de voir qu'on est sur le point de faire advenir un grand changement, et, comme, je pense, on est plusieurs à l'avoir dit depuis hier, qui n'est pas uniquement lié à la règle, en soi, très juridique de l'imprescriptibilité, mais également lié à un message fort, qu'on fait une priorité de la reconnaissance des souffrances et de la réalité des victimes de violence sexuelle, de violence dans l'enfance, de violence conjugale.

Et puis, moi, c'est quelque chose qui me rassure beaucoup, de voir qu'au-delà du comité de travail, dans lequel je pense qu'on collabore très bien, les élus, de manière transpartisane, pour l'accompagnement juridique, notamment, mais un peu plus large, les victimes de violence sexuelle et conjugale, ça continue à cheminer de plein de manières. On l'a vu avec la mise sur pied d'un service d'accompagnement chez Juripop. On n'a pas attendu juste au dépôt du rapport du comité d'experts qui nous accompagne là-dedans. On le voit aujourd'hui, parce que la ministre a répondu à son engagement et dépose, avant la fin juin 2020, un projet de loi qu'on va travailler de manière rapide.

Donc, je pense que tout ça... J'espère que les victimes et les gens qui se battent pour la reconnaissance des violences sexuelles, conjugales sentent qu'il y a une volonté réelle de faire bouger les choses. Et ceci ne veut pas dire qu'on ne va pas amener tout le souci qu'il faut au travail qui nous occupe, mais je pense qu'en ce moment de travailler de manière rigoureuse est vraiment la chose à faire. Puis on l'a entendu de la bouche, hier, de MM. Lessard et Richard, de dire qu'il y avait des victimes qui attendaient ça et qui avaient extrêmement peur que ça ne soit pas adopté même rapidement, parce qu'un décès peut survenir, l'écoulement du temps fait encore des ravages, et certains pourraient être privés de leurs droits qu'ils souhaitent exercer, et d'autres personnes qui ont pu abuser pourraient également décéder.

Donc, je pense qu'on a une responsabilité très grande de travailler de manière rigoureuse et diligente sur le fond des choses. Je pense qu'on a vu qu'il y a un très grand consensus, là, une unanimité sur le bien-fondé du projet de loi. Donc, c'est réjouissant. C'est rare qu'on voie ça, quand même.

Et par ailleurs il y a quand même des questionnements qui sont venus sur certains enjeux spécifiques du projet de loi. Je pense notamment aux questions de l'excuse versus la reconnaissance de la faute. Donc, juste avoir des... Il va falloir avoir un peu de clarifications par rapport à ça. Évidemment, la fameuse question qui nous a occupés hier soir, du préjudice corporel, est-ce que c'est quelque chose qui peut limiter, donc, l'indemnisation et la réparation des victimes? Puis, je dirais, peut-être aussi des éclairages sur la question de l'impact pour les successions avec la limite du trois ans, donc, de bien comprendre si ça peut avoir un effet limitatif, je dirais, indu sur les victimes...

Donc, on va avoir l'occasion, je pense, de bien avancer puis d'avoir des réponses à ça, mais j'aime bien annoncer les choses. Comme ça, si, des fois, il y a déjà des... dans l'équipe de la ministre, il y a déjà des choses à prévoir, je peux dire que mes questions vont pouvoir porter autour de ça. Donc, je suis très heureuse qu'on débute les travaux tout de suite.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a d'autres interventions du côté du parti ministériel, interventions du côté de l'opposition? Mme la députée de Vaudreuil.

Mme Marie-Claude Nichols

Mme Nichols : Merci, M. le Président, de me donner l'opportunité d'adresser peut-être quelques mots. Évidemment, je ne fais pas partie du comité de travail, mais c'est remarquable de voir les compliments que vous vous adressez l'une et l'autre. Donc, on sent bien qu'il y a une certaine chimie. Et enfin on sent tout le dévouement pour cet enjeu-là ou pour le sujet en particulier.

Alors, tout simplement, c'est un court projet de loi, le projet de loi n° 55. On le sait, il y a six articles, disons cinq, parce que le dernier, c'est pour la date d'adoption. Disons qu'il y a cinq articles, un court projet de loi, mais avec une portée vraiment, là, très, très, très importante, et dans les différents domaines. Moi, j'ai une formation... Ma collègue a une formation de psychologue. Moi, j'ai une formation de droit, et j'ai pratiqué le droit familial, et je vous dirais que, dans le contexte de la pandémie, là, je pense que c'est un projet de loi qui devient encore plus important.

Puis je fais une parenthèse. Vous avez été très général dans vos propos, mais je me permets de faire un clin d'oeil à des citoyens de mon comté qui... Pendant la pandémie, j'en ai eu, des cas de violence conjugale. C'est vraiment triste. J'ai eu des cas de DPJ, des jeunes... Bien, j'ai eu des cas de violence conjugale où j'ai décidé d'intervenir à titre personnel. Donc, je suis certaine que de voir leur député ou de voir les députés qui sont ici aujourd'hui travailler sur un projet de loi comme ça, dans un délai très court... Je suis certaine que des citoyens reconnaîtront et apprécieront le travail qu'on est en train de faire. Donc, je voulais faire un petit clin d'oeil, là, pour dire que ça a une portée importante dans les 125 comtés, évidemment, là, à l'ensemble du Québec.

Et je remercie les groupes qui se déplacent, qui participent. Comme on sait, là, ce n'est pas évident dans le contexte de la pandémie, mais je remercie tous ces groupes-là qui se déplacent. C'est sûr qu'on comprend qu'il y en a qui ont manqué de temps, parce qu'il faut s'asseoir, il faut le rédiger, le mémoire. Il y en a d'autres qui sont venus nous le lire de façon un peu plus rapide, mais qui sont venus s'expliquer. Donc, merci à tous ceux-là. Sachez qu'on est très... On prend le temps de le regarder. Puis ça joue évidemment dans nos têtes puis ça joue dans la façon qu'on travaille le dossier.

Donc, je sens cette volonté réelle et je suis très contente de me joindre à votre groupe pour l'étude détaillée de ce court projet de loi.

Étude détaillée

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la députée. Avant d'aller à l'étude détaillée, est-ce qu'il y aurait des motions préliminaires? S'il n'y a pas de motion préliminaire, je mets en délibération l'article 1 du projet de loi. Mme la ministre, la parole est à vous. Je vous invite à lire et expliquer l'article 1.

• (12 h 10) •

Mme LeBel : Oui, merci, M. le Président. Article 1 : Le Code civil du Québec est modifié par l'insertion, après l'article 2853, du suivant :

«2853.1. Une excuse ne peut constituer un aveu.

«De plus, elle ne peut être admise en preuve, avoir d'incidence sur la détermination de la faute ou de la responsabilité, interrompre la prescription ou annuler ou diminuer la garantie d'assurance à laquelle un assuré ou un tiers a droit.

«Constitue notamment une excuse toute manifestation expresse ou implicite de sympathie ou de regret.»

Cette disposition introduit dans le Code civil, au livre de la preuve, le principe de la protection juridique des excuses pour en favoriser la présentation. Les excuses peuvent en effet constituer une partie importante de la quête des personnes victimes vers la guérison. Cette disposition précise également ce qui constitue une excuse. Cette modification vise de plus à harmoniser le droit applicable au Québec avec celui de la majorité des autres provinces et territoires canadiens.

J'ai également un amendement à présenter sur cet article, M. le Président. Article 1 : À l'article 2853.1 du Code civil proposé par l'article 1 du projet de loi, supprimer, dans le dernier alinéa, «notamment».

Commentaire. Cet amendement vise à retirer le terme «notamment» pour éviter toute difficulté d'interprétation quant à la définition d'une excuse, puisque sont englobées, dans l'expression «toute manifestation expresse ou implicite de sympathie ou de regret», toutes les formes de manifestation de sympathie ou de regret, incluant le fait pour quelqu'un de se dire désolé ou tout autre acte ou expression invoquant de la contrition ou la commisération que l'acte ou l'expression constitue ou non un aveu explicite ou implicite de faute dans l'affaire en cause. Le libellé englobe, dans son style propre au droit civil, toutes les formes d'excuses qui sont plutôt énumérées dans un style caractéristique à la common law dans les lois des autres provinces. Le droit québécois s'harmonise ainsi avec le droit de celles-ci sans distinction autre.

Et ça répond à la préoccupation que la CDPDJ a mentionné hier dans son témoignage, dans son mémoire, sur l'aspect des excuses. Donc, j'arrête là, mais on peut en discuter, de l'amendement.

Le Président (M. Bachand) : Alors, je vous rappelle que vous avez reçu un courriel que tous les amendements ou sous-amendements devraient être envoyés par courriel. Alors, à chaque amendement, on va suspendre le temps de regarder l'amendement ou le sous-amendement. Alors, nous allons suspendre quelques instants.

Mme LeBel : On va suspendre.

Le Président (M. Bachand) : On va suspendre quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 13)

(Reprise à 12 h 14)

Le Président (M. Bachand) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je vous rappelle que les amendements et sous-amendements seront sur Greffier. Alors donc, quand qu'on va revenir en direct, on va vous aviser... C'est pour vous aviser que vous pouvez consulter l'amendement ou le sous-amendement sur Greffier. C'est facile à trouver. C'est beau? Alors, Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Oui. Alors, sur l'amendement, M. le Président...

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme David : Bien, je pense que la ministre a eu raison de voir venir et de... Ça va encore plus raccourcir nos discussions, mais je suis contente, parce que je pense que ce «notamment», avec le mot «toute», et j'ai ressorti la définition d'Antidote, correspond exactement à la définition de «pléonasme». Alors, je pense que nous étions dans le pléonasme. C'est-à-dire que c'est deux mots qui répètent sensiblement la même chose. Et, quand on dit «notamment toute excuse», je ne veux pas faire de la linguistique, mais je pense qu'on n'avait pas besoin du mot «notamment» et que ça nous simplifie la vie et pas seulement l'article.

Alors, je suis, moi, évidemment d'accord avec ça. Probablement que ma collègue va avoir des raisons moins linguistiques et peut-être plus légales. Mais j'aime beaucoup faire de l'étude détaillée, parce que les mots prennent vraiment tout leur sens, et là, «notamment toute manifestation», il y a quelque chose là-dedans... Bon, «toute manifestation», c'est déjà pas mal large. Alors, ce n'était pas une phrase qui se tenait en termes littéraires, disons ça comme ça.

Maintenant, moi, là, j'ai une question. Comme si... Et je suis sûre, Mme la ministre, que, s'il y a des gens qui nous écoutent, là... Je vais plaider, peut-être, ma grande, grande, grande inculture légale ou innocence, là, mais expliquez-moi en termes simples, là : Une excuse ne constitue pas un aveu. Dans ma tête à moi de citoyenne, si je m'excuse d'avoir tué quelqu'un, bien, je suis pas mal en train de dire que j'ai tué quelqu'un parce que je m'excuse de quelque chose. Complément d'objet direct : Je m'excuse de quelque chose, j'ai tué quelqu'un. «Je m'excuse», ça, ça vient après l'avoir tué. Je suis dans quelque chose de pas très drôle, là. Ça pourrait... Mais là on est dans du pas drôle non plus, là : Je m'excuse d'avoir abusé sexuellement, je m'excuse d'avoir battu ma femme.

Donc, je vous le dis comme je le comprends. Le «je m'excuse», au civil... Puis là cette femme-là est très soulagée qu'il s'excuse, mais il y a toujours bien un complément d'objet direct qui vient après. Il s'excuse de quelque chose, d'avoir battu sa femme. Alors là, je suis sûre que tout ça est très appuyé légalement, mais peut-être, pour le bénéfice, là, du monde non juridique et du monde surtout qui sont victimes de tout ça... Il faut qu'ils comprennent ce que ça veut dire, cet article 1 là, puis je ne suis pas sûre que je serais la bonne personne pour leur expliquer. Alors, c'est plate de voter un article sans être capable d'en parler.

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Oui. Alors, chère collègue, dans le langage général, je vais le dire, dans la vraie vie, vous avez tout à fait raison, quand on s'excuse de quelque chose, c'est parce que c'est une forme d'admission de l'avoir fait. Bon, des fois, on peut être désolé des conséquences sans admettre de l'avoir fait, mais, en général, je m'excuse d'avoir... On va être dans l'anodin, là. Je m'excuse d'avoir fait tomber ton téléphone cellulaire, bien, j'admets l'avoir fait tomber. On s'entend, là, donc. Et je prends une forme totalement anodine. Dans ces circonstances-là, on peut considérer, dans le langage populaire, que l'excuse est un aveu, et c'était effectivement ça qui était le problème.

Donc, par une, je vais dire, fiction juridique, on vient mettre autour de l'excuse une espèce d'immunité, si vous voulez, si on peut le dire comme ça, une protection pour ne pas qu'elle se retourne contre l'agresseur, parce qu'elle fait partie d'un processus quelquefois... pas quelquefois, souvent très nécessaire. Et souvent les victimes nous disent... Et même moi, je l'ai eu, comme procureure de la couronne... où il y avait des dossiers de violence conjugale devant la cour, et, des fois, les victimes me disaient : Maître, s'il pouvait juste admettre ce qu'il m'a fait, je serais déjà satisfaite, moi, c'est ce que je recherche, c'est la reconnaissance du tort qui m'a été causé.

Naturellement, là, le domaine criminel est un autre domaine, mais, dans le même domaine, civil, bien là les avocats entrent en jeu. On l'a dit, hein, bien, il ne peut pas s'excuser. Elle va pouvoir s'en servir contre lui dans une poursuite civile. Il ne peut pas s'excuser. Ça va devenir un aveu, parce que, dans la vraie vie, dans le langage populaire, dans la majorité des cas, on peut peut-être avoir de l'imagination puis imaginer une excuse tellement alambiquée qu'elle ne pourrait pas servir, là, mais une excuse devient un aveu.

Et, comme on a... Je vais prendre aussi l'exemple, qui est peut-être un peu plus large et détaché, de chefs de gouvernement qui voudraient s'excuser d'actions commises par les gouvernements passés, là... et que se font recommander par leurs légistes de ne pas le faire, parce que le gouvernement se mettrait, à ce moment-là, à risque d'être poursuivi parce qu'il aurait admis les torts du gouvernement, alors que, dans le processus, l'excuse est la finalité, est ce qui est recherché.

Donc, ça fait en sorte de... Ça ne va pas écarter tous les aveux, là. On parle de l'excuse qui est encadrée par cette chose-là, et je pense que c'est très nécessaire. D'ailleurs, les victimes sont venues le dire hier. Dans le processus de guérison, de recevoir une excuse, de recevoir une reconnaissance, par l'agresseur de l'acte, qu'on a subi... je cherchais... le préjudice... Et, vous avez raison, on vient créer, je vais dire, une fiction juridique où on détache la logique, si on veut, pour être capables de donner une bulle de protection à cette avenue-là, qui peut faire partie d'un des outils de guérison pour les victimes. Et souvent, souvent, souvent, dans les processus, pas toujours mais souvent, dans les processus, la finalité, c'est l'excuse souvent qu'on souhaite obtenir. On les voit dans les processus de justice réparatrice également, hein?

Mme David : Ça, je le comprends très bien, M. le Président, et j'adore la comparaison avec «je suis désolée». On peut être désolé que vous ayez chaud dans cette salle-ci ce matin, ça ne veut pas dire que c'est de ma faute, là. C'est la faute de la salle ou je ne sais pas quoi. Ça, ça va. «Je suis désolée», ce n'est pas la même chose. Je suis désolée pour vous qu'il vous soit arrivé un accident de voiture. Mais je m'excuse, ça veut dire «je m'excuse». C'est personnalisé.

Et je comprends tout à fait le bout où c'est tellement libérateur pour une victime d'entendre ça. Ça, je n'ai aucun problème et je suis complètement d'accord. Mais là peut-être que ma question... je me mêle de ce qui ne me regarde pas. C'est-à-dire, en droit criminel, comment ça se fait que, si le criminel... je n'aime pas trop ce mot-là, mais, en tout cas, la personne coupable s'excuse, jamais un avocat au criminel ne pourra dire : Bien, vous vous êtes excusée, donc vous l'avez fait?

• (12 h 20) •

Mme LeBel : Non, mais ça ne couvre pas le droit criminel, là.

Mme David : Je le sais.

Mme LeBel : Donc, l'excuse n'est pas protégée, là. S'il s'excuse, ça pourrait devenir un aveu dans la cause criminelle. On n'a pas la compétence ici... C'est au Code criminel qu'il faudrait introduire cette notion d'excuse là. Là, on est dans les actions civiles. De la même façon... Je vais vous donner la même protection... De la même façon que nous avons une protection, nous, au salon bleu contre les actions qui pourraient être intentées en diffamation ou en... pour ce qu'on dit au salon bleu... Si on les dit en dehors du salon bleu, c'est une chose. Mais, si j'admets au salon bleu que j'ai tué quelqu'un, je n'ai pas de protection, là. En tout cas, j'espère que non, là.

Mme David : Mais ça veut dire que la victime...

Mme LeBel : Donc, il n'y a pas de protection au criminel. On est vraiment dans le cadre du Code civil. Il faut recadrer la notion de l'aveu. Elle ne pourrait pas servir de preuve ou d'élément contre l'agresseur dans le cadre d'une procédure civile. C'est sûr que ça ne vient pas tout régler. J'en suis consciente, mais c'est le pas que nous pouvons faire dans notre juridiction. Il faut le comprendre. Et ça ne vient pas mettre les agresseurs à l'abri. Et là c'est sûr qu'il y a une...

Je vais être encore plus large, si vous permettez, puis je ne veux pas vous couper la parole. Il y a une petite confusion dans le sens des genres, parce que, présentement, on parle de deux notions. L'excuse, aussi, peut être plus large que les trois articles, les trois agressions que l'on vise, là. Elle n'est pas introduite au Code criminel juste pour les trois notions : d'agression sexuelle, de violence subie pendant l'enfance puis de violence. Elle est introduite dans tout le Code civil. C'est sûr qu'elle va être beaucoup plus délicate, cette notion-là, dans le cadre des trois infractions, parce qu'elles sont aussi très interreliées avec la notion d'infraction criminelle. Mais nous, on peut travailler sur le Code civil, là. On peut faire des représentations au fédéral. On peut parler du Code criminel. Mais on n'en est pas là. Je ne veux pas... Les agresseurs ne se mettront pas à l'abri de poursuites criminelles parce qu'ils font des excuses en vertu de cet article-là.

Mme David : Ils ne se mettront pas à l'abri, mais, inversement, la victime qui reçoit les excuses peut dire : Bien là, il s'excuse, donc là je pense que ma cause est encore meilleure au criminel, je vais décider d'aller au criminel porter plainte.

Mme LeBel : Théoriquement, elle pourrait être utilisée au criminel. On est dans le Code civil. Je ne veux pas rentrer dans la confusion, mais on est au Code civil. C'est important de le préciser.

Le Président (M. Bachand) : J'ai la députée de Sherbrooke, oui.

Mme Labrie : Bien, je suis contente que ça ait été clarifié parce que c'est une question que je voulais poser justement. Je comprends l'avantage pour les victimes de cette disposition-là, parce que ça leur permet de peut-être recevoir des excuses qui constituent effectivement un élément très, très important dans leur processus de guérison. Mais je me demande si on va atteindre l'objectif recherché, dans la mesure où, finalement, peut-être que l'agresseur s'expose encore plus à une poursuite criminelle en le faisant. Je fais juste poser la question.

Mme LeBel : Je pense qu'on va l'atteindre, peut-être pas dans un spectre extrêmement large, mais je pense qu'on va l'atteindre dans le cadre de mesures de justice réparatrice qu'on pourrait mettre en place dans le processus pénal ou dans l'accompagnement du processus pénal, parce que, là, il y a d'autres moyens de faire en sorte d'encadrer les aveux. Puis je pense que ça pourrait être dans une discussion de d'autres moyens d'action. C'est sûr qu'on ne peut pas tout faire dans le Code civil, là, je veux dire, et j'en suis consciente, mais c'est un pas au niveau de certaines actions.

Mais il faut la voir aussi d'une façon beaucoup plus large, la notion d'excuse du Code civil. Elle vise plus que ces trois infractions-là qui sont... Quand je parle des trois infractions, naturellement, c'est celles qu'on vise dans la règle d'imprescriptibilité. Elle est dans toute les notions du Code civil. Et il y aura certainement moyen de faire en sorte que les excuses soient satisfaisantes et moins dommageables, mais vous comprendrez que je ne peux pas... Un, on n'est pas dans l'idée de mettre à l'abri toutes les notions d'aveux potentiels ou d'excuses, déclinaisons d'excuses du Code criminel, parce qu'on ne veut pas donner de l'immunité aux agresseurs, mais on veut fournir un outil de plus, qui est, oui, effectivement, à portée restreinte, on ne peut pas dire le contraire, mais qui est déjà plus que qu'est-ce qui existait avant, là.

Donc, on progresse puis on pourra voir justement à... j'allais dire «à l'usage», ce n'est peut-être pas le bon terme, là, mais, avec le passage du temps, quel va avoir été l'effet positif. Mais c'est quand même une ouverture qui a été saluée. Puis je pense que les avocats qui entouraient les groupes de victimes sont très au courant de la nuance entre le civil et le criminel, là, et ils se déclaraient également satisfaits de cette ouverture-là. Est-ce que ça règle tout? La réponse est non. Mais on est dans un pas... Là, on vient de franchir une première barrière, disons.

Mme Labrie : En fait, je suis satisfaite que ça n'empêche pas une poursuite au criminel. Je pense que ça aurait été problématique, même, si ça avait eu cet impact-là. Je fais juste, bon, modérer mes attentes par rapport au potentiel de justice réparatrice que ça pourrait avoir, mais, bon, effectivement, les groupes s'entendaient sur le fait que c'était une bonne disposition. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Oui. Je voulais juste savoir ce que la ministre répondait spécifiquement au fait qu'hier la commission des droits a soulevé que, par une espèce d'effet un peu pervers, quelqu'un pourrait plaider ou argumenter éventuellement que, face à quelque chose qui serait considéré comme un aveu, ce n'était justement pas un aveu, mais des excuses. Donc, on tourne un peu en rond... mais que ça pourrait peut-être avoir un potentiel de nuire même à la collecte ou à l'utilisation de véritables aveux, parce que la personne dirait : Non, non, non, ce n'est pas du tout un aveu, la manière que je l'ai formulé, puisqu'on prévoit une manifestation expresse ou implicite, c'était quelque chose que j'ai dit, mais ce que je voulais dire, ce n'étaient pas des aveux, c'étaient des excuses, puis tout ça. Donc, je voulais juste savoir comment la ministre et son équipe analysaient ce risque-là.

Mme LeBel : Je pense que le risque était encore plus grand avec le «notamment». Au-delà de la linguistique, le risque était rattaché d'ailleurs... Et je ne veux pas... C'est mon souvenir, là, d'ailleurs, c'est hier, donc c'est assez frais, mais le risque était rattaché au «notamment», particulièrement au fait qu'on nous disait... La CDPDJ nous disait hier : Bien, pourquoi vous mettez le «notamment», là? Pourquoi vous voulez ouvrir plus large et faire en sorte que de peut-être rentrer des aveux réels... Là, on va faire la distinction entre l'aveu et l'excuse juste pour les fins de discussion, que quelqu'un pourrait prétendre qu'un aveu est non pas un aveu, mais une excuse aux fins du civil, parce qu'il ne pourra jamais faire cet exercice-là aux fins du criminel. Puis je pense que ça, c'est rassurant sur certains aspects, effectivement. Aux fins du civil, bien, je pense que la question du «notamment» venait vraiment élargir ce spectre-là.

Maintenant, il faut quand même qu'il y ait une certaine flexibilité dans la notion d'excuse, d'où l'implicite... explicite... «expresse», là, je ne veux pas reprendre les mots, mais on les connaît, et je pense que... Et ça a été, ça... Bon, il faut qu'il y ait quand même une certaine... Et je vais reprendre les mots de Me Chagnon hier. Il faut quand même qu'il y ait une certaine latitude pour les tribunaux de coller à la réalité particulière d'une situation et de ne pas mettre des... de mettre des définitions suffisamment claires pour circonscrire le risque. Le risque ne sera jamais à zéro. Je pense que je n'apprends rien à personne.

On pourra toujours peut-être avoir, dans trois, quatre, cinq ans... se rendre compte qu'une interprétation n'a été pas celle que l'on souhaitait, mais, présentement, ce qu'on peut essayer de tenter de faire, c'est circonscrire le risque. Il faut circonscrire la définition suffisamment pour faire en sorte que des aveux qui sont des aveux ne soient pas... ne deviennent pas des prétendues excuses pour éviter qu'elles soient utilisées comme aveux, j'espère que c'était clair, et laisser la latitude nécessaire au juge d'avoir une certaine zone d'interprétation pour lui permettre de coller à la réalité. Ce que Me Chagnon disait, que, jusqu'à présent, surtout en matière de violence conjugale, bon, il y a beaucoup de chemin à faire dans d'autres domaines, mais on est sur la bonne voie... était bien fait jusqu'à présent par les tribunaux, et elle ne me remettait pas en question, d'ailleurs, les notions, même pour la notion d'excuses.

Donc, nous évaluons le risque comme étant un risque — mon Dieu! J'allais dire «gérable», je n'aime pas ça — assez minime...

Mme Hivon : Tolérable.

Mme LeBel : ...tolérable, merci, assez minime, parce que je ne serais jamais capable de prétendre ici, en cette Chambre, comme juriste qui a pratiqué pendant 30 ans, qu'il n'existe pas, un jour, une interprétation qu'on va faire : Eh mon Dieu! Ce n'était pas ça qu'on voulait. Mais je pense qu'on a ici l'équilibre entre la souplesse nécessaire et l'encadrement pour permettre aux juges de faire évoluer cette nouvelle notion là en droit québécois, là, qui existe, par contre, en common law. Puis il y a déjà des balises en common law pour permettre aux juges de s'y coller, puis on a... on s'est inspirés de ces balises-là pour rédiger l'article.

Et je pense qu'avec le retrait du mot «notamment» on vient encore plus ou encore mieux, je vais le dire comme ça, circonscrire le risque et donner à la fois la souplesse et l'encadrement, là. Je pense que... Et, moi, pour moi, avec l'amendement qu'on vient de déposer, suite à la réflexion de la CDPDJ, je pense qu'on a... Au meilleur de la connaissance qu'on a au jour zéro de l'existence de cette notion-là, je pense qu'on est... je pense qu'on peut être confortables.

Mme Hivon : O.K. Puis je comprends que la disposition s'inspire notamment de la common law. Donc, dans certaines provinces, c'est quelque chose qui est déjà enchâssé, présent dans leur droit, et on n'a pas vu de telle dérive ou de telle utilisation abusive de la confusion entre aveu et excuse, juste pour savoir, vu qu'il y a de l'expérience ailleurs sur ça.

• (12 h 30) •

Mme LeBel : Non, pas à notre connaissance. Naturellement, la common law évolue différemment, vous le savez. Elle va mettre, donc, des critères. Et elle a cette capacité-là d'évoluer, la common law, parce qu'elle n'est pas enchâssée dans un texte particulier, codifié, ce qui est la nature même de notre Code civil. Donc, pour s'inspirer de la common law, il faut trouver l'équilibre dans l'écriture d'un texte codifié qui donne cette harmonie-là, mais, non, il n'y a pas eu ces dérives-là, pour répondre à votre question.

Mme Hivon : Non? Parce que, vu, justement, la nature de la common law, il y aurait pu y avoir une évolution beaucoup plus marquée et rapide, puis vous me dites que ce n'est pas ce qui est arrivé.

Mme LeBel : Les juges font bien la distinction entre un aveu et une excuse. Malgré qu'on pourrait discuter qu'il pourrait y avoir confusion, ils font bien la distinction, en tout cas, jusqu'à présent.

Mme Hivon : O.K. Je pense qu'il y a quelqu'un qui vous a passé un message. Si jamais c'est d'intérêt public, ça nous intéresse toujours de connaître les secrets. Si c'est un secret, il n'y a pas de problème, on ne vous demandera pas de divulgation.

Le Président (M. Bachand) : Oui, Mme la ministre.

Mme LeBel : Ce qu'on me dit, peut-être pour une information supplémentaire, c'est que la plupart des provinces et des territoires ont déjà adopté ce type de mesure là depuis plus ou moins longtemps, et, jusqu'à présent, il n'y a pas eu ce type de dérive là qu'on pourrait théoriquement...

Mme Hivon : Anticiper, oui, c'est ça.

Mme LeBel : ...discuter. Mais ce n'est pas arrivé dans la pratique.

Mme Hivon : Parfait. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Merci, M. le Président. Bien, je trouve ça superimportant, là, qu'on fasse la distinction entre le droit civil puis le droit criminel, le Code civil qui s'applique au Québec seulement... que, dans le reste du Canada, c'est la common law, puis que le criminel, c'est géré par le fédéral, là, ce n'est pas de notre champ de compétence. Ça fait que je trouve ça superimportant pour ceux qui nous écoutent de faire ce rappel-là. Donc, je l'apprécie, évidemment.

Puis, quand on parle de la notion d'excuse dans le droit criminel, bien, on le sait, que ça peut avoir une portée aussi sur la sentence. Donc, c'est pour ça que c'est important d'en faire la distinction. Les juges en tiennent compte. Quand on arrive au niveau criminel, quand ils sont sur le banc, qu'ils doivent prendre une décision, bien, l'excuse joue dans la balance, là, au niveau de la détermination de la peine ou de la sentence. Ça fait que je trouve ça important qu'on mette les choses au clair.

Sur l'amendement, sur le mot «notamment», moi, je trouve ça superintéressant. En fait, on en avait discuté, là, ma collègue de Marguerite-Bourgeoys... puis on avait justement une problématique avec le «notamment», parce qu'on se disait que, oui, il y avait un risque qui était attaché directement au «notamment» puis que ça ouvrait aussi plus large. Mais on se disait qu'aussi, a contrario, ça mettait beaucoup l'accent sur le «notamment» puis que ça venait porter à interprétation. Puis notre inquiétude, c'était, entre autres, que les tribunaux se disent... Bien, ici, on est les législateurs, on fait la loi. Ça fait qu'on se disait : Bien là, les tribunaux vont l'interpréter. S'ils ont mis un «notamment», ils vont chercher à comprendre le sens du «notamment».

Donc, qu'on enlève le «notamment», vous comprendrez que, nous, ça va directement dans le sens qu'on voulait, les précisions qu'on voulait apporter ou qu'on voulait soumettre à la ministre. Puis évidemment c'était... Je pense que tout le monde est d'accord pour dire que c'était un petit peu compliqué, de la façon que c'était abordé par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, hier. C'était juste un petit peu... Mais je pense qu'à force de gratter on a réussi à comprendre pourquoi ils accrochaient sur le «notamment», puis je pense que c'était tout à fait justifié. Et, je pense, justement, ça va simplifier la vie de ceux qui auront à interpréter, parce qu'il n'y en aura pas, de «notamment». Donc, on ne mettra pas l'accent précis sur une chose comprise dans un ensemble.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. D'autres interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention, M. le secrétaire, veuillez procéder à l'appel nominal, s'il vous plaît.

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. Donc, pour, contre, abstention. Pour le groupe parlementaire formant le gouvernement, M. Lévesque (Chapleau)?

M. Lévesque (Chapleau) : Pour.

Le Secrétaire : Pour le groupe parlementaire formant l'opposition officielle, Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?

Mme David : Pour.

Le Secrétaire : Mme Labrie (Sherbrooke)?

Mme Labrie : Pour.

Le Secrétaire : Mme Hivon (Joliette)?

Mme Hivon : Pour.

Le Président (M. Bachand) : Donc, l'amendement à l'article... On était sur l'amendement, hein?

Le Secrétaire : Absolument.

Le Président (M. Bachand) : Parfait. Donc, l'amendement est adopté. Maintenant, sur l'article 1 tel qu'amendé, M. le secrétaire.

Le Secrétaire : Donc, pour le groupe parlementaire formant le gouvernement, M. Lévesque (Chapleau)?

M. Lévesque (Chapleau) : Pour.

Le Secrétaire : Pour le groupe parlementaire formant l'opposition officielle, Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?

Mme David : Pour.

Le Secrétaire : Mme Labrie (Sherbrooke)?

Mme Labrie : Pour.

Le Secrétaire : Mme Hivon (Joliette)?

Mme Hivon : Pour.

Le Président (M. Bachand) : Donc, l'article 1, tel qu'amendé, est adopté. Mme la ministre, l'article 2, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Merci, M. le Président. L'article 2 : L'article 2926.1 de ce code est modifié :

1° par le remplacement, dans le premier alinéa, de «Ce délai est toutefois de 30 ans» par «Cette action est cependant imprescriptible»;

2° par le remplacement du deuxième alinéa par le suivant :

«Toutefois, l'action contre l'héritier, le légataire particulier ou le successible de l'auteur de l'acte, ou contre le liquidateur de la succession de celui-ci, doit être intentée dans les trois ans du décès de l'auteur de l'acte, sous peine de déchéance, sauf si le défendeur est poursuivi pour sa faute ou à titre de commettant. De même, l'action exercée en raison du préjudice subi par la victime doit être intentée dans les trois ans du décès de celle-ci, sous peine de déchéance.»

La modification apportée au premier alinéa de l'article 2926.1 du Code civil a pour effet de supprimer le délai de prescription jusque-là applicable à l'égard de toute action en réparation du préjudice corporel résultant d'un acte pouvant constituer une infraction criminelle dans les cas où ce préjudice résulte d'une agression à caractère sexuel, de la violence subie pendant l'enfance ou de la violence d'un conjoint ou d'un ancien conjoint.

La modification apportée au deuxième alinéa vise à préciser que, malgré l'imprescriptibilité introduite au premier alinéa, cette action doit toutefois être intentée dans un délai de déchéance de trois ans dans deux cas particuliers, soit en cas de décès de la victime ou de celui de l'auteur de l'acte. Cependant, si le défendeur est poursuivi pour sa propre faute ou à titre de commettant, l'action en réparation se prescrit par 10 ans ou est imprescriptible, selon la nature de l'acte préjudiciable commis.

Le Président (M. Bachand) : Ça va? Merci. Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme David : Bien, ce n'est pas les moments où je me sens la plus douée et intelligente, parce qu'honnêtement j'ai besoin d'accompagnement, comme un parent qui accompagne son enfant à son devoir de mathématiques, là. J'ai des questions sur le fond, mais je comprends... Peut-être, pour commencer à ce que je ne comprends vraiment pas, là, je ne comprends pas le deuxième paragraphe. Je ne comprends pas le texte, le deuxième paragraphe des commentaires. «La modification apportée au deuxième alinéa vise à préciser que, malgré l'imprescriptibilité [...] dans un délai de déchéance de trois ans — jusque-là ça va — dans deux cas particuliers...» Ça, je comprends, décès de l'un ou décès de l'autre, la victime ou l'auteur.

C'est après que ça se complique : «...si le défendeur...» D'abord, c'est qui, le défendeur? C'est celui qui poursuit ou qui se défend? C'est celui qui se défend. ...«si le défendeur est poursuivi pour sa propre faute...» Bien oui, pour sa propre faute... Puisque c'est lui qui est le défendeur, il se défend de sa propre faute. Il ne se défend pas pour le voisin. Il se défend pour lui. Bon, bien, c'est encore pire après, là : «...ou de celui de [...] est poursuivi pour sa [...] ou à titre de commettant...» C'est quoi, ça, un commettant? Bon, je pensais que c'était en politique, nos commettants.

Mme LeBel : J'ai un exemple qui va vous éclairer, je pense. Parlons des communautés religieuses. Les communautés religieuses peuvent être poursuivies pour leur propre faute ou pour la faute commise par... Là, je ne veux pas prétendre... mais, à titre d'exemple, elles sont poursuivies pour la faute présumée de... Là, je fais attention, parce qu'il y a des poursuites, puis on... mais, disons-le, même si les prêtres sont décédés, le trois ans ne s'applique pas, là, parce que la communauté religieuse peut quand même... Le prêtre ne peut plus être poursuivi lui-même. La succession du prêtre ne peut pas être poursuivie pour plus de trois ans. Mais, quand on parle de la poursuite d'une communauté religieuse qui est le commettant du prêtre ou qui a sa propre faute, parce qu'on pourrait prétendre, hypothétiquement, qu'ils ont toléré, le cas échéant... Et, encore là, je parle... Je ne prétends pas qu'il y a eu quoi que ce soit, là. C'est vraiment délicat pour moi, vous le comprenez, là, mais je suis dans une...

Mme David : ...d'autres choses. Alors, la notion...

Mme LeBel : C'est un exemple.

Mme David : Oui, oui, mais la notion de... Donc, le commettant, c'est une communauté plus large à laquelle appartient un membre.

Mme LeBel : Voilà.

Mme David : Bien oui, mais là c'est...

Mme LeBel : ...ne s'applique pas dans ce cas-là. C'est l'infini.

Mme David : Oui, mais c'est quoi, une communauté, dans notre société? Ça peut être un groupe politique? Ça peut être une gang de colocataires? Ça peut être un...

Mme LeBel : C'est un employeur. Ça prend vraiment un lien, là, mais ça prend un lien plus que...

Mme David : Mais c'est-u un employeur, la relation de prêtre...

Mme LeBel : Bien, c'est un lien plus fort que l'appartenance à un groupe, comme une carte de membre, là.

Mme David : Bien oui, mais pouvez-vous en dire plus? C'est quoi, vraiment, un commettant? Parce qu'oublions le... Je comprends qu'il y a des poursuites, là, qu'on ne veut pas... dont on ne veut pas parler, mais des groupes, là, dans la société...

• (12 h 40) •

Mme LeBel : ...une des préoccupations...

Le Président (M. Bachand) : Juste vous rappeler que c'est très intéressant, mais juste donner le temps de...

Mme LeBel : Oui, vous avez raison. On est toujours passionnées.

Mme David : Ah! c'est vrai, on a oublié ça.

Le Président (M. Bachand) : Je sais que vous êtes passionnées, là, mais juste prendre en compte les gens qui nous écoutent. Oui, Mme la ministre.

Mme LeBel : Mais l'exemple le plus illustratif pour les gens, c'est qu'on ne voulait pas... On voulait enlever le délai de 30 ans pour ne pas que ça devienne une entrave à ces dossiers-là puis qu'ils soient réellement jugés sur la pertinence du fond. Mais, dans ces situations-là, il y a également des gens contre qui on allègue... des gens qu'on prétend être des agresseurs qui sont aussi décédés. Donc, on ne voulait pas que ce trois ans là, par ricochet, s'applique aussi à ce groupe plus élargi. Maintenant, la notion de commettant, on peut vous en trouver une définition plus précise, mais ça prend un lien plus fort qu'une carte de membre dans un groupe.

Mme David : Il doit donc être défini quelque part. Il doit y avoir une jurisprudence là-dessus. C'est un mot qui, pour vous, est usuel. C'est ça?

Mme LeBel : On me parle à l'oreille.

Mme David : Mais, écoutez, je ne veux pas faire le grand débat là-dessus, mais je suis sûre qu'il est quand même balisé, ce mot-là.

Mme LeBel : Ça prend un lien de subordination, là, O.K.? Je vais le dire comme ça. La personne qui confie à une autre personne, appelée préposée, l'exécution de certains actes pour son compte ou sous sa direction... Donc, on parle d'enseignement. On peut parler de... Bon, il y a quelque chose... Il y a un lien, là. Il y a un lien de subordination qui fait...

Mme David : ...pas vous embêter avec...

Mme LeBel : Oui, je le sais, mais c'est parce que je veux faire... Je fais attention parce que, là, je suis sur une...

Mme David : ...parce que je ne veux pas aller du côté... parce que c'est clair...

Mme LeBel : Mais c'est une notion qui, en droit civil, est bien définie, là, est bien définie. Il n'y a pas d'ambiguïté en droit civil, là. Moi, j'ai l'air de donner de l'ambiguïté. C'est parce que je marche sur une corde raide dans mes...

Mme David : Je ne veux surtout pas vous faire faire de l'équilibrisme où vous allez tomber puis vous blesser.

Mme LeBel : La notion de commettant n'est pas ambiguë en droit civil.

Mme David : Ce n'est pas comme... Est-ce que je peux vous proposer peut-être... là où il n'y a pas de poursuite, un professeur d'école qui aurait eu des gestes avec un élève il y a 33 ans, mettons, mais il avait toujours bien un employeur, un directeur...

Mme LeBel : La commission scolaire est donc le commettant, à titre d'exemple.

Mme David : Puis là il n'y a plus de commission scolaire. Alors ce serait le directeur de...

Mme LeBel : Le lien de juridiction est transféré, là. Ce seraient les centres de services, je ne sais pas trop, là, mais...

Mme David : Oui, mais alors est-ce qu'on pourrait dire que c'est un individu ou l'employeur au sens large? Parce que le pauvre directeur d'école, il a peut-être 95 ans, là, puis il ne veut pas être...

Mme LeBel : C'est l'employeur au sens large.

Mme David : Sens large? O.K.

Mme LeBel : Pour donner votre exemple, si le professeur est décédé puis qu'on veut poursuivre le professeur, la succession du professeur, c'est-à-dire la fille du professeur, qui a hérité de lui, bien, ça, c'est trois ans.

Mme David : Ça, c'est trois ans.

Mme LeBel : Si c'est la commission scolaire ou l'entité qui demeure, qui va... dont les... ça, c'est infini malgré le décès du professeur.

Mme David : Donc, je comprends qu'il y a comme une deuxième voie qui s'ouvre à une victime qui dit : Ça fait plus que trois ans que mon agresseur est mort, mais il était en état de subordination dans une institution quand c'est arrivé.

Mme LeBel : ...preuve à faire, mais la possibilité s'ouvre.

Mme David : Je pense aux pensionnaires. Je pense à... C'est ça? Donc, il y a deux voies. Il y a la personne si elle est encore vivante. C'est nominatif, ça, tu as trois ans après son décès. Mais ça peut être l'institution pour laquelle il travaillait, j'imagine, si c'était dans le cadre de la relation de professeur... parce que je pense au domaine où j'ai évolué. Dans les universités, dans les collèges, on l'a su. On a même fait une loi pour... la loi n° 151 pour encadrer tout ça, mais ça peut être l'institution pour laquelle le professeur travaillait.

Mme LeBel : Il y aura toute une démonstration de preuve à faire, pourquoi l'institution est amenée là, mais ce qu'on vient d'enlever, c'est la barrière temporelle pour faire cette démonstration-là. Maintenant, il y a tout un passage de preuve à faire, puis de critères, et de liens, et de causalité, etc., là, mais on vient... On n'a pas mis de barrière temporelle contre une institution. On l'a mis contre... j'allais dire les individus, dans ce sens-là.

Mme David : Ça va? Mon temps est fini?

Le Président (M. Bachand) : Non, vous avez du temps amplement...

Mme David : O.K. Donc, je comprends que... parce que ça apporte un élément nouveau que moi, je n'avais pas saisi, mais c'est parce qu'on essaie de travailler vite et bien. Donc, ça... la personne peut, donc, poursuivre au civil son agresseur, moi, j'étais plus dans le «one-on-one», comme on dit, ou sa succession, si ça fait moins de trois ans, mais aussi l'organisation pour laquelle la victime... l'agresseur avait un lien de subordination, pour ne pas dire travaillait.

Mme LeBel : Je pense que je vais peut-être lire un texte qui va me permettre d'être à l'aise dans la façon de m'exprimer pour être sûre que je ne suis pas sur la corde raide tout en donnant les clarifications nécessaires.

Donc : «Une clarification est également apportée à l'article 2926.1, au deuxième alinéa, du Code civil — ce dont on discute présentement — pour prévoir explicitement que la protection de trois ans applicable en cas de décès ne peut pas bénéficier à un commettant comme un employeur, une association sportive, le gouvernement, ou à une communauté religieuse, ou à une personne poursuivie pour sa propre faute, bon, naturellement. Par exemple, si un religieux est décédé, la victime pourrait quand même poursuivre la communauté, après le délai de trois ans, tant pour sa responsabilité comme employeur que pour une faute que la communauté aurait commise elle-même. De même, la responsabilité personnelle d'un parent pour les agissements de l'autre dans un contexte d'agression à caractère sexuel ou de violence envers un enfant pourrait être questionnée et engagée.»

Je pense que ça vient répondre un peu à votre question, là. J'espère ne pas avoir retroublé les eaux, là.

Mme David : Ça me plaît beaucoup, le texte que vous venez de lire, parce qu'effectivement je n'avais même pas pensé aux questions de... la question un peu classique, et très souvent passée sous silence, de l'inceste. Alors, il y a un agresseur, une victime, souvent mineure, mais il y a souvent un conjoint. Alors, ce conjoint pourrait être vu comme, si j'ai bien compris, commettant.

Mme LeBel : ...une démonstration à faire, mais théoriquement...

Mme David : Il y aurait toujours une démonstration à faire, mais ce n'est pas exclu. Disons-le comme ça. C'est trop compliqué? O.K., c'est trop engageant. Ça dépend...

Mme LeBel : Bien, c'est parce que c'est trop précis, là, mais disons que ça ne met pas... Le trois ans est... On va le reprendre à l'envers. Le trois ans ne s'applique que si on poursuit la succession précise de l'individu agresseur. Disons-le comme ça. Pour tous les autres cas de figure, c'est l'infini.

Mme David : On peut discuter.

Mme LeBel : C'est ça, c'est imprescriptible.

Mme David : Est-ce que, M. le Président, j'ai fini mon temps ou je peux...

Le Président (M. Bachand) : Je n'ai pas d'indication, ça fait que continuez.

Mme David : O.K., ça va bien. Ça, c'était la partie la plus difficile, que j'ai bien comprise maintenant. Le premier paragraphe, bien, évidemment, dans le commentaire, c'est un peu les questions qu'on s'est posées hier. Et je sais qu'on ne refait pas tout de 2012‑2013. Je sais qu'on ne veut pas aller vers la définition de qu'est-ce que c'est, une violence subie durant l'enfance, parce qu'on va être ici tout l'été puis tout l'automne prochain, je pense, parce qu'une violence subie durant l'enfance, ça peut être très large. Je pense que tous, ici, on pourrait se trouver avec un exemple de quelque chose que nous, on a vécu comme violent durant notre enfance, et puis on se réveille à 60 ans, puis on dit : Ça, c'était inacceptable. Je veux juste être rassurée pour les fins, probablement, de nos discussions. On l'a un peu dit en consultations hier, que tous ces cas de figure, comme vous dites, violence subie durant l'enfance, violence d'un conjoint ou d'un ancien conjoint...

Encore là, j'imagine que le mot «conjoint», c'est tel que défini dans le Code civil. Ce n'est pas nécessairement une union de fait. Ce n'est pas un chum que tu as eu, quand tu avais 18 ans, pendant six mois, mais qui est ton chum, mais tu n'as jamais habité ensemble, puis il t'a battue, puis etc. La définition du mot «conjoint», vous devez avoir balisé ça. Je veux juste être assurée que, pour les gens qui écoutent tout ça, vous avez les bonnes définitions, les bonnes balises de ce qu'est une agression à caractère sexuel, de ce qu'est la violence subie durant l'enfance, ce qu'est la violence d'un conjoint et ce qu'est un conjoint ou un ancien conjoint.

Mme LeBel : Bien, comme vous l'avez bien dit, on ne vient pas changer l'état du droit sur ces notions. Nous ne venons que toucher à l'élément temporel. Donc, les notions dont vous parlez existent dans le code depuis bien avant 2012, d'ailleurs, et comprennent effectivement le conjoint de fait. Elles comprennent le conjoint de fait. Donc, ça, ces notions-là, sont bien interprétées par les tribunaux. Là où il y avait un hic, c'est le 30 ans et le trois ans avant 2012‑2013. Donc, on ne vient pas du tout atteindre ces notions-là. Elles sont bien balisées. Elles ne sont pas ambiguës. Elles ne font pas en sorte qu'on va échapper des situations dans le cadre de ces notions-là.

Et je peux même vous rassurer que les mots «préjudice corporel», bien qu'on a l'impression qu'on parle du physique, ça comprend un préjudice physique et un préjudice psychologique ou mental. Donc, on n'échappera pas de cas où il n'y a pas... On parlait des bleus au corps versus les bleus à l'âme, là. On n'échappera pas ces cas-là, ces préjudices-là qui découlent naturellement d'une violence sexuelle et... bon, les trois. Là, on est toujours dans le cadre des trois catégories que l'on discute et qui ont cette notion de complexité là, de cheminement et de parcours, disons-le comme ça, très propres à ces catégories d'actes là qu'on peut subir. Ce n'est pas juste un préjudice corporel, là. On pourrait... Ça l'inclut, mais pas «corporel» dans le sens «physique». «Corporel» n'est pas limité à «physique». «Corporel» est physique, psychologique, psychique, mental.

Il faut rassurer... Il y avait... Je pense que c'est les CAVAC qui sont venus nous dire : On espère qu'on n'échappera pas les traumatismes psychologiques, là. Pas du tout, et ça, c'est bien compris, c'est bien cadré. D'ailleurs, Me Chagnon est venue le dire également, que ces données-là, ces notions-là... et elle travaille dans ce domaine-là également, sur l'aspect plus juridique. Et je peux comprendre, quand on n'est pas un juriste... Et ce n'est pas un reproche, c'est une réalité. À l'instar de l'excuse et l'aveu où, dans le langage traditionnel, on dit : Bien, voyons, une excuse, c'est un aveu, là, on peut penser qu'à sa face même, quand on le lit, on interprète «corporel» comme «physique», mais «corporel», c'est l'ensemble de la personne, et l'ensemble de la personne, ça comprend sa psyché, son psychologique, si on veut. Donc, je veux juste rassurer là-dessus...

Mme David : ...dans le champ d'à peu près tous les possibles du moment qu'on est capables et qu'il y a une jurisprudence, puis, en tout cas, qu'on balise tout ça.

Mme LeBel : Oui, mais ça, c'est bien balisé par les tribunaux. Il n'y a pas de dérive.

Mme David : Et je comprends très bien qu'on ne peut pas se payer le plaisir intellectuel et la satisfaction d'avoir à parler de tout ça, parce que ce n'est pas l'objet de la loi, ce serait dans... Si on voulait refaire la loi, il faudrait la refaire, mais on s'en vient juste allonger, de façon indéterminée et infinie, le temps pour tout ça, qui est décrit ailleurs.

• (12 h 50) •

Mme LeBel : Oui, vous avez raison. Et, au-delà de la possibilité, ou du plaisir, ou de la pertinence de se questionner un jour sur l'arrimage de notre corpus législatif avec la charte, dans tous ses termes et ses finalités, de façon pratico-pratique, je pense que c'est l'inquiétude des CAVAC à laquelle il faut répondre le plus précisément. Oui, les victimes, naturellement, dans l'optique où elles répondent aux critères, là, de faire une preuve, on s'entend, n'auront pas à... Ce n'est pas simplement le dommage physique. Il y a aussi le dommage psychologique. Et c'est souvent... De toute façon, dans ces cas-là, les dommages qui sont présents, ce sont des dommages psychologiques, surtout 30 ans, 40 ans plus tard ou plus. Donc, pour rassurer les CAVAC, qui étaient beaucoup plus terrain, dans leur intervention, au niveau de la conséquence, on n'échappera pas de préjudice psychologique. L'ouverture est là.

Mme David : Si je peux juste me permettre, je pense que les CAVAC s'inquiétaient aussi que ça ne soit pas que les préjudices psychologiques suite à un sévice physique subi il y a 40 ans, mais que ça pouvait être des dommages psychologiques suite à un non-sévice physique, mais à une autre sorte de sévice, qui s'appelle psychologique, qui est inclus dans ce que vous dites, parce que violence subie, c'est assez large.

Mme LeBel : Tant que ça qualifie de violence sexuelle... de violence subie pendant l'enfance ou de violence par un conjoint ou un ex-conjoint. Naturellement, c'est ça, là. Je veux dire, une voie de fait subie par ton voisin n'entre pas dans l'imprescriptibilité. Il y a quand même un dommage... Il pourrait y avoir un dommage physique, un dommage psychologique de tout ça, mais là il y a une prescription qui... Je ne veux pas m'avancer, mais, 10 ans, c'est ça? J'allais dire 10 ans, ce n'est pas pire. Là, la prescription est de 10 ans. Mais là on n'a pas toute cette notion de cheminement qui est particulier à nos trois catégories d'infractions.

Mme David : Si j'ose une comparaison, là, on est dans le relationnel ici, tandis que, dans votre exemple du voisin, à moins que... on n'est pas nécessairement dans le relationnel.

Mme LeBel : Ce n'est pas la même interaction. Disons-le comme ça.

Mme David : Merci.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Labrie : Bien, en fait, je remercie la ministre de l'avoir clarifié, parce qu'effectivement hier on pataugeait un peu là-dedans. Puis, n'ayant pas non plus de formation juridique, d'emblée, ce n'est pas clair que «préjudice corporel» inclut aussi des préjudices d'ordre psychologique.

Donc, je trouve ça important... Je trouvais ça important que la discussion qu'on a eue hier hors micro soit de retour ici pour faire partie du Journal des débats et que toute victime comprenne que, si elle a subi des violences, par exemple, conjugales, même si c'était exclusivement psychologique, de l'ordre du harcèlement ou des menaces, ce type de violence, cette personne-là n'aura pas de délai de prescription et va être... va pouvoir exercer ses recours. Et je pense que, bon, là, on le clarifie ici. Il faudra le clarifier aussi dans toutes les entreprises, des communications, des changements à la loi qui vont suivre le changement à la loi pour informer les victimes de leurs droits. Il faudra s'assurer que c'est bien compris aussi, parce que quelqu'un qui irait juste lire le projet de loi tel qu'il est écrit ne comprendrait pas nécessairement que «préjudice corporel» englobe aussi, comme la ministre vient de le préciser, les bleus à l'âme, là, puis tout ça.

Donc, il faudra s'assurer que, dans les communications publiques, on transmet clairement ce message-là. Puis ça va être important pour les victimes, parce que, souvent, c'est ça qu'elles dénoncent, que ce n'est pas reconnu comme de la violence, par exemple, par les corps policiers ou, bon, par certains intervenants qu'ils rencontrent sur leur passage. Certaines dénoncent qu'on banalise ce type de violence là. Et l'intention ici, clairement, c'est de la reconnaître sur un pied d'égalité avec les autres. Il faut que ce soit transmis dans les communications.

Mme LeBel : ...d'ajouter, par contre, que, depuis 2013, là, on avait changé à 30 ans aussi, puis, avant, ça existait, mais c'était trois ans. Ce n'est pas ce sujet-là qui venait sur le tapis, de dire qu'on échappe des cas au civil, c'était vraiment le passage du temps, là. Mais c'est bien qu'on l'ait clarifié, vous avez raison, parce que ça a été soulevé par les CAVAC.

Donc, c'est important de dire que les préjudices ou les dommages psychologiques sont aussi couverts. Naturellement, il faut qu'on entre dans les trois catégories, là, parce que... mais, oui, vous avez raison. Mais il faut aussi préciser qu'on ne vient pas d'introduire ça aujourd'hui, là, cette notion-là. Ça fait quand même près de 10 ans minimum et un peu avant que cette notion-là existe. Et, quand on était dans le 30 ans, parce que c'est arrivé que des gens ont réussi, par leur cheminement ou par toutes sortes de raisons, de déposer dans les délais, là, bien, cette question-là d'interprétation du préjudice corporel puis des violences, ce n'était pas en cause, là.

D'ailleurs, Me Chagnon, je la ramène beaucoup parce qu'elle est dans la pratique, a bien dit que ces notions-là étaient quand même, jusqu'à présent, bien interprétées et qu'elles avaient la souplesse nécessaire pour coller à chaque cas de figure. Mais, oui, je pense que, compte tenu de ce que les CAVAC, je ne veux juste pas me tromper, sont venus dire hier, c'était important de le dire à voix haute que... et de rassurer qu'on ne leur enlève pas cette possibilité-là, mais, au contraire, ce qu'on vient leur donner, c'est du temps. On vient leur rendre tout le temps nécessaire qu'elles ont besoin.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Merci, M. le Président. Je veux revenir sur la question de la succession et l'exception si le défendeur est poursuivi pour sa faute ou à titre de commettant. Peut-être, c'est ça, pour les non-juristes qui nous écoutent, le cheminement, c'est qu'en droit civil vous pouvez être poursuivi si vous êtes l'employeur, l'association sportive, la congrégation religieuse, et tout ça, pour la faute de votre employé ou de la personne qui était sous votre responsabilité pour sa faute à elle, mais vous... puis vous pouvez, comme vous l'avez bien dit, être aussi poursuivis pour votre faute à vous si vous avez fermé les yeux, si vous avez été négligent, si vous n'avez pas mis en place les mesures pour empêcher que ça se produise.

Donc, théoriquement, pour se sortir de l'actualité qui pourrait nous occuper, une association sportive pourrait être poursuivie pour la faute de son coach qui a pu poser des gestes, des abus sexuels il y a des dizaines et des dizaines d'années, puis elle peut être poursuivie parce qu'elle a fermé les yeux, elle avait été avertie, puis tout ça, mais elle pourrait être poursuivie à double titre.

Donc, je comprends que ça, c'est l'imprescriptibilité. Il n'y a pas d'enjeu. Ce n'est pas la succession. Mais, pour être plus clair, est-ce que ça ne serait pas intéressant de dire : Pour sa propre faute ou à titre de commettant? Je vous soumets cette petite suggestion-là, là, dans le libellé, quand on dit : «...sous peine de déchéance [...] sauf si le défendeur est poursuivi pour sa faute ou à titre de commettant.» Je vous soumets ça parce que je trouve que ça enlève l'ambiguïté de la faute à qui. Peut-être, c'est juste moi qui vois une précision qui pourrait m'éclairer, là, mais est-ce qu'on parle de la faute de l'employé, de la faute de l'employeur? Donc, «à titre de commettant», ça, on le comprend, mais ce n'est pas à titre de commettant qu'on parle de sa faute, c'est à titre de... c'est sa faute propre.

Mme LeBel : D'ailleurs, dans le commentaire, on dit «pour sa propre faute», puis, dans le texte, on dit «pour sa faute».

Mme Hivon : Exact, puis vous l'avez dit dans l'autre texte que vous avez lu, «sa propre faute», puis je trouve que ça clarifie.

Mme LeBel : Oui, effectivement. L'idée, c'est que c'est vraiment pour sa propre faute, comme vous le dites. Maintenant, est-ce que c'est superfétatoire? On verra, mais est-ce qu'on peut peut-être suspendre, puis je pourrai voir avec...

Le Président (M. Bachand) : De toute façon, ce qu'on va faire, compte tenu de l'heure, on va suspendre les travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi. Ça va? Merci infiniment. On se voit tantôt.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise à 15 h 03)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Rebonjour. La Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande bien sûr à toutes les personnes d'éteindre la sonnerie de votre appareil électronique.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 55, Loi modifiant le Code civil pour notamment rendre imprescriptibles les actions civiles en matière d'agression à caractère sexuel, de violence subie pendant l'enfance et de violence conjugale.

Lors de la suspension de nos travaux plus tôt aujourd'hui, nous étions en discussion sur l'article 2, et la députée de Joliette avait la parole. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Oui. Je peux expliquer où on en était rendus, mais j'avais simplement suggéré que, pour que l'article, peut-être, gagne en clarté, on pourrait ajouter «sa propre faute» dans le libellé de l'article qui est proposé. Donc, c'était la proposition que j'avais faite.

Le Président (M. Bachand) : Mme la ministre, oui.

Mme LeBel : Oui. J'avais demandé qu'on suspende pour qu'on puisse l'examiner, effectivement, puis regarder le libellé, parce que le but était d'éliminer la confusion puis de savoir c'était la faute de qui finalement, et qu'effectivement, dans les commentaires, on disait «sa propre faute», alors que, dans le libellé de l'article, on ne disait que «sa faute», là. Et donc j'aurais, donc, considérant tout ça, un amendement à proposer. Je peux en faire la lecture.

Article 2. Dans le deuxième alinéa de l'article 2926.1 du Code civil proposé par le paragraphe 2° de l'article 2 du projet de loi, insérer, après «poursuivi pour sa», le mot «propre».

Je peux vous lire le commentaire mais, je pense, ça va aller.

Le Président (M. Bachand) : Ça va? Alors, le temps que ça circule, on va suspendre pour quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 04)

(Reprise à 15 h 07)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, vous avez tous reçu par Greffier... sur Greffier, pardon, l'amendement. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement proposé par la ministre? S'il n'y a pas d'autre intervention, est-ce que l'amendement à l'article 2 est adopté?

Une voix : ...

Le Président (M. Bachand) : Excusez-moi, vieux réflexe. Appel nominal, M. le secrétaire, s'il vous plaît, pardon.

Le Secrétaire : Pour, contre, abstention. Au nom du groupe parlementaire formant le gouvernement, M. Lévesque (Chapleau)?

M. Lévesque (Chapleau) : Pour.

Le Secrétaire : Au nom du groupe parlementaire formant l'opposition officielle, Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?

Mme David : Pour.

Le Secrétaire : Mme Labrie (Sherbrooke)?

Mme Labrie : Pour.

Le Secrétaire : Mme Hivon (Joliette)?

Mme Hivon : Pour.

Le Président (M. Bachand) : Alors, l'amendement à l'article 2 est adopté. On revient maintenant à l'intervention sur l'article 2 tel qu'amendé. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention, est-ce que l'article 2, tel qu'amendé, est adopté? M. le secrétaire, appel nominal.

Le Secrétaire : Pour, contre, abstention. Au nom du groupe parlementaire formant le gouvernement, M. Lévesque (Chapleau)?

M. Lévesque (Chapleau) : Pour.

Le Secrétaire : Au nom du groupe parlementaire formant l'opposition officielle, Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?

Mme David : Pour.

Le Secrétaire : Mme Labrie (Sherbrooke)?

Mme Labrie : Pour.

Le Secrétaire : Mme Hivon (Joliette)?

Mme Hivon : Pour.

Le Président (M. Bachand) : Alors, l'article 2, tel qu'amendé, est adopté. L'article 3. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Article 3 : L'article 2930 de ce code est modifié par le remplacement de «trois ans, 10 ans ou 30 ans, selon le cas, ne peut...» Non, je vais reprendre... L'article 2930 de ce code est modifié par le remplacement de «trois ans, 10 ans ou 30 ans, selon le cas, ne peut faire échec au délai de prescription prévu par le présent» par «un délai prévu par le présent livre, ne peut faire échec au délai de prescription prévu par ce».

Bon, l'article 2930 du Code civil propose une modification de concordance, compte tenu qu'on a modifié le 30 ans à l'imprescriptibilité, on y faisait référence, donc, dans l'article 2930, au délai de 30 ans découlant... prévu à l'article 2926.1 du Code civil et suggère un libellé évolutif afin de se prémunir contre tout changement futur dans les délais de prescription prévus par le livre huitième du Code civil, intitulé «De la prescription». Donc, on fait référence aux prescriptions prévues par le code, et, au lieu de les nommer, comme on le faisait à l'époque, en disant 10... c'était trois, 10 et 30... Comme ça, s'il y a d'autres modifications futures et, éventuellement, d'autres délais de prescription, on n'aura pas besoin de réajuster 2930. Il va suivre automatiquement les modifications. C'est un peu l'esprit, mais, dans les faits, c'est de la concordance avec 2926.1, c'est-à-dire l'article 2 qu'on vient de faire.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Vraiment, le présent livre, c'est un autre mot très juridique, ça, c'est des livres...

Mme LeBel : Du code, le livre, oui.

Mme David : ...qui s'appelle un livre. Bon, «...ne peut faire échec au délai [...] prévu par le présent...» Bon, bien, je ne sais pas si ma collègue de Vaudreuil est juriste aussi. Je vois que c'est assez clair.

• (15 h 10) •

Le Président (M. Bachand) : Interventions? S'il n'y a pas d'intervention, est-ce que l'article 3 est adopté? Par appel nominal, M. le secrétaire, s'il vous plaît.

Le Secrétaire : Donc, pour, contre, abstention. Au nom du groupe parlementaire formant le gouvernement, M. Lévesque (Chapleau)?

M. Lévesque (Chapleau) : Pour.

Le Secrétaire : Au nom du groupe parlementaire formant l'opposition officielle, Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?

Mme David : Pour.

Le Secrétaire : Mme Labrie (Sherbrooke)?

Mme Labrie : Pour.

Le Secrétaire : Mme Hivon (Joliette)?

Mme Hivon : Pour.

Le Président (M. Bachand) : Alors, l'article 3 est adopté. Article 4, Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Article 4 : L'article 2926.1 du Code civil, modifié par l'article 2 de la présente loi, s'applique à toute action en réparation du préjudice corporel résultant d'un acte pouvant constituer une infraction criminelle si le préjudice résulte d'une agression à caractère sexuel, de violence subie pendant l'enfance, ou de la violence d'un conjoint ou d'un ancien conjoint, et ce, sans égard à tout délai de prescription applicable avant l'entrée en vigueur de la présente loi.

C'est ce qui rend la fonction rétroactive. Donc, cette disposition vise à prévoir l'application de la nouvelle loi au passé pour permettre toute action en réparation du préjudice corporel résultant d'un acte pouvant constituer une infraction criminelle, si le préjudice résulte d'une agression à caractère sexuel, de la violence subie pendant l'enfance ou de la violence d'un conjoint ou d'un ancien conjoint, en faisant abstraction de tout délai de prescription applicable avant l'entrée en vigueur de la présente loi.

Donc, quand on fait une modification, habituellement, elle aurait été valable pour toutes les agressions ou les violences subies à partir de l'adoption du projet de loi, et les violences ou les agressions subies, là, j'escamote un peu les termes, mais les infractions ciblées, disons-le comme ça, qui auraient... qui ont eu lieu la semaine passée, ou il y a trois semaines, ou il y a un an, auraient été sous le régime du 30 ans. Cet article-là permet de rendre ça rétroactif.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Bien, l'affaire du trois ans, attends un peu, là, parce qu'il y a un... Ceux qui ont essayé de poursuivre après le 30 ans, qui ont été déboutés parce que ça faisait plus que 30 ans...

Mme LeBel : C'est l'article 5 qui va en parler.

Mme David : Qui s'en vient, mais qui n'a aucun rapport avec celui-là. Ça, ça s'adresse aux gens qui n'auraient jamais intenté de poursuites puis qui se réveillent tout à coup en disant : Ça fait plus que 30 ans, mais je n'ai jamais été au civil, mais là je peux y aller maintenant puis je n'ai plus à me préoccuper du temps. Est-ce que c'est bien ça?

Mme LeBel : Voilà, c'est ça. Le projet de loi fait deux choses, rend rétroactive l'imprescriptibilité... Et, même dans une mesure rétroactive, la mesure 5 est nécessaire, parce qu'il y a la notion de chose jugée. Et, chose jugée, ça veut dire qu'il y a déjà eu une décision judiciaire sur un fait. Et, même en rendant la... même en abolissant de façon rétroactive la prescription, ça ne vient pas réanimer les choses jugées, et c'est l'article 5 qui le fait pour une période déterminée.

Mais ça, ça fait en sorte que quelqu'un qui n'a jamais, jamais intenté de recours, même si l'acte est arrivé avant l'adoption du projet de loi, il va bénéficier de l'infini, pour le dire comme ça. Il va bénéficier de l'absence de prescription, alors que, si on ne rend pas la mesure rétroactive, la date de l'acte est importante parce que c'est la date de l'acte qui vient décider de la prescription. Et, si quelqu'un se réveillait dans 40 ans pour quelque chose qui avait été... qui était arrivé la semaine passée, à titre d'exemple, et qu'on n'avait pas l'article 4, c'est la prescription de 30 ans qui s'applique à lui, alors que, là, c'est la prescription de l'infini ou pas de prescription.

Mme David : Alors, en fait, c'est ça, c'est une immense prévoyance d'un geste arrivé à t moins un, t étant l'adoption de la loi moins un, disons. S'il n'y avait pas cet article-là, la personne aurait 30 ans même si c'est arrivé hier.

Mme LeBel : La personne bénéficie de la prescription qui est en vigueur au moment où l'acte est commis. Ça, c'est la règle générale.

Mme David : Voilà. Ça veut dire que tout ce qui est arrivé... Si on n'avait pas cet article-là, tout ce qui est arrivé serait limité encore aux 30 ans pour les choses qui sont arrivées à t moins un, et t moins deux, et t moins 30.

Mme LeBel : Donc, ça serait limité à 30 ans pour ce qui est arrivé entre 2013 et maintenant et à trois ans pour ce qui est avant 2013, parce qu'en 2013 le 30 ans n'a pas été rétroactif.

Mme David : Bien, c'est ça, c'est encore pire, O.K.

Mme LeBel : Donc, on aurait eu trois catégories de prescription, théoriquement.

<15379 Mme David : Trois catégories, c'est ça.

Mme LeBel : Là, on n'en a plus. On n'a plus de catégories. On n'a juste plus de prescription.

Mme David : Puis ceux qui auraient été infinis dans cet... S'il n'y avait pas l'article 4, ceux qui avaient... qui sont sous le coup de l'infini, c'est seulement à partir de t plus un, admettons, ou t plus une seconde.

Mme LeBel : Dans la règle applicable, en général, si cette mesure-là n'était pas là.

Mme David : O.K., ce qui ferait qu'il y aurait... Ça serait vraiment... On vivrait vraiment avec le 30 ans pendant très, très, très longtemps, là.

Mme LeBel : Je vais le dire avec beaucoup de modestie. Sincèrement, je pense que c'est la mesure la plus importante du projet de loi.

Mme David : Bien, j'en prends la mesure moi-même, là, la mesure de la mesure.

Mme LeBel : L'abolition de la prescription, pour le futur, elle est importante. Elle serait demeurée importante et elle serait demeurée pertinente, mais on vient en plus la rendre rétroactive. Et je pense que c'est le combo des deux qui rend ça... et je vais le dire moi-même, je vais me permettre de le dire moi-même, qui rend ça extraordinaire, je crois, et c'est très rare.

Mme David : Bien, j'allais dire un peu ça. Il faut bien que les gens comprennent, là. Si on n'avait pas l'article 4, la loi serait bien sympathique, mais pour dans 30 ans, où on ne sera plus en politique ni l'une ni l'autre fort probablement, et donc c'est loin longtemps, là.

Mme LeBel : Et, à titre d'exemple, les groupes qui sont venus témoigner hier... Le premier groupe qui est venu témoigner hier n'aurait pas... et la personne qui a témoigné en particulier aurait pu dire : C'est parfait pour le futur, mais ça ne change rien pour moi. Donc, les gens qui militent sont des groupes de victimes, donc, qui ont déjà subi l'infraction, donc, seraient demeurés avec le 30 ans depuis 2013, on s'entend, ou le trois ans, là. Mais donc c'est ça, là, qui est la grande mesure de tout ça.

Mme David : Bien, je n'ai pas d'autre commentaire, sinon que c'est une très bonne idée.

Le Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.

Mme Labrie : Merci. Effectivement, c'est un des articles les plus importants de la loi. C'est celui que je craignais de ne pas retrouver dans le projet de loi, parce que, quand ça avait été fait en 2013, à ce moment-là, bon, je n'y étais pas puis je confesse ne pas avoir suivi du tout les débats à cette époque-là, mais la décision avait été prise à ce moment-là que ça ne soit pas rétroactif, malheureusement, et ça avait... En tout cas, les victimes le qualifiait de grande injustice, là. Donc, je pense aussi que c'est un des articles les plus importants parce que ça va redonner des droits. Cet article-là redonne des droits, puis je trouve ça audacieux de le faire parce qu'à ma connaissance c'est assez rare que, quand on change la loi, on le fait de manière rétroactive. Mais c'était très, très important, dans ce cas-ci, de le faire. Donc, c'est apprécié.

Mme LeBel : Je dirais même rarissime, si je peux me permettre, pour être encore plus... mettre encore plus l'accent sur le fait que c'est exceptionnel, surtout pour un délai de prescription, bien, pour toute mesure, d'ailleurs, mais surtout pour... La rétroactivité, en droit civil, surtout pour un délai, elle est rarissime. Je vais le dire comme ça. Je n'ai même pas d'exemple. Il en existe certainement, là. Je ne veux pas dire «jamais», «jamais» étant trop affirmatif, mais c'est rarissime. Et, vous avez raison, c'est une des pierres angulaires qui a des conséquences, naturellement, mais qu'on est prêts à assumer.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Hivon : Oui. J'ai juste une question sur l'étendue, parce que ça aussi, c'est quelque chose d'assez essentiel, puis on n'en a pas parlé jusqu'à maintenant, là, mais c'est-à-dire que, quand on parle... «...le préjudice résulte d'une agression à caractère sexuel, de la violence subie pendant l'enfance, ou de la violence d'un conjoint ou d'un ancien conjoint...», je comprends que c'est quelque chose qui s'interprète largement, mais qui est balisé par une référence au fait que ce soit reconnu par une infraction criminelle claire.

Est-ce que la ministre aurait pu faire le choix d'étendre... c'est-à-dire, d'utiliser le même langage, mais sans relier ça à une infraction criminelle prévue au Code criminel, dans le sens où on a entendu des victimes nous parler, par exemple, de la violence psychologique, qui n'est pas, à proprement parler, reconnue dans le Code criminel? Le harcèlement criminel est reconnu. Et donc je me demande juste si la ministre aurait pu faire un choix différent ou si, selon elle, d'un point de vue de certitude juridique, il fallait absolument se rattacher aux assises du Code criminel.

• (15 h 20) •

Mme LeBel : Je vais répondre à deux niveaux. Je pense que, dans le but de l'exercice qu'on a fait, on s'est vraiment penchés sur la question de la prescription. Et je pense qu'il y a peut-être une réflexion plus large à y avoir, mais je pense que, dans le but recherché présentement, il faut s'attacher à des balises quelconques. Et je pense que de les rattacher présentement aux notions d'infraction criminelle, tel que vous l'avez très bien expliqué, parce que c'est exactement ça, je pense qu'il fallait le... Je pense que, dans un premier temps, c'est comme ça qu'il faut le faire. Puis c'est comme ça que ça a été fait, d'ailleurs, puis ça existe depuis 2012... 2013, je ne veux pas me tromper, 2013, d'ailleurs. Il faut le mentionner. Donc, en toute transparence, ce n'est pas là-dessus que la réflexion a eu lieu.

Maintenant, on a eu des commentaires hier sur une réflexion plus large... des notions de violence conjugale et des définitions. Je pense qu'on ne peut pas le faire dans le cadre du principe de ce projet de loi, pas parce que ce n'est pas intéressant, mais parce que ça va demander une réflexion, une analyse, une consultation. On a une définition de la violence conjugale qui est dans les politiques gouvernementales. Je pense qu'il faut y avoir une réflexion beaucoup plus large que ça puis peut-être... mais je pense que, pour les fins de l'objectif poursuivi par le projet de loi, ça remplit les objectifs. D'ailleurs, Me Chagnon est quand même venue dire que c'était... parce que je pense qu'on a eu cette discussion avec elle, sur l'ouverture, et tout ça. Elle a dit que ça donnait suffisamment de latitude au juge pour l'interpréter dans une situation particulière.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui, c'est ça. En fait, la raison... Je pense qu'on comprend tous que l'objectif du projet de loi, c'est de venir corriger la question de l'imprescriptibilité, et d'y aller de manière chirurgicale, en quelque sorte, et de se dire qu'il y a une réflexion beaucoup plus large à faire, et j'en suis. Puis je pense que les travaux de notre comité notamment vont y participer. Mais je veux aussi souligner que je comprends tout à fait ça puis le positionnement, parce que, si on ouvrait sur autre chose, on pourrait ouvrir sur plusieurs choses, et pas juste ça. Mais je pense quand même qu'entre 2013 et 2020 il y a eu une évolution aussi de la réflexion et de la compréhension sociale de tout le spectre des violences sexuelles et conjugales et de l'importance de reconnaître la violence psychologique.

Donc, je nous fais cette note à nous-mêmes et puis je pense qu'on se l'est déjà faite, mais, si ce n'est pas maintenant, il va falloir que cette réflexion-là se fasse, comme des groupes nous l'ont dit, et plus tôt que plus tard, parce qu'on pourrait passer à côté de certains objectifs qu'on poursuit, nous, comme élus, comme Assemblée nationale puis comme société aussi, sur la question de l'accompagnement des victimes puis de faire reculer les violences.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention, M. le secrétaire, veuillez procéder à l'appel nominal, s'il vous plaît.

Le Secrétaire : Au nom du groupe parlementaire formant le gouvernement, M. Lévesque (Chapleau)?

M. Lévesque (Chapleau) : Pour.

Le Secrétaire : Au nom du groupe parlementaire formant l'opposition officielle, Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?

Mme David : Pour.

Le Secrétaire : Mme Labrie (Sherbrooke)?

Mme Labrie : Pour.

Le Secrétaire : Mme Hivon (Joliette)?

Mme Hivon : Pour.

Le Président (M. Bachand) : L'article 4 est adopté. Merci. Article 5, Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Article 5 : Une action qui a été rejetée avant le (indiquer ici la date de l'entrée en vigueur de la présente loi) au seul motif que la prescription était acquise peut être introduite de nouveau devant un tribunal dans les trois ans suivant cette date si les conditions suivantes sont réunies :

1° il s'agit d'une action en réparation du préjudice corporel résultant d'un acte pouvant constituer une infraction criminelle;

2° le préjudice résulte d'une agression à caractère sexuel, de la violence subie pendant l'enfance, ou de la violence d'un conjoint ou d'un ancien conjoint;

3° cette action n'est pas prescrite par l'effet du deuxième alinéa de l'article 2926.1 du Code civil, tel que modifié par l'article 2 de la présente loi, à la date où elle est introduite de nouveau.

Une voix : ...

Mme LeBel : Parfait, désolée. Commentaire. Cette disposition vise à permettre la réouverture, dans les trois ans suivant l'entrée en vigueur de la loi, aux conditions qui y sont énoncées, des jugements rendus dans le passé à l'égard des matières rendues imprescriptibles par 2926.1 du Code civil, tel que modifié par l'acte 1... par l'article 1 du projet de loi. Le délai de trois ans correspond à la prescription de droit commun prévue par l'article 2925 du Code civil pour faire valoir un droit personnel.

Le Président (M. Bachand) : Ça va? Merci. Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme David : Bien, je trouve que ça a l'air bien intéressant. Je pense que ça m'apparaît évident qu'il faut un certain temps pour que celles qui n'ont pas eu droit à ça puissent y avoir droit. Est-ce que c'est trois ans? Est-ce que c'est quatre ans? Est-ce que c'est cinq ans? Je pourrais vous poser la question. Il me semble que ça a été discuté hier par je ne sais plus quel intervenant, là. Pourquoi trois ans? Pourquoi pas quatre? Pourquoi pas cinq? C'est un peu par curiosité, cette question du trois ans.

Mme LeBel : Bien, le délai de trois ans est le délai de droit commun, qu'on me dit, qui se retrouve habituellement pour établir... Donc, c'est un délai qui est bien connu. Mais il faut comprendre aussi qu'on parle... Et, je le disais un peu sur l'article précédent, on a deux exceptions ou deux choses inhabituelles ou exceptionnelles dans ce projet de loi là, c'est, d'ailleurs, donc, de rendre imprescriptible de façon rétroactive et de donner le droit de réouvrir des dossiers fermés, parce qu'il y a la notion de chose jugée.

Donc, même en rendant la prescription rétroactive, si on ne donnait pas le droit de reprendre les recours, ces gens-là qui ont eu des décisions basées sur le passage du temps, uniquement sur le passage du temps, n'auraient pas pu réouvrir même en rendant la prescription... en abolissant la prescription de façon rétroactive. La nuance qu'il faut y apporter ici, c'est que ces personnes-là, ces victimes-là étaient déjà prêtes à déposer. Le cheminement dont on parle sur la... L'argumentaire qui fait en sorte que l'on justifie de rendre ces actions-là imprescriptibles n'existe plus dans ce cas-là parce qu'elles avaient déjà déposé leur dossier.

Donc, il y a tout un cheminement. Le dossier est déjà prêt, bon, tout ça. Donc, il s'agit de réactiver une cause. Et la seule restriction, c'est que le motif unique de rejet soit la prescription, parce qu'il pourrait y arriver qu'un juge ait quand même regardé le dossier, au fond, et mentionné la prescription au passage, et, quand même, bon, c'est plutôt rare. Habituellement, on va... C'est plutôt rare, mais moi, je...

Tous les dossiers qui ont été jugés sur la prescription vont pouvoir être réactivés, mais il faut quand même dire que le motif unique, c'est la prescription. Je pense qu'il faut les cibler. Et ça donne un droit de réintroduire une action, donc, et ça vient rétablir l'équilibre entre les personnes. Je vais le dire ce cette façon-là. La même victime qui a été victime du même acte au même moment, qui n'aurait pas porté plainte à... qui n'aurait pas poursuivi à l'époque, a le droit de le faire par l'article 4, mais, si on n'avait pas l'article 5, la même victime qui aurait poursuivi en dehors des délais n'aurait plus le droit de le faire, mais l'article 5 vient rétablir cet équilibre-là.

Par contre, le bémol, c'est qu'il faut un certain équilibre. Il faut quand même garder une certaine stabilité. Donc, on leur dit : Vous aviez déjà porté une poursuite, vous étiez déjà rendu là, donc votre dossier, même, est probablement presque déjà prêt. Donc, on vous donne quand même trois ans pour le faire, et trois ans, c'est le délai de droit commun, là, qui se retrouve habituellement. Il y a des délais exceptionnels, mais c'est le délai.

Mme David : Oui. Alors, c'est comme ça que je l'aurais présenté moi aussi, c'est pour une équité, une justice entre les différentes victimes, une qui aurait porté plainte puis une qui n'aurait pas porté plainte, mais, on s'entend, pas au fond, mais pour une question de prescription.

Mme LeBel : Voilà.

Mme David : J'ai un mot qui me revient, puis on en a tellement parlé dans la précédente législature, le modèle de Philadelphie. C'étaient des policiers qui avaient décidé de ne pas retenir... des enquêteurs... de ne pas retenir des plaintes pour agression sexuelle ou tout ça, je ne sais pas si ça vous dit quelque chose...

Mme LeBel : On faisait l'analyse de ces dossiers-là.

Mme David : ...oui, et qu'on a permis, puis, à Philadelphie, ils l'ont fait, de réouvrir les dossiers pour dire : À la lumière de, bon, ce qui se passe... Puis on était... Je pense, on est toujours dans cette mouvance un peu du #metoo, c'était : Bien, est-ce que ça se pourrait qu'il y en ait qu'on ait mal jugés ou qu'on ait mal fait l'enquête ou tout ça? Alors, c'est comme si on... Dans le fond... Mais là je pense vraiment tout haut, là. Je vois une certaine... un esprit un peu semblable de donner une chance aux victimes d'être bien jugées en toute équité, que ce soit pour des raisons de... dans le modèle de Philadelphie, d'une enquête un peu sur des bases... qui ne croyait pas la victime. Il y a eu tous ces enjeux-là. Là, c'est sur la base : Bien, il faut que tout le monde ait la même imprescriptibilité finalement. Mais c'est comme si on a une attention plus, puis c'est une réflexion bien personnelle que je fais, sensible sur ce genre de victimes là.

Mme LeBel : Dans le fond, c'est pour leur permettre d'avoir leur dossier jugé sur le fond et non pas juste sur le passage du temps.

Mme David : Oui. Bien, merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Labrie : Merci. J'ai quand même une petite question là-dessus, parce que, la Protectrice du citoyen, elle recommandait cinq ans dans son rapport en 2017. Donc, je comprends les arguments de la ministre, là, pour se référer à, bon, un délai de trois ans qui serait plus courant. Quand même, ce qui serait important pour moi, c'est qu'on m'explique qu'est-ce qui va être fait pour que les personnes concernées soient informées de leurs recours.

Donc, est-ce qu'il va y avoir de manière systématique une façon d'entrer en contact avec elles pour qu'elles connaissent la nouvelle possibilité pour elles d'intenter un recours à nouveau? Est-ce que ça va plutôt passer par de la communication générale qui s'adresserait à tout le monde ou on va la cibler? J'aimerais ça aussi savoir si ça concerne beaucoup de personnes. Est-ce qu'il y a beaucoup de causes? Bon, si jamais on a de l'information là-dessus, est-ce qu'on parle de quelques cas qui se comptent sur les doigts ou est-ce qu'il y a des centaines de personnes qui sont concernées par... qui se sont vu refuser un recours pour motif de prescription?

• (15 h 30) •

Mme LeBel : En toute candeur, je n'en sais rien. On n'a pas de statistiques. Il faudrait faire une recherche par dossier et lire le jugement ou aller écouter le jugement pour voir les procès-verbaux. Je n'en sais rien. Je sais que ça concerne des dossiers. Je pense que... Je ne peux pas vous répondre de façon plus adéquate que ça, mais, pour moi, que ça touche une victime ou plusieurs, je pense que c'est une bonne chose.

Pour répondre un peu à ce que la Protectrice du citoyen, effectivement, elle avait dit, elle avait suggéré cinq ans. L'idée, c'est d'avoir un délai suffisant, mais elle a renvoyé un commentaire en disant que le trois ans, pour elle, était un espace-temps suffisant pour réintroduire une action. Donc, l'idée, dans sa recommandation, c'était de donner l'espace nécessaire à ces gens-là, et la possibilité de le faire, et elle considère que trois ans est un espace qui est adéquat, là.

Mais, pour répondre à votre question de statistiques, je n'ai pas... En tout cas, s'il existe présentement, je ne le connais pas, mais, non, je ne le sais pas.

Mme Labrie : Bien, parce que moi, je peux adhérer, là, aux arguments pour que trois ans soient suffisants, parce qu'effectivement la personne avait déjà monté son dossier auparavant. Moi, ça, ça me convient. Mais je veux quand même savoir ce qui est prévu pour informer ces personnes-là. Tu sais, quand même, par exemple, si... Bien, ce n'est pas vraiment un bon comparable, mais, tu sais, si une entreprise doit faire le rappel d'un produit, elle a quand même une responsabilité de prendre tous les moyens pour s'assurer que les personnes qui sont concernées ont l'information. Bon, là, on change la loi puis on donne une nouvelle possibilité aux personnes d'exercer des recours. Je pense qu'il faut quand même prendre tous les moyens de s'assurer que les gens vont être mis au courant. Ça fait que ça va être quoi, les moyens mis en oeuvre?

Mme LeBel : Bien, écoutez, il va y avoir de la publicité sur le projet de loi. Les Centres de justice de proximité, les CAVAC... Mais ces gens-là avaient des avocats à l'époque. Donc, les avocats vont être informés, vont pouvoir sûrement recontacter leurs clients. Donc, il y a plusieurs voies de communication qui sont possibles pour ça. Mais je vous dirais qu'une des voies qui va probablement les rejoindre le plus, c'est par le biais des avocats, à l'époque, aussi, là, mais on va faire de la publicité, là. On fait de la publicité. Juripop est là. Il y a les Centres de justice de proximité. Donc, c'est ça qu'on est conscients qu'il faut pour que cette mesure soit efficace, soit quand même connue en temps opportun. Je pense que c'est l'objet de votre...

Mme Labrie : Oui.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée de Joliette, ça va? Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.

Mme Nichols : Merci, M. le Président. Bien, la réponse... J'ai une réponse en partie à ma question. Je me demandais justement... Quand il y a chose jugée, là, par rapport au temps, je me demandais si on était capables d'évaluer à peu près le nombre de dossiers que c'était pour... Est-ce que... Je ne présume pas que les tribunaux vont être inondés, là, mais il y avait quand même des recours aux petites créances. Ça fait que je me demandais : Est-ce que ça va être traité aux petites créances, à la Cour supérieure?

Ça fait que, oui, la façon de rejoindre ces gens-là, c'est superimportant, parce que c'est un changement majeur puis c'est un changement... Comme on disait, là... Moi, je ne me souviens pas d'avoir vu un projet de loi avec une rétroactivité, là. Habituellement, c'est la date de la sanction qui applique la nouvelle loi. D'ailleurs, ça fait vivre des avocats, de dire : Vous allez avoir un avis juridique, à savoir ça s'applique-tu, ça ne s'applique pas... La date de la sanction est déterminante, là. Ça fait que c'est vraiment... réouvrir des dossiers fermés, non plus, je ne me souviens pas d'avoir vu ça. Mais c'est ça, moi, ma préoccupation, c'était plus de savoir : Ça va concerner à peu près combien de dossiers? Est-ce que ça va encombrer les cours de la façon que ça va être traité?

Mme LeBel : Je n'ai pas de chiffre exact, là, mais ça se chiffre en dizaines, pas en centaines puis en milliers, là. Ça se chiffre en dizaines, parce que je vous dirais que, la plupart du temps, les avocats informaient que c'était prescrit. Je veux dire, la prescription, surtout avant 2013, elle était assez simple, trois ans, là.

Donc, il y a probablement peu de personnes qui ont tenté le recours malgré le fait que c'était, de façon évidente, prescrit. Depuis 2013, le 30 ans était peut-être plus discutable compte tenu de la possibilité d'exprimer un délai supérieur à 30 ans de la date des préjudices. Donc, peut-être qu'il y a eu plus... mais ça ne se chiffre pas en milliers de dossiers, là. On n'est pas dans cette catégorie-là. Mais, malgré tout, c'est quand même une possibilité intéressante pour les gens qui l'ont vécu.

Puis, vous avez raison, il n'y a seulement que le Manitoba qui l'a fait, d'avoir donné la permission de réouvrir des dossiers fermés. Alors, on est quand même assez avant-gardistes non seulement sur l'abolition... Sur l'abolition de la prescription, on est moins les premiers, disons-le. Sur la... Non, mais on va le dire. On est rendus là, ça fait qu'on le fait. Bon, on est moins les premiers.

Sur la rétroactivité, ce n'est pas tout le monde qui le fait. Même ceux qui ont aboli la prescription, ce n'est pas tout le monde qui le fait rétroactif. Plusieurs ne l'ont pas fait, ont aboli la prescription, mais ne l'ont pas fait rétroactif. Et d'en plus donner la possibilité, même si elle ne touche que quelques centaines de personnes, de réouvrir des dossiers, c'est encore un pas de plus.

Donc, je pense que l'effet combiné de tout ça fait qu'ici on est en train de faire quelque chose qui est assez exceptionnel. Il faut le dire.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme David : Bien, justement, j'avais deux commentaires là-dessus.

Le premier, c'est qu'il y a au moins deux témoins, hier, ou groupes, qui sont venus dire qu'ils n'avaient même pas, à leur connaissance... Je pense, le groupe du regroupement, là, des personnalités et organismes... ont dit : Nous, on n'en a pas, je pense, d'exemples à vous apporter, de gens... Donc, ils n'avaient pas l'air à voir... à se bousculer aux portes, en tout cas. Puis, après, il y en a peut-être eu un autre.

Alors, je ne pense pas, effectivement, pour répondre à ma collègue, d'après ce qu'on a entendu hier... En tout cas, les CAVAC aussi, je pense, en ont parlé que ça va se bousculer, mais tant mieux pour ceux qui... Ça va peut-être réveiller des gens aussi qui...

Mais l'autre question, mais c'est... parce qu'on a du temps, et tout ça. Quand même, c'est intéressant de voir que c'est un double moment historique. D'abord, c'est vrai qu'on n'est pas les premiers. On est... J'oserais dire qu'on est plutôt dans la queue du peloton des provinces à faire l'imprescriptibilité. Disons-le comme ça. On est plutôt dans la queue du peloton, je pense. Je me demande si on n'est pas les derniers. Mais on est la seule à faire la rétroactivité. Donc, vous dites... Et puis là c'est quand même frappant, parce qu'on pourrait dire : Vous ferez l'histoire, Mme la ministre, de dire qu'il n'y en a aucun autre qui aurait mis une mesure rétroactive, que, même dans votre carrière, vous n'en avez jamais vu, de rétroactivité, sur aucune prescription, pas seulement dans ces matières-là, mais aucune.

Ma question. Donc, qu'est-ce qui vous... Je trouve que ça vaut la peine que les gens entendent sur qu'est-ce qui vous motive à briser le moule, à faire l'histoire avec ça puis à dire : Moi, j'y crois tellement que je vais être la première, probablement, au Canada, même, à rendre ça rétroactif, admettons, au Québec, il y a...

Mme LeBel : Bien, je n'irai pas prendre tout le crédit d'une rétroactivité dans cette matière-là, O.K.? Dans cette matière-là, on n'est pas les seuls. Mais il est exact de dire que, malgré tous ceux qui l'ont fait avant nous, pas tous l'ont mis rétroactif. Disons-le comme ça. Là où on est vraiment seuls en tête, avec le Manitoba, c'est la réouverture des dossiers.

Donc, nous, on a la combinaison des trois présentement. On rend imprescriptible... On rend rétroactif l'imprescriptibilité. Et, en plus, on donne l'occasion, pour, naturellement, une catégorie ciblée, de réouvrir des dossiers qui ont été fermés, jugés... fermés par les tribunaux, donc jugés. Je pense que c'est ce qui me motive... C'est ce qui nous motive, toutes les quatre, et c'est ce qui nous a motivées, toutes les quatre, à mettre ensemble un comité conjoint sur cette ouverture de possibilités là, l'éventail des possibilités, pour les personnes, sur le passage du temps, sur cette compréhension-là de plus en plus fine. Nous, on est un pas en avant parce qu'on y travaille depuis longtemps. Mais cette compréhension-là, qui commence à percoler aussi sur la nature particulière du cheminement...

Et c'est là que vous devenez plus experte que moi de par votre formation. Mais, sur la nature extrêmement particulière du cheminement de ces personnes dans ces matières-là, sur le fait que le passage du temps, qui pourrait nous faire penser : Bien, voyons donc, pourquoi elle a attendu si longtemps?, et qui pourrait même, à la rigueur, faire douter de l'existence de l'acte, bien, on est ailleurs présentement dans notre réflexion à nous quatre, puis je pense que... dans une réflexion beaucoup plus large, parce que je pense que ça percole dans la société, là.

On va... Je pense qu'il faut regarder en avant puis être positif aussi. Je pense que ça percole de façon positive dans la société... de cette compréhension d'une réalité, d'un cheminement, d'un impact, d'une façon de voir différente, du fait qu'on peut, surtout chez les hommes... Ils l'ont dit, hein, surtout chez les hommes, où on est... en plus, on l'enfouit peut-être beaucoup plus, et que ça fait des fois un trauma, ça fait que ça ressurgit par la suite, et ce n'est pas parce qu'on y a pensé ou on a ruminé pendant 30 ans, mais on n'y a justement pas pensé pour pouvoir survivre et vivre, et que, 30 ans ou 40 ans plus tard, il y a quelque chose qui fait ressurgir tout ça.

Donc, je pense que c'est cette volonté-là de donner à ces personnes-là plus d'accès puis d'ouvrir l'éventail de leurs possibilités... Tout le monde est conscient, moi la première, que c'est un pas, mais je pense que c'est un pas nécessaire, et chaque pas, de toute façon, est un pas important pour elles, là.

Mme David : Bien, si je comprends bien, si j'ai encore deux minutes, M. le Président, c'est ce trio, c'est cette addition des trois mesures qui rend ça si... je n'aime pas le mot, là, mais si performant, efficace et aidant pour les victimes. Mais, je n'ai pas rêvé, vous avez quand même dit : Ce retour, cette rétroactivité, je ne l'ai jamais vue dans ma carrière dans d'autres lois ou dans d'autres... C'est ça que j'essaie de comprendre, pourquoi... Je comprends que ce soit superimportant ici, là. Je n'ai pas besoin d'être convaincue.

• (15 h 40) •

Mme LeBel : Bon, on va y aller... essayer d'y aller très largement. On est dans le Code civil. Notre droit est codifié. Ailleurs, c'est la common law. Je le sais, que ça va... Je vais avoir l'air de parler japonais pour vous, mais... puis je le fais... mais je le fais en toute candeur, là, parce que c'est... Même pour quelqu'un... Moi, je suis une criminaliste. Donc, je ne suis même pas une civiliste. Et c'est des notions qui sont assez particulières.

Je dis qu'en matière de retour dans le temps en matière d'agression sexuelle, je généralise, on l'a fait ailleurs, mais on ne l'a pas fait ailleurs pour des centaines d'autres types de prescriptions. Mais, dans le Code civil, parce que, là, il faut parler de notre code à nous, notre tradition civiliste... Je ne le sais pas, si, dans la common law, c'est plus fréquent de rendre des prescriptions rétroactives. Je ne le sais pas. Mais, dans notre tradition civiliste, je me suis bien gardée de dire «jamais», mais j'ai dit : C'est rarissime, c'est rarissime.

Et moi, je ne me souviens pas d'en avoir vécu un dans ma carrière, un projet de loi qui rendait une prescription... qui abolissait quelque chose de façon rétroactive. Je ne dis pas que ça n'a jamais existé, parce qu'il a pu y en avoir une qui n'est pas... passée sous mon radar parce que ça ne faisait pas partie de ma pratique, mais je pense qu'on peut convenir que c'est rarissime, surtout dans notre tradition civiliste. Et je sais que ma collègue de Joliette est beaucoup plus civiliste que moi dans sa formation. Elle pourra probablement le confirmer, mais, même en droit criminel, quand on change les sentences, c'est souvent pour l'acte qui va être commis... C'est rarement rétroactif. On le fait pour le futur.

Donc, le principe de la rétroactivité n'est pas inexistant, mais il est extrêmement rare. C'est une question de stabilité juridique. Et là je vais rentrer dans quelque chose qui va complètement vous ennuyer, puis moi aussi, donc, mais c'est rare. Je ne pourrais pas dire jamais, parce que quelqu'un va sortir : Bien oui, il y a... mais c'est très rare, très rare.

Mme David : Autant on trouve ça ultrapertinent pour la cause qui nous occupe maintenant pour... autant on se demande : Si vous ouvrez cette brèche formidable, «brèche» est un mot un peu péjoratif, mais cette ouverture-là, si ça n'a jamais été fait avant, il doit y avoir des bonnes raisons pour ne pas l'avoir fait. Et vous n'êtes pas en train de dire que ça pourrait être fait dans plein, plein, plein d'autres dossiers. Je vous interprète. Peut-être que je me trompe, mais, si c'est rarissime, c'est que 99,9 % des autres endroits où il n'y a pas de rétroactivité sur la prescription, ça serait pour des bonnes raisons, ou, alors, vous devenez une sorte de modèle et vous ouvrez la voie à une réflexion, dans le monde de la justice, sur : Est-ce qu'on a raison de ne jamais rendre rétroactif, ou très, très, très rarement, comme vous dites, de façon rarissime... Mais je m'écarte, parce que ce n'est pas l'objet de notre... Mais vous avez vraiment piqué ma curiosité sur le fait que nous faisions là une chose rarissime.

Mme LeBel : Disons que je vais faire un appel à la prudence à chaque fois qu'on va penser rendre une chose rétroactive et de prendre le temps de réflexion nécessaire.

Mme David : Bonne réponse politicojuridique.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Vaudreuil, vous voulez ajouter quelque chose?

Mme Nichols : On est en train de former une avocate, là.

Mme LeBel : Oui, c'est ça. Elle a raté sa carrière, finalement, hein? On le disait.

Mme Nichols : Oui, c'est ça. L'article 5, là, on parle du seul motif... qui est la prescription, là. Ça, ça a le mérite d'être clair. Puis aussi, bien, on va mettre... Ça parle des trois conditions qui doivent être réunies, là. Ça fait que ça aussi, peut-être que, tu sais, il y en a qui vont s'essayer, à l'effet que les trois conditions ne seront peut-être pas réunies, mais il va peut-être en avoir deux pour essayer d'ouvrir la porte à un recours, là. Ça fait que je pense que la façon qu'il est libellé, là, les trois conditions, là, sont... doivent faire partie de l'ensemble. C'est correct. C'était juste un commentaire plus qu'une question.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. D'autres interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention, M. le secrétaire, veuillez procéder à l'appel nominal, s'il vous plaît.

Le Secrétaire : Donc, pour, contre, abstention. Au nom du groupe parlementaire formant le gouvernement, M. Lévesque (Chapleau)?

M. Lévesque (Chapleau) : Pour.

Le Secrétaire : Au nom du groupe parlementaire formant l'opposition officielle, Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?

Mme David : Pour.

Le Secrétaire : Mme Labrie (Sherbrooke)?

Mme Labrie : Pour.

Le Secrétaire : Mme Hivon (Joliette)?

Mme Hivon : Pour.

Le Président (M. Bachand) : Donc, l'article 5 est adopté. Article 6. Mme la ministre.

Mme LeBel : Je vais me permettre un clin d'oeil extrêmement sympathique à ma collègue de Marguerite-Bourgeoys. Je pense que l'article 6 va être beaucoup plus limpide pour vous.

Mme David : ...niveau de compréhension, oui.

Mme LeBel : C'est vraiment une blague, là. Donc, la présente loi entre en vigueur le (indiquer la date ici de la sanction de la présente loi).

Le Président (M. Bachand) : Interventions? S'il n'y a pas d'intervention, M. le secrétaire, veuillez procéder à l'appel nominal, s'il vous plaît.

Le Secrétaire : Pour, contre, abstention. Au nom du groupe parlementaire formant le gouvernement, M. Lévesque (Chapleau)?

M. Lévesque (Chapleau) : Pour.

Le Secrétaire : Au nom du groupe parlementaire formant l'opposition officielle, Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?

Mme David : Pour.

Le Secrétaire : Mme Labrie (Sherbrooke)?

Mme Labrie : Pour.

Le Secrétaire : Mme Hivon (Joliette)?

Mme Hivon : Pour.

Le Président (M. Bachand) : L'article 6 est adopté, ce qui met fin à l'étude détaillée. Nous en sommes maintenant à l'étude du titre du projet de loi. Est-ce qu'il y a des interventions? Pas d'intervention. M. le secrétaire, veuillez procéder à l'appel nominal, s'il vous plaît.

Le Secrétaire : Pour, contre, abstention. Au nom du groupe parlementaire formant le gouvernement, M. Lévesque (Chapleau)?

M. Lévesque (Chapleau) : Pour.

Le Secrétaire : Au nom du groupe parlementaire formant l'opposition officielle, Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?

Mme David : Pour.

Le Secrétaire : Mme Labrie (Sherbrooke)?

Mme Labrie : Pour.

Le Secrétaire : Mme Hivon (Joliette)?

Mme Hivon : Pour.

Le Président (M. Bachand) : Donc, le titre est adopté. Alors, je propose que la commission adopte une motion d'ajustement des références. M. le secrétaire, veuillez procéder à l'appel nominal, s'il vous plaît.

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. Alors, pour, contre, abstention. Au nom du groupe parlementaire formant le gouvernement, M. Lévesque (Chapleau)?

M. Lévesque (Chapleau) : Pour.

Le Secrétaire : Au nom du groupe parlementaire formant l'opposition officielle, Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?

Mme David : Pour.

Le Secrétaire : Mme Labrie (Sherbrooke)?

Mme Labrie : Pour.

Le Secrétaire : Mme Hivon (Joliette)?

Mme Hivon : Pour.

Le Président (M. Bachand) : Adopté. Merci beaucoup.

Remarques finales

Nous sommes maintenant rendus aux remarques finales. Alors donc, je cède la parole à la porte-parole du troisième groupe d'opposition. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Donc, ce fut une étude détaillée très diligente. Et donc je suis heureuse qu'on ait pu approfondir les petites questions qu'on pouvait encore avoir à la suite, notamment, des auditions qu'on a eues hier. Et je suis heureuse aussi de voir les deux petits changements qui ont été apportés par la ministre à la suite de ce qu'on a entendu et de nos suggestions, du côté de l'opposition, pour clarifier vraiment la portée du texte puis essayer de limiter toute ambiguïté.

Alors, je ne m'étendrai pas davantage, puisque nous avons encore deux opportunités de discourir de ce projet de loi de six articles dont nous parlons depuis des années, et abondamment depuis quelques jours, aujourd'hui ou demain, au salon bleu. Donc, merci à tout le monde. Merci aux collègues, à la ministre, à toute son équipe pour nous avoir soutenus dans les dernières heures pour ce projet de loi là.

Le Président (M. Bachand) : Merci infiniment. Je cède la parole à la porte-parole du deuxième groupe d'opposition. La députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.

Mme Christine Labrie

Mme Labrie : Merci. Bien, je pense qu'on vient de faire la preuve ici qu'un bon projet de loi peut être adopté très rapidement sans bâillon. Donc, je trouve ça important de le souligner. Le projet de loi, il avait été bien préparé. Il répondait aux attentes des groupes qui s'étaient manifestés depuis des années et des années pour enfin obtenir cette modification législative là. Donc, quand le projet de loi est bien préparé et qu'il répond aux attentes, il peut cheminer rapidement.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Maintenant, la porte-parole de l'opposition officielle. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.

Mme Hélène David

Mme David : Bien, je joins ma voix à mes collègues. Je pense que, dans notre travail ensemble, c'est un jalon de plus, une pierre de plus dans notre édification d'une volonté, je pense, du Québec et de la législature actuelle, je pense, de vraiment bouger et de vraiment faire des choses qui vont faire avancer les dossiers en matière de violence sexuelle, violence conjugale, violence dans l'enfance.

Alors, on travaille ensemble depuis plusieurs mois. Ce projet de loi a été bien préparé. Ce n'est pas parce qu'il est court qu'il a demandé moins de travail et moins de réflexion. Il fallait quand même avoir cette audace et cette conviction que ce dossier méritait les articles qu'il contient, notamment les amendements que la ministre a apportés, et qui témoignent évidemment d'une écoute sur deux, peut-être, petits enjeux qui sont survenus et qui, ma foi, ont été sujets à une grande ouverture de la part de la ministre. Et donc ça nous a permis d'avancer assez promptement.

Et puis c'est vrai qu'on va avoir l'occasion d'en reparler à deux autres reprises, mais on ne dira jamais assez combien ce travail est important pour toutes les victimes. Et c'est important, pour une ministre de la Justice aussi, d'avoir tous les outils pour dire qu'elle fait avec nous, j'ose croire, avec nous, avancer la société en termes de justice sociale et de traumatismes vécus par tellement de victimes.

• (15 h 50) •

Le Président (M. Bachand) : Merci infiniment. Mme la ministre de la Justice.

Mme Sonia LeBel

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Écoutez, je suis extrêmement heureuse qu'on en soit rendus où on en est rendus dans ce projet de loi là, bien que petit, qui soit d'une très grande importance. D'ailleurs, je veux remercier mes collègues de Chapleau... la députée de Les Plaines, également, d'avoir travaillé avec moi sur ce dossier-là, mais je suis particulièrement satisfaite et heureuse de l'avoir fait avec vous, mesdames, la députée de Marguerite-Bourgeoys, Sherbrooke et Joliette, parce qu'on travaille déjà sur d'autres aspects. Et, je l'ai dit d'entrée de jeu, bien qu'il ne découle pas du comité, il découle du même esprit, du même esprit sur lequel nous travaillons, et je pense que ça fait partie de ça, et merci beaucoup. Et merci aussi à la députée de Vaudreuil d'avoir été là. Je pense que vous avez, oui, c'est ça, vécu avec nous quand même quelque chose où...

Je pense que c'est assez... C'est important puis ça été... Ça s'est fait de la façon dont ça devait se faire, c'est-à-dire dans le respect des victimes, mais pas dans le respect mutuel parce qu'on en a déjà un, respect mutuel, mais dans le respect de l'objectif de ce projet de loi qui n'est pas pour nous, mais qui est pour les victimes. Et je pense que de la façon dont... On l'a fait rapidement, effectivement, mais nos discussions, de toute façon, démontrent bien le souci qu'on a de... et la délicatesse de ces sujets-là, et l'importance de s'y adresser. Et souvent c'est peut-être par des mesures, et je vais reprendre une expression de ma collègue de Joliette, des fois chirurgicales et ciblées qu'on atteint justement un effet, et, des fois, c'est dans ces petites mesures là qu'on fait des grands pas aussi. Donc, il ne faut pas les négliger. Je pense qu'ils sont importants. Mais ça ne nous empêche pas de continuer à progresser. Puis cette réflexion-là, on l'a d'ailleurs à travers le comité que l'on partage. Donc, merci.

Merci à l'équipe du ministère qui s'est quand même virée de bord, en bon français, de façon assez rapide, hein? Il ne faut jamais perdre de vue que le projet de loi a été déposé il y a maintenant une semaine, et, en une semaine, on a fait le principe, la consultation et l'étude article par article. Il reste encore deux étapes que l'on... que, plus le temps passe, plus j'ai bon espoir qu'on va les compléter ensemble d'ici la fin de la semaine, mais, bon, il ne faut pas vendre la peau de l'ours... Donc, on verra, mais on est tous... Je sais qu'on est tous disponibles pour le faire. Donc, ce n'est pas parce que notre volonté n'y est pas, disons-le comme ça.

Donc, merci à tout le monde. Merci à l'équipe du ministère. Merci à mes collègues. Merci à Caroline qui a travaillé avec moi là-dessus. C'est un long processus, mais on y est enfin arrivées.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Moi, j'aimerais vous remercier, mais vous féliciter puis vous dire que ça a été un grand privilège de présider l'étude du projet de loi, grand privilège. Merci.

Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux sine die. Merci.

(Fin de la séance à 15 h 52)

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