(Onze heures cinquante minutes)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! Bonjour, bienvenue.
Content de vous retrouver. Ayant constaté
le quorum, je déclare la séance de la Commission
des institutions ouverte. Comme vous
le savez, je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de
bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi n° 55, Loi
modifiant le Code civil pour
notamment rendre imprescriptibles les actions civiles en matière d'agression à
caractère sexuel, de violence subie pendant l'enfance et de violence
conjugale.
Avant de débuter, M. le secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme David
(Marguerite-Bourgeoys) remplace Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne); Mme Nichols (Vaudreuil) remplace Mme Weil
(Notre-Dame-de-Grâce); Mme Melançon (Verdun) remplace Mme Robitaille
(Bourassa-Sauvé); Mme Labrie (Sherbrooke) remplace M. Fontecilla
(Laurier-Dorion); et Mme Hivon (Joliette) remplace M. LeBel
(Rimouski).
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Avant de commencer, je vais vous faire part d'une
motion adoptée par l'Assemblée nationale ce matin, qui prévoit ce qui
suit :
«Que, lors des séances de la Commission des
institutions tenues d'ici le 12 juin 2020 — donc incluant celle
d'aujourd'hui — inclusivement
au cours desquelles cette commission procédera à l'étude détaillée du projet de
loi n° 55, [...]tous les votes se tiennent par appel nominal, étant entendu que lors d'un tel vote, le vote exprimé par
le député ministériel désigné par le leader du gouvernement à cette fin vaut
pour l'ensemble des députés ministériels membres
de la commission et le vote exprimé par le député de l'opposition officielle
désigné par le leader de l'opposition officielle à cette fin vaut pour
l'ensemble des députés de l'opposition officielle membres de la commission et
que, le cas échéant, les noms de ces députés apparaissent au procès-verbal de
la séance.»
Nous allons donc procéder ainsi pendant l'étude
détaillée du projet de loi aujourd'hui.
Remarques
préliminaires
Alors, nous allons débuter maintenant avec les
remarques préliminaires. Mme la ministre, vous disposez de 20 minutes.
Mme Sonia LeBel
Mme
LeBel : Merci, M. le Président. Merci à mes collègues de l'opposition,
la députée de Marguerite-Bourgeoys, de Vaudreuil, de Sherbrooke et de
Joliette. On est ici réunis déjà au lendemain des consultations. Je pense qu'il
faut le noter, parce que
c'est assez exceptionnel, exceptionnel de façon positive, d'ailleurs. Et, si on
est capables de le faire, c'est parce qu'on a la collaboration de toutes
les personnes qui sont ici, à la commission parlementaire. Sinon, on ne peut pas le faire et le pousser si rapidement, de
façon seule, du côté de la banquette ministérielle. Donc, merci beaucoup,
parce que je sais que ça vous tient à coeur.
Et on peut
maintenant commencer l'étude détaillée de ce projet de loi qui va rendre
notamment imprescriptibles les actions
civiles en matière d'agression à caractère sexuel, de violence subie pendant
l'enfance et de violence conjugale. Donc, je le disais, il a cheminé
rapidement depuis jeudi passé. On a fait les étapes de façon rigoureuse, mais
accélérée, quand même. Et on est ici, là, réunis, et j'espère, et je souhaite,
et je sais que c'est la volonté partagée de toutes ici qu'on puisse réussir à
l'adopter d'ici demain finalement, qui est la fin de notre session
parlementaire, la fin de la semaine, et pour ça... pour que les victimes
puissent bénéficier de cette nouvelle possibilité, parce qu'on parle d'ouvrir
l'éventail des possibilités le plus rapidement possible.
Donc, peut-être un petit rappel, quand même, des
principes que le projet de loi n° 55 vise. On souhaite rendre imprescriptible l'action en réparation du préjudice
corporel résultant d'un acte qui peut constituer une infraction
criminelle lorsque le préjudice résulte d'une agression à caractère sexuel, de
violence subie pendant l'enfance ou de violence
d'un conjoint ou d'un ancien conjoint. Donc, notre objectif est d'offrir aux
victimes l'espace et le temps nécessaires pour cheminer et ne pas se
trouver privées d'un outil qui pourrait être essentiel pour elles. D'ailleurs,
c'est un choix qu'elles ont, on s'entend, qui serait relié à un compte à
rebours et au passage du temps.
Donc, on en a
parlé abondamment. On peut en parler encore. Je pense, c'est important pour les
gens de comprendre qu'il y a des particularités, une complexité
particulière dans ces genres d'infractions là qui sont visées par le projet de
loi, qui demandent souvent un cheminement particulier pour ces victimes-là, qui
peut... Ce n'est pas inhabituel
que ce soit sur un nombre élevé d'années. Des fois, d'avoir même le loisir d'en
parler autour de soi et de se l'avouer à voix haute, ça prend du temps.
De là à se rendre devant les tribunaux pour exposer son dossier à un juge, on
est encore dans des étapes subséquentes qui peuvent prendre beaucoup de temps
et de cheminement, et je pense qu'il faut respecter cette particularité-là, et
il était temps que le Québec se mette à la bonne page sur cet aspect-là.
Le projet de
loi est très ciblé, on l'a dit. Je ne pourrais pas mieux le résumer que par les
paroles de ma collègue la députée de Marguerite-Bourgeoys, qui dit qu'on
parle de 30 ans à l'infini. C'est vraiment l'objectif du projet de loi,
c'est de toucher à la prescription qui existe déjà depuis longtemps au Code
civil, depuis 2013, pour 30 ans, mais précédemment à trois ans. On se le
dira, c'est un historique très rapide. Et ce ne sont pas les fondements mêmes
et les notions mêmes du Code civil qu'on
vient toucher, qui existent depuis longtemps, c'est vraiment la prescription
elle-même.
Et c'était une demande qui était sur la table et
poussée par les groupes de victimes depuis longtemps. Puis je rappellerai qu'en consultations, d'ailleurs, ces
groupes-là et les avocats qui les accompagnent se sont déclarés entièrement
satisfaits du projet de loi. Et même Me Chagnon, qui est dans le domaine,
nous a dit qu'il rencontrait présentement les besoins qui étaient mis de
l'avant de par le fait de la levée de la prescription et de par aussi les
notions qui sont véhiculées. Elle n'y voyait pas de problème et elle est dans
la pratique, il faut se le rappeler.
Donc, on a
entendu beaucoup de choses hier, beaucoup de satisfaction, aussi quelques
petits éléments. J'aurai peut-être un amendement à vous proposer sur un
élément particulier. Au départ, quand on commencera, on pourra le faire
circuler. Mais je pense qu'on est toutes et tous ensemble sur une très bonne
piste. Je pense ne pas me tromper en disant que, malgré... pas malgré, mais,
même parmi les consultations particulières d'hier, le projet de loi faisait
l'unanimité dans son ensemble. Donc, j'ai bien hâte de commencer les
discussions plus précises avec mes collègues. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) :
Merci infiniment. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, vous avez la parole.
Mme Hélène David
Mme David : Oui, merci
beaucoup, M. le Président. Alors, rebonjour à courte échéance. On n'a pas le
temps de s'ennuyer beaucoup. Et puis, je le répète, on aime beaucoup travailler
les quatre ensemble. Ça aura vraiment été l'année
des quatre députés autour des violences sexuelles et conjugales. Et je pense
que ça méritait bien cette intensité de travail là après tant d'années
où les victimes attendent, attendent et attendent, et je pense que, là, il
était temps. Le momentum est là.
Et ce projet
de loi, justement, sur l'imprescriptibilité arrive à point nommé par rapport
aux autres, aussi, démarches qu'on
est en train de faire avec le groupe de travail sur les violences conjugales,
sur les violences sexuelles, avec toutes sortes de questions autour des
victimes. Que ça soit le... pas la table, mais la commission parlementaire sur
le proxénétisme et l'exploitation sexuelle, que ça soit la commission d'enquête
sur la protection de la jeunesse, on sent une sensibilité très importante de la
part de la population et de la part, je pense, des élus aussi, de plus en plus,
de parler de ces questions-là.
Puis, justement, ce projet de loi parle, et c'est
paradoxal, du silence. Alors, on parle beaucoup du silence, en fait, et ce
silence-là peut rester très, très, très longtemps. Et c'est pour ça que j'ai
parlé d'infini, parce que ne serait-ce que de savoir si tu es une victime et
que tu es dans le silence...
Puis on a eu
des exemples touchants hier d'un groupe qui a dit... dans le réseau des
organismes et personnalités en faveur
de l'abolition du délai de prescription, d'un père, d'un mari qui
a dévoilé, évidemment, un abus, une violence sexuelle, quand il
était très jeune, à une personne, je me demande si ce n'était pas un des deux
messieurs, là, qui travaille pour ce réseau, et il était devant sa femme, et
puis il n'avait jamais parlé à sa femme de ça, et ça dit long sur le silence,
sur le fait de porter tout seul ce fardeau-là.
Et, ceux qui nous écoutent et qui sont dans ce
silence depuis très longtemps, je pense qu'on leur envoie le message non seulement
qu'il y aura une imprescriptibilité, donc pouvoir porter plainte au civil, ça,
ce qui est quelque chose de concret, de se donner le pouvoir d'avoir une action
concrète, mais ça donne aussi, puis ça, ça a été dit aussi hier, la possibilité à la personne, au moins, de se dire : Ils
ont compris, le gouvernement a compris, les élus ont compris, le
législatif a compris que ce genre de souffrance là n'avait pas de temps
prescrit, et juste de savoir ça... Et on nous l'a dit hier, savoir ça, sans
aller nécessairement porter plainte, en soi, c'est un soulagement.
Donc, M. le Président, on est vraiment très heureux...
En fait, ce n'est pas un bon mot, mais je pense que c'était de notre
devoir et responsabilité de regarder en face ce problème-là, cette souffrance
et ce silence qui n'a pas de date de péremption, mais qui avait, légalement,
une date de péremption, comme si on disait : Après 31 ans, tu n'es
plus supposé souffrir de ça, ou alors : Écoute, là, tu as pris un peu trop
de temps pour décider à porter plainte. Ça ne se passe pas comme ça dans le temps psychique, dans le temps psychologique...
ou alors d'avoir à faire la démonstration que ça t'a pris plus que
30 ans parce que, finalement, tu es allé en thérapie puis que, là, ça a
travaillé beaucoup, beaucoup, puis là tu as
fait des deuils, puis tu as fait ta colère, puis tu as fait ton angoisse, etc.,
puis tu as dit : Je pense que je voudrais aller porter plainte.
Alors, il faut que tu aies le fardeau de la preuve que... C'est à ce moment-là
que les 30 ans peuvent être allongés. On enlève toute cette
responsabilité.
• (12 heures) •
Alors, je pense que, pour toutes sortes de
groupes, que ce soient, évidemment, les minorités, les minorités racisées, les femmes autochtones, les personnes en
situation de handicap, les enfants, des adultes qui ont vécu des choses très difficiles quand ils étaient enfants, la
violence conjugale... Ça touche très, très, très large, et, si on avait pu avoir plus de temps, évidemment, pour rencontrer tous ces
groupes-là... Il y en a qui ont été déçus de ne pas pouvoir venir et qui
seraient bien venus, en nous disant des choses sûrement très touchantes.
Je pense à Femmes autochtones du Québec, par
exemple. Il y a le Barreau, aussi, du Québec qui nous a envoyé quelque chose. Il
y a la Protectrice du citoyen qui en a sûrement long à dire aussi. On a eu la
chance d'avoir la Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse qui est venue hier. Le
Réseau des CAVAC est venu justement nous parler de tous les enjeux de ce
projet de loi... mais de témoignages très touchants de MM. Lessard et
Richard, dont je parlais tout à l'heure, du réseau des organismes et
personnalités en faveur de l'abolition du délai de prescription, de la
Pre Rachel Chagnon du département de sciences juridiques de l'UQAM.
Donc, ça, ce sont les gens qui se sont
manifestés en disant : On vous envoie un mémoire ou on voudrait bien
venir, mais c'est à... le délai est trop court, ou d'autres qui sont venus,
mais tous ces gens-là participent de la même volonté
inébranlable que nous puissions adopter
ce projet de loi le plus vite possible. Et je pense qu'on est, d'un commun
accord, prêts à travailler aussi longtemps qu'il faudra aujourd'hui, jusqu'à
tard ce soir, si jamais... bon, pour passer à travers ces articles-là qui,
selon ma compréhension...
Moi, M. le Président, qui ne suis pas juriste...
et je sais que c'est un domaine où on peut avoir des longues, longues discussions sur des mots, des virgules, et
le poids des mots est important, c'est sûr, mais j'espère qu'on pourra
arriver tous ensemble à enfin rendre aux victimes quelque chose qui, d'après
moi, leur est dû, c'est-à-dire le pouvoir de
libérer leur parole sans contrainte de temps. Même, et je le répète, s'ils ne
vont pas directement en recours au civil, ou encore moins au criminel, ils ne veulent pas nécessairement... mais
ils savent, en leur for intérieur, quand on adoptera ce projet de loi là, qu'ils ont le temps qu'ils
désirent, et ce temps-là n'a pas de temps, M. le Président. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Sherbrooke, s'il
vous plaît.
Mme Christine Labrie
Mme Labrie :
Merci. Écoutez, je vais être assez brève. Je dois dire que je suis contente
qu'on soit déjà rendus à l'étude détaillée de ce projet de loi là. J'ai
trouvé que ça a pris du temps, malgré un consensus clair, avant que le projet
de loi soit enfin déposé, mais maintenant on avance rapidement. Puis, pendant
que je trouvais le temps long, j'avoue que j'ai craint qu'on nous arrive
finalement avec un projet de loi qui était peut-être un peu dilué ou qui ne
répondait pas totalement à ce qui était demandé par les victimes.
Et j'ai été ravie de constater que l'ensemble
des groupes nous ont plutôt dit que c'était un projet de loi qui répondait
entièrement à leurs demandes et qui les satisfaisait, et, même, plusieurs
groupes sont allés plus loin et nous ont recommandé des actions subséquentes
qu'on pourrait entreprendre pour faciliter le parcours des victimes, et je
trouve ça encourageant pour notre travail déjà qu'on nous émette des pistes de
solution comme ça. Je le vois comme un signe qu'ils sentent qu'ils ont une
oreille attentive, et que le momentum est bon, le contexte est bon pour qu'on
continue d'aller de l'avant pour mieux respecter les victimes dans leur
processus de guérison. Donc, j'ai bien pris note
de tous les commentaires qui ont été faits non seulement sur le projet de loi, mais aussi sur
d'autres avenues qu'on pourrait entreprendre pour mieux respecter les
victimes.
Et donc c'est
tout ce que j'ai à dire pour l'instant. Je pense qu'on a bien pris connaissance
de ce que les groupes nous ont dit et qu'on est prêts à travailler.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, s'il
vous plaît.
Mme
Véronique Hivon
Mme
Hivon : Merci
beaucoup, M. le Président. Donc, je suis très heureuse également de pouvoir débuter aujourd'hui,
de manière rapide et rapprochée dans le temps par rapport au moment du dépôt du
projet de loi, l'étude détaillée.
Vous savez, je pense qu'avec ce projet de loi là
on a un exemple qu'on peut faire d'énormes changements dans la société avec quelques
articles de loi à peine. Et c'est réjouissant de voir qu'on est sur le point de
faire advenir un grand changement, et, comme, je pense, on est plusieurs à
l'avoir dit depuis hier, qui n'est pas uniquement lié à la règle, en soi, très
juridique de l'imprescriptibilité, mais également lié à un message fort, qu'on
fait une priorité de la reconnaissance des
souffrances et de la réalité des victimes de violence sexuelle, de violence
dans l'enfance, de violence conjugale.
Et puis, moi,
c'est quelque chose qui me rassure beaucoup, de voir qu'au-delà
du comité de travail, dans lequel je pense qu'on collabore très bien,
les élus, de manière transpartisane, pour l'accompagnement juridique,
notamment, mais un peu plus large, les victimes de violence sexuelle et
conjugale, ça continue à cheminer de plein de manières. On l'a vu avec la mise
sur pied d'un service d'accompagnement chez Juripop. On n'a pas attendu juste
au dépôt du rapport du comité d'experts qui nous accompagne là-dedans. On le
voit aujourd'hui, parce que la ministre a répondu à son engagement et dépose,
avant la fin juin 2020, un projet de loi qu'on va travailler de manière
rapide.
Donc, je pense que
tout ça... J'espère que les victimes et les gens qui se battent pour la
reconnaissance des violences sexuelles, conjugales sentent qu'il y a une
volonté réelle de faire bouger les choses. Et ceci ne veut pas dire qu'on ne va
pas amener tout le souci qu'il faut au travail qui nous occupe, mais je pense
qu'en ce moment de travailler de manière rigoureuse est vraiment la chose à
faire. Puis on l'a entendu de la bouche, hier, de MM. Lessard et Richard,
de dire qu'il y avait des victimes qui attendaient ça et qui avaient extrêmement
peur que ça ne soit pas adopté même rapidement, parce
qu'un décès peut survenir, l'écoulement du temps fait encore des ravages, et
certains pourraient être privés de leurs
droits qu'ils souhaitent exercer, et d'autres personnes qui ont pu abuser
pourraient également décéder.
Donc, je pense qu'on
a une responsabilité très grande de travailler de manière rigoureuse et
diligente sur le fond des choses. Je pense qu'on a vu qu'il y a un très grand
consensus, là, une unanimité sur le bien-fondé du projet de loi. Donc, c'est
réjouissant. C'est rare qu'on voie ça, quand même.
Et
par ailleurs il y a quand même des questionnements qui sont venus sur certains enjeux
spécifiques du projet de loi. Je pense notamment aux questions de
l'excuse versus la reconnaissance de la faute. Donc, juste avoir des... Il va falloir avoir un peu de
clarifications par rapport à ça. Évidemment, la fameuse question qui nous a occupés
hier soir, du préjudice corporel, est-ce que c'est quelque chose qui peut
limiter, donc, l'indemnisation et la réparation des victimes? Puis, je dirais, peut-être
aussi des éclairages sur la question de l'impact pour les successions avec la
limite du trois ans, donc, de bien comprendre si ça peut avoir un effet
limitatif, je dirais, indu sur les victimes...
Donc,
on va avoir l'occasion, je pense, de bien avancer puis d'avoir des réponses à ça,
mais j'aime bien annoncer les choses.
Comme ça, si, des fois, il y a déjà des... dans l'équipe de la ministre,
il y a déjà des choses à prévoir, je peux dire que mes questions vont
pouvoir porter autour de ça. Donc, je suis très heureuse qu'on débute les travaux
tout de suite.
Le Président (M. Bachand) : Merci
beaucoup. Est-ce qu'il y a d'autres
interventions du côté du parti ministériel,
interventions du côté de l'opposition? Mme la députée de Vaudreuil.
Mme
Marie-Claude Nichols
Mme Nichols :
Merci, M. le Président, de me donner l'opportunité d'adresser peut-être
quelques mots. Évidemment, je ne fais pas partie du comité de travail,
mais c'est remarquable de voir les compliments que vous vous adressez l'une et
l'autre. Donc, on sent bien qu'il y a une certaine chimie. Et enfin on sent
tout le dévouement pour cet enjeu-là ou pour le sujet en particulier.
Alors, tout simplement,
c'est un court projet de loi, le projet de loi n° 55. On le sait, il y a
six articles, disons cinq, parce que le dernier, c'est pour la date d'adoption.
Disons qu'il y a cinq articles, un court projet de loi, mais avec une portée vraiment,
là, très, très, très importante, et dans les différents domaines. Moi, j'ai une
formation... Ma collègue a une formation de psychologue. Moi, j'ai une
formation de droit, et j'ai pratiqué le droit familial, et je vous dirais que,
dans le contexte de la pandémie, là, je pense que c'est un projet de loi qui
devient encore plus important.
Puis je fais une
parenthèse. Vous avez été très général dans vos propos, mais je me permets de
faire un clin d'oeil à des citoyens de mon
comté qui... Pendant la pandémie, j'en ai eu, des cas de violence conjugale.
C'est vraiment triste. J'ai eu des cas de DPJ, des jeunes... Bien, j'ai
eu des cas de violence conjugale où j'ai décidé d'intervenir à titre personnel.
Donc, je suis certaine que de voir leur député ou de voir les députés qui sont
ici aujourd'hui travailler sur un projet de
loi comme ça, dans un délai très court... Je suis certaine que des citoyens
reconnaîtront et apprécieront le travail qu'on est en train de
faire. Donc, je voulais faire un petit clin d'oeil, là, pour dire que ça a une
portée importante dans les 125 comtés, évidemment, là, à l'ensemble du Québec.
Et je remercie les
groupes qui se déplacent, qui participent. Comme on sait, là, ce n'est pas
évident dans le contexte de la pandémie, mais je remercie tous ces groupes-là
qui se déplacent. C'est sûr qu'on comprend qu'il y en a qui ont manqué de
temps, parce qu'il faut s'asseoir, il faut le rédiger, le mémoire. Il y en a
d'autres qui sont venus nous le lire de façon un peu plus rapide, mais qui sont
venus s'expliquer. Donc, merci à tous ceux-là. Sachez qu'on est très... On
prend le temps de le regarder. Puis ça joue évidemment dans nos têtes puis ça
joue dans la façon qu'on travaille le dossier.
Donc,
je sens cette volonté réelle et je suis très contente de me joindre à votre
groupe pour l'étude détaillée de ce court projet de loi.
Étude détaillée
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, Mme la députée. Avant d'aller à
l'étude détaillée, est-ce qu'il y aurait des motions préliminaires?
S'il n'y a pas de motion préliminaire, je mets en délibération l'article 1
du projet de loi. Mme la ministre, la parole est à vous. Je vous invite à lire
et expliquer l'article 1.
• (12 h 10) •
Mme
LeBel : Oui, merci, M. le Président. Article 1 : Le Code
civil du Québec est modifié par l'insertion, après l'article 2853,
du suivant :
«2853.1. Une excuse
ne peut constituer un aveu.
«De plus, elle ne peut être admise en preuve, avoir
d'incidence sur la détermination de la faute ou de la responsabilité,
interrompre la prescription ou annuler ou diminuer la garantie d'assurance à
laquelle un assuré ou un tiers a droit.
«Constitue notamment
une excuse toute manifestation expresse ou implicite de sympathie ou de
regret.»
Cette disposition
introduit dans le Code civil, au livre de la preuve, le principe de la protection
juridique des excuses pour en favoriser la présentation. Les excuses peuvent en
effet constituer une partie importante de la quête des personnes victimes vers la guérison. Cette disposition précise
également ce qui constitue une excuse. Cette modification vise de plus à
harmoniser le droit applicable au Québec avec celui de la majorité des autres
provinces et territoires canadiens.
J'ai
également un amendement à présenter sur cet article, M. le Président. Article 1 :
À l'article 2853.1 du Code civil proposé par l'article 1 du
projet de loi, supprimer, dans le dernier alinéa, «notamment».
Commentaire.
Cet amendement vise à retirer le terme «notamment» pour éviter toute difficulté
d'interprétation quant à la
définition d'une excuse, puisque sont englobées, dans l'expression «toute
manifestation expresse ou implicite de
sympathie ou de regret», toutes les formes de manifestation de sympathie ou de
regret, incluant le fait pour quelqu'un
de se dire désolé ou tout autre acte ou expression invoquant de la contrition ou la
commisération que l'acte ou l'expression constitue ou non un aveu
explicite ou implicite de faute dans l'affaire en cause. Le libellé englobe, dans son style propre au droit civil, toutes les
formes d'excuses qui sont plutôt énumérées dans un style caractéristique
à la common law dans les lois des autres
provinces. Le droit québécois s'harmonise ainsi avec le droit de celles-ci
sans distinction autre.
Et ça répond à la préoccupation que la CDPDJ a
mentionné hier dans son témoignage, dans son mémoire, sur l'aspect des excuses.
Donc, j'arrête là, mais on peut en discuter, de l'amendement.
Le
Président (M. Bachand) :
Alors, je vous rappelle que vous avez reçu un courriel que tous les amendements
ou sous-amendements devraient être envoyés par courriel. Alors, à chaque amendement,
on va suspendre le temps de regarder l'amendement ou le sous-amendement. Alors,
nous allons suspendre quelques instants.
Mme LeBel : On va suspendre.
Le Président (M.
Bachand) : On va suspendre quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 13)
(Reprise à 12 h 14)
Le Président (M.
Bachand) : Alors, à l'ordre, s'il vous
plaît! La commission reprend ses travaux. Je vous rappelle que les amendements et sous-amendements seront sur Greffier.
Alors donc, quand qu'on va revenir en direct, on va vous aviser... C'est pour vous aviser que vous pouvez consulter
l'amendement ou le sous-amendement sur Greffier. C'est facile à trouver.
C'est beau? Alors, Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Oui. Alors, sur
l'amendement, M. le Président...
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, je pense que la
ministre a eu raison de voir venir et de... Ça va encore plus raccourcir nos
discussions, mais je suis contente, parce que je pense que ce «notamment», avec
le mot «toute», et j'ai ressorti la définition d'Antidote, correspond
exactement à la définition de «pléonasme». Alors, je pense que nous étions dans
le pléonasme. C'est-à-dire que c'est deux mots qui répètent sensiblement la
même chose. Et, quand on dit «notamment toute excuse», je ne veux pas faire de
la linguistique, mais je pense qu'on n'avait pas besoin du mot «notamment» et
que ça nous simplifie la vie et pas seulement l'article.
Alors, je suis, moi, évidemment d'accord avec
ça. Probablement que ma collègue va avoir des raisons moins linguistiques et
peut-être plus légales. Mais j'aime beaucoup faire de l'étude détaillée, parce
que les mots prennent vraiment tout leur
sens, et là, «notamment toute manifestation», il y a quelque chose là-dedans...
Bon, «toute manifestation», c'est déjà pas mal large. Alors, ce n'était
pas une phrase qui se tenait en termes littéraires, disons ça comme ça.
Maintenant, moi, là, j'ai une question. Comme
si... Et je suis sûre, Mme la ministre, que, s'il y a des gens qui nous écoutent, là... Je vais plaider, peut-être, ma
grande, grande, grande inculture légale ou innocence, là, mais
expliquez-moi en termes simples, là : Une excuse ne constitue pas un aveu.
Dans ma tête à moi de citoyenne, si je m'excuse d'avoir tué quelqu'un, bien, je
suis pas mal en train de dire que j'ai tué quelqu'un parce que je m'excuse de quelque
chose. Complément d'objet direct : Je m'excuse de quelque chose, j'ai tué quelqu'un.
«Je m'excuse», ça, ça vient après l'avoir tué. Je suis dans quelque chose de
pas très drôle, là. Ça pourrait... Mais là on est dans du pas drôle non plus,
là : Je m'excuse d'avoir abusé sexuellement, je m'excuse d'avoir battu ma
femme.
Donc, je vous le dis comme je le comprends. Le
«je m'excuse», au civil... Puis là cette femme-là est très soulagée qu'il s'excuse, mais il y a toujours
bien un complément d'objet direct qui vient après. Il s'excuse de quelque chose, d'avoir battu sa femme.
Alors là, je suis sûre que tout ça est très appuyé légalement, mais peut-être,
pour le bénéfice, là, du monde non juridique et du monde surtout qui sont
victimes de tout ça... Il faut qu'ils comprennent ce que ça veut dire, cet
article 1 là, puis je ne suis pas sûre que je serais la bonne personne
pour leur expliquer. Alors, c'est plate de voter un article sans être capable
d'en parler.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la ministre, s'il vous
plaît.
Mme LeBel : Oui. Alors, chère collègue,
dans le langage général, je vais le dire, dans la vraie vie, vous avez tout à fait raison, quand on s'excuse de quelque
chose, c'est parce que c'est une
forme d'admission de l'avoir fait. Bon, des fois, on peut
être désolé des conséquences sans admettre de l'avoir fait, mais, en général,
je m'excuse d'avoir... On va être dans l'anodin, là. Je m'excuse d'avoir
fait tomber ton téléphone cellulaire, bien, j'admets l'avoir fait tomber. On
s'entend, là, donc. Et je prends une forme totalement anodine. Dans ces circonstances-là,
on peut considérer, dans le langage populaire, que l'excuse est un aveu, et
c'était effectivement ça qui était le problème.
Donc, par une, je vais dire, fiction juridique,
on vient mettre autour de l'excuse une espèce d'immunité, si vous voulez, si on
peut le dire comme ça, une protection pour ne pas qu'elle se retourne contre
l'agresseur, parce qu'elle fait partie d'un processus quelquefois... pas quelquefois,
souvent très nécessaire. Et souvent les victimes nous disent... Et même moi, je
l'ai eu, comme procureure de la couronne... où il y avait des dossiers de
violence conjugale devant la cour, et, des
fois, les victimes me disaient : Maître, s'il pouvait juste admettre ce
qu'il m'a fait, je serais déjà
satisfaite, moi, c'est ce que je recherche, c'est la reconnaissance du tort qui
m'a été causé.
Naturellement, là, le domaine criminel est un
autre domaine, mais, dans le même domaine, civil, bien là les avocats entrent
en jeu. On l'a dit, hein, bien, il ne peut pas s'excuser. Elle va pouvoir s'en
servir contre lui dans une poursuite civile.
Il ne peut pas s'excuser. Ça va devenir un aveu, parce que, dans la vraie vie,
dans le langage populaire,
dans la majorité des cas, on peut peut-être avoir de l'imagination puis imaginer
une excuse tellement alambiquée qu'elle ne pourrait pas servir, là, mais une
excuse devient un aveu.
Et, comme on
a... Je vais prendre aussi l'exemple, qui est peut-être un peu plus large et
détaché, de chefs de gouvernement qui voudraient s'excuser d'actions
commises par les gouvernements passés, là... et que se font recommander par leurs légistes de ne pas le faire,
parce que le gouvernement se mettrait, à ce moment-là, à risque d'être poursuivi parce qu'il aurait admis les torts du
gouvernement, alors que, dans le processus, l'excuse est la finalité,
est ce qui est recherché.
Donc, ça fait en sorte de... Ça ne va pas
écarter tous les aveux, là. On parle de l'excuse qui est encadrée par cette chose-là, et je pense que c'est très nécessaire.
D'ailleurs, les victimes sont venues le dire hier. Dans le processus de guérison, de recevoir une
excuse, de recevoir une reconnaissance, par l'agresseur de l'acte, qu'on a subi...
je cherchais... le préjudice... Et, vous avez raison, on vient créer, je vais dire,
une fiction juridique où on détache la logique, si on veut, pour être capables
de donner une bulle de protection à cette avenue-là, qui peut faire partie d'un
des outils de guérison pour les victimes. Et souvent, souvent, souvent, dans
les processus, pas toujours mais souvent, dans les processus, la finalité,
c'est l'excuse souvent qu'on souhaite obtenir. On les voit dans les processus
de justice réparatrice également, hein?
Mme David :
Ça, je le comprends très bien, M. le Président, et j'adore la comparaison
avec «je suis désolée». On peut
être désolé que vous ayez chaud dans cette salle-ci ce matin, ça ne veut pas
dire que c'est de ma faute, là. C'est la faute de la salle ou je ne sais
pas quoi. Ça, ça va. «Je suis désolée», ce n'est pas la même chose. Je suis
désolée pour vous qu'il vous soit arrivé un accident de voiture. Mais je
m'excuse, ça veut dire «je m'excuse». C'est personnalisé.
Et je comprends tout à fait le bout où c'est
tellement libérateur pour une victime d'entendre ça. Ça, je n'ai aucun problème
et je suis complètement d'accord. Mais là peut-être que ma question... je me
mêle de ce qui ne me regarde pas. C'est-à-dire, en droit criminel, comment ça
se fait que, si le criminel... je n'aime pas trop ce mot-là, mais, en tout cas,
la personne coupable s'excuse, jamais un avocat au criminel ne pourra
dire : Bien, vous vous êtes excusée, donc vous l'avez fait?
• (12 h 20) •
Mme LeBel : Non, mais ça ne couvre
pas le droit criminel, là.
Mme David : Je le sais.
Mme LeBel : Donc, l'excuse n'est pas
protégée, là. S'il s'excuse, ça pourrait devenir un aveu dans la cause
criminelle. On n'a pas la compétence ici... C'est au Code criminel qu'il
faudrait introduire cette notion d'excuse là. Là, on est dans les actions civiles.
De la même façon... Je vais vous donner la même protection... De la même façon
que nous avons une protection, nous, au salon bleu contre les actions qui
pourraient être intentées en diffamation ou en... pour ce qu'on dit au salon
bleu... Si on les dit en dehors du salon bleu, c'est une chose. Mais, si
j'admets au salon bleu que j'ai tué quelqu'un, je n'ai pas de protection, là.
En tout cas, j'espère que non, là.
Mme David : Mais ça veut dire que la
victime...
Mme
LeBel : Donc, il n'y a
pas de protection au criminel. On est vraiment dans le cadre du Code civil. Il faut
recadrer la notion de l'aveu. Elle ne pourrait pas servir de preuve ou
d'élément contre l'agresseur dans le cadre d'une procédure civile. C'est sûr
que ça ne vient pas tout régler. J'en suis consciente, mais c'est le pas que
nous pouvons faire dans notre juridiction. Il faut le comprendre. Et ça ne
vient pas mettre les agresseurs à l'abri. Et là c'est sûr qu'il y a une...
Je vais être encore plus large, si vous
permettez, puis je ne veux pas vous couper la parole. Il y a une petite
confusion dans le sens des genres, parce que, présentement, on parle de deux
notions. L'excuse, aussi, peut être plus large que les trois articles, les
trois agressions que l'on vise, là. Elle n'est pas introduite au Code criminel
juste pour les trois notions : d'agression sexuelle, de violence subie
pendant l'enfance puis de violence. Elle est introduite dans tout le Code civil.
C'est sûr qu'elle va être beaucoup plus délicate, cette notion-là, dans le
cadre des trois infractions, parce qu'elles sont aussi très interreliées avec
la notion d'infraction criminelle. Mais nous, on peut travailler sur le Code civil, là. On peut faire des représentations au fédéral. On peut parler du Code
criminel. Mais on n'en est pas là. Je ne veux pas... Les agresseurs ne
se mettront pas à l'abri de poursuites criminelles parce qu'ils font des
excuses en vertu de cet article-là.
Mme David : Ils ne se mettront pas à
l'abri, mais, inversement, la victime qui reçoit les excuses peut dire : Bien là, il s'excuse, donc là je pense que ma
cause est encore meilleure au criminel, je vais décider d'aller au criminel
porter plainte.
Mme LeBel : Théoriquement, elle
pourrait être utilisée au criminel. On est dans le Code civil. Je ne veux pas
rentrer dans la confusion, mais on est au Code civil. C'est important de le
préciser.
Le Président (M.
Bachand) : J'ai la députée de Sherbrooke, oui.
Mme Labrie : Bien, je suis contente
que ça ait été clarifié parce que c'est une question que je voulais poser
justement. Je comprends l'avantage pour les victimes de cette disposition-là,
parce que ça leur permet de peut-être recevoir des excuses qui constituent
effectivement un élément très, très important dans leur processus de guérison.
Mais je me demande si on va atteindre l'objectif recherché, dans la mesure où,
finalement, peut-être que l'agresseur s'expose encore plus à une poursuite
criminelle en le faisant. Je fais juste poser la question.
Mme LeBel : Je pense qu'on va
l'atteindre, peut-être pas dans un spectre extrêmement large, mais je pense
qu'on va l'atteindre dans le cadre de mesures de justice réparatrice qu'on
pourrait mettre en place dans le processus pénal
ou dans l'accompagnement du processus pénal, parce que, là, il y a d'autres
moyens de faire en sorte d'encadrer les aveux. Puis je pense que ça
pourrait être dans une discussion de d'autres moyens d'action. C'est sûr qu'on
ne peut pas tout faire dans le Code civil, là, je veux dire, et j'en suis
consciente, mais c'est un pas au niveau de certaines actions.
Mais il faut la voir aussi d'une façon beaucoup
plus large, la notion d'excuse du Code civil. Elle vise plus que ces trois
infractions-là qui sont... Quand je parle des trois infractions, naturellement,
c'est celles qu'on vise dans la règle d'imprescriptibilité. Elle est dans toute
les notions du Code civil. Et il y aura certainement moyen de faire en sorte
que les excuses soient satisfaisantes et moins dommageables, mais vous
comprendrez que je ne peux pas... Un, on n'est pas dans l'idée de mettre à
l'abri toutes les notions d'aveux potentiels ou d'excuses, déclinaisons
d'excuses du Code criminel, parce qu'on ne veut pas donner de l'immunité aux agresseurs, mais on veut fournir
un outil de plus, qui est, oui, effectivement, à portée restreinte, on
ne peut pas dire le contraire, mais qui est déjà plus que qu'est-ce qui
existait avant, là.
Donc, on progresse puis on pourra voir justement
à... j'allais dire «à l'usage», ce n'est peut-être pas le bon terme, là, mais,
avec le passage du temps, quel va avoir été l'effet positif. Mais c'est quand
même une ouverture qui a été saluée. Puis je pense que les avocats qui
entouraient les groupes de victimes sont très au courant de la nuance entre le
civil et le criminel, là, et ils se déclaraient également satisfaits de cette ouverture-là.
Est-ce que ça règle tout? La réponse est non. Mais on est dans un pas... Là, on
vient de franchir une première barrière, disons.
Mme Labrie : En fait, je suis
satisfaite que ça n'empêche pas une poursuite au criminel. Je pense que ça
aurait été problématique, même, si ça avait eu cet impact-là. Je fais juste,
bon, modérer mes attentes par rapport au potentiel de justice réparatrice que
ça pourrait avoir, mais, bon, effectivement, les groupes s'entendaient sur le
fait que c'était une bonne disposition. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Joliette, s'il
vous plaît.
Mme Hivon : Oui.
Je voulais juste savoir ce que la ministre répondait spécifiquement au fait
qu'hier la commission des droits a soulevé que, par une espèce d'effet un peu
pervers, quelqu'un pourrait plaider ou argumenter éventuellement
que, face à quelque chose qui serait considéré comme un aveu, ce n'était justement
pas un aveu, mais des excuses. Donc, on tourne un peu en rond... mais que ça
pourrait peut-être avoir un potentiel de nuire même à la collecte ou à l'utilisation
de véritables aveux, parce que la personne dirait : Non, non, non, ce
n'est pas du tout un aveu, la manière que je l'ai formulé, puisqu'on prévoit
une manifestation expresse ou implicite, c'était quelque chose que j'ai dit, mais ce que je voulais dire, ce n'étaient
pas des aveux, c'étaient des excuses, puis tout ça. Donc, je voulais
juste savoir comment la ministre et son équipe analysaient ce risque-là.
Mme LeBel : Je pense que le
risque était encore plus grand avec le «notamment». Au-delà de la linguistique,
le risque était rattaché d'ailleurs... Et je ne veux pas... C'est mon souvenir,
là, d'ailleurs, c'est hier, donc c'est assez frais, mais le risque était
rattaché au «notamment», particulièrement au fait qu'on nous disait... La CDPDJ
nous disait hier : Bien, pourquoi vous mettez le «notamment», là? Pourquoi
vous voulez ouvrir plus large et faire en sorte que de peut-être rentrer des
aveux réels... Là, on va faire la distinction entre l'aveu et l'excuse juste
pour les fins de discussion, que quelqu'un pourrait prétendre qu'un aveu est
non pas un aveu, mais une excuse aux fins du civil, parce qu'il ne pourra jamais faire cet exercice-là aux fins du criminel.
Puis je pense que ça, c'est rassurant sur certains aspects,
effectivement. Aux fins du civil, bien, je pense que la question du «notamment»
venait vraiment élargir ce spectre-là.
Maintenant,
il faut quand même qu'il y ait une certaine flexibilité dans la notion
d'excuse, d'où l'implicite... explicite... «expresse», là, je ne veux pas
reprendre les mots, mais on les connaît, et je pense que... Et ça a été, ça... Bon, il faut qu'il y ait quand même
une certaine... Et je vais reprendre les mots de Me Chagnon hier. Il faut quand même qu'il y ait une certaine
latitude pour les tribunaux de coller à la réalité particulière d'une situation
et de ne pas mettre des... de mettre des définitions suffisamment claires pour
circonscrire le risque. Le risque ne sera jamais à zéro. Je pense que je
n'apprends rien à personne.
On pourra toujours peut-être
avoir, dans trois, quatre, cinq ans... se rendre compte qu'une interprétation
n'a été pas celle que l'on souhaitait, mais, présentement, ce qu'on peut
essayer de tenter de faire, c'est circonscrire le risque. Il faut circonscrire
la définition suffisamment pour faire en sorte que des aveux qui sont des aveux
ne soient pas... ne deviennent pas des prétendues excuses pour éviter qu'elles
soient utilisées comme aveux, j'espère que c'était clair, et laisser la
latitude nécessaire au juge d'avoir une certaine zone d'interprétation pour lui
permettre de coller à la réalité. Ce que Me Chagnon disait, que, jusqu'à
présent, surtout en matière de violence conjugale, bon, il y a beaucoup de
chemin à faire dans d'autres domaines, mais on est sur la bonne voie... était
bien fait jusqu'à présent par les tribunaux, et elle ne me remettait pas en
question, d'ailleurs, les notions, même pour la notion d'excuses.
Donc, nous évaluons
le risque comme étant un risque — mon Dieu! J'allais dire «gérable», je
n'aime pas ça — assez
minime...
Mme Hivon :
Tolérable.
Mme LeBel :
...tolérable, merci, assez minime, parce que je ne serais jamais capable de
prétendre ici, en cette Chambre, comme juriste qui a pratiqué pendant
30 ans, qu'il n'existe pas, un jour, une interprétation qu'on va
faire : Eh mon Dieu! Ce n'était pas ça qu'on voulait. Mais je pense qu'on
a ici l'équilibre entre la souplesse nécessaire et l'encadrement pour permettre
aux juges de faire évoluer cette nouvelle notion là en droit québécois, là, qui existe, par contre, en common law. Puis il y a
déjà des balises en common law pour permettre aux juges de s'y coller,
puis on a... on s'est inspirés de ces balises-là pour rédiger l'article.
Et
je pense qu'avec le retrait du mot «notamment» on vient encore plus ou encore
mieux, je vais le dire comme ça, circonscrire le risque et donner à la
fois la souplesse et l'encadrement, là. Je pense que... Et, moi, pour moi, avec
l'amendement qu'on vient de déposer, suite à
la réflexion de la CDPDJ, je pense qu'on a... Au meilleur de la connaissance qu'on a au jour zéro de
l'existence de cette notion-là, je pense qu'on est... je pense qu'on peut être
confortables.
Mme Hivon :
O.K. Puis je comprends que la disposition s'inspire notamment de la common law.
Donc, dans certaines provinces, c'est quelque chose qui est déjà enchâssé,
présent dans leur droit, et on n'a pas vu de telle dérive ou de telle
utilisation abusive de la confusion entre aveu et excuse, juste pour savoir, vu
qu'il y a de l'expérience ailleurs sur ça.
• (12 h 30) •
Mme LeBel :
Non, pas à notre connaissance. Naturellement, la common law évolue différemment,
vous le savez. Elle va mettre, donc, des critères. Et elle a cette capacité-là
d'évoluer, la common law, parce qu'elle n'est pas enchâssée dans un texte
particulier, codifié, ce qui est la nature même de notre Code civil. Donc, pour
s'inspirer de la common law, il faut trouver l'équilibre dans l'écriture d'un
texte codifié qui donne cette harmonie-là, mais, non, il n'y a pas eu ces
dérives-là, pour répondre à votre question.
Mme
Hivon : Non? Parce
que, vu, justement, la nature de la common law, il y aurait pu y
avoir une évolution beaucoup plus marquée et rapide, puis vous me dites
que ce n'est pas ce qui est arrivé.
Mme LeBel :
Les juges font bien la distinction entre un aveu et une excuse. Malgré qu'on
pourrait discuter qu'il pourrait y avoir confusion, ils font bien la distinction,
en tout cas, jusqu'à présent.
Mme
Hivon : O.K. Je
pense qu'il y a quelqu'un qui vous a passé un message. Si jamais c'est
d'intérêt public, ça nous intéresse toujours de connaître les secrets.
Si c'est un secret, il n'y a pas de problème, on ne vous demandera pas de
divulgation.
Le
Président (M. Bachand) : Oui, Mme la ministre.
Mme
LeBel : Ce qu'on me dit, peut-être
pour une information supplémentaire, c'est que la plupart des
provinces et des territoires ont déjà adopté ce type de mesure là depuis plus
ou moins longtemps, et, jusqu'à présent, il n'y a pas eu ce type de dérive là
qu'on pourrait théoriquement...
Mme
Hivon :
Anticiper, oui, c'est ça.
Mme LeBel :
...discuter. Mais ce n'est pas arrivé dans la pratique.
Mme
Hivon :
Parfait. Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de
Vaudreuil, s'il vous plaît.
Mme
Nichols : Merci, M. le Président. Bien, je trouve ça superimportant, là, qu'on fasse la distinction
entre le droit civil puis le droit
criminel, le Code civil qui s'applique au Québec seulement... que, dans
le reste du Canada, c'est la common law, puis que le
criminel, c'est géré par le fédéral, là, ce n'est pas de notre champ de compétence.
Ça fait que je trouve ça superimportant pour ceux qui nous écoutent de faire ce
rappel-là. Donc, je l'apprécie, évidemment.
Puis, quand on parle de la notion d'excuse dans
le droit criminel, bien, on le sait, que ça peut avoir une portée aussi sur la
sentence. Donc, c'est pour ça que c'est important d'en faire la distinction.
Les juges en tiennent compte. Quand on arrive au niveau criminel, quand ils
sont sur le banc, qu'ils doivent prendre une décision, bien, l'excuse joue dans
la balance, là, au niveau de la détermination de la peine ou de la sentence. Ça
fait que je trouve ça important qu'on mette les choses au clair.
Sur l'amendement, sur le mot «notamment», moi,
je trouve ça superintéressant. En fait, on en avait discuté, là, ma collègue de
Marguerite-Bourgeoys... puis on avait justement une problématique avec le «notamment»,
parce qu'on se disait que, oui, il y avait un risque qui était attaché directement
au «notamment» puis que ça ouvrait aussi plus
large. Mais on se disait qu'aussi, a contrario, ça mettait beaucoup
l'accent sur le «notamment» puis que ça venait porter à interprétation. Puis notre inquiétude,
c'était, entre autres, que les tribunaux se disent... Bien, ici, on est les législateurs, on fait la loi. Ça fait qu'on se
disait : Bien là, les tribunaux vont l'interpréter. S'ils ont mis un
«notamment», ils vont chercher à comprendre le sens du «notamment».
Donc, qu'on
enlève le «notamment», vous comprendrez que, nous, ça va directement dans le
sens qu'on voulait, les précisions qu'on voulait apporter ou qu'on
voulait soumettre à la ministre. Puis évidemment c'était... Je pense que tout
le monde est d'accord pour dire que c'était un petit peu compliqué, de la façon
que c'était abordé par la Commission des droits de la personne et des droits de
la jeunesse, hier. C'était juste un petit peu... Mais je pense qu'à force de gratter on a réussi à comprendre
pourquoi ils accrochaient sur le «notamment», puis je pense que c'était
tout à fait justifié. Et, je pense, justement, ça va simplifier la vie de ceux
qui auront à interpréter, parce qu'il n'y en aura pas, de «notamment». Donc, on
ne mettra pas l'accent précis sur une chose comprise dans un ensemble.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. D'autres interventions? S'il n'y a
pas d'autre intervention, M. le secrétaire, veuillez procéder à l'appel
nominal, s'il vous plaît.
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. Donc, pour, contre, abstention. Pour le groupe parlementaire formant
le gouvernement, M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque (Chapleau) : Pour.
Le
Secrétaire : Pour le groupe parlementaire formant l'opposition
officielle, Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David : Pour.
Le Secrétaire :
Mme Labrie (Sherbrooke)?
Mme Labrie : Pour.
Le Secrétaire : Mme Hivon
(Joliette)?
Mme
Hivon : Pour.
Le Président (M.
Bachand) : Donc, l'amendement à l'article... On était sur l'amendement,
hein?
Le Secrétaire : Absolument.
Le
Président (M. Bachand) :
Parfait. Donc, l'amendement est adopté. Maintenant, sur l'article 1
tel qu'amendé, M. le secrétaire.
Le Secrétaire : Donc, pour le
groupe parlementaire formant le gouvernement, M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque (Chapleau) : Pour.
Le
Secrétaire : Pour le
groupe parlementaire formant l'opposition
officielle, Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David : Pour.
Le Secrétaire : Mme Labrie
(Sherbrooke)?
Mme Labrie : Pour.
Le Secrétaire : Mme Hivon
(Joliette)?
Mme
Hivon :
Pour.
Le Président (M.
Bachand) : Donc, l'article 1, tel qu'amendé, est adopté. Mme
la ministre, l'article 2, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci, M. le Président. L'article 2 :
L'article 2926.1 de ce code est modifié :
1° par le remplacement, dans le premier alinéa,
de «Ce délai est toutefois de 30 ans» par «Cette action est cependant
imprescriptible»;
2° par le remplacement du deuxième alinéa par le
suivant :
«Toutefois,
l'action contre l'héritier, le légataire particulier ou le successible de
l'auteur de l'acte, ou contre le liquidateur de la succession de
celui-ci, doit être intentée dans les trois ans du décès de l'auteur de l'acte,
sous peine de déchéance, sauf si le défendeur est poursuivi pour sa faute ou à
titre de commettant. De même, l'action exercée en raison du préjudice subi par la victime doit être intentée dans les trois
ans du décès de celle-ci, sous peine de déchéance.»
La modification apportée au premier alinéa de l'article 2926.1
du Code civil a pour effet de supprimer le délai de prescription jusque-là
applicable à l'égard de toute action en réparation du préjudice corporel
résultant d'un acte pouvant constituer une
infraction criminelle dans les cas où ce préjudice résulte d'une agression à
caractère sexuel, de la violence subie pendant l'enfance ou de la
violence d'un conjoint ou d'un ancien conjoint.
La modification apportée au deuxième alinéa vise
à préciser que, malgré l'imprescriptibilité introduite au premier alinéa, cette action doit toutefois être
intentée dans un délai de déchéance de trois ans dans deux cas particuliers,
soit en cas de décès de la victime ou de celui de l'auteur de l'acte. Cependant,
si le défendeur est poursuivi pour sa propre
faute ou à titre de commettant, l'action en réparation se prescrit par
10 ans ou est imprescriptible, selon la nature de l'acte
préjudiciable commis.
Le Président (M. Bachand) :
Ça va? Merci. Interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme
David : Bien, ce n'est pas
les moments où je me sens la plus douée et intelligente, parce qu'honnêtement j'ai besoin
d'accompagnement, comme un parent qui accompagne son enfant à son devoir de
mathématiques, là. J'ai des questions sur le fond, mais je comprends...
Peut-être, pour commencer à ce que je ne comprends vraiment pas, là, je ne comprends pas le deuxième paragraphe. Je ne
comprends pas le texte, le deuxième paragraphe des commentaires. «La modification
apportée au deuxième alinéa vise à préciser que, malgré l'imprescriptibilité
[...] dans un délai de déchéance de trois ans — jusque-là ça va — dans
deux cas particuliers...» Ça, je comprends, décès de l'un ou décès de l'autre,
la victime ou l'auteur.
C'est après
que ça se complique : «...si le défendeur...» D'abord, c'est qui, le défendeur? C'est celui qui poursuit
ou qui se défend? C'est celui qui se défend. ...«si le défendeur est poursuivi
pour sa propre faute...» Bien oui, pour sa propre faute... Puisque c'est lui
qui est le défendeur, il se défend de sa propre faute. Il ne se défend pas pour
le voisin. Il se défend pour lui. Bon, bien, c'est encore pire après, là :
«...ou de celui de [...] est poursuivi pour sa [...] ou à titre de commettant...»
C'est quoi, ça, un commettant? Bon, je pensais que c'était en politique, nos
commettants.
Mme LeBel : J'ai un exemple qui va
vous éclairer, je pense. Parlons des communautés religieuses. Les communautés
religieuses peuvent être poursuivies pour leur propre faute ou pour la faute
commise par... Là, je ne veux pas prétendre... mais, à titre d'exemple, elles
sont poursuivies pour la faute présumée de... Là, je fais attention, parce
qu'il y a des poursuites, puis on... mais, disons-le, même si les prêtres sont
décédés, le trois ans ne s'applique pas, là, parce que la communauté religieuse
peut quand même... Le prêtre ne peut plus être poursuivi lui-même. La
succession du prêtre ne peut pas être poursuivie pour plus de trois ans. Mais,
quand on parle de la poursuite d'une communauté religieuse qui est le
commettant du prêtre ou qui a sa propre faute, parce qu'on pourrait prétendre,
hypothétiquement, qu'ils ont toléré, le cas échéant... Et, encore là, je parle...
Je ne prétends pas qu'il y a eu quoi que ce soit, là. C'est vraiment délicat
pour moi, vous le comprenez, là, mais je suis dans une...
Mme David : ...d'autres choses.
Alors, la notion...
Mme LeBel : C'est un exemple.
Mme David : Oui, oui, mais la notion
de... Donc, le commettant, c'est une communauté plus large à laquelle
appartient un membre.
Mme LeBel : Voilà.
Mme David : Bien oui, mais là
c'est...
Mme LeBel : ...ne s'applique pas
dans ce cas-là. C'est l'infini.
Mme David : Oui, mais c'est quoi,
une communauté, dans notre société? Ça peut être un groupe politique? Ça peut
être une gang de colocataires? Ça peut être un...
Mme LeBel :
C'est un employeur. Ça prend vraiment un lien, là, mais ça prend un lien plus
que...
Mme David : Mais c'est-u un
employeur, la relation de prêtre...
Mme LeBel : Bien, c'est un lien plus
fort que l'appartenance à un groupe, comme une carte de membre, là.
Mme
David : Bien oui, mais pouvez-vous en dire plus? C'est quoi, vraiment,
un commettant? Parce qu'oublions le... Je comprends qu'il y a des
poursuites, là, qu'on ne veut pas... dont on ne veut pas parler, mais des
groupes, là, dans la société...
• (12 h 40) •
Mme LeBel : ...une des préoccupations...
Le Président (M.
Bachand) : Juste vous rappeler que c'est très intéressant, mais
juste donner le temps de...
Mme LeBel : Oui, vous avez raison.
On est toujours passionnées.
Mme David : Ah! c'est vrai, on a
oublié ça.
Le Président (M.
Bachand) : Je sais que vous êtes passionnées, là, mais juste
prendre en compte les gens qui nous écoutent. Oui, Mme la ministre.
Mme LeBel : Mais l'exemple le plus
illustratif pour les gens, c'est qu'on ne voulait pas... On voulait enlever le
délai de 30 ans pour ne pas que ça devienne une entrave à ces dossiers-là
puis qu'ils soient réellement jugés sur la pertinence du fond. Mais, dans ces situations-là,
il y a également des gens contre qui on allègue... des gens qu'on prétend être des agresseurs qui sont aussi
décédés. Donc, on ne voulait pas que ce trois ans là, par ricochet, s'applique
aussi à ce groupe plus élargi. Maintenant,
la notion de commettant, on peut vous en trouver une définition plus précise,
mais ça prend un lien plus fort qu'une carte de membre dans un groupe.
Mme David : Il doit donc être défini
quelque part. Il doit y avoir une jurisprudence là-dessus. C'est un mot qui,
pour vous, est usuel. C'est ça?
Mme LeBel : On me parle à l'oreille.
Mme David : Mais, écoutez, je ne
veux pas faire le grand débat là-dessus, mais je suis sûre qu'il est quand même
balisé, ce mot-là.
Mme LeBel : Ça prend un lien de
subordination, là, O.K.? Je vais le dire comme ça. La personne qui confie à une autre personne, appelée préposée,
l'exécution de certains actes pour son compte ou sous sa direction... Donc, on
parle d'enseignement. On peut parler de... Bon, il y a quelque chose... Il y a
un lien, là. Il y a un lien de subordination qui fait...
Mme David : ...pas vous embêter
avec...
Mme
LeBel : Oui, je le sais, mais c'est parce que je veux faire... Je fais
attention parce que, là, je suis sur une...
Mme David : ...parce que je ne veux
pas aller du côté... parce que c'est clair...
Mme
LeBel : Mais c'est une notion qui, en droit civil, est bien définie,
là, est bien définie. Il n'y a pas d'ambiguïté en droit civil, là. Moi,
j'ai l'air de donner de l'ambiguïté. C'est parce que je marche sur une corde
raide dans mes...
Mme
David : Je ne veux surtout pas vous faire faire de l'équilibrisme où
vous allez tomber puis vous blesser.
Mme LeBel : La notion de commettant
n'est pas ambiguë en droit civil.
Mme
David : Ce n'est pas comme... Est-ce que je peux vous proposer
peut-être... là où il n'y a pas de poursuite, un professeur d'école qui
aurait eu des gestes avec un élève il y a 33 ans, mettons, mais il avait
toujours bien un employeur, un directeur...
Mme LeBel : La commission scolaire
est donc le commettant, à titre d'exemple.
Mme David : Puis là il n'y a plus de
commission scolaire. Alors ce serait le directeur de...
Mme
LeBel : Le lien de juridiction est transféré, là. Ce seraient les
centres de services, je ne sais pas trop, là, mais...
Mme
David : Oui, mais alors est-ce qu'on pourrait dire que c'est un
individu ou l'employeur au sens large? Parce que le pauvre directeur d'école,
il a peut-être 95 ans, là, puis il ne veut pas être...
Mme LeBel :
C'est l'employeur au sens large.
Mme David :
Sens large? O.K.
Mme
LeBel : Pour donner votre exemple, si le professeur est décédé puis
qu'on veut poursuivre le professeur, la succession du professeur,
c'est-à-dire la fille du professeur, qui a hérité de lui, bien, ça, c'est trois
ans.
Mme David :
Ça, c'est trois ans.
Mme
LeBel : Si c'est la commission scolaire ou l'entité qui demeure, qui
va... dont les... ça, c'est infini malgré le décès du professeur.
Mme David :
Donc, je comprends qu'il y a comme une deuxième voie qui s'ouvre à une victime
qui dit : Ça fait plus que trois ans que mon agresseur est mort, mais il
était en état de subordination dans une institution quand c'est arrivé.
Mme LeBel :
...preuve à faire, mais la possibilité s'ouvre.
Mme David :
Je pense aux pensionnaires. Je pense à... C'est ça? Donc, il y a deux voies. Il
y a la personne si elle est encore vivante.
C'est nominatif, ça, tu as trois ans après son décès. Mais ça peut être
l'institution pour laquelle il travaillait, j'imagine, si c'était dans
le cadre de la relation de professeur... parce que je pense au domaine où j'ai
évolué. Dans les universités, dans les collèges, on l'a su. On a même fait une
loi pour... la loi n° 151 pour encadrer tout ça, mais
ça peut être l'institution pour laquelle le professeur travaillait.
Mme LeBel :
Il y aura toute une démonstration de preuve à faire, pourquoi l'institution est
amenée là, mais ce qu'on vient d'enlever, c'est la barrière temporelle pour
faire cette démonstration-là. Maintenant, il y a tout un passage de preuve à
faire, puis de critères, et de liens, et de causalité, etc., là, mais on
vient... On n'a pas mis de barrière temporelle contre une institution. On l'a
mis contre... j'allais dire les individus, dans ce sens-là.
Mme David :
Ça va? Mon temps est fini?
Le
Président (M. Bachand) : Non, vous avez du temps amplement...
Mme David :
O.K. Donc, je comprends que... parce que ça apporte un élément nouveau que moi,
je n'avais pas saisi, mais c'est parce qu'on essaie de travailler vite et bien.
Donc, ça... la personne peut, donc, poursuivre au civil son agresseur, moi,
j'étais plus dans le «one-on-one», comme on dit, ou sa succession, si ça fait
moins de trois ans, mais aussi l'organisation pour laquelle la victime...
l'agresseur avait un lien de subordination, pour ne pas dire travaillait.
Mme LeBel :
Je pense que je vais peut-être lire un texte qui va me permettre d'être à
l'aise dans la façon de m'exprimer pour être sûre que je ne suis pas sur la
corde raide tout en donnant les clarifications nécessaires.
Donc : «Une
clarification est également apportée à l'article 2926.1, au deuxième alinéa,
du Code civil — ce
dont on discute présentement — pour prévoir explicitement que la
protection de trois ans applicable en cas de décès ne peut pas bénéficier à un
commettant comme un employeur, une association sportive, le gouvernement, ou à une
communauté religieuse, ou à une personne poursuivie pour sa propre faute, bon, naturellement.
Par exemple, si un religieux est décédé, la victime pourrait quand même
poursuivre la communauté, après le délai de trois ans, tant pour sa responsabilité
comme employeur que pour une faute que la communauté aurait commise elle-même.
De même, la responsabilité personnelle d'un parent pour les agissements de
l'autre dans un contexte d'agression à caractère sexuel ou de violence
envers un enfant pourrait être questionnée et engagée.»
Je pense que ça vient
répondre un peu à votre question, là. J'espère ne pas avoir retroublé les eaux,
là.
Mme David :
Ça me plaît beaucoup, le texte que vous venez de lire, parce qu'effectivement
je n'avais même pas pensé aux questions
de... la question un peu classique, et très souvent passée sous silence, de
l'inceste. Alors, il y a un
agresseur, une victime, souvent mineure, mais il y a souvent un conjoint.
Alors, ce conjoint pourrait être vu comme, si j'ai bien compris,
commettant.
Mme LeBel :
...une démonstration à faire, mais théoriquement...
Mme David :
Il y aurait toujours une démonstration à faire, mais ce n'est pas exclu.
Disons-le comme ça. C'est trop compliqué? O.K., c'est trop engageant. Ça dépend...
Mme
LeBel : Bien, c'est parce que c'est trop précis, là, mais disons que
ça ne met pas... Le trois ans est... On va le reprendre à l'envers. Le
trois ans ne s'applique que si on poursuit la succession précise de l'individu
agresseur. Disons-le comme ça. Pour tous les autres cas de figure, c'est
l'infini.
Mme David : On peut discuter.
Mme LeBel : C'est ça, c'est
imprescriptible.
Mme David : Est-ce que, M. le
Président, j'ai fini mon temps ou je peux...
Le Président (M.
Bachand) : Je n'ai pas d'indication, ça fait que continuez.
Mme
David : O.K., ça va bien. Ça, c'était la partie la plus difficile, que
j'ai bien comprise maintenant. Le premier paragraphe, bien, évidemment,
dans le commentaire, c'est un peu les questions qu'on s'est posées hier. Et je
sais qu'on ne refait pas tout de 2012‑2013. Je sais qu'on ne veut pas aller
vers la définition de qu'est-ce que c'est, une
violence subie durant l'enfance, parce qu'on va être ici tout l'été puis tout
l'automne prochain, je pense, parce qu'une violence subie durant
l'enfance, ça peut être très large. Je pense que tous, ici, on pourrait se
trouver avec un exemple de quelque chose que nous, on a vécu comme violent
durant notre enfance, et puis on se réveille à 60 ans, puis on dit : Ça, c'était inacceptable. Je
veux juste être rassurée pour les fins, probablement, de nos discussions. On
l'a un peu dit en consultations hier,
que tous ces cas de figure, comme vous dites, violence subie durant l'enfance,
violence d'un conjoint ou d'un ancien conjoint...
Encore là,
j'imagine que le mot «conjoint», c'est tel que défini dans le Code civil. Ce
n'est pas nécessairement une union de fait. Ce n'est pas un chum que tu
as eu, quand tu avais 18 ans, pendant six mois, mais qui est ton chum,
mais tu n'as jamais habité ensemble, puis il t'a battue, puis etc. La
définition du mot «conjoint», vous devez avoir balisé ça. Je veux juste être
assurée que, pour les gens qui écoutent tout ça, vous avez les bonnes
définitions, les bonnes balises de ce qu'est
une agression à caractère sexuel, de ce qu'est la violence subie durant
l'enfance, ce qu'est la violence d'un conjoint et ce qu'est un conjoint
ou un ancien conjoint.
Mme LeBel : Bien, comme vous l'avez
bien dit, on ne vient pas changer l'état du droit sur ces notions. Nous ne
venons que toucher à l'élément temporel. Donc, les notions dont vous parlez
existent dans le code depuis bien avant 2012, d'ailleurs, et comprennent
effectivement le conjoint de fait. Elles comprennent le conjoint de fait. Donc,
ça, ces notions-là, sont bien interprétées par les tribunaux. Là où il y avait
un hic, c'est le 30 ans et le trois ans avant 2012‑2013. Donc, on ne vient pas du tout atteindre ces notions-là. Elles
sont bien balisées. Elles ne sont pas ambiguës. Elles ne font pas en
sorte qu'on va échapper des situations dans le cadre de ces notions-là.
Et je peux même vous rassurer que les mots
«préjudice corporel», bien qu'on a l'impression qu'on parle du physique, ça
comprend un préjudice physique et un préjudice psychologique ou mental. Donc,
on n'échappera pas de cas où il n'y a pas... On parlait des bleus au corps
versus les bleus à l'âme, là. On n'échappera pas ces cas-là, ces préjudices-là
qui découlent naturellement d'une violence sexuelle et... bon, les trois. Là,
on est toujours dans le cadre des trois
catégories que l'on discute et qui ont cette notion de complexité là, de
cheminement et de parcours, disons-le comme ça, très propres à ces
catégories d'actes là qu'on peut subir. Ce n'est pas juste un préjudice
corporel, là. On pourrait... Ça l'inclut, mais pas «corporel» dans le sens
«physique». «Corporel» n'est pas limité à «physique». «Corporel» est physique,
psychologique, psychique, mental.
Il faut
rassurer... Il y avait... Je pense que c'est les CAVAC qui sont venus nous
dire : On espère qu'on n'échappera
pas les traumatismes psychologiques, là. Pas du tout, et ça, c'est bien
compris, c'est bien cadré. D'ailleurs, Me Chagnon est venue le dire
également, que ces données-là, ces notions-là... et elle travaille dans ce
domaine-là également, sur l'aspect plus
juridique. Et je peux comprendre, quand on n'est pas un juriste... Et ce n'est
pas un reproche, c'est une
réalité. À l'instar de l'excuse et l'aveu où, dans le langage traditionnel, on
dit : Bien, voyons, une excuse, c'est un aveu, là, on peut penser qu'à sa
face même, quand on le lit, on interprète «corporel» comme «physique», mais
«corporel», c'est l'ensemble de la personne, et l'ensemble de la personne, ça
comprend sa psyché, son psychologique, si on veut. Donc, je veux juste rassurer
là-dessus...
Mme David : ...dans le champ
d'à peu près tous les possibles du moment qu'on est capables et qu'il y a une jurisprudence,
puis, en tout cas, qu'on balise tout ça.
Mme LeBel : Oui, mais ça, c'est
bien balisé par les tribunaux. Il n'y a pas de dérive.
Mme David : Et je comprends
très bien qu'on ne peut pas se payer le plaisir intellectuel et la satisfaction
d'avoir à parler de tout ça, parce que ce n'est pas l'objet de la loi, ce
serait dans... Si on voulait refaire la loi, il faudrait la refaire, mais on
s'en vient juste allonger, de façon indéterminée et infinie, le temps pour tout
ça, qui est décrit ailleurs.
• (12 h 50) •
Mme LeBel :
Oui, vous avez raison. Et, au-delà de la possibilité, ou du plaisir, ou de la
pertinence de se questionner un jour sur l'arrimage de notre corpus
législatif avec la charte, dans tous ses termes et ses finalités, de façon pratico-pratique, je pense que c'est
l'inquiétude des CAVAC à laquelle il faut répondre le plus précisément. Oui, les victimes, naturellement, dans l'optique où elles
répondent aux critères, là, de faire une preuve, on s'entend, n'auront pas à...
Ce n'est pas simplement le dommage physique. Il y a aussi le dommage
psychologique. Et c'est souvent... De toute façon, dans ces cas-là, les
dommages qui sont présents, ce sont des dommages psychologiques, surtout
30 ans, 40 ans plus tard ou plus. Donc, pour rassurer les CAVAC, qui
étaient beaucoup plus terrain, dans leur intervention, au niveau de la
conséquence, on n'échappera pas de préjudice psychologique. L'ouverture est là.
Mme David :
Si je peux juste me permettre, je pense que les CAVAC s'inquiétaient aussi que
ça ne soit pas que les préjudices
psychologiques suite à un sévice physique subi il y a 40 ans, mais que ça
pouvait être des dommages psychologiques suite à un non-sévice physique,
mais à une autre sorte de sévice, qui s'appelle psychologique, qui est inclus
dans ce que vous dites, parce que violence subie, c'est assez large.
Mme LeBel :
Tant que ça qualifie de violence sexuelle... de violence subie pendant
l'enfance ou de violence par un conjoint ou
un ex-conjoint. Naturellement, c'est ça, là. Je veux dire, une voie de fait
subie par ton voisin n'entre pas dans
l'imprescriptibilité. Il y a quand même un dommage... Il pourrait y avoir un
dommage physique, un dommage psychologique
de tout ça, mais là il y a une prescription qui... Je ne veux pas m'avancer,
mais, 10 ans, c'est ça? J'allais dire 10 ans, ce n'est pas
pire. Là, la prescription est de 10 ans. Mais là on n'a pas toute cette
notion de cheminement qui est particulier à nos trois catégories d'infractions.
Mme David :
Si j'ose une comparaison, là, on est dans le relationnel ici, tandis que, dans
votre exemple du voisin, à moins que... on n'est pas nécessairement dans le
relationnel.
Mme LeBel :
Ce n'est pas la même interaction. Disons-le comme ça.
Mme David :
Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de
Sherbrooke.
Mme
Labrie : Bien, en fait, je remercie la ministre de l'avoir clarifié,
parce qu'effectivement hier on pataugeait
un peu là-dedans. Puis, n'ayant pas non plus de formation juridique, d'emblée,
ce n'est pas clair que «préjudice corporel» inclut aussi des préjudices
d'ordre psychologique.
Donc, je trouve ça
important... Je trouvais ça important que la discussion qu'on a eue hier hors
micro soit de retour ici pour faire partie du Journal des débats et que
toute victime comprenne que, si elle a subi des violences, par exemple,
conjugales, même si c'était exclusivement psychologique, de l'ordre du
harcèlement ou des menaces, ce type de violence, cette personne-là n'aura pas
de délai de prescription et va être... va pouvoir exercer ses recours. Et je
pense que, bon, là, on le clarifie ici. Il faudra le clarifier aussi dans
toutes les entreprises, des communications, des changements à la loi qui vont
suivre le changement à la loi pour informer les victimes de leurs droits. Il
faudra s'assurer que c'est bien compris
aussi, parce que quelqu'un qui irait juste lire le projet de loi tel qu'il est
écrit ne comprendrait pas nécessairement que «préjudice corporel» englobe
aussi, comme la ministre vient de le préciser, les bleus à l'âme, là, puis tout
ça.
Donc, il faudra
s'assurer que, dans les communications publiques, on transmet clairement ce
message-là. Puis ça va être important pour les victimes, parce que, souvent,
c'est ça qu'elles dénoncent, que ce n'est pas reconnu comme de la violence, par
exemple, par les corps policiers ou, bon, par certains intervenants qu'ils
rencontrent sur leur passage. Certaines dénoncent qu'on banalise ce type de
violence là. Et l'intention ici, clairement, c'est de la reconnaître sur un
pied d'égalité avec les autres. Il faut que ce soit transmis dans les
communications.
Mme
LeBel : ...d'ajouter, par contre, que, depuis 2013, là, on avait
changé à 30 ans aussi, puis, avant, ça existait, mais c'était trois
ans. Ce n'est pas ce sujet-là qui venait sur le tapis, de dire qu'on échappe
des cas au civil, c'était vraiment le passage du temps, là. Mais c'est bien
qu'on l'ait clarifié, vous avez raison, parce que ça a été soulevé par les
CAVAC.
Donc, c'est important de dire que les préjudices ou
les dommages psychologiques sont aussi couverts. Naturellement, il faut
qu'on entre dans les trois catégories, là, parce que... mais, oui, vous avez
raison. Mais il faut aussi préciser qu'on ne vient pas d'introduire ça
aujourd'hui, là, cette notion-là. Ça fait quand même près de 10 ans
minimum et un peu avant que cette notion-là existe. Et, quand on était dans le
30 ans, parce que c'est arrivé que des gens
ont réussi, par leur cheminement ou par toutes sortes de raisons, de déposer
dans les délais, là, bien, cette question-là d'interprétation du
préjudice corporel puis des violences, ce n'était pas en cause, là.
D'ailleurs,
Me Chagnon, je la ramène beaucoup parce qu'elle est dans la pratique, a bien
dit que ces notions-là étaient quand
même, jusqu'à présent, bien interprétées et qu'elles avaient la souplesse
nécessaire pour coller à chaque cas
de figure. Mais, oui, je pense que, compte tenu de ce que les CAVAC, je ne veux
juste pas me tromper, sont venus dire hier, c'était important de le dire
à voix haute que... et de rassurer qu'on ne leur enlève pas cette
possibilité-là, mais, au contraire, ce qu'on vient leur donner, c'est du temps.
On vient leur rendre tout le temps nécessaire qu'elles ont besoin.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Joliette,
s'il vous plaît.
Mme
Hivon : Merci, M. le Président. Je veux revenir sur la
question de la succession et l'exception si le défendeur est poursuivi pour sa
faute ou à titre de commettant. Peut-être, c'est ça, pour les non-juristes qui
nous écoutent, le cheminement, c'est qu'en droit civil vous pouvez être
poursuivi si vous êtes l'employeur, l'association sportive, la congrégation
religieuse, et tout ça, pour la faute de votre employé ou de la personne qui
était sous votre responsabilité pour sa faute à elle, mais vous... puis vous
pouvez, comme vous l'avez bien dit, être aussi poursuivis pour votre faute à
vous si vous avez fermé les yeux, si vous avez été négligent, si vous n'avez
pas mis en place les mesures pour empêcher que ça se produise.
Donc, théoriquement,
pour se sortir de l'actualité qui pourrait nous occuper, une association
sportive pourrait être poursuivie pour la
faute de son coach qui a pu poser des gestes, des abus sexuels il y a des
dizaines et des dizaines d'années, puis elle peut être poursuivie parce
qu'elle a fermé les yeux, elle avait été avertie, puis tout ça, mais elle
pourrait être poursuivie à double titre.
Donc, je comprends
que ça, c'est l'imprescriptibilité. Il n'y a pas d'enjeu. Ce n'est pas la
succession. Mais, pour être plus clair, est-ce que ça ne serait pas intéressant
de dire : Pour sa propre faute ou à titre de commettant? Je vous soumets
cette petite suggestion-là, là, dans le libellé, quand on dit : «...sous
peine de déchéance [...] sauf si le défendeur
est poursuivi pour sa faute ou à titre de commettant.» Je vous soumets ça parce que
je trouve que ça enlève l'ambiguïté de la faute à qui. Peut-être, c'est
juste moi qui vois une précision qui pourrait m'éclairer, là, mais est-ce qu'on
parle de la faute de l'employé, de la faute de l'employeur? Donc, «à titre de
commettant», ça, on le comprend, mais ce n'est pas à titre de commettant qu'on
parle de sa faute, c'est à titre de... c'est sa faute propre.
Mme LeBel :
D'ailleurs, dans le commentaire, on dit «pour sa propre faute», puis, dans le
texte, on dit «pour sa faute».
Mme
Hivon : Exact,
puis vous l'avez dit dans l'autre texte que vous avez lu, «sa propre faute»,
puis je trouve que ça clarifie.
Mme LeBel :
Oui, effectivement. L'idée, c'est que c'est vraiment pour sa propre faute,
comme vous le dites. Maintenant, est-ce
que c'est superfétatoire? On verra,
mais est-ce qu'on peut peut-être suspendre, puis je pourrai voir avec...
Le
Président (M. Bachand) : De toute façon,
ce qu'on va faire, compte tenu de l'heure, on va suspendre les travaux jusqu'à
15 heures cet après-midi. Ça va? Merci infiniment. On se voit tantôt.
(Suspension de la séance à
12 h 59)
(Reprise à 15 h 03)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il
vous plaît! Rebonjour. La Commission des institutions reprend ses travaux. Je
demande bien sûr à toutes les personnes d'éteindre la sonnerie de votre
appareil électronique.
Je vous rappelle que
la commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi
n° 55, Loi modifiant le Code civil pour notamment rendre imprescriptibles
les actions civiles en matière d'agression à caractère sexuel, de violence
subie pendant l'enfance et de violence conjugale.
Lors de la suspension
de nos travaux plus tôt aujourd'hui, nous étions en discussion sur l'article 2,
et la députée de Joliette avait la parole. Mme la députée de Joliette, s'il
vous plaît.
Mme Hivon : Oui. Je peux expliquer où on en était rendus, mais
j'avais simplement suggéré que, pour que l'article, peut-être, gagne en clarté, on
pourrait ajouter «sa propre faute» dans le libellé de l'article qui est
proposé. Donc, c'était la proposition que j'avais faite.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la
ministre, oui.
Mme LeBel : Oui. J'avais demandé qu'on suspende pour qu'on
puisse l'examiner, effectivement, puis regarder le libellé, parce que le but était d'éliminer la confusion puis de
savoir c'était la faute de qui finalement, et qu'effectivement, dans les commentaires, on disait «sa propre faute», alors que, dans le
libellé de l'article, on ne disait que «sa faute», là. Et donc
j'aurais, donc, considérant tout ça, un amendement à proposer. Je peux en faire
la lecture.
Article 2. Dans
le deuxième alinéa de l'article 2926.1 du Code civil proposé par le paragraphe 2°
de l'article 2 du projet de loi, insérer, après «poursuivi pour sa», le
mot «propre».
Je peux vous lire le
commentaire mais, je pense, ça va aller.
Le
Président (M. Bachand) : Ça va? Alors, le temps que ça circule,
on va suspendre pour quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à
15 h 04)
(Reprise à 15 h 07)
Le
Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, vous avez tous
reçu par Greffier... sur Greffier, pardon, l'amendement. Est-ce qu'il y a
d'autres interventions sur l'amendement proposé par la ministre? S'il n'y a pas
d'autre intervention, est-ce que l'amendement à l'article 2 est adopté?
Une voix : ...
Le Président (M.
Bachand) : Excusez-moi, vieux réflexe. Appel nominal,
M. le secrétaire, s'il vous plaît, pardon.
Le
Secrétaire : Pour, contre, abstention. Au nom du groupe
parlementaire formant le gouvernement, M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque (Chapleau) : Pour.
Le Secrétaire : Au nom du
groupe parlementaire formant l'opposition officielle, Mme David
(Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David : Pour.
Le Secrétaire :
Mme Labrie (Sherbrooke)?
Mme Labrie : Pour.
Le Secrétaire :
Mme Hivon (Joliette)?
Mme
Hivon : Pour.
Le
Président (M. Bachand) :
Alors, l'amendement à l'article 2 est adopté. On revient maintenant à
l'intervention sur l'article 2 tel qu'amendé. Est-ce qu'il y a
d'autres interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention, est-ce que
l'article 2, tel qu'amendé, est adopté? M. le secrétaire, appel
nominal.
Le
Secrétaire : Pour, contre, abstention. Au nom du groupe parlementaire
formant le gouvernement, M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque (Chapleau) : Pour.
Le
Secrétaire : Au nom du groupe parlementaire formant
l'opposition officielle, Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David : Pour.
Le Secrétaire :
Mme Labrie (Sherbrooke)?
Mme Labrie : Pour.
Le Secrétaire :
Mme Hivon (Joliette)?
Mme
Hivon : Pour.
Le Président (M.
Bachand) : Alors, l'article 2, tel qu'amendé, est adopté.
L'article 3. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci, M. le
Président. Article 3 : L'article 2930 de ce code est modifié par
le remplacement de «trois ans,
10 ans ou 30 ans, selon le cas, ne peut...» Non, je vais reprendre...
L'article 2930 de ce code est modifié par le remplacement de
«trois ans, 10 ans ou 30 ans, selon le cas, ne peut faire échec
au délai de prescription prévu par le présent» par «un délai prévu par le
présent livre, ne peut faire échec au délai de prescription prévu par ce».
Bon, l'article 2930
du Code civil propose une modification de concordance, compte tenu qu'on a
modifié le 30 ans à l'imprescriptibilité, on y faisait référence, donc, dans l'article 2930,
au délai de 30 ans découlant... prévu à l'article 2926.1 du Code civil et
suggère un libellé évolutif afin de se prémunir contre tout changement futur
dans les délais de prescription prévus par le livre huitième du Code civil,
intitulé «De la prescription». Donc, on fait référence aux prescriptions
prévues par le code, et, au lieu de les nommer, comme on le faisait à l'époque,
en disant 10... c'était trois, 10 et 30...
Comme ça, s'il y a d'autres modifications futures et, éventuellement, d'autres délais de prescription, on n'aura
pas besoin de réajuster 2930. Il va suivre automatiquement les modifications.
C'est un peu l'esprit, mais, dans les faits, c'est de la concordance
avec 2926.1, c'est-à-dire l'article 2 qu'on vient de faire.
Le Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme David :
Vraiment, le présent livre, c'est un autre mot très juridique, ça, c'est des
livres...
Mme LeBel :
Du code, le livre, oui.
Mme David :
...qui s'appelle un livre. Bon, «...ne peut faire échec au délai [...] prévu
par le présent...» Bon, bien, je ne sais pas si ma collègue de Vaudreuil est
juriste aussi. Je vois que c'est assez clair.
• (15 h 10) •
Le
Président (M. Bachand) : Interventions? S'il
n'y a pas d'intervention, est-ce que l'article 3 est adopté? Par appel
nominal, M. le secrétaire, s'il vous plaît.
Le Secrétaire :
Donc, pour, contre, abstention. Au nom du groupe parlementaire formant le gouvernement,
M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque
(Chapleau) : Pour.
Le
Secrétaire : Au nom du groupe parlementaire formant
l'opposition officielle, Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David :
Pour.
Le Secrétaire :
Mme Labrie (Sherbrooke)?
Mme Labrie :
Pour.
Le Secrétaire :
Mme Hivon (Joliette)?
Mme
Hivon :
Pour.
Le
Président (M. Bachand) : Alors, l'article 3 est adopté.
Article 4, Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel :
Article 4 : L'article 2926.1 du Code civil, modifié par
l'article 2 de la présente loi, s'applique à toute action en réparation du
préjudice corporel résultant d'un acte pouvant constituer une infraction
criminelle si le préjudice résulte d'une agression à caractère sexuel, de
violence subie pendant l'enfance, ou de la violence d'un conjoint ou d'un
ancien conjoint, et ce, sans égard à tout délai de prescription applicable
avant l'entrée en vigueur de la présente loi.
C'est ce qui rend la
fonction rétroactive. Donc, cette disposition vise à prévoir l'application de
la nouvelle loi au passé pour permettre toute action en réparation du préjudice
corporel résultant d'un acte pouvant constituer une infraction criminelle, si
le préjudice résulte d'une agression à caractère sexuel, de la violence subie
pendant l'enfance ou de la violence d'un conjoint ou d'un ancien conjoint, en
faisant abstraction de tout délai de prescription applicable avant l'entrée en
vigueur de la présente loi.
Donc, quand on fait
une modification, habituellement, elle aurait été valable pour toutes les
agressions ou les violences subies à partir de l'adoption du projet de loi, et
les violences ou les agressions subies, là, j'escamote un peu les termes, mais
les infractions ciblées, disons-le comme ça, qui auraient... qui ont eu lieu la
semaine passée, ou il y a trois semaines, ou il y a un an, auraient été sous le
régime du 30 ans. Cet article-là permet de rendre ça rétroactif.
Le
Président (M. Bachand) : Interventions? Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme David :
Bien, l'affaire du trois ans, attends un peu, là, parce qu'il y a un...
Ceux qui ont essayé de poursuivre après le 30 ans, qui ont été déboutés
parce que ça faisait plus que 30 ans...
Mme LeBel :
C'est l'article 5 qui va en parler.
Mme David : Qui s'en vient, mais qui n'a aucun rapport
avec celui-là. Ça, ça s'adresse aux gens qui n'auraient jamais intenté
de poursuites puis qui se réveillent tout à coup en disant : Ça fait plus
que 30 ans, mais je n'ai jamais été au civil, mais là je peux y aller maintenant
puis je n'ai plus à me préoccuper du temps. Est-ce que c'est bien ça?
Mme LeBel : Voilà, c'est ça. Le projet de loi fait deux choses, rend rétroactive l'imprescriptibilité... Et, même
dans une mesure rétroactive, la mesure 5 est nécessaire, parce qu'il y a
la notion de chose jugée. Et, chose jugée, ça veut dire
qu'il y a déjà eu une décision judiciaire sur un fait. Et, même en rendant
la... même en abolissant de façon rétroactive la prescription, ça ne vient pas
réanimer les choses jugées, et c'est l'article 5 qui le fait pour une
période déterminée.
Mais ça, ça fait en sorte que quelqu'un qui n'a
jamais, jamais intenté de recours, même si l'acte est arrivé avant l'adoption
du projet de loi, il va bénéficier de l'infini, pour le dire comme ça. Il va
bénéficier de l'absence de prescription, alors que, si on ne rend pas la mesure
rétroactive, la date de l'acte est importante parce que c'est la date de l'acte
qui vient décider de la prescription. Et, si quelqu'un se réveillait dans
40 ans pour quelque chose qui avait été...
qui était arrivé la semaine passée, à titre d'exemple, et qu'on n'avait pas
l'article 4, c'est la prescription de 30 ans qui s'applique à
lui, alors que, là, c'est la prescription de l'infini ou pas de prescription.
Mme David :
Alors, en fait, c'est ça, c'est une immense prévoyance d'un geste arrivé à
t moins un, t étant l'adoption de la loi moins un, disons. S'il n'y
avait pas cet article-là, la personne aurait 30 ans même si c'est arrivé
hier.
Mme LeBel : La personne
bénéficie de la prescription qui est en vigueur au moment où l'acte est commis.
Ça, c'est la règle générale.
Mme David : Voilà. Ça veut dire
que tout ce qui est arrivé... Si on n'avait pas cet article-là, tout ce qui est
arrivé serait limité encore aux 30 ans pour les choses qui sont arrivées à
t moins un, et t moins deux, et t moins 30.
Mme LeBel : Donc, ça serait limité
à 30 ans pour ce qui est arrivé entre 2013 et maintenant et à
trois ans pour ce qui est avant 2013, parce qu'en 2013 le 30 ans n'a
pas été rétroactif.
Mme David : Bien, c'est ça,
c'est encore pire, O.K.
Mme LeBel : Donc, on aurait eu
trois catégories de prescription, théoriquement.
<15379 Mme David :
Trois catégories, c'est ça.
Mme LeBel : Là, on n'en a plus.
On n'a plus de catégories. On n'a juste plus de prescription.
Mme David : Puis ceux qui auraient
été infinis dans cet... S'il n'y avait pas l'article 4, ceux qui
avaient... qui sont sous le coup de l'infini, c'est seulement à partir de t
plus un, admettons, ou t plus une seconde.
Mme LeBel : Dans la règle
applicable, en général, si cette mesure-là n'était pas là.
Mme David : O.K., ce qui ferait
qu'il y aurait... Ça serait vraiment... On vivrait vraiment avec le 30 ans
pendant très, très, très longtemps, là.
Mme LeBel : Je vais le dire avec
beaucoup de modestie. Sincèrement, je pense que c'est la mesure la plus
importante du projet de loi.
Mme David : Bien, j'en prends la
mesure moi-même, là, la mesure de la mesure.
Mme
LeBel : L'abolition de la prescription, pour le futur, elle est
importante. Elle serait demeurée importante et elle serait demeurée
pertinente, mais on vient en plus la rendre rétroactive. Et je pense que c'est
le combo des deux qui rend ça... et je vais le dire moi-même, je vais me
permettre de le dire moi-même, qui rend ça extraordinaire, je crois, et c'est
très rare.
Mme
David : Bien, j'allais dire un peu ça. Il faut bien que les gens
comprennent, là. Si on n'avait pas l'article 4, la loi serait bien
sympathique, mais pour dans 30 ans, où on ne sera plus en politique ni
l'une ni l'autre fort probablement, et donc c'est loin longtemps, là.
Mme LeBel : Et, à titre d'exemple,
les groupes qui sont venus témoigner hier... Le premier groupe qui est venu
témoigner hier n'aurait pas... et la personne qui a témoigné en particulier
aurait pu dire : C'est parfait pour le futur, mais ça ne change rien pour
moi. Donc, les gens qui militent sont des groupes de victimes, donc, qui ont
déjà subi l'infraction, donc, seraient demeurés avec le 30 ans depuis
2013, on s'entend, ou le trois ans, là. Mais donc c'est ça, là, qui est la
grande mesure de tout ça.
Mme David : Bien, je n'ai pas
d'autre commentaire, sinon que c'est une très bonne idée.
Le Président (M.
Bachand) : Interventions? Mme la députée de Sherbrooke,
s'il vous plaît.
Mme
Labrie : Merci. Effectivement, c'est un des articles les plus
importants de la loi. C'est celui que je craignais de ne pas retrouver
dans le projet de loi, parce que, quand ça avait été fait en 2013, à ce
moment-là, bon, je n'y étais pas puis je confesse ne pas
avoir suivi du tout les débats à cette époque-là, mais la décision avait été
prise à ce moment-là que ça ne soit pas rétroactif, malheureusement, et ça
avait... En tout cas, les victimes le qualifiait de grande injustice, là. Donc,
je pense aussi que c'est un des articles les plus importants parce que ça va
redonner des droits. Cet article-là redonne
des droits, puis je trouve ça audacieux de le faire parce qu'à ma connaissance
c'est assez rare que, quand on change la loi, on le fait de manière
rétroactive. Mais c'était très, très important, dans ce cas-ci, de le faire.
Donc, c'est apprécié.
Mme LeBel :
Je dirais même rarissime, si je peux me permettre, pour être encore plus...
mettre encore plus l'accent sur le fait que c'est exceptionnel, surtout pour un
délai de prescription, bien, pour toute mesure, d'ailleurs, mais surtout pour...
La rétroactivité, en droit civil, surtout pour un délai, elle est rarissime. Je
vais le dire comme ça. Je n'ai même pas
d'exemple. Il en existe certainement, là. Je ne veux pas dire «jamais»,
«jamais» étant trop affirmatif, mais c'est rarissime. Et, vous avez
raison, c'est une des pierres angulaires qui a des conséquences, naturellement,
mais qu'on est prêts à assumer.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la
députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme
Hivon : Oui. J'ai juste une question sur l'étendue, parce
que ça aussi, c'est quelque chose d'assez essentiel, puis on n'en a pas
parlé jusqu'à maintenant, là, mais c'est-à-dire que, quand on parle... «...le
préjudice résulte d'une agression à caractère sexuel, de la violence subie
pendant l'enfance, ou de la violence d'un conjoint ou d'un ancien conjoint...»,
je comprends que c'est quelque chose qui s'interprète largement, mais qui est
balisé par une référence au fait que ce soit reconnu par une infraction criminelle
claire.
Est-ce que la ministre
aurait pu faire le choix d'étendre... c'est-à-dire, d'utiliser le même langage,
mais sans relier ça à une infraction criminelle prévue au Code criminel, dans
le sens où on a entendu des victimes nous parler, par exemple, de la violence
psychologique, qui n'est pas, à proprement parler, reconnue dans le Code
criminel? Le harcèlement criminel est reconnu. Et donc je me demande juste si
la ministre aurait pu faire un choix différent ou si, selon elle, d'un point de
vue de certitude juridique, il fallait absolument se rattacher aux assises du Code
criminel.
• (15 h 20) •
Mme LeBel :
Je vais répondre à deux niveaux. Je pense que, dans le but de l'exercice qu'on
a fait, on s'est vraiment penchés sur la question de la prescription. Et je
pense qu'il y a peut-être une réflexion plus large à y avoir, mais je pense
que, dans le but recherché présentement, il faut s'attacher à des balises
quelconques. Et je pense que de les rattacher présentement aux notions
d'infraction criminelle, tel que vous l'avez très bien expliqué, parce que
c'est exactement ça, je pense qu'il fallait le... Je pense que, dans un premier
temps, c'est comme ça qu'il faut le faire. Puis c'est comme ça que ça a été
fait, d'ailleurs, puis ça existe depuis 2012... 2013, je ne veux pas me
tromper, 2013, d'ailleurs. Il faut le mentionner. Donc, en toute transparence,
ce n'est pas là-dessus que la réflexion a eu lieu.
Maintenant, on a eu
des commentaires hier sur une réflexion plus large... des notions de violence
conjugale et des définitions. Je pense qu'on ne peut pas le faire dans le cadre
du principe de ce projet de loi, pas parce que ce n'est pas intéressant, mais parce que ça va demander une réflexion, une
analyse, une consultation. On a une définition de la violence conjugale qui est dans les politiques gouvernementales. Je
pense qu'il faut y avoir une réflexion beaucoup
plus large que ça puis peut-être... mais je pense que, pour les fins de
l'objectif poursuivi par le projet de loi, ça remplit les objectifs.
D'ailleurs, Me Chagnon est quand même venue dire que c'était... parce que
je pense qu'on a eu cette discussion avec elle, sur l'ouverture, et tout ça.
Elle a dit que ça donnait suffisamment de latitude au juge pour l'interpréter
dans une situation particulière.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon :
Oui, c'est ça. En fait, la raison... Je pense qu'on comprend tous que
l'objectif du projet de loi, c'est de venir corriger la question de l'imprescriptibilité,
et d'y aller de manière chirurgicale, en quelque sorte, et de se dire qu'il y a
une réflexion beaucoup plus large à faire, et j'en suis. Puis je pense que les
travaux de notre comité notamment vont y participer. Mais je veux aussi souligner
que je comprends tout à fait ça puis le positionnement, parce que, si on
ouvrait sur autre chose, on pourrait ouvrir sur plusieurs choses, et pas juste
ça. Mais je pense quand même qu'entre 2013 et 2020 il y a eu une évolution
aussi de la réflexion et de la compréhension sociale de tout le spectre des
violences sexuelles et conjugales et de l'importance de reconnaître la violence
psychologique.
Donc, je nous fais
cette note à nous-mêmes et puis je pense qu'on se l'est déjà faite, mais, si ce
n'est pas maintenant, il va falloir que
cette réflexion-là se fasse, comme des groupes nous l'ont dit, et plus tôt que
plus tard, parce qu'on pourrait passer à côté de certains objectifs
qu'on poursuit, nous, comme élus, comme Assemblée nationale puis comme société
aussi, sur la question de l'accompagnement des victimes puis de faire reculer
les violences.
Le Président (M. Bachand) : Merci
beaucoup. Interventions? S'il n'y a
pas d'autre intervention, M. le
secrétaire, veuillez procéder à l'appel nominal, s'il vous plaît.
Le Secrétaire :
Au nom du groupe parlementaire formant le gouvernement, M. Lévesque
(Chapleau)?
M. Lévesque
(Chapleau) : Pour.
Le Secrétaire :
Au nom du groupe parlementaire formant l'opposition officielle, Mme David
(Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David : Pour.
Le Secrétaire : Mme Labrie
(Sherbrooke)?
Mme Labrie : Pour.
Le Secrétaire : Mme Hivon
(Joliette)?
Mme
Hivon : Pour.
Le Président (M.
Bachand) : L'article 4 est adopté. Merci. Article 5, Mme la
ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Article 5 :
Une action qui a été rejetée avant le (indiquer ici la date de l'entrée en
vigueur de la présente loi) au seul motif que la prescription était acquise
peut être introduite de nouveau devant un tribunal dans les trois ans suivant
cette date si les conditions suivantes sont réunies :
1° il s'agit
d'une action en réparation du préjudice corporel résultant d'un acte pouvant
constituer une infraction criminelle;
2° le
préjudice résulte d'une agression à caractère sexuel, de la violence subie
pendant l'enfance, ou de la violence d'un conjoint ou d'un ancien
conjoint;
3° cette action n'est pas prescrite par l'effet
du deuxième alinéa de l'article 2926.1 du Code civil, tel que modifié par
l'article 2 de la présente loi, à la date où elle est introduite de
nouveau.
Une voix : ...
Mme
LeBel : Parfait, désolée.
Commentaire. Cette disposition vise à permettre la réouverture, dans les trois ans
suivant l'entrée en vigueur de la loi, aux
conditions qui y sont énoncées, des jugements rendus dans le passé à l'égard
des matières rendues imprescriptibles par 2926.1 du Code civil, tel que
modifié par l'acte 1... par l'article 1 du projet de loi. Le délai de
trois ans correspond à la prescription de droit commun prévue par
l'article 2925 du Code civil pour faire valoir un droit personnel.
Le Président (M.
Bachand) : Ça va? Merci. Interventions? Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, je trouve que ça a
l'air bien intéressant. Je pense que ça m'apparaît évident qu'il faut un
certain temps pour que celles qui n'ont pas eu droit à ça puissent y avoir
droit. Est-ce que c'est trois ans? Est-ce que c'est quatre ans? Est-ce
que c'est cinq ans? Je pourrais vous poser la question. Il me semble que
ça a été discuté hier par je ne sais plus quel intervenant, là. Pourquoi trois
ans? Pourquoi pas quatre? Pourquoi pas cinq? C'est un peu par curiosité, cette question
du trois ans.
Mme LeBel : Bien, le délai de trois ans est le délai de
droit commun, qu'on me dit, qui se retrouve habituellement pour établir... Donc, c'est un délai qui est bien
connu. Mais il faut comprendre aussi qu'on parle... Et, je le disais un peu sur
l'article précédent, on a deux exceptions ou deux choses inhabituelles ou
exceptionnelles dans ce projet de loi là, c'est, d'ailleurs, donc, de rendre
imprescriptible de façon rétroactive et de donner le droit de réouvrir des
dossiers fermés, parce qu'il y a la notion de chose jugée.
Donc, même en rendant la prescription
rétroactive, si on ne donnait pas le droit de reprendre les recours, ces
gens-là qui ont eu des décisions basées sur le passage du temps, uniquement sur
le passage du temps, n'auraient pas pu réouvrir même en rendant la
prescription... en abolissant la prescription de façon rétroactive. La nuance
qu'il faut y apporter ici, c'est que ces personnes-là, ces victimes-là étaient déjà
prêtes à déposer. Le cheminement dont on parle sur la... L'argumentaire qui
fait en sorte que l'on justifie de rendre ces actions-là imprescriptibles
n'existe plus dans ce cas-là parce qu'elles avaient déjà déposé leur dossier.
Donc, il y a tout un cheminement. Le dossier est
déjà prêt, bon, tout ça. Donc, il s'agit de réactiver une cause. Et la seule
restriction, c'est que le motif unique de rejet soit la prescription, parce
qu'il pourrait y arriver qu'un juge ait quand même
regardé le dossier, au fond, et mentionné la prescription au passage, et, quand même,
bon, c'est plutôt rare. Habituellement, on va... C'est plutôt rare, mais
moi, je...
Tous les dossiers qui ont été jugés sur la
prescription vont pouvoir être réactivés, mais il faut quand même dire que le
motif unique, c'est la prescription. Je pense qu'il faut les cibler. Et ça donne
un droit de réintroduire une action, donc, et ça vient rétablir l'équilibre
entre les personnes. Je vais le dire ce cette façon-là. La même victime qui a
été victime du même acte au même moment, qui n'aurait pas porté plainte à...
qui n'aurait pas poursuivi à l'époque, a le droit de le faire par l'article 4,
mais, si on n'avait pas l'article 5, la même victime qui aurait poursuivi
en dehors des délais n'aurait plus le droit de le faire, mais l'article 5
vient rétablir cet équilibre-là.
Par contre, le bémol,
c'est qu'il faut un certain équilibre. Il faut quand même garder une certaine
stabilité. Donc, on leur dit : Vous
aviez déjà porté une poursuite, vous étiez déjà rendu
là, donc votre dossier, même, est probablement
presque déjà prêt. Donc, on vous donne quand même trois ans pour le faire,
et trois ans, c'est le délai de droit commun, là, qui se retrouve habituellement.
Il y a des délais exceptionnels, mais c'est le délai.
Mme
David : Oui. Alors, c'est
comme ça que je l'aurais présenté moi aussi, c'est pour une équité, une justice
entre les différentes victimes, une qui aurait porté plainte puis une qui
n'aurait pas porté plainte, mais, on s'entend, pas au fond, mais pour une question
de prescription.
Mme LeBel :
Voilà.
Mme
David : J'ai un mot qui me
revient, puis on en a tellement parlé dans la précédente législature,
le modèle de Philadelphie. C'étaient des policiers qui avaient décidé de
ne pas retenir... des enquêteurs... de ne pas retenir des plaintes pour agression
sexuelle ou tout ça, je ne sais pas si ça vous dit quelque chose...
Mme LeBel :
On faisait l'analyse de ces dossiers-là.
Mme David :
...oui, et qu'on a permis, puis, à Philadelphie, ils l'ont fait, de réouvrir
les dossiers pour dire : À la lumière de, bon, ce qui se passe... Puis on
était... Je pense, on est toujours dans cette mouvance un peu du #metoo,
c'était : Bien, est-ce que ça se pourrait qu'il y en ait qu'on ait mal
jugés ou qu'on ait mal fait l'enquête ou tout ça? Alors, c'est comme si on...
Dans le fond... Mais là je pense vraiment tout haut, là. Je vois une
certaine... un esprit un peu semblable de donner une chance aux victimes d'être
bien jugées en toute équité, que ce soit pour des raisons de... dans le modèle
de Philadelphie, d'une enquête un peu sur des bases... qui ne croyait pas la
victime. Il y a eu tous ces enjeux-là. Là, c'est sur la base : Bien, il
faut que tout le monde ait la même imprescriptibilité finalement. Mais c'est comme si on a une attention plus, puis
c'est une réflexion bien personnelle que je fais, sensible sur ce genre
de victimes là.
Mme LeBel :
Dans le fond, c'est pour leur permettre d'avoir leur dossier jugé sur le fond
et non pas juste sur le passage du temps.
Mme David :
Oui. Bien, merci.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de
Sherbrooke.
Mme Labrie :
Merci. J'ai quand même une petite question là-dessus, parce que, la Protectrice
du citoyen, elle recommandait cinq ans dans son rapport en 2017.
Donc, je comprends les arguments de la ministre, là, pour se référer à, bon, un
délai de trois ans qui serait plus courant. Quand même, ce qui serait
important pour moi, c'est qu'on m'explique qu'est-ce qui va être fait pour que
les personnes concernées soient informées de leurs recours.
Donc, est-ce qu'il va
y avoir de manière systématique une façon d'entrer en contact avec elles pour
qu'elles connaissent la nouvelle possibilité pour elles d'intenter un recours à
nouveau? Est-ce que ça va plutôt passer par de la communication générale qui
s'adresserait à tout le monde ou on va la cibler? J'aimerais ça aussi savoir si
ça concerne beaucoup de personnes. Est-ce
qu'il y a beaucoup de causes? Bon, si jamais on a de l'information là-dessus,
est-ce qu'on parle de quelques cas qui se
comptent sur les doigts ou est-ce qu'il y a des centaines de personnes qui
sont concernées par... qui se sont vu refuser un recours pour motif de
prescription?
• (15 h 30) •
Mme LeBel :
En toute candeur, je n'en sais rien. On n'a pas de statistiques. Il faudrait
faire une recherche par dossier et lire le jugement ou aller écouter le
jugement pour voir les procès-verbaux. Je n'en sais rien. Je sais que ça concerne
des dossiers. Je pense que... Je ne peux pas vous répondre de façon plus
adéquate que ça, mais, pour moi, que ça touche une victime ou plusieurs, je
pense que c'est une bonne chose.
Pour
répondre un peu à ce que la Protectrice du citoyen, effectivement, elle avait
dit, elle avait suggéré cinq ans. L'idée, c'est d'avoir un délai
suffisant, mais elle a renvoyé un commentaire en disant que le trois ans, pour
elle, était un espace-temps suffisant pour réintroduire une action. Donc,
l'idée, dans sa recommandation, c'était de donner l'espace nécessaire à ces
gens-là, et la possibilité de le faire, et elle considère que trois ans est un
espace qui est adéquat, là.
Mais, pour répondre à
votre question de statistiques, je n'ai pas... En tout cas, s'il existe présentement,
je ne le connais pas, mais, non, je ne le sais pas.
Mme Labrie :
Bien, parce que moi, je peux adhérer, là, aux arguments pour que trois ans
soient suffisants, parce qu'effectivement la personne avait déjà monté son
dossier auparavant. Moi, ça, ça me convient. Mais je veux quand même savoir ce
qui est prévu pour informer ces personnes-là. Tu sais, quand même, par exemple,
si... Bien, ce n'est pas vraiment un bon comparable, mais, tu sais, si une
entreprise doit faire le rappel d'un produit, elle a quand même une responsabilité de prendre tous les moyens
pour s'assurer que les personnes qui sont concernées ont l'information.
Bon, là, on change la loi puis on donne une nouvelle possibilité aux personnes
d'exercer des recours. Je pense qu'il faut quand même prendre tous les moyens
de s'assurer que les gens vont être mis au courant. Ça fait que ça va être
quoi, les moyens mis en oeuvre?
Mme LeBel : Bien, écoutez,
il va y avoir de la publicité sur le projet de loi. Les Centres de justice de
proximité, les CAVAC... Mais ces gens-là avaient des avocats à l'époque.
Donc, les avocats vont être informés, vont pouvoir sûrement recontacter leurs
clients. Donc, il y a plusieurs voies de communication qui sont possibles pour
ça. Mais je vous dirais qu'une des voies qui
va probablement les rejoindre le plus, c'est par le biais des avocats, à
l'époque, aussi, là, mais on va faire de la publicité, là. On fait de la
publicité. Juripop est là. Il y a les Centres de justice de proximité. Donc,
c'est ça qu'on est conscients qu'il faut pour que cette mesure soit efficace,
soit quand même connue en temps opportun. Je pense que c'est l'objet de
votre...
Mme Labrie :
Oui.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. Interventions? Mme la députée
de Joliette, ça va? Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.
Mme Nichols :
Merci, M. le Président. Bien, la réponse... J'ai une réponse en partie à ma
question. Je me demandais justement... Quand
il y a chose jugée, là, par rapport au temps, je me demandais si on était
capables d'évaluer à peu près le nombre de dossiers que c'était pour...
Est-ce que... Je ne présume pas que les tribunaux vont être inondés, là, mais
il y avait quand même des recours aux petites créances. Ça fait que je me
demandais : Est-ce que ça va être traité aux petites créances, à la Cour
supérieure?
Ça
fait que, oui, la façon de rejoindre ces gens-là, c'est superimportant, parce
que c'est un changement majeur puis c'est un changement... Comme on
disait, là... Moi, je ne me souviens pas d'avoir vu un projet de loi avec une
rétroactivité, là. Habituellement, c'est la date de la sanction qui applique la
nouvelle loi. D'ailleurs, ça fait vivre des avocats, de dire : Vous allez
avoir un avis juridique, à savoir ça s'applique-tu, ça ne s'applique pas... La
date de la sanction est déterminante, là. Ça fait que c'est vraiment...
réouvrir des dossiers fermés, non plus, je ne me souviens pas d'avoir vu ça.
Mais c'est ça, moi, ma préoccupation, c'était plus de savoir : Ça va
concerner à peu près combien de dossiers? Est-ce que ça va encombrer les cours
de la façon que ça va être traité?
Mme LeBel :
Je n'ai pas de chiffre exact, là, mais ça se chiffre en dizaines, pas en
centaines puis en milliers, là. Ça se
chiffre en dizaines, parce que je vous dirais que, la plupart du temps, les
avocats informaient que c'était prescrit. Je veux dire, la prescription,
surtout avant 2013, elle était assez simple, trois ans, là.
Donc,
il y a probablement peu de personnes qui ont tenté le recours malgré
le fait que c'était, de façon évidente, prescrit. Depuis 2013, le
30 ans était peut-être plus discutable compte tenu de la possibilité
d'exprimer un délai supérieur à 30 ans de la date des préjudices. Donc, peut-être
qu'il y a eu plus... mais ça ne se chiffre pas en milliers de dossiers, là. On
n'est pas dans cette catégorie-là. Mais, malgré tout, c'est quand même une possibilité
intéressante pour les gens qui l'ont vécu.
Puis,
vous avez raison, il n'y a seulement que le Manitoba qui l'a fait, d'avoir donné la
permission de réouvrir des dossiers fermés. Alors, on est quand même
assez avant-gardistes non seulement sur l'abolition... Sur l'abolition de la
prescription, on est moins les premiers, disons-le. Sur la... Non, mais on va
le dire. On est rendus là, ça fait qu'on le fait. Bon, on est moins les
premiers.
Sur
la rétroactivité, ce n'est pas tout le
monde qui le fait. Même ceux qui ont
aboli la prescription, ce n'est pas tout le monde qui le fait rétroactif. Plusieurs ne l'ont pas fait, ont aboli la prescription, mais
ne l'ont pas fait rétroactif. Et d'en plus donner la possibilité, même
si elle ne touche que quelques centaines de personnes, de réouvrir des
dossiers, c'est encore un pas de plus.
Donc, je pense que
l'effet combiné de tout ça fait qu'ici on est en train de faire quelque chose
qui est assez exceptionnel. Il faut le dire.
Le
Président (M. Bachand) : Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît.
Mme David :
Bien, justement, j'avais deux commentaires là-dessus.
Le
premier, c'est qu'il y a au moins deux témoins, hier, ou groupes, qui sont
venus dire qu'ils n'avaient même pas, à leur connaissance... Je pense,
le groupe du regroupement, là, des personnalités et organismes... ont
dit : Nous, on n'en a pas, je pense,
d'exemples à vous apporter, de gens... Donc, ils n'avaient pas l'air à voir...
à se bousculer aux portes, en tout cas. Puis, après, il y en a peut-être
eu un autre.
Alors, je ne pense
pas, effectivement, pour répondre à ma collègue, d'après ce qu'on a entendu
hier... En tout cas, les CAVAC aussi, je pense, en ont parlé que ça va se
bousculer, mais tant mieux pour ceux qui... Ça va peut-être réveiller des gens
aussi qui...
Mais l'autre
question, mais c'est... parce qu'on a du temps, et tout ça. Quand même, c'est
intéressant de voir que c'est un double
moment historique. D'abord, c'est vrai qu'on n'est pas les premiers. On est...
J'oserais dire qu'on est plutôt dans la queue du peloton des provinces à
faire l'imprescriptibilité. Disons-le comme ça. On est plutôt dans la queue du
peloton, je pense. Je me demande si on n'est pas les derniers. Mais on est la
seule à faire la rétroactivité. Donc, vous dites... Et puis là c'est quand même
frappant, parce qu'on pourrait dire : Vous ferez l'histoire, Mme la
ministre, de dire qu'il n'y en a aucun autre qui aurait mis une mesure
rétroactive, que, même dans votre carrière, vous n'en avez jamais vu, de
rétroactivité, sur aucune prescription, pas seulement dans ces matières-là,
mais aucune.
Ma question. Donc,
qu'est-ce qui vous... Je trouve que ça vaut la peine que les gens entendent sur
qu'est-ce qui vous motive à briser le moule, à faire l'histoire avec ça puis à
dire : Moi, j'y crois tellement que je vais être la première, probablement,
au Canada, même, à rendre ça rétroactif, admettons, au Québec, il y a...
Mme
LeBel : Bien, je n'irai pas prendre tout le crédit d'une rétroactivité
dans cette matière-là, O.K.? Dans cette
matière-là, on n'est pas les seuls. Mais il est exact de dire que, malgré tous
ceux qui l'ont fait avant nous, pas tous l'ont mis rétroactif. Disons-le
comme ça. Là où on est vraiment seuls en tête, avec le Manitoba, c'est la
réouverture des dossiers.
Donc,
nous, on a la combinaison des trois présentement. On rend imprescriptible... On
rend rétroactif l'imprescriptibilité.
Et, en plus, on donne l'occasion, pour, naturellement, une catégorie
ciblée, de réouvrir des dossiers qui ont été fermés, jugés... fermés par
les tribunaux, donc jugés. Je pense que c'est ce qui me motive... C'est ce qui
nous motive, toutes les quatre, et c'est ce qui nous a motivées, toutes les
quatre, à mettre ensemble un comité conjoint sur cette ouverture de
possibilités là, l'éventail des possibilités, pour les personnes, sur le
passage du temps, sur cette compréhension-là de plus en plus fine. Nous, on est
un pas en avant parce qu'on y travaille depuis longtemps. Mais cette
compréhension-là, qui commence à percoler aussi sur la nature particulière du
cheminement...
Et c'est là que vous
devenez plus experte que moi de par votre formation. Mais, sur la nature extrêmement
particulière du cheminement de ces personnes dans ces matières-là, sur le fait
que le passage du temps, qui pourrait nous faire penser : Bien, voyons
donc, pourquoi elle a attendu si longtemps?, et qui pourrait même, à la
rigueur, faire douter de l'existence de l'acte, bien, on est ailleurs
présentement dans notre réflexion à nous quatre, puis je pense que... dans une
réflexion beaucoup plus large, parce que je pense que ça percole dans la
société, là.
On va... Je pense
qu'il faut regarder en avant puis être positif aussi. Je pense que ça percole de
façon positive dans la société... de cette
compréhension d'une réalité, d'un cheminement, d'un impact, d'une façon de voir
différente, du fait qu'on peut, surtout chez les hommes... Ils l'ont
dit, hein, surtout chez les hommes, où on est... en plus, on l'enfouit peut-être
beaucoup plus, et que ça fait des fois un trauma, ça fait que ça ressurgit par
la suite, et ce n'est pas parce qu'on y a pensé ou on a ruminé pendant
30 ans, mais on n'y a justement pas pensé pour pouvoir survivre et vivre,
et que, 30 ans ou 40 ans plus tard, il y a quelque chose qui fait
ressurgir tout ça.
Donc, je pense que
c'est cette volonté-là de donner à ces personnes-là plus d'accès puis d'ouvrir
l'éventail de leurs possibilités... Tout le monde est conscient, moi la
première, que c'est un pas, mais je pense que c'est un pas nécessaire, et
chaque pas, de toute façon, est un pas important pour elles, là.
Mme
David : Bien, si je
comprends bien, si j'ai encore deux minutes, M. le Président, c'est ce
trio, c'est cette addition des trois mesures qui rend ça si... je n'aime
pas le mot, là, mais si performant, efficace et aidant pour les victimes. Mais,
je n'ai pas rêvé, vous avez quand même dit : Ce retour, cette
rétroactivité, je ne l'ai jamais vue dans ma carrière dans d'autres lois ou
dans d'autres... C'est ça que j'essaie de comprendre, pourquoi... Je comprends
que ce soit superimportant ici, là. Je n'ai pas besoin d'être convaincue.
• (15 h 40) •
Mme LeBel :
Bon, on va y aller... essayer d'y aller très largement. On est dans le Code
civil. Notre droit est codifié. Ailleurs, c'est la common law. Je le sais, que ça
va... Je vais avoir l'air de parler japonais pour vous, mais... puis je le fais... mais je le fais en toute
candeur, là, parce que c'est... Même pour quelqu'un... Moi, je suis une criminaliste. Donc, je ne suis même
pas une civiliste. Et c'est des notions qui sont assez particulières.
Je dis qu'en matière
de retour dans le temps en matière d'agression sexuelle, je généralise, on l'a
fait ailleurs, mais on ne l'a pas fait ailleurs pour des centaines d'autres
types de prescriptions. Mais, dans le Code civil, parce que, là, il faut parler
de notre code à nous, notre tradition civiliste... Je ne le sais pas, si, dans
la common law, c'est plus fréquent de rendre des prescriptions rétroactives. Je
ne le sais pas. Mais, dans notre tradition civiliste, je me suis bien gardée de
dire «jamais», mais j'ai dit : C'est rarissime, c'est rarissime.
Et
moi, je ne me souviens pas d'en avoir vécu un dans ma carrière, un projet de
loi qui rendait une prescription... qui abolissait quelque chose de
façon rétroactive. Je ne dis pas que ça n'a jamais existé, parce qu'il a pu y
en avoir une qui n'est pas... passée sous mon radar parce que ça ne faisait pas
partie de ma pratique, mais je pense qu'on peut convenir que c'est rarissime,
surtout dans notre tradition civiliste. Et je sais que ma collègue de Joliette
est beaucoup plus civiliste que moi dans sa
formation. Elle pourra probablement le confirmer, mais, même en droit criminel,
quand on change les sentences, c'est souvent pour l'acte qui va être commis...
C'est rarement rétroactif. On le fait pour le futur.
Donc, le principe de
la rétroactivité n'est pas inexistant, mais il est extrêmement rare. C'est une
question de stabilité juridique. Et là je vais rentrer dans quelque chose qui
va complètement vous ennuyer, puis moi aussi, donc, mais c'est rare. Je ne pourrais pas dire jamais, parce que quelqu'un va
sortir : Bien oui, il y a...
mais c'est très rare, très rare.
Mme David :
Autant on trouve ça ultrapertinent pour la cause qui nous occupe maintenant
pour... autant on se demande : Si vous ouvrez cette brèche formidable,
«brèche» est un mot un peu péjoratif, mais cette ouverture-là, si ça n'a jamais
été fait avant, il doit y avoir des bonnes raisons pour ne pas l'avoir fait. Et
vous n'êtes pas en train de dire que ça pourrait être fait dans plein, plein,
plein d'autres dossiers. Je vous interprète. Peut-être que je me trompe, mais,
si c'est rarissime, c'est que 99,9 % des autres endroits où il n'y a pas
de rétroactivité sur la prescription, ça serait pour des bonnes raisons, ou,
alors, vous devenez une sorte de modèle et vous ouvrez la voie à une réflexion,
dans le monde de la justice, sur : Est-ce qu'on a raison de ne jamais rendre
rétroactif, ou très, très, très rarement, comme vous dites, de façon
rarissime... Mais je m'écarte, parce que ce
n'est pas l'objet de notre... Mais vous avez vraiment piqué ma curiosité
sur le fait que nous faisions là une chose rarissime.
Mme LeBel :
Disons que je vais faire un appel à la prudence à chaque fois qu'on va penser
rendre une chose rétroactive et de prendre le temps de réflexion nécessaire.
Mme David :
Bonne réponse politicojuridique.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Vaudreuil, vous voulez ajouter
quelque chose?
Mme Nichols : On est en train de
former une avocate, là.
Mme LeBel : Oui, c'est ça. Elle a
raté sa carrière, finalement, hein? On le disait.
Mme Nichols : Oui, c'est ça.
L'article 5, là, on parle du seul motif... qui est la prescription, là.
Ça, ça a le mérite d'être clair. Puis aussi, bien, on va mettre... Ça parle des
trois conditions qui doivent être réunies, là. Ça fait que ça aussi, peut-être
que, tu sais, il y en a qui vont s'essayer, à l'effet que les trois conditions
ne seront peut-être pas réunies, mais il va peut-être en avoir deux pour
essayer d'ouvrir la porte à un recours, là. Ça fait que je pense que la façon qu'il est libellé, là, les trois
conditions, là, sont... doivent faire partie de l'ensemble. C'est correct.
C'était juste un commentaire plus qu'une question.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. D'autres interventions? S'il n'y a
pas d'autre intervention, M. le secrétaire, veuillez procéder à l'appel
nominal, s'il vous plaît.
Le Secrétaire : Donc, pour,
contre, abstention. Au nom du groupe parlementaire formant le gouvernement,
M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque (Chapleau) : Pour.
Le
Secrétaire : Au nom du groupe parlementaire formant l'opposition
officielle, Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David : Pour.
Le Secrétaire :
Mme Labrie (Sherbrooke)?
Mme Labrie : Pour.
Le Secrétaire :
Mme Hivon (Joliette)?
Mme
Hivon : Pour.
Le Président (M.
Bachand) : Donc, l'article 5 est adopté. Article 6.
Mme la ministre.
Mme LeBel : Je vais me permettre un
clin d'oeil extrêmement sympathique à ma collègue de Marguerite-Bourgeoys. Je
pense que l'article 6 va être beaucoup plus limpide pour vous.
Mme David : ...niveau de
compréhension, oui.
Mme LeBel : C'est vraiment une
blague, là. Donc, la présente loi entre en vigueur le (indiquer la date ici de
la sanction de la présente loi).
Le Président (M.
Bachand) : Interventions? S'il n'y a pas d'intervention, M. le
secrétaire, veuillez procéder à l'appel nominal, s'il vous plaît.
Le
Secrétaire : Pour, contre, abstention. Au nom du groupe
parlementaire formant le gouvernement, M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque (Chapleau) : Pour.
Le
Secrétaire : Au nom du groupe parlementaire formant
l'opposition officielle, Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David : Pour.
Le Secrétaire :
Mme Labrie (Sherbrooke)?
Mme Labrie : Pour.
Le Secrétaire :
Mme Hivon (Joliette)?
Mme Hivon :
Pour.
Le Président (M. Bachand) : L'article 6 est adopté, ce qui met fin à
l'étude détaillée. Nous en sommes maintenant à l'étude du titre du
projet de loi. Est-ce qu'il y a des interventions? Pas d'intervention. M. le
secrétaire, veuillez procéder à l'appel nominal, s'il vous plaît.
Le
Secrétaire : Pour,
contre, abstention. Au nom du groupe
parlementaire formant le gouvernement, M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque
(Chapleau) : Pour.
Le
Secrétaire : Au nom du groupe parlementaire formant
l'opposition officielle, Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David :
Pour.
Le Secrétaire :
Mme Labrie (Sherbrooke)?
Mme Labrie :
Pour.
Le Secrétaire :
Mme Hivon (Joliette)?
Mme Hivon :
Pour.
Le Président (M. Bachand) : Donc, le titre est adopté. Alors, je propose que
la commission adopte une motion d'ajustement des références.
M. le secrétaire, veuillez procéder à l'appel nominal, s'il vous plaît.
Le Secrétaire :
Oui, M. le Président. Alors, pour, contre, abstention. Au nom du groupe
parlementaire formant le gouvernement, M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque
(Chapleau) : Pour.
Le
Secrétaire : Au nom du groupe parlementaire formant
l'opposition officielle, Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David :
Pour.
Le Secrétaire :
Mme Labrie (Sherbrooke)?
Mme Labrie :
Pour.
Le Secrétaire :
Mme Hivon (Joliette)?
Mme Hivon :
Pour.
Le
Président (M. Bachand) : Adopté. Merci beaucoup.
Remarques
finales
Nous
sommes maintenant rendus aux remarques finales. Alors donc, je cède la parole à
la porte-parole du troisième groupe d'opposition. Mme la députée de Joliette,
s'il vous plaît.
Mme Véronique Hivon
Mme Hivon :
Oui, merci beaucoup, M. le Président. Donc, ce fut une étude détaillée très
diligente. Et donc je suis heureuse qu'on ait pu approfondir les petites
questions qu'on pouvait encore avoir à la suite, notamment, des auditions qu'on
a eues hier. Et je suis heureuse aussi de voir les deux petits changements qui
ont été apportés par la ministre à la suite
de ce qu'on a entendu et de nos suggestions, du côté de l'opposition, pour
clarifier vraiment la portée du texte puis essayer de limiter toute
ambiguïté.
Alors, je ne
m'étendrai pas davantage, puisque nous avons encore deux opportunités de
discourir de ce projet de loi de six articles dont nous parlons depuis des
années, et abondamment depuis quelques jours, aujourd'hui ou demain, au salon
bleu. Donc, merci à tout le monde. Merci aux collègues, à la ministre, à toute
son équipe pour nous avoir soutenus dans les dernières heures pour ce projet de
loi là.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment.
Je cède la parole à la porte-parole du deuxième groupe d'opposition. La
députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.
Mme Christine Labrie
Mme Labrie :
Merci. Bien, je pense qu'on vient de faire la preuve ici qu'un bon projet de
loi peut être adopté très rapidement sans bâillon. Donc, je trouve ça important
de le souligner. Le projet de loi, il avait été bien préparé. Il répondait aux
attentes des groupes qui s'étaient manifestés depuis des années et des années
pour enfin obtenir cette modification législative là. Donc, quand le projet de
loi est bien préparé et qu'il répond aux attentes, il peut cheminer rapidement.
Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Maintenant, la porte-parole de
l'opposition officielle. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
s'il vous plaît.
Mme
Hélène David
Mme David :
Bien, je joins ma voix à mes collègues. Je pense que, dans notre travail
ensemble, c'est un jalon de plus, une pierre de plus dans notre
édification d'une volonté, je pense, du Québec et de la législature actuelle,
je pense, de vraiment bouger et de vraiment faire des choses qui vont faire
avancer les dossiers en matière de violence sexuelle, violence conjugale,
violence dans l'enfance.
Alors, on travaille
ensemble depuis plusieurs mois. Ce projet de loi a été bien préparé. Ce n'est
pas parce qu'il est court qu'il a demandé
moins de travail et moins de réflexion. Il fallait quand même avoir cette
audace et cette conviction que ce dossier méritait les articles qu'il
contient, notamment les amendements que la ministre a apportés, et qui
témoignent évidemment d'une écoute sur deux, peut-être, petits enjeux qui sont
survenus et qui, ma foi, ont été sujets à une grande ouverture de la part de la
ministre. Et donc ça nous a permis d'avancer assez promptement.
Et puis c'est vrai
qu'on va avoir l'occasion d'en reparler à deux autres reprises, mais on ne dira
jamais assez combien ce travail est important pour toutes les victimes. Et
c'est important, pour une ministre de la Justice aussi, d'avoir tous les outils
pour dire qu'elle fait avec nous, j'ose croire, avec nous, avancer la société
en termes de justice sociale et de traumatismes vécus par tellement de
victimes.
• (15 h 50) •
Le
Président (M. Bachand) : Merci infiniment. Mme la ministre de
la Justice.
Mme Sonia LeBel
Mme LeBel :
Merci, M. le Président. Écoutez, je suis extrêmement heureuse qu'on en soit
rendus où on en est rendus dans ce projet de loi là, bien que petit, qui soit
d'une très grande importance. D'ailleurs, je veux remercier mes collègues de
Chapleau... la députée de Les Plaines, également, d'avoir travaillé avec
moi sur ce dossier-là, mais je suis
particulièrement satisfaite et heureuse de l'avoir fait avec vous, mesdames, la
députée de Marguerite-Bourgeoys, Sherbrooke
et Joliette, parce qu'on travaille déjà sur d'autres aspects. Et, je l'ai dit
d'entrée de jeu, bien qu'il ne découle pas du comité, il découle du même
esprit, du même esprit sur lequel nous travaillons, et je pense que ça fait
partie de ça, et merci beaucoup. Et merci aussi à la députée de Vaudreuil
d'avoir été là. Je pense que vous avez, oui, c'est ça, vécu avec nous quand
même quelque chose où...
Je
pense que c'est assez... C'est important puis ça été... Ça s'est fait de la
façon dont ça devait se faire, c'est-à-dire dans le respect des
victimes, mais pas dans le respect mutuel parce qu'on en a déjà un, respect mutuel,
mais dans le respect de l'objectif de ce projet de loi qui n'est pas pour nous,
mais qui est pour les victimes. Et je pense que de la façon dont... On l'a fait
rapidement, effectivement, mais nos discussions, de toute façon, démontrent
bien le souci qu'on a de... et la délicatesse de ces sujets-là, et l'importance
de s'y adresser. Et souvent c'est peut-être par des mesures, et je vais
reprendre une expression de ma collègue de Joliette, des fois chirurgicales et
ciblées qu'on atteint justement un effet, et, des fois, c'est dans ces petites
mesures là qu'on fait des grands pas aussi. Donc, il ne faut pas les négliger.
Je pense qu'ils sont importants. Mais ça ne nous empêche pas de continuer à
progresser. Puis cette réflexion-là, on l'a d'ailleurs à travers le comité que
l'on partage. Donc, merci.
Merci à l'équipe du
ministère qui s'est quand même virée de bord, en bon français, de façon assez
rapide, hein? Il ne faut jamais perdre de
vue que le projet de loi a été déposé il y a maintenant une semaine, et, en une
semaine, on a fait le principe, la consultation et l'étude article par
article. Il reste encore deux étapes que l'on... que, plus le temps passe, plus
j'ai bon espoir qu'on va les compléter ensemble d'ici la fin de la semaine,
mais, bon, il ne faut pas vendre la peau de l'ours... Donc, on verra, mais on
est tous... Je sais qu'on est tous disponibles pour le faire. Donc, ce n'est
pas parce que notre volonté n'y est pas, disons-le comme ça.
Donc, merci à tout le
monde. Merci à l'équipe du ministère. Merci à mes collègues. Merci à Caroline
qui a travaillé avec moi là-dessus. C'est un long processus, mais on y est
enfin arrivées.
Le
Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Moi, j'aimerais vous
remercier, mais vous féliciter puis vous dire que ça a été un grand privilège
de présider l'étude du projet de loi, grand privilège. Merci.
Compte tenu de
l'heure, la commission ajourne ses travaux sine die. Merci.
(Fin de la séance à
15 h 52)