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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le mercredi 5 février 2020 - Vol. 45 N° 67

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 39, Loi établissant un nouveau mode de scrutin


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Table des matières

Auditions (suite)

Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

Force Jeunesse

Directeur général des élections

M. Henry Milner

M. Stéphane Rouillon

M. Marc-André Bodet

Autres intervenants

M. André Bachand, président

Mme Sonia LeBel

M. Gabriel Nadeau-Dubois

Mme Paule Robitaille

Mme Kathleen Weil

Mme Catherine Fournier

M. Marc Tanguay

M. Harold LeBel

*          M. Luc Vachon, CSD

*          M. Normand Pépin, idem

*          M. Daye Diallo, Force Jeunesse

*          M. Olivier Jacques, idem

*          Mme Éliane Racine, idem

*          M. Pierre Reid, Directeur général des élections

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures vingt-huit minutes)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je vous souhaite, bien sûr, la bienvenue et, bien sûr, vous savez... d'éteindre la petite sonnerie de votre appareil électronique.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 39, Loi établissant un nouveau mode de scrutin.

Avant de débuter, M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Fontecilla (Laurier-Dorion) est remplacé par M. Nadeau-Dubois (Gouin).

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Est-ce qu'il y aurait consentement aussi pour accepter, avec plaisir, la présence de la députée de Marie-Victorin pour la séance? Consentement?

Des voix : Consentement.

Auditions (suite)

Le Président (M. Bachand) : Consentement. Merci beaucoup. Alors, ce matin, nous allons, entre autres, entendre Force Jeunesse, mais, avant tout, nous allons débuter avec la Centrale des syndicats démocratiques.

(11 h 30)

Mais, avant d'aller pus loin, pour les gens qui nous écoutent, ce n'est pas qu'on a couché sur la corde à linge hier, c'est juste de souligner que c'était la journée de prévention du suicide, alors c'est pour ça que les élus portent cette magnifique épinglette.

Alors donc, aux gens de la Centrale des syndicats démocratiques, bienvenue. Vous avez 10 minutes de présentation, après ça on fait l'échange avec les membres de la commission. À vous la parole.

Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

M. Vachon (Luc) : Alors, bonjour. Bonjour à toutes et à tous. Merci de nous recevoir. Mme la ministre, bonjour, M. le Président, députés, alors, merci. Je suis Luc Vachon, président de la Centrale des syndicats démocratiques. Je suis accompagné de mon collègue Normand Pépin, qui est conseiller à la recherche.

Donc, la CSD regroupe près de 72 000 travailleurs, travailleuses, et c'est, bien entendu, au nom de ceux-ci, celles-ci, en tant qu'acteurs de la société civile, que nous nous présentons aujourd'hui devant vous pour vous soumettre nos commentaires, recommandations pour le projet de loi n° 39.

Avant toute chose, nous désirons souligner le fait que le gouvernement de la Coalition avenir Québec a porté la revendication d'une réforme du mode de scrutin plus loin qu'aucun gouvernement avant lui. Donc, plus que jamais, nous sommes près d'atteindre le système électoral le plus représentatif des aspirations de l'électorat québécois. Introduire la proportionnalité dans le mode de scrutin a pour objectif fondamental de redonner plus de représentativité au vote des électeurs et des électrices, idéal qu'il ne faut pas perdre de vue... est tout simplement que chaque vote compte réellement dans la composition de l'Assemblée nationale. Ceci dit, il est évident qu'il faut tempérer cet idéal pour permettre une certaine stabilité politique, d'où le fait qu'il existe un consensus partagé par les acteurs de la société civile québécoise pour un système proportionnel mixte compensatoire, tel qu'énoncé dans l'entente transpartisane du 9 mai 2018.

À cet égard, c'est au nom de ce principe de la proportionnalité que nous contestons de nombreuses dispositions du projet de loi n° 39. En effet, s'il avait été appliqué comme tel lors de la précédente élection générale, les conclusions de nos analyses montrent que la CAQ aurait bénéficié d'une importante prime au vainqueur. Certes, la députation obtenue par la CAQ aurait été moindre qu'avec le mode de scrutin actuel, mais la composition de l'Assemblée nationale n'aurait malgré tout pas été pleinement représentative du suffrage exprimé. Dans le cadre de notre présentation, nous contestons plus précisément trois éléments du projet de loi n° 39, soit les distorsions amenées par le nombre élevé de régions électorales, le haut seuil d'éligibilité aux listes compensatoires et la méthode d'attribution des sièges régionaux.

En ce qui a trait aux régions électorales, le projet de loi n° 39 arrime aux régions administratives et porte ainsi à 17... elles comporteront de deux à 20... une vingtaine, environ, de circonscriptions. Elles seront aussi très disparates quant au nombre d'électeurs et d'électrices qu'elles contiennent. Tout ceci va à l'encontre d'une plus grande proportionnalité, car cette dernière s'exprime au mieux quand les régions électorales contiennent un nombre équilibré d'électeurs et d'électrices. Autrement dit, trop de régions déséquilibrent la répartition de l'électorat entre ces dernières. Dans l'idéal, la CSD propose de réaliser un redécoupage de la carte électorale du projet de loi n° 39 afin d'en arriver à un équilibre entre les diverses régions électorales quant au nombre d'électeurs et d'électrices dans chacune d'entre elles. À tout le moins, nous recommandons que chacune des régions électorales compte un minimum de deux sièges de région pour que ceux-ci jouent pleinement leur rôle de compensation des déséquilibres causés par l'élection des députés de circonscription, sauf pour les régions d'exception.

Quant au seuil d'éligibilité pour accéder aux sièges de région, il est prévu à 10 %, ce qui est beaucoup trop élevé. Un tel seuil empêche l'introduction des partis émergents ayant obtenu un petit mais tout de même représentatif pourcentage de vote dans une région. Un tel seuil ne fait que maintenir l'ascendant des partis dotés d'une forte base électorale sur l'émergence des plus petites formations politiques. Suivant cela, la CSD recommande d'abaisser ce seuil de 10 % à 2 %.

En ce qui a trait à la méthode d'attribution des sièges régionaux, nous rejetons le paragraphe 2° de l'article 379.1 du projet de loi, où il est prévu que seulement la moitié du nombre de candidats élus et de candidates élues comme députés de circonscription soit comptabilisée pour l'attribution de sièges de région. Une telle méthode d'attribution n'est défendue par aucun expert, ne trouve écho chez aucun acteur de la société civile. Elle n'est simplement... elle ne semble, à tout le moins, être simplement qu'une invention du gouvernement. Ses impacts négatifs, cela dit, sont bien réels. Elle a pour effet d'avantager tout parti ayant obtenu de forts résultats électoraux en leur garantissant des résultats artificiellement plus avantageux dans la répartition des sièges de région. Comme le nombre de sièges obtenus est réduit de moitié, l'accès aux sièges compensatoires s'en retrouve augmenté pour des partis n'en méritant pas du fait de leurs résultats élevés aux suffrages. En ce sens, nous défendons l'abandon du facteur de division par deux des sièges de circonscription.

Nous sommes, de plus, critiques face au manque de dispositions fortes à amener la parité femmes-hommes dans la députation de formations politiques. Le projet de loi est pourtant l'occasion de faire une pierre deux coups. Malgré un énoncé de principes pourtant très fort, tout au plus, le projet de loi prévoit l'obligation des partis de fournir au Directeur général des élections un énoncé relatif aux objectifs que se fixe son parti en ce qui concerne la parité entre les femmes et les hommes et une pénalité financière négligeable pour ne pas soumettre à temps cet énoncé. Une telle obligation n'est rien d'autre qu'un voeu pieux, et la sanction n'est qu'une formalité.

S'il est le moindrement sérieux, le gouvernement doit revoir complètement les dispositions du projet de loi relatives à la parité et mettre en place des mécanismes fonctionnels pour y arriver. Nous recommandons d'imposer l'alternance femmes-hommes sur les listes de candidatures régionales, avec une liste sur deux commençant par une femme, de proposer des incitatifs financiers aux partis politiques quand ils font élire au moins 40 % de femmes dans les sièges de circonscription, que les incitatifs soient accordés en fonction des résultats électoraux et non des candidatures présentées, sinon la tendance à présenter des femmes comme candidates dans des circonscriptions qui sont difficilement gagnables risque de perdurer.

Nous désirons également nous attarder à la question du référendum en vertu duquel la population serait interrogée sur l'implantation du nouveau mode de scrutin au même moment que la prochaine élection générale. Rappelons que 72 % et un peu plus de 75 % des sièges, lors de l'élection de 2018, ont été remportés par des partis ayant signé l'entente transpartisane du 9 mai. On peut difficilement demander mieux que cette double majorité de plus du deux tiers pour aller de l'avant.

Cela étant dit, si le projet de référendum est maintenu, nous voulons signaler que le fait de tenir le référendum le même jour que celui du scrutin général de 2022 est la recette gagnante pour le perdre. Saturer l'espace public de deux discours qui, somme toute, ont peu en commun ne permettra pas à la population de bien participer au dialogue social. On imagine mal, aussi, que les partis, en pleine campagne électorale, surtout dans le modèle actuel, mettront leurs activités en arrêt pour promouvoir la réforme du mode de scrutin.

Nous déplorons que les dispositions du projet de loi n° 39 empêchent le premier ministre et le gouvernement de prendre position en faveur de la refonte du mode de scrutin, alors que la CAQ s'est engagée à réaliser, lors de l'élection de 2018, et en signant l'entente transpartisane... Le message que cela lance n'est certes pas très mobilisant.

Le gouvernement a défendu le fait de tenir un référendum en même temps que des élections pour économiser des coûts. Cela dit, une consultation aussi fondamentale, selon les mots mêmes du premier ministre, ne devrait-elle pas être organisée pour qu'elle se déroule dans des conditions optimales? Nous croyons que oui et, à cet égard, nous recommandons que, si le référendum est maintenu, ce dernier se tienne le plus rapidement possible, soit d'ici juin 2021, afin de donner le temps au DGE de modifier le mode de scrutin en cas de victoire du Oui.

Pour conclure, certains déploreront que la réforme du mode de scrutin rende plus instable la scène politique et rende plus difficile l'élection de gouvernements majoritaires. À cela nous répondons que l'objectif du projet de loi ne consiste pas à garantir l'élection de gouvernements majoritaires mais de transformer le système électoral en le rendant plus représentatif de l'expression du vote de la population québécoise. Nous voyons d'un bon oeil la possibilité que se mette en place une culture des gouvernements de coalition, où le dialogue entre les formations politiques et le travail transpartisan occuperont une place de plus en plus importante. Nous y voyons là la preuve d'une maturité politique, et il ne fait aucun doute, selon nous, que c'est ce que la population attend plus que jamais.

Quant à l'argument selon lequel la réforme serait trop compliquée pour la population québécoise, rappelons que la réforme du scrutin est le fruit de 20 ans de mobilisation, de recherches, de consultations et de discussions entre divers acteurs de la société civile. Celles et ceux qui ont travaillé d'arrache-pied pour en arriver où nous sommes aujourd'hui nous proposent une éloquente démonstration... et comment la population du Québec tient à ses institutions et vise à leur excellence. Nous vous demandons, mesdames et messieurs, de prendre exemple sur ces citoyennes et citoyens et d'avoir le courage d'appliquer les changements requis au mode de scrutin pour un système électoral plus juste et plus représentatif et de respecter les engagements pris envers la population. Merci de votre écoute.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup pour votre présentation. Mme la ministre, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Oui, M. le député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Si vous me permettez, juste avant qu'on entame, on m'informe que le collègue de la troisième opposition ne sera pas présent pour ce premier bloc. Alors, avec le consentement de tout le monde, je proposerais qu'on redistribue son temps entre les différentes oppositions pour qu'on ait le temps d'avoir des discussions en profondeur.

Le Président (M. Bachand) : Parfait. Consentement? Consentement. Merci beaucoup. Mme la ministre.

• (11 h 40) •

Mme LeBel : Alors, merci, M. le Président. Merci, messieurs, de votre présentation. Vous apportez, à l'instar des gens qui sont venus faire des présentations avant vous ici, un éclairage souvent similaire, souvent différent sur certains aspects, et je pense que c'est le but de cette consultation-là, mais vous faites la démonstration également, je me plais à le dire, du fait qu'on a... Ce qu'on a tenté de faire, c'est d'avoir un projet de loi équilibré, donc qui ne sera pas parfait sur tous ses aspects mais qui va permettre, à tout le moins, d'atteindre un objectif que je crois que nous partageons tous, et vous me corrigerez si je vous prête des intentions, mais celui d'avoir une plus grande proportionnalité, donc une plus grande représentativité de la volonté des citoyens à l'Assemblée nationale. Donc, je pense que c'est l'objectif qu'on poursuit par le projet de loi qui a été présenté par le gouvernement.

Et merci d'avoir souligné, effectivement, qu'on se retrouve quand même dans une étape importante qu'on n'a pas eu l'occasion d'avoir dans les 40 dernières années, c'est-à-dire une discussion sur un projet de loi qui est vraiment déposé et qui chemine présentement à l'Assemblée nationale.

Ceci étant dit, je vais aborder quelques points avec vous pour vous permettre de... Bon, votre mémoire est quand même très bien étoffé, mais je pense qu'il y a quelques petits points que je voudrais peut-être mettre en lumière ou en contexte avec vous.

Le fait des régions administratives, j'en parle parce que c'est quand même une part importante de votre... de points, ça fait partie des trois points que vous avez soulignés, d'ailleurs, et vous intitulez votre chapitre Des régions trop déséquilibrées entre elles. Alors, je ramène mon argumentaire à l'équilibre, aux différents principes, oui, la proportionnalité, mais également le poids des régions et la question des régions administratives. Bon, vous parlez de l'argument de la confusion, mais l'argument du point d'ancrage important des services gouvernementaux, etc., mais surtout de l'identité, et vous faites un commentaire en disant que peut-être que cette identité-là, elle est une réalité régionale, mais peut-être pas administrative, que, bon, ce n'est pas une réalité à laquelle les gens doivent s'identifier. On voit donc pourquoi des régions électorales différentes des régions administratives sèmeraient la confusion dans l'esprit des électeurs. Mon collègue de l'opposition, du Parti québécois, qui n'est pas présent, aurait peut-être des arguments contraires à vous soumettre. Et vous dites que ce n'est qu'«un prétexte qu'utilise le gouvernement et il a pour résultat de réduire la proportionnalité du mode de scrutin».

Je vais m'insurger un petit peu, ici, parce que ce n'est pas un prétexte qu'utilise le gouvernement pour diminuer la proportionnalité, c'est une réalité réelle, l'attachement aux régions. Et, oui, je suis prête, d'entrée de jeu, à stipuler que 17 régions administratives a un effet proportionnel moindre que neuf, à titre d'exemple, mais que... dans un souci d'équilibre, et de ralliement, et d'obtenir un plus large consensus possible pour que cette réforme-là passe. D'ailleurs, certains experts nous ont dit que c'était la voie, la façon de faire, c'est-à-dire d'avoir le plus large consensus possible. Bien, la raison pour laquelle on l'a fait, c'est pour protéger le poids des régions. Et de mettre... de découper les régions selon un poids démographique plus proportionné, ou plus équivalent, ou plus équitable, peu importe le terme que vous employez, ferait en sorte que, bien, des territoires plus éloignés des grands centres, comme la Gaspésie, comme l'Abitibi, comme d'autres — puis j'ai bien précisé «éloignés des grands centres» et non pas «éloignés» tout court — auraient des territoires immenses, on aurait des plus petites régions ailleurs. Bien, je vous le soumets, là, je pense que ce serait une façon de faire achopper la réforme, en toute humilité, dans les consultations.

Vous représentez des membres... vous avez des membres partout sur le territoire. Est-ce que vous n'avez pas eu cette sensibilité-là régionale? Et c'est plus qu'un attachement à des lignes administratives. Oui, vous parlez du Saguenay—Lac-Saint-Jean, je suis tout à fait d'accord qu'il y a deux identités qui sont très fortes et qu'ils revendiquent avec beaucoup de passion, à bon droit, mais il y a quand même... c'est déjà ça, donc, de l'exacerber. Et, un autre côté, je ne comprends pas, est-ce que ça veut dire plus de régions, moins de régions, des régions plus grandes? Il y a quelque chose qui m'échappe, là, dans votre argumentaire, outre l'argument de la proportionnalité, naturellement, que je comprends très bien.

M. Pépin (Normand) : Bien, il y a quelque chose qui m'échappe aussi dans l'argument des régions administratives, c'est-à-dire que ce que j'ai tenté... ce qu'on a tenté de démontrer, c'est que, oui, les gens sont attachés à leur région, ce n'est pas ça qu'on nie. Ce qu'on nie, c'est que l'attachement se fait envers la région administrative puis que c'est absolument à ça qu'on doit se rattacher.

Ceci dit, le territoire du Québec n'est pas le territoire de l'Écosse, la population est dispersée sur tout le territoire. On comprend toutes ces contraintes-là. Ce qu'on dit, c'est que, pour compenser, d'une certaine façon, le trop grand nombre de régions, il faut absolument avoir deux députés de région dans chaque région administrative, sauf... on a identifié deux circonscriptions qui seraient d'exception, pour notre part, de façon à ce que les sièges de compensation puissent jouer leur rôle, c'est-à-dire compenser le déséquilibre créé par le mode uninominal à un tour, qui va guider l'élection des 80 premiers députés... bien, pas premiers, là, excusez, les 80 députés de circonscription.

Mme LeBel : Quand on aborde la question de la réforme sur un angle purement théorique, purement puriste... et, dans un monde idéal, vous avez raison, on devrait découper des régions administratives de façon différente, peut-être en augmenter, peut-être les réduire, avoir plus de circonscriptions. Ça, c'est pour atteindre une proportionnalité idéale ou, en tout cas, maximale. Sur ça, on est sur le même terrain. Sauf que cette réforme-là doit être ancrée sur le territoire, doit être acceptée par les gens, comprise par les gens.

Et le député... Et, je reviens aux régions administratives, ce n'est pas juste une question de nombre de personnes qui votent dans une telle région, ce qu'on entend aussi, c'est l'attachement aux députés de circonscription, par ailleurs, présentement. On va réduire ce nombre de députés là par le fait même, parce qu'il faut avoir des députés de liste dans la réforme qu'on fait. Donc, ce député de liste là doit avoir aussi un ancrage régional. Donc, l'attachement à la région administrative est plus que des lignes sur une carte, c'est qu'on veut que le député de région nous représente le plus possible. Et qu'est-ce qui nous représente, comme citoyens? Là, je vous véhicule les arguments que j'ai sur le terrain, naturellement, pour vous donner l'occasion d'y répondre. Qu'est-ce qui nous représente, comme citoyens? C'est souvent notre identité régionale qui nous distingue du fait qu'on a une identité provinciale, nationale qu'est le Québécois, mais, à l'intérieur du Québec, nous avons nos identités régionales. Un Gaspésien, ce n'est pas quelqu'un de l'Abitibi, ce n'est pas quelqu'un du Saguenay, bon, et je pense que vous le comprenez très bien, je ne vous explique pas des choses...

Mais le fait que le député, aussi, régional... Donc, en suivant la proposition que vous faites, le député régional... les députés de circonscription, ce serait peut-être moins criant, mais le député régional, lui, va avoir un territoire qui va être beaucoup plus éclaté, si on veut, en termes d'identité, que ce soit parce qu'on redivise et subdivise ou que ce soit parce qu'on fusionne. Est-ce que vous n'avez pas entendu les commentaires... Et je ne suis pas au niveau de la théorie, parce que, vous avez raison, théoriquement, c'est mieux, mais, pratico-pratique, il faut comprendre les sensibilités. Parce que, moi, mon objectif, c'est que cette réforme-là passe et soit acceptée, donc d'avoir le plus large consensus possible, trouver ce que j'appelle le point d'équilibre, la voie de passage. Donc, vous avez dû avoir des échos. Ça doit déranger certains de vos membres, le fait qu'on fasse éclater ou non, là, les régions administratives.

M. Vachon (Luc) : En fait, Mme la ministre, ce qui est l'élément le plus fort auprès des membres consultés — et consultés, d'ailleurs, en juin dernier au congrès — spécifiquement sur ce sujet-là, ce qui est le plus grand enjeu et la plus grande préoccupation, c'est vraiment de se rapprocher le plus possible de la proportionnalité. Alors, c'est ça, la préoccupation, et c'est ça, l'intérêt qui nous a été signifié par nos membres, et vous allez retrouver les différentes résolutions qui ont été prises dans le mémoire, et ça, ça date de juin dernier. Et c'est vraiment une sensibilité à se rapprocher... Et ça ne sera pas un modèle parfait, tout le monde en convient, on n'y arrivera pas à 100 %, et le modèle théorique est une chose, mais comment peut-on faire pour se rendre le plus près possible d'une proportionnalité en respectant différents degrés de sensibilité et différentes choses? Mais il y a moyen de trouver, nous croyons, des zones d'équilibre dans ça.

Mme LeBel : La dernière position que vous avez sondée chez vos membres date de juin dernier, donc je comprends que, sur la théorie d'un mode de scrutin, d'une réforme qui n'était pas encore présentée de façon pratique, le principe qui motivait vos membres et que vos membres mettaient de l'avant, c'est celui de la proportionnalité. Je le comprends très bien.

Maintenant, est-ce que vous avez eu l'occasion de sonder vos membres maintenant qu'il y a un projet de loi concret avec des mesures concrètes où on a dû trouver des points d'équilibre? Parce que chacun des leviers dans le projet de loi, c'est des vases communicants, hein? Si on joue sur les régions, on joue sur la proportionnalité, nécessairement. Donc, tout ça, ce sont des vases communicants. Est-ce que vous avez eu l'occasion de sonder vos membres sur cette proposition-là d'avoir 17 régions? De la façon dont c'est expliqué, oui, ça fait en sorte qu'il y a une certaine réduction de la proportionnalité, mais il y a aussi l'aspect des régions. Donc, il y a, moi, je considère, un point d'équilibre, mais on peut le contester, naturellement, c'est le but de l'exercice. Mais, depuis le dépôt d'un projet de loi en octobre, avez-vous eu l'occasion d'avoir un son de cloche de vos membres sur les modalités précises du projet de loi?

M. Vachon (Luc) : Est-ce qu'on a consulté de manière spécifique depuis le dépôt du projet de loi? La réponse, c'est non. Maintenant, est-ce qu'on ne savait rien du tout, du tout, on n'avait aucune indication de ce qui pouvait s'en venir dans le projet de loi en juin? Soyons tout à fait honnêtes, il y avait plein d'éléments que... dans les différentes tribunes auxquelles nous avons participé, il y avait des éléments qui étaient déjà... ça n'a pas été totalement un effet de surprise au niveau du projet de loi, là. Alors, il y avait des éléments qui étaient connus, qui ont été mis au jeu dans les consultations avant. Alors, bien entendu, le projet de loi n'était pas là, mais nous avons quand même pu, en juin, consulter les gens sur plusieurs aspects qui se retrouvent dans le projet de loi.

Mme LeBel : Parfait. Merci. Vous allez peut-être...

M. Vachon (Luc) : Et vous le verrez, d'ailleurs... dans les propositions qui ont été prises, vous allez voir qu'on n'est pas si éloignés.

• (11 h 50) •

Mme LeBel : Parfait. Bon, alors, merci, merci pour ces précisions.

J'en arrive peut-être à un point, un autre point précis de votre mémoire, la question de la parité. Je comprends très bien l'alternance hommes-femmes sur les listes, ça a été d'ailleurs proposé par plusieurs et c'est une des façons qu'on peut, justement, profiter de cette réforme et d'un nouveau type de mode de scrutin pour injecter une dose de parité. Ça a été discuté.

Je vais y aller du côté des députés de circonscription. Vous proposez que la loi propose des effets financiers aux partis politiques... des incitatifs financiers, pardon, aux partis politiques quand ils font élire au moins 40 % de femmes dans les circonscriptions, je le comprends très bien, la question du bonus, mais aussi des pénalités à ceux qui n'atteignent pas cet objectif. On a vraiment... Mais on a discuté beaucoup, abondamment du fait que, malgré que je pense que ça peut porter certaines difficultés, je suis prête à concevoir qu'il est beaucoup plus aisé pour un parti politique de contrôler le nombre de candidats présentés que de contrôler le nombre de personnes élues. Donc, vous, vous proposez de récompenser les élues mais aussi de punir les gens qui n'auraient pas des élues en bas du seuil de 40 %.

J'avoue que je trouve ça un peu «touchy», parce qu'il y a une... Comment vous vous attendez à ce que les partis politiques se comportent pour éviter la punition? Quand on me demande de présenter un nombre de candidates, bien, j'ai des efforts à faire, comme parti politique, j'ai un certain contrôle, mais, quand on me parle du nombre d'élues, je veux dire, rendu là, c'est le choix de la population. Donc, comment vous... de... Quelle stratégie vous envisagez, pour un parti politique, pour éviter la... je ne dirais même pas d'aller jusqu'au bonus, mais d'à tout le moins éviter la punition?

M. Pépin (Normand) : Bon, c'est sûr que les partis politiques ne contrôlent pas la façon dont la population vote. Ce que les partis politiques contrôlent, par ailleurs, c'est, je vais dire, la qualité de la circonscription offerte aux femmes. C'est le parti politique qui décide si une femme va être dans telle ou telle circonscription, un homme aussi, là. Donc, ça va être un incitatif, dans le fond, à offrir des circonscriptions gagnables à des candidates aux élections, c'est... puis d'avoir ça comme préoccupation au moment de présenter ses listes de candidates.

Mme LeBel : Mais, si je vous réponds à ça que, dans la conjoncture actuelle, avec quatre partis officiellement à l'Assemblée nationale, les circonscriptions gagnables, sûres, prévisibles vont être, dans le futur, de moins en moins prévisibles et sûres pour les quatre partis... parce qu'il y a, naturellement, une division des émergences. Donc, à ce moment-là... Et on l'a vu dans la dernière élection, puis je ne veux pas... je n'en fais pas de la partisanerie, je fais un constat de faits, il y a des comtés qui étaient des châteaux forts, qui étaient supposément prévisibles et gagnables, qui se sont avérés ne pas l'être, au final. Comment, à ce moment-là... dans un futur qui change, un électeur qui change, un citoyen qui n'a plus le même attachement indéfectible à un parti politique, mais il va vraiment aller plus peut-être sur les programmes de chacun, quelle stratégie proposez-vous, si on inclut ce genre de pénalités là à l'élection?

M. Pépin (Normand) : Quel genre de stratégie? Une fois que la règle sera établie, ça sera à chaque parti politique d'établir sa stratégie. S'ils choisissent de présenter 60 % de candidates pour avoir 40 % d'élues, ça sera leur choix, là, puis évaluer... De toute façon, moi, j'imagine que tous les partis politiques font des pointages sur les circonscriptions qui sont gagnables, et ils vont être obligés de l'évaluer peut-être un peu plus d'avance pour soit obtenir la bonification, soit éviter le malus, là, la pénalité.

Mme LeBel : O.K., merci. Merci pour votre éclairage.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Merci. Merci, messieurs, d'être là aujourd'hui. Je vais continuer sur la même lancée que la ministre. Hier, on avait Eric Montigny qui, en fait, disait... sur la parité, qui disait un peu le contraire de ce que vous dites. Il disait qu'il fallait laisser la chance au coureur pour vérifier la pérennité des gains en parité. En fait, il disait : Bien, faisons confiance à la vie, regardons en avant, on n'a pas besoin de mesures contraignantes. Qu'est-ce que vous, vous lui répondez? Pourquoi c'est important, selon vous, de mettre, justement, ces mesures contraignantes là?

M. Vachon (Luc) : Bien, écoutez, faire confiance à la vie... puis il peut y avoir deux courants de pensée là-dessus, là, mais faire confiance à la vie pour faire en sorte que ça va se positionner seul, écoutez, force est de constater, là, actuellement, qu'il faut quand même donner un coup de barre et il faut quand même, pour que ça se produise... Je veux dire, prenez tous les éléments d'équité salariale, prenez tous les éléments d'accession aux différents postes, actuellement, tous les débats sont autour de comment on met des mesures qui sont plus que des intentions pour être capables d'y arriver, parce que sinon, dans 30 ans, on va être encore à débattre de ces choses-là. Alors, faire confiance à la vie, ça dépend toujours combien de temps on peut... on espère de vivre, parce que ça va être long, hein, ça va être long.

Alors, ce qu'on dit, nous, c'est qu'il faut introduire des affaires, il faut introduire des choses et il faut introduire plus que de simples intentions au niveau des candidatures, puis on se dit : Bon, bien, regarde, on prend un engagement, on va faire ça, on va mettre un nombre sur la liste, puis après advienne que pourra. Tu sais, il y a tout un développement au niveau des engagements officiels, formels qui doit se faire par après. Donc, on parle au niveau des circonscriptions qui sont plus gagnables aussi, tu sais, pour ne pas qu'on se retrouve à dire : Bien, moi, j'ai mis une proportion de femmes sur ma liste de candidatures... de candidates, je suis correct, hein? Bien oui, mais, après, la résultante finale concrète d'une élection va être quoi? Et c'est la résultante finale qui est importante, pas ce qu'on a mis au début, c'est la parité concrète et réelle. Alors, il y a peut-être plusieurs façons d'y accéder. On ne peut pas dire... je ne dis pas que la nôtre est parfaite. La nôtre, ce qu'elle dit, c'est qu'il faut plus qu'y penser, il faut qu'il y ait des mesures réelles, concrètes, fortes qui soient mises en place.

Mme Robitaille : Là, vous dites : Bon, à ce niveau-ci, dans le projet de loi — en fait, vous qualifiez ça de «mesurettes», hein? — on devrait aller beaucoup plus loin que ça, donc encadrer pour avoir la parité pour ce qui est des candidatures mais aussi des élues, au bout du compte. Comment vous mettez vos mesures contraignantes pour les candidatures et, en bout de ligne, pour bonifier la parité au niveau des... après les élections? Est-ce qu'il y a une différence? Comment vous l'encadrez?

M. Vachon (Luc) : Ça, je pense qu'on n'est pas allés sur la détermination de quoi, combien, comment. On...

Mme Robitaille : Mais vous auriez une zone, hein? En tout cas, à partir de 40, là, il faudrait...

M. Vachon (Luc) : Oui, bon, mais là l'idée, c'est de se fixer des objectifs qui sont atteignables et qui vont générer, après ça, des incitatifs importants. Bon, alors, comment ça va se traduire? Est-ce que ça va se traduire de manière progressive? Est-ce que ça va se traduire... Ce n'est pas à nous d'établir ça. Je pense qu'il y a d'autres tribunes qui sont plus aptes que nous à faire ça.

Maintenant, nous, on s'attarde en disant : S'il n'y a pas d'éléments forts et d'éléments porteurs, bien, le modèle ne changera pas suffisamment. Les résultats qu'on va obtenir vont être à la mesure des mesures... vont être en fonction des mesures qu'on va établir. C'est ce qu'on croit.

Mme Robitaille : ...vous suggérez des pénalités plus que des bonifications, pas nécessairement les deux. On travaille avec les deux.

M. Vachon (Luc) : On va toujours être plus en faveur de mesures incitatives que de mesures de pénalité, tout le temps. Ça, on va toujours croire qu'il faut récompenser plus que punir. Maintenant, il y a quand même un minimum d'engagement, et, si un parti, par exemple, ne faisait pas les efforts, bien, il faut qu'il y ait quand même une couple de conséquences qui soient associées à ça.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.

Mme Weil : Oui. J'aimerais revenir sur cette question de proportionnalité et les régions administratives, parce qu'on veut, on souhaite, donc, la proportionnalité, des mesures pour faire en sorte que, dans les régions, la voix se porte, la voix des citoyens soit bien portée, mais l'élément de fonctionnalité, est-ce que ça pourrait être que le fait d'avoir une région administrative avec des instances, là, de décision qui fait en sorte que, les députés élus dans les comtés et les députés de région, il y ait comme un endroit où tout le monde peut travailler ensemble pour représenter les enjeux de la région? Comment vous faites la part des choses entre, d'une part, proportionnalité, qui est bien importante... Je vois, dans régions administratives... je pense comme ça, là, j'imagine... il y avait les CRE avant, il y a des instances régionales qui sont très utiles pour aider la démocratie. Est-ce que vous comprenez ce que je dis? C'est-à-dire que... Voyez-vous qu'il pourrait y avoir des avantages, aussi, de se coller, si on veut, aux régions administratives ou pensez-vous que... Parce que vous, vous souhaitez, évidemment, regarder plus l'élément proportionnalité, juste... J'aimerais vous entendre là-dessus.

Des voix : ...

Mme Weil : Le rôle, dans les régions, des municipalités et des instances décisionnelles administratives, qui sont vraiment, comment dire, un genre de pilier quand on veut savoir... bon, avoir le pouls des enjeux d'une région, on s'adresse à ces gens-là, qui permettraient... Parce qu'on voit, partout, les gens sont inquiets qu'il y ait une division entre les députés de région et les députés des comtés, ça revient constamment. Est-ce qu'il y a quelque chose qui peut faciliter le travail qu'ils ont à faire ensemble pour représenter les régions?

• (12 heures) •

M. Vachon (Luc) : Bien, ça, c'est parce qu'on véhicule cette catégorisation-là de deux types de députés. Et je pense que le grand défaut qu'on a, c'est qu'on regarde ça avec les lunettes d'aujourd'hui, sous un modèle actuel, sur un modèle qui n'a pas muté à répondre à ça. Dans un modèle réformé, pourquoi il y aurait moins d'efforts, moins d'intentions sur l'une ou l'autre des catégories de députés?

Nous, on est convaincus qu'à partir du moment où on va fonctionner avec nos nouveaux modèles, tous les députés, peu importe la façon dont ils vont accéder, vont avoir le même attachement, le même intérêt à la région. Et, en même temps, la population va s'y retrouver, elle aussi, va s'y retrouver. Parce qu'on part de la prémisse où, à chaque fois qu'on a notre député qui est notre identité, mais il y a des gens qui n'ont pas voté pour ce député-là ou ce ou cette députée-là, puis qui ont voté pour l'autre. Et c'est lequel, leur député? C'est lequel? Alors, à partir de là, moi, je pense que leur rôle va s'adapter et que les deux... Il n'y aura pas deux catégories, il va y avoir deux façons d'y accéder, mais il va y avoir des députés. C'est ça qu'il va y avoir. Moi, je pense que c'est ça.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Le référendum. Donc, vous dites, si je comprends bien : Un référendum pas en même temps que des élections, des élections, d'une campagne électorale. C'est bien ce que je comprends?

M. Vachon (Luc) : Tout à fait.

Mme Robitaille : Et maintenant j'aimerais vous entendre sur la participation des élus à un référendum comme celui-là. Le bureau de Mme LeBel... je lisais, dans un article... nous disait : «...on précise qu'il reviendra au premier ministre de décider si les membres du caucus pourront militer publiquement en faveur de la réforme.» Vous, quelle place vous attribuez aux élus? Quelle place ils devraient prendre dans un genre de référendum comme celui-là?

M. Vachon (Luc) : On n'arrête pas de parler qu'il s'agit là de quelque chose de quasiment historique. Bon, ça fait très longtemps qu'on en parle. Ça fait une vingtaine d'années, à peu près, qu'on en parle de manière plus importante. Alors, le référendum, un des problèmes — j'y vais sur deux volets, là — de le tenir en même temps que l'élection... Et j'ai entendu certaines remarques qui disaient : Oui, mais ça se gagne aussi. Il y a des endroits où ils l'ont fait en même temps que l'élection, et ça a été un Oui. O.K., «good», pas de problème, c'est vrai, ça existe. Ma question, moi, sur le référendum en même temps que l'élection, c'est que, si c'est un Oui, il n'y a pas de problème, le dossier est clos. Si c'est un Non, allons-nous recommencer à en parler pendant 20 ans? Parce que l'élément pour lequel on va encore continuer d'en parler, c'est le fait qu'on l'a noyé à travers l'élection. Voulons-nous, à ce tour-là, continuer de générer un débat pour les 20 prochaines années? La question se pose.

Nous, on pense qu'on est rendus là où... tellement près qu'il serait dommage, qu'il serait vraiment dommage de faire achopper une vraie consultation, si on veut en faire une, une vraie consultation en noyant ça à travers l'élection. Puis, la participation, là... bien, à mon avis, les partis qui ont signé l'entente transpartisane, ils ne se sont pas mis en position de neutralité. Alors, pourquoi on va se mettre en position de neutralité, tout à coup, dans les débats? Pourquoi? Notre rôle, c'est d'informer la population. C'est ça, le rôle. Notre rôle, c'est de faire en sorte que la population fasse un choix éclairé? Prenons les moyens qu'il faut et engageons-nous en fonction des convictions que nous avions lorsqu'on a pris ces ententes-là. Respectons ça et traduisons ça aussi dans nos actions.

Mme Robitaille : Donc, les élus devraient s'impliquer, ne devraient pas être gênés de s'impliquer, puis d'y aller, puis de donner leur point de vue. Puis ça les touche directement, évidemment.

M. Vachon (Luc) : Absolument. Mais je crois que c'est tout à fait légitime et que ça devrait faire partie du processus.

Mme Robitaille : Maintenant, est-ce que le chef du gouvernement, le chef de la CAQ, du gouvernement de la CAQ pourrait être aussi chef du camp du Oui?

M. Vachon (Luc) : Il pourrait.

Mme Robitaille : Parce qu'il y a un article dans le projet de loi qui l'interdirait, d'une certaine façon. Vous, est-ce que vous avez des problèmes avec ça? Est-ce que les leaders des... les chefs des partis devraient aussi se mouiller, puis choisir leur camp, puis devenir... Oui, allez-y.

M. Vachon (Luc) : Ils pourraient et ils devraient.

Mme Robitaille : Pourquoi?

M. Vachon (Luc) : Parce qu'il a été un des défenseurs de l'entente transpartisane, il y a eu des engagements de pris. Ce n'est pas une position neutre, ça, ce n'est pas une position neutre. Alors, quand on prend ce genre d'engagement là, c'est parce qu'on s'engage aussi à le défendre. Et l'entente transpartisane allait plus loin que ce qui est là sur la table aujourd'hui. Bon, maintenant... on allait plus loin, on se retire un peu. Bon, c'est correct. On peut comprendre qu'il y a différentes raisons, là, qui ont provoqué ça, on va vivre avec ça. Mais, maintenant, est-ce qu'aujourd'hui on peut adopter une position neutre? Je pense que c'est difficile d'adopter une position neutre. En tout cas, c'est un drôle de message qu'on donne à la population lorsqu'on adopte une position neutre suite à un engagement qu'on a pris. C'est un drôle de message.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Gouin, s'il vous plaît. M. le député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Oui, merci, M. le Président. Je vous rassure quand même, on a des indications... On a posé une question au premier ministre en Chambre, qui nous a dit qu'il s'impliquerait dans la campagne du Oui. En sera-t-il le chef? Ça reste à voir. Mais on essaie, de notre côté, de convaincre également le gouvernement et son premier ministre d'être résolument engagés. Puis, à ce stade-ci, l'information qu'on a, c'est en effet qu'il s'impliquerait, parce que, là, on est d'accord avec vous que c'est important.

Vous faites beaucoup de recommandations, certaines qui recoupent des choses qu'on a déjà entendues, d'autres qui sont nouvelles. J'aimerais vous demander c'est quoi, pour vous, la principale défaillance, le principal défaut de ce projet de loi là. Qu'est-ce qui vous dérange le plus, si vous aviez une chose à changer seulement?

M. Vachon (Luc) : Bien, oui, si j'avais une chose, moi, au niveau des réflexions qu'on a faites, qui m'agace le plus, je vais vous dire que la prime au vainqueur, c'est vraiment problématique. C'est vraiment problématique, parce que c'est comme venir défaire quelque chose qu'on essaie... Ça ne repose pas sur un principe qui rejoint, qui correspond à la proportionnalité. Alors, maintenant, je veux dire, il pourrait y en avoir d'autres, mais, s'il y en avait un pour lequel ça heurte de manière particulière, ça, pour moi, ça heurte.

M. Nadeau-Dubois : Vous n'êtes pas le premier à dire ça. On essaie tous de comprendre d'où ça vient, on essaie tous de comprendre qu'est-ce qui a inspiré ça, on essaie tous de comprendre quels sont les objectifs, parce qu'on dit souvent, ici, que les législateurs ne parlent pas pour ne rien dire. Quelle est l'intention, selon vous, derrière cette disposition-là du projet de loi? On la cherche, aidez-nous.

M. Vachon (Luc) : Oui. Là, vous me demandez, dans le fond...

M. Nadeau-Dubois : Faire une hypothèse.

M. Vachon (Luc) : ...de vous dire quelle est mon intention, quelle est l'intention derrière des débats auxquels on n'a pas participé. Mais j'ai l'impression que c'est plus une question d'interne, au niveau de toutes les incertitudes, un peu de venir réduire les incertitudes qui peuvent se générer, actuellement, au niveau... plus au niveau des députés, je dirais, sur la transformation. Il y a une zone d'insécurité. On comprend que, pour la population, il y a une zone, actuellement, d'insécurité dans le changement, tout changement comporte une zone d'insécurité. C'est vrai, certainement, à l'intérieur des partis, c'est vrai. Maintenant, moi, je pense que, si on est capables de franchir cette chose-là, si on est capables de franchir ça puis de vivre le nouveau modèle...

M. Nadeau-Dubois : ...d'avoir cette astuce-là.

M. Vachon (Luc) : Bien, ça, on n'en a pas... Écoutez, c'est sous un principe où on essaie de trouver des façons d'atteindre la proportionnalité. Il y a plein d'éléments qui peuvent se justifier, là, mettons, puis on peut trouver des arguments pour, des arguments contre au niveau des régions, au niveau de ci, au niveau de ça, mais celui-là, celui-là, pas capables d'en trouver, pas capables de trouver... si ce n'est que de trouver un mécanisme pour venir réduire l'effet de la proportionnalité, mais on n'est pas capables de trouver d'où c'est porté.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.

• (12 h 10) •

Mme Fournier : Merci beaucoup, M. le Président. Merci à vous pour votre présentation. Pour aller dans le même sens que le collègue de Gouin, en fait, moi, je pense que j'ai une hypothèse à vous soumettre. En fait, ce que dit le gouvernement quand il défend la question de la prime au vainqueur, c'est, en fait, que ce serait pour rassurer la population, hein, parce qu'on entend beaucoup que la réforme du mode de scrutin entraînerait une plus grande instabilité de notre système politique, donc de là, selon eux, l'instauration de la fameuse prime au vainqueur.

Mais, si je vous disais qu'il y avait également une autre proposition qui permettrait de réduire ce sentiment de crainte quant à l'instabilité de la réforme du mode de scrutin qui est l'encadrement des motions de censure, c'est-à-dire le fait de pouvoir limiter les possibilités de l'opposition de faire tomber, essentiellement, le gouvernement, est-ce que vous trouvez que ce serait une bonne solution de rechange à la question de la prime au vainqueur?

M. Pépin (Normand) : Bien, oui, tout à fait. Bien, d'ailleurs, c'est dans le mémoire puis... On ne fait pas une réforme du mode de scrutin pour pouvoir obtenir des gouvernements majoritaires, pas plus qu'on fait une réforme de scrutin pour absolument obtenir des gouvernements minoritaires. On fait une réforme du mode de scrutin pour que ça soit plus représentatif du suffrage exprimé. Quand on rentre dans ça, là, dans le diviseur par deux, on rentre dans une logique qui, de prime abord, apparaît incompréhensible, mais elle vise surtout à réduire la proportionnalité. On fait une réforme du mode de scrutin pour avoir une meilleure représentativité de la population, on devrait essayer, à tout le moins, de contrevenir à ce principe-là le moins possible. Puis encadrer les motions de censure, ça nous apparaît essentiel. Si un parti fait partie d'une coalition puis il décide de s'en dégager, bien, qu'il ait l'obligation de négocier puis essayer de former un autre gouvernement avec quelqu'un d'autre, ça va réduire les motions de censure frivoles, ça va assurer une meilleure stabilité aux gouvernements futurs. C'est la voie à suivre, selon nous.

Mme Fournier : Parfait. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) : Sur ce, merci beaucoup de votre participation aux travaux de la commission.

On suspend les travaux quelques instants pour demander au prochain groupe de venir s'installer. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 12)

(Reprise à 12 h 14)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La commission reprend ses travaux. Il me fait plaisir, maintenant, d'accueillir les représentants de Force Jeunesse à cette commission.

Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes de présentation et, par après, on aura un échange avec les membres de la commission. La parole est à vous. Merci d'être ici.

Force Jeunesse

M. Diallo (Daye) : Bonjour. Merci de nous recevoir. Merci à la commission de nous écouter, aux élus qui sont présents ici. Je m'appelle Daye Diallo, je suis le président de Force Jeunesse.

M. Jacques (Olivier) : Merci de nous recevoir. Je m'appelle Olivier Jacques, je suis le responsable au contenu de l'organisme Force Jeunesse.

Mme Racine (Éliane) : Puis je m'appelle Éliane Racine, je suis administratrice puis membre du Comité contenu sur Force Jeunesse.

M. Diallo (Daye) : Excellent. Donc, sans plus attendre, on va commencer. On sait qu'on n'a pas beaucoup de temps. Je vais quand même commencer à vous présenter rapidement qu'est-ce que c'est que Force Jeunesse. Certains connaissent déjà notre organisation.

Ça fait 20 ans que l'on existe. On est un groupe de jeunes bénévoles issus de la société civile en emploi, en éducation qui essayons de défendre les intérêts de la jeunesse québécoise dans les politiques publiques. Donc, on essaie de faire en sorte que les politiques publiques qui soient adoptées au Québec soient faites sous un angle d'équité intergénérationnelle qui fait en sorte que les intérêts de la jeunesse québécoise y sont présents. On est présents dans de nombreux domaines, en santé, le Fonds des générations, en matière de finances publiques, la représentation des jeunes sur les C.A. C'est des enjeux sur lesquels on s'est exprimés au cours des dernières années. Et comment est-ce que l'on fait ça, chez Force Jeunesse? On le fait de deux manières, soit en rencontrant directement les élus, comme aujourd'hui, on fait de la représentation politique, ou en faisant en sorte que les jeunes puissent rencontrer leurs élus dans certains événements que l'on organise pour pouvoir discuter avec ces élus-là des enjeux qui les concernent. Donc, rapidement, Force Jeunesse, c'est un peu ça.

Donc, on va embarquer directement, comme vous pouvez le voir à la page 5, sur la raison qui nous amène ici aujourd'hui, donc notre position sur la réforme du mode de scrutin au Québec, donc le projet de loi n° 39. Comme dit... le projet de loi n° 39 mentionne l'importance d'utiliser la réforme du mode de scrutin pour accroître la représentation des jeunes. Bien que Force Jeunesse appuie la réforme du mode de scrutin dans la perspective où celle-ci pourrait améliorer la représentation des jeunes, nous considérons que le projet de loi ne va pas assez loin pour favoriser cette dite représentation. Force Jeunesse considère que la réforme du mode de scrutin peut permettre au Québec d'atteindre deux objectifs : un, assurer une plus grande représentativité des jeunes dans les institutions démocratiques; deux, favoriser la prise de décision publique à long terme pour promouvoir l'équité intergénérationnelle dans les politiques publiques.

Dans les prochaines minutes, notre argumentation se fera de telle manière qu'on va essayer de vous démontrer comment est-ce que les systèmes proportionnels favorisent la représentation des jeunes et comment est-ce que ces systèmes proportionnels là favorisent une gouvernance à long terme où l'équité intergénérationnelle est présente dans les politiques publiques.

Donc, plus concrètement, en vue de favoriser la représentation des jeunes, Force Jeunesse propose l'instauration de quotas de 25 % de candidats de moins de 35 ans sur les listes compensatoires des partis politiques. Nous proposons aussi d'augmenter la proportionnalité du mode de scrutin proposé dans le projet de loi n° 39. Force Jeunesse propose d'abandonner la compensation régionale pour plutôt favoriser une compensation nationale. Tant qu'à faire, allons-y. Ainsi, la liste des candidats de chaque parti serait regroupée dans une seule liste nationale plutôt que dans 17 listes régionales. Non seulement cela augmenterait la proportionnalité du système, mais cela permettrait aux partis d'assurer un respect des règles de positionnement des jeunes. Il est en effet quasiment impossible d'imposer un quart de candidatures jeunesse si les régions compensatoires ne font qu'élire un ou deux députés. Force Jeunesse propose aussi de diminuer le seuil minimal d'entrée au Parlement de 10 % — je pense que ça fait consensus assez — à 5 % des votes à l'échelle nationale.

Finalement, nous invitons le gouvernement à augmenter le financement public au référendum et à le devancer. Dans les perspectives où ces demandes sont acceptées, Force Jeunesse réitère son appui à la réforme électorale en cours et formule donc les recommandations suivantes dans le cadre des consultations.

Pour faire un résumé, notre première recommandation consiste à instaurer un quota de 25 % de jeunes candidats de 35 ans et moins sur les listes compensatoires des partis politiques; deux, à augmenter la proportionnalité de la réforme électorale en faisant passer les régions desquelles sont issus les députés élus par listes partisanes de 17 à une seule; trois, augmenter la proportionnalité de la réforme électorale en diminuant le seuil minimal de votes obtenus à l'échelle nationale pour obtenir des sièges de compensation de 10 % à 5 %; et, finalement, de devancer la date du référendum — parce qu'on en propose un avec cette réforme du mode de scrutin — pour qu'elle soit au plus tard un an avant la campagne électorale et aussi d'augmenter le financement public pour les groupes souhaitant faire campagne pour ou contre la question référendaire. Ce sont les positions de Force Jeunesse.

Je vais passer la parole à ma collègue Éliane, qui est juste à ma gauche, pour étayer un peu plus nos positions.

• (12 h 20) •

Mme Racine (Éliane) : Oui. En fait, je vais vous parler du lien entre la représentation des jeunes et la proportionnelle, puis ce lien-là a été établi dans la littérature scientifique puis politique. Puis ce qu'on constate, c'est qu'il y a plus de représentation de la population à travers un mode proportionnel, et donc ça veut dire plus de femmes et plus de jeunes qui sont élus que dans un mode non proportionnel. Là-dessus, on se base, ici, sur l'étude qui a été faite sur la question de la représentation des jeunes en fonction du mode de scrutin. Puis ce qu'ils ont constaté, les auteurs, c'est que le pourcentage de jeunes de moins de 36 ans, pour un mode de scrutin proportionnel, était significativement plus élevé, à 12,1 % ou 10,6 %, dans une proportionnelle mixte que dans un mode de scrutin majoritaire, où on passait à 7 %.

Puis les raisons qui peuvent expliquer ce lien entre le système proportionnel puis la représentation des jeunes sont, premièrement, que, dans un scrutin majoritaire, les associations locales vont choisir ou vont élire les candidats, puis ça va avoir tendance à faire en sorte que les hommes plus âgés provenant de groupes ethnoculturels majoritaires soient surreprésentés. En ayant un système proportionnel, les listes qui vont être gérées par les partis vont permettre aussi d'imposer des règles de positionnement en fonction, par exemple, du genre ou, dans notre cas, de l'âge. Ensuite, les systèmes proportionnels tendent à augmenter le nombre de partis élus, puis donc à favoriser la représentation de partis dans lesquels les jeunes se retrouvent. Puis finalement, dans un système majoritaire, les partis ont des incitatifs à placer dans chaque comté des candidats qui ont le plus de chances d'être élus, alors que, dans un système proportionnel, les partis vont devoir diversifier leur clientèle électorale au maximum, et donc chercher à attirer les jeunes en mettant de l'avant les jeunes sur leurs listes électorales. Je vais passer la parole à mon collègue Olivier.

M. Jacques (Olivier) : Merci. Je voulais conclure en discutant des quotas électoraux. Force Jeunesse croit fermement que les quotas électoraux liés aux jeunes ont fait leurs preuves et seraient un excellent mécanisme pour assurer une représentation des jeunes à l'Assemblée nationale du Québec. L'exemple de la Suède démontre l'efficacité des quotas. Avec un quota, dans les listes de partis, qui exigent 25 % de candidatures de moins de 35 ans, la Suède a beaucoup plus de jeunes élus que la moyenne, avec 12 % d'élus de moins de 30 ans et plus de 34 % d'élus de moins de 40 ans dans l'Assemblée législative suédoise. Ainsi, Force Jeunesse recommande d'imposer une règle de positionnement dans les listes électorales de 25 % de candidatures de moins de 35 ans. Force Jeunesse propose aussi que les listes alternent un candidat jeune au minimum à chaque candidature... à chaque quatre candidatures, pardon, pour éviter que les candidats jeunes ne se retrouvent en bas des listes et aient moins de chances d'être élus.

La demande de Force Jeunesse concernant les quotas se limite aux candidats élus par liste régionale, puisque l'autonomie des associations locales pour la sélection des candidats des circonscriptions ne devrait pas être limitée. Il faut que ces quotas soient assortis de punitions et de récompenses qui soient conséquentes et qui dissuadent les partis à ne pas les respecter, et les quotas doivent être suffisamment élevés pour avoir un effet. Et il est peu probable que les quotas puissent fonctionner dans le mode de scrutin proposé par le projet de loi n° 39 actuel parce que le nombre de régions est trop élevé et le nombre de députés élus par liste régionale est trop faible. Par exemple, comment s'assurer qu'il y ait des jeunes élus sur les listes électorales si la majorité des régions n'ont qu'un à trois députés? Par exemple, une région à trois députés, où trois partis différents feraient élire son candidat en tête de liste, pourrait n'avoir aucun représentant de moins de 35 ans, malgré l'installation d'un quota.

Donc, pour que les quotas soient efficaces, on propose... et non seulement pour que les quotas soient efficaces, mais aussi pour réellement diminuer l'indice de distorsion du mode de scrutin, puisqu'on est convaincus que la proportionnalité du système électoral favorise la représentation des jeunes... donc, pour rendre la proposition de quotas viables et diminuer l'indice de distorsion, le gouvernement devrait éliminer la compensation régionale et passer à une compensation nationale. Plutôt que d'avoir 17 régions, le projet de loi n° 39 devrait plutôt considérer le Québec comme une seule région dans laquelle 45 députés seraient élus à partir d'une liste qui servirait à compenser les distorsions du scrutin nominal à un tour.

M. Diallo (Daye) : Excellent. Donc, pour conclure, je vous rappelle que Force Jeunesse réitère son appui au principe d'une réforme du mode de scrutin qui puisse augmenter la proportionnalité du système électoral québécois et la représentation des jeunes à l'Assemblée nationale. En effet, la position que l'on vient de vous dire démontre que la proportionnalité est associée à une meilleure représentation des jeunes, et cette représentation des jeunes pourrait être bonifiée à l'aide d'une règle de positionnement dans les listes électorales qui favorise les jeunes.

Vous savez, en général, les gens ont tendance à voter quand ils se sentent représentés. Donc, au Québec, nous faisons face à un enjeu où, d'élection en élection, on se rend compte que le taux de vote chez les jeunes est sensiblement plus bas, et l'on pense sincèrement que le fait d'avoir des gens qui les représentent, le fait d'avoir une certaine forme, aussi, de représentativité au niveau de la représentation hommes-femmes, de la représentation ethnique va faire en sorte que les gens se sentent plus concernés, qu'il y ait plus d'idées qui soient représentées au sein des partis politiques et que, de cette manière-là, on puisse, à long terme, se retrouver, au Québec, dans une situation où les partis politiques sont beaucoup plus représentatifs de l'ensemble de la population, et donc arrivent avec des idées et des solutions qui sont beaucoup plus représentatives. C'est un peu la position de Force Jeunesse. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci infiniment. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Merci, merci, messieurs, merci, madame, de votre présence. Et, d'entrée de jeu, je veux souligner l'excellente qualité de votre mémoire. J'apprécie surtout le fait que, dans votre argumentaire, c'est soutenu. Vous avez des exemples, vous nous dirigez vers d'autres pays, donc ça illustre vos propos. On peut être d'accord ou pas d'accord, mais vous avez une base extrêmement soutenue et vous avez des exemples pour les illustrer, puis merci beaucoup, ce qui fait en sorte que je n'ai presque pas de questions, dans le sens où c'est très bien compris.

Mais, quand même, j'aimerais voir un peu avec vous un point que vous amenez, et je le comprends, je comprends votre argument au niveau de la... pas de l'abolition, mais du fait qu'on ne se base pas sur 17 régions administratives, mais plutôt qu'on se base sur le Québec, donc une compensation nationale, une liste nationale plutôt que d'avoir des listes régionales, ce qui fait en sorte qu'on n'a plus à diviser le Québec en régions, selon votre proposition. Je la comprends très bien. Je comprends très bien le fait, aussi, qu'au niveau de l'argumentaire de la proportionnalité, bien, on a beaucoup plus de facilité à injecter de la proportionnalité dans notre Assemblée nationale parce qu'on n'est pas limités par la proportionnalité par région. Ça, ça me va très bien.

Là, où j'aimerais vous entendre, parce que c'est un peu silencieux, là, sur cet aspect-là dans votre mémoire, mais on en a discuté dans les dernières journées surtout, c'est sur comment on va opérationnaliser ça sur le terrain. Mettons qu'on s'en va dans la direction que vous proposez. À titre d'exemple — on jase — on accepte d'aller avec une liste nationale, on prend les 45 députés, puis on les met à la grandeur de la province du Québec. Beaucoup d'arguments circulent... on peut les adopter ou non, mais ce qui circule, entre autres, déjà avec la proposition gouvernementale, c'est qu'il y a un risque... bon, d'autres y répondent, mais qu'il y a un risque de créer deux classes de députés, c'est-à-dire un député de circonscription, un député de région. Il y a des réponses à donner à ces arguments-là, mais c'est quand même une crainte. L'attachement, aussi, aux régions, c'est une crainte. Quel est le rôle que le député régional va jouer? Et ce que j'ai entendu aussi, c'est : Comment le député de liste va se comporter en campagne électorale? Comment va-t-il faire campagne? Je pense qu'on y répond en divisant le Québec en 17 régions, en disant : Le député régional... comme la liste est régionale et la compensation est régionale, bien, le député de liste devra quand même faire campagne sur le terrain dans la région dans laquelle il se présente. Mais comment vous proposez, pour les députés nationaux? Est-ce qu'on ne vient pas exacerber cette impression-là ou cette crainte-là d'avoir deux classes de députés? Ils vont faire une campagne nationale, un peu comme un chef de parti? Est-ce qu'on ne vient pas favoriser l'entrée en jeu de candidats-vedettes comme on le craint? Comme vous n'avez peut-être pas eu l'occasion de le faire dans votre mémoire, je veux avoir votre tête sur cette façon d'opérationnaliser votre proposition sur le terrain, surtout du point de vue des citoyens, quel va être l'attachement, dans ce sens-là. Je comprends l'argument de proportionnalité, là, je veux aller sur un autre aspect.

M. Diallo (Daye) : Excellent. Je vais y répondre. Je vais prendre la première partie de la réponse, et je suis très content de voir que l'argument de la proportionnalité soit très bien compris et que vous voyez que la nécessité... Pourquoi est-ce qu'on a demandé à ce qu'il y ait une liste nationale? C'est qu'on voudrait, effectivement, qu'il y ait de la proportionnelle. On la veut, cette proportionnelle, faisons-la.

Et donc, pour répondre un peu plus à votre question sur l'aspect régional, sur comment est-ce que l'on fait pour essayer de s'arrimer au fait qu'on n'a pas juste les députés de circonscription et les députés nationaux, c'est là où Force Jeunesse, d'une certaine manière, a réfléchi à la question, puis, d'une certaine manière, on compte un peu sur la bonne foi des partis politiques et aussi sur un aspect pragmatique. Pour ne citer aucun parti, par exemple, il y a certains partis qui sont beaucoup plus représentés dans certains lieux géographiques du Québec ou pas. Sur l'île de Montréal, on ne citera pas ce parti-là, mais il est très représenté sur cette île-là, par exemple, en prenant cet exemple-là. Donc, ce parti aurait tout intérêt, sur sa liste nationale, à avoir des députés, dès le départ, qui ont un certain tropisme pour d'autres endroits que la région de Montréal, disons. Donc, des députés qui viennent, par exemple, de la Côte-Nord, des gens qui ont un attachement avec la Côte-Nord, par exemple si je ne prends que cet exemple géographique là, où, sur la liste électorale, on aurait déjà, dès le départ, un choix de députés qui seraient probablement élus, qu'ils viennent d'endroits où ces partis-là ne pensent peut-être pas pouvoir élire des gens issus des circonscriptions. Donc, de cette manière-là, on arrive déjà à avoir une certaine forme de représentation.

Puis un autre exemple que l'on a souvent, c'est que les députés à l'Assemblée nationale, ils ont souvent des portefeuilles. On peut être ministre, on peut être adjoint parlementaire, par exemple, au Tourisme ou à autre chose. Donc, dès le départ, ce qu'il faudrait, c'est que les députés qui sont élus sur les listes de circonscription aient déjà, d'une certaine manière, une affectation, et qu'on leur dise : Si vous êtes élu, bien, on pense que vous soyez peut-être plus... vous devriez normalement être plus dans la région de l'Outaouais, par exemple, puis que les citoyens sachent, de manière très claire, une fois que les élections se passent, à quels députés ils pourraient, par exemple, s'adresser s'ils n'arrivent pas à avoir accès à leur député de circonscription. Et donc ces députés-là, d'une certaine manière, seraient des députés de région qui remplaceraient, par exemple, les régions administratives. Donc, très rapidement, ça peut être une réponse à ce que vous dites.

• (12 h 30) •

Mme LeBel : Bien, je comprends ce que vous dites, je comprends l'argument de la bonne foi, mais il peut y arriver des cas, peu importe le parti, où on n'a pas cet équilibre-là régional dans les députés nationaux. Où est-ce qu'ils vont s'installer, ces députés-là? Est-ce que ça va être à leur choix? Quels dossiers ils vont porter? Clairement, c'est plus difficile de penser... Moi, je pense que ça se décline beaucoup mieux quand on parle de régions et de circonscriptions, quand on parle des 17 régions, de penser qu'il va y avoir une organisation sur le territoire et que, bon, des députés régionaux de circonscription ou de liste pourront aussi faire des cas de comté, peu importe, et vice versa. Mais on parle de 45 députés nationaux, oui, la bonne foi, mais une fois... quel va être le rôle de ces députés-là? Est-ce qu'ils vont faire des cas de comté? Quels comtés?

M. Diallo (Daye) : En fait, la bonne foi, c'est aussi une question de pragmatisme. C'est que, comme je vous dis, les partis politiques n'ont aucun intérêt à concentrer des députés d'un seul coin du Québec dans le cas où c'est une représentation nationale. Puis aussi, de manière très claire, ce sera aux partis politiques d'assigner une certaine forme de régionalisation à l'action de leurs députés. Donc, oui, ces députés-là, s'ils n'arrivent pas... pardon, si les citoyens n'arrivent pas à entrer en contact avec leur député de circonscription ou c'est beaucoup plus difficile, il faut que, dans l'information que les partis divulguent aux citoyens, les citoyens sachent de manière très claire vers lesquels des députés ils pourraient se tourner s'ils se trouvent, par exemple, dans l'Outaouais.

Donc, ce sera un travail aux partis de le faire, mais c'est aussi une question de pragmatisme parce que, si un parti politique, sur ces 45 personnes qu'il met sur la liste nationale... ne sont que dans la grande région de Québec, bien, le parti se tire d'une certaine manière une balle dans le pied en faisant ça.

M. Jacques (Olivier) : Si je pouvais rebondir rapidement, je pense que la question de permettre la double candidature serait assez pertinente dans ce cas-là. On pourrait éviter, là, d'avoir deux classes de députés. Je pense que ce serait vraiment une bonne réforme à mettre de l'avant aussi. Et je pense qu'en fait on peut réfléchir au fait que notre liste nationale permet aux partis, à l'ensemble des partis d'avoir une forme de représentation dans plusieurs régions qu'ils n'ont pas nécessairement actuellement. Et donc je ne pense pas que la question de la représentation régionale de chacun des partis est vraiment problématique avec notre réforme.

Mme LeBel : Peut-être qu'il y a la question du point de vue du citoyen qui, au moment où il vote, ne saura pas, lui, qui sera son député régional ou s'il aura un député régional, parce que ce sera le parti... ça dépendra du pourcentage national du parti, ça dépendra de qui, sur sa liste, sera sélectionné et ça dépendra du pragmatisme du parti, que je ne mets pas en doute, qui devra assigner, après coup, peut-être un député à une région donnée. Donc, le citoyen, de son point de vue, quand il vote... alors qu'avec la proposition gouvernementale présentement sur la table la liste est fermée, elle est régionale, le citoyen sait qui est susceptible de le représenter, alors qu'avec une liste nationale... Du point de vue de la proportionnalité, j'en suis. Quand on parle d'une proportionnalité maximisée, là, c'est sûr que la liste nationale, effectivement... Dans les choix qu'on a dû faire dans la proposition, bien, il a fallu sacrifier une portion de la proportionnalité pour avoir une portion de représentativité régionale et d'attachement.

Mais je reviens sur un autre point, parce que je veux être sûre de... pas parce que ce n'est pas intéressant, on pourrait en discuter pendant des heures, puis on aura peut-être l'occasion de le refaire, mais la question des quotas, et je vous ramène à la bonne foi des partis, on a eu un expert qui est venu nous dire : En matière de parité hommes-femmes, à titre d'exemple, en 2018, on a quand même eu une année exemplaire de tous les partis confondus, on a eu une année exemplaire, on a même eu des années exemplaires en termes d'élection, en termes de représentation à l'Assemblée nationale, en termes de constitution du Conseil des ministres. Si on prend une photo de 2018, là, on est en bonne posture au niveau de la parité hommes-femmes. Malgré tout, les groupes de femmes viennent nous demander de mettre des quotas et d'être plus coercitifs dans nos mesures. Certains experts sont venus nous dire : Bien, ça va bien, il y a une belle tendance, il y a un point de bascule. Voyons voir la bonne foi des partis, justement, parce que ce sera, ultimement, aux citoyens de juger de l'attitude des partis. C'est un peu la nature des mesures qu'on a mises, c'est-à-dire vous déclarez vos intentions, vous déclarez si vous avez rempli vos propres intentions, et le peuple, en bon français, jugera de votre performance et si vous êtes à côté de la plaque ou non. Vous me parlez de la bonne foi des partis par rapport à la distribution nationale, mais vous semblez en douter par rapport à la représentation des jeunes. Alors, comment concilier tout ça?

M. Diallo (Daye) : Pour répondre très rapidement à cette question, c'est que notre mode de scrutin actuel existe depuis plus d'un siècle, puis, de manière très claire, jusqu'à maintenant, le nombre de jeunes présents à l'Assemblée nationale n'a jamais été significativement proche de la réalité qui existe au Québec, et c'est pour ça... c'est pourquoi on pense qu'il faudrait une mesure très claire, une mesure, effectivement, très forte pour faire en sorte qu'il y ait plus de jeunes à l'Assemblée nationale, et ça, ça passe effectivement par le fait où il faudrait imposer aux partis politiques ce 25 % là, qui est juste une présence sur les listes électorales, qui ne veut pas forcément dire qu'il y aura autant de jeunes présents à l'Assemblée nationale, mais en espérant que ça fasse en sorte que le seuil augmente.

Par exemple, un exemple, à la dernière élection, en 2018, il n'y avait que 9 % de jeunes de moins de 35 ans à l'Assemblée nationale, donc il y a très clairement quelque chose à faire là-dessus. Et c'est pourquoi, on le répète encore, sur cet enjeu-là, on veut aller au-delà de juste la bonne foi pour faire en sorte qu'il y ait des balises qui sont très claires pour obliger les partis à avoir plus de jeunes. Et, comme nous disait tout à l'heure mon collègue, avec ça, on s'en vient aussi avec des idées pour qu'il y ait des bonus et des malus en fonction du respect de ce critère-là.

Mme LeBel : Oui, puis vous faites d'ailleurs une très belle nomenclature des possibilités. Donc, vous parlez, naturellement, de... votre mesure est d'introduire, par le biais des listes, si je comprends bien, une certaine forme d'alternance, là, vous la décrivez très bien dans votre mémoire. Vous faites référence au fait que, dans d'autres... les mesures punitives, je crois, n'ont pas nécessairement tout leur impact parce que, souvent, bon, on peut les contourner. Est-ce que vous favorisez une mesure plus qu'une autre? Vous parlez du rejet de la liste, vous parlez de bonus, vous parlez de malus, mais est-ce qu'il y a quelque chose qui, à votre sens... Je comprends que ce sont toutes des mesures que vous mettez de l'avant, mais, à votre sens, est-ce qu'il y a une mesure qui est plus efficace qu'une autre quand on parle du respect de ce quota-là? Parce que, quand on impose un quota, encore faut-il qu'il y ait une façon de le faire respecter, là, un levier.

M. Jacques (Olivier) : Franchement, on n'a pas de... il n'y a pas de recette magique, je pense, mais il faut s'assurer que la punition et la récompense soient suffisamment élevées pour créer un incitatif très clair pour que les partis respectent ce quota-là. Mais de là à exclure un parti de la liste électorale d'un parti, je pense que... Par exemple, ce qui se fait, je pense que c'est en Espagne, où la liste est tout simplement rejetée jusqu'à ce que le quota soit rempli, c'est sûr que ça fonctionne, là, mais, bon, on peut considérer que c'est peut-être un peu radical, mais ça dépend à quel point on veut absolument que les quotas fonctionnent.

D'ailleurs, on veut réitérer qu'on est d'accord avec les groupes qui proposent une alternance hommes-femmes sur les listes électorales aussi. Ça serait vraiment plus facile à faire, d'ailleurs, avec une seule liste nationale.

Mme LeBel : Bien, merci beaucoup. Merci pour votre rapport, très apprécié.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Merci, M. le Président. Bonjour à tous les trois. C'était vraiment un plaisir de lire votre mémoire, et, comme la ministre, je vous félicite, c'était intéressant.

Et je vais aller un peu plus loin. En fait, j'écoutais ce que vous disiez à la ministre, et ça m'intéresse beaucoup. On aura peut-être... En tout cas, le projet de loi nous dit : On aura 80 députés de circonscription et 45 députés de liste, et donc 80 députés qui sont élus directement par les gens et 45 députés qui sont, finalement, établis par, en tout cas, les partis, hein? Ce sera le pouvoir du parti d'établir des noms, d'établir ces listes-là. Vous dites : Peut-être que... et puis je veux vous entendre là-dessus, est-ce que j'ai bien compris qu'on a peut-être deux catégories de députés, deux types de députés, vous, ça ne vous dérange pas? Ça ne vous dérange pas.

M. Diallo (Daye) : Très rapidement, non, parce que le Québec ne serait pas dans une situation unique au monde. Il y a des proportionnelles mixtes un petit peu partout à travers le monde. Puis, de manière claire, non, ça ne nous dérange pas. Puis, comme on le disait tout à l'heure, il y a une manière, quand même, d'attribuer à ces députés-là des fonctions qui feraient en sorte qu'ils soient beaucoup plus proches de la population, localement parlant.

M. Jacques (Olivier) : Et permettre la double candidature, aussi, règle une partie de ces problèmes-là, parce que c'est les mêmes candidats qui pourraient se présenter aux circonscriptions et aux listes.

Mme Robitaille : Alors, comment vous verriez, par exemple, les tâches, les responsabilités du député de liste versus le député de circonscription?

• (12 h 40) •

M. Diallo (Daye) : Les tâches et responsabilités, d'une certaine manière, seraient pareilles. On peut déjà s'inspirer de ce qui se passe au provincial et fédéral, même si ce n'est pas les mêmes compétences et ce ne sont pas les mêmes actions, mais un citoyen peut aller taper, sur certains enjeux, autant à la porte de son député provincial qu'à la porte de son député fédéral, même si, bon, à la limite, l'un ou l'autre ne pourra pas l'aider sur son problème. Mais l'idée, ce serait vraiment que, oui, avec les circonscriptions qui restent, aujourd'hui, on en parle de 80, que le premier réflexe du citoyen soit d'aller vers son député de circonscription, mais, comme on disait tout à l'heure, il est possible que les partis puissent attribuer de manière très claire aux différents députés, donc aux 45 députés élus de liste nationale, des objectifs géographiques. Donc, le citoyen saurait, en allant sur un portail, par exemple, mis en place par le gouvernement, à qui il peut s'adresser si, effectivement, son député de circonscription n'est pas là pour répondre à sa question ou il n'est pas satisfait du travail de son député de circonscription. Et, même pour le parti, électoralement parlant, vous savez, il peut se faire sanctionner. Si, effectivement, ce citoyen-là n'arrive pas à se faire servir par son député de liste, aux prochaines élections, il y a fort à parier que ce citoyen-là s'en rappellera.

Mme Robitaille : Donc, ça serait du cas par cas, ça serait individuel, ça serait... Bon, c'est ce que je comprends de ce que vous dites? Mais je vous écoute, là, et puis je me dis : Est-ce qu'on pourrait... Parce qu'on en a déjà parlé, ça a déjà été amené comme idée, d'amener un amendement qui préciserait les rôles de l'un et puis les rôles de l'autre. Est-ce que vous pensez que ça, ça serait une bonne idée? Non? Monsieur dit non. Pourquoi?

M. Jacques (Olivier) : Vous semblez en avoir discuté davantage que nous.

Mme Robitaille : Non, mais c'est parce que vous en avez parlé tout à l'heure avec la ministre. Vous me dites ça, je vous entends, je trouve ça intéressant.

M. Diallo (Daye) : A priori, on ne serait pas contre parce que, vous savez, nous, on est pour le plus de clarté possible. Donc, il est très clair qu'en ayant deux types de députés, des députés de circonscription et les députés nationaux, il faut que ça soit très clair pour les citoyens. Donc, si ça passe par un amendement qui, dès le départ, décide d'attribuer des rôles et des responsabilités, on ne serait, a priori, pas contre, mais il faudrait qu'on le voie, effectivement. Puis l'objectif derrière tout ça, c'est que, pour le citoyen, in fine, ça soit le plus facile possible.

Et je tiens quand même aussi à rappeler... C'est que la raison de cette liste nationale là, c'est qu'aujourd'hui certaines projections qui ont été faites démontrent que, si, par exemple, le scrutin se serait tenu avec cette réforme-là, ça n'aurait pas grandement changé, donc la composition de l'Assemblée nationale, au jour d'aujourd'hui, serait à peu près pareille à celle précédente. Donc, la réforme actuelle ne règle pas ce problème-là. Oui, il est un tout petit peu plus proportionnel mais ne répond pas à cet objectif-là où la proportionnalité est un système électoral qui permettrait d'avoir une représentativité plus grande à l'Assemblée nationale, autant d'idées politiques que de catégories de citoyens : jeunes, moins jeunes, diversités ethniques, femmes, hommes, etc.

Mme Robitaille : Mais je veux revenir sur ce que vous disiez, donc, juste pour conclure, pas une mauvaise idée de définir ces types de députés là, en leur donnant des tâches... bien, en tout cas, en établissant des...

M. Jacques (Olivier) : On est d'accord avec vous. Nous, par exemple, on priorise vraiment la diminution de l'indice de distorsion dans la réforme électorale. C'est ce qu'on trouve le plus important.

Mme Robitaille : Maintenant, vous parlez du référendum puis là vous dites, vous suggérez... recommandation 4 : «Devancer la date du référendum pour qu'elle soit au plus tard un an avant la campagne électorale.» Il va falloir qu'on se dépêche. Donc, 2021, vous pensez que c'est réaliste? Vous pensez que c'est possible?

M. Diallo (Daye) : Oui, 2021, c'est réaliste et possible. Et, oui, vous disiez... Vous savez, cette réforme du mode de scrutin là, on en parle depuis un siècle, à peu près, quelque chose comme ça. Oui, on peut se presser, on peut se dépêcher. Je pense que, si toutes les forces vives autour de la table étaient d'accord avec ça, en un an, ce serait possible d'organiser ce référendum-là qui permettrait à la population du Québec de se prononcer. Mais, comme on disait, chez Force Jeunesse, je tiens quand même à le préciser, c'est qu'on est pour un référendum. Chez Force Jeunesse, on considère que cette question est importante et qu'il faudrait que la population se détermine là-dessus, mais ça ne veut pas forcément dire qu'il faudrait que l'on fasse ce référendum-là un an avant les élections.

On est aussi d'accord avec l'autre proposition, qui ferait en sorte que l'on tienne le prochain scrutin en fonction du nouveau mode de scrutin, puis qu'on l'essaie deux fois, puis qu'ensuite on demande à la population de se prononcer là-dessus. L'argument, ici, c'est qu'il faut absolument que les Québécois se prononcent sur le changement de leur mode de scrutin, mais ça peut se faire avant le scrutin comme ça peut se faire après, mais il faut le faire.

Mme Robitaille : Bien, donc, mieux vaut tard que jamais. Si ce n'est pas dans un an, ça peut être dans trois ans. L'important, c'est qu'on l'ait, c'est ce que vous me dites. Mais l'idée d'avoir un référendum en même temps que des élections, c'est quoi, votre position là-dessus? Vous êtes...

Mme Racine (Éliane) : Bien, en fait, nous, on préférerait que la question du référendum soit séparée des élections pour ne pas que ça devienne un enjeu dans la campagne électorale puis, vraiment, que les gens puissent répondre à la question du référendum en faisant fi de ce qui se passe au niveau politique.

M. Diallo (Daye) : Et l'histoire, aussi, démontre qu'à chaque fois que la question a été mêlée à une élection normale, c'est souvent passé au second plan ou, du moins, l'enjeu était tellement très peu discuté, tellement très mal expliqué à la population que, bien, ça n'a pas été aussi viable que ce que l'on voudrait. Les gens ont le droit de se prononcer là-dessus, mais il faudrait que l'information leur arrive et que l'information normale leur arrive, oui.

Mme Robitaille : On en a parlé, tout à l'heure, au groupe qui vous a précédé, quel rôle vous voyez aux députés? Est-ce que les députés devraient s'impliquer directement dans une campagne référendaire, devraient se mouiller, là, ne devraient pas se gêner, en fait?

M. Jacques (Olivier) : Ça, là, ça devient une opinion un peu personnelle, de notre côté, là. Je pense qu'on n'est pas les mieux placés, là, pour avoir une opinion là-dessus, là, je crois, franchement.

Mme Robitaille : Mais vous représentez les jeunes, les étudiants, les moins de 35 ans. C'est quoi, le sentiment? Est-ce que vous avez... Bien, parce que vous y avez réfléchi. L'implication de vos élus, par exemple, dans une campagne référendaire...

M. Jacques (Olivier) : Nous, ce qu'on pense qui est important... C'est une réforme qui est complexe, mais c'est une question qui est complexe, puis ce qui est important, c'est que les gens sachent de quoi il s'agit. Si la participation des élus aide, ce qui est probablement le cas, et, si le premier ministre, le gouvernement en général se mettent du côté de la réforme électorale, ça aiderait certainement. Nous, on veut que la réforme passe et on veut que les gens soient informés lorsqu'ils fassent un vote. Donc, oui, logiquement, ça serait bien que les députés puissent s'impliquer d'un côté ou de l'autre, ne serait-ce que pour que les gens soient informés.

Mme Robitaille : Vous dites aussi : «Augmenter le financement public pour [que] les groupes souhaitant faire campagne pour ou contre la question référendaire [puissent participer].» La place des jeunes... Et est-ce que... Bien, comment vous voyez ça s'articuler et pourquoi c'est important?

M. Diallo (Daye) : La place des jeunes, elle est importante, effectivement, dans ce débat-là. Vous le savez, il y a des groupes de la société civile, comme Force Jeunesse et d'autres qui nous ont précédés ici, Citoyenneté Jeunesse, l'UEQ, et la FECQ, et d'autres peut-être que j'oublie le nom, on sera présents dans l'espace public pour pouvoir défendre certaines idées qui sont en lien avec cette réforme du mode de scrutin là. Comme vous pouvez le voir dans le mémoire, déjà, dans le cadre des commissions parlementaires, on propose certains changements qui feraient en sorte que la représentation des jeunes soit beaucoup plus importante, et d'autres types de populations au Québec. Mais c'est clair que, durant la campagne, si campagne il y a lieu, ces groupes de la société civile là essaieront de participer au débat. Surtout, comme j'ai dit, chez Force Jeunesse, on est là aussi pour animer le débat public, faire en sorte que des gens qui représentent certaines idées politiques entrent en contact avec la jeunesse pour leur parler de leurs idées mais aussi pour faire monter plus haut les idées de ce que ces jeunes-là pensent, donc c'est comme ça que des groupes jeunes, comme le nôtre, pourront s'impliquer dans une éventuelle campagne référendaire sur la question.

Mme Robitaille : Vous dites... Je vais revenir à cette idée de quota, là, de 25 % de jeunes candidats de 35 ans et moins, donc c'est circonscrit aux listes compensatoires seulement. Pour ce qui est des candidatures, pour ce qui est des circonscriptions, vous ne touchez pas à ça, c'est bien ce que je comprends?

M. Diallo (Daye) : Vous savez, dans un monde idéal, comme je le disais tout à l'heure, ça devrait être normal aussi que, dans les circonscriptions, cette question-là soit à l'ordre du jour au moment de choisir un candidat. Mais, pour l'instant, vous savez... ma grand-mère disait souvent qu'il faut choisir ses batailles. Pour l'instant, la première bataille, effectivement, c'est celle des listes nationales, où l'on pense qu'il est beaucoup plus facile de pouvoir avoir ce genre de quotas là parce que circonscription par circonscription, en général, c'est beaucoup plus difficile et c'est pour ça qu'aussi la raison des 17 régions nous semblait un peu compliquée pour avoir des quotas de jeunes. Donc, dans un mode idéal, on serait aussi pour que, dans ces circonscriptions-là, les gens aillent de l'avant vers plus de jeunes.

Mme Robitaille : Donc... Oui, allez-y.

M. Jacques (Olivier) : Mais c'est qu'en même temps il y a un arbitrage à faire, là. C'est évident que le fait que les circonscriptions aient une forme d'autonomie, ça diminue la concentration du pouvoir vers le premier ministre, ça crée une démocratie locale qu'on ne veut pas enlever, là. Donc, on est conscients des arbitrages que la ministre a à faire et donc on ne veut pas imposer des quotas à ces circonscriptions locales là, mais c'est très facile de le faire en fonction des listes.

Mme Robitaille : Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : Bonjour. Merci d'être ici. Vous semblez avoir comme préoccupation principale la question de la proportionnalité. C'est une préoccupation qu'on partage. Et donc je me surprends, amicalement, de ne pas vous avoir entendu parler puis qu'il n'y ait pas de recommandation dans votre même au sujet de cette fameuse prime au vainqueur dont on parlait, justement, avec le dernier intervenant. Est-ce que ce n'est pas là, selon vous, un des principaux, sinon le principal accroc à la proportionnalité dans ce projet de loi là?

M. Diallo (Daye) : On avait 10 minutes pour exprimer nos positions, mais c'est très clair qu'au-delà de la prime au vainqueur nous pensons que la réforme proposée actuellement n'est pas adéquate pour augmenter la proportionnalité voulue à l'Assemblée nationale du Québec. Et effectivement la notion et la question de prime au vainqueur fait partie de l'ensemble de ces petites choses qui font que la réforme proposée actuellement n'est pas la plus adéquate.

M. Jacques (Olivier) : Mais prime au vainqueur ou pas, si on garde, là, les listes comme elles le sont, ça va être difficile d'avoir notre objectif de règles de positionnement qui favorisent les jeunes sur les listes.

• (12 h 50) •

M. Nadeau-Dubois : Je comprends bien cela. Je veux vous entendre également sur le financement... En fait, sur la campagne référendaire, vous parlez de financement public, à votre quatrième recommandation, vous parlez d'augmenter le financement public pour les groupes souhaitant faire campagne pour ou contre la campagne référendaire.

Juste pour bien comprendre votre recommandation, est-ce que vous parlez là des camps officiels — parce que les amendements déposés par la ministre instaurent un camp du Oui et un camp du Non reconnus par le DGEQ — ou vous parlez des tiers qui, en vertu de ces mêmes amendements-là, pourraient aussi faire campagne puis auraient une limite de dépenses? Est-ce que vous demandez qu'il y ait du financement public pour les tiers ou plus de financement public pour les camps officiels du Oui et du Non?

M. Diallo (Daye) : Normalement, chez Force Jeunesse, comme je vous disais, pour un souci de clarté et de transparence, on serait plus pour un financement officiel des camps du Oui et du Non, qui seraient officiellement financés, et qui seraient officiellement étiquetés, et qui auraient une voix claire sur la question pour la transmettre aux Québécois.

M. Nadeau-Dubois : En ce moment, c'est un peu moins que 1 million de dollars. Vous, vous souhaiteriez qu'il y ait davantage d'argent à l'intérieur de chaque camp pour financer la campagne référendaire.

M. Diallo (Daye) : Vous avez dit combien?

M. Nadeau-Dubois : C'est à peu près... un peu moins que 1 million, en ce moment, c'est 850 000 $, à peu près.

M. Diallo (Daye) : J'avais entendu «8 millions», j'étais... C'est beaucoup d'argent, ça.

M. Nadeau-Dubois : Non, c'est un peu moins que 1 million, à peu près 850 000 $.

M. Diallo (Daye) : Non, oui, on serait... On considère que, pour une question aussi importante pour la vitalité du Québec et du système démocratique du Québec, 1 million, c'est très peu d'argent pour la question.

M. Nadeau-Dubois : O.K. Quelle est votre position sur le nombre de députés? Vous n'en avez pas parlé. Si, en tentant de trouver ce fameux équilibre que, je pense, on tente tous de trouver, ici, entre différentes formes de proportionnalité, entre différents principes démocratiques, une des voies, c'était d'augmenter le nombre de députés, est-ce que vous y verriez un inconvénient majeur?

M. Jacques (Olivier) : Pas du tout.

M. Nadeau-Dubois : Ça a le mérite d'être clair. Merci beaucoup.

M. Diallo (Daye) : Mais je tiens quand même à préciser qu'il a fallu faire des choix parce qu'effectivement il y a toute la réflexion portée sur comment augmenter la proportionnalité du mode de scrutin québécois, puis on a pensé aussi à la question d'augmenter le nombre de députés, mais on n'a pas, finalement, choisi cette option-là, mais c'est quelque chose auquel on a réfléchi et qui serait possible, parce qu'effectivement, si je me rappelle bien notre statistique, depuis les années 80, le nombre de députés n'a pas augmenté au Québec, on est toujours à 125 députés, puis il y aurait peut-être quelque chose à faire là.

M. Jacques (Olivier) : Puis on ne voulait pas vous proposer un mémoire avec huit recommandations qui allaient dans tous les sens, donc on en a choisi une, mais il y a d'autres possibilités, définitivement.

M. Diallo (Daye) : Il faut choisir ses batailles.

M. Nadeau-Dubois : Vous avez choisi vos batailles, voilà, c'est ça.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.

Mme Fournier : Merci beaucoup pour votre présentation. Merci de ces points si importants que vous amenez concernant la représentation des jeunes à l'Assemblée nationale. Vous savez, pour cette législature-ci, nous sommes 17 % de députés âgés de moins de 40 ans, mais en fait on représente 30 % de la population québécoise, à peu près, donc c'est vraiment nécessaire. Au-delà de la question de la réforme du mode de scrutin, à l'instar de certains groupes de défense des droits des femmes, est-ce que vous êtes en faveur d'une loi sur la représentativité des jeunes à l'Assemblée nationale?

M. Diallo (Daye) : Oui, oui. Comme tout à l'heure... de manière très claire, on est pour une loi claire pour la représentativité... pour la représentation des jeunes à l'Assemblée nationale. Puis, comme je le disais tout à l'heure, je tiens quand même à le répéter, chez Force Jeunesse, on est pour plus de présence féminine à l'Assemblée nationale, pour une meilleure représentativité. On n'a pas apporté ces points-là dans notre mémoire, mais on supporte ces groupes-là qui demandent qu'il y ait une parité hommes-femmes puis qu'il y ait une plus grande représentation des différents groupes sociaux du Québec à l'Assemblée nationale.

Mme Fournier : Merci beaucoup. Maintenant, en ce qui concerne les objectifs plus globaux du projet de loi, vous avez dit que, pour vous, votre but, c'était de réduire au maximum l'indice de distorsion dans le projet de loi. Donc, le collègue de Gouin a parlé de la fameuse prime au vainqueur, qui, effectivement, n'aide pas à se rapprocher de l'objectif. De la part du gouvernement, on entend que c'est pour des raisons de stabilité des gouvernements, ce qui est quand même un peu curieux, considérant qu'il existe la mesure d'encadrement des motions de censure qu'il serait possible d'utiliser pour arriver aux mêmes fins. Donc, seriez-vous favorables à l'implantation d'une telle mesure dans le projet de loi?

M. Jacques (Olivier) : Oui.

Mme Fournier : Trouvez-vous que ce serait une bonne solution de rechange aux primes au vainqueur?

M. Jacques (Olivier) : Oui.

Mme Fournier : Très bien. Merci beaucoup.

M. Diallo (Daye) : Ça a le mérite d'être clair.

Le Président (M. Bachand) : Alors, sur ce grand degré d'efficacité, merci beaucoup de votre participation à la commission.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 54)

(Reprise à 15 heures)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bon après-midi. Bienvenue. La Commission des institutions reprend ses travaux. Comme vous savez, je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de pouvoir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Rappel du mandat : La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 39, Loi établissant un nouveau mode de scrutin.

Cet après-midi, nous allons entendre, entre autres, les personnes et groupes suivants : M. Henry Milner, chercheur invité au Département de science politique de l'Université de Montréal, M. Stéphane Rouillon, directeur au Centre de recherche informatique de Montréal, M. Marc-André Bodet, professeur agréé au Département de science politique de l'Université Laval.

Mais nous avons le plaisir d'accueillir, aujourd'hui, les représentants d'Élections Québec. Alors, bienvenue, c'est un grand plaisir. Alors, je vous cède la parole pour 10 minutes, et après ça on aura un échange avec les membres de la commission. Alors, M. Reid, vous avez la parole.

Directeur général des élections

M. Reid (Pierre) : Ah! bien, M. le Président, Mmes, MM. les membres de la commission, d'abord, je tiens à vous remercier de m'avoir invité à participer aux consultations particulières sur le projet de loi n° 39. Je suis accompagné, cet après-midi, de Me Lucie Fiset, qui est la directrice du financement politique et des affaires juridiques, qui est à ma gauche, de Mme Catherine Lagacé, qui est secrétaire générale, ainsi que M. Jean-François Blanchet, qui est le directeur des opérations électorales.

Le projet de loi n° 39 propose de remplacer le mode de scrutin majoritaire uninominal actuel par un mode de scrutin mixte avec compensation régionale. Un tel changement requiert d'importantes modifications à la Loi électorale et a des répercussions sur l'ensemble des processus électoraux qui sont sous ma responsabilité.

La Loi électorale prévoit que le Directeur général des élections peut être consulté par le gouvernement sur toute législation à caractère électoral. Conformément à un décret pris par le gouvernement en janvier 2019, mon équipe a fourni, au cours de la dernière année, son expertise sur les questions liées à l'organisation et à la tenue des élections et sur les impacts techniques d'un nouveau mode de scrutin ainsi que sur ses délais de mise en oeuvre.

La fonction que j'occupe exige que mon équipe et moi fassions preuve d'impartialité et de neutralité. Pour cette raison, les échanges que nous avons eus n'ont jamais porté sur le choix du mode de scrutin envisagé par le gouvernement ni sur toute autre question de nature politique.

Le projet de loi n° 39 propose également la tenue d'un référendum sur le mode de scrutin. Le gouvernement a déposé, en décembre dernier, une série d'amendements à ce projet de loi qui prescrivent le cadre légal retenu pour un référendum qui aurait lieu lors de la prochaine élection générale prévue le 3 octobre 2022, et, là encore, nous avons fourni notre expertise. La semaine dernière, j'ai transmis à la commission un mémoire sur le projet de loi n° 39 qui, je le souhaite, nous permettra d'avoir une compréhension commune des effets des dispositions de ce projet de loi sur les processus électoraux et sur l'administration des élections.

Ce mémoire décrit, par exemple, le processus de répartition des sièges de circonscription et de région, et à cet effet mon équipe a réalisé une simulation de cette répartition entre les régions électorales en fonction des données de la liste électorale du mois d'octobre dernier. Les résultats de la simulation sont présentés dans notre mémoire. Le mémoire illustre également, à partir d'un exemple fictif, la mécanique d'attribution des sièges aux candidates et aux candidats de régions, ce qui représente le volet compensatoire du mode de scrutin proposé. Le mémoire précise aussi les principaux changements qu'apporte le projet de loi n° 39 aux différents volets de l'administration des élections et plusieurs recommandations concernant la réforme du mode de scrutin, le cadre référendaire, de même que l'administration plus générale de notre système électoral.

J'aimerais vous faire part de mes réflexions quant à certaines dispositions du projet de loi n° 39 qui concernent les candidatures et la parité entre les hommes et les femmes. Certaines personnes ayant comparu devant la présente commission ont soulevé la possibilité de permettre la double candidature dans le cadre d'une élection tenue selon le nouveau mode de scrutin. Je souhaite vous sensibiliser aux conséquences d'un tel choix principalement en ce qui concerne l'encadrement des dépenses électorales.

Il m'importe de rappeler que les grands principes qui sous-tendent les règles en cette matière sont l'équité et la transparence, d'où l'importance du contrôle des dépenses électorales et de la limite devant être respectée, ainsi que l'obligation de reddition de comptes juste et complète reflétant la réalité. Si la double candidature est permise, nous devrons nous assurer que ces grands principes seront respectés afin de garantir l'intégrité du processus électoral. Une analyse des règles actuelles s'imposerait, et mon équipe est évidemment disposée à collaborer à cet exercice.

Le projet de loi introduit deux nouvelles obligations pour les partis politiques : la production d'un énoncé indiquant les objectifs que se fixe le parti quant au nombre de femmes et d'hommes qu'il entend présenter à l'élection et la production d'un rapport qui rend compte de l'atteinte de ces objectifs. Ces obligations s'apparentent à l'une des recommandations que nous avons formulées dans l'étude Femmes et politique,publiée en 2014. Nous proposions alors que les partis produisent un plan visant à favoriser une meilleure représentation des femmes au sein de leurs candidatures et de leurs élus.

Le projet de loi prévoit notamment que, si un parti politique ne produit pas l'énoncé ou le rapport dans des délais établis ou si ces documents ne contiennent pas les informations prescrites, le Directeur général des élections peut retirer l'autorisation de ce parti. Si le retrait d'autorisation survenait au cours de la période électorale, les personnes candidates de ce parti devraient alors faire campagne comme candidats indépendants et ils devraient respecter les responsabilités qui y sont associées en matière de financement politique et de gestion des dépenses électorales. Si le retrait de l'autorisation avait lieu après la période électorale, les députés élus sous la bannière du parti politique devraient siéger comme indépendants à l'Assemblée nationale. Considérant que le retrait d'autorisation est une sanction liée aux exigences légales touchant le financement politique, j'estime qu'afin de respecter la cohérence de la Loi électorale le retrait d'autorisation ne devrait pas constituer une sanction applicable à la production de cet énoncé et de ce rapport. Je tiens à rappeler que cette sanction ne concerne pas l'atteinte des objectifs que se fixe le parti politique quant à la proportion de femmes parmi ses candidatures, il vise uniquement la production de l'énoncé ou du rapport ainsi que leur dépôt dans les délais prévus.

Même si le projet de loi n° 39 ne définit pas d'objectif minimal pour les partis politiques en matière de parité, j'invite les partis à porter une attention particulière au rang qu'occuperont les candidates sur leurs listes régionales, sans négliger les candidates dans les circonscriptions. Plus généralement, j'encourage les partis politiques à recruter des candidates et des candidats aux profils divers, ce qui peut enrichir les débats politiques et, ultimement, inciter davantage de personnes à exercer leur droit de vote.

Concernant le cadre spécifique proposé pour la tenue d'un référendum sur le mode de scrutin simultanément à une élection générale, je souhaite vous faire part de mes préoccupations à l'égard du processus de désignation des camps référendaires et des moyens financiers dont ils disposeraient pour effectuer une campagne référendaire nationale. Il m'importe également de vous exposer ma vision quant à l'information aux électrices et aux électeurs dans ce contexte référendaire.

Le projet de loi n° 39 prévoit que j'aie la responsabilité de désigner les deux camps référendaires qui représenteront les deux options selon certains critères établis. Toujours selon le projet de loi, une évaluation qualitative des demandes soumises est nécessaire afin de rendre une décision. Évidemment, nous mettrons tout en oeuvre afin que ce processus soit le plus transparent possible et qu'il soit réalisé de façon objective. Toutefois, afin d'éviter toute impression de partialité du Directeur général des élections dans ce processus, je suis d'avis que le mécanisme de désignation des camps référendaires devrait exclure toute forme d'évaluation qualitative des demandes admissibles. Nous sommes naturellement disposés à participer à une réflexion à cet égard afin de trouver d'autres pistes de solution.

En ce qui concerne les moyens financiers dont disposeront les camps référendaires, le projet de loi prévoit un financement public de 850 000 $ pour chaque camp. Les camps pourront recueillir des contributions d'un maximum de 200 $ par électeur ou électrice à partir du 1er février 2022. Nous ne pouvons évidemment pas prévoir les sommes qui seront ainsi recueillies par les camps référendaires, mais n'oublions pas que ces mêmes électeurs pourront contribuer à un parti politique pour un montant similaire au cours de la même période. À titre de comparaison avec le financement qui a été accordé lors du dernier référendum, en 1995, en considérant également le montant maximal que pourra dépenser un camp référendaire, soit 1,7 million de dollars durant une campagne de cinq mois, je me permets d'affirmer que les moyens financiers des camps référendaires sont limités. Lors du référendum de 1995, chaque camp avait reçu une subvention d'un peu plus de 2,5 millions pour une période référendaire de 29 jours.

L'information est un facteur déterminant de la participation électorale. Le mode de scrutin est un sujet avec lequel de nombreux électeurs sont peu familiers. Le fait que le référendum soit prévu en même temps qu'une élection générale pose un défi additionnel en matière d'information aux électrices et aux électeurs. Le projet de loi n° 39 prévoit que le Directeur général des élections doit mener une campagne d'information publique concernant la tenue du référendum sur la réforme du mode de scrutin et qu'il doit faire toute publicité qu'il juge nécessaire. C'est pourquoi, dans le cadre de ce référendum, en plus de l'information habituelle que je communique aux électeurs, par exemple sur les modalités de vote offertes, et les jours, et les heures pour voter, j'entends diffuser à travers le Québec une campagne d'information publique qui explique les modalités du référendum, du mode de scrutin actuel et du nouveau mode de scrutin proposé. Les électeurs et les électrices doivent avoir accès à une information non partisane et objective décrivant ces modes de scrutin. Il appartiendra aux camps référendaires d'exposer les arguments en faveur et en défaveur du nouveau mode de scrutin soumis au référendum.

• (15 h 10) •

En terminant, je souhaite, par les recommandations présentées dans le mémoire qui vous a été remis, vous fournir des pistes de réflexion et d'amélioration pour le projet de loi n° 39. Elles visent à assurer le bon déroulement des opérations nécessaires à la tenue du référendum qu'il prévoit ainsi qu'à l'organisation d'une élection sous un nouveau mode de scrutin. Plusieurs recommandations formulées dans ce mémoire ont également pour but d'améliorer le processus électoral, et ce, indépendamment d'une réforme du mode de scrutin. Je veux m'assurer, avec mon équipe, que les personnes candidates, les partis politiques et les autres acteurs, par exemple ceux qui seront au coeur de la campagne référendaire, soient adéquatement informés et outillés pour agir dans le respect des règles établies. Les électrices et les électeurs étant au coeur de nos préoccupations, je veillerai, avec mon équipe, à ce qu'ils aient facilement accès à toute l'information leur permettant d'exercer leur droit de vote de façon éclairée, que ce soit dans le cadre d'un référendum ou lors des premières élections tenues sous un nouveau mode de scrutin. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le directeur général. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Merci d'être présents. Votre rapport est certainement important. Vous allez être au coeur, naturellement, de l'application de ce nouveau mode de scrutin, si tant est qu'on y parvienne. Plusieurs... Je vais peut-être... Votre mémoire est quand même assez bien étoffé, beaucoup de technicalités. Donc, je ne veux pas aborder les technicalités de façon particulière, je pense que ce n'est pas l'objectif, et j'ai peu de temps, donc je vais peut-être mettre l'accent sur certains aspects. Plusieurs groupes qui... pardon. À la page 59 de votre mémoire, entre autres, vous dites aussi : «Le cadre référendaire proposé par le gouvernement pour la tenue de scrutins simultanés ne pose pas d'enjeux majeurs d'application», selon le DGE, naturellement. Vous mentionnez : «Le fait que la qualité d'électeur soit la même [...] et que l'exercice du vote se fasse selon les mêmes modalités et lors d'une seule visite facilite grandement l'administration des scrutins.» Donc, vous ne voyez pas d'enjeux techniques à tenir un référendum en même temps qu'une élection, c'est exact?

M. Reid (Pierre) : Il n'y a pas d'enjeu.

Mme LeBel : Parfait. O.K. Compte tenu de tout ça, certains groupes nous ont fait part, surtout dans le cadre d'un référendum et surtout quand on parle d'un changement de mode de scrutin qui peut quand même être assez... bon, qui est très important, mais qu'il faut expliquer à la population, il est prévu, dans le projet de loi, que vous ayez une obligation d'informer, d'informer de façon objective, naturellement, sur les modalités et non pas de prendre position, on comprend très bien... je comprends très bien la nuance. Mais les groupes nous ont parlé de cette importance-là, que l'information, à tout le moins, sur les deux modes proposés... parce que ce qu'on propose, dans le fond, c'est de maintenir le statu quo, le mode actuel, ou d'aller vers un autre mode tel que présenté dans le projet de loi, et beaucoup nous ont fait part de l'importance de cette information-là.

Je vais me permettre de citer un article de La Presse, mais je veux voir ce que vous en dites, l'article de Fanny Lévesque, qui dit que... et elle paraphrase, naturellement, mais je veux un petit peu avoir votre input là-dessus, elle dit : «Le DGEQ souligne dans son mémoire que la réforme anticipée "implique plusieurs changements importants" — bon, je pense qu'on est tous d'accord — et qu'il devra "prendre soin" de les communiquer adéquatement. Selon lui, la Loi électorale actuelle ainsi que les changements prévus dans le projet de loi n° 39 "ne sont pas suffisants pour lui permettre de remplir adéquatement son rôle en matière d'information". Il réclame "une plus grande latitude" en proposant que les moyens de communication à sa disposition ne soient plus précisés dans la loi, ce qui lui offrirait davantage de flexibilité. Selon lui, la loi actuelle l'empêche "de suivre l'évolution normale" des moyens de communication.»

Alors, comme on a un souci que vous ayez l'espace ou la capacité d'informer adéquatement, quels sont... peut-être nous entretenir plus précisément des modalités que vous voudriez voir modifiées ou qu'est-ce qu'on pourrait faire pour vous faciliter la tâche en matière d'information.

M. Reid (Pierre) : En fait, si... il y a peut-être deux volets. Pour le volet de tenir un référendum et une élection en même temps, je dirais, il n'y a pas d'enjeu particulier, si ce n'est le défi, comme je l'ai lu précédemment, de bien informer les électeurs. Il est vrai que la campagne référendaire va quand même débuter avant la période électorale, et on mettra tous les... on trouvera tous les moyens nécessaires pour bien informer les électeurs et les électrices. L'article auquel vous référez, c'est parce qu'il y a également des recommandations qu'on a déjà faites et qu'on ferait même en l'absence, là, d'une réforme du mode de scrutin. C'est que la Loi électorale, elle est très prescriptive sur les moyens. On doit envoyer une carte d'avis, on doit envoyer un manuel à l'électeur, elle est très prescriptive. Et ce qu'on demande, c'est de laisser au Directeur général des élections plus de flexibilité dans les moyens pour informer autant les partis politiques que les électeurs et les électrices. En gros, c'était un peu ça, oui.

Mme LeBel : À titre d'information, puis pour illustrer, parce qu'on... Vous connaissez très bien votre travail. Peut-être que, pour les gens, c'est moins concret. Quels sont... Qu'est-ce que la loi actuelle et même le projet de loi n° 39, avec les modifications, vous empêcheraient de faire comme campagne d'information ou comme moyen d'information qui pourrait être approprié dans le cas d'un référendum?

M. Reid (Pierre) : Bien, je vais vous donner...

Mme LeBel : À titre d'exemple, là.

M. Reid (Pierre) : Oui, bien, en fait, un référendum, c'est que, si on nous laisse... Dans le fond, là, s'il n'y a pas de... C'est les moyens qui sont prévus dans la loi. Et, quand on regarde les recommandations que je propose, on suggère des choses, de remplacer, de ne pas s'en tenir aux moyens, mais c'est une obligation d'informer. Je vais citer une recommandation qu'on fait depuis, je pense, trois ans. En période électorale, et ça, c'est sur le terrain, il y a des électeurs, des électrices qui m'avaient formulé cette idée aussi, c'était d'avoir une vitrine d'information des candidats et des candidates sur notre site, que les candidats et candidates dans une circonscription puissent afficher, dans le fond, avec photos et également leurs propres textes sur leurs projets, leurs engagements afin de faciliter, pour les électeurs et les électrices, de l'accès à l'information. Parce que, je pense, le sondage qu'on a réalisé au lendemain de l'élection de 2018, si ma mémoire est bonne, c'est plus du tiers, si ce n'est pas 35 % des gens, qui se seraient abstenus d'aller voter par un manque d'information, et déjà... un manque d'information à l'égard des candidats et candidates de leur circonscription. C'est un exemple, là, d'avoir une vitrine, de nous permettre ce que la loi ne permet pas, actuellement.

Mme LeBel : O.K. Donc, nonobstant la réforme du mode de scrutin, vous pensez que la loi actuelle ne vous donne pas assez de latitude en termes de communication de l'information, c'est ça?

M. Reid (Pierre) : Oui.

Mme LeBel : O.K., parfait. Merci. Peut-être aller plus précisément dans le mode de scrutin lui-même, une des recommandations que vous faites, je pense, la première même, est à l'effet que la Loi électorale ne définisse pas de circonscription, que la CRE ait le pouvoir de délimiter l'ensemble des circonscriptions. La position que nous avons choisi d'adopter, c'est qu'on est partis des 17 régions. Effectivement, si on regarde la philosophie du projet de loi tel que présenté, je l'ai expliqué à plusieurs reprises, donc, il y a eu des arbitrages à faire, le poids des régions versus la proportionnalité, mais ce n'est pas là-dedans que je veux vous amener, là. Je veux vous dire qu'on a décidé de partir des 17 régions administratives, puis, effectivement, le projet de loi demande à ce que les circonscriptions soient dessinées à l'intérieur des régions administratives actuelles, ce qui ferait en sorte que les régions administratives ne bougeraient pas dans le temps.

Ce que vous semblez proposer, je veux juste simplement comprendre la proposition, c'est donner, donc, plus de latitude à la CRE pour la définition des 80 circonscriptions avec l'utilisation d'un quotient provincial plutôt qu'un quotient régional. Et on pourrait penser que le quotient, l'utilisation d'un quotient provincial, pourrait favoriser, bon, peut-être l'égalité du vote de l'électeur, effectivement, parce que le poids démographique des circonscriptions et des régions serait peut-être mieux balancé, mais ça pourrait faire en sorte que les limites de ces régions-là ainsi que les limites des circonscriptions... Puis on connaît les tollés que ça peut soulever ou les commentaires que ça peut soulever à chaque fois qu'on élimine une circonscription pour des raisons démographiques ou qu'on change les limitations d'une circonscription. Je viens, d'ailleurs, de la circonscription de Champlain, qui, à l'élection précédente, n'était pas la même, et, à l'élection précédente, on était cinq. Donc, ça fait partie de ça, et c'est très... ça devient... c'est toujours un débat qui est assez enflammé, disons-le comme ça.

Mais ce que vous proposez, donc — est-ce que je me trompe? — pourrait faire en sorte que, par des mouvements démographiques, les circonscriptions changent, mais les délimitations des régions aussi, pour les fins des députés de région, évoluent au fil de la démographie, là? Je ne veux pas être simpliste, mais ça semble être ça, là.

M. Reid (Pierre) : Oui, bien, en fait, le choix qui a été fait, c'est d'établir, dans la loi, les régions administratives. Et le travail qu'aura à faire, à ce moment-là, la Commission de la représentation électorale, c'est que... dans chaque région, ça sera de dessiner, dans le fond, les circonscriptions électorales, mais à partir d'une moyenne régionale, donc de la moyenne de la région. Je pense que ce que vous amenez, je pense, c'est à la fin, là, je pense, du chapitre, là, qui concerne la carte électorale, c'était de dire : Bien, il y a peut-être la façon aussi, compte tenu de l'évolution démographique... est-ce que, si on utilisait la moyenne provinciale, donc, pour assurer une représentation effective, qu'un vote, par exemple, à Montréal vaut autant qu'un vote en Gaspésie, bien là, à ce moment-là, ce serait qu'on aurait à délimiter l'ensemble, là, des 125 circonscriptions et, par la suite, les regrouper dans un nombre de régions?

Mme LeBel : Mais ce qui pourrait faire, théoriquement, donner le... ce qui pourrait donner l'effet théorique que la ligne des régions... Parce que nous, on les a fixées, les 17 régions, ce sont les régions administratives telles qu'on les connaît. Et on demande donc, effectivement, que la CRE dessine les circonscriptions à l'intérieur des limites des régions, ce qui éviterait d'avoir, comme on a aussi au fédéral, une circonscription à cheval sur deux régions ou le contraire, deux circonscriptions dans une région... voyons, une circonscription qui peut être à cheval... exactement le bon terme... à cheval sur deux régions — je ne sais pas pourquoi je doute de moi-même comme ça. Mais il pourrait y avoir aussi une mouvance dans le dessin des régions administratives comme telles, donc la limite des régions pourrait bouger avec ce que vous proposez, théoriquement, là.

• (15 h 20) •

M. Reid (Pierre) : Bien, en fait, c'est deux façons de voir. Dans le fond, avec ce qui est proposé, les régions sont fixes, sont établies dans la loi. Et, s'il y avait une modification des régions administratives, bien, administrativement, donc, si le gouvernement décidait de définir les limites des régions, bien, la loi, il faudrait qu'elle s'adapte, ou on continuerait de vivre avec les 17.

Mais, dans le fond, l'une ou l'autre, je pense que ça dépend du choix qui est fait. Pour nous, on est capables de travailler avec les deux modèles, si on peut dire, là. C'est que l'un... Je veux dire, ce qu'on dit, à un moment donné, si on a à déterminer l'ensemble des 125 circonscriptions, on va travailler sur une moyenne nationale ou provinciale comme on le fait actuellement, et c'est pour ça, d'ailleurs, je pense qu'il y a quatre ou cinq circonscriptions, au Québec, qui chevauchent deux régions administratives, à moins que je me trompe. Mais là n'est... Dans le fond, notre travail, c'est qu'on va le faire à l'intérieur de chaque circonscription, et ce qui ne nous empêchera pas d'avoir... d'établir des circonscriptions d'exception. Et je pense que le travail de la circonscription ne sera pas plus compliqué qu'il peut l'être, actuellement.

Mme LeBel : Merci. Bon, je ne vous demande pas nécessairement d'être précis à la virgule près, là, mais, de façon générale, combien coûte une élection?

M. Reid (Pierre) : Pardon?

Mme LeBel : De façon générale, combien coûte une élection?

M. Reid (Pierre) : L'élection de 2018 a coûté presque 94 millions.

Mme LeBel : 94 millions.

M. Reid (Pierre) : Oui.

Mme LeBel : Parfait. Un référendum, est-ce qu'on peut anticiper qu'un référendum seul coûte à peu près la même chose?

M. Reid (Pierre) : Non. Seul, c'est à peu près 77, 78 millions.

Mme LeBel : Le référendum.

M. Reid (Pierre) : Le référendum seul. Puis, si vous le combinez avec l'élection, on ajoute presque 12 millions.

Mme LeBel : Donc, ce serait... Le coût du référendum, finalement, combiné devient 12 millions au lieu de 77 si on le fait seul, c'est ça?

M. Reid (Pierre) : En fait, le 12 millions va s'ajouter aux 94 millions.

Mme LeBel : Donc, le coût du référendum, quand on le combine à une élection, est de 12 millions, mais, si on le fait à l'extérieur d'une élection, il est de 77 millions, c'est ça?

M. Reid (Pierre) : C'est ça.

Mme LeBel : Parfait. Merci. À moins que mes collègues aient d'autres questions, ça va aller pour moi.

Le Président (M. Bachand) : Ça va, du côté ministériel? Alors, M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Merci, M. le Président. Merci beaucoup. Merci à vous d'être ici pour répondre à nos questions. J'aimerais que l'on regarde, justement, à la page 11 de votre mémoire, j'ai trouvé un extrait particulièrement intéressant. Puis l'objectif de la commission parlementaire, ici, dans les auditions, justement, c'est de prévoir le travail qui est en amont lorsqu'on sera en article par article. C'est important de savoir c'est quoi, les défis, les écueils, les drapeaux rouges. Si on ne le sait pas, on pourrait faire fausse route.

Page 11, à partir du deuxième paragraphe, je vais prendre le temps de citer les deux paragraphes : «Le mécanisme de répartition a tendance à allouer un nombre de sièges plus élevé aux régions peu populeuses par rapport à leur poids électoral. C'est le cas, notamment, des régions de l'Abitibi-Témiscamingue, de la Côte-Nord et du Centre-du-Québec, qui, selon les données de la liste électorale permanente, obtiennent chacune un siège de plus que leur poids électoral. À l'inverse, la méthode tend à allouer moins de sièges aux régions plus populeuses, telles que [...] Montréal et [...] Montérégie, qui obtiennent respectivement trois et deux sièges de moins que leur poids électoral.»

Le deuxième paragraphe, là, je le cite, il est particulièrement important : «Toutefois, précisons que toute méthode de répartition aurait pour effet d'avantager ou de désavantager certaines régions, notamment parce que le projet de loi prévoit que les sièges sont répartis entre des régions électorales fixes dont la population varie de manière importante.» Fin de la citation.

Autrement dit, ce que vous proposez, et j'aimerais ça que vous l'expliquiez, qui est une autre façon de fonctionner et qui nous permet de diminuer cet écueil-là — on sait qu'il n'y a pas de système parfait, là, mais il y a quand même un écueil dans ce qui est proposé dans le projet de loi n° 39 — ce serait, plutôt que de s'encarcaner, j'utilise... puis ce n'est pas nécessairement péjoratif, là, de se limiter dans les 17 régions administratives, de faire l'exercice par la Commission de représentation électorale, la CRE, d'établir les 20 circonscriptions, et après ça de regrouper les circonscriptions à travers d'entités régionales, ce qui ferait en sorte qu'on pourrait mieux respecter les critères de l'établissement d'une circonscription, à savoir les données sociologiques, et ainsi de suite, là.

M. Reid (Pierre) : En fait, ce que vous dites, c'est qu'il y aurait... Dans le fond, là, on déterminerait les régions administratives une fois qu'on aurait établi les circonscriptions.

M. Tanguay : Oui. Ça pourrait être une approche, selon vous?

M. Reid (Pierre) : Oui, bien, c'est un choix. Ici, dans le fond, le choix qui a été fait dans le projet de loi, c'est que... Puis c'est pour ça, quand on dit que le mécanisme de répartition a tendance à allouer un nombre de sièges plus élevé aux régions peu populeuses... C'est sûr qu'en partant on attribue déjà un siège, là, de circonscription aux 17 régions, plus les Îles-de-la-Madeleine, 18, et on fait la même chose du côté des circonscriptions de... en fait, des régions, où on alloue un siège par région, 16, parce qu'on exclut le Nord-du-Québec, mais c'est un choix. L'un ou l'autre, c'est l'alternative, là, dont on parlait plus tôt, mais, comme je vous dis, pour la Commission de la représentation électorale, que ce soit le choix proposé dans le projet de loi n° 39 ou bien le choix dont vous faisiez part et qu'on indique dans notre mémoire, l'un ou l'autre, la commission est en mesure de travailler, là, de réaliser son mandat.

M. Tanguay : Et mon point, il n'est pas sur l'aspect technique, dans le genre l'impossibilité technique de le faire, mon point n'est pas là-dessus. Mon point... et je fais du pouce sur cette lancée-là, et je vais d'abondant dans votre mémoire, à la page 13, on peut voir que vous avez compté les écarts types par région de plus ou moins 25 %. Autrement dit, à l'heure actuelle, au Québec, sauf exception, puis il y en a, des exceptions, mais allons d'abord... établissons d'abord la règle, c'est qu'une circonscription, comparée à une autre... comparée à la moyenne, pardon, nombre d'électeurs divisé par 125, ne peut pas, puis c'est le principe général, être plus basse ou plus élevée que 25 %, des variations plus ou moins 25 % sur le nombre d'électeurs, comparé à la moyenne provinciale. Le projet de loi ferait des moyennes régionales. Et je pense que c'est ce que traduit votre tableau, figure 5, à la page 13. Et on peut voir que la moyenne régionale... je prends l'exemple d'Abitibi-Témiscamingue puis je vais la comparer avec Montérégie. L'Abitibi-Témiscamingue a en moyenne, dans la région, évidemment, calculé sur les données disponibles, là, 56 848 électeurs. Si l'on fait le moins 25 % de ça, parce que c'est la moyenne régionale qui va être déterminante pour évaluer le plus ou moins 25 %, si je prends la moyenne inférieure, c'est-à-dire la limite inférieure en Abitibi, 75 % de 56 848, donc moins 25 %, en moyenne, ça, en gros, c'est 42 600; et, si je fais le plus 25 % de Montérégie, qui a une moyenne, au départ, de 84 589, le 125 %, le plus 25 %, est à 105 700, j'arrondis.

Donc, au Québec, et j'aimerais vous entendre là-dessus, ça a toujours été un discours excessivement important et déterminant que mon vote, qu'il soit en Abitibi ou en Montérégie, ait sensiblement... ça ne sera jamais du un pour un, mais ait sensiblement le même poids. Or, la limite inférieure en Abitibi est à 42 600, et la limite supérieure en Montérégie sera de 105 700. Vous voyez, là, qu'il y a un écueil où, à la situation actuelle, où c'est plus ou moins 25 % pour les 125, là, on est rendus dans des écarts excessivement énormes, on est à au-dessus de 100 % lorsqu'on compare les possibilités d'écarts admissibles. J'aimerais vous entendre là-dessus, sur la représentativité. C'est le pivot de notre loi électorale, que mon vote en Abitibi et mon vote en Montérégie soit comparativement avec le même poids.

M. Reid (Pierre) : Mais je vous dirais que c'est la situation actuelle, indépendamment de la réforme du mode de scrutin. En fait, le défi... Quand on regarde le Québec, c'est un grand territoire avec des populations qui sont dispersées sur le territoire et que c'est à ce moment que... Et, lorsqu'on vient pour établir une carte électorale en essayant, je dirais, de tendre vers une représentation effective des électeurs et des électrices, bien, vient un moment où c'est difficile, et c'est pour ça qu'on en arrive à avoir à établir des circonscriptions d'exception, donc des circonscriptions qui sont, en fait, en bas du 25 %. On en a six au Québec, sept, si on peut... parce qu'avec les Îles-de-la-Madeleine, là, vous êtes encore, encore plus loin, là, on est dans du 80 %... moins 87 %... moins 77 %. Mais c'est la réalité, là, de...

11 789 M. Tanguay : Oui, mais êtes-vous d'accord avec moi que, là, on exacerbe ces écarts-là par cette approche-là? Les écarts vont être, de façon générale, beaucoup plus grands par cette approche dite régionale, force est de constater.

M. Reid (Pierre) : Non.

Une voix : C'est une autre approche.

M. Reid (Pierre) : C'est une autre approche. Mais, quand vous regardez, en tout cas, les simulations qu'on a pu faire et même que vous pouvez voir dans notre mémoire, la répartition des sièges ou des... ça ne change pas tant que ça.

M. Tanguay : Je vais revirer ma question de bord. N'êtes-vous pas d'accord avec moi que les écarts permissibles seront beaucoup plus grands?

M. Reid (Pierre) : En fait, quand vous regardez ce qui est proposé, Montréal perd trois... en fait, Montréal a trois circonscriptions de moins, et je pense que la Montérégie, je pense, a une circonscription de moins, et ces...

Une voix : ...

• (15 h 30) •

M. Reid (Pierre) : ...quatre, et ces circonscriptions-là iront en Outaouais... je pense, c'est dans le Centre-du-Québec, en Mauricie puis peut-être Lanaudière.

M. Tanguay : M. Reid, question très simple : N'êtes-vous pas d'accord avec moi que, tel qu'illustré, les écarts permissibles seront beaucoup plus grands sur ce modèle que ce n'est le cas actuellement, les plus ou moins 25 %? Je pense qu'il faut dire oui, je vois votre conseillère à votre droite, là.

M. Reid (Pierre) : Oui, mais en fait c'est ça...

M. Tanguay : C'est parce que, si on se... pas d'accord là-dessus, là, c'est un dialogue de sourds. Je vous respecte, M. Reid, mais il faut que vous me donniez au moins ça, là.

M. Reid (Pierre) : Mais c'est parce que la première étape, c'est...

M. Tanguay : C'est parce que...

            M. Reid (Pierre) : Oui?

M. Tanguay : ...pas là-dessus, ça...

M. Reid (Pierre) : C'est parce que ce qu'on va faire, c'est qu'on va... Dans le fond, l'étape qu'on fait, c'est qu'on répartit, dans le fond, les sièges selon le poids électoral, là.

M. Tanguay : Il me reste 1 min 30 s. Je suis tout à fait d'accord avec vous, mais accordez-moi une chose, c'est que la loi va permettre, peut-être, en théorie... peut-être là où on diverge, mais la loi va permettre des écarts beaucoup plus grands entre une circonscription et l'autre, oui, sur le calcul des plus ou moins 25 %, je viens de vous en faire la démonstration.

Je vais revirer ça de bord. N'est-il pas vrai que, si d'aventure une circonscription serait légalement admissible en vertu du nouveau modèle, en Abitibi, si elle avait 42 600 électeurs, oui, parce qu'elle serait dans la mesure du moins 25 %, et qu'en Montérégie il pourrait y avoir 105 000 électeurs, oui, parce qu'elle serait... n'est-il pas vrai qu'on pourrait avoir, théoriquement, de telles situations?

M. Reid (Pierre) : En fait, moi, je vous dirais que j'aimerais mieux faire le calcul puis vérifier, mais je pense qu'en raison du fait que les régions sont fixes, là... En fait, on vient, dans le fond, de... Que ce soit la Montérégie, que ce soit l'Abitibi ou les autres, c'est qu'on va devoir travailler à l'intérieur, là, de la région.

M. Tanguay : La possibilité existe, la possibilité existe.

M. Reid (Pierre) : Actuellement, ce qu'on peut... ce qu'on veut faire en vue de favoriser soit les communautés naturelles et l'équilibre au niveau du nombre d'électeurs entre les circonscriptions... Et c'est pour ça que je mentionnais tantôt que, sur la carte électorale actuelle, il y a quatre ou cinq circonscriptions qui viennent chevaucher...

M. Tanguay : Mais c'est théoriquement possible sous ce modèle-là, ce qui n'est pas le cas, actuellement. N'êtes-vous pas... Vous êtes d'accord avec ça?

M. Reid (Pierre) : Actuellement, peut-être que les écarts sont moins...

M. Tanguay : Non, mais théoriquement, techniquement possible.

M. Reid (Pierre) : C'est possible.

M. Tanguay : Dernière question — il me reste quelques secondes, merci, M. le Président, quelques secondes : Est-ce que les députés sortants et les candidats aux élections générales 2022 pourraient, selon vous, faire des dépenses électorales dans le contexte du référendum, oui ou non?

M. Reid (Pierre) : Ils pourront en faire avant le début de la période référendaire, mais, s'ils en font en... ils ne peuvent pas en faire en période référendaire. Ils pourront en faire en période électorale, mais, à ce moment-là, s'ils font des dépenses en période électorale, ce sera considéré comme des dépenses électorales.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : Merci, M. Reid. Merci d'être avec nous aujourd'hui, merci de partager votre expertise. Un de vos prédécesseurs, M. Blanchet, estimait, en 2005, que la mise en place d'une réforme du mode de scrutin prenait entre 18 et 24 mois. Rapidement, est-ce que vous partagez cette évaluation-là?

M. Reid (Pierre) : Ça, on a regardé cette question-là, oui. À l'époque, le 18 à 24 mois... puis, pour avoir parlé à M. Blanchet, il disait : Écoute, on a mis... j'ai pu dire deux ans, mais il dit : Aujourd'hui, c'est avec... Entre autres, là, quand on regarde les systèmes informatiques que nous avons, c'est là qu'il y a un délai qui s'accroît par rapport à autrefois, mais...

M. Nadeau-Dubois : Est-ce que vous êtes d'accord? Est-ce que c'est 18 à 24 mois? Sinon, quel serait le délai de la mise en place d'une éventuelle réforme?

M. Reid (Pierre) : C'est 30 mois minimum.

M. Nadeau-Dubois : 30 mois minimum.

M. Reid (Pierre) : Oui.

M. Nadeau-Dubois : Parfait.

M. Reid (Pierre) : Bien, ce qu'on a déjà...

M. Nadeau-Dubois : Parfait.

M. Reid (Pierre) : Dans le fond, on vous a déjà informés de ça.

M. Nadeau-Dubois : Merci. J'ai peu de temps, je m'excuse, je ne veux pas vous brusquer.

Dans la mouture actuelle du projet de loi, le projet de loi prévoit que vous commencez à travailler à la mise en place de la réforme après un éventuel référendum positif, en 2022, qui serait simultané à l'élection. Si, à cette élection, était élu un gouvernement minoritaire, dont la durée de vie moyenne, au Québec, est de 18 mois, ne serions-nous pas en danger qu'on n'ait pas le temps d'appliquer la réforme du mode de scrutin en vue du scrutin subséquent?

M. Reid (Pierre) : Oui.

M. Nadeau-Dubois : Ce serait un risque réel, donc, que la réforme du mode de scrutin ne serait pas valide pour le scrutin suivant celui de 2022 dans un scénario de gouvernement minoritaire, et seulement au scrutin suivant celui-là?

M. Reid (Pierre) : En fait, il y a un délai de 27 mois qu'on aurait de besoin, au lendemain de la sanction, parce que c'est la carte électorale, là. La carte électorale, si on maintient les dispositions telles qu'elles existent ou proposées, c'est deux ans, c'est 24 mois.

M. Nadeau-Dubois : Donc, il faut espérer un gouvernement majoritaire en 2022 pour s'assurer que 2022 soit le dernier scrutin mené sous le mode de scrutin actuel?

• (15 h 40) •

M. Reid (Pierre) : Bien, vous comprendrez, je n'y peux rien quant au futur gouvernement, mais il... (panne de son) ...à la population de décider, à ce moment-là. Mais, nous, c'est sûr qu'en bas de 27 mois ce serait impossible.

M. Nadeau-Dubois : Donc, si on voulait s'assurer que le scrutin suivant celui de 2022 soit sous le nouveau mode de scrutin, la décision logique, ce serait de tenir le référendum plus tôt, question d'avoir le temps, entre cedit référendum et le scrutin post-2022, de l'appliquer, la réforme, de la mettre en place?

M. Reid (Pierre) : C'est sûr que, s'il y a un référendum qui pouvait se tenir soit en 2021 ou en 2022, au printemps 2022, c'est possible.

M. Nadeau-Dubois : Ça nous rajoute du temps. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Rimouski, s'il vous plaît.

M. LeBel : Merci, M. le Président. Bonjour. Effectivement, je pense qu'il faudrait faire le référendum plus vite. Faire un référendum en plein été, à travers les barbecues puis la piscine, je pense que ce n'est pas une bonne idée, et ça... faire un référendum avant, ça vaut les 67 millions.

Vous avez dit : En 1995, les deux camps avaient 2 millions pour 29 jours. Vous dites là : Quatre mois, 850 000 $ par camp. Vous avez fait... vous trouvez que ce n'est pas une bonne idée, j'ai compris que vous trouvez que ce n'est pas assez. Bien, j'aimerais ça savoir pourquoi, qu'est-ce que vous en pensez.

Puis l'autre élément — je vais poser deux questions — c'est : À votre proposition 20, vous dites qu'il faut enlever toute évaluation qualitative des demandes d'OBNL. J'aimerais ça que vous m'en parliez davantage. Parce que, là, le projet de loi fait en sorte que les élus ne pourraient pas participer à la gestion des camps ou participer... et là vous voulez enlever toute évaluation qualitative des demandes. Ça fait que comment on peut s'assurer que les camps vont être bien représentés? Comment vous voyez ça?

Ça fait que c'est deux questions : les budgets aux camps et l'évaluation qualitative.

M. Reid (Pierre) : Bien, les budgets... Naturellement, ma préoccupation, et, je pense, ça peut être la préoccupation que vous avez sûrement, c'est que les électeurs, les électrices soient bien informés et qu'on puisse en débattre en toute connaissance de cause. Donc, si chaque camp référendaire veut vraiment lancer une campagne d'information avec les moyens que nous avons aujourd'hui, qui sont quand même différents que 1995, bien, il nous apparaît que le montant de 850 000 $ nous apparaît insuffisant. Bien sûr, nous aurons l'occasion de faire une campagne nationale pour expliquer les deux modes de scrutin, mais nous, on est d'avis que 850 000 $, là, c'est insuffisant.

Par rapport à l'évaluation qualitative, bien, c'est fait... En fait, s'il y a seulement deux groupes qui se présentent, un de chaque côté, il n'y a pas d'évaluation, ils sont admissibles selon les critères prévus dans la loi. Bon, on les reconnaît, il n'y a pas d'évaluation. S'il y en a plus d'un, bien là, on va les inviter... je vais les inviter à se fusionner. S'ils refusent de se fusionner, là encore, je devrai faire une évaluation de chacun. Et l'évaluation, c'est qu'on en arrive, là, à évaluer, par exemple, la capacité des gens à faire une campagne, il y a une appréciation que je dois faire. Et, là encore, c'est sûr qu'on pourrait mettre en place ce à quoi on a pensé, un peu comme lorsqu'on lance un appel d'offres pour l'octroi d'un contrat, avoir des comités de sélection, avoir des critères puis établir un pointage, là. Mais moi, je vous dirais que, quant à moi, il y aurait d'autres pistes de solution. Mais on comprend que... Puis l'autre, ce qui est prévu dans le projet, s'il n'y a aucun groupe qui se présente, je lance un appel aux électeurs qui manifesteraient un intérêt à former un groupe pour chaque camp référendaire.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.

Mme Fournier : Merci beaucoup pour votre présentation fort intéressante. Considérant que la campagne référendaire va débuter le... débuterait, en vertu du projet de loi, le 1er mai 2022, est-ce que vous considérez que ça sera suffisant pour bien faire connaître, dans le fond, les deux positions?

M. Reid (Pierre) : Bien, moi, je pense que je n'attendrai pas le 1er mai pour commencer la campagne. Je pense qu'on va élaborer une stratégie pour, quand même, commencer à sensibiliser les gens et pour vraiment qu'ils aient toute l'information nécessaire et... mais moi, je pense que... puis de se retrouver les bons moyens pour être capables de les rejoindre. C'est un défi de communication, de bien faire comprendre les modalités des deux modes de scrutin pour que les gens en arrivent à faire le choix le plus éclairé possible.

Mme Fournier : Donc, vous allez commencer la campagne d'information tout de suite après l'adoption du projet de loi, on peut le comprendre?

M. Reid (Pierre) : Bien, peut-être pas le... Bien, en fait, il faudra élaborer, là, il faudra... Naturellement, il n'y a rien qui se fera tant que la loi ne sera pas sanctionnée, mais ça ne nous empêche pas de réfléchir à des choses.

Mme Fournier : Merci beaucoup. Puis comptez-vous mener une campagne contre la désinformation pendant la campagne référendaire, dans l'éventualité où, par exemple, un camp ou un autre amenait, par exemple, des publicités qui pourraient être fallacieuses sur le mode de scrutin?

M. Reid (Pierre) : Non, la seule... j'aurais à intervenir pour la mauvaise information s'il y avait de l'information qui circulait, par ailleurs, par rapport aux modalités du référendum, les jours de vote, et tout. Mais, quant à... Je pense que vous parlez de mauvaises informations sur ce qu'est un mode de scrutin. Non, je n'interviendrais... Ça, ça appartiendrait aux deux camps référendaires à faire les ajustements nécessaires, là, pour... s'il y a de fausses informations sur les modalités d'un mode de scrutin ou l'autre.

Mme Fournier : Donc, vous n'interviendrez pas sur les... je veux dire, de façon neutre par rapport aux modalités des modes de scrutin proposés?

M. Reid (Pierre) : Bien, la seule chose, dans le fond, ce que je pense que je pourrais faire, c'est que les gens seraient invités à venir sur, probablement, notre site ou de regarder, de lire, là, comment est-ce qu'on a pu... quelles sont les modalités de chaque mode de scrutin.

Mme Fournier : Merci.

Le Président (M. Bachand) : Sur ce, merci infiniment de votre participation très éclairable.

Alors, sur ce, je suspends les travaux quelques instants. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 15 h 41)

(Reprise à 15 h 46)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La commission reprend ses travaux. Nous accueillons maintenant M. Henry Milner, chercheur invité au Département de science politique de l'Université de Montréal. Je rappelle que, M. Milner, on n'a pas de document écrit, mais M. Milner est avec nous pour une période de 10 minutes d'exposé et, après ça, une période d'échange. La parole est à vous. Merci.

M. Henry Milner

M. Milner (Henry) : Bon, bonjour, tout le monde. Je suis bien content d'être invité ici. Et, comme vous avez dit, je n'ai pas un document écrit que j'ai à distribuer, peut-être parce que j'ai fait l'erreur d'écouter toutes les... beaucoup des autres présentations et même de lire pas mal beaucoup, où je n'ai pas assisté. Et j'ai décidé... au lieu de revenir sur beaucoup de choses, un mémoire complet, je vais vraiment insister sur les éléments que je trouve les plus intéressants, les plus importants, où je peux, à cause de mes connaissances — je suis spécialiste sur les pays européens, surtout les pays européens de l'Ouest et du Nord, et je connais pas mal les systèmes de modes de scrutin différents dans des pays démocratiques — donc, le plus possible, faire des échanges autour de mes expériences, mes connaissances et poser les questions qui sont, à mon avis, les plus pertinentes, à ce moment-là.

Donc, je veux juste insister sur un principe, d'abord. Un mode de scrutin, ce n'est pas pour les élus, c'est pour les électeurs. Et, pour moi, le principe fondamental, c'est que chaque électeur, le plus possible, a la possibilité d'affecter le résultat. Et, dans notre système, si vous habitez dans un territoire où votre parti est faible, en effet, votre vote ne compte pas. Et le principe fondamental d'une réforme sur la base proportionnelle, c'est que chaque vote compte. Votre vote, qui ne veut rien dire dans votre comté, va quand même aider à élire quelqu'un, quelqu'une dans votre région, O.K.? Et elle a des limites... si votre parti ne peut gagner que 1 % de vote, il y a des limites, mais le principe est là, et il ne faut jamais oublier ce principe-là.

Bon, et moi, je connais très bien le système compensatoire. J'ai été, même, en Nouvelle-Zélande au moment que ce système-là était mis en application, et aussi j'ai visité plusieurs fois l'Écosse, l'Allemagne, etc., donc je connais ces systèmes-là pas simplement en principe, mais dans l'expérience concrète.

Donc, sur le projet de loi n° 39, d'abord, je veux dire qu'il y a un progrès important. Même si je suis pas mal critique, comme vous allez voir, c'est quand même une amélioration sur ce qu'on a maintenant et surtout à cause de ce principe-là. Plus d'électeurs québécois qui, maintenant, se trouvent dans une situation où leur vote ne compte pour rien parce qu'ils se trouvent dans un district où leur candidat, leur parti n'a aucune chance à gagner auront une meilleure chance d'affecter le résultat, et ça, c'est déjà un progrès. À partir de cette constatation, je vais commencer un peu mes critiques. Mes critiques sont pas mal connues, j'ai travaillé avec le MDN sur son propre mémoire et j'ai été impliqué, même — vous voyez mon âge — à des projets de réforme pendant les derniers 35 ans.

• (15 h 50) •

Donc, je commencerais avec les deux amendements, d'après moi, fondamentaux, ça ne va pas vous surprendre. D'abord, le 10 %, le seuil de 10 %, c'est vraiment inacceptable. Le seul pays où il y a des élections où ça existe que je connais, c'est la Turquie, et c'était introduit exactement par le gouvernement, qui n'est pas très, très démocratique, on peut dire, parce qu'il y avait des partis d'opposition qui ne pouvaient pas chercher 10 %. Alors, ce n'était pas compliqué, ils l'ont fait pour des raisons tout à fait partisanes, et c'est le seul. Dans les autres pays où il y a un seuil, ce n'est jamais plus que 5 %. Donc, d'où vient le 10 %? Je dois dire que j'ai trouvé ça surprenant.

Le deuxième, encore une fois, et ça, c'est plus compliqué, c'est cette idée-là d'une prime au vainqueur. Ça, c'est aussi assez original. J'ai essayé de trouver un autre pays démocratique où ça se trouve, je n'ai pas trouvé. Et donc je vais essayer un peu d'expliquer comment ça fonctionne et pourquoi ce n'est pas nécessaire. D'abord, il faut savoir qu'on a déjà un prix au vainqueur sans la prime au vainqueur artificielle qu'on impose dans le projet n° 39. C'est parce que les partis qui sont plus forts, quand il n'y a qu'un tiers des sièges de compensation, quand il y a des régions avec peu de sièges, il y a déjà une prime au vainqueur. J'ai regardé l'Écosse, qui est le pays avec un système le plus proche à ce qu'on propose, où il y a neuf régions, dans chaque région, il y a 16 sièges, neuf sièges de district et sept sièges de compensation, et, dans les deux dernières élections, le parti nationaliste écossais a gagné. Dans un cas, ils ont cherché 44 % de vote et la majorité des sièges, dans l'autre cas, ils ont cherché 46 % des votes et une minorité de trois sièges. Donc, dans notre système, dans le système compensatoire avec des régions, surtout des régions qui ne sont pas très grandes, il y a déjà une prime au vainqueur. Et ça, c'est légitime, parce que ce n'est pas fait pour avoir une prime au vainqueur mais pour d'autres raisons, pour permettre aux gens d'avoir des régions qui correspondent à la réalité. Donc, qu'on ajoute une prime au vainqueur artificielle...

Et moi, j'ai fait une expérience simplement pour regarder si le vote, il y a deux ans, aurait été... on aurait utilisé la prime au vainqueur dans une des régions. J'ai pris la région Laurentides, où il y a 10 sièges. Si on aurait imposé la prime au vainqueur avec les résultats de 2018, le résultat aurait été le suivant : le parti CAQ a gagné 47 % de vote, aurait gagné déjà six, parce que, la dernière fois, ils ont gagné tous les 10, donc, cette fois-ci, ils auraient gagné six, O.K., et les autres quatre votes, quatre sièges auront... le septième siège aurait... excusez-moi, le neuvième siège aurait allé à la CAQ, pas aux libéraux. Les libéraux, même avec 14 % de vote, n'auront pas gagné aucun siège. 14 % avec 10 sièges, aucun siège pour les libéraux. Sept sièges, pour la CAQ, sur 10 avec 47 %. C'est ça que ça donne avec les résultats qu'on a eus la dernière fois. Est-ce que ça, c'est légitime? Je ne comprends pas. Oui, il y a une prime au vainqueur, on a vu, la CAQ gagne déjà six sièges avec 46 %. Pourquoi leur donner un autre siège pour enlever un siège aux libéraux pour donner à la CAQ avec ce moyen artificiel? Ça, je ne comprends pas du tout. Alors, ce sont vraiment mes deux critiques les plus importantes.

Aussi, je ne comprends pas du tout pourquoi on doit avoir... on ne peut pas avoir deux types de... excusez-moi — c'est quoi, l'expression que je cherche? — qu'on élise séparément... non, que les candidats peuvent être des candidats de liste et des candidats du district. Encore une fois, je ne comprends pas du tout, ça ne donne rien. Et c'est beaucoup mieux, maintenant, que chaque candidat, même pour un parti qui n'a aucune chance de gagner un siège de district, soit invité de se présenter dans un district. Cette personne-là ne sera pas élue mais, quand même, aura une identité concrète dans un des districts de la région, donc. Mais, si on parle de quelqu'un qui représente un petit parti qui peut chercher, disons, 15 %, 20 % de vote, c'est bon que cette personne-là soit élue au niveau de la région parce que le parti... l'appui est distribué d'une façon assez large. Alors, ça, c'est le troisième élément, donc, sur lequel j'ai des problèmes avec la proposition. J'aurais d'autres, mais je n'ai pas le temps, alors, merci.

Le Président (M. Bachand) : On va profiter, d'abord... d'ailleurs, de la période d'échange, qui débute avec Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Merci. Merci, M. Milner. Je vais peut-être vous laisser même compléter un peu, parce que j'aurai quelques questions sur les points que vous avez déjà soulevés, mais, si vous voulez peut-être compléter votre présentation, s'il y a d'autres points que vous vouliez soulever... Là, vous avez parlé du seuil, de la formule de calcul, de la double candidature. Est-ce qu'il y a un autre élément que vous aimeriez mettre sur la table, à notre connaissance?

M. Milner (Henry) : Bon, tout ce que j'aurais voulu ajouter, qui est un peu à côté, mais c'est l'argument qu'on va entendre demain. Ça veut dire que, pour protéger les francophones de Québec comme minorité en Amérique du Nord, il faut garder le système actuel, qui favorise... qui défavorise le Parti libéral, qui est le parti appuyé par les non-francophones. C'est ça que M. Dufour va vous dire, et je veux... j'ai écrit pourquoi c'est une mauvaise idée. Je n'ai pas vraiment le temps, mais je veux m'inscrire en faux. Si on commence à regarder un mode de scrutin parce que ça favorise un groupe et pas un autre, je peux vous donner des exemples de d'autres pays où c'est exactement... qui se fait, et ça, ça met une menace à la démocratie. Et, ces jours-ci, on voit des menaces à la démocratie dans plusieurs pays traditionnellement démocratiques, alors j'espère que le Québec ne va pas aller dans cette direction.

Mme LeBel : M. Milner, prenez le temps, prenez le temps de l'expliquer, parce que ça m'intéresse. Parce qu'effectivement un des arguments étant qu'on va fragiliser le gouvernement du Québec parce qu'on aura, entre autres, des gouvernements minoritaires de façon plus fréquente, ce qui est un peu une des conséquences potentielles d'un mode de scrutin... Et on nous dit... je n'en suis pas, mais on nous dit, entre autres, on va l'entendre demain, vous avez raison, que, face au gouvernement fédéral, la légitimité du gouvernement québécois s'en trouverait fragilisée dans nos négociations avec le fédéral. Personnellement, je ne vois pas en quoi, parce que c'est un gouvernement qui est quand même légitimement élu, mais j'aimerais que vous développiez, parce que vous voulez vous inscrire en faux, mais j'aimerais que vous développiez sur cet aspect-là, s'il vous plaît.

• (16 heures) •

M. Milner (Henry) : Bien, d'abord, je vais dire une chose, qu'avec la réforme, si M. Dufour est correct avec ses arguments, ça va... c'est vraiment le Parti libéral qui va gagner, avec les réformes. Donc, j'aurais posé la question aux représentants du Parti libéral : Est-ce que vous n'avez pas jamais pensé au fait qu'avec une réforme vos chances sont meilleures et que, dans la situation actuelle, donc, souvent, vous êtes mal représentés? Donc, ça, c'est tout un autre argument que j'aurais pu entrer.

Mais, pour répondre à vous, pour moi, si un gouvernement est élu avec 39 %, même si vous avez la majorité des sièges ou non, tout le monde dans notre... à Ottawa le sait, ce n'est pas un secret, donc... Et, si vous êtes élu, un gouvernement de coalition, avec 60 %, on le sait aussi à Ottawa. Alors, l'argument qui dit qu'on est affaiblis parce que ce n'est pas un gouvernement majoritaire, à mon avis, on n'aura pas... on n'aura plus de gouvernement avec une base plus de 50 %, ça, c'est fini. Toutes les sociétés modernes sont divisées, et de voir un gouvernement... un parti seul avec plus que 50 % d'appui, ce n'est plus le cas. Donc, est-ce qu'une majorité artificielle, qui est simplement produite par le mode de scrutin, ça met... on peut aller à Ottawa dire : Ah! on est très forts parce qu'avec notre 39 % on a 55 % des députés? À mon avis, ça ne donne rien. C'est beaucoup mieux d'aller à Ottawa et dire : Regarde, on représente 60 %, notre gouvernement de coalition... ou même, si ce n'est pas une coalition, mais une entente entre plusieurs partis. Je pense que c'est le contraire qui est le cas.

Mme LeBel : Vous avez parlé de plusieurs points. Vous avez parlé du 10 %, le seuil. On en a... Plusieurs personnes, aussi, ont adressé cette question-là. Si on met de côté, pour fins de discussion, le 10 %, vous préconisez quel type de seuil? Je sais que ce n'est jamais plus que 5 %. Certains nous ont dit 2 %, certains nous ont dit 3 %. Est-ce que vous pensez qu'à 5 %, parce que vous dites : Jamais plus de 5 % ailleurs, ça fait le travail entre... l'équilibre entre laisser la place aux petits partis de se tailler une place, si je peux l'exprimer ainsi, tout en mettant une certaine barrière à une émergence peut-être trop précoce ou trop rapide d'un courant de pensée qui n'aurait pas une prise assez solide dans la société, mais parviendrait, si on ne mettait pas de seuil, à peut-être atteindre un siège à l'Assemblée nationale? Est-ce que vous pensez que 5 % est quand même un point d'équilibre qui pourrait être justifié?

M. Milner (Henry) : Pour moi, c'est vivable. D'une certaine façon, c'est un faux débat parce que, dans un système régional, il y a un seuil de soi. Ça veut dire que, dans une région avec une vingtaine de députés, il y a un seuil de 7 %, quelque chose comme ça, simplement parce que, sans 7 %, vous n'avez pas... vous ne pouvez pas élire un député de compensation. Dans le cas de Montréal, ça sera... je ne sais pas exactement, si on regarde toute la situation comme elle est, c'est peut-être 4 %, 5 %, je n'ai pas vérifié. Donc, d'une certaine façon, c'est un faux débat, mais, si je devais choisir un chiffre, en général, pour moi, le 4 %, qui est typique des pays nordiques, etc., je trouve que c'est... je peux vivre facilement avec ça.

Mme LeBel : Parlez-nous, peut-être... Bien, je vous ramène peut-être à une autre chose, et vous ne nous en avez pas parlé. On a fait des choix, naturellement. Un mode de scrutin tel qu'on le propose et un changement tel qu'on le propose, ça demande souvent de l'arbitrage et d'essayer de ramener un plus large consensus possible, donc il y a des choix qu'on... doit être faits. Je ne vous apprendrai pas qu'il y a certains choix qui favorisent la proportionnalité, d'autres favorisent d'autres principes comme la stabilité gouvernementale, le poids des régions, la représentation, et des fois c'est au détriment, ultimement, peut-être, de la proportionnalité.

Vous avez... dans une publication, en 2004, qui s'intitulait Le point sur la réforme électorale dans les provinces canadiennes  Où se situe le Québec?, vous disiez, dans cet article, que vous vous montriez, bon, favorable à un mode de scrutin mixte proportionnel, comme aujourd'hui, avec compensation régionale, en disant, et je vous cite : «...au Canada, les identités régionales qu'on observe dans les grandes provinces sont fortes; cela valide donc le choix d'un système de type écossais ou gallois basé sur des régions...» Donc, vous y défendiez, à ce moment-là, les listes régionales fermées, ce qu'on offre, naturellement, les 17 régions administratives que l'on propose de maintenir, choix, naturellement, et je le dis d'entrée de jeu, qui a un effet sur l'effet proportionnel ou sur la distribution. Neuf régions auraient été meilleures pour la proportionnalité mais catastrophiques, dans mon sens, pour l'identité régionale, c'est mon point de vue. Deux votes par électeur, c'est ce que nous préconisons, effectivement.

«...qu'il [revienne] aux membres des partis [...] plutôt qu'à leurs dirigeants», bon, ça, je pense, c'est plutôt marginal. Donc, je pense... j'ose prétendre ou déduire de votre... du fait que vous n'avez pas relevé... que ce sont des choix qui sont appropriés dans le mode de scrutin.

M. Milner (Henry) : ...double candidature, je trouve que c'est...

Mme LeBel : Mais on va y... Je veux vous donner aussi du temps, mais vous pouvez le faire dans le même souffle, là, si vous voulez, là.

M. Milner (Henry) : O.K. Sur la question de... Je n'ai pas abordé la question des régions, ça veut dire le nombre de régions, parce qu'en 10 minutes... J'aurais utilisé toutes les 10 minutes parce que ça, c'est compliqué. Comme vous dites, c'est des arbitrages. Si on a moins de régions, ce sera plus proportionnel, mais l'identité régionale sera moins exprimée. Donc, ça prend des compromis, des arbitrages. Moi, j'aurais préféré 14 régions. Moi aussi, je pense, avec les 17, au moins, il faut probablement ajouter deux sièges à Montréal et un siège à la Rive-Sud, quelque chose semblable parce que ce n'est pas... il n'y a aucune raison, simplement à cause du mode de scrutin, de défavoriser ces deux régions-là parce qu'elles ont plusieurs sièges. En effet, c'est simplement l'application de la formule, le fait que ces endroits ont peu de sièges, il y a moins de... donc ils reçoivent moins, les autres reçoivent plus, et l'effet, c'est qu'ils sont plus défavorisés.

Donc, au moins, si on dit qu'il faut garder les 17 au lieu d'aller avec les 14, peut-être, quelque chose... on parle des arbitrages, ajouter un ou deux sièges, ce n'est pas la fin du monde non plus. Mais, comme je dis, ça, c'est des questions compliquées où il n'y a pas de noir et blanc, où il n'y a pas le clair. Pour moi, le 10 %, la prime du vainqueur, pour moi, ce sont clairs... etc.

Mme LeBel : Et, la double candidature, voulez-vous nous en parler?

M. Milner (Henry) : Et la?

Mme LeBel : Double candidature.

M. Milner (Henry) : Oui. Encore une fois, je ne vois aucune légitimité de cela, aucune logique derrière cela.

Mme LeBel : O.K., mais je vous ramène un argument, simplement pour vous donner l'opportunité d'y répondre. On a entendu, j'ai entendu aussi, dans mes consultations, le malaise avec la double candidature. C'est peut-être plus un malaise théorique, mais c'est un malaise, et on parle de faire un changement. Donc, on essaie d'éviter le plus de malaises possible pour que les gens soient à l'aise dans cette transformation-là, le malaise de faire en sorte que, potentiellement, quelqu'un qui n'a pas réussi à obtenir... et je ne dirai plus «perdre», mais qui n'a pas gagné le siège de circonscription, ce qui est bien différent, pourrait se retrouver à entrer dans la région par le siège de liste, par la liste régionale. Donc, il y a un certain malaise au niveau de la démocratie, si on veut, parce que la personne a été...

Une voix : Légitimité.

Mme LeBel : ...légitimité, voilà, de sa présence. Je vous soumets l'argument et j'aimerais peut-être que vous nous fassiez part de votre opinion par rapport à ça. Et quels sont, pour vous, les avantages d'une double candidature qu'on échapperait en l'interdisant?

M. Milner (Henry) : Bien, d'abord, je connais des pays où on utilise... où on fait ça, et c'est parfaitement normal. Il n'y a personne qui dit à lui : Ce n'est pas légitime parce qu'il n'a pas gagné dans son district, et donc ce n'est pas légitime. Tout ce qu'on fait, c'est que, dans ce cas-là, il y a certains candidats qui sera découragé de se présenter. Est-ce que, vraiment... Pourquoi décourager des personnes qui, vraiment, seront bienvenues? Ça, c'est une chose.

Deuxièmement, comme je dis, il est valable d'encourager quelqu'un qui n'a aucune chance de gagner un siège de quand même se présenter... O.K., ça, c'est la double candidature, excuse-moi. Alors, comme... si on dit à quelqu'un... Disons que je suis électeur et je vote dans mon district, vous, vous êtes les députés. Bon, vous êtes des bons députés, je vous aime beaucoup, mais le moment est arrivé pour voter pour un autre parti. Ça n'a rien à faire avec vous, ça n'a rien à faire avec votre compétence, vous le savez très bien, c'est une question de politique. Alors, si vous, vous êtes battu, bien, vous vous trouvez premier de liste, parce que vous êtes bien connu, bien respecté dans votre région, et vous revenez à cause de cela, qui, parmi vos électeurs, va dire : Ah! c'est terrible, cette personne-là, on ne l'a pas gardée, et regarde, il ou elle revient de la liste? Ils vont dire le contraire, il dit : Ah! on est chanceux quand même que... Oui, notre vote était compté, parce qu'on a changé le... c'est le parti qui... On a voté contre le parti, et le résultat, c'était que le parti a été affaibli. Mais le fait que la personne, l'individu, revienne, c'est un atout, ce n'est pas quelque chose de négatif.

Mme LeBel : Bien, merci. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Merci, M. le Président. Bonjour, monsieur. Vous êtes pour ou contre la... Vous êtes pour la double candidature, alors, si je comprends bien?

M. Milner (Henry) : Oui.

• (16 h 10) •

Mme Robitaille : O.K. Moi, je viens d'un comté qui est à Montréal, Montréal-Nord, Bourassa-Sauvé. Avec le projet de loi, la région de Montréal perdrait trois sièges. C'est quand même considérable. S'il y a un référendum, là, il va falloir travailler fort, ceux qui veulent passer ce référendum-là, parce qu'à Montréal on perd trois sièges, je ne sais pas si les gens vont aimer ça beaucoup. Vous dites : Il faut ajouter deux sièges. Pourquoi deux sièges? Je voudrais comprendre. Je sais que c'est compliqué, là, mais pourquoi... On en perd trois, là vous dites : On voudrait en ajouter deux.

M. Milner (Henry) : Parce que c'est une sorte de compromis, tu sais. Je sais qu'avec les sentiments, etc., tu sais, on... Et, on le sait, on ne veut pas ajouter trop de sièges, etc. Regarde, je n'ai pas vraiment réfléchi, mais simplement, au moins, de dire : Oui, il y a une perte qui... Il faut s'adresser à cela. Est-ce que ça prend trois sièges? Est-ce que...

Parce qu'une autre chose, c'est que ça veut dire que, si vous dites : Il faut régler toute la perte, le risque, c'est une autre... après, une autre... en regard de la population, il y a une autre région qui arrive pour dire : Ah! on perd un demi-siège, tu sais, on perd un demi de... ou quelque chose.

Donc, si on dit : Oui, on va aider Montréal, mais pas absolument pour que ça soit exactement... d'autres régions, peut-être, ne vont pas dire : Ah! O.K., nous autres, on a perdu un petit peu, mais on peut vivre avec ça. C'est simplement, encore une fois, des questions d'arbitrage, de compromis, de trouver quelque chose vivable pour tout le monde.

Mme Robitaille : Donc, le principe de proportionnalité. Le Québec, c'est particulier, hein, parce que c'est immense. Et justement, hier, on avait quelqu'un... on avait un expert de la Nouvelle-Zélande qui travaille aussi pour la proportionnelle en Angleterre, et justement on comparait le Québec versus la Nouvelle-Zélande, l'Écosse, la Bavière, les densités de population n'ont rien à voir, là.

Et donc l'expert nouvelle-zélandais nous disait : Bien, en Nouvelle-Zélande, on a augmenté le nombre de circonscriptions pour respecter ce principe-là de proportionnalité. Vous, vous me dites : Bon, O.K., Montréal perd trois sièges, bon, on en rajouterait deux, ça serait comme un compromis. Mais est-ce que, carrément, là, pour respecter ce principe de proportionnalité là, il ne faudrait pas carrément faire comme en Nouvelle-Zélande, ajouter des sièges? Vous êtes allé en Nouvelle-Zélande, vous devez... je suis sûr que vous êtes très conscient de ça. Est-ce que, tant qu'à faire, on ne devrait pas repenser et ajouter des sièges pour, justement, que la proportionnalité soit bien respectée?

M. Milner (Henry) : Vous savez, pour moi, c'est une question de deuxième niveau. Oui, j'aimerais voir ça, mais je ne vais pas sacrifier la réforme pour quelque chose avec lequel on peut vivre. Et c'est plus ou moins accepté au Québec qu'en comparaison avec d'autres provinces canadiennes, pas avec la Nouvelle-Zélande, on a quand même assez de députés. On ne peut pas comparer avec la population des autres provinces, par exemple.

Donc, entrer dans ce débat-là, tu sais, avec une, ou deux, ou trois qu'on peut ajouter... je pense qu'on n'entre pas vraiment dans ce débat-là. Mais de penser qu'on peut avoir 200 députés, par exemple, ou, tu sais, de vraiment augmenter le nombre comme ils ont fait en Nouvelle-Zélande, je pense que c'est, comme on dit en anglais, un «non-starter».

Mme Robitaille : Mais, comme disaient mes collègues durant les derniers jours, on change de culture politique, c'est autre chose. On va... C'est nouveau, c'est très nouveau puis c'est une autre dynamique. Est-ce que, justement, pour respecter ce principe-là de proportionnalité... puisque les autres provinces n'ont pas ça, elles ont toujours le système uninominal à un tour, est-ce que, justement, pour bien le faire, on ne devrait pas carrément repenser notre carte électorale, ajouter des circonscriptions et puis respecter ce principe-là? Comme ça, la région de Montréal, bien, elle ne sentirait pas qu'elle perd quelque chose.

M. Milner (Henry) : Alors, simplement, je vous dis : Allez chez vous, donc chez vos électeurs, et dites : On va chercher un autre 75 députés, êtes-vous d'accord ou non? S'ils sont d'accord, moi, je serai d'accord aussi.

Mme Robitaille : Dites-moi, j'ai juste une question. Vous étudiez... Vous avez étudié les systèmes, les modes de scrutin partout en Europe, et tout ça. Est-ce que la proportionnelle amène la création de nouveaux partis? Est-ce que c'est un phénomène qu'on peut voir apparaître, ça?

M. Milner (Henry) : Avec un seuil de 4 %, 5 %, ça se fait, mais pas très souvent. Il y a aussi, dans notre système, des nouveaux partis qui arrivent sans la proportionnelle. Moi, j'étais toujours pour l'idée d'un seuil, tu sais, donc je n'aime... je n'accepte pas l'idée qu'un parti qui n'a aucun appui doit profiter d'un mode de scrutin qui va leur permettre, même avec, je ne sais pas, 1 % ou moins de 1 %, d'avoir un député. Moi, je pense que ce parti-là devrait trouver les moyens de chercher un appui légitime, un appui réel. Donc, c'est pour ça que j'appuie le seuil.

Mme Robitaille : Le seuil à?

M. Milner (Henry) : Hein?

Mme Robitaille : À 4 %?

M. Milner (Henry) : Oui, quelque chose comme 4 %. Quand vous avez un système régional, je vous rappelle, il y a déjà un seuil automatique qui est... Quand vous avez un système national, c'est à ce moment-là qu'il faut mettre un seuil.

Mme Robitaille : Mais à 10 %? Est-ce que l'exercice en vaut la peine si on reste à 10 %?

M. Milner (Henry) : Moi, le 10 %, vraiment, comme j'ai dit, j'ai donné l'exemple de Turquie, c'est très difficile à défendre, surtout... Si on n'avait que deux grands partis, deux partis, bon, pas un problème, mais, si on veut que, quand même, des partis arrivent qui représentent quelque chose de réel, d'imposer... de dire, je ne sais pas, à un groupe qui veut vraiment s'organiser, qui représente des idées importantes, on va leur dire : Bonne chance, mais sans 10 %, c'est fini, vous n'avez... vous ne pouvez rien faire. Des députés, ici, représentent des partis qui étaient... qui avaient un appui moins de 10 % ça ne fait pas longtemps. Est-ce que, vraiment... Si, à ce moment-là, il y avait un seuil de 10 %, est-ce que vous seriez ici, autour de la table, beaucoup entre vous? Oui, les deux... Tu sais, c'est quelque chose qui, vraiment... C'est comme si c'est un autre «boys' club», et vous n'êtes pas invités. C'est un peu ça.

Le Président (M. Bachand) : Merci. Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.

Mme Weil : ...j'aimerais vous amener sur le terrain des référendums. On a parlé, donc, est-ce qu'on le fait bien avant, un peu avant, en même temps, etc. La Colombie-Britannique, l'Île-du-Prince-Édouard, ça n'a pas fonctionné, c'était en même temps. Donc, j'aimerais avoir votre opinion sur... Premièrement, quand on demande aux citoyens, actuellement... Je pose la question à tout le monde : Saviez-vous qu'il y a, actuellement, un projet de loi pour revoir notre système? Non, je ne suis pas au courant. Donc, la population ne sait rien de ce dont on parle. Puis, ici, on entend tellement d'experts, des gens qui ont travaillé ça, on regarde l'historique de ça, c'est incroyable.

Donc, comment faire en sorte de mettre la population à niveau? Donc, j'aimerais vous entendre sur cette question de référendum, avec un peu ça en tête. C'est-à-dire, vous y croyez beaucoup, vous avez étudié ça. Comment ça... Pourquoi ça n'a pas marché en Colombie-Britannique et à l'Île-du-Prince-Édouard?

M. Milner (Henry) : Bon, Colombie-Britannique, ce qui était intéressant, c'est que les sondages, pendant beaucoup de temps, étaient favorables, et soudainement les sondages ont changé, et le vote était très négatif. Pourquoi les sondages ont montré que le vote... que ça a changé? Bien, une chose, c'est... les jeunes n'ont pas voté, les plus vieux ont voté, ils sont plus conservateurs. Mais, deuxièmement, il y avait une campagne de salissage, on peut simplement penser... avec des dangers, des dictatures, toutes sortes de choses avec la réforme, c'était incroyable. Et le fait qu'il y avait vraiment... La seule autorité pour corriger cela, c'étaient les bénévoles pour le Oui. Il n'y avait pas une commission respectée avec les ressources pour remettre les choses et dire : Non, ce n'est pas ça, c'est ça, et...

Mme Weil : ...à quel moment est-ce que vous recommanderiez de faire un référendum?

• (16 h 20) •

M. Milner (Henry) : Moi, je suis un peu divisé sur cela, parce qu'en principe je ne pense pas que c'était nécessaire. Par contre, c'est un changement important, et ça prend de la légitimité. Et, si ceux qui sont contre peuvent dire : Ah! ce n'est pas légitime, la population n'a pas voulu, c'était imposé par les politiciens, ce n'est pas un bon début. Donc, le fait qu'il y a un référendum et, si c'est... le référendum gagné par des bons arguments avec une population renseignée, qui sait de quoi il s'agit... et ce sera un défi très important, mais ce n'est pas impossible, même si notre ami M. Hugues, de Nouvelle-Zélande, disait que ce n'était pas absolument nécessaire d'avoir un référendum, là-bas, ils ont eu des référendums qui étaient gagnés par le Oui par des bons arguments, même quand les deux grands partis étaient contre. Au début, ils étaient contre puis après ils ont accepté...

Le Président (M. Bachand) : Merci. Je dois passer la parole — désolé — au député de Gouin, désolé. M. le député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Bonjour. Très content de vous avoir avec nous aujourd'hui. Je vais aller dans le vif du sujet. Un des arguments qu'on entend souvent... et je pense que la prochaine personne... j'ai jeté un regard, plus tôt, à notre prochain invité, ici, je pense, c'est un argument qui va nous être aussi présenté... en tout cas, une préoccupation qui va nous être présentée, c'est l'idée selon laquelle des systèmes électoraux où il y a une composante de proportionnalité, ça tend à fragmenter le champ politique, voire à le polariser. Et le Pr Marc-André Bodet, qui va vous succéder à cette place, dit, dans son mémoire... pose la question suivante : «Voulons-nous être pris dans des situations impossibles comme le vivent les Allemands, les Danois, les Autrichiens, les Norvégiens, etc.?», en disant qu'une réforme du mode de scrutin va, à cause des différents clivages au sein de la société québécoise, plonger le Québec, donc, dans une situation impossible. Ma question, ce serait : Est-ce que vous jugez que ces pays-là sont dans des situations impossibles? Et est-ce que c'est un risque que vous voyez, vous aussi?

M. Milner (Henry) : Bien, d'abord, vous allez poser la question au Pr Bodet. Je suis assez surpris d'entendre cela parce que... et je connais ces pays-là, pas simplement comme quelqu'un qui est académique, mais aussi j'ai vécu en Suède, je connais très bien ces pays-là, et ces pays-là... la citation que vous donnez, ça n'a rien à faire avec ces pays-là. Les gens sont contents avec leur démocratie, la démocratie fonctionne bien. Oui, il n'y a rien de parfait, parfois ça prend du temps pour former un gouvernement parce que le résultat est très serré, donc il faut former une coalition. Mais les élections ne viennent pas souvent, ils sont comme nous. Alors, d'où vient cette idée-là que ça ne marche pas? Je ne comprends pas.

Moi, je suis spécialiste surtout sur ces pays-là, donc c'est... Et les gens sont... trouvent que... Si tu leur demandais : Voulez-vous changer votre mode de scrutin? Voulez-vous plutôt comme les Anglais, etc.? Ils ne sauront pas de quoi vous parlez. Ils sont habitués à cela. Le système, d'après eux, fonctionne bien...

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Rimouski, s'il vous plaît.

M. LeBel : Merci, M. le Président. Salut. À la réponse... Tantôt, vous avez parlé de... Bon, l'échec du référendum en Colombie-Britannique, vous avez dit : Il y avait un groupe de bénévoles dans le camp du Oui qui n'étaient peut-être pas assez outillés pour répondre, puis ça aurait pris des spécialistes, tout ça.

Tantôt, le DGEQ parlait des deux camps, il disait qu'il fallait exclure toute forme d'évaluation qualitative des demandes d'OBNL qui pourraient être dans les camps. Ma question, c'est : Comment on s'assure que les camps sont bien représentés puis on est capables de défendre les intérêts ou défendre la réforme? Parce que, là, dans le projet de loi, les élus politiques ne sont pas dans les camps, mais ils sont... Bref, comment on fait pour ne pas tomber dans le piège de la Colombie-Britannique?

M. Milner (Henry) : Je n'ai pas vraiment réfléchi à cela parce que, d'abord, il faut faire... être d'accord sur les contenus, et après ça la façon qu'on va débattre cela, c'est une deuxième question. Pour moi, ce qui était très important, c'est que, oui, il y aurait... C'est un référendum, donc, normalement, il y a deux équipes, une pour le Oui, une pour le Non. C'est évident que les partis politiques qui ont exprimé une position doivent être là, peut-être pas nécessairement comme président du comité du Non ou du comité du Oui, mais présents.

Mais, comme je le disais, et j'insiste sur cela, ce qui manque, dans la Colombie-Britannique, bon exemple, c'est cet aspect-là d'une commission respectée, non partisane, qui connaisse cela et où tout le monde peut référer des questions, des déclarations, tu sais, d'un côté ou de l'autre. Et pas simplement que ça va aider les citoyens, mais ça va aussi limiter la capacité des deux côtés d'exagérer, de dire des choses qui ne sont pas vraies. Et les gens du DGE, ils ont déjà exprimé le manque de ressources, la nécessité d'avoir plus de ressources. Et, vraiment, moi, je pense que c'est ça, vraiment, qui est important. Oui, les partis politiques doivent être là, parce que ça, c'est notre démocratie, mais pour s'assurer que le contenu du débat soit comme il faut. C'est un autre aspect qui est très important.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.

Mme Fournier : Merci beaucoup pour votre présentation. Justement, en réponse à ma question sur la désinformation qu'il pourrait y avoir lors de la campagne référendaire, le DGEQ a répondu qu'il ne comptait pas intervenir ou fournir de l'information pour rectifier des faits qui proviendraient d'un camp ou de l'autre. Est-ce que vous croyez, a contrario, que ce serait important que le DGE, s'il dispose de ressources suffisantes, puisse le faire, ou à travers une commission indépendante, comme vous semblez l'évoquer?

M. Milner (Henry) : C'est délicat. Ils ne doivent pas intervenir d'une façon qui peut donner l'impression d'être partisans, mais, s'ils ont les informations, les informations sont là, facilement, avec un accès facile, ils peuvent diriger les gens vers les informations. Si quelqu'un ou un organisme pose une question, ils ne doivent pas dire : On n'a rien à dire. Ils doivent leur dire : Vous pouvez trouver ces informations ici et là, et vraiment les aider de cette façon-là, de fournir des textes, toutes sortes de choses nécessaires. Je pense que ça, c'est une sorte de compromis et que ça doit être bien connu.

En Nouvelle-Zélande, j'étais... on m'avait dit... parce que je suis arrivé un peu en retard, mais je suis pas mal vieux... de Darren Hughes, Darren Hughes était un enfant à ce moment-là. Et le rôle de la commission qui a donné les informations sur les enjeux du référendum était extraordinaire. Tout le monde que j'ai consulté disait : Ah oui, eux, ils ont toutes les informations. Ils étaient des gens tout à fait respectés. Moi, je conseillerais aux gens du DGEQ de faire un petit voyage en Nouvelle-Zélande, ils peuvent voir exactement comment c'est fait. Et il y a même des articles et des livres qui étaient écrits, que je peux... qu'on connaît. Merci.

Mme Fournier : Très bien, merci.

Le Président (M. Bachand) : M. Milner, merci beaucoup de votre présentation.

Cela dit, je suspends les travaux pour quelques instants. Merci infiniment.

(Suspension de la séance à 16 h 29)

(Reprise à 16 h 32)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. On semble avoir un petit problème technique, qui va se régler.

Alors, nous allons avoir une présentation PowerPoint de M. Stéphane Rouillon, qui est directeur au Centre de recherche informatique de Montréal. Alors, M. Rouillon, merci beaucoup d'être ici, et vous avez la parole. Merci.

M. Stéphane Rouillon

M. Rouillon (Stéphane) : Merci. Je tiens à préciser quand même que c'est en mon nom personnel que j'ai été contacté, étant donné mon historique de présence, et pas à titre de directeur au CRIM, rôle que j'ai effectivement. Je vais vous lire ce que je vous ai écrit pour les 10 premières minutes.

Chers membres de la Commission des institutions de l'Assemblée nationale, dans le but de promouvoir une saine compétition dans la sphère politique, j'aborderai essentiellement la problématique de la stabilité gouvernementale avant de répondre à vos questions, notamment sur le mécanisme d'adoption d'une réforme du mode de scrutin.

La concurrence est la clé de bien des succès. Ce principe, nous l'avons appliqué à l'économie, il est temps de l'appliquer en politique. Une société riche de ses choix est une société riche. En ce sens, la multiplication des options offertes par les partis politiques est un investissement. Le défi consiste à traduire cette variété d'opinions en un microcosme des débats et des pistes de solution autour d'une table pour pouvoir discuter intelligemment de solutions à des problèmes complexes.

Chaque électeur devrait avoir droit à la représentation sans aucune forme de discrimination quant à la taille du groupe auquel il désire exprimer son appartenance. Le projet de loi propose un quota à partir duquel un parti aurait accès aux sièges de compensation. Les défenseurs de ces quotas les justifient en arguant qu'une véritable représentation proportionnelle n'est pas compatible avec un Parlement stable. Examinons les résultats d'élection possibles sous l'angle de la stabilité, alors.

Donc, si on considère l'historique des comportements des élus et des partis d'opposition, on peut modéliser globalement les chances de voir un vote de confiance être approuvé ou battu. Grosso modo, afin d'illustrer le propos, on peut approximer à 40 % les chances qu'un parti d'opposition approuve le gouvernement. De la même façon, on peut considérer que 90 % des élus gouvernementaux suivent la ligne de parti et que la balance, les 10 % restants, a à peu près 90 % de chances de voter avec le gouvernement. Ces chiffres peuvent fluctuer, bien sûr, mais les conséquences et les comportements demeurent.

Donc, on obtient cinq familles de situations décrivant les résultats d'élection. Donc, en ordre de stabilité croissante, et c'est ce qui est représenté sur le graphique que vous avez là : premièrement, des coalitions multipartites de trois partis ou plus; deuxièmement, une ou plusieurs combinaisons de coalitions bipartites potentielles; troisièmement, un parti majoritaire de justesse; quatrièmement, des coalitions bipartites autour d'un même parti quasi majoritaire; et, cinquièmement, le cas le plus courant, un parti à forte majorité, le cas le plus courant, en tout cas, au Québec.

La première situation correspond à ce qu'a connu la Tunisie depuis la révolution de jasmin. Au Québec, ce serait, par exemple, un cas où cinq partis se partageraient les 125 sièges ainsi : 32, 30, 28, 20 et 15 sièges, respectivement. Les premières éditions de telles coalitions sont relativement stables la première fois où ça arrive. Ce sont les éditions subséquentes regroupant les mêmes partis politiques qui sont parfois instables. En effet, le menu législatif devient bien maigre quand le peu de programmes communs a déjà été réalisé.

La seconde situation correspond à un partage des sièges de l'Assemblée nationale de ce type : 45, 40, 35 et cinq sièges pour un quatrième parti, par exemple. Encore une fois, c'est la répétition de coalitions déjà obtenues lors de législatures précédentes qui engendre parfois de l'instabilité. L'Irlande, les Pays-Bas, la Belgique ont tous connu des situations similaires où la persistance même des mêmes partis politiques et certaines restrictions idéologiques empêchent le renouvellement de la composition du gouvernement ou la formation pure et simple parfois même d'un gouvernement tout court.

Donnez-moi deux secondes.

La troisième situation a été vécue à la Chambre des communes lorsque le vote de Mme Belinda Stronach a fait pencher la balance, en 2005. Dans le cas du Québec, le modèle prédit une stabilité de l'ordre de 53 %, à peu près, dans le cas d'un parti à 63 sièges, donc vraiment une majorité de justesse, et de l'ordre de 88 % dans le cas d'un parti à 64 sièges, finalement.

La quatrième situation, donc la coalition bipartite avec alliés multiples, sur le dessin, c'est celle que nous avons souvent vécue ces dernières années, tant au fédéral qu'au provincial. Les gouvernements minoritaires de MM. Harper, Trudeau, M. Charest, de Mme Marois se sont retrouvés dans cette situation. Et, comme il s'agit de convaincre au moins un seul des partis d'opposition d'appuyer le gouvernement, la stabilité augmente avec le nombre de partis.

Le tableau suivant, que vous pouvez regarder, donc, dans le document papier que je vous ai transmis, illustre la stabilité estimée par le modèle selon le nombre de partis d'opposition capables de fournir une majorité au gouvernement en l'appuyant. Dans ce cas, la proportionnalité est respectée. Plus il y a de partis et, donc, plus les gouvernements minoritaires de ce type sont stables.

Le cinquième et dernier cas correspond à la norme du dernier siècle au Québec, un parti très majoritaire, donc un gouvernement extrêmement stable — trop, diront certains. Le graphique précédent illustre donc toutes ces situations-là, de gauche à droite, et c'est de ça dont j'espère vous... regarder ça en détail avec vous, c'est ça que j'espère.

Plusieurs détracteurs des coalitions ciblent leurs critiques sur ce portrait de l'instabilité sans aucune nuance. Toutefois, plusieurs participants ont souligné la stabilité économique de nombreux pays de gouvernements proportionnellement représentatifs tels ceux de l'Allemagne, des pays scandinaves et de plusieurs autres pays européens.

Je tiens à souligner ce que la représentation proportionnelle implique sur les politiques à long terme de ces pays : une continuité. En effet, les systèmes de représentation proportionnelle produisent souvent des gouvernements de coalition représentant un compromis parmi une majorité de la population. Il devient alors extrêmement rare qu'aucun parti du gouvernement précédent ne participe au suivant. Ces pays évitent ainsi de coûteuses contre-réformes. La proportionnelle semble donc rentable, à condition d'en dégager une majorité stable pour la durée du mandat.

Pour contrer une potentielle instabilité gouvernementale, plusieurs pays sacrifient l'équité de la représentation des idéologies et de l'électorat en imposant des quotas à la compensation. Les défenseurs de ces quotas les justifient en arguant que c'est la seule façon d'obtenir un Parlement stable. C'est faux. Le pays fondateur de la démocratie moderne, la Grèce, a fait le même constat. Ils utilisent un mécanisme de stabilisation et ils considèrent que c'est mieux adapté, en tout cas, pour l'instant. En «boostant», en bon français, le parti vainqueur, on ramène les situations 1 et 2, donc les plus à gauche, coalitions tripartites, coalitions bipartites, à des cas stables.

Dans un mémoire endossé par l'Association des étudiants des cycles supérieurs de Polytechnique, j'avais présenté un mode de scrutin stable, proportionnel, préférentiel et acirconscriptif, qu'on peut retrouver sur le site http://www.votebook.ca, ainsi que d'autre matériel, ou sur celui de... je vous laisserai lire le lien au long, mais celui de la Bibliothèque de l'Assemblée nationale, tout simplement. J'avais baptisé le mécanisme de stabilisation de «béquille», puisqu'il empêche un gouvernement de tomber et garantit un Parlement qui marche.

• (16 h 40) •

La béquille décrite à l'époque garantit une coalition bipartite stable pendant un mandat réduit et peut être greffée à tout modèle proportionnel en remplacement d'un quota. Une béquille pondérée comporte ces mêmes avantages sans ajouter de sièges supplémentaires. Donc, au lieu d'ajouter des sièges supplémentaires, avec tous les défis logistiques que les «Überhänge» — c'est-à-dire les sièges supplémentaires, en allemand — représentent au Parlement allemand, on ajuste le poids législatif des élus au parti majoritaire tout en réduisant la durée de leur mandat afin d'égaler le poids de l'ensemble de l'opposition. Il s'agit d'une option de stabilisation, donc bel et bien d'une option. Donc, si les partis peuvent s'entendre directement pour former une coalition majoritaire, elle n'est pas nécessaire.

Le tableau suivant illustre le poids législatif et la durée corrigée des mandats de la législature selon le nombre d'élus du parti pluralitaire, c'est-à-dire le parti qui a reçu le plus de sièges. Je vous laisserai regarder les chiffres. Dans le cas d'un parti pluralitaire à 62 sièges, la situation est de facto dans le cas n° 4, et donc il n'est pas nécessaire de faire appel à une béquille pondérée. D'ailleurs, ce pourrait être le cas tant que le parti pluralitaire dispose de plus du tiers des sièges, c'est-à-dire jusqu'à 42 sièges à l'Assemblée nationale. Ce mécanisme de stabilisation respecte le principe de la coalition, préserve le poids de chaque... de chaque électeur, excusez-moi, en termes de députés-années et reste compatible avec le maintien de 125 députés, avec des élections à date fixée d'avance, avec les changements d'allégeance et avec les élections complémentaires telles qu'on les connaît. Les élections complémentaires se dérouleraient comme prévu, tout nouvel élu recevant un poids législatif d'un, quelle que soit son appartenance politique, car la durée du mandat ne serait pas davantage modifiée. Le mode de scrutin résultant devrait permettre de voir fleurir un parti vert, un parti des régions, un parti rose et bien d'autres qu'individuellement nous ne pouvons prédire, mais que collectivement nous pourrons définir.

En résumé, les quotas ne sont donc pas nécessaires, ils ne servent qu'à retarder l'apparition de partis émergents. La semi-compensation a le même effet en préservant l'actuelle prime au vainqueur. La décision de voter en fonction de la prise du pouvoir ou d'une simple représentation revient à chaque personne qui vote et non au législateur qui l'impose via un mode de scrutin. La commission devrait s'assurer que des éléments de la réforme garantissant la stabilité du Parlement tout en étant compatible avec une véritable représentation proportionnelle... Notre institution parlementaire serait alors capable de suivre l'évolution des communautés d'intérêts au Québec.

Merci d'avoir pris le temps de m'écouter ainsi que bon nombre de mes collègues précédents, des gens intéressés non à faire de la politique mais bien à refaire la politique. Merci.

Le Président (M. Bachand) : Merci infiniment. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Merci, M. Rouillon. Peut-être juste pour des fins de langage, quand vous parlez de quotas, vous parlez des seuils, je comprends?

M. Rouillon (Stéphane) : Effectivement, oui.

Mme LeBel : O.K. Juste pour être sûre qu'on parle des mêmes choses. Est-ce que je comprends de votre présentation que la stabilité du gouvernement n'est pas nécessairement tributaire du mode de scrutin? C'est-à-dire que, dans le mode de scrutin actuel, il pourrait y avoir une certaine instabilité gouvernementale de l'effet de voir l'apparition de plusieurs partis, maintenant, qui sont représentés à l'Assemblée nationale, on pourrait avoir des gouvernements quand même minoritaires, donc avec une certaine dose d'instabilité, même en vertu du mode de scrutin actuel?

M. Rouillon (Stéphane) : En effet. C'est peu probable, mais c'est tout à fait possible.

Mme LeBel : O.K. Donc, ce n'est pas le corollaire unique ou ce n'est pas la conséquence unique d'une réforme de mode de scrutin?

M. Rouillon (Stéphane) : Non, pas du tout.

Mme LeBel : Parfait. Ce que vous nous dites, par contre, c'est qu'il y a des mécanismes pour s'assurer d'une certaine stabilité gouvernementale dans un mode de scrutin compensatoire mixte tel qu'on le présente et qu'à tout le moins il y a au moins l'avantage d'avoir une stabilité des politiques gouvernementales.

M. Rouillon (Stéphane) : Il y a des mécanismes qui permettent d'augmenter les chances, donc, comme les quotas, malheureusement, ou un bulletin préférentiel permettent d'augmenter les chances. Ce que je vous dis, c'est qu'on est capables, même, de mettre en place des mécanismes qui vont garantir qu'on n'ait pas ces genres de problèmes là.

Mme LeBel : Par contre, ce que vous avez constaté ou qu'est-ce que vous mettez de l'avant, c'est que, dans le cas d'un tel mode de scrutin, il y a, à tout le moins, une stabilité des politiques gouvernementales, c'est-à-dire qu'on voit, de gouvernement en gouvernement ou de législature en législature, des gens, bon, qui apparaissent dans la coalition ou non, mais qu'il y a un certain suivi, donc il ne pourrait pas y avoir de renversement drastique de politiques gouvernementales pour des fins partisanes, à titre d'exemple.

M. Rouillon (Stéphane) : C'est beaucoup plus rare, dans ces cas-là, contrairement à ce qu'on peut... Regardez, au sud de la frontière, en ce moment, on a un gouvernement qui a passé beaucoup de son temps à annuler, finalement, ce qu'avait mis le précédent. Donc, quand on regarde la somme des investissements faits pour mettre des politiques en place puis ensuite les défaire, ça donne peu de rendement, on va dire, par dollar investi, là, ce qui est beaucoup moins le cas en Europe, avec tous les gouvernements de coalition, où souvent on a un des partis qui étaient dans le gouvernement précédent qui se retrouve dans le suivant.

Mme LeBel : Donc, on peut y voir deux types de stabilité gouvernementale, donc la stabilité des personnes en place, des élus pour un mandat donné, mais aussi la stabilité des politiques gouvernementales sur le long terme, parce qu'on est de passage, quand on est au gouvernement, donc on est dans un continuum, mais on est là pour les citoyens. Donc, du point de vue du citoyen, il y a une certaine dose de stabilité qui peut s'injecter de par le fait qu'on a ce mode de scrutin là.

M. Rouillon (Stéphane) : Définitivement.

Mme LeBel : O.K. Parlons de votre... bon, de la façon de voir, bon, la stabilité. J'avoue, là, j'ai lu, je vous écoute, mais on n'a pas... je n'ai pas analysé tout ça. Vous avez parlé de cette espèce de «boost» au vainqueur, de «booster» la cote du vainqueur pour lui permettre d'avoir peut-être une majorité ou, à tout le moins, une représentation assez forte pour former le gouvernement. Comment ça fonctionne? Ça fonctionne après l'élection? Ça fonctionne pendant? Ça fonctionne dans la distribution des sièges? C'est une sorte de prime au vainqueur également pour la stabilité, là.

M. Rouillon (Stéphane) : Alors, effectivement, vous avez un petit peu raison dans ce sens-là, c'est-à-dire qu'au lieu de donner une prime au vainqueur qui a un nombre artificiel défini et d'y avoir recours, par définition, en partant, O.K., ce qu'on fait, c'est qu'on regarde le résultat de l'élection, donc c'est après l'élection, et, si vraiment il peut y avoir un problème de stabilité, on offre cette option au gouvernement... au parti vainqueur, c'est-à-dire celui qui a gagné le plus de sièges. Et, par exemple, si le parti qui a gagné le plus de sièges ne devait avoir que, mettons, 42 sièges, alors qu'il en faut 65, eh bien, il devrait être capable, donc, de rattraper l'ensemble de l'opposition. Donc, si un parti a 42 sièges, au Québec, il faut le déduire des 125 précédents, donc l'opposition en aurait 83. Donc, grosso modo, il faudrait doubler sa représentation, O.K., pour être capable d'obtenir autant de représentants du parti pluralitaire que de l'opposition.

Donc, ce qu'on propose de faire, dans ce cas-là, c'est de doubler le poids en Chambre des députés de ce parti politique là, ce qui fait qu'on respecte le mécanisme parce qu'on ne vient pas leur donner une majorité — c'est ce qui, des fois, fait défaut et qui cause des problèmes avec ces mécanismes-là, dans certains cas — mais on vient les ramener tout juste au cas n° 3, c'est-à-dire... au cas n° 2, excusez-moi, coalition bipartite avec alliés multiples. Ce que vous voyez, le 50 %, le gros cercle au milieu, c'est le poids législatif qu'obtient le parti vainqueur, celui qui a le plus de sièges, après qu'on lui ait donné l'option de la béquille, donc, ensuite, il peut s'allier à n'importe lequel des partis d'opposition pour être capable de passer une législation quelconque.

Mme LeBel : Mais l'objectif ultime de cette prime, peu importe où on la situe dans le processus, est d'assurer une stabilité gouvernementale.

M. Rouillon (Stéphane) : Exactement, oui, assurer, vraiment garantir, là.

Mme LeBel : Parfait. Écoutez, peut-être juste... Je pense que je peux annoncer, d'entrée de jeu, que je n'ai pas l'intention d'aller dans cette direction-là, mais je veux quand même... Non, je vais... C'est le préambule de ma question, mais je veux quand même vous permettre de l'expliquer. Qu'est-ce que vous voulez dire par «acirconscriptif», donc «sans circonscription»? Peut-être nous illustrer un peu. Je veux rassurer mes collègues, je ne veux pas abolir ni les circonscriptions ni les régions, mais je suis curieuse, quand même, de voir qu'est-ce que vous voulez... pourquoi vous soutenez ce...

M. Rouillon (Stéphane) : Disons que c'est une façon de regarder. La Cour suprême, quand on parle de réforme du mode de scrutin, a défini... Parce que, bon, j'ai participé à des recours collectifs qui ont eu lieu, donc, au Québec pour contester la légitimité du mode de scrutin par l'ARDD, l'Association pour la revendication des droits démocratiques, au Québec, et la Cour suprême définit le mode de scrutin comme un outil pour donner une représentation aux communautés d'intérêts.

Il y a 60 ans, ou même un peu plus, les communautés d'intérêts étaient géographiques. Les gens connaissaient leurs voisins. Les centres d'intérêt étaient, donc, dans les villes, etc., et autres. Depuis, la société change très vite, on va dire ça comme ça, et les communautés d'intérêts sont devenues plus électroniques, idéologiques. Et donc, pour représenter, pour aller capturer les verts, par exemple, la représentation géographique est déficiente pour ça. Donc, le but, c'est d'obtenir des façons de définir des échantillons de la population qui vont avoir... essayer d'obtenir de la représentation et qui ne sont pas définis géographiquement.

Donc, pour vous donner un exemple, si vous deviez essayer de demander l'opinion des gens pour le transport en commun à Montréal, vous pourriez utiliser les tranches d'âge. Donc, les 18 ans se trouvent quelqu'un pour les représenter, les 19 ans, les 20 ans, les 21 ans, et ainsi de suite. Donc, d'avoir des formes de représentation qui sont différentes donne des avantages différents.

L'Irlande, par exemple, a un sénat qui est par professions. Donc, quand vient le moment de localiser des projets qui sont nocifs, on va dire, des centrales nucléaires, des dépotoirs, ce genre de choses là, eh bien, l'avantage d'avoir un sénat par professions, c'est qu'on va essayer de mettre la centrale nucléaire, par exemple, à l'endroit en Irlande où, s'il y a un accident, bien, les conséquences seront emportées par les courants marins et puis les vents hors du territoire, vers l'océan, plutôt que le contraire. Tandis qu'au Québec il y a des tas de cas, que ce soient des musées, des aéroports, des hôpitaux, et autres, où, souvent, bien, on a vu la population s'offusquer que les projets de développement finissaient souvent dans le comté géographique des gens qui avaient, donc, le pouvoir de décider où est-ce qu'on les situait.

Donc, l'idée, c'est de bénéficier des avantages que ça peut avoir d'avoir une autre forme de représentation qui ne soit pas géographique. Ce n'est pas le cas là-dedans, ce n'est pas ce que je vous ai mentionné avec la stabilité, là.

Mme LeBel : Non, non, pas du tout, pas du tout, mais vous y faisiez comme référence, donc je voulais avoir un peu...

• (16 h 50) •

M. Rouillon (Stéphane) : Mais c'est un peu ce qu'on fait. Quand on essaie de généraliser en disant : On veut des représentants de région, O.K., c'est parce qu'on n'a pas besoin d'avoir de représentants de municipalité, on a déjà des maires qui s'occupent de faire ça, et les problématiques qui sont liées, donc, au... géographiquement, là, les trottoirs, la circulation, les bibliothèques, et autres, sont déjà prises en compte par les municipalités, tandis qu'un gouvernement provincial ou fédéral, lui, est là pour traiter de problèmes d'équité qui ne devraient rien avoir, essentiellement, à faire avec la géographie, donc le mariage gai, par exemple, la légalisation du cannabis, qui devraient être uniformes sur le territoire ou pas, donc, l'opposition... pour ou contre le nucléaire, donc tout ce genre de débats de principes qui traitent de problèmes qui font les journaux, d'ailleurs, ces derniers temps, là. Il faut être conscients, là, en 2020, la grande majorité des problèmes qu'ont affrontés les citoyens ne sont pas géographiquement localisés, mais ce sont des choses comme les idées, donc, l'Internet, les missiles, les maladies contagieuses, donc, les animaux migrateurs, etc., toutes des choses qui traversent les frontières et pour lesquelles une mise à jour, on va dire, plus adaptée de nos institutions serait plus apte à répondre, à mon avis.

Mme LeBel : O.K. Et, peut-être, en terminant, sous l'angle, encore une fois, de la stabilité des gouvernements, de façon peut-être plus marginale, vous ne prônez pas l'utilisation des quotas, mais est-ce que vous ne pensez pas qu'un seuil minimal d'accessibilité, quand même, devrait être... peut-être pas sous l'angle... bien, oui, un peu sous l'angle de la stabilité, mais pour empêcher, aussi, que des courants complètement marginaux qui réussiraient quand même à rassembler un certain seuil de voix n'aient pas encore la légitimité nécessaire pour atteindre un siège à l'Assemblée nationale, est-ce que vous ne pensez pas que, outre l'argument de la stabilité des gouvernements, qui peut en faire partie, pour les seuils, j'en suis... est-ce que vous ne pensez pas qu'un certain seuil, quand même, est approprié pour y avoir une certaine barrière à l'entrée, attendre que certains courants fassent leurs preuves un peu plus, là, ou s'ancrent un peu mieux dans la réalité du Québec, là?

M. Rouillon (Stéphane) : ...avec deux réponses, d'abord. Premièrement, le mécanisme, tel qu'il est décrit, par exemple, donne un poids législatif plus fort au gouvernement qui gagne. Comme ce parti-là est celui qui nomme le président, si, par exemple, il devait hériter, donc, d'un poids double, par exemple, il faudrait qu'il soit capable d'aller convaincre au moins deux membres de l'opposition à voter pour compenser. Donc, un indépendant tout seul ne serait pas forcément capable de faire pencher la balance à lui tout seul, tout simplement, dans ce cas-là, O.K.? Donc, il y a des cas où, franchement, il faut voir, un petit peu, qu'il y a une dynamique qui s'installe à partir de ça.

La deuxième chose, c'est que c'est une question de perspective. Si vous avez des groupes extrémistes, comme vous dites, préférez-vous qu'on les entende au Parlement pour donner leur opinion ou pensez-vous que c'est mieux qu'ils se décident... qu'ils trouvent qu'ils ont besoin de se faire justice eux-mêmes et qu'ils vont faire ça ailleurs par d'autres moyens? Donc, moi, je pense que même des groupuscules, s'ils sont capables d'aller chercher 1 % ou 2 %, ils devraient être représentés au Parlement pour être capables d'exprimer leur opinion.

Et, je vais vous faire un parallèle, que les grands partis se mettent d'accord, par exemple, pour être équitables entre eux et tasser tous les petits pour essayer d'en tirer profit, bien, c'est un comportement que je trouve malsain. Et moi, je pense que la concurrence pure et dure qu'on a dans le milieu économique, où les PME, les moyennes entreprises font toutes concurrence aux plus grandes, est beaucoup plus saine et répond beaucoup mieux, et c'est ce modèle-là que je vous propose, d'aller chercher ces avantages-là et de l'intégrer dans la sphère politique, tandis que, si on devait faire le contraire... Bien, c'est un mécanisme que vous connaissez bien, vous-même particulièrement, parce que, quand les grands se mettent d'accord, dans le milieu économique, pour tasser les petits, on appelle ça de la collusion, et, bon, on l'a déjà vécu, on a vu les conséquences que ça a, et ce n'est pas ça qu'on veut.

Mme LeBel : Merci. Merci de votre éclairage.


M. Rouillon (Stéphane) : De rien.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Robitaille : Bonjour. Merci, M. le Président. J'essaie de comprendre, avec le projet de loi... En fait, ce que vous nous dites, c'est que ce 10 % là de distorsion, on ne devrait pas l'avoir?

M. Rouillon (Stéphane) : Il n'y a que la Turquie qui fait ça, et elle est passée proche de se faire poursuivre aux droits de l'homme, donc à l'ONU, comme quoi ce seuil-là allait contre les droits de l'homme. Donc, je ne vous recommanderais pas ça du tout, ce n'est pas un modèle de démocratie.

Mme Robitaille : Donc, 10 %, ça ne vaut pas la peine, là, tant qu'à faire ça?

M. Rouillon (Stéphane) : Moi, je vous recommanderais 2 %. J'étais sur le comité, donc, conseil du DGE à l'époque, quand on avait étudié, on avait gardé 2 %, 3 % et 5 %, qui étaient les plus courants, on va dire, en tant que tel.

Mme Robitaille : Peut-être que je ne comprends pas ou je comprends mal, mais ce que vous nous dites, c'est que même 2 %... Vous, vous dites : Pas de pourcentage de distorsion. On peut... On pourrait y aller avec ce qu'on a, on travaille avec ce qu'on a, on ne met pas de barrière.

M. Rouillon (Stéphane) : Moi, je vous recommanderais, personnellement, de ne pas mettre de seuil et d'aller regarder pour mettre un autre mécanisme de stabilisation plutôt que des seuils, O.K.? Si vous tenez à en mettre, ce n'est pas un problème, je vous recommande, dans ce cas-là, 2 %. Mais je vais vous prendre un des cas les plus fractionnés que j'ai pu voir, sur lequel j'ai pu travailler. Quand j'ai développé ce genre de recherche et que j'ai pu le présenter à gauche, à droite, j'ai eu l'occasion de discuter avec différents représentants de corps diplomatiques, O.K., une dizaine, à peu près, d'attachés politiques, attachés consulaires, attachés d'ambassade, consuls, consuls généraux, ex-ambassadeurs et ambassadeurs d'une demi-douzaine de pays, dont la Tunisie, l'Islande, le Mexique et l'Allemagne. Et donc le cas de la Tunisie, avec qui j'ai travaillé, parce que, bon, l'ambassadeur, à ce moment-là, m'a invité pour voir ce détail-là, qui était vraiment exactement le même, à l'époque, là, est assez flagrant. La Tunisie est entrée en démocratie, O.K., par rapport au système dictatorial qu'elle avait avant, en tant que tel, et donc ils ont eu 84 partis politiques qui se sont présentés la première fois où ils ont fait une élection. Ce n'est pas du tout ce à quoi on s'attend au Québec, d'accord? Soyons concrets, là, il n'y a aucun risque.

Mme Robitaille : Est-ce que, quand même, ça peut augmenter le nombre de partis? On en a déjà beaucoup, là, quand on va voter. Mais ça pourrait, oui...

M. Rouillon (Stéphane) : Mais on n'atteindrait pas ces sommets-là. Et ce que je vous dis, c'est que, même dans des cas comme ça, l'ambassadeur était soucieux de la stabilité de son pays. C'est normal, dans ce cas-là, O.K., à 84 partis politiques. Ils en ont élu 18 et se sont retrouvés dans le cas le moins stable, donc, et ils ont fait une coalition tripartite. Comme c'était la première fois, il n'y a pas eu de problème, ça a été fonctionnel, en tant que tel. Là, ils ont eu une deuxième élection. D'abord, le nombre de partis s'est rapproché plutôt de 60, ça s'est agglutiné naturellement, ce qui est normal. Ils n'en ont élu que 16 à la dernière élection, en tant que tel, mais ils ont toujours une coalition tripartite avec laquelle c'est difficile de travailler.

Mais le mécanisme que je vous ai décrit rendrait ça totalement fonctionnel, c'est-à-dire que le parti vainqueur, je pense qu'il a eu 54 sièges sur les 217, donc à peu près le quart, on pourrait tripler son poids législatif, diviser, donc, par trois la durée de son mandat en compensation. La durée du mandat, en Tunisie, est de cinq ans, donc eux, ils auraient un an et huit mois, donc le tiers du mandat, pour faire ça avec ce parti politique qui aurait des représentants qui voteraient en Chambre avec un poids de trois et qui seraient donc obligés, comme je viens de l'expliquer, d'aller convaincre au moins deux membres de l'opposition pour être capables de passer des politiques au nom du gouvernement. Sauf que, sur les 15 autres partis qu'il y a, bien, il y en a sept qui ont déjà plus de deux représentants et il y a huit indépendants, si je me souviens bien, donc, de la répartition qu'il y a eu. Donc, toutes ces combinaisons-là font que, statistiquement, c'est très proche de 98 %, 99 % de chance d'être capables de convaincre qui que ce soit d'aller de l'avant et donc d'avoir un gouvernement stable pour un an et huit mois, malgré une surfragmentation de l'État.

Mme Robitaille : Ce que vous proposez, ça existe déjà? Est-ce qu'il y a des modèles? Non.

M. Rouillon (Stéphane) : Non, ça n'existe pas. Ce qu'il y a de plus proche, c'est la compensation grecque, qui existe en ce moment, qui est fixe, qui est un groupe de 50 sièges qui va au parti pluralitaire, donc le parti vainqueur, mais ça cause des heurts, on va dire, dans le monde politique, là, pour trois raisons différentes. D'abord, comment est-ce qu'on détermine ces gens-là? Donc, les mêmes problèmes qu'on a ici, là. D'où est-ce qu'ils viennent? Est-ce qu'ils représentent un comté, une région d'où est-ce qu'ils sont originaires, O.K.? Et, ensuite, qui les nomme? Quel est le mécanisme? Et surtout ce qui est fondamental, là-dedans, c'est que, la population ayant élu un gouvernement minoritaire, en tant que tel, le fait d'avoir 50 sièges pile, pile, pile fait que des fois on passe du cas 5 ou 4 au cas n° 1, O.K., et là ça fait des grands heurts avec les représentants de l'opposition, qui ont dit : Regardez, on devrait avoir une partie du pouvoir pour pouvoir négocier et participer, selon la volonté populaire, et on se retrouve totalement exclus des décisions pour un mandat total de quatre ou cinq ans, en tant que tel, d'où la problématique. Et je pense que la Grèce va abandonner ce format-là, en tout cas, pas à la prochaine élection mais à la suivante, et peut-être qu'ils retravailleront un modèle comme celui-là. Je l'ignore encore.

Mme Robitaille : Donc, dans la mécanique, on pousse les individus qui représentent les partis, bon, pas nécessairement... bien, plus forts, pas nécessairement, mais à aller faire des compromis avec les plus petits partis. Et comment on enchâsse ça dans une loi? En fait, on guide les parlementaires dans leurs résolutions de conflits ou dans leurs façons de résoudre le conflit? Comment on fait?

• (17 heures) •

M. Rouillon (Stéphane) : ...la dynamique actuelle exacte que vous avez dans le Parlement britannique et qu'on a vécue quatre fois déjà, dans les quatre cas de gouvernements minoritaires que j'ai nommés, de M. Harper, de M. Charest, de Mme Marois et de... excusez-moi, le quatrième, si vous pouviez m'aider, je pense que... M. Trudeau, qui est en ce moment, donc qui peut s'allier à n'importe lequel des partis d'opposition pour être capable de faire passer un budget. Et on a vu les conservateurs refuser, le NPD se faire tirer l'oreille et le Bloc dire que, pour la première fois, il donnerait son appui. Donc, c'est totalement ce genre de dynamique là, mais au lieu d'espérer avoir ce genre de dynamique là, on cherche à être capables de le garantir.

Je vous dirais, cette mécanique-là m'a été proposée par un des... Moi, je travaille dans le milieu de l'intelligence artificielle, de recherche opérationnelle, et c'est un des professeurs avec lesquels je travaille qui m'a amené cette dynamique-là, cette façon de faire là... pas tout à fait exactement celle-là. Le but, sa philosophie à lui, c'était de dire que, quel que soit le nombre d'élus, on est capables d'obtenir un résultat proportionnel en pondérant les votes législatifs de chacun des partis. Là, il y a quelques petits bémols à apporter, c'est-à-dire que, si vous avez des partis qui, finalement, n'ont aucun élu, zéro — le Parti vert, actuellement, maintenant, et je pense qu'il y a même les marxistes-léninistes, enfin il y a un certain nombre de partis — ce n'est pas en pondérant l'absence de députés que vous allez y arriver.

Et moi, j'ai préféré utiliser cet outil-là pour résoudre le problème de la stabilité, qui semble être le problème principal, parce que, quand je lis le projet de loi, toutes les corrections qui ont été faites, la semi-compensation, le niveau de seuil, le fait de calculer sur une base régionale plutôt que nationale, tout ça, c'est guidé par un principe, celui de la peur de l'instabilité, et donc j'espère vous donner une solution de base et vous donner l'occasion de pouvoir dire : On peut aller de l'avant avec la proportionnelle; le cas échéant, si vraiment on a des problèmes extrêmes, on aura des solutions à proposer.

Mme Robitaille : On n'a pas parlé de la parité, mais est-ce que, dans votre approche, dans... Est-ce que... Qu'est-ce que vous pensez de cette idée de parité, où là, on met une zone de 40 à 60...

M. Rouillon (Stéphane) : Le mécanisme est totalement compatible avec n'importe quel mode de scrutin proportionnel, donc l'alternance hommes-femmes sur les listes, tel qu'il est dans le projet de loi, est totalement compatible. Et, si vraiment ça devait être déficient comme forme de représentation, bien, le fait d'avoir un mode de scrutin proportionnel stimule l'apparition de partis, donc c'est pour ça que j'ai mentionné un parti rose, dans le sens... un parti féministe, qui serait totalement, donc, pertinent, on va dire, dans le contexte actuel des #metoo et des autres causes.

Mme Robitaille : C'est ça. Oui, c'est sûr qu'un parti féministe... mais ça ne veut pas nécessairement dire qu'au sein d'un parti féministe on va avoir juste des femmes, là.

M. Rouillon (Stéphane) : Bien sûr, tout à fait.

Mme Robitaille : L'idée d'encadrement des motions de censure, par exemple, ça, c'est un autre domaine, mais est-ce que vous pouvez... Parce qu'on dit, justement, pour éviter l'instabilité, on pourrait peut-être avoir des motions de censure, mais ça, ça n'a rien à voir avec le...

M. Rouillon (Stéphane) : On peut s'arranger pour que ce soit compatible avec le fonctionnement actuel du Parlement. Les avantages des élections fixées d'avance, quand j'ai travaillé dessus avec M. Béland, à l'époque, et autres, c'est qu'on ne voulait pas qu'un chef de gouvernement puisse tirer avantage du contexte pour essayer de surfer sur la vague et choisir ce moment.

Donc, sans avoir des élections fixées d'avance, le mécanisme permet d'avoir une date fixée à l'avance. Donc, ça ne sera pas toujours la même date récurrente, là, pas toujours le 4 novembre, par exemple, et autres, mais au début du mandat, on saura que, si le gouvernement ne tombe pas sur une question de confiance, eh bien, les élections auront lieu exactement dans un an, neuf mois et puis quatre jours, par exemple, et donc vous pouvez reculer si vous voulez avoir le dimanche ou le lundi — je pense que c'est le lundi en ce moment qu'on a, là — donc le lundi qui soit adapté, là.

Mme Robitaille : Merci.

M. Rouillon (Stéphane) : De rien.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. M. le député Gouin, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : Bonjour. Vous avez mentionné à plusieurs reprises quelque chose qui me semble... avec lequel je suis tout à fait d'accord, ça me semble incontestable, c'est-à-dire qu'une des critiques, une des craintes qui est avancée le plus souvent, quand on parle de proportionnalité, même si ce qui est proposé dans le projet de loi est une forme très modeste, très diluée de proportionnalité, c'est l'instabilité, la difficulté à gouverner. Et vous prenez un peu à... vous renversez cet argument-là, comme l'a fait un intervenant néo-zélandais qu'on a entendu hier, en disant... bien, en fait, lui, il parlait de volatilité gouvernementale dans les systèmes uninominaux majoritaires à un tour, et vous faites le même argument en nous disant : En fait, ce qu'on remarque, dans les pays où il y a de la représentation proportionnelle, c'est que, malgré qu'il y a un plus grand pluralisme politique, il y a une plus grande continuité dans l'élaboration des politiques publiques, parce qu'on n'a pas d'effet de balayage d'un côté et balayage de l'autre, c'est-à-dire une vague bleue, suivie d'une vague rouge, suivie d'une vague orange ou d'une vague verte. Au contraire, les partis passent... souvent, ils étaient dans le gouvernement, ils y restent ou ils y passent, ils y reviennent. Bref, expliquez-nous qu'est-ce que vos recherches démontrent à ce niveau-là, à quel point... qu'est-ce que ça donne dans la dynamique d'élaboration des politiques publiques.

M. Rouillon (Stéphane) : Écoutez, malheureusement, c'est un des domaines où ce n'est pas moi, le bon expert. Les gens que vous avez eus, M. Milner, M. Blais, peut-être que vous avez déjà entendu... et autres, les politicologues sont mes références dans le domaine. Mais ce que je peux vous dire, par exemple, c'est que, la très grande majorité des partis... des pays européens ont des modes de scrutin proportionnel, à quelques exceptions près, et qu'on constate, O.K., qu'il y a une continuité dans ces politiques-là, comparé à ce qu'il peut y avoir dans le modèle britannique, où... Ou, même, on l'a vécu, je peux prendre le cas du registre des armes à feu, ici, au Canada, par exemple, où les... où, d'un coup, on a investi des sommes faramineuses et qu'on a tout fait disparaître. Et c'est ce genre de gestion là que des coalitions vont réduire, parce que ça va être extrêmement rare qu'il n'y ait aucun des deux ou trois partis qu'il pourrait y avoir dans les coalitions précédentes qui se retrouvent dans la suivante, à moins qu'on ait vraiment une révolution en tant que tel, là. Mais, dans ces cas-là, il n'y a pas... ce n'est pas un mode de scrutin, là, qui doit intervenir, là, c'est la volonté populaire qui change.

M. Nadeau-Dubois : Merci beaucoup.

M. Rouillon (Stéphane) : De rien.

Le Président (M. Bachand) : M. le député de Rimouski, s'il vous plaît.

M. LeBel : Merci, M. le Président. Bonjour. Vous m'avez fait un peu réagir, tantôt, quand vous avez dit : Les dossiers régionaux, les maires sont là pour s'en occuper. Il y a quand même des dossiers, là, Internet haute vitesse, les traversiers, chez nous, dans le Bas-du-Fleuve, il me semble que les députés sont interpelés. La santé dans le milieu rural, ils sont interpelés. Et je ne vous lirai pas mon agenda de la fin de semaine, là, mais, conseil climat, une assemblée citoyenne, un salon funéraire, des carnavals dans les villages ruraux. Puis je ne suis pas le seul, là, on est tous un peu comme ça. L'accès aux députés, vous ne pensez pas que c'est une variable qui est importante, aussi, à avoir dans notre réforme?

M. Rouillon (Stéphane) : On avait fait les calculs, déjà, à l'époque, on parle de 40 000 électeurs, à peu près, par comté, là. Si on regarde le temps que vous devez passer ici, à l'Assemblée nationale et, bon, le temps pour manger et dormir, etc., si vous deviez voir équitablement tous vos électeurs, vous auriez moins de cinq minutes pour chacun, O.K., donc, c'est monstrueux, en tant que tel. Et, il faut être honnête, maintenant, ce n'est pas de les voir physiquement, là, qui compte le plus, là. Ils vont vous téléphoner, ils vont vous écrire par mail, etc., et autres, donc la relation géographique, physique, là, n'a plus la même dimension. Je ne dis pas que c'est inutile, là, O.K.? Au contraire, O.K., c'est sain, ça permet d'avoir l'heure juste, et autres, mais ce n'est pas la seule façon de rejoindre... et d'être connecté avec son électorat, O.K.? Alors, l'idée, c'est de comparer quels sont les avantages et les inconvénients. Je ne vous proposerai pas des systèmes qui soient assez constrictifs pour une élection municipale. Dans ce cas-là, je vous recommanderai le vote unique transférable irlandais, qui pondère le côté préférentiel et le côté proportionnel de façon raisonnable en ayant un lien géographique de proximité, ça, oui, O.K. Mais, bon...

M. LeBel : Je vais vous dire, les gens veulent nous voir. Ils ne veulent pas nous voir en visioconférence, ou par téléphone, ou par... Et c'est le danger qu'on a. On entend souvent ça, maintenant : On peut avoir des grandes régions, de toute façon, il y a la visioconférence. Mais, moi, ce n'est pas vrai. Moi, le Bas-du-Fleuve, ce n'est pas une région de visioconférence.

M. Rouillon (Stéphane) : Je suis d'accord avec vous. Ce n'est pas aussi pratique, ce n'est pas aussi convivial, ce n'est pas aussi... mais il faut regarder qu'est-ce qu'on perd et qu'est-ce qu'on gagne, aussi, dans cette vision-là.

M. LeBel : Merci.

M. Rouillon (Stéphane) : De rien.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.

Mme Fournier : Merci beaucoup pour votre proposition et votre présentation très intéressante et qui nous amène à réfléchir à toutes sortes de possibilités. Toujours est-il que, justement, comme le disait le collègue de Gouin, concernant la possibilité qu'une réforme du mode de scrutin permette, en fait, plus de stabilité dans les politiques publiques parce qu'elle amènera la formation de coalitions électorales, je trouve ça très intéressant aussi. Est-ce que vous diriez, donc, que l'État québécois pourra économiser beaucoup d'argent parce que, justement, on n'aura pas à continuellement refaire... faire et défaire les réformes qui auront été décidées par les gouvernements?

• (17 h 10) •

M. Rouillon (Stéphane) : Écoutez, pour moi, ça me semble évident, parce que... Je vais vous donner des ordres de grandeur. D'ailleurs, je pense que quelques-unes des personnes qui sont passées avant moi vont vous avoir dit ça. Des élections, au Québec, ça, on parle de... c'est de l'ordre de grandeur de dizaines de millions, plusieurs dizaines de millions de dollars. Donc, je ne sais pas exactement où en est rendu le Directeur général des élections, mais ça doit être autour de 80 millions, à peu près, comme ordre de grandeur.

Si on compare aux problématiques, justement, qui ne sont pas géographiques et auxquelles on doit faire face, et ne serait-ce que, donc, les paradis fiscaux, lorsqu'on travaille sur les estimations, les problématiques de ça auxquelles les élus cherchent des solutions et auxquelles, justement, là, il n'y a pas de lien géographique, on ne veut pas savoir si les gens qui cachent de l'argent, ils viennent de Gatineau, de Hull, ou de Rimouski, ou de Québec, ou de Montréal, là, O.K., bien là, on est dans l'ordre des dizaines de milliards de dollars, là, O.K., en fuite, etc., et autres.

Si on regarde, par exemple, les politiques climatiques, là, le Parti vert, qui est absent, là, de l'Assemblée nationale, bien, ce genre d'enjeu là, là... et vous regardez sur la scène internationale, on parle de combien, en estimation des montants qui vont être perdus, et autres, là, on est dans les centaines de milliards de dollars de ces catastrophes-là qui sont dissipés.

Donc, toutes proportions gardées, là, O.K., oui, je pense que ça vaut la peine d'investir dans notre démocratie pour avoir une saine concurrence et être capables d'aller chercher les meilleures idées qui vont être capables de résoudre ces problèmes-là.

Mme Fournier : Je vous donne un exemple peut-être plus concret de ce que je veux dire. Les fusions municipales, au Québec, il y a plusieurs années, bon, il y a un parti qui les a mises en application. Bien, aux élections suivantes, il y a un parti qui a promis de les défaire qui a été élu au pouvoir, donc on a engouffré des millions de dollars de fonds publics. Donc, avec la réforme du mode de scrutin, avec, justement, le fait qu'il y aura des coalitions, le fait d'avoir davantage de gouvernements minoritaires, ça va éviter ces retournements de situation qui sont très, très coûteux pour les contribuables.

M. Rouillon (Stéphane) : Totalement. Vous venez de me donner un propre exemple auquel je n'avais pas pensé. Donc, effectivement, c'est vraiment un cas qu'on a vécu et où on a dilapidé beaucoup d'argent pour arriver à certains résultats qu'une meilleure pondération de la volonté populaire, un meilleur équilibre aurait pu éviter, donc, ça, oui.

Mme Fournier : Génial. Donc, la réforme du mode de scrutin serait très bonne pour les contribuables, c'est bien noté.

M. Rouillon (Stéphane) : Moi, c'est ce que j'ai essayé de vous présenter.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci de votre participation, c'est très apprécié.

Je suspends les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 11)

(Reprise à 17 h 14)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci beaucoup. Je vous invite à prendre place. Merci.

Alors, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue à M. Marc-André Bodet, professeur agrégé au Département de science politique de l'Université Laval. Alors, bienvenue. Vous connaissez le système, 10 minutes de présentation, après ça, période d'échange. Merci beaucoup. La parole est à vous.

M. Marc-André Bodet

M. Bodet (Marc-André) : Merci. Alors, bonjour. Je tiens d'abord à remercier tous les membres de la Commission des institutions pour leur invitation. J'espère que mes propos viendront nourrir votre réflexion et surtout qu'ils apporteront une contribution constructive aux discussions sur le sujet de la réforme du mode de scrutin.

Je constate que mon rôle, comme universitaire, est avant tout de présenter ma lecture de la littérature en sciences politiques sur le sujet. Je m'y attarderai donc avec un souci constant de rigueur et de transparence. Comme vous le savez, la recherche scientifique n'avance pas à coups de consensus, bien au contraire. Il y a de vifs débats parmi mes collègues à propos des mécanismes et institutions permettant une juste représentation d'un corps politique.

Il est d'ailleurs important, à mon avis, de garder en tête que nos institutions démocratiques ne visent pas uniquement à représenter mécaniquement les préférences et les intérêts des citoyens qui composent la société québécoise. Au contraire, ces institutions doivent également assurer la protection et même la valorisation des opinions minoritaires en plus d'assurer une représentation territoriale adéquate. C'est donc un compromis qui doit dépasser la simple formule consacrée «une personne, un vote».

Je tiens également à réitérer que le Québec s'est doté d'institutions politiques de tradition britannique. L'Assemblée nationale est un Parlement de style Westminster, qui fait vivre en son sein une culture politique britannique. Pour faire vite, cette culture a une dimension normative : légitimité gouvernementale issue du Parlement, efficacité législative, reconnaissance d'une opposition officielle constituée, etc., mais aussi une dimension organisationnelle, avec un mode de scrutin majoritaire, une représentation basée sur la géographie et une indépendance des tribunaux. Les institutions démocratiques québécoises sont finalement assez proches de leurs sources du XIXe siècle, malgré les changements sociaux et économiques massifs qu'on a connus. On peut même dire que ces institutions, implantées parfois à contrecoeur par le conquérant anglais, nous ont extrêmement bien servi.

Ceci étant dit, il y a toujours place à l'amélioration. Nos institutions ont évolué quand cela étant nécessaire, parfois à la marge, parfois plus en profondeur. Mais l'intégrité du caractère Westminster de notre Assemblée nationale a toujours été préservée. On peut affirmer sans risque que créer la controverse... sans créer la controverse, que la modification de notre mode de scrutin, comme le propose le projet de loi n° 39, est une transformation en profondeur. Mais je vais plus loin et j'affirme que l'intégrité des institutions Westminster, dont nous profitons, est menacée.

J'ai plusieurs collègues politologues qui sont venus discuter avec vous au cours des derniers jours. J'ai quelques commentaires au sujet de leurs propos. D'abord, malgré eux, cette entrée en matière, là, plutôt dramatique que je viens de faire, je tiens à dire qu'il y a beaucoup de bons éléments dans la réforme proposée. Je comprends tout à fait l'enthousiasme de certains pour cette réforme pleine de modération, qui cherche à réconcilier un désir exprimé par certains d'obtenir plus de proportionnalité, tout en s'assurant que la vigueur démographique de Montréal et ses banlieues ne viennent pas marginaliser encore plus des régions moins dynamiques sur ce plan.

Je note également que la proposition tente, par un mécanisme tout de même compliqué, de protéger notre vie électorale des extrémistes de tout acabit. En ce sens, et dans un désir de participer pleinement au débat en cours, je reprends à mon compte certaines propositions de mes collègues politologues, soit les Prs André Blais, de l'Université de Montréal, et Eric Montigny, de l'Université Laval. Leurs propositions atténueraient des déficiences du mode de scrutin proposé par la loi. Je suis certain que plusieurs autres intervenants ont apporté des éléments pertinents, mais je me concentre sur les interventions de mes deux collègues simplement parce que j'ai eu accès à leurs propositions suffisamment à l'avance.

Je répète juste une dernière fois que je considère que notre mode de scrutin actuel est bien supérieur à son alternative proposée par le projet de loi. J'ajoute que je ne suis pas opposé, par principe, à une réforme, mais, s'il faut changer, il se fait plus simple et il se fait plus efficace.

Parmi les éléments proposés par mes collègues, je partage totalement... à la surprise et peut-être même l'inquiétude de mon collègue André Blais, quant à la présence d'un seuil national de représentation à 10 %. C'est à la fois inhabituel et propice à créer un mécontentement auprès d'une proportion significative de la population qui appuie des partis mineurs. En fait, il n'y a pas de justification crédible, à mon avis, qui permet de placer ce seuil au-delà de 5 %. C'est, en quelque sorte, une norme internationale. Par contre, je considère que le maintien d'un seuil minimal national plutôt que régional est une excellente idée. Il serait beaucoup trop facile pour des acteurs marginaux d'atteindre ce pourcentage dans certaines régions moins populeuses.

Je partage également la satisfaction de mon collègue André Blais quant à la présence d'un mécanisme de proportionnalité modeste qui diminue significativement mais n'élimine pas la possibilité d'un gouvernement, sinon majoritaire, du moins unicentré, soit un gouvernement minoritaire à un seul parti. Le calcul mathématique pour y arriver est particulier, mais cela relève davantage de détails techniques sans grand intérêt pour l'électorat.

De plus, la taille des régions pose... ou plutôt, par contre, la taille des régions pose problème. André Blais est très critique de cet aspect des choses. Il a raison de dire que les régions moins bien pourvues en termes de sièges en compensation profiteront moins d'un mécanisme qui insuffle de la proportionnalité dans la représentation. Les tiers partis qui réussiront à passer le seuil de 10 %, ou 5 % au demeurant, risquent de se retrouver avec un caucus essentiellement montréalais ou du 450. Faut-il moins de régions? Je pense que oui. Eric Montigny note, avec justesse, que l'harmonisation des frontières administratives électorales a eu du bon, mais illustre également les impacts réels de la création de régions actuelles sur la représentation. Une réflexion plus systématique s'impose, à mon avis.

Eric Montigny semble suggérer que l'appui de l'opposition officielle est possiblement essentiel pour permettre toute réforme du mode de scrutin. Je trouve ses arguments convaincants. Je suis conscient que cela accorde un pouvoir inhabituel à un parti spécifique. Pourtant, le statut d'opposition officielle, que nos institutions accordent à ce parti, rend ce privilège, à mon avis, incontournable, même s'il y a la tenue d'un référendum subséquent.

Je suis également en désaccord avec plusieurs arguments présentés par mes distingués collègues. Voici deux points particulièrement illustratifs. Premièrement, contrairement à André Blais, je considère qu'un référendum est inutile et surtout nocif pour notre vie démocratique. Qu'il y ait deux choix ou quatre, comme le proposait André Blais, les règles du jeu électoral ne méritent pas cette attention. Le sujet est trop secondaire pour occuper une place publique de façon aussi conséquente.

• (17 h 20) •

D'ailleurs, lors de l'importante réforme du financement des partis menée par le ministre Bernard Drainville, du Parti québécois, il ne fut jamais question de référendum. Pourtant, cette réforme a eu des effets majeurs sur notre vie démocratique et sur les partis eux-mêmes. En fait, le référendum ne fera que polluer la campagne électorale, qui, elle, mérite toute notre attention citoyenne.

L'obligation de céder les rênes des camps pour et contre à des acteurs non partisans est aussi compliquée. Qui a la légitimité pour occuper un tel leadership? Qu'arrivera-t-il aux élus et aux partis divisés sur cette question? À mon avis, l'accord des deux premiers partis de l'Assemblée nationale et de 75 % des députés me semble amplement suffisant pour adopter une réforme.

Deuxième point où je suis en désaccord avec mes collègues, je me permets d'être moins catégorique que mon collègue Eric Montigny quant aux bienfaits des mesures coercitives pour assurer la parité hommes-femmes parmi la députation. Je connais bien les travaux sur le sujet, j'ai travaillé avec des collègues là-dessus, et surtout les travaux de Rosalie Readman, cités par le Pr Montigny. Ma lecture de la littérature est que l'argent est un puissant acteur de changement des habitudes partisanes, j'y reviendrai. Mais je tiens aussi à dire que l'obligation de présenter des listes avec candidates et candidats en alternance aura un effet positif sur la représentation des femmes.

Maintenant, ma position sur la loi n° 39. Je suis opposé à la proposition de réforme électorale présentée par le projet de loi. Je crois que cette réforme aurait des effets néfastes sur notre vie démocratique et que des ajustements moins drastiques à notre système électoral pourraient être davantage souhaitables.

Cette réforme n'aura probablement pas d'effet sur la participation électorale. Les Néo-Zélandais avaient fondé beaucoup d'espoir sur leur réforme dans les années 90. Rien n'a réellement changé sous le nouveau système mixte proportionnel.

Cette réforme n'aura probablement pas d'effet sur la satisfaction envers les institutions. Le cynisme des citoyens à travers le monde démocratique est une réalité qui transcende les règles du jeu électoral. L'insatisfaction a des causes politiques, mais aussi sociales, qui dépassent largement le mode de scrutin.

Cette réforme n'aurait probablement qu'un effet limité sur la proportion de votes tactiques ou stratégiques aux élections. De nombreux travaux empiriques ont montré que le vote tactique était effectivement moins présent quand les petits joueurs occupaient une place plus enviable, en proportionnel, donc, mais que le vote tactique prenait alors d'autres formes. C'est dans la nature de l'humain de s'ajuster aux règles du jeu.

Cette réforme ne rapprocherait pas l'électeur québécois médian du positionnement du gouvernement en place non plus. Les études sur le sujet, notamment menées par André Blais et moi-même, ont démontré que le mode de scrutin ne changeait rien dans cette congruence idéologique, puisque les électeurs sont au centre idéologique, tout comme les gouvernements en régime parlementaire.

En quelques mots, la réforme du mode de scrutin vers la proportionnelle est une licorne politique. On y projette plein de belles intentions, mais, au fond, ce n'est qu'un mirage. Par contre, cette réforme coûterait cher en termes de cohésion et de coopération intrapartis. Tous les partis gouvernementaux au Québec depuis la Confédération ont été ou sont des coalitions larges qui regroupent des progressistes, des conservateurs, des environnementalistes, des nationalistes, etc. Le Parti québécois, le Parti libéral et la Coalition avenir Québec sont tous des illustrations spectaculaires de coopération interne au gouvernement. Toutes les tendances sont alors représentées au cabinet, tous les compromis sont possibles. Même Québec solidaire, idéologiquement plus homogène, n'aurait pas pu exister sans la cohésion et la coopération des forces de gauche forcées par les règles électorales. Dans une société labourée par des clivages indépendantisme-fédéralisme, gauche-droite et interculturalisme-multiculturalisme, les institutions doivent nourrir un désir de cohésion et de coopération à l'intérieur des partis, pas une compétition fragmentée et polarisée. Voulons-nous vraiment vivre des situations impossibles comme vivent les Allemands, les Danois, les Autrichiens, les Norvégiens, etc.?

Finalement, comme je l'affirmais précédemment, nous sommes dans un système parlementaire de style britannique. Nous valorisons des gouvernements efficaces, des oppositions organisées qui poussent le gouvernement à mieux faire, des moyens de punir clairement les responsables politiques incompétents ou insatisfaisants. Il nous faut un mode de scrutin en conséquence. La réforme proposée ne remplit pas ce mandat. Il nous faut un mode de scrutin majoritaire.

Mes propositions. Premièrement, l'Assemblée nationale...

Le Président (M. Bachand) : Excusez-moi...

M. Bodet (Marc-André) : Oui?

Le Président (M. Bachand) : ...parce que le temps est écoulé. Alors donc, je vous laisserais peut-être une minute, si vous voulez, ou on pourrait passer...

M. Bodet (Marc-André) : Oui, je vais passer à la conclusion, à ce moment-là.

Le Président (M. Bachand) : Allez-y, allez-y, professeur.

M. Bodet (Marc-André) : J'ai quelques propositions qu'on pourra discuter, si ça vous intéresse, mais, en conclusion, je répète respectueusement mon opposition à la réforme proposée. Le projet de loi comporte des éléments intéressants, et je salue le travail de réflexion effectué jusqu'ici. Je reconnais également la légitimité des insatisfactions exprimées par les tenants d'une réforme. Pourtant, je demeure convaincu que nous avons plus à perdre qu'à gagner. Ses fondements sont en dissonance avec notre culture parlementaire britannique et ses conséquences peuvent être graves pour la paix sociale et surtout la cohésion partisane au Québec. Finalement, il existe d'autres mécanismes moins radicaux pour ajuster nos institutions.

Je vous remercie, encore une fois, pour votre écoute, et je suis évidemment disponible pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, professeur. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme LeBel : Merci, M. le Président. Merci. Merci de votre présentation, de votre point de vue intéressant. Mais je vais vous avouer que, bien que je comprenne que vous êtes contre la réforme actuelle, naturellement, puis vous êtes pour le statu quo avec certains ajustements, cette portion-là, je vais vous avouer qu'elle est très claire pour moi, mais il y a des choses qui m'apparaissent un peu incohérentes dans votre présentation, puis je vais vous les relever pour vous permettre de les préciser pour dissiper mon incompréhension, peut-être, sur vos positions.

Bon, c'est sûr que, d'entrée de jeu, le fait de dire que les gens qui sont pour la réforme du mode de scrutin vers la proportionnelle, c'est une licorne politique, et qu'on vit tous au pays des Calinours depuis plus de 50 ans, et... les pays qui ont fait cette réforme-là et qui sont dans la proportionnelle, la Nouvelle-Zélande, l'Écosse, je trouve ça un peu drastique, mais vous avez probablement une façon de nous l'expliquer.

L'objectif d'une telle réforme est, d'abord et avant tout, d'insuffler de la proportionnalité. Donc, vous rejetez du revers de la main le fait que la réforme n'aurait pas d'effet probant sur la participation électorale, peut-être. Vous rejetez du revers de la main le fait que la réforme n'aurait probablement pas d'effet sur la satisfaction des institutions, peut-être. Peut-être pas uniquement cette réforme-là, il faut travailler sur d'autres aspects, j'en suis, mais peut-être. Que cette réforme aurait probablement un effet limité sur la proportion des votes tactiques aux élections, donc de la façon de voter, donc le comportement de l'électeur changera de toute façon, nécessairement, on va changer de système électoral. Mais vous ne pouvez pas être en désaccord avec le fait que le mode de scrutin va injecter une meilleure proportionnalité, donc une meilleure représentation du vote du citoyen, ce qui est l'objectif d'un modèle proportionnel mixte comme on le propose.

M. Bodet (Marc-André) : ...en fait, à mon avis, il y a deux types de modes de scrutin : il y a des modes de scrutin majoritaires et proportionnels. Bien que, dans la réforme proposée, il y ait encore un aspect qui nous fait penser à notre mode majoritaire actuel, l'accent qui est mis sur cette proportionnalité, qui aura des effets quand même assez importants sur la distribution des sièges, me fait penser qu'il faut maintenant considérer qu'il y aura un transfert du mode majoritaire au mode proportionnel au Québec. Et mon point, quand je vous parle de licorne, c'est surtout que les gains seraient, à mon avis, à la marge et que les coûts pourraient être importants.

Mme LeBel : Parce que vous dites : On y projette plein de belles intentions, l'intention première qu'on y projette... et les autres mécanismes sont mis pour soutenir d'autres objectifs, mais les intentions premières qu'on y projette, l'intention première qu'on y projette, c'est d'obtenir un vote beaucoup plus représentatif de la volonté des Québécois, donc c'est la proportionnalité. À la marge, peut-être, les bénéfices pourront être la diminution du cynisme, une meilleure satisfaction du Québécois, peut-être un taux de participation augmenté, à la marge peut-être, mais moi, j'appelle ça, un bénéfice marginal qui pourrait peut-être en découler. Mais l'intention première est la proportionnalité, et ça, ce n'est pas une illusion, là, ce n'est pas une licorne.

M. Bodet (Marc-André) : ...ce que je comprends, c'est qu'il n'y a personne qui n'a eu une obsession pour la proportionnalité comme telle, c'est ses objectifs qu'on valorise, puis ce que je vous dis, c'est que ces objectifs-là sont loin d'être assurés. Puis, ceci étant dit, dans notre système, il est faux de dire que nous n'avons pas un système qui représente les visions et les préférences des électeurs, c'est simplement qu'il est basé sur une logique territoriale avec un gagnant qui a la pluralité des voix, mais il est... on ne peut pas accuser notre système de ne pas offrir une correspondance égale en termes de voix et de sièges, puisque ce n'est pas son objectif. Son objectif est de transformer des voix, à l'intérieur de circonscriptions, en sièges. Donc, il y a représentation de préférences, c'est juste que ça ne s'exprime pas sous la forme d'une proportionnalité exacte entre le nombre de voix et le nombre de sièges. Vous voyez ce que je veux dire?

Mme LeBel : Absolument. On n'accuse pas notre système de ne pas le faire, on comprend très bien que ce n'est pas son objectif, d'où l'idée de faire un changement vers un mode de scrutin proportionnel mixte pour avoir, justement, cette proportionnalité, parce qu'on voit l'émergence... on n'est plus dans une situation bipartite, tel que le préconise... Le système britannique a été fondé sur une philosophie de système bipartite. Nous ne sommes plus, même à l'intérieur d'un système britannique, sur une philosophie de système bipartite, on a déjà quatre partis à l'Assemblée nationale, on s'en va vers ce système-là. Nécessairement, dans le système actuel — puis là-dessus vous ne pouvez pas être en désaccord avec moi — nous avons un éclatement ou une pluralité... «éclatement» est peut-être négatif, donc je vais y aller vers le positif, une pluralité des voix, donc, qui va faire en sorte qu'on va avoir potentiellement, de toute façon, des gouvernements minoritaires qui devront aussi se former en coalition. Donc, le système britannique, tel qu'il existe aujourd'hui, est sur une base bipartite qui n'existe plus, présentement, au Québec...

M. Bodet (Marc-André) : Mais je vous dirais que les pays...

Mme LeBel : ...je ne pense pas qu'il y a des partis qui vont disparaître, là.

• (17 h 30) •

M. Bodet (Marc-André) : Mais le système proportionnel a été adopté par les pays européens, à l'époque, pour accommoder des partis ouvriers. Est-ce qu'il y a encore des pays ouvriers en Europe? Non, mais ils ont conservé la proportionnelle parce qu'elle leur accorde des avantages.

Je comprends qu'historiquement notre système était conçu pour le bipartisme, mais, comme c'est le génie des institutions britanniques, ils sont capables... les institutions sont capables de s'adapter, par des changements à la marge, aux changements de contexte et de distribution partisane. Et cette logique d'explosion de l'offre électorale... C'est vrai qu'on a, cette fois-ci, une situation assez intéressante, on a quatre partis à l'Assemblée nationale avec un nombre de sièges important, mais notre système nous permet quand même d'obtenir un gouvernement majoritaire stable. L'un n'empêche pas l'autre en soi. Je comprends qu'il y a un sacrifice à faire, mais je constate que ce sacrifice-là vaut la peine par rapport aux bénéfices dont on bénéficie avec ce système, qui nous a très bien servis.

Mais c'est une question de valeurs. Juste... Puis je vais faire un petit point sur... Le monsieur qui a présenté avant moi, il accorde beaucoup d'importance à la stabilité des politiques publiques, c'est une valeur. Peut-être que d'autres accorderont plus d'importance au fait qu'on peut à la fois reporter au gouvernement un parti qui a bien fait, mais surtout punir et exclure de la vie gouvernementale un parti qui aurait été incompétent. Et, dans une logique proportionnelle, avec, effectivement, des joueurs en coalition temporaire ou permanente, bien, cette possibilité de se débarrasser des partis incompétents est, à toutes fins pratiques, éliminée.

Mme LeBel : Ah! bien, là-dessus, on va se rejoindre, donc on va trouver un point d'accord. C'est-à-dire, donc, le choix d'un mode de scrutin, pour une société, va être une question de choix des valeurs que la société désire mettre de l'avant au moment où elle est rendue dans son évolution.

M. Bodet (Marc-André) : Oui, mais ce que je vous dis, c'est que, si on change uniquement le mode de scrutin, le reste des institutions se retrouvera dans une situation instable, et il y aura, à ce moment-là, un travail beaucoup plus profond à faire pour s'ajuster dans ce sens-là. Est-ce que les Québécois veulent aller dans cette direction-là? Je ne suis pas certain.

Mme LeBel : O.K. Il y a un changement de culture qui devra s'opérer, nécessairement.

M. Bodet (Marc-André) : Pour le meilleur ou pour le pire.

Mme LeBel : Oui, mais il y a un changement de culture qui devra s'opérer, nécessairement.

M. Bodet (Marc-André) : Oui.

Mme LeBel : Parfait. Vous parlez... À la page 2 de votre mémoire, vous dites : «Eric Montigny semble suggérer que l'appui de l'opposition officielle est possiblement essentiel pour permettre toute réforme du mode de scrutin.» Vous trouvez ses arguments convaincants. Donc, pourquoi... À la base, qu'est-ce qui nécessiterait l'appui de l'opposition officielle?

M. Bodet (Marc-André) : Bon, premièrement, ma compréhension, suite à la lecture de son mémoire, à son intervention d'hier mais aussi à des discussions qu'on a eues par le passé, il y a, vous le savez, évidemment, dans nos enceintes parlementaires, une idée de... une espèce de norme de vie parlementaire qui nécessite un certain consensus parmi les acteurs présents. Et il y a même, et là M. Montigny pourrait vous en parler plus en détail, des moments dans le passé où ce type de décisions, de changements a nécessité un consensus large qui mettait au moins en place les deux acteurs institutionnels fondamentaux d'un Parlement : le parti gouvernemental et le parti de l'opposition officielle. Je ne vois pas pourquoi, cette fois-ci, on peut se permettre de faire l'économie de l'appui de ce premier parti d'opposition.

Après ça, est-ce qu'il en faut deux, trois ou quatre? Ça, pour moi, ça me semble moins important. Ce qui compte, c'est le pourcentage des députés qui appuient cette réforme, mais l'appui à cette réforme de la part des deux premiers partis représentés à l'Assemblée nationale me semble aller dans le sens des normes et des coutumes de notre vie parlementaire.

Mme LeBel : O.K. Mais est-ce que les normes et les coutumes de la vie parlementaire n'étaient pas, justement, basées sur le fait qu'à l'époque, historiquement, l'opposition officielle, doublée du gouvernement, représentait la majorité de la Chambre, alors que ce n'est pas nécessairement le cas aujourd'hui? Donc, quand on parle de large consensus, est-ce qu'on ne parle pas plutôt de consensus qui fait en sorte qu'on pourrait représenter la majorité d'un poids... la majorité de la Chambre, ce qui serait le cas avec... À titre d'exemple, on jase, QS, le Parti québécois et le gouvernement actuel, nous représentons, à trois, une large majorité de la Chambre, alors qu'à l'époque, effectivement, quand on incluait l'opposition officielle dans cette notion de large consensus... Parce que ce qui est important, c'est la notion de large consensus, c'était que l'opposition officielle, nécessairement, avec le gouvernement, représentait, historiquement — on pourrait revoir les chiffres, là — historiquement, cette espèce de large majorité de la Chambre là.

M. Bodet (Marc-André) : Je comprends, mais à la fois en termes de statut institutionnel mais en termes de poids dans la Chambre, les deuxième et troisième partis d'opposition n'ont pas le même poids que le deuxième. Donc, en ce sens-là, rejeter du revers de la main un acteur institutionnel aussi important me semble inapproprié dans le cadre des normes et des coutumes parlementaires québécoises.

Mme LeBel : Donc, dans votre vision des choses, le député qui fait partie de l'opposition officielle a plus de poids que le député qui fait partie de la deuxième ou de la troisième opposition.

M. Bodet (Marc-André) : Non, chaque député a un poids égal. C'est pour ça que je considère que 75 % des députés est satisfaisant, mais le premier parti d'opposition, donc l'opposition officielle, l'opposition loyale officielle, qu'on dit, même, à mon avis, a une importance plus grande dans le jeu démocratique québécois que les autres partis d'opposition.

Mme LeBel : O.K. Dernier point, peut-être, vous permettre d'élaborer un peu, parce que, des fois, à sa face même, ça peut être assez, je dirais même, heurtant. Vous dites : On peut être en désaccord avec le fait de la nécessité, ici, dans ce cas de figure, de tenir un référendum ou non. On peut penser qu'on a la légitimité de le faire si on avait, exemple, l'appui de l'opposition officielle. Qu'on ait ou non la légitimité de le faire, pour moi, c'est un autre débat. Mais de dire qu'un référendum est inutile et nocif pour la vie démocratique et que l'enjeu du mode de scrutin est un enjeu secondaire, j'avoue que je ne vous suis pas du tout.

M. Bodet (Marc-André) : O.K., bien, il y a deux aspects dans cette affirmation, qui est, effectivement, à la relecture, peut-être un peu raide. Le premier aspect, je pense réellement que mélanger, dans le cadre d'un même événement démocratique, un référendum, quelque chose qui ne fait pas partie de la culture... Des référendums de politiques publiques, là, ne font pas partie de la culture politique au Québec et au Canada. Mélanger ça avec une élection générale me semble problématique, surtout que, comme on exclut la participation partisane à l'aspect référendum, il va commencer à y avoir beaucoup d'acteurs dans la sphère publique en même temps. Ça, c'est sur la première partie.

Sur la deuxième partie, quant à l'intérêt des électeurs, je pense que je peux dire sans me tromper qu'en général les électeurs québécois ont peu d'intérêt pour la question de la réforme du mode de scrutin. C'est un sujet qui est très, très important pour une tranche de la population, mais, dans la très large majorité, c'est loin d'être une priorité.

Mme LeBel : ...il faut faire une grande différence entre l'opportunité de tenir un référendum parce qu'on pense qu'on a le consensus ou la légitimité nécessaire, faire la différence entre l'intérêt potentiel des Québécois, faire la différence entre le mélange de... l'amalgame ou le fait de tenir en même temps l'élection et le référendum parce qu'il y aurait un mélange, peut-être, des genres ou des enjeux, et de dire qu'un référendum est inutile, nocif, pour une question secondaire, je pense. Je suis contente que vous ayez eu le temps de l'expliquer parce que je pense que ce n'est pas du tout, du tout le même point de vue, là. Qu'on discute d'opportunité, c'est une chose. D'aucuns disent : Il a été promis de ne pas le faire, d'autres disent qu'on a la légitimité de le faire, d'autres disent que c'est opportun de le faire. Donc, on peut parler d'opportunité, mais je suis contente que vous ayez eu le temps de le préciser, parce que je pense que ce n'est pas tout à fait la même façon de voir les choses. Merci.

M. Bodet (Marc-André) : Mais je pense réellement que c'est une erreur de mélanger les deux.

Mme LeBel : Ça, c'est une autre question que de dire que c'est nocif pour la vie démocratique. Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour. Merci d'être présent avec nous pour participer au débat.

J'aimerais juste revenir sur une affirmation, qui est quand même importante : «Je répète juste une dernière fois que je considère notre mode de scrutin actuel bien supérieur à son alternative proposée dans le projet de loi.» Donc, le mode actuel versus le projet de loi n° 39, tel que proposé, vous dites qu'il est «bien supérieur à son alternative». On aura l'occasion, entre autres avec des gens qui vont venir demain, entre autres Christian Dufour, de, justement, je pense, se poser la question : Qu'est-ce qu'on essaie de réparer? Est-ce que l'on ne fait pas mauvaise presse indûment au système actuel, qui a bien servi le Québec, les Québécois et les Québécoises?

On parle... Certains sont venus citer René Lévesque, en disant qu'il disait du système qu'il s'agissait d'un système «démocratiquement infect», alors qu'au lendemain des élections de 1970 il avait, le Parti québécois, 23 % des voix, sept députés, 1973, 30 % des voix, six députés. Mais le même système «démocratiquement infect», en 1976, a donné un gouvernement majoritaire au Parti québécois avec 41 % des voix, ce qui aura permis au Parti québécois de passer des lois excessivement importantes : la Charte de la langue française, la loi sur les consultations populaires de 1978, qui dit, en passant, que vous ne pouvez pas faire un référendum en même temps qu'une élection — je referme la parenthèse — et bien d'autres réformes, entre autres, de notre démocratie, avec le financement des partis politiques, et j'en passe, et j'en passe. 1981, avec 49 %, le gouvernement du Parti québécois était majoritaire, 80 députés sur 122. Alors, quand on prend cette citation-là de «démocratiquement infect», je pense qu'il faut la remettre dans son contexte historique.

Vous faites bien de nous inviter à se poser la question : Est-ce que ce qui est suggéré est réellement une avancée ou un recul? Et il est facile de dire : Bien, il y aura deux forces, la force du changement et la force du statu quo. Moi, je pense que le système actuel mérite plus qu'une appellation aussi simpliste que de statu quo.

Et vous dites donc que ce qui est proposé est drastique, et on a plus à perdre et à gagner. Donc, j'aimerais bien vous entendre là-dessus, sur l'importance de regarder ce que l'on a et de... Oui, historiquement, il y avait beaucoup de bipartisme, même si l'on peut voir que, dans l'évolution démocratique du Québec du XXe siècle, il y a eu, à l'occasion, trois partis, l'Action libérale nationale, l'Union nationale, le Parti libéral, et ainsi de suite, et une évolution, ce qui fait qu'aujourd'hui le projet de loi n° 4 constate qu'il y a quatre partis à l'Assemblée nationale et que ça fonctionne.

Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur l'importance de reconnaître que le mode électoral actuel a su et... a permis aux Québécois d'avoir un État moderne, une grande démocratie au Québec, puis ce n'est pas vrai, là, qu'on doit avoir honte du système actuel, là.

• (17 h 40) •

M. Bodet (Marc-André) : Je pense que les faits sont assez clairs au fait que le Québec est une des sociétés les plus riches et les plus libres du monde, malgré son mode de scrutin, certains diraient. Je dirais aussi, par rapport à ça, qu'évidemment le système actuel a ses défauts, mais quel système n'en a pas? Je préfère vivre avec ces défauts. À mon avis, la réforme du mode de scrutin au Québec n'a jamais eu lieu... ou les réformes n'ont jamais eu lieu, car elles étaient contre nature par rapport à notre culture et nos institutions.

Ça... d'ouvrir la porte sur trois petits points que... propositions d'ajustements à la marge que le Québec pourrait se permettre. Le premier, je sais qu'il n'est pas populaire, mais le Québec pourrait avoir beaucoup plus de... l'Assemblée nationale pourrait avoir beaucoup plus de sièges pour être dans la norme mondiale. En fait, on pourrait même monter jusqu'à 200 sièges. L'augmentation du nombre de sièges augmenterait la proportionnalité, c'est mathématique.

On pourrait décider d'avoir entre... peut-être une vingtaine, une trentaine de sièges de compensation, de liste, si on voulait, pour conserver l'aspect majoritaire, en ajoutant, si on veut, une façon de compenser les partis vraiment pénalisés.

Il y a un autre élément d'ajustement que moi, je trouve très important mais dont on parle peu, bien, dans certains pays, il y a une représentation réservée pour les peuples autochtones. C'est le cas de la Nouvelle-Zélande. À mon avis, quand on parle de représentation d'intérêts, ça serait une priorité.

Donc, il y a des petits ajustements qui ne viendraient pas travestir la nature de nos institutions et notre culture politique et qui apporteraient des changements réels, avec un impact potentiel très positif, sans chambouler l'ensemble de nos institutions. Je pense que nous avons le meilleur système, mais qu'il nécessite des ajustements à la marge.

M. Tanguay : Tout à fait, qui est perceptible et... qui est perfectible, pardon, et l'on peut voir, sur différents aspects... On dit : Bien, on aimerait ça améliorer la parité femmes-hommes à l'Assemblée nationale, est-ce qu'on peut agir sur les candidatures? Est-ce qu'on peut agir sur les résultats, le nombre de femmes élues et en pourcentage? Est-ce que l'on doit avoir un système de bonus, un système malus? Est-ce que ça doit être une condition d'existence d'un parti politique que de présenter un certain... une zone paritaire? Est-ce qu'on veut 40-60, 45? Il y a plein de choses. Donc, la parité est une de ces choses-là.

Augmenter le taux de participation, on peut se questionner et, évidemment, bonifier notre démocratie à cet effet-là. On parle de l'âge pour voter, de l'âge... Le Directeur général des élections est venu nous dire : Bien, ça serait peut-être intéressant de sensibiliser les jeunes, de nous aider à avoir un intérêt chez les jeunes de 16 ans et plus, qui pourraient être scrutateurs, scrutatrices, représentants, et ainsi de suite.

Donc, effectivement, il y a beaucoup, beaucoup de choses qui peuvent nous aider et qui pourraient être mises en place sans passer par une sacro-sainte réforme, un grand soir mais un petit matin, d'un mode de scrutin avec un référendum. Je pense que ça, ce serait de façon tangible. Il y a même des groupes qui nous exhortent : Ne rendez pas la parité femmes-hommes tributaire d'un référendum parce qu'il en va... La Cour suprême nous le dit, le droit de vote, la représentativité effective, ça implique également la parité, c'est un droit fondamental, et on ne peut pas le rendre tributaire d'un référendum. Passez la loi puis faites en sorte...

Et vous, vous dites : La taille... J'y viens maintenant, sur la taille, parce qu'on semble, puis je le dis en toute amitié, être un peu apprentis sorciers. On veut garder 125 comtés, on veut respecter les 17 régions administratives, puis là on patente, on patente un mode proportionnel à 45 députés, où vous dites : En Abitibi, on va avoir une proportionnalité, vous avez toujours trois députés, mais il n'y a plus trois comtés, il y en a deux gros puis il y a un député ou une députée qui sera, en elle-même et en lui-même, la proportionnalité de toute la région. Bien, la proportionnalité à un, il me semble, c'est un peu court.

Alors, vous dites que, pour que ça tienne la route... c'est ce que je dénote, puis j'aimerais vous entendre là-dessus, il faudrait, si on veut que ça tienne la route, aller encore beaucoup plus loin, mais on n'y va pas, ce n'est pas ce qui est proposé par le projet de loi, donc ce serait plus de députés.

Et on cite beaucoup l'Écosse, je reviens là-dessus parce que c'est important, l'Écosse, il y a 3,6 millions... l'Écosse... il y a 4 millions de moins de personnes en Écosse, et l'Écosse rentre 20 fois dans le Québec. L'Écosse, ils ont 129 députés, on en a 125. Alors, quand on essaie de se patenter une proportionnelle, bien, à cette image-là, ça ne tient pas la route.

Et je suis d'accord avec vous que, lorsqu'on dit : C'est drastique, puis on a plus à perdre qu'à y gagner, bien, à ce moment-là, on ne peut pas faire la moitié des choses, parce qu'on va empirer la situation et la démocratie. Je pense ça participe de votre réflexion.

M. Bodet (Marc-André) : Oui, donc, deux aspects. Évidemment, l'utilisation du mot «licorne» n'est pas anodine, là, je voulais créer la réaction, mais je pense que... le problème est réellement là. On voit, dans cette réforme-là, quelque chose qui ne s'y trouve pas puis on ne voit pas les inconvénients qui est associé à ça.

Sur le nombre de sièges, je sais, encore une fois, que c'est très impopulaire, notamment pour des élus, de parler d'augmentation de la taille de l'Assemblée, mais effectivement des travaux empiriques qui incluent des Parlements à travers le monde démontrent que le Québec est... son Assemblée est beaucoup trop petite. Et, en plus de ça, l'augmentation de la taille de l'Assemblée non seulement améliorerait la proportionnalité, mais également ça... les circonscriptions seraient plus petites, ça serait donc plus facile, pour des groupes plus marginalisés ou encore des gens qui ne viennent pas de milieux aisés, de remporter ces élections dans des comtés plus petits. Et ça permettrait — et je pense que le cas anglais, le Parlement à Westminster, est parlant, là — le développement de... comme il y aurait plus de députés, donc, il y aurait plus de gens qui pourraient se spécialiser, vraiment développer des expertises sur des sujets donnés.

Donc, ça, c'est une mesure qui est moins spectaculaire mais qui peut se faire très facilement et qui améliore la proportionnalité et d'autres aspects de la gouvernance parlementaire qui... je pense, il faut les considérer, ces choses-là. Et je pense qu'une vraie réflexion qui... et un consensus parlementaire sur cette question-là est beaucoup plus facile à atteindre qu'une réforme du mode de scrutin.

Le Président (M. Bachand) : Mme la députée de Bourassa-Sauvé, pour 1 min 30 s.

Mme Robitaille : Merci. Vous parlez, à la page 3 de votre mémoire, de la Nouvelle-Zélande, et on a parlé beaucoup, hier... même, on avait un expert néo-zélandais qui est maintenant sur l'équipe pour pousser la proportionnelle en Angleterre, en Grande-Bretagne. Et vous dites qu'en fait l'exemple néo-zélandais n'a pas changé grand-chose là-bas. Je vais lire : «Les Néo-Zélandais avaient fondé beaucoup d'espoir sur une réforme du mode de scrutin dans les années 1990. Rien n'a réellement changé sous le nouveau système mixte proportionnel.» Donc, la participation n'a pas...

M. Bodet (Marc-André) : ...oui.

M. Tanguay : La participation électorale.

Mme Robitaille : La participation électorale. Mais, au-delà de ça, est-ce que, si vous comparez, est-ce que ça a été...

M. Tanguay : ...

Mme Robitaille : Oui, sur la... Oui, mais plus que ça, je pense. Vous dites : L'exercice...

M. Bodet (Marc-André) : Donc, rien n'a changé sur la participation. Il y a eu des oscillations, mais, essentiellement, le gain est nul. Sur d'autres aspects, évidemment, les choses ont changé, des acteurs... d'autres acteurs ont réussi à apparaître sur la scène politique.

Il faut comprendre que la sociologie politique de la Nouvelle-Zélande est différente de la nôtre. C'est un pays qui n'est pas labouré par les mêmes types de clivages politiques. Donc, il y a certaines de mes craintes, pour le cas québécois, qui ne s'appliquent pas au cas néo-zélandais, mais cette dose de proportionnalité en Nouvelle-Zélande, en fait, a créé exactement ce qu'on pensait, en fait : plus d'acteurs, plus de diversité au Parlement et des ajustements que les Néo-Zélandais vivent encore dans leur culture politique. Fait intéressant, les Néo-Zélandais ont également adopté une représentation spécifique pour les Maoris, pour revenir sur ma question des autochtones.

Mais, effectivement, la Nouvelle-Zélande est le meilleur cas de comparaison avec le Canada et le Québec parce que c'est une culture politique britannique, sauf que la sociologie de ce pays-là a malheureusement peu à voir avec celle du Canada.

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.

M. Nadeau-Dubois : Merci. Bonsoir. Je trouve très intéressant votre argument sur le statut exceptionnel de l'opposition officielle. En tout respect, vous me semblez faire un appel à la tradition. Donc, vous dites : Dans la tradition de Westminster, il y a un statut particulier. Donc, vous dites, si je vous comprends bien : Il y a une différence qualitative entre les députés de l'opposition officielle et les députés des autres oppositions, peu importe leur quantité, et que, donc, par extension, les citoyens qui habitent dans des circonscriptions représentées par l'opposition officielle, leur vote vaut plus, puisque leurs représentants auraient un veto à l'Assemblée nationale du Québec sur une réforme du mode de scrutin, alors que les députés... que les électeurs représentés par des députés, comme moi, de deuxième opposition n'auraient pas ce privilège.

J'aimerais bien que vous m'expliquiez comment, du point de vue de la légitimité puis de l'égalité des députés entre eux dans notre Assemblée, mes estimés collègues de l'opposition officielle, leurs voix, qualitativement, vaudraient plus, même si les trois... même si les deux autres oppositions et le gouvernement forment plus de 75 % des députés en Chambre.

M. Bodet (Marc-André) : Alors, ce n'est pas les députés du premier parti d'opposition qui sont qualitativement supérieurs, c'est le premier parti d'opposition qui est qualitativement supérieur. Chaque député s'équivaut. C'est pourquoi, dans cette logique de consensus parlementaire, ce que je pense qui est un seuil acceptable, c'est 75 % des députés, tous partis confondus. On pourrait imaginer un vote libre là-dessus, d'ailleurs, à la limite.

Mais ce que je vous dis, c'est qu'effectivement le premier parti d'opposition, oui, a un statut institutionnel différent. Après, l'électeur qui vote pour son député, il est dans une relation de représentation des intérêts mais aussi de service à la population, et, dans ce sens-là, tous les députés sont égaux. En fait, cette relation-là de supériorité qualitative de la première opposition ne se vit, au Parlement, pas dans l'activité de représentation.

M. Nadeau-Dubois : Mais j'aimerais que vous me justifiiez, pour des raisons profondes, autres que l'appel à la tradition, pourquoi il y a une suprématie d'une formation politique de l'opposition par rapport à une autre.

M. Bodet (Marc-André) : ...les Anglais ont inventé ce concept de loyale opposition, cette nouvelle technologie parlementaire, parce qu'ils étaient conscients que le parti gouvernemental avait besoin d'une opposition organisée, financée, institutionnalisée pour rendre la gouvernance démocratique meilleure, O.K.? Donc, il y a un prix, effectivement, de légitimité pour les deuxième, troisième partis, mais le gain, en termes d'efficacité et de gouvernance politique, était jugé, par les Anglais, à l'époque, supérieur. Je pense que c'est encore vrai aujourd'hui. Je pense que chaque bon gouvernement a eu une bonne opposition officielle.

• (17 h 50) •

Le Président (M. Bachand) : Merci. M. le député de Rimouski, s'il vous plaît.

M. LeBel : Oui. Bonjour.

M. Bodet (Marc-André) : Bonjour.

M. LeBel : Oui, effectivement, j'ai appris, les dernières années, c'était quoi, la loyale opposition de Sa Majesté. Effectivement, là, quand on négocie les moyens, l'opposition, c'est différent parce que c'est l'opposition... à la période de questions, ils ont plus de questions. Ça plaide aussi pour une réforme parlementaire qu'on devra faire à un moment donné, mais de là à leur donner le veto sur une réforme du mode de scrutin, il y a quand même des marges.

Puis, en parlant de marges, quand vous dites que des ajustements institutionnels à la marge, ce serait d'augmenter le Parlement de 75 députés, c'est toute une marge, je vais vous dire. Je suis loin que... pas sûr de penser que la population est prête à faire ça.

La question... l'autre question, c'est, quand vous dites, aussi : «Voulons-nous être pris dans des situations impossibles comme le vivent les Allemands, les Danois, les Autrichiens, les Norvégiens, etc.?», c'est quoi, ces situations impossibles là qui pourraient nous faire peur? Personne ne nous a parlé de ça encore. Y a-tu quelque chose qu'on n'a pas vu?

M. Bodet (Marc-André) : O.K. Sur le premier point, je dis : Il pourrait y avoir jusqu'à 200 sièges plutôt que 125. Chaque ajout de siège est intéressant. Là, je ne fais pas un argument pour 75 sièges de plus, je vous dis que, si on suivait la norme internationale, on pourrait monter à 200 sans se retrouver dans une situation inhabituelle.

Quand je parle des Allemands, des Danois, des Autrichiens, des Norvégiens... Bon, les Allemands, vous le savez, ils sont en gouvernement d'union nationale depuis longtemps parce qu'il y a un parti d'extrême droite, l'Altenative pour l'Allemagne, qui, finalement, bloque la vie parlementaire normale. Donc, c'est un pays qui ne vit pas d'alternance et qui ne vit pas une vie parlementaire normale depuis un bon moment.

Les Norvégiens et les Danois, on a également des partis d'extrême droite qui forcent la main, dans la création de coalitions, à des partis sociaux-démocrates ou chrétiens-démocrates, donc centre gauche et centre droite, et qui créent de l'instabilité mais aussi une certaine violence dans la vie parlementaire de ces pays-là. L'Autriche, c'est un autre exemple patent avec, encore une fois, une extrême droite.

Je pourrais aussi vous trouver des exemples de pays... bien, l'Allemagne en a, là, d'une extrême gauche assez turbulente qui finit soit par paralyser, soit délégitimer la vie parlementaire de ces pays-là, O.K.? Les exemples d'Europe du Nord sont surtout à droite, mais la menace peut également venir de la gauche.

On dit souvent que le Québec est une société modérée, oui, c'est vrai, mais il n'y a aucune raison qui pourrait justifier ou prédire le fait que les Québécois ou certains Québécois n'appuieraient pas des partis d'extrême droite et d'extrême gauche dans un régime plus proportionnel comme ce qu'on retrouve en Europe. Ils n'ont rien de... Ce n'est pas des gens meilleurs ou pires, ce sont des citoyens démocratiques comme nous, et ces partis réussissent à proliférer dans ces systèmes. Je pense que cette menace-là est largement évitée grâce à notre mode de scrutin.

Le Président (M. Bachand) : ...Marie-Victorin, pardon.

Mme Fournier : Merci beaucoup pour votre présentation. Je comprends vos arguments, mais, bien franchement, là, je ne partage pas les prémisses de votre argumentaire, surtout que vous soulignez à plusieurs reprises, bon, que la réforme du mode de scrutin menace la cohésion partisane. Je vous soulève quand même, bien humblement, que les Québécois — puis, je veux dire, c'est un phénomène assez répandu en Occident — n'ont peu ou pas du tout confiance, en fait, dans les institutions que représentent les partis politiques.

En fait, les recherches menées, par exemple, par le Pew Research Center, démontrent que, dans toutes les institutions qui existent dans nos sociétés démocratiques, en fait, c'est les partis politiques qui recueillent le moins la confiance des électeurs. Donc, le fait de, justement, contribuer à changer la façon dont les partis politiques traditionnels fonctionnent ou coopèrent entre eux, à mon sens, en fait, c'est quelque chose de très positif.

Puis, quand on parle de culture politique au Québec... Tu sais, vous faites même référence à la paix sociale, je trouve que c'est quand même assez poussé. Mais, quand on parle de culture politique des Québécois, bien au contraire, ce qu'on entend dans la population, c'est un désir pour moins de partisanerie. Chaque fois qu'il y a une initiative qui est faite en ce sens-là, c'est applaudi partout, puis je considère que ça représente, au contraire, la culture politique désirée des Québécois. Ils souhaitent que les partis soient capables de travailler ensemble, souhaitent que les parlementaires s'élèvent au-delà de ces lignes de partis. Donc, vous parlez plutôt d'une tradition, de ce que je comprends, parce qu'on ne peut pas vraiment parler d'une culture de la société québécoise.

M. Bodet (Marc-André) : Sur le premier aspect, cette insatisfaction, ce cynisme est présent dans tous les modes de scrutin, que ça soit en proportionnel ou en majoritaire, donc ce changement-là n'apporterait probablement aucun changement.

Sur le rôle des partis politiques, effectivement, quand on demande aux gens s'ils aiment la partisanerie, ils disent non, mais, si on demande aux gens s'ils aiment le bruit puis la dissension parmi les élus, ils n'aiment pas ça non plus. Les partis politiques ont été créés ou se sont développés, au Québec et au Canada, en réponse aux difficultés de coordination des élus. Ça, c'est peut-être un mal nécessaire, mais c'est un véhicule qui est extrêmement efficace dans la vie parlementaire et qui organise notre vie électorale de façon, encore une fois, à mon avis, assez positive et assez efficace. Si on veut éliminer ce véhicule-là, il faut le remplacer par quelque chose. J'ai de la misère à voir qu'est-ce qui serait capable de jouer un rôle de légitimation mais également d'organisation de notre vie démocratique, autre que les partis politiques.

Peut-être que je suis juste, peut-être, un peu trop réaliste, je suis peut-être cynique par rapport à la vie politique en général, mais je pense qu'il ne faut pas simplement rejeter un système parce qu'on est insatisfaits. Il faut trouver une alternative qui est supérieure à ce qu'on a entre les mains, actuellement.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup de votre participation.

Cela dit, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, jeudi 6 février, après les affaires courantes, où elle va poursuivre son mandat. Merci. Bonne soirée.

(Fin de la séance à 17 h 56)

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