Journal des débats de la Commission des institutions
Version préliminaire
42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)
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Le
mercredi 5 février 2020
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Vol. 45 N° 67
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 39, Loi établissant un nouveau mode de scrutin
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Intervenants par tranches d'heure
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Bachand, André
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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LeBel, Sonia
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Robitaille, Paule
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Weil, Kathleen
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Bachand, André
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Robitaille, Paule
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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Fournier, Catherine
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LeBel, Sonia
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LeBel, Sonia
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Bachand, André
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Robitaille, Paule
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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Fournier, Catherine
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Tanguay, Marc
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Bachand, André
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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LeBel, Harold
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Fournier, Catherine
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LeBel, Sonia
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LeBel, Sonia
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Bachand, André
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Robitaille, Paule
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Weil, Kathleen
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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LeBel, Harold
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Fournier, Catherine
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Bachand, André
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LeBel, Sonia
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Robitaille, Paule
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Robitaille, Paule
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Bachand, André
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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LeBel, Harold
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Fournier, Catherine
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LeBel, Sonia
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LeBel, Sonia
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Bachand, André
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Tanguay, Marc
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Robitaille, Paule
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Nadeau-Dubois, Gabriel
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LeBel, Harold
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Fournier, Catherine
11 h (version révisée)
(Onze heures vingt-huit minutes)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît!
Merci. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des
institutions ouverte. Je vous souhaite, bien sûr, la bienvenue et, bien sûr,
vous savez... d'éteindre la petite sonnerie de votre appareil électronique.
La commission est réunie afin de procéder
aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi
n° 39, Loi établissant un nouveau mode de scrutin.
Avant de débuter, M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire
: Oui, M.
le Président. M. Fontecilla (Laurier-Dorion) est remplacé par M. Nadeau-Dubois
(Gouin).
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Est-ce qu'il y
aurait consentement aussi pour accepter, avec plaisir, la présence de la
députée de Marie-Victorin pour la séance? Consentement?
Des voix
: Consentement.
Auditions (suite)
Le Président (M.
Bachand) :Consentement. Merci beaucoup.
Alors, ce matin, nous allons, entre autres, entendre Force Jeunesse, mais,
avant tout, nous allons débuter avec la Centrale des syndicats démocratiques.
Mais, avant d'aller pus loin, pour les gens
qui nous écoutent, ce n'est pas qu'on a couché sur la corde à linge hier, c'est
juste de souligner que c'était la journée de prévention du suicide, alors c'est
pour ça que les élus portent cette magnifique épinglette.
Alors donc, aux gens de la Centrale des
syndicats démocratiques, bienvenue. Vous avez 10 minutes de présentation,
après ça on fait l'échange avec les membres de la commission. À vous la parole.
Centrale des syndicats démocratiques (CSD)
M. Vachon
(Luc) : Alors, bonjour. Bonjour à toutes et à tous. Merci de
nous recevoir. Mme la ministre, bonjour, M. le Président, députés, alors,
merci. Je suis Luc Vachon, président de la Centrale des syndicats démocratiques.
Je suis accompagné de mon collègue Normand Pépin, qui est conseiller à la
recherche.
Donc, la CSD regroupe près de 72 000 travailleurs,
travailleuses, et c'est, bien entendu, au nom de ceux-ci, celles-ci, en tant
qu'acteurs de la société civile, que nous nous présentons aujourd'hui devant
vous pour vous soumettre nos commentaires, recommandations pour le projet de
loi n° 39.
Avant toute chose, nous désirons souligner
le fait que le gouvernement de la Coalition avenir Québec a porté la
revendication d'une réforme du mode de scrutin plus loin qu'aucun gouvernement
avant lui. Donc, plus que jamais, nous sommes près d'atteindre le système
électoral le plus représentatif des aspirations de l'électorat québécois.
Introduire la proportionnalité dans le mode de scrutin a pour objectif
fondamental de redonner plus de représentativité au vote des électeurs et des
électrices, idéal qu'il ne faut pas perdre de vue... est tout simplement que
chaque vote compte réellement dans la composition de l'Assemblée nationale. Ceci
dit, il est évident qu'il faut tempérer cet idéal pour permettre une certaine
stabilité politique, d'où le fait qu'il existe un consensus <partagé par...
>
11 h 30 (version révisée)
< M. Vachon (Luc) :
...des électeurs et des électrices, idéal qu'il ne faut pas perdre de vue...
est
tout simplement que chaque vote compte
réellement dans la
composition de
l'Assemblée nationale. Ceci dit, il est évident qu'il
faut tempérer cet idéal pour permettre une certaine stabilité
politique,
d'où le fait qu'il existe un consensus >partagé par les acteurs de la société
civile québécoise pour un système proportionnel mixte compensatoire, tel
qu'énoncé dans l'entente transpartisane du 9 mai 2018.
À cet égard, c'est au nom de ce principe
de la proportionnalité que nous contestons de nombreuses dispositions du projet
de loi n° 39. En effet, s'il avait été appliqué comme
tel lors de la précédente élection générale, les conclusions de nos analyses
montrent que la CAQ aurait bénéficié d'une importante prime au vainqueur.
Certes, la députation obtenue par la CAQ aurait été moindre qu'avec le mode de
scrutin actuel, mais la composition de l'Assemblée nationale n'aurait malgré
tout pas été pleinement représentative du suffrage exprimé. Dans le cadre de
notre présentation, nous contestons plus précisément trois éléments du projet
de loi n° 39, soit les distorsions amenées par le
nombre élevé de régions électorales, le haut seuil d'éligibilité aux listes
compensatoires et la méthode d'attribution des sièges régionaux.
En ce qui a trait aux régions électorales,
le projet de loi n° 39 arrime aux régions
administratives et porte ainsi à 17... elles comporteront de deux à 20... une
vingtaine, environ, de circonscriptions. Elles seront aussi très disparates
quant au nombre d'électeurs et d'électrices qu'elles contiennent. Tout ceci va
à l'encontre d'une plus grande proportionnalité, car cette dernière s'exprime
au mieux quand les régions électorales contiennent un nombre équilibré
d'électeurs et d'électrices. Autrement dit, trop de régions déséquilibrent la
répartition de l'électorat entre ces dernières. Dans l'idéal, la CSD propose de
réaliser un redécoupage de la carte électorale du projet de loi n° 39
afin d'en arriver à un équilibre entre les diverses régions électorales quant
au nombre d'électeurs et d'électrices dans chacune d'entre elles. À tout le
moins, nous recommandons que chacune des régions électorales compte un minimum
de deux sièges de région pour que ceux-ci jouent pleinement leur rôle de
compensation des déséquilibres causés par l'élection des députés de
circonscription, sauf pour les régions d'exception.
Quant au seuil d'éligibilité pour accéder
aux sièges de région, il est prévu à 10 %, ce qui est beaucoup trop élevé.
Un tel seuil empêche l'introduction des partis émergents ayant obtenu un petit
mais tout de même représentatif pourcentage de vote dans une région. Un tel
seuil ne fait que maintenir l'ascendant des partis dotés d'une forte base
électorale sur l'émergence des plus petites formations politiques. Suivant
cela, la CSD recommande d'abaisser ce seuil de 10 % à 2 %.
En ce qui a trait à la méthode
d'attribution des sièges régionaux, nous rejetons le paragraphe 2° de l'article 379.1
du projet de loi, où il est prévu que seulement la moitié du nombre de
candidats élus et de candidates élues comme députés de circonscription soit comptabilisée
pour l'attribution de sièges de région. Une telle méthode d'attribution n'est
défendue par aucun expert, ne trouve écho chez aucun acteur de la société
civile. Elle n'est simplement... elle ne semble, à tout le moins, être
simplement qu'une invention du gouvernement. Ses impacts négatifs, cela dit,
sont bien réels. Elle a pour effet d'avantager tout parti ayant obtenu de forts
résultats électoraux en leur garantissant des résultats artificiellement plus
avantageux dans la répartition des sièges de région. Comme le nombre de sièges
obtenus est réduit de moitié, l'accès aux sièges compensatoires s'en retrouve
augmenté pour des partis n'en méritant pas du fait de leurs résultats élevés
aux suffrages. En ce sens, nous défendons l'abandon du facteur de division par
deux des sièges de circonscription.
Nous sommes, de plus, critiques face au
manque de dispositions fortes à amener la parité femmes-hommes dans la
députation de formations politiques. Le projet de loi est pourtant l'occasion
de faire une pierre deux coups. Malgré un énoncé de principes pourtant très
fort, tout au plus, le projet de loi prévoit l'obligation des partis de fournir
au Directeur général des élections un énoncé relatif aux objectifs que se fixe
son parti en ce qui concerne la parité entre les femmes et les hommes et une
pénalité financière négligeable pour ne pas soumettre à temps cet énoncé. Une
telle obligation n'est rien d'autre qu'un voeu pieux, et la sanction n'est
qu'une formalité.
S'il est le
moindrement sérieux, le gouvernement doit revoir complètement les dispositions
du projet de loi relatives à la parité et mettre en place des mécanismes
fonctionnels pour y arriver. Nous recommandons d'imposer l'alternance
femmes-hommes sur les listes de candidatures régionales, avec une liste sur
deux commençant par une femme, de proposer des incitatifs financiers aux partis
politiques quand ils font élire au moins 40 % de femmes dans les sièges de
circonscription, que les incitatifs soient accordés en fonction des résultats
électoraux et non des candidatures présentées, sinon la tendance à présenter
des femmes comme candidates dans des circonscriptions qui sont difficilement
gagnables risque de perdurer.
Nous désirons
également nous attarder à la question du référendum en vertu duquel la
population serait interrogée sur l'implantation du nouveau mode de scrutin au
même <moment...
M. Vachon (Luc) :
...
présentées, sinon la tendance à présenter des femmes comme candidates
dans des circonscriptions qui sont difficilement gagnables risque de perdurer.
Nous désirons également nous attarder à
la question du référendum en vertu duquel la population serait interrogée sur
l'implantation du nouveau mode de scrutin au même >moment que la
prochaine élection générale. Rappelons que 72 % et un peu plus de
75 % des sièges, lors de l'élection de 2018, ont été remportés par des
partis ayant signé l'entente transpartisane du 9 mai. On peut
difficilement demander mieux que cette double majorité de plus du deux tiers
pour aller de l'avant.
Cela étant dit, si le projet de référendum
est maintenu, nous voulons signaler que le fait de tenir le référendum le même
jour que celui du scrutin général de 2022 est la recette gagnante pour le
perdre. Saturer l'espace public de deux discours qui, somme toute, ont peu en
commun ne permettra pas à la population de bien participer au dialogue social.
On imagine mal, aussi, que les partis, en pleine campagne électorale, surtout
dans le modèle actuel, mettront leurs activités en arrêt pour promouvoir la
réforme du mode de scrutin.
Nous déplorons que les dispositions du projet
de loi n° 39 empêchent le premier ministre et le gouvernement de prendre
position en faveur de la refonte du mode de scrutin, alors que la CAQ s'est
engagée à réaliser, lors de l'élection de 2018, et en signant l'entente
transpartisane... Le message que cela lance n'est certes pas très mobilisant.
Le gouvernement a défendu le fait de tenir
un référendum en même temps que des élections pour économiser des coûts. Cela
dit, une consultation aussi fondamentale, selon les mots mêmes du premier
ministre, ne devrait-elle pas être organisée pour qu'elle se déroule dans des
conditions optimales? Nous croyons que oui et, à cet égard, nous recommandons
que, si le référendum est maintenu, ce dernier se tienne le plus rapidement
possible, soit d'ici juin 2021, afin de donner le temps au DGE de modifier
le mode de scrutin en cas de victoire du Oui.
Pour conclure, certains déploreront que la
réforme du mode de scrutin rende plus instable la scène politique et rende plus
difficile l'élection de gouvernements majoritaires. À cela nous répondons que
l'objectif du projet de loi ne consiste pas à garantir l'élection de gouvernements
majoritaires mais de transformer le système électoral en le rendant plus
représentatif de l'expression du vote de la population québécoise. Nous voyons
d'un bon oeil la possibilité que se mette en place une culture des gouvernements
de coalition, où le dialogue entre les formations politiques et le travail
transpartisan occuperont une place de plus en plus importante. Nous y voyons là
la preuve d'une maturité politique, et il ne fait aucun doute, selon nous, que
c'est ce que la population attend plus que jamais.
Quant à l'argument selon lequel la réforme
serait trop compliquée pour la population québécoise, rappelons que la réforme
du scrutin est le fruit de 20 ans de mobilisation, de recherches, de consultations
et de discussions entre divers acteurs de la société civile. Celles et ceux qui
ont travaillé d'arrache-pied pour en arriver où nous sommes aujourd'hui nous
proposent une éloquente démonstration... et comment la population du Québec
tient à ses institutions et vise à leur excellence. Nous vous demandons,
mesdames et messieurs, de prendre exemple sur ces citoyennes et citoyens et
d'avoir le courage d'appliquer les changements requis au mode de scrutin pour
un système électoral plus juste et plus représentatif et de respecter les engagements
pris envers la population. Merci de votre écoute.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup pour votre présentation. Mme la ministre, s'il
vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : M. le
Président.
Le Président (M. Bachand) :Oui, M. le député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Si
vous me permettez, juste avant qu'on entame, on m'informe que le collègue de la
troisième opposition ne sera pas présent pour ce premier bloc. Alors, avec le consentement
de tout le monde, je proposerais qu'on redistribue son temps entre les
différentes oppositions pour qu'on ait le temps d'avoir des discussions en
profondeur.
Le Président (M. Bachand) :
Parfait. Consentement? Consentement. Merci beaucoup. Mme la ministre.
• (11 h 40) •
Mme LeBel : Alors, merci,
M. le Président. Merci, messieurs, de votre présentation. Vous apportez, là, à
l'instar des gens qui sont venus faire des présentations avant vous ici, un
éclairage souvent similaire, souvent différent sur certains aspects, et je
pense que c'est le but de cette consultation-là, mais vous faites la
démonstration également, je me plais à le dire, du fait qu'on a... Ce qu'on a
tenté de faire, c'est d'avoir un projet de loi équilibré, donc qui ne sera pas
parfait sur tous ses aspects mais qui va permettre, à tout le moins,
d'atteindre un objectif que je crois que nous partageons tous, et vous me
corrigerez si je vous prête des intentions, mais celui d'avoir une plus grande
proportionnalité, donc une plus grande représentativité de la volonté des
citoyens à l'Assemblée nationale. Donc, je pense que c'est l'objectif qu'on
poursuit par le projet de loi qui a été présenté par le gouvernement.
Et merci d'avoir souligné, effectivement,
qu'on se retrouve quand même dans une étape importante qu'on n'a pas eu
l'occasion d'avoir dans les 40 dernières années, c'est-à-dire une
discussion sur un projet de loi qui est vraiment déposé et qui chemine
présentement à l'Assemblée nationale.
Ceci étant dit, je vais aborder <peut-être...
Mme LeBel : ...
poursuit
par le projet de loi qui a été présenté par le gouvernement.
Et merci d'avoir souligné,
effectivement, qu'on se retrouve quand même dans une étape importante qu'on n'a
pas eu l'occasion d'avoir dans les 40 dernières années, c'est-à-dire une
discussion sur un projet de loi qui est vraiment déposé et qui chemine
présentement à l'Assemblée nationale.
Ceci étant dit, je vais aborder
peut-être >quelques points avec vous pour vous permettre de... Bon,
votre mémoire est quand même très bien étoffé, mais je pense qu'il y a quelques
petits points que je voudrais peut-être mettre en lumière ou en contexte avec
vous.
Le fait des régions administratives, j'en
parle parce que c'est quand même une part importante de votre... de points, ça
fait partie des trois points que vous avez soulignés, d'ailleurs, et vous
intitulez votre chapitre Des régions trop déséquilibrées entre elles. Alors,
je ramène mon argumentaire à l'équilibre, aux différents principes, oui, la proportionnalité,
mais également le poids des régions et la question des régions administratives.
Bon, vous parlez de l'argument de la confusion, mais l'argument du point
d'ancrage important des services gouvernementaux, etc., mais surtout de
l'identité, et vous faites un commentaire en disant que peut-être que cette
identité-là, elle est une réalité régionale, mais peut-être pas administrative,
que, bon, ce n'est pas une réalité à laquelle les gens doivent s'identifier. On
voit donc pourquoi des régions électorales différentes des régions
administratives sèmeraient la confusion dans l'esprit des électeurs. Mon
collègue de l'opposition, du Parti québécois, qui n'est pas présent, aurait
peut-être des arguments contraires à vous soumettre. Et vous dites que ce n'est
qu'«un prétexte qu'utilise le gouvernement et il a pour résultat de réduire la
proportionnalité du mode de scrutin».
Je vais m'insurger un petit peu, ici,
parce que ce n'est pas un prétexte qu'utilise le gouvernement pour diminuer la
proportionnalité, c'est une réalité réelle, l'attachement aux régions. Et, oui,
je suis prête, d'entrée de jeu, à stipuler que 17 régions administratives
a un effet proportionnel moindre que neuf, à titre d'exemple, mais que... dans
un souci d'équilibre, et de ralliement, et d'obtenir un plus large consensus
possible pour que cette réforme-là passe. D'ailleurs, certains experts nous ont
dit que c'était la voie, la façon de faire, c'est-à-dire d'avoir le plus large
consensus possible. Bien, la raison pour laquelle on l'a fait, c'est pour
protéger le poids des régions. Et de mettre... de découper les régions selon un
poids démographique plus proportionné, ou plus équivalent, ou plus équitable,
peu importe le terme que vous employez, ferait en sorte que, bien, des
territoires plus éloignés des grands centres, comme la Gaspésie, comme
l'Abitibi, comme d'autres — puis j'ai bien précisé «éloignés des
grands centres» et non pas «éloignés» tout court — auraient des
territoires immenses, on aurait des plus petites régions ailleurs. Bien, je
vous le soumets, là, je pense que ce serait une façon de faire achopper la
réforme, en toute humilité, dans les consultations.
Vous représentez des membres... vous avez
des membres partout sur le territoire. Est-ce que vous n'avez pas eu cette
sensibilité-là régionale? Et c'est plus qu'un attachement à des lignes
administratives. Oui, vous parlez du Saguenay—Lac-Saint-Jean, je suis tout à
fait d'accord qu'il y a deux identités qui sont très fortes et qu'ils
revendiquent avec beaucoup de passion, à bon droit, mais il y a quand même... c'est
déjà ça, donc, de l'exacerber. Et, un autre côté, je ne comprends pas, est-ce
que ça veut dire plus de régions, moins de régions, des régions plus grandes?
Il y a quelque chose qui m'échappe, là, dans votre argumentaire, outre
l'argument de la proportionnalité, naturellement, que je comprends très bien.
M. Pépin (Normand) :
Bien, il y a quelque chose qui m'échappe aussi dans l'argument des régions
administratives, c'est-à-dire que ce que j'ai tenté... ce qu'on a tenté de
démontrer, c'est que, oui, les gens sont attachés à leur région, ce n'est pas
ça qu'on nie. Ce qu'on nie, c'est que l'attachement se fait envers la région
administrative puis que c'est absolument à ça qu'on doit se rattacher.
Ceci dit, le territoire du Québec n'est
pas le territoire de l'Écosse, la population est dispersée sur tout le
territoire. On comprend toutes ces contraintes-là. Ce qu'on dit, c'est que,
pour compenser, d'une certaine façon, le trop grand nombre de régions, il faut
absolument avoir deux députés de région dans chaque région administrative, sauf...
on a identifié deux circonscriptions qui seraient d'exception, pour notre part,
de façon à ce que les sièges de compensation puissent jouer leur rôle,
c'est-à-dire compenser le déséquilibre créé par le mode uninominal à un tour,
qui va guider l'élection des 80 premiers députés... bien, pas premiers,
là, excusez, les 80 députés de circonscription.
Mme LeBel : Quand on
aborde la question de la réforme sur un angle purement théorique, purement
puriste... et, dans un monde idéal, vous avez raison, on devrait découper des
régions administratives de façon différente, peut-être en augmenter, peut-être
les réduire, avoir plus de circonscriptions. Ça, c'est pour atteindre une
proportionnalité idéale ou, en tout cas, maximale. Sur ça, on est sur le même
terrain. Sauf que cette réforme-là doit être ancrée sur le territoire, doit
être acceptée par les gens, comprise par les <gens...
Mme LeBel : ...
vous
avez raison, on devrait découper des régions administratives de façon
différente, peut-être en augmenter, peut-être les réduire, avoir plus de
circonscriptions. Ça, c'est pour atteindre une proportionnalité idéale ou, en
tout cas, maximale. Sur ça, on est sur le même terrain. Sauf que cette
réforme-là doit être ancrée sur le territoire, doit être acceptée par les gens,
comprise par les >gens.
Et le député... Et, je reviens aux régions
administratives, ce n'est pas juste une question de nombre de personnes qui votent
dans une telle région, ce qu'on entend aussi, c'est l'attachement aux députés
de circonscription, par ailleurs, présentement. On va réduire ce nombre de
députés là par le fait même, parce qu'il faut avoir des députés de liste dans
la réforme qu'on fait. Donc, ce député de liste là doit avoir aussi un ancrage
régional. Donc, l'attachement à la région administrative est plus que des
lignes sur une carte, c'est qu'on veut que le député de région nous représente
le plus possible. Et qu'est-ce qui nous représente, comme citoyens? Là, je vous
véhicule les arguments que j'ai sur le terrain, naturellement, pour vous donner
l'occasion d'y répondre. Qu'est-ce qui nous représente, comme citoyens? C'est
souvent notre identité régionale qui nous distingue du fait qu'on a une
identité provinciale, nationale qu'est le Québécois, mais, à l'intérieur du
Québec, nous avons nos identités régionales. Un Gaspésien, ce n'est pas
quelqu'un de l'Abitibi, ce n'est pas quelqu'un du Saguenay, bon, et je pense
que vous le comprenez très bien, je ne vous explique pas des choses...
Mais le fait que le député, aussi,
régional... Donc, en suivant la proposition que vous faites, le député régional...
les députés de circonscription, ce serait peut-être moins criant, mais le
député régional, lui, va avoir un territoire qui va être beaucoup plus éclaté,
si on veut, en termes d'identité, que ce soit parce qu'on redivise et subdivise
ou que ce soit parce qu'on fusionne. Est-ce que vous n'avez pas entendu les
commentaires... Et je ne suis pas au niveau de la théorie, parce que, vous avez
raison, théoriquement, c'est mieux, mais, pratico-pratique, il faut comprendre
les sensibilités. Parce que, moi, mon objectif, c'est que cette réforme-là
passe et soit acceptée, donc d'avoir le plus large consensus possible, trouver
ce que j'appelle le point d'équilibre, la voie de passage. Donc, vous avez dû
avoir des échos. Ça doit déranger certains de vos membres, le fait qu'on fasse
éclater ou non, là, les régions administratives.
M. Vachon (Luc) :
En fait, Mme la ministre, ce qui est l'élément le plus fort auprès des membres
consultés — et consultés, d'ailleurs, en juin dernier au congrès — spécifiquement
sur ce sujet-là, ce qui est le plus grand enjeu et la plus grande
préoccupation, c'est vraiment de se rapprocher le plus possible de la
proportionnalité. Alors, c'est ça, la préoccupation, et c'est ça, l'intérêt qui
nous a été signifié par nos membres, et vous allez retrouver les différentes
résolutions qui ont été prises dans le mémoire, et ça, ça date de juin dernier.
Et c'est vraiment une sensibilité à se rapprocher... Et ça ne sera pas un
modèle parfait, tout le monde en convient, on n'y arrivera pas à 100 %, et
le modèle théorique est une chose, mais comment peut-on faire pour se rendre le
plus près possible d'une proportionnalité en respectant différents degrés de
sensibilité et différentes choses? Mais il y a moyen de trouver, nous croyons,
des zones d'équilibre dans ça.
Mme LeBel : La dernière
position que vous avez sondée chez vos membres date de juin dernier, donc je
comprends que, sur la théorie d'un mode de scrutin, d'une réforme qui n'était
pas encore présentée de façon pratique, le principe qui motivait vos membres et
que vos membres mettaient de l'avant, c'est celui de la proportionnalité. Je le
comprends très bien.
Maintenant, est-ce que vous avez eu
l'occasion de sonder vos membres maintenant qu'il y a un projet de loi concret
avec des mesures concrètes où on a dû trouver des points d'équilibre? Parce que
chacun des leviers dans le projet de loi, c'est des vases communicants, hein?
Si on joue sur les régions, on joue sur la proportionnalité, nécessairement.
Donc, tout ça, ce sont des vases communicants. Est-ce que vous avez eu
l'occasion de sonder vos membres sur cette proposition-là d'avoir
17 régions? De la façon dont c'est expliqué, oui, ça fait en sorte qu'il y
a une certaine réduction de la proportionnalité, mais il y a aussi l'aspect des
régions. Donc, il y a, moi, je considère, un point d'équilibre, mais on peut le
contester, naturellement, c'est le but de l'exercice. Mais, depuis le dépôt
d'un projet de loi en octobre, avez-vous eu l'occasion d'avoir un son de cloche
de vos membres sur les modalités précises du projet de loi?
M. Vachon (Luc) :
Est-ce qu'on a consulté de manière spécifique depuis le dépôt du projet de loi?
La réponse, c'est non. Maintenant, est-ce qu'on ne savait rien du tout, du
tout, on n'avait aucune indication de ce qui pouvait s'en venir dans le projet
de loi en juin? Soyons tout à fait honnêtes, il y avait plein d'éléments que...
dans les différentes tribunes auxquelles nous avons participé, il y avait des
éléments qui étaient déjà... ça n'a pas été totalement un effet de surprise au
niveau du projet de loi, là. Alors, il y avait des éléments qui étaient connus,
qui ont été mis au jeu dans les consultations avant. Alors, bien entendu, le
projet de loi n'était pas là, mais nous avons quand même pu, en juin, consulter
les gens sur plusieurs aspects qui se retrouvent dans le projet de loi.
Mme LeBel : Parfait.
Merci. Vous allez peut-être...
M. Vachon (Luc) :
Et vous le verrez, d'ailleurs... dans les propositions qui ont été prises, vous
allez voir qu'on n'est pas si éloignés.
• (11 h 50) •
Mme LeBel : Parfait. Bon,
alors, merci, merci pour ces précisions.
J'en arrive peut-être à un point, un autre
point précis de votre mémoire, la question de la parité. Je comprends très bien
l'alternance hommes-femmes sur les listes, ça a été d'ailleurs proposé par plusieurs
et c'est une des façons qu'on peut, justement, profiter de cette réforme et
d'un nouveau type de mode de scrutin pour injecter une dose de parité. Ça a été
<discuté.
Je vais y aller sur...
Mme LeBel : ...
arrive
peut-être à un point, un autre point précis de votre mémoire, la question de la
parité. Je comprends très bien l'alternance hommes-femmes sur les listes, ça a
été d'ailleurs proposé par plusieurs et c'est une des façons qu'on peut,
justement, profiter de cette réforme et d'un nouveau type de mode de scrutin
pour injecter une dose de parité. Ça a été >discuté.
Je vais y aller du côté des députés de circonscription.
Vous proposez que la loi propose des effets financiers aux partis politiques...
des incitatifs financiers, pardon, aux partis politiques quand ils font élire
au moins 40 % de femmes dans les circonscriptions, je le comprends très
bien, la question du bonus, mais aussi des pénalités à ceux qui n'atteignent
pas cet objectif. On a vraiment... Mais on a discuté beaucoup, abondamment du
fait que, malgré que je pense que ça peut porter certaines difficultés, je suis
prête à concevoir qu'il est beaucoup plus aisé pour un parti politique de
contrôler le nombre de candidats présentés que de contrôler le nombre de
personnes élues. Donc, vous, vous proposez de récompenser les élues mais aussi
de punir les gens qui n'auraient pas des élues en bas du seuil de 40 %.
J'avoue que je trouve ça un peu «touchy»,
parce qu'il y a une... Comment vous vous attendez à ce que les partis
politiques se comportent pour éviter la punition? Quand on me demande de
présenter un nombre de candidates, bien, j'ai des efforts à faire, comme parti
politique, j'ai un certain contrôle, mais, quand on me parle du nombre d'élues,
je veux dire, rendu là, c'est le choix de la population. Donc, comment vous... de...
Quelle stratégie vous envisagez, pour un parti politique, pour éviter la... je
ne dirais même pas d'aller jusqu'au bonus, mais d'à tout le moins éviter la
punition?
M. Pépin (Normand) :
Bon, c'est sûr que les partis politiques ne contrôlent pas la façon dont la population
vote. Ce que les partis politiques contrôlent, par ailleurs, c'est, je vais
dire, la qualité de la circonscription offerte aux femmes. C'est le parti
politique qui décide si une femme va être dans telle ou telle circonscription,
un homme aussi, là. Donc, ça va être un incitatif, dans le fond, à offrir des
circonscriptions gagnables à des candidates aux élections, c'est... puis
d'avoir ça comme préoccupation au moment de présenter ses listes de candidates.
Mme LeBel : Mais, si je
vous réponds à ça que, dans la conjoncture actuelle, avec quatre partis
officiellement à l'Assemblée nationale, les circonscriptions gagnables, sûres,
prévisibles vont être, dans le futur, de moins en moins prévisibles et sûres
pour les quatre partis... parce qu'il y a, naturellement, une division des
émergences. Donc, à ce moment-là... Et on l'a vu dans la dernière élection,
puis je ne veux pas... je n'en fais pas de la partisanerie, je fais un constat de
faits, il y a des comtés qui étaient des châteaux forts, qui étaient
supposément prévisibles et gagnables, qui se sont avérés ne pas l'être, au
final. Comment, à ce moment-là... dans un futur qui change, un électeur qui
change, un citoyen qui n'a plus le même attachement indéfectible à un parti
politique, mais il va vraiment aller plus peut-être sur les programmes de
chacun, quelle stratégie proposez-vous, si on inclut ce genre de pénalités là à
l'élection?
M. Pépin (Normand) :
Quel genre de stratégie? Une fois que la règle sera établie, ça sera à chaque
parti politique d'établir sa stratégie. S'ils choisissent de présenter
60 % de candidates pour avoir 40 % d'élues, ça sera leur choix, là,
puis évaluer... De toute façon, moi, j'imagine que tous les partis politiques
font des pointages sur les circonscriptions qui sont gagnables, et ils vont
être obligés de l'évaluer peut-être un peu plus d'avance pour soit obtenir la
bonification, soit éviter le malus, là, la pénalité.
Mme LeBel : O.K., merci.
Merci pour votre éclairage.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de
Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille : Merci.
Merci, messieurs, d'être là aujourd'hui. Je vais continuer sur la même lancée
que la ministre. Hier, on avait Eric Montigny qui, en fait, disait... sur
la parité, qui disait un peu le contraire de ce que vous dites. Il disait qu'il
fallait laisser la chance au coureur pour vérifier la pérennité des gains en
parité. En fait, il disait : Bien, faisons confiance à la vie, regardons
en avant, on n'a pas besoin de mesures contraignantes. Qu'est-ce que vous, vous
lui répondez? Pourquoi c'est important, selon vous, de mettre, justement, ces
mesures contraignantes là?
M. Vachon (Luc) :
Bien, écoutez, faire confiance à la vie... puis il peut y avoir deux courants
de pensée là-dessus, là, mais faire confiance à la vie pour faire en sorte que
ça va se positionner seul, écoutez, force est de constater, là, actuellement,
qu'il faut quand même donner un coup de barre et il faut quand même, pour que
ça se produise... Je veux dire, prenez tous les éléments d'équité salariale,
prenez tous les éléments d'accession aux différents postes, actuellement, tous
les débats sont autour de comment on met des mesures qui sont plus que des
intentions pour être capables d'y arriver, parce que sinon, dans 30 ans,
on va être encore à débattre de ces choses-là. Alors, faire confiance à la vie,
ça dépend toujours combien de temps on peut... on espère de <vivre...
M. Vachon (Luc) :
...
actuellement, tous les débats sont autour de comment on met des
mesures qui sont plus que des intentions pour être capable d'y arriver, parce
que sinon, dans 30 ans, on va être encore à débattre de ces choses-là.
Alors, faire confiance à la vie, ça dépend toujours combien de temps on peut...
on espère de >vivre, parce que ça va être long, hein, ça va être long.
Alors, ce qu'on dit, nous, c'est qu'il
faut introduire des affaires, il faut introduire des choses et il faut introduire
plus que de simples intentions au niveau des candidatures, puis on se dit :
Bon, bien, regarde, on prend un engagement, on va faire ça, on va mettre un
nombre sur la liste, puis après advienne que pourra. Tu sais, il y a tout un développement
au niveau des engagements officiels, formels qui doit se faire par après. Donc,
on parle au niveau des circonscriptions qui sont plus gagnables aussi, tu sais,
pour ne pas qu'on se retrouve à dire : Bien, moi, j'ai mis une proportion
de femmes sur ma liste de candidatures... de candidates, je suis correct, hein?
Bien oui, mais, après, la résultante finale concrète d'une élection va être
quoi? Et c'est la résultante finale qui est importante, pas ce qu'on a mis au
début, c'est la parité concrète et réelle. Alors, il y a peut-être plusieurs
façons d'y accéder. On ne peut pas dire... je ne dis pas que la nôtre est
parfaite. La nôtre, ce qu'elle dit, c'est qu'il faut plus qu'y penser, il faut
qu'il y ait des mesures réelles, concrètes, fortes qui soient mises en place.
Mme Robitaille : Là, vous
dites : Bon, à ce niveau-ci, dans le projet de loi — en fait,
vous qualifiez ça de «mesurettes», hein? — on devrait aller beaucoup
plus loin que ça, donc encadrer pour avoir la parité pour ce qui est des
candidatures mais aussi des élues, au bout du compte. Comment vous mettez vos
mesures contraignantes pour les candidatures et, en bout de ligne, pour
bonifier la parité au niveau des... après les élections? Est-ce qu'il y a une
différence? Comment vous l'encadrez?
M. Vachon (Luc) :Ça, je pense qu'on n'est pas allés sur la détermination de
quoi, combien, comment. On...
Mme Robitaille : Mais
vous auriez une zone, hein? En tout cas, à partir de 40, là, il faudrait...
M. Vachon (Luc) :
Oui, bon, mais là l'idée, c'est de se fixer des objectifs qui sont atteignables
et qui vont générer, après ça, des incitatifs importants. Bon, alors, comment
ça va se traduire? Est-ce que ça va se traduire de manière progressive? Est-ce
que ça va se traduire... Ce n'est pas à nous d'établir ça. Je pense qu'il y a
d'autres tribunes qui sont plus aptes que nous à faire ça.
Maintenant, nous, on s'attarde en disant :
S'il n'y a pas d'éléments forts et d'éléments porteurs, bien, le modèle ne
changera pas suffisamment. Les résultats qu'on va obtenir vont être à la mesure
des mesures... vont être en fonction des mesures qu'on va établir. C'est ce
qu'on croit.
Mme Robitaille : ...vous
suggérez des pénalités plus que des bonifications, pas nécessairement les deux.
On travaille avec les deux.
M. Vachon (Luc) :
On va toujours être plus en faveur de mesures incitatives que de mesures de
pénalité, tout le temps. Ça, on va toujours croire qu'il faut récompenser plus
que punir. Maintenant, il y a quand même un minimum d'engagement, et, si un
parti, par exemple, ne faisait pas les efforts, bien, il faut qu'il y ait quand
même une couple de conséquences qui soient associées à ça.
Le Président (M. Bachand) :
Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.
Mme Weil
: Oui.
J'aimerais revenir sur cette question de proportionnalité et les régions
administratives, parce qu'on veut, on souhaite, donc, la proportionnalité, des
mesures pour faire en sorte que, dans les régions, la voix se porte, la voix
des citoyens soit bien portée, mais l'élément de fonctionnalité, est-ce que ça
pourrait être que le fait d'avoir une région administrative avec des instances,
là, de décision qui fait en sorte que, les députés élus dans les comtés et les
députés de région, il y ait comme un endroit où tout le monde peut travailler
ensemble pour représenter les enjeux de la région? Comment vous faites la part
des choses entre, d'une part, proportionnalité, qui est bien importante... Je
vois, dans régions administratives... je pense comme ça, là, j'imagine... il y
avait les CRE avant, il y a des instances régionales qui sont très utiles pour
aider la démocratie. Est-ce que vous comprenez ce que je dis? C'est-à-dire que...
Voyez-vous qu'il pourrait y avoir des avantages, aussi, de se coller, si on
veut, aux régions administratives ou pensez-vous que... Parce que vous, vous
souhaitez, évidemment, regarder plus l'élément proportionnalité, juste... J'aimerais
vous entendre là-dessus.
Des voix
: ...
Mme Weil
: Le rôle,
dans les régions, des municipalités et des instances décisionnelles
administratives, qui sont vraiment, comment dire, un genre de pilier quand on
veut savoir... bon, avoir le pouls des enjeux d'une région, on s'adresse à ces
gens-là, qui permettraient... Parce qu'on voit, partout, les gens sont inquiets
qu'il y ait une division entre les députés de région et les députés des comtés,
ça revient constamment. Est-ce qu'il y a quelque chose qui peut faciliter le
travail qu'ils ont à faire ensemble pour représenter les régions?
• (12 heures) •
M. Vachon (Luc) :Bien, ça, c'est parce qu'on véhicule <cette
catégorisation...
>
12 h (version révisée)
<33
Mme Weil
:
...on voit, partout, les gens sont inquiets
qu'il y a une division entre
les
députés de région et les députés des comtés, ça revient constamment.
Est-ce qu'il y a quelque chose qui peut faciliter le travail qu'ils ont à faire
ensemble pour représenter les régions?
M. Vachon
(Luc) :
Bien, ça, c'est parce qu'on véhicule >cette
catégorisation-là de deux types de députés. Et je pense que le grand défaut
qu'on a, c'est qu'on regarde ça avec les lunettes d'aujourd'hui, sous un modèle
actuel, sur un modèle qui n'a pas muté à répondre à ça. Dans un modèle réformé,
pourquoi il y aurait moins d'efforts, moins d'intentions sur l'une ou l'autre
des catégories de députés?
Nous, on est convaincus qu'à partir du
moment où on va fonctionner avec nos nouveaux modèles, tous les députés, peu
importe la façon dont ils vont accéder, vont avoir le même attachement, le même
intérêt à la région. Et, en même temps, la population va s'y retrouver, elle
aussi, va s'y retrouver. Parce qu'on part de la prémisse où, à chaque fois
qu'on a notre député qui est notre identité, mais il y a des gens qui n'ont pas
voté pour ce député-là ou ce ou cette députée-là, puis qui ont voté pour
l'autre. Et c'est lequel, leur député? C'est lequel? Alors, à partir de là,
moi, je pense que leur rôle va s'adapter et que les deux... Il n'y aura pas
deux catégories, il va y avoir deux façons d'y accéder, mais il va y avoir des
députés. C'est ça qu'il va y avoir. Moi, je pense que c'est ça.
Le Président (M.
Bachand) :Mme la députée de Bourassa-Sauvé,
s'il vous plaît.
Mme Robitaille : Le
référendum. Donc, vous dites, si je comprends bien : Un référendum pas en
même temps que des élections, des élections, d'une campagne électorale. C'est
bien ce que je comprends?
M. Vachon
(Luc) :Tout à fait.
Mme Robitaille : Et
maintenant j'aimerais vous entendre sur la participation des élus à un
référendum comme celui-là. Le bureau de Mme LeBel... je lisais, dans un
article... nous disait : «...on précise qu'il reviendra au premier
ministre de décider si les membres du caucus pourront militer publiquement en
faveur de la réforme.» Vous, quelle place vous attribuez aux élus? Quelle place
ils devraient prendre dans un genre de référendum comme celui-là?
M. Vachon
(Luc) : On n'arrête pas de parler qu'il s'agit là de quelque
chose de quasiment historique. Bon, ça fait très longtemps qu'on en parle. Ça
fait une vingtaine d'années, à peu près, qu'on en parle de manière plus
importante. Alors, le référendum, un des problèmes — j'y vais sur
deux volets, là — de le tenir en même temps que l'élection... Et j'ai
entendu certaines remarques qui disaient : Oui, mais ça se gagne aussi. Il
y a des endroits où ils l'ont fait en même temps que l'élection, et ça a été un
Oui. O.K., «good», pas de problème, c'est vrai, ça existe. Ma question, moi,
sur le référendum en même temps que l'élection, c'est que, si c'est un Oui, il
n'y a pas de problème, le dossier est clos. Si c'est un Non, allons-nous
recommencer à en parler pendant 20 ans? Parce que l'élément pour lequel on
va encore continuer d'en parler, c'est le fait qu'on l'a noyé à travers
l'élection. Voulons-nous, à ce tour-là, continuer de générer un débat pour les
20 prochaines années? La question se pose.
Nous, on pense qu'on est rendus là où...
tellement près qu'il serait dommage, qu'il serait vraiment dommage de faire
achopper une vraie consultation, si on veut en faire une, une vraie
consultation en noyant ça à travers l'élection. Puis, la participation, là...
bien, à mon avis, les partis qui ont signé l'entente transpartisane, ils ne se
sont pas mis en position de neutralité. Alors, pourquoi on va se mettre en
position de neutralité, tout à coup, dans les débats? Pourquoi? Notre rôle,
c'est d'informer la population. C'est ça, le rôle. Notre rôle, c'est de faire
en sorte que la population fasse un choix éclairé? Prenons les moyens qu'il
faut et engageons-nous en fonction des convictions que nous avions lorsqu'on a
pris ces ententes-là. Respectons ça et traduisons ça aussi dans nos actions.
Mme Robitaille : Donc,
les élus devraient s'impliquer, ne devraient pas être gênés de s'impliquer, puis
d'y aller, puis de donner leur point de vue. Puis ça les touche directement,
évidemment.
M. Vachon
(Luc) :Absolument. Mais je crois que c'est
tout à fait légitime et que ça devrait faire partie du processus.
Mme Robitaille :
Maintenant, est-ce que le chef du gouvernement, le chef de la CAQ, du
gouvernement de la CAQ pourrait être aussi chef du camp du Oui?
M. Vachon
(Luc) : Il pourrait.
Mme Robitaille : Parce
qu'il y a un article dans le projet de loi qui l'interdirait, d'une certaine
façon. Vous, est-ce que vous avez des problèmes avec ça? Est-ce que les leaders
des... les chefs des partis devraient aussi se mouiller, puis choisir leur
camp, puis devenir... Oui, allez-y.
M. Vachon
(Luc) : Ils pourraient et ils devraient.
Mme Robitaille :
Pourquoi?
M. Vachon
(Luc) : Parce qu'il a été un <des défenseurs...
Mme Robitaille : ...
dans
le projet de loi qui l'interdirait, d'une certaine façon. Vous, est-ce que vous
avez des problèmes avec ça? Est-ce que les leaders des... les chefs des partis
devraient aussi se mouiller, puis choisir leur camp, puis devenir... Oui,
allez-y.
M. Vachon
(Luc) :
Ils pourraient et ils devraient.
Mme Robitaille : Pourquoi?
M. Vachon
(Luc) :
Parce qu'il a été un >des
défenseurs de l'entente transpartisane, il y a eu des engagements de pris. Ce
n'est pas une position neutre, ça, ce n'est pas une position neutre. Alors,
quand on prend ce genre d'engagement là, c'est parce qu'on s'engage aussi à le
défendre. Et l'entente transpartisane allait plus loin que ce qui est là sur la
table aujourd'hui. Bon, maintenant... on allait plus loin, on se retire un peu.
Bon, c'est correct. On peut comprendre qu'il y a différentes raisons, là, qui
ont provoqué ça, on va vivre avec ça. Mais, maintenant, est-ce qu'aujourd'hui
on peut adopter une position neutre? Je pense que c'est difficile d'adopter une
position neutre. En tout cas, c'est un drôle de message qu'on donne à la
population lorsqu'on adopte une position neutre suite à un engagement qu'on a
pris. C'est un drôle de message.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Gouin, s'il vous
plaît. M. le député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois : Oui, merci,
M. le Président. Je vous rassure quand même, on a des indications... On a posé
une question au premier ministre en Chambre, qui nous a dit qu'il
s'impliquerait dans la campagne du Oui. En sera-t-il le chef? Ça reste à voir.
Mais on essaie, de notre côté, de convaincre également le gouvernement et son
premier ministre d'être résolument engagés. Puis, à ce stade-ci, l'information
qu'on a, c'est en effet qu'il s'impliquerait, parce que, là, on est d'accord
avec vous que c'est important.
Vous faites beaucoup de recommandations,
certaines qui recoupent des choses qu'on a déjà entendues, d'autres qui sont
nouvelles. J'aimerais vous demander c'est quoi, pour vous, la principale
défaillance, le principal défaut de ce projet de loi là. Qu'est-ce qui vous
dérange le plus, si vous aviez une chose à changer seulement?
M. Vachon
(Luc) : Bien, oui, si j'avais une chose, moi, au niveau des
réflexions qu'on a faites, qui m'agace le plus, je vais vous dire que la prime
au vainqueur, c'est vraiment problématique. C'est vraiment problématique, parce
que c'est comme venir défaire quelque chose qu'on essaie... Ça ne repose pas
sur un principe qui rejoint, qui correspond à la proportionnalité. Alors,
maintenant, je veux dire, il pourrait y en avoir d'autres, mais, s'il y en
avait un pour lequel ça heurte de manière particulière, ça, pour moi, ça
heurte.
M. Nadeau-Dubois : Vous
n'êtes pas le premier à dire ça. On essaie tous de comprendre d'où ça vient, on
essaie tous de comprendre qu'est-ce qui a inspiré ça, on essaie tous de
comprendre quels sont les objectifs, parce qu'on dit souvent, ici, que les
législateurs ne parlent pas pour ne rien dire. Quelle est l'intention, selon
vous, derrière cette disposition-là du projet de loi? On la cherche, aidez-nous.
M. Vachon
(Luc) : Oui. Là, vous me demandez, dans le fond...
M. Nadeau-Dubois : Faire
une hypothèse.
M. Vachon
(Luc) : ...de vous dire quelle est mon intention, quelle est
l'intention derrière des débats auxquels on n'a pas participé. Mais j'ai
l'impression que c'est plus une question d'interne, au niveau de toutes les
incertitudes, un peu de venir réduire les incertitudes qui peuvent se générer,
actuellement, au niveau... plus au niveau des députés, je dirais, sur la
transformation. Il y a une zone d'insécurité. On comprend que, pour la
population, il y a une zone, actuellement, d'insécurité dans le changement,
tout changement comporte une zone d'insécurité. C'est vrai, certainement, à
l'intérieur des partis, c'est vrai. Maintenant, moi, je pense que, si on est
capables de franchir cette chose-là, si on est capables de franchir ça puis de
vivre le nouveau modèle...
M. Nadeau-Dubois :
...d'avoir cette astuce-là.
M. Vachon
(Luc) : Bien, ça, on n'en a pas... Écoutez, c'est sous un
principe où on essaie de trouver des façons d'atteindre la proportionnalité. Il
y a plein d'éléments qui peuvent se justifier, là, mettons, puis on peut
trouver des arguments pour, des arguments contre au niveau des régions, au
niveau de ci, au niveau de ça, mais celui-là, celui-là, pas capables d'en
trouver, pas capables de trouver... si ce n'est que de trouver un mécanisme
pour venir réduire l'effet de la proportionnalité, mais on n'est pas capables
de trouver d'où c'est porté.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Marie-Victorin,
s'il vous plaît.
• (12 h 10) •
Mme Fournier
:
Merci beaucoup, M. le Président. Merci à vous pour votre présentation. Pour
aller dans le même sens que le collègue de Gouin, en fait, moi, je pense que
j'ai une hypothèse à vous soumettre. En fait, ce que dit le gouvernement quand
il défend la question de la prime au vainqueur, c'est, en fait, que ce serait
pour rassurer la population, hein, parce qu'on entend beaucoup que la réforme
du mode de scrutin entraînerait une plus grande instabilité de <notre...
Mme Fournier
:
...
que le collègue de Gouin, en fait, moi, je pense que j'ai une
hypothèse à vous soumettre. En fait, ce que dit le gouvernement quand il défend
la question de la prime au vainqueur, c'est, en fait, que ce serait pour
rassurer la population, hein, parce qu'on entend beaucoup que la réforme du
mode de scrutin entraînerait une plus grande instabilité de >notre
système politique, donc de là, selon eux, l'instauration de la fameuse prime au
vainqueur.
Mais, si je vous disais qu'il y avait
également une autre proposition qui permettrait de réduire ce sentiment de
crainte quant à l'instabilité de la réforme du mode de scrutin qui est
l'encadrement des motions de censure, c'est-à-dire le fait de pouvoir limiter
les possibilités de l'opposition de faire tomber, essentiellement, le
gouvernement, est-ce que vous trouvez que ce serait une bonne solution de
rechange à la question de la prime au vainqueur?
M. Pépin (Normand) :
Bien, oui, tout à fait. Bien, d'ailleurs, c'est dans le mémoire puis... On ne
fait pas une réforme du mode de scrutin pour pouvoir obtenir des gouvernements majoritaires,
pas plus qu'on fait une réforme de scrutin pour absolument obtenir des
gouvernements minoritaires. On fait une réforme du mode de scrutin pour que ça
soit plus représentatif du suffrage exprimé. Quand on rentre dans ça, là, dans
le diviseur par deux, on rentre dans une logique qui, de prime abord, apparaît
incompréhensible, mais elle vise surtout à réduire la proportionnalité. On fait
une réforme du mode de scrutin pour avoir une meilleure représentativité de la
population, on devrait essayer, à tout le moins, de contrevenir à ce
principe-là le moins possible. Puis encadrer les motions de censure, ça nous
apparaît essentiel. Si un parti fait partie d'une coalition puis il décide de
s'en dégager, bien, qu'il ait l'obligation de négocier puis essayer de former
un autre gouvernement avec quelqu'un d'autre, ça va réduire les motions de
censure frivoles, ça va assurer une meilleure stabilité aux gouvernements
futurs. C'est la voie à suivre, selon nous.
Mme Fournier
:
Parfait. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Sur ce, merci beaucoup de votre participation aux
travaux de la commission.
On suspend les travaux quelques instants
pour demander au prochain groupe de venir s'installer. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 12)
(Reprise à 12 h 14)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît!
Merci. La commission reprend ses travaux. Il me fait plaisir, maintenant,
d'accueillir les représentants de Force Jeunesse à cette commission.
Alors, comme vous savez, vous avez 10 minutes
de présentation et, par après, on aura un échange avec les membres de la commission.
La parole est à vous. Merci d'être ici.
Force Jeunesse
M. Diallo (Daye) :
Bonjour. Merci de nous recevoir. Merci à la commission de nous écouter, aux
élus qui sont présents ici. Je m'appelle Daye Diallo, je suis le président de Force
Jeunesse.
M. Jacques (Olivier) :
Merci de nous recevoir. Je m'appelle Olivier Jacques, je suis le responsable au
contenu de l'organisme Force Jeunesse.
Mme Racine (Éliane) :
Puis je m'appelle Éliane Racine, je suis administratrice puis membre du Comité
contenu sur Force Jeunesse.
M. Diallo (Daye) :
Excellent. Donc, sans plus attendre, on va commencer. On sait qu'on n'a pas beaucoup
de temps. Je vais quand même commencer à vous présenter rapidement qu'est-ce
que c'est que Force Jeunesse. Certains connaissent déjà notre organisation.
Ça fait 20 ans que l'on existe. On
est un groupe de jeunes bénévoles issus de la société civile en emploi, en
éducation qui essayons de défendre les intérêts de la jeunesse québécoise dans
les politiques publiques. Donc, on essaie de faire en sorte que les politiques
publiques qui soient adoptées au Québec soient faites sous un angle d'équité
intergénérationnelle qui fait en sorte que les intérêts de la jeunesse québécoise
y sont <présents...
M. Diallo (Daye) :
...ça fait 20 ans que l'on existe. On est un groupe de jeunes bénévoles
issus de la
société civile en emploi, en éducation qui essayons de
défendre les intérêts de la jeunesse
québécoise dans les
politiques
publiques. Donc, on essaie de faire en sorte que les
politiques
publiques qui soient adoptées au
Québec soient faites sous un angle
d'équité intergénérationnelle qui fait en sorte que les intérêts de la jeunesse
québécoise y sont >présents. On est présents dans de nombreux
domaines, en santé, le Fonds des générations, en matière de finances publiques,
la représentation des jeunes sur les C.A. C'est des enjeux sur lesquels on
s'est exprimés au cours des dernières années. Et comment est-ce que l'on fait
ça, chez Force Jeunesse? On le fait de deux manières, soit en rencontrant
directement les élus, comme aujourd'hui, on fait de la représentation politique,
ou en faisant en sorte que les jeunes puissent rencontrer leurs élus dans
certains événements que l'on organise pour pouvoir discuter avec ces élus-là
des enjeux qui les concernent. Donc, rapidement, Force Jeunesse, c'est un peu
ça.
Donc, on va embarquer directement, comme
vous pouvez le voir à la page 5, sur la raison qui nous amène ici
aujourd'hui, donc notre position sur la réforme du mode de scrutin au Québec,
donc le projet de loi n° 39. Comme dit... le projet
de loi n° 39 mentionne l'importance d'utiliser la
réforme du mode de scrutin pour accroître la représentation des jeunes. Bien
que Force Jeunesse appuie la réforme du mode de scrutin dans la perspective où
celle-ci pourrait améliorer la représentation des jeunes, nous considérons que le
projet de loi ne va pas assez loin pour favoriser cette dite représentation.
Force Jeunesse considère que la réforme du mode de scrutin peut permettre au
Québec d'atteindre deux objectifs : un, assurer une plus grande
représentativité des jeunes dans les institutions démocratiques; deux,
favoriser la prise de décision publique à long terme pour promouvoir l'équité
intergénérationnelle dans les politiques publiques.
Dans les prochaines minutes, notre
argumentation se fera de telle manière qu'on va essayer de vous démontrer
comment est-ce que les systèmes proportionnels favorisent la représentation des
jeunes et comment est-ce que ces systèmes proportionnels là favorisent une
gouvernance à long terme où l'équité intergénérationnelle est présente dans les
politiques publiques.
Donc, plus concrètement, en vue de
favoriser la représentation des jeunes, Force Jeunesse propose l'instauration
de quotas de 25 % de candidats de moins de 35 ans sur les listes
compensatoires des partis politiques. Nous proposons aussi d'augmenter la
proportionnalité du mode de scrutin proposé dans le projet de loi n° 39. Force Jeunesse propose d'abandonner la compensation
régionale pour plutôt favoriser une compensation nationale. Tant qu'à faire,
allons-y. Ainsi, la liste des candidats de chaque parti serait regroupée dans
une seule liste nationale plutôt que dans 17 listes régionales. Non
seulement cela augmenterait la proportionnalité du système, mais cela permettrait
aux partis d'assurer un respect des règles de positionnement des jeunes. Il est
en effet quasiment impossible d'imposer un quart de candidatures jeunesse si
les régions compensatoires ne font qu'élire un ou deux députés. Force
Jeunesse propose aussi de diminuer le seuil minimal d'entrée au Parlement de
10 % — je pense que ça fait consensus assez — à
5 % des votes à l'échelle nationale.
Finalement, nous invitons le gouvernement
à augmenter le financement public au référendum et à le devancer. Dans les
perspectives où ces demandes sont acceptées, Force Jeunesse réitère son appui à
la réforme électorale en cours et formule donc les recommandations suivantes
dans le cadre des consultations.
Pour faire un résumé, notre première
recommandation consiste à instaurer un quota de 25 % de jeunes candidats
de 35 ans et moins sur les listes compensatoires des partis politiques;
deux, à augmenter la proportionnalité de la réforme électorale en faisant
passer les régions desquelles sont issus les députés élus par listes partisanes
de 17 à une seule; trois, augmenter la proportionnalité de la réforme
électorale en diminuant le seuil minimal de votes obtenus à l'échelle nationale
pour obtenir des sièges de compensation de 10 % à 5 %; et, finalement,
de devancer la date du référendum — parce qu'on en propose un avec
cette réforme du mode de scrutin — pour qu'elle soit au plus tard un
an avant la campagne électorale et aussi d'augmenter le financement public pour
les groupes souhaitant faire campagne pour ou contre la question référendaire.
Ce sont les positions de Force Jeunesse.
Je vais passer la parole à ma collègue
Éliane, qui est juste à ma gauche, pour étayer un peu plus nos positions.
• (12 h 20) •
Mme Racine (Éliane) :
Oui. En fait, je vais vous parler du lien entre la représentation des jeunes et
la proportionnelle, puis ce lien-là a été établi dans la littérature
scientifique puis politique. Puis ce qu'on constate, c'est qu'il y a plus de
représentation de la population à travers un mode proportionnel, et donc ça
veut dire plus de femmes et plus de jeunes qui sont élus que dans un mode non
proportionnel. Là-dessus, on se base, ici, sur l'étude qui a été faite sur la
question de la représentation des jeunes en fonction du mode de scrutin. Puis
ce qu'ils ont constaté, les auteurs, c'est que le pourcentage de jeunes de
moins de 36 ans, pour un mode de scrutin proportionnel, était
significativement plus élevé, à 12,1 % ou 10,6 %, dans une
proportionnelle mixte que dans un mode de scrutin majoritaire, où on passait à
7 %.
Puis les raisons qui peuvent expliquer ce
lien entre le système proportionnel puis la représentation des jeunes sont,
premièrement, que, dans un scrutin majoritaire, les associations locales vont
choisir ou vont élire les candidats, puis ça va avoir tendance à faire en sorte
que les hommes plus âgés provenant de <groupes...
Mme Racine (Éliane) :
...
à 7 %. Puis les raisons qui peuvent expliquer ce lien entre le
système proportionnel puis la représentation des jeunes sont, premièrement,
que, dans un scrutin majoritaire, les associations locales vont choisir ou vont
élire les candidats, puis ça va avoir tendance à faire en sorte que les hommes
plus âgés provenant de >groupes ethnoculturels majoritaires soient
surreprésentés. En ayant un système proportionnel, les listes qui vont être
gérées par les partis vont permettre aussi d'imposer des règles de
positionnement en fonction, par exemple, du genre ou, dans notre cas, de l'âge.
Ensuite, les systèmes proportionnels tendent à augmenter le nombre de partis
élus, puis donc à favoriser la représentation de partis dans lesquels les
jeunes se retrouvent. Puis finalement, dans un système majoritaire, les partis
ont des incitatifs à placer dans chaque comté des candidats qui ont le plus de
chances d'être élus, alors que, dans un système proportionnel, les partis vont
devoir diversifier leur clientèle électorale au maximum, et donc chercher à
attirer les jeunes en mettant de l'avant les jeunes sur leurs listes
électorales. Je vais passer la parole à mon collègue Olivier.
M. Jacques (Olivier) :
Merci. Je voulais conclure en discutant des quotas électoraux. Force Jeunesse
croit fermement que les quotas électoraux liés aux jeunes ont fait leurs
preuves et seraient un excellent mécanisme pour assurer une représentation des
jeunes à l'Assemblée nationale du Québec. L'exemple de la Suède démontre
l'efficacité des quotas. Avec un quota, dans les listes de partis, qui exigent
25 % de candidatures de moins de 35 ans, la Suède a beaucoup plus de
jeunes élus que la moyenne, avec 12 % d'élus de moins de 30 ans et
plus de 34 % d'élus de moins de 40 ans dans l'Assemblée législative
suédoise. Ainsi, Force Jeunesse recommande d'imposer une règle de
positionnement dans les listes électorales de 25 % de candidatures de
moins de 35 ans. Force Jeunesse propose aussi que les listes alternent un
candidat jeune au minimum à chaque candidature... à chaque quatre candidatures,
pardon, pour éviter que les candidats jeunes ne se retrouvent en bas des listes
et aient moins de chances d'être élus.
La demande de Force Jeunesse concernant
les quotas se limite aux candidats élus par liste régionale, puisque
l'autonomie des associations locales pour la sélection des candidats des
circonscriptions ne devrait pas être limitée. Il faut que ces quotas soient
assortis de punitions et de récompenses qui soient conséquentes et qui
dissuadent les partis à ne pas les respecter, et les quotas doivent être
suffisamment élevés pour avoir un effet. Et il est peu probable que les quotas
puissent fonctionner dans le mode de scrutin proposé par le projet de loi n° 39 actuel parce que le nombre de régions est trop élevé
et le nombre de députés élus par liste régionale est trop faible. Par exemple,
comment s'assurer qu'il y ait des jeunes élus sur les listes électorales si la
majorité des régions n'ont qu'un à trois députés? Par exemple, une région à
trois députés, où trois partis différents feraient élire son candidat en tête
de liste, pourrait n'avoir aucun représentant de moins de 35 ans, malgré
l'installation d'un quota.
Donc, pour que les quotas soient
efficaces, on propose... et non seulement pour que les quotas soient efficaces,
mais aussi pour réellement diminuer l'indice de distorsion du mode de scrutin,
puisqu'on est convaincus que la proportionnalité du système électoral favorise
la représentation des jeunes... donc, pour rendre la proposition de quotas
viables et diminuer l'indice de distorsion, le gouvernement devrait éliminer la
compensation régionale et passer à une compensation nationale. Plutôt que
d'avoir 17 régions, le projet de loi n° 39
devrait plutôt considérer le Québec comme une seule région dans laquelle 45 députés
seraient élus à partir d'une liste qui servirait à compenser les distorsions du
scrutin nominal à un tour.
M. Diallo (Daye) :
Excellent. Donc, pour conclure, je vous rappelle que Force Jeunesse réitère son
appui au principe d'une réforme du mode de scrutin qui puisse augmenter la
proportionnalité du système électoral québécois et la représentation des jeunes
à l'Assemblée nationale. En effet, la position que l'on vient de vous dire
démontre que la proportionnalité est associée à une meilleure représentation
des jeunes, et cette représentation des jeunes pourrait être bonifiée à l'aide
d'une règle de positionnement dans les listes électorales qui favorise les
jeunes.
Vous savez, en général, les gens ont
tendance à voter quand ils se sentent représentés. Donc, au Québec, nous
faisons face à un enjeu où, d'élection en élection, on se rend compte que le
taux de vote chez les jeunes est sensiblement plus bas, et l'on pense
sincèrement que le fait d'avoir des gens qui les représentent, le fait d'avoir
une certaine forme, aussi, de représentativité au niveau de la représentation
hommes-femmes, de la représentation ethnique va faire en sorte que les gens se
sentent plus concernés, qu'il y ait plus d'idées qui soient représentées au
sein des partis politiques et que, de cette manière-là, on puisse, à long
terme, se retrouver, au Québec, dans une situation où les partis politiques
sont beaucoup plus représentatifs de l'ensemble de la population, et donc
arrivent avec des idées et des solutions qui sont beaucoup plus
représentatives. C'est un peu la position de Force Jeunesse. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci infiniment. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci, M. le
Président. Merci, merci, messieurs, merci, madame, de votre présence. Et,
d'entrée de jeu, je veux souligner l'excellente qualité de votre mémoire.
J'apprécie surtout le fait que, dans votre argumentaire, c'est soutenu. Vous
avez des exemples, vous nous dirigez vers d'autres pays, donc ça illustre vos
propos. On peut être d'accord ou pas d'accord, mais vous avez une base
extrêmement soutenue et vous avez des exemples pour les illustrer, puis merci <beaucoup...
Mme LeBel : ...
souligner
l'excellente qualité de votre mémoire. J'apprécie surtout le fait que, dans
votre argumentaire, c'est soutenu. Vous avez des exemples, vous nous dirigez
vers d'autres pays, donc ça illustre vos propos. On peut être d'accord ou pas
d'accord, mais vous avez une base extrêmement soutenue et vous avez des
exemples pour les illustrer, puis merci >beaucoup, ce qui fait en sorte
que je n'ai presque pas de questions, dans le sens où c'est très bien compris.
Mais, quand même, j'aimerais voir un peu
avec vous un point que vous amenez, et je le comprends, je comprends votre
argument au niveau de la... pas de l'abolition, mais du fait qu'on ne se base
pas sur 17 régions administratives, mais plutôt qu'on se base sur le
Québec, donc une compensation nationale, une liste nationale plutôt que d'avoir
des listes régionales, ce qui fait en sorte qu'on n'a plus à diviser le Québec
en régions, selon votre proposition. Je la comprends très bien. Je comprends
très bien le fait, aussi, qu'au niveau de l'argumentaire de la
proportionnalité, bien, on a beaucoup plus de facilité à injecter de la
proportionnalité dans notre Assemblée nationale parce qu'on n'est pas limités
par la proportionnalité par région. Ça, ça me va très bien.
Là, où j'aimerais vous entendre, parce que
c'est un peu silencieux, là, sur cet aspect-là dans votre mémoire, mais on en a
discuté dans les dernières journées surtout, c'est sur comment on va
opérationnaliser ça sur le terrain. Mettons qu'on s'en va dans la direction que
vous proposez. À titre d'exemple — on jase — on accepte
d'aller avec une liste nationale, on prend les 45 députés, puis on les met
à la grandeur de la province du Québec. Beaucoup d'arguments circulent... on
peut les adopter ou non, mais ce qui circule, entre autres, déjà avec la
proposition gouvernementale, c'est qu'il y a un risque... bon, d'autres y
répondent, mais qu'il y a un risque de créer deux classes de députés,
c'est-à-dire un député de circonscription, un député de région. Il y a des
réponses à donner à ces arguments-là, mais c'est quand même une crainte.
L'attachement, aussi, aux régions, c'est une crainte. Quel est le rôle que le
député régional va jouer? Et ce que j'ai entendu aussi, c'est : Comment le
député de liste va se comporter en campagne électorale? Comment va-t-il faire
campagne? Je pense qu'on y répond en divisant le Québec en 17 régions, en
disant : Le député régional... comme la liste est régionale et la
compensation est régionale, bien, le député de liste devra quand même faire
campagne sur le terrain dans la région dans laquelle il se présente. Mais
comment vous proposez, pour les députés nationaux? Est-ce qu'on ne vient pas
exacerber cette impression-là ou cette crainte-là d'avoir deux classes de
députés? Ils vont faire une campagne nationale, un peu comme un chef de parti?
Est-ce qu'on ne vient pas favoriser l'entrée en jeu de candidats-vedettes comme
on le craint? Comme vous n'avez peut-être pas eu l'occasion de le faire dans
votre mémoire, je veux avoir votre tête sur cette façon d'opérationnaliser
votre proposition sur le terrain, surtout du point de vue des citoyens, quel va
être l'attachement, dans ce sens-là. Je comprends l'argument de
proportionnalité, là, je veux aller sur un autre aspect.
M. Diallo (Daye) :
Excellent. Je vais y répondre. Je vais prendre la première partie de la réponse,
et je suis très content de voir que l'argument de la proportionnalité soit très
bien compris et que vous voyez que la nécessité... Pourquoi est-ce qu'on a
demandé à ce qu'il y ait une liste nationale? C'est qu'on voudrait,
effectivement, qu'il y ait de la proportionnelle. On la veut, cette
proportionnelle, faisons-la.
Et donc, pour répondre un peu plus à votre
question sur l'aspect régional, sur comment est-ce que l'on fait pour essayer
de s'arrimer au fait qu'on n'a pas juste les députés de circonscription et les
députés nationaux, c'est là où Force Jeunesse, d'une certaine manière, a
réfléchi à la question, puis, d'une certaine manière, on compte un peu sur la
bonne foi des partis politiques et aussi sur un aspect pragmatique. Pour ne
citer aucun parti, par exemple, il y a certains partis qui sont beaucoup plus
représentés dans certains lieux géographiques du Québec ou pas. Sur l'île de
Montréal, on ne citera pas ce parti-là, mais il est très représenté sur cette
île-là, par exemple, en prenant cet exemple-là. Donc, ce parti aurait tout
intérêt, sur sa liste nationale, à avoir des députés, dès le départ, qui ont un
certain tropisme pour d'autres endroits que la région de Montréal, disons.
Donc, des députés qui viennent, par exemple, de la Côte-Nord, des gens qui ont
un attachement avec la Côte-Nord, par exemple si je ne prends que cet exemple
géographique là, où, sur la liste électorale, on aurait déjà, dès le départ, un
choix de députés qui seraient probablement élus, qu'ils viennent d'endroits où
ces partis-là ne pensent peut-être pas pouvoir élire des gens issus des
circonscriptions. Donc, de cette manière-là, on arrive déjà à avoir une
certaine forme de représentation.
Puis un autre exemple que l'on a souvent,
c'est que les députés à l'Assemblée nationale, ils ont souvent des
portefeuilles. On peut être ministre, on peut être adjoint parlementaire, par
exemple, au Tourisme ou à autre chose. Donc, dès le départ, ce qu'il faudrait,
c'est que les députés qui sont élus sur les listes de circonscription aient
déjà, d'une certaine manière, une affectation, et qu'on leur dise : Si vous
êtes élu, bien, on pense que vous soyez peut-être plus... vous devriez
normalement être plus dans la région de l'Outaouais, par exemple, puis que les citoyens
sachent, de manière très claire, une fois que les élections se passent, à quels
députés ils pourraient, par exemple, s'adresser s'ils n'arrivent pas à avoir
accès à leur député de circonscription. Et donc ces députés-là, d'une certaine
manière, seraient des députés de région qui remplaceraient, par exemple, les
régions administratives. Donc, très rapidement, ça peut être une réponse à ce
que vous dites.
• (12 h 30) •
Mme LeBel : Bien, je
comprends ce que vous dites, je comprends l'argument de la bonne foi, mais il
peut y arriver des cas, peu importe le parti, où on n'a pas cet <équilibre-là...
>
12 h 30 (version révisée)
< M. Diallo (Daye) :
...d'une certaine manière, seraient des
députés de région qui
remplaceraient,
par exemple, les régions administratives. Donc, très
rapidement,
ça peut être une réponse à ce que vous dites.
Mme LeBel : Bien, je
comprends ce que vous dites, je comprends l'argument de la bonne foi, mais il
peut arriver des cas, peu importe le parti, où on n'a pas cet >équilibre-là
régional dans les députés nationaux. Où est-ce qu'ils vont s'installer, ces
députés-là? Est-ce que ça va être à leur choix? Quels dossiers ils vont porter?
Clairement, c'est plus difficile de penser... Moi, je pense que ça se décline
beaucoup mieux quand on parle de régions et de circonscriptions, quand on parle
des 17 régions, de penser qu'il va y avoir une organisation sur le
territoire et que, bon, des députés régionaux de circonscription ou de liste
pourront aussi faire des cas de comté, peu importe, et vice versa. Mais on
parle de 45 députés nationaux, oui, la bonne foi, mais une fois... quel va
être le rôle de ces députés-là? Est-ce qu'ils vont faire des cas de comté? Quels
comtés?
M. Diallo (Daye) : En
fait, la bonne foi, c'est aussi une question de pragmatisme. C'est que, comme
je vous dis, les partis politiques n'ont aucun intérêt à concentrer des députés
d'un seul coin du Québec dans le cas où c'est une représentation nationale. Puis
aussi, de manière très claire, ce sera aux partis politiques d'assigner une
certaine forme de régionalisation à l'action de leurs députés. Donc, oui, ces
députés-là, s'ils n'arrivent pas... pardon, si les citoyens n'arrivent pas à
entrer en contact avec leur député de circonscription ou c'est beaucoup plus
difficile, il faut que, dans l'information que les partis divulguent aux
citoyens, les citoyens sachent de manière très claire vers lesquels des députés
ils pourraient se tourner s'ils se trouvent, par exemple, dans l'Outaouais.
Donc, ce sera un travail aux partis de le
faire, mais c'est aussi une question de pragmatisme parce que, si un parti
politique, sur ces 45 personnes qu'il met sur la liste nationale... ne
sont que dans la grande région de Québec, bien, le parti se tire d'une certaine
manière une balle dans le pied en faisant ça.
M. Jacques (Olivier) : Si
je pouvais rebondir rapidement, je pense que la question de permettre la double
candidature serait assez pertinente dans ce cas-là. On pourrait éviter, là,
d'avoir deux classes de députés. Je pense que ce serait vraiment une bonne
réforme à mettre de l'avant aussi. Et je pense qu'en fait on peut réfléchir au
fait que notre liste nationale permet aux partis, à l'ensemble des partis
d'avoir une forme de représentation dans plusieurs régions qu'ils n'ont pas nécessairement
actuellement. Et donc je ne pense pas que la question de la représentation
régionale de chacun des partis est vraiment problématique avec notre réforme.
Mme LeBel : Peut-être qu'il
y a la question du point de vue du citoyen qui, au moment où il vote, ne saura pas,
lui, qui sera son député régional ou s'il aura un député régional, parce que ce
sera le parti... ça dépendra du pourcentage national du parti, ça dépendra de
qui, sur sa liste, sera sélectionné et ça dépendra du pragmatisme du parti, que
je ne mets pas en doute, qui devra assigner, après coup, peut-être un député à
une région donnée. Donc, le citoyen, de son point de vue, quand il vote... alors
qu'avec la proposition gouvernementale présentement sur la table la liste est
fermée, elle est régionale, le citoyen sait qui est susceptible de le
représenter, alors qu'avec une liste nationale... Du point de vue de la
proportionnalité, j'en suis. Quand on parle d'une proportionnalité maximisée,
là, c'est sûr que la liste nationale, effectivement... Dans les choix qu'on a
dû faire dans la proposition, bien, il a fallu sacrifier une portion de la
proportionnalité pour avoir une portion de représentativité régionale et
d'attachement.
Mais je reviens sur un autre point, parce
que je veux être sûre de... pas parce que ce n'est pas intéressant, on
pourrait en discuter pendant des heures, puis on aura peut-être l'occasion de
le refaire, mais la question des quotas, et je vous ramène à la bonne foi des
partis, on a eu un expert qui est venu nous dire : En matière de parité
hommes-femmes, à titre d'exemple, en 2018, on a quand même eu une année
exemplaire de tous les partis confondus, on a eu une année exemplaire, on a
même eu des années exemplaires en termes d'élection, en termes de
représentation à l'Assemblée nationale, en termes de constitution du Conseil
des ministres. Si on prend une photo de 2018, là, on est en bonne posture au
niveau de la parité hommes-femmes. Malgré tout, les groupes de femmes viennent
nous demander de mettre des quotas et d'être plus coercitifs dans nos mesures.
Certains experts sont venus nous dire : Bien, ça va bien, il y a une belle
tendance, il y a un point de bascule. Voyons voir la bonne foi des partis,
justement, parce que ce sera, ultimement, aux citoyens de juger de l'attitude
des partis. C'est un peu la nature des mesures qu'on a mises, c'est-à-dire vous
déclarez vos intentions, vous déclarez si vous avez rempli vos propres
intentions, et le peuple, en bon français, jugera de votre performance et si
vous êtes à côté de la plaque ou non. Vous me parlez de la bonne foi des partis
par rapport à la distribution nationale, mais vous semblez en douter par
rapport à la représentation des jeunes. Alors, comment concilier tout ça?
M. Diallo (Daye) : Pour
répondre très rapidement à cette question, c'est que notre mode de scrutin
actuel existe depuis plus d'un siècle, puis, de manière très claire, jusqu'à
maintenant, le nombre de jeunes présents à l'Assemblée nationale n'a jamais été
significativement proche de la réalité qui existe au Québec, et c'est pour ça...
c'est pourquoi on pense qu'il faudrait une mesure très claire, une mesure,
effectivement, très forte pour faire en sorte qu'il y ait plus de jeunes à
l'Assemblée nationale, et ça, ça passe effectivement par le fait où il faudrait
imposer aux partis <politiques...
M. Diallo (Daye) :
...
l'Assemblée nationale n'a jamais été significativement proche de la
réalité qui existe au Québec, et c'est pour ça... c'est pourquoi on pense qu'il
faudrait une mesure très claire, une mesure, effectivement, très forte pour
faire en sorte qu'il y ait plus de jeunes à l'Assemblée nationale, et ça, ça
passe effectivement par le fait où il faudrait imposer aux partis >politiques
ce 25 % là, qui est juste une présence sur les listes électorales, qui ne
veut pas forcément dire qu'il y aura autant de jeunes présents à l'Assemblée
nationale, mais en espérant que ça fasse en sorte que le seuil augmente.
Par exemple, un exemple, à la dernière
élection, en 2018, il n'y avait que 9 % de jeunes de moins de 35 ans
à l'Assemblée nationale, donc il y a très clairement quelque chose à faire
là-dessus. Et c'est pourquoi, on le répète encore, sur cet enjeu-là, on veut
aller au-delà de juste la bonne foi pour faire en sorte qu'il y ait des balises
qui sont très claires pour obliger les partis à avoir plus de jeunes. Et, comme
nous disait tout à l'heure mon collègue, avec ça, on s'en vient aussi avec des
idées pour qu'il y ait des bonus et des malus en fonction du respect de ce
critère-là.
Mme LeBel : Oui, puis
vous faites d'ailleurs une très belle nomenclature des possibilités. Donc, vous
parlez, naturellement, de... votre mesure est d'introduire, par le biais des
listes, si je comprends bien, une certaine forme d'alternance, là, vous la
décrivez très bien dans votre mémoire. Vous faites référence au fait que, dans
d'autres... les mesures punitives, je crois, n'ont pas nécessairement tout leur
impact parce que, souvent, bon, on peut les contourner. Est-ce que vous
favorisez une mesure plus qu'une autre? Vous parlez du rejet de la liste, vous
parlez de bonus, vous parlez de malus, mais est-ce qu'il y a quelque chose qui,
à votre sens... Je comprends que ce sont toutes des mesures que vous mettez de
l'avant, mais, à votre sens, est-ce qu'il y a une mesure qui est plus efficace
qu'une autre quand on parle du respect de ce quota-là? Parce que, quand on
impose un quota, encore faut-il qu'il y ait une façon de le faire respecter,
là, un levier.
M. Jacques (Olivier) :
Franchement, on n'a pas de... il n'y a pas de recette magique, je pense, mais
il faut s'assurer que la punition et la récompense soient suffisamment élevées
pour créer un incitatif très clair pour que les partis respectent ce quota-là.
Mais de là à exclure un parti de la liste électorale d'un parti, je pense que...
Par exemple, ce qui se fait, je pense que c'est en Espagne, où la liste est tout
simplement rejetée jusqu'à ce que le quota soit rempli, c'est sûr que ça
fonctionne, là, mais, bon, on peut considérer que c'est peut-être un peu
radical, mais ça dépend à quel point on veut absolument que les quotas
fonctionnent.
D'ailleurs, on veut réitérer qu'on est
d'accord avec les groupes qui proposent une alternance hommes-femmes sur les
listes électorales aussi. Ça serait vraiment plus facile à faire, d'ailleurs, avec
une seule liste nationale.
Mme LeBel : Bien, merci
beaucoup. Merci pour votre rapport, très apprécié.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous
plaît.
Mme Robitaille : Merci,
M. le Président. Bonjour à tous les trois. C'était vraiment un plaisir de lire votre
mémoire, et, comme la ministre, je vous félicite, c'était intéressant.
Et je vais aller un peu plus loin. En
fait, j'écoutais ce que vous disiez à la ministre, et ça m'intéresse beaucoup. On
aura peut-être... En tout cas, le projet de loi nous dit : On aura 80 députés
de circonscription et 45 députés de liste, et donc 80 députés qui
sont élus directement par les gens et 45 députés qui sont, finalement,
établis par, en tout cas, les partis, hein? Ce sera le pouvoir du parti
d'établir des noms, d'établir ces listes-là. Vous dites : Peut-être que...
et puis je veux vous entendre là-dessus, est-ce que j'ai bien compris qu'on a peut-être
deux catégories de députés, deux types de députés, vous, ça ne vous dérange pas?
Ça ne vous dérange pas.
M. Diallo (Daye) : Très rapidement,
non, parce que le Québec ne serait pas dans une situation unique au monde. Il y
a des proportionnelles mixtes un petit peu partout à travers le monde. Puis, de
manière claire, non, ça ne nous dérange pas. Puis, comme on le disait tout à
l'heure, il y a une manière, quand même, d'attribuer à ces députés-là des
fonctions qui feraient en sorte qu'ils soient beaucoup plus proches de la population,
localement parlant.
M. Jacques (Olivier) : Et
permettre la double candidature, aussi, règle une partie de ces problèmes-là, parce
que c'est les mêmes candidats qui pourraient se présenter aux circonscriptions
et aux listes.
Mme Robitaille : Alors,
comment vous verriez, par exemple, les tâches, les responsabilités du député de
liste versus le député de circonscription?
• (12 h 40) •
M. Diallo (Daye) : Les
tâches et responsabilités, d'une certaine manière, seraient pareilles. On peut déjà
s'inspirer de ce qui se passe au provincial et fédéral, même si ce n'est pas
les mêmes compétences et ce ne sont pas les mêmes actions, mais un citoyen peut
aller taper, sur certains enjeux, autant à la porte de son député provincial
qu'à la porte de son député fédéral, même si, bon, à la limite, l'un ou l'autre
ne pourra pas l'aider sur son problème. Mais l'idée, ce serait vraiment que,
oui, avec les circonscriptions qui restent, aujourd'hui, on en parle de 80, que
le premier réflexe du citoyen soit d'aller vers son député de circonscription,
mais, comme on disait tout à l'heure, il est possible que les partis puissent
attribuer de manière très claire aux différents députés, donc aux 45 députés
élus de liste nationale, des objectifs géographiques. Donc, le citoyen saurait,
en allant sur un portail, par exemple, mis en place par le gouvernement, à qui
il peut s'adresser si, effectivement, son député de circonscription n'est pas
là pour répondre à sa question ou il n'est pas satisfait du travail de son
député de circonscription. Et, même pour le parti, électoralement parlant, vous
savez, il peut se faire sanctionner. Si, effectivement, ce citoyen-là n'arrive
pas à se faire servir par son député de <liste...
M. Diallo (Daye) :
...
par exemple, mis en place par le gouvernement, à qui il peut
s'adresser si,
effectivement, son député de
circonscription n'est
pas là pour répondre à sa
question ou il n'est pas satisfait du travail
de son député de
circonscription. Et,
même pour le parti,
électoralement parlant, vous savez, il peut se faire sanctionner. Si,
effectivement,
ce
citoyen-là n'arrive pas à se faire servir par son député de >liste,
aux prochaines élections, il y a fort à parier que ce citoyen-là s'en
rappellera.
Mme Robitaille : Donc, ça
serait du cas par cas, ça serait individuel, ça serait... Bon, c'est ce que je
comprends de ce que vous dites? Mais je vous écoute, là, et puis je me dis :
Est-ce qu'on pourrait... Parce qu'on en a déjà parlé, ça a déjà été amené comme
idée, d'amener un amendement qui préciserait les rôles de l'un et puis les
rôles de l'autre. Est-ce que vous pensez que ça, ça serait une bonne idée? Non?
Monsieur dit non. Pourquoi?
M. Jacques (Olivier) :
Vous semblez en avoir discuté davantage que nous.
Mme Robitaille : Non,
mais c'est parce que vous en avez parlé tout à l'heure avec la ministre. Vous
me dites ça, je vous entends, je trouve ça intéressant.
M. Diallo (Daye) : A
priori, on ne serait pas contre parce que, vous savez, nous, on est pour le
plus de clarté possible. Donc, il est très clair qu'en ayant deux types de
députés, des députés de circonscription et les députés nationaux, il faut que
ça soit très clair pour les citoyens. Donc, si ça passe par un amendement qui,
dès le départ, décide d'attribuer des rôles et des responsabilités, on ne
serait, a priori, pas contre, mais il faudrait qu'on le voie, effectivement. Puis
l'objectif derrière tout ça, c'est que, pour le citoyen, in fine, ça soit le
plus facile possible.
Et je tiens quand même aussi à rappeler...
C'est que la raison de cette liste nationale là, c'est qu'aujourd'hui certaines
projections qui ont été faites démontrent que, si, par exemple, le scrutin se
serait tenu avec cette réforme-là, ça n'aurait pas grandement changé, donc la
composition de l'Assemblée nationale, au jour d'aujourd'hui, serait à peu près
pareille à celle précédente. Donc, la réforme actuelle ne règle pas ce
problème-là. Oui, il est un tout petit peu plus proportionnel mais ne répond
pas à cet objectif-là où la proportionnalité est un système électoral qui
permettrait d'avoir une représentativité plus grande à l'Assemblée nationale,
autant d'idées politiques que de catégories de citoyens : jeunes, moins
jeunes, diversités ethniques, femmes, hommes, etc.
Mme Robitaille : Mais je
veux revenir sur ce que vous disiez, donc, juste pour conclure, pas une
mauvaise idée de définir ces types de députés là, en leur donnant des tâches...
bien, en tout cas, en établissant des...
M. Jacques (Olivier) : On
est d'accord avec vous. Nous, par exemple, on priorise vraiment la diminution
de l'indice de distorsion dans la réforme électorale. C'est ce qu'on trouve le
plus important.
Mme Robitaille : Maintenant,
vous parlez du référendum puis là vous dites, vous suggérez... recommandation 4 :
«Devancer la date du référendum pour qu'elle soit au plus tard un an avant la
campagne électorale.» Il va falloir qu'on se dépêche. Donc, 2021, vous pensez
que c'est réaliste? Vous pensez que c'est possible?
M. Diallo (Daye) : Oui,
2021, c'est réaliste et possible. Et, oui, vous disiez... Vous savez, cette
réforme du mode de scrutin là, on en parle depuis un siècle, à peu près, quelque
chose comme ça. Oui, on peut se presser, on peut se dépêcher. Je pense que, si
toutes les forces vives autour de la table étaient d'accord avec ça, en un an,
ce serait possible d'organiser ce référendum-là qui permettrait à la population
du Québec de se prononcer. Mais, comme on disait, chez Force Jeunesse, je tiens
quand même à le préciser, c'est qu'on est pour un référendum. Chez Force
Jeunesse, on considère que cette question est importante et qu'il faudrait que
la population se détermine là-dessus, mais ça ne veut pas forcément dire qu'il
faudrait que l'on fasse ce référendum-là un an avant les élections.
On est aussi d'accord avec l'autre proposition,
qui ferait en sorte que l'on tienne le prochain scrutin en fonction du nouveau
mode de scrutin, puis qu'on l'essaie deux fois, puis qu'ensuite on demande à la
population de se prononcer là-dessus. L'argument, ici, c'est qu'il faut absolument
que les Québécois se prononcent sur le changement de leur mode de scrutin, mais
ça peut se faire avant le scrutin comme ça peut se faire après, mais il faut le
faire.
Mme Robitaille : Bien,
donc, mieux vaut tard que jamais. Si ce n'est pas dans un an, ça peut être dans
trois ans. L'important, c'est qu'on l'ait, c'est ce que vous me dites. Mais
l'idée d'avoir un référendum en même temps que des élections, c'est quoi, votre
position là-dessus? Vous êtes...
Mme Racine (Éliane) :
Bien, en fait, nous, on préférerait que la question du référendum soit séparée
des élections pour ne pas que ça devienne un enjeu dans la campagne électorale
puis, vraiment, que les gens puissent répondre à la question du référendum en
faisant fi de ce qui se passe au niveau politique.
M. Diallo (Daye) : Et
l'histoire, aussi, démontre qu'à chaque fois que la question a été mêlée à une
élection normale, c'est souvent passé au second plan ou, du moins, l'enjeu
était tellement très peu discuté, tellement très mal expliqué à la population
que, bien, ça n'a pas été aussi viable que ce que l'on voudrait. Les gens ont
le droit de se prononcer là-dessus, mais il faudrait que l'information leur
arrive et que l'information normale leur arrive, oui.
Mme Robitaille : On en a
parlé, tout à l'heure, au groupe qui vous a précédé, quel rôle vous voyez aux
députés? Est-ce que les députés devraient s'impliquer directement dans une
campagne référendaire, devraient se mouiller, là, ne devraient pas se gêner, en
fait?
M. Jacques (Olivier) : Ça,
là, ça devient une opinion un peu personnelle, de notre côté, là. Je pense
qu'on n'est pas les mieux placés, là, pour avoir une opinion là-dessus, là, je
crois, franchement.
Mme Robitaille : Mais vous
représentez les jeunes, les <étudiants...
Mme Robitaille : ...directement
dans une campagne référendaire, devraient se mouiller, là, ne devraient pas se
gêner, en fait?
M. Jacques (Olivier) :
Ça, là, ça devient une opinion un peu personnelle, de notre côté, là. Je pense
qu'on n'est pas les mieux placés, là, pour avoir une opinion là-dessus, là, je
crois, franchement.
Mme Robitaille : Mais
vous représentez les jeunes, les >étudiants, les moins de 35 ans. C'est
quoi, le sentiment? Est-ce que vous avez... Bien, parce que vous y avez
réfléchi. L'implication de vos élus, par exemple, dans une campagne
référendaire...
M. Jacques (Olivier) :
Nous, ce qu'on pense qui est important... C'est une réforme qui est complexe,
mais c'est une question qui est complexe, puis ce qui est important, c'est que
les gens sachent de quoi il s'agit. Si la participation des élus aide, ce qui
est probablement le cas, et, si le premier ministre, le gouvernement en général
se mettent du côté de la réforme électorale, ça aiderait certainement. Nous, on
veut que la réforme passe et on veut que les gens soient informés lorsqu'ils
fassent un vote. Donc, oui, logiquement, ça serait bien que les députés
puissent s'impliquer d'un côté ou de l'autre, ne serait-ce que pour que les
gens soient informés.
Mme Robitaille : Vous
dites aussi : «Augmenter le financement public pour [que] les groupes
souhaitant faire campagne pour ou contre la question référendaire [puissent
participer].» La place des jeunes... Et est-ce que... Bien, comment vous voyez
ça s'articuler et pourquoi c'est important?
M. Diallo (Daye) : La
place des jeunes, elle est importante, effectivement, dans ce débat-là. Vous le
savez, il y a des groupes de la société civile, comme Force Jeunesse et
d'autres qui nous ont précédés ici, Citoyenneté Jeunesse, l'UEQ, et la FECQ, et
d'autres peut-être que j'oublie le nom, on sera présents dans l'espace public
pour pouvoir défendre certaines idées qui sont en lien avec cette réforme du
mode de scrutin là. Comme vous pouvez le voir dans le mémoire, déjà, dans le
cadre des commissions parlementaires, on propose certains changements qui
feraient en sorte que la représentation des jeunes soit beaucoup plus
importante, et d'autres types de populations au Québec. Mais c'est clair que,
durant la campagne, si campagne il y a lieu, ces groupes de la société civile
là essaieront de participer au débat. Surtout, comme j'ai dit, chez
Force Jeunesse, on est là aussi pour animer le débat public, faire en
sorte que des gens qui représentent certaines idées politiques entrent en
contact avec la jeunesse pour leur parler de leurs idées mais aussi pour faire
monter plus haut les idées de ce que ces jeunes-là pensent, donc c'est comme ça
que des groupes jeunes, comme le nôtre, pourront s'impliquer dans une
éventuelle campagne référendaire sur la question.
Mme Robitaille : Vous
dites... Je vais revenir à cette idée de quota, là, de 25 % de jeunes
candidats de 35 ans et moins, donc c'est circonscrit aux listes
compensatoires seulement. Pour ce qui est des candidatures, pour ce qui est des
circonscriptions, vous ne touchez pas à ça, c'est bien ce que je comprends?
M. Diallo (Daye) : Vous
savez, dans un monde idéal, comme je le disais tout à l'heure, ça devrait être
normal aussi que, dans les circonscriptions, cette question-là soit à l'ordre
du jour au moment de choisir un candidat. Mais, pour l'instant, vous savez... ma
grand-mère disait souvent qu'il faut choisir ses batailles. Pour l'instant, la
première bataille, effectivement, c'est celle des listes nationales, où l'on
pense qu'il est beaucoup plus facile de pouvoir avoir ce genre de quotas là parce
que circonscription par circonscription, en général, c'est beaucoup plus
difficile et c'est pour ça qu'aussi la raison des 17 régions nous semblait
un peu compliquée pour avoir des quotas de jeunes. Donc, dans un mode idéal, on
serait aussi pour que, dans ces circonscriptions-là, les gens aillent de
l'avant vers plus de jeunes.
Mme Robitaille : Donc... Oui,
allez-y.
M. Jacques (Olivier) :
Mais c'est qu'en même temps il y a un arbitrage à faire, là. C'est évident que
le fait que les circonscriptions aient une forme d'autonomie, ça diminue la
concentration du pouvoir vers le premier ministre, ça crée une démocratie
locale qu'on ne veut pas enlever, là. Donc, on est conscients des arbitrages
que la ministre a à faire et donc on ne veut pas imposer des quotas à ces
circonscriptions locales là, mais c'est très facile de le faire en fonction des
listes.
Mme Robitaille : Merci.
Le Président (M. Bachand) :
Merci. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois :
Bonjour. Merci d'être ici. Vous semblez avoir comme préoccupation principale la
question de la proportionnalité. C'est une préoccupation qu'on partage. Et donc
je me surprends, amicalement, de ne pas vous avoir entendu parler puis qu'il
n'y ait pas de recommandation dans votre même au sujet de cette fameuse prime
au vainqueur dont on parlait, justement, avec le dernier intervenant. Est-ce
que ce n'est pas là, selon vous, un des principaux, sinon le principal accroc à
la proportionnalité dans ce projet de loi là?
M. Diallo (Daye) : On
avait 10 minutes pour exprimer nos positions, mais c'est très clair
qu'au-delà de la prime au vainqueur nous pensons que la réforme proposée
actuellement n'est pas adéquate pour augmenter la proportionnalité voulue à
l'Assemblée nationale du Québec. Et effectivement la notion et la question de
prime au vainqueur fait partie de l'ensemble de ces petites choses qui font que
la réforme proposée actuellement n'est pas la plus adéquate.
M. Jacques (Olivier) :
Mais prime au vainqueur ou pas, si on garde, là, les listes comme elles le
sont, ça va être difficile d'avoir notre objectif de règles de positionnement
qui favorisent les jeunes sur les listes.
• (12 h 50) •
M. Nadeau-Dubois : Je
comprends bien cela. Je veux vous entendre également sur le financement... En
fait, sur la campagne référendaire, vous parlez de financement public, à votre
quatrième <recommandation...
M. Jacques (Olivier) :
...
si on garde, là, les listes comme elles le sont, ça va être difficile
d'avoir notre objectif de règles de positionnement qui favorisent les jeunes
sur les listes.
M. Nadeau-Dubois : Je
comprends bien cela. Je veux vous entendre également sur le financement... En
fait, sur la campagne référendaire, vous parlez de financement public, à votre
quatrième >recommandation, vous parlez d'augmenter le financement public
pour les groupes souhaitant faire campagne pour ou contre la campagne
référendaire.
Juste pour bien comprendre votre recommandation,
est-ce que vous parlez là des camps officiels — parce que les
amendements déposés par la ministre instaurent un camp du Oui et un camp du Non
reconnus par le DGEQ — ou vous parlez des tiers qui, en vertu de ces
mêmes amendements-là, pourraient aussi faire campagne puis auraient une limite
de dépenses? Est-ce que vous demandez qu'il y ait du financement public pour
les tiers ou plus de financement public pour les camps officiels du Oui et du Non?
M. Diallo (Daye) :
Normalement, chez Force Jeunesse, comme je vous disais, pour un souci de clarté
et de transparence, on serait plus pour un financement officiel des camps du Oui
et du Non, qui seraient officiellement financés, et qui seraient officiellement
étiquetés, et qui auraient une voix claire sur la question pour la transmettre
aux Québécois.
M. Nadeau-Dubois : En ce
moment, c'est un peu moins que 1 million de dollars. Vous, vous
souhaiteriez qu'il y ait davantage d'argent à l'intérieur de chaque camp pour
financer la campagne référendaire.
M. Diallo (Daye) : Vous
avez dit combien?
M. Nadeau-Dubois : C'est
à peu près... un peu moins que 1 million, en ce moment, c'est 850 000 $,
à peu près.
M. Diallo (Daye) :
J'avais entendu «8 millions», j'étais... C'est beaucoup d'argent, ça.
M. Nadeau-Dubois : Non,
c'est un peu moins que 1 million, à peu près 850 000 $.
M. Diallo (Daye) : Non,
oui, on serait... On considère que, pour une question aussi importante pour la
vitalité du Québec et du système démocratique du Québec, 1 million, c'est
très peu d'argent pour la question.
M. Nadeau-Dubois : O.K.
Quelle est votre position sur le nombre de députés? Vous n'en avez pas parlé.
Si, en tentant de trouver ce fameux équilibre que, je pense, on tente tous de
trouver, ici, entre différentes formes de proportionnalité, entre différents
principes démocratiques, une des voies, c'était d'augmenter le nombre de
députés, est-ce que vous y verriez un inconvénient majeur?
M. Jacques (Olivier) :
Pas du tout.
M. Nadeau-Dubois : Ça a
le mérite d'être clair. Merci beaucoup.
M. Diallo (Daye) : Mais
je tiens quand même à préciser qu'il a fallu faire des choix parce
qu'effectivement il y a toute la réflexion portée sur comment augmenter la
proportionnalité du mode de scrutin québécois, puis on a pensé aussi à la
question d'augmenter le nombre de députés, mais on n'a pas, finalement, choisi
cette option-là, mais c'est quelque chose auquel on a réfléchi et qui serait
possible, parce qu'effectivement, si je me rappelle bien notre statistique,
depuis les années 80, le nombre de députés n'a pas augmenté au Québec, on
est toujours à 125 députés, puis il y aurait peut-être quelque chose à
faire là.
M. Jacques (Olivier) :
Puis on ne voulait pas vous proposer un mémoire avec huit recommandations qui
allaient dans tous les sens, donc on en a choisi une, mais il y a d'autres
possibilités, définitivement.
M. Diallo (Daye) : Il
faut choisir ses batailles.
M. Nadeau-Dubois : Vous
avez choisi vos batailles, voilà, c'est ça.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Fournier
:
Merci beaucoup pour votre présentation. Merci de ces points si importants que
vous amenez concernant la représentation des jeunes à l'Assemblée nationale.
Vous savez, pour cette législature-ci, nous sommes 17 % de députés âgés de
moins de 40 ans, mais en fait on représente 30 % de la population
québécoise, à peu près, donc c'est vraiment nécessaire. Au-delà de la question
de la réforme du mode de scrutin, à l'instar de certains groupes de défense des
droits des femmes, est-ce que vous êtes en faveur d'une loi sur la
représentativité des jeunes à l'Assemblée nationale?
M. Diallo (Daye) : Oui,
oui. Comme tout à l'heure... de manière très claire, on est pour une loi claire
pour la représentativité... pour la représentation des jeunes à l'Assemblée
nationale. Puis, comme je le disais tout à l'heure, je tiens quand même à le
répéter, chez Force Jeunesse, on est pour plus de présence féminine à
l'Assemblée nationale, pour une meilleure représentativité. On n'a pas apporté
ces points-là dans notre mémoire, mais on supporte ces groupes-là qui demandent
qu'il y ait une parité hommes-femmes puis qu'il y ait une plus grande
représentation des différents groupes sociaux du Québec à l'Assemblée
nationale.
Mme Fournier
:
Merci beaucoup. Maintenant, en ce qui concerne les objectifs plus globaux du
projet de loi, vous avez dit que, pour vous, votre but, c'était de réduire au
maximum l'indice de distorsion dans le projet de loi. Donc, le collègue de
Gouin a parlé de la fameuse prime au vainqueur, qui, effectivement, n'aide pas
à se rapprocher de l'objectif. De la part du gouvernement, on entend que c'est
pour des raisons de stabilité des gouvernements, ce qui est quand même un peu
curieux, considérant qu'il existe la mesure d'encadrement des motions de
censure qu'il serait possible d'utiliser pour arriver aux mêmes fins. Donc,
seriez-vous favorables à l'implantation d'une telle mesure dans le projet de
loi?
M. Jacques (Olivier) :
Oui.
Mme Fournier
:
Trouvez-vous que ce serait une bonne solution de rechange aux primes au
vainqueur?
M. Jacques (Olivier) :
Oui.
Mme Fournier
:
Très bien. Merci beaucoup.
M. Diallo (Daye) : Ça a
le mérite d'être clair.
Le Président (M. Bachand) :
Alors, sur ce grand degré d'efficacité, merci beaucoup de votre participation à
la commission.
La commission suspend ses travaux jusqu'à
15 heures cet après-midi. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 54)
14 h 30 (version révisée)
(Reprise à 15 heures)
Le Président (M. Bachand) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Bon après-midi. Bienvenue. La Commission des
institutions reprend ses travaux. Comme vous savez, je demande à toutes les
personnes présentes dans la salle de pouvoir éteindre la sonnerie de leurs
appareils électroniques.
Rappel du mandat : La commission est
réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions
publiques sur le projet de loi n° 39, Loi établissant un nouveau mode de
scrutin.
Cet après-midi, nous allons entendre,
entre autres, les personnes et groupes suivants : M. Henry Milner,
chercheur invité au Département de science politique de l'Université de Montréal,
M. Stéphane Rouillon, directeur au Centre de recherche informatique <de
Montréal...
>
15 h (version révisée)
<17859
Le Président (M. Bachand) : ...afin de
poursuivre les
consultations particulières et les auditions publiques
sur le
projet de loi n° 39,
Loi établissant un nouveau mode
de scrutin. Cet après-midi, nous allons entendre
entre autres les
personnes des groupes suivants : M. Henry Milner, chercheur invité au
Département de science politique de l'Université de Montréal, M. Stéphane
Rouillon, directeur au Centre de recherche informatique >de Montréal,
M. Marc-André Bodet, professeur agréé au Département de science politique
de l'Université Laval.
Mais nous avons le plaisir d'accueillir, aujourd'hui,
les représentants d'Élections Québec. Alors, bienvenue, c'est un grand plaisir.
Alors, je vous cède la parole pour 10 minutes, et après ça on aura un
échange avec les membres de la commission. Alors, M. Reid, vous avez la
parole.
Directeur général des élections
M. Reid
(Pierre) : Ah! bien, M. le Président, Mmes, MM. les membres de
la commission, d'abord, je tiens à vous remercier de m'avoir invité à
participer aux consultations particulières sur le projet de loi n° 39. Je
suis accompagné, cet après-midi, de Me Lucie Fiset, qui est la directrice
du financement politique et des affaires juridiques, qui est à ma gauche, de
Mme Catherine Lagacé, qui est secrétaire générale, ainsi que M. Jean-François
Blanchet, qui est le directeur des opérations électorales.
Le projet de loi n° 39 propose de
remplacer le mode de scrutin majoritaire uninominal actuel par un mode de
scrutin mixte avec compensation régionale. Un tel changement requiert d'importantes
modifications à la Loi électorale et a des répercussions sur l'ensemble des
processus électoraux qui sont sous ma responsabilité.
La Loi électorale prévoit que le Directeur
général des élections peut être consulté par le gouvernement sur toute
législation à caractère électoral. Conformément à un décret pris par le gouvernement
en janvier 2019, mon équipe a fourni, au cours de la dernière année, son expertise
sur les questions liées à l'organisation et à la tenue des élections et sur les
impacts techniques d'un nouveau mode de scrutin ainsi que sur ses délais de
mise en oeuvre.
La fonction que j'occupe exige que mon
équipe et moi fassions preuve d'impartialité et de neutralité. Pour cette
raison, les échanges que nous avons eus n'ont jamais porté sur le choix du mode
de scrutin envisagé par le gouvernement ni sur toute autre question de nature
politique.
Le projet de loi n° 39 propose
également la tenue d'un référendum sur le mode de scrutin. Le gouvernement a
déposé, en décembre dernier, une série d'amendements à ce projet de loi qui
prescrivent le cadre légal retenu pour un référendum qui aurait lieu lors de la
prochaine élection générale prévue le 3 octobre 2022, et, là encore,
nous avons fourni notre expertise. La semaine dernière, j'ai transmis à la
commission un mémoire sur le projet de loi n° 39 qui, je le souhaite, nous
permettra d'avoir une compréhension commune des effets des dispositions de ce
projet de loi sur les processus électoraux et sur l'administration des
élections.
Ce mémoire décrit, par exemple, le
processus de répartition des sièges de circonscription et de région, et à cet
effet mon équipe a réalisé une simulation de cette répartition entre les
régions électorales en fonction des données de la liste électorale du mois
d'octobre dernier. Les résultats de la simulation sont présentés dans notre
mémoire. Le mémoire illustre également, à partir d'un exemple fictif, la
mécanique d'attribution des sièges aux candidates et aux candidats de régions,
ce qui représente le volet compensatoire du mode de scrutin proposé. Le mémoire
précise aussi les principaux changements qu'apporte le projet de loi n° 39
aux différents volets de l'administration des élections et plusieurs
recommandations concernant la réforme du mode de scrutin, le cadre référendaire,
de même que l'administration plus générale de notre système électoral.
J'aimerais vous faire part de mes
réflexions quant à certaines dispositions du projet de loi n° 39 qui
concernent les candidatures et la parité entre les hommes et les femmes.
Certaines personnes ayant comparu devant la présente commission ont soulevé la
possibilité de permettre la double candidature dans le cadre d'une élection
tenue selon le nouveau mode de scrutin. Je souhaite vous sensibiliser aux
conséquences d'un tel choix principalement en ce qui concerne l'encadrement des
dépenses électorales.
Il m'importe de rappeler que les grands
principes qui sous-tendent les règles en cette matière sont l'équité et la
transparence, d'où l'importance du contrôle des dépenses électorales et de la
limite devant être respectée, ainsi que l'obligation de reddition de comptes
juste et complète reflétant la réalité. Si la double candidature est permise,
nous devrons nous assurer que ces grands principes seront respectés afin de
garantir l'intégrité du processus électoral. Une analyse des règles actuelles
s'imposerait, et mon équipe est évidemment disposée à collaborer à cet
exercice.
Le projet de loi introduit deux nouvelles
obligations pour les partis politiques : la production d'un énoncé
indiquant les objectifs que se fixe le parti quant au nombre de femmes et
d'hommes qu'il entend présenter à l'élection et la production d'un rapport qui
rend compte de l'atteinte de ces objectifs. Ces obligations s'apparentent à
l'une des recommandations que nous avons formulées dans l'étude Femmes et
politique,publiée en 2014. Nous proposions alors que les partis
produisent un plan visant à favoriser une meilleure représentation des femmes
au sein de leurs candidatures et de leurs élus.
Le projet de loi prévoit notamment que, si
un parti politique ne produit pas l'énoncé ou le rapport dans des délais établis
ou si ces documents ne contiennent pas les informations prescrites, le
Directeur général des élections peut retirer l'autorisation de ce parti. Si le
retrait d'autorisation survenait au cours de la période électorale, les
personnes candidates de ce parti devraient alors faire campagne comme candidats
indépendants et ils devraient respecter les responsabilités qui y sont
associées en matière de financement politique et de gestion des dépenses
électorales. Si le retrait de l'autorisation avait lieu après la période
électorale, les députés élus sous la bannière du parti politique devraient <siéger...
M. Reid
(Pierre) :
...les personnes
candidates de ce parti devraient alors faire campagne comme candidats
indépendants et ils devraient respecter les responsabilités qui y sont
associées en matière de financement politique et de gestion des dépenses
électorales. Si le retrait de l'autorisation avait lieu après la période
électorale, les députés élus sous la bannière du parti politique devraient >siéger
comme indépendants à l'Assemblée nationale. Considérant que le retrait
d'autorisation est une sanction liée aux exigences légales touchant le
financement politique, j'estime qu'afin de respecter la cohérence de la Loi
électorale le retrait d'autorisation ne devrait pas constituer une sanction
applicable à la production de cet énoncé et de ce rapport. Je tiens à rappeler
que cette sanction ne concerne pas l'atteinte des objectifs que se fixe le
parti politique quant à la proportion de femmes parmi ses candidatures, il vise
uniquement la production de l'énoncé ou du rapport ainsi que leur dépôt dans
les délais prévus.
Même si le projet de loi n° 39 ne
définit pas d'objectif minimal pour les partis politiques en matière de parité,
j'invite les partis à porter une attention particulière au rang qu'occuperont
les candidates sur leurs listes régionales, sans négliger les candidates dans
les circonscriptions. Plus généralement, j'encourage les partis politiques à
recruter des candidates et des candidats aux profils divers, ce qui peut
enrichir les débats politiques et, ultimement, inciter davantage de personnes à
exercer leur droit de vote.
Concernant le cadre spécifique proposé
pour la tenue d'un référendum sur le mode de scrutin simultanément à une
élection générale, je souhaite vous faire part de mes préoccupations à l'égard
du processus de désignation des camps référendaires et des moyens financiers
dont ils disposeraient pour effectuer une campagne référendaire nationale. Il
m'importe également de vous exposer ma vision quant à l'information aux
électrices et aux électeurs dans ce contexte référendaire.
Le projet de loi n° 39 prévoit que
j'aie la responsabilité de désigner les deux camps référendaires qui
représenteront les deux options selon certains critères établis. Toujours selon
le projet de loi, une évaluation qualitative des demandes soumises est
nécessaire afin de rendre une décision. Évidemment, nous mettrons tout en
oeuvre afin que ce processus soit le plus transparent possible et qu'il soit
réalisé de façon objective. Toutefois, afin d'éviter toute impression de
partialité du Directeur général des élections dans ce processus, je suis d'avis
que le mécanisme de désignation des camps référendaires devrait exclure toute
forme d'évaluation qualitative des demandes admissibles. Nous sommes
naturellement disposés à participer à une réflexion à cet égard afin de trouver
d'autres pistes de solution.
En ce qui concerne les moyens financiers
dont disposeront les camps référendaires, le projet de loi prévoit un
financement public de 850 000 $
pour chaque camp. Les camps pourront recueillir des contributions d'un maximum
de 200 $ par électeur ou électrice à partir du 1er février 2022. Nous
ne pouvons évidemment pas prévoir les sommes qui seront ainsi recueillies par
les camps référendaires, mais n'oublions pas que ces mêmes électeurs pourront
contribuer à un parti politique pour un montant similaire au cours de la même
période. À titre de comparaison avec le financement qui a été accordé lors du
dernier référendum, en 1995, en considérant également le montant maximal que
pourra dépenser un camp référendaire, soit 1,7 million de dollars durant
une campagne de cinq mois, je me permets d'affirmer que les moyens financiers
des camps référendaires sont limités. Lors du référendum de 1995, chaque camp
avait reçu une subvention d'un peu plus de 2,5 millions pour une période
référendaire de 29 jours.
L'information est un facteur déterminant
de la participation électorale. Le mode de scrutin est un sujet avec lequel de
nombreux électeurs sont peu familiers. Le fait que le référendum soit prévu en
même temps qu'une élection générale pose un défi additionnel en matière
d'information aux électrices et aux électeurs. Le projet de loi n° 39
prévoit que le Directeur général des élections doit mener une campagne
d'information publique concernant la tenue du référendum sur la réforme du mode
de scrutin et qu'il doit faire toute publicité qu'il juge nécessaire. C'est
pourquoi, dans le cadre de ce référendum, en plus de l'information habituelle
que je communique aux électeurs, par exemple sur les modalités de vote
offertes, et les jours, et les heures pour voter, j'entends diffuser à travers
le Québec une campagne d'information publique qui explique les modalités du
référendum, du mode de scrutin actuel et du nouveau mode de scrutin proposé.
Les électeurs et les électrices doivent avoir accès à une information non partisane
et objective décrivant ces modes de scrutin. Il appartiendra aux camps
référendaires d'exposer les arguments en faveur et en défaveur du nouveau mode
de scrutin soumis au référendum.
• (15 h 10) •
En terminant, je souhaite, par les
recommandations présentées dans le mémoire qui vous a été remis, vous fournir
des pistes de réflexion et d'amélioration pour le projet de loi n° 39.
Elles visent à assurer le bon déroulement des opérations nécessaires à la tenue
du référendum qu'il prévoit ainsi qu'à l'organisation d'une élection sous un
nouveau mode de scrutin. Plusieurs recommandations formulées dans ce mémoire
ont également pour but d'améliorer le processus électoral, et ce,
indépendamment d'une réforme du mode de scrutin. Je veux m'assurer, avec mon
équipe, que les personnes candidates, les partis politiques et les autres
acteurs, par exemple ceux qui seront au coeur de la campagne référendaire,
soient adéquatement informés et <outillés pour...
M. Reid
(Pierre) :
...
dans ce mémoire ont également pour
but d'améliorer le processus électoral, et ce, indépendamment d'une réforme du
mode de scrutin. Je veux m'assurer, avec mon équipe, que les personnes
candidates, les partis politiques et les autres acteurs, par exemple ceux qui seront
au coeur de la campagne référendaire, soient adéquatement informés et >outillés
pour agir dans le respect des règles établies. Les électrices et les électeurs
étant au coeur de nos préoccupations, je veillerai, avec mon équipe, à ce
qu'ils aient facilement accès à toute l'information leur permettant d'exercer
leur droit de vote de façon éclairée, que ce soit dans le cadre d'un référendum
ou lors des premières élections tenues sous un nouveau mode de scrutin. Je vous
remercie de votre attention.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, M. le directeur général. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci, M. le
Président. Merci d'être présents. Votre rapport est certainement important.
Vous allez être au coeur, naturellement, de l'application de ce nouveau mode de
scrutin, si tant est qu'on y parvienne. Plusieurs... Je vais peut-être... Votre
mémoire est quand même assez bien étoffé, beaucoup de technicalités. Donc, je
ne veux pas aborder les technicalités de façon particulière, je pense que ce
n'est pas l'objectif, et j'ai peu de temps, donc je vais peut-être mettre
l'accent sur certains aspects. Plusieurs groupes qui... pardon. À la page 59
de votre mémoire, entre autres, vous dites aussi : «Le cadre référendaire
proposé par le gouvernement pour la tenue de scrutins simultanés ne pose pas
d'enjeux majeurs d'application», selon le DGE, naturellement. Vous mentionnez :
«Le fait que la qualité d'électeur soit la même [...] et que l'exercice du vote
se fasse selon les mêmes modalités et lors d'une seule visite facilite
grandement l'administration des scrutins.» Donc, vous ne voyez pas d'enjeux
techniques à tenir un référendum en même temps qu'une élection, c'est exact?
M. Reid
(Pierre) : Il n'y a pas d'enjeu.
Mme LeBel : Parfait. O.K.
Compte tenu de tout ça, certains groupes nous ont fait part, surtout dans le
cadre d'un référendum et surtout quand on parle d'un changement de mode de
scrutin qui peut quand même être assez... bon, qui est très important, mais
qu'il faut expliquer à la population, il est prévu, dans le projet de loi, que
vous ayez une obligation d'informer, d'informer de façon objective,
naturellement, sur les modalités et non pas de prendre position, on comprend
très bien... je comprends très bien la nuance. Mais les groupes nous ont parlé
de cette importance-là, que l'information, à tout le moins, sur les deux modes
proposés... parce que ce qu'on propose, dans le fond, c'est de maintenir le
statu quo, le mode actuel, ou d'aller vers un autre mode tel que présenté dans
le projet de loi, et beaucoup nous ont fait part de l'importance de cette
information-là.
Je vais me permettre de citer un article
de LaPresse, mais je veux voir ce que vous en dites, l'article
de Fanny Lévesque, qui dit que... et elle paraphrase, naturellement, mais je
veux un petit peu avoir votre input là-dessus, elle dit : «Le DGEQ
souligne dans son mémoire que la réforme anticipée "implique plusieurs
changements importants" — bon, je pense qu'on est tous d'accord — et
qu'il devra "prendre soin" de les communiquer adéquatement. Selon
lui, la Loi électorale actuelle ainsi que les changements prévus dans le projet
de loi n° 39 "ne sont pas suffisants pour lui permettre de remplir
adéquatement son rôle en matière d'information". Il réclame "une plus
grande latitude" en proposant que les moyens de communication à sa
disposition ne soient plus précisés dans la loi, ce qui lui offrirait davantage
de flexibilité. Selon lui, la loi actuelle l'empêche "de suivre l'évolution
normale" des moyens de communication.»
Alors, comme on a un souci que vous ayez
l'espace ou la capacité d'informer adéquatement, quels sont... peut-être nous
entretenir plus précisément des modalités que vous voudriez voir modifiées ou
qu'est-ce qu'on pourrait faire pour vous faciliter la tâche en matière
d'information.
M. Reid
(Pierre) : En fait, si... il y a peut-être deux volets. Pour le
volet de tenir un référendum et une élection en même temps, je dirais, il n'y a
pas d'enjeu particulier, si ce n'est le défi, comme je l'ai lu précédemment, de
bien informer les électeurs. Il est vrai que la campagne référendaire va quand
même débuter avant la période électorale, et on mettra tous les... on trouvera
tous les moyens nécessaires pour bien informer les électeurs et les électrices.
L'article auquel vous référez, c'est parce qu'il y a également des
recommandations qu'on a déjà faites et qu'on ferait même en l'absence, là,
d'une réforme du mode de scrutin. C'est que la Loi électorale, elle est très prescriptive
sur les moyens. On doit envoyer une carte d'avis, on doit envoyer un manuel à
l'électeur, elle est très prescriptive. Et ce qu'on demande, c'est de laisser
au Directeur général des élections plus de flexibilité dans les moyens pour
informer autant les partis politiques que les électeurs et les électrices. En
gros, c'était un peu ça, oui.
Mme LeBel : À titre
d'information, puis pour illustrer, parce qu'on... Vous connaissez très bien
votre travail. Peut-être que, pour les gens, c'est moins concret. Quels sont...
Qu'est-ce que la loi actuelle et même le projet de loi n° 39, avec les
modifications, vous empêcheraient de faire comme campagne d'information ou
comme moyen d'information qui pourrait être approprié dans le cas d'un
référendum?
M. Reid
(Pierre) : Bien, je vais vous donner...
Mme LeBel : À titre
d'exemple, là.
M. Reid
(Pierre) : Oui, bien, en fait, un référendum, c'est que, si on
nous laisse... Dans le fond, là, s'il n'y a pas de... C'est les moyens qui sont
prévus dans la loi. Et, quand on regarde les recommandations que je propose, on
suggère des choses, de remplacer, de ne pas s'en tenir aux moyens, mais c'est
une obligation d'informer. Je vais citer une recommandation qu'on fait depuis,
je pense, trois ans. En période électorale, et ça, c'est sur le terrain, il y a
des électeurs, des électrices qui m'avaient formulé <cette idée...
M. Reid
(Pierre) :
...les
recommandations que je propose,
on suggère des choses, de remplacer, de ne pas s'en tenir aux moyens, mais
c'est une obligation d'informer. Je vais citer une
recommandation qu'on
fait depuis,
je pense, trois ans. En période électorale, et ça, c'est
sur le terrain,
il y a des électeurs, électrices qui m'avaient formulé >cette
idée aussi, c'était d'avoir une vitrine d'information des candidats et des
candidates sur notre site, que les candidats et candidates dans une circonscription
puissent afficher, dans le fond, avec photos et également leurs propres textes
sur leurs projets, leurs engagements afin de faciliter, pour les électeurs et
les électrices, de l'accès à l'information. Parce que, je pense, le sondage
qu'on a réalisé au lendemain de l'élection de 2018, si ma mémoire est bonne,
c'est plus du tiers, si ce n'est pas 35 % des gens, qui se seraient
abstenus d'aller voter par un manque d'information, et déjà... un manque
d'information à l'égard des candidats et candidates de leur circonscription.
C'est un exemple, là, d'avoir une vitrine, de nous permettre ce que la loi ne
permet pas, actuellement.
Mme LeBel : O.K. Donc,
nonobstant la réforme du mode de scrutin, vous pensez que la loi actuelle ne
vous donne pas assez de latitude en termes de communication de l'information, c'est
ça?
M. Reid
(Pierre) : Oui.
Mme LeBel : O.K., parfait.
Merci. Peut-être aller plus précisément dans le mode de scrutin lui-même, une
des recommandations que vous faites, je pense, la première même, est à l'effet
que la Loi électorale ne définisse pas de circonscription, que la CRE ait le
pouvoir de délimiter l'ensemble des circonscriptions. La position que nous
avons choisi d'adopter, c'est qu'on est partis des 17 régions. Effectivement,
si on regarde la philosophie du projet de loi tel que présenté, je l'ai
expliqué à plusieurs reprises, donc, il y a eu des arbitrages à faire, le poids
des régions versus la proportionnalité, mais ce n'est pas là-dedans que je veux
vous amener, là. Je veux vous dire qu'on a décidé de partir des 17 régions
administratives, puis, effectivement, le projet de loi demande à ce que les
circonscriptions soient dessinées à l'intérieur des régions administratives
actuelles, ce qui ferait en sorte que les régions administratives ne
bougeraient pas dans le temps.
Ce que vous semblez proposer, je veux
juste simplement comprendre la proposition, c'est donner, donc, plus de
latitude à la CRE pour la définition des 80 circonscriptions avec
l'utilisation d'un quotient provincial plutôt qu'un quotient régional. Et on
pourrait penser que le quotient, l'utilisation d'un quotient provincial,
pourrait favoriser, bon, peut-être l'égalité du vote de l'électeur,
effectivement, parce que le poids démographique des circonscriptions et des
régions serait peut-être mieux balancé, mais ça pourrait faire en sorte que les
limites de ces régions-là ainsi que les limites des circonscriptions... Puis on
connaît les tollés que ça peut soulever ou les commentaires que ça peut
soulever à chaque fois qu'on élimine une circonscription pour des raisons
démographiques ou qu'on change les limitations d'une circonscription. Je viens,
d'ailleurs, de la circonscription de Champlain, qui, à l'élection précédente,
n'était pas la même, et, à l'élection précédente, on était cinq. Donc, ça fait
partie de ça, et c'est très... ça devient... c'est toujours un débat qui est
assez enflammé, disons-le comme ça.
Mais ce que vous proposez, donc — est-ce
que je me trompe? — pourrait faire en sorte que, par des mouvements
démographiques, les circonscriptions changent, mais les délimitations des
régions aussi, pour les fins des députés de région, évoluent au fil de la
démographie, là? Je ne veux pas être simpliste, mais ça semble être ça, là.
M. Reid
(Pierre) :Oui, bien, en fait, le choix
qui a été fait, c'est d'établir, dans la loi, les régions administratives. Et
le travail qu'aura à faire, à ce moment-là, la Commission de la représentation
électorale, c'est que... dans chaque région, ça sera de dessiner, dans le fond,
les circonscriptions électorales, mais à partir d'une moyenne régionale, donc
de la moyenne de la région. Je pense que ce que vous amenez, je pense, c'est à
la fin, là, je pense, du chapitre, là, qui concerne la carte électorale, c'était
de dire : Bien, il y a peut-être la façon aussi, compte tenu de
l'évolution démographique... est-ce que, si on utilisait la moyenne
provinciale, donc, pour assurer une représentation effective, qu'un vote, par
exemple, à Montréal vaut autant qu'un vote en Gaspésie, bien là, à ce
moment-là, ce serait qu'on aurait à délimiter l'ensemble, là, des 125 circonscriptions
et, par la suite, les regrouper dans un nombre de régions?
Mme LeBel : Mais ce qui
pourrait faire, théoriquement, donner le... ce qui pourrait donner l'effet
théorique que la ligne des régions... Parce que nous, on les a fixées, les 17 régions,
ce sont les régions administratives telles qu'on les connaît. Et on demande
donc, effectivement, que la CRE dessine les circonscriptions à l'intérieur des
limites des régions, ce qui éviterait d'avoir, comme on a aussi au fédéral, une
circonscription à cheval sur deux régions ou le contraire, deux
circonscriptions dans une région... voyons, une circonscription qui peut être à
cheval... exactement le bon terme... à cheval sur deux régions — je
ne sais pas pourquoi je doute de moi-même comme ça. Mais il pourrait y avoir
aussi une mouvance dans le dessin des régions administratives comme telles, donc
la limite des régions pourrait bouger avec ce que vous proposez, théoriquement,
là.
• (15 h 20) •
M. Reid
(Pierre) :Bien, en fait, c'est deux
façons de <voir...
17
847
Mme LeBel : ...
le
bon terme... à cheval sur deux régions — je ne sais pas pourquoi je
doute de moi-même comme ça. Mais il pourrait y avoir aussi une mouvance dans le
dessin des régions administratives comme telles, donc la limite des régions
pourrait bouger avec ce que vous proposez, théoriquement, là.
M. Reid
(Pierre) :
Bien, en fait, c'est deux façons de >voir.
Dans le fond, avec ce qui est proposé, les régions sont fixes, sont établies
dans la loi. Et, s'il y avait une modification des régions administratives,
bien, administrativement, donc, si le gouvernement décidait de définir les
limites des régions, bien, la loi, il faudrait qu'elle s'adapte, ou on
continuerait de vivre avec les 17.
Mais, dans le fond, l'une ou l'autre, je
pense que ça dépend du choix qui est fait. Pour nous, on est capables de
travailler avec les deux modèles, si on peut dire, là. C'est que l'un... Je
veux dire, ce qu'on dit, à un moment donné, si on a à déterminer l'ensemble des
125 circonscriptions, on va travailler sur une moyenne nationale ou provinciale
comme on le fait actuellement, et c'est pour ça, d'ailleurs, je pense qu'il y a
quatre ou cinq circonscriptions, au Québec, qui chevauchent deux régions
administratives, à moins que je me trompe. Mais là n'est... Dans le fond, notre
travail, c'est qu'on va le faire à l'intérieur de chaque circonscription, et ce
qui ne nous empêchera pas d'avoir... d'établir des circonscriptions
d'exception. Et je pense que le travail de la circonscription ne sera pas plus
compliqué qu'il peut l'être, actuellement.
Mme LeBel : Merci. Bon,
je ne vous demande pas nécessairement d'être précis à la virgule près, là, mais,
de façon générale, combien coûte une élection?
M. Reid
(Pierre) : Pardon?
Mme LeBel : De façon
générale, combien coûte une élection?
M. Reid
(Pierre) : L'élection de 2018 a coûté presque 94 millions.
Mme LeBel :
94 millions.
M. Reid
(Pierre) : Oui.
Mme LeBel : Parfait. Un
référendum, est-ce qu'on peut anticiper qu'un référendum seul coûte à peu près
la même chose?
M. Reid
(Pierre) : Non. Seul, c'est à peu près 77, 78 millions.
Mme LeBel : Le
référendum.
M. Reid
(Pierre) : Le référendum seul. Puis, si vous le combinez avec
l'élection, on ajoute presque 12 millions.
Mme LeBel : Donc, ce
serait... Le coût du référendum, finalement, combiné devient 12 millions
au lieu de 77 si on le fait seul, c'est ça?
M. Reid
(Pierre) : En fait, le 12 millions va s'ajouter aux
94 millions.
Mme LeBel : Donc, le coût
du référendum, quand on le combine à une élection, est de 12 millions,
mais, si on le fait à l'extérieur d'une élection, il est de 77 millions,
c'est ça?
M. Reid
(Pierre) : C'est ça.
Mme LeBel : Parfait. Merci.
À moins que mes collègues aient d'autres questions, ça va aller pour moi.
Le Président (M. Bachand) :
Ça va, du côté ministériel? Alors, M. le député de LaFontaine, s'il vous
plaît.
M. Tanguay
: Merci,
M. le Président. Merci beaucoup. Merci à vous d'être ici pour répondre à nos
questions. J'aimerais que l'on regarde, justement, à la page 11 de votre
mémoire, j'ai trouvé un extrait particulièrement intéressant. Puis l'objectif
de la commission parlementaire, ici, dans les auditions, justement, c'est de
prévoir le travail qui est en amont lorsqu'on sera en article par article. C'est
important de savoir c'est quoi, les défis, les écueils, les drapeaux rouges. Si
on ne le sait pas, on pourrait faire fausse route.
Page 11, à partir du deuxième
paragraphe, je vais prendre le temps de citer les deux paragraphes : «Le
mécanisme de répartition a tendance à allouer un nombre de sièges plus élevé
aux régions peu populeuses par rapport à leur poids électoral. C'est le cas,
notamment, des régions de l'Abitibi-Témiscamingue, de la Côte-Nord et du
Centre-du-Québec, qui, selon les données de la liste électorale permanente,
obtiennent chacune un siège de plus que leur poids électoral. À l'inverse, la
méthode tend à allouer moins de sièges aux régions plus populeuses, telles que
[...] Montréal et [...] Montérégie, qui obtiennent respectivement trois et deux
sièges de moins que leur poids électoral.»
Le deuxième paragraphe, là, je le cite, il
est particulièrement important : «Toutefois, précisons que toute méthode
de répartition aurait pour effet d'avantager ou de désavantager certaines
régions, notamment parce que le projet de loi prévoit que les sièges sont
répartis entre des régions électorales fixes dont la population varie de
manière importante.» Fin de la citation.
Autrement dit, ce que vous proposez, et
j'aimerais ça que vous l'expliquiez, qui est une autre façon de fonctionner et
qui nous permet de diminuer cet écueil-là — on sait qu'il n'y a pas
de système parfait, là, mais il y a quand même un écueil dans ce qui est
proposé dans le projet de loi n° 39 — ce
serait, plutôt que de s'encarcaner, j'utilise... puis ce n'est pas
nécessairement péjoratif, là, de se limiter dans les 17 régions
administratives, de faire l'exercice par la Commission de représentation
électorale, la CRE, d'établir les 20 circonscriptions, et après ça de regrouper
les circonscriptions à travers d'entités régionales, ce qui ferait en sorte
qu'on pourrait mieux respecter les critères de l'établissement d'une
circonscription, à savoir les données sociologiques, et ainsi de suite, là.
M. Reid
(Pierre) : En fait, ce que vous dites, c'est qu'il y aurait... Dans
le fond, là, on déterminerait les régions administratives une fois qu'on aurait
établi les circonscriptions.
M. Tanguay
: Oui.
Ça pourrait être une approche, selon vous?
M. Reid
(Pierre) : Oui, bien, c'est un choix. Ici, dans le fond, le
choix qui a été fait dans le projet de loi, c'est que... Puis c'est pour ça,
quand on dit que le mécanisme de répartition a tendance à allouer un nombre de
sièges plus élevé aux régions peu populeuses... C'est sûr qu'en partant on
attribue déjà un siège, là, de circonscription aux 17 régions, plus les Îles-de-la-Madeleine,
18, et on fait la même chose du côté des circonscriptions de... en fait, des
régions, où on alloue <un...
M. Reid
(Pierre) :
...
peu populeuses... C'est sûr qu'en
partant on attribue déjà un siège, là, de circonscription aux 17 régions, plus
les
Îles-de-la-Madeleine, 18, et on fait la même chose du côté des
circonscriptions de... en fait, des régions, où on alloue >un siège par
région, 16, parce qu'on exclut le Nord-du-Québec, mais c'est un choix. L'un ou
l'autre, c'est l'alternative, là, dont on parlait plus tôt, mais, comme je vous
dis, pour la Commission de la représentation électorale, que ce soit le choix
proposé dans le projet de loi n° 39 ou bien le choix dont vous faisiez
part et qu'on indique dans notre mémoire, l'un ou l'autre, la commission est en
mesure de travailler, là, de réaliser son mandat.
M. Tanguay
: Et mon
point, il n'est pas sur l'aspect technique, dans le genre l'impossibilité
technique de le faire, mon point n'est pas là-dessus. Mon point... et je fais
du pouce sur cette lancée-là, et je vais d'abondant dans votre mémoire, à la
page 13, on peut voir que vous avez compté les écarts types par région de
plus ou moins 25 %. Autrement dit, à l'heure actuelle, au Québec, sauf
exception, puis il y en a, des exceptions, mais allons d'abord... établissons
d'abord la règle, c'est qu'une circonscription, comparée à une autre...
comparée à la moyenne, pardon, nombre d'électeurs divisé par 125, ne peut pas,
puis c'est le principe général, être plus basse ou plus élevée que 25 %,
des variations plus ou moins 25 % sur le nombre d'électeurs, comparé à la
moyenne provinciale. Le projet de loi ferait des moyennes régionales. Et je
pense que c'est ce que traduit votre tableau, figure 5, à la page 13.
Et on peut voir que la moyenne régionale... je prends l'exemple
d'Abitibi-Témiscamingue puis je vais la comparer avec Montérégie. L'Abitibi-Témiscamingue
a en moyenne, dans la région, évidemment, calculé sur les données disponibles,
là, 56848 électeurs.
Si l'on fait le moins 25 % de ça, parce que c'est la moyenne régionale qui
va être déterminante pour évaluer le plus ou moins 25 %, si je prends la
moyenne inférieure, c'est-à-dire la limite inférieure en Abitibi, 75 % de
56848, donc moins
25 %, en moyenne, ça, en gros, c'est 42600;
et, si je fais le plus 25 % de Montérégie, qui a une moyenne, au départ,
de 84589, le
125 %, le plus 25 %, est à 105700,
j'arrondis.
Donc, au Québec, et j'aimerais vous
entendre là-dessus, ça a toujours été un discours excessivement important et
déterminant que mon vote, qu'il soit en Abitibi ou en Montérégie, ait
sensiblement... ça ne sera jamais du un pour un, mais ait sensiblement le même
poids. Or, la limite inférieure en Abitibi est à 42600, et la limite supérieure en Montérégie
sera de 105700.
Vous voyez, là, qu'il y a un écueil où, à la situation actuelle, où c'est plus
ou moins 25 % pour les 125, là, on est rendus dans des écarts
excessivement énormes, on est à au-dessus de 100 % lorsqu'on compare les
possibilités d'écarts admissibles. J'aimerais vous entendre là-dessus, sur la
représentativité. C'est le pivot de notre loi électorale, que mon vote en
Abitibi et mon vote en Montérégie soit comparativement avec le même poids.
M. Reid
(Pierre) : Mais je vous dirais que c'est la situation actuelle,
indépendamment de la réforme du mode de scrutin. En fait, le défi... Quand on regarde
le Québec, c'est un grand territoire avec des populations qui sont dispersées
sur le territoire et que c'est à ce moment que... Et, lorsqu'on vient pour
établir une carte électorale en essayant, je dirais, de tendre vers une
représentation effective des électeurs et des électrices, bien, vient un moment
où c'est difficile, et c'est pour ça qu'on en arrive à avoir à établir des
circonscriptions d'exception, donc des circonscriptions qui sont, en fait, en
bas du 25 %. On en a six au Québec, sept, si on peut... parce qu'avec les
Îles-de-la-Madeleine, là, vous êtes encore, encore plus loin, là, on est dans
du 80 %... moins 87 %... moins 77 %. Mais c'est la réalité, là,
de...
11 789 M. Tanguay:
Oui, mais êtes-vous d'accord avec moi que, là, on exacerbe ces écarts-là par
cette approche-là? Les écarts vont être, de façon générale, beaucoup plus
grands par cette approche dite régionale, force est de constater.
M. Reid
(Pierre) : Non.
Une voix
: C'est une
autre approche.
M. Reid
(Pierre) : C'est une autre approche. Mais, quand vous regardez,
en tout cas, les simulations qu'on a pu faire et même que vous pouvez voir dans
notre mémoire, la répartition des sièges ou des... ça ne change pas tant que
ça.
M. Tanguay
: Je
vais revirer ma question de bord. N'êtes-vous pas d'accord avec moi que les
écarts permissibles seront beaucoup plus grands?
M. Reid
(Pierre) : En fait, quand vous regardez ce qui est proposé, Montréal
perd trois... en fait, Montréal a trois circonscriptions de moins, et je pense
que la Montérégie, je pense, a une circonscription de moins, et ces...
Une voix : ...
• (15 h 30) •
M. Reid
(Pierre) :...quatre, et ces
circonscriptions-là iront <en Outaouais, en...
>
15 h 30 (version révisée)
< M. Reid
(Pierre) :
...ce qui est proposé,
Montréal perd
trois... en fait,
Montréal a trois
circonscriptions de moins, et
je
pense que la
Montérégie,
je pense, a une circonscription de moins,
et ces...
Une voix : ...
M. Reid
(Pierre) :
...quatre, et ces circonscriptions-là iront >en
Outaouais… je pense, c'est dans le Centre-du-Québec, en Mauricie puis peut-être
Lanaudière.
M. Tanguay
: M. Reid,
question très simple : N'êtes-vous pas d'accord avec moi que, tel
qu'illustré, les écarts permissibles seront beaucoup plus grands sur ce modèle
que ce n'est le cas actuellement, les plus ou moins 25 %? Je pense qu'il
faut dire oui, je vois votre conseillère à votre droite, là.
M. Reid (Pierre) :
Oui, mais en fait c'est ça...
M. Tanguay
: C'est
parce que, si on se... pas d'accord là-dessus, là, c'est un dialogue de sourds.
Je vous respecte, M. Reid, mais il faut que vous me donniez au moins ça,
là.
M. Reid (Pierre) :Mais c'est parce que la première étape, c'est...
M. Tanguay
: C'est
parce que…
M. Reid (Pierre) :
Oui?
M. Tanguay
: …pas
là-dessus, ça…
M. Reid (Pierre) :
C'est parce que ce qu'on va faire, c'est qu'on va… Dans le fond, l'étape qu'on
fait, c'est qu'on répartit, dans le fond, les sièges selon le poids électoral,
là.
M. Tanguay
: Il me
reste 1 min 30 s. Je suis tout à fait d'accord avec vous, mais
accordez-moi une chose, c'est que la loi va permettre, peut-être, en théorie… peut-être
là où on diverge, mais la loi va permettre des écarts beaucoup plus grands
entre une circonscription et l'autre, oui, sur le calcul des plus ou moins
25 %, je viens de vous en faire la démonstration.
Je vais revirer ça de bord. N'est-il pas
vrai que, si d'aventure une circonscription serait légalement admissible en
vertu du nouveau modèle, en Abitibi, si elle avait 42 600 électeurs, oui,
parce qu'elle serait dans la mesure du moins 25 %, et qu'en Montérégie il
pourrait y avoir 105 000 électeurs, oui, parce qu'elle serait... n'est-il
pas vrai qu'on pourrait avoir, théoriquement, de telles situations?
M. Reid (Pierre) :
En fait, moi, je vous dirais que j'aimerais mieux faire le calcul puis
vérifier, mais je pense qu'en raison du fait que les régions sont fixes, là… En
fait, on vient, dans le fond, de... Que ce soit la Montérégie, que ce soit
l'Abitibi ou les autres, c'est qu'on va devoir travailler à l'intérieur, là, de
la région.
M. Tanguay
: La
possibilité existe, la possibilité existe.
M. Reid (Pierre) :
Actuellement, ce qu'on peut... ce qu'on veut faire en vue de favoriser soit les
communautés naturelles et l'équilibre au niveau du nombre d'électeurs entre les
circonscriptions… Et c'est pour ça que je mentionnais tantôt que, sur la carte
électorale actuelle, il y a quatre ou cinq circonscriptions qui viennent
chevaucher…
M. Tanguay
: Mais
c'est théoriquement possible sous ce modèle-là, ce qui n'est pas le cas,
actuellement. N'êtes-vous pas... Vous êtes d'accord avec ça?
M. Reid (Pierre) :
Actuellement, peut-être que les écarts sont moins…
M. Tanguay
: Non,
mais théoriquement, techniquement possible.
M. Reid (Pierre) :
C'est possible.
M. Tanguay
:
Dernière question — il me reste quelques secondes, merci, M. le
Président, quelques secondes : Est-ce que les députés sortants et les
candidats aux élections générales 2022 pourraient, selon vous, faire des
dépenses électorales dans le contexte du référendum, oui ou non?
M. Reid (Pierre) :
Ils pourront en faire avant le début de la période référendaire, mais, s'ils en
font en... ils ne peuvent pas en faire en période référendaire. Ils pourront en
faire en période électorale, mais, à ce moment-là, s'ils font des dépenses en
période électorale, ce sera considéré comme des dépenses électorales.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Merci,
M. Reid. Merci d'être avec nous aujourd'hui, merci de partager votre
expertise. Un de vos prédécesseurs, M. Blanchet, estimait, en 2005, que la mise
en place d'une réforme du mode de scrutin prenait entre 18 et 24 mois. Rapidement,
est-ce que vous partagez cette évaluation-là?
M. Reid (Pierre) :
Ça, on a regardé cette question-là, oui. À l'époque, le 18 à 24 mois... puis,
pour avoir parlé à M. Blanchet, il disait : Écoute, on a mis... j'ai
pu dire deux ans, mais il dit : Aujourd'hui, c'est avec... Entre autres,
là, quand on regarde les systèmes informatiques que nous avons, c'est là qu'il
y a un délai qui s'accroît par rapport à autrefois, mais...
M. Nadeau-Dubois : Est-ce
que vous êtes d'accord? Est-ce que c'est 18 à 24 mois? Sinon, quel serait le
délai de la mise en place d'une éventuelle réforme?
M. Reid (Pierre) :
C'est 30 mois minimum.
M. Nadeau-Dubois : 30
mois minimum.
M. Reid (Pierre) :
Oui.
M. Nadeau-Dubois :
Parfait.
M. Reid (Pierre) :
Bien, ce qu'on a déjà...
M. Nadeau-Dubois :
Parfait.
M. Reid (Pierre) :Dans le fond, on vous a déjà informés de ça.
M. Nadeau-Dubois : Merci.
J'ai peu de temps, je m'excuse, je ne veux pas vous brusquer.
Dans la mouture actuelle du projet de loi,
le projet de loi prévoit que vous commencez à travailler à la mise en place de
la réforme après un éventuel référendum positif, en 2022, qui serait simultané
à l'élection. Si, à cette élection, était élu un gouvernement minoritaire, dont
la durée de vie moyenne, au Québec, est de 18 mois, ne serions-nous pas en
danger qu'on n'ait pas le temps d'appliquer la réforme du mode de scrutin en
vue du scrutin subséquent?
M. Reid (Pierre) :
Oui.
M. Nadeau-Dubois : Ce
serait un risque réel, donc, que la réforme du mode de scrutin ne serait pas
valide pour le scrutin suivant celui de 2022 dans un scénario de gouvernement
minoritaire, et seulement au scrutin suivant celui-là?
M. Reid (Pierre) :
En fait, il y a un délai de 27 mois qu'on aurait de besoin, au lendemain de la
sanction, parce que c'est la carte électorale, là. La carte électorale, si on
maintient les dispositions telles qu'elles existent ou proposées, c'est deux
ans, c'est 24 mois.
M. Nadeau-Dubois :
Donc, il faut espérer un gouvernement majoritaire en 2022
pour s'assurer que 2022 soit le dernier scrutin mené sous le mode de scrutin
actuel?
• (15 h 40) •
M. Reid (Pierre) :
Bien, vous comprendrez, je n'y peux rien quant au futur <gouvernement, mais...
M. Nadeau-Dubois :
...donc,
il faut espérer un gouvernement majoritaire en 2022 pour s'assurer que 2022
soit le dernier scrutin mené sous le mode de scrutin actuel?
M. Reid (Pierre) :
Bien, vous comprendrez, je n'y peux rien quant au futur >gouvernement,
mais il… (panne de son) …à la population de décider, à ce moment-là. Mais,
nous, c'est sûr qu'en bas de 27 mois ce serait impossible.
M. Nadeau-Dubois : Donc,
si on voulait s'assurer que le scrutin suivant celui de 2022 soit sous le
nouveau mode de scrutin, la décision logique, ce serait de tenir le référendum
plus tôt, question d'avoir le temps, entre cedit référendum et le scrutin
post-2022, de l'appliquer, la réforme, de la mettre en place?
M. Reid (Pierre) :
C'est sûr que, s'il y a un référendum qui pouvait se tenir soit en 2021 ou en
2022, au printemps 2022, c'est possible.
M. Nadeau-Dubois : Ça
nous rajoute du temps. Merci.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Rimouski, s'il vous plaît.
M. LeBel : Merci, M. le
Président. Bonjour. Effectivement, je pense qu'il faudrait faire le référendum
plus vite. Faire un référendum en plein été, à travers les barbecues puis la
piscine, je pense que ce n'est pas une bonne idée, et ça… faire un référendum
avant, ça vaut les 67 millions.
Vous avez dit : En 1995, les deux
camps avaient 2 millions pour 29 jours. Vous dites là : Quatre mois,
850 000 $ par camp. Vous avez fait... vous trouvez que ce n'est pas une
bonne idée, j'ai compris que vous trouvez que ce n'est pas assez. Bien, j'aimerais
ça savoir pourquoi, qu'est-ce que vous en pensez.
Puis l'autre élément — je vais
poser deux questions — c'est : À votre proposition 20, vous
dites qu'il faut enlever toute évaluation qualitative des demandes d'OBNL. J'aimerais
ça que vous m'en parliez davantage. Parce que, là, le projet de loi fait en
sorte que les élus ne pourraient pas participer à la gestion des camps ou
participer... et là vous voulez enlever toute évaluation qualitative des
demandes. Ça fait que comment on peut s'assurer que les camps vont être bien
représentés? Comment vous voyez ça?
Ça fait que c'est deux questions : les
budgets aux camps et l'évaluation qualitative.
M. Reid (Pierre) :
Bien, les budgets… Naturellement, ma préoccupation, et, je pense, ça peut être
la préoccupation que vous avez sûrement, c'est que les électeurs, les
électrices soient bien informés et qu'on puisse en débattre en toute
connaissance de cause. Donc, si chaque camp référendaire veut vraiment lancer
une campagne d'information avec les moyens que nous avons aujourd'hui, qui sont
quand même différents que 1995, bien, il nous apparaît que le montant de
850 000 $ nous apparaît insuffisant. Bien sûr, nous aurons l'occasion
de faire une campagne nationale pour expliquer les deux modes de scrutin, mais
nous, on est d'avis que 850 000 $, là, c'est insuffisant.
Par rapport à l'évaluation qualitative,
bien, c'est fait… En fait, s'il y a seulement deux groupes qui se présentent,
un de chaque côté, il n'y a pas d'évaluation, ils sont admissibles selon les
critères prévus dans la loi. Bon, on les reconnaît, il n'y a pas d'évaluation.
S'il y en a plus d'un, bien là, on va les inviter... je vais les inviter à se
fusionner. S'ils refusent de se fusionner, là encore, je devrai faire une
évaluation de chacun. Et l'évaluation, c'est qu'on en arrive, là, à évaluer,
par exemple, la capacité des gens à faire une campagne, il y a une appréciation
que je dois faire. Et, là encore, c'est sûr qu'on pourrait mettre en place ce à
quoi on a pensé, un peu comme lorsqu'on lance un appel d'offres pour l'octroi
d'un contrat, avoir des comités de sélection, avoir des critères puis établir
un pointage, là. Mais moi, je vous dirais que, quant à moi, il y aurait d'autres
pistes de solution. Mais on comprend que... Puis l'autre, ce qui est prévu dans
le projet, s'il n'y a aucun groupe qui se présente, je lance un appel aux
électeurs qui manifesteraient un intérêt à former un groupe pour chaque camp
référendaire.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Fournier
:
Merci beaucoup pour votre présentation fort intéressante. Considérant que la
campagne référendaire va débuter le... débuterait, en vertu du projet de loi,
le 1er mai 2022, est-ce que vous considérez que ça sera suffisant pour bien
faire connaître, dans le fond, les deux positions?
M. Reid (Pierre) :
Bien, moi, je pense que je n'attendrai pas le 1er mai pour commencer la
campagne. Je pense qu'on va élaborer une stratégie pour, quand même, commencer
à sensibiliser les gens et pour vraiment qu'ils aient toute l'information
nécessaire et… mais moi, je pense que… puis de se retrouver les bons moyens
pour être capables de les rejoindre. C'est un défi de communication, de bien
faire comprendre les modalités des deux modes de scrutin pour que les gens en
arrivent à faire le choix le plus éclairé possible.
Mme Fournier
: Donc,
vous allez commencer la campagne d'information tout de suite après l'adoption
du projet de loi, on peut le comprendre?
M. Reid (Pierre) :Bien, peut-être pas le… Bien, en fait, il faudra élaborer, là,
il faudra... Naturellement, il n'y a rien qui se fera tant que la loi ne sera
pas sanctionnée, mais ça ne nous empêche pas de réfléchir à des choses.
Mme Fournier
:
Merci beaucoup. Puis comptez-vous mener une campagne contre la désinformation
pendant la campagne référendaire, dans l'éventualité où, par exemple, un camp
ou un <autre...
M. Reid (Pierre) :
Naturellement, il n'y a rien qui se fera tant que la loi
ne sera pas sanctionnée, mais ça ne nous empêche pas de réfléchir à des choses.
Mme Fournier
:
Merci beaucoup. Puis comptez-vous mener une campagne contre la désinformation,
pendant la campagne référendaire, dans l'éventualité où, par exemple, un camp
ou un >autre amenait, par exemple, des publicités qui pourraient être
fallacieuses sur le mode de scrutin?
M. Reid (Pierre) :
Non, la seule... j'aurais à intervenir pour la mauvaise information s'il y avait
de l'information qui circulait, par ailleurs, par rapport aux modalités du référendum,
les jours de vote, et tout. Mais, quant à... Je pense que vous parlez de
mauvaises informations sur ce qu'est un mode de scrutin. Non, je
n'interviendrais... Ça, ça appartiendrait aux deux camps référendaires à faire
les ajustements nécessaires, là, pour… s'il y a de fausses informations sur les
modalités d'un mode de scrutin ou l'autre.
Mme Fournier
:
Donc, vous n'interviendrez pas sur les... je veux dire, de façon neutre par
rapport aux modalités des modes de scrutin proposés?
M. Reid (Pierre) :
Bien, la seule chose, dans le fond, ce que je pense que je pourrais faire, c'est
que les gens seraient invités à venir sur, probablement, notre site ou de
regarder, de lire, là, comment est-ce qu'on a pu... quelles sont les modalités
de chaque mode de scrutin.
Mme Fournier
:
Merci.
Le Président (M. Bachand) :
Sur ce, merci infiniment de votre participation très éclairable.
Alors, sur ce, je suspends les travaux
quelques instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 15 h 41)
(Reprise à 15 h 46)
Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. La commission reprend ses
travaux. Nous accueillons maintenant M. Henry Milner, chercheur invité au
Département de science politique de l'Université de Montréal. Je rappelle que,
M. Milner, on n'a pas de document écrit, mais M. Milner est avec nous
pour une période de 10 minutes d'exposé et, après ça, une période d'échange. La
parole est à vous. Merci.
M. Henry Milner
M. Milner (Henry) : Bon,
bonjour, tout le monde. Je suis bien content d'être invité ici. Et, comme vous
avez dit, je n'ai pas un document écrit que j'ai à distribuer, peut-être parce
que j'ai fait l'erreur d'écouter toutes les… beaucoup des autres présentations
et même de lire pas mal beaucoup, où je n'ai pas assisté. Et j'ai décidé... au
lieu de revenir sur beaucoup de choses, un mémoire complet, je vais vraiment
insister sur les éléments que je trouve les plus intéressants, les plus importants,
où je peux, à cause de mes connaissances — je suis spécialiste sur
les pays européens, surtout les pays européens de l'Ouest et du Nord, et je
connais pas mal les systèmes de modes de scrutin différents dans des pays
démocratiques — donc, le plus possible, faire des échanges autour de
mes expériences, mes connaissances et poser les questions qui sont, à mon avis,
les plus pertinentes, à ce moment-là.
Donc, je veux juste insister sur un
principe, d'abord. Un mode de scrutin, ce n'est pas pour les élus, c'est pour
les électeurs. Et, pour moi, le principe fondamental, c'est que chaque
électeur, le plus possible, a la possibilité d'affecter le résultat. Et, dans
notre système, si vous habitez dans un territoire où votre parti est faible, en
effet, votre vote ne compte pas. Et le principe fondamental d'une réforme sur
la base proportionnelle, c'est que chaque vote compte. Votre vote, qui ne veut
rien dire dans votre comté, va quand même aider à élire quelqu'un, quelqu'une
dans votre région, O.K.? Et elle a des limites... si votre parti ne peut gagner
que 1 % de vote, il y a des limites, mais le principe est là, et il ne
faut jamais oublier ce principe-là.
Bon, et moi, je connais très bien le
système compensatoire. J'ai été, même, en Nouvelle-Zélande au moment que ce
système-là était mis en application, et aussi j'ai visité plusieurs fois
l'Écosse, l'Allemagne, etc., donc je connais ces systèmes-là pas simplement en
principe, mais dans l'expérience concrète.
Donc, sur le projet de loi n° 39,
d'abord, je veux dire qu'il y a un progrès important. Même si je suis pas mal
critique, comme vous allez voir, c'est quand même une amélioration sur ce qu'on
a maintenant et surtout à cause de ce principe-là. Plus d'électeurs québécois
qui, maintenant, se trouvent dans une situation où leur vote ne compte pour
rien parce qu'ils se trouvent dans un district où leur candidat, leur parti n'a
aucune chance à gagner auront une meilleure chance d'affecter le résultat, et
ça, c'est déjà un progrès. À partir de cette constatation, je vais commencer un
peu mes critiques. Mes critiques sont pas mal connues, j'ai travaillé avec le
MDN sur son propre mémoire et j'ai été impliqué, même — vous voyez
mon âge — à des projets de réforme pendant les
derniers 35 ans.
• (15 h 50) •
Donc, je commencerais avec les deux
amendements, d'après moi, fondamentaux, ça ne va pas vous surprendre. D'abord,
le 10 %, le seuil de 10 %, c'est vraiment <inacceptable...
M. Milner (Henry) :
... les derniers 35 ans.
Donc, je commencerais avec les deux
amendements, d'après moi, fondamentaux, ça ne va pas vous surprendre. D'abord,
le 10 %, le seuil de 10 %, c'est vraiment >inacceptable. Le seul
pays où il y a des élections où ça existe que je connais, c'est la Turquie, et
c'était introduit exactement par le gouvernement, qui n'est pas très, très démocratique,
on peut dire, parce qu'il y avait des partis d'opposition qui ne pouvaient pas
chercher 10 %. Alors, ce n'était pas compliqué, ils l'ont fait pour des
raisons tout à fait partisanes, et c'est le seul. Dans les autres pays où il y
a un seuil, ce n'est jamais plus que 5 %. Donc, d'où vient le 10 %?
Je dois dire que j'ai trouvé ça surprenant.
Le deuxième, encore une fois, et ça, c'est
plus compliqué, c'est cette idée-là d'une prime au vainqueur. Ça, c'est aussi
assez original. J'ai essayé de trouver un autre pays démocratique où ça se
trouve, je n'ai pas trouvé. Et donc je vais essayer un peu d'expliquer comment
ça fonctionne et pourquoi ce n'est pas nécessaire. D'abord, il faut savoir
qu'on a déjà un prix au vainqueur sans la prime au vainqueur artificielle qu'on
impose dans le projet n° 39. C'est parce que les
partis qui sont plus forts, quand il n'y a qu'un tiers des sièges de
compensation, quand il y a des régions avec peu de sièges, il y a déjà une
prime au vainqueur. J'ai regardé l'Écosse, qui est le pays avec un système le
plus proche à ce qu'on propose, où il y a neuf régions, dans chaque région, il
y a 16 sièges, neuf sièges de district et sept sièges de compensation, et, dans
les deux dernières élections, le parti nationaliste écossais a gagné. Dans un
cas, ils ont cherché 44 % de vote et la majorité des sièges, dans l'autre
cas, ils ont cherché 46 % des votes et une minorité de trois sièges. Donc,
dans notre système, dans le système compensatoire avec des régions, surtout des
régions qui ne sont pas très grandes, il y a déjà une prime au vainqueur. Et
ça, c'est légitime, parce que ce n'est pas fait pour avoir une prime au
vainqueur mais pour d'autres raisons, pour permettre aux gens d'avoir des
régions qui correspondent à la réalité. Donc, qu'on ajoute une prime au
vainqueur artificielle...
Et moi, j'ai fait une expérience
simplement pour regarder si le vote, il y a deux ans, aurait été... on aurait
utilisé la prime au vainqueur dans une des régions. J'ai pris la région
Laurentides, où il y a 10 sièges. Si on aurait imposé la prime au vainqueur
avec les résultats de 2018, le résultat aurait été le suivant : le parti
CAQ a gagné 47 % de vote, aurait gagné déjà six, parce que, la dernière
fois, ils ont gagné tous les 10, donc, cette fois-ci, ils auraient gagné six,
O.K., et les autres quatre votes, quatre sièges auront... le septième siège
aurait... excusez-moi, le neuvième siège aurait allé à la CAQ, pas aux
libéraux. Les libéraux, même avec 14 % de vote, n'auront pas gagné aucun
siège. 14 % avec 10 sièges, aucun siège pour les libéraux. Sept sièges,
pour la CAQ, sur 10 avec 47 %. C'est ça que ça donne avec les résultats
qu'on a eus la dernière fois. Est-ce que ça, c'est légitime? Je ne comprends
pas. Oui, il y a une prime au vainqueur, on a vu, la CAQ gagne déjà six sièges
avec 46 %. Pourquoi leur donner un autre siège pour enlever un siège aux
libéraux pour donner à la CAQ avec ce moyen artificiel? Ça, je ne comprends pas
du tout. Alors, ce sont vraiment mes deux critiques les plus importantes.
Aussi, je ne comprends pas du tout
pourquoi on doit avoir... on ne peut pas avoir deux types de... excusez-moi — c'est quoi, l'expression que je cherche? — qu'on
élise séparément... non, que les candidats peuvent être des candidats de liste
et des candidats du district. Encore <une fois, je ne...
M. Milner (Henry) :
…c'est quoi, l'expression que je cherche?
— qu'on élise
séparément... non, que les candidats peuvent être des candidats de liste et des
candidats du district. Encore >une fois, je ne comprends pas du tout, ça
ne donne rien. Et c'est beaucoup mieux, maintenant, que chaque candidat, même
pour un parti qui n'a aucune chance de gagner un siège de district, soit invité
de se présenter dans un district. Cette personne-là ne sera pas élue mais, quand
même, aura une identité concrète dans un des districts de la région, donc. Mais,
si on parle de quelqu'un qui représente un petit parti qui peut chercher,
disons, 15 %, 20 % de vote, c'est bon que cette personne-là soit élue
au niveau de la région parce que le parti... l'appui est distribué d'une façon
assez large. Alors, ça, c'est le troisième élément, donc, sur lequel j'ai des
problèmes avec la proposition. J'aurais d'autres, mais je n'ai pas le temps, alors,
merci.
Le Président (M. Bachand) :
On va profiter, d'abord... d'ailleurs, de la période d'échange, qui débute avec
Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci. Merci,
M. Milner. Je vais peut-être vous laisser même compléter un peu, parce que
j'aurai quelques questions sur les points que vous avez déjà soulevés, mais, si
vous voulez peut-être compléter votre présentation, s'il y a d'autres points
que vous vouliez soulever… Là, vous avez parlé du seuil, de la formule de
calcul, de la double candidature. Est-ce qu'il y a un autre élément que vous
aimeriez mettre sur la table, à notre connaissance?
M. Milner (Henry) : Bon,
tout ce que j'aurais voulu ajouter, qui est un peu à côté, mais c'est
l'argument qu'on va entendre demain. Ça veut dire que, pour protéger les
francophones de Québec comme minorité en Amérique du Nord, il faut garder le
système actuel, qui favorise... qui défavorise le Parti libéral, qui est le
parti appuyé par les non-francophones. C'est ça que M. Dufour va vous
dire, et je veux... j'ai écrit pourquoi c'est une mauvaise idée. Je n'ai pas
vraiment le temps, mais je veux m'inscrire en faux. Si on commence à regarder
un mode de scrutin parce que ça favorise un groupe et pas un autre, je peux
vous donner des exemples de d'autres pays où c'est exactement... qui se fait, et
ça, ça met une menace à la démocratie. Et, ces jours-ci, on voit des menaces à
la démocratie dans plusieurs pays traditionnellement démocratiques, alors
j'espère que le Québec ne va pas aller dans cette direction.
Mme LeBel : M. Milner,
prenez le temps, prenez le temps de l'expliquer, parce que ça m'intéresse. Parce
qu'effectivement un des arguments étant qu'on va fragiliser le gouvernement du
Québec parce qu'on aura, entre autres, des gouvernements minoritaires de façon
plus fréquente, ce qui est un peu une des conséquences potentielles d'un mode
de scrutin… Et on nous dit... je n'en suis pas, mais on nous dit, entre autres,
on va l'entendre demain, vous avez raison, que, face au gouvernement fédéral,
la légitimité du gouvernement québécois s'en trouverait fragilisée dans nos
négociations avec le fédéral. Personnellement, je ne vois pas en quoi, parce
que c'est un gouvernement qui est quand même légitimement élu, mais j'aimerais
que vous développiez, parce que vous voulez vous inscrire en faux, mais
j'aimerais que vous développiez sur cet aspect-là, s'il vous plaît.
• (16 heures) •
M. Milner (Henry) :
Bien, d'abord, je vais dire une chose, qu'avec la réforme, si M. Dufour
est correct avec ses arguments, ça va... c'est vraiment le Parti libéral qui va
gagner, avec les réformes. Donc, j'aurais posé la question aux représentants du
Parti libéral : Est-ce que vous n'avez pas jamais pensé au fait qu'avec
une réforme vos chances sont meilleures et que, dans la situation actuelle,
donc, souvent, vous êtes mal représentés? Donc, ça, c'est tout un autre
argument que j'aurais pu entrer.
Mais, pour répondre à vous, pour moi, si
un gouvernement est élu avec 39 %, même si vous avez la majorité des
sièges ou non, tout le monde dans notre... à Ottawa le sait, ce n'est pas un
secret, donc… Et, si vous êtes élu, un gouvernement de coalition, avec
60 %, on le sait aussi à Ottawa. Alors, l'argument qui dit qu'on est
affaiblis parce que ce n'est pas un gouvernement majoritaire, à mon avis, on
n'aura pas... on n'aura plus de gouvernement avec une base plus de 50 %, ça,
c'est fini. Toutes les sociétés modernes sont divisées, et de voir un
gouvernement... un parti seul avec plus que 50 % d'appui, ce n'est plus le
cas. Donc, est-ce qu'une majorité artificielle, qui est simplement produite par
le mode de <scrutin, ça met...
>
16 h (version révisée)
< M. Milner (Henry) :
...toutes les
sociétés modernes sont divisées, et de voir un
gouvernement... un parti seul avec plus que 50 % d'appui, ce n'est plus le
cas. Donc, est-ce qu'une majorité artificielle, qui est simplement produite par
le mode de >scrutin, ça met... on peut aller à Ottawa dire : Ah! on
est très forts parce qu'avec notre 39 % on a 55 % des députés? À mon
avis, ça ne donne rien. C'est beaucoup mieux d'aller à Ottawa et dire :
Regarde, on représente 60 %, notre gouvernement de coalition... ou même,
si ce n'est pas une coalition, mais une entente entre plusieurs partis. Je
pense que c'est le contraire qui est le cas.
Mme LeBel : Vous avez
parlé de plusieurs points. Vous avez parlé du 10 %, le seuil. On en a...
Plusieurs personnes, aussi, ont adressé cette question-là. Si on met de côté,
pour fins de discussion, le 10 %, vous préconisez quel type de seuil? Je
sais que ce n'est jamais plus que 5 %. Certains nous ont dit 2 %,
certains nous ont dit 3 %. Est-ce que vous pensez qu'à 5 %, parce que
vous dites : Jamais plus de 5 % ailleurs, ça fait le travail entre...
l'équilibre entre laisser la place aux petits partis de se tailler une place,
si je peux l'exprimer ainsi, tout en mettant une certaine barrière à une
émergence peut-être trop précoce ou trop rapide d'un courant de pensée qui
n'aurait pas une prise assez solide dans la société, mais parviendrait, si on
ne mettait pas de seuil, à peut-être atteindre un siège à l'Assemblée
nationale? Est-ce que vous pensez que 5 % est quand même un point
d'équilibre qui pourrait être justifié?
M. Milner (Henry) : Pour
moi, c'est vivable. D'une certaine façon, c'est un faux débat parce que, dans
un système régional, il y a un seuil de soi. Ça veut dire que, dans une région
avec une vingtaine de députés, il y a un seuil de 7 %, quelque chose comme
ça, simplement parce que, sans 7 %, vous n'avez pas... vous ne pouvez pas
élire un député de compensation. Dans le cas de Montréal, ça sera... je ne sais
pas exactement, si on regarde toute la situation comme elle est, c'est
peut-être 4 %, 5 %, je n'ai pas vérifié. Donc, d'une certaine façon,
c'est un faux débat, mais, si je devais choisir un chiffre, en général, pour
moi, le 4 %, qui est typique des pays nordiques, etc., je trouve que
c'est... je peux vivre facilement avec ça.
Mme LeBel : Parlez-nous,
peut-être... Bien, je vous ramène peut-être à une autre chose, et vous ne nous
en avez pas parlé. On a fait des choix, naturellement. Un mode de scrutin tel
qu'on le propose et un changement tel qu'on le propose, ça demande souvent de
l'arbitrage et d'essayer de ramener un plus large consensus possible, donc il y
a des choix qu'on... doit être faits. Je ne vous apprendrai pas qu'il y a
certains choix qui favorisent la proportionnalité, d'autres favorisent d'autres
principes comme la stabilité gouvernementale, le poids des régions, la
représentation, et des fois c'est au détriment, ultimement, peut-être, de la
proportionnalité.
Vous avez... dans une publication, en 2004,
qui s'intitulait Le point sur la réforme électorale dans les provinces
canadiennes — Où se situe le Québec?, vous disiez, dans cet
article, que vous vous montriez, bon, favorable à un mode de scrutin mixte
proportionnel, comme aujourd'hui, avec compensation régionale, en disant, et je
vous cite : «...au Canada, les identités régionales qu'on observe dans les
grandes provinces sont fortes; cela valide donc le choix d'un système de type écossais
ou gallois basé sur des régions...» Donc, vous y défendiez, à ce moment-là, les
listes régionales fermées, ce qu'on offre, naturellement, les 17 régions
administratives que l'on propose de maintenir, choix, naturellement, et je le
dis d'entrée de jeu, qui a un effet sur l'effet proportionnel ou sur la
distribution. Neuf régions auraient été meilleures pour la proportionnalité
mais catastrophiques, dans mon sens, pour l'identité régionale, c'est mon point
de vue. Deux votes par électeur, c'est ce que nous préconisons, effectivement.
«...qu'il [revienne] aux membres des
partis [...] plutôt qu'à leurs dirigeants», bon, ça, je pense, c'est plutôt
marginal. Donc, je pense... j'ose prétendre ou déduire de votre... du fait que
vous n'avez pas relevé... que ce sont des choix qui sont appropriés dans le
mode de scrutin.
M. Milner (Henry) :
...double candidature, je trouve que c'est...
Mme LeBel : Mais on va
y... Je veux vous donner aussi du temps, mais vous pouvez le faire dans le même
souffle, là, si vous voulez, là.
M. Milner (Henry) : O.K.
Sur la question de... Je n'ai pas abordé la question des régions, ça veut dire
le nombre de régions, parce qu'en 10 minutes... J'aurais utilisé toutes
les 10 minutes parce que ça, c'est compliqué. Comme vous dites, c'est des
arbitrages. Si on a moins de régions, ce sera plus proportionnel, mais
l'identité régionale sera moins exprimée. Donc, ça prend des compromis, des
arbitrages. Moi, j'aurais <préféré...
M. Milner (Henry) :
…
toutes les 10 minutes, parce que ça, c'est compliqué. Comme vous
dites, c'est des arbitrages. Si on a moins de régions, ce sera plus
proportionnel, mais l'identité régionale sera moins exprimée. Donc, ça prend
des compromis, des arbitrages. Moi, j'aurais >préféré 14 régions.
Moi aussi, je pense, avec les 17, au moins, il faut probablement ajouter deux
sièges à Montréal et un siège à la Rive-Sud, quelque chose semblable parce que
ce n'est pas... il n'y a aucune raison, simplement à cause du mode de scrutin,
de défavoriser ces deux régions-là parce qu'elles ont plusieurs sièges. En
effet, c'est simplement l'application de la formule, le fait que ces endroits
ont peu de sièges, il y a moins de... donc ils reçoivent moins, les autres
reçoivent plus, et l'effet, c'est qu'ils sont plus défavorisés.
Donc, au moins, si on dit qu'il faut
garder les 17 au lieu d'aller avec les 14, peut-être, quelque chose... on parle
des arbitrages, ajouter un ou deux sièges, ce n'est pas la fin du monde non
plus. Mais, comme je dis, ça, c'est des questions compliquées où il n'y a pas
de noir et blanc, où il n'y a pas le clair. Pour moi, le 10 %, la prime du
vainqueur, pour moi, ce sont clairs... etc.
Mme LeBel : Et, la double
candidature, voulez-vous nous en parler?
M. Milner (Henry) : Et
la?
Mme LeBel : Double
candidature.
M. Milner (Henry) : Oui.
Encore une fois, je ne vois aucune légitimité de cela, aucune logique derrière
cela.
Mme LeBel : O.K., mais je
vous ramène un argument, simplement pour vous donner l'opportunité d'y
répondre. On a entendu, j'ai entendu aussi, dans mes consultations, le malaise
avec la double candidature. C'est peut-être plus un malaise théorique, mais
c'est un malaise, et on parle de faire un changement. Donc, on essaie d'éviter
le plus de malaises possible pour que les gens soient à l'aise dans cette
transformation-là, le malaise de faire en sorte que, potentiellement, quelqu'un
qui n'a pas réussi à obtenir... et je ne dirai plus «perdre», mais qui n'a pas
gagné le siège de circonscription, ce qui est bien différent, pourrait se
retrouver à entrer dans la région par le siège de liste, par la liste
régionale. Donc, il y a un certain malaise au niveau de la démocratie, si on
veut, parce que la personne a été...
Une voix
: Légitimité.
Mme LeBel : ...légitimité,
voilà, de sa présence. Je vous soumets l'argument et j'aimerais peut-être que
vous nous fassiez part de votre opinion par rapport à ça. Et quels sont, pour
vous, les avantages d'une double candidature qu'on échapperait en
l'interdisant?
M. Milner (Henry) :
Bien, d'abord, je connais des pays où on utilise... où on fait ça, et c'est
parfaitement normal. Il n'y a personne qui dit à lui : Ce n'est pas légitime
parce qu'il n'a pas gagné dans son district, et donc ce n'est pas légitime.
Tout ce qu'on fait, c'est que, dans ce cas-là, il y a certains candidats qui
sera découragé de se présenter. Est-ce que, vraiment... Pourquoi décourager des
personnes qui, vraiment, seront bienvenues? Ça, c'est une chose.
Deuxièmement, comme je dis, il est valable
d'encourager quelqu'un qui n'a aucune chance de gagner un siège de quand même
se présenter... O.K., ça, c'est la double candidature, excuse-moi. Alors, comme...
si on dit à quelqu'un... Disons que je suis électeur et je vote dans mon
district, vous, vous êtes les députés. Bon, vous êtes des bons députés, je vous
aime beaucoup, mais le moment est arrivé pour voter pour un autre parti. Ça n'a
rien à faire avec vous, ça n'a rien à faire avec votre compétence, vous le
savez très bien, c'est une question de politique. Alors, si vous, vous êtes
battu, bien, vous vous trouvez premier de liste, parce que vous êtes bien
connu, bien respecté dans votre région, et vous revenez à cause de cela, qui,
parmi vos électeurs, va dire : Ah! c'est terrible, cette personne-là, on
ne l'a pas gardée, et regarde, il ou elle revient de la liste? Ils vont dire le
contraire, il dit : Ah! on est chanceux quand même que... Oui, notre vote
était compté, parce qu'on a changé le... c'est le parti qui... On a voté contre
le parti, et le résultat, c'était que le parti a été affaibli. Mais le fait que
la personne, l'individu, revienne, c'est un atout, ce n'est pas quelque chose
de négatif.
Mme LeBel : Bien, merci. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille : Merci,
M. le Président. Bonjour, monsieur. Vous êtes pour ou contre la... Vous êtes
pour la double candidature, alors, si je comprends bien?
M. Milner (Henry) : Oui.
• (16 h 10) •
Mme Robitaille : O.K.
Moi, je viens d'un comté qui est à <Montréal, Montréal-Nord,
Bourassa-Sauvé…
M. Milner (Henry) :
...
chose de négatif.
Mme LeBel : Bien,
merci, merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :
Merci beaucoup. Mme la députée de
Bourassa-Sauvé, s'il vous plaît.
Mme Robitaille :
Merci, M. le Président. Bonjour, monsieur. Vous êtes pour ou contre la... Vous
êtes pour la double candidature, alors, si je comprends bien?
M. Milner (Henry) :
Oui.
Mme Robitaille : O.K.
Moi, je viens d'un comté qui est à >Montréal, Montréal-Nord,
Bourassa-Sauvé. Avec le projet de loi, la région de Montréal perdrait trois
sièges. C'est quand même considérable. S'il y a un référendum, là, il va
falloir travailler fort, ceux qui veulent passer ce référendum-là, parce qu'à Montréal
on perd trois sièges, je ne sais pas si les gens vont aimer ça beaucoup. Vous
dites : Il faut ajouter deux sièges. Pourquoi deux sièges? Je voudrais
comprendre. Je sais que c'est compliqué, là, mais pourquoi... On en perd trois,
là vous dites : On voudrait en ajouter deux.
M. Milner (Henry) : Parce
que c'est une sorte de compromis, tu sais. Je sais qu'avec les sentiments,
etc., tu sais, on... Et, on le sait, on ne veut pas ajouter trop de sièges,
etc. Regarde, je n'ai pas vraiment réfléchi, mais simplement, au moins, de dire :
Oui, il y a une perte qui... Il faut s'adresser à cela. Est-ce que ça prend
trois sièges? Est-ce que...
Parce qu'une autre chose, c'est que ça
veut dire que, si vous dites : Il faut régler toute la perte, le risque, c'est
une autre... après, une autre... en regard de la population, il y a une autre
région qui arrive pour dire : Ah! on perd un demi-siège, tu sais, on perd
un demi de... ou quelque chose.
Donc, si on dit : Oui, on va aider Montréal,
mais pas absolument pour que ça soit exactement... d'autres régions, peut-être,
ne vont pas dire : Ah! O.K., nous autres, on a perdu un petit peu, mais on
peut vivre avec ça. C'est simplement, encore une fois, des questions
d'arbitrage, de compromis, de trouver quelque chose vivable pour tout le monde.
Mme Robitaille : Donc, le
principe de proportionnalité. Le Québec, c'est particulier, hein, parce que c'est
immense. Et justement, hier, on avait quelqu'un... on avait un expert de la
Nouvelle-Zélande qui travaille aussi pour la proportionnelle en Angleterre, et
justement on comparait le Québec versus la Nouvelle-Zélande, l'Écosse, la
Bavière, les densités de population n'ont rien à voir, là.
Et donc l'expert nouvelle-zélandais nous
disait : Bien, en Nouvelle-Zélande, on a augmenté le nombre de
circonscriptions pour respecter ce principe-là de proportionnalité. Vous, vous
me dites : Bon, O.K., Montréal perd trois sièges, bon, on en rajouterait
deux, ça serait comme un compromis. Mais est-ce que, carrément, là, pour
respecter ce principe de proportionnalité là, il ne faudrait pas carrément
faire comme en Nouvelle-Zélande, ajouter des sièges? Vous êtes allé en
Nouvelle-Zélande, vous devez... je suis sûr que vous êtes très conscient de ça.
Est-ce que, tant qu'à faire, on ne devrait pas repenser et ajouter des sièges
pour, justement, que la proportionnalité soit bien respectée?
M. Milner (Henry) : Vous
savez, pour moi, c'est une question de deuxième niveau. Oui, j'aimerais voir
ça, mais je ne vais pas sacrifier la réforme pour quelque chose avec lequel on
peut vivre. Et c'est plus ou moins accepté au Québec qu'en comparaison avec d'autres
provinces canadiennes, pas avec la Nouvelle-Zélande, on a quand même assez de
députés. On ne peut pas comparer avec la population des autres provinces, par
exemple.
Donc, entrer dans ce débat-là, tu sais,
avec une, ou deux, ou trois qu'on peut ajouter... je pense qu'on n'entre pas
vraiment dans ce débat-là. Mais de penser qu'on peut avoir 200 députés,
par exemple, ou, tu sais, de vraiment augmenter le nombre comme ils ont fait en
Nouvelle-Zélande, je pense que c'est, comme on dit en anglais, un
«non-starter».
Mme Robitaille : Mais,
comme disaient mes collègues durant les derniers jours, on change de culture
politique, c'est autre chose. On va... C'est nouveau, c'est très nouveau puis c'est
une autre dynamique. Est-ce que, justement, pour respecter ce principe-là de
proportionnalité... puisque les autres provinces n'ont pas ça, elles ont
toujours le système uninominal à un tour, est-ce que, justement, pour bien le
faire, on ne devrait pas carrément repenser notre carte électorale, ajouter des
circonscriptions et puis respecter ce principe-là? Comme ça, la région de
Montréal, bien, elle ne sentirait pas qu'elle perd quelque chose.
M. Milner (Henry) :
Alors, simplement, je vous dis : Allez chez vous, donc chez vos électeurs,
et dites : On va chercher un autre 75 députés, êtes-vous d'accord ou
non? S'ils sont d'accord, moi, je serai d'accord aussi.
Mme Robitaille :
Dites-moi, j'ai juste une question. Vous étudiez... Vous avez étudié les
systèmes, les modes de scrutin partout en Europe, et tout ça. Est-ce que la
proportionnelle <amène...
M. Milner (Henry) :
...
d'accord, moi, je serai d'accord aussi.
Mme Robitaille :
Dites-moi, j'ai juste une question. Vous étudiez... Vous avez étudié les
systèmes, les modes de scrutin partout en Europe, et tout ça. Est-ce que la proportionnelle
>amène la création de nouveaux partis? Est-ce que c'est un phénomène
qu'on peut voir apparaître, ça?
M. Milner (Henry) : Avec
un seuil de 4 %, 5 %, ça se fait, mais pas très souvent. Il y a
aussi, dans notre système, des nouveaux partis qui arrivent sans la
proportionnelle. Moi, j'étais toujours pour l'idée d'un seuil, tu sais, donc je
n'aime... je n'accepte pas l'idée qu'un parti qui n'a aucun appui doit profiter
d'un mode de scrutin qui va leur permettre, même avec, je ne sais pas, 1 %
ou moins de 1 %, d'avoir un député. Moi, je pense que ce parti-là devrait
trouver les moyens de chercher un appui légitime, un appui réel. Donc, c'est
pour ça que j'appuie le seuil.
Mme Robitaille : Le seuil
à?
M. Milner (Henry) :
Hein?
Mme Robitaille : À
4 %?
M. Milner (Henry) : Oui,
quelque chose comme 4 %. Quand vous avez un système régional, je vous
rappelle, il y a déjà un seuil automatique qui est... Quand vous avez un
système national, c'est à ce moment-là qu'il faut mettre un seuil.
Mme Robitaille : Mais à
10 %? Est-ce que l'exercice en vaut la peine si on reste à 10 %?
M. Milner (Henry) : Moi,
le 10 %, vraiment, comme j'ai dit, j'ai donné l'exemple de Turquie, c'est
très difficile à défendre, surtout... Si on n'avait que deux grands partis,
deux partis, bon, pas un problème, mais, si on veut que, quand même, des partis
arrivent qui représentent quelque chose de réel, d'imposer... de dire, je ne
sais pas, à un groupe qui veut vraiment s'organiser, qui représente des idées
importantes, on va leur dire : Bonne chance, mais sans 10 %, c'est
fini, vous n'avez... vous ne pouvez rien faire. Des députés, ici, représentent
des partis qui étaient... qui avaient un appui moins de 10 % ça ne fait
pas longtemps. Est-ce que, vraiment... Si, à ce moment-là, il y avait un seuil
de 10 %, est-ce que vous seriez ici, autour de la table, beaucoup entre
vous? Oui, les deux... Tu sais, c'est quelque chose qui, vraiment... C'est
comme si c'est un autre «boys' club», et vous n'êtes pas invités. C'est un peu
ça.
Le Président (M. Bachand) :
Merci. Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.
Mme Weil
:
...j'aimerais vous amener sur le terrain des référendums. On a parlé, donc,
est-ce qu'on le fait bien avant, un peu avant, en même temps, etc. La
Colombie-Britannique, l'Île-du-Prince-Édouard, ça n'a pas fonctionné, c'était
en même temps. Donc, j'aimerais avoir votre opinion sur... Premièrement, quand
on demande aux citoyens, actuellement... Je pose la question à tout le monde :
Saviez-vous qu'il y a, actuellement, un projet de loi pour revoir notre
système? Non, je ne suis pas au courant. Donc, la population ne sait rien de ce
dont on parle. Puis, ici, on entend tellement d'experts, des gens qui ont
travaillé ça, on regarde l'historique de ça, c'est incroyable.
Donc, comment faire en sorte de mettre la
population à niveau? Donc, j'aimerais vous entendre sur cette question de
référendum, avec un peu ça en tête. C'est-à-dire, vous y croyez beaucoup, vous
avez étudié ça. Comment ça... Pourquoi ça n'a pas marché en
Colombie-Britannique et à l'Île-du-Prince-Édouard?
M. Milner (Henry) : Bon,
Colombie-Britannique, ce qui était intéressant, c'est que les sondages, pendant
beaucoup de temps, étaient favorables, et soudainement les sondages ont changé,
et le vote était très négatif. Pourquoi les sondages ont montré que le vote...
que ça a changé? Bien, une chose, c'est... les jeunes n'ont pas voté, les plus
vieux ont voté, ils sont plus conservateurs. Mais, deuxièmement, il y avait une
campagne de salissage, on peut simplement penser... avec des dangers, des
dictatures, toutes sortes de choses avec la réforme, c'était incroyable. Et le
fait qu'il y avait vraiment... La seule autorité pour corriger cela, c'étaient
les bénévoles pour le Oui. Il n'y avait pas une commission respectée avec les
ressources pour remettre les choses et dire : Non, ce n'est pas ça, c'est ça,
et...
Mme Weil
: ...à
quel moment est-ce que vous recommanderiez de faire un référendum?
• (16 h 20) •
M. Milner
(Henry) : Moi, je suis un peu divisé sur cela, parce qu'en principe je
ne pense pas que c'était nécessaire. Par contre, c'est un changement important,
et ça prend de la légitimité. Et, si ceux qui sont contre peuvent <dire...
M. Milner (Henry) :
...
divisé sur cela, parce qu'en principe je ne pense pas que c'était
nécessaire. Par contre, c'est un changement important, et ça prend de la
légitimité. Et, si ceux qui sont contre peuvent >dire : Ah! ce
n'est pas légitime, la population n'a pas voulu, c'était imposé par les
politiciens, ce n'est pas un bon début. Donc, le fait qu'il y a un référendum
et, si c'est... le référendum gagné par des bons arguments avec une population
renseignée, qui sait de quoi il s'agit... et ce sera un défi très important, mais
ce n'est pas impossible, même si notre ami M. Hugues, de Nouvelle-Zélande,
disait que ce n'était pas absolument nécessaire d'avoir un référendum, là-bas,
ils ont eu des référendums qui étaient gagnés par le Oui par des bons arguments,
même quand les deux grands partis étaient contre. Au début, ils étaient contre puis
après ils ont accepté...
Le Président (M. Bachand) :
Merci. Je dois passer la parole — désolé — au député de Gouin,
désolé. M. le député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois :
Bonjour. Très content de vous avoir avec nous aujourd'hui. Je vais aller dans
le vif du sujet. Un des arguments qu'on entend souvent... et je pense que la
prochaine personne... j'ai jeté un regard, plus tôt, à notre prochain invité,
ici, je pense, c'est un argument qui va nous être aussi présenté... en tout
cas, une préoccupation qui va nous être présentée, c'est l'idée selon laquelle
des systèmes électoraux où il y a une composante de proportionnalité, ça tend à
fragmenter le champ politique, voire à le polariser. Et le Pr Marc-André Bodet,
qui va vous succéder à cette place, dit, dans son mémoire... pose la question
suivante : «Voulons-nous être pris dans des situations impossibles comme
le vivent les Allemands, les Danois, les Autrichiens, les Norvégiens, etc.?», en
disant qu'une réforme du mode de scrutin va, à cause des différents clivages au
sein de la société québécoise, plonger le Québec, donc, dans une situation
impossible. Ma question, ce serait : Est-ce que vous jugez que ces pays-là
sont dans des situations impossibles? Et est-ce que c'est un risque que vous
voyez, vous aussi?
M. Milner (Henry) :
Bien, d'abord, vous allez poser la question au Pr Bodet. Je suis assez
surpris d'entendre cela parce que... et je connais ces pays-là, pas simplement
comme quelqu'un qui est académique, mais aussi j'ai vécu en Suède, je connais
très bien ces pays-là, et ces pays-là... la citation que vous donnez, ça n'a
rien à faire avec ces pays-là. Les gens sont contents avec leur démocratie, la
démocratie fonctionne bien. Oui, il n'y a rien de parfait, parfois ça prend du
temps pour former un gouvernement parce que le résultat est très serré, donc il
faut former une coalition. Mais les élections ne viennent pas souvent, ils sont
comme nous. Alors, d'où vient cette idée-là que ça ne marche pas? Je ne
comprends pas.
Moi, je suis spécialiste surtout sur ces
pays-là, donc c'est... Et les gens sont... trouvent que... Si tu leur demandais :
Voulez-vous changer votre mode de scrutin? Voulez-vous plutôt comme les
Anglais, etc.? Ils ne sauront pas de quoi vous parlez. Ils sont habitués à cela.
Le système, d'après eux, fonctionne bien...
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. M. le député de Rimouski, s'il vous plaît.
M. LeBel : Merci, M. le
Président. Salut. À la réponse... Tantôt, vous avez parlé de... Bon, l'échec du
référendum en Colombie-Britannique, vous avez dit : Il y avait un groupe
de bénévoles dans le camp du Oui qui n'étaient peut-être pas assez outillés
pour répondre, puis ça aurait pris des spécialistes, tout ça.
Tantôt, le DGEQ parlait des deux camps, il
disait qu'il fallait exclure toute forme d'évaluation qualitative des demandes
d'OBNL qui pourraient être dans les camps. Ma question, c'est : Comment on
s'assure que les camps sont bien représentés puis on est capables de défendre les
intérêts ou défendre la réforme? Parce que, là, dans le projet de loi, les élus
politiques ne sont pas dans les camps, mais ils sont... Bref, comment on fait
pour ne pas tomber dans le piège de la Colombie-Britannique?
M. Milner (Henry) : Je
n'ai pas vraiment réfléchi à cela parce que, d'abord, il faut faire... être d'accord
sur les contenus, et après ça la façon qu'on va débattre cela, c'est une
deuxième question. Pour moi, ce qui était très important, c'est que, oui, il y
aurait... C'est un référendum, donc, normalement, il y a deux équipes, une pour
le Oui, une pour le Non. C'est évident que les partis <politiques
qui...
M. Milner (Henry) :
...une deuxième
question. Pour moi, ce qui était très
important,
c'est que, oui, il y aurait... C'est un
référendum, donc, normalement,
il
y a deux équipes, une pour le Oui, une pour le Non. C'est évident que les
partis >politiques qui ont exprimé une position doivent être là,
peut-être pas nécessairement comme président du comité du Non ou du comité du
Oui, mais présents.
Mais, comme je le disais, et j'insiste sur
cela, ce qui manque, dans la Colombie-Britannique, bon exemple, c'est cet
aspect-là d'une commission respectée, non partisane, qui connaisse cela et où
tout le monde peut référer des questions, des déclarations, tu sais, d'un côté
ou de l'autre. Et pas simplement que ça va aider les citoyens, mais ça va aussi
limiter la capacité des deux côtés d'exagérer, de dire des choses qui ne sont
pas vraies. Et les gens du DGE, ils ont déjà exprimé le manque de ressources,
la nécessité d'avoir plus de ressources. Et, vraiment, moi, je pense que c'est
ça, vraiment, qui est important. Oui, les partis politiques doivent être là,
parce que ça, c'est notre démocratie, mais pour s'assurer que le contenu du
débat soit comme il faut. C'est un autre aspect qui est très important.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Fournier
:
Merci beaucoup pour votre présentation. Justement, en réponse à ma question sur
la désinformation qu'il pourrait y avoir lors de la campagne référendaire, le
DGEQ a répondu qu'il ne comptait pas intervenir ou fournir de l'information
pour rectifier des faits qui proviendraient d'un camp ou de l'autre. Est-ce que
vous croyez, a contrario, que ce serait important que le DGE, s'il dispose de
ressources suffisantes, puisse le faire, ou à travers une commission
indépendante, comme vous semblez l'évoquer?
M. Milner (Henry) : C'est
délicat. Ils ne doivent pas intervenir d'une façon qui peut donner l'impression
d'être partisans, mais, s'ils ont les informations, les informations sont là,
facilement, avec un accès facile, ils peuvent diriger les gens vers les
informations. Si quelqu'un ou un organisme pose une question, ils ne doivent
pas dire : On n'a rien à dire. Ils doivent leur dire : Vous pouvez
trouver ces informations ici et là, et vraiment les aider de cette façon-là, de
fournir des textes, toutes sortes de choses nécessaires. Je pense que ça, c'est
une sorte de compromis et que ça doit être bien connu.
En Nouvelle-Zélande, j'étais... on m'avait
dit... parce que je suis arrivé un peu en retard, mais je suis pas mal vieux...
de Darren Hughes, Darren Hughes était un enfant à ce moment-là. Et le rôle de
la commission qui a donné les informations sur les enjeux du référendum était
extraordinaire. Tout le monde que j'ai consulté disait : Ah oui, eux, ils
ont toutes les informations. Ils étaient des gens tout à fait respectés. Moi,
je conseillerais aux gens du DGEQ de faire un petit voyage en Nouvelle-Zélande,
ils peuvent voir exactement comment c'est fait. Et il y a même des articles et
des livres qui étaient écrits, que je peux... qu'on connaît. Merci.
Mme Fournier
:
Très bien, merci.
Le Président (M. Bachand) :
M. Milner, merci beaucoup de votre présentation.
Cela dit, je suspends les travaux pour
quelques instants. Merci infiniment.
(Suspension de la séance à 16 h 29)
16 h 30 (version révisée)
(Reprise à 16 h 32)
Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.
On semble avoir un petit problème technique, qui va se régler.
Alors, nous allons avoir une présentation
PowerPoint de M. Stéphane Rouillon, qui est directeur au Centre de
recherche informatique de Montréal. Alors, M. Rouillon, merci beaucoup d'être
ici, et vous avez la parole. Merci.
M. Stéphane Rouillon
M. Rouillon (Stéphane) :
Merci. Je tiens à préciser quand même que c'est en mon nom personnel que j'ai
été contacté, étant donné mon historique de présence, et pas à titre de
directeur au CRIM, rôle que j'ai effectivement. Je vais vous lire ce que je
vous ai écrit pour les 10 premières minutes.
Chers membres de la Commission des
institutions de l'Assemblée nationale, dans le but de promouvoir une saine
compétition dans la sphère politique, j'aborderai essentiellement la problématique
de la stabilité gouvernementale avant de répondre à vos questions, notamment
sur le mécanisme d'adoption d'une réforme du mode de scrutin.
La concurrence est la clé de bien des
succès. Ce principe, nous l'avons appliqué à l'économie, il est temps de l'appliquer
en politique. Une société riche de ses choix est une société riche. En ce sens,
la multiplication des options offertes par les partis politiques est un
investissement. Le défi consiste à traduire cette variété d'opinions en un
microcosme des débats et des pistes de solution autour d'une table pour pouvoir
discuter intelligemment de solutions à des problèmes complexes.
Chaque électeur devrait avoir droit à la
représentation sans aucune forme de discrimination quant à la taille du groupe
auquel il désire exprimer son appartenance. Le projet de loi propose un quota à
partir duquel un parti aurait accès aux sièges de compensation. Les défenseurs
de ces quotas les justifient en arguant qu'une véritable représentation
proportionnelle n'est pas compatible avec un Parlement stable. Examinons les
résultats d'élection possibles sous l'angle de la stabilité, alors.
Donc, si on considère l'historique des
comportements des élus et des partis d'opposition, on peut modéliser
globalement les chances de voir un vote de confiance être approuvé ou battu. Grosso
modo, afin d'illustrer le propos, on peut approximer à 40 % les chances qu'un
parti d'opposition approuve le gouvernement. De la même façon, on peut
considérer que 90 % des élus gouvernementaux suivent la ligne de parti et
que la balance, les 10 % restants, a à peu près 90 % de chances de
voter avec le gouvernement. Ces chiffres peuvent fluctuer, bien sûr, mais les
conséquences et les comportements demeurent.
Donc, on obtient cinq familles de
situations décrivant les résultats d'élection. Donc, en ordre de stabilité
croissante, et c'est ce qui est représenté sur le graphique que vous avez là :
premièrement, des coalitions multipartites de trois partis ou plus; deuxièmement,
une ou plusieurs combinaisons de coalitions bipartites potentielles; troisièmement,
un parti majoritaire de justesse; quatrièmement, des coalitions bipartites
autour d'un même parti quasi majoritaire; et, cinquièmement, le cas le plus
courant, un parti à forte majorité, le cas le plus courant, en tout cas, au Québec.
La première situation correspond à ce <qu'a
connu...
M. Rouillon (Stéphane) :
...
deuxièmement, une ou plusieurs combinaisons de coalitions bipartites
potentielles; troisièmement, un parti majoritaire de justesse; quatrièmement,
des coalitions bipartites autour d'un même parti quasi majoritaire; et
cinquièmement, le cas le plus courant, un parti à forte majorité, le cas le
plus courant, en tout cas, au Québec.
La première situation correspond à ce >qu'a
connu la Tunisie depuis la révolution de jasmin. Au Québec, ce serait, par
exemple, un cas où cinq partis se partageraient les 125 sièges ainsi :
32, 30, 28, 20 et 15 sièges, respectivement. Les premières éditions de
telles coalitions sont relativement stables la première fois où ça arrive. Ce
sont les éditions subséquentes regroupant les mêmes partis politiques qui sont
parfois instables. En effet, le menu législatif devient bien maigre quand le
peu de programmes communs a déjà été réalisé.
La seconde situation correspond à un
partage des sièges de l'Assemblée nationale de ce type : 45, 40, 35 et
cinq sièges pour un quatrième parti, par exemple. Encore une fois, c'est la
répétition de coalitions déjà obtenues lors de législatures précédentes qui
engendre parfois de l'instabilité. L'Irlande, les Pays-Bas, la Belgique ont
tous connu des situations similaires où la persistance même des mêmes partis
politiques et certaines restrictions idéologiques empêchent le renouvellement
de la composition du gouvernement ou la formation pure et simple parfois même
d'un gouvernement tout court.
Donnez-moi deux secondes.
La troisième situation a été vécue à la Chambre
des communes lorsque le vote de Mme Belinda Stronach a fait pencher la
balance, en 2005. Dans le cas du Québec, le modèle prédit une stabilité de l'ordre
de 53 %, à peu près, dans le cas d'un parti à 63 sièges, donc
vraiment une majorité de justesse, et de l'ordre de 88 % dans le cas d'un
parti à 64 sièges, finalement.
La quatrième situation, donc la coalition
bipartite avec alliés multiples, sur le dessin, c'est celle que nous avons
souvent vécue ces dernières années, tant au fédéral qu'au provincial. Les
gouvernements minoritaires de MM. Harper, Trudeau, M. Charest, de
Mme Marois se sont retrouvés dans cette situation. Et, comme il s'agit de
convaincre au moins un seul des partis d'opposition d'appuyer le gouvernement,
la stabilité augmente avec le nombre de partis.
Le tableau suivant, que vous pouvez
regarder, donc, dans le document papier que je vous ai transmis, illustre la
stabilité estimée par le modèle selon le nombre de partis d'opposition capables
de fournir une majorité au gouvernement en l'appuyant. Dans ce cas, la
proportionnalité est respectée. Plus il y a de partis et, donc, plus les
gouvernements minoritaires de ce type sont stables.
Le cinquième et dernier cas correspond à
la norme du dernier siècle au Québec, un parti très majoritaire, donc un
gouvernement extrêmement stable — trop, diront certains. Le graphique
précédent illustre donc toutes ces situations-là, de gauche à droite, et c'est
de ça dont j'espère vous... regarder ça en détail avec vous, c'est ça que
j'espère.
Plusieurs détracteurs des coalitions
ciblent leurs critiques sur ce portrait de l'instabilité sans aucune nuance.
Toutefois, plusieurs participants ont souligné la stabilité économique de
nombreux pays de gouvernements proportionnellement représentatifs tels ceux de
l'Allemagne, des pays scandinaves et de plusieurs autres pays européens.
Je tiens à souligner ce que la
représentation proportionnelle implique sur les politiques à long terme de ces
pays : une continuité. En effet, les systèmes de représentation
proportionnelle produisent souvent des gouvernements de coalition représentant
un compromis parmi une majorité de la population. Il devient alors extrêmement
rare qu'aucun parti du gouvernement précédent ne participe au suivant. Ces pays
évitent ainsi de coûteuses contre-réformes. La proportionnelle semble donc
rentable, à condition d'en dégager une majorité stable pour la durée du mandat.
Pour contrer une potentielle instabilité
gouvernementale, plusieurs pays sacrifient l'équité de la représentation des
idéologies et de l'électorat en imposant des quotas à la compensation. Les
défenseurs de ces quotas les justifient en arguant que c'est la seule façon
d'obtenir un Parlement stable. C'est faux. Le pays fondateur de la démocratie
moderne, la Grèce, a fait le même constat. Ils utilisent un mécanisme de
stabilisation et ils considèrent que c'est mieux adapté, en tout cas, pour
l'instant. En «boostant», en bon français, le parti vainqueur, on ramène les
situations 1 et 2, donc les plus à gauche, coalitions tripartites, coalitions
bipartites, à des cas stables.
Dans un mémoire endossé par l'Association
des étudiants des cycles supérieurs de Polytechnique, j'avais présenté un mode
de scrutin stable, proportionnel, préférentiel et acirconscriptif, qu'on peut
retrouver sur le site http://www.votebook.ca, ainsi que d'autre matériel, ou
sur celui de... je vous laisserai lire le lien au long, mais celui de la Bibliothèque
de l'Assemblée nationale, tout simplement. J'avais baptisé le mécanisme de
stabilisation de «béquille», puisqu'il empêche un gouvernement de tomber et
garantit un Parlement qui marche.
• (16 h 40) •
La béquille décrite à l'époque garantit
une coalition bipartite stable pendant un mandat réduit et peut être greffée à
tout modèle proportionnel en remplacement d'un quota. Une béquille pondérée
comporte ces mêmes avantages sans ajouter de sièges supplémentaires. Donc, au
lieu d'ajouter des sièges supplémentaires, avec tous les défis logistiques que
les «Überhänge» — c'est-à-dire les sièges supplémentaires,
en allemand — représentent au Parlement allemand, on ajuste le poids
législatif des élus au parti majoritaire tout en réduisant la durée de leur
mandat afin d'égaler le poids de l'ensemble de l'opposition. Il s'agit d'une
option de stabilisation, donc bel et bien d'une option. Donc, si les partis
peuvent s'entendre directement pour former une coalition <majoritaire...
M. Rouillon (Stéphane) :
...en allemand
— représentent au Parlement allemand, on ajuste
le poids législatif des élus au parti majoritaire, tout en réduisant la durée
de leur mandat afin d'égaler le poids de l'ensemble de l'opposition. Il s'agit
d'une option de stabilisation, donc bel et bien d'une option. Donc, si les
partis peuvent s'entendre directement pour former une coalition >majoritaire,
elle n'est pas nécessaire.
Le tableau suivant illustre le poids législatif
et la durée corrigée des mandats de la législature selon le nombre d'élus du
parti pluralitaire, c'est-à-dire le parti qui a reçu le plus de sièges. Je vous
laisserai regarder les chiffres. Dans le cas d'un parti pluralitaire à 62
sièges, la situation est de facto dans le cas n° 4, et
donc il n'est pas nécessaire de faire appel à une béquille pondérée.
D'ailleurs, ce pourrait être le cas tant que le parti pluralitaire dispose de
plus du tiers des sièges, c'est-à-dire jusqu'à 42 sièges à l'Assemblée
nationale. Ce mécanisme de stabilisation respecte le principe de la coalition,
préserve le poids de chaque... de chaque électeur, excusez-moi, en termes de
députés-années et reste compatible avec le maintien de 125 députés, avec des
élections à date fixée d'avance, avec les changements d'allégeance et avec les
élections complémentaires telles qu'on les connaît. Les élections
complémentaires se dérouleraient comme prévu, tout nouvel élu recevant un poids
législatif d'un, quelle que soit son appartenance politique, car la durée du
mandat ne serait pas davantage modifiée. Le mode de scrutin résultant devrait
permettre de voir fleurir un parti vert, un parti des régions, un parti rose et
bien d'autres qu'individuellement nous ne pouvons prédire, mais que
collectivement nous pourrons définir.
En résumé, les quotas ne sont donc pas nécessaires,
ils ne servent qu'à retarder l'apparition de partis émergents. La
semi-compensation a le même effet en préservant l'actuelle prime au vainqueur.
La décision de voter en fonction de la prise du pouvoir ou d'une simple représentation
revient à chaque personne qui vote et non au législateur qui l'impose via un
mode de scrutin. La commission devrait s'assurer que des éléments de la réforme
garantissant la stabilité du Parlement tout en étant compatible avec une
véritable représentation proportionnelle... Notre institution parlementaire
serait alors capable de suivre l'évolution des communautés d'intérêts au
Québec.
Merci d'avoir pris le temps de m'écouter ainsi
que bon nombre de mes collègues précédents, des gens intéressés non à faire de
la politique mais bien à refaire la politique. Merci.
Le Président (M. Bachand) :
Merci infiniment. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci, M. le
Président. Merci, M. Rouillon. Peut-être juste pour des fins de langage,
quand vous parlez de quotas, vous parlez des seuils, je comprends?
M. Rouillon (Stéphane) :
Effectivement, oui.
Mme LeBel : O.K. Juste
pour être sûre qu'on parle des mêmes choses. Est-ce que je comprends de votre
présentation que la stabilité du gouvernement n'est pas nécessairement
tributaire du mode de scrutin? C'est-à-dire que, dans le mode de scrutin
actuel, il pourrait y avoir une certaine instabilité gouvernementale de l'effet
de voir l'apparition de plusieurs partis, maintenant, qui sont représentés à
l'Assemblée nationale, on pourrait avoir des gouvernements quand même
minoritaires, donc avec une certaine dose d'instabilité, même en vertu du mode
de scrutin actuel?
M. Rouillon (Stéphane) :
En effet. C'est peu probable, mais c'est tout à fait possible.
Mme LeBel : O.K. Donc, ce
n'est pas le corollaire unique ou ce n'est pas la conséquence unique d'une
réforme de mode de scrutin?
M. Rouillon (Stéphane) :
Non, pas du tout.
Mme LeBel : Parfait. Ce
que vous nous dites, par contre, c'est qu'il y a des mécanismes pour s'assurer
d'une certaine stabilité gouvernementale dans un mode de scrutin compensatoire
mixte tel qu'on le présente et qu'à tout le moins il y a au moins l'avantage
d'avoir une stabilité des politiques gouvernementales.
M. Rouillon (Stéphane) :
Il y a des mécanismes qui permettent d'augmenter les chances, donc, comme les
quotas, malheureusement, ou un bulletin préférentiel permettent d'augmenter les
chances. Ce que je vous dis, c'est qu'on est capables, même, de mettre en place
des mécanismes qui vont garantir qu'on n'ait pas ces genres de problèmes là.
Mme LeBel : Par contre,
ce que vous avez constaté ou qu'est-ce que vous mettez de l'avant, c'est que,
dans le cas d'un tel mode de scrutin, il y a, à tout le moins, une stabilité
des politiques gouvernementales, c'est-à-dire qu'on voit, de gouvernement en
gouvernement ou de législature en législature, des gens, bon, qui apparaissent
dans la coalition ou non, mais qu'il y a un certain suivi, donc il ne pourrait
pas y avoir de renversement drastique de politiques gouvernementales pour des
fins partisanes, à titre d'exemple.
M. Rouillon (Stéphane) :
C'est beaucoup plus rare, dans ces cas-là, contrairement à ce qu'on peut... Regardez,
au sud de la frontière, en ce moment, on a un gouvernement qui a passé beaucoup
de son temps à annuler, finalement, ce qu'avait mis le précédent. Donc, quand
on regarde la somme des investissements faits pour mettre des politiques en
place puis ensuite les défaire, ça donne peu de rendement, on va dire, par
dollar investi, là, ce qui est beaucoup moins le cas en Europe, avec tous les
gouvernements de coalition, où souvent on a un des partis qui étaient dans le
gouvernement précédent qui se retrouve dans le suivant.
Mme LeBel : Donc, on peut
y voir deux types de stabilité gouvernementale, donc la stabilité des personnes
en place, des élus pour un mandat donné, mais aussi la stabilité des politiques
gouvernementales sur le long terme, parce qu'on est de passage, quand on est au
gouvernement, donc on est dans un continuum, mais on est là pour les citoyens. Donc,
du point de vue du citoyen, il y a une certaine dose de stabilité qui peut s'injecter
de par le fait qu'on a ce mode de scrutin là.
M. Rouillon (Stéphane) :
Définitivement.
Mme LeBel : O.K. Parlons
de votre... bon, de la façon de voir, bon, la stabilité. J'avoue, là, j'ai lu,
je vous écoute, mais on n'a pas… je n'ai pas analysé tout ça. Vous avez parlé
de cette espèce de «boost» au vainqueur, de «booster» la cote du vainqueur pour
lui permettre d'avoir peut-être une majorité ou, à tout le moins, une
représentation assez forte pour former le <gouvernement...
Mme LeBel : ...j'avoue, là,
j'ai lu, je vous écoute, mais on n'a pas… je n'ai pas analysé tout ça. Vous
avez parlé de cette espèce de «boost» au vainqueur, de «booster» la cote du
vainqueur pour lui permettre d'avoir peut-être une majorité ou, à tout le
moins, une représentation assez forte pour former le >gouvernement.
Comment ça fonctionne? Ça fonctionne après l'élection? Ça fonctionne pendant?
Ça fonctionne dans la distribution des sièges? C'est une sorte de prime au
vainqueur également pour la stabilité, là.
M. Rouillon (Stéphane) :
Alors, effectivement, vous avez un petit peu raison dans ce sens-là, c'est-à-dire
qu'au lieu de donner une prime au vainqueur qui a un nombre artificiel défini
et d'y avoir recours, par définition, en partant, O.K., ce qu'on fait, c'est
qu'on regarde le résultat de l'élection, donc c'est après l'élection, et, si vraiment
il peut y avoir un problème de stabilité, on offre cette option au gouvernement...
au parti vainqueur, c'est-à-dire celui qui a gagné le plus de sièges. Et, par
exemple, si le parti qui a gagné le plus de sièges ne devait avoir que,
mettons, 42 sièges, alors qu'il en faut 65, eh bien, il devrait être capable,
donc, de rattraper l'ensemble de l'opposition. Donc, si un parti a 42 sièges,
au Québec, il faut le déduire des 125 précédents, donc l'opposition en aurait
83. Donc, grosso modo, il faudrait doubler sa représentation, O.K., pour être
capable d'obtenir autant de représentants du parti pluralitaire que de
l'opposition.
Donc, ce qu'on propose de faire, dans ce
cas-là, c'est de doubler le poids en Chambre des députés de ce parti politique
là, ce qui fait qu'on respecte le mécanisme parce qu'on ne vient pas leur
donner une majorité — c'est ce qui, des fois, fait défaut et qui
cause des problèmes avec ces mécanismes-là, dans certains cas — mais
on vient les ramener tout juste au cas n° 3, c'est-à-dire...
au cas n° 2, excusez-moi, coalition bipartite avec
alliés multiples. Ce que vous voyez, le 50 %, le gros cercle au milieu,
c'est le poids législatif qu'obtient le parti vainqueur, celui qui a le plus de
sièges, après qu'on lui ait donné l'option de la béquille, donc, ensuite, il
peut s'allier à n'importe lequel des partis d'opposition pour être capable de
passer une législation quelconque.
Mme LeBel : Mais l'objectif
ultime de cette prime, peu importe où on la situe dans le processus, est
d'assurer une stabilité gouvernementale.
M. Rouillon (Stéphane) :
Exactement, oui, assurer, vraiment garantir, là.
Mme LeBel : Parfait. Écoutez,
peut-être juste... Je pense que je peux annoncer, d'entrée de jeu, que je n'ai
pas l'intention d'aller dans cette direction-là, mais je veux quand même...
Non, je vais... C'est le préambule de ma question, mais je veux quand même vous
permettre de l'expliquer. Qu'est-ce que vous voulez dire par «acirconscriptif»,
donc «sans circonscription»? Peut-être nous illustrer un peu. Je veux rassurer
mes collègues, je ne veux pas abolir ni les circonscriptions ni les régions,
mais je suis curieuse, quand même, de voir qu'est-ce que vous voulez...
pourquoi vous soutenez ce...
M. Rouillon (Stéphane) :
Disons que c'est une façon de regarder. La Cour suprême, quand on parle de
réforme du mode de scrutin, a défini... Parce que, bon, j'ai participé à des
recours collectifs qui ont eu lieu, donc, au Québec pour contester la
légitimité du mode de scrutin par l'ARDD, l'Association pour la revendication
des droits démocratiques, au Québec, et la Cour suprême définit le mode de
scrutin comme un outil pour donner une représentation aux communautés
d'intérêts.
Il y a 60 ans, ou même un peu plus, les
communautés d'intérêts étaient géographiques. Les gens connaissaient leurs
voisins. Les centres d'intérêt étaient, donc, dans les villes, etc., et autres.
Depuis, la société change très vite, on va dire ça comme ça, et les communautés
d'intérêts sont devenues plus électroniques, idéologiques. Et donc, pour
représenter, pour aller capturer les verts, par exemple, la représentation
géographique est déficiente pour ça. Donc, le but, c'est d'obtenir des façons
de définir des échantillons de la population qui vont avoir… essayer d'obtenir
de la représentation et qui ne sont pas définis géographiquement.
Donc, pour vous donner un exemple, si vous
deviez essayer de demander l'opinion des gens pour le transport en commun à
Montréal, vous pourriez utiliser les tranches d'âge. Donc, les 18 ans se
trouvent quelqu'un pour les représenter, les 19 ans, les 20 ans, les 21 ans, et
ainsi de suite. Donc, d'avoir des formes de représentation qui sont différentes
donne des avantages différents.
L'Irlande, par exemple, a un sénat qui est
par professions. Donc, quand vient le moment de localiser des projets qui sont
nocifs, on va dire, des centrales nucléaires, des dépotoirs, ce genre de choses
là, eh bien, l'avantage d'avoir un sénat par professions, c'est qu'on va
essayer de mettre la centrale nucléaire, par exemple, à l'endroit en Irlande
où, s'il y a un accident, bien, les conséquences seront emportées par les
courants marins et puis les vents hors du territoire, vers l'océan, plutôt que
le contraire. Tandis qu'au Québec il y a des tas de cas, que ce soient des
musées, des aéroports, des hôpitaux, et autres, où, souvent, bien, on a vu la
population s'offusquer que les projets de développement finissaient souvent
dans le comté géographique des gens qui avaient, donc, le pouvoir de décider où
est-ce qu'on les situait.
Donc, l'idée, c'est de bénéficier des avantages que ça peut
avoir d'avoir une autre forme de représentation qui ne soit pas géographique.
Ce n'est pas le cas là-dedans, ce n'est pas ce que je vous ai mentionné avec la
stabilité, là.
Mme LeBel : Non, non, pas
du tout, pas du tout, mais vous y faisiez comme référence, donc je voulais
avoir un peu...
• (17 h 50) •
M. Rouillon (Stéphane) :
Mais c'est un peu ce qu'on fait. Quand on essaie de généraliser en disant :
On veut des représentants de région, O.K., c'est parce qu'on n'a pas besoin
d'avoir de <représentants...
M. Rouillon (Stéphane) :
...des
avantages que ça peut avoir d'avoir une autre forme de
représentation qui ne soit pas géographique. Ce n'est pas le cas là-dedans, ce
n'est pas ce que je vous ai mentionné avec la stabilité, là.
Mme LeBel : Non, non,
pas du tout, pas du tout, mais vous y faisiez comme référence, donc je voulais
avoir un peu...
M. Rouillon (Stéphane) :
Mais c'est un peu ce qu'on fait. Quand on essaie de généraliser en disant :
On veut des représentants de région, O.K., c'est parce qu'on n'a pas besoin
d'avoir de >représentants de municipalité, on a déjà des maires qui
s'occupent de faire ça, et les problématiques qui sont liées, donc, au...
géographiquement, là, les trottoirs, la circulation, les bibliothèques, et
autres, sont déjà prises en compte par les municipalités, tandis qu'un
gouvernement provincial ou fédéral, lui, est là pour traiter de problèmes
d'équité qui ne devraient rien avoir, essentiellement, à faire avec la
géographie, donc le mariage gai, par exemple, la légalisation du cannabis, qui
devraient être uniformes sur le territoire ou pas, donc, l'opposition... pour
ou contre le nucléaire, donc tout ce genre de débats de principes qui traitent
de problèmes qui font les journaux, d'ailleurs, ces derniers temps, là. Il faut
être conscients, là, en 2020, la grande majorité des problèmes qu'ont affrontés
les citoyens ne sont pas géographiquement localisés, mais ce sont des choses
comme les idées, donc, l'Internet, les missiles, les maladies contagieuses,
donc, les animaux migrateurs, etc., toutes des choses qui traversent les
frontières et pour lesquelles une mise à jour, on va dire, plus adaptée de nos
institutions serait plus apte à répondre, à mon avis.
Mme LeBel : O.K. Et,
peut-être, en terminant, sous l'angle, encore une fois, de la stabilité des
gouvernements, de façon peut-être plus marginale, vous ne prônez pas
l'utilisation des quotas, mais est-ce que vous ne pensez pas qu'un seuil
minimal d'accessibilité, quand même, devrait être... peut-être pas sous
l'angle... bien, oui, un peu sous l'angle de la stabilité, mais pour empêcher,
aussi, que des courants complètement marginaux qui réussiraient quand même à
rassembler un certain seuil de voix n'aient pas encore la légitimité nécessaire
pour atteindre un siège à l'Assemblée nationale, est-ce que vous ne pensez pas
que, outre l'argument de la stabilité des gouvernements, qui peut en faire
partie, pour les seuils, j'en suis… est-ce que vous ne pensez pas qu'un certain
seuil, quand même, est approprié pour y avoir une certaine barrière à l'entrée,
attendre que certains courants fassent leurs preuves un peu plus, là, ou
s'ancrent un peu mieux dans la réalité du Québec, là?
M. Rouillon (Stéphane) :
…avec deux réponses, d'abord. Premièrement, le mécanisme, tel qu'il est décrit,
par exemple, donne un poids législatif plus fort au gouvernement qui gagne.
Comme ce parti-là est celui qui nomme le président, si, par exemple, il devait
hériter, donc, d'un poids double, par exemple, il faudrait qu'il soit capable
d'aller convaincre au moins deux membres de l'opposition à voter pour
compenser. Donc, un indépendant tout seul ne serait pas forcément capable de
faire pencher la balance à lui tout seul, tout simplement, dans ce cas-là, O.K.?
Donc, il y a des cas où, franchement, il faut voir, un petit peu, qu'il y a une
dynamique qui s'installe à partir de ça.
La deuxième chose, c'est que c'est une
question de perspective. Si vous avez des groupes extrémistes, comme vous
dites, préférez-vous qu'on les entende au Parlement pour donner leur opinion ou
pensez-vous que c'est mieux qu'ils se décident… qu'ils trouvent qu'ils ont
besoin de se faire justice eux-mêmes et qu'ils vont faire ça ailleurs par
d'autres moyens? Donc, moi, je pense que même des groupuscules, s'ils sont
capables d'aller chercher 1 % ou 2 %, ils devraient être représentés
au Parlement pour être capables d'exprimer leur opinion.
Et, je vais vous faire un parallèle, que
les grands partis se mettent d'accord, par exemple, pour être équitables entre
eux et tasser tous les petits pour essayer d'en tirer profit, bien, c'est un
comportement que je trouve malsain. Et moi, je pense que la concurrence pure et
dure qu'on a dans le milieu économique, où les PME, les moyennes entreprises
font toutes concurrence aux plus grandes, est beaucoup plus saine et répond
beaucoup mieux, et c'est ce modèle-là que je vous propose, d'aller chercher ces
avantages-là et de l'intégrer dans la sphère politique, tandis que, si on
devait faire le contraire… Bien, c'est un mécanisme que vous connaissez bien,
vous-même particulièrement, parce que, quand les grands se mettent d'accord,
dans le milieu économique, pour tasser les petits, on appelle ça de la
collusion, et, bon, on l'a déjà vécu, on a vu les conséquences que ça a, et ce
n'est pas ça qu'on veut.
Mme LeBel : Merci. Merci
de votre éclairage.
M. Rouillon (Stéphane) : De rien.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, s'il vous
plaît.
Mme Robitaille : Bonjour.
Merci, M. le Président. J'essaie de comprendre, avec le projet de loi… En fait,
ce que vous nous dites, c'est que ce 10 % là de distorsion, on ne devrait
pas l'avoir?
M. Rouillon (Stéphane) :
Il n'y a que la Turquie qui fait ça, et elle est passée proche de se faire
poursuivre aux droits de l'homme, donc à l'ONU, comme quoi ce seuil-là allait
contre les droits de l'homme. Donc, je ne vous recommanderais pas ça du tout,
ce n'est pas un modèle de démocratie.
Mme Robitaille : Donc,
10 %, ça ne vaut pas la peine, là, tant qu'à faire ça?
M. Rouillon (Stéphane) :
Moi, je vous recommanderais 2 %. J'étais sur le comité, donc, conseil du
DGE à l'époque, quand on avait étudié, on avait gardé 2 %, 3 % et
5 %, qui étaient les plus courants, on va dire, en tant que tel.
Mme Robitaille : Peut-être
que je ne comprends pas ou je comprends mal, mais ce que vous nous dites, c'est
que même 2 %… Vous, vous dites : Pas de pourcentage de distorsion. On
peut... On pourrait y aller avec ce qu'on a, on travaille avec ce qu'on a, on
ne met pas de barrière.
M. Rouillon (Stéphane) :
Moi, je vous recommanderais, personnellement, de ne pas mettre de seuil et
d'aller regarder pour mettre un autre mécanisme de stabilisation plutôt que des
seuils, O.K.? Si vous tenez à en mettre, ce n'est pas un problème, je vous
recommande, dans ce cas-là, 2 %. Mais je vais vous prendre un des
cas les plus fractionnés que <j'ai pu...
Mme Robitaille : ...
ce
qu'on a, on travaille avec ce qu'on a, on ne met pas de barrière.
M. Rouillon (Stéphane) :
Moi, je vous recommanderais, personnellement, de ne pas mettre de seuil et
d'aller regarder pour mettre un autre mécanisme de stabilisation plutôt que des
seuils, O.K.? Si vous tenez à en mettre, ce n'est pas un problème. Je vous
recommande, dans ce cas-là, 2 %. Mais je vais vous prendre un des
cas les plus fractionnés que >j'ai pu voir, sur lequel j'ai pu
travailler. Quand j'ai développé ce genre de recherche et que j'ai pu le
présenter à gauche, à droite, j'ai eu l'occasion de discuter avec différents
représentants de corps diplomatiques, O.K., une dizaine, à peu près, d'attachés
politiques, attachés consulaires, attachés d'ambassade, consuls, consuls
généraux, ex-ambassadeurs et ambassadeurs d'une demi-douzaine de pays, dont la
Tunisie, l'Islande, le Mexique et l'Allemagne. Et donc le cas de la Tunisie,
avec qui j'ai travaillé, parce que, bon, l'ambassadeur, à ce moment-là, m'a
invité pour voir ce détail-là, qui était vraiment exactement le même, à
l'époque, là, est assez flagrant. La Tunisie est entrée en démocratie, O.K.,
par rapport au système dictatorial qu'elle avait avant, en tant que tel, et
donc ils ont eu 84 partis politiques qui se sont présentés la première fois où
ils ont fait une élection. Ce n'est pas du tout ce à quoi on s'attend au
Québec, d'accord? Soyons concrets, là, il n'y a aucun risque.
Mme Robitaille : Est-ce
que, quand même, ça peut augmenter le nombre de partis? On en a déjà beaucoup,
là, quand on va voter. Mais ça pourrait, oui…
M. Rouillon (Stéphane) :
Mais on n'atteindrait pas ces sommets-là. Et ce que je vous dis, c'est que,
même dans des cas comme ça, l'ambassadeur était soucieux de la stabilité de son
pays. C'est normal, dans ce cas-là, O.K., à 84 partis politiques. Ils en ont
élu 18 et se sont retrouvés dans le cas le moins stable, donc, et ils ont fait
une coalition tripartite. Comme c'était la première fois, il n'y a pas eu de
problème, ça a été fonctionnel, en tant que tel. Là, ils ont eu une deuxième
élection. D'abord, le nombre de partis s'est rapproché plutôt de 60, ça s'est
agglutiné naturellement, ce qui est normal. Ils n'en ont élu que 16 à la
dernière élection, en tant que tel, mais ils ont toujours une coalition
tripartite avec laquelle c'est difficile de travailler.
Mais le mécanisme que je vous ai décrit
rendrait ça totalement fonctionnel, c'est-à-dire que, le parti vainqueur, je
pense qu'il a eu 54 sièges sur les 217, donc à peu près le quart, on pourrait
tripler son poids législatif, diviser, donc, par trois la durée de son mandat
en compensation. La durée du mandat, en Tunisie, est de cinq ans, donc eux, ils
auraient un an et huit mois, donc le tiers du mandat, pour faire ça avec ce
parti politique qui aurait des représentants qui voteraient en Chambre avec un
poids de trois et qui seraient donc obligés, comme je viens de l'expliquer,
d'aller convaincre au moins deux membres de l'opposition pour être capables de
passer des politiques au nom du gouvernement. Sauf que, sur les 15 autres
partis qu'il y a, bien, il y en a sept qui ont déjà plus de deux représentants
et il y a huit indépendants, si je me souviens bien, donc, de la répartition
qu'il y a eu. Donc, toutes ces combinaisons-là font que, statistiquement, c'est
très proche de 98 %, 99 % de chance d'être capables de convaincre qui
que ce soit d'aller de l'avant et donc d'avoir un gouvernement stable pour un
an et huit mois, malgré une surfragmentation de l'État.
Mme Robitaille : Ce que
vous proposez, ça existe déjà? Est-ce qu'il y a des modèles? Non.
M. Rouillon (Stéphane) :
Non, ça n'existe pas. Ce qu'il y a de plus proche, c'est la compensation
grecque, qui existe en ce moment, qui est fixe, qui est un groupe de 50 sièges
qui va au parti pluralitaire, donc le parti vainqueur, mais ça cause des
heurts, on va dire, dans le monde politique, là, pour trois raisons différentes.
D'abord, comment est-ce qu'on détermine ces gens-là? Donc, les mêmes problèmes
qu'on a ici, là. D'où est-ce qu'ils viennent? Est-ce qu'ils représentent un
comté, une région d'où est-ce qu'ils sont originaires, O.K.? Et, ensuite, qui
les nomme? Quel est le mécanisme? Et surtout ce qui est fondamental, là-dedans,
c'est que, la population ayant élu un gouvernement minoritaire, en tant que
tel, le fait d'avoir 50 sièges pile, pile, pile fait que des fois on passe du
cas 5 ou 4 au cas n° 1, O.K., et là ça fait des
grands heurts avec les représentants de l'opposition, qui ont dit :
Regardez, on devrait avoir une partie du pouvoir pour pouvoir négocier et
participer, selon la volonté populaire, et on se retrouve totalement exclus des
décisions pour un mandat total de quatre ou cinq ans, en tant que tel, d'où la
problématique. Et je pense que la Grèce va abandonner ce format-là, en tout
cas, pas à la prochaine élection mais à la suivante, et peut-être qu'ils
retravailleront un modèle comme celui-là. Je l'ignore encore.
Mme Robitaille : Donc,
dans la mécanique, on pousse les individus qui représentent les partis, bon,
pas nécessairement... bien, plus forts, pas nécessairement, mais à aller faire
des compromis avec les plus petits partis. Et comment on enchâsse ça dans une
loi? En fait, on guide les parlementaires dans leurs résolutions de conflits ou
dans leurs façons de résoudre le conflit? Comment on fait?
• (17 heures) •
M. Rouillon (Stéphane) : …la
dynamique actuelle exacte que vous avez dans le Parlement britannique et qu'on
a vécue quatre fois déjà, dans les quatre cas de gouvernements minoritaires que
j'ai nommés, de M. Harper, de M. Charest, de Mme Marois et de...
excusez-moi, le quatrième, si vous pouviez m'aider, je pense que… M. Trudeau,
qui est en ce moment, donc qui peut s'allier à n'importe lequel des partis
d'opposition pour être capable de faire passer <un budget…
>
17 h (version révisée)
< M. Rouillon (Stéphane) :
...les cas de quatre
gouvernements minoritaires que j'ai nommés, de M. Harper,
de M. Charest, de Mme Marois et de... excusez-moi, le quatrième, si
vous pouviez m'aider,
je pense que... M. Trudeau, qui est
en
ce moment, donc qui peut s'allier à n'importe lequel des partis d'
opposition
pour être capable de faire passer >un budget. Et on a vu les
conservateurs refuser, le NPD se faire tirer l'oreille et le Bloc dire que,
pour la première fois, il donnerait son appui. Donc, c'est totalement ce genre
de dynamique là, mais au lieu d'espérer avoir ce genre de dynamique là, on
cherche à être capables de le garantir.
Je vous dirais, cette mécanique-là m'a été
proposée par un des... Moi, je travaille dans le milieu de l'intelligence
artificielle, de recherche opérationnelle, et c'est un des professeurs avec
lesquels je travaille qui m'a amené cette dynamique-là, cette façon de faire là...
pas tout à fait exactement celle-là. Le but, sa philosophie à lui, c'était de
dire que, quel que soit le nombre d'élus, on est capables d'obtenir un résultat
proportionnel en pondérant les votes législatifs de chacun des partis. Là, il y
a quelques petits bémols à apporter, c'est-à-dire que, si vous avez des partis
qui, finalement, n'ont aucun élu, zéro — le Parti vert, actuellement,
maintenant, et je pense qu'il y a même les marxistes-léninistes, enfin il y a
un certain nombre de partis — ce n'est pas en pondérant l'absence de
députés que vous allez y arriver.
Et moi, j'ai préféré utiliser cet outil-là
pour résoudre le problème de la stabilité, qui semble être le problème
principal, parce que, quand je lis le projet de loi, toutes les corrections qui
ont été faites, la semi-compensation, le niveau de seuil, le fait de calculer
sur une base régionale plutôt que nationale, tout ça, c'est guidé par un
principe, celui de la peur de l'instabilité, et donc j'espère vous donner une
solution de base et vous donner l'occasion de pouvoir dire : On peut aller
de l'avant avec la proportionnelle; le cas échéant, si vraiment on a des
problèmes extrêmes, on aura des solutions à proposer.
Mme Robitaille : On n'a
pas parlé de la parité, mais est-ce que, dans votre approche, dans... Est-ce
que... Qu'est-ce que vous pensez de cette idée de parité, où là, on met une
zone de 40 à 60...
M. Rouillon (Stéphane) :
Le mécanisme est totalement compatible avec n'importe quel mode de scrutin
proportionnel, donc l'alternance hommes-femmes sur les listes, tel qu'il est
dans le projet de loi, est totalement compatible. Et, si vraiment ça devait
être déficient comme forme de représentation, bien, le fait d'avoir un mode de
scrutin proportionnel stimule l'apparition de partis, donc c'est pour ça que j'ai
mentionné un parti rose, dans le sens... un parti féministe, qui serait
totalement, donc, pertinent, on va dire, dans le contexte actuel des #metoo et
des autres causes.
Mme Robitaille : C'est
ça. Oui, mais... Oui, c'est sûr qu'un parti féministe... mais ça ne veut pas
nécessairement dire qu'au sein d'un parti féministe on va avoir juste des
femmes, là.
M. Rouillon (Stéphane) :
Bien sûr, tout à fait.
Mme Robitaille : L'idée
d'encadrement des motions de censure, par exemple, ça, c'est un autre domaine,
mais est-ce que vous pouvez... Parce qu'on dit, justement, pour éviter
l'instabilité, on pourrait peut-être avoir des motions de censure, mais ça, ça
n'a rien à voir avec le...
M. Rouillon (Stéphane) :
On peut s'arranger pour que ce soit compatible avec le fonctionnement actuel du
Parlement. Les avantages des élections fixées d'avance, quand j'ai travaillé
dessus avec M. Béland, à l'époque, et autres, c'est qu'on ne voulait pas
qu'un chef de gouvernement puisse tirer avantage du contexte pour essayer de
surfer sur la vague et choisir ce moment.
Donc, sans avoir des élections fixées
d'avance, le mécanisme permet d'avoir une date fixée à l'avance. Donc, ça ne
sera pas toujours la même date récurrente, là, pas toujours le 4 novembre, par
exemple, et autres, mais au début du mandat, on saura que, si le gouvernement
ne tombe pas sur une question de confiance, eh bien, les élections auront lieu
exactement dans un an, neuf mois et puis quatre jours, par exemple, et donc
vous pouvez reculer si vous voulez avoir le dimanche ou le lundi — je
pense que c'est le lundi en ce moment qu'on a, là — donc le lundi qui
soit adapté, là.
Mme Robitaille : Merci.
M. Rouillon (Stéphane) :
De rien.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. M. le député Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois :
Bonjour. Vous avez mentionné à plusieurs reprises quelque chose qui me semble...
avec lequel je suis tout à fait d'accord, ça me semble incontestable,
c'est-à-dire qu'une des critiques, une des craintes qui est avancée le plus
souvent, quand on parle de proportionnalité, même si ce qui est proposé dans le
projet de loi est une forme très modeste, très diluée de proportionnalité,
c'est l'instabilité, la difficulté à gouverner. Et vous prenez un peu à... vous
renversez cet argument-là, comme l'a fait un intervenant néo-zélandais qu'on a
entendu hier, en disant... bien, en fait, lui, il parlait de volatilité
gouvernementale dans les systèmes uninominaux majoritaires à un tour, et vous
faites le même argument en nous disant : En fait, ce qu'on remarque, dans
les pays où il y a de la représentation proportionnelle, c'est que, malgré
qu'il y a un plus grand pluralisme politique, il y a une plus grande continuité
dans l'élaboration des politiques publiques, parce qu'on n'a pas d'effet de
balayage d'un côté et balayage de l'autre, c'est-à-dire une vague bleue, suivie
d'une vague rouge, suivie d'une vague orange ou d'une vague verte. Au
contraire, les partis passent... souvent, ils étaient dans le gouvernement, ils
y restent ou ils y passent, ils y reviennent. Bref, expliquez-nous qu'est-ce
que vos recherches démontrent à ce niveau-là, à quel point... qu'est-ce que ça
donne dans la dynamique d'élaboration des politiques publiques.
M. Rouillon (Stéphane) :
Écoutez, malheureusement, c'est un des domaines où ce n'est pas moi, le bon <expert…
M. Nadeau-Dubois : ...
étaient
dans le gouvernement, ils y restent ou ils y passent, ils y reviennent. Bref, expliquez-nous
qu'est-ce que vos recherches démontrent à ce niveau-là, à quel point...
qu'est-ce que ça donne dans la dynamique d'élaboration des politiques
publiques.
M. Rouillon (Stéphane) :
Écoutez, malheureusement, c'est un des domaines où ce n'est pas moi, le bon >expert.
Les gens que vous avez eus, M. Milner, M. Blais, peut-être que vous
avez déjà entendu... et autres, les politicologues sont mes références dans le
domaine. Mais ce que je peux vous dire, par exemple, c'est que, la très grande
majorité des partis... des pays européens ont des modes de scrutin
proportionnel, à quelques exceptions près, et qu'on constate, O.K., qu'il y a
une continuité dans ces politiques-là, comparé à ce qu'il peut y avoir dans le
modèle britannique, où... Ou, même, on l'a vécu, je peux prendre le cas du
registre des armes à feu, ici, au Canada, par exemple, où les... où, d'un coup,
on a investi des sommes faramineuses et qu'on a tout fait disparaître. Et c'est
ce genre de gestion là que des coalitions vont réduire, parce que ça va être
extrêmement rare qu'il n'y ait aucun des deux ou trois partis qu'il pourrait y
avoir dans les coalitions précédentes qui se retrouvent dans la suivante, à
moins qu'on ait vraiment une révolution en tant que tel, là. Mais, dans ces
cas-là, il n'y a pas... ce n'est pas un mode de scrutin, là, qui doit
intervenir, là, c'est la volonté populaire qui change.
M. Nadeau-Dubois : Merci
beaucoup.
M. Rouillon (Stéphane) :
De rien.
Le Président (M. Bachand) :
M. le député de Rimouski, s'il vous plaît.
M. LeBel : Merci, M. le
Président. Bonjour. Vous m'avez fait un peu réagir, tantôt, quand vous avez dit :
Les dossiers régionaux, les maires sont là pour s'en occuper. Il y a quand même
des dossiers, là, Internet haute vitesse, les traversiers, chez nous, dans le
Bas-du-Fleuve, il me semble que les députés sont interpelés. La santé dans le
milieu rural, ils sont interpelés. Et je ne vous lirai pas mon agenda de la fin
de semaine, là, mais, conseil climat, une assemblée citoyenne, un salon
funéraire, des carnavals dans les villages ruraux. Puis je ne suis pas le seul,
là, on est tous un peu comme ça. L'accès aux députés, vous ne pensez pas que c'est
une variable qui est importante, aussi, à avoir dans notre réforme?
M. Rouillon (Stéphane) :
On avait fait les calculs, déjà, à l'époque, on parle de 40 000 électeurs, à peu
près, par comté, là. Si on regarde le temps que vous devez passer ici, à
l'Assemblée nationale et, bon, le temps pour manger et dormir, etc., si vous
deviez voir équitablement tous vos électeurs, vous auriez moins de cinq minutes
pour chacun, O.K., donc, c'est monstrueux, en tant que tel. Et, il faut être
honnête, maintenant, ce n'est pas de les voir physiquement, là, qui compte le
plus, là. Ils vont vous téléphoner, ils vont vous écrire par mail, etc., et
autres, donc la relation géographique, physique, là, n'a plus la même
dimension. Je ne dis pas que c'est inutile, là, O.K.? Au contraire, O.K., c'est
sain, ça permet d'avoir l'heure juste, et autres, mais ce n'est pas la seule
façon de rejoindre... et d'être connecté avec son électorat, O.K.? Alors, l'idée,
c'est de comparer quels sont les avantages et les inconvénients. Je ne vous proposerai
pas des systèmes qui soient assez constrictifs pour une élection municipale.
Dans ce cas-là, je vous recommanderai le vote unique transférable irlandais,
qui pondère le côté préférentiel et le côté proportionnel de façon raisonnable
en ayant un lien géographique de proximité, ça, oui, O.K. Mais, bon...
M. LeBel : Je vais vous
dire, les gens veulent nous voir. Ils ne veulent pas nous voir en
visioconférence, ou par téléphone, ou par... Et c'est le danger qu'on a. On
entend souvent ça, maintenant : On peut avoir des grandes régions, de
toute façon, il y a la visioconférence. Mais, moi, ce n'est pas vrai. Moi, le
Bas-du-Fleuve, ce n'est pas une région de visioconférence.
M. Rouillon (Stéphane) :
Je suis d'accord avec vous. Ce n'est pas aussi pratique, ce n'est pas aussi
convivial, ce n'est pas aussi... mais il faut regarder qu'est-ce qu'on perd et
qu'est-ce qu'on gagne, aussi, dans cette vision-là.
M. LeBel : Merci.
M. Rouillon (Stéphane) :
De rien.
Le Président (M. Bachand) :
Mme la députée de Marie-Victorin, s'il vous plaît.
Mme Fournier : Merci
beaucoup pour votre proposition et votre présentation très intéressante et qui
nous amène à réfléchir à toutes sortes de possibilités. Toujours est-il que,
justement, comme le disait le collègue de Gouin, concernant la possibilité qu'une
réforme du mode de scrutin permette, en fait, plus de stabilité dans les
politiques publiques parce qu'elle amènera la formation de coalitions
électorales, je trouve ça très intéressant aussi. Est-ce que vous diriez, donc,
que l'État québécois pourra économiser beaucoup d'argent parce que, justement,
on n'aura pas à continuellement refaire... faire et défaire les réformes qui
auront été décidées par les gouvernements?
• (17 h 10) •
M. Rouillon (Stéphane) :
Écoutez, pour moi, ça me semble évident, parce que... Je vais vous donner des
ordres de grandeur. D'ailleurs, je pense que quelques-unes des personnes qui
sont passées avant moi vont vous avoir dit ça. Des élections, au Québec, ça, on
parle de... c'est de l'ordre de grandeur de dizaines de millions,
plusieurs dizaines de millions de dollars. Donc, je ne sais pas exactement
où en est rendu le Directeur général des élections, mais ça doit être autour de
80 millions, à peu près, comme ordre de grandeur.
Si on compare aux problématiques,
justement, qui ne sont pas géographiques et auxquelles on doit faire face, et
ne serait-ce que, donc, les paradis fiscaux, lorsqu'on travaille sur les
estimations, les problématiques de ça auxquelles les élus cherchent des
solutions et auxquelles, justement, là, il n'y a pas de lien géographique, on
ne veut pas savoir si les gens qui cachent de l'argent, ils viennent de
Gatineau, de Hull, ou de Rimouski, ou de Québec, ou de Montréal, là, O.K., bien
là, on est dans l'ordre des dizaines de milliards de dollars, là, O.K., en
fuite, etc., et autres.
Si on regarde, par exemple, les politiques
climatiques, là, le Parti vert, qui est absent, là, de l'Assemblée nationale,
bien, ce genre d'enjeu là, là... et vous regardez sur la scène internationale,
on parle de combien, en estimation des montants qui vont être perdus, et autres,
là, on est dans les centaines de milliards de dollars de ces catastrophes-là
qui sont <dissipés...
M. Rouillon (Stéphane) :
...
etc., et autres.
Si on regarde, par exemple, les
politiques climatiques, là, le Parti vert, qui est absent, là, de l'Assemblée
nationale, bien, ce genre d'enjeu là, là... et vous regardez sur la scène
internationale, on parle de combien, en estimation des montants qui vont être
perdus, et autres, là, on est dans les centaines de milliards de dollars de ces
catastrophes-là qui sont >dissipés.
Donc, toutes proportions gardées, là, O.K.,
oui, je pense que ça vaut la peine d'investir dans notre démocratie pour avoir
une saine concurrence et être capables d'aller chercher les meilleures idées
qui vont être capables de résoudre ces problèmes-là.
Mme Fournier : Je vous
donne un exemple peut-être plus concret de ce que je veux dire. Les fusions municipales,
au Québec, il y a plusieurs années, bon, il y a un parti qui les a mises en application.
Bien, aux élections suivantes, il y a un parti qui a promis de les défaire qui
a été élu au pouvoir, donc on a engouffré des millions de dollars de fonds
publics. Donc, avec la réforme du mode de scrutin, avec, justement, le fait qu'il
y aura des coalitions, le fait d'avoir davantage de gouvernements minoritaires,
ça va éviter ces retournements de situation qui sont très, très coûteux pour
les contribuables.
M. Rouillon (Stéphane) :
Totalement. Vous venez de me donner un propre exemple auquel je n'avais pas
pensé. Donc, effectivement, c'est vraiment un cas qu'on a vécu et où on a
dilapidé beaucoup d'argent pour arriver à certains résultats qu'une meilleure
pondération de la volonté populaire, un meilleur équilibre aurait pu éviter, donc,
ça, oui.
Mme Fournier : Génial.
Donc, la réforme du mode de scrutin serait très bonne pour les contribuables, c'est
bien noté.
M. Rouillon (Stéphane) :
Moi, c'est ce que j'ai essayé de vous présenter.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Merci de votre participation, c'est très apprécié.
Je suspends les travaux quelques instants.
Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 11)
(Reprise à 14 h 14)
Le Président (M. Bachand) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Merci beaucoup. Je vous invite à prendre place.
Merci.
Alors, il me fait plaisir de souhaiter la
bienvenue à M. Marc-André Bodet, professeur agrégé au Département de
science politique de l'Université Laval. Alors, bienvenue. Vous connaissez le
système, 10 minutes de présentation, après ça, période d'échange. Merci
beaucoup. La parole est à vous.
M. Marc-André Bodet
M. Bodet (Marc-André) :
Merci. Alors, bonjour. Je tiens d'abord à remercier tous les membres de la Commission
des institutions pour leur invitation. J'espère que mes propos viendront
nourrir votre réflexion et surtout qu'ils apporteront une contribution
constructive aux discussions sur le sujet de la réforme du mode de scrutin.
Je constate que mon rôle, comme universitaire,
est avant tout de présenter ma lecture de la littérature en sciences politiques
sur le sujet. Je m'y attarderai donc avec un souci constant de rigueur et de
transparence. Comme vous le savez, la recherche scientifique n'avance pas à
coups de consensus, bien au contraire. Il y a de vifs débats parmi mes
collègues à propos des mécanismes et institutions permettant une juste représentation
d'un corps politique.
Il est d'ailleurs important, à mon avis,
de garder en tête que nos institutions démocratiques ne visent pas uniquement à
représenter mécaniquement les préférences et les intérêts des citoyens qui
composent la société québécoise. Au contraire, ces institutions doivent également
assurer la protection et même la valorisation des opinions minoritaires en plus
d'assurer une représentation territoriale adéquate. C'est donc un compromis qui
doit dépasser la simple formule consacrée «une personne, un vote».
Je tiens également à réitérer que le
Québec s'est doté d'institutions politiques de tradition britannique. L'Assemblée
nationale est un Parlement de style Westminster, qui fait vivre en son sein une
culture politique britannique. Pour faire vite, cette culture a une <dimension...
M. Bodet (Marc-André) :
...c'est donc un compromis qui doit dépasser la simple formule consacrée, «une
personne,
un vote».
Je tiens
également à réitérer
que le Québec s'est doté d'institutions
politiques de tradition
britannique.
L'Assemblée nationale est un Parlement de style Westminster,
qui fait vivre en son sein une culture
politique britannique. Pour faire
vite, cette culture a une >dimension normative : légitimité
gouvernementale issue du Parlement, efficacité législative, reconnaissance
d'une opposition officielle constituée, etc., mais aussi une dimension
organisationnelle, avec un mode de scrutin majoritaire, une représentation
basée sur la géographie et une indépendance des tribunaux. Les institutions
démocratiques québécoises sont finalement assez proches de leurs sources du
XIXe siècle, malgré les changements sociaux et économiques massifs qu'on a
connus. On peut même dire que ces institutions, implantées parfois à contrecoeur
par le conquérant anglais, nous ont extrêmement bien servi.
Ceci étant dit, il y a toujours place à
l'amélioration. Nos institutions ont évolué quand cela étant nécessaire,
parfois à la marge, parfois plus en profondeur. Mais l'intégrité du caractère
Westminster de notre Assemblée nationale a toujours été préservée. On peut
affirmer sans risque que créer la controverse... sans créer la controverse, que
la modification de notre mode de scrutin, comme le propose le projet de loi
n° 39, est une transformation en profondeur. Mais je vais plus loin et
j'affirme que l'intégrité des institutions Westminster, dont nous profitons,
est menacée.
J'ai plusieurs collègues politologues qui
sont venus discuter avec vous au cours des derniers jours. J'ai quelques
commentaires au sujet de leurs propos. D'abord, malgré eux, cette entrée en
matière, là, plutôt dramatique que je viens de faire, je tiens à dire qu'il y a
beaucoup de bons éléments dans la réforme proposée. Je comprends tout à fait
l'enthousiasme de certains pour cette réforme pleine de modération, qui cherche
à réconcilier un désir exprimé par certains d'obtenir plus de proportionnalité,
tout en s'assurant que la vigueur démographique de Montréal et ses banlieues ne
viennent pas marginaliser encore plus des régions moins dynamiques sur ce plan.
Je note également que la proposition
tente, par un mécanisme tout de même compliqué, de protéger notre vie
électorale des extrémistes de tout acabit. En ce sens, et dans un désir de
participer pleinement au débat en cours, je reprends à mon compte certaines
propositions de mes collègues politologues, soit les Prs André Blais, de
l'Université de Montréal, et Eric Montigny, de l'Université Laval. Leurs
propositions atténueraient des déficiences du mode de scrutin proposé par la
loi. Je suis certain que plusieurs autres intervenants ont apporté des éléments
pertinents, mais je me concentre sur les interventions de mes deux collègues
simplement parce que j'ai eu accès à leurs propositions suffisamment à
l'avance.
Je répète juste une dernière fois que je
considère que notre mode de scrutin actuel est bien supérieur à son alternative
proposée par le projet de loi. J'ajoute que je ne suis pas opposé, par
principe, à une réforme, mais, s'il faut changer, il se fait plus simple et il
se fait plus efficace.
Parmi les éléments proposés par mes
collègues, je partage totalement... à la surprise et peut-être même l'inquiétude
de mon collègue André Blais, quant à la présence d'un seuil national de représentation
à 10 %. C'est à la fois inhabituel et propice à créer un mécontentement
auprès d'une proportion significative de la population qui appuie des partis
mineurs. En fait, il n'y a pas de justification crédible, à mon avis, qui
permet de placer ce seuil au-delà de 5 %. C'est, en quelque sorte, une
norme internationale. Par contre, je considère que le maintien d'un seuil
minimal national plutôt que régional est une excellente idée. Il serait
beaucoup trop facile pour des acteurs marginaux d'atteindre ce pourcentage dans
certaines régions moins populeuses.
Je partage également la satisfaction de
mon collègue André Blais quant à la présence d'un mécanisme de proportionnalité
modeste qui diminue significativement mais n'élimine pas la possibilité d'un
gouvernement, sinon majoritaire, du moins unicentré, soit un gouvernement
minoritaire à un seul parti. Le calcul mathématique pour y arriver est
particulier, mais cela relève davantage de détails techniques sans grand
intérêt pour l'électorat.
De plus, la taille des régions pose... ou
plutôt, par contre, la taille des régions pose problème. André Blais est très
critique de cet aspect des choses. Il a raison de dire que les régions moins
bien pourvues en termes de sièges en compensation profiteront moins d'un
mécanisme qui insuffle de la proportionnalité dans la représentation. Les tiers
partis qui réussiront à passer le seuil de 10 %, ou 5 % au demeurant,
risquent de se retrouver avec un caucus essentiellement montréalais ou du 450. Faut-il
moins de régions? Je pense que oui. Eric Montigny note, avec justesse, que
l'harmonisation des frontières administratives électorales a eu du bon, mais
illustre également les impacts réels de la création de régions actuelles sur la
représentation. Une réflexion plus systématique s'impose, à mon avis.
Eric Montigny semble suggérer que l'appui
de l'opposition officielle est possiblement essentiel pour permettre toute
réforme du mode de scrutin. Je trouve ses arguments convaincants. Je suis
conscient que cela accorde un pouvoir inhabituel à un parti spécifique.
Pourtant, le statut d'opposition officielle, que nos institutions accordent à
ce parti, rend ce privilège, à mon avis, incontournable, même s'il y a la tenue
d'un référendum subséquent.
Je suis également en désaccord avec
plusieurs arguments présentés par mes distingués collègues. Voici deux points
particulièrement illustratifs. Premièrement, contrairement à André Blais, je
considère qu'un référendum est inutile et surtout nocif pour notre vie
démocratique. Qu'il y ait deux choix ou quatre, comme le proposait André Blais,
les règles du jeu électoral ne méritent pas cette attention. Le sujet est trop
secondaire pour occuper une place publique de façon aussi conséquente.
• (17 h 20) •
D'ailleurs, lors de l'importante réforme
du financement des partis menée par le ministre Bernard Drainville, du Parti
québécois, il ne fut jamais question de <référendum...
M. Bodet (Marc-André) :
...
pour notre vie démocratique. Qu'il y ait deux choix ou quatre, comme
le proposait André Blais, les règles du jeu électoral ne méritent pas cette
attention. Le sujet est trop secondaire pour occuper une place publique de
façon aussi conséquente.
D'ailleurs, lors de l'importante
réforme du financement des partis menée par le ministre Bernard Drainville, du
Parti québécois, il ne fut jamais question de >référendum. Pourtant,
cette réforme a eu des effets majeurs sur notre vie démocratique et sur les
partis eux-mêmes. En fait, le référendum ne fera que polluer la campagne
électorale, qui, elle, mérite toute notre attention citoyenne.
L'obligation de céder les rênes des camps
pour et contre à des acteurs non partisans est aussi compliquée. Qui a la
légitimité pour occuper un tel leadership? Qu'arrivera-t-il aux élus et aux
partis divisés sur cette question? À mon avis, l'accord des deux premiers
partis de l'Assemblée nationale et de 75 % des députés me semble amplement
suffisant pour adopter une réforme.
Deuxième point où je suis en désaccord
avec mes collègues, je me permets d'être moins catégorique que mon collègue
Eric Montigny quant aux bienfaits des mesures coercitives pour assurer la parité
hommes-femmes parmi la députation. Je connais bien les travaux sur le sujet,
j'ai travaillé avec des collègues là-dessus, et surtout les travaux de Rosalie
Readman, cités par le Pr Montigny. Ma lecture de la littérature est que
l'argent est un puissant acteur de changement des habitudes partisanes, j'y
reviendrai. Mais je tiens aussi à dire que l'obligation de présenter des listes
avec candidates et candidats en alternance aura un effet positif sur la
représentation des femmes.
Maintenant, ma position sur la loi n° 39. Je suis opposé à la proposition de réforme
électorale présentée par le projet de loi. Je crois que cette réforme aurait
des effets néfastes sur notre vie démocratique et que des ajustements moins
drastiques à notre système électoral pourraient être davantage souhaitables.
Cette réforme n'aura probablement pas
d'effet sur la participation électorale. Les Néo-Zélandais avaient fondé
beaucoup d'espoir sur leur réforme dans les années 90. Rien n'a réellement
changé sous le nouveau système mixte proportionnel.
Cette réforme n'aura probablement pas
d'effet sur la satisfaction envers les institutions. Le cynisme des citoyens à
travers le monde démocratique est une réalité qui transcende les règles du jeu
électoral. L'insatisfaction a des causes politiques, mais aussi sociales, qui
dépassent largement le mode de scrutin.
Cette réforme n'aurait probablement qu'un
effet limité sur la proportion de votes tactiques ou stratégiques aux
élections. De nombreux travaux empiriques ont montré que le vote tactique était
effectivement moins présent quand les petits joueurs occupaient une place plus
enviable, en proportionnel, donc, mais que le vote tactique prenait alors
d'autres formes. C'est dans la nature de l'humain de s'ajuster aux règles du
jeu.
Cette réforme ne rapprocherait pas
l'électeur québécois médian du positionnement du gouvernement en place non
plus. Les études sur le sujet, notamment menées par André Blais et moi-même,
ont démontré que le mode de scrutin ne changeait rien dans cette congruence
idéologique, puisque les électeurs sont au centre idéologique, tout comme les
gouvernements en régime parlementaire.
En quelques mots, la réforme du mode de
scrutin vers la proportionnelle est une licorne politique. On y projette plein
de belles intentions, mais, au fond, ce n'est qu'un mirage. Par contre, cette réforme
coûterait cher en termes de cohésion et de coopération intrapartis. Tous les
partis gouvernementaux au Québec depuis la Confédération ont été ou sont des
coalitions larges qui regroupent des progressistes, des conservateurs, des
environnementalistes, des nationalistes, etc. Le Parti québécois, le Parti
libéral et la Coalition avenir Québec sont tous des illustrations
spectaculaires de coopération interne au gouvernement. Toutes les tendances
sont alors représentées au cabinet, tous les compromis sont possibles. Même
Québec solidaire, idéologiquement plus homogène, n'aurait pas pu exister sans
la cohésion et la coopération des forces de gauche forcées par les règles
électorales. Dans une société labourée par des clivages indépendantisme-fédéralisme,
gauche-droite et interculturalisme-multiculturalisme, les institutions doivent
nourrir un désir de cohésion et de coopération à l'intérieur des partis, pas
une compétition fragmentée et polarisée. Voulons-nous vraiment vivre des
situations impossibles comme vivent les Allemands, les Danois, les Autrichiens,
les Norvégiens, etc.?
Finalement, comme je l'affirmais
précédemment, nous sommes dans un système parlementaire de style britannique.
Nous valorisons des gouvernements efficaces, des oppositions organisées qui
poussent le gouvernement à mieux faire, des moyens de punir clairement les
responsables politiques incompétents ou insatisfaisants. Il nous faut un mode
de scrutin en conséquence. La réforme proposée ne remplit pas ce mandat. Il
nous faut un mode de scrutin majoritaire.
Mes propositions. Premièrement,
l'Assemblée nationale...
Le Président (M. Bachand) :Excusez-moi...
M. Bodet (Marc-André) :
Oui?
Le Président (M. Bachand) :
...parce que le temps est écoulé. Alors donc, je vous laisserais peut-être une
minute, si vous voulez, ou on pourrait passer...
M. Bodet (Marc-André) :
Oui, je vais passer à la conclusion, à ce moment-là.
Le Président (M. Bachand) :
Allez-y, allez-y, professeur.
M. Bodet (Marc-André) :
J'ai quelques propositions qu'on pourra discuter, si ça vous intéresse, mais,
en conclusion, je répète respectueusement mon opposition à la réforme proposée.
Le projet de loi comporte des éléments intéressants, et je salue le travail de
réflexion effectué jusqu'ici. Je reconnais également la légitimité des
insatisfactions exprimées par les tenants d'une réforme. Pourtant, je demeure
convaincu que nous avons plus à perdre qu'à gagner. Ses fondements sont en dissonance
avec notre culture parlementaire britannique et ses conséquences peuvent être
graves pour la paix sociale et surtout la cohésion partisane au Québec.
Finalement, il existe d'autres mécanismes moins radicaux pour ajuster nos
institutions.
Je vous remercie, encore une fois, pour
votre écoute, et je suis évidemment disponible pour répondre à vos questions.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup, professeur. Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme LeBel : Merci, M. le
Président. Merci. Merci de votre présentation, de votre point de vue
intéressant. Mais je vais vous avouer que, bien que je comprenne que vous êtes
contre la réforme actuelle, naturellement, puis vous êtes pour le statu quo
avec certains ajustements, cette portion-là, je vais vous avouer qu'elle est
très claire pour moi, mais il y a des <choses qui...
Mme LeBel : ...
de
votre présentation, de votre point de vue intéressant. Mais je vais vous avouer
que, bien que je comprenne que vous êtes contre la réforme actuelle,
naturellement, puis vous êtes pour le statu quo avec certains ajustements,
cette portion-là, je vais vous avouer qu'elle est très claire pour moi, mais il
y a des >choses qui m'apparaissent un peu incohérentes dans votre présentation,
puis je vais vous les relever pour vous permettre de les préciser pour dissiper
mon incompréhension, peut-être, sur vos positions.
Bon, c'est sûr que, d'entrée de jeu, le
fait de dire que les gens qui sont pour la réforme du mode de scrutin vers la
proportionnelle, c'est une licorne politique, et qu'on vit tous au pays des
Calinours depuis plus de 50 ans, et... les pays qui ont fait cette réforme-là
et qui sont dans la proportionnelle, la Nouvelle-Zélande, l'Écosse, je trouve
ça un peu drastique, mais vous avez probablement une façon de nous l'expliquer.
L'objectif d'une telle réforme est, d'abord
et avant tout, d'insuffler de la proportionnalité. Donc, vous rejetez du revers
de la main le fait que la réforme n'aurait pas d'effet probant sur la participation
électorale, peut-être. Vous rejetez du revers de la main le fait que la réforme
n'aurait probablement pas d'effet sur la satisfaction des institutions,
peut-être. Peut-être pas uniquement cette réforme-là, il faut travailler sur
d'autres aspects, j'en suis, mais peut-être. Que cette réforme aurait
probablement un effet limité sur la proportion des votes tactiques aux
élections, donc de la façon de voter, donc le comportement de l'électeur
changera de toute façon, nécessairement, on va changer de système électoral.
Mais vous ne pouvez pas être en désaccord avec le fait que le mode de scrutin
va injecter une meilleure proportionnalité, donc une meilleure représentation
du vote du citoyen, ce qui est l'objectif d'un modèle proportionnel mixte comme
on le propose.
M. Bodet (Marc-André) : ...en
fait, à mon avis, il y a deux types de modes de scrutin : il y a des modes
de scrutin majoritaires et proportionnels. Bien que, dans la réforme proposée,
il y ait encore un aspect qui nous fait penser à notre mode majoritaire actuel,
l'accent qui est mis sur cette proportionnalité, qui aura des effets quand même
assez importants sur la distribution des sièges, me fait penser qu'il faut
maintenant considérer qu'il y aura un transfert du mode majoritaire au mode
proportionnel au Québec. Et mon point, quand je vous parle de licorne, c'est
surtout que les gains seraient, à mon avis, à la marge et que les coûts
pourraient être importants.
Mme LeBel : Parce que
vous dites : On y projette plein de belles intentions, l'intention
première qu'on y projette... et les autres mécanismes sont mis pour soutenir
d'autres objectifs, mais les intentions premières qu'on y projette, l'intention
première qu'on y projette, c'est d'obtenir un vote beaucoup plus représentatif
de la volonté des Québécois, donc c'est la proportionnalité. À la marge,
peut-être, les bénéfices pourront être la diminution du cynisme, une meilleure
satisfaction du Québécois, peut-être un taux de participation augmenté, à la
marge peut-être, mais moi, j'appelle ça, un bénéfice marginal qui pourrait
peut-être en découler. Mais l'intention première est la proportionnalité, et
ça, ce n'est pas une illusion, là, ce n'est pas une licorne.
M. Bodet (Marc-André) : ...ce
que je comprends, c'est qu'il n'y a personne qui n'a eu une obsession pour la
proportionnalité comme telle, c'est ses objectifs qu'on valorise, puis ce que
je vous dis, c'est que ces objectifs-là sont loin d'être assurés. Puis, ceci
étant dit, dans notre système, il est faux de dire que nous n'avons pas un
système qui représente les visions et les préférences des électeurs, c'est
simplement qu'il est basé sur une logique territoriale avec un gagnant qui a la
pluralité des voix, mais il est... on ne peut pas accuser notre système de ne
pas offrir une correspondance égale en termes de voix et de sièges, puisque ce
n'est pas son objectif. Son objectif est de transformer des voix, à l'intérieur
de circonscriptions, en sièges. Donc, il y a représentation de préférences,
c'est juste que ça ne s'exprime pas sous la forme d'une proportionnalité exacte
entre le nombre de voix et le nombre de sièges. Vous voyez ce que je veux dire?
Mme LeBel : Absolument.
On n'accuse pas notre système de ne pas le faire, on comprend très bien que ce
n'est pas son objectif, d'où l'idée de faire un changement vers un mode de
scrutin proportionnel mixte pour avoir, justement, cette proportionnalité,
parce qu'on voit l'émergence... on n'est plus dans une situation bipartite, tel
que le préconise... Le système britannique a été fondé sur une philosophie de
système bipartite. Nous ne sommes plus, même à l'intérieur d'un système
britannique, sur une philosophie de système bipartite, on a déjà quatre partis
à l'Assemblée nationale, on s'en va vers ce système-là. Nécessairement, dans le
système actuel — puis là-dessus vous ne pouvez pas être en désaccord
avec moi — nous avons un éclatement ou une pluralité... «éclatement»
est peut-être négatif, donc je vais y aller vers le positif, une pluralité des
voix, donc, qui va faire en sorte qu'on va avoir potentiellement, de toute
façon, des gouvernements minoritaires qui devront aussi se former en coalition.
Donc, le système britannique, tel qu'il existe aujourd'hui, est sur une base
bipartite qui n'existe plus, présentement, au Québec...
M. Bodet (Marc-André) :
Mais je vous dirais que les pays...
Mme LeBel : ...je ne
pense pas qu'il y a des partis qui vont disparaître, là.
• (17 h 30) •
M. Bodet (Marc-André) :
Mais le système proportionnel a été adopté par les pays européens, à l'époque,
pour accommoder des partis ouvriers. Est-ce qu'il y a encore des pays ouvriers
en Europe? Non, mais ils ont conservé la proportionnelle parce qu'elle leur
accorde des avantages.
Je comprends qu'historiquement notre
système était conçu pour le bipartisme, mais, comme c'est le génie des
institutions <britanniques, ils sont capables...
>
17 h 30 (version révisée)
< M. Bodet (Marc-André) :
...mais le système proportionnel a été adopté par les pays européens, à
l'époque, pour accommoder les partis ouvriers.
Est-ce qu'il y a encore
des partis ouvriers en Europe? Non, mais ils ont conservé la proportionnelle
parce
qu'elle leur accorde des avantages.
Je comprends qu'historiquement notre
système était conçu pour le bipartisme, mais, comme c'est le génie des
institutions >britanniques, ils sont capables... les institutions sont
capables de s'adapter, par des changements à la marge, aux changements de
contexte et de distribution partisane. Et cette logique d'explosion de l'offre
électorale... C'est vrai qu'on a, cette fois-ci, une situation assez
intéressante, on a quatre partis à l'Assemblée nationale avec un nombre de
sièges important, mais notre système nous permet quand même d'obtenir un
gouvernement majoritaire stable. L'un n'empêche pas l'autre en soi. Je
comprends qu'il y a un sacrifice à faire, mais je constate que ce sacrifice-là
vaut la peine par rapport aux bénéfices dont on bénéficie avec ce système, qui
nous a très bien servis.
Mais c'est une question de valeurs. Juste...
Puis je vais faire un petit point sur... Le monsieur qui a présenté avant moi,
il accorde beaucoup d'importance à la stabilité des politiques publiques, c'est
une valeur. Peut-être que d'autres accorderont plus d'importance au fait qu'on
peut à la fois reporter au gouvernement un parti qui a bien fait, mais surtout
punir et exclure de la vie gouvernementale un parti qui aurait été incompétent.
Et, dans une logique proportionnelle, avec, effectivement, des joueurs en
coalition temporaire ou permanente, bien, cette possibilité de se débarrasser
des partis incompétents est, à toutes fins pratiques, éliminée.
Mme LeBel : Ah! bien,
là-dessus, on va se rejoindre, donc on va trouver un point d'accord. C'est-à-dire,
donc, le choix d'un mode de scrutin, pour une société, va être une question de
choix des valeurs que la société désire mettre de l'avant au moment où elle est
rendue dans son évolution.
M. Bodet (Marc-André) :
Oui, mais ce que je vous dis, c'est que, si on change uniquement le mode de
scrutin, le reste des institutions se retrouvera dans une situation instable,
et il y aura, à ce moment-là, un travail beaucoup plus profond à faire pour
s'ajuster dans ce sens-là. Est-ce que les Québécois veulent aller dans cette
direction-là? Je ne suis pas certain.
Mme LeBel : O.K. Il y a
un changement de culture qui devra s'opérer, nécessairement.
M. Bodet (Marc-André) :
Pour le meilleur ou pour le pire.
Mme LeBel : Oui, mais il
y a un changement de culture qui devra s'opérer, nécessairement.
M. Bodet (Marc-André) :
Oui.
Mme LeBel : Parfait. Vous
parlez... À la page 2 de votre mémoire, vous dites : «Eric Montigny
semble suggérer que l'appui de l'opposition officielle est possiblement
essentiel pour permettre toute réforme du mode de scrutin.» Vous trouvez ses
arguments convaincants. Donc, pourquoi... À la base, qu'est-ce qui
nécessiterait l'appui de l'opposition officielle?
M. Bodet (Marc-André) :
Bon, premièrement, ma compréhension, suite à la lecture de son mémoire, à son
intervention d'hier mais aussi à des discussions qu'on a eues par le passé, il
y a, vous le savez, évidemment, dans nos enceintes parlementaires, une idée
de... une espèce de norme de vie parlementaire qui nécessite un certain
consensus parmi les acteurs présents. Et il y a même, et là M. Montigny
pourrait vous en parler plus en détail, des moments dans le passé où ce type de
décisions, de changements a nécessité un consensus large qui mettait au moins
en place les deux acteurs institutionnels fondamentaux d'un Parlement : le
parti gouvernemental et le parti de l'opposition officielle. Je ne vois pas
pourquoi, cette fois-ci, on peut se permettre de faire l'économie de l'appui de
ce premier parti d'opposition.
Après ça, est-ce qu'il en faut deux, trois
ou quatre? Ça, pour moi, ça me semble moins important. Ce qui compte, c'est le
pourcentage des députés qui appuient cette réforme, mais l'appui à cette
réforme de la part des deux premiers partis représentés à l'Assemblée nationale
me semble aller dans le sens des normes et des coutumes de notre vie
parlementaire.
Mme LeBel : O.K. Mais
est-ce que les normes et les coutumes de la vie parlementaire n'étaient pas,
justement, basées sur le fait qu'à l'époque, historiquement, l'opposition
officielle, doublée du gouvernement, représentait la majorité de la Chambre,
alors que ce n'est pas nécessairement le cas aujourd'hui? Donc, quand on parle
de large consensus, est-ce qu'on ne parle pas plutôt de consensus qui fait en
sorte qu'on pourrait représenter la majorité d'un poids... la majorité de la
Chambre, ce qui serait le cas avec... À titre d'exemple, on jase, QS, le Parti
québécois et le gouvernement actuel, nous représentons, à trois, une large
majorité de la Chambre, alors qu'à l'époque, effectivement, quand on incluait
l'opposition officielle dans cette notion de large consensus... Parce que ce
qui est important, c'est la notion de large consensus, c'était que l'opposition
officielle, nécessairement, avec le gouvernement, représentait, historiquement — on
pourrait revoir les chiffres, là — historiquement, cette espèce de
large majorité de la Chambre là.
M. Bodet (Marc-André) :
Je comprends, mais à la fois en termes de statut institutionnel mais en termes
de poids dans la Chambre, les deuxième et troisième partis d'opposition n'ont
pas le même poids que le deuxième. Donc, en ce sens-là, rejeter du revers de la
main un acteur institutionnel aussi important me semble inapproprié dans le
cadre des normes et des coutumes parlementaires québécoises.
Mme LeBel : Donc, dans
votre vision des choses, le député qui fait partie de l'opposition officielle a
plus de poids que le député qui fait partie de la deuxième ou de la troisième
opposition.
M. Bodet (Marc-André) :
Non, chaque député a un poids égal. C'est pour ça que je considère que
75 % des députés est satisfaisant, mais le premier parti d'opposition,
donc l'opposition officielle, l'opposition loyale officielle, qu'on dit, même,
à mon avis, a une importance plus grande dans le jeu démocratique québécois que
les autres partis d'opposition.
Mme LeBel : O.K. Dernier
point, peut-être, vous permettre d'élaborer un peu, parce que, des fois, à sa
face même, ça peut être assez, je dirais même, heurtant. Vous dites : On
peut être en désaccord avec le fait de la nécessité, ici, dans ce cas de
figure, de tenir un référendum ou non. On peut penser qu'on a la légitimité de
le faire si on avait, exemple, l'appui de l'opposition officielle. Qu'on ait ou
non la légitimité de le faire, pour moi, c'est un autre débat. Mais de dire qu'un
référendum est inutile et nocif pour la vie démocratique et que l'enjeu du mode
de scrutin est un enjeu secondaire, j'avoue que je ne vous suis <pas du
tout.
M. Bodet (Marc-André) :
O.K. Bien, il y a...
Mme LeBel : ...
référendum
ou non. On peut penser qu'on a la légitimité de le faire si on avait, exemple,
l'appui de l'opposition officielle. Qu'on ait ou non la légitimité de le faire,
pour moi, c'est un autre débat. Mais de dire qu'un référendum est inutile et
nocif pour la vie démocratique et que l'enjeu du mode de scrutin est un enjeu
secondaire, j'avoue que je ne vous suis >pas du tout.
M. Bodet (Marc-André) :
O.K., bien, il y a deux aspects dans cette affirmation, qui est, effectivement,
à la relecture, peut-être un peu raide. Le premier aspect, je pense réellement
que mélanger, dans le cadre d'un même événement démocratique, un référendum, quelque
chose qui ne fait pas partie de la culture... Des référendums de politiques
publiques, là, ne font pas partie de la culture politique au Québec et au Canada.
Mélanger ça avec une élection générale me semble problématique, surtout que,
comme on exclut la participation partisane à l'aspect référendum, il va
commencer à y avoir beaucoup d'acteurs dans la sphère publique en même temps.
Ça, c'est sur la première partie.
Sur la deuxième partie, quant à l'intérêt
des électeurs, je pense que je peux dire sans me tromper qu'en général les
électeurs québécois ont peu d'intérêt pour la question de la réforme du mode de
scrutin. C'est un sujet qui est très, très important pour une tranche de la population,
mais, dans la très large majorité, c'est loin d'être une priorité.
Mme LeBel : ...il faut
faire une grande différence entre l'opportunité de tenir un référendum parce
qu'on pense qu'on a le consensus ou la légitimité nécessaire, faire la
différence entre l'intérêt potentiel des Québécois, faire la différence entre
le mélange de... l'amalgame ou le fait de tenir en même temps l'élection et le référendum
parce qu'il y aurait un mélange, peut-être, des genres ou des enjeux, et de
dire qu'un référendum est inutile, nocif, pour une question secondaire, je
pense. Je suis contente que vous ayez eu le temps de l'expliquer parce que je
pense que ce n'est pas du tout, du tout le même point de vue, là. Qu'on discute
d'opportunité, c'est une chose. D'aucuns disent : Il a été promis de ne
pas le faire, d'autres disent qu'on a la légitimité de le faire, d'autres
disent que c'est opportun de le faire. Donc, on peut parler d'opportunité, mais
je suis contente que vous ayez eu le temps de le préciser, parce que je pense
que ce n'est pas tout à fait la même façon de voir les choses. Merci.
M. Bodet (Marc-André) :
Mais je pense réellement que c'est une erreur de mélanger les deux.
Mme LeBel : Ça, c'est une
autre question que de dire que c'est nocif pour la vie démocratique. Merci.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bachand) :
Merci. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour. Merci d'être présent avec nous pour
participer au débat.
J'aimerais juste revenir sur une
affirmation, qui est quand même importante : «Je répète juste une dernière
fois que je considère notre mode de scrutin actuel bien supérieur à son
alternative proposée dans le projet de loi.» Donc, le mode actuel versus le projet
de loi n° 39, tel que proposé, vous dites qu'il est «bien
supérieur à son alternative». On aura l'occasion, entre autres avec des gens
qui vont venir demain, entre autres Christian Dufour, de, justement, je pense,
se poser la question : Qu'est-ce qu'on essaie de réparer? Est-ce que l'on
ne fait pas mauvaise presse indûment au système actuel, qui a bien servi le
Québec, les Québécois et les Québécoises?
On parle... Certains sont venus citer René
Lévesque, en disant qu'il disait du système qu'il s'agissait d'un système «démocratiquement
infect», alors qu'au lendemain des élections de 1970 il avait, le Parti
québécois, 23 % des voix, sept députés, 1973, 30 % des voix, six
députés. Mais le même système «démocratiquement infect», en 1976, a donné un
gouvernement majoritaire au Parti québécois avec 41 % des voix, ce qui
aura permis au Parti québécois de passer des lois excessivement importantes :
la Charte de la langue française, la loi sur les consultations populaires de
1978, qui dit, en passant, que vous ne pouvez pas faire un référendum en même
temps qu'une élection — je referme la parenthèse — et bien
d'autres réformes, entre autres, de notre démocratie, avec le financement des
partis politiques, et j'en passe, et j'en passe. 1981, avec 49 %, le
gouvernement du Parti québécois était majoritaire, 80 députés sur 122. Alors,
quand on prend cette citation-là de «démocratiquement infect», je pense qu'il
faut la remettre dans son contexte historique.
Vous faites bien de nous inviter à se
poser la question : Est-ce que ce qui est suggéré est réellement une
avancée ou un recul? Et il est facile de dire : Bien, il y aura deux
forces, la force du changement et la force du statu quo. Moi, je pense que le
système actuel mérite plus qu'une appellation aussi simpliste que de statu quo.
Et vous dites donc que ce qui est proposé
est drastique, et on a plus à perdre et à gagner. Donc, j'aimerais bien vous
entendre là-dessus, sur l'importance de regarder ce que l'on a et de... Oui,
historiquement, il y avait beaucoup de bipartisme, même si l'on peut voir que,
dans l'évolution démocratique du Québec du XXe siècle, il y a eu, à
l'occasion, trois partis, l'Action libérale nationale, l'Union nationale, le
Parti libéral, et ainsi de suite, et une évolution, ce qui fait qu'aujourd'hui
le projet de loi n° 4 constate qu'il y a quatre
partis à l'Assemblée nationale et que ça fonctionne.
Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus,
sur l'importance de reconnaître que le mode électoral actuel a su et... a
permis aux Québécois d'avoir un État moderne, une grande démocratie au Québec,
puis ce n'est pas vrai, là, qu'on doit avoir honte du système actuel, là.
• (17 h 40) •
M. Bodet (Marc-André) :
Je pense que les faits sont assez clairs au fait que le Québec est une des
sociétés les plus riches et les plus libres du monde, malgré son mode de
scrutin, certains diraient. Je dirais aussi, par rapport à ça, qu'évidemment le
système actuel a ses défauts, mais quel système n'en a pas? Je préfère vivre
avec ces défauts. À mon avis, la réforme du mode de scrutin au Québec n'a
jamais eu lieu... ou les <réformes...
M. Bodet (Marc-André) :
...
que le Québec est une des sociétés les plus riches et les plus libres
du monde, malgré son mode de scrutin, certains diraient. Je dirais aussi, par
rapport à ça, qu'évidemment le système actuel a ses défauts, mais quel système
n'en a pas? Je préfère vivre avec ces défauts. À mon avis, la réforme du mode
de scrutin au Québec n'a jamais eu lieu... ou les >réformes n'ont jamais
eu lieu, car elles étaient contre nature par rapport à notre culture et nos
institutions.
Ça... d'ouvrir la porte sur trois petits
points que... propositions d'ajustements à la marge que le Québec pourrait se
permettre. Le premier, je sais qu'il n'est pas populaire, mais le Québec
pourrait avoir beaucoup plus de... l'Assemblée nationale pourrait avoir
beaucoup plus de sièges pour être dans la norme mondiale. En fait, on pourrait
même monter jusqu'à 200 sièges. L'augmentation du nombre de sièges
augmenterait la proportionnalité, c'est mathématique.
On pourrait décider d'avoir entre...
peut-être une vingtaine, une trentaine de sièges de compensation, de liste, si
on voulait, pour conserver l'aspect majoritaire, en ajoutant, si on veut, une
façon de compenser les partis vraiment pénalisés.
Il y a un autre élément d'ajustement que
moi, je trouve très important mais dont on parle peu, bien, dans certains pays,
il y a une représentation réservée pour les peuples autochtones. C'est le cas
de la Nouvelle-Zélande. À mon avis, quand on parle de représentation d'intérêts,
ça serait une priorité.
Donc, il y a des petits ajustements qui ne
viendraient pas travestir la nature de nos institutions et notre culture
politique et qui apporteraient des changements réels, avec un impact potentiel
très positif, sans chambouler l'ensemble de nos institutions. Je pense que nous
avons le meilleur système, mais qu'il nécessite des ajustements à la marge.
M. Tanguay
: Tout
à fait, qui est perceptible et... qui est perfectible, pardon, et l'on peut
voir, sur différents aspects... On dit : Bien, on aimerait ça améliorer la
parité femmes-hommes à l'Assemblée nationale, est-ce qu'on peut agir sur les
candidatures? Est-ce qu'on peut agir sur les résultats, le nombre de femmes
élues et en pourcentage? Est-ce que l'on doit avoir un système de bonus, un
système malus? Est-ce que ça doit être une condition d'existence d'un parti
politique que de présenter un certain... une zone paritaire? Est-ce qu'on veut
40-60, 45? Il y a plein de choses. Donc, la parité est une de ces choses-là.
Augmenter le taux de participation, on
peut se questionner et, évidemment, bonifier notre démocratie à cet effet-là.
On parle de l'âge pour voter, de l'âge... Le Directeur général des élections
est venu nous dire : Bien, ça serait peut-être intéressant de sensibiliser
les jeunes, de nous aider à avoir un intérêt chez les jeunes de 16 ans et
plus, qui pourraient être scrutateurs, scrutatrices, représentants, et ainsi de
suite.
Donc, effectivement, il y a beaucoup,
beaucoup de choses qui peuvent nous aider et qui pourraient être mises en place
sans passer par une sacro-sainte réforme, un grand soir mais un petit matin,
d'un mode de scrutin avec un référendum. Je pense que ça, ce serait de façon
tangible. Il y a même des groupes qui nous exhortent : Ne rendez pas la
parité femmes-hommes tributaire d'un référendum parce qu'il en va... La Cour
suprême nous le dit, le droit de vote, la représentativité effective, ça
implique également la parité, c'est un droit fondamental, et on ne peut pas le
rendre tributaire d'un référendum. Passez la loi puis faites en sorte...
Et vous, vous dites : La taille... J'y
viens maintenant, sur la taille, parce qu'on semble, puis je le dis en toute
amitié, être un peu apprentis sorciers. On veut garder 125 comtés, on veut
respecter les 17 régions administratives, puis là on patente, on patente
un mode proportionnel à 45 députés, où vous dites : En Abitibi, on va
avoir une proportionnalité, vous avez toujours trois députés, mais il n'y a
plus trois comtés, il y en a deux gros puis il y a un député ou une députée qui
sera, en elle-même et en lui-même, la proportionnalité de toute la région.
Bien, la proportionnalité à un, il me semble, c'est un peu court.
Alors, vous dites que, pour que ça tienne
la route... c'est ce que je dénote, puis j'aimerais vous entendre là-dessus, il
faudrait, si on veut que ça tienne la route, aller encore beaucoup plus loin,
mais on n'y va pas, ce n'est pas ce qui est proposé par le projet de loi, donc ce
serait plus de députés.
Et on cite beaucoup l'Écosse, je reviens
là-dessus parce que c'est important, l'Écosse, il y a 3,6 millions...
l'Écosse... il y a 4 millions de moins de personnes en Écosse, et l'Écosse
rentre 20 fois dans le Québec. L'Écosse, ils ont 129 députés, on en a
125. Alors, quand on essaie de se patenter une proportionnelle, bien, à cette
image-là, ça ne tient pas la route.
Et je suis d'accord avec vous que,
lorsqu'on dit : C'est drastique, puis on a plus à perdre qu'à y gagner,
bien, à ce moment-là, on ne peut pas faire la moitié des choses, parce qu'on va
empirer la situation et la démocratie. Je pense ça participe de votre
réflexion.
M. Bodet (Marc-André) :
Oui, donc, deux aspects. Évidemment, l'utilisation du mot «licorne» n'est pas
anodine, là, je voulais créer la réaction, mais je pense que... le problème est
réellement là. On voit, dans cette réforme-là, quelque chose qui ne s'y trouve
pas puis on ne voit pas les inconvénients qui est associé à ça.
Sur le nombre de sièges, je sais, encore
une fois, que c'est très impopulaire, notamment pour des élus, de parler
d'augmentation de la taille de l'Assemblée, mais effectivement des travaux
empiriques qui incluent des Parlements à travers le monde démontrent que le Québec
est... son Assemblée est beaucoup trop petite. Et, en plus de ça,
l'augmentation de la taille de l'Assemblée non seulement améliorerait la
proportionnalité, mais également ça... les circonscriptions seraient plus
petites, ça serait donc plus facile, pour des groupes plus marginalisés ou
encore des gens qui ne viennent pas de milieux aisés, de remporter ces
élections dans des comtés plus petits. Et ça permettrait — et je
pense que le cas anglais, le Parlement à Westminster, est parlant, là — le
développement de... comme il y aurait plus de députés, donc, il y aurait plus
de gens qui pourraient <se spécialiser, vraiment...
M. Bodet (Marc-André) :
...les
circonscriptions seraient plus petites, ça serait donc plus
facile, pour des groupes plus marginalisés ou encore des gens qui ne viennent
pas de milieux aisés, de remporter ces élections dans des comtés plus petits.
Et ça permettrait
— et
je pense que le cas anglais, le
Parlement à Westminster, est parlant, là
— le développement de...
comme
il y aurait plus de députés, donc,
il y aurait plus de gens
qui pourraient >se spécialiser, vraiment développer des expertises sur
des sujets donnés.
Donc, ça, c'est une mesure qui est moins
spectaculaire mais qui peut se faire très facilement et qui améliore la
proportionnalité et d'autres aspects de la gouvernance parlementaire qui... je
pense, il faut les considérer, ces choses-là. Et je pense qu'une vraie
réflexion qui... et un consensus parlementaire sur cette question-là est beaucoup
plus facile à atteindre qu'une réforme du mode de scrutin.
Le Président (M. Bachand) :Mme la députée de Bourassa-Sauvé, pour
1 min 30 s.
Mme Robitaille : Merci. Vous
parlez, à la page 3 de votre mémoire, de la Nouvelle-Zélande, et on a
parlé beaucoup, hier... même, on avait un expert néo-zélandais qui est maintenant
sur l'équipe pour pousser la proportionnelle en Angleterre, en Grande-Bretagne.
Et vous dites qu'en fait l'exemple néo-zélandais n'a pas changé grand-chose
là-bas. Je vais lire : «Les Néo-Zélandais avaient fondé beaucoup d'espoir
sur une réforme du mode de scrutin dans les années 1990. Rien n'a
réellement changé sous le nouveau système mixte proportionnel.» Donc, la
participation n'a pas...
M. Bodet (Marc-André) : ...oui.
M. Tanguay
: La
participation électorale.
Mme Robitaille : La
participation électorale. Mais, au-delà de ça, est-ce que, si vous comparez,
est-ce que ça a été...
M. Tanguay
: ...
Mme Robitaille : Oui, sur
la... Oui, mais plus que ça, je pense. Vous dites : L'exercice...
M. Bodet (Marc-André) :
Donc, rien n'a changé sur la participation. Il y a eu des oscillations, mais,
essentiellement, le gain est nul. Sur d'autres aspects, évidemment, les choses
ont changé, des acteurs... d'autres acteurs ont réussi à apparaître sur la
scène politique.
Il faut comprendre que la sociologie
politique de la Nouvelle-Zélande est différente de la nôtre. C'est un pays qui
n'est pas labouré par les mêmes types de clivages politiques. Donc, il y a
certaines de mes craintes, pour le cas québécois, qui ne s'appliquent pas au
cas néo-zélandais, mais cette dose de proportionnalité en Nouvelle-Zélande, en
fait, a créé exactement ce qu'on pensait, en fait : plus d'acteurs, plus
de diversité au Parlement et des ajustements que les Néo-Zélandais vivent
encore dans leur culture politique. Fait intéressant, les Néo-Zélandais ont
également adopté une représentation spécifique pour les Maoris, pour revenir
sur ma question des autochtones.
Mais, effectivement, la Nouvelle-Zélande
est le meilleur cas de comparaison avec le Canada et le Québec parce que c'est
une culture politique britannique, sauf que la sociologie de ce pays-là a
malheureusement peu à voir avec celle du Canada.
Le Président (M. Bachand) :
Merci. M. le député de Gouin, s'il vous plaît.
M. Nadeau-Dubois : Merci.
Bonsoir. Je trouve très intéressant votre argument sur le statut exceptionnel
de l'opposition officielle. En tout respect, vous me semblez faire un appel à
la tradition. Donc, vous dites : Dans la tradition de Westminster, il y a
un statut particulier. Donc, vous dites, si je vous comprends bien : Il y
a une différence qualitative entre les députés de l'opposition officielle et
les députés des autres oppositions, peu importe leur quantité, et que, donc,
par extension, les citoyens qui habitent dans des circonscriptions représentées
par l'opposition officielle, leur vote vaut plus, puisque leurs représentants
auraient un veto à l'Assemblée nationale du Québec sur une réforme du mode de
scrutin, alors que les députés... que les électeurs représentés par des députés,
comme moi, de deuxième opposition n'auraient pas ce privilège.
J'aimerais bien que vous m'expliquiez
comment, du point de vue de la légitimité puis de l'égalité des députés entre
eux dans notre Assemblée, mes estimés collègues de l'opposition officielle,
leurs voix, qualitativement, vaudraient plus, même si les trois... même si les
deux autres oppositions et le gouvernement forment plus de 75 % des
députés en Chambre.
M. Bodet (Marc-André) :
Alors, ce n'est pas les députés du premier parti d'opposition qui sont
qualitativement supérieurs, c'est le premier parti d'opposition qui est
qualitativement supérieur. Chaque député s'équivaut. C'est pourquoi, dans cette
logique de consensus parlementaire, ce que je pense qui est un seuil
acceptable, c'est 75 % des députés, tous partis confondus. On pourrait
imaginer un vote libre là-dessus, d'ailleurs, à la limite.
Mais ce que je vous dis, c'est
qu'effectivement le premier parti d'opposition, oui, a un statut institutionnel
différent. Après, l'électeur qui vote pour son député, il est dans une relation
de représentation des intérêts mais aussi de service à la population, et, dans
ce sens-là, tous les députés sont égaux. En fait, cette relation-là de
supériorité qualitative de la première opposition ne se vit, au Parlement, pas
dans l'activité de représentation.
M. Nadeau-Dubois : Mais
j'aimerais que vous me justifiiez, pour des raisons profondes, autres que
l'appel à la tradition, pourquoi il y a une suprématie d'une formation
politique de l'opposition par rapport à une autre.
M. Bodet (Marc-André) :
...les Anglais ont inventé ce concept de loyale opposition, cette nouvelle
technologie parlementaire, parce qu'ils étaient conscients que le parti
gouvernemental avait besoin d'une opposition organisée, financée,
institutionnalisée pour rendre la gouvernance démocratique meilleure, O.K.?
Donc, il y a un prix, effectivement, de légitimité pour les deuxième, troisième
partis, mais le gain, en termes d'efficacité et de gouvernance politique, était
jugé, par les Anglais, à l'époque, supérieur. Je pense que c'est encore vrai
aujourd'hui. Je pense que chaque bon gouvernement a eu une bonne opposition
officielle.
• (17 h 50) •
Le Président (M. Bachand) :
Merci. M. le député de <Rimouski, s'il vous plaît.
M. LeBel : Oui.
Bonjour...
M. Bodet (Marc-André) :
...
O.K.? Donc, il y a un prix, effectivement, de légitimité pour les
deuxième, troisième partis, mais le gain, en termes d'efficacité et de
gouvernance politique, était jugé, par les Anglais, à l'époque, supérieur. Je
pense que c'est encore vrai aujourd'hui. Je pense que chaque bon gouvernement a
eu une bonne opposition officielle.
Le Président (M.
Bachand) :
Merci. M. le député de >Rimouski, s'il
vous plaît.
M. LeBel : Oui. Bonjour.
M. Bodet (Marc-André) :
Bonjour.
M. LeBel : Oui,
effectivement, j'ai appris, les dernières années, c'était quoi, la loyale
opposition de Sa Majesté. Effectivement, là, quand on négocie les moyens,
l'opposition, c'est différent parce que c'est l'opposition... à la période de
questions, ils ont plus de questions. Ça plaide aussi pour une réforme
parlementaire qu'on devra faire à un moment donné, mais de là à leur donner le
veto sur une réforme du mode de scrutin, il y a quand même des marges.
Puis, en parlant de marges, quand vous dites
que des ajustements institutionnels à la marge, ce serait d'augmenter le
Parlement de 75 députés, c'est toute une marge, je vais vous dire. Je suis
loin que... pas sûr de penser que la population est prête à faire ça.
La question... l'autre question, c'est,
quand vous dites, aussi : «Voulons-nous être pris dans des situations
impossibles comme le vivent les Allemands, les Danois, les Autrichiens, les
Norvégiens, etc.?», c'est quoi, ces situations impossibles là qui pourraient
nous faire peur? Personne ne nous a parlé de ça encore. Y a-tu quelque chose
qu'on n'a pas vu?
M. Bodet (Marc-André) : O.K.
Sur le premier point, je dis : Il pourrait y avoir jusqu'à 200 sièges
plutôt que 125. Chaque ajout de siège est intéressant. Là, je ne fais pas un
argument pour 75 sièges de plus, je vous dis que, si on suivait la norme
internationale, on pourrait monter à 200 sans se retrouver dans une situation
inhabituelle.
Quand je parle des Allemands, des Danois,
des Autrichiens, des Norvégiens... Bon, les Allemands, vous le savez, ils sont
en gouvernement d'union nationale depuis longtemps parce qu'il y a un parti
d'extrême droite, l'Altenative pour l'Allemagne, qui, finalement, bloque la vie
parlementaire normale. Donc, c'est un pays qui ne vit pas d'alternance et qui
ne vit pas une vie parlementaire normale depuis un bon moment.
Les Norvégiens et les Danois, on a
également des partis d'extrême droite qui forcent la main, dans la création de
coalitions, à des partis sociaux-démocrates ou chrétiens-démocrates, donc centre
gauche et centre droite, et qui créent de l'instabilité mais aussi une certaine
violence dans la vie parlementaire de ces pays-là. L'Autriche, c'est un autre
exemple patent avec, encore une fois, une extrême droite.
Je pourrais aussi vous trouver des
exemples de pays... bien, l'Allemagne en a, là, d'une extrême gauche assez
turbulente qui finit soit par paralyser, soit délégitimer la vie parlementaire
de ces pays-là, O.K.? Les exemples d'Europe du Nord sont surtout à droite, mais
la menace peut également venir de la gauche.
On dit souvent que le Québec est une
société modérée, oui, c'est vrai, mais il n'y a aucune raison qui pourrait
justifier ou prédire le fait que les Québécois ou certains Québécois
n'appuieraient pas des partis d'extrême droite et d'extrême gauche dans un
régime plus proportionnel comme ce qu'on retrouve en Europe. Ils n'ont rien
de... Ce n'est pas des gens meilleurs ou pires, ce sont des citoyens
démocratiques comme nous, et ces partis réussissent à proliférer dans ces
systèmes. Je pense que cette menace-là est largement évitée grâce à notre mode
de scrutin.
Le Président
(M. Bachand) :...Marie-Victorin,
pardon.
Mme Fournier
:
Merci beaucoup pour votre présentation. Je comprends vos arguments, mais, bien
franchement, là, je ne partage pas les prémisses de votre argumentaire, surtout
que vous soulignez à plusieurs reprises, bon, que la réforme du mode de scrutin
menace la cohésion partisane. Je vous soulève quand même, bien humblement, que
les Québécois — puis, je veux dire, c'est un phénomène assez répandu
en Occident — n'ont peu ou pas du tout confiance, en fait, dans les
institutions que représentent les partis politiques.
En fait, les recherches menées, par
exemple, par le Pew Research Center, démontrent que, dans toutes les
institutions qui existent dans nos sociétés démocratiques, en fait, c'est les
partis politiques qui recueillent le moins la confiance des électeurs. Donc, le
fait de, justement, contribuer à changer la façon dont les partis politiques
traditionnels fonctionnent ou coopèrent entre eux, à mon sens, en fait, c'est
quelque chose de très positif.
Puis, quand on parle de culture politique
au Québec... Tu sais, vous faites même référence à la paix sociale, je trouve
que c'est quand même assez poussé. Mais, quand on parle de culture politique
des Québécois, bien au contraire, ce qu'on entend dans la population, c'est un
désir pour moins de partisanerie. Chaque fois qu'il y a une initiative qui est
faite en ce sens-là, c'est applaudi partout, puis je considère que ça
représente, au contraire, la culture politique désirée des Québécois. Ils
souhaitent que les partis soient capables de travailler ensemble, souhaitent
que les parlementaires s'élèvent au-delà de ces lignes de partis. Donc, vous
parlez plutôt d'une tradition, de ce que je comprends, parce qu'on ne peut pas
vraiment parler d'une culture de la société québécoise.
M. Bodet (Marc-André) :
Sur le premier aspect, cette insatisfaction, ce cynisme est présent dans tous
les modes de scrutin, que ça soit en proportionnel ou en majoritaire, donc ce
changement-là n'apporterait probablement aucun changement.
Sur le rôle des partis politiques, effectivement,
quand on demande aux gens s'ils aiment la partisanerie, ils disent non, mais,
si on demande aux gens s'ils aiment le bruit puis la dissension parmi les élus,
ils n'aiment pas ça non plus. Les partis politiques ont été créés ou se sont développés,
au Québec et au Canada, en réponse aux difficultés de coordination des élus.
Ça, c'est peut-être un mal nécessaire, mais c'est un véhicule qui est
extrêmement efficace dans la vie parlementaire et qui organise notre vie
électorale de façon, encore une fois, à mon avis, assez positive et assez
efficace. Si on veut éliminer ce véhicule-là, il faut le remplacer par <quelque
chose...
M. Bodet (Marc-André) :
...développés, au Québec et au Canada, en réponse aux difficultés de
coordination des élus. Ça, c'est peut-être un mal nécessaire, mais c'est un
véhicule qui est extrêmement efficace dans la vie parlementaire et qui organise
notre vie électorale de façon, encore une fois, à mon avis, assez positive et
assez efficace. Si on veut éliminer ce véhicule-là, il faut le
remplacer
par >quelque chose. J'ai de la misère à voir qu'est-ce qui serait
capable de jouer un rôle de légitimation mais également d'organisation de notre
vie démocratique, autre que les partis politiques.
Peut-être que je suis juste, peut-être, un
peu trop réaliste, je suis peut-être cynique par rapport à la vie politique en
général, mais je pense qu'il ne faut pas simplement rejeter un système parce
qu'on est insatisfaits. Il faut trouver une alternative qui est supérieure à ce
qu'on a entre les mains, actuellement.
Le Président (M. Bachand) :
Merci beaucoup. Merci beaucoup de votre participation.
Cela dit, la commission ajourne ses
travaux jusqu'à demain, jeudi 6 février, après les affaires
courantes, où elle va poursuivre son mandat. Merci. Bonne soirée.
(Fin de la séance à 17 h 56)